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Full text of "...Les documents secrets des archives du Ministere des affaires etrangeres de Russie"

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I 


U8RARY 
UNIV"-^"'^  Of  CAUFORNIA 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/documentssecretsOOIalo 


LES 


DOCUMENTS    SECRETS 


PUBLIES 


PAR    LES     BOLCHEVIKS 


DU     MÊME     AUTEUR 


La  Question  de   la  nouvelle  salle   à  la  Bibliothèque 
Nationale.  Paris,  1912.  (N'est  pas  dans  le  commerce.) 

Les  Plans  de  Catherine  II  pour  la  conquête  de  Cons- 

tantinople.   Paris,  E.  Rahir,   1910.   (Extrait  des   Mélanges 

offerts  à  M.  Emile  Picot.) 
La  Langue  française  cessera-t-elle  dans  peu  de  temps 

d'être  une   langue   scientifique  ?  (Mercure  de  France, 

i"  décembre  igiS.) 

Enigmes  du  Grand  Siècle  :  le  Masque  de  fer,  Jacques  Stuart 

de  la  Cloche,  Vabbé  Prignani,  Roux  de  Marsilly.  Paris,  H.  Le 

Soudier,  191 3. 
De  Clausewitz  à  Hindenbourg.  (Mercure  de  France,  tG  juin 

1916.) 
La  Diplomatie  de  Guillaume  II  (1888-U  août  lOl^J.  Paris, 

éditions  Bossard^  i9'7- 
Le  Livre  Jaune  sur  TAlliance  franco-russe.  (^Mercure  de 

France,  iG  septembre  1918.) 

Le  Kaiser  et  la  neutralité  de  la  Hollande.  {Mercure  de 
France,  iG  décembre  19 18.) 


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EMILE   LALOY 

.    I  1 


LES 

DOCUMENTS  SECRETS 

DES  ARCHIVES  DU   MINISTÈRE 

DES     AFFAIRES     ÉTRANGÈRES 

DE   RUSSIE 

PUBLIÉS  PAR 

LES  BOLCHEVIKS 


EDITIONS     BOSSARD 

43,    RUE    MADAME,    43 
PARIS 

1919 


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AVERTISSEMENT 


Le  Recueil  de  Documents  secrets  extraits  des 
Archives  de  V ancien  ministère  russe  des  Affaires 
étrangères,  publié  en  russe  par  les  Bolcheviks  de 
décembre  1917a  février  19 18,  était  destiné  par  eux 
à  leur  fournir  des  arguments  dans  leur  propagande 
contre  les  impérialistes  de  tous  pays.  Les  docu- 
ments y  sont  insérés  sans  aucun  ordre,  chacun 
des  sept  fascicules  renfermant  les  pièces  les  plus 
compromettantes  (î!)  «  pour  la  bourgeoisie  »  saisies 
depuis  l'envoi  précédent.  Une  note  à  la  fin  du  fas- 
cicule 7  avertit  que  «  pour  des  motifs  techniques, 
la  rédaction  est  forcée  de  cesser  la  publication 
momentanément  ».  Ces  «  motifs  techniques  »  étaient 
l'invasion  allemande.  Quoique  les  Bolcheviks  eussent 
surtout  publié  des  documents  émanant  des  gouver- 
nements alliés,  ils  avaient  aussi  occasionnellement 
inséré  des  pièces  gênantes  pour  l'Allemagne  et 
celle-ci  n'avait  aucune  garantie  qu'ils  ne  continue- 
raient pas.   En  suspendant  leur  publication,  ont-ils 


6  AVERTISSEMENT 

cédé  à  une  menace  de  cette  puissance  ou  ont-ils  com- 
pris d'eux-mêmes  que  leurs  révélations  déloyales 
empiraient  leur  situation  en  les  brouillant  avec 
tout  le  monde  ?  Nous  ne  savons. 

Dans  la  traduction  abrégée  qui  suit,  on  a  rangé 
les  documents  dans  l'ordre  chronologique,  mais  le 
titre  de  chaque  pièce  est  suivi  de  son  numéro  dans 
le  recueil  russe.  Toutefois,  les  numéros  68  à  78, 
déjà  employés  par  les  Russes  dans  le  cahier  6,  ayant 
été  utilisés  à  nouveau  par  eux  dans  le  cahier  7,  on 
a  distingué  les  pièces  du  cahier  7  en  les  faisant 
suivre  de  la  mention  (7). 

Les  portions  des  documents  qui  ne  sont  qu'ana- 
lysées sont  placées  entre  crochets  carrés. 


(8nSH5)^^^?^H^^?^SH5^^S^?^^?^§^^^^^5^5^^ 


1.  _  Traité  des  trois  Empereurs.  (N°  71  [7])- 


p 


ROFiTAM'  du  refroidissement  entre  l'Allemagne 
_      et  la  Russie  causé  par  la  colère  que  manifes- 
tait la  presse  russe  de  la  médiocrité  des  résultats 
obtenus  par  le  gouvernement  russe  au  Congrès   de 
Berlin,  Bismarck  signa  secrètement  le  7  octobre  1879 
avec  l'Autriche  une  alliance  qui  était  surtout  dirigée 
contre  la  Russie.  A  ce  moment,  un  nouvel  ambassa- 
deur russe,    P.  Sabouroff,  arrivait  à  Berlin.  11  était 
très  convaincu  de  l'avantage  pour   la   Russie  de 
s'entendre  avec  l'Allemagne  et  venait  proposer  à 
Bismarck  une   alliance  russo-allemande.   Elle   ne 
pouvait    naturellement    être    dirigée    que    contre 
l'Autriche.  Bismarck  lui  répondit  qu'il  désirait  au 
contraire  réconcilier  ces  deux  puissances  et  mit  en 
avant  l'idée  d'une  alliance  à  trois  ((  pour  creuser  un 
fossé   entre  l'Autriche   et   les   puissances  occiden- 
tales ».  Le  gouvernement  du  Tsar  accepta  cette  pro- 
position, mais  l'Autriche  fit  beaucoup  de  difficultés 
pour  se  laisser  convaincre. 

Finalement  les  négociations  aboutirent  au  texte 
suivant  qui  ne  contenait  guère  que  des  obligations 
imposées  à  la  Russie  sans  qu'elle  obtînt  des  avan- 
tages correspondants.  On  avait  toujours  dit  que  ce 


8  DOCUMENTS     SECRETS 

traité  ne  liait  les  mains  de  la  Russie  que  si  nous 
attaquions  l'Allemagne  :  on  remarquera  que  c'était 
faux.  Quant  à  l'Allemagne,  elle  ne  se  liait  les  mains 
€n  réalité  que  pour  le  cas  d'une  guerre  anglo-russe  ! 

1.  Dans  le  cas  où  l'une  des  Hautes  Parties 
contractantes  ferait  la  guerre  avec  une  qua- 
trième grande  puissance,  les  deux  autres  gar- 
deront une  neutralité  bienveillante  à  son  égard 
ot  emploieront  tous  leurs  efforts  à  abréger  le 
conflit.  Cet  accord  s'étendra  aussi  au  cas  d'une 
f»uerre  entre  Tune  des  trois  Puissances  et  la 
Turquie,  mais  seulement  dans  le  cas  où  un 
accord  préalable  aurait  été  conclu  entre  les 
Irois  Puissances  au  sujet  des  résultats  de  cette 
guerre. 

2.  La  Russie,  en  plein  accord  avec  l'Alle- 
magne, déclare  sa  ferme  résolution  de  prendre 
en  considération  les  intérêts  de  l'Autriche- 
ïlongrie  qui  découlent  de  sa  nouvelle  situation, 
affermie  par  le  traité  de  Berlin.  Les  trois  Puis- 
sances, désireuses  d'éviter  tout  ce  qui  pourrait 
susciter  de  la  discorde  entre  elles,  s'engagent 
à  prendre  en  considération  leurs  intérêts  réci- 
proques dans  la  presqu'île  des  Balkans.  Elles 
se  promettent  que  de  nouveaux  changements 
dans  le  statu  quo  territorial  de  la  Turquie 
d'Europe  ne  pourront  être  introduits  que  de 
leur  consentement  réciproque.    Pour  faciliter 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS        9 

cet  accord  dont  il  est  fort  difficile  de  prévoir 
les  détails,  les  trois  Puissances  ratifient  dès 
maintenant,  dans  un  protocole  annexé  au 
traité,  les  points  sur  lesquels  elles  se  sont  déjà 
mises  d'accord. 

3.  Les  trois  Puissances  reconnaissent  l'im- 
portance européenne  delà  fermeture  des  détroits 
du  Bosphore  et  des  Dardanelles  établie  par  les 
traités...  Elles  veilleront  en  commun  à  ce  que 
la  Turquie  ne  fasse  point  d'exclusions  à  cette 
règle  en  cédant  à  un  belligérant  pour  des  opé- 
rations de  guerre  la  partie  de  son  empire  où  se 
trouvent  les  détroits.  En  cas  de  violation  ou 
pour  prévenir  une  violation  possible,  les  trois 
Puissances  préviendront  la  Turquie  que  dans 
ce  cas  elles  la  considéreront  comme  s'étant 
déclarée  en  état  de  guerre  à  l'égard  de  la  Puis- 
sance à  laquelle  elle  portera  ce  préjudice  et  que 
par  suite  elle  sera  privée  des  avantages  de  la 
sécurité  du  statu  quo  territorial  établi  à  son 
profit  dans  le  traité  de  Berlin. 

l\.  La  présente  convention  durera  trois  ans 
à  partir  de  l'échange  des  ratifications. 

5.  Les  Hautes  Parties  contractantes  se  pro- 
mettent réciproquement  de  tenir  secret,  non 
seulement  le  contenu  du  présent  traité,  mais 
même  son  existence  ainsi  que  celle  du  proto- 
cole annexe. 


10  DOCUMENTS     SECRETS 

6.  Les  conventions  secrètes  conclues  entre 
l'Allemagne  et  la  Russie  et  entre  l'Autriche- 
Hongrie  et  la  Russie  en  iS-S  sont  remplacées 
par  le  présent  traité. 

7.  [Ratification  dans  les  quinze  jours.] 

Fait  à  Berlin  le  28  juin  1881.  Signé  :  \.  Bis- 
marck, SzÉCHÉNYI,  SaBOUROV. 

Protocole  annexe 

1.  Bosnie  et  Herzégovine.  —  L'Autriche-Hon- 
grie se  réserve  le  droit  d'annexer  ces  deux 
provinces  quand  elle  le  jugera  important  pour 
elle. 

2.  Sundjak  de  Nom-Bazar.  —  La  déclaration 
échangée  par  les  plénipotentiaires  austro  hon- 
grois et  russes  au  Congrès  de  Berlin  le  i3/i  juil- 
let 1878  reste  en  vigueur. 

3.  Houmélie  orientale.  —  Les  trois  Puissances 
se  déclarent  complètement  d'accord  pour  pré- 
venir une  occupation  possible,  soit  du  côté  de 
la  Roumélie  orientale,  soit  du  côté  des  Balkans, 
à  cause  de  ses  dangers  pour  la  paix  générale. 
En  cas  de  nécessité,  elles  s'efforceront  de 
détourner  la  Porte  d'une  entreprise  de  ce  genre, 
pourvu  que  de  leur  côté  la  Bulgarie  et  la  Rou- 
mélie orientale  s'abstiennent  de  soutenir  des 
attaques  partant  de   leur  territoire  et  dirigées 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      11 

contre  d'autres    provinces  de   l'Empire   turc. 

^.  Bulgarie.  —  Les  trois  Puissances  ne  s'op- 
poseront pas  à  la  réunion  de  la  Bulgarie  et  de 
la  Roumélie  orientale  dans  leurs  limites  terri- 
toriales du  traité  de  Berlin  si  elles  y  sont  ame- 
nées par  la  force  des  circonstances.  Elles  con- 
viennent de  détourner  les  Bulgares  de  toutes 
attaques  contre  les  provinces  voisines,  et  en 
particulier  contre  la  Macédoine,  et  leur  décla- 
reront que  dans  ce  cas  ils  agiront  à  leurs 
risques  et  périls. 

5.  [Des  instructions  seront  envoyées  aux 
agents  des  trois  Puissances  en  Orient  pour 
qu'ils  mettent  fin  à  leurs  désaccords  par  des 
explications  amicales  et  s'adressent  à  leurs 
gouvernements  quand  ils  ne  pourront  y  arriver 
aiasi.] 

Berlin,  1 8  juin   i88i.    Signé:    v.    Bismarck, 

SzÉCHÉNYI,    SaBOUROV. 


2.  —  Convention  militaire  franco-russe.  (N°  i). 

SiG!<ÉE  le  i7/3o  août  1892,  elle  a  été  publiée  en 
original  daus  le  livre  jaune  sur  L'Alliance 
franco-russe  et  dans  le  vol.  129  du  Mercure  de 
France, 


12  DOCUMENTS     SECRETS 


3.  —  Alliance  contre  les  Anarchistes.  (N*'  72). 

L'Allemagne,  l' Autriche-Hongrie,  le  Dane- 
mark, la  Roumanie,  la  Russie,  la  Serbie,  la 
Suède-Norvège,  la  Turquie  et  la  Rulgarie,  péné- 
trées de  la  nécessité  de  s'opposer  énergique- 
ment  au  développement  du  mouvement 
anarchiste...  ont  convenu  des  mesures  sui- 
vantes : 

1.  Tout  anarchiste  expulsé  du  territoire  de 
l'une  des  parties  contractantes  sera  reconduit 
par  le  chemin  le  plus  court  dans  le  pays  dont 
il  est  sujet.  [La  police  de  ce  pays  doit  en  être 
immédiatement  avertie.] 

2.  Dans  chaque  pays  sera  établi  un  Bureau 
central  de  police  pour  recueillir  les  renseigne- 
ments sur  les  anarchistes  et  leurs  actes. 

3.  Le  Bureau  central  de  chaque  Puissance 
décidera  comment  les  organes  compétents  lui 
fourniront  les  renseignements  nécessaires  sur 
les  anarchistes  de  leurs  territoires  et  sur  leurs 
aventures. 

4.  [Chaque  Bureau  central  doit  informer  au 
plus  vite  les  autres  bureaux  de  l'expulsion  et 
du  départ  volontaire  des  anarchistes.  Il  accom- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      13 

pagnera  cette  information  d'un  mémoire  sur 
leur  passé  et  de  leur  photographie.] 

5.  [Chaque  Bureau  communiquera  immé- 
diatement à  tous  les  autres  ses  renseignements 
sur  les  conspirations  anarchistes.] 

6.  [Chaque  Bureau  communiquera  au  moins 
tous  les  six  mois  à  tous  les  autres  ses  renseigne 
ments  sur  le  mouvement  anarchiste  et  répon- 
dra aux  questions  que  les  autres  lui  poseront.] 

Ces  mesures  entreront  en  vigueur  dès  la 
signature  du  présent  protocole...  Les  Puissances 
qui  ne  le  signeront  pas  pourront  y  adhérer  par 
acte  séparé  signifié  par  voie  diplomatique  au 
Gouvernement  russe  et  par  lui  aux  autres 
Gouvernements... 

[Ce  protocole,  qui  doit  demeurer  secret,  a 
été  signé  à  Saint-Pétersbourg  le  i/i4  mars  1904 
en  un  seul  exemplaire  qui  sera  gardé  par  la 
Russie.] 

Appendice.  A.  [La  Turquie,  se  référant  à  sa 
déclaration  faite  à  la  Russie  le  6  septembre  1899, 
déclare  que  le  protocole  actuel  ne  modifie  en 
rien  les  accords  entre  la  Porte  et  la  Russie  au 
sujet  du  retour  de  certaines  catégories  d'émi- 
grants  arméniens  se  trouvant  en  Russie.] 

—  B.  [Le  Danemark  déclaie  que  les  points 
2  à  6  du  protocole  seront  exécutés  par  la  police 
de  Copenhague.] 


14  DOCUMENTS     SECRETS 

—  C.  [La  Roumanie  se  réserve  le  drok 
exclusif  d'apprécier  le  caractère  d'anarchiste 
chez  ceux  contre  lesquels  on  lui  demandera 
de  prendre  des  mesures.] 

—  D.  [Les  obligations  des  articles  2  à  6  seront 
exécutées  en  Suède  par  le  Chef  de  la  police 
de  Stockholm  et  en  Norvège  par  la  police  de 
Christiania.] 


4.  —  Convention  russo-bulgare.  (N°  25). 

EN  1900,  un  vif  conflit  surgit  entre  la  Roumanie 
et   la   Bulgarie  à   la   suite   de   l'assassinat   à 
Bucarest  d'un  nommé  Mihaleanu. 

Une  convention  militaire  fut  conclue  entre  l'Au- 
triche et  la  Roumanie  en  septembre  1900.  Dans  son 
préambule,  il  était  dit  que  le  désir  de  la  Roumanie 
d'accroître  ses  possessions  par  l'acquisition  d'une 
partie  de  la  Bessarabie,  de  la  forteresse  de  Silistrie 
et  si  possible,  de  Roustchouk,  Schoumen  et  Varna, 
apparaissait  comme  très  légitime  (Guechoff,  l'Al- 
liance Balkanique,  p.  61).  La  Russie  (ou  plus  pro- 
bablement la  Bulgarie)  ayant  eu  connaissance  du 
texte  de  cette  convention,  en  informa  l'autre  puis- 
sance menacée  et  des  pourparlers  russo-bulgares 
commencèrent.  Ils  aboutirent  à  un  projet  de  «  con- 
vention militaire  »  signé  par  le  général-major 
Jilinski   et  envoyé  par   le  ministre   de  la   guerre 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      15 

A.  N.  Kouropatkin  le  i6  mai  1902  au  comte  Y.  N. 
LamsdorfF,  minisire  des  affaires  étrangères  ;  il  com- 
prenait les  9  articles  suivants  : 

1.  Le  présent  accord  ne  poursuit  pas  des 
buts  agressifs,  mais  seulement  de  faire  échec  à 
la  convention  militaire  entre  l'Autriche-Hon- 
gvie  et  la  Roumanie. 

2.  Il  n'a  donc  en  vue  qu'une  action  contre 
l'Autriche  et  la  Roumanie  et  ne  peut  être  dirigé 
ni  contre  la  Turquie,  ni  contre  aucune  autre 
puissance  balkanique. 

3.  La  Russie  coopérera  de  toutes  ses  forces 
à  la  défense  de  l'intégrité  et  de  l'inviolabilité 
du  territoire  de  la  Bulgarie. 

4.  En  cas  d'attaque  de  l'Autriche-Hongrie  ou 
de  la  Roumanie  (ou  de  ces  deux  puissances  ou 
de  la  Triple  Alliance)  contre  la  Bulgarie  ou  la 
Russie  (ou  contre  ces  deux  puissances),  les 
puissances  contractantes  devront  employer 
toutes  leurs  forces  et  leurs  ressources  à  lutter 
contre  l'agresseur,  sans  reculer  devant  aucun 
sacrifice  pour  atteindre  un  complet  succès. 

5.  [Si  rx\utriche  n'aide  pas  l'agression  rou- 
maine contre  la  Bulgarie,  la  Russie  peut  rester 
neutre.] 

6.  [En  cas  de  guerre  avec  la  Roumanie  et 
l'Autriche,  la  Bulgarie  gardera  la  plus  stricte 
neutralité  à  l'égard  de  la  Turquie  et  apportera 


16  DOCUMENTS     SECRETS 

la  plus  grande  circonspection  dans  ses  rapports 
avec  elle.  Ne  laissant  au  sud  des  Balkans  qu'un 
corps  d'observation,  elle  réunira  le  reste  de 
son  armée  sur  le  Danube.] 

7.  Les  plans  de  mobilisation  et  de  concen- 
tration de  l'armée  bulgare  et  ceux  de  défen- 
sive et  d'offensive  pour  exécuter  des  missions 
et  atteindre  des  buts  indiqués  par  l'État-major 
général  russe  devront  être  élaborés  le  plus  tôt 
possible  sous  la  direction  de  cet  état-major  en 
collaboration  avec  le  ministère  de  la  guerre 
bulgare.  Ils  devront  être  ratifiés  par  S.  M.  l'Em- 
pereur... 

8.  Le  généralissime  russe  commandera  en 
temps  de  guerre  les  armées  de  la  Russie  et  de 
la  Bulgarie  et  dirigera  leurs  opérations,  qu'elles- 
agissent  ensemble  ou  séparément...  Si  Son 
Altesse  nomme  un  généralissime,  il  devra, 
ainsi  que  le  chef  d'état-major,  être  choisi 
d'accord  avec  le  ministère  de  la  guerre  russe 
et  sous  réserve  de  l'approbation  de  S.  M.  l'Em- 
pereur. [Près  du  commandant  de  l'armée 
bulgare  et  de  chacun  de  ses  corps  et  détache- 
ments sera  placé  un  officier  russe  qui  aura  voix 
délibéralive  dans  les  conseils.] 

9.  [La  flotte  russe  pourra  utiliser  les  ports 
bulgares  et  prendre  les  mesures  nécessaires  à 
leur  défense.] 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        17 

Le  22  mai,  Lamsdorffsoumit  ce  projet  àPapproba- 
tiondii  Tsar,  en  proposant  d'y  ajouter  un  lo*  article: 

10.  [La  présente  convention  entre  en  vigueur 
immédiatement  et  constitue  un  secret  d'Etat 
particulièrement  important.] 

Le  Tsar  approuva  la  convention  et  cette  adjonc- 
tion ;  le  23  mai,  Lamsdortï  en  informa  Kouropat- 
kine,  l'avertissant  qu'à  raison  de  la  qualité  de  vassal 
du  prince  Ferdinand,  il  ne  pouvait  être  question  de 
la  signature  du  Tsar,  mais  seulement  (comme  dans 
le  cas  de  la  convention  militaire  franco- russe),  d'un 
échange  de  lettres  annonçant  la  ratification  de  la 
convention  après  sa  signature  par  les  plénipoten- 
tiaires. Le  3i  mai/i3  juin  1902,  le  général  Paprikoff 
signa  cette  convention  pour  la  Bulgarie. 


5.  —  Convention   douanière   serbo-bulgare. 

(N"^  22-24). 

DANS  la  nuit  du  11  au  12  juin  1903,  le  roi  Milan 
et  la  reine  Draga  furent  assassinés  à  Belgrade. 
Avec  Milan  finit  la  dynastie  des  Obrenovitch  qui, 
depuis  le  traité  de  Berlin,  avait  été  l'alliée  et  la  pro- 
tégée de  l'Autriche.  Le  prince  Pierre  Karageor- 
gevitch,  qui  monta  alors  sur  le  trône  sous  le  nom 
de  Pierre  P'",  appartenait  au  contraire  à  une  famille 
inféodée  de  tout  temps  à  la  Russie.  Celle-ci,  qui 
adhérait  d'ailleurs,  au  moins  depuis  le  Congrès  de 


18  DOCUMENTS     SECRETS 

Berlin,  à  la  maxime:  les  Balkans  aux  Balkaniques, 
encouragea  certainement  son  alliée  la  Bulgarie  à 
s'entendre  avec  la  Serbie.  Les  circonstances  d'ail- 
leurs y  poussaient.  La  Russie  était  depuis  le  8  fé- 
vrier 1904  en  guerre  avec  le  Japon  et  était  de  moins 
en  moins  en  état  de  protéger  la  Serbie  et  la  Bul- 
garie. Les  pourparlers  serbo-bulgares  aboutirent 
alors  le  3o  mars/ 12  avril  1904  au  bizarre  traité  de 
commerce  suivant  : 

[Les  Gouvernements  serbe  et  bulgare,  pro- 
fondément pénétrés  de  la  communauté  des 
destinées  de  leurs  peuples  parents  et  voisins 
et  désireux  de  faciliter  leur  développement 
pacifique  par  une  union  amicale  et  fraternelle, 
ont  conclu  l'accord  suivant  :] 

1.  Ils  ouvriront  réciproquement  leurs  fron- 
tières à  tous  leurs  produits  indigènes,  s'effor- 
çant  d'avoir  une  politique  douanière  identique 
et  de  la  poursuivre  jusqu'à  la  conclusion  d'un 
Zollverein. 

2.  Ils  faciliteront  l'échange  et  le  transit  de 
tous  leurs  produits  sur  leurs  territoires  par 
l'abaissement  des  tarifs  de  transport... 

3.  Ils  égaliseront  leurs  taxes  postales  et 
télégraphiques... 

4.  Ils  supprimeront  les  passeports... 

5-6.  [Us  conclueront  des  conventions  judi- 
ciaires et  monétaires.] 


rUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        19 

7.  Le  présent  accord  ne  pourra  être  publié 
que  du  consentement  des  deux  Puissances 
contractantes... 

Le  28  avril/ II  mai  1904,  le  traité  fut  ratifié  par 
le  roi  Pierre  P^ 

La  Russie  avait-elle  été  informée  au  jour  le  jour 
des  négociations  relatives  à  ce  traité  ?  On  ne  sait.  Il 
résulte  en  tout  cas  d'une  dépêche  de  lou.  Bakhme- 
tev,  ministre  de  Russie  à  Sofia,  en  date  du  21  sept./ 
k  octobre  1904,  1°  que  celui-ci  avait  pu  en  communi- 
quer les  parties  essentielles  à  son  gouvernement  le 
3/16  mai  1904  \  2"  que  le  texte  venait  de  lui  en  être 
communiqué  sous  condition  du  secret  par  le  gou- 
vernement bulgare,  ce  dernier  ayant  été  informé 
par  le  gouvernement  serbe  qu'il  allait  faire  la  même 
<communication  au  ministre  russe  à  Belgrade. 


6.  —  Traité  russo-allemand.  (N*»  38). 

DÈS  que  la  guerre  russo-japonaise  eut  éclaté, 
Guillaume  chercha  à  profiter  de  cette  conjonc- 
ture pour  écraser  la  Russie,  mais  le  refus  de  Fran- 
çois-Joseph de  le  suivre  dans  cette  voie  le  força  à 
chercher  autre  chose.  Ce  fut  alors  qu'il  conçut  le 
plan  de  nous  chercher  querelle  à  l'occasion  du  Ma- 
roc, et  pour  nous  attaquer  quand  nous  serions  sans 
alliés,  s'efforça  d'amener  un  choc  entre  l'Angleterre 
et  la  Russie  (incitations  de  la  correspondance  Willy- 


20  DOCUMENTS     SECRETS 

Nicky,  incident  du  Doggerbank).  Il  ne  réussit  pas. 
L'Angleterre  laissa  même  voir  l'intention  de  nous 
soutenir  s'il  nous  attaquait  :  au  lieu  d'un  allié  contre 
l'Allemagne,  nous  allions  en  avoir  deux.  Guillaume 
ne  s'en  efforça  que  plus  ardemment  de  détacher  la 
Russie  de  nous  en  persuadant  à  Nicolas  qu'il  dési- 
rait l'aider  contre  l'Angleterre  et  que  nous  étions 
les  alliés  de  cette  dernière  (ce  qui  nous  eut  été  en 
effet  facile  à  ce  moment).  Il  parvint  ainsi  à  décider 
le  Tsar  à  signer  à  l'entrevue  de  Rjœrkœ  (i  1/24  juil- 
let 1905)  un  traité  d'alliance  défensive  qui  eut  per- 
mis à  l'Allemagne  en  cas  de  guerre  franco-allemande 
de  prétendre  que  l'alliance  franco-russe  avait  été 
virtuellement  abolie  par  cette  nouvelle  alliance. 
Cette  dernière  n'imposait  d'ailleurs  à  ce  moment- 
là  aucune  charge  à  l'Allemagne,  puisque  ce  traité 
ne  devait  entrer  en  vigueur  qu'après  la  fm  de  la 
guerre  russo-japonaise  et  l'on  croyait  que  celle-ci 
était  encore  fort  éloignée. 

LL.  MM.  Impériales  l'empereur  de  toutes 
les  Russies  d'un  côté  et  l'empereur  d'Allemagne 
de  l'autre,  afin  d'assurer  la  paix  de  l'Europe, 
se  sont  mises  d'accord  sur  les  articles  suivants 
d'un  traité  d'alliance  défensive. 

1.  Si  un  Etat  européen  quelconque  attaque 
l'un  des  deux  Empires,  son  allié  s'engage  à 
l'aider  en  Europe  par  toutes  ses  forces  de  terre 
et  de  mer. 

2.  Les    Hautes  Parties    contractantes    s'en- 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        21 

o-ao-ent  à  ne    conclure   de  paix    séparée    avec 
aucun  adversaire  commun. 

3.  Le  présent  traité  entrera  en  vigueur  au 
moment  de  la  conclusion  de  la  paix  entre  la 
Russie  et  le  Japon  et  doit  être  dénoncé  un  an  à 

l'avance. 

4.  L'Empereur  de  toutes  les  Russies,  après 
l'entrée  en  vigueur  de  ce  traité,  entreprendra  les 
démarches  nécessaires  pour  le  faire  connaître 
à  la  France  et  lui  proposer  d'y  accéder  en  qua- 
lité d'alliée. 

Signé   :    \Yilhelm,     von     ïschirschky     u.nd 

BÔGE.XDORFF,    NiCOLAS,    BiRILEV. 


7.  —  Lamsdorff  et  les  Anarchistes.  (N^  t^)- 


R 


APPORT  de  ce  ministre  des  affaires  étrangères 

,  au  Tsar  sur  la  lutte   contre  les  anarchistes 

et  sur  la  part  des  Juifs  dans  leur  mouvement 
(3/1 6  janvier  1906).  Il  a  été  publié  en  entier  dans  le 
Mercure  de  France  du  i"  octobre  19 18,  p.  55 1,  et 
y  a  donné  lieu  à  une  polémique. 


22  DOCUMENTS     SECRETS 


8.  —  Guillaume  II  à  Nicolas  II.  (N°  4). 

PRÈS  la  Conférence  d'Algésiras,  quoique  la 
Russie  nous  y  eut  soutenu,  les  rapports  de 
Giullaume  et  de  Nicolas  restèrent  très  amicaux.  La 
lettre  suivante,  non  datée,  est  un  spécimen  de  leur 
correspondance  à  cette  épo({ue  : 

Mon  cher  Niki,  merci  de  ta  lettre  que  m'a 
remise  Tatichtchev,  et  de  la  seconde  qui  m'a 
été  remise  aujourd'hui  [i4  juin  1906]  par  Vla- 
dimir. Je  suis  en  pleine  communauté  de  senti- 
ments avec  toi  dans  ces  temps  si  durs.  Le 
meilleur  moyen  d'oublier  l'ennui  et  les 
inquiétudes  que  te  cause  l'état  des  choses  dans 
ton  pays  est  de  faire  ce  que  tu  fais  déjà  et  de 
l'occuper  de  ton  admirable  Garde,  organisant 
ses  revues  et  l'entretenant  avec  elle.  Cela  te 
fera  plaisir  à  toi  et  aux  troupes  qui,  au  moment 
du  danger,  t'en  remercieront  les  armes  à  la 
main.. . 

Je  suis  tout  à  fait  d'accord  avec  toi  au  sujet 
des  anarchistes.  Leur  attentat  [à  Madrid,  le 
3i  mai]  a  été  lâche  et  criminel.  La  difficulté 
de  la  lutte  contre  cette  plaie  de  l'humanité 
réside  dans  ce  fait  que  ces  bandits  peuvent 
vivre    impunément    dans    certains    pays,    en 


PUBLIES    PAR    LES    BOLCHEVIKS        23 

particulier  en  Angleterre,  et  y  tramer  leurs 
complots.  Je  sais  que  le  premier-ministre 
espagnol  a  prié  le  prince  de  Galles  de  dire  au 
roi  Edouard  YII  le  désir  du  peuple  espagnol 
de  le  voir  intervenir  auprès  du  Gouvernement 
britannique  pour  que  celui-ci  adhère  à  un 
accord  des  puissances  continentales  visant  à 
des  mesures  sérieuses  de  répression  contre 
cette  secte.  Cette  démarche  prouve  que  la 
surveillance  établie  par  nos  deux  gouverne- 
ments sur  ces  individus  a  complètement 
échoué  parce  qu'ils  peuvent  vivre  à  Londres 
sans  crainte  d'être  punis  et  y  tramer  leurs 
plans  homicides...  Toutes  les  Puissances  conti- 
nentales devraient  envoyer  à  Londres  une 
communication  en  commun  au  Gouvernement 
anglais  pour  qu'il  s'unisse  à  l'accord  interna- 
tional pour  combattre  ces  bêles  féroces.  Je 
pense  que  par  un  accord  général,  il  serait  pos- 
sible, pour  défendre  la  vie  et  la  civilisation, 
d'interdire  la  fabrication  des  produits  chi- 
miques pour  les  bombes,  sous  menace  de 
peines  sévères. 

La  Douma  rend  la  situation  difTicile  pour 
ton  gouvernement  et  la  complique.  On  peut 
espérer  qu'on  trouvera  bientôt  les  moyens 
pour  un  mochis  vivendi  raisonnable...  Comme 
j'ai  supposé,  ton  choix  est  tombé  sur  Izvolsky 


24  DOCUMENTS     SECRETS 

qui,  j'en  suis  convaincu,  te  donnera  satisfac- 
tion. C'est  un  homme  intelligent,  qui  saura 
pratiquer  une  politique  russe  pacifique  confor- 
mément à  ton  désir.  Il  a  donné  un  sage  conseil 
à  Schœn  sur  la  question  du  chemin  de  fer  de 
Bagdad,  aussi  j'espère  que  mon  gouvernement 
pourra  travailler  avec  lui  sur  la  hase  d'une 
confiance  mutuelle,  résultant  de  la  commu- 
nauté d'intérêts.  ?sos  intérêts  dans  ce  chemin 
de  fer  sont  purement  économiques  et  commer- 
ciaux... 

Je  comprends  bien  que  les  Anglais,  comme 
tu  le  dis,  te  courtisent  au  sujet  de  l'Asie,  mais 
que  tu  as  résolu  d'attendre  tranquillement 
leurs  propositions.  Je  suis  convaincu  que  si 
elles  sont  acceptables  en  ce  qui  concerne 
l'Asie  centrale,  un  accord  avec  eux  écartera 
beaucoup  de  causes  de  frottement  et  de  conflit, 
ce  qui  me  fera  aussi  plaisir. 

Il  est  naturellement  clair  pour  tous  que  le 
moment  actuel  choisi  par  la  flotte  anglaise 
pour  sa  visite  non  sollicitée  est  absolument 
intempestif  pour  toi  et  ton  pays,  et  je  suis 
fermement  convaincu  de  l'indignation  qu'elle 
te  cause,  me  rappelant  mes  sentiments  lors  de 
sa  visite  de  l'année  dernière.  Ils  comptent 
naturellement  renforcer  chez  toi  le  parti  ultra- 
libéral.   Leur  flotte  a  annoncé   l'intention  de 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        25 

visiter    au  retour   Pillau   et  Traveniûnde.    Je 
les  ferai  surveiller  avec  soin... 

[Guillaume  continuait  en  proposant  à 
Nicolas  de  fixer  leur  entrevue  au  i""'  août  à 
Swinemiinde.  Il  parlait  ensuite  de  sa  visite 
[6  juin]  à  François  Joseph  qu'il  avait  trouvé 
((  aussi  fort  irrité  de  la  conduite  de  son  Par- 
lement )).] 


9.  —  Le  Japon  et  la  Mongolie.  (N°  3i). 

DÈS  son  arrivée  au  miaistère,  M.  Izvolskv  se  pro- 
posa comme  but  de  réconcilier  la  Russie  avec 
l'Angleterre  et  le  Japon.  Ce  dernier  était  suspecté 
par  les  États-Unis  de  vouloir  subalterniser  la  Chine 
et  la  méfiance  qui  en  résultait  avait  pour  consé- 
quence par  contre-coup  un  relâchement  de  l'amitié 
anglo-japonaise.  Le  Japon  n'en  accepta  que  plus 
volontiers  les  offres  d'entente  du  gouvernement 
russe.  Le  26  avril/9  mai  1907,  D.  S.  S.  Bakhmetev, 
ministre  de  Russie  au  Japon,  télégraphiait  de 
Tokyo  : 

Hayashi  [le  ministre  des  affaires  étrangères 
japonais]  m'exprima  sa  reconnaissance  sincère 
pour  l'obligeance  montrée  par  le  Gouverne- 
ment impérial  envers  le  Japon.  Il  s'efforcera 
de  son  côté  de  donner  une  solution  heureuse 


26  DOCUMENTS     SECRETS 

et  définitive  à  la  négociation  au  sujet  de  nos 
industriels  de  l'île  Saghalien.  Parlant  du  second 
traité,  il  m'expliqua  qu'il  serait  difficile  à  son 
Gouvernement  d'assumer  des  obligations  au 
sujet  de  la  Mongolie.  Cette  province  se  trouve 
en  dehors  de  la  sphère  d'action  du  Japon  et 
celui-ci  n'a  aucune  intention  de  s'y  opposer  au 
développement  de  nos  intérêts  si  naturels.  Il 
contracterait  volontiers  avec  nous  un  accord 
secret  sur  cette  question,  mais  y  consacrer  un 
article  dans  le  traité  ne  serait  pas,  dans  la 
pensée  du  ministre,  en  accord  avec  l'esprit  du 
traité  avec  la  Chine  et  pourrait  être  interprété 
dans  un  sens  défavorable  pour  le  Japon.  S'il 
a  prescrit  à  Motono  [l'ambassadeur  à  S*-Péters- 
bourg]  de  présenter  une  nouvelle  rédaction» 
c'est  parce  qu'il  n'a  pas  considéré  comme 
convenable  de  lui  confier  officiellement  d'ex- 
pliquer ce  qu'il  venait  de  me  dire  confidentiel- 
lement... 


10,  —  Traité  russo-anglais.  Ç^°  55). 

LES  Bolcheviks  se  sont  trompés  en  considérant 
ce  traité,  conclu  le  i8/3i  août  1907,  comme 
inédit.  Il  avait  été  communiqué  officiellement  aux 
Puissances  le  24  septembre    1907  et  peut  être  lu 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        27 

dans  le  Nouveau  Recueil  général  des  traités  de  Mar- 
tens,  3'  série,  t.  I,  p.  8. 


11,   —   Protocole   russo-allemand    relatif   à   la 
Baltique.  (N«  54). 


L 


A  Russie  et  l'Allemagne]  reconnaissant  la 
communauté  de  leurs  intérêts  politiques 
en  ce  qui  concerne  la  Baltique...  déclarent  dans 
le  présent  protocole  que  leur  politique  com- 
mune dans  cette  région  a  pour  objet  la  conser- 
vation du  statu  quo  territorial...  [Elles  ont 
donc]  résolu  de  conserver  dans  leur  inviola- 
l)ilité  complète  leurs  droits  sur  leurs  posses- 
sions de  terre  ferme  et  dans  les  îles  de  cette 
région. 

Les  deux  autres  Etats  riverains  de  la  Baltique 
(c'est-à-dire  la  Suède  et  le  Danemark),  pour- 
ront contracter  avec  les  deux  Empires  des 
conventions  particulières  reconnaissant  leur 
inviolabilité  territoriale... 

En  ce  qui  concerne  l'annulation  projetée  au 
profit  de  la  Russie  de  la  convention  conclue  à 
Paris  le  3o  mars  i856  entre  la  Russie,  la 
France  et  la  Grande  Bretagne,  il  est  évident 
que  le  Gouvernement  allemand  ne  la  considé- 
rera pas   comme  contraire   aux   principes  ci- 


28  DOCUMENTS     SECRETS 

dessus  puisqu'en  réalité  elle  n'en  découle 
point. 

Les  deux  Gouvernements  conviennent  de 
tenir  secret  le  présent  protocole  jusqu'au 
moment  où,  par  entente  réciproque,  ils  consi- 
déreront comme  utile  de  le  faire  connaître 
otriciellement  à  tous  les  gouvernements  ou 
seulement  à  certains  d'entre  eux. 

S*-Pétersbourg,  le  16/29  octobre  iQfy. 
Signé  :  Goubastov.  Ja>îow. 


12.  —  L'intervention  russe  en  Perse.  (N°  82). 

LE  traité  conclu  entre  la  Russie  et  la  Grande- 
Bretagne  le  3i  août  1907  permettait  à  chacune 
des  deux  puissances  d'intervenir  à  main  armée  en 
Perse  pour  y  défendre  ses  intérêts.  Au  commen- 
cement d'octobre  1908,  pendant  que  le  ministre  des 
affaires  étrangères  Izvolsky  voyageait  dans  l'Europe 
occidentale  pour  s'y  concerter  avec  les  autres  cabi- 
nets au  sujet  d'une  protestation  contre  l'annexion 
de  la  Bosnie-Herzégovine,  il  apprit  u  à  son  profond 
regret  que  le  Conseil  des  ministres  avait  décidé  d'en- 
voyer à  Tebriz,  principale  ville  du  nord-est  de  la 
Perse,  un  escadron  de  cosaques  et  deux  compagnies 
d'infanterie».  Il  télégraphia  aussitôt  (5/ 18  oc- 
tobre) : 


PUBLIES    PAR    LES    BOLCHEVIKS        29 

Dans  les  circonstances  actuelles,  cette  me- 
sure, coïncidant  avec  le  départ  de  Téhéran  à 
Tebriz  des  Cosaques  persans,  ne  sera  évidem- 
ment pas  interprétée,  tant  en  Perse  qu'en 
Angleterre,  comme  une  précaution  pour 
défendre  nos  nationaux,  mais  comme  une 
intervention  armée  au  profit  du  gouvernement 
du  Shah.  Il  est  pour  moi  complètement  clair 
que  tel  est  le  but  de  Hartwig  ;  on  ne  voit  pas 
cependant  dans  ses  télégrammes  que  la  vie  et 
les  biens  des  sujets  russes  à  Tebriz  aient 
éprouté  jusqu'à  présent  un  préjudice  sérieux. 
Je  suis  convaincu...  que  le  premier  pas  est  fait 
pour  une  intervention  plus  étendue.  C'est 
complètement  contraire  à  mes  assurances  à 
Londres  et  au  programme  indiqué  par  moi, 
et  ce  sera  une  raison  suffisante  pour  demander 
mon  remplacement. 

M.  Izvolsky  avait  raison  de  se  préoccuper  de  ce 
qui  pourrait  accroître  la  défiance  des  Anglais  envers 
la  Russie,  car,  comme  le  prouve  la  dépêche  sui- 
vante, à  ce  moment  même,  ceux-ci  prenaient  à 
Constantinople  des  précautions  contre  les  Pvusses. 


30  DOCUMENTS     SECRETS 


13,  Les  Anglais  demandent  aux  Turcs  de  for- 
tifier le  Bosphore.  (N"  i6). 


Dépêche  de  D.  T.  S.  Zinoviev,   ambassadeur  de 
Russie  à  Constantinople  (13/26  nov.  1908). 

PAR  ma  dépêche  n**  2^0  du  i/i4  de  ce 
mois,  V.  E.  a  pu  voir  qu'y  étant  poussé  par 
les  conseils  de  l'ambassadeur  d'Angleterre,  le 
Grand  Vizir  insista  plus  d'une  fois  auprès  du 
Sultan  pour  qu'il  approuve  le  projet  de  ren- 
forcement des  fortifications  du  Bosphore  éla- 
boré par  une  Commission  spéciale...  ]N 'ayant 
pas  obtenu  de  réponse  à  une  nouvelle  demande 
faite  à  la  suite  d'une  nouvelle  démarche  de 
l'ambassadeur  d'Angleterre,  le  Grand  Vizir 
avertit  le  Sultan  qu'à  l'ouverture  du  Parlement 
turc,  le  ministère  serait  interpellé  au  sujet  des 
causes  ayant  incité  le  Gouvernement  à  inter- 
rompre le  renforcement  de  la  défense  du  Bos- 
phore et  que  dans  ce  cas,  pour  se  justifier,  le 
ministère  serait  forcé  de  présenter  la  corres- 
pondance échangée  sur  la  question  entre  Yildiz 
et  le  ministère.  Kiamil  Pacha  ajouta  que  le 
désir  de  défendre  le  Sultan  contre  toute  res- 
ponsabilité, l'avait  poussé  à  demander  l'ap- 


PUBLIÉS    PAR     LES    BOLCHEVIKS        SI 

probation  la  plus  rapide  du  projet  de  fortifi- 
cations nouvelles. 

Le  Sultan  répondit...  qu'à  raison  des  senti- 
ments amicaux  témoignés  par  la  Russie  à  la 
7'urquie  lors  de  la  crise  (sentiments  qui  méri- 
taient de  la  reconnaissance),  il  considérait 
comme  inopportun  de  recourir  à  des  mesures 
pouvant  paraître  offensantes  pour  le  Gouver- 
nement russe  et  par  suite  d'activer  la  réalisa- 
lion  des  fortifications  du  Bosphore.  [Le  Sultan 
annonça  aussi  au  Grand  Vizir  qu'il  chargeait 
le  maréchal  Cliakir  Pacha  d'examiner  les 
fortifications  du  Bosphore.] 

Dans  sa  réponse,  le  Grand  Vizir  expliqua  au 
Sultan  que  s'il  éludait  la  ratification  du  projet 
de  fortifications,  il  donnerait  lieu  à  des  bruils 
désavantageux  pour  lui,  des  personnes  suppo- 
sant que  cette  opposition  avait  pour  origine 
l'intention  du  Sultan  de  faciliter  l'accès  du 
Bosphore  à  l'armée  russe  et  de  l'utiliser...  [Le 
Sultan  signa  immédiatement  le  projet.] 


32  DOCUMENTS     SECRETS 


14,  —  En  janvier   1909,  TAllemagne  préparait 
une  agression.  (N°'  68-71). 

Le   comle    Osten-Sacken,    ambassadeur   de 
Russie  à  Berlin,  à  M.  Izvolsky. 

PAR  les  rapports  ci-joints...  V.  E.  pourra 
voir  avec  quelle  hâte  fiévreuse  on  active 
dans  les  administrations  les  travaux  ayant  un 
caractère  indubitable  de  préparation  à  un 
conflit  armé.  Contre  qui  ? 

[L'incident  du  Daily  Telegraph]  a  donné  un 
accès  plus  aisé  au  parti  militaire  auprès  de 
TEmpereur  et  dispose  celui-ci  à  écouter  plus 
favorablement  son  avis  au  sujet  du  meilleur 
moyen  de  sortir  de  la  situation  critique  ac- 
tuelle... [Or,  ce  parti]  considère  la  guerre 
comme  le  seul  moyen  possible  de  rétablir  aux 
yeux  des  masses  le  prestige  du  pouvoir  monar- 
chique ébranlé  par  les  derniers  événements... 
[parce  qu'il  croit]  que  la  supériorité  transitoire 
actuelle  de  son  armée  donne  à  rAllemagnc 
les  meilleures  chances  de  succès...  [D'un  autre 
côté,  une  guerre  heureuse  pourrait,  au  moins 
pendant  quelque  temps,  diminuer  la  pression 
des  courants  radicaux  pour  des  modifications 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        33 

libérales  de  la  constitution  en  Prusse  et  en 
Allemagne...] 

En  ce  qui  concerne  la  politique  étrangère 
de  l'Allemagne,  sans  parler  du  mécontentement 
de  l'Empereur  au  sujet  de  notre  rapproche- 
ment avec  l'Angleterre  et  de  ses  reproches 
sur  notre  prétendue  ingratitude  pour  sa  par- 
tialité à  notre  égard  pendant  la  guerre  russo- 
japonaise,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  ces  senti- 
ments peuvent  l'amener  à  se  joindre  au  camp 
des  adversaires  du  monde  slave  et  à  utiliser  de 
concert  avec  l'Autriche  la  minute  oi^i  nous 
sommes  faibles  militairement... 

L'empressement  du  Cabinet  de  Berlin  à  agir 
de  concert  avec  l'Autriche-Hongrie  dans  les 
affaires  balkaniques  est  d'autant  plus  remar- 
quable que  l'extension  de  l'action  de  la  Triple 
Alliance  aux  questions  de  l'Ori^snt  turc  était 
considéréejusqu'à  présent  comme  contraire  aux 
intérêts  de  l'Allemagne  à  raison  de  ses  rap- 
ports traditionnels  d'amitié  avec  la  Russie.  Il 
est  remarquable  aussi  que  les  efforts  de  l'Alle- 
magne à  Constantinople  sont  tournés  contre 
nos  efforts  pour  éloigner  les  complications 
provoquées  dans  la  péninsule  des  Balkans  par 
cette  politique  du  baron  d'.Erenthal  que  le 
Cabinet  de  Berlin  en  principe  n'approuve  pas. 
Cette    contradiction  est   particulièrement  cho- 

3 


3i  DOCUMENTS     SECRETS 

quante  dans  la  position  prise  par  rAllemagne 
à  Constantinople  au  sujet  de  notre  dernière 
proposition  où  nous  nous  efforçons  de  régler 
le  côté  financier  du  conflit  turco-bulgare.  L'in- 
sinuation que  notre  proposition  cache  la 
pensée  de  regagner  notre  ancienne  influence 
prépondérante  sur  le  monde  slave  des  Balkans 
vient  indubitablement  de  Berlin  et  est  l'un 
des  principaux  arguments  pour  agir  auprès  de 
la  Porte  contre  nos  efforts  pacificateurs. 

Tout  ceci  nous  impose  l'obligation  d'agir 
avec  circonspection,  et  cela  d'autant  plus  qu'il 
est  présentement  difficile  de  prévoir  le  but 
actuel  et  les  conséquences  possibles  de  l'en- 
trevue qui  va  avoir  lieu  à  Berlin  entre  le  roi 
Edouard  et  l'empereur  Guillaume.  La  finesse 
du  roi  et  le  tempérament  impulsif  de  l'em- 
pereur présentant  un  vaste  champ  pour  les 
éventualités  les  plus  inattendues,  tout  rappro- 
chement entre  les  Cabinets  de  Berlin  et  de 
S'-James  apparaîtrait  comme  un  coup  porté  à 
notre  situation  parmi  les  Grandes  Puissances... 


Suivaient  trois  rapports  demandés  par  Osten- 
Sacken  aux  attachés  techniques  de  son  ambassade  : 
1"  Celui  de  l'attaché  militaire  A.  Michelsson  (20  jan- 
vier/2  février  1909). 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        35 


i .  —  Considérations  militaires  techniques 

Celui  qui  a  le  plus  de  chances  de  réussir  est 
en  général  celui  qui  prend  l'initiative  de  la 
l^uerre.  Comme  condition  du  succès  dans  une 
guerre  contemporaine  apparaît  la  préparation 
de  l'organisation,  du  matériel  et  de  l'ins- 
truction... 

A)  L'organisation  de  l'armée  allemande... 
s'est  développée  de  telle  façon  que  depuis  plus 
de  dix  ans  elle  a  atteint  une  stabilité  presque 
complète.  Les  perfectionnements  qui  y  sont 
introduits  annuellement  concernent  surtout 
les  armes  techniques  et  le  renforcement  des 
cadres  des  réserves.  Les  premiers  sont  la  con- 
séquence des  perfectionnements  techniques  et 
les  seconds  celle  de  l'accroissement  de  la 
population.  Ils  sont  la  condition  pour  que 
V organisation  de  l'armée  ne  vieillisse  pas.  Grâce 
à  cela,  l'armée  allemande...  maintient  cons- 
tamment son  organisation  à  la  hauteur  des 
exigences  contemporaines...  et  peut  com- 
mencer la  guerre  à  tout  instant.  Par  suite,  il 
est  dijficile  de  trouver  dans  cette  orgcmisation 
des  indications  sur  la  proximité  de  la  guerre... 

B)  Les  moyens  matériels  du  combat,  grâce  au 
rapide  développement    de   la   technique  con- 


36  DOCUMENTS     SECRETS 

temporaine,  changent  constamment...  Le 
maximum  de  la  préparation  pour  la  guerre 
est  atteint  quand  ils  sont  parfaits.  Lors  du 
séjour  à  Berlin  du  chef  d'état-major  géné- 
ral F.  F.  Palitsyn  à  la  fin  de  1907,  je  lui  ai 
exposé  que  suivant  moi  ce  maximum  serait 
atteint  par  F  Allemagne  au  printemps  de  1909... 

i)  Le  réarmement  de  t' infanterie  par  des  fusils 
Mauser  modèle  98  avec  balle  c  S  »  qui  dure  de- 
puis 1898  avec  des  retards  à  cause  de  change- 
ments dans  le  modèle  du  fusil,  puis  de  la  balle 
(actuellement  u  S  »  pointue)  est  terminé.  Non 
seulement  toute  l'infanterie,  mais  aussi  les 
réserves  en  sont  armées.  Quoique  les  Allemands 
aient  été  un  peu  désillusionnés  sur  les  résultats 
de  la  balle  S  et  en  cherchent  une  nouvelle,  il 
n'en  est  pas  moins  certain  que  l'armement  de 
leur  infanterie,  l'année  prochaine,  ne  le  cédera 
en  rien  à  celui  des  infanteries  russe  et  fran- 
çaise... 

Le  réarmement  de  la  cavalerie  par  la  nou- 
velle carabine  (1898)  n'est  pas  encore  effectué. 
D'après  certains  renseignements  les  carabines 
sont  prêtes...  Cette  lacune  n'a  pas  d'impor- 
tance décisive  à  cause  de  la  distribution  déjà 
effectuée  de  mitrailleuses  à  la  cavalerie. 

Les  mitrailleuses  commandées  il  y  a  trois 
ans   sont    maintenant  prêtes  et  distribuées... 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        37 

Jusqu'à  présent,  nous  en  étions  mieux  pourvus 
que  les  Allemands  ;  le  rapport  a  changé  depuis 
cette  année. 

2)  Le  réarmement  de  r artillerie  de  campagne 
avec  un  affût  sans  recul  et  à  boucliers  (modèle 
1896  A)  devait  être  achevé  à  la  fin  de  1908... 
Il  est  possible  que  l'armée  de  seconde  ligne 
{das  Besatzungsheer)  n'en  recevrait  pas,  mais 
toute  l'armée  de  campagne  et  la  réserve  de 
première  ligne  en  sont  déjà  réarmées.  Seules, 
les  63  batteries  d'obusiers  légers  de  campagne 
n'ont  pas  été  transformées,  mais  dans  la 
grande  quantité  d'artillerie  de  campagne 
(583  batteries),  cela  n'a  pas  grande  impor- 
tance... 

3)  Réarmement  de  l'artillerie  lourde.  Je  n'ai 
pas  de  données  précises  sur  le  degré  oii  il  se 
trouve,  mais  il  n'y  a  pas  de  doute  que  les  Alle- 
mands, sous  ce  rapport,  ont  été  toujours  en 
avance  non  seulement  sur  la  Russie,  mais 
même  sur  la  France  qui  s'eff'orce  seulement 
maintenant  d'égaler  l'artillerie  lourde  de  cam- 
pagne des  Allemands  en  introduisant  de  gros 
€alibres.  Les  nouveaux  obusiers  lourds  sans 
recul  (i5  cm.  de  campagne  et  23  cm.  de  siège) 
et  le  canon  long  de  10  cm.  augmentent  encore 
la  supériorité  précédente  des  Allemands.  Cette 
puissante  artillerie  lourde  peut  nettoyer  rapi- 


38  DOCUMENTS     SECRETS 

dément  la  route  pour  l'avance  des  troupes  de 
campagne  jusqu'au  fond  du  territoire  ennemi... 

4)  La  reconstruction  des  forteresses  n'est  pas 
terminée,  mais  il  semble  que  c'est  surtout  vrai 
de  Kehl,  Germersheim  et  Mayence  où  les  tra- 
vaux dureront  probablement  encore  deux  ans. 
Les  autres  forteresses,  à  en  juger  par  le  budget 
de  1909,  ont  encore  à  recevoir  leur  artillerie 
et  d'autres  moyens  de  défense,  mais  le  plus 
gros  de  leur  reconstruction  est  évidemment 
terminé... 

5)  Le  réseau  des  chemins  de  fer  et  des 
canaux  a  depuis  longtemps  atteint  une  grande 
puissance...  J'indiquerai  seulement,  comme 
dernières  mesures,  la  reconstruction  du  pont 
de  Dirschau  aujourd'hui  terminée,  la  recons 
Iruction  qui  s'achève  du  nouveau  pont  de 
MarieuAverder,  le  renforcement  imminent  du 
pont  de  chemin  de  fer  de  Graudenz  et  le  déve- 
loppement du  réseau  de  la  Prusse  orientale... 
Il  est  intéressant  de  remarquer  que  l'on  con- 
tinue à  voir  dans  les  grandes  stations  de 
chemins  de  fer  ces  immenses  tas  de  charbon 
de  terre  qui  apparurent  lors  du  conflit  d'Al- 
gésiras. 

6)  Les  troupes  techniques  ont  atteint  un 
degré  extraordinaire,  sinon  comme  qualité, 
tout  au  moins  comme  quantité.  Les  Allemands 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        39 

jugent  avec  raison  qu'il  est  plus  avantageux 
de  munir  toute  l'armée  de  téléphones  et  de 
télégraphes  sans  fil  qui  ne  sont  que  bons  plu- 
tôt que  de  ne  doter  qaane  partie  de  l'armée 
d'appareils  parfaits,  qu'il  vaut  mieux  avoir 
i3  ballons  dirigeables  et  beaucoup  de  ballons 
captifs  que  de  s'acharner  tellement  à  la  pour- 
suite d'un  dirigeable  supérieur,  qu'on  n'en  a 
aucun  à  emmener  à  la  guerre  et  qu'on  la 
fera  à  l'aveugle  comme  autrefois,  qu'il  vaut 
mieux  s'assurer  rapidement  par  voie  de  réqui- 
sition des  automobiles  et  des  routières  lourdes 
et  d'occasion  qne  d'attendre  l'apparition  de 
types  plus  parfaits.  —  Tout  cela  n'est  d'ailleurs 
important  que  si  la  guerre  est  proche.  Si 
nous  faisons  la  supposition  inverse,  la  façon 
d'agir  des  Allemands  ne  sera  pas  raisonnable. 
Le  fait  qu'ils  la  pratiquent  est  donc  une  indi- 
cation qu'ils  se  préparent,  non  à  une  guerre 
éloignée,  mais  bien  à  une  guerre  très  proche. 
7)  Nous  ne  connaissons  pas  l'étendue  de 
leurs  approvisionnements  en  munitions  et  en 
vivres.  Mais  s'ils  n'étaient  pas  suffisants  pour 
toute  une  campagne,  la  puissance  de  produc- 
tion de  l'industrie  militaire  allemande  est  si 
grande  qu'elle  pourra  fournir  les  quantités 
nécessaires  pendant  la  guerre  même.  L'aug- 
mentation des  approvisionnenients  de  réserve 


40  DOCUMENTS     SECRETS 

dans  les  dépôts  de  la  frontière  prévue  par  le 
budget  de  1909  mérite  en  tout  cas  l'attention. 
Le  transport  déjà  commencé  des  munitions 
d'artillerie  lourde  à  la  frontière  est  aussi  une 
indication  importante. 

C)  Je  passe  maintenant  à  linstruction  des 
troupes.  L'introduction  de  nouvelles  armes  a 
forcé  naturellement  à  la  modifier...  Presque 
tous  les  règlements  ont  été  revus  en  1907  et 
1908.  —  En  1907,  les  troupes  parurent  aux 
manœuvres  médiocrement  instruites,  mais  en 
1908  elles  possédaient  parfaitement  les  nou- 
veaux règlements...  Il  est  donc  probable  que 
la  publication  des  nouveaux  règlements  sera 
terminée  et  que  les  troupes  les  auront  appris 
au  printemps  de  1909... 

Je  conclus  :  l'armée  allemande  a  depuis 
longtemps  le  meilleur  commandement,  son 
etlectif  a  cru  avec  la  population  ;  celle-ci  aime 
son  armée  et  lui  donne  les  soldats  dont  elle  a 
besoin,  sans  s'occuper  des  fermentations 
sociales,  L'armée  allemande  peut  donc  être 
considérée  comme  la  meilleure  armée  de  terre 
Cil  égard  à  son  effeclif. . . 

2.  —  Consldéralions  politico-militaires. 

i)  Les  forces  maritimes  de  l' Allemagne 
croissent  si  vile  qu'elles  menacent  la  prépon- 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        41 

dérance  de  l'Angleterre  sur  mer  et  la  sûreté  de 
ses  îles.  A  cet  accroissement  on  ne  voit  pas 
encore  de  limites.  L'accroissement  parallèle 
des  forces  maritimes  de  l'Angleterre,  quoi- 
qu'elles soient  encore  prépondérantes,  a  une 
limite  peu  éloignée  dans  l'absence  de  service 
militaire  obligatoire  en  Angleterre  et  dans 
l'aversion  qu'il  inspire  à  la  population.  Théo- 
riquement, il  doit  arriver  un  moment  oii  la 
prépondérance  passera  de  l'Angleterre  à  l'Alle- 
magne. Il  est  donc  avantageux  pour  l'Angle- 
terre de  ne  pas  attendre  ce  moment  et  d'abaisser 
les  forces  maritimes  de  l'Allemagne  à  un 
niveau  sans  danger  pour  elle.  On  comprend 
par  suite  la  peur  que  l'Allemagne  a  actuelle- 
ment de  l'Angleterre.  Cette  peur  et  la  convic- 
tion générale  que  l'Angleterre  ne  permettra 
pas  à  l'x^llemagne  d'augmenter  sa  flotte,  sont 
si  grandes  que  la  pensée  de  prévenir  ce 
danger  anglais  par  une  attaque  soudaine  sur 
la  flotte  anglaise  «  à  la  japonaise  »  à  l'aide  des 
j3  dirigeables  et  de  la  flottille  des  torpilleurs, 
devient  ici  une  idée  fixe.  Cette  manœuvre  se 
trouve  déjà  dans  les  limites  du  possible  et 
c'est  ce  qui  rend  la  situation  si  tendue  et  fait 
que  des  deux  côtés  on  désire  s'affranchir 
de  ce  cauchemar  réciproque  et  conclure  un 
accord. 


42  DOCUMENTS     SECRETS 

2)  Si  cet  accord  n'est  pas  conclu,  je  suis 
profondement  convaincu  que  l'Allemagne  res- 
tera tranquille  et  ne  se  hasardera  pas  à  faire  la 
guerre  à  qui  que  ce  soit  sur  le  continent. 

3)  Si  cet  accord  est  conclu,  les  mains  de 
l'Allemagne  deviennent  libres...  et  il  est  très 
séduisant  pour  elle  de  rétablir  d'un  seul  et 
puissant  coup  dans  son  ancien  éclat  son 
influence  militaire...  Pour  une  pareille  pers- 
pective, l'Angleterre  peut  obtenir  beaucoup... 

Il  faut  ajouter  à  cela  la  situation  intérieure 
de  l'Allemagne...  Un  général  prussien  haut 
placé  disait  récemment  :  c  L'air  chez  nous  en 
Allemagne  est  devenu  si  étouffant  et  si  malsain 
que  nous  avons  besoin  d'air  frais.  Seule  la 
guerre  peut  nous  le  donner  >... 

Si  la  guerre  n'éclate  pas  maintenant  et  si  les 
événements  se  continuent  avec  la  même  rapi- 
dité dans  le  même  sens,  la  situation  suivante 
peut  se  produire  :  la  Triple  Alliance  peut 
s'écrouler,  le  mouvement  slave  se  cristalliser 
dans  un  tout  bien  ordonné,  désavantageux 
pour  le  pangermanisme.  Il  n'est  pas  avanta- 
geux pour  les  Allemands  d'attendre  cela  en 
croisant  les  bras.  D'autre  part,  l'opinion 
démesurée  qu'ils  ont  actuellement  d'eux- 
mêmes  empêchera  les  Allemands  de  conclure 
avec  la  Russie  l'accord  amical  qui  leur  est  tou- 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        43 

jours  possible.  Ils  comprennent  bien  que  sur  le 
continent  le  temps  combat  contre  eux  et  pour  la 
Russie  et  les  Slaves,  tandis  que  sur  mer,  il  est 
pour  eux  et  contre  l'Angleterre.  Dans  ces  deux 
aspects  de  la  situation  de  l'Allemagne  est  la  clef 
des  rapports  politiques  actuels  et  la  cause  du 
rôle  décisif  de  l'Angleterre.     . 


Le  second  rapport  annexé  à  celui  d'Osten-Sacken 
était  celui  de  l'attaché  naval  B.  Bopp  [ou  de  Bock] 
(i8/3i  janvier  1907). 

Pendant  les  deux  derniers  mois,  l'activité 
fiévreuse  dans  les  ports  de  Kiel  et  de  A^  ilhelm- 
shafen  a  été  particulièrement  remarquable... 
La  série  des  faits  énumérés  ci-après  m'a  con- 
vaincu qu'ils  constituent  clairement  une  pré- 
paration à  des  actes  de  guerre. 

Ce  qui  me  frappa  d'abord  fut  le  grand 
nombre  de  vaisseaux  marchands  qui  se  trouven  t 
inactifs  dans  les  ports  allemands...  En  ayant 
causé  avec  les  officiers  allemands,  ils  me 
dirent  que  c'était  le  résultat  de  la  stagnation 
dans  le  transport  des  émigrants,  mais  cette 
explication  n'est  certes  pas  exacte  car  ces 
navires  sont  des  navires  de  charge  impropres 


44  DOCUMENTS     SECRETS 

au  transport  des  émigrants.  D'après  mon 
calcul,  les  seuls  navires  de  la  ligne  Hambourg- 
America  suffiraient  pour  transporter  deux 
corps  d'armée. 

J'appris  ensuite  que  l'Allemagne  avait  (ce 
qu'elle  cachait  avec  soin),  acheté  700.000  tonnes 
de  charbon  de  Cardiff  sous  condition  de 
livraison  avant  le  i"  mars  (n.  s.)  dans  les  ports 
de  guerre  de  l'Allemagne.  Jusqu'à  cette  année, 
la  flolte  ne  consommait  guère  que  du  charbon 
allemand  ;  on  n'en  achetait  en  Angleterre  que 
des  quantités  insignifiantes. 

Outre  ce  charbon,  on  en  a  encore  acheté  en 
Angleterre  une  certaine  quantité  que  l'on  a 
chargée  sur  quelques  transports  et  dirigée  pro- 
visoirement à  Vigo.  Cette  provision  a  été  faite 
pour  l'escadre  de  croiseurs  envoyée  le 
7  février  (n.  s.)  de  Kiel  dans  l'Atlantique... 

Pendant  tout  le  dernier  mois,  le  croiseur 
Scharnhorsi  et  quelques  torpilleurs  sortirent 
chaque  jour  du  port  de  Kiel  au  crépuscule. 
A  leur  arrivée  en  mer,  ils  éteignaient  leurs 
feux  et  exécutaient  toute  la  nuit  certains 
travaux.  Le  matin  ils  revenaient  à  Kiel.  Ces 
expéditions  nocturnes  m'intéressèrent  forte- 
ment, et  autant  que  j'ai  pu  savoir,  elles  étaient 
consacrées  à  la  pose  de  mines  de  fond  et  à  la 
recherche  de  notre  câble  de  Paris.  Ce  dernier 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        45 

renseignement  est  confirmé  par  les  journaux 
danois  (*). 

L'accroissement  du  travail  dans  les  états- 
majors  pendant  les  derniers  temps  est  aussi 
remarquable  :  il  n'est  pas  interrompu  long- 
temps, même  la  nuit.  D'après  mes  renseigne- 
ments, il  concernait  la  mobilisation. 

Dans  mes  conversations  des  derniers  temps 
avec  des  officiers  allemands,  je  trouvai  la 
confirmation  de  mes  suppositioxis.  On  parle 
beaucoup  parmi  eux  de  la  possibilité  d'une 
guerre  avec  nous.  Ils  considèrent  que  le  cou- 
pable d'une  pareille  guerre  sera  exclusivement 
l'Angleterre  qui  s'efforce  de  toutes  ses  forces 
d'abaisser  l'Allemagne  qui  s'élève  rapide- 
ment. 

La  flotte  allemande  est  donc  absolument  prélc 
pour  la  guerre  ;  quant  aux  ports,  ils  sont  aussi 
absolument  prêts  à  l'exception  de  AVilhelm- 
shafen  où  l'on  travaille  avec  hâte  pour  être 
prêt  dès  le  commencement  du  printemps  de 
cette  année.  Cette  hâte  est  le  résultat  d'un  ordre 
de  l'EiTipereur  donné  il  y  a  environ  trois  mois, 
et  autant  que  j'ai  pu  voir  les  travaux,  ils 
seront  certainement  prêts  au  commencement 


(*')  Ce  câble  fut  en  eîTet  coupé  dès  la  déclaration  de  guerre 
en  191/i. 


46  DOCUMENTS     SECRETS 

d'avril,  tandis  que  d'après  le  programme,  ce 
port  devait  être  à  peine  prêt  à  la  fin  de  1910... 


Le  troisième  rapport  envoyé  par  Osten-Sacken 
était  celui  de  l'attaché  financier  Paul  Miller  (21  jan- 
vier/3 février  1909)  : 

En  réponse  à  la  demande  de  V.  E. ,  j'ai 
l'honneur  d'exposer  que  dans  les  sphères 
financières  allemandes,  on  ressent  indubita- 
blement quelque  irritation  contre  la  Russie, 
en  particulier  depuis  la  visite  du  roi  d'Angle- 
terre en  Russie  au  printemps  dernier.  Cette 
irritation  trouve  son  expression  dans  le  fait 
qu'approximativement  depuis  le  printemps  de 
1908,  il  a  été  extrêmement  ditricile,  pour  ne 
pas  dire  impossible,  de  trouver  en  Allemagne 
des  capitaux  pour  les  entreprises  financières 
russes,  malgré  l'abondance  croissante  des 
capitaux  disponibles.  Il  y  a  un  an,  les  banques 
de  première  classe  à  Berlin  donnaient  01/2  *'/., 
sur  les  comptes  courants,  maintenant  elles  ne 
donnent  que  i  °/o. 

Les  cercles  financiers  berlinois  voient  dans 
un  changement  d'attitude  de  la  société  russe 
à  l'égard  de  l'Allemagne  (exprime  par  des 
attaques  de  la  presse  russe  contre  l'Allemagne) 
la  cause  de  ce  changement  dans  les  rapports 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        47 

des  hommes  d'affaires  allemands  et  russes... 
Ces  cercles  considèrent  que  ce  changement  de 
la  société  russe  à  l'égard  de  l'Allemagne  est  un 
acte  de  déloyauté  et  d'ingratitude.  Ils  rappellent 
la  conduite  de  l'Allemagne  au  temps  de  la 
guerre  russo-japonaise,  la  sympathie  montrée 
alors  par  l'Allemagne  au  point  de  violer  le 
droit  international,  son  attitude  en  ce  qui 
concerne  la  garde  de  notre  frontière  occiden- 
tale, le  charbon  fourni  à  notre  escadre, 
l'emprunt  de  igoS  conclu,  malgré  la  dureté  des 
temps,  à  des  conditions  plus  favorables  pour  la 
Russie  que  l'emprunt  contracté  en  France 
l'année  précédente.  A  tout  cela  s'ajoute, 
remarquent  ces  financiers,  le  sentiment  alar 
mant  que  la  séculaire  «  Culture  »  allemande 
dont  s'enorgueillit  chaque  Allemand,  est  en 
péril  par  suite  du  caractère  agressif  du  mou- 
vement slave  qui  trouve  lui-même  un  appui 
dans  la  société  russe... 

D'après  mes  renseignements,  la  ^Vilhelm- 
strasse  après  l'entrevue  de  Revel,  déconseilla 
les  opérations  financières  avec  la  Russie,  disant 
qu'une  guerre  était  possible.  Cette  situation  se 
prolongea  tout  l'été  et  l'automne.  Ainsi,  encore 
en  août,  quand  notre  ministre  des  finances 
avait  entamé  les  négociations  au  sujet  de 
l'emprunt  (qui  vient  d'être  conclu),  la  banque 


48  DOCUMENTS     S  E  C  ]l  E  T  S 

Mendelsson  de  Berlin  déclara  nettement  que  le 
capital  allemand  ne  participerait  pas  à 
l'emprunt  russe.  A  la  vérité,  cela  s'explique  par 
le  fait  que  l'Allemagne  a  elle-même  besoin  de 
forts  capitaux  pour  mettre  de  l'ordre  dans  ses 
finances  et  n'est  pas  par  suite  disposée  à  prêter 
à  l'étranger,  mais  l'influence  politique  s'y 
faisait  sentir.  Apiès  l'heureuse  terminaison  de 
l'incident  de  Casablanca,  le  v^eto  du  ministère 
des  affaires  étrangères  allemand  s'adoucit 
quelque  peu,  et  il  ne  proscrivit  même  plus  les 
emprunts  russes,  mais  à  la  condition  toutefois 
que  les  sommes  ne  fussent  pas  grandes.  A 
cette  époque  se  rapporté,  entre  autres,  le  voyage 
à  S*-Pétersbourg  d'un  des  directeurs  de  la 
banque  de  Darmstadt  qui  proposait  d'achever 
l'emprunt.  L'opinion  des  cercles  financiers 
reste  cependant  hostile  à  la  Russie... 

Tous  ces  faits  n'apparaissent  pas  comme  des 
signes  que  la  guerre  approche,  mais  ils  carac- 
térisent complètement  la  situation  tendue  et 
l'attitude  inimicale. 

L'Allemagne  est-elle  prête  à  la  guerre  au 
point  de  vue  financier .^...  La  guerre  actuelle- 
ment coûte  si  colossalement  cher  que  pas  une 
des  Puissances  n'est  en  état  et  qu'il  ne  serait 
pas  rationnel  de  réunir  en  temps  opportun  les 
sommes  nécessaires  pour  une  guerre.  La  pré- 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        49 

paration  d'un  État  est  déterminée  par  l'équi- 
libre de  son  budget  du  temps  de  paix,  par 
l'élasticité  de  ses  revenus,  par  l'inépuisabilité 
de  son  crédit  et  par  la  capacité  pour  la  banque 
centrale  d'émission  d'ouvrir  à  l'État,  au  com- 
merce et  à  l'industrie  un  large  crédit  à  court 
terme...  L'Allemagne  fait  actuellement  les  der- 
niers pas  pour  atteindre  à  cet  état  de  prépara- 
tion et  sera  complètement  prête  sous  ce 
rapport  au  printemps  de  cette  année... 

[Pour  faciliter  le  vote  des  lois  militaires  et 
navales,  on  avait  laissé  de  côté  leurs  répercus- 
sions financières.  Maintenant,  on  établit  une 
base  financière  solide  sous  le  couvert  des 
réformes  militaires  et  maritimes.  Les  nouvelles 
sources  de  revenus  ont  été  comptées  largement, 
de  façon  à  permettre  des  augmentations  de 
dépenses,  le  système  des  emprunts  a  été  amé- 
lioré, l'encaisse  de  la  Banque  impériale  en  or 
porté  dans  la  seule  année  1908  de  ^97  millions 
de  marks  à  81 1  (soit  63  " / 0  d'augmentation).  On 
peut  calculer  que  pendant  les  premiers  jours 
de  la  guerre,  l'Allemagne  pourrait  disposer  de 
4.450  millions  de  marks.  Dans  le  cours  de  la 
première  année  de  guerre,  l'Allemagne  pour- 
rait obtenir  io.l\^o  millions  de  marks,  ce  qui 
permettrait  de  couvrir  les  dépenses  de  la  guerre 
pendant  10  mois.  La  seconde  année,  elle  pour- 

4 


50  DOCUMENTS     SECRETS 

rait  encore  recueillir  7.300  millions  de  marks. 
Mais  ces  calculs  ne  tiennent  pas  compte  des 
pertes  de  revenu  de  l'Allemagne  en  cas  de 
guerre  avec  la  Russie.  Aussi  peut-on  croire 
que  les  Allemands  se  hâteront  de  porter  la 
guerre  sur  le  sol  russe  pour  vivre  à  ses  dépens 
et  finir  la  guerre  en  quelques  mois  par  une 
attaque  puissante.] 


15.  —   Projet   de  traité    russo-allemand.  (N"  2). 

LE  4/17  mai  1909,  N.  V.  Tcharikov,  adjoint  au 
ministre  des  afïaires  étrangères,  lut  au  Tsar  le 
projet  de  traité  suivant,  daté  à  tort  du  4  mai  1907 
dans  la  2"  édition  du  Sbornik  (la  date  1909  a  été 
donnée  par  le  Matin  du  27  novembre  191 7  d'après 
les  Izviestild).  Ce  projet  montre  combien  étaient 
pacifiques,  modestes  et  résignées  les  intentions  du 
gouvernement  russe  si  peu  après  f  ultimatum  humi- 
liant qui  lui  avait  été  adressé  par  IWllemagne  le 
22  mars  : 

I.  Anéantir,  conformément  au  désir  de 
l'Allemagne,  la  u  légende  »  et  dissiper  la  mé- 
sintelligence russo-allemande  qui  s'était  déve- 
loppée d'une  façon  visible  à  l'occasion  du 
conflit  austro-serbe,  sans  cependant  rendre  plus 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        51 

mauvais  les   rapports  des  cabinets   de    Saint- 
Pétersbourg  et  de  Vienne. 

2.  L^Allemagne  adhère  à  l'accord  austro- 
russe  de  1897  avec  les  modifications  répondant 
aux  derniers  événements. 

3.  L'Allemagne  garantit  l'exécution  par 
l'Autriche-Hongrie  de  l'obligation  que  celle-ci 
a  contractée  dans  le  traité  ci-dessus  de  s'abs- 
tenir de  toutes  entreprises  militaires  dans  la 
péninsule  balkanique  au  delà  des  limites 
actuelles.  Dans  le  cas  contraire,  l'Allemagne 
ne  considérera  pas  l'entrée  des  armées  russes 
en  Autriche-Hongrie  comme  un  casas  fœderis . 

4.  En  attendant  l'établissement  par  les  puis- 
sances signatrices  du  traité  de  Berlin  des 
sanctions  formelles  indispensables  pour  un 
changement,  l'iVUemagne  prête  à  la  Russie  l'ap- 
pui diplomatique  effectif  désirable  pour  une 
solution  définitive  de  la  question  des  Détroits. 

5.  L'Allemagne  promet  le  même  appui  pour 
l'établissement  rapide  du  chemin  de  fer  du 
Danube  à  l'Adriatique. 

6.  En  Perse,  l'Allemagne  reconnaît  les  droits 
découlant  pour  la  Russie  du  traité  russo-anglais 
de  1907. 

Article  secret.  En  cas  d'attaque  de  l'Angle- 
terre contre  l'Allemagne,  la  Russie  restera 
neutre. 


52  DOCUMENTS     SECRETS 

L'Italie,  la  Fiance  et  l'AiigleteiTe  adhére- 
raient aux  parties  de  ce  traité  les  concernant 
respectivement. 


16.  —  Projet  de  traité  russo-bulgare.  (N°  26). 

UN  peu  avant  l'annexion  de  la  Bosnie,  le  prince 
de  Bulgarie  s'était  entendu  avec  l'Autriche 
pour  se  proclamer  indépendant  et  tsar  lorsqu'elle 
serait  annoncée.  Il  avait  donc  pendant  la  crise  plutôt 
été  du  côté  de  l'Autriche  que  de  celui  de  la  Russie  à 
laquelle  le  traité  d'alliance  de  1902  le  liait.  Pendant 
la  crise,  la  tension  des  rapports  entre  la  Turquie  et 
la  Bulgarie  avait  été  grande.  Elle  fut  diminuée  en 
partie  grâce  au  sacrifice  que  fit  la  Russie  au  profit 
de  la  Bulgarie  d'une  portion  de  l'indemnité  de 
guerre  que  lui  devait  la  Turquie.  Les  Jeunes-Turcs, 
alors  au  pouvoir,  n'en  restèrent  pas  moins  très  hos- 
tiles à  la  Bulgarie.  L'Allemagne,  dont  ils  devenaient 
les  partisans  acharnés,  comprit  qu'elle  ne  pourrait 
compter  sur  leur  coopération  que  si  elle  les  soute- 
nait contre  la  Bulgarie.  Elle  commença  à  préconiser 
une  alliance  turco-austro-roumaine,  capable  d'écra- 
ser d'un  coup  la  Bulgarie  au  commencement  d'une 
guerre.  Ces  menées  allemandes  trouvèrent  surtout 
leur  expression  publique  en  septembre  1910.  Elles 
échouèrent  à  cause  des  intelligences  secrètes  de 
Ferdinand  avec  l'Autriche.  Celle-ci  semble  avoir  eu 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        53 

de  la  répugnance  à  créer  une  situation  qui  l'aurait 
placée,  sans  possibilité  de  trouver  un  contre-appui 
éventuel,  entre  l'Allemagne  d'une  part,  la  Rouma- 
nie, la  Turquie  et  l'Italie  de  l'autre,  puissances  qui 
formulaient  toutes  des  revendications  sur  des  terri- 
toires austro-hongrois.  Mais  à  Saint-Pétersbourg  on 
ignorait  plus  ou  moins  les  liens  qui  liaient  Ferdi- 
nand à  l'Autriche,  et  voyant  que  la  Russie  et  la 
Bulgarie  paraissaient  avoir  les  mêmes  ennemis,  on 
y  rédigea  en  décembre  1909,  certainement  de  concert 
avec  le  représentant  de  la  Bulgarie,  le  projet  de 
traité  russo-bulgare  reproduit  ci-après  :  il  était  des- 
tiné à  apporter  au  traité  de  1902  les  modifications 
rendues  nécessaires  par  le  changement  inquiétant 
survenu  dans  les  relations  de  la  Russie  avec  la  Tur- 
quie et  l'Allemagne.  L'initiative  de  la  rédaction  de 
ce  traité  était-elle  venue  de  la  Russie  ou  de  la  Bul- 
garie? A-t-il  été  signé  et  puis  détruit  en  conformité 
avec  son  article  16  quand  il  est  devenu  nul  ?  C'est 
ce  que  nous  ne  savons.  On  peut  simplement  remar- 
quer que  GuéchofT  parle  du  traité  de  1902  comme 
encore  en  vigueur  en  191 2. 

Les  Gouvernements  Impérial  russe  etTsarien 
bulgare  ont  convenu  de  contracter  au  nom  de 
leurs  intérêts  communs  l'accord  secret  suivant  : 

I .  En  cas  de  guerre  de  la  Russie  simultané- 
ment avec  l'Allemagne,  l'Autriche-Hongrie  et 
la  Roumanie,  ou  avec  rAutriche-lïongrie  et  la 
Roumanie,  et  aussi  en  eus  de  guerre  entre  la 


54  DOCUMENTS     SECRETS 

Russie  et  la  Turquie,  quelle  que  soit  la  Puissance 
qui  ait  pris  l'initiative  de  la  guerre,  la  Bulgarie 
s'engage,  si  le  Gouvernement  russe  l'exige,  à 
mobiliser  aussitôt  toutes  ses  forces,  à  com- 
mencer les  opérations  en  conformité  avec  les 
plans  élaborés  à  l'avance,  et  à  ne  pas  les  arrêter 
avant  que  les  buts  visés  dans  ces  plans  aient 
été  complètement  atteints,  et  en  tout  cas,  pas 
avant  d'avoir  obtenu  le  consentement  du  Gou- 
vernement russe. 

2.  Si  r Autriche-Hongrie,  alliée  à  une  autre 
puissance  non  provoquée  par  la  Bulgarie, 
attaque  cette  dernière,  la  Russie  s'engage  à 
procurer  à  la  Bulgarie  un  appui  militaire 
effectif. 

3.  Si  la  Turquie,  sans  y  avoir  été  provoquée 
par  la  Bulgarie,  ouvre  les  hostilités  contre 
celle-ci,  la  Russie  s'engage  à  mobiliser  suftî- 
samment  de  troupes  dans  le  Caucase  (et  si  c'est 
nécessaire  dans  le  district  militaire  d'Odessa) 
pour  alléger  la  situation  de  l'armée  bulgare  sur 
le  théâtre  de  la  guerre  en  Europe.  Tout  en 
conservant  pour  elle-même  la  liberté  d'agir 
suivant  les  circonstances,  la  Russie  contracte 
en  tout  cas  l'engagement  d'aider  effectivement 
la  Bulgarie  par  les  armes  si  une  troisième 
puissance,  sans  y  avoir  été  provoquée  par  la 
Bulgarie,  prenait  parti  contre  la  Bulgarie  dans 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        55 

une    guerre    de    celle-ci    contre    la    Turquie. 

Ix.  Dans  le  cas  d'issue  heureuse  d'une  guerre 
avec  l'Autriche-Hongrie  et  la  Roumanie  ou 
avec  l'Allemagne,  l'Autriche-Hongrie  et  la 
Roumanie,  la  Russie  s'engage  à  faire  son  pos- 
sible pour  l'agrandissement  du  territoire  bul- 
gare avec  les  localités  à  population  bulgare 
situées  entre  la  mer  Noire  et  la  rive  droite  du 
Danube.  En  outre,  la  Russie  prêtera  à  la  Bul- 
garie un  appui  efficace  pour  la  rectification, 
dans  la  mesure  du  possible,  des  autres  fron- 
tières du  royaume  de  Bulgarie  dans  les  direc- 
tions où  il  la  désire.  De  plus  la  Bulgarie  aura 
droit  dans  les  indemnités  de  guerre  à  une 
part  proportionnée  à  la  participation  de  ses 
forces  à  la  guerre  et  aux  dépenses  qu'elle  aura 
entraînées. 

5.  Consciente  que  la  réalisation,  si  chère  à 
la  Russie,  des  idéals  élevés  des  peuples  slaves 
dans  la  péninsule  balkanique,  ne  sera  possible 
qu'après  une  terminaison  heureuse  de  la  lutte 
de  la  Russie  avec  l'Allemagne  et  l'Autriche- 
Hongrie,  la  Bulgarie  contracte  l'engagement 
solennel  dans  ce  cas  (et  aussi  dans  celui  de 
l'union  de  la  Roumanie  et  de  la  Turquie  aux 
Puissances  sus-mentionnées)  de  faire  tous  ses 
efforts  pour  empêcher  l'élargissement  du  cadre 
de  la  guerre.  En  ce  qui  concerne  les  puissances, 


56  DOCUMENTS     SECRETS 

soit  alliées,  soit  amies  de  la  Russie,  le  gouver- 
nement bulgare  observera  à  leur  égard  une 
attitude  amicale. 

6.  En  cas  d'issue  heureuse  de  la  guerre  avec 
la  Turquie,  la  Russie  s'oblige  à  faire  tout  son 
possible  pour  que  le  territoiie  bulgare  soit 
augmenté  des  localités  à  population  bulgare, 
par  exemple  dans  les  limites  fixées  dans  les 
préliminaires  de  paix  conclus  à  Saint-Stefano 
le  19  février  1878. 

7.  Si  les  résultats  de  la  guerre  dans  les  cas 
prévus  par  les  articles  i,  2  et  3  du  présent 
traité,  ne  répondent  pas  complètement  aux 
buts  fixés,  la  Russie  s'engage  à  employer  tous 
ses  efforts  à  conserver  à  la  Bulgarie  ses  fron- 
tières actuelles  et  à  faire  limiter  dans  la  mesure 
du  possible  les  indemnités  qui  lui  seront 
demandées. 

8.  [Rédaction  en  commun  du  plan  d'opéra- 
tions et  de  ses  modifications,  la  masse  bulgare 
principale  devant  agir  contre  le  principal 
ennemi  commun.] 

9.  Dès  l'ouverture  des  opérations,  l'armée 
bulgare  agira  indépendamment,  mais  en  se 
guidant  vers  les  buts  fixés  à  l'avance  et  dont 
elle  ne  pourra  se  désister  que  d'accord  avec  le 
haut  commandement  russe  ou  sous  l'influence 
d'une  force  majeure.   Si  au  cours  de  la  guerre 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        57 

ce  haut  commandement  juge  nécessaire  de 
changer  les  huts  fixés  d'abord,  les  directives 
correspondantes  seront  complètement  obliga- 
toires pour  l'armée  bulgare.  Le  traité  actuel  ne 
sera  obligatoire  dans  toutes  ses  conséquences 
qu'en  cas  d'exécution  complète  de  cette  exi- 
gence, si  nécessaire  pour  le  succès  de  la 
guerre. 

10.  En  cas  de  coopération  des  armées  russe 
et  bulgare  sur  un  même  théâtre  de  la  guerre, 
le  commandement  en  commun  sera  exercé  par 
le  généralissime  russe.  [Dans  tous  les  autres 
cas,  ce  commandement  appartiendra  au  com- 
mandant de  l'unité  la  plus  importante,  et  si 
les  unités  sont  de  même  rang,  au  plus  ancien 
des  commandants.] 

11.  [Un  plénipotentiaire  militaire  russe  sera 
attaché  au  généralissime  bulgare,  et  d'autres 
officiers  aux  autres  détachements  bulgares  s'il 
y  a  lieu.  Ils  auront  voix  délibérative,  mais  on 
pourra  ne  pas  suivre  leurs  avis  en  en  donnant 
la  raison  par  écrit.] 

12.  [Obligation  pour  la  Bulgarie  de  s'en- 
tendre d'avance  avec  la  Russie  pour  la  nomi- 
nation du  généralissime  (si  le  tsar  bulgare  ne 
commande  pas  lui-même)  et  du  chef  d'Etat- 
major  général.] 

i3.  [Droit  de  réquisition  égal  pour   chaque 


58  DOCUMENTS     SECRETS 

armée  sur  le  territoire  de  l'autre.  Mise  à  la  dis- 
position des  Russes  des  ports  bulgares.] 

i4.  [La  présente  convention  est  conclue 
pour  une  durée  de  cinq  ans  et  continuera 
ensuite  jusqu'à  l'expiration  d'une  année  après 
sa  dénonciation.] 

i5.  [La  convention  doit  être  tenue  secrète.] 
i6.  [En  cas  de  dénonciation  de  la  convention, 
ses  deux  exemplaires  seront  détruits  et  on  con- 
tinuera à  la  tenir  secrète.] 


17.  —  Traités  serbo-bulgares  de  1912, 

(N°^  27-28  et  4o-4i) 

LES  Bolcheviks  ont  publié  comme  inédits  le  traité 
serbo-bulgare  du  29  février/ 13  mars  1912  et 
son  annexe.  Ils  étaient  déjà  connus  et  sont  impri- 
més en  original  dans  Iv.-E.  GuéchofT,  L'Alliance 
balkanique,  p.  191. 

Il  en  est  de  même  de  la  convention  militaire 
serbo-bulgare  du  29  avril/ 12  mai  191 2,  qui  est 
publiée  par  GuéchofT,  p.  202.  Une  lettre  de  Nik. 
Harlwig,  ministre  de  Russie  à  Belgrade,  du  22  mai/ 
/j  juin  1912  accompagnait  la  traduction  de  la  con- 
vention faite  et  envoyée  par  lui  à  Saint-Pétersbourg. 
Il  y  disait  que  le  premier  projet  de  la  convention 
avait  été  rédigé  par  le  gouvernement  serbe,  mais  ne 
fut  pas  accepté  par  les  Bulgares  quand  il  leur  fut 


PUBLIES  PAR  LES  BOLCHEVIKS   5^ 

présenté  en  avril.  La  difficulté  portait  sur  le  com- 
mandement à  exercer  en  commun.  Le  soin  d'arran- 
ger la  difficulté  fut  confié  aux  généraux  Putnik 
(serbe)  et  Fi tchefî  (bulgare)  qui  réglèrent  la  chose 
dans  une  entrevue  qu'ils  eurent  ensemble  à  la  fin 
d'avril  (n.  s.)  à  Boukovo  (près  de  Negotin).  Les 
gouvernements  serbe  et  bulgare  furent  très  satis- 
faits de  la  convention  ainsi  élaborée.  Il  en  fut  de 
même  du  roi  Pierre,  mais  l'approbation  de  Ferdi- 
nand de  Bulgarie  se  fît  attendre.  Il  s'était  retiré  dans 
un  château  suburbain  et  les  ministres  eux-mêmes 
ne  pouvaient  le  voir  pour  présenter  leurs  rapports» 
Guéchoff,  alors  premier  ministre,  expliquait  par 
cette  circonstance  le  retard  de  la  ratification,  mais 
ajoutait  qu'il  ne  doutait  pas  de  l'approbation  de 
son  roi.  Dans  son  livre  (p.  6i),  il  laisse  entendre 
que  l'hésitation  de  celui-ci  venait  de  l'obligation 
qui  allait  être  contractée  d'agir  éventuellement 
contre  l'Autriche.  Finalement,  quelques  jours  avant 
la  lettre  de  Hartwig,  Ferdinand  ratifia. 


18.  —  Prêt  à  Ferdinand  de  Bulgarie.  (iV  07-59). 

LE  12/25  novembre  191 1,  A.  Neklioudov  écri- 
vait de  Sofia  à  A.  A.  Neratov,  adjoint  au  mi- 
nistre des  affaires  étrangères  de  Russie,  au  sujet 
d'une  ((  affaire  délicate  »  dont  il  avait  déjà  entretenu 
S.  D.  Sazonov,  le  ministre  des  affaires  étrangères,  à 


60  DOCUMENTS     SECRETS 

Davos  (EngadineV  Deux  mois  auparavant,  Ferdi- 
nand de  Bulgarie  l'avait  fait  sonder  d'abord  par  le 
ministre  des  fmances  TodorofY  et  ensuite  par  son 
secrétaire  intime  Dobrovitch,  sur  la  possibilité  pour 
lui  d'emprunter  en  Russie  à  des  conditions  de 
faveur  environ  trois  millions  de  francs.  Xeklioudov 
avait  déjà  entendu  dire  que  la  situation  pécuniaire 
du  roi  n'était  pas  brillante.  11  avait  beaucoup  acheté 
et  bâti  en  Bulgarie.  La  princesse  Clémentine,  après 
avoir  beaucoup  dépensé  en  Bulgarie  pour  affermir 
le  trône  de  son  fils  favori,  ne  l'avait  pas  avantagé 
dans  son  testament  comme  on  s'y  attendait,  si  bien 
qu'il  n'avait  hérité  que  de  6  à  700  mille  francs  de 
revenu.  Quant  aux  propriétés  de  Ferdinand  en  Bul- 
garie, elles  représentaient  il  est  vrai  une  valeur 
importante  (plus  de  4  millions  de  francs,  déclara- 
t-on  à  Neklioudov),  mais  non  seulement  elles  ne 
rapportaient  rien,  mais  coûtaient  tous  les  ans  des 
sommes  importantes.  Or,  le  Roi  devait  à  la  Banque 
nationale  près  de  2  millions  à  7  °/o-  De  plus,  il  y 
faisait  renouveler  tous  les  ans  des  lettres  de  change, 
de  sorte  qu'il  payait  tous  les  ans  dans  cet  établisse- 
ment p/vre' plus  de  200.000  francs  d'intérêt.  Ferdi- 
nand désirait  donc,  en  donnant  pour  gage  ses  pro- 
priétés en  Bulgarie,  emprunter  3  millions  de  francs 
à4°/o,  plus  1/2  Vo  pour  l'amortissement.  Ce  prêt 
serait  effectué  par  le  trésor  russe  sous  le  couvert 
d'une  banque  rusge  privée,  comme  il  avait  été  fait 
pour  le  prêt  de  4  millions  à  la  Réunion  des  officiers 
de  Belgrade  pour  le  paiement  des  dettes  du  prince 


PUBLIES    PAR    LES    BOLCHEVIKS        61 

héritier  George.  Le  trésor  russe  aurait  donc  vrai- 
semblablement à  payer  i  7o  pour  les  frais,  soit 
So.ooo  francs  par  an. 

NeklioudoY  considérait  l'opération  comme  «  sans 
danger  »  au  point  de  vue  financier,  «  le  roi  Ferdi- 
nand n'étant  toujours  pas  comme  le  roi  Milan  ou  le 
prince  George  »  et  le  gage  offert  ayant  (et  surtout 
devant  avoir)  une  réelle  valeur.  Quant  h  son  utilité 
politique,  Xekiioudov  écrivait  :  «  Penser  que  nous 
achèterons  le  roi  Ferdinand  par  un  prêt  de  3  mil- 
lions serait  naïf  et  même  peu  digne.  L'homme  qui, 
sur  le  trône  ou  près  du  trône,  trafique  de  son 
influence  politique,  est  également  capable,  comme 
l'a  fait  Milan,  de  tromper  ceux  qui  ont  cru  en  lui. 
Mais  notre  coopération  amiable  et  sans  marchan- 
dage aux  affaires  pécuniaires  de  la  cour  bulgare 
augmentera  notre  influence  sur  le  Roi.  Actuelle- 
ment, il  se  tient  au  carrefour  entre  nous  et  l'Au- 
triche, s'approchant  plus  vite  de  nous.  Le  service 
personnel  que  nous  lui  aurons  rendu  pourra  don- 
ner une  impulsion  de  plus  en  notre  faveur.  Voilà 
pourquoi  je  préconise  de  donner  satisfaction  au 
désir  du  Roi.  » 

Neklioudov  terminait  en  recommandant  d'agir 
avec  délicatesse  «  pour  relever  Ferdinand  à  ses 
propres  yeux  »  et  surtout  de  garder  le  secret. 

L'affaire  traîna  longtemps.  Ce  n'est  que  le  9/ 2  2  juil- 
let 191 2  que  Nicolas  II,  sur  le  rapport  du  ministre 
des  finances  Kokovlsov,  autorisa  le  Trésor  impérial 
à  porter  en  compte  une  dépense  de  60.000  francs 


€2  DOCUMENTS     SECRETS 

représentant  une  partie  de  l'amortissement  du  prêt 
que  l'on  se  proposait  de  faire  à  Ferdinand,  et  qui 
devait  être  fait  par  le  Ministère  de  la  Maison  de 
l'Empereur.  Le  12/26  juillet,  le  ministre  des  finances 
Kokovtsov  en  informa  Sazonov,  le  priant  en  même 
temps  de  demander  à  Ferdinand  comment  il  lui 
serait  agréable  de  contracter  le  prêt.  Celui-ci  fut 
signé  le  2/1 5  septembre  191 2  à  Sofia. 

Ferdinand  reconnaissait  «  avoir  reçu  en  prêt  du 
Gouvernement  russe  3  millions  de  francs  et  s'en- 
gageait à  payer  5  7o  d'intérêts  pendant  25  ans  et 
7  mois,  après  quoi  le  prêt  serait  considéré  comme 
amorti.  11  gageait  l'emprunt  sur  ses  propriétés 
immobilières  situées  dans  les  environs  de  Sofia,  et 
en  particulier  sur  son  palais  de  «  Vrana  ))  qui,  avec 
les  4  rnillions  de  mètres  carrés  qui  en  dépendaient, 
était  estimé  valoir  3  millions  de  francs  en  or. 


19.  —  Ferdinand  de  Bulgarie  à  Nicolas  II. 

(>"  74:7])- 

LES  accords  bulgaro-serbes  mentionnés  au  nu- 
méro 17  préparaient  la  guerre  turco-balka- 
nique.  Elle  éclata  en  octobre  et  fut  suivie  d'un 
prompt  triomphe  des  Balkaniques.  La  Roumanie 
annonça  alors  son  intention  de  demander  à  la  Bul- 
garie une  compensation  de  l'agrandissement  qu'al- 
lait recevoir  cette  dernière.   Le  24  décembre  1912/ 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      63 

€  janvier  1913,  Ferdinaad  de  Bulgarie  écrivit  à  ce 
sujet  à  Nicolas  II  : 

Après  avoir  remercié  de  la  sympathie 
avec  laquelle  Nicolas  et  le  peuple  russe 
avaient  suivi  les  combats  de  l'armée  bulgare, 
présenté  ses  souhaits  de  nouvel  an  et  parlé  de 
son  u  éternelle  reconnaissance  »  envers  la 
Russie,  Ferdinand  disait  : 

M.  Theodoroff  exposera  à  V.  M.  le  danger 
que  crée  actuellement  pour  la  Bulgarie  la 
position,  grosse  de  conséquences,  prise  parla 
Roumanie  qui,  non  contente  d'une  rectification 
de  la  frontière  à  Girla,  veut  forcer  la  Bulgarie 
à  des  cessions  importantes  en  reconnaissance 
de  sa  neutralité  pendant  la  dernière  campagne 
et  exige  la  ville  de  Silistrie  que  l'armée  rou- 
maine se  prépare  à  prendre  actuellement. 

Si  désireuse  que  soit  la  Bulgarie  d'entrete- 
nir avec  la  Roumanie  de  cordiaux  rapports  qui 
pourraient  être  convertis  ensuite  en  un  lien 
encore  plus  étroit  et  quoiqu'elle  soit  décidée 
(à  regret)  à  une  rectification  de  frontière,  il  est 
d'autant  plus  impossible  pour  le  peuple  bul- 
gare... de  sacrifier  une  ville  aussi  importante 
que  Silistrie...  J'espère  fermement  que  V.  M., 
au  nom  de  l'équité,  est  pénétrée  du  sentiment 
qui  fait  que  la  Bulgarie  et  son  roi  sont  inébran- 


64  DOCUMENTS     SECRETS 

labiés  sur  cette  question.  Je  prie  M.  Theodoroff 
de  demander  à  V.  M.  son  puissant  appui  pour 
que  la  Roumanie,  grâce  à  une  pression  éner- 
gique du  gouvernement  impérial,  se  contente 
d'une  compensation  oij  Siiistrie  n'entrerait 
pas. 

Il  est  un  autre  point,  encore  plus  délicat  et 
aussi  important,  dont  M.  Theodorofî  parlera  à 
V.  M.  11  concerne  la  nouvelle  frontière  turco- 
bulgare  qui  sera  délimitée  par  les  plénipoten- 
tiaires à  Londres.  La  Bulgarie  désirerait  qu'elle 
soit  formée  par  une  ligne  allant  de  Rodosto  à 
Midia.  Il  nous  semble  que  la  pensée  du  gou- 
vernement russe  est  que  la  Bulgarie,  si  l'on  ne 
peut  faire  mieux,  se  contente  de  la  ligne  Saros- 
Midia.  Je  me  permets  de  mettre  sous  les  yeux 
de  V.  M.  les  raisons  qui  militent  en  faveur  des 
propositions  de  la  Bulgarie.  Tout  d'abord  ne 
serait-il  pas  juste  que  cette  terre,  arrosée  du 
sang  de  40.000  braves  Bulgares,  reste  la  pro- 
priété de  ceux  qui  par  des  efforts  surhumains 
l'ont  conquise.  En  second  lieu,  en  rendant  aux 
Turcs  le  territoire  situé  entre  les  lignes  Ro- 
dosto-Midia  et  Saros-Midia,  on  soumettra  la 
population  chrétienne  de  ce  territoire  aux  plus 
terribles  dangers  de  la  cruauté  turque.  Enfin 
la  présence  à  Rodosto  du  Bulgare,  factionnaire 
intelligent    et   mobile,    ne    servirait-elle    pas 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        65 

d'appui  à  la  Russie  elle-même  pour  faire  décider 
dans  un  avenir  indéterminé  le  problème  des 
Détroits? 

[Je  fais  cette  prière  à  V.  M.  au  nom  de  mes 
officiers  et  de  mes  soldats  qui  prient  Dieu  tous 
les  jours  que  la  Grande  Russie  les  préserve  de 
la  douleur  de  perdre  Rodosto,  fruit  de  leurs 
victoires.] 


20.  —  François-Joseph  à  Nicolas  II.  (N°  60). 

LA  victoire  des  Balkaniques  contre  la  Turquie 
n'avait  été  possible  que  parce  que  la  Russie, 
maintenant  de  gros  effectifs  dans  plusieurs  corps 
d'armée  voisins  de  l'Autriche,  avait  laissé  entendre 
clairement  à  l'Autriche  et  à  la  Roumanie  qu'elle  ne 
resterait  pas  inactive  si  elles  intervenaient  dans  le 
conflit.  L'Autriche,  en  réponse,  mobilisa  partielle- 
ment son  armée.  Il  en  résulta  une  situation  fort 
tendue,  et  imposant  à  l'Autriche  de  grands  sacri- 
fices d'argent. 

Le  i^'  février  1913,  pour  y  mettre  fin,  François- 
Joseph,  mieux  inspiré  qu'en  191/1,  écrivit  au  Tsar  la 
lettre  suivante  : 

Je  considère  comme  mon  devoir  dans  le 
temps  critique  oii  nous  vivons  de  m'adresser 
à  Toi    sans   intermédiaire   pour    prévenir  les 

5 


66  D  O  C  U  M  E  N  T  S     S  E  C  R  E  T  S 

malentendus  qui  semblent  se  préparer  avec  la 
Russie  à  l'occasion  de  notre  politique  et  mettre 
fin  à  des  inventions  qui  peuvent  être  préjudi- 
ciables aux  bons  rapports  qui  se  sont  heureu- 
sement établis  entre  nos  deux  pays. 

C'est  pourquoi  j'ai  chargé  le  prince Godefroy 
de  Hohenlohe-Schillingsfûrst,  mon  allié,  que  tu 
connais  personnellement  depuis  qu'il  a  sé- 
journé en  Russie,  d'aller  à  Saint-Pétersbourg 
pour  te  remettre  cette  lettre  et  t'exprimer  mes 
sentiments  d'amitié  infinie. 

Mon  Gouvernement,  dès  le  commencement, 
était  animé  du  seul  désir  de  ne  point  ajouter 
de  nouveaux  malheurs  aux  agitations  dont  les 
Ralkans  étaient  le  théâtre.  J'ai  été  très  cha- 
griné d'apprendre  que  sa  politique  était  inter- 
prétée ironiquement  en  Russie. 

Si  nous  nous  sommes  abstenus  de  toute 
immixtion  dans  le  conflit,  si  nous  avons 
accepté  l'invitation  des  Puissances  d'examiner 
u  en  commun  »  les  questions  dans  lesquelles 
nous  étions  plus  que  les  autres  intéi^essés,  si 
enfin  à  l'époque  de  ces  délibérations  nous 
avons  été  guidés  seulement  par  un  sentiment 
de  conciliation,  tout  cela  a  prouvé  que  notre 
principal  souci  était  d'écarter  tout  ce  qui  pour- 
rait engendrer  la  plus  petite  cause  de  discorde 
entre  nos  Empires. 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        67 

Tu  sais  toi-même  quelle  lourde  responsabi- 
lité pèse  sur  nous  quand  une  question  concer- 
nant les  intérêts  de  nos  peuples  est  en  jeu 
dans  une  crise  politique  qui  se  décide  près  de 
nos  frontières.  Ce  serait  pécher  contre  notre 
sainte  mission  que  ne  pas  se  rendre  compte 
des  répressions  que  de  telles  évolutions  peu- 
vent entraîner  dans  nos  contrées.  Si  pendant 
la  crise  actuelle  j'ai  accepté  la  conciliation 
dans  le  souci  de  garder  de  bons  rapports  avec 
la  Russie,  j'ose  espérer  que  Toi,  appréciant 
mes  efforts,  tu  sauras  développer  dans  une 
bonne  harmonie  entre  nos  peuples  les  grands 
avantages  de  la  paix  européenne. 


21.  —  Le  roi  de  Monténégro  à  Nicolas  II.  (N»  65). 

Au  moment  où  cédant  à  la  pression  de  l'Au- 
triche, les  Puissances  allaient  attribuer  Scutari 
à  l'Albanie,  le  roi  de  Monténégro  écrivit  au  Tsar  le 
1^121  février  1913  : 

[V.  M.  a  suivi  avec  la  plus  vive  sympathie 
les  efforts  militaires  de  mon  peuple.]  Elle  a 
toujours  été  bienveillante  envers  mes  sujets 
qui  sont  ses  obligés  pour  une  grande  quantité 
de  munitions.  Le  grand  cœur  slave  de  V.  M.  a 


68  DOCUMENTS     SECRETS 

forcément  été  ravi  des  exploits  de  nos  soldats. 
Mais  je  crains  qu'ils  ne  soient  pas  loin  de 
perdre  la  sympathie  et  la  bienveillance  de 
V.  M.,  car  le  temps  n'est  plus  éloigné  où  ils  ne 
lui  obéiront  plus.  La  politiqvie  de  Y.  M.,  trop 
circonspecte,  semble  en  effet  devoir  prendre 
des  décisions  contraires  aux  intérêts  les  plus 
chers  de  mon  pays  afin  d'éviter  des  complica- 
tions sérieuses  et  possibles.  Elle  est  sur  le 
point  de  souscrire  une  convention  pernicieuse 
pour  nous  au  sujet  des  limites  de  l'Albanie  à 
laquelle  Scutari  sera  unie.  Scutari,  pays  slave 
comme  Cetinie,  Scutari  notre  vieille  capitale 
pendant  trois  siècles,  Scutari  qui  n'a  jamais 
été  albanaise,  par  l'influence  de  l'Autriche 
nous  échappe.  Pendant  trois  mois,  nous  l'avons 
bloquée  rigoureusement,  sa  chute  est  immi- 
nente... Si  la  Conférence  des  ambassadeurs  à 
Londres  l'attribue  à  un  autre  qu'à  nous,  et  la 
diplomatie  russe  sous  la  pression  des  circons- 
tances y  souscrit,  l'Europe  sera  étonnée  par 
l'énergie  de  notre  défense.  Mon  pays  est  prêt 
aux  derniers  sacrifices  et  préfère  périr  que 
d'abandonner  cette  ville...  [Dans  cette  situation, 
je  ne  ferai  pas  appel  à  des  souvenirs  chers  à 
mon  cœur  et  je  ne  rappelle  pas  les  mots  his- 
toriques prononcés  autrefois  à  Peterhof  par 
votre    défunt  père,    afin  de   vous   faciliter  la 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        69 

neutralité  dans  le  drame  qui  attend  mon  pays. 
Nous  saurons  mourir  dignement  en  invoquant 
le  nom  de  Dieu.] 


22.  —  François-Ferdinand  à  Nicolas  II.  ÇS"  66). 

Au  cours  de  l'audience  qu'il  avait  accordée  à 
Godefroi  de  llohenlohe  (voir  §  20),  le  tsar  avait 
laissé  percer  quelque  inquiétude  au  sujet  des  dispo- 
sitions de  l'archiduc  héritier.  Celui-ci  lui  écrivit  à 
€e  sujet  le  20  mars  1913  la  lettre  suivante  : 

Je  considère  comme  mon  devoir  de  l'expri- 
mer ma  satisfaction  au  sujet  du  bon  accueil 
que  tu  as  fait  au  prince  de  Hohenlohe,  porteur 
de  la  lettre  de  S.  M.  Convaincu  qu'en  présence 
des  ruines  qui  s'entassent  en  Orient,  un  contact 
cordial  de  nos  deux  monarchies  est  la  garantie 
la  plus  solide  d'un  développement  pacifique 
de  la  crise,  j'ai  été  pleinement  heureux  et  de 
l'auguste  initiative  de  mon  oncle  qui  s'est 
adressé  à  toi  et  de  l'empressement  avec  lequel 
tu  lui  as  répondu.  Depuis  mon  enfance,  j'ai 
toujours  considéré  que  des  rapports  d'amitié 
et  de  confiance  entre  l'Autriche  et  la  Russie 
sont  ce  qui  peut  le  mieux  renforcer  les  prin- 
cipes monarchiques  et  conservateurs  qui  ser- 
vent de  base  à  nos  deux  Etats. 


70  DOCUMENTS     SECRETS 

Je  ne  puis  aussi  te  cacher  mon  étonnement 
au  sujet  des  bruits  publiés  et  répandus  en 
Russie.  Ils  engendrent  en  moi  de  tout  autres 
sentiments.  Ne  désirant  pas  chercher  la  source 
de  ces  légendes,  il  me  semble  qu'ils  sont 
répandus  par  des  éléments  destructeurs  préoc- 
cupés d'affaiblir  les  liens  qui  existent  heureu- 
sement entre  nos  deux  dynasties.  J'ose  espérer 
que  de  telles  tendances  ne  tarderont  pas  à 
disparaître  en  face  des  magnanimes  inten- 
tions exprimées  des  deux  côtés  à  l'occasion  de 
la  visite  du  prince  de  Hohenlohe... 


23.    —   Convention    austro'italienne   relative   à 
l'Albanie.  (N°  87). 

LA  création  du  royaume  d'Albanie  donna  lieu  à 
la  signature  à  Rome  le  8  mai  191 3  de  la  con- 
vention secrète  suivante  entre  1  "Autriche  et  l'Italie  : 

Convention  conclue  pour  rétablir  le  plus 
rapidement  possible  l'ordre  intérieur  et  les 
bases  d'un  développement  régulier  du  com- 
merce et  de  l'industrie  sur  le  territoire  consti- 
tuant l'Albanie... 

I.  Les  Hautes  Parties  contractantes  sont 
d'accord  que  le  ferme  rétablissement  du  calme 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        71 

en  Albanie  et  d'une  tendance  régulière  à  une 
vie  pacifique  doivent  être  la  base  principale  du 
système  politique  de  leur  entente  amicale, 

2.  Si  l'accomplissement  des  mesures  propo- 
sées pour  atteindre  les  buts  fixés  dans  l'art,  i 
se  heurtait  à  l'intervention  de  certaines  puis- 
sances, cette  convention  amicale  aurait  la 
valeur  d'un  traité  d'alliance. 

3.  Pour  atteindre  plus  rapidement  les  buts 
indiqués  à  l'art,  i,  les  Hautes  Parties  contrac- 
tantes se  réservent  le  droit  d'occuper  de  leur 
propre  autorité  le  territoire  de  l'Albanie  qu'elles 
ont  divisé  à  ce  point  de  vue  en  deux  parties 
égales. 

^.  [La  démarcation  de  ces  sphères  d'in- 
fluence doit  être  fixée  par  une  Commission 
spéciale  sur  la  base  de  l'opinion  exprimée  par 
la  conférence  diplomatique  tenue  à  Rome  le 
2  mai  1913.] 

5.  [En  cas  de  formation  de  détachements  des 
deux  puissances  pour  une  action  militaire, 
Teflectifde  chacun  d'eux  sera  limité  à  2^  ba- 
taillons d'infanterie  et  12  batteries  avec  la 
cavalerie  et  les  services  auxiliaires  nécessaires. 
Ces  effectifs  ne  pourront  être  dépassés  qu'après 
accord  préalable.] 

6.  [Pour  atteindre  les  buts  indiqués  à  l'art,  i, 
les  Hautes  Parties  contractantes  se  proposent 


72  DOCUMENTS     SECRETS 

de  prendre  comme  elles  le  jugeront  bon,  les 
mesures  suivantes  :  i^-S"  employer  leurs  trou- 
pes comme  il  sera  nécessaire  pour  le  rétablis- 
sement et  le  maintien  de  l'ordre  dans  les 
limites  du  territoire  occupé  et  en  fixer  la  dislo- 
cation comme  elles  le  jugeront  bon  ;  k"  établir 
des  administrations  et  des  tribunaux  mili- 
taires ;  5°  établir  des  quarantaines  ;  6°  déve- 
lopper le  commerce  et  l'industrie  ;  7"  déve- 
lopper les  voies  de  communication  ;  S**  déve- 
lopper le  commerce  extérieur  ;  9''  satisfaire  aux 
besoins  religieux  ou  sanitaires  de  la  population  ; 
lo**  armer  les  éléments  honnêtes  de  la  popula- 
tion, sans  leur  confier  cependant  d'artillerie  et 
de  mitrailleuses;  11°  constituer  une  milice 
albanaise;  12"  former  une  gendarmerie  ;  iS" 
diminuer  dans  le  territoire  occupé  les  troupes 
d'occupation  ;  14"  prendre,  d'après  les  circons- 
tances, les  mesures  pour  le  développement  et 
le  maintien  des  causes  pouvant  servir  de 
fondement  à  l'occupation  et  à  sa  prolonga- 
tion.] 

7.  [Les  Hautes  Parties  contractantes  s'obli- 
gent i**  à  ne  pas  ériger  de  fortifications,  sauf 
celles  de  campagne  nécessaires  pour  la  sûreté 
des  postes  ;  2°  à  ne  pas  introduire  d'artillerie 
lourde  ;  3"  à  ne  pas  intervenir  sans  nécessité 
dans  l'administration  locale  ;  4"  à  ne  pas  créer 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        :3 

de  monopoles  ;  5'  à  ne  pas  introduire  de  pro- 
duits nuisibles.] 

8.  [La  durée  de  l'occupation  sera  déterminée 
par  les  circonstances  indiquées  à  l'art,  i.  De 
plus,  tous  les  six  mois  aura  lieu  un  échange 
de  vues.j 

9.  Les  Hautes  Parties  contractantes  consi- 
dèrent comme  indispensable  de  prévenir  les 
Puissances  intéressées  à  la  politique  des  Bal- 
kans, I-  du  moment  où  commencera  l'occu- 
pation quand  la  déclaration  l'annonçant  sera 
publiée  ;  2"  de  sa  terminaison  six  mois  à 
Tavance. 

10.  Les  articles  de  la  présente  convention 
entreront  en  vigueur  au  moment  de  la  publi- 
cation de  la  déclaration  annonçant  l'occupa- 
tion (à  l'exception  du  point  i4  de  l'art.  6  qui 
peut,  si  les  circonstances  l'exigent,  être  exécuté 
avant  la  déclaration  d'occupation). 

11.  Le  texte  de  la  déclaration  d'occupation 
devra  être  publié  pour  l'information  générale 
en  français,  mais  pour  la  population  alba- 
naise, il  le  sera  dans  les  deux  dialectes  du 
pays  ;  de  plus  l'original  devra  être  ratifié  par 
l'autorité  suprême  des  Hautes  Puissances  con- 
tractantes et  contresigné  par  les  plénipoten- 
tiaires autorisés  à  rédiger  et  à  signer  la  présente 
convention. 


74  DOCUMENTS     SECRETS 

12.  [Les  cas  non  prévus  devront  faire  l'objet 
d'accords  subséquents.  (La  fin  n'était  pas 
déchiffrée)]. 

Copie  d'après  V original  :  le  colonel  d'état 
major,    Samoilo. 


23  6w,  —  Conférence  russe  au  sujet  de  l'attaque 
des  Détroits.  (N°='  68-70  [7];. 

EN  novembre  191 3,  le  ministre  des  affaires  étran- 
gères russes  exposa  au  Tsar  la  nécessité  de 
prendre  des  mesures  pour  s'emparer  de  Constan- 
tinople  si  l'Empire  turc  s'écroulait.  Les  documents 
suivants  nous  renseignent  à  ce  sujet  : 

Sazonov  à  Nicolas  II  fSainl-Pétersbourg, 
23  mars  i9M) 

Dans  le  rapport  que  j'ai  présenté  à  V.  M.  en 
novembre,  je  lui  ai  exposé  la  nécessité  de 
travailler  à  un  vaste  programme  d'action  pour 
résoudre  la  question  des  Détroits  d'une  façon 
heureuse  pour  nous  si  les  événements  nous 
forçaient  à  défendre  nos  intérêts  sur  le  Bos- 
phore et  les  Dardanelles.  V.  M.  a  bien  voulu 
m'approuver  et  autoriser  la  réunion  d'une 
Conférence  des  administrations  qui  y  sont  le 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        75 

plus  intéressées.  Elle  a  eu  lieu  le  8  février  sur 
ma  convocation.  J'ai  l'honneur  de  soumettre  à 
V.  M.  le  procès-verbal  de  cette  Conférence,  et 
d'accord  avec  ses  membres  de  solliciter  ses 
ordres  au  sujet  des  mesures  qu'elle  a  préco- 
nisées... 

Mémorandum  de  Bazili  [le  vice-directeur  de  la 
Chancellerie  du  ministère  des  ajfaires  étrcmgères] 
au  sujet  des  Détroits  (^). 

Considérations  préliminaires  au  sujet  des  pro- 
blèmes maritimes  russes  dans  la  région  de  la  mer 
Noire. 

La  situation  actuelle  pouvant  conduire  à  une 
dislocation  plus  ou  moins  rapide  de  la  Turquie, 
nous  impose  d'une  façon  urgente  l'obligation 
de  prévoir  dès  maintenant  la  possibilité  que 
la  question  des  Détroits  soit  posée  de  nouveau. 
Nous  devons  donc  déterminer  notre  situation 
à  son  égard. 

I .  Il  faut  donc  sans  retard  procéder  au  ren- 
forcement de  nos  forces  (et  en  particulier  de 
celles  navales)  dans  la  région  de  la  mer  Noire 
afin  qu'au  moment  où   la   crise  éclatera  nous 


(')  C'est  ainsi  que  la  pièce  est  intitulée  dans  le  texte  russe. 
Ce  rapport  est  évidemment  celui  qu'au  commencement  de  la 
séance  du  8  février,  Sazonov  déclara  être  de  lui  et  avoir  été 
soumis  par  lui  à  l'Empereur. 


76  DOCUMENTS     SECRETS 

puissions  résoudre  la  question  des  Détroits  de 
la  façon  désirée  par  nous.  Dans  Timpossibilité 
de  prévoir  avec  exactitude  ce  moment,  peut- 
être  si  proche,  il  est  nécessaire  de  développer 
nos  forces  dans  la  région  de  la  mer  rSoire  le 
plus  rapidement  possible,  et  cela  d'une  façon 
progressive,  et  non  pour  une  date  fixe. 

[Peut-on  augmenter  suffisamment  notre 
flotte  dans  la  mer  Noire  par  nos  moyens  dans 
cette  mer  ou  faut-il  y  adjoindre  de  grands 
navires  venus  d'ailleurs,  et  en  particulier  les 
drcadnoughts  que  nous  construisons  dans  la 
Baltique  ?  Il  faudrait  pour  cela  un  changement 
du  droit  international  qui  interdit  le  passage 
des  vaisseaux  de  guerre  par  les  Détroits  turcs. 
A  raison  de  l'opposition  immémoriale  des 
puissances,  il  est  fort  douteux  qu'on  y  arrive. 
D'ailleurs,  en  cas  de  crise  brusque,  les  drcad- 
noughts de  la  Baltique  arriveraient  trop  tard. 
De  plus,  il  faut  remarquer  que  l'Europe  ne 
consentirait  pas  à  l'ouverture  des  Détroits 
pour  les  seuls  riverains  et  que  s'il  existe  des 
chances  de  l'obtenir  par  voie  diplomatique, 
elle  implique  le  libre  accès  dans  la  mer  Noire 
des  A  aisseaux  de  guerre  de  toutes  les  nations. 
Or  notre  point  de  vue  traditionnel  est  que  tant 
que  les  Détroits  ne  seront  pas  à  nous,  nos 
intérêts  stratégiques  exigent  que  la  mer  Noire 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        77 

soit  fermée  aux  escadres  étrangères,  de  façon 
que  les  puissances  qui  nous  sont  hostiles  ne 
puissent  pas  préparer  en  temps  de  paix 
d'attaque  contre  nous  dans  la  mer  Noire.  On 
objecte  maintenant  que  les  avantages  résultant 
de  la  fermeture  des  Détroits  sont  plus  négatifs 
que  positifs,  que  celle-ci  ne  nous  garantit  pas 
contre  l'entrée  d'une  flotte  ennemie  dans  la  mer 
Noire  en  temps  de  guerre  avec  le  consentement 
de  la  Turquie  dont  elle  utilisera  les  ports  et 
qu'elle  nous  fait  seulement  croire  à  tort  que 
notre  seul  adversaire  sur  celte  mer  est  la 
Turquie...] 

2.  [Notre  problème  historique  en  ce  qui  con- 
cerne les  Détroits  consiste  à  nous  en  emparer. 
On  ne  pourrait  conclure  autrement  que  s'il 
devait  en  résulter  une  perte  de  force  défavorable 
à  notre  développement.  (C'est  tout  au  plus  dans 
ce  cas  que  leur  a  neutralisation  »  pourrait 
devenir  utile,  car  elle  ne  nous  garantit  ni  la 
certitude  de  la  sortie  pour  nos  navires,  ni  la 
fermeture  du  passage  à  nos  ennemis.)  Notre 
domination  doit  s'étendre  sur  les  deux  Détroits 
pour  nous  assurer  la  sortie  dans  la  Méditer- 
ranée. La  possession  du  seul  Bosphore  servi- 
rait seulement  à  la  défense  de  nos  intérêts 
dans  la  mer  Noire.  Cette  domination  peut  être 
accompagnée  de  la  possession  d'un  hinterland 


78  DOCUMENTS     SECRETS 

plus  OU  moins  considérable  ou  se  borner  à 
celle  des  points  nécessaires  pour  assurer  la 
maîtrise  des  détroits.  Les  administrations  com- 
pétentes doivent  étudier  immédiatement  le 
plan  de  la  réaliser.] 

3.   [Pour    la   prise    des    Détroits,    nous    ne 
devons  compter  que  sur  nos  moyens  et  ne  pas 
espérer  une   coopération.    —   Il  est  fort  vrai- 
semblable   que    nous  ne   résoudrons    ce  pro- 
blème  que    pendant  une   guerre  européenne. 
Dans   ce   cas,    nous  sommes  en  droit  de  sup- 
poser que  les  flottes  de  l'Angleterre  et  de  la 
France  paralyseront  celles  de  la  Triple  Alliance, 
et    encore    seulement    tant     que    nos     alliés 
n'auront  pas  essuyé  de  défaite.  Nous  ne  pou- 
vons pas  espérer  beaucoup  de  ce   côté  là.  La 
coopération  de  la  Grèce,  nous  fournissant  une 
base  navale  dans  la  mer  Egée  pour  agir  contre 
les  Détroits,  est  si  peu  vraisemblable  qu'on  ne 
peut  y  compter.  La  Grèce  est  sortie  de  la  crise 
beaucoup  plus  forte  et  son  idéal  national  s'est 
agrandi.  Son  rêve  au  sujet  de  Constantinople 
«era    probablement    un    obstacle    à   un    plus 
grand    rapprocliement    avec     elle.     D'ailleurs 
l'organisation  par  nous  d'une  base  dans  la  mer 
Egée  entraînerait  les  plus  sérieuses  complica- 
tions.   —    La    possibilité    de    s'emparer    des 
Détroits  dépend  d'une  conjoncture  favorable. 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        79 

La  créer  est  le  but  de  l'action  du  ministère  des 
affaires  étrangères.  —  L'opération  elle-même 
exige  que  l'on  prépare  à  la  fois  la  flotte  et  le 
débarquement.  Il  ne  faut  pas  renouveler  la 
faute  du  plan  de  1896  qui  n'accordait  qu'une 
attention  insufQsante  au  débarquement.  — 
Pour  le  transport  rapidement  d'une  grande 
quantité  de  troupes  sur  les  Détroits,  il  faut 
que  leur  dislocation  s'y  prête,  que  des  moyens 
existent  de  les  transporter  rapidement  sur  des 
vapeurs  et  que  ceux-ci  soient  en  quantité 
suffisante.  Cette  dernière  condition  suppose 
une  politique  économique  définie.  Le  côté 
financier  ne  doit  pas  être  oublié.  La  conquête 
des  Détroits  exige  donc  la  coopération  de 
nombre  d'administrations.] 

Procès-verbal  de  la  Conférence  du  8  février  i91û. 

Président  :  S.  D.  Sazonov,  ministre  des 
affaires  étrangères. 

Membres  :  Grigorovitch,  ministre  de  la 
marine  ;  la.  G.  Ji  lin  ski,  chef  de  l'état-major 
général  de  l'armée  ;  M.  N.  Giers,  ambassadeur 
à  Constantiriople  ;  Neratov,  adjoint  au  ministre 
des  affaires  étrangères;  Danilov,  quartier- 
maître  général;  Averianov,  quartier-maître 
en  second  ;  Nenioukov,  capitaine  faisant  fonc- 


80  DOCUMENTS     SECRETS 

tion  de  chef  d'état-major  de  la  marine  ;  le 
prince  Troubetzkoï,  chef  de  la  section  de 
rOrient  musulman  au  ministère  des  affaires 
étrangères  ;  le  capitaine  Nemitz.  chef  du  bureau 
des  opérations  à  l'état-major  général  de  la 
marine. 

Secrétaires  :  Bioutsov,  adjoint  au  chef  de  la 
section  de  l'Orient  musulman  ;  Bazili,  vice- 
directeur  de  la  chancellerie  du  ministère  des 
affaires  étrangères, 

[A  l'ouverture  de  la  séance,  le  ministre  des 
affaires  étrangères  rappelle  aux  membres  que 
dans  le  mémoire  qu'ils  connaisseni  et  qu'il  a 
soumis  à  l'Empereur  en  novembre  dernier,  il 
a  considéré  comme  son  devoir  de  l'avertir 
qu'il  est  impossible  de  ne  pas  prévoir  la  pos- 
sibilité d'événements,  peut-être  très  proches, 
qui  changeront  complètement  la  situation 
dans  les  Détroits,  et  qu'il  était  nécessaire  de 
prendre  des  mesures  immédiatement  pour 
résoudre  heureusement  cette  question  à  ce 
moment  là.  L'Empereur  l'a  approuvé  et  a 
décidé  la  réunion  de  la  Conférence.  —  Après 
avoir  fait  remarquer  qu'actuellement  des  chan- 
gements politiques  considérables  sont  peu 
vraisemblables,  le  ministre  dit  qu'il  est 
impossible     d'être     assuré    du    maintien     de 


PUBLIÉS    PAR    LES    BOLCHEVIKS        81 

l'état  de  choses  actuel  en  Turquie,  même  pour 
un  avenir  très  proche.  Il  exprime  la  ferme 
conviction  que  si  les  Turcs  doivent  perdre  les 
Détroits,  la  Russie  ne  peut  pas  permettre  aune 
autre  puissance  de  s'y  affermir  et  peut  être  par 
suite  forcée  de  s'en  emparer  pour  y  établir  un 
état  de  choses  conforme  à  ses  intérêts.  Le 
succès  de  cette  opération  dépendra  de  la  rapi 
dite  de  son  exécution,  et  celle-ci  de  sa  prépa- 
ration. Le  ministre  propose  d'en  étudier 
successivement  les  diverses  parties.] 

I.  Le  corps  expéditionnaire,  sa  composilion 
et  sa  mobilisation.  [Le  général  Ji  lin  ski  dit  que  les 
troupes  qui  seront  désignées  seront  les  plus 
proches,  c'est-à-dire  celles  des  régions  de  Sébas- 
topol  et  d'Odessa,  formant  les  7*^  et 8^  corps,  ren- 
forcées probablement  de  deux  corps  de  l'inté- 
rieur. Le  premier  échelon  du  corps  expédition- 
naire, ayantà  débarquer  simultanément,  ne  doit 
pas  comprendre  moins  d'un  corps  d'armée, 
c'est-à-dire  3o  à  5o.ooo  hommes  :  plus  faible,  il 
pourrait  être  facilement  écrasé.  A  raison  des 
grandes  difficultés  du  débarquement,  le  pre- 
mier échelon  ne  peut  être  limité  à  un  seul 
corps  que  dans  des  conditions  particulière- 
ment favorables,  quand  il  n'y  a  pas  à  attendre 
une  grande  résistance.  Le  premier  échelon 
sera     formé    de   portions  des    7*^   et    8*^   corps 

6 


82  DOCUMENTS     SECRETS 

(i3''  division,  Sébastopol  et  Simféropol  ; 
ij"  division  et  4*"  brigade  de  tirailleurs, 
Odessa).  Se  référant  à  ce  qu'il  a  dit  sur  le 
lien  entre  l'effectif  du  corps  expéditionnaire  et 
la  situation  politique  et  stratégique,  la.  G.  Ji- 
linski  se  demande  quels  seront  les  adversaires  ? 
Comme  tels,  il  voit  tout  d'abord  les  Turcs.  Ils 
disposent  actuellement  sous  Constantinople  du 
7*"  corps.  D'après  le  nouveau  plan  d'Enver 
Pacha,  de  réalisation  d'ailleurs  douteuse,  ils 
veulent  en  établir  3  sur  la  rive  européenne  des 
Détroits.] 

[Le  ministre  des  affaires  étrangères  fait 
remarquer  que  la  Bulgarie  et  la  Grèce  peuvent 
aussi  intervenir  contre  nous,  mais  qu'à  cause 
de  leurs  haines  historiques,  si  l'une  intervient 
dans  un  sens,  l'autre  paralysera  son  action  en 
intervenant  en  sens  inverse.  —  A  la  question  : 
peut-on  compter  dans  ce  cas  sur  l'appui  de  la 
Serbie,  S.  D.  Sazonov  répond  qu'il  est  impos- 
sible de  supposer  que  notre  expédition  contre  les 
Détroits  s'accomplira  sans  guerre  européenne  et 
qu'il  est  probable  que  dans  ce  cas  la  Serbie  diri- 
gera toutes  ses  forces  contre  l'Autriche-Hongrie. 
—  Jilinski  fait  remarquer  l'importance  d'une 
attaque  serbe  contre  l'Autriche  en  cas  de  guerre 
de  la  Russie  contre  cette  dernière.  L'Autriche 
devrait  détacher  4  à  5  corps  contre  la  Serbie.  Il 


PUBLIES     PAR     LES     BOLCHEVIKS      83 

attire  aussi  rattention  sur  l'importance  de 
l'attitude  que  prendra  la  Roumanie  en  cas  de 
guerre  générale.  —  S.  D.  Sazonov  répond  que 
quoique  la  Roumanie  ne  soit  pas  entrée  for- 
mellement dans  la  Triple  Alliance,  elle  a 
incontestablement  conclu  avec  l'Autriche  un 
accord  militaire  contre  la  Russie.  De  Giers,  qui 
a  servi  précédemment  en  Roumanie,  confirme 
ce  qua  dit  le  ministre.  Ce  dernier  ajoute  que 
le  changement  favorable  à  nous,  observé  en  ce 
moment  dans  la  politique  et  l'opinion  publique 
€n  Roumanie,  autorise  à  douter  que  celle-ci 
agisse  effectivement  contre  nous  en  cas  de 
guerre  austro-russe,  mais  nous  n'avons  pas  de 
raisons  sûres  de  l'espérer.  Revenant  à  la  ques- 
tion de  nos  adversaires  possibles  dans  les 
Détroits,  S.  D.  Sazonov  dit  que  dans  le  cas  de 
guerre  de  la  Triple  Alliance  avec  la  Russie, 
l'Allemagne  et  l'Autriche  n'enverront  pas  de 
troupes  dans  les  Détroits  et  que  tout  au  plus 
l'Italie  pourrait  y  envoyer  un  corps  expédi- 
tionnaire, quoiqu'il  lui  sera  dangereux  de 
dégarnir  sa  frontière  avec  la  France.] 

[S'en  référant  à  ce  qu'a  dit  le  ministre  de  la 
situation  générale,  Jilinski  dit  qu'il  est  con- 
vaincu que  la  lutte  pour  Constantinople  est 
difficilement  possible  sans  une  guerre  géné- 
rale.  La    possibilité   de    distraire   des  troupes 


84  DOCUMENTS     SECRETS 

contre  Constantinople  et  la  possibilité  de 
l'expédition  elle-même  dépendent  des  conjonc- 
tures au  commencement  de  la  guerre.  Les 
corps  du  sud  désignés  pour  y  prendre  part  ne 
peuvent  être  mis  en  mouvement  contre  Cons- 
tantinople que  si  on  ne  se  bat  pas  sur  le  front 
occidental  ou  si  on  y  a  remporté  des  succès  : 
sinon,  ces  troupes  doivent  y  être  dirigées,  car 
un  succès  sur  la  frontière  occidentale  décide 
aussi  de  la  question  des  Détroits.  D'après  le 
plan  pour  le  cas  de  guerre  sur  le  front  occi- 
dental, toutes  les  troupes  doivent  y  être 
dirigées.  S.  D.  Sazonov  ayant  demandé  si 
l'augmentation  prévue  de  l'armée  n'apporterait 
pas  de  changements,  Jilinski  répond  qu'elle  ne 
consistera  qu'en  deux  corps,  à  former  en  191.") 
et  en  1916.  Ils  seront  placés  sur  la  frontière 
occidentale  et  compenseront  à  peine  les  aug- 
mentations des  armées  allemande  et  autri- 
chienne. De  plus,  la  formation  de  deux  corps 
ne  peut  pas  donner  les  moyens  d'en  envoyer 
quatre  à  Constantinople.] 

[M.  N.  Giers  en  conclut  que  l'on  pourrait 
peut-être  désigner  les  corps  du  Caucase  pour 
l'expédition  contre  Constantinople.  En  cas 
d'anarchie  dans  cette  ville,  il  n'y  aura  pas  de 
combats  sur  notre  frontière  turque  et  nos  corps 
du    Caucase    seront    libres.    —   Jilinski  juge 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      85 

cette  proposition  inadmissible,  l'expédition 
contre  Constantinople  ne  dispensant  pas  de  la 
guerre  sur  la  frontière  du  Caucase.  Une 
grande  partie  des  troupes  turques  est  en  Asie- 
Mineure.  D'après  le  plan  d'Enver  Pacha,  trois 
€orps  seulement  doivent  rester  en  Europe.  En 
cas  de  débarquement  contre  Constantinople, 
nous  devons  donc  retenir  les  autres  sur  la 
frontière  du  Caucase.  Nos  trois  corps  du  Cau- 
case devront  être  mobilisés  dans  ce  but  dès 
que  l'expédition  commencera.] 

[Danilov  fait  observer  qu'il  est  d'autant  plus 
impossible  de  désigner  les  troupes  du  Caucase 
pour  l'expédition  qu'à  cause  des  conditions 
locales  leur  mobilisation  est  plus  lente.  La 
capacité  des  chemins  de  fer  est  faible  dans  le 
Caucase,  la  population  russe  y  est  rare,  on  est 
forcé  de  la  compléter  par  des  réservistes  de 
l'intérieur  ;  la  mobilisation  dans  le  Caucase 
prend  par  suite  trois  semaines.  Danilov 
s'oppose  donc  absolument  à  la  désignation  des 
troupes  pour  l'expédition  contre  Constanti- 
nople. Indépendamment  de  la  difficulté  de 
s'emparer  de  cette  ville,  située  au  fond  du  Bos- 
phore, quelle  que  soit  notre  quantité  de  troupes 
(et  même  si  nous  en  avions  davantage),  nous 
devons  toujours  prévoir  la  nécessité  de  les 
diriger    toutes    à    l'ouest    contre    l'Allemagne 


86  DOCUMENTS     SECRETS 

et  l'Autriche.  La  victoire  sur  ce  front  amènera 
une  solution  heureuse  de  toutes  les  autres 
questions.  Détacher  4  corps  pour  agir  contre 
Constantinople  en  cas  de  guerre  à  l'ouest  est 
purement  impossible.  Empêcher  de  tierces 
puissances  de  s'emparer  de  Constantinople 
dans  ce  cas  est  un  problème  politique.] 

[Nemitz  est  d'un  avis  différent.  Sans  doute,  il 
faut  être  fort  surtout  contre  le  principal  adver- 
saire, mais  celui-ci  ne  se  trouve  pas  sur  la 
route  de  Constantinople.  Une  victoire  contre 
l'Allemagne  et  l'Autriche  ne  nous  donnera  pas^ 
les  Détroits.  D'autres  peuvent  les  prendre  pen- 
dant que  nous  combattrons  sur  notre  frontière 
occidentale.  Nous  pouvons  être  contraints  à 
nous  emparer  de  Constantinople  pendant  notre 
lutte  dans  l'ouest  si  nous  voulons  arguer  du 
fait  de  la  possession  au  moment  où  l'on  trai- 
tera. Ce  n'est  que  dans  ce  cas  que  l'Europe 
acceptera  au  sujet  des  Détroits  les  conditions 
qui  nous  sont  nécessaires.  Si  nos  forces 
actuelles  sont  insuffisantes  pour  nous  en  em- 
parer, il  faut  les  augmenter  de  3  corps.] 

[Jilinski  répond  que  la  création  de  ces  corps 
est  actuellement  irréalisable.  11  ajoute  que 
l^our  tout  Russe,  les  Détroits  ont  une  impor- 
tance si  grande  que  s'ils  couraient  risque 
d'être  enlevés  à  la  Turquie,  nous  ne  pourrions 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      87 

nous  dispenser  de  nous  en  emparer  et  par 
conséquent  d'envoyer  immédiatement  une 
armée  à  Constantinople.  Mais  cela  ne  peut  se 
faire  que  pendant  une  crise  entraînant  la  guerre 
générale.  Il  est  possible  que  la  guerre  pour 
les  Détroits  précède  celle  sur  notre  front  occi- 
dental. D'après  Jilinski,  il  est  même  probable 
qu'il  en  sera  ainsi.  Dans  ce  cas,  on  peut  faire 
le  détachement.  Il  n'est  impossible  que  dans 
l'autre  cas.  Pour  l'expédition,  on  a  désigné 
le  7^  et  le  8*'  corps,  mais  ils  sont  également 
désignés  par  le  plan  de  guerre  pour  le  front 
occidental.  Le  premier  doit  dans  ce  cas  faire 
partie  de  l'armée  opérant  contre  l'Autriche,  le 
second  est  destiné  à  agir  contre  la  Roumanie. 
Ce  n'est  que  dans  le  cas  de  neutralité  de 
celle-ci  que  le  8^  corps  demeure  disponible.] 

[A  une  question  de  Sazonov,  Jilinski  répond 
que  la  mobilisation  du  premier  échelon  (i3^  et 
iS"  divisions  et  4^  brigade  de  tirailleurs)  s'ac- 
complit en  5  jours  pour  des  compagnies  de 
6o  files  (sauf  les  parcs  d'artillerie).  Le  reste  des 
7*"  et  8*  corps  n'a  que  48  files  dans  les  com- 
pagnies et  mobilise  par  suite  en  8  à  9  jours, 
c'est-à-dire  en  autant  de  temps  que  les  deux 
autres  corps  prenant  part  à  l'expédition. 
D'après  le  nouveau  plan  de  renforcement  de 
l'armée,    toutes   les   compagnies  doivent    être 


88  DOCUMENTS     SECRETS 

portées  à  60  files  et  leur  mobilisation  s'effec- 
tuera par  suite  en  5  ou  6  jours,  l'augmentation 
du  nombre  des  files  dans  la  compagnie  rétré- 
cissant le  rayon  de  mobilisation.  Si  c'était 
reconnu  nécessaire,  on  pourrait  augmenter  le 
degré  de  préparation  des  troupes  expédition- 
naires en  les  portant  à  84  ou  même  à  100  files 
par  compagnie.  Le  nouveau  plan  prévoit  l'in- 
troduction de  cet  effectif  supérieur  pour  cer- 
taines troupes,  mais  surtout  du  front  occi- 
dental. On  pourrait  donc  porter  le  premier 
échelon  à  84  files,  mais  il  serait  impossible 
d'en  faire  autant  pour  le  reste,  car  alors  on 
affaiblirait  le  front  ouest.  Tout  ceci  ne  con- 
cerne d'ailleurs  que  l'infanterie.  En  ce  qui 
concerne  l'artillerie,  elle  n'attelait  jusqu'à 
présent  en  temps  de  paix  que  4  pièces  et  2  cais- 
sons par  batterie  et  sa  mobilisation  durait 
18  jours.  D'après  le  nouveau  plan,  elle  attellera 
dans  tous  les  arrondissements  de  la  frontière 
6  pièces  et  12  caissons.  De  cette  façon  elle 
pourra  partir  le  2^  ou  le  3"  jour  de  la  mobili- 
sation. Dans  les  arrondissements  de  l'intérieur, 
l'artillerie  attellera  4  pièces  et  4  caissons  et 
mobilisera  en  12  ou  1 4  jours.  Comme  l'arron- 
dissement d'Odessa  est  compté  parmi  ceux  de 
l'intérieur,  l'amélioration  pour  les  7^  et  8^  corps 
serait    donc    faible.    On    pourrait    porter,    en 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      89 

tout  OU  en  partie  l'artillerie  de  l'arrondisse- 
ment d'Odessa  au  pied  de  paix  renforcé. 
Quant  à  la  cavalerie,  elle  se  trouve  toujours  en 
état  d'être  mobilisée.  On  se  propose  d'ailleurs 
de  n'en  emmener  qu'un  régiment  par  corps 
d'armée.] 

[Pour  ce  qui  est  du  transport  et  de  l'embar- 
quement, ils  peuvent  être  effectués  sans  délai 
par  les  i3'^  et  ib"  divisions  et  la  4^  brigade  de 
tirailleurs  qui  sont  à  Odessa,  Sébastopol  et 
Simféropol.  Le  transport  du  reste  des  7^  et 
8^  corps  ne  prendra  pas  plus  de  2  ou  3  jours. 
Pour  les  deux  autres  corps,  il  faut  prévoir 
6  jours.] 

[D'après  les  renseignements  du  chef  de  l'état- 
major,  étant  donné  la  faiblesse  des  moyens  de 
transport  dans  la  mer  Noire,  il  faut  un  peu 
plus  de  temps  actuellement  pour  les  préparer 
que  pour  mobiliser.  Par  suite  il  pense  que 
tant  que  leur  préparation  n'aura  pas  été  amé- 
liorée, il  n'est  pas  nécessaire  de  prendre  des 
mesures  pour  activer  la  mobilisation.] 

[Le  ministre  de  la  marine  confirme  l'exac- 
titude de  ce  que  vient  de  dire  Jilinski.  Actuel- 
lement le  premier  échelon  ne  peut  pas  être 
embarqué  avant  le  10^  jour.] 

2.  Voies  de  communication  nécessaires  pour 
amener  le  corps  expéditionnaire  aux  ports  d'em- 


90  DOCUMENTS     SECRETS 

barquement.  [Jilinski  dit  qu'elles  sont  en 
général  suffisantes.  Celles  conduisant  à  Odessa 
viennent  d'être  renforcées.] 

3.  Moyens  de  transport  nécessaires  pour  la  des- 
cente. [Le  ministre  de  la  marine  dit  que  nos 
moyens  de  transport  dans  la  mer  Noire  sont 
complètement  insuffisants.  Ils  sont  d'ailleurs 
impropres  au  transport  des  troupes  et  il  n'existe 
pas  d'organisation  régulière  pour  leur  mobi- 
lisation. Le  transport  en  un  court  délai  d'un 
corps  expéditionnaire  nombreux  ne  peut  être 
rendu  possible  que  par  une  série  de  mesures 
exigeant  des  eff'orts  de  plusieurs  administra- 
tions. Le  ministre  prie  alors  le  capitaine  Nemitz 
de  donner  à  la  Conférence  des  renseignements 
plus  détaillés.  Celui-ci  dit  que  la  préparation 
des  transports  exigeant  actuellement  lo  à 
12  jours,  il  s'écoulera  deux  semaines  entre  le 
jour  où  la  mobilisation  sera  déclarée  et  celui 
où  aura  lieu  la  descente.  Si  les  vaisseaux  s'en 
retournent  aux  points  d'embarquement  immé- 
diatement après  la  descente,  ils  ne  pourront 
faire  le  second  voyage  qu'une  semaine  après 
le  premier.  Dans  l'état  actuel  des  choses,  la 
quantité  de  troupes  pouvant  être  transportée 
en  une  fois  ne  dépasse  pas  20.000  hommes. 
Pour  transporter  en  une  fois  un  corps  d'armée, 
il  faudrait  créer  une  organisation  permettant 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      9Î 

de  mobiliser  tout  l'effectif  de  notre  flotte  com- 
merciale dans  la  mer  Noire,  mais  une  partie 
seulement  de  celle-ci  se  trouve  dans  cette  mer. 
En  deux  ou  trois  ans  de  travail,  on  arriverait 
à  préparer  le  transport  d'une  plus  grande 
quantité  de  troupes,  2  ou  3  corps  d'armée  par 
exemple,  mais  il  serait  nécessaire  pour  cela 
d'employer  aussi  les  vaisseaux  étrangers.  Le 
principal  moyen  de  faciliter  le  transport  réside 
donc  dans  le  développement  de  notre  flotte  de 
commerce.  Pour  y  arriver,  le  Gouvernement 
devrait  conclure  avec  les  sociétés  de  navigation 
subventionnées  (et  en  particulier  avec  la  flotte 
volontaire)  un  accord  pour  qu'elles  augmen- 
tent leurs  flottes  (spécialement  avec  des  vais- 
seaux adaptés  aux  conditions  de  transport 
des  troupes).  L'addition  de  i5  transports  de 
ce  genre  permettrait  de  porter  à  un  corps^ 
la  quantité  de  troupes  passant  en  un  seul 
voyage.] 

[Le  prince  Troubetzkoi  souligne  l'impor- 
tance de  l'augmentation  de  notre  flotte  de  la 
mer  Noire,  même  au  point  de  vue  écono- 
mique. 95  "/o  de  notre  exportation  par  la  mer 
Noire  a  lieu  sur  des  navires  étrangers.] 

[Sur  la  proposition  du  ministre  des  affaires 
étrangères,  la  Conférence  émet  le  vœu  que 
l'on   procède   immédiatement  à    l'élaboration 


92  DOCUMENTS     SECRETS 

de  mesures  pour  renforcer  notre  flotte  com- 
merciale dans  la  mer  Noire.] 

[M.  N.  Giers  revient  à  la  question  du  délai 
nécessaire  pour  accomplir  le  transport.  Le 
délai  de  deux  semaines  indiqué  par  Nemitz 
comme  nécessaire  pour  l'arrivée  de  troupes 
devant  Constantinople,  peut,  suivant  Giers, 
être  trop  long  dans  certains  cas.  Si  l'expédi- 
tion contre  cette  ville  était  provoquée  par 
l'anarchie  qui  y  régnerait  et  par  le  danger  de 
massacre,  il  serait  nécessaire  d'agir  extrême- 
ment rapidement.  Il  demande  à  combien  on 
pourrait  raccourcir  le  délai  inévitable  avant  la 
descente.] 

[Nemitz  répond  que  tout  dépend  du  degré 
de  préparation  de  la  flotte  de  commerce.  Si  on 
pouvait  militariser  suffisamment  la  flotte  vo- 
lontaire, une  division  sur  pied  de  guerre  pour- 
rait être  transportée  à  Constantinople  au  bout 
d'une  semaine.] 

[Sazonov  exprime  le  vœu  que  tout  le  premier 
échelon  de  l'armée  expéditionnaire  (c'est-à- 
dire  le  corps  combiné  dont  on  se  propose  de 
Induire  la  mobilisation  à  3  ou  4  jours),  puisse 
aussitôt  être  embarqué  et  arrive  de  cette  façon 
dans  le  Bosphore  4  ou  5  jours  après  la  décla- 
ration de  la  mobilisation.] 

[Jilinski  appelle  l'attention  sur  l'importance 


PUBLIES     PAR     LES     BOLCHEVIKS      93 

de  munir  dès  le  temps  de  paix:  du  matériel 
nécessaire  (écuries  démontables,  cuisines,  cha- 
loupes, etc.)  les  navires  qui  seront  employés 
au  transport  des  troupes.  Le  transport  de  l'ar- 
tillerie exige  des  préparatifs  spéciaux.  Il  faut 
imposer  aux  compagnies  subventionnées  de 
munir  leurs  vaisseaux  en  conséquence.  On 
établirait  aussi  dans  les  ports  des  dépôts  des 
objets  nécessaires  à  la  descente.] 

[Après  avoir  fait  remarquer  que  jusqu'à  pré- 
sent très  peu  a  été  fait  pour  l'adaptation  des 
navires  au  transport  des  troupes,  le  ministre 
de  la  marine  dit  que  l'essai  de  descente  qui 
sera  accompli  cet  été  dans  la  mer  Noire  don- 
nera beaucoup  de  renseignements  utiles.  Il 
renseignera  aussi  sur  la  rapidité  avec  laquelle 
elle  peut  être  exécutée.  A  l'époque  des  ma- 
nœuvres d'été,  on  se  propose  de  transporter 
sur  le  rivage  du  Caucase  en  deux  voyages  une 
division  sur  pied  de  guerre.  La  moitié  de  ces 
troupes  descendra  dans  un  port,  mais  l'autre 
sur  un  rivage  dépourvu  d'abri.  Dans  le  premier 
cas,  les  conditions  de  descente  seraient  celles 
que  nous  rencontrerions  si  nous  utilisions  les 
ports  bulgares;  dans  le  second,  les  conditions 
seront  les  mêmes  que  pour  une  descente  sur 
le  rivage  turc.  Malheureusement,  par  économie 
et  pour  ne  pas  gêner   le    commerce,    on    ne 


^4  DOCUMENTS     SECRETS 

peut  pas    y   employer   un    grand   nombre   de 
\apeurs.] 

[Jilinski  remarque  qu'il  serait  utile  d'avoir 
toujours  prêts  des  vaisseaux  de  transport 
spéciaux.  —  Le  ministre  de  la  marine  répond 
que  cela  nécessiterait  de  grandes  dépenses  qui 
pèseraient  comme  un  poids'mort  sur  la  flotte  ; 
or,  actuellement  beaucoup  de  personnes  (en 
particulier  dans  les  corps  législatifs)  considè- 
rent que  notre  flotte  n'est  pas  assez  spécialisée 
pour  le  combat.  —  Cette  objection,  d'après 
Sazonov,  n'est  pas  juste  contre  l'idée  d'avoir 
des  vaisseaux  de  transport  militaires  puisqu'ils 
seront  destinés  à  une  opération  de  guerre.  — . 
IVemitz  dit  que  l'état-major  de  la  marine  étudie 
la  question  de  l'achat  de  quelques  vapeurs 
pour  les  munir  de  ce  qui  est  nécessaire  pour 
le  transport  des  chevaux.  Comme  leur  trans- 
port présente  des  difficultés  spéciales,  cette 
mesure  abrégera  d'une  façon  essentielle  la 
durée  de  la  descente.] 

4.  Forces  maritimes  dans  la  mer  Noire.  [La 
Conférence  examine  ensuite  les  moyens  de 
mettre  notre  flotte  de  guerre  de  la  mer  Noire 
en  état  de  dominer  la  flotte  ottomane  et 
de  forcer  les  Détroits  pour  s'en  emparer. 
Nenioukov  dit  que  jusqu'à  présent,  notre  flotte 
domine  incontestablement  la  mer  Noire,  mais 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      95 

à  l'automne  de  cette  année  deux  dreadnoughis 
(le  Rechad  I,  commandé  par  la  Turquie  en 
Angleterre  et  le  Rio  de  Janeiro  acheté  au  Brésil), 
viendront  renforcer  la  flotte  ottomane.  Nous 
ne  pouvons  pas  malheureusement  leur  op- 
poser un  seul  dreadnought  dans  la  mer  Noire 
et  la  supériorité  passera  donc  à  la  flotte  otto- 
mane. Tant  qu'elle  la  possédera,  nous  ne  pour- 
rons pas  attaquer  les  Détroits.  Cette  situation 
ne  changera  que  pendant  l'été  de  19 15,  à  la 
condition  toutefois  que  la  flotte  turque  n'ac- 
quière point  de  nouveaux  navires,  ce  à  quoi, 
le  passé  Ta  montré,  il  n'y  a  même  pas  d'obs- 
tacles financiers.  Grâce  aux  mesures  énergi- 
ques prises  par  l'Amirauté,  on  est  parvenu  à 
hâter  tellement  la  construction  de  nos  dre- 
adnoughis sur  les  chantiers  de  la  mer  Noire 
qu'on  peut  compter  que  V Impératrice  Marie  et 
V Alexandre  III  seront  prêts  le  i'''  juin  et  le 
1*"'  septembre  de  19  r  5  au  lieu  de  1916  comme 
il  était  marqué  dans  les  contrats.  Ayant  rap- 
pelé que  l'on  pense  généralement  que  les 
dreadnoughts  turcs  sont  supérieurs  aux  nôtres 
pour  le  combat,  Nenioukov  dit  qu'ils  n'ont 
pas  en  réalité  une  grande  supériorité.  11  est 
vrai  qu'ils  ont  une  artillerie  de  i3  pouces  1/2 
(34  cm.)  tandis  que  les  nôtres  n'en  ont  qu'une 
de  12  (3o  cm.),  de  sorte  qu'à  tir  égal  les  Turcs 


96  DOCUMENTS     SECRETS 

auraient  une  supériorité  incontestable,  mais  la 
flotte  turque  est  munie  de  munitions  anglaises 
qui  sont  beaucoup  plus  faibles  que  les  nôtres 
à  calibre  égal,  de  sorte  que  l'on  peut  espérei' 
que  les  deux  dreadnoughts  turcs  seront  plus 
ou  moins  égalés  par  la  mise  en  service  de 
V Impératrice  Marie  et  de  1  '/l  lexandre  III  en  1 9 1 5 . 
La  supériorité  nous  sera  alors  donnée  par  le 
reste  de  la  flotte,  c'est-à-dire  par  les  quatre 
cuirassés  déjà  vieillis  (Panteleimon,  loan  Zla- 
loousL  Evstajii  et  Tri  Svialitelia)  qui  ont  une 
supériorité  considérable  sur  les  forces  dont 
les  Turcs  disposeront  avant  l'arrivée  de  leurs 
dreadnoughts.  A  la  fin  de  191 5,  notre  flotte  de 
la  mer  ^'oire  sera  encore  renforcée  par  un 
troisième  dreadnought  du  même  type  (le  Ca- 
Iherine  II)  et  en  1916  par  deux  croiseurs.  Enfin 
on  a  décidé  de  construire  un  quatrième  dre- 
adnought de  même  type  que  les  autres,  il  doit 
être  prêt  en  191 7  et  compléter  la  formation 
d'une  brigade  de  dreadnoughts.  Outre  ce  qua- 
trième dreadnought,  on  a  encore  résolu  de 
construire  2  croiseurs,  8  torpilleurs,  et  6  sous- 
marins  qui  seront  prêts  en  191 7.  La  piopor- 
tion  dans  laquelle  notre  domination  sur  la 
mer  Noire  sera  afTermie  par  ces  navires,  dé- 
pend des  armements  ultérieurs  tant  des  Turcs 
que  de  nous.  Le  programme  turc  prévoit  Tac- 


PUBLIES     PAR     LES     B  O  L  C  II  E  V  I  KS      97 

quisition  de  6  dreadnoughts  et  de  12  torpil- 
leurs d'escadre,  mais  sa  réalisation  est  natu- 
rellement très  incertaine.] 

[Le  ministre  de  la  marine  annonce  que 
l'administration  de  la  marine  a  l'intention 
de  renforcer  encore  considérablement  notre 
flotte  dans  les  années  suivantes  par  la  forma- 
tion d'une  seconde  brigade  de  dreadnoughts 
complètement  à  la  hauteur  des  progrès.  — 
La  Conférence  accueille  cette  communication 
avec  une  grande  satisfaction  et  souhaite  que 
sa  réalisation  ait  lieu  le  plus  tôt  possible.  — 
Le  ministre  de  la  marine  expose  alors  pourquoi 
on  n'est  pas  arrivé  à  empêcher  cette  cession 
à  la  Turquie  du  Rio  de  Janeiro,  si  ennuyeuse 
pour  nous.  L'administration  de  la  marine 
avait  soulevé  la  question  de  son  achat  parla 
Russie,  mais  ensuite,  elle  fut  informée  par  des 
sources  anglaises  que  le  vaisseau  ne  serait  pas 
vendu.  L'administration  de  la  marine  est  ac- 
tuellement très  soucieuse  de  ne  pas  laisser 
passer  dans  les  mains  de  la  Turquie  d'autres 
dreadnoughts  qu'elle  pourrait  acheter.  D'après 
ses  renseignements,  le  gouvernement  argentin 
consentirait  peut-être  à  vendre  le  Pàvadavia  et 
le  Moreno  qu'il  fait  construire  aux  Etats  L'nis. 
Le  gouvernement  chilien  serait  aussi  disposé 
à  vendre  deux  dreadnoughts  du  type  Almirante 

7 


98  DOCUMENTS     SECRETS 

Latorre.  En  l'absence  d'autres  unités  à  vendre, 
leur  acquisition  empêcherait  un  nouveau  ren- 
forcement de  la  flotte  turque  et  abrégerait  la 
reconstitution  de  notre  flotte.  S.  M.  a  approuvé 
ces  considérations  et  a  ordonné  d'acheter  les 
dreadnoughts  qui  se  vendront.  Les  moyens 
peuvent  en  être  obtenus  sur  l'article  117.  Les 
dreadnoughts  qui  seront  achetés  formeront  le 
noyau  d'une  nouvelle  escadre  de  la  Méditer- 
ranée dont  la  tâche  stratégique  sera  de  com- 
penser la  supériorité  de  la  flotte  turque  sur 
notre  flotte  de  la  mer  Noire.  —  Giers  exprime 
sa  satisfaction  de  cette  résolution.  —  Sazonov 
l'approuve,  et  fait  remarquer  l'importance  que 
peut  avoir  l'apparition  de  nos  navires  dans  la 
Méditerranée  en  détournant  les  forces  turques 
de  la  mer  \oire.  —  Giers  s'étend  sur  la  grande 
force  morale  que  l'acquisition  des  deux  dre- 
adnoughts a  donnée  aux  Turcs.  —  Le  ministre 
de  la  marine  remarque  que  les  Turcs  ne  se 
familiariseront  pas  tout  d'un  coup  avec  des 
vaisseaux  aussi  compliqués  que  les  dre- 
adnoughts actuels,  ils  ne  pourront  pas  les 
diriger  sans  l'aide  d'étrangers  et  il  faut  au 
moins  trois  mois  pour  apprendre  à  commander 
de  tels  navires.] 

5.  Chemins  de  fer   du  Caucase.   [Jilinski  dit 
que  la  défense  nationale  exige  que  l'on  cons- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS      99 

Il  Liise  aussitôt  que  possible  un  chemin  de  fer 
traversant  le  Caucase.  Tant  que  ça  ne  sera 
pas  fait,  notre  armée,  en  cas  de  guerre  sur  la 
frontière  turque,  n'aura  pas  de  communica- 
tions satisfaisantes  avec  l'arrière.  La  ligne  de 
la  mer  Noire  ne  peut  remplacer  le  Transcau- 
casien et  est  au  plus  un  palliatif  :  elle  peut  être 
détruite  de  la  mer  et  débouche  à  Souram 
d'une  façon  qui  lui  fait  perdre  beaucoup  de 
son  utilité.  La  construction  d'une  ligne  trans- 
caucasienne est  d'ailleurs  indispensable  pour  la 
mobilisation  des  troupes  du  Caucase  qui  est 
très  lente  actuellement.  Comme  en  cas  d'at- 
taque contre  Constantinople,  on  ne  peut  se 
dispenser  d'attaquer  sur  la  frontière  turque, 
la  construction  du  Transcaucasien  doit  être 
comprise  parmi  les  mesures  préparant  l'attaque 
contre  le  Bosphore.] 

[Le  prince  Troubetzkoï  fait  remarquer  que 
des  combats  sur  la  frontière  russo-turque  peu- 
vent résulter,  soit  d'un  combat  vers  les  Détroits, 
soit  de  troubles  en  Arménie.  La  construction 
du  Transcaucasien  diminuera  le  danger  que 
présente  pour  nous  la  construction  de  chemins 
de  fer  dans  les  provinces  turques  voisines  du 
Caucase,  Interdire  d'y  construire  des  chemins 
de  fer  n'est  plus  possible.  Nous  avons  dû  con- 
sentir à  la  construction  d'un  réseau  de  chemins 


100  DOCUMENTS     SECRETS 

de  fer  en  Asie-Mineure  et  à  reprendre  en  mains 
nous-mêmes  la  construction  des  chemins  de 
fer  de  la  zone  frontière.  La  raison  exige  que 
nous  terminions  la  construction  du  Transcau- 
casien avant  que  les  chemins  de  fer  turcs  arri- 
vent à  notre  frontière.] 

[Jilinski  dit  qu'outre  le  Transcaucasien,  il 
faut  encore  quelques  chemins  de  fer  straté- 
giques dans  le  Caucase  :  i"  l'établissement  de 
deux  voies  sur  la  ligne  Tiflis-Kars-Sar\  kamych- 
Karaourgan  (frontière  turque)  ;  on  est  en  train 
de  l'exécuter  ;  2°  la  construction  d'une  ligne 
allant  de  la  station  de  Mikhaïlovo  (près  Sou- 
ram)  jusqu'à  Kars  (par  Borjom)  ;  elle  aurait 
un  embranchement  jusqu'à  Olty  ;  S"*  une  ligne 
de  Batoum  à  Kars  présenterait  de  l'utilité  ;  il 
semble  d'ailleurs  que  des  particuliers  soient 
prêts  à  l'entreprendre.] 

La  Conférence,  avant  de  se  séparer,  chargea  le 
ministre  des  affaires  étrangères  de  soumettre  à 
l'approbation  de  l'Empereur  les  projets  préconisés. 
Celui-ci  s'acquitta  de  cette  commission  à  Tsarskoe 
Selo  le  2  3  mars/ 5  avril  1914.  L'Empereur  écrivit 
sur  le  procès-verbal  de  la  Conférence  :  J'approuve 
complètement  ces  conclusions. 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    101 


^4.  _  Tentative  de  réconcilier  la  Bulgarie  et  la 
Serbie.  (N^  Sg). 

LE  5  août,  l'Autriche-Hongrie,  déjà  en  guerre 
avec  la  Serbie  depuis  le  28  juillet,  déclara  la 
guerre  à  la  Russie.  Jusqu'alors  la  Russie  n'avait 
soutenu  la  Serbie  que  par  ses  bons  offices  diploma- 
tiques ;  ayant  désormais  le  môme  ennemi,  elle  dut 
penser  à  ce  qui  pouvait  fortifier  la  cause  commune. 
Une  attaque  de  la  Bulgarie  contre  la  Serbie  était  à 
craindre,  car  la  Turquie  depuis  le  commencement 
de  la  crise  donnait  des  marques  visibles  d'hostilité 
contre  la  Russie.  D'autre  part,  la  Roumanie  était 
l'alliée  de  l'Autriche.  On  ne  pouvait  compter  que 
sur  la  Grèce  pour  aider  la  Serbie  en  cas  d'attaque 
bulgare,  et  il  n'était  pas  certain  que  l'armée  grecque 
put  sauver  la  Serbie  attaquée  de  deux  côtés.  Sazonov 
pensa  donc  faire  une  chose  prudente  en  cherchant 
à  réconcilier  la  Serbie  et  la  Bulgarie  sur  la  base  du 
traité  de  1912.  Il  envoya  en  conséquence  le  28  juil- 
let/5 août  le  télégramme  suivant  au  chargé  d'af- 
faires de  Russie  en  Serbie  : 

Faites  la  communication  suivante  à  Pachitch  : 
A  l'heure  actuelle,  il  faut  laisser  de  côté  les 
petits  calculs  et  agir  résolument  et  vite.  Par- 
tant de  ce  point  de  vue,  nous  croyons  que  la 
coopération  de  la  Bulgarie,    indépendamment 


102  DOCUMENTS     SECRETS 

du  résultat  de  la  guerre,  ne  peut  être  assurée 
que  si  on  lui  remet  maintenant  Iclitip  et 
Kotchana  avec  le  territoire  jusqu'au  Vardar. 
En  cas  de  guerre  victorieuse,  la  Bulgarie  rece- 
vrait le  territoire  désigné  comme  contesté  dans 
l'art.  2  de  l'annexe  secrète  à  la  convention 
serbo-bulgare  du  29  février  1912  depuis  le 
mont  Golem  (au  nord  de  Kriva-Palanka)  jus- 
qu'au lac  d'Okhrida  y  compris  Strouga. 

Si  la  Bulgarie  voyait  des  difficultés  à  inter- 
venir par  les  armes,  mais  observait  une  neu- 
tralité loyale,  elle  pourrait  être  récompensée 
par  Kotchana  et  Ichtip  avec  le  territoire  jus- 
qu'au Yardar,  mais  seulement  en  cas  de  guerre 
victorieuse.  La  Serbie  en  remettrait  l'engage- 
ment à  la  Russie  et  celle-ci  le  remettrait  à  la 
Bulgarie. 

En  faisant  cette  communication,  dites  à 
Pachitch  notre  point  de  vue  général  :  iNous 
commençons  une  guerre  qui  exige  la  tension 
de  toutes  nos  forces.  Elle  a  été  causée  par  la 
défense  que  nous  avons  prise  de  la  Serbie. 
Avec  l'aide  de  Dieu,  elle  conduira  à  l'accom- 
plissement de  nos  idéals  nationaux.  La  Russie 
est  certaine  que  le  Gouvernement  serbe  ira 
sans  hésitation  au  devant  de  son  désir  sacré  de 
rétablir  la  fraternité  des  peuples  et  avant  tout 
des  Serbes  et  des  Bulgares.  Les  sacrifices  que 


PUBLIÉS     PAR      LES     BOLCHEVIKS    103 

la  Serbie  doit  faire  pour  cela  ne  sont  pas  com- 
parables avec  ceux  que  doit  faire  la  Russie.  Il 
va  de  soi  que  les  conditions  communiquées  à 
Pachitch  ne  doivent  pas  être  communiquées 
aussitôt  aux  Bulgares.  Nous  avons  seulement 
besoin  d'un  consentement  prompt  et  catégo- 
rique du  Gouvernement  serbe  à  donner  à  la 
Russie  de  pleins  pouvoirs  pour  commencer  les 
négociations  sur  les  bases  indiquées  ci-dessus. 
Nous  considérerions  comme  absolument  per- 
nicieuse toute  hésitation  à  l'heure  actuelle. 

Le  lendemain  24  juillet/6  août  1914,  le  chargé 
d'affaires  russe  Strandtmann  télégraphiait  de  Nich 
à  Sazonov  : 

Informé  du  contenu  de  votre  télégramme, 
Pachitch  m'a  dit  qu'à  son  profond  chagrin  il 
ne  pouvait  absolument  pas  me  donner  la 
plus  petite  illusion  au  sujet  de  l'opinion  de 
ses  collègues  du  Cabinet  concernant  le  plan 
d'action  proposé  par  vous.  Ils  ne  le  compren- 
dront pas,  il  en  est  convaincu,  car  ayant  ef- 
fleuré avec  ses  plus  proches  amis,  ceux  sur 
lesquels  il  compte,  la  question  d'attirer  la  Bul- 
garie de  leur  côté  en  lui  donnant  des  compen- 
sations territoriales,  il  s'est  heurté  au  refus  le 
plus  décidé.  Ils  le  fondent  sur  les  considéra- 
tions suivantes  ;  la  position  de  la  Bulgarie  est 


104  DOCUMENTS     SECRETS 

telle  qu'elle  ne  peut  agir  contre  la  Russie  sans 
risquer  son  existence.  La  Grèce  et  la  Roumanie 
garantissent  la  Serbie  contre  le  danger  d'être 
attaquée  dans  le  dos  par  la  Bulgarie  et  cette 
dernière  en  a  été  informée.  Quoique  les  rap- 
ports de  la  Turquie  et  de  la  Bulgarie  dans  les 
derniers  temps  se  soient  considérablement 
améliorés,  il  n'en  subsiste  pas  moins  entre  eux 
un  manque  de  confiance  ineffaçable.  Le  gou- 
vernement bulgare  actuel  voit  les  fautes  du 
précédent,  mais  n'en  accuse  pas  tant  les  Serbes 
que  Guechoff  et  Daneff.  Au  sujet  des  senti- 
ments réciproques  des  deux  peuples  slaves 
voisins,  il  fimt  craindre  de  faire  coopérer  deux 
armées  qui,  il  y  a  un  an,  luttaient  avec  achar- 
nement l'une  contre  l'autre  ;  de  plus  l'impres- 
sion que  produira  sur  l'armée  serbe  la  nouvelle 
d'une  cession  de  territoire  à  la  Bulgarie  en 
échange  de  son  concours  actif  (que  cette  armée 
ne  désire  pas)  échappe  à  toute  prévision  et 
pourrait  être  funeste  aux  forces  morales  de 
l'armée.  Pachitch  croit  qu'il  est  infaillible  que 
l'on  arrivera  prochainement  à  un  rapproche- 
ment avec  la  Bulgarie.  Il  considère  comme 
indispensable  de  récompenser  la  neutralité 
((  bienveillante  »  de  la  Bulgarie.  La  Russie 
pourrait  lui  déclarer  que  dans  le  cas  d'obser- 
vation  loyale   de   la   neutralité,  si  la  guerre  a 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    105 

une  issue  heureuse,  la  Serbie  lui  concédera  un 
territoire  dont  les  limites  exactes  ne  peuvent 
être  déterminées  actuellement.  Exclusivement 
pour  la  formation  de  V.  E.,  Pachitch  me  con- 
fia les  traits  généraux  de  la  nouvelle  frontière 
qu'il  projette  pour  la  Bulgarie  :  la  Bregalnitza 
(avec  Ichtip  et  Radoviclite  aux  Bulgares),  puis 
au  sud  de  l'embouchure  de  la  Loukovitza  dans 
la  Bregalnitza,  le  long  de  la  ligne  de  sépara- 
tion des  eaux  la  plus  proche  du  Vardar  du 
côté  oriental.  Pachitch  sait  que  le  gouverne- 
ment roumain  observe  avec  inquiétude  les 
rapports  serbo-bulgares  et  préférerait,  si  c'était 
nécessaire,  apporter  au  traité  de  Bucarest  des 
changements  en  commun  avec  tous  les  signa- 
taires, sans  exclure  la  possibilité,  pour  apaiser 
définitivement  la  Bulgarie,  d'obtenir  pour  elle 
des  cessions  d'autres  que  du  Gouvernement 
serbe.  Cette  dernière  particularité  aurait 
l'énorme  signification  d'alléger  considérable- 
ment sa  responsabilité  devant  l'opinion  pu- 
blique. Je  dois  ajouter  à  ceci  que  mon  impres- 
sion, lors  de  mes  dernières  conversations  avec 
Pachitch,  a  été  que  si  la  Serbie  obtenait  la 
Bosnie  et  une  issue  sur  l'Adriatique,  elle  pour- 
rait céder  davantage,  mais  qu'elle  ne  peut 
maintenant  faire  aucune  déclaration  là-dessus. 


106  DOCUMENTS     SECRETS 


25.    —    Convention   russo-roumaine   de    1914. 

(N-  72-73  [7];. 

Note  adressée  au  ministre  de  Boamanie  en  Russie 
{Tsarskoe  Selo,  18  septembre/ P'  octobre  19 lu). 

GOMME  suite  à  nos  conversations,  j'ai  l'hon- 
neur de  vous  faire  la  déclaration  suivante  : 

La  Russie  s'engage  à  s'opposer  à  toute 
atteinte  au  stata  quo  tcriitorial  de  la  Roumanie 
dans  ses  frontières  actuelles.  Elle  s'oblige 
également  à  reconnaître  à  la  Roumanie  le 
droit  de  s'annexer  les  portions  de  la  monarchie 
austro-hongroise  habitées  par  des  Roumains. 
Pour  la  Bukovine  le  principe  des  nationalités 
servira  de  base  à  la  déli  mi  nation  des  terri- 
toires annexés  par  la  Russie  et  la  Roumanie. 
Cette  délimitation  sera  effectuée  après  des 
constatations  faites  sur  les  lieux.  Pour  cela, 
une  commission  interadministrative  sera 
nommée  et  elle  recevra  des  instructions  pleines 
de  l'esprit  conciliant  dont  sont  animés  les  deux 
gouvernements. 

La  Roumanie  peut  occuper  les  territoires 
ci-dessus  mentionnés  quand  elle  le  jugera 
bon.  —  La  Russie  s'oblige  à   faire  approuver 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    107 

par  les  cabinets  de  Londres  et  de  Paris  les  ins- 
tructions ci  dessus. 

Il  est  entendu  que  la  présente  déclaration 
sera  tenue  secrète  jusqu'au  moment  où  la 
Roumanie  annexera  les  territoires  qui  y  sont 
mentionnés. 

Le  même  jour,  M.  Diamandi,  ministre  de  Rouma- 
nie, accusait  réception  de  cette  lettre  ;  il  ajoutait  : 

En  échange  de  cette  déclaration,  je  suis  au- 
torisé par  M.  Bratiano,  président  du  Conseil 
des  ministres  de  Roumanie,  à  vous  dire  que  la 
Roumanie  s'engage  de  son  côté  à  garder  une 
neutralité  amicale  à  l'égard  de  la  Russie 
jusqu'au  moment  oii  elle  occupera  les  parties 
de  la  monarchie  austro-hongroise  habitées  par 
des  Roumains. 


25  bis,  —  Accord  au  sujet  des  Détroits. 

[Pravda,  10/28  nov.  1917  (})]. 

Note.  —  Le  19  février/4  mars  19 15,  le  minis- 
tre des  affaires  étrangères  remit  aux  ambassa- 


(1)  Cette  pièce  et  plusieurs  autres  que  nous  donnons  plus 
loin  n'ont  pas  été  comprises  par  les  Bolcheviks  dans  le  Sbornik, 
quoiqu'ayant  même  origine  que  les  documents  dont  il  se 
compose.  Nous  indiquons  pour  chacune  le  numéro  de  la 
Pravda  auquel  elle  a  été  empruntée. 


108  DOCUMENTS     SECRETS 

deurs  de  France  et  de  Grande-Bretagne  un 
mémorandum  où  était  exposé  le  désir  d'unir 
à  la  Russie,  en  cas  de  succès,  les  territoires 
suivants  :  la  ville  de  Gonstantinople,  le  rivage 
occidental  du  Bosphore,  la  mer  de  Marmara 
et  les  Dardanelles,  la  ïhrace  méridionale  jus- 
qu'à la  ligne  Enos-Midia,  la  côte  de  l'Asie 
Mineure  entre  le  Bosphore,  la  rivière  Sakaria 
et  un  point  à  déterminer  plus  lard  sur  le  golfe 
d'Ismid  ;  les  îles  de  la  mer  de  Marmara  et  les 
îles  d'Imbros  et  de  Ténédos.  Les  droits  de  la 
France  et  de  l'Angleterre  dans  les  territoires 
ainsi  délimités  resteraient  intacts. 

Les  Gouvernements  français  et  britannique 
donnèrent  leur  consentement  sous  condition 
de  terminaison  heureuse  de  la  guerre  et  de 
satisfaction  de  toute  une  série  de  prétentions 
françaises  et  anglaises  dans  l'Empire  Ottoman 
et  ailleurs. 

En  ce  qui  concerne  la  Turquie,  ces  préten- 
tions étaient  : 

La  déclaration  que  Gonstantinople  serait  un 
port  franc  pour  le  transit  des  marchandises  ne 
venant  pas  et  n'allant  pas  en  Russie  et  la  liberté 
du  passage  par  les  détroits  pour  les  navires  de 
commerce  ; 

La  reconnaissance  des  droits  de  l'Angleterre 
et    de    la    France    dans    la    Turquie    d'Asie, 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    109 

après  détermination  précise  par  voie  d'accord 
particulier  entre  la  France,  l'Angleterre  et  la 
Russie  ; 

Le  maintien  des  Lieux  Saints  musulmans  et 
de  l'Arabie  sous  un  gouvernement  musulman 
indépendant; 

L'inclusion  dans  la  sphère  d'influence  an- 
glaise de  la  zone  neutre  établie  en  Perse  par 
l'accord  de  1907  entre  l'Angleterre  et  la  Russie. 

En  acceptant  ces  demandes  d'une  façon  géné- 
rale, le  Gouvernement  russe  fit  cependant 
quelques  réserves  : 

Dans  le  but  de  formuler  nos  désirs  au  sujet 
des  Lieux  Saints  musulmans,  il  serait  néces- 
saire de  préciser  dès  maintenant  s'ils  restent 
sous  la  suzeraineté  de  la  Turquie,  le  Sultan 
conservant  le  titre  de  Calife,  ou  si  l'on  se  pro- 
pose de  créer  de  nouveaux  Etats.  D'après 
nous,  il  serait  souhaitable  de  séparer  le  Califat 
de  la  Turquie.  En  tout  cas  la  liberté  de  pèle- 
rinage doit  être  assurée  ; 

Tout  en  consentant  à  l'inclusion  de  la  zone 
neutre  de  la  Perse  dans  la  sphère  d'influence 
anglaise,  le  Gouvernement  russe  considère 
cependant  comme  équitable  de  convenir  que 
les  régions  des  villes  d'Ispahan  et  de  lezd 
seront  assurées  à  la  Russie  et  que  la  portion 
de  zone  neutre  qui  s'enfonce  comme  un  coin 


110  DOC  U  M  E  x\  T  S     SECRETS 

entre  les  frontières  russe  et  afghane  et  touche 
à  la  frontière  russe  à  Zoulfagar,  sera  comprise 
dans  la  sphère  d'influence  russe  ; 

Le  Gouvernement  russe  considère  comme 
désirable  que  la  question  de  l'Afghanistan 
septentrional  contigu  à  la  Russie  soit  réglée 
conformément  aux  désirs  exprimés  par  lui 
lors  des  pourparlers  de  191^. 

Quand  l'Italie  prit  part  à  la  guerre,  nos  désirs 
furent  communiqués  au  Gouvernement  italien 
et  il  y  donna  son  consentement  sous  condition 
d'une  heureuse  terminaison  de  la  guerre,  de 
la  satisfaction  des  prétentions  italiennes  en 
général  et  de  celles  en  Orient  en  particulier, 
et  de  la  reconnaissance  par  nous  à  l'Italie  dans 
les  territoires  qui  nous  seraient  cédés  de  droits 
égaux  à  ceux  de  la  France  et  de  l'Angleterre. 


23  ter.  —  Alliance  entre  l'Entente  et  l'Italie. 

(Pravda,  i5/j8  novembre  1917.) 

PAR  ordre  de  son  gouvernement,  le  marquis 
Imperiali,  ambassadeur  d'Italie  à  Londres, 
a  l'honneur  de  communiquer  à  Sir  Ed.  Grey  et 
à  MM.  Gambon  et  de  Benckendorff  le  mémo- 
randum suivant  :] 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    111 

Art.  i.  Une  convention  militaire  devra  être 
conclue  immédiatement  entre  les  états-majors 
généraux  de  France,  de  Grande-Bretagne,  de 
Russie  et  d'Italie  :  cette  convention  fixera  le 
minimum  de  forces  militaires  que  la  Russie 
devra  employer  contre  l'Autriche-Hongrie  si 
cette  dernière  voulant  diriger  toutes  ses  forces 
contre  l'Italie,  la  Russie  se  décidait  à  attaquer 
principalement  l'Allemagne.  Cette  convention 
réglera  également  les  questions  relatives  aux 
armistices,  pour  autant  que  par  leur  nature 
ils  sont  compris  dans  la  sphère  du  comman- 
dement suprême  des  armées. 

Art.  2.  De  son  côté  l'Italie  s'engage  à  faire 
campagne  avec  tous  les  moyens  à  sa  disposi- 
tion, d'accord  avec  la  France,  la  Grande-Bre- 
tagne et  la  Russie  contre  les  Puissances  qui 
leur  font  la  guerre. 

Art.  3.  Les  forces  maritimes  de  la  France  et 
de  la  Grande-Bretagne  devront  coopérer  éner- 
giquement  avec  l'Italie  jusqu'au  moment  où  la 
flotte  autrichienne  sera  anéantie  ou  jusqu'au 
moment  de  la  conclusion  de  la  paix.  Une  con- 
vention maritime  devra  être  conclue  immé- 
diatement dans  ce  but  entre  la  France,  la 
Grande-Bretagne  et  l'Italie. 

Art.  ^.  Lors  de  la  paix  future,  l'Italie  devra 
obtenir  :  le  Trentin,  le  Tyrol  méridional  dans 


112  DOCUMENTS     SECRETS 

sa  limite  naturelle  qui  paraît  être  le  Brenner» 
la  ville  de  Trieste  et  ses  environs,  le  comté  de 
Goritz  avec  Gradisca,  toute  l'Istrie  jusqu'au 
Quarnero  (y  compris  Yolosca)  et  les  îles 
istriennes  de  Cherso  et  de  Lussin  avec  les 
petites  îles  de  Plavnik,  Unia,  Canidoli,  Palaz- 
zuola,  San  Pietro  Nerovio,  Asinello  et  Gruica, 
avec  les  îlots  voisins. 

Remarque  i.  Comme  complément  à  ce  qui 
est  dit  à  l'art.  4  ci-dessus,  la  frontière  passera 
par  les  points  suivants  :  depuis  le  sommet  de 
rUmbrile  dans  la  direction  du  nord  jusqu'au 
Stelvio  et  ensuite  jusqu'à  la  ligne  de  partage 
des  eaux  des  Alpes  Rhétiques,  d'où  elle  ira 
aux  sources  des  rivières  Adige  et  Eisak.  Elle  con- 
tinuera ensuite  {sic)  par  les  monts  (sic)  Reschen 
et  Brenner  et  par  les  sommets  [des  Alpes]  de 
l'Œtz-  et  du  Zillerlhal,  puis  descendra  vers  le 
sud  et  coupant  au  mont  {sic)  Toblach,  attein- 
dra la  frontière  actuelle  de  la  Carinthie  sur  les 
Alpes.  Suivant  celle  ci,  elle  ira  jusqu'au  mont 
{sic)  Tarvis,  puis  passera  par  la  ligne  de  partage 
des  eaux  des  Alpes  Juliennes  à  travers  les  monts 
Prédit ,  Mangart,  Triglav  et  les  cols  de  Podberda, 
de  Podlansko  etd'Idria.  De  là,  la  frontière  ira 
dans  la  direction  du  sud-est  jusqu'au  Schnee- 
berg  de  façon  à  ce  que  le  bassin  de  la  Save  et 
de  ses  affluents  reste  exclu  du  territoire  italien. 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    113 

Du  Schneeberg,  la  frontière  se  dirigera  vers  la 
cote  de  façon  à  comprendre  Castua,  Matulje  et 
Volosca  dans  le  territoire  italien. 

Art.  5.  L'Italie  obtient  également  la  pro- 
vince de  Dalmalie  telle  qu'elle  est  actuelle- 
ment, y  compris  au  nord  Lissarika  et  Trebînje, 
et  au  sud  tout  son  territoire  jusqu'à  une  ligne 
partant  du  rivage  au  cap  Planka  et  se  dirigeant 
vers  l'est  par  la  ligne  de  partage  des  eaux,  de 
façon  à  ce  que  le  territoire  italien  comprenne 
toutes  les  vallées  formées  par  les  rivières 
débouchant  à  Sebenico,  telles  que  le  Cicola, 
la  Kerka  et  la  Butisnica  avec  tous  leurs  affluents. 
L'Italie  recevra  également  toutes  les  îles  au 
nord  et  à  l'est  des  côtes  de  la  Dalmatie,  en  com- 
mençant au  nord  parles  lies  Premuda,  Selvo, 
Ulbo,  Skerda,  Maon,  Pago  et  Puntadura,  etc.,  et 
en  allant  au  sud  jusqu'à  Meleda,  puis  les  îles  de 
S.  Andréa,  Busi,  Lissa,  Lésina,  Torcola,  Cur- 
zola,  Gazza  et  Lagosta  avec  tous  les  écueils  et 
îlots  qui  les  avoisinent,  et  l'île  de  Pelagosa, 
mais  à  l'exclusion  des  îles  Zirona  grande  et 
piccolo,  Bua,  Solta  et  Brazza. 

Seront  neutralisés  :  i)  tout  le  rivage  depuis 
le  cap  Planka  au  nord  jusqu'à  l'extrémité  méri- 
dionale de  la  presqu'île  de  Sabbioncello  au  sud 
(y  compris  toute  cette  presqu'île)  ;  2)  la  partie 
du   rivage    commençant    à   un   point   situé   à 

8 


114  DOCUMENTS     SECRETS 

10  kil.  au  sud  du  cap  de  Ragusa  Yecchia  et 
s'étendant  au  sud  jusqu'à  la  rivière  Voiussa,  de 
façon  que  dans  les  limites  de  cette  zone  neutie 
soient  compris  tout  le  golfe  de  Cattaro  avec 
ses  ports,  Antivari,  Dulcigno,  San  Giovanni  di 
Medua  et  Durazzo,  sans  que  par  là  les  droits 
du  Monténégro,  découlant  des  déclarations 
échangées  en  avril  et  en  mai  1909,  puissent 
être  entravés.  Toutefois,  ces  droits  n'ayant  été 
reconnus  que  pour  les  possessions  actuelles  du 
Monténégro,  ils  ne  pourront  pas  être  étendus 
aux  terres  et  ports  qui  seraient  dans  la  suite 
réunis  au  Monténégro,  mais  toutes  les  restric- 
tions légales,  qui  concernent  le  port  d'Antivari, 
auxquelles  le  Monténégro  lui-même  a  donne 
sa  complète  adhésion  en  1909,  demeurent  en 
vigueur  ;  3)  les  îles  qui  ne  seront  pas  cédées  à 
l'Italie. 

Remarque  2.  Seront  comprises  dans  les 
limites  de  la  Croatie,  de  la  Serbie  et  du  Monté- 
négro par  les  Puissances  de  la  Quadruple 
Entente  les  territoires  suivants  :  au  nord  de 
l'Adriatique  tout  le  rivage  qui,  commençant 
à  la  baie  de  \  olosca  sur  la  frontière  de  l'Istrie, 
va  jusqu'à  la  frontière  septentrionale  de  la 
Dalmatie  et  comprend  toute  la  côte  apparte- 
nant actuellement  à  la  Hongrie  et  toute  la  côte 
de  la  Croatie,   le   port  de  Fiume  et  les  petits 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    115 

ports  de  Novi  et  de  Garlopago,  avec  les  îles 
de  Veglia,  Pervico,  Gregorio,  Kali  et  Arbe  ; 
sur  l'Adriatique  méridionale,  où  sont  inté- 
ressés la  Serbie  et  le  Monténégro,  toute  la  côte 
depuis  le  cap  Planka  jusqu'à  la  rivière  Drin 
avec  les  importants  ports  de  Spaiato,  Raguse, 
Cattaro,  Antivari,  Dulcigno  et  San  Giovanni 
di  Medua  et  avec  les  îles  Zirona  piccola  et 
grande,  Buja,  Solta,  Brazza,  Jaklian  et  Gala- 
motta. 

Le  port  de  Durazzo  pourra  être  donné  à  un 
Etat  mahométan  albanais  indépendant. 

Art.  6.  L'Italie  reçoit  en  toute  propriété  Yal- 
lona,  l'île  Saseno  et  un  territoire  suffisamment 
étendu  pour  rendre  leur  défense  possible,  com- 
pris approximativement  entre  la  rivière  Voiussa 
au  nord  et  à  lest  et  allant  au  sud  jusqu'aux 
limites  du  cercle  de  Chimara. 

Art.  7.  L'Italie,  obtenant  le  Trentin  et 
ristrie  par  l'article  4,  la  Dalmatie  et  les  îles 
de  l'Adriatique  par  l'article  5  et  le  golfe  de 
Yallona,  devra,  en  cas  de  formation  en  Alba- 
nie d'un  petit  État  autonome  neutralisé,  ne 
pas  s'opposer  au  désir  qu'auraient  la  France, 
la  Grande-Bretagne  et  la  Russie  de  répartir 
entre  le  Monténégro,  la  Serbie  et  la  Grèce  les 
confins  septentrionaux  et  méridionaux  de 
l'Albanie.  La  côte  méridionale  de  celle-ci  depuis 


116  DOCUMENTS     SECRETS 

la  frontière  de  la  province  italienne  de  Yallona 
jusqu'au  cap  Stylos  est  soumise  à  la  neutra- 
lisation. 

L'Italie  recevra  le  droit  de  diriger  les  rela- 
tions extérieures  de  l'Albanie  ;  eu  tout  cas, 
elle  sera  obligée  de  veiller  à  ce  que  l'Alba- 
nie ait  un  territoire  suffisamment  étendu 
pour  que  ses  frontières  touchent  à  l'ouest 
du  lac  d'Okhrika  celles  de  la  Grèce  et  de  la 
Serbie. 

Art.  8.  L'Italie  reçoit  en  pleine  propriété 
toutes  les  îles  du  Dodécanèse  qu'elle  occupe, 
actuellement. 

Art.  9.  La  France,  la  Grande-Bretagne  et  la 
Russie  reconnaissent  le  fait  que  l'Italie  est 
intéressée  au  maintien  de  l'équilibre  dans  la 
Méditerranée  et  son  droit  à  obtenir  en  cas  de 
partage  de  la  Turquie  une  part  égale  à  la  leur 
danslebassin»de  cette  mer,  et  spécialement  dans 
cette  partie  qui  touche  à  la  province  d'Adalia  où 
l'Italie  a  déjà  acquis  des  droits  particuliers  et 
des  intérêts  expliqués  dans  la  convention  italo- 
britannique.  La  zone  qui  doit  être  remise  à 
l'Italie  sera  [délimitée  avec  plus  de  précision 
en  temps  opportun  et  en  liaison  avec  les  inté- 
rêts vitaux  '"de  la  France  et  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Les  intérêts  de  l'Italie  seront  également 
pris   en    considération   dans   le  cas  où  l'inté- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    117 

grité  territoriale  de  la  Turquie  d'/Vsie  serait 
maintenue  par  les  Puissances  pour  une  période 
de  temps  éloignée  et  s'il  ne  s'agissait  entre 
elles  que  d'une  délimitation  des  zones  d'in- 
fluence. Dans  ce  cas,  si  la  France,  la  Grande- 
Bretagne  et  la  Russie,  au  cours  de  cette  guerre, 
s'emparaient  de  provinces  de  la  Turquie  d'Asie, 
toute  province  conliguë  à  celle  d'Adalia... 
devra  être  laissée  à  l'Italie  qui  se  réserve  le 
droit  d'en  prendre  possession. 

Art.  10.  En  Lybie,  tous  les  droits  encore 
réservés  au  Sultan  par  le  traité  de  Lausanne 
sont  reconnus  à  l'Italie. 

Art.  a.  L'Italie  recevra  une  part  d'indem- 
nité correspondant  à  ses  sacrifices  et  à  ses 
efforts. 

Art.  12.  L'Italie  s'unit  à  la  déclaration  faite 
par  la  France,  l'Angleterre  et  la  Russie,  au 
sujet  de  la  remise  de  l'Arabie  et  des  Lieux 
Saints  musulmans  à  une  puissance  musulmane 
indépendante. 

Art.  13.  En  cas  d'extension  des  possessions 
coloniales  françaises  et  anglaises  aux  dépens 
-de  l'Allemagne,  la  France  et  la  Grande-Bre- 
tagne reconnaissent  en  principe  à  l'Italie  le 
droit  d'exiger  des  compensations  par  l'exten- 
sion de  ses  possessions  dans  l'Erythrée,  le 
Somaliland,    la   Lvbie    et    les  territoires  colo- 


118  DOCUMENTS     SECRETS 

niaux  voisins  des  colonies  françaises  et  an- 
glaises. 

Art.  iù.  L'Angleterre  s'oblige  à  faciliter  ù 
l'Italie  la  réalisation  immédiate  sur  le  marché 
de  Londres,  à  des  conditions  avantageuses, 
dun  emprunt  d'au  moins  5o  millions  de  livres 
sterling. 

Art.  15.  La  France,  l'Angleterre  et  la  Russie 
prennent  l'engagement  de  soutenir  l'Italie  en 
ce  qui  concerne  la  non-admission  de  repré- 
sentants du  Saint-Siège  dans  quelque  démarche 
que  ce  soit  relative  à  la  conclusion  de  la  paix 
ou  au  règlement  de  questions  liées  à  la  pré- 
sente guerre  (^). 

Art.  16.  La  présente  convention  devra  être 
tenue  secrète.  En  ce  qui  concerne  l'adhésion 
de  l'Italie  à  la  déclaration  du  5  septembre  191 4, 
cette  déclaration  ne  sera  publiée  qu'après  que  la 
guerre  aura  été  déclarée  à  l'Italie  ou  par  l'Italie. 


(')  Le  texte  exact  de  l'art.  i5  est  le  suivant  : 

«  La  France,  la  Grande-Bretagne  et  la  Russie  appuieront 
l'opposition  que  l'Italie  formera  à  toute  proposition  tendant  à 
introduire  un  représentant  du  Saint-Siège  dans  toutes  les 
négociations  pour  la  paix  et  pour  le  règlement  des  questions- 
soulevées  par  la  présente  guerre.  » 

C'est  la  différence  des  deux  textes  qui  a  permis  à  M.  Sonnino 
(!c  déclarer  —  non  sans  quelque  artifice  —  à  la  séance  de  la 
Cliambre  italienne  du  i3  février  19 iS,  que  le  texte  entier  du 
traité  tel  que  l'avaient  publié  les  Bolcheviks,  et  que  venait  de 
Je  lire  le  député  Bevione,  était  inexact. 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    119 

[...  Les  représentants  de  la  France,  de  la 
Grande-Bretagne  et  de  la  Russie  expriment 
leur  plein  consentement  à  ce  qui  est  dit  dans 
le  présent  mémorandum...  En  ce  qui  concerne 
les  articles  i,  2  et  3,  relatifs  à  l'entente  des 
autorités  militaires  et  navales  des  quatre  puis- 
sances, l'Italie  déclare  qu'elle  interviendra 
activement  aussitôt  que  possible,  et  en  tout  cas, 
pas  plus  tard  qu'un  mois  après  la  signature  du 
présent  document.] 

Londres,  26  avril  191 5.  Signé  :  Sir  E.  Grey, 
Cambon,    marquis    Imperiali,    comte    Bencren- 

DORFF. 


26.  —  Convention  secrète  pusso-japonaîse.  (N"  3). 

LA  Russie  et  le  Japon]  pour  raffermir  les 
liens  d'étroite  amitié  établis  entre  eux  par 
les  conventions  secrètes  du  17/30  juillet  1907, 
du  21  juin/4  juillet  1910  et  du  25  juin/8  juil- 
let 191 2,  ont  convenu  de  les  compléter  par 
les  articles  suivants  : 

i.  Les  Hautes  Parties  contractantes  recon- 
naissent que  les  intérêts  vitaux  de  l'une  et  de 
l'autre  exigent  que  la  Chine  soit  préservée  de 
la  domination  politique  d'une  tierce  puissance, 


120  DOCUMENTS     SECRETS 

quelle  qu'elle  soit,  nourrissant  des  intentions 
inimicales  à  l'égard  de  la  Russie  ou  du  Japon  ; 
par  suite,  elles  s'obligent  à  l'avenir,  chaque 
fois  que  les  circonstances  l'exigeront,  à  entrer 
Tune  avec  l'autre  en  rapports  loyaux  et  fondés 
sur  une  pleine  confiance  pour  prendre  en 
commun  les  mesures  suivantes  ayant  pour 
objet  de  rendre  impossible  l'établissement  en 
Chine  d'un  pareil  ordre  de  choses. 

2.  Si  à  la  suite  des  mesures  prises  d'un  com- 
mun accord  par  la  Russie  et  le  Japon  sur  la 
base  de  l'article  précédent,  une  tierce  puissance 
déclarait  la  guerre  à  l'un  des  contractants, 
l'autre  devra,  sur  la  demande  de  son  allié, 
venir  à  son  aide  ;  chacune  des  Hautes  Parties 
contractantes  s'oblige  dans  le  cas  où  se  pro- 
duirait une  telle  situation  à  ne  pas  conclure 
la  paix  avec  l'ennemi  commun  sans  avoir 
obtenu  préalablement  le  consentement  de  son 
allié. 

3.  Les  conditions  auxquelles  chacune  des 
Hautes  Parties  contractantes  donnera  à  l'autre 
Partie,  conformément  à  l'article  précédent,  son 
concours  armé,  et  les  voies  par  lesquelles  ce 
concours  devra  être  réalisé,  devront  être  con- 
venues en  commun  par  les  autorités  compé- 
tentes des  deux  puissances. 

4.  L'une  et  l'autre  des   Hautes   Parties    ne 


PUBLIES     PAR     LES     BOLCHEVIKS    121 

sera  obligée  de  fournir  son  aide  armée  à  l'autre, 
conformément  à  l'art.  2,  qu'autant  que  les 
4illiés  de  celle-ci  lui  donneront  des  garanties 
qu'ils  lui  fourniraient,  dans  la  mesure  de  leurs 
moyens,  une  aide  répondant  au  sérieux  du 
conflit. 

5.  La  présente  convention  entre  en  vigueur 
le  jour  de  sa  signature  et  demeure  en  force  jus- 
qu'au i/i4  juillet  1921.  [Dans  le  cas  011  l'une 
des  Parties  ne  la  dénoncerait  pas  12  mois  avant 
l'expiration  de  ce  délai,  elle  restera  en  vigueur 
jusqu'à  une  année  après  sa  dénonciation.] 

6.  La  présente  convention  devra  rester  abso 
lument  secrète  pour  tous... 

Petrograd,  20  juin/3  juillet  19 15.  Signé  : 
Sazonov,  Motono. 


27.  —  Ferdinand  de  Bulgarie  à  Savinski.  (N°  64). 

IETTRE  extrêmement  afTectueiise  adressée  à  ce 
J  ministre  plénipotentiaire  de  Russie  à  Sofia  en 
T915,  lors  de  la  rupture  des  relations  entre  la 
Russie  et  la  Bulgarie.  Le  roi  met  son  meilleur 
Avagon  à  sa  disposition  pour  aller  jusqu'à  Rous- 
tchouk  et  y  passer  la  nuit.  Un  adjudant-général 
l'accompagnera.  (Samedi  midi,  sans  date.) 


122  DOCUMENTS     SECRETS 


28.    —    Plan   d'Alekséev    en    novembre    1915. 

(N°    12). 

Sazonov  aux  ambassadeurs  à  Paris,  Londres 
et  Rome  {li /2U  novembre  1915). 

A  raison  de  l'extrême  difficulté  de  rompre 
la  résistance  des  Allemands,  tant  sur  le 
front  occidental  que  sur  l'oriental,  le  général 
Alekséev  considère  comme  indispensable  de 
chercher  une  nouvelle  voie  pour  que  les 
Alliés,  toutes  leurs  forces  étant  réunies,  portent 
un  coup  décisif  à  notre  ennemi  sur  son  côté  le 
plus  vulnérable.  Pour  cela,  à  son  avis,  il  con- 
viendrait de  ne  laisser  sur  les  fronts  occiden- 
tal et  oriental  que  les  troupes  nécessaires  pour 
la  défensive,  puis  on  réunirait  rapidement 
dans  la  péninsule  balkanique  au  moins  dix 
corps  d'armée  anglo-français,  on  rejetterait  les 
Austro- Allemands  sur  le  Danube  et,  conver- 
tissant la  Serbie  en  base  pour  les  opérations 
ultérieures,  on  développerait  une  offensive  sur 
Budapest.  De  notre  côté,  dix  corps  russes  au 
moins  entreprendraient  simultanément  une 
offensive  sur  Budapest  pour  donner  la  main 
aux  Alliés.    Ce  mouvement  concerté  permet- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    123 

trait  aux  Italiens  dans  le  même  temps  de 
s'avancer  sur  Vienne  pendant  que  les  Serbes 
garderaient  l'arrière  contre  les  Bulgares.  Le  suc- 
cès d'une  pareille  offensive  pourrait  non  seule- 
ment entraîner  enfin  la  Grèce  et  la  Roumanie, 
mais  encore  donner  définitivement  un  tour 
nouveau  à  la  guerre  à  notre  avantage. 

Veuillez   porter  ceci   absolument  confiden- 
tiellement à  la  connaissance  du  Gouvernement 
français  (etc.)  et  lui  exprimer  l'espoir  que  le 
plan  du  général  Alekséev  obtiendra  l'approba 
tion  générale  et  une  prompte  réalisation. 


29.  —  La  France  demande  des  troupes  russes. 

(N°  56). 

Le  prince  N.  Koadachev  à  S.  D.  Sazonov  (da 
quartier-général  impérml,  le  i/iU  décembre 
1915). 

Paul  Doumer  est  venu  hier  de  Petrograd. 
Il  a  eu  riionneur  d'être  invité  à  la  table 
impériale  et  d'être  reçu  en  audience  privée  par 
S.  M.  Après  l'audience,  M.  Paul  Doumer  est  allé 
trouver  le  général  xVlekséev  et  a  eu  avec  lui 
une  longue  conversation.  Le  chef  de  fétat- 
major  m'a  demandé  de  lui  servir  d'interprète. 


124  DOCUMENTS     SECRETS 

car  quoique  comprenant  bien  le  français,  il 
s'exprime  avec  difficulté  dans  cette  langue.  Il 
m'a  chargé  de  vous  faire  connaître  confiden- 
tiellement cette  conversation,  son  objet  étant 
plutôt  de  la  compétence  du  ministre  de  la 
guerre  que  de  celle  du  chef  de  l'état-major 
général. 

Le  but  du  voyage  de  Doumer  (il  vous  est 
sans  doute  connu)  a  semblé  être  d'obtenir  le 
consentement  de  S.  M.  et  de  son  chef  d'état- 
major  à  l'envoi  de  soldats  russes  en  France. 
Les  Français  s'en  réfèrent  à  leurs  pertes 
effroyables  en  hommes  (en  moyenne  i/jo.ooo 
par  mois),  à  la  quantité  limitée  de  matériel 
humain  en  France  (on  y  a  déjà  appelé  sous 
les  drapeaux  plus  de  lô  "/o  de  la  population), 
et  à  la  signification  fatale  qu'aurait  non  seule- 
ment pour  la  France  elle-même,  mais  aussi 
pour  la  Quadruple-Alliance,  la  rupture  de  la 
ligne  française,  qui  se  trouve  si  près  du  cœur 
de  la  France.  Pour  empêcher  cette  rupture, 
les  Français  ont  tout  ce  qu'il  faut,  sauf  une 
quantité  suffisante  d'hommes  :  ils  se  tournent 
vers  leurs  Alliés  pour  l'avoir.  Exposant  sa 
demande  d'une  façon  tout  à  fait  persuasive  et 
élégante,  M.  Doumer  eut  l'imprudence  d'in- 
sister trop  sur  les  services  réciproques  que  se 
rendent  les  Alliés.  Les  Français  nous  donnent 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    125 

des  fusils  (il  nous  en  a  promis  encore  iSo.ooo 
en  sus  de  ceux  promis  précédemment),  nous 
leur  donnerons  des  hommes.  Cette  proposition 
d'échanger  des  objets  inanimés  contre  des 
hommes  vivants  a  humilié  particulièrement  le 
général  Alekséev,  déjà  peu  enclin  à  envoyer 
nos  soldats  en  groupes  séparés  à  des  expédi- 
tions lointaines  et  énigmatiques.  Il  a  répondu 
à  Doumer  que  la  question  de  cette  expédition 
était  trop  importante  pour  pouvoir  répondre 
sur-le-champ,  que  d'ailleurs  à  première  vue  il 
trouve  beaucoup  d'inconvénients  et  de  diffi- 
cultés à  satisfaire  la  demande  des  Français, 
mais  qu'il  est  particulièrement  tourmenté  de 
la  responsabilité  morale  à  l'égard  de  ces 
hommes  que  l'on  se  propose  d'envoyer  se  battre 
parmi  des  étrangers,  sur  une  terre  étrangère, 
sous  des  chefs  étrangers.  Il  fit  même  allusion 
à  la  possibililé  du  découragement  parmi  eux, 
ce  qui  ne  se  produirait  pas  s'ils  combattaient 
sur  leur  terre  natale,  pour  un  but  compris 
d'eux,  etc.  Finalement,  il  dit  qu'il  en  conférera 
avec  le  ministre  de  la  guerre  et  que  c'est  celui- 
ci  qui  fera  connaître  ce  qui  aura  été  décidé  en 
dernier  ressort.  Le  seul  point  sur  lequel  il  a 
donné  son  consentement  a  été  la  formation  en 
Russie  d'un  ou  de  deux  régiments  (composés 
surtout  de  volontaires)  qui  seraient  envoyés  en 


126  DOCUMENTS     SECRETS 

France  à  titre  d'expérience.  De  plus,  il  est 
nécessaire  que  ce  détachement  soit  complète- 
ment spécialisé  et  que  les  éléments  étrangers 
qui  y  entreront  ne  comprennent  qu'un  nombre 
déterminé  d'officiers  français,  puisque  nous 
ne  pouvons  pas  donner  suffisamment  de  nos 
officiers.  Enlin,  il  est  entendu  que  ce  détache- 
ment ne  doit  pas  être  pris  sur  le  front,  mais 
dans  les  réserves  ou  dans  les  nouvelles  levées. 
Il  est  visible  que  les  deux  interlocuteurs  ne 
paraissent  pas  avoir  été  très  satisfaits  du  résul- 
tat de  leur  conversation.  Le  soir  même,  le 
général  Alekséev  me  dit  qu'il  n'appuiera  guère 
la  demande  française.  Il  ajouta  qu'il  faudrait 
vraisemblablement  tout  de  même  faire  quelque 
chose  pour  nos  Alliés  et  envoyer  une  de  nos 
divisions  en  France,  mais  que  là  se  borneront 
nos  secours  en  hommes  (Doumer  demandait 
l'envoi  de  4o.ooo  hommes  par  mois).  Le  géné- 
ral Alekséev  n'a  pas  fait  mention  à  M.  Doumer 
de  l'envoi  de  cette  division. 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    127 


30    —  Projet  de  paix  séparée  avec  la  Turquie. 

(N°  5). 

Le  prince  N.  Koudachev  à  S.   D  Sazonov  {du  quar- 
tier-général de  l'Empereur,  le  5/18  février  1916). 

LE  5  août,  quand  les  Turcs  apprirent  que  l'An- 
gleterre avait  déclaré  la  guerre  à  l'Allemagne, 
leur  situation  aurait  dû  être  claire  pour  eux  :  ils  ne 
pouvaient  plus  attaquer  la  Russie  sans  tomber  à  la 
discrétion  de  la  Bulgarie.  Si  cette  puissance  se  joi- 
gnait à  l'entente  pour  écraser  la  Turquie,  cette 
dernière,  prise  entre  la  Bulgarie,  la  Russie,  l'An- 
gleterre et  la  Grèce,  était  perdue.  Les  Turcs  atta- 
quèrent cependant  et  leur  châtiment  traîna  d'abord. 
C'est  que  la  Bulgarie  ne  voulait  marcher  que  si  on 
lui  donnait  Constantinople.  La  Russie,  à  qui  elle 
était  promise,  ne  put  se  résoudre  à  acheter  de  ce 
prix  le  concours  bulgare.  Le  résultat  en  fut  d'abord 
la  perte  de  Varsovie,  Lemberg,  Czernowitz,  Vilna 
et  Mitau,  puis  celle  de  la  Serbie  et  du  Monténégro. 
L'optimisme  diminua  alors,  comme  le  prouve  la 
lettre  suivante  : 


Hier,  sur  l'invitation  du  général  Alekséev, 
i'ai  examiné  avec  lui  comment  utiliser  le  plus 
avantageusement  la  prise  d'Erzeroum  par  nous. 
Il  n'y  a  pas  de  doute  que  ce  succès  détermine 


128  DOCUMENTS     SECRETS 

le  moment  psychologique  connu  et  il  convient 
de  ne  pas  le  laisser  passer.  S'il  est  reconnu 
qu'il  est  avantageux  de  conclure  la  paix  ^vec 
les  Turcs,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'un 
moment  aussi  favorable  ne  se  retrouvera  pas 
d'aussitôt... 

On  pourrait  aussi  utiliser  le  brillant  succès 
de  notre  armée  du  Caucase  exclusivement  pour 
son  développement  militaire,  mais  cela  ne 
serait  pas  facile,  étant  donné  le  nombre  relati- 
vement insignifiant  de  nos  troupes  pour  de 
vastes  espaces  comme  ceux  du  front  du  Cau- 
case, toujours  considéré  comme  secondaire,  et 
de  l'impossibilité,  selon  les'  mots  du  général 
Alekséev,  de  retirer  un  seul  soldat  du  front 
principal. 

Sans  vouloir  se  faire  l'avocat  d'une  réconci- 
liation à  tout  prix  avec  la  Turquie,  le  général 
Alekséev  m'a  prié  de  vous  confier  quelques- 
unes  de  ses  pensées  à  ce  sujet... 

Quels  qu'aient  été  nos  espoirs  et  nos  calculs 
d'utiliser  l'intervention  de  la  Turquie  pour 
nous  dédommager  à  ses  dépens  lors  de  la  con- 
clusion de  la  paix,  nous  devons  reconnaître 
que  nos  calculs  ne  se  sont  pas  trouvés  justes 
et  n'ont  plus  guère  de  chance  de  le  devenir. 
D'autre  part,  si  la  guerre  se  prolonge,  après  sa 
terminaison,  toute  entreprise  nous  deviendra 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    120 

fort  pénible.  Ce  serait  en  particulier  le  cas  de 
celle  contre  les  Détroits.  Sur  cette  question, 
les  généraux  Danilov  et  Alekséev  sont  absolu- 
ment du  même  avis.  (Sur  l'opinion  de  Dani- 
lov, vous  vous  rappelez  mes  leltres  de  décembre 
191/1  et  de  janvier  igiB).  Pour  nous  l'impor- 
tant est  d'atteindre  notre  but  principal  qui 
doit  être  de  vaincre  notre  ennemi  principal. 
De  là  dépend  le  rétablissement  de  notre  fron- 
tière et  la  reprise  du  territoire  perdu.  Notre 
principal  adversaire  est  l'Allemagne,  et  comme 
il  est  certes  plus  important  pour  nous  de 
recouvrer  la  Courlande  que  de  conquérir  les 
Détroits,  notre  premier  but  doit  être  l'écrase- 
ment de  l'Allemagne.  C'est  une  tâche  si  diffi- 
cile que  son  accomplissement  exige  toutes  nos 
forces...  et  le  sacrifice  de  quelques-unes  de  nos 
espérances...  INous  pouvons  proposer  la  paix 
à  la  Turquie  sans  rien  sacrifier  de  nos  inté- 
rêts réels  et  en  renonçant  seulement  pour  un 
certain  temps  à  nous  emparer  des  Détroits. 
Elle  aurait  pour  base  le  staia  quo  ante  hélium 
avec  rétablissement  des  capitulations  et  des 
autres  droits  acquis  par  traités.  De  plus,  on 
exigerait  l'éloignement  des  Allemands  et  on 
promettrait  de  protéger  la  Turquie  contre 
l'Allemagne  en  cas  de  représailles  de  cette 
dernière.  Si  la  paix  avec  la  Turquie  était  réta- 

9 


130  DOCUMENTS     SECRETS 

blie  sur  cette  base,  l'armée  du  Caucase  devien- 
drait disponible...  On  pourrait  la  transporter 
en  Bessarabie  et  peut-être  ainsi  entraîner  la 
Roumanie,  ou,  si  la  Turquie  le  demandait, 
l'envoyer  défendre  Constantinople.  L'Angle- 
terre respirerait  plus  librement  quand  les  dan- 
gers de  l'expédition  d'Egypte  et  du  mouvement 
musulman  auraient  disparu.  Elle  pourrait  diri- 
ger son  armée  d'Egypte  (9  divisions)  à  Salo- 
nique  et  à  Kavalla,  faire  changer  l'attitude  de 
la  Bulgarie,  et  avec  l'armée  serbe  reconstituée 
et  les  troupes  françaises  et  italiennes  délivrer 
la  Serbie.  Si  la  Turquie  cesse  d'être  notre 
ennemie,  tout  change  dans  les  Balkans  en 
notre  faveur...  Sans  doute  nous  devons  sacri- 
fier quelques  beaux  rêves  pour  y  arriver,  mais 
rien  ne  nous  empêche  de  continuer  à  les  cares- 
ser dans  l'avenir. . . 

Je  vois  que  j'ai  un  peu  emmêlé  mes  pensées 
avec  celles  du  général  Alekséev,  quoique  j'aie 
très  nettement  exprimé  ces  dernières.  Bien  que 
le  général  Alekséev  déclare  avec  instance  qu'il 
ne  désire  pas  passer  pour  le  champion  et  l'ini- 
tiateur de  la  paix  avec  la  Turquie,  dans  le  fond 
de  mon  âme  je  suis  convaincu  qu'il  la  consi- 
dère comme  la  chose  la  plus  favorable  pour 
nous. 

Sans  doute  les  difficultés  de  cette  paix  sépa- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    131 

rée  ne  seront  pas  petites...  Il  faudra  persuader 
les  Turcs.  On  pourra  agir  sur  eux  par  la 
logique  et  par  l'argent.  Je  suis  convaincu 
qu'une  fois  qu'ils  seront  convaincus  qu'on  ne 
leur  demande  plus  de  céder  leur  capitale,  il  ne 
sera  pas  difficile  de  leur  faire  comprendre  qu'ils 
tirent  les  marrons  du  feu  pour  les  Allemands. . . 


31.  —  Constantin  à  la  Reine  Olga.  ÇS"  i8). 

LE  5/i8  février  1916,  Constantin,  roi  de  Grèce, 
écrivit  d'Athènes  à  la  reine  Olga,  sa  mère,  qui 
§e  trouvait  à  Saint-Pétersbourg,  la  lettre  suivante 
qui  prouve  que  les  ménagements  des  Alliés  envers 
ce  traître  étaient  dus  aux  sentiments  de  solidarité 
monarchique  du  Tsar  : 

Merci.  Les  actes  des  Alliés  sont  très  sus- 
pects. Ils  occupent  des  îles  terrorisées  par  la 
faim  sous  le  prétexte  que  la  population  désire 
Vénizélos.  Je  crains  des  pièges  et  qu'on  ne 
nous  déclare  la  guerre  après  avoir  enfermé  nos 
armées  dans  le  Péloponèse.  Si  l'Empereur 
persistait  dans  ses  demandes,  les  Alliés  seraient 
forcés  de  se  désister.  La  France  a  pris  l'initia- 
tive aujourd'hui,  grâce  à  ses  sombres  plans. 
Elle   patronne    ouvertement    la    politique    de 


132  DOCUMENTS     SECRETS 

Vénizélos,  lui  fournissant  des  armes  et  exci- 
tant à  la  révolution.  L'Empereur  connaît  mon 
honnêteté.  Elle  rend  inutile  et  ridicule  toute 
mesure  qui  exclurait  une  indemnité  pour  les 
dommages. 


32.  —  L'archevêque  Evdokim  à  Sturmer, 

(N-  33-34), 

1.  21  février  1916.  Il  le  complimente  de  sa  nomi- 
nation à  la  présidence  du  Conseil  des  minisires. 
Lui-même  vit  en  Amérique  où  il  a  beaucoup  de  tra- 
vail. L'église  épiscopalienne  désire  faire  cause  com- 
mune avec  eux  et  il  faut  entretenir  avec  soin  les 
bons  rapports  avec  elle.  Les  uniates  russo-hongrois 
s'éveillent  du  sommeil  magyaro-latin.  11  en  est  de 
même  de  ceux  de  la  Galicie.  Serbes,  Arabes,  Rou- 
mains, Albanais,  Grecs  et  même  Bulgares  de- 
mandent de  l'aide.  Il  y  a  des  infortunes  sans 
nombre  à  secourir,  mais  les  conversions  augmentent 
et  de  i8  paroisses  il  y  a  20  ans  nous  sommes  mon- 
tés à  4oo.  Malheureusement  la  Russie  ne  veut  pas 
aider  la  Mission  qui  a  cependant  envoyé  plus  de 
3oo  mille  roubles  pour  les  besoins  de  la  guerre  et 
qui  est  en  partie  la  cause  de  ce  qu'il  y  a  de  sympa- 
thie pour  la  Russie  en  Amérique. 

2.  New  York,  U  mars  1916.  Les  révolutionnaires 
de    toute  espèce   attaquent  avec   acharnement    la 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHETVIKS    133 

nalion  russe.  Ils  ont  accaparé  presque  toutes  les 
branches  d'activité  sociale.  Pour  lutter  contre  eux, 
Evdokim  a  acheté  à  New  York  une  maison  de  six 
étages  qui  contient  200  chambres  et  où  il  leur  fera 
concurrence.  Il  demande  une  subvention,  car  elle  a 
coûté  160.000  roubles. 

Celui  qui  a  organisé  l'irruption  dans  l'apparte- 
ment de  Stolypin  est  en  Amérique. 


33.  —  Khvostov  et  Sturmer.  (N°  19). 

LA  lettre  suivante,  interceptée  par  les  agents  du 
premier  ministre  Sturmer,  donne  une  idée  de 
ce  que  dans  la  haute  société  russe  on  pensait  des 
ministres  qui  avaient  la  faveur  du  Tsar  et  de  l'avenir 
de  son  gouvernement.  Khvostov,  ministre  de  l'inté- 
rieur, était  tombé  pour  avoir  été  pris  organisant 
avec  les  crédits  budgétaires  des  manifestations  de 
paysans  contre  la  Douma. 

Le  comte  L.  Ignatiev  (Petrograd,  15/28  mars 
1916)  à  la  comtesse  E.  L.  fgnatieva,  à  Bosyi 
Brod  {gouv.  de  Kiev). 

ïu  écris  :  ce  malheureux  Khvostov.  Mais 
cette  révoltante  histoire  de  Khvostov  et  de 
Béletski  (pour  parler  comme  les  anciens)  est 
sans  exemple  dans  l'histoire  du  ministère  de 


134  DOCUMENTS     SECRETS 

l'intérieur.  On  dit  qu'une  enquête  sénatoriale 
aura  lieu  pour  examiner  leur  gestion.  Khvostov 
le  lendemain  de  sa  révocation  a  quitté  le 
ministère  et  la  maison  est  vacante.  11  ne  sou- 
riait d'ailleurs  pas  à  Sturmer,  entre  nous, 
d'aller  dans  l'immeuble  gouvernemental,  car 
lui  non  plus  ne  pourra  pas  y  rester  long- 
temps... 

Je  peux  beaucoup  pleurer  et  dire  des  choses 
inutiles,  mais  l'événement  du  17  octobre,  étant 
donnés  les  signes  croissants  de  faiblesse  du 
pouvoir,  prend  des  mesures  toujours  plus 
grandes,  et  Sturmer  et  C'*"  n'arrêteront  pas, 
hélas  I  la  marche  des  événements. 

Malgré  les  attaques  des  droitiers,  mon  frère 
Paul  a  eu  à  la  Douma  le  triomphe  attendu.  Il 
était  très  ému,  mais  les  octobristes  et  les 
gauches  l'ont  convaincu  que  son  budget  pas 
sera  brillamment.  Avec  Sturmer,  ses  rapports 
sont  supportables  et  en  tout  cas  meilleurs 
qu'avec  Goremykin. 


34.  —  Compensations  offertes  à  la  Grèce.  (N°  67). 

I.  OJfre  de  r Albanie  méridionale.  Le   22  no- 
vembre 191 4,  les  envoyés  de  Russie,  d'Angle- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    135 

terre  et  de  France  à  Athènes  pioposèrent  au 
Gouvernement  grec  la  partie  méridionale  de 
l'Albanie  (à  l'exclusion  de  Vallona)  si  elle 
aidait  immédiatement  la  Serbie.  Pour  agir 
immédiatement,  Venizelos  exigea  «  une  ferme 
garantie  de  la  Roumanie  »  contre  une  attaque 
bulgare.  Cette  garantie  n'ayant  pas  été 
donnée,  la  Grèce  n'aida  pas  la  Serbie,  et  la 
proposition  tomba. 

2.  Offre  à  la  Grèce  d'un  territoire  en  Asie 
Mineure.  Le  12  janvier  191 5,  l'envoyé  anglais 
à  Athènes,  d'ordre  de  son  gouvernement, 
déclara  à  Venizelos  que  si  la  Grèce,  au  moment 
d'une  nouvelle  attaque  de  l'Allemagne  contre 
la  Serbie,  secourait  cette  dernière,  les  Gouver- 
nements ;(  reconnaîtraient  à  la  Grèce  d'impor- 
tantes acquisitions  territoriales  sur  la  côte  de 
l'Asie  Mineure  ».  Le  1 5  janvier  1916,  les  envoyés 
grecs  à  Petrograd,  Paris  et  Londres,  remirent  la 
réponse  du  Gouvernement  grec  à  la  proposi 
lion  anglaise  :  elle  contenait  une  série  de  condi- 
tions. Le  20  janvier  1915,  Venizelos,  dans  une 
conversation  avec  l'envoyé  anglais,  indiqua 
plus  nettement  les  desiderata  du  Gouverne- 
ment grec  en  Asie  Mineure.  Ces  pourparlers 
furent  retardés  par  d'autres  au  sujet  de  l'entrée 
de  la  Bulgarie  dans  l'Entente  (ce  qui  était  une 
des     conditions    grecques)     et     furent    intcr- 


136  DOCUMENTS     SECRETS 

rompus    par    la    démission    de    Yenizelos    le 
2  1  février  1910. 

Le  9  mars  19 15,  le  ministre  des  affaires 
étrangères  grec  Zographos  remit  aux  trois 
envoyés  à  Athènes  une  note  dans  laquelle  le 
Cabinet  Gounaris  exprimait  le  désir  de 
reprendre  les  pourparlers  interrompus  par  le 
départ  de  Venizelos.  Le  3o  mars,  les  envoyés 
des  puissances  de  l'Entente  répondirent  en 
déclarant  que  les  Gouvernements  russe, 
anglais  et  français  étaient  prêts  à  garantira  la 
Grèce  des  acquisitions  dans  le  vilayet  d'Aïdin, 
si  elle  attaquait  la  Turquie.  Ils  ajoutèrent  ver- 
balement que  la  proposition  deviendrait  nulle 
si  la  Grèce  ne  s'engageait  pas  à  attaquer  immé- 
diatement. Le  Cabinet  Gounaris  répondit  le 
1"  avril  191 5  [qu'il  était  prêt  à  attaquer,  mais 
seulement  après  que  les  puissances  de  l'Entente 
se  seraient  préparées  à  agir  contre  la  Turquie 
conjointement  avec  les  armées  grecques.  De 
plus,  il  était  exigé  une  garantie  formelle  de 
l'intégrité  de  la  Grèce  (y  compris  l'Epire  sep- 
tentrionale et  les  îles)  pour  la  durée  de  la 
guerre  et  pour  une  certaine  période  ensuite- 
Les  acquisitions  territoriales  de  la  Grèce  en 
Asie  Mineure  et  dans  d'autres  lieux  devaient 
être  l'objet  de  négociations  postérieures.  Les 
pourparlers  ne   furent  pas  renouvelés  pendant 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    137 

un  mois  et  le  i'''  mai  le  ministre  des  affaires 
étrangères  grec  déclara  que  les  Puissances  de 
l'Entente  n'ayant  évidemment  pas  l'intention 
de  garantir  l'intégrité  territoriale  de  la  Grèce, 
le  Cabinet  Gounaris  prenait  la  résolution  de 
garder  désormais  la  neutralité. 

3.  La  question  de  la  cession  de  Kavalla  par  les 
Grecs.  Le  20  janvier  igiô,  Venizelos  chargea 
l'envoyé  anglais  à  Athènes  d'avertir  Grey  que, 
d'accord  avec  le  Roi,  il  consentait  à  céder 
Kavalla  aux  Bulgares  sous  condition  que  la 
Bulgarie  s'allierait  à  l'Entente.  Après  le  départ 
de  Venizelos,  les  vues  du  Gouvernement  grec 
au  sujet  de  la  cession  de  Kavalla  changèrent  et 
dans  une  note  du  18  mai  igiô,  il  protesta 
contre  la  déclaration  que  firent  le  16  mai  les  trois 
envoyés  de  l'Entente  à  Sofia  à  Radoslavov 
au  sujet  du  consentement  de  leurs  gouver- 
nements à  employer  tous  leurs  efforts  pour 
assurer  à  la  Bulgarie  la  cession  de  Kavalla.  Il 
ne  fut  pas  répondu  à  cette  protestation. 

Le  21  juillet  1915,  les  envoyés  de  Russie, 
d'Angleterre,  de  France  et  d'Italie  communi- 
quèrent au  ministre  grec  des  affaires  étran- 
gères la  partie  de  la  déclaration  faite  simulta- 
nément par  l'envoyé  britannique  à  Sofia,  qui 
concernait  la  question  de  la  remise  de  Kavalla 
avec  son  hinterland  aux  Bulgares.  Les  dimen- 


138  DOCUMENTS     SECRETS 

sions  de  cet  hinlerland  devaient  dépendre  de 
rétendue  des  acquisitions  grecques  en  Asie 
Mineure.  Le  3o  juillet,  le  Gouvernement  grec 
présenta  une  nouvelle  note  protestant  contre 
la  remise  de  Kavalla  aux  Bulgares. 

[\.  La  question  de  la  cession  du  cercle  de 
Doiran  par  la  Serbie  à  la  Grèce.  Dans  une  con- 
versation avec  l'envoyé  serbe  à  Athènes,  le 
8  septembre  iQiS,  Venizelos  exigea  que  dans  le 
cas  oii  la  Grèce  aiderait  la  Serbie,  cette  der- 
nière lui  cède  le  cercle  de  Doiran-Guevgheli, 
et  en  cas  de  succès  contre  les  Bulgares  n'élève 
pas  de  prétentions  sur  Stroumitza.  Le  ii  sep- 
tembre 1915,  le  Gouvernement  serbe  consentit 
à  la  cession  de  Doiran  en  cas  de  guerre  heu- 
reuse et  prit  aussi  l'engagement  demandé  en 
ce  qui  concerne  Stroumitza. 

Après  la  retraite  de  Venizelos,  la  Grèce  con- 
servant la  neutralité  en  octobre  1 9 1 5.  on  souleva 
la  question  de  l'occupation  par  les  Grecs  du 
cercle  de  Doiran  après  son  évacuation  par  les 
Serbes.  Cette  occupation  ne  fut  pas  réalisée  par 
suite  de  la  répugnance  de  la  Grèce  à  se  mêler  à  la 
guerre  serbo-bulgare  et  le  11  octobre  191 5,  le 
roi  de  Grèce  déclara  que  le  bruit  d'une  inten- 
tion de  la  Grèce  d'occuper  Monastir,  Guevgheli 
et  Doiran,  ou  quelque  portion  que  ce  fut  du 
territoire  serbe,  était  dépourvu  de  tout  fonde- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    139 

ment,  et  que  la  Grèce  continuerait  à  se  consi- 
dérer  comme  l'alliée  de  la  Serbie. 

5.  Offre  de  Vile  de  Chypre  à  la  Grèce.  Le 
7  octobre  igiS,  l'envoyé  britannique  à  Athènes 
déclara  au  ministre  des  affaires  étrangères 
grec  que  l'Angleterre  était  prête  à  céder  à  la 
Grèce  l'île  de  Chypre  si  elle  marchait  immé- 
diatement avec  toute  son  armée  au  secours  de 
la  Serbie.  Le  12  octobre  igiô,  le  gouvernement 
anglais  déclara  qu'il  considérait  cette  proposi- 
tion comme  devenue  caduque,  la  Grèce  n'ayant 
pas  le  désir  d'aller  au  secours  de  la  Serbie. 

"  6.  Engagements  des  Puissances  de  r Entente  au 
sujet  de  Salonique.  Le  10  novembre  igiS,  les 
envoyés  des  Puissances  de  l'Entente  firent  une 
démarche  en  raison  de  l'occupation  de  Salo- 
nique et  de  ses  environs  par  les  armées  alliées. 
Dans  leur  note,  les  Puissances  prenaient 
l'obligation  de  restituer  tous  les  territoires 
occupés  et  d'indemniser  pour  toutes  les  pertes 
causées  par  leur  occupation.  Le  Gouvernement 
grec  prit  acte  de  cette  déclaration  dans  la  noté 
par  laquelle  il  y  répondit  le  11  novembre  191 5. 
7.  Situation  de  lEpire  septentrionale.  L'anar- 
chie augmentant  en  Epire,  Yenizelos,  au 
commencement  d'octobre  igi/i,  demanda 
l'intervention  du  Cabinet  de  Londres  pour 
ménager  entre  la  Grèce  et  Rome  des  pouipar- 


140  DOCUMENTS     SECRETS 

lers  pour  rétablissement  par  les  armées 
grecques  d'une  police  surveillant  l'Epire  sep- 
tentrionale, sans  qu'il  fut  préjugé  par  là  du 
sort  de  ces  localités.  L'Italie  obtiendrait  la 
même  surveillance  dans  la  région  de  Vallona. 
Le  Gouvernement  italien  y  donna  son  consen- 
tement. Le  i4  octobre,  les  troupes  grecques 
procédèrent  à  l'occupation  de  Santi-Quaranta, 
Premeti  et  Argirokaslro. 

Le  i/i  février  19 15,  les  envoyés  des  trois 
Puissances  de  l'Entente  firent  une  démarche  à 
Athènes  pour  mettre  en  garde  contre  de  nou- 
veaux empiétements  en  Albanie.  Venizelos 
leur  assura  qu'il  n'avait  pas  l'intention  de 
procéder  à  des  empiétements  quels  qu'ils 
fussent.  En  mai  igiS,  les  troupes  grecques 
occupèrent  18  villages  au  nord-ouest  de  Korfou. 

L'apparition  de  bandes  albanaises  à  Béral 
en  février  19 16  provoqua  la  présentation  le 
26  février  19 16  par  les  quatre  envoyés  des 
Puissances  de  l'Entente  à  Athènes  d'une  pro- 
testation contre  la  formation  de  ces  bandes 
dans  la  zone  de  contrôle  militaire  grec  et 
contre  leur  recrutement  parmi  les  Grecs 
locaux.  Dans  sa  note  en  réponse,  le  Gouverne- 
ment grec  déclara  que  des  bandes  ne  s'orga- 
nisent pas  dans  le  rayon  d'occupation  grecque, 
et  que  dans  les  bandes  opérant  à  Bérat  et  qui 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    141 

se  composent  de  1.600  Mirdites,    il   n'y  a  pas 
un  seul  Grec. 

Le  7  mars  1916,  le  Président  du  Conseil  des 
ministres  grecs  Skouloudis,  répondant  à  une 
question  du  député  Spiromilo  au  sujet  de 
l'Epire  septentrionale,  exprima  sa  conviction 
que  ((  l'Epire  septentrionale  dans  ses  limites 
actuelles  constitue  dès  maintenant  une  partie 
inséparable  du  royaume  de  Grèce.  »  Avant 
cela,  en  février  19 16,  le  Gouvernement  grec 
avait  nommé  en  Epire  deux  préfets  à  Argy- 
rokastro  et  à  Korfou,  les  substituant  aux  auto- 
rités militaires  d'occupation,  et  à  l'ouverture 
de  la  nouvelle  Chambre  grecque,  le  11  jan- 
vier 1916,  il  avait  admis  à  siéger  les  députés 
de  l'Epire.  Contre  ces  actes  [du  Gouvernement 
grec  ayant  pour  but  de  réunir  l'Epire  à  la 
Grèce,  les  envoyés  des  quatre  Puissances  de 
l'Entente  présentèrent  le  i3  mars  1916  une  pro- 
testation montrant  l'incompatibilité  de  ces 
mesures  avec  les  déclarations  solennelles 
contenues  dans  la  note  grecque  du  3o  sep- 
tembre/1 3  octobre  19 1 4- 

Dans  sa  réponse  du  16  mars  1916,  le  Gou- 
vernement hellénique  déclara  qu'il  ne  perd 
pas  de  vue  ses  assurances  de  19 14  et  qu'il  a 
seulement  considéré  comme  nécessaire  de 
remplacer    en  Epire   par   une  administration 


142  DOCUMENTS     SECRETS 

civile  conforme  auv  lois  générales  du 
royaume,  l'administration  militaire  qui  ne 
répond  pas  à  l'esprit  libéral  des  Grecs.  Le 
même  jour,  les  envoyés  des  quatre  Puissances 
présentèrent  au  Gouvernement  grec  une  nou- 
velle note  dans  laquelle  ils  exigeaient  des 
explications  au  sujet  du  désaccord  entre 
l'admission  des  députés  grecs  de  l'Epire  sep- 
tentrionale et  les  assurances  qui  avaient  été 
données  à  ce  sujet  par  les  Cabinets  Gounaris 
et  Yenizelos  en  août  igiS.  Dans  une  note  du 
i8  mars  1916,  le  Cabinet  Skouloudis  répondit 
que  la  cause  de  cette  participation  des  députés 
de  l'Epire  était  la  nécessité  de  dépenses  pour 
l'administration  de  l'Epire,  couverte  par  des 
impôts  de  la  population  locale,  ce  qui  néces- 
sitait de  lui  fournir  un  droit  de  contrôle  à 
leur  sujet. 


35.  —  Illégalité  commise  par  le  Tsar.  ÇS"^  20-21). 

NICOLAS  II  et  la  famille  impériale  avaient  de  la 
peine  à  se  défaire  des  habitudes  autocratiques. 
En  dehors  de  toute  intervention  ministérielle,  le 
prince  Alexandre  d'Oldenbourg,  chef  des  services 
sanitaires  et  d'évacuation,  fit  signer  au  Tsar  l'ordre 
de  débourser  immédiatement  5  millions  de  roubles 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    143 

et  d'effectuer  des  paiements  semblables  ensuite, 
pour  faire  recueillir,  préparer  et  cultiver  les  plantes 
pharmaceutiques  dans  l'Empire  et  pour  développer 
la  production  chimico-pharmaceutique.  Le  prince 
communiqua  l'ordre  au  ministre  le  i^'juin  1916.  Le 
7  juin,  le  Conseil  des  ministres  décida  d'en  sus- 
pendre l'exécution  parce  qu'il  n'avait  pas  été 
informé  au  préalable.  Le  t2  juin,  le  prince  fît  savoir 
que  le  10,  l'ordre  avait  été  effectivement  donné.  Le 
Conseil  des  ministres  protesta  alors  de  nouveau  en 
disant  que  «  la  communication  faite  sous  cette 
forme  par  le  prince  le  privait  de  la  possibilité  d'exa- 
miner les  crédits  demandés  pour  les  besoins  sani- 
taires tant  au  point  de  vue  de  leur  légitimité  que  de 
leur  montant  >). 


36.  —  La  France  demande   Tintervention  de  la 
Roumanie,  12  25  juin  1916.  (N°  i3). 

IE  ministre  des  affaires  étrangères  n'étant 
J  pas  revenu  de  Tsarskoe  Selo  à  cause  du 
dimanche,  l'ambassadeur  de  France  rendit 
visite  au  baron  Schilling  et  dès  les  premiers 
înots  lui  déclara  que  le  Gouvernement  de  la 
République  lui  avait  demandé  d'insister  de  la 
façon  la  plus  vive  auprès  du  Gouvernement 
russe  pour  le  transport  du  matériel  destiné  à 
la  Roumanie  qui  se  trouvait  à  Arkhangel  et  à 


144  DOCUMENTS     SECRETS 

Vladivostok.  Il  expliqua  qu'en  France  on 
désirait  ardemment  l'entrée  en  ligne  de  la 
Roumanie  le  plus  tôt  possible,  et  que  comme 
Bratiano  pour  justifier  de  nouveaux  retards 
alléguait  la  non-réception  du  m.atériel  de 
guerre  indispensable  qui  devait  être  transporté 
à  travers  la  Russie,  M.  Briand  considère  comme 
nécessaire  d'enlever  au  président  du  Conseil 
des  ministres  roumains  la  possibilité  d'invo- 
quer ce  prétexte.  M.  Paléologue  exprima  le 
désir  du  Gouvernement  français  dans  une 
lettre  privée  au  ministre  des  affaires  étrangères  ; 
il  demanda  qu'elle  lui  lut  transmise  le  jour 
même  et  exprima  l'espoir  que  le  ministre, 
après  rapport  du  général  Alekséev,  considére- 
rait comme  possible  de  donner  une  réponse 
entièrement  favorable.  Dans  le  cas  contraire, 
l'ambassadeur  a  l'intention  de  solliciter  une 
audience  de  S.  M.  pour  lui  demander  d'inter- 
venir personnellement  dans  cette  affaire  à 
laquelle  le  Gouvernement  français  attache  une 
grande  importance. 

Le  baron  Schilling  dit  que  la  lettre  pour  le 
ministre  partirait  le  jour  même  et  qu'il  ne  se 
jugeait  pas  autorisé  à  rien  de  plus  officiel- 
lement sur  ce  sujet.  Néanmoins  il  se  déclara 
prêt,  sur  la  demande  de  l'ambassadeur,  à 
exposer  d'une  façon  absolument  privée  sa  pen- 


PUBLIES     PAR     LES     BOLCHEVIKS    145 

sée  personnelle.  Sans  nier  que  le  transport  du 
matériel  rounriain  soit  en  partie  retardé  par 
suite  des  sentiments  de  méfiance  à  l'égard  de 
la  Roumanie,  indéniables  chez  les  autorités 
militaires  et  civiles  russes,  le  baron  Schilling 
rappela  que  ce  retard  s'expliquait  aussi  par  les 
difficultés  matérielles  avec  lesquelles  on  savait 
que  nous  avions  à  lutter  sur  nos  chemins  de 
fer.  Par  suite,  si  le  Gouvernement  français 
accorde  une  telle  importance  au  transport  du 
matériel  roumain,  il  devrait  le  faciliter  en 
donnant  satisfaction  à  la  demande  que  nous 
lui  avons  faite  de  mille  puissantes  locomotives 
belges  et  aussi  décider  la  Roumanie  à  accom-s 
plir  nos  demandes  au  sujet  du  matériel  roulant 
autrichien  de  la  Bukovine.  Au  contraire,  des 
déclarations  à  Bucarest  telles  que  celles  qui 
viennent  d'être  prescrites  à  Blondel  (télé- 
gramme de  Paris,  n°  433)  peuvent  plutôt  avoir 
des  conséquences  négatives,  car  plus  les  Alliés 
exhorteront  la  Roumanie  à  attaquer,  plus 
ceux-ci  penseront  que  nous  en  avons  extrême- 
ment besoin  et  que  par  conséquent  il  serait 
plus  avantageux  pour  les  Roumains  de  traîner 
en  longueur,  exigeant  toujours  un  plus  grand 
prix  pour  sa  coopération  armée.  Personne,  dit 
le  baron  Schilling,  n'apprécie  davantage  que 
nous  l'importance   de  l'entrée  en  ligne  de  la 

10 


146  DOCUMENTS     SECRETS 

Roumanie.  Son  armée  soutiendrait  immédia- 
tement notre  flanc  gauche  et  par  conséquent 
on  peut  être  convaincu  que  la  Russie  est  plus 
disposée  que  personne  à  faire  ce  qui  sera 
nécessaire  pour  la  décider.  Mais  cela  suppose 
une  condition  indispensable,  à  savoir  que 
l'attaque  roumaine  sera  faite  en  temps  voulu. 
Si  les  Roumains  attaquaient  maintenant  ou 
tout  au  moins  dans  les  semaines  qui  vont 
suivre,  leur  coopération  aurait  pour  nous  un 
grand  prix.  Mais  si  leur  attaque  devait  avoir 
lieu  seulement  quand  l'écrasement  de  l'Au- 
triche aura  été  assuré  par  nos  victoires  et  nos 
♦sacrifices,  elle  serait  non  seulement  superflue, 
mais  même  indésirable,  car  elle  serait  liée  au 
paiement  d'un  compte  sans  objet.  Nous  ne 
voulons  qu'une  offensive  roumaine  utile  pour 
nous,  tandis  qu'en  France  vous  êtes  prêts  à 
favoriser  toute  intervention  de  sa  part,  quelles 
que  soient  les  circonstances  et  quelle  qu'en 
soit  l'époque. 

M.  Paléologue  ne  nia  pas  qu'il  y  ait  quelque 
différence  entre  les  points  de  vue  russe  et  fran- 
çais au  sujet  de  loft'ensive  roumaine,  mais 
justifia  la  nervosité  manifestée  sur  ce  sujet  par 
le  Gouvernement  français  par  «  la  fatigue  iné- 
vitable qui  commence  à  se  remarquer  chez  le 
peuple   français    ».    L'ambassadeur  l'expliqua 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    147 

par  les  énormes  pertes  subies  dans  les  derniers 
temps.  D'après  lui,  la  défense  de  Verdun  aurait 
coûté  à  la  France  jusqu'à  présent  Sio.ooo  hom- 
mes, et  quoique  l'adversaire  ait  perdu  de 
son  côté  sous  les  murs  de  cette  forteresse 
45o.ooo  hommes,  la  perte  de  l'armée  française 
est  particulièrement  sensible  à  cause  de  la  fai- 
blesse relative  de  la  population  française. 

Vers  5  heures,  l'ambassadeur  de  France 
ayant  appelé  le  baron  Schilling  au  téléphone, 
lui  dit  qu'il  serait  très  désirable  de  se  hâter  de 
décerner  à  la  ville  de  Verdun  la  croix  de 
Saint-George  qu'on  se  proposait  de  lui  accor- 
der, car  il  avait  reçu  des  renseignements  lui 
faisant  considérer  la  chute  de  la  forteresse 
comme  possible  dans  les  circonstances  actuelles. 
M.  Paléologue  pria  de  transmettre  cette  de- 
mande au  ministre  des  affaires  étrangères. 


37.  — Chtcherbatov  à  Alexis  Âleksievitch.  (N°  17). 

LETTRE  d'un  membre  de  la  légation  de  Bucarest  à 
un  petit  fonctionnaire  du  ministère  des  affaires 
élrangères  pour  demander  l'envoi  de  musique  par 
la  valise  diplomatique,  car  il  n'a  pas  reçu  celle  qu'il 
avait  ordonne  de  lui  envoyer  par  la  poste  ordinaire 
(18  juin/ 1"  juillet  1916).  Les  Bolcheviks  ont  pubhé 


148  DOCUMENTS     SECRETS 

cette  lettre  comme  montrant  a  les  mœurs  de  con- 
trebandiers »  des  fonctionnaires  ! 


38.  —  La  retraite  de  Sazonov.  (N°  45). 

i.  Télégramme  secret  du  maître  de  la  Cour 
Neratov  \adjoint  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères Sazonov]  au  directeur  de  la  Chancellerie 
diplomatique  {7/20  juillet  1916). 

JE  vous  prie  de  soumettre  d'urgence  à  S.  M. 
le  très  obéissant  rapport  suivant  : 
«  Les  ambassadeurs  de  Grande-Bretagne  et 
de  France  m'ont  rendu  A'isite  pour  s'informer 
de  l'exactitude  des  renseignements  présentant 
comme  imminent  le  congédiement  du  maître 
de  la  Cour  Sazonov  du  poste  de  ministre  des 
affaires  étrangères.  Les  deux  ambassadeurs  ont 
fait  remarquer  d'une  part,  l'alarme  que  cau- 
serait en  Angleterre  et  en  France  la  nouvelle 
du  changement  d'un  ministre  des  affaires 
étrangères  avec  lequel  ils  avaient  déjà  solu- 
tionné tant  de  questions  de  première  impor- 
tance, d'autre  part  le  danger  que  ce  change- 
ment soit  exploité  par  les  Gouvernements 
ennemis  dans  le  sens  d'une  victoire  de  leur 
politique  et  d'un  changement   de  celle  de  la 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    149 

Russie.  J'ai  déclaré   aux  ambassadeurs  que  je 
n'ai  aucune  raison  de  confirmer  ces  bruits. 

2.  Noie  autographe  da  tsar  Nicolas  {du  quar- 
tier général  impérial,  le  8/21  juillet  1916). 

Les  bruits  du  départ  de  Sazonov  sont  exacts. 
Expliquez  aux  ambassadeurs  que,  quel  que  soit 
son  successeur,  la  politique  de  la  Russie  ne 
changera  en  rien. 


39.   —   Convention    militaire    russo-roumaine. 

(V  36). 

IES  soussignés  :  i)  colonel  A.  Tatarinov, 
À  2)  A.  M.  F.  M.  Desprès,  3)  S.  B.  Thomson  et 
4)  colonel  L.  G.  Ferigo,  attachés  militaires 
accrédités  particulièrement  par  les  hauts  com- 
mandements de  leurs  armées  d'une  part,  et 
S.  E.  le  président  du  Conseil  des  ministres 
Jean  J.  S.  Bratiano,  ministre  de  la  guerre, 
d'autre  paît,  ont  conclu  ce  qui  suit  :] 

I.  Pour  compléter  le  traité  d'alliance  conclu 
le  4/17  août  1916  entre  la  Russie,  la  France, 
la  Grande-Bretagne,  l'Italie  et  la  Roumanie, 
la  Roumanie  s'oblige  à  mobiliser  toutes  ses 
forces  de  terre  et  de  mer  et  à  attaquer  l'iVu- 


150  DOCUMENTS     SECRETS 

triche-Hongrie  au  plus  tard  le  16/28  août  191 6 
(8  jours  après  l'offensive  par  Salonique).  Les 
attaques  de  l'armée  roumaine  commenceront 
le  jour  même  de  la  déclaration  de  la  guerre. 

2.  Depuis  le  moment  delà  signature  de  la 
présente  convention  et  pendant  la  mobilisation 
et  la  concentration  de  l'armée  roumaine, 
l'armée  russe  s'oblige  à  agir  de  la  façon  la 
plus  énergique  sur  tout  le  front  autrichien 
pour  faciliter  à  la  Roumanie  ces  opérations. 
Ces  actions  seront  particulièrement  agressives 
et  fortes  en  Bukovine  où  l'armée  russe  devra 
pour  le  moins  maintenir  ses  positions  et  ses 
efFectifs  actuels.  A  partir  du  12/25  août,  la  flotte 
russe  devra  protéger  le  port  de  Constantza, 
s'opposer  à  toute  descente  des  troupes  enne- 
mies sur  les  côtes  roumaines  et  à  toute  péné- 
tration dans  le  Danube  en  amont  de  l'embou- 
chure de  ce  fleuve. 

De  son  côté  la  Roumanie  reconnaît  à  la  flotte 
russe  de  la  mer  Noire  le  droit  d'utiliser  Cons- 
tantza comme  port  de  guerre  et  de  prendre  les^ 
mesures  nécessaires  contre  les  sous-marin& 
ennemis.  Les  navires  de  guerre  russes  qui  uti- 
liseront le  Danube  tant  pour  défendre  ses  rives 
que  pour  coopérer  avec  l'armée  et  la  flotte 
roumaines  seront  placés  sous  les  ordres  du 
commandement    suprême     de    l'armée    rou- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    151 

maine  et  opéreront  sur  cette  rivière  conjointe- 
ment avec  l'escadre  de  monitors  roumains. 
Les  détails  de  cette  action  commune  seront 
déterminés  en  conformité  avec  la  présente 
convention. 

3.  La  Russie  s'oblige  à  envoyer  dans  la 
Dobroudja  au  moment  de  la  mobilisation  de 
l'armée  roumaine  deux  divisions  d'infanterie 
et  une  de  cavalerie  pour  coopérer  avec  l'armée 
îoumaine  contre  l'armée  bulgare. 

Les  Alliés  s'obligent  à  faire  exécuter  une 
offensive  résolue  par  leur  armée  de  Salonique 
au  plus  tard  8  jours  avant  le  commencement 
de  l'attaque  de  la  Roumanie  afin  de  faciliter  la 
mobilisation  et  la  concentration  de  son  armée. 
Cette  offensive  commencera  le  7/20  août  1916. 

Si  au  cours  des  opérations  militaires,  les 
Puissances  alliées,  d'accord  avec  leurs  états-ma- 
jors, reconnaissaient  la  nécessité  d'augmenter 
les  contingents  de  leurs  armées  coopérant  avec 
Tarmée  roumaine,  cette  augmentation  ne 
modifierait  en  rien  les  dispositions  des  conven- 
tions conclues. 

4.  La  Russie,  la  France,  la  Grande-Bretagne 
et  l'Italie  s'obligent  à  fournir  à  la  Roumanie 
des  munitions  et  du  matériel.  Le  transport 
en  sera  effectué  par  des  vaisseaux  roumains  et 
alliés  et  passera  en  transit  à  travers  la  Russie. 


152  DOCUMENTS     SECRETS 

[Ces  fournitures  et  transport  devront  compor- 
ter au  minimum  en  moyenne  3oo  tonnes  par 
jour]. 

5.  Les  Alliés  s'obligent  également  à  fournir 
à  la  Roumanie  dans  les  limites  du  possible 
des  chevaux,  des  médicaments,  des  vivres  et 
des  équipements... 

6.  Ils  mettront  à  sa  disposition  le  personnel 
technique  indispensable  pour  la  préparation 
chez  elle  des  munitions  et  du  matériel. 

7.  Dès  la  conclusion  du  présent  accord,  les 
états-majors  des  armées  russo-roumaines  et 
ceux  des  armées  de  Salonique  s'entendront  au 
sujet  de  leur  coopération.  L'accord  au  sujet  des 
opérations  militaires  russo-roumaines  ou  tout 
changement,  explication  et  complément  pour 
le  maintien  d'un  lien  constant  s'organisera  au 
quartier  général  compétent  comme  il  sera  dit 
ci-dessous. 

8.  La  coopération  des  armées  alliées  ne  sup- 
pose aucune  subordination  de  l'une  des  armées 
contractantes  à  l'autre  ;  elles  se  proposent 
seulement  de  prendre  librement  les  disposi- 
tions découlant  de  la  situation  générale,  des 
besoins  créés  par  le  but  poursuivi  et  de  la  fra- 
ternité d'armes. 

9.  Les  armées  roumaine  et  russe  conserve- 
ront en  principe  leur  commandement  propre, 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    153 

leur  zone  d'opération  et  leur  complète  indé- 
pendance dans  la  conduite  des  opérations.  La 
liofne  de  démarcation  entre  les  deux  armées 
partira  de  Dorna  Vatra,  suivra  la  Bistritz  et  les 
vallées  des  rivières  Sajo  et  Szamos  jusqu'à 
Debreczin.  L'objectif  principal  de  l'action  rou- 
maine sera,  dans  la  mesure  où  la  situation 
militaire  au  sud  du  Danube  le  permettra,  une 
avance  à  travers  la  Transylvanie  sur  Budapest. 

L'armée  russe  prévue  par  l'article  3  et  desti- 
née à  coopérer  avec  l'armée  roumaine,  sera 
placée  sous  la  direction  du  commendement 
suprême  de  l'armée  roumaine.  Dans  le  cas  où 
ie  contingent  des  troupes  russes  opérant  au  sud 
du  Danube  serait  considérablement  augmenté 
au  point  d'égaler  en  nombre  ou  de  dépasser 
celui  des  troupes  roumaines  avec  lesquelles  il 
coopérera,  ce  contingent  pourra  former  à  la 
sortie  du  territoire  roumain  une  armée  indé- 
pendante subordonnée  au  commandement 
général  russe.  Dans  ce  cas,  cette  armée,  agis- 
sant hors  du  territoire  roumain,  aura  une  zone 
d'opérations  particulière  et  se  dirigera  confor- 
mément aux  dispositions  du  Haut  Commande- 
ment russe,  complètement  en  harmonie  avec 
les  plans  des  deux  quartiers  généraux,  d'après 
les  principes  établis  ci-dessus. 

10.   En   principe,   les  armées    de  l'une   des 


154  DOCUMENTS     SECRETS 

parties  contractantes  ne  peuvent  s'avancer  sur 
le  territoire  de  l'autre  ou  sur  le  territoire  con- 
quis par  celle-ci  que  quand  l'intérêt  et  le  but 
général  l'exigent  et  après  entente  préalable  et 
par  écrit  dans  chaque  cas. 

11.  [L'utilisation  des  chemins  de  fer  sur  le 
territoire  de  l'une  par  des  troupes  de  l'autre 
sera  réglée  par  des  délégués  des  quartiers 
généraux.] 

12.  [Partage  égal  des  prisonniers  et  du 
butin,  sauf  privilège  à  l'armée  roumaine  pour 
ce  dont  elle  manquera.] 

i3.  [Des  représentants  de  l'armée  roumaine 
seront  attachés  aux  quartiers  généraux  alliés 
et  réciproquement.] 

i4.  [Les  questions  imprévues  seront  résolues 
dans  chaque  quartier  général  de  concert  avec 
le  délégué  de  l'armée  alliée.] 

i5.  Afin  d'avoir  la  possibilité  de  prendre  les 
mesures  préparatoires  à  l'ouverture  des  opéra- 
tions, les  parties  contractantes  s'entendront 
relativement  au  plan  d'opérations  jusqu'à  ce 
que  l'armée  roumaine  attaque. 

i6.  [Les  armistices  seront  décidés  d'un  com- 
mun accord.] 

17.  [La  présente  convention  restera  en  force 
jusqu'à  la  paix  générale.] 

Bucarest,  4/^7  ^oût  1916. 


PUBLIÉS     PAR     LES     B  0  L  C  H  E  V  I  K  S    155 


40.  —  Bakhmetev  à  Sturmer.  (N°'  li'-ô-j). 

RAPPORT    de  cet   ambassadeur  de   Russie   aux 
États-Unis   en   date  du    12/25   octobre   191 G 
pour  dénoncer  deux  ecclésiastiques  russes  : 

1°  L'évêque  aléoutien  Alexandre,  actuellement  au 
Canada.  En  1906,  il  avait  non  seulement  parlé  pour 
r  «indépendance  »  de  l'Ukraine,  sa  patrie,  et  pour 
son  affranchissement  du  joug  moscovite,  mais  il 
avait  de  plus  exprimé  les  idées  anti-dynastiques  les 
plus  extrêmes.  En  septembre  1915,  il  a  diffamé 
l'ordre  établi,  insulté  séditieusement  notre  empe- 
reur et  souhaité  son  renversement.  Récemment  il  a 
écrit  un  article  où  il  traite  les  Anglais  de  «  crimi- 
nels »  pour  avoir  fait  exécuter  Casement.  Il  est  au 
Canada  actuellement. 

2°  Le  prêtre  galicien  Fedorenko  incite  à  la  révo- 
lution. 

L'archevêque  Evdokim  n'ose  sévir  contre 
Alexandre  et  n'en  a  pas  les  moyens  contre  Fedo- 
renko. Bakhmetev  demande  contre  eux  une  puni- 
tion sévère. 


156  DOCUMENTS     SECRETS 


41.    —   Traité    entre    la    France    et    la    Russie. 

(N°  42). 

PENDANT  son  séjour  à  Pétrograd  en  janvier 
191 7,  M.  Doumergue,  premier  plénipoten- 
tiaire français  à  la  Conférence  des  Alliés,  fit  con- 
naître le  désir  de  la  France  de  se  procurer  des 
garanties  à  la  fin  de  la  guerre  actuelle,  non 
seulement  par  la  reprise  de  l'Alsace-Lorraine  et 
par  une  position  particulière  dans  la  vallée  de 
la  Sarre,  mais  aussi  par  l'établissement  d'une 
séparation  politique  entre  l'Allemagne  et  ses 
provinces  trans-rhénanes  par  l'organisation  de 
ces  dernières  sur  des  bases  particulières,  de 
façon  que  le  Rhin  soit  à  l'avenir  une  frontière 
stratégique  solide  contre  une  invasion  alle- 
mande. M.  Doumergue  exprima  le  désir  que  le 
Gouvernement  russe  ne  se  refuse  pas  à  donner 
son  agrément  à  ces  projets. 

Le  ministre  des  affaires  étrangères  N.  N.  Po- 
krovski  télégraphia  à  ce  sujet  à  l'ambassadeur  à 
Paris  (^)  qu'il  consentait  à  satisfaire  le  désir  de 
notre  alliée,  mais  qu'il  considérait  comme  son 


(1)  Le  20  (?)  janvier  [2  (?)  février]  1917.  Il  réclamait  en  oulre 
notre  consentement  à  la  suppression  de  la  servitude  pesant 
sur  les  îles  d'Aland.  (Pravda,  10/28  nov.  1917). 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    157 

devoir  de  rappeler  le  point  de  vue  exprimé 
encore  en  février  igi6  par  S.  D.  Sazonov  : 
((  donnant  à  l'Angleterre  et  à  la  France  pleine 
liberté  de  fixer  les  frontières  occidentales  de 
l'Allemagne,  la  Russie  demande  qu'à  son  tour 
ses  Alliés  lui  laissent  une  égale  liberté  au  sujet 
de  ses  frontières  avec  l'Allemagne  et  l'Au- 
triche-Hongrie  »  (^). 

Le  Cabinet  de  Paris  accepta  ce  point  de  vue  ; 
après  quoi  il  fut  procédé  à  l'échange  des  deux 
documents  diplomatiques  suivants  : 

1°  Par  une  note  du  i/i4  février  19 17, 
N.  ]N.  Pokrovski  informa  AI.  Paléologue  du 
consentement  de  la  Russie  au  sujet  des  projets 
français  relatifs  à  la  détermination  des  fron- 
tières occidentales  de  FAllemagne. 

2""  Le  26  tévrier/ii  mars  1917,  M.  Izvolski, 
ambassadeur  à  Paris,  communiqua  le  texte 
d'une  note  du  ministre  des  affaires  étrangères 


(1)  2/j  février/8  mars  1916.  Dans  ce  télégramme,  envoyé  en 
vue  de  la  Conférence  des  Alliés,  Sazonov,  après  avoir  protesté 
contre  tout  changement  dans  les  conventions  conclues  au  sujet 
des  buts  de  guerre,  réclamait  en  outre  :  1°  que  la  question 
polonaise  soit  exclue  des  règlements  internationaux  ;  2°  que 
l'on  s'efforce  de  détourner  la  Suède  de  faire  la  guerre  à  la 
Russie  et  que  l'on  attire  la  Norvège  du  côté  des  Alliés  pour  le 
cas  011  l'on  ne  réussirait  pas  à  éviter  la  guerre  avec  la  Suède; 
3°  que  l'on  cesse  de  solliciter  inutilement  la  Roumanie  ;  4°  que 
la  question  de  l'exclusion  des  Allemands  du  marché  chinois 
soit  réservée  à  une  conférence  à  laquelle  le  Japon  prendrait 
part.  (Pravda,  10/23  nov.  1917.) 


158  DOCUMENTS     SECRETS 

français  reconnaissant   à  la    Russie   la   pleine 
liberté  de  fixer  ses  frontières  occidentales. 


42.  —  Résumé  sur  la  question  de  l'Asie  Mineure. 

(>■'  29;. 


COMME  résultat  des  négociations  qui  ont  eu 
lieu  en  1916  à  Londres  et  à  Pétrograd,  les 
Gouvernements  alliés  de  Grande-Bretagne,  de 
France  et  de  Russie  se  sont  mis  d'accord  au 
sujet  de  la  délimitation  future  de  leurs  zones 
d'influence  et  d'acquisitions  territoriales  dans 
l'Asie  turque,  et  aussi  au  sujet  de  la  formation 
dans  les  limites  de  l'Arabie  d'un  État  arabe 
indépendant  ou  d'une  Confédération  d'États 
arabes. 

Cet  accord  dans  ses  lignes  générales  revient 
à  ce  qui  suit  : 

La  Russie  acquiert  les  vilayets  d'Erzeroum, 
Trébizonde,  Van  et  Bitlis,  et  un  territoire  dans 
le  Kurdistan  méridional  jusqu'à  la  ligne  Mouch- 
Ser-Ibn  Omar-Amalia  frontière  persane.  Le 
point  final  des  acquisitions  russes  sur  le  rivage 
de  la  mer  Noire  sera  à  fixer  ultérieurement  à 
l'ouest  de  Trébizonde. 

La  France  obtient   en   Syrie    une  bande   le 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    159 

long  de  la  côte,  le  vilayet  d'Adana  et  son  terri- 
toire borné  au  sud  par  la  ligne  Aintab-Mardin 
jusqu'à  la  future  frontière  russe  et  au  nord  par 
la  ligne  Ala- dagh-Kaisarie-Ak-dagh-Yildiz- 
dagh-Zarra-Egin-Charput. 

La  Grande-Bretagne  acquiert  la  portion  méri- 
dionale de  la  Mésopotamie  avec  Bagdad  et  se 
réserve  en  Syrie  les  ports  de  Caifa  et  d'Akka. 

Par  accord  entre  la  France  et  l'Angleterre, 
la  zone  entre  les  provinces  françaises  et 
anglaises  est  formée  par  la  Confédération  des 
États  arabes  ou  par  un  Etat  arabe  indépen- 
dant; les  zones  d'influence  sur  celui-ci  ont  été 
déterminées  simultanément. 

Alexandrette  est  déclarée  port  libre. 

Comme  garantie  des  intérêts  religieux  des 
puissances  alliées,  la  Palestine  et  les  Lieux 
Saints  sont  détachés  du  reste  de  l'Empire  turc 
et  seront  soumis  à  un  régime  spécial  confor- 
mément déterminé  par  la  Russie,  la  France  et 
l'Aiigleterre. 

Comme  règle  générale,  les  Puissances  con- 
tractantes s'obligent  à  maintenir  les  conces- 
sions et  privilèges  ayant  existé  jusqu'au  moment 
de  la  guerre  dans  les  territoires  acquis  par  elles. 

Elles  conviennent  de  prendre  une  part  de  la 
dette  ottomane  proportionnelle  aux  acquisi- 
tions faites  par  elles. 


160  DOCUMENTS     SECRETS 


43.  —  Télégrammes  d'Espagne.  (N°  53). 

1.  —  7 jW  mars  1917.  Comme  conséquence 
d'une  question  du  Gouvernement  espagnol,  je 
vous  prie  de  me  faire  connaître  qui  représente 
le  pouvoir  suprême,  car  ni  votre  communica- 
tion n"  665,  ni  les  télégrammes  des  agences  ne 
précisent  ce  point.  (Signé  :)  Koudachev,  ambas- 
sadeur. 

2.  _  10/23  mars  1917,  Le  Roi,  revenu 
aujourd'hui  d'Andalousie  m'a  fait  venir.  S.  M. 
est  très  inquiète  au  sujet  du  sort  de  la  famille 
impériale  et  craint  d'autre  part  que  le  séjour 
en  Russie  de  l'Empereur  qui  a  abdiqué  puisse 
provoquer  une  révolution  et  une  forte  effusion 
de  sang.  Quoique  la  conversation  ait  eu  un 
caractère  privé  et  quoique  le  Roi  m'ait  prié  de 
ne  pas  vous  en  faire  part,  je  considère  comme 
mon  devoir  de  vous  avertir  que  l'ambassadeur 
d'Espagne  recevra  l'ordre  de  s'adresser  au 
Gouvernement  provisoire  au  sujet  du  sort  ulté- 
rieur de  la  famille  impériale.  Le  détail  ne 
m'est  pas  connu.  Le  Roi  craint  que  les  événe- 
ments en  Russie  n'aient  leur  répercussion  en 
Espagne.  On  remarque  déjà  une  fermentation 
dans  les  sphères  ouvrières.   A  Barcelone,  il  y 


PUBLIÉS  PAR  LES  BOLCHEVIKS  161 

a  eu  des  désordres  avec  morts  d'hommes  que 
l'on  s'efforce  de  cacher.  (Signé  :)  Koudachev. 

3.  _  17/30  avril  i9l7.   [Meeting  des  con- 
servateurs extrêmes.] 

[^  — 18  avril/ V'  mai  1917.  [Fête  du  i*"^  mai.] 
5.  —  21  avril/â  mai  1917.  La  situation  ici 
est  inquiétante.  D'une  façon  inattendue  pour 
l'Espagne,  vivant  isolément  jusqu'à  présent,  la 
politique  extérieure  est  venue  faire  une  irrup- 
tion violente  dans  sa  vie  intérieure  pendant 
cette  phase  nouvelle  de  la  guerre,  et  d'elle 
dépend  le  sort  même  de  la  dynastie.  L'initia- 
tive des  républiques  américaines,  dont  on 
apprécie  fort  ici  les  liens  d'origine,  souligne 
encore  la  pusillanimité  de  ce  Gouvernement-ci. 
Le  désir  obstiné  du  Roi  de  garder  coûte  que 
coûte  la  neutralité  s'expliquait  précédemment 
par  son  désir  de  jouer  le  rôle  de  principal 
médiateur  à  la  fin  de  la  guerre  ;  on  l'interprète 
maintenant  en  Espagne  dans  les  cercles  libé- 
raux comme  de  la  germanophilie  et  on  l'ex- 
])lique  par  l'influence  de  sa  mère  et  de  courti- 
sans partisans  de  l'Allemagne.  Le  Roi  devra 
se  décider  promptement  à  céder  au  puissant 
désir  de  son  peuple  et  à  lier  son  sort  à  celui 
des  Alliés,  ou  il  risquera  son  trône  par  sympa- 
thie pour  l'Allemagne...  {Signé:)  Soloviev, 
chargé  d'affaires. 

11 


162  DOCUMENTS     SECRETS 

6.  —  15/28  mal  1917.  [Meeting  anti-alle- 
mand des  progressistes  espagnols.] 

7.  —  17/30  mai  1917.  [Nombreuses  arres- 
tations d'officiers  de  la  garnison  de  Barcelone. 
On  a  évidemment  découvert  une  conspiration 
militaire.  (Signé:)  Soloviev.J 

8.  —  20  mai/ 2  juin  1917.  Hier,  j'ai  eu  à 
rimproviste  chez  moi  une  longue  conversation 
avec  le  Roi  sur  la  situation  actuelle  en  Russie. 
J'ai  eu  l'impression  que  le  Roi  commençait  à 
se  réconcilier  avec  le  nouvel  ordre  des  choses 
qui  s'établit  chez  nous.  Une  grande  facilité 
d'adaptation  est  une  particularité  de  son  carac- 
tère très  vif  et  de  son  naturel  très  allant. 
Cependant,  pour  agir  contre  les  informations 
hostiles  venues  de  Berlin  au  sujet  de  la  situa- 
tion sur  notre  front,  il  serait  très  désirable 
d'activer  l'arrivée  de  l'attaché  militaire  nommé 
récemment  pour  ici.  J'ai  aussi  des  raisons  de 
croire  que  l'ambassadeur  d'Espagne  à  Pétro- 
grad  dans  ses  rapports  donne  une  appréciation 
quelque  peu  tendancieuse  de  notre  situation 
politique  intérieure.  [Signé  :)  Soloviev. 

9.  —  28  mai/ 10  Juin  1917.  [Le  Comité  de 
défense  des  olficiers  de  Barcelone  impose  la 
libération  de  ceux  de  ses  membres  qui  ont  été 
arrêtés.] 

10.  —  28  mai/ 10  juin    1917.   Le  ministère 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    163 

Garcia  Prieto  a  démissionné  cette  nuit.  Un 
nouveau  ministère  n'est  pas  encore  formé.  La 
situation  est  extrêmement  sérieuse.  Dirigé 
contre  le  favoritisme  de  la  Cour,  le  mouve- 
ment des  officiers  prend  un  caractère  nette- 
ment anti-dynastique.  Au  nombre  des  exi- 
gences des  ofRciers  est  compris  l'éloignement 
<\e  quelques-uns  des  personnages  les  plus  in- 
lluents  de  l'entourage  du  Roi.  {Signé:)  Soloviev. 

II.  — 29  mai/11  juin  1917.  [Cabinet  con- 
servateur Dato.] 

12  —  6/19  juin  1917.  Dans  les  derniers 
temps,  les  cas  de  désobéissance  se  sont  multi- 
pliés parmi  les  soldats  de  la  garnison  de 
Madrid.  Un  régiment  désigné  pour  aller  dans 
une  autre  garnison  n'a  pas  voulu  quitter  la 
capitale.  En  même  temps,  la  fermentation  croît 
parmi  la  population.  —  Ces  jours-ci,  au  Club 
des  Mauristes,  on  a  déchiré  le  portrait  du  Roi, 
et  au  moment  des  ovations  qui  lui  ont  été  faites 
au  Théâtre  royal  après  la  représentation  de 
notre  ballet,  on  a  entendu  des  sifflets.  {Signé  :) 
Soloviev. 

i3.  —  6/19 juin  1917.  [Le  ministère  Dato  a 
accepté  tous  les  articles  du  statut  présenté  par 
les  officiers.  Pas  un  officier  ne  pourra  être  ni 
promu  ni  muté  sans  le  consentement  de  la 
Junte.   Le  Roi  a  évidemment  résolu  de   s'ap- 


164  DOCUMENTS     SECRETS 

puyer  jusqu'au  bout  sur  l'armée  ;  il  espère  en 
cédant  aux  officiers  conserver  leur  dévoue- 
ment.] {Signé  :)SoLO\iE\. 

i/j.  _  i2/25  juin  1917,  [Grèves.  Juntes  de 
sous-offîciers  et  de  soldats].  D'après  tous  les 
signes,  une  crise  révolutionnaire  approche. 
(Signé  :)  Solo  vie  v. 

i5.  —  13/26  juin  1917.  [Etat  de  siège.  Cen- 
sure.] 

i6.  —  19  juin /2  Juillet  1917.  [...  L'opinion 
des  gens  expérimentés  est  que  si  la  crise  mili- 
taire se  résout  heureusement,  il  n'y  aura  pas 
de  crise  politique...  La  situation  se  com- 
plique de  ce  que  le  parti  libéral,  qui  soutient 
le  Roi  et  est  soutenu  par  lui,  est  maintenant 
troublé  par  la  situation  et  reste  inaclif.  La 
cause  en  est  qu'en  Espagne,  comme  partout 
d'ailleurs,  une  grande  quantité  de  peuple  ne 
comprend  la  vraie  démocratie  que  comme  un 
travail  sérieux  pour  la  solution  des  problèmes 
sociaux.  Les  libéraux  espagnols  (y  compris 
même  les  républicains)  considèrent  toujours 
comme  la  seule  base  de  leur  activité  la  lutte 
avec  le  cléricalisme  et  la  réaction.  Or,  la  réac- 
tion est  tout  à  fait  calmée,  et  le  cléricalisme 
peut  tous  les  jours  prendre  de  nouvelles 
formes  tout  à  fait  inattendues.  On  ne  voit  pas 
de  main  étrangère  dans  les  événements,  sauf  à 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    165 

Barcelone  où  /[o.ooo  anarchistes,  déserteurs 
français  et  canailles  de  tout  genre,  vivent  en 
cjuelque  sorte  de  l'argent  distribué  par  les 
agents  allemands.  C'est  de  Barcelone  que  me- 
nace le  plus  grand  danger  pour  le  cas  où  les 
agents  allemands  désireraient,  par  des  attentats 
anarchistes  et  par  la  terreur,  procurer  une  vic- 
toire, même  momentanée,  à  la  réaction  aristo- 
cratique qui  en  tout  temps  a  les  yeux  tournés 
vers  Berlin.  {Signé  :)  Neklioudov  [ambassa- 
deur.] 

17.  —  23  juin/ 6  juillet  1917.  On  ne  donne 
pas  ici  une  importance  particulière  au  mouve- 
ment parmi  les  soldats.  Jusqu'à  présent  il  ne 
-s'est  formé  que  des  <(  juntes  de  sergents  »... 
Le  gouvernement  ces  jours  ci  est  allé  au-devant 
des  désirs  des  soldats  en  augmentant  leur  paye 
et  en  améliorant  leur  situation.  Pour  apaiser 
le  mécontentement  parmi  les  généraux  et  les 
officiers,  le  Roi  a  signé  un  décret  disant  que  les 
officiers  de  sa  suite  ne  peuvent  pas  rester  à  la 
Cour  plus  de  4  ans...  Cette  mesure  a  été  avant 
tout  appliquée  aux  chefs  du  quartier  militaire 
et  de  la  chancellerie  du  Roi.  les  comtes  de 
Grove  et  Aibar,  contre  lesquels  était  parti- 
culièrement montée  l'opinion  des  généraux  et 
■des  officiers.  D'une  façon  générale  d'ailleurs, 
le  Pioi  de  lui-même  et  sur  le  conseil  du  prési- 


166  DOCUMENTS     SECRETS 

dent  du  Conseil  se  montre  très  accessible  et 
plein  de  prévenance  envers  les  militaires,  mais 
son  prestige  parmi  eux  qui  avait  semblé  jus- 
qu'à présent  aux  connaisseurs  des  choses  espa- 
gnoles très  considérable,  ne  paraît  plus  aussi 
fort  et  en  tout  cas  est  chancelant.  Néanmoins, 
on  considère  ici  les  difficultés  militaires 
comme  presque  arrangées.  On  ne  voit  plus  de 
danger  que  dans  la  garnison  de  Barcelone  où 
Ton  dit  que  parmi  les  sergents  et  les  soldats 
existent  des  courants  séparatistes  catalans» 
{Signé  :)  Neklioudov. 

i8.  —  '23  juin/ 6  juillet  19 17.  [Les  Alliés  ont 
confiance  dans  le  cabinet  Dato.] 

19.  —  26  juin/8  juillet  1917  (sic).  [Le  Por- 
tugal rêve  presqu'ouvertement  de  convertir 
l'Espagne  à  l'aide  de  l'Angleterre  en  une  série 
de  républiques  à  capitales  dans  des  ports.  Elles 
constitueraient  une  fédération  ibérique  avec  le 
Portugal  en  tête.  La  France,  qui  joue  ici  natu 
Tellement  le  premier  rôle,  y  poursuit  de  petits 
buts  et  pratique  sans  interruption  à  Madrid  une 
politique  réactionnaire.  {Signé  :)  Soloviev, 
conseiller  d'ambassade.] 

20.  —  28  juin/11  juillet  1917.  [Dépêche  de 
(iouLKEviTCH,  minlstrc  russe  à  Stockholm.  Un 
Suédois  a  dit  que  la  révolution  éclaterait  en 
Espagne  dans  une  semaine  ou  deux.] 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    1G7 

21.  —  2/ 15  jaillet  1917.  [Les  ambassadeurs 
de  l'Entente  sont  très  contents  du  Cabinet 
Dato  et  le  soutiennent.  Signé  :  Neklioudov.] 

22.  —  7/20  juillet  1917.  [L'Assemblée  cata- 
lane a  été  dispersée.] 

23.  — 28  juillet/ 10  août  1917.  [Agitation  des 
cheminots.] 

2^.  —  31  juillet/ 12  août  1917  (sic).  Grève  de 
Bilbao.  Les  grévistes  ont  de  l'argent.  «  Mal- 
heureusement, on  suppose  qu'une  partie  en  a 
été  fournie  par  des  agents  allemands.  Leur  but 
est  d'efîrayer  la  Cour  et  de  ramener  un  Cabinet 
Garcia-Prieto,  pseudo  libéral,  en  réalité  par- 
tisan de  la  paix  allemande.  »  Signé  :  Nek- 
lioudov. 

20.  —  1/15  (sic)  août  19 17 .  [Etat  de  siège. 
Insurrections  à  Madrid,  Barcelone,  Bilbao, 
Burgos  et  Saragosse.] 

26.  —  3/16  août  1917.  [Le  mouvement  est 
étouffé,  sauf  à  Barcelone.] 

27.  —  ^/17  août  1917.  [Nombreuses  arres- 
tations.] 

28.  —  6/19  août  1917 .  [Le  mouvement  avait 
partout  un  caractère  révolutionnaire.] 

29.  —  9/22  août  1917 .  [Grande  effusion  de 
sang  lors  de  la  répression,  u  Les  membres  du 
gouvernementprovisoire.pourle  cas  où  le  mou- 
vement réussirait,  étaient  déjà  nommés.  Mais 


168  DOCUMENTS     SECRETS 

l'armée  est  restée  fidèle  au  pouvoir  royal.  Le  Roi 
ne  revint  pas  à  Madrid,  ce  qui  dans  les  cercles 
sociaux  en  vue  est  très  critiqué.  J'ai  des 
raisons  sérieuses  de  croire  qu'il  est  resté  à 
Santander,  non  par  pusillanimité,  mais  par 
désir  intelligent  de  ne  pas  prendre  part  person- 
nellement à  l'écrasement  sanglant  du  soulève- 
ment populaire.  »  L'organisation  socialiste  s'y 
est  montrée  peu  développée,  u  Les  monar- 
chistes d'ici  croient  fermement  aux  bruits 
ineptes  que  ce  mouvement  révolutionnaire  a 
été  provoqué  et  soutenu  par  de  l'argent  envoyé 
d'Angleterre  et  d'Amérique.  De  l'argent  a  été 
effectivement  distribué,  mais  il  venait  d'Alle- 
magne. Il  est  très  vraisemblable  que  ce  mou- 
vement était  soutenu  du  Portugal,  mais  cet 
appui  a  dû  consister  plutôt  dans  la  coopéra- 
lion  personnelle  d'agents  portugais  et  dans  la 
fourniture  d'armes  à  travers  la  frontière.  » 
Signé  :  Xeklioldov.] 

3o.  —  23  août/ 5  septembre  1917.  [Quoi  que 
disent  les  ambassadeurs  alliés,  je  crois  à  l'exac- 
titude de  ce  que  rapporte  des  événements  de 
Barcelone  le  prince  Gagarine  et  je  crois  que  des 
événements  nouveaux  et  plus  sérieux  auront 
lieu  dans  2  ou  3  mois.  Signé  :  ^'EkLlouDov.] 

01.  —  12/15  sept.  1917.  [Dato  appelé  à  S*- 
Sébastien.] 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    169 

32.  —  19  sepL/2  oct.  1917 .  [Jugement  des 
insurgés.] 

ZZ.  —  23  sept.  16  oct.  1917.  [Mauvaise  situa- 
tion économique.  La  popularité  du  Roi  parmi 
le  peuple  a  décru  remarquablement  pendant 
les  derniers  temps.  Signé  :  Solo  vie  v.] 

35.  _  10  123  oct.  1917.  [Grâce  à  ses  conces- 
sions aux  juntes  d'officiers,  le  gouvernement  a 
pu  écraser  les  insurrections.  Mais  les  juntes 
sont  les  maîtresses.  Elles  prononcent  l'ostra- 
cisme tantôt  contre  un  général,  tantôt  contre 
un  autre.  Elles  ont  fait  remplacer  le  ministre 
de  la  guerre  par  le  général  Marino  qui  leur 
était  agréable.  Dans  leurs  réunions  secrètes, 
elles  mettent  aux  voix  même  la  personne  du 
monarque  ou  la  forme  du  gouvernement. 
Beaucoup  d'officiers  sont  républicains  et 
Alphonse  n'a  été  conservé  que  grâce  à  une 
faible  majorité.  Le  Roi  ne  se  maintient  d'accord 
avec  les  juntes  que  par  des  concessions  conti- 
nuelles. Signé  :  Solo  vie  v.] 

34.  (.sie.)  _  i^t/'27  octobre  1917.  [Chute  de 
Dato.] 


170  DOCUMENTS     SECRETS 


44.  —  Renne  à  Antonomov.  (N°  35). 

De  Toklo,  le  19  jiiin/2  juillet  1917.  —  Le  baron 
Renne,  attaché  à  la  légation  de  Tokio,  prie  AK 
Al.  Antonomov,  secrétaire  de  la  section  d'Ex- 
trême-Orient au  ministère  des  affaires  étrangères^ 
de  lui  faciliter  le  change  de  ses  roubles.  Suivent 
quelques  détails  sur  le  personnel  actuel  de  la  léga- 
tion et  sur  son  genre  de  vie.  L'alTluence  des  «  bour- 
geois »  quittant  la  Russie  a  diminué. 


45.  —  Mauvais   canons  fournis  par  les   Alliés» 

Télégramme  envoyé  de  l'armée  d'opération  par  le 
ministre  de  la  guerre  Kerenski,  le  20  juin/ 
3  juillet  1917. 

DITES  aux  ambassadeurs  que  l'artillerie 
lourde  envoyée  par  leurs  Gouvernements 
est  visiblement  composée  en  partie  de  rebuts. 
35  "/„  de  ces  pièces  n'ont  pas  supporté  deux 
jours  d'une  canonnade  mesurée.  Insistez  sur  la 
fourniture  hors  série  d'appareils  d'aviation 
dont     des    portions    avaient    dû    être    chan- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    171 

gées.  Obtenez  le  rappel  du  front  du  colonel 
Nox  :  il  ne  cesse  de  fronder.  Activez  la  convo- 
cation de  la  Conférence  des  Alliés.  Il  est  abso- 
lument indispensable  que  la  diplomatie  alliée 
agisse  plus  vite  et  travaille  plus  clairement. 
11  est  nécessaire  d'utiliser  l'effort  du  front 
de  toute  manière  à  raison  de  ce  que  vous 
savez  de  la  situation  du  pays  et  de  l'armée. 
Souvenez -vous  que  chaque  pas  du  front  nous 
cause  un  travail  immense.  Ce  n'est  que  par 
des  actions  combinées  et  opportunes  de  la 
diplomatie  et  de  l'armée  que  nous  raffer- 
mirons la  situation  et  que  nous  éviterons  un 
fiasco.  —  Télégraphiez  la  situation.  Salut. 


46.  —  L'état  de  choses  en  Russie.  (^°  i5). 

Télégramme  da  ministre  des  ajffaires  étrangères 
Terechtchenko  du  13/26  juillet  1917  aux 
ambassadeurs  à  Londres,  etc. 

LA  situation  militaire,  nos  troupes  ne  tenant 
pas  et  retraitant,  est  toujours  pénible.  Les 
événements  du  front  et  les  émeutes  de  Pétro- 
grad  ont  créé  une  scission  sociale.  Les  troubles 
causés  parles  bolcheviks  et  l'espionnage  alle- 
mand,   croissent.   Un  revirement  se  remarque 


472  DOCUMENTS     SECRETS 

à  un  haut  degré  dans  la  garnison  de  Petrograd 
et  aussi  parmi  les  ouvriers  où  la  désillusion  est 
grande.  Le  Conseil  des  députés  ouvriers  songe 
à  exclure  les  bolcheviks  et  a  dispensé  les  mi- 
nistres socialistes  de  lui  demander  son  avis. 
Hier,  la  peine  de  mort  a  été  rétablie  pour  la 
trahison  et  les  délits  militaires  du  front.  On 
supprimera  les  journaux  excitant  à  l'indisci- 
pline et  on  va  rétablir  l'ordre  à  Pétrograd.] 


47.  —  Les  troupes  russes  en  France.  (N"»  6-11;. 

7/20  août  1917.  Télégramme  de  Sévastopoulo, 
chargé  dajjalres  russes  à  Paris.  [Le  général 
Zankevitch  avait  agi  jusqu'à  présent  confoi- 
mément  aux  ordres  excluant  le  retour  de  sa 
brigade  en  Russie.  La  situation  semblait  par 
suite  sans  issue,  étant  impossible  d'agir  par 
force  contre  cette  i'^'"  brigade,  la  2%  d'abord  très 
loyale,  étant  devenue  mauvaise  par  suite  de 
son  désir  de  ne  pas  aller  à  Salonique,  et  de 
plus  à  cause  des  conséquences  regrettables 
qu'aurait  un  choc  des  forces  françaises  avec  les 
nôtres.  Le  général  est  entré  en  rapports  avec 
les  autorités  militaires  françaises  pour  entou- 
rer la   i'"  brigade,  la  réduire  par  la  faim  et  la 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    173 

forcer  à  rendre  ses  armes.  Mais  ce  projet,  s'il 
pouvait  réussir,  pouvait  aussi  amener  une 
collision  ou  le  pillage  des  villages  voisins. 
Le  gouvernement  français  ne  s'y  est  pas 
décidé.] 

7 jW  août.  Télégramme  de  Sévasiopoulo, 
[Zankevitch  télégraphie  que  les  soldats  du 
camp  de  la  Courtine,  appartenante  la  i'®  bri- 
gade, n'ont  pas  encore  été  réduits  à  l'obéis- 
sance. Fermentation  dans  la  2^  brigade.  Une 
des  causes  est  dans  les  officiers,  partie  insuffi- 
sants, partie  démoralisés.  On  a  renvoyé  les  plus 
mauvais  et  on  les  a  remplacés  par  les  meilleurs 
sous-officiers.] 

7/20  août  1917.  Télégramme  de  Sévastopoulo, 
[Zankevitch  télégraphie  que  la  2^  brigade  n'a 
pas  refusé  nettement  d'agir  contre  les  déso- 
béissants, mais  que  son  état  est  tel  qu'on  ne 
peut  l'y  employer.  Il  va  à  la  Courtine.] 

7/20  août  1917 .  Télégramme  de  Sévastopoulo. 
[La  seule  issue  serait  le  retour  de  la  brigade  en 
Russie.  Le  gouvernement  français  avait  tout 
préparé  pour  le  renvoi  de  ces  troupes  à  Arkhan- 
gel  il  y  a  un  mois.  Maintenant  se  poserait  la 
question  du  tonnage  (car  il  ne  faut  pas  dimi- 
nuer l'envoi  de  notre  matériel  de  guerre).  Il 
est  aussi  possible  que  les  soldats  exigent  une 
amnistie  pour  déposer  les  armes.] 


174  DOCUMENTS     SECRETS 

7 1^0  août  1917.  Télégramme  de  Sévastopoulo. 
[On  a  déjà  télégraphié  il  y  a  un  mois  à  Bara- 
novski,  chef  du  cahinet  du  ministre  de  la 
guerre,  que  la  seule  issue  était  le  retour  des 
troupes.] 

9/22  août  1917.  Télégramme  de  Sévastopoulo. 
[Impossible  d'apprécier  si  Zankevitch  aurait 
pu  faire  mieux.  Je  puis  seulement  dire  que 
Rappe,  le  commissaire  du  gouvernement  pro- 
visoire, agit  d'accord  avec  lui.  Zankevitch  a 
évité  d'avoir  recours  aux  Français  pour  faire 
obéir  les  troupes.  Quand  il  vit  que  la  2^  bri- 
gade ne  pouvait  être  employée  à  agir  contre  la 
i'%  il  demanda  le  retour  de  nos  troupes  pour 
liquider  celte  triste  affaire  sur  notre  territoire. 
]Ne  l'ayant  pas  obtenu,  il  fut  contraint  de 
s'adresser  aux  Français,  espérant  qu'il  suffirait 
de  mesures  passives.  Je  puis  rendre  témoi- 
gnage à  ses  hautes  qualités,  à  son  tact  et  à  son 
jugement.  Rappe  jouit  aussi  ici  de  la  considé- 
ration de  tous,  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  croire 
que  si  un  autre  avait  été  à  sa  place,  l'affaire 
aurait  pris  une  autre  tournure.] 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    175 


48.   —   Pas   de   négociations  avec  PAllemagne. 

(N°  46). 

Terechtchenko  à  l amhassadear  à  Madrid 
{21  août/ 3  sept.  1917).  Si  les  Austro-Allemands 
essayaient  d'avoir  recours  à  l'intervention 
pacifique  de  l'Espagne  et  si  le  Roi  ou  le  Gou- 
vernement touchaient  ce  sujet  avec  vous, 
dites  que  la  résolution  de  la  Russie  de  continuer 
la  guerre  demeure  inflexible... 


49.  —  Affaire  Kornilov.  TX"^  i^i  et  40). 

/ .  Télégramme  envoyé  au  ministre  des  affaires 
étrangères  par  le  prince  Troabetzkoï,  directeur 
de  la  Chancellerie  diplomatique  du  généralissime 
{28  août/10  sept.  1917).  [La  majorité  des 
officiers  et  les  meilleurs  éléments  soutiennent 
Kornilov.  Il  a  pour  lui  les  Cosaques  et  les  écoles 
militaires.  A  la  force  physique  il  faut  unir 
une  bonne  organisation  militaire  et  l'assenti- 
ment moral  des  parties  non  socialistes  de  la 
nation.  ?sul  doute  qu'une  grande  partie  des 
socialistes  martovistes  ne  tarderait  pas  à  s'y 
joindre.  D'autre  part,  les  derniers  événements 


176  DOCUMENTS     SECRETS 

du  front  et  de  l'arrière  ont  prouvé  qu'une  ca- 
tastrophe est  inévitable  si  un  revirement  ne  se 
produit  pas  immédiatement.  C'est  sans  doule 
ce  qui  a  décidé  Kornilov.  Si  les  hommes  au 
pouvoir  s'opposent  à  ce  revirement,  ils  pren- 
dront la  responsabilité  de  nouveaux  malheurs. 
Seule  l'arrivée  immédiate  du  ministre-président 
et  de  vous  pour  coopérer  avec  le  généralissime 
peut  conjurer  la  discorde.] 

2.  Le  ministre  des  ajjaires  étrangères  Terecht- 
chenko  aux  ambassadeurs  à  Paris,  etc.  {31  août/ 
13  sept.  1917).  [Annonce  la  liquidation  de 
laffaire  Kornilov  sans  effusion  de  sang  et  le 
nouveau  programme  du  gouvernement.  On  va 
introduire  l'état  de  siège  à  Pétrograd  et  Mos- 
cou.] 


50.  —  Les  Anglais  au  Siam.  (N°  3o). 

/.  Loris-Metikov,  ministre  de  Russie  au  Siam,  à 
Kazakov,  chef  de  la  section  d^ Extrême-Orient 
{11 /2ù  septembre  1917). 

I.  —  [Ne  peut  comprendre  pourquoi  on  lui 
a  télégraphié  de  se  tenir  à  l'écart  des  compéti- 
tions entre  Anglais  et  Français  au  Siam,  en 
particulier  dans    la  question  de  la  réquisition 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    177 

des  navires  allemands.  Il  l'a  toujours  fait.  Des 
complications  anglo-françaises  au  Siam  sont 
toujours  possibles.  La  politique  très  asiatique 
des  Siamois  y  contribue.  Le  ministre  français, 
M.  Lefèvre-Pontalis,  qui  s'occupe  de  politique 
siamoise  depuis  environ  27  ans,  m'a  assuré 
plus  d'une  fois  que  le  ministre  des  affaires 
étrangères  reçoit  une  pension  du  gouverne- 
ment anglais.] 

[Quoiqu'en  1894,  l'Angleterre  ait  refusé  de 
devenir  suzeraine  du  Siam,  elle  s'est  ravisée, 
et  grâce  à  son  énergie,  ce  pays  est  dans  ses 
mains.  Jusqu'à  l'entrée  du  Siam  dans  la 
guerre,  on  disait  ouvertement  que  son  sort 
est  fixé,  qu'il  deviendra  en  entier  une 
colonie  anglaise  ou  sera  partagé  entre  TAngle- 
terre  et  la  France.  On  comprend  par  suite  la 
con-trariélé  causée  aux  Anglais  par  la  résolution 
du  roi  de  Siam,  sur  mon  conseil,  d'entrer 
dans  la  ligue  des  Puissances  défendant  la 
liberté  et  l'indépendance  des  petits  Etats.  Ils 
y  virent  avec  raison  Tintention  du  Siam 
d'échapper  à  leur  trop  puissante  tutelle.  Ils 
sefTorcèrent  de  l'empêcher  par  tous  les 
moyens,  en  particulier  en  représentant  aux 
Siamois  que  leurs  soldats  ne  supporteraient 
pas  les  climats  froids.  Mais  les  Siamois,  se 
sentant    sur    le    terrain    de    l'indépendance, 

12 


178  DOCUMENTS     SECRETS 

répondirent  avec  ardeur  à  l'appel  de  leur  roi 
d'aller  sur  le  théâtre  de  la  guerre.  Les  Anglais 
en  furent  fort  étonnés  et  on  leur  entendit  sou- 
vent dire  que  les  Siamois  s'enorgueillissaient. 
Les  Anglais  profitèrent  de  la  déclaration  de 
guerre  à  l'Allemagne  pour  accaparer  toutes 
les  places  tenues  par  des  Allemands.  Ils  vou- 
lurent aussi  accaparer  tous  leurs  navires,  mais 
la  France  et  le  Japon  s'y  opposèrent.] 

2.  —  [A  reçu  la  liste  des  étrangers  employés 
par  le  gouvernement  siamois.  11  y  a  ii3  An- 
glais (occupant  tous  les  postes  ayant  do 
l'importance  économique);  27  Danois  (dans  la 
marine  et  la  police)  ;  20  Italiens  (dans  les 
services  artistiques  de  la  Cour)  ;  20  Français 
(dans  l'administration  de  la  justice  et  dans  les 
services  de  Bankok),  etc.  Il  n'y  a  pas  un 
Japonais  :  ils  avaient  été  appelés  avec  enthou- 
siasme après  la  guerre  russo-japonaise,  mais 
leur  caractère  envahissant  a  fait  que  leurs 
contrats  n'ont  pas  été  renouvelés.] 


51.  —  Démarche  des  trois  ambassadeurs.  (N°  43). 

Le  ministre  des  affaires  étrangères   Terecht- 
chenko  à  l'ambassadeur  à  Washington  {26  sept./ 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    170 

9  oct.  1917).  Les  ambassadeurs  d'Angleterre, 
de  France  et  d'Italie  ont  été  reçus  aujourd'hui 
par  le  ministre-président  et  lui  firent  une 
communication  au  nom  de  leurs  gouverne- 
ments au  sujet  de  la  nécessité  de  rétablir  la 
capacité  de  combattre  de  notre  armée.  Cette 
démarche  ne  pouvait  produire  sur  le  Gouver- 
nement provisoire  qu'une  impression  pénible, 
d'autant  plus  que  nos  Alliés  connaissent  ses 
efforts  pour  poursuivre  sans  en  dévier  la  lutte 
contre  l'ennemi  commun.  Je  vous  prie  dédire 
à  Lansing  combien  nous  avons  apprécié  la 
réserve  de  l'ambassadeur  américain  qui  n'a 
pas  pris  part  à  cette  démarche  collective. 

1-2.  Terechtchenko  à  l'ambassadeur  à  Rome 
et  aux  chargés  cV affaires  à  Paris  et  à  Londres 
{26  sept./9  oct.  1917).  [Récit  de  la  démarche. 
Les  ambassadeurs  demandèrent  à  être  reçus 
ensemble  et  dirent  que  l'opinion  publique 
allait  demander  des  comptes  à  leurs  gouverne- 
ments au  sujet  de  l'aide  matérielle  donnée  à  la 
liussie.  Le  Gouvernement  russe  doit  montrer 
par  des  actes  sa  volonté  d'employer  tous  les 
moyens  de  rétablir  la  discipline  et  le  véritable 
esprit  militaire  dans  l'armée.  Iverenski  leur 
répondit  que  la  situation  actuelle  était  à  un 
haut  degré  la  conséquence  de  l'ancien  régime 


180  DOCUMENTS     SECRETS 

et  des  irrégularités  dans  la  fourniture  par  les 
Alliés  de  matériel  de  guerre  à  la  Russie. 
Celle-ci  continuera  la  guerre  et  son  Gouverne- 
ment s'occupe  de  rétablir  la  discipline.  Quant 
au  caractère  collectif  de  la  démarche  des 
ambassadeurs,  Kerenski  fit  remarquer  que  la 
Russie  était  toujours  une  grande  puissance.] 

3.  Terechtchenko  à  l'ambassadeur  à  Rome  et 
aux  chargés  d'affaires  à  Londres  et  à  Paris 
(28  sept./ II  oct:  1917).  [La  démarche  des 
ambassadeurs  a  produit  sur  nous  une  impres- 
sion pénible  tant  dans  sa  substance  que  dans 
sa  forme.  Demandez  qu'elle  soit  tenue  secrète.] 

4.  Télégramme  de  r ambassadeur  à  Rome 
(2/15  oct.  1917).  [Sonnino  lui  a  dit  que  la 
démarche  collective  avait  pour  but  de  fournir 
un  appui  au  Gouvernement  provisoire.  Signé  : 

GlERS.J 

5.  Télégramme  du  chargé  d'affaires  à  Paris 
(^ / 17  oct.  1917).  [Ai  communiqué  verbale- 
ment votre  télégramme  à  Ribot.  Il  était  sous 
l'impression  des  nouvelles  de  la  Chambre  au 
sujet  des  révélations  sur  la  lettre  de  Briand  et 
était  très  agité.  Il  a  dit  que  la  démarche  avait 
été  résolue  dans  d'autres  circonstances  et  a 
déploré  qu'elle  ait  eu  lieu  au  moment  même  où 
nous  formions  un  nouveau  gouvernement.  — 
Cambon   m'a   dit   que   par  épuisement  et  par 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    181 

habitude  française  de  critiquer,  on  avait  ici, 
dans  certains  cercles,  l'impression  que  notre 
gouvernement  pourrait,  en  s'appuyant  sur  les 
troupes  fidèles,  rétablir  la  capacité  de  com- 
battre de  l'armée  et  écraser  les  maximalistes. 
Signé  :  Sevastopoulo.] 

6.   Télégramme  du  chargé  dCajJaires  à  Londres 
{^/i7  oct.  1917).  [Ai  communiqué  votre  télé- 
gramme à  Balfour.  Lui  ai  rappelé  qu'au  com- 
mencement d'août,  on  avait  parlé  à  la  Confé- 
rence internationale  d'une  démarche  collective 
à  Pétrograd  et  que  j'avais  réussi,    à  l'aide  de 
Thomas,  à  convaincre  les   Alliés  de  son  inop- 
l^ortunité.  Balfour  déplora  que  l'ambassadeur 
britannique  ait  dû,  comme   le    plus    ancien, 
remettre  la  communication.   J'ai  pu  conclure 
de  ses  paroles  que  l'initiative  de  l'incident  ne 
Aâent    pas    d'ici.   Je    crois  que  les   alliés  ont 
reconnu  leur  erreur  et  que  plus  vite  cet  inci- 
dent humiliant  sera  oublié,  mieux  ce  sera.   — 
Au  cours   de  la    conversation,  j'ai   essayé  de 
vérifier  la  communication    contenue   dans   le 
lélégramme  88  de  Lysokovski.  Balfour  me  dit 
qu'il    ne    tient    pas    compte  de  ces    manifes- 
tations indirectes  et  privées  des  Allemands  qui 
doivent  parler  officiellement  s'ils  ont  quelque 
chose    à    dire.    En    second  lieu,    l'Angleterre 
n'admet  pas  que  févacuation  delà  Russie  soit 


182  DOCUMENTS     SECRETS 

((  un  pion  dans  le  jeu  allemand  )>.  L'occupation 
de  la  Belgique  n'est  pas  «  une  conquête  », 
mais  la  violation  d'une  neutralité  garantie  et 
son  évacuation  doit  précéder  des  négociations 
quelles  qu'elles  soient.  Signé  :  Nabokov.] 


52.    —    Les    Diplomates    russes    à    Tétranger* 

(N°^  G 1-63;. 

IE  i8/3i  mars  1917,  le  ministre-président  prince 
J  Lvov  avait  chargé  S.  G.  Svatikov  d'organiser 
une  Administration  centrale  de  la  milice  à  la  place 
du  Département  de  la  police  qui  avait  été  supprimé. 
Le  17/30  mai  suivant,  le  Gouvernement  provisoire 
lui  confia  la  réforme  de  l'Agence  politique  du  Dépar- 
lement de  la  police  à  l'étranger.  Un  télégramme  de 
Kerenski  du  20  août/ 7  septembre  mit  fin  à  cette 
mission.  Svatikov,  en  octobre  1917,  en  exposa  les 
résultats  dans  deux  rapports  sans  date. 

I,  I.  Coopération  de  quelques  diplomates  à 
Vokhrana  {police  secrète).  [Pas  de  trace  qu'elle 
ait  eu  lieu  à  Stockholm  et  à  Christiania.  A 
Londres,  elle  s'est  bornée  à  l'expédition  du 
courrier  du  policier  Litvin.  A  Paris,  les  diplo- 
mates russes  n'avaient  de  contact  avec  Krasil- 
nikov  et  son  agence  russe  et  étrangère  que 
parce  qu'il  occupait  deux  chambres  à  l'ambas- 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    183 

sade.  Celle-ci  ne  l'invitait  que  rarement  à  des 
cérémonies  officielles  et  n'y  tenait  aucun 
compte  de  la  croix  de  la  Légion  d'honneur 
qui  lui  avait  été  donnée.  Au  contraire,  Gor- 
nostaev,  ancien  consul  à  Gênes,  et  son  succes- 
seur lanichovski  avaient  travaillé  avec  l'okh- 
rana.  Il  en  était  de  même  du  consul  à  Naples 
von  Wisel,  qui  avait  fait  surveiller  Max.  Gorki 
pendant  son  séjour  à  Capii.  Svatikov  avait  en 
vain  demandé  la  révocation  de  Gornostaev, 
devenu  consul  à  Genève.  A  la  légation  auprès 
du  Vatican,  où  avait  jadis  fonctionné  le  poli- 
cier Manousevitch-Manouilov,  Bock,  le  titulaire 
actuel,  déclara  n'avoir  rien  trouvé  dans  les  ar- 
chives. Le  chargé  d'affaires  à  Berne  A.  M.  Onou 
lit  la  même  déclaration,  tout  en  reconnaissant 
que  son  prédécesseur  M.  M.  Bihikov  avait  pro- 
hablement  détruit  beaucoup  de  papiers.  Svati- 
kov arriva  à  la  conclusion  que  Bihikov,  son 
prédécesseur  Bacheracht,  le  vice-consul  à  Da- 
vos Golike,  le  président  de  la  Croix-Rouge 
Bereznikov  et  le  consul  à  Genève  Gornostaev 
avaient  travaillé  pour  l'okhrana.] 

I,  2.  Silaalion  de  la  diplomatie  russe  à  l'étran- 
ger {mai  septembre  1917).  [L'ahsence  de  titu- 
laires fait  beaucoup  de  tort.  Au  cours  de  la 
visite  que  Svatikov  fit  à  Poincaré,  celui-ci  se 
levant  brusquement   et  faisant   le   tour  de  la 


184  DOCUMENTS     SECRETS 

chambre,  s'écria  :  o  Quand  donc  la  Russie  nous 
enverra-t-elle  un  ambassadeur!  »  Le  gouver- 
nement a  eu  tort  de  ne  pas  continuer  l'épura- 
lion  commencée  par  P.  N.  Milioukov.  La  plu- 
part des  diplomates  restés  en  fonctions  sont 
dévoués  à  la  contre-révolution.  De  plus,  saul" 
les  chefs  de  mission,  ils  sont  misérablement 
payés.  —  Les  Alliés  voient  d'ailleurs  avec 
alarme  c^  qui  se  passe  en  Russie.  Toute  l'Eu- 
rope occidentale  était  avec  Kornilov  et  sa  presse 
ne  cessait  de  dire  :  Assez  de  paroles,  des  actes  I] 
I,  3.  Conversations  avec  des  personnages  poli- 
iiques.  [Visite  à  Poincaré  (rapport  du  28  août/ 
5  sept.  191 7).  Il  était  très  ému  de  la  prise  de 
Riga.  Il  discuta  les  conséquences  immédiates 
d'un  coup  contre  Pétrograd  qu'il  considère 
0omme  presque  sans  défense,  u  Nous  souhai- 
tons de  toute  notre  âme,  dit-il,  le  succès  des 
énergiques  eflbrts  de  Kerenski  pour  rétablir 
l'ordre.  L'écroulement  de  la  Russie  serait 
maintenant  un  malheur  national  pour  la 
France.  »  Le  président  exprima  ensuite  sa  con- 
fiance dans  le  général  Zankevitch,  homme 
énergique  qui  a  su  éviter  une  collision  entre 
Français  et  Russes  au  camp  de  la  Courtine.  — 
Le  président  du  Conseil  des  ministres  Ribot  me 
parut  complètement  écrasé  des  événements  de 
Russie.  Il  parla  avec  un  franc  pessimisme  du 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    185 

rôle  futur  de  la  Russie  dans  la  guerre,  plai- 
gnant amèrement  la  France  du  malheur  de 
l'écroulement  russe.  Il  parut  extraordinaire- 
ment  intéressé  par  le  fait  que  Kerenski  appa- 
raît à  son  entourage  comme  un  homme  ferme 
et  énergique.  Jamais  je  n'avais  vu  un  homme 
aussi  désespéré  que  Ribot  au  moment  de  notre 
entretien.  Quand  je  dis  le  jour  suivant  à  Poin- 
caré  que  je  ne  comprenais  pas  qu'on  puisse 
être  aussi  impressionnable  et  aussi  abattu  que 
Ribot  l'était  à  cause  de  la  prise  de  Riga,  il  me 
répondit  avec  tristesse  qu'il  n'en  était  pas 
moins  ému  et  qu'il  y  voyait  le  commencement 
des  malheurs  de  la  Russie.  Poincaré,  Ribot  et 
Jules  Cambon  étaient  très  intéressés  par  la  per- 
sonnalité de  Kornilov,  Savinkov  et  de  quelques 
autres  qu'ils  considéraient  comme  de  bons 
amis  et  collaborateurs  de  Kerenski  dans  le 
rétablissement  de  l'ordre.  Ils  me  demandèrent 
tous  trois  quand  la  Russie  passerait  de  la 
parole  aux  actes  et  s'il  n'y  avait  pas  une  main 
ferme  en  Russie.  Les  cercles  dirigeants  en 
France  me  parurent  surtout  préoccupés  de 
savoir  qui  apparaissait  en  Russie  comme 
r  ((  homme  d'avenir  »  {sic'.  —  Poincaré  et 
Cambon  m'exprimèrent  aussi  le  désir  que  vous 
sachiez  la  mauvaise  impression  produite  en 
France  par  l'idée  d'échanger  les  plus  anciens 


186  DOCUMENTS     SECRETS 

prisonniers  de  guerre  en  faisant  traverser  les 
lignes  à  des  armées  entières  autour  de  Minsk. 
Elle  leur  était  si  désagréable  qu'ils  offrirent  de 
renoncer  au  même  échange  avec  les  Allemands. 
—  En  résumé,  tous  depuis  Poincaré  et  Guesde 
jusqu'aux  anarchistes  interventionnistes  ita- 
liens se  placent  au  point  de  vue  de  la  défense 
et  s'étonnent  du  stupéfiant  assoupissement  de 
la  démocratie  russe.] 

11.  Le  mouvement  eontre-révolationnaire  à 
l'étranger.  [L'ordre  actuel  n'est  pas  menacé 
seulement  par  les  anarchistes,  mais  aussi  par 
la  contre-révolution,  quoique  la  dynastie  des 
Romanoffs  puisse  être  considérée  comme  enter- 
rée pour  toujours,  —  11  existe  des  centres 
contre-révolutionnaires  à  Stockholm,  Londres, 
Nice,  Rome,  ^aples  et  surtout  en  Suisse.  Ceux 
qui  fuient  la  révolution  s'arrêtent  d'abord  à 
Stockholm,  et  y  entrent  en  relations  avec  des 
brasseurs  d'affaires  et  des  agents  allemands. 
D'autres  contre-révolutionnaires  sont  grou- 
pés à  Londres  autour  des  Romanoffs  qui  y 
habitent.  On  y  complote  de  mettre  sur  le  trône 
le  grand-duc  Dmitri  Pavlovitch  parce  qu'il  est 
un  des  meurtriers  de  Raspoutine.  On  y  parle 
même  de  la  restauration  de  Nicolas  IL] 

[Paris  est  aussi  un  grand  centre  contre-révo- 
lutionnaire. Il  comprend  des  membres  de   la 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    187 

droite,  des  banquiers  et  même  des  diplomates 
(parmi  ces  derniers,  d'après  le  comte  Paul 
Ignatiev,  il  faut  compter  le  secrétaire  d'ambas- 
sade VI.  M.  Gorlov  et  l'assesseur  G.  A.  Liiders- 
Weymarn).  Au  ministère  des  affaires  étran- 
gères, on  s'étonna  du  maintien  comme  attaché 
militaire  du  richissime  comte  Alexis  Ignatiev 
que  les  Français  considèrent  comme  contre- 
révolutionnaire  et  germanophile.  Les  contre- 
révolutionnaires  russes  à  Paris  ont  pour  organe 
Le  Gaulois.  Quoique  le  comte  Paul  Ignatiev, 
qui  dirige  la  section  russe  du  bureau  allié 
de  contre-espionnage  à  Paris,  m'ait  fourni 
quelques  renseignements,  je  ne  dois  pas  cacher 
que  son  bras  droit  est  le  policier  qui  s'est  sous- 
trait si  longtemps  aux  recherches  de  la  police 
française  et  a  dirigé  jusqu'en  1909  la  police 
de  l'ancien  régime  à  l'étranger,  le  fameux 
A.  M.  Harting  ou  Landezen  (de  son  vrai  nom 
Abraham  Hekelmann).  Ce  condamné  de  la 
justice  française  a  sûrement  ne  doit  point  hési- 
ter à  vendre  nos  secrets  de  guerre  aux  Alle- 
mands )).  A.  A.  Krasilnikov,  qui  a  dirigé  les 
services  de  l'Agence  policière  pendant  les  sept 
dernières  années,  doit  y  aider  aussi.  Des  ren- 
seignements fournis  par  des  réfugiés  russes 
m'ont  convaincu  qu'aux  désordres  du  camp  de 
La  Courtine  ont  pris  part  non  seulement  des 


188  DOCUMENTS     SECRETS 

anarchistes  et  des  bolcheviks,  mais  aussi  des 
agents  allemands  et  contre-révolutionnaires 
qui  excitèrent  les  soldats  à  pousser  leurs  exi- 
gences jusqu'à  l'absurde.  Le  président  Poin- 
caré  m'exprima  l'hypothèse  qu'il  y  avait  là 
non  seulement  de  la  propagande  russe  anar- 
chiste, mais  aussi  allemande  et  tsariste.  Des 
proclamations  monarchistes  et  antisémites  ont 
été  répandues  dans  les  camps  de  Felletin,  de 
La  Courtine  et  dans  les  hôpitaux  russes.  A 
^ice,  les  contre-révolutionnaires  sont,  dit-on, 
en  relations  avec  la  grande-duchesse  \nastasie 
Mikhailovna,  qui  séjourne  tantôt  là,  tantôt 
en  Suisse.  Dans  ce  dernier  pays,  d'après  des 
cercles  touchant  de  près  au  ministère  des 
affaires  étrangères  français,  le  défunt  ministre 
de  Russie  à  Berne,  Bacheracht,  paraissait  à  un 
haut  degré  suspect  de  liaison  avec  les  Alle- 
mands. L'attaché  militaire  général  Golovan 
m'a  dit  la  même  chose  de  sa  veuve...  Golovan 
et  les  Français  soupçonnent  aussi  Bibikov,  qui 
avait  succédé  à  Bacheracht.  Il  a  été  révoqué 
par  Milioukov,  mais  séjourne  encore  en 
Suisse  (*).    Bibikov     et    un    certain    Boubnov 


(1)  Le  iG/29  septembre  1917,  il  télégraphiait  au  ministre  des 
affaires  étrangères  qu'il  ne  pouvait  rentrer  en  Russie  avant 
d'avoir  été  autorisé  à  se  faire  transférer  200.000  roubles  à  un 
taux  de  faveur.  {Pravda,  16/29  nov.  1917-) 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    180 

seraient  liés  avec  une  comtesse  Golitsyn  qui 
habitait  à  Munich  avant  la  guerre  et  serait  la 
maîtresse  de  l'attaché  militaire  allemand. 
D'autre  part,  la  veuve  de  Bacheracht  aurait 
autrefois  été  la  femme  morganatique  d'un 
grand-duc  de  Hesse.  —  D'une  façon  générale, 
le  personnel  diplomatique  actuel  est  tou- 
jours dévoué  à  l'ancien  régime  et  continue 
à  se  montrer  hostile  aux  réfugiés  révolution- 
naires] 


53.  —  Le  traité  entre  le  Japon  et  l'Amérique. 

EN  octobre  191 7,  les  Etats-Unis  et  le  Japon  con- 
clurent un  traité  pour  interdire  «  à  quelque 
gouvernement  que  ce  soit  d'acquérir  en  Chine  des 
droits  et  privilèges  particuliers  incompatibles  avec 
l'intégrité  et  l'indépendance  de  la  Chine  »,  les  Etats- 
Unis  reconnaissant  cependant  au  Japon  désintérêts 
spéciaux  en  Chine,  attendu,  était-il  dit,  que  «  sa 
position  géographique  lui  donne  un  droit  à  de  tels 
intérêts  ».  A.  Alek  a  publié  à  ce  sujet  dans  la 
Pravda  du  16/29  ^^^-  ^9^1  ^^  article  citant  un 
grand  nombre  de  dépêches  secrètes  : 

Le  ministre  des  affaires  étrangères  du  Japon, 
vicomte  Motono,  a  donna  à  comprendre    »   à 


190  DOCUMENTS     SECRETS 

l'ancien  ambassadeur  de  Russie,  lorsqu'il  lui 
communiqua  le  texte  du  traité  japono-amé- 
ricain,  que  lui  «  Motono,  dans  la  réalité,  se 
rend  bien  compte  qu'il  sera  impossible  d'éviter 
plus  tard  des  malentendus  avec  l'Amérique. 
Mais,  il  se  rend  compte  aussi  que  l'influence 
prépondérante  du  Japon  en  Chine  elles  moyens 
de  pression  dont  il  dispose,  lui  donnent  la 
supériorité  sur  les  Etats-Unis  pour  réaliser  son 
interprétation  du  traité  (').  » 

Quels  sont  ces  «  moyens  de  pression  »  ? 
L'ambassadeur  britannique  a  répondu  :  «  Sir 
W.  Conyngham  Greene  m'a  dit  confidentielle- 
ment que  d'après  les  rapports  de  l'attaché  mili- 
taire anglais  au  Japon,  ce  dernier  pays  a  l'in- 
tention d'armer  l'année  prochaine  ses  troupes 
de  carabines  d'un  modèle  perfectionné,  ce  qui 
lui  permettra  alors  de  céder  à  la  Chine  toutes 
les  carabines  qu'il  aura  en  trop...  Le  Cabinet 
de  Tokio  ne  vit  aucun  motif  de  ne  pas  donner 
satisfaction  aux  désirs  du  ministère  de  la  guerre 
chinois,  d'autant  plus  que  les  armes  vendues 
à  la  Chine  ne  serviront  pas  à  équiper  une 
expédition  punitive,  mais  à  transformer  deux 
ou   trois  divisions  modèles.    On  a  en  vue,    en 


(*)  Dépêche  secrète  n"  76  de  Tokio  à  Tereclitchcnko,  28  oct./ 
5  nov.  1917. 


PUBLIÉS     PAR     LES     BOLCHEVIKS    191 

outre,  de  remettre  à  la  Chine  3oo  canons  avec 
leurs  munitions,  mais  il  faut  12  à  18  mois 
pour  les  préparer...  » 

La  fourniture  d'armes  à  la  Chine  ne  produisit 
pas  une  impression  favorable  sur  les  Anglais 
et  les  Américains...  L'envoyé  américain  à  Pékin 
fit  des  représentations  ou  du  moins  mit  en 
garde  le  Gouvernement  chinois  en  ce  qui  con- 
cerne le  genre  d'agissements  des  Japonais  sur 
cette  question.  Quand  on  demanda  au  ministre 
du  Japon  s'il  y  avait  quelque  chose  de  vrai 
dans  ce  qu'annonçaient  les  journaux  au  sujet 
des  remontrances  américaines,  «  le  vicomte 
Motono  haussa  les  épaules  et  dit  que  la  con- 
duite de  l'ambassadeur  américain  l'étonnait  et 
qu'il  ne  pouvait  se  l'expliquer  que  par  le  désir 
des  diplomates  américains  de  donner  sur 
toutes  choses  des  conseils  au  Gouvernement 
chinois  (^).  » 

[Comment  la  Chine  a-t-elle  accepté  son  rôle 
de  pupille  ?  Le  prince  Koudachev,  l'ancien 
envoyé  à  Pékin,  télégraphiait  le  27  octobre/ 
9  novembre  à  ïerechtchenko]  : 

«  On  a  publié  les  protocoles  de  la  mission  Lan- 
sing  au  sujet  de  la  reconnaissance  par  l'Amé- 


(')  Dépêche  7Ô,  23  oct.,  /  5  nov.  19 17. 


1)2  DOCUMENTS     SECRETS 

rique  d'intérêts  spéciaux  du  Japon  en  Chine  : 
ils  ont  produit  ici  une  impression  écrasante. 
Les  journaux  remarquent  que  la  reconnais- 
sance par  deux  gouvernements  d'intérêts  spé- 
ciaux sur  le  territoire  d'un  troisième  est  un 
affront  pour  ce  dernier.  Beaucoup  pensent  que 
le  prestige  des  Etats-Unis  en  diminuera  dès 
maintenant,  car  ils  ont  fait  voir  à  la  Chine 
qu'elle  n'a  pas  à  attendre  leur  aide  dans  les 
affaires  politiques.  » 

Si  les  Américains  «  avec  la  naïveté  qui  est  le 
propre  de  la  diplomatie  américaine  »  (comme 
l'écrivait  à  Terechtchenko  l'ancien  ambassadeur 
à  Washington  Bakhmetev  [le  i/i-27  octobre 
1917]),  malgré  toutes  leurs  protestations  ami- 
cales que  la  tutelle  est  interprétée  très  large- 
ment par  les  Japonais  et  que  cette  interpréta- 
tion produit  des  conséquences  regrettables, 
font  semblant  de  ne  pas  se  rendre  compte  de 
la  position  de  la  Chine,  les  Chinois  eux  s'en 
rendent  compte  nettement,  et  à  ce  sujet,  il 
existe  parmi  eux  deux  courants  : 

L'un,  représenté  parla  Gazette  de  Pékin,  jour- 
nal officiel,  comprend  le  gouvernement  et  «  le 
monde  des  affaires  »  et  exprime  les  dispositions 
des  marchands  et  des  fonctionnaires...  Cette 
((  bourgeoisie  »  fut  affligée  de  ce  que  l'envoyé 
chinois  à  AVashington  resta  dans  l'ignorance 


PUBLIES     PAR     LES     BOLCHEVIKS    193 

au  sujet  d'un  acte  de  première  gravité  (*);,. 
[mais  depuis  elle  s'est  consolée  en  songeant 
aux  avantages  que  lui  apportera  la  collabora- 
tion économique  du  Japon.  L'autre  courant  est 
représenté  par  la  presse  du  sud  de  la  Chine  : 
elle  ne  s'intéresse  pas  à  la  position  de  l'Amé- 
rique, car  elle  sait  que  la  diplomatie  améri- 
caine, comme  l'européenne,  a  deux  poids  et 
deux  mesures,  l'un  pour  les  forts  et  l'autre 
pour  les  faibles.] 


(1)  A  dire  vrai,  l'envoyé  russe  à  Washington  ne  prévit  rien 
non  pins.  Il  rapporte  de  la  mission  d'Ishii  à  Washington  : 
«  Actuellement  nous  nous  expliquons  graduellement  les  pro- 
blèmes de  la  mission  du  marquis  Ishii  et  les  résultats  aux;- 
quels  il  est  arrivé.  Je  sais  que  les  prétentions  du  Japon  à  des 
droits  prépondérants  en  Chine  ne  peuvent  faire  l'objet  d'une 
négociation  avec  la  diplomatie  américaine...  Je  dois  dire  que 
mes  conversations  avec  des  financiers  américains  m'ont  con- 
firmé dans  ce  que  je  soupçonnais  de  la  méfiance  des  capi- 
talistes aniéricains  à  l'égard"  des  propositions  du  Japon.  » 
(27  sept.  1917.) 


13 


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TABLE    DES    MATIÈRES 


Pages 

Avertissement 5 

I .  —  Traité  des  trois  Empereurs 7 

•}..  —  Convention    militaire    franco-russe.     .     .  ii 

8.  —  Alliance  contre  les  Anarchistes.     ...  12 

4.  —  Convention  russo-bulgare i4 

5.  —  Convention  douanière  serbo-bulgare     .     .  17 
,  6.  —   Traité  russo-allemand 19 

7.  —  Lamsdorff  et  les  Anarchistes 21 

8.  —  Guillaume  II  à  Nicolas  II 22 

9.  —  Le  Japon  et  la  Mongolie.     ..'....  25 

10.  —  Traité  russo-anglais 26 

11.  —  Protocole  russo-allemand  relatif  à  la  Bal- 

tique        37 

12.  —  I/intervention  russe  en  Perse.     ....  28 
i3.  —  Les    Anglais   demandent    aux    Turcs    de 

fortifier  le  Bosphore    .......  3o 

\'a.  —  En  janvier    190g,    l'Allemagne    préparait 

une  agression 02 

i5.  —  Projet   de  traité  russo-allemand.     ...  5o 

16.  —  Projet  de  traité  russo-bulgare 02 

17.—  Traités  serbo-bulgares  de  191 2     ....  58 


196  TABLE     DES     MATIÈRES 

i8.  —  Prêt  à  Ferdinand  de  Bulgarie 59 

19.  —  Ferdinand  de  Bulgarie  à  Nicolas  H.     .     .  62 

20.  —  François-Joseph   à  Nicolas   II 65 

21.  —  Le  roi  de  Monténégro  à  Nicolas  IL     .     .  67 

22.  —  François-Ferdinand  à  Nicolas  II.     .     .     .  69 

23.  —  Conférence    austro-italienne     relative     à 

l'Albanie 70 

2  3  bis.  —  Conférence  russe  au  sujet  de  l'attaque 

des  Détroits 7^1 

2!\.  —  Tentative  de  réconcilier  la  Bulgarie  et  la 

Serbie 101 

25.  —  Convention  russo-roumaine  de  1914  •  •  106 
20  bis.  —  Accord  au  sujet  des  Détroits  ....  107 
20  ter.  —  Alliance  entre  l'Entente  et  l'Italie    .     .  110 

26.  —  Convention  secrète  russo-japonaise.  .  .  119 
27.-  Ferdinand  de  Bulgarie  à  Savinski  .  .  .  121 
28.  —  Plan  d'Alekséev  en  novembre  1910  .     .     .  122 

^29.  — -  La  France  demande  des  troupes  russes.  i23 

•  3o.  —  Projet  de  paix  séparée  avec  la  Turquie.     .  127 

3i.  —  Constantin  à  la  reine  Olga i3i 

02.  —  L'archevêque   Evdokim   à    Sturmer.     .     .  i32 

33.  —  Khvoslov 'et  Sturmer i33 

34.  —  Compensations  offertes  à  la  Grèce    ...  i34 

35.  —  Illégalité  commise  par  le  Tsar 1^2 

36.  —  La  France  demande  l'intervention  de  la 

Roumanie,   12/25  juin   1916 i43 

37.  -    Chtcherbatov  à  Alexis  Aleksievitch.     .     .  1/I7 

38.  —  La  retraite  de  Sazonov i48 

39.  —  Convention   militaire   russo-roumaine.     .  i49 

40.  —  Bakhmetev    à    Sturmer i55 

4i-  —  Traité  entre  la  France  et  la  Russie.     .     .  i56 

42.  —  Résumé  sur  la  question  de  l'Asie  Mineure.  i58 

43.  —  Télégrammes  d'Espagne i<3o 


TABLE     D  E  S     MATIÈRES  197 

44-  —  Renne  à  Antonomov .  170 

45.  —  Mauvais  canons  fournis  par  les  Alliés.     .  170 

46.  —  L'état  de  choses  en  Russie 171 

47.  —  Les  troupes  russes  en  France 172 

48.  —  Pas  de  négociations  avec  l'Allemagne.     .  176 

49.  —  Affaire  Kornilov 170 

50.  —  Les  Anglais  au  Siani 17O 

5i.  —  Démarche  des  trois   ambassadeurs.     .     .  178 

02.  —  Les  Diplomates  russes  à  l'étranger.     .     .  182 

53.  —  Le  traité  entre"  le  Japon  et  l'Amérique.     .  189 


ÉDITIONS   BOSSARD,    43,    rue   Madame 

PARIS   (Vie) 


EXTRAIT    DU   CATALOGUE 


Auguste  Gauvain.  —  L'Europe  au  Jour  le  Jour.  —  Recueil 
d'histoire  contemporaine,  grand  in-octavo. 

Tome    1.   —  La  Crise  Bosniaque  (1908-1909).  Prix...        7.50 

Tome   II.  —  De   la    contre  -  révolution    turque    au 

Coup  d'Agadir  (i909-i9ii).Prix 7.50 

Tome  III.  —  Le  Coup  d'AcADiR  (191 1).  Prix 7.50 

Tome  IV.  —  La  Première  Guerre  Balkanique  (191 2). 

Prix ' 7.50 

Tome  V.  —  La  Deuxième  Guerre  Balkanique  (1918). 

Prix 9    ,> 

Tome  VI.    —  Les  Préliminaires  de  la  Guerre  Euro- 
péenne (191 8-191/1).  Prix 9    » 

(Le   Tome    17/  paraîtra  le  1"  Décembre  I9ID.) 

Auguste  Gauvain.  —  L'Encerclement  de  rAllemagne.  — 
Un  vol,  in-16  Bossard.  Prix 3     » 

Fernand  Roches.  —  Manuel  des  Origines  de  la  Guerre. 
—  Causes  lointainei.  —  Cause  immédiate.  Préface  de 
M.  A.  DE  Lapradelle,  professeur  de  Droit  des  Gens  à  la 
Faculté  de  Droit  de  Paris.  Avec  un  tableau  synoptique  en 
deux  encres  et  vin  index  des  noms  propres  (5oo  pages). 
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A.  LuGAN.  —  Les  Problèmes  internationaux  et  le  Con- 
grès de  la  Paix  (]'ue  d'ensemble).  Un  vol.  in-8. 
Prix 3.90 

EDOUARD  Payen.  —  Belgique  et  Congo.  —  Une  carte.  Un 
vol.  in-16  Bossard.  Prix 2     » 

Louis  Engerand.  —  L'Opinion  Publique  dans  les  Pro- 
vinces Rhénanes  et  en  Belgique.  1789-181.5.  Préface 
de  M.  Louis  Marin,  député  de  Nancy.  Un  vol.  in-8. 
Prix. 4.20 


Editions  BOSSARD,  43,  rue  Madame,  Paris  (VP) 

Président  W.  Wilson.  —  Messages,  Discours,  Docu- 
ments diplomatiques  relatifs  à  la  guerre  mon- 
diale. —  Traduction  conforme  aux  textes  officiels,  publiée 
avec  des  notes  Iiistoriques  et  un  index  par  Désiré  Rous- 
TAN,  professeur  de  philosoptiie  au  Lycée  Louis-le-Grand. 
Volume  I  :  18  août  191U-8  janvier  1918  ;  Volume  II  : 
//  février  i918-U  mars  1919.  —  Appendice  et  Index.  2  vol. 
in-S  {se  vendant  séparément).  Prix  de  cliacun 4-. 50 

James  Fîrown  Scott.  —  Notes  de  James  Madison  sur  les 
Débats  de  la  Convention  fédérale  de  1787  et  leur 
relation  à  une  plus  parfaite  Société  des  Nations.  — 

Traduit  et  préfacé  par  M.  A.  de  Lapradelle,  professeur 
de  Droit  des  Gens  à  l'Université  de  Paris.  Un  vol.  in-8. 
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A.  Albert-Petit.  —  La  France  de  la  Guerre.  —  Recueil 
grand  in-octavo  :  Tome  1  (Août  191^  —  Mars  191O).  Tomell 
(Mars  1916  —  Septembre  1917).  Pour  paraître:  Tome  III 
(Septembre  19 17  —  Juin  1919;.  Prix  de  chaque 
Tome 9     » 

Edouard  Paye>.  —  La  Neutralisation  de  la  Suisse  et  de 
la  Savoie.  —  Une  carte  liors  teste.  Un  vol,  in-iG  Bossard. 
Prix 2     » 

Charles  Frégier.  —  Les  Étapes  de  la  Crise  Grecque.  — 
Un  vol.   in  16  Bossard.  Prix 3.90 

Jules  Chopin  (alias  Jules  Pichon).  —  L'Unité  de  la  Poli- 
tique Italienne.  —  Une  carte  hors  texte.  Un  vol  in-iTi 
Bossard.  Prix 2.70 

Louis  Hautecoeur.  —  L'Italie  sous  le  iviinistère  Orlando. 
1917-1919.  -    Un  vol.  in-8.  Prix 7.50 

D.  Draghicesco.  —  Les  Roumains  (Transylvanie-Blcovine- 
Baîiat).  —  Une  carte.  Un  vol.  in-i6  Bossard.  Prix.       3.90 

P.-N.  Milioukov.  —    Le    Mouvement  intellectuel   russe. 

—  k  portraits  hors  texte.  Un  vol.  grand  in-N.  Prix.       12     » 

A.  Chaboseau.  —  Les  Serbes,  Croates  et    Slovènes.  — 

Un  vol.  in-i6  Bossard.  Prix 1.80 


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Fraxo  Cviétisa.  —  Les  Yougoslaves.  —  Deux  cartes  hors 
texte.  Un  vol.  in-i6  Bossard.  Prix 3.60 

Olof  Hôijer.  -  Le  Seandinavisme  dans  le  passé  et 
dans  le  présent.  —  Un  vol.  iiiiO  Bossard.  Prix.       1.80 

Louis  DiMLR.  —  Les  Deux  Suisse  —  1914-1918  —  Un 
vol.  in-8.    Prix 6     » 

V.  DÉDÉCEK.  —  La  Tchécoslovaquie  et  les  Tchécoslo- 
vaques. —  Préface  de  M.  Jules  Chopin.  Une  carte  hors 
texte.  Un  vol.  in-iO  Bossard.  Prix 3.90 

Bertrv^d  BvuEiLLEs.  —  Lc  Rapport  Secret  de  Carathéo- 
dory  Pacha,  premier  plénipotentiaire  ottoman,  sur 
le  Congrès  de  Berlin,  adressé  à  la  S.  Porte.  —  Un 
vol.  in-iG  Bossard.  Prix 3.90 

Jacques  At^cel.   —    L'Unité   de  la   Politique  Bulgare. 

Une  carte.  Un  vol.  in-i6.  Prix 2.40 

Jules  Chopix.  —  Le  Complot  de  Sarajevo.  —  Une  carte. 
Un  vol.  in-iG.  Prix 2.40 

Stephex  Osusry  et  Jules  Chopin.  —  Magyai^s  et  Panger- 
manistes.  —  Deux  cartes  hors  lexte.  Un  vol.  in-i6  Bos- 
sard. Prix 3.60 

Les  Discours  de  Guillaume  II  pendant  la  Guerre, 
recueillis  et  traduits  par  M°'  M\rie  Mûring.  —  Une  bro- 
chure in-8.  Prix 1.80 

Julien  Rovère.  —  L'Affaire  de  Saverne.  —  Un  vol.  in  if' 
Bossard.  Prix 1.80 

Charles  Andler.  —  Le  Socialisme  impérialiste  dans 
l'Allemagne  contemporaine.  Dossier  d'une  polémique 
avec  Jean  Jaurès.  1912-1913.  (Collection  de  la  Revue 
«  L'Action  Nationale  »).    Prix 4.50 

Alfredo  Niceforo.  —  Les  Germains.  —  Histoire  d'une  idée 
et  d'une  «  race  ».  Traduction  de  /  Gennani,  par  Georges 
Hervo.  Édition  revue  et  remaniée  i^ar  l'auteur. 
Prix 3.90 

Abbeville.  —  Imprimerie  F.  Paillart. 


DATE  DUE 

i 

1^ 

OAVLORO 

PRINTED  IMU    S    « 

FACIL 


A     000  647  431