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Full text of "Donnchadh B Mac an t-Saoir (Duncan B Mac Intyre) 1724-1812 : poe gaique ossais ; vie, ude, citations, traductions"

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Université  de   Rennes. 


Donnchadh  Bàn  Mac  an  t-Saoir 

(Duncan  Bàn  Mac  Intyre) 
1724-1812. 

Poète  gaélique  écossais. 
Vie,  étude,  citations,  traductions. 


par 
Donald  James  Maclkod,  M. A.,  H.M.I.S., 

Docteur  es  Lettres, 
Inspecteur  de  gaélique  et  de  langues  modernes. 


Printed  by  the  Northern  Counties  Newspaper  and  Printing  and  Publishing 
Company.  Limited.  Margaret  Street.  Inverness. 


INTRODUCTION 


"  Il  serait  intéressant  de  passer  en  revue  le  splendide  élan 
lyrique  de  nos  frères  de  la  Haute-Ecosse  de  cette  époque  et 
celui  des  poètes  que  je  viens  de  mentionner,  mais  cela  étendrait 
outre  mesure  la  visée  de  ce  travail,  Il  me  semble  qu'il  y  a 
peut-être  plus  de  substance,  plus  de  simplicité  et  de  clarté 
dans  les  poèmes  des  Gaëls  écossais  et  plus  de  mélodie,  plus  de 
jeu  verbal  obtenus  aux  dépens  de  beaucoup  de  nébulosité  et 
de  sons  manquant  de  sens,  dans  ceux  des  Gaëls  irlandais  ;  mais 
bien  que  tous  deux  aient  complètement  échoué  dans  la  ballade 
ils  ont  porté  le  poème  lyrique  a  un  très  haut  degré  de  perfec- 
tion." 

Literary  History  of  Ireland.  XVIIIth  century. 
Prof.  Douglas  Hyde,  LL.D.,  &c.,  p.  605, 

"  Traduire  Duncan  Bàn  n'est  pas  une  affaire  facile. 
Personne,  n'a  jamais  employé  la  langue  gaélique  avec  plus 
d'exactitude  idiomatique  ou  de  maîtrise  du  vocabulaire. 
Aucun  poète  gaélique  ne  le  vaut  comme  maître  de  versification 
claire  et  mélodieuse.  Sa  logique  ou  la  suite  de  ses  récits 
peuvent  manquer  de  précision  mais  jamais  son  oreille  n'est  en 
défaut  pour  la  mélodie." 

Celtic  Beview,  T.  vin.,  p.  256.  W.  J.  Watson, 
LL.D.,  &c,  Professeur  de  langues  celtiques, 
Université  d'Edimbourg. 


iv.  INTRODUCTION 

l  »<  boue  les  i tes  de  la  Haute  Ecosse,  et  plus  nettement 

encore  <|u'  Ossian  cei  homme  «Donnchadh  Bàn)  est  incontest- 
ablement celui  Joui  les  traits  d'origine  celtique  sautent  aux 
yeux.  11  est  in ;  en  tous  points,  du  pays  des  montagnes  autant 
que  la  bruyl  re  pourpre  des  coteaux;  c'est  un  nls  parfait  des 
montagnes,  intègre,  absolu,  sans  qu:  aucune  manière  ou 
qualité  des  Basses-Terres  ait  troubié  lunite  naturelle  et  le 

caractère  complet  de  son  type." 

"  Je  serais  surpris  d'apprendre  qu'il  existe  en  une  langue, 
ancienne  ou  moderne,  un  poème  plus  original,  du  genre  que 
nous  pouvons  appeler  "  de  vénerie  "  que  celui  de  Bcinn- 
Dòbhrain  de  Duncan  Bàn.  Ce  que  Landseer  a  fait  en  peinture 
pour  les  animaux  en  général,  Mac  Intyre,  dans  ce  travail 
singulier  l'a  fail  pour  les  cerfs  et  les  daims.'' 

Language  and  Literature  of  the  Highlands  of  Scot- 
land;  p.  156.  J.  S.  Blackie,  LL.D.,  Prof,  de 
grec,   Université  d'Edimbourg. 

'    Il    pourrai!    être    profitable  aux   habitants  des  Basses- 

habituéa  à  lire  les  poètes  d'élite  et  à  juger  toute  poésie 

d'aprèi   l<  or  modèle,  de  se  détourner  et  de  prêter  attention  à 

une  poésie  entièrement  différente  de  celle  de  l'Angleterre,  de 

mi  de  la  Grèce  :  une  poésie  aussi  spontanée  que  le  chant 

des  oiseaux  i  i  1"  battemi  ni  du  coeur  humain;  une  poésie  qui 

Le  partie,   indépendante  des  livres  et  des  manu- 

acrits;  qui,   bienlque  plus  étroite  d'envergure,  et 

oigneusement  finie,  est  aussi  pleine  d'émotions  et  aussi 

:  la  Nature  el  à  L'homme  que  toute  chose  contenue  dans 

les  littératures  classiques  .   .   . 

Dana  aucun  poème  connu,  les  aspects,  les  repaires,  les 
moeurs  ci  les  coutumea  des  cerfs  et  dey  chevreuils  a'oat  été 


INTRODUCTION  V. 

aussi  exactement  et  aussi  affectueusement  dépeints  que  dans  le 
Beinn-Dòbhrain  de  Duncan  Bàn." 

Aspects  of  Poetry.  J.  C.  Shairp,  LL.D.,  &c, 
Professeur  de  Poésie,  Université  d'Oxford; 
Principal,  Université  de  Saint  Andrews. 

"  Etant  donné  que  beaucoup  des  poèmes  ossianiques  et 
surtout  ceux  d'une  date  plus  ancienne,  sont  d'extraction 
irlandaise,  on  ne  peut  regarder  ce  produit  littéraire  comme  la 
source  la  plus  pure  du  gaélique  vraiment  écossais.  Au  point 
de  vue  linguistique,  la  versification  des  bardes  populaires 
mérite  la  plus  haute  considération 

Mais  Duncan  Mac  Intyre  ou  Duncan  Bàn  ("le 

blond  Duncan  ")  né  en  1724,  doit  être  estimé  l'interprète  le 
plus  parfait  de  la  poésie  de  la  Haute-Ecosse.  C'était  un 
sportsman  et  un  garde-chasse  et  son  chef  d'oeuvre  est  une 
description  rythmique  de  la  vie  des  chevreuils  et  des  cerfs  de  la 
forêt  de  Beinn-Dòbhrain  qui  était  sa  charge  particulière." 

E.  Windisch. 
Section  C.  de  l'arl  icle  "  Keltische  Sprachen  "  dans 
l'encyclopédie   Ersch    et    Grôber    (pp.    lôS  et 
seq.). 


TABLE  DES  MATIERES 


PAGE 

Introduction iii. 

Vie  du  poète 1 

Arrière  plan  historique  et  organisation  sociale  à  l'époque  du  poète     11 

Orthographe,  Accents,  Sons .23 

Formes  grammaticales 44 

Versification 55 

Sujets  des  poèmes .    65 

Poèmes,  Traductions,  Notes:  — 

Moladh  Beinn-Dòbhrain 72 

Louange  à  Beinn-Dòbhrain 73 

Coir'  a'  Cheathaich 112 

Vallée  de  la  Brume 113 

Cumha  Coir'  a'  Cheathaich 122 

Complainte  de  la  Vallée  de  la  Brume 123 

Oran  do'n  Mhusg 132 

Poème  à  une  carabine 133 

Oran  Seacharan  Seilge 136 

Chanson  de  chasse  manquée 137 

Oran  nam  balgairean 140 

Chanson  sur  les  renards 141 

Oran  do  Ghunna  d'an  ainm  Nie  Còiseam 144 

Chanson  à  une  carabine  appelée  Nie  Còiseam  ....  145 

Cead  deireannach  nam  beann 150 

Le  dernier  adieu  aux  montagnes 151 

Rainn  Gearradh-Arm 156 

Vers  sur  des  armoiries 157 

Do  Chaiptean  Caimbeul 162 

Au  Capitaine  Campbell 163 

Oran  do'n  bhriogais 166 

Chanson  aux  culottes 167 

Oran  do  Chlaidheamh  mhic  an  Leisdeir,  etc 174 

Chanson  à  l'épée  de  Monsieur  Fletcher  et  à   la   Bataille  de 

Falkirk .175 


TABLE  DES  MATIERES 


Mol.ull)  do'n  Ghàidftlig  'a  do'n  Pbioh  Mhôir 
Louange  BU  gaélique  el   à  la  Grande  Cornemuse 

Bainn  olaidheimb 

V  I  -  sur  une  épée  .... 

Oran  dùthcha         .... 
néon  au  payB  de  Bon  enfance  . 

Oran  do'n  Eideadli  Gliaidhealach 
Cbanson  au  costume  montagnard 

Oran  d'à  Chéilc  nuadh-pôste 
Clianson  à  sa  nouvelle  épousée  . 

lîainn  a  ghabhae  maighdean  d'à  leannan 

qu'une  jeune  fille  chante  à  son  amoureux 

i) r.i n   Dhun-éideinn 
Chanson  à  Edimbourg 

Oran  do  cliaora  a  fbuaradb,  etc. 

sur  une  brebis,  cadeau  d'une  certaine  dame 

i: .iinii  do'n  cbeud  cbeàird     . 

V  i     mi  le  premier  métier  . 

Rainn  don  pb.adb.adb  . 
Vere  sur  la  soif    . 

âoir  Disdean  Phiobair 

s.it  ire  sur  (Tisdean  le  cornemusier 

Ouvragée  de  référence 


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LA  VIE  DU   POETE 


Donnchadh  Ban  Mac  an  t-Saoir*  (Duncan  Ban  Mac  Intyre) 
ou  comme  il  est  mieux  connu  de  ses  compatriotes,  Donnchadh 
Bàn  Nan  Or  an  (le  blond  Duncan  des  chansons),  naquit  le 
20  Mars  1724  à  Drumliaghart,  Glenorchy,  dans  le  comte 
d'Aj-gyll  (Ecosse).  Le  lieu  de  naissance  du  poète  est  situé 
dans  une  des  vallées  les  plus  reculées  et  les  plus  pittoresques 
comprises  dans  la  prolongation  sud-ouest  des  Monts 
Grampians.  La  scène,  de  tous  côtés  est  sauvage  et  sévère  ; 
c'est  dans  ce  voisinage  que  1'  on  trouve,  pour  la  plupart,  les 
hauteurs  les  plus  élevées  et  les  plus  massives  de  la  Haute- 
Ecosse,  et  les  vallées  les  plus  étendues  et  les  plus  profondes. 

Cette  contrée,  autrefois  si  inaccessible  à  cause  de  sea 
montagnes  abruptes,  ses  torrents  rapides,  ses  gorges  pro- 
fondes, n'ayant  ni  routes  ni  ponts,  peut  être  maintenant 
facilement  visitée  par  chemin  de  fer  ou  automobile.  La 
grande  ligne  de  Glasgow  à  Fort  William  ou  Oban,  passe  par 
Bridge  of  Orchy,  près  de  Beinn-Dòbhrain.  Mais  la  con- 
figuration naturelle  demeure,  pour  la  plus  grande  part, 
comme  au  temps  du  poète,  excepté  l'absence  d'un  bois  ici  et 
là.  Le  vaste  territoire,  s'étendant  de  tous  côtés  de  Beinn- 
Dòbhrain  est  encore  un  des  meilleurs  domaines  de  chasse  de 
toute  l'Ecosse.  Vers  le  nord  et  le  nord-ouest,  le  Black 
Mount,  la  Lande  de  Rannoch,  le  grand  massif  de  Stob 
Ghabhar  ;  à  l'ouest,  Beinn-Starabh,  Glen  Etive  et  Buachaill 
Etive  ;  à  l'est,  Beinn  Achalladair,  Glen  Lyon,  la  vallée  la 
plus  longue  de  l'Ecosse  (20  milles),   Glenlochay  et  les  pics 

*  Donnchadh  =  donn+cath,  guerrier  brun.  Mac  an  t-Saoir  =  fil« 
du  menuisier  ;  v.  "  Vers  sur  des  armoiries  "  pour  les  idées  du  poète 
touchant  l'origine  de  son  Clan. 


/.  1    VIE   DU   POÈTE 

dominants  do  Gleuorchy.  Les  rivières  et  les  lacs  contribuent 
aussi  à  la  variété  du  paysage.  Que  vous  voyagiez  au  nord 
ou  au  sud  de  cette  région,  vous  traversez  toujours  des  scènes 
romantiques  et  historiques,  rappelant  l'époque  des  clans.  Des 
Campbells,  des  Stewarts,  des  MacDonalds,  des  Camerons  et 
des  MacGregors,  ont  tous  leur  place  dans  l'histoire  ici.  En 
toutes  saisons  de  l'année,  du  mois  de  janvier  au  mois  de 
décembre,  cette  terre  possède  des  beautés  incomparables,  mais 
c'est  une  terre  de  changements  rapides  et  complets.  Les 
neiges  et  les  rafales  de  l'hiver,  les  nuages  de  tonnerre 
une  fois  passés,  déploient  un  monde  de  blancheur  immaculée  ; 
l'ardeur  de  l'été  fait  sortir  le  genêt  d'or,  la  bruyère  pour- 
prée, et  la  verdure  des  hautes  collines  ;  en  automne,  surtout  à 
la  fin  d'octobre,  les  hauteurs  et  les  bois  sont  embrasés  de 
rouge  et  d'or  ;  dans  le  crépuscule,  le  bramement  des  cerfs  se 
fait  entendre  en  écho  résonnant. 

Au  temps  de  la  naissance  du  poète,  la  paroisse  de  Glen- 
orchy  était  peu  peuplée;  elle  a  approximativement  24  milles 
de  long  et  17  milles  de  large,  la  largeur  en  étant  très  inégale. 
En  dix-sept  cent  cinquante  cinq,  le  nombre  d'habitants 
s'élevait  à  1654,  vers  dix-huit  cent  onze,  il  était  descendu  à 
993,  et  il  est  encore  moindre  de  nos  jours. 

Autant  que  l'on  peut  affirmer,  d'après  les  recherches,  les 
parents  du  poète  étaient  d'humbles  paysans,  vivant  sur  un 
petit  morceau  de  terre,  dont  le  supérieur  ou  propriétaire, 
était  le  comte  de  Breadalbane  qui  possédait  aussi  la  contrée 
voisine.  La  jeunesse  de  Duncan  se  passa  en  suivant  les 
occupations  tranquilles  de  la  communauté  rurale  dans 
laquelle  ii  vivait.  Il  devint  versé  dans  l'art  de  la  chasse  aux 
oiseaux  sauvages,  de  la  pêche,  de  la  chasse  aux  cerfs,  et  sa 
réputation  comme  fin  tireur  fut  grande.  L'école  la  plus 
proche  de  son  lieu  de  résidence  était  à  15  milles  de  distance, 

«  han-an-diseirt  (Dalmally)  et  vu  la  pauvreté  de  ses 
parents,  ce  fut  le  sort  du  poète  de  grandir  illettré,  sans  même 
les  éléments  ordinaires  d'éducation,  et  jusqu'  à  la  fin  il  ne 
savait  ni  lire  ni  écrire,  bien  que  son  papier  de  libération  du 
régiment  rie  Breadalbane,  1799,  heureusement  encore  con- 
servé, montre  qu'il  pouvait  griffonner  son  nom. 


LA    VIE  DU  POETE  3 

Le  gaélique  était  sa  seule  langue.  Il  était  âgé  de  plus  de 
quarante  ans  quand  il  quitta  ses  montagnes  natales  pour 
aller  à  Edimbourg  s'enrôler  dans  la  Garde  de  la  Cité.*  Là, 
il  entendait  parler  anglais  sans  doute,  mais  d'après  ses 
derniers  poèmes,  cette  langue  fit  sur  lui  une  impression  peu 
favorable  et  la  tradition  nous  dit  qu'il  n'a  jamais  su  la  parler. 
Comme  ses  amis  de  la  Garde  de  la  Cité,  et  plus  tard  du 
régiment  Breadalbane,  à  cette  époque,  semblaient  être,  pour 
la  plupart,  montagnards  de  race  gaélique,  comme  lui,  il  est 
à  penser  qu'il  n'en  eut  pas  besoin.  Parmi  ses  amis  intimes, 
se  trouvait  le  capitaine  de  la  Garde,  le  Capitaine  Campbell, 
originaire  du  comté  d'Argyll,  soldat  très  renommé  à  cette 
époque  parmi  les  montagnards. 

C'est  un  cas  évident  de  "  poeta  nascitur,  non  fit,"  s'il  y 
en  eut  jamais  un.  11  forma  son  éducation  en  étudiant  le 
livre  ouvert  de  la  nature;  il  avait  habitué  son  oeil  et  son 
oreille  à  observer  et  à  enregistrer  comme  il  vagabondait,  en 
toutes  saisons,  à  toute  heure  du  jour  et  de  la  nuit,  à  travers 

*  C'est  un  fait  intéressant  qu'au  18  ème  siècle,  la  Garde  de  la 
Cité  d'Edimbourg  se  composait  de  "  Highlanders."  Ce  n'était  pas 
un  vieux  corps  car  il  ne  fut  formé  qu'en  1648,  afin  d'aider  les 
citoyens  dans  leur  service  personnel  de  surveillance  et  de  garde. 

D'abord  le  nombre  de  simples  soldats  ou  sentinelles  s'élevait  à 
60,  mais  il  variait  de  temps  en  temps.  Il  s'était  élevé  à  108  en  1682 
et  à  150  en  1708,  selon  les  dangers  imminents. 

D'après  Hugo  Arnot,  le  corps,  de  1758  à  1788,  comptait  75 
hommes.  Après  cela  le  nombre  en  diminua  jusqu'à  disparaître 
(empiétement  en  1805,  et  fut  remplacé  par  la  police. 

Mais,  en  ce  qui  concerne  les  hommes  de  la  vieille  garde,  Creech, 
dans  une  de  ses  Lettres,  jointe  à  l'Histoire  d'Arnot,  donne  un  compte 
rendu  intéressant  :  il  compare  l'Edimbourg  de  1763,  avec  l'Edimbourg 
de  1783,  et  entr'autres,  il  dit  : 

"  En  1783,  la  Garde  de  la  Cité  comptait  le  même  nombre 
d'hommes  qu'en  1763,  bien  que  la  ville  fût  trois  fois  plus  étendue 
et  les  moeurs  plus  libres.  Le  pays,  en  général,  a  progressé  dans  la 
langue  anglaise,  depuis  1763;  mais  la  Garde  de  la  Cité  semble 
conserver  la  pureté  de  sa  langue  natale,  le  gaélique,  de  sorte  que  peu 
de  citoyens  la  comprennent  ou  s'en  font  comprendre." 

Inverness  Gaelic  Society  Trans.  XXXI.  p.  244. 

Discours  de  David  Macritchie  sur  "  Le  Gaël  à  Edimbourg." 


4  LA    VIE  DU  POETE 

les  solitudes  désertes  des  montagnes  et  des  vallées,  à  la  pour- 
suite de  sa  vocation. 

Dans  sa  vingt-deuxième  année,  il  servit  avec  le  parti 
royaliste  à  la  bataille  de  Falkirk  (le  17  janvier  1746).  Son 
coeur  était  entièrement  en  faveur  du  prince  Charles  et  de* 
Jacobites,  mais  le  comte  de  Breadalbane  sur  les  terres  duquel 
il  habitait,  soutenait  le  gouvernement.  Parmi  les  métayers 
appelés  à  servir  se  trouvait  Archibald  Fletcher  de  Crannach, 
Glenorchy.  Ce  Monsieur  Fletcher  ne  désirait  pas  s'enrôler 
et  s'assura  le  poète  comme  remplaçant,  en  lui  promettant 
300  merks  écossais  (£16  17s  6d).  Il  lui  donna  aussi  une 
épée  de  famille  que  le  poète  perdit  ou  abandonna  pendant  la 
retraite  des  royalistes  à  Falkirk.  Lorsqu'  il  rentra  chez  lui, 
Fletcher  refusa  de  payer  à  son  remplaçant  les  trois  cents 
merks  sous  prétexte  que  1'  épée  avait  été  perdue.  L'occasion 
semble  avoir  inspiré  le  poète  de  composer  le  premier  poème  de 
quelque  mérite  qui  nous  soit  arrivé  ;  les  circonstances  de  la 
bataille  et  l'épée  y  sont  décrites  avec  gaieté  et  satire  piquante. 
Le  poème  se  répandit  à  travers  le  pays  et  Fletcher  s'emporta 
tant  que,  un  jour,  rencontrant  le  poète  à  un  marché,  il  lui 
frappa  les  épaules  de  sa  canne,  faisant  cette  remarque  en 
gaélique:  "  Dean  òran  air  sin,  a  bhalaich  "'  (fais  une  chanson 
à  propos  de  cela,  mon  garçon). 

Donnchadh  se  plaignit  au  comte  de  Breadalbane  de  ce  que 
Fletcher  ne  voulait  le  payer  et  le  comte  qui  se  montra  plus 
tard  bon  patron  pour  le  poète,  contraignit  le  métayer  à 
remettre  l'argent.  Peu  après  cet  incident,  à  cause  de  sa 
réputation  de  tireur,  Donnchadh  fut  nommé  par  Breadalbane 
son  garde-forestier  à  Coire  a'  Cheathaich  et  à  Beïan- 
Dobhrain. 

Cee  deux  endroits  étaient  familiers  à  Donnchadh  car  ils  se 
trouvaient  dans  le  voisinage  de  Glenorchy.  La  Vallée  ou 
Coire  est  en  avant  de  Glenlochay  et  s'élève  de  800  à  plus  de 
2500  pieds  ;  elle  a  environ  2  milles  et  demi  de  long.  Beion- 
Dobhrain,  immortalisée  par  le  poète  dans  son  meilleur  poème, 
l'élève  ù  plus  de  3500  pieds.  Cette  montagne  était  la  retraite 
favorite  des  cerfs  et  des  chevreuils.  On  soupçonne  que,  lors 
de  son  séjour  ici,  à  un  endroit  nommé  Bad-Odhar,  il  épousa 


L  .     VIE    DU    POETE  5 

Main  Bhàn  Og  (la  jeune  et  blonde  Marie),  dont  il  loua  les 
charmes  en  composant  un  des  plus  beaux  poèmes  de  toute  la 
langue  gaélique.  Elle  était  la  fille  de  parents  à  l'aise.  Son 
père,  aussi  nommé  Mac  an  t-Saoir  (Mac  Intyre)  était  sous- 
régisseur  et  aubergiste  à  Inveroran  et  probablement  parent 
du  poète. 

D'après  son  poème,  nous  apprenons  avec  quelle  modestie 
Donnchadh  fit  sa  proposition,  à  cause  de  la  haute  position 
sociale  de  la  jeune  fille  ainsi  que  les  excellentes  qualités  de 
celle-ci  plus  tard  lorsqu'  elle  devint  sa  femme.  On  ne  sait 
pas  exactement  à  quelle  époque  Donnchadh  renonça  à  sa 
position  de  garde-forestier  à  Coire  a'  Cheathaich  mais  il  le  fit 
après  quelques  années,  à  sa  nomination  comme  garde- 
forestier,  soit  du  duc  d'Argyll,  soit  du  propriétaire  de  la 
localité  de  Dalness  et  Buachaill  Eite  (Bergers  d'Eite),  nom 
charmant-  donné  aux  deux  hautes  montagnes  jumelles, 
dominant  Glen  Etive  et  Glencoe.  Ici,  il  résida  à  un  endroit 
appelé  Dalness  et  son  occupation  principale  semble  avoir  été 
de  procurer  de  la  venaison  au  propriétaire  du  Glen.  Sans 
doute  avait-il  beaucoup  de  temps  de  loisir  dans  lequel  il  in- 
voqua la  muse  gaélique  et  idéalisa  les  beautés  de  la  nature  et 
les  gloires  de  la  chasse.  Sa  maison  est  à  présent  en  ruines  et 
l'on  n'en  voit  plus  que  les  fondations.  Un  chêne  vigoureux 
s'élève  encore  près  du  coin  de  la  maison,  et  il  peut  bien  avoir 
existé  du  temps  du  poète.  L'aspect  sauvage  de  Glen  Etive, 
forêt  royale,  rendez- vous  de  chasse  aux  cerfs  durant  des 
siècles,  est  presque  sans  pareil  en  Ecosse  et  probablement  la 
brièveté  de  son  séjour  ici  explique  les  quelques  allusions  à  ce 
glen  dans  ses  poèmes.  Beinn-Dòbhrain  dont  il  a  habité  le 
voisinage  si  longtemps  a  toujours  eu  la  première  place  dans 
ses  affections.  Il  est  naturellement  possible  que  l'extrême 
sévérité  de  Glen  Etive  n'ait  pas  eu  pour  lui  le  même  charme. 
Les  principales  allusions  se  trouvent  dans  son  ode  à  son  fusil 
de  chasse,  Nie  Coiseam.  La  partie  supérieure  de  Glen  Etive 
est  associée  à  la  légende  de  Deirdre,  bien  connue  dans  les 
traditions  gaéliques. 

Quelques-uns,  comme  le  feu  Docteur  Carmichael,  placent 
le  "  Grianan  de  Deirdre  "  à  l'endroit  même  de  la  demeure 


6  LA  VIE  Dl     POETE 

de  Donnchadh  Bàn  :  d'autres  attirent  l'attention  sur  un  autre 
"  grianan  "  dans  la  vallée  à  l'extrémité  est  de  Beinn  Ceitilin, 
appelé  sur  la  carte  géographique  "  Sunny  Peak  "  (pie 
ensoleillé).  Ce  "  grianan  "  est  l'endroit  du  glen  sur  lequel 
les  derniers  rayons  du  soleil  couchant  reposent.  Il  semble 
certainment  une  retraite  sure!  "  Eilean  Uisneaehain  "  dans 
le  Loch  Etive  a  aussi  rapport  de  la  même  façon  à  la  légende 
des  fils  d'Uisneach.  Sous  le  patronage  de  Breadalbane, 
Donnchadh  fut  enrôlé  dans  la  Garde  de  la  Cité  d'Edimbourg. 

D'après  l'évidence  intérieure  fournie  par  son  poème  à  son 
fusil  de  la  Garde,  il  est  clair  que  le  poète  alla  à  Edimbourg 
avant  1768,  date  de  la  première  édition  de  ses  poèmes.  A 
Edimbourg,  il  composa  six  poèmes,  couronnés,  de  1781  à  1789, 
par  la  Société  de  la  Haute-Ecosse  à  Londres,  en  louange  du 
gaélique  et  des  cornemuses.  En  1793,  à  l'âge  de  soixante 
neuf  ans — circonstance  qui  indique  sa  vigueur  de  corps  et 
d'esprit — il  joignit  le  régiment  de  Breadalbane  (Breadalbane 
Fencibles),  régiment  volontaire  formé  pour  la  défense  de 
l'Ecosse,  due  à  la  crainte  d'invasion  occasionée  par  la  Révo- 
lution Française,  et  servit  comme  soldat  jusqu'  à  ce  que  1« 
régiment  fût  dissous  en  1799  :  alors  il  retourna  à  la  Garde 
de  la  Ville  d'Edimbourg. 

Bien  qu'il  eût  l'âme  plus  poétique  que  guerrière,  ii  aimait 
la  vie  de  soldat,  trouvant  grand  plaisir  dans  la  compagnie  de 
ses  camarades  au  camp.  D'après  les  rapports,  très  courts, 
qui  nous  restent,  on  l'occupait  à  faire  la  cuisine.  Dans  cette 
occupation,  il  ne  semble  pas  avoir  obtenu  grand  succès,  sa 
disposition  poétique  lui  faisant  très  souvent  oublier  ses 
devoirs,  jusqu'  à  ce  que  l'appétit  de  ses  compagnons  le 
rappelât  à  l'ordre. 

Ici,  il  servit  jusqu'  en  1806,  quand  il  prit  sa  retraite. 
Nous  ne  savons  exactement  où  il  passa  le  reste  de  sa  vie,  mais 
probablement  à  Edimbourg.  Il  mourut  le  14  mai  1812  dans 
sa  quatre-vingt  neuvième  année  et  est  enterré  dans  le  cime- 
tière do  Greyfriars,  Edimbourg.  Sa  femme  mourut  deux 
ans  plus  tard  et  repose  à  ses  côtés.  Sa  tombe  est  marquée  par 
un  beau  monument  en  pierre,  érigé  en  1855  par  les  admira- 
teurs de  son  génie.     TTn   autre  monument  en  forme  de  petit 


LA    VIE  DU  POETE  7 

temple  grec,  fut  érigé  en  sa  mémoire  près  du  Loch  Awe, 
Argyll,  en  1859.  Mais  ses  plus  grands  monuments  sont, 
Beinn-Dòbhrain,  montagne  que  son  chef  d'oeuvre  a  rendu 
presque  sacré  aux  Gaëls  écossais,  et  le  volume  de  poésies  que 
ses  talents  innés  ont  laissé  à  jamais. 

Le  19  Septembre  1802,  quand  il  avait  78  ans,  il  visita 
Beinn-Dòbhrain  et  les  scènes  de  sa  jeune  virilité  :  ses  impres- 
sions et  ses  facultés  poétiques,  merveilleuses  chez  un  homme 
de  son  âge  avancé,  se  voient  dans  son  beau  poème,  "  Cead 
deireannach  nam  Beann,"  "  Le  dernier  adieu  aux  mon- 
tagnes." 

Dans  sa  jeunesse,  le  poète  était  un  homme  d'aspect  viril  et 
dans  sa  vieillesse,  il  présentait  l'apparence  d'un  vénérable 
patriarche,  connu  et  respecté  partout  où  il  allait. 

Il  ne  nous  reste  de  lui  que  trois  courts  récits  de  témoins 
oculaires  : 

"  Je  connais  une  dame  de  la  Haute-Ecosse,"  dit  le  Prin- 
cipal Shairp,  "  qui  se  souvient  l'avoir  vu  alors  qu'elle  était 
enfant,  lors  d'une  visite  chez  son  père  à  Mull.  Il  errait 
partout  avec  la  Belle  Marie,  encore  belle,  bien  qu'elle  ne  fût 
plus  jeune.  Il  portait  alors,  si  je  m'en  souviens  bien,  une 
jupe  écossaise  de  tartan,  et  sur  la  tête,  un  bonnet  de  peau  de 
renard.  Il  était  blond,  la  mine  agréable  et  joyeuse,  des 
manières  attrayantes.  C'était  un  homme  aimable  de  tem- 
pérament doux,  qui  n'attaquait  jamais  personne,  disait-on, 
sans  provocation  ;  mais  lorsqu'on  l'attaquait,  il  savait 
riposter  de  cette  satire  qui  est  si  prompte  chez  la  plupart  des 
poètes  de  la  Haute-Ecosse." 

Le  Révérend  Monsieur  McCallum  de  Arisaig,  le  vit 
"  voyager  lentement  avec  sa  femme.  H  était  vêtu  du 
costume  écossais,  d'un  bonnet  à  carreaux,  duquel  pendait  la 
queue  touffue  d'un  animal  sauvage,  une  peau  de  blaireau 
attachée  à  la  ceinture  par  devant,  un  coutelas  au  côté,  et  un 
havresac  de  soldat  bouclé  aux  épaules.  Aucune  personne 
présente  ne  l'avait  encore  vu,  cependant  on  le  reconnut 
immédiatement.     Un    jeune   homme   hardi   lui   demanda   si 


8  LA    VIE   DV   POETE 

c'était  lui  qui  avait  fait  Beinn-Dòbhrain ?  '  Non,'  répondit 
le  vieillard,  '  Dieu  fit  Beinn-Dòbhrain,  mais  je  l'ai  louée  ' 
(An  tusa  a  rinn  Beinn-Dòbhrain  ?'  '  Is  e  Dia  a  rinn  Bcinn- 
Dòbhrain,  ach  is  mise  a  mhol  i  ').  Il  me  demanda  alors  si  je 
voulais  acheter  un  exemplaire  de  son  livre.  Je  lui  dis  de 
passer  chez  moi,  le  lui  payai  trois  shillings,  et  je  conversai 
un  peu  avec  lui.  11  parlait  avec  lenteur,  il  ne  semblait  pas 
avoir  une  bien  haute  opinion  de  son  propre  ouvrage,  et  parla 
]>eu  de  la  poésie  gaélique,  mais  dit  que  les  officiers  de  l'armée 
lui  parlaient  des  poètes  grecs  et  qu'il  admirait  surtout 
Pindare." 

A  l'occasion  du  Festival,  le  2  Septembre  1859,  lorsque  le 
monument  en  mémoire  du  poète  fut  érigé,  le  Révérend  John 
Mac  Intyre  dit  :  — 

Peut-être  n'y  a-t-il  pas  ici  beaucoup  de  personnes  qui 
aient  vu  lu  poète.  J'ai  eu  le  privilège,  lorsque  j'étais  fort 
jeune,  de  le  voir  chez  mon  père,  accompagne  de  Màiri  Bhàn 
Og.  Je  me  rappelle  l'accueil  cordial  et  même  respectueux 
avec  lequel  lo  poète  et  sa  femme  furent  reçus  par  mon  père, 
et  comme  il  les  plaça,  chacun  à  ses  côtés  à  la  table  du  dîner. 
Duncan  Bàn  était  alors  un  vieillard  de  quatre  vingts  ans, 
mais  toujours  robuste,  il  avait  bon  pied  et  bon  oeil.  II 
était  vêtu  du  costume  complet  des  Ecossais,  Màiri  Bhàn  Og 
portait  un  manteau  rouge  élégant  et  beau,  de  bonne  qualité, 
elle  avait  l'air  si  gentille  et  si  aimable,  et  avait  conservé 
beaucoup  de  cette  beauté  personnelle  que  le  poète  décrit  d'une 
façon  si  heureuse  et  si  tendre." 

De  ces  histoires,  bien  qu'elles  soient  brèves,  des  tradi- 
tions orales  recueillies,  concernant  le  poète,  et  de  ses  poèmes, 
son  caractère  personnel  n'est  pas  difficile  à  connaître.  Ne 
sachant  écrire,  pendant  des  années,  il  garda  dans  sa  mémoire 
sa  propre  poésie,  de  même  que  probablement  beaucoup  de  la 
poésie  populaire  héroïque,  oralement  répandue  dans  son 
temps. 

3Î3  milliers  de  lignes  de  sa  propre  poésie  étaient  évidem- 
ment  en  réserve  dans  sa  mémoire,  de  cette  façon,  pour  être 


LA    VIE    i:i/    POETE  9 

finalement  mises  en  écrit  sous  la  dictée  même  du  poète,  par  le 
Révérend  Docteur  Stewart,  un  des  traducteurs  de  la  Bible 
Gaélique  et  par  le  Révérend  Monsieur  Mac  Nicol,  Lismore. 

Le  poète  avait  clairement  un  esprit  bien  balancé  car  sa 
poésie  n'indique  pas  d'émotions  extrêmes,  observateur  profond 
de  tous  détails  de  la  nature,  plein  de  sage  sens  commun, 
toujours  calme  et  stable. 

Il  avait  aussi  de  l'esprit,  de  la  sympathie  et  un  bon 
tempérament,  malgré  ses  quelques  satires.  Il  voyageait 
beaucoup  dans  la  Haute-Ecosse,  avait  la  repartie  très  vive  et 
était  toujours  désireux  d'  être  sociable. 

Beaucoup  de  ses  voyages  à  travers  les  montagnes  de 
l'Ecosse  furent  entrepris  simplement  pour  obtenir  des 
souscripteurs  pour  son  livre.  A  une  occasion,  tandis  qu'il 
récitait  quelques-unes  de  ses  propres  poésies  à  Fort  William, 
il  le  fit  tenant  son  livre  sens  dessus-dessous.  Un  des  audi- 
teurs s'en  apercevant  en  fit  la  remarque  au  poète  qui 
répondit  froidement:  "  Is  coma  do  sgoilear  math  dé  an 
ceann  a  bhios  ris  " — "  Il  importe  peu  à  un  bon  écolier,  de 
quelle  façon  il  tient  son  livre."  Ceci  seul  indique  comme  il 
prenait  bien  une  plaisanterie  faite  à  ses  propres  dépens. 

Malgré  son  amour  intense  pour  tous  les  animaux  et  les 
oiseaux,  personne  plus  que  lui  ne  pouvait  jouir  de  la  chasse. 
Nous  rencontrons  le  même  trait  dans  la  poésie  de  Sir  Walter 
Scott.  Il  aimait  à  prendre  un  verre  en  compagnie,  mais 
n'allait  jamais  à  l'extrême,  comme  son  contemporain  plus 
renommé,  le  poète  Burns.  Nous  pouvons  nous  imaginer  le 
clignotement  jovial  dans  l'oeil  du  poète  comme  il  dit  : 

"  '  Is  mor  na  mliaoidheas  orm  mo  dheoch, 
Ach  's  beag  na  dh'  fhidireas  mo  phadhadh." 

'"'  Nombreux  sont  ceux  qui  secouent  la  tête  quand  je  prends 
la  goutte, 
Mais  rares  sont  ceux  qui  sympathisent  avec  ma  soif." 

Comme  il  n'est  pas  extraordinaire  chez  des  hommes 
réellement  grands,  Mac  an  t-Saoir  était  très  modeste,  sAurtout 
à  l'égard  de  son  propre  travail.       Lorsqu'  il  en  parlait,  il 


10  LA    VIE   DU   POETE 

semblait  insensible  de  sa  valeur  intrinsèque  ;  ni  sa  modestie, 
ni  son  indifférence  apparente  sur  ce  point  ne  semblent 
affectées,  ni  dues  à  une  confiance  consciente  en  ses  facultés- 
personnelles.  Il  est  toujours  satisfait  de  ce  que  la  vie  lui  a 
donné  et  ne  souffre  jamais  d'ambitions  désappointées.  En 
tous  points  sa  personnalité  est  particulièrement  charmante, 
et  il  est  peu  étonnant  que  parmi  ses  compatriotes  il  soit  le 
poète  le  plus  aimé  de  tous. 


11 


ARRIERE   PLAN   HISTORIQUE 

ET   ORGANISATION   SOCIALE   A   L'EPOQUE 

DU    POETE 


Lorsque  le  poète  eut  atteint  sa  vingt-cinquième  année  (1749; 
l'organisation  sociale  dans  les  Hautes-Terres  de  l'Ecosse  avait 
commencé  à  subir  une  transformation  complète.  L'ancien 
système  des  Clans  venait  ou  était  sur  le  point,  de  disparaître. 
La  chaîne  des  montagnes  de  la  Haute-Ecosse,  les  vallées 
isolées,  les  îles  innombrables  et  les  bras  de  mer  expliquent 
l'ancienne  distribution  des  habitants  en  clans  ou  tribus  et 
sans  doute  aussi  l'origine  de  beaucoup  de  leurs  attitudes 
sociales  et  institutions.  En  l'année  84  a.d.,  les  Romains 
sous  Agricola  furent  réprimés  dans  leur  élan  par  les  Calé- 
doniens, un  peuple  Celte  conduit  par  Calgâcus,  au  pied  des 
Monts  Grampians  près  d'Ardoch,  dans  le  comté  de  Pertli. 
et  désormais,  protégés  par  les  montagnes  contre  l'invasion 
sur  une  grande  échelle,  les  tribus  du  nord  étaient  libres  de 
se  développer  et  de  se  civiliser  à  leur  propre  gré,  tout  à  fait 
■exemptes  de  l'influence  romaine.  Sans  tenir  compte  des 
aborigènes  pré-celtiques,  les  races  au  nord  de  la  ligne  des 
places  fortes  d'Agricola,  située  entre  le  Forth  et  la  Clyde, 
étaient  dès  le  commencement  de  l'histoire  les  Calédoniens 
(ensuite  appelés  les  Pietés)  et  les  Scots  qui  parlaient  tous 
deux,  une  langue  celtique.  Les  Scots  venaient  de  l'Hibernie 
(Irlande)  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère,  apportant 
avec  eux  la  langue  gaélique. 

Sur  ce  point  je  suis  tout  à  fait  de  l'avis  de  Kuno  Meyear.* 
MacBain  et  Watson.     La  langue  des  Pietés  céda  devant  le 

*  D'après  Meyer  :  "  Pas  un  Gaël  ne  mit  le  pied  sur  le  sol  britan- 
aique  qui  ne  fût  venu  d'Irlande." 


12  IALE 

Scots,  probablement  au  neuvième  siècle,  quand 
à  s'appeler  Ecosse  (Scotland).t 

Les  invasions  des  Vikings  (du  8ème  au  I3ème  siècle) 
ajouta  uii  grand  élément  de  sang  Scandinave  au  nord-ouest  de 
l'Ecosse  mais  les  envahisseurs  s'assimilèrent  peu  à  peu  a* 
système  social  des  Scots  (des  Gaëls)  comme  le  firent  aussi  les 
puissants  barons  Anglo-Normands  à  qui  les  rois  Malcolm 
Canmore  el  David  1er  (11-12  siècles)  avaient  donné  des  terres 
au  nord  de  l'Ecosse.  Vers  la  fin  du  treizième  siècle,  absolu- 
ment tous  parlaient  gaélique  comme  les  Scots  eux-mêmes  et 
<juelques-uns  des  plus  puissants  des  chefs  Highlanders  plus 
tard  traçaient  leur  origine  ou  quelque  lien  de  famille,  des 
Vikings  et  des  barons  nomands,  par  exemple  les  MacDonalds, 
tes  MacLeods,  les  Frasers.; 

Malgré  ce  grand  mélange  de  races,  en  1745,  le  nombre 
des  habitants  des  Hautes-Terres  Ecossaises  ne  dépassait  pas 
100,000,  ou  environ  un  douzième  de  la  population  de 
l'Ecosse  à  ce  temps-là. 

Les  hommes  qui  se  sont  signalés  par  leurs  talents  de 
guerre  ou  de  conseil  devinrent  dans  le  cours  naturel  des 
choses,  chefs,  et  chaque  district  était  vraiment  un  petit  état 
indépendant. 

Le  gouvernement-  de  chaque  district  tribal  était,  d'abord, 
plus  patriarcal  que  féodal,  la  souveraineté  du  chef  était, 
d'ordinaire,  héréditaire,  et  l'organisation  sociale  fut  fondée 
sur  un  usage  et  un  accord  général.  Les  membres  de  chaque 
clan  se  regardaient,  les  uns  les  autres,  comme  les  membres 
d'une  famille  et  le  chef  était  considéré  comme  le  grand  pivot 
de  l'organisation  sociale.  Entre  ses  mains,  reposait  par 
accord   mutuel,   tout  pouvoir  de  lever  des  hommes  pour  la 

t  En  gaélique  écossais  "  Ecosse  "  est  "  Alba  ";  le  mot  "  Scot  " 

pas  dans  la  Langue  parlée.  De  nos  jours,  au  point  de  vue  de 

langue,  le  terme    "  Scots  "  (ou  Broad  Scotch)  s'applique  uniquement 

anglais    du    nord,    encore   couramment    employé   dans   les 

de  l'Ecosse. 

d<      chevaliers  normands  que  le  roi  David  1er  honorait  qui 
se  aommail    Walter  Fitz  Alan  et  reçut  le  titre  de  High  Steward  of 
Bootland    (Grand     Intendant    de    l'Ecosse)    fut    le    fondateur    de    la 
tû   royale  des  Stewarts  (ou  Stuarts). 


ORGANISATION  SOCIALE  13 

guerre,  de  distribuer  des  terres  et  de  prononcer  des  juge- 
ments. De  fait,  il  était  propriétaire,  chef  et  juge.  D'ordin- 
aire, les  ordres  des  chefs  pour  la  guerre  ou  pour  la  chasBe 
étaient  obéis  avec  empressement,  quelque  fût  la  sévérité  ou  le 
sérieux  du  devoir  à  accomplir,  mais  l'on  connaît  des  ca9  ok 
les  chefs  furent  déposés  quand  ils  employaient  leur  pouvoir 
trop  arbitrairement  ou  trop  cruellement. 

Le  témoignage  authentique  qui  suit,  de  la  tyrannie  d'un 
chef  aussi  récemment  que  1730,  de  Burt  (Letters  from  the 
North  of  Scotland.  Ed.  1754),  était,  nous  devons  espérer, 
exceptionnel  : 

"  Je  me  trouvais  chez  un  certain  chef  quand  le  chef  d'une 
tribu  appartenant  à  un  autre  clan  vint  rendre  visite;  après 
avoir  causé  de  différentes  choses,  je  lui  dis  que  je  pensais  que 
quelques-uns  de  ses  gens  n'avaient  pas  agi  envers  moi  dans  une 
affaire  particulière,  avec  toute  la  civilité  que  j'espérais  du 
clan.  Il  bondit  et  immédiatement  d'un  air  féroce,  porta  la 
main  à  son  épée,  et  me  dit  que,  si  je  désirais,  il  m'enverrait 
deux  ou  trois  de  leurs  têtes.  Mais  moi,  pensant  vraiment 
qu'il  avait  plaisanté  et  bien  joué  la  comédie  (car  la  plaisan- 
terie n'est  pas  leur  talent)  m'exclamai,  comme  si  j'appréciai» 
sa  capacité  de  faire  une  farce  ;  là-dessus,  il  prit,  si  possible, 
un  air  encore  plus  sérieux  et  me  dit  d'une  manière  tranchante 
qu'il  était  homme  à  tenir  sa  parole,  et  l'autre  chef  présent  ne 
nt  aucune  objection  à  ce  qu'il  disait." 

D'ordinaire,  chaque  membre  d'un  clan  serrait  la  main  à 
son  chef  d'une  manière  respectueuse  mais  à  la  fois  indé- 
pendante, civilement  mais  non  pas  servilement,  et  c'était 
l'intérêt  du  chef  de  cultiver  la  loyauté  et  de  stimuler  les 
instincts  guerriers  car  les  membres  de  son  clan  étaient  sa 
sauvegarde  et  une  grande  partie  de  sa  richesse.  Par  consé- 
quent il  avait  soin  que  chaque  terre  fût  convenablement 
partagée  et  subdivisée  et  que,  autant  que  possible,  ses  officiers 
ou  métayers  qui  souvent  étaient  ses  proches  parents,  fussent 
des  hommes  de  valeur,  remarquables  de  mérite  et  de  juge- 
ment. 


14  ORGANISATION  SOCIALE 

Les  règlements  auxquels  le  chef  devait  se  conformer  étaient 
simples  en  une  organisation  tribale  si  primitive  où  la  loyauté 
envers  lui  était  absolue  et  où  sa  manière  de  gouverner  était 
celle  d'un  père. 

Mais  l'opposition  et  la  rivalité  entre  les  clans  entre- 
tenaient constamment  un  esprit  hostile  et  militaire  dans  la 
Haute-Ecosse.  Une  forme  d'attaque  préférée  spécialement, 
quand  un  jeune  chef  voulait  s'assurer  la  confiance  de  son 
clan,  était  de  faire  une  incursion  dans  le  territoire  d'un  clan 
hostile,  ou  dans  les  Terres-Basses  qu'ils  considéraient  comme 
leur  proie  naturelle,  et  d'emporter  leur  bétail.  Des  repré- 
sailles s'ensuivaient  naturellement,  mais  des  épisodes  de  telle 
nature  étaient  regardés  par  les  vieux  montagnards  écossais 
comme  part  et  parti  de  leur  instruction  de  guerriers  et 
membres  du  clan. 

L'ancienne  société  montagnarde  organisée  de  cette  façon 
regardait  l'ordre  des  poètes  de  profession  comme  très 
important.  Chaque  chef  avait  dans  sa  suite  son  Barde  ou 
"  Seanachaidh  "  (historien)  dont  le  métier  était  de  stimuler 
les  sentiments  et  les  émotions  de  son  audience  en  chantant  ou 
en  récitant  les  prouesses  et  la  bravoure  de  leurs  ancêtres  et 
de  leurs  amis.  Ces  bardes  avaient  une  mémoire  fidèle,  ils 
suivaient  les  clans  au  combat,  passant  de  ligne  en  ligne, 
encourageant,  exhortant,  entretenant  l'enthousiasme. 

Jusqu'  au  commencement  du  17ème  siècle,  ces  bardes  pro- 
fessionels  étaient  très  souvent  des  hommes  de  savoir  qui 
supportaient  une  discipline  longue  et  pénible  et  quand  ils 
écrivaient  le  gaélique,  employaient  un  type  littéraire  et 
archaïque  de  langage  qui  n'était  compris,  pour  la  plupart, 
que  de  quelques-uns  des  plus  instruits  parmi  les  chefs  ou  par 
les  gentilshommes  montagnards. 

A  cette  époque  ces  hommes  de  rang,  bardes  et  musiciens 
professionels,  achevaient  leur  éducation  dans  les  collèges 
d'Irlande.  (Joyce,  T.  I.,  Social  History  of  Ancient  Ireland, 
]>.  596).  Ceci  est  prouvé  par  les  records  du  Conseil  Privé  de 
ce  temps.  (V.  aussi  Reliquise  Celticse,  1894.  T.  II.,  Books 
of  ClanranaldV  Cet  ancien  système  social  reçut  son  premier 
-cisif  on  1494,  par  la  chute  des  Seigneurs  dea  Iles,  les 


ORGANISATION  SOCIALE  15 

conducteurs  du  grand  Clan  MacDonald  dont  un  des  chefs 
fameux  rendit  des  services  signalés  au  roi  Robert  The  Bruce, 
à  la  bataille  de  Bannockburn  en  1314. 

Dès  le  commencement  du  16ème  siècle,  et  par  la  suite,  le 
gouvernement  central  réussit,  petit  à  petit,  à  contenir  efficace- 
ment les  chefs  montagnards  au  moyen  de  ruses  variées  et 
finalement,  les  mesures  prises  après  les  rebellions  de  1715  et 
1745  dans  l'intérêt  des  Jacobites  détruisirent,  pour  toujours, 
l'ancien  régime  gaélique  et  le  barde  professionel  et  l'historien 
disparurent  en  même  temps. 

Ainsi  au  début  du  18ème  siècle,  à  l'époque  de  la  naissance  du 
poète,  nous  voyons,  dans  la  Haute-Ecosse,  un  peuple  primitif 
ayant  peu  de  rapports  avec  la  masse  des  habitants  du  pays 
dans  lequel  ils  vivaient,  remarquable  par  ses  moeurs  parti- 
culières, sa  mode  de  s'habiller,  son  langage,  sa  musique,  et 
dont  l'organisation  sociale  était  sans  parallèle  exacte  en 
Europe.  Leurs  habitudes  militaires  les  inclinaient  à  mépriser 
toute  occupation  paisible  ou  manuelle.  Les  artisans  tels  que 
tisserands  ou  savetiers,  s'il  y  en  avait,  étaient  présentés  à  la 
compagnie  avec  une  excuse:  "  Breabadair  le'r  cead  "  (un 
tisserand,  avec  votre  permission). 

On  laissait  la  culture  au  soin  des  "  Sgalagan,"  ou  gens 
les  plus  bas  de  la  société.  Les  gentilshommes  passaient  leur 
temps  à  la  chasse  ou  à  la  guerre.  La  tâche  de  chacun  était 
bien  définie.  Les  clans  les  plus  importants  à  cette  époque 
étaient  d'une  trentaine,  occupant  des  districts  bien  distincts 
dans  les  comtés  de  Sutherland,  Ross,  Inverness,  Argyll  et 
Perth.  Les  clans  moins  importants  occupaient  des  parties 
des  comtés  de  Dumbarton,  Stirling,  Elgin,  Nairn  et  partie  de 
l'ouest  d'Aberdeen.  Les  moindres  clans  tels  que  celui  de 
Mac  Intyre  (Mac  an  t-Saoir)  vivaient  sous  le  protectorat  des 
clans  plus  importants  de  leur  voisinage.  Le  clan  le  plus  fort 
de  tous,  les  Campbells  occupaient  la  plupart  d 'Argyll  sous 
leur  chef,  "  Mac  Cailein  Mor,"  duc  d'Argyll  ;  la  partie  est  du 
comté,  appartenait  à  son  proche  parent,  le  comte  de  Bread- 
albane,  dont  le  territoire  s'étendait  dans  le  comté  de  Perth T 
bien  au-delà  de  Taymouth  (Bealach)  une  de  ses  résidences. 


16  ORGANIS  ITIOA   SOCIALE 

Glenorchy,  où  naquit  le  poète,  faisait,  comme  nous  l'avons 
vu,  partie  de  ses  terres. 

D'après  les  rapports  du  Général  Wade  (1724  et  1727), 
fondés  sur  les  renseignements  intimes  de  Forbes  de  Culloden, 
le  duc  d'Argyll  pouvait  alors  lever  sur  ses  propres  terres  trois 
mille  combattants  et  Breadalbane,  mille.  Ce  clan  "  Whig  " 
comme  il  était  appelé  dans  le  siècle  précédent  avait  long- 
temps supporté  les  gouvernements  royalistes  et  anti-Jacobites 
et  avait  acquis  du  pouvoir  aux  dépens  des  autres  clans, 
surtout  des  MacDonalds.  Les  clans  importants  voisins  au 
nord  et  à  l'ouest  tels  que  les  MacDonalds,  les  Stewarts,  les 
Macleans  et  les  Camerons  détestaient  cordialement  les  Camp- 
bells,  qui  à  leur  avis,  se  rangeaient  du  côté  le  plus  fort  et  le 
plus  sûr. 

Mémoires  des  guerres  de  Mon tr ose  (1645)  de  Claverhouse 
(1689)  et  du  massacre  de  Glencoe  (1692)  intensifièrent  la 
haine  commune  pour  ce  clan  d'Argyll  et  la  loyauté  des  autre» 
clans  envers  la  maison  des  Stuarts.  Les  Jacobites  d'Angle- 
terre et  de  France  s'en  rendaient  bien  compte  et  considéraient 
les  clans,  non  sans  raison,  comme  leur  plus  sûr  appui.  Cette 
loyauté  aux  Stuarts  avait  aussi  ses  profondes  racines 
dans  le  système  des  clans.  Le  chef  et  les  suivants  avaient 
dans  le  cours  des  âges  acquis  une  haute  considération  pour 
les  droits  héréditaires  et  avaient  en  conséquence  un  profond 
respect  pour  la  doctrine  de  "  Droit  Divin  des  Rois  "  (Divine 
Right  of  Kings).  En  plus,  la  poésie  vigoureuse  du  barde 
renommé,    Jean   MacDonald*    (Iain   Lom  :   Jean   le  Chauve, 

*  Une  histoire  traditionnelle  de  ce  poète  et  qui  court  encore 
parmi  les  vieux  Gaels  de  l'ouest,  montre  combien  la  vie  d'un  barde 
gaélique,  à  cette  époque,  était  sacrée.  A  la  bataille  d'Inverlocby 
(Inbhir-Lòchaidh,  1645)  où  les  Campbells  furent  sévèrement  battus, 
Iain  Lom  fut  placé  sur  les  créneaux  de  l'ancien  château  d'Invcrlochy 
par  Alexandre  MacDonald  (le  fameux  guerrier  Alasdair  Mac  Cholla 
Chiotaich),  pour  assister  à  la  bataille  et  pouvoir  ensuite  louer  les 
exploita  des  MacDonalds  vainqueurs.  Le  marquis  d'Argyll  qui 
ressentait  beaucoup  la  satire  du  poète  offrit  une  récompense  pour  sa 
tête.  Fort  de  sa  position  de  barde  qui  le  rendait  inviolable,  le.  poète 
se  rendit  lui-même  chez  son  ennemi,  au  château  d'Inverary,  pour 
réclamer  la  récompense  promise.  Le  marquis  lui  fit  bon  accueil  et 
lui    fit    visiter    le    château.       En    traversant    une    salle    où    étaient 


ORGANISATION  SOCIALE  17 

c.  1620-1710),  qui  était  un  ennemi  féroce  des  Campbells, 
avait  beaucoup  d'influence  comme  en  avaient  aussi  les 
chansons  populaires  qui  étaient,  toutes,  en  faveur  des  Stuarts. 

En  ce  temps-là,  les  hommes  d'un  clan  n'hésitaient 
jamais  ni  ne  raisonnaient  de  quel  côté  se  ranger  quand  le 
chef  donnait  des  ordres  ;  ils  obéissaient  simplement,  et  le 
faisaient  d'autant  plus  volontiers  et  allègrement  quand 
l'expédition  promettait  du  butin,  et  de  la  revanche,  sur  les 
Campbells.  Des  différents  religieux,  tels  qu'il  y  en  avait  en 
Angleterre  et  dans  les  Basses-Terres  écossaises  n'existaient 
pas  dans  la  Haute-Ecosse.  La  religion  du  montagnard  de  ce 
temps,  était  un  mélange  de  ses  anciennes  croyances  super- 
stitieuses et  de  la  simple  vérité  du  Christianisme.  En  effet, 
la  majorité  des  clans  qui  se  levèrent  avec  le  Prince  Charles 
était  presbytérienne.  La  cause  des  Stuarts  était  si  populaire 
parmi  les  hommes  de  rang  et  les  membres  des  clans  de  la 
Haute-Ecosse,  que  même  Donnchadh  Bàn,  notre  poète, 
presbytérien,  né  et  élevé  sur  le  sol  des  Campbells,  fut,  dit-on, 
mis  en  prison  pour  avoir  publié  "  Oran  do'n  Bhriogais  " 
(Chanson  aux  Culottes)  1768.  En  tout  cas,  ce  poème  n'a  pas 
paru  dans  sa  seconde  édition  (1790). 

Si  les  clans,  dont  les  chefs  furent  retenus  par  le  conseil  et 
l'influence  de  Forbes  de  Culloden,  avaient  supporté  le  Prince, 
il  semble  probable  que  Londres  eût  été  pris  et  la  maison  de 
Hanover  renversée. 

La  haute  politique  à  l'étranger  appréciait  à  juste  raison, 
la  puissance  militaire  des  clans. 

suspendues  des  têtes  de  coqs  de  bruyère, t  on  grande  quantité,  le 
marquis  demanda  en  gaélique  :  "  Am  fac  thu  riamh,  Iain,  an  uiread 
sin  de  choilich  dhubha  an  aon  àite?"  "  Chunnaic,"  dit  Iain. 
"  C'àite?"  "  An  Inbbir-Lòchaidh."  "  Ah  !  Iain,  Iain,  cha  sguir 
thu  gu  bràth  de  chagnadh  nan  Caimbeulach."  "  Is  duilich  learn  " 
dit  Iain  "  nach  urrainn  mi  an  slugadli."  (Eh  bien  !  Jean  avez-vous 
jamais  vu  autant  de  coqs  de  bruyère  rassemblés  en  un  même 
endroit?"  "Oui."  "  Où  donc?"  "A  Invcrlochy  "  (allusion  à  la 
défaite  des  Campbells).  "  Ah  !  Jean,  Jean,  vous  ne  cesserez  jamais 
de  mâcher  les  Campbells."  "  Je  regrette  de  ne  pouvoir  les  avaler  "). 
Enfin  le  marquis  le  congédia  amicalement. 

t  Symbole  des  Campbells. 


18  ORGANISATION  SOCIALE 

Avant  sa  mort  en  décembre  1718,  dans  les  tranchées  de 
Frederikshald,  Norvège.  Charles  XII.  projetait  d'envahir 
l'Ecosse  avec  12,000  soldats  suédois,  pour  coopérer  avec  les 
clans  à  l'aide  des  Jacobites.  La  France  qui  avait  été  un  asile 
pour  les  Jacobite6  exilés  d'Angleterre  et  d'Ecosse,  prenait 
aussi  ^rand  intérêt.  En  1708,  Louis  XIV.  qui  avait, 
auparavant,  aidé  Jacques  II.  (mort  à  Saint-Germain  1701), 
sur  terre  et  sur  mer,  envoya  une  flotte  sous  les  ordres 
de  l'amiral  Fourbin,  avec  4000  troupes  pour  soutenir  le  Vieux 
Prétendant.  Cette  flotte  atteignit  la  côte  écossaise  à  Mon- 
trose,  mais  pour  une  raison  quelconque  retourna  en  France. 

Quand  la  rébellion  de  1715  échoua  plusieurs  chefs 
renommés  des  Hautes-Terres  écossaises,  y  compris  Clanranald, 
Lochiel,  Seaforth  et  Tullibardine  se  réfugièrent  en  France. 

L'Angleterre,  toujours  craignant  le  nord  distant,  avait, 
vers  1730,  construit  de  grands  chemins  militaires  de  Perth  à 
Inverness,  par  Dunkeld  et  Blair-Atholl,  et  d'  Inverness  le 
long  de  la  ligne  du  canal  calédonien,  à  Fort-William.  Le 
long  de  cette  ligne  pour  dominer  les  clans,  elle  avait  placé 
trois  forteresses,  une  à  Inverness,  une  autre  à  Fort  Augustus, 
et  la  troisième  à  Inverlochy  (Fort-William). 

En  1740,  les  chefs  jacobites  s'assemblèrent  à  Edimbourg 
et  rédigèrent  un  traité  par  lequel  ils  s'engageaient  à  prendre 
les  armes  pour  les  Stuarts  si  la  France  prêtait  assistance. 
Ce  document  fut  signé  par  Lord  Lovât,  le  duc  de  Perth,  lord 
Traquair.  Lochiel  et  d'autres. 

On  sonda  la  cour  française  et  le  cardinal  Tencin  qui,  à  la 
mort  du  cardinal  Fleury,  en  1743,  devint  premier  ministre 
du  roi  Louis  XV.,  s'occupait  activement  en  faveur  des 
Stuarts.  On  entreprit  une  expédition,  mais  comme  toutes  les 
entreprises  jacobites  elle  échoua.*  Pendant  l'embarquement 
à  Dunkerque,  un  orage  se  leva,  des  hommes  et  des  navires  se 
perdirent  et  l'expédition  fut  abandonnée. 

*  Si  quelque  chose  justifie  ceux  qui  croyent  une  fatalité  à 
laquelle  ricu  ne  peut  se  soustraire,"  écrit  Voltaire,  "  c'est  cette 
suite  continuelle  de  malheurs  qui  a  persécuté  la  maison  de  Stuart 
pendant  plus  de  trois  cents  années." 


ORGANISATION  SOCIALE  19 

Néanmoins  l'intérêt  français  dans  la  grande  aventure  du 
Jeune  Prétendant  restait  grand,  et  un  régiment  français  de 
volontaires  commandé  par  Lord  John  Drummond  prit  part 
à  la  bataille  de  Falkirk,  en  1746. 

Le  poète,  qui  y  était  présent,  parle  de  ces  soldats  français 
avec  honneur  dans  son  poème  à  la  bataille.  Enfin,  c'était 
un  corsaire  de  Saint-Malo,  étrangement  malnommé 
"  l'heureux,"  qui  ramena  en  France  le  Prince  fugitif  et 
quelques-uns  des  chefs  proscrits. 

Après  la  débâcle  jacobite  à  la  bataille  de  Culloden  en 
1746,  passa  un  Acte  de  Désarmement*  exigeant  la  déposition 
dxi  costume  national  écossais  et  des  armes.  Un  acte  suppri- 
mant la  Jurisdiction  Héréditaire  en  Ecosse  suivit  en  1749. 
Un  grand  nombre  de  vieux  chefs  gaéliques  furent  bannis 
mais  ceux  qui  furent  laissés,  qu'ils  fussent  restés  loyaux  ou 
non,  avec  leurs  suivants  eurent  à  se  soumettre  à  la  perte  de 
leurs  habitudes  nationales.  Sous  une  loi,  demi-martiale  les 
montagnards  émigrèrent  on  grand  nombre  et  beaucoup 
s'enrôlèrent  dans  des  régiments  en  service  à  l'étranger. 
Ainsi  les  événements  et  les  expériences  historiques  et  sociales 
durant  la  longue  vie  de  Donnchadh  Bàn  s'enchaînaient  de  la 
façon  la  plus  frappante. 

Il  avait  vu  ses  montagnes  saturées  du  féodalisme  des  clans, 
son  pays  bouleversé  par  des  complots  jacobites  et  des  chefs 
puissants  qui  étaient,  parfois,  sans  scrupule.  Il  avait  vu 
aussi  la  vénération  du  peuple  pour  les  gens  de  rang  à  son 
comble,  senti  l'esprit  de  chevalerie  et  remarqué  des  incidents 

*  €et  ordre  à  l'égard  du  costume  était  ainsi  conçu  : — "  Je, 
soussigné,  jure,  comme  si  je  répondais  à  Dieu  au  jour  du  jugement, 
que  je  n'ai,  ni  n'aurai,  en  ma  possession  aucun  fusil,  épée,  pistolet 
ou  arme  d'aucune  sorte  et  ne  porterai  jamais  de  tartan,  de  plaid, 
ni  aucun  vêtement  du  costume  écossais  national  et  si  je  le  fais,  que 
jo  sois  maudit  dans  mes  entreprises,  ma  famille  et  ma  propriété. 
Puisse- je  ne  jamais  voir  ma  femme  et  mes  enfants,  mon  père,  ma 
mère  ou  mes  parents.  Puissé-je,  être  tué  dans  la  bataille  comme  un 
poltron  et  reposer  sans  sépulture  chrétienne  dans  un  pays  étranger, 
loin  de  la  tombe  de  mes  pères  et  de  ma  parenté  :  que  tout  ceci 
m 'arrive  si  je  manque  à  mon  serment." 

Ceux  qui  ont  composé  les  termes  de  ce  serment  comprenaient, 
évidemment,  le  caractère  des  montagnards  à  cette  époque. 


20  ORGANISATION  SOCIALE 

d'audace  personnelle  et  d'aventure  romantique,  à  une  époque 
où  l'esprit  le  plus  fermé  devrait  être  éveillé. 

Il  avait  pu  remarquer  du  noble  orgueil  et  de  la  dignité  de 
race  dans  d'humbles  entourages  et,  malgré  leur  pauvreté,  les 
gens  du  peuple  montraient  un  esprit  d'hospitalité,  de  politesse 
et  de  l'intelligence.  Il  vit  combien  il  fallait  faire  d'efforts 
pour  acquérir  des  qualités  viriles  et  ce  qui  devait  l'intéresser 
tout  spécialement,  la  disparition  du  barde  professionnel  avec 
sa  flatterie  caractéristique  envers  ses  supérieurs,  tandis  que 
les  récits  héroïques  et  les  légendes  demeuraient.  Avec 
barde  professionnel  disparut  aussi  la  harpe,  instrument 
musical  national,  qui  fut  remplacée  au  début  de  sa  vie  par- 
la cornemuse  plus  martiale. 

Il  voyait  les  gens  habitués  à  se  contenter  de  peu  et  avait 
pris  sa  grande  part  dans  la  vie  pastorale  des  pâturages, 
connaissait  bien  les  foires,  les  fêtes,  la  vie  de  soldat,  de 
combat,  de  chasse,  de  pêche  et  la  société  joviale  des  auberges. 
Il  avait  une  grande  expérience  de  toutes  ces  choses,  long- 
temps avant  de  quitter  Glen  Etive,  et  les  changements  qu'il 
remarqua  plus  tard  et  regretta,  comprenaient  la  rupture  des 
anciens  liens  existant  entre  les  hommes  d'un  clan  et  leur 
chef;  au  lieu  du  chef  paternel  se  trouvait  le  propriétaire, 
quelquefois  un  étranger,  toujours  prêt  à  augmenter  le  loyer 
des  pauvres  tenanciers,  à  les  expulser  de  leurs  terres  afin  de  les 
remplacer  par  du  bétail  et,  plus  tard,  par  des  moutons,  dont 
la  laine,  grâce  à  l'établissement  d'usines,  fut  en  grande 
demande  en  Angleterre. 

Lui-même  fut  assez  heureux  dans  la  façon  dont  il  était 
traité  par  son  chef  et  patron,  mais  les  changements  l'obli- 
gèrent— lui,  poète  doué,  de  premier  rang — à  quitter  son  occu- 
pation favorite  de  garde-forestier  et  à  travailler,  pour  douze 
sous  par  jour,  dans  une  cité  tandis  que  son  coeur  était 
demeuré  dans  son  pays  natal. 

Si  une  note  de  ressentiment  se  fait  sentir  ici  et  là  dans  sa 
poésie,  nous  ne  sommes  pas  surpris.  Heureusement  il  vécut 
pour  voir  et  chanter  la  restauration  des  terres  confisquées  et 
de  son  costume  national  en  1782. 


ORGANISATION*   SOCIALE  21 

Jusqu'  à  la  fin  du  siècle,  il  pouvait  passer  ses  congés  dans 
ses  montagnes  et  réciter  sa  poésie  à  des  auditeurs  attentifs. 
Dans  les  chaumières  des  paysans  l'hospitalité  se  montrait 
comme  au  temps  jadis,  mais  les  liens  féodaux  étaient  passés 
de  mode,  les  vieilles  associations  s'étaient  écroulées,  on  com- 
mençait à  réaliser  la  valeur  de  l'argent,  le  désir  d'accumuler 
se  faisait  voir  :  de  plus  en  plus,  on  entrait  en  contact  avec  le 
monde  extérieur  mais  jusque-là,  apparemment,  les  foyers  et 
les  coutumes  des  gens  ordinaires,  n'avaient  changé  que  très 
peu,  dans  les  vallons  écartés. 

Il  vécut  longtemps  mais,  à  peine  assez  longtemps,  pour 
voir  le  commencement  réel  de  l'Ecosse  moderne  avec  son 
agriculture,  son  industrie  et  son  commerce  prospères. 

A  l'époque  de  Donnchadh  Bàn  appartiennent  aussi  les 
grands  noms  d'Alexandre  Mac  Donald  (Alasdair  Mac 
Mhaighstir  Alasdair)  le  Tyrtseus  de  la  Révolution  de  1745, 
comme  on  l'appelait,  le  plus  martial  des  poètes  gaéliques, 
Iain  Mac  Codrum,  Dughall  Bochanan  et  Rob  Donn.  Au 
temps  de  Donnchadh  Bàn  et  de  ces  grands  poètes,  la  langue 
gaélique  était  à  son  mieux,  flexible  et  sonore,  harmonieuse 
avec  son  merveilleux  système  vocal  et  capable  d'exprimer 
toutes  sortes  d'émotions  sous  une  grande  variété  de  formes. 
De  plus,  tous  les  montagnards  écossais  avaient  de  la  sym- 
pathie pour  leur  langue  maternelle  et,  quelque  fût  l'endroit 
où  ils  s'assemblaient,  chants  et  histoires  étaient  à  l'ordre  du 
jour,  chansons  et  récits  des  choses  passées,  d'humbles  choses, 
d'occupations  communes.  Au  fait,  ceux  qui  pouvaient 
chanter  et  réciter  le  mieux,  étaient  les  plus  estimés  des  grands 
et  des  petits. 

Les  vieilles  narrations  héroïques,  telles  que  celles  que  l'on 
trouve  dans  les  "  Popular  Taies  of  the  West  Highlands  "  de 
Campbell,  étaient  répandues  partout  et  connues  de  tout  le 
monde.  Beaucoup  avaient  le  don  de  composer  de  très  bons 
vers,  d'improviser  quand  l'occasion  le  demandait. 

Beaucoup  de  ceux-ci,  parmi  lesquels  Donnchadh  Bàn 
grandit,  étaient,  sans  aucun  doute,  doués  de  cette  façon. 

Les  histoires  du  vieux  monde  comme  celles  rédigées  dans 
les  "  Popular  Taies  of  the  West  Highlands  "  par  Campbell, 


22  ORGANISATION  SOCIALE 

qu'il  entendit  de  cette  façon,  eurent  leur  part  dans  sa  culture, 
car  en  dépit  de  son  manque  de  connaissance  de  livres,  il 
était  fort  bien  éduqué.  Son  langage  abondant  doit  probable- 
ment quelque  chose  à  la  facilité,  à  la  fraîcheur  et  à  la 
simplicité  de  tout  ce  qu'il  entendit  de  cette  façon,  pendant 
les  longues  soirées  d'hiver  à  son  foyer,  car  il  a  dû  écouter  avec 
des  oreilles  vives.  Il  vivait,  comme  nous  l'avons  vu,  lorsque 
les  montagnards  étaient,  potentiellement,  des  soldats  prêts  à 
partir  en  campagne  à  tous  moments,  quand  ses  compatriotes, 
montagnards  élevés  dans  la  pauvreté,  acquéraient  de  l'audace 
pour  supporter  des  privations  sévères  et  quand  la  simplicité 
de  leur  vie  donnait  de  la  vigueur  au  corps  et  de  la  force  à 
l'esprit.  Enfin  quand  la  vie  dans  les  vallées  et  parmi  les 
montagnes  offrait  une  issue  libre  aux  qualités  personnelles  de 
la  meilleure  trempe. 

Nous  pouvons  comprendre  combien  il  était  en  contact  avec 
l'ancien  régime,  quand  nous  nous  rappelons  que  Rob  Roy  (V. 
le  roman  'Rob  Roy'  par  Sir  Walter  Scott)  le  proscrit  renommé 
du  clan  Mac  Gregor  était  encore  en  vie  dans  le  voisinage,  à 
Balquhidder,  quand  Donnchadh  Bàn  était  jeune  homme.  Et 
aussi  nous  ne  devons  pas  oublier  que  le  poète  était  limité  à 
la  langue  gaélique,  qu'il  n'avait  aucun  accès  aux  livres,  que 
aon  premier  entourage,  lorsqu'il  composa  son  meilleur 
ouvrage,  excluait  toute  influence  étrangère  et  que  ses  poèmes 
sont  dûs,  par  conséquent,  directement  et  uniquement  à  la 
force  et  à  l'originalité  de  son  propre  génie. 


23 


ORTHOGRAPHE,   ACCENTS,   SONS 


L'orthographe  usuelle  telle  que  nous  l'employons  aujourcl' 
hui  pour  le  gaélique  écossais,  date,  pour  ce  qui  est  des  livres 
imprimés,  d'environ  1750.  Le  premier  livre  gaélique  qui  fût 
imprimé,  soit  en  Ecosse,  soit  en  Irlande,  fut  la  traduction 
par  Jean  Carswell,  évêque  des  Iles,  1567,  de  la  Liturgie  de 
Jean  Knox,  le  Réformateur. 

Cet  ouvrage  est  écrit  dans  le  gaélique  écossais  littéraire 
de  cette  époque  et  quoiqu'en  bien  des  sens  il  ressemble  à 
l'irlandais  moyen,  l'orthographe  employée  est  dans  des  points 
importants,  de  style  moderne. 

Il  nous  est  difficile  de  dire  d'où  Carswell  tient  son  ortho- 
graphe ;  il  était  en  tout  cas,  au  courant  des  manuscrits  et  du 
style  des  scribes,  mais  l'on  peut  conclure  d'après  sa  dédicace, 
qu'il  était  encore  possible  d'obtenir  une  bonne  connaissance 
du  gaélique  littéraire  dans  les  écoles  bardiques  ou  ecclésias- 
tiques qui  fonctionnaient. 

L'extrait  suivant  de  sa  dédicace  est  intéressant  non  seule- 
ment au  point  de  vue  de  l'orthographe,  mais  aussi  pour 
montrer  la  condition  de  l'instruction  littéraire  dans  la  Haute 
Ecosse  en  1567.  Faisant  allusion  aux  difficultés  qu'il  avait  à 
envisager  dans  sa  tache,  il  dit:  — 

"  Is  tearc  neach  agabfuil  ceart  canamhna  na  gaoidheilge 
agas  ni  na  Nalbain  amhain  acht  Anerind  fein  act  mara  bfuil  se 
ag  beagan  daois  ealadhna  mhaith  re  dan  agas  re  seanchus 
agas  ag  méidigin  do  mhacaibh  maith  leighind  agas  arnadh- 
bharsin  da  bfaghadh  saoi  re  healadhain  locht  sgriobhtha  no 
deachtaidh  sa  leabhar  bheagsa  gabhadh  se  mo  leithsgelsa  or  ni 
dhearrna  mè  saothar  na  foghluim  sa  ngaoidhleig  acht  amhain 
mar  gach  nduine  don  pobal  choitchind." — ("  Très  peu  de 
personnes  en  Ecosse  et  même  en  Irlande  connaissent  à  fond 


24  OIÌTIIoci:  I /'///;.    iCCENTS.  SONS 

la  langue  gaélique.  Cette  connaissance  se  borne  à-  quelques 
vieux  poètes  et  historiens  et  quelques  hommes  de  lettres. 
Donc,  si  quelque  érudit  gaélique  trouve  des  fautes,  soit  dans 
l'orthographe,  soit  dans  la  composition  de  ce  petit  volume, 
qu'il  veuille  bien  me  pardonner,  car  je  n'ai  jamais  étudié  la 
langue,  ni  n'en  ai-je  une  connaissance  plus  approfondie  que 
celle  que  possèdent  les  gens  ordinaires  "). 

Carswell  n'apprit  pas  ce  dialecte  littéraire  en  Irlande, 
car  nous  n'avons  aucune  raison  de  penser  qu'il  allât  jamais 
dans  ce  pays.  D'autre  part  il  n'était  pas  obligé  comme  les 
poètes  ou  les  historiens,  de  suivre  le  style  littéraire  rigide  et 
traditionnel,  de  rigjeur  dans  les  deux  pays. 

Du  côté  moderne  son  orthographe  montre  : 

i  1  )     adhérence  assez  constante  à  la  règle  : 

"  Leathann  ri  leathann  is  caol  ri  caol  ''  : 

(2)  adoucissement  des  consonnes  régulièrement  indiqué 

par  "  h  "  : 

(3)  l'effet   de   la  finale   nasale   sur   certaines  consonnes 

initiales  comme  dans  l'irlandais  moderne. 

Le  livre  du  Doyen  de  Lismore  (circa  1512-1526)  montre 
une  orthographe  phonétique  créée  par  les  compilateurs  et 
difficile  à  interpréter.  Contrairement  à  la  diction  littéraire 
de  Carswell  le  langage  employé  par  le  Doyen,  qui  était  son 
contemporain  plus  âgé,  laisse  voir  fréquemment  des  termes 
modernes  qui  étaient  devenus  courants  dès  le  15ème  siècle. 
Le  manuscrit  Fèrnaig  (1688)  était  aussi  écrit  sur  une  base 
phonétique  de  la  même  espèce  composée  par  le  compilateur 
Duncan  Mac  Rae.  Pour  ceux-ci,  on  employa  l'aphabet 
romain,  mais  les  bardes  professionnels  employaient  invari- 
ablement dans  leurs  manuscrits  la  vieille  écriture  irlandaise. 
("est  vers  le  commencement  du  18ème  siècle  que  la  Bible 
irlandaise  Bedell  imprimée  en  caractères  irlandais  apparut 
dan^  les  Hautes-Terres  écossaises.  Elle  ne  se  répandit  que 
peu,  pour  commencer;  les  pasteurs  s'en  servaient  du  haut  de 
la  chaire  et  quand  cela  était  nécessaire,  la  traduisaient — 
souvent  imparfaitement — pour  leur  auditoire,  en  gaélique 
écossais  courant.        Le   Révérend  Robert   Kirke   (1644-1692) 


ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS  25 

transcrit  cette  Bible  en  caractères  romains  et  pendant  tout  le 
18ème  siècle,  elle  fut  la  seule  Bible  complète  usitée  dans  la 
Haute-Ecosse.  Alexandre  Mac  Donald  (Mac  Mhaighstir 
Alasdair  le  poète  c.  1700-1770)  et  son  fils,  Ranald,  écrivirent 
leurs  manuscrits  en  caractères  irlandais  et  semblent  être  les 
derniers  à  le  faire. 

Depuis  la  Réforme  et  la  Colonisation  de  l'Ulster  par 
Jacques  1er  (1611)  les  rapports  entre  l'Irlande  et  l'Ecosse  se 
sont  tendus  de  plus  en  plus  et  le  gaélique  écossais  s'est 
développé  d'une  façon  indépendante. 

En  1767,  une  édition  du  Nouveau  Testament  fut  publiée 
en  gaélique,  sous  la  direction  du  Révérend  Dr  Stewart  de 
Killin,  dont  le  fils,  le  Révérend  Dr  Stewart  de  Luss,  un 
érudit  également  renommé  fut  le  principal  éditeur  de  la 
Bible  gaélique  de  1801.  Ce  Dr  Stewart  fut  aussi  le  premier 
qui  écrivit  la  poésie  de  Donnchadh  Bàn  et  son  travail  porte 
les  empreintes  des  soins  munitieux  du  savant.  Ces  Stewart» 
père  et  fils,  et  d'autres  savants  gaéliques  éminents  de  cette 
époque,  tel  que  le  Dr  Smith,  Campbeltown,  R.  Armstrong, 
Ewen  Mac  Lachlan,  MacKintosh  MacKay,  sentirent  tous  la 
nécessité  de  réformer  l'orthographe  traditionnelle,  d'une 
façon  saine  et  acceptable. 

Ainsi  l'orthographe  du  dictionnaire  de  la  Société  High- 
land  (1828)  et  celle  de  la  Bible  gaélique  éditée  par  Stewart, 
indiquent  une  grande  uniformité  et  sauf  où,  dans  l'occasion, 
la  recherche  moderne  a  révélé  de  petites  favites,  est  le  modèle 
de  l'orthographe  de  nos  jours.     Cette  orthographe  montre:  — 

(1°)     une    stricte    adhérence    laquelle    n'est    pas    toujours 
soutenable,  à  la  règle  moderne,   déjà  mentionnée 
quant  à  l'assimilation  vocalique  : 
Leathann  ri  leathann  is  caol  ri  caol. 
Vélaire  avec  vélaire,  palatale  avec  palatale. 

(2°)  un  changement  motivé  par  des  raisons  d'étymologie 
et  de  prononciation,  savoir,  l'absence  totale  de 
l'application  de  la  loi  irlandaise  de  l'éclipsé  (c-à-d. 
la  modification  des  consonnes  initiales  résultant 
du  contact  d'un  "n"  final  d'un  mot  précédent  et 


26  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS.  SONS 

intimement  lié)  car  les  vieilles  réglée  de3  gram- 
mariens  ne  représentaient  plus  la  prononciation 
écossaise.  Même  le  manuscrit  Fernaig  (1688) 
contient  peu  d'exemples  d'éclipsé.  La  nasale  de 
l'article  défini  et  des  pronoms  est  devenue  "m" 
précédant  les  labiales.  Si  le  mot  suivant  arn, 
"notre,"  bhurn,  "votre,"  commence  par  une 
voyelle,  la  nasale  se  relie  au  mot  suivant  par  un 
trait  d'union,  ar  n-athair,  notre  père.  Quelques 
phrases  très  usitées  gardent  l'ancienne  influence: 
a  bhàn  a  bhfàn         (a  nfàn) 

gu  bheil  (gu'm  feil     gu  bhfeil) 

Dans  certaines  localités,  surtout  dans  le  nord  de 
l'Ecosse  la  langue  parlée  a  retenu  quelques  traces 
de  cette  nasalisation. 
On  entend,  par  exemple  : 

An  déid  thu?     Irez-vous? 

Tir  na  mbeann.     Pays  des  montagnes. 

Mais  on  écrit  toujours  "  an  téid  thu?"  ^i  "  Tir 
nam  beann."  En  Argyll  l'éclipsé  dans  la  langue 
parlée  est  devenue  très  rare. 

(3°)  l'adoucissement  des  consonnes  initiales,  médiales  et 
finales  indiqué  par  la  lettre  "h"  sauf  les  liquides 
1,  n,  r,  qui  ne  portent  aucune  marque  spéciale. 

Le  poète  eut  ainsi  la  bonne  chance  d'avoir  le  Dr  Stewart 
de  Luss  pour  mettre  ses  poèmes  en  écrit.  Sa  poésie  parut  en 
six  éditions,  1768,  1790,  1804,  1834,  1848  (8  fois  réimprimée) 
et  1912. 

En  vue  de  cette  étude,  ces  éditions  ont  été  soigneusement 
examinées.  De  toutes  ces  éditions  les  textes  gaéliques  de  la 
1ère  (Dr  Stewart)  et  de  la  dernière  (Dr  Calder)  sont  les  plus 
exactes  et  les  plus  satisfaisants. 

Le  Dr  Calder  est.  en  ce  moment,  conférencier  de  gaélique 
à  l'Université  de  Glasgow,  et  l'été  dernier,  il  fut  assez  aimable 
de  me  donner  l'occasion  de  lire  avec  lui  les  parties  du  texte 
gaélique  qui  me  semblaient  obscures.     Ceci  m'a  mis  a  même 


ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS  27 

de  donner  les  textes  gaéliques  des  poèmes  choisis  pour  cette 
thèse,  aussi  exactes  que  possible.  Car  tandis  que  je  me 
permets  d'interpréter  le  gaélique  du  poète  différemment  que 
le  Dr  Calder,  et  cela  beaucoup  plus  souvent  que  je  ne  puis 
dire,  j'ai  trouvé  très  peu  de  cause  de  ne  pas  être  d'accord 
avec  lui,  quant  à  l'exactitude  du  propre  texte  gaélique.  Pour 
les  quelques  difficultés  qui  restaient  à  éclaircir,  j'ai  gardé  le 
texte  de  la  1ère  édition.  Des  renseignements  précis  seront 
donnés  dans  les  annotations. 

Dans  les  poèmes  cités,  l'apostrophe  peut  sembler  abonder. 
Aujourd'hui,  la  règle  en  Ecosse  est  d'écrire  les  mots  gaéliques, 
en  entier,  sauf  dans  les  phrases  très  usitées,  et  dans  la  prose, 
c'est  une  bonne  règle  à  suivre.  Cependant,  je  me  suis  décidé  à 
suivre  l'exemple  du  Dr  Calder  et  des  premières  éditions  en 
retenant  l'apostrophe  où,  à  mon  avis,  la  cadence  musicale  et 
le  rythme  des  vers,  se  trouvent  ainsi  mieux  conservés. 

Accents. 

Les  accents  employés  sont  le  "  grave  "  et  1'  "  aigu  "  : 
l'accent  grave  pour  toutes  les  voyelles  longues,  et  l'accent  aigu 
seulement  pour  les  voyelles  é,  et  6,  longues  et  fermées. 

Ces  accents  ne  sont  employés  que  pour  les  longues  voyelles 

toniques.     Chaque  mot  accentué  porte  l'accent  tonique  sur  la 

première  syllabe  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'un  mot  composé; 

alors,  l'accent  tonique  se  trouve  généralement,  mais  non  pas 

invariablement  sur  la  première  syllabe  du  second  mot  avec  un 

accent  plus  faible  sur  la  première  syllabe. 

i 
ex:  sgeul-rùin,  sk'e-.LrûN1,  secret. 

Coire-Chruiteir,  korzxru:tf9r',  Vallée  du  Ménestrel. 

mais  maoth-bhuidhe,  mX:vuJ9,  jaune  brun. 

Même  dans  ces  cas  l'accent  tonique  tend  finalement  à 
reposer  sur  la  première  syllabe  : 

ex  :   co-dhùnadh,    UdyûNvy  i 

I  [    conclusion, 

codhunadh,   koyui\  dy    j 


fior-ghlan 
fiorghlan 


d,  H-.ryLaN    ) 

i  V    pur. 


28  ORTHOGRAPHE,  AC(  ENTS,  SONS 

Dans  les  polysyllabes  il  y  a  une  accentuation  secondaire  sur- 
la  troisième  syllabe  : 
ex  :  dealasach,  dsaLam\,  ardent. 
La   transposition    de    l'accent    tonique    de    la    première    à    la 

seconde  syllabe  d'un  mot  composé  produit  un  abrègement  de  la 

i 
voyelle  longue:  Neò-ghlan,  N'p'yLaN,  sale. 

neo-bheag,  N'pvèk,  beaucoup. 

Les  syllabes  finales  des  diminutifs  en  :  -an,  -ag,  conservent  un 
accent  presque  aussi  fort  que  celui  des  premières  syllabes. 

Un  mot  composé,  de  plus  de  deux  éléments,  porte  l'accent 
tonique  sur  la  première  syllabe  du  dernier  mot. 

Dail-an-easa,  daL-dnèsa,  Dalness. 
L'accent  tonique  tend  à  devenir  de  plus  en  plus  fort  dans  le 
langage  moderne  de  sorte  que  les  syllabes,  ou  les  particules 
non-accentuées,  montrent  une  décadence  phonétique  ou  une 
siippression  complète. 

Sons. 

Depuis  longtemps  l'accent  gaélique  de  l'Argyll  m'est 
familier,  surtout  la  diction  claire  des  îles,  telle  que  celle  de 
mes  amis  M.  Neil  Shaw  (Jura),  secrétaire  du  "  Comunn 
Gàidhealach,"  du  révérend  D.  Lamont  (Tirée),  Blair  Atholl, 
et  du  feu  M.  MacKinnon  (Colonsay),  ancien  professeur  de 
langues  celtiques.  Université  d'Edimbourg,  avec  qui  j'ai  pu 
une  fois,  pendant  une  période  de  six  mois,  lire  le  gaélique. 

Mais  pour  me  permettre  d'indiquer  aussi  correctement  que 
possible,  la  phonétique  du  dialecte  du  poète,  j'ai  résolu  d'en- 
tendre autant  que  je  le  pouvais,  le  parler  des  personnes  âgées 
du  nord  de  l'Argyll  et  surtout  du  voisinage  de  Glenorchy. 

J'ai  découvert  en  Monsieur  Archibald  Munn,  originaire 
d'Oban,  Argyll,  le  vrai  type  que  je  cherchais.  M.  Munn  qui 
a  70  ans  est  un  Seanachaidh  célèbre  qui  a  remporté  beaucoup 
de  prix  comme  conteur  des  légendes  gaéliques  au  Grand  Mòd 
National.*  Il  sait,  lire  le  gaélique,  sa  langue  maternelle,  et, 
comme  bien  de  ses  compatriotes  de  l'Argyll,  porte  une  grande 

*  Fête  Nationale  durant  une  semaine  et  qui  correspond  aux  fêtes 
nationales,  galloise  et  irlandaise,  Eisteddfod  et  Oireachtas. 


OBTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS  29 

admiration  à  Donnchadh  Bàn  et  a  appris  par  coeur,  bon 
nombre  de  ses  poèmes.  Au  mois  de  Septembre  1926,  à  Oban, 
il  m'a  très  aimablement  raconté,  d'abord,  une  quantité  de 
longues  histoires  gaéliques,  puis  il  m'a  récité  des  poèmes  choisis 
du  poète. 

La  diction  de  M.  Munn  est  excessivement  claire,  unie,  et 
naturelle  et  j'ai  pu  la  contrôler  en  écoutant  parler  différents 
amis  de  l'Argyll,  et  en  permettant  à  leur  accent  de  frapper 
mes  oreilles,  de  nouveau,  à  différentes  reprises. 

Comme  un  des  juges  gaéliques  au  Mòd  National,  j'avais 
pleine  occasion  d'enregistrer  et  de  comparer.  Les  morceaux 
choisis  qui  suivent  en  écriture  phonétique  l'étude  détaillée  des 
sons  représentent  la  prononciation  de  M.  Munn,  enregistrée 
par  moi-même  alors  qu'il  les  récitait  et  je  ne  doute  nullement 
qu'elle  indique  de  la  façon  la  plus  proche,  la  prononciation  du 
poète.  Je  puis  ajouter  que  c'est  un  type  de  prononciation  que 
nous  aimerions  entendre  plus  souvent  au  Mòd  écossais. 

La  graphie  employée  est  celle  de  l'Association  Phonétique 
Internationale  avec  l'addition  d'un  symbole,  le  'À'  grec, 
représentant  une  voyelle  spéciale  et  le  '  y  '  grec  pour  la 
spirante  gutturale  sonore  dh,  gh. 

Le  symbole  R  représente  'r'  vélaire  non-adouci  et  non  pas 
l'R  uvulaire  (ou  grasseyé)  français  ou  allemand  qui  ne  se 
trouve  pas  en  gaélique. 

Classification  des  Voyelles. 

(  r  d'avant  a,  e,  e,  i. 

normales      \ 
buccales       -j  (d'arrière  a,  o,  o,  u. 

Voyelles  {  I  anormales  d'  avant  œ,  3,  À. 

d'avant  e,  œ,  X,  i. 
d'arrière  a,  5,  û. 


nasalisées 


Voyelles  normales  d'  avant  (palatales  non  arrondies)  : 
a,  e,  e,  i  ;  normales  parce  que  les  positions  respectives  de 
la  langue  et  des  lèvres  contribuent  ensemble  à  l'abaisse- 
ment ou  à  1'  élévation  du  timbre  ;  d'avant,  parce  que  d'  a 
en  i,  la  langue  se  rapproche  de  plus  en  plus  du  devant  de 
la  bouche. 


30  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

a=l'  a  du  mot  français,  '  part  '  :  est  toujours  bref  et  repré- 
senté dans  l'orthographe  par:  — 
'a'  comme  dans  cas,  kas,  pied  : 
'ai'        ,,        ,,     sail,  sa.1',  poutre; 
'ea'       ..        .,     caileag,  kal'ah,  jeune  fille. 

Les  voyelles  juxtaposées  indiquent  le  timbre  de  la  con- 
sonne voisine  et  l'application  de  la  règle  :  — 

"  Leathann  ri  leathann  is  caol  ri  caol." 

Dans  les  terminaisons  des  diminutifs,  -an,  -ag,  ce  son 
est  bref  et  ouvert  :  — 

gealag,  k'jalak,   truite  saumonée  : 
giullan,  k'juLaN,  jeune  garçon. 

e — français  '  fait  '  ;  long  ou  bref  :  — 
ce,  k'e  : ,  crème  ;  deth,  dse,  de  lui  ; 

'èa' dèan,  dse:n  (ou  tfein),  faire; 

'ea' fear,  fer,  homme  ; 

'ei' mèilich,    me-.l'iç,    bêler:    'ei' — meilich,    mel'iç, 

périr  de  froid  ; 
seulement  long:  'eu' — neul,  Ne:L,  nuage. 

e — français  'dé'  :  long  ou  bref:  — 
glé,  kl'e  : ,  très  ;  teth,  tfe,  chaud  ; 
'éi' — céir.  k'e:r,  cire;  ceil,  k'el',  cacher; 
seulement  long:   'eu' — ceum,  k'e:m,  pas; 
seulement  bref  :  'ea' — eas,  e-?,  chute  d'eau. 

i — français  'qu?"  :  long  ou  bref:  — 

mir,  mi:r',  morceau;  mil,  mil',  miel: 
'ìo' — sìoda,  fi:t9,  soie;  'io' — bit&k,  poignard; 
bref  comme  'ai'  dans  quelques  syllabes  finales  : 
ulaidli,  »Li,  trésor;  nàmhaid,  JYaivit(f),  ennemi; 
againn.  akiffi',  à  nous. 

2.  Voyelles  normales  d'arrière  (vélaires  arrondies)  :  a,  o,  o,  u; 
normales,  on  vient  de  l'expliquer;  d'arrière,  parce  que 
d'  a  en  u  la  langue  se  recule  de  plus  en  plus  vers  le  fond 
de  la  bouche. 


ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS  31 

a — français  'pas'  ;  long  ou  bref  :  — 

cas,  ka:s,  malheur;  cath,  ka,  bataille  ; 

'ai* sàil,  m:l',  talon;  'ai' — gaillionn,  kaL'pn,  orage  ■ 

ïe  deuxième  élément  dans  :  — 

'eà' geàrr,  k'ja:E,  court;  'ea' — dealt,  d*a>Lt,  rosée; 

'eài' ceàird,   k'jairU,  métier;   'eai' — Peairt,  pjarst, 

Perth. 

o — français  'tort'  ;  long  ou  bref  :  — 
òr,  o:r,  or;  cor,  kor,  condition; 

'òi' glòir,  kho:r,  gloire;  'oi' — thoir,  hor,  donner; 

'eo' — deò,  dso  :  rayon;  'eo' — deoch,  dsJ%,  boisson; 
long  dans  'eòi,'  feòil,  fp'.V,  mouton. 

o — français  tôt  ;  long  ou  bref  :  — 
co,  ko,  qui  ;  tog,  tok,  lever  ; 
dobhran,  do-.r&n,  loutre;  crodh,  kro,  bétail; 
lomadh,  Lom9y,  tondaison  ; 
long  comme  premier  élément  dans  :  — 

'òi' còig,  ko  :ik' ,  cinq  ; 

long  comme  second  élément  dans  :  — 
'eo' leoghann,  L'jo-.N,  lion. 

u — français  'tout'  ;  long  ou  bref  :  — 
cù,  ku  : ,  chien  ;  rud,  Eut,  chose  ; 

'ùi' cùil,  ku:V  coin;  'ui' — fuil,  fui',  sang; 

'iù' cliù,    kl'u:,    réputation;    'iu' — fliuch,    fl'ux, 

mouillé  ; 
long  dans  'iùi' — siùil,  \u:V,  voiles. 

3.  Voyelles  anormales  d'avant  (palatales  arrondies  mais 
moins  qu'en  français)  :  œ,  9,  À  ; 
anormales,  parce  que  l'action  de  la  langue  et  celle  des 
"ièvres  se  contrarient;  la  première  élève  le  timbre,  la 
seconde  l'abaisse;  d'avant,  parce  que  la  langue  se  rap- 
proche de  plus  en  plus  du  devant  de  la  bouche. 

œ— français,  'ceewr'.  Mon  oreille  ne  perçoit  que  la  plus 
petite  nuance  entre  l'œ  de  PArgyll  et  l'œ  du  Parisien: 
long  ou  court  :  — 


32  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

long  comme  : 

'a'  précédant  'dh' — ladhran,  Lœ-.ran,  sabots; 

V     précédant     'gh' — foghluni,     fœ:fom,     éducation: 
roghnaich,   Roemiç,   choisir; 
bref  comme  : 

'a'  précédant  'gh' — lagh,  Lœy,  loi  ; 

'o'  précédant  'gh' — roghainn,  RœiN  ,  choix  ; 

'oi'  précédant  les  liquides  (1,  n,  r)  :  — 

oilthigh,  œl'hœj,  université;  coinneal  haNhL,  chan- 
delle ;  goirid,  kœritf,  court  ; 

bref  comme  'i'  dans  tigh,  tœj,  maison  ; 

seulement  long  : 

'ao'  dans  aobhar,  œ:vr,  raison. 

a— français  'de'  ;  son  très  courant  en  gaélique  ;  représenté 
par  'e'  et  'a'  finaux,  non-accentués:  — 
'uile,'  ulh,  tout;  àite,  a:tJ9,  endroit;  ola,  0L9,  huile: 
par  'a'  de  l'article  défini  :  — 
an  t-each,  9ntja\,  le  cheval; 
par  'a'  et  'u'  dans  des  particules  variées:  — 
mur,  raar,  si  ; 

généralement  =  a,  u,  e  dans  les  positions  non-accentuées  : 
galar,  kahR,  maladie;  agus,  ay9s,  et; 
leatsa,    VetS9,    avec   toi  :   et   dans   les   terminaisons,    au 

pluriel:  k'jarhjn,  poules  ; 
ce  son  se  présente  aussi,  par  épenthèse  entre  les  liquides 
et  les  autres  consonnes  des  groupes  suivants  :  — 
rg,  lg,  lb,  rc,  lm,  rm,  nm,  nb,  lp  : 
balg,  baPk,  sac. 

'À' — un  son  qui  semble  n'appartenir  qu'au  gaélique.  Tl 
est  produit  avec  la  pointe  de  la  langue  légèrement 
appuyée  contre  le  bord  des  dents  inférieures,  la  langue 
elle-même  bien  étalée  de  façon  que  ses  bords  reposent 
contre  les  dents  supérieures  et  que  le  souffle  passe  le  long 
>du  milieu  de  la  langue. 


ORTHOGBAPHE,  ACCENTS,  SONS  33 

C'est  évidemment  une  modification  du  son  'œ'  articulé 
plus  haut.  Il  ressemble  au  français  'eu'  dans  'creuse' 
ou  'Meuse'  ou  à  l'allemand  'ò'  dans  'toten,'  'Gôthe,' 
mais  en  gaélique  l'aspiration  est  plus  forte  et  la  langue 
plus  tendue.  Un  'À'  grec  représentera  ce  son  qui 
s'écrit  'ao'  :  — 

aotrom,  À  :  tRvm,  léger  ;  taobh,  tX  :  v,  côté  :  il  se  présente 
aussi  comme 
'aoi' — sgaoil,  slïX:ï',  l'épandre  : 

daoine,  dX:Nh,  gens. 
Autant  que  j'ai  pu  remarquer  il  est  toujours  long. 

A.  Voyelles  d'avant,  nasalisées  ê,  œ,  X,  ï. 

e  : — seimh,  /è  :  v,  calme;  treubh,  trë  :  v,  tribu  ; 
freumh,  frê  :v,  racine  :  gnè,  kre;  espèce. 
ê — leamh,  L'èv,  impertinent. 

La    nasalisation  n'est   pas    si    forte   en    gaélique    qu'en 

français, 
ce  :■ — s'entend  mais  très  rarement  :  — 

naomli,  N<7  :  v. 
X  :  — aon,  X  :  n .  un  ;  maotb,  mX  : ,  mou. 
ï: — priomli,  prfï:v,  premier;  ni,  Ni:  chose; 
ï — nigh,  NI,  laver. 

5.  Voyelles  d'arrière  nasalisées,   à,  5,  u. 
à  : — manran,  mû  :]?an,  berceuse  : 

amhghar,  â:y?r,  douleur; 

a  ghnath,  zyBà:,  à  l'ordinaire. 
â — searbhant,  far3vànt,  domestique; 

famh,  fà,  taupe;  famhair,  fà3r,  géant. 
5  : — Domhnach,  dZ  :  n^,  dimanche  ; 
2! — domh,  (J7i,  à  moi  ;  cnoc,  kroyk,  colline. 
û: — umhlachd,  u:La\k,  hommage. 
û — cumhang,  kûPk,  étroit. 

6.  Diphtongues:  — 

'a'  et  V  précédant  '11,'  'un'  'm'  :  — 
'call,'  IxauL,  perte;  bail,  bauL,  corde; 
'cam/  kaum,  courbé;  toll,  tœuL,  trou; 
tonn,  tœuX ,  vague;  tram,  traum,  lourd. 


34  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

7.  Dans  les  combinaisons  suivantes,  V  et  'i'  sont  consonnifiés 
et  prononcés  'j'  :  — 
'eà' — feàrr,  fja:r,  meilleur: 
ea — feart,  fjarst,  obéissance: 
eò — eòlas,  p  :  Lss,  connaissance  ; 
eo — -beothail,  bpal',  vif  ; 
io — iolach,  juL^x,  haut  cri  : 
iù — fiù,  fju  : ,  digne  : 
iu — piuthar,  pjur,  sœur  ; 
iùi — ciùil,  kjuiL1  de  la  musique; 
eòi — geòidh,  k'pj,  oies. 

Consonnes. 
1.  Les  occlusives:  p,  b;  t,  d;  c,  g. 

Contrairement  à  ce  qui  se  passe  dans  les  langues  française? 
allemande,  anglaise,  ou  irlandaise,  toutes  les  consonnes  occlu- 
sives en  gaélique  écossais  sont  sourdes. 

Immédiatement  après  une  consonne  nasalisée,  b,  d,  g 
naturellement  conservent  un  peu  de  la  sonorité  de  celle-ci. 
Dans  le  gaélique  de  l'Argyll  il  y  a  aussi  quelque -fois,  un  petit 
élément  sonore  après  'd'  palatal. 

(1)  'p'  vélaire  ou  palatal  et  'b'   (médian  et  final)  vélaire  ou 

palatal,  dénotent  le  même  son,  à  peu  près  le  'b'  français 
dans    'obtenir'  ;    piuthar,    pjur,    sœur  ;    cipean,  k'ipan, 
cheville  ;  cip,  k'ip,  mottes  ;  pdg,  po  :  ~k,  baiser  ; 
lapach,  Lap9\,  faible  ;  sgap,  skap,  disperser  ; 
mabach,  map^x,  balbutiant  ;  gob,  kop,  bec  ; 
ribeag,  R'ipak,  petit  chiffon;  dileib,   tji:L'ip,  gén.  de 
'dileab,'  héritage. 

(2)  'b'  (vélaire  ou  palatal)  initial  ou  au  commencement  d'une 

syllabe  se  prononce  comme  le  'b'  français,  dévoisé,  dans 

'bout'  : 

botach,  {>J^x>  vieillard  ;  pràban  pra  :  ban,  maison  où  l'ou 

vend    clandestinement    des    boissons    fortes  ;     prapan, 

pluriel  de  prab,  suppuration  oculaire  ; 

bior,  birf,  épine;  dibir,  di:bir',  abandonner. 


OBTHOGBAPHE,  ACCENTS,  SONS  35 

t,  d. 
'b'  vélaire  et  'd'  vélaire  (médian  et  final)  se  prononcent  comme 
le   t'  français  dans  ta,s. 

(1)  tog,  lok,  lever  ;  botul,  botdL,  bouteille;  cat,  IcaH,  chat; 

(2)  lodan,  L.n&n,  flaque  d'eau;  ceud,  ke:t,  cent; 

'd'   vélaire  initial   ressemble   au   'd'    français   (dévoisé)   dans 
'doute'  : 
dubh,  du,  noir; 

'd'  et  't'  palataux  deviennent  deux  consonnes,  d  =  ds  ou  t/  et 
t  =  t/. 

(1)  till,    tfil1    revenir;    litir,    L'Ufir     lettre;    àite,    a-.tfz, 
endroit  ; 

(2)  dean,  dse:n'  tje-.n1  (tous  les  deux  se  disent  en  Argyll), 

faire  ;  didean,  tfi  :  tfan,  protection  ; 
deanamaid,  tfenhmitf,  que  nous  fassions; 

'd'  suivant  'n'  devient  sonore  :  an  dé,  9n  dse  : ,  hier  ; 
an  dàn,  9n  da\N,  le  poème. 

c,  g. 

(1)  k  =  k  vélaire: 

le  'k'  français  dans  car,  lac. 

(2)  k'  =  k  palatal: 

le  'k'  français  dans  qui. 

k  =  c,  g  vélaires  : 

cum,  kum,  retenir  ;  bòcadh,  bo-^lcdy,  enfler  ; 

poc,  p^xk,  sac  ;  gu,  ku,  à  ;  bogadh,  bokdy,  mouillant  ; 

òg,  o  :  k,  jeune  ; 

=  'd'  dans  le  groupe — chd  :   bochd,  bo^k,  pauvre;  lochdan, 
Loykzn,  péchés. 

k'  =  c,  g  palataux, 
e.g.: 

cir,  k'i-.r1,  peigne;  ceòl,  k'jo-.L,  musique; 
aice,  aikh  ;  à  elle  ;  mie,  mi^k' ,  fils  (pi.)  ; 
smigean,  smik'en1 ,  petit  menton  ;  aig,  ek',  à  ; 
giullan,  k'juLan,  garçon  ; 
na  big,  na  bik',  les  petits. 


36  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

Au  nord  de  l'Argyll  comme  au  sud  du  comté  d'Inverness 
c,  p,  t  finaux  deviennent  yk,  xP>  X^- 
e.g.  :  mac,  ma^k,  fils  ; 

sop,  soxp,  bouchon  de  paille  ; 
cat,  kaxt,  chat. 
Ailleurs  cette  spirante  gutturale  intercalée  n'est  souvent 
qu'une  aspiration  cat,  kaht. 

A  ce  que  je  sache  ou  ne  trouve  pas  ce  phénomène  dans  le 
gaélique  irlandais  mais  il  existe  en  gaélique  écossais  depuis  des 
siècles. 

Alexandre  Macdonald  (Mac  Mhaighstir  Alasdair,  le 
poète),  c.  1700-1770,  qui  était  originaire  du  sud-ouest  d'Inver- 
ness et  maître  d'école  dans  le  nord  de  l'Argyll  écrit  dans  son 
Foclair  ou  Vocabulaire  gaélique-anglais  1741  :  — 

brocha  pour  broc,  blaireau;  poca  pour  poc,  sac,  etc. 
Articulation  : 

p,  k',  t explosion  forte,  organes  du  parler  relâchés. 

b,  k,  d explosion  faible,  organes  du  parler  tendus. 

Pour  'g'  initial  ou  entend  aussi  très  souvent  'g/  i.e.  'g' 
français  devoisé  :  — 

gob,  gop  ;  gabh,  gav  ;  gille,  giLh. 

Les  spirantes  ou  fricatives  :  f  v  (w)  s  /  ç  j  \  y. 
Les  consonnes  v  (w)  ]  y  sont  sonores. 
fv  :  le  'f  et  'v'  français  dans  'vent'  et  '/aux.' 
f  (ph),  sourd,  explosif,  contact  labio-dental,  relâché; 
v  (bh,  mh),  sonore,  non-explosif,  contact  tendu  bi-labial  et 
dental  :  — 
fàisg,  fa-.ijk,  presser;  phill  e,  fi: De,  il  est  revenu: 
bhàs,  va;*,  de  la  mort;  gàbhadh,  ka:v9y,  danger: 
gabh,  kav,  prendre  ; 
de'n  bhiodaig,  tfen  vltek' ,  du  poignard  : 
mhàs,  va  :«,  du  séant  ;  de'n  mhire,  tjen  vïr9,  du  morceau, 
clamhan,  kLavân,  milan;  snàmh,  snâ:v,  nager; 
mhnathan,  vrâhn,  des  femmes  ;  mhios,  vl  :s  du  mois. 
Pour  'bh'  et  'mh'  vélaires,  médians  et  finaux,  j'ai  quelque- 
fois entendu  le  son  bi-labial  w='ou,'  dans  'oui,'  français 
mais  avec  les  lèvres  moins  tendues. 


ORTHOGRAPHE.  ACCENTS,  SONS  37 

çj — En  gaélique  ç=(l)   'ch'  palatal:    le   'ch'   allemand  dans 

'ich'  :  — 
chi  mi,  ci:  mi,  je  verrai;  dicheall,  tfiiçaL,  diligence  ; 
soillsich,  sœjL'jiç,  éclairer; 
(2)    'th'   palatal,   médian   et  final: — nithean,   N'içsn, 

choses  ;  ith,  iç,  manger. 

'j'  =  'dh,'  'gh'  palataux:  le  'y'  français  dans  '^ak'  :  — 
dh'ith  mi,  jiç  mi,  j'ai  mangé;  guidheam  ort,   kujam 
■>rst,  je  te  prie;    féidh,  fe:j,  cerfs;  gheibh  mi,  jev  mi, 
j'obtiendrai;  Bràigheach,  hra:'p\,  montagnard;  faigh, 
faj,  obtenir. 

X  y  vélaires. 

X  =  le  'ch'  allemand  dans  'ach'  =  'ch'  vélaire  gaélique. 

y  =  le   'g'    allemand  dans   Tage  mais  plus  fricatif  =  gh,  dh 
vélaires  gaéliques  : 

e.g.  chum,  x^m^>  Pour  ;  dachaidh,  dayi,  foyer  (home)  ; 
luch,  Lux,  souris  ; 

ghabh  mi,  yav  mi,  j'ai  pris;  aghaidh,  œyi,  figure; 
laogh,  L\y,  veau;  lagh  Lœy,  loi; 
dhà,  ya  : ,  à  lui  ;  dh'  fhàisg  e,  ya:fhe,  il  a  serré  ; 
cladh,  JcLœy,  cimetière. 

Remarques. — L'opération  de  l'adoucissement  des  con- 
sonnes est  tellement  avancée  en  Argyll  que  th,  dh,  gh,  mh,  bh 
souvent  ou  ne  se  prononcent  pas  ou  n'indiquent  leur  présence 
que  par  une  courte  aspiration  (un  léger  coup  de  glotte),  entre 
les  syllabes  : 

e.g.  sitheann,  fidX ,  venaison;  sith,  fi:,  paix; 
saighead,  sait,  flèche;  muigh,  mui,  dehors; 
tlàth,  tLa  : ,  tiède  ;  fidhleir,  fi  :l'er'  joueur  de  violon  : 
Domhnull,  dZ:L,  nom  de  personne. 

Dans  mon  dialecte  natal  la  plupart  des  spirantes,  autrefois 
occlusives,  se  prononcent  encore. 

'Th'  initial  n'est  qu'une  aspiration  forte  : 

tha  e,  /me,  il  est  ;  et  silencieux  dans  thu  u  : ,  tu  ; 


38  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SOXï 

'fh'  ne  se  prononcent  pas  sauf  dans  : 

fhuair,  hu3r,  imparfait  de  faigh,  obtenir: 

fhathast,  ha9st,  encore; 

fhéin,  hen',  même. 
Restent  les  sibilantes  qui  ne  représentent  pas  d'occlusives 

originelles. 
s  vélaire:  le  's'  français  dans  sans:  — 

sabh,  sav,  odeur  ;  basan,  basen,  palmes  : 

cas,  k&s,  pied. 
s  se  développe,  par  épenthèse,  entre  V  et  't.'  'à.' 

bard,  barH,  barde;  mart,  marst,  vache, 
s  palatal  =  le  'ch'  français  dans  'Chine.' 

silteach,  fiL'tjax,  saignant; 

càise,  ka:jd,  fromage. 
sh='h'  anglais:  shin  e,  hi:nf  e,  il  étendit. 
Exceptions:  so,  ici,  et  sud,  là,  se  prononcent  /o  et  fut. 
Dans  les  phrases  comme, 

an  t-slat,  9?i  tLat,  la  canne, 

an  t-sròn,  an  tro  :n,  le  nez, 
l'influence  vocalique  des  liquides  est  à  remarquer  : 

'h'    quand    il    n'apparaît    pas    dans    des    combinaisons 

adoucies  = 'h'  anglais: 

na  h-eoin,  nahp-.N',  les  oiseaux. 

Les  liquides  1,  n,  r  ont  chacune  quatre  sons  distincts. 
L'adoucissement  de  ces  consonness  n'est  marqué  dans  l'écri- 
ture par  aucun  signe  ou  lettre  mais  au  parler  l'oreille  remarque 
facilement  la  différence. 

L.  Vélaire,  non-adouci,  sonore.  Pour  produire  ce  son  la 
langue  se  met  en  contact  léger  avec  l'alvéole  supérieure 
et  les  dents  tandis  que  le  souffle  se  divise  en  deux  portions 
qui  s'échappent  le  long  des  bords  de  la  langue.  Les 
variétés  de  T  sont  dues  aux  changements  de  point  de 
contact  et  aux  différentes  formes  de  la  langue.  Ce  son 
est  représenté  par  T  vélaire  initial  et  'H'  vélaire.  J'ai 
remarqué  qu'  on  substitue  ce  son  très  souvent  en  Argyll  h 
'V  intervocalique. 


ORTHOGRAPHE.  ACCENTS,  SONS  39 

Lamh,  Là  :  v,  main  ;  dall,  dauL,  aveugle  ; 
galla,  kaLd,  chienne. 

1  vélaire,  adouci,  sonore:  T  français  dans  7ong."  Repré- 
senté par  T  vélaire  intervocalique  et  T  vélaire  final  :  mo 
lamh,  molâ-.v,  ma  main;  càl,  ka:l,  choux. 

L'  palatal,  fricatif ,  non  adouci,  sonore  ;  presque  le  son  de  '11' 
dans  'miZZion'  en  anglais  :  représenté  par  '1'  palatal 
initial  et  '11'  palatal  : 

litir,  L'tfir',  lettre:  pill,  pi:Lf,  revenir. 

1'     palatal,  adouci,  sonore:  '1'  français  dans  'Zivre.' 
mo  lion,  mô  l'ion,  mon  filet  ;  mil,  mil' ,  miel  ; 
Dans  quelques  autres  dialectes  j'ai  remarqué  un  '1'  sourd. 

Les  sons  de  n. 
En  produisant  ces  sons  le  souffle  est  interrompu  en  levant 
le  bout  et  le  dos  de  la  langue  contre  les  dents  et  l'alvéole 
et  en  baissant  le  voile  du  palais  pour  laisser  échapper  l'air 
par  le  nez. 

N='n'  initial  vélaire  non-adouci  et  'nn'  vélaire: 

nos,  Nô  :  s,  habitude  ;  bronnach,  broNa\,  embonpoint  ; 
tonn,  tauN ,  vague  ; 

11= 'n'  vélaire  adouci  et  'n'  vélaire  final: 
'n'  français  dans  'mon  ami.' 

mo  nos,  mô  no: s,  mon  habitude; 

bàn,  bain,  blond;  banarach,  ban&rox,  laitière: 

N'='n'  palatal  initial  non-adouci  et  'n'  palatal  final  avec 
voyelle  longue  : 

nighean,  X'ion,  fille;  lin,  L'i:N',  filets. 

n'=  'n'  palatal  adouci  :  'n'  français  dans  ni  : 
mo  nighean,  mo  n'Ì9n,  ma  fille  : 
fine,  fin' 9,  tribu  ;  min,  min',  farine  d'avoine  : 

sin,  fin',  cela  : 
n'  initial  est  aujourd'hui  assez  rare:   le  plus  souvent  on 
entend  N'  en  Argyll. 


40  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

R  =  r  vélaire,  non-adouci,  vibration  légère  ou  marquée,  du 
bout  de  la  langue  qui  est  légèrement  retournée  ;  rr  vélaire  ; 
V  français  dans  'rond'  (i.e.  l'r  français  ancien,  l'r  des 
chanteurs  qui  est  linguo-palatal)  : 

ruadh,  Riny,  rouge  :  barran,  baRan,  les  bouts. 

mor,  mo  :  F,  grand. 

r=V  vélaire  adouci  :  le  bout  de  la  langue  ne  fait  que  frapper 
l'alvéole  : 

nigbean  ruadh,  N'Ì9n  rudy,  fille  rousse: 
aran,  a?-a>/,  pain. 

R/='r'  palatal:  vibrations  légères  du  bout  de  la  langue:   'r' 
français  ancien  dans  'péril'  : 
righ,  R'i:j,  roi  ;  firinn,  fi  :  R'iN1 ,  vérité  : 
mìr,  mi-.R',  morceau. 

r'=V  palatal  adouci  ;  coup  très  léger  du  bout  de  la  langue 
contre  l'alvéole  : 

a  rithist,  ar'i  :jt,  encore  une  fois  : 
cir,  k'i  '.r1,  peigne. 

Remarques.—  Dans  les  îles  du  nord-ouest  W  final  et  inter- 
vocalique  et  r'  se  prononcent  couramment  comme  'th'  anglais 
dans  'then.' 

Après  r,  g,  gh.  t  vélaires  souvent  'n'  =  'r'  : 

cnoc,  kro\h,  colline;  a  ghnath,  dynï  : .  toujours: 
gnothach.  //•~\,  affaire  :  fcnu,  trù  :  envie. 

m  =  'm*  français. 
Le  timbre  de  la  consonne  se  détermine  par  les  voyelles,  selon 
qu'elles  soient  vélaires  ou  palatales. 

,^'ng'  anglais. 
rj     vélaire — long,  Lorj,  bateau  ; 

langan,  Laija.it,  bramement. 

palatal Mingarry,  mi>ja,ri,  nom  d'un  district,  au  nord 

de  l'Argyll. 


ORTHOGRAPHFJ,  ACCENTS,  SONS  41 

t/     vélaire  =  ?;<?  et  t]  palatal  =  rjk  dans  certaines  combinaisons: 
an  gunna,  oi]guno,  le  fusil  ; 
frangach,  frarjga\,  français  ; 
faing,  fairjk,  gén.  de  fang,  bercail. 

Articulation  :  langue  ramassée  vers  le  fond  de  la  bouche  : 
pointe  abaissée. 

y  ce  son='gn'  français  dans  signe  et  se  représente  en 
gaélique  comme  '  nn  '  palatal  ;  langue  ramassée  vers  le 
front  de  la  bouche  :  pointe  abaissée. 

binn,  bi:y,  mélodieux;  sinn,  fi:y,  nous. 
En  Argyll  ce  son  se  confond  avec  N'. 


Combinaisons  de  certaines  consonnes  dans  la  poésie  de 
Donnchadh  Bàn. 

— mhd — còmhdach,  kô-.dax- 

— ghmh — brioghmhor,  br'i  :or. 

— chd-shl — ochd-shlisneach,  oykVi\noy^. 

— ghn — dh'  fhoghnadh,  yo-.noy. 

— gh  dh — òrduigh  dhaibh,  ordi  ya.iv. 

— tht — caithtiche,  ketiçQ. 

— ch  fh — nach  fhanadh,  nayanjy. 

— chl — caochlaideach,  /.À  -.laff^x- 

— mch — timchioll,  tirnçzL. 

— bht — sléibhtean,  fL'e  :  t?n. 

— lmh — cheòlmhorachd,  çjo  '.Lvor9yk. 

— lit — millteach,  mi  :  L'tjax- 

— ghl — fòghlaichean,  /o  :l'iç9n. 

— thr- — mòthraichean,  mo  :rfiç9n. 

— mhn — còmhnuidh,  ko  mi. 

— dhch — boidhchead,   bo:iç9t. 

— thl — eathlamh,  jaLu(w). 

— th-bh— maoth-bhuidhe,  mX  :  vu'p. 

- — mhdh — còmhdhail,  ko  :  al'. 

— athgh — athghoirid — ayœritf. 


42  ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS 

Prononciation  de  M.  Arckibald  Munn,  Oban,  Argyll, 
des  extraits  vis-à-vis:  — 

1. 

1      on  turdm  har  kax  bejn' 

ek'  bejn'  do  :ren 

tfe  na  xunik'  mi  fon  yre  :  n, 

fi  bd  vo  :iç9  lum; 
5     monoy  fat9  re  : , 

hu-.V  dm  fetJ9  fej, 

s<xl'er9)(k  9n  il'  :  ev 

va  mi  so \r9\ajy; 

dœr9y9n  n9rje  :k, 
10     koeV  auns  9m  bi  fe  :r, 

fojnef9x  9n  spre  :  j, 

vis  9  yo'-™  aun  '■ 

kre9n  b9  jaL  ke  :r, 

J9i-t  er  9n  de  :j, 
15     sL&x  lum  9  sre:t 

9  va  sro  :ne[9x- 

Mofoy  bejn'  do:ren. 

2. 
fe  korg  çjeiç  )i9n  a'pn  fu : Lax, 
9n  k.)T9  rû  :nax  as  u  :rar  faun, 
ku  Lur&x,  mia,ter9x,  mi-.njaL,  svar. 
k&x  Lus&n  fii-.ar  b9  yu\ffl%  lum: 
ku  moL9\,  du  y.>rm,  torax,  Lu  :  fral.9x, 
l.iRiXi  plu:rB,ii9x>'  $Lu:  y  Lan  kr'iiN', 
kop}j.  balj9x,  tfi:an9x,  kaN9x,  mi  :fVen9x, 
Ideaun  a  viL'tiç.  san  Lfi:nvor  mâ-k. 

kir 9  çjeiç. 
3. 

Jt9jç  mi  L'i m  er  fiir1  ufk'tanv, 

s  mi  str'i  :  /,a  haBirj  er  hru9x, 

s  huk  mi  Ve  skrfi  :  /i  i  r  tfi  :  r'  >  /a/a/.', 

s  a  L'i  :  mar  jal  er  9  x"  "'  ■ 

s  tol'itf  9  ya  :  k  en  La  :  fin  mekn9, 

9n  RœjN'  9  vakgm  san  U9r  : 

bi  koim9s  mo  cet  vrâ  :  relt  ni  metna; 

mo  ce  :lh  kat9l  s  m/m  hu9N'. 

oran  da  ce  \lh. 


ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SONS  43 


1. 

1     An  t-urramthar  gach  beinn 

Aig  Beinn-Dòbhrain 

De  na  chunnaic  mi  fo'n  ghréin, 

'S  i  bu  bhòidhche  leam  ; 
5     Monadh  fada,  réidh, 

Cuile  'm  faighte  féidh, 

Soilleireachd  an  t-sléibh' 

Bha  mi  sònrachadh  ; 

Doireachan  nan  geug, 
10     Coill'  anns  am  bi  feur, 

'S  foineasach  an  spréidh, 

Bhios  a  chòmhnuidh  ann  : 

Greighean  bu  gheal  céir, 

Faoghaid  air  an  déidh, 
15     'S  laghach  leam  an  sreud 

A  bha  Sròineiseach. 

Moladh  Bei/i  n-Dòb h rain . 

2. 
'S  e  Coir'  a  Cheathaich  nan  aighean  siùbhlack, 
An  coire  rùnach  as  ùrar  fonn, 
Gu  lurach,  miad-fheurach,  min-gheal,  sùghar, 
Gach  lusan  flùar  bu  chubhraidh  leam; 
Gu  molach,  dubh-ghorm,  torrach,  îùisreagach, 
Corrach,  plùranach,  dlùth-ghlan  grinn, 
Caoin,  ballach,  ditheanach,  cannach,  misleanach, 
Gleann  a'  mhiltich,  's  an  lionmhor  mang. 

Coire  a'  Cheathaich. 

3. 
Shuidhich  mi  lion  air  fior-uisg  tana, 
'S  mi  strigh  'ga  tharruing  air  bruaicb, 
'S  thug  mi  le  sgriob  air  tir  a'  ghealag, 
'S  a  lì  mar  eal'  air  a'  chuan. 
'S  toilicht'  a  dh'  fhàg  e  'n  là  sin  m'  aigne, 
An  roinn  a  bh'  agam  'san  uair; 
B'  i  coimeas  mo  cheud  mhnà  reult  na  maidne  : 
Mo  chéile  cadail  's  mi  'm  shuain. 

Or  an  ri 'a  Chéile. 


44 


ORTHOGRAPHE,  ACCENTS,  SOXS 


a 

ai 

eài 

eà 

a 

ai 

eai 

ea 

ò 

òi 

eòi 

eò 

6 

òi 

eoi 

eo 

o 

oi 

eoi 

eo 

ù 

ùi 

iùi 

iù 

u 

ui 

iui 

iu 

èi 

èa 

éi 

eu 

r1 

1 

ea 

ÌO 

ai 

i 

io 

ao 

aoi 

iai 

ia 

ua 

uai 

Le  système  d'orthographe  peut  être  résumé  comme  suit  : 
à  long 
a  bref 
ò  long 
6  long 
o  bref 
ù  long 
u  bref 
è  long 
é  long 
e  bref 
ì  long 
i  bref 
ao  long 
ia 
ua 
Les  lignes  épaisses  et  fines  figurent  les  consonnes  vélaires 
et  palatales  respectivement.       Entre  les  lignes  se  trouvent  les 
voyelles  qui  indiquent  les  sons  simples  de  la  première  colonne 
à  gauche.     Naturellement,  il  est  nécessaire  d'avoir  une  oreille 
capable  de  saisir  le  timbre  des  consonnes. 
Prenons  le  mot:    "  Searmonaichean  "  .  .  .  .  prédicateurs. 

pal.  vél.       vél.        pal.     vél. 

consonnes  s  rm  n         ch         n 

voyelles  (de  la  table)  ea  o         ai         ea 

Formes  grammaticàli  s. 
Pour  faciliter  la  lecture  du  texte  gaélique  des  poèmes  on 
peut  constater  les  points  suivants  : 

L'article  déf .  revêt  les  formes  qui  suivent  : 

Masc.  Fem.  Plur. 

an  Comme  gén.masc.  Commun. 

na 

na  h-  (  4-  voyelle) 
ua  nan 


Nom. 


Gén. 


am  (  -i-  b.  f ,  m,  p) 

an  t  (  +  voyelles) 

an 

a'  (-rbh,ch,  gh, 
mh,  ph) 

an  t-  (  -f  s  pur) 
Dat.  Comme  gén. 
('n,  'n  t-  après 
des  prép.  se  terminant 
par  une  voyelle). 


na  h-  (  +  voyelle)      nam  (  +  b,  f ,  m,  p) 


Comme  dat.  masc.  Comme  nom. 


FORMES   GRAMMATICALES  45 

Le  gén.  sing.  masc,  nom.  sing.  fem.  et  dat.  sing.,  m.  et  f. 
adoucissent  toutes  les  consonnes  initiales  des  noms  qui  suivent , 
sauf  d,  t,  et  s,  consonnes  dont  la  dernière  s'éclipse  si  elle  est 
pure,  i.e.  devant  les  voyelles  et  1,  n,  r. 

La  lettre  'a'  est  devenue  un  sujet  de  difficultés  en  gaélique 
écossais,  plus  encore  qu'en  irlandais.  Elle  assume  tant  de 
fonctions  différentes.  Comme  nous  pouvons  voir  c'est  l'art, 
déf .  dans  divers  cas  quand  il  est  suivi  de  l'apostrophe  : 

Coire  a'  Cheathaich  :  Vallée  de  la  Brume. 
Elle  représente — 

(1)  l'adj.  poss.  (troisième  pers.  pron.  poss.)  son,  sa, 
'S  a  bhàrr  air  lùbadh.  ...  sa  tête  se  penche. 

(2)  le  pron.  relatif  : 

A  mhaireas  ùine  qui  demeure  quelque  temps. 

(3)  le  rel.  loc.  an  (am)  qui  devient  «'  : 

A'  bheil  luibh  is  luachair  :  où  il  y  a  des  plantes  et  des 
roseaux. 

(4)  ainsi  que  la  particule  interrogative  'an'  : 
A'  bheil  thu  gradh  ?  Le  dites-vous  ? 

(5)  ainsi  que  'ag'  avec  le  nom  verbal  : 

A'  mire-leumnaich  :   Sautant  gaiement. 

(6)  La  particule  verbale  'do'  se  contracte  en  'a'  : 

(a)  Ged  a  thigeadh  an  sneachda. 

Et  même  s'il  tombait  de  la  neige. 

(b)  'S  gur  trie  a  dh'  àraich  i'n  làn-damh  donn. 
Et  souvent  le  grand  cerf  brun  s'y  nourrissait. 

(c)  M'an  choir'  as  aoigheala  tha  r'a  fhaotainn. 
Autour  de  la  vallée  la  plus  hospitalière  que  l'on 

puisse  trouver. 

(7)  La  prép.  'de'  devient  quelquefois  'a,'  e.g.  : 
Diùgha  a  bhuill-deis  e  =  Diùgha  de  bhuill-deis  e. 
La  pire  de  toutes  les  armes. 

Les  cas  suivants  sont  aussi  à  noter  :  — 

(8)  La  phrase  : 

De  a  h-uile  (  =  gach  uile)  seòrsa. 
De  toute  espèce. 


46  FORMES   GRAMMATICALES 

(9)  La  prép.  a  (ex)  : 

Tighinn  a  grunnd  eas  lom. 

Jaillissant  au  bas  des  cascades  limpides. 

(10)  Certaines  autres  prépositions  : 
a  nall,  a  mach,  etc.  .  . 

Anns  an  =  's  an,  's  a',  'sna  : 

le  's'  est  vraiment  une  partie  de  l'art,  déf .  comme  dans  le 
cas  de  'ris,'  'leis,'  etc. 

On  rencontre  fréquemment  cette  prép.  doublée  chez  Duncan 

Bàn. 
'S  ann  am  Beinn-Dòbhrain  ...  sur  Beinn-Dòbhrain. 
'S  ann  am  mor-mhonadh  ...  sur  la  lande  spacieuse  élevée  ; 
'am'  peut  se  substituer  à  'ann  am'  sans  changer  la  signi- 
fication.       'De'   est  aussi  doublé  devant  les  voyelles  et 
devant  'f  :  — 

Cò  de  dh'fhearaibh  na  rioghachd  ? 

Lequel  des  braves  du  royaume  ? 

N'a  rinn  e  oirnn  de  dh'  antlachd. 

Tant  il  nous  a  injuriés. 

'  Is  '  devient  fréquemment  's,  surtout  au  commencement 
d'une  ligne  et  l'élision  des  voyelles  finales  est  générale- 
ment marquée  par  l'apostrophe. 

Des  exemples  de  possessifs  prépositifs  et  de  pronoms  pré- 
positifs se  présentent  passim  dans  tous  les  poèmes  cités. 

Ces  combinaisons  se  présentent  comme  suit  :  — 

Possessifs  prépositifs. 

mo  (mon)  do  (ton)  a  (son)  ar  (notre)  bhur  (votre)     an,  am  (leur) 
(sa) 
Aig,  ag,       'gam       'gad        'ga        'gar         'gur       'gan,  'gam 

(à) 
Ann,  an,     am  ad  'na        'nar         'nur       'nan,  'nam 

dans,  en) 
Gu 
à,  vers,        gu  m'      gu  d'      g'a        g'ar         g'ur       g'an,  g'am 


FORMES   GRAMMATICALES 

Pronoms  prépositifs. 
mi  tu 


47 


Ug       à 

h    p1- 

agam 
againn 

agad 
agaibh 

aige 
aca 

aice 

air,  sur 
(for)  pl. 

orm 
oirnn 

ort 
oirbh 

air 
orra 

oirre 

ann,  dana 

annam 

annad 

ann 

innte 

pl. 

annainn 

annaiblx 

annta 

as      (ex)  hors  de 
a       pl. 

asam 
asainn 

asad 
asaibh 

as 
asta 

aiste 

bko,  de 

©       pl. 

(bh)uam 
(bh)uainn 

(bh)uat,  (bh)uait  (bh)uaitli 
(bli)uaibh                (bh)uapa 

(bh)uaipe 

de.  de 
pl. 

diom 
dinn 

diot 
dibh 

deth 
diubh 

di,  dith 

do.  à 

domh 

dut,  duit 

da 

di 

pl. 

duinn 

duibh 

doibh 

eadar  (entre) 
pl. 

eadarainn 

eadaraibh 

eatorra 

fo,  sous 

pl. 

fodham 
fodhainn 

fodkad 
fodhaibh 

fodha 
fopa 

foipe 

gu,  à 

pl. 

thugam 
thugainn 

thugad 
thugaibh 

thuige 
thuca 

thuice 

le,  avec 
pl. 

leam 
leinn 

leat 
leibh 

leis 
leò 

leatha 

mu,  sur,  autour 

umam 

uni  ad 

uime 

uimpe 

(um) 
pl. 

umainn 

umaibh 

umpa 

ri,  à 

riuni 

riut 

ris 

rithe 

pl. 

ruinn,  rinn  ribh 

riutha,  riù 

roimh,  avant, 
devant,    pl. 

romham 
romhainn 

romhad 
ronihaibk 

roimhe 
rompa 

roimpe 

thar,  au  dessus 
pl. 

tharam 
tharainn 

tliarad 
tharaibh 

thairis,  air  tliairte 
thar  ta 

troimh,  par, 
a  travers  de,    pl 

tromham 
tromhainn 

tromhad 
tromhaibh 

troimhe 
trompa 

troimp© 

48  FORMES   GRAMMATICALES 

Les  flexions  de  désinence  des  noms  aux  gén.  et  dat.  sing. 
et  pi.  sont  d'ordinaire  bien  en  évidence  dans  la  poésie  de  D. 
Bàn.  La  flexion  après  le  nom  verbal  est  aussi  régulière.  De 
temps  en  temps  la  voyelle  finale  dii  gén.  des  noms  et  du  nom. 
pi.  des  adjectifs  manque.  (An  t-sléibh  pour  an  t-sléibhe, 
coilich  dhubh  pour  coilich  dhubha,  etc.). 

Chan  (Ir.  no  cha  n-)  s'écrivait  'cha'n'  et  'cha  n-,'  mais 
'  chan  '  est  la  forme  maintenant  adoptée  par  la  plupart  des 
écrivains  écossais. 

Dans  le  texte  gaélique  le  verbe  a  la  voix,  le  mode,  le  temps, 
le  nombre  et  la  personne.  Il  n'a  pas  de  participes  actifs  mais 
il  a  deux  formes  pour  les  modes  indicatif  et  subjonctif  (con- 
ditionel  français),  l'un  employé  quand  le  verbe  est,  ou,  peut 
être  le  tout  premier  mot  d'une  phrase  et  l'autre,  quand  le 
verbe  vient  après  une  particule  telle  que  la  particule  interro- 
gative  'an'  (am)  et  son  négatif  'nach,'  le  nég.  'cha'  et  les  con- 
jonctions gu'n,  nach,  mu'n,  mur  et  na'n.  La  forme  employée 
après  ces  particules  s'appelle  la  forme  Dépendante,  l'autre  est 
la  forme  Absolue,  e.g.  :  '  buailidh  mi  '  (forme  absolue),  '  Je 
frapperai,'  et  'am  buail  mi'  (forme  dépendante),  'frapperai- 

3e  V 

L'infinitif   gaélique   est   aussi   particulier  :    c'est   un    nom 

abstrait  formé  diversement  avec  des  suffixes  abstraits  -adh, 
-chd,  t,  -nn,  etc.  En  plus  des  formes  absolue  et  dépendante, 
le  verbe  'bi'  (être)  a  aussi  une  forme  Emphatique.  Les  temps 
synthétiques  du  verbe  sont  peu  nombreux  mais  les  temps  péri- 
phrastiques  formés  par  l'emploi  du  verbe  'bi'  avec  les  préposi- 
tions a'  (ag)  et  'air'  (après)  donne  une  variété  de  temps  aussi 
complète  que  celle  que  l'on  trouve  dans  une  langue  moderne. 

Les  paradigmes  suivants  indiqueront  les  temps  qu'  on 
rencontre  chez  le  poète  et  dans  le  gaélique  moderne  de  l'Ecosse. 

Verbe   '  Bi  '. 
Indicatif. 
Abs. 
Prés,  1,  2,  3.  tha,  mi,  thu,  etc. 
Je  suis,  etc. 

Imparfait  (comme  subjonctif) 


FORMES   GRAMMATICALES  49 

Fut.  1,  2,  3.  bithidh  ou  bidk 

mi,  tu,  e,  &c. 
Forme  rel.      bkitheas,  bhios. 
Parf.  bha  mi,  thu,  &c. 

Dép. 

(a'  pour  am)  bheil  mi,  &c. 

(gu,  gu'm) 

nach  1 

mar     J-'eil  mi,  &c. 

chan  J 

bi 

(cha)  bhi. 

robh  mi,  thu,  &c. 

Emphatiqut . 
Is  mi,  tu,  &,  C'est  moi. 
bu  mhi,  tu,  sinn,  sibh 
b'e,  b'i,  b'iad 
(adoucissant  les  noms  et  adj.). 

Subjonctif  (conditionnel  français). 

Abs.  Dép. 

(et  après  cha  et  rel.  a).  (après  am,  nach,  na'm,  mur). 

1  bithinn  1  bithinn 

2  bhitheadh  ou  bhiodh  tu  2  bitheadh  ou  biodh  tu 

3  bhitheadh  ou  bhiodh  e,  i  3  bitheadh  ou  biodh  e,  i 

1  bhitheamaid  ou  bhiomaid      1  bitheamaid  ou  biomaid 

2  bhitheadh  ou  bhiodh  sibh       2  bitheadh  ou  biodh  sibh 

3  bhitheadh  ou  bhiodh  iad       3  bitheadh  ou  biodh  iad 

Impératif. 
Sing.  Pluriel. 

1  bitheam  bitheamaid 

2  bi  bithibh 

3  bitheadh,. biodh  e,  i  bitheadh,  biodh  iad 

Infinitif.     Bith  :  a  bhith. 
Ce  berbe  a  aussi  les  formes  impersonnelles  suivantes  au 
passif. 


V 


1 

FORMES   GRAMMATICALES 

Indicatif. 

Abs.                                       Dép. 

Prés. 

thatar                                     beilear 

(rel.  thathas) 

Fut . 

bitear 

Inip. 

bhithte                                   bite 

Impr 

.  bitear 

Par. 

bhathar                                   nacb  robhas 

(rel.  bhathas)                        gu'n  robbar 

La    vieille   forme    'ata'    apparaît   plusieurs   fois   dans   '. 
poèmes. 

(a)  Conjugaison     consonnante. 
Buail,  frapper. 

Voix  active. 
Indicatif. 
Abs.  Dép. 

Fut.    1.  2,  3  buailidb  mi,  tu,  &c.  buail  mi,  fcbu,  &c. 

rel.  bhuaileas  mi,  tu,  <fec      (cha)  bhuail 
Parf.  1.  2.  3  bhuail  mi,  tu,  &c.  do  bhuail 

Subjonctif  (aussi  Conditionel  français). 
Abs.  Dép. 

après  cha  et  rel.  a). 
Sing.        1  bhuailinn  1  buailinn 

2,  3  bhuaileadh  tu,  e,  i  2,  3  buaileadh 
PI.           1  bhuaileamaid  1  buaileamaid 

2,  3  bhuaileadh  sibh,  iad  2,  3  buaileadh 

Ces  formes  ont  aussi  la  force  de  1'  imparfait  Ind. 
Impératif. 
Sing.  PL 

1  buaileam  buaileamaid 

2  buail  buailibh 

3  buaileadh  e  buaileadh  iad 
Infinitif — bualadh;  a  bhualadh,   a'   bualadh. 


FORMES    GRAMMATICALES  51 

Voix  passivt . 
Indicatif. 
Abs.  Dép. 

Fut.     1,  2,  3  buailear  mi,  thu,  &c.  buailear  mi,  &c. 

(cha,  a)  bhuailear 
Parf.   1,  2,  3  bhuaileadh  mi,  thu,  &c.    do  bhuaileadh  mi,  &c. 

Subjonctif  (Conditionel  fr.). 
Abs.    1,  2,  3.  bhuailteadh  mi,  thu,  &c.  (et  après  cha,  a). 
Dep.    1,  2,  3.  buailteadh  mi,  thu,  &c. 

Impératif. 
1,  2,  3.  buailtear  mi,  thu,  &c. 

Participe  passé  :  buailte. 

(b)  Conjugaison  des  verbes  qui  commencent  avec  une  voyelle 
et  avec  'f '  : — òl,  boire,  fàg,  quitter,  laisser. 

Voix  active. 
Indicatif. 


xt.   Abs.   1 

,  2,  3  òlaidh  mi,  &c.           fàgaidh  mi,  &c. 

rel.  dh'òlas  mi,  &c.         dh'fhàgas  mi,  &c. 

Dép.  1 

,  2,  3  òl  mi,  &c.                  fàg  mi,  &c.  (mais  chan 

fhàg  mi,  &c.) 

irf.  Abs.  1, 

,  2,  3  dh'òl  mi,  &c.             dh'fhàg  mi,  &c. 

Dép.  1 

,  2,  3  dh'òl  mi,  &c.             d'fhàg  mi,  &c. 

Subjonctif  (Cond.  fr.). 

Abs. 

1  dh'òlainn                   dh'fhàgainn 

2,  3  dh'òladh  tu,  &c.       dh'fhàgadh  tu,  &c. 

Dép. 

1  òlainn                         fàgainn 

2,  3  òladh  tu,  &c.            fàgadh  tu  (mais  chan 

fhàgainn,  &c). 

Impératif. 

Sing. 

PI.                   Sing.                    PL 

1   òlam 

òlamaid             1  fàgam             fàgamaid 

2  òlainn 

òlaibh                2  fàg                  fàgaibh 

3  òladh  e, 

i      òladh  iad          3  fàgadh  e         fàgadh  iad 

Infinitif — 01  ;  a  dh'òl  ;  ag  òì 

fàgail  ;  a  dh'fhàgail  ;  a'  f àgail 


52  FORMES   GRAMMATICALES 


Voix  passive. 

Indicatif 

Fut.    1,  2,  3  òlar  mi,  &c. 

fàgar  mi,  &c.  (mais  chau 

fhàgar  mi) 

Parf.  1,  2,  3  dh'òladh  mi,  &c. 

dh'fliàgadh  mi,  &c. 

Dép.                 d'òladh  mi,  &c. 

d'fhàgadh  mi,  &c. 

Subjonctif  (Cond.  fr.). 

Abs.  1,  2,  3  dh'òlteadh  mi,  thu,  e 

dk'fhàgteadh  mi,  thu,  e 

&c. 

&c. 

Dép.  1,  2,  3  òlteadh  mi,  thu,  e 

fàgteadh  mi,  thu,  e 

&c. 

&c. 

(mais  chan  fhàgteadh, 

&c.) 

Impératif  1,  2,  3  òlar  mi,  &c. 

fàgar  mi,  &c. 

Participe — òlte. 

fàgte. 

Temps  périphr astiques. 

Indicatif  actif. 

Prés.  Progressif:     Tha  mi  a'  bualadh  =  Je  bats  ou  Je  suis  en 

train  de  battre. 
,,     Parf.  :  Tha  mi  air  bualadh  =  J'ai  frappé. 

Fut.  Progressif:       Bithidh  mi  a'  bualadh  =  Je  frapperai. 

„     Parf.  :  Bithidh  mi  air  bualadh  =  J'aurai  frappé. 

Imprf.  Progressif:  Bha  mi  a'  bualadh  =  Je  frappais. 
Plus  que  Parf.  :        Bha  mi  air  bualadh  =  J'avais  frappé. 

Indicatif  Passif. 
Prés.  Déf.  :        Tha  mi  buailte  =  Je  suis  frappé. 

,,     Prog.  :     Thatar  'gam  bhualadh  =  On  me  frappe. 
Parf.  :      Tha  mi  air  mo  bhualadh  =  J'ai  été  frappé. 
Fut.  Indéf.  :     Buailear    mi,    Bithidh    mi    buailte  =  Je    serai 

frappé. 
,,     Parf.:     Bithidh    mi    air    mo    bhualadh  =  J'aurai    été 

frappé. 
Passé  Indéf .  :  Bhuaileadh  mi,  Bha  mi  buailte  =  J'étais  frappé. 
P.  q.  Parfait:  Bha  mi  air  mo  bhualadh  =  J'avais  été  frappé. 

Une  autre  méthode  pour  exprimer  le  passif  en  gaélique 
est  d'employer  'théid'  et  'chaidh'  le  fut.  et  le  passé  de  'rach' 
(aller):  théid  mo  bhualadh  =  je  serai  frappé;  chaidh  mo 
bhualadh  =  j'étais  frappé. 


FORMES   GRAMMATICALES  53 


<->  (-> 


--<   a  u  ?   o  S  2  _, 

n   t«   es  jj  4J  -P-M        "•-;  a  «y        S5 


"1°    !§     •§"§     -I;e.ì-|  ■=  ='i   -.S       :-2     §3. s  g'I^^ 


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&o    rs 


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a  (^  s      '"  2  S  ?  5  ?     '2  ?  5  S  -a      *  S      g  g  S  g  C  se 


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54  FORMES   GRAMMATICALES 


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55 


VERSIFICATION 


La  versification  gaélique  écossaise  est  de  deux  types  :  — 

(a)  l'ancien     qu'     employaient     les     bardes     professionels 

spécialement    instruits,    des   temps   écoulés    jusqu'    au 
commencement  du  dix-huitième  siècle  ; 

(b)  le  moderne,  des  bardes  non  instruits,  ou  peu  instruits, 
du  commencement  du  dix-septième  siècle. 

L'ancienne  versification  gaélique  classique;  (Dan  Direach) 
était  de  type  compliqué  et  délicat,  conforme  aux  mesures 
méticuleusement  complexes  des  écoles  bardiques  irlandaises 
et  écossaises.     On  connaît  environ  trois  cents  de  ces  mesures.* 

Les  traits  de  cette  versification  classique  étaient  : 

(1)  une  stance  de  quatre  vers  (quatrain)  ; 

(2)  un  certain  nombre  de  syllabes  dans  chaque  vers  : 

(3)  rime  finale. 

Cette  rime  finale  (Comharda)  était 
slàn  (complète)  ou  briste  (rompue)  selon  l'accord  des  voyelles 
en  quantité  et  en  qualité  et  selon  que  les  consonnes  étaient  ou 
non  de  la  même  classe. 

La  classification  des  consonnes  était  particulièrement 
pécise.     Elles  se  divisaient  en  six  genres:  — 

les  douces  (qui  sont  vraiment  dures) p,  c,  t  : 

les  dures  (qui  sont  vraiment  douces) b,  g,  d : 

les  rudes  .  .  .  ch,  f,  th.  ;  les  légères  .  .  .  bh,  gh,  dh,  mh, 

1,  n,  v; 
les  fortes  .  .  11,  nn,  rr,  m,  ng; 
s  =  la  reine  des  consonnes. 

*  V.  Kuno  Meyer  :  '  Primer  of  Irisli  Metrics.'    Hyde  :  '  Filidheacht 
Ghaedhealach.'     Watson  :  *  Bardachd  Ghàidlilis.' 


56  VERSIFICATION 

Une  consonne  qui  faisait  partie  d'une  de  ces  divisions  ne 
pouvait  être  prise  pour  rime  finale  (Comharda)  avec  toute 
autre  consonne  qui  n'était  pas  de  la  même  division.  Il  y 
avait  consonance  entre  les  derniers  mots  de  chaque  vers  ou  de 
chaque  distique. 

L'assonance  intérieure  des  voyelles  (uaithne)  se  trouvait 
entre  un  ou  plusieurs  mots  des  vers  du  même  distique.  La 
rime  des  voyelles  entre  la  dernière  syllable  accentuée  du 
premier  vers  d'un  distique  et  une  autre  syllabe  accentuée  du 
second  vers  du  même  distique  s'appelait  Aichill.  Dans  la 
poésie  gaélique  moderne  on  a  développé  cette  assonance  ou 
rime  à  un  très  haut  degré. 

(4)  L'allitération  (uaim)  était  un  trait  marqué.  Elle 
était  de  deux  genres  :  — 

(a)  fior-uaim — lorsque  les  deux  derniers  mots  d'un  vers 
commençaient  par  la  même  consonne  ou  par  une 
voyelle  ; 

(b)  uaim-gnùise — lorsque    l'allitération    se    trouvait    entre 

différents  mots  du  même  vers.       Un  mot  court  inac- 
centué intercalé  ne  comptait  pas. 

(5)  Pour  la  métrique  il  est  utile  de  noter  les  points 
suivants  :  — 

(a)  lorsqu'un  mot,  commençant  par  une  voyelle  suit  un  mot 

finissant  par  une  voyelle  l'élision  est  régulière  : 

(b)  une  syllabe  longue  peut  être  comptée  comme  deux  ; 

(c)  les  particules  initiales  inaccentuées  telles  que  les  pro- 

clitiques  des   verbes   peuvent   être   négligées   mais   les 
suffixes  pronominaux  comptent  toujours. 

(d)  le  mot  portant  l'accent  final  dans  le  premier  vers 
compt  e    quelque     fois    comme    le    commencement    du 

ond  vers. 

Les  traits  de  la  poésie  gaélique  écossaise  moderne  sont, 
d'autre  part:  — 

(1)  indifférence  pour  l'exacte  nombre  de  syllabes  et  con- 
centration sur  régularité  du  rythme — i.e.  vin  nombre 
invariable  de  syllabes  accentuées  dans  chaque  vers  : 


VERSIFICATION  5 

(2)  insouciance  pour  l'accord  consonautique  et  concentration 
sur  l'assonance  des  voyelles — i.e.  sur  une  suite  de 
voyelles  semblables,   y  compris   la  rime   intérieure  et 

finale. 

En  Ecosse  et  en  Irlande,  le  même  genre  de  développe- 
ments sociaux  et  politiques  semble  avoir  effectué  ce  change- 
ment environ  à  la  même  époque — vers  la  fin  du  XVI  ème  et 
le  commencement  du  XVII  ème  siècles.  Il  y  avait  aussi  des 
raisons  linguistiques  dont  on  parlera  plus  loin. 

La  nouvelle  poésie  libérée  des  innombrables  traits  tech- 
niques que  seuls  les  bardes  très  instruits  pouvaient  employer 
devint  l'élément  des  poètes  naturellement  doués  mais  non 
érudits  des  deux  pays,  et  la  magnifique  mélodie  naturelle  de 
la  langue  atteignit  ainsi  son  apothéose. 

De  ces  nouvelles  mesures,  le  Prof.  Douglas  Hyde  dit  d'une 
façon  frappante:  — 

'  A  présent,  aussi,  le  reste  des  bardes — les  grandes 
familles  n'étant  plus — s'adonnèrent  instinctivement  au  grand 
public,  et  rejetèrent  les  vers  compliqués  des  écoles,  et  se 
débarassèrent  aussi,  d'un  seul  coup,  de  plusieurs  milliers  de 
mots  que  personne  ne  comprenait,  excepté  les  grands  chefs 
et  ceux  qui  avaient  été  instruits  par  les  poètes,  tandis  qu'ils 
éclataient  en  vers  magnifiques  et  à  la  fois  intelligibles, 
qu'aucun  Gaël  d'Irlande  ou  d'Ecosse,  ne  puisse  oublier  alors 
qu'il  les  a  appris  ou  même  entendus.  Ceci  est  peut-être,  à 
mon  avis,  la  plus  belle  création  de  toute  la  littérature  irland- 
aise, la  vraie  gloire  de  la  nation  irlandaise  moderne  et  de  la 
Haute-Ecosse,  ceci  est  la  note  la  plus  réelle  de  la  sirène 
celtique  enchanteresse,  et  celui  qui  l'a  entendue  une  seule 
fois,  et  reste  sourd  à  ses  charmes  ne  peut  avoir  que  peu  de 
coeur  pour  les  chansons  ou  d'âme  pour  la  musique.  La 
poésie  gaélique  des  deux  derniers  siècles  et  en  Irlande  et  dans 
la  Haute-Ecosse,  est  vraisemblablement  le  plus  agréable  essai 
que  l'homme  ait  jamais  fait  pour  exprimer  la  musique  en 
mots.  Il  est  absolument  impossible  de  rendre  en  une  autre 
langue  3a  douceur  des  sons,  la  richesse  du  rythme  et  la  per- 
fection de  l'harmonie."* 

*  A  Literary  History  of  Ireland,  p.  542. 


5fc  VERSIFICATION 

Le  dernier  des  bardes  écossais  érudits  qui  employait 
exclusivement  l'ancienne  métrique  fut  Domhnull  Mac- 
Mhuirich  de  l'Uist  du  Sud,  Seanachaidh  du  Clanranald. 
D'après  les  documents  il  était  en  vie  en  1722  (Reliquias 
Celticœ,  Cameron,  T.  II.,  p.  139). 

La  nouvelle  école  des  bardes  gaéliques  écossais  com- 
mençant avec  Iain  Lom  et  Mairi  Nighean  Alasdair  Ruaidh 
qui  tous  deux  vécurent  jusqu'  à  un  âge  avancé,  de  c.  1620- 
1710,  composait  dans  le  gaélique  parlé  de  l'époque  aussi  bien 
que  dans  la  nouvelle  métrique  accentuée. 

Dans  la  langue  parlée  les  syllabes  inaccentuées  avaient 
perdu  beaucouj}  de  leur  précision  et  les  syllabes  accentuées 
avaient  gagné  en  force.  Ceci  se  trouva  facilité  dans  le 
gaélique  écossais  par  l'accentuation  naturelle  et  le  progrès 
continue  toujours.  Cette  cause  ne  pouvait  manquer  d'avoir 
une  influence  sur  la  poésie  syllabique. 

De  même  les  chants  de  travail  de  toutes  sortes,  chansons 
de  batelier  (iorram),  de  fouleurs  de  drap  (orain  luaidh), 
chansons  à  moudre  le  grain  (orain  brà)  qui  étaient  très 
courantes  portaient  naturellement  de  très  forts  accents. 

Environ  à  la  même  époque  où.  la  nouvelle  poésie  se 
répandait  dans  le  pays  (vers  le  début  du  XVIIIème  siècle)  la 
harpe  perdit  sa  place  d'instrument  de  musique  national  mais 
je  n'ai  pu  trouver  de  rapports  intimes  entre  la  disparition  cle 
la  harpe  et  l'adoption  de  la  nouvelle  métrique.  Plus  tard 
l'influence  de  la  poésie  anglaise  se  fit  sentir  par  exemple  dans 
celle  de  Dughall  Bochanan  un  de  nos  plus  grands  poètes. 

La  poésie  de  Donnchadh  Bàn  porte  les  traits  des  deux 
métriques  comme  nous  pourrions  nous  y  attendre,  vu  son 
époque,  mais  pour  ce  qui  concerne  l'ancienne  métrique,  seul 
le  dessin  général  en  est  clair. 

Ce  dessin  néanmoins  se  détache  distinctement  dans  ses 
principaux  poèmes  mais  naturellement  les  détails,  y  compris 
l'allitération  (uaim),  &c,  manquent  cm  n'apparaissent  que 
selon  le  plaisir  du  poète. 

Le  nouveau  genre  de  poésie  chez  Donnchadh  Bàn  et 
d'autres  poètes  modernes  se  divise  en  deux  parties: 


VERSIFICATION  59 

(a)  Cumha,    lamentation,    qui   n'exigeait   que  des  mesures 

accentuées  et  des  rimes  finales; 

(b)  Oran  (ou  Amhran),  chanson  qui  était  du  même  genre 
mais  plus  compliquée  et  demandait  aussi  une  asson- 
ance intérieure. 

Le  principal  poème  de  Donncliadh  Bàn,  "  Moladh  Beinn- 
Dòbhrain,"*  cJief  d'œuvre  artistique,  comprend  554  lignes  de 
versification  merveilleusement  soutenue.  Pour  le  rythme  et 
les  qualités  vocaliques  il  est  adapté  à  un  air  de  cornemuse,  le 
pibroch,  dont  les  variations  se  suivent  du  commencement  à 
la  fin. 

Ce  pibroch  se  divise  en  huit  sections. 

La  première  partie  se  nomme  Urlar  ou  Base  et  se  répète 
quatre  fois;  le  Siubhal  (variation)  trois  fois  et  le  tout  se 
termine  par  le  Crunluath  (mouvement  au  galop).  Presque  la 
moitié  du  poème  se  compose  d'Urlar.  Le  poète  doit  avoir 
fréquemment  fredonné  le  poème  avec  l'air  de  la  cornemuse 
dans  la  tête,  de  même  qu'il  a  dû  le  retenir  dans  sa  mémoire 
pendant  des  années  et  l'améliorer  de  temps  en  temps,  jusqu' 
à  ce  qu'il  acquît  la  forme  finie  telle  que  nous  la  possédons. 
De  nos  jours,  il  n'y  a  pas  de  pibroch  appelé  "  Moladh  Beinn- 
Dòbhrain." 

Le  dessin  métrique  de  l' Urlar  est  une  combinaison  de 
Leathrannaigheacht  Mhor  et  Blogbairdne.     La  formule  est 

2(5i  +  53)  +  (3x5i)  +  53  i.e. 
le  premier  quatrain  se  compose  de  deux  distiques  dont  chaque 
vers  contient  cinq  syllabes,  le  dernier  mot  des  vers  impairs 
étant  un  monosyllabe  et  le  dernier  mot  des  vers  pairs  un 
trisyllabe  ;  ce  quatrain  est  suivi  de  trois  vers  de  cinq  syllabes 
chacun  se  terminant  par  un  monosyllabe,  suivi  d'un  vers  de 
cinq  syllabes  terminé  d'un  mot  de  trois  syllabes. 

Dans  les  trois  sections  Siubhal,  la  métrique  est  Rindaird, 
62+62  i.e. 
une  succession  de  vers  de  six  syllabes  terminés  par  un  dis- 
syllabe. 

*  Ce  poème  ainsi  que  tous  les  autres  mentionnés  se  trouvent  avec 
traductions  complètes  plus  loin. 


60  VERSIFICATION 

Le  Crunluath  ou  partie  finale  du  poème  a  le  dessin 
métrique  de  Seudna  Mlu-adhonach 

(3  >  83)     72. 

Le  premier  Urlar  contient  48  vers  portant  deux  accents 
dont  le  premier  est  indéfini.     Il  y  a 

19  rimes  finales  accentuées  en  "e" 

14  rimes  finales  accentuées  en  "a" 

15  rimes  finales  accentuées  en  "o" 

qui  forment  la  cadence  finale  accentuée  dans  toutes  les 
strophes  Urlar,  ainsi  que  dans  toutes  les  Siubhal  après  le  vers 
260  et  dans  la  totalité  du  Crunluath. 

Par  conséquent  c'est  un  poème  en  "O." 

Les  "  Siubhal  "  et  le  "  Crunluath  "  montrent  de  la  même 
façon  dans  les  rimes  finales  et  les  rimes  "  Aichill  "  le  jeu  le 
plus  magnifique  des  voyelles  ainsi  que  du  rythme  mélodieux. 
Le  jeu  consonantique  est  aussi  merveilleux  pour  son  inspira- 
tion suggestive  et  sa  force  d'onomatopée. 

Ce  grand  poème  possède  la  qualité  subtile  appelée 
"  atmosphère"  et  demande  une  disposition  d'âme  en  har- 
monie avec  celle  du  poète,  pour  jouir  des  rythmes  forts,  de  la 
variété  et  de  la  flexibilité  des  nuances,  de  la  résonance  des 
mots  des  rimes  comme  ils  se  présentent. 

Un  instinct  profond  est  satisfait  par  la  coïncidence  des 
accents  d'expression  et  de  métrique,  avec  le  battement 
régulier  du  rythme. 

L'allure  dos  vers  avec  leurs  qualités  claires  et  souples 
donne  de  la  vivacité,  de  la  réalité  et  un  très  beau  sens 
poétique.  Notre  capacité  à  saisir  les  idées  se  trouve  aidée 
par  l'enchaînement  du  rythme  et  de  la  signification.  L'aug- 
mentation et  la  diminution  de  la  cadence  sont  idéales  pour 
l'étude  de  la  mélodie  et  l'intonation  délicate. 

L  -  consonnes  nettes  et  les  voyelles  correctes  et  l'emphase 

juste    ajoutenl     de    la    vie    et    de    la   vigueur   d'expression. 

L'allure  mesurée  des  longues  voyelles  et  des  consonnes  sonores 

donnent,  la   quiétude  plus  douce  de  PUrlar,  tandis  que  les 

us  dures  et  les  courtes  voyelles  des  "  Siubhal  " 


VERSIFICATION  61 

et  du   "  Crunluath  "   donnent  la  couleur  et  la  rapidité  qui 
rendent  les  tableaux  du  poème  plus  beaux. 

Le  but  du  poète,  nous  sentons  instinctivement,  est 
d'éveiller  les  sens  de  ses  auditeurs,  de  les  remuer,  et  de  les 
soulever  et  de  les  ravir  par  l'enchaînement  magique  des  mots 
en  musique.  Le  rythme  de  chaque  vers  active  l'esprit  et 
anéantit  la  léthargie  mentale  et  spirituelle.  Donnchadh  Bàn, 
au  moyen  de  la  métrique  artistique  de  son  poème,  nous  fait 
sentir  que  ses  pensées  chantent  ainsi  que  ses  mots. 

Dans  sa  versification  il  y  a  beauté  de  couleur,  de  forme  et 
de  son.  La  force  du  climax  à  la  fin  des  différentes  strophes 
montre  habileté  technique  et  artistique  de  premier  ordre. 

Parmi  tous  ces  artifices  poétiques,  l'équilibre  de  la  phrase 
est  maintenu  et  Donnchadh  Bàn  bien  qu'il  n'eût  aucune 
instruction  avait  complètement  compris  et  su  harmoniser 
cette  variété.  "  Coire  a'  Cheathaich  "  poème  à  peine  moins 
célèbre  parmi  les  Gaëls  que  "  Moladh  Beinn-Dòbhrain  " 
exhibe  le  dessin  métrique  de 

Ochtf  hoclach  beag  (3  x  52)  +  41  : 
'Se  Coir'  a'  Cheathaicli   /  nan  aighean  siùbhlach. 
An  coire  rùnach  /  as  ùrar  fonn. 

Comme  indiqué  ci-dessus,  il  peut  aussi  affecter  une  forme 
de  seize  vers  ou  quatre  strophes  :  alors  il  se  nomme  ' :  corran- 
ach."  Ici  nous  avons  la  mesure  de  Cumha  avec  les  embel- 
lissements d'Oran. 

On  peut   considérer  chacune  de  ces  strophes  comme  un 
simple  vers  et  ceci  donne  un  "rann."     La  rime  des  voyelles 
finales  et  intérieures  de  vers  en  vers  est  des  plus  ingénieuses. 
Voici  une  stance  où  la  voyelle  accentuée  est  'u':  — 
'S  a'  mhaduinn  chi//in-ghil,  an  am  dhomh  d/isgadh 
Aig  bun  na  stmce  b'  e  'n  sùgradh  leam  : 
A'  chearc  le  sgiùcan  ag  gabhail  tf/chain, 
'S  an  coileach  cwirteil  a'  dwrdail  crom  : 
An  dreathan  sv/rdail,  's  a  ribheid  chiml  aige, 
Ag  cur  nan  sm?/id  deth  gu  l?)thor  binn  : 
An  druid  's  am  br/>-dhearg,  le  moran  />inich, 
Ri  ceileir  swnntach  bu  shiwbhlach  rann. 


62  VERSIFICATION 

La  métrique  de  "  Oran  do  chlaidkeamh  mhic  an  Leisdeir 
agus  do  Bhlàr  na  h-Eaglaise  Brice  "  =  Rannaigheacht  bheag 
mhor,  82  +  S2; 


"  Oran   Seacharan  seilge  "        =  Rannaigheacht  bheag  mhor, 

3x82  +  82; 
"  Moladh  do'   Ghaidhlig  "     "j      Sneadhbhairdne,   82  +  42 
"  Rainn   Gearradh-arm  "        J-     alternativement  avec 
"  Rainn  Claidheimh  "  J      Rannaigheacht  bheag  mhor, 

82+82; 
'  Rann  do'n  cheud  cheaird  "  =  Druimne  suithe  na  bairdne, 

83  +  61; 
"Oran  Dhunéideinn  "  =Cro  cummaisc  etir   rindaird 

agus    leathrannuigheacht, 

73  +  61x3; 
"Rainn   a  ghabhas  Maigh-      =  Rindaird,  62  +  62; 

dean  d'à  Leannan  " 
"  Oran  do'n  Eideadh  Ghaidh- =  Rannaigheacht      dialtach, 
ealach"  71  +  71. 

"  Cumha  Coire  a'  Cheathaich  "  a  comme  plan:  — 

3  (Is  duilich  leam  an  càradh)  's  a'  Bhràighe  so  thall, 
i.e.  une  phrase  en  "a"  portant  deux  accents  répétée  trois  fois 
avec  l'accent  final  sur  la  pénultième  suivie  d'une  phrase  en 
"a"    portant   deux   accents   dont   l'accent   final   est   sur   la 
dernière  syllabe. 

La  dernière  voyelle  accentuée   "a"  de  la  strophe  est  la 
même  pour  les  seize  premières  strophes. 

Sa  chanson  la  plus  connue  du  type  moderne  accentué  est  : 
"  Oran  d'à  chéile  nuadh-pòste." 

L'accentuation  et  le  plan  des  voyelles  du  premier  verset 
peuvent  être  pris  comme  type  :  — 

A  Mhairi  bhân  Ôg  's  tu'n  Ôigh  th'air  m'àire 
Ri  m'  bheo  bhi  fàr  am  bithinn  fhêin  : 

O'n  fhuair  mi  ort  coir  cho  nior  's  bu  mhàth  leam, 

Le  posadh  ceàngailt'  o'n  chlêir  ; 

Le  cûmhnanta  teànn  's  le  bànntaibh  dàingean, 

'S  le  snàim  a  dh'  fhànas  nach  treig  : 

'S  e  t'  fhàotainn  air  lâimh  le  grâdh  gach  càraid 

Rinn  slâinte  mhâireann  am  chre. 


VERSIFICATION  63 


Les  voyelles  longues  portent  une  barre  : 
â  =  a:,  ô  =  O  : ,  ê  =  e  : 


Plan  des 

voyelles  :  - 

—  à 

j 

ò   / 

-ò  /  - 

—  ò 

/       - 

a  / 

-é   / 

—  a 

/ 

■       ò   / 

-Ò   /   - 

—  ò 

/       - 

a  / 

—  —  é 

—  ù 

/ 

(e)a  / 

—  —  a 

-  a(i)   / 

a  / 

—  —  é 

—  ao 

/ 

•       à  / 

-à   /   - 

—  à 

/       - 

a   / 

é 

Il  y  a  quatre  accents  dans  le  premier  vers  de  chaque 
distique  et  trois  dans  le  second  vers;  les  deuxième  et 
troisième  voyelles  accentuées  du  premier  vers  de  chaque  dis- 
tique riment  entre  elles  et  avec  la  première  voyelle  accentuée 
du  second  vers,  tandis  que  le  dernier  accent  des  premiers 
vers  des  distiques  correspondent  tout  le  long  ;  ce  que  font 
aussi  les  accents  finaux  des  seconds  vers.  Deux  intéressantes 
chansons  à  fouler  le  drap  montrent  les  traits  de  leur  classe  : 

"  Oran  nam  balgairean  "  et 
"  'Sa'  chaora  fhuair  mi  o  Shiùsaidh  gun  an  cùin  a  dhol  g'a 
ceannach .  '  ' 

Le  couplet  est  comme  une  longue  ligne  avec  quatre 
accents.  Les  second  et  troisème  accents  riment.  Tout  le 
long  la  rime  finale  est  "A"  :  donc  c'est  un  poème  en  "A." 

•'  Oran  nam  balgairean  "  est  un  poème  en  "Ao  "  portant 
aussi  quatre  accents. 

"  Oran  do'n  Mhusg  " — poème  en  "A,"  dont  les  derniers 
accents  correspondent  tout  le  long  et  dont  le  premier  accent 
est  indéfini. 

"  Oran  do'n  Bhriogais  "  est  un  poème  en  "U"  com- 
mençant par  une  phrase  à  deux  accents  trois  fois  répétée, 
suivie  d'une  phrase  portant  l'accent  final  sur  "U." 

'S  olc  an  secl  duinn     /  am  Prionns'  òg 
A  bhi  fo  mhòran         /  duilichinn. 


64  VERSIFICATION 

"Cead  deireannach  nam  Beaim  "  (Le  dernier  adieu  aux 
montagnes),  composé  par  le  poète  à  l'âge  de  78  ans  est  une 
oeuvre  frappante  pour  le  rythme  et  l'assonance  aussi  bien 
que  pour  son  contenu. 

Bha  mi  'n  dE  'm  Beinn-DObhrain 

'S  'na  cOir  cha  robh  mi  Aineolach, 

ChUnna'  mi  na  gleAnntan 

'S  na  beAnntaichean  a  b'Aithne  dhomh. 

B'  e  sln  an  sealladh  Eibbinn 

Bhi  'g  Imeachd  air  na  slEibhtean, 

'N  uair  bblodh  a'  ghrian  ag  Eirigb, 

'S  a  bhiodh  na  fEidb  a'  lAnganaich. 

Si  nous  considérons  la  stance  de  huit  vers  comme  un 
quatrain  de  quatre  longs  vers,  les  accents  finaux  en  "  A  " 
dans  les  vers  1,  2,  et  4  s'accordent  tout  le  long  du  poème: 
par  conséquent  c'est  un  poème  en  "A." 

Les  second  et  troisième  accents  riment  dans  les  premiers 
et  seconds  longs  vers  tandis  que  le  second  et  le  quatrième 
accent  du  troisième  vers  correspondent  avec  le  second  et  le 
troisième  du  quatrième  vers.     Le  premier  accent  est  indéfini. 


s:> 


SUJETS    DES    POEMES 


La  poésie  du  Gaël  écossais  montre  trois  qualités  distinctes, 
son  amour  pour  la  patrie,  son  amour  pour  sa  parenté,  son 
amour  pour  la  nature,  et  celle  de  Donnchadh  Bàn  laisse  voir 
toutes  ces  qualités  avec  force  et  précision.  Son  oeuvre,  prise 
en  entier,  montre  une  étendue  et  une  variété  de  topiques, 
mais  peut,  quant  au  contenu,  être  classée  comme  suit  :  — 

(1)  Poèmes  sur  la  nature  et  chants  de  chasse,  e.g.  Moladh 
Beinn-Dòbhrain,  Coir'  a'  Cheathaich,  Cumha  Coir'  a' 
Cheathaich,  Cead  deireannach  nam  Beann,  Oran  nam  Balg- 
airean,  Oran  Seacharan  Seilge,  Oran  do  Ghunna  d'an  ainm 
Nie  Còiseam,  etc. 

(2)  Chansons  martiales  ou  patriotiques  :  — Oran  do 
Chlaidheamh  mhic  an  Leisdeir  agus  do  Bhlàr  na  h-Eaglaise 
Brice,  Oran  do'n  Bhriogais,  Oran  do'n  Mhusg,  Oran  do'n 
Eideadh  Ghàidhealach,  Rainn  Gearradh-arm,  Moladh  do'n 
Ghàidhlig,  &c,  1789,  Oran  Dùthcha,  Rainn  Claidheimh,  Oran 
do  Chaiptean  Caimbeul,  &c. 

(3)  Poèmes  sur  l'amour  ou  topiques  de  cette  espèce:  — 
Oran  d'à  Chëile  nuadh-poste,  Rainn  a  ghabhas  Maighdean 
d'à  Leannan.  &c. 

(4)  Divers  morceaux  d'un  type  descriptif: — Oran  Dhun- 
éideinn,  Oran  do  chaora  a  fhuaradh  a'  Ghibht  o  Mhnaoi 
uasail  àiridh,  etc.,  Rainn  do'n  cheud  cheàird. 

(5)    Satires   et   poésies   sociales: — Aoir   Uisdean   Phiobair, 
Rainn  do'n  Phadhadh,  &c. 

Le  texte  gaélique  de  tous  les  poèmes  et  chansons  énumérés 
ci-dessus  qui  représentent  la  meilleure  partie  de  la  poésie  de 
Donnchadh  Bàn,  ainsi  qu'une  traduction  en  prose  sont  donnés 
ci -après. 

5 


66  SUJETS  DES  POEMES 

Un  effort  a  été  fait  pour  retenir  la  focre  et  la  signification 
de  chaque  mot  du  texte  gaélique  et  il  n'a  donc  pas  été  con- 
sidéré nécessaire  d'y  ajouter  un  glossaire.  Conserver  l'esprit 
de  l'original  dans  la  traduction  est  une  affaire  différente  et  en 
dépit  de  tous  les  soins,  les  traits  fins  qui  donnent  à  la  poésie 
de  notre  poète  beaucoup  de  sa  beauté  et  de  sa  verve  ne 
peuvent  être  reproduits  pleinement  dans  une  autre  langue. 

La  magie  d'un  original  s'évapore  dans  la  traduction  mais 
on  espère  que  le  but  principal  de  donner  aux  lecteurs  français 
une  occasion  de  juger  des  mérites  de  la  poésie  gaélique  de 
Donnchadh  Bàn  sera  atteint  par  la  prose  équivalente  donnée 
en  regard  du  gaélique. 

Une  étude  de  son  chef  d'oeuvre  révèle  la  constitution 
mentale  de  l'homme.  Nous  voyons  que  le  poète  chasseur  a 
mis  son  âme  entière  dans  ce  poème. 

La  tournure  d'esprit  du  poète,  comme  elle  se  reflet©  dans 
'  '  Moladh  Beinn-Dòbhrain  '  '  et  dans  ses  travaux  principaux 
est  d'un  genre  objectif  :  comme  ses  ancêtres  celtiques,  il  est 
un  vrai  adorateur  de  la  nature  et  c'est  très  rarement,  qu'il 
nous  semble  rêveur  ou  abstrait.  Les  qualités  vitales  de  la 
nature  elle-même  sont  la  plus  grande  part  de  son  inspiration. 

Il  erre  parmi  ses  collines  natales  avec  des  yeux  qui  savent 
voir  et  une  vive  perception,  et  bien  que  ses  sujects  puissent 
ne  pas  sembler,  à  quelques-uns,  grands  en  eux-mêmes  il  n'y 
a  pas  de  doute,  il  chantait  sur  des  sujets  qui  lui  faisaient 
appel,  et  non  pas  seulement  à  lui-même  mais,  aussi  à  ses 
compagnons  montagnards,  car  des  milliers  chantaient  ses  vers 
qui  n'en  ont  jamais  lu  une  ligne. 

Il  se  contente  de  dépeindre  des  choses  comme  il  les  voit, 
en  un  style  concret  et  descriptif  :  il  ne  philosophe  pas,  ni  ne 
rêve.  C'était  un  homme  d'action  et  non  un  philosophe  posé 
et  insipide.  C'est  par  l'activité  de  sa  vie  que  la  nature  lui 
est  révélée,  et  la  nature  après  tout  est  le  meilleur  créateur 
des  poètes. 

Il  y  i  s.    Matthew  Arnold  indiqua  le  succt-s  du 

génie  celtique  dans  ce  qu'il  appelle  "  L'art  ordinaire  d'orne- 
mentation."  La  délicatesse  et  1"  fini  des  jBWwiat'ions-  des 
vieux  livres  celtiques  ovi  manuscrits  démontrent  ceci  comme 


SUJETS  DES  POEMES  67 

le  fait  aussi  la  symétrie  parfaite  des  dessins  sur  pierres 
mentées  ou  sculptées  en  Irlande  et  en  Ecosse.     Suivant  Fart, 
comme  son  confrère  artistique  des  temps  plus  anciens,  notre 
poète  réussit  à  faire  une  délinéation  la  plus  méticuleuse  de 
son  sujet  quel  qu'en  soit  la  simplicité. 

Dans  ce  but,  instinctivement,  il  ne  choisit  que  des  sujets 
qui  l'intéressent  complètement  et  il  en  parle  simplement 
parce  qu'il  ne  peut  s'en  empêcher,  c'est  spontanément,  avec 
un  son  et  une  ampleur  de  sincérité  qui  est  toujours  fraîche  et 
vive. 

Il  est  versé  dans  ses  sujets  et  en  est  charmé,  de  là  ses 
instincts  de  race  pour  une  description  claire  trouvent  un  libre 
essor  et  dans  ses  goûts  naturels  et  dans  sa  connaissance  unique 
de  sa  langue. 

Sa  langue  contraste  avec  celle  des  hommes  de  son  rang 
par  le  grand  nombre  et  l'originalité  de  ses  pensées  et  les 
rapports  à  exposer.  Ce  serait  une  erreur  de  croire  puisque 
son  style  est  simple,  que  son  langage  l'est  également  quant 
à  son  vocabulaire  et  à  ses  idiotismes.  Tous  deux  sont  assez 
difficiles  pour  demander  la  plus  grande  attention  de  la  part 
de  ceux  qui  s'adonnent  à  l'étude  de  ses  travaux  ainsi  que  la 
plus  profonde  connaissance  du  gaélique. 

D'un  bout  à  l'autre,  dans  ses  grands  poèmes,  Moladh 
Beinn-Dòbhrain,  Coir'  a'  Cheathaich,  et  Oran  d'à  Chéile 
Nuadh-poste,  ses  efforts  pour  représenter  un  tableau  complet 
dans  tous  ses  détails,  quelques  petits  qu'ils  soient,  sont  claire- 
ment évidents. 

Le  poète  cherche  à  épuiser  son  sujet  de  point  en  point 
jusqu'à  ce  qu'il  l'ait  entièrement  parcouru  et  nous  ayons 
devant  nous  un  tableau  auquel  rien  ne  peut  être  ajouté.  On 
peut  dire  par  <-xemple,  que  Moladh  Beinn-Dobhrain  est  trop 
long,  que  la  Base  tend  à  en  devenir  monotone.  Mais  pour 
ceux  qui  connaissent  le  gaélique  dès  le  berceau  et  apprécient 
les  différentes  formes  sous  lesquelles  les  conceptions  poétiques 
sont  exprimées  en  cette  laugue,  il  n'en  semble  pas  ainsi. 

Un  long  poème  comme  celui-ci  ou  celui  de  "  Coir'  a' 
Cheathaich  "  ou  "  Oran  d'à  Chéile  Nuadh-poste,"  leur 
montrent  combien  le  poète  aimait  son  sujet  et  son  entêtement 


68  SUJETS  DES  POEMES 

à  lui  faire  justice  et  ils  ont  tout  égard  et  sympathie  pour  son 
affection  ardente.  Comme  chez  les  grands  poètes  gaéliques 
de  son  siècle,  il  n'hésite  pas  à  employer  ses  adjectifs  d'une 
façon  qui  nous  semble  dans  certains  cas  excessive. 

La  longueur  de  "  Moladh  Beinn-Dòbhrain,"  n'ennuie 
pas  les  Gaëls;  au  contraire,  leur  oreille,  à  l'unisson  avec  les 
variations  du  pibroch,  apprécie  avec  goût  l'oeuvre  soutenue 
et  habile  de  l'artiste.  Les  variations  longues  et  continues 
par  un  habile  musicien,  sur  un  thème  choisi,  ne  fatigueront 
pas  l'oreille  habituée  à  apprécier  "  l'harmonie  de  doux 
accents." 

Ceci  suggère  deux  considérations  qui  sont  importantes  :  — 

(1°)  la  couleur  locale  dans  la  poésie, 

(2°)  que  les  poèmes  de  Donnchadh  Bàn  étaient  composés 
à  l'origine  pour  être  chantés  ou  récités  par  des  voix  humaines 
à  des  oreilles  attentives. 

La  couleur  locale  est  une  forte  note  dans  la  poésie  de 
Donnchadh  Bàn,  aussi  forte  que  la  note  de  sincérité  ;  et 
quelqu'un  a  dit  que  la  sincérité  est  la  note  la  plus  forte  dans 
tous  les  arts. 

"  Moladh  Beinn-Dòbhrain,"  à  chaque  vers,  respire  la 
vie  et  l'air  frais  des  montagnes.  Composé  comme  il  l'est  en 
vers  courts  et  gais,  la  forme  convient  bien  au  thème  mais 
l'inspiration  vient  directement  des  vues  et  des  scènes  des 
côtés  de  la  montagne  ;  la  conception  est  si  frappante  à  cause 
de  son  intense  couleur  locale  et  les  détails  sont  si  exacts  parce 
que  la  connaissance  du  poète  sur  ce  sujet,  y  compris  les  habi- 
tudes des  animaux,  est  si  complète.  Il  n'oublie  aucun  détail 
et  Michel  Ange,  qui  devrait  savoir,  remarqua  une  fois  que 
des  bagatelles  contribuent  à  la  perfection,  et  que  la  perfec- 
tion n'est  pas  une  bagatelle. 

De  la  même  façon,  le  poète  s'étend  avec  chaleur,  émotion, 

use   disposition   et  la   plus   grande   élaboration   sur   les 

charmes  de  sa  femme  (V.  "  Oran  d'à  Chéile  Nuadh-pòste  "). 

[ci,    il    peut    arriver    que    quelques    personnes    trouvent    la 

description   exagérée,   mais   la   beauté   élémentaire   doit   être 

de  tous.     Un  ami  du  poète  qui  avait  été  charmé  de  ce 


SUJETS  DES  POEMES  69 

poème  particulier,  fut  désappointé  lorsqu'il  rencontra  "  La 
belle  jeune  Marie  "  elle-même  et  osa  suggérer  au  poète 
qu'après  tout,  elle  n'était  pas  tellement  belle,  à  quoi  le  poète 
répliqua: — "Vous  ne  l'avez  pas  vue  avec  mes  yeux" — 
"  Chan  fhaca  tusa  i  leis  na  sùilean  agamsa." 

Dans  les  poèmes  déjà  mentionnés  et  en  particulier  dans 
"  Cead  deireannach  nam  Beann  "  (Le  dernier  adieu  aux 
montagnes),  on  ne  peut  démentir  que  la  vision  du  poète  est 
essentiellement  délicate  et  fort  belle  en  caractère. 

Comme  tous  les  vrais  poètes  il  voit  plus  que  l'oeil 
ordinaire  et  il  est  intéressant  de  sonder  la  constitution  de  sa 
nature  comme  elle  se  révèle  dans  sa  poésie  pour  chercher  la 
source  de  sa  sensibilité  excessive  et  de  son  ardeur  constante 
pour  le  bonheur.  Ses  alentours  et  ses  instincts  celtiques 
héréditaires  semblent  l'expliquer  complètement. 

Il  n'y  a  pour  ainsi  dire,  point  de  mélancolie  celtique  dans 
aucun  des  poèmes  de  Donnchadh  Bàn.  Ce  trait  est 
remarquable  par  son  absence.  Dans  le  lointain  Glen- 
orchy — pour  quelques-uns  le  coeur  même  de  la  désolation — - 
sa  voix  est  celle  du  printemps.  Au  milieu  de  cette  désola- 
tion, à  quatre  milles  au  nord  de  Tyndrum,  sur  la  route  de 
Glencoe,  se  dresse  Beinn-Dòbhrain.  C'est  une  belle  mon- 
tagne conique.  Parmi  les  montagnes  d'Ecosse,  elle  est  peut- 
être  unique  pour  sa  forme  gracieuse  :  son  contour  est  regardé 
presque  comme  d'un  caractère  féminin  parmi  les  montagnes 
rugueuses  du  nord,  tant  ses  courbes  sont  charmantes.  La 
beauté  rare  et  la  grâce  de  Beinn-Dòbhrain  s'imprimèrent 
dans  l'esprit  du  poète,  esprit  naturellement  enclin  à  être 
impressionné  par  toute  chose  gracieuse,  précise  et  définie. 

Cette  rare  montagne,  il  avait  contemplée  depuis  son 
enfance  jusqu'à  son  adolescence,  et  jeune  homme  il  avait  erré 
pendant  des  années  le  long  de  ses  pentes,  jusqu'à  ce  que  ses 
belles  vallées  et  ses  sources,  ses  cerfs  et  ses  oiseaux,  ses  fleurs 
et  même  ses  rochers  lui  fussent  devenus  presque  comme  des 
choses  vivantes. 

Nous  voyons  combien  les  cerfs  si  majestueux  et  beaux  les 
dains  et  les  faons  avec  leur  agilité  lui  font  appel  comme  ils 
ne  le  pourraient  qu'à  un  poète  chasseur.     Le  cerf  est  élancé 


70  SVJETS   DES  roi-: MF. s 

v,    la  montagne  use   el    l'herbe   même  pousse 

délicate  et  tendre. 

La  même  qualité,  appréciation  d'élégance  et  de  raffine- 
ment de  forme  opère  dans  tous  ses  poèmes  sur  la  nature  et 
beaucoup  aussi  dans  ses  poèmes  de  sentiment?.  Cette  appré- 
ciation de  beauté  physique,  de  Foi  nature,  des  faits 
de  sa  race,  rappellent  la  pers  ue  nous 
trouvons  en  Homère. 

il  a  horreur  des  choses  gauches  et  maladroites,  par 
exemple  l'épée  qui  lui  fut  prêtée  par  Fletcher  et  qu'il  lança 
au  loin  pendant  la  bataille  de  Falkirk.  Même  son  vieux 
mousquet  qu'il  décrit  d'une  façon  si  belle  dans  tous  ses  détails 
mécaniques  est  pour  lui  une  chose  de  netteté  et  de  beauté  et 
a  sa  personnalité  aussi  bien  que  son  utilité.  Seul  un  génie 
pourrait  composer  des  poésies  de  première  classe  sur  les 
détails  du  mécanisme  d'un  vieux  fusil  à  pierre.  Il  a  le  même 
succès  merveilleux  en  nommant  les  fleurs  nombreuses  et  variées 
du  flanc  de  la  montagne  et  des  niches  des  rochers.  Les  vers 
reflètent  chaque  trait  avec  une  félicité  exacte. 

Ses  poèmes  martiaux  sont  composés  en  louange  des 
guerriers  de  son  propre  temps,  des  armes  de  guerre  des 
montagnards,  du  costume  et  de  la  langue  gaélique. 

Les  allusions  du  poète  aux  héros  d'un  âge  d'or  passé  sont 
rares  et  incidents  ;  il  en  savait  bien  des  choses  car  des  poètes 
gaéliques  plus  modernes  que  lui  en  parlent  dans  leurs 
poésies,  mais  il  trouvait  les  hommes  et  les  temps  où  il  vivait 
assez  intéressants  pour  ses  desseins. 

En  conséquence,  ses  descriptions  ne  sont  vraiment  pas 
moins  intéressantes  ou  effectives.  Son  poème  sur  la  resti- 
tution du  costume  montagnard  national  est  d'un  intérêt 
particulier.  Le  poète  commence  à  célébrer,  une  fois  de  plus, 
l'apparence  de  l'ancien  uniforme  gaélique  après  avoir  été 
obligé  pendant  trente  ans  de  porter  un  vêtement  étranger. 

A  cette  époque,  il  servait  dans  la  Garde  de  la  Cité 
d'Edimbourg  et  avait  suivi  avec  un  vif  intérêt  tous  les  efforts 
faits  pour  restituer  le  costume  national  des  montagnards, 
restitution  qui  aida  beaucoup  à  raviver  le  sentiment  uational 


SUJETS  DES  POEMES  71 

et  donna  grande  satisfaction  en  Ecosse.     Le  poète  frappe  ici 
un  accord  et  une  note  effectives. 

Satires. — Avec  l'exception  de  la  satire  sur  l'épée  de 
Fletcher  et  quelques  vers  citables  (e.g.  les  vers  choisis  de  la 
satire  du  cornemusier)  les  productions  du  poète  dans  ce 
département  peuvent  être  considérées  comme  manquées  car 
elles  ne  sont  que  des  productions  assez  vulgaires  où  l'auteur 
accumule  les  injures  sur  des  personnes  assez  malheureuses 
pour  lui  avoir  donné  de  grandes  offenses.  Un  certain  tail- 
leur et  un  joueur  de  cornemuse  ont  de  longues  satires  pour 
eux  seuls,  mais  la  nature  du  poète  n'était  pas  en  tout  cas 
assez  aigre  pour  s'assurer  du  succès  dans  les  satires  et 
généralement  les  satires  des  grands  bardes  gaéliques,  Mac 
Mhaighstir  Alasdair  et  Donnchadh  Bàn,  sont  de  beaucoup 
les  moins  heureuses  de  leurs  productions.  Ces  satires  res- 
semblent aux  gronderies  d'une  poissarde,  piquantes  en  un 
sens  mais  principalement  critiques  et  injurieuses. 


72  POEMES 

MOLADH   BEINN-DOBHKAIN 

Air  Fonn — Piobaireachd 
Urlar 

An  t-urram  thar  gach  beinn 

Aig  Beinn-Dòbhrain, 

De  na  chunnaic  mi  fo'n  ghréin, 

'S  i  bu  bhòidhehe  leam  : 
5     Monadh  fada,  réidh, 

Cuile  'm  faighte  féidh, 

Soilleireachd  an  t-sléibh' 

Bha  mi  sònrachadh  ; 

Doireachan  nan  geug, 
10     Coill'  anns  am  bi  feur, 

'S  foineasach  an  spréidh, 

Bhios  a  chomhnuidh  ann  : 

Greighean  bu  gheal  céir, 

Faoghaid  air  an  déidh, 
15     'S  laghach  leam  an,sreud 

A  bha  sròineiseach. 

Titre  :     Dans    toutes    les    éditions    nous    trouvons     '  Dourain  '     ou 

'  Dòrain  '  :   Dourain  (Stewart)  est  la  prononciation  du  comté  de 

Perth;     Dòrain,     celle    du     nord     de     l'Argyll.       La     meilleure 

orthographe  est  Dòbhrain.       C'est  un  dim.  masc.   de  '  dobhai ,' 

eau,  maintenant  inusité  dans  le  parler.     Dans  le  voisinage  sont 

Inveroran    (Inbhir   Dhòbhrain)   et   Allt   Orain    (Allt   Dòbhrain). 

Beinn     Dòbhrain     signifie     'pic     du     ruisean  '  ;     cf.     Douvres. 

L'etymologie    populaire    est    '  pic   de    la    loutre  '    (Dobhran)    ou 

'  pic  des  loutres.' 

1.  'thar':   prép.  =  au-dessus  de,  au-delà  de;  prend  l'ace,  ou  gén., 

adoucit  '  b  '  et  '  c  '  ;  '  thar  chuan,'  trans  mare. 

'  beinn  '  :  cas  oblique  de  '  beann  '  employé  maintenant  au  nom. 

et  à  l'ace;  s'  applique  en  Ecosse  aux  plus  hautes  montagnes. 

e.g.,  Ben  Nevis. 

4.  bu    (gaél.    moy.,    bud)    adoucit    toutes    consonnes    excepté    Les 

dentales  comme  '  bu  '  se  terminait  autrefois  par  '  d.' 
6.  'm    faighte:    'm  =  am    (an,    ann    am);    faighte,    imparf.    au    \>'.. 
forme    dépendante    du    verbe    irrég.    faigh,    fhuair,    s"licil>li 
(obtenir). 


POEMES  73 

LOUANGE   A  BEINN-DOBRAIN 
Air — Le  pibroch 
Base 

Que  Beinn-Dòbhrain  soit  louée 

Au-dessus  de  toutes  montagnes  ! 

De  tout  ce  que  j'ai  vu  sous  le  soleil, 

Je  l'ai  trouvée  la  plus  belle; 
5     Lande  étendue  et  unie 

Retraites  où  se  réfugiaient  les  cerfs, 

L'éclat  de  ses  coteaux, 

Je  le  contemplais  avec  affection  ; 

Bocages  de  branchage, 
10     Bois  où  pousse  l'herbe. 

Troupeaux  de  cerfs  aux  aguets, 

Refuge  qu'habitent  ces  braves  : 

Troupes  à  la  croupe  blanche 

Chasse  ardente  après  elles, 
15     Bandes,  aux  narines  flairantes, 

Qui  me  sont  chères. 

12.  '  a  chòmhnuidh  '  :  expression  assez  souvent  rencontrée  chez  D. 
Bàn.  L'expression  est  courante  en  Argyll  surtout  au  sud- 
ouest.  Au  nord  et  partout  dans  les  îles  on  dit  toujours  '  a' 
oòmhnuidh  '  (ag  còmhnuidh),  ag+nom  verb.  La  Bible  a 
'  ag  gabhail  còmhnuidh,'  '  tha  e  'na  chòmlinuidli  '  niais  aussi 
'  tha  e  chòmhnuidh  measg  nan  cinneach,  Lam.  1.  3;  'do 
phiùthar  a  tha  chòmhnuidh  aig  do  làimh,'  Ezek.  16.  46;  '  tha 
an  solus  a  chòmlmuidh  maille  ris/  Dan.  2.  22,  &c.  Je  suis 
enclin  à  penser  que  c'est  un  '  do  '  qui  est  devenu  '  a  '  et  que 
l'expression  est  parallèle  à  '  do  ghnàth  '  '  a  ghnàth  '  :  dans 
ce  cas  c'est  vraiment  une  phrase  adverbiale  significant 
littéralement  '  de  demeurant  '  à  présent  employé  comme 
une  phrase  participiale.  '  An  còmhnuirìk  '  chez  D.  Bàn, 
comme  ailleurs,  signifie  '  toujours.' 

15.  Is+adj.  (ou  nom)+pron.  prép.  =  verbe: 
Is  laghach  leam= J'aime. 
Is  eagal  leam^Je  crains. 


74  POEMES 

'S  aigeannach  fear  eutrom. 

Gun   mhòrchuis, 
Théid  fasauda  'na  éideadh. 
'20         Neo-spòrsail  : 

Tha  mhantal  uime  féin, 
Caithtiche  nach  tréig, 
Bratach  dhearg  mar  chéir 

Bhios  mar  chòmhdach  air  ; 
25      'S  culaidh  g?a  cliur  eug, 
Duin'  a  dheanadh  teuchd, 
Gunna  bu  mhaith  gleus 

Au  glaic  òganaich  ; 
Spor  anns  am  biodh  bearn, 
30     Tarrann  air  a  ceann, 

Snap  a  bhuaileadb  teann 

Ris  na  h-òrdaibh  i  ; 
Ochd-shlisneach  gun  fheall, 
Stoc  de'n  fhiodh  gun  mheang, 
35     Lotadh  an  damh  seang, 

Is  a  leònadh  e  : 
'S  fear  a  bhiodh  mar  cheaird, 

Riu  sònraichte, 
Dh'  fhoghnadh  dhaibh  gun  taing, 
40         Le  chuid  seòlainean  : 
Gheibhte  sud  ri  am 
Pàdruig  anns  a'  ghleann, 

17.  eutrom:   eu-  préfixe  nég.+trom,  lourd;  aussi  '  aotrom.' 

1  s.  L'adoucissement    de    'm'     indique    qu'autrefois     la    prép.     se 

terminait  par  une  voyelle. 
1!).   'na  =  ann  a.     Théid:  fut.  de  '  rach.' 
21.  Tha  mhantal  =  Tha  a  m. 

23.  caithtiche -vêtement.     V.  caith. 

24.  mai.  comme  :  prend  le  dat.  du  nom  avec  adoucissement;  gaélique 

moyen,  im-mar;  g.  ancien,  amal;  lat.,  similis. 

25.  g'a   <  liur  eug:   phrase  poét.   pour  '  g'a  chur  gu  bas.'       Cf.  dol 

bas,  mourir. 
_'().  teuchd  :  forme  usuelle,  euchd. 
28.  an  glaic  :  .^lac,  l'intérieur  de  la  main  avec  laquelle  on  empoigne. 

V.  alac,  saisir. 


POEMES  75 

Brave  au  pied  léger  et  fougueux, 

Sans  faux  orgueil, 

Habillé  dignement 
20     Sans  apparat; 

Son  manteau  le  couvre, 

Vêtement  qui  durera, 

Robe  rouge  comme  la  cire, 

Ainsi  est-il  vêtu  ; 
25     Une  arme  pour  le  tuer, 

Un  homme  pour  le  fait, 

Un  fusil  en  bon  ordre 

Entre  les  mains  d'un  gaillard  ; 

Un  silex  taillé, 
30     Un  clou  à  la  tête, 

Une  détente  qui  la  projette 

Raide  contre  le  fer, 

Canon  octogone  sans  faute 

La  crosse  de  bois  solide, 
35     Pour  frapper  le  cerf  svelte, 

Et  le  blesser  : 
37,  38     Seul  un  homme  dont  c'était  la  profession 

Pourrait,  malgré  eux,  les  abattre, 
40     Au  moyen  de  ses  stratagèmes  ; 

Tout  ceci  arrivait 

Lorsque  Pàdruig  habitait  la  vallée, 

29.  Spor,  pierre  à  feu  :  anglais  '  spar  '  :  bearn,  *  cavité.' 

30.  Tarrami .  tarrug,  taruing  :  clou. 

31.  '  snap  '  :  détente,  angl.  '  snap.' 

32.  *  Eis  na  '  =  ri  sna  (prép.+art.  déf.)  '  òrdaibh  '  :  dat  pi.  en— ibh 

est  régulier  chez  D.  Bàn.      PI.  ord.,  ùird.      '  Ord  '  est  cette 
partie  du  mécanisme  d'un  fusil  qui  donne  l'étincelle. 

33.  ochd-shlisneach  :  octogone. 

39.  La  part.  verb.  '  do  '  devient  '  dh  '  devant  une  voyelle  ou  '  th.' 

'  Dh  '  fhoghnadh  dhaibh'  =  qui  leur  suffirait,  i.e.,  les  tuerait. 
V.  foghainn. 

40.  '  Le  chuid  '  =  '  le  a  chuid  '  :   '  cuid,'  pron.  indéf.,  '  cuid,'  subst. 

=  une  part.     Cf.  le  chuid  daoine,  avec  ses  hommes. 

41.  '  Gheibhte  '  :  1'  imparf.  pass.  de  '  faigh,'  '  ri  àm,'  une  fois. 

42.  Pàdruig  :  un  des  Campbells  de  Glenorchy  c.  1635-1736. 


76  POEMES  i 

Gillean  is  coin  sheang, 

'S  e  toirt  òrduigh  dhaibh  ; 
45     Peileirean  'nan  deann. 
Teine  g' an  cur  ann, 
Eilid  nam  beann  ard 
Théid  a  leònadh  leò. 

Siubhal 

'S  i  'n  eilid  bheag,  bhinneach, 
50         Bu  ghuiniche  sraonadh, 
Le  cuinnean  geur,  biorach, 

A'  sireadh  na  gaoithe, 
Gasganach,   speireach, 
Feadh  chreachann  na  beinne, 
55     Le  eagal  roimh  théine, 

Cha  teirinn  i  'n  t-aonach  ; 
Ged  théid  i  'na  cabhaig, 

Cha  ghearain  i  maothan  ; 
Bha  sinnsireachd  fallain, 
60     'N  uair  a  shineadh  i  h-anail, 
'S  toil-inntinn  leam  tannasg, 
G'a  langan  a  chluinntinn  ; 
Si  'g  iarraidh  a  leannain 
'N  am  dàraidh  le  oaoimhneas  : 
65     'S  e  damh  a'  chinn  allaidh 
Bu  gheal-cheireach  feaman, 
Gu  cabarach,  ceannard, 

A  b'  fharumach  raoiceadh  : 
'S  e  chòmhnuidh   'm  Beinn-Dòbhrain, 
70  'S  e  eòlach  m'a  fraoinibh. 

'S  ann  am  Beinn-Dcbhrain, 
Bu  mhòr  dhomh  r'a  innseadh 

45.  '  Peileir  '  :  angl.  pellet  :  'nan  doann  =  ann  an  d.  (dans  leur  vol.). 

60.  V.  sin,  étendre,  allonger  :  i  h-anail-i  a  h-anail. 

61.  '  Tannasg '  =  spectre  :    à  mon  avis  le  poète  indique  qu'il  serait 

ravi  d'entendre  le  spectre  d'un  bramement,  i.e.,  un  b.  qui 
était  faible  et  distant.  '  G'a  langan  '  se  trouve  dans  toutes 
les  éditions.     O'a  tient  la  place  de  D'à  (de  son).     Prononcia- 


POEMES  TT 

Jeunes  gens  et  chiens  efflanqués 
Se  hâtant  à  ses  ordres  : 
45     Des  balles  partant  à  la  volée 
Le  feu  les  lançant, 
La  biche  des  pics  élevés 
En  sera  frappée. 

Variation 

C'est  une  petite  biche  à  la  tête  altière, 
50     A  l'allure  la  plus  rapide, 

Les  naseaux  fins,  en  éveil, 

Flairant  le  vent, 

Queue  épaisse,  jambes  minces, 

Sur  les  flancs  de  la  montagne 
55     Craignant  le  feu, 

Elle  ne  descendra  pas  dans  la  lande  : 

Bien  qu'elle  aille  à  toute  vitesse, 

Elle  ne  se  plaindra  pas  de  douleur  au  poitrail  ; 

Elle  appartenait  à  une  race  saine. 
60     Lorsqu'elle  soufflait  fortement. 

Il  m'était  délicieux 

D'entendre  son  bramement  faible  et  délicat  : 

Elle  cherchait  son  compagnon 

Dans  la  saison  où  ils  s'aiment  ; 
65     Lui,  est  le  cerf  à  tête  sauvage, 

Aux  hanches  et  à  la  croupe  blanches. 

Aux  bois  nombreux  et  grands, 

Qui  brame  bruyamment  ; 

Il  habite  Beinn-Dòbhrain, 
70     Ses  abris  lui  en  sont  familiers. 

Dans  la  forêt  qui  couvre  Beinn-Dòbhrain 

Il  me  serait  difficile  de  dire 

tion    dialectique    archaïque    qui    ne    serait    pas    facilement 
comprise  aujourd  'Lui. 
64.  '  àm  dàraidh  '   .   .   .  temps  du  rut. 

71.  *  ami  am  '=am. 

72.  r'a  innseadh  -  ri  a  i. 


78  POEMES 

A  liuthad  damh  ceannard, 
Tha  fantainn  'san  fhrith  ud  ; 
75     Eilid  chaol,  eangach, 

'S  a  laoghan  'ga  leantainri, 
Le  'n  gasgagan  geala, 

Ri  bealach  a'  direadh, 
Ri  fraigh  Choire-chruiteir, 
80         A'  chuideachda  phiceach  : 
\   uair  a  shìneas  i  h-iongan 
'S  a  théid  i  'na  deannaibh, 
Cha  saltradh  air  thalamh 
Ach  barran  nan  inean. 
85     Co  b'  urrainn  g'a  leantainn, 

De  dh'fhearaibh  na  rioghachd  ? 
S  arraideacb,  farumach, 

Carach  air  grine, 
A'  choisridh  nach  fhanadh 
90         Gnè  smal  air  an  inntinn  ; 

Ach  caochlaideach,   curaideach, 
Caol-chasach,  ullamh, 
An  aois  cha  chuir  truim'  orra, 
Mulad  no  mi-ghean  ; 
95     'Se  shlànaich  an  culaidh. 
Feòil  mhàis,  agns  mhumeil, 
Bhi  tàrahachd  am  bunailt 

73.  a  liuthad  :  '  a  '  est  pron.  poss.     Cf.  n  leithid,  &c. 

80.  '  A  '    chuideachda    phiceacli  '  ;   ceci    se   trouve   en    apposition    à 

'  damh  ceannard,'  '  eilid,'   '  laoghan,5  ci-dessus  :   le  poète  les 

rassemble  dans  cette  phrase. 
83.  '  Cha   saltradh'    pour    'cha   saltair  '  ;    le    poète    ne    gardi     pas 

toujours  la  suite  des  temps. 
83.  '  air  thalamh.'     Dans  le  gaél.  mod.  '  air  '  représente  : 

(1)  V.G.  iar,  iar  n-  (après).     L'ancien  '  n  '  se  conserve  dans 

certaines    phrases.      Cette    préposition    n'adoucit    pas. 
Elle  s'emploie  très  souvent  avec  les  noms  verbaux. 

(2)  V.G.  '  ar,'  pour,  sur  :  V.  C<  I*. 

(3)  V.G.  '  for  '  (lat.  super)  sur,  au-dessus  «le. 

Comme  'ar'  se  terminait  autrefois  par  une  voyelle  il 
adoucit:  les  composés  pronominaux  '  orm.'  'orl.' 
'  air,'  &c,  viennent  de  *  for.' 


POEMES  79 

73,  74     Combien  de  cerfs  à  tête  fière  demeurent  : 
75     La  biche  mince  et  leste, 

Son  petit  la  suivant, 

Aux  queues  blanches, 

Montant  le  défilé 

Vers  le  mur  de  la  Vallée  du  Ménestrel 
80     ]  iande  à  la  tête  ornée  de  bois  : 
^uand  elle  allonge  ses  jambes 
jt  qu'elle  court  à  toute  vitesse, 

Seules  les  pointes  de  ses  sabots 

Touchent  à  terre. 
8.r>      lequel  des  braves  du  royaume 

Pourrait  la  suivre  ? 

Vagabondant,  bruyante, 

Rusée,*  sur  le  gazon, 

Voilà  la  bande  dont  l'esprit 
90     N'est  jamais  assombri  : 

Mais  changeante,  sournoise, 

Aux  jambes  minces,  alerte, 

La  vieillesse  ne  lui  apportera  ni  lenteur. 

Ni  tristesse,  ni  mécontentement  ; 
95     Ce  qui  les  a  remis  en  bon  état. 

Leur  a  donné  de  fortes  hanches  et  du  poitrail, 

C'est  de  vivre  à  l'abri 

*  on    lapilli'. 

(1)    gouverne    le    clat.  ;     (2)    et    (3)    le    dat.    (inaction); 
l'ace,  (mouvement  vers.) 

e.g.  (1)  V.  225  air  dùbladli. 

(2)  V.     83  air  thalamli. 

(3)  V.  100  air  fàsach. 

85.  urrainn,    subst.  =  autorité,    capacité:    est    fréquemment    employé 
comme  verbe.       De   nos   jours   on    l'emploie   de   cette  ou 

même  au  passif. 

88.  '  grìn,'  grine  :  anglais  '  green.' 

89.  '  nach,'  rel.  nég. 

90.  '  gnè  smal  '  :  pas  le  moindre  assombrissement. 

95.  's  e  shlànuich  :  le  rel.  '  a  '  se  supprime  devant  le  verbe  ici. 
97.  Bhi  tàmhachd^a  bhi  a'   tàmhachd  :    V.   tàmhaicli,   se  reposer; 
bunailt  :  autre  forme  pour  '  bunait.' 


80  POEMES 

An  cùilidh  na  f rithe  ; 
Le  àilleas  a'  fuireach 
100     Air  fàsach  'nan  grunnaibh; 
'S  i  'n  àsuinn  a'  mhuime 

Tha  cumail  na  ciche, 
Ris  na  laoigh  bhreaca,  bhallach, 
Nach  meilich  na  siantan, 
105     Le  'n  cridheachan  meara, 
Le  bainne  na  cioba  ; 
Grisionnach,  eangacb, 
Le  'n  giortagan  geala, 
Le  'n  corpanan  glana, 
110         Le  fallaineaehd  f  ior-uisg  : 
Le  farum  gun  ghearan, 

Feadh  ghleannan  na  milltich; 
Ged  a  thigeadh  an  sneachda 
Chan  iarradh  iad  aitreabh, 
115     'Se  lag  a'  Choir  '-altrum 
Bhios  aca  g 'an  didean  : 
Feadh  stacan,  is  bhacan, 
Is  ghlacagan  diomhair, 
Le  'n  leapaichean  fasgach, 
120         An  taie  Ais-an-t-sithean. 

Urlar 

B'  ionmhuinn  leam  ag  éirigh 
'San  òg-mhaduinn, 

Timchioll  air  na  sléibhtean 
'M  bu  choir  dhaibh  bhith, 
125     Cupal  chunntas  cheud, 

Luchd  nan  ceann  gun  chéill 

A'  mosgladh  gu  neo-bheudar 
Mòr-shòlasach  ; 


106.  '  cìob/  scirpus  caespitosus,  scirpe  gazonnant. 
112.  *  millteach,'  triglocliin  palustre,  troscart  des  marais. 
115.  *  Coir'-altrum  '^Coire+altrum,    vallée    noircissante        Nom    de 
lieu  ici. 


POEHŒS  $1 

Dans  la  retraite  de  la  forêt  ; 

Volontiers  ils  demeurent 
100     Groupés  dans  les  solitudes; 

C'est  la  lande  étendue  la  terre-nourricière 

Qui  donne  le  têton, 

Aux  petits  mouchetés  et  tachetés 

Que  les  averses  ne  refroidissent, 
105     Petits  aux  coeurs  ardents, 

Nourris  du  lait  du  scirpe  gazonnant, 

Petits  pommelés,  aux  pieds  légers, 

Aux  hanches  blanches, 

Aux  petits  corps  sains, 
.110     Grâce  à  la  pureté  de  l'eau  des  sources; 

Faisant  du  bruit  mais  sans  plainte, 

A  travers  les  vallées  herbeuses 

Et  même  s'il  tombait  de  la  neige, 

Ils  ne  demanderaient  pas  d'abri  ; 
115     C'est  le  creux  de  Coire  Altrum 

Qui  leur  sert  de  refuge: 

Parmi  les  collines  et  les  tertres, 

Les  coins  secrets, 

Leurs  lits  bien  à  couvert, 
120     Protégés  par  Ais-an-t-Sithean . 

Base 

Cela  m'était  une  joie  de  me  lever 
De  bon  matin, 
Autour  des  coteaux 
Où  ils  devaient  être, 
125     Deux  cents  s'y  trouvaient, 
Bande  sans  cervelle, 
S 'éveillant  inoffensivement 
Toute  joyeuse  ; 

220.  An  taie,  à  l'abri  de;  Ais-an-t-sithean  =  ath  +  iunis  (qui  deviennent 
'  ais  '  topographiqueinent)  =  pré  en  friche-)- an  t-sîthean  =  de  la 
colline;  ou  plus  probablement  ici  '  ais  '  =  '  dos.' 


«2  POEMES 

Is  osgarra  o'm  beul 
130     Tormain  socair,  réidh, 

S  glan  au  corp  's  an  cré 
Seinn  an  dreòcaim  ud  : 
Broc-liath  chorrach  eild' 
An  lod  g'a  loireadh  théid, 
135     Cuid  g'a  farraid  fhéin 

'N  uair  bu  deònach  leatha. 
'S  annsa  leam  'n  uair  théid 

lad  air  chrònanaich, 
Na  na  th'ann  an  Eirinn 
140         De  cheòlmhoireachd  ; 
'S  binne  na  gach  beus 
Anail  mhic  an  fhéidh 
A'  langanaich  air  eudan 
Beinn-Dòbhrain  ; 
145     An  damh  le  bhùireadh  féin 
Tighinn  a  grunnd  a  chléibh, 
'S  fada  chluinnt'  a  bheuc 

An  am  tòiseachaidh  ; 
An  t'agh  as  binne  geum, 
150     'S  an  laogh  beag  'na  dhéidh, 
Freagraidh  iad  a  chéile 

Gu  deòthasach  ; 
Plosg-shùil  mheallach,  gheur, 
Gun  bhonn  glòinin  innt', 

129.  '  osgarra.'  '  ascarach,'  hardi  :  du  nom  du  héros  Oscar.     Ir.  ascar, 
champion;  o'm  beul=o  am  b  '  de  leur  bouche.' 

131.  '  An  corp  's  an  cré.'    Corp  et  cré  (creubh)  tous  deux  signifient 

'  corps  '  vivant  ou  mort  :  employés  ensemble  ici  par  emphase. 
'  Mo  chreubhag  '  (mon  petit  corps)  est  une  expression  fam. 
dans  les  îles  du  nord  sous  l'empire  d'émotions  soudaines. 

132.  -  Seinn  '  :  nom  verb.  suivi  comme  d'ordinaire  du  gén. 

'  an  dreùcaim  ud  '=ce  bramement  :  ud,  pron.  dem.  '  An  duine 
ud/  rot  homme. 

133.  Broc-liath  chorrach  eild';  eild'  est  le  gén.  de  '  eilid  '   (biche). 

Strictement  'broc-liath'  et  '  corrach  '  sont  des  adJOTifs  et 
l'expression  naturelle  serait  '  eilid  bhroc-liath  chorrach.' 
Probablement  '  broc  '  a  suggéré  au  poète  cette  variation 
hardie.       Après    un    substantif    la    construction    est    assez 


POEMES  83 

Hardiment  ils  poussent 
130     Des  murmures  gentils  et  doux, 

Créatures  aux  corps  purs 

Jetant  leurs  bramements; 

La  biche  impétueuse,  grise  comme  un  blaireau, 

Ira  jouer  dans  la  mare, 
135     Quelques-uns  la  chercheront 

Lorsqu'elle  est  consentante. 

J'aime  davantage 

Quand  ceux-ci  commencent  à  raire 

Que  toute  la  musique 
140    D'Irlande  : 

Plus  douce  qu'aucune  mélodie 

Est  le  cri  du  fils  du  cerf, 

Bramant  aux  flancs 

De  Beinn-Dòbhrain. 
145     Le  cerf,  de  son  propre  rugissement 

Sortant  du  fond  de  sa  poitrine, 

Se  fait  entendre  de  loin 

Au  moment  même  où  il  commence; 

La  biche  au  bramement  le  plus  doux, 
150     Le  petit  la  suivant, 

Se  répondent  l'un  à  l'autre 

Ardemment  ; 

L'oeil  vif,  grand,  perçant, 

Sans  aucun  regard  louche, 

commune,  e.g.,  ùdlaiche  làndaimh,  un  vieux  gaillard  de  cerf; 

leanabh  mie  un  enfant  mâle  (a  man  child).     Le  poète  a  en 

vérité  converti  '  broc-liatli  '  en  substantif. 
137.  '  annsa  '  =  plus  cher. 
139.  '  Na  na  =  que  tout  ce  qui;  ann  an  =  an;  la  mention  de  la  musique 

d'Irlande  est  intéressante.       En  plus  de  la  tradition  il  se 

peut  que  le  poète  ait  eu  des  souvenirs  personnels  des  visites 

des  ménestrels  irlandais. 
141.  'S  +  comp.   prem.  +  na,  forment  la  comparaison  de  supériorité 

entre  individus. 
149.  '  agh,'   bienque  masc.   signifie  une  femelle;  cf.   boirionnach  m. 

femme. 
154.  '  bonn  '  .  .  .  ia  fondation,  le  commencement. 


84  POEMES 

155     Rosg  fo  mhala  léith 
Cumail  seòil  oirre. 

Coisiche  maith,  treun, 

Bu  bheothaile  a  théid, 

Air  thoiseach  an  treud, 
160         A  bha  dòchasach. 

Cha  robh  coir'  ad  cheum, 

'S  cha  robh  moill'  ad  leum, 

Cha  robh  deireadh  réis 

Air  an  t-seòrsa  sin; 

165     'N  uair  a  bheireadh  tu  steud, 

'S  nach  sealladh  tu  'd  dhéidh 

Cha  b'aithne  dhomh  féin 
Co  bhiodh  còmhla  riut  ! 

Tha  'n  eilid  anns  an  fhrith 
170         Mar  bu  choir  dhi  bhi, 

Far  am  faigh  i  millteach 
Glan  fecirneanach  : 

Bru-chorc  is  ciob, 

Lusan  am  bi  brigh, 
175     Chuireadh  suit  is  igh 
Air  a  lòineanaibh. 

Fuaran  anns  am  bi 

Biolaire  gun  dith, 

'S  milse  leath'  na'm  fion 
180         'Se  gu'n  òladh  i  ; 

Cuiseagan  is  riasg, 

Chinneas  air  an  t-sliabh, 

B'  annsa  leath'  mar  bhiadh 
Na  na  foghlaichean. 
185     'S  ann  de'n  teachd-an-tir 

A  bha  sòghar  leath', 

156.  '  seòil/  gén  de  '  seòl,'  voile  (vélum)  :  s^én.  ord.  siùil. 

161.  ad  =  ann  do. 

165  '  steud  '  (1)  bond  (2)  coursier  (3)  vaguo. 

166.  'd  =  ad  =  ann  do. 

168.  '  còmhla  riut,'  avec  vous. 


POEMES  85 

155     Paupière  sous  un  sourcil  gris 

Qui  le  protège. 

Marcheuse  bonne  et  forte, 

La  plus  alerte  avance, 

A  la  tête, 
160     De  la  bande  confiante. 

Point  de  défaut  dans  ton  pas, 

Dans  ton  saut  point  de  lenteur, 

Parmi  ceux  de  cette  espèce, 

Aucun  ne  fut  le  dernier  à  la  course; 
165     Quand  tu  allais  en  bondissant, 

Sans  jeter  de  regard  en  arrière, 

Je  ne  sais  pas  moi-même 

Qui  pourrait  rester  à  tes  côtés  ! 

La  biche  est  dans  la  forêt 
170     Où  elle  doit  être, 

Où  elle  trouvera  de  l'herbe  de  montagne 

Pure  et  riche. 

Des  joncs  de  bruyère  et  de  l'herbe  vigoureuse, 

Plantes  riches  en  sève 
175     Qui  mettraient  graisse  et  rondeur 

Sur  ses  reins. 

Une  source  où  le  cresson 

Pousse  à  volonté, 

Plus  douce  pour  elle  que  le  vin, 
180     Voilà  son  breuvage  ; 

Jacobées  et  laiche 

Qui  poussent  sur  les  pentes 

Elle  les  préfère 

A  l'herbe  drue. 
185     Parmi  sa  nourriture  préférée 

Se  classent 

173.  '  Bru-chorc,'  juncus  squarrosus,  jonc  rude  ;  bru  (inusité),  biche 

+corc,  avoine.     Quelques  éditions  ont  '  Bruchaireachd.' 

174.  *  Plantes  qui  contiennent  de  la  sève.' 
180.  '  Voilà  ce  qu5  elle  boirait.' 

184.  Fòghlach,  sium  angustifolium,  berle  à  feuilles  étroites. 

185.  '  Teachd-an-tir,'  le  produit  de  la  terre.     '  Tir  '  est  m.f . 


86  POEMES 

Sòbhrach  is  eala-bhì 

'S  barra  neònagan; 
Dobhrach-bhallach,  mhìu 
190     Ghobhlach,  bharrach,  shliorn, 
Lòintean  far  an  cinn 

I  'na  mòthraichean  : 
Sud  am  pòrson  bìdh 
Mneudaicheadk  an  cli 
195     Bheireadh  iad  a  nios 
Ri  am  dòlaichein  : 
Chuireadh  air  an  druim 
Brata  saille  cruinn, 
Air  an  carcais  luim 
200         Nach  bu  lè-dail. 

B'  e  sin  an  caidreabh  grinn 

Mu  thràth  nòine, 
'N  uair  a  thionaladh  iad  cruinn, 
Anns  a'  ghlòmuinn  : 
205     Air  fhad  's  gu'm  biodh  oidhch', 
Dad  cha  tigeadh  riu, 
Fasgadh  bhun  an  tuim 

B'  àite  còmhnuidh  dhaibhï; 
Leapaichean  nam  fiadh, 
210     Far  an  robh  iad  riamh, 
An  aonach  farsaing  fiai, 

'S  ann  am  mòr-mhonadk. 
'S  iad  bu  taitneach  fiamh, 
'N  uair  bu  daithte  am  bian, 
215     'S  cha  b'i  'n  aire  am  miann, 
Ach  Beinn-Dòbhrain. 

187.  Eala-bhi,  aussi  '  Eala  bhuidhc  '  et  '  lus  Chaluiin  Chille.'      La 

plante  de  Saint  Colomba.     Aux  Hébrides  toute  personne  qui 
possède  cette  plante  ne  peut  voir  de  mirage. 

188.  neònag  :   Lat  '  nona  '  :   fleur  d'après-midi;  cf.   anglais,  daisy  = 

day's  eye. 

195.  .  .  .  '  a  nios  '  de  '  an+îos.' 

196.  '  dolaicbein  '  :  cf.  écossais  '  dool/  lat.  '  dolor.' 
202.  'mu  thràth  nòine'  =  mu  thràth  fheasgair. 

Tràth=(l)  heure,  (2)  temps,  (3)  période,  (4)  heures  des  repas. 


POEMES  8T 

La  primevère,  l'herbe  de  la  Saint-Jean 

Et  la  tête  des  pâquerettes; 

L'orchis  tacheté,  délicat, 
Ï90     Fourchu,  élancé,  mince, 

Qui  croît  en  touffes 

Dans  les  marais  : 

Voilà  l'espèce  de  nourriture 

Qui  augmentait  leur  force, 
195     Qui  les  remontait 

En  temps  de  besoin  : 

Qui  leur  mettait  au  dos 

Sur  leurs  corps  maigres,  les  arrondissant, 

Une  couche  de  graisse 
200     Qui  ne  leur  était  pas  fardeau. 

C'était  une  aimable  compagnie, 

Quand  à  l'approche  du  soir, 

Us  s'assemblaient 

Au  crépuscule  : 
205     Peu  importait  la  longueur  de  la  nuit 

Aucun  mal  ne  leur  arriverait. 

Un  abri  sous  un  monticule 

Etait  leur  demeure  : 

Les  lairières  des  cerfs 
210     Où  ils  étaient  toujours, 

Sur  la  plaine  étendue  et  hospitalière, 

Sur  la  lande  spacieuse,  élevée. 

Comme  leur  aspect  était  beau, 

Quand  leur  robe  était  toute  luisante, 
215     Ce  ne  sont  pas  les  endroits  arides  qu'ils 
Mais  Beinn-Dòbhrain.         [choisiraient 

e.g.,  '  Tràth  ghluaiseadh  an  Fliéinn  uile  mach  '  ;  quand  tous  les 
Fingaliens  sortiraient  on  marche; 

nòine  :  cf.  lat.  '  nona  hora.'     c.  3  p. m. 
205.  '  glòmuinn  '  :  angl.  '  gloaming.' 
207.  '  bun  '  :  la  base  (de  la  colline). 

214.  La  peau  de  la  biche  est  plus  belle  que  celle  du  mâle.      On  s'en 

servait  pour  faire  des  tuniques  et  des  fourrures  aux  femmes. 

215.  '  aire/  détresse,  besoin  ;  ici  le  mot  vent  dire  place  stérile. 


S8 


POEMES 

SlUBHAL 

A'  bheinn  luiseanach,  fhailleanach, 

Mheallanach,   liontach, 
Gun  choimeas  dh'a  falluing 
220         Air  thalamh  na  Criosdachd  ; 
'S  ro  neònach  tha  mise, 
Le  bòidhchead  a  sliosa, 
Nach  'eil  còir  aie  'an  ciste 
Air  tiotal  na  rioghachd. 
225     'Si  air  dùbladh  le  gibhtibh, 
'S  air  lùisreadh  le  niiosaibh 
Nach  'eil  bitheant'  a'  bristeadh 

Air  phriseanaibh  tire  ! 
Làn-trusgan  gun  deireas, 
230     Le  usgraichean  coille, 

Barr-gùc  air  gach  doire, 

Gun  choir'  ort  r'a  innseadh; 
Far  an  uchd-ardach  coileach, 
Le  shriutaichibh  loinneil, 
235     'S  eòin  bhuchalach  bheag'  eile 
Le  'n  ceileiribh  lionmhor. 
'S  am  buicean  beag  sgiolta, 
Bu  sgiobalt'  air  grine, 
Gun  sgiorradh,  gun  tubaist, 
240         Gun  tuisleadh,  gun  diobradh, 
Crodhanadh,  biorach, 
Feadh  coire  'ga  shireadh, 
Feadh  f raoich  agus  firieh , 
Air  mhire  'ga  dhireadh  : 
245     Feadh  rainich,  is  barraich 

Gu'm  b'  arraideach  inntinn, 
Ann  an  iosal  gach  feadain, 
'S  air  àirde  gach  creagain  : 
Gu  mireanach,  beiceasach. 


222.  île '=4  cau^o  de. 

223.  còir,  droit. 


POEMES  SS 

Variation 

Montagne  herbeuse,  buissonneuse. 
Accidentée,  fertile, 

Ton  manteau  est  sans  pareil 
220     Sur  toute  la  terre  chrétienne  ; 

Il  me  semble  étrange  [quand  je  regarde] 

La  beauté  de  sa  côte, 

Qu'elle  n'ait  pas  un  acte  dans  son  coffre-fort 

Lui  donnant  titre  au  royaume. 
225     Elle  est  doublement  douée, 

Surchargée  de  fruits 

Qui  ne  poussent  pas  souvent 

Sur  les  arbrisseaux  d'un  pays  ! 

Robe  complète  et  sans  tache, 
230     Luisante  de  joyaux  des  bois, 

Tout  bocage  en  floraison, 

On  ne  peut  te  trouver  de  faute  ; 

Où  vit  le  coq  de  bruyère  hardi, 

Lançant  ses  accents  vifs  et  joyeux, 
235     Et  d'autres  oisillons  mélodieux 

Avec  leur  gazouillement  divers. 

Et  le  petit  chevreuil  alerte, 

Leste  sur  le  gazon, 

Sans  faux  pas,  sanSmésaventuiv. 
240     Sans  chute,  sans  défaillance, 

Pieds  sabotés,  tête  haute, 

Que  l'on  cherche  dans  la  vallée, 

Parmi  la  bruyère  et  sur  la  montagne, 

Gambade  en  escaladant  : 
245     Dans  la  fougère  et  les  broussailles, 

Que  son  esprit  est  changeant, 

Au  fond  de  chaque  ravin, 

Au  sommet  de  chaque  roche, 

Folâtrant,  sautant, 

-c  l'a  innseadh,'  à  racouter. 
'g  a  shireadh,  à  sa  recherche. 


90  POEMES 

250         Easgannach,  sìuteach. 

'N  uair  a  théid  e  'na  bhoile 
Le  clisge  's  a'  choille, 
Is  e  ruith  feadh  gach  doire, 
Air  dheireadh  cha  bhi  e; 
255     Leis  an  eangaig  bu  chaoile 
'S  e  b'  aotruime  sinteag, 
Mu  chnocanaibh  donna 
Le  ruith  dara-tomain, 
'S  e  togairt  an  coinniumh 
260         Bean-chomuinn  os  n-iosal. 

Tba  mhaoisleach  bbeag  bhrangacb 
'S  a'  ghleannan  a  chcmhnuidh, 
'S  i  fuireach  'san  fhireacb 
Le  minneinean  òga: 
265     Cluas  bhiorach  gu  claisteachd, 
Suil  chorrach  gu  faicinn, 
JS  i  earbsacb  'na  casaibb 

Chur  seachad  na  mointicb  : 
Ged  thig  Caoilte  's  Cuchullainn, 
270         'S  gacb  duine  de'n  t-seors'  ud, 
Na  tha  dbaoine  's  de  dh'eachaibh, 

Air  fasta  Kigb  Deòrsa  ; 
Na'n  tearnadh  a  craiceann 
O  luaidbe  's  o  lasair, 
275     Cha  chuala  's  chan  fhac  i 
Na  ghlacadh  r'a  beò  i  : 
'S  i  grad-charach,  fad-chasach, 
Aigeannach,  neònacb, 

251.  'na  bhoile,  dans  son  excitation. 

252.  '  le  clisge/  avec  un  sursaut. 

250.  Dans  la  Haute-Ecosse  on  considère  le  saut  d'un  cerf  (sinteag 

féidh)  égal  à  30  pieds  anglais  (9.2  mètres). 
259.  '  an  coinniumh.'       Ce  dat.   s'écrit   maintenant   '  an   coinnimh  ' 

[à  la  recontre.] 
269.  os  n-iosal.       A  présent  on  n'entend  que  '  os  iosal.'       Le  MS. 

Fernaig  a  '  fois  nysill  '  et  le  Prof.  Fraser  pense  que  le  -  n  ' 

s'explique  par  l'analogie  de  '  gigh  nouirc  '  =  gach  n-uair,  ïc. 

Scottish  Gaelic  Studies  T.I.  p.  120. 


POEMES  91 

250     Agile,  à  grands  pas. 

Lorsqu'il  s'alarme, 

Sursautant  dans  le  bois, 

Et  qu'il  s'élance  à  travers  chaque  bosquet, 

Il  ne  sera  pas  le  dernier: 
255     De  la  jambe  la  plus  mince 

Son  saut  est  le  plus  léger, 

Autour  des  tertres  bruns 

Les  franchissant  d'un  élan  alternativement, 

Dans  sa  grande  envie  de  rencontrer 
260     Une  bien-aimée  en  secret. 

La  daine  petite  et  grondeuse 

Habite  dans  le  vallon, 

Dans  la  terre  des  cerfs, 

Elle  et  ses  petits  : 
265     L'oreille  bien  tendue, 

L'oeil  mobile,  en  éveil, 

Se  fiant  à  sa  coursa 

Pour  parcourir  la  lande: 

Même  si  Caoilte  et  Cuchullainn  venaient, 
270     Et  tout  héros  de  leur  espèce, 

Tous  les  hommes  et  tous  les  chevaux 

Au  service  du  roi  Georges; 

Si  sa  peau  échappait 

Au  plomb  et  au  feu, 
275     Elle  n'a  rien  vu  ni  entendu 

Qui  pourrait  la  prendre  vivante; 

Aux  mouvements  vifs,  aux  jambes  longues, 

Intrépide  et  capricieuse, 

262.  'S  a'  ghleannan  =  anns  a'  ghleannan. 

263.  *  Fireach  '  s'emploie  uniquement  pour  la  terre  des  cerfs.       Cf. 

Slat  a  coill'  is  fiadh  a  fireach,  gaule  d'un  bois,  cerf  d'un 
fireach. 

264.  '  minnein  '  :  dim.  de  '  meann  '  faon. 
267.  'na  casaibh,  à  ses  pieds. 

269.  ï  Ged  thig  '  .  .  .  pour  *  Ged  thigeadh.' 

Caoilte  is  Cuchullainn.  Une  des  rares  références  du  poète  aux 
héros  mythiques  des  poèmes  et  des  légendes  anciennes. 
Caoilte  (maigre);  angl.  '  Thinman  '  excellait  en  rapidité.' 


92  POEMES 

Geal-eheireach,  gasganach, 
280     Gealtach  roimh  mhadadh, 
Air  chaisead  na  leacainn 

Cha  saltradh  i  còmhnard  ; 
'S  i  noigeanach,  gnoigeasack, 
Gog-ckeannack,  sòrnach  ; 
285     Bior-shùileach,   sgur-shùileach, 
Frionasach,  furachair, 
A'  fuireach  's  a'  mhunadh, 
An  do  thuinich  a  seòrsa. 

Ublab 

B'  i  sin  a"  mhaoisleach  luaineach, 
290         Feadh  òganan ; 

Biolaichean  nam  bruach 

'S  àite  còmhnuidh  dbi, 
Duilleagan  nan  craobh, 
Bileagan  an  fhraoich, 
295     Criomagan  a  gaoil, 

Cha  b'  e  'm  fotrus. 
A  h-aigneadh  aotroni  suaire, 
Aobhach,  ait,  gun  ghruaim, 
Ceann  bu  bhraise,  ghuanaiche, 
300         Ghòraiche  ; 

A'  chré  bu  cheanalt'  stuaim, 

Chalaich  i  gu  buan 

An  gleann  a'  bharraich  uaine 

Bu  nòsaire. 
305     'S  trie  a  ghabh  i  cluain 

'S  a'  Chreig  Mhòir, 
O'n  is  measail  leatb'  bhi  Luan 

Is  a  Dhòmhnach  ann  ; 

287.  '  <ln  thuinich.'     Impf.  de  '  tuinich  '   (demeurer)  'où  son  espèce 

demeurait.' 
296.  '  fôtrne  ' — aussi  fortas  et  fòtus — ce  qui  reste  de  paille  et  de  foin 

après     que     le     bétail     a     mangé.      Cf.     angl.     '  orts  '+'•£' 

prosthétique. 
302.  '  Chalaich  i  '  de  '  cala  *  (caladh),  port. 
305.  '  cluain  '  (1)  pâturage  (2)  retraite. 
307.  0'n=parceque,  car. 


POEMES  |3 

La  croupe  blanche,  la  queue  vibrante, 
280     Fléchissant  devant  les  chiens, 

Malgré  l'escarpement  du  coteau 

Elle  ne  mettrait  pas  le  pied  dans  la  plaine. 

Grincheuse,  maussade, 

Rejetant  la  tête  en  arrière,  irritable, 
285     L'oeil  alerte,  le  regard  perçant, 

Nerveuse,  avisée, 

Habitant  dans  la  lande, 

Terre  nourricière  de  sa  race. 

Base 

Voilà  la  daine  agitée, 
290     Parmi  les  broussailles; 

Au  pied  du  tertre 

Se  trouvait  son  gîte, 

Le  feuillage  des  arbres, 

Les  brins  de  la  bruyère, 
295     Les  morceaux  choisis 

N'étaient  pas,  du  tout,  pauvre  mangeaille. 

D'un  naturel  doux  et  bon, 

Légère,  joyeuse,  jamais  abattue, 

Téméraire,  fort  imprudente, 
300     Très  étourdie  ; 

Créature  à  la  mine  la  plus  modeste, 

Son  refuge  permanent  était 

Dans  la  vallée  des  broussailles  vertes 

Pleines  de  sève. 
305     Souvent  s'abritait-elle 

Dans  la  Grande  Roche 

Elle  aimait  à  y  être  le  lundi 

Et  le  dimanche. 

307-8.  Luau  is  a  Dhòmhnach  =  a  Luan,  &c, 

'a'au  lieu  de  '  do.'     Di-Dòmlmaich  (Dies  Doniini)  ne  s'emploie 
guère  aujourd  'lmi.     On  dit  '  Là  na  Sabaid.' 
308.  '  ann  '=y.     Dans  le  gaél.  mod.  *  ann  '  représente  : — 

(1)  V.G.  inn,  ind  (prép.  dans)  ; 

(2)  V.G.  and  (adv.  y)  ; 

(3)  V.G.  ind  (pron.  prép.  on  lui). 


94  POEMES 

Pris  an  dean  i  suain 
310     Bitheanta  mu'n  cuairt, 

A  bhristeas  a'  ghaoth  tuath, 

'S  nach  leig  deò  oirre, 
Am  fasgadh  Doire-chrò, 
An  taice  ris  an  t-Sròin, 
315     Am  measg  nam  faillean  òg' 
Is  nan  còsagan. 
Masgadh  'n  fhuarain  mhòir, 
'S  e  pailte  gu  leòir, 
S  blasda  leath'  na  bheòir 
320         Gu  bhi  pòit  orra. 

Deoch  de'n  t-sruthan  uasal 

R'a  òl  aice, 
Dh'  fhàgas  fallain,  fuasgailteach, 
Oigeil  i  : 
325     Grad-charach  ri  uair, 

'S  eathlamh  bheir  i  cuairt, 

'N  uair  thachaireadh  i  'n  ruaig 

'S  a  bhiodh  tòir  oirre. 
*S  maoth-bhuidh'  daitbt'  a  snuadh, 
330     Dearg  a  dreach  's  a  tuar, 
'S  gur  a  h-iomadh  buaidh 
Tha  mar  chòmhla  oirre; 
Fulangach  air  fuachd, 
Is  i  gun  chum'  air  luathas  ; 
335     Urram  claisteachd  chluas 
Na  Roinn  Eòrpa  dhi. 

311.  '  qui  arrêtera  la  bise.' 

312.  '  qui  ne  permettra  pas  à  un  seul  souffle  de  l'atteindre.' 

313.  '  Doire-Chro  '  :  nom  de  lieu,  Bosquet  de  la  bergerie. 

314.  -  Sròn  '  :  nom  de  lieu,  nez,  promontoire. 

315.  '  còsag  '  :  dim.  de  còs,  une  petite  niche  confortable. 

317.  'masgadh,'  subst.  du  v.  masg  (infuser,  e.g.,  du  thé);  écossais.. 

mask. 
320.  '  gn  bhi  pòit  orra  '  :  pour  en  boire  :   '  pòit  '  est  un  verbe  ici  et 

ailleurs  chez  D.  Bàn. 

322.  '  r  *   a   ôl  aice  '  ;   à  elle  pour  en  boire.       Pour   la  construction 

cf.  Tsaumes  36.  1.  32;  60.  1    12;  80.  1.  20  de  la  Bible  gaélique. 

323.  i  Dh  "  fhàgas.'     Fut.  rel.  de  '  fàg.' 


POEMES  95 

Les  buissons  dans  lesquels  elle  repose 
310     L'entourent  nombreux 

La  protégeant  contre  la  bise, 

Détournant  chaque  souffle, 

Abritée  par  le  Doire-Chrò, 

Près  de  la  Sròn, 
315     Au  milieu  des  jeunes  buissons 

Et  des  coins  retirés. 

Le  breuvage  de  la  grande  source, 

Coulant  à  flots, 

Est  pour  elle  plus  doux  à  boire 
320     Que  la  bière. 

Gorgée  du  noble  ruisseau 

Pour  se  désaltérer, 

La  rendant  saine,  souple, 

Jeune  : 
325     Alerte  en  tout  temps, 

Elle  s'élance  vivement, 

Quand  elle  est  mise  en  fuite 

Et  poursuivie  de  près. 

Sa  teinte  est  d'un  jaune  délicat, 
330     Biche  à  1'  aspect  et  à  1'  air  rouges, 

Nombreuses  sont  les  qualités 

Qu'elle  possède  toujours  ; 

Supportant  bien  le  froid, 

Sans  égal  en  vitesse; 
335     Digne  de  l'honneur  le  plus  grand  en  Europe 

Pour  sa  finesse  d'ouïe. 

328.  ~  tòir,'  '  tòrachd,'  poursuite. 

331.  'S  gur  a  h-iomadk  .  .  .  ;  '  h-'  apparaissant  régulèrement  devant, 

des  voyelles  accentuées  représente  certaines  lettres  disparues. 
Cf.  gaélique  moyen  *  co  rob.' 

332.  -  mar  chòmhla  '  :    cette  phrase  est,   depuis   longtemps  inusitée. 

Com+làmn,  près,  ensemble,  toujours.     Cf.  Pingal  v.  307. 
-'  Cuir  da  shleagh  ri'm  thaobh  air  chòmhla.' 
'  A  mes  côtés  mettez  deux  javelots  ensemble.' 
'  Còmhladh/  à  la  fois,  ensemble,  est  très  commun. 
334.  '  gun  chum'air  luathas  '  :    Ir.   moy.   cumma,  égal  ;  employé  ici 

comme  nom.       Cf.  Is  coma  leam  =  Das  ist  mir  gleich.      Cela 

m'est  égal. 


£6  POEMES 

SlUBHAL 

Bu  ghrinn  leam  am  pannal 

A'  tarruing  an  òrdugh, 
A'  direadh  le  farum 
340         Ri  carraig  na  Sròine: 

Eadar  sliabh  Craobh-na-h-ainnis, 

Is  beul  Choire-dhaingein, 

Bu  bhiadhchar  greigh  cheannard 

Nach  ceannaich  am  pòrsan  : 
345       Da  thaobh  Choire-rainich 

Mu  sgéith    sin  a'  Bhealaicb, 
Coire  Réidh  Beinn  Achaladair, 

Is  thairis  mu'n  Chonn-lon 
Air  Lurgainn-na-laoidhre 
350         Bu  ghreadhnach  a'  chòisridh, 
Mu  Làrach  na  Féinne 
'S  a'  Chreig-sheilich  'na  dhéidh  sin, 
Far  an  cruinnich  na  h-éildean 

Bu  neo-spéiseil  mu'n  fhòghlach: 
355     'S  gu'm  b'  e  'n  aighear  is  an  éibhneas 
Bbi  faicheachd  air  réidhlein, 
Ag  comh-mhacnas  ri  chéile, 

'S  a'  leumnaich  feadh  mointich  : 
Ann  am  pollachaibh  daimseir 
360     Le  sodradh  gu  meamnadh, 

Gu  togarrach,  mearachdasach, 

Aineasach,  gòrach. 

337.  '  pannal  '  :  angl.  '  band.' 

341.  '  Craobh  na  h-ainnis  '  =  Arbre  du  pré  en  friche. 

342.  '  Coire-dhaingein  '  :  Vallée  forte.    Cf.  Daingneacli.  forteresse. 

343.  '  Biadhchar  ' — '  repu'.' 

344.  Persan — angl.  portion. 

345.  '  Coire-rainich  '  :  Vallée  des  fougères. 

346.  '  Bealach  '  :  Col. 

347.  'Beinn      Achaladair  '  =  Beinn      Ach'Clialadair,      montagne      du 

champ  du  Caladar  (ruisseau).  Le  Prof.  Watson  dérive  ce 
nom  de  ruisseau,  tant  répandu,  du  celtique  ancien  Caleto- 
dubron,  eau  dure  :  Vieil  Ir.  calad,  calath,  dur. 


POEMES  97 

Variation 

J'admirais  beaucoup  la  bande 

Lorsqu'  elle  défilait  en  bon  ordre, 

Montant  avec  bruit 
340     Vers  la  roche  de  la  Sròn  : 

Entre  la  pente  de  Craobh-Ainnis, 

Et  l'ouverture  de  Coire-Dhaingein, 

Bien  repu  est  le  troupeau  à  cornes 

Qui  n'achète  pas  sa  nourriture  : 
345     Des  deux  côtés  de  Coire-Rainich 

Autour  de  cette  aile  de  Balloch 

La  vallée  lisse  de  Beinn  Achaladair, 

Et  contournant  le  Conn-Lon: 

Sur  le  Lurgain-na-laoidhre, 
350     Que  la  bande  était  joyeuse 

Autour  de  la  ruine  de  la  Feinn 

Puis  autour  de  la  Roche  aux  Saules, 

Où  s'assemblent  les  biches 

Qui  méprisent  l'herbe  drue. 
355     Leur  joie  et  leur  allégresse 

Etaient  de  s'ébattre  sur  le  pré 

Folâtrant  l'une  l'autre, 

Sautant  sur  la  mousse; 

D'être  dans  les  lieux  du  rut 
360     Se  faisant  la  cour  avec  joie, 

Ardentes,  téméraires, 

Furieuses,  insouciantes. 

348.  '  Conn-lon  :   ce  nom  n'est  pas  localement  connu  ;  probablement 

un  morceau  de  terrain  marécageux. 

349.  '  Lurgain-na-laoidhre,'   Lurgann   veut  dire  une  hauteur  qui  se 

termine    en    plaine.        Possiblement     '  hauteur    du    sabot.' 
'  Ladhar  '  est  fem.  ici. 
351.  Beaucoup  de  lieux  en  Ecosse  sout  nommés  d'après  les  Fingaliens. 

359.  Cf.  '  poil  bùiridh  '  :  lieu  où  les  cerfs  brament. 

360.  Aujourd  'hui  on  dit  '  gu  meanmnach.' 

361.  '  Mearachdasach  '  de  '  mearachdas/  adj.  mear;  joyeux. 

362.  '  Aineasach  '  de  'ain+teas  ' — chaleur  excessive. 


98  POEMES 

'S  cha  bhiodh  ìot'  air  an  teangaidh 
Taobh  skios  a'  Mhill-tionail, 
365     Le  fiou-uillt  na  h-Annaid, 
Blas  meala  r'a  61  air  : 
Sruth  brioghor,  geai,  tana, 
'S  e  siothladh  roimh  'u  ghaineamh, 
'S  e  's  milse  na  'n  caineal, 
370         Cha  b'aineolach  oirnn  e  : 

Sud  an  iocshlainte  mhaireann, 
A  tliig  a  iochdar  an  talaimh, 
Gheibhte  lionmhorachd  mhaith  dhith 
Gun  a  ceannach  le  stòras  ; 
375     Air  fàruinn  na  beinne 
Is  dàicliile  sealladh, 
A  dh'  fhàs  anns  a'  cheithreamk 
A'  bheil  mi  'n  Roinn  Eòrpa: 
Le  glainead  a  h-uisge 
380     Gu  maoth-bhlasta,  brisg-gheal, 
Caoin,  caomhail,  glan,  measail, 

Neo-mhisgeacb  ri  pòit'  air  : 
Le  fuaranaibh  grinne 
Attî  bun  gruamach  na  biolair, 
385     Còinneach  uaine  mu'n  iomall, 
As  iomadach  seorsa: 
Bu  ghlan  uachdar  na  linne 
Gu  neo-bhuireasach,  milis, 
Tighinn  'na  cbuairteig  o'n  ghrinneal 
390         Air  slinnean  Beinn-Dòbhrain. 

363.  .  .  .  '  iot  air  an  teangaidh/  soif  sur  leur  langue;  iota,  soif, 
s'emploie  généralement  dans  l'Ecriture  Sainte;  '  padhadh  ' 
est  lo  mot  usuel,  '  tart  '  une  altération  qui  a  duré  longtemps. 

3G4.  '  Meall-tional  '  :  Colline  de  l'assemblée. 

365.  '  Annaid  '  signifie  l'église  d'un  saint  patron.  Comme  nom  de 
lieu  il  se  retrouve  souvent  dans  des  endroits  reculés,  dans  la 
Haute-Ecosse  et  dans  les  Iles  et  toujours  en  rapport  avec 
les  ruines  d'une  église.  Ce  semble  être  le  nom  ecclésiastique 
celtique  le  plus  ancien  que  nons  ayons  en  Ecosse  mais  aucun 
nom  de  Saint   n'est  attaché  aux   '  Annats  '  écossais.       Leq 


POEMES  99 


Elles  ne  souffraient  jamais  de  soif 
Sur  le  bas  coteau  de  Meall-tionail, 
365     Ayant  le  vin  du  ruisseau  de  Annat 
Doux  comme  le  miel, 


1  Pour  s'abreuver 


(i 

Ruisseau  efficace,  clair,  peu  profond, 

Filtré  par  le  sable, 

Plus  doux  que  la  cannelle, 
370     Nous  le  connaissions  bien  : 

Voilà  le  baume  permanent 

Qui  sort  de  dessous  le  sol, 

Nous  pouvions  nous  en  procurer  à  volonté 

Sans  que  la  richesse  pût  l'acheter; 
375     Au  sommet  de  la  haute  montagne, 

Le  spectacle  est  le  plus  magnifique, 

Qu'on  ait  jamais  vu  dans  la  contrée 

De  l'Europe  que  j'habite: 

La  pureté  de  ses  eaux 
380     Douces  à  goûter,  au  clair  bouillonnement, 

Agréables,  bonnes,  limpides,  délicieuses, 

Jamais  capiteuses  à  boire  : 

Avec  des  fontaines  superbes 

A  la  sombre  racine  du  cresson, 
385     La  mousse  verte  de  mainte  espèce, 

Entourant  leurs  bords  : 

Que  la  surface  de  la  source  est  limpide, 

Placide  et  douce, 

L'eau  tombant  en  petits  tourbillons  du  gravier 
390     Sur  la  pente  de  Beinn-Dòbhrain. 

sources  et  les  ruisseaux  dans  le  voisinage  des  '  Annats,' 
possédaient,  dit-on,  des  vertus  propres  à  guérir.  D  'où  le 
terme  *  fion-uillt  '  ici  :  cf.  Tobar  an  Fhiona,  source  de  vin  ; 
et  le  terme  '  fion  fhuil  '  (sang  vin),  le  sang  des  vrais  chefs. 

371.  Cha  b'ain-eolach,  &c.  :  double  nég. 

372.  an  talaimh  :   ce  substantif  est  généralement    f .  au  gén.  ayant 

la  forme  '  na  talmhainn.' 
375.  Pàrruinn  :  far  (for)  sur+rinn,  pointe,  promontoire,  ici=cime. 
375.  '  A  cUi'  fhàs  '  :  qui  a  crû. 


100  POEMES 

Tha  leth-taobh  na  Leacainn 
Le  mais'  air  a  cèmhdach, 
'S  am  Frith-choirean  creagach 
'Na  sheasarah  'g  a  choir  sin; 
395     Gu  stobanach.  stacanach, 
Slocanach,  claganach, 
Cnocanach,  cnapanach, 
Caiteanach,  ròmach  : 
Pasganach,  badanach, 
400         Bachlagach,   bòidheach  : 
A  h-aisiridhean  corrach, 
'Nam  fasraichibh  molach, 
'S  i  b'fhasa  dhomh  mholadh, 
Bha  sonas  gu  leòir  oirr'  : 
405     Cluigeanach,  gucagach, 
Uchdanacli,  comhnard, 
Le  dithean  glan  ruiteacb, 
Breac,  misleanach,  sultmhor. 
Tha  'n  fhrith  air  a  busgadh 
410         'San  trusgan  bu  choir  dhi. 

Urlar 

'S  am  mouadh  farsaing  faoin 

Glacach,  srònagach  ; 
Lag  a'  Choire-fhraoich 

Cuid  bu  bhòidhche  dheth  : 
415     Sin  am  fearann  caoin 

Air  an  d'  fhàs  an  aoidh, 
Far  am  bi  na  laoigh 

'S  na  daimh  chròcach; 
Is  e  deisearach  ri  gréin, 
420     Seasgaireachd  d'à  réir, 

391.  '  Leacainn  '  :  une  pente  large  et  raide. 

393.  'Frith-choirean':     frith,    prép.=ri:     coirean     «Uni.     de    coire. 

Petite  Vallée  de  côté. 
402.  'Nam  =  ann    am  :    fasraichibh,    dat.    pi.    do    '  fasair  '    pâturage 

luxuriant  (provincial). 
404.  '  Il  y  avait  assez  de  bonheur  en  elle.' 


POEMES  101 

Une  des  côtes  de  la  Leacainn 

Est  richement  habillée, 

Et  le  Frith-Choirean  rocailleux 

Se  trouve  à  côté  d'elle  : 
395     A  pics,  escarpée, 

Pleine  de  cavités,  de  creux, 

De  tertres,  de  talus, 

Hérissée,  rude, 

Touffue,  buissonneuse, 
400     Entremêlée,  splendide  : 

Ses  sentiers  rapides,  raboteux, 

Pâturages  herbeux, 

Ce  m'est  très  facile  de  la  louer, 

Elle  était  la  source  de  bien  des  bonheurs  :' 
405     Couverte  de  clochettes,  de  fleurs, 

De  monticules,  de  pelouses, 

De  fleurettes  pures  et  roses, 

Tachetée,  verdoyante,  féconde: 

La  forêt  est  revêtue 
410     De  la  robe  qui  lui  convient. 

Base 

Lande  étendue  et  solitaire 

Pleine  de  recoins  et  de  rochers  ; 

Le  creux  de  la  Vallée  de  la  Bruyère 

En  est  l'endroit  le  plus  beau. 
415     Voilà  la  terre  propice 

A  la  mine  souriante, 

Où  sont  les  faons 

Et  les  grands  cerfs  à  bois  ; 

Grâce  à  son  exposition  au  midi, 
420     Elle  jouit  d'une  chaleur  convenable, 

Busgadh  '  :  cf.  anglo-écossais,  '  busk.' 

Aoidli.'   Ainsi  toutes  les  éditions.    Je  pense  que  ce  mot  doit  être 

•  aoibh  '  et  l'ai  traduit  ainsi.       Aoidli  (troupeau)  n'  est  pas 

connu  dans  le  gaélique  écossais, 
d'    a   réir  '  :    locution   prépositive;    do  -f-  réir,   dat.    de   '  riar/ 

plaisir. 


102  POEMES 

'S  neo-bheag  air  an  eildeig 

Bhi  chòmhnuidh  ann. 
Leannan  an  fhir  léith 
As  farumaiche  ceum 
425     Nach  iarradh  a'  chléir 

A  thoirt  pceaidh  dhaibh  ; 
"S  glan  fallain  a  cré, 
Is  banail  i  'n  beus  : 
Cha  robh  h-anail  breun, 
430         Ge  b'e  phògadh  i. 

'S  e  'n  coire  choisinn  gaol 

A  h-uil'  òganaich, 
A  chunna'  riamh  a  thaobh, 
'S  e  ghabh  eòlas  air  : 
435      S  lionmhor  feadan  caol 
Air  an  éirich  gaoth, 
Far  am  bi  na  laoich 

Cumail  còmhdhalach. 
Bruthaichean  nan  learg 
440     Far  am  biodh  ghreigh  dhearg 
Ceann-uidhe  gach  sealg 
Fad  am  beò-shlaint'  : 
Is  e  làn  de'n  h-uile  maoin, 
A  thig  a  mach  le  braon, 
445     Fàile  nan  sùbh-chraobh, 
'S  nan  ròsan  ann. 
Gheibhte  tacar  éisg 

Air  a  corsa, 
Is  bhi  'gan  ruith  le  leus 
450         Anns  na  mòr-shruthan, 
Morghatb  cumhann  geur 

421.  *  neo-bheag  '  :  Litote. 

430.  '  6e  b'e  '  .  .  .  pron.  indéf.  *  quiconque.' 

432.  '  A  h-uil  '  :  pour  '  gach  uil.'  On  n'  entend  pa>  te  '  g  '  à  présent 
mais  on  entend  '  ach  '  toujours  dans  cette  phrase.  V.  les 
remarques  du  Prof.  Douglas  Hyde  sur  ce  point,  p.  199  de  sou 
livre  des  légendes  populaires  irlandaises  '  Beside  the  Fire  ' 
où  il  montre  la  même  particularité  de  prononciation  à  l'ouest 
de  l'Irlande. 


POEMES  103 

La  jeune  biche  a  plaisir 

A  y  habiter. 

Amante  du  gaillard  gris 

Au  pas  le  plus  bruyant 
425     Qui  n'enverrait  pas  chercher  le  clergé 

Pour  les  marier  ; 

Elle  a  le  corps  pur  et  sain, 

Sa  conduite  est  toujours  modeste  : 

Son  haleine  jamais  mauvaise. 
430     N'importe  qui  la  baiserait. 

C'est  la  vallée  qui  gagna  l'amour 

De  tous  les  jeunes  gens 

Qui  virent  jamais  sa  pente 

Et  parvinrent  à  la  connaître  ; 
435     Nombreux  en  sont  les  ravins  étroits 

Où  se  lèvent  les  vents, 

Où  les  héros  tiennent 

Réunions. 

Escarpements  des  hauts  cols 
440     Où  reposera  la  troupe  rouge. 

But  désiré  de  toute  partie  de  chasse 

Tant  qu'elle  existe  ; 

Vallée  pleine  de  tous  biens 

Que  produit  la  sève, 
445     De  l'odeur  de  la  framboise 

Et  de  l'églantine. 

Les  poissons  se  trouvent  en  quantité 

Dans  son  voisinage, 

On  les  poursuit  à  la  lueur  des  torches 
450     Dans  les  grandes  rivières, 

Un  harpon  étroit  et  pointu 

438.  Còmbdhalach  :  gén.  de  comhdhail  (com+dail,  assemblée). 

444.  *  a  macli.'    Les  termes  mod.  '  a  mach/  '  a  niuigh/  *  a  steaeh/ 

'  a    stigh/    montrent    la    signification   de    '  in  '    (ann)    avec 

l'accus.  et  le  dat. 
•  a  mach  '=in+mach  :  ace.  de  '  magh  '  champ — mouvement  vers 

l'extérieur. 
451.  '  Morghath  '  :  harpon  à  pêcher.     Muir+gath? 


104  POEMES 

Le  chrann  giubhais  fhéin, 
Aig  fir  shubhach,  threubhach, 
'Nan  dòrnaibh  : 
455     Bu  shclasach  a  leiini 
Bric  air  buinne  réidh, 
Ag  ceapadh  chuileag  eutrom 

'Nan  dòrlaichean. 
Chan  'eil  înuir  no  tir 
460     A'  bheil  tuille  brigb 

'S  tha  feadh  do  chrich 
Air  a  h-òrduchadh. 

An  Crunluath* 

Tha;  il  eilid  auns  a'  ghleannan  so, 
Chan  amadan  gun  eòlas 
465     A  leanadli  i  mur  b'  aithue  dha 

Tighinn  farasda  'na  còmhdhail  : 
Gu  faiteach  bbi  'na  h-earalas,  ' 
Tighinn  an  faisge  dhi  mu'n  caraich  i, 
Gu  faicilleach,  gle  earraigeach, 
470         Mu'm  f  airicli  i  'ga  còir  e  : 

Feadh  shloc,  is  ghlac,  is  chamhanan, 
Is  chlach  a  dheanadh  falach  air, 
Bhi  beachdail  air  an  talamh, 

'S  air  a'  char  a  thig  na  ncòil  air; 
475     'S  an  t-astar  bhi  'ga  tharruing  air 
Cho  macanta  *s  a  b'  aithne  dha, 
Gu'n  glacadh  e  'ga  h-aindeoin  i 

Le  h-anabharra  seòltachd  ; 
Le  tùr,  gun  ghainne  baralach, 

I  k  TTrlar,  Siubhal  et  Criuiluath  le  derniei  Bemble 

moderne.  Macbain  le  fait  dériver  de  '  cruinn+luath  '  mais  Joseph 
Macdonald  dans  le  premier  traité  vraiment  scientifique  que  nous 
ayons  concernant  la  musique  de  la  cornemuse,  composé  1760/63,  écrit 
'  Creanluth.'  Les  formes  de  dictionnaire  sont  '  Crunulùtli  '  et 
-  Crualuatb.'  Le  mot  exprime  vivacité  et  habilité  de  mouvement» 
des  doigts. 

457.  -  Dòrlach  '  :   une  poignée,  une  quantité;  dorn+lach. 


POEMES  105 

A  la  hampe  de  sapin, 

Entre  les  mains  des  gaillards, 

Joyeux  et  vigoureux  : 
455     Heureuses  sont  les  truites 

Sautant  dans  le  courant  placide, 

Attrapant  au  vol  les  mouches  légères 

A  pleine  bouchée. 

Il  n'y  a  point  de  mer  ni  de  rivage 
460     Où  se  trouve  meilleur  approvisionnement 

Que  la  nature  n'a  arrangé 

D'un  bout  à  l'autre  de  tes  bords. 

Mouvement  au  Galop 

La  biche  est  dans  ce  vallon, 

Un  simple,  ignorant  de  tout 
465     Ne  pourrait  la  suivre  s'il  ne  savait 

Comment  parvenir  à  la  rencontrer  facilement; 

Sur  le  qui- vive  pour  elle, 

Il  faut  qu'il  l'aborde  avant  qu'elle  s'enfuie, 

Soigneusement,  sournoisement, 
470     Avant  qu'elle  ne  le  sente  près  d'elle  : 

A  travers  les  cavités,  les  creux,  les  grottes, 

Parmi  les  pierres  où  il  pourrait  se  dissimuler, 

Examinant  avec  soin  le  terrain 

Et  la  direction  des  nuages  : 
475     Raccourcissant  la  distance 

Aussi  doucement  qu'il  lui  est  possible, 

Ainsi  il  pourrait  la  captiver  malgré  elle, 

Avec  ses  fines  ruses  ; 

Avec  prudence,  sans  manque  de  jugement, 

Crean  (agiter^  remuer)-)- luth  (articulation).       Cf.  gaél.  ait.   (1) 
articulation,  (2)  art,  façon. 

Il  existe  environ  300  pibrocks. 
462.  Le  poète  s'adresse  ici  à  la  montagne  elle-même. 
467.  Pour  na  li-earalas  '  je  préfère  lire  '  na  earalas. 

478.  Le  h-anabharra,   &c.       Autre  cas  où   *  li-'   représente   l'absence 

d'une  lettre.    Le  h-  =  leth  (le)  avec. 

479.  '  Baralach  '  =  sén.  de  '  barail.' 


)06  POEMES 

480     An  t-sùil  a  chur  gu  danara, 

A'  stiùradh  na  dubh-bannaiche, 

'S  a  h-aire  ri  f ear-cròice ; 
Bhiodh  rùdan  air  an  tarruing 
Leis  a  lùbt'  an  t-iarunn-earra, 
485     Bheireadh  ionnsuidh  nach  biodh  mearachdach 
Do'n  fhear  a  bhiodh  'ga  seòladh  : 
Spor  ùr  an  deis  a  teannachadh, 
BuilP  ùird  a'  sgailceadh  daingean  ris. 
Cha  diùlt  an  t-srad,  'n  uair  bheanas  i 
490         Do'n  deannag  a  bha  neònach  : 
'Se'm  fùdar  tioram  teann-abaich 
Air  chùl  an  asgairt  ghreannaich. 
Chuireadh  smùid  ri  acfhuinn  mheallanaich 
A  baraille  Nie  Cciseam. 
495      S  i  'n  teachdaire  bha  dealasach, 
Nach  mealladh  e  'na  dhòchas, 
'Nuair  a  lasadh  e  mar  dhealanach, 

Gu  fear-eigin  a  leònadh. 
Gu  silteach  leis  na  peileirean 
500     Bhiodh  luchd  nan  luirgnean  speireanach, 
'S  nam  bus  bu  tirme  bheileanaich, 

Gun  mheilliche  gun  tòicean. 
'S  e  camp  na  Creige-seiliche, 
Bha  ceannsalach  'nan  ceireanaibh. 
505     Le  aingealtas  cha  teirinn  iad, 
Gu  eirthir  as  an  eòlas, 
Mur  ceannsaichear  iad  deireasach, 
Ri  ara  an  criche  deireannaich, 
Tabhannaich  le  deifir 

480.  '  Mettant  son  oeil  hardiment.' 

485.  '  Nach  biodh  mearachdach  '  :  qui  ne  serait  pa>  en  faute. 
493.  '  Qui  mettrait  de  la  fumée  à  l'instrument  faisant  partir  la  çrêle.' 
503.  '  Gun     mheilliche  '  :     ainsi     la     première     éd.         Je     considère 
'  meilliche  '  comme  un  nom  abstrait  de  '  meilleach  '  =  ayant 
les  lèvres  épaisses  : 

e.g.,  Namhaid  òg  thu  an  rôin  mheillich 
Thig  a  sgeiribh  a'  chaoil  ; 


POEMES  107 

480     Epaulant  fermement  son  fusil, 

Visant  du  vieux  mousquet  au  canon,  noir, 

La  gueule  dirigée  sur  un  gaillard  à  cornes, 

La  jointure  du  doigllt  sur  la  courbe 

Qui  faisait  replier  la  détente, 
485     Laquelle  enverrait  la  décharge,  frappant  juste 

Pour  celui  qui  la  dirigeait; 

Pierre  nouvelle,  bien  serrée, 

Coup  dur  du  marteau,  frappant  à  toute  volée, 

L'étincelle  ne  manquera  de  jaillir 
490     Quand  elle  touchera  la  pincée  merveilleuse  : 

C'est  la  poudre  sèche,  compacte,  inflammable, 

Sous  la  bourre  rude, 

Qui  fait  grêler  les  balles 

De  la  gueule  de  Nie  Cciseam. 
495     Voilà  le  courrier  acharné, 

Qui  ne  tromperait  jamais  son  espoir, 

Lorsqu'il  ferait  feu  comme  un  éclair, 

Pour  en  blesser  un  : 

Le  sang  coulerait  des  plaies  des  balles, 
500     Des  galants,  aux  jambes  fuselées, 

A  la  bouche  sèche  et  impertinente. 

Sans  épaisseur,  ni  enflure. 

Le  camp  de  la  Roche  aux  Saules 

Est  leur  retraite  suprême. 
505     Pour  nous  contrarier  ils  n'en  descendent  pas 

Errer  sur  des  terres  inconnues, 

A  moins  qu'ils  ne  soient  domptés  définitivement 

A  leur  dernière  heure, 

Les  chiens  aboyant  avec  ardeur. 

'  Tu  es  le  jeune  ennemi  du  phoque  à  lèvres  épaisses  ' 

&c.  ; 
'  meillich  '  rime  avec  '  sgeiribh  '  montrant  que  l'e 
est  bref. 
505.  Eirthir  (oirthir)  :  la  côte. 

as  an  èolas  :  hors  de  leur  connaissance. 
509.  Les  mots  '  Tabhannaich  ...  a  bhi  .  .  .  air  an  tòrach  '  forment 
une    clause    de    circonstances    accompagnantes.       '  Deilean  ' 
signifie    l'aboiement    fort    des    chiens    et    *  ag  '    (ou    ri),    le 
précédant  est  sous-entendu. 


10£  POEMES 

510         A   bhi   deilean   air   an   tòrach. 

Gun  channtaireachd,  gun  cheileireachd, 
Ach  dranndail  chon  a'  deileis  rithe, 
A  ceanu  a  chur  gu  peirealais 
Aig  eilid  Beinne-Dòbhrain  ! 
515     B'  ionmhainn  le  fir  cheanalta, 
Nach  b'  aineolach  mu  spòrsa, 
Bhi  timchioll  air  ua  bealachaibh 

Le  fearalachd  ua  h-òige  ; 
Far  am  bi  na  féidh  gu  farumach, 
520     'S  ua  fir  'nan  déidh  gu  caithriseach, 
Le  gunna  bu  mhaith  barantas 

Thoirt  aingil  'n  uair  bu  choir  dhi  ; 
'S  le  cuilean  foirmeil,  togarrach, 
'G  am  biodh  a  stiùir  air  bhogadan, 
525     'S  e  miolairtich  gu  sodanach, 

'S  nach  ob  e  dol  'nan  còmhdhail; 
'Na  fhurbaidh  làidir,  cosgarrach, 
Ro  inntinneach,  neo-fhoisinneach, 
Gu  guineach,  sgiamhach,  gob-easgaidh, 
530         'San  obair  bh'aig  a  sheòrsa  : 

'S  a  fhrioghan  cuilg  a'  togail  air, 
Gu  maildheach,  gruamach,  doicheallach, 
'S  a  gheanachan,  cnuasaicht',  fosgailte, 
Comh-bhogartaich  r'an  sgòrnan. 
535     Gu'm  b'arraideach  a'  charachd  ud, 
'S  bu  chabhagach  i  'n  còmhnuidh, 
'N  uair  a  shineadh  iad  na  h-iongauan 

Le  h-athghoirid  na  mòintich  : 
Na  beanntaichean  's  na  bealaichean, 
Gu'm  freagradh  iad  mac-talla  dhuit, 
Le  fuaim  na  gairme  gallanaich 

513.  La   prem.  éd.  a  'A  ceann  a  chur,'  &c,  que  je  crois  juste.     'A 
ceann,'   si^uificant  'afin  de  paralyser  sa   tête/   i.e.,   'Afin 
de  p.  sos  sens.' 
Ai»-  eilid  .  .  .  est  plutôt  difficile  mais  signifie  probablement  '  au 
cas  <U>  la  biche.'    Les  autres  éd.  ont  '  A  cheann,1  &o. 

534.  '  Comh-bhogartaich  '  :  frétillant  d'allégresse  .  .  . 


POEMES  109 

510     Hurlant  furieusement  en  pleine  poursuite, 

Sans  mélodie  ni  accents  harmonieux,         [biche 

Seul  le  grognement  des  chiens  qui  chassent  la 
5.13,  514     De  Beinn-Dòbhrain  et  dont  ils  abasourdissent 
la  tête  ! 
515     C'était  chose  agréable  pour  les  gentilshommes 

Qui  se  connaissaient  bien  en  sports, 

De  se  rendre  autour  des  défilés 

Avec  la  vivacité  de  la  jeunesse  : 

Où  seront  les  cerfs  bruyants, 
520     Et  les  hommes  les  poursuivant  vigilamment 

Aux  mains,  un  fusil  bien  garanti 

Pour  faire  feu  à  temps; 

Suivis  d'un  jeune  chien  ardent  et  vif, 

Dont  la  queue  s'agitait  sans  cesse, 
525     Et  qui  se  plaignait  en  frétillant, 

Sans  peur  d'aller  à  leur  rencontre, 

Chien  fort  et  sanguinaire. 

Hardi,  sans  repos, 

Furieux,  aboyant,  crocs  en  avant 
530     Pour  le  travail  de  son  espèce; 

Ses  poils  raides  se  hérissant 

Aux  sourcils  touffus, 

Le  front  bombé,  hargneux,  grossier, 

Gueule  ouverte,  grinçant  des  dents, 

Prêt  à  leur  déchirer  la  gorge. 
535     Brusques  étaient  les  mouvements  des  cerfe, 

Ils  se  lançaient  toujours  en  hâte, 

Quand  ils  allongeaient  les  sabots 

Prenant  les  raccourcis  de  la  lande. 

Les  montagnes  et  les  cols, 
540     Résonnaient  en  écho, 

Du  bruit  de  l'aboiement  vigoureux 

540.  *  Dhuit  '  :  dat.  d'intérêt. 

541 .  '  gallanaich  '  :    ainsi   toutes   les   éditions.        Je   me   permets   de 

suggérer  qu'il  serait  mieux  de  lire  '  callanaich  '  de  '  callan  ' 
bruit  et  je  l'ai  ainsi  traduit.  Calder  suggère  que  le  mot 
vient  de  galla  (chienne). 


1 10  POEMES 

Aig  farum  a'"  choin  romaich  : 

'Gan  tearnadh  as  na  mullachaibh 

Gu  linnichean  nach  grunnaich  iad, 

545     'S  ann  a  bhitheas  iad  feadh  na  tuinne; 

Anns  an  luinneinich  's  iad  leòinte. 
'S  na  cuileanan  gu  fulasgach 
'S  nach  urrainn  iad  dol  tuilleadh  as, 
550         Ach  fuireach,  's  bhi  gun  deò  annt'. 
Is  ged  a  thuirt  mi  beagan  riu, 
Mu'n  innsinn  uil'  an  dleasdanas  orra, 
Chuireadh  iad  am  bhreislich  mi 

Le  deismireachd  chòmhraidh  ! 


POEMES  111 

Vacarme  du  chien  velu, 

Les  chassant  des  hauteurs, 

Jusqu'aux  étangs  dont  ils  ne  toucheront  le  fond, 
545     Les  voilà  entourés  de  vagues, 

Se  débattant  et  blessés. 

Les  jeunes  chiens  activement 

Les  tenant  à  la  gorge, 

Ils  ne  peuvent  plus  s'échapper,  [souffle. 

550     II  faut  qu'ils  y  restent  jusqu'  a  leur  dernier 

Et  bien  que  je  n'en  aie  dit  que  quelques  mots, 

avant  que  je  pusse  raconter  tout  leur  mérite, 

Ils  me  laisseraient  la  cervelle  confuse 

D'un  chaos  de  mots  ! 


1  1 2  POEMES 


COIRE  A'  CHEATHAICH 

'S  e  Choir'  a'  Clieathaich  nan  aighean  siùbhlach, 
An  coire  rùnach  as  ùrar  form, 
Gu  lurach,  miad-fheurach.  min-gheal  sùghar. 
Gach  lusan  flùar  bu  chùbhraidh  leam  : 
o     Gu  molach,  dubh-ghorm,  torrach,  lùisreagach, 
Corrach,  plùranach,  dlùth-ghlan  grinn, 
Caoin,  ballach,  ditheanach,  cannach,  misleanach, 
Gleann  a'  mhilltich,  's  an  lionmhor  mang. 

Tha  falluing  dhùinte,  gu  daingean,  dùbailt". 
10     A  mhaireas  ùine,  niu'n  rùisg  i  Iom, 

De'n  fheur  as  cùl-fhinne  dh'  fhàs  na  h-ùrach. 

'S  a  bhàrr  air  lùbadh  le  drùchda  trom, 

Mu  choire  guanach  nan  torran  uaine, 

A'  bheil  luibh  is  luachair  a  suas  g' a  cheann  ; 
15     'S  am  fasach  guamach  an  cas  a  bhuana, 

Na'm  b'àite  cruaidhe,  'm  biodh  tuath  le'n  suim. 

Tha  trusgan  faoilidh  air  cruit  an  aonaicb 
Chuir  suit  is  aoibh  air  gach  taobh  ad  chom, 
Min-fheur  chaoracb.  is  barra  bhraonan, 
20     ;S  gach  lus  a  dh'fhaodadh  bhi  'n  aodann  thom 
M'an  choir'  as  aoigheala  tha  r'a  fhaotainn, 
A  chunna'  daoine  an  taobh  so  'n  Fhraing  ; 
Mur  dean  e  caochladh,  b'  e  'n  t-aighear  saoghalt' 
Do  ghillean  aotrom  bhi  daonnan  ann. 

■  Coir'  a'  Clieathaich.'  '  Ceathach  '  est  l'ancien  gén.  sing.  pri» 
comme  nom.  Ceô — ceathach;  cf.  dé,  fumée,  deathach  ;  dair,  chêne, 
darach.  '  Darach/  '  deathach,'  '  ceô  '  et  '  ccathacli  '  sont  les  nom. 
d'aujourd  '  hui.  Cette  vallée  a  environ  deux  milles  et  demi  de 
long  et  s'  élève  de  800  à  plus  de  2,500  pieds. 
2.  'as  ùrar  fonn  '  :  forme  rel.  de  '  is  '+comp.  prcm.+subst.= 
superlatif. 

8.  Quelques  éditions  out  '  canach  '  '  cotonneuse.' 

9.  '  mîsleanach  '  de  '  milse  ' — signifiant  '  herbage  savoureux.' 

11.  '  dh'  fhàs  '  =  '  de  fhàs  '  :   '  ùrach,'  gén.  de  '  ùir  ';  '  fàs  '  est  un 
eubst.  ici. 


POEMES  U3 


LA  VALLEE  DE  LA  BRUME 

C'est  la  Vallée  Brumeuse  des  biches  agiles, 
Vallée  très  chère  au  sol  le  plus  frais, 
Belle,  florissante,  tapissée  de  blanc,  fraîche, 
Où  croît  chaque  fleurette  la  plus  parfumée  ; 
5     Hérissée,  vert-sombre,  fertile,  herbeuse, 

Escarpée,  parsemé  de  fleurs  pures  et  abondantes. 
Douce,  tachetée,  fleurie,  délicate,  graminée, 
Vallée  de  troscarts,  refuge  des  faons. 

Le  manteau  est  fermé  et  doublement  sûr, 
10     II  demeure  quelque  temps  avant  de    disparaître. 
Manteau  d'herbe  au  dos  clair  que  produit  la  terre 
Et  dont  la  tête  se  penche  sous  le  poids  de  la  rosée  ; 
Tout  autour  de  la  Vallée  riante  des  tertres  verts, 
Où,  jusqu'  à  l'extrémité  l'on  voit  des  plantes  et  des 
roseaux, 
15     Le  coteau  avenant  serait  prêt  pour  la  fenaison 

S'il  était  un  endroit  dru,   commode  aux  paysans  et 
leurs  troupeaux. 

Le  manteau  verdoyant  qui  couvre  la  lande  entière 
Met  de  la  vigueur  et  de  la  joie  sur  tes  flancs 
Herbage  tendre  aux  moutons,  fleurs  de  la  terre-noix 
20     Toute  herbe  qui  embellit  des  buttes 

Pousse  autour  de  la  Vallée  la  plus  hospitalière 
Qu'on  ait  jamais  vue  de  ce  côté  de  la  Manche, 
A  moins  qu'elle  ne  change  ce  sera  une  source  constante 

de  joie 
Pour  les  adolescents  légers  d'y  demeurer. 

L9.    rerre-noix— Bunium  flexuosum. 

'  La    terre-noix    est    un    genre    de    plante    dont     la     fleur    est 

ordinairement  à  cinq  feuilles  '  (Hatzfeld  et  Darmsteter,  sub 

'  Terre-noix.5) 
22.     ii    Fhraing  =  de'n    Fhraing=de    la    France:    An    Fhraitiy.    Na 

Frainge. 
2,'}.  '  saoghalt  '  de  saoghal;  au  monde,  durant  la  vie  ici  bas. 


1 1 4  POEMES 

25      S  ann  mu'n  Ruadh  Aisridh  dh'fhàs  na  cuairteagan, 
Clùmhor,  cuachanach,  cuannar,  àrd, 
A  h-uile  cluaineag  's  am  bàrr  air  luasgadh, 
S  a'  ghaoth  'gan  sguabadh  a  null    s  a  nall  : 
Bun  na  cioba  is  bàrr  a'  mhilltich, 

30  A'  chuiseag  dhireach,  's  an  fbiteag  cham  : 
Muran  brioghor,  's  an  grunnasg  lionmhor, 
Mu'n  chuile  dhiomhair,  am  bi  na  suinn. 

Tha  sliabh  na  Làirig  an  robh  Mac  Bhàididh, 
JNa  mhothar  fàsaich,  's  'na  stràca  trom  ; 

35     Slios  na  Bàn-leacainn,  chan  i  as  taire, 

'S  gur  trie  a  dh"  àraich  i  'n  làn-damh  donn  . 
S  na  h-aighean  dàra  nach  téid  do'n  bhà-thaigh, 
A  bhios  le  'n  àlach  gu  h-àrd  'nan  grunn, 
S  na  laoigh  gu  h-ùiseil  a  là  's  dh'  oidhche, 

40     "S  na  h-uiread  cruinn  diubh  air  Druim-clach-fionn. 

Do  leacan  caoimhneil,  gu  dearcach,  braoileagach, 
Breac  le  feireagan  as  cruinn  dearg  ceann  ; 
Ancreamh  'na  chathraichibh,  am  bac  nan  staidhrichean, 
Stacan  fraoidhneasach  nach  bu  ghann  : 
45     Am  bearnan-bride,  's  a'  pheighinn  rioghail, 
S  an  canach  mui-gheal,  's  am  mislean  ann; 
'S  a  h-uile  mir  dheth,  o'n  bhun  as  isle 
Gu  h-ionad  cirean  na  crich'  as  àird'. 

'S  riomhach  cota  na  Creige  Moire, 
50       S  chan  'eil  am  fòlach  ad  chòir  'san  am, 
Ach  meanan  còinnich,  o  's  e  bu  nòsaire, 
Air  a  chòmhdachadh  bhos  is  thall  : 

iVj.  Ruadh  Aisridh — '  Sentier  Bouge.' 

39.   Ntillteach    [troscart  des   marais]    s'emploie   aussi   pour   nommer 

l'herbe  ordinaire. 
33.   Mac  Bhàididh  :  angl.  Mac  Wattie. 
35.  Bàn-Leacainn  :  Pente  Blanche  :   nom  de  lieu. 

38.  àlach  :  progéniture  :  aussi  '  àl/  gén.  '  àil.' 

39.  à  la  's  a  dh'  oidhche  :  a  dh  =  do  do  :  double  part. 

40.  Druim-clach-fionn  :  Sommet  de  la  pierre  blanche. 

45.  Bearnan-bride,  ou  '  bearna  Bride':  de  bearn  'entaille'?  (1» 
feuille  est  dentelée)  et  Bride  (Sainte  Bride)  :  la  plante  est 
en  fleurs  *  air  Làtha  Fhéill-Bride  '  (à  la  Saint  Bride). 


POEMES  115 

Tout   autour    de    Ruadh    Aisridh    poussent    les    touffes 

d'herbe 
Abritées,  en  forme  de  coupe,  nettes,  hautes, 
Toutes  petites  pelouses  dont  la  surface  ondule, 
Par  ici  et  par  là  au  gré  du  vent  ; 
La    racine    du    scirpe    gazonnant,    la    tête    de    l'herbe 


30     Le  jonc  droit,  le  vulpin  genouillé, 

L'agrostide  robuste  et  le  séneçon  abondant, 
Croissent  autour  du  sanctuaire  secret  où  demeurent  les 
braves. 

La  pente  du  Col  où  demeurait  Mac  Bhaididh 
N'est  plus  qu'un  désert  farouche  aux  touffes  lourdement 
penchées 
35     Le  flanc  de  la  Bàn-Leacainn  n'est  pas  le  moins  estimé, 
Et  souvent  le  grand  cerf  brun  s'y  nourrissait: 
Et  les  biches,  au  temps  du  rut,  qui  ne  veulent  entrer 

dans  la  bergerie 
Demeurent  en  groupes  sur  les  hauteurs  avec  leurs  petits 
Qui  se  reposent  nuit  et  jour  à  leur  aise, 
40     Bon  nombre  de  ceux-ci  se  rassemblent  sur  Druim-clach- 
fionn. 

Ton  coteau  avenant,  fertile  en  baies,  en  myrtilles, 
Tacheté  de  fausses  mures  aux  têtes  rondes  et  rouges  ; 
La  gentiane  en  bouquets  aux  coins  des  roches  échelon- 
nées 
Les  précipices  aux  bords  nombreux  : 
45     Le  pissenlit  et  le  pouliot, 

La  blanche  linaigrette  lisse  et  la  flouve  odorante 
Le  couvrent  entièrement,  de  la  base 
A  la  plus  haute  cime. 

L'habit  du  Grand  Rocher  est  magnifique, 
50     II  n'y  a  point  d'herbe  rude  près  de  toi  à  présent, 
Mais  de  la  mousse  fine,  chose  la  plus  fraîche 
Qui,  de  part  et  d'autre,  te  couvre  : 


116  POEMES 

Na  lagain  chòmhnard  am  bun  nan  sròineag, 
Am  bi  na  sòbhraichean,  's  neòinein  fann, 
55     Gu  bileach,  feòrneanach,  milis,  ròineagacb, 
Molach,  ròmach,  gach  seòrs'  a  th'  ann. 

Tha  mala  ghruamach  de'n  bhiolair  uaine 
Mu'n  h-uile  fuaran  a  th'  anns  an  fhonn  ; 
Is  doire  shealbhag  aig  bun  nan  garbh-chlach, 
60     'S  an  grinneal  gainmhich'  gu  meanbh-gheal  protm  : 
'Na  ghlugan-plumbach  air  ghoil  gun  ain-teas, 
Ach  coilich  bùirn  tighinn  a  grunnd  eas  lom, 
Gach  sruthan  uasal  'na  chuailean  cùl-ghorm, 
A'  ruith  'na  spùta,  's  na  lùba  steoll. 

65     Tha  bradan  tarr-gheal  's  a'  choire  gharbhlaich. 
Tha  tighinn  o'n  fhairge  bu  ghailbheach  tonn, 
Le  luinneis  mheanmnach  ag  ceapadh  mheanbh-chuilcag 
Gu  neo-chearbach  le  cham-ghob  crom  : 
Air  bhuinne  borb,  is  e  leum  gu  foirmeil, 

70     'Na  éideadh  colgail  bu  ghorm-glas  druim, 

Le  shoislean  airgid,  gu  h-iteach,  meanbh-bhreac, 
Gu  lannach,  dearg-bhallach,  earr-gheal  sliom. 

'S  e  Coir'  a'  Cheathaich  an  t-aithir  priseil, 
'S  an  t-àite  rioghail  mu  'm  bidht'  a'  sealg, 

75     Is  bidh  féidh  air  ghiùlan  le  lamhach  fùdair 

Ag  cur  luaidhe  dhùbh-ghorm  gu  dlùth  'nan  eolg: 
An  gunna  gleusda,  'an  cu'lean  eutrom, 
Gu  fuileach,  feumanach,  treabhach,  garg, 
A'  ruith  gu  siùbhlach,  ag  gearradh  shùrdag, 

80     'S  a'  dol  g'a  dhùbhlan  ri  cùrsan  dearg. 

Gheibhte  daonnan  mu  d'ghlacaibh  faoine 
Na  h-aighean  maola,  na  laoigh,  's  na  maing  ; 
Sud  bu  mhiann  leinn  am  maduinn  ghrianaich. 
Bhi  dol  g'an  iarraidh,  's  a'  fiadhach  bheann 
Ged  thigeadh  siantan  oirnn,  uisg  is  dile, 

63.  "  Gach  sruthan  '  se  rapporte  à  '  'Na  ghlugan-plumbach.'  Suc. 
65-72.  Ces  vers  forment  un  couplet  admirable. 


POEMES  Uf 

Les  creux  lisses  à  la  base  des  saillies 
Où  croissent  les  primevères  et  les  frêles  pâquer* 
55     Feuillues,  herbeuses,  douces,  ébouriffées, 
Hérissées,  touffues,  toute  espèce  s'y  trouve. 

Des  bordures  sombres  de  cresson  vert 
Entourent  toute  source  de  ce  terrain  : 
Des  plants  d'oseille  à  la  base  des  pierres  rugueuses, 
60     Ainsi  que  du  gravier  sablonneux,  fin  et  blanc; 
Bouillonnant  sans  chaleur  avec  des  clapotements, 
1  )es  bulles  d'eau  se  formant  au  bas  des  cascades  limpides. 
Chaque  ruisseau  noble  en  tourbillon  à  surface  bleue. 
Coule  rapidement  en  zigzaguant  en  torrents. 

65     Dans  la  rude  vallée,  le  saumon  au  ventre  blaiv 

Qui  vient  de  l'océan  aux  flots  orageux. 

Attrape  agilement,  avec  fougue  enjouée,  les  mâcherons 

De  son  bec  courbé  : 

Dans  le  torrent  furieux,  il  se  lance  vigoureusement, 
70     Vêtu  de  son  armure  martiale,  au  dos  bleu-gris, 

A  reflets  argentés,  nageoires  déployées,  mouchetée, 

Ecailleuse,  tachetée  de  rouge,  queue  blanche  glissante. 

Vallée  de  la  Brume,  retraite  bien-aimée, 

Endroit  royal,  et  rendez-vous  de  chasse, 
75     Où  les  coups  de  fusil  abattent  les  cerfs 

Le  plomb  bleu-noir  abondamment  lancé  dans  leur  peau  : 

Le  fusil  reluit  et  le  chien  au  pied  agile 

Sanglant,  au  flair  développé,  fort  redout;. 

Se  précipite  et  fait  des  gambades 
80     Mettant  au  défi  le  coursier  rouge. 

Toujours  autour  de  tes  coins  secrets  se  réfugiaient 
Les  biches  sans  cornes,  leurs  petits  et  les  faons  ; 
Nous  trouvions  notre  plaisir  le  matin  ensoleillé 
A  aller  les  chercher  et  chasser  parmi  les  montagnes 
85     Malgré  les  rafales,  la  pluie,  le  déluge, 

7-i.  aithir  :  terme  inusité  aujourd  'hui. 

7ô.  '  air  ghiùlan  '  se  dit  d'un  corps  mort  que  l'on  porte. 


118  POEMES 

Bha  seòl  g'ar  dìdean  rau'n  chrìch  'san  ani, 

An  creagan  iosal  am  bun  na  frithe, 

'S  an  leaba-dhiona,  's  mi  'm  shmeadh  ann. 

'S  a'  nxhaduinn  chiùin-ghil,  an  am  dhomh  dùsgadh 
90     Aig  bun  na  stùice  b'  e  'n  sùgradb  leam  ; 

A'  chearc  le  sgiùcan  ag  gabhail  tùchain. 

'S  an  coileach  cùirteil  a'  dùrdail  crom  ; 

An  dreathan  sùrdail,  's  a  ribheid  chiùil  aige . 

Ag  cur  nan  smùid  deth  gu  lùthor  binn  ; 
95     An  druid  's  am  brù-dhearg,  le  moran  ùinich. 

Ri  ceileir  sunntacb  bu  shiùbhlach  rann. 

Bha  eòin  an  t-sléibhe  'nan  ealtain  glé  ghlan 
Ag  gabhail  bheusan  air  ghéig  's  a'  choill  : 
An  ùiseag  cheutach,  's  a  lùinneag  féin  aice. 

100  Feadan  spéiseil  gu  réidh  a'  seinn  : 

A  chùbhag,  's  an  smeòrach,  am  barr  an  ògain. 
Ag  gabhail  òrain  gu  ceòlmhor  binn  : 
'N  uair  ghoir  an  cuanal  gu  loinneil  guanach. 
'S  e  's  glain'  a  chualas  am  fuaim  's  a'  ghleann. 

105     'N  uair  ghoir  an  cuanal  gu  loinneil  guanach. 

De  a  h-uile  seòrsa  bu  choir  bhi  ann, 

Damh  na  cròice  air  srath  na  mòintich, 

'S  e  gabhail  crònain  le  dreòcam  àrd  ; 

A'  dol  'san  fhèithe  gu  bras  le  h-éibhnea^. 
110     A'  mire-leumnaich  ri  éildeig  dhuinn  : 

B'  i  sin  an  ribhinn  a  dh'  fhàs  gu  mileanta. 

Foinneamh,  fìnealta,  direach,  seang. 

Tha  mhaoisleach  chùl-bhuidh'  air  feadh  na  dùslainn 
Aig  bun  nam  fiùran  'gan  rùsgadh  loin , 

115     'S  am  boc  gu  h-ùdlaidh  ri  leaba  chùirteil, 
'S  e  'ga  bùrach  le  rùtan  crom  ; 
'S  am  minnean  riabhach  bu  luime  cliathaich. 
Le  chuinnean  fiata,  is  fiadhaich'  ceann, 
'Na  chadal  guamach  an  lagan  uaigneach 

120     Fo  bhàrr  na  luachrach  'na  chuairteig  chruinn. 

101  '  ogain  '  et  '  orain  '  sout  tous  doux  au  singulier. 


POEMES  1  1 9 

Nous  trouvions  toujours  moyen  de  nous  abriter  dans  les 

bornes 
Sous  les  rochers  bas  au  pied  de  la  forêt. 
Dans  le  lit  à  couvert,  je  m'étendais. 

Au  matin  clair,  paisible,  c'était  une  joie  pour  moi 
90     De  m'éveiller  au  pied  du  rocher, 

.a  poule  de  bruyère  caquetant  une  chanson  sou 
Et  le  coq  fier  chantonnant  à  voix  basse  : 

I  .e  roitelet  vif  de  son  pipeau  musical 
Lance  des  notes  fortes  et  douces 

95     L'étourneau  et  le  rouge-gorge,  avec  beaucoup  de  bruit, 
Sifflent  joyeusement  des  vers  rapides. 

Les  oiseaux  de  la  montagne  en  volée  remarquablement 

belle 
Chantaient  leurs  mélodies  sur  les  abrisseaux  du  boi    ; 
L'alouette  splendide  faisait  entendre  doucement 
100     Une  chanson  d'amour  de  sa  façon  particulière  ; 
Le  coucou  et  la  grive  aux  cimes  des  branches 
Gazouillaient  leurs  accents  mélodieux  : 
Lorsque  le  choeur  résonnait  léger  et  joyeux, 
C'était  la  plus  pure  chanson  entendue  dans  la  vallée. 

.105     Quand  toute  espèce  vivante  s'assemble 
Qui  devrait  être  sur  tes  flancs, 
Le  cerf  à  la  tête  boisée  dans  la  vallée  de  la  lande 
Pousse  sa  plainte  à  hauts  cris  : 

II  s'élance  dans  le  marais  impétueusement,  avec  joie, 
110     Sautant  gaiement  vers  une  biche  brune  ; 

Voilà  la  reine  qui  a  grandi  majestueuse, 
Elégante,  gracieuse,  droite  et  svelte. 

La  daine  au  dos  jaune  vit  au  milieu  du  fourré 
Au  pied  des  jeunes  arbres  qu'elle  écorce, 

115     Et  le  chevreuil  solitaire  prépare  un  lit  noble, 
Comme  il  creuse  la  terre  de  son  sabot  courbé  : 
Le  faon  aux  flancs  maigres  et  tachetés 
Aux  narines  timides,  à  la  tête  farouche, 
Dort  confortablement  dans  une  retraite  secrète 

120     Abrité  sous  les  joncs  dans  une  petite  couche  ronde. 


1^0  POEMES 

Is  lìonmhor  cnuasach  a  bha  mu'n  cuairt  duit, 
Ri  àm  am  buana,  bu  luaineach  clann, 
Ri  tionnal  guamach,  gu  fearail,  suairce, 
"S  a'  roinn  gu  h-uasal  na  fhuair  iad  ann; 
125     Céir-bheach  'na  cnuacaibh,  's  an  nead  'na  chuairteig, 
'S  a'  nihil  'ga  buanach  air  cruaidh  an  tuim. 
Aig  seillein  viabhacha,  breaca,  srianach, 
Le  Jn  crònan  cianail  as  fiata  srann. 

Bha  eus  r'a  îhaotainn  de  chnothan  caoiuc 
130     'S  eha  b'  iad  na  caochagan  aotrom  gann. 
Ach  bagailt  mbaola,  bu  taine  plaoisg, 
A'  toirt  brigb  a  laodhan  nain  maoth-shlat  fann  ; 
Srath  nan  caochan  'na  dhosaibh  caorainn, 
S  na  phreasaibli  caola,  làn  chraobh  is  mheang  : 
135     Na  gallain  ùra,  's  na  faillein  dlùfcha, 

i  barrach  dùinte  mu  chùl  nan  crann. 

Gach  àite  timchioll    nam  fàsach  iomlan, 
Màm  is  Fionn-ghleann  's  an  Tuilm  'ga  choir 
Meall-tionail  laimh  ris,  gu  molach,  tlàthail, 
140     W  e  chulaidh  dh'  àrach  an  àlaich  òig  ; 

Na  daimh  's  na  h-éildeau  am  maduinn  Chéitem 
Gu  moch  ag  éirigh  air  réidhlean  feòir, 
Greighean  dhearg  dhiubh  air  taobh  gach  leargain 
Mu'n  choire  ^luirbhlaieh.  d'an  ainm  an  C 

122.  '  Ei  àni  am  buaiia  '  :  quaud  le  temps  fut  venu  de  les  récolter 
138.  e  Màm  '  :    un    mont    grand   et   arrondi:    Fionnghleann  :    Vallée 

BlancLe. 
'  Tuilm  '  :    Butte    Verte  :    du    norvégien    '  holmr  '    maintenant 

naturalisé  eu  gaélique.     Nom.  Tolm.    Le  *  t  '  de;  l'art,  déf. 

gaél.,  s'attache  généralement  aux  moK-  norvég.  commençant 

par  un  'h,'  e.g.,  '  haf  '  est  devenu  an  tabl  :   la  mer. 


POEMES  121 

Nombreux  étaient  les  trésors  autour  de  toi 
Au  temps  de  la  récolte,  les  enfants  gambadaient 
A  l'assemblée  heureuse,  bravement,  complaisamment, 
Se  partageant  noblement  ce  qu'ils  trouvaient: 
125     Des  blocs  de  cire  d'abeilles,  leur  nid  en  forme  de  boule, 
Sur  la  rude  pente  du  coteau  recueillant  le  miel, 
Des  abeilles  rayées,  tachetées,  mouchetées. 
Qui  bourdonnent  tristement  faisant  beaucoup  de  bruit . 

Là,  il  y  avait  des  noix  mûres  en  abondance 

330     Et  point  de  coquilles  vides  et  légères 

Mais  des  masses  lisses,  la  coque  bien  mince, 

Qui  prennent  leur  force  de  la  sève  des  jeunes  branches  ; 

Vallée  pleine  de  sources,  de  bouquets  de  sorbier. 

De  buissons  élancées,  d'arbisseaux  et  de  rameaux, 

335     De  jeunes  plants  et  de  rejetons  épais. 

De  fougères  sauvages  entourant  les  arbres. 

Tout  à  Tentour  est  devenu  désert, 
Mam  et  Fionn-ghleann  et  le  Tuilm  voisin, 
Meall-Tionail  proche,  herbeux  et  abrité. 
340     C'est  l'endroit  pour  faire  grandir  les  petits  : 
Les  cerfs  et  les  biches,  le  matin  de  mai, 
Se  lèvent  de  bonne  heure  dans  la  plaine  verte 
Troupes  rousses  au  côté  de  chaque  pente, 
Autour  de  la  Vallée  rugueuse,  appelé.    Vallée  de  la 
Brume. 


122  POEMES 


CUMHA  CHOIRE  A    CHEATHAICH 

S  duilich  leam  an  oàradh 
Th'  air  coire  gorm  an  fhàsaicli. 
An  robh  mi  greis  am  àrach 
'S  a'  Bhràighe  so  thall  : 
5     'S  iomadh  fear  a  bhàrr  orm, 
A  thaitneadh  e  r'a  nàdur, 
Na'm  biodh  e  mar  a  bha  e, 

'N  uair  dh'  fhàg  mi  e  nall  : 
Gunnaireachd  is  làmhach 
10     Spurt  is  aobhar  gàire, 

Chleachd  bhi  aig  na  h-àrmuinn 

A  b'àbhaist  bhi  's  a'  ghleann  : 
Rinn  na  fir  ud  fhàgail 
'S  Mac  Eoghainn  t'ann  an  dràsda, 
15     Mar  chlach  an  ionad  càbaig 
An  àite  na  bh'  ami. 
Tba  'n  coir'  air  dol  am  fàillinn, 
Ged  ithear  thun  a'  bhlàir  e, 
Gun  duin'  aig  am  bheil  cas  deth 
20         Mu'n  ait  anns  an  am  ; 

Na  féidh  a  bh'  ann  air  fhàgail. 
Cha  d'  fhuirich  gin  air  àruinn, 
'8  chan  'eil  an  àite-tamha 
Mar  bha  e  's  a'  ghleann. 
25     Tha  'm  baran  air  a  shàraeh'. 
Is  dh'  fhartlaich  air  an  tàladh, 
Gun  sgil  aig'  air  an  nàdur 

Ged  thainig  e  ann  : 
B'  fheàrr  dha  bhi  mar  b'àbhaist, 
30     Os  cionn  an  t-soithich  chàtha. 

Le  poète  nous  donne  une  comparaison  tranchante  de  La  vallé* 
telle  qu'il  l'a  quittée  et  toile  qu'il  la  retrouve. 

am  àrach  *  =  de  mo  àrach  :  de  mon  adolescence. 


POEMES  123 


LA  COMPLAINTE  DE  LA  VALLEE  DE  LA  BRUME 

Je  suis  désolé  de  l'état 

De  la  vallée  verte  de  la  lande, 

Où  je  fus  élevé  quelque  temps 

Sur  la  Pente  opposée  ; 
o     II  y  a  beaucoup  d'hommes  ainsi  que  moi 
Dont  l'esprit  serait  content 
Si  la  vallée  restait  dans  son  état  d'autrefois, 

Quand  je  l'ai  quittée  pour  venir  ici  : 
La  mousqueterie  et  le  tir  s'y  pratiquaient 
10     Les  sports  et  les  occasions  de  rire 
Ne  manquaient  pas  pour  les  héros 

Qui  habitaient  la  vallée  ; 
Ces  braves  l'ont  quittée 
C'est  Mac  Eoghainn  qui  y  vit, 
15     Comme  une  pierre  au  lieu  de  fromage 

Remplaçant  ce  qui  y  était. 

La  vallée  s'est  flétrie, 
Bien  que  broutée  jusqu'au  ras  du  sol 
Aucun  homme  n'en  a  soin 
20         Dans  la  proximité  à  présent: 

Les  cerfs  qui  l'habitaient  l'ont  quittée 
Il  n'en  reste  aucun  dans  le  voisinage 
Et  leur  refuge  dans  la  vallée 

N'est  plus  le  même. 
25     Le  régisseur  est  bien  déconcerté 
Il  n'a  su  les  apprivoiser 
Il  est  ignorant  de  leurs  habitudes 

Bien  qu'il  soit  venu  : 
Mieux  vaudrait  pour  lui  comme  d'habitude 
30     Qu'il  restât  au-dessus  de  la  terrine  de  bouillie 

14.  '  Mac  Eoghainn.'  Nous  apprenons  de  v.  121  que  le  nom  complet 
était  Alasdair  MacEogliainn.  Il  semble  avoir  été  une  sorte 
d'intendant,  surveillant  la  cuisine  du  comte  de  Breadalbane. 

J2.  -  air  àruinn  '  :  dans  ses  limites;  àruinn  veut  aussi  dire  -  forêt.' 


124  POEMES 

'S  a  lamhan  a  bhi  làn  di, 

'Ga  fàsgadh  tu  teann. 
'S  e  niuthadh  air  an  t-saoghal, 
An  coire  laghach,  gaolach, 
35     A  dhol  a  nis  air  faondradh, 

'S  am  maor  a  theachd  ann  : 
S  gur  h-e  bu  chleachdainn  riamh  dha 
Bhi  trusadh  nan  cearc  biata, 
Gur  trie  a  rinn  iad  sianail, 
10         Le  pianadh  do  lànih  ; 

Is  iad  'nam  baidnibh  riabhach. 
Mu  t'amhaich  's  ann  ad  sgiathau, 
Bhiodh  itealaich  is  sgiabail 

Mu  t'fhiaclan  'san  am  : 
Bu  ghiobach    thu  ri  riaghailt 
Mu  chidsin  tigh  an  Iarla, 
Gar  nach  b'  e  do  mhiann 

Bhi  cur  bhian  air  an  staing. 
Ged  tha  thu  nis  's  a'  Bhràighe, 
Oha  chonipanach  le  càch  thu, 
S  tha  h-uile  duine  tàir  ort 

O'n  thàinig  thu  ann  : 
S  éiginn  duit  am  fàgail 
Na  's  miosa  na  mar  thàinig, 
55     Cha  taitinn  thu  ri  'n  nàdur 
Le  cnàmhan  's  le  cainnt  : 
Ged  fhaiceadh  tu  ghreigh  uallach, 
'N  uair  rachadh  tu  mu'n  cuairt  daibh. 
Cha  dean  thu  ach  am  fuadach' 
60         Suas  feadh  nam  beann,- 

Leis  a'  ghunna  nach  robh  buadhmhoi , 
:S  a*  mheirg  air  a  toll-cluaise, 
Chan  eirmis  i  na  cruachan, 
An  cuaille  dubh,  cam. 

40.  Ici  le  poète  s'adresse  au  régisseur. 

44.  'Mu  t'  fhiaclan  '  :  autour  do  tes  dents. 

48.  '  stansf  '  :  mol  rare:  du  norvégien  '  stanga  '  perche 


POEMES  1Î5 

Les  mains  collantes, 

Lorsqu'il  la  pétrit. 
La  nature  est  bien  changée, 
La  vallée  riante  et  douce 
35     Est  de  nos  jours  complètement  négligée, 
Le  bailli  y  est  arrivé: 
C'était  toujours  son  habitude 
De  rassembler  les  poules  grasses, 
Souvent  ont-elles  poussé  des  cris  perçants 
40         De  douleur  sous  tes  mains  ; 
En  groupes  bigarrées 
Autour  de  ton  cou  et  de  tes  côtés 
Régnaient  agitation  et  battement  d'ailes, 
Les  plumes  volant  autour  de  ta  tête. 
45     Tu  étais  habile  à  surveiller 
La  cuisine  du  Comte, 
Bien  que  tu  n'  eusses  jamais  envie 

De  mettre  des  peaux  sur  des  perches. 
Bien  que  tu  habites  la  Bràighe*  à  présent 
50     Le  reste  des  habitants  ne  te  considèrent  pag  un 
compagnon, 
Tout  le  monde  te  déteste 

Depuis  le  moment  de  ton  arrivée  : 
Il  faut  que  tu  les  quittes 
Pires  que  tu  ne  les  as  trouvés, 
55     Tu  ne  peux  t'accorder  avec  eux 

A  cause  de  tes  querelles  et  de  ta  gronderie  : 
Même  si  tu  vois  le  noble  troupeau, 
Lorsque  tu  t'approches  d'eux, 
Tu  ne  fais  que  de  les  effaroucher 
60         Au  coeur  des  montagnes  ; 
Ton  fusil  sans  valeur 
Sa  lumière  rouillée, 
Il  rate  même  les  meules, 
Gourdin  inutile  qu'il  est. 

*  Bràighe  :  pente  d'une  colline  :  nom  de  lieu  ici 


126  POEMES 

65     'S  e  'n  coire  chaidh  au  déis-laimh, 
O'n  tha  e  nis  gun  fhéidh  ann, 
Gun  duin'  aig  am  bheil  spéis  diubh, 

Ni  feum  air  an  cùl  : 
O'n  tha  iad  gun  fhear-gléidhte, 
70     Chan  fhuirich  iad  r'a  chéile, 
"S  ann  a  ghabh  iad  an  ratreuta 

Seach  réidhlean  nan  lùb. 
Chan  'eil  pris  an  ruadh-bhuic, 
An  coille  no  air  fuarau. 
75     Nach  b'  éiginn  da  bhi  gluasad 
Le  ruaig  feadh  na  dùthch'  ; 
S  chan  'eil  a  nis  mu'n  cuairt  da 
Âon  spurt  a  dheanadh  suairceas, 
Na  thaitneadh  ri  duin'-uasal 
80         Ged  fhuasgladh  e  ehù. 

Tha  choille  bh'  anns  au  fhrith  ud, 
"Na  cuislean  fada,  direach, 
Air  tuiteam  is  air  crionadh 
Sios  as  an  rùsg  ; 
85     Na  prisein  a  bha  brioghmhor 
'Nan  dosaibh  tiugha,  lionmhor, 
Air  seacadh  mar  gu'n  spiont'  iad 

A  nios  as  an  ùir  : 
Na  failleanan  bu  bhòidhche, 
90     Na  slatan  is  na  h-ògain, 

'S  an  t-àit  am  biodh  an  sineòrach 

Gu  mòdhar  a'  seinn  ciùil, 
Tha  iad  uil'  air  caochladh, 
Cha  d'fhuirich  fiodh  na  fraoch  ann; 
95     Tha  'm  mullach  bharr  gach  craoibhe, 
'S  am  maor  'ga  thoirt  diubh. 
Tha  uisge  Srath  na  Dige, 
'Na  shruthladh  dubh  gun  sioladh 
Le  barraig  uaine  li-ghlais 
100         Gu  mi-bhlasda  grannd  ; 

07.  Srath  na  Dige:  Vallée  du  mur;  les  ruines  de  ce  mur  demeurent 
encore. 


POEMES  127 

65     La  vallée  s'est  détériorée 
Il  n'y  a  ni  cerfs, 
Ni  aucune  personne  qui  les  apprécie 

Qui  soit  utile  à  les  chasser  ; 
Parce  qu'ils  sont  maintenant  sans  garde, 
70     Ils  ne  restent  pas  groupés, 
Ils  ont  battu  en  retraite 

Au-delà  du   plateau  des  détour-. 
Personne  n'a  de  considération  pour  le  chevreuil, 
Ni  dans  les  bois  ni  près  des  sources, 
75     II  doit  s'enfuir 

A  travers  la  campagne  ; 
Il  n'existe  à  présent  dans  la  vallée 
Nul  sport  qui  donne  de  la  joie, 
Qui  plaise  à  un  gentilhomme 
80         Bien  qu'il  lance  son  chien. 

Le  bois  qui  se  trouvait  dans  cette  forêt, 
Les  troncs  longs  et  droits, 
Sont  tombés  flétris 
Sans  écorce  ; 
85     Les  arbustes  qui  étaient  fertiles 
En  taillis  épais  et  nombreux 
Sont  desséchés,  comme  déracinés 

Du  sol  ; 
Les  ramilles  les  plus  jolies, 
90     Les  branches  et  les  plants. 

Et  l'endroit  où  la  grive  chantait 

Doucement  sa  mélodie  ; 
Maintenant  ils  appartiennent  tous  au  passé 
Ni  bois  ni  bruyère  ne  sont  restés  : 
95     Les  arbres  n'ont  plus  de  cimes, 

C'est  le  bailli  qui  les  a  abattues. 
L'eau  de  Srath  na  Dige 
Est  devenue  immonde,  noire,  et  non  filtrée 
Couverte  d'écume  verte,  jaunâtre, 
100         Repoussante  et  sale  ; 


128  POEMES 

Feur-lochain  is  tàchair 
An  cinn  an  duilleag-bhàite, 
Chan  'eil  gnè  tuille  fàs 

Anns  an  ait  ud  'san  am  ; 
105     Glumagan  a'  chàthair, 

'Na  ghlugaibh  domhain,  sàmhach, 
Cho  tiugh  ri  sùghan  càtha, 

'Na  làthaich  's  na  phlani; 

Sean  bhùrn  salach  ruadhain 

110     Cha  ghlaine  ghrunnd  na  uachdar, 

Gur  coslach  ri  muir  ruaidh  e, 

'Na  ruaimle  feadh  stang. 
Tha  'n  t-àit  an  robh  na  fuarain 
Air  fàs  'na  chroitean  cruaidhe, 
115     Gun  sòbhrach,  gun  dail-chuàich, 

Gun  lus  uasal  air  carn  ; 
An  sliabh  an  robh  na  h-éildean, 
An  àite  laighe  is  éirigh 
Cho  lom  ri  cabhsair  féille, 
120  'S  am  feur,  chinn  e  gann  : 

Chuir  Alasdair  le  ghéisgeil 
A'  ghreigh  ud  as  a  chéile, 
'S  ar  leam  gur  mor  an  eucoir 

An  eudail  a  chall  ; 
125     Cha  lugha  'n  t-aobhar  miothlachd. 
Am  fear  a  chleachd  bhi  tiorail, 
A'  tearnadh  is  a'  direadb 

Ri  frith  nan  damh  seang. 
Ach  ma  's  duine  de  shliochd  Phàruig 
130     A  théid  a  nis  do  'n  àite, 
'S  gu'n  cuir  e  as  a  làraich 

An  tàcharan  a  th' ann, 

112.  stang:  cf.  français,  étang. 

136,  127.  Deux  vers  difficiles.  Je  suis  de  l'avis  (1)  que  '  am  fear  'sa 
rapporte  à  Alasdair  et  non  pas  au  poète  chasseur;  (2)  que 
'tiorail'  est  bon  gaélique  et  non  pas  l'anglais  * cheerf nl,| 
prononcé  à  la  gaélique.  En  gaélique  écossais  '  tiorail  '  veuf 
dire  '  chaud,'  '  abrité,'  e.g.  '  tigh  tiorail.'  V.  aussi  Macbain 
(Etyrnological  Dictionary)  sub  '  tiorail.' 


POEMES  129 

Ce  n'est  qu'un  marécage  de  grandes  herbes 
Où  pousse  seul  le  nénuphar, 
Nulle  autre  chose  ne  croît 
Dans  cet  endroit,  à  présent  ; 
105     Les  étangs  de  la  tourbière 

Sont  des  mares  profondes  et  tranquilles 
L'eau  épaisse  comme  la  bouillie  de  son, 

Fangeuse  et  grumuleuse, 
Eau  stagnante,  sale,  couleur  de  rouille 
110     Le  fond  malpropre  ainsi  que  la  sxirface, 
Semblable  à  une  mer  rouge, 

Eau  morte  des  fossés. 
L'endroit  où  étaient  les  sources 
Est  devenu  terrain  dur, 
115     Sans  primevère,  ni  violette, 

Ni  herbe  noble  dans  les  tas  de  pierres  ; 
La  pente  qu'habitaient  les  biches 
Où  elles  se  couchaient  et  se  levaient 
Est  aussi  rase  que  l'emplacement  du  marché. 
120         L'herbe  y  pousse  rare  : 
Alexandre,  de  sa  clameur, 
A  dispersé  ce  troupeau, 
Et  à  mon  avis,  c'était  une  grande  faute 
De  perdre  le  bétail  ; 
125     La  cause  de  chagrin  n'est  pas  moindre 
Que  celui  qui  se  tenait  au  chaud 
Descend  et  monte 

La  forêt  des  cerfs  sveltes. 
Mais  si  c'est  un  descendant  de  la  race  de  Pàruig 
130     Qui  vient  maintenant  dans  la  localité, 
Et  qu'il  chasse  des  ruines 

L'enfant  subtitué  qui  y  habite, 

129.  sliochd  Phàruig  :  Pàruig  (Pàdruig)  était,  dit-on,  le  fils  de  Sir 
John  Campbell  de  Glenorchy  (1635-1736)— plus  tard  Vicomte 
de  Breadalbane. 

132.  tàcharan  :  cette  allusion  se  rapporte  sans  doute  à  Alasdair  Mac 
Eoghainn  ci-dessus  mentionné. 

9 


130  POEMES 

Bidh  '11  coire  niar  a  bha  e, 
Bidh  laoigh  is  aighean  dàr'  ann, 
135     Bidh  daimh  a'  dol  'san  dàmhair, 
Air  fàsach  nam  beann; 
Bidh.  buic  's  na  badan  blàtha, 
Na  bric  'san  abhainn  làimh  riu, 
S  na  féidh  an  Srath  na  Làirig' 
140         Ag  àrach  nam  mang  ; 

Thig  gach  uile  ni  g'  a  àbhaist, 
Le  aighear  is  le  àbhachd, 
'N  uair  gheibh  am  baran  bàirlinn 
Sud  fhàgail  gun  taing. 

139.  Sràth  na  Làirig  :  Vallée  du  Col  :  nom  de  lieu. 
143.  '  bàirlinn  '  :  cf.  anglais,  warning. 


POEMES  131 

La  vallée  redeviendra  ce  qu'elle  était  autrefois, 
Il  y  aura  des  faons  et  des  biches  ardentes, 

135     Les  cerfs  au  temps  du  rut  auront  recours, 
A  la  solitude  des  montagnes; 
Il  y  aura  des  daims  dans  les  fourrés  chauds. 
Des  truites  dans  la  rivière  avoisinante 
Et  les  biches  du  Srath  na  Lairig 

140         Allaitant  leurs  petits; 

Tout  sera  rétabli  comme  auparavant, 
Avec  joie  et  allégresse, 
Quand  le  régisseur  aura  reçu  l'ordre 
De  partir  malgré  lui. 


132  POEMES 


ORAN  DO'N  MHUSG 

S  iomadh  car  a  dh'  fhaodas  tighinn  air  na  fearaibh, 
Is  theag'  gu'n  gabh  iad  gaol  air  an  té  nach  f aigh  iad  ; 
Thug  mi  fichead  bliadhna  do'n  cheud  té  ghabh  mi, 
Is  chuir  i  rithisd  cùl  rium,  is  bha  mi  falamh. 

5     Is  thàinig  mi  Dhun-éideami  a  dh'  iarraidh  leannain, 
Is  thuirt  an  Caiptean  Caimbeul,  's  e  'n  geard  a'  bhaiîe, 
Gu'm  b'aithne  dlia  banntrach  an  àite  falaich, 
S  gu'n  deanadh  e  àird  air  a  cur  am  charaibh. 

Rinn  e  mar  a  b'àbhaist  cho  maith  's  a  ghealladh, 
10     Thug  e  dhomh  air  làimh  i,  's  am  pàigh  mar  ri  ; 
Is  ge  b'e  bhios  a'  feòraich  a  h-ainm  no  sloinneadh, 
Their  iad  rithe  Seònaid,  's  b'e  Deòrsa  a  seanair. 

Tha  i  soitheamh,  suairce,  gun  ghruaim,  gun  smalan, 
Is  i  cho  àrd  an  uaisle  ri  mnaoi  'san  f hearann  ; 
15     Is  culaidh  am  chumail  suas  i,  o'n  tha  i  mar  rium, 

Is  mor  an  t-aobhar  smuairein  do'n  fhear  nach  faigh  i. 

Leig  mi  dhiom  Nie  Còiseam  ged  tha  i  maireann, 
Is  leig  mi  na  daimh  chròcach  an  taobh  bha  'n  aire, 
Is  thaobh  mi  ris  an  og-mhnaoi,   's  ann  leam  nach  aith- 
reach, 
20     Chan  'eil  mi  gun  stòras  o'n  phòs  mi  'n  ainnir. 

Bheir  mi  fhéin  mo  bhriathar  gu  bheil  i  ro  mhaith, 

Is  nach  d'aithnich  mi  riamh  oirre  cron  am  falach, 

Ach  gu  foinneamh,  fìnealta,  direach,  fallain, 

Is  i  gun  ghaoid,  gun  ghiomh,  gun  char  fiar,  gun  chamadh. 

2.  theag'  pour  '  theagamh.' 

8.  ag  deanamh  àird,  ag  cur  àird,  s'emploient  encore  mais  très  rare- 
ment en  Argyll  :  inventer  des  moyens. 

11.  '  pàigh  '  se  prononce  '  paigheadh  ' — angl.  '  pay.' 

12.  Le  roi  Georges  III. 


POEMES  133 


POEME  A  UNE  CARABINE 

Il  y  a  bien  des  changements  qui  peuvent  arriver  aux 

hommes 
Peut-être  aiment-ils  celle  qu'ils  n'obtiendront  jamais  ; 
J'ai  consacré  vingt  ans  à  la  première  qui  m'a  accepté. 
Elle  m'a  tourné  le  dos  et  m'a  abandonné. 

5     Je  suis  venu  à  Edimbourg  chercher  une  belle, 

Alors  le  Capitaine  Campbell  qui  était  de  la  garde  la 

Cité  m'a  dit 
Qu'il  connaissait  une  veuve  qui  était  dans  un  endroit 

retiré 
Et  qu'il  trouverait  moyen  de  la  placer  entre  mes  mains. 

Il  a  agi  comme  d'habitude  ainsi  qu'il  l'avait  dit. 
10     II  me  l'a  donnée,  la  paye  l'accompagnant: 

Et  quiconque  s'informerait  de  son  nom  et  de  son  surnom 
C'est  Jeannette  qu'on  l'appelle  et   Georges  était  son 
Grand 'père. 

Elle  est  gentille  et  aimable,  sans  mélancolie  ni  tristesse 
Elle  est  de  rang  aussi  haut  que  toutes  les  dames  du  pays  ; 
15     Elle  est  mon  soutien  depuis  que  je  l'ai  obtenue, 

C'est,   une   grande   cause  de  chagrin    pour   celui   qui   ne 
l'obtiendra  pas. 

J'ai  quitté  Nie  Coiseam  quoiqu'elle  soit  encore  utile, 
J'ai  permis  aux  cerfs  d'aller  où  bon  leur  semblait, 
Je  me  rendis  vers  la  jeune  femme  et  je  ne  le  regrette  pas, 
20     Car  je  ne  suis  pas  sans  richesse  depuis  que  je  l'ai  épousée. 

Je  donnerai  ma  parole  qu'elle  excelle, 
Que  je  n'ai  jamais  vu  en  elle  de  défaut  secret. 
Mais  elle  est  belle,  élégante,  droite,  saine, 
Sans  travers,  ni  faute,  sans  détour,  ni  courbe. 

17.  '  Nie  '=nighcan  mhic.  Le  nom  du  fusil  qu'il  portait  dans  Coir' 
a'  Cheathaich  (la  Vallée  de  la  Brume)  :  nommé  d'après  un  de 
ses  ancêtres  du  clan  '  Mliic  Còiseam.' 


1 31  POEMES 

25     Bithidh  i  air  mo  ghiùlain,  *s  gur  maith  au  airidh, 
Ni  mi  f  héin  a  sgùradh  gu  maith  's  a  glanadh  ; 
Chuirinn  ri'  an  t-ùille  g' a  cumail  ceanalt', 
Is  cuiridh  mi  ri  m'  shùil  i  's  cha  diùlt  i  aingeal. 

'N  uair  bhios  cion  au  stòrais  air  daoiuibh  ganna, 
30     Cha  leigeadh  nighean  Deòrsa  mo  phòca  falamh  ; 
Cumaidh  i  rium  òl  anns  na  tighibh-leauna, 
'S  paighidh  i  gach  stòpan  a  ni  mi  cheaunach. 

Ni  i  mar  bu  mhiann  leam  a  h-uile  car  dhomb, 
Chan  innis  i  breug  dhomh,  no  sgeul  am  mearachd 
35     Cumaidh  i  mo  theaghlach  cho  maith  's  bu  mhaith  leam,. 
Ge  nach  dean  mi  saothair  no  obair  shalacb. 

Sgithich  mi  ri  gniomh,  ge  nach  d'rinn  mi  earras, 
Thug  mi  bcid  nach  fhiach  leam  bhi  ann  am  sgalaig, 
Sguiridh  mi  g'  am  phianadh,  o'n  thug  mi  'n  aire 
40     Gur  en  duine  diomhain  as  fhaide  mhaireas. 

'S  i  mo  bheanag  gaolach  nach  dean  mo  mhealladh, 
*S  foghnaidh  i  dhomh  daonnan  a  dheanamh  arain  ; 
Cha  bhi  fàillinn  aodaiche  orm  no  anairt, 
'S  chaidh  cùram  an  t-saoghail  a  nis  as  m'  aire. 

30.  Son  fusil  de  garde. 

40.  Espèce  de  philosophie   que   l'on  ne   peut   pas   toujours  recom 

mender. 

41.  '  bheanag,'  dim.  de  '  bean.' 


POEMES  13§ 

25     Je  la  porterai  et  elle  le  mérite, 

Je  la  polirai  moi-même  et  la  nettoyerai; 

Je  l'arroserai  d'huile  pour  la  conserver  parfaite, 

Je  viserai  avec  elle  et  je  ne  manquerai  jamais  mon  coup. 

Lorsque  l'argent  est  rare  chez  les  hommes  pauvres, 
30     La  fille  de  Georges  ne  me  laissera  pas  les  poches  vides  : 
Elle  me  procurera  de  la  boisson  dans  les  cabarets. 
Elle  payera  chaque  verre  que  j'achèterai. 

Elle  fera  tout  ce  que  je  désire, 

Elle  ne  me  dira  pas  de  mensonge  ni  d'histoire  trompeuse, 
35     Elle  supportera  ma  famille  autant  que  je  voudrais, 
Bien  que  je  ne  peine  ni  ne  fasse  de  travail  désagréable. 

Je  me  suis  épuisé  quoique  je  ne  me  sois  pais  enrichi, 
J'ai  juré  de  ne  pas  m'abaisser  à  devenir  garçon  de  ferme 
Et  je  cesserai  de  me  faire  du  souci  car  j'ai  observé 
40     Que  c'est  l'oisif  qui  vit  le  plus  longtemps. 

Elle  est  ma  chère  petite  femme  qui  ne  me  trompera  jamais 

Elle  me  suffira  toujours  pour  gagner  ma  vie  ; 

Je  ne  manquerai  ni  de  vêtements  ni  de  linge, 

Et  je  suis  libre  maintenant  de  tous  soucis  de  ce  monde . 


ï:>,6  POEMES 


ORAN  SEACHARAN  SEILGE 

Luinneag  : 

Chunna'  mi  n  damh  donn  's  na  h-éildean 

Direadh  a'  bhealaich  le  chéile  : 

Chunna'  mi  'n  damh  donn  'a  na  h-éildean. 

'S  mi  tearnadh  a  Coir'  a'  Cheathaich, 
5     'S  mor  mo  mhighean  's  mi  gun  aighear. 
Siùbhal  frithe  ré  an  latha, 

Thilg  mi  'n  spraidh  nach  d'rinn  feuni  dhomh. 
Chunna'  mi  'n  damh  donn,  etc. 

Ged  tha  bacadh  air  na  h-armaibh, 
10     Ghléidh  mi  'n  Spàinteach  thun  na  sealga, 
Ged  a  rinn  i  orm  de  chearbaich, 
Nach  do  mharbh  i  mac  na  h-éilde. 

'N  uair  a  dh'éirich  mi  's  a'  mhaduinn, 
Chuir  mi  innte  fùdar  Ghlascho, 
15     Peileir  teann  is  tri  puist  Shas'nach, 
Cuifean  asgairt  air  a  dhéidh  sin. 

Bha  'n  spor  ùr  an  déis  a  breacadh, 
Chuir  mi  ùille  ris  an  acfhuinn, 
Eagal  drûchd  bha  mùdan  craicinn 
20         Cumail  fasgaidh  air  mo  chéile. 

Laigh  an  éilid  air  an  fhuaran, 
Chaidh  mi  farasda  mu  'n  cuairt  di, 
Leig  mi  'n  deannal  ud  m'a  tuairmse, 
Leam  is  cruaidh  gu'n  d'rinn  i  éirigh. 

25     Rainig  mise  taobh  na  bruaiche, 

'S  chosd  mi  rithe  mo  chuid  luaidhe  : 

'S  'n  uair  a  shaoil  mi  i  bhi  buailte, 

Sin  an  uair  a  b'àird'  a  leum  i. 

13.  '  mu'n  cuairt  di  '  :  on  la  contournant. 


POEMES  1 37 


CHANSON  DE  CHASSE  MANQUES 

Refrain  : 

J'ai  vu  le  cerf  brun  et  les  biches 
Montant  le  défilé,  côte  à  côte  : 
J'ai  vu  le  cerf  brun  et  les  biches. 

Comme  je  redescendais  de  la  Vallée  de  la  Brume, 
•5     Ma  tristesse  et  mon  chagrin  étaient  grands. 
Errant  tout  le  jour  dans  la  forêt, 

J'ai  tiré  le  coup  qui  ne  me  rapporta  rien. 
J'ai  vu  le  cerf  brun  et  les  biches,  etc. 

Bien  que  l'on  ne  permît  pas  de  porter  armes, 
10     J'ai  gardé  la  carabine  espagnole  pour  la  chasse, 
Malgré  le  tour  qu'elle  m'a  joué, 

Elle  a  manqué  de  tuer  le  fils  de  la  biche. 

Quand  je  me  levai  le  matin, 
Je  la  chargeai  de  poudre  de  Glasgow, 
15     D'une  balle  bien  ajustée  et  de  trois  lingots  anglais 
Puis  d'une  bourre  de  filasse. 

La  pierre  à  fusil  était  fraîchement  taillée 
Et  je  versai  de  l'huile  dans  le  ressort, 
De  crainte  de  la  rosée  un  fourreau  de  peau 
20         Protégeait  ma  chère  compagne. 

La  biche  reposait  près  de  la  source 
Et  je  m'approchai  d'elle  facilement, 
Je  fis  feu  éclatant  sur  elle, 

Je  fus  désolé  de  la  voir  se  relever. 

25     J'atteignis  le  flanc  du  mamelon, 
Je  déchargeai  mon  plomb  sur  elle  ; 
Et  lorsque  je  pensai  l'avoir  frappée, 

Ce  fut  alors  qu'elle  bondit  le  plus  haut. 


138  POE 

'S  muladach  bhi  siùbhal  frithe 
30     Ei  là  gaoith',  is  uisg',  is  dile, 

'S  òrdugh  teann  ag  iarraidh  sithne. 
Cur  nan  giomanaoh  'nan  éiginn. 

'S  mithich  tearnadh  do  na  gleannaibk 
O'n  tha  gruamaich  air  na  beannaibh, 
35     'S  ceathach  dùinte  mu  na  meallaibh. 
Ag  cur  dalladh  air  ar  léirsinn. 

Bidb.  sinn  beò  an  dòchas  ro  mhath. 
Gu'm  bi  ekùis  ni  's  fheàrr  an  t-ath  là  : 
Gu'm  bi  gaoth,  is  grian,  is  talarnh. 
40         Mar  as  maith  leinn  air  na  sléibhtibh. 

Bidh  an  hiaidh  ghlas  :na  deannaibli , 
Siùbhal  réidh  aig  conaibh  seanga  : 
'S  an  damh  donn  a'  sileadh  fola, 

'S  àbhachd  aig  na  fearaibh  gleusda  ! 


POEMES  133 

Il  est  triste  de  parcourir  la  forêt 
30     Un  jour  de  vent  et  de  pluie  torrentielle, 

Avec  l'ordre  le  plus  stricte  de  chercher  venaison, 
Ce  qui  pique  l'honneur  des  chasseurs. 

Il  est  grand  temps  de  redescendre  dans  la  vallée 
Puisque  sur  les  pics  le  ciel  s'est  assombri, 
35     Et  le  brouillard  épais  entoure  les  collines, 
Brouillard  qui  nous  aveugle. 

Nous  vivrons  dans  l'espérance, 
Que  le  lendemain  nous  sera  plus  favorable  ; 
Que  le  vent,  le  soleil  et  le  paysage, 
40         Seront  tout  ce  que  nous  désirons  sur  les  hauteurs 

Le  plomb  gris  jaillira  foudroyant, 

Les  chiens  efflanqués  s'élanceront  sans  entraves  ; 

Le  cerf  brun  ruissellera  de  sang 

Et  les  gens  ardents  auront  la  joie  au  coeur. 


[40  POEMES 


ORAN  NAM  BALGAIREAN 

Luirmeag: 

Ho  hu  o  ho  na  balgairean, 
O's  ainmig  iad  r'am  faotaiim  : 
Ho  hu  o  ho  na  balgairean. 

Mo  bheannachd  aig  na  balgairean, 
5     A  chionn  bhi  sealg  nan  caorach. 
Ho  hu  o,  etc. 

An  iad  na  caoirich  cheann-riabhach. 
Rinn  ainihreit  feadh  an  t-saoghail  ? 

Ain  fearann  a  chuir  fàs  oirnn, 
Is  am  mal  a  chuir  an  daoiread  ? 

10     Chan  'eil  ait  aig  tuathanach  : 

Tha  bhuannachd-san  air  claonadh. 

Is  éiginn  dha  bhi  fàgail 

An  ait  anns  an  robh  dhaoine  : 

Na  bailtean  is  na  h-àirighean, 
15     Am  faighte  blàthas  is  faoileachd. 

Gun  tighean  ach  na  làraichean, 
Gun  àiteach  air  na  raointean. 

Tha  h-uile  seòl  a  b:àbhaist, 

Anns  a'  Ghàidhealtachd  air  caochladh  : 

20     Air  cinntinn  cho  mi-nàdurra 
'S  na  h-àitean  a  bha  aoidhoil. 

Chan  'eil  loth  na  làir 

Bhiodh  searrach  làimh  r'a  taobh  ann. 

Cette  chanson  aussi  se  chante  eu  foulant  le  drap.  Le  poète  loue 
les  renards  comme  tueurs  des  moutons  qui  avaient  pris  la  place  de 
tes  cerfs,  tant  aimés,  dans  ses  lieux  de  chasse  préférés.  '  Balgair  ',: 
nom  très  inusité  aujourd'hui  sauf  dans  l'expression  '  lus  a'  bhalgaire  * 
=  angl.  fox  weed  (Lycopodium  clavatum,  Lycopode  en  massue). 


POEMES  141 


CHANSON  SUR  LES  RENARDS 

Refrain  : 

Ho  hu  o  ho  les  renards, 
Qu'ils  sont  rares  à  trouver  ; 
Ho  hu  o  ho  les  renards. 

Sur  les  renards  repose  ma  bénédiction, 
5     Parce  qu'ils  chassent  les  moutons. 
Ho  hu  o  ho,  etc. 

Sont-ce  les  moutons  à  tête  tachetée 
Qui  ont  causé  partout  la  discorde  ? 

Qui  ont  mis  notre  terre  en  friche 
Et  élevé  le  loyer  de  ce  qu'il  était? 

10     II  n'y  a  point  de  place  pour  le  métayer  ; 
Son  gain  a  diminué. 

Il  faut  qu'il  quitte 

La  place  où  demeuraient  ses  ancêtres  : 

Les  villages  et  les  cabanes  du  pâturage, 
15     Où  il  trouvait  et  la  chaleur  et  le  bon  accueil. 

Point  de  maisons  mais  des  ruines  demeurent, 
Point  de  culture  dans  la  plaine. 

Chaque  vieille  coutume  qui  existait 

A  changé  dans  les  montagnes  d'Ecosse  : 

20     Les  gens  sont  devenus  méchants 

Dans  des  endroits  autrefois  hospitaliers. 

L'on  ne  trouve  plus  ni  pouliche  ni  jument 
Un  poulain  paissant  à  ses  côtés. 


Le  parchemin  du  plus  ancien  MS.  écrit  en  Ecosse,  une  copie  de  la 
Vie  de  Saint  Colomba  par  Adamnan,  avant  713  a.d.,  était  de  peau  de 

chèvTe. 


142  POEMES 

Chan  'cil  aigkean  dàra 
25     Bhios  ag  àrach  an  cuid  laoigh  ann. 

Chan  'eil  feum  air  gruagaichean, 
Tha  h-uile  buail'  air  sgaoileadh. 

Chan  fhaigh  gille  tuarasdal 
Ach  buachaille  nan  caorach  ! 

30     Dh'  fhalbh  na  gobhair  phriseil, 
Bu  righ  a  dh'òrduich  saor  iad. 

Earba  bheag  na  dùslainn, 
Cha  dùisgear  i  le  blaoghan. 

Chan  'eil  fiadh  air  fuaran, 
35     O'n  chaill  na  h-uaislean  gaol  daibh. 

Tha  gach  frithear  fuasgailte, 

Gun  duais  a  chionn  a  shaoithreach. 

Is  diombach  air  an  duine  mi 
A  ni  na  sionnaich  aoireadh  ; 

40     A  chuireas  cù  d'an  ruagadh, 
No  thilgeas  luaidhe  chaol  orr. 

Gu  ma  slàn  na  cuileanan 

Tha  fuireach  ann  an  saobhaidh. 

Na'm  faigheadh  iad  mo  dhùrachd 
45     Cha  chùram  dhaibh  cion  saoghail. 

Bhiodh  piseach  air  an  òigridh, 

Is  bhiodh  beò  gus  am  marbh  aois  iad. 

31.  Dans  les  "  Adventures  of  Kob  Roy  "  par  James  Grant,  nous 
apprenons  que  le  Roi,  Robert  le  Brus,  s'étant  caché  dans  une 
certaine  caverne  une  fois  à  Inversnaid  se  trouva  entouré  par 
un  troupeau  de  chèvres  sauvages  qui  avaient  pris  la  caverne 
comme  refuge.  Cependant  le  roi  se  trouva  si  bien  parmi  elles, 
se  nourrissant  de  leur  lait,  que,  lorsque  la  paix  fut  rétablie  et 
que  h;  Parlement  fut  convoqué  il  fit  passer  une  loi  par  laquelle 
les  chèvres  pouvaient  aller  partout  en  liberté. 


POEMES  U3 

Plus  de  génisses  qui  s'unissent 
25     Qui  allaitent  leurs  petits. 

Il  n'y  a  plus  besoin  de  laitières 
Tout  troupeau  est  dispersé. 

Excepté  le  berger  des  moutons, 
Nul  n'obtiendra  pas  de  récompense. 

30     Parties  les  chèvres  si  précieuses, 

Sur  l'ordre  du  roi  elles  vagabondaient  en  liberté. 

La  petite  daine  du  fourré  sombre, 
Au  cri  du  faon  ne  s'éveillera  pas. 

Pas  un  cerf  près  d'une  source,  [pour  eux. 

35     Depuis  que  les  gentilshommes  ont  perdu  leur  amour 

Chaque  garde  forestier  est  désengagé 
Sans  recevoir  le  prix  des  services  rendus. 

Je  me  sens  irrité  contre  cet  homme 
Qui  satirise  les  renards; 

40     Qui  envoie  un  chien  les  poursuivre 
Ou  tire  sur  eux,  du  plomb  maigre. 

Robustes  soient  les  renardeaux 
Qui  demeurent  dans  les  terriers. 

S'ils  vivaient  comme  je  le  voudrais  [leurs  jours. 

45     Ils  n'auraient  besoin  de  se  soucier  du  nombre  de 

Les  petits  grandiraient  robustes  et  fermes 

Et  vivraient  jusqu'à  ce  qu'ils  périssent  de  vieillesse. 


144  POEMES 

ORAN  DO  GHUNNA  D'AN  AINM  NIC  COISEAM 

Luinneag  : 

Horo  mo  chuid  chuideachd  thu, 

Gur  muladach  leam  uam  thu  ; 
Horo  mo  chuid  chuideachd  thu, 

'S  mi  direadh  bheami  is  iichdanan, 
5  B'  ait  leam  thu  bhi  cuide  rium, 

'S  do  chudthi'om  ah'  mo  ghualainn. 

'N  uair  chaidh  mi  do  Ghleann  Lòcha, 
'S  a  cheannaich  mi  Nie  Còiseam, 
Is  mise  nach  robh  gòrach, 
10         'N  uair  chuir  mi  'n  t-òr  g'a  fuasgladh. 
Horo  mo  chuid  chuideachd  thu,  etc. 

Thug  mi  Choir'  a'  Cheathaich  thu, 
'N  uair  bha  mi  fhéin  a'  tathaich  ann, 
'S  trie  a  chuir  mi  laighe  leat 

Na  daimh  's  na  h-aighean  ruadha. 

15     Thug  mi  Bheinn-a-chaisteil  thu, 
'S  do'n  fhàsach  a  tha  'n  taice  ri, 
Am  Màm  is  Creag-an-aprain 
Air  leacan  Beinn-nam-fuaran. 

Thug  mi  thu  Bheinn-Dòbhrain, 
20     Au  cinneadh  na  daimh  chròcach, 
'N  uair  theannadh  iad  ri  crònan, 
Bu  bhòidheach  leam  an  nuallan. 

7.  Gleann  Lòcha  (ou  Lòcbaidh)  :  Vallée  de  la  rivière  Lâcha  :  nom 
intéressant  que  l'on  retrouve  dans  plusieurs  noms  de  fleuves  de 
la  Haute  Ecosse;  l'  '  ô  '  est  long  et  ouvert  et  eu  parlant  d'une 
rivière    ainsi    nommée    au    sud-ouest    d'Inverness    Adamnan 


POEMES  14§ 


CHANSON  A  UNE   CARABINE  APPELEE 
NIC  COISEAM 

Refrain  : 

Horo!  pour  camarade  je  n'ai  que  toi. 

Que  je  suis  triste  séparé  de  toi  ; 
Horo  !  pour  camarade  je  n'ai  que  toi. 

Escaladant  les  pics  et  les  rochers, 
5  Que  je  suis  heureux  de  t'avoir, 

Ton  poids  sur  mon  épaule. 

Quand  je  suis  allé  à  la  Vallée  de  Lòcha, 
Et  que  j'ai  acheté  Nie  Còiseam, 
C'est  moi  qui  n'étais  pas  sot, 
10     De  donner  de  l'or  pour  l'obtenir. 

Horo  !  pour  camarade  je  n'ai  que  toi,  etc. 

Je  t'ai  apportée  dans  la  Vallée  de  la  Brume, 
Lorsque  j'y  demeurais, 
Souvent  ai-je  abattu  avec  toi 
Les  biches  et  les  cerfs  fauves. 

15     Je  t'ai  apportée  à  la  Colline  du  Château 
Et  dans  les  plaines  qui  l'environnent, 
Au  rocher  du  Tablier  et  au  Màm, 
Sur  la  pente  de  la  Montagne  des  Sources. 

Je  t'ai  apportée  à  Beinn-Dòbhrain, 
20     Où  vivent  les  cerfs  à  bois, 

Quand  ils  commençaient  à  bramer, 
Que  leurs  cris  me  semblaient  beaux  ! 

(Vita  S.  Co.,  II.,  38)  dit  "  Fluvius  qui  Latine  dici  potest 
Nigra    Dea."      Ailleurs    A.    nous    donne    le    nom    dans    la 
phrase  "  Stagnum  Lochdiae."     '  Lòch  '  a  évidemment  ainsi 
la  force  de  l'adj.  '  noir.' 
8.  Nie  Còiseam  :  nom  de  son  fusil  de  chasse. 

10 


H6  POEMES 

Thug  mi  Choire-chruiteir  thu, 
O's  àite  grianach,  tlusail  e, 
25     Gu  biadhchar,  feurach,  lusanach  ; 

Bhiodh  spurt  ann  aig  daoin'-uaisle. 

Ghiùlain  mi  Ghleann-éite  thu, 
Thog  mi  ris  na  Créisean  thu  ; 
S  e  mheud  's  a  thug  mi  spéis  duit 
30         A  dh'  fhàg  mo  cheum  cho  luaineach. 

S  math  am  Meall-a-bhùiridh  thu, 
Oha  mhiosa  'm  Beinn-a-chrùlaist  thu, 
S  trie  a  loisg  mi  fùdar  leat 
An  coire  chùl  na  Cruaiche. 

35     Thug  mi  Lairig-ghartain  thu, 
O's  àlainn  an  coir'-altrum  i  ; 
'S  na  féidh  a'  deanamh  leabaichean 
Air  creachainn  ghlas  a'  Bhuachaill. 

ïhug  mi  thu  do'n  Fhàs-ghlaic 
40     'S  a'  ghleann  am  bi  na  làn-daimh  ; 
'S  trie  a  chaidh  an  àrach 
Mu  bhràighe  Cloich-an-tuairneir. 

Chaidh  mi  do  dh'  Fhéith-chaorainn 
Le  aithghearr  Choire-chaolain, 
45     Far  an  robh  na  daoine 

A  bha  'n  gaol  air  a'  ghreigh  uallaich. 

Thug  mi  Bheinn-a-chaorach  thu, 
Shireadh  bhoc  is  mhaoiseach, 
Cha  b'eagal  gun  am  faotainn, 
50         'S  iad  daonnan  's an  Tòrr-uaine. 

27.  na  Créisean  :  collines. 

31.  Meall-a-bhùiridh:  Colline  du  bramement. 

32.  Beinn-a-chrùlaist  :   crùlaist  =  colline  rocheuse  (Dictionnaire  de  I* 

Société  Highland,  1828). 
34.  <'rtiach:  colline  arrondie. 
:J5.  Làirig-ghartain  :  Col  du  champ. 
38.  Buachaill  :  Berger,  nom  d'une  colline. 


POEMES  147 

Je  t'ai  apportée  à  la  vallée  du  Ménestrel 
Charmant  endroit  ensoleillé. 
25     Vert,  herbeux,  fécond, 

Rendez-vous  de  chasse  des  gentilshommes. 

Tu  m'as  accompagné  à  la  Vallée  d'Etive 
Je  t'ai  portée  en  montant  les  Créisean  : 
C'est  mon  excès  d'appréciation  pour  toi 
30     Qui  m'a  laissé  le  pas  si  incertain. 

Tu  es  bonne  sur  Meall-a-bhùiridh, 
Tout  aussi  bonne  sur  Beinu-a-chrùlaist 
Avec  toi  j'ai  souvent  brûlé  de  la  poudre 
Dans  la  vallée  derrière  la  Cruach. 

35     Je  t'ai  apportée  à  Làirig-ghartain, 
Splendide  vallée  nourricière; 
Les  cerfs  se  font  des  gîtes 
Sur  la  côte  grise  du  Buachaill. 

Je  t'ai  apportée  au  Fàs-ghlaic 
40     Dans  la  vallée  qu'habitent  les  cerfs  de  premier  rang; 
Souvent  étaient-ils  bien  repus 
Autour  de  la  pente  de  Cloch-an-tuairneir. 

Je  suis  allé  à  Feith-chaorainn 
En  coupant  par  Coire-Chaolain 
45     Qu'habitaient  les  hommes 

Qui  appréciaient  la  troupe  orgueilleuse. 

Je  t'ai  apportée  à  Beinn-a-chaorach 
Pour  y  chercher  les  daines  et  les  chevreuils, 
Rien  à  craindre  de  n'en  pas  trouver 
50     Car  ils  étaient  toujours  sur  la  Colline  Verte. 

■i'J.  Fàs-ghlaic  :  Creux  stérile. 

42.  Cloch-an-tuairneir  :  Pierre  du  tourneur. 

43.  Féith-chaorainn  :  Fossé  du  sorbier. 

44.  Coire-chaolain  :  Vallée  du  défilé. 

47.  Beinm-a-chaorach  =  Beinn  Chaorach  :   Montagne  de  moutons.     La 
voyelle  'a  '  n'est  pas  radicale  dans  la  phrase. 


148  POEMES 

'N  uair  théid  mi  ris  a'  mhonadh, 
'S  tu  mo  roghainn  de  na  gunnachan; 
O'n  fhuair  thu  féin  an  t-urram  sin, 
Cò  nis  a  chumas  uait  e  ? 

55     Ged  tha  mi  gann  a  stòras 
Gu  suidhe  leis  na  pòitearan, 
Ged  théid  mi  do  'n  tigh-òsda, 
Chan  òl  mi  ann  an  cuaich  thu. 

55.  'a  '=de. 


POEMES  149 

Quand  je  me  rends  à  la  montagne, 
De  tous  fusils  tu  es  mon  préféré; 
Depuis  que  tu  as  cet  honneur 
Qui  maintenant  t'en  privera? 

55     Bien  que  mes  moyens  soient  peu  abondants 
Pour  m'asseoir  avec  les  buveurs, 
Bien  que  j'aille  à  l'auberge, 
•Te  ne  te  dépenserai  pas  en  boisson. 


150  POEMES 


CEAD  BEIREANNACH  NAM  BEANN 

Bha  mi  'n  dé  'm  Beinn-Dòbhrain, 

'S  'na  còir  cha  robh  mi  aineolach, 
Chunna'  mi  na  gleanntan 

'S  na  beanntaichean  a  b'  aithne  dhomh  : 
5     B'e  sin  an  sealladh  éibhinn 

Bhi  'g  imeachd  air  na  sléibhtean, 
'N  uair  bhiodh  a'  ghrian  ag  éirigh, 

'S  a  bhiodh  na  féidh  a'  langanaich. 

"S  aobhach  a'  ghreigh  uallach, 
10         'N  uair  ghluaiseadh  iad  gu  f  arumach  : 
S  na  h-éildean  air  an  fhuaran, 

Bu  chuannar  na  laoigh  bhallach  ann 
Na  maoisleichean  's  na  ruadh-bhuic. 
Na  coilich  dhubh  is  ruadha, 
15     'S  e  'n  ceòl  bu  bhinne  chualas 

5N  uair  chluinnt'  am  fuaim  "s  a:  chamhanaich. 

'S  togarrach  a  dh' fhalbhainn 

Gu  sealgaireachd  nam  bealaichean. 
Dol  mach  a  dhireadh  garbhlaich, 
20         'S  gu'm  b' anmoch  tighinn  gu  baile  mi: 
An  t-uisge  glan    s  am  fàile 
Th'  air  mullach  nam  beann  arda, 
Chuidich  e  gu  fàs  mi 

'S  e  rinn  domh  slàint'  is  fallaineachd. 

25     Fhuair  mi  greis  am  àrach 

Air  airighnean  a  b'aithne  dhomh, 
Ri  cluiche,  's  mire,  's  mànran, 

S  bhi  'n  caoimhneas  blàth  nan  caileagau  : 

1.  an  dé  :  le  19  sept.  1802  :  le  seul  poème  du  poète  qui  soit  daté. 
4.  beanntaichean  :    forme    plurielle    créée    par    le    poète    pour    la 

métrique;  il  emploie  cette  espèce  de  licence  poétique  de  temps 

k  autre. 


POEMEX  151 


LE  DERNIER  ADIEU   AUX   MONTAGNES 

Hier  j'ai  escaladé  Beinn-Dobhrain, 
La  vue  ne  m'était  pas  étrangère. 
Je  contemplais  les  vallées, 
Et  les  montagnes  que  je  connaissais  bien  : 
5     C'était  un  spectacle  merveilleux 
D'errer  sur  les  hauteurs 
Au  lever  du  soleil, 
A  l'heure  où  brament  les  cerfs. 

Joyeux  est  le  noble  troupeau  des  cerfs 
10     Lorsqu'ils  s'avancent  bruyamment: 

Les  biches  près  des  fontaines, 

Les  petits  tachetés  y  reposent  doucement. 

Les  daines  et  les  chevreuils, 

Les  coqs  de  bruyère,  rouges  et  noirs, 
15     Leurs  accents  nous  semblaient  la  plus  douce  mélodie 

Lorsqu'ils  se  faisaient  entendre  à  l'aube. 

Je  me  mettais  en  route  ardemment 
Chasser  dans  les  cols  élevés, 
J'allais  grimper  les  hauteurs  sauvage? 
20     Ne  rentrant  chez  moi  que  tard  : 
L'eau  limpide  et  l'air  frais 
Que  l'on  trouve  aux  sommets  des  montagnes, 
M'ont  aidé  à  grandir, 
M'ont  donné  la  force  et  la  santé. 

25     Je  m'abritai  quelque  temps 

Au  milieu  des  pâturages  qui  m'étaient  bien  connus, 
Folâtrant,  jouant,  chantonnant, 
Jouissant  du  bon  accueil  des  jeunes  filles  : 

|1.  fuaran  =  (l)  source,  (2)  gazon  autour  des  sources. 
lC.  am  fuaim  =  leur  bruit. 

SI.  'S  am  fàile  :  certaines  éditions  ont  's  an  t-àile,  ce  que  je  préfère; 
'  fàile  '  vent  dire  '  odeur.' 


152  POEMES 

Bu  chùis  an  aghaidh  nàduir, 

30     Gu'm  maireadh  sin  an  dràsd'  ann, 

'S  e  b'  éiginn  bhi  'gani  fàgail 

'N  uair  thàinig  tràth  dhuinn  dealachadh. 

Nia  on  bhuail  an  aois  mi, 

Fhuair  mi  gaoid  a  mhaireas  domh, 
35     Rinn  milleadh  air  mo  dheudach 

'S  mo  léirsinn  air  a  dalladh  orm  : 
Cban  urrainn  mi  bhi  treubhach, 
Ged  a  chnirinn  feum  air, 
'S  ged  bhiodh  an  ruaig  am  dhéidh-sa. 
40         Cha  dean  mi  ccum  ro  chabhagach. 

Ged  tha  mo  cheann  air  liathadh, 

'S  mo  chiabhagan  air  tanachadh, 
*S  trie  a  leig  mi  mial-chù 
Ri  fear  fiadhaich,  eeannartach  : 
45     Ged  bu  tòigh  leam  riamh  iad, 

S  ged  fhaicinn  air  an  t-sliabh  iad, 
Cha  téid  mi  nis  g 'an  iarraidh 

O'n  chaill  mi  trian  na  h-analach. 

Ri  am  dol  anns  a'  bhùireadh, 
50         Bu  dùrachdach  a  leanainn  iad  : 

'S  bhiodh  uair  aig  sluagh  na  dùthcha 
Toirt  òrain  ùra  's  rannachd  dhaibh  : 
Greis  eile  mar  ri  cairdean, 
'N  uair  bha  sinn  anns  na  campan. 
55     Bu  chridheil  anns  an  am  sinn 

'S  cha  bhiodh  an  dram  oirnn  annasach. 

'N  uair  bha  mi   'n  toiseaeh  m'  òige, 
'S  i  ghòraich  a  chum  falamh  mi  : 
'S  e  fortan  tha  cur  oirnne 
60         Gach  aon  ni  còir  a  gliealladh  dhuinn; 

48.  ïanalatb    :  gén.  do  '  anail.1 


PO  HAIES  155 

Il  serait  contre  nature 
30     Que  les  mêmes  choses  durassent  encore 
Et  j'ai  dû  les  quitter 
Quand  mon  heure  de  partir  arriva. 

Maintenant  que  la  vieillesse  m'a  frappé 

J'ai  reçu  un  coup  qui  se  fera  sentir  à  jamais, 
35     Qui  m'a  apporté  la  carie  des  dents 

Et  la  faiblesse  de  la  vue  : 

Il  m'est  impossible  d'être  énergique 

Quelque  soit  le  besoin  qui  me  presse, 

Même  si  j'étais  poursuivi, 
4fi     Je  ne  pourrais  accélérer  mon  pas. 

Bien  que  ma  tête  soit  argentée 
Et  que  mes  tempes  soient  dégarnies, 
J'ai  souvent  lancé  un  chien  de  chasse 
Après  un  cerf  sauvage  aux  grands  bois  ; 
45     Quoiqu'ils  me  fussent  toujours  très  chers 
Et  que  je  les  visse  sur  la  pente, 
Je  n'irai  pas  les  chasser  maintenant 
Car  j'ai  perdu  le  tiers  de  mon  souffle. 

Au  temps  du  rut  des  cerfs, 
50     Je  les  poursuivais  avec  ardeur: 

Les  occasions  ne  manquaient  pas  de  passer  quelque» 
moments  avec  des  amis 

A  leur  réciter  des  chansons  et  des  vers  nouveaux; 

J'ai  passé  une  autre  période  avec  des  amis 

Quand  nous  passions  quelque  temps  au  camp. 
55     Nous  nous  trouvions  toujours  joyeux 

Et  la  bouteille  apparaissait  souvent. 

Lors  de  ma  pleine  jeunesse, 
Mes  folies  me  laissaient  sans  le  sou; 
C'est  le  destin  qui  nous  accorde 
60    Toute  bonne  chose  promise  : 


154  POEMES 

Ged  tha  mi  gann  a  stòras 
Tha  m' inntinn  làn  de  shòlas. 
O'n  tha  mi  ann  an  dòchas 

Gu'n  d'rinn  nighean  Deòrs'*  an  t-aran  domh. 

65     Bha  mi  'n  dé  'san  aonach 

'S  bha  smaointean  mor  air  m'  aire-sa. 
Nach  robh  'n  luchd-gaoil  a  b"  àbhaist 
Bhi  siùbhal  fàsaich  mar  rium  ann  : 
'S  a'  bheinn  is  beag  a  shaoil  mi 
70     Gu'n  deanadh  ise  caochladh  : 
O'n  tha  i  nis  fo  chaoraibh 

'S  ann  thug  an  saoghal  car  asam. 

N  uair  sheall  mi  air  gach  taobh  dhiom 
Chan  fhaodainn  gun  bhi  smalanach, 
75     O'n  theirig  coill'  is  fraoch  ann, 

'S  na  daoine  bh'  ann,  cha  mhaireann  iad  ; 
Chan  'eil  fiadh  r'a  shealg  ann, 
Chan  'eil  eun  no  earb  ann, 
'M  beagan  nach    eil  marbh  dhiubh, 
80         'Se  rinn  iad  falbh  gu  baileach  a?. 

Mo  shoraidh  leis  na  frithean, 

O  's  miorbhaileach  na  beannan  iad. 
Le  biolair  uaine  is  fior-uisg, 

Deoch  uasal,  riomhach,  cheanalta  : 
85     Na  blàran  a  tha  priseil, 

'S  na  fàsaichean  tha  lionmhor. 
O  's  ait  a  leig  mi  dhiom  iad, 

Gu  bràth  mo  mhìle  beannachd  leò  ! 

61.      ^'ann  a  stòras  '  =  gann  de  stòras. 

64.  nighean  Deòrs'  :   l'appellation  du  poète  pour  son  fusil  de  gard* 

à  Edimbourg.      Deòrsa — Le  roi  Georges  III. 
71.  '  fo  chaoraibh  '  :  dat.  pi.  Aujourd'hui  on  dit  '  fo  chaoraich.' 


POEMES  155 

Bien  que  je  ne  sois  pas  dans  l'abondance 

Mon  esprit  est  fort  satisfait 

Car  je  vis  dans  l'espoir 

Que  la  fille  de  Georges  me  procurera  de  quoi  subsister. 

65     J'étais  dans  la  lande 

Et  des  pensées  profondes  m'ont  assailli. 

Mes  anciens  amis  qui  chassaient  avec  moi 

N'étaient  plus  là  : 

La  montagne  !     J'ai  peu  pensé 
70     Qu'elle  changerait  : 

Les  moutons  y  broutent  à  présent 

Le  monde  s'est  joué  de  moi. 

Quand  je  regardais  de  tous  côtés 

Je  ne  pouvais  m'empêcher  d'être  at. 
75     Car  il  n'y  a  plus  ni  bois  ni  bruyère, 

Les  hommes  qui  y  étaient  ne  sont  plus  : 

Il  n'y  a  plus  de  cerfs  à  chasser, 

Plus  d'oiseaux,  plus  de  chevreuils, 

Les  quelques  survivants, 
80     Sont  tous  partis  ailleurs. 

Adieux  éternels  aux  retraites  des  cerfs. 
Que  les  montagnes  sont  merveilleuses, 
Le  cresson  vert,  sources  vives, 
Breuvage  noble,  délicieux,  doux  : 
85     Plaines  chères  et  magnifiques, 
Solitudes  grandes  et  nombreuses, 
Scènes  que  j'ai  quittées  pour  toujours, 
Soyez  à  jamais  mille  fois  bénies. 


156  POEMES 


RAIKN  GEARRADH-ARM 

Chunnaic  mi  'n  diugh  a'  chlach  bhuadhach, 

'S  an  leug  àlainn, 
Ceanglaichean  de'n  òr  niu'n  eu  air  t  dhi 

'Na  chruinn  mhàille  ; 
5     Bannan  tha  daingean  air  suaicheantas 

Mo  chàirdean, 
A  lean  gramail  r'an  seann  dualchas 

Mar  a  b'àbhaist. 

Inneal  gu  imeachd  troimh  chruadal 
10  Le  sluagh  laidir, 

Fir  nach  gabh  giorag  no  fuathas 

Le  fuaim  làmhaich  ; 
Fine  as  minig  a  ghluais 

Ann  an  ruaig  namhaid, 
15     Nach  sireadh  tilleadh  gun  bhuannachd 
No  buaidh-làrach. 

Bha  sibh  uair  gu  grinn  a'  seòladh 

Air  tuinn  aàile, 
Chaidh  tarrung  a  aon  de  bhòrda 
20  Druim  a'  bhàta. 

Leis  a'  chabhaig  spàrr  e'n  crdag 

Sios  'na  h-àite, 
'S  bhuail  e  gu  teann  leis  an  òrd  i, 

'S  ceann  dith  fhàgail. 

1.  Le  chef  du  Clan  Maclntyre  [Mac  an  t-Saoir]  à  l'époque  du  poète 
était  James  Maclntyre  [Seumas  Mac  an  t-Saoir],  1727-1797, 
vivant  et  poète  lui-même.  Il  habitait  Glenoe,  le  domaine 
ancestral  du  Clan.  Quand  le  poète  le  visita  il  lui  montra  le 
vieux  sceau  portant  les  armoiries  de  son  Clan. 


POEMES  117 


VERS  SUR  DES  ARMOIRIES 

Aujourd'hui  j'ai  vu  la  pierre  vertueuse, 

Le  bijou  splendide, 
Une  monture  d'or  tout  autour 

En  forme  de  cercle  ; 
5     Blason  ferme  sur  la  bannière 

De  ma  race, 
Qui  suivait  avec  dévotion  ses  vieilles  traditions 

Comme  c'était  sa  coutume. 

Devise  d'aller  à  travers  le  danger 
10  De  la  part  d'un  peuple  fort, 

Héros  qui  ne  connaissent  ni  peur  ni  panique 

Au  son  de  la  mêlée; 
Race  qui  s'est  souvent  avancée 

Mettant  l'ennemi  en  fuite, 
15     Race  qui  n'acceptait  jamais  de  revenir 

Du  champ  de  bataille,  les  mains  vides  ni  vaincue. 

Une  fois  vous  naviguiez  paisiblement 

Sur  les  flots  salés; 
Un  clou  s'échappa  d'une  des  planches 
20  De  la  carène, 

En  hâte  il  mit  le  pouce 
Dans  l'ouverture, 
D'un  coup  de  marteau  l'y  enfonça 
En  y  laissant  le  bout. 

15.  '  gun  bhuannachd  '  :  sans  profit. 
17.  sibh  .  .  .  L'eponyme  du  clan. 
21.  Ici  le  poète  parle  de  lui  à  la  troisième  personne. 
24.   D'après  cette  légende  le  fondateur  du  clan  fut  appelé  •  Saor  na 
h-òrdaig  '  (Menuisier  du  pouce). 


158  POEMES 

25     An  onoir  a  fhuair  an  saor  Sléibhteach, 
Leis  gach  treuntas  a  dh'  fhàs  ann, 
Ghléidheadh  fathast  d'à  shliochd  féin  i 

A  dh'  aindeoin  eucorach  gach  nàmhaid  : 
Na  h-airm  ghaisge,  ghasda,  ghleusda, 
30         Dh'òrduich  an  righ  gu  feum  dhàsan, 

Cho  math  's  a  th'aig  duine  'n  dream  threun  sin, 
A  shliochd  Cholla  cheud-chathaich,  Spàinntich. 

Dorn  an  claidheamh,  is  làmh  duin'-uasail 
Le  crois-tàraidh, 
35     Iolairean  le  'n  sgiathaibh  luatha, 
Gu  cruas  gàbhaidh, 
Long  ag  imeachd  air  druim  chuantan 

Le  siùil  arda, 
Gearradh-arm  Mhic-Shaoir  o  Chruachan, 
40  Aonach  uachdarach  Earra-ghàidheal. 

Tha  do  dhaoine  trie  air  fairge, 

Sgiobairean  calma,  neo-sgàthach  ; 
Tha  'n  aogas  cumachdail,  dealbhach, 

'S  iomadh  armailt  am  beil  pàirt  dhiubh  ; 

25.  an  saor  Sléibhteach  :  selon  le  poète  le  premier  de  sa  race 
était  originaire  de  l'Ile  de  Skye.  Sléibhte  est  une  paroisse 
dans  le  territoire  du  Clan  MacDonald  (Mac  Dhomhnuill). 

31.  'n  =  de'n. 

32.  Conn  ceud-chathach,  Conn  des  cent  batailles,  fut  roi  d'Irlande, 

^elon  les  Annales  de  123  à  157  a.d.  On  le  confond  ici  avec 
Coll  Uais  un  des  trois  Coll  qui  prospéraient  vers  le  milieu  du 
quatrième  siècle  et  dont  la  maison  de  Somerled — les  Mac- 
Donalds — prétendent  descendre.  L'epithète  '  Spàinnteach  ' 
-e  rapporte  à  l'ancienne  tradition  que  les  Gaëls  descendaient 
de  Milidh  Easpâine  dont  les  fils  se  partagèrent  la  plus  grande 
partie  de  l'Irlande.  (Watson). 
3*.  crois-tàraidh,  aussi  crann  tàraidh  et  c.  tara.  Lorsqu'un  chef 
désirait  appeler  ses  hommes  aux  armes  il  prenait  une  croix  de 
bois  et  après  en  avoir  brûlé  les  extrémités  il  la  trempait  dans 
le  sang  d'une  chèvre.  Il  la  remettait  à  un  de  ses  hommes  qui 
avait  pour  mission  de  se  rendre  dans  un  des  villages  du  clan 
et  de  remettre  cette  croix  à  un  autre  qui,  à  son  tour,  se 
rendait  dans  un  autre  village  et  ainsi  de  suite  dan6  tous  les 


POEMES  1 59 

25     L'honneur  qu'a  gagné  le  menuisier  de  Sléibhte, 
Par  tous  ses  actes  de  bravoure. 
A  été  conservé  pour  sa  race 

En  dépit  de  la  vilenie  de  tout  ennemi  : 
Armoirie  belle  et  élégante. 
30         Que  le  roi  lui  assigna  pour  son  usage, 

Armoirie  aussi  bonne  que  portait  tout  brave  de  cette 
race, 
Descendue  de  l'Espagnol  Coll.    vainqueur  de  cent 
batailles. 

Epée  au  poing,  main  noble 

Tenant  la  croix  d'appel  aux  armes, 
35     Aigles  aux  vives  ailes  déployées 
Pour  le  combat  acharné, 
Vaisseau  voguant  sur  les  flots 

Voiles  en  berne, 
Armoirie  de  Mac  an  t-Saoir  de  Cruachan 
40  Solitude  élevé  d'Earra-Ghàidheal. 

Tes  hommes  naviguent  souvent  sur  l'Océan, 
Capitaines  hardis  qui  méprisent  le  danger  ; 

A  la  mine  avenante  et  belle, 
Il  y  en  a  dans  bien  des  armées  : 

villages.  Chaque  homme  comprenait  la  signification  de  la 
croix,  et  le  messager  n'avait  qu'à  prononcer  le  nom  de 
l'endroit  du  rassemblement.  Cameron  et  MacBain  réfèrent 
-tara  au  norvég.  tara,  guerre;  mot  que  Vigfusson  (Vigfus- 
son-Cleasby,  p.  625),  semble  considérer  comme  un  mot 
étranger.  Henderson  suggère  norvég.  her-ôr  (flèche  de 
guerre)  avec  le  '  t  '  de  l'art,  déf.  gaél.  en  tête  (Norse  Influ- 
ence in  Celtic  Scotland),  mais  la  phonétique  ne  convainc  pas. 
La  coutume  pouvait  bien  venir  des  vikings.  (V.  Dictionnaire 
Vigfusson-Cleasby,  sub  Kross).  Tous  deux,  l'article  et  le 
nom  sont  inconnus  en  Irlande. 

39.  Cruachan  :   la  plus  haute  montagne  de  l'Argyll  :   montagne  au 

sommet  arrondi. 

40.  Earra-ghàidheal  :  Argyll  ;  Ir.  moy.  Airer  Gâidel,  plus  tard  Oirer 

Ghâidheal,  "  Margo  Scotorum." 
44.  '  ma  beil  '=a'  bheil. 


160  POEMES 

45     Thug  iad  gaol  a  shiùbhal  garbhlaich, 
Moch  is  anmoch  a'  sealg  fàsaich  ; 
Cuid  eile  dhiubh  'nan  daom'-uaisle, 

'S  tha  cuid  dhiubh  'nan  tuath  ri  àiteach. 

'S  rioghail  an  eachdraidh  na  chualas 
50  Riamh  mu  d'phairtidh, 

'S  Ronmhor  an  taie,  na  tha  suas  diubh, 

Na'm  biodh  cas  ort  : 
Tha  gach  buaidh  eile  d'à  réir  sin 

An  Gleann  Nodha  féin  an  tàmhachd, 
55     Piob  is  bratach  is  neart  aig  Seumas, 

An  ceann-cinnidh  nach  tréig  gu  bràth  sinn . 

54.  Glenoe  [Gleann  Nodha]  =  Vallée  Nouvelle,  Fraîche. 


POEMES  161 

45     Us  aimaient  surtout  à  parcourir  les  pays  montagneux  : 
Matin  et  soir  à  chasser  dans  les  solitudes 
Quelques-uns  d'entre  eux  sont  des  gentilshommes, 
D'autres  sont  des  paysans  qui  cultivent  la  terre. 

Belle  dans  l'histoire 
50  Est  toujours  la  réputation  de  ta  famille. 

Bon  nombre  existe  encore  pour  te  soutenir 

En  cas  de  besoin  ; 
Toute  autre  vertu  de  cette  espèce 
Habite  Glenoe  même, 
55     Cornemuse  et  étendard  et  force  sont  à  Jacques, 
Chef  qui  ne  nous  trahira  jamais. 


il 


16Î  POEMES 


DO  CHAIPTEAN  CAIMBEUL. 

'S  maith  thig  féile  cruinn  uasal 

Mu'n  cuairt  air  do  bhreacan, 
Bonaid  ghorm  a'  bhile  shìod'  ort, 

'S  péiteag  riomhach  de'n  tartan; 
5     Brog  theann  air  dheagh  chumadh 

Mu'n  troigh  as  cuimeir  air  faiche, 
S  air  do  chalpannan  soilleir, 

Osain  ghoirid  is  gartain. 

'S  maith  thig  claidheamh  geur  cùil  ort, 
10         Lann  ùr  nan  tri  chlaisean, 
Tana,  faobharach,  fuileach, 

Aotrom,   guineach,  geur,  sgaiteach  ; 
Dias  chuimeir  de'n  stàilinn, 
'S  i  spàirrt'  an  ceann  aisneach, 
15     Ann  an  iomchar  uallach, 

'S  an  crios  gualainn  'san  fhasan. 

Paidhir  dhag  air  do  ghiùlan, 
B'e  do  rùn  a  bhi  'd  shiùbhal, 

Mar  ri  cuilbheir  deaa,  aotrom, 
20         Gunna  caol  a'  bheòil  chumhainn, 

Adharc  chuimeir  an  fhùdair, 

Flasg  chùl-bhuidh  's  beul  lùthaidh, 

Sgiath  bhreac  nam  bail  dlùtha, 
Lann  sgriùbhta  'na  h-ùbhall. 

25     Cha  mhios  'thig  dhuit  biodag, 

Cho  maith  's  a  thigeadh  o'n  cheardaich, 
Sniomhan  lionmhora,  croma, 
Air  a  cois  dhromanaich,  chargnaich; 


POEMES  163 


AU  CAPITAINE  CAMPBELL  (Vers  Choisis) 

Bien  sied  le  noble  kilt  arrondi, 

A  ton  plaid, 
Bonnet  bleu  bordé  de  soie 

Veston  superbe  de  tartan  ; 
5     Chaussure  ajustée,  élégante, 

Au  pied  le  plus  soigné  sur  le  gazon  ; 
A  tes  mollets  blancs, 

Chaussettes  courtes  et  jarretières. 

Bien  te  sied  le  sabre  tranchant, 
10         Lame  neuve  aux  trois  rainures, 
Mince,  aiguisée,  sanguinaire, 

Légère,  affilée,  coupant  bien; 
Lame  d'acier  bien  faite, 

Fixée  dans  une  garde  à  côtes, 
15     Suspendue  à  un  noble  crampon, 
Et  la  bandoulière  à  la  mode. 

Deux  pistolets  sur  toi 

C'était  ton  désir  de  porter, 
Avec  un  fusil  beau  et  léger, 
20         Carabine  à  gueule  étroite, 
Cor  élégant  à  poudre, 

Poire  à  poudre  jaune,  ouverture  articulée, 
Bouclier  tacheté  garni  de  clous  compactes, 

Pointe  vissée  à  sa  bosse. 

25     Pas  moins  ne  te  sied  le  poignard, 

Le  meilleur  qui  pût  venir  de  la  forge, 
Maints  plis  contournés 

A  la  hanche  sillonnée  et  noueuse  : 


164  POEMES 

'S  i  gu  finealta,  sgeanail, 

Direach,  tana,  glé  sgeanamhail, 
30     Eadar  bhonn  agus  mhuineal, 

An  taoim  's  an  dùille  's  a'  chrambait. 

Ces  vers  donnent  une  représentation  remarquablement  claire  et 
nette  d'un  montagnard  écossais  dans  son  costume  complet  à  cette 
époque.  Le  Capitaine  Campbell  était  à  la  tête  d'une  compagnie  de  la 
milice  d'Argyll  à  la  bataille  de  Culloden  (1746)  du  côté  royaliste. 
Après  on  l'envoya  punir  les  '  rebelles  '  dans  les  districts  sauvagea  de 
Moidart  et  Arisaig  où  il  agit  avec  grande  considération  et  tolérance. 
Plus  tard  il  devint  un  des  capitaines  de  la  garde  d'Edimbourg  où  il 
fut  un  des  meilleurs  amis  du  poète.  Il  mourut  en  1774. 
31.  An  taoim  :  ainsi  toutes  les  éditions.  Je  prends  le  mot  pour  '  an 
t-uigheam  '  et  l'ai  traduit  ainsi. 


POEMES  105 


Poignard  bien  fait  et  propre, 
30         Droit,  mince,  bien  poli, 
Pommeau,  emboiture, 

Arme,  fourreau,  bouterolle. 


166  POEMES 


OR  AN  DO  N  BHRIOGAIS 

Lin  mu  ag  : 

"S  o  tha  na  briogais  liath-ghlas 
Am  bliadhna  cur  mulaid  oirnn, 
'S  e'n  rud  nach  fhacas  riamh  oirnn. 
S  nach  miann  leinn  a  chumail  oirnn  : 
ô  S  na'm  bitheamaid  uile  dileas 

Do'n  Righ  bha  toirt  cuiridh  dhuinn, 

Chan  fhaicte  sinn  gu  dilinn 

A'  striochdadh  do'n  chulaidh  so. 

'S  olc  an  seòl  duinn,  am  Prionns'  òg 
10     A  bhi  fo  mhòran  duilichinn, 

Is  rìgh  Deòrsa  a  bhi  chòmhnuidh, 

Fear  'm  bu  choir  dha  tuineachas; 

Tha  luchd-eòlais  a'  toirt  sgeòil  duinn 

Nach  robh  còir  air  Lunnainn  aige, 
15     'Se  Hanòbhar  an  robh  sheòrsa, 

'S  coigreach  oirnn  an  duine  sin  : 

'S  e  'n  righ  sin  nach  buineadh  dhuinn, 

Rinn  dimeas  na  dunach  oirnn, 

Mu'n  ceannsaich  e  buileach  sinn, 
20     B'  e  'n  t-am  dol  a  chumasg  ris  ; 

Na  rinn  e  oirnn  de  dh'an-tlachd, 

De  mhiothlachd,  is  de  dh' aimhreit, 

Ar  n-eudach  thoirt  gun  taing  dhinn, 

Le  ainneart  a  chumail  ruinn. 

'S  o  tha  na  briogais,  etc. 

].  '  briogais  '  :  au  pluriel  :  écossais  '  breeks  '  :  liath-ghlas  :  couleur 
la  plus  méprisée  parmi  les  montagnards  écossais  depuis  ce 
temps. 

G.  Le  Vieux  Prétendant. 


POEMES  iff 


CHANSON  AUX  CULOTTES 

Refrain  : 

Ce  sont  les  culottes  gris  vert 
Qui  nous  chagrinent  cette  année. 
C'est  une  chose  qu'on  ne  nous  a  jamais  vue 
Et  nous  ne  désirons  pas  continuer  à  les  porter 
5  Car  si  nous  avions  été  fidèles 

Au  roi  qui  nous  le  demandait 
On  ne  nous  aurait  jamais,  jamais  vu 
Abandonner  ce  costume. 

Quel  malheur  pour  nous  que  le  jeune  Prince 
jlO     Soit  en  si  grande  tribulation, 

Tandis  que  le  roi  Georges  habite 

Où  lui  devrait  vivre  : 

Ceux  qui  savent  nous  racontent 

Qu'il  n'avait  aucun  droit  sur  Londres. 
J15     Ses  gens  sont  du  Hanovre, 

Cet  homme  règne  en  étranger  : 

C'est  un  roi  différent  de  nous 

Qui  nous  a  traités  misérablement, 

Avant  que  nous  ne  soyons  assujettis, 
30     II  serait  temps  d'aller  le  combattre  ; 

H  nous  a  injuriés 

Tourmentés  et  querellés, 

Il  nous  a  dépouillés  de  nos  vêtements, 

Nous  poursuivant  avec  violence. 

Ce  sont  les  culottes  gris- vert,  etc. 


168  POEMES 

25     'S  o'n  a  chuir  sinn  suas  a'  bhriogais, 

Gur  neo-mhiosail  leinn  a'  chulaidh  ud 

G'an  teannadh  mu  na  h-iosgannan, 

Gur  trioblaideach  leinn  umainn  iad  : 

'S  bha  sinn  roimhe  misneachail, 
30     'S  na  breacain  fo  na  criosan  oirnn, 

Ged  tba  sinn  am  bitheantas 

A  nise  cur  nan  sumag  oirnu  : 

'S  ar  leam  gur  h-olc  an  duais 

Do  na  daoine  chaidh  's  a'  chruadal. 
35     An  aodaichean  thoirt  uapa 

Ge  do  bhuannaich  Diuc  Uilleam  leò. 

Chan  fhaod  sinn  bhi  sùlasach, 

O'n  chaochail  ar  cùlaidh  sinn. 

Chan  aithnich  sinn  a  chéile 
40     La  féille  no  cruinneachaidh. 

'S  bha  uair-eigin  an  t-saoghal 

Nach  saoilinn  gu'n  cuirinn  orm. 

Briogais  air  son  aodaicli . 

'S  neo-aoibheil  air  duine  i  : 
45     'S  ged  tha  mi  deanamh  ùis  cl  il  h. 

Cha  d'rinn  mi  bonn  sùlais 

Ris  an  deise  nach  robh  daimheil 

Do'n  phairtidh  g'am  buininn-sa  : 

'S  neo-sheannsar  a'  chulaidh  i, 
50     Gur  grànda  leinn  umainn  i. 

Cho  teann  air  a  cumadh  dhuinn, 

'S  nach  b'fheàirrde  leinn  tuilleadh  i 

Bidh  putain  anns  na  glùinean, 

la  bucalan  g'an  dùnadh, 
55     'S  a'  bhriogais  air  a  dùbladh. 

Mu  chùlaibh  a  huile  fir. 

34.  Les  Campbells  d'Argyll. 

36.  Le  duo  de  Cumberland,  vainqueur  à  la  bataille  de  Cnlloden,  1746 


POEMES  169 

25     Depuis  que  nous  avons  mis  la  culotte, 

C'est  un  habit  que  nous  détestons  cordialement 

Nous  serrant  autour  des  cuisses, 

Le  porter  nous  contrarie  beaucoup  ; 

Autrefois  nous  étions  fiers, 
30     Des  plaids,  sous  nos  ceintures, 

Mais  à  présent,  nous  avons 

Des  housses  en  fait  de  jupon  ; 

Je  pense  que  c'est  mal  récompenser 

Les  hommes  qui  ont  bravé  le  danger, 
35     De  priver  de  leurs  habits 

Ceux  qui  ont  gagné  la  victoire  pour  le  Duc  Guillaume, 

Maintenant,  nous  ne  pouvons  être  heureux. 

Notre  habillement  nous  change  tant, 

Nous  ne  nous  connaissons  plus 
40     Aux  assemblées,  ou  les  jours  de  foires. 

A  une  époque  de  ma  vie 

Je  ne  pensais  pas  qu'il  me  faudrait  revêtir 

Des  pantalons  à  la  place  de  costume, 

Cela  sied  si  mal  un  homme  : 
45     Bien  que  j'en  porte, 

Je  ne  me  sens  pas  heureux 

Car  cela  ne  convient  pas  à  la  race 

A  laquelle  j'appartiens: 

C'est  un  vêtement  si  triste, 
50     Nous  pensons  qu'il  est  horrible  à  porter 

La  forme  est  trop  serrée  pour  nous, 

Nous  désirons  ne  plus  l'avoir 

Il  a  des  boutons  près  des  genoux. 

Et  des  boucles  pour  les  retenir, 
55     Les  pantalons  nous  enserrent 

A  chacun  le  dos. 


170  POEMES 

Gheibh  sinn  adan  ciar-dhubh, 

Chur  dion'  air  ar  mullaichean. 

Is  casagan  cho  sliogta, 
60     'Sa  mhìnicheadh  muilean  iad. 

Ged  cbumadh  sin  am  fuachd  dhinn. 

Chan  fhàg  e  sinn  cho  uallacli. 

'S  gu'n  toilich  e  ar  n-uaislan 

Ar  tuath  no  ar  cumanta. 
65     Cha  taitinn  e  gu  bràtli  ruinn 

A  choiseachd  nan  gleann-fàsaieh. 

'N  uair  a  rachamaid  do  dh'  àirigh. 

No  dh'  ait  am  biodh  cruinneagan  : 

'S  e  Deòrsa  rinn  an  eucoir, 
70     'S  ro  dhiombach  tha  mi  féin  deth, 

O'n  thug  e  dhinn  am  féileadh, 

'S  gach  eudach  a  bhuineadh  dhuinn. 

S  bha  h-uile  h-aon  de'n  phàrlamaid 

Fallsail  le  'm  fiosrachadh, 
75     *N  uair  chuir  iad  air  na  Caimbenlaicli 

Teanndachd  nam  briogaisean  : 

"S  gur  h -iad  a  rinn  am  feum  dhaibh 

A'  bhliadhna  thàin''  an  streupag, 

A  h-uile  h-aon  diubh  dh'  éirigh 
80     Gu  léir  am  Milisi  dhaibh  ; 

'S  bu  cheannsalach,  duineil  iad. 

'San  am  an  robh  an  eumasg  ami, 

Ach  's  gann  daibh  gu'n  cluinnear  iad 

A  champachadh  tuille  leis  ; 
85     O'n  thug  e  dhinn  an  t-aodach. 

'S  a  dh'  fhàg  e  sinn  cho  faontrach. 

'S  ann  rinn  e  oirnn  na  dh'  fheudadh  e. 

Shaoileadh  e  chur  mulaid  oirnn. 

71.  '  am  féileadh  '  :  aussi  '  an  t-éileadh  '  :  la  racine  correcte  semble 
commencer  par  '£'.  Macbain  suggère  V.  Ir  '  roufeladar  '  et 
fiai;  lat.  :  vélum;  angl.  '  veil.'  V.  aussi  les  remarques  d© 
O'Rahilly  sous  '  féileadh  '  (Scottish  Gaelic  Studies.  T.  n., 
p.  20). 

78.  thàin'  :  thàinig. 


POEMES  m 

Nous  aurons  des  chapeaux  d'un  noir  poudreux 

Pour  nous  protéger  la  tête, 

Et  des  manteaux  doux  et  lisses 
60     Qui  se  puissent  fabriquer. 

Bien  qu'ils  nous  protègent  du  froid, 

Nous  ne  serons  pas  si  fiers, 

Cela  plaira  à  nos  bourgeois, 

A  nos  fermiers  et  à  nos  gens  : 
65     Nous  ne  l'endosserons  pas  avec  joie. 

Pour  marcher  dans  les  vallées  écartées, 

Quand  nous  irons  aux  abris  des  pâturages. 

Ou  en  un  lieu  où  vivent  les  jeunes  filles  : 

Le  roi  Georges  a  commis  une  injustice 
70     Je  suis  moi-même  très  fâché  contre  lui, 

Car  il  nous  a  dépouillés  du  kilt, 

Et  du  costume  qui  nous  appartenaient . 

Et  chacun  des  membres  du  Parlement. 

Fut  faux  à  ce  qu'ils  savaient, 
75     Quand  ils  obligèrent  les  Campbells 

A  porter  le  pantalon  ; 

Car  ce  sont  eux  qui  les  servirent 

L'année  où  le  tumulte  commença. 

Chacun  d'eux  se  leva, 
80     Et  leur  Milice  entière  à  leur  aide  ; 

Ils  étaient  intrépides  et  robustes 

Tant  que  dura  la  lutte 

Mais  on  entendra  parler  de  peu 

Qui  aillent  désormais  camper  avec  lui  : 
85     Car  il  nous  a  dépouillés  de  nos  vêtements, 

Et  nous  a  laissés  si  désespérés, 

Il  nous  a  fait  la  pire  des  choses 

Qui,  à  son  avis,  nous  chagrinât. 


172  POEMES 

'S  ann  a  nis  tha  fios  againn 
90     An  t-iochd  a  rinn  Diuc  Uilleam  ruinn, 
'N  uair  a  dh'  fhàg  e  sinn  mar  phrisonaich, 
Gun  bhiodagan,  gun  ghunnachan, 
Gun  chlaidheamh,  gun  chrios  tarsuinn  oirnn, 
Chan  fhaigh  sinn  pris  nan  dagachan  : 
95     Tha  comannd  aig  Sasunn  oirnn, 

O  smachdaich  iad  gu  buileach  sinn  : 
Tha  angar  is  duilichinn 
'San  am  so  air  iomadh  fear, 
Bha  'n  campa  Dhiuc  Uilleam, 
100     Is  nach  fheàirrd  iad  gu'n  bhuidhinn  e  : 
Na'n  tigeadh  oirnne  Tearlach, 
'S  gu'n  éireamaid  'na  champa, 
Gheibhte  breacain  charnaid, 
'S  bhiodh  àird  air  na  gunnachan. 

90.  Le  duc  de  Cumberland,  fils  du  roi  Georges  II. 
101.  Le  Jeune  Prétendant. 


POEMES  17$ 

Maintenant  nous  savons  fort  bien 
90     L'indulgence  du  Duc  Guillaume  envers  nous, 
Quand  il  nous  laissa  ainsi  que  des  prisonniers, 
Sans  poignard,  sans  fusil, 
Sans  épée,  sans  baudrier, 
Même  les  pistolets  nous  manquent  : 
95     L'Angleterre  règne  sur  nous. 
Ils  ont  triomphé  sur  nous  ; 
La  colère  et  le  chagrin  sont  à  présent 
Dans  le  coeur  de  chaque  homme, 
Qui  fut  dans  le  camp  du  Duc  Guillaume 
100     Et  chacun  d'eux  s'en  trouve  plus  mal  d'avoir  gagné  : 
Mais  si  Charles  revenait  parmi  nous 
Et  que  nous  nous  levions  en  armes  dans  son  camp. 
Nous  obtiendrions  des  plaids  rouges 
Et  les  fusils  seraient  tout  prêts. 


174  POEMES 


ORAN  DO  CHLAIDHEAMH  MHIC  AN  LEISDEIR 
AGUS  DO  BHLAR  NA  H-EAGLAISE  BRICE 

Làtha  dhuinn  air  Machair-Alba, 
Na  bha  dh'  armailt  aig  a'  Chuigse, 
Thachair  iad  oirnne  na  reubail, 
'S  bu  neo-éibhinn  leinn  a'  chuideachd  ; 
5     :N  uair  a  chuir  iad  an  ratreud  oirnn, 
"S  iad  'nar  déidh  a  los  ar  murtadk, 
'S  mur  deanamaid  feum  le'r  casan, 
Cha  tug  sinne  srad  le'r  musgan. 

"S  a'  dol  an  coinneamh  a'  Phrionnsa 
10     Gu'm  bu  shunntach  a  bha  sinne, 

Shaoil  sinn  gu  'm  faigheamaid  cuis  deth 

'S  nach  robh  dhuinn  ach  dol  g'a  sireadh  : 

?N  uair  a  bhuail  iad  air  a  chéile 

'S  àrd  a  leumamaid  a'  tilleadh, 
15     JS  ghabh  sinn  a  mach  air  an  abhainn 

S  dol  g'ar  n-amhaich  anns  an  linne. 

'N  am  do  dhaoine  dol  'nan  éideadh 
Los  na  reubalaich  a  thilleadh, 
Cha  do  shaoil  sinn,  gus  na  ghéill  sinn, 
20     Gur  sinn  féin  bhidhte  'g  iomain  ; 
Mar  gu'n  rachadh  cù  ri  caoraibh, 
'S  iad  'nan  ruith  air  aodann  glinne, 
'S  ann  mar  sin  a  ghabh  iad  sgaoileadh 
Air  an  taobh  air  an  robh  sinne. 

<  Vux-ci  sont  les  premiers  vers  du  poète.  Les  faits  historiques  y  sont 
intéressants  et  l'humour  satirique  de  B.  Bàn  est  particulière- 
ment agréable  dans  ce  cas. 

2.  *  a'  Chuigse  '  =  '  Whigdom,'  l'ensemble  des  Whigs  :  ici  les 
royalistes.  Angl.  'wh'  =  gaél.  V;  e.g.  whip,  cuip;  wheel, 
cuibheal. 

9.  Le  Prince  Charles,  le  Jeune  Prétendant. 


POEMES  175 


CHANSON  A  L'EPEE  DE  MONSIEUR  FLETCHER 
ET  A  LA  BATAILLE  DE  FALKIRK 

Un  jour  dans  la  Plaine  Ecossaise, 
Nous  voilà  l'armée  entière  des  Whigs 
Rencontrés  par  les  rebelles, 
Compagnie  que  nous  n'aimions  pas  ; 
5     Lorsqu'ils  nous  obligèrent  à  battre  en  retraite. 
Nous  poursuivant  pour  nous  massacrer, 
Si  nous  nous  sommes  servis  de  nos  jambes, 
Nous  n'avons  point  employé  nos  fusils. 

En  allant  à  la  rencontre  du  Prince 
10     Pleins  d'entrain  étions-nous, 

Nous  pensions  avoir  le  dessus 

N'ayant  qu'à  aller  à  sa  recherche  ; 

Quand  les  armées  s'entre-choquèrent 

Nous  bondissions  en  nous  enfuyant, 
15     Nous  nous  élançâmes  dans  la  rivière 

Plongeant  jusqu'au  cou  à  l'endroit  profond. 

Quand  nos  hommes  se  préparaient 
A  refouler  les  rebelles, 
Nous  pensions  peu  jusqu'à  notre  défaite, 
20     Que  ce  serait  nous  les  fuyards  ; 

Comme  un  chien  saute  après  les  moutons 
Qui  courent  sur  le  penchant  du  vallon, 
C'est  ainsi  qu'ils  étaient  dispersés 
Du  côté  où  nous  étions. 

Titre  :  Leisdear  =  angl.  '  fletcher,'  fabricant  de  flèches  :  cf.  fi*,  'flèche' 
et  gaél.  'fleasg';  an  Leisdeir  =  an  (Fh)leisdeir. 
Au  Eaglais-bhreac  —  église  tachetée  =  éc.  '  Fal  '  (Paw),  couleur 
isabelle-f'kirk/  église.  Falkirk  est  la  traduction  en  anglo- 
écossais  du  nom  gaélique.  Nom  d'une  ville  près  d'Edim- 
bourg. 


176  POEMES 

25     Sin  '11  uair  thàinig  càch  'sa  dhearbh  iad 
Gu'm  bu  shearbk  dhuinn  dol  nan  cuideachd 
Se'n  trùp  Ghallta  g'an  robh  chall  sin, 
Bha  colluinn  gun  cheann  air  cuid  diubh  : 
'N  uair  a  thachair  ribh  Clann-Dòmhnuill. 

30     Chum  iad  còmhail  air  an  uchdan, 

Dh'  fhàg  iad  creuchdan  air  an  reubadh, 
'S  cha  léigkiseadh  léigh  an  cuislean. 

Bha  na  h-eich  gu  crùitheach,  srianach, 
Giortach,  iallach,  fiamhach,  trùpach; 

35     'S  bha  na  fir  gu  h-armach,  fòghluimt', 
Air  an  sònrachadh  gu  murtadh. 
N  uair  a  dh'  aom  sinn  bhàrr  an  t-sléibh. 
Is  moran  feum  againn  air  furtachd, 
N'a  bha  beò  bha  cuid  dhuibh  leòint', 

40     'S  bha  sinn  brònach  mu  na  thuit  ann. 

Dh'  éirich  fuathas  anns  an  ruaig  dhuinn. 

N  uair  a  dh'  aom  an  sluagh  le  leathad  ; 
Bha  Prionns'  Tearlach  le  chuid  Frangach. 

S  iad  an  geall  air  teachd  'nar  rathad  : 
45     Cha  d'fhuair  sinn  focal  comannd 

A  dh'  iarraidh  ar  naimhdean  a  sgathadh  : 
Ach  comas  sgaoilidh  feadh  an  t-saoghail, 

S  cuid  againn  gun  fhaotainn  fhathast. 

Sin  'n  uair  thàinig  mise  dhathaigh 
50     Dh' ionnsuidh  Ghilleasbuig  o'n  Chrannaich. 
'S  ann  a  bha  e  'n  sin  cho  fiata 
Ri  broc  liath  a  bhiodh  an  garaidh  . 

38.  Ainsi  l'éd.  1804. 

Four  ce  vers  l'éd.  Calder  a  : 

Fhuair  iad  am  marbhadh  's  ain  murtadh  ; 
Ils  furent  tués  et  massacrés. 

Pour  les  vers  37,  38  l'éd.  C.  a  les  vers  29,  30. 

Pour  les  vers  29-32  cette  éd.  a  : 

'S  ann  a  theich  sinn  as  na  cianaibh 
An  déidh  trian  againn  a  thuitcam, 
'S  cha  téid  mise  tuille  gu  dilinn 
Chuideachadh  le  Righ  na  Cuigse. 


POEMES  177 

25     Quand  les  autres  sont  venus  ils  nous  ont  prouvé 
Que  c'était  chose  pénible  de  leur  faire  face  : 
Les  troupes  de  la  Plaine  subirent  cette  pei  te, 
Parmi  elles  beaucoup  ans  tête  : 

Quand  le  Clan  DomhnuU  vous  rencontra. 

30     Ils  livrèrent  combat  sur  la  butte. 
Ils  laissèrent  des  blessures  ouvertes. 
Les  médecins  ne  pouvaient  fermer  leurs  veines. 

Les  che v;  s,  bridés, 

Sanglés,  ceints  de  lanières,  ombrageu 
Les  hommes  armés,  disciplinés, 
Choisis  pour  tuer. 

Quand  nous  avons  descendu  la  pente, 
Que  nous  avions  besoin  d'aide, 
Parmi  les  survivants  il  y  avait  des  blessés. 
40     Nous  étions  désolés  d'avoir  perdu  tant  d'hor 

Dans  la  débandade  la  peur  nous  saisit, 
Quand  l'adversaire  se  mit  à  dévaler  la  pente  : 
Le  Prince  Charles  et  ses  Français 
Semblaient  impatients  de  nous  attaquer  : 
45     Nous  n'avions  pas  reçu  de  mot  d'ordre 

Exigeant  que  nous  détruisions  nos  ennemis. 
Mais  le  privilège  de  nous  disperser  partout. 
Quelques-uns  d'entre  nous  n'en  peuvent  encore  profiter. 

Quand  je  suis  rentré  au  pays, 
50     Auprès  de  Gilleasbuig  de  Cramiach , 
Il  se  montra  aussi  sauvage 
Qu'un  blaireau  dans  son  repaire  : 

Vers  29-32  de  l'éd.  C.  : 

Alors  nous  nous  enfuîmes  bien  loin 
Après  avoir  perdu  le  tiers  de  notre  armée, 
Je  n'irai  jamais  plus  de  la  vie 
Aider  le  Eoi  des  Wkigs. 
49.  Gilleasbuig  =  serviteur  d'un  évèquej  prénom  de  M.  Pletclier. 

Crannach  =  endroit  planté  d'arbres;  résidence  do  M.  Pletcher. 
51.  '  dhathaigh  '  =  dhachaidh. 

12 


178  POEMES 

Bha  e  duilich  amis  an  am  sin 
Nach  robh  bail  aige  r'a  tharru 
S  mor  an  diùbhail  na  bha  dhii 
Claidhearah  sinnsireachd  a  a 

Moran  iaruinn  air  bheag  faobhair, 
Gu'm  b'e  sud  aogas  a'  chlaidheimh  : 
S  e  gu  lùbach,  leumnach,  bearnach, 
60     "S  bha  car  cani  ann  anns  an  ami,. 
Dh'  fhàg  e  mo  chruachann-sa  br 
Bhi  'ga  ghiùlan  feadh  an  rathaid. 
'S  e  cho  trom  ri  cabar  fearna, 
'S  mairg  a  dh' fhairdeadh  an  robl    rath  air. 

65      N  uair  a  chruinnich  iad  'nan  ceudan 
N  la  sin  air  Sliabh  na  h-Eaglais. 

Bha  ratreud  air  luchd  na  Beurla, 

'S  ann  doibh  féin  a  b'  éiginn  teicheadh  : 

Ged  a  chaill  mi  anns  an  am  sin 
70     Claidheamh  ceannard  Chloinn  an  Leisdeir; 

Claidheamh  bearnach  a'  mhi-fhortaii  . 

'S  ann  bu  choslach  e  ri  greidhlein. 

Am  ball-teirmeisg  a  bha  meirgeach, 

Nach  d'rinn  seirbhis  a  bha  dleasnach  ; 
75      S  beag  an  diùbhail  leam  r'a  chunntadh 

Ged  a  dh'  ionndraich  mi  mu  fheasgar. 

An  claidheamh  dubh  nach  d'fhuair  a  sgùradh 

'S  neul  an  t-sùith  air  a  leth-taobh  ; 
S  beag  a  b'fhiù  e,  's  e  air  lùbadh, 
80      S  gu'm  b'e  diùgha  de  bhuill-deis  e. 

An  claidheamh  braoisgeach  bh'  aig  na  daoine 
Nach  d'rinn  caonnag  's  nach  tug  buillean, 
Cha  robh  aogas  air  an  t-saoghal, 
S  mairg  a  shaothraich  leis  an  cuimeasg  : 

67.  i  luchd  na  Beurla  '  :    les  Anglais  ;   beurla  =  la   langue  anglaise 
cf.  Ir.  '  beurla  '  :  beul  (bél)+terminaison  abstraite  -re. 


POEMES  179 

Il  était  désolé  eu  ce  moment 
De  ne  pas  avoir  une  arme  à  tirer, 
35     Grande  perte  sans  doute  ce  qui  lui  manquait, 
L'épée  familiale  de  ses  ancêtres. 

Beaucoup  de  fer,  peu  de  tranchant. 
Telle  était  la  forme  de  l'épée, 
Courbée,  branlante,  ébrêchée, 
60     Un  coude  à  son  emboîture  ; 

Elle  m'a  laissé  la  hanche  meurtrie 

Pour  l'avoir  portée  le  long  du  chemin. 

Aussi  lourde  qu'un  gourdin  d'aune, 

Insensé  celui  qui  demanderait  si  elle  portait  bonheur. 

65     Quand  ils  se  sont  assemblés  par  centaines 

Ce  jour-là  sur  la  pente  de  Falkirk, 

Ce  furent  les  Anglais  qui  battirent  en  retraite. 

Eux  qui  eurent  à  s'enfuir  ; 

Bien  que  j'aie  perdu  à  ce  temps-là 
70     L'épée  du  chef  du  Clan-an-Leisdeir  ; 

Epée  ébrêchée  de  malchance. 

Elle  ressemblait  à  une  spatule. 

Arme  repoussante  et  roui  liée 

Qui  n'a  pas  rendu  le  service  dû, 
75     A  mon  avis  ce  n'est  pas  une  grande  perte 

Bien  qu'elle  me  manquât  à  la  nuit  tombante, 

Epée  noire  qu'on  n'a  jamais  nettoyée 

Un  des  côtés  couleur  de  suie, 

Peu  appréciable  avec  ses  courbes, 
80     La  pire  de  toutes  les  armes. 

Epée  édentée  appartenant  aux  hommes 
Qui  n'ont  ni  combattu  ni  porté  de  coups, 
Sa  pareille  n'existait  pas  au  monde, 
A  plaindre  qui  l'employait  au  combat  ; 


1  gl  )  POEMES 

85     An  claidheamh  dubh  air  an  robh  an  t-aimhleas 
Gun  chrios,  gun  chrambait.  gun  dùille, 
Gun  roinn,  gun  fhaobhar,  gun  cheann-bheart . 
'S  mairg  a  tharadh  leis  an  cunnart. 

Thug  mi  leam  an  claidheamh  bearnach, 
90     'S  b'olc  an  àsuinn  e  's  a  chabhaig, 

Bhi  'ga  ghiùlan  air  mo  shliasaid, 

'S  mairg  mi  riamh  a  thug  o'n  bhail'  e  : 

Cha  toir  e  stobadh  na  sathadh, 

'S  cha  robh  e  làidir  gu  gearradh  ; 
95     Gu'm  b'e  diùgha  de  bhuill  airm  e, 

'S  e  air  meirgeadh  air  an  fharadh. 

Chruinnich  uaislean  Earra-ghàidheal, 
Armailt  laidir  de  Mhilisi, 

'S  chaidh  iad  mu  choinneamh  Prionns'  Tearlach 
100     'S  dùil  aca  r'a  champ  a  bhristeadh; 
S  ioma  fear  a  bh'  anns  an  ait  ud 
Nach  robh  sàbhailt  mar  bha  mise, 
Ged  tha  mo  chlaidheamh  air  fhàgail 
Am  Blàr  na  h-Eaglais  Brice. 

98.  '  armailt  '  :  cf.  lat.  '  arinamentum.' 
104.  'Blàr'  =  (l)  champ  uni,  (2)  bataille. 


POEMES  181 

85     Epée  noire  de  mauvaise  fortune 

Sans  ceinture,  ni  bouterolle  ni  fourreau. 

Ni  pointe,  ni  tranchant,  ni  garde, 

A  plaindre  qui  la  possédait  dans  le  danger. 

J'ai  porté  avec  moi  l'épée  ébrêchée, 
90     Arme  inutile  dans  le  besoin. 

Suspendue  à  ma  hanche. 

Misérable  suis-je  de  l'avoir  apportée  de  chez  nous; 

Elle  ne  peut  presser  ni  percer. 

Manquant  de  résistence  pour  couper, 
9,5     Outil  de  guerre  le  plus  méprisable. 

Qui  a  rouillé  dans  le  galetas. 

Les  nobles  d'Argyll  assemblèrent 
Une  armée  puissante  de  milice, 
Ils  allèrent  à  la  rencontre  du  Prince  Charles 
100     Dans  l'espoir  de  détruire  son  camp  ; 
En  ce  lieu,  nombreux  les  hommes 
Qui  n'en  réchappèrent  comme  moi, 
Bien  que  mon  épée  fût  abandonnée 
Sur  le  champ  de  bataille  de  Falkirk. 


182  POEMES 


MOLADH  DO'N  GHAIDHLIG,   S  DON  PHIOB  MHOIR, 
'S  A'  BHLIADHNA  1789 

Brosnachadb  cluiche  na  pioba 

Dh'  innsinn  pàirt  deth, 
An  toiseacb  a  gleusadh,  'n  uair  a  lionar 

Séïd  na  màla  ; 
5     Fonnrahor,  freagarrach  g' a  chéile 

Na  dtiis  arda, 
Lan  toil-inntinn  do'n  lucbd-éisdeachd 

Bhios  'ga  clàistinn. 

Piob  uallach  nam  maidean  réidbe 
10  'S  nan  ceanna  cnàmha, 

De  'n  fhiodb  chruaidh  thig  a  Semeuca, 

'S  fbeàrr  tha  fàs  ann  : 
Air  a  thuairnearachd  cruinn,  direach. 
Iobbuireach ,  f àinneach , 
15     Gaoithearach,  feadanacb,  finealt' 
Le  binne  chàilleachd. 

Ce  poème  fut  couronné  par  la  Société  Higkland  do  Londres. 
11.  Le    j'  angl.  de  Jamaica  (Jamaïque)  devient  's'  en  gaélique. 


POEMES  183 


LOUANGE  AU  GAELIQUE  ET  A  LA  GRAN 
CORNEMUSE  EN  L'AN  1789 

Encouragement  aux  sons  de  la  cornemuse 
En  faire  part  je  le  voudrais, 

Tout  d'abord  la  régler  en  gonflant- 
Son  outre  de  vent  ; 
5     Mélodieux,  tous  de  même  accord 
Les  grands  tuyaux, 

Charment  pleinement  les  auditeurs 
Qui  les  écoutent. 

Cornemuse  élégante  aux  tuyaux  lisses 
10  Aux  têtes  d'os, 

De  bois  dur  de  la  Jamaïque 
Le  meilleur  qui  y  croît  ; 
Tourné  rond  et  droit, 
Anneaux  d'ivoire, 
15     Embouchure  et  fifre  jolis 

Aux  notes  harmonieuses. 

La  plus  vieille  cornemuse  en  Ecosse  porte  la  late  1496.  Elle  ne 
possède  que  deux  tuyaux  et  il  y  a  quelques  années,  appartenait  à 
Monsieur  John  Glen.  (Trans.  of  the  Scottish  Antiquarian  Society;. 
Les  cornemusiers  les  plus  renommés  de  l'Ecosse  entière  les  Macrim- 
mons  (Mac  Criomthainn)  étaient  cornemusiers  héréditaires  des  Mac- 
Leods  de  Dunvegan,  Skye.  La  cornemuse  de  cette  famille  existe 
encore  au  château  de  Dunvegan  où  je  l'ai  souvent  vue.  Elle  ne 
possède  que  deux  tuyaux.  La  cornemuse  de  Pàdruig  M6r  Mac 
Criomthainn  (A'  Phìob  Bhreac)  le  plus  célèbre  cornemusier  du 
monde,  qui  date  du  commencement  du  XVII  ème  siècle  est  aussi  à 
Dunvegan.  Elle  porte  trois  tuyaux.  Toutes  deux  furent  exposées  à 
kWembley  il  y  a  deux  ans  et  mon  ami  le  Révérend  Dr  Neil  Ross,  le 
cornemusier  bien  connu  et  rédacteur  du  "  Gàidheal  "  me  dit,  que 
l'été  dernier,  avec  la  permission  de  Sir  Reginald  MacLeod,  il  a  joué 
de  la  cornemuse  la  première  mentionnée,  dont  la  musique,  selon  lui 
est  aussi  bonne  que  celle  d'un  instrument  moderne. 


184  POEMES 

'S  freagarracli  a'  chuid  a  steach  dhitli. 

"S  tha    n  taobh  mach  dhith  dreachor,  dàicheil, 
lonnagach,  ribineach,  riomhach, 
20  Dosan  de'n  t-sioda  ri  srannraich, 

Mu  Mhuineal  nam  buaidhean  priseil, 

Cumail  dion'  air  a  min  bhràghad. 
Cuilc  'na  slugan  tha  'ga  lionadh. 

Air  a  dhionachadh  le  snàithean. 

25      Si  phiob  ùr  a  tha  "n  Dun-éideann, 
Eibhneas  Ghaidheal. 
Inneal-ciùil  as  fheàrr  fo  'n  ghréin 

Le  reusan  àraid  ; 
Tha  i  snasmhor,  maiseaeh,  fìnealt', 
30  Cuimir,  dreachmhov,  dionach,  làidir, 

Gu  binne,  bòidheach,  seòcail,  ceutach, 
Ceòlmhor,  eutrom,  éibhinn,  àluinn. 

Piob  a  chuireadh  suimt  gu  mire, 
Fonn  is  farum, 
35     Air  gach  diuc  is  ard  cheann-ci  inidh, 
'S  oighre  fearainn  : 
Bidh  gach  duin'-uasal    ga  sireadh 

Gu  togail  a  shluaigh  's  a'  charraid, 
An  am  tarruing  a  suas  gach  fine 
40  Dhol  a  bhualadh  nau  cruaidh  lannan. 

i  !eò]  as  riog  :.  die  's  as  sine, 

Chuala  sinne  bhi  air  thalamh, 
(  !eòl  as  brighmhoire  's  as  binne, 

S  as  grinne  thug  meòir  a  erannaibh  ; 
45     Cha  chualas  neach  riamh  a  dhi-mol 
Dreach  is  deanadas  na  h-ainnir  : 
"S  fhuair  i  cliù  le  beul  gach  filidh 

A  bha  's  dùthaich  b'  fhiacb  gu  rannan. 

25.  On   offrait   nue   nouvelle  cornemuse  élégante  chaque  année   au 
meilleur  cornemusier  du  concours. 


POEMES  185 

Conforme  est  son  intérieur 

A  son  dehors  gracieux  et  net, 
Garni,  enrubanné,  pimpant, 
20  Morceau  de  soie  frissonnant 

Autour  du  cou,  aux  charmes  précieux. 

Protégeant  son  poitrail  lisse, 
Anche  remplissant  sa  gorge 

Bien  serrée  par  du  fil  mince. 

25     La  nouvelle  cornemuse  qui  est  à  Edimbourg 
Joie  des  Gaèls, 
Instrument  de  musique  le  meilleur  sous  le  soleil 

Non  sans  raison  : 
Elle  est  magnifique,  coquette,  soign*'   . 
30  Bien  formée,  attrayante,  imperméable,  forte. 

Douce,  avenante,  superbe,  digne, 

Mélodieuse,  légère,  entraînant)  .  splendide. 

Cornemuse  qui  changerait  la  joie  en  enthousiasme 
Inspirant  la  gaieté  et  l'ardeur 
35     A  tout  duc,  tout  grand  chef, 
Et  tout  héritier  de  terre: 
Tout  homme  de  rang  la  recherchera 
Pour  exciter  ses  hommes  au  co 
Au  moment  de  ranger  chaque  clan 
40  Qui  va  frapper  avec  des  lames  d'acier. 

Musique  la  plus  royale  et  la  plus  ancienne 

Que  nous  sachions  exister  sur  terre. 
Musique  la  plus  vitale,  la  plus  mélodieuse, 

La  plus  douce  que  les  doigts  aient  produite 
45     On  n'a  jamais  entendu  personne  blâmer 

La  forme  et  l'exécution  de  la  demoiselle 
Elle  fut  louée  des  lèvres  de  tout  poète 

De  mérite  habitant  le  pays. 


186  fit  EUES 

Tha  'n  rioghachd  làn  éibhneis  uile, 
50  'S  Dun-éideann  gu  trie  'nan  aire. 

Liuthad  treun-fhear  th'ann  ag  cmnail 

Reachd  is  reusan  a  chomh-thionail  : 
Cainnt  as  géire  chuala  duine, 

'S  urramach  gach  beul  a  chanas. 
55     A'  chanain  ata  réidh,  ullamh, 

Reusach,  furanach,  glé  ealamli. 

!  air  do'n  Ghaidhealtachd  turu? 
Na  thainig  an  dràsd'  do'n  bhailr. 
imail  ara  pris  brigh  an  t-seancb; 
€0  Tha  farcnadach  leis  na  Gallaibh  : 

Gàidhlig  Albannach  nan  curaidh, 

'S  a'  phiob,  ban-mhaighstir  gacb  ealaidb. 
An  ceòl  'sa'  chainnt  a  fbuair  gach  urram. 
As  luaithe  bh'ann  's  as  fhaide  mhaireas. 


POEMES  [  v7 

Le  royaume  entier  est  dans  la  joie, 
50  Et  Edimbourg  souvent  est  dans  sa  pensée. 

Tant  de  braves  y  demeurent  et  exerc 

La  loi  et  la  justice  parmi  les  hon.  -:ies  : 
Langue  la  plus  tranchante  jamais  entendue, 
Honorable  est  chaque  bouche  qui  parie. 
55      La  langue  qui  est  unie,  précise. 
Modeste,  cordiale  et  vive. 

C'est  un  honneur  aux  Hautes-Terres,  la  venue 

De  tous  ces  gens  à  ce  moment  à  la  ville 
Pour  glorifier  la  substance  de  l'histoire, 

Envie  des  gens  des  Basses-Terres  : 
Gaélique  écossais,  langue  des  héros, 

Cornemuse,  reine  de  tout  art, 
Musique  et  langue  couronnées  d'honneur. 

Les  premières,  elles  existaient,  les  dernier» 
s'éteindront. 


1 86  POEMES 


11AINN  CLAIDHEIMB 

Gu'in  bu  slnu  do  làimh  an  Iarla 

A  chuir  aiu  charaibh 
An  claidheamh  fhuair  mi  Di-ceudaoin 

Ami  am  Bealach  ; 
5     Stàilinn  cruadhach,  buadhor,  ceutach, 

'S  e  geur,  tana, 
Nach  lùb.  's  nach  leumadh,  's  nach  bearnadh. 

'S  nach  gabh  camadh. 

Claidheamh  cùil  a  choisinn  cliù, 
10  Ged  fhuair  e  fheuchainn, 

S  trie  a  thug  e  buille  drùiteach 

Le  làimh  threubhaieh  ; 
Sàr  cheann-Tleach,  làidir,  dionach; 
'S  lann  d'à  réir  sin, 
15     Ghearradh  e  ùbhal  air  uisge 
Le  fior  gheuraid. 

Claidheamh  li-ghorm  îian  tri  chlaisean, 

Fhuair  a  chleachdadh  ris  na  creuchdan. 

B'  fheàirrde  duin'-uasal  'na  ghlaic  e, 
20  Na'm  biodh  e  'san  fheachd  ag  éirigh  : 

'S  deas  a  laigheadh  e  air  gaisgeach. 

'N  uair  a  rachadh  e  ceart  'ua  éididh, 

'S  bhiodh  'ga  ghiùlan  an  crios-gualainn 
Air  uachdar  breacan-an-fhéilidh. 

25     'N  uair  bba  'n  saoghal  an  aimlireit, 
'S  anus  a'  champ  as  trie  a  bha  e, 
'S  cha  do  chuir  riamh  fear  a  ghiùlain 
Cùl  r'a  namhaid  : 

1.  Le  comte  de  Breadalbnnc,  patron  du  poète  : 

Breadalbane=Bràghaid  Alban,   Partie  Supérieure  «le  l'Ecosse 
ancien  cas  locatif  de  Bràighc. 
3.  Di-ceudaoin:  Le  premiei  jour  de  jeûne:  (ceud+aoine). 


POEMES  189 


VERS  SUR  UNE  EPEE 

Heureuse  soit  la  main  du  Comte 

Qui  plaça  sur  mon  chemin 
L'épée  que  j'obtins,  mercredi 

A  Bealach; 
5     D'acier  dur  et  clair,  de  bonne  qualité, 

Tranchante  et  mince.  |sa  garde, 

Elle  restera  droite,  sans  brèche,  fixée  fermement  dans 

Et  ne  se  courbera  pas. 

Un  sabre  qui  a  gagné  des  honneurs, 
10  Malgré  de  dures  épreuves, 

Qui  a  souvent  frappé  un  grand  coup 

Par  une  main  robuste  : 
Poignée  d'Islay  forte,  ferme,  fixée, 
Lame  qui  lui  est  assortie, 
15     Elle  couperait  une  pomme  sur  l'eau 
Tant  elle  est  tranchante. 

Epéo  de  couleur  bleue,  à  trois  rainures, 
Qui  s'exerça  en  faisant  des  blessures, 

Un  gentilhomme  ne  s'en  trouvera  que  mieux, 
20  De  l'avoir  au  poing  lorsque  la  guerre  éclate  : 

Elégante  serait-elle  sur  un  héros 

Qui  irait  équipé  de  son  uniforme, 

La  portant  à  son  baudrier 

Au-dessus  de  son  plaid  plissé. 

25     Lorsque  le  monde  était  en  confusion 

Dans  le  camp  elle  se  trouvait  le  plus  souvent, 
Et  jamais  celui  qui  la  portait 

A  l'ennemi  ne  montrait  le  dos  ; 

4.  Bealach:  résidence  du  comte:  gaél.  bealach  =fr.  col; 

angl.  Taymouth. 
13.  Ileach  :  appartenant  à  l'Ile  d'Islay — une  des  îles  de  l'Argyll. 


190  POEMES 

Gach  duine  a  tharruing  a  truaill  e, 
30  S  ann  air  a  bha  bhuaidh  gach  làrach  : 

'S  e  "s  feàrr  a  thàinig  riamh  â  ceardaich, 
S  a  rinneadh  le  Aindrea  Farara. 

S  e  ri  nu  Aindrea    n  obair  cheutach, 

A  thoilicheadh  miann  gach  Gaidheil  ; 
S  eireachdail  e  air  an  t-sliasaid, 

'S  cha  mheasa  gu  gnionih  "san  làimh  e  : 
.Bha  e  tamull  aig  na  Fianntaibh, 

Daoine  fiadhaich  anns  na  blàraibh  ; 
S  rinneadh  e'n  toiseach  do  Dhiarmad, 
40  "S  ann  aig  sliochd  Dhiarmaid  e  tha  e. 

32.  Le  fameux  armurier  espagnol. 

39.  Diarmad  :    le   héros    Fingalien,    fondateur    légendaire   du   clan. 
Campbell  :  Diarmad  O'Duibhne. 


POEMES  191 

Chaque  homme  qui  la  dégaina 
30  Gagna  les  batailles  dans  lesquelles  il  prit  part  : 

C'est  la  meilleure  qui  soit  jamais  venue  de  la  forge, 
Faite  par  Andréas  Ferrara. 

Andréas  fit  le  travail  d'une  façon  suprême 

Qui  donna  toute  satisfaction  à  chaque  Gaël  : 
35     Au  coté,  elle  est  superbe, 

Et  non  pas  pis  entre  les  mains  en  action  : 
Les  Fingaliens  l'eurent  quelque  temps 

Hommes  sauvages  dans  les  combats  : 
Elle  fut  faite  tout  d'abord  pour  Diarmad, 
40  Elle  reste  aux  soins  de  sou  clan. 


IS'2  POEMES 

ORAN   DUTHCHA 

Luinneag  : 

Horinno  lio  iririo, 

Horinno  ho  iririo, 

Hirinno  lio  liiri  uo, 

'S  i  mo  dhùthaich  a  dh'  fhàg  mi 

5  Ged  a  tlia  sinn  car  tamuill 
A'  tàmh  aig  na  Gallaibh, 
Tha  mo  dhùthaich  air  m'aire, 

'S  cha  mhaith  leani  a  h-àicheadh. 
Horinno  ho  iririo,  &c. 

Ged  as  éiginn  duinn  gabhail 
10     Leis  gach  ni  thig  'san  ratliad. 
Gu'm  b'fheàrr  na  na  srathan 
Bhi  tathaich  'sa'  bhràighe. 

Ged  as  comhnard  na  sràidean, 
'S  mòr  a  b'fheàrr  bhi  air  àirigh, 
15     Am  frith  nam  beann  arda 

'S  nam  fàsaichean  blàtba. 

Beurla  chruaidh  gach  aon  latha 
'N  ar  cluais  o  chionn  ghrathuinn, 
'S  e  bu  dual  duinn  o'r  n-athair 
20         Bhi  labhairt  na  Gàidhlig. 

Ged  as  cliùiteach  a'  Mhacbair 
Le  cùnnradh  's  le  fasan, 
B'  e  ar  dùrachd  dol  dathaigh 
'S  bhi  'n  taice  r'ar  càirdean. 


POEMES  l»:i 


CHANSON  AU  PAYS  DE  SON  ENFANCE 

Refrain  : 

Horinno  ho  iririo, 

Horinno  ho  iririo. 

Horinno  ho  hiri  uo. 

J'ai  quitté  le  lieu  de  mon  enfai 

5     Bien  que  nous  soyons  depuis  quelque  I 
Parmi  les  habitants  des  Basses-Terres. 
Mon  pays  est  toujours  présent  à  l'espril . 
Je  refuse  de  L'en  chasser. 

Bien  que  nous  devions  accepter 
10     Tout  ce  qui  se  présente  à  nous 

Je  préférerais  la  vie  sur  les  hautes  pentes, 
A  celle  des  larges  vallées. 

Bien  que  les  rues  soient  égales, 
Meilleure  est  la  vie  dans  une  cabane 
15     Dans  un  terrain  de  chasse  sur  les  monts. 
Parmi  les  landes  abritées. 

Chaque  jour  l'anglais  peu  harmonieux 
Retentit  aux  oreilles  depuis  longtemps, 
De  nos  pères  nous  devrions  tenir 
20         La  langue  gaélique. 

Bien  que  la  Plaine  soit  célèbre 

Par  ses  marchés  et  ses  modes, 

C'est  notre  vif  désir  de  rentrer 

Vivre  auprès  de  nos  amis. 


13 


194  POEMES 

25     Bhi    n  Clachan-an-diseirt 
A'  faicinn  ar  dilsean, 
Gu'in  b'ait  leinn  an  tir  sin, 
O'n  as  i  rinn  ar  n-àrach. 

Cha  b'e  fasan  nan  daoiu'  ud 
30     Bhi  'n  conas  na  'n  caonnaig, 
Ach  sonas  an  t-saoghail. 

'S  a  bhi  gaolach  mar  bhràithrean. 

'N  am  suidhe  's  tigh-òsda 
Gu  luinneagach,  ceòlmhor. 
35     Bu  bhinn  ar  cuid  òran, 

'S  bhi  'g  òl  nan  deòch-slainte. 

Luchd-dhìreadh  nan  stùcan 
Le  'n  gunnachan  dubh-ghorm, 
A  loisgeadh  am  fùdar 
40         Ri  ùdlaiche  làn-daimh. 

"S  e  bu  mhiann  leis  na  macaibh 
Bhi  triall  leis  na  slatan 
A  chur  srian  ris  a'  bhradan, 
Cha  b'e  fhasan  am  fàgail. 

45     Gu  fiadhach  a'  mhonaidh, 
No  dh'  iasgach  air  buinne, 
Anns  gach  gniomh  a  ni  duine, 
'S  mor  urram  nan  Gaidheal. 

25.  Clachan-an-diseirt:    aujourd'   hui,   Dalmally.       '  Clachan  '  :   vil- 
lage d'église;  diseart,  herniitage. 
'■ï.i.    s  — anns  an. 


POEMES  195 

25      Rester  à  Clachan-an-aiseirt 
Auprès  de  nos  chers  parents, 
Voilà  la  terre  qui  nous  rend  heureux 
Car  elle  nous  a  vu  grandir. 

Ce  n'était  pas  1'  habitude  de  ces  gens 
30     De  se  quereller  ni  de  se  battre, 
}Jais  de  mener  une  vie  paisible 
Et  de  s'entr'aimer  en  frères. 

Assis  dans  l'auberge 
Chantonnant  nos  mélodies, 
35     Que  nos  chansons  étaient  douces 
Quand  nous  vidions  nos  verres. 

Grimpeurs  d'escarpements  , 
Leurs  fusils  couleur  bleu  sombre, 
Qui  brûleraient  leur  poudre 
40         Visant  un  grand  cerf. 

Les  gars  trouvaient  bien  à  leur  goût 
D'aller  pêcher  à  la  canne, 
Retenir  à  la  bride  le  saumon 

Ce  n'était  pas  son  habitude  de  leur  échapper. 

45     Chasser  les  cerfs  sur  la  montagne, 

Ou  prendre  le  poisson  dans  un  courant, 
Dans  tous  les  faits  qu'  accomplit  l'homme, 
Grande  est  la  renommée  des  Gaëls. 


196  POEMES 


ORAN  DO'N  EIDEADH  GHATDHEALACH. 

Fhuair  mi  naidheachd  as  ùr, 

Tha  taitneadh  ri  rùn  mo  chridh' 
Gu  faigheamaid  fasan  na  dùthch' 

A  chleachd  sinn  an  tùs  ar  tim. 
5     O'n  tha  sinn  le  glaineachan  làn 

A'  bruidhinn  air  mànran  binn, 
So  i  deoch-slàinte  Mhontrose, 

A  sheasadh  a'chòir  so  dhuinn. 

Chunnaic  ni  'n  diugh  an  Dun-éideann 
10         Comunn  na  féile  cruinn, 
Litir  an  fhortain  thug  sgeul 

Air  toiseach  an  éibhneis  dhuinn. 
Piob  gu  loinneil  an  gleus 

Air  soilleireachd  réidh  an  tuim  ; 
15     Thug  sinn  an  follais  ar  n-éideadh, 
Is  cò  a  their  reubail  ruinn  ? 

Deich  bliadhna  fichead  is  còrr, 

Bha  casag  de'n  chlò  m'ar  druim, 
Fhuair  sinn  ad  agus  cleòc, 
20         'S  cha  bhuineadh  an  seòrs'  ud  dhuinn  : 
Bucaill  a'dùnadh  ar  bròg, 

'S  e  'm  barr-ial  bu  bhòidhche  leinn  : 
Hinn  an  droch  fhasan  a  bh'oirnn 

Na  bodaich  d'  ar  n-òigridh  ghrinn. 

25     Mhill  e  pairt  d'ar  cumachd 

O'n  bhlàr  gu  mullach  ar  cinn  ; 
Bha  sinn  cho  làn  de  mhulad, 

'S  gu'n  d'fhàs  gach  duine  gu  tinn. 

1.  'naidheachd'   pour   '  nuaidheachd  '  :    je  suis   l'orthographe   d< 

Machain  et  la  prononciation  locale. 
'  as  '  forme  rel.  de  '  is.- 
.i.   fasan:   vêtements  à  la  mode.     Cf.  angl.   '  fashiou.' 
6.  Lit  :    "  parlant  du  bon  bruit  qui  court."     Mànran  :    (1)   mélodw 
chantonnée  (2)  nouvelle,  rumeur. 


POEMES  1«J7 


CHANSON  AC  COSTUME  MONTAGNARD. 

J'ai  reçu  des  nouvelles  qui  me  sout  fraîches. 

Et  comblent  le  désir  de  mon  coeur 
Nous  obtiendrons  encore  l'habit  de  notre  pays 
Que  nous  portions  dès  le  commencement  de  notre 
temps. 
5     Puisque  nous  nous  tenons  verre  en  mains, 
A  propos  de  la  bonne  nouvelle. 
Buvons  à  la  santé  de  Mont-rose 
Qui  nous  a  soutenu  ce  droit. 

J'ai  rencontré  à  Edimbourg  aujourd'hui 
10  Tne  assemblée  hospitalière, 

Kl   la  lettre  de  bonheur  qui  disait 
Que  notre  joie  avait  commencé. 
Les  cornemuses  jouaient  d'accord  à  ravir, 
Sur  la  pelouse  ensoleillée  du  tertre  ; 
15     Nous  avons  ressorti  en  public  notre  propre  costume, 
Qui  s'avisera  de  nous  appeler  rebelles  ? 

Pendant  trente  ans  et  davantage, 

Sur  le  dos  nous  avons  porté  une  casaque  de  drap. 
Nous  avions  reçu  un  manteau  et  un  chapeau, 
20  Et  cette  sorte  de  choses  n'était  pas  de  nature  à  nous 

convenir  ; 
Des  boucles  pour  attacher  nos  souliers, 

Nous  trouvions  les  lacets  beaucoup  plus  jolis  ; 
I  .<  -s  habits  de  mauvais  goûts 
Faisaient  de  nos  jeunes  gens  des  vieillards. 

25     Ils  détruisaient  en  partie  notre  tournure 
I  )e  la  terre  au  sommet  de  la  tête  ; 
Nous  étions  si  pleins  de  chagrin, 

Que  tous  les  hommes  en  languissaient. 

7.  Le    Marquis    de    Montrose    qui    avait    plaidé    avec    succès     la 

restauration  du  costume  écossais. 
1!»    casa»,  ad,  cleòc  :  Cf.  an^l.  cassock,  liât,  cloak. 


198  lfJ5 

'S  ann  a  bha  'n  cas  cho  duilich 
30         'Sa  thàinig  uile  ri 'ni  linn, 

'N  uair  a  rinn  pàirtidh  Lunnainn 
Gach  ait  is  urram  thoirt  dhinn. 

'S  fhada  bha    n  onair  air  chall 
Is  fasan  nan  Gall  oirnn  dlùth. 
35     Còta  ruigeadh  an  t-sàil, 

Cha  tigeadh  e  dàicheil  dhuinn  : 
B'éiginn  do'n  bhrigis  bhi  ann, 
"N  uair  a  chaidh  ar  comannd  cho  ciùin 
'S  gu'n  d'rinneadh  gach  fine  "nan  tràill 
40         'S  gach  firionnach  fhàgail  rùisgt'. 
* 
Tha  sinn  a  nis  mar  as  maith  leinu. 

'S  gur  h-àrd  ar  caraid  's  a'  chùirt. 
A  chuir  air  na  daoin'  am  fasan 

Rinn  pàrlamaid  Shasuinn  thoirt  diubh  : 
45     Beannachd  gu  bràth  do'n  Mharcus 

A  thagair  an  dràsd'  ar  cuis: 
Fhuair  e  gach  dlighe  air  ais  duinn 

Le  ceartas  an  High  's  a'  chrùin. 

Fhuair  e  dhuinn  comas  nan  ann 
50         A  dheanamh  dhuinn  sealg  nan  stùc, 
'S  a  ghléidheadh  ar  daoine  's  a'  champ 

Le  fàgail  an  naimhdean  bruit  "  . 
Thogadh  e  misneach  nan  clann 
Gu  iomairt  nan  lann  le  sùnnt, 
55     Piob,  is  bratach  ri  crann, 

'S  i  caismeachd  àrd  mo  rùin. 

Fhuair  sinn  cothrom  an  dràsd' 

A  thoilicheas  gràdh  gach  dùthch". 
Comas  ar  culaidh  chur  oirnn 
60         Gun  fharraid  de  phòr  nan  lùb  : 

34.  fasan  nan  Gall:  les  habits  des  habitants  de  la  Plaine;  en 
gaélique  '  Gall  '  veut  dire  écossais  qui  ne  parle  pas  gaélique; 
Machair  nau  Gall  :  Les  Basses-Terres  écossaises  Nom.  pi. 
'Goill.' 


POEMES  199 

Mais  le  cas  le  plus  pénible 
30         Qui  arrivât  de  tout  mou  temps, 
Fut  lorsque  le  parti  de  Londres 

Nous  déroba  tous  honneurs  et  toutes  positions. 

Notre  honneur  fut  perdu  pendant  longtemps 

Et  les  habits  des  Basses-Terres  nous  gênaient  |ort, 
35     Un  manteau  qui  atteignait  les  talons. 
Jamais  ne  nous  alla  bien  : 
Naturellement  il  nous  fallut  porter  de3  culottes, 
Quand  nous  acceptâmes  si  paisiblement  l'ordre 
De  sorte  que  tous  les  clans  devinrent  des  esclaves, 
40  Et  que  tout  homme  fut  dépouillé  de  son  costume. 

Nous  sommes  à  présent  comme  nous  le  désirions. 

Et  haut  placé  à  la  cour  est  notre  ami 
Qui  rendit  aux  hommes  le  vêtement 

Que  le  Parlement  Anglais  leur  avait  enlevé  : 
45      Béni  soit  à  jamais  le  Marquis 

Qui  a  plaidé  à  ce  temps  notre  cause. 
Il  nous  a  obtenu  chaque  droit  légitime 

Avec  la  justice  du  roi  et  du  gouvernement. 

Il  nous  a  obtenu  le  droit  d'aller  armés 
50         Pour  nous  permettre  de  chasser  sur  les  hauteurs, 
Gardant  nos  hommes  sains  et  saufs  dans  le  champ 

En  laissant  leurs  ennemis  battus  : 
Il  inspirerait  le  courage  des  clans, 
A  brandir  les  lames  avec  entrain, 
55     La  cornemuse,  aux  tuyaux  enrubannés, 
C'est  une  joyeuse  marche  que  j'aime. 

Nous  avons  obtenu  l'occasion  maintenant 

Qui  plaira  à  l'amour  patriotique, 
Ce  pouvoir  de  revêtir  notre  costume, 
60         Sans  le  demander  à  des  personnes  rusées  : 


44.  Shasuinn  :   de  l'Angleterre:   pàrlamaid,  angl.  parliament;   — nt 
anffl.  =  d,  sraél.     Cf.  sacramaid  et  sacrament. 


L'UO  POEMES 

Tha  sinn  a  nis  mar  as  còir, 

Ts  taitnidh  an  seòl  r'ar  sùil  : 
Chuir  sinn  a'  bhriogais  air  làr, 
S  cha  tig  i  gu  bràth  a  cuil. 

65     Chuir  sinne  suas  an  deise 

Bhios  uallach,  freagarrach  dhuinn. 
Breacan-an-fhéile  phreasach. 
Is  péiteag  de'n  eudacli  ùr  : 
Còt'  de  chadadh  nam  bail 
70  Am  bitheadh  a'  chàrnaid  dlùtli. 

Osan  nach  ceangail  ar  ceum. 

'S  nach  ruigeadh  mar  réis  an  glùn. 

Togaidh  na  Gaidheil  au  ceanu, 

Cha  bhi  iad  am  fang  na's  niò, 

75     Dh'fhalbh  na  speirichean  teann 

Thug  orra  bhi  mail  gun  luth  : 

Siùbhlaidh  iad  fireach  nam  beann 

A  dh'iarraidh  dhamh  seang  le'n  cù. 
'S  aotrom  théid  iad  a  dhannsa, 
80  Freagraidh  iad  srann  gach  ciùil. 

Tha  sinn  an  comain  an  Uasail 

A  choisinu  le  chruadal  cliù. 
Chuir  e,  le  teòmachd  làidir. 

Faoineachd  chàich  air  cliùl  : 
85     Oighre  ciuu-feadhna  nan  Greumach, 

'S  ioma  fuil  àrd  'na  ghnuis  : 
'S  ann  tha  Marcus  an  àigh 

Am  mac  thig  an  ait  an  Diuc. 

09.  '  cadadfa  nam  bail  '  :   avec  c  cadadb  '  Macbain  compare  '  cadee  ' 
(cotoni    (gaéi.   de   l'Ile  de   Man),   angl.    '  Caddow  '    (16  ème 

siècle),  français,  en  dis. 
70.  '  carnaid  '  :  Cf.  angl.  '  carnation.' 


POEMES  201 

Nous  sommes  maintenant  vêtus  comme  il  nous  convient, 

Le  style  plaît  à  nos  yeux  : 
Nous  avons  mis  les  culottes  de  côté, 

Elles  ne  sortiront  jamais  du  coin  où  elles  sont. 

65     Nous  avons  repris  le  costume 

Qui  est  gai  et  nous  convient. 
Le  grand  plaid  plissé 

Et  un  gilet  fait  de  drap  neuf  : 
Habit  d'étoffe  de  tartan  à  carreaux 
70  Dans  laquelle  il  y  aura  beaucoup  de  rouge. 

Chaussettes  qui  n'entraveront  jamais  nos  pas. 
A  une  longueur  de  main  du  genou. 

Les  Gaëls  lèveront   la  tête, 

Ils  ne  seront  plus  dans  une  bergerie. 
75     Parties  les  entraves  serrées 

Qui  les  rendaient  lents,  sans  énergie  : 
Sur  les  pentes  des  pics,  ils  avanceront 

Pour  chasser  le  cerf  élancé,   accompagnés  de 
chiens. 
Ils  poseront  le  pied  légèrement  dans  la  danse, 
80  Ils  répondront  aux  sons  de  toute  la  mus 

Nous  sommes  redevables  au  Noble 

Qui  gagna  son  renom  par  son  intrépidité, 
Par  sa  persévérance  ei   par  son  tact 

Il  réduisit  la  folie  des  autres  à  rien  : 
85     L'héritier  des  chefs  des  Graham, 

Avec  beaucoup  de  nobles  traits  dans  son  visage  : 
Voilà  le  Marquis  par  excellence, 

Le  fils  qui  remplacera  le  Duc. 

72.  '  Qui  n'atteignent  pas  plus  qu'  à  une  main  au-dessous  du  genou  '  : 

•  ruigeadh,'  bien  qu'  au  passé,  a  la  force  du  présent  qui  indique 

une  habitude;   '  ruig  '  fut.  dir.   restreindrait  la  signifie;  tior 


202  POEMES 


ORAN   D'A    CHEILE   NUADH-POSTE 

A  Mhàiri  bhàu  òg,  's  tu  'n  òigh  th'  aire  m'  aire, 
Ri  'm  bheò  bhi  far  am  bithinn  fhéin  ; 
O'n  fhuair  mi  ort  còir  cho  mòr   s  bu  mhath  leani, 
Le  pòsadh  ceangailt'  o'n  chléir  : 
5     Le  cùmhnanta  teann  's  le  bamitaibh  daiiu 
'S  le  snaim  a  dh'fhanas,  nach  tréig  : 
'S  e  t'  fhaotahm  air  làimh  le  gràdh  gaeh  caraid 
Rinn  slàinte  mhaireann  am  chré. 

:N  uair  bha  mi  gu  tinn    s  mi    n  cinnseal  leanna 
10     Gun  chinnt  co  theannadh  rium  fhéin, 

'S  anu  a  chunna'  mi  'n  òigh  air  bord  tigh-leanna. 

'S  bu  mhòdbar  ceanalt'  a  beus  : 

Tharruing  mi  suas  ria  's  fhuair  mi  gealladli 

O'n  ghruagaich  bhanail  bhi  'm  réir  ; 
15     'S  mise  bha  aobhach  t'  fhaotainn  mar  rium. 

'S  orodh-laoigh  a'  bharain  atl  dhéidh. 

Maduinn  Di-luain,  ge  buan  an  t-slighe, 
'N  uair  ghluais  mi,  ruithinn  mar  ghaoth. 
A  dh'fhaicinn  mo  luaidh  's  rud  uainn  'nar  dithisd 
20     Nach  dual  da  rithisd  gu'n  sgaoil. 

Thug  mi  i  'n  uaigneas  uair  a  bhruidhinn. 

'S  ann  fhuair  an  nighean  mo  ghaol, 

Ts  chluinneadh  mo  diluas  an  fhuaim  a  bhitheadh 

Aig  luathas  mo  chridhe  ri  m'  thaobh. 

8.  'mhaireann':    adj.    ici = permanent.       Quelquetui-   ce   mot  est 
subst.  -vie.     D'après  le  Trof.  Fraser  (Scottish  G;u>lic  Studies, 
T.  i.,  p.  204)  '  maireann,'  est  en  réalité  la  3èm<    pers.  sing. 
du  prés.  inrl.  du  verbe  '  inair,'  durer.     La  fornu      maireann 
est  devenue  isolée  en  Eeossc. 

11.  "  chunna'  pour  '  chnnnaic  '  :  abréviation  très  répandue. 

13.  '  ria  '  =  rithe. 

16.  Le  vieux  barde  semble  être  pratique  aussi  bien  que  poétique. 


POEMES  203 


CHANSON   A   SA   NOUVELLE    EPOUSEE 

O  Marie  blonde  et  jeune  tu  es  la  vierge  que  je  désire 
Avoir  toujours  près  de  moi  tant  que  je  vivrai  : 
Depuis  que  tu  m'  appartiens,  comble  de  mon  désir. 
Union  raffermie  par  les  mains  du  clergé, 
5     Et  par  des  liens  solides  et  des  attaches  fermes, 
D'un  noeud  qui  tient  bon  et  ne  se  relâche  pas, 
Obtenir  ta  main  avec  l'approbation  de  tous  par 
M'a  donné  la  santé  permanente  dans  tout  mon 

Lorsque  j'étais  malade  et  cherchais  ardemment  un<    bien- 

aimée 
10     Sans  trop  savoir  qui  m'  aimerait, 

C'est  alors  que  je  vis  à  la  banquette  d'une  au'  erge,   la 

jeune  fille 
Dont  l'amabilité  était  douce  et  attrayante  : 
Je  lui  fis  la  cour  et  j'obtins  la  promesse 
Que  la  demoiselle  modeste  m'  accepterait  : 
15     C'est  moi  qui  étais  joyeux  de  t'  avoir  pour  compa<_!if. 
Et  les  vaches  laitières  du  régisseur  en  dot. 

Lundi  matin  bien  que  le  chemin  fût  long, 
Quand  je  me  nis  en  route  pour  voir  ma  chérie, 
Je  courais  comme  le  vent  ;  nous  désirions  tous  d 
20     Quelque  chose  qui  vraisemblablement  ne  pût  se    défaire: 
Une  fois  je  l'ai  menée  à  part  pour  lui  parler, 
La  jeune  fille  gagna  mon  amour, 
Et  mon  oreille  pouvait  percevoir  le  bruit 
Des  battements  accélérés  de  mon  coeur. 

20.  "  Nach  dual  '  :  qui  n'est  pas  de  nature  à. 

21.  Quelquefois  le  poète  s'adresse  directement  à  sa  femme,  puis  il 

semble  se  tourner  et  adresser  ses  réflexions  à  un»    autre  per- 
sonne. 
23.   '  an  fhuaim  '  :   '  fuaim  '  est  masc.  à  l'ordinaire;  am  mai  m. 


204  POEMES 

25     Sir.    ii  uair  chuir  Cujoid  an  t-ultach  ara  bhroilleach, 

D'à  shaighdean  corranach.  caol, 

A  dhrùidh  air  mo  ehuisleau.  chuir  luchd  air  mo  cholainn, 

Leis  au  do  thuit  mi  ge  b'oil  leam  's  gu'n  d'aom. 

Dh'innis  mi  sgeul  do'n  té  rinn  m'  acain. 
30     Nach  léigh  a  chaisgeadh  mo  ghaoid  : 

'S  e  leigliis  gach  creuchd  i  fhéiu  le  feartau 

Theachd  réidh  am  ghlacaibh  mar  sliaoil. 

Bheirinn  mo  phòg  do'n  òg-mhnaoi  shomult' 

A  dh'fhàs  gu  boinneauta.  caoin. 
35     Gu  mìleant'.  còmlmard,  seòcail,  foinneamh, 

Do  chòmhradh  glieibh  mi  gu  saor. 

Tha  mi  air  sheòl  gu  leòir  ad  chomain. 

A  mhòid  s'a  chuir  thu  gu  faoin. 

De  m'  smaointean  gòrach.  pròis  nam  boireannach, 
40     'S  còir  dhomh  fuireach  le  h-aon. 

Chaidh  mi  do'n  clioill  an  robh  croinn  is  gallain. 
Bu  bhoisgeil  sealladh  mu'n  cuairt, 
'S  bha  miann  mo  shùl  do  dh'  fhiùran  barraicht' 
An  dlùthas  nam  meanganan  suas  : 
15     Geug  fo  bhlàth  o  bàrr  gu  talamli. 
A  lùb  mi  farasda  nuas  : 
Bu  duilich  do  chach  gu  bràth  a  gearradh, 
'S  e    n  dan  domh  'm  faillean  a  bhuain. 

Shuidhich  mi  lion  air  fior-uisg  tana, 
50      S  mi  strigli  'ga  tharruing  air  bruaich. 
'S  thug  mi  le  sgriob  air  tir  a'  ghealag, 
"S  a  li  mar  eal'  air  a'  chuan. 

ri    ailleurs    «1    surtout   à    la    dernière   strophe    il    en    parle 
comme  s'il  lui  faisait  encore  la  cour  et  nous  raconte  ce  qu'il 
ferait  si  elle  l'acceptait. 
H.  Ses  similitudes  sont,  comme  on  s'y  attend,  prises  directemcnl  de 
~:(in  entourage. 


POEMES  205 

25     Lorsque  Cupide  a  percé  mou  coeur 

De  ses  flèches  déliées  et  pointues, 

Qui  atteignirent  mes  veines,  pesant  sur  mon  corps, 

Malgré  moi  je  tombai  et  cédai  : 

Je  déclarai  ma  passion  à  celle  qui  l'avait  allumée. 
30     Lui  disant  que  ce  n'  était  pas  un  docteur  qui  pouvait  nie 
guérir  : 

Elle  seule  a  réussi  à  fermer  mes  blessures  de  ses  vertus. 

En  venant  dans  mes  bras  comme  je  l'espérais. 

Je  donnerais  mon  baiser  à  la  jeune  fille  avenante 

Qui  a  grandi  gracieuse  et  gentille, 
35     Elégante,  droite,  active,  belle, 

Ta  conversation  j'aurai  sans  contrainte, 

Je  te  suis  d'une  façon  bien  reconnaissant, 

D'avoir  dissipé 

Tant  de  mes  folles  pensées,  vanité  pour  les  femmes, 
40     Mon  devoir  est  de  rester  avec  une  seule. 

Je  suis  allé  aux  bois  parmi  les  arbres  et  les  plants. 
La  vue  tout  autour  était  ravissante, 

Le  désir  de  mes  yeux  était  d'obtenir  le  rameau  magni- 
fique 
Dans  l'épaisseur  des  branches  de  la  cime  : 
45     Rameau  fleuri  du  sommet  à  la  base 
Que  je  ployai  facilement  : 

Il  était  difficile  aux  autres  de  jamais  l'arracher, 
Car  le  sort  m'  avait  désigné  pour  le  cueillir. 

J'ai  baissé  mon  filet  dans  l'eau  douce  peu  profonde, 
50     J'ai  lutté  pour  le  tirer  au  rivage, 

J'ai  réussi  d'un  coup  à  mettre  à  terre  le  saumoneau 
Luisant  comme  un  cygne  sur  la  mer  : 

45.  '  o  barr  "  pour  '  o  a  bàrr.' 

48.  'S  e  'n  dàn,  &c.  =  Is  e  an  dàu  :  c'était  pour  moi  dans  une  incanta- 
tion; le  sort  l'avait  ainsi  arrangé. 
19-56.  Vers  exceptionnellement  beaux. 


206  POEMES 

S  toilicht'  a  dh'  fhàg  e  '11  là  sin  m'  aigne, 
An  roinn  a  bh'agam  'san  uair  : 
55     B'  i  coimeas  mo  cheud  mhna  reult  na  maidne  ; 
Mo  chéile  cadail  's  mi  "m  shuain. 

'S  e  b'  fhasan  leat  riamh  bhi  ciallach,  banail, 
Ri  gniomh,  's  ri  ceanal  mna-uaisl'  : 
Gu  pàirteach,  bàidheil,  blàth.  gun  choire, 
60     Gun  ghiomh,  gun  ghainne,  gun  chruas  ; 
Gu  deireeack,  daonntach,  faoilidh,  farasd', 
Ri  daoine  fanna,  bochd,  truagh  : 
Is  tha  mi  le  d'sheòl  an  dòchas  ro  mhath, 
Gur  Ion  do  t-anam  do  dhuais. 

65     Chuir  mi  air  tkùs  ort  iùl  is  aithne. 

Le  sùgradh  ceanalta.  suaire, 

'N  uair  theannainn  riut  dlùth,  bu  chùbhraidh  I  '  anaiî 

Na  ùbhlan  meala  'gam  buain  : 

Cha  bhiodh  sgeul-rùin,  a  b'iùil  domh  aithris. 
70     A'  b'fhiù  nach  mealadh  i  uam  ; 

Na'n  cuireadh  i  cùl  rium  's  diùltadh  baileach. 

Bu  chùis  domh  anart  is  uaigh. 

Do  bhriodal  blàth  's  do  mhànran  milis, 

Do  nàdur  grinneas  gach  uair, 
75     Gu  beulchair,  gàireach.  àlainn,  caoimhneil, 

Gun  chàs  a  thoilleadh  dhuit  f  uath  ; 

Chuir  i  guin  bhais  fad  ràith'  am  mhuineal 

Dh'fhàg  làn  mi  mulad  's  a  ghruaim, 

'N  uair  thuig  i  raar  bha,  's  a  thàr  mi  'n  ulaidh, 
80     Ghrad  spàrr  i  'n  cunnart  ud  uam. 

56.  '  mi    m  shuain  '  —  mi  am  s.=et  moi  dans  un  profond  sommeil. 
65.  '  iùl  is  aithne  '  :  première  connaissance  suivie  d'une  connaissance 

plus  intime. 
ti7.  '  theanainn  '  :  de  '  teann,'  proche. 

•  t'  anail    -do  anail  :  'd'  redevient  l'ancien  't'  ici  :  lat.  tuus. 
(i'J.  sgeul-rùin  :  secret;  cf.  cha  sgeul-rùin  is  fios  aig  triùir  air     ce  qui 
est  connu  de  trois  personnes  n'est  pas  un  secret. 
sgcul  =  histoire;  rùin,  de  choix. 


POEMES  207 

Ce  jour-là  mes  pensées  étaient  heureuses 
De  la  part  que  m'  avait  assigné  le  sort, 
55     Seule  l'étoile  du  matin  est  à  comparer  à  ma  femmt   sans 
pareille, 
Chère  compagne  de  mes  rêves  à  mes  côtés. 

C'était  toujours  ton  habitude  d'être  sensée  et  modo 
Noble  en  actions  et  en  douceur, 
Généreuse,  amicale,  tendre,  sans  faute, 
60     Sans  tache,  ni  mesquine,  ni  dure  : 

Humaine,  joyeuse,  franche,  compatissante, 
Envers  les  faibles,  les  pauvres,  les  malheureux  ; 
Ta  conduite  m'  inspire  l'espoir  le  plus  grand, 
Que  le  bien  que  tu  as  fait  affermira  ton  âme. 

65     D'  abord  j'ai  appris  à  te  connaître, 

En  te  faisant  une  cour  bonne  et  douce, 

A  mon  approche  ton  haleine  était  embaumée, 

Ainsi  que  les  pommes,  douces  comme  le  miel  à  la  récolte  : 

Il  n'y  aurait  de  secret  que  je  pusse  dire 

70     Et  digne  d'être  raconté  qu'elle  ne  sût  m'  arracher  : 
Si  elle  m'  abandonnait  définitivement 
Ce  serait  le  linceuil  et  la  fosse  pour  moi. 

Ta  tendre  causerie  et  ta  douce  chansonnette, 
Ton  naturel  restent  un  charme  chaque  heure, 

75     Affable,  souriante,  attrayante,  gentille, 

Tu  n'as  pas  de  défauts  qui  te  fassent  mériter  la  haine  : 
Elle  m'a  blessé  au  coeur  mortellement  durant  trois  mois, 
Et  m'a  laissé  plein  de  chagrin  et  de  tristesse, 
Lorsqu'elle  a  compris  ce  qui  en  était  et  que  j'eus  saisi 
le  trésor, 

80     Elle  m'a  immédiatement  écarté  le  danger. 

70.  'A  b'  fhiù.'  '  Fiù  '  ici  veut  dire  'digne,'  '  ayant  une  valeur  '  ;  ce 
mot  veut  dire  aussi  très  couramment  '  même  '  (even)  ;  fiù  an 
aodach  =  même  leurs  vêtements. 

77.   Hàith  :  un  trimestre. 


208  POEMES 

'S  ann  thog  e  mi  'm  pris  on  titn  so  'n  uiridh, 
An  ni  'san  urrainn  a  fhuair, 
Sguab  de  'n  ire  fhior-ghlain  chruineac 
An  siol  as  urramaich'  buaidli. 
85     Sin  na  chuir  mi  cho  riomhach  umad, 
Bha  t'  inntinn  bunailteach,  buan  : 
Lionadh  do  sgiamhacbd  miann  gach  duini  . 
An  dreach,  fiamh,  an  cumachd,  's  an  snuadh. 

Do  chuach-fhalt  bàn  air  fàs  cho  barrail. 
90     'S  a  bhàrr  làn  chamag  is  dhual  ; 

T'  aghaidh  ghlan,  nihàlda,  nàrach,  bhai: 

Do  dha  chaol  mhala  gun  gliruaim; 

Sùil  ghorm,  liontach,  mhin-rosg,  mheallacli. 

Gun  dith  cur  fal'  ann  ad  gbruaidh, 
9ô     Deud  geai  iobhraidh,  dionacb,  daingean. 

Beul  bith  nach  canadh  ach  stuaim. 

Shiubhladh  tu  fàsach  àirigh  glinne 
"S  an  ait  an  cinneadh  an  spréidh, 
G'am  bleoghainn  mu  chrò,  's  mi  choir  na  h-innis, 
100     Laoigh  òg  a'  mireadh  's  a'  leum  : 

Cha  mhiosa  do  làmh  's  tu  làimh  ri  coinnil 
N'an  seòmar  soilleir  ri  gréin, 
A'  fuaigheal  's  a'  faitheam  bhann  is  phionar, 
An  am  chur  grinnis  air  greus. 

10.")     Do  chneas  mar  an  éiteag  glé  ghlan  fallain. 

Corp  seang  mar  chanach  an  t-sléibh'  ; 

Do  bhràigh  cho-mhin,  's  do  chiochan  corrach, 

'S  iad  liontach,  soluist  le  chéiF  : 

Gàirdeana  tlàth,  geai  làmh  na  h-ainnir, 
110     Caol  mheòir,  glac  thana,  bas  réidh  : 

Calpa  deas  ùr,  troigh  dhlùth  'm  bròig  chuimir, 

[s  lùthor.  innealta  ceum. 

82.  ni  est  encore  employé  par  les  vieillards  des  lien  pont   '  bétail. 
96.  bith:  calme,  reposé:   mot  qu'on  n'entend  plu^  à   présent. 


POEMES  -209 

L'estime  dont  je  jouis  a  augmenté  depuis  un  an, 
Grâce  aux  possessions  et  à  l'appui  que  j'ai  obtenus. 
Une  gerbe  de  blé  de  la  plus  pure  croissance. 
Le  grain  de  la  plus  noble  qualité  ; 
35     C'est  pour  cela  que  je  suis  si  fier  de  toi, 
Ton  esprit  était  ferme  et  constant, 
Ta  beauté  satisfierait  au  désir  de  tout  homme, 
Quant  à  la  mine,  la  teinte,  la  forme,  ou  l'expression. 

Ta  blonde  chevelure  roulée  a  poussé  si  magnifique. 
90     Le  haut  plein  de  boucles  et  de  frisettes  ; 

Ta  figure  agréable,  douce,  modeste,  et  si  femme. 

Deux  sourcils  légers  sans  mélancolie  ; 

L'oeil  bleu,  grand,  séduisant,  paupières  fines, 

Les  joues  toujours  abondamment  colorées, 
95     Dents  d'ivoire  blanches,  serrées  et  fermes, 

Bouche  calme  qui  ne  parlerait  qu'  avec  modestie. 

Tu  marchais  dans  la  solitude  de  la  vallée  des  pâturages, 
L'endroit  où  grandissait  le  bétail, 

Pour  le  traire  autour  de  l'enclos  et  près  de  la  prairie, 
100     Les  petits  veaux  bondissant  et  sautant  : 

Ta  main  est  non  moins  prête  à  la  lueur  d'une  bougie, 
Ou  dans  une  salle  éclairée  du  soleil, 
A  coudre  et  à  ourler  bandes  et  tabliers, 
Quand  tu  fais  de  la  broderie. 

105     Ta  peau  pure  et  saine  comme  le  caillou  blanc, 

Ton  corps  svelte  comme  la  linaigrette  de  la  montagne, 
Ta  poitrine  lisse,  tes  seins  en  forme  de  cônes, 
Tous  les  deux  arrondis  et  éclatants  ; 
Le  bras  doux  ,  la  main  blanche  de  la  vierge, 

110     Doigts  effilés,  paume  lisse,  main  fine. 

Mollet  frais  et  ferme,  le  pied  bien  chaussé. 
Le  pas  alerte  et  élégant. 

97.  airigb  :  pâturage.  Dans  l'Ile  de  Lewis  où  ces  vieilles  coutumes 
de  pâturage  existent  toujours  on  entend  le  verbe  '  ag 
àireacbas  '  (garder  les  troupeaux  et  vivre  en  été  dans  une 
cabane  sur  la  montagne). 

14 


210  POEMES 

'S  ann  fhuair  mi  bhean  chaoin  aig  taobh  Mhàm-charaidh 

'S  a  gaol  am  mhealladh  o'm  chéill  ; 
115     Bha  cridhe  dhomh  saor,  'n  uair  dh'fhaod  mi  tharruing. 

Cha  b'fhaoin  domh  bharail  bhi  'd  réir. 
S  ioma  fuil  uasal,  uaibhreach,  fharumach, 

Suas  ri  d'  cheann-aghaidh  fhéin, 

Gad  chumail  am  pris  an  Righ  's  MacCailein, 
120     'S  tu  shiol  nam  fear  a  bha  'n  Sléibht'. 

Na'm  faighinn  an  dràsd'  do  cliàramli  daingean 
An  àite  falaich  o'n  eug  ; 

Ged  thigeadk  e  'd  dhàil,  is  m'  fhàgail  falamh 
Cha  b'  àill  leam  bean  eil'  ad  dhéidh  : 
125     Cha  toir  mi  gu  bràth  dhuit  dranndan  teallaich, 
ilu'n  àrdaich  aileag  do  chléibh, 
Ach  rogha  gach  mànrain  gradh,  is  furan, 
Cho  blàth  's  a  b'  urrainn  mo  bheul. 

Dheanainn  duit  ceann,  is  crann,  a's  t-earrach, 
130     An  am  chur  ghearran  an  éill  : 

Is  dheanainn  mai*  chach  air  traigh  na  mara, 

Cur  àird  air  mealladh  an  éisg  : 

Mharbhainn  duit  geòidh  is  ròin,  is  eala, 

'S  na  h-eòin  air  bharra  nan  geug; 
1 35     "S  cha  bhi  thu  ri  d'  bheò  gun  seòl  air  aran, 

'S  mi  chòmhnuidh  far  am  bi  féidh. 

L13.  Màm-charaidh  :  màm,  mont;  carragh,  menhir;  nom  de  lieu. 

1 1!».  Mac  Cailein  :  le  duc  d'Argyll  (fils  de  Cailean)  ;  Sléibhte  :  paroisse 
de  l'Ile  de  Skye;  selon  le  poète  le  pays  natal  du  fondateur  du 
clan  Maclntyre. 

121.  an  dràsda  =  an  tràth  so. 

Il'ô.  Adhérence  stricte  à  la  suite  des  temps  nous  donner.-' il  : 
"  Cho  blàth  's  is  urrainn  mo  bheul." 

129.  Dheanainn  duit  ceann  :  idiotisme  absolument  disparu  aujourd' 
hui.  Le  poète  veut  dire  qu'il  conduirait  les  chevaux  en 
labourant  :  autrefois  il  fallait  deux  hommes,  un  pour  con- 
duire les  chevaux  un  autre  pour  guider  la  charrue  afin 
d'éviter  les  pierres  et  épargner  la  charrue  qui  était  en  bois. 
Le  guide  des  chevaux  s'appelait  '  ceannairc.' 
as  t-earrach:  au  printemps;  cf.  a's  t-samhradh  :  en  été.  'A's 
t-samhradh  '=  anus  an   t-samhradh;   la  phonétique  est   régu- 


POEMES  211 

J'ai  trouvé  ma  douce  femme  auprès  de  Màm-Charaidh, 

Son  amour  a  ensorcelé  ma  prudence, 
115     Son  coeur  m'  était  ouvert  lorsqu'  elle  m'  accepta, 

T"  appartenir  ne  m'  était  pas  vaine  pensée  : 

De  beaucoup  de  sang  noble,  fier  et  célèbre 

Ton  front  se  couvre, 

Te  rendant  l'égale  du  Roi  et  de  Mac  Cailein, 
120     Fille  de  la  race  des  chefs  de  Sléibhte. 

Si  je  parvenais  à  ce  moment  à  te  mettre  en  un  abri  sûr, 
Dans  un  endroit  inconnu  à  la  mort, 
Si  elle  te  rencontrait  et  me  laissait  seul, 
Je  ne  voudrais  jamais  choisir  une  autre  femme  : 
L25     Je  ne  te  querellerai  jamais  au  foyer, 
De  peur  que  tes  sanglots  n'  éclatent, 
Je  te  donnerai  l'amour  tendre,  l'élite  des  sonnets,   des 

caresses, 
Aussi  doux  que  ma  bouche  pourra  exprimer. 

Je  te  conduirais  les  chevaux  et  je  tiendrais  la  charrue  au 
printemps, 
130     Au  temps  où  les  poulains  sont  ai  télés. 

Et  comme  les  autres  je  mettrais  à  marée  basse. 

Des  moyens  pour  prendre  les  poissons  : 

Je  te  tuerais  des  oies  sauvages,  des  phoques  et  des  cygnes. 

Et  les  oiseaux  aux  cimes  des  branches, 
135     Et  tant  que  tu  vivras,  tu  ne  manqueras  jamais  de  nour- 
riture, 

Si  je  demeure  où  il  y  a  des  cerfs. 

lière;  mais  '  anns  an  earrach  '  qui  est  la  forme  littéraire, 
devient  a's  t-earrach  par  analogie.  On  entend  aussi  a's 
t-fhoghar,  en  automne. 
135.  '  des  phoques  et  des  cygnes.'  Les  phoques  et  les  cygnes  ne  sont 
pas  considérés  comme  chair  très  délicate  :  c'est  le  chasseur 
plus  que  le  poète  qui  parle  ici;  de  fait,  dans  certains  endroits 
on  considère  que  de  tuer  un  cygne  porte  malheur.  Les 
anciens  les  considèrent  comme  '  clann  righ  fo  gheasan 
(enfants  de  roi  sous  charmes),  et  dans  l'Ile  de  South  TJi.st  de 
grands  troupeaux  fréquentent  les  lacs  sans  que  personne  ne 
leur  fasse  de  mal. 


2  I  2  POEMES 


KAINN  A  GHABHAS  MAIGHDEAN  D'A  LEANNAN. 

Chan  èolas  gràidh  dhuit 

Uisge  shràbh  na  shop, 
Ach  gràdh  an  fhir  tliig  riut 

Le  blàthas  a  tharruing  oit  : 

5     Eirich  moch  Di-dòmhnaich 

Gu  lie  còmhnairt,  plilataich, 
'S  thoir  leat  bearmachd  pobuill 

Agus  currachd  sagairt  ; 
Tog  sud  air  a  ghualainn 
10  Agus  sluasaid  mhaide, 

Faigh  naoi  gasan  rainich 

Air  an  gearradh  le  tuaigh, 
Is  tri  cbnaimhean  seann-duine 
Air  an  tarruing  a  uaigh  ; 
15     Loisg  air  teine  crionaich  e, 

Dean  sud  gu  léir  'na  luath, 
Suath  sin  r'a  gheal-bhroilleach 

An  aghaidh  na  gaoith'tuatb.  ; 
'S  théid  mise  'n  rath's  am  barantas 
20         Nach  faibli  'm  fear  ud  uait. 

Divers  charmes  de  cette  nature  ont  été  recueillis  par  CaTinich  m  1 
\  Carmina  Gadelica)  ;  Macbain  et  Mackenzie  (Trans.  of  the  Gaelic 
Society  of  Invorness)  et  Henderson  (Survivais  of  Belief).  Différentes 
superstitions  intéressantes  existent  encore  dans  les  Iles  de  l'Ouest. 
Le  charme  que  le  poète  chante  ne  semble  pas  très  practicable. 
'.i.  '  chum  '  est  sous-entendu  devant  '  gràdh.' 


POEMES  213 


VERS  QU'UNE  JEUNE  FILLE  CHANTE  A  SON 
AMOUREUX. 

Ni  la  paille  ni  une  poignée  d'herbe  arrosée  d'eau 
Ne  sont  pour  toi  charme  d'amour, 

Mais  pour  attirer  à  toi  l'amour  de  l'homme 
Que  tu  aimes,  avec  chaleur  : 

5     Va,  de  bon  matin,  dimanche 
A  une  dalle  nue  et  plate, 
Apporte  avec  toi  la  bénédiction  des  gens 

Et  le  capuchon  d'un  prêtre 
Que  tu  mettras  sur  ses  épaules, 
10         Et  une  pelle  de  bois, 

Prends  neuf  tiges  de  fougères 

Coupées  au  moyen  d'une  hache, 
Et  trois  os  d'un  vieillard 
Tirés  de  dessous  une  tombe  ; 
1 5      I  )ans  un  feu  de  plantes  sèches 
Brule-les  en  cendres, 
Frotte  cela  sur  sa  poitrine  blanche, 

Contre  le  vent  du  nord, 
Je  te  garantirai  alors  comme  chose  certaine 
20         Que  ce  jeune  homme  ne  s'éloignera  pas  de  toi. 


214  POEMES 


OR  AN  DHUN-EIDEINN.f 

S  e  baile  mor  Dhun-éideimi 
A  b'  éibhinn  leam  bhi  ann. 

Vite  fialaidh  farsaing 
A  bha  tlachdmhor  amis  gach  bail; 
0     (rearasdan  is  bataraidh 
Is  rampairean  gu  teann, 
Tighean  mor  is  caisteal 
Auus  au  trie  an  d'stad  an  eamp. 

S  trie  a  bha  camp  rioghail  ann, 
10      S  bu  riomhach  an  luchd-dreuchd  ; 
Trùp  nan  srann-each  lionmhor 
Gu  dileas  air  a'gheard  : 
Bbiodh  gach  fear  cho  eòlach 
S  a  h-uile  seòl  a  b'fhearr, 
15     Na  fleasgaich  bu  mhath  foghlum 
A  dhol  an  òrdugh  blàir. 

'S  iomadh  fleasgach  uasal  ann 
A  bha  gu  suairce,  grinn  ; 
Fùdar  air  an  gruagan 
20     Suas  gu  bàrr  an  cinn  ; 

Leadain  dhonna  dhualach 
'Na  chuachagan  air  sniomh  : 
Bàrr  dosach  mar  an  sioda 
'N  uair  shliogadh  e  le  cir. 

25     'S  mòr  a  tha  de  bhain-tighearnau 

A  null  's  a  nall  an  t-sràid, 

Guntaichean  de'n  t-sioda  orr' 

G'an  sliogadh  ris  a'bhlàr  ; 

Staidhse  air  na  h-ainnirean 
30     G'an  teannachadh  gu  h-àrd  ; 

Buill-mhais'air  aodainn  bhòidheach. 

Mar  thuilleadh  spòrsa  dhaibh. 

+  Ce   poème   décrit   la   vie   et    la   cité   d'Edimbourg    peiulanl    La 
dernière  moitié  du  XVIIIe  siècle  quand  le  poète  était  garde  de  la  cité. 


POEMES  215 


CHANSON  A  EDIMBOURG. 

C'est  la  grande  ville  d'Edimbourg 
Où  je  demeurerais  avec  plaisir, 
Ville  grande  et  hospitalière 
Elle  était  agréable  en  toute  chose  ; 
5     Avec  des  garnisons  et  des  batteries 
Et  des  murailles  compactes, 
De  grandes  maisons  et  un  château 
Où  le  camp  s'est  souvent  tenu. 

Un  camp  royal  y  était  souvent 
10     Et  l' état-major  était  beau  : 

Les  troupes  de  cavalerie  hennissant 

Montant  la  garde  fidèlement  : 

Chaque  homme  était  si  habile 

Dans  tous  les  meilleurs  stratagèmes  : 
15     Les  jeunes  gens  bien  instruits 

A  marcher  en  lignes  de  bataille. 

Ici,  bien  des  gaillards  nobles 
Etaient  aimables  et  bien  élevés  ; 
Sur  leurs  perruques  il  y  avait  de  la  poudre 
20     Même  au  sommet  de  leurs  têtes  : 
Des  mèches  brunes  et  tressées 
En  boucles  qui  s'entrelacent, 
Le  haut  en  est  comme  une  touffe  de  soie 
Lorsqu'il  est  lissé  par  un  peigne. 

25     U  y  a  beaucoup  de  nobles  dames 

Se  promenant  dans  les  rues, 

Elles  sont  vêtues  de  robes  de  soie 

Qui  traînent  sur  le  sol  ; 

Chaque  jolie  fille  porte  un  corset 
30     Qui  lui  serre  le  buste  ; 

Des  grains  de  beauté  sur  les  jolies  frit 

Comme  un  charme  de  plus. 


216  POEMES 

A  h-uile  té  raar  thigeadh  dhi 

Gu  measail  am  measg  chàich, 
35     Uallach,  riomhach,  ribeanach, 

Cruinn,  min-geal,  giobach,  tlàth  : 

Trusgan  air  na  h-òigheanan. 

G 'an  còmhdachadh  gu  làr  : 

Bròg  bhiorach,  dhionach,  chothromach, 
40     'S  bu  chorrach  leam  a  sàil. 

'N  uair  chaidh  mi  stigh  do'n  Abaiii«  . 
Gu'm  b'ait  an  sealladh  sùl 
Bhi  'g  amharc  air  na  dealbhannan, 
Righ  Fearghas  ann  air  thùs  ; 
45     A  nis  o'n  rinn  iad  falbh  uainn, 
Tha  Alba  gun  an  crùn  ; 
'S  e  sin  a  dh'fhàg  na  Garbh-chriochan 
'San  aimsir  so  a  cùirt. 

Bidh  lòchrain  ann  de  ghlaineachaii 
50     Is  cainneal  amis  gach  ait, 

A'  meudachadh  an  soillearachd, 

Gu  sealladh  a  thoirt  daibh  ; 

Cha  luglia  'n  t-aohhar  éibbneis, 

Clùig-chiùil  g' an  éisdeacbd  ann, 
55     'S  gur  binne  na  chuach  Chéitein  iad, 

Le  'm  forgan  éibhinn  ard. 

Bidh  farum  air  na  coitseacban 
'Nan  trotan  is  'nan  deann, 
Eich  nan  cruaidh-cheum  socrach, 
60     Cha  bhiodh  an  coiseachd  mail  ; 

Cursain  mheanmnach,  mhireanach 
A  b'àirde,  binneach  ceann  ; 
Chan  e  am  fraoch  a  b'innis  daibh, 
Na  firichean  nam  beann. 

36.  òigheanan  :  pluriel  double:   nom.  sing.  òigli  ;  N.  pi.  òighean. 
41.  Abailte  :   Abbaye  de  Holyrood. 

43.  Portraits   des   anciens   rois   d'Ecosse.       Ces    portraits,    pour   la 
plupart,  sont  imaginaires. 


POEMES  217 

Chacune,  comme  il  lui  convient  bien . 

Est  aimée  de  tout  le  reste, 
35     Fière,  admirable,  enrubannée, 

Dodue,  blanche,  gentille,  pimpame  : 

Les  robes  des  jeunes  filles 

Descendent  jusqu'à  terre; 

Un  soulier  pointu  chaussant  bien,  imperméable. 
10     Dont  le  talon  était,  pensais-je,  instable. 

Lorsque  j'entrai  dans  l'Abbaye 
Quelle  vue  agréable  à  l'œil 
De  porter  ses  regards  sur  les  peintures. 
Celle  du  roi  Fergus  y  était  la  première  : 
45     Maintenant  qu'ils  nous  ont  quittés. 
L'Ecosse  n'a  plus  de  couronne  ; 
Cela  a  laissé  la  chaîne  des  montagnes  rugueuses 
De  nos  jours  inconnue  à  la  cour. 

Il  y  a  des  lanternes  faites  en  verre, 
50     Et  une  bougie  dans  chaque  endroit 

Donnant  plus  de  lumière, 

Afin  que  la  vue  en  soit  meilleure  : 

C'est  également  un  sujet  de  joie, 

D'écouter  les  cloches  carillonner,  [mai, 

55     Leur  chant  est  plus  doux  que  celui  du  coucou,  en 

Avec  leur  ronflement  sonore  et  joyeux. 

Un  roulement  causé  par  les  voitures 
Qui  vont  d'un  trot  rapide, 

Les  chevaux  aux  sabots  durs,  à  l'allure  tranquille 
60     N'avaient  pas  le  pas  lent  ; 
Coursiers  vifs  et  fougueux 
A  la  tête  la  plus  altière  ; 
Leur  nourriture  n'était  pas  la  bruyère. 
Ni  l'herbe  des  plateaux  élevés. 

47.  C'est  à  dire,  les  Terres-Hautes  de  l'Ecosse. 

56.  Céitein  :     mai:     cét+sam— (le    sam.     de    samhradh)  :     premier. 
apparition  de  l'été  [Macbain]. 


218  POEMES 

65      fs  ami  an  Clobhs  'na  Pàrlamaid 

A  chi  mi  thall  au  t-each, 
Na  sheasamh  mar  a  b'àbhaist  da 

Air  lom  a'  chabhsair  chlach  ; 

Chuir  iad  srian  is  diallaid  air, 
70     'S  e  'n  Kigh  a  tha  'na  ghlaic, 

D'an  robh  còir  na  rioghacbd  so, 

Ged  dhiobair  iad  a  mhac. 

Tha  tigh  mor  na  Pàrlamaid 

Air  àrdachadh  le  tlachd, 
75     Aig  daoine-uaisle  ciallach, 

Nach  tug  riamh  ach  a'  bhreith  cheart  : 

Tha  breitheanas  air  thalamh  ami 

A  mhaireas  's  nach  téid  as, 

Chum  na  thoill  e  chrochadh, 
80       S  thig  na  neo-chiontaich  a  mach. 

Is  chunna'  mi  tigh-leigheis  ann 
Aig  léigheannan  ri  feum, 
A  dheanadh  slàn  gach  dochartas 
A  bhiodh  an  corp  n'an  cré  ; 
SD     Aon  duine  bhiodh  an  easlainte, 
No'm  freasdal  ris  an  léigh, 
B'  e  sin  an  t-àite  dleasdanach, 
Gu  theasairginn  o'n  eug. 

Tha  Dun-éideann  boidheach 
90     Air  iomadh  seòl  na  dhà, 

Gun  bhaile  anns  an  rioghachd  so 

Nach  deanadh  striochdadh  dha  ; 

A  liuthad  fear  a  dh'innsinn  ann 

A  bélreadh  cis  do  chach, 
95      Daoin-uaisle  casg'  an  iota 

Ag  òl  air  fion  na  Spàinnt'. 

65.  Cf.  angl.  'close.'     Espèce  de  ruelle. 
70.  Statue  du  roi  Charles  II.     Jaques  II  était  son  frère. 
94.  Le  sens  est  obscur.       Je  crois  qu'il  s'agit  des  Jacobites  écossais 

exilés  en  France  :    leurs  amis  en  Ecosse  leur  envoyaient  de 

L'argent. 


POEMES  2 1 9 

65     C'est  sur  la  Place  du  Parlement 

Que  je  vois  le  cheval  là-bas 

Se  tenant,  comme  d'habitude 

Sur  la  pierre  nue  de  la  chaussée  : 

Ils  lui  ont  mis  selle  et  bride, 
70     Sur  son  dos  est  monté  le  roi 

Qui  a  droit  à  ce  royaume, 

Bien  qu'ils  en  aient  banni  son  fils 

La  grande  maison  du  Parlement 

Est  bâtie  avec  goût 
75     Pour  les  gentilshommes  sages 

Qui  ne  donnèrent  jamais  de  fausses  décisions  ; 

La  justice  y  existe  sur  terre 

Elle  reste  et  sera  à  jamais, 

Pour  ceux  qui  le  méritent,  la  corde, 
80     Les  innocents  sont  libérés. 

Et  là  je  vis  une  maison  de  santé 
Pour  les  médecins  en  cas  de  besoin. 
Qui  guériraient  toutes  les  maladies 
Du  corps  et  de  l'être  ; 
85     Pour  quiconque  est  souffrant 

Ou  doit  suivre  les  soins  du  docteur. 
C'est  la  place  même  pour  eux, 
Pour  les  sauver  de  la  mort. 

Edimbourg  est  belle 
90     En  bien  des  façons  ; 

Il  n'y  a  point  de  ville  dans  ce  royaume, 

Qui  ne  doive  reconnaître  sa  supériorité  ; 

Il  y  a  beaucoup  de  personnes  que  je  pourrais 
nommer 

Qui  donnaient  des  revenus  à  d'autres, 
95     Des  messieurs  qui  étanchent  leur  soif 

En  buvant  le  vin  d'Espagne. 

96.  Le  commerce  de  vin  entre  l'Ecosse,  la  France  et  l'Espagne  aux 
XVIIe  et  XVIIIe  siècles  était  très  considérable. 
'  ag  òl,'  prend  une  prép.  rarement. 


220  POEMES 

Ge  mòr  a  tha  de  dh'astar 
Eadar  Glascho  agus  Peairt 
Is  cinnteach  mi  ged  fhaicinn 
100     Na  tha  dh'aitreabh  ann  air  fad. 
Nach  'eil  ann  as  taitniche 
N'  an  Abailt  is  am  Banc, 
Na  tighean  mòra  rìomliach 
Am  bu  choir  an  righ  bhi  stad. 


POEMES  221 

Bien  que  la  distance  soit  grande 
Entre  Glasgow  et  Perth, 
Pourtant,  je  suis  sûr,  bien  que  je  voie 
Ï00     Les  châteaux,  tout  le  long  du  chemin. 
Qu'il  n'y  a  pas  d'endroit  plus  plaisant 
Que  l'Abbaye  et  la  Banque, 
Ces  maisons  grandes  et  belles 
Où  le  roi  lui-même  devrait  habiter. 


POEMES 

ORAN  DO  CHAORA  A  FHUARADH  A'  GHIBHT 
O  MHNAOI  UASAIL  ARAIDH. 

Hem  o  ho  io,  ho  ro  chaora  cheann-fhionn, 
Hem  o,  ho  io, 

'Sa'  chaora  fhuair  mi  o  Shiùsaidh, 
Gun  an  cùinn  a  dhol  g'a  ceannach  : 
Hem  o,  ho  io,  &c. 

5     Gu'm  bu  slàn  do'n  t-sàr  mhnaoi-uasail, 
O'n  d'fhuaradh  a'  chaora  cheann-fhionn. 

Cuimhnichidh  mi  do  dheoch-slàinte 
'S  a  h-uil'  ait  an  òl  mi  drama. 

Caora  thàinig  a  Còir'-uanain, 
10     Pairt  d'à  suanaich  mar  an  canach. 

Bha  cuid  dhith  air  dath  na  càrnaid, 
'S  cuid  eile  mar  bhàrr  a'  bhealaidh. 

'S  ann  bu  choslach  ris  an  t-sioda, 
Caora  mhin  nan  casa  geala. 

1")     'S  iomadh  cuileag  chun  an  iasgaich, 
Thàinig  riamh  as  a  cùl  cannach. 

Cungaidh  mhaith  nam  breacan  daora 
Anns  a  h-uile  taobh  d'à  falluing. 

Cuiridh  iad  i  air  na  clàdaibh, 
20     'S    àlainn  i  'n  uair  théid  a  tarruing. 

'S  i  bu  mholaiche  na'n  lion 

'S  fheàrr  tha  cinntinn  aig  na  Gallaibh. 

Une  des  chansons  à  fouler  le  drap.  Une  douzaine  ou  plus  <l< 
jeunes  femmes,  assises  autour  d'une  grande  table,  chantent  les  vers 
l'une  après  l'autre  et  toutes  ensemble  reprennent  le  refrain  pour  >' 
entraîner  au  travail.  Les  airs  sont  toujours  gais  et  vifs.  Ces 
chansons  sont  souvent  composées  pour  l'occasion  et   les  allusion:-  y 


POEMES  223 

CHANSON  SUR  UNE  BREBIS  CADEAU  D'UNE 
CERTAINE  DAME 

Hem  o,  ho  ro,  la  brebis  à  tête  blanche, 
Hem  o,  ho  io. 

Pour  la  brebis  que  j'ai  eue  de  Suzanne, 
Pas  un  sou  n'ai-je  eu  à  payer. 
Hem  o,  ho  io,  &c. 

5     Tous  mes  souhaits  pour  la  fortune  de  la  noble  dame, 
De  qui  j'ai  obtenu  la  brebis  à  tête  blanche. 

Je  me  souviendrai  de  boire  à  votre  santé 
Dans  chaque  endroit  où  je  prendrai  un  verre. 

La  brebis  qui  vint  de  Coir'-uanain, 
10     Une  partie  de  sa  toison  était  comme  du  duvet. 

Une  partie  était  couleur  incarnate, 
Une  autre  couleur  des  genêts. 

A  la  soie  vraiment  cela  ressemblait 
La  brebis  douce  aux  pieds  blancs. 

15     Plus  d'une  mouche  pour  la  pêche 
Provint  en  son  temps,  de  son  joli  dos. 

Bonne  étoffe  pour  les  chers  plaids  plissés 
Poussait  de  chaque  côté  de  ses  flancs. 

Us  la  feront  carder, 
20     C'est  si  beau  quand  c'est  préparé. 

C'est  plus  hérissé  que  le  plus  beau  lin, 
Qui  pousse  dans  les  Terres-Basses. 

sont  locales  et  topiques.     Ici  D.  Bail  avec  humour,  raconte  la  mort 
<T  une  brebis  préférée  et  les  conséquences  qui  s'  en  suivirent. 

9.  Coir'-uanain  :  Vallée  d'  agneaux. 
15.  chun  :  aussi  '  thun  '  :  pour  gu+art.  clef.     Cf.  pour  la  phonétique 

chugam  et  thugam. 
22.  '  aig  na  Gallaibh  '  :  parmi  les  Goill. 


224 


Bhiodh  aice  da  uan  's  a'  bliliadhna, 

'S  bha  h-uile  h-aon  riamh  dhiubh  fallain. 

25     'S  'n  uair    thigeadh  mios  roimh  Bhealltuinn, 
B'  fheàirrde  mi  na  bh'  aice  bhainne. 

Chumadh  i  rium  gruth  is  uachdar, 

Air  fhuairid  's  gu'm  biodh  an  t-earrach. 

Dh'  fhòghuadh  i  dhomh  fad  an  t-samhraidh 
30     Cumail  annlain  rium  is  arain. 

Cha  robh  leithid  chun  an  eadraidh 
Am  fad  as  freagradh  do  Mhac  Cailein. 

Bhiodh  i  air  thoiseach  an  t-sealbhain, 
A'  tighinn  's  a'  falbh  o'n  bliaile. 

35     'S  mise  fhuair  an  sgobadh  creachaidh 
'N  là  a  leag  iad  i  'san  rainich. 

'S  trie  tha  mi  'g  amharc  an  ait 
An  robh  i  blàth,  's  i  call  a  fala. 

'S  anns  an  fhraoch  aig  taobh  Uillt-gharlain. 
40     Rinn  i  'n  cadal  as  nach  d'  fhairich. 

'S  diombach  mi  de'n  ghille-mhàrtuinn, 
Bha  cho  dàna  's  dol  'na  caraibh. 

Feudaidh  na  h-eunlaith  bhi  ròiceil 
Ag  itheadh  a  feòla  's  a  saille. 

45     Chan  'eil  eun  a  laigh  air  fulachd 
Nach  robh  umad  ann  an  cabhaig. 

Am  fear-ruadh  a  chuir  gu  bas  i, 
Thug  e  pàirt  dhith  clinm  na  garaidh. 

25.  Bcalltuinn  :  Ir.  béalteine,  belo  te  (p)  nia,  'feu  vit'  (Stokes  et 
Macbain).  Les  anciens  (J;i<;ls  des  lies  poussaient  le  bétail 
entre  deux  fenx  afin  de  Le  purifier  le  premiei   mai. 

.28.  '  air  fhuairid  '  :  deuxième  comp. 


POEMES  225 

Deux  agneaux  elle  donnait  chaque  année. 
Et  tous  ne  s'en  portaient  que  mieux. 

25     Et  un  mois  avant  le  premier  mai. 

Je  me  sentais  mieux  grâce  à  son  lait. 

Du  caillé,  et  de  la  crème  j "avais. 
Qiielque  fût  la  froidure  du  printemps. 

Elle  me  fournissait  tout  l'été 
30     De.  pain  et  de  condiment. 

A  l'heure  de  la  traite,  elle  était  sans  égale 
Partout  où  dominait  MacCailein. 

Elle  était  à  la  tête  du  troupeau 
Arrivant  au  village  et  le  quittant. 

35     C'est  moi  qui  souffris  une  cruelle  angoisse 
Le  jour  où  on  la  tua  dans  la  fougère. 

Souvent  je  regarde  l'endroit 

Où  elle  reposait  encore  chaude  perdant  son  sang. 

C'était  dans  la  bruyère  près  de  Allt  Grhartain. 
40     Qu'elle  dormait  du  sommeil  sans  réveil. 

Je  suis  courroucé  contre  le  renard 
Qui  fut  assez  hardi  pour  l'attaquer. 

Et  les  oiseaux  de  l'air  peuvent  bien  être  voraces 
En  dévorant  sa  graisse  et  sa  chair. 

45     Pas  un  oiseau  qui  se  nourrît  de  charogne 
Qui  n'accourût  autour  de  toi  en  hâte. 

Le  renard  rouge  qui  causa  sa  mort 
En  emporta  une  partie  dans  son  antre. 

33.  MacCailein  :  dans  certains  cas,  le  '  c  '  de  mac,  fils,  éclipse  la 
consonne  suivante,  MacCailein  pour  Mac  Chai  loin. 

39    Allt-Ghartain  :  ruisseau  du  champ. 

41.  "  gille-martuinn  '  ou  '  gille  Martuinn.'  Quelquefois  on  appelle 
le  Clan  Martin  '  Les  Renards  '  (Forbes). 

15 


226  POEMES 

'N  uair  a  ràinig  nais'  an  àraich, 
50     Cha  robh  làthair  dhiot  ach  faileas. 

Bha  na  cnàimliean  air  an  lomadh  : 
13  bha  'n  olann  air  a  pealladh. 

O'n  a  chaill  mi  nis  mo  chaora, 

'S  coslach  do  'n  aodach  a  bhi  tana. 

55     Cia  leis  a  nithear  dbomh  còta, 

O  nach  beò  a'  chaora  cheann-fhionn  ? 

H-uile  bean  a  th'  anns  an  dùthaich, 

Tha  mi  'n  dùil  an  dùrachd  mhaith  dhomh. 

'S  théid  mi  dh'  iarraidh  na  faoighe-chlòimher 
60     Air  mnathan  còire  an  fhearainn. 

Tadhlaidh  mi  air  Inbhir-ghinneachd, 
'S  innsidh  mi  na  bhios  air  m'  aire. 

Gheibh  mi  tlàm  de  chlòimh  nan  caorach, 
O'n  a  tha  mi  dh'  aodach  falamh. 

65     Gheibh  mi  rùsg  an  Tigh-na-Sròine, 
O'n  mhnaoi  choir  a  bha  'san  Arthar. 

An  Gleann-ceitlein  an  fheòir 
Gheibh  mi  na  rìiisg  mhòra,  gheala. 

Gheibh  mi  làn  na  slige-chreachainn 
70     O  nighean  Dòmhnuill  ghlais  an  drama. 

Cuiridh  mi  sud  thar  mo  rùchan, 

'S  fheàirrd'  a  ghiùlaineas  mi  'n  eallach. 

Ruigidh  mi  bean  Cheann-loch-éite, 
Tha  mi  'm  éiginn  is  cha  bu  mhaith  lea. 

65.  Tigh-na-Sroine  :   maison  du  promontoire. 

65.  Arthar:   signification  douteuse:   emplacement  de  ruines  d'   une 

maison  :  la  plupart  des  éditions  ont  '  Arrar.' 
(>7.  Gleajm    Ceitlein  :     signification    de    Ceitlein,    douteuse.       I'our 

'  Pcncaitland  '  ailleurs,  Watson  suggère  Pen  extrémité+coet 

(cœd)  un  bois  +  lami,  enclos. 


POEMES  227 

Quand  j'atteignis  le  champ  du  carnage, 
50     Rien  que  votre  ombre  était  visible. 

Les  os  étaient  décharnés, 
La  laine  tout  éparpillée. 

Maintenant,  puisque  j'ai  perdu  ma  brebis. 
Mes  habits  seront  sûrement  minces  et  rares. 

55     De  quoi  mon  manteau  peut-il  être  fait  ? 
Toute  femme  qui  vit  dans  le  pays 

Est,  j'espère,  bien  disposée  envers  moi. 
Depuis  que  la  brebis  à  tête  blanche  est  morte. 

J'irai  demander  le  don  ordinaire  de  laine 
60     A  toutes  les  bonnes  dames  du  pays. 

Inver  Ghinneachd  je  visiterai 
Et  ce  que  je  pense  je  le  dirai. 

J'obtiendrai  une  poignée  de  laine 
Puisque  je  n'ai  pas  de  réserve. 

65     A  Tigh-na-Sròine  j'aurai  une  toison 

De  la  bonne  femme  qui  demeurait  à  Arthar. 

A  Glen  Ketland  du  gazon, 
J'obtiendrai  des  toisons  blanches. 

J'en  aurai  une  coquille  pleine 
70     De  la  fille  du  gris  Donald  du  Verre. 

J'avalerai  de  bon  coeur  le  verre  de  whiskey 
Et  serai  plus  fort  pour  porter  mon  fardeau. 

J'irai  voir  la  femme  de  Ceann-loch-éite, 
Elle  sera  peinée  de  me  voir  dans  le  besoin. 

69    slige-chreachain  :  coquille  de  peigne. 

73.  Ceann-loch-éite  :    ceann,    extrémité  ;    lock,    bras    de    mer  ;    éite, 

d'après  le  Prof.  Watson  représente  Ir.  moy.     Eitchi  le  gén. 

sing.  de  Eitig,  nom.  propre  fém.  signifiant  '  La  répugnante  ' 

ici,  la  déesse  du  lac  et  de  la  rivière.     Le  '  loch  '  est  dangereux 

et  tourmenté. 


Î8  POEMES 

75     Gheibh  mi  uaipe  tlàm  de  dh'fhaoighe, 
Tlàm  eile  a  thaobh  bhi  'm  charaid. 

Their  an  té  tha  'n  Guala-chuilinn  : 
'S  mor  as  duilich  leam  do  ghearan. 

Bheir  i  nuas  an  t-uisge-beatha, 
80     Dh'  fheuchainn  an  crath  e  dhiom  an  smalan. 

Their  gach  té  tha  'n  Druim-a-chòthuis, 
Gheibh  thu  rud,  's  gur  maith  an  airidh. 

,    'N  uair  a  théid  mi  dh'  Inbhir-charnain, 
Cha  leig  aon  th'  ann  mi  falamh. 

85     'N  uair  théid  mi'n  bhail'  tha  làimh  ris, 
Gheibh  mi  tlàman  anns  gach  talla. 

Chan'eil  té  tha  'n  Dail-an-easa 
Nach  téid  mi  'n  freasdal  a  ceanail. 

Thig  mi  dhathaigh  leis  na  gheibh  mi, 
90     'S  tomad  deth  cho  mor  ri  gearran. 

Fòghnaidh  sud  domh  còrr  as  bliadhna 
Chumail  sniomh  ri  nighinn  a'  bharain. 

'S  'n  uair  a  théid  e  fo  na  spàlaibh, 
Ni  i  fàbhar  rium  a'  bhan-fhigheach. 

95     'S  ioma  té  ni  eudach  guamach, 
Ach  cha  luaidh  i  e  gun  cheathrar. 

'H-uile  gruagach  tha  'n  Gleann-éite 

Dh'  fheumainns'  iad  a  thighinn  do'n  bhaile. 

'S  'n  uair  a  chuireas  mi  air  sèol  iad, 
100     'S  ann  a  théid  an  clò  a  theannadh. 

'N  uair  a  theannas  iad  ri  fùchdadh, 
Cha  bhi  tùchadh  air  an  anail. 

7.").  Faoighe.  La  coutume  était  pour  ceux  qui  n'  avaient  pas  de 
laine  d'aller  chez  les  autres  et  de'n  recevoir  d'eux.  Cette 
coutume  était  en  vigueur  il  n1  y  a  pas  bien  longtemps  dans 
les  endroits  reculés. 


•'•  MES  229 

75     D'elle  j'obtiendrai  un  flocon  de  laine 
Et  un  autre  car  je  suis  son  ami. 

Celle  qui  habite  Guala  Chuilinn  dira  : 
"  Je  suis  désolée  de  votre  malheur." 

Elle  descendra  le  whiskey 
80     Pour  tâcher  de  dissiper  mon  chagrin. 

Toute  femme  à  Druim-a-chòthuis  dira  "  : 

"  Vous  obtiendrez  quelque  chose,  vous  le  méritez. 

Quand  j'irai  à  Inbhir-Charnain 

Aucune  femme  ne  me  laissera  les  mains  vides. 

85     Quand  je  visiterai  la  ville  du  voisinage, 

Je  recevrai  un  flocon  dans  chaque  maison. 

Il  n'y  a  pas  de  femme  à  Dalness 

A  la  bonté  de  laquelle  je  ne  me  fierai. 

Je  rentrerai  avec  ce  que  j'obtiendrai 
90     Dont  la  masse  sera  aussi  grande  qu'un  poulain. 

Cela  me  suffira  pour  plus  d'une  année 
Et  occupera  la  fille  du  régisseur  à  filer. 

Quand  la  laine  ira  sous  les  navettes 
La  tisser  ande  elle  me  fera  une  faveur. 

95     Nombreuses  les  femmes  qui  feront  du  beau  drap 
Mais  pour  le  fouler  il  faut  être  quatre. 

Toutes  les  jeunes  filles  habitant  à  Glen  EiU- 
Il  me  faudrait,  les  faire  venir  à  la  ville. 

Quand  je  les  mettrai  en  bon  train 
100     C'est  alors  que  le  drap  s'épaissira. 

Lorsqu'elles  commencent  à  fouler 
Il  n'y  aura  pas  de  souffle  r  au  que. 

77.  Guala  Chuilinn  :  épaule  de  houx. 
87.  Dail-an-easa  :  Pré  de  la  cascade. 
92.  '  nighinn  a'  bharain  '  :  la  femme  du  poète. 


230  POEMES 

'N  uair  a  shuidheas  iad  air  cléith, 

Gu'n  cluinnt'  an  éigheach  thar  na  beannaibh. 

105     'N  uair  a  sheinneas  iad  na  h-òrain, 
Cuiridh  iad  na  h-eòin  an  crannaibh. 

'N  uair  a  theannas  iad  ri  luinneag, 
'S  binn  'iad  na  guileag  na  h-eala. 

'S  mor  as  binne  fuaim  nan  nionag 
110     Na  ceòl  pìob'air  thùs  a'  phannail. 

Bithidh  a  turn  an  làimh  gach  té  dhiubh. 
'S  bithidh  a  beul  a'  seinn  na  h-ealaidh. 

Té  ri  bùrn,  is  té  ri  moine, 
Té  ag  cur  seòl  air  an  aingeal. 

115     Té  'ga  phostadh  ann  an  tuba, 

Té  'ga  luidreadh,  té  'ga  ghlanadh. 

Dithis  'ga  shlacadh  gu  làidir, 
Dithis  'ga  fhàsgadh  gu  gramail. 

Ach  mu'n  cuir  iad  as  an  làimh  e, 
120     'S  cinnteach  mi  gu'm  fàs  e  daingean. 

Théid  a  thiormachadh  air  bràighe 
Gàradh-càil  air  am  bi  barran. 

Mur  tig  e  'm  ionnsuidh  an  tàillear, 
'S  nàr  dha  e  's  gu'n  tug  sinn  bean  da. 

125     'S  ann  an  sin  a  théid  mo  chòmhdach. 
Leis  a'  chlòimh  a  rinn  mi  thional. 

Gur  mise  tha  gu  dubhach 

Ri  cumha  do'n  chaora  cheann-fhionn. 

'S  beag  an  t-ioghnadh  dhomh  bhi  duilich, 
130     Mulad  a  bhi  orm  is  farran. 

'N  uair  a  shuidheas  mi  air  tulaich, 
'S  turraman  a  bhi  air  m'  aire. 


POEMES  2il 

Quand  elles  s'assiéront  sur  une  claie 
On  les  entendra  au-delà  des  montagnes. 

105     Quand  elles  entonneront  les  chansons 

Les  oiseaux  perchés  sur  les  branches  les  écouteront. 

Quand  elles  commenceront  une  chansonnette 
Elles  sont  plus  mélodieuses  que  les  notes  du  cyg  tie. 

Le  refrain  des  jeunes  filles  est  plus  harmonieux 
110     Que  la  cornemuse  en  tête  d'une  bande  joyeuse. 

Dans  la  main  de  chacune  le  travail 

En  même  temps  qu'  aux  lèvres  la  mélodie. 

Une  pour  l'eau,  une  pour  la  tourbe 
Une  autre  entretenant  le  feu. 

115     Une  dans  un  baquet  le  foulant  aux  pieds. 
Une  le  frottant,  une  le  nettoyant. 

Deux  le  battant  avec  force 

Deux  autres  le  tordant  fermement. 

Mais  avant  qu'il  soit  hors  de  leurs  mains 
120     Je  suis  sûr  qu'il  sera  devenu  résistant. 

On  le  mettra  sécher  sur  la  pente 

Au  sommet  du  mur  édenté  d'un  potager. 

Si  le  tailleur  ne  vient  pas  chez  moi 

Honte  à  lui  car  nous  lui  avons  donné  une  épouse. 

125     C'est  alors  que  je  serai  vêtu 
De  la  laine  que  j'ai  amassée. 

C'est  moi  qui  suis  chagrin 

Me  lamentant  sur  la  brebis  à  tête  blanche. 

C'est  peu  étonnant  que  je  sois  triste, 
130     Que  le  chagrin  et  la  colère  me  possèdent. 

Quand  je  suis  assis  sur  un  tertre 

Me  bercer  dans  ma  douleur  absorbe  ma  pensée. 


232  POEMES 

Ag  cuimhneachadh  coslas  na  caorach 
Nach  robh  h-aogas  amis  an  fhearann. 

135     Bha  i  riabhach,  's  bha  i  lachdunn. 

Bha  i  cais-fhionn,  's  bha  i  ceann-fhionn. 

Biia  i  crodb-fhionn,  's  bha  i  bòtach  : 
Bha  geai  mòr  air  bàrr  a  breamain. 

'N  uair  théid  mi  shealltainu  nan  caorach, 
140     Ionndraichidh  mi  chaora  cheann-fhionn. 

;S  misde  mi  gu'n  d'rinn  i  m'  fhagail, 
'S  b'fheàirrde  mi  'm  fad  's  a  dh'  fhàn  i. 

Cha  do  leig  i  riamh  an  fhàillinn 
Ann  ara  fhàrdaich  fhad  's  a  mhair  i. 

145     'N  nair  a  rachainn  chum  na  h-àirigh, 
Chuireadh  i  na  tràthan  tharum. 

*S  ro  mhaith  thogadh  i  na  pàisdean, 
Bhiodh  iad  sàthach  'n  uair  bu  mhaith  leam, 

'S  mise  bha  air  bheagan  saothrach 
150     'M  fad  's  a  bha  mo  chaora  maireann. 

O'n  a  thàinig  ceann  a  saoghail, 

'S  éiginn  domh  bhi  daor  's  a'  cheannachd. 

Gu'm  bu  slàn  do'n  chàta  chaorach, 
As  an  tàin'  a'  chaora  cheann-fhionn. 

155     'S  an  té  o'n  d'fhuair  mi  i  'n  toiseach, 
'S  ro  mhaith  choisinn  i  mo  bheannchd. 

Beannachd  leis  an  rud  a  dh'  fhalbhas  ; 
Chan  e  's  fheàrr  dhuinn  ach  na  dh'  fhanas. 

'S  fheàrr  bhi  cridheil  leis  na  dh'  fhuir'cheas, 
160     Na  bhi  tùirsach  mu  na  chailleas. 

154.  Càta  :  cf.  angl.  cot. 
154.  i  tàiu  '  :  tàinig. 


POEMES  233 

Me  rappelant  l'apparence  de  la  brebis 
Qui  n'avait  pas  sa  pareille  dans  le  pays. 

135     Elle  était  tachetée  et  isabelle 

Aux  pattes  et  à  la  tête  blanches. 

Elle  avait  les  sabots  blancs  bien  chausses 
Une  grande  tache  blanche  au  bout  de  la  queue. 

Quand  j'irai  voir  les  moutons 
140     Je  regretterai  la  brebis  à  tête  blanche. 

Ce  m'est  une  perte  qu'elle  m'  ait  quittée 
J'avais  du  bénéfice  tant  qu'elle  me  restait. 

Elle  n'a  jamais  laissé  le  besoin 

Entrer  chez  nous  pendant  qu'elle  vivait. 

145     Quand  j'allais  aux  pâturages 
Elle  me  procurait  mes  repas. 

Elle  nourissait  très  bien  les  petits 
Ils  étaient  repus  quand  je  le  désirais. 

C'est  moi  qui  avais  peu  à  travailler 
150     Tout  le  temps  que  dura  ma  brebis. 

Depuis  que  la  fin  de  ses  jours  est  arrivée 
Il  me  faut  tout  acheter  cher. 

Bonne  chance  à  la  bergerie 

D'où  est  venue  la  brebis  à  tête  blanche. 

155     Et  celle  de  qui  je  l'ai  obtenue  tout  d'abord 
Bien  a-t-elle  mérité  ma  bénédiction. 

Ma  bénédiction  repose  avec  ce  qui  n'est  plus 
Ce  n'est  pas  le  meilleur  mais  ce  qui  r 

Mieux  vaut  se  réjouir  de  ce  que  nous  avons 
160     Que  de  nous  lamenter  sur  ce  qui  n'est  plus. 


234  POEMES 


RAINN  DO'N  CHEUD  CHEAIRD. 

'S  i  cheud  cheàird  an  tàillearachd. 

Os  i  rinn  Adhamh  air  thùs, 
A'  cheàird  as  luaithe  a  ghnàthaicheadh, 

'  S  gu  bràth  nach  leig  iad  diubh  ; 
o     Am  fad  's  a  bhios  na  màthraichean 

A"  breith  nam  pàisdean  rùisgt', 
Bidh  feum  air  gniomh  na  snàthaide 

G 'an  cumail  blàth  gu  dlùth. 

Cliaidh  Adhamh  a  chur  's  a'  Ghàradh, 
10         Cha  b'  e  'n  t-àit  'n  do  chuir  e  dhùil. 
Bu  chôma  leis  bhi  saoithreachadh 

Feadh  chraobh  's  ag  cur  nam  flùr  : 
Cha  bheireadh  e  air  sluasaid, 
'S  cha  ruamhradh  e  'n  ùir, 
15     Cha  mhò  a  ghabh  e  caibe, 

Chan  oibricheadh  e  tùrn. 

S  i  Eubha  fhuaradh  tàmailteach 

Le  dànadas  gun  tùr, 
N  uair  thug  i  'n  t-ùbhal  àlainn 
"20         A  bàrr  a'  ghallain  ùir  ; 

'S  truagh  gu'n  tug  i  dhàsan  e. 
Bu  daor  a  phàigh  e  'n  sùgh, 
lad  le  chéile  bhàsachadh, 

'S  na  thàinig  de  shliochd  dhiubh  ! 

25     Chunnaic  an  sin  Adhamh 

Gu'n  robh  nochd  'sa  nàire  rùisgt', 
De'n  droigheann  ghabh  e  snàthadan. 

'S  rinn  e  snàth  de'n  rùsg  : 
Dh'  fhuaigh  e  duilleagan  nan  geug 
30         Mu'  bheulaibh  's  air  a  chùl  : 
Dhiùlt  e  bhi  'na  ghàradair 
B'  e  'n  tàillearachd  a  rùn. 


POEMES  235 


VERS  SUR  LE  PREMIER  METIER 

Le  métier  primitif  fut  celui  du  tailleur. 

Celui  qu'  Adam  essaya  tout  d'abord. 
Métier  qui  fut  exercé  dès  les  premiers  temps, 

Et  qui  ne  sera  jamais  abandonné  : 
5     Tant  qu'il  y  aura  des  mères 

Qui  mettront  au  monde  des  enfants  mis. 
On  aura  besoin  du  travail  de  l'aiguille 

Pour  les  garder  bien  au  chaud. 

Adam  fut  placé  dans  le  jardin, 
10         Ce  n'était  pas  la  place  qu'il  espérait, 
Il  ne  se  souciait  guère  de  travailler. 

Aux  arbres  ou  de  planter  des  fleurs  : 
D'une  pelle  il  ne  voulait  se  servir, 
Il  refusait  de  creuser  la  terre, 
15     Ou  de  toucher  à  une  pioche, 

Du  travail,  il  ne  voulait  en  faire. 

Eve  fut  la  coupable 

Par  sa  folle  hardiesse, 
Elle  prit  la  pomme  splendide 
20         Du  haut  des  branches  nouvelles  : 
Hélas  !  elle  la  lui  donna, 

Il  paya  cher  le  fruit, 
Que  tous  mourraient, 

Ainsi  que  tous  leurs  descendants. 

25     Alors  Adam  vit  qu'il  était 

Dans  sa  honte  évidente,  nu, 
Des  épines  lui  servirent  d'aiguilles 

Et  d'écorce  il  se  fit  un  fil; 
Il  cousut  les  feuilles  des  branches 
30         Dont  il  se  ceignit  ; 

Il  ne  daignait  pas  être  jardinier, 
Il  avait  le  métier  de  tailleur  en  lui. 


»36  POEMES 

B'  e  cheud  fliear-ceàird  'saii  t-saoghal  e, 
Cha  d'fkeud  e  bhi  guu  chliù, 
35       S  nach  robh  e  riamh  'na  fhogklumaich, 
Ach  f  haotaiim  le  beaclid  sùl  ; 
Gun  snàth,  gun  olainn  chaorach, 

Rinn  e  déise  dh'  aodach  ùr  ; 

Bha  e  urramach  'na  thàillear — 

40         Cha  b'fhear-gàraidh  e  co-dhiubli. 


POEMES  23' 


11  fut  le  premier  qui  eût  un  métier, 
Et  sans  renommée  ne  doit  être, 
35     Car  il  n'avait  pas  fait  d'apprentissage, 
Il  apprit  en  se  servant  de  ses  yeux  ; 
Sans  fil  ni  laine  de  mouton, 
Il  fit  un  habit  tout  neuf; 
Respectable  comme  tailleur — 
40         Jardinier  il  ne  pouvait  l'être. 


218  POEMES 


RAINN  DO'N  PHADHADH 

'S  bochd  an  deireadh  beatha  bròn, 
'S  olc  an  deireadh  òil  padhadh  ; 
'S  muladach  suidhe  mu'n  bhòrd, 
Gun  an  stòp  a  lionadh  fhathast  : 
5  'S  aighearach  daoin'-uaisle  còir 
Aig  am  bheil  stòras  'nan  lamhan, 
Ni  òl  'n  uair  bhios  iad  pàiteach, 
'S  a  bheir  paigheadh  do  na  mnathan. 

'S  aoibhinn  's  a'  mhaduinn  a'  chòmhdhail 
Thighinn  oirnne  toiseach  an  làtha, 
Bean-uasal  a  thighinn  g'a  seòmar 
A  chur  sòlas  feadh  an  tighe  ; 
Botal  mor  aice  'na  làimh, 
'S  e  dearlàn  a  dh'  uisge-beatha  ; 
15     'S  òl  gu  cridheil  air  a  chéile, 

'S  their  i  féin  gur  e  ar  beatha. 

'S  e  fasan  ceart  a's  tigh-thàirne 
Misneach  àrd  'san  am  gu  caitheamh  ; 
Bidh  fear  leis  nach  toil  am  branndaidh 
20     Ri  cùl-chainnt  oirnn  chionn  a  ghabhail; 
'S  e  their  companach  a'  bhotail, 
Lionar  suas  an  copan  fhathast  ; 
S  mor  na  mhaoidheas  orm  mo  dheoch, 
Ach  's  beag  na  dh'  fhidireas  mo  phadhadh. 

11.  'a,  seòmav  '  :  sa  salle  de  réception. 
17.  -  tigh-thàirne  '  :  cf.  angl.  tavern. 


POEMES  239 


VERS  SUR  LA  SOIF 

C'est  triste  à  la  fin  de  la  vie  de  souffrir, 
Mauvaise  est  la  soif  après  avoir  bu  ; 
C'est  triste  de  s'asseoir  à  table. 
Lorsque  la  chopine  ne  se  remplit  plus; 
5     Joyeux  sont  les  gentilshommes  cordiaux 
Ayant  en  mains  des  richesses, 
Qui  boiront  quand  ils  sont  altérés, 
Qui  tendront  la  paye  aux  femmes. 

Heureuse  la  visite  du  matin, 
10     Qui  nous  vient  entamer  la  journée, 

La  dame  arrivant  dans  la  salle 

Apportant  du  confort  dans  la  maison  ; 

Une  grande  bouteille  à  la  main, 

Toute  pleine  de  whiskey  ; 
15     Buvant  à  la  santé  l'un  de  l'autre, 

Elle  dira  "  Soyez  le  bienvenu." 

C'est  la  façon  juste  à  l'auberge 
Quand  c'est  le  moment  de  payer  gaiement  ; 
Celui  qui  n'aime  pas  l'eau-de-vie 
20     Quand  nous  en  buvons  nous  dénigre  : 
Le  joyeux  compère  dira, 
Que  la  tasse  se  remplisse  à  nouveau  ; 
Nombreux  ceux  qui  secouent  la  tête  quand  je  prends 

la  goutte, 
Mais  rares  sont  ceux  qui  sympathisent  avec  ma  soif, 


240  POEMES 


AOIR  UISDEAN  PHIOBAIR' 

Turus  a  chaidh  mi  air  astar 

A  Chinn-tàile, 
Chunna  mi  daoin'uaisle  tlachdmhor, 

Caoimhneil,  pàirteach  ; 
5     Bha  aon  bhalach  ami  air  banais 

A  thug  dhomh  tàmailt, 
O'n  a  bha  esan  mar  sin  dòmh-sa, 

Bidh  mise  mar  so  dhàsan. 

S  ann  an  sin  a  thòisich  Uisdean, 
10         Mar  a  ni  cù  an  droch  naduir, 
Tabhannaich  ri  sluagh  na  dùthcha, 

'S  b'  e  rùn  gu'n  gearradh  e  'n  sàiltean  : 
'S  math  an  companach  do'n  chù  e, 
'S  dona  'n  companach,  le  càch  e, 
15     Cha  chuideachd  e  bhàrd  no  phiobair 
Aig  a  mhiomholachd  's  a  dh'  fhàs  e. 

Aidich  fhéin  nach  'eil  thu  'd  phiobair, 

S  leig  dhiot  bhi  'm  barail  gur  bàrd  thu  : 
Daoine  cridheil  iad  le  chéile, 
20  'S  bithidh  iad  gu  léir  a'  tàir  ort  ; 

Fear  ciùil  gun  bhinneas,  gun  ghrinneas, 

Fuadaichidh  sinn  as  ar  pàirt  e, 
Mar  a  thilgeas  iad  craobh  chrionaich 
O'n  fhionan  a  mach  as  a'  ghàradh. 

25     Ma  chi  thusa  bàrd  na  filidh 
No  fear  dàna, 
Ma  bhios  aon  diubh  'g  iarraidh  gille 
Ghiùlan  màlaid, 

2.  Ccann-tàilc  :   Kintail,  endroit   au  sud-ouesl   de  la  côte  du  comte 
de  Ross. 
=  Ccann  an  t-sàilc — extrémité  (du  bras)  de  mer. 


POEMES  241 

SATIRE   SUR   UISDEAN   LE   CORNEMUSIER 

(vers  choisis) 

Une  fois  que  j'étais  en  voyage 

A  Kintail, 
J'y  ai  vu  des  gentilshommes  aimables. 

Bienveillants,  généreux  ; 
5     II  y  avait  un  jeune  homme  à  une  noce, 

Qui  m'a  agacé, 
Puisqu'il  m'a  traité  de  la  sorte, 

J'agirai  envers  lui  de  cette  manière. 

C'est  alors  qu'a  commencé  Uisdean, 
10  Comme  un  chien  pervers. 

Aboyant  aux  gens  du  pays, 

Son  envie  est  de  les  mordre  aux  talons; 
Il  est  un  bon  compagnon  pour  le  chien, 
Et  mauvais  camarade  pour  les  autres, 
15     Société  méprisable  pour  les  bardes  ou  cornemusiers 
Tant  il  a  grandi  en  impertinence. 

Renoncez  à  l'idée  que  vous  êtes  cornemusier. 
Abandonnez  la  notion  que  vous  êtes  poète  ; 

Car  ils  sont  tous  des  hommes  cordiaux, 
20  Et  vous  mépriseront  d'un  commun  accord; 

Musicien  sans  mélodie,  ni  goût, 

De  notre  société  nous  vous  répudierons, 

Comme  on  rejette  un  arbe  desséché 
De  la  vigne  du  jardin. 

25     Si  vous  voyez  barde  ou  poète 
Ou  versificateur, 
Si  l'un  d'eux  désire  un  garçon 
Pour  porter  sa  valise. 

Uisdean  :  Ce  nom  vient  du  norvégien  Eysteinn  :  ce  nom  est 
généralement  traduit  en  anglais  Hugh,  qui  vient  vraiment 
de  la  racine  teutonne  hug,  pensée. 

16 


242  POEMES 

Lean  an  duine  sin  le  dùrachd 
30         Los  gu'n  siùbhladh  tu  h-uil'  àite  ; 
'S  mor  an  glanadh  air  do  dhùthaich, 
I  chur  cùl  riut  's  thu  g 


No  ma  chi  thu  fear  a  sheinneas 
Piob  no  clàrsach, 
35     Feudaidh  tus'  an  t-inneal  ciùil 
A  ghiùlan  dàsan, 
Gus  am  bi  craiceann  do  dhroma 
Fàs  'na  bhallaibli  loma,  bàna, 
Mar  a  chi  thu  milleach  srathrach 
40         Air  gearran  a  bhios  ri  àiteach. 

Cia  mar  a  dheanadh  e  òran 

Gun  eòlas,  gun  tuigse  nàduir  ? 
O  nach  deanadh  e  air  dòigh  e 

'S  ann  bu  choir  dha  fuireach  sàmhach  ; 
45     Bruidhinn  ghlugach  's  cuici  dith  mabach, 

Mòran  stadaich  ann  am  pàirt  dith  ; 
Na  ni  e  phlabartaich  chòmhraidh. 

Cha  bheò  na  thuigeas  a  Ghàidhlig. 

Séididh  Uisdean  piob  an  rongain, 
50  'S  mòr  a  h-antlachd, 

Bithidh  i  cosmhail  ri  gaoir  chonnspeach 

A  bhiodh  an  cnoc  fraoich  a'  dranndail  : 
An  Circe-poll  làimh  ri  Tonga, 

A'  baigearachd  air  muinntir  bainnse, 
55     Fhuair  mise  pìobair'  an  rumpuill. 
'S  dh'  fbàg  mi  ann  e  ! 

35.  tus'  =  tusa;  forme  oruph.  du  pronom. 

53.  Circe-poll  :   Kirkibol,  endroit  au  nord  du  comté  de  Sutherland. 

Le  nom  qui  est  norvég.,  signifie  '  emplacement  d'église.' 
Tonga  :  endroit  aussi  au  nord  de  Sutherland.     Norvég.  '  tunga,' 

'  une    langue    de    terre.'       Le    nombre    des    noms    de    lieu 


POEMES  243 

Résolument  joiguez-vous  à  lui 
30         Pour  errer  partout  ; 

Bon  débarras  pour  votre  pays, 

S'il  vous  rejette  et  que  vous  le  quittiez. 

Si  vous  voyez  un  joueur 
De  cornemuse  ou  de  harpe, 
35     Soyez  content  de  porter 

Son  instrument  de  musique, 
Jusqu'à  ce  que  la  peau  de  votre  dos 

Par  endroits  pelle  et  blanchisse, 
Comme  vous  voyez  les  maux  du  harnais 
40         Sur  un  cheval  que  l'on  fait  labourer. 

Comment  pourrait-il  composer  une  chanson 

Sans  instruction,  sans  intelligence  innée? 
Puisqu'il  ne  sait  la  bien  faire 

Il  devrait  se  tenir  tranquille  ; 
45     Parler  balbutiant  et  parfois  bégayant 

Beaucoup  d'arrêts  çà  et  là  : 
Lorsqu'il  bredouille, 

Aucun  vivant  ne  peut  comprendre  son  gaélique. 

Uisdean  gonflera  la  cornemuse  ronflante, 
50         Grande  notre  aversion, 

Elle  est  comme  le  bourdonnement  des  guêpes 
Qui  fredonnent  sur  un  tertre  de  bruyère  ; 
C'était  à  Kirkibol  près  de  Tongue, 

Mendiant  parmi  les  invités  de  la  noce, 
55     Que  j'ai  trouvé  le  cornemusier  ce  vaurien, 
Et  je  l'y  ai  laissé. 

norvégiens   dans   la   Haute-Ecosse   et  dans   les   Iles   est  très 
grand  comme  on  pourrait  s'y  attendre.       Depuis  c.  795  a.d. 
jusqu'   à  1263   a.d.    (Bataille  de  Largs)   les  norvégiens   pos- 
sédaient le  nord  et  le  nord-ouest  de  l'Ecosse. 
55.  '  rumpull  '  :  cf.  angl.  '  rump,'  cohue. 


Ouvrages  de  référence  utilisés  pour  cette  étude  : — 

Armstrong's  Gaelic  Dictionary,  1825. 

Highland  Society's  Gaelic  Dictionary,  1828. 

Macleod  and  Dewar's  Gaelic  Dictionary,  1866. 

McAlpine's  Gaelic  Dictionary,  1877. 

Faclair  Gàidhlig.     E.  Dwelly.     1902. 

MacBain's  Etymological  Dictionary,  1911. 

Hatzfeld  et  Darmsteter  :    Dictionnaire  Général  de  la  langue 

française. 
Larousse. 

Icelandic  Dictionary.     Vigfusson  et  Cleasby. 
Celtic  Review,  t.  i.  à  t.  x. 
Scottish  Geltic  Review.     Cameron.      1885. 

Les  grammaires  gaéliques  de  Stewart,  Munro,  Gillies  et  Calder. 
Bardaclid  Ghàidhlig.      Prof.  Watson. 
The  Beauties  of  Gaelic  Poetry.     Mackenzie. 
Les  poèmes  gaéliques  d'Alexandre  MacDonald  (Mac  Mhaigb- 

stir  Alasdair,  c.  1700-1770,  1ère  édition). 
Les    poèmes    gaéliques    de    Dughall    Bochanain,     1716-1768. 

Prof.  D.  Maclean. 
The  Transactions  of  the  Gaelic  Society  of  Inverness. 
Skene's  Highlanders  of  Scotland.     MacBain. 
Burt's  Letters  from  the  North  of  Scotland.     Jamieson,     1754. 
History  of  Western  Highlands.     Gregory. 
Sketches  of  the  Highlanders.      Stewart  of  Garth.      1822. 
The  Young  Pretender.      Prof.  Sanford  Terry. 
The  Literature  of  the  Highlands.     Prof.  Magnus  Maclean. 
Language  and  Literature  of  the  Scottish  Highlands.     Prof.  J. 

S.  Blackie. 
Norse  Influence  on  Celtic  Scotland.      Henderson. 
A  Literary  History  of  Ireland.      Prof.  Douglas  Hyde. 
Social  History  of  Ancient  Ireland.     Joyce. 
Celtic  Place  Names  of  Scotland.      Prof.  Watson. 
The  Old  and  New  Statistical  Accounts  of  Scotland. 
The  Wild  Sports  of  the  Highlands.     St  John. 
Wild  Animal  Life  in  Scotland.     J.  Ritchie. 

Vu  et  permis  d'imprimer 
Vu  et  lu  Pour  le  Recteur 

LE  DOYEN  li    Doyen  Délégué