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Full text of "Histoire du Concile de Pise : et de ce qui s'est passé de plus mémorable depuis ce concile jusqu'au Concile de Constance"

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HISTOIRE 


D  U 


CONCILE 

DE    PISE 

TOME       II. 


ISTO  IRE 


D  U 


CONCILE 

DE    PISE' 

Et  de  ce  qui  s'eft  parte  de  plus  mémorable  depuis  ce  Concile 
jufqu'au  Concile  de  Constance. 

Par  ] ACQ^VES     LENFANT- 

ENRICHIE      DE      PORTRAITS. 


*         TO  ME      S  E  C  O  Xû. 

entre  ce  Concile  &  celui  de  Confiance. 


A         UTRECHT, 

Chez,  CORNEILLE  GUILLL.  LE  FEBVRE. 
M.      D  C  C.       XXXI. 


SUITE 

DU     CONCILE 

DE  PISE- 

ou 

HISTOIRE   DE  CE    QUI   S'EST  PASSE' 

entre  ce  Concile  ï?  celui  de  Confiance. 

L  I  V  R  E   IV 

SOMMAIRE. 

I.  Eleblion  de  Jean  XJCIU.  II.  Cérémonies  de  Fé/effion,  de  la 
confie  cration  &  du  couronnement  de  Jean  JCJflII.  III.  Son 
èleïiion  forcée.  IV.  Ses  mœurs  &  [on  caractère.  V.Jean  XXIII. 
confirme  la  Sentence  du  concile  de  P  if  e  contre  les  concurrent s.  VI. 
Jl  envoyé  un  Leyit  en  Effagne  5  fes  commijjîons.  VII.  Deux, 
prédicateurs  Francifcains  décapitera  Grenade.  VIII.  Bulle  de 
Jean  JCJC1II.  pour  révoquer  celle  ^Alexandre  V.  en  faveur 
des  Moines  Mendiants.  IX.  Comment  fon  éleïlion  fut  reçue  à 
Rome.  X.  Caratlere  de  l'Empereur  Robert ,  &  fa  mort.Xï.  Mie- 
Tom.  II.  A 


HISTOIRE    DU    CONCILE 

[lion  de  Sigismond.  XII.  Cet  Empereur  envoyé  une  Ambafjade 
à  Jean  JfJflII.  pour  le  reconnoïtre.  XIII.  Jnfiitution  de  L'Or- 
dre Teutonique.    XIV.  Origine  des  guerres  entre  les  Polonois  & 
les  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique.   XV.  Lettres  du  Roi  de 
Pologne  &  du  Grand  Duc  de  Lithuanie  contre  les  Chevaliers  de 
l'Ordre    Teutonique,    XVI.   Relation  de  la  bataille  qui  fe  don- 
na entr'eux  le  15.  Juillet.  XVII.   Relation  de  la  même  bataille 
par  les  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique.  XVIII.  Remarques 
fur  cette  Relation.  XIX.  Jean  XXI II.  notifie  fon  élection  k  l'V- 
niverfité  de  Paris.  XX.  Af] emblée  de  cette  7Jniv er fit é  fur  l'exa- 
ction des  Décimes  y  &c.  XXL  Edit  du  Roi  fur  ce  fu jet.  XXI  Iv, 
Morts  de  quelques  Têtes  couronné ''es.  M 'on  de  Martin  Roi  d'Ar- 
ragon.  XXIII.  Jacques  d'Urgel  afpirs  au  Royaume  d'Arragon. 
XXIV.  Caprera  veut  s'emparer  de  La  Sicile.  XXV.  Etat  de 
l'Italie.  XXVI.  Etat  de  la  France.  XXVIL  Etat  de  l'An- 
gleterre, XXVIII.   Progrès  du  Huiffitifme  en  Bohême.  XXIX. 
Particularité  ^touchant  Jérôme  de  Prague.  XXX.  Guerres  en- 
tre quelques  Evèqucs  d'Allemagne.  XXXL  Etat  des  Juifs  en  Al- 
lemagne &  en  divers  autres  endroits  du  monde. 


Sleiîitn  de     T 
JeanXXIII 

1410. 
14  May. 


Ussi-tôt  après  les  obfeques  à* Alexandre  V.les  Car- 
dinaux ,  au  nombre.de  ié  ou  de  17  ,  entrèrent  en  Con.- 
_  clave  ,  &  après  y  avoir  demeuré  3  jours  •  ils  élurenr 
le  17  de  Mai  Balthazar  de  Cossa  ou  de  la  Cuijje ,  Napo- 
litain ,   Cardinal  de  S>  Eu^ache ,  &  Légat  de  B.oulogne  3  fous 
(a)  M*/»*  le  nom  de   Jean   XXIII.   (a).  Il  fut  mis  le  même  jour  furie 
de  s.  Denjs  thrône  dans  la  Cathédrale  de  Boulogne  ,  félon  la  coutume. 
Chap!°4.   *-e  24'  *!  fut  ordonné  Prêtre  par  le  Cardinal  â'Ofîie ,  &  lelen- 
Niem  de  demain  ,  jour  de  Dimanche  ,  il  fut  confacré  par  le  même  Car- 
Lib.3  Cap  dinal  j  Pu*s  couronné  parle  Cardinal  de  Brancas  j  après  quoiit 
uir.  fît  la  cavalcade  à  l'ordinaire. 

Cérémonies     jj    TE  rapporterai  cette  cérémonie  dans  les  termes  de  Mon  J 

aet  élection ,  ,      J  *  i^      1  >        r  r    •  i  •      •  i  1   1     rr 

de  la  confe-firelet  (b).  ci  Et  la  ,  furent  faites  ce  dit  jour  tant  de  noblefies&; 
cratbn  ,  d*  i}  de  joyeufetez ,  qu'il  feroit  fort  à  l'eftimer.  Et  furent  à  la  pro- 
™2j"ean  55ce^10n  XXIV-  Cardinaulx  ,  deux  Patriarches  3  trois  Archevê- 
xxm.  „  ques  ,  xxv.  Abbez  tant  mitrez  ,  comme  non  mitrez  3  fans 
(b)Mon/-     1     autres  gens  d'Eelife  qui  étoient  en  très- grand  nombre. 

trel.  Chap.  "  i    S-     ta  &  *■        •  •  &         -ni  \  > 

**•  p>97.  5>Et  porta  ledit  Pape  pour  ce  jour  une.  mitre  vermeille  bordée 
J5  de  blanc.  Et  le  Samedy  enfuivant  xxm.  jour  de  May  iceiui 
3,  Pape  receut  en  la  cbappelle  defon  predeceileur  les  fainctes* 


DE    PÏSE    Lir.    IV,  5 

%,  ordres  de  Preftre.  Et  célébra  la  Merle  le  Cardinal  de  Vimers    r^is* 
55  (2l)  ,  &  fut  Diacre  le  Cardinal  de  C ballant.  Auquel  fervice  fu-  ^  nvîmi 
ri  rent  cous  les  Preiacs  defïùs  nommez,  Et  le  lendemain  jour  de 
^  Dimanche  (ty  le  die   Pape  célébra  la  Méfie  en  ladi&e  Eglife  (b)  ce  fut 
.„  de  S.  Pierre.  Et  avoit  le  die  Cardinal  de  Vimers  auprès  de  lui le  2*- de 
„  qui  lui  moncroit  le  fervice  ,  &  là  eftoyent  Le  Marquis  de  Fer.  May' 
^rare ,  &  le  Seigneur  de  Mdiejle  qui  tenoienc  le  bafîîn  où  le 
„Pape  lavok  fes  mains.  Lequel  de  Ferrare  avoic  amené  en  fa 
.„  compagnie  u.v.  Chevaliers  cous  veftus  de  vermeil  &  d'azur, 
.„&  avoic  cinq  trompettes.,  &:  quatre  paires  de  meneftriers  cous 
.„  jouans  chacun  de  fon  infiniment.  Et  oucre  la  deflusdi&e  Mef. 
-,  fe  célébrée  par  ledic  Pape  5^*0 ,  il  fuc  porté  hors  de  ladi&e 
4,  Eglife  ,  &  là  fur  un  efcharTauIt  bien  &:  noblement  ordonné  9 
,„oufau)  parvis  d'icelle  Eglife  fut  afîîs  &  pofé  ^  &:  là  fut  cou- 
„ronné  ,  prefens  ceux  qui  U  eftoyent.,  donc.il  y  avoic  xxvi. 
„  Cardinaulx ,11. Pacriarches  3 v.  Archeyefques  ,xxvi.  Evefques 
.,, xxiii.   Abbez  fierez,  &c  xxn.non  micrez  avec  grand  mul. 
Ay  cicude  de  Do&eurs ,  &;  autres  gens  d'Eglife.  Ec  lui  eflanc  en 
la  dite  chaire  qui.eftoit  toute  couverte  de  drap  d'or  ,  eftoienc 
autour,  &  à  l'environ  de  luy ,,  les  Cardinaulx  de  Vimers^  de 
Cballant  ,  de  Millet  ,  &  à'Efpaipie  ,  de  Thurry ,  &  de  i?^rr 
^defîiis nommez  a  cquc  (avec )  des  eftoupes  êc  du  feu:Iefquel- 
^les  finées  ils  meirenc  ladite  couronne  fur  fon  chief ,  &  ertoic 
„  icelle  couronne  double  de  trois  couronnes.  C'effc  à  fçavoir  la 
„  première  d'or  ,  qui  environnoit  le  front  par  dedans. la  mitre. 
.ÎSLa  féconde  d'argent  &;  d'or  ,  &  n'etoit  qu'au  meillieu   d'i- 
m  celle  mitre.  JEc  la  tierce  eftoit  d'or  très  précieux  &  pur  3  6e 
.„  furmontoit  ladicte  mitre  :  &.  après  3  lui  couronné  &  defeen* 
^  du  dudict  efchafFauIt  fut  mis  fur  un  cheval  qui  eftoit  tout 
„  couvert  de  vermeil.  Et  les  chevaux  des  Cardinaulx ,  Patriar* 
tï  ches  ,   Evefques  ,  Archevefques  eftoyent  tout   couverts  de 
^3  blanc  :  &  chevaucha  en  cet  eftat  de  rue  en  rue  par  toute  la 
..„  cité  faifant  le  flgne  de  la  croix  jufques  en  la  rue  où  demeu- 
\9  roient  les  Juifs ,  lefquels  offrirent  par  écrit  leur  Loy ,  laquel- 
le de  fa  propre  main  il  print.&  receuc,  &  puis  la  regarda  ,  OC 
,,tantoft  {  bientoft)  la  je&a  derrière  lui  en  difant  ^  Voltre  loy 
eft  bonne  ,  mais  d'icelle  la  noflre  eft  meilleure.  Ec  lui  parci 
de  là  les  Juifs  le  fuivoienc  le  cuidant  atteindre  y  &  fut  toute 
la  couverture  de  fon  cheval  deschirée  ,  &  le  Pape  jectoit  par 
j*  toutes  les  ni.ës   où  il  pailbit,  monnoye  ;  c'eft  à  fçavoir  de* 

Aij 


Pi 


4  HISTOIRE  DU  CONCILE 

S410.  .„niers  qu'on  appelé  quatrins,  &  mailles  de  Florence  &  autres 
„  monnoyes ,  &  y  avoic  devant  lui  .,  &  derrière  lui  deux  cens 
°„  hommes  d'armes ,  &  avoit  chacun  en  fa  main  une  mafle  de 
j,  cuir  ,  dont  ils  frappoient  les  Juifs  ,  tellement  que  c'eftoit 
„  grand  joye  à  veoir.  Et  puis  s'en  retourna  en  fon  palais  le  ien- 
(a)ilpour-  îî  demain  avec  les  xxviii.  (a)  Cardinaulx  veftus  de  rouge  .,  trois 
roit  bien  y })  Patriarches  veftus  ainfi  ,  dix  Arche vefques,  xxx.  Evefques  y 
«lïïnîi     „  auffi  femblablement  veftus ,  &  mitrez   de  blanches  mitres, 
fauted'im-„XL.  Abbez  tant  mitrez  ,  comme  non  mitrez,  le  Marquis  de 
preiTion.    ^  Fer rare ,  le  Seigneur  de  Malefie ,  le  Sire  de  Gaucourt  ,  &  des 
„  autres  xliv.  tant  Ducs,  Comtes  ,  comme  Chevaliers  de  la 
„  terre  d'Italie  veftus  de  parement  de  leurs  livrées ,  &.  en  chacune 
^rue  deux  &  deux  menans  le  Pape  par  le  frain  de  fon  cheval , 
,3  l'un  à  dextre  ,  &  l'autre  à  feneftre.  Et  là  eftoyent  trente  fix 
(b)swo»«.  ^  bufines  (b)  ,  ou  trompettes ,  &  dix  paires  de  meneftriers,  &  ft 
„y  avoit  chantres,  par  efpecial  les  chantres  de  la  Chappelle 
jjde  fon  predecefleur ,  auffi  les    chantres  des  Cardinaulx  ,  8£ 
^plufieurs  d'Italie  qui  tous  chevauehoient  devant  le  Pape  3, 
5J  qui  chantoyent  motets ,  virlays ,  &  chantoient  moult  hault. 
3J  Ëc  quand  il  fut  venu  en  fon  palais  ,  il  donna  fa  paix  à  tous 
„  les  Cardinaulx.  Lesquels  par  ordre 3'  &  de  degré  en  degré  le  bai- 
„  ferent  ou  ( au)  pied  ,  en  la  main  ,    &  en   la  bouche  ,  8c 
3)  commença  le  Cardinal  de  Vimers ,  &  en  après  les  Patriarches , 
„  Evefques  ,  &  Abbez,  &confequemment  les  autres  gens  d'E- 
(c)  Bene-  ^  glife.   Et  par  les  quatre  élémens  donna  fa  beneiiïon  (c)  à  tous 
&S1011.      ^  eftant  en  eftat  de  grâce  :  &  à  ceux  qui  n'y  eftoyent  pas ,  il  les 
,  difpenfa  jufques  à  quatre  mois  après  enfuivant,  affin  quepen- 
„  dant  ce  temps  ils  s'y  meifîent ,  en  priant  que  pour  fon  prede- 
„  cefteur  Pape  Alexandre  chacun  dîttrois  fois  Paternofier  ,&c. 
?,  Et  de  là  s'en  alla  au  disner  3  &eftoit  environ  l'heure  de  dou- 
„  ze  heures  ,  &  quand  ledit  myftere  fut  commencé,  il  eftoiten- 
„  tre  cinq  &;  fîx  heures  du  marin.  Pour  ladite  folennité  de  lui  3 
53  chacun  feit  fefte  par  l'efpace  de  huict  jours  par  toute  la  cité 
de  Boulogne  ,  &  en  chacun  collège  de  PEglife  cathédrale  de 
Sàincl:  Pierre  feircnt   proceffion  entour  de  la  dide  Eglife  ,  & 
eftoit  tout  le  Collège  veftu  de  Chappes  vermeilles  :  &  pareil- 
„  lement  feirent  les  Chartreux  du  mont  SaincT:  Michel  qui  eft 
J}  dehors  les  murs  de  Boulogne. 

La  plupart  des  Auteurs  conviennent  aflèzque  cette  éle&ion 
(d)Spond.  fut  unanime,  à  la  réferve  du  Cardinal  de  Bourdeaux  ,  (à)  quij 


DJ 


•»> 


DE    PISE    Liv.   IV.  5 

à  ce  qu'on  prétend,  n'y  voulue  jamais  confen  tir.  Cependant  un    r410' 
Auteur  (sl)  de  ce  temps  -là  témoigne  que  comme  il  y  avoit  de  la  ?a)  fiSi 
diiTenfion  entre  les  Cardinaux  ,  ils  le  prièrent  de  dire  qui  il  vou-  de  Bergam* 
toit  qu'on  élut ,  Se  que  là-deiTus ,  il  leur  dit  :  Donnez^moi  le  man.  fol°  3** 
teau  de  S-  Pierre  ,  (  chlamydem  )  &  je  le  donnerai  à  celui  qui  doit 
être  pape  :  ce  qui  s'étant  fait ,  il  mit  le  manteau  fur  fes  épau- 
les en  difant  :  Je  Juis  Pape.  De  forte  que  les  Cardinaux  jugè- 
rent qu'il  valoit  mieux  diffimuler ,  que  de  fe  mettre  à  dos  un 
homme  qui  avoit  tout  pouvoir.  Les  autres ,  dit  Monstrelet  , 
ft>)  3  qui  n'efi 'oient  pas  bien  d'accord  de  la  dite  élection ,  quand  ils  vi-  [b)Mo»/?re/, 
rent  qu  ils  eft  oient  en  trop  petit  nombre  ffe  confentirent  avec  les  au-  96. 
très  ,  &  puis  le  prindrent  &  le  menèrent  à  l'Egtife  cathédrale  de 
S.  Pierre,  &  là  en  l?  mitrant  prindrent  le  ferment  de  lui  ,  &  après 
le  menèrent  en  Pboflcldefon  predecefieur  ,  c'eft-a-fçavoir  au  palais  ,    [c]  Cette 
&  tantôt  ("bientôt,)  toute  lamaifon  fût  fufièe  (pillée) \  félon  la  cou-  coutume 
tume  de  ce  temps  Jà  f  (c)   &  emporté  tout  ce  qu'on  y  trouva  ,  &  dueauCon- 
memement  n'y  demeura  huis  nefeneflreque  tout  ne  fut  btè.  ciledeCon- 

III.  Ce  que  je  viens  de  dire  prouve  afïez  que  l'unanimité    ance\ 
des  électeurs  de  Balthazar  fut  forcée ,  &  que  fon  élection  ne  jeanxxliî 
fut  point  libre.  Platine  (e)  témoigne  qu'auffi  tôt  après  la  mot*  forcée. 
&  Alexandre  V.'ù  employa  beaucoup  d'argent  à  gagner  les  Car-  7>fëK?ï 
dinaux ,  fur  tout  ceux  d'entre  eux  qui  étoient  pauvres.  Il  ajou- 
re que  quelques-uns  avoient  écrit  que  cette  éle&ion  fe  fit  avec 
violence  ,  &  que  Balthazar  tenoit   des  troupes  dans  la  ville  &: 
à  la  campagne  pour  fe  faire  élire  par  force  ,  fi  on  ne  le  faifoit 
pas  de  gré.  La  même  chofè  eft  rapportée  par  Philippe  de  j8er~ 
game  (e)  qui  dit  de  plus  qu'avant  l'éleûioiï  ,  Balthazar  fît  de  jvj  p.  3^ 
grandes  menaces  aux  Cardinaux  ,  s'ils  n'élifoient  un  Pape  qui 
lui  fût  agréable,  &;  qu'en  ayant  propofé  plufîeurs,il  n'en  vou- 
lut agréer  aucun.  Ntem  le  traite  tout  nettement  d'intrus  :  (f;  r„ 

-,       &»    n  J-      -i  '  /  •  ira  [H  In  rit* 

Vous  nèfles  pas  ,  dit- il,  entre  par  la  porte  ,  mais  par  lafeneftre  :  Joh.xXIir» 

on  dit  de  vous  avec  rai  fon  que  vous  avez^  rompu  le  feuil  de  lapor-  Cap.  VII* 

te  avec  une  hache  d'or  _,  &  que  vous  avez^fermé  la  gueule  a  vos  do- 

gues  avec  un  bon  gros  morceau  de  pain  ,  de  peur  qu'ils  n'aboyaient 

contre  vous  Cependant,  au  rapport  du  même  Auteur  [g]  (  pour  [g]vir.>^ 

mieux  cacher  fon  jeu  3  il  les  exhortoit  en  même  temps  à  faire  XXIIL  Lib* 

élire  à  Rome  Conrad  Caracciolo  Cardinal  Prêtre  de  S.  Qhryfo-  vm.ap 

gon ,  Napolitain ,  &  connu  fous  le  nom  de  Cardinal  de  Malte 

fh"L  Ce  Prélat  étoit aflez  bon,  dit  Je  même  Auteur  ,  mais  fans  M 9?  en 

lettres,  groffier,  &;  fort  mal  propre  à  être  Pape.  D'ailleurs  le  detfus. 


6  HISTOIRE    DU  CONCILE 

■141 0,  crédit ,  &  I  armée  de  Louis  d'Anjou  donna  un  grand  branle  à  cet- 
te élection.  Ce  Prince  ayant  appris  la  mort  à!  Alexandre  V.  qu'il 
alloir  joindre  ,  afin  de  pourfuivre  Ladijla s ,  envoya  un  Arobaila- 
deur  aux  Cardinaux  pour  les  prier  d'élire  Baïthaz^ir  comme 

,  s  M:     un  homme  dans  fes  intérêts  ,  &  en  ératdelefoutenir  [al. Quoi 

Qa)  Niem  r  .       ..  .  .  •    ?         .,     ,  .       .  ~      1  •       ^^ 

jlbifttpr*,  qu'il  en  ioit ,  il  arriva  au  but  qu  il  s  etoit  propoie  depuis,  long- 
-temps  ,  puifque  lorfque  n'étant  qu'archidiacre  de  Boulogne  il 
prie  la  refolution  d'aller  à  Rome  taire  fa  coMxkBordfaee  1JC.  il 

(b}  Platin.  ^i^0^  *  ^es  âxnls  4U'^  a^oit  au  Pontificat  (  b  ). 
$Uff,  IV.  A  l'  £  g  a  r  d  ;de  fes  mœurs  ,  la  plupart  des  Historiens 

Mœun    C7<  en  ont  fait  une  peinture  afFreule  ,  .&  ceux  même   qui  en  ont 
temXXUi^  ^ep^us  ^e  kien  'm&k  ont  P11  \  onr  été  contrainus  d'en  dire 
beaucoup  de  mal.  On  ne  fauroit ie  raporterfur  fes  mœurs  &;  fur 
fon  caractère  à  des  Auteurs  plus  dignes  de  foi ,  qu'à  fes  coik 
temporains,êc  aux  témoins  oculaires  de  toute  fa  conduite  Tels 
font  Léonard  Arctïn  ÔC  Theod.oric  de  Niem ,  qui  ont  été  les  Se- 
crétaires. Gobelin  Perjona  ,  qui  fut  prefent  à -fon  couronnement 
(c)  Co/modr.  (  me  ïfl  *i*s  frafentia  conftituto  (  c  )  )  témoigne  que  plusieurs  furent 
ztzt.vi,  icandalifez  de  fonéleàion.  Le  premier  de  ces  Hiftoriens   lui 
Cap;  90.    ^tcrjbue£|ç  gj-^nds  talées  pour  le  monde  -,  mais  une  entière  uidif- 
<d)  Leon.pofîtion  pour  l'état  eccieflaftique  (  d  ).  Ce  qui  eft  confirmé  par 
Aretinf  de  j7iavj0  Blondo  (e)  dans  le  même  Siècle.  A  l'égard  de  Theodoriç 
%jt      p'  de  Niem  qui  a  forte  fit  vie  ,  &:  qui  étoit  à  Boulogne  iorfqu'ilfuç 


r^nder  h.   qu»â  ce}ul  &§  Papç  jl  exerça  la  piraterie  des  fa  première  teunefïè. 

<lom.  II,     **,  i_    11  r    '  j  1  r     r   -r  - 

Part.  14,    Il  eo  eut  une  pelle  oçcafion  pendant  la  guerre  que  le  faifoient 
ZadiflaSiSt  Louis  d'Anjou  pour  le  Royaume  de  Naples.  Cette  .pre- 
mière guerre  terminée  par  îa  vi&oire  de  ZadiJJas  t  JBaltk^^tr 
réfoiut  d'aller  à  Boulogne ,  fous  le  prétexte  d'y  étudier  (  fibfiu- 
âemis figura)^  mais  au  fond  pour  fe  mettre  en  état  d'obtenir  quel* 
que  dignité  ecelefiaftique  ,  en  prenant  les  Degrez.  Aufli  ne  fie- 
n  pas  de  grands  progrès  dans  aucune  feien ce.  La  piraterie  ayant 
fait  place  ih  d  ébauche,  il  y  paffokies. nuits,  &dormoit  lagralïe 
matinée.  Apres  avoir  mené  ce  train  de  vie  quelques  années,  Bo- 
ni face  IJC.lz  fie  Archidiacre  de  Boulogne  ,  Bénéfice  confidera. 
i8^r^m'Wc>&  p^-r  &s  revenus  yèi  par  l'autorité  qu'il  donnoit  dans  l'A- 
xxw!  uU  cademie  (  g  ).  Mais  B/thbazgr  trouvant  (a  fortune  .trop  bornée  à 
fjt'hh    Boulogne  ,  voulut  aller  à  Rome  faire  fa  cour  au  même  Pape  qui 


TULuU  Scalp 


IEAX    XXIII 


DE   PISE  Lrv.    IV,  7 

k  fit  fbn  Camerier.  Il  eue  là  une  belle  occafion  d'exercer ,  ibus  un    1  tyffc. 
fi  bon  maître  ,  fes  grands  talens  pour  la  fimoniefi^.  Audi  ne 
s'y  épargna-t-il  pas ,  &.  hors  de  Rome ,,  6c  à  Rome  même  }  oit 
il  trouvoit  de  fort  bons  correfpondancs  dans  ce  négoce.  Pour 
tirer  de  l'argent  des  Prélacs  étrangers  s  il  leur  donnoit  de  faux 
avis ,  leur  faifant  entendre  que  (ans  lui  le  Pape  les  auroit  reléguez 
dans  des  pais  barbares.  Non  content  de  ces  indignes  profits  3  il 
engagea  Boniface  à  envoyer  des  Quefleurs  en  Allemagne^en  Dan- 
nemarc  ,  en  Suéde,  en  Norwegue,  publier  de  larges  indulgen- 
ces pour  toute  forte  de  péchez.  Ils  prenoient  pour  prétexte  de 
ces  quêtes  lepreflant  befoin  defecourir  l'Empereur  de  Confiais 
tinople  contre  les  Turcs  (a).  L'Auteur  qui  raportece  fait  temoi-  ,  ^. 
gne  que,  lui  Voyant ,  ils  le  vantoienc  publiquement  que  quand  vit.  joh.  ' 
S.  Pierre  lui-même  vivroit ,  il  n'auroit  pas  un  plus  ample  pouvoir  XXI*i-  *& 
que  celui  que  Boniface  leur  avoir  communiqué.  Ce  Pape  ,  pour  jy   pgg 
recompenler  Balthaz^ar  des  grands  fervices  qu'il  lui  rendoit  par  34*. 
[es  exa&ions  énormes,le  fit  Cardinal  Diacre  de  S.Euftache  en  140^ 
Enfuite  il  l'envoya  Légat  à  Boulogne  dont  il  fe  rendit  maître  & 
qu'il  gouverna  pendant  plufieurs  années  en  vrai  tyran.  Boniface 
eut  deux  raifons  de  lui  donner  cette  légation  (  b  ).  La  première  (b)Nîenu 
étoit  de  rompre  le  commerce  fcandaleux  que  Baltbaz^ir  avoit uhi  f»p™  p. 
à  Rome  avec  une  certaine  femme  nommée  Catherine  qui  avoit  34  * 
Ion  maria  Naples.  La  féconde  étoit  de  ramener  fous  l'obéïiîan- 
ce  de  l'Eglife  la  ville  de  Boulogne  dont  Jean  G  aléas  Bcrnabo  Duc     - 
de  Milan, s'étoit  emparé ,  &  qu'il  avoir  laiiTée  en  mourant  à  Jean 
Marie  fon  fils  aîné  (c).  Le  Pape  y  ayant  donc  envoyé  Balthaz^ar  (C)  Pogg. 
avec  une  bonne  armée ,  Boulogne  fe  rendit ,  &  ce  Légat  gouverna  HiP- Flor-?* 
cette  villeavec  un  empire  fi  abfolu  Se  fi  inhumain^qu'on  ne  fauroit *37'  *3  ' 
exprimer  les  horribles  exa&ions,  ôcles  cruelles  exécutions  qu'il 
faifoit  dans  la  ville  6c  dans  tout  le  païs.  Après  la  mort  de  Boni, 
face ,  il  fe  brouilla  &\qc  Innocent  VII.  &:  Grégoire  JCII.  qui  ne 
pouvoient  foujffrir  fa  tyrannie.   Le  dernier  l'excommunia  &  mit 
la  ville  de  Boulogne  à  l'interdit.  Mais  le  Légat  fe  mocqua  de  l'a- 
natheme ,  &  y  fit  continuer  le  fer  vice  divin  (  à  ).  {à)  Aubère 

La  haine  qu'il  avoit  conçue  contre  Greg oire  avança  beaucoup  p'653" 
la  convocation  du  Concile  de  Pife.  Mais  comme  il  n'étoit  pas 

(  I  )  Nemo  enim  umquam  in  Sede  Apoflolica  legitur  pr<efedi/Jè  ,  qui  rJeo  publiée  £?  hivertcunde 
Simoniœ  vitium  pnefumeret  exercere  ,,  fcandali^anda  indiffermter  propter  fectmiœ  qutfium  ,  valde 
multoi  Afchiepifcopos  }  Epifiopos ,  Z2"  aliorum  flaluum  EccUftaJiicos  ,  Vwtlalos  ordinando  ,  nec  non 
Clericos  C7*  Sacerdotes ,  omnia  vitiofè  faciendo  ,  qui  etiam  fratres  fitos  Murchiones  c  Duces  aç 
Comités  fecit ,  eoi  uhra  modum  ditando  ac  e\Um  exaltando,  HÏQm.  Labyjr.  Lib.  6,.  Cap.  $$,. 


8  HISTOIRE  DU  CONCILE 

14 io.  moins  difllmulé  que  violent,  afin  de  mettre  Grégoire  dans  foui 
tort,il  lui  envoya  uneAmbafTade  à  Lucques  pour  l'exhorter  à  te,, 
nir  fa  parole  3  lui  promettant  une  obéïiTance  entière  fous  cette 
condition.  Mais  Grégoire  n'ayant  pas  fait  grand  cas  de  cette  Arn> 
bafîade  ,  elle  fe  retira  fans  rien  faire.  Balthaz^ar  irrité  de  ce  mé- 
pris n'oublia  rien  pour  traverfer  ce  Pontife.  Il  follicita  les  Car- 
dinaux à  l'abandonner ,  n'épargnant  point  fon  argent  pour  les 
gagner.  Il  fit  d'ailleurs  alliance  avec  les  Florentins  ,  6c  en  obtint 

(a)Niem.  *a  v^e  ^e  P^e  Pour  Y temr  Ie  Concile.  On  prétend  (  a)  qu'il  eut 

nt.  joh.     des  voix  pour  le  Pontificat  dans  le  Conclave ,  mais  qu'il  s'en  dé- 

xxui.Lib.  fendit  j6c  qu'il  propofa  Pierre  Philargi  comme  un  homme  fa- 

\  vant ,  renommé ,  vénérable  par  fon  âge ,  &  qui  étant  Grec  de 

nation  n'avoit  point  de  parents  qui  pullent  être  à  charge  à  l'E- 

glife.  Il  ajoutoit  que  fi  on  elifoit  Pierre  Philargi  ,  il  l'aiîifteroit 

de  toutes  fes  forces  pour  recouvrer  Rome  ,  &c  toutes  les  terres 

de  l'Eglife  Romaine ,  tant  en  Tofcane  qu'ailleurs.  L'Auteur  qui 

rapporte  ce  fait  ne  dit  point  quel  fut  le  motif  de  Balthaz^ir  en 

recommandant  fi  fortement  pierre  Philary..  Mais  il  efr.  aifé  de 

•    juger  que  n'efperant  pas  avoir  afTez  de  fuffrages  3  il  aima  mieux 

propofer  un  homme  dans  fes  intérêts,  &  qui  par  fon  grand  âge 

lui  faifoit  efperer  qu'il  pourroit  bientôt  lui  fucceder. 

jeanxxin.      V.  Aussi-tôt  après  fon  couronnement ,  Jean  J£2CIII.  ne 

confirme  u  manqua  pas  de  prendre  toutes  les  rnefures  neceflaires  pour  afFer- 

Côwîude  *  niir  fon  autorité.  Dans  cette  vue  il  écrivit  une  Lettre  circulaire 

Fife  contre    à  toute  la  Chrétienté  pour  notifier  fon  élection.  Un  des  Conti- 

les  Concur-    nuateurs  de  Barotiius  (  b  )  nous  aconfervé  la  Bulle  qu'il  adrefTa 

T£fit$ 

(b)Rayn.    aux  Archevêques  de  Maycnce  (  c  ),  de  Cologne  (  d  )  &  de  Trêves  (ç], 

1410.r1.z1.  ji  y  confirmoit  par  une  Bulle  datée  du  15  Mai,  tout  ce  qu'^f- 

îfa/jaï™  £  lexandre  fon  prédéceffeur  avoit  ordonné  au  fujet  des  cenfures  , 

(d)  Frédéric  difpenfes ,  collations  ,  &:  autres  a&es  des  Concurrents  ,  &  cela 

If  ^Tc'mer en  vertu  du  Concile  de  Pife.  Comme  Alexandre  prévenu  par  la 

ie  Konig-    mort  n'avoit  pu  expédier  ces  Bulles  ,  Jean  JfJflII.  ratifie  fes 

fiein-  intentions  par  celîe-ci.  Peu  de  temps  après  il  renouvella  la  fen- 

¥fr  ul  "'  tence  du  Concile  de  Pife  contre  Grégoire  &  Benoît ,  accordant 

néanmoins  fix  mois  de  termes  à  leurs  adhérants,  tant  feculiers 

qu'eclefîaftiques ,  pour  fe  retirer  de  leur  obédience  ,  &  fe  ran- 

ttS  Rayn.  £er  ^ans  lafienne,&  leur  déclarant  en  même  temps ,  que  par 

»ii>/ui.23.  l'indulgence  de  mère  Eglife }  toutes  les  fentences  qui  avoient  été 

portées  contre  eux  auparavant,  feroientde  nulle  valeur  jufqu'à 

ce  temps.là[f]. 

VI. 


D£   PISE.    Liv.  IV.  5 

VI.  Cependant  il  ne  laifla  pas  d'envoyer  eaEfpâgne  Jean    1410. 
Zandolphe  de  Maramaur  3  Cardinal  Diacre  du  titre  de  S.  Nicolas  il  envoyé  «M 
in  Carcere  Tulliano  (l)  ,  pour  fonder  Benoit  fur  le  fujet  de  fa  cei-  L^  '"  ^ 
fion  ,  &  pour  tâcher  de  ramener  la  Caitilk  ,  le  Léon  ,  l'Arra-  c2mi£iZ: 
gon  ,  la  Navarre  ,.6c  toute  l'Efpagne  qui  tenoit  encore  pour  cet 
antipape.  Ce  Prélat  avoit  ordre  de  travailler  en  même -temps 
i  laconveriîondu  Roi  de  Grenade,  6c  des  Maures.  A  l'égard 
de  la  première  commiffion  qui  etoit  de  négocier  la  paix  avec 
Benoit §l  avec  l'Efpagne,  il  n'y  fut  pas  plus  heureux  que  quand 
il  y  avoit  écé  envoyé  par  Alexandre  V.  comme  nous  l'apprend 
Auberi  (z,  j.  Benoit  auffi  inflexible  que  jamais  ,  prétendoit  que  (a)Hfî.g« 
l'Eglife  «niverfelle  réfidoit  dansfon  Fort  de  Penifcola  (z)où  il  »*•**>  c*ri* 
s'etoit  retranché.  En  partant  de  Portovenere  il  avoit  laiflé  des  6\Q%  '  p^* 
•garnifons  Catalanes  dans  les  places  du  Comté  Venai/fin  (3)  qui 
appartenoit  alors  à  l'Eglife  Romaine  3  Jeanne  Reine  de  Naples, 
&.  Comtefîe  de  Provence ,  l'ayant  vendu  avec  Avignon  à  Cle~ 
ment  Vil  en  1^48.  C'eft  ce  qui  obligea  JeanJFJflll.  àyen- 
voyer.leCardinal  Pierre  deThurrey  pour  tenir  en  bride  cette  con- 
trée ,avec  ordre  de  publier  une  croifade  contre  les  Catalans  (b).  (b)Raînald, 
Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ce  Cardinal  mourut  dans  cette  uhi  J*p*  n. 
légation.  Le  Pape  lui  donna  pour  fuccefleur  Françoù  de  Confié  **" 
Archevêque  de  Narbonne,Sc  Légat  d'Avignon. 

VIL  Maramaur  ne  réuflît  pas  non  plus  dans  l'autre  corn,  ^uxtred^ 
miffion ,  qui  étoit  la  conversion  des  Maures  de  Grenade.  Voici  d/caLdlca* 
ce  que  j'en  apprens  d'un  Auteur  qui  a  écrit  la  vie  de  ce  Cardi-  P'UK  «  $r«# 
nal(c).  11  avoit  envoyé  chez  ces  Infidèles  deux  Moines  Francis-  Vc)  Et?*. 
cains  (d)  avec  ordre  d'y  prêcher  la  Foi  chrétienne.  Ces  Moines  Pu*.  Doh. 
s'en  acquittèrent  avec  un  grand  zele,&  prêchoient  publiquement  L('}\'p'*7z/ 
dans  des. aflemblées  fort  nombreufes.  Le  Magillrat  6c  le  Clergé  c«/^"&  * 
Mahometan  ,allarmez  de  ce  fuccès ,  défendirent  à  ces  Predica-  pierre  Je 
teursde  continuer  leurs  prédications  publiques  ,  leur  en  repré-  DHttu,au 
fentant  le  danger.  Mais  intrépides  à  ces  menaces  6c  même  aux 
mauvais  traitemens  6c  aux  voies  de  fait ,  ils  continuèrent  à  prê- 
cher. Tout  cela  fe  pafla  en  l'abfence  de  Mahomet  Roi  de  Gre- 
nade, occupé  à  quelque  guerre.  Dès  que  ce  Monarque  fut  de 
retour ,  il  fit  plufieurs  tentatives  inutiles  ,  pour  arrêter  le  cours 
de  ces  prédications.  Mais  ne  pouvant  en  venir  à  bout ,  ni  par 

.(j)    Ce  Cardinal  avoit  écrit  un  Livre.de  l'abolition  du  fchifine. 

(1)     Bourg  avec  Forterelfe  dans  une  Presqu'Ifle  du  Royaume  de  Valenoc. 

{3)    CoDtrée  de  la  Provence. 

Tome JJ.  B 


îo  H I  STO I  RE  D  U    C  Q  N  -G  M  E 

1410.     menacés  nipapcouroiens  ,  il  Ht  enfin  trancher  la  tête  aux  deux 
Prédicateurs.jLes  Chrétiens,  qui  étoient  en  ce  païs-làfirent  trank. 
porter  clandeftinement  leurs  corps  en  Catalogne. 
-***.*  VIII.  C  o  m  m  e  la  Bulle  à" Alexandre  V.  en  faveur  des  Moi- 

Eitllede  Jean  .  .  ,    r         ,, 

xxiii. po»r  nés  Mendiants,,  dont  on  a  amplement  parle  tur  I  an  i4oc).avoit 
nvoquerceiu  dépliià  tout  le  monde ,  fur  tout  aux  Evëques ,  aux  Curez  &  par- 
ère v™n~fa  tieulieremenc  en  France  ,  Jean  JfJCIIL  révoqua  cette  Bulle  par 
<w»r   de$     une  autre  datée  du  17.  Juin,  afin  de  rendre  le  .commencement-; 
Mnes Men-  fe  c     Pontificat  agréable.  La  Bulle  n'eftpas  loneue,  onlamec- 
juin  tra  1C1  coure  entière.  „Jean  Eveque .,  Serviteur  des  Serviteurs  « 
„  de  Dieu ,  attaque  la  mémoire  de  ceci  foit  confervée  à  perpe- 
5,  tuité.  Ayant  été  établi  fur  le  Siège  Apoftolique  par  la  grâce 
„  divine  ,  quoique  nous  ne  le  méritions  pas,  nous  nous  appliquons 
,j avec plaiiir  à  procurer  la  paix  à, tous  les  fidèles ^  &  à  lever, 
5,  autant  qu'en  nous  eft }  tout  ce  qui  peut  leur  donner  du  fean- 
,,  dale.  IL  y-a  long-temps  que  iur  les  plaintes  portées  à  Alexan- 
5,  dre  V.  notre  predecefTeur  d'heureufe  mémoire  ,  par  les  Frères 
3  Prêcheurs, \zs  F  ranciscains^XQS  Fie'rmites  deS^sîuguftinj&clçsCœr- 
5,  mes ,  (ur  ce  que  quelques  Ecclefiaftiques ,  &  quelques  perJbnnes 
„  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  foûtenoient  en  public  certains  arti- 
„  clés  que  lefdits  Frères  tenoienc  pour erronez,  Ôc  qui  concer- 
j,  noient  la  matière  de  la  Clémentine  ,  Dudum  ,  au  préjudice  des 
3y  mêmes  Frères  ,  ledit  Alexandre  &v  oit  pourvu  à  cela  d'une  cer- 
„  taine  manière  par  fes  Lettres  du  n  Octobre  de  la  première 
5J  année  de  fon  règne ,  qui  commencent ,  Regnans  in  excelfis.  Or 
3>  ayant  été  élevez  par  la  grâce  de. Dieu  au  faîte  du,  fouverain  : 
„  Apoftolat  (  ad  api cent  fummi  Apofiolatus  )  en  la  place  dudit  Aie- 
^xandre  que  Dieu  a  retiré,  nous  avons  appris , non  fans  déplai- 
,,  fir  &  fans  étonnement ,  qu'il  s'étoit  élevé  de  grands  troubles- 
,-  &  de  grands  fcandales  en  diverfes  parties  du  monde  entre  les 
-,  autres  fidèles ,  &ç  entre  nos  frères  les  Evêques  à  l'occaiîon  -de 
3>  la  publication  de  ces  Lettres,  &  qu'il  en  arriverait  encore 
^davantage,  fî  L'on  n'y  apportoitun  prompt  remède.  Nousde/i- 
,5rant,  félon  notre  devoir  paftoral  ,  y  pourvoir  fa] utairement, 
,,  6c  aller  au  devant  de.  ces  fcandales ,  nous  voulons ,  Se  par  l'au- 
3,  torité  apoilolique  ,  du  confeif  de  nos  frères ,  nous  décrétons 
n  par  ces  prefentes  ,  qu'à  l'égard  des  parties  ,  des  chofes,  des 
(a)  ?npar-     droits  &;  des  caufes  mentionnées  dans  lefdites  Lettres  (a) ,  tou- 

tibui  ijïfts  nec  L     T       J  i  i  a  /  \       ^\  •       - 

nonrebm ,     »  ces  cnoles  demeurant  dans  le  même  ctat  ou  elles  etoient  avant 
jWibus,  eau-  „que  ces  Lettres  fufïent  faites ,  qu'elles  foient  re'gardées  cojcû- 


DE   PISE.    Lit.  "IV.  n 

;,iîiefi  elles  n'a  voient  point  exifté  ,  aufîî  bien  que  les  procédures    içto 


*•> 


faites  en  conféquence  ,  6c  nous  défendons  à  qui  que  ce  foit  de 
9>fefervir  des  Lettres  de  notrepredecelTeur ,  Se  de  s'appuyer  fur 
,,leur  autorité. 

J'ai  donné  cette  Bulle  telle  que  je  l'ai  trouvée  dans  le  V.  Tome 
Ael'HiJtoire  de  tVniverfeté  de  paris  (a).  Cependant  i'  faut  que  (a)  P«*°^ 
cette  Univerfité  eût  reçu  là-deffiis  une  Bulle  d'une  autre  teneur. 
Car  dans  l'Aflemblée  qui  fe  tint  le  17  de  Novembre  chez  les 
Bernardins  ,  cette  Bulle  fut  condamnée  unanimement  par  ces 
raifons.  i.  On  fe  plaint  'que la  Bulle  de  Jean  JCJCJII.  ne  fait 
que  tempérer  celle  &  Alexandre  V.  au  lieu  de  la  révoquer ,  com- 
me l'Univeriité  de  Paris  l'avoit  demandé.  11  eft  vrai  que  le  mot 
de  révoquer  ou  de  caffer&'çù.  pas  employé,  mais  il  femble  que 
c'etoit  aïïez la  révoquer  que  vie  la  regarder  comme  non  aveuue. 
i. Qu'on  n'irapofoit  aucune  peine  à  ceux  qui  voudroient  fe  fer- 
vir  de  la  première  Bulle.  Pour  cette  plainte ,  elle  éroit  jufte ,  parce 
qu' 'Alexandre  V.  avoit  ordonné  de  grandes  peines  contre  ceux 
qui  oferoient  défendre  les  proportions  dont  fe  plaignoient  les 
Moines  Mandiants.  Ordonnant  que  fe  quelqu'un  à  l'avenir  e(ifi  ofé 
de  les  fou  tenir ^  ou  dans  le  $ Ecoles  ou  autrement  de  les  glofer,  (c'eft- 
à-dire  expliquer  )  défendre,,  tenir  3  ou  prêcher,  qu'il  foit  tenu  pour 
hérétique  }  &  qu'il  encoure  fentence  d?  excommunication  (  ipfo  faéto  ) 
dont  il  ne  pourra  être  a  b  fous  que  par  le  Souverain  Pontife  j  (mon  à  lar~ 
ticle  de  la  mort  (  b  ) 3.  Parce  que  dans  la  première  Bulle ,  il  étoit  (h)  Vpye* 
dit  qu'elle  avoit  été  donnée  par  le  confeil  des  Frères ,  c'eft-à-dire  S™ 
des  Cardinaux ,  ce  qui  n'étoit  point  dit  dansla  féconde.  Cepen. 
^dant  ces  mots  (fratrum  noferorum  confilio  )  par  le  confeil  de  nos  frère  s  % 
fe  trouvent  exprefïément  dans  la  Bulle  dont  on  vient  de  donner 
latradu&ion.  Quoi  qu'il  en  foit ,.  l'une  6c  l'autre  fut  rejettée,  6c 
celle  d'Alexandre  V.  ôc  celle  de  Jean  JCJCIII.  On  en  diftribua 
.des  copies  aux  Facultez  &.  aux  Nations  pour  les  mieux  examiner. 

IX.  O  n  n'e  u  t  pas  plutôt  appris  à  Rome  la  nouvelle  élec- 
tion, que  le  Sénat  6c  -le  Peuple  Romain  firent  effacer  par  commmfm 
tout  les  portraits  de  Grégoire  ,  abbattre  Ces  ftatues  ,  6c  autres  '^'^J^ 
monumens  ,  pour  mettre  en  leur  place  ,  les  portraits  6c 
"les  armes  de  Jean  JTJTIIJ.  Jacques  des  Vrfens  fut  commandé 
avec  quelques  Cavaliers  de  Paul  des  Vrfens  ,  pour  marcher 
contre  Jean  &  Nicolas  de  Colonne  qui  étoient  encore  dans  le 
parti  oppofé  s  de  les  engagea }  par  Fentremife  de  BenoitCajetan , 
A  fe  réconcilier 6c  à  fe  déclarer  pour  JeanXXIll.  A  la  nou« 


'< 


n  -  HISTOIRE  DU  CONCILE 

5410.    velle  de  cette  réconciliation,  le  Cardinal  de  Stz.praxede  Légat 
à  Lattre  à  Rome.,  en  l'abfence  du  Pape ,  &  Roger  de  Perouje  Sé- 
nateur de  la  création  de  Jean  JfJfJII.  donnèrent  des  ConJèrva^ 
tcurs  à  la  Ville  -}  on  punit  ceux  qui  pafToient  pour  traîtres  ,  &  on" 
(a)  b\°v.  jetta  leurs  corps  à  la  voirie  (a).  Jean  JCJflII.  apprit  d'autre 
x^îii     côté,  avec  beaucoup  de  joie,  le  mauvais  fuccès  d'une  tentative 
de  Ladijlas  ,  fur  la  ville  de  Rome.  Ce  Prince  avait  envoyé,  fur 
des  Galères  cinq  mille  chevaux.,  &  trois  mille  fantaffins  à  Oftie , 
ville  fituée  à  l'embouchure  du  Tibre,  à  quatre,  milles  de  Rome, 
pour  s'emparer  de  cette  Capitale,  d'autant  plus  ailée  àfurpren- 
dre ,  qu'elle  écoit  toute  occupée  à  des  rejouiiïances  fur  l'élection 
de  Jean  JCJCIIZ.  Mais  Paul  des  Vrjîns  ayant  jugé  plus  à  pro- 
pos de  les  prévenir,que  de  les  attendre ,  s'avança  dans  la  Campa* 
pie  de  Rome  ,  avec  quinze  cens  hommes  feulement ,  livra  bataille 
ib\  B70V  à  l'armée  de  Ladijlas ,  en  tailla  une  partie  en  pièces  àc  mit  le  relie 
».  xx.     *  en  fuite  /b-)* 

Génère  de  X.  L a  première  année  du  Pontificat  de  Jean  JfJflII.  fut  aiïe^ 
ljj™jereur  heureufe.  Il  étoit  reconnu  de  la  plus  grande  partiede  l'Europe» 
fa.Morù  Benoît  JfJ  //.n'avoit  plus  pour  luiquel  Efpagne,rEcoiTe,&.  quel- 
ques Seigneurs  particuliers ,  comme  les  Comtes  de  Foix ,  6c  &. Ar- 
magnac. Grégoire  JCU.  étoit  prefque  feul  à  Rimini ,  n'ayant  plus 
dans  fes  intérêts  que  Ladijlas ,  &,  quelques  endroits.de  l'Italie  &: 
de  l'Allemagne  .où l'Empereur*  Robert  IJJ.  Duc  de  Bavière  ,  & 
Comte  Palatin,  lui  fomentok  encore,  un  parti.  L'Empereur  eue 
trop  der  part  aux  affaires  de  l'Eglife  pour  ne  pas  le  faire  connou 
tre  un  peu  particulièrement.  On  a  vu  dès  le.  commencement  de 
cette  Hiftoire ,  le  malheureux  fuccès  de  fon  expeditionen  Italie., 
iorfqu'il  y  vint. pour  fecourir  les  Florentins ,  contre  le  Duc  de 
Milan.  Dans  la  iukeonl'a  vûtraverfer  le.  Concile  de  Pife,  pour 
foutenir  Grégoire  JFII.  H.  étoit  fils  de:  Rodolphe  Electeur  du  Pa.- 
latinat.  Il  fut  élevé  à  cette  dignité  après  la  mort  de  Robert  II. 
en  1398  ou  environ.  Pendant  lbn  Eledoratil  fonda  l'Univerfîté 
de  Heidelberg^furle  modèle  de  celle  de  Paris,  &  fit  bâtir  l'E- 
glife du  S.  Efprit ,  quieft  la  Cathédrale  de  cette  Capitale  du 
Palatinat  Après  avoir  gouverné  l'Eledorat  environ  deux  ans,, 
il  fut  élu  Empereur  le  21.  Août  1400  ,  en  la  place  de  Wencejlas 
Roi  deBobeme  qui  fut  depofé  de  l'Empire  cette  même,  année  .Ro~ 
Sert  fut  couronne  à  Cologne  par  l'Archevêque  Frédéric ,parce  que 
ceux  à'  Aix-la  chapelle  y  quitenoient  toujours  pour  Wencejlas  ne 
voulurent  pas  le  recevoir  dans  leur  Ville.  Ce  Prince  naturelle- 


DE   PTSE.   Liv.IT.  13 

mear  pacifique  &  clément  n'entreprenoit  jamais  de  guerre  fans    1410, 
neceflité- ,  fondé  fur  ce  bon  mot  à!  Augufte  ,  que  faire  la  guerre  , 
fctoit  pécher  avec  un  hameçon  d'or,  dont  la  perte  ne  peut  être  conu 
fenfèepar  la  plus  heur  eu fe 'pèche,  (a)  Il  fit  pourtant  quelques  ex-  (a)Suct.  ;»> 
Dédirions  moins  malheureufes  que  celle  d'Italie ,  comme  on  peut  f"*-c' 2J* 
le  voir  dansl'Hiftoire  Palatine  de  Daniel  Paré  (b)  ,  d'où  j'ai  tiré  j^  l,'Iv\ 
tout  ceci.  Après  avoir  gouverné  paifiblemenc  l'Empire  pendant  1  o  Sed;  1 1 1. 
ans  il  mourut  à  Gppenheim^çtite  ville  Impériale  du  bas  Palatinat,  p\^u' 
en  l'an  1410. 

XI.  DevS  que  Jean  XX J  2 ï.  eut  avis  de  la  mort  de  Robert ,   £W/o7r<j< 
il  écrivit  aux  Etats  de  l'Empire  les  priant  d'élire  pour  Empe-    ^Kmo    ' 
reur  Sigismond  de  Luxembourg^  Electeur  de  Brandebourg  &  Rvi 
de  Hongrie,  U  reprefentoit  que  c'éfoitun  Prince  puiflant  &  ca- 
pable de  foutenir  l'Eglife  &  l'Empire  Outre  cette  raiion  géné- 
rale ,  il  en  avoit  une  particulière  de  fouhaiter  ce  choix  ,  c'eft 
que  Sigismond  èc  Ladijlas  exerçant  depuis  long-tems  entre  eux 
de  grandes  inimitiez  ,.  perfonne  n'étoit  plus  propre  que  le  pre- 
mier de  ces  Princes  à  le  foutenir  contre  l'autre.  Cependant  il 
y  a  des  Hiftoriens  qui  prétendent  que  Jojle  ou -Jufte  (c)  Mar-  (c)3oiU<™, 
grave  de  Moravie  ôc  de  Brandebourg  X  emporta  pour  cette  fois  Wm* 
fur  Sigismond.  Ce,  Prince  étoit  neveu  de  l'Empereur  Charles 
IV.  &  frère  dé  Procope.  D'autres  témoignent  que  les  Electeurs 
furent  partagez  entre  Joffe  &  Sigismond  ^  que  trois  d'entre  eux, 
fçavoir  l'Electeur  de  Trêves ,  l'Electeur  Palatin:,  &  le  Margra- 
ve de  Nuremberg,  élurent  ce  dernier- ,  mais  que  fon  élection 
ne  fut.  pas  publiée ,  parce  que  les  Electeurs  de  Mayence  &  de. 
Cologne  le  déclarèrent  pour  Joffe.  Quoi  qu'il  en  foit ,  ce  dernier 
étant  mort  âgé  de  73.  ans, ou  ,  félon  d'autres  ,  de  93.  fix  mois 
après  fon  éledion,  Sigisynond  fut  mis  en  fa  place  d'un  confen- 
tement  unanime.  Gomme  Jojîe  n'avoit  point  été  couronné  ,  il 
n'eft  point  mis  dans  la  lifte  des  Empereurs,  &  PHifloire  remar* 
que  même  que  Sigismondoovsvptoit  toujours  le  commencement 
de  fon  Règne  du  tems  qu'il  fut  nommé  par  les  trois  Electeurs. 
On  trouve  pourtant  parmi  les  Conftitutions   Impériales  une 
Conltitunon  àe  Joffe  en  qualité  deRoi  desRomains  datéedei4ïo. 
qui  porte  qu'on  doit  réfifter  à  la  Majefté  Royale ,  fî  elle  entre- 
prend quelque  chofè  contre  les  Conftitutions  de  l'Empire  (d).  (£)'  G'M4h 
De  la  manière  que  les  Hiftoriens  ont  parlé  du  caractère  de  Jof.    °'     ' 
fe ,  on  ne  fit  pas  une  grande  perte  dans  fa  mort.  Ils  le  reprefen-  deimpeJ^* 
tent  comme  un  Prince  foible.,  inutile  ^  infidèle >  &,intereiTé  [e].  p«  3J<; 


i4  HISTOIRE  DU  CONCILE 

ï.410.    Cependant  Jean  Dubrauski  Evêque  â'Olmut^  en  Moravie ,  ejï. 
donne  une  toute  autre  idée  dans  ion  Hifioire  de  Bohême.  Il  ra- 
conte que  par  fa  valeur  &  fon  adivité  il  remporta  une  vidoire 
confiderable  fur  tes  Hongrois ..,  qui  en  l'abfence  de  leur  Roi 
Louis ,  &par  la  négligence  de  Wenceflas ,,  mettoient  tout  à  feu 
&  à  fang  dans  la  Moravie  ,  &  qu'après  la  vidoire  il  lit  préfent 
des  prifonniers  à  laNobielle  qui  avoit  combattu  vaillamment, 
&:  reftitua  aux  Moraves  tout  ce  que  les  Hongrois  avaient  pris 
(a)Dubrav  fur  eux  [a].  J'ay  lu  dans  un  ancien  MS.  de  la  Bibliothèque  de 
\lxhlb"  S'  Pau^  ^  Leipfig ,  qu'il  mourut  empoifonné  en  141 1,  le  jour  de 
609t    '     S.  Antoine  ,  comme  l'avoua  un  des  conjurez  a  Broda  en  Bohê- 
me. L'Auteur  que  je.viens  de  citer  raconte  fur  l'eledf>n  de  Si- 
gismond  une  particularité  qui  ne  fe  trouve  point  ailleurs,   an 
■(b)DutrAv.  moins  que  je  fâche  [b].  G'eft  que  les  ëledeurs  s'étant  aflenv» 
L.xxiiip.  blez  après  la  mort  de  Robert  y  pour  élire  un  autre  Empereur,,, 
feI"         Mgismond  ,  à  qui  en  qualité  de  Roi  on  demanda  fa  voix  avant 
les  autres  ,  fe  nomma,  lui  même.  Je  me  connois  3  dit-il  y&c  je  ne 
connois  -point  les  autres  ,  j*  ignore  s'ils  feroient  auffi  capables   qtte 
moi  de  gouverner  l' 'Empire  ,fur  tout  dans  ce  tems  de  Schifme.  Le^ 
éledeurs  ,  continuent- il  ,  ravis  en  admiration  de  cette  fran- 
chifè  ,  lui  donnèrent  unanimement  leurs  fufFrages.  Si  ce faiteft 
véritable  il  faut  qu'il  fe  foit  pailë  après  la  mort  de  Jofie  ,  car  Si- 
gismond  étoit  abfent  dans  Féledion  où  il  y  eut  partage  entre 
les  Ëledeurs,  fur  le, fu jet  de, ces  deux  Princes.  On  peut  voir  le 
caradere  de  Svzismonà  dans  /' Hifioire  du  Concile  de  Confiance. 
atEmpsreur      XII.  AusSi-T^T  que  l'éleçlion  de  Jean  XXIII.  fut  notL 
envoyé  une  g^e  ^  Sigismond ,  il  lui  envoya  une  Âmbafïâde  pour  le  recon- 
/jean  *    noitre,  &  pour  lui  demander  jà  protedion  contre  fes ennemis, 
xxni.^r  qu'il  avoit  en  grand  nombre  ,&  en  divers  lieux.  Ce  Prince  avoit 
i'r"onnohrt  abandonné  Boniface  IX.  pour  favorifer  l'éledion  de  Zadiflas 
au  Royaume  de  Hongrie.  Enfuite  il  prit  le  parti  de  Gregoiu 
XII.  contre  Benoît  XIII.  Mais  il  l'abandonna  pour  adhérer^ 
au  Concile  de  Pife  5  il  reconnut  Alexayutre  V.  qui  y  fut  élu  ,& 
par  conféquent  Jean  XXIII.  fon  fucceiïeur.  Ce  dernier  en 
connut  uneJQye  extraordinaire  ,  &  promit  de  le  protéger  cou- 
re] Ray».    tre  ïous  ^es  ennemis  (c^.  Le  principal  fujet  de  l' Ambaflade  de 
1410.  num.  Sigismond  à  Jean  XXJII.  regardoit  les  Vénitiens  (d)  qui  s*é- 
*?•  toient  prévalus  de  fes  malheurs  en  Hongrie ,  £c  des  guerres  où 

Hro.nmn.  il  avoit  été  engagé  contre  les  Turcs,  pour  lui  en'ever  plufieurs 
M.xt.  -5.  places  de  la  Dalmatie.  De  fon  côté  l'Empereur  promettoit  de 


DE    PISE.    Liv.ïVV  ïj 

reftituef  "à'^l-'.EgJjiie  &  aux  Ecclefiaftiques  plufieurs  fâetts  ,  &    fcfcW 
plufieurs   droits    qu:iî""'icUr  ~avo.it.-  enlevez   en  Hongrie   dans 
la  r.e.cefTité  de  fes  affaires  ,  &  pendant  qu'il  étoit  brouillé, 
avec  Boniface  JJC,  Comme  le  Pape  avoit    be foin  de   Sips- 
mond  ,   il  écouta  favorablement  ces  proportions  ,  de  refoluc 
"d'envoyer  un.Nonce  en  Hongrie  pour  y  rétablir  les  aâàires  de 
h  Religion  &  remettre  l'état  de  cette  Eglife  dans  fa  première, 
fplendeur.  Cette  .commiffion  fut  donnée  à  JBranda  deCafiglio- 
ne  Milanois,  Evêque  i  de  Plaifance  ,  de  la  création  de  Boniface 
IJ£.  comme  cela  paroît  par  la  Bulle  du  Pape  datée  de  Bolo- 
gne.le  premier  de  Septembre,  où  il  ordonne  entre  autres  chofes 
d'ériger  des  Paroiffes  en  Hongrie  en  faveur  des  Tartares  &  au- 
tres Infidèles  qui  embraffoient  la  Religion  Chrétienne.  Le  Non- 
ce s'acquicta  fi  bien  de  fa, com million ,,  qu'il  fut  créé  Cardinal 
du  titre  de  S.  Clément  l'année  fuivante.  Ce  Prélat  avant  que 
d'être  Evêque  avoit  déjà  été  employé  en  plufieursnégociations 
fous  Boniface  IJT.  IL  fut  dépouillé  de  fonEvêché  par  Grégoire 
JTII.  parce  qu'il  l'abandonna,  voyant  qu'il  ne  vouloit  pas  ce-   v 
der  ,  comme  il  .l'avoir  juré.  Il  aiTifla  aux  Conciles  de  Pile  &  de 
Conftance  ,  d'où  Martin  V.  l'envoya  Légat  à. Latere  en  Bohê- 
me pour  réduire  les  Huffites.  Ayant  acquis  les  bonnes  grâces  VyE 
de  l'Empereur  pendant  cette  AmbafTade  ,  le  Pape  ne- -pouvoir  ?*•/>.  S,ia* 
chofir  im.  fujet  plus  agréable  pour  l'envoyer  en  Hongrie  (i).  L.ui.p.7.9ï 
XIII.  Cette  année  ne  fut.  pas  moins  funefte  que  la  precé-  /»/&«»«»& 
dente  auxChevaliers  de  Y  Ordre  Teutonique  3  connus  alors  fous  l0rfr,rv^ 
le  nom  de  Irercs  de  l'Hôpital  de  Sainte  Marie  de  Jerufalem. 
On  a  oublié  de  marquer  fur  Pan  1409.  l'origine  de  ces  guerres 
entre  les  Polonois  :&  les  Chevaliers   de  l'Ordre -Teutonique. 
Elle  peut  trouver  place  ici  •  mais  il  faut  auparavant'dire  quel- 
que chofe  de  leur  inftitution.  Les  Hifloriens  conviennent  allez 
que  cet  Ordre  fut  établi  vers  la  fin  du  XII.  Siècle  ,  quoiqu'ils 
ne  foient  pas  tout  à-fait  d'accord  fur  l'année.  Cette  inlHtution 
commença  d'une  manière  fort  fimple  &  fort  pieufe.  Quelques 
Allemands  (  Teuthonici  )  de  Brème  6c  de  Lubec  ,  qui  étoienc 
alors  à  jerufalem  pour  la  conquête  de  la  Terre-Sainte,  y  fon- 
dèrent un  Hôpital  pour  les  pauvres  malades  d'Allemagne  qui 
fc  trouvoient  dans  l'armée.  Ils  les  fèrvoient  eux-mêmes,  &  ils 
les  entretenoient  de   leurs  biens.  Plufieurs  Grands  Seigneurs 
voyant  l'utilité  de  cette  fondation,  folliciterent   l'Empereur^ 
Hemy  VI.  à  en  demander  la  confirmation  au  Pape  Cèlefiin ■  : 


16  HISTOIRE  DU  CONCILE 

-1410.  III.  Tels  eftoient  Henri  Roi  de  Jerufalem  (1)  ,  les  Archevê- 
ques de  Nazareth  ,  de  Tyr ,  &  de  Cefarée ,  les  Evêques  de  Be- 
tb/ebem&L  d'acre  ou  Ptolémaïde -en  Syrie,  le  Grand  Maître  de 
l'Ordre  de  Saint  Jean  [2]  ,  le  Grand  Maître  -de  la  Maifon  du. 
Temple  [-.] ,  Conrad  Archevêque  de  Mayence  ,  Conrad  Evêque 
de  Wirtzbourg  ôc  Chancelier  de  l'Empire  ,  Wolger  Evêque  de* 
Paflau  }  Gandolpbe  Evêque  d'Hal-berftad  ,  &  quantité  de  Sei- 
gneurs Séculiers.  L'Ambaflade  de  Henri  VI.  fut  fort  agréable 
au  Pape,  il  accorda  aux  Chevaliers  Teutoniques  des  mêmes 
Privilèges  qu'à  ceux  de  Saint  jean  ôc  aux  Templiers  ,  -ôc  leur 
ordonna  de  porter  une  tunique  noire  £c  un  manteau  blanc 
avec  une  croix  noire:  de  là  vient  qu'ils  font  fouvent  appelez 
Porte-Croix,  (  Crucjgeri.  )  Ils  dévoient  ïuivre  les  Règles  des 
Chevaliers  de  Saint  jean  pour  ce  qui  regarde  le  foulagement 
des  pauvres  &  des  malades ,  &  celles  des  Templiers  pour  ce 
qui  regarde  la  .conduite  &  le  gouvernement  tant  des  Clercs  que 
des  Séculiers  d^entr'eux.  Ces  Privilèges  arrivèrent  pendant  le 
liège  d'Acre  ,  qui  fut  conquife  par  les  Chrétiens  environ  Tan 
1291.  Leur  premier  Grand  Maître  fut  un  Seigneur  Allemand 
nommé  Henri  deWalpote  3  &ils  furent  tous  depuis  de  cette  Na- 
tion. Vers  le  milieu  du  XIII.  fiecle  cet  Ordre  reçut  de  grands 
accroùTemens  par  les  nouveaux  Privilèges  que  l'Empereur  Fré- 
déric II.  &  le  Pape  Innorcnt  IV.  leur  accordèrent,.  6c  par  les 
magnifiques  donations  qu'ils  leur  firent  dans  la  Pouiile  ,  dans 
la  Romagne,  dans  l'Arménie,  en  Allemagne  ,  en  Livonie,en 
PrufTe ,  èc  en  d'autres  endroits  de  l'Europe.  Ils  le  multiplièrent 
tellement ,  &  ils  acquirent  un  fi  grand  crédit ,  que  les  Princes 
qui  a  voient  des  démêlez  enfemble  ,  les  choifîflbient  média- 
teurs, ou  les  appeiloient  à  leur  fecours  dans  leurs  guerres.  Le 
premier  de  ces  cas  arriva  fous  Honoré  III.  Ce  Pape  ayant  quel- 
ques démêlez  avec  l'Empereur  Frédéric  II.  ils  s'en  rapportè- 
rent l'un  &  l'autre  à  Herman  de  Saltz^t  Grand  Maître  de  l'Or- 
dre. Ce  dernier  refulà  d'abord  la  comrniffion  ,  parce  qu'il  ne  s'en 
croyoit  pas  digne,  n'étant ,  difoit  il ,  qu'un  homme  de  bas  état , 
&  fans  nulle  dignité  ^perfona  humilis  3&in  nullius dignitatis prœe- 

{1)  Il.faut  que  CC  foie  Henri  Comte  de   Champagne. 

(z)  Fondé  en  1 104.  lous  Urhain  II.  Ce  (ont  atijourd'hui  les  Chevaliers  de  Malthe, 

(3)  Ce  fondes  Templiers  inftituez  en  iijz.  foijs  Eafcbal  H.  &  détruits  en  1314.  fous  Cie' 

tçent  y9 

miuentiot 


DE  PISE.  Liv.    IV.  17 

minentiaconflitutus.  C'eft.  ce  qui  porta  le  Pape  6c  l'Empereur  à  lui    I4dI0 
donner  6c  à  fes  SuccefTeurs  le  titre  de  Prince ,  afin  de  leur  con- 
cilier plus  d'autorité.  N*>us  allons  voir  un  exemple  du  fécond  cas 
dans  le  XIII.  fiecle. 

XIV.  Il  y  avoit  déjà  quelques  années  que  les  Prufliens  en-   origine  <*« 
core  engagez  ou  retombez  dans  le  Paganifme,  mettoient  tout  &uerres  cmre 
à  feu  6c  à  fang  dans  la  Mafovie  ,  dans  la  Cujavie,  dans  le  Pala-  Zawliur'i 
tinat  de  Culme  6c  dans  la  plus  grande  partie  de  la  Pologne.  Ils  de  rordn 
a  voient  réduit  Conrad  Duc  de  Mafovie  3  qui  commandoit  dans  reittoni1uet 
ces  Provinces  ,  à  de  telles  extremitez  ,  qu'à  peine  pofTedoit.il 
quelques  Châteaux.  Ils  détruifirent  6c  brûlèrent  plus  de  deux 
cens  cinquante  Eglifes  Paroiflîales ,  6c  quantité  de  Monafteres. 
Ils  maflacroient  les  Prêtres  à  l'Autel,  6c  tiroient  les  Religieufes 
de  leurs  Couvents,  pour  en  faire  la  vi&ime  de.leurimpudicité 
[a].  Ce  fut  pour  fe  mettre  à  couvert  de  ces  fureurs  que  le  Duc  ,  (a) Petr.dc 
à  la  follicitation  de  Chrétien  premier  Eve que  en  Prufie  cappella  les  Dusb-  cl,r* 
Chevaliers  de  Livonie  ,  connus  fous  le  nom  de  Frères  de  Chrifi  Jp/sJ. 31! 
ou  de  Port-èpées  (  Ensiferi  )  qui  avoient  fait  beaucoup  de  con- 
verfîon  dans  cette  Province  [1].  Il  leur  fit  bâtir  le  Fort  de  Do. 
br^in ,  d'où  ils  furent  appelez  les  Frères  de  Dobrzin ,  6c  leur  don- 
na quelques  terres  dans  la  Cujavie ,  à  condition  que  le  Duc  6c 
les  Chevaliers  partageroient  entre  eux  tout  ce  qu'ils  pourroient 
conquérir  fur  les  Infidèles.  Mais  les  Prufliens  vinrent  bientôt  à 
bout  d'un  fi  petit  renfort  3  il  falut  un  plus  puiflant  fecours.  C'eft 
ce  que  le  Duc  crut  trouver  dans  les  Chevaliers  de  l'Ordre  Teu- 
tonique  ,   qui  avoient  été  chafiez  par  les  Sarrafins  ,  6c  s  etoient 
retirez  en  Italie  6c  en  Allemagne.  Il  s'adrefTa  donc  au  Pape 
Grégoire  IJC.  à  Frédéric  II.  ôc  aux  Princes  d'Allemagne  ,  pour 
les  prier  d'accorder  des  parle  ports  à  ces  Chevaliers  ,  dont  le 
nombre  6c  la  puiiïance  avoit  beaucoup  accru  fous  leur  Grand 
Maître  Herman  de  Saltz^t  ,  pour  venir  en  Pologne.  Il  envoya 
en  même,  tems  une  AmbaiTade  à  ce  Grand  Maître ,  qui ,  à  la  fol- 
licitation de  l'Empereur  6c  du  Pape  ,  nomma  deux  Chevaliers 
pour  traiter  avec  le  Duc  de  Mafovie  3  à  ces  conditions ,  félon  le 
récit  de  Pierre  de  Dusbourg  Chevalier  de  l'Ordre  en  1326.  (b)  ,  „.  ^ 
que  Conrad  donneroit  à  perpétuité   aux  Chevaliers  6c  à  leurs  tm/f,  pan! 
fuccefleurs  le  Palatinat  de  Culme,  avec  un  autre  territoire  mar-  1-p-3î» 
que  en  marge  (c) ,  6c  tout  ce  qu'ils  pourroient  conquérir  de  ter-  (c)  ubovia 

(1)  Us  furent  joints  à  l'ordre  Teutonique  en  1234.  PetRusde    Dusbourg, 
Chron.  Fruflia.  Pars  III.  pag.  114.   IIJ.  116.  HaRTNOCH.  Dijjirt.  Xlf,  pag.  211. 

Tom.  II.  C 


i^io. 


t8  histoire  du  concile 

res&  de  pais,  le  Duc  ne  s'y  refervant  aucun  droitni  propriété,' 
&;  renonçant  à  toute  action  de  droit  de  défait  qu'il  pourrois 
avoir  lui  ou  fa  femme  ou  les  fils  &  fucceâèurs.  Cette  donation  fut 
faire  du  confentement  de  fa  femme  &  de  fes  trois  fils  (i) ,  &  li- 
gnée par  un  grand  nombre  d'Evêques  ât  eje  Seigneurs  du  Païs. 
Elle  fut  enfuite  confirmée  en  1216,  par  l'Empereur  Frédéric  II>^ 
(2)  &  par  Grégoire  JJf. 

Il  eft  vrai  que  les  Hifloriens  Poionois  racontent  TafTaire  au- 
trement. Ils  difent  que  les  Chevaliers  Teutoniques  furent 
appeliez  par  Conrad  à  condition  qu'ils  polïederoient  le  Palatinat 
de  Culme  &  tout  ce  qu'il  y  a  de  terres -entre  les  rivières  de  la  Vif» 
tule,  de  Mokra,  &  de  Déniants  5  &  que  cequ'ils  enleveroient 
aux  Pruiïîens ,  feroit  partagé  équitablement  &:  par  arbitrage  en- 
tre les  Chevaliers  &i  le  Duc ,  ou  fes  héritiers  &  fuccefleurs  3 
mais  que  quand  IaPruiTe  feroit  coiiquife  ,  ilsrendroientauDue 
le  Palarinat  de  Culme.  Il  nes'agifïoit  pas  feulement  deconque- 
rirla  Prufle,  il  faloitauiïi  convertir  cette  Nation  fore  obftinée 
dans  l'Idolâtrie  Payenne.  Cette  conversion  étoit  une  des  condù 
tions  que  le  Pape  avoit  ftipulée  des  Chevaliers,à  qni  même  il  dorr- 
na  de  grandes  Indulgences  dans  cette  vue.  C'eflpour  cela  que  le 
même  Chrétien  Moine  de  t Ordre  de  Cifteaux  T  dont  on  vient  de 
parler,  fut  envoyé  parle  Pape  5  mais  il  y  travailla  inutilement. 
Cependant  les  Chevaliers  s'y  prenoienc  fort  négligemment  y 
malgré  les  ordres  &  les  fulminations  des  Papes ,  quoiqu'ils  re- 
prochaient aux  Poionois  la  même  négligence  3  5c  qu'ils  en  prit 
fent  prétexte  de  leur  faire  la  guerre ,  comme  on  le  va  voir.  La 
conquête  de  la  PruiTe  fe  fit  allez  lentement.,  les  Chevaliers  y 
ayant  employé  53.  ans. 

Il  y  avoit  eu  depuis  long  temps  de  longues  &fanglantes  guer- 
res à  cette  occafion  entre  les  Poionois  &  les  Chevaliers ,  qui 
étoient  foutenus  par  le  plus  grand  nombre  des  Princes  Chré- 
tiens d'Allemagne.  Et  même  quoique  les  Chevaliers  eufïènt 
été  défaits  en  plufîeurs  batailles  rangées ,  leur  zélé  ou  plutôt 
leur  ambition  Se  leur  avidité  ne  leur  permettant  d'obferver  ni 
paix  ni  trêve ,  ils  revendent  tous  les  jours  à  la  charge  3  fous 
ombre  que  les  Poionois  ne  s'employoient  pas  avec  affez  d'ar- 
deur ni  à  la  converfion  de  ce  qui  reiloit  dlnfîdelles  dans  ces 

(1)  Sa  femme  ^'appeloit  Agafia.  Ses  fils  étoient  Boleflas ,  CaJImir ,  &  Semovit. 

U)  On  en  peut  voir  la  Patente  dans  GolduftJ'  Elle  a  été  rapportée  par  C'hnfiopbU  HartMl 

dans  Tes  remarques  fur  Eiem  de  Dmbour*  ,  pag.  3  j .  3  6f 


DE  PISE.     Liv.    IV.  19 

contrées ,  ni  à  la  réunion  des  Grecs  à  l'Eglife  Latine.  C'efl:  ce  que 

l'on  va  voir  par  des  lettres  de  Zadijlas  fagellon  roi  de  Pologne     I4IOè 

&  ai! Alexandre   Withold  grand  duc  de  Lithuanie,  adreflèe  fur 

ce  fuj  et  à  toute  la  chrétienté  ,6c  en  particulier  à  l'Empereur 

Robert. 

XV.  Ces  'Princes  fe  plaignoient  3  33  Que  depuis  la  paix  faite  Lettres  du 
s  entre  la  Pologne  Se  les  Chevaliers .  ces  derniers  n'avoient  cef-  Rot  dePolo~ 
>fé  de  harceler  les  Polonois,  &:  de  les  provoquer  a  une  rupeu-  Gra,,dD«ccU 
i  re  ouverte  3  par  leurs  chicanes  6c  par  leurs  calomnies.  Qu'en-  Lhimame  à 
>tre  autres  chofes  ils  publioient  dans  le  monde  ,  que  depuis  Rober7™«- 
5  q.ue  Ladijlas  t<.Witbold  avoient  embrafïé  le chriflianif  me.,la  Re    t,e acheva. 
5  ligion  Catholique  n'avoit  fait  aucun  progrès  ,  6c  que  lesMof  fjjJT^  ^ 
scovites  ou  RufÊens  n'écoient  pas  bien  iincerement  convertis.  ^ue. 
3  Ces  Princes  reprefentuient ,  pour  ie  jultifier  de   ces  aceufa- 
3  tions,  que  1  Egliie  ne  juge  point  de  ce  qui  fe  pafîe  dans  lin- 
3  teneur ,  qu'ils  ne  manqueraient  point  de  punir  l'hypocririejfî 
3  elle  leurétoit  connue  j  mais  queiî  les  Chevaliers  avoient  été 
3  animez  d'un  efpric  de  charité  6c  de  paix  ,  ils  auroient  du  leur 
3  découvrir  ceux  qui  s'écartoient  de  la  foi  '■>  £c   que  il  on  eût 
3  refufé  d'écouter  leurs  avis  ,  il  eût  été  tems  alors  de  s'enplain- 
3  dreâ  l'Eglife ,  félon  le  précepte  de  l'Evangile.  Qu'au  lieu  de  ce- 
3 la,  ils  avoient  publié  contre  eux  des  libelles    diffamatoires , 
sauiîi  faux  qu'injurieux  53.  Les  Princes  Polonois  ajoûtoient  à 
cela  33  Que  pour  eux  ,  ils  n'avoient  pas  befbin  de  difeours  pour 
3  fe  jultifier  contre  les  aceufations  des  Chevaliers  ,   qu'il  n'y 
3  avoit  qu'à  venir  en  Lithuanie ,  pour  voir  les  progrès  qu'y  fai- 
3  foit  tous  les  jours  la  Religion  Catholique  ,  par  le  grand  nom- 

>  bre  de  Cathédrales ,  de  Paroiiîes  3  de  Monalteres  qu'ils  avoient 
5  fait  bâtir,  ôc  qu'ils  avoient  bien  rentez  de  leur  propre  patri- 
5  moine.  Que  les  Chevaliers  devroient  avoir  honte  de  rejecter 
3  fur  les  autres  un  blâme  qui  ne  peut  tomber  que  fur  eux  , 

>  puifque  depuis  environ  200  ans  qu'ils  avoient  envahi  la  Pruiîè, 

>  ils  n'y  avoient  fait  que  très-peu  de  converfîons,  fur  lefquelles 
même  on  ne  pouvoir  bien  compter",  puifqu'elles  avoient  été 
forcées.  53  Mais  ,  continuent  les  Polonois  yces Chevaliers  ne  fe 

foucient  que  de  s'emparer  du  bien  d *  autrui ,  far  quelque  voie  que 
ce  foit  3  &fî  Dieu  n'y  met  la  main  ,  ils  fe  rendront  à  la  fin  maîtres 
de  tout  le  monde  ,  ne  reconnoifiant  >  comme  ils  font  ,  d'autre  loi  ni 
d'autre. règle  de  leur  conduite ,  que  la  violence  &  la  for  ce  3  jufques- 
là    qu'ils  ont  tourné  en  ridicule  la  fatience  &  la  modération  du 

Cij 


20  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Royaume  de  Pologne,  aujjî-bien  que  je  s  démarches  &  fes  inflances  four 
£  affermifîement  de  la  -paix.  Les  lettres  fhiiffent  par  des  prières  à 
TËmpereur  de  ne  point  ajouter  foi  aux  Chevaliers ,  de  ne  les 
point  protéger  ,  6c  de  ne  pas  fbufïrir  qu'on  leur  envoyé  aucun 
fecours.  Je  ne  fai  quel  fut  lefuccès  de  ces  lettres  à  l'Empereur 
SrHur^r*  R°bert.  Quoi  qu'il  en  foit ,  Theodoric  de  Niem  (a)  dans  la  vie  de 
H- p-  359-  Jean    Jl  JTI 1 1.  reproche  à  ce  Pape  de    n'avoir  pas   voulu 
s'employer  à  accorder  les  Polonois  &  les  Chevaliers  ,  quoiqu'il 
en  eût  été  fouvent  follicité  avant  la  fanglante  bataille  qui  fe  don- 
na le  15  Juillet  de  cette  année. 
ReiaiimdeU      XVI.  Il  feroit  à  fouhaiter  qu'on  pût  avoir  la  defcription  que 
hataduqiafe  j^^ffas  7an-el/on  roi  de  Polog-ne  fit  lui-même  de  cette  victoire 

donna  le  15.  J        . J-      a  t  îr> 

de  juillet,    dans  une  lettre  qu'il  écrivit  là. demis  a  Henri  de  Rofcs  baron  de 
Bohême.  Balbinus  ,  qui  avoit  entre  les  mains  cette  lettre  en  ma- 
nufcrit ,  nous  en  apprend  (b)  une  particularité  qui  découvre  la 
S  Eb1°Z'  bonté  du  caractère  de  fagellon.  C'effc  que  ce  Monarque  témoi- 
i>.  412^    '  gne  qu'avant  que  de  livrer  bataille  ,  il  n'avoit  pu  s'empêcher 
de  pleurer  en  penfant  à  un  auiïï  grand  carnage  que  celui  qu'il 
prévoyoit  ^  èc  qu'il  étoit  allé  les  larmes   aux  yeux  contre  des 
ennemis  dont  il  preffentoit  la  perte.  Il  paroît  en  efîet  par  une 
lettre^  circulaire  qu'il  écrivit  en  1409.  pour  ju.ftifier  la  guerre 
qu'il  entreprenoit  y  il  paroît,  dis-je,  que  les  Chevaliers  avoient 
toujours  été  les  aggreiïeurs.  Il  femble  auffi  que  le  Grand  Maî- 
tre fêle  reprocha   Car  ayant  été  furpris  tout  en  larmes  avant  la 
bataille ,  il  dit  aux  Commandeurs  ,  &  en  particulier  à  Werner 
Tithingas  Commandeur  d'Elbing ,  qui  lui  reprochoit  fa  foiblef- 
fe ,  qu'il  ne  pleuroit  que  dans  la  crainte  que  tant  de  fang  qu'on 
alloit  répandre,  ne  lui  fût  redemandé.  Ils  furent  encore  lesag- 
grelieurs  dans  cette  dernière  occafion ,  &  même  avec  infulte, 
comme  le  rapporte  Jean  Dlugofs ,  ou  Zongin ,  dans  fonHiftoi- 
(c)L.xi.p.  re  de  Pologne,  (c)  Le  Grand  Maître  avoit  envoie  à   J  âge  lion- 
(dyiadwea-  deux  hérauts  (  aroldos  )  (d)  avec  ordre  de  lui  prcfenter  de  fa  part 
tons,  deux  épées ,  l'une  pour  le  Roi ,  &:  l'autre  pour  Alexandre  Wit- 

holà  grand  duc  de  Lithuanie  ,  commepour  leur  reprocher  leur 
lenteur  au  combat  3  dede  lui  offrir  le  choix  du  champ  de%ba- 
taille.  Le  Roi  reçût  ces  deux  épées  les  larmes  aux  Jyeux  ,  & 
répondit  avec  autant  de  fermeté  que  de  modeftie&:  de  piété , 
que  quoiqu'il  ne  manquât  pas  d'épées  dans  fon  armée  ,  il  les 
acceptoit  pourtant  comme  un  prefent  de  bon  augure  ,  pui£ 
qu'il  fembloit  que  fes  propres  ennemis  vouloient  lui  fournir  des 


DE   PÎSE.   Liv.    IV.  21 

armes  contre  eux-mêmes $  Que  pour  le  champ  de  bataille  il  ne 
prétendoit  pas  en  avoir  le  choix  s  mais  qu'il  s'en  remettoit  à  ^ 
la  fouveraine  Providence  ,  &  qu'il  recommandoit  la  juftice  de 
fa  caufe  à  Dieu  ,  à  la  Vierge  ,  à  fes  Patrons  ,  &  à  ceux  de  ion 
Royaume  ,  comme  à  Stanijlas  (i) ,  à  Adalbert  (2)  i  à  Wenccjlas 
(3) ,  à  Florian  (4)  ,  &  à  Hcdwige  (5).  îl  protefla  au  relie  à  ces 
hérauts  ,  que  comme  il  avoir  toujours  recherché  la  paix  3  il 
étoit  encore  tout  prêt  à  l'accepter  ,  pourvu  qu'elle  fe  fît  à  des 
conditions  équitables ,  Se  à  retirer  fa  main  toute  prête  à  frap- 
per,, quand  même  il  fçauroit,  parle  ligne  du  ciel  le  plus  évi- 
dent j  remporter  la  victoire  avec  ces  deux  épées  qu'ils  lui 
avoient  apportées.  Dès  qu'on  eut  donné  le  lignai  du  combat, 
il  commença  entre  les  Chevaliers  d'une  part ,  &  de  l'autre  les 
Lithuaniens  ,-les  Rufïès  &  les  Tartares  qui  étoient  à  l'aile 
droite  ,  que  commandoit  Alexandre  Withold.  Aptes  un  com- 
bat furieux  ,  ces  derniers  prirent  la  fuite  vaincus  par  le  nom- 
bre 3  malgré  les  efforts  du  Général  pour  les  rallier.  Il  n'y  eut 
que  les  Rufïès  de  Smolensko ,  qu' Alexandre  avoir  dans  Çon  ar- 
mée ,  qui  tinrent  ferme  jufqucs  à  la  fin.  Après  s'être  défendus 
vaillamment,,  ils  allèrent  rejoindre  l'armée  de  Pologne  à  l'aile 
gauche.  Enfui  te  les  Polonois  &  les  Pruffiens  en  vinrent  aux 
mains.  Comme  les  Grands  de  Pologne  ,  Se  toute  l'armée  avoic 
infbamment  prié  le  Roi  de  ne  pas  expofer  fa  perfonne  3  il  re-  - 
gardoit  le  combat  environné  de  lès  «gardes.  Dès  que  l'ennemi 
s'en  fut  apperçu ,  il  tourna  tous  (es  efforts  vers  l'endroit  où  étoit 
le  Roi.  On  voyoit  les  lances  voler  de  ce  côté-là  comme  des 
fauterelles.  Le  Roi  effrayé  du  danger,  dépêcha  fon  Secrétaire 

(a)  à  ceux  de  l'armée  qui  étoient  le  plus  près  de  lui  pour  v'e-  outihiSl*? 
nir  promptement  à  .ion   iecours.   Mais  comme  on  étoit  fur  le 

point  de  donner,  le  meiTage  fut  fort  mai  reçu.  Un  des  Officiers  (b)N*w«« 

(b)  de  l'armée  tira  même  fon  épée  contre  le  Secrétaire ,  Ôc  lui  Keibajja. 

(1)  Evêque  de  Cracovie ,  tué  en  1079.  par  Bvlejlas  roi  de  Pologne  ,  canonifé  en  1253. 
par  Innocent  IV.  Dlug.  L.  VU.  p.  728. 

(2)  Archevêque  de  Gnefne  ,  maflàcré  pour  la  Foi  Chrétienne  enPruflè,  où  il  étoit  allé 
prêcher  l'Evangile  en  997.  On  célèbre  fa  Fête  le  23  d'Avril 

(3)  Roi  de  Bohême  tué  par  fon  Frère  BoUJîas  dans  le  dixième  fiecle.  On  célèbre  fa  Fête 
le  28.  Septembre.  Baron.  Manyrolo^.  Rom. 

(4)  Je  trouve  deux  F'orians  Martyrs  dans  le  Martyrologe  Romain  ;  l'un  fous  Diocleùtn  , 
l'autre  fous  Heraclius  maflàcré  par  les  Sarazins.  C'eit  celui  dont  il  s'agit  ici  ;  les  reliques 
furent  envoyées  fur  la  fin  du"  XII.  fiecle  par  Luce  III.  à  Cajîmir  II.  roi  de  Pologne.  Eile3 
font  à  Cracovie    où  Florian  a  une  Eglilè.  Dingos.  Cromer4 

(5)  Duchefle  de  Polognc3  morte  en  1 243.  &  canonifée  par  Clément  If.  en  1267, 

Ciij 


a±  HISTOIRE  DU  CONCILE 

reprefenta  avec  autant  de  force  que  de  vérité,  que  s'ils  tour- 
noient le  dos  pour  fecourir  le  Roi,  ilsl'expoieroient  à  un  plus 
grand    danger  que   celui  ou  ij  etoit  j  de  forte  que  le  Secré- 
taire s'en  retourna  fans  pouvoir  rien  obtenir  de  gens  qui  ne  réf. 
piroienc  que  le  combat  t  &  à  qui  l'honneur  ne  permettoit  pas 
de  reculer.  L'événement  fit  voir  qu'ils  avoient  railon  ,  les  Pru~ 
iîlens  ayant  plié  de  ce  côté  là  ,  comme  ils  avoient  déjà  fait  d'un 
autre.  Cependant ,  afin  que  Je  Roi  ne  fut  pas  trahi  par  l'aigle 
blanche  qui  „étoit  fur  le  drapeau  defes  gardes ,  ils  le  cachèrent , 
èc  couvrirent  fi  bien  leur  Maître  avec  leurs  corps  &  leurs  che- 
vaux ,  qu'il  étoit  mal  aifé  de  découvrir  ofïil  etoit- L'Hiftoir.e 
témoigne  que  leRoi  fupportoit  impatiemment  ces  précautions, 
&  qu'il  brûloit  d'ardeur  de  courir  au  combat.  11  frappa  même 
de  la  lance  un  de  fes  gardes  ,   qui  cenoit  de  trop  court  la  bri- 
de de  fon  cheval  pour  l'empêcher  d'avancer.  Mais  ils  décla- 
rèrent tous  qu'ils  fourTriroient  plutôt  les  dernières  extremitez, 
que  de  l'abandonner  à  fon  ardeur  martiale.  Il  fallut  céder.  Le 
Roi,  malgré  ces  précautions  }  nelaiiïa  pas  de  courir  un  grand 
(a)  Dippoid  danger.  Un  foldat    (a)  Allemand  de  l'armée  Pruffienne    l'alla 
SiTJ^  e  pourfuivrc  la  lance  à  la  main  dans  fon  retranchement.  Mais  un 
fatia.         Secrétaire  ( b)  du  Roi  l'ayant  couvert  de  fon  corps  reçut  le  coup  , 
(b;s%H*«s  &  avec  une  demi  lance. qu'il  avoit  à  la  main  jetta  le  Pruiîien 
kùc\a'~      par  terre.  L,e  Roi  fe  contenta  d'envifager  le  champion  fans  lui 
faire  aucun  mal  j  mais  il /ut  achevé  par  les  gardes.  Le  Secré- 
taire n'ayant  pas  voulu  accepter  les  avancemens  que  le  Roi  lui 
propofoit  dans  la  guerre  ,  fe  confacra  à  l'état  ecclefiaftique,  & 
en  recompenfe  d'une  fi  belle  action,  fut  depuis  Evêqne  de  Cra~ 
covie.  La  délivrance  du  Roi  fut  fuivie  de  l'entière  victoire  de 
fon  armée  ,  après  un  long  &;  janglant  combat.  Toute  l'armée 
Pruffienne  fut  ou  taillée  en  pièces ,  ou  mife  en  fuite  3  ou  arrêtée 
prifonniere.  Le-Grand  Maître ,  quantité  de  Généraux  ,  de  Com- 
mandeurs 6c  d'autre  Noblefîe  demeurèrent  fur  la  place.  Jamais 
déroute  ne  fut  plus  générale  ,  ni  victoire  plus  complète  Elle  fut 
fi  fangîante  ,  qu'il  fe  répandit  un  bruit  que  pendant  un  eipace 
confiderable  ,  il  avoit  coulé  un  torrent  de  fang.  Mais  c'etoit 
une  exagération  fondée  fur  cette  particularité.  L'armée  de  Po- 
logne ayant  heureufement  trouvé  dans  le  camp  ennemi  une 
grande  quantité  de  tonneaux  devin  3  s'étoit  d'abord  jette  defîus 
pour   étancher  fà  foif ,  qui  ne  pouvoit  être   que  fort  grande 
Après  un  long  cv  furieux  combat ,  les  uns  buvant  dans  leurs  ca£ 


DE   PISE.     Liv.    IV.  25 

ques ,  les  autres  dans  leurs  gans  &  dans  leurs  fouliers.  Le  Roi  T.lQ 
craignant  qua»  les  foldats  enyvrez  ne  fufïent  incapables  de  fç  ^b 
défendre  ,  en  cas  que  ce  qui  refloit  d'ennemis  voulût  profiter 
de  la  conjoncture  pour  les  attaquer,  ordonna  qu'on  rompît  tous 
ces  tonneaux  3  êc  qu'on  répandic  le  vin.  Ce  qui  s'ctant  exécuté 
à  l'inflantjon  vit  le  vin  couler  fur  les  corps  morts, &:  fe  mêlant  avec 
leur  fangi,  former  en  efFet  une  efpece  de  torrent.  On  compte 
que  les  Chevaliers  perdirent  30000  à  60000  hommes  dans  cette 
bataille.  On  leur  enleva  40  étendards  outre  51  qui  furent  in. 
terceptez.  Les  fuyards  furent  pourfuivis,  &  par  ordre  du  Roi , 
traitez ,  pour  la  plupart ,  avec  beaucoup  d'humanité.  Les  Che- 
valiers comptoient  fi  bien  fur  la  victoire ,  qu'on  trouva  dans  leur 
camp  des  chariots  déchaînes  ôede  fers .,  qui  {ervirent  aies  en- 
chaîner eux-mêmes. 

Les  Polonois  n'ayant  pas  fû  profiter  d'une  victoire  auiî]  com- 
plète que  celle  qu'ils  remportèrent  alors  ,  les  Chevaliers  furent 
en  peu  de  temsen  état  de  hazarder  une  nouvelle  bataille  qu'ils 
perdirent  encore  après  un  combat  très -long  &  très -opiniâtre 
de  part&d'autre.  Cette  défaite  obligea  les  Chevaliers  à  entrer 
en  compofition  -,  mais  comme  ce  fut  par  l'entremife  de  i'Evê- 
que  de  NVurtzbourg  qui  étoit  dans  leurs  intérêts,  le  traité  fut 
plus  avantageux  aux  vaincus  qu'aux  victorieux.  Ce  fut  à  peu 
près  dans  le  même  tems  que  Jean  JTJTIII.  envoya  des  Légats 
aux  Polonois  6c  aux  Chevaliers  ,pour  engager  les  uns  &;  les  au- 
tres à  obferver  religieufement  la  trêve  qui  venoit  d'être  con- 
clue entre  eux.  Mais  les  Chevaliers  ne  l'obfervant  pas  mieux 
que  les  précédentes  ,6c  continuant  toujours  leurs  hoftiiitez  ,  fe 
firent  battre  encore  une  fois  1  ans  après.  S igismonduv oit  toujours 
été  dans  leurs  intérêts ,  lorfqu'il  n'étoit  que  Roi  de  Hongrie. 
Mais  il  ne  fut  pas  plutôt  Empereur,  qu'il  penfa  à  réunir  ensem- 
ble toutes  les  Puifïanees  Chrétiennes  ,  afin  qu'elles  fuiTent  en 
état  de  l'afîifter  contre  les  Turcs.  Il  voulut  donc  aulîî  fe  rendre 
médiateur  entre  les  Polonois  &.les  Chevaliers,  èc  il  renouvelia 
entre  eux  une  trêve  ,  qui  fut  encore  bientôt  rompue  par  les 
Chevaliers,  félon  leur  coutume.  C'eft  ce  qui  obligea  enfin  La- 
difias&LWithold,  à  la  follicitation  de  Jean  JfXIIJ.  d'avoir  re- 
cours à  l'autorité  du  Concile  de  Conftance  pour  reprimer  Tin.  uZ'Zbt 
domptable  fureur  des  Chevaliers ,  comme  on  l'a  vu  dans  VHL  t.ate par  us 
ftoire  de  ce  Concile.  •  Tcoiï" 

XVII.  Le  récit  qu'on  vient  de  faire  efl  tiré  d'HiftoriensPo.  jeutLi^ 


24  HISTOIRE    DU    CONCILE 

lonois  [  Allemands  &  François  qui  s'accordent  tous  à  donner 

T  A  I  O  3  1 

le  torraux  Chevaliers  Pruffiens  Cependant  le  Moine  de  S.  Denys 
produit  une  lettre  des  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique  qui 
raconte  la  chofe  tout  autrement.  Il  eft  d'autant  plus  néceflaire 
de  la  mettre  ici }  que  quelque  recherche  qu'on  ait  faite  ,  on  n'a 
pu  trouver  aucune  autre  relation  faite  par  les  Chevaliers  fur  cet- 
te affaire.  55  Il  n'y  a  paslong-tems  que  le  Roi  Chrétien  de  Po- 
»  logne  ,  vaincu  par  les  prières  d'un  Prince  payen  fon  frère  (  a  ) , 
avoitlone-M  &z  cacher  dans  des  bleds  qu'il  lui  envoya  en  Prude  ,  dequoi 
teins  qu'^-  »  armer  trois  cens  hommes  ,  &  la  chofe  venue  à  la  connoiflance 
i?ra"du   ■  »  &  en  la  pofleffion  des  Chevaliers  de  Prulïe  .  ils  s'en  faifirent 

Witwid     e-  i  il-  rk    • 

toit  chré-  »  par  droit  de  guerre  ,  attendu  qu'il  n'eit  pas  permis  aux  Prin- 

tien.         „  ces  Chrétiens  de  fournir  des  armes  aux  Infidèles ,  &  ils  en  dif- 

55  poferent  à  leur  volonté.  Le  Roi  de  Pologne  leur   ayant  de- 

53  mandé    plufiturs   fois   tant  par  ambafladeurs   que  par   let- 

35  très ,  qu'il  lui  rendiiTent  cette  prife  ,  le  dépit  de  s'en  voir  re- 

35  fufé  ,  lui  fut  plus  fenfible  que  l'intérêt  de  la  foi  Chrétienne 

33  qu'il  avoic  embraffée  j  il  ne  fit  point  de  fcrupule  de  faire  fo- 

55  ciété  d'armes  avec  un  Payen  3&  tous  deux  ayant  mis  iur  pied 

55  une  armée  de  cinq   cens  mille  hommes ,  ils  couvrirent  pen- 

33  dant  14 jours,  &  même  coururent  toute  la  Prude  Mais  corn- 

55  me  leur  defTein  étoit  de  s'en  rendre  maîtres  par  une  bataille, 

53  fe  doutant  bien  que  les  Chevaliers  Teutoniques  qui  n'étoient 

55  que  fept  cens, joints  à  quatre  vingt-mille  payfans  ,  n'en  vou- 

35  droient  point  tenter  le  péril  ,  Se  qu'ils  fe  refervoient  pour  les 

35  partis  de  guerre  ,  ils  les  y  engagèrent  par  un  funefte  ftrata- 

«  gême.  Ils  fe  cachèrent  dans  les  forêts  j  &  ayant  laide  deux 

■>5  cens  mille  de  leurs  gens  à  la  campagne  ,  les  Chrétiens  qui 

s»  les  approchèrent  ne  fe  crurent  pas  trop  foibles  pour  les  char- 

35  ger  3  comme  ils  firent  bravement^après  avoir  invoqué  lafliftan- 

55  ce  du  ciel  :  &ç  en  eflet ,  quelque  réfiftance  qu'ils  trouvaflent, 

55  ils  les  défirent ,  ils  les  mirent  en  fuite  avec  perte  de  cent  tren- 

35  te  mille  hommes  $  de  la  gloire  d'un  fî  grand  exploit  les  eût 

53  rendus  capables  de  foutenir  leur  vidoire  contre  le  refte  3  s'ils 

35  fuflent  demeurez  fermes  pour  reprendre  haleine  ,  èc  pour  rap- 

55  peller  leurs  efpritsôc  leurs  forces.  Mais  une  folle  ardeur  rles 

35  ayant  emportez  fans  ordre  à  la  pourfuite  des  fuyards  jufques 

»  dans  les  bois ,  les  trois  cens  mille  qui  y  étoient  cachez  vinrent 

»  fondre  fur  eux ,  &  fe  trouvant  en  deifordre  ,  &  tout  fatiguez 

»  de  leur  victoire,  ils  ne  purent  foutenir  le  poids  d'une  féconde 

bataille. 


DE   PISE.  Liv.     IV.  i5 

«bataille.  Le  carnage  fut  fi  grand  ,  que  des  fept  cens  Cheva.    I4to; 

»  liers  il  n'en  refta  que  quinze  :  &  des  autres  quatre-vingt  mille 

w  hommes ,  ïoixante  mille  furent  tuez  ,  le  refte  fait  prilbnnier. 

»  Le  Roi  de  Hongrie  fçachant  ce  malheur  des  Chrétiens  ,  &; 

m  ayant  appris  que  le  Roi  de  Pologne  avoir  donné  affiftance  aux 

»  Sarrazins ,  il  en  a  été  fi  irrité  ,  qu'il  a  envoyé  prier  fon  frère 

>s  Wenceff as  voi  de  Bohême,  de  venir  à  fonfecours,&.  devant  que 

>3  jepartifîe  pour  venir  ici,  il  étoit  en  marche  pour  mettre  à  feu 

'»&  àfang  la  Province  de  Cracovie  ,  6c  le  refte  de  la  Pologne. 

XVIII.  Il  y  a  quelques  remarques  hiftoriques  à  faire  fur  ce  Remarques 
récit,  i.  Alexandre  Withold  y  eft  nommé  Prince  faycn  ,  quoi-  |"r.  ceftte  R6r 
qu'il  foit  confiant  par  l'Hiftoire  qu'il  avoit  été  baptifë  dès  l'an 
1389.  Les  Chevaliers  ne  pouvoient  pas  l'ignorer,  parce  quec'efl 
chez  eux  qu'il  avoit  reçu  le  baptême  ,  &:  que  le  Commandeur 
de  Rangaenet, ville  de  laPrufreDucale,avoit  été' fon  parein.  1. Cet- 
te même  Relation  appelle  les  Lithuaniens  des  Infidèles.  Cepen- 
dant ce  n'eft  pas  une  chofe  moins  certaine  que  les  Lithuaniens 
furent  convertis  à  la  Foi  Chrétienne  en  1386  en  même. temps  que 
Zadiflas  Jagellon  alors  leur  Duc  ,  qui  fe  fît  baptifer  cette  année- 
ià ,  pour  avoir  la  Couronne  de  Pologne  qui  lui  étoit  offerte  , 
&  pour  époufer  Hedwige  fille  à'Elifabeth  reine  de  Hongrie.  II 
lit  embrafler  la  Religion  Chrétienne  en  même-temps  aux  Li- 
thuaniens (  a  ).  Il  érigea  Vilna  capitale  de  Lithuanie  en  Eve-  (a)  spondi 
ché ,  fonda &;  renta  des  paroiiTes  dans  tout  le  païs.  Depuis  ce  1410. 
temps  les  Lithuaniens  avoient  toujours  fait  profefîïon  du  Chri- 
flianifme  ,  ou  s'il  refloit  encore  quelques  payens  dans  le  païs  ; 
on  tarvailloit  tous  les  jours  à  leur  converfion  3  comme  le  Roi 
de  Pologne  le  témoigne  dans  fa  lettre  circulaire  (b).  Ils  ne  pou-  0)  Dlug. 
voient  pas  non  plus  ignorer  ,  que  depuis  cette  converfion  il  y  ™P'  ?olon' 
avoit  déjà  eu  trois  Evêques  à  Vilna  ,  dont  le  premier  s'appel- 
loit  André  Vafeilo  Polonois.  3.  Alexandre  Withold  eft  appelle 
dans  cette  relation  frère  de  Zadiflas ,  il  étoit  fon  coufin  germain  , 
fils   de  Keiflat  qui  étoit  frère  àfOldger  père  de  J  âge  lion.  4.  A 
l'égard  des  armes  cachées  dans  le  bledj  on  a  vu  au  livre  pré- 
cèdent que  ce  n'étoit  qu'un  prétexte  de  l'avarice  du  Grand 
Maître  irrité  de  ce  qu'on  envoyoit  du  bled  aux  Lithuaniens  ,  à 
qui  il  vendoit  le  fien  bien  cher.  5.  La  Relation  porte  que  l'ar- 
mée Prufîienne  n'étoit  que  de  fept  cens  Chevaliers  &  de  qua- 
tre-vingt mille  payfans  ^  mais  l'Hiftoire  témoigne  qu'elle  étoit 
de  cent  quarante  mille  hommes  tant  de  troupes  réglées  du  païs, 
Tome  JJ.  D 


i6  HISTOIREDUCONCILE 

que  de  croupes  étrangères  (a).  6.  Je  ne  fçai  pas  non  plus  fi  l'on 
*     ^  peut  ajouter  foi  à  ce  que  dit  l'Envoyé  de  l'Ordre  Teutonique  , 
de  Rsb.  p^  içavoir  _,  que  Sigismond  roi  de  Hongrie  /cachant  ce  malheur  des 
hn.L.xv.  Qhrètiens ,  &  ayant  appris  que  le  Roi  de  Pologne  avoit  donne  af- 
pftance  aux  Sarrazins  _,  il  en  a  été  fi  irrite  ,  qu'il  a  envoyé  prier 
Confrère  Wenceflas  roi  de  Bohème  de  venir  à  [on  fecours ,  &  de- 
vant que  je  partijje  pour  venir  ici  ,  il  etoit  en  marche  pour  mettre 
à,  feu  &  à  fitng  la  Province  de  Cracovie  3  &  le  refie  de  la  Pologne 
(b)  Moine  (b).  A  l'égard  de  Sigismond  3  il  eft  bien  certain  que  fa  conduite  fut 
de  s.  De-  toujours  fort  équivoque  dans  cette  affaire.  Il  avoit  fait  en  1399. 
ay$i    *W'  une  trêve  avec  le  Roi  de  Pologne.  Au  commencement  de  1410. 
Ladijlas  lui  ayant  envoyé  Withold  pour  renouveller  cette  trêve , 
il  répondit  que  fi  Ladijlas  faifoit  la  guerre  aux  Chevaliers,  il  ne 
pouvoitpas  les  abandonner,  parce  que  dans  le  deflein  qu'il  avoit 
de  fuccederà  l'Empereur  Robert ,  mort  depuis  peu  ,  il  étoit  de 
fon  intérêt  de  fe  ménager  les  Princes  d'Allemagne  qui  favo- 
rifoient  extrêmement  les  Prulîiens.  Cependant  il  promit  de  s'en» 
(  ïCrom  trernett:re  pour  procurer  la  paix  entre  les  deux  partis,  (c).  La- 
de  Reh.  to-  dijlas  ,  avant  que  d'entreprendre  la  guerre  contre  les  Cheva- 
hn.  l.xvi.  ]fers  }  l'ayant  follicité  de  tenir  fa  parole  &  de  fe  porter  pour 
4'2  5*  médiateur  ,  il  envoya  une  ambafiade  folemnelleen  Prufïe  ;mais 
ce  fut  moins  pour  traiter  de  la  paix  ,  que  pour  tirer  quarante 
mille  ducats  de  l'Ordre  Teutonique.  Sigismond  eut  lieu  de  fe 
repentir  de  fes  ter gi ver fations.  Un  grand  nombre  de  Nobles  Po- 
lonois  qu'il  avoit  à  fon  fervice,ôc  qui  avoient  même  des  pof- 
feffions  confiderablesen  Hongrie,  voyant  que  le  Roi  de  Polo- 
gne étoit  joué  par  Sigismond,  abandonnèrent  genereufement  ce 
dernier  malgré  toutes  {es  offres  ,  &  fuivirent  Ladijlas  comme 
leur  maître  naturel.  En  effet  avant  la  bataille  dont  il  s'agit  dans 
cette  Relation  ,  il  parut  bien  que  Sigismond  n'étoit  pas  bien  in- 
tentionné pour  les  Polonois.  Il  avoit  envoyé  un  autre  ambaf. 
ladeur  aux  deux  parties  pour  faire  mine  de  traiter  de  îa  paix  $ 
mais  en  même-tems  il  lui  avoit  donné  des  ordres  feerets  de  dé- 
clarer la  guerre  à  Ladijlas  de  fi  part ,  dans  une  audience  par- 
ticulière des  Chevaliers.  11  eft  vrai  que  cet  ambafiadeur  avoir 
auffi  ordre  de  dire  en  particulier  à  Ladijlas  qu'il  ne  s'allarmât 
pas  de  cette  déclaration  de  guerre ,  puifqu'il  ne  l'avoit  faite  que 
pour  tirer  une  bonne  fomme  d'argent  des  Chevaliers  ,.&  de  l'en- 
courager à  faire  la  guerre  fans  balancer,  comme  étant  de  beau- 
coup fuperieur  en  forces.  Cette  défaite  ne  contenta  point  La- 


DE    PISE.    Liv.    IV.  17 

'dijlas.  Il  reprochai  l'ambaiïadeur  l'ingratitude  Si  l'infidélité  de    I4IO#. 
fon  Maître,  &  fit  des  imprécations  contre  celui  qui  le  premier 
avoit  viole  la  paix  (a).  On  voit  par  toutes  ces  remarques  com- 
bien la  relation  des  Chevaliers  eft  fautive.  Cependant  le  Moine  (a)Crom- 
de  S.  Denys  l'a  crue*  de  bonne  foi  ,  puifqu'il  parle  en  ces  ter-  ^V.^iés! 
mes  de  la  déroute  des  Chevaliers  :  Le  Roi  apprit  le  mois  fuivant 
far  les  lettres  des  Frères  de  l'Ordre  T  eutonique ,  la  défaite  de  l'ar- 
mée Chrétienne  &  de  leur  milice  par  les  Jnfidelles. 

XIX.  On  a  déjà  pu  voir  en  plus  d'une   occafion  combien 
lean  JfJTIII.  étoit  avide  d'areent.  Sa  euerre  avec  Ladiflas  ,  Jea"x^if 

1  io-i  >.  o        1  r  r    mttPe  f°n  e~ 

&  la  réduction  de  Benoit  JflII.  oc  de  Grégoire  JCIJ.  fournil-  union  ài'u- 
ioient  un  prétexte  fpecieux  à  Ces  exactions.  On  apprend  par  ****&*  de 
i'Mi/loire  de  l'Univerfité  de  Paris  (b) ,  qu'il  envoya  en  France 
l'Archevêque  de  Pife  (c) ,  &  l'Evêque  de  Senlis  pour  deman-  ^  21o™'n" 
derles  décimes  des  Bénéfices  ecclcfiaftiques ,  les  procurations,  ail- 
les dépouilles  des  Prélats  morts  3  qu'il  prétendoit  être  dues  de  (c)  Aiaman 
droit  divin,  naturel,  canonique  &  civil,  au  fouverain  Pontife  3Aàmar' 
&  à  la  Chambre  apoftolique.  Comme  il  n'ignoroit  pas  que  les 
fuffrages  de  l'Univerfité  étoient  d'un  grand  poids  dans  le  Par- 
lement, il  voulut  les  gagner,  en  étendant  (es  privilèges  (d)par  (d)  *.  Juil- 
rapport  aux  Bénéfices.  Dbs  que  ces  légats  furent   arrivez  ,  ils let* 
demandèrent  audience  à  l'Univerfité  ,  &  on  la  leur  donna  le 
13  de  Novembre.  J'ai  déjà  parlé  de  cette  Afïemblée  à  l'occa^ 
fion  de  la  revocation  de  la  Bulle  d'Alexandre  v.  en  faveur  des 
Moines  Mendiants  Le  jour  marqué  les  Légats  notifièrent  d'a- 
bord l'élection  canonique  de  Jean  JfJflIJ.  donnèrent  à  l'U- 
niverfité la  bénédiction  du  Pape  ,  &  bien  des  louanges  fur  fes 
travaux  efficaces  pour  l'union  de  l'Eglife.  Enfuite,  ils  repréfen- 
terent  que  quoiqu'il  y  eût  à  prêtent  un  fèul  chef  ,  le  fchifme 
n'étoit  pourtant  pas  encore  terminé  ;  qu'il  faloit  extirper  deux 
hérétiques  (  Benoit  JCIII.  &  Grégoire  JCII.  )  implorant  dans 
cette  occafion  le  fecouis  de  l'Univerfité ,  d'autant  plus  qu'il  n'a- 
voitpas  le  moyen  de  fournir  aux  frais  necefiaires  pour  l'exécu- 
tion d'une  fi  grande  &;  fi  fainte  entreprife.  L'Archevêque  finit 
par  demander  des  députez  de  toutes  lesFacultez  &Nations,pour 
en  conférer  plus  particulièrement  avec  lui.  L'Univerfité  remer- 
cia humblement  le  Pape  dans  la  perfonne  defes  légats,  &  de  fes 
dons  fpirituels ,  &  de  fes  bonnes  intentions  à  fon  égard  ,  6c  nom- 
ma des  députez  démarque  pour  entendre  le  17.  Nov.  leurs  pro~    17.  Non 
pofitions ,  &  pour  en  faire  leur  rapport.  Dès  le  même  jour  on 

Dij 


28  HIS/TOIRE  DU  CONCILE 

,  prit  fur  l'affaire  de  la  Bulle  à* Alexandre  V.  les  conclufîons  qu'or* 

a  déjà  rapportées, oc  on  renvoya  la  réponfe  furlefujet  des  De- 
cimes  ,  des  Dépouilles  &c.  au  23.  de  Novembre.  Afin  que  l'Af. 
(â)  r0/w  femblée  fût  plus  folemnelle ,  le  Recteur  de  PUniverfité  (a)  en- 
*Thr\'       voya  la  veille  (b)  inviter  ceux  des  Prélacs  qui  écoient  alors  à  Paris, 
Nov.       '  &  même  les  Cours  fouveraines,  afin  que  ceux  qui  étoient  enga- 
gez par  ferment  à  PUniverflté  ,  s'y  trouvaient.  A  cette  occafîon  , 
il  arriva  un  incident  qui  mérite  d'être  marqué  ici.  C'eft  que  les* 
Bedeaux  de  PUniverflté  ayant  porté  les  billets  du  Recteur  au 
Parlement  même  ,  au  lieu  de  les  porter  en  particulier  aux  Con- 
feillers  qui  avoient  été  membres  de  PUniverfité  ,  le  Parlement 
s'en  formalifa ,  comme  d'une  démarche  inufitée.  C'efl  ce  qui  fe 
trouve  dans  les  Actes  du  Parlement.  A  quoi  la  Cour  a  répondu ^ 
portent  ces  Actes  3  que  ce  riétoit  point  la  manière  de  venir  céans 
fgnifier  les  AJJ emblée  s  ,  attendu  que  l'Eftat  de  la  Cour  riétoit  jub. 
jette  ,  ne  jugée  que  du  Roi  *  mais  s'il  y  avoit  aucuns  finguliers  qui 
eujjent  fait  ferment  à  ladite  Univcrjïté  ,  dévoient  efire  &  à  part  re- 
quis d 'aller  en  ladite  Ajjemblée  ,  ^  non  pas  en  la  Cour  par  ladite 
manière  s.  &  fut  enjoint  audit  Meffager  3  qu'il  difi  audit  Re  fleur  y 
que  plus  nefifi  ainfi.  A  quoi  a  dit  qu'à  la  manière  de  la  Cour  eftoit 
l'intention  du  Relieur  rmais  que  pour  breveté  avoit  été  fait  par  le* 
dit  Relieur  3  par  cette  manière. 
jffembUe  de      XX.  L'a  ssemble'  Efe  tint  donc  le  1 3 -.  de  Novembre  ,  fur 
rvniverfué  ]a  fubvention ,  ôc  l'exaction  des  Décimes ,  &  elle  fut  des  plus  fo- 
'desDedmT,  femnelles.  Nous  en  rapporterons  les  conclufîons  dans  les  ter- 
©•c  mes  de  Monftrelet  (  c  )  »  Le  23.  jour  de  Novembre  fuit  à  $.  Ber- 

Ch  lxvi  "nard  de  Paris, une  congrégation  générale  de  par  PUniverflté s 
F.103.104.  «  à  laquelle  furent  évoquez ,  &:  appeliez  l'Archevefque  du  puy 
»  en  Auvergne  &  plu/leurs  autres  Prélats  ,  &,  généralement  tous 
»  les  Maîtres  ,  Bacheliers,  &  Licentiers  tant  en  Droit  canon  corn- 
(d)  quoi-  »rae  civil ,  jaçoit  (d)  ce  que  autrefois  n'étoit  point  accoutumé 
lue'  «  d'appeller  les  Licentiers ,  ni  les  Bacheliers  3  mais  tant  feule- 

53  ment  les  Maiftres.  Et  fut  faicte  ladicte  congrégation  fur  les 
55  demandes  &  requefts  par  l'Archevefque  de  Pife  3  &;  autres 
(e)Lesats.  "  Legaulx  (e)  de  noftre  S.  Père  qui  furent  pareillement  fur  le 
(O  fur  les  ,5  dixième  &■  vaccant  (  f )  ,  fur  les  procurations  &. dépouilles  des 
Decimes,&  35  trepaflez  ,  mais  premier  en  ladicte  congrégation  fut  leue  une 
les  vacan-  „  ordonnance  folemnelle  autrefois  faicte  du  temps  de  Pierre  de 

CCS 

>3  la  Lune  par  le  confeil  de  PEglife  Francoife  fur  les  libertez  & 
sa  franchifes  de  ladicte  Eglife  de  par  le  Roy  >  fon  grand  Confeil 


DE     PISE.    Liv.  IV.  if 

>s  &  par  Parlement,  roborée  &  confermée  l'an  quatre  cens  &  fîx  ,     1410, 
a  laquelle  contient  en  effed  eftre  telle ,  c'eft  à  lavoir  que  ladide 
»s  Eelife  foit  maintenue  &  confermée  en  Ton  ancienne  franchife. 
53  &  par  ainfi  quitte  de  tous  dixièmes  ,  procurations  &  autres 
radions  (a)  &  fubfides  quelconques  :&  parce  que  lesdids  Le-, 
îs  gaulx  en  demandant  viennent  contre  lesdides  Conftitutions  ti0ns.exac" 
»  &  Arrefts,fut  conclud  que  ladi&e  Ordonnance  feroit  gardée 
>»  fans  enfraindre.  Et  pour  meilleure  obfervance  l'Univerfîté  meit 
»  (  mit)  &  ordonna   folemnellement  hommes  devers  le  Roy  , 
>3  Ton  Confeil  ,&:  devers  le  Parlement  auxquels  appartient  ledit 
»  Arreft  à  deffendre,  &  efchever  (b)  les  inconvénients  qui  s'en  (b)  éviter'. 
»  pourront enfuivir  ,  par  l'infradion  desdites  Ordonnances,, 6c 
>5  Conftitutions. 

«  Item  fut  conclud  que  fî  le  Pape ,  ou  les  Legaulx  veulent 
»  aucun  compeller  (  forcer  )  ou  contraindre  par  cenfure  eccle- 
»  fîaftique  ,  ou  autremenentà  payer  lesdids  tributs ,  qu'on  ap- 
«  pelé  d'eux  au  Concile  gênerai  de  ladide  Eglife.  Item  s'il  y  a 
55  aucuns  Colledeurs  ,  ou  Soubscolledeurs  veillants  avoir  ou 
s?  exiger  lesdids  fubfides  ,  qu'ils  foient  punis  par  prife  de  leur 
55  temporalité ,  s'ils  en  ont  point  (c) ,  &c  fînon  qu'ils  foient  mis  (c)  s'ijs  ^ 
35  en  prifon.  En  outre  fut  conclud  qu'à  pourfuivre  led id  faid  ont- 
35  foit  requis  en  ayde  le  Procureur  du  Roy  ,  &  des  autres  Sei- 
33  gneurs, qu'ils  fe  veuillent  adjoindre  à  ladide  Univerfiré.  Fi- 
33  nablement  fut  conclud  qu'en  cas  que  le  Pape  allegueroit  ne- 
33  ceflîté  évidente  en  l'Eglifè  ,  que  le  Confeil  de  PEglife  foit  évo- 
33  que  ,  6c  là  feroit  advifée  une  manière  d'aydepar  manière  de 
33  fubfîde  charitable  $  &  feroient  levées  &;  recueillies  lesdides 
sspecunes  par  certains  bons  preudhommesefleuz  par  ledit  Con- 
55  feil ,  qui  les  diftribueront  à  ceux  qui  feront  ordonnez  par  le. 
55  dit  Confeil. 

53  Item  le  Lundy  enfui vant  fut  fait  un  Confeil ,  où  fut  pre- 
ssfent  le  Duc  d'Aquitaine  ,  l'Archevefque  de  Pife  ,  èc  autres 
55  Legaulx  du  Pape,  aufïï  le  Redeur  de  l'Univerlité.  Et  audidt 
35  Confeil  propofa  ledid  Archevefque  ,  que  ce  qu'il  demandoit 
55  étoit  deu  à  la  Chambre  Apoftolique  ,  tant  en  Droit  divin  3 
33  canon,  civil, comme  naturel.  Et  que  c'étoit  faind  &;  juftice  , 
33  &  que  quiconque  denieroit  à  le  payer ,  il  n'eftoit  mie  Chreftien. 
33  Desquelles  paroles  l'Univerfîté  mal  contente  dit  que  lesdides 
»3  paroles  eftoyent  proférées  en  la  deshonneur  &  opprobre  du 
»  Roy ,  &  de  l'Univerfîté  ,  &par  confequent  de  tout  le  Royau- 

Diij    • 


1410. 


3o  HISTOIRE  DU    CONCILE 

»  me.  Pour  lesquelles  choies  fut  de  rechef  le  Dimanche  enfui* 
»  vaiiC30.  jour  du  mois  de  Novembre  faicbe  une  Congrégation 
»  generalle  où  elle  avoir  eflé  faicte  le  Dimanche  devant  ,  où, 
»>  il  fut  conclud  que  l'Univerfité  envoyeroit  devers  le  Roy  ,  cer- 
î5  tains  Legaulx  pour  lui  expofer  les  paroles  par  les  Legaulx  du 
»  Pape  dictes  &  proférées  ,  en  luy  requérant  que  publiquement 
5>  foient  révoquées  par  eux  ,  et  rappellées.  Et  en  cas  qu'ils  ne  les 
53  voudroient  révoquer  &  rappeller  ,  les  Facilitez  de  Théologie 

(a)  Droit  „  &  Décret  (a)  efcrira  contre  eux  fur  les  articles  de  la  foy  ,  ôc 
»  feront  punis  félon  l'exigence  des  cas. 

53  Item  fut  conclud  que  ladi&e  Univerfité  de  Paris  efcriroit 
33  à  toutes  autres  Univerfités  ,  Prélats  }  et  Chapellains  ,  qu'ils 
33  s'adjoignent  ci  l'Univerfité  de  Paris  en  la  pourfuite  dudicc  fait. 
>3  Moult  d'autres  chofes  furent  touchées  audit  aflemblement  , 
3?  lesquelles  pour  caufe  de  brièveté  font  delailTées  à  cy  efcrire. 
33  Toutesfois  la  concluflon  fut  telle  pour  bailler  refponfe ,  que 
33  le  Pape  n'aura  point  de  fubfide  :  ce  n'eft  pas  la  forme  dellus 
3?  dicte.  Item  fut  conclud  que  l'Univerilte  de  Paris  requerra  l'Ar- 
33  chevefque  de  Reims,  &  les  autres  du  grand  Confeil  du  Roy 
33  qui  ont  fait  ferment  à  l'Univerfité  ,  qu'ils  s'adjoignent  en  la 
33  pourfuite  devant  dicte ,  ou  autrement  ils  feront  privez.  Et  c'efl 

(b)  erai-  33  i  favoir  que  après  toutes  ces  chofes  lesdicts  Legaulx  (b)  doub- 

8naQt:•  33  tans  s'en  allèrent  et  partirent  de  Paris  fans  dire  adieu  ,  com- 
33  me  on  difoit  communément  à  Paris.  Noftre  Saint  Père  le  Pa- 
33  pe  envoya  (es  AmbaiFadeurs  devers  le  Roy  pour  le  payement 
33  du  dixième  impofite  fur  l'Eglife  Françoife.  Et  en  contant  de 
33  leur  légation  fut  édit  au  Confeil  du  Roy ,  prefent  le  Duc  d'Ac- 
(c)  non  «quitaine  ,  folution  que  non  mye(c)  l'Eglife  Françoife  fèule- 

feukment.  33  ment  fut  obligée  ou  tenue  à  ladicte  folution  dudit  fubfide  , 
33  mais  que  toutes  les  Egîifes  quelconques  ils  fuflent  àlavoulonté 
33  du  Pape  .,  premier  par  le  droit  divin ,  par  le  Le  vitique  ,  où  il  dit 

rd^Dïacres.  "  en  ^a  ^encence  °iue  les  Diacques  (  d  )  payeroient  au  fouverain 
33  Preftre  le  dixième.  Secondement  de  droit  naturel ,  &;  pofitif. 
33  Et  quand  ces  chofes  fe  faifoient ,  l'Univerfité  vint  à  eux.  Et  le 

(  e  )  au.  "  lendemain  fut  faicte  une  Congrégation  ou  (  e  )  colliege  des  Ber- 
33  nardins.  Et  là  fut  délibéré  que  la  manire  de  demander  ce  fub- 
S3  fideeitoità  reprouver  comme  inique  ,  8t  contraire  à  la  loi  ,  ou 
33  décret  par  le  Roy&fon  Confeil  fait  l'an  1406  ,  &;  de  la  con- 
33  fervation  de  libercé  ,  &franchife.  Et  voulut  l'Univerfité ,  que 
«  cette  loy  foit  confervée  ôc  gardée  fans  effcre  corrompue.  Et  fus- 


DE  PISE.    Liv.  IV.  31 

»5  die  outre  qu'où  le  Pape  3  ou  fes  Legaulx  voudront  ce  deman-    i^ïq. 
J3  der,&  contraindre  aucun  à  le  payer  par  cenfure  de  PHglife, 
33  que  ladite  Univerfité  appellera  au  Confeil  gênerai  de  l'Eglife, 
33  &;  là  les  nouveaux  Gouverneurs  du  Roy  &.  du  Royaume  vou- 
«droient,  ou  pourfuivroientattempter  aucunement  contre  la- 
55  dite  loi ,  icelle  Univerfité  appelle  au  Roy ,  &  Seigneurs  de  ion 
»3  Confeil.  Et  où  il  y  auroit  aucuns  de  l'Univerfîté  qui  laboure- 
jjroient  (ai  pour  la  folution  dudit  dixième  ,   ils  feront  privés  ,  s 
»s  (b) ,  &  s  il  en  advenoit  d  aucuns  labourants  a  ce  qui  euiîent  leroit. 
)5  temporel ,  l'Univerfîté  requerra  au  Roi ,  que  leur  temporel  fût  (b) de  IeurS 

•  1  ■      j      r>         r  »M        '  :*'■■■•  Charges  & 

»  mis  en  la  main  du  Roi.  Et  ou  cas  qu  ils  n  en  auroient  point ,  Bénéfices. 

"fufTent  enprifonnez.  Et  fe  (c)  par  manière  de  voie  caritative  (c)g 

«noftre  SaincT:  Père  le  Pape  eflieùe  (d)  fubfide  ,  il  pleut  à  l'Uni-  (d;  ieVe. 

53  verfité  &  au  Roi  que  les  Prélats  foyent  huchez  (e)  pour  deux  (Rappelle? 

»  chofes  :  premier  pour  advifer  quelles  choies  feront  traitées  au 

n  Confeil  gênerai  dei'Univerfelle  Eglifè  prochainement  à  tenir. 

>5  Secondement  à  délibérer   de  ce  lur  le  contenu  &  requeftes 

»  defdits  Ambafladeurs  fur  ledit  dixième.  Et  s'il  efloit  délibéré 

53  que  noflre  S.  Père  le  Pape  ait  ledit  fubfide  3  l'Univerfîté  veut 

33  que  foit  député  aucun  preudhomme  de  ce  Royaume  qui  rece- 

33  vroit  l'argent  pour  la  paix  &  union  des  Grecs  &;  Latins  ,  &c 

n  du  Royaume  d'Angleterre ,  pour  la  quelle  (f)  de  Sainte  Ter-  (f)  con-; 

33  re  3  &  prédication  de  l'Evangile  à  toute  créature ,  car  ce  font  <îu"e" 

33  les  fins  pour  lcfquelles  noftre  S.  Père  le  Pape  eflieve  ce  fubfï- 

w  de  comme  dient  fes  Legaulx.    L'Univerfité  fur   ce  requin; 

ï3  Meilleurs  du  Parlement  qu'ils  s'adjoignifTent  avec  eux.    Car 

53  cela  eft  leur  arreft  ,  &  auffi  le  fait  des  Procureurs  du  Roy  à  (g)pourfuî- 

»la  profecution  (g)  defquels  ladidte  loi  fut  faite  (h)  te- 

Après  ces  réfolutions  l'Univerfîté  députa  Jean  Juvenal  des  tre  faire. 
Urfins  ,  Procureur  du  Roi  au  Parlement  pour  l'engager  à  repon- 
dre aux  proportions  des  Légats,  &  aux  raifons  dont  ils  lesap- 
puyoient.  L'Archevêque  de  Pife  voyant  de  quel  poids  étoient 
les  fentimens  de  l'Univerfîté, fit  toute  forte  de foumiffions  pour 
la  gagner  3  &  recommanda  l'affaire  à  quelques  uns  en  parties 
lier.  Nonobstant  cela  l'Univerfîté  conclud  le  iS.  Janvier  de 
l'année  fuivanre  qu'on  n'accorderoit  aucun  fubfide  au  Pape  è 
moins  que  ce  ne  fût  de  l'avis  &  du  confentement  de  toute  PE- 
glife Gallicane.  C'eft  là-delîus  qu'au  mois  de  Février  il  y  eut 
une  afTembïée  de  plulieurs  Prélats  du  Royaume  pour  avoir  leur 
avis.  Ils  firent  bien  tout  ce  qu'ils  purent  pour  fléchir  l'Uni  ver- 


3i  HISTOIRE  DU  CONCILE 

fîté  en  faveur  des  Légats  ,  mais  inutilement,  quoique  la  plus 
grande  partie  des  Princes  ,  &  Grands  Seigneurs  penchât  allez 
à  leur  donner  fatisfa&ion.  Cependant  le  Pape  ne  fe  rebuta  pas. 
Lorfque  Ladiflas  eut  appris  l'éleclion  de  Jean  JlJ£I1I.  il  prit 
le  parti  de  faire  la  paix  avec  les  Florentins  pour  pouvoir  tour- 
ner toutes  fes  forces  contre  le  nouveau  Pape  ,  &:  contre  Louis 
d'Anjou.  Il  leur  envoya  un  Ambaiïadeur  avec  ordre  de  leur 
faire  des  offres  avantao-eufes.  L'Affaire  agitée  dans  le  Confeil 
de  Florence ,  les  avis  fe  trouvèrent  fort  partagez,  mais  le  parti 
d'accepter  la  paix  remporta.  Entr'autres  conditions  que  les  Flo- 
rentins exigèrent,  celle  ci  ne  pouvoit-être  qu'agréable  à  Jean 
\XJ£llL  C'eft  que  cette  paix  ne  feroit  point  au  préjudice  de 
l'alliance  qu'ils  avoient  faite  avec  lui  >  &  avec  Louis  d'Anjou  , 
&  que  Ladiflas  ne  pourroit  s'emparer  de  Rome  ,  ni  des  lieux 
Hif}  Fwf»r.  circonvoifins  j  jufqu'à  un  certain  efpace  qui  étoit  fpecifié  (à). 
p.  i<?i.i?2.  Cependant  cette  alliance  avec   fon  capital  ennemi  étoit  fore 
fufpede  à  Jean  JfJflII.  Se  il  la  regardoit  comme  une  révolte 
de  la  part  des  Florentins.  Il  en  écrivit  au  Roi  de  France  Se  à 
TUniverfité  pour  leur  repréfenter  les  allarmes  que  lui  donnoit 
cette  confédération ,  Se  pour  demander  du  fecours  contre  La~ 
dijlas  qui  ne  cherchoit  qu'à  s'emparer  de  Rome  pour  y  mettre 
un  Pape  à  fa  pofte.  Il  écrivit  auffi  une  lettre  au  Parlement  de 
Paris  pour  notifier  fon  eîedion ,  Se  l'inclination  qu'il  avoit  à 
procurer  la  paix  à  la  Chrétienté.  Un  de  fes  Nonces  ajouta  que 
Jean  JfJflII.  avoit  defTein  de  travailler  à  l'union  de  l'Eglife 
Grecque  &  Latine,  &  d'afîembler  un  Concile  au  temps  mar- 
qué par  celui  de  Pife  pour  reformer  l'Eglife  dans  fon  Chef  Se 
dans  fes  Membres.  Comme  c'étoientlà  des  prétextes  fpecieux 
pour  demander  des  fecours  d'argent  ,  le  Parlement  en  fut  la 
dupe .,  Se  à  la  follicitation  du  Cardinal  de  Pife  3  Se  des  Seigneurs 
de  la  Cour  on  lui  accorda  un  fecours  caritatif>  comme  ils  par- 
lent ,  pour  fubvenirà  [es  befoins  réels  ou  prétendus,  Se  pourfe- 
voyezlà-  conder  des  intentions  qu'il  ne  penfoit  guère  à  exécuter.  Cepen- 
Tumml'iu  ^anc  on  ^urPr^c  à  Paris  une  lettre  écrite  apparemment  avant 
vrfins  Hift.  cette  dernière  réfolution  ,  où  le  Légat  fe  plaignoit  au  Pape  de 
deCW/"^i  ce  que  le  Parlement  prétendoit  que  la  France  étoit  exempte  de 
payer  aucun  fubfide  à  la  Cour  de  Rome  3  Se  que  la  connoifTan- 
ce  des  caufès  écclefiaitiques  lui  appartenoit  en  ce  qui  regarde 
le  poJseJJoîre.  Le  Parlement  en  fut  fort  irrité  ,  Se  ordonna  de 
chercher  dans  les  Archives  des  Patentes,  ou  Edits  du  Roi ,  ce- 
lui 


DE    PISE.    L iv.  TV.  $5 

lui  qui  regardoit  l'immunité  de  l'Egiife  Gallicane.  11  fut  en  me-    ^i©, 
me  temps  refolu  de  faire  défenfe  au  Légat  de  rien  écrire  con- 
tre les  droits  du  Parlement  fur  la  connoifTance  des  caufes  con- 
cernant la  pofleffion  des  Bénéfices ,  &  on  pria  le  Roi  d'écrire  au 
Pape  &  aux  Cardinaux  ,  de  ne  point  ajouter  foi  aux  Légats ,    , .      rm 
&  de  maintenir  le  Parlement  dans  fes  privilèges,  (a)  „;ana. 

XXI.  Ce  fut  à  peu  près  en  ce  temps-là  que  le  Roi  de  France  &&**•*»* 

i  -  î  •  •         j  *  »  •  j       j  •  furies  Bene- 

donna  un  editquia  du  rapport  a  ce  qu  on  vient  dédire,  pour  ^^    - 
empêcher  que  ceux  qui  pendant  la  neutralité  avoient  obtenu  ««*  de  ru- 
des Bénéfices  n'en  fuflent  dépouillez,  &  qu'on  ne  les  inquiétât  njver^éPen' 
a  cette  occaiion  comme  railoient  les  Juges  Apojtoliques ,  c  elt-a-  traitté. 
■dire ,  les  créatures  du  Pape.  Il  eit  porté  dans  cet  Edit  que  c'eft 
au  Parlement  qu'appartiennent  la  connoifTance  &  l'interpréta, 
îion  des  Ordonnances  au  fujct  des  Bénéfices,  6c  des  débats  qui 
en  naifïent.  Je  donnerai  cet  Edit  tel  qu'il  fe  trouve  dans  l'Hiftoire  ^>  r°m'y 
de  Wniverjité  de  Paris,  ^d) 

Provifion  faite  fur  les  Bénéfices  donner  à  ceux  de 
rUniverfité  durant  la  neutralité* 

dCharles  parla  grâce  de  Dieu'Roide  France.  A  tous 
™  ceux  &.c.  Noflre  très   chère  6c  amée  Fille  l'Univerfité  de 
95  Paris ,  Nous  a  faitexpofer  que  joint  que  par  le  Concile  ,  par 
»  Nous  ,  6c  l'Egiife  de  nos  Royaume    6c  Dauphiné  de  Vien- 
*>nois  ,  tenu  6c  célébré  en  la  conclusion  de  la  neutralité  faite 
53  par  Nous  en  nofdits  Royaume  &c  Dauphiné ,  contre  les  deux 
w  Contendans  de  la  Papauté  de  l'Egiife  universelle  ,  ayenteflé 
™  faits  plufieurs  Statuts  6c  Ordonnances  pour  l'exhaufTement 
w  de  ladite  Eglife  ,  6c  entre  les  autres  ,  fur  les  cotations  &  pro- 
«  vifions  des  Bénéfices ,  afin  que  lefdits  Bénéfices  fuflent  diitri- 
»  buez  6c  conférez  par  les  Ordinaires  à  perfonnes  dignes ,  &c 
53  bien  meuis  ,  tant  de  nos  ferviteurs  Se  familles  ,  comme  des 
»3  Eftudians  6c  Supports  de  noftredite  Fille  l'Univerfité ,  &  d'au- 
>3  très  Efludiants  ,  pour   lefquels  Ordonnances  tenir  en  leurs 
33  termes,  6c  garder  qu'elles  ne  fuflent  enfraintes  par  lefdits  Or- 
33dinairesa  euflent  efté  trouvez  par  ledit  Concile  aucuns  quia 
33  ce  pourvoiroient  en  defFauit  d'iceux  Ordinaires  ,  de  aux  fer- 
53  viteurs  Se  familles  ,  6caufli  aufdits  Efludiants,  ôc  fuppofts  de 
35  noftre  Fille  l'Univerfité  de  Paris  6c  d'autres  Eftudes  ayent  eflc 
Tom.  II.  E 


34  HISTOIRE  DH  CONCILE 

2410.  M  particulièrement  fai&es ,  de  diftribuees  affignations  ,  pour  feîos 
55  lefdites  Ordonnances  leur  eftre  pourveu  defdits"  Bénéfices 
55  par  lefdits  Ordinaires  ,&  Collateurs  d'iceux  Bénéfices, fur 
53  lefquels  chacun  d'eulx  ertoit  afiigné.  Depuis  laquelle  conclu- 
55  (ion  de  ladite  Neutralité  ,  plufieurs  d'eux  nos  Familles  de  Ser- 
55  viteurs,  de  defdits  Eftudiants ,  de  Supports  de  noftre  Fille  l'U- 
55 niverfité  de  Paris,  de  d'autres  Efludes  ayent  efté  deùement 
5>  & canoniquement  pourveus  de  Bénéfices  félon lefdits  Statuts, 
55  de  Ordonnances  du  Concile  defîiifdit,  de  en  ayent  efté  deuë- 
55  ment  de  canoniquement  mis  de  inftitués  en  pofTeiîion  de  faifine  : 
ssneantmoins  par  inadvertance  ou  autrement  ,  aucuns  Juges 
55  ^poftoliques,  &  autres  perfonnes  ont  iceux  moleftez  ,  de em- 
«  pefchez  ,  de  s'efforcent  de  troubler,  molefterjou  empefeher 
«  plufieurs  de  nofdits  Serviteurs  de  Familles  ,  de  defdits  Eftu- 
»  diants  de  Supports  de  noftre  dite  Fille  l'Univerfité  de  Paris  T 
55  de  d'autres  Eftudes  :  de  ce  pour  raifon  defdits  Bénéfices  à  eux, 
«  ainfi  que  dit  eft,  donnez  &  conférez  ,  de  defquels  ils  ont  efté 
's  deiiementmis  en  pofTefiion ,  faifine  ,  qui  a  efté ,  de  eften  venant 
53  directement  contre  lefdites  Ordonnances  ,  &  en  grande  per- 
ssturbationde  nofdits  Royaume  ôtDauphiné  :de  de  plus  feroit, 
ssfepar  Nousn'eftoit  fur  ce  pourveu  de  remède  convenable  ,  fi 
«comme  dit  noftrediteFille  en  humblement  requérant  iceluy. 
53  Pourquoy  Nous  3  ces  chofes  confédérées  ;  de  que  Nous  qui 
33  fournies  Gardien  ,  Protecteur ,  de  Deffenfèur  des  Eglifes  de 
s*  noftre  dit  Royaume  de  Dauphiné ,  &  que  les  Statuts ,  de  Or- 
33  donnances  deftufdites,  fai&es  audit  Concile  avons  ratifiées, 
33  de  approuvées ,  appartient  iceux  ,  de  tout  ce  qui  s'en  eft  en- 

35  fùy ,  faire  tenir  ,  de  garder  ,  fans  enfraindre  ,  de  pour  obvier 
55  aux  inconvénients  devant  dits.  Avons  ordonné ,  &  ordonnons 
53  par  ces  prefentes  ,  que  tous  ceux  à  qui  il  aura  efté  ainfi  pour- 
35  veu  félon  lefdits  Statuts  3  de  Ordonnances  de  pofTeflions  ,  & 
»  faifine  d'iceux  Bénéfices,  dans  lefquels  on  les  trouvera  eftre  , 
33  6c  que  tous  troubles  de  empefehements  ,  qui  en  ce  leur  font., 
3>  en  fbient  oftez  par  le  premier  de  nos  Jufliciers  qui  requis  en 
33  fera.  Et  tous  les  perturbans,empefcheurs,  de  autres  ,  qui  pour  ce 
33  feront  à  contraindre,  contraints  à  eux  defifter  defdits  troubles, 
33  de  empefehements ,  de  à  rendre  3  bailler  ,  de  mettre  réellement 
33  de  de  fait  es  mains  de  noftre  dit  Jufticierj  comme  en  la  noftre, 
55  toutes  citations ,  procès  3  de  manières ,  par  vertu  ,  ou  foubs 
»  ombre  defquels  ils  lé  font  efforcez  ,  ou  s'efforcent  de  faire 


DE    PISE.    Lir.  IV.  35 

wiceux  empefchements,  &c  auflî  à  rappeler,  révoquer  Se  mec. 
s>  tre  du  tout  au  néant  tous  les  procès  ,  qu'ils  auront  fur  ce  fait ,     '4!^ 
"ou  fait  faire  paria  priie  des  temporels  qu'ils  tiennent,  &cien- 
55  dront  en  noidits  Royaume  &c  Dauphiné  ,  à  quelque  titre  6c 
^  caufe  que  ce  foit ,  ou  autrement  par  toutes  voyes  deiies  ôc 
■»  raiionnables.  Et  h*  aucuns  en  y  avoit  qui  n'euftent  temporels 
v  en  iceirx  nos  Royaume 6c  Dauphiné  ,  6c  qu'ils  fuilenc  refufants 
«d'obtempérer  à  noidits  mandements,  inhibition  &  defenfes  3 
«que  iceux  ,  6c  tous  ceux  qui  procureraient  les  empefchements 
î3  éc  qui  s'entremettront  ou  font  entremis  de  leur  aider  à  ce  fai- 
»  re,  6c  fouftenir  ,  foyent  pareillement  contrain&s  par  prife6c 
^emprifonnement  de  leurs  perfonnes  ,  6c  par  arreft  3  6c  détenu 
r»  ption  de  leurs  biens  _,  jufques  à  ce  qu'ils  ayent  deiiement  ob- 
tempéré, &  obéï  aux  choies  deirufdites  ,  6c  chacune  d'icelles. 
.,5  Si  donnons  en  mandement  à  nos  Amez  3  &  Féaux  Confeil- 
tïjlers  tenans ,  6c  qui  tiendront  Parlement: au  Prevofl  de  Paris., 
35  &  à  tous  nos  Senefchaux,  Baillys,  ôc  autres  Jufticiers 6c  Offi- 
3>ciers  ytk.  leurs  Lieutenans.  à  chacun  d'eulx,  que  nos  prefentes 
j5  Ordonnances  ils  faiTent  tenir  &  garder  entièrement  fans  en- 
.5;  fraie dre  ,  en  contraignant  ou  faifant  contraindre  à  ce  tous 
«  ceux  qui  à  contraindre  y  font  vigoureufement  ,  &  fans  déport 
33  par  les  manières  devant  dites  3  6c  en  cas  d'oppoiîtion ,  les  biens 
33  defdits  perturbateurs,  6c  empefeheurs  tenus  en  noftre  main: 
m  quant  à  ceux  qui  ont  temporel ,  6c   les  perfonnes  des  autres 
33  qui  n'ont  temporel ,  arreftées,  de  détenues  ,  6c  les  procez  des 
êi  Juges  Apoftoliques  contre  lefdits  Statuts  &  Ordonnances  faits , 
336c  à  faire  ,  6c  tout  ce  qui  s'en  eft,  &  fera  enfuy  ,  tenu  en  fuf- 
33  pens,  attendu  que  la  cognouTance  &  interprétation  d'icelles 
53  Ordonnances ,  êc  les  débats  qui  en  naùTent  3  appartiennent  à 
35  noftre  Cour  de  Parlement,  adjournent  ,  ou  faiTent  adjourner 
55  les  oppofants ,  6c  auifi  leldits  perturbeurs  6c  empefeheurs ,  6c 
»  autres  contredifans  &c  dilayans  d'obtempérer  les  chofes  def- 
35fuidites  ,  ou  aucunes  d'icelles  3  à  comparoir  perfonnellement 
«  ou  autrement ,  comme  les  cas  le  requerront  à  temps  àc  com- 
55  pétant  jour  ordinaire  ou  extraordinaire  de  noftredit  Parle- 
53  ment,  nonobftant  qu'ils  foyent  de  nos  autres  Parlements  ad- 
»  venir  ,  nonobftant  que  les  Parties  ne  foient  pas  des  jours  dont 
55  l'on  plaidera  lors  ,  pour  dire  les  caufès  de  leur  oppofition  , 
55  &  reîpondre  à  noftre  Procureur  général ,  à  noftre  dite  Fille 
»  l'Univerfité  ,  &  à  tous  ceux  qui  s'en  veulent  faire  partie ,  pour- 

Eij 


56  HISTOIRE  DU  CONCILE 

1410.    »  tant  que  chacun  pourra  toucher  à  tout  ce  qu'ils  voudront  dé- 
jà mander  ,  &  contre  eux  propofer  ^  &  requérir  ies  circonftan- 
33  ces  &:  dépendances ,  &  aller  avant   &c   outre  félon  raifon  r 
«en  certifiant  fur  ce  fuffifamment  audit  jour  nofdits  Confeillers 
«aufquels  nous  mandons  que  aux  Parties  ouyes  faffent  paix.  Et 
a  pour  ce  que  par  avanture  les  perfonnes  de  ceux  qui  ont  fait: 
î3  ou  feront   lefdits  empefchements  ,  refus  ou  contredits  ,  ne 
«pourront  eftre  appréhendez  en  nofdits  Royaume   &  Dau- 
>sphiné    pour  faire    à    leurs   perfonnes    adjournements.  ,    ôc, 
>3  commandements  ,  inhibitions ,   èc  defenfes.    Nous  voulons- 
jsqu'icelles  Ordonnances,  commandements,  inhibitions  &  de- 
55  fen Tes  qui  feront  faites  aux  perfonnes  de  leurs  Procureurs  aux^ 
53  lieux  domiciliez  defdits  Bénéfices  3  au  cas  que  ne  pourront 
»  eflre  appréhendez  ,  vallent ,  &  foyent  d'autant  d'effet  &  de 
33  valeur  >  comme  s'ils  fufïènt  faites  à  leurs  propres  perfonnes. 
»  Et  outre  pour  ce  que  de  ces  pref entes  l'on  pourroit  avoir  à. 
>»  befogner  en   divers  lieux  ,  ôc  qu'elles  fe  pourroient  dépérir  v 
53  &  perdre  fur  les  chemins,  Nous  voulons  qu'aux  Vidimus ,  &c. 
53  Donné  à  Paris  le  17. jour  d'Avril  1410». 
Mmiàèqud*      XXII.  C'est  tout  ce  que  l'Hiftoire  nous  apprend  des  a&îons 
ques  Tètes     fe- Jean  XJCI1I.  pendant  cette  année.  Elle  fut  mémorable 
iiï!."Sâr-  Par  ^a  niort  de  plufieurs  Têtes  couronnées  3  comme  d'Alexan- 
tin  d'A.ra-  are  V '.  de  l'Empereur  Robert  ,   de   Martin   roi  d'Arragon.  La 
s°*'  mort  du  dernier  de  ces  Princes  caufa  de  grands  troubles  en  Ef- 

pagne  }  par  le  grand  nombre  des  compétiteurs  à  ce  Royaume. 
Tels  étoient  1.  Frédéric  comte  de  Lune ,  fils  naturel  de  Martin 
roi  de  Sicile  ,  mort  l'année  précédente.  Benoît  JC1II.  avoit  lé- 
gitimé Frédéric  3  &  l'avoit  déclaré  habile  à  fuccederâ  la  Cou- 
ronne. 2.  Ferdinand  fils  de  Jean  roi  de  Caftille  ,  &  de  Yolan* 
de ,  ou  Eleonore  fille  de  Pierre  11.  roi  d'Arragon  ,  &  foeur  de 
Martin  l'aîné.  3.  Zoiiis  duc  d' 'Anjou ,  &roi  de  Naples  qui  avoit 
époufé  Yolande  fille  unique  du  roi  de  Caftille.  4.  Matthieu, 
comte  de  Foix  qui  avoit  époufé  Jeanne  fille  de  Martin*  5.  Al- 
fhonfe  duc  de  Gand.  6.  Jacques  comte  d*Vrgel  petit-neveu  à* Al» 
fhonfe  IV.  &  neveu  de  Jacques  fon  fils,  rois  d'Arragon. 

Ce  fut  dans  l'efperance  d'aller  au  devant  des  troubles  qui 
dévoient  naître  de  ces  concurrences,  que  Martin fè  maria  tout 
infirme  qu'il  étoit.  L'Hiftoire  dit  même  qu'il  ufà  de  certains 
médicaments ,  qui  au  lieu  de  lui  donner  de  la  vigueur  lui  ôte- 
rent  la  vie.  Après  la  mort  de  Martin  on  choiiit  un  Confeil  de 


DE  PISE.    Liv.    IV.  37 

neuf  juges ,  donc  il  y  en  avoit  trois  d'Arragon  ,  trois  de  Cata- 
logne ,  &  trois  de  Valence,  Ils  examinèrent  l'affaire  en  préfen- 
ce  de  Benoit  XlII.  reconnu  dans  tous  ces  Royaumes  ,  &  fe  dé- 
clarèrent pour  (a)  Ferdinand  IV.  Infant  de  Caflille  ,  malgré  les    > . 
briguer  de  Benoît  qui  vouloit  y  mettre  Frédéric  de  Lune  fon  i^o.n.ts! 
parenc.  Mais  ce  choix  n'ayant  été  déclaré  que  deux  ans  après ^-  sîonL 
la  mort  de  Martin  ,  les  brigues  ,  les  brouilleries,  les  meurtres  5t!°^'»f" 
&  les  féditions  continuèrent  dans  le  Royaume  pendant  cet  inter- 1410.  n.  r. 
règne.  Ferdinand  s'étoit  déjà  fignalé  cette  année  par  deux  vic- 
toires qu'il  avoit  remportées  fur  les  Maures  ,  comme  on  l'a  déjà 
dit.  L'Hiftoire  rapporte  que  pendant  que  Martin  étoit  malade 
de  la  maladie  dont  il  mourut,  il  arriva  un  tremblement  de  terre 
qui  lui  fit  juger  que  cela  préfageoit  la  mort  de  quelque  Grand. 
Mais  ce  rie  fi  pas  ,  dit  il,  la  mienne  3  c'efi  celle  de  Benoît  XIII.  qui 
efi  -plus  <zrand  que  moi.  L'événement  jultiiîa  qu'il  avoir  été  mau- 
vais prophète,  puifqu'il  mourut  cette  année ,  ôc  que  Benoit  ne 
mourut  qu'en  1424. 

XXIII.  Entrl  les  concurrents  au  Royaume  &  Arragon ,  il  Jacques 
n'y  en  avoit  point  de  plus  redoutable  que  Jacques  d'Vrgel.T>  cs^J^  *['_ 
que  Martin  eut  les  yeux  fermez,  il  prit  la  qualité  de  Gouvcr-  yaume  <?Ar-- 
neur  du  Royaume  ,  fous  prétexte  d'y  maintenir  la  tranquillité ,  ra&or7' 

en  attendant  que  l'élection  fe  fît  félon  les  loixdupaïs.  Comme 
la  veuve  du  Roi  d'Arragon  prétendoit  être -girofle  ,  ce  Comte 
la  gardoit  à  vue  ,  craignant  d'être  la  dupe  de  quelque  fuppofî- 
tion.  Sachant  d'ailleurs  que  Pierre  de  Lune  ,  ou  autrement 
Benoît  JC111.  &  l'Archevêque  de  SaragofTe  lui  étoient  con- 
traires, parce  qu'ils  vouloient  mettre  fur  lethrône  Frédéric  de 
Lune ,  il  menaça  le  premier  de  le  faire  rafer ,  non  pas  3  difoit-il  r 
avec  de  l'eau  comme  on  fait  d'ordinaire  5  ôc  l'autre,  de  changer  fa 
tiare  en  un  cafque  de  feu.  Cependant  ,  comme  on  l'^déja  dit ,, 
Ferdinand  l'emporta  fur  les  rivaux. 

XXIV.  Il  n'y  eut  pas  moins  de  brouilleries  à  cette  occa-    Cabrera 
lion  en  Sicile ,  qu'en  Efpagne.  BernardCabrera ,  Préteur  ou  Grand  vm ■*"»?*- 
Jufiicier  de  cette  Ifle  ,  voulut  fe  prévaloir  de  la  mort  de  Mar-  ™^  e  a    s 
tin  d'Arragon  ,  pour  s'emparer  du  Royaume  de  Sicile  (  1  ) ,  au 
préjudice  de  -  Blanche  fiïïe  du  Roi  de  Navarre  qui  en  étoit  Vice- 
Régente  II  fe  trouvoit  appuyé  dans  cette  entreprife  par  le  voi- 
iinage  de  Ladijlas  &  de  Grégoire  JCI1.  qui  avoit  encore  quel- 

(1)  Il  s'agît  ici  de  la  Sicile  ultérieure  au  delà  du  Phare,  qui  depuis  les  Vêpres  Sicilien- 
nes étoit  du  reflbît  du  Roi  à'Arrago&i 
t  E  iij 


38  HISTOIRE  DU  CONCILE 

que  ombre  de  pouvoir  3  parce  qu'il  ne  demandoic  pas  mieux  que 
*410,    detraverfer  les  Arragonois  toujours  dans  les  intérêts  de  Benoit 
JflII.  Pour  y  mieux  réûfÏÏr  3  il  fe  mit  dans  la  tête  d'epoufer 
Blanche  ,  afin  d'avoir  un  plus  beau  prétexte  de  fe  faire  donner 
le  nom  de  Roi.  Ce  n'étoit  pourtant  pas  une  entrepnfè  ailée. 
La  Reine  étoit  jeune  ,  belle ,  &  fiere  :  Cabrera  n'etoir  ni  jeune 
ni  bien  fait.  Elle  le  tenoit  ordinairement  dans  un  monaitere  de 
filles  au  voifinage  de.  Catune  ,  ville  maritime  &.  bien  fortifiée. 
Le  Tyran  prit  la  réfolution  de  l'aller  enlever  dans  cette  retrai- 
te 5  mais  la  Reine  avertie  de  ion  delîein  fe  rerira  dans  la  For- 
texe^e  Cabrera  confus  &  irrité  de  voir  que  fon  fecret  éroit  éven- 
té, demanda  une  entrevue  à.  Blanche  ^  fous  prétexte  de  fejuftifier. 
Elle  ne  la  lui  refufa  pas.  On  dit  que  dans  cette  entrevue  ,  après 
avoir  tâché  de  faire  fon  apologie,  il  glifïa  quelques  propofitions 
de  mariage  ;  à  quoi  la  Reine  ne  répondit  que  par  ces  paroles  , 
JFy  vieux  galeux  ,Hui  Senex  S  c  a  b  i  o  s  e  ,,&  gagna  la  plei- 
ne mer  fur  fa  galère  ,  dont  le  pilote  menaça  Cabrera  de  le  faire 
fauter  dans  la  mer  s'il  ne  fe  retirok  au  plus  vîte.  Cabrera  pour 
fe  relever  d'un  fuccès  fî  honteux ,  fèma  de  faux  bruits  contre 
Blanche  pour  rendre  fon  gouvernement  fufpecfc.  Il  fe  plaignit 
hautement  qu'elle  ne  vouloit  entrer  en  aucune  conférence  avec 
juifurce  qui  regardoit  le  bien  de  l'Etat  ,  quoiqu'il  fut  le  pre- 
mier Magiiirat  ,  &  qu'elle  tenoit  des  confeils  fecrets  avec  des 
particuliers  qui  etoient   {es  ennemis  ,  auffi.bien  que  ceux  du 
Royaume.  Sous  ce  prétexte  il  amafïa  des  troupes,  &.  s'empara 
de  plufieurs  villes.  lien  auroit  été  de  même  de  Syracufe  3  fî  Blan- 
che ne  s'y  fut  retirée  promptement  :  elle  commanda  en  même 
tems  à  { i  )  l3 "Admirante  Sancio  de  fe  mettre  en  état  de  foutenir 
Je  fiege  de  cette  place.  -Cabrera  y  vint  en  effet ,  &  s'étant  em- 
paré delà  ville  il  mit  le  fiege  devant  la  ForterefTe.  Après  avoir 
battu  la  place  plufieurs  jours  ,  il  fut  enfin  repoufTé  par  la  bra- 
voure de  Jean  de  Moncado  ,  &  de  l'Admirante.  Cependant  Blan- 
che fe  retira  à  Palerme:  il  l'y  pourfuivit ,  &.  l'y  auroit  furp ri fe,fï 
elle  n'avoit  pris  la  fuite  à  demi  nue  ,  accompagnée  de  quelques 
femmes.  Cabrera  ayant  appris  l'évafion  de  la  Reine,  Voila ,  dit- 
il  ,  la  troisième  fois  quelle  m  échappe.  Il  alla  cependant  dans  la, 
maifon  où  elleavoit  couché ,  &:  fe  mit  dans  fon  lit  où  il  fe  rou- 
Joit  avec  la  même  volupté  qu'un  chien  de  chafTe  qui  fent  la 

(i)  Cefi  à  peu  près  la  même  çhofe  en  Espagnol  <\\\  Admirai  en  François, 


DE  PISE.    L  iv.    IV.  39 

pifle  du  gibier.  Je  n'ai  pas  ,  dit- il  ,  la  perdrix  3  mais  f  en  ai  le  nid. 
Il  la  fuivit  en  effet  à  la  pifte  ,  &.  l'ayant  trouvée  au  voifinage  de 
Palerme,  il  n'épargna  ni  proniefîès  ni  menaces  pour  la  gagner. 
Il  fit  aufîî  tout  ce  qu'il  put  pour  excufer  la  violence  &  la  mal- 
honnêteté de  fon  procédé ,  proteftane  que  ces  violences  ne  la 
regardoient  point ,  &  qu'il  n'avoir  eu  pour  but  que  de  pourfui- 
vre  des  traîtres  6c  des  ennemis  de  l'Etat.  Enfin  ayant  afîïcgé  Pa- 
lerme^ les  ennemis  firent  une  heureufe  fortie  5  on  le  prit  &  on 
l'emmena  prifonnier  au  Châteaff  de  Note  3  où  il  fut  traité  avec 
l'indignité  qu'il  s'étoit  attirée.  Sancio  le  fit  mettre  dans  une  ci- 
terne vuide  ,  mais  qui  fut  bientôt  remplie  par  des  canaux  qu'on 
lâcha  toutexprès.  Il  eut  beau  crier  au  fecours  ,  perfonnene  ré- 
pondoitj  foit  que  le  bruit  de  l'eau  fît  qu'on  ne  Pentendoit  pas  y 
ioit  que  les  domeftiques  fuffent  occupez  à  empêcher  qu'elle  ne 
pénétrât  ailleurs.  Il  y  eut  enfin  un  des  domefliques  qui  par  ha- 
zards'étant  approché  de  la  citerne  ,  &c  l'ayant  vu  dans  ce  dé- 
plorable état,  en  alla  avertir  le  gouverneur  du  château  ,  qui  n'i- 
gnoroit  pas  ce  qui  fe  pailoit.  Il  fit  femblant  d'en  être  bien  fur- 
pris.,  Se  fit  retirer  de  là  le  pauvre  Cabrera  tout  inondé.  Délivré  de 
ce  péril, il  penfa  à  gagner  celui  qui  le  gardoit ,  en  lui  promet- 
tant des  monts  d'or  quand  il  feroit  en  liberté  ,  &  dès  lors  mille 
ducats  d'or  argent  comptant.  Le  Garde  ayant  dit  qu'il  vou- 
loir du  temps  pour  y  penfer,  alla  avertir  Sancio ,  qui  lui  ordon- 
na de  promettre  à  Cabrera  qu'il  le  fauveroit.,  &  de  prendre  l'ar- 
gent. Le  Garde  alla  donc  trouver  Cabrera  la  nuit ,  &  lui  tendit 
une  corde, le  prefFant  fort  de  defeendre  de  peur  d'être  furpris. 
Mais  quand  il  fut  prefque  au  bas  de  la  tour  ,  il  fe  trouva  pris 
dans  des  filets  qu'on  avoit  mis  là  tout  exprès.  Il  fut  là  pendant 
long-temps  la  rifée  de  tous  les  pafTants ,  qui  le  comparoient  à 
Mars  furpris  en  adultère  avec  Venus.  Quand  on  jugea  qu'il  avoit  ^0E^Vr 
été  affez  long-temps  le  jouet  du  public ,  on  le  ramena  en  prL  xx.uwmt 
fon  ,  d'où  il  ne  fortit  que  pour  aller  en  Catalogne  par  ordre  de  Fdu  &  s*" 
(a)  Ferdinand  qui  le  redemanda  comme  étant  fon  fiijet.  Mes 
Auteurs  n'en  difent  pas  davantage. 

XXV.  L'  I  t  a  l  i  e  étoit  toujours  defoîée  par  les  factions  des  Etat  &  ?k 
Guelphes  &  des  Gibelins,  dont  les  premiers  tenoient  pour  les  taie% 
Papes ,  &  les  autres  pour  l'Empereur  &  pour  les  Seigneurs  fe- 
culiers,  Comme  Jean  Maria  Galeas ,  duc  de  Milan ,  étoit  à  la 
tête  de  la  faction  Gibeline,  on  peut  compter  la  mort  de  ce  Duc 
entre  les  profperitez  de  Jean  XJflII.  &  même  on  peut  dire  que 


4o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

la  mort  de  tels  Tyrans,  en  eft  une  pour  tout  le  genre  humain. 
*410,    Ce  Prince  avoir  été  dès  fa  première  jeunefîe  un  monftre  de  fu. 
reur  &  de  cruauté.  Comme  un  autre  Néron  ,  il  avuit  fait  mou- 
rir fa  propre  mère.  Animant  les  Gibelins  contre  les  Guelphes, 
on  ne  voyoit  dans  tout  le  Jvlilanois  que  mailacres 3  briganda- 
ges , incendies ,  facrileges  ,  dans  les  villes&  à  la  campagne.  Le 
Duc  ,  comme  s'il  eiit  été  agité  par  des  Furies  de  l'Enfer  .,  pre- 
noit  un  tel  plaifir  à  répandre  le  fang  innocent  3  que  la  vie  de 
perfonne  n'etoiten  fureté  ,  &  qu*il  n'épargnoit  ni  âge  ni  fexe  , 
ni  condition.  Son  fpectacle  le   plus  agréable  étoit  de  voir  les 
hommes  pourfuivis  par  des  chiens  &  par  des  dogues ,  qu'il  nour- 
riiToit  exprès  pour  afTouvir  cette  rage.  On  raconte  qu'ayant  fait 
jetter  un  jour  aux  chiens  un  enfant  dont  il  avoit  fait  cruellement 
déchirer  le  père,  ces  bêtes  accoutumées  &  même  alors  animées 
au  carnage  3  n'ayant  pas  voulu  le  toucher  ,il  l'égorgea  lui-même 
de  fa  propre  main  ,  &:  le  fit  enfuite  jetter  à  ces  bêtes ,  qui  moins 
inhumaines  que  lui ,  ne  voulurent  ni  lécher  fon  fang ,  ni  tou- 
cher fon  corps  Enfin  la  Juftice  divine  ne  permettant  pas  qu'un 
monftre  fi  furieux  vécût  davantage  ,  il  fe  forma  contre  lui  une 
conjuration  j&  de  l'avis  unanime  des  principaux  de  l'une  &,  de 
l'autre  fadion  ,  (  1  )  il  fut  maiTacré  comme  il  alloit  à  TEglife.  Son 
corps  auroit  été  privé  de  la  fepulture ,  fans  les  bons  offices  d'une 
(a)  Byv.  courcifane  ^  a  )  .Tout  le  refte  de  l'Italie  n'étoit  pas  dans  une 
moindre  defolation.  La  pefte  y  faifoit  de  grands  ravages.  Le 
fchifme  y  avoit  allumé  le  feu  d'une  cruelle  guerre  civile.  Com- 
me on  jugeoit  avec  raifon  que  Dieu  étoit  irrité  de  tant  de  cri- 
mes ,  quifecommettoient  pendant  ces  temps  d'animofîtez  réci- 
proques ,  on  ordonna  par  tout  des   prières  publiques  &  des 
procédions  folemnelles.  On  voyoit  dans  les  villes  &  à  la  campa- 
gne 3  des  perfonnes  de  tout  âge ,  de»  tout  fexe ,  &  de  toute  con- 
dition 3  aller  dans  les  rues  &  dans  les  champs,  vêtus  de  longues 
robes  blanches  depuis  la  tête  jufqu'aux  talons  j  perfonne  ne 
pouvoit  s'exempter  de  cette  dévotion  ,  fans  pafîer  pour  profane 
&  pour  impie.  Les  Princes  ,les  Prélats,  tout  le  Clergé, y  afîîf- 
toient  comme  le  peuple.  On  fufpendit  tous  les  procès  &  tous 
les  a&es  de  Juftice  ^  il  s'y  fît  quantité  de  reconciliations, &  une 
ubi  fuP?  n*.  reformation  confiderable  dans  les  moeurs.  Ces  Procédons  dure. 
37-  rent  crois  mois  (b). 

(0  ft&sMk  qu'il  fut  tué  par  fes  domeftlques.  Hifl.  Titrent  p.  ifoi 

XXVI. 


DE  PISE.  Liv.   IV.  41 

XXVI.  La  France  n'étoit  pas  plus  t tan quile  ;  elle  étoic    i^ïo. 
déchirée  par  deux  factions  qui  ,  fous  prétexte  du  bien  public }  emiUU 
mettoient  tout  à  feu  &à  iàng  dans  le  Royaume.  On  appelloit  FraHce* 
les  uns ,  la  faction  des  bourguignons  ,  &  les  autres  celle  des  Or- 
leanois  \  ou  des  Armagnacs  ,  parce  que  le  Comte  &  Armagnac 
étoit  un  de  leurs  principaux  chefs.  Depuis  la  paix  de  Chartres  , 
le  Duc  de  Bourgogne  devenu  plus  puilTant  que  jamais  difpofoic 
à  (on  gré  du  Roi  ,  de  la  Maifon  royale ,  ôt  de  tout  le  Royau- 
me.  Les  ducs  d'Orléans  d'ailleurs,  mecontens  de  cette  paix  , 
pourfuivoient  à  outrance  l'afîaffinat  du  Duc  d'Orléans  leur  père, 
ils  envoyèrent  cette  année  un  cartel  de  défi  au  Ducdel^r- 
gognccnces  termes,  félon  Monftrelet:  Charles  Duc  d'Orléans 
«£•7*  de  Valois ,  Comte   de  Blois    &  de  Bcaumont ,  &  Seigneur  de 
Conchy.  P h  i lippe  Comte  de  Vertus  ,  &  Jean,    Comte   d'An- 
gou  le  J  me  frères  ,  à  toy  Jean  3  qui  te  dis  Du-c  de  Bourgogne.  Pour 
le  très- horrible  meurdre  par  toy  fait  en  grand  trahi  fon  3  cfaguet  à 
penfe ,  par  meurdriers  3  affaiflcz^  en  la   ferfonne  de  notre  très-rc- 
doubtè  Seigneur,  &  Père  ,  Monfeigneur  Loys   Duc  d'Orléans  , 
(cul  frère  germain  de  Monfeigneur  le  Roy  ,  noflre  Souverain  Sei- 
gneur ,  &  le  tien  :    Nonob fiant  plufieurs  fermens  ,  alliances  ,  & 
compagnies  d'armes  que  avoyes  à  lui ,  &  pour  les  grands  trahi fons , 
desloyaut-cz^,  de s honneur ,  &  mauv<?ftier^y  que  tu  as  perpétré  contre 
Tiofire  dit  Souverain  Seigneur  Monfeigneur  le  Rey  3  &  contre  nous 
en  plufieurs  manières  3  te  faifons  feavoir  que  de  cette  enfuivant , 
nous  te  nuirons  de" toute  noflre  puiffanec ,  &  par  toutes  les  maniera 
que  nous  pourrons.  Et  contre  toy  &  de  ta  dejloyauté  &  trahifon  , 
appelions  Dieu  &  rai  fon  à  no/ire  ayde  ,  &  tous  les  pr^udhom?nes  de 
£e  Monde.  En  témoignage  de  verité  ,  nous  avons  fait  fceller  ces 
f  refentes  Lettres  du  fecl  de  moy  Charles  defius  nommé.  Donné 
à  J  argue  au  ie  A'VIII.  jour  de  Juillet.  Le   Duc  de  Bourgogne  ^y 
répondit  en  ces  mots,  félon  le  même  Auteur:  Jean  Duc  de 
Bourgogne  3Comte  d*  Arthois  ,  de  Flandres ,  &  de  Bourgogne,  pala- 
tin 3  Seigneur  de  Salines  &  de  Malines.  A  toy  Charles  qui  te 
dis  Comte  de  Vertus  3&à  toy  Jean  qui  te  dis  Comte  d'Angoulefme  , 
qui  n'aguercs  nous  avez^eferipts  vos  lettres  de  deffîancesifaifons  feavoir 
&  voulons  que  chacun  [cache , que  pour  abbatre  les  très,  horribles  trahi- 
fons  par  très -grandsmauvaifiiez^  &>  aguets  apenfezjconfpirécs,  machin 
nèesy  &  faicles  felonnement  à  Rencontre  de  Monfeigneur  le  Roy  noflre 
très-  redoubté  &  Souverain  Seigneur  3  &  le  voftre  :  &  contre  fa  très* 
noble  génération  par  feu  LoYSvofire  père ,  en  plufieurs  &diverfesm&> 
Tom.  II.  F 


4*  HISTOIRE  DU   CONCILE 

nier  es  :  cep  our  garder  voftre  père  f aulx  &  dejloyal  trabifire  de  parvenir 
à  lafinalle  exécution  detefiablc  ,  a  laquelle  il  a  contendu  à  l' encontre  de 
nofire  très-redoubté  &  Souverain  Seigneur  >&  le  fi  en  5  &  auffi con- 
tre ladiHe  génération  ^fifaulce  &  notoirement ,  que  nul  preudbomme 
ne  le  devoit  laijjer  vivre  :  &  mejmement  nous ,  qui  fommes  coufins 
germains  de  mondit  Seigneur  Y  Doyen  des  Pères  (i)  0*  deux  fois 
père  &plus  abfirains  à  luy  &  à  fadicte  génération  qu  à,  autre  s  quels- 
quonques  de  fadilte  génération  de  leursparens  &fubjcHs3  ne  devons  un 
fi faulxdefioyal3cruel  &  félon  trabifire  Jiaifier  fur  terre  plus  longuement 
que  ce  ne  jujl  à  nofire  très-grand  charge.  Avons  pour  nous  acquiter 
loy  aun/ient ,  &  faire  nofire  devoir  envers  nofire  très -grand  &  Souve* 
rain  Seigneur  &  fadicte  génération  fait  mourir  ainfi qii  il  devoit  ledit 
{aulx  &  de/loyal  trahifire.  Et  ainfi  3  avons  fait  plaifir  a  Dieu  1. 
fervice  loyal  a,  nofire  tres-redoubtè  &  Souverain  Seigneur  ,  execu~ 
té  raifon.  Et  pour  ce  que  toy  &  tefdict  s  frères  enfuive-zj.a  trace  faul- 
fe  ,  defioyalle  &  félonne  de  voftre  dict  feu  père  y  cuidans  venir  aux 
damnablcs  &>  de/loyaux  faits  à  quoy  il  contendoit ,  avons  très-grand 
lie  fie  au  cueur  de  (dictes  défiances.  Mais  du  furplus  contenu  en  iceU 
les,  toy  &  tefdict  s  frères  avezjnenty3  ^menteizKfaulfement3  mauvaife- 
ment3&  defioyaument  traifires  que  vous  ejles,&  dont  a  l'ayde  de  nofire 
Seigneur  qui  fçait  &  connoifi  la  tres-entiere  &  parfaicle  loyauté 3. 
amour  &  vraye  intention  que  tous  jours  avons  ,.  &  aurons  tant  que 
vivrons  à  nofire  dit  Seigneur  ,  fadiïte  génération  3  au  bien  de  fon 
peuple  &  de  tout  fon  Royaume  :  vous  ferons  venir  à  la  fin  ,  &  pu- 
nition ,  telle  que  tels  faulx ,  mauvais 3  &  defloytfUxtrahittrcs  rebelles 
&  désobéi  fi  ans  fêlions  comme  toy  &  tefdict  s  frères  efies  3  doivent  venir 
far  raifon.  En  tefmoings  de  ce  ,  nous  avons  fait  fee  lier  ces  lettres  de 
nofire  S ecL  Donné  en  nofire  ville  de  Doiiay  le  jtlll.jour  d*Aoufi  3 
l'an  141 1. 

Il  couroic  tous  les  jours  de  parc  &  d'autre  des  invectives  , 
des  Satyres ,  des  Epigrammes  pleines  de  fiel  &  de  bile.  On  en 
rapportera  ici  deux  ,  parce  qu'elles  font  en  beaux  vers  La- 
tins ,  l'une  du  Duc  d'Orléans  contre  le  Duc  de  Bourgogne  ; 
l'autre  du  Duc  de  Bourgogne  contre  le  Duc  d'Orléans.  Celle 
du  Duc  d'Orléans  contre  le  Duc  de  Bourgogne  étoit  conçue  en 
ces  ternies  : 

Te  licet  atra  palus  Erebi  feptemplicemuro 
Ambiat ,  aut  Pblegethon  ardens ,  aut  fedibus  mis 

0)  Je  crois  qu'il  y  a  là  une  faute  &  qu'il  faut  dire  £ain> 


DE  PISE.  Liv.    IV.  43 

Jnfierni  lateas  caligine  nubis  opertus  :    ' 

jlut  fi  bella  ge  rentpro  te  quicunque  valebunt 
Ferre  manu  gladios  .,  validis  torquere  lacertis 
Spicula  ,  vel  celeres  arcu  jaHare  fiagittas  : 
Te  patris  ad  tumulum  c&dam  ,  cafiumque  litaho 
Jlnte  Jovem  Stygium  ,  cœfi  patris  ultor  &  hœres  a 
Si  me  fiata  finent  annos  extendere  faclis. 

Le  fens  de  cette  Epigramme  eft  que  quand  le  Duc  de  Bour- 
gogne auroic  dans  (on  parti  tous  les  Diables  ,  de  ce  qu'il  y  a  de 
plus  formidable  fur  la  terre  ,  le  Duc  d'Orléans  ne  mourroit  ja- 
mais qu'il  ne  1  eut  lacrifïé  aux  mânes  de  fon  père  ,  &  fur  fon 
tombeau. 

Voici  la  réponfe  du  Duc  de  Bourgogne  au  Duc  S  Orléans. 

Si  cecidijje  tuum  juflk  ratione  parentem 
u4mbigis  ,  ut  Jïle  am  fuadem  pudor ,  horror  y  honeftas  j 
~Nam  tuus ille  pater ^terris  invifus  &  aflris , 
Ob  ficelerum  fordes  inopina  morte  peremptus 
Occubuit  :  finemque  maiis  nox  una  diebus 
Jlfitius  impofuit }  quàm  jus  expofeeret  &  fas. 
JHinc  mihi  bella  tamen ,  cœdes  _,  variafque  rapinas  s 
Sœvus  ubique  facis.  Sed  fi  mibi  jufi  a  fiecundet 
Bella  JDeus  ,  ficeler um  pœnas  in  pondère  pendes. 

On  fait  dire  au  Duc  de  Bourgogne  dans'cette  Epigramme,,  que 
la  pudeur  3  l'horreur  3  &.  l'honnêteté  l'empêchent  de  dire  les 
raifons  de  la  mort  du  Duc  à'Orlcam  3  qu'il  repréfente  comme 
l'objet  de  la  haine  du  ciel  &  de  la  terre  j  Qu'une  feule  nuit  a 
terminé  les  miferes  publiques ,  d'une  manière  plus  douce  que 
le  Duc  d'Orléans  ne  l'avoit  mérité  j  Que  pour  cette  jufte  exé- 
cution le  Duc  de  Bourgogne  étoit  tous  les  jours  expofé  à  des 
guerres  ,  à  des  brigandages,  &  à  des  mafîacres  $  mais  que  fi  la 
fortune  le  fecondoit ,  le  Duc  &  Orléans  le  payeroit  au  double. 
Cependant  il  fut  mauvais  prophète  ,  puis  qu'il  fut  lui-même 
aflaffiné  en  141 9.  par  un  domeftique  du  Duc  à? Orléans.  Pen- 
dant ce  temps  on  ne  voyoit  que  placards  contre  les  Orleanois, 

Fij 


l  L\Q, 


44  HISTOIRE    DU    CONCILE 

1410.   &  contre  les  Bourguignons.  En  vertu  d'une  constitution  à1  Ur- 
bain V.  qui  excommunioit  tous  ceux  qui  confpireroient  contre 
les  Rois  ,  le  Duc  de  Bourgogne  fit  publier  par  tout  Paris ,  que 
les  Orleanoîs  étoient  excommuniez  par  cette  Bulle  ,  comme 
(a)  sponi.   coupables  de  haute  trahifon.  Les  Orleanois  firent  la  même  choie 

Annal. 1410.    »    «,Ç  1    1        r»  •  /    1 

«uni.  xvi.  a  1  égard  des  Bourgignons  (a).  É 

EtatdeVJbt-      XXVII.  Un  Hiftorien  François  place  à  cette  année  une  trè- 
fbTTê  P  ve  ^e  ^x  mo*s  encre  ^a  France  &  l'Angleterre  (b).  Un  autre  Hif- 
Danîei.       torien  de  la  même  nation  [c)    dit  que  toute  la  Noblefle  du 
(c)Me%rai.  Royaume  fouhaittoit  avec  paillon  qu'au  lieu  de  déchirer  fes 
propres  entrailles  par  une  guerre  civile  ,  on  tournât  toutes  les 
forces  du  Royaume  contre  les  Angloispour  vanger  l'a  mort  de 
Richard  II.  qui  avoit  époufé  IJabcUe  fille  de  Charles  VI.  èc 
que  la  choie  fut  mite  en  délibération.  Mais  les  Princes  étoient 
trop  animez  contre  le  Duc  de  Bourgogne  pour  écouterdes  con- 
feils  aufli  falutaires.  Il  y  avoit  long-teinps ,  dit  l'Hiflorien  des  Re- 
(d]  Le  P.  valut  ions  d' Angleterre  ,  (d)  que  V Anglois  libre  de  fes  mouvcmens 
0rleiim'     dôme /tique  s  ètudioit  ceux  de  je  s  voifins  5  &  L'un  &  l'autre  parti 
prévit  que  bien-tbt  il  s'en  mèlcroit.  Dans  cette  vue  chacun  penfa  à 
l'attirer  de  fon  cote ,  &  il  eut  le  bonheur  d'avoir  à  choïjîr 3  entre  deux- 
parties  de  la  France  ,  la  plus  propre  à  opprimer  l'autre  3  pour  les 
ajjujettir  toutes  deux.  Le  Bourguignon  ne  rèuljit  pas  3  fes  liaifons 
avec  la  Cour  ne  convenoient  pas  à  Henri  V.  qui  cherchoit  à  entrer 
en  France,  non  pour  donner  du  fecours  au  Roi3  mais  pour  faire  des  con- 
quêtes fur  le  Royaume.  Par  cette  rai  fon ,  &  par  les  promefjes  que  lui 
firent  les  Orleanois  ,  leur  parti  lui  parut  le  meilleur  à  fuivre. 

On  avoit  fait  dans  le  fleele  précèdent  bien  des  efforts  &  mê- 
me des  exécutions  fanglantes  pour  détruire  les  Wiclefites ,  au- 
trement appeliez  les  Lollards.  Les  Auteurs  que  j'ai  pu  consulter 
n'apprennent  pas  d'où  leur  vint  ce  nom  (r).  lleft  certain  qu'ils 
fe  portèrent  de  leur  côtéf  de  grandes  violences,  &àdesentre- 
prifes  fort  criminelles  ,  s'il  en  faut  croire  des  Hifroriens  qui  à 
la  vérité  paroifïenr  pafllonnez  contre  eux.  C'en:  un  malheur  pour 
l'Hiftuire  que  quand  une  fois  certaines  opinions  ont  été  cou. 
damnées,  on  n'oublie  rien  pour  rendre  odieufes  les  perfonnesde 
ceux  qui  les  ont  foûtenues.  Comme  d'ailleurs  ceux  qui  fe  trou- 
vent dans  leurs  intérêts  ne  font  pas  moins  ardens  à  iuftifier , 
ou  à  excufèr  ce  que  les  autres  condamnent,  il  eft  fouvent  fort 

(i]  Un  (avant  Anglois  m'a  appris  qu'il  vient  de  lolium  ,  qui  fignine  de  l'yvraye  ou  de  la 
zizanie ,  par^e  qu'on  les  acculbit  d'en  femer  dans  le  Royaume. 


DE    PISE.    Liv.IV.  4s 

difficile  de  démêler  exactement  la  vérité  d'avec  les  préventions.  1410. 
[a]  Un  Hiftorien  Anglois  de  ces  temps-là ,  d'ailleurs  fort  pal-  (a)  rW. 
fionné  contre  Wiclef  ,  attribue  ces  opinions  aux  Lollards  dans  ïï^^t' 
la  Vie  d'Edouard  J1J.  Parlant  des  Se&ateurs  de  Wiclef  il  dit  p.^.i^z*. 
«qu'ils  croyoient  que  le  vrai  corps  de  J.  C.  n'eft  pas  dans  le 
«  Sacrement  de  l'autel  ,mais  que  c'en  eft  la  reprefentation  :  Que 
n  l'Eglife  Romaine  n'eft  pas  plus  le  chef  de  toutes  les  autres  Egli- 
»  fes  qu'une  autre  Eglife,,  &  que  jefus-  Chrift  n'a  pas  donné  à  Saint 
>j  Pierre  plus  de  puiÏTance,  qu'aux  autres  Apôtres:  Que  lePon- 
m  tife  de  Rome  n'a  pas  plus  la  puifïance  des  clefs  de  l'Eglife  ,. 
>3  qu'un  autre  prêtre  :Que  les  biens  temporels  peuvent  êtreôtez 
»  à  l'Eglife  par  les  Seigneurs  temporels  3  quand  elle  en  abufe  ,  ou 
»  quand  elle  eft  dans  l'erreur  ,  ou  dans  le  péché  ( '  delinquentem) 
»  &  qu'ils  y  font  obligez  fous  peine  de  damnation  :  Que  TE- 
>5  vangile  eft  une  régie  fuffifante  pour  tout  Chrétien  3  &;  que  tou- 
rs tes  les  autres  règles  des  Saints  lous  l'obfervance  defquelles  vi. 
>3  vent  plufieurs  Religieux  ,  n'ajoutent  pas  plus  de  perfe&ion  à 
«l'Evangile  ,  que  la  blancheur  à  une  muraille  :  Que  ni  le  Pape, 
»  ni  aucun  autre  Prélat,  ne  doit  avoir  de  prifons  pour  punir  les 
»  délinquants ,  &  que  tout  délinquant  peut  librement  aller  où  il 
>3  voudra  &  faire  ce  qu'il  lui  plaira.  »  Cet  Hiftorien  ajoute  que 
ces  proportions  ayant  été  condamnées  par  le  pape  IJrbain  V. 
&  par  l'Archevêque  de  Cantorbcri^  Wiclef  èc  fes  difciples  demeu- 
rèrent pendant  quelque. temps  dans  le  fîlence  3  mais  que  dans 
la  fuite  ,  fous  le  nom  des  Lollards ,  ils  répandirent  dans  le  public 
des  opinions  encore  plus  dangereufes.  Voici  celles  qu'il  leur  im- 
pute dans  la  Vie  de  Henri  IV.  •»  Que  les  Sacremens  ne  font 
»  que  des  lignes  morts  3  &  de  nulle  valeur  ,  de  la  manière 
»  qu'ils  s'adminiftrent  dans  l'Eglife  Romaine:  Que  la  virginité , 
«  &  le  célibat  des  prêtres ,  ne  font  pas  des  états  approuvez  de 
»  Dieu  $  &:  que  par  confequent ,  les  Vierges ,  les  prêtres ,  les  Reli» 
«  gieux ,  s'ils  veulent  fe  fauver  ,  doivent  fe  marier ,  ou  être  dans  le 
«  defTein  de  fe  marier  :  Qu'autrement  ils  font  homicides  ,  ils  de- 
n-truifent  la  femence  fainte  d'où  naïtroit  la  féconde  Trinité  y  Se 
»  qu'ils  interrompent  le  nombre  de  ceux  qui  doivent  être  ou 
«fauvez  ,  ou  damnez:  Que  quand  un  homme  &  une  femme  font 
»  convenus  enfemble  de  fe  marier ,  la  volonté  eft  fuffilante  pour 
>î  le  mariage ,  fans  autre  obeïftànce  à  l'Eglife,  &  qu'ainfi  il  y  a  plus 
33  de  gens  mariez  qu'on  ne  croit: Que  l'Eglife  n'eft  autre  chofe  que 
sa  la  fynagogue  de  Satan  j  Que  c'eft  pour  cela  qu'ils  ne  vont  point 

Fiij 


46  HISTOIRE  DU  CONCILE 

i^io.  "  à  l'Eglife  pour  fervir  le  Seigneur  ,  .&  qu'ils  ne  reçoivent  aucun 
53  Sacrement  j  fur  tout  qu'ils  ne  prennent  pas  celui  de  l'Autel  , 
>3  parce  qu'ils  prétendent  que  ceneft  qu'une  bouchée  de  pain 
>s  mort ,  la  tour  &  Le  pinacle  de  L' Antechift  :  Que  quand  il  leur  naît 
53  un  enfant  ,  ils  ne  le  font  point  baptifèr  par  les  mains  des  Prê. 
>»lïes^de peur  que  cet  enfant ,  qui.cji  la  féconde  Trinité  non  fouillée  far 
33  le  péché ,  ne  devienne  pire  enpajjantpar  leurs  mains.  Qu'il  n'y  a 
33  point  de  jour  plus  fàint  que  l'autre  3  non  pas  même  le  Diman- 
>3  che  j  que  tous  les  jours  font  égaux  pour  travailler,  pour  boire  , 
33  &;  pour  manger  $  Qu'il  n'y  à  point  de  Purgatoire  après  cette 
»3  vie  j  Qu'il  ne  faut  point  d'autre  pénitence  pour  aucun  péclié , 
33  que  de  fe  repentir  &  de  l'abandonner. 

Les  Lollards  eurent  du  répit  &  même  du  pouvoir  fous  Edouard 
III.  et  pendant  les  premières  années  du  règne  de  Richard  II. 
dont  W te  le f  étoit  confefîèur.  Le  règne  de  Henri  IV.  ne  leur 
fut  pas  favorable.  Wa/fngham  rapporte  à  cette  année  le  fup- 
plice  d'un  de  {es  lè&aires  ,  fimple  artifan  ,  qui  foutenoit  cette 
proportion  fcandaleufe  ,  que  le  Corps  de  J.  C.  n'eft  point  dans 
î'Euchariftie ,  &  que  ce  qu'on  y  prend  n'eft  autre  chofe  que  je  ne 
feai  quoi  d'inanimé  qui  valoir  moins  qu'un  crapaut ,  ou  une  arai- 
gnée ,  parce  qu'au  moins  ce  font  des  animaux.  Cet  homme  ayant 
été  livré  au  bras  feeulier  fut  condamné  à  être  mis  dans  un  ton- 
neau d'huile  bouillante.  Le  Prince  de  Galles  ,  fils  aîné  du  roi 
Henri IV.  qui  auroit  voulu. le  fauver  dufupplice  ,alla  lui-même 
îe  trouver  pour  l'exhorter  à  fe  rétracter,  Mais  comme  il  n'en 
voulut  rien  faire ,  on  le  jetta  dans  le  feu.  Le  Prince  touché  des 
cris  affreux  qu'il  jetta  dans  les  flammes  ,  l'en  fit  retirer  &  lui 
promit  fon  pardon  ,  Se  de  quoi  vivre  le  relie  de  fes  jours ,  s'il  fe 
repentoit.  Il  ref  ufa  cette  offre  ,  Se  périt  ainfi  miferablement.  Le 
même  Hiftorien  raconte  que  dans  ce  même  temps  quelques 
gentilshommes  Angloisde  cette  fe&e,à  ce  qu'il  pretend,prefente- 
rentau  Roi  £c  au  Parlement  un  mémoire,  où  ils  expofoient  que 
le  Roi  pourroic  avec  les  biens  pofTedez&;  mal  employez  parles 
Evêques,Abbez,&  Prieurs,entretenir  quinze  Comtes,quinzecens 
gentilshommes  (  milites  )  fîx  mille  deux  cens  gens  d'armes  (  armi- 
geros)  &  bâtir  cent  hôpitaux.  Mais  comme  ils  ne  purent  venir  à 
bout  de  prouver  en  détail  leur  propofïtion,  le  Roi  leur  défendit 
de  donner  à  l'avenir  de  pareils  avis,  ils  ne  furent  pas  plus  heureux 
(z)Waifi»g.  dans  deux  autres  demandes  qu'ils  firent.  La  première,  que  quand 
?.33?'34o.  jeurs  Prêtres  qu'ils  ordonnoient  eux-mêmes  (a)  ,  feroientpour- 


DE   P  I  SE.  L  iv.     IV.  47 

iiiîvîs  pour  héréfîe  ,  on  ne  les  mettroit  point  dans  les  priions  des 
Evêques  ,  mais  dans  celles  du  Roi  ou  des  Seigneurs  féculiers.  i41h°j 
La  féconde  chofe  qu'ils  demandèrent  en  vain ,  c'eft  que  Ton  ré- 
voquât ou  que  l'on  modifiât  un  Edit  qui  portoit,  que  ceux  d'en- 
tr'eux  qu'on  furprendroitdogmatifans,  feroient  arrêtez  làns  au- 
cun ordre  &  mis  dans  les  priions  du  Roi.  On  peut  voir  Wiclef 
&  les  Wiclefites  condamnez  au  Concile  de  Confiance. 

XXVI II.  L  a  doctrine  de  Jean  Hus  faifoit  toujours  de  grands  fngrh'At 
progrès  en  Bohême ,  malgré  les  oppofîtions  de  Sbinko  de  Ha~  »£^e 
fcmberg  archevêque  de  Prague,  élu  en  1403.  &  celles  du  Clergé. 
On  a  vd  dans  le  Livre  précédent  qu' *  Alexandre  V.  avoit  écrit 
à  ce  Prélat  pour  l'exhorter  à  empêcher  le  cours  des  nouveau- 
tez  ;  &  que  pour  cet  effet  il  avoit  fait  brûler  à  Prague  les  Li- 
vres de  Jean  Wiclef  ,  &c  de  quelques  Do&eursde  Bohême  dont 
les  Ouvrages  étoient  fufpeds  d'héréfie  (  1  ).  Non  content  de  ce- 
la l'Archevêque  afTembla  fon  Chapitre  pour  délibérer  fur  les 
moyens  d'arrêter  un  torrent,  qui,  comme  il  le  craignoit ,  alloic 
inonder  toute  la  Bohême.  Il  fut  réfolu  dans  ce  Confeil  de  ci- 
ter Jean  Hus  pour  lui  faire  des  remontrances  fur  fa  doclrine. 
Ce  dernier  comparut.  L'Archevêque  lui  reprocha  entre  autres 
chofès  d'avoir  prêché  qu'il  ri  ètoit  point  nécefîaire  d'enterrer  les  morts 
dans  des  cimetières  y  &  qu'on  pouvoir  auffî-bien  le  faire  au  7niliew 
des  champs  ,  &  dans  les  bois.  Vous  ri ignorez^  pas  ymon  cher  fils  , 
lui  dit  l'Archevêque ,  que  S  Adalbert(  *  )  ramena  avec  beaucoup 
de  peine  la  Nation  Bohémienne  de  ces  fepulture s  profanes  $  que  fou- 
vent  il  fut  oblige  de  fulminer  contre  elle  a  ce  fujet  $  &  qu'à  fa  prière  _, 
Dieu  l' 'avoit  châtiée  de  -plufïeur s  fléaux  3  jufqu'à  ce  qu'en  103  9, 
Brzetiflas  (  3  )  duc  de  Bohème  s'engagea  par  ferment  &  toute  fa 
pofîcritè  a  garder  inviolablement  la  Foi  Chrétienne  ,  &  à  fe  faire 
enterrer  dans  les  lieux  deftinès  à  cet  ufage.  Jean  Mus  répondit  mo- 
dérément ,  que  s'il  lui  étoit  échappé  quelque  chofe  par  erreur ,  ou 
par  oubli  contre  la  Foi  Chrétienne  ,  il  s'en  corrigerait  volontiers. 
Là-defTus  l'Archevêque  le  renvoya  paifiblement  avec  ces  pâ» 
rôles  ,  Dieu  vous  en  fafle  la  grâce  5  Jtllez^3  <&  ne  tombez^  plus  dans 

(r)  Il  y  a  des  Auteurs  qui  prétendent  que  cette  exécution  ne  fe  fit  qu'en  141  o.  après 
la  Conférence  dont  on  parle  ici.  Theoïaid  ,Bell.  Hujjît.  p.  8.  y. 

(i)  Il  y  aune  grande  di/pute  entre  les  Hiitoriens  Polonois  &  ceux  de  Bohême  fur  le 
corps  de  S.  Adalbert ,  les  premiers  foutenant  que  ce  corps  repofe  à  Gnefne  ,  &  les  der- 
niers prétendant  qu'il  eft  à  Prague.  Voyez  là-deffus  une  difcuflion  curieufe  dans  Bai.'- 

5  I  N  U  S  Epit.  Rer.  Bohêm.  Lib.  III.  Cap.  IV. 

,(î)    U  conquit  la  Bohême  en  1038,  Balh.  ubi  fupra  Cap.  II»  III* 


î4iO- 


48  HISTOIRE  DU  CONCILE 

ce  pecbé.  Cependant   le  Dimanche  fuivant  Jean  Mus  prêcha 
publiquement  fa  doctrine  ,  &:   attaqua  même  ,  au  moins    in. 
directement  l'Archevêque.  55  •  C'eft  une  chofe  étrange  ,  difoit- 
»  il }  mes  chers  Bohémiens  ,  qu'on  défende  d'enfeigner  des  ye- 
»  ritez  manifeftes  ,&  fur  tout  celles  qui  brillent  en  Angleterre , 
«  &  en  plufieurs  autres  lieux.  Ces  ïepultures  particulières  ,  6c 
»  ces  grofles  cloches  ne  fervent  à  rien  qu'à  remplir  les  bour- 
»  fès  des  Prêtres  avares.  Ce  qu'ils  appellent  ordre  ,  n'eft  autre 
»  chofe  que  confufîon.    Croyez  moi ,  ils  veulent  vous  enchaî- 
53  ner  par  cet  ordre  defordonné.  Mais  fi  vous  avez  du  courage, 
»  vous  pourrez  aifément  rompre  vos  chaînes,  &  vous  mettre  dans 
»  une  liberté  dont  on  ne  fauroit  vous  exprimer  les  avantages. 
m  N'eft  ce  pas  une  choie  honteufe  j  êc  une  grande  offenfe  ea- 
»3  vers  Dieu  d'avoir  brûle  3  contre  tout  droit  &  raifon  ,  des  li- 
»  vres  dépofitaires  de  la  vérité  ,  ôc  qui  n'avoient  été  écrits  que 
»  pour  votre  bien  ?  »  Sbinko  ayant  eu  avis  de  cedifeours  ,  en  fit 
des  plaintes  au  roi  Wencejlas.  C'écoit  mal  s'adreifer.   Ce  Prince 
&  la  Reine  Sophie  fa  femme  étoient  dans  les  intérêts  de  Jean 
Mus  5  <k  d'ailleurs  il  trouvoitfon  compte  dans  ces  difputes ,  par- 
ce qu'il  tiroir  ded'argent  des  deux  cotez.  Cependant  comme  les 
livres  dePT^/V/é/avoient  été  brûlez  contre  les  privilèges  de  l'U- 
niverfité,, qui  relevoit  immédiatement  du  Pape  3  cette  exécu- 
tion irrita  extrêmement  les  Huiîites  ,  qui  pour  s'en  vanger  fi- 
rent courir  des  chanfons  fatiriques  contre  l'Archevêque.  Mais 
ils  n'en  demeurèrent  pas  là  -y  ils  chargèrent  Jean  de  jejjenits  , 
Docteur  en  droit  canon  &  fort  uni  avec  Jean  Mus  ,  de  conful- 
ter  là-deflus  l'Univerfité  de  Bologne.  Elle  répondit  que  comme 
il  y  avoit  confédération  entre  l'Univerfité  d  Oxford  d'où  étoit 
Wïclef  36c  celle  de  Prague  3  on  ne  devoir  pas  avoir  brûlé  les 
livres  de  ce  Docteur  ,  de  peur  de  s'attirer  quelque  refientiment 
de  la  part  de  l'Angleterre.  Cette  réponfe  étoit  au  gré  de  la 
Cour  de  Rome  ,  parce  qu'elle  ne  demandoit  pas  mieux  que  de 
tirer  cette  affaire  devant  elle.  Jean  H%s  de  fon  côté  réfolut  d'en 
appellera  Jean  JCJCJ  U.  Ce  Pape  commit  l'affaire  au  cardinal 
Othon  de  Colonne  ,  qui  cita  jean  Mus  à  la  Cour  de  Rome  refi- 
dente  alors  à  Bologne.  Mais  comme  il  s'étoit  fait   de  grands 
ennemis  en  Allemagne  ,  il  étoit  impoffible  qu'il  entreprît  ce 
voyage  fans  courir  rifque  de  la  vie.  C'eft  ce  qui  obligea  le  roi 
Wencejlas ,  la  Reine  dont  Jean  Mus  étoit  conréflèur  ,  l'Univer- 
fité dePrague,.&un  grand  nombre  de  Barons  de  Bohême  6c  de 

Moravie , 


DE    PISE.    Liv.  IV.  49 

Moravie,  â  envoyer  une  Ambafïade  à  Jean  XXI II.  pour  le    I4,^# 
prier  i.  de  difpenler  Jean  Hus  de  comparoître  perfonnellemenc  j 
t.  de  permettre  qu'on  prêchât  dans  les  chapelles  privilégiées  ; 
3.  de  ne  pasfouflrir  que  la  Bohême  fût  diffamée  par  de  fauiles 
accufations  d'héréfie  $  4.  d'envoyer  aux  dépens  duRoyaume  des 
légats  a  Prague  pour  examiner  toute  l'affaire.  Jean  Hus  de 
fon  côté  envoya  trois  procureurs  à  Bologne  pour  défendre  fa 
cauie  ,  &  pour  alléguer  les  raifons  qui  l'empêchoient  de  com- 
paroître. Ce  fut  ,  à  mon  avis  ,  en  ce  tems-ci  que  par  l'entre- 
mife  du  Roi  &  de  fon  Confeil  ,  Jean  Hus  fut  reconcilié  avec 
Sbinko,&.  que  ce  Prélat , malgré  les  démarches  violentes  qu'il 
avoit  faites,  fut  obligé  d'écrire  au  Pape  en  faveur  de  Jean  Hus. 
Voici  fa  Lettre.  »  Très-Saint  Père  ,  Alexandre  V.  de  bienheu- 
»  reufe  mémoire  donna  une  Bulle  qui  portoit  que  dans  le  royau- 
té me  de  Bohême  ,  à  Prague ,  Se  dans  le  marquifat  de  Moravie  on 
»  répandoit  certains  articles  qui  iéntoient  l'héréfie  &  le  fchif- 
«  me,  &  fur  tout  l'erreur  damnable  fur  le  Sacrement  de  l'Eu- 
m  chariltie  ,  doneplufieurs  éteient  infectez,  8c  qu'il  étoit  nécef- 
w faire  d'arrêter  le  cours  de  ces  nouveautez  avant  qu'elles  in- 
«  fectafTent  tout  ie  troupeau.  C'eft  pour  cela  que  par  cette  même 
îj  Bulle  il  m'ordonna  de  faire  enquête  de  ces  erreurs ,  afin  de 
»  les  extirper.  Mais  ayant  exécuté  cet  ordre.conjointement  avec 
»  les  Profelleurs  en  Théologie  ,  les  Do&eurs  en  droit  canon  , 
»  ôc  mes  autres  vicaires ,  je  n'ai  point  trouvé  d'erreurs  héréti- 
"ques  ni  dans  le  royaume  de  Bohême,  ni  à  Prague  ,  ni  dans  le 
is  marquifat  de  Moravie  :5c  il  ne  s'efl  rencontré  perfonne  qu'on 
?>  pût  convaincre  d'opinions  qui  méritafïent  punition  ecclefiafli- 
>5  que.  Et  même  par  l'entremife  de  Wenccflas  roi  des  romains  (  1  ) 
>s& de  Bohême  .,  &  de  fon  Confeil,  nous  nous  fommes  entie- 
53  rement  réconciliez  avec  Jean  Hus  ,  6c  les  autres  Docteurs 
«  Maîtres  de  l'Univerfîré  s  de  forte.que  les  brouilleries  que  nous 
55  avions  eues  enfemble ,  ont  été  afloupies,  C'eft  pourquoi ,  Très- 
»  Saint  Père  ,  defirant ,  félon  mon  office  paftoral  3  maintenir  le 
»  royaume  de  Bohême  dans  fa  bonne  renommée  3  j'ai  recours 
»  à  la  clémence  de  Votre  Sainteté  3  la  fuppliant  d'avoir  coni- 
>j  pafîion  de  ce  royaume  ,  de  lever  &  d'annuller  l'excommuni- 
»  cation  6c  les  cenfures  qui  s'en  font  en  fui  vies  j  6c  de  difpenfèr 
»  de  comparoître  en  perfonne  l'honorable  Maître  Jean  Hus  ba- 
55  chelier  en  Théologie. 

(1)  11  avoitététlcpofé  en  1400.  Mais  la  Bohême  îe  reconnouToit  encore  pour  Eir4*; 
pereur. 

Tom.  II.  G 


h 


5o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Cependant  le  cardinal  de  Colonne  faifoit  toujours  Ton  chemin'. 
£410.  jean  ffus  ne  comparoilfant  pas  au  terme  marqué ,  il  le  condam- 
na par  contumace ,  ôc  le  déclara  excommunié  3  malgré  les  in* 
fiances  de  lès  procureurs.  Comme  l'injuftice  étoit  manifefte  ,-. 
le  Pape  évoqua  la  caufe  à  fon  tribunal  ,.ôc  la  commit  à  quatre 
autres  commilîaires ,  favoir  à  Antoine  Çajctan  y  cardinal  acqui- 
tte ,  au  cardinal  Nicolas  Brancacio  ,  au  cardinal  de  V'enife  ,  6c 
à  François  Zabarellc  cardinal  de  Florence.  On  verra  Tannée  pro- 
chaine la  fuite  de  cette  affaire. 
TankuUn.     XXIX.  Te  Rome  de  Prague  étoit  depuis  plufieurs  an- 

te\  touchant       ,  _y       ■'  -\      r        •  <-r  -r  \     a-»      r 

Jérôme  de  nées  uni  d'mterets  &  de  lentimens  avec  Jean  Fins  (a).  Ce  fut  par 
Prague.  ^  \Q  coiiieil  de  ce  dernier  qu'il  alla  fréquenter  les  Académies  étran- 
3$.  H°(jît'.  gères  3  comme  celles  de  Heidelberg,  de  Cologne ,  de  Paris  ,6c , 
Cap.  iïi.  félon  quelques-uns ,  celle  d'Oxford.  Au  retour  de  (es  voyages 
Biib  XI  ^'^  i°^Smt:  ^la£iues  de  Mife  &;  à  Jean  Hus , pour  combattre 
fyit.Rer.  les  abus  de  l'Eglife  Romaine.  En  1410.  il  fut  appelle  par  le  Roi 
Bohêm.  pag.  je  Pologne  pour  régler  l'Univerfité  de  Cracovie.  De  Pologne 
il  alla  en  Hongie  trouver  Sigismond  qui  fur  fa  réputation  avoir, 
defiré  de  l'entendre.  Comme  il  y  prêcha  publiquement  les* 
louanges  de  Wiclef ',  il  y  fut  accufé  d'héréiîe  par  les  Moines  , 
&  fans  la  protedion  du  Roi  ,  il  n'auroit  pas  échappé  de  leurs 
mains.  De  Hongrie  Jerbme  alla  à  Vienne  en  Autriche .,  où  il 
fut  mis  en  prifon  par  l'Académie  ,  à  la  follicitation  des  mêmes 
Moines  qui  Tavoient  voulu  arrêter  en  Hongrie.  On  ne  dit  pas 
combien  de  tems  il  demeura  en  prifon.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  , 
c'eft  qu'il  en  fortit  à  la  réquisition  de  l'Univerfké  de  Prague  5 
qui  le  redemanda  à  celle  devienne.  Si  ce  que  quelques  Auteurs  ra- 
content elt  véritable  ,  Jerbme  de  Prague  étoit  un  homme  fore 
violent  Se  fort  fatirique.  Je  crois  que  c'eft,  à  cette  année  qu'il 
faut  rapporter  quelques  particuiaritez  qui  en  feroient  une  bon- 
ne preuve  ,  fi  elles  étoient  bien  avérées.  On  prétend  qu'il  fè 
joignit  à  deux  Anglois  qui  étant  venus  depuis  quelques  années  à 
Prague  pour  y  étudier  ,  dogmatifoient  publiquement  contre 
l'autorité  du  Pape.  Entre  autres  problêmes ,  ils  propofoient  ce- 
lui-ci :  Si  le  Pape  avoit  plus  de  pouvoir  qu'un  autre  Prêtre  ,  &  fi 
le  pain  de  l'Eucharijlie  ou  le  Corps  de  J.C.  avoit  plus  de  vertu  dans 
la  Méfie  du  Pape  ,  que  dans  celle  d^un  autre  Officiant.  Celui  qui 
ctoit  alors  Recteur  de  l'Uni  verfïté,  qui  avoit  condamné  au  feu 
en  1403.  45  Articles  de  Wiclef,  en  étant  informé  ,  leur  défen- 
dit de  débiter  de  pareilles  nouveamez  fous  peine  du  feu ,  fe- 


DE  PISE.    Liv.   IV.  5t 

Ion  la  Conflitution  de  Charles  IV,  (a).  Ils  promirent  le  filen-     1410. 
.ce,  mais  ils  ne  le  gardèrent  pas.  Au  contraire  ils  produifirent  (a)Theob; 
un  témoignage  de  l'Univerfité  d'Oxford  fort  avantageux  à  Wi-  BeU-  Hu^u 
clef.  Non  contents  de  cela ,  ils  demandèrent  permifTion  à  leur  bric,  iv.1" 
hôte  d'orner  leur  chambre  de  quelques  peintures.  Ce  qui  leur 
ayant  été  accordé  3  ils  repréfenterent  d'un  côté  J.  C.  entrant 
dans  Jerufalem  monté  fur  une  ânefïe  ,  ôefuivi  de  fesDifciples 
marchant  les  pieds  nuds  3  &  de  l'autre  côté  le  Pape  précédé  de 
tambours ,  de  trompettes  3  de  gens  d'armes ,  6c  monté  fur  un 
fuperbe  cheval  tout  enharnaché  d'or  &;  de  pierreries  ,  &  fuivi 
de  Cardinaux  équipez  de  même.  Cette  peinture  excita  de  grands 
tumultes  dans  la  Ville  ,  chacun  couroit  à  ce  ipeclacle  avec  des 
niouvemensbien  difïerents.  Les  uns  étoient  irritez  d'une  pein- 
ture h"  flétriflante  pour  le  Pape ,  pendant  que  les  autres  en  étoient 
charmez  ,  comme  Jean  Hus  qui  la  louoit  hautement.  L'Hiftoi- 
renedit  point  ce  qui  arriva  à  l'hôte  qui  avoit  permis  la  pein. 
■ture  3  ni  s'il  le  fit  innocemment  ou  à  defîein.  En  ce  dernier  cas 
il  auroit  dû  être  banni  du  pais  à  perpétuité  félon  la  Conflitu- 
tion de  l'Empereur  Charles  JK{b).  On  raconte  une  autre  vio_  (b)Rubric. 
lence  de  Jérôme  de  Prague  3  c'eft  que  pour  fe  vanger  des  mau-  v# 
vais  traitemens  qu'il  avoit  reçus  à  Vienne  par  Pinftigation  des 
Moines  ,  il  mit  un  jour  fur  un  chariot  deux  femmes  proftituées 
avec  les  Bulles  du  Pape  pendues  à  leurs  mamelles  toutes  décou- 
vertes. Elles  étoient  accompagnées  dans  ce  chariot  de  deux 
hommes  deguifez  en  Moines ,  ou  de  deux  Moines  efYe&ifs.  Après 
avoir  fait  promener  le  chariot  par  la  ville,  il  brûla  lui-même 
les  Bulles  du  Pape  fous  la  potence  de  la  nouvelle  ville  où  il  de- 
meurons c).  On  aceufe  encore  Jérôme  de  Prague  d'avoir  foulé  ^Balbl». 
aux  pieds  des  Reliques  qui  étoient  fur  l'Autel  de  Ste.  Marie  de  EP'\-  *«■. 
Prague  ,  &  d'avoir  déclamé  contre  le  culte  des  mêmes  Reli-  B°hm'  p' 
ques  ,  à  quoi  on  ajoute ,  que  deux  Moines  ayant  voulu  s'oppofer  Thcob.Betf. 
à  cette  violence  ,  l'un  Carme  6c  l'autre  Dominicain ,  Jérôme  fe  H#f-p-n« 
faifit  de  l'un  3  le  fit  mettre  en  prifon  ,  6c  jetta  l'autre  dans  la  (a)  #//?.</« 
Moldave ,  où  il  fe  feroit  noie  3  fi  quelqu'un  ne  fût  venu  à  fon  Conc.  de  _ 

feCOUrS  (  d  ).  Chance. 

XXX.  Il  y  avoit  long-tems  que  le  Canon  des  Apôtres  (  e)  qui  Guerresentir'  ' 
défend  aux  Ecclefiafliques  de  tous  les  Ordres  de  porter  les  ar-  V^u'eTà* Ai- 
mes 3  n'étoit  plus  obfervé  en  aucun  endroit  du  monde ,  fur  tout  ''magne. 
en  Allemagne.  L'Hiftoire  rapporte  que  dans  ce.  fiecle  Jà  un  Eve-  (e)  Caa, 
que  nouvellement  élu  à  Hildesheim  ayant  demandé  où  étoit  la  8^ 

Gij 


ri  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Bibliothèque  de  fes  prédécefleurs,  on  Je  mena  dans  un  arfé- 
1^1°     nal  où  il  y  avoir  toute  forte  d'armes.  Ce  font  là  ,  lui  dit-on  , 
les  livres  dont  ils  fe  font  fervi ,  ôt  dont  vous  devez  ufer  auiîi 
pour  défendre  votre  Eglife  contre  les  ufurpations  de  vos  voi- 
■AChnnh. mis  (a)«  Le  fehîfme  avoir  porté  cette  ardeur  martiale  jufques 
ïpt/c.HUJes.  dans  le.  Sanctuaire  j  chacun  fe  paffionnant  pour  le  Pape  dont  il 
apud  Leib-  avojc  reconnu  l'autorité  ,  ou  trouvant  fon  compte  à  reietter  une 
Scrip.       obédience  6c  à  en  choifir  une  autre  félon  les  intérêts.  LesEccle- 
Bmns.       fîartiques  y  étoient  même  autorifez  par  les  Papes  (  i  ),  qui  ne 
pa°m  7y<?.'  faifoient  nul  fcrupule  de  facrifier  les  Canons  &;  la  Difcipline  â 
leur  âmbirion.  On  en  vit  plufieurs  exemples  au  quatorzième 
fiecle  ,   à  l'occafion  des  dém-êlez  des  Papes  avec  l'Empereur 
Louis  de  Bavière.  Sur  la  fin  du  même  fiecle  ,   c'elt-à-dire  au 
commencement  du  fchifme  ,  Urbain  VI.  accorda  de  grandes 
Indulgences  aux  Ecclefiaftiques  qui  prendroient  les  armes  con- 
tre Charles  de  Duras  roi  de  Naples  fon  ennemi  (b).  Le  fchi£ 
vJûn.       me  ri  éroir  pas  la  feule  occafion  de  ces  guerres  3  elles  naiffoient 
Coin  dr.  auflî  entre  les  Evêques  6c  les  autres  Seigneurs  Ecclefiaitiques  (2). 
^cat.  vi.  çw//,iawf  Comte  de  ^fr?,  élu  Evêque   de  Paderborn  en  eut 
lxxviii.  unefàcheufeâ  foutenir  cette  année  contre  Frédéric  Archevêque 
pag.  304.    de  Cologne ,  &  Adolphe  Comte  de  Cleves.  L'Hiftoire  ne  dit  point 
quel  étoit  le  fujet  de  leurs  démêlez  ^  mais  elle  nous  apprend 
touchant  cet  Evêque  ,  &:  l'Eglife  dePaderborne,  certaines  par- 
ricularirez  qui  merirenr  de  rrouver  place  ici,  Guillaume  avoir 
éré  élu  à  certe  Egliïe  à  l'âge  de  18  ans  par  le  Chapirre  ,  fur  la 
fin  du  XIV.  fiecle.  Mais  comme  on  demanda  rrop  rard  lacon- 
firmarion  de  Boniface  JJC.  ce  Pape  élur  un  Italien  (  3  )  nommé 
Bertrand ,  qui  fe  vinr  merrre  en  poiîefiîon  de  l'Eglife  de  Pader- 
born du  confènremenr  du  Chapirre  qui  avoir  éré  gagné.  Ce- 
pendant  cette  Egliie  &  les  habitans  de  la  ville  renoienr  roujours 
pour  le  premier  élu  ;  &  ne  voulanr  poinr  reconnoître  iter/ra»*/ 
il  fe  rerira  clandeitinemenr  3  quoiqu'il  eûr  obrenu  un  paileport. 
L'affaire  ne  fut  pas  finie  par  cette  évafion.  Quelques  Seigneurs, 

(1)  Le  Pape  Grégoire  VI.  dans  l'onzième  fiecle  fut  un  de  ceux  qinfefianala  le  plus  par 
ces  fureurs  militaires ,  fous  prétexte  de  défendre  TEglife  Romaine.  11  'es  porta  fi  loin,  qu'on 
lui  donna  le  nom  de  fai^uhiaire  ,  &  que  fes  Cardinaux  eux-mêmes  l'avertirent  au  lie  de  la 
mort  de  ne  fe  pas  faire  enterrer  dans  l'Eglife  de  S.  Pierre  avec  Ces  prédécefleurs.  Theoe. 
Vrie  Jnifi.  Concil.  Confiant,  apud  Van  der  Hardt.  Tom.  I.  part.  I.  pag.   117. 

(i)  On  doit  le  trouver  d'autant  moins  étrange,  que  les  Evéques  d'Allemagne  font  auflî 
des  Seigneurs  temporels ,  &  qu'ils  ont  des  Etats  à  défendre. 

(3)  Bertrand™  Darvajjannis ,  de  LomI->ardie,  Chanoine  de  l'Eglife  de  Ravenne'  &  Audir 
*em  de  Rote.  Qobel.  Fer/en,  /Etat,  VI.  Cap.  LXXXV. 


DE    P  ISE.     ht  Y.     IV.  R 

comme  encre  autres  le  Comte  àzEversheim^  flattez  de  Pefpe- 
rance  d'avoir  le  temporel  du  diocefe  ,  le  recurent  fort  bien  I4ia* 
ehezeux.  A  leurfollicitation  il  fit  afficher  des  placards  contre 
ceux  de  Paderborn.  Mais  comme  il  étoit  fort  odieux  dans  le 
païs  ,  on  profita  de  l'abfence  du  Comte  chez  qui  il  fe  tenoit , 
pour  l'enlever  ôcle  mener  prifonnier  à  Guillamnc  de  Berg  3  qui 
le  contraignit  à  lui  reftituer  fon  diocefe  ,&:  même  à  le  recom- 
mander au  Pape  de  fâ  propre  main.  Le  Pape  ayant  difpenfé 
Guillaume  de  l'âge  ordonné  par  les  Canons  ,  il  fut  reconnu  Evê- 
que  de  Paderborn  3  ôc  déclaré  maître  du  fpirituelêc  du  tem- 
porel. Pendant  fon  Epifcopat  il  eut  plufieurs  petites  guerres  à 
efîuïer  de  la  part  de  fes  voifinsavec  desfuccès  difTerens,  jufqu'à 
celle  de  1410.  dont  on  vient  de  parler.  Le  Siège  de  Cologne 
étant  venu  à  vaquer  pendant  ce  tems  là  par  la  mort  de  Frédé- 
ric ,  il  fut  élu  dans  Cologne  par  une  partie  du  Chapitre  de 
cette  Cathédrale  ,  pendant  que  l'autre  partie  ,  qui  étoit  la  plus 
conliderable  }  choifit  dans  un  autre  lieu  Tbéodoric  de  Meurs 
neveu  de  Frédéric.  Jean  JlJCJII.  gagné  par  les  prefens  de 
Tbéodoric ,  &  follicité  par  Sigismond  ,  confirma  cette  dernière 
élection.  Guillaume  de  fon  côté  appella  de  ce  jugement  à  un 
Pontife  indubitable,  au  Siège  Apoftolique,  Se  au  Concile  gé- 
néral qui  fe  devoir  tenir  à  Confiance,  foutenant  quefonconcur- 
rent  étoic  un  intrus ,  &  que  fon  élection  étoit  iimoniaque  -y  &  il' 
fit  afficher  cet  appel  aux  portes  des  Eglifes  de  Cologne  II  n'y 
traicoit  point  Jean  JfJilII.  de  Pape  ,  il  l'appeloit  feulement 
Jean  ,  (  Dominum  Johannem  )  nommé  far  quelques-uns  le  Nou- 
veau Pape  ,  (.  P  A.P  a  m  MODERNUMJ.En  même  tems  Adol- 
fhe'Du.c  de  Berg  envoya  une  Ambaflade  à  Grégoire  JlII.  pour 
faire  confirmer  l'élection  de  Guillaume  fon  frère.  On  ne  fau- 
roit  exprimer  combien  il  y  eut  de  fang  répandu  ,  combien  il 
fe  commit  de  maflàcres  &  d'aiTalîinats  en  attendant  cette  con- 
firmation ,  dont  l'hiftoire  ne  parle  point.  Cependant  le  parti 
de  Tbéodoric  fe  fortifioit  tous  les  jours.  Il  entra  à  main  armée  ; 
dans  Paderborn  3  &  en  fut  reconnu  Adminiftrateur  par  le 
Chapitre  qui  avoit  déclaré  le  Siège  vacant.  Guillaume  aban- 
donné des  Ducs  de  Brunswic  &,  du  Landgrave  de  Hejse  ,  qui 
lui  avoient  promis  de  le  foutenir  ,  déchu  de  l'efperance  de  l'Ar- 
chevêché de  Cologne  ,  &:  même  exclus  de  Paderborn  ,  le 
terme  de  fa  difpenfé  étant  d'ailleurs  expiré ,  il  ne  penfa  plus 
qu'à  fortir  d'embarras  par  une  honnête  compofition.  C'eft  ce 

Giij 


54  HISTOIRE  DU  CONCILE 

14 10.  qu'il  fit  en  époufant  la  fille  du  Comte  de  Teklenbourg  ,  nièce  de 
(a)  G«SèC  l'Archevêque  de  Cologne  fon  Concurrent  (a). 
Cosm'odr.  XXXI.  Les  Juifs  furent  chafïez  cette  année  d'une  partie  de 
JExauYL  l'Allemagne  pari7 rederic  èc  Guillaume  Margraves  de  Mifnie  , 
xciii  ^  Par  ^a^taz^-r  Landgrave  de  Turinçe  (bj.  On  leur  imputoit 
Etat  des jmfi  d'avoir  acheté  un  enfant  Chrétien  dans  le  delTein  de  le  faire 
enAiiemaffK  mourir#  La  choie  étant  venue  aux  oreilles  de  ces  Princes  3  ils 

&  en  divers  ,     .  .       v  ,  ,  ,  ,  .     , 

autres  en-     prévinrent  ce  meurtre  ,  qui,  a  ce  qu  on  prétend  ,  n  avoitete 
droits  du     réfolu  qu'en  haine  du  Chriftianifme.  On  fit  rouër  le  païfan  qui 
tb)B*ov.    av°ic  vendu  cet  enfant ,  ioit  qu'il  fût  fon  père  ,  foit  qu'il  fut  à 
n.  i4io.n.  quelque  autre.  Les  Juifs  de  ces  contrées  furent  exterminez ,  Se 
srxxy*      on  confiTqua  leurs  biens  qui  étoient  fort  considérables.  Les  an- 
nales font  remplies  des  cruautez  que  les  Chrétiens  ont  exercées 
contre  les  Juifs  fous  prétexte  de  les  convertir ,  ou  de  vanger  la 
mort  de  Jésus-Christ.  Ce  qui  fans  doute  ne  fait  pas* honneur 
aux  Chrétiens.  Ils  auroient  mieux  fait  d'imiter  l'exemple  de  leur 
Maître  qui  pria  pour  les  Juifs  ,  quoiqu'ils  fufTent  coupables  de 
fa  mort.  Les  Payens  eux-mêmes  s'élèveront  en  jugement  conret 
les  Chrétiens ,  puifqu'ils  ont  fait  alliance  avec  les  Juifs  ,.&  qu'ils 
(c)  jofcph.  leur  ont  permis  l'exercice  de  leur  Religion  (c).  Au  lieu  de  fe 
Amiq.  liv.  contenter  de  punir  les  coupables  quand  leur  faux  zèle  leur  fai- 
1        ioit  entreprendre  quelque  choie  contre  les  Chrétiens,  comme 
on  prétend  qu'il  leur  arrivoit  fouvent  j  au  lieu  de  cela  ,  dis-je  , 
on  leur  fuppofoit  des  crimes  pour  avoir  un  prétexte  de  les  bannir., 
de  les  maffacrer  &  de  s'emparer  de  leurs  biens. 

Il  faut  pourtant  rendre  cette  juitice  à  pluileurs  Empereurs  ,  à 
plufîeurs  Conciles  &:  à  plufieurs  Papes  ,  qu'ils  avoient  fait  de 
bonnes  Ordonnances  pour  aller  au  devant  de  ces  cruautez 
&   de    ces  injuftices  3  &  pour  refréner  la   fureur  populaire 
(A)  Detr  t    contre  ^es  Juifs.  H  y  ^  dans   le  corps    du    droit   canon   une 
c'irt.  44.  '§,  lettre  de  Grégoire  furnommé  le  Grand  ,  à  l'Evêque  de  Naples  , 
s-ann.^oi.  q^  ce  ptlpe  exhorte  le  Prélat  à  laifler  aux  Juifs  la  liberté  de 
Te'.  t.°iv\'  confeience  >  &  à  les  attirer  par  la  douceur  (d).  Le  quatrième 
Can.57.an.  Concile  de  Tolède  défend  d'employer  les  voyes  de  la  violence 
rtVcan.i.  ^^e  la  contrainte  pour  leur  converiîon  3  quoique  d'ailleurs  ce 
euh.  65>s-    Concile  ne  leur  ait  pas  été  favorable  (e).  Le  XVI.  Concile  du 
SP,:DT"'  rnême  lieu  exempta  les  Juifs  qui  fe  convertiiTbient,  du  tribut 
«les  Aut.Ec  <lu>ils  payoient  au  fife  [f  ).  Dans  l'onzième  ilecle  le  Pape  Alexan- 
Tom.viiL  dre  II.  défendit  aux  Evêques  d'Efpagne  de  faire  mourir  les  Juifs 
P'  l u       pour  caufe  de  Religion  (g).  Alexandre  III.  fit  aufïi  quelques  loix 


DE    PISE.    Liv.  IV.  j; 

en  leur  faveur  (a).  En  1190.  Clément  III.  défendit  de'les  con.     H1'0* 
traindreà  fe  faire  baptizer  ,  de  les  punir  fans  forme  de  procès  3  vP-nTvi. 
de  les  dépouiller  de  leurs  biens ,  de  violer  leurs  cimetières  &  de  Cap.  vl 
déterrer  leurs  corps.  &  lx* 

Tous  ces  réglemens  n'empêchèrent  pas  que  de  fiecle  en  fiecle 
les  Juifs  ne  fouffriiTent  de  grandes  perfé  curions.  Au  commen- 
cement du  VIL  fiecle  Sicebut  roi  des  Goths  fît  un  grand  carnar- 
ge  de  juifs  en  Efpagne  ,  fous  prétexte  de  les  convertir.  On  pré- 
tend qu'il  le  fit  à  la  prière  de  l'Empereur  Heradim  à  qui   on 
avoir  prédit  qu'il  fe  gardât  des  Circoncis.  Cette  prétendue  pré- 
diction ne  tomboit  pourtant  pas  fur  les  Juifs ,  mais  fur  les  Ma- 
hometans  qui  fe  faifoient  auffi  circoncire  ,  &qui  firent  mourir  (b)pLAT> 
Jricraclius  [b).  Ces  perfécutions   continuèrent  dans  les  fiecles -uA.Deusde- 
fuivants  ^  mais  elles  allèrent  en  augmentant  dans  le  XII.  le  XIII.  ^'1$!-  m* 
&  le  XIV.  fiecle.  On  les  chaflade  France  en  1198.  fous  Philippe  (C)5/W. 
Augufte  -y  mais  il  y   furent  bientôt  rappeliez  [c).  Ils  en  furent  Ann- II>g- 
enfuite  chafîez  en  1195.  Ils  revinrent  pourtant  encore  en  France,    *  " 
puifqu'en  1393.  on  les  en  voit  chafîez  pour  la  feptieme  fois  (d).  ^«f.a«-I." 
On  les  chafïa  d'Angleterre  en  1290.  èc  de  plufieurs  endroits  T.nr.p.147 
d'Allemagne  en  1298.  (e).En  1337.  ils  furent  cruellement  traitez  £â  utte 
en  plufieurs  Villes  de  Bavière  ,  fur  quelque  aceufation  d'avoir  p.  48*. 
voulu  confpirer  contre  les  Chrétiens.  On  les  voit  malTacrez  à  (f) BaIb- 

rague  en  1335.  On  leur  imputoit  d  avoir  crucifie  un  Chrétien  fcm.p.ao8, 
&  de  l'avoir  traité  avec  la  même  ignominie  qu'ils  traitèrent  no-  Dubrav.H 
tre  Seigneur  (f].  Il  arriva  dans  la  même  Ville  un  pareil  mafia-  xvïii.Lpb" 
cre  général  des  Juifs ,  aceufez  d'avoir  infulté  un  Prêtre  quipor-  v$ L 
toit  l'hoftie  /g).  Ils  avoient  été  déjà  chafîez  de  Prague  par  trois  (g)  ibid. 
fois,  quoique  depuis  plufieurs  fiecles  (h)  les  Bohémiens  leur  euf-  s*6-&ms* 
lent  accorde  une  Synagogue  en  recompenle  du  lecoursqu  ils  (h)  Dans  le 
leur  avoient  donné  contre  les  Payens.  En  1385.  ils  furent  chaf-  x.  fiecle. 
fez  d'Allemagne  &  cruellement  tourmentez.  La  perfécution  ^ ^ib 'vi' 
commença  par  Magdebourg,  où  on  les  foupçonna  d'avoir  em-  p..4i.Bait>. 
poifonné  les  fontaines ,  de  d'avoir  attiré  la  perte  (ij.  On  les  maf-  ukîH™'  p- 
facra  en  13  91.  dans  le  Royaume  de  Caftille(k) ,  à  la  follicita-  fo&w. 
tionde  l'Archidiacre  d'Ecija  &  malgré  les  Magiftrats 3  plus  dans  13^5. n.iz. 
la  vue  du  pillage  que  par  zélé  de  Religion.  Il  n'y  avoir  point  jwfn'g. 
de  prétexte  dont  on  ne  le  fervît  pour  les  ruiner,  &  pour  s'em- 
parer de  leurs  biens.  Les  Papes  Innocent  III.  &  Clément  y. 
avoient  donné  des  Bulles  pour  rechercher  les  Juifs  ufiiriers^ôC 
pour  les  obliger  à  remettre  aux  Chrétiens  les  intérêts  des  fonv 


rf  HISTOIRE  DU  CONCILE 

o     mes  que  ces  derniers  empruntaient  d'eux   Sous  ce  prétexte  on 
les  traincit  fans  cefle  devant  les  Tribunaux  5  on  dechiroic  les 
obligations  qu'ils    avoient  entre  les  mains 3  en  un  mot  on  leur 
failoit  milleprocès  &  mille  avanies.  En  1407.  ils  furent  cruelle- 
ment maiîacrez  à  Cracovie  dans  une  émotion  populaire  ,  lur 
fa)  Dlueos  ^&ccllfaiion  fréquente  d'avoir  fait  mourir  un  enfant  Chrétien 
Hiff.  Foion.  (&).  Us  confefîoient  même  quelquefois  ce  crime,  foit  qu'il  fut 
L.b.  x.  p.    véritable  ,  foit  que  la  torture  les  forçât  à  trahir  leur  innocence. 
Ii  n'étoit  pas  moins  commun  de  les  accufer  de  dérober  des 
Hoflies  confacrées  &  de  les  rompre  ou  couper  en  pièces  pour 
infulter  à  Jefiiv-Chriif  Les  Annalilies  de  Brandebourg  rappor- 
tent unanimement  au  commencement  du  XVI.  ficelé  Phiftoire  , 
ou  Ie  conte  ,  d'une  hoflie  confacree  qu'un  Chrétien  vendit  à 
'uLÏfznt  un  JLlii?  clui  l>ayant  percée  de  coups  en  fit  fortir  du  fang  (b). 
m  10.  z*-  Si  le  crime  n'effc  pas  plus  certain  que  le  miracle,  on  eut  tort  d'en 
da>-   Gart-  faire  mourir  38.  à  Berlin  ,  comme  on  fit  dans  cette  occafion. 


des  juifs  parmi  les  Chrétiens.    Dès  qu'on  les  croit  3  dit- il  3  dans 
l'abondance  \A  on  ne  Je  contente  pas  de  les  piller ,  on  leur  oie  la  vie  fous 
prétexte  qu'ils  mèprifent  la  Religion  Chrétienne  ,  &  qu'ils  font  des 
/:    *i/?  rai^cries  d?  Jefws-chrijl(c).  Il  auroit  bien  mieux  valu  en  effet  ne 
'  point  fouffrir  les  Juifs ,  que  de  leur  accorder  une  tolérance  cruel- 
Cap.         le  &  infidieufe  3  en  empruntant  d'eux  de  l'argent,  &  leur  don. 
nant  des  billets  qui  portoient  intérêt ,  pour  les  pourfuivre  en- 
fuite  à  cette  occafion.  Pourquoi  y  difoit  Henri  de  H  es  se  ,  ne 
donner  pas  charitablement  de  leurs  biens  aux  Juifs  convertis ,  pour 
empêcher  que  la  necefîté  ne  Us  fajje  apoftaficr ,  &  accufer  Us  Chre. 
tiens  de  cruauté  5  &  pourquoi  ne  défend,  on  pas  aux  Juifs  de  de- 
meurer parmi  les  chrétiens  3  à  moins  qu'ils  ne  gagnent  leur  vie  3 
(oitenfervant  ces  derniers ,  foit  en  cultivant  la  terre  ,  &  en  travail- 
lant à  des  métiers  3  au  lieu  d'exercer  l'ufure  aux  dépens  de  leurpro. 
&)»•>/"-  pt tonfcience ,  &  aux  dépens  des  Chrétiens  (d)  ?  Pierre  d'Ailli 
Toniï  ii.    s  cxpnmeJa  defius  d  une  manière  plus  nette  &  plus  équitable  5 
Pag.  33s.     car  il  veut  abfoiument  qu'on  laifïè  ks  Juifs  convertis  maîtres 
de  leurs  biens  :  au  lieu  que  Henri  de  Hefje.  veut  feulement  qu'on 

2SS*  kUr  en  faiïe  lludrlue  Par£  Par  un  P^ncipe  de  charité  (e).  Cet 
*iç.       '  abus  de  piller  ainfi  les  Juifs  convertis  avoit  pour  prétexte  cer- 
taine Constitution  Papale  ?  qui  pour  ôter  aux   riches  Juifs  la 

tentation 


DE  PISE.    Liv.    IV.  17 

tentation  de  n'embrafler  le  Chriftianifme  que  pour'mettre  leurs 
biens  à  couvert,  ordonne  que  tout  Juif  qui  fe  fera  Chrétien  , 
abandonnera  préalablement  cous fes  biens,faufà  les  leurrelli- 
tuer  dans  la  fuite ,  ou  à  vivre  d'aumône.  Comme  on  aura  occafîon 
de  parler  des  Juifs  dans  la  fuite  de  cette  Hiftoire ,  on  a  crû  que 
cette  digreflion  ne  ièroitpas  hors  de  propos. 


141». 


JE  in  du  IV-  Livre. 


Tant.  11. 


H 


;S  HISTOIRE   DU    CONCILE 

L  I  V  R  E    V 

SOMMAIRE. 


?gne  &c.  au  cardinal  Minutolo.  Sédition  a  Bolognt 
Ravages  des  Bouchers  à  Paris  &  a  Boulogne.  V.  Caraflere  du 
cardinal  Minutolo.  VI.  Jean  XXIII.  ordonne  de  lever 
des  Décimes  fur  les  Ecclefîafliques  en  plufieurs  endroits  de  /'Eu- 
rope. VII.  ViBoirc  de  Louis  d'Anjou  fur  Ladiflas.  VIII. 
Promotion  de  14  ou  iy  Cardinaux.  IX.  Secie  des  hommes  d'intel- 
ligence. X.  Jean  XXIII.  excommunie  Ladiflas.  XI.  Origine  des 
C  roi  fade  s.  XII.  Indulgences  &  privilèges  d?s  Croife\.  XI  lit 
Première Croifade.  XIV, -Seconde  Croifade.  XN  .Troifème  Croi- 
fade.  XVI.  Quatrième  Croifade.  XVII.  Cinquième  Croifade, 
XVIIL  Sixième  Croifade.  XIX.  Septième  Croifade.  XX.  Hui- 
tième Croifade.  XXI.  Retraite  de  |ean  H  us  a  Fiufjînet^  XXII. 
Ouvrages  &  Lettres  qu'il  écrivit  dans  fa  retraite.  XX1IL 
1? Archevêque  de  Prague  va  en  Hongrie  y  ou  il  efi  empoifonnè. 
XXIV.  CaraHere  d'AIbicus  Archevêque  de  Prague.  XXV. 
Jean  Hus  après  fon  retour  prêche  contre  la  Croifade.  XXVL 
Difpute  publique  contre  les  Indulgences .  XXV 'II.  Fondation  de 
la  Chapelle  de  Bethlehem.  XXV III.  Croifade  contre  les  Maures. 
XXIX.  Etat  de  la  France.  XXX.  Traite  de  Paix  entre  les  Po- 
Ion  ois  &  les  Chevaliers  T  eu  tonique  s.  XXXI.  uimbaffade  de  La- 
diflas à  JeanXXIII.  XXXII.  Jean  XXIII. indique  un-Concile 
à  Rome. 

1411.  I.|gw»||N  avûdans  les  Livres  précédents,  que  le  Concile  de 
Gmtimation  || 'El  Pife  loin  d'avoir  éteint  leSchifme  ,  n'avoit  fait  que 
Isa  -mm\  le  rendre  plus  incurable.  Quoique  Benoit  de  Grégoire 
n'eufïentque  des  obédiences  bornées }  ils  ne  laiiToient  pas  d  agir 
en  Papes  légitimes.  Grégoire  avoit  fes  Nonces  en  divers  lieux, 
comme  à  Venife,  en  Sicile  ,  en  Allemagne,,  en  Hongrie  ,  tant 
pour  affermir  ceux  qui  tenoient  encore  pour  lui ,  que  pour  ta- 
dier-v^e  ramener  les  autres.  Il  fulmina  le  Jeudi  avant  Pâques  ^ 


D  E   P  I  S  E.    L  i  v.  î  V;  59 

lëk>n  la  coutume  de  l'Eglife  Romaine,  une  bulle  contre  les  hé-  î4!1) 
.rétiques ,  &  les  ennemis  du  Siège  de  Rome.  Cette  bulle  excom- 
munioit  1.  les  Ga^ares .,  les  patanns ,  les  Pauvres  de  Lyon(i)y 
les  Amoldiftcs  (i)  ,  les  Speronijics  (3),  les  Pajsagins  (4)  &  tous 
les  hérétiques  en  général  avec  leurs  fauteurs.  2.  Les  Pirates  &: 
les  Corfaires.  3.  Tous  ceux  qui  fournifîbient  des  chevaux  ,  des 
armes ,  du  fer ,  du  bois  aux  Sarrafins  pour  faire  la  guerre  aux 
Chrétiens.  4.  Tous  les  falsificateurs  des  bulles  Apofioliques.  j. 
Tous  ceux  qui  venant  au  Siège  Apoflolique  (5)  ,  ou  qui  s'en 
retournant ,  ou  qui  y  demeurant  fans  jurifdicUon  ordinaire,  ou 
fans  commiffion,entreprenoient  d'ufer  de  quelque  violence  que  ce 
fut  par  eux  mêmes^ou  par  les  autres. 6. Quiconque  craverferoit  ou 
maltraiteroit  directement  ou  indiredement  ceux  qui  étoient  à  la 
Cour  deRome(6)J)  foit  pour  leurs  propres  aftaires,foic  pour  lefer- 
-vice  de  cette  Cour.  7.  Ceux  qui  envahiraient  la  ville  de  Rome  ,  le 
Patrimoine  de  S.  pierre  en  Tofcane,le  duché  de  Spolete,la  Marche 
^d'Ancone ,  la  Romagneja  Campagne  de  Rome.,  Bologne ,  Todi, 
Urbin  ,  Avignon  ,  &c.  8.  La  bulle  excommunioit  Pierre  de  Lune 
foi  difant  Benoit  J£III.  &  Louis  duc  d'Anjou  avec  tous  leurs 
.adhérents.  9.  Tous  les  Cardinaux  qui  avoient  abandonné  Gré- 
goire. Il  y  en  a  onze  de  nommez  dans  cette  bulle,  entre  les- 
quels eft  le  cardinal  de  S.  Eufiache ,  c'eft-à  dire  ,  Jean  JfJflII. 
Elle  eft  datée  deGayete  le  jour  àw  Jeudi  Saint 3  in  Cœna  Domi- 13.  Aval 
pip  la  V.  année  du  Pontificat  de  Grégoire  (7).  Non  content  d'a- 
voir compris  Jean  JfJCIII.  dans  cette  excommunication  gé- 
nérale, Grégoire  renouvellale  19.  d'Avril  la  fentence  qu'il  avoir 
déjà  prononcée  contre  lui  &  contre  fes  Cardinaux.  11  publia  de 
plus  des  Indulgences  plenieres  en  faveur  de  ceux  qui  fe  ligue- 
•roient  contre  ce  Concurrent,  fous  le  commandement  de  Char- 
les Malatefta  qu'il  avoit  fait  Gouverneur  de  la  Romagne,  où 
il  lui  confervoit  encore  quelques  places. 

II.  Benoît  n'étoit  pas  moins  vigilant  à  foutenir  (es  intérêts.  ffi-^natA  de 
L'année  précédente  il  avoit  brigué  en  faveur  de  Frédéric  de  Lune  djanagofe] 

(i)C'étoient  des  noms  différents  qu'on  donnoitaux  Vaudoîs. 

(2.)  Fanatiques    du  XIII.  fiecle  ,  ainfi  nommez  d'Arnold  de   Viilanova  en  Catalogne. 

(3)  Ils  ne  font  pas  connus. 

(4)  C'eft  encore  un  des  noms  qu'on  donnoit  aux  Vaudois, 

(5)  C'étoit  à  Gayete  ,  félon  Grégoire. 

(6)  Gayete  où  étoit  alors  Grégoire ,  parce  que  quelque  part  que  foit  celui  qui  prétend  être! 
Pape,  là  eft  la  Cour  de  Rome. 

(7)  U  fut  élu  le  6.  Nov.  140^. 


éo  HISTOIRE  DU  CONCILE 

jaj  i,  l'un  des  compétiteurs  au  Royaume  d'Arragon.  Quoique  fefe 
dinand  l'eût  emporté  par  la  fentence  des  CommhTaires  ,  comme 
elle  n'étoit  point  déclarée ,  les  brigues  continuèrent.  Soit  que 
Frédéric  de  Lune  fût  mort  ,,  foit  que  Benoît  eût  changé  d'in- 
clination ,  il  s'interefloit  alors  pour  le  comte  Jaques  d'VrgeL 
Dès  l'année  précédente  Benoît  avoir  été  à'  SarragoJIe  Capitale 
Feldhalfo  '  ^e  l'Arragon  pour  engager  dans  ce  parti  l'Archevêque  (a)  de 
ÀtHiTtàia.  cette  Ville,  qui  étoit  un  Prélat  d'une  grande  autorité.  Jaques 
d'Vrgel  étoit  encore  appuyé  par  Antoine  de  Lune  proche  parent 
de  Benoit  ,  &  par  un  puiflanc  Arragonois  nommé  Rico  ,  donc 
l'Hiftoire  dit  qu'il  avoit  un  fi  grand  patrimoine  3  que  des  confins 
de  la  Caftille  3  il  pouvoir  aller  jufques  en  France  ,  en  paiTant- 
toûjours  par  Tes  terres -,  &c  parfes  villes.  Comme  Benoit  ne  s'é- 
toit  pas  déclaré  publiquement  pour  le  comte  d'T^rg^/ qui  étoit 
fort  odieux  ,  qu'au  contraire  il  affectoit l'impartialité,  il  setoic 
acquis  une  grande  confiance  ,  &  on  attendoit  de  fon  choix  la 
^.Février,  tranquillité  du  Royaume.  Au  commencement  de  cette  année 
il  avoit  aiîemblé  les  Etats  pour  délibérer  fur  cette  importante 
affaire.  Après  bien  des  débats  Antoine  de  Lune  nomma  Jaques 
d'Vrgelà  la  Couronne.  Mais  l'Archevêque  ayant  nommé  Louis 
duc  de  Calabre  neveu  de  Jean  roi  d'Arragon ,  Antoine  en  fut  tel* 
lement  irrité  ,  qu'il  réfolut  en  fecret  de  fe  défaire  de  ce  Prélat. 
Pour  en  venir  à  bout  ,  il  lui  écrivit  une  lettre  fort  amiable  ,  lai 
propofant  un  rendez-vous  à :  Aîmanba  village  entre  Sarragojïe  8c 
Catabajud  où  étoit  fa  réfidence  ,  fous  prétexte  d'avoir  une  con- 
férence fecrete  avec  lui  fur  l'affaire  de  la  fucceffion.  L'Arche-' 
que  ne  foupçonnant  rien  moins  qu'une  pareille  perfidie  3  s'y  ren- 
dit avec  joye  accompagné  de  douze  perfonnes  feulement.  Ait-- 
toine  alla  au  devant  de  lui  à  quelque  diftance  du  village  ,  afin 
de  faire  plus  fûrement  fon  coup.  Après  plufieurs  entretiens  fort 
paifibles,  Antoine  demanda  à  Dom  Garfia*  ce  qu'il  penfoitdes 
compétiteurs  3  &  fi  Jaques  d'Vrgel  fèroit  Roi  dArragon.  Ce  ne 
fera  pu  fendant  ma  vie  ,  dit  le  Prélat.  Si  ce  n'eft  fus-  fendant  v*. 
tre  vie  3  ce  fera  donc  après  votre  mort  ,  repartit  Antoine  tout  en 
fureur  En  même  tems  il  jetta  à  terre  l'Archevêque  d'un  coup 
de  poing ,  &  lui  enfonça  le  poignard  danslefein.  Les  gens  d*  An- 
toine fe  jetterent  fur  le  corps  du  Prélat  pour  l*achever  ,  &.  le 
percèrent  de  mille  coups.  Ceux  qu'il  avoit  amenez  avec  lui  fu- 
rent pour  la  plupart  maffacrez  ou  conduits  dans  des  cachots  % 
quelques-uns  néanmoins  fe  fauverent  dans  le  village.  Touc  le 


Jean  XXIII 

Roms 


DE    PISE.    Liv.    V.  61 

fruit  qu  Antoine  tira  de  cet  indigne  alTafïinat  ,  fut  de  rendre  Vr-    14, 1 1 
gel  plus  odieux  que  jamais  3  de  de  devei  ir  lui-même  l'objet  de 
l'exécration  publique. 

III.  Jean  XXIII.  après  avoir  parlé  un  an  à  Bologne  ,  re- 
folut  enfin  defe  rendre  aux  follicications  des  Romains  ,&  d'aller  &  Uijjè 
prendre  pofleffion  de  Rome  pour  la  délivrer  des  inquiétudes  ?*&&*&+• 
que  lui  donnoit  toujours  Ladijlas.  Il  prit  avant  Ton  départ  les  *™  ^'Z 
mefures  qu'il  crue  les  plus  néceiïaires  pour  la  fureté  de  fes  in-  Cardinal 
terêts  en  Italie.  Il  laiila  à  Henri  Minutolo  Cardinal  Evêque  de  ^"^trtoIj>* 
Ste.  Sabine  , l'adminiltration  de  Bologne,  de  Ferrare,de  Forli,  Bologne*. 
de  Ravenne.,  tk  de  toute  la  Romagne  avec  la  qualité  de  Lé- 
gat perpétuel.  Ce  prélat,  après  avoir  été  Evêque  de  Bitonte  y 

puis  Archevêque  de  Traniy  &  enfuite  de  Nazies ,  avoic  été  fait 
Cardinal  Prêtre^u  titre  de  S.  Anaflafe  par  Boniface  IX.  en 
1389.  Il  fut  d'abord  dans  le  parti  de  Grégoire  X  I 1.  qui  en  fît 
fon  Camerier.  Mais  ayant  abandonné  ce  Pontife  pour  aller  à 
Pife ,  il  luiôtafa  dignité  de  cardinal  afin  d'intimider  les  autres 
cardinaux  dont  la  fidélité  chanceloit.  11  fut  rétabli  par  le  Con- 
cile de  Plie.  JeanXXIII.  l'employa  à  diverfes  légations  >  dont 
lniftoire  dit  qu'ils  s'acquitta  avec  beaucoup  de  fuccès.  Il  af. 
fiitaà  l'élection  de  trois  Papes  ,  favoir ,  Innocent  VII.  Greçoire 
XII.  et  Jean  XXIII.  Les  commencemens  de  fa  légation  de 
Bologne  ne  furent  pas  heureux.  Comme  'Jean  XXIII.  avoit 
gouverné  tyranniquement  cette  ville  ,  le  peuple,  à  i'infligacioî^ 
de  quelques  bouchers ,  prie  occafîon  de  fon  départ  pour  fe  fou- 
lever.  Les  mutins  fe  faifirent  du  Palais  ,  en  chaiïereot  les  Lé- 
gats ,  &  s'emparèrent  du  gouvernement,  qu'ils  gardèrent  plus 
d'unan.  Plufieursperfonnesde  qualicé  furent  la  vi&ime  de  cette 
fureur  ,  qui  s'en  prenoit  fur  tout  à  la  Noble/Tè  ,  fous  prétexte 
de  la  liberté.  Enfin  les  citoyens  rentrez  dans  leurs  véritable? 
intérêts ,  on  chafïa  la  populace  5  les  plus  mutins  furent  ou  exé-  ,  * 
cutez,  ou  réduits  à  prendre  la  fuite  (a).  Le  Légat  revint  à  fon  ann.  Wz. 
Gouvernement ,  où-  il  mourut  en  1417.  n-lv- 

IV.  O  n  peut  remarquer  en  parlant  que  cette  année  fut  celle  'Ravages  des 
du  règne  des  Bouchers.  Ils  ne  firent  pas  moins  d'iniblences  Se  &«**«"  ? 
de  ravages  à  Paris  qu'à  Bologne.  »•  On  trouva  fort  étrange  s  Bologne. 

»»  die  le  Moine  de  Saint  Denys{b)  parlant  du  Comte  de  S.  loi ,  (b)  L> 
«Gouverneur  de  Paris  ,  d'un  homme  de  fa  condition  ,  qu'au  xix  r. 
«lieu  de  cultiver  l'affedion  des  plus  considérables  familles,  &  ?  X' J 
«■■de  rechercher  l'amitié  des  plus  honnêtes  gens  de  la  ville  3 

Huj 


6i  HISTOIRE  DU  CONCILE 

141 1.  "  qu'il  cherchât  des  créatures  dans  les  familles  les  plus  abjecte  ^ 
»  Se  jufques  dans  la  boucherie  de  Paris;  &  qu'il  n'eût  point  de 
>3  honte  de  partager  fon  emploi  avec  trois  fils  d'un  boucher  du 
55  Roi  j  nommez  les  le  Goix  -,  c'étoient  des  gens  fans  mérite  3  de 
55  qui  n'avoient  d'autre  confideration  auprès  de  lui  ,  que  celle 
55  d'avoir  témoigné  dans  la  dernière  guerre,  qu'ils  étoient  Bou- 
55  chers  d'inclination  ,  comme  de  nailTance  ,  qu'ils  aimoient  le 
55  carnage  ,  de  qu'il  n'y  en  avoit  point  de  plus  propres  à  faire 
55  une  (édition.  Ce  ne  fut  que  pour  ce  fujet  qu'il  leur  donna  , 
55  de  à  quelques  autres  de  même  farine,  un  commandement  ab- 
55  foluj  dont  il  leur  fît  expédier  des  Lettres  du  Roi,  fur  un  Corps 
55  de  cinq  cens  compagnons  bouchers  &  écorcheurs ,  dont  il  leur 
55  abandonna  le  choix.  Cela  déplut  fort  aux  gens  de  qualité  , 
?5  qui  furent  d'autant  plus  ofFenfez  qu'on  foudoyat  cette  canail- 
»  le  aux  dépens  de  la  ville  ,  fous  le  nom  de  Milice  Royale  ,  de 
»  que  non  feulement  il  leur  fàc  permis  de  marcher  en  armes 
»  par  les  rués  ,  mais  encore  qu'il  euflént  charge  de  remarquer 
»  ceux  du  parti  d'Orléans ,  c'eft  à  dire, de  faire  infulte  à  qui  ils 
45  voudroient,&:  que  ce  fût  deux  de  s'entremettre  des  intérêts 
m  de  la  ville  de  Paris ,  de  de  rapporter  aux  Confeils  du  Roi ,  les 
»  Requêtes  des  particuliers  de  des  bourgeois. 
clrdiZt  V.  Pour  revenir  au  cardinal  Minutolo  ,  Garimbert  (a)  en 
Minutoio.  parle  comme  d'un  ignorant  de  d'un  homme  fans  aucune  capa. 
tyHwotp-  clz£  Mais  tous  les  autres  Auteurs  témoignent  que  c'étoit  un 
lenus  Ep'\C-  grand  homme  ,  àc  qu'il  avoit  beaucoup  d'eipnt  de  de  favoir. 
cepus  Gai-  j}  avoit  même  écrit  en  vers  héroïques  la  vie  de  la  paffion  de 
S  Pierre.  On  lui  attribue  aufli  une  philofophie  fa  crée  de  profane 
touchant  la  connoiffancede  Dieu&  de  foi-même,  outre  diverfès 
Conftitutions ,  des  Epîtres  &  des  Harangues.  On  admire  encore 
à  Naples  plufîeurs  monumens  de  fa  libéralité  ,  entre  autres  le 
portail  de  l'Eglife  Cathédrale  ,  où  l'on  voit  fa  Statue  à  genoux 
devant  la  Vierge  avec  ces  vers  : 

JSFullius  in  lonyum ,  &  fine  fchemate  tempus  honoris 
Porta  fui ,  rutilons  ,  fumjanua  plena  decoris  5 
Me  meus  j  &  Sacra  quonàam  Mi  nutulus  Aula 
(h)  Auberi  JBxcoluit  propriis  Henricu  sfiimptibus  hujus 

gtf.Eggi \  Prœful ,  Apoflolicœ  nunc  confians  cardo  columnœ  , 

Purp.Doâ:.  Cui  precor  incolumem  vitam  poft  fat  a  perennem. 

L         ' p*  M  oc  opus  exaîium  mille  currentibus  annis 

Quo  quater  centum  &  feptem  Verbum  caro  fittîum  efi  (  h  ). 


DE  PISE.  Liv.    IV.  63 

Vf.  Jean  XXIII.  confia  les  autres  places  de  l'Etat  de  l'E-     141  r. 
glife  ,  comme  peroufe,  Todi ,  Orviete  3  Terni  3  (  Interamna  )  Rieti^    Jean 
le  Duché  de  Spolete  ,  6c  autres  lieux,  à  Otbon  de  Colonne  cardi-  x,x  ll  l: 
nal  diacre  de  S.  George  in  Velabro ,  que  l'on  verra  élu  Pape  fous  lever  des  De- 
le  nom  de  Martin  /^.  au  Concile  de  Confiance.  Ce «.  cardinal  "***/** Je* 
avoit  été  auparavant  Légat  du  Patrimoine  de  S.  Pierre  dans  f^ feft>ïu- 
laTofcane  pour  y  recouvrer  plufieurs  villes.  D'autre  côté ,  afin  fours  en- 
d'être  en  état  de  foutenir  la  guerre,  Jean  JfJCIII.  ordonna  f^syodee 
qu'on  levât  des  décimes  fur  les  ecclefiaftiques  en  plufieurs  en. 
droits  de  Pc:  urope  ,  comme  en  France,  dans  les  diocefes  de    %9' 
Cambrai  &  de  Toul ,  en  Provence  ,  en  Dauphiné  3  en  Savoye  y 
en  Portugal 3  en  Achaïe ,  en  Macédoine  ,  6c  dans  les  Jjles  de  la 
Mer  Egée  ,  qui  étoient  alors  aux  Chrétiens.  11  envoya  en  mê- 
me- tems  en  France  F Archevêque  de  Pife  èc  l'Evêque  d'Albi 
demander  du  fecours  >  6c  notifier  au  Roi  qu'il  alloit  à  Rome 
pour  délivrer  cette  capitale.  On  fonna  toutes  les  cloches  de 
îa  ville  8c  des  fauxbourgs  pendant  huit  jours  avant  fon  arrivée 
à  Rome,  pour  marquer  l'emprellement  qu'on  avoit  à  l'y  rece- 
voir.Il  y  entra  le  treizième  d'Avril  avec  Louis  dAnjou,  le  collège  I3#  Avril. 
des  cardinaux  .,6c  une  très  belle  efcorte.Ce  Prince  l'accompagna 
à  la  Cavalcade  qu'il  fît  de  lyEglife  de  S   Pierre  à  [on  Palais  Pon- 
tifical, &  demeura  avec  lui  jufqu'k  la  fête  de  S.  George  qu'il  prit    2,3.  Avril, 
congé  de  lui  pour  aller  exercer  la  charge  de   Général  &  Grand 
Gonfalonnierde  l'Eglife  ( a) ,  dit  le  Moine  de  5.  JDcnys.  D'autres  ^  MoIne.. 
difent  que  ce  jour-là  Jean  JCJflII.  confacra  folemnellement  de  s.  vt«y$. 
dans  le  Palais  du  Vatican  les  étendartsdes  Papes  ,  de  l'Eglife,  Ji3^?*' 
de  Louis  d'Anjou  3  ceux  du  Sénat  6c  du  peuple  Romain  ,  aufîi- 
bien  que  ceux  du  Général  des  Urfins  ^  qu'il  fit  la  revue  de  l'ar- 
mée ,  &  que  le  28   d'Avril  Louis  d'Anjou  6c    Paul  des  Vrfinf    18.  Avril. 
partirent  pour  entrer  en  campagne  3  après  avoir  reçu  les  éten- 
darts  de  la  main  du  Pape  avec  fa  bénédiction  ,  qu'il  donna  aufii 
à  tout£  l'armée  (  b  ).  Il  leur  envoya  enfuite  Bcrthold  des  Vrfi'ns    (b)  b%>v. 
avec  un  bon  corps  de  troupes  ,  6c  Jacques  de  S  force  Général  H".n.in. 
des  Florentins,  l'un  des  grands  capitaines  de  ce  tems _  là  (c  ).    (c)  sponL 
Il  voulut  aufii  avoir  dans  l'armée  un  Légat  qui  en  eût  le  corn-  I411  "'   "■' 
mandement  général  3  6c  il  choifit  pour  cette  fondion   Pierre 
Mannibaldi  de  Stéphane fei  Romain  }  cardinal  diacre  de  S.  Ange. 
Ce  Prélat  étoit  de  la  création  d'Innocent  VII.  Il  donna  enfui- 
te fa  x voix  à  l'éledion  de  Grégoire  JTZl/.qoi  lors  de   fon  dé- 
part pour  Savonne  le  fit  fon  vicaire  général  à   Rome.  »  Il 


64-  HISTOIRE  DU    CONCILE 

1411.  ■»  avoit  charge }  dit  Aubcri  { a  )  ,  de  confifquer  les  biens  de  tous 
(a)rom.li.  M  ceux  qU-  I-llontreroientle  moindre  figne  de  révolte  ,  &pouvoit 
pi  )j  vendre  &  engager ,  fans  crainte  d'en  être  recherché,  telles  vil- 

»les  &  tels  châteaux  qu'il  luiplairoit  du  domaine  Ecclefiafti» 
>î  que.  Il  eréoit  de  nouveaux  Magiftrats  èc  depofoit  les  anciens 
»à  fa  volonté.  En  un  mot  il  avoit  un  pouvoir  prefque  abfolu  , 
(■-.)  rheoi.  "  dont  quelques-uns  (b)  écrivent  qu'il  abufa  3  ht  qu'ayant  im- 
A/ew,  Labi.  >5 pofe  fur  le  Clergé  Romain  quelques  fubfîdes  extraordinaires 
^^•^•"pourlafubfiftance  delà  Milice  étrangère,  il  commit  des  col- 
«lecteurs  qui  procédèrent  avec  beaucoup  de  violence,  &  me- 
m  me  par  ernprifonnement  des  non  folvablesj  de  forte  que  le  Cler- 
>j  gé  &  le  Peuple  étant  également  animez  contre  notre  cardL- 
«nal ,  ilseuffent  enfin  dreflé  un  mauvais  parti,  s'ilne  le  fûtre- 
jstiré  de  bonne  heure  auprès  de  fa  Sainteté  (Grégoire  JTII.  ) 
J3  qu'il  alla  trouver  à  Lucques.  w  Ladiflas  s'étant  emparé  de  Ro- 
me en  ce  temps-là  ,  comme  on  l'a  vu  ,  punit  févérement  les 
Commifïaires  des  extorsions  à'Hannibaldi ,  .&  fît  mettre  en  pri- 
fon  fa  mère ,  6c  fa  belle-fœur  ,  femme  de  Laurent  km  frère.  Jean 
Jc'JflIJ.  le  déclara  fon  Vicaire  général  en  Italie  ,   lorfqu'U 
partit  pour  le  Concile  de  Confiance.  Ce  Cardinal  mourut  en 
1417. 
rittoireie       VII.  Comme  Iqs  deux  Rois  concurrents  recherchoient avec 
Louisd'An-unéaalemprefTement  uneoccafîon  décifive,  elle  ne  tarda  pas  à 
«mlas.        le  preienter.  Trois  ou  quatre  hiltoriens  contemporains  nous  ont 
donné  la  defcription  de  cette  bataille ,  qui  fut  une  des  plus  mé- 
i9-  May.  morables  de  ces  temps-ià.Quoiqu'ils  différent  en  quelques  circon- 
ftances,  ils  font  pourtant  d'accord  quant  au  fond.  Les  deux  Ar- 
mées campèrent  à  quelques  milles  l'une  de  l'autre,  fèparées  par 
la  rivière  de  Gariglan  (1)  près   de  Ceperano  (1).  Le  moine  de  «S. 

, ..  _     Denis  (cj,  Auteur  contemporain  .dit  que  ce  fut  Ladijlas  qui  en- 
Ce)  Liv.  j;V     |    -,    ..  r  T  /,  *  .  r      r  r  •  «     j    1    ■ 

xxxi.  CI.  V0Ya  défier  le  Koi  Louis  -par  un  Héraut .  qui  fut  fi  bien  reçu  de  lui , 
qu'il  le  renvoya  avec  des  marques  de  fa  libéralité.  Cet  Auteur  ajou- 
te ,  Q^auJJî-tbt  Louis  commanda  un  Capitaine  nommé  Bracio/w#r 
.  aller  reconnoi  tre  fes  forces  (  de  Ladiflas  )  fa  contenance  ,  &  la  for- 
me de  fon  camp  ,<&>  pour  remarquer  les  chemins  les  plus  propres  pour  C  al- 
ler joindre.  •»  Ce  Capitaine  ,  continue  le  Moine  de  S.  Denis ,  étant 
v  arrivé  proche  de  Peroufe  fît  rencontre  d'un  autre  fameux  Ca- 

(1)  Rivjere  du  Royaume  de  Naples. 

(i)  Ville  de  l'état  de  I'Eglifedans  la  Campagne  de  Rome  ,  où  fe  termine  ce  qu'on  appelle1 

It  Patrimoine  à;  S>iint  lierre.    Pogg.  Hifi.  Fièrent,  pag.  191. 

pitaine 


DE  PISE.   Liv.   V.  6T 

à  pitaine  nommé  Tartaillc  ,  qui  croit  en  marche  pour  Je  mê- 
.n  me  defTein  que  lui  avec  deux  mille  hommes  de  l'avanrgarde  de      * ' 
»  Ladijlas.  Il  fut  confeillé  de  le  charger  5  &  après  un  combat 
»>  fanglant ,  6c  qui  fut  longuement  opiniâtre ,  il  le  défie  avec  per- 
«  te  de  la  plupart  de  fes  gens  cous  tuez  ou  bleflez  à  mort.  «  Un 
ii  heureux  commencement  rehaufïa  le  courage  de  Louis  ,  qui 
d'abord  avoit  balancé  s'il  hazarderoit  le  combat ,  à  caufe  de  l'a- 
vantageufe  fituation  de  l'armée  de  Ladijlas,  D'autres  Auteurs  , 
auffi  contemporains  ,  rapportent  que  ce  fut  Louis  d'Anjou^  qui 
commença  l'attaque  avec  les  troupes  du  Pape  commandées  par 
le  Général  Sforce ,  qui  fur  le  foir  ayant  pafTé  la  rivière  ,  furprit 
Ladijlas  prêt  à  fe  mettre  à  table  (  a  ).  Quoi  qu'il  en  foit  3  la  vie-   (a)Nienrç 
toirefe  déclara  pour  Louis  d'Anjou.  Il  avoit  donné  l'avantgarde  ^ruc' 
à  Mefîîre  Louis  de  Loigni  ,  qui  donna  le  lignai  de  la  bataille,  xxil.  ap!° 
3î  Elle  commença  de  part  6c  d'autre,  dit  le  Moine  de  S.  Denys 3  Fonder 
>j  avec  des  cris  redoublez  par  le  refonnement  des  échos  ;  6c  en  Tom'.'ir.p; 
>j  même-temps  l'air  parut  tout  couvert  d'un  nuage  de  flèches  [  3*3.  Pogg. 
h  qui  ne  put  empêcher  qu'ils  ne  fe  joignirent  de  près  ,  avec  un  ubif"P- 
?  mépris  de  la  mort  qui  les  rendoit  aufîl  force-nez  que  les  bêtes  P' 
n  les  plus  farouches.  La  haine  qui  les  animoit  d'une  fureur  égale , 
»  les  acharnoit  de  telle  forte  ,  qu'on  voyoit  voler  les  épées  ,  les 
«  coutelas  6c  les  haches ,  avec  une  horrible  impétuofité  5  de  com- 
»  me  le  fuccès  de  la  mêlée  fut  fournis  à  la  feule  force ,  nos  gens 
33  nefèfervirent  d'aucune  rufe  de  guerre  ,  ils  fe  contentèrent  de 
n  pouffer  de  droite  6c  de  gauche  ,  6c  ils  menèrent  les  Siciliens  L"  Ntf»&~ 
53  battant  d'une  telle  vigueur  3  qu'on  eût  dit  qu'ils  avoient  à  dos  * 
si  les  feux  6c  les  foudres  du  Ciel.  Ils  perdirent  enfin  tout  cœur 
336c  toute  eiperance  de  vaincre.  Ladijlas  lui-même  s'enfuit ,  ii 
»  gagna  l'abri  d'un  Château  voifîn  nommé  Roche-Seiche ,  6c  de 
>3  trois  mille  hommes  qu'il  avoit  avec  lui  (1  )  ,  il  n'en  échapa 
*3  que  fort  peu. L'on  fit  un  fanglant  carnage  du  refte,6c  l'on  trouva 
33  parmi  les  prifonniers  dix  Comtes  6c  un  grand  nombre  d'au- 
33  très  Seigneurs  de  marque.  >3  Tous  les  Hiftoriens  conviennent 
que  fî  l'armée  de  Louis  d'Anjou  3  au  lieu  de  s*amufer  à  piller  ? 
eût  pourfuivi  Ladijlas ,  il  auroit  remporté  une  victoire  complette. 
Ladijlas  lui-même  convenoit  que  le  premier  jour  il  auroit  pu 
perdre  fon  Royaume  6c  la  vie  $  que  le  fécond  il  auroit  pu  per- 

(  1  )  Son  armée  étoit  de  treize  mille  chevaux  &  quatre  mille  fantafïins  :  Se  ce"e 
de  Louis  d'Anjou  de  douze  mille  chevaux,  On  ne  dit  pas  en  quoi  con/îftoit  fon  ii.g 
&nterie. 

Tvme  IL.  I 


tams. 


'U  HISTOIRE  DU  CONCILE 

dre  finon  la  vie  ,  au  moins  le  Royaume  $  &  que  le  troifiéme  il 
14,1  '     ne  perdroit  ni  l'un  ni  l'autre  ,  parce  qu'il  s'etoit  mis  en  état 
:  (a)   Amo-  de  fe  défendre  (a).  Mais  les  foldats  &  les  officiers  généraux 
nw  Fiorem.  éblouis  par  le  butin  fe  jetterent  fur  \es\  vafes  d'or  &  d'argent 
xxii.  Fol.  qu'ils  trouvèrent  fur  la  table  qu'on  avoit  fervie  pour  le  loupé 
CLvi.       de  Ladiflas.  Ils  enlevèrent  les  étendarts  de  ce  Prince  &  ceux  du 
Légat  que  Grégoire  avoit  dans  fon  armée.  Nos  Soldats  3  dit  le 
Moine  de  S.  Denys,  fe  firent  riches  de  chevaux  &  de  butin  5  ils 
gagnèrent  les  étendarts  de  Ladiflas  &  de  Grégoire.  On  aceufa 
aufïï  les  Généraux  3  &;  entre  autres  Paul  des  Urfins ,  d'avoir  em- 
pêché que  Ladiflas  ne  fût  pour  fui  vi  ,  parce  qu'ils  avoient  in- 
térêt à  faire  durer  la  guerre.  Quoi  qu'il  en  foit ,  on  porta  à 
Rome  les  étendarts  &  les  autres  marques  de  la  victoire.  Jean 
JfJflII.lzs  fit  étaler  fur  la  Tour  de  la  Bafilique  de  S.  Pierre  y 
afin  que  tout  le  monde  les  pût  voir.  Il  y  eut  enîuite  une  procef- 
fîon  iolemnelle ,  où  fe  trouvèrent  le  Pape  ,  les  Cardinaux  ,  & 
quantité  de  Prélats.  Pendant  la  proceffion  le  Pape  fit  traîner 
par  les  rues  les  étendarts  de  Ladiflas  &;  de  Grégoire  à  la  vue  de 
tout  le  peuple  qui  crioit  ,  Vive  le  Souverain  Pontife  &  le  victo- 
rieux Louis  Foi  de  Sicile.  Cette  adion  fut  fort  blâmée  des  Cour- 
tifans  &  de  plufieurs  perfonnes  judicieufès  ,  qui  trouvoient  que 
cette  infulte  ne  pouvoit  fervir  qu'à  irriter ,  comme  l'expérience 
le  confirma.  Ladiflas  ne  tarda  pas  à  rétablir  fes  affaires  en  l'ab- 
fènee  de  Louis  dH  Anjou  qui  s'en  retourna  en  France, 
Promotion  de      VIII.  Comme  il  étoit  mort  plufieurs  Cardinaux  depuis  l'é- 
14.  ou  15.    le&ion  de  Jean  jrJT7Il.il  en  fit  cette  année  le  6.  de  Juin  une 
Car6'"j2n    promotion  de  quatorze ,  pour  fortifier  Ion  parti  contre  fes  Con- 
currens  qui  en  faifoient  de  leur  côté. 

1.  François  Lando  noble  Vénitien,  Patriarche  de  Grade , -puis 
de  Conflantinople  3  fait  Cardinal  fous  le  titre  de  Sainte  Croix, 
de  Jerufalem.  Il  fut  au  Concile  de  Confiance  ,   &  mourut   en, 

1.  Antoine  Pancerinc »-,  natif  du  païs  deFrioul.  Il  fut  fait  Pa- 
triarche à'Aquiléeçn  1402.  par  Boni  face  1JC.  Antoine Cajetan  , 
qui/elon  quels-  uns ,  étoit  oncle  de  pancerino,  ayant  refigné  cette 
dignité  >  Grégoire  JlJJ.  le  chafla  de  fonPatriarchat,,  parce  que 
ne  trouvant  pas  que  ce  Pape  fe  mît  en  peine  de  tenir  fa  parole,, 
il  embrafTa  la  neutralité.  Mais  Jean  JTJCIII.  l'y  rétablie,  &  en 
chafTa  Antoine  de  Pontée  que  Grégoire  y  avoit  mis.  Il  vécut  jus- 
qu'à l'an  143  k 


AtuHiev  Scitlp 


DE  PISE.  Liv.     V..  67 

3.  Alaman  Adimar  Noble  Florentin  ,  Evêque  de  Florence 
puis  Archevêque  de  Tarentete.  enfuicede  Pife.  Nous  l'avons  vu  I4IÎ' 
Nonce  en  France  en  141  o.  pour  demander  les  Décimes  &  l^s 
dépouilles  &c  Ce  fut  pendant  cette  légation  que  Jean  XXIII, 
le  fit  Cardinal  Prêtre  de  S.  Bufebe.  De  France  il  fut  envoyé  en 
Efpagne  pour  accommoder  les  differens  de  la  Cour  de  Rome 
avec  ce  Royaume.  Il  fut  au  Concile  de  Pifè  5  &  on  le  verra  a 
celui  de  Confiance.  Il  mourut  en  1422. 

4.  Jean  portugais  ,  Evêque  de  Conimbre  3  puis  Archevêque 
de  Lisbonne.  Jean  XXIII.  le  fit  Cardinal ,  à  la  prière  du  Roi 
de  Portugal  dont  il  étoit  Confeiller.  Il  mourut  à  Bruge  en 

1413. 

5.  Pierre  d'Ailli  de  Compiegne  fur  l'Oife  en  Picardie.   II 

fut  Aumônier  de  Charles  VI.  &  Chancelier  de  TUniverfité  de 
Paris.  Il  eut  pour  difciple  le  célèbre  Jean  Gerfon  ,  qui  lui  fuc- 
ceda  dans  cette  dernière  charge.  On  Ta  déjà  vu,  &  on  le  verra 
dans  la  fuite  s'employer  avec  un  grand  zèle  pour  la  paix  de 
l'Eglife.  Il  mourut  en  1416.  C'étoit  un  Prélat  fort  favant.  On 
Tappelloit  Y  Aigle  de  la  France  &  le  Marteau  infatigable  des  Hé- 
rétiques. Il  fit  plusieurs  Ouvrages  ,  dont  on  peut  voir  la  lifte 
dans  Ciaconius  (  a  ).  On  a  blâmé  Pierre  d'Ailli  de  ce  qu'il  préten-    (a) Tom» 
doit  que  la  Naiflance  du  Sauveur  pouvoir  fe  prédire  par  hs  ob-     ' p* 8o0î 
fervations  Aftrologiques ,  ce  qu'il  prouvoit  par  l'Etoile  qui  pa- 
rut aux  Mages  (  b  ).  Pic  de  la  Mirandole  réfuta  un  Livre  de  Pier-   (b)  Sixt> 
re  d' Ailli  de  la  Concorde  de  la  Théologie  avec  /' Agronomie  &  l'FLi-  B^UoT.' 
(jkoire.  Ce  Savant  dit  qu'il  y  a  autant  de  fautes  que  de  mots  dans  w?. 
POuvrage  de  Pierre  d' Ailli  -,  qu'il  étoit  ignorant  dans  TAftrono-  JjJ^1,   . 
mie ,  ne  l'ayant  apprife  que  dans  fa  vieillefïè  5  Ôc  que  tout  ce 
qu'il  en  a  écrit ,  il  l'a  pillé  des  autres  fans  l'avoir  bien  digéré  (  c  ).  (  0  E^gt 
Je  mettrai  ici  fon  Epitaphe.  Elle  n'eft  pas  longue  ,  &  les  vers  J°™'11Is 
en  font  afïez  bons  pour  le  tems. 

Mors  rapuit  Petrum  ,  Petrarn  fubiit  putre  Corpus , 

Sed  Petram  Chrifium  Spiritus  ipfe  petit. 
Quisquis  ades  precibus  fer  opem  f  femperque  mémento 

Quod  prœter  mores  omnia  morte  cadunt, 
Isfamquidamor  Regum^quid  opes  ,  quid  gloria  durent 

Afpicis  :  bac  aderant  tum  mihi  3  nunc  abeunt.  &&*  *'* 

JL  '  Hommes 

IX.  Il  FAUTaurefte  ,  félon  le  rapport  de  Henri  de  Sponde  **?*V* 
(  d  ) ,  que  Pierre  d* Ailli  ait  été  créé  Cardinal  abfent.  C'eft  ce   (d)  Ann; 

I i j  mi..»,  h 


*4"« 


6$  HISTOIRE  DU  CONCILE 

qui  paroît  par  l'abjuration  que  fie  encre  (es  mains  un  Carme 
nommé  Guillaume  de  Jrlildernifien  3à  5.  Quentin  en  Picardie  le 
ii.  de  Juin  de  cette  année.  Ce  Carme  joint  avec  un  certain  Gilles 
Chantre  de  l'Eglife  de  S.  Quentin  -,  avoit  introduit  une  Secte 
qu'ils  appelloient  les  Hommes  d'Intelligence.  Gilles  fbutenoit  qu'il 
étoit  le  Sauveur  des  hommes  3  que  par  lui  ils  verroient  Jésus- 
Ch  ri  st  j  que  le  Diable  6c  tous  les  hommes  ,  feroient  enfin 
fauvez  3  que  les  jeûnes  ,  les  pénitences  ,  les  prières  ,les  Ordres 
de  l'Eglife  étoient  inutiles  3  tout  de  même  que  la  Confefîion 
où  on  n'alloit  que  pour  éviter  la  perfécution  des  Prêtres  ,  6c 
où  on  ne  confeflbit  que  des  péchez  légers,  en  Supprimant  les 
plus  énormes.  Ils  difoient  que  les  voluptèz-  charnelles  étoient 
les  plaifirs  du  Paradis,  6c  qu'il  n'y  avoit  point  de  péché  à  les 
prendre  ,  parce  qu'ils  font  aufîi  naturels  que  de  boire  £c  de  man- 
ger. Ils  attribuoient  les  plus  méchantes  a&ions  non  feulement 
à  la  permiffion  de  Dieu  ,  mais  à  fa  volonté  efficace  6c  de  bon 
plaifir.  Us  prétendbienr  que  le  tems  de  l'Ancienne  Loi  étoit  le 
tems  du  Père  ,  celui  de  la  Nouvelle  Loi  le  tems  du  Fils ,  èc  que 
le  tems  du  S.  Efprit  étoit  prochain,  ce  qu'ils  appelloient  le  tems/ 
à' Elle ,  pendant  lequel  les  Ecritures  feroient  tellement  réfor. 
mées,  qu'on  refuteroit  ce  qui  auparavant  avoit  paru  véritable, 
comme  tout  ce  qu'on  difoit  de  la  Pauvreté  ,  de  la  Continence  3 
de  YObédience.  Ils  prenoient  pour  infpiration  tout  ce  qui  leur 
venoit  dans  la  penfée  3  ce  qui  leur  faifoit  faire  fouvent  des  ac- 
tions extravagantes.  Ils  fbutenoient  qu'il  n'y  avoit  qu'une  feule 
Vierge  ,  qu'ils  appelloient  la  Sapience.  Ils  enfeignoient  fur  le 
Purgatoire  6c  fur  l'Enfer  des  doctrines  contraires  à  celles  de  l'E- 
glife Romaine.  A  l'égard  de  Guillaume  de  Jdildernifien  3  il  avoit, 
outre  cela  ,  des  principes  qui  lui  étoient  particuliers  ,  comme 
que  tout  ce  que  l'homme  fait  ne  lui  tourne  ni  à  mérite  ni  à 
démérite  ,  ni  au  falut  ni  à  la  damnation  ,  6c  que  la  pafîion  de 
J  e  s  u%s-C  hrist  avoit  fatisfait  pour  tous  3  que  l'homme  ex-, 
teneur  ne  tâche  point  l'homme  intérieur  3  que  Dieu  eft  par  tout , 
dans  de  la  pierre  ,  dans  les  membres  humains ,  en  enfer  ,  tout 
de  même  qu'au  Sacrement  de  l'Autel  3  &c  qu'ainfi  l'homme 
jouïfïoit  déjà  parfaitement  de  Dieu  avant  que  de  communier. 
Us  enfeignoient  qu'il  n'y  auroit  point  de  Réfurre&ion  ,  parce 
qu'elle  avoit  été  faite  en  J  e  s  u  s-C  hrist,  dont  nous  fom~ 
mes  les  membres,  le  Chef  ne  refîufcitant  point   fans  Ces  mem- 
bres. L'Hifloire  lui  attribue  encore  plufleurs  autres  héréfîes  qu'il 


fi  E    P  I  S  E.    L  i  v.   V.  êf 

abjura  à  Cambrai  &  à  Bruxelles  où  il  les  avoic  répandues.  Re-    J4II/ 
venons  aux  autres  Cardinaux  de  Jean  JfJflII. 

6.  George  de  Liechtenjlein  ,  autrement  appelle  Rofco  ,  d'une 
des  nobles  familles  d'Allemagne.  Il  fut  Evêque  de  Trente  ,  ôc 
créé  Cardinal  fans  titre  ,  parce  qu'il  n'alla  pas  à  Rome.  L'Hi- 
ffcoire  dit  qu'il  mourut  empoifonné  dans  un  château  du  diocèfe 
de  Trente. 

7.  Branàa  de  Cajliglione  Noble  Milanois  ,  l'un  des  plus  cé- 
lèbres Jurifconful tes  de  fon  tems.  Après  avoir  été  employé  par 
Boniface  IJC.  à  plufieurs  ambaMades  pour  l'extinctiondu  fchif- 
me  ,  ce  Pape  le  fit  Evêque  de  Plaifance.  Ayant  abandonné  Gré- 
goire J£II  3  il  perdit  fon  évêché.  Mais  il  lui  fut  rendu  par  Jean 
JfJflII.  qui  le  fit  Cardinal  du  titre  de  S.  Clément.  On  a  déjà 
parlé  de  ce  Prélat ,  &  il  en  fera  fait  mention  dans  la  flûte  ,  puif- 
qu  il  ne  mourut  qu'en  1443.  âgé  de  plus  de  90.  ans. 

S.  Thomas  Langlei  Anglois  de  nation  ,  evêque  âeDttrbam. 
Jean  JfJTIII.  le  fit  cardinal  Prêtre,,  mais  fans  titre  auflî  ,  par- 
ce qu'il  ne  fut  point  à  Rome,  au  rapport à'Eggs  (a).  Le  même  0)  PwfP- 
Auteur  ajoute  que  ce  Prélat  harangua  le  Concile  de  Pife  dans^'J \/m, 
la  fixieme  Seiïîon  de  la  part  du  Roi  &du  Clergé  d'Angleterre. 
Cependant  les  Aétes  attribuent  cette  harangue  à  FEvêque  de  Sa^ 
lifburi.  Sponâe  evêque  de  Pamicrs  ne  le  met  point  au  rang  des 
Cardinaux  douteux.  Ciaconius  en  parle  comme  d'un  grand  per- 
ibnnaçe.  L'année  de  fa  mort  eft  incertaine. 

9.  Thomas  Brancacio  Noble  Napolitain  ,  neveu  de  Jean 
JfXIIl,  Il  fut  Evêque  de  Tricaria  dans  la  Pouille.  »  Notre 
33  Cardinal  ,  dit  Garimhert ,  étort  d'une  humeur  fort approchan- 
ts te  de  celle  de  Balthafar  CoJJa  fon  oncle  :  il  aimoit  l'exercice 
si  des  armes  ,  6c  haïfîbit  l'étude  des  lettres.  Il  étoit  de  plus- 
»  adonné  au  vice  de  la  chair,  &  avoir  prefque  tous  les  foirs  le 
^renàez^vous  >  où  il  alloit  contenter  fes  infâmes  plaifirs.  Une  nuit 
«  entr'autres  ,  comme  il  fortoit  d'une  m  ai  fon  3  accompagné  de 
»  quelques  mauvais  garnemens,il  fit  rencontre  d'un  plus  grand 
33  nombre  d'autres  -,  a,vec  lefquels  ayant  eu  prife,  il  reçut  une  ba- 
33  laffreau  vifage,qui  lui  demeura  tout  le  refte  de  fes  jours,au  grand 
33  fcandale  de  ceux  qui  favoient  que  c'étoit  là  un  témoignage 
33  de  fa  lubricité,  (b) 

10.  Gilles  des  Champs  Normand  de  nation '  3  redeur  du  Colle-  00  Anberî 
ge  de  Navarre ,  l'un  des  plus  célèbres  Théologiens  de  fon  tems,  Tbm/iiT' 
Confefleur  du  Roi  de  France  ,  par  lequel  il  fut  employé  à  di~  pag.  71, 

Iiij 


7o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

f  verfes  négociations  pour  l'extinction  du  fchifme  a  &  entr'autres 

dans  la  grande  ambaiïade  qui  fut  envoyée  à  Benoit  JCUI.  en 
139  s.  comme  on  l'a  vu.  Il  fut  aufli  envoyé  en  Allemagne  pour 
donner  avis  à  Wençeflas  de  cette  ambafTade.  11  eut  deux  Eve- 
chez  consécutivement,  celui  de  Senlis ,  &  celui  de  Coûtâmes  en 
Normandie.  On  ne  convient  pas  du  temps  de  fa  mort. 

1 1 .  Lucio  Conti  (  *fe  Comitibus  )  famille  noble  de  Rome.  Il  étoic 
fils  & Aldebrandin  ou  lldebrandin ,  Seigneur  Romain.  De  la  qua- 
lité de  Protonotaire  Apoflolique  il  fut  fait  Cardinal  le  même 
jour  que  les  Cardinaux  précédents  ,  fous  le  titre  de  Sainte 
Marie  deCofmedm.  Il  Te  trouva  au  Concile  de  Confiance  s  &y 
fut  chargé  de  citer  Benoît  JTJJI.  Ayant  donné  fa  voix  à  l'é- 
lection de  Martin  y.  ce  Pape  lui  pardonna  &  à  fa  Maifon  les 
offenfes  que  le  Siège  de  Rome  prétendoit  en  avoir  reçues ,  &  lui 
rendit  toutes  les  terres  &  les  domaines  qui  lui  avoient  été  ôtez. 
Il  lui  accorda  de  plus  jufqu'à  la  troifiéme  génération  plufieurs 
places  &  châteaux ,  dont  on  peut  voir  les  noms  dans  Ciaconius. 
Les  Boulonoiss'étant  révoltez  contre  Martin  v.  il  envoya  Lu. 
cio  avec  des  troupes  pour  ranger  cette  ville  fous  l'obéïflance  de 
l'Eglife  Romaine.  Il  réunit  dans  cette  négociation,  &  fut  fait 
Légat  6c  Gouverneur  de  Bologne.  Il  mourut  en  1457.  Auberi 
nous  apprend  qu'il  écoit  protedeur  de  l'Ordre  de  Saint  Jean  de 
Jerufalem  ,  qui  font  les  Chevaliers  de  Malthe. 

11.  François  Zabarelle  évêque  de  Florence  fa  patrie.  On  peut 
voir  fon  hiftoire  dans  celle  du  Concile  de  Confiance ,  où  il  mou- 
rut. J'ajouterai  feulement  une  particularité.  C'efl  qu'il  eut  pour 
difciple  ce  Jurifconfulte  fameux,  connu  fous  le  nom  d'Abbé  de 
Palerme ,  qui  fut  Archevêque  de  cette  ville ,  puis  Cardinal  de 
la  création  de  Félix  V.  Zabarelle  compofa  plufieurs  ouvrages  3 

(a)  Append.  entre  lefquels  Warthon  (a) ,  fur  la  foi  de  Philippe  Thomafin  y 

*i.Hij}.ut.  compte  les  Actes  des  Conciles  de  Pife  &  de  Bafle ,  lefquels  per- 
ave.p.4*.  fonne  n»a  yus  jufqu'jcj  j  que  je  fçache.  Le  Cardinal  BeUarmin  (b) 

UxtUfJ^'  témoigne  que  Zabarelle  avoit  fait  un  excellent  livre  du  fchifme 
qui ,  dit-il ,  a  été  défendu  par  PEglife  jufqu'à  ce  qu'il  foit  corri- 
gé }  parce  qu'il  a  été  corrompu  par  les  hérétiques  ,  &  qu'il  a 
(c)  Ap.  été  imprimé  à  Strafl>ourg  fans  avoir  été  revu  (c).  C'efl  apparem- 

\ii'vf°îx.  menc  Ie  même  ouvrage  que  Mr.  Von  der  Hardt  a  publié  fur  un 

(d)  A&.     manufcrit  de  Vienne  (d). 

cw?.Tom.      jy  Guillaume  Fillafire  ,  originaire  du  païs  du  Mans  ,  que  le 
*  Docteur  Jofeph  Fggs  appelle  m  champ  fertile  en  bons  efprits.  11 


Î3E    PISE.    Liv.       V.  }i 

fut  Doyen  de  Rheims ,  puis  Archevêque  d'Aix  en  Provence  , 
enfuite  Cardinal  Prêtre  du  titre  de  S,  Marc.  Après  avoir  paru      * 
avec  éclat  au  Concile  de  Confiance  ,  Martin  V,  l'envoya  Lé- 
gat en  France.  Il  mourut  à  Rome  en  1418.  âgé  de  %o.  ans. 

14.  Robert  Malan  Anglois  3  Archidiacre  de  Cantorberi  ^  Chan- 
celier de  l'Académie  d'Oxford  ,  Evêque  de  Salisburi.  Il  fut  au 
Concile  de  Pile  ,  où  il  harangua  contre  les  Concurrens.  Il  fut 
au  Concile  de  Confiance  où  il  mourut  en  1417.  Auberï  le  met 
encre  les  Cardinaux  douteux  ,  d'un  côté  parce  qu'il  n'eut  point 
de  titre ,  &  de  l'autre ,  parce  qu'il  n'eft  jamais  nommé  qu'Evêque 
dans  le  Concile  de  Confiance. 

Quelques-uns  placent  à  cette  année ,  Guillaume  Carbon  No- 
ble Napolitain  ,  Archidiacre  àïAquilèe  6c  Protonotaire  du  S. 
Siège,  Evêque  de  Civita  di  Chieti  (1).  Auberi.le  met  entre  les 
Cardinaux  douteux. 

X.  Ce  fut  par  le  conféil  de  ces  Cardinaux  &  de  trois  au.  Jeanxxirrç 

.    ~  <•/•  K*-  -rwr-r-r\  i>  •  -r         excommunie 

très  que  Jean  JTJlIII.  lança  1  excommunication  contre  La,  Laaifla$. 
dijlas  de  Duras  3  &le  cita  pour  comparoître  à  Rome  au  mois  de 
Septembre.  Mais  ce  Prince  n'ayant  pas  comparu  au  terme  mar- 
qué ,  il  le  déclara  rebelle,  ennemi  &  perfécuteur  de  l'Eglifè, 
fauteur  du  fchifme,  le  dépouilla  des  royaume  de  Naplesôc  de 
Jerufalem  ,  &  difpenfa  fes  fujets  du  ferment  de  fidélité.  Il  com- 
mit l'exécution  de  cette  fentenceà  Pierre  des  Vrjtns  comte  de  (1} 
Noie  à  qui  il  écrivit  une  lettre  dattée  du  13.  d'Avril.  Il  repré- 
fente  dans  cette  lettre.  1.  Qu'il  fe  nomme  témérairement  Roi 
de  Sicile,  ayant  été  dépofé  par  le  Concile  de  Pife.  2.  Que  con- 
tre fon  ferment  &  contre  le  traité  par  lequel  il  avoir  reçu  ce 
Royaume  en  fief  de  PEglife  Romaine  3  il  s'étoit  emparé  de  plu- 
fleurs  provinces  qui  appartiennent  à  cette  Eglife  3  &  avoit  conf. 
pire  contre  lui  avec  plufieurs  puiffances  &;  plufieurs  particuliers  y 
comme  entres  autres  avec  Ange  Corario  facrilege ,  hérétique  y 
fchifmatique  &  dépofé  par  le  Concile  de  Pife  ,  &  avec  [es  ad  hé-  ,.  Vo 
rents.  3.  Par  toutes  Ces  raifons&  autres  déjà  alléguées  [c)  con-  ci-deflus  i.i 
tre  Ladijlas  par  Alexandre  V.  il  ordonne  fous  peine  d'excom-  Ht 
munication  à  Pierre  des  Urfïns  de  pouffer  Ladijlas  avec  vigueur. 
En  effet  ce  Comte  quitta  le  parti  de  Ladijlas  pour  prendre  celui 
de  Louis ,  &;  exécuter  les  ordres  de  Jean  JfJTlII.  Ce  qui  fut 

(1)  Ville  du  Royaume  de  Naples ,  dans  l'Abruflê  citérieure. 

(z)  Ville  fort  ancienne  dans  la  Terre  de  Labour  ,  à  quatre  ou  cinq  lieues  d* 
Naples. 


n  HISTOIRE  DU   CONCILE 

caufe  que  dans  la  fuite  Ladiflas  ayant  rétabli  (es  affaires  ,  dé* 
*'    '    pouilla  à  main  armée  les  Urjtns  du  Comté  de  Noie. 

angine  des       XI.  Jean  XXIII.  publia  quelque  temps  après  contre  La*. 

roiju  es.  fajias  Llne  Croifade  qui  fut  envoyée  par  toute  l'Europe.  Com- 
me on  aura  fouvent  occafion  de  parler  de  Croi fades  dans  la  fuite 
de  cette  hiftoire,  il  cil  bon  d'initruire  là-deiïus  le  Le&eur  un 

n  ly4i°'    Peu  ParOculierement.  Bzpvius  (a)  l'un  des  Continuateurs  de  Ba- 
ronius  ,  a  pris  foin  de  nous  en  expliquer  l'origine,  &  les  céré- 
monies qu'on  y  cmployoit.  On  appelloit  cette  forte  de  guerre 
Croifade ,  Se  les  foldats  qui  s'y  engageoient ,  Croife^ ,  non  feule- 
ment parce  que  ces  expéditions  fe  faifoient  fous  prétexte  de  re- 
tirer la  croix  de  Jefus-Chrifi  d'entre  les  mains  des  infidèles ,  mais 
auiïî  parce  que  le  Pape  leur  donnoit  une  croix ,  qui  étoit  attachée 
ou  couiue  à  leur  habit  fur  l'épaule  droite.  Ils  en  avoient  aulîl 
quelquefois  fur  leurs  armes.  Les  uns  la  portoient  rouge ,  comme 
les  François  y  les  autres  blanche ,  comme  les  Anglois  ^  les  autres 
verte,,  comme  les  Comtes  de  Flandres  ,  ce  qui  fervoiten  même 
tems  à  diffcinguer  les  foldats  de  chaque  armée.  Quelquefois  ils 
prenoient  d'eux-mêmes  cette  croix  j  mais  pour  l'ordinaire  on 
la  recevoitdu  Pape,  ou  d'unEvêque  .,  ou  de  quelque  Ecclefia- 
ffique  de  diftin&ion  commis  à  publier  la  Croifade.  Tout  le  mon- 
de fefaifoit  honneur  d'entrer  dans  cette  milice:  les  Papes 3  les 
Empereurs,  les  Rois  ,  les  Princes,  les  Evêques  ,  &;  même  les 
femmes  s'y  diftinguoient  fouvent.  Il  étoit  libre  de  ne  s'y  pas 
engager.  Mais  quand  on  avoir  pris  la  croix  ,  c'étoit  un  vœu 
qu'il  falloir  accomplir  fous  peine  de  damnation  éternelle.  Par- 
mi les  lettres  &  Innocent  III.  au  13.  fiecle  on  en  trouve  une  à 
André  II.  furnommé  le  Jérofolymitain  3  fils  de  Bêla  III.  roi  de 
Hongrie  ,  où  il  menace  ce  jeune  Prince  d'anathême  3  .&  de  per- 
dre ion  droit  à  la  fucceflîon  au  royaume  de  Hongrie ,  s'il  n'ac- 
compliffoit  le  vœu  auquel  fon  père  l'avoit  engagé  en  mourant, 
d'aller  à  la  conquête  de  la  Terre  Sainte ,  &  auquel  il  s'étoit  en- 
gagé lui-même  en  prenant  la  croix.  En  effet  André  fe  croifa  , 
&tic  le  voyage  de  la  Paleftine.  Mais  ce  ne  fut  qu'en  121 7.  Ce 
qui  pourtant  ,  malgré  la  menace  d'Innocent  III.  ne  l'empêcha 
pas  de  fucceder  en  1205.  à  Ladiflas  fon  frère  ,  au  royaume  de 
Hongrie.  Le  Concile  de  Latran  ,  tenu  par  le  même  Pape  au  13. 
lîecle  ,  enjoint  auffi  fous  des  peines  très-rigoureufesl'obiervation 

_,  ,  de  ce  vœu  à  tous  ceux  qui  avoient  pris  la  croix. 

Cérémonies  -vit  ^  '  r 

desCroifadv*      XII.  V  o  i  c  i  les  cérémonies  qui  le  pratiquaient  en  rece- 
vant 


DE  PISE.     Liv.    V  73 

vtfant  un  Croifé  ,  félon  le  Rituel  Romain.  1.  Il  fe  metroic  à  ge-  Ii,Iîl 
<noux  devant  le  Pape  ,  ou  devant  le  Prélat  député  pour  cela , 
#yant  auprès  de  lui  un  Officier  d'Eglife  avec  la  croix  qui  de» 
voit  être  bénie  ,  &.  donnée  à  celui  qui  s'engageoit.  Enfuite  le 
Prélat  debout  &fans  mitre  prononçoit,  Notre  aide  fait  au  nom 
du  Seigneur  ;&.le  candidat  de  l&Croifade  aclievoit  en  ces  mots, 
.quia  fait  le  ciel  &  la  terre.  Le  Prélat  ajoutoit,  Le  Seigneur  foit 
avec  vous  3  l'autre  répondok  3  avec  votre  efprit.  i.  Le  Prélat  fai„ 
foit  cette  prière.  »  Dieu  tout-puifiant ,  qui  as  confacré  le  figne 
»  de  la  croix  par  le  fang  de  ton  Fils ,  qui  par  cette  croix  as  voulu 
»>  racheter  le  monde  ,  &  le  décharger  fur  cette  même  croix 
n  de  l'obligation  que  l'ancien  ennemi  du  genre  humain  avoit  con- 
»  tre  lui ,  Nous  te  prions  de  bénir  cette  croix  en  ta  mifericorde , 
»>  &  de  lui  conférer  d'enhaut  une  telle  efficace  ,  que  quicon- 
que la  portera,  en  figne  delà  croix  &  de  la  pafiîonde  ton  Fils 
53  unique  ,  y  trouve  une  plénitude  de  grâce  ,  par  rapport  à  fon 
>j  corps  &  à  Ton  ame  '3  &  que  comme  tu  bénis  la  verge  à! Aayon 
«s  pour  dompter  les  rebelles  ,  tu  bénhîes  auffi  par  ta  droite  ce 
^3  figne  ,  pour  munir  celui  qui  la  reçoit  contre  tous  les  artifices 
>3  &:  les  efforts  du  Diable.  Par  J  f.  s  u  s-C  hrist,  Amen.  »  3. 
Le  Prélat  verfoit  de  l'eau  bénite  fur  la  croix  ,  &  fur  celui  qui  la 
devoit  prendre  ,  &;  adrefibit  cette  prière  àj£Sus-CHMST  : 
>3  SeigneurJ  e  s  u  s-C  hrist,  Fils  du  Dieu  vivant ,  qui  es  le  vrai 
33  Dieu  tout-puifiant  ,  la  fplendeur  &  l'image  du  Père  .,&:  la  vie 
33  éternelle  ,  qui  as  déclaré  à  tes  difciples  que  celui  qui  veut  ve- 
33  nir  après  toi, doit  renoncera  foi. même  ^charger  fa  croix  &: 
>3  te  fuivre ,  nous  implorons  ton  immenfe  bonté  de  couvrir  toû~ 
?a  jours  de  ta  protection,  ton  ferviteur  ici  préient,  qui  félon  ta 
93  parole  eft  tout  prêt  à  renoncer  à  foi- même  ,  à  prendre  fa  croix  , 
»  &.  à  te  fuivre  j  pour  combattre  tes  ennemis,  û  pour  le  falut  de 
33  ton  peuple  élu.  Veuilles  le  délivrer  de  tous  dangers  ,  l'ab- 
33  foudre  defes  péchez ,  &  le  conduire  heureufementau  but  qu'il 
33  s'eft  propofé.Puifque  tu  es  le  chemin,  la  vérité,  la  vie,la  forcera 
33  valeur  de  ceux  qui  efperenten  toi ,  dirige  {es  pas  ,  fais-le  prof- 
33  perer  ,  &  le  foutiens  au  milieu  des  angoùTes  du  monde.  En- 
33  voye-lui  ton  Ange  Raphaël,  qui  fut  compagnon  de  Tobie 
33  dans  fon  voyage  ,  &.  qui  rendit  la  vue  à  fon  père  j  afin  qu'en 
>3  allant  &; en  revenant  ,  il  le  preferve  des  embûches  defes  enne- 
^îmis  vifibles  6c  invifibles,  &  qu'il  éloigne  de  lui  toutiaveugle- 
33  ment  de  corps  &  d'efprit.  Toi  qui  avec  Dieu  le  Père  &:  le  Saint 
Tom.  JJ.  K 


74  HISTOIRE  DU  CONCILE 

»  Efpric  vis  &  règnes  dans  tous  les  fieclès.  Amen.  »  4.  Le  Prélat" 
y^llt  s'affeyoit ,  mettoit  fa  mître  fur  fa  tête  ,  Ôt  la  croix  fur  l'épaule-' 
du  Chevalier,  lui  parlant  en  ces  termes  :  Receve^le  figne  de  la 
Croix  ,  au  nom  du  Père ,  du  Fils  ,  &  du  Saint  Ejprit  ,  en  figne  de  la 
croix  ,  paffïon  ,  &  mort  ^Christ,  four  la  défenfc  de  votre 
corps  &  de  votre  ame  >  afin  que  far  la  bonté  divine ,  afrès  votre  ex. 
f édition  vous revenicz^chez^vous  fiain  &  jatif ,  far  Jesus-Chri st 
notre  Seigneur.  Après  quoi  le  Prélat  verfoit  encore  de  l'eau  bé- 
nite fur  le  foldat ,  qui  lui  baifoit  la  main  à  genoux ?3  &  fe  reti- 
roic. 

La  bénédi&ion  ne  fe  bornoit  pas  à  la  croix  5  elle  fe  dônnoit 
auflî  aux  armes  &  à  l'équipage  des  pèlerins.  On  lit  dans  l'Hi- 
iloire  que  Philiffe  roi  de  France  reçut  très-dévotement  la  cor- 
beille {fportulam  )  de  le  bâton  de  pèlerinage ,  des  mains  de  l' Ar- 
chevêque de  Reims  fon  oncle ,  &  Légat  du  Siège  Apoftolique. 
On  trouve  ces  paroles  dans  les  Gefi.es  du  Roi  Louis  ,  fils  de  Louis 
le  Gros.  Le  Roi  vint  fie  Ion  la  coutume  a  l'Eglifie  de  S.  Denys  ,  re- 
cevoir le  congé  des  Martyrs  5  &  afrès  la  Afeffe  il  reçut  avec  refipcïl 
le  bâton  de  pèlerinage  &  l'étendnrtde  S.  Denys  ,  qu'on  appelle  Ori- 
flamme. Cefl  ainfî  encore  que  Richard  roi  d'Angleterre  reçue 
la  poche  &  le  bâton  de  pèlerin  des  mains  de  l'Archevêque  de 
Tours,  55  Mais, dit  l'Hiftoire,  dès  qu'il  voulut  s'appuïer  lur  ce 
>;  bacon  ,  il  cafla  ;  ce  qui  fut  regardé  comme  un  mauvais  pré- 
>5  fàge.  On  trouve  dans  un  R  ituel ,  appelle  le  Sacerdotal  Romain  }- 
le  formulaire  de  la  bénédidion  qu'on  donnoit  aux  armées  en- 
tières, 
indulgences       XIII.  On  es  toit  attiré  à'  ces  expéditions  par'  les  indub 
cr privées  gences  pléniéres  que  les  Papes  donnoient.  C'eft-à  dire  qu'ils  re- 
*J*K'    lâchoient  aux  Croifez  les  pénitences  aufquelles  ils  avoient  été 
condamnez,  &  qu'ils  leur  promettaient  la  vie  éternelle  &mê~ 
me  la  gloire  du  martyre  ;  néanmoins  fous  la  condition  de  la  péni- 
tence 6c  de  la  confefîion  ,  s'ils  venoient  à  mourir  dans  ce  voyage, 
C'eft  ce  que  déclara  Urbain  II.  dans  le  Concile  de  Clermont , 
comme  on  le  verra  tout  à  l'heure.  Le  bénéfice  de  ces  indulgen- 
ces s'étendoit  à  ceux  qui  contribuoient  aux  voyages  &  aux  ar- 
méniens, par  leurs  foins,  &  par  leurs  dépenfès ,  quoiqu'ils  n'y 
allaient  pas  eux-mêmes /comme  le  déclara Innocent  1U.  Ou- 
tre ces  indulgences  on  accordoit  aux  Croifez  de  grands  privi- 
lèges par  rapport  au  temporel, comme  exemptions  de  tailles, 
de  collectes ,  lettres  de  répit,  amnifties,  &c. 


DE  PISE   Liv.    V.  7y 

Dépareilles  expéditions  ne  pouvant  pas  fe  faire  fans  des  dé- 
£>enfes  extraordinaires  3  il  fallut  y  pourvoir  par  des  contributions.    *  + r  r> 
Jnnocent  111.  dansfon  Concile  de  Latran  tenu  en  1 113.  ordon- 
na à  tous  les  Ecclefïaftiques  de  tout  ordre  ,  excepté  quelques 
Moines  privilégiez  ,  6c  ceux  quialloient  eux-mêmes  à  la  Terre 
Sainte,  de  fournir  pendant  trois  ans  la  vingtième  partie  de  tous 
les  revenus  ecclefïaftiques.  Ce  Pape  lui-même,  6c  tous  les  Car- 
dinaux 3  contribuèrent  la  dixième  partie  de  leurs  revenus  ,  ou- 
tre trente  mille  livres  que  le  Pape  donna  pour  800.  Croifez  (a).     CO  Pagf 
A  Tégard  des  laïques  3  les  Rois  ,  les  Princes  ,  les  Comtes ,  Ba-  Jj^f*'^ 
rons  3  Gentilshommes  ,  les  .Communautez  des  villes  étoient  Tom.  ni, 
obligez  de  fournir  des  troupes  ,6c  de  les  entretenir  pendant  trois  F-  "*> 
ans.  On  mit  outre  cela  des  troncs  dans  toutes  les  Eglifes  pour 
recevoir  des  aumônes  à  l'ulage  de  cette  guerre.  Ce  qui  ne  pou- 
voit  que  produire  de  grandes  fommes ,  parce  que  le  Pape  or- 
donnoit  aux  Confefleurs  de  changer  çn  aumônes  les  peines  qu'ils 
impofoient  à  leurs  pénitens. 

Avant  Urbain  II.  Grégoire  VII.  donna  un  prélude  des  Croi- 
fades  lorfqu'il  .écrivit  en  1074.  à  l'Empereur  Henri  IV.  pour  lui 
donner  avis  qu'il  avoit  réfolu  d'aller  en  Orient  avec  une  nom- 
breufe  armée  3  6c  pour  l'engager  lui-même  à  entreprendre  ce 
voyage  >  afin  de  délivrer  les  Chrétiens  de  l'oppreulon  des  Sar- 
rafins.  Les  Italiens  &  les  U Itramontaixis ,  dit-il  à  l'Empereur  ,  font 
far  l' infpiration  de  Dieu  tout difpofez^à  .cette  expédition  ,  &  ils  pré- 
parent une  armée  de  cinquante  mille  hommes  pour  aller  fous  mon 
commandement  ^(  me  Duce  et  Pontifice)  contre  les  en- 
nemis de  Dieu  ,  &  fe  rendre  au  Sépulcre  du  Seigneur  fous  ma  con* 
duite  (  b  ).  Mais  l'Empereur  n'avoit  garde  de  donner  dans  un  pie-  (t>)  Pagl. 
.ge  que  le  Pape  ne  lui  tendoit  ,  que  pour  livrer  en  proie  l'Env  ubif"Pra- 
pire  aux  Saxons,  qui  s'étoient  révoltez  contre  Henri.  °' 

XIV.  C'est  donc  fous  'Urbain  II.  fur  la  fin  du  fiecleXI.  *«»«"» 
qu'il  faut  marquer  la  vraie  origine  des  Croifades.  Elles  fe  r_éfo-  Croi^a  e' 
lurent  à  cette  occafion.  Les  afFaires  des  Chrétiens  étoient  alors 
dans  un  pitoyable  état  en  Orient ,  les  Turcs  étant  maîtres  de  la 
Syrie,  de  rifaurie,de  la Pamphylie,de  l'une  6c  de  l'autre  Cilic.ie  , 
de  la  Lycie  (  Mente feli  )  de  la  Pifidie  (  Verfagelli  )  de  la  Ly- 
caonie  (  Caramanie)  de  la  Cappadoce,  de  la  Galatie,  (Gallo- 
grœcia  )  de  l'un  6c  l'autre  Pont 3  de  la  Bithynie ,  en  un  mot  de 
la  plus  grande  partie  de  l'Afîe  mineure.  Ils  mettoient^nprifon 
.£c  ils  e'gorgeoient  impitoyablement  les  pieux  pèlerins  qui  alloienc 

Kij 


76  HISTOIRE  DU  CONCILE 

24,11.  au  Saine  Sépulcre.  L'Empereur  Grec  ,  quKavoit  déjà  perdit- 
plus  de  la  moitié  de  fon  Empire  3  étoit  dans  des  allarmes  con- 
tinuelles de  fe  voir  envahir  Conftantinople.  Pendant  ces  ex- 
trémitezun  Prêtre  (i)  François ,  du  diocèiè  d'Amiens ,  nommé 
Pierre  l'Hermite  ,  &  hermite  en  effet ,  étant  allé  à  Jerufaleni- 
entretint  Simeon ,  qui  en  étoit  alors  Patriarche  ,  fur  les  remè- 
des qu'on  pourroit  apporter  à  une  fi  grande  calamité  j  &.  luiin- 
fînua  que  s'ilvouloit  en  écrire  au  Pape,  aux  Rois  &aux  Prin- 
ces d'Occident  ,-il  fe  chargeroit  des  lettres  ,  6c  les  inviteroit' 
tous  à  s'unir  enfembie  pour  donner  du  fécours  aux  chrétiens 
contre  les  infidèles.  L'Hiiloire  ou  la  Fable  (i)  raconte  mcme 
que  Pierre  l'Hermite  eut  une  vifion  de  }£Sus-Christ  pour  le- 
fortifier  dans  ce  bon  deflèin.  Quoi  qu'il  en  foie ,  Pierre  chargé 
de  la  commiiîion  ',  s'en  alla  droit  à  Rome  trouver  Urbain  II, 
qu'il  rencontra  tout  difpofé  à  travailler  de  tout  (on  pouvoir  au: 
fuccès  d'une  fi  fainte  encreprife.  Pierre  de  fon  coté  traverfa  l'I- 
talie, &  paiTa  les  Alpes ,  invitant  partout  les  Princes  Chrétiens 
à  y  concourir  de  toutes  leurs  forces  pendant  qu'Urbain  afTem- 
bloit  un  Concile  à  Clermont  en  Auvergne,  principalement  afin 
d'y  prendre  des  mefures  pour  cette  expédition.  Pierre  s'y  trou- 
va,  &  reprefènta  fi  vivement  le  déplorable  état  où  étoient  les 
Chrétiens  de  la  Syrie  &  de  la  Paleftine  ,  que  tout  le  monde 
unanimement  conclut  à  les  fecourir.  Comme  Urbain  publia  les 
indulgences }  6c  donna  la  croix  ,  on  vit  en  moins  de  rien  s'af* 
fembler  une  armée  prodigieufement  nombreufe  (3).  On  ne  con> 
(a)Guiiieim.  noi/Joit ,  dit  un  Hiftorien  (b)  3  dans  tes  Royaumes  d'Occident  nulle 
Tyrius.  Lib.  difiin'cHon  d'âge ,  ni  de  condition  i  tout  le  peuple  fe  rendoit  en  foule 
ap  pl*i.T.  Par  tout  0Ii  ^  Y  av°lt  des  Princes  qui  voulurent  fe  mettre  à  la  tète 
11, p.  "506.  d'une  armée.  On  remarqua  même  dans  les  femmes  une  ardeur 
toute  martiale,  ôtune  intrépidité  d'Amazones.  Les  miracles  ne 
manquèrent  pas  au  befoin.  On  en  peut  voir  un  allez  bon  nom- 
bre dans  Provins.  Les  principaux  de  cette  armée  furent 
Robert  duc  de  Normandie  3  Raymond  comte  de  Thouloufè  , . 
Robert  comte  de  Flandres ,  Etienne  comte  de  Blois&  de  Char- 
tres j  Hugues  le  Grand.,  comte  de  Vermandois ,  frère  de  Phi- 

(1)   D'autres  difent  un  Gentilhomme, 

(i)  Le  Père  Maimbeur*  penche  beaucoup  à  croire  que  cette  vifion  ne  fut  que  l'effet 
d'une  imagination  échauffée  pendant  le  fommeil  que  l'Hermite  prenoit  dansi'Eglife  du  S> 
Sépulcre.  Hi(l.    des  Crti^da  Liv.  I.  pag.  13. 

(3)  Six  cens  mille  hommes ,  6c  cent  mille  cuiraffiers.  Apni  Bzov.  ubi  fupra  141C3 
pag.  3ZJ.- 


DE    PISE.    Liv.     V.  77^ 

lippe  I.  roi  de  France  ^Gvdefroi  de  Bouillon  duc  de  Lorraine  Se  l 
ion  frère  Baudouin  ,  Tancrede  de  Sicile ,  &;  quantité  d'autres. 
Ceux  qui  le  diftinguerent  entre  les  Ecclefiaftiques  furent  Adi-, 
mur  évêque  du  Pui  en  Vêlai  dans  le  Vivarets  ,  &  Guillaume 
évêque  d'Orange.  Cette  première  expédition  fut  fort  heureu- 
fe.  Jerufalem  fut  prife  par  la  valeur  de  Godefroi  de  Bouillon  duc 
de  Lorraine.  Il  en  fut  déclaré  Roi,  peu  avant  la  more  d'Urbain 
qui  y  établit'  Daimbert  ou  Duibert  fon  légat ,  &  patriarche  de 
Jerufalem.  Pafchal  II.  fon  fuccelîeur  ayant  appris  la  victoire  des 
Chrétiens,  y  envoya  Maurice  évêque  de  Porto, avec  une  fou. 
veraine  autorité. 

XV.  La  féconde  qui  fe  fit  en  1101.  fous  ce  Pape  ,  fut  fatale  SeconJe-cm 
aux  Chrétiens  ,  malgré  les  prières  &  les  miracles  de  S.Bernard 

abbé  deClairvaux  ,  que  le  Pape  difpenfa  d'y  aller.  Toute  leur 
armée  quiétoit  très-nombreufe,  fut  pafTée  au  fil  de  l'épée,  à 
Ce  qu'on  prétend  par  la  faute  &  Alexis  de  Comnme  Empereur  u\-Ma-!m^ 
de  Conftantinople  ,  qui  avoit  conçu,  de  la  jaloulle   contre  les  bourg,  ubi 
Princes  Latins,  (a)  £UP-  P-  66- 

XVI.  La  troifieme  en  1145.  fous  Eugtne  III.  fut  auffi  fort    'rroifieme 
malheureufe.  L'Empereur  Othon  ,  &  Louis  VII.  roi  de  France  Cro: 
eurent  de  la  peine  à  fe  fauverde  la  déroute  générale  de  toute 
l'armée  Chrétienne,  encore  par  la  perfidie  des  Grecs  ,  qui, 
comme  PHiftoire  le  rapporte  ,  empoifonnerent  la  farine  avec 

de  la  chaux,  ôc  ne  ceiToient  d'animer  les Turs contre  les  Chré- 
tiens. 

XVII.  La  quatrième  fut  entreprife  fur  la    fin  du  12.  fiecle  ^VJT* 
fous  le  Pape  Lucius  III.  contre  Saladin  foudan  d'Egypte,  qui   r     e' 
avoit  fait  de  grandes  conquêtes  fur  les  Chrétiens  par  lesjalou- 

fies  &  la  défunion  de  leurs  Princes.  Ce  Pape  avoit  écrit  deux 
lettres,  &  envoyé  deux  ambafTadesen  Orient,  l'une  à  Saladin 
lui-même,  l'autre  àSijîdin  loû  frère  qui  s'appelloit  Seigneur  de 
îoute  Ui  multitude  des  Sarrafins  ,  pour  traiter  de  la  paix.  L'Au- 
teur qui  parle  de  ces  lettres  de  Lucius,  dit  qu'elles  ne  fe  trou- 
vent point  ;  mais  il  rapporte  quelques  fragments  des  répenfes- 
de  Saladin  ôc  de  Sifidin  ,  par  lesquelles  ces  Princes  faifoient  pa- 
raître allez  de  penchant  pour  la  paix  (b).  Cependant  cette  né-  (b)p*j*T.'- 
gociation  n'eut  point  d'effet ,  puifqu'en  11 84.  les  Princes  &;  les  IILP'IZ*« 
Prélats  d'Orient  furent  obligez  d'envoyer  une  arnbafïàde  en 
Occident  ,  pour  fècourir  Jerufalem  vivement  preiîée  par  Sa- 
ladin. Les  ambafladeurs  allèrent  d'abord  trouver  le  Pape  ,  quf 

Kiii 


7*  HISTOIRE  DU  C  ON  CI  L  E 

141 1.  ordonna  une  Croifade  dont  il  ne  pue  voir  le  fuccès.,  étant  mor£ 
en  11 85.  L'Empereur  Henri  I.  Philippe  Auyijfe  roi  de  France^ 
Richard  I.  roi  d'Angleterre  s  furent  au  nombre  des  Croifez.  Les 
armées  des  Chrétiens  remportèrent  d'abord  quelques  avanta- 
ges :  mais  ils  ne  purent  avoir  de  fuite,  parce  que  leurs  Princes 
n'étoient  jamais  d'accord  ,  êc  que  leurs  propres  affaires  les  ra- 
pelloient  dans  leur  païs.  Jerufalem  fut  prife  Tpa.rSaladin.UHiu 
toire  dit  que  le  Pape  Urbain  III.  en  mourut  de  déplaifîr,  lai£l 
faut  à  Grégoire  VIII.  fon  fucceffeur  le  foin  de  la  recouvrer.  On 
nelcaitpas  avec  quel  fuccès  ce  dernier  s'y  employa. 
cinquième  XV I II.  On  rapporte  à  l'an  119 5.  une  cinquième  Croifade 
Croifade.     ordonnée  par  CeleJHn  III.  Les  Chrétiens  y  reprirent  Antio- 

che  (i). 
(a)  Depuis      Comme  I?inocent  III.  fiegea  long-tems  (a)  ,  il  n'y  eut  point 
«ul'iiiV   dePape  qui  prîc  plus  à  cœur  le  fecours  de  la  Terre-Sainte  ,  §z 
qui  s'y  employât  avec  plus  d'efficace.  Dès  la  première  année 
de  fon  pontificat  il  envoya  des  ambalTadeurs  en  divers  endroits 
de  l'Europe  pour  animer  les  Princes  à  fecroifer  dans  cette  vuç. 
Ce  qui  reullit  fur  tout  en  France  &  en  Italie. 
si-.iemeCroi-      XIX.  L'An  n  e' e  fuivante  il  envoya  le  Cardinal Pieprerfe 
fade'  Capou'é  en  France  &.  en  Angleterre  .,  &  le  Cardinal  .Suffredi  à 

Venife  3  pour  exhorter  ces  Puilïances  a  renforcer  l'armée  d'ou- 
tre mer.  A  cette  invitation  quantité  de  grands  Seigneurs  de  ces 
deux  Royaumes  alïemblerent  en  peu  de  temps  une  armée  de 
troupes  bien  aguerries  ,  Se  animées  autant  par  l'efperance  dit 
butin  Ôc  par  les  indulgences  &  les  privilèges  qui  leur  étoient 
accordez,  que  par  zélé  de  Religion.  Une  partie  de  cette  ar- 
mée fe  rendit  à  Marfeille  ,  _&  l'autre  à  Venife,  dans  l'efperan- 
ce de  palier  plus  vite.  Mais  ce  fut  le  contraire.  Comme  l'argent 
manqua  3  le  Doge  de  Venife  en  offrit  aux  Croifez ,  à  condition 
•  qu'ils  iroient  donner  la  chafle  aux  Pyrates  fur  la  Mer  Adriati- 
que ,  èc  qu'ils  afïïegeroient  Zara  ville  maritime  3  qui  s'étoit  ren- 
due aux  Hongrois.  Les  Croifez  acceptèrent  la  condition ,  aflie- 
gerenc  Zara ,  &  la  prirent  en  1101.  fans  fe  mettre  en  peine  de 
l'excommunication  du  Pape  ,  qu'ils  encoururent  parla.  Il  leur 
avoit  défendu  d'attaquer  aucune  des  terres  des  Croifez ,  &  fpé- 
/cialement  Zara ,  parce  que  le  Roi  de  Hongrie  avoir  pris  la  croix. 
Cependant  ayant  fait  leur  paix  avec  le  Pape  ,  ils  continuèrent 

(1)  André'  du  Chesne.   Hifl,  des  Papes.  Tom.  II.  pag.  i28i>  Bzov.  ubi  fuja-a,  pag.  32e. 
P'igi  ue  parle  point  d^  cette  Ctoiiàdç. 


DE   PÎSE.     Liv.    V.  79 

leur  route  3  prirent  Conftantinople  ,  &  y  élurent  Baudouin  I4iII# 
Empereur.  Innocent  fît  enfuite  autorifer  la  Croifade  parle  Con- 
cile de  Latranen  1115.  Cette  Croifade  fut  continuée  fous  Mono- 
ré  III.  fuccefleur  d'Innocent  ,  puis  fous  Grégoire  IX.  Mais  fous 
ce  dernier  Pape ,  elle  fut  traverfée  &;  fort  affoiblie  par  la  nécef- 
fitéd'une  autre  Croifade ,  pour  fecourir  Bauàouin  II.  .empereur 
de  Conftantinople  contre  Vatace  empereur  des  Grecs  ,6c  A^en 
roi  des  Bulgares.  Ce  partage  de  la  Croifade  fit  que  ni  Tune  ni  l'au- 
tre ne  reuffit.  C'eft  la  fixiéme. 

XX.  La   feptieme  fut  ordonnée  par  Innocent  IV.  dans  le  -Septième 
Concile  de  Lyon  rend   en  1243.   Louis  IX.   ou  Saint  Louis  m*u* 
roi  de  France  y  alla  avec  quantité  de  Princes  &  de  grands  Sei- 
gneurs. Son  armée  y  fut  prefque  toute  mafîacrée ,  &il  y  fut  lui- 
même  fait  prifonnier.  Mais  s'étant  racheté  ,  il  s'en  retourna  dans 

fon  Royaume  en  1154-. 

XXI.  La   huitième  Croifade  fe  fit  par  ordre  de  Clément  ifjTMtime 
en  rz68.  Mais  il  n'en  put  voir  l'exécution  ,  parce  qu'il  mourut 
cette  année.  Loiïti  IX.  fit  encore  le  voyage  avec  les  Princes 

fes  enfans  &  la  plus  belle  noblefîè  du  Royaume.  Il  y  mourut  en 
1270.  de  la  maladie  qui  fe  mit  dans  l'armée.  Cette  Croifade  ne 
produifit  rien  pour  la  délivrance  de  la  Terre  Sainte.  Grégoire  X. 
fuccefleur  de  Clément  IV.  en  1171.  fit  des  efforts  inutiles  pour 
engager  les  Princes  Chrétiens  de  l'Europe  à  fe  croifer  encore 
Une  fois.  Jean  XJflI.  Nicolas  III.  Clément  V.  Grégoire  XI. 
Nicolas  V.  Calixte  Ht.  Pie  II.  n'y  furent  pas  plus  heureux. 
On  étoit  rebuté  de  ces  Croifades  ,  qui  n'aboutiflbient  qu'à  ré- 
pandre inutilement  le  fang  Chrétien.  Lorfque  Grégoire  XI.  y 
voulut  engager  l'Empereur  Charles  IV.  ce  Prince  répondit  qu'il 
pourroit  amafler  une  grofTe  armée  ,  mais  qu'il  n'étoit  pas  d'avis 
de  lui  faire  pafîer  la  mer,  parce  qu'il  faudroit  beaucoup  verfer 
de  fang  chrétien  ^  &  que  quand  même  on  gagneroit  la  Terre- 
Sainte  ,  il  feroit  impofîîble  delà  garder  long-temps. 

Jufques  à  Innocent  III  on  ne  remarque  point  que  les  Papes 
ayent  ordonné  des  Croifades  contre  les  Chrétiens.  Ce  Pape  en 
donna  le  premier  l'exemple  par  fa  Bulle  contre  les  Vaudois  & 
les  Albigeois  en  1115.  Cet  exemple  fut  fuivi  par  Innocent  IV.  qui 
vers  le  milieu  du  13.  fiecle  ordonna  une  Croifade  contre  l'Em- 
pereur Frédéric  II.  en  même -temps  qu'il  en  avoit  ordonné  une 
pour  la  Terre  Sainte  ,  comme  on  l'a  vu.  Depuis  ce  temps-là  il 
n'y  eut  rien  de  plus  ordinaire  que  les  Croifades  des  Papes  coiî- 


8o  HISTOIRE  DU   CONCILE 

sa.ii.  trc  les  Princes  Chrétiens,  quand  ils  étoient  mécontens  de  ces 
derniers.  C'eft  ce  qui  nous  ramené  à  la  Croifàde  de  Jean 
JCJClll.  contre  Ladijlas.  On  en  trouve  deux  Bulles  parmi  les 
Oeuvres  de  Jean  Hus  (a)  ,  Tune  addrefTée  à  toute  la  chrétien- 
(a)Op.  joh.  té  en  date  du  9.  de  Septembre  de  1411  -,  l'autre  addreflée  aux 
I. Fol.  171!  diocefes  de  Paflau  ,  de  Saltzbourg  ,  de  Prague  &  de  Magde- 
173.  bourg ,  en  date  du  1.  Décembre  de  la  même  année.  La  premiè- 
re de  ces  Bulles ,  donnée  de  Ta  vis  des  Cardinaux  ,  àc  qui  de  voit 
avoir  force  de  conflitution  perpétuelle  ,  contient  un  ordre  fous 
peine  d'excommunication  ipfo  faïio  à  tous  les  Patriarches ,  Evê- 
ques,,  Archevêques  &.  Prélats  >  de  déclarer  tous  les  Dimanches 
ïk  tous  les  jours  de  fête ,  au  (on  des  cloches  ôc  avec  des  cierges  allu. 
mez ,  puis  éteints  j&  jettez  à  terre  3  Ladisl  as  excomynuniè ,  -par- 
jure ,  fchifmatique ,  blafpbemateur^  hérétique  relaps  ,  fauteur  à' hé- 
rétiques ,  criminel  de  Lé^e  M  a  je  (té  ,  ennemi  au  Pape  &  de  l*£glije„ 
Il  excommunie  de  même  tous  Iqs  adhérents  &  fes  fauteurs,  juf. 
qu'à  ce  que  rentrant  dans  leur  devoir,  ils  ayent  reçu  l'abfolu- 
tion.  2.  Que  s'ils  la  reçoivent  à  l'article  de  la  mort ,  ils  foient  pri- 
vez de  la  fépulture  ecclefiailique  ,  s'ils  viennent  à  mourir  >  6ç 
qu'en  cas  qu'ils  furvivent ,  ils  ayent  à  fe  préfenter  perfonnelle- 
ment  devant  le  Pape  ,  pour  faire  fatisfa&ion  ,  ou  pour  fubir  telle 
fentence  qu'il  jugera  à  propos  ,  demeurant  cependant  excom- 
muniez. 3.  Que  quiconque  entreprendra  de  donner  la  fépulture 
à  Ladijlas ,  <k  à  fes  partifans  ,  fera  excommunié  5  &  ne  pourra 
être  abfous  qu'en  déterrant  ces  corps  de  fes  propres  mains  , 
pour  les  mettre  hors  de  la  fépulture  ecclefiallique  ;  &.  que  le  lieu 
où  ils  auront  été  enterrez,  demeurera  profane  à  perpétuité.  4. 
Le  Pape  prie  par  Yafpcrfïon  du  fan?  de'Jefus-Qhrift^  tous  les  Empe~ 
reurs ,  Rois  ,  Princes  ,  Cardinaux  ,  Prélats  ;  Monaffceres  ,  Uni- 
verfîtez  3  les  particuliers  de  tousfexe  &  de  tout  état  ,  de  fe  pré- 
parer à  le  défendre  lui-même  &:  à  défendre  l'Eglifc  ,  en  pourfui- 
vantàtoute  outrance  &  exterminant  Ladijlas  >  &  tous  ceux  de 
fon  parti.  5.  Afin  qu'on  s'y  porte  avec  plus  d'ardeur  >  il  pro- 
met à  tous  ceux  qui  fe  croi feront ,  les  mêmes  indulgences  &:  les 
mêmes  privilèges  qu'à  ceux  qui  vont  à  la  conquête  de  la  Terre 
Sainte ,  aufli  -  bien  qu'à  ceux  qui  fans  fè  croifèr  y  employeront 
leurs  foins  }  leur  argent  &;  leurrnonde.  Nos  de  omnipotentis  Dei 
mifericordia  ,  &  beatorum  Peteli  ^Pauli  Apoftolorum  ejus 
auHoritatc  confiji ',  &  illà  quam  nobis  ,  lie  et  infufficientibus  meri- 
tis\3  Deus  ligandi  atque  folvendi  divinités  contulit  potejlatem  ,  om- 
nibus 


DE    PISE.  Liv.   V.  Si 

Mibusverc  pœnitentibus  &  confejjîs ,  qui  hujufmodi  laborem  ,faluti- 
ferœ  crucis  figno  fufcepto  ,  in  perfoms  propriis  fubierint  &  expenfis  ,     I411, 
ilUmpeccatorum  fuorum^de  quibus  corde  contrit i  CT  ore  confeflîfuc- 
rint  ^vcniam  indulgemus ,  &  in  retributionem jufiorum  falutis  œterna 
potliccmur  argumentum  quœ  transfretantibus  in  Terra  Sanfiœ  fubfï- 
dium  conccdi per Sedcm  Apcfiolicam  confueverunt '(a).  6.  La  Bulle    (a) Opéra 
promet  que  ceux  des  Croifez  qui  mourront   avant  que   d'à-  H«/.Tom.L 
voir  pu  accomplir  leur  vœu  ,  auront  les  mêmes  indulgences 
que  ceux    qui  mourront   en   l'aceomplifTant.   L'autre    Bulle 
eft  à  peu  près  de  la  même    teneur.   Il   eft  bon   d'entendre 
le  Moine  de  S.  Denys  fur  cette  Croifade  (b).   Il   paroît  qu'il  x^xif" 
étoit  bien  periuadé  de  la  bonté  de  la  cautedejean  J£  JC 1 1 1.  chaP. 
33  Après  tous  les  foins  paternels  ,  dit-il ,  que  le  Pape  Jean  ap-  xxlV".pag» 
33  porta  pour  la  défenfe  duPatrimoine  de  S.  Pierre,  ne  fe  Tentant 
»  pas  allez  fort  pour  reïîfter  à  la  puiiïance  de  Ladiflas  de  Duras  > 
»  ufurpateur  du  Royaume  de  Sicile  ,  qui  lui  failoit  la  guerre,  il 
«  réfolut  en  ce  tems-cy  d'implorer  l'afîiftance  des  Fidelles  ,  àc 
«  fit  diverfes  députations  en  plusieurs  parties  de  la  Chréftienté  , 
«  de  perfonnes  puifTant.es  en  œuvres  &  en  paroles  ,  pour  les  ex- 
«  horterà  le  venir  vanger  des  perfécutions  infupportables  de  ce 
»  Tyran  ,  qu'ils  avoient  ordre  de  leur  représenter  3  &  d'aflurer 
»  de  Paffiftance  6c  des  grâces  du  Ciel ,  tous  ceux  qui  entrepren- 
w  droient  charitablement  une  fi  fainte  guerre.  Pour  plus  pro- 
*)  fondement  graver  dans  les  cœurs ,  le  mérite  &:  la  récompenfe 
35  de  cette  action  ,  ce  Pontife ,  plein  de  fentimens  de  Dieu  ,  ne 
55 leur  propofapas  une  folde  pécuniaire,  ni  une  reconnoiflance 
35  temporelle ,  mais  il  ouvrit  les  tréfors  de  la  puifïance  paftorale  , 
55  &il  accorda  la  même  indulgence  à  tous  ceux  qui  contrits  &: 
35  conferTez  ,  ie  mettroient  en  chemin  ,  ou  qui  envoyeroient  de 
«  leur  part  pour  la  deffenfe  de  l'Eglife,  la  même  indulgence  ja- 
33  dis  concédée  pour  le  général  pallage  d'outre-mer  ^  laquelle 
ss  auroient  gagnée  après  un  mois  tant  ceux  qui  envoyeroient  à 
55  leurs  dépens  ,  que  ceux  qui  entreprendroient  le  voyage  ,  au 
ss  fervice  ,  au  nom  d'autruy  ,  ou  qui  donneroient  de  Targent ,  ou 
53  qui  même  entendroient  cordialement  les  prédications  qu'on 
33  feroit  à  ce  deffein  ^  retenant  fous  la  protection  du  S.  Siège 
w  Apoftolique  ,  tous  ceux  qui  fe  croiferoient  pour  le  venir  fe- 
5J  courir.  Mais  quoique  les  déléguez  pour  la  publication  de  ces 
«  indulgences,  les  eufïènt  fait  afficher  aux  portes  des  Eglifes  ca- 
n  thédrales  &  des  Monafteres  les  plus  fréquentez ,  peu  de  Fran- 
Tome  II.  L 


ii  HISTOIRE^DU  CONCILE 

»  çois  embrasèrent  l'occafîon  de  cette  fainte  Croiïâde ,  à  cau& 
34J  x*    53  des  défordres  &  des  troubles  de  ce  Royaume. 

En  attendant  que  ces  Bulles  arrivent  en  Bohême,  voyons  c£ 
qui  fepafïe  dans  ce  Royaume.  L'année  précédente  ou  au  com- 
mencement de  celle-ci  ,  le  Pape  avoir  excommunié  Jean  Hus  y 
&c  en  mêmetems  défendu  à  tous  les  Prêtres  de  Prague  d'y  cé- 
lébrer la  Méfie ,  d'y  baptifer ,  d'y  enterrer  les  morts  ,  &  d'y  faire 
aucun  exercice  de  religion  pendant  que  Jean  Hus  feroit  dans 
cette  ville  ,  à  la  referve  de  la  feule  Eglife  de  Vijjeqrade  (  i  ).  Cet 
interdit  ne  fut  pas  plutôt  publié  ,  qu'on  ne  vit  plus  dans  toute 
la  vijle  que  fédition  6c  maflacres  horribles  caufez  par  l'animofï- 
té  furieufe  des  uns  6c  des  autres. 
Retraite  de       XXII.  Jean  H  u  s  après  bien  des  combats ,  jugeant  enfin' 
Jean  Hus*  que  fbn  abiènee  pourroit  calmer  l'orage,  prit  le  parti  de  fe  re* 
"$**%     tjrer  ^  Hu.ljînet^  i  ) ,  petite  ville  ou  bourg  qui  étoit  le  lieu  de  fa 
naiflance ,  auprès  de  Nicolas  de  Huf/imtzjon  ami  6c  fon  patron, 
Seigneur  de  ce  même  lieu.  Ce  fut  de  cette  retraite  qu'il  interjetta 
fon  Appel  du  jugement  du  Pape  à  la  Sainte  Trinité.  Dès  l'an- 
née précédente  ,  comme  on  Ta  dit  alors  feulement  en  palîant, 
il  avoit  appelle  à  Jean  JZJfllI.  de  la  fentence  de  Sbynko  ,  qui 
par  deux  fois  s'étoit  fait  apporter  les  livres  de  Wiclef ,  6c  les 
6i)*Walpol  avoit  condamnez  au  feu  (a).  Par  les  grandes  perquifltions  des 
»wpafei*<  *dnti-Hu(jites  il  fe  faifoit  tous  les  jours  quelque  nouvelle  dé- 
'  couverte  de  ces  livres  ,  dont  l'Archevêque  avoit  fort  à*  cœur 
la  fuppreiîîon  ,  follicité  à  cela  ,  premièrement  par  les  Allemands 
avant  leur  départ  de  Prague  ,  enfuite  par  Jean  Gcrfin  Chance- 
lier de  TUniver/îté  de  Paris ,  par  André  de  Broda  Docteur  Bohé- 
mien 3  6c  par  quantité  d'autres.  J£.neas  Sylvius  &  après  lui  les  au- 
um.&éêm.  très  Hiftoriens  de  Bohême  témoignent  qu'on  en  brûla  dans  le 
p.  69.        palais  épifcopal  le  14  de  Juillet  de  1410.  plus  de  deux  cens  vo- 
?Jeob*       lûmes  fort  nettementécrits  6c  richement  couverts,  fuprà  ducenta 
p.  9.  Du-  volumina  fuijle  traduntur  3  puicherrimt  conferipta  3  bullis  aureis  te- 
brav.  nf.  gumentifque  prctiojïs  ornata  (  b  ),  Comme  cette  entrepriiè  étoit 
xxnf.  *    contre  les  droits  de  regale  du  Royaume  de  Bohême  ,  6c  contre 
pag.  613.    les  privilèges  de  l'Univerlité  qui  relevoit  immédiatement  duSiege 
ÏS  Boinm  ^e  ^ome  >  la  Sentence  de  Sbynko  ne  fut  point  approuvée  par  ce 
p.4i?.4zo!  Siège.  Etmêmeàrinftance  de  Jean  Hus  ,  l'Archevêque  avoir 
été  cité  en  Cour  de  Rome  par  Henri  Crumhart  de  Wefierholtx^ 


(1)  Ceft  ce  palais  du  Roi  de  Bohême  qui  fut  rafé  par  les  Huflîtes, 
(1)  Dans  le  difirift  de  JPrachiry 


DE  PISE.   Lrv.    V.  S3 

Do&eureti  droit ,  Auditeur  de  Rote ,  &  commis  par  le  Pape  dans        f  r 
cette  affaire.  Mais  Sbynko  \  loin  d'obéïr  à  cette  citation  ,  envoya 
;Clandeftinement  à  Jean  JFJfJll.  des  députez  ou  procureurs,  qui 
ftirprirent  ou  contrefirent  une  Bulle  (  i  ) ,  en  vertu  de  laquelle  il 
prononça  fa  Sentence  de  condamnation.  Elle  contient  i   Une 
lifte  des  livres  de  Wiclef  que  ce  Prélat  condamnoit  au  feu  ,  fa- 
voir,  Le  Dialogue  5  Le  Trialogue  (  2  )  •  Les  traitez  de  M  Incarnation 
du  Verbe  j  du  Corps  de  Chrifi  «  de  la  Trinité  5  des  Idées  ?  de  la  Ma- 
tière &  de  la  Formc-^des  Hypothétiques  3  de  Y  Individuation  du  tcms  l 
des  preuves  des  Proportions  j  des  Sermons  fur  les  Evangiles  5  d'au- 
tres traitez  /ur  les  Vniverfaux  ;  fur  le  Domaine  civil 5  fur  le  De. 
calooiie ,fur la  Simonie ',  fur  les  Attributs  Divins.  2.  Comme  on 
a-voit  aceufé  quatre  perfonnes  d'avoir  entre  les  mains  des  livres 
de  Wiclef,  on  les  condamne  à  les  apporter  dans  le  terme  de  fix 
jours.  3.  La  Sentence  défend  j  fous  peine  d'excommunication  , 
de  dépofition  3  d'emprifonnemenc  3  &:  fous  d'autres  peines  plus 
grandes  encore  ,  (pœnas  ulteriores  ) ,  à  tous  Prêtres  &  Ecclefiafti- 
ques  de  prêcher  ni  dans  les  lieux  particuliers  /ni  dans  les  Cha- 
pelles privilégiées ,  ni  dans  les  Eglifes  cathédrales  &:  Paroifîiales , 
ni  dans  les  Monafteres.  C'eft  contre  cette  Sentence  que  Jean 
J~îus  étant  dans  fa  chapelle  de  Bethlehem  le  25.  de  Juin  1410. 
renouvella.,  parles  mains  d'un  Notaire  public  Se  en  prefence  de 
fept  témoins  qui  repréfentoient  tous  ceux  de  l'Univerfîté  àc  de 
la  NoblefTe  qui  vouîoient  lui  adhérer  3  l'Appel  qu'il  avoit  déjà 
interjette  au  commencement  de  cette  année.  Il  eft  bon  de  don- 
ner la  fubftance  de  cet  Appel  ,  parce  qu'il  contient  quelques 
faits  particuliers ,  &  une  efpece  de  récapitulation  de  ceux  qui 
fe  trouvent  en  divers  endroits  de,  cette  Hiftoire.  Les  motifs  de 
l'Appel  fe  reduifent  à  ces  chefs  principaux.  1.  Que  la  Sentence 
de  Jean  JfJTUI.  contre  les  livres  de  Wiclef  eft  contraire  aux 
privilèges  de  l'Univerfîté  qui  relevé  immédiatement  du  Pape ,  de 

m 
(  x  )  Jean  Hus  coaje&ure  dans  fon  Appel  que  c'étoit  une  Bulle  contrefaite  par  un  Moine 
qui  avoit  été  pendu  publiquement  à  Rome  cette  année-là,  publkè  fealati.  Op.  Huf.  Tom.  I. 
Fol.  89.9t. 

(z)  On  a  cet  Ouvrage  de  Wiclef  dans  la  Bibliothèque  de  l'Univerfîté  de  Francfort  fur 
l'Oder.  Il  eft  imprimé  en  1515.  fans  nom  de  lieu ,  porte  pour  titre  ,  Jo.  W  1  c  1.  e  f  i  viri 
Hndequaque  piif.  Dialogorum  libri  quatuor  l  quorum  primus  divinitatem  ÇF  iJeas  traitât  y  Secundus 
vnïverfurum  creationem  compleclitur.  Tertius  de  virtutibus  vhiifqm  ipfis  contrariis  copiofijfime  loqui- 
tur  ;  Quart  us  Rom,  Ecclejîœ  facramenta  ,  ejus  peiïiferam  dotationem  ,  Anticbrifli  regnum  ,  fratrum 
frauddentam  originem  aiqu-e  eorum  hypocrijim  ,  variaque  noflro  <tvo  feitu  dignijjïma  ,  graphkè  per- 
ftringit,  qua  ut  ejfent  invenlu  facilia  ifiagdorum  librorum  ,  tum  caput  ,  tum  capitis  fummam  indice 
frtMtavimus,  MD.XXV» 


f4XI' 


U  HISTOIRE  DU  CONCILE 

qu'elle  a  été  exemptée  de  toute  autre  Jurifdi&ion  ,  6c  même 
des  Légats. nez  du  Siège  de  Rome  ,  ou  des  Déléguez  &  Sub- 
déléguez du  même  Siège,  i.  Que  cette  entreprise  eft  une  dé- 
fobeïfTance  à  l'ordre  que  l'Archevêque  de  Prague  avoir  reçu; 
d'Alexandre  V%  de  ne  rien  attenter  par  lui  ou  par  d'autres  con- 
tre les  mêmes  livres  ,6c  contre  la  même  Univerfité  ,  avant  que 
la  caufe  fut  jugée  par  le  Siège  de  Rome  3  6c  de  révoquer  tout  ce 
qu'il  auroit  pu  faire  contre  lesprivileges  dont  on  a  parle.  3  Qu'au 
lieu  d'obéir  à  cet  ordre  il  avoir  cabale  à  la  Cour  de  Rome  con- 
tre  l'Univerfité  ,  6c  contre  lui  Jean  Hùs  j  qu'il  avoir  fait  enten* 
dre  fauiîemenr  qu'il  ferépandoit  des  erreurs  6c  des  héréfies  à  Pra* 
gue ,  dans  le  royaume  de  Bohême  3  dans  le  marquifat  de  Mo 
ravie  6c  en  d'autres  provinces  -,  6c  qu'enfin  il  avoit  furpris  une 
Bulle  pour  la  condamnation  de  ces  prétendues  erreurs.4.  Le  qua- 
trième motif  eîl  qu'on  ne  doit  point  abfolument  obéïr  à  des> 
ordres  fcandaleux  ,  contraires  au  droit  commun ,  à  l'utilité  pu- 
blique,&  principalement  à  l'Evangile  3  tels  que  font  les  prétendus 
ordres  de  Jean  JCJC11I.  6c  la  Sentence  de  Sbynko  portée  en  con- 
féquence  de  cet  ordre  fuppofé  ,  puifqu'il  eit  notoire  .que   dans 
roue  le  royaume  de  Bohême  6c  dans  la  Moravie ,  il  n'y  a  ni  hé- 
réfie,ni  erreur ,  6c  que  c'en  eft  une  capitale  d'interdire  la  prédica- 
tion de  1  Evangile.  ^.Jean  Mus  prouve  qu'il  n'y  a  poinr  d'héré- 
iie  en  Bohême  par  le  Mandement  que  l'Aichevêque  de  Prague 
fit  publier  lui-même  le  17.  Juillet  de  1408.  dans  un  Synode  âù 
femblé  cette  année-là.  Ce  Mandement  contenoitque  l'Archevê- 
que 3  par  ordre  du  Roi  de  Bohême ,  ayant  fait  lui-même  6c par  fes^ 
Prélats  6c  Officiers  une  exacte  recherche  ou  inquifition,  iln'a- 
voit  trouvé  aucun  hérérique  dans  fbn  diocèfe.6.  Que  quand  me-- 
me  tout  cela  ne  feroit  pas ,  les  Sentences  àc  procédures  de  Sbynko 
feroient  nulles  de  toute  nullité  ,  parce  qu'elles  étoient  venues 
après  la  mort  d'Alexandre  V.  de  que  3  félon  le  droit  commun  v 
lorfque  celui  qui  eft  mort  a  commandé  quelque  chofe ,  fqn  com- 
mandement expire  avec  lui,  s'il  n'a  pas  été  exécuté  pendant  fa 
vie.  7.  Qu'il  n'y  a  perfonnede  fi  ignorant  danst  l'Ecriture  Sainte 
6c  dans  les  Canons  3  qui  ne  fâche  que  des  livres  de  Logique , 
de  Philofophie  3  de  Morale  3  de  Mathématique  ,  &c.  tels  que 
font  la  plupart  des  livres  de  Wiclef3  ne  font  pas  fufceptibles  d'hé- 
réfïe ,  ni  par  conféquent  fujets  à  la  condamnation.  Que  Moïfe 
&  Daniel  avoient  été  inftruits  dans  les  feiences  des  Egyptiens 
6c  des  Chaldéens  i  que  l'Eglife  ordonnoit,  dans,  la  néceifite  6cfe«- 


D  Ë  P  I  S  E.    L  i  v.  V.  £5 

Ion  les  circonflan  ces  du  tems,  délire  les  livres  des  Hérétiques,  u 

non  pourfoucenir  leurs  erreurs,  mais  pour  les  réfuter,  &  pour       . 
en  tirer  ce  qu'il  y  a  de  bon  ♦,  que  S.  Paul  lui-même  avoit  lu  de 
allégué  quelques  endroits  des  livres  des  Payens  ^  que  d'ailleurs  il 
cil  nécefîai  re  que  les  Ecoliers  desUniveriltez  lifent  les  livres  à'A- 
rifiote  5  dAverro'ès  6c  des  autres  Philofophes  infidèles  ;   que  par 
la  même  raifon  il  faudroit  brûler' le  livre  du  Maître  des  Senten- 
ces de  ceux  d'Origcne  3  où  il  y  a  plufieurs  erreurs.  Cependant  Jean- 
Jrlus  protefte  qu'il  ne  prétend  point  fbutenir  aucune  erreur  , 
quelque  part  qu'elle  fe  trouve.  8.  Que  cette  condamnation  des 
livres  de  Wiclefau  feu  eft  contre  l'honneur  du  royaume  de  Bo- 
hême ,  de  la  Moravie  ,  des  autres  provinces  ,  &  fur  tout  del'U- 
niverfité  de  Prague,  puifque  le  14.  de  Juin  de  cette  année  elle 
avoit  conclu  avec  ferment,  en  pleine  alïemblée  de  Maîtres,,  de 
Dodeurs,  de  Licentiez,  de  Bacheliers  &  d'Etudiants ,  qu'il  fa- 
loit  s'oppoferà  la  Sentence  de  Sbynko  contre  les  livres  de  Wi- 
clef.  (1)  9.  Que  c'eft  au  Siège  Apoftolique  &:  non  à  aucun  autre 
à  expliquera  à  interpréter  {es  propres  referipts  ,  &:  que  Sbynko 
n'étoit  point  autoriféà  interpréter,  comme  il  a  fait,  la  préten- 
due bulle  du  Pape.  10.  Qu'entre  l'arrivée  de  cette  faulTe  Bulle 
Scia  Sentence  prononcée  par  Sbynko  ,  il  n'y  avoit  pas  eu  allez  de 
temps  pour  examiner  une  aufli  grande  quantité  de  livres  &  écrits 
fur  des  matières  auffi  importantes.  1 1 .  Que  Jean  Mulheim  de 
Pardubic^  Prieur  provincial  de  l'Ordre  Teutonique  en  Bohê- 
me faj ,  &  le  nommé  La  Croix  ^Crux  )  marchand  ôc  citoyen  de     (a)  Baï^ 
Prague  ,  avoient  fondé  la  Chapelle  de  Bethlehem  dans  la  vue  Bohèm.  paV; 
qu'on  y  prêchât  la  parole  de  Dieu  en  langue  vulgaire ,  confîde-  4©j. 
rant  que  3  quoi  qull  y  eut  à  Prague  quantité  de  lieux  deffcinez  au 
culte  Divin ,  il  n'y  en  avoit  aucun  qui  le  fût  à  la  prédication. 
12.  Enfin  que  cette  fondation  avoit  été  confirmée  par  le  Siège 
Apoitolique,  parle  Roi  de  Bohême  &  par  Jean  de  Genjïein  ar- 
chevêque de  Prague  &  Patriarche  d'Alexandrie.  (1) 

Pour  revenir  à  l'Appel  que  fît  Jean  Musi  Dieu,  il  yexpofe 
qu'il  imite  à  cet  égard  Chry foft  orne  ^  André  archevêque  de  Bohê- 
me d)y  Robert  évêque  de  Lincoln  ,  qui  ayant  été  injuftemenc 

(1)  L'Ancien  éditeur  des  livres  Atjean  Hi*s  a  mis  cette  note  en  marge  ,  Le  Icfteur  pieux 
remarquera  ici  un  menjonge  de  Cochlée  lorfquil  écrit  que  non  Jeulenitnt\l'Univer/tté  de  Praçueavoit 
confenti  à  la  brûlure  des  livres  de  "Wiclef,  mais  quelle  avoit  absolument  condamné  fa  doélrine.  Op. J 
Hus.  ubi  lupr.  Fol.  51. 

(2)  Voyez  l'hiftoire  &  l'éloge  de  ce  Prélat  Epit.  Rer.  Bohem.  pag.  400. 

(3)  Mort  exilé  en  Italie  ea  1 214.  fous  Ottogare  I,  roi  de  Bohême, 

L  iij: 


$6  HISTOIRE  DU  CONCILE 

condamnez ,  en  avoient  appelle  au  fouverain  Juge  de  l'univers. 
I411,    Il  mec  entre  les  instigateurs  delà  condamnation  Michel  de  Cau- 
_yfr  Do&eur  Bohémien,  &:  les  Chanoines  de  Prague.  »  Il  l'ont 
53  dit-il  3  extorquée  au  cardinal  de  S.  Ange  ,  à  qui  Jean  JfJflii, 
53  avoir  donné  le  jugement  de  mon  affaire.  Ce  cardinal ,  pendant 
53  près  de  deux  ans,  n'a  jamais  voulu  entendre  mes  procureurs 
53  ce  qu'on  ne  devroit  pas  refuferàun  Juif,,  à  un  Payen,àunhé- 
33  rétique.  Il  n'a  voulu  avoir  aucun  égard  aux  raifons  folides  que 
55  j'ai  alléguées  pour  êtredifpenfé  d'aller  à  Rome,  non  plus  qu'au 
(a)  Voyez  33  témoignage  authentique  de  l'Univerlîté  de  Prague  (a)  ,  ni  me 
onaoc'^oT  »  marquer  aucun  lieu  où  je  piuTe  défendre  ma  caufe  en  Arrêté 
7/^.Foi.io.  «quoique,  félon  toute  forte  de  droits ,  c'eft  l'ordre  que  les  Tu, 
p^ges  ïètranfjortent  fur  les  lieux  où  on  prétend  que  l'acrion  a 
>s  été  com.mife ,  pour  entendre  ceux  d'entre  les  gens  de  bien  qui 
«connoiflent  le  plus  particulièrement  l'accufé,&  non  fes enne- 
?j  mis  &  fes  calomniateurs. 

°UunFc%      XX1H-  Il  e'criviT  quelques  ouvrages  acdiverfeslettres  dans 
écrivit  dans  cette  retraite.  On  en  trouve  XV.  parmi  fes  Oeuvres.  Il  y  en  a 
Ifrtfraite.    une  écrite  cette  année  aux  cardinaux,  où  il  leur  expofe  avec 
beaucoup  de  douceur  &  d'humilité  ,  que  l'origine  de  fes  difgra, 
ces  de  voit  être  fon  apologie  auprès  deux  ,  &c  auprès  de  jean 
JfJflII.  53  Dans  le  temps,  dit-il    qu'on  fe  retira  del'obédien- 
ijcede  Grégoire ,  &  qu'on  s'unit  au  Collège  des  Cardinaux  pour 
33  donner  la  paix  à  l'Eglife  3  je  prêcbois  fortement  &  avec  fuccès 
5à  cette  union  devant  la  Noblefle  ,  le  Clergé  &  le  peuple.  Mais 
nSbynko^  archevêque  de  Prague,  alors  ennemi  du  Sacré colle- 
53  ge  des  Cardinaux  ,  fit  afficher  aux  portes  des  Eglifes  une  dé- 
«fenfe  à  tous  les  Do&eurs  de  l'Uniyerfité  ,  &  à  moi  en  parti- 
>3  culier,  de  faire  aucune  fonction  facerdota le  ;  en  alléguant  pour 
5>  raifon  que   nous  avions  mal  à  propos  abandonné  Grégoire  En 
»?  fuite  ,  après  le  Concile  de  Pife  ,  il   fut  obligé  de  changer  de 
«  parti ,  &  d'adhérer  aux  décifionsde  ce  Concile.  >?  Après  avoir 
aintî  expofé  le  fait  ,  il  prie  les  Cardinaux  de  fe  fouvenir  de  la 
promeiTe  qu'ils  ont  faite  d'accorder  protection  &  faveur  à  ceux 
qui  s'uniroientà  eux  ^&  s'offre  de  rendre  raifon  de  fa  foi  même 
au  péril  du  feu  (  i  ) ,  devant  l'Univerlîté  ,  devant  tous  les  Prélats , 
&  devant  ceux  qui  avoient  été  fes  auditeurs.  Cependant  il  leur 
Êpift.  III,  envoyé  le  bon  témoignage  que  lui  avoit  donné  l'Univerfité  de 
vi.   vu.  Prague.  II  y  a  plufieursde  ces  lettres  où  il  rend  cette  raifon  de 

(  1)  Etiam  igné  ai  anàienliam  fojîtc, 


DE    PISE.    L i v.   V.  $7 

Ùl  retraite,  c'eft  qu'il  craignoit  d'attirer  par  fa  préfençe  des  j<lu. 
perfécutions  aux  fidèles ,  &  d'aggraver  la  peine  des  incrédules» 
«Mes  ennemis ,  dit-il, nie  reprochent  que  j'ai  pris  la  fuite  5  Epift.  XL- 
»mais  je  l'ai  «fait  à  l'exemple  &  félon  le  précepte  de  Jesus- 
»  Christ,  non  pour  abandonner  la  vérité  ,  pour  laquelle  je 
«fuis  prêta  fouffrir  la  mort  avec  le  fecours  de  Dieu  ,  mais  de 
»  peur  d'être  l'occafîon  de  la  damnation  éternelle  des  méchants  s 
»  &  de  l'affliction  des  bons. 

Pendant  fa  fuite  il  fui  vie  exactement  le  précepte  de  S.  Àugufiin 
qui  porte  ,•  que  celui  qui  fuit  la  perfécution  de  telle  forte  que  le 
miniftere  évangelique  ne  foit  pas  abandonné  par  fa  retraite ,  que 
celui-là  fait  ce  que  Jésus-  Christ  a  ordonné.  JeanHus  en  effet 
prêchoitdans  les  villes  ôc  dans  les  villages,  fuivi  d'une  foule  in- 
nombrable de  peuple  qui  l'écoutoit  avec  avidité.  Il  étoit  pour- 
tant contredit  quelquefois.  Un  jour  qu'il avoit  prêché  avec  vé- 
hémence contre  le  Pape  &  les  Cardinaux  dans  le  château  de 
quelque  Seigneur  ,  un  certain  vieillard  (a)  qui  faifoit  l'homme  0)  Thcob. 
Simple,  lui  demanda  ce  que  fignifioienten  Bohémien  ces  mots  J*  f"^'' 
Papete  Cardinal  ,  &  s'il  en  avoit  jamais  vu  quelqu'un.  Je  n'en 
ai  jamais  vu  ,  &  je  n'ai  nulle  envie  d'en  voir  3  dit  Jean  H  us.  Mais 
d'où  vient ,  répliqua  le  vieillard  3  que  vous  nous  dites  tant  de  mal 
de  gens  que  vous  n'avez^  jamais  vus  3  ni  examinez^  ?  Pour  moi  _, 
continuoit-il  3  fai  autrefois  été  à  Rome  avec  mon  père ,  j'y  ai  vu  le 
Pape  &  quelques  Cardinaux  3  &  j'ai  trouvé  en  eux  une  pieté  fans 
égale.  Hé  bien  ,  répliqua  Jean  Hus  ,puijqu  ils  font  tant  de  votre 
goût ,  retourne  z^donc  à,  eux  3  &y  achevez^ le  refie  de  vos  jours.  Le 
vieillard  répondit  en  fecouant  la  tête  ,Mon  Maître  ,  je  fuis  trop 
vieux  pour  entreprendre  un fi long  voyage  5  mais  vous  qui  etesjcune3àL 
le \ leur  dire  en  face  ce  que  vous  dites  d'eux  fi  à,  votre  aife  en  leur  abfence, 
&yous  verrez^  ce  qu'ils  vous  répondront.  Le  Seigneur  du  lieu  qui  pro- 
tegeoit  Jean  Husy  le  retira  chez  lui,&  impola  filence  au  vieillard. 
Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ce  fut  en  ce  temps-là  qu'il 
compofa  un  petit  traité  où  il  prouve  par  l'autorité  des  Pères  , 
des  Papes  3  des  Canons  3  &  par  la  raifon  ,  (b)  qu'il  faut  lire  les  (b)Op.Hu. 
livres  des  hérétiques  ,  &  non  pas  les  brûler ,  ÔC  où  il  répond  aux  cu^cvs 
objections  de  les  adverfaires  l^-delTus.  Ce  fut  encore  cette  an- 
née qu'il  écrivit  contre  un  Docteur  Anglois  nommé  JeanStokes 
(c) ,  qui  avoit  réfuté  l'apologie  qu'il  avoit  faite  de  Wiclef  &  de    (cy  ibid. 
fes  livres  l'année  précédente.  Cet  Anglois  avoit  avancé  1.  Que  Fol.Cvni* 
quiconque  liroit  &  étudieroit  les  livres  de  Wiclef  3  quelque  bien 


88  HISTOIRE  DU  CONCILE^ 

f  4.1 1.  difpofié  qu'il  fût  d'ailleurs ,  &  quelque  enraciné  qu'il  fut  dans  là 
foi ,  ne  manqueroit  pas  de  tomber  dans  l'héréfie ,  par  fuccefliom 
de  temps,  i.  Que  Wiclef  pattoit  pour  hérétique  en  Angleterre. 

3.  Que  fa  doctrine  y  avoit  été  condamnée  ,&  fes  livres  brûlez. 

4.  Pour  l'honneur  de  fa  nation  ,  Stokes  s'était  avifé  de  feindre 
que  W  iclef  étoiz  Allemand  &  non  pas  Anglois.  Jean  Hus  répond 
à  tous  ces  chefs.  Il  tire  du  premier  plufieurs  conféquences  ab- 
furdes,  comme  celle-ci:  C'en:  que,  s'il  eft  impoflible  de  lire  les 
livres  de  W  iclef  [ans  devenir  hérétique,  il  faut  que  les  raifon- 
nemens  de  ce  Docleur  (oient  plus  forts  que  ceux  de  l'Ecriture 
Sainte  j  puifqu'un  homme  enraciné  dans  la  foi  tireroit  de  l'E- 
criture de  quoi  y  répondre.  D'ailleurs ,  dit- il  ,  c'eft  accufer  d'hé- 
réfie  toute  l'Univerfité  de  Prague  ,  où  ,  depuis  plus  de  trente 
ans ,  on  lit  >  on  étudie  les  livres  de  W  iclef.  C'eft  faire  la  même 
injure  à  l'Univerfité  d'Oxford  3  ou  depuis  30.  ans  aiuTion  lit  & 
on  en.feigne  les  livres  du  même  D  odeur.  Et  même,  continue- 
t'il,  comme  il  n'eft  pas  impo{fible  que  tout  le  monde  life  ces 
livres  ,  ils'enfuivroit  de  là  que  toute  l'Eglife  deviendroit  héré- 
tique par  fucceflÎGn  de  temps.  Il  n'épargne  pas  plus  fon  adver- 
saire fur  le  fécond  chef  ,  qui  porte  que  la  doctrine  de  W r iclef "a. 
été  condamnée  ,  8c  fes  livres  brûlez  en  Angleterre  •  6c  il  fè  mo- 
que fort  de  l'argument  tiré  de  la  multitude  pour  prouver  la  vé- 
rité d'un  dogme,  il  y  a ,  concluoit  Stokes  ,  beaucoup  de  Prélats 
en  Angleterre  3  en  France  ,  en  Bohême,  qui  tiennent  Wiclef 
pour  hérétique  y  donc  Wiclef  eft  hérétique.  C'eft  ,  dit   Jean 
Hus  ,  comme  fi  l'on  argumentoit  ainfi.   Les  Turcs  nient  que 
Jesus-Chrjst  foit  Dieu  ,  donc  Jésus  Christ  n'eft  pas  Dieu. 
Au  refle  il  nie  tout  net  que  Wiclef  patte  généralement  pour  hé- 
rétique en  Angleterre ,  &:  il  prouve  le  contraire  par  le  témoi- 
gnage que  l'Académie  d'Oxford  avoit  envoyé  depuis  peu  à  Pra- 
gue enfafaveur  (1)  ,  bien  muni  dufceau  de  cette  Univerfité.  Il 
eft  vrai  que  Stokes^  &  ceux  de  fon  parti  ,  prétendoient  que  ce 
témoignage  étoit  faux  &  contrefait  5  mais  Jean  Hus  fomme 
fon  adverïaire  de  le  prouver  fous  peine  de  la  loi  du  Talion.  A 
l'égard  du  préjugé  que  Stokes  prétendoit  tirer  contre  Wiclef  'de 
ce  qu'on  avoit  condamné  fa  doctrine  ,  &  brûlé  fes  livres ,  il  die 

(  M  Mac-  <îu'on  pourroit  tirer  la  même  conféquence  contre  les  livres  de  la 
i*b.i.  vf.j  'Loi<\xL*j4ntiochus  fit  brûler  (a).  Enfin  il  prouve  par  des  faits  in- 
$*<  conteftables  ,  que  Wiclef  étoit  Anglois  &   non  pas  Allemand  $ 

(  0  On  peut  voir  ce  témoignage  à  la  fin  du  fécond  Tome  des  Oeuvrçs  de  Jean  Hm. 

comme 


DE  P  ISE.  Liv.     V.  *9 

comme  par  fa  traduction  delà  Bible  en  Anglois  7  &:  par  plu-  l.ï ïc 
fleurs  endroits  de  (es  Ouvrages  ,  ou  il  dit  lui-même  qu'il  a  tra- 
duit dans  fa  Langue  maternelle  ce  qu'il  avoit  auparavant  écrit 
en  Latin.  Il  Te  raille  avec  beaucoup  defel  desfoupçonsd'héré- 
fie  qu'on  répandoit  contre  ceux  qui  écrivoient  des  livres  de  pie- 
té en  langue  vulgaire.  Wielefa  traduit  la  Bible  en  Anglois ,  il  a 
-écrit  en  cette  langue  plusieurs  livres  de  Théologie  6c  de  Morale  ; 
donc  elle  eft  hérétique.  C'eft  comme  h"  l'on  difoit  j  la  Reine 
d'Angleterre  ,  qui  eft  fœur  de  l'Empereur  ,  a  la  Bible  en  trois 
langues  ,  en  Allemand  ,  en  Bohémien ,  &  en  Latin  ;  donc  elle  n  Ça)  Mn> 
eit  hérétique.  ^  ^  Bohem.ci^ 

Cependant  l'abfence  de  Jean  Hus  n'avoit  point  rétabli  la  tran-  xxxv. 
quilité  à  Prague.  La  plus  grande  partie  du  peuple  demandoit  „.nb"T* 
ion  retour  avec  un  empreilement  qui  alloit  julqua  la  rureur  ,  Lib.xxm. 
pendant  que  les  autres  (a)  mettoient  tout  en  œuvre  pour  em  P-  l"-  6l/« 
pêcher  qu'il  ne  mît  jamais  le  pied  dans  cette  capitale  de  Bo-  Zr.Bollm. 
hême.  Pag-  410. 

XXIV.  Ce  fut,  fi  l'on  en  croit  le  plus  grand  nombre  des  VArchevi, 
Hiftoriens ,  pour  remédier  à  ces  defordres  ,  que  l'Archevêque  ql4e  '***"■ 

J  r  .  '     1  1   r    gue  va  en 

Sbinko,  ne  trouvant  aucune  reiïource  dans  Wencejlas,  prit  la  ré-  Hongrie,  a» 
folution  d'aller  en  Hongie  implorer  le  fecours  de  Sipsmmd  cpxiîlefi  ,mtoi~ 
prenoit  alors  le  titre  de  Gouverneur  du  Royaume  de  Bohême.  D'au. 
très  difent  néanmoins  que  ce  Prélat  fut  obligé  de  prendre  la 
fuite  pour  fe  mettre  à  couvert  de  la  violence  des  Huiïïtes  ,  irri- 
tez  contre  lui  de  ce  qu'il  avoit  fait  brûler  les  livres  de  Wiclef{  b  ) .  ^ée , 
Quoi  qu'il  en  foit ,  Sbinko  mourut  à#:efbourg  dans  la  haute  Hon-  Htft.  H»jjit, 
grie  ,  empoifonné  par  les  Huflites,  à  ce  que  quelques-uns  pré-L      p,i°' 
tendent.  L'accufation  étant  fort  grave ,  elle  mérite  d'être  exa- 
minée. Comme  Etienne  paletz^Dodcenr  Bohémien ,  étoit  un  des 
principaux  adverfaires  de  Jean  Mus  ,il  n'auroit  pas  manqué  une 
occafïon  fi  naturelle  de  rendre  les  Huffites  odieux,  s'ils  a/voient 
été  coupables  de  ce  crime.  Cependant  il  n'en  dit  pas  un  feul  mot 
dans  l'endroit  de  fon  livre  contre  Jean  Hus ,  ou  il  parle  de  la 
mort  de  cet  Archevêque.  Ilparoîtau  contraire,,  parles  paroles 
de  ce  Docteur  alléguées  par  Cochlèe  ,  que  ce  Prélat  mourut  de 
mort  naturelle (  c).  Reverendus  Pater,  Dominus  Archiepifcopus  ,  (c)CochUe; 
olim  S.  Sbinko  3  fantlo  infijlens  labori  3  pro  iîlorum  malorum  ,prœci-  Pa£-  ao* 
pue  pro  illius  venenati  capitis  malorum  Wicleph  &  ejusdem  facri* 
leytrum  doïlrinarum  exterminio  3faïlus  fuit  ex  inobedientia  &  re- 
bellione  illius  Aîapfiri  Hus ,  contemptibilis  &  jpene  fabula  in  populo. 
Tome  II.  M 


96  HISTOIRE   DU    CONCILE 

w      i     Q*£}  Reverendus  Pater ,  et  fi  œtate  fatis  juvenis ,  fed  ?norum  honeftate 
canus  &  gravis  3  Dominifui  J  E  s  u  S-C  hristi  exemplo  edocius 
folido  '■>  qui perfidorum  Judœorum  cedens  fcandalis  3  exivit  de  templo 
&  abjcondit  fe.  JSfon  ut  conviïlus  &  ferviliter  fugeret ,  fed  tempus 
ttt  tempo  ri  refervaret.  Ita  &  ipfe  Pater  chariljîmus  ,  defuper  ad- 
monitus ,  pro  temporis  congruentiafurori  cedens perfequentium  ,  affëc* 
tus  y  non  confeHus  tœdio  ffciens  quod  metus  pro  tcmpore  etiam  in  con- 
fiantem  virum  potefi  cadere  :  nequaquam  autcm  conviffus  in  accu  fatis 
perpartem  Wicleph  crirninationibus  3{edpotiusviHor  egregius,  quafi 
exivit de templo  ,&paululum  abscondit  je  :  dum  dimijja  fui  Episco- 
patuspontificali  Cathedra  3  exivit  de  terra  &  diœcefi  propria  3  Bohe~ 
Tnia  ,  &  peregrinus  faclus  3peragrata  terra  Moraviœ  ,  utvemjjet  in 
Ungariam  jjifitaturus  Seriniffimum  Principem  ^ejusdem  terra  Un- 
varia*  regem  Sigismundum  ,  antequam  pervenijjet  ad  illius  confpec- 
tum  ,  pra>occupatus  &  vijîtatus  ipfeprior  divina  providentia ,  ut  fui 
certaminis  optimœ  rétributions  reciperet  prœmia ,  carnis  foluto  de- 
bit  o  :  exul  quidcm  a,  fuis  propriis  ,  fed  nec  tam  propriis  quam  fervi- 
libus  &  tcmporaliter  conceffîs ,  moment aneis  fedibus  :  adrcpromijlam 
fervisfidclibus  defuper  hareditatis  perpétua  capiendam  patriam  trans- 
means  ;  indecifam  communis  quam  afjumpfcrat ,  bcnediciionis  caufayn 
fanciœ  matri  Ecclefiœ  ,  &  fpiritum  fuum  Domino  commcndavit.  Et 
qui  adverfarios  vincere  vivens  nonpoterat ,  ad  fedem  fui  Epi fco pa- 
rus viciorrelatus  efl  mortuus.  Quodutique  negotiorumillorum  finis  y 
JDeo  propitio ,  comprobabit.  Mac  ille  B oh  émus.  A  l'égard  de  Cochlèe 
de  qui  l'on  tient  ce  fait ,  &;  qui  ne  perd  aucune  occafion  de  dé- 
clamer contre  les  Hufîîtes  ,  iPdic  positivement  qu'il  mpurut  de 
déplaiflr  de  ne  pouvoir  trouver  de  remède  aux  maux  de  la  Bo- 
ï*)Ochiée3  heme  (a).sEneas Sylvius ,  Auteur  de  ce  fiecle  là  ,  &  qui  n'a  pas 
pag.ip.  20.  accoutumé  d'épargner  les  Hufîîtes  ,  ne  parle  point  du  tout  de 
ce  poifon  dans  fôn  Hiftoire  de  Bohême.  Jean  Jjubrawski ,  qui  a 
auffi  écrit  FHiftoire'de  Bohême  ,  n'en  parle  que  comme  d'un 
bruit.  Venitquc  Pofoniam ,  dit-il  ,  ad  fines  Hungaria  3  ubi  finem 
(b)  Du-  vita  quoque fuaifccit  ,veneno  ,  ut  ferunt ,  potionatus  (  b  ).  Mais  il  ne 
Lib.xxin.  dit  point  que  les  Huffites  en  eulTent  été  acculez.  Cependant  cet 
pag.  617.    empoifonnementeft  attefté  par  Zacharie  Thibaud  {  Theobaldus  ) 
auteur  fort  exad,  avec  des  circonlrances  qui  ne  permettent  gueres 
d'en  douter.  Il  dit  qu'un  des  domeftiques  àçSbinko  ayant  été  ar- 
rêté &  mis  à  la  queftion  à  Broda  ville  de  Bohême  3  avoit  cou- 
feflé  qu'étant  à  Bude  il  avoit  donné  du  poifon  à  Sbinko  dans  fon 
brûvage,  &  qu'il  avoit  reçu  pour  cela  quinze  florins  d'un  Bohe^ 


DE    PISE.    L  iv.       V.  91 

mien  que  Hagec  n'a  pas  voulu  nommer.  Il  ajoute  que  l'empoi-   j^n, 
fonneur  fut  brûlé  vif  à  Broda.  Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que, 
fî  les  Huffices  avoienc  fait  empoifonner  Sbinko  ,un  Hiltorien  aufiï 
pafïïonné  contre  eux  que  l'étoit  Hagec ,  n'auroit  pas  fupprimé  le 
nom  de  l'empoifonneur.  On  peut  donc  bien  croire  fur  la  foi  de 
plufieurs  Hiiloriens ,  qu'en  effet  Sbinko  a  été  empoifonné  ;  mais 
je  ne  fâche  que  le  feul  Balbinus  qui  ait  avancé  qu'il  l'avoit  été  par 
les  Huilites.  Et  même  contre  (on  ordinaire  ,  il  n'allègue  ni  Ma. 
nufcrits  3  ni  Hiftoriens  ,  ni  Auteurs  qui  ayent  depofé  d'un  fait 
auffi  odieux  ,  &  qu'il  avoit  tant  d'intérêt  à  bien  appuyer.  Je  vois 
bien  à  la  marge  de  cet  endroit  du  Livre  de  Balbin  ,  le  nom  de 
DuBRAwsKii  mais  cet  Auteur  ne  parle  de  cet  empoifonne- 
ment^que  comme  d'un  ouï-dire }&  il  ne  l'attribue  point  aux  Hufîï- 
tes  j  celui  de  C  o  c  h  l  e'  e  ,  mais  il  dit  que  Sbinko  mourut  de  re- 
gret &non  de  poifon  $  celui  d'yËNEAS  Sylvius  ,  qui  n'en  par- 
le  point  du  tout.  Poui-ZalensIci  aufïï  allégué  en  marge  ,  je  ne 
puis  dire  s'il  efl:  cité  de  bonne  foi ,  ou  non  5  parce  que  je  n'ai 
point  vu  cet  Hiftorien  de  la  Vie  de  Jean  Hus.  Balbinus  devoit 
donc  s'en  tenir  à  ce  qu'il  avoit  dit  tout  fîmplementlà-deflus  dans 
fon  Abrégé  de  l'Hifloire  de  Bohême.  L  Archevêque  de  Prague , 
dit- il ,  ne  pouvant  efperer  aucun  Jecours  de  Wenceflas,  alla  trou-    (a)  Ban,, 
ver  Sigifmond  à  Presbourg  ,  ou  il  fut  empoifonné  (a).  Mais,  pour  %à«  *«•• 
groiïir  fa  Bohême  Sainte  imprimée  depuis  cet  Abrégé  ,  il  a  crû  jy'çap 17' 
pouvoir  ,  par  une  fraude  pieufe  ,  faire  de  Sbinko  une  efpecevi.p.  420. 
de  Martyr.  Voici  comme  il  en  parle.  "  Les  Hufïïtes  voyant  que  toiwm.Sanit 
">j  tant  que  Sbinko  vivroit ,  ils  ne  pouvoient  efperer  de  fe  foutenir  ,  ™.' 'cell"n' 
»  &  que  leur  héréfie  s'éteindroit  3  prirent  tous  laréfolution  de  le  pag.  1/4, 
«  faire  mourir  5  &:  comme  il  alloit  trouver  Sigismond  pour  implo- 
»rerfon  fecours  ,  ils  corrompirent  le  cuifinierdu  Prélat  en  lui 
»  donnant  quinze  ducats  d'or  pour  récompenfe  de  fon  crime. 
»  Ce  cuifinier  apporta  ce  poifon  de  Prague ,  &  le  donna  à  fon 
>s  Maître  avant  qu'il  pût  être  admis  à  l'audience  de  l'Empereur.  « 
Quoi  qu'il  en  foit  ,  Sbinko  ,  ou  Svinko  de  Hafenberg  avoit  été 
élu  Archevêque  de  Prague  en  1403  ,&  mourut  en  14 n.  Balbinus 
ôC  d'autres  Auteurs  qui  en  font  un  homme  très-illuftre  ,  con- 
viennent qu'il  n'étoit  pas  fort  favant.  C'efl  pour  cela  que  les 
Hufïïtes  l'appelloient  un  Prélat  Abécédaire  ,  c'efl-à  dire  qu'il  ne 
favoit  que  fon  A.  B.  C.  CamSiett 


XXV.  Il  eut  la  même  année  pour  fuccefTur  Albicus  de  Mo-  Arche^ 


1CUS, 


<p* 


ravie ,  médecin  du  Roi ,  dont  il  avoit  acheté  ce  Bénéfice.  Tous  de  ïrague. 

Mij 


9t  HISTOIRE  DU   CONCILE 

les  Hifloriens  s'accordent  à  donner  un  caractère  méprifable  Se 
î^iï.   ridicule  à  ce  Prélat.  Les  Hufîites  n'avoient  pas  lieu  fans  doute 
de  blâmer  en  lui  le  faite  &  la  fomptuoilté  qu'ils  reprochoient  aux 
Ecclefiafliques.  Il  donnoit  dans  l'extrémité  oppolée  avec  la  plus 
fordide  avarice  du  monde.  Jamais  il  ne  confia  les  clefs  de  fa 
cave  à  perfonne.  Comme  il  trouvoit  que  les  cuifmiers  faifoient 
trop  de  dépenfe ,  il  n'avoit  pour  cuifinier  qu'une  vieille  édentée  , 
qui  ne  mangeoit  que  des  légumes  6c  qui  nebuvoit  point  de  vin. 
Il  dévoroit  avec  des  yeux  d'envie  tout  ce  que  les  autres  man- 
geoient,6cle  bruit  le  plus  agréable  qu'il  pût  entendre ,  comme  il 
ledifoit  lui  même,  c'étoit  celui  que  font  des  gens  qui  rongent 
des  os  3  parce  que  c'étoit  une  marque  qu'il  n'y  avoir  plus  de  vian- 
de à  manger.  Sa  maifon  étoit  une  efpece  de  cabaret  6c  de  mar- 
ché. On  y  vendoitdu  vin,  du  poifîon,  de  la  viande  ,  du  gibierv 
en  un  mot  tout  ce  qu'il  y  avoir  de  meilleur  :  le  refle  étoit  pour 
là  table  fort  maigre  ,  ôc  pour  (es  gens ,  qui  étoient  en  petit  nom- 
bre ,  parce  que  perfonne  ne  vouloit  le  fervir.  Son   écurie  ré- 
pondoit  au  refte  du  ménage.  Il  avoit  une  telle  averfion  pour  les 
chevaux,  parce  qu'ils  mangent  toute  la  nuit ,  que  le  bruit  d'une 
feie  Pincommodoit  moins  que  celui  que  ces  animaux  font  en 
mangeant.  Une  il  indigne  conduite  lui  avoit  attiré  le  mépris  de 
tout  le  monde.  Il  n'avoit  nulle  autorité  ni  dans  PEglife  ,  ni  dans 
l'Etat:  également  incapable  de  faire  plaifir  à  les  amis  &  de  fe 
défendre  contre  (qs  ennemis  -y  encore  moins  defoutenir  unauflî 
grand  caractère  que  celui  des  Archevêques  de  Prague ,  qui  font 
Primats  du  Royaume  ,  Princes  de  l'Empire  ,  &  Légats  nez  du  ' 
Epit.  1er.   Saint  Siège  (aj.  Il  falut  donc  nécelîairement  donner   Padmi- 
Mobem.  pag.  niflration  de  PEglife  de  Prague  à  quelqu'un  qui  en  fût  plus  ca. 
Mi.6cy.  pable>  £Ue  fuc  donnée   à   Conrad   ^eftphalien   de  nation, 
doyen  de  Vifgrade,  Sous  -chambellan  du  Royaume  ,&c  Evêque 
d'ÔImutz^en  Moravie,  à  qui  Albic  vendit  quelque  tems après, 
l'Archevêché.  Il  fera  parlé  plus  d'une  fois  dec^wv/ddansla  fuite 
de  cette  Hifloire. 
Jean  Hus,      XXVI.  Qjj  and  les  Bulles  de  Jean  JfJfIJI.  arrivèrent  à 
après  lonre-  Prague ,  les  fentimens  furent  fort  partagez  à  leur  fujet.  Un  Au- 
IZtrluooï teur  (D)  °lui  a  écrit  l'hiftoire  des  Huflîtes  d'un  ftileàla  vérité 
fade.  fort  paiîionné ,  mais  qui  pourtant  a  travaillé  fur  d'aflez  bons 

chlée  h°/?"  memQ^resJ  nous  apprend  que  le  roi  WenceJJas  reçut  la  Bulle  avec 
Mujfi.ùb.i.  plaifir ,  parce  qu'il  étoit  dans  le  parti  de  Louis  d'Anjou ,  8c  par 
conféquent  dans  celui dtjean  XJflII.  que  ce  Prince  comman-. 


DE  PISE.    Lxv.   V  p 

da  qu'on  la  publiât  dans  toutes  les  Eglifes,&  défendit  d'y  faire    J       . 
aucune  oppo/îtion.  Cependant  les  Huiîites ,  pouffez  à  cela  paf 
Jean  Hus  3  difoient  hautement  qu'il  étoit  indigne  du  Vicaire  de 
y.C.d'animer  les  Chrétiens  à  verfer  le  fang  des  Chrétiens. Ce  Do- 
cteur profîtantjou  de  l'abfence  de  Sbinko ,  ou  de  la  moleflé  &  de 
la  timidité  à*Albic^oi\  peut  être  de  la  faveur  deConrad^qiVon  foup- 
çonnoit  déjà  den'agir  pas  de  bonne  foi  contre  le  Hufîitifme  étoit 
retourné  à  Prague  lur  la  fin  de  cette  année, ou  au  commencement 
de  l'autre.  A  Ton  arrivée  il  trouva  dans  cette  Bulle  de  dans  ces 
indulgences  un  nouvel  exercice  à  fon  zèle  contre  les  abus  du 
Siège  de  Rome  &  de  la  Papauté  II  y  avoit  déjà  quelques  années 
qu'on  avoit  été  allez  autorifé  en  Bohême  à  prêcher  contre  les 
indulgences.  Dès  1^111403.  Sipsmond,  roi  de  Hongrie ,  mécon- 
tent de  Boniface  IJC.  qui  tenoit  le  parti  de  LadiJlas  fon  con- 
current ,  avoit  écrit  aux  Prélats  &;  aux  Grands  de  Bohême  / 
pour  empêcher  qu'on  envoyât  aucun  argent  à  Rome,  foit.par 
voie  d'indulgences,  foit  autrement.  'Jean  Hus ,  à  qui  la  lecture 
des  livres  de  Wiclcf  avoit  dès  lors  ouvert  les  yeux  lur  l'abus  que 
les  Papes  faifoientde  leur  autorité  >  ne  manqua  pas  cette  ocoa- 
fion  de  déclamer  contre  les  indulgences  de  Boniface  (a).  Il  efb  (a)Balb.-- 
vrai  que  celles  de  JeanJCJCIII.  avoient  un  prétexte  qui  ne  EJî'  Rcr'  . 
devoit  pas  déplaire  a  Sigismond  y  puifque  c'étoit  pour  faire  la  412, 
guerre  à  fon  ennemi.  Mais  comme  'Jean  Hus  trouvoit  qu'il  n'é- 
toit  pas  du  caractère  d'un  Evêque  ,  ni  d'animer  les  Chrétiens 
les  uns  contre  les  autres,  ni  de  les  amorcer  à  répandre  le  fang 
par  la  promeffe  de  laremiûlon  de  leurs  péchez,  ni  de  défendre 
I'Eglife  par  des  armes  charnelles  ,  il  crut  ne  devoir  pas  fe  taire 
dans  une  occaiïon  auûi  importante.  Comme  on  n'ignoroit  pas 
quelles  étoient  fes  difpofitions  à  cet  égard  ,  les  Légats  du  Pape 
le  firent  venir  en  préfence  d'Albicus  ,  qui  étoit  encore  Arche- 
vêque ,  pour  lui  demander  s'il  ne  vouloit  pas  obéir  à  la  Bulle 
du  Pape,  &:  prêcher  la  Croifade.  Il  répondit  qu'il  n'avoir  rien 
plus  à  cœur  que  d'obéïr  aux  Com?nande?nens  Apojïoliques.  Les 
Légats  prenant  ces  Commandemens&  ceux  du  Pape  pour  une 
feule  &  même  chofe ,  ou  faifant  femblantde  l'entendre  ainfi, 
dirent  là-defîus  à  Albicus  ,  Vous  voyez^,  Monficurl'  Archevêque  3 
qiïil  veut  bien  obéir  au  Pape.  Mais  Jean  Hus  leur  répondit  net- 
tement qu'il  mettoit  beaucoup  de  différence  eutre  les  Comman- 
demens  des  Apôtres  ôc  ceux  du  Pape  5  &  que  quand  il  devroic 
être  brûlé ,  il  n'obeïroit  jamais  à  ces  derniers  qu'autant  qu'ils 

M  iij 


94  HISTOIRE  DU  CONCILE 

feroîent  conformes  à  ceux  des  Apôtres.  Il  foutint  fort  bien  une 

I  À.  T  T  ^ 

(a)  Op  n»s.  réponfe  fi  vigoureufe,  car  il  fît  afficher  (a)  aux  portes  de  toutes 

Fol.  2?3.  les  Eglifes  de  de  tous  les  Monafteres  de  Prague,  un  Programme  ou 
décrit  public ,  par  lequel  il  invitoit  tout  le  monde  ,  furtout  les 
Docteurs,  les  Prêtres  s  les  Moines  &  les  écoliers  ,  à  venir  diL 
puter  contre  les  Thefes  qu'il  avoir  publiées  là  defTus  Le  fujet  de 
cesThefes  étoitexpolé  en  ces  termes  dans  le  Programme  ,  fça* 
voir ,  Si  jeton  la  Loi  de  Jésus  .  Christ,  les  Chrétiens  peuvent  en 
bonne  confeience  approuver  la  Croifade  ordonnée  par  le  Pape  contre 
Ladiflas  &  contre  fc s  complices-,  &  fi  une  telle  Croifade  peut  tourner 

Bell.  Hutf.  '**  la  gloire  de  Dieu  ^aufitlut du  Peuple  Chrétien  &  au  bien  du  Royau- 

pag.  12.      me  de  Bohême  (b)  ? 

Dijputepu-       XXVIÏ.  Le  jour  marqué  pour  la  difpute,  toute  forte  de  gens 

blique  contre   _  ..  \         *-  S  n  I 

les  induigen.  le  rendirent  au  Collège,  les  uns  pour  être  acteurs  ,  les  autres 
ce-      ,      pour  écouter,  ou  pour  être  fpectateurs  de  la  feene.  Le  Recteur  (c) 
Marc'.^trQ  de  l'Académie  allarmé  de  cette  multitude  ,  6c  craignant  quelque 
fédition,  exhorta  le  peupleen  langage  Bohémien  à  fe  retirer  3 
difeedite  ,  quœfo  ,  paulùm ,  amici  mei  -r  nihil  emm  cujus  vefirà  in- 
terfit _,  hic  agitur  j  aperpaucis  veftrûm  quod  dicitur ,   nec  res  de  quai 
agitur  intelligi  poteft.  Mais  cette  exhortation  ne  fît  qu'irriter  le 
peuple ,  &  que  redoubler  fa  curiofité.  Il  fe  fît  un  (1  grand  tumul- 
te, qu'il  falut  que  Jean  H'is  l'appaifât  par  une  harange  ,  où  , 
après  avoir  expofé  le  fujet  desTheies ,,  il  reprefènta  qu'il  ne  de- 
voit  relier  que  ceux  qui  étoient  en  étatd'oppofer  3ou  de  juger 
de  l'affaire  dont  il  s'agifToit.  Le  tumulte  celle  ,1a  difpute  com- 
(  )  w«lf-    menC;a#  Un  Dodeur  en   Droit  Canon  (d)  en  fît  l'ouverture   &: 
foutintla  caufe  du  Pape  II  eut  pour  antaçonifleun  Docleuren 

f    \    fil  A  1  O 

^  ;  we  e.  j)rojc  Civil  (e) ,  qui  entreprit  de  prouver  que  ,  par  cette  Croi- 
fade ,  le  Pape  empiétoit  fur  les  droits  de  l'Empereur  &  des  Prin- 
ces féculiers.  Comme  la  difpute  s'échauffoit ,  un  autre  Dodeur 

(t)  d.  Léo.  ^  ^  homme  d'âge  &  de  poids  dans  PUniverfité  ,  s'adrefïa  à  Jean 
Mus  en  ces  mots  :  Toute  f Académie  e  fi  fort  étonnée  que  3  jeune 
comme  vous  êtes  }  vous  formiez^de  fi  hautes  entreprifes.  Croyez^vous 
donc  être  plus  feavant  que  tous  les  autres  /  Certainement  il  y  a  ici  de 
plus  habiles  gens  que  vous  j  mais  il  n'y  en  a  point  qui  s* ingère 
dans  des  queftions  fi  fubtiles  &  fi  profondes.  Rapportez^vous-en  au 
jugement  des  Docteurs  ,  &  à  celui  de  toute  P  Académie  ,  &  vous 
verrez^  qu'ils  ne  trouveront  dans  votre  entreprife  que  des  femences  de 
(éditions  &  de  guerres  inteftines.  Quoi  ,  vous  voulezjvous  oppofer  au 
Pontife  Romain*.  AUez^k  Rome ,  &  lui  dites  en  face  ce  que  vou$ 


DE  PISE   Liv.    V.  95 

dites  ici  ^pui  [qu'il  eft  contre  toute  équité  de  déchirer  des  gens  qui  ne    1a1  r<> 
vous  entendent  pas ,  gr-  qui  ne  fcauroient  vous  répondre.  D'ailleurs 
étant  Prêtre  comme  vous  l'êtes  ,  d'où  avez^vous  votre  facerdoce  l  De 
l'Evéque  ^âirez^vous.  Mais  l' Eve  que  d'où  l'a-t-ih  Du  Pape.  Ain- 
fi  vous  relevez^  du  Pape  _,  qui  cfl  votre  père  spirituel,  il  n'y  a  que  de 
vilains  oi féaux  qui  fali/fent  leur  propre  nid  ,  &  Cham  fut  maudit 
four  avoir  découvert  la  nudité  de  fon  père.  A  ces  paroles  du  Doc- 
teur il  y  eut  un  grand  murmure  parmi  le  peuple  ,  qui  étoit  pour 
Jean  Hus ,  &  qui  eût  répondu  à  coups  de  pierres,  s'il  s'en  fût 
trouvé  dans  cet  endroit-là.  Cependant  Jean  Hus  calma  l'orage 
du  mieux  qu'il  pût.  Son  difcours  fut  fuivi  de  celui  de  "Jérôme  de 
Prague  ,  qui  fut  fort  long  2c  fort  éloquent.  11  le  conclut  en  di- 
fant  ^  Que  ceux  qui  font  pour  nous  ,  Ce  joignent  à  nous.  Jean  Hus 
&  moi  nous  allons  au  Palaps  pour  faire  voir  en  public  la  vanité  de 
ces  indulgences.  A  ces  mots  \  le  peuple  cria  d'une  commune  voix , 
Cela  eft  vrai  3  il  parle  bien.  Mais  le  Re&eûr  de  l'Académie  s'y  CetteDifpme 
étant  enrremis,  les  pria  instamment  d'agir  avec  plus  de  modéra-  fut  comme  te 
non  ,  &  même  leur  défendit  d'aller  au  Palais  ou  à  laMaifon  defe"alde  u 
Ville  (  Curiam)  ,   de  peur  qui!  n  arrivât  un  plus  grand  éclat-  y?/Ke)  </ow  0„ 
Il  ordonna  en  même-temps  à  tout  le  monde  de  fe  recirer.  Ce  verra  lesaf- 
qui  s'étant  exécuté,  la  plupart  des  Ecoliers  ou  Etudians  {uivi.Jre,*JeiJmes' 
rent  Jerbme  de  Prague  comme  le  plus  fçavant,à  ce  queditl'hif- 
torien  5  Se  tout  le  peuple  accompagna  jeanHus  jufqu'à  laC/^z- 
peile  de  Bethlehcm. 

XXVIII.  Comme  il  fera  fouvent  parlé  de  cette  célèbre  Cha-  Fondation  de 
pelle  y  il  eft  bon  d'en  faire  Phiftoire.  Un  riche  marchand  nommé  laCH'elleels 
XaCroix^en  commença  le  bâtiment  dans  la  vieille  Ville  en  1392. 
Mais  il  ne  fut  achevé  qu'en  1400.  Un  gentilhomme  de  la  Cour 
de  Wenceflas  ,  nommé  Jean  de  Mulheim  ,  dont  on  a  déjà  parlé , 
dota  cette  Chapelle,  lui  donna  le  titre  de  Saint  Matthieu  &  de 
Saint  Matthias  ,  ou  ,  des  Innocents  ^  &  en  confia  la  Cure  à  Jean 
Hus  3  qui  en  parle  fouvent  avec  une  grande  tendrefïè  dans  (es 
lettres.  C'eft  dans  cette  Chapelle  >  dit  Balbin  (a)  3  qu'étoient    (a>E/>/>. 
les  armes  de  Jean  Mus ,  &  fon  char  de  triomphe.  Zalanski  ,  qui  Rer.Bohem, 
avoit  compofé  une  vie  de  Jean  Hus ,  ôc  qui  fans  doute  étoit  Hufl  pt,g* 4I2r 
fîtes  fi),  rapporte  que  ce  dernier  fongea  une  nuit  qu'il  avoit  peint 
Je  fus  _  Chriji  êc  fe%  Apôtres  fur  les  murailles  de  cette  Chapelle  , 
êc  que  le  Pape  étoit  venu  effacer  ces  images  s  mais  qu'il  etoit 

(t)  Il  s'appelloit  Câlins  Zalanfoj.  C'eft  apparemment  le  Curé  de  St.  Gille  à  Prague,  à  qui 
'Jean  Hm  écrivit  de  fa  pviïon.lbeobald.  Bell.  Hufli.  pag.  8,  &  2.6. 


96  HISTOIRE  DU  CONCILE 

fùrvenu  tant  d'habiles  Peintres  au  fecours  de  Jean  Hus ,  que  le 
I411,  Pape  ne  pouvoit  venir  à  bout  d'effacer  toutes  les  belles  images 
qu'ils  faifoient  de  Jefus  -  Chrift  &  des  Apôtres.  Jean  Hus  lui- 
même,qui  dans  fa  lettre  43.  raconte  ce  fonge  ,  dit  que  ces  Pein- 
/3n  0     très  défièrent  les  Evêques  6c  les  Prêtres  de  les  effacer.  Il  me 
h»j.  Tom.  fembloit  (a) ,  dit-il  ,voir  le  peuple  fer  è  jouir  de  ce  fpeHacle.  Pour  moi, 
X.  Fol.  71.  qUanci  jefus  réveillé  ,f  en  ris  de  tout  mon  cœur.  Les  amis  de  Jean 
Hus  ne  manquèrent  pas-,  auffi-bien  que  lui ,  de  donner  à  ce  fon- 
ge une  explicacion  favorable  à  leurs  efperances,  L'image  de  jefus- 
Cbrift,  c'étoitfon  Evangile  que  Jean  Hus  a  voit  prêche  à  Bethle- 
hem  j  6c  qui  dans  la  fuite  devoit  être  prêché  par  d'autres  avec 
plus  d'éclat  6c  de  pureté.  Il  faut  pourtant  rendre  cette  jufticeà 
JcanHus^u'il  ne  s'arrêtoit  point  aux  fonges,quoi  qu'il  ne  laifsât 
pas  d'y  faire  attention ,  comme  cela  eft  inévitable  dans  des  Con- 
gés fort  marquez.  Quoi  qu'il  en  foit ,  la  Chapelle  de  Bethlehem 
a  fubfiilé  fort  long-tems  ,  6c  fubfifte  même  peut  être  encore. 
(b)  »hif»?t  Thibaud  (b) ,  qui  a  écrit  fon  Hiftoire  du  Huffitifme  en  1 609  ,  té- 
P'î4*        moigne  qu'elle  fubfiftoit  encore  de  fon  tems  .,&  qu'on  y  enter., 
roit  la  plupart  des  Allemans ,  6c  fur  tout  ceux  de  Nuremberg. 
Cet  Hiftorien  rapporte  qu*il  y  avoit  vu  la  Chaire  de  Jean  Hus  j 
qu'elle  étoit  bâtie  de  bois  de  pin  6c  couverte  de  drap  j  qu'on  y 
repréfentoit  à  droite  Jcrbmede  Prague ,  attaché  à  un  pieu  pour 
être  brûlé.  Au  milieu  de  la  Chaire  étoit  repréfenté  Jean  Hus 
avec  des  bourreaux  qui  allumoient  le  feu  à  l'envi  ,  6c  dont  les 
uns  jettoient  fon  lit  dans  les  flammes,  pendant  que  les  autres  y 
mettoient  Cqs  livres.  Au   côté  gauche  de  la  Chaire  on  voyoit 
encore  une  fois  Jean  Husaflîs  dans  une  chaudière  pleine  d'huile 
bouillante ,  &  un  bourreau  qui  lui  verfe  de  cette  huile  fur  la  tête. 
On  confervoit  encore  dans  la  lacriftie  la  robe  de  Jean  Hus  qui 
étoit  toute  de  foye  noire.  Cette  Chaire  étoit  à  demi  pourrie  6c 
fort  ébréchée^parce  que  de  toutes  partsonen  emportoit  des  mor- 
ceaux. Là  auprès  étoit  le  poile  6c  la  chambre  où.  demeuroit  Jean 
Hus-  Il  avoit  pourtant  aulîi  dans  le  Collège  de  Cbarle  IV.  un  ap- 
partement ,  à  la  porte  duquel  un  Poète  de  (qs  amis  avoit  écrit  ce 

(c)NWe-  diftique  de  fa  propre  main  (c). 
trmFrifchti-         A  r     r  ;  ' 

r.HS. 

Ha>c  olim  hœrcfeos  damnati  crimine  falfo 
Hussî  3  du?n  vixit^parva  tabernafuit) 

(d)  BaUin. 

1413.1414.  Balbïn  (à)  qui  écrivit  fon  Abrégé  de l'Hiftoire  de  Bohême  en 

1677, 


. 


DE    PISE.    Liv.     V.  97 

1^77  ,  die  qu'il  avoit  encore  vu.  dans  fa  jeunefTe  la  Chaire  de 
Jean  Mus  dans  cette  Chapelle  }  &  que  le  peuple  alloitla  baifer  **'?• 
pour  être  guéri  du  mal  de  dents,  Hussn  Cathedrampuerilibus  an- 
nisfiantem  in  illa  Ecclejia  vidimus,  quam  rude  vulgus  ad  dolorem  den- 
tium ,  ac  fortaffis  etiam  ob  docentis  authoritatem  (  fiultè  )  folebat  ofi 
culari.  Ce  fut  dans  cette  Chapelle  qu'après  Jean  Hns  }  Jacques 
de  Mife ,  ou  autrement  Jacobel ,  prêcha  &  donna  la  communion 
fous  les  deux  efpeces. 

Pour  en  revenir  à  la  difpute  ,  dès  le  lendemain  un  grand 
nombre  de  Huintes  conjurèrent  enfemble  de  ne  faire  déformais 
aucun  quartier  aux  Prédicateurs  des  indulgences  Ce  qu'ils  exe- 
cutoient  avec  tant  de  furie  3  que  le  Recteur  de  l'Académie  fut 
obligé  de  faire  venir  Jean  Hus  àc  Jerbme*de  Prague  pour  les  prier 
au  nom  de  Dieu  &:  de  tous  les  Saints  d'employer  leur  crédit  &  leur 
autorité  fur  le  peuple  pour  empêcher  ces  émotions  3  &  pour  pré- 
venir des  maflacres  où  ils  pourroient  être  eux-mêmes  eiivelop- 
pez.  LesDo&eurs  de  l'Univeriké  joignirent  leurs  infrances  à  cel- 
les du  Re&eur.  Il  y  en  eut  même  un  qui  le  demanda  avec  lar- 
mes (a),  jean  Hus  &  Jérôme  de  Prague ,  fans  ie  délifter  de  leur  en-    (a\  Marri<m 
treprife  ,  promirent  de  modérer  leur  zélé.  Mais  il  auroit  falu  A*- £»'*»• 
aufli  enjoindre  aux  Quêteurs  de  tempérer  le  leur,  &  de  ne  pas 
irriter  le  peuple  par  leurs  déclamations  furieufes  contre  Jean 
Hus.  Un  Dimanche  qu'un  de  ces  prédicateurs  (  b  )  prêchoit  la   ,b>  ~si 
croifade  avec  un  grand  emportement  contre  la  perfonne  &;  les  la*. 
écrits  de  Jean  Hus ,  un  certain  Polonnois  (  c)  3  cordonnier  de    (^  •&*«*■ 
fon  métier  3  lui  donna  un  démentir  en  pleine  afîemblée.  Dans;-^ 
une  autre  Eglife  où  le  prédicateur  prêchoit  fur  le  même  ton,  un  (à)  mmi» 
autre  homme  (d)  dit  tout  haut  qu'il  paroifïbit  bien  que  le  Pape  Kr^/W^ff- 
étoit  PAntechrift ,  puiiqu'il  ordonnoitdes  croifades  pour  répan- 
dre le  fang  Chréttien.  Un  troifîéme  (  e) ,  Bohémien  de  nation  ,  (e)  frhan- 
chargea  d'injures  un  Moine  qui  prêchoit  dans  unMonaftere.  Ils  "V^'hy 
furent  tous  trois  mis  en  prifon.  Mais  Jean  Hus  accompagné  d'un  .  v"? 
grand  nombre  d'Etudiants  s'en  alla  fur  le  champ  à  la  Maifon  de 
Ville  réclamer  ces  prifonniers,  èc  demander  leur  liberté.  On  la 
lui  promit  h  mais  on  ne  lui  tint  pas  parole.  Le  Sénat  de  la  vieille 
Ville  fit  venir  fecretement  un  bourreau  qui  leur  coupa  la  tète 
dans  la  Maifon  de  Ville.  Cette  exécution  fut  découverte  par  le 
fang  qui  ruifîeloit  dans  la  rue.  Le  peuple  alla  auiii  tô:  enlever 
ces  corps  ,  &;  leur  rendit  des  honneurs  funèbres  dans  la  Chapel- 
le deBethlehem  comme  à  des  martyrs.  Jean  Hus  lui  même  est 
Tom.il.  M 


?8  HISTOIRE  DU  CONCILE 

parla  fur  ce  pied  là  dans  quelques-uns  de  fes  Sermons  malgré  les 
I4Ï   •   derenfes  du  Sénat  3  comme  on  le  verra  plus  amplement  dans  la 
fuite.  Keprenons  le  file  de  l'Hiitoire. 
Ooifadt  XXIX.  Jean  XXIII.  ordonna  cette  année  une  croifadequi 

'°?lTerles  avoitun  prétexte  plus  fpecieux,pui{qu'elleetoitde(tinee  à  domp- 
ter les  Maures  de  Grenade  qui  avoient  fait  irruption  en  CalHlle 
avec  une  grofîe  armée,  &  qui  exerçaient  une  horrible  baibarie 
contre  les  Chrétiens  dans  ce  Royaume  aufîi  bien  que  dans  les 
païs  voifins.  Il  donna  commilîion  de  la  publier  à  Jordan  des  Urfins 
cardinal  prêtre  de  St.  Laurent  in  Damafo  ,  qu'il  avoit  envoyé  Lé- 
gat en  Efpagne  pour  tâcher  de  la  ranger  dans  fon  obédience  ( i). 
Mais  cette  Légation  n'eut  aucun  fucces  3  d'un  cote, parce  que 
Benoit  JCI II.  étant  le  maître  en  ces  païs-là,on  ne  le  loucioit  gue- 
res  des  Bulles  dejean  JZ  JflII.  qui  au  fond  prenoit  la  guerre  des 
Maures  &;  le  maintien  delà  Religion  Chrétienne  pour  prétexte 
de  cabaler  contre  fon  compétiteur.  De  l'autre  ,  parce  que  Fer- 
dinand devenu  Roi  d'Arragon  avoit  fait  une  trêve  d'environ  un 
an  &  demi  3  pour  tourner  fes  armes  contre  fes  concurrens,  fur 
toutcontre  le  comte  d'Urgel^  qui  lui  difputoit  toujours  la  Cou- 
ronne ,  &.  qui  pour  foutenir  par  les  armes  le  droit  qu'il  prétendoic 
y  avoir,  s'étoit  ligué  avec  le  duc  de  Clarence  fécond  fils  du  Roi 
d'Angleterre.  Mais  avant  que  de  s'engager  dans  aucune  guer- 
re ,  Ferdinand  voulut  pacifier  les  troubles  de  la  Sicile  &  de 

(a)  C'eft  laSardaigne.  Les  Génois  foutenus  par  Guillaume  (a.)  vicomte  de 
èe  la  mai-  Harbonrie^  vouloient  s'emparer  de  cette  dernière  ifle. Mais  les  Ge- 
fon  des  vi-  nois ,  pour  ne  pas  s'attirer  à  dos  un  ennemi  auffi  redoutable  que 
Uurbonne^  Ferdinand  3  lui  envoyèrent  des  ambalïadeurs  &  en  obtinrent  une 

trêve  de  cinq  ans.  Elle  fut  fuivie  de  l'entière  foumiflion  de  la  Sar- 
daigne  à  l'Arragon.  Comme  le  vicomte  de  Narbonne  polledoit 
quelques  Provinces  &  Principautez  dans  cette  lfle  ,  le  Roi  de 

(b)  wfl.  France  l'en  dédommagea  (b).  Il  en  fut  bien  tôt  de  même  de 
t"tÎi  ^a  $lc^e  »  °ù  ^a  ^°^e  ambition  de  Cabrera  avoit  tout  mis  encorri- 
4^.   *  p'  buftion  comme  on  l'a  vu. 

(*)  Rayn.  (0  ®n  trouve  la  Bulle  de  cette  Croilàdedansun  des  Continuateurs  des  Annales  de  Baro^ 
an».  141 1.  3>""<s  (  *  )•  E-He  porre  en  fubftance  1.,,  Qu'il  apprend  avec  une  grande  amertume  de  cœur 
„m  g,  »  1?  da»get  que  court  la  Religion  Chrétienne  en  Cailille,  en  Léon  ,  &  dans  les  endroits  voi- 

,,  finspar  la  fureur  desW,  aÇnn  &  àesA<rarenit»<.  i.Quepour  prévenir  un  auflï  grand  malheuf 
,,  que  le  feroit  la  perte  de  laReli*  ionChrétienne  enEfpagne,il  étoit  refoLi  de  fecourir  de  tout 
„  Ion  pouvoir  Jean  roi  de  Camille  &  de  Léon  aulfi  bien  que  Ferdinand  gouverneur  de  ce« 
„  Royaumes,  qui  s'étoient  générenfemcnt  croifez  contre  les  Maures.  3.  Que  dans  cette  vue 
,;  il  ordonne  à  fon  Légat  de  foutenir  la  croifade  &  de  publier  les  mêmes  indulgences  qu'on 
fi  accorde  à  ceux  q^ii  vont  à  l'expédition  de  VAfie. 


DE  PISE.     Liv.    V.  9* 

D'autre  côté  le  comte  à'Urgel prévoyant  bien  que  l'arme- 
ment chitine  contre  les  Maures  feroit  employé  contre  lui  ,  en-  I4I  Ir 
voya  des  ambafïàdeurs  à  Ferdinand  pour  lui  prêter  ferment  de 
fidélité  à  certaines  conditions  ,  qui  lui  furent  accordées.  La  fui- 
te fit  bien  voir  que  cette  foumiffion  n'étok  qu'une  feinte.  Le 
Roi  n'eut  pas  plutôt  défarmé  ,  qu' "OVg^/fe  mit  en  campagneaf- 
fïfté  de  quelques  troupes  auxiliaires  de  France.  Mais  Ferdinand 
qui  remit  promptement  une  armée  fur  pied  3  s'étant  emparé  des 
villes  de  retraite  à'Urgel ,  il  fut  réduit  à  demander  pardon.  Le 
Roi  lui  donna  la  vie^mais  non  la  liberté.  Il  le  condamna  à  une  pri- 
ibn  perpétuelle ,  où  il  mourut. 

XXX.  LaFrance  éto;  t  réduite  aux  dernières  extrémitez  Bat  de  u 
par  les  factions  des  Orleanois  6c  des  Bourguignons.  Nonobftant France' 
les  traitez  de  Chartres  &  de  Winceftre  (ij  }  de  les  ordres  que  le 
Roi  avoit  donnez  aux  deux  partis  de  mettre  bas  les  armes  ,  les 
hoftilitez  continuoient  avec  la  dernière  fureur.  Les  Ducs  d'Or- 
léans 3  fous  prétexte  de  venger  la  mort  de  leur  père  y  mettoient 
tout  à  feu  &  à  fang  dans  le  Royaume ,  de  exerçoient  des  violen- 
ces 6c  des  brigandages  horribles.  Ils  s'étoient  faifis  des  environs 
de  Paris ,  comme  de  S.  Clouddede  S.  Denys ,  &  ils  ne  menaçoient 
pas  de  moins  que  d'entrer  à  main  armée  dans  la  Capitale  pour 
dépofer  le  Roi  lui-même  ,  de  ufurper  le  gouvernement  fous  pré- 
texte de  la  foibleflè  de  ce  Prince.  C'eft  ce  qui  l'obligea  à  écrire 
des  lettres  circulaires  par  tout  le   Royaume  pour  chercher  les 
moyens  de  conjurer  cette  tempête.  Voici  celle  qu'il  écrivit  dans 
la  même  vûeàl'Univerfité  (z)  de  Paris.(a)v>CHARLES  par  laGra-  (a)  mp, 
»  ce  de  Dieu  Roi  de  France.  A  noftre  très  chère  de  amée  Fille  Vni™rJ: 
»  TUniverfité  de  Paris ,  falut  6c  dile&ion.  Pour  ce  qu'il  eftve-  vTp.'xiï/ 
»  nu  pleinement  Se  clairement  à  noftre  connoiflance ,  de  nous  te- 
»  nons  pour  deuëment  de  fuffifamment  informez ,  tant  par  cer- 
»  taines  lettres  qui  ont  eité  n'aguieres  trouvées  de  apportées  en 
53  nos  mains  de  de  noftre  Confeil ,  comme  par  les  fais  6c  œuvres 
»  que  nous  avons  veu  ça  en  arrière  6c  veons  chacun  jour,  com- 
55  bien  que  pieça  ait  efté  foubçonné  (3  )  &  que  longuement  la  cho. 
3>  fe  ait  elle  couverte  (4) ,  palliée  6c  diffimulée ,  que  Jean  noftre 

(1)  Aujourd'hui  Eifsétre. 

(i)  MonJlreUt  rapporte  une  Lettre  que  le  Roi  écrivit  au  Baillif  d'Amiens  à  peu  près  de  rriê- 
me  teneur.  Volttm.  I.  des  Chroniques ,an.  141 1.  pag.  124. 

(})  Il  y  a  dans  cette  même  Lettre  rapportée  par  Monflrelet,  eujl  ejle' en  grand  ftifaettion* 
(4)  Monftreler,  tapie.- 

Ni} 


ioo  HISTOIRE  DU  CONCILE 

»  oncle  deBerry,  Charles  noftre  neveu  d'Orléans  6c  fes  frères, 
I4I  ï§    „  Jean  de  Bourbon  ,  Jeand'Alençon  ,  Charles  d'Albret  nos  coufins 
>j  (i)  ,  Bernard  d' ' Armaignac  &c  leurs  aidans,  confortans    adhe. 
>j  rans ,  alliez  &  complices ,  meuz  &  induits  de  mauvais  ,  inique, 
>3  pervers  5c  damnable  propos ,  ont  entrepris  &  fe  font  s'efforcez 
»  &  s'efforcent  de  nous  débouter  [i] ,  démettre  &  deftituer  de 
•     m  noftre  Etat  &c autorité  royale,  &  détruire  du  tout  à  leur  pou- 
>3  voir  Nous  &  noftre  Lignée  que  Dieu  ne  veuille  ,  6c  faire  nou- 
33  vel  Roy  en  France ,  qui  eft    chofe  abominable  à  ouïr    dire 
33  Se  reciter  à  tous  lescuers  de  nos  bons,  vrays6c  loyaux  fubjets: 
>3  Nous  voulons  à  ce  pourveoir  6c  obvier  en  toutes  manières  à 
33  l'aide  de  Dieu  &  de  nos  bons  &  loyaux  vafîaux  &c  fubjets  -y 
33  Eu  fur  ce  tres-grant  6c  meure  délibération  de  Confeii  ,  avec 
55  plufieurs  de  noftre  iang  bc  lignage  &  autres  faiges6c  preudes 
33  hommes  de  noftre  grant  Confèil  ,  nos  officiers  &  autres  :  ef- 
33  crivons  par  devers  vous ,  comme  auiïî  faifons  devers  plusieurs 
33  autres  nos  bons  fubjets  ,  6c  vous  prions ,  requérons ,  tresin- 
33  ftamment  6c  neantmoins  mandons  11  expreffement  que  plus 
33  pouvons  fur  la  foy  ,  obeiflance  ,  loyauté  6c  amour  que  vous 
»  avez  à  noftre  Seigneurie ,  &  au  bien  commun  de  lacliofe  pu- 
>3  blique  de  noftre  Royaume  ,  que  pour  nous  aider  ,*  confeiller 
>3  &  conforter  ,ainfî  que  vous  verrez  en  vos  confeiences  quife 
>3  devra  faire  félon  la  neceflité  que  vous  voyez  ,&c  l'oppreffion 
53  que  s'efforcent  de  nous  faire  les  deffusdits  qui  déjà  font  moule 
33  près  de  nous  6c  ont  fi  avant  procédé ,  que  par  force  font  en- 
55  trez  en  noftre  ville  de  «S.  Denys  en  France ,  en  laquelle  font 
55  plufieurs  Reliques  6c  Corps  faints  ,  noftre  Coronne  ,  noftre 
35  Oriflambe  (  y)  6c  plufieurs  autres  pretieux  8c  riches  joyaux  : 
55  font  aufîi  entrez  èc  ont  pris  le  pont  de  S,  Cloud  &  paravant 
35  avoient  prins  fur  nous  6c  fur  nos  fubjets,  nommément  fur  no- 
35  ftre  très  chier  de  tres-amé  coufîn  le  Duc  deBourgongne,  lequel 
35  avoient  deffié  6c  non  pas  nous ,  plufieurs  autres  Villes  '3  bou- 
33  té  feux  ,  dérobé  Eglifes  ,  rançonné  ,  tué  ,  mutilé  ,  &  forcé 
»3  femmes  mariées  ,  violé  pucelles  6c  fait  tous  maux  que  enne- 
*3  mis  pourroient  faire ,  vous  publiez  èc  prefehez  &  faites  publier 

(i)  Monftrelet  Noftre  Coufîn  Bernard  d'Armamac 

(i)  Monitrelet ,  depofer. . 

(3)  Etendart  de  l'Abbaïe  de  S.  Denys.  Il  ne  fervoit  autrefois  que  pour  l'Abbaïe.  On  pré- 
tend que  Lottis  VI.  appelle  le  Gros  fut  le  premier  des  Rois  de  France  quife  fervk  de  l'Oriflam- 
me dans  les  expéditions  de  guerre. 


DE    PISE.    Liv.  V.  roi- 

m  &  prefcher  folemnellement  par  vos  notables  Suppofls  ésEgli- 
™  fes&c  ailleurs  par  noftre  Royaume  où  bon  vous  fcmblera  ,  les  *  "' 
>y  choies  defïufdites ,  de  autrement  Nous  donnez  conleil ,  con. 
>j  fort&aide  comme  vous  fçaurez  bonadvifer  tk  quevousavez 
»î  toujours  accouftumé  de  faire  en  toutes  chofes  touchant  no- 
»ftre  honneur  &  l'utilité  de  noftre  dit  Royaume  ,en  prenant, 
»  déboutant  ou  puniflant,  ainfi  comme  le  cas  le  requierra^  tous 
»ceulx  de  vos  Supports  que  vous  verrez  &  fçaurez  dire  aidans 
«  confortans&favorifansaux  delTufdits,  en  telle  manière  que 
»  ce  foit  exemple  à  tous  autres.  Donné  à  Paris  Je  14.  jour  d'O- 
»&obre  Tan  de  grâce  1411.  &:  de  noftre  règne  le  32. 

Il  envoya  en  même-temps  des  ambafTadeurs  aux  Princes  des 
deux  partis  pour  les  engager  à  la  paix.  Ces  ambafTadeurs  n'y 
ayant  trouvé  aucune  difpofïtion ,  particulièrement  dans  les  Or- 
ïéanois  ,  le  Roi  afîembla  un  Confeil ,  où  il  fut  arrêté  de  leur  dé- 
clarer la  guerre.  On  réfolut  aufïï  de  publier  une  Bulle  d'Urbain 
K.  (1)   par  laquelle  ,  comme  en  parle  Juvenal  des  TJrfïns  ,  »  il  ?W^T' 
»  excommunioit  tous  ceux  qui  raifoient  telles  allemblees  ,  &   Moine  de 
»»  leurs  adhérans  &  complices  &  qu'on  ne  les  peuft  abfoudre  ,  £i>«g». 
»  fînon  à  l'article  de  la  mort.  Et  les  privoit  des  fiefs ,  terres  &  châ^n!' 
»  Seigneuries  qu'ils  tenoient.  Et  mettoit  interdit  en  leurs  terres  1 11.  &  fuir. 
m  &  Seigneuries  ,  &  abfolvoit  les  vafTaux  des  fermens  ,  foy  de 
»  hommage  qu'ils  avoientà  eux.  Et  fous  ombre  defdites  Bulles 
»  eferivoient  ceux  de  l'Univerfité  par  tout  les  chofes  defîufdites , 
»  affin  que  par  tout  on  veift  les  œuvres  defdits  Seigneurs  qu'on 
»tenoit  pour  traiftres  au  Roy  &.  en  outre  pour  excommuniez. 
»  Et  outre  feirent  &  envoyèrent  par  eferit  les  chofes  qui  font  dé- 
pendues au  temps  de  l'interdit  gênerai,  6c  auflî  permifes.  Et 
»pource  que  lefdites  lettres  ou  Bulles  s'adrefîbient  aux  Arche- 
ovefques  de  Reims  &  de  Sens  ,  aux  évefques  de  Paris  &  de 
"Chartres.,  lefquels  on  tenoit  pour  Armaiynacs ,  lefdites  Bulles 
«  ne  furent  aucunement  exécutées.  «  Cependant  Mcnjlrelet  èc 
le  Moine  de  S.  Denis  rapportent  qu'elles  le  furent  avec  beaucoup 
de  rigueur.  Le  premier  de  ces  hiftoriens  dit  que  ce  Mandement 
fut  publié  à  Amiens  àc  partout  ailleurs  dans  les  lieux  accoutu- 
mez ;  qu'en  vertu   de   cet  ordre  plufïeurs  fujets  &;  vafTaux  du 
Koi  fe  mirent  en  devoir  de  l'aller  fecourir  ^  qu'en  divers  lieux 
an  arrêta  un  grand  nombre  d'Orleanois  dont  quelques-uns  fu- 

(1)  Voyez,  cette  Bulle  dans  XHtfoirtk  ÇbarUt  fLpar  le  Moine  de  S.Denys.  Liv.  XXXL 
Chap.  19* 

N  iij 


joi  HISTOIRE    nu     CONCILE 

rent  exécutez  comme  ennemis  du  Royaume ,  &.  les  autres  mis  en- 
I^ï  *"  prifon  ou  rançonnez  3  &c  qu'enfin  le  Duc  de  Berry  ,  le  Duc  d'Or- 
leans  &c  fes  frères ,  le  duc  de  Bourbon  y  les  comtes  d'Alencon  & 
d5 Armai^nac ,leSeigneur d'Albret&leur s  adhérans  &  alliez  furent- 
non  feulement  bannis  du  Royaume  pour  toujours  3  à  fon  de  trom- 
pette dans  tous  les  carrefours  de  Paris  rmais  encore  en  vertu  de- 
là bulle  d'Urbain  V.  excommuniez  &  anathematifez  à  clochettes 
fonans  &  chandelles  allumées. 
Trahéde  XXXI.  Les  Polonois  &  les  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutoni- 

paixentreies         firent  cette  année  une  paix  perpétuelle  à  Thorn  ,  à  lafolli- 

polonois    Cl  r      1     i  1  11  i       t   •    1  ••» 

kfCbevaiien  citation  d'Alexandre  Withotd  grand  duc  de  Lithuanie  3  a  ces  con* 
T*M<mi<jttet.  Citions  :  Que  le  Roi  de  Pologne  rendroit  aux  Chevaliers  tout  ce 
qu'il  avoir  conquis  en  Prufle^que  tous  les  Commandeurs  &c  Che- 
valiers qui  étoient  prifonniers  ,  (croient  relâchez  ;  que  l'Ordre 
payeroit  à  Ladijlas  roi  de  Pologne  une  certaine  fomme  d'argent 
pour  leur  rançonique  IzSamogitie  demeureroit  auDuc  deLithua- 
nie  j  ôc  retourneroit  aux  Chevaliers  après  fa  mort.  Ce  font  les 
ù)  Lib.     conditions  marquées  par  Dingos  fa).  Cromer(bj  en  marque  d'au-' 

XI,\PA3°,?'  très .  comme  i.  par  exemple  de  fe  foumettre  à  l'arbitrage  du 

(b)DcRe-         ■  »  .    r  r  .   b 

ùi  Pohti.     Pape  fur  certains  articles  dont  ils  ne  pou  voient  convenir  5  i.  de 
i.ib.  xvii.  comprendre  dans  cette  paix  les  Dues  de  Stolp&  de  Mazovie,,- 
êc  Sipsmond  roi  de  Hongrie  3  s'il  vouloity  entrer.  En  attendant 
qu'on  le  fût ,  le  Grand  Maître  de  l'Ordre  ftipula  que  les  Po- 
lonnois  ne  feroient  point  la  guerre  à  ce  Prince.  On  rapporte  à> 
cette  année  la  mort  de  Nicolas  Kurowski  archevêque  de  Gncfne, 
CePrélatavoit  été  aceufë  par  Anne fille  duDucde  Ciïïeï  &.  reine 
de  Pologne  ,  de  l'avoir  voulu  corrompre.  Comme  le  Roi  étoit 
fur 4^  point  de  faire  jine  févere  juftice  de  cet  attentat ,  Kurowski 
étant  en  chemin  pour  comparoître  tomba  de  cheval  &  mourut, 
de  cette  chute.  On  die  qu'il  apportoit  avec  lui  une  groiTe  fom- . 
me  d'argent  pour  tâcher  de  fe  racheter. 
fmlf*h    XXXII.Apre's  la  paix  faite  entre  lesPolonois&lesChevaliers,, 
/jean!        Zadijlas  envoya  en  ambafTadeà  Jean  JCJlIII.  André  Lafcalis 
xxm.       évêque  dtWlafdiJlaw  dans  la  Grande  Pologne, &  quelques  gen- 
tilshommes avec  de  grands  préfens.  Le  but  de  cette  ambafîà- 
de  étoit  de  faire  déclarer  au  Pape  que  le  Roi  avoit  entrepris- 
une  jufte  guerre  contre  les  Chevaliers  Teutoniques  ,  &  qu'on 
avoit  été  en  droit  de  tranfporter  dans  les  Eglifes  de  Pologne 
tout  ce  qu'on  avoit  enlevé  de  chofes  facrées  dans  celles  de  Prufl 
fe.  Cesambaffadeurs  a  voient  ordre  de  demander  outre  cela  que 


DE    PISE.'Liv.   V.  103 

le  Pape  ordonnât  une  croifade  contre  les  Tartar es.  Jean  JTJT1II. 
accorda  les  deux  premiers  articles  i  mais  il  refufa  le  troifîéme, 
à  caufe  de  la  croifade  qu'il  avoir  publiée  contre  Ladijlas  roi  de 
Naples.  D'ailleurs  les  ambafladeurs  de  Pologne  étoient  traver- 
sez par  ceux  de  Sigismond  roi  de  Hongrie ,  6c  par  ceux  des  Che- 
valiers, parce  qu  ils  craignoient  que  le  Roi  de  Pologne  ne  fefer- 
vît  de  cette  croifade  contre  eux .  Jean  JfJflIl.  à  la  requifition 
du  Roi  de  Pologne  promut  cette  année  deux  Prélats  dans  ce 
Royaume  Ravoir  André  à  l'archevêché  de  Halitz^  dans  la  Ruf- 
iîe  Noire  (1)  ,  &  Nicolas  Trambasice  -  chancelier  a  l'é vêché  de 
Caminiec  dans  la  Haute  Podolie.  Ce  dernier  fut  élevé  la  mê- 
me année  à  l'archevêché  de  Gnefne  par  Jean  JCJCiII.  mal- 
gré le  Chapitre  qui  avoic  demandé  l'Evêque  de  Pofnanie  en  balle 
Pologne. 

XXXIII.  Le  Concile  de  Pife  ayant  ordonné  qu'on  afîem-  jeanxxïï^ 
bleroit  un  Concile  œcuménique  au  bout  de  trois  ans  ,  Jean  indii>*eH» 
JfJflJl.  en  indiqua  un  à  R  orne  pour  le  mois  d'Avril  de  l'an-  R7w! t[  * 
née  fuivante  par  une  Bulle  du  mois  de  Mai  de  la  prélente  an^ 
née.  Cette  Bulle  contient  1.  un  magnifique  éloge  de  la  ville  de 
Rome  par  rapport  au  temporel  oc  au  fpirituel  >  2.  la  néceffité 
de  la  défendre  contre  les  entreprifes  de  Ladijlas  &  de  Gregoi* 
te  J^  II.  defquels  on  fait  une  peinture  affreufè  53.  que  ce  Con- 
cile a  été  réfolu  du  confeil  des  Cardinaux  à  la  gloire  du  Dieu 
tout-puijjant ,  de  la  bienbeurcufe  Marie  toujours  Vierge,  des  faims 
apôtres  S.Pierre  &S.  Paul&c  de  toute  la  Cour  celejle^q..  que  ce 
Concile  eftdefiiné  à  la  réformation  del'Eglifê}  5.  tous  les  Rois, 
Princes,  Seigneurs,  Patriarches,  Archevêques,  Évêques,  Abbez, 
Prélacs  ,  Chapitres,  Monafteres ,  font  exhortez  à  y  venir  ou  en 
perfonne ,  ou  par  procureurs ,  fous  la  promefle  de  la  remifîion  de 
leurs  péchez.  6.  On  promet  à  tous  fans  exception  ,  des  fauf- 
conduics,  quelques  crimes  qu'ils  ayent  commis  ,  quand  même 
ce  feroit  celui  d'héréfie  ou  de  Léze-Majeflé.  7.  Il  ordonne  à  tous 
Rois  ,  Patriarches,  Archevêques ,  Evêques  ,  Prélats,  Eccleflalli- 
ques ,  aux  Ducs,  Marquis,  Comtes,  Capitaines  6c  autres  Officiers 
de  guerre ,  aux  Communautez ,  Univerfïtez  6c  à  tous  les  particu- 
liers d'affifter  ^c  de  protéger  tous  ceux  qui  viendront  au  Concile , 
&  en  particulier  ceux  qui  pour  des  procès  ou  inimitiez  pourroient 
craindre  d'être  infultez  en  chemin. 

(1)  Cet  archevêché  a  été  transféré  à  Lembourg  dans  la  mê  me  Province, 

Fin  du    Livre  Y. 


141  2. 

Etat  de 
lPEurofe„ 

(a)   Le 
Moine  de.?,, 
Deny;.  Hifl. 
de  Charles 

XXX  IL. 

(b)  Voyez 
ci-delïus 
Liv.VI. 

(c)  Tbeo- 
Idd.  Bcil. 
Hufl.  Cau>. 
YII, 


t. 


104  HISTOIRE  DU  CONCILE 

©g)©®®©  ©@  ©®&(5&® 

L  I  V  R    E  VI. 

SOMMAIRE. 

ï.  Etat  de  ^Europe.  II.  Traité  deLidiûas  &  de  Jean  JC  J£  1 1 I„ 
WX.Caraltere  de  Sforce  &  de  Braccio.  IV.  Conditions  du  Trai- 
té de  Ladiiîas  &de  Jean  XJCIU.  V.  Mouvement  de  Grégoire 
pour  fe  maintenir.  VI.  Retraite  de  Grégoire  à  Rimini.  Vil.  Con- 
cile affemb té  à  Rome  par  Jean  JCJCIII.  VIII.  Ce  Concile  rCe fi 
-pas  œcuménique.  IX.  Avanture  du  hibou.  X.  Bulle  de  Jean 
JfJTIII.  contre  les  Wiclefites.  XL  Eclat  de  Jean  Hus  contre  le 
Siège  de  Rome.  XII.  Bulle  de  Jean  JfJflII.  contre  Ladiflas* 
XIII.  Jean  Hus  réfute  la  Bulle  du  Pape.  XIV.  Autres  Traitez^ 
^Jean  Hus.  Sa  réfutation  des  Cro l 'fa de s.  XV.  Réplique  de  Jean 
Hus  à  un  Prédicateur  de  campagne.  XVL  S'il  e/t  permis  de  pré- 
cher  contre  les  mauvaifes  mœurs  du  Clergé.  XVII.  Refolution  de 
trois  doutes  propofezji  Jean  Hus.  XVIII.  Reponfe  de  Jean  Hus 
à  huit  adverfaires.  XIX.  Exaction  de  Jean  JCJCIII.  XX.  Bo- 
logne reconciliée  avec  l'Eglife.  XXI.  Demèlez^des  Vénitiens  avec 
Sigismond.  XXII.  Jean  JfJfUI.  confirme  le  Traité  des  Che- 
valiers de  l'Ordre  T  eutonique  avec  les  Polonois.  XXIII.  // 
accorde  des  privilèges  d  l'Vniverfité  de  Paris.  XXIV.  Benoît 
JfJII.  Affaire  d  Arragon.  XXV.  Converfion  des  Juifs  par  Vin- 
cent Ferrier.  XXVI.  Ecrit  de  Jérôme  de  Sainte  Foi  contre  les 
Juifs  ,Z ivre  premier,  XXVII.  Second  Livre  du  Traité  de  cet 
Auteur.  XXVIII.  Affaires  détachées. 


llllppj  'Europe  n'auroit  pas  eu  moins  befoin  cette  année  que 
M  Oïl  ^es  précédentes  de  la  vigilance  &  de  la  charité  d'un  Pa- 
feiffî  fleur  commun  pour  pacifier  les  troubles  dont  on  va  la 


voir  agitée.  La  France  nonobllant  divers  traitez  de  paix  ,  étoic 
toujours  déchirée  par  les  cruelles  factions  de  Bourgogne  &.  d'Or- 
leanSjdont  l'Angleterre  profitoit  (a).  L'AilemagneVétoit  pas  en- 
core réunie  fous  une  même  obédience  >  ce  partage  y  donnoir 
occadon  à  des  guerres  inteftines  (b).  Les  troubles  de  Bohême 
alloient  toujours  en  augmentant  a  l'occafion  de  la  do&rine&  des 
prédications  de  Jean  Hus  (c).  La  paix  conclue  l'année  précéden- 
te 


DE   PISE.   L  i  v.    VI.  105 

te  encre  la  Pologne  &  \çS  Chevaliers  Teutoniques  ne  fervit  qu'à 
donner  a  ces  derniers  le  cems  de  recommencer  une  guerre  qui      T 
avoic  une  influence  fore  générale.  La  paix  des  Rois  de  Hongrie 
&  de  Pologne  n'étoit  pas  moins  chancelante.  D'un  côcé  les  Vé- 
nitiens animoient  le  Polonois  contre  Sigismcnds  afin  d'occuper  ce 
Prince  qui  les  menaçoi  t  d'une  guerre  au  fujet  de  la  Dalmatie. 
De  l'autre  Sipsmond  gardant  mal  les  traitez  avec  la  Pologne  , 
ce  n 'étoient  que  méfiances  &  hoftilitez  entre  ces  deux  Royaumes 
voifins  (a).  Les  Royaumes  d'Efpagne  étoient  toûjoursjattachez  à    (a)  Dk- 
Bcnoit  JCIII.  de  ce  Pape  au  lieu  d'en  réunir  les  différents  partis,  §os-  Hifl- 
ne  penloit  qu  a  y  dominer  en  y  rom entant  la  divilion.  aru  I4I2< 

II.  De  toutes  ces  parties  de  l'Europe  il  n'y  en  avoit  point  qui    Traité  de 
fe  refTentît  plus. du  trouble  général  que  l'Italie.  On  vient  de  par-  Ladiflas  o- 
1er }  ôc  on  parlera  dans  la  fuite ,  des  grands  démêlez  de  sipsmond  xxiu 
avec  les  Vénitiens  Les  Génois  étoient  en  guerre  avec  les  Cata- 
lans. Zadijlas iàiïbit  trembler  toute  l'Italie  tout  vaincu  qu'il  écoit, 

parce  qu'il  ne  faifoit  de  paix ,  que  pour  fe  mettre  en  état  de  mieux 
faire  la  guerre.  Ce  fut  dans  cette  vue  qu'il  traita  avec  Jean 
JfJflII.  Quoique  ce  Pape  eût  publié  contré  lui  une  croifade    Kùm.vh. 
l'année  précédente  ,  il  ne  laifla  pas  de  rechercher  6c  même  d'à-  Jehan, 
cheter  cher  les  moyens  de  fe  reconcilier  ,  aux  moins  en  appa-  ^a  IlI# 
rence  ,  avec  un  ennemi  redoutable  jufques  dans  fes  difgraces.  xxiv. 
D'ailleurs ,  il  fe  trouvoit  d'autant  moins  en  état  de  fe   foute- 
tenir ,  qu'iinepouvoit  fe  fier  à  les  Généraux,  à  caufe  de  leurs 
me(intelligences&  desinfidelitezdcla  plupart  d'entre  eux.  Les 
principaux  étoient  Paul  de  s  Ut  fins  ^Magnus  S  fort  la  _,  &  Braccio 
de  Peroufe. 

III.  Co  MME  il  eftafTez  fou  vent  parlé  de  ces  deux  derniers  dans    Ca).aaen 
cette  Hifloire  ,  on  donnera  ici  en  paifant  leur  caractère  ,  ainfi  ^Sforcec* 
qu'on  a  donné  celui  de  Paul  des  TJrfins  dans  le  troifîéme  Livre  de  de  Braccl0« 
cette  Hiftoire.  Celui-ci  lui  étoit  fi  fufpecl:  3  qu'il  avoit  fait  un  trai- 
té fecret  avec  Zadijlas  pour  s'en  défaire  ,&:  que  dans  cette  vue 

il  l'avoit  envoyé  dans  la  Marche  d'Ancone  ,  fous  prétexte  de  lui 
en  confier  la  garde  3  mais  au  fonds  pour  donner  occafîon  à  La. 
dijlas  d'exécuter  cette  convention  (b)  Il  s'en  fallut  même  fort  peu 
que  Jean  JfJCIII.  ne  fût  la  dupe  de  fà  mauvaife  foi.  Zadijlas  ùft.F°,fF 
qui  ne  demandoit  pas  mieux  que  de  s'emparer  de  la  Marche  p.  i?4- 
d'Ancone  ,  accepta le  parti  efperant  de  gagner  un  bon  Général 
au  lieu  dr^\e  perdre.  Mais  comme  il  fe  difpofoitày  aller  avec  une 
bonne  armée ,  il  en  fut  détourné  par  les  Exilez  de  Rome  ,  qui  le 
Tom.  II.  O 


io6  HISTOIRE  DU  CONCILE 

follicitoient  fans  cefle  de  s'en  approcher.  Ain  fi  Jean  JFJflll.  ne 
(a)  p«gg.  fut  heureux  dans  cette  oceafion  que  par  hazard  (a), 
ubi  fiipr.         A  l'égard  de  S/W?,  comme  il  ne  s'étoit  engagé  au  fèrvice  de 
Sjorce  jeanjfjfjjz.  que  pour  un  certain  tems  3  il  crut  pouvoir  fans* 
fcrupule  prendre  un  autre  parti.  L'Hiftoire  nous  parle  de  ce  Gé- 
néral comme  d'un  véritable  héros.  Entre  fes  éminentes  vertus ,  il 
en  avoir  une  fort  rare  en  ce  tems  &  en  ce  païs-là ,  fur  tout  parmi 
les  Généraux  ,  c'étoit  -,  d'être  efclave  de  fà.  parole.  On  rapporte 
fc  que  Braccio  fon  collègue  &  en  même-tems  fon  émule  dans  le  Gé- 

N.  n.       neralat  3  le  moquoit  de  ce  généreux  elciavage  comme  d  une  {im- 
plicite, qui  rendoit  incapable  du  commandement.  Auiîi  ne  quit- 
ta- t-  il  le  parti  de  Jean  JfJfJlI.  que  quand  le  terme  de  fon  en- 
gagement futexpiré.  Cette  fidélité  lui  rendoit  infupportables  les 
intrigues  &  les  cabales  de  Paul  des  Vrfîns  contre  jean  JlJCIII. 
lien  avertit  ce  Pape,  &  le  menaça  même  de  quitter  la  partie  ,. 
jfi  ce  Général  continuoit  à  traverser  fes  bonnes  intentions.  Mais 
quoique  Jean  JfA.'IU.  touvât  ces  plaintes  fort  juffces  ,  il  crai- 
gnoittropde  s'attirer  à  dos  un  homme  auffi  accrédité  que  Paul 
des  Urfins  ,  pour  le  congédier  ouvertement.  C'eft  ce  qui  obligea, 
Sforce  à  fe  retirer  dans  quelque  endroit  de  la  Campagne  deRomey 
pour  y  être  fimple  fpe&ateur  3  &  demeurer  dans  l'inaction  ,  ne' 
pouvant  agir  efficacement  pour  les  intérêts  de  fon  Maître.  Le 
Pape  mortifié  de  cette  retraite  lui  envoya  le  cardinal  de  St.  An- 
ge avec  une  bonne  fomme  d'argent  dans  Tefperance  de  le  renga- 
ger par  là  ,  parce  que  le  terme  de  fon  premier  engagement  étoit 
prêt  à  finir,.  Comme  le  Cardinal  n'expliquoit  pas    clairement 
les  intentions  du  Pape  en  préfentant  cet  argent ,  Sforce  lui  de- 
manda avec  fa  candeur  ordinaire  ,  fi  c'étoit  pour  (es  fervices 
panez  3  ou  pour  le  rengager  de  nouveau.  Le  Cardinal  lui  ayant 
dit  que  c'étoit  le  dernier,  il  le  renvoya  avec  cette réponfe ,  fous- 
fouvezjvous  en  retourner  avec  votre  argent  5  le  Pape  me  doit  bien 
■plus  ,  &jc  ne  puis  me  re foudre  à,  le  fervir  davantage ,  a  caufe  de  la 
tyrannie  de  Paul  des  Urfins.  Puifque  je  ne  fauroismy  oppofcr  de  vi- 
ve force ,  fans  faire,  un  éclat  contraire  aux  intérêts  du  Pape ,  jepren- 
(b)Brov..  drai  mon  parti  comme  je  l'entendrai  (b).  En  effet,  dès  qu'il  fut  lu 
Mii.N-H-  bre  5îl  s'engagea  au  fèrvice  de  Zadijlas.  Je  lailïe  au  refle  à  juger 
au  ledeur  fi  ce  n'étoit  pas  donner  atteinte  à  la  fidélité  dont  il 
faifoit  profeffion  ,  que  de  pafTer  dans  les  intérêts  de  l'ennemi  de 
fbn  premier  Maître.  Sforce  mourut  en  1414  s'étant  noyé  malheu- 
reufement  dans  la  rivière  de  Pejquaire  dans  l'Abruze,  comme  iï 


DE  PISE.   Liv.    VI.  107 

enretîroitle  vaillant  François Sforce  fon  fils  \  qui  la  pafïbit  pour    iaii, 
combattre  Braccio  dont  il  s'agit  à  prefent. 

L'Hilloire  n'a  pas  parlé  avec  moins  d'éloge  de.ce  Général,  Braccio. 
quoiqu'elle  lui  donne  un  caractère  tout  oppofé  3  comme  on  vient 
de  l'infinuer  ,  puifque  pour  fervir  Ton  ambition,  la  fourberie  & 
la  diflîmulation  lui  étoient  indifférentes.  Il  avoit  fait  Tes  pre- 
mières armes  avec  Sforce ,  &:  ils  furent  d'abord  intimes  ;  mais  Bcrgom.  L. 
comme  la  gloire  étoit  leur  idole  commune,  cette  concurrence  XV«P- 373 
dégénéra  bien- tôt  en  inimitié.  Il  changea  fouvent  de  parti ,  com- 
me le  faifoient  fans  nul  fcrupule  la  plupart  des  Généraux  dans 
les  guerres  de  ces  flecles-là.  11  fut  d'abord  Général  des  Floren- 
tins contre  Ladijlas.  Jean  XXIII.  ayant  été  élu.  Pape,  le  prit    . 
à  fon  fervice  fous  le  caradere  de  fon  grand  Gonfalonier  ,  &  l'é- 
tablit Gouverneur   de   Bologne  quand  il  alla  au  Concile   de  6^.1414. 
Confiance.  Loin  de  l'abandonner  après  fa  depofltion  3  il  entre-  N-IIL 
prit  de  le  rétablir ,  &  s'empara  dans  cette  vue  d'une  grande 
partie  de  l'Etat  Ecclefîaftique.  En  1417.il  entra  triomphant  dans 
Rome  fous  prétexte  d'y  faire  rentrer  Jean  XXIII.  mais  dans 
le  fond  pour  s'en  rendre  le  maître  lui-même  ,  comme  en  effet  il 
s'en  faifoit  appeller  Seigneur  (a). Quand  Martin  V.  vint  en  Italie  ,  il  (a)  b%vi 
fe  déclara  contre  lui  comme  contre  un  intrus.  Il  en  parloit  me.  !4I,?:XI11' 

Si.    flUY 

me  avec  un  fouverain  mépris  3  le  traitoit  dePreflolé  ,  &fe  van- 
toit  de  le  réduire  à  dire  la  Meffe pour  un  denier.  Ce  Pape  l'excom- 
munia 5  il  excommunia  le  Pape  à  fon  tour  ,  &  il  fe  mit  à  la  tê„ 
te  d'une  armée  contre  Sforce  alors  Général  de  Jeanne  de  Naples , 
quis'étoit  mis  fous  la  protedion  de  Martin  V.  Braccio  ferecon-  poe„  wijfm 
cilia  enfuite  avec  ce  Pape  par  l'entremife  des  Florentins.  Mais  R^.p.  n<?. 
ayant  repris  les  armes  contre  le  même  Pape  en  1424.  il  fut  tué  Bvv-sP0"<l> 
dans  une  bataille  où  commandoit  François  Sforce  fils  de  Magnus, 
comme  on  le  verra  plus  amplement  dans  la  fuite. 

IV.  Revenons  de  cette  digrefîion  au  traité  de  Jean  XXIII.  Conditions  . 
&de  Ladijlas.  Les  conditions  en  furent  honteufes  à  l'un  &  à  f  2f  - 
l'autre.  Jean  XX III.  reconnoifToit  Ladijlas  Roi  de  Naples  ,  au  de  jeau 
préjudice  de  l'alliance  qu'il  avoit  faite  avec  Louis  d'Anjou.  \\  xxiil 
s'engageoit  outre  cela  à  mettre  Ladijlas  en  pofleftion  de  la  Si- 
cile ,  à  en  chafTer  Alfonfe  roi  à'Arragon  ,  protedeur  de  Benoit 
XI II.  &  à  lui  fournir  à  {es  dépens  des  troupes  pour  cette  ex- 
pédition. Ce  Pape  le  faifoit  encore  Grand  Gonfalonnier  de  l'E- 
glife  Romaine  avec  une  penflon  de  plus  de  deux  cens  mille  du- 
cats 3çn  hypothèque  defquelsil  lui  engageoit  Afcalo,  V 'herbe , 

Oij 


io8  HISTOIRE  DU  CONCILE 

1412.    Peroufe  ^Benevent ,  lui  remettant  de  plus  une  rente  de  quarante 
Ronald,   mille  ducats,  qu'il  n'avoir  point  payée  depuis  dix  ans.  Ladijlas 
an.  i4ii.    de  fon  côté  reconnoiiloit  Jean  XXIII.  ôc  abandonnent  Grégoire 
XII-  contre  les  traitez  qu'il  avoit  faits  avec  lui ,  promettant  de 
le  reléguer  en  Provence  ou  en  Dalmatie3s'il  refufoit  les  condi- 
tions qu'on  lui  propofbit  pour  céder.  Ces  conditions  étoient  de 
lui  faire  une  penfion  de  cinquante  mille  ducats,  d  élever  au  Car- 
dinalat trois  de  fes  parens  à  fon  choix,  6c.de  le  faire  Gouver- 
neur delà  Marche  tiAncone.  Cette  reconnoilîànce  fe  fit  à  Na- 
ples  entre  les  mains  de  Raynaud  de  Brancas  ,  cardinal  diacre  de 
St.  jsitus  6c  de  St.  Modeftc ,  légat  de  Jean  XX III.  C'eft  ce  qu'on 
va  voir  par  la  lettre  dont  voici  le  précis.  Ladijlas  dit  d'abord  que 
pendant  quelque  temsil  a  douté  que  l'élection  de  Jean  XXIII. 
au  Pontificat  fût  canonique  ;  mais  que  dans  la  fuite  ayant  mieux 
examiné  l'affaire  dans  une  afTemblée  générale  des  Prélats  ,  des 
Grands,  des  Docteurs ,  6c  des  perfonnesles  plus  notables  de  fon 
Royaume  ^  il  a  trouvé  cette  éleciion  légitime.  Ce  qui  lui  a  fait 
prendre  la  réfolution  d'imiter  la  conduite  des  autres  Rois  6c  Prin- 
ces Catholiques  ,quil'avoient  reconnu  pour  vrai  Pape  ;  Qu'en- 
confequence  de  cet  examen  ,  après  avoir  imploré  l'afliilance  du. 
St.  Efprit ,  il  lui  déclare  par  les  préfentes ,  qu'il  regarde  fon  élec- 
tion comme  une  œuvre  de  Dieu  -^  qu'il  le  reconnoît  pour  vrai  Pon- 
tife ,  6c  qu'il  reconnoîtra  de  même  tous  fes  fuccefïeurs  canoni- 
quementélûs.  Il  lui  fait  d'ailleurs  efperer  une  ambaffade  folem- 
(a)  Ray-  ne^e  pour  confirmer  cette  reconnoilîànce  (a), 
naid.  Ann.       L'Hiftoire  remarque  deux  particularitez  fort  peu  glorieufes  à. 
uiz.n.ii.  Zadijlas  dans  ce  traité  contre  Gregoire.Uime  qu'il  vendit  un  ami 
èc  un  allié  pour  la  fomme  décent  mille  ducats,  que  Jean  XXIII. 
(b)Nîem.  W  ^c  compter  (b).  L'autre  que  ce  traité  fe  fit  en  trahifon ,  com- 
vit.  joha».  me  le  rapporte  Niem  fecretaire  de  Jean  XXII 1.  en  cqs  ter- 
r™d'Hlrdt  mes'  "  r>en<^anc  qu'on  faifoit  cette  paix  frauduleufe  ,  Grégoire  fe 
T.  il.  p.     »  tenoit  à  Gayete  avec  (ss  Cardinaux  6c  fa  Cour  ,  non  loin  de  la 
367.  „  Campagne  de  Rome  fous  la  prote&ion  de  Ladijlas ,  ne  fâchant 

53  rien  d'abord  de  ce  qui  fe  tramoit  contre  lui.  Ladijlas  l'y  alla, 
«même  trouver  un  jour  ^  6c  pour  mieux  cacher  fon  jeu  ,  il  lui 
«  rendoitles  mêmes  honneurs  qu'auparavant.  Comme  Grégoire  5. 
33  qui  depuis  avoit  été  informé  de  cette  perfidie  ,  lui  en  fit  des 
3s  reproches ,  il  le  nia  fort  6c  ferme.  Cependant  dès  le  lendemain, 
»il  lui  fit  dire  de  fe  retirer  ,  6c  ne  lui  donna  même  qu'un  terme 
ilhifup™'  "  aflez  court  pour  le  faire  (c).  55  Ce  qui  l'obligea  à  fe  retirer  ,  fe- 


I>E    PISE.    Liv.    VI.  109 

fon  Niem ,  dans  la  Marche  d'Ancone  fous  la  protection  de  fon  , 

ancien  ami  Charles  Malatejlat ,  &  enfuite  à  Rimini  dont  ce  der- 
nier étoit  Seigneur. 

V.  De  Ion  côté  ce  Pape  ne  négligeoit  pas  fes  intérêts.  Avant  Mouvement 
l'infidélité  de  Ladijlas  ,  il  s'étoit  établi  plufîeurs  Légats  en  AL  &  Grégoire 
lemagne ,  pour  foutenir  ceux  qui  y  tenoient  encore  pour  lui,tels ,  JJJ. ***'*" 
qu'étoient  V/erner  de  Konin^fiein }  archevêque  de  Trêves  ,  Ra-  ' 

ban  évêque  de  Spire  ,  Conrad  évêque  de  Wormes  3  &  pour  y 
gagner  de  nouvelles  créatures.  Il  donnoità  l'évêque  de  for- 
mes plein  pouvoir  d'agir  contre  Louis  électeur  Palatin ,  &;  les 
Princes  de  cetec  Maifon  ,  qui  adheroient  à  Jean  XX III.  Com- 
me pendant  ce  fchifme  l'Allemagne  étoit  fort  divifée,  &  que 
plufîeurs  des  féculiers  ne  fça voient  à  qui  s'adrefTer  en  bonne 
confeience  pour  recevoir  les  Sacremens  ,  ni  ceux  qui  vouloienx 
entrer  dans  l'Ordre  eccleiiaftique  ,  par  qui  fe  faire  ordonner  3  il 
donna  une  Bulle  qui  permettoit  à  ceux  du  peuple  de  recevoir 
les  Sacremens  de  quelque  Prêtre  que  ce  fût,  même  des  Moines 
mendiants,  pourvu  qu'ils  fuflent  Catholiques  ,  c'eft-à-dire  ,  dans 
fon  parti,  &  aux  Clercs,  de  fe  faire  ordonner  par  quelque  Evo- 
que que  ce  fût ,  pourvu  auffi  qu'il  fût  dans  fon  obédience ,  fi  leur 
propre  Evêque  n'y  eft  pas. 

Il  publia  outre  cela  divers  Décrets  contre  les  partifans  de 
Jean   XXIII,  èc  en  particulier  contre  Herman    Landgrave 
de  HeiTe  ,  qui  étoit  de  ce  nombre.  Un  des  Continuateurs  de  Ba- 
ronius  nous  a  confervé  un  de  ces  Décrets ,  qui  contient  quelques 
articles  dignes  de  remarque,  t.  Il  permet  aux  Schifmatiques  &  aux 
Catholiques  de  iè  marier  enfèmble ,  dansl'efperance  que  l'un  ra- 
mènera l'autre.  2. Il  preferit  des  formulaires  de  ferment  pour  ceux 
qui  ferepentiroient  de  quelque  acte  fchifmatique ,  ou  pour  ceux 
qui  ayant  pris  le  parti  de  Jean- 2? XI H.  reviendroient  à  Gré- 
goire. Je  donnerai  ici  un  de  ces  formulaires  ,  parce  qu'ils  peu- 
vent inftruire  de  l'état  des  confeiences  pendant  le  fchifme.  Le 
premier  de  ces  formulaires  eft  conçu  en  ces  termes  :«  Je con- 
îafeileque  j'ai  fait  un  a&e  fchifmatique,quoique  non  de  cœur^que 
53  pour  éviter  le  fcandale,ou  quelque  pelle  ,  ou  quelque  danger, 
«  j'ai  eu  communion  avec  des  fchifmatiques  3  ôcque  par  là  j'ai 
33  encouru  l'excommunication  ,  outre  les  autres  peines  portées 
.33  parle  droit,  [a  jureyel ab homme  illatas  ).  Mais  préfentemenc 
»  j'abjure  le  fchifme  ,  &  je  confefïe  de  cœur  &  de  bouche  ,  que 
•n-Grcy>ire  XII.  a  été  &  eft  vrai  Pontife  Romain.  Je  protefte  ê& 

O  iij 


no  HISTOIRE   DUCONCILE 

»  ieiurefurles  Sts-  Evangiles  d'obéir  déformais a.uditGre?oîre$t  à 

14,1  2.  /    *  r  m  •  '1  «         J  •  -i 

T  5>fcs  fuccefleurs  canoniquement  élus,  de  ne  me  jamais  retirer  de 
»  fon  obédience^  de  ne  commettre  aucun  acte  ichifmatiques.5j 
3. Comme  lesCatholiques&les  Schif manques  fe  trouvoient  fou- 
vent  mêlez  dans  un  même  lieu  ,  il  difpenfeles  Catholiques  d'é- 
viter les  personnes  6c  les  habitations  de  leurs  maîtres  fchifmati- 
ques,fans  permettre  pourtant  de  fe  tranfporter  dans  les  lieux 
de  la  réfîdence  des  Ichifmatiques.  4.  En  cas  que  les  fchifmati- 
ques  empêchafïènt  dans  les  lieux  de  leur  domination  les  Ca- 
tholiques de  faire  leurs  fondions  ou  leurs  offices ,  H  accorde  à 
ceux-ci  la  permiOion  d'avoir  dss  autels  portatifs  3  pour  faire  le 
Service  divin  dans  des  endroits  &  à  des  heures  convenables  (  1  ). 
11  ajoute  à  cela  la  permiflîon  aux  Ecclefiaftiques  inquiétez  dans 
leurs  monafleres  ou  Bénéfices  ,  de  fe  retirer  chez  des  feculiers  , 
pourvu  qu'ils  foient  Catholiques  3  d'y  dire  les  Heures  Canonia-, 
les  ,  félon  l'ordre  établi  dans  ces  lieux  là  ,  &de  fe  conforme  rà 
l'ordre  &:  aux  ufages  (ju'ils  y  trouveroient  reçus ,  dans  ce  qui  re- 
gardent les  Heures  Canoniales  &;  le  régime  de  vie  >  à  la  referve 
des  Chartreux  à  qui  il  n'accorde  point  de  dif  penfe  (2). 
Retraite  de  v  l.  On  vient  de  voir  que  Grégoire  fè  voyant  trahi  par  Zadiflas 
frmtà"6  *  &  recira  à  Rimini ,  d'où  il  rit  le  récit  de  fa  retraite  dans  une  Bulle 
oumanifefte  qui  contenoit  les  faits  fuivants.  wi.  Qu'ayant  été 
»  contraint  defe  retirer  de  Civitta  di  Frioul ,  à  Gayete  où  il  fe 
55  croyoit  fous  la  protection  de  LadiJUs  ,  il  avoit  été  obligé  defe 
55  retirer  auffi  de  cette  dernière  avec  trois  de  (qs  Cardinaux ,  à 
55  travers  mille  dangers,  à  Rimini  par  le  moyen  de  deux  barques 
»  Vénitiennes,  qui  par  un  foin  tout  extraordinaire  de  celuiquia 
»  prié  que  la  foi  de  Saint  Pierre  ne  defraillît  point ,,  s'etoient  trou- 
53  vécs  à  Gayete.  Qu*il  avoit  été  reçu  à  bras  ouverts  par  le  Cler- 
*jgé  &.  le  peuple  de  Rimini  ,  qui  avoit  été  fort  dévotement  au 

(1)  Si  Catholicos  à  Schifmaticis ah  exemptionefuorum  ofpciorum  in  fuis  locis  £•?•  Ecclefiis  conti^e- 
rit  prohiberi ,  ex  tttuc  C7"  non  alias  ,  ne  divinii  es*  Sacramentis  defraudentur  5  ut  inlocuhubilibusy 
front  révèrent er  poffmt ,  fuper  quo  torumdtm  confientias  oneramus  ,  in  altarihus  portatilibus  coram 
quibuicumque  Calholicis  etiam  ante  diem  ctlehrare  ,gratiofe  iirdulgemtts.  Raynald,  An.  141 2.  N.I. 
p.  418.  c.  2. 

(xi)  Conccdimus  ut  quœlibet  Ecclefîaflicarum  perfonarum  Catholicarum  ,quœ  propter  fchifma  m  la- 
cis Monafleriorum  feu  Benefc/orum  Juorum  abfqae  contumelia  Creatoris  ffare  minime  valet  ,  inÇjrcum 
iis  locis  ac  perjonis  etiam  fœcularibtts  fe  recipere  ,  quibus  naufragium  ejfugere  3felicifque  vit*  portum 
queat  reperire  ;  o>  tune  Horas  Canonicas  fecundum  quoicumque  ordinarium  aut  ordinem  ab  EccUfîa 
appiobatum  dicere  ,  ut  fe  fuis  fuciis  cum  quibus converfatur  de  lis  dkendis  conformet  ;  quodque  hujufmo- 
di  per/oiiç  ab  Ecclefia  in  diciisjejunii.-  omnino  fervatis  ,  dtvotis  Catholicis  3apudquos  eos  morari  con~ 
tigerit ,  temporibus  aeleris ,  fcandalis  femper  quantum  poffibilitas  permitlet  proximorum  vitatis  ,  im 
efu  facere  fe  conformes  ,  ne  difpari  comedendi  uftt  Citbolici  earumdem  receptores  molefim  çnerentttr  9 
exceptis  Carthufîenjtbus ,  in  efv  camium  licite  poffmt.   Raynald.  ubi.  fitpr, 


£>E    PISE.    Liv.    VI.  m 

a  devant  de  lui  en  procefîion  j  &  qu'en  reconnohTance  d'un 

*>  fi  bon  accueil ,  il  accorda  tels  ôc  tels  privilèges  ,  à  la  ville    !412' 

>j  de  Rimini. 

VII.  Comme  il  n'y  avoit  eu  nulle  bonne  foi  dans  la  paix  de   Condieaf- 
Jean  JCX1II.  &.  de  Zadijlas ,  elle  n'avoit  rétabli  latranquilLy^k'*^ 
té  au  dehors  qu'en  apparence  ,  mais  point  du  tout  la  confiance  xxni.    ™ 
réciproque.  Ladijlas  moins  arToibli  qu'irrité  de  fa  dernière  dé- 
route ,  fe  tenoit  fous  divers  prérextes  au  voifinage  de  Rome  , 
cherchant  les  occafions  de  la  furprendre  j  &  Jean  JfJCIII.  de 
fon  côté  ne  s'endormoït  pas  à  faire  des  préparatifs ,  pour  fe  met- 
tre à  couvert  d'un  orage  qu'il  prévoyoit.  Cependant  il  crut  pou- 
voir profiter  de  ce  faux  calme,  pour  afïembler  le  Concile  œcu- 
ménique qu'il  avoit  publié  l'année  précédente  >  en  exécution  du 
Concile  de  Pife  ,  qui  avoit- ordonné  d'en  convoquer  un  au  bout 
de  trois  ans.  Comme  le  choix  du  lieu  avoit  été  remis  par^/V_ 
xandre  V.  à  la  difcretion  du  Pape ,  ion  fuccefleur  étant  rentré 
dans  Rome  ,  ne  jugea  pas  qu'il  y  eût  de  lieu  plus  propre  que 
Rome  à  une  telle  convocation  }  au  moins  n'y  en  avoit- il  point  qui 
fut  plus  à  ia  bienfeance.  On  apprend  du  Moine  de  Saint  Denys 
que  les  Evêques ,  Archevêques  ,  Primats  &  autres  pcrfonnes  éccle- 
fiafliques  d*  Italie  ,  de  Bohême  ,.  de  Hongrie  ,  d* 'Angleterre  3  dyE~ 
cojje  ,  d'Allemagne  _,    &  des  autres  fais   de  l'obédience  de  Jean 
JfJC III.  partirent  pour  ce  Concile.  Le  même  Auteur  ajoute  que  le 
roi  (de  France^  ordonna  pareillement  3  qu'on  èleùt  des  quatre  Fa- 
culté \de  l'Univerfité  de  Paris  des  perfonne s  célèbres  en  fcience ,  & 
qui  fujjent  capables  de  représenter  a  fa  Sainteté  conformément  à  leurs 
infiruclions  y  les  charges  infuportables  que  fouffroit  PEglife  Gallica- 
ne ,  des  nouvelles  impofitions  des  derniers  Papes.  En  même  temps  , 
continue  l'hiftorien.,,  le  Roi  voulut  prêter  Cobèïfiance  filiale  ,  & 
députa  pour  cette  ambafjade  Meffire  (\  ) ,  .  .  .  .  &  Maiflre  Jean  de 
Montreuil  fonfecretaire  3  auxquels  il  donna  ordre  de  recommander 
de  fa  part  les  intérêts  &  les  affaires  de  fon  Royaume  en  Cour  Romai- 
ne ,.  a  Maiftre  Pierre  d'Âilly  ,&  à  Maijlrc  Simon  Cramaut ., que 
le  Pape  avoit  en  fa  conjîdcration  promeus  &  élevez^  de  l'Eve fchê  de' 
Qambray ,  &  de  l'Archevefché  de  Rheims  au  Cardinalat  3  &  de  lui 
rapporter  de  vive  voix  &  par  écrit  tout  ce  qui  auroit  efté  fait  & 
arrêté  en  la  tenue  du  Concile  {&),  Le  même  hiftorien  ajoute  fur    (a)  Moine 

de  S,  Denys. 

(i)  Le  nom  eft  en  blanc  dans  cette  Hiftoire.  On  apprend  de  la  Nouvelle  hifl.  du  Concile  32«&33' 
de  Confiance  de  M.  Bourgeois  du  Chafienet ,  que  c'étoit  M.  Bernard  de  Chevmon  évéque  d'Amiens,  P*  °+3 .877» 
p.  138. 


irt  HISTOIRE  DUCONCILE 

14.13.  que  cette  deputation  au  Concile  de  Rome  n'aboutit  à  rien 
par  rapport  à  fon  but  principal  ,  qui  étoit  de  fiulager   lyEglife 
Gallicane  des  décimes ,  des  fervices  ,  &  des  autres  charges  infuppor- 
tables  dont  les  prêdeccffeurs  (  de  Jean  XXI IL  )  i'avoient  opprimée 
depuis  quelque  temps  ,  6c  il  rejette  toute  la  faute  de  ce  mauvais 
luccèsfur  ['Evèque  fi  Amiens ,  qui  ne  penfa  qu'à  fes  propres  in- 
térêts. On  s'eft  crû  d'autant  plus  obligé  de  rapporter  cet  en- 
droit de  l'Hiftoire  de  Charles  VI.  par  le  Moine  de  Saint  Denys , 
que  riiidoire-de  l'Univerfité  de  Paris  ne  fait  aucune  mention  de 
la  deputation  de  cette  Univerfîté,  au  Concile  de  Rome.  Mais 
l'Auteur  de  la  Nouvelle  H  i  foire  du  Concile  de  Confiance  confir- 
me le  récit  du  Moine  de  Saint  Denys ,  fans  pourtant  le  nommer. 
Ze  Roi  Charles  3  dit  ce  nouvel  Hiftorien  ,  envoya  des  Amb  a  fa- 
deurs ,  qui  furent  acco?npagnez^,  des  députe^  de  l'Univerfité  de  Paris , 
&  fe  joignirent  au  Patriarche  d'Alexandrie,  &  à  Pierre  d'Ailli 
archevêque  de  Cambrai ,  que  le  Pape  av oit  fait  Cardinaux  _,  pour 
folli citer  la  reformation  de  l'Eglife  dans  fon  chef  &  dans  fes  ?nem. 
fa)Ncuve!.  bres{2i).  Mais,  continue. t'il  ,  Bernard  de  Chcvenon  cv'cque  d'A- 
}p\j    ':    miens  3  chef de  Pambaffade ,  n'en  parla  point ,  &  nefongea  qu'à  joL 
Lsiifi.p.iii.  Uciter fa  iranfiation  a  l'Evêché  de  Bcauvais  ,  &  la  nomination  de 
plufïcurs  bons  Bénéfices  de  l'Eglife  Gallicane  ,  pour  le  Roi  &  les  Sei- 
gneurs ,  en  forte  que  les  intérêts  de  l'Eglife  Gallicane  a  qui  gemiffoit. 
feus  le  poids  des  exactions  de  la  Cour  de  Rome  que  Jean  avoit  ré- 
tablies  ,  furent  abfolument  négligez^  ,  malgré  les  folîicitations  des 
députez^  de  l'Univerfité. 
ce  Cov.dh      VIII.  Il  tsT  bien  certain  que  (i  ce-Concile  s'afTembla,  ce  fut 
n'eft^œcu  fous  de-mauvais  aufpices ,  &;  qu'il  ne  s'y  prie  point  de  réfolution 
muppe»      pour  la  réformation  de  l'Eglife  ,  qui  en  étoit  le  principal  pré- 
texte. D'ailleurs  tous  les  hiftoriens    conviennent  qu'il  ne  s'y 
trouva  pas  des  Prélats  en  allez  grand  nombre  ,  par  rapport  à 
_  l'importance  des  affaires  qui  dévoient  s'y  régler  (b).  C'eft  ce  que 

ML-ààs'.  témoigné  Jean  A"Arllî  lui-même  dans  la  Bulle  par  laquelle  il 
Chron. Ci-  indique le  Concile  de  Confiance,  oùil  dit  qu'il  avoit  été  obli- 
?.  an.  S^  ^e  remettre  ce  Concile  de  Rome  au  mois  de  Décembre  de 
14-2.11.5.  1411.  à  caufe  du  petit  nombre  de  Prélats  qui  s'y  étoient  trou- 
Labb.  vez  d'abord.  On  peut  juger  en  effet  que  de  tous  ces  Pre- 
Cone.  T.    Jars  qui,  félon  le  Moine  de  Saint  Denys ,  fe  mirent  en  chemin 

XI. c  1S2-3-  Il         ^  ri  -i      ,  r7  rr 

s^ond.       pour  aller  a  Rome  ,  il  n  y  en  eut  que  tort  peu  qui  puflent  pene- 
hu.  in.    trer  jufques-là  à  travers  des  troupes,  que  Ladijlas  tenoit  tou- 
jours aux  environs  de  cette  Capitale.  Ce  Prince  d'ailleurs  avoir 

interêj: 


DE    PISE.    Liv.  VI.  ïi> 

Intérêt  à  traverser  ce  Concile  ,  parce  que  comme  le  dit  Jean  1^2. 
JCJCIIJ.  il  étoit  regardé  comme  une  continuation  du  Conci- 
le de  Pife  oùZadi/las  avoir  été  dépofé.  Lechoix  du  lieun'étoit 
pas  non  plus  un  grand  attrait  pour  ceux  qui  defiroient 
fîncerement  une  reformation  ,  puifqu'il  étoit  aife  de  compren- 
dre qu'il  ne  falloit  en  attendre  aucune  d'un  Concile  tenu  à 
Rome.  Ce  fut  fans  doute  cette  raifon  qui  jointe  avec  les  précé- 
dentes ,  fît  que  tout  le  temps  fe  confumaen  fupernuitez  fans  rien 
conclure  d'utile  à  l'Eglife ,  comme  le  ditun  Auteur  célèbre  de  ce 
temps-là  ,  in  rébus  fuperfluis^  nihilque  ad  utilitatem  Ecclefiœ  -perti- 
nentibus  tempus  terendo  (a).  \ri     ■ 

Cependant  ce  prétendu  Concile  n'a  pas  lailfé  d'être  mis  au  ^1^*™° 
rang  des  Conciles  œcuméniques ,  par  des  Auteurs  de  poids.  Pour 
moi  ,  après  avoir  tout  examiné ,  je  ne  balance  point  à  croire  que 
bien  loin  d'avoir  été  un  Concile  œcuménique  ,  à  peine  mérite 
t-il  le  nom  de  Conciliabule ,  &  que  ce  ne  fut  qu'un  avorton  de 
Concile.  Déjà  le  filence  de  Théodore  de  Niem  }  qui  étoit  alors 
fecretaire  du  Pape  3  eft  un  argument  négatif  d'une  très-grande 
force  ,  fur  le  fujet  d'un  Concile  où  il  auroiteu  le  plus  de  part  en 
cette  qualité.  D'ailleurs,  il  ne  faut  point  d'autre  témoin  de  la 
nullité  de  ce  Concile  3  que  Jean  JCJCIII.  lui-même.  Car  félon 
là  date  de  fa  Bulle  contre  les  Wulefites  ,ce  Concile  fut  afTemblé 
pour  la  première  fois  au  commencement  de  1412.  (1) ,  &  félon  la 
Bulle  où  il  convoque  celui  de  Confiance  ,  il  convient  qu'il  n'y 
eut  pas  cette  première  fois  afïez  de  monde  pour  former  un  Con- 
cile légitime.  Voilà  donc  le  Concile  échoué  pour  cette  fois- 
là.  Le  Pape  ajoute  qu'il  a  été  obligé  de  le  proroger  jufqu'au 
mois  de  Décembre  delà  même  année  ,  fans  déclarer  le  lieu  où 
il  fera  convoqué  ,  ce  qui  ne  peut  regarder  que  l'an  1412.  puif- 
qu'aumois  de  Décembre  1413.  il  étoit  à  Lodi^  d'où  il  convo- 
qua le  Concile  de  Confiance.  Il  dit  enfuite  qu'à  la  prière  de 
Sigismond;  il  renvoya,  &  le  choix  du  lieu  ,  &  la  convocation  du 
Concile  jufqu'à  ce  qu'il  eut  reçu  avis  du  lèntiment  de  ce  Mo- 
narque là-denus(2).  Pendant  ces  entrefaites,iW{/7^j-  s'empare  de 

(1)  Verumquia  venienté  poftea  tempore  conflitttto  ,  Tr<elatiçy  colUïï  >qui  bujufmodî  Concilio  in- 
terejfe  debebant  ,  nequaquam  in  tanto  numéro  convenerunt ,  quantum  rertttn  agendarum  pondus  ,  W 
magnitude  requirere  videbatur  :  Nos  poft  alias  prorogationes  per  nos  f atlas  ,  tandem  Cincilium  ipjum 
admenfem  Decembris  nunc  prie/entern,  folenniter  prorogavimus  ,ac  celebrandum  flatuimus  ;  locum 
autem  infra  certum  tempus  reliquimus  dedarandum,  ut  intérim  fuper  to  maturiits  confuleremus.  Vond, 
Hard.T.VLp.  9- 10, 

(z)  Pofl  h*c  verO)  infra  diftum  tempus  nondum  elapfum  ,per  UtterascbariJJïmi  in  Cbrifio  filii  no~ 

Tome  II.  F 


M4  HISTOIRE  DU    CO  N  C  |  L  E 

Rome  ,  Scjean  JfJsTJII.  s'enfuie  à  Florence,  d'où  ,  comme  B 
*4-]2°  Je  raconce  ,  H'envoya  des  Légats  à  Sips?nond ,  qui  convinrent  avec 
lui  d'afTembler  le  Concile  à  Confiance.  Il  efl  donc  clair  par 
ce  récit  3  que  ce  Concile  prorogé  au  commencement  de  1412. 
&  tenu  à  la  fin  de  la  même  année ,  ou  fi  l'on  veut ,  félon  quelques- 
uns  ,  au  commencement  de  1413.  eft  une  pure  chimère  ,  6c 
que  tous  les  Auteurs  qui  en  ont  fait  mention  ,  ont  été  dans 
l'erreur ,  ayant  pris  le  deilein  pour  l'exécution  ,  ou  ,  un  Con- 
ciliabule commencé  3  mais  avorté  3  pour  un  Concile  œcumé- 
nique. 
jivanture  IX.  Qu  g  i  ou*i  L  en  foi-t ,  il  ne  laifîà  pas  de  fe  régler  cer- 
duHwiu.  taines  choies  dans  ce  Concile,  quelque  qualité  qu'on  lui  don. 
ne.  Clcmanys  dans  fon  traité  fur  le  (11  jet  d'un  Concile  gênerai  , 
raconte  de  celui-ci  une  avanture  allez  plaifante  qu'il  dit  tenijt 
de  fort  bonne  main.  C'eft  que  dès  l'ouverture  de  ce  Concile, 
après  la  Méfie  du  Saint  Efprit ,  tout  le  monde  ayant  pris  fa  pla- 
ce ,  6c  Jean  JfJtTIJl,  étant  aflis  fur  le  thrône  qu'on  lui  avoit 
préparé  ,  on  vit  tout  à- coup  un  affreux  hibou  s'élancer  avec 
des  cris  horribles,  de  quelques  coin  ,  £c  fe  porter  au  beau  mi- 
lieu delà  voûte  de  l'Eglife,  regardant  fixement  le  Pape.  Tout 
le  monde  étoit  étonné  de  voir  ainfi  en  plein  jour ,  6c  en  pleine 
afîemblée  ,  cet  oifeau  nocturne  ,  6c  ennemi  de  la  lumière.  Beau- 
coup de  gens  en  tiroient  mauvais  augure:  les  uns  en  trembloient 
de  peur:  les  autres  avoient  beaucoup  de  peine  à  s'empêcher  de 
rire,  s'entredifant  à  l'oreille  que  le  Saint  Efprit  paroi/loi  t  la  fous 
une  forme  bien  étrange.  Le  Pape  fur  quifeul  lefunefte  oifeau  fem- 
bloit  uniquement  arrêter  fes  regards,  en  rougifïbit  6c  en  fuoità 
grofïes  goûtes.  Il  en  fut  fî  déconcerté  ,  qu'il  fè  leva  le  premier 
pour  rompre  l'afTembléc.  Mais  dans  la  féconde  feance  ,1e  hibou 
parut  encore  ,  regardant  toujours  Jean  JCJTIII.  entre  deux 
yeux.  Encore  plus  effrayé  que  la  première  fois  à  la  vue  de  cet 
objet  lugubre,  il  commanda  qu'on  chafsât  l'animal,  à  force  de 
cris  6c  de  coups  de  bâton.  C'étoit  un  plaifant  fpeclacle ,  de  voir 

Jlri  Sigifmondi  elccliin  Regem  Romanontm  }  &  HunTaria  Revis  illufîris  ,  inflantiffime  requijîti  , 
ut  non  properaremus  in  dedaratione  hujufmodi  loci  pro  Cotuilio  facienio  ,  fedtam  in  dedaratione  loci 
prœd'.cli  quant  eliam  in  tempore  diéli  Conci'ii  celehrandi  fuper fédère  veilerrnts  ,  donec  ipfe  NuncioS 
fuos  iuper  hoc  infiriiflos  ad  noflram  prxfeniian:  deflinaret  :  Nos  voiis  ejufdem  Régis  ,  qnA  ex  ^e/o  de- 
voitoms  zr  puritatis  ftdei  emanare  confpkiebamus ,  annuentes ,  adzemurn  pï&falorv.m  Nuncicrum  ,  de 
vtntrabilium  Fratrum  nafliorum  SancLt  Roman  A  Ecclefiœ  Cardin  alittm  C  Prtlaîorv.m  ,  qui  RomjX 
ingenerali  L'oufiftorio  ad  hoc  vocati  fuerunt  ,  voluntate  }  cpnjîlio  C?*  ajje/ify  dnximns  expeclandumf 
Yond.  Hardt.  ubi  fupr. 


DE  PISE.     Liv.    VI.  Ifj 

l'es  Prélats  occupez  à  cet  exercice  qui  dura  long  temps,  parce 
que  le  hibou  ne  vouloir  pas  décamper,  ils  le  tuèrent  enfin  à  coups       * 
de  bâton.  Quoiqu'il  n'y  eûtrienlà  que  de  naturel ,  ileft  aifé  de 
comprendre  qu'on  ne  laifla  pas  d'y  faire  bien  des  fpeculations  , 
&  d'en  porter  divers  jugemens ,  chacun  félon  fa  paffion  &  fon 
caractère.  Je  ne  voudrois  pas  dire  que  ce  foitune  pure  fi&ion  , 
femblable  à  celle  du  Lutrin  de  Defpreaux.  Il  fe  peut  que  l'hif- 
toire  eût  quelque  fondement  ,  d'autant  plus  que  Theodoricde- 
~Niemà\t  qu'il  arriva  en  ce  temps-là  quelque  chofe  de  fembla- 
ble à  Jean  JCJflU.  non  dans  le  Concile  dont  il  ne  parle  point , 
mais  dans  une  autre  occaflon,  fçavoirà  la  Pentecôte,  lorfque 
difantVêpresdansla  grande  Chapelle  de  fon  Palais,on  commen- 
çait l'Hymne  duSaint  Ebprk/i)l^eni  Cr^^r.Mais  je  croirois  bien 
que  l'hiitcire  a  été  enrichie  ,  èc  brodée,  pour  rendre  ce  Pape 
odieux  &  ridicule.  Quoique  clemanps  la  débite  (i)  comme  cer- 
taine ÔC  publique,  il  fe  peut  fort  bien  que  fa  pafîion  pour  Benoît 
2T1II.  &  contre  Jean  JTJlJII.  lui  afaic  embrafTer  trop  avide- 
ment, une  occaflon  d'apprêter  à  rire  au  monde  ,  aux  dépens 
de  ce  dernier.  Cependant  en  la  rapportant  ici,  j'ai  crû  pouvoir 
imiter  un  Hiflorien  bon  Catholique  ,  c'eft  Henri  de  Sp onde ,  qui 
l'a  inférée  dans  fa  Continuation  des  Annales  de  Baronius.  J'ac- 
quiefeeau  refte  à  fon  jugement  là-deflus.,  c'eft  qu'on  ne  doit  tirer 
aucune  confequence  de  pareilles  avantures  ,  èc  qu'il  ne  faut  pas 
faire  trop  de  fonds  fur  le  récit  de  Clemangis  dans  cette  occasion. 
X.  C'est  encore  à  ce  Concile  3  qu'on  attribue  une  Bulle  pu- 
bliee  cette  année  contre  les  Wiclefitesôc  les  Hufîites.  Ueft  vrai  xxiiiZé 
qu'elle  eft  datée  de  l'an  14.13.  félon  quelques-unsle6.de  Tan-  fawuitftèv 
vier ,  félon  d'autres  le  1  de  Février.  Mais  il  faut  que  ce  foit  une 
faute  d'impre(ïïon  ,  ou  que  ce  foit  la  date  de  l'expédition  ,  puif- 
que,  félonies  remarques  précédentes,  il  n'y  eut  point  de  Con- 
cile à  Rome  cette  année  là.  Quoi  qu'il  en  foit ,  voici  cette  Bulle , 
comme  elle  fè  trouve  dans  l'onzième  Tome  des  Conciles  de 

(i)  Dum  quadam  vice  in  fejîo  Fentecoftes  diclus  Balthafâr  Fefperasfolemnes  imCapella  majorifui 
Talatii  prope  Baftlicam  SanùliFetri  ,  ut  morise/f,  célébrant  ,  dum  inciperetur  hymnmVctm  Creator  ' 
SpiritUS  ,   illico    adfuic   Çjr  VoUvit  illic  in  alto  bitbo  feu  notlua,  Hujits  rei  novitatem  mitlti  Curiales 
ibidem  exifientes  mirabantur,  Niem.  Fit.  Joa.  XXlll.  Cjp.  XXXUI.  ap.Vond.  Hardt.  T.  II,  p,  ■ 
37?. 

(z)  Res  ita  pervulgata  fuit  ut  vix  aliquem  lattre  potueril  quam  illo  tempore  ex  veriiico  comptri 
AufloreZj'  qui  me  minime  f ail  ère  ut  put  o  voluiflet  .....  Hœc  ex  quodam  fideli  amico  didici  qui  illis' 
diebui  reclo  gradtt  Roma  veniebat ,  fuper  quibus  cum  propter  rei  injuttudinem  hdfîtAre  ccepijjem,per  me 
vehementijfime  adjuratus  teriffime  fe  retulijjè  conp\mavit.  Addtbat  autem  omnes  qui  aderant  in  ma- 
gnum contempium  atque  irrifioncm  Concilii  ex  bac  re,  paulatimquc  toto  dilapfo  Concilia ,  nihïl  illic prsr» 
fus  aflum  eJl'ejruclHofum,  Clemangis  Tra&,  p.  7  5 .  76.  - 

Pin 


n6  HISTOIRE  DU  CONCILE 

1412.  Labbe^%-  *1*3-  "Un  des  principaux  foins  du  Siège  Apoftolique 
»  dans  un  Concile  gênerai ,  quand  il  s'élève  quelque  dodrine  qui 
»  ofFenie  la  Divine  Majefté ,  &  qui  mec  les  âmes  en  péril  de  dam- 
nation ,  c'eft  d'en  empêcher  le  progrès,  6c  de  l'étouffer  danj 
j>  fanaiflance.  Comme  donc  il  fe  trouve  en  quelques  parties  du 
»  monde  des  gens  qui  par  un  efprit  de  curioîité  s'ingèrent  d'en- 
«feigner  6c  d'apprendre  ,  non  ce  qui  peut  feryir  au  faluc  des 
»  âmes  6c  à  l'accronTement  de  la  foi ,  mais  ce  qui  au  contraire 
»  tend  à  la  renverfer ,  6c  qui  tâchent  d'introduire  dans  les  Echo- 
«les ,  6c d'expliquer  dans  leurs  Sermons  certains  livres,  ou  vo- 
»  lûmes ,  traitez  ,  ou  ,  Qpufcules ,  qu'on  dit  être  de  Jean  Wiclefy 
»  favoir  le  Dialogue }  le  Trialogue ,  ôc  plufîeurs  autres  livres  (i] , 
»  qui  portent  fon  nom ,  6cqui  contiennent  plufieurs  Dogmes  hé- 
»  rétiques  ,  6c  plufîeurs  erreurs  mal  fonantes  dans  la  foi ,  par 
?j  lefquelles  les  fîmples  fontféduits ,  6c  les  dodes  fcandaliféz, 
»  comme  on  nous  l'a  publiquement  repréfenté  3  à  nous  mêmes  6c 
»>  à  ce  facré  Concile  :  Nous  voulons  félon  notre  devoir  Paflo- 
»  rai ,  autant  que  nous  pouvons ,  avec  le  fecours  de  Dieu  aller 
«  au  devant  de  ces  périls ,  où  les  âmes  font  expofées  ,  de  peur 
»  que,  comme  dit  l'Apôtre,  les  fidèles  ne  foient  entrainez  par 
»î  des  dodrines  diverfes  6c  étrangères ,  ôc  corrompus  par  le  le- 
«vain  des  Pharifî.ens  ,  contre  lequel  Jesus-Chiust  leur  a  fi 
»>  expreflement  recommandé  defe  précautionner.  Car  comme, 
>s  félon  le  témoignage  de  l'Apôtre ,  le  levain  corrompt  toute  la 
?s  malle  3  ainfi  les  faillies. dodrines  des  hérétiques ,  comme  un  ver 
»>  nin  furieux ,  infedent  toute  la  dodrine  Catholique,  quand  elles 
s?  s'y  trouvent  mêlées.  Ce  font  ces  dodrines  hérétiques  que  le 
«  Sauveur  appelle  l'abomination  de  la  dèfolation  ,  félon  l'explica- 
jstion  de  Saint  Jerbme.  Or  comme  nous  voulons  procéder  mû- 
«  rement  dans  cette  affaire,  quoique  notoire  s  6c  ôter  toute  oc- 
»  cafion  de  fcrupule  6c  de  doute  3  nous  en  avons  commis  l'exa- 
»  men  &  la  difcuffion  à  des  Cardinaux  (2)  ',,  à  des  Evêques  ,à  des 
v  Dodeurs  en  Théologie  &  en  Droit ,  pour  nous  en  faire  lerap- 
55  port ,  par  lequel  il  nous  paroît  conitant  &  à  ce  facré  Conci- 
«le,  que  tout  ce  qui  étoit  venu  à  notre  connonTance  là-defTus 
»eft  notoire  6c  vrai,  comme  cela  eft  prouvé  non  feulement  pas 

(1)  Ouos prtfentibus  Laberi  volummpro  exprejfîs  nomine  <//V?i  Johannis  'ViclefE  înferiptos  & 
mthuUtos. 

(1)  C'étoient  les  Cardinaux  Colonne ,  d' 'A^uiUe 3de  Brancas,  de  ftnife  &de  Florencf-  Oper. 
V*ff.  Fol.  LXXXVL  b,  '" 


DE  PISE.  Liv.     VI.  117 

•«l'évidence  du  fait ,  mais  auffi  par  plufieurs  Sentences  définiti- 
fs ves  émanées  de  l'autorité  Apoftolique  (1) ,  &de  celle  de  quel-     M-12* 
j>ques  Archevêques  (a)  dans  leurs  Conciles  &  en  d'autres  oc-   (a)  L'Ar- 
»  cafions.  Nous  déclarons  donc  &;  décrétons  par  l'approbation  chevêque 
55  du  Concile ,  que  toutes  ces  chofes  font  notoires  &;  fans  repli- de  Prtf<sMfr 
m  que,  &  qu'il  y  faut  procéder  comme  fur  des  chofes  notoires  -, 
»  &:  nous  élevant  par  la  vertu  Divine  contre  lefdits  Libelles, 
»  traitez ,  opufcules  ,  favoir  le  Dialogue  ,  le  Trialogue  ,  &  tous 
.55  autres  livres  de  cette  forte ,  qui  portent  le  nom  de  Jean  Wi- 
55  clef \  de  quelque  art  &  faculté  qu'ils  foient ,  &  de  l'approba- 
tion du  même  Concile  ,  nous  les  condamnons ,  réprouvonsôc 
55  ordonnons  qu'ils  foient  brûlez  publiquement  en  exécution  de 
(55  la  fentence  du  Sauveur,  Si  quelqu'un  ne  demeure  pas  en  moi  yil 
fera  jette  dehors ,  comme  le  farment ,  &  il  deviendra  fec ,  onlera- 
>5  maflera  ,on  le  jettera  au  feu  &  il  brûlera  j  attendu  principale- 
55  ment  que  dans  ces  écrits  le  vrai  fe  trouve  mêlé  avec  le  faux, 
.55  comme  la  lèpre  dans  le  corps  humain,  &  que  les  fidèles  mar- 
>5  client  dans  leur  lecture  ,  comme  entre  les  couleuvres  &  les 
P»  feorpions.  Nous  défendons  de  plus  très-févérement  par  l'au- 
.55  torité  du  même  Concile ,  à  tout  Chrétien  d'ofer  lire ,  expofer , 
«enfeigner,  pofîeder  quelqu'un  de  ces  livres  intitulez  de  Jean 
î5  Wiclef,  ou  aucune  chofè  qui  en  foit  tirée ,  &  de  les  alléguer 
55  ni  ep.public,nien  particulier,  fi  ce  n'eft  pour  les  réfuter.  Et  afin 
>5  qu'une  doctrine  fi  pernicieufe  &  fi  infime  foit  entièrement  ex- 
55  tirpée,nous  commandons  auxOrdinaires  des  lieux  de  faire  par 
»  autorité  Apoftolique  une  exacte  perquisition  defdits  livres  ,  &; 
>5  de  les  faire  brûler  publiquement  quand  il  s'en  trouvera ,  &:  de 
»  menacer  les  contredifànts  d'être  traitez  comme  fauteurs  d'hé- 
>5réfie.  Outre  cela  nous  déclarons  que  tous  ceux  qui  entrepren- 
55  dront  de  défendre  la  mémoire  de  Jean  Wiclef,  foient  citez  à" 
55  comparoitre  au  Siège  Apoftolique  ,  dans  le  terme  de  neuf 
m  mois ,  devant  nous  ou  devant  notre  Succeileur  canoniquement 
5î élu,  ou  dans  cefacré  Concile,  ou  ailleurs  dans  quelque  lieu 
»  que  ce  foit  de  notre  refidence ,  pour  y  alléguer  tout  ce  qu'ils 
55  voudront  _,  de  peur  que  le  fufdit  Jean  'W'iclef  ne  foit  condamné 
>■>  comme  hérétique  ,  même  après  fa  mort  (1).  Donné  à  Rome  à  Sains 

(1)  Alexandre  V.  avoit  condamné  les  Huffites. 

(i)  Ne  idem  Johannes  licet  ah  humants  ereptm  de  h*fefi  condemnetitr.  C'eft  ainfî  que  porte  la 
Bulle  qui  fç  lit  dan<<  l'onzième  Tome  des  Conciles  de  Labbe.  Mais  Jean  Cochlée(  Hift.  Huflf, 
JÀb.  I,  p.  11,  &les  Annaliûes  faov.  141 3,  N,  II.  Si.  Sjxmdan.  An,  141  z.  N.  V.  )  qui  ont 

Pi'j 


i,8  HISTOIRE  DU  CONCILE 

»  Pierre ,  le  deuxième  de  Février  ,  la  troifiéme  année  de  notre 
1412.     s*  Pontificat. 
LesWidefi-      Une  fe  trouve  rien  de  cette  Bulle  ni  de  ce  Concile  parmi  les 
tess'oppotnt  oeuvres-  de  Jean  Hus  ,  quoiqu'on  y  voye   une  relation  allez 
lutte  Bulle.  exa&edece  qui  fe  paiïa  à  Rome  en  ce  temps-ci  aufujetde  fon 
affaire.  Je  n'en  ai  rien  trouvé  non  plus  dans  les  hiftoriens  de 
Bohême  que  j'ai  pu  confulter  ,  comme  ^Eneas  Sylvius ,  Tkeobal- 
dus ,  Dubrauski ,  Balbinus.  Mais  lî  l'on  en  croit  Jean  Cocblèc  au- 
teur célèbre  par  fa  paffion  contre  lesHuffites  et  les  Luthériens , 
dès  que  cette  Bulle  fut  arrivée  en  Bohême,  elle  ne  manqua  pas 
d'être    expofée  à  la  cenfure  &  à  la  critique  des  Huffites.  Par 
exemple  fur  le  mot  de  Concile  général ,  qui  y  efl  employé  ,  ils  di- 
foient  que  ce  n'étoit  qu'un  Concile  angulaire ,  x'eft-à-dire ,  tenu 
dans  un  coin,  où  les  Prélats  des  divers  Royaumes  n'avoient 
point  affilié  ,  n'y  ayant  eu  que  quelque  peu  deMoir/ês  &  deSi- 
moniaques  de  la  ville.  Sur  ce  que  les  œuvres  de  Wiclef font  ap- 
pellées  Opufcules  ,  c'eft  ainfi ,  difoient-ils ,  qu'il  faut  nommer  les 
Décretales  des  Papes,  qui  n'ont  été  compilées  que  pour  foute- 
nir  le  fafte  du  Pape  ôc  des  Cardinaux  3  pendant  que  la  loi  de 
Dieu  eft  mifeà  l'écart.  Ils  foutenoient  qu'on  n'avoit  pu  encore 
montrer  une  feule  erreur  dans  tous  les  livres  de  Wiclef,  quoi 
qu'on  en  eût  fouvent  été  défié.  S'il  y  a  des  héréfïes  dans  ces  livres, 
difoient^ils,que  le  Pape  les  nomme  &  qu'il  les  fpecifie,  autrement 
il  fe  condamne  lui-même  (j).  IL  n'y  a  rien  là  que  de  fort  confor- 
Edatàejcut  me  au  cara&ére  des  Huffites. 

l^TieTT  ^'  *L  eJ^  cercam  d'ailleurs  que  ce  fut  cette  année  que  Jean 
Komft  4  H us  fe  déclara  le  plus  hautement  contre  le  Pape.  On  a  vu  qu'en 
1403.  il  s'étoit  oppofé  aux  Indulgences  publiées  par  Boniface 
lAT.  étant  autorifé  à  cette  contradiction  par  Sigismond  mécon- 
tent de  ce  Pape.  En  1409.  il  avoit  réfuté  la  Bulle  d'Alexandre  V. 
contre  les  Huffites  ,  &  depuis  celle  de  Jean  ATjri/7.  contreGre- 
(a)  Op.H.  apire  XI 1.  §L  Ladiflas .  Il  paroît  auffi  par  le  Livre  précédent  (2) 

Fol.  j8p.  b.  x 

rapporté  les  dernières  paroles  de  cette  Bulle  portent,  ne  ut ,  ce  qui  ne  fait  point  de  fens  , 
&  qui  eft  une  faute  manifefte  d'impreiïion.  L'intention  de  la  Bulle  eft  apparemment  de  dire, 
ou ,  qu'après  avoir  oui  le  pour  &  le  contre  }  fi  Wiclef  Ce  trouve  coupable  d'Héréfîe ,  il  fera 
condamné  même  après  fa  mort  ;  ou,que  fi  au  contraire  il  n«  fe  trouve  pas  coupable  ,  on  ne 
condamne  pas  un  homme  après  fa  mort.  C'eft  le  fens  de  l'édition  de  Labbe  3  qui,  comme  je 
crois  ,  eft  fautive  auffi, 

(1)  Quafuitt  illa  ?  Nominailla.  Aliàs  quidem  condemnas  teipfum  Papa,  Cochl.  ubi  fupr: 

(  2)  On  en  a  parlé  par  anticipation  dans  ce  Livre-là ,  puifque  la  difpute  ne  put  fc  faire 
«ju'eni4i2. 


DE   PISE  Liv.  VL  ,j9 

•que  dans  une  Difpute  publique  ,  il  avoir  combattu  la  Bulle  de 
Jean  JTXIII.  qui  ordonnoit  une  Croifade  contre  Zadijlas  ,  &    141 2. 
quiacordoitdes  Indulgences  à  ceux  qui  voudroienr  prendre  les 
armes  pour  fa  querelle ,  ou  contribuer  indirectement ,  &;  de  quel- 
que manière  que  ce  fut ,  à  foutenir  cette  fainte  Guerre ,  comme  il 
Pappelloit.  Cette  difpute  fut  aflbupie  pour,  lors,  mais  elle  fe  ré- 
veilla bientôt  après  j  &  ce  fut  cetse  année  même  que  Jean  Hus 
conipofa  un  Traité  pour  réfuter  la  Bulle  en  queftion.  Ce  Traité 
porte  j  Queftion  difputéepar  Maître  Jean  Hus  en  141  z.  touchant  les 
Indulgences ^ou  la  Croifade  du  pape  Jean  XXIII,  fulminée  contre 
JLadiflas  Roi  d'u4pulic  (  de  Naples  ).  Il  efl  important  par  plus 
«d'une  raifon  de  donner  ici  le  précis  de  ces  Bulles  ,&  de  leur  ré- 
futation. LaCroifade  de  Jean  ATATIII.  contre  Zadijlas  étant  une 
iuitedu  Concile  de  Pile  quravoit  excommunié  ce  Prince,  elle  ap- 
partient naturellement  à  noftre  Hiftoirc  D'ailleurs ,  Jean  Hus 
efl  un  des  premiers  que  je  fâche  qui  ait  refuté  publiquement ,  &; 
par  des  écrits  exprès  les  Indulgences  &  les  Croifades  Papales. 
Enlin  on  voit  en  Jean  Mus  un  précurfeur  de  Zuther ,  &  dans  ces 
Indulgences  ,un  prélude  de  la  rupture  qui  arriva  dans  le  fiecie 
fuivant. 

XII.  Il  y  a  dans  les  Oeuvres  de  Jean  Hus  deux  Bulles  à  ce  fu-    wOaik 
jet  datées  de  Rome  ,  l'une  du  9.  Septembre  3  l'autre  du  2.  De-  Jean- 
cembre  de  Tan  1411-  l'une  addreiïèeà  tous  les  Chrétiens  ,  Pau.  ^LaSat»! 
xre  aux  CommifTaires  de  cette  Croifade ,  dans  les  Diocéfes  de     (a)  op. 
Pajjam  ,  de  Saltzjjourg,  de  Prague  ,&de  Magdebourg{a).  Après  îr*i-T-1- 
les  préambules  ordinaires  aux  Papes  dans  leurs  Bulles  ,  1.  En  cl'xxi. 
•vertu  de  la  fouveraine  autorité  que  I)icu  lui  a  donnée  en  terre }  par  CLXXIII, 
une  difpcnfation  immuable  \  incommutabiii  )  fur  tous  les  Potentats  du 
monde  3  afin  de  rendre  la  confît fion  de  Ladiflas  <^  de  fes  adhérents 
d *  autant plus grande  quelle  fera  plus  publique  3il  ordonne-»  à  tous 
m  Patriarches  ,  Archevêques  ,  Evêques  ,  &:  Prélats  des  Eglifes 
>?>  d'exécuter  cette  Bulle  ,  auffitôt  qu'ils  l'auront  reçue ,  fouspei- 
'*>  ne  d'excommunication  3  (  ipfo  fatto)&àe  la  faire  publier  dans 
m  leurs  Eglifes  tous  les  Dimanches  &  jours  de  Fêtes, au  fon  des 
"  Cloches  ,  Cierges  allumez  ,  puis  éteints ,  &  jettez  par  terre ,  en 
»  publiant  à  haute  voix  que  Zadijlas  z.  été  ,  «5c  eft  excommunié 
w  comme  Parjure  ,  Schifmatique,  Blasphémateur  ,  Hérétique  , 
"  Relaps,  fauteur  d'Hérétiques,  criminel  de  LezeMajefté,  con- 
juré contre  PEglife,  &  contre  fon  fouverain  Pontife  ,  que  com- 
»  me  tel ,  lui  de  lès  adhérents  doivent  être  pourfuivis ,  &  puni? 


u6  HISTOIRE  DU  CONCILE 

«tant  par  les  peines  ordonnées  parle  Droit,  que  par  les  peines* 
«arbitraires  (tamàjure  quamab  homine)  jufqu'à  ce  qu'étant  re~ 
X4I 2»  ,5  venus  à  eux  ,  ils  reçoivent  l'abfokition  Toit  de  lui ,  fbit  de  fes  fuc- 
»  cefleurs.  i.  Que  s'ils  ne  font  abfous  à  l'article  de  la  mort  par  lui  y 
a  ou  par  quelqu'un  de  fes  fuccefTeurs  ,  ils  feront  privez  a  perpé- 
»  tuité  de  la  fépulture  Eccleflaflique ,  et  que  s'ils  lurvivent  à  cette 
»  abfolution  ,  ils  feront  tenu$  de  comparoître  perfonnellemenc 
>3  devant  lui ,  ou  fbn  fuccefîeur  pour  en  ordonner  ce  que  la  ju- 
«  ftice  demandera  ;  faute  de  quoi ,  ils  feront  engagez  dans  l'ex- 
»3  communication  comme  auparavant.  A  l'égard  de  ceux  qui  en- 
treprendront de  donner  la  fépulture  Eccleflaflique  à  JLadiflas  y 
»  &  à  [es  complices  ,  ils  feront  excommuniez  &  anathématifez  3 
»  jufqu'à  ce  qu'ils  ayent  déterré  les  corps  de  leurs  propres  mains  y 
»  àc  qu'ils  les  en  ayent  jettez  loin ,  l'endroit  où  ils  avoient  été  en* 
»  terrez  demeurant  profane  à  perpétuité  (i).  55  3.  Jean  JlJTJII. 
déclare  de  plus ,.  que  de  l'avis  de  fes  frères  (  les  Cardinaux  )  0"pdf 
l'autorité  Apoftolique-  3  cette  Sentence  &  ce  procès  tiendra  lieu.de-  Con- 
fiitution  perpetueUç. 

4. 55  Le  Pape  prie  par  l'afperflon  du  fang  de  J.  C.  tous  les  Env-- 
55  pereurs  &  Princes  de  la  Chrétienté  ,  tous  les  Prélats  des  Egli- 
55  [qs  ,  &;  des  Monafleres ,  toutes  les  Univerfîtez ,  &  tous  les  par» 
>5  ticuliers^/'a»  3  &  de  l'autre  [exe ,  Ecclefialtiques,  et  Séculiers  ,. 
55  de  quelque  dignité ,  état ,  grade  3  condition  qu'ils  foient  3  Em- 
55  pereurs ,  Rois,  Reines ,  Cardinaux  ,  de  fe  tenir  prêts  à  pour- 
53  fuivre ,  ôt  à  exterminer  Ladijlas ,  &  iès  complices ,  pour  la  dé- 
55  fenfe  de  l'état ,  de  l'honneur  de  PEglife  ,  ôt  pour  la  flenne  pro- 
55  pre,leur  promettant  la  remiffion  de  leurs  péchez,  à  cette  condi- 
55  tion.  55  5.  De  là  il  paffe  à  un  plus  grand  détail  des  grâces  qu'il 
attache  à  cette  obéi&ance,  déclarant  qu'appuyé  fur  la  mifericor- 
de  Divine  3  fur  l'autorité  de  St.  Pierre  ,&  de  St.  Faul^Sc  en  ver- 
ru  du  pouvoir  qu'il  a  reçu  du  Ciel  de  lier ,  et  de  délier ,  que  tous 
ceux  qui  prendront  cette  croix  fa  /«^//^obtiendront  la  remifliott 
de  leurs  péchez  après  la  contrition  2t  la  confeflîon,  &  une  aug- 
mentation de  félicité  dans  la  vie  à  venir  •  tout  de  même  que  le 
Siège  Apoftolique  a  coutume  d'en  accorder  à  ceux  qui  vont  au 
fecours  de  la  Terre  Sainte.  Il  promet  les  mêmes  grâces  tant  à 
ceux  qui  ne  combattront  pas  en  perfonne  3  mais  qui  envoye- 
ront  à  leurs  dépens ,  félon  leurs  facultez  ôt  leur  condition  ,des 
perfonnes  propres  au  combar,  quand  ils  n'y  demeureroient  qu'un1 

(1)  Et  nihikminui  Iqchs  ipfe perpétua  tOfeOt  Ecclejîafliça  fepultura^ 

mois 


DE  PISE.     Liv.    VI.  m 

un  mois  3  qu'à  ceux  qui  feront  employez  par  autrui,  &  il  met  les  141 2. 
uns  &.  les  autres  avec  leurs  familles  ,  £c  leurs  biens  fous  fa  pro- 
tection ,  &c  fous  celle  de  Sf.  Pierre ,  commandant  aux  Diocéfains 
de  prendre  leur  défenfe ,  6c  de  procéder  par  les  cenfures  Eccle- 
iiafliques ,  même  jufqu'à  y  employer  le  bras  feculier ,  contre  ceux 
qui  voudront  molefter  les  Croifez  dans  leurs  perlonnes}dans  leurs 
biens  ,  &:  dans  leurs  familles  ,  fans  fe  mettre  en  peine  d'aucun 
appel ,  (  appellatione  poftpojita  )  &  fans  que  ceux  des  autres  Dio- 
céfes  puifîent  les  pourfuivre  ,  pourvu  qu'ils  fè  montrent  prêts  à 
répondre  dans  le  leur  aux  plaintes  qui  feront  portées  contre  eux. 
Ces  mêmes  grâces  s'étendent  à  ceux  qui  mourront  fans  avoir  pu 
exécuter  leur  vœu,  pourvu,  qu'ils  fe  foient  croifëz(i).  La  Bulle 
addrefTée  aux  CommifTaires  leur  donne  plein  pouvoir  de  choifir 
les  Prédicateurs  Se  les  Quêteurs  les  plus  propres  à  ce  métier ,  ôc 
d'agir  ,  à  leur  diferetion  ,  félon  les  circonstances  des  tems  ,  des 
personnes,  &:  des  lieux.  Elle  contient  du  refte  les  mêmes  cho- 
ies que  la  précédente.  On  y  peut  feulement  remarquer  ces  dif- 
férences. 

1.  Il  y  eft  fait  exprefTément  mention  RAnyslo  Corario ,  ou  au- 
trement Grégoire  JT/J.  qu'on  appelle^//  de  maie  di  El  ion  ,  Héréti- 
que^ Schifmatique  àcc.  au  lieu  qu'il  n'eft  point  du  tout  nommé  dans 
l'autre. 

2.  On  y  promet  pleniere  remiffion  des  péchez  aux  Prédica- 
teurs de  La  Croifade,  6c  auxQuêteurs  qui  s'employeront  avec  ef- 
ficace à  cette  quête. 

3.  On  y  fufpend  ou  annulle  l'effet  de  toutes  les  autres  Indulgen- 
ces générales  ,  &  particulières,  accordées  même  par  le  Siège 
Apoftolique  (2).  Après  avoir  donné  le  précis  de  ces  Bulles ,  au- 
tant qu'on  a  pu  en  comprendre  la  teneur  ,il  faut  au fïï  donner 
quelque  idée  de  la  Réfutation  de  Jean  Hus. 

XIII.  Elle  commence  par  les  proteftations  fui  vantes,  r.  De  ne   T     TT 
vouloir  rien  affirmer  qui  ne  loit  conforme  a  1  Ecriture  Sainte  ,  &  refuteUBuiu 
d'être  prêt  à  fe  retrader ,  qui  que  ce  foit  qui  lui  prouve  qu'il  eft dti  ïaPe- 
dans  l'erreur.  2.  De  n'avoir  nulle  intention  de  foutenir  le  parti 
de  Ladiflas  ,  ni  de  Grégoire  ,  6c  de  leurs  Sectateurs.  3.  De  ne 
prétendre  point  s'oppofer  à  l'autorité  que  Dieu  a  donnée  au 
Pontife  Romain  5  mais  d'avoir  feulement  defïein  de  s'oppofer 

(1)  Datant  Rom*  apiid  S.  Petrum.  5.  id.  fej\  Pontifcatûs  noftri  ann.  2. 

(1)  Non  ohftanlt  aliqua  indttlgtntta  général/,  vei  ffeciali?rofej]oribtt!,fe»  Fratribus  OrctiniwîfetiRe* 
li£ionum  quorumUbet ,  ab  tadem  Sede  fub  quacunatte  forma  verborum  conccjja. 

Tom.  II.  Q^ 


in  HISTOIRE  DU  CONCILE 

14.12     *  l'abus  de  cette  autorité.  Après  ces  proteftations  il  établit  airs- 
iî  l'état  de  la   queftion.  -S/'  félon  l'Evangile  il  efi  permis  &  ex. 
pedient  aux  Chrétiens  four  l  honneur  de  Dieu  3  le  jalut  du  Peuple 
&  l'avantage  du  Royaume  (  de  Bohême  ) ,  d'approuver  les  Bulles 
du  Pape  3  qui  ordonnent  une  Qroifade  contre  Ladiflas  Roi  de  Na. 
pies ,  &  contre  [es  complices.  Selon  la  méthode  de  ce  tems-là ,  qui 
étoit  de  propofer  le  pour  &  le  cqntre  ,  c'eft-à-dire,  l'affirmati- 
ve ,  ou  la  négative   de  la  queftion  ,  il  commence  par  établir 
l'affirmative  par  ces  raifons,  premièrement  par  des paflages de 
l'Ecriture  fainte  ,  tels  que  font  Luc  X.  16.011  Jefus-Chrift  dit  à 
Ces  Difciplcs  ,  &  à  leurs  Vicaires  :  Qui  vous  écoute  il  ni  écoute  ,  qui 
vous  rejette  il  me  rejette-,  Matthieu  XVIII.  18 .  Tout  ce  que  vous  lie*. 
rez^y&cc.  Marth.  XVI.  19.  où  J.C.  dit  à  Pierre  ,  Je  vous  don- 
nerai les  Clefs  du  Royaume  des  deux  ,  &c.  ce  qui  ne  peut  pas 
manquer  de  convenir  au  Pape  ,  en  qualité   de  fuccelîeur  de 
faint Pierre.  Rom.  XIII.  oxxfaint  Paul dit,. Qui refifte  àlœPuifJan- 
ce  3  refifte  à  l'ordre  de  Dieu.  Secondement  pour  autorifer  la  Bulle 
on  allègue  les  Privilèges  attribuez  aux  Êvêques  de  Rome  dans 
le  nouveau  Droit  Canon  ,  comme  d'être  les  fouverains  Inter- 
prètes de  la  Loi  de  Jeiùs  Chrift,  &  d'avoir  tous  les  droits  à  fi 
difpofition  (1) ,  ce  qui  fait  qu'il  ne  peut  errer  ,  quelque  chofe 
qu'il  enfeigne  &  qu'il  commandera  que  perfonne  ne  fçauroit 
le  contredire.  Sur  quoi  Jean  Mus  allègue  ces  paroles  &  Etienne 
Paletz^  Doyen  de  la  Faculté  Théologique  de  Prague  -,  JSFous  Sa- 
vons garde  de  rien  attenter  contre  le  Seigneur  Apoftolique  (  le  Pa- 
pe) ni  contre  fe s  Lettres ,  nous  nous  garderons  bien  d'en  juger  ni  de 
rien  définir  contre  elles.  En  troifïéme  lieu  ,  on  allègue  en  faveur  de 
cette  Croifade ,  l'approbation  qui  a  été  donnée  depuis  plufieurs 
années  à  de  telles  Bulles  par  tout  le  Clergé  fuperieur&  fubal- 
terne ,  Régulier  &:  Séculier.  En  quatrième  lieu  3  on  foûtient  que 
cette  Coifade  contre  Ladiflas  &  Grégoire ,  tourne  tellement  au 
maintien  de  TEgliiè  Chrétienne  ,  &  au  falut  des  âmes,,  que  ce  fe- 
roit  une  héréfie  &  une  impieté  de  vouloir  s'y  oppoier. 

De  l'affirmative  Jean  Mus  palîè  à  la  négative  pour  laquelle 
il  fe  détermine  par  c&s  raifons.  1.  Pour  ce  qui  regarde  la  Croi- 
fade ,il  la  trouve  doublement  criminelle.  D'un  côté  parce  qu'el- 
le eft  oppofée  à  la  Charité  Evangelique  qui  eft  ennemie  des  ma£L 
facres ,  des  pilleries  &  des  brigandages  qui  fe  commettent 
îous  ce  pieux  prétexte,  &  de  l'autre  }  parce  qu'elle  eft  ordonnée 

(î)  Habens  wniaJHrawfwniopittorisfuù 


DE    PISE.  Lrv.    VI  113 

à  des  Chrétiens 3  contre  des  Chrétiens.  C'eft  ce  qui  lui  donne 
occafion  de  repréfenter  fortement  les  horribles  fuites  de  la     f4I2J 
o-uerre.  il  convient  qu'il  appartient  aux  Prince*  Séculiers  de  la 
faire  ;  mais  en  même. temps ,  il  leur  propose  des  règles  6c  des 
maximes  de  modération  èc  d'équité  ,  qu'il  feroit  à  fouhaiter 
qu'ils  fuiviilent,  quand  ils  fe  trouvent  réduits  à  la  dure  neceffi- 
té  d'une  guerre.  Mais  il  foutient  qu'elle  n'eu:  point  permife  ,  ni 
aux  Papes  ni  aux  Evêques  ,  ni  à  quelque  Eccleflaftique  que  ce 
foit,  fur  tout  pour  des  intérêts  temporels.  C'eft  ce  qu'il  prou- 
ve par  l'autorité  ,  èc  par  l'exemple  de  jESus^CH.RisT,des  Apô- 
tres &  des  premiers  Chrétiens.  Car ,  s'il  ne  fut  pas -permis  ,  dit- 
il  ,  aux  Dijciples  de  Jefus-C'hrifi  de  prendre  Fépée  pour  le  défendre , 
lui  qui  étoit  le  Chef  de  C  Eglifc  3  contre  ceux  qui  vouloient  fe  faijir 
de  lui3  &/î Saint  Pierre  lui-même  ,  qui  étoit  fon  premier  Vicaire , 
en  fut  fevèrement  repris  S  à,  plus  forte  rai  fon  ne  fera -t.  il  point  permis 
à  un  Evèque  de  déclarer  &  de  faire  la  guerre  ,  foit  en  perfonne  3 
foit  ,   commue  s'expriment  quelques  Gloffateurs  (i) ,  dans  la  perfonne 
de  l'Eglife  ,  pour  une  domination  temporelle  ,  &  pour  des  nehefes 
mondaines.  Comme  il  y  avoit  long-temps  que  les  Papes  étoient 
en  pofleflïon  d'agir  en  Princes  iéculiers  pour  le  maintien  de 
leurs  intérêts,  il  allègue  de  très  beaux  paflages  de  Saint  Ambroi- 
fe  j  de  Saint  ferbme3  de  Saint  Augufiin  ,  de  saint  Grégoire  ,  de  St. 
Bernard  contre  cet  abus. 

Il  répond  enfuite  aux  raifons  qu'on  allègue  pour  défendre 
cette  humeur  belliqueufe  qui  s'étoit emparée  des  Papes.  Unede 
leurs  principales  raifons  eft  tirée  des  deux  Glaives  dont  il  eft 
parlé  Luc  XXII.  36.38.  Ils  ont  prétendu  que  par-là  Jefus  Chrifl 
avoit  accordé  l'ufage  du  Glaive  fpirituel  3  &  du  Glaive  temporel 
à  fon  Eglife ,  &;  parconfèquent  aux  Papes  qui  en  font  iesChefs  vi. 
CiblesMaisJeanHus  nie  la  confequence  par  rapportauPape  &aux 
Ecclefîaftiques,  par  les  raifons  qu'on  vient  d'alléguer,  &  par  ces 
paroles  mémorables  de  Saint  Bernard  à  Eugène  III.  Vous  dom- 
pterez^les  Loups  ,  mais  vous  ne  dominerez^pas  fur  les  brebis  j  elles 
vous  ont  été  données  pour  les  paître  ^non  pour  les  opprimer.  Si  vous 
avez^le  .cœur  faintement  ému  ,  fervez^vous  auffî  de  votre  langue  3 
&  de  votre  main,  &  armez^-vous  de  votre  épée  quiefi  l'épée  del'Ef. 
prit  ,  favoir  la  Parole  de  Dieu.  Il  foutient  donc  que  l'ufage  du 
double  Glaive  appartient  à  Y  Eglife  univerfelle ,  parce  qu'elle  eft 
compofée  de  tous  les  ridelles  ,  où  font  compris  les  Séculiers. 

(-î)  Utglofaot  quidam. 

QJJ 


1,112. 


i24  HISTOIRE   DU    CONCILE 

Or  j  dit-il  y  comme  les  Séculiers  3  à  qui  le  feul  glaive  temporel  con~ 
vient 3ne doiventpas  entreprendre  de  manier  le  glaive  fpirituehde  même 
les  Ecclefiafiiqucs  conteras  du  glaive  fpirituel  ne  doivent  point  fe  fer - 
virdu  temporel.  Car  >  continue  t-il  ;  fi  un  homme  qui  a  contribue  h 
la  monde  quelqu'un  par  voye  d'infinuation  feulement ,  fût.  ce un  mal- 
faiteur ,  ne  peut  être  admis  aux  Ordres  fierez^,  fans  difpenfe ,  t*efi 
une  bien  plus  grande  irrégularité  à  un  prêtre  déjà  reçu ,  de  tuer  des 
hommes  [oit par  lui-même ,  foitparlcs  autres.  Pour  prouver  cette 
thefe,  il  allègue  l'autorité  de  Saint  Paul  qui  au  Chapitre  XIII. 
de  fonEpître  aux  Romains  met  l'épée  entre  les  mains  des  ma* 
giftrats  Séculiers,  pour  punir  les  malfaiteurs,  ce  qui  au  Chap. 
VI.  de  fa  lettre  aux  Ephefiens  ordonne  à  ces  fidèles  de  prendre 
Tépée  de  1  Efprit  ,  pour  refifter  aux  tentations  du  Démon.  Après 
avoir  applique  ces  principes  aux  Papes ,  il  finit  cet  article  par  ces 
paroles  :  Plut  à  Dieu  qu'imitant  les  Apôtres  qui  confulterent  Je  fus- 
Chrifi  lorsqu'ils  vouloient  le  venger  des  outrages  des  Samaritains  , 
plia  a  Dieu  que  le  Pape  ,  &  fes  Cardinaux  euffent  dit  à  Jefus-Chrifti 
Seigneur ,  fi  vous  voulez^,  nous  animerons  tout  le  monde  ,  hommes  , 
&  femmes  ,  à  la  dejlruïlion  de  Ladiflas  ,  de  Grégoire  ,    &  de- 
leurs  complices  :  il  leur  aur  oit  fans  doute  répondu  comme  il  fit  à  fes 
Apôtres. 

Sur  ce  que  quelques  uns  obje&oient  que  ces  maximes  de  pa- 
tience 6c  de  modération  dans  les  adverfîtez  ,  6c  cette  obliga- 
tion à  ne  fe  fervir  que  de  la  prière  6c  du  glaive  fpirituel  ,  pour 
s'en  tirer,  ne  font  que  des  confie ils  pour  les  parfaits  ,  il  répond 
que  toutes  les  fois  que  la  Glofe  du  Droit  Canon  établit  ces  princi- 
pes >  elles  les  étend  aux  Prêtres  3  parce  qu'ils  doivent  fe  maintenir 
dans  un  état  de  perfection  en  qualité  de  ficaires  des  A poires.  Mais 
il  prétend  que  le  Pape  efl  plus  étroitement  engagé  que  tous 
les  autres  au  plus  haut  degré  de  la  perfection  ,à  l'imitation  de 
Jefus-Chrifl  &.  de  faint  Pierre.  D'où  il  conclut  que  fi  ladéfen- 
ie  de  faire  la  guerre  pour  des  intérêts  temporels,  peut  être  re- 
gardée comme  un  confeil  à  l'égard  du  commun  des  Chrétiens, 
elle  detit  être  regardée  comme  un  précepte  à  l'égard  desEccle- 
fiaftiques.  Il  ajoute  à  cela  que  les  Prêtres  ne  doivent  point  pré- 
tendre caufe  d'ignorance  à  cet  égard  ,  puifqu'étant  les  Docteurs 
de  l'Eglife  3  l'ignorance  dans  l'Ecriture  efl  en  eux  un  double 
crime  &  par  rapport  à  eux-mêmes ,  6c  par  rapport  à  leurs  Peu- 
ples, félon  le  Droit  Canon  ,  qui  dit ,  que  Y  Ignorance  efr  une  mar- 
que exprefie  iï infidélité  ,  parce  qu'ignorer  l'Ecriture  5  c'efl  ignorer 


DE  PISE    Liv.  Vî.         ;  t$f 

Jefus-Cbrift.  Il  ne  difpenfe  pas  même  les  Laïques  dé  fçavoir 
que  les  Prêtres  ne  .doivent  point  faire  la  guerre.  Lors  t,  dit-il  ,  1412- 
qu'ils  voient  les  prêtres  afjijler  aux  fpecta  clés  ,  fjp  f  langes^  dans  lu 
mondanité  &  dans  les  affaires  du  fiecle  3  ils  en  murmurent ,  parce 
qu'ils fçavent  bien  qu'autrefois  il  n'en  était  pas  an: fi.  Il  leur  fer  oit 
encore  plus  aifé  de  comprendre  que  la  guerre  risfi  pas  dît  car  ail  en  . 
des  Prêtres  3  &  des  Minijlres  de  ï Evangile. 

Jean  H  us  ne  trouve  pas  moins -d  abus  dans  les  Indulgences 
attachées  aux  Croifades,  que  dans  les  Croiiades  mêmes.  Vil  re- 
garde les  Croiiades  comme  une  inhumanité  anti-Chrétienne  \  il 
énvifage  les  Indulgences  comme  une  profanation:  impie  de  l& 
grâce  Evangélique.  Ce  qu'il  dit  là-deilusfe  réduit  à  deux  Chef* 
principaux.  ï.  Qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  ait  le  pouvoir  de  pardon- 
ner les  péchez  ,  &:  de  remettre  abiolument  la  coulpe  .,.  &  par 
conséquent  la  peine  ,  parce  qu'il  n'y  a  que  lui  qui  connoiiîè  le 
cœur  ,  Se  qui  fçache  iî  le  pénitent  eft  véritablement  converti. 
2.  Que  les  Prêtres  peuvent  bien  en  qualité  de  Miniftres  de  Dieu 
ab(oudre  de  la  peine  ,  &  de  la  coulpe ,  mais  non  pas  abiolument , 
puilque  la  remilîion  des  péchez  dépend  de  la  converfion  du  pé- 
cheur,  dont  le  Prêtre  ne  peut  s'allumer  que  par  un  jugement  de 
charité  ,  à  moins  qu'il  n'en  ait  une  révélation.  D'où  il  luit  t 
qu'il  ne  peut  accorder  le  pardon  des  péchez  que  pour  autant 
de  tems  que  la  repentance  durera,  &  non  pour  un  tems  limité,, 
ce  qu'il  ne  (cauroit  fçavoir  fans  une  révélation  particulière,,  qui 
.lui  apprenne  que  le  pécheur  fe  trouve  en  état,. s'il  mouroit  , 
d'aller  droit  à  la  patrie  ,  fans  palier  par  le  Purgatoire ,  quodfta- 
tim  decedens  fine  pœnà  Purq^atoru  ad  Patriampervcnirent  (i ).  Ces 
principes  lui  paroiflent  fi  importans  à  la  Foi  Catholique  ,  qu'il 
croit  les  Prélats  obligez  indifpenfablement  à  en  inibuire  les 
âmes  confiées  à  leurs  foins  ,,  de  peur  que  les  {impies  occupez 
par  des  dévotions  moins  utiles  ,  ne  foient  diitraits  de  l'eilèn- 
tiel ,  qui  eft  la  contrition  ^  &  la  perféverance  dans  la  pieté. 

Après  avoir  ainlî  expliqué  fes  fentirnens  touchant.les  Croi- 
fades ,  Ôi  les  Indulgences  ,  il  répond  aux  principales  raifons 

1 

(i)  Sacerdotes  Clvifti  habent  poteftatem  abfolvendi  fttbditos  a  peinâ  o*  cuïpâ  vere  pjxnhentes  .  .  g 
nontamen  debent  ahfolvere  lubhàc  femà  ni  fpecialher  fuerit  revelatttm  .  .  •  Foret  nimia  pr^fum- 
ftioalicjuemO>riflr  iSicarium  abiolutionemtalem  pr  .tendere  ,  iv.fihoc  Deus  fîbi.revelaverit  facien- 
dum  .  .  .  ideoforet  (lulîitia  Sacerdotem  cui  non  (îc  revelatio,  dejinere  quod  pœnitentia  ,vel  aliud 
Sacramentum  fttfcipienti  proderit  ad  lalutem.  Unde  fapientes  Sacerdotes  non  njjèrunt  fimplkiter  quoâ 
gonfitensjît  a  peccatis  tolutus  9fe"d  fub  condhione  ifla  {{  dolct^O'c...,  Sncer  dotes  Ghrifti  non  habent 
fotejlatw  dmaadi  indulgentias  fecmdum  ^uantitatem  \emptriis  nifi  eis  fpeçùtliter  fuerit  revtUturn, 


n6  HISTOIRE   DU    CONCILE 

qu'on  allègue  pour  prouver  que  les  unes  &  les  autres  font  le- 
14,12.    gidmes  ^  &  qu'il  faut  obéir  aux  Bulies  des  Papes  à  leur  égard. 
La  première  raiion  eft  tirée  des  paffages   alléguez    eu  mar- 
(a)  Luc.x.  ge  (a).  Pour  répondre  au  premier  pailàge  3  Qui  vous  écoute  è 
16.  Matth.   il  m* écoute  ^  qui  vous  rejette  3il me  rejette ,  1.  il  avoue  le  principe 
xviii7i8.  appliqué  aux  Apôtres  ,  mais  il  en  nie  la  conséquence ,  &l'ap. 
Rom.  xiii.  pîication  par  rapport  aux  Papes.  2.  Il  u/e  d'une  diftincHon  qui 
ne  fçauroit  être  cunteftée.  C'eft  qu'il  y  a  de  vrais  &  de  faux 
Difciples  de  Jefus  Chrift  ,  virtuofi&vuiofï:  les  vrais  font  ceux 
qui  fuivent  fon  exemple ,  &;  qui  n'enfeignent  que  fa  doctrine  : 
les  faux  font  ceux  qui  font  le  contraire.  Comme  ,  dit  il,  c'eft  un 
devoir  indifpenfable  d'écouter  les  premiers ,  ce  n'en  efl  pus  un  moins 
indifpen fable  de  rejetter  les  derniers  ,  .&  il  prouve  l'un  &  l'autre 
pzrHebr.  XIII.  7.  17.  &  Galat.  I.  8.  9.  &  par  l'autorité  àz  faint 
Bernard ,  qui  traite  de  Difciples  de  \'  Ante.Chrift  3  ceux  qui  enfèi^ 
gnent  une  doctrine  contraire  à  celle  de  Jefus  Chrift.  Il  allègue 
encore  ces  paroles  de  Jaint  Jfidore  -ySi  celui  qui  préjîde  fait  &  or- 
donne défaire  quelque  chofe  que  Jefus-Chrift  ait  défendu  ,  ou  s'il 
viole  .&  ordonne  de  tranfgrefer  ce  que  Jefus-Chrift  a  commandé  3  il 
faut  luioppoftr  la  fentence  de  faint  Paul 3  qu'il  foi  t  ana  thème ,  &c. 
Puis  donc  3  conclut  il  delà  ,  que  le  Pape  ne  fc aurait  montrer  que 
Dieu  veuille  que  tous  les  Chrétiens  prennent  les  armes  pour  dèpouiL 
1er  ,.&  pourmafacrer  les  Chrétiens  qui  font  fous  la  domination  de  Lâ- 
diflas ,  comment  pourroit-  on  obéir  à  un  commandement  fi  pernicieux, 
0*  fi  cruel  ? 

À  l'égard  du  fécond  pafïage ,  Matth.  XVIII.  il  ne  nie  pas  que 
le  Privilège  de  pouvoir  lier  &  délier  fur  la  terre  ,  n'appartienne 
aux  vrais  Succefleurs  des  Apôtres  3  c'eft-à-dire  ,i  ceux  qui  dé- 
pouillant toute  affection  humaine, ne  lient,  &  ne  délient  que 
conformément  à  la  Loi  de  Jefus-  Chrift.  Z'abfolution  de  Jejus- 
Chrift ,  dit-il ,  doit  précéder  celle  du  Prêtre  félon  l'ordre  du  tems ,  £7- 
de  la  nature  ^c'eft-à-dire  ,que  dans  fufage  des  Clefs ,  il  faut  que 
le  Prêtre  qui  abfout ,  ou  qui  condamne ,  puifïè  s'aiïurer  qu'il  s'a- 
git d'un  cas  où  Jefus-  Chrift  a  déjà  lui-même  abfous  3  ou  con- 
(b)  fe**    damné  ^  ce  qui  eft  prouvé  par  plufieurs  palfages  de  l'Ecriture  (b), 
xv'  r        &  par  le  témoignage  de  faint  Auyiftin  ,  qui  dit  qu'un  Prêtre  ne 
zlcZ'.ilï.  doit  Pas  s'iinaginçr  ,  que  tous  ceux  qu'il  a  liez  ,  ou  déliez  ,  le 
foient  en  effet  ,  mais  feulement  ceux  qu'il  a  condamnez  ,.ou  ab- 
fous fuivant  l'ordre  de  Jefus-Chrift.  Ce  que  ce  Docfeur  mon- 
tre par  l'emblème  ingénieux  de  Lazare ;,  que  Jefus-  Chrift  ne  don- 


. 


DE    PISE      Liv.       VI.  127 

fia  à  délier  à  fes  Difciples  qu'après  l'avoir  reiïufcité  (a).  Jean    Jt,ltt 
Hm  fè  fert  de  la  même  réponie  pour  expliquer  les  paroles  de 
Jefus.Chrift  à  Saint  Pierre ,  Je  vous  donnerai-  les  Clefs  du  reyau-   (a)AnSuJ}- 
medesCieux.C'eR.-à. dire,  que  ce  pouvoir eft  limité  &  condition-  p.^.F.c! 
nel ,  &  qu'il  fnppofe  un  bon  ufage  des  Clefs, condition  dont  il  ubijupr, 
prétend  que  faint  pierre  lui- même  n'étoit  pas  difpenfé  (i).D'où 
il  conclut  en  ces  termes  :  Comment  efl-ilpcjjible  que  d^s  Prêtres 
iqnorans  ,  concubinaires ,  avares ,  qui  mettant  le  prix  aux  Indulgen- 
ces 'félon  l'ordre  des  Com?nift aires  3 accordent  à  pauvres  ^&à  riches , 
la  remiffion  de  la  eoulpe  &  de  la  peine  ,  au  gré  de  F  avarice ,  ejr/ui- 
vant  La  Bulle  qui  veut  qu'on  mefure  la  quantité  y  félon  la  qualité 
des  personnes  /On  cite  là-deflus  de  très-beaux  paflages  de  faim 
AugufHn  ,  6c  de  faint  Grégoire  (b).  Ce  dernier  enfeigne    que  ce-  ^ 

lui  qui  accorde  le  pardon  des  péchez^,  félon  fes  paJJipns  ,  &  non  fui-  Hom.  uZ° 
vant  l'état  du  pénitent  yfe  prive  lui-même  du  pouvoir  de  lier  3  &  de  ubi.fupr, 
délier.  Ce  n'eft  pas  ,  dit  faint  Atigufiin ,  à  des  ravifleurs  ,  ôc  à  des 
ufuriers  que  Jefus-Chrift  a  dit  3  ceux  à  qui  vous  remettre^  &c. 

Il  applique  tout  ceci  auxPapes,aux  Commiiîàires^&aux  Quê- 
teurs des  Indulgences,  lefquels  il  appelle  fans  balancer  les  Dif- 
ciples  de  l' Ante-Chrifi.W  foutienten  mêmetems  qu'il  ne  fe  trou- 
vera pas  que  dans  l'Ecriture  aucun  des  Saints  ait  dit  ,  je  vous 
-pardonne  vos  péche^  je  vous  ab fous  ,  ni  qu'aucun  d'eux  ait  don- 
né des  Indulgences  de  la  peine  6c  de  la  eoulpe  pour  un  cer- 
tain nombre  d'années,  ou  de  jours,  J'ai  recherché  ,  dit  il  ,  &  je 
fuis  encore  à  rechercher  >  fi-  quelqu'un  des  Saints  a  donné  des  Indul- 
gences ,  &  je  n'en  trouve  point.  «  Auiîi  nos  Docteurs  qui  mettent 
»  dans  leur  Article  que  les  Saints  Pères  ont  ïnltitué  depuis  cent 
|  ans  les  pardons  de  la  peine  ,  &  de  la  eoulpe  ,  n'ont-ils  pas  ofé 
»3  dire, depuis  mille  ans,  depuis  trois  mille,  depuis  deux  mille. 
'3  Ils  n'ont  pas  non  plus  ofé  nommer  aucun  des  Pères  qui  aitin- 
»j  ftitué  6c  publié  des  Indulgences  ,  parce  qu'ils  en  ignorent 
»  l'origine. D'où  vient  donc  que  des  Indulgences  fi  falutaires  aux 
»  hommes  ont  été  enfevelies  pendant  plus  de  cent  ans,  dans  un 
o  fi  profond  iommeil?  La  raifonen  eft  peut-être  que  dans  ce  tems 
j  là ,  1  avarice n'étoit  pas  parvenue  à  fon  comble. 

(i)Omnii  poteftasconceffaVct.ro>  vel  ej'tts  fkarir  limitât  a  eft -,  quoi  humiliter  ,  &  cenformi- 
«r  pareat  Deo  ,  ex  cujus  couformitate  capit  de  tanto  virtutem  5.  ey-ab  ejtts  deformitale  capit  tant  pr&- 
wjitus  quam  fubjeélus  feduclionem.  Et  hac  eft  ratio  ,  quare  Petttis,^  dit  infpirati  divinitm  non  ma- 
rnificarunt  poteftatemfuam  ultra  limites  ,  quos  Deus  inflituit  ,  jedpr/ecife  adtanlumfoherunt  vel  //- 
raventnt  ad  quantum  dofli  funt  Deum  folvere  vel  ligare.  In  ambiguis  vero-vel  tacuertwt  j  vtl 
londiùonemjetundum  quant  oporttt  S>enm  prinçipalher  folvere  3  exprefferunt*- 


I4Ï2. 


i>S  'HISTOIRE  DU  CONCILE 

11  ne  fe  tire  pas  moins  aifément  du  pafîàge Rom.Xlll.  i.  Qui 

réfifie  aux  Puifjances  ré/ïfie  à  l'ordre  de  Dieu.  Il  dit  là-defTus ,  que 
Dieu  pour  exercer  les  bons  3  ôc  punir  les  médians  permet  que 
les  Tyrans  abufent  de  leur  pouvoir1,  quoiqu'il  n'approuve  pas 
leur  tyrannie  5  mais  qu'il  ne  s'enfuit  pas  delà ,  qu'il  faille  leur 
obé'ir  dans  des  ordres  contraires  à  fa  volonté  ,  les  Rois  n'étanc 
établis  de  Dieu  que  pour  ordonner  ce  quiefl  jufie.  Proverb.  VIII. 
ij.  C'eft  pourquoi  il  diftingue  entre  une  puifTance  légitime  &  ré- 
glée fur  la  Loi  de  Dieu ,  &  une  puifTance  ufurpée  par  la  per- 
•million  divine  ,&  prétendue  fous  de  faux  prétextes.  De  ce  der- 
nier ordre,  dit-il,  eft  la  puifTance  du  démon  ,  à  laquelle  il  eft 
non  feulement  permis  3  mais  néceflaire  de  refifter.  Il  fait  l'ap- 
plication de  cette  diftinction  au  Pape.  Si  le  Pape  >  dit-il  ,  ufc 
de  fa  puiflance  félon  l'ordre  de  Dieu  ,  on  ne  peut  refifter  au  Pa- 
pe fans  refifter  à  l'ordre  de  Dieu.  Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  , 
iï  le  Pape  abufe  de  (on  pouvoir  \  en  faifant ,  ou  en  commandant 
des  ciiofes  contraires  à  la  Loi  Divine.  Alors  refifter  au  Pase  ,  ce 
•n'eft  pas  refifter  aux  ordres  Divins  ,  c'eft  s'oppofer  à  des  defor- 
dres&à  des  abus  ,  comme  on  doit  s'oppofer  à  la  puifTance  du 
Cheval  $  aie  ,  du  Dragon  ,  de  la  Bctc  £c  du  Zeviatan. 

Il  répond  enfuite  aux'  raifbns  tirées  dés  Privilèges  des  Papes , 
félonie  nouveau  Droit  Canon.  D'abord  il  fondent  que  c'eft  J.  C. 
qiu'  eft  le  Souverain  Interprète  de  fa  Loi  ,  en  vertu  de  cette 
promeflej  Je  ferai  avec  vous  jufqu'iï  la  fin  des  Siècles.  Il  prouve 
enfuite  que  le  Pape  ne  fauroit  être  le  fouverain  Interprête  de 
-  la  Loi  dej.  C.  par  ce  qù'unPape  peut  être.fort  ignorant ,  comme 
ii  prétend  le  montrer ,  à  mon  avis  allez  mal  à  propos ,  par  l'exem- 
ple de  Cov.fiantin  II.  qui  étoit  Laïque  ,  &  qui  par  cette  rai  fou 
fut  depofé  (i)  ,par  celui  de  Grégoire  (VI)  qui,,  félon  lui  ,  étoii- fi 
ignorant  ,  qu'il  s'rfffocia  un  autre  Pape  ^  ce  qui  ayant  déplu  au  peu- 
ple ,  on  en  établit  un-  troifiéme }  &  tous  les  trois  furent  depofez^  par 
ll 'Empereur  Henri  (\ rIj  (1).  -Il  allègue  contre  l'infaillibilité  du  Pa- 
pe ,  les  exemples  tirez  de  St.  Pierre  à  qui  St.  Pauli'éûîïa,  en  face, 
&  d.e-s'-Papes  Hérétiques.  &  dépofez  pour  héréfle  ,  comme  on 
fait  dans  l'Eglife  Gallicane  ,  &■  parmi  les  Théologiens  non  Ul- 

(  1  )  Cet  exemple  ne  conyient^pa1»  5  d'un  -côté,  parce  que  ceConflaniinn.  été  toujours 
regardé  coia.-.e  un  Anti  -Pape  ,  de  Tatitre  ,  parce  qu'on  peut  être  Laïque  &  n'être  pas 
ignorant.  . 

(1)  La  vérité  de  i'Hiftoire  eft  qu'il  y  avoit  alors  trois  Anti-Papes ,  Benoît  IX.  Syk-efîse  III. 
Grégoire  y  I.  qui  acheta  le  Pontificat  de  Benoit  IX-  franc.  Pagi,£/w.  Rom.  Putuif,  T.   lî.  p. 

*  tramontains 


D  E   P  ISE.    L  i  v.  VI.  n9 

tramontains.  Contre  l'argument  tiré  de  la  multitude  des  gens , 
qui  ont  approuvé  les  Indulgences  &  les  Croifades,  il  propofë  les  '412, 
raifons ,  que  le  bon  fens  di&e  contre  un  pareil  argument ,  qui  ne 
prouve  rien  ,  parce  qu'il  prouve  trop ,  éc  dont  les  conféquences 
îontpernicieufes.  Sur  ce  qui  eft  dit  dans  la  Bulle,  que  la  Croû 
iade  contre  Zadijlas ,  tend  à  la  protection  de  ly£glife  ,  &;  au  falut 
des  âmes ,  voici  comme  il  s'explique.  »  Le  Royaume  de  Naples 
n  mis  à  l'interdit ,  par  la  Bulle  3  efl  un  R  oyaume  Chrétien  ,  &  il 
»  fait  parconfequent  partie  de  l'Eglife  Chrétienne  ,  à  prendre 
jî  l'Eglife  pour  l' Aflemblée  de  tous  les  Chrétiens ,  vrais ,  ou  faux, 
»  parfaits  ou  imparfaits.  La  Croifade  en  ordonnant  d  extermi- 
55  ner  ce  Royaume ,  &  d'y  mettre  tout  à  feu  &  à  fang ,  ne  fauroic 
55  donc  par  cette  voye  protéger  une  partie  de  l'Eglife,  qu'en  dé- 
55  truifant  l'autre.  Il  faut  d'ailleurs  ,  continue- t- il ,  ou  que  J.  C. 
55  ait  été  un  imprudent ,  lorsqu'il  a  empêché  St.  Pierre ,  de  frap- 
55per  de  l'épée  pour  le  défendre  contre  ceux  qui  attentoient 
?5  à  fa  vie  >  ou  que  la  Dignité  Papale  vaille  mieux  que  la  vie  de 
55  J.  C.  puifque  pour  conferver  cette  Dignité ,  Jean  JC  JT I I  I. 
55  veut  allumer  le  flambeau  de  la  guerre.  '5  D'où  il  conclut,  que 
bien  loin  que  la  Croifade  puifle  contribuer  au  falut  des  âmes , 
jc'eftau  contraire  y  travailler  que  de  prendre  l'épée  de  l'efprit, 
pour  la  combattre.  Cefi  là ,  dit- il ,  une  guerre  Spirituelle  que  doi- 
vent entreprendre  tous  les  Ecclefiafliques ,  contre  les  Soldats  de  £  An- 
te-Cbriftpour  éviter  la  malediclion  prononcée  par  Jeremie  XLVIII. 
io.  contre  ceux  qui  empêchent  l'épée  de  répandre  le  fang.  Il  fe  plaint 
que  cette  épée  fpirituelle  fe  rouille  dans  le  foureau  de  trois  for- 
tes de  gens ,  favoir  i.  des  fimples  ,  qui  croyent  devoir  obéïr 
aveuglement  aux  Papes  ;  i.  des  gens  indifferens  ,  qui ,  pourvu 
qu'ils  jouilîent  tranquillement  des  bénéfices  des  bulles  du  Pape  , 
ne  fe  mettent  pas  en  peine,  s'il  commande  bien, ou  mal  ^3. d'un 
grand  nombre  de  Théologiens  habiles  ,  qui  dans  le  particulier 
parlent  tout  autrement  de  la  Bulle  qu'en  public,  de  peur  de  per- 
dre leurs  Bénéfices. 

Quant  à  la  crainte  de  l'excommunication  '3  dont  les  contre- 
difantsfont  menacez 3  il  ne  fait  nulle  difficulté  de  traiter  cette 
crainte  de  terreur  panique  ,  parce  qu'il  s'agit  d'une  excommu- 
nication injufte  qu'on  ne  doit  pas  redouter  aux  dépens  de  ion 
devoir.  Il  n'oublie  pas  ici  tous  ces  endroits  de  l'Ecriture  ,  où. 
J.  C.  prédit  à  les  Apôtres  ,  qu'ils  feront  chaflez  des  Sygnago- 
gues ,  &  où  il  les  exhorte  à  ne  pas  fe  mettre  en  peine  ,  de  ce? 
Tome  II.  R. 


i3b  HISTOIRE  DU  CONCILE 

excommunications ,  &.  à  craindre  non  ceux  qui  n'ont  de  pou. 
J412*  vojr  que  fur  ja  vie  préfente,  mais  celui  qui  peut  perdre  éternel- 
lement l'ame ,  &le  corps  dans  la  gêne.  //  vaut  mieux  ,  dit  il . 
fouffrir  une  excommunication  injufte  que  de  recevo  ir  une  abfolution 
feinte  de  la  coulpe  &  de  la  -peine.  Celui-là  fera  plutôt  abfous  de  la 
peine ,  &  de  la  coulpe ,  en  fouffrant  la  malédiction  ,  ^  ^j  opprobre  s  > 
jufques  h  la  mort  3  pour  la  caufe  de  Jefus-Chrifl  5  &pour  obtenir  la 
félicité  éternelle ,  ^«^  r^/«/  qui  perfecute  Les  Chrétiens  dans  une  eau- 
fedouteufe ,  comme  celle  du  Pontificat  de  Jean  A JTIJJ.  laquelle 
il  veut  fuùteniv  par  les  armes  contre  les  maximes  de  l' Evangile.  En- 
fin il  regarde  comme  une  maxime  de  l'Ante-Chrift  celles  des 
Decretiftes ,  qui  pofe  qu'on  ne  doit  ni  contredire  ,  ni  interpré- 
ter les  Bulles  du  Pape.  C'efi  y  dit-il  ,une  chofe  bien  étrange  ,  qu'il 
foit  permis  aux  Chrétiens  d'interpréter  la  Loi  de 'J 'efus-Chri(t \  qu'on 
ne  puijfe  pas  interpréter  les  Bulles  du  Pape. Ils  ont  bonne  grâce  d'al- 
léguer cette  raifon  ,  eux  qui  confument  tout  leur  tems  à  expliquer 
les  Decretales  des  Papes  ,  qui  n'ont  pour  fondement  que  leurs  Bul- 
les. Enfin  il  finit  cette  réfutation  en  difant  qu'on  ne  doit  pas 
fe  laiffer  effrayer  par  les  dernières  paroles  de  la  Bulle  ,qui  por- 
te  j  Que  fi  quelqu'un  entreprend  de  contredire  cette  Bulle  ^  il  encour- 
ra l'indignation  du  Dieu  tout-puiffant  &  des  bienheureux  Apbtresy 
faim  Pierre  &  faim  Paul ,  parce  que  Jeius-Chrift  devant  caf. 
fer  un  jour  tout  ce  quieft  contraire  à  l'Evangile ,  c'eft  aux  Chré- 
tiens à  bien  examiner  les  Bulles  des  Papes  ,  à  s'y  foumettre  fi 
elles  font  conformes  à  la  Loi  de  Jefus.  Chriit  3  à  y  refifter  iî  elles 
y  font  contraires. 

Après  avoir  refuté  les  Indulgences  &:  la  Croifade  ,  Jean 
Irîus  paflè  à  Texamen  de  la  manière  dont  le  Pape  ordonne  l'un 
&  l'autre.  Il  trouve  fort  mauvais  que  la  Bulle  damne  Ladiflas 
jufqu'à  la  troifiéme  génération  contre  ce  que  Dieu  dit  E^echiel 
XVIII.  que  le  fils  ne  portera  pas  les  iniquitez^'du  père.  Il  nefeauroit 
fouffrir  3  non  plus  que  Ladiflas  &  fes  adhérens  ,foient  menacez 
d'être  punis  comme  hérétiques  fans  avoir  été  convaincus  d'hé- 
réfîe ,  &  fur  tout  que  l'on  traite  de  cette  manière  de  pauvres 
gens ,  hommes  &.  femmes  ,  qui  ne  font  pas  en  pouvoir  de  dé- 
iobéïr  iZadiJlas.  Il  tire  une  conféquence  terrible  de  l'Anathê- 
me  ,  que  la  Bulle  prononce  contre  ceux  qui  donneront  la  Sé- 
pulture EccleiîalHque  à  Ladijlas  ,  &àfes  complices.,  jufqu'à  ce 
qu'ils  ayent  déterré  le  corps  de  leurs  propres  mains.  Cette  con- 
féquence efl  qu'un  homme  qui  mourroit  avant  que  d'avoir  dé- 


DE   PISE.    Liv.    VI.  131 

terré  ces  corps  feroic  damné  éternellement.  Que  feront,  die  il, 
ironiquement  ,les  manchots  6c  les  impotens  ,  qui  ne  feront  pas  I412, 
en  état  d'obéir  à  cet  ordre/  Il  tire  une  autre  conféquence de 
ce  que  porte  la  Bulle  que  l'endroit  dans  lequel  le  corps  de 
Zadiflas ,  ou  celui  de  quelqu'un  de  fes  complices  >  aura  été  en- 
terré ,  demeurera  prqfane  à  perpétuité.  C'eft  que  ,  comme  il 
pourroit  arriver  qu'on  auroit  donné  la  Sépulture  Ecclefiafli- 
que  à  ces  prétendus  coupables  en  plufieurs  Cloîtres  &  Cime- 
tières du  Royaume  de  Naples  ,il  s'enfuivroit  de  là  que  tous  les 
Cloîtres  &  toutes  lesEglifes  de  ce  Royaume- là  pourroient  de- 
venir profanes.  Il  ne  balance  pas  à  traiter  de  Simonie  le  par- 
don des  péchez  qui  eft.  accordé  à  ceux  qui  contribueront  de 
leur  argent  à  cette  Croifade  ,  parce  que  la  remiflion  des  péchez 
efb  un  don  du  Saint-Efprit ,  qu'on  ne  doit  point  acheter  par  ar- 
gent ,  à  l'exemple  de  Simon.  Tout  cet  Article  efl  appuyé  deplu- 
lieurs  témoignages  des  Pères. 

A  l'égard  delaclaufe  qui  porte  fufpenfion  ou  anéantiflement 
de  toutes  les  Indulgences 3  accordées  par  les  autres  Papes  ,  ôc 
même  émanées  du  Siège  Apoflolique ,  à  moins  qu'elles  ne  foient 
fpecialement  exprimées  dans  la  dernière  Bulle,  Jean  Mus  fait 
voir  que  cette  claufe  n'eft  inférée  que  pour  trafiquer  plus  d'ar- 
gent^ qu'elle  efl  au  préjudice  des  Indulgences  accordées  par 
Alexandre  f^.ion  prédeceflèur  pour  cinq  ans  qui  n'étoient  pas  en- 
core écoulez t&  fie  indulgentiœ  Alexandri Papœ de  plena  remiffione 
feccatorumufque ad quinque annos  qui  nondum  funt elapfi \funtab- 
jeîla.  Mirabile  eft  quod  una  remifjîo  peccatorum  aliam  non  admittit , 
cun\  verum  vero  confonat  3  &  bonum  ejufdem  generis  compatitur  fe 
cum  alio  3  forte  colleciio  pecuniœ  impedivit ,  &  plané  ira  ejl  3  quia 
diverjïvolunt  eandem  pecuniam  colligere  ....  Signum  magnum  eft  3 
quod  nonfîntverœ  Indulgentiœ ,  fed  fi'clitiœ  &  ex  avaritia  fabrica-  . 
tœ.  Cette  fufpenfion  des  anciennes  Indulgences  fut  un  des  Griefs 
de  la  Nation  Germanique  environ  cent  ans  après  (1).  Jean  Mus 
ne  fait  pas  plus  de  quartier  au  Formulaire  d'abfolution  donné 
par  les  Commiflaires  du  Pape.  Ce  Formulaire  porte  entre  au- 
tres chofes  3  Par  P  Autorité  Apoflolique  quirrCa  été  donnée ,  je  vous 
abfous  de  tous  les  pèchez^dont  vous  aurez^fait  la  confefjîon  a.  Dietc 
&  à  moi ,  ($*  dont  vous  ferez^contrit.  Que  fi  vous  nepouvezj?as  le  faire 
perfonnellement.  3  &  que  vous  vouliez^  vous  en  rapporter  à  Gordon» 

(1)  Gravamina  Naiionîs  Gttmaniç*  infafeicul»  rerum  éxfetendarum, 

Rij 


î3i  HISTOIRE  DUCONCILE 

nancc  ,  protection  &  fecours  des  Commijlaires  &  de  moi ,  je  vous  don- 
'  *     '    ne  &  je  vous  accorde  la  pleine  remiffion  de  tous  vos  péchez^,  tant  de 
la  peine ,  que  de  la  coulpe  ^au no?n  du  Père ,  du  Fils  &  du  St.  Lfprit. 
Il  regarde  cette  forte  d'abfolution  _,  comme  un  pa&e  entière- 
ment fîmoniaque.  Ilinfifte  extrêmement  fur  l'iniufifance  de  la 
Confeffionêtdela  Contrition  pour  obtenir  la  remiffion  des  pé- 
chez par  cette  maxime  de  St.  Auçuftin ,  que  le  péché  n'eft  point 
pardonné  à  un  voleur,s'ilnereftitue  (2).  D'où  il  fuit  que  la  Con- 
trition qui  n'opère  pas  la  reftitution  eft  faillie  &  que  pour  don- 
ner pleinement  la  remiffion  des  péchez ,  il  faudroit  que  les  Con- 
fefleurs  connulTent  l'intérieur  des  pénitens.  Ce  qu'ils  ne  peuvent 
faire  fans  une  révélation.  Pour  montrer  l'impiété  de  Pabfolu- 
tion  donnée  (î  légèrement  ,  pourvu  qu'on  veuille  contribuer  à 
la  Croifadeit  fuppofe  deux  hommes  en  ces  deux  différents  cas. 
L'un  a  été  un  fcélérat  achevé  pendant  toute  fa  vie  ,  mais  pour- 
vu qu'il  donne  de  l'argent ,  il  obtient  la  remiffion  de  la  peine  & 
de  la  coulpe  avec  une  très- légère  contrition.  L'autre  efb  un  hom- 
me de  bien  ,  qui  pendant  toute  fa  vie  n'a  jamais  commis  que  des 
péchez  véniels ,  mais  s'il  ne  donne  rien ,  il  n'aura  point  de  par- 
don ni  pour  la  peine  ni  pour  la  coulpe.  Or  félon  la  Bulle  fi  ces 
deux  hommes  viennent  à  mourir ,  le  premier  ira  tout  droit  à  la 
patrie ,  fans  pafTer  par  les  peines  du  Purgatoire  }  au  lieu  que  l'au- 
tre ne  pourra  parvenir  au  Ciel  qu'en  pafTant  par  ces  peines  là. 
Il  ne  juge  pas  à  propos  de  palïer  légèrement  fur  l'article  du 
Purgatoire ,  parce  que  c'eft  un  Article  fort  important  au  Clergé. 
Suppofé  ,  dit-il ,  les  Indulgences  que  les  Papes  donnent  pour  la 
peine  2c  pour  la  coulpe ,  il  s'enfuit  delà  qu'ils  peuvent  détruire 
le  Purgatoire  ,puifqu'ils  n'ont  qu'à  abfoudre  qui  ils  veulent  de 
la  peine  &  de  la  coulpe  à  l'article  de  la  mort,  pour  autant  d'an* 
nées  qu'il  leur  plait.  »  Et  alors ,  ditJl  ■  il  n'y  aura  plus  de  Vigi- 
>3  les .,  de  Méfies  pour  les  morts  ,  d'obîations  ,  de  larges  Aumô- 
53  nés ,  d'Anniverfaires ,  de  Commémorations  des  Saints  ,  on  ne 
»  dotera  plus  de  Chapelle  ,  on  ne  bâtira  plus  de  Cloître  6c  d'Aii- 
53  tels.  Que  fi  l'on  dit ,  ajouce  cil  3  que  le  Pape  n'a  le  pouvoir  de 
33  donner  de  telles  Indulgences  que  pour  des  caufes  raifonna- 
33  blés ,  comme  quand  on  lui  fait  la  guerre  ou  quand  il  a  befoin 
33  d'argent,  il  s'enfuit  de  là  que  les  fidèles  doivent  prier  qu'on 

(1)  Non  remittitur  peccatum  ,  wfi  rejlituatur  ablaium.  Auguft.  Ofer.   T.  II.   Epift.  CLIIL- 


£>E  ÏMSÈ.    Lxv.   VI.  i}3 

a  faite  ia  guerre  au  Pape  ,  ou  qu'il  aie  befoin  d'argent ,  puifqu'a- 

»  lors  il  ouvre  cous  les  tréfors  de  l'Eglifè.  l%t  * 

Ce  fut  à  i'occaiion  de  cette  Croifa de  de  Jean  J^JCIU,  qu'ar- 
riva à  Prague  un  événement  tragique  qui  eft  raconté  à  peu  prés 
de  la  même  manière  par  tous  les  Auteurs  Proteftants  &,  Catho- 
liques. On  dit  donc  que  les  Huffires  afîemblez  un  jour  dans  un 
cabaret ,  s'engagèrent  par  ferment  à  aller  dans  toutes  les  Eglifes 
rompre  en  vifïere  aux  Prêtres  qui  publieroient  les  Indulgences. 
Pour  arrêter  l'émeute  que  les  Magiftrats  craignoient  de  cette 
conjuration ,  le  Re&eur  de  l'Univerfité  envoya  chercher  Jean 
Jrius  3  &;  Jérôme  de  Prague  3  pour  les  prier  inftamment  6c  par  l'in- 
térêt de  leur  propre  vie  qu'ils  expofoient  à  un  danger  manifelte 
de  prévenir  la  fedition  &  le  carnage  qui  ne  pouvoient  manquer 
d'arriver  à  cette  occafîon.  Ils  promirent  tous  deux,  non  de  ne 
pas  s'oppofer  aux  Indulgences ,  mais  de  s'y  prendre  avec  plus  de 
modération  qu'ils  n'avoient  réfolu  auparavant.  Cependant ,  le 
Dimanche  fuivant ,  un  Prédicateur  de  la  Croifade  ayant  décla- 
mé  contre  Jean  Hus ^  dans  TEglife  du  Château  3  un  Cordonnier 
Polonois  3  nommé  Stanijlas  Pafiec ,  lui  donna  un  démenti  à  la  fa- 
ce de  l'Eglifè  ^  le  Polonois  fut  auflî  tôt  mis  en  prifon  dans  le  Pa- 
lais delà  vieille  Ville.  Dans  une  autre  Eglife  où  le  Prédicateur 
prêchoit  fur  le  même  ton,  un  nommé  Martin  Krfchidefco  die 
tout  haut ,  que  puifque  le  Pape  ordonnoit  de  répandre  le  Sang  Chré- 
tien par  une  Croifade  ilfalloit  bien  qu'il  fut  l* Ante -Chrijï .  Il   fut 
au{îi-tôt  conduit  dans  la  même  prifon.  Un  troifiéme  ,  nommé 
Jean  Hudec ,  ayant  chanté  pouilie  à  un  Moine  qui  iignaloit  auffi 
fon zélé  pour  la  Croifade,  fut  tout  de  même  emmené  prison- 
nier. Là-deiïus  Jean  Husàlz  tête  d'un  grand  nombre  d'Ecoliers 
alla  au  Palais  pour  demander  l'élargifTement ,  &;  la  grâce  de  ces 
prifonniers.  Un  des  Sénateurs  lui  fit  cette  réponfe  de  la  part  de 
tout  le  Corps.  »  Cher  Maître  Jean  >  nous  fommes  fort  étonnez 
«tous, quevous  vouliez  allumer  un  feu  où  vous  courez  rifque  d'ê- 
>>  trebrûlé  vous.  même.Nous  croyions  que  votre  animofitéauroit 
«été  aflbuvie  paria  perte  irréparable  que  vous  avez  caufée  à 
»  toute  la  Bohême  3  en  détaillant  l'Univerfité  3  par  la  difperfion 
»d'un  iî  grand  nombre  d'Etudiants.  Cependant  vous  deman- 
»  dez  encore  la  grâce  de  ces  feditieux ,  qui  fè  font  liguez  contre 
«  les  Prêtres.  11  nous  eft  fort  dur  de  pardonner  à  des  gens  qui 
h  n'épargnent  pas  même  le  Sanctuaire  ,  qui  remplirent  la  Ville 
»de  tumulte  ,&  qui ,  fi  on  les  laifîe faire  ,  pourront  faire  ruiife. 

Riij 


i34  HISTOIRE  DU  CONCILE 

5)  1er  le  fang  dans  toutes  les  rues.  Allez-vous-en  néanmoins  en. 
I*I2i     m  paix  avec  vos  Ecoliers  ,  êc  vous  éprouverez  au  premier  jour 
js  qu'on  a  eu  égard  à  votre  interceffion.  «  Hus  content  d'une 
audience  il  favorable  en  apparence  ,  publia  partout  ,  au  grand 
contentement  des  citoyens,  qu'il  avoit  obtenu  la  grâce  des  pri- 
fonniers.  Mais  il  fe  trouva  que  le  Sénat  ne  lui  avoit  donné  de  fi 
belles  paroles  que  pour  l'amufer  5  car  il  ne  fut  pas  plutôt  parti , 
qu'on  envoya  chercher  clandeflinement  un  bourreau ,  qui  cou- 
pa la  tête  à  ces  trois  hommes.  L'exécution  ne  pût  demeurer  ca- 
chée, parce  que  le  fang  des  décapitez  couloir  dans  la  rue.  Il  s'ex- 
cita un  furieux  tumulte  dans  la  Ville  à  cette  occafion  j  on  alla 
en  foule  enlever  ces  corps,  qu'on  enveloppa  precieufement  dans 
des  iinceuls  pour  les  porter  dans  la  Chapelle  de  Bethlehem  où 
ils  furent  enfevelis  avec  autant  d'honneur  que  fi  c'euflent  été  des 
(V)  oper    Martyrs ,  les  Ecoliers  chantant  :  Ce  font-là  les  Saints  qui  ont  IL 
Huf.  T.  I.    vré  leurs  corps  pour  leTeftament  de  DieuJeanHus  garda  le  iilen- 
«fegc/.Cap.  ce  là.defTus  le  premier  jour  de  Fête  qu'il  eut  à  prêcher  :  mais  un 

XXI.  Fol.  .  .,    \  \  r   ■  r  o     1 

ccxlv.  autre  jour,  il  éleva  leur  laintete  julquesaux  nues  ,  &.  les  preco- 
Mn.  syl.  nifa  comme  des  Martyrs.  C'ell  de  quoi  il  ne  difeonvient  pas  lui- 
nif'i4:!'P'  même  dans  fon  Traité  de  l'Eglife  ,  où  expliquant  l'onzième 
TheobaU.  Chapitre  de  Daniel  ,  il  applique  les  verfets  32.  33.  34.  de  ce 
c*'  vin  Chapitre  à  ces  trois  hommes  qui  furent  décapitez.  L'expérience , 
p.  m.  14.  '  dit-il ,  de  ce  qui  efi  arrivé  petit  donner  l'intelligence  de  ce  texte.  On 
Dubrav.  vojt  cj[es  prêtres  &  des  laïques  tomber  par  l'épée  .  parce  qu'ils  enfei- 
Hiff.Bob.L.  ,   r  1  l  *i         ~>         >■/  /  J 

XXIII.  p.    yicnt -plusieurs  par  leurs  bons  exemples ,  &  qu  ils  combattent  ouver- 

m.  ii>4-  tement  les  menfoges  de  l' Ante-Cbrifi  ,  comme  cela  paroit parles  trois 
Autres  Trai-  fajjgggf  ^  qUi  on  a  tranché  la  tête  (a). 

Hus  1.  sa        XIV.  On  rapporte  encore  à  cette  année  divers  autres  Traitez 

réfutation  des  fe  Jean  Hus  dont  on  fe  contentera  de  donner  une  idée  géné- 
rale, pour  mettre  au  fait  des  controverfes  de  ce  tems-là  ,  auiîi 
bien  que  du  caractère  des  principaux  perfonnages  de  la  feene. 
Les  Livres  de  Wiclef&en  particulier  les  XLV.  Articles  de  ce 
Docteur  Anglois  avoient  été  de  nouveau  condamnez  dans  le 
palais  archiepifcopal  ,foit  fous  Albicus ,  foit  fous  Conrad.  Corn- 
me  Jean  Hus  avoit  beaucoup  de  crédit  dans  l'Univerfité,  il  pa- 
rut alors  une  Réplique  delà  Faculté Théologique  de  Prague  à 
cette  condamnation  fous  ce  titre  :  Dèfcnfe  de  quelques  articles  de 
(b)  Oper.    Jean  Wiclef  dans  l'Auditoire  de  Théologie.  La   Pièce  qui  con- 

Cïi.  e  en  tro*s  Actes  ell  attribuée  à  Jean  Hus  :  Jjeterminatio  Joan. 

cxxxiv.  Hus.  &c.  (b).  Dans  le  premier  Acte  on  entreprend  la  defeniè 


DE  PISE  Liv.  VI.  135 

du  14.  article  des  45.  de  Wiclef\  qui  porte  ,Que  ceux  qui  cejient 
de  prêcher  ou  d'entendre  la  Parole  de  Dieu ,  à  cnuje  de  l'excommu-  14,1  2, 
nie at ion  des  hommes  ,font  excommuniez^cux-mêmes  &  fero?it  répute \ 
comme  des  traîtres  au  jour  du  jugement.  Cet  article  eft  foutenupar 
l'Ecriture ,  par  l'exemple  des  Apôtres ,  par  l'autorité  des  Pères 
de  par  ces  raifons  :  c'eft  qu'un  Pape  peut  être  hérétique  ,  &  alors 
ce  feroit  un  péché  de  ne  pas  prêcher  la  Vérité  ,  6c  de  ne  pas 
combattre  Pheréfie  par  la  crainte  de  l'excommunication.  Il 
peut  arriver  aufïï  qu'un  Pape  foit  adultère  ,  &  qu'il  défende  de 
prêcher  contre  l'adultère,  fous  peine  d'excommunication  , au- 
quel cas  l'obeïïïance  feroit  criminelle.  Si  d'ailleurs,  dit -il  ,  le 
Pape  défend  oit  la  prédication  de  l'Evangile  par  tout ,  comme 
Alexandre  V.  le  fit  à  Prague  ,  fous  l'Archevêque  Sbinko  ,  feroit- 
il  jufte  de  lui  obéir? 

Le  fécond  des  articles  de  Wiclcf  défendu  dans  cet  Acte  efl 
le  XV.  conçu  en  ces  termes  :  //  efi  permis  à  tout  Diacre  &a  tout 
Prêtre  de  prêcher  la  Parole  de  Dieu  fans  l'autorité  du  Siège  Apoftoli- 
que  ,  ni  d'un  Evoque  Catholique.  Les  raifons  qu'on  allègue  pour 
défendre  cet  article  font  ^  Que  l'ordination  du  Diacre  ou  du 
Prêtre  Pautorife  allez  à  prêcher  fans  un  mandement  fpecial  du 
Pape  ou  de  PEvêque  ,  &  que  comme  un  homme  qui  efl:  marié 
n'a  pas-  befbin  d'un  ordre  particulier  pour  travailler  à  fe  procurer 
lignée  ,  il  en  efl  de  même  delà  génération  fpirituelle  qui  fe  fait 
par  la  Parole  de  Dieu,  le  Prêtre  étant  canoniquement  marié 
avec  PEglife  ,  comme  avec  une  epoufé  myflique.  Qu'un  Diacre 
ou  un  Prêtre  peuvent  être  portez  à  prêcher  par  une  infpiration 
du  Saint  Efprit  qui  doit  prévaloir  aux  ordres  du  Pape  ,  ou  de 
PEvêque.  Ce  qui  efl  prouvé  par  l'exemple  de  Jofué  que  Moyfe 
blâma  de  vouloir  empêcher  Eldad  &c  Medad  de  prophetifer  , 
JsFomb,  XI.  16.  19.  Qu'il  ya  une  vocation  naturelle  qui  impofe 
la  necefïité  de  s'oppofer  aux  faux  Prophètes  &  aux  Minières  de 
PAnte-Chrifl.  En  lifant  ce  traité,  on  verra  un  prélude  des  con- 
troverfes  qui  ont  été  agitées  dans  la  fuite  avec  beaucoup  de  cha- 
leur fur  la  vocation  des  Pafteurs. 

Le  fécond  Ade  de  la  Faculté  Théologique  de  Prague  roule 
fur  cet  article  qui  eft  le  XVII.  desXLV.  Les  Seigneurs  temporels 
ont  le  pouvoir  d'oter  ,  quand  il  leur  plaît,  les  biens  temporels  aux 
Ecclefiafiiques  qui  vivent  dans  l'habitude  du  péché.  Cela  efl:  prou- 
vé par  plufleurs  exemples  de  Pancien  &;  du  nouveau  Teftament , 
oùilparoit  que  le  temporel  appartient  aux  Rois  &  aux  Princes 


i36  HISTOIRE  DU  CONCILE 

14.12.  féculiers.  L'autorité  des  Pères  n'eft  pas  moins  exprefle  là-demis; 
Sur  cet  article  il  n'y  a  rien  qui  ne  foit  établi  bien  lus  fortement 
par  les  Théologiens  de  l'Eglife  Gallicane  ,  6c  en  particulier  par 
Monfleur  Dupin  dans  fa  dix  feptiéme  Diiîertation  fur  la  difei. 
pline  Ecclefiaftique ,  puifque  fans  égard  à  la  conduite  des  Eccle- 
fiaftiques,  ce  Docteur  prouve  que  le  temporel  de  l'Eglife  dé- 
pend des  Princes  féculiers  ;  au  lieu  que  W/W*/Tuppofe  qu'il  faut 
que  les  Ecclefîaftiques  vivent  mal  pour  donner  droit  aux  Prin- 
ces de  leur  ôter  leur  temporel.  Mais  comme  du  temps  de  Wiclcf 
la  corruption  ,  6c  fur  tout  la  fimonie  étoit  générale  dans  le  Cler- 
gé ,  fa  maxime  l'étoit  aufli.  Il  infïfte  fort  fur  cette  conféquence  -y 
c'eft  que  fi  les  Ecclefîaftiques  étoient  les  maîtresse  les  proprié- 
taires abfolusdu  temporel  qu'ils  poiïedent,  ils  pourroient  être 
les  maîtres  de  laplus  grande  partie  d'un  Royaume ,  comme  de 
celui  de  Bohême,  dont  ilsoccupoient  alors  plus  de  la  quatriè- 
me partie.  Il  n'oublie  pas  à  cette  occafion  la  prophétie  de  Sainte 
Hildegarde  prophetefte  d'Allemagne,  fur  la  fin  du  XII.  iîécle, 
qui  dans  un  Concile  de  Trêves  où  étoit  Saint  Bernard  avec  plu- 
sieurs Evêques  de  France,  d'Italie  &  d'Allemagne,  s'exprima 
en  ces  termes:  »  Les  Rois  6c  les  autres  féculiers  pouffez  par  un 
«jugement  Divin  s'oppoferont  aux  Ecclelîaftiques  avec  force, 
»6cfe  jettant  fur  eux  diront:  Nous  ne  voulons  pas  que  ces  gens 
«  régnent  fur  nous  par  le  moyen  de  leurs  terres ,  de  leurs  champs 
» 6c des  autres  biens  féculiers,  dont  nous  avons  été  établis  les 
«maîtres.  Eft-il  bienfeant  que  des  gens  tonfurez  6c  à  longues 
«  robes ayent  plus  de  foldatsSc  de  plus  belles  armes  que  nous  , 
«qu'un  Ecclefîaftique  foit foldat,  6c  qu'un  foldatfoit  Ecclefîaf- 
«  tique  ?  Otons-leur  donc  ce  qu'ils  polledent  injuftement.  »  En- 
fuite  la  prétendue  prophétie  ajoute.  •»  Le  Père  tout-puifTant  a 
53  fort  bien  partagé  toutes  chofes.  Il  a  donné  le  Ciel  aux  hom- 
«  mes  celeftes ,  èc  la  terre  aux  hommes  terreftres  j  en  forte  que 
»  félon  ce  partage  les  hommes  fpirituels  &  les  féculiers  pofTedant 
n  ce  qui  leur  convient ,  ils  ne  doivent  point  ufurper  les  uns  fur  les 
ce  autres  ce  qui  ne  leur  appartient  pas  ;  car  Dieu  n'a  pas  voulu 
"  que  l'un  de  Ces  fils  eût  tout  à  la  fois  la  robbe  &  le  manteau  (  tu*. 
«  nicam  6c  palhum  )  6c  que  l'autre  allât  toutnud ,  mais  il  a  don- 
»  né  à  l'un  le  manteau,  &c  à  l'autre  la  robbe.  Il  a  revêtu  du  man- 
teau les  féculiers ,  à  caufe  de  la  grande  étendue  de  leurs  foins, 
«6c  comme  pour  couvrir  leurs  enfans  qui  croiiïent  6c  multi- 
«plienj:  tous  les  jours.  A  l'égard  de  la  robbe  il  l'a  donnée  au  peu- 
ple 


DE   PISE.    Liv.  VI.  137 

w  pic  fpirituel;d'un  côté ,  afin  qu'il  n'aille  pas  tout  nud  '•>  de  Tau-    i4r  ïi 
»  cre  3  afin  qu'il  n'en  aie  pas  plus  qu'il  ne  lui  en  faut.  C'eft  pour- 
»  quoi  notre  fentiment  eft  que  tout  cela  foit  partagé  félon  la 
>s  raifon  ,  &  que  quand  le  manteau  &  la  robbe  fe  trouvent  en- 
n  femble  ,  on  ôte  le  manteau  &  qu'on  le  donne  aux  pauvres ,  afin 
»  qu'ils  ne  périfTent  pas  demiïére  fa).  »  Cette  prophétie  de  voit  (a)  ^° 
avoir  d'autant  plus  de  poids,  que  les  vidons  de  Sainte  H ildegar-  cxxiv.'b, 
de  furent  autorifées  par  Eugène  III  par  le  Concile  de  Trente, 
&enfuite  par  les  Papes  Anaftafe  II.  &  Adrien  IV. 

Dans  le  troifiéme  A&ejean  Hus  défend  cet  article  de  Wiclef,  Twftémt 
Que  les  dixmes  (  ou  décimes  )  font  de  pures  aumônes.  Il  n'a  pas  de  Ailt^ 
peine  à  prouver  cette  Thefè  par  le  témoignage  de  plufîeurs  Pè- 
res del'Eglife,6cmêmedes  anciens Canoniftes.,  qui enfeignent 
que  non  feulement  les  dixmes,  mais  même  les  autres  porTeiïions 
desEccleflaftiquesaudelà  du  necefTaire  3  font  des  biens  qui  ap- 
partiennent  aux  pauvres.  De  toutes  les  autoritez  qu'il  rafïem- 
ble  là-deflus  il  tire  ces  trois  conclurions.  La  première  3  que  non 
feulement  les  dixmes ,  mais  les  autres  biens  que  les  Ecclefiafti- 
ques  pofledent  par  des  œuvres  de  mifericorde,  font  de  pures  au- 
mônes qui  doivent  être  dévolues  aux  pauvres  3  quand  elles  vont 
au  delà  du  necefTaire  des  gens  d'Eglife.  La  féconde ,  que  ces  der- 
niers ne  font  ni  maîtres  ni  propriétaires  de  ces  biens  3  mais  qu'ils 
en  font  feulement  les  miniftres  6c  les  difpenfateurs.  La  troifié- 
me3  que  s'ils  en  abufent ,  ils  font  des  larrons  ,  des  voleurs ,  des 
facriléges ,  6c  que  comme  tels,  ils  feront  condamnez  au  dernier 
jour,,  s'ils  ne  fe  repentent.  Jean  Hus  ne  dit  rien  là-defTus  de  fi 
fort  6c  de  fî  exprès ,  que  ce  qu'en  ont  dit  plufîeurs  Canoniftes 
de  France ,  6c  même  d'Italie.  Je  rapporterai  fur  ce  fujet ,  par  oc- 
cafîon  3  les  paroles  de  Monfieur  Marfolier  dans  fon  Traité  hif- 
forique  de  i 'origine  des  Dixmes ,  des  Bénéfices  ,  &  des  autres  biens 
temporels  de  TEglifè  (b).  »  Il  eft  bon  de  remarquer  que  lorfque  les  ^  Liv< 
>>  Canoniftes  dans  les  queftions  dont  nous  venons  déparier  3  ou  i.p.  »f. 
?s  dans  d'autres  femblables  où  il  s'agit  de  leur  intérêt .,  citent  l'an-  jj£  lo8' 
»  cien  Teftament ,  6c  prétendent  qu'une  chofe  eft  de  droit  Divin, 
»il  faut  diftinguer  une  équivoque  qui  leur  eft  ordinaire.  Car  fi 
»  ce  qu'ils  prétendent  être  de  droitDivin,  eft  de  droit  naturel  , 
»  ou  Chrétien ,  c'eft-à-dire ,  renouvelle  par  l'Evangile ,  il  n'y  a 
»  point  de  doute  qu'il  n'ait  la  force  de  loi  divine ,  6c  qu'il  n'oblL 
«ge^  mais  fi  c'eft  feulement  un  droitDivin  Mofaïque,  iln'o- 
«  blige  plus  perfonne  ,  &  fi  un  Prince  fait  dans  fon  Etat  une  loi 
Tonu  II.  S 


138  HISTOIRE  DU    CONCILE 

*412*  «femblable ,  elle  ne  pourra  pafïer  que  pour  loi  humaine ,  &ne 

5j  pourra  établir  qu'un  droit  humain.  Ce  n'efl  pas  pourtant  que 

55  routes  les  fois  que  les  Canonifles  citent  l'Ecriture  Sainte  mai  à 

55 propos,  &  à  contrefens  ,  ils  le  faflent  toujours  par  ignorance 

55  &  faute  de  Fentendre ,  c'efl  fouvent  pour  faire  valoir  leurs  pré- 

55  tentions  &:  étourdir  les  gens  par  ces  grands  noms  de/o/'  Divine 

»&de  droit  Divin.  Il  n'en  faut  point  chercher  d'autre  exemple 

55  que  celui  des  dixmes  dont  nous  parlons.  Il  efl  vrai  que  dans 

»  l'ancien  TeflamentDieu  commande  qu'on  paie  les  dixmes  aux 

»  Lévites  ,  mais  il  leur  commande  en  même-temps  de  s'en  con- 

»  tenter,  ëc  leur  défend' de  pofleder  aucuns  fonds.  Ainfî  ,  fi  le 

53  peuple  efl  obligé  de  droit  Divin  de  paieries  dixmes  aux  Egli- 

55  fe$ ,  il  efl  vraiaufîi  que  par  le  même  droit  elles  ne  peuvent  pas 

55  pofleder  des  fonds  Se  desimmeubles. Déplus  Dieu  comman- 

33  de  à  la  vérité,  qu'on  paie  les  dixmes  aux  Lévites  5  mais  c'efl 

35  feulement  des  fruits  de  la  terre.  Et  lesloix  Canoniques  ordon- 

»  nent  qu'on  les  paie  de  la  marchandife ,  de  la  folde ,  de  la  chaf- 

»  fe ,  de  tous  les  arts ,  &  de  tous  les  métiers  3  &  généralement  de 

33  tout  ce  qu'on  gagne  de  quelque  manière  que  ce  foit.  Si  Dieu 

33  n'ordonne  aux  Juifs  que  le  paiement  de  la  première  forte  de 

35  dixmes  ,  il  efl  certain  que  la  féconde  n'efl  fondée  que  furies 

33  loix  humaines.Tous  les  Théologiens  unanimement  &  plufieurs 

"Canoniftes  demeurent  d'accord  que  c'efl  une  ordonnance  de  la 

33  loi  divine  naturelle, que  quiconque  fert le  peuple  dans  les  cho- 

"«  fes  de  la  Religion  ,  vive  du  fervice  qu'il  lui  rend ,  &  que  cette* 

î3  loiaétérenouvelléeôc  autorifée  par  notre  Seigneur  dans  l'E- 

(a)i.Cor.  55  vangile  (a)  5  mais  ni  la  loi  naturelle  divine }  ni  l'Evangile  ne 

l.I3'J4"  »  règlent  point  de  quelle  manière  cela  fe  doit  faire  -y  ainfi  que  ce 

si.  35  foie  en  païant  un  dixième  ,  un  vingtième  3  plus  ou  moins  , 

»  cela  dépend  des  loix  humaines  &;  de  la  coutume.  Ainfî  quand 

33  nous  lifons  dans  quelques  Décrètaleç  que  Dieu  a  ordonné  le 

33  paiement  des  dixmes  ,  ou  que  les  dixmes  font  de  droit  Divin , 

33.elles  prennent  la  partie  déterminée  pour  l'indéterminée,,  c'efl- 

33  à  dire  3  que  la  dixme  fîgnifie  dans  ces  endroits  ce  qui  efl  nécefc 

55  faire  pour  l'entretien  du  Clergé  ;  ou  bien  ces  manières  de  par- 

53 1er  fignirlent  que  Dieu  a  établi  les  dixmes  dans  l'ancien  Tefla- 

5sment ,  ce  qui  a  fervi  de  modelle  pour  faire  de  pareilles  loix  fous 

»le  nouveau. 

La  dernière  propofition  de  Wklef,  dont  Jean  Mus  entreprend 
iadcfenfe  dans  ce  troifîéme  Acte  3  efl  celle-ci  :  Tout  Seigneur 


DE  PISE.  Liv.    VI.  139 

temporel ,  tout  Prélat ,  tout  Evèque  en  péché  mortel  yn*eft  ni  Sei.  \/L\it 
gneur temporel ,  ni  Prélat,  ni  Evèque.  Après  bien  des  diftindions 
obfcures  &  fubtilés,  6c  un  long  amas  de  paûages  de  l'Ecriture 
&des  Pères,  la  plupart  allez  mai  appliquez,  fon  fentiment  fe 
réduit  à  dire  qu'un  tel  Seigneur,  Prélat,  ou  Evêque,  n'eft:  ni 
Seigneur ,  ni  Prélat ,  niEvêque  devant  Dieu ,  &  à  regarder  la 
chofè  en  elle-même.  Il  prétend  qu'un  pécheur  ne pojjede  ce  qu'il 
a ,  que  félon  ce  qu'il  efi ,  6c  que  comme  étant  en  péché  mortel ,  il 
exifle  injuftementjilpollede  injuftement  auflï.  Le  péché  mortel  3 
dit- il ,  infeUant  toute  la  nature  ,  infeile  auljî  toutes  les  manières 
d'être  5  en  forte  que  fila  vie  d'un  homme  ejl  injufie  ,  tout  ce  qu  il  fait 
l'efi  aufjî ,  parce  qu  Une  peut  ri  en  opérer  ,  que  félon  la  manière  dont 
il  vit  (i).  Mais  comme  un  Seigneur,  6c  un  Evêque  ne  laifïent 
pas  d'être  appeliez  Seigneur,  6c  Evêque  ,  il  dit  qu'en  effet  en 
un  fens  ils4e  font ,  6c  qu'en  un  autre  ils  ne  le  font  pas.  Un 
Roi ,  dit- il ,  en  péché  mortel  ejl  Roi  comme  Pharaon  3  un  Prêtre  dans 
le  même  état ,  efi  Prêtre  comme  Anne  le  Souverain  Sacrificateur  h  un 
Evèque  efi  Evèque  comme  Caïphe  ;  un  Diacre  efi  Diacre  comme 
l'hérétique  Nicolas ,  qui  étoit  Diacre  ,  &  un  Chrétien  efi  chrétien , 
comme  Judas  qui  étoit  difciple  de  Jefus-Chrifi.  Mais  en  un  autre 
fens  ils  ne  font  ni  Rois  ,  ni  Seigneurs ,  ni  Prélats ,  ni  Evèques  3  ni 
Prêtres ,  ni  Diacres  ,  ni  Chrétiens ,  »  parce  qu'ils  ne  le  font  que 
m  de  nom  ,  èc  d'une  manière  équivoque  •  qu'ils  ne  le  font  pas  vé- 
jj  ritablement ,  juftement ,  6c  en  état  de  grâce  ,  &c  que  pour  lors 
»  Dieu  n'approuve  pas  une  telle  Domination ,  ni  une  telle  Digni- 
55  té  y  ou  un  tel  Office.  »  Cependant,  félon  lui  3  fi  les  Seigneurs 
temporels ,  les  Papes ,  les  Evêques ,  6c  les  autres  fe  relèvent  du, 
péché  mortel ,  ils  recouvrent  leurs  dignitez  ,  8>c  leurs  offices.  Il 
ajoute  à  cela  que ,  quoique  ce  que  les  Prêtres  font  félon  leur  of- 
fice ,  pendant  qu'ils  font  en  péché  mortel ,  ne  foit  pas  méritoi- 
re ,  il  ne  laide  pas  d'être  utile  à  l'Eglife ,  parce  que  quand  ils 
adminiltrent  les  Sacremens ,  ils  le  font  moins  par  leur  propre 
vertu  ,  que  parcelle  de  Dieu.  Ce  qu'il  prouve  par  des  paiïàges 
de  Saint  Auguflin  ,  6c  de  Saint  Grégoire.  Je  me  fuis  au  refte  un  peu 
étendu  fur  ces  articles^  d'un  côté,  parce  que  la  dodrine  de  Jean 
J-lus  là-deflus  n'avoitpasété  jufqu'ici  bienéclaircie  3  de  l'autre, 

(t)  Monde  peccatum ,  cum  inficit  naturam  ,  mttlto  ev'tàenùm  inficit  omnem  m»dum  vel  accidenî 
tjufdem  yut/î  vita  hotninisfit  injufla  ,  itaquod  injufte  vivh  ,  tmctjudibit  operatioeius  tjl  injufia  , 
ttm  mn  aliter  operutur  ftàm  vivit.  Fol.  LXXJX.  a. 

Sij 


i4o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

parce  qu'on  verra  Jean  Mus  fort  intrigué  au  Concile  de  Conf- 
iai 2.    tance  lur  ces  mêmes  articles. 

KepUq»e  de      XV.  Il  parut  encore  cette  année  un  autre  traité  de  Jean  Mu4 
Jean  Hus<ï  contre  un  Curé  de  la  campagne ,  qui  avoit  avancé  trois  propo- 
""frlT"  étions  que  ^e  premier  trouvoit  hérétiques.  La  première  eft, 
eampagne,    qu'un  homme  en  péché  mortel ,  n'eft  ni  efclave ,  ni  enfant  du  Diable. 
Repiica      j|  réfute  cette  Théfe  par  plufieurs  paffages  de  l'Ecriture  ,  où  les 
Scatorem   pécheurs  font  appeliez  enfans    &:   efclaves  du  Démon.  La  fe- 
pianenfem.  conde  proportion  du  Prédicateur  ,  c'eft  qu'avant  qu'un  Prêtre 
141  a.    ait  £lt  ça  premiere  Mefje  ,  Un' eft  qu'enfant  de  Dieu  j  mais  que  quand 
il  a  officie  ,  il  eft  père  de  Dieu  3  &  créateur  du  Corps  de  Dieu  fi).  A 
l'égard  de  cette  proportion  ,  Jean  Hvs  en  marque  l'origine  dans 
un  Traité  qui  a  pour  titre  ,  L'Etoile  des  Clercs ,  (  Stella  Clerico- 
rum  )  où  il  eft  dit  ;  Que  c'eft  un  grand  inconvénient  de  blâmer 
un  Prêtre }  puifqu'il  eft  le  créateur  de  fon  propre  Créateur.  En- 
fuite  ,  après  avoir  expliqué  les  divers  fens  du  mot  créer  3  il  fait 
voir  fans  beaucoup  de  peine ,  que  les  Prêtres  ne  créent  en  aucun 
de  ces  fens  leur  Créateur.  Le  troifiéme  article  étoit  $  Que  le  plus 
méchant  preflre  3vaut  mieux  que  le  meilleur  Laïque.  Entre  les  ab- 
furditez  qu'il  trouve  dans  cette  opinion  3  il  allègue  celle-ci  , 
c'eft  qu'il  s'enfuivroit  de  là  que  que  le  traître  Judas  en  qualité 
de  Prêtre ,  ou  d'Evêque ,  feroit  meilleur  que  David  qui  étoit  un 
laïque  ,  Se  qui  a  prononcé  ces  paroles  contre  Judas  au  Pfeaume 
CVIII.  félon  la  Vulgate5  Donnera  l'impie  le  pouvoir  fur 'lui ,  & 
que  le  Diable  foit  toujours  a  fon  cbté  droit.  Lors  qu'on  le  jugera  , 
qu'  il  foit  condamné  '■>  &  que  fa  prière  même  lui  tourne  à  péché  -y  Que 
fes  jours  foient  abrège^  &  qu'un  autre  reçoive  fon  Epifcopat.  II 
s'emporte  beaucoup,  &  avec  raifon,  contre  la  conféquence  que 
les  Prêtres  tiroient ,  à  ce  qu'il  prétend ,  d'un  principe  iî  favora- 
ble à  leur  ambition. C'eft  que  le  plus  méchant  Prêtre  vaut  mieux 
que  la  bienbeureufe  Vierge  Marie  ,  parce  qu'elle  n'a  fait  qu'en- 
gendrer Jefus-Chrift  une  feule  fois ,  au  lieu  que  le  Prêtre  en  eft 
le  créateur  toutes  les  fois  qu'il  veut.  »  Je  fuis  furpris  ,  dit-il ,  que 
»  les  Prêtres  implorent  le  fecours  de  la  Vierge ,  puis  qu'ils  s'eftiment 
»  meilleurs  qu'elle  ^  qu'ils  s'appellent  eux-mêmes  fes  ferviteurs  , 
»  qu'ils  efperent  être  délivrez  de  la  triftefTe  du  temps  prefent, 
53  &  jouir  des  joyes  à  venir  par  fa  glorieufe  interceffion  ,  qu'ils 
53  la  nomment  la  JSA.  ère  de  grâce ,  &  de  mifericorde  -y  qu'ils  lui  de- 
33  mandent  fa  protedion  contre  leurs  ennemis ,  &;  qu'ils  la  prient 

{\)  Empâter  Dei ,  &  creator  Corporis  Deir 


DE    PISE.    Liv.    VI  14T 

>>  de  les  recevoir  à  l'heure  de  la  mort.  Ha  \  Ha  \  Prêtre  méchant^ 

&  fuperbe ,  vous  ofezjdemander  l'interccffîon ,  &la  proteBion  de  la     ji,'ti; 

très -digne  mère  du  Rédempteur  j  ^  cependant  vous  dites  quyici-bas 

tout  Prêtre ,  «2i?W£  le  plus  méchant  3  (  ^  ^arj  thîtk?  )  *y#  ^a  dfe/fàrj  <sk 

/;/  i?  ?/'»<?  ^  monde  ,  de  la  fouveraine  des  Anges  3  &  de  la  porte  dtc 

Ciel. 

Au  refte  ,  il  paroît,  pour  le  dire  en  parlant,  que  Jean  Hus 
croyoic  avec  Pierre  Dailli  &  beaucoup  d'autres  de  ce  tems-là, 
qu'un  certainPoëme(Oridicule,  intitulé  D^^ta/** ,  &  compofé 
dans  ces  fiécles  là  par  une  fraude  pieufe  ,  fous  le  nom  d'Ovide , 
étoit  en  effet  d'Ovide  le  payen  -y  puifque  pour  confondre  l'or- 
gueil des  Prêtres ,  il  en  allègue  un  long  pafïage ,  dont  voici  un 
échantillon. 

O  Virgo  felix ,  b  Virgofigriificata 
Per  fie  lia  s-  ubi  fpica  nitet ,  quis  det  mihi  tantum 
Vivcre  3  quod  poffim  laudum  fore  prœco  tuarum  ! 
2Tam  ni  fi  tu  perfeBa  fores  3  non  eligeret  te 
Hic  Deus  omnipotens  3  ut  carnemfumeret  ex  te 
Uniretque  fibi  3  nifi  digna  fores  3  etiam  quod 
pilius  ille  tuus  pofiquamfurrexerit  3&de 
Morte  triumpharit  3  tevellet  honorificare , 
Te  fuperexaltans  3  cœlofque  locansfuper  omnes  5" 
JE \t  fibi  concathedrans  :  ubi  namque  locavcrit  illam 
JEleUampartem  carnis  ,  quamfumpferit  ex  te  , 
Et  carnem  de  qua  fuerit  fua  fumpta  locavit. 

XVI.  Je  crois  encore  qu'il  faut  rapporter  àeettte  année  la  s'ieftpermii 
folution  que  Jean  Hus  donna  de  cette  Queftion  3S 'il  t fi  permis  de  Prêche* 
de  découvrir  charitablement  la  malice  &  l'hypocrijïe  du  Clergé  en  ^"atZaifes 
pleine  Afiemblée  3  &  de  prêcher  contre  fe s  mauvaifes  mœurs  3  quand  mœurs  du 
ellei  font  manifefies.  Entre  les  raifons  de  la  négative ,  il  y  en  a  qui 
ne  femblent  être  alléguées  que  pour  fe  moquer  ,  comme  par 
exemple  celle-ci.  et  Qu'il  ne  faut  pas  reprendre  publiquement  le 
»  Clergé  ,  parce  que  te  grand  Diable  Lucifer  ne  le  veut  pas  3 
»  parce  que  Mahomet  a  défendu  fous  peine  de  mort  de  contre- 
55  dire  fon  Alcoran  ,&;  fa  conduite,  &  parce  quel'Ante-Chrift 
>5  qui  fera  un  grand  Prélat  ne  fouffrira  pas  qu'on  lecontredife, 

(  0  Sur  ce  Poème  ,  voyez  Voflîus  de  Poetis  L  atinis ,  SeUen  ,  de  Synedriis.  Lib.  III-  C.XVL 
■AJ,bert  Fabrice  Biblhtbtsa  Latin^p,  276.  177» 

Siij 


CUr°-é* 


t4i  HISTOIRE  DU  CONCILE 

î3  nifesadhérens.  »î  Les  autres  raifons  de  la  négative  paroifîènt 
Iil2t  plus  ferieufes.On  dit ,  par  exemple ,  pour  la  foûtenir,  que  repren- 
dre le  Clergé  en  public,  c'en:  élever  fi  bouche  contre  le  Ciel ,  c'en; 
médire  du  Clergé  &  le  confondre ,  feandalifer  le  peuple  ,  èc  lui 
rendre  le  Cierge  odieux ,  exciter  le  bras  iéculier  à  lui  ôter  fes 
biens  temporels  ,  par  conféqent  détruire  toute  l'Eglife  ,  d'où 
l'on  conclut  que  la  queftion  eft  folie  ,  fauiTe  &  hérétique.  On 
ajoute  quelques  autoritez  de  l'Ecriture  y  comme  Exode  XXII. 
28.  félon  la  Vulgate  &  la  Verfion  de  Port  Royal ,  vous  ne  parle- 
rejoint  mal  de  s  Dieux.  On  n'oublie  pas  l'exemple  de  Cham  qui 
fut  reprouvé  pour  avoir  découvert  la  turpitude  de  fonpere  ,  ce- 
lui de  Conftanrin  qui  couvrit  de  fon  manteau  un  Prêtre  qu'il  fur- 
prit  dans  un  commerce  criminel  avec  une  femme.  Enfin  on  pro. 
(f)  Arche-  P°^e  ce  moc  ^e  &aban  Maur  (a) ,  qui  difoit  que  ,  quand  on  voyoit 
réque  de     un  Prêtre  mettre  la  main  dans  lefein  d'une  femme ,  il  fallait  fùppofw 

MiYcncrc,     au  il  lui  donnoit  la  bénédiction. 

au  IX.  ne-    l  .  .  .         ,         ,  iy  .r  Ai>f 

cle.  Jean  Hus  n  a  pas  de  peine  de  repondre  a  ces  raifons.  A 1  e- 

gard  de  celles  qui  font  tirées  de  Lucifer,  de  Mahomet  3  de  l' Ali- 
te-Chrift  ,  il  les  compare  &  trois  flèches  du  Diable  ,qui  n'ont  point 
de  plumes.  Quant  à  ce  qu'on  dit  que  c'eft  élever  fa  bouche  con- 
tre le  Ciel  ,  ou  blafphcmer  ,  il  répond  que  comme  par  blaf- 
phemer  contre  le  Ciel,  (r,1  David  a  entendu  blafphemer  con- 
tre Dieu,  ou  contre  la  Vérité, qui ,  dit-il,  félon  laGlofe,  eft 
Dieu  même, il  s'enfuit  delà  que  ceux  qui  font  coupables  de  ce 
crime  *  ne  peuvent  être  que  les  Ecclefiaftiques  qui  défendent 
de  prêcher  contre  les  mauvaifes  mœurs  du  Clergé.  II  ajoute 
que  la  medifance  confifte  à  parler  malicieufement  contre  fou 
prochain  &  dans  la  vue  de  lui  nuire  j  mais  que  ce  n'eft  point 
médire  que  de  le  reprendre  par  un  principe  de  charité  ,  fur  tout 
quand  les  défordres  font  publics  ,  &  de  le  confondre  falutai. 
rcment  dans  la  vue  de  le  corriger  &  de  lui  épargner  la  con- 
fufîon  éternelle?  qu'au  refle, cette  confufion  ne  peut  regarder 
que  cette  partie  du  Clergé  qui  fe  l'attire  à  elle-même  par  fa 
mauvaife  vie.  A  l'égard  du  fcandale  que  cette  prédication  peut 
donner  au  peuple  ,  c'eft ,  dit  il  ,  un  fcandale  pris  ,  Ôc  non  un 
fcandale  donné.  Le  peuple  au  contraire  en  peut  devenir  meilleur  ^ 
cïi  fe  retirant  des  actions  fcandaleufes  du  Clergé  •  outre  que  le 
peuple  eft  porté  par  là  à  prier  Dieu  pour  la  converfion  des  mau- 
vaîsEcclefiaftiques. Quant  àeequ'on  objecte  que  ces  déclamation» 

(1)  Pofuermt  in  cxlum  os/num  ;  v  lingua  eerum  tranfivh  in  terra,  Pf.  LXXII.  9. 


D  E  P  I  S  E  L  i  v.  VI.  145 

incitent  les  Seigneurs  féculiers  à  ôter  les  biens  temporels  aux 
Ecclefialtiques  ,  il  foûtient  qu'il  n'y  a  point  d'inconvénient  à  ce.  ri4ï2, 
la  quand  les  Ecclefialtiques  abufent  de  ces  biens.  Ce  qu'il  prou- 
ve par  l'exemple  des  Templiers  ,  Ôc  par  plufieurs  autoritez  du 
Droit  Canon.  Il  répond  à  peu  près  de  même  au  paffage  qui  dé-, 
fend  de  mal  parler  des  Dieux ,  (  c'eft-à-dire  ,  des  Magistrats  3  ) 
parce  que  fi  en  un  fens  les  Ecclefialtiques  iont  des  Dieux  ,  cet- 
te qualité  ne  convient  qu'aux  bons  Ecclefialtiques ,  Se  non  aux 
mauvais  , qu'il  compare,  après  faint  Auyiftin  ,  aux  Idoles  qui 
ont  une  bouche  &  qui  ne  difent  rien  de  falutaire  >  ôcc. 

L'exemple  de  Cham  ,  qui  fut  maudit  pour  avoir  découvert  la 
turpitude  de  fon  père ,  ne  l'embarrallè  pas  non  plus  3  parce  que 
Cham  le  fit  pour  infulter  ion  père,  dans  un  déforJre  qui  n'ar, 
,  riva  qu'en  fecret  Ainti ,  dit  il  ,  tout  Prédicateur  qui  révéleroit 
malicieufement  un  crime  caché  d'un  Prêtre ,  ou  de  quelque  Laï- 
que que  ce  foit ,  feroit  coupable  du  péché  de  Cham  :  fur  quoi  il 
cite  le  Décret  qui  porte ,  Que  la -plupart font  une  mauvaife  applica-  2<  nuenm  7, 
tion  de  la  malediHion  de  Cham ,  qui  au  lieu  de  cacher  la  honte  de  (on 
père  ,  la  montra  pour  Je  moquer  de  lui,  Il  n'efi  point  défi  ndu  par  là 
dit  le  Décret ,  aux  inférieurs  d? accu  fer  leurs  Prélats  ,  /'/  leur  efi feu- 
lement défendu  de  les  trahir  &  de  lesproftituer.  A  l'égard  de  l'exem- 
ple de  Confiantin  qui  couvrit  de  fon  manteau  un  Prêtre  commet, 
tant  paillardife  avec  une  femme  ,  il  convient  qu'il  faut  autant 
que  l'on  peut  couvrir  les  fautes  d'autrui  pour  éviter  le  fcandale,, 
mais  il  trouve  l'exemple  de  Phinées  plus  louable  que  celui  de 
Confiantin  ,  fi  l'on  fè  trouvok  dans  les  mêmes  circonstances  que 
Phinées  (1).  Ce  qu'il  dit  fur  le  mot  àçRaban  Maur  au  fujet  d'un 
Prêtre  qui  met  la  main  dans  lefein  d'une  femme  3  eft  curieux  à 
lire. 

Prétendre  que  c' efi  pour  donner  la  bénédiclion  à  cette  femme ,  dit-il, 
c*efi  comme  fi  on  fuppo  foit  qu'un  Piètre  quife  me  ttr  oit  fur  une  femme  ^ 
qui  appliquerait  bouche  a  bouche, y  eux  aveux ,  &  qui  en  un  mot  l'em- 
braser oit  ^feroit totit cela  pour lareflufeiter  à  fexeynple  £  Eli  fée.  Par 
bonheur,  dit-il  j  cène  fut  pas  fur  une  femme  ,  mais  fur  un  en- 
fant que  s'étendirent  Elie ,  &  Elifée.  Ce  fut  aufîi  fur  un  jeune 

(1)  Exemplum  ergo  Phinées  cum  fît  Kcr'-ptwa  facrafirmatu-o»  ,  Q'  verbo  Dei  lattdutum  fcr  remit- 
neratum  ,  efi  magis  quam  exemplum  Conftantini  latidandum.  Non  tamen  exinde  afjero  ,  quod  q»Hi- 
betvidens  çy  potem  aggredi  tramfediat  coeuntes.  Sed  reipicienio  adtempits  ,arl  caufam  &•  ad  d'jfe- 
rentiam  ptrfonarum  compaiiendo  fi  potefl  protegere  pallto  contegat,  ne  fat  inaliiifcandalum,  ni  divul- 
get ,  Vrfi  accenfus  fuerit  \e!o  Domini ,  ipfum  Phillèes ,  ex  puricau/a  C  voluntate  (  fî  lempHS  con- 
grnat  )  imitetur^O^et,  Hujf.  Fol.  CLJII 


144  HISTOIRE  DU  CONCILE 

homme  ques'appuyay^/PWpourlerefufciter.J.C.nemic  pas 
141 2.  non  Pms  *a  mam  dans  *e  ^em  de  cette  jeune  fille  qu'il  guérit ,  il  la. 
prit  par  la  main  ,  6c  lui  dit  de  fe  lever  ,  non  plus  que  Pierre  qui 
fe  contenta  de  prier  Dieu ,  &  l e  tourner  du  côté  de  T habita  pour 
la  reffu  (citer. 

Après  avoir  ainfî  refuté  les  raifons  qu'on  allègue  pour  empê.» 
cher  de  reprendre  publiquement  les  mauvaifes  mœurs  du  Cler- 
gé ,  quand  fa  corruption  eft  générale  6c  publique ,  il  allègue 
les  raifons  qui  autorifent  cette  correction  dont  voici  les  princi- 
pales. La  première  eft  3  que'Jefus-Chrift  qui  eft  le  fouverain 
Maître  des  Ecclefiaftiques,  s'eft  fournis  à  lacenfure  des  Phari- 
fiens devant  tout  le  Peuple.  Jean  VIII.  46.  Àtœ&r ,  dit-il  ,  /W, 
ver/aire  de  Jefus-Ckrift  ,  c' eft- a.  dire  l' Ante-Chrift  ,  qui  eft  le  pins 
fuperbe  de  tous  les  Ecclefiaftiques  ,  fe  moquera  de  cette  conjèquence , 
parce  qu'il  prétend  s'élever  au  de Jf  us  de  tout  ce  qui  s'appelle  Dieu. 
La  féconde  raifon  eft  tirée  de  l'exemple  de  J.  Chrift  qui  décou- 
vroit  publiquement  l'hypocrifie  de  Pharifiens  j  de  Néhémie  cjui 
cenfura  auffi  en  public  les  Prêtres  de  la  Loi ,  de  toute  l'Eglife  , 
&  de  tout  le  peuple,  qui  eft  en  droit  de  s'oppofèr  aux  Clercs 
qui  font  hérétiques  ;  enfin  de  l'exemple  du  Pape  lui-même  3  qui 
engage  (es  Ecclefiaftiques  par  ferment,  à  condamner  un  Anti- 
Pape  devant  tout  le  peuple.  La  troifiéme  raifon  eft  prifè  des 
Conftitutions  des  Papes,  ou  de  l'Eglife ,  qui  défendent  au  Peuple 
d'entendre  la  Mefte  d'un  Prêtre  concubinaire ,  6c  à  un  tel  Prêtre 
d'exercer  aucune  des  fondions  Ecclefiaftiques. 
Ke/oiuthnde     XVII.  A  ce  Traité,  on  en  peut  joindre  un  autre  de  même 
trois  doutes  date.  Jean  JFIusy  réfout  trois  doutes  qui  lui  avoient  été  propo- 
.jean  Hut'  ^ez  Par  un  ami  j  le  premier  eft,  s'il  faut  dire,  jecroiau  Pape ,  ou 
(a)  Auteur  pour  mieux  faire  entendre  la  queftion ,  je  croi  par  exemple  en  Cle- 
ftitution°n"  rncnt  ^^  ^'  ^e  tecond,  s'il  cftpojjible  d'être  fauve  }  fansfe  con~ 
yniienhm,  fefter  à  un  Prêtre.  Le  troifiéme  ffï  quelqu'un  des  Saints  Do  fleurs 
a  cru  3  ou  avancé ,  que  de  tout  ce  peuple  fubmergé  dans  la  JS/LerRou- 
ge ,  &  de  ces  Sodomites  confumez^parle  (eu  3  il  y  en  ait  eu  quelques- 
uns  de  fauve  z^.  Il  répond  à  la  première  queftion,  parla  diftinc 
tion  de  Saint  Auguftin ,  du  Vénérable  Bcde ,  6c  du  Maître  des 
Sentences ,  entre,  croire  un  Dieu  ,  c'eft- à- dire  ,  croire  que  Dieu 
exifte ,  cm";-*  à   Dieu,  c'eft-  à-dire  }  croire   que  ce  que  Dieu 
dit  ,  eft  véritable  ;  éc  croire  en   nieu  ,  c*eft-à  dire ,  fe  confier 
çn  lui ,  l'aimer,  l'adorer,  lui  obéïr ,  6c  lui  rendre  tout  le  culte 
qui  lui  eft  dû.  Au  premier  fens ,  on  peut  croire  qu'il  y  a  un  Pa- 


DE    PISE.  Liv.    Vt.  14J 

3>e ,  &  des  Prélacs ,  on  peut  croire  auffi  ce  qu'ils  difent ,  quand  ils 
difent  la  vérité.  Mais  comme  on  ne  peut  pas  dire,  croire  en  Saint  14,13. 
Pierre  ,  croire  en  Saint  Paul,  croire  en  Ja  Sainte  Vierge  ,  croi- 
re en  l'Eglifè  ,  parce  que  cette  dernierefaçon  de  croire  n'a  que 
Dieu  pour  objet,  on  ne  peut  pas  dire  non  plus  croire  au  Pape  en 
ce  fèns.  A  l'égard  du  fécond  doute ,  il  foûtient  par  l'autorité  de 
l'Ecriture  Sainte ,  tant  du  vieux  que  du  nouveau  Teftament , 
parcelle  de  Saint  Cbryfofibmc ,  defaint  Auquftin ,  &  du  Maître 
des  Sentences,  que  Ton  peut-être  abibus ,  en  fe  confefTant  à 
Dieu  ,  avec  un  cœur  vrayement  contrit  6c  humilié  3  fans  fe  con- 
fefTeràun  Prêtre  ,  &fans  pénitence  extérieure  j  Ceferoit^  dit-il  ^ 
une  impiété  téméraire  0-  diabolique  de  damner  les  Pères  de  l' An- 
cienne Loi 3  les  petits  enfans  ,  les  muets  &  les  fourds  de  naijjan- 
ce  ,  les  gens  afj'affïnezji  Pimprovifte ,  lés  habitans  des  Déferts ,  £?•  les 
Chrétiens  prifonraier s  parmi  les  Payens.  Quant  au  troifiéme  doute , 
fçavoir  ,  fi  quelques-uns  de  ceux  qui  périrent ,  ou  dans  le  Délu- 
ge ,  ou  dans  les  flammes  de  Sodome ,  ont  été  (auvez  j  il  foûtient 
la  poffibilité  de  l'affirmative  par  la  décifion  de  Saint  Jérôme ,  qui 
dit  que  les  Egyptiens  &  les  l/ra'èlûes  &  les  autres  fufnommez^  furent 
punis  dans  le. temps  ,  pour  ne  l'être  pas  dans  l'éternité  11  y  apporte 
pourtant  la  diftin&ion  du  Maître  des  Sentences  qui  refirent  la 
décifion  de  Saint  jerbmeà.  ceux  qui  firent  alors  pénitence,  par. 
ce  que  Dieu  ne  !a  rejette  pas  ,  quoi  qu'elle  foit  courte.,  &:  momen- 
tanée ,  pourvu  qu'elle  foit  fîneere. 

XV III.  P  arm i  les  adverfaires  àsjcan  Hus ,  il  y  en  avoit  huit,  *#"»£  A 
entre  lefquels  etoient  Etienne  Paletz^,  alors  Doyen  de  la  Facul-  hlT*dvel* 
té  Théologique  &  Stani/las  de  Znoïma  qui  fe  fignaloient  par /<«>«. 
leurs  Ecrits  contre  lui.  Il  répond  aux  objections  de  ces  huit  Doc- 
teurs 3  par  un. traité  ,  où  il  y  a  des  chofes  qui  méritent  attention, 
i.  Ils  lui  faifoientun  crime  d'avoir  refuie  de  communiquer  fon 
traité  contre  les  Bulles  du  Pape  ,  aufujctde  laCroifade,  quoi 
qu'il  en  eût  été  requis  par  la  Faculté  de  Théologie.,  à  moins  qu'il 
n'en  eût  un  ordre  exprès  du  Roi.   Il  répond  à  cela,  qu'il  a  of- 
fert de  donner  cet  Ecrit  en  préfence  du  Confeil  Royal ,  à  con- 
dition que  lui,  ôcles  Docteurs,  s'engageroient  à  la  peine  du  feu. 
(i)  pour  foutenir  chacun  fon  fentiment  5  mais  que  les  Docteurs 

(1)  Ceft  le  jugement  du  fer  brûlant  qui  étoit  en  ufàge  en  ce  tems-  là  aulTi-bien  que  d'au- 
tres preuves  dans  la  décifion  des  procès  &  des  querelles.  Celui  qui  pouvoit  marcher  plu- 
sieurs pas  avec  un  fer  ou  une  mafle  de  fer  tout»  rouge  à  la  main  ,  fans  fe  brûler  ,  étoit  jugé 
innocent.  Celui  en  qui  on  remarquoit  quelque  brûlure  étoit  çenfé  coupable.  Cbrifl  Cle- 
Jir>gii  Traft.  de  provoc.  ad  Judic.  Dtifivt  de  pnbationivw.  pag.  f  :. 

Tom.lJ.  T 


,46  HISTOIRE    DU     CONCILE 

effraïez  de  cette  propofition  avoient  offert  d'expofer  un  de  leur 
a412,     corps  contre  lui  à  cette  forte  d'épreuve.  »  Vous  êtes,  leur  répon- 
»  dit-il ,  tous  liguez  contre  moi  feul ,  fans  que  je  veuille  expofer 
»  aucun  de  ceux  qui  font  dans  le  même  cas  que  moi ,  à  cette  pei- 
»  ne.  Il  effc  donc  jufte  que  vous  la  fouteniez  conjointement  3  com- 
»  me  vous  vous  êtes  joints  pour  m'accufèr.  Le  Roi  qui  étoit  pré- 
«  fent  nous  dit ,  Meilleurs ,  accordez^vous  ^  6c  là-  deflus  chacun  fe 
>3  retira.  »  Il  ajoutoit  à  cela  qu'ayant  prêché  publiquement  dans- 
l'Univerfîté  enpréfence  de  tous  les  Maîtres,  &  de  tous  les  Eco- 
liers ,  auffi  bien  que  dans  la  Chapelle  de  Bethlehem  devant  tout 
le  peuple  les  même  chofès  qui  font  dans  cet  Ecrit ,  il  n'étoitpas 
beloin  qu'il  le  montrât  ;  fur  quoi  il  applique  à  fes  accufateurs  les 
paroles  de  Jefiis-Chrifl.  Jean  JCVIII.  io.  n.  Ces  prédications 
publiques  de  Jean  Mus  contre  les  Bulles  fournifloient  un  autre 
fujet  d'aecufations  contre  lui ,  parce  qu'on  prétendoit  que  dé- 
fobéïr  aux  Bulles  du  Siège  Apoftolique ,,  c'étoit  le  même  cri- 
me quedéfobéir  aux  commandemens  des  Apôtres.  Il  n'en;  pas 
befoin  de  répéter  ici  toutes  les  réponfes  de  Jean  Hus  là- deflus  i 
on  en  a  vu  la  plupart  dans  la  réfutation  de  la  Bulle.  Je  produi- 
rai feulement  unpafîage  de  Robert  Grojihead  (  Groflete  )  ce  celé- . 
bre  Evêque  de  Zincoln^qm  au  XI il,  Siècle  ,  fut  un  des  plus 
grands  fléaux  de  la  tyrannie  Papale.  Voici  comme  s'explique  ce 
Prélat  Anglois  fur  ce  parallèle  des  commandemens  des  Apô- 
tres avec  les  Bulles  du  Siège  Apoftolique.  J'obéïs  3  dit-il  au  Pape' 
Innocent  IV. avec  une  foumij/ïon  &  une  dévotion  filiale  aux  corn- 
?nandemens  des  Apbtres.  Mais  je  m'oppofe  avec  le  même  zglê  à  tout 
ce  qui  leur  eji  contraire ,  félon  le  devoir  d'un  Fils  envers  fon  Père. 
Au  refte  les  commandemens  des  Apbtres  ne  font  pas  diffèrens  de  leur 
doctrine  ,  g?-  de  celle  de  Jefus-Cbrifl  leur  M  a  itre.C^eft.  là,  ,dit  Jean- 
Hus  3  le  modèle  que  je  fuivis  3  &  la  difiinclion  que  j'employai ,  lorfi. 
que  _,  fous  l'Archevêque  Albicus,  les  Légats  de  Jean  XXIIi.  me' 
demandèrent  fi  je  ne  voulois  pas  obéir  aux  Mandemens  Apoftolique^ 
C  ï  Vo      touchant  la  Qroifade  (a).Pour  montrer  les  excès  énormes  des  bul- 
lAivre      les  des  Papes ,  il  en  allègue  une  de  Boniface  IX.  qui  ordonnoit 
précèdent    auxBohemiens  de  mettre  dans  le  tréfor  du  Pape,autant  d'argent 
ftofre?6  Xi~  4U'^S  en  dépenfèroient  pour  aller  à  Rome  gagner  les  pardons  J 
&  pour  en  revenir  ^êc  celle  d'Alexandre  V.  qui  défendoit  de 
prêcher  l'Evangile  à  Prague ,  excepté  dans  les  Eglifês  Cathedra-- 
les ,  Paroiffiales,  Collégiales,  &  (feins  les  Cloîtres. 

i.  Dans  cet  Ecrit  des  huit  Docteurs,  on  tâchoit  de  rendre1 


DE    PISE      Lrv.       VI.  147 

Jean  Mus  fufpecl: ,  d'être  de  la  Se  fie  des  Arméniens  qui  ne  s'ap- 
puyent  que  fur  l'autorité  de  l'Ecriture  ,  &  non  fur  celle  de  l'Eglife  , 
&  des  Saints  Doileurs  approuvai) ,  parce  qu'il  avoit  demandé 
qu'on  lui  prouvât  la  vérité  des  Bulles  par  des  textes  de  la  Bible , 
&non  par  des  raifons  fpecieufes.  Jean  Mus  répond  à  cela  que 
le  fbupçon  d'Armenianisme  tombera  aufli  fur  Saint  Auguftin  , 
Saint  Jérôme  &  Saint  Grégoire  ,  qui  n'ont  point  reconnu  d'autre 
fondement  de  la  foi  que  l'Ecriture  Sainte.  On  tiroit  encore  de 
cette  même  théfe  de  Jean  Hus  ,  une  conféquence  bien  capa- 
ble de  le  rendre  odieux.  //  voudroit  par  là  ^difent  les  huit  Doc- 
teurs 3  induire  dans  une  très-grande  erreur.  C'eft  qu'il  ne  faut  pas 
,croire  }.&  obéir  aux  Lettres  patentes  des  Tapes ,  des  Empereurs  , 
des  Rois  ,  des  Princes  &  des  autres  Supérieurs  ,fi  elles  ne  font  fondées 
fur  l'évidence  &  fur  la  force  des  raifons  ice  qui  tend  à  bouleverfer 
toute  lafocièté.  Mais  Jean  Hus  intrépide  à  cet  argument  fi  pro- 
pre à  infpirer  de  la  terreur  ,  foutient ,  par  l'exemple  des  Macca- 
bées ,  qu'il  ne  faut  point  obéir  aux  ordres  des  Princes  féculiers , 
ou  ecclefiafliques  ,  quand  ils  font  contraires  à  ceux   de  Dieu. 
»  Delà  manière  dont  parlent  ces  D odeurs ,  dit-il ,  fi  le  Pape, 
»>  ou  le  Roi  leur  commandoit  de  tuer  tous  les  Juifs  de  Prague, 
»&.s'il  leur  fourniflbit  des  troupes  pour  cela  ,  ils  ne  feroient 
m  nulle  difficulté  d'obéïr  à  un  pareil  ordre  ,  fans  fe  mettre  en 
»  peine  s'il  elt  conforme  à  la  Loi  de  Dieu  3  d'autant  plus  que 
r>j  les  Juifsnereconnoi0antpasjefus-Chrift,ne  reconnoifïènt  pas 
«non  plus  le  Pape  fon  vicaire.  Tout  de  même  ils  ne  balance- 
35  roient  pas  à  nous  égorger  au  premier  commandement ,  fur  tout 
.»>  à  me  tuer  moi  qui  félon  eux  enfeigne  une  fî  grande  erreur ,  & 
*>fi  pernicieufe  à  la  fociété.  Cependant,  continue- t-il ,  je  ne 
»  croi  pas  qu'il  fût  moins  permis  d'examiner  le  fondement  des 
»  lettres  du  Pape ,  ou  du  Roi ,  qui  ordonneroient  un  tel  mafïa- 
*>  cre ,  que  celui  des  lettres  dÂrtaxerxès ,  qui  par  le  confeil  d'A- 
»  w^ordonnoient  le  mafTacre  de  tous  les  Juifs ,  par  la  raifon  que 
«  ce  peuple  avoit  une  Religion  différente  de  tous  Jes  autres  peu- 
.«pies.»  L'exemple  des  lettres  fanguinaires  du  Sanhédrin  à  Saul 
pour  perfécuter  les  Chrétiens  ,  n'eft  pas  oublié. 

3.  Il  faut  rapporter  ici  toute  entière  une  des  objections  des  huit 
Docteurs ,  pour  mieux  comprendre  les  réponfes  de  Jean  Mus, 
»  Suppofé ,  difent-ils ,  ce  qui  pourtant  eft  impoflible  ,  que  la  Fa- 

(  1)  yideturfe  innuere  effe  de  Sefla  Armenorum  qui  Jolis  autorhatibus  Biblia  ,  Z?  non  aliis  an  florin 
XAtibm  £cc/«/F«  ,  Sanfterumiue probatorum  Deftorttmjlare  vofont.  Opp.  Huf.  Fol.  CCCIY. 


1412, 


t+g  HISTOIRE  DU    CONÇUE 

33  culte  Théologique  pût  montrer  pas  des  raifons  fortes,  claf- 
I4I 2*     »  res  &  tirées  du  texte  de  la  Bible  }  que  les  Bulles  du  Pape  font 
«  manifeflement  véritables  en  tout  ^  cependant  à  caufe  de  iaconi 
«féquence  ,  non  feulement  la  Faculté  de  Théologie  ,  mais  la 
33  Roi,  &fon  Confeil  doivent  regarder  cette  demande  &  çet- 
»?  te  prétention,  comme  folle,  erronée,  comme  un  fubterfu* 
J3  ge  j  &  ne  tendant  qu'à  iéduire   &  à  faire  illufion.  Car  comme 
»  la  prétention  ,  ou  la  demande  de  Jean  Hus  ne  peut  pas  toû- 
»  jours  fubfîfter  ,  elle  pourroit  féduire  les  fimples ,  qui  croiroient 
33  que  la  dodrine  de  Jean  Hus  feroirraifonnable  &  vraye,&  qu'au 
>a  contraire  les  Bulles  feroient  faunes  &  dèraifonnables  3  parce 
33  qu'on  ne  peut  pas  en  rendre  la  raifon.  La  maxime  du  Décret, 
33  fans  autre  raifon ,  fuffit  pour  refufer  à.  Jean  Hus  fa  demande , 
33  ou  fa  prétention.  Si  quelqu'un^  dit  le  Décret.  Difiinïi.  94.  tra- 
verfe  la  Légation  du  Siège  Apoflolique  ,  il  ne  met  pas  obftacle  a  l'a- 
vancement d'unfeul  homme  ynais  de  plufïeurs'->&  comme  il  nuit  à  beau- 
coup de  gens  3  il  faut  auljî  qu'il  encoure  la  cenfurù  publique  ,  &  qu'il 
[oit  privé  de  la  foc  i  été  des  gens  de  bien  '•>  traversant  la  eau  Je  de  Dieu , 
êjp  troublant  l'état  de  l'Eglifc  ,  il  doit  en  être  chajsé  ,  &  /'/  ne  peut  être 
rétabli  3  qu'après  avoir  fait  fatisfaîlion.  33  Que  fi  Jean  Hus  doute 
33  que  le  Pape  puiile  donner  indulgence ,  Ôc  remiiîion  pleniere  de 
33  tous  les  péchez  3  il  fuffit  pour  le  reprimer ,  &.  pour  le  confon- 
33  dre  ,  de  lui  repréfenter  qu'en  cela  il  aime  mieux  s'en  tenir  à 
ssfon  propre,  jugement  j  &  à  celui  d'un  petit  nombre. d'errants  , 
33  adhérer  à  l'héréfie  Vaudoife '3  qu'à  la  foi  de  l'Eglife  Romai- 
33  ne  &:  de  la  Chrétienté  depuis  cent  ans.  Mais  comme  il  feiru 
33  ble  s'approcher  à  cet  égard  de  la  fe&edes   Arméniens  onpeut 
3jfefervir  de  quelques  textes  de. l'Ecriture  pour  appuyerlaFoi. 
D'abord  Jean  Hus  trouve  une  contradiction  groffiére  entre 
le  commencement  de  cedifeours,  où  l'on  fuppofe  qu'il  eft]impo£ 
fible  de  prouver  clairement  la  vérité  des  Bulles  par  l'Ecriture  j 
&;  la  fin  où  l'onpropofe  d'en  alléguer  quelques  textes  pour  l'ap- 
puyer. Panant  enfui  te  au  fond  de  la  chofe  ,il  donne  au  difeours 
de  ces  Docteurs  les  noms  injurieux  qu'ils  avoient  donnez  à  là 
demande  ,  Stil  leur  reproche  que  le  refus  qu'ils  font  de  rendre 
raifon  des  Bulles  du  Pape ,  eft  contraire  à  l'ordre  de  fa int  Pierre , 
d'être  toujours  prêt  à  rendre  compte,  de  fa  foi.  Selon  leur  raifonnement , 
dit-il ,  fi  le  Roi  &  fon  Confeil  avoient  demandé  les  raifons  de  la 
Bulle  ,  ils  auroient  fait  une  demande  erronée  3  folle  &c.  Selon  ce  mê- 
me principe ,  il  ne  faudrait  répondre  9  ni  à  Juif,  ni  à  Payen  3  qui  de- 


DE  PISE.  Liv.    Vf.  14$ 

mander  oit  à  un  Chrétien  la  rai  [on  de  fa  créance.  Pour  réfuter  le  reite 
duraifonnement  des  Docteurs  fur  cet  article  3  il  renvoyé  d'à-  141 2 
bord  au  Chapitre  XVII 1.  de  fon  Traité  de  l'Eglifê  ,  où  expli- 
quant ce  que  c'eit  qu'une  Légation  du  Siège  Apojlolique  3  il  ibiw 
tient  qu'elle  doit  avoir  pour  objet  la  doctrine  ôc  les  corn mande- 
mensdej.  C.&  qu'elle  ne  doit  être  oppofée  ni  à  l'un,  ni  à  l'au- 
tre. Enfuiteil  fait  voir  que  les  Légations  de  y  C.  de  faim  Pierre  , 
dzfaint  Paul,  &.  des  autres  Apôtres  font  fort  différentes  de  celles' 
des  Papes  des  derniers  fiecles.  Ce  font  là,  dit-il  en  parlant  des 
Légations  ,  ou  des  ordres  de  J.  G.  ce  font  là  des  Légations  auf. 
quelles  on  ne  peut  s*  oppo fer  fans  faire  tort  a  toute  l'Egli/e ,  &  ce  font 
auffi  fans  doute  celles -là  dont -parle  la  D  if  in  f lion  94.  du  Décret,  que 
doit  être  appliqué  aux  Légats  de  la  Cour  de  Rome  y  &  non  à  "Jean 
Jius.  On  ne  peut  s'empêcher  de  rapporter  ici  un  long  pafîage 
defaint  Bernard  où.  il  repréfente  à  Eugène  III.  quel  doit  être 
la  caractère  des  Légats  du  Pape.  »  Vous  devez  avoir ,  dit  -il  a 
»  ce  Pape  ,dcs  Légats  qui  ne  loient  point  avides  des  richefïes  j 
»  qui  ne  regardent  point  comme  un  gain  leur  Légation,mais  qui 
>jparoi{Ient  dansleur  défintereiîement  &:  dans  leur  zélé  pour  le 
)>  falut  des  âmes  tels  que  doivent  être  des  Envoyez  de  J.  C.  qui 
»  auprès  des  Rois  revêtent  le  caractère  de  Jean  B-aptifte  ,  avec 
»  les  Egyptiens  celui  de  Moyfe  ,  avec  les  fornicateurs  celui  de 
•^P  binées  ,  avec  les  idolatre^ceiui  d'Elie  ,  avec  les  avares  celui 
»  à?  Eli  fée ,  avec  les  menteurs  celui  de  Saint  Pierre ,  avec  les  blaf- 
»  phémateurs  celui  de  Saint  Paul ,  avec  les  marchands  &:  les 
>j  banquiers  celui  de  J.  G.  Ils  doivent  enfeigner  le  peuple  ,  &norï 
»  le  méprifer  &  l'opprimer  5  ne  point  flater  les  riches  3  ni  crain- 
>s  dre  les  menaces  des  Princes.  Il  ne  faut  point  qu'ils  entrent  dans 
»  les  lieux  de  leur  Légation  avec  de  grolles  efeortes ,  ni  que  leur 
wfortieen  foitformidable  par  leurs  menaces,  ni  qu'ils  depouil- 
»s  lent  les  Eglifes  ,  au  lieu  d'y  apporter  la  réforme.  Ils  doivent 
te  avoir  foin  de  leur  réputation  fans  envier  celle  d'autrui  3  être 
m  aflîdus  à  la  prière,  &:  compter  plus  fur  ce  fecours  ,  que  fur  celui 

53  de  leur  induitrie  &.  de  leur  travail Qu'ils  mettent  leur  glcï- 

3>,renonà  emporter  ce  qu'il  y  a  de  plus  précieux  &  de  plus  rare 
55  dans  les  lieux  où  ils  font  envoyez ,  mais  à  avoir  établi  la  paix , 
33  à  avoir  donné  des  Loix  aux  barbares ,  la  tranquillité  aux  Mo- 
53  nafteres ,  la  Difcipline  aux  Ecclefiaftiques. 

Appliquant  enfuite  tout  ce  palïàge  de  Saint  Bernard  a.  \a.I)iftinc- 
tiony^.  du  Décret  j  il  dit  que  jamais  il  ne  lui  eft  arrivé  de  tra- 

T-iij, 


ï5o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

verferou  d'interrompre  des  Légats  d'un  fi  bon  cara&ere.»  S'il 
>j  étoit  pofllble  qu'il  en  vînt  de  tels  de  la  Cour  de  Rome  en  Bo- 
>3  heme  ,  je  chancerois  avec  beaucoup  de  joye  ce  Cantique  de 
33  l'Eglife  :  Les  Citoyens  des  Afotyes  &  les  Domefiiqucs  de  Dieufonp 
»  arrive  z^aujourd hui  pour  illuminer  la  Patrie  3  donner  la  paix  aux 
33  Nations  &  délivrer  le  Peuple  du  Seigneur.  »  Il  rapporte  après 
cela  une  glofe  fort  curieufe  fur  cette  Difiinclion  94.  je  la  tra- 
duirai ici  mot  pour  mot.  »Bazj ,  dit  Jean  Hus  .,  lifoit  cette  Di- 
»  ftin&ion  en  fe  moquant ,  en  ces  termes  :  Il  eft  vrai  que  celui  qui 
«empêche  ou  qui  trouble  une  Légation  du  Siège  Apoftolique? 
55  met  obftacle  à  l'avancement  3  non  d'un  feul  Cardinal ,  mais  de 
>3  fa  maifon  ,  de  fa  famille  ,&  de  fes  parens  &ç.  Que  BazJ  ,  die 
«  Jean  Hus  3  ait  rapporté  cette  glofe  en  fe  moquant ,  ou  qu'il  ait 
»  parlé  fèrieufement ,  il  a  dit  la  vérité.  On  peut ,  continue-t-il , 
>5  prouver  cette  vérité  par  plufieurs  Légations  .,&;  en  particulier 
3j  par  celle  du  Cardinal  que  Boniface  IJf.  envoya  en  Hongrie 
*3  pour  dépofer  Sipsmonddç  ce  Royaume,  &  mettre  Ladijlas  Roi 
si  de  Naples ,  en  fa  place.  Ce  Cardinal  fut  chafle  ,  &  honteufe- 
55  ment  renvoyé  au  Pape  avec  fes  Bulles  ,  parce  qu'il  avojt  trou- 
55  blé  l'état  de  l'Eglife  en  Dalmatie&en  Hongrie. 

4.  Après  s'être  expliqué  contre  les  Indulgences  ,  àpeu  près 
comme  il  avoit  déjà  fait  ailleurs  3  il  répond  à  un  argument  donc 
les  Dodeursfefervoient  pour  les  foutenir.  C'efr.  que  pujfqu'un 
Prêtre  a  reçu  de  J.  C.  le  pouvoir  de  délivrer  les  petits  enfans  de 
la  peine  &  de  la  coulpe  en  leur  administrant  le  Baptême ,  il  s'en, 
fuit  de  là  que  le  Pape  ,  en  vertu  de  la  plénitude  de  fa  puifTance  , 
peut  abfolument  donner  la  remiffion  des  péchez  (1).  A  l'égard 
du  principe,  il  dit ,  appuyé  de  l'autorité  defaint  Cbryfoflome^  qu'il 
faudroit  être  aiïuré  que  le  Pape  qui  donne  ces  Indulgences,  a 
toutes  les  qualitez  qu'on  lui  attribue ,  qu'il  n'eft  pas  un  faux 
Chrifl ,  &  un  finge  de  J.  C.  au  lieu  de  refïembler  à  Jean  Bap~ 
ti/ïe  qui  lui  adminiftra  le  Baptême.  Il  nieenfuite  la  conféquence 
de  la  remiffion  des  péchez  accordée  aux  petits  enfans  par  le 
Baptême,  à  la  remiffion  des  péchez promife  par  les  Papes  dans 
des  Indulgences,  qu'ils  vendent  à  beaux  deniers  comptans  ,  &: 
pour  exterminer  le  monde.  Les  Docteurs  difoîent  eacore  qu'à 

(l)  Igitttr  Papa  hahens  capitaliter  ,  font  aliter  &  alvealiter  plenitadinem  Ecclefiaftiae  potefiatisg 
erdinis  c  judicii  ,  ut primus  ©*  fupremus  univerfalii  ficarim  J.  C.  quoad  officium  ordinis  Çf  judi- 
cii potejl  donare ,  nedum  parti  aliter  >/ed  in  toto  C  ttniverfaliter  indulgentias  <?*  remijjiones  omnium 
peccatorum.  0pp3  H»f,  T.  I.  Fol.  CCCVL 


ÈE   PISE.    Liv.   VI  tfl 

l'exemple  de  Moyfe  qui  fie  tuer  vingt  -trois  mille  (i)  deslfraëli- 
tes  par  les  Lévites  ,  le  Pape  peut  demander  des  fubfides  tempo-   I4I 2  » 
rels  pour  défendre  l'état  &  les  biens  de  l'Eglife  ,  le  Siège  Apo- 
ftolique  ,  la  Ville  de  Rome  6c  fcs  appartenances ,  pour  tenir  en 
bride  fès  ennemis ,  les  punir  corporellement ,  les  exterminer  ,  &t 
leur  faire  fouftrir  le  dernier  fupplice.  Jean  Hus  fe  fert  de  plu- 
sieurs diftindions  pour  répondre  à  cet  argument.  11  diftingue 
entre  l'ancienne  et  la  nouvelle  ceconomie  ,  entre  une  exécu- 
tion faite  par  un  commandement  pofitif  de  Dieu ,  &  une  exécu- 
tion faite  3  fans  en  avoir  un  ordre  exprès  ,  entre  une  entreprife 
formée  pour  la  caule  de  Dieu  3  &  une  entreprife  que  l'on  ne  fait 
que  pour  fa  propre  caufe  ,.&  de  fa  propre  autorité.  L'applica- 
tion de  ces  diftindions  eft  allez  facile  pour  nous  difpenfer  de  la 
faire  avec  Jean  Hus.  Il  n'oublie  pas  les  vains  prétextes   dont 
les  Papes  fè  fervent  pour  ordonner  des  Croifades&  des  exécu- 
tions fanguinaires  3  c'eftPhéréfie ,  les  hoftilitez  envers  l'Eglife  , 
&  l'excommunication  qui  livre  les  excommuniez  au  bras  fecu- 
lier  ,&;  aux  violences  du  premier  venu.  Ceci  fuffitpour  donner 
une  idée  de  cet  Ecrit  de  Jean  Hus  ,  Se  des  Controverfes  qui  s'a* 
gitoient  alors. 

Ces  Docteurs  étoient  Etienne  P  alet^Staniflas  de  Znoïma  (2)  ,  Principaux 
Pierre  de  Znoïma  3  Jean  d'Helie ,  Jeand'HildefJen  ,  André  Broda  Adverfairet 
(3),  Herman  Ermite  de  Saint  Auguftin3Mathieu  Moïne(Monacbus  <'e-'eanHus" 
de  Aula  Regia.  )  (4)  Jefuisfurpis ,  dit  Jean  Hus ,  que  Staniflas  de 
Znoïma  qui  a  -prétendu  que  ces  huit  Douleurs  compofoient  toute  la 
Faculté  Théologique  de  Prague  ,  les  appellant  notre  vénérable 
Mère  la  Faculté  &c.  ait  trouvé  mauvais  que  Jeflînetz  Dofleur  en 
Droit  Canon  ait  appelle  les  Ecclejiafiiques  du  parti  de  Jean  Hus 
le  Clergé  Ev ange li que  de  Prague  3  puis  qu'il  y  a  autant  de  raifort 
k  l'un  qu'à  l'autre.  Entre  ces  huit  il  y  en  a  trois  plus  connus  que 
les  autres.  Le  premier  eft  Etienne  Paletz^alors  Redeur  de  l'U- 
niverfité  dePrague  :  il  en  eft  fouvent  parlé  dans  YHi/loiredu  Con- 
cile de  Confiance.  Le  fécond  eft  André  Broda  alors  Bachelier  en 
Théologie  à  Prague.  Dès  l'an  1409.  il  avoir  hgnalé  fon  zélé  con- 
tre Wiclef^zx  une  Lettre  à  l'Archevêque  de  &bin.sko  ,  dont  Jeam 

(1)  Selon  la  Vulgate.  L'Hébreu  ,  &  les  autres  Vérifions  n'en  comptent  que  trois  mille,- 
Exod.  XXII.  28. 
(1)  Znoïma  Ville  de  Moravie. 

(3)  Broda  Ville  de  Bohême. 

(4)  Cochlte  y  en  joint  quelques  autres,  -   . 


fryi  HISTOIRE    DU    CONCILE 

Cochlce  a  rapporté  une  partie  (a).  Le  même  Hiftorien  témoigne 
141 2-    que  Jean  Mus  avoit  tâché  inutilement  d'engager  Broda  dans  Tes 

(a)  cochi.  jncerets,  &  rapporte  en  même  temsla  réponïe  du  dernier  fur  cet 
yJ.\6. 17.    article ,  où  entr'autres  l'on  trouve  ces  paroles^  Vous  finiffez^  votre 

lettre  en  difant  que  vous  fouhaitez^de  me  ramener  dans  le  chemin 
de  la  vérité.  Jy  marcherai  toujours  de  toufmon  coeur  3  mai  s  fefpere 
que  Dieu  me  fera  la  grâce  de  ne  jamais  marcher  dans  le  chemin  de 
Wiclef  he.  même  Broda  écrivit  en  141 5.  contre  Jacques  de  Mife ^ 
jou  Jacobel  3  qui  avoit  rétabli  à  Prague  la  Communion  fous  les 
<deux£fpeces.On  parlera  de  cet  Ecrit  de  Broda  dans  VMiftoirc 
du  Concile  de  Confiance.  Le  troifiéme  Docteur  célèbre  entre  ces 
huit ,  c'eft  Stanijlas  de  Znoïma  Profeiïèur  en  Théologie  à  Pra*. 
gue.  Comme  il  mourut  à  peu  prèse-n  ce  tems-ci ,  lorfqu'il  fe  pré- 

(b)  Théo-  paroità  aller  à  Confiance  avec  Paletz^(b)  3  pour  y  pourfuivrç 
sbM.  p.  at.  jCan  Mus  fû.  faut  dire  ici -ce  que  ce  dernier  nous  en  apprend  dans 

un  de  fes  Traitez  contre  lui.  (c)  Jean  Hus  reconnoit  que  Znoïma 
T  r  p'  m'  -fuC^on  Maître  3  &  qu'il  avoir  appris  de  lui  de  fort  bonnes  cho- 
içQLzv.  ^es,  mais  que  l'intérêt  de  la  vérité  l'engagea  d'autant  plus  à  lu-i 
répliquer.,  que  Znoïma  .lui-même  avoit  aurrefois  fou  tenu  les  45-. 
Articles  de  Wiclef  dans  l'Univerfité ,  &:  qu'il  n'avoit  changé  de 
fenriment  que  parles  vexations  delà  Cour  de  Rome(i).  ïl  n'y 
arien.au  relie  .dans  cette  Réplique  de  Jean  Mus  à  Znoïma^  qui 
nJeutdéja  été  dità  peu  près  dansla  réponfe  aux  huit D odeurs , 
àlaré.ferve  de  quelques  faits  hifloriques ,  comme  celui-ci.  C'effc 
que  Stanijlas  Znoïma  expofant  le  fentiment  de  Wiclef  3  s'étoit  ex- 
primé en  .ces  termes.  C'eft  ainfi 3  dit-il ,  que  l'a  expliqué  le  Doc- 
teur Jean  Wiclef  profond  Théologien  &  philo fophe .. .  Cependant 
aujourd'hui  des  gens  moins  ctlairez^que  ce  Doffcur  le  traitent  d'hé- 
rétique Ik-dcflus  3  <&  diffament  fes  Ouvrages  fins  p  enfer  que  quand 
même  il  fe  feroit  trompé  en  cela  ^n  ne  laifje  pas  de  cueillir  de  très- 
belles  rofej  entre  des  .èpints.  Non  feulement  Staniflas  de  Znoïma 
avoit  fait  en  général  l'éloge  de  Wiclef  3  mais  il  étoit  même  en- 
Ijrç  dans  fes  fentimens  fur  de  fujet  de  l'Euchariftie  ;  fçavoir  qu'on 
n'eft  point  obligé  à  croire  comme  une  doctrine  Catholique  que 
dans  ce  Sacrement  le  pain  fcfje  àïétr£  pain  ,  &  que  les  accidents  y 
fubfflent  fans  fujet ,  ce  qui  étoit  la  doctrine  de  Wiclef  que  Znoïma 
ayoit  traitée  depuis  d'héréfie  déteftable.  C'efl  ce  que  Jean  Mus 

^1)  Donec  fuit  corn pulf us  ad  feribendum  fu<e  compilation!  contrariant  ,  CS"  donc  c  fuit  à  Sancla  Ro- 
fmana  Curia  vexattts,  ejr  ab  VJo  quem  nu  ne  dicit  efj'e  ca[>ut  Sanilx  C*îl)olic<t  Ecçlefia  3  fpoliatus. 
?<A.  CCLXXXV1II.  &CCLXXX1X. 

lui 


DE    PISE.  Litre  VI.  153 

lui  reproche  en  le  fommant  fur  fa  confcience  de  fe  retrader  ,  &c 
.de  faire  pénicence  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  deux  propofi-    1$12* 
tions  contradictoires  (a).  C'eft  ainli  que  Jean  Hus  fait  tomber    (a)  Jean 
fon  adverfaire  en  plufîeurs  contradictions  fur  d'autres  articles   Hwjubl{lïï>r- 
Comme  il  le  renvoyé  louvent  à  Ion  Traité  de  l'Eglife ,  prononcé 
en  1413-  dans  la  Chapelle  de  Bethléem }  Znoïma  fe  crut  engagé 
.de  réfuter  ceTraité  par  un  iongEcritdont  on  pourra  parler  dans 
Ja  fuite. 

Ce  qu'on  vient  de  dire  tout  à  l'heure  de  Jean  Jcflinctz^  engage 
naturellement  à  parler  du  Faïlum  que  ce  Docteur  en  Droit ,  qui 
croit  en  même  tems  Notaire  ,  fît  fur  la  fin  de  cette  année  ,  en 
faveur  de  jean  Hus.  Mais  pour  mieux  être  au  fait  de  ce  Faclum , 
il  faut  rapporter  ce  qui  eft  raconté  dans  la  narration  du  procès 
•de  Jean  Hus  à  la  Cour  de  Rome ,  qui  fe  trouve  parmi  (es  Oeu- 
vres. Cette  narration  porte  »  qu'après  que  ces  articles  eurent 
-55  été  prouvez  juridiquement  &:  enregîtrez  ,  le  Pape  ordonna 
m  de  prefenter  le  Regître  au  Cardinal  de  Brancas  qui  fit  trai- 
»ner  l'afîaire  près  d'un  an  &  demi  ,  parce  qu'il  ne  vouloit  pas 
o>  cafïer  la  Sentence  du  Cardinal  '  olo?nnt  ,  quoi  qu'il  en  fut  in- 
iîflamment  f  jllicitépar  les  Procureurs  &  par  les  Avocats  qui 
»en  avoient  ordre  du  Pape.  Mais  bien  loin  de  leur  faire  juftice, 
«  il  leur  défendit  de  fe  plus  prefenter  devant  lui  pour  cette  af- 
faire,  parce ,  difoit  il,  que  le  Pape  ne  vouloit  pas  qu'il  les  écou. 
»  tat  davantage  ,&  il  en  fit  même  emprifonner  quelques-uns. 
^Cependant  ces  Procureurs  s'étant  retirez  de  la  Cour  dont  ils 
»  ne  pou  voient  plus  fupporter  les  mauvais  traitemens  ,  le  Car- 
»  dinal  de  Brancas  ne  laifTa  pas  de  paffer  outre  ,  Se  de  confirmer 
m  la  Sentence  du  Cardinal  Colomne.  C'eft  de  cette  injufte  Sen- 
te tence  que  font  émanées  plufîeurs  injuries  exécutions  à  Prague. 
3o  Car  on  y  a  excommunié  les  Domeftiques  &  les  Ecoliers  de 
»  Jean  Hus.  On  y  a  mis  l'interdit  fur  la  ville  de  Prague  ,  &  fur 
m  d'autres  lieux  du  Royaume  de  Bohême. O  y  a  déclaré  Jean  Hus 
«  héréfiarque  ,  quoi  qu'il  n'eût  été  entendu  ,  ni  convaincu  d'hé- 
«  réfie. Toutes  procédures  contre  le  Droit ytk  contre  les  Déci- 
»  fions  de  l'Eglife }  puifque  ,  quand  même  le  Cardinal  de  Bran- 
5j  cas  auroit  eu  ordre  du  Pape  d'aggraver  la  Sentence  du  Car- 
«5  dinal  de  Colomne ,  il  n'auroit  pas  dû.  le  faire ,  »  Jean  Hus  ayant 
.appelle  de  tous  ces  griefs  au  Concile  Général  qui  devoir  bien- 
tôt s'alfembler  3  &  qu'il  ne  pouvoit  pas  pafTer  pour  opiniâtre  , 
axx  contumace  n'ayant  rien  négligé  pour  fe  juftifier ,  ni  à  Rome , 
Tome  II.  Y 


154  HISTOIRE  DU  CONCILE 

ni  à  Prague  (a).  Il  s'agifToit  donc  dans  ce  Facium  de  faire  voir 
(a)Opp.  que  l'excommunication  de  Jean  Hus  par  Jean  XXI 11.  étant 
Huf.r.  i.p.  ïnjufte  3  celle  de  tous  ceux  qui  n'avoient  pas  laiffë  d'entretenir 
^t>XXViI'  communion  avec  lui ,  l'étoit  aufïi.  Il  établit  les  cas  où  l'excom- 
munication effc  nulle,  6c  on  peut  appliquer  tous  ces  cas  à  celle 
de  Jean  Hus.  i.  Quand  la  Sentence  d'excommunication  efi  portée 
après  un  appel  légitime.  Jean  Hus  avoit  appelle  canoniquement, 
2.  Quand  il  y  a  dans  la  Sentence  d'excommunication  une  erreur  into- 
lérable ,  comme  de  défendre  ce  qui  efi  commandé  3  ou  de  commander 
ce  qui  efi  défendu  par  la  loi  de  Dieu-  Jean  Mus  prétendoit  qu'on 
luidéfendoit  de  prêcher  l'Evangile }  6c  qu'on  vouloir  qu'il  prê- 
chât l'anti-  Chri(lianifme.3.i2^^w^  &*  Sentence  efi  portée  par  un 
autre  que  parfon  Ju^e.  Les  Cardinaux  de  Jean  XX11I.  n'étoient 
plus  (es  Juges  ,  puifqu'il  avoir  appelle  juridiquement.  4..  Quand 
on  efi-  excommunié  par  un  C'ommiJIaire  ,  contre  la  volonté  de  celui' 
qui  la  commis.  Les  raifons  que  Jean  Hus  avoit  de  ne  pas  com- 
paraître, ayant  été  trouvées  légitimes  par  les  Commiflaires  de 
Jean  XXI 11.  le  Cardinal  Colomnen'ézok  plus  en  droit  de  l'ex- 
communier pour  n'avoir  pas  comparu.  5.  Quand  le  Prélat  ex- 
communie contre  les  Privilèges  de  l'excommunié.  Ceci  regarde  l'exw 
communication  de  Sbinko  contre  Jean  Hus,  qui  étoit  illégiti- 
me ,  l'Uni  ver  fité  de  Prague  dont  Jean  Hus  étoit  membre  y 
étant  privilégiée  ,  6c  exempte  de  la  Jurifdiction  de  l'Arche, 
vêque. 

Après  avoir  ainfi  établi  par  les  principes  du  Droit  Canon  en- 
quels  cas  l'excommunication  eft  jufteouinjufte  ,  il  fait  l'applica- 
tion de  ces  principes  à  Jean  Hus.  11  dit  que  toutes  les  procédures 
qu'on  a  tenues  à  Rome  dans  l'excommunication  de  Jean  Hus 
étant  téméraires  6c  contraires  auDroit^fon  excommunication  eft 
injufte,6c frivole, 6c  que  par  conféquent  elle  n'a  point  du  em- 
pêcher qaon  n'entretînt  communion  avec  lui.  Pour  le  prouver 
plus  particulièrement  il  allègue  le  Canon  du  Concîle  général 
d'Innocent  111.  qui  porte  ,  que  ?  excommunication  doit  avoir  des 
caufes  manifefies  &  raifonnables.  Ce  qui  ne  fe  trouve  point  dans 
la  raifon  alléguée  de  l'excommunication  de  Jean  Hus  ,  favoir 
qu'ayant  été  cité  par  le  Pape  ,  il  n'avoir  point  comparu.  Car , 
dit  il ,  il  eft  de  notoriété  puplrque  ,que  le  Roi ,  la  Reine  3  le  Confeil 
du  Roi ,  les  B  irons  de  Bohême ,  &  de  Moravie  ,  les  Communauté^ 
des  Villes  de  P raque  ,  ont  écrit  à  diverfes  fois  en  Cour  de  Rome  , 
'pour  demander  par  des  raifons  très* légitimes  ,  qu'il  fût  difpenfè  Je 


DE  PISE.  Liv.    VI.  155 

comparoitre.  Ces  Lettres  ,  dit-il  ,  ont  été  lues  dans  des  Con- 
iiftoires  publics  par  des  procureurs  de  Avocats  de  la  CourRo-  't1-' 
maine  ,  &  ces  raifons  jugées  légitimes  ,  àc  comme  telles  enre- 
gîtréesenpréfence  des  Cardinaux  ,  &;  en  particulier  en  préfen- 
ce  du  Cardinal  de  Florence  l'un  des  CommilTaires ,  qui  en  prou- 
va la  validité  par  témoins. 

Il  foutient  enfuite  que  les  raifons  qui  rendent  l'excommuni- 
cation de  Jean  Mus  illégitime  ,  ont  la  même  force  pour  dif. 
culperceux  qui  n'ont  pas  ceiTé  de  communiquer  avec  lui  mal- 
gré cette  excommunication  ,  &  il  ajoute  encore  une  autre  rai. 
ion  en  leur  faveur.  C'effc  que  ,  même  dans  une  excommunication 
jufie  riltfc(l  pas  permis  félon  le  Droit  de  fufpendre  3  interdire  ,  ex- 
communier ceux  qui. participent  avec  un  excommunié  ,  fans  qtfily 
ait  eu  auparavant  une  monition  canonique  ,  ou  les  participans  foient 
jexprejjément  nommez^  &  ,oàon  leur  ait  donne  un  terme  compétent , 
four  obéir  à  cette  monition  yen  forte  qu'il paroijle  manifefiement  quyil$ 
n'ont  refufé  d* obéir  que  far  rébellion  ;  d'où,  il  conclut  qu'on  n'a  pas 
dû  excommunier  les  adhérants  de  Jean  Mus ,  puifqu'on  ne  les 
a  délignez  qu'en  général ,  &  qu'ils  n'ont  été  nommez  ,  ni  aver- 
tis canoniquement.  Beaucoup  moins ,  concinue-t-il  ,  devoit-on 
excommunier  les  Domeftiques,  depuis  que  ,  félon  le  Droit  natu- 
rel &  civil ,  &  félon  les  Canons  ,  /'/  efi  permis  aux  femmes  ,  aux 
jtnfans  ,  aux  Efclaves  ,  &  aux  Payfans  ,  aux  Servantes  de  fe  tenir 
avec  leurs  Maîtres  excommunie^  &  de  leur  rendre  leurs  offices  or- 
dinaires. Je  voudrois  bien  favoir  de  quel  droit  nos  Prélats  ,  qui  ne 
font  que  fîmples  exécuteurs  d'une  Sentence  déjà  fort  injufte  en  elle- 
même  _,  ont  entrepris  de  chanter  contre  Jean  Hus ,  les  hymnes  de  l'E- 
glife  contre  le  traître  Judas  ,  &  d?  élever  contre  lui  la  Croix  comme 
en  fait  contre  les  Payens  >les  Jnfidelles  qui  occupent  la  Terre  Sainte^ 
contre  les  ennemis  de  J.  C.  ô*  contre  des  Hérétiques  déjà  convain- 
cus,  &  déjà  condamnez.  Au  lieu  de  fe  contenter  de  leur  commijjion  9 
ils  y  ont  ajouté  de  nouvelles  menaces  de  leur  chef,  fans  aucun  égard 
à  l'appel  au  Concile  général  qui  doit  fe  tenir  ,  &  contre  la  difpo- 
Jïtion  du  Droit  yqui  veut  qu'on  prenne  une  Sentence  dans  le  fens  le 
plus  favorable ,  &  qui  défend  d' en  étendre  malicieufement  la  rigueur. 
Après  avoir  représenté  ces  excès, il  veut  bien  rendre  cette ju- 
Itice  aux  Cardinaux  déléguez  du  Pape  dans  cette  caufe  ,  qu'ils 
n'ont  point  été  commis  par  leur  ordre ,  mais  qu'ils  ont  été  écrits 
àleurinfu  par  quelque  Notaire  corrompu  par  l'argent ,  &  par 
les  préfens  d'un  infâme  inftigateur ,  &;  par  des  pourceaux  engraif- 

Vij 


i! 


156  HISTOIRE  DU  CONCILE 

fez^en  Bohême.  Ce  font  les  termes. 

.1412.  •  -q  £ajc  remarquer  en  parlant  que  Jean  JTJflIl.  en  a  ufé. 
autrement  à  l'égard  de  Grégoire  ^JJ.  àc  de  Benoit  JfJII.  con- 
damnez par  le  Concile  de  Pife ,  leur  ayant  donné  du  terme ,  & 
toutes  les  furetez  néceflaires.  Il  allègue  encore  pour  exemple , 
la  modération  du  même  Pape  envers  les  B.oulonnois  ,quiavoienr/ 
emprifonné  &.  dépouillé  de  toutes  choies  le  Cardinal  de  Na- 
ples  Ton  Légat  ,  démoli  le  Palais  Pontifical  &;  révolté  la  Ville 

(a)  Voyez  concre  l'Egrlife  (a).  »  Par  cette  conduite,  dit-il ,  ils  étoient  ex. 

cette  leui-  o  *    y  7 

tiondansie  »  communiez  ipfo  faîio  ,  infâmes  a  perpétuité,  privez  de  tous. 
Liv.  prées-  „  Offices  &  Dignitez  ,  &  la  Ville  devoit  être  mife  à  l'interdit. 
v>  Cependant  le  Pape  par  un  principe  de  clémence  ,  &  pour 
)3  éviter  les  grands  fcandales  qui  en  pourroient  arriver,  a  mieux 
»  aimé  fermer  les  yeux  à  cette  rébellion-,  que  de  la  punir  felon> 
53  la  rigueur  du  Droit.  A  plus  force  raifon  devroit-il  fe  relâcher 
33  dans  cette  occafîon  ,  où  il  y  va  de  l'intérêt  du  Royaume  de- 
33  Bohême ,  du  Marquifat  de  Moravie ,  &  de  tant  de  Villes  con- 
33  iiderables  qui  font  dans  le  parti  de  Jean  Mus ,  d'épargner  le 
33  fang  d'une  infinité  de  Chrétiens,  &;  d'éviter  les  maflàcres  ,& 
33  les  tueries  inévitables  dans  ces  émotions. 

ll.four.ient  fur  tout  que  l'Archevêque  de  Prague,  comme  Ju- 
ge ordinaire  &  naturel  ,  eft  obligé  de  s'oppoferà  ces  excès  des- 
CommifTaires ,  puifque  félon  le  Droit  Canon ,  l'Ordinaire  peut 
abfoudre  de  la  Sentence  du  ^iége  Apoftolique  ,  quand  elle  eft 
injufte  ,&  quand  le  prévenu  n'a  pu  comparoître  pour  fe  défen- 
dre ,  fans  fe  mettre  en  danger  de  la  vie.  n  Cet  Archevêque  ,  dit- 
33  il  ,  eft  d  autant  plus  en  droit  de  le  faire  ,  qu'il  ne  s'eft  trou- 
33  vé  perfonne  qui  ait  été  convaincu  d'erreur  ni  d'héréfîe  en- 
33  Bohême  ,  comme  il  fut  déclaré  par  le  feu  Archevêque  Sùinko 
33  de  fainte  mémoire  ,  Ôfpar  les  Princes  &  Barons  qui  /è  trou- 
53  verent  à  cet  Acte  ,  lequel  fut  ligné  par  l'Evêque  d'Olmutz^ 
5»  maintenant  Ad  miniftrateur  de  l'Archevêché  de  Prague,  qui 
«  y  étoit  préfent  (1).  Mais  ce  Prélat  eft  toujours  obfedé,  comme 
'Ovp.Huf.  "  î'éjoit  SUnko  ,  par  certains  Prélats  qui  l'empêchent  de  s'op- 
T.r.  Foi.  53  pofer  aux  mauvais  defîeins  des  ennemis  de  Jean  Htis ,  &  de 
Lxxxvii.  „  fLUvre]a  maxime  du  Droit  qui  aflujettit  à  la  même  peine,  Se 

(i"\  On  a  vu  dans  le  Livre  précèdent  cette  convention  faite  en  oréfence  &  par  î'entre- 
mife  du  Roi  de  Bohême,  de  Sbyakp  ,  du  Patriarche  à'Antiedi  de  l'Evêque  d'Oirr^n  , 
de  Frédéric  Electeur  de  Saxe ,  de  l'Ainbafladeur  de  Sipfmoni  en  Bohême  ,  de  1  Uniyerfîté  & 
des  Villes  de  Pragues ,  de  quantité  de  Barons  &de  Gentilshommes. 


DE  PISE.   Liv.   VI.  157 

«  ceux  qui  font  du  mal ,  &  ceux  qui  y  donnent  leur  confente- 
»  mène  ,  ou  qui  n'empêchent  pas  de  le  commettre  ,  quand  ils  I412'* 
>j  en  ont  le  pouvoir.  »Par  toutes  ces  raifons,  il  fupplie  l'Arche- 
vêque ,  par  la  gloire  de  Dieu  ,1e  fàlut  du  peuple,  la  paix  du 
Royaume  5l'accroiflement  delà  vérité  8c  de  la  juftice  ,  de  re- 
médiera tous  ces  defordres  en  ordonnant  ce  qu'exigent  l'hon- 
nêteté ,  l'équité  3  l'utilité  publique  en  pareil  cas  ,  en  levant  l'in- 
terdit delà  Ville  de  Prague  ,  &  en  permettant  la  libre  prédica- 
tion de  la  parole  de  Dieu ,  à  quoi,  dit- il ,  les  Ordinaires  font 
d'autant  plus  obligez  ,  que  ne  pouvant  vaquer  eux  mêmes  à  la 
prédication  à  caufe  de  leurs  grandes  occupations,  &  de  la  valte 
étendue  de  leurs  Diocefes  _,  ils  doivent  pourvoir  les  Eglifes  de 
Miniftres ,  qui  en  foient  capables,  6c  qui  foient  puiffants  en  œu- 
vres ôc  en  paroi  es.  On  verra  la  fuite  de  ces  troubles  &  de  ces 
difputes  l'année  prochaine.  Paftons  aux  autres  affaires  de  l'Eglife 
dans  celle-ci.. 

XIX.  Tean  XXI'IÎ.  n'étoit  pas  tellement  occupé  à  fe  main-  Ex^aionsdè 

r       r\  »-i  r      j  ai-  1  de  Jean 

tenir  contre  les  Concurrens ,  qu  11  ne  le  donnât  bien  des  mou-  xxin. 
vemens  pour  régler  les  autres  affaires  de  l'Eglife  Se  les  fîennes 
propres  dans  l'étendue  de  Ton  Obédience.  Mais  au  lieu  de  fe  la 
rendre  favorable  par  de  bons  traitemens,  il  fembloit  qu'il  n'eût 
pour  but  que  de  s'en  faire  haïr ,  tant  il  étoit  ingénieux  en  moyens 
de  furcharger  [es  Sujets.  On  avoit  efperé  à  Rome  que  cette  Ville 
fèroit  beaucoup  foulagée  par  le  Traité  qu'il  avoit  fait  avec  Zœ- 
àijlcis.  Car  on  s'étoitfîaté  qu'il  viendroit  de  Sicile  &  du  Royau- 
me de  Naples  du  vin  ôc  d'autres  denrées  en  fi  grande  abondan- 
ce ,  que  delong-temson  n'y  manqueroit  de^àen  3  &;  qu'il  n'au- 
roitplus  de  prétexte  démettre  de  fi  gros  impôts  fur  cette  Ca- 
pitale. Mais  ion  avarice  augmentoit  à  mefure  qu'il  faifoit  des- 
acquifitions.  J'en  donnerai  ici  quelques  traits,  tirez  d'un  témoin; 
oculaire  ^  c'elt  Thierri  de  ~Niem  Secrétaire  Apoftolique. 

Il  rapporte  que  toutes  voies  lui  étoient  indifférentes  pour 
amafler  de  l'argent.,  2c  qu'il  n'épargnoit  pas  même  les  Romains 
&  ceux  de  fa  Cour ,  qu'il  croyoit  le  mieux  en  état  de  conten- 
terfon  avidité^bcaucoup  plus  que  fes  befoins.  C'eft  dans  cette  vue 
qu'il  manda  un  jour  quelques-uns  des  plus  notables  de  fes  Offi- 
ciers ,  comme  des  Protonotaires  ,  des  Référendaires  ,  des  Scrip- 
teurs&  Abbreviateurs  de  Lettres  Apoftoliques  ,  pour  aller  fom- 
mer  un  certain  nombre  de  Cardinaux  de  contribuer  à  cette  col- 
k&e  fous  le  prétexte  fpecieux  du  bien  de  TEglifcIl  falloir  don- 

Viij 


î3§  HISTOIRE    DU  CONCILE 

ner  bon  gré  malgré  ,  parce  qu'il  ne  leur  permettoit  point  de  fe 
14.12,  retirer  qu'ils  n'euilent  délié  la  bourfe.  Il  en  ufa  de  même  à  Pé- 
gard  des  CitoyensRomains  ,dont  il  extorqua  de  grofïes  fammes, 
mettant  même  quelques-uns  d'eux  en  prifbn  jufqu  a  ce  qu'ils 
eufïent  fourni  leur  contingent.  11  chargea  encore  la  Ville  de 
divers  impôts  fort  onéreux.  On  fe  plaignit  particulièrement  de 
ceux  qu'il  mit  fur  le  vin  &:  fur  les  grains  ,  qu'il  rendit  par-là 
d'une  cherté  exceffive  (1).  Il  vouloir  aufli  rançonner  les  Ani- 
fans  en  mettant  une  taxe  fur  leurs  ouvrages  j  mais  il  fut  obligé 
de  retrader  cet  ordre,,  parce  que  les  Ouvriers  ne  vouloient  plus 
travailler.  Il  fallut  tout  de  même  fupprimer  l'Edit  pour  changer 
lamonnoye  Jqs  Marchands  ne  voulant  pas  recevoir  les  nouvel- 
les efpéces,&  ayant  fermé  leurs  boutiques.  Il  ne  bornoit  pasfes 
exaclions  à  la  ville  de  Rome  3  il  fatiguoit ,  félon  le  même  Au- 
teur (z) ,  divers  Royaumes  ôc  diverfes  Provinces  par  la  publica,. 
tion  de  (es  Indulgences  ,  &  par  l'avidité  infupportable  de  fes 
Quêteurs ,  tant  Ecclefîaftiques  que  Séculiers.  Quoiqu'il  levât 
ces  fommes  fous  des  prétextes  pieux,  il  lesemployoit fouvent 
à  des  dépe.nfes  qu'il  ne  faifoit  que  pour  contenter  fés  caprices. 
En  voici  une  ailez  fînguliere.  il  fit  réparera  grands  frais  les 
(a)  Antkjui  murs  de  Y  ancien  Beur^  de  Saint  Pierre  (a.)  ,  &  il  y  pratiqua  un 
£»TgiSanfli  chemin  dérobé  5  pour  aller  fans  être  vu,  de  fon  Palais  juiqu'au 
nLw.  Château  Saint  Ange ,  &  pour  y  faire  conduire  fecretement  les 
ubi  /,fr.  gens  qui  lui  étoientfufpe&s.  C'eft  dans  Penceinte  de  ces  vieux 
murs  qu'etoit  un  édifice  qui  fer  voit  autrefois  à  enfermer  les  fem- 
mes adultères  &.  les  courtifannes  publiques ,  dont  la  plupart  y 
étoient  nourries  dfe  aumônes  des  particuliers  (3). 

ZadiJIas  &  {qs  Sujets  ne  furent  pas  moins  trompez  que  les  Ro- 
mains dans  les  efperances  qu'ils  av oient  conçues  de  ce  Traité. 
La  liberté  du  commerce  étant  rétablie 3  les  Napolitains  fè  flat- 
eoient  de  pouvoir  vendre  leurs  vins  Scieurs  autres  marchandi- 

(1)  Et  fuentnt  tttnchoîtenâxGàbcllx  in  tube pradifta  ,  pot-fjîme  devlno.  Et granum  tam  care 
vendebatur  ,  itaf  qitod  pro  peamiaetiam  rubrum  pro  novem  florenis  Romanis  ,  abfjue  partium  im- 
joriunitate  vix  reperiebatur  vmaie.  Qualem  menfuram  vidi  pro  uno  floreno  in  eadem  urbe  di- 
verfn  temporibus  venundari.  Theod.  de  Niera,  fit.  Johan. XXIII.  p.  $6f.  370. 

(2)  Multas  etiam  tune  temporis  in  diverftsregnis  O1  provinciis  fut  Qbedientie  Indulgent! as ,  çy 
peccatorum  remiffiones  vénales :,  per  aliquos  avidos  fuos  Quseûuarios  5  Clencos  &  Laicos,pro 
exigendii pecuniis  fecerat  pubiicari.  Niem  ubijupr.  p.37  1 . 

(3)  In  illo  mttro  feu  meatu  confueverunt  olim  ad  perpetuam pœnitentiam  agendam  includi  adulter* 
C7*  ait*  public*  pecatri ces ,  aliquœ  ipfarum  videlket  invité  ,  ac  aliœvoluntarii  ,  mult&que  dtfidt* 
liam  eleemo/ynis  fitjiçinabantttr  toto  tempore  vit*  fut,  Niem.  ubi. Jttpr,  p.  371.  37a, 


DE   PISE.  Lit.  VL  î?9 

fcs  à  Rome  ,  &  le  Roi  de  fon  côté  comptoit  que  le  profit  qu'ils 
feroient  par  ce  débit  les  mettroient  mieux  en  état  de  payer  1412. 
les  tailles  ôc  les  autres  fubfides.  Mais  le  Pape  haïuTa  tellement 
Yaccifedes  vins  étrangers,  que  les  Marchands  ne  voulaient  plus 
rien  envoyer  à  Rome  ,  parce  qu'iis  gagnoient  plus  à  débiter  leurs 
marchandifes  dans  le,  pais.  Ladijlasde  fon  côté  pour  rendre  la 
pareille  au  Pape  ,  défendit  fous  de  grofîès  peines ,  de  tranfpor- 
ter  du  vin  à  Rome,  &  rehaïuTa  la  gabelle  de  deux  ducats  d'or 
pour  chaque  tonneau  ,  en  forte  que  l'impôt  excedoit  le  prix  du 
vin.  C'eft  ainfi  que  LadijlashL  Baltafar  étoient  la  dupe  de  l'a- 
varice l'un  de  l'autre.  Le  même  Auteur  raconte  qu'il  y  avoic 
entre  eux  un  Traité  fecret  que  tous  ceux  qui  a  voient  été  pour- 
vus de  Bénéfices  par  Grégoire  JTII.  feroient  déformais  obli- 
gez à  foliiciter  à  Rome  de  nouvelles  provifions.  Le  Papes'ima- 
ginoit  d'ailleurs  qu'il  difpoferoit  à  fon  gré  des  Archevêchez  _, 
Evêchez  3  Abbayes  ,  Prélatures  &  autres  Bénéfices  dans  le 
Royaume  de  Naples,  &  qu'il  pourroit  en  revêtir  ceux  qu'il 
voudroit  pour  de  l'argent.  Mais  il  fut  bien  furpris  de  ne  voir 
venir  à  Rome  pendant  trois  mois  aucun  EcclefïatHque  ni  aucun 
Séculier  demander  de  nouvelles  provifions.il  fè  brouilla  d'au- 
tre côté  par  la  même  avarice  avec  le  Gouverneur  de  la  Ville, 
qui  étant  dans  les  intérêts  de  Laâijlas  ,  faifoit  une  guerre  ou- 
verte au  Pape,  pour  fe  mettre  lui  èc  fon  monde  à  couvert  des 
infultes  qu'ils  en  foufTroient  tant  dans  leurs  perfonnes  que 
dans  leurs  biens.  C'étoient-là  des  femences  fecretes  d'une  guer- 
re qu'on  verra  éclater  l'année  prochaine. 

XX.  Il  y  avoit  long-temps  que  les  Papes  étoient  en  pof-   Boio^nen- 
feffion  de  gouverner  Bologne  iurnomméela  Grafle  .  par  un  Lé-  e,?""!ï?eat,ee 
gat  ou  Vicaire  ,  qui  ordinairement  etoit  un  citoyen  Bolonois. 
JEnea*  Sylviuso.  donné  à  cette  Ville  le  cara&ere  d\  tre  moins 
propre  à  entretenir  les  Sciences  que  les  [éditions  (2).  En  effet  l'hiil    (a)  /£«. 
roire  efl:  pleine  de  fes  remuemens ,  tant  pour  conferver  fa  liber-  4to,EuI?P>" 
té  ,  que  pourfecouerle  joug  de  la  tyrannie  Papale.  C'eftcequi 
arriva  eni37<.fous  Grégoire  J^J.  dont  les  Boulonois  chalïerent 
le  Légat  Guillaume  de  Nouillet  Cardinal  de  Saint  Ange ,  ne  pou-  ' 
vant  fouffrirla  dureté  de  fon  gouvernement.  Ce  Cardinal  leur 
promit  vainement  le  pardon  de  ce  qu'il  appelloit  leur  révolte , 
s'ils  vouloient  rentrer  fous  l'obéïfTance  du  Pape.  Ils  répondirent 
vigoureufement  qu'ils  foufFriroient  plutôt  les  dernières  extrémi- 
tez  3  que  d'avoir  des  maîtres  aufli  avares  3  aujji  fuprbes  Se  auffl 


%4o  HISTOIRE  D-U  CONCILE 

infolents.  Le  Légat  irrité  de  cette  réponfe  les  menaça  de  ne  point 
2     quitter  le  païs  qu'il  n'eut  lavé  [es  pieds  &fes  mains  dans  le  fang  des 
Bolonois.  Paroles  3  -dit  la-deflus  le  Pogge  Florentin ,  quiferoient 
(a)  Pogg.  horreur  même  dans  labouche  d'un  Phalaris(z)\\.s  fe  réconcilièrent 
Hiji.  F/w.p.  pourtant  avec  le  Siège  de  Rome  fous  Urbain  VI.  auquel  ils  de- 
meurèrent conltamment  fidèles ,  malgré  Les  follicitations  de  Ion 
Compétiteur.  Us  ne  fé  montrèrent  pas  moins  affection-nez  à  ce 
Siège  fous  Bomface  IX.  dont  ils  obtinrent  de  grands  privilè- 
ge)^*,   ges  /b).  Cependant  en  140-1.  ils  fecouerent  le  joug  de  ce  Pape, 
an.  1391.    &  donnèrent  le  gouvernement  de  leur  Ville  kjean  Bentivoguo t 
N* 5"         animez  à  cela  par  Jean  Marie  Galeafie  duc  de  Milan  ,  qui  l'en 
Pogg.  h//?,  chafla  lui-même  bien  tôt  après  ,  pour  s'emparer  de  Bologne. 
«r.0r.p.  138.  jyiaisceDucenfut  chafTe  à  ion  tour  en  1403.  par  le  Légat  de 
An.  1401.   Boniface ,  les  Bolonois  étant  rentrez  -fous  (on  obéïflance.  On  a 
n.  9.  An.    VLl  jans  je  ],jvre  précèdent  la  ledition  qu'un    Boucher  excita 
Po°V  ubL    dans  Bologne  ,  d'où  il  fit  chaiïer  le  Légat  de  Jean  XXIII. 
jupr.i<i$.     Comme  ce  Pape  craignoit  de  perdre  les  grands  revenus  qu'il  ti- 
Wv'  ^njr>  rok  de  cette  Ville ,  il  aima  mieux  diffimuler  l'injure  qu'il  en  avoit 
reçuë^quede  lapoulîerà  boutenufantde  toutes  les  rigueurs  du 
Droit  Canon  contre  une  Ville  rebelle.  C'eft  pour  cela  qu'il  y  en- 
voya cette  année  le  Cardinal  Fliskoavçc  plein  pouvoir  de  la  re- 
concilier avec  l'Eglife.  Ce  que  ce  Légat  exécuta  heureufemenc 
(c)  b^ov.   par  Pentremife  de  Jaques  de  l'IJU  qui  avoit  tout^pouvoiriùr  Pef* 
ï412;;    j     prit  des  Boulonois(c). 

rritS*  "-      XXL  L'H isToiRE  rapporte  que  PEmpereur  Sigismond &  les 

wtSigif-     Vénitiens  a  voient  choifi  Jean  XXIII.  pour  arbitre   de  leurs 

lùond.        différens  aufujet  delà  Dalmatie  (d).  Les  Vénitiens  avoientpof- 

fedécette  Province  de  l'Illyrie  pendant  plufieurs  fiecles ,  lors 

qu'au  XIV.  Louis  Roi  de  Hongrie  la  reconquit  fur  eux  ,  comme 

une  dépe-ndance  du  Royaume  de  Hongrie  (e).  On  prétend  que 

£-  «..."T"  depuis  elle  leur  fut  eng-açéede  nouveau  par  Zadijlas  de  Duras 

375.  57^   roi  de  Naples,que  les  Hongrois  appellerent  enHongrie,  en  1403  , 

(z)spend.  à  l'exclufion  de  Sigismond  (  f).  Mais  ce  dernier  étant  allé  en 

an.  135^.    Hongrie  avec  une  nombreuie  armée  en  chafla  Zadijlas  ,    qui 

Num.  xi.    s^en  reCourna  dans  fon  Royaume  de  Naples.  Sipsmond  ne 

\v)-&tov.   fut  pas  plutôt  tranquille  pofïefleur  de  la  Hongrie  qu'il ,  penfa 

an.  1403-     àrecouvrer  la  Dalmatie. ou  à  la  faire  paver  bien  cher  aux  Vé- 

R,ynM.     mnens. 

an.  14.11.        Ce  ne  fut  pas  feulement  Jean  XXI II.  qui  fit  des  tentatives 
&'  6'°        inutiles  pour  terminer  ces  demêlez,le  Roi  dePologne  n'y  fut  pas 

plus 


DE  PISE.  Liv.   VT.  i*t 

plus  heureux  ^  Il  avoit  envoyé  des  Ambaffadeurs  à  Venife  pour 
engager  cette  Republique  à  lui  faire  une  Ambaffade  à  Bude  ,  I4I~* 
afin  d'y  négocier  leur  paix  avec  l'Empereur.  Les  Vénitiens  y  en- 
voyèrent en  effet  François  Mocenigo ,  qui  fut  depuis  Doge  ,  & 
ylntonio  de  Lauredano.  Mais  on  ne  put  convenir  de  rien  dans 
cette  entrevue.  Les  Vénitiens  ne  voulant  rien  céder  de  la  Dal- 
matie  ,  &  n'offrant  à  l'Empereur  que  l'hommage  d'un  cheval 
bianc  caparaçonné  d'un  drap  d'écarlatte,à  lui  &  à  fes  fuccefTeurs, 
Sigismond  fut  tellement  irrité  d'une  offre  qu'il  trouvoit  ridicu . 
le,  qu'il  prit  la  refolution  defe  faire  juftice  par  la  voye  des  ar- 
mes. Il  envoya  en  effet  dès  cette  année  des  ordres  d'agir  con- 
tre les  Vénitiens }  &  remporta  même  une  victoire  confîdérable 
fur  eux  dans  le  Frioul,Province  de  l'Etat  de  Venife.  Pendant  que 
leurs  Ambaffadeurs  étoient  encore  à  Bude ,  on  reçut  la  nouvelle 
-de  cette  victoire ,  de  on  y  apporta  cinq  drapeaux  que  Pipon  de 
Florence ,  général  de  Sigismond  ,  avoit  emportez  fur  les  Véni- 
tiens. On  traina  ces  drapeaux  dans  les  rues  de  Bude ,  &:  de-  . 
yant  l'hôtel  des  AmbafTadeurs  de  Venife  ,  qui  furent  fpe&a- 
teurs  de  cet  affront.  L'Hiftorien  dont  on  a  tiré  ces  particulari- 
sez y  ajoute  celle-ci,  C'eft  que  les  deux  Rois  Sigismond  dcZa- 
difliis ,  ayant  paffë  par-là  3  Zadiflas  détourna  la  vue  de  ce  fpec- 
tacle ,  mais  que  Sigismond  ayant  foulé  les  drapeaux  aux  pieds 
de  Ces  chevaux ,  le  Roi  de  Pologne  lui  en  fit  une  forte  répriman- 
de, l'exhortant  adonner  gloire  à  Dieu  de  fa  victoire  fans  inful- 
ter  fes  ennemis.  Un  autre  Hifforien  contemporain  témoigne  que 
les  Vénitiens  furent  tellement  confternez  de  cette  défaite ,  que 
(i  l'armée  de  Sigismond  eût  voulu  pouffer  fa  pointe,  elle  auroit  pu 
s'emparer  de  Padoue  qui  étoit  alors  aux  Vénitiens ,  &  deTrevi* 
gni ou  Trevifc  Capitale  duTrevifan  qui  leur  appartenoit  aufîi. 
Maison  leur  donna  le  temps  de  fortifier  ces  Places.  On  verra 
l'année  prochaine  lesfuites  de  cette  suerre.  JeanXxpL 

i.  o  confirme  le 

XXII.  O  n  a  vu  dans  le  Livre  précèdent  le  Traité  des  Polo-  traitédes 
nois  &  des  Chevaliers  de  l'Ordre  Teutonique.  On  rapporte  à  G*o*tim 
cette  année  la  confirmation  qu'en  donna  Jean  XXIII.  par  r«JLw 
une  Bulle  adreffée  à  fes  Nonces  en  Pologne  (a).  iVïmfon  Se-  «»«■/«  p*. 
cretaire  Paccufe  d'avoir  été  la  caufe  de  la  fanglante  défaite  des  lo(^ 
Chevaliers  Teuroniques  en  1410.  (b)  jpour  avoir  négligé  de  les  An.  h"!.' 
reconcilier  avec  les  Polonois.  Cependant  ,  fi  l'on  en  croit  cet-  Num-  f- 
te  Bulle  ,  ce  Pontife  s'étoit  employé  àdiverfes  fois  ,&même  y2joIZI 
avec  efficace  à  cette  reconciliation  par  [es  Lettres  éc  par  [es  xxiir. 
Tom.  //,  X  CaP.  XX- 


1*2  HISTOIRE   DU  CONCILE 

Nonces  :  ce  qui  arriva  fans  doute  après  la  bataille.  Quoi  qu'il 
ï^i2.  en  foit  ,  il  donna  plein  pouvoir  à  les  Légats  de  contraindre 
les  parties  à  garder  le  Traité  religieusement.  Ce  fut  à  peu  près 
dans  ce  même-tems  que  le  Roi  de  Pologne  envoya  une  ambaf- 
fade  folemnelle  à  Rome  ,  avec  de  grands  préfëns(i)  pour  jurer 
obéïfîance  au  Pape.  Ce  Monarque  demandoit  par  cette  am- 
bafîade  ,  que  le  Pape  déclarât  par  une  Bulle  que  le  Roy  de  Po* 
logne  avoit  juftement  entrepris  la  guerre  contre  les  Cheva- 
liers ,  qu'ainïi  toutes  les  chofes  facrées  qu'on  avoit  enlevées  des 
Eglifes  de  la  Pruile  ,  avoient  été  juftement  tranfportées  dans 
les  Eglifes  de  Pologne.  Les  Ambailadeurs  étoient  chargez  de 
prier  outre  cela  le  Pape  d'accorder  à  leur  maître  la  permiilior* 
de  publier  uneCroifade  contre  les  Tartares.  Le  Pape  leur  ac- 
corda tout  à  la  referve  du  dernier  Article.  J'ai  tire  cette  par- 
ticularité de  Cromer  Auteur  fort  eftimé  entre  les  Hiftoriens  de 
CO  Dlugos  p0jogne    Cependant  un  autre  Hiftorien  (a)  de  ce  païs.plus  an- 

ubifupra  &  r      .  n.  ~  v  r,.,    3K 

pag.  \%%.    cien  ,  &.  non  moins  eitime  que  Cromer ,  rapporte  qu  il  vint  cet- 
(b)  zoi-    te  année  une  Ambaiîade  àeSaladin  ,  Sultan  des  Tartares  (b)^ 
*é7i  Zeh~  *  Laâijlas  Roi  de  Pologne  avec  des  préfens  ,  pour  lui  offrir  du 
fecours  contre  tous  fes  ennemis.    Cet  Hiftorien   ajoute     que 
l'Ambailade  fut  fort  bien  reçue  ,  &  que  Ladijlas  engagea  ces 
Ambaïîadeurs  à  aller  faire  les  mêmes  offres  à*  Sigifmond  j  ce 
qui  ayant  été  exécuté ,  ce  dernier  en  donna  avis  aux  Vénitiens 
pour  les  intimider. 
n  accorde      XXIII.  On  ne  remarque  pas  que  Jean  JTJfJJI.  fe  foitmê- 
res^Tun'i-  ^  cette  année  des  affaires  de  France  toujours  fort  agitées  par 
verfrédeFa-  les  factions  des  Bourguignons  &  des  Orleanois.  On  trouve  feu- 
■*%  lement  dans  THiftoire  de  l'Univerfîté  de  Paris  ,  que  ce  Pape 

confirma  quelques  Privilèges  qu'il  avoit  déjà  accordez  à  cette 
Univerfïté  ,  comme  la  révocation  de  la  Bulle  d'Alexandre  V. 
en  faveur  des  Moines  mendians ,  &  la  confirmation  àes  Provi~ 
fions  faites  pendant  la  neutralité  en  faveur  de  la  même  Uni- 
verfïté. C'eft  ce  que  le  Pape  fît  par  l'organe  tiAlaman  GardL 
nal  Prêtre  de  faint  Eufebe  fon  Légat  à  Larcre  en  France.  Le 
Pape  donna  encore  deux  autres  Bulles  par  lefquelles  il  accor- 
doit  deux  privilèges  à  l'Univerfîté  de  Paris.  L'un  ,  que  le  Chan- 
celier de  cette  Académie  pourroit  abfoudre  tous  les  Maîtres 

(i)  Cum  peramplis  donis  ,  nempe  quatuor  patinis ,  aeduobus  crateribm  magnis  aureis ,  tribus  ve~ 
fiibus  Sitbellinis ,  <&  Culcitraitem  ab  alterd parte  è  panterarum  ;  ab  altetra  ex  arvielitiornm  pdlibui 
ctafuta ,  C7-  tèiis,  Cromer  de  Reb.  Eolon,  p.  175». 


Ferdj]\a:td  Roi  d'Arragon 


Mâihty  /-. 


Le  Dessein  a  ete  tire  d  un  ,    .      .  manusent  du  Siècle  de  Ferdinant  qiu  fe^— 
trouve  eLanf  La  Bibliothèque  du  Jcnat  de  L.eipjuj .  C'est  periirqiaru  Ferdinand 

y  eji  a  çcrum,<c  • 


1 


DE  PISE.     Liv.    Vï.  1^5 

&tous  les  Ecoliers ,  de  tontes  les  Cenfurcs  encourues  de  la  part    J4I2# 
du  faint  Siège  ;  l'autre  que  les  caufes  de  l'Univerfîtc  qui  avoient  W;v  Uwiw 
accoutumé  d'être  jugées  à  la  Cour  de  Rome  ,  le  feroient  dé.  ver}. 
formais  à  celle  de  PEvêquede  Paris.  La  première  de  ces  Bulles  r^'JyX' 
étofc  adreÏÏée  à  JeanGerfàn  Chancelier  de  l'Univerfité  ,  ôcl'au-  An.  1411." 
tre  à  Gérard  Evëque  de  cette  Capitale. 

XXIV.  Pendant  que  Jean  XJfllI.  regloit  les  affaires  de  Benoît 
fon  Obédience,  Benoit  JC  111.  s'occupoit  à  celles  de  la  fienneXII*\ 
en  Efpagne.  Quoique  Ferdinand  l'eût  emporté  fur  tousfes  Con-  ^Ma^n, 
currens  au  Royaume  d'^trragon ,  l'affaire  nétoit  pas  encore  ter- 
minée. Elle  le  fut  cette  année  dans  l'Aflemblée  des  mêmes 
CommifTaires  qui  ayoient  déjà  été  nommez  depuis  long-  tems 
pour  en  juger  ,  &qui  ne  firent  que  confirmer  leur  premier  ju- 
;  Cernent.  Ce  jugement  fut  publié  le  25.  de  Juillet  par  le  fameux 
Vincent  Ferrier ,  qui  fit  là-defEis  un  Sermon  après  la  Meflè  fo-; 
Jemnelle  célébrée  par  l'Evêque  de  Huefca  (  r  ).  Le  choix  de 
Ferdinand  fut  reçu  du  peuple  avec  de  grandes  acclamations.  II 
y  eut  pourtant  quelques  murmures  de  la  part  des  partifans  de 
Jacques  d'V 'rgel  5  mais  Vincent  Ferrier  les  ayant  appaifez  par  un 
Sermon  qu'il  prononça  le  lendemain  ,  Ferdinand  fut  couronné 
le  troifiéme  de  Septembre  3  &  prêta  les  fermens  ordinaires  aux 
Arragonnois.  Ai.nfi.  finit  un  Interrègne  qui  avoit  été  fort  tur* 
bulent.  Benoit  JCIII.  l'un  des  principaux  mobiles  de  cette  éle- 
ction s'en  alla  à  Tortofe  ,  où  il  donna  à  Ferdinand  Tlnveititu- 
re  des  Ifles  de  Sicile ,  de  Sardaigne  ,  de  Corfe  ,  pour  les  polie- 
der  en  fief  ,  comme  étant ,  à  ce  qu'il  prétendoit ,  du  Patrimoi- 
ne Apoflolique  ,,à  condition  que  le  Roi  luifourniroit  tous  les  ans 
trois  Galères  ,&;  des  troupes  pour  ladéfenfe  de  l'Eglife  Romai- 
ne ,  &  qu'il  maintiendroit  dans  ces  Royaumes  la  liberté  Ecclefia- 
ftique  &  l'autorité  du  Pape 

XXV.  L'Histoire  rapporte  qu'il  fe  convertit  cette  année    converfat 
une  grande  quantité  de  Juifs  par  les  Prédications  de  Vincent des  frifi  p** 
Ferrier  dont  on  parloittoutà  l'heure.  Comme  ce  Do&eur  futpé"^ 
célèbre  dans  ce  fiécle-là  par  fon  zèle  ,  par  fon  fçavoir  ,  par  les 
prodigieux  effets  attribuez  à  fes  S  ermons ,  &  à  ce  qu'on  prétend , 
par  fes  miracles ,  il  eft  d'autant  plus  à  propos  de  le  faire  connoî- 
tre,  qu'il  y  aura  occafion  d'en  parlerons  la  fuite.  Il  étoit  de 
Valence  en  Catalogne }  Dominicain  de  religion,  Maître  du  fa- 
cré  Palais  ,  Confe&urdei?^/*^///.  &  Inquifiteur  de  la  foi 

(.1)  Ville  â'J nagon  avec  un  Evêché  fuffragant  de  SarragofTe. 

Xij 


2^4  HISTOIRE'DU  CONCILE 

dans  toute  l'Efpagne.  Il  avoit  un  talent  peu  commun  pour  la- 
14,12.  prédication ,  6dl  le  fit  valoir  avec  éclat  pendant  trente  ans  eir 
Efpagne,  en  Italie  ,  6c  en  France.  Cependant  les  Sermons  qui^ 
ont  paru  fous  fon  nom  ,  font  C\  peu  de  chofè,  que  Monfieur  Bu. 
fin  n'a  pas  cru  les  lui  devoir  attribuer.  Si  l'on  en  vouloit  croire 
les  Dominicains ,  il  fît  plus  de  miracles  que  n'en  rirent  Moyfe%c- 

Jfefus  Chrift.  Il  rendoitla  vue  aux  aveugles ,  l'ouïe  aux  fourds  ,, 
a  vie  aux  morts,  il  faifoit  marcher  les  boiteux  ,  6t  guérifîoit 
toute  forte  de  maladies.  Ses  guérifons  fpirituellesne  furent  pas 
moins  merveilleufes.  Car  il  convertit  trente- cinq  mille  Sarra- 
fîns ,  ou  Mahometans  à  la  foi  Chrétienne,  &  ramena  cent  mil- 
le pécheurs  de  leur  vie  déréglée  ,  fans  compter  la  converfion? 
des  hérétiques  Vaudois ,  6c  autres.  Nouveau  prodige  !  Les  Apô- 
tres eurent  befoin  du  don  des  Langues  pour  fe  faire  entendre* 
par  tout  5  mais  Vincent  fut  plus  heureux.  Ses  Sermons  étoient 
entendus  de  quelque  Nation  que  ce  fut ,  quoi  qu'il  prêchât  par 
(a)B^.   tout  en  fa  Langue  maternelle,  c'eft-à-dire  en  Catalan  (a).  Ce- 
an.  1405.    pendant  fes  Prédications  n'étoient  pas  du  goût  de  toutlemon- 
^Rayndd.      de.  On  Paccufoit  de  prêcher  avec  un  zèle  indifcret  contre  la 
spond.  Cave  corruption  des  Ecclefiaftiques.  Il  fut  mêmefoupçonné  d'avoir 
&c>  du  penchant  pour  là  fecte  des  Flagellants  .,  6c  cela  paroît  en 

effet  par  une  lettre  que  lui  écrivit  Gerfon  étant  au  Concile  de 
(b)wft.    Confiance.  S'il  fut  à  ce  Concile,  ou  non,  c'eft  un  problême  (b). 
duCouc.  de    Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'il  fe  détacha  de  Benoit-  JC1JI.- 
v  "^  Lui  aPr^s  l'élection  de  Martin  V.  6c  fut  un  dss  plus  ardents  à  le  pref- 
([c)'b^ov.  '  fer  de  fefoumettre  au  Concile  (c).  Vincent  mourut  âgé  de  70. 
an.  1403.    ans  en  141 9.  à  Vannes  en  Bretagne ,  Se  il  fut  canonifé  par  Calixte' 
III.  en  1455.  Mais  ce  Pape  étant  mort  avant  que  la  Bulle  de 
canonifation  fût  dreflée ,  le  Pape  Pie  II.  confirma  les  intentions 
de  Calixte  III.  par  une  Bulle  de  1458. 

Le  théâtre  des  converfions  de  Fcrritr  furent  cette  année  les 
Villes  de  Zamora  &  de  Salamanque  ,  dans  le  Royaume  de 
Léon.  C'eft,  à  ce  qu'on  prétend,  à  la  fbllicitation  de  ce  Domi- 
nicain,  que  Jean  II.  roi  de  Caftille ,  ordonna  que  pour  diftin- 
guer  les  Juifs  ,  ils  porteroient  fur  le  côté  de  leur  habit,  certaines 
figures  rondes ,  ce  qui  les  faifoit  appéller  les  Marque^.  Lors  que 
Ferricr  arriva  à  Salamanque  ,  il  rit  amitié  avec  un  Juif,  pour  fe 
faire  introduire  dans  la  Synagogue  les  jours  de  Sabat.  Un  Hifto- 
rien  Efpagnol  allégué  par  JB^ovius\  nous  raconte  fort  gravement 
un  miracle  qui  fe  fit  un  jour  que  nôtre  Prédicateur  alla  dans  la 


DE   P  ï  S  E.    L  i  v.  V  I.  t$f 

Synagogue  portant  à  la  main  une  image  de  Jefus-Chrift. ,  inftruit 
parle  Juifdujour  & -de  l'heure  la  plus  propre  à  cette  entreprife.  1412» 
A  la  feule  vue  d'une  image,  il  fe  rit  un  grand  tumulte  qui  fut 
d'abord  appaifé  par  les  traits  pleins  de  feu ,  qui  fortoient  de  la 
bouche  de  l'Orateur  illuminé.  A  peine  eut-il  parlé  quelque 
temps  ,  que  tout  à  coup  il  fe  forma  des  Croix  blanches  fur  les 
manteaux  des  hommes  3  &:  fur  le  linge  des  femmes.  A  cette 
merveille ,  hommes  &.  femmes  fè  convertirent ,  &;  demandè- 
rent le  Baptême  qui  leur  fut  adminiftré  par  le  Père  Spirituel , 
dont  plufieurs  prirent  le  nom.  On  fit  de  la  Synagogue  un  Tenu 
pie,  qui  porta  le  nom  d'Eglife  de  la  vraye  Croix  ,&.on  y  mit  cet- 
ce  Infcription  en  vers  Latins  : 

j4ntiquum  coluit  vêtus  hoc  Synagoga  Saccllum  y 

At  nunc  efi  vera  Relligione  facrum. 
Judœo  expulfo  primus  Vinccntius  îfiam 

Zufiravit  pura  Relligione  domum, 
ïulgens  namque  jubar  fubito  dcfcendit  Olympo- 

Cunili[que  impreffït peciore  figna  Crucis, 
Inde  trahunt  Cives  T^incentï  nomma  multi, 

Ht  Templum  hoc  vera  dicitur  inde  Crucis* 

Les  fables  appartiennent  à  FHifloire  en  ce  qu'elles  font  rap- 
portées à  un  certain  temps  comme   des  faits  véritables.  C'effc 
ainfi  qu'un  des  continuateurs  de  Baronius  fa)  raconte  d'après    (a)  Ray»'.' 
Jean  Nider  célèbre  Dominicain  duXY.fiécle,  un  miracle  ar-  *4«-> 
rivé  environ  ce  temps  là  dans  leDiocèfe  deBamberg  pour  la  con-  %  De  vi- 
verfion  des  Juifs.  C'eft  un  pommier  qui  une  année  au  fort  de  non.  Lib. 
l'hvver,&  au  milieu  des  neiges  &  des  frimats  porta  de  très-belles  Z\'  Cap' 

il-  o  J  •      '  >     T  1       VI.  p.  452» 

pommes  bien  vertes,  &  en  grande  quantité  ,  precilement  la  454. 
nuit  de  la  Nativité  de  notre  Seigneur.  Ce  Moine  dit  qu'il  en 
vit  une  qui  fut  prefentée  dans  la  ville  de  Forchem  au  Général  de 
fon  Ordre.  Il  ajoute  qu'au  Concile  de  Confiance  plufieurs  té- 
moins., &:  en  particulier  l'Archevêque  de  Rig<i  Dodeur  en  Droit 
civil  ,  &:  canonique 3  en  grande  réputation .,  atteiterent  ce  pro- 
dige ,  &  en  perfuaderent  beaucoup  de  gens  qui  en  doutoient  -y 
qu'au  Concile  de  Bafle,  le  même  miracle  fut  propo/ë  ,  lui 
Poyant,  à  un  grand  nombre  de  Do&eurs  &;  de  Philoiophes  , 
qui  déclarèrent  qu'un  tel  effet  ne  pouvoit  avoir  été  produit 
naturellement.  Et  afin  qu'on  ne  s'imagine  pas  que  NiderYsXt 

Xiij 


166  HISTOIRE  DUCONCILE 

crû  légèrement,  ii  dit  qu'il  lut  alors  le  Livre  des  vegetables  , 
■  '         6c  des  plantes ,  compofé  par  Albert  \  qu'il  appelle  le  Secrétai- 
re de  toute  la  Nature  ,  ôc  qu'il  n'y  avoit  rien  trouvé  pour  ren- 
dre raifon  d'un  tel  prodige.  J'en  lailîe  le  jugement  au  Ledeur. 
p,emier         XXVI.  Entre  les  Juifs  qui  fe  convertirent  en  ce  temps. là, 
av.  de  Je-  il  y  en  aeu  quelques-uns  qui  fe  distinguèrent  par  leurfçavoir, 
strpoi      ®E  4IU  compoferent  même  des  Ouvrages  en  faveur  de  la  Reli- 
contre  les      gion  Chrétienne.  Il  faut  mettre  dans  ce  rang  le  Juif  nommé  Jo- 
?»ifs>  '       ru£  Halorki  ou  autrement  Lurki  Médecin  de  Benoît  JflII, 
qui  prit  à  fon  baptême  le  nom  à^J  crème  de  Sainte  Foi,  Ce  Pro- 
ie! y  te  eftafîèz  confîderable  dans  THifloire  pour  ne  le  pas  négli- 
ger en  celle-ci.  Les  Hiftoriens  tant  Chrétiens  que  Juifs  en  ont 
parlé  ,  comme  il  ellaifé  de  juger ,  fort  différemment.  Les  pre- 
miers ont  exagéré  fes  convergions  ;  les  autres  l'ont  traité,  félon 
leur  coutume  ,  d'Epicurien  &  d'Apoftat.  Ni  les  uns  ni  les  autres 
n'ont  rien  dit  de  fort  particulier  fur  fa  perfonne  ôc  fur  fa  vie.  A 
l'égard  de  fes  Ouvrages  il  y  a  dans  la  Bibliothèque  de  Leyde  une 
Lettre  manuferite  dejofuè  Halorki  à  un  autre  Juif  nommé  Sa~ 
lomon  Hallevi  qui  avoit  embraflë  la  Religion  Chrétienne  à  Avi- 
(a)  johan.  gnon.  L'Auteur  cité  en  marge  fa)  parle  d'un  Traité  de  Mede- 
Chriftoph.  cine  d'un  Rabbin  nommé  Jofepb  Halorki.  Mais  ce  fçavant  coiv 
Slw;:      je&ure  avec  beaucoup  de  vrai  femblance  que  Jofepb  a  été  mis 
heb.p.464.  pour  Jofué.  Tout  le  monde  convient  que  le  Traité  écrit  cette 
année  contre  la  perfidie  des  Juifs  &  contre  le  Tbalmud^  effc  de  Je. 
rbme  de  Sainte  Foi.  Il  fut  auffi  le  principal  tenant  dans  plufieurs 
conférences  que  le  Pape  Benoît  JCIII.  ordonna  entre  les  Doc- 
teurs Chrétiens  §:  les  Docteurs  Juifs  3  &;  où  il  étoit  prefent  lui- 
même  pour  la  plupart  du  temps.  Comme  fon  premier  Traité 
eft  daté  de  141 2.  dans  la  première  partie  du  quatrième  Tome 
de  la  Bibliothèque  des  Pérès ,  j'en  rendrai  compte  avant  que  de 
parler  des  conférences ,  aufquelles  il  peut  fervir  de  plan.  Dans 
ce  premier  Traité  l'Auteur  attaque  directement  les  Juifs  par  les 
Oracles  des  Prophètes.,  &:  fur  tout  par  les  témoignages  des  Rab- 
bins. L'Auteur  déclare  dans  fa  Préface  que  quoique  les  Tbal- 
mudiftes  diuîent  fouffrir  une  punition  fevere  ,  il  a  fuivi  l'inten- 
tion du  Pape  ,  qui  veut  que  pour  le  prefent  on  fe  contente  de  les 
convaincre  par  leurs  propres  DoHeurs  3  que  Je  fus  eft  le  M  effie  promis. 
En  quoi,  pour  le  dire  en  paiïant,  Benoit  étoit  alors  plus  mode- 
ré  &  en  même-temps  plus  raifonnable  que  Grégoire  IJf.  èc  In- 
nocent IV.  qui  condamnèrent  au  feu  le  Tkalmud  &  les  livre? 


DE  PISE  L  ï  v.  Vï.  i£? 

des  Rabbins ,  au  lieu  de  les  étudier  pour  s'en  fervir  contre  eux  3 
comme  le  confeilloit  le  Rabbin  Gerfon  ^Juif  Allemand  ,  après  fa     1412. 
converfîon  (a). 

Quoi  que  ceTraité  foit  un  des  meilleurs  que  les  Juifs  convertis   ^  Wa; 
ayent  compofés  fur  cette  importante  matière ,  les  Savans  ont  genf.  Pr*f. 
pourtant  remarqué  quelques  bevuesôtquelquesnegligences,com-  *  *eU'  J|"4 
me  a  fait  entre  autres  le  docte  Wagenfeit  {b).Co.  Savant  dit  à  cette   (b)  Pr*/i- 
eccaiion  qu'on  s'eft  fouvent  trompé  en  attribuant  au  Thalmuâ  *««**>%». 
pris  en  général  ce  qui  ne  convient  qu'à  la  Gemare  (1)  qui  eft  le  &£qq.'î7° 
Commentaire  de  la  Mifchna  (2)  &  qui  s'appelle  fouvent  ThaL 
mud.  Il  foutient  même  que  dans  la  Mifchna  il  n'y  a  point,  de  ces 
impertinences ,  de  ces  calomnies  ,  &:  de  ces  blafphêmes  f  qu'on 
impute  ordinairement  au  Thalmud.  il  va  plus  loin  ,  car  il  pré- 
i  tend  encore  que  même  dans  la  Gemare  ,  il  y  a  fort  peu  d'en- 
1  droits  contre  la  Religion  Chrétienne,  parce  que  chaque  Cha- 
i  pitre  de  la  Gemare  repond  à  quelque  Chapitre  de  la  Mifchna  , 
\.  où  l'on  ne  trouve  point  de  pareilles  chofes. Ce  raifonnement  n'eft 
;  pas  pourtant  fort  concluant ,  parce  queles  Gemariflesontajou- 
1  té  de  leur  cru  plufieurs  chofes  qui  ne  fe  rapportent  point  à  la 
Mifchna.  Il  rapporte  à  cette  oecafion  une  bevûe  fort  curieufe 
du  Concile  de  Trente ,  c'eft.  que  ce  Concile  ayant  pris  un  Trai- 
té du  Thalmud  compofé  contre  l'Iddatrie  &,  contre  les  céré- 
monies Payennes  ,  fous  le  titre  de  Avoâa  Sara  3  pour  une  invec- 
tive contre  les  Chrétiens  3  avoit  refolu  de  retrancher  du  Corps 
du  Thalmud  ce  Traité  tout  entier.  Cependant  l'affaire  ayant 
étéremife  au  Pape  il  nomma  des  Cenfèurs,&  30.  ans  après  lafé- 
paration  du  Concile  Marc  Marin  Evêqne  de  Brixen  fit  faire  une 
édition  du  Thalmud  ,  où  cette  pièce  ne  parut  pas  (c).  Le  Sa.  (c^agen} 
vant  Wagenfeil  ae  difconvient  pas  qu'il  n'y  ait  des  fables  &  des  »fof»pr.p. 
impertinences  dans  la  Gemare  ,  il  prétend  qu'il  n'y  a  que  fort  ^' 
peu  de  chofes  injurieufes  à  J.  C.  ôt  que  ce  que  Jérôme  de  Sainte   ■Wraeenf: 
Foi  en  allègue  n'eft  pas  tout  de  la  Gemare ,  mais  d'Ouvrages  ibid.ç,77+. 
faits  depuis.  On  ne  regardera  pas  ceci  comme  une  digreflion  fu-  ?8, 

(1)  Gemare  y  cela  veut  dire  perfection.  La  Gemare  eft  un  Ouvrage  compofé  dans  le  qua~ 
triéme  &  cinquième  fîécle  pour  expliquer  la  Mifchna  qui  en  eft  la  première  Partie ,  &  ces 
deux  enfemble  font  leThalmud  complet ,  qui  eft  le  Corps  de  la  Doctrine  des  Juifs,  tant 
Civile  qu'Ecclefiaftique ,  à  peu  près  comme  notre  Corps  du  Droit  Canon  &  ,  du  Droit 
Civil. 

(x)  La  Mifchna  ,(  c'eft-à-dire,  la  féconde  Loi  )  c'eft  le  Recueil  de  la  Lot  que  les  Juifs 
appellent  Orale.  Ce  Recueil  fut  fait  dans  le  fécond  lîécle.  Il  comprend  toutes  les  Traditions 
des  }uifc,qui  a-voient  précédé  ce  fiécie-là. 


îU  HISTOIRE  DU  CONCILE 

'  perflue,  fi  l'onconfidere  que  l'étude  du  Thalmud  ôcdes  Rabbin$ 
ï^ii.    te  réveil  la  dans  le  tems  donc  nous  écrivons  l'Hiftoire.  Revenons 
au  Traité  de  Jérôme  de  Sainte  Foi. 

Ce  Traité  fut  prononcé  en  prélénce  de  Benoît  JflII.  de  fes 
Cardinaux,  de  plufieurs  Docteurs  tant  Chrétiens  que  Juifs,  & 
de  quantité  d'autres  perfonnes  confiderables ,  comme  cela  eft 
porté  dans  la  Préface.  L'Auteur  y  déclare  qu'il  a  compofé  cet 
Ecrit ,  parce  que  pour  le  préfent  l'intention  (i)  de  Benoît  eft  feu- 
lement de  convaincre  les  Juifs  par  leurs  propres  Docteurs,  que 
J.  C.  eft  le  Meffie.  Pour  prouver , cette  vérité  il  établit  vingt- 
quatre  caractères  ou  conditions  fous  lefquelles  le  Meiîie  devoit 
paroître  dans  le  monde.  11  eft  vrai  qu'entre  ces  caractères  il  y 
en  a  quelques-uns  fous  lefquelsil  ne  paroît  pas  que  les  Prophè- 
tes ayent  defigné le  Meffie,  ni  que  les  Apôtres  lui  ayent  appli. 
quez  ,  non  plus  que  les  Juifs  dans  le  tems  de  J.  C.  Comme  par 

Vk;,f»pr.u.  exemple  le  23.  cara&ere  où  Jérôme  de  Sainte  Foi  dit  qu'après  la. 

771*772.  mort  du  Meffie  Dieu  fermeront  le  Ciel  de  peur  d'entendre  les  prières 
des  Juifs ,  parce  qu'ils  lui  font  odieux.  Ce  qu'il  prétend  prouver 
par  Jer.  ZamentUl.  8.  &  E*ech.  XV.  1.  &  par  l'application  qui  en 
eft  faite  dans  le  Thalmud ,où  on  fait  dire  à  Rabbi  Eliazgr  que 
depuis  la  deflruHion  de  Jerufalem  ,  il  y  avoit  eu  une  porte  de  fer  entre 
Dieu  &Jeru  falem, félon' l' oracle  d'Ezechiel. Quoique  ces  paflàges  de 
l'Ecriture  foient  mal  appliquez  dans  le  Thalmudfjerbme  defainte 
Foi  ne  fait  pas  mal  d'en  tirer  un  argument  contre  les  Juifs ,  puis- 
qu'ils conviennent  eux-mêmes  que;la  ruine  de  Jerufalem  n'a 
point  eu  d'autre  caufe  que  la  haine ,  l'ingratitude  &;  l'envie  des 
Juifs.  Il  eft  vrai  que  pour  encourager  les  Juifs  ,  Jerbme  de  Sain- 
te Foi  allègue  un  paflage  du  Commentaire  allégorique  fur  les 
Pfeaumes  ,  où  il  eft  dit  que  la  porte  de  la  converfton  eft  toujours 
ouverte.  Revenons  aux  autres  caractères. 

Avant  que  d'entrer  dans  l'explication  de  ces  caractères ,  Je- 
rbme  de  Sainte  Foi  commence  fon  premier  Chapitre  par  mon- 
trer en  quoi  les  Juifs  conviennent ,  &  en  quoi  ils  ne  font  pas  d'ac- 
cord avec  les  Chrétiens  fur  la  queftion  il  le  Meffie  eft  venu  ou 
non.  Ils  conviennent  r.  à  reconnoître  l'autorité  de  tous  les  Li- 
vres de  l'ancien  Teftament  tant  des  cinq  Livres  de  Moïfe  ;  que 

(1)  Tamen  cum  toto  hoc  ^intentio  Domini noflri Papa  pro  nunc  non  eftinijîfolttmjulere  ,  qiioAper 
proprias  fuorum  Doélorum  auiboritates  eis  probetur  difiam  conclufionem  fere  veram  :  Scilicet  Domi- 
pum  t2offrum  Jefum  Chriflum  efle  fuijfeque  verum  Mejfiam  V  in  Uge  Frophetarum  %ftem  ijfîprxjiolani 
*«r.  Biblioth.  Patr.  Tom,  IV.  Part  I.p.  74*. 

de 


DE    PISE.   Liv.   VI.  169 

de  tous  les  autres  Prophètes ,  en  forte  qu'ils  regardent  comme 
hérétique  celui  qui  en  contefteroit  quelqu'un.  2.  Que  Dieu  devoit   H12» 
envoyer  le  Meffie  -pour  fauver  le  feu-pie.  C'efl  3  dit  il  ,  un  des  treize 
articles  que  tout  Juif  doit  croire  félon  Moïfe  d'£gyp-te(i).  3.  Que 
le  Meffie  devoit  être  de  la  race  de  David. 

A  l'égard  des  chofes  en  quoi  les  Juifs  &  les  Chrétiens  ne  font 
pas  d'accord,  il  les  réduit  à  ces  deux  chefs  généraux.  Le  pre- 
mier confifte  en  ce  que  les  Juifs  ob fervent  la  Loi  de  Moïfe  charnel, 
lement ,  &  félonies  explications  des  Thalmudifies 3  au  lieu  que  les 
Chrétiens  i'obfervent  fpirituellement ,  6c  félon  les  explications 
de  J  C.  &  des  Apôtres  dans  l'Evangile. Le  fécond  eft,que  le  Meffie 
n'eu:  pas  encore  venu  ,  au  lieu  que  les  Chrétiens  reconnoifîent  le 
Meffie  dans  la  perfonne  de  Je  fus  le  Nazaréen  né  à  Bethlehem 
au  tems  â'Hcrodetk  du  fécond  Temple.  Il  fait  voir  ici  fort  ju- 
dicieufement  que  le  premier  de  ces  points  controverfez  dépend 
deladécifiondufecond  3  favoirfi  le  Meffie  eu:  venu.  Car,  dit- 
il  ^  Ci  le  Meffie  n'eit  pas  venu ,  les  Juifs  ont  grande  raifon  d'obfer- 
ver  la  Loi  ceremonielle charnellement, comme  failoient  leurs 
Pères  ^puifque  celui  qui,  félon  eux  3  la  leur  devoit   expliquer 
fpirituellement  ,  n'a  pas  encore  paru  -y  au  lieu  que  s'il  elf  venu  , 
les  Chrétiens  font  autorifez  par  cette  même  règle  à   entendre 
&  à  obferver  fpirituellement  la  Loi  de  Moïfe.  Sur  quoi  il  aile* 
gue  un  paflage  du  Thalmud ,  où  l'on  trouve  cette  maxime }  qu'ws 
jour  Dieu  s'a/Jïera  pour  déclarer  en  préfence  des  Jufles  l'intention  & 
les  fecrets  de  la  Loi  \  par  la  main  du  Roi  Meffie. 

Après  avoir  ainfî  établi  l'état  de  la  Controverfe.,  l'Auteur 
allègue  les  raifons  qui  empêchent  les  Juifs  de  croire  que  Jefus 
le  Nazaréen  eflle  Meffie  promis.  La  première  en:  ,  que  le  Mef- 
fîe devoit  venir  pour  mettre  Jfra'él  en  liberté  &  le  faire  domi- 
ner fur  toutes  les  Nations  ^  mais  que  le  contraire  eft.  arrivé  , 
puifque  peu  de  tems  après  la  venue  de  Jefus  le  Nazaréen  les 
Romains  ont  mis  tout  à  feu  &à  fang  àjerufalem  &  dans  toute 
la  Judée  ,  brûlé  le  Temple  3  renverfé  le  Royaume  de  Juda„  Se 
réduit  le  peuple  à  une  captivité  qui  dure  encore.  La  féconde 
raifon  que  l'Auteur  met  dans  la  bouche  des  Juifs  eft  fondée  fur 
ce  paiîage  de  ZacharieVl.  u.  J^oila  l'homme  qui  a  pour  nom  l'O- 
rient. Ce  fera  un  germe  qui  pouffera  de  lui-même ,  &  il  bâtira  un  ç^sdeS^ 
Temple  au  Seigneur  (a).  Sur  cet  Oracle  les  Juifs  s'eroient  ima-  Verfion  de 
ginez  qu'à  l'avènement  du  Meffie  le  Temple  feroit  détruit  &:  PortRoy^' 

(1)  C'cft  Maimonides  qui  eft  ainfi  appelle,  parce  qu'il  fut  oblige  de  fe  retirer  d'EIpagne  en 

Egypte. 

Tome  IL,  Y 


lyo  HISTOIRE    'DU     CONCILE 

qu'il  le  rebâtiroit.  Ils  fè  fervent ,  dit  Sainte  Foi ,  de  cette  expli- 
J412»  cation  de  l'Oracle  de  Zacharie  pour  contefter  à  Je  fus  le  Na- 
zaréen la  qualité  de  Meffie,  parce  que  te  Temple  a  été  brûlé 
quarante  ans  après  fa  mort.  La  troifiéme  raifon  des  Juirs  en;,, 
que  le  Meffie  a  donné  une  nouvelle  Loi ,  par  laquelle  il  change 
plufîeurs  chofes  à  celle  de  Moïfe  ,  qui ,  félon  eux  ,  dev*  it  être' 
éternelle  ,  félon  cette  parole  de  Malacbic  IV. 4.  Souvenc^vi.us 
de  la  Loi  de  Moïfe  mon  ferviteur  h  d  où  ils  concluent  qu'elle  ne 
devoir  point  être  abolie.  Il  fait  une  réponfe  générale  à  ces  trois 
raifons ,  c'en;  que  l'illufion  des  Juifs  à  cet  égard  vient  de  ce  qu'ils- 
expliquent!  la  lettre  les  pafTagss  6c  les  termes  où  les  Prophè- 
tes repréfentent  les  chofes  fpiiïtuelles  fous  l'image  des  chofes: 
corporelles  ,  comme  les  mots  Jfra'él ,  Sion  ,  Cité  3  Jerujalem  y 
Temple  y  Montagne  de  Dieu  &c.  Il  prouve  les  explications  mo- 
rales èc  fpirituelles  de  ces  mots  par  plufîeurs  autoritez  très-clai- 
res du  Tbalmud&  des  Rabbins,  &  entre  autres  de  Maimonidès 
&  du  Rabbin  Salomon  Jarchi  (1). 

Après  avoir  ainfi  expliqué  en  quoi  les  Juifs  &:  les  Chrétiens 
différent ,  &  en  quoi  ils  s'accordent ,  &  rendu  la  raifon  générale 
de  leurs  differens  ,  il  commence  au  fécond  Chapitre  le  détail  des 
cara&eres  que  devoit  avoir  le  Meffie  }  et  il  les  trouve  tous  en 
J.  C.  Le  premier ,  félon  lui,  c'eft  que  Jefus  eft  venu  dans  le  tems 
marqué  par  les  Prophètes  pour  la  venue  du  Meffie,  c'eft-à- dire, 
à  la  fin  du  fécond  Temple ,  ou  peu  de  tems  avant  fa  deftruction. 
C'efl  ce  qu'il  montre  par  les  Oracles  qu'on  a  coutume  d'allé- 
guer pour  prouver  cette  vérité ,  comme'Za  charie  IX.  9.  Malach. 
III.  1.  les  70.  Semaines  de  Daniel  IX.  14. 17.  Ce  qu'il  y  a  de  plu» 
confiderable  dans  ce  Chapitre,  c'eftle  grand  nombre  des  au- 
toritez du  Thalmadèc  des  Rabbins,,  parlefquellesil  paroît  que, 
félon  eux  ,  le  Meffie  devoit  venir  avant  la  deftru&ion  du  Tem- 
ple de  Jerufalem.  J'en  rapporterai  ici  quelques, unes.  Il  n'ou. 
blie  pas  la  célèbre  tradition  du  Rabbin  Elie  {1)  qui  donne  fîx 
mille  ans  à  la  durée  du  monde  ,  favoir  deux  mille  ans  de  vui- 
de  ou  d'inanité  ,  c'efl  à-dire  fans  Loi ,  deux  mille  fous  la  Loi ,  & 
deux  mille  des  jours  du  Meffie  ,  c'eft- à- dire  ,  que  le  Meffie 
devoit  venir  environ  à  la  fin  du  fécond  millénaire.  Il  y  ajoute 

(1)  Tous  deux  du  XII.  fiécle. 

(2.)  Fameux  Rabbin  allez  ancien  ,  mais  d'un  âge  douteux.  Quelques  Do&eurs  Juifs  l'ont 
pris  pour  Elie  le  Prophète  ,  mais  fauflement,  de  l'aveu  même  de  leurs  Confrères.  On  peut 
pourtant  juger  qu'il  vécut  avant  que  le  Tbalmudik  achevé,  puifqu'il  y  eft  cité  deux  fois» 


DE    PISE      Liv.       VI.  i7I 

je  calcul  de  Rabbijudœ  (i)  qui  die  que  le  monde  dévoie  durer  2 

autant  que  quatre-vingt-cinq  Jubilez ,  &  que  le  Meffie  viendroit 
dans  le  dernier  Jubilé  ,  ce  que  Rabbi  Salomon  explique  par 
quatre  mille  deux  cens  cinquante  ans.  Il  faut  rapporter  ici  un 
fait' qui  tout  fabuleux  qu'il  paroît,ne  laide  pas  de  convaincre  les 
Juifs  par  leur  propre  aveu, que  le  Meffie  eft  venu  dans  le  tems 
qu'ils  ont  eux-mêmes  affigné  à  fa  venue.  Ce  récit,  félon  Sainte 
Foi,  a  été  transféré  àwThalmud  dejerufalem  (i)  dans  le  Com- 
mentaire allégorique  fur  les  Lamentations  de  Jeremie  3  &  voici 
en  quoi  il  confifte.  Le  bœuf  d'un  Juif  qui  labouroit  fe  mit  à  mu- 
gir 3  or  lemugtffementd'un  bœuf  marque  la  venue  du  Seigneur. 
Un  Arabe  qui  paffoit  par  là  entendant  le  mugifTement  du  bœuf 
dit  au  Juif,  Détachez^vos  bœufs  &  pliez^  votre  bagage  ,  car  votre 
Sanctuaire  va  être  détruit.  Le  bœuf  mugit  une  féconde  fois  ,  &c 
r Arabe  dit  _,  attache zjvos  bœufs  &  preparezjvos  vafes  ,  parce  que 
votre  Meffie  eft  né.  Le  Juif  demanda  comment  a-t-il  nom  ?  Con- 
folateur ,  die  l'Arabe.  Mais  ,  demanda  le  Juif,  comment  s'appelle 
fonpere}  L'Arabe  repondit  :  11  s'appelle  Ezechi  as  ,  c'eft-à  dire 
;  force  de  Dieu.  Où  doit-il  naître ,  demanda  le  Juif/  A  Betblehcm 
de  Juda,  die  l'Arabe.  D'où  Jérôme  de  Sainte  Foi  conclut  que  félon 
les  Juifs  le  Meffie  devoit  naître  environ  le  tems  de  la  deftruc- 
tion  du  Temple.  Il  y  a  encore  dans  ce  Chapitre  plufîeurs  con- 
tes qui  tendent  au  même  but  ,  &  entre  autres  un  long  &  ridi- 
cule récit  qu'il  attribue  au  Rabbin  Samuel  fils  de  Nahaman. 

Dans  le  troifîéme  Chapitre  on  voit  des  autoritez  de  la  pa- 
raphrafeChaldaïque^  6c  du  Rabbin  Salomon  }^our  prouver  que  fé- 
lon l'Oracle  de  Micbée  V.  2.  le  Meffie  devoit  naître  à  Bethle- 
hem.  Dans  le  Chapitre  quatrième  pour  montrer  que  le  Meffie 
devoit  naître  d'une Vierge,il  allègue  ce  pafTage  dejeremie  XXXI. 
21.  11.  Retournez^,  Vierge dyIfraël,  retournez^ à  vos  mêmes  Villes oà 
vous  habitiez^Jufqu*  à  quand  ferez^vous  dans  la  dijjolution  &  dans 
les  délices  5  Fille  vagabonde  ?  Car  le  Seigneur  a  créé  fur  la  terre  un 
nouveau  prodige  ,  une  femme  environnera  un  homme.  Ce  pafTage 
n'en;  pas  à  la  vérité  fort  concluant  ,  mais  le  Do&eur  s'en  fert 
fort  à  propos  comme  d'un  argument  ad  hominem  3  parce  que  lôs 
Rabbins  qu'il  allégueront  trouvé  le  Meffie  né  d'une  Vierge  ,6c 
entr'autres  le  Rabbin  Jofuè  fils  de  Levi  l'un  des  Do&eurs  de  la 

(1)  Ce  Rabbin  eft  le  Compilateur  de  la  Mifchna  dans  le  fécond  fiécle. 
(z)  Ce  ihdmuA  fut  compofé  par  le  Rabbin  Jocbanan  dans  le  troilîe'me  fîcéle  ;  mais  il    a 
peu  d  autorité  parmi  les  Juifs  qui  s'en  tiennent  au  Thalm»d  de   Babylone  dont  on  a  parlé 
ailleurs.  I 

Yij 


i7i  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Mifchna.  Il  faut  juger  de  même  du  paffage  d'E^echiel  XLÏV.  ir 
1412,    *•  où  il  eft  parlé  d'une  des  portes  du  Temple  fermée,  où  per- 
fonne  n'encre  par  elle,  parce  que  l'Eternel  Dieu  eft  entré  par 
elle ,  ce  qu'il  applique  à  la  Vierge  Marie  ,  appuie  fur  l'autorité 
du  Thalmud  8t  des  Rabbins  qui  ont  rapporté  au  tems  du  Meffie 
ces  pafîages  d'Ez^cbiel.  Il  n'oublie  pas  le  célèbre  partage  d'E. 
faïe  Vil.  14.  appliqué   dans  l'Evangile  à  la  naiflance  de  J.C» 
d'une  Vierge.  On  trouve  ici  une  réponfe  fort  critique  aux  ob- 
vu  ftpr.  p.  je&ions  des  Juifs  fur  cet  Oracle  d'Efaïe  5  mais  comme  il  eft  dif- 
75^.  757.    ficile  delà  rendre  intelligible  en  François  ,on  aime  mieux- ren- 
voyer le  Lecteur  à  l'Ouvrage  même. 

Le  Chapitre  cinquième  eft  employé  à  prouver  que  le  Meffie 
devoit  être  Fils  de  Dieu  ,  par  l'autorité  des  Docteurs  juifs  ,  &  en 
particulier  du  grand  Commentaire  fur  \à.Genefefmùtu\éBerefchity 
Rabba ,  qui  ont  fait  au  Meffie  l'application  des  pafîages  de  l'E- 
criture que  les  Chrétiens  allèguent  ordinairement  pour  établir 
cette  vérité  3  6c  même  de  plulieurs  dont-ils  ne  le  fervent  pas , 
mais  qu'on  peut  alléguer  aux  Juifs  ,  pour  les  convaincre  par  les 
Glofes  de  ieurs  propres  Do&eurs.  Le  Chapitre  VI.  n'eft  pas  des 
moins  curieux.  On  entreprend  d'y  prouver  ,  par  l'autorité  des. 
mêmes  Dodeurs  ,  que  depuis  le  iemipsA\4brahamf\\&  été  pré- 
dit que  les  Rois  d'Orient ,  &  les  peuples  de  Saba  viendroienc 
avec  des  prélens  adorer  le  Meffie.  L'Auteur  allègue  là  deflus  , 
un  endroit  d'un  Commentaire  allégorigue  iur  la  Genefe  ,  où  le 
Rabbin  Jofuè  expliquant  le  Chapitre  XXXII.  de  ce  Livre  dit 
que  les  Nations  rendront  un  jour  au  Meffie  tous  les  préfensque 
Jacob  rit  à £/!/#, ce  que  ce  Rabbin  prétend  prouver  par  ces  paroles 
du  Pfeaume  LXXI.  10.  Les  Rois  de  Tharfis  ,  &  des  Jjles  lui  of- 
friront des  préfens  :  les  Rois  d'Arabie  ,  &  de  Saba  lui  apporteront 
des  dons3  que  les  Docteurs  Juifs  appliquent  au  Meffie.  L'Auteur 
joint  à  cette  autorité,  celle  de  Moïfe  le  Prédicateur (1)  ,  qui  parle 
ainfi  dans  le  grand  Commentaire  fur  la  Genefe.  33  Saba  font  les 
33  fils  d* Abraham  ,  comme  il  eft  dit  dans  la  Genefe ,  &  lors  que 
nSalomon  vint  à  profpererdans  fonRegne,on  difbit,c'eft  peut  être 
33  le  Meffie  ,&  l'on  vint  à  lui  félon  qu'ileft  porte  1.  RoisX.  1.  La 
33  Reine  du  Saba  même   ,.  fur  la  réputation  de  tout  ce  que  Salo- 
53  mon  avoit fait  au  nom  du  Seigneur  ^vint  pour  en  faire  expérience: 
33 par  des  egnimes.  Par  ce  qu'il  dit  ,  continue  le  Rabbin,  il  pa- 
>3  roît  qu'il  y  avoit  des  Prophètes  qui  prophétifbient  à  cette 

(1)  Ç'eft  Moïfe  Haddtrcfihar  Rabbin  du  fiëde  XI. 


DE    PISE.    L iv.  VI.  175 

»  Reine  au  nom  du  Seigneur  ,  comme  ils  en  avoient  reçu  le 
>s  commandement,  depuis  Abraham,  On  prouve  bien  anfli  qu'ils 
»  dévoient  venir  au  tems  du  Meffie  pour  le  tervir  3  par  ces  pa- 
53  rôles  à'Efaïe  LX.  6.  Tous  viendront  àe  Saba  3  vous  apporter  de 
»  l'or  ,&  de  l'encens  ,&  publier  les  Louantes  du  Seigneur,  «  Ce  Sei- 
gneur-là eft  le  Meffie ,,  dit  le  Commentaire  Juif. 

L'Auteur  prouve  dans  le  VII.  Chapirre  3  par  l'autorité  des 
Commentateurs  Juifs,,  le  neuvième  caradere  qu'il  a  attribué  au 
Meffie ,   favoir  qu'il   devoit  délivrer  de  l'enfer  les  âmes  des  juftes 
qui  y  avoient  été    retenues   jufqu'à  Jon  avènement.  La  première 
partie  de  cette  propofition  3  que  les  âmes  des  juftes  étoienten 
enfer,  eft  une  do&rine   que  les  Juifs   avoient  tirée  des  Philo- 
sophes Grecs,  qui  faifoient  deux  parties  de  l'enfer,  l'une  pour 
les  bons  ,  l'autre  pour  les   méchans.  Cette  Théfe  eft  prouvée 
par  ce  mot  de  Rabbi  Elie^er  dan  s  le  Thalmud  3  que  le  feu  de  l*  en- 
fer n'a  point  de  puifjance  fur  les  fayz  s  dit  Thalmud  3&c  qu'ils  y  font 
comme  la  Salamandre  dans  le  jeu  fans  y  brûler,  parce  que  les  Sa- 
ges du  Thalmud  j ont  de  feu 3  comme  cet  animal.  On  voit  ici  un  bon 
nombre  d'autoritez  Rabbiniques  pour  prouver  que  le  Mefjîe  de- 
voit délivrer  de  l'enfer  les  âmes  des  juftes.  Je  rapporterai  ici  à  ce 
fujet  ,  un  Dialogue  entre  Dieu  ,  Satan,  &  le  Mellie  :  tiré  du 
grand  Commentaire  fur  la  Gcnefe.  »  Quelqu'un  demandoit:  Que 
»  veulent  dire  ces  paroles  de  Jjaniel  (a) ,  La  lumière  fera  avec  (a)  chap; 
îj  lu  h  Rabbi  Aba  répondit  3  c'eft  la  lumière  du  Mefîie:  le  Pro-  vu. 
»  phete  nous  montre  que  Dieu  a  fait  le  Meffie  de  la  lumière  , 
»  &  qu'il  garde  cette  lumière  fous  le  thrône  de  fa  gloire  pour 
>}  cette  génération.  Satan  demanda  à  Dieu  ,  Seigneur  du  mon- 
î3  de  ,  cette  lumière  qui  eft  fous  le  thrône  de  votre  gloire  pour 
»  qui  eft-elle  ?  Dieu  répondit,  Pour  le  Mefîie ,  &  pour  fa  gé- 
»  nération.  Permettez-moi ,  lui  dit  Satan  3  de  tenter  le  Meffie  . 
»  &  fa  génération.  Dieu  lui  dit ,  Vous  n'aurez  point  de  puifîan- 
î3  ce  fur  lui.  J'aurai  puifïance  fur  lui,  répliqua  Satan.  Si  celaeft, 
>j  dit  Dieu  ,  je  ferai  en  forte  que  Satan  fera  détruit  dans  le  mon- 
>3  de ,  avant  qu'aucune  ame  de  cette  génération  périiîe.  En  mê- 
>j  me  tems  3  Dieu  commença  à  faire  accord  avec  le  Meffie  ,  ôc 
«  lui  dit ,  Mefîie  mon  jufte  ,  les  péchez  de  ces  gens-ci  vous  vont 
»  expofer  à  un  terrible  travail,  vos  yeux  ne  verront  point.,  vos 
»  oreilles  n'entendront  que  les  rébus  de  cette  génération  5,  vos 
»  narines  fendront  beaucoup  de  mauvaifes  odeurs  ,  votre  bou- 
»  che  fera  pleine  d'amertume }  votre  langue  tiendra  à  votre  pa- 

Yiij 


14-12, 


i74  HISTOIRE  DU  CONCILE 

ï  lais  j  votre  peau  féchera  fur  vos  os  ,  votre  corps  fera  brifé  par 
3  la  douleur.  Si  vous  pouvez  foutenir  tous  ces  maux  _,  à  la  bon- 
3  ne  heure  jmais  fi  vous  ne  le  pouvez  pas  ,  fâchez  que  j'exter* 
3  minerai  du  monde  tous  ces  gens-là.  Le  Meffie  répondit,  Sei- 
3  gneur  du  monde ,  je  fuis  content  de  fubir  pour  eux  ,  toutes  ces 
5  iouffrances  ,  fous  cette  condition  ,  que  je  redufciterai  tous 
3  ceux  qui  font  morts  depuis  Adam  jufqu'à  préfent,  que  vous 
3  ne  fauverez  pas  feulement  ceux-là  mais  aufli  ceux  qui  ont  été 
s  dévorez  par  les  loups  ,  &  par  les  lions,  ou  qui  ont  péri  .dans 
s  la  mer ,  ©u  dans  les  fleuves ,  les  avortons ,  tous  ceux  qui  font 
3  nez  pendant  mes  jours  ,  &  ceux  que  vous  avez  réfolu  de  créer 
s  à  l'avenir.  Dieu  lui  dit ,  je  vous  accorde  tout  cela.  Au  même 
3  inftant  le  Mefîie  s'expofa  à  toutes  ces  fouffrances,avec  un  grand 

>  amour,  félon  ce  qu'avoit  dit  Efaïe  yJl  s' eft  offert  ,  farce  qu'il 

>  l\t  voulu  3  &  il  n'a  pas  ouvert  fa  bouche.  »  Le  Dialogue  eft  long 
&  ridicule  j  mais  on  peut  tirer  deux  conféquences ,  l'une  ,  que 
le  Meffie  devoir  refïufciter  les  morts ,  èc  fauver  le  genre  humain  j 
l'autre  3  qu'il  ne  pouvoir  l'exécuter  que  par  fes  foufTrances. 

La  refurre&ion  de  J.  C.  de  fa  féance  à  la  droite  du  Père  font 
lefujet  du  Chapitre  VIII.  La  première  de  ces  vérirez  eft  éta- 
blie fur  Ofèe  VI.  i.  2.  où  il  eft  dit ,  Il  nous  refîufcitera  le  troijième 
jour  :  fur  quoi  Moïfe  le  Prédicateur  dit   dans  le  grand  Com- 
mentaire fur  la  Genefe ,  à  l'occafîon  du  troijième  jour  dont  il  eft 
parlé  Genefe  XXII.  4.  que  l' Ecriture  fainte  -parle  fouvent  de  trois 
jours ',  &  que  la  refurrection  du  JS/lefjie  e(l  un  de  ces  trois  jours-la.  La 
féance  de  J.  C.  à  la  droite  du  Père  n'eft  pas  enfeignée  moins,  po- 
fitivement  par  les  Juifs  ,  &  entre  autres  par  le  Paraphrafte  vhal- 
daïque ,  qui  comme  le  remarque  notre  Auteur ,  a  traduit  ces  pa- 
roles Pf  CX.  i.Ze  Seigneur  a  ditàmon  Seigneur  ,  par  celles-ci  : 
Le  Seigneur  a  dit  à  fon  Verbe  (1).  Je  ne  rapporterai  point  ici  tou- 
tes les  autres  autoritez  alléguées  par  Jerbme  de  Sainte  Foi.  Je  re- 
marquerai feulement  en  paiTant  que  les  Juifs  font  aceufez  ici  7 
par  leurs  propres  Dodeurs ,  d'avoir  corrompu  le  Texte  Hébreu. 
C'eft  dequoi  les  aoeufe  le  Rabbin  Simeon  dans  le  grand  Com- 
mentaire fur  la  Genefe  ,  où  il  dit ,  qu'au  lieu  de  ces  paroles  du  Pf. 
XXII.  Ils  ont  percé  mes  mains  &  mes  pieds ,  les  Juifs  ont  mis  caariy 
c'eft-à-dire  ,  comme  un  lion  ,  au  heu  de  caarou  ,  c'eft-à-dire,  ils 
ont  percé.  Ils  ont  fait  dit  ce  Rabbin,  quantité  d'autres  change- 
mens  de  cette  nature  ,  comme  cela  eft  rapporté  amplement 

(1)  Il  y  a  dans  la  Paraphrafe  :  Le  Seigneur  a  dit  avec  fa  parole  3  ou  far  fa  parole. 


DE    PISE.  Lrv.    VI.  m 

dans  le  Midrafjthehillim ,  c'eft-à-dire  j  le  Commentaire  allégo- 
rique fur  les  pjeaumcs 3oxx  il  eiï  die  que  c'en:  à  caufe  de  ces  chan-     141 2.* 
gemens  que  le  Prophète  Jeremie  a  prononcé  ces  paroles  3  ils  ne 
■parlent  point  en  vérité ,  &  ils  ont  inftruit  Leurs  lanpt.es  à  proférer  le 

men fonÇC  (a).  (a)  Jirem* 

Il  s'agit  de  prouver  dans  le  Chapitre  neuvième  que  le  MefTie  IX-3- 
devoit  donner  une  nouvelle  Loi,  abolir  les  anciens  Sacrifices, 
excepeé  celui  du  pain  &  du  vin  ,   &  difpenfer  des  autres  loix 
cérémonielles  de  Moïfe.  il  allègue  d'abord  ,  pour  le  prouver, 
Efaïe  II.  2.  3.  ce  que  Rabbi  Salomon  applique* à  la  vocation  des 
Gentils  ,  &  un  autre  pafîage  de  Jeremie  XXXI.  31.  32.  33.  34, 
Il  y  infère  les  pafïages  des  pfeaumes  XXI-  1 .  &  Efaïe  XI.  10.  ex- 
pliquez, félon  les  Docteurs  Juifs,  de  la  même  vocation  des  Na- 
tions. Enfuite  il  propofe  une  explication  d:un  Rabbin  quïl  ap- 
pelle  Ryddi  3  fur  ce  pafîage  du  Critique  des  Cantiques  3  cm  il  me 
baije  du  baifer  de  fa  bouche ,  où  félon  ce  Rabbin  ,  Moïfe  dit  aux 
ïfraélites  3  que  cela  n'arriveroit  qu'au  tems  du  Melïîe ,  félon  Po- 
racle  de  Jeremie  qu'on  vient  d'alléguer.  A  Fégard  de  l'abolition 
des  Sacrifices,  il  l'établit  par  Efaïe  1. 11.  &.Malachie\.  \q.  h.  Sur 
quoi  il  allègue  un  pafîage  du  Thalmud  qui  porte  qu'au  fîecle  à 
Venir  tous  les  Sacrifices  feront  anéantis  hormis    celui  de  la  Confef» 
fion  3  c'eft-  à- dire  de  la  Louante  ,  &;  un  endroit  du  Traité  de  Mai- 
mon  intitulé  More  Nevochim  ,  c'eft-à-dire  ,  Doéleur  de  ceux  qui 
doutent  3  où  ce  Rabbin  dit  que  la  première  intention  du  Le- 
giflateur,  en  ordonnant  des  Sacrifiées  ,  étoit  de  détourner  les 
lfraëlites  de  Fidolatrie  (1).  Quanta  la  permiffion  d'ufer  des  vian- 
des défendues  par  la  loi  ,  il  la  prouve  par  un  long  paiîao-e  de 
Maimon  dans  le  grand  Commentaire  allégorique  fur  lâGenefe 
&  par  plusieurs  autoritez  du  Thalmud  que  Fon  peut  voir  dans 
l'Auteur  même  ,  parce  qu'il  feroit  trop  long  de  les  rapporter   & 
que  d'ailleurs  ellescontiennent  des  abfurditez  dontonveut  épar- 
j  gner  la  le&ure  au  public  II  prouve  auiîi  fort  bien  dans  le  Cha~ 
;  pitre  dixième ,  que  félon  le  Prophète  Efaïe  LXVI.  19.  Fidola- 
trie devoit  difparoître  dans  le  monde  par  la  doétrine  du  Meiîie, 
Il  fait  voir  enfuite  par  des  paroles  du  Thalmud  ^  que  c'étoit  -là 
le  fentiment  des  Juifs.  Ces  preuves  ,  pour  le  dire  ici  en  paf- 
fant,fontàla  vérité  fort  bonnes,  s'il  s'agir,  feulement  de  Fido- 
Iacrie  des  Gentils  qui  a  été  bannie  par  la  doctrine  de  l'Evangile 
delà  plus  grande  partie  du  monde  connu ,  puifque  non  -  feule- 

(1)  Cetce  doârine  règne  dans  tout  le  troiiîétne  Livre  du  More  Nevochim, 


Ïj6  HISTOIRE    DU    CONCILE 

•  mène  les  Chrétiens  ôcles  juifs,  mais  auffi  les  Mahometans  font 
14.12.  profeffion  de  ne  croire  qu'un  Dieu.  Mais  il  Jérôme  de  fainte  Foi 
avoir  vécu  ailleurs  que  dans  un  païs  d'inquifition  ,  il  auroic  pu 
rencontrer  des  Juifs  ,  des  Mahometans  &:  même  des  Chrétiens 
qui  auroient  objecté  qu'il  y  a  dans  la  plus  grande  partie  du  Chri- 
ftianifmeune  autre  forte  d'idolâtrie  ,  qui  refïemble  beaucoup  à 
celle  des  Payens.  L'Auteur  ne  trouve  pas  plus  de  difficulté  à 
prouver  par  les  Prophètes  ,  &;  par  les  explications  qu'en  ont 
données  les  Rabbins ,  que  Dieu  auroitdes  facrifîcateurs  d'entre 
les  Nations,  £c  qu'après  la  venue  du  Meffie  ,  elles feroient  ba- 
riiëes  d'eau  &  du  Saint-Eiprit.  Il  prouve  ,  félon  la  même  mé- 
thode ,  que  le  Meffie  devoit  être  pauvre  &  entrer  dans  Jerufa- 
lem  monté  iur  un  ânon  ,  félon  ZacbarieYK.  9.  Sur  ce  paflageil 
allègue  l'autorité  de  Habbi  Salomon,  qui  déclare  qu'il  ne  peut 
être  entendu  que  du  Meffie  :  à  quoi  il  ajoute  un  témoignage  de 
Maimon  qui  applique  au  Meffie  ce  qui  eft  dit  de  Judas  Genefe 
XLIX.  11.  Il  nous  eft  montré  par- là,  dit  Maimon  ,  que  quand 
le  Meffie  viendra  pour  fauver  Ifraël,  il  embâtera  lui- même  fon. 
âne ,  montera  deflus .,  &  viendra  en  lfraël  avec  pauvreté. 

Le  douzième  Chapitre  contient  la  preuve  des  autres  arti- 
cles. La  venue  du  Précurfeur  du  Meffie  eft  bien  prouvée  par  les 
pafTages  connus  à'Efaïe,  6c  de  Malachie.  Mais  il  ne  paroîtpas 

(a)Amiq.  ici  que  les  Rabbins  ayent  appliqué  ces  pafTages  au  Précurfeur  du 

Cap/vif.  Meffie.  L'Auteur  ne  produit  que  le  témoignage  de  Jofeph  (a) , 
touchant  Jean-Baptijie ,  duquel  témoignage  il  aceufe  les  Juifs 
d'avoir  retranché  quelque  chofe,  •»  Les  Juifs,  dit-il  ,  peuvent 
»  voir  cette  Hiftoire  de  Jcan-Baptifle  .  dans  le  Livre  de  Jofeph , 
»  où  il  eft;  dit  que  Jean  èaptizxi  Jefus-Chriji  au  Fleuve  du  Jour- 
»dain3  quoique  je  n'y  aye  vu  de  ma  vie  cette  parole.  Mais  les 
»  Docteurs  Juifs  ont  retranché  de  ce  Livre  ,  comme  je  croi  qu'ils 
53  ont  retranché  beaucoup  de  chofes  du  Thalmud.  »  A  l'égard  de 
cette  Thefe,  que  la  preiente  captivité  ou  difperfion  des  Juifs, 
ne  leur  eft  arrivée  qu'à  caufe  de  leur  ingratitude  envers  le  Mef. 
fie ,  il  la  prouve  ,  par  un  témoignage  du  grand  Commentaire 

(b)  Haidc-ixxr  le  Deuteronome\b)  ,oi\  il  eft  dit  que  les  Ifraëlites  ont  été  dif. 

barimRaiba  perfez  à  caufe  de  ces  paroles ,  qu'ils  prononcèrent  lorfque  Ro- 
6oa?n\eur  parla  fi  durement.  Nous  n* 'avons  point  de  part f#  David, 
ni  d'héritage  h  attendre  du  F  ils  dy  Ifaï.  Et  voici  comme  Jérôme 
de  Sainte  Foi  raifonne  là-defTus.  »  Ce  n'eftpas ,  dit- il,  pour  cet- 
»  teréponfe ,  fi  on  la  prend  à  la  lettre ,  qu'Ifraël  fut  emmené  en 

>3  captivité 


DE   PISE.  Liv.     VI.  177 

«captivité  à  Babylone.  Ce  fut  à  caufe  de  fon  idolâtrie  ,  de  fes    1^%, 
»  homicides  êc  de  les  adultères.  Encore  n'y  fut-il  que  foixante&: 
»  dix  ans.  Comment  pourroit-on  croire  que  les  [uifs  feroient 
»  captifs  depuis  plus  de  quatorze-cens  ans  que  dure  la  préfente 
»  captivité  ,  feulement  à  caufe  de  la  réponie  qu'ils  firent  à  ica- 
»j  boam  /  Nous  n'avons  point  de  part  en  David ,  à  moins  que  par  le 
«  David  qu'ils  rejetterent  alors  ,  on  n'entende  le  MefTie.  »  Et 
il  montre  en  effet  qu'il  faut  l'entendre  ainfi,  par  plusieurs  auto- 
ritez  Rabbiniques ,  de  même  par  leTbalmud  ,  où  félon  lui  on  lit 
ces  paroles,  qui  font  un  aveu  indirect  de  leur  crime  enversjefus- 
Chrift.  Comment  fe  peut.  il.  fa  ire  que  fous  le  fecondTemple  ,  où  il  n'y 
eut  f  oint  d'idolâtrie  ni  de  crime  honteux  3  où  il  y  avoit  un  f  grand 
nombre  de  gens  de  bien ,  hommes  figes   &  dévots ,  où  l'on  ne  peut 
r-eprocher  aux  Juifs  que  la  haine ,  &  l*  envie  ,  ils  ayent  été  afjujet- 
tis  à  une  fi  terrible  punition  ?  Jérôme  de  Sainte  Foi  regarde  la  clô- 
iture  delà  porte  du  Ciel  aux  prières  des  Juif  s  3  comme  la  princi- 
pale partie  de  cette  punition  5  quoique  celle  de  la  converfion 
leur  foie  toujours  ouverte.  C'eft  pour  prouver  cette  Thefe  que 
l'Auteur  cite  deux  Rabbins  /l'un  Rabbi  Elia^er,  qui  dit ,  dans 
le  Thalmud,  que  depuis  que  le  Temple  a  été  détruit  ,  la  porte  de 
l'or  ai  fon  a  été fermée  3  &  qu'il  y  aune  porte  de  fer  entre  Jerufa- 
ïfem  &  le  père  celefle.  L'autre  témoignage  eit  tiré  du  Commen- 
!  taire  allégorique  fur  les  P psaume  s  ,  où  l;on  trouve  ces  paroles 
de  Rabbi  Samup.l  :  Les  portes  de  Cor  ai  fon  font  quelquefois  ou- 
vertes ,  &  quelquefois  fermées  ,  mais  celles  de  la  converfion  ne    le 
font  jamais  3  félon  qu'il  eft  écrit  dans  les  Pfeaumes  ,  à  caufe  de 
:  ces  paroles  du  Pfeaume  LX1V.  6.  (félon  la  Vulgate  )  l'efpéran- 
ce  de  toutes  Us  fins  de  la  terre  efi  bien  loin  fur  la  Mer.  Comme  la 
Mer ,  dit  le  Rabbin  3  efi  ouverte  &  qu'on  s'y  peut  baigner  en  tout 
temps  3  il  en  efi  de  même  de  la  converfion.  Quiconque  veutfe  conver- 
tir en  quelque. temps  que  ce  fait  fera  reçu  de  Dieu. 

Après  avoir  prouvé  ces  articles  3  il  répond  à  une  objection 
qu'il  fe  fait  delà  part  des  Juifs  -,  fçavoir  ,  fi  tout  ce  qu'il  avoit 
prétendu  prouver  par  l'Ecriture  3  de  par  les  Rabbins  étoit  véri- 
table ,  d'où  vient  que  les  Juifs ,  &  fur  tout  ceux  qui  étudient  fans 
celle  le  Thalmud  ne  fe  converthîent  pas  au  Chriftianifme  ?  Pour 
répondre  à  cette  objection  3  il  fait  trois  parties  du  Thalmud ,  ôc 
montre  l'ufage  &  l'abus  qu'en  font  les  Thalmudifics(i) ,  La  pre- 

(1)  Buxtorf  a  partagé  le  thalmud  en  fîx  parties,  dont  la  première  appellée  Zarahim. 
traite  des  femences  -,  h  féconde  appellée  Mohed  ,  des  Fêta  j  h  troifiéme  appellée  N*fchi» ,  des 

Tome  II.  Z 


i7«  HISTOIRE   DU    CONCILE 

ï  ai  2.  miere  traite  dW  caufes  civiles  ,  ^>  ^  fr?»*  ce  qui  en  dépend ,  comrns 
font ,  dit- il ,  nos  Zoix  Impériales.  La  féconde  .,  des  Mariages  3  de&> 
Animaux  purs  &  impurs  3  des  Prières  3  des  Fêtes.  La  troifiéme 
contient  ^;  hifioires  &  des  narrations  de  la  Loi  ,  comme  de  f 0- 
raifon  _,  <^5  œuvres  3  de  la  vie  des  pères  y  des  miracles  de  la  Loi  ,  ^ 
/^  «z/*»»*  ^  Me.ljîe  3  &  de  fes  caractères  ,  de  la  refurreffion  des 
morts ,  du  Jugement  dernier ,  de  £  Enfer  &  du  Paradis.  C'eft  fur  ces 
(a)  uagg*-  narrations  &  hifioires  (a)  que  doivent  rouler  les  Sermons  qu'ils 
Ê>nïïarra~  appellent  Middrafot ,  c'eft-à-dire ,  Explications  myftiques.  Mais 
comme  ces  narrations  ,  ou  explications  myftiques  ne  fe  trouvent 
point  à  part  dans  le  Thalmud,  &  qu'elles  y  font  difperfées  çà  &  là 
en  différents  Livres  6c  Chapitres  ,  lorfquc  les  Rabbins  lifentà 
leurs  Difciples  les  endroits  où  ces  narrations  fe  trouvent  ^  ils  les  fa f- 
fent ,  difant  que  cela  cfl  inutile  ,  parce  que  leur  intention  n'efl  de 
lire  que  ce  qui  fert  k  gagner  de  l'argent  &  à  faire  honneur  dans  le 
monde.  Il  allègue  encore  d'autres  raifons  de  l'endurciffèmenr 
des  Juifs  j  comme  l'attachement  à  leurs  familles  ,  le  profit 
qu'ils  tirent  de  leurs  ufures  (i)  3  la  difficulté  de  furmonter  les 
préjugez  de  la  naifïance  ,  &  de  l'éducation.  Ici  finit  le  premier 
Livre. 
Conférences      jL  y  EUT  ^      u     cs  en  ce  m£me. temps ,  diverfes conféren* 

avec  Us  y  tuf  .  *  *  r.  *■ 

ces  avec  les  Juifs ,  en  préfence  de  Benoit  JfllI.  Si  ce  fut  avant 
ou  après  le  Traité  de  Jérôme  de  Sainte  Foi ,  c'eft  ce  qu'il  n'eft. 
ni  important ,  niaifé  defeavoir  3  parce  que  les  Hiftoires  ne  s'ac- 
cordent pas  là'defïus.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  eft,  quecePro- 
felyte  en  fut  un  des  principaux  tenants  ,  &  qu'elles  roulèrent 
prefque  toujours  fur  les  principes  avancez  dans  fon  Livre. 
Quelques  Hiftoriens,  tant  Chrétiens  que  Juifs ,  ont  fait  le  ré- 
cit de  ces  conférences ,  comme  on  peut  le  juger ,  fort  différem- 
ment ,  chacun  donnant  la  victoire  à  fon  parti.  Je  rapporterai: 
premièrement  ce  qu'en  a  dit  Jérôme  Surita  ,  célèbre  Hiftorien 
d'Arragon  (i).  Il  donne  au  zélé  de  Vincent  Ferrier($J  ,  le  prin. 
(a)i»»Km*-  cipal  honneur  des  converflons  innombrables  (a)  de  Juifs,  qui, 
ra  its'mtes.  fe\on  |uj.  ^  fe  firent  al  ors.  Ce  fut  à  fa  fbllicitation  que  Benoit- 

femmes  ;  la  quatrième  appellée  Ne^îckin  ,  des  dommages  ;  la  cinquième  appellée  Chaiachim  ,. 
dès  chojes  Jacreh  CT  dtsfacrifces  j  la  fixiéme  appellée  Maharot  des  purifications.  Buxt.  Biblioth.. 
Rabbin,  p,  .144^24^ 

(1)  Il  conte  là-defiiis  cette  Hiftoriette  du  Thalmuâ  ,  qu'une  femme  voyant  un  Rabbiiv 
gros  &  gras  lui  dit  qu'il  avoit  le  vifage  d'un  homme  ,  qui  a  un  troupeau  de  pourceaux  &  qui 
prête  fon  argent  àufure. 

(2)  Sur  cet  Hiitorien  voyez  Nicol.  Anton.  Hifpal.  Biblioth.  Bifpan.  Tom.  I.  p.  458* 
($)  Sanio Faron Maefro Vicente Firrer. .Sunt.  Annal  L.  XII.  Cap,  XLY. 


DE  PISE.  Liv.    Vï.  179 

JCJII.  aSTembla  à  TortoSe  ce  qu'ilyavoic  de  plus  fçavans  Juifs 
dans  le  Royaume,  pour  tâcher  de  les  ramener  par  des  confc-     ,412^ 
rences.  Les  plus  renommez  d'entre  eux  étoient  Rabbi  Terrier,  ,  *  ^^ 
Salomon  Jfaac ,  Rabbi  A '/hue  (aj  3  Rabbi  Jofeph  Albo  (b) ,  Rabbi  Biblwth. 
Mattathias  de  Sarragolle  (c) ,  le  Docteur  Théodore  (1) ,  Ben  Af.  He**P- zor' 
truc  de  Girone  3  le  Rabbi  Moyfe  (  AbenabexJ.  Ces  Rabbins  étant  wdk  »L 
venus  au  rendez-vous,  le  Pape  ordonna  aux  plus fçavans  d'en-  /«?.  p- fou- 
tre les  Théologiens  de  fa  Cour,  d'enrrer  en  conférence  avec  fy  7^°/' 
eux,  afin  de  les  convaincre  par  l'autorité  de  leurs  propres  Doc-  905.  & 
teurs.  Les  Théologiens  Chrétiens  qui  fe  Signalèrent  le  plus  dans  Sc,,CTjJ'' 
cette  occafion  étoient,  un  nommé  Garcy  Aharcz^de  Alarcon  ,  ,,7"' 
fort  fçavant  en  Hébreu ,  en  Chaldéen,  Se  en  Latin ,  André  BcL 
tran  de  Valence,  Docteur  en  Théologie  &  Aumônier  du  Pape. 
Ce  dernier,  qui  n'étoit  pas  moins  fçavant  que  l'autre ,  avoit  été 
Juif  &  lut  depuis  Evêque  de  Barcelone.  Sa  principale  applica- 
tion dans  ces  conférences  fut  de  lever  les  doutes  fur  l'Ecritu- 
re Sainte ,  èc  de  montrer  les  faullès  glofes  cv  les  falsifications  des 
.Rabbins  dans  l'explication  des  paflages.  Mais  celui  qui  y  eut 
le  plus  de  part  fut  Jérôme  de  fainte  Foi  fon  Médecin  ,  homme  fort 
fçavant,  bien  verfé  danslale&ure  du  vieux  Teftament  3  &  de 
fes  gloies  ,  &  dans  les  Livres  des  Rabbins  &du  Thalmud.  Je- 
rb  me  Surit  a  met  la  première  conférence  au  mois  de  Février  1413. 
Ce  qui  peut  donner  lieu  de  croire  qu'elle  fut  une  conféquence 
du  Traité  lu  devant  le  Pape  en  14.i1.Le  Pape  &  [es  Cardinaux 
fe  trouvèrent  à  cette  ASTemblée.  Quandilnepouvoitpasy  pré- 
fider  lui-même  ,  il  donnoit  fa  place  au  Général  des  Domini- 
cains ,  &  au  Maître  du  facré  Palais  3  qui  étoit  alors  Vincent  Ter- 
rier, Il  paroît  par  cette  Relation  que  dans  cette  première  con- 
férenceilSe  convertit  plus  de  deux  cens  Juifs  des  Synagogue* 
•de  SarragoSIe  ,  de  Calatayud ,  &  d'Alcanitz  ,  &  entre  autres  un 
Juif  nommé  Théodore  ou  Todroz^Benvcnitz^,  l'un  des  plus  con- 
sidérables de  SarragoSïe  ,  avec  fept  perfonnes  de  fa  famille.  De- 
puis pendant  que  le  Pape  étoit  à  Tortofe  ,  on  baptifa  environ 
cent-vingt  familles  fort  nombreuses  ,  des  Villes  de  Calatayud  , 
-de  Daroca  ,  Fraga  ,  Barbaftro  ,  &:  plus  de  cinq  cens  d'Alcanitz , 
deCaSpe,  de  Maello  ,  de  Lerida  ,  de  Javenarit ,  d'Alcolea  Ces 
converfions  étoient  fi  nombreufes  6c  fi  rapides ,  qu'on  efperoit 
qu'elles  feroient  dans  peu  Suivies  de  celle  de  tous  les Juifsd'Ar- 

<i)  El  Maeftro  Toiro^.  Vid.  IV&'.tf.  uh.  f*pr.  p.  3^5.  &  Schev.  Jthtiâ.  p.  n7-  Hy  eut  encore 
4in  aukc  Tod,o\  à  cette  Confereace. 

Zij 


14.12. 


iSo  HISTOIRE  DU    CONCILE 

tagon  ,  comme  il  étoit  arrivé  dans  les  Provinces  d'Efpagne ,  fut 
tout  par  les  Prédications  de  Vincent  Ferrier.  L'Hitorien  a  rai- 
fon  de  dire  qu'elles  fe  faifoient  de  bon  cœur,  en  apparence  (1), 
puis  qu'on  apprend  d'ailleurs  qu'au  fbrtir  de  là  ,1a  plus  grande 
partie  fe  replongeoit  dans  le  Judaïfme.  Ces  conférences  n'é- 
toient  en  effet  qu'un  voile  pour  cacher  la  perfécution  que  le 
Papeméditoit  contre  eux.  Car  Surira  nous  apprend  que  la  mê- 
me année  ,  à  l'exemple  de  Grégoire  Ijf.  &  d'Innocent  IV.  qui 
avoient  condamné  au  feu  tous  les  Livres  du  Tbalmud,  Benoit 
publia  des  Conflitutions  violentes ,  contre  ceux  qui  perfifte- 
roient  dans  leur  Religion ,  de  quelque  prétexte  qu'ils  puffcnc 
fe  fervir.  Il  y  condamnoit  la  doctrine  des  Juifs  &  leurs  Au- 
teurs ,  &  défendoit  à  tout  le  monde,  fidèles  ,  ou  infidèles  ,  de 
quelque  condition  qu'ils  fuflènc,  d'écouter  &  d'enfeigner  cette 
dodrine ,  n'exceptant  de  cette  condamnation  que  les  livres  des 
Juifs  qui  paroiiïbient  les  plus  propres  à  les  convaincre.  Il  ordon- 
na aux  Inquisiteurs  ,  &  aux  Diocèfains  de  procéder  contre  ceux 
qui  garderaient  de  ces  Livres,  &.  défendit  aux  Princes  d'accor- 
der aucun  Privilège  aux  Juifs ,  &  de  leur  permettre  d'exercer 
entr'eux  aucune  jurifdiction  ,  ni  pour  injures ,  ni  pour  calom- 
nies, ni  pourpaiïèr  des  compromis  ,  &.  de  fe  mêler  d'aucun  ju- 
gement ,  fous  quelque  prétexte  que  ce  fûtfij.  En  exécution  de 
ces  ordres,  il  commanda  de  fermer  fi  bien  toutes  les  Synago- 
gues fjj-,  qu'il  n'y  eût  qu'une  feule  petite  porte  pour  y  entrer, 
&  même  que  les  avenues  feroient  gardées  par  des  Officiers  Chré- 
tiens, afin  que  les  Juifs  ne  pufient  s'affembler  dans  les  Carre- 
fours ou  dans  les  places  publiques  (4).  Il  défendit  outre  cela, 
toute  forte  de  communication  &  de  converfation  avec  eux  , 
&    ordonna  qu'on  les  diftinguât  de  toutes   les  manières    les 
plus  odieufes  f  5  J.  Mais  ce  qui  leur  parut  plus  dur  que  tous 
le  refte  ,  c'eft  la  défenfe  qu'on  leur  fit  d'exercer  aucun  négoce 
&  de  prendre  de  l'argent  à  intérêt  ou  ufuire  ,  métier  que  Surz- 


(  1  )  Segum  parefeio  cen  pitro  coraçonl 

(z)  Prohibio  tambien  que  de  alli  aidante  ,  no  fe  concediefje  ningun  privïlegio  portos  Principes  a 
los  que perfeverajjen  en-  fit  dannada  Ley  :  por  que  en  todo  reconociejjen  pro  la  obra  ,  que  nos  les  queda- 
•va  ningun  fivor  :  y  no  fe  dicjje  lugar  ,  que  paya  procéder  contra  los  de  fit  Ley  ,  que  ellos  llamavan 
malfwes  ,ni  por  otraqualquier  occafïon  ,  pudieffenexercitar  jurisdicion  t  niferjue^es  entre  ellos-  »t 
temar  en  fi  ningun.  compromiffo  ,  ejuygado.  Surit,  ub.fupr. 

(3)  Todas  las  Aljamau 

(4)  En  combites  ,  o  banos. 

(5)  SeorcUno  qutfuejfenmuy  ftnaLtdes. 


DE    PISE.    Liv.     VF  iSt 

rappelle  leur  Loi  ,    leur  Divinité  ,  &.  leur  unique Foi.     Enfin 
la  Conftitution  commandoit  de  les  proclamer  certains  jours    H12, 
de  Tannée ,  &:   de  les  admonêter  de  quitter    leurs  erreurs , 
fous  peine  d'être  mis  en  captivité  toute  leur  vie.   Mais  ,  ajoiir 
te  l'Hiftorien  ,   comme  c'eft   une   Nation  obitinée  &  artifi- 
cieufe,  pleine  derufes  8c  a' entregent  ( entremetimi entoj  &  qui  n'i- 
gnore aucune  des  ouvertures  &  des  voyes  pour  acquérir  du  bien , 
elle  auroit  trouvé  le  fecret  de  iè  dérober  à  toutes  les  rigueurs  de 
la  Loi ,  fi  on  n'eût  pas  pris  d'autres  précautions.  C'eft  pourquoi 
le  Pape  nomma  des  perfonnes  graves  pour  procéder  contre  les 
Juifs,  &  pour  exécuter  les  peines  portées  par  ces  Bulles.  Entre 
ces  Commiiîaires  étoit  Gonçalo Garcia  de  Santa  Maria  i  fils  de 
Dom  Paul  5  Evêque  de  Carthagene.  Mais  après  la  mort  du  Roi , 
les  Juifs  fe  relevèrent  de  cette  oppreffion  ,  &  continuèrent  leur 
trafic.  C'eft.  là  tout  ce  que  Surita  nous  apprend  de  ces  confé- 
rences avec  les  Juifs  3  de  de  leurfuccès.  Il  y  a  des  Docteurs  Juifs , 
qui  en  ont  parlé  plus  amplement ,  comme  entre  autres  le  Rab- 
bin Gedalia  fils  de  Jofepb  Jacchija  dans  fon  Traité  intitulé  ChaL 
fchelcth  bakkabala ,  c'eft- à- dire,  chaîne  de  la  Cabale. 

Mais  comme  il  n'y  en  a  point  tqui  fe  foit  plus  étendu  là-def- 
fus  ,  que  le  Rabbin  Salo?non  Ben  Virga  dans  fon  Scheveth  Juda  7 
c'eft- à  dire  j  feeptre ,.  ou  Tribu  de  Juda  ,je  rapporterai  fommai- 
rement  ce  qu'il  dit  de  ces  conférences  (i).  Il  rapporte  que  dans 
ce  temps  là  ,  c'eft-à-dire  en  141 2.  ou  1413.  les  Juifs  fourrrirent 
une  grande  perfécutiondela  part  du  Pape  (  Benoit  JflII.)  à 
l'occafion  de  Jofuè  Lurki  (  c'eft  le  même  qu'Ilalorki)  qui  depuis 
fa  révolte  3  comme  parle  Ben  Viryz  ,  s'appella  Jérôme  de  faim  c 
Foi(i).  Cet  Apofiat }  félon  lui  3  pria  le  Pape  de  faire  afiembîer 
tous  les  plus  fçavans  d'entre  les  Juifs ,  &  il  fe  faifoit  fort  de  leur 
prouver  par  leur  Thalmud ,  que  le  Mefîie  eft  venu  3  &  que  ce 
Meflie,  c'eft  Jejus-Cbrifi..  Pour  rendre  compte  de  ces  conféren- 
ces, Ben  Viryt  produit  une  lettre  du  Juif  Abonsftroc,  aux  Juifs  de 
la  fynagogue  de  Girone. 

On  trouve  ici  un  beaucoup  plus  grand  nombre  de  Rabbins  que 
dans  la  relation  de  Surita.  Celui- ci  en  compte  jufqu'àdix.fepc 
de«diverfes  Villes  (3J.  Les  Juifs  étant  arrivez  à  Tortofe  ,  que 

(1)  Je  me  fers  de  la  traduction  Latine  de  Georgius  Gentius  imprimée  à  Amfrerdameni^jr, 
Voyez  cette  traduction  p.  Z2j.  270. 

(a)  Il  trouve  dans  la  première  Lettre  des  trois  premiers  mots  de  ce  nom  écrites  en  carac- 
tères Hebreux,fcavoir  Maeftri  Gieronymodi  ,  le  mot  Ma^.i/quifîgnifie  calomniateur. 

(j)  Ex  Vrbe  C*ftira»£nfl«ZataçhiasLevita  ,frimm  Me  Vidael///«i  Benvenifbe  ,  M.  Math»*- 


iU  HISTOIRE  DU  CONCILE 

i  ai  2.  Ben  Virga'avpelÏQ  Rome ,  fans  doute  parce  que  le  Pape  y  tenoir 
fa  Cour  (i)  ,  choiïirenc  pour  leur  Qf&teur  auprès  du  Pape  le 
célèbre  Rabbin  JJon  Vidal  Arragonois  II  concertèrent  auffi 
enfemble  de  fe  conduire  avec  modération  dans  la  difpuce  ; 
&  de  ne  point  s'interrompre  &  s'emporter  les  uns  contre  les 

(a)  Voyez  autres  (a). 

wo\{.  b:R.      i^q  pape  les  reçut  avec  un  vifage  gai  3  de  leur  parla  à  peu  près 
•P;  );'en  ces  termes.  »  Honorables  Hébreux,  Nation  ancrerais  eluë 
»de  Dieu,  maintenant rejettée  à  cauie  de  iès  crimes, ne  vous 
»allarmez  point  de  cette  difpute,  &  fur  ma  parole  Pontirica- 
^le,,  ayez  bon  courage.  Que  chacun  de  vous  parle  avec  liberté, 
>3  pour  la  défenfe  de  fa  caufè.  Maître  Jérôme  (  de  fainte  Foi) 
«  s'eft  vanté  de  vous  prouver  par  votre  Thalmud  que  le  Meffie 
w  eft  venu  ,  il  s'agit  de  voir  aujourd'hui   s'il  tiendra  parole. 
Après  ce  difeoursil  les  renvoya  chez  eux  jufqu'au  lendemain  , 
&  ordonna  qu'onles  logeât,&  qu'on  leur  fournît  tous  les  allimens 
qu'ils  demanderoient  conformémentà  leurLoi.  Le  lendemain 
on  les  fit  entrer  dans  un  fale  magnifiquement  ornée.  Il  y  avoic 
70.  Sièges  préparez  pour  les  Cardinaux  êc  les  Prélats  ,  qui  y 
parurent  fplendidement  vêtus.  Il  s'y  trouva  auffi  un  grand  nom- 
bre de  grands  Seigneurs,  &des  principaux  de  la  Ville.  Quand 
chacun  eut  pris  place ,  le  Pape  s'adreiTant  aux  Juifs  :  >3  Sçachez  , 
vdtrM  +  fages  Hébreux  ,  que  vous  n'êtes  point  mandez  ici 
in  pour  difputer  fi  notre  Religion  eft  vraye  ,  ou^  fi  c'eft  la  vô- 
m  tre.  Je  fuis  très-perfiiadé  de  la  vérité  de  la  mienne.  La  vô- 
«  tre  fut  jadis  vraye  ,  mais  elle  eft  préfentemenc  abrogée.  Il  j 
-,5  eft  feulement  ici  queftion  de  ce  fait,  que  Jérôme  a  avancé ,  ; 
:s  c'eft  que  ,  félon  vocre  Thalmud ,  compofé  autrefois  par  des 
»  Docteurs  beaucoup  plus  fçavans  que  vous  ,  le  Meffie  eft  venu 
»il  y  a  long- temps. 
Alors  Jérôme  de  fainte  Foi  ouvrit  la  conférence  par  ces  paroles 

gb)E/a«  Ch  ftEfaïe  ,  Vene^  débattons  nos  droits . . .  Mais  fi  vous  êtes  rebelles  3 
vous  ferezjonfumezjjar  l'épée  (bj.  Le  Rabbin  Vidal %  fans  s'émoiu 

•tiaslzahari,  Macaltiob  ,  fummtts  îUe  txfùlum prineeft  ,  qui  Hebr<eii  Nafî  dicitttv.  Samuel  Levi"  \ 
ta  &  M.  Mofes  filius  Mofis,  Ex  urbe  Ofca  Todrus,  Bj/îantinuSj.  Ex  urbe  Alcoi-i  Jofephus///»; 
Adreti  -,  Meir  Galigon.  Ex  urée  Darcca  Aftrocus  Leviia,  Ex  urbe  Monte  Rcgali ,  M.  Jofephus  : 
Albiis.  Ex  urbe  Monyonio  Jofephus  Leviia ,  &  M.  Jomtob  Carcofa.  Ex  monte  Aibar.o  jihu- 
garàa.  Ex  urie  Vehfa  Jofcphus  Abbalcgh  ,  cr  fafiens  Bongofa  ,  C?*  M.  Todrtis  filius  Jechj, 
■G'ranenjîi  vir  admodum  vaierandus.  Voyez,  Oit  la  plupart  de  ces  Rabbins  la  Bibliothèque  Htbraï-> 
que  de  Wo'fius.  » 

(1)  C'eft  aïnfî  nu  moins  que  le  Cardinal  A'Aguirre  s'en  explique  dans  les  Conciles  d'Efpa- 
gne  j  pour  exeufer  Ben  Virga  ou  d'ignorance  ou  de  mauvaile  foù  Bajnag.  HUt.  des  Juifs,  liv, 
ÎX.  p.  6^4.  &  Nitol.  Aitt,  Eibliotbc  H<//<j».  Pff.p.  133., 


DE  PISE.  Liv.    VI.  133 

voir  d'un  préambule  aufli  capable  d'effrayer,  attira  l'admira- 
tion du  Pape  ,  par  l'élégance  &  la  force  du  difcoursqu'il  fît  fur  H12' 
k  préambule  menaçant  de  Jérôme.  La  Relation  porte  même 
que  le  Pape  en  fut  touché  ,  &  qu'il  excufa  Jérôme  de  (on  empor- 
tement fur  lamauvaife  éducation  qu'il  avoit  reçue  parmi  ceux 
de  fa  Nation.  Cependant ,  félon  cette  même  Relation ,  ils  firent 
ce  qu'ils  purent  pour  éluder  cette  conférence.  »  Nous  autres 
»  Juifs,  dijoicnt.ils  ,  nousnefommes  point  accoutumez  à  rai- 
»  fonner  par  Syllogifmes  &;  par  des  Argumens  tirez  de  la  Phi. 
îîlofophie,  comme  le  voudroit  faire  notre  Antagonifte.  Nous 
»ne  manquons  pas  de  bonnes  raifons  pour  foûtenir  notre  Reli- 
>sgion,  mais  nous  les  propofons  fans  art,  comme  faifoient  nos 
»  Ancêtres.  53  Le  Pape  leur  permit  de  ne  point  s'attacher  aux 
argumens  fubtilsde  la  Logique  3  Ç\  Jérôme  de  fainte  Foi  s'en  fèr- 
voit,mais  de  répondre  avec /implicite  ,  aux  queltions  qu'il  leur 
feroit  fur  la  dodrine  de  leurs  Prédecefïeurs.  Ainfi  finit  cette  con-  . 
ferencequi  fut  la  féconde. 

Dans  la  troifiéme  Jérôme  de  fainte  Foi  s'étendit  fort  au  long 
fur  la  tradition  attribuée  à  Elle  ,  touchant  les  6000.  ans  que 
devoit  durer  le  monde ,  fçavoir ,  deux- mille  ans  de  vuide ,  c'eft- 
à-dire,  fans  la  Loi,  deux  mille  ans  fous  la  Loi,  &  deux,  mille 
ans  fous  le  Mefïïe  (ij.  Le  Rabbin  VidalvoxAui  détourner  la  que- 
ftion  3  fur  le  tems  de  la  venue  du  Meflie  ,  pour  s'attacher  aux 
autres  caraderes  fous  lefquelsil  devoit  paroître  3  mais  le  Pape 
l'obligea  à  s'en  tenir  à  la  queftion  propofée  ,  fçavoir ,  s'il  y  avoit 
longtemps  que  le  MefTie  étoit  venu.  Le  Rabbin  répondit  donc, 
que  Jerometi'zv oit  allégué  de  la  tradition  d'Elie  que  ce  qui  fa. 
vorifoit  fa  thefe  ,  &  qu'il  en  avoit  obmis  ce  qui  la  pouvoit  dé- 
truire. Car  il  foutint  qu'à  la  fin  de  cette  tradition ,  on  lifoit  que 
le  Mcfjîe  n1  était  point  venu  depuis  les  deux  derniers  mille  ans  qii  il 
devoit  venir ,  parce  que  les  péchez^du  peuple  l'en  avoient  empêché. 
Mais  Jérôme  nia  nettement  que  ces  dernières  paroles  fuflent  du 
Prophète  Elie ,  (  Sancliffimi  Vatis  Eliœ)  il  foutint  qu'elles  avoient 
été  ajoutées  par  les  Difciples  à' Elie  ,  ou  par  les  Thalmudiftes 
qui  vinrent  après }  &  qu'on  pouvoit  s'en  convaincre  par  la  lec- 
ture duThalmud.  Surquoi  un  Rabbin  (1)  répliqua  que  s'agif- 
fant  d'une  queftionde  fait,  fort  obfcure  ,  feavoir  fi  ces  paroles 

(1)  Voyez  l'argument  que  Jérôme  de  fainte  Foi  tire  de  cette  Tradition  dans  Ton  premier1 
livre  Chap.II.  p*  7^0.  &  les  remarques  de  M.  iîa/W^Hift.  des  Juifs.  L.  IX.  p.  691, 
(z)  M.  Zaraçhias  Lema->  Rabbin  Efpagnol.  Voyez  ~Wo\&~,ub.fiil>r,p,  361.- 


i8*  HISTOIRE  DU  CONCILE 

étoienrune  addition  des Thalmudiftes,  ou  fi  elles étoient  d'£//> 
ï412,    lui  même,  on  ne  pouvoir  avoir  recours  à  cette  raifon  pour  dé- 
cider la  queftion  générale,  jufqu'à  ce  que  la  queftion  particu- 
lière fdc  décidée  par  des  Argumens  certains  ,  où  par  quelque 
Oracle,  &  ils  prétendoient  que  cela  étoic  porté  formellement 
dans  leThalmud  ,  à  l'occafion  des  questions  douteufes.  D'où  ce 
Rabbin  concluoit  qu'il  falloit  laillerà  part  lacirconflance  du 
temps,  pour  en  revenir  aux  caractères  du  Meiïie.  Car,  difoit-il, 
fi  ces  caractères  conviennent  à  celui  qui  eu;  venu,  J '  erome  de  fain- 
te  Foi  auraraifon  d'alléguer  la  tradition  des  (ix  milles  ans  j  mais 
fi  ces  mêmes  caractères  ne  conviennent  pas  à  celui  qui  eft  venu, 
nous  avons  rai  fou  d'alléguer  l'obftacle  des  péchez  &  Ifraél. 
Comme  Jérôme  de  faim e  Foi  fe  difpofoit  à  fe  fervir  d'autres  rai- 
fons  pour  convaincre  les  Juifs,  le  Pape  voulut  qu'il  répondît 
nettement  à   l'objection   du  Rabbin  fur   la  tradition    à'Elie. 
«  Comme  £//>,  difoit  Jérôme ,  a  paru  long-temps  avant  les  di- 
»  vers  exils  des  Juifs,  il  faut  que  ces  paroles ,  à  cauje  de  nos  pé- 
nche^  ayent  été  dites  par  quel  qu'autre,  qui  etoiten  exil  ou  en 
«captivité.  On  dira,  continuoit-il 3  qu'elles  ont  été  écrites  par 
55  quelques-uns  de  fesDifciples  immédiats.  Mais  ces  Difciples- 
55  là  étoient  aulîî  fort  éloignez  des  temps  de  votre  exil  :  il  fauc 
53  donc  que  cette  addition  foit  des  Thalmudiftes,  qui  l'ont  faite 
*>  pour  répondre  à  l'objection  tirée  des  deuxderniers  milleans,  ; 
33  où  ,  félon  eux  ,  le  Meflien'eft  pas  venu.  35  A  quoi  le  Rabbin 
Vidal  repartit  que  fans  s'arrêtera  la  prétendue  addition  ,il  ne 
falloit  qu'examiner  les  parolesqui  font  inconteftablement  d'i?-  i 
lie.  33  Ce  Prophète,  dtfoit-il ,  a  dit  fimplement  deux-mi/le  ans  des 
55  jours  du  Mefjîe.  S'il  étoit  vrai  que  le  Meflîe  fût  venu  il  y  a  long- 
33  temps ,  il  auroic  dû  dire  à  la  fin  des  quatre-mille  ans ,  ou,  au 
•o  commencement  des  cinq  mille  ,  ou,  marquer  dans  ces  deux-  j 
?5  mille  quelque  temps  prefix  pour  la  venue  du  Meflîe  Mais  corn-  \ 
35  me  il  ne  l'a  point  fait  ,  il  peut  être  que  le  Meffie  ne  viendra 
qu'au  bouc  des  deux-mille  ans.  Oui,  dit  Jérôme  ,  mais  le  fenti. 
ment  d'£//Vcft  que  cet  efpace  de  deux  mille  ans  fe  pafiera  fous 
ie Meffie,  après  quoi  viendra  la  fin  du  monde.  Jofeph  Albo  re-  . 
pliqua  à  Jérôme  que  c'ccolt  là  une  explication  qui  lui  étoit  parti- 
culière ,  mais  qu'on  n'étoit  pas  obligé  de  s'y  tenir.  A  quoi  il  ajou- 
ta  que  les  Thalmudiftes difoient  qu'il  y  avoit  deux  termes  mar- 
quez  pour  la  venue  du  Meflîe  ,  fçavoir,  ou  le  temps  que  Dieu 
#yoit  juré  .de  l'envoyer  ,  ou  le  çemps  que  les  Juifs,  penitens  fe- 

rojenf; 


DE  PISE.  Liv.  VI.  1S5 

roient  difpofezà  le  recevoir,  qu'ainfi  les  paroles d '£//>,  deux- 
mille  ans  des  jours  du  Meffîe  ,  fignifîoient  que  ces  deux  mille  ans    I41** 
en  général  étoient  le  temps  du  Meffie  ,  qu'il  viendroit  au  com- 
mencement ,  au  milieu ,  ou^à  la  fin  ,  félon  que  les  Juifs  s'en  ren- 
droient  dignes.  Le  Pape  leur  objecta ,  pourquoi  ne  dites-vous 
pas ,  Le  Meffie  viendra ,  fi  les  Chrétiens  en  font  dignes ,  au  lieu  de 
parler  des  Juifs  ?  Le  libérateur ,  répondirent  ils 3  ne  viendra  pas 
pour  ceux  qui  jouïflènc  d'une  profonde  paix  3  il  viendra  pour 
ceux  qui  font  bannis  &  difperfez.  La  conférence  fe  paiTa  en  de 
ièmblables  conteilations,  fans  rien  conclure,  &;  même,  félon 
la  relation  du  Juif ,  elle  ne  tourna  pas  à  l'avantage  de  Jérôme  de 
fainte  Foi ,  à  qui  ils  firent  de  fanglants  reproches ,  que  Benoit 
parut  approuver. 

Le  lendemain  la  conférence  recommença  pour  la  quatrième 
fois.  Elle  roula  fur  un  autre  mot  attribué  à  Elie  dans  le  Thaï- 
rnud,  c'eftque  le  monde  dcvoit  durer '85.  Jubilez^3  qui  font  425©. 
ans  3  &  que  U  MeJJîe  viendroit  au  dernier  de  ces  Jubilez^  On  ne  dif- 
putu  pas  moins  longtemps  ,  &  auiïi  vainement ,  fur  ce  calcul  , 
que  fur  l'autre,  mais  toujours  au  defavantage  du  Profelyte,  fé- 
lon le  rapport  de  THiftorien  Juif ,  lorfqu'un  Rabbin  (a)  lui  aL  (a)  MatU'- 
lçgua  ces  paroles  duThalmud,  pour  lui  fermer  la  bouche  ,  par  **' 
leThalmud  même:  Vérifient  malheur  eu fement  yceux  qui  calculent 
les  teynps  auxquels  le  MeJJîe  doit  venir  (1).  Le  Pape  ,  qui  avoit  fou- 
vent  ouï  débiter  cette  maxime  ,  défira  d'en  entendre  l'explica- 
tion du  même  Rabbin  ,  qui  l'avoit  avancée.  »  Ces  paroles  ,  dit  * 
53  le  Rabbin  ,  font  (î  claires  qu'elles  n'ont  point  befoin  d'être  ex- 
»3  pliquées.  On  y  détefte  celui  qui  définit  Ci  préciièment  le  mo- 
»  ment  de  la  venue  du  Meflîe  &  qui  publie  fon  calcul.  Cette  pré- 
>j  cifîon  a  été  fatale  à  notre  Nation  3  parce  que  fi  le  Meflie  ne 
5î  vient  pas  dans  le  tems  marqué  par  ces  fupputeurs^  elle  perd 
33  courage  ,  &  defefpere  de  fa  délivrance.  C'eft  d'ailleurs  une 
33 grande  témérité  de  vouloir  arracher  à  Dieu  un  fecret  qu'il  a 
33  caché  à  toutes  les  Nations  &à  tous  les  Prophètes.  33  Cette  ré- 
ponfe  émût  la  bile  de  Benoit  JfllI.  qui  reprocha  fort  dure- 
ment aux  Juifs  leur  aveuglement  &  leur  ftupidité.  f^ous  devriez^ 
doncauffî,  leur  dit  il,  anathematifer  le  Prophète  Daniel  3puifquHl 
a  calculé  les  temps  du  MeJJîe  &  qu'il  les  a  marquez^  exprefjement. 
Après  avoir  adouci  le  Pape  du  mieux  qu'ils  purent ,  le  D odeur 

•  (1)  Maie  pereant  qui  temporum  artùttlo sj 'appâtant  qmbus  vtntHrus  eflMeJJias. 

Tom.ll.  Aa 


i8S  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Vidal  répondit ,  qu'il  y  avoit  bien  de  la  différence  entre  Daniel  ? 
M12,  &  ces  téméraires  calculeurs ,  parce  que  Daniel  étoit  un  Voyant 
infpiré  de  Dieu  }  qu'il  n'avoit  pas  compté,  mais  qu'il  avoit  vu 
la  chofe  comme  elle  étoit.  Le  Papa  appaifé  par  cette  réponfe, 
chacun  fè  retira. 

Le  jour  fuivant  les  Juifs  propoferent  à  Jérôme  de  Ste.  Foi  cet- 
te Sentence  du  Rabbin  Ase  :  N'attendez,  point  le  Meljie  avant 
le  dernierjubilé  ,  mais  attendez^  le  confiamment  après  (i)  :  par  où  ^ 
difoitle  Rabbin,  il  paroît  que  du  temps  à'Afè  (i)le  Meffie  n'é- 
toitpas  encore  venu.  »  Il  ne  faut  pas ,  répliqua  Jerbme ,  emprun, 
»ter  desargumens,  de  ceux  qui  nient  que  le  Meffie  foit  venu  , 
»  tel  qu'étoit  Afè  qui  a  avancé  cette  maxime  de  fon  chef,  & 
»  en  fuivant  fes  préjugez.  Il  n'en  eft  pas  de  même  de  la  Senten- 
»ce  d'ELiE  le  trèsfamt  prophète  3  qui  en  cette  qualité  prédi- 
»foit  certainement  l'avenir.  55  Le  temps  de  la  conférence  fepaf- 
fa  à  mettre  en  parallèle  l'autorité  à'Elie  ,  &  celle  d*A/e\  &  à 
donner  divers  fens  au  terme  des  quatre-vingt-cinq  Jubilez  ,  au 
bout  defquelsdevoit  venir  le  Meffie.  Cependant  les  Juifs  s'étanc 
aperçus  que  le  Secrétaire  du  Pape  enregîtroit  tout  ce  qu'ils  di- 
foient,  &  craignant  quelques  falfifications  dont  ils  feroientla 
vi&ime ,  ils  convinrent  entr'eux  qu'il  n'y  en  auroit  qu'un  qui  par- 
leroit  pour  tous,  afin  de  le  pouvoir  defavouer  en  casque  fa  ré- 
ponfe ne  plût  pas  au  Pape. 

Dans  la  difpute  fuivante  Jérôme  de  fainte  Foi  attaqua  les 
Juifs  par  une  hiftoire  ou  plutôt  une  fable  qui  iè  trouve  dans  le 
Thalmud ,  &  que  ce  Profelyte  allègue  dans  fon  Traité.  Comme 
elle  n'y  eft  pas  toute  entière  ,  je  la  rapporterai  ici.  »  Un  hom.  ! 
n  me  labourant  un  jour  ,  un  de  {es  bœufs  fe  mit  à  mugir.  Un  ; 
"  Arabe  qui  paiïoit  par-là  lui  demanda  qui  il  étoit  ?  Cet  hom-   ! 
»  me  lui  ayant  répondu  qu'il  étoit  Juif,  l'Arabe  lui  dit  de  dé-  | 
»  teler  fes  bœufs  ,  parce  que  le  Temple  des  Juifs  étoit  détruit, 
»  &  qu'il  l'avoit  connu  par  le  mugiiïement  du  bœuf.  Comme  ils 
«  parloient  enfemble,  le  bœuf  ayant  mugi  une  féconde  fois  , 
>j  l'Arabe  dit  au  Juif,  attelez  vos  bœufs  ,  car  le  Meffie  eft  né. 
»  Quel  eft  fon  nom  ,  dit  Je  Juif  ,&  le  nom  de  fon  Père  ?  Son  nom 
»  eft  Menachera  ,  c'eft-à-dire  ,  Confolateur  ,  &  le  nom  de  fon 
s»  père  Ezechias  ,  c'eft-à-dire  ,  force  de  Dieu  ,  &  il  naîtra  à  Be- 

(  l)  Quidni  in  médium  profers  omnium  oriine  poflremi  ,  fedfapientia  facile  principis ,  h&c  illufria 
M.  Afii  verba  ?  Ufque  ad  ultimum  JubiUum  Meffiam  ne  exptcles  ,  pojï  illud  deincePs  porro  expeftar    , 
ubi  fup.  p.  147. 

(i)  L'un  des  Compilateurs  de  la  Gemare  dans  le  IV.  Hégle, 


DE    PISE    Lrv.    VI.  187 

«  thleem.  Là-defTus  le  Juif  vendit  Tes  bœufs  Se  fa  charrue  ,  &C 
»  acheta  des  habits  d'enfans.  Etant  arrivé  à  Bethléem  3  tous  les  1412* 
î>  Habitans  achetèrent  de  ces  habits ,  hormis  la  Mère  du  Meffie 
îî  qui  en  rendit  pour  raifon,que  fon  Fils  étoit  né  fous  de  mauvais 
»aufpices,  parce  que  le  Temple  avoit  été  détruit  le  jour  de  fa 
»  naifîance.  »  Ileft  vrai,  die  le  Juif  ,que  Dieu  a  dit  qu'à  la  naif- 
fance  du  Mefîie  le  Temple  feroit  détruit ,  mais  il  a  promis  en 
même  -  temps  qu'il  feroit  rétabli  pendant  fa  vie.  Prenez  donc 
ces  habits  pour  votre  enfant  ,  dans  quelques  jours  j'en  viendrai 
recevoir  le  prix.  Etant  revenu  au  bout  de  quelque  temps ,  il  trou- 
va que  l'enfant  avoit  été  enlevé  par  un  orage ,  &:  que  la  Mère  le 
croyoit  mort  5  mais  le  Juif  lui  reprocha  fon  incrédulité  ,1a  fai- 
fant  refiouvenir  de  la  promefTe  qu'il  lui  avoit  faite  de  la  part  de 
Dieu-  La  conclufion  que  Jérôme  de  fainte  Foi  tiroit  de  ce  récit  , 
c'eft  que  le  Temple  de  Jerufalem  fut  détruit  dans  le  temps  de 
la  naillance  du  Meffie.  Pour  fe  tirer  de  cette  objection  ,  les 
Juifs  fè  fervirent  de  plufieurs  glofes  &  diftinétions  fubtiles  de 
leurs  D odeurs  dont  le  Pape  témoigna  n'être  pas  fort  con- 
tent (â).  ,  (a)  Voyez 

La  relation  porte  que  dans  la  conférence  quifuivit  3  Jérôme?'1'*2"1'*7-' 
de  fainte  Foi  reprit  le  même  argument ,  mais  que  les  Juifs  y  ré- 
pondirent fi  bien, que  ce  Docteur  n'en  remporta  que  de  la  confu- 
fion  ,  &  que  pour  eux  contens  de  leur  prétendu  triomphe  3  ils 
prirent  la  refolution  de  faire  finir  le  combat.  C'eft  pour  cela  , 
dit  l'Hiftorien  Juif,  que  nous  corrompîmes  par  argent  fans  beau- 
coup de  peine  les  grands  Seigneurs,  &  plufieurs  Evêques  3  pour 
engager  le  Pape  à  rompre  les  conférences ,  &:  Jérôme  lui-même 
à  y  confentir  }  mais  le  Pape  tint  bon  ,&  il  fallut  recommencer 
le  lendemain. 

Comme  une  des  réponfes  desjuifs  avoit  été  que  le  Meffie  pou  » 
voit  bien  être  né  &;  avoir  demeuré  caché  dans  quelque  coin  du 
Paradis ,  jufqu'à  ce  que  les  Juifs  fufïent  dignes  qu'il  parût  ,  le 
Pape  les  entreprit  ce  jour-là  fur  l'abfurdité  de  cette  réponfe. 
Il  s'enfuivroit  de-là  3  difoit-il  ,  que  le  Meffie  auroit  vécu  1400. 
ans  fans  fe  montrer.  Les  Juifs  répondirent  là-defïus  que  le  Rab- 
bin de  Girone  (1)  avoit  fatisfait  depuis  long-temps  à  cette  objec 

(1)  C'eft  le  Rabbin  connu  fous  le  nom  de  Mofes  Gemnâenfis ,  qui  écrivit  au  commence- 
ment du  XV.  fiécle  contre  Paul  Evêque  de  Burgos Profèlyte  Juif.  Il  eft  vrai  que  Ben  yir- 
g*  dit  ici ,  que  ce  Paul  étoit  un  Moine ,  &  que  ce  fut  avec  le  Rabbin  de  Girone  qu'il 
eut  à  faire  •>  mais  il  y  a  beaucoup  d'3pparence  que  c'eft  une  erreur.  Voyez.  Wolfim  fut 
ces  trois, 

Aaij 


î8S  HÎSTOIRE  DU  CONCILE 

tion  qui  lui  avoit  été  faite  par  le  Moine  paul^  en  difant  que 
1412.  puifqu'^ 'dam  avoit  vécu  environ  1000.  ans,  un  autre  pouvoir 
bien  vivre  davantage  ,  &  qu'une  ancienne  tradition  portoit 
qa'Enoc  de  Elie  étoient  encore  dans  le  Paradis  (ij.  Le  Pape  nié. 
content  de  cette  défaite  qu'il  traitoit  de  conte  de  vieille  ,  un 
Rabbin  fut  affez  hardi  pour  lui  dire  s  Fous  pouvez^  bien  nous  paf 
fer  quelque  abfurditè  ,  fui  [que  vous  autres  Chrétiens  ^vous  en  croyez^ 
tant  fur  le  fujetdu  Mcffie.  Le  Pape  entra  là-deiTus  dans  une  telle 
fureur ,  que  les  Juifs  craignant  qu'il  ne  les  réduisît  en  poudre  \ 
lui  demandèrent  pardon  de  l'imprudence  &  de  la  témérité  de 
leur  Confrère  3  qui  avoit  voulu  railler  avec  le  Pape ,  comme  avec 
un  de  ihs  égaux.  En  effet  s'étant  retirez,ils  firent  une  rude  mer, 
curialeau  Rabbin. 

Cependant  le  lendemain  le  Pape  leur  montra  un  vifage  plus 
ferein.  jerbme  de  fon  côté  le  fit  fort  de  prouver  aux  Juifs  par  le 
Thalmud  que  non-feulement  le  Meffie  étoit  né  ;  mais  qu'il  s'é- 
toit  manifefté.  Ce  qu'il  entreprit  de  faire  en  alléguant  un  paffàge 
»  où  le  Rabbin  Samuel  ayant  demandé  comment  on  prouve  que 
«le  Temple  a  été  détruit,  répond  j  Je  le  prouve  par  l'Oracle  d'£- 
>s  faïc  LXVL  7.  Elle  a  enfante  avant  que  d'avoir  Jouffert  les  dou- 
î>  leurs  de  l'enfantement.  Ce  que  l'Interprète  Jonathan  a  rendu 
»  ainfi  j  Avant  que  l'angoijfc  vienne  3  nous  ferons  délivrez^}  Avant 
»  que  la  tempête  qui  doit  détruire  le  Temple  foit  arrivée  _,  le  Mcffîe 
»  fera  révélé.  »  Les  Juifs  répondirent  en  défavouant  le  Rabbin 
Samuel ,  &en  difant  que  Jonathan  dans  le  Tharpim  3  ou  dans  fa 
Verfion  chaldaïque  ,  que  le  Saint- Efprit  lui  a  dictée  félon  eux  ,j 
n'a  point  dit ,  comme  fait  le  Rabbin  Samuel  ^  que  le  Meffie  étoit 
déjà  venu  ,  mais  qu'il  a  dit  feulement  que  quand  le  Meffie  vien- 
droit , il  viendroit  fubitement.  A  quoi  ils  difent  que  7^07^  ^SV* 
Foi  ne  pût  répondre,  &qu'ilnefaifoit  que  battre  vainementla 
pagne. 

Les  conférences  difcontinuerent  quelque  tems;  le  Pape  les 
ayant  renouées  ,  attaqua  de  nouveau  les  Juifs  fur  l'application 
que  Samuel  &  Jonathan  font  du  paiTage  à'Efaïe  à  la  venue  du 
Meffie }  &  leur foutint qu'il falloit  expliquer  au  prétérit, &  non 
au  futur ,  le  mot  employé  parle  Prophète  Après  quelques  con- 
teftations  fur  le  fens  de  ce  paiTage  ,  Jérôme  de  Sainte  Foi  leur  al-j 


(1)  Les  Juifs  n'avoicnt  pas  la  même  idée  qu'ont  les  Chrétiens  du  Paradis.  Les  premiers 
prenoient  le  Paradis  pour  le  féjour  des  âmes  des  bons  ,  en  attendant  la  félicité  du  Ciel, 
&ilscroyoient  qu'£//'<  devoit  revenir  du  Paradis  fur  la  terre. 


DE  PISE.  Liv.   VI.  1S9 

légua  cet  oracle  de  la  Genefe  (a)  :  Le  Sceptre  ne  fe  départira  $  oint  de 
Judani  le  Zepjlateur  d'entre  [es  pieds  jufqud  ce  que  le  Silo  fois  141 2. 
venu  ,  ce  que  Jonathan  explique  ainfi  ,  Jufqu'à  ce  que  le  Me/fie  ^hî""^ 
vienne ,  comme  Jérôme  de  fa  inte  Foi  le  leur  fie  remarquer.  Vous 
voyez ,  difoit-il ,  que  vous  n'avez  plus  ni  Sceptre,  ni  Legiflateur. 
Comment  donc  fubfiitera  la  vérité  de  l'Oracle  ,  fi  le  Meffie 
n'ellpas  venu  ,  puifquele  Sceptre  s'effc  reciré  ?  Les  Juifs  répon- 
dirent que  le  fens  de  ce  palTage  étoit  fort  équivoque  en  Hébreu, 
&  qu'un  texte  fujet  à  autant  d'interprétations  que  celui-là,  n'é- 
toit  pas  propre  à  établir  un  fait  ou  une  vérité  d'importance. 
Là-deflusles  Juifs  alléguèrent  les  diverfes  Interprétations  qu'^- 
ben  Ezra  &  leurs  autres  Do&eurs  ont  données  à  cet  Oracle.  Ils 
yen  ajoutèrent  même  d'autres ,  comme  ,  par  exemple  ,  que  cet  • 
Oracle  pouvoir  fignifier  que  le  Sceptre  ne  fe  retireroit  point  de 
»Juda  d'une  retraite  perpétuelle  $  que  tantôt  les  Juifs  auroient 
»un  Roi  de  cette  tribu  ,  tantôt  ils  n'en  auroient  point  ,  mais 
»  qu'ils  recouvreroient  de  tems  à  autre  le  gouvernement  juf- 
»  qu'au  tems  du  Mefiie  ,  qui  rendroit  leur  règne  éternel.  » 
Mais  comme  ils  les  appuyoient  fur  les  accens ,  &  fur  la  ponc 
tuation  ,  Jérôme  de  fiante  Foi  leur  dit  nettement  qu'il  n'étoit 
pas  befoin  d'avoir  recours  aux  fubtilitez  de  la  Grammaire  3  parce 
que  la  Loi  fut  donnée  d'abord  fans  accens  (1).  Comme  ils  conti- 
nuoient  à  propoferdes  explications  de  leur  chef,  »  Qu'ai- je  à 
»  faire ,  leur  dit  Jérôme  3  de  vos  explications  particulières  ?  Ne 
»  vaut-il  pas  bien  mieux  s'en  tenir  à  celles  de  Moyfe  que  vous 
'3  appeliez  le  Prédicateur  (a)  ÔC  de  Salomon  fils  dy  îfaac  fon  di£  (m  Rabbin 
»  ciple  ,  qui  par  ces  paroles  ,  le  feeptre  ne  fe  départira  point  de  dufîéckxi. 
»  Juda  ,  entendent  le  Sanhédrin  qui  s'aflembloit  dans  le  Tem- 
»  plede  Jerufalem,&  par  conféquent  dans  la  tribu  de  Juda  ?» 
A  cela  les  Juifs  répondirent  qu'ils  ne  trouvoientpas  cette  expli- 
cation fort  concluante.  D'ailleurs  ,  difoientiis  ,  ce  Moïfe  que 
vous  nous  alleyie^n'  cft  point  un  des  Do  fleurs  T  halmudiflcs  .C  étoit 
feulement  un  Orateur  ,  &  encore  fon  fentiment  n'e/l-ilpas  tel  que 
vous  le  propofe^.  Ici  finit  brufquement  la  Relation  du  Juif 
Abunftroc  rapportée  par  Ben  Virqa. 

Ilferoit  bien  digne  delacuriofité  du  Lecteur  de  fçavoirquel 
fut  le  fuccès  de  ces  conférences.  Mais  il  y  a  un  obflacle  invin- 
cibleà  lafatisfaire  j  c'eft  qu'on  manque  de  Juges  defintereflez. 

(1)  Qutnamrerumttecejfiras  nos  cogit  ut  accentilus  fiiem  hjbeamtts ,  cùm  Lex  ipfaÇme  accentibus 
primum  data  fer  h.  Ben  Virga.  ubifnpr.y.  167, 

Aaiij 


i?o  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Si  Ton  en  croit  le  Juif  Abunflroc (i)  3  les  Juifs  en  forcirent  vidto- 

*4   *"     rieux.  Pro  certo  habetote  nos  jam  ■periculofam  illam  Charybdimfe- 

(z)BcnFir»a  liciter prœternavigdffe  [a.J.  Si  d'autre  côté  on  s'en  rapporte  au  re- 

jehudath     c*c  ^es  Chrétiens  ^les  Juifs  fe  convertirent  par  milliers  dans 

zz6.  cette  conjoncture  ,  comme  on  l'a  vu  par  le  récit  de  Surita  &  de 

Nicolas  Antoine  dans  fon  Ancienne  Bibliothèque  <£  Efpagne.  A 

quoi  l'on  peut  ajouter  qu'à  la  fin  du  Livre  de  Jérôme  de  fainte 

Foi ,  on  trouve  qu'il  fe  convertit  mille  Juifs  à  la  lecture  de  cette 

pièce.  Je  joindrai  ici  ce  que  M.  Bafnage  (b)  rapporte  à  cette  oc- 

\i 'iei  JJfj  cadon  fur  la  foi  de  Banolocci  dans  fa  Bibliothèque  Rabbinique. 

hv.  ix.  p.    C'en;  que  »  la  même  année  Jérôme  de  Sainte  Foi  ayant  préfenté 

yVr  bb*    "  cec  ^Cr^c  ■> un  ^es  Rabbins  (c)  qui  étoient -là ,  préïènta  au  Car. 

4{mmbt      »  dinal  àefaint  Ange  un  Ecrit  par  lequel  il  avoue  que  les  paf- 

»  fages  qu'on  avoir  tirez  de  ce  Livre  lui  paroiffbient  choquants 

»5  &erronez  -y  qu'il  eft  vrai  qu'on  peut  leur  donner  un  autre  fens , 

»  mais  qu'il  ne  le  connoît  pas.  C'eft  pourquoi  il  déclare  qu'il 

»  ne  prétend  point  les  défendre  ni  les  juftifler  ,  6c  defavoue  tou- 

îj  tes  les  réponfes  qu'il  a  faites  pour  les  éluder.  Et  tous  les  Rab- 

*»  bins  qui  étoient  préfens,  à  l'exception  àejofeph  Albo  &  de  Fer- 

»  rier ,  fignerent  le  même  Ecrit. 

Deux  chofes  peuvent  faire  juger  que  les  Juifs  eurent  du  def- 
fous  dans  cette  occafion.  L'une  eft  la  bonté  de  la  caufe  des 
Chrétiens.  L'autre,  qu'ils  avoienten  main  le  pouvoir  &:  l'auto- 
rité ,  qui  fouvent  ont  fait  triompher  une  mauvaife  caufe.  On  con- 
jecture que  le  fécond  Livre  de  Jérôme  de  Sainte  Foi  parut  après 
ces  conférences. 
Btconiuvn  XXVII.  Ce  Second  Livre  qui  ne  parut  que  quelque  tems 
de  ste.  Foi  après  le  premier ,  eit  un  Recueil  des  principales  chofes  qu'il  y  a 
dans  le  Thalmud,  (2)  ou.  que  Jérôme  de  Sainte  Foi  y  fuppofe,  con- 
tre le  Chriftianifme.  L'Auteur  marque  dans  fa  Préface  ,  l'ori, 
gine  du  Thalmud ,  dont  il  s'en  faut  beaucoup  qu'il  ne  donne 
une  idée  aulîî  exacte ,  Scaufli  nette ,  que  l'ont  fait  plusieurs  Sça- 
vans  d'entre  les  Chrétiens  ($J.  Car  il  joint  enfemble  le  Rabbin 
Juda  Haccadofch  3&  le  Rabbin  ^,comme  s'ils  avoienteom. 
pofétous  deux  en  même  tems  le  Corps  du  Thalmud,  qui  félon 

(1)  Quelques  feavans prétendent  que  c'eft  le  Rabbin  Aflroc  qui  lut  prefent  &  adeur  da  ns 
cette  conférence. 

(i)  Aliqtt&  doftrin*  multis  Z?  infinitii  abominationibtti  in  diflo  inicjuiffimo  volumine  Thalmud 
contenta.  Bibliot.  Patr.  ubifupr.  p.  77  j. 

(3)  Comme  Buxtorf,  Ritbard  Simon  3  Bndc'e  3  Bafoage  &  quantité  d'autres, 


contre  les 

fuifu 


D  E   P  I  SE.    L  i  v.  VT.  îft 

lui, fut  achevé  environ  le  quatrième  fïëclesau  lieu  que  cesRabbins 
'  le  compoièrent  feparément,fçavoir  leRabbin  Judas  Haccadofcb3  1412. 
c'eft-à-dire 3  le  Saint ,  les  Livres  de  la  Mifchna  3  au  fécond  tiè- 
de j  &  le  Rabbin  Afè ,  la  Gemare  au  quatrième  fiécle,&  elle  fut 
!  continuée  au  feptiémeparle  Rabbin  Abina  ,  ce  qui  fait  enfem- 
ble  le  Thaimud  de  Babylone.  Ce  Livre  qui,  félon  'jerbme  de  Sain- 
te Foi ,  eft  dix  fois  auffi  gros  que  la  Bible  ,  n'eft ,  à  l'en  croire , 
qu'un  ramas  de  menfonges,  de  galimatias,  de  faletez,  d'extrava- 
gances &  d'abominations  (i).C'eft  par  ces  raifons  qu'il  juge  qu'il 
eft  de  la  dernière  importance  de  fournir  aux  Chrétiens  un  pré-  ♦ 

fervatif  contre  ce  Livre  &d'en  défabufer  les  Juifs.  •>•>  Mais  cet 
»  Ouvrage  3  dit-il ,  appartient  particulièrement  aux  Pafteurs  de 
«PEglife  ,  fur  tout  à  Benoit  JCIIJ.  qui  en  étant  le  fouverain 
)5  Pontife  ,  eft  en  droit  &  en  obligation  de  travailler  efficace- 
«mène  à  ôter  d'entre  les  mains  du  public  ce  Livre  pernicieux 
»  que  les  Juifs  ont  fubflitué  à  la  loi  de  Dieu  -,  ils  eftiment,  dit- 
Mil ,  le  Thaimud  à  un  tel  point  3  qu'ils  appellent  la  Bible  fïm- 
Mplement  LeHurc  3  au  lieu  qu'ils  donnent  au  Thaimud  le  fubli, 
«menomdeD^/r/w  ,  jugeant  même  digne  de  mort  celui  qui 
»en  violeroitla  moindre  partie.  «  Ce  fut  pour  remplir  cette 
obligation  que  Benoit  JfUI.  ordonna  à  fon  Médecin  Jerbme  de 
Sainte  Foi  de  compofer  ce  fécond  Livre  pour  donner  à  ce  Pape 
un  échantillon  de  ce  que  le  Thaimud  a  de  pernicieux  ,  &  pour 
confondre  les  Juifs  par  une  pièce  qu'ils  regardent  comme  leur 
loi.  Il  eft  partagé  en  fîx  Chapitres  3  fans  la  Préface.  Le  premier 
Chapitre  expofe  ce  qu'il  y  a  dans  le  Thaimud  contre  la  charité, 
l'humanité  ,  &  la  loi  de  nature.  On  voit  dans  le  fécond  ce 
que  le  Thaimud  enfeigne  contre  le  fervice  de  Dieu  &;  fes  per- 
hdàons.Jerbme  de  Sainte  Foi  reproche  aux  Juifs  dans  le  troifîé- 
Ine  Chapitre  les  proportions  &  les  faits  qui  fe  trouvent  dans 
ce  Livre  contre  la  loi  &  les  Prophètes.  Le  Chapitre  quatriè- 
me contient  une  énumération  fommaire  des  dédiions  imperti- 
nentes &  des  autres  vices  généraux  du  Thaimud.  Il  repré- 
fente  dans  le  cinquième  &  dans  le  flxiéme  les  maximes  du  Li- 
vre contre  la  foi  Catholique.,  contre  le  Sauveur  J.C.  &  contre  les 
Chrétiens. 

A  l'égard  des  maximes  contre  la  charité  ,  l'humanité  &  les 
fentimens  de  la  nature ,  Jerbme  de  Sainte  Foi  pofe  en  fait  qu'on 

0)  J'ai  rapporpé  ci- devant  le  fentiment  de  Wagcnfeil ,  là-deiïiis. 


i9i  HISTOIRE  DU  CONCILE 

trouve'dans  le  Thalmud  au  Livre  Sanhédrin  (a)  3  que  quiconque 
I^1 2*  .  maudit  ou  même  bat  fon  père  3  ou  fa  mère ,  eft  innocent  ^pourvu  quil 
fuL  fJjfo-    nyy  ait  point  de  blejfure.  Ce  qu'il  confirme  par  le  témoignage  de 
tandi.         Ma'imonides  qui  die  à  peu  près  la  même  chofe  dans  fa  glolè  fur 
ce  Livre  du  Thalmud.  A  quoi  ce  Docteur  ajoute  un  fentiment 
fort  inhumain  3  c'eft  qu'on  n'eft  pas  punifTàble  pour  battre  père 
6cmere  après  leur  mort,  "jerbme  de  Sainte  Foi  ibutient  aufli  que 
les  Juifs  ne  tiennent  point  coupable  un  homme  qui  maudit  père 
6c  mère,  pourvu  que  dans  fes  malédictions  il  ne  prononce  au. 
•  cun  des  noms  de  Dieu.  Il  impute  encore  à  cet  égard  au  Thal- 

mud  bien  des  chofes  auffi  abiurdes  que  dénaturées.  Comme  je 
n'ai  pas  les  pièces  du  Thalmud  pour  les  vérifier  ,  je  les  rap- 
porterai fur  la  foi  de  mon  Auteur.  C'eft  aux  Juifs  à  s'en  laver 
par  le  defaveu  ,  foit  du  fait  ,  s'il  n'eft  pas  véritable  -,  foit  des 
maximes  3  fi  elles  fe  trouvent  dans  le  Thalmud.  Voici  doncen- 
(a)Cap.in  core  ce  qu'il  allègue  de  ce  Livre  (a).  »  Si  quelqu'un  a  lié ,  ou 
Sanfaedr.  }5  garroté fon  prochain,  pieds 6c  mains ,  &  qu'il  en  meure  ,  ce- 
îj  luiqui  l'alié  ne  fera  pas  puni  de  mort.  Mais  fi  celui  qui  a  été 
»  ainfi  lié  ,  meurt  de  chaud  ou  de  froid  ,  le  lieur  mérite  en  ce 
»  cas  la  mort  $  que  s'il  le  lie  3  ou  l'attache  devant  un  lion  ,  il 
»  ne  fera  pas  puni  de  mort,  comme  il  le  mériteroit,  s'il  le  jet- 
»  toit  aux  mouches  ;  s'il  le  jette  dans  un  puits  où  il  y  a  une 
>j  échelle, 6c que  quelqu'un ôte  l'échelle 3  celui  qui  l'a  jette  fera 
»  abfous.  »  Autre  maxime  non  moins  cruelle  3  &  non  moins 
extravagante,  tirée  du  même  Livre.  Si  dix  hommes  en  frappent 
un  autre  avec  dix  bâtons  3  &  qu'ils  le  tuent ,  ils  feront  innocents  tous 
dix.  En  voici  encore  une  du  même  alloi ,  6c  de  la  même  fource. 
"  Si  quelqu'un  tue  un  homme  qui  ait  une  tache  au  poumon  ,  ou 
>5  dont  le  poumon  foit  attaché  à  fon  côté,  ou  qu'il  y  ait  quel- 
»  qu'un  des  défauts  qui  font  regarder  par  les  Juifs  un  animal 
»?  comme  impur  ,  6c  dont  on  ne  doit  pas  manger,  le  meurtrier 
»en  ce  cas  fera  abfous,  parce  que  ,  ditle  Rabbin  Salomon^ëék 
»  comme  s'il  avoit  tué  un  homme  mort  ,  tout  animal  ainfi  ta- 
is ché  étant  attaqué  mortellement.  55  Jérôme  de  Sainte  Foi  at- 
tribue à  Ma'imonides  une  maxime  qui  n'eft  pas  moins  étrange 
fur  cette  matière  ;  »  C'eft  que  fi  un  criminel  eft  condamné  à  mort. 
53  d'une  voix  unanime  par  fes  Juges ,  un  tel  homme  doit  paf 
m  fer  pour  innocent ,  parce  qu'il  eft  inévitable ,  ou  neceiïaire  qu'il 
»  y  ait  du  partage  entre  les  Juges  dans  un  tel  jugement ,  6c  que 
»s  le  criminel  doit  être  abfous  ou  condamné  à  la  pluralité  de? 

vois 


DE    PISÉ.  Li  v  re  VI.  195 

«voix  (a).  Jérôme  de  Sainte  Foi  ne  trouve  pas  feulement  de  l'in- 
humanité dans  les  maximes  du  Thalmud  3  il  y  trouve  auili  de  (â)MwÔ;;- 
l'impiété  3  puifque,  félon  lui ,  ils  permettent  de  maudire  Dieu  Lib.  judi-  * 
lui-même,  pourvu  qu'on  ne  le  nomme  pas  parle  nom  ineffable  ?u™  L5a' 
•de  Jchova.  Il  ramaffe  dans  ce  Chapitre  quantité  d'autres  cho-  cap.  ix. 
fes  qui  font  en  même  tems  horreur  éc  pitié ,  horreur ,  parce  qu'el- 
les font  contre  la  Religion   •&   contre  la  nature  3  pitié  ,  parce 
que  ce  font,  pour  la  plupart,  de  purs  galimatias.  Il  finit  ,  par 
exemple  ,  ce  Chapitre  par  une  impertinence  avancée  dans  le 
Thalmud  (b).  C'eft  que  pendant  cent  trente  ans,  fçavoir  après  (b)Lib.san. 
4a  naifTance  de  Cain  ôc  & Abel ,  jufqu'à  celle  de  Seth  ,  Eve  ne  Cap.jw;«* 
cefla  d'enfanter ,  &  de  concevoir  d'Adam  des  Efprits  malins,  &  ftcuaUtrm* 
des  diables. 

Le  fécond  Chapitre  eft.  employé  à  repréfenter,  comme  on  l^a 
dit ,  ce  qui  fe  trouve  dans  le  Thalmud ,  contre  le  culte  de  Dieu, 
-&  fes  perfections.  Ils  difent ,  par  exemple,  que  Dieu  permet  l'I- 
dolatrie.  Ce  qu'il  prouve  par  l'endroit  du  Traité  Sanhédrin  (c  )  Mme7' 
fur  Levitique  XX.  2.  (1)  ,  où  il  eft  parlé  des  Idolâtres  qui  li- 
vraient leurs  enfans  à  Moloch ,  pour  être  paflèz  dans  le  feu  de- 
vant cette  Idole  ,  paflage  fur  lequel  la  Glofe  du  Thalmud  eft 
-également  folle  &  impie.  Voici  ce  qu'elle  porte  félon  lui.  »  Le 
»  texte  difant  de  la  femence  ,  on  doit  entendre  par  là  que  le  cri- 
h  me  confïfte  à  ne  donner  qu'un  de  fes  enfans ,  ou  une  partie  de 
»  fa  femence  au  Prêtre  de  Moloch  ,  mais  qu'on  ne  pèche  pas  en 
»  les  lui  livrant  tous.  A  quoi  félon  notre  Auteur,  ils  ajoutent  une 
"  autre  abomination.  C'eftque,  bien  qu'un  père  ne  puilTe  don- 
»ner  unfeul  de  fes  enfans  à  Moloch ,  il  peut  s'y  donner  lui-mê- 
*3 me ,  &  fon  père ,  ou  fon  frère ,  parce  que  dans  cette  loi   il  s'a. 
»  git  de  la  poûerité  feulement.  »  Il  y  a  encore  deux  cas  où  fé- 
lon Jerbme  de  Sainte  Foi ,  les  Juifs  permettent  l'Idolâtrie ,  c'eft 
quand  on  y  tombe  par  crainte  ou  par  amour.  Ce  que  les  Rab- 
bins expliquent  diverfement.  Rabbi  Salomon  entend  par  l'a- 
mour 3  celui  qu'un  efclave  peut  avoir  pour  fon  Maître  qui  lui 
ordonne  d'adorer  une  image  ,  &  par  la  crainte  3  celle  des  me- 
naces du  même  Maître  s'il  ne  le  fait  pas.  Mais  Maïmonides  ,  félon 
notre  Auteur ,  entend  par  l'amour  celui  dont  on  eft  épris  à  eau- 
fe  de  la  beauté  de  l'Idole  3  &  par  la  crainte  ,  celle  qu'on  a  que 


€ 


;  (0  Quiconque  des  en  fans  d'ifra'êljÇU  des  étrangers  qui  demeurent  en  Jfra'èl  3  donnera  de  fes  enfam 
•  Moloch  fera  puni  de  mort. 

Tom.  //.  Bb 


i94  HISTOIRE  DU  CONCILE 

l'Idole  nefaffe  du  mal  (i).  Il  n'épargne  pas  les  maximes  impies 
14 12.  des  Juifs  par  lesquelles  ils  veulent  qu'on  préfère  les  fèntime&s 
des  Sages-  à  la  loi  de  Dieu,  n  Ils  difent ,  par  exemple ,  que  Ci  quel. 
53  qu'un  fe  moque  ou  médit  d'un  fage  du  Thalmud ,  il  fera  con- 
»  damné  à  l'enfer ,  mais  que  s'il  tranfgrefïe  la  loi ,  il  ne  foufFri- 
»  ra  point  d'autre  peine  que  celle  qui  eft  infligée  aux  transgref- 
(a)  Lib.   >j  feur  de  la  loi  (a).  »  il  rapporte  là  deiïus  un  conte  du  Thalmud 

Beracbet.  afl£z  piaifant>  „  {l  furvint  un  jour  une  difpute  dans  une  Ecole  fur 
53  quelque  point  de  la  loi.  Tous  les  Docteurs  étoient  d'un  feh- 
»  timent  unanime ,  à  la  referve  de  Rabbi  Elie^er(i)  le  plus  grand 
»  de  tous  (^) ,  qui  appuya  le  iîen  par  de  fortes  raifons.  Les  au- 
«  très  n'y  ayant  pas  voulu  acquiefcer,  Elie^cr  s'en  remit  au  ju- 
«  gementdeDieu.  Au  mêmeinftanton  entendit  cette  voix  du 
y  Ciel  ,  Ne  combattez^point  Rabbi  Eliezer,  car  ce  qu'il  dit  eft vrai. 
"  Mais  Rabbi  Ofua  fe  levant  profera  ces  paroles  :  Seigneur  Dieu  , 
33  la  loi  n'efi  pas  dans  le  Ciel ,  mais  fur  la  terre  &c.  &  là  deiïus  ils 
>3  excommunièrent  Elie^er.  Peu  de  tems  après  Rabbi  Nathan 
»  rencontra  le  Prophète  Elie  ,  &.  lui  demanda  s'il  étoit  au 
»  Ciel , quand  cette  quefticn  fut  agitée.  Oui ,  dit  Elie  3  j'y  étois. 
53  Mais  que  dit  Dieu,  demanda  Nathan  ,  lorfque  les  fages  ne. 
53  voulurent  pas  obéir  à  fa  voix  ?  Dieu  ,  dit  Elie  _,  fè  prit  à  ri- 
»  re ,  &  dit ,  mes  enfans  m'ont  imincu  ,  mes  en  fans  m'ont  vaincu  y 
55  (4).  Il  rapporte  encore  à  cette  occafion,  une  vanterie,  ou  une 
fanfaronade  du  Rabbin  Simeon  Ben  Jochai ,  allez  femblable  aux 
prétentions  des  Papes  avec  leurs  Indulgences.  Simeon  difoit qu  il 
étoit  d'une  fi  grande  fainteté  ,  $*  d'un  fi  grand  mérite  ,  que  s'ilvou~ 
loit  ,  il  pourroit  fauver  tous  les  hommes  nez.  depuis  lui.  Si  mon  fils 
Eliezer  ,  continuoit-il ,  étoit  avec  moi  ,  nous  pourrions  fauver  tous 
les  hommes  venus  au  monde  ,  depuis  fa  naiffance  ;  &  fi  Jonathan 
fils  d'Oziel  étoit  avec  nous ,  nous  pourrions  fauver  tout  le  Genre  hu- 

zlv  IlT  main  3  depuis  la  création  3jufqu* à  la  fin  du  monde  (b).  Il  reproche 
enfuite  aux  Juifs  d'attribuer  à  Dieu  plufieurs  imperfections  j 
comme  de  faire  des  imprécations  contre  lui-même,  pour  avoir 

(1)  Voyez  la  remarque  de  Denys  Vojfius  furie  Chapitre 'III.  Paragraphe  VIII.  du  traité 
de  Màirronides  touchant  le  ci  lte  des  Etoiles  &  des  Planettes. 

(a)  Il  y  eut  plus  d'un  Rabbin  de  ce  nom-,  en  ce  temps-là.  Celui-ci  eft  Elie^er  fils  d'Hir* 
S*», Tuu  de>  Docteurs  de  la  Mifchna. 

(3)  Les  Juif,  l'ont  furnommé  le  Grand. 

(4)  Babha  Metzia  C3p.  aunum  comparât  argentum.  Eifenmenger  Tom.  I.  Cap.  I.  pag.  14* 
rait  voir  que  J<.rôme  de  Jointe  Foi  n'a  donné  que  le  fens  en  gros ,  &  qu'il  a  changé  les  circon.- 
ftmçes ,  comme  m'en  a  averti  M.  ïïoltenitts. 


DE  PISE.    Liv.  VI.  î9T 

détruit  fa  Maifon,  brûlé  fon  Temple,  6c  réduit  fon  peuplé  en 

captivité  parmi  les  Nations,  On  trouve  dans  le  Thalmud  ,  au    H1^. 

Livre  Beracbot ,  qu'à  chaque  veille  de  la  nuit  3  Dieu  ruq^it  comme 

un  lion,  pour  ces  chofcs.  Dans  le  même  Livre  on  fait  parler  ainfi  (a)  Rabbi 

im  Rabbin  (a).  Etant  un  jour  entré  dans  une  maifon  des. ma.  qI'J™ 

»  fures  de  Jerufalem ,  Elie  d'heureufe  mémoire  ,  vint  à  moi ,  6c 

»  me  dit ,  après  que  j'eus  fait  ni  a  prière  :  Mon  fils ,  quelle  voix 

95  avez-vous  entendue  dans  le  défèrt  ?  J'ai  entendu ,  repondis- je , 

»  comme  le  gemiilement  d'une  colombe  qui  difoit  ,  malheur  à 

\  »  moi  ;  j'ai  détruit  ma  maifon  ,  6c  j'ai  fait  mon  peuple  captif  par- 
ia mi  les  Gentils.  Là-defîus,  Elie  me  jura  par  ma  tête  ^  6c  par 
»  ma  vie  ,  que  cette  voix  s'entendoit  ,  non  feulement  à  cette 
m  heure-là ,  mais  toutes  les  fois  qu' Ifra'êl  entroit  dans  ies  Syna- 
«gogues,  6c  dans  les  Ecoles  ;  Lorfque  le  Rabbin  prononce  la 
»  prière  appelle  Cadish  ,  où  l'on  célèbre  Ja  fainteté  de  Dieu  ,  6c 
»  que  ce  peuple  répond  3  le  nom  de  Dieu  foit  beni  ;  alors  Dieu  bran- 
la le  la  tête,  ôc  fait  des  plaintes  contre  lui-même  (i). 

Us  imputent  encore  à  Dieu  de  fe  fouiller  par  l'attouchement 
d'un  mort,  comme  quand  il  enlevelit  Moïfe.  »  Sur  quoi  ils  di- 

\  »  fent  que  Dieu  fe  lava,  mais  dans  quoi  ïè  lava.t-il  ?  ce  ne  fut 
»pas  dans  l'eau ,  car  Ejaïe  dit  ,  qui  ejl-ce  qui  a  mêfurè-  les  eaux 
»  avec  fon  poing  /  On  répond  dans  le  feu,  parce  qu'Efaïe  dit ,  le 

]  »  Seigneur  eft  dans  le  feu  6cc.  »  Jcrbme  de  Sainte  Foi  impute  en- 
core aux  Thalmudiftes ,  d'aceufer  Dieu  d'envie.  Dieu ,  eft-il  dit 
dans  le  Livre  Sotha  ,  a  créé  cinq  hommes  qui  lui  refjcmbloient  en 
quelque  chofe  ,  Samfon  en  force ,  Saùl  far  la  beauté  de  fon  col ,  Ab- 
falon  par  fes  cheveux  ,  Sedecias/^r  les  yeux  ,le  Roi  Afa  par  fes 

,  pieds  ,  &  il  les  a  tous  condamnez^  par  les  chofcs  où  ils  lui  refjem- 

\  bloient(b)  Dieu  eft  encore  taxé  par  les  mêmes  Dodeurs  de  prier  J°)  s*&* , 
que  fa  mifericorde  fupprime  fa  colère,  de  fe  repentir  de  {es  fer. 

,  mens  ,  d'avoir  befoin  d'étudier  le  Thalmud  ,  6c  d'attacher  des 
phylactères  à  fes  bras  6c  à  fon  front  où  font  écrites  quelques 

:  paroles  de  la  loi  (c)  ,  de  mentir  ,  même  de  pécher,  6c  de  s'2i-($Ber*cI,oti 
vouer  coupable.  Il  rapporte  fur  le  dernier  article  cette  extra- 
vagance du  Thalmud.  »3  Dans  le  tems  de  la  création,  le  Soleil  6c 
«  la  Lune  étoient  égaux  5  mais  la  Lune  fe  préfenta  devant  Dieu , 

(i)  Notez  que  cet  endroit  eft  extrêmement  fautif  dans  l'édition  que  j'ai  du  Livre  de  Jé- 
rôme de  fainie  Foi  M.  J*blomkj  qui  poflede  parfaitement  le  Thalmud  ,  m'a  afluré  que  cet 
endroit  eft  changé  dans  le  Thalmud  d'aujourd'hui ,  &  qu'on  n'y  trouve  point  l'affaire 
du  Cadiih. 

Bbij 


196  HISTOIRE   DU  CONCILE 

»  &:  lui  parla  en  ces  termes  :  Seigneur ,  efl  -  il  à  propos  qu'on5 
141 2.     »  obéïfïe  à  deux  Rois  qui  n'ont  qu'un  même  diadème  ?  Là-deflus- 
jj-Dieu  commanda  à- la  Lune  de  fè  diminuer  beaucoup.  La  Lune 
«répliqua,  vous  voulez  que  je  me  diminue  ,  parce  que  j'ai  fait 
»  une  remontrance  raifonnable  ?  Eh  bien  ,  dit  Dieu  ,  ne  vous  afl 
»  fligez  pas ,  le  Soleil  ne  paroîcra  point  la  nuit }  &  vous  paroîtrez 
«  jour  6c  nuit.  Oui  ^  Seigneur  3  dit  la  Lune ,  mais  la  chandelle  ne 
»?  fert  de  rien  devant  le  Soleil.  J'ordonnerai  donc,  dit  le  Sei- 
»  gneur  ,  qu'on  célèbre  des  fêtes  en  votre  honneur  tous  les 
»s  mois.  La  Lune  fe  plaignit  fi  amèrement  de  tout  cela ,  queDieu' 
»  fè  confeflànt  coupable ,  ordonna  qu'on  offrît  un  facrifice  ,  tou- 
»  tes  les  nouvelles  Lunes  pour  expier  ce  péché  là  ,  félon  cette  pa- 
«  rôle ,  on  offrira  au  Seigneur  un  bouc  pour  les  péchez  (a). 
Ga>H//?In'       *-e  Chapitre  troifiéme  comprend  quelques  unes  des  contra- 
fun  rapin*.  di&ions  du  Thalmud  avec  la  loi ,  &  les  Prophètes.  Il  met  en- 
tre ces  contradictions  l'opinion  de  Rabbi  Eliezjr  qui  àit,que  Dieu 
créa  le  Ciel  de  la  lumière  defon  vêtement ,  &  la  Terre  de  la  neige* 
qu'il  avoit  fous  fes  -pieds.  Ce  que  Jerbme  de  Sainte  Foi  regarde 
comme  une  héréfie  ,  parce  que  c'eft  l'opinion  générale  que  le 
monde  fut  créé  de  rien  ,  &  que  le  mot  ilebreu  bara  ,  fignifie  , 
tirer  du  néant.  \\  impute  outre  cela  à  Rabbi  Simeon  d'avoir  dit 
que  l'ordre  dès  teras  fubfiftoit  avant  la  création  du  monde  ,  d'où 
il  s'enfuit  3  félon  Jérôme  de  Sainte  Foi  v  que  les  corps  celeftes  font 
de  toute  éternité ,  parce  qu'il  regarde  le  tems  ,  comme  la  mefu: 
re  du  mouvement  celefte.  Il  n'oublie  pas  les  contes  puériles  & 
profanes  du  Thalmud  ,  fur  les  occupations  de  Dieu  avant  6c 
après  la  création  ,  pendant  les  diverfes  parties  du  jour.  v>  Pen^ 
j>  dant  la  première  ,  eft-il  dit  dans  le  Thalmud  ,  Dieu  étudie  la 
»  loi  5  pendant  la  féconde  ,  il  inftruit  les  enfans  morts  j  pendant1 
>î  la  troisième.,  il  juge  tout  le  monde  ^  pendant  la  quatrième,  il  fe' 
J3  délaffe  à  jouer   &  à  rire  avec  le  Leviathan.  La  nuit  il  va  à' 
»  cheval  furies  Chérubins  ,  &  vifite  les  dix. huit  mille  mondes 
)>  qu'il  a  créez.  Mais  que  faifoit-  il,  demande-  t-on  ,  avant  la  créa* 
s?  tion?  Il  faifoit  des  mondes ,  &  les  defaifoit  fi). D'où  Jérôme  de 
n  Sainte  Foi  conclut  que  les  Juifs  enfeignent  l'éternité  du  mon, 
33  de.  33  II  leur  impute  de.  plus  d'attribuer  aux  conflellations  du* 
Ciel  ,  le  bonheur  ,011  le  malheur  des  hommes  3  contre  l'E- 
criture fainte  qui  nous  apprend  que  Dieu  les  juge  félon  leurs 

(1)  Ces  paroles  font  rapportées  un  peu  autrement  dans  la  Gemare  Avoda  Sara ,  mais  c'effe- 
ïémème  fens. 


D  É  ÎM  SE  Li  v.  Vî.  197 

œuvres.  Il  allègue  là- defïus  cette  fable  du  Thalmud ,  qu'on  cer-     j  4Ï:2#. 
tainDodeur  fe  plaignant  à  Dieu  de  fa  pauvreté 3 Dieu  lui  dit, 
Si  vous  voulez^,  je  détruirai  le  monde  four  L'amour  de  vous ,  fuis- je 
h  referai  ,  -peut -être  x  alors  naîtrez^-vous  fous  une  étoile  ,  qui  vous 
rendra  r/f/^(a).lls  enfeignent  encore,dit-il,dans  le  Thalmud,  que 
dans  le  tems  du  Mefîîe  perfonne  d'entre  les  Nations  étrangères ,  qjP  jljmi 
ne  fera  admis  à  la  loi  de  Dieu^  ce  qu'il  prouve  être  contraire  «■</•. 
aux  déclarations  des  Prophètes  ^b).Il  remarque  dans  leThalmud  (b)  Avoda 
une  affedation  continuelle  de  blâmer  ceux  dont  l'Ecriture  fainte  5*wCap.I.'. 
parle  avec  éloge  ,  &  de  juftirler  ceux  qu'elle  blâme.  Je  ferois 
rougir  le  Ledeur,  fi  je  rapportois  ici  toutes  les  ordures  ,  &  les  ob- 
fcenitez  abominables  que  les  Thalmudiftes  mettent  dans  la 
bouche  ,  &  font  commettre  aduellement  à  Adam  ,  à  Noé  ,  à 
Abraham ,  à  Jahel ,  à  Samfon  ,  à  Moïfe  ,  à  David  (j).  &c.  Il  y  a> 
encore  dans  ce  Chapitre  une  accufation  fort  odieufe  contre  les 
Thalmudiftes  au  fujec  des  Sermens.  Elle  efl;  prouvée  par  ces  pa- 
roles du  Thalmud,  au  Livre  des  vœux  [a).  Quiconque  veut  que  les  (c)Cap.iV;- 
fermens  ipromefJes  &  vœux  qu'il 'a  faits  fendant  toute  l'année \foient  Tota' 
de  nulle  valeur  ,  n'a  qu*à  dire  le  premier  jour  de  l'an  ,  Je  protefie 
que  toutes  les  promefies  _,  vœux  ,  &  Jermens  que  fat  faits  l'année 
pajjée  ,  &  que  je  ferai  ce  lie.  ci  {1)  font  vains  ,  &  fruftr'atoires.  Jé- 
rôme de  Sainte  Foi  témoigne  que  les  Juifs  obfervoient  encore  de 
fon  tems  cette  deteftable  maxime  ,  &:  que  la  nuit  qui  précède 
le  jour  des  expiations ,  le  Rabbin  de  la  Synagogue  tenoit  entre 
fes  bras  le  volume  de  la  loi  ,  &  prononcoit  la  même  maxime- 
fôlemnellement ,  en  préfence  de  tout  le  peuple  ,  qui  y  applau- 
diffoitf;).  Mais  l'Auteur  remarque  que  cette  protestation  re- 
garde particulièrement  les  Chrétiens.  Je  finirai  ce  Chapitre  par 
une  remarque  qui  m'eft  fournie  par  Wagen/eil  (d)  ,&par  d'au-  wPr^tw' 
tre  Savans.  C'effc  que  Jérôme  de  Sainte  Foi  rapporte  fouvent  les  ign.  Satan, 
fentimens  des  D  odeurs  Juifs  avec  négligence.  Par  exemple  ,  il 
fait  dire  à  Salomon  jarchi  fur  Nombr.  XVI.  35.  (4)  que  Moïfe 
avoir  misdupoifon  dans  l'encens  dont  Nadab&c  Abihu  furent 
confumez.  Cependant  le  Rabbin  Salomon  ne  dit  pas  que  ce  fut 
Moïfe  qui  empoifonna  l'encens  ,  il  dit  feulement  que  les  Jfraë. 

(1)  Marçar  n  Ae  la  Bigne  a  fwpprimé  pluiîeurs  de  ces  ordures ,  mais  il  en  dit  allez ,  pour 
juger  de  la  pièce  par  l'échantillon. 

(z)  Ces  dernières  parole  ne  le  trouvent  pas  dans  l'ancienne  proteftation  des  Juifs.  Ils* 
proteltoient  feulement  contre  les  fermens  de  l'année  paflée. 

(3)  Ils  proteftent  feulement  aujourd'hui  contre  les  vœux  de  l'année  courante. 

(4).  Selon  la  vulgate  ;  cardans  l'Hébreu  c'eft  Chap.  XV II.  13 • 

Bb  iijj 


i9g  HISTOIRE  DUCONCILE 

lit  es  Ce  mo  quoi  cm  des  parfums  ,  en  ces  termes  j  C'est  une  poudre  mor~ 
141 2.    telle  qui  atuè  Nadab  ,  Abihu ,  &  dont  les  deux  cens  cinquante  ont 
été  confumezj^i). 

Le  quatrième  Chapitre  roule  fur  les  vaines  décifions  duThal- 
mud.  Comme  elles  font  en  très-  grand  nombre,  il  fuffira  d'en  rap- 
porter quelques  unes  des  plus  curieufes  _,  èc  fur  tout  de  celles 
que  lapudeur  permet  d'exprimer.  Car  dans  ce  Chapitre  ,  com- 
me dans  le  précèdent ,  il  y  a  des  obfcenitez  dont  on  auroit  hon- 
te dans  \es  Corps  de  garde.  Voici  quelques  exemples  des  ab- 
furditez  contenues  dans  ce  Chapitre.  Rabbi  Salomon  demande 
pourquoi  Jacob  étant  Prophète  n'avoit  pas  fû  par  révélation 
que  fon  ûlsjofepb  avoit  été  vendu ,  &  qu'il  n'avoit  pas  été  dé- 
voré par  les  bêtes,  comme  il  le  croyoit.  Voici  la  réponfe  de  ce 
Rabbin.  C'eft  3  dit-il  ,  parce  que  les  frères  de  Jofepb  à  l'heure 
qu'ils  le  vendirent  voulurent  excommunier  ,  Ôc  anathematifer 
quiconque  déceleroit  cetre  trahifon  Or  cette  excommunication 
ne  -fe  pouvoit  faire  folemnellement ,  à  moins  qu'il  n'y  eût  dix 
perfonnes  ,  &  ils  n'étoient  que  neuf.  De  forte  que  s  étant  ado- 
dé  Dieu  même,  pour  être  dix,  Dieu  n'ofa  pas  révéler  ce  fecret 
à  perfonne.  Il  y  a  encore  dans  ce  Chapitre  un  autre  conte  qui 
n'efl:  ni  moins  ridicule,  ni  moins  indigne  de  Dieu.  »  On  y  trou- 
>j  ve  qu'un  jour  ,  Moïfe  étant  monté  dans  le  Ciel  ,  rencontra 
"Dieu  tenant  le  Livre  de  la  loi  entre  les  mains ,  &faifant  des 
33  couronnes  pour  ceux  qui  la  liroient  j  comme  Moyfe  ne  lui  di- 
»  foit  rien,il  lui  demanda, pourquoi  il  ne  le  faluoit  pas.  Moyfe  ré- 
>j  pondit  qu'un  Efclave  n'oloit  pas  Saluer  fon  Maître.  Vous  avez 
33  raifon,  lui  dit  Dieu  ,  cependant  puifque  vous  êtes  ici  ,  aidez- 
(a)  Sabbat  „  moi.  (a).  £n  voici  encore  un  du  même  calibre,  ils  difent  dans 
S^rff4  '  leThalmud  (b)  que  pendant  qu'un  enfant  eft  dans  le  venrre  de 
(b)  xidda    fa  mère,  il  a  fur  la  têce  une  lumière  avec  laquelle  il  voit  les  cho- 
Cap.aborta-  çQS  jufqU'a  la  fin  du  monde  5  mais  qu'à  l'inftant,  un  Ange  vient 
qui  lui  donne  un  foufflet ,  &c  lui  fait  oublier  tout  ce  qu'il  favoit. 
Outre  ces  extravagances  du  Thalmud  ,  il  s'y  rencontre  des  bé- 
vues grofïïeres  contre  la  foi  de  l'Hiftoire  fainte  ,  comme  par 
exemple  ce  qu'ils  difent  qu'tfg  Roi  de  Bafan  fut  tiré  des  eaux  du 
déluge  par  Moyfe.  Il  y  a  encore  fur  le  fujet  de  ce  même  Oi  plii- 
fieurs  fables  plus  dignes  des  Contes  des  Fées,  ou  des  Mille  &; 
une  nuit,  que  d'une  loi  attribuée  à  Dieu  lui-même,  &  fur  d'au- 

(1)  Cette  remarque  eft  de  M.  Noltenius, 


DE  PISE.     Liv.    VI.  199 

très  fujets  tant  d'impertinences,  qu'on  fe  fait  fcrupule  de  les  rap- 
porter par  refpect  pour  le  public.  141 2. 

Voyons  ce  qu'il  y  a  dans  le  cinquième  contre  la  foi  Catholi- 
que. 1 .  C'efl  une  chofe  allez  curieufe  de  voir  Jerbme  de  Sainte 
loi  Profelyte  Catholique  Romain  ,  faire  un  crime  aux  Juifs 
d'avoir  ajouté  le  Thalmud  ,  c'eft-â  dire  leurs  Traditions.,  à  la 
Parole  de  Dieu.  Il  ne  faut  que  rapporter  (es  paroles  pour  voir 
qu'il  lui  eût  été  aifé  d'en  faire  l'application  à  la  Religion  qu'il 
avoitembraflée.  »  Les  Juifs,  àiuil , voyant  que  la  foi  Catholi- 
»  que  &  la  Doctrine  de  J.  C.  s'étendoient  par  tout  l'Univers  &; 
»  manifeltoient  leur  aveuglement ,  firent  publier  dans  le  monde 
»que  Dieu  avoir  donné  leurs  Conftitutions  &  leurs  Règles  à 
>s  Moyfe  àt  vive  voix  ,  pendant  les  quarante  jours  qu'il  fut  fur 
"la  Montagne.  C'efl  ce  qu'ils  appellent  Thalmud  ,  c'efl-  à  dire  y 
»  Dodrine  ou  Loi  orale  ,  dont  il  punifTent  la  tranfgreffion  plus 
>s  feverement  que  celle  de  la  loi  de  Dieu.  Il  appuie  fa.  Thefe  de 
l'autoricé  de  Ma'imonides  qui  parle  en  ces  termes  (  a  ).  La  rai] on  (a)  Prolog. 
qui  engagea  notre  faint  Maître  (  c  )  à  ramafler  les  Traditions  des  Tr^' 
Juifs,  c*eft  qu'il  s' appercevoit  que  le  nombre  de  ceux  qui  les  ètudioient 
(  ftudentium)  diminuoit,  que  les  travaux  &  les  advcrfitez^  (de  laNa- 
tion  )  multiplioient ,  que  le  règne  de  l'iniquité  s'élevoit  &  dominoit 
dans  le  monde  -pendant  que  le  peuple  ètoit  tranfporté  dans  ces  extré- 
mité^ Ccji  pourquoi ,  pour  empêcher  les  confit  fions  de  l'erreur ,  il  ré- 
solut de  rédiger  par  écrit  les  Cérémonies  des  Pharifiens  fes  Prede- 
cefleurs.Enfaite  Jerbme  de  Sainte  Foi  rapporte  qu'au  tems  de  Con~ 
ftantin  le  Grand,  lesjuifs  voyant  avec  douleur  la  converfion  de 
quantité  de  perfonnes  confîderables  de  leur  Nation  firent  une 
afïemblée  de  leurs  plus  célèbres  Docteurs  à  Babylone  &  nom- 
mèrent deux  Rabbins  pour  compiler  tout  le  Thalmud  qui  fut 
achevé  environ 400.  ans  après  la  paillon  du  Sauveur.  Il  ajoute 
que  faint  Jerbme  ayant  à  peu  près  en  ce  tems-là  traduit  la  Bible 
d'Hebrcuen  Latin.,  lesjuifs  voyant  qu'il  y  avoic  plufîeurs  textes 
qui  leur  étoient  contraires  fe  mirent  à  les  falfifier  par  leurs  glo- 
£qs  ,  èc  firent  accroire  aux  Juifs  qu'il  n'y  avoit  pas  un  mot  dans 
le  Thalmud  que  Moyfe  n'eût  entendu  de  Dieu.  Ils  portent  mê- 
me fî  loin ,  félon  lui ,  l'autorité  du  Thalmud  ,  que  lorfqu'il  s'élè- 
ve quelque  difpute  entre  leurs  Do&eurs  fur  quelques  queflions 
de  ce  Livre  ils.  difent  que  la  même  Controverfè  fut  agitée  de- 
vant Dieu  en  préfence  de  Moyfe, 

(1)  Il  appelle  ain/I  le  Rabbin jW*  principal  Auteur  de  la  compilation  de  laMifchna* 


ioo  HISTOIRE    DU    CONCILE 

2.  Après  cette  accufation  générale  il  pailè  au  détail  desDog. 
;i4i  2.    mes  &.  des  faits  rapportez  dans  le  Thalmud  contre  la  foi  Catho- 

lique  pour  obéir,  dit-il ,  à  Benoit  X III.  qui  en  avoit  demandé 
le  dénombrement.  Il  fûppofe  donc  pag.  790.  qu'il  eft  dit  dans 
(a)  Chap.  Je  Thalmud  au  Traité  Sabath  (a)  qu'il  faut  brûler  les   quatre 
xvi.  Foi.   £vangjies  &  que  je   Rabbin  Jojeph  dit  que  cette  exécution  fe 
devoit  faire  un  jour  de  fête  ,  mais  qu'il  faut  excepter  de  cette 
condamnation  générale  des  Livres  des  Chrétiens  les  endroits 
où  les  noms  de  Dieu  font  exprimez.  Il  ajoute  qu'il  y  eut  pour- 
tant un  Rabbin  qui  dit  qu'il  falloit  aiuTi  brûler  les  noms  de  Dieu 
avec  les  Livres  où  ils  fe  trouvoient.  Il  faut  néanmoins  remar- 
<b)  ?>•*/.  aâ  qlier  fur  cet  endroit  que  Wagenfeil  ( b)  s'infcrit  en  faux  con- 
$at*n.  p.     *re  ce  °lue  dit  Jerbme  de  Sainte  Foi  <|ue  le  Thalmud  condam- 
77.78.       ne  les  quatre  Evangiles  au  feu,  parce  que  dans  le  Traité  du 
Sabath  allégué  ci-defTus  il  n'eft  point  parlé  des  quatre  Evan. 
gilesmiais  vraifemblablementdesLivres  des  Chrétiens  en  géné- 
ral. En  eflet  dans  la  Traduction  que  Wagenfeil  donne  de  ce  paf- 
fage  du  Thalmud  il  s'agit  des  Livres  des  Hérétiques  &  même 
en  particulier  des  Sadducéens  3  félon  la  Traduction  de  M.  ?</- 
fc%lVïlfc-blon$ki.  Ce  qui  fait  voir  ,  pour  le  dire  en  pafTant  ,  que  Jérôme 
se,  de  Sainte  Foi  a  manqué  ici  ou  d'exactitude  ou  de  fidélité. 

3.  Jerbme  de  fainte  Foi  impute  encore  un  autre  blafphême  aux 
Rabbins  ,  ceft  que  ,  félon  eux  ,  la  doctrine  de  Jefus-  Chrifl 
6c  des  Apôtres  eft  pire  que  l'idolâtrie  3  que  les  Chrétiens  ado- 
rent cent  neuf  idoles  \  &  qu'il  ne  faut  avoir  aucun  commerce 
avec  eux  que  pour  les  convertir  ou  pour  les  tuer.  Ces  cruels  fen- 
cimens  font  attribuez  à  Maïmonidcs  (i  )  &c  à  Rabbi  Salomcn. 

4.  Le  quatrième  blafphême  regarde  directement  Jefus  Chrift 
Il  eft  dit  dans  le  Thalmud  ,  au  traité  Sœbath ,  que  c'ctoit  un  bâ- 
tard ,  un  magicien  3  &  qu'il  avoit  apporté  d'Egypte  certaines 
machines  d'argile  {quœdam  ficlilia)  enfermées  dans  fa  cuifle  , 
avec  quoi  il  faifoit  des  miracles.  On  compte  dans  le  Thalmud 
qu'un  certain  Rabbin  ayant  par  (es  conjurations  évoqué  de 
l'Enfer  ,  Jefus  èç  Balaa  ,  on  demanda  à  Balaa  quel  fupplice  y 

(1)  Il  faut  remarquer  que  les  paroles  de  M«\monides  là-deiTus  ne  Ce  trouvent  point  au- 
jourd'hui dans  le  traité  de  Mdimonides  de  l'Idolâtrie ,  non  plus  que  dans  la  verfîon ,  qu'en 
a  dor.nee  Denis  foffius  ,  ce  qui  pouiroit  faire  foupçonner  d'infidélité  ,  Jérôme  de  fainte  Koi 
Mais  on  doit  dire  à  fa  décharge  que  M.  Jablonskj  a  entre  les  mains,  deux  Manufcrits  où 
l'on  trouve  ces  paroles  blaiphcmatoires.  Tels  que  fout  Jefus  le  Nazarien  cr  fes  Difciples  , 
e>-   Zadoc  c  Iteitos    çp>  leurs  Difciples  dont  les  noms  impies  [oient  confondes   (  computref- 

fouffiroic 


DE  PISE.   Liv.   VI.  iot 

foujBfroic  Je  fus ,  il  répondit  qu'il  cuifoit  dans  une  chaudière  plei- 
ne de  fiente  toute  bouillante.  141 2, 

5.  On  peut  juger  qu'ils  ne  traitent  pas  mieux  la  Mère  que 
le  Fils,  les  Dilciples  que  le  Maître  h  la  Mère  de  Je/us  ctokunQ 
femme  publique  3  les  Apôtres  des  lions  ,  les  enfans  des  Chré- 
tiens font  des  reptiles ,  les  Eglifes  font  des  cloaques ,  &c. 

6.  Ils  prononcent  trois  fois  le  jour  des  imprécations  contre 
les  Chrétiens,parce  que  félon  le  Thalmud, c'eft  un  grand  péché 
dédire  du  bien  desldolâtres^tels  que  font  lesChrétiens,  &  de  par- 
ler d°aucune  autre  chofequi  les  regarde  fans  y  ajouter  quelque 
témoignage  d'indignation  ,  Se  quelque  note  d'infamie.  C'eft  ce 
<]ui  fait  palier  l'Auteur  au  VI.  Chapitre  ,  où  il  s'agit  de  ce  que 
le  Thalmud  contient  contre  les  intérêts  des  Chrétiens.  Le  Thal- 
mud  commande  aux  Juifs  de  faire  tout  le  mal  qu'ils  pourront 
aux  autres  Nations ,  mais  fur  tout  de  n'épargner  point  les  Chré- 
tiens ,  comme  étant  une  Nation  idolâtre  &:  difToluë.  Ils  por- 
tent fî  loin  leur  haine  pour  les  Chrétiens,  qu'ils  ne  veulent  pas 
même  qu'ils  obfervent  le  Sabbath  ,  ni  qu'ils  étudient  la  Loi  , 
parce  qu'ils  n'en  font  pas  dignes.  Les  Juifs  tiennent  qu'il  eft  per- 
mis de  les  tromper  &c  de  les  voler  ,  de  les  tuer,  &de  leur  fai- 
re toute  fortes  de  mauxôc  d'avanies.  C'eft  ce  qu'il  prouve  par 
des  autoritez  du  Thalmud,  ôc  de  plusieurs  Rabbins ,  entre  autres 
de  Maïmonides. 

Il  fait  dire  à  ce  dernier  que  quand  on  voit  un  Chrétien  au- 
près d'un  puits  il  faut  le  jetter  dedans  3  &  mettre  une  pierre  au- 
deffus  du  puits  -y  que  s'il  y  a  une  échelle  ,  il  faut  l'ôter  ,  afin  qu'il 
ne  puiiïe  pas  remonter.  Il  y  a  encore  dans  ce  Chapitre  plufieurs 
autres  maximes  inhumaines  contre  les  Chrétiens  ,  &  ce  qu'il  y 
a  de  plus  déteftable ,  c'eft  que  félon  Salomon  Jarchi  ,  les  Chré- 
tiens les  plus  dévots  font  les  plus  expofez  à  cette  fureur.  Tout 
le  Traité  finit  par  une  prière  pour  laconverfion  des  Juifs,  mais 
dans  le  Chapitre  précèdent  il  avoit  exhorté  tous  les  Chrétiens 
Catholiques  à  fe  fervir  de  leur  pouvoir  ,  &  de  leur  autorité  pour 
tes  détruire  ,  comme  fi  pour  convertir  les  hommes  ,  la  grâce 
de  Dieu  avoit  befoin  du  fecours  8c  du  miniflere  de  la  perfecu- 
tion  (ij. 

(1)  Au  refte  je  dois  rendre  ce  témoignage  à  deux  amis  de  cette  Ville  auflfi  diftinguez  par 
leur  fçavoir  que  par  la  politefle  de  leurs  mœurs ,  Meilleurs yablomki  &  Noltenius  Prédicateurs 
ordinaires  du  Roi  de  Prufle,  que  j'ai  beaucoup  profité  de  leurs  lumières  dans  la  compolï- 
tion  de  ce  morceau  d'Hiftoire. 

Tome  II,  Ce 


201  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Ces  Livres  de  Jérôme  de  fainte  Foi  ne  demeurèrent  pas  fans  ré- 
ff412,  ponfe.  Un  Rabbin  de  ce  fiécle  là  ,  nommé  Ifaac  Nathan  ,  y  fie 
(a)  Voyez,  une  réponfe  fous  le  titre  de  Réfutation  du  Sedufleur  ,(a)  où  il 
Homnger.  combattoijc  auffi  d'autres  Traitez  contre  les  Juifs.  Un  autre 
Pa«nL  Rabbin  ,  nommé  Bom.  Vidai  fils  de  Levi ,  y  répondit  auflî  fous 
Ssecui.xiv  ce  titre. ,  Saint  des  Saints.  Mais  ces  Livres  ne  le  trouvent  qu'en 
Woift.Hb.fuf.  manufcrit.  Nicolas. Antoine  dans  fa  Bibliothèque  ancienne  à'EC. 
(b)Nkoi.  pagne  (b)  parle  encore  dune  pièce  contre  Jérôme  de  jainte Foiy 
Ànt.°rn\  qui  fe  trouve  manuferite  dans  la  Bibliothèque  de  Leyde  3  fous  le 
Biblioth.      tltre  de  Livre  d  opprobre. 

Vet.Hiipan.      XXVIII.  Il  ne  me  refteplus  à  rapporter  pour  finir  cett&aïi* 
*Afflîre$  dé-  née,que  quelques  particularitez  détachées.  Il  faut  mettre  dans 
tachées y       ce  rang  la  mort  de  Marguerite  appellée  £ Aquilonaire  ,  ou  Rei- 
Mort  de      nQ  ju  Nord,  fille  de  Waldemar  Roi  de  Danemarck  ,  &  femme 
YA^iiomire  de  Haquin  Roi  de  Norwege.    Cette  Princefïè  ,  que  l'Hiitoire 
repréfente  comme  l'objet  de  la  haine  des  Suédois  3  &  de  l'ad- 
miration des  Danois  ,  fe  rendit  fort  célèbre  parafes  conquêtes 
dans  la  partieSeptentrionale  de  l'Europe  (c)  .Ce  fut  elle  qui  après 
an  i  f  T n'  avon*  um  ^a  Norvège  au  Danemarck  ,  y  joignit  encore  la  Sue- 
22.  i4ii.   de  par  la  vidoire  qu'elle  remporta  fur  Albert  Roi  de  Suéde.  Je 
n.  11.        rapporterai  ici  par  occafion  ce  qu'un  des  Continuateurs  de  Ba- 
(d)Ray»a!i  ron^u^  (d)  nous  raconte  touchant  Henri  l'un  à^s  fils  de  cette 
241  j. n.j7.  Marguerite  ,  parce  que  ce  trait  d'Hiftoire  Ecclefiaftique  trou- 
veroit  difficilement  place  ailleurs.  Cet  Hiflorien  nous  apprend 
que  comme  un  autre  Moïfe ,  HV^r/préfera  la  vie  religieuiè  aux 
trois  Royaumes  du  Nord  dont  il  devoit  être  l'héritier  aprèsla 
mort  de  fon  père  >  Se  d'Olaus  fon  frère  aîné.  Sa  mère  &  les 
Grands  ayant  fait  de  vains  efforts  pour  l'en  détourner  par  les 
appas  de  l'ambition ,  il  fe  retira  fous  l'habit  de  faim  François 
dans  un  défert  ignoré  de  tout  le  monde.  On  l'y  trouva  pour, 
tant  à  force  de  recherche  ,  &  on  le  ramena  à  la  Cour.  Mais 
/bit  que  la  vie  pénible  qu'il  avoir  menée  3  l'eût  tellement  chan- 
gé ,  que  fa  mère  ne  le  reconnut  pas  ;  foit  que  pofTedée  par  l'am- 
bition ,  fa  préfence  lui  fît  ombrage  ,  elle  le  condamna  au  feu 
comme  un  impofteur.  Mais  étant  échappé  des  fiâmes  par  mi- 
racle ,  il  retourna  dans  fa  retraite  Après  y  avoir  patte  quelque 
temps ,  il  lui  prit  envie  d'aller   à  Rome  vifiter  les  faints  li'ux  f 
Scie  Temple  de  faim  irancois  à?  sîffife.  Il  mourut  à  Peroufe  en 
1415.  mais  avant  fa  mort ,  il  fît  fçavoir  qui  il  étoit  aux  habitans 


D  E  P  I  S  E.    L  i  v.  V  ï.  205 

du  lieu  ,  & ,  à  ce  qu'on  prétend  3  il  fe  fignala  par  divers  miracles. 
Il  efl:  vrai  que  les  Hiftoriens  de  Danemarck  démencent  ces  par-   j*l2m 
ticularicez  ,  mais  notre  Auteur  aime  mieux  s'en  rapporter  à  une 
tradition  confiante  de  Peroufe  ,  &  à  ce  vers  qu'on  lit  encore  , 
dit-il  9  fur  fbn  tombeau. 

Qui  p  omit  Daciœ  régna  tenere  tria. 
Je  mettrai  à  cette  année  la  mort  de  Henri  IV.  après  trois   Angle* 
\  jbons  Hiftoriens  François  de  ce  temps-là  (a).  Ce  Prince  eutpen-  J^^X^ 
:  dantun  Règne  afïèz  long  beaucoup  départ  aux  affaires  de  VE- vend  des  ur- 
glife.  Il  donna  en  1401.  un  Edir  fort  rigoureux  contre  les  Loi.  flni  >  îeMoi- 
lards ,  ou  Wiclefites ,  qui ,  comme  on  l'a  déjà  dit ,  fondez  fur  PE-  ©«»«, 
criture  Sainte  s'étoient  déclarez  hautement  contre  les  déré-  MonjireUt. 
glemens  &  les  ufurpations  du  Clergé  d'Angleterre ,  6c  contre 
pluiîeurs  Dogmes  de  PEglife  Romaine.  Mais  la  feverité  de  ces 
Edits  qui  condamnoient  içs  Novateurs  au  fupplice  du  feu ,  ne 
fut  pas  capable  de  conjurer  cette  tempête  contre  le  Clergé. Com- 
,  me  l'Angleterre  étoitfort  épuifée  d'argent ,  par  les  guerres  qu'el- 
le avoit  à  foutenir  contre  la  France ,  les  grands  du  Royaume , 
afTemblez  en  Parlement  ,  propoferent  en  1404  ,  d'employer 
.une  partie  des  biens  immenfes  de  PEglife  a  foulager  l'Etat.  Mais 
Thomas  Archevêque  de  Cai»torberi  para  le  coup  par  fes  fortes 
remontrances  au  Roi ,  fur  le  ferment  qu'il  avoit  fait  de  proté- 
ger PEglife.  L/année  fuivante  il  s'éleva  une  groffe  fadion  con- 
tre Henri  IV.  fous  deux  prétextes  fpecieux  j  l'un  étoit  l'ufur- 
pation  que  le  Roi  avoit  faite  du  Royaume  fur  le   malheureux 
Richard ,  l'autre  Poppreffion  de  PEglife  ôc  du  Peuple  qui  préten- 
doient  qu'on  avoit  violé  leurs  libertez.  Cependant  cette  conju- 
ration fut  diffipée  en  partie  par  le  fupplice  de  P  Archevêque  0)  Richard 
d'York  (b)  Pun  des  Chefs  de  Pentreprife.  L'Hifloire  (c)  raconte  ?^aifin. 
que  le  Roi  ayant  envoyé  au  Pape  Innocent  VII.  tes  armes  &  Henri  ;r. 
Phabillement  de  guerre  de  cet  Archevêque  avec  une  Lettre  qui  zaynald- 
commençoit  par  ces  mots  des  frères  de  Jofephà  Jacob  b  Voyc^fixùt°  * 
c'efi  la  robe  de  votre  fils ,  le  Pape  répondit  ,  Je  ne  fiai  fi  ceft  la 
robe  de  mon  fils ,  mais  je  fiçai  qu'une  bète  ly a  dévoré.  Le  Pape  en  effet 
avoit  excommunié  ceux  qui  avoient  trempé  leurs  mains  dans  le 
fang  de  ce  Prélat  ,  parce  qu'il  regardoit  fà  mort  comme  un  at- 
tentat contre  le  Siège  de  Rome.  Mais  la  mort  de  ce  Pape  empê- 
cha que  l'affaire  ne  fût  pouffée  plus  loin.  En  effet  Grégoire  JTII. 
qui  lui  fucceda  leva  cette  excommunication ,  comme  cela  paroîc 

Ccij 


104  HISTOIRE  DU  CONCILE 

par  fa  Bulle  aux  Evêques  de  Durham  6c  de  Lincoln, 
141 2.        Les  Hiftoriens  difent  unanimement  que  Henri  IV.  mourut 
de  la  lèpre;  moult  aggrave  &  piteu  Cernent  opprejjè  de  la  maladie  de 
la  Lèpre  3  die  Monftrelet.  Ces  Hiftoriens  nous  racontent  en  ces 
termes  les  dernières  heures  de  ce  Monarque:  «  Vérité  eft  que 
»  lui    eftant  par  plufieurs  jours  fi  eftraint  de  maladie  que  plus 
îsnepouvoit  3  &que  ceux  qui  deluiavoientlagarde  un  certain 
»  jour  ,  voyant  que  de  Ton  corps  n'iflbit  plus  d'alaine,  cuidans- 
>3  pour  vrai  qu'il  fut  tranfis  ,  lui  avoient  couvert  le  village.    Or 
»  eft  ainfi  que  comme  il  eft  accouftumé  de  faire  ou  pays  ,  on 
»  avoir  mis  la  couronne  Royale  fur  une  couche  afïez  près  de  lui ,. 
»  laquelle  devoir  prendre  présentement  après  fon  trefpas  foi* 
»defftifdit  premier  fils  Scfuccefleur,  lequel  fut  de  ce  faireafTez- 
»  preft  :  &  print  ladide  couronne  ôc  emporta  fur  le  donner  à 
»  entendre  des  dictes  gardes.  Or  avintqu'afïez  toft  après  le  Roi 
»  je6ta  un  fbufpir ,  fi  fut  defcouvert ,  &  retourna  en  afTez  bonne 
»  mémoire ,  &  tant  qu'il  regarda  où  avoit  efté  fa  couronne  mi* 
»  fe  ,  &c  qwand  il  ne  la  veit ,  demanda  où  elle  eftoit ,  &  fes  garde* 
»  lui  respondirent  :  Sire  ,  Monfeigneur  le  Prince  voftre  filsl'a 
«  emportée,  &  il  dit  qu'on  le  feit  venir  devant  lui,  &:  il  y  vint.  Et 
«  adonc  le  Roi  lui  demanda  pourquoi  il  avoit  emporté  fa  couron- 
»  ne ,  &  le  Prince  dit  :  Monfeigneur  ,  voici  en  prefence  ceux  qui 
»  m'avoient  donné  à  entendre  8c  affermé  qu'eftiez  trespafïë  ,  &; 
"  pour  ce  que  fuis  voftre  fils  aifné  ,  &;  qu'à  moi  appartiendra  vo- 
»  ftre  couronne  &:  Royaume ,  après  que  ferez  allé  de  vie  à  tref- 
»  pas,  Pavoye  prinfe.  Et  adonc  le  Roi  en  foufpirant  luy  dit,  beau 
«  fils ,  comment  y  auriez-vous  droit  ?  car  je  n'en  y  euz  oncques 
»  point ,  &  ce  fçavez-vous  bien.  Monfeigneur  vrefpondit  le  Prin- 
»ce,  ainfi  que  vous  l'avez  tenue  &  gardée  àl'efpée,  c'eft  mon 
»  intention.de  la  carder  &  deflendre  toute  ma  vie. 

Il  paroîtra  dans  la  fuite  qu'Henri  y.  tint  parole.  Si  l'on  en- 
croit  un  autre  Hiftorien  contemporain ,  ce  dernier  ne  fut  pas  dé- 
claré Roi  fans  conteftation.  »  Il  couroit,  dit-il,  alors  un  bruitin. 
»  certain  de  la  mort  de  Henri  roi  d'Angleterre,  &  l'on  difoic 
»  qu'une  lèpre  horrible,  qui  lui  avoit  mange  le  vifage&les  ex- 
>5  tremitez  ,  l'avoit  tellement  défiguré  qu'il  faifoit  peur  à  regar- 
der; mais  tomme  l'on  doutoit  encore  d'une  fî  étrange  nouvel- 
>s  le ,  il  arriva  un  homme  d'Angleterre  qui  en  aiïeura  le  Duc  de 
»  Guyenne  ,  &  qui  lui  dit  avoir  été  prefent  au  couronnement  de 


DE  PISE.  Liv.  VI.  iof 

»  Henri  Prince  de  Galles  fou  fils  aimé,  je  me  fouviens  d'avoir 
»ouï  dire  à  ce  mefme  mefïager  v  que  tous  les  Anglois  ne  gouf-  ,,  I2 
»  toient  pas  cette  fuccefïion  ,  6c  que  beaucoup  difoient  que  le 
«  Sceptre  devoir  appartenir  au  Comte  de  la  Marche  qu'ils  foufte- 
»  nojenteftre  le  véritable  6c  plus  proche  héritier  de  ceRoyaume, 
»  parce  que  fon  père  eftoit  iiîu  de  Meffire  Lionel  duc  de  Claren- 
»  ce3  fécond  fils  du  grand  6c  fameux  Edouard  ,  6c  que  le  Père  de 
»  l'autre  eftoitdefcen du  de  Jean  duc  de  Lanclaflre  troifiéme  fils 
»  du  même  Edouard^  fi  bien  qu'il  auguroit  de  cette  diverfité  de 
»  partys  6c  de  fentimens ,  que  l'Angleterre  tomberoit  bientofl 
«dans  une  nouvelle  guerre  civile- 
La  France  étoit  aulh  agitée  que  jamais  par  les  troubles  inte-  Fr-ancb 
ftins6c  par  les  armes  des  Anglois.  Il  s'en  fallut  beaucoup  que  la 
paix  faite  à  Chartres  entre  les  factions  Bourguignone  6c  Orlea- 
noife  n'euiîent  rendu  la  tranquillité  à  ce  Royaume.  D'ailleurs  la 
trêve  étant  expirée  entre  la  France  6c  l'Angleterre  ,  chaque 
parti  tâchoità  mettre  l'Anglois  dans  fes  intérêts,,  comme  fit  le 
Bourguignon  l'année  précédente.  L'Orleanois  en  fit  autant  fur 
la  fin  de  celle-ci.  Le  duc  de  Bourgogne  ayant  avis  de  ce  Trai- 
té avec  l'Angleterre  preiîa  tellement  le  fiege  de  Bourges  ,  que 
i  les  aiîîegez  fe  trouvèrent  réduits  à  la  dernière  extrémité  avant 
que  le  fecours  qu'ils*  attendoient  fut  arrivé.  Comme  les  afïie- 
geants  n'étoientpas  plus  à  leur  aife ,.  on  écouta  les  propofitions 
de  paix  faites  aux  deux  partis  par  le  Comte  de  Savoye  petit-fils 
du  Duc  de  Berri  6c  gendre  du  Duc  de  Bourgogne ,  6c  elle  fe  fit  au 
grand  contentement  de  tout  le  Royaume. 

On  a  déjà  vu  que  Sigijmond  fit  cette  année  un  voyage  en  Hongrie 
Pologne  6c  qu'il  y  conclud  un  Traité  avec  Ladiflas  Jageilon  ,  6c  &ï,°10- 
négocia  l'accommodement  des  Chevaliers  de  l'Ordre  Teuto-  - 
nique  avec  les  Polonois  fans  pourtant  le  finir.  Après  ces  négo-  ,  s  _  _.  . 
ciations  ,  1  Empereur  invita  le  Roi  de  Pologne  a  1  accompa- 
gner à  Cafchaw  (a)  dans  la  haute  Hongrie  ,  fous  prétexte  de 
lui  faire  honneur  6c  de  le  bien  régaler  ,  mais  dans  le  fond  ,  fî 
l'on  en  croit  les  Hiftoriens  Polonois  ,  dans  la  vue  de  l'engager 
àrayer  de  leur  Traité  certaines  claufes  qui  ne  Paccommodoient 
pas,  Une  des  principales  conditions  couchées  par  écrit  dans  ce 
Traité,étoit  d'exterminer  lesChevaliers  6c  de  partager  la  Prufîè. 
Mais  comme  la  plupart  des  Princes  èc  Etats  de  l'Empire  ,  6c  en- 
tre autres ,  les  Electeurs  favorifoienc  extrêmement  ces  Cheva- 

Cciij 


1*6  HISTOIRE  DU  CONCILE 

141 2.  liers  5  l'Empereur  fie  fi  bien  par  tes  carefTes ,  qu'il  engagea  La*. 
dijlas  à  rayer  cet  article ,  à  le  contenter  de  fa  parole  6c  de  fon 
ferment.  Il  en  alleguoit  pour  raifon  ,  qu'un  tel  article  étoit  ca. 
(a)  Dfcr.  p^ble  de  le  faire  dépofer  de  l'Empire  ,  où  il  ne  fe  jugeoit  pas 
L.xi.p  3*1.  encore  bien  affermi  (a).  Ce  voyage  au  refte  penfa  lui  être  fatal. 
Comme  il  accompagnoit  la  Reine  de  Pologne ,  qui  avoit  été  du 
voyage  ,  il  tomba  de  cheval  6c  fe  blefTa  fi  dangereufement  qu'on 
defefpera  de  fa  vie.  Mais  ayant  recouvré  fa  fanté  ,  les  deux  Rois 
continuèrent  leur  route  ,6c  partagèrent  le  temps  entre  leplaifir 
de  la  chafïè ,  &;  diverfes  dévotions  en  chemin  faifant.  Etant,  par 
exemple  ,  arrivez  au  Grand  Waradin ,  le  Roi  de  Pologne  voulue 
aller  à  pied  vifiter  l'Eglife  de  cette  Ville  ,  où  repofe  famt  La- 
di/las  Koi  de  Hongrie  j  ils  y  firent  leurs  Pâques.  De  là  ils  allè- 
rent à  Bude,  où  ils  célébrèrent  la  fête  de  la  Pentecôte  ,  6c  puis 
la  Fête-Dieu  avec  grande  folemnité.  Le  Roi  de  Pologne  tom- 
ba auiîi  dangereufement  malade  à  Albe  Royale  ,  pour  avoir  trop 
mangé  de  caillé ,  6c  avoir  pris  le  bain  enfuite.  Comme  il  ne  ref- 
piroit  que  fon'rerour  en  Pologne  ,  pour  y  achever  de  rétablir  fa 
fanté ,  PEmpereur  3  afin  de  le  renvoyer  fatisfait  de  cette  courfe, 
le  regala  de  plufieurs  préfens.  Il  lui  remit  la  Couronne  du 
Royaume  de  Pologne  ,  que  l'Empereur  OttonllI.  avoit  donnée 
à  Bolejlas  premier  Roi  de  Pologne  ,  le  Scepre  ,  la  Pomme  d'or  , 
une  Epée  &  quantité  de  Joyaux  appartenant  à  cette  Couron- 
ne (1) ,  qui  avoient  été  tranfportez  en  Hongrie  par  Elifabctb 
mère  de  Louis  Roi  de  Pologne  6c  de  Hongrie  ,  parce  qu'elle 
craignoit  que  pendant  que  fon  fils  féroit  en  Hongrie  3  les  Po- 
ub.  f«pr"S'  l°n°is  n'élufTent  un  autre  Roi  f  b).  A  ces  préfens  qui  pouvoient 
p.  331.      être  regardez  comme  une  reflitution  ,  l'Empereur  y  en  joignit 
beaucoup  d'autres.  Il  regala  Zadijlas  de  plufieurs  reliques  ,  & 
ofTemens  de  Saints  enchafïez  dans  de  l'or  &  feelez  du  fceau  de 
Louis  Roi  de  Pologne. 

Zadijlas  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  à  Cracovie  où  la  Reine  Anne 
fon  époufe  étoit  venue  au  devant  de  lui ,  qu'il  fit  placer  la  Cou- 
ronne, la  Pomme  d'or  ,  PEpée  6c  le  Sceptre  dans  l'Eglife  pa- 
roifîiale  d'où  ils  avoient  été  tirez  par  la  raifon  qu'on  a  dite.  Aie* 
xandre  Withoud  Duc  de  Lithuanie  étant  venu  à  fa  rencontre  , 
ils  eurent  enfemble  une  longue  6c  amiabfe  entrevue  ,  pendant 
laquelle  Ladijlas  lui  fit  le  récit  de  tout  ce  qui  s'étoit  paflé  dans 

(1)  Gladium.  Sc\erbyec.  quem  gruem  vocant.  Dlug.  nb.  f»f>r.  p. 330. 


DE    PISE    Liv.    VI.  207 

le  voyage  ,  Se  partagea  avec  lui  les  préfens  qu'il  a  voit  reçus  de 
Sipfmond.  Pierre  Vifch  Evêque  de  Cracovie,  qu'on  a  vûDepu-*i4i2. 
té  au  Concile  de  Pife ,  profita  de  l'occafion  de  cette  entrevue 
pour  tâcher  de  recouvrer  Ton  Evêché  ,  que  Jean  JfJClII.  lui' 
avoir  ôté  à  la  follicitation  du  Roi,  fous  prétexte  qu'il  étoitim-* 
becille,pour  le  donner  à  TEvêquede  Pofnanie.  Mais  le  Roi  fè 
montra  inflexible  aux  raifons&  aux  larmes  du  malheureux  Evê- 
que dépouillé  ,  aufli-bien  qu'aux  follicitations  de  [es  parens ,  & 
de  fes  amis  qui  étoient  puiiîàns  &  en  grand  nombre.  Il  fallut 
qu'il  palîat  à  l'Evêché  de  Pofnanie  malgré  les  oppositions  de 
fon  Eglife.  L'Hiftoire  rapporte  que  cette  violence  caufa  beau- 
coup de  fcandale ,  &  attira  beaucoup  de  blâme  fur  Laâijlas.  Auf- 
fi  dit  on  qu'il  s'en  repentit ,  &  même  qu'il  en  demanda  pardon   ($Crm# 
à  genoux  à  Pierre  Vifch  fa).  Cependant  il  mourut  à  Poihanie  en  L-  XVI1*- 
1414.  p"  z801* 

Les  diverfes  Conférences  qu'eurent  enfemble  Sipfmond  Se 
Ladijlas  dans  le  fe jour  que  le  premier  fit  en  Pologne  ,  &  dans 
leur  voyage ,  ne  terminèrent  point  le  Traité  des  Polonois  avec 
les  Chevaliers  Teutoniques.  Sipfmond  ne  demandoit  pas  mieux 
que  d'en  tirer  la  conclufion  en  longueur  y  d'un  côté  pour  em. 
pêcher  le  Roi  de  Pologne  d'agir  contre  les  Chevaliers  ,  fous 
quelque  prétexte  ,  après  la  paix  3  de  l'autre  pour  tirer  de  l'ar- 
gent des  derniers  qui  avoient  impatience  de  voir  la  fin  de  ce 
Traité.  C'eft  pourquoi  l'Empereur  prefTé  de  marcher  en  Italie 
contre  les  Vénitiens  commit  l'affaire  à  Jean  Archevêque  de 
Strigonie ,  à  Nicolas  de  Gara ,  Palatin  de  Hongrie ,  &:  à  d'autres 
Barons  du  Royaume.  Cependant  afin  de  le  mettre  en  état  de 
foutenir  cette  dépenfe  ,  Sipfmond  envoya  au  Roi  de  Pologne 
une  Ambaiîade  pour  lui  demander  une  certaine  fomme  d'ar- 
gent à  emprunter  (  1  )  3  laquelle  il  reprendroit  fur  ce  que  les 
Chevaliers  dévoient  à  la  Pologne.  Ladijlas  la  prêta  pour  enga- 
ger plus  étroitement  Sipfmond  à  exécuter  fa  pro  m  elle  d'exter- 
miner les  Chevaliers.  Les  AmbaiTadeurs  accompagnèrent  le  Roi 
jufqu'à  Prz^emiU  dans  la  Ruflle  Polonoife  ,  bien  contens  de  leur 
négociation. 

Il  fe  paiïa  dans  cette  ville  un  événement  remarquable  ,  pen- 
dant le  fejour  qu'y  fit  Ladijlas  avec  les  députez  de  Hongrie.  La 

(1)  Quadragititafexagenorum  latortimgrofforum  Pragenfîttm  millia.  Dlug.H&i  fi*f>r.  p.  43  J» 


\ 


î08  HISTOIRE  DU  CONCILE 

Cathédrale  de  /V^w/'^avoitétéjufqu'alors  deffervieà/^  Gre- 
%41%'   quefyar  un  Prêtre  Rufle.  Le  Roi  pour  fe  juftifïer  publiquement,  ; 
y  s  Dl      en  préfence  de  ces  députez  ,  de  l'accufation  intentée  contre 
ub.fupfv.  lui  en  Allemagne  de  protéger  les  Schifmatiques,  ordonna  de 
*    déterrer  tous  les  corps  des  Rufles  qui  repofoient  dans  cette  Gu 


334 


thédrale  >  &  la  confacra  au  rite  Latin  (a). 


Fin  du  Sixie'me    Livre. 


SUITE 

DU    CONCILE 


P  I  S  & 


o    u 

HISTOIRE  DE  CE  QUI  S  EST  PASSE 

entre  ce  Concile  &  celui  de  Confiance. 

LIVRE       VII- 

SOMMAIRE, 

I.  Ladiflas  s'empare  de  Rome.  I  I.  Fuite  du  Pape  &  des  Cardinaux. 
I  ï  i.  Violences  de  Ladiflas  dans  Rome.  I  V.  Route  de  Jean  XXII I. 
à  Sutri^  à  Viterbe  3  à  Monte  -  Fiafcone ,  a  Sienne ,  à  Florence.  V. 
Lettreau  Pape  au  Roi  d' Angleterre.  VI.  Harangue  du  cardinal 
de  Chalant  a  Sigifmond.  VII.  Le  Pape  fe  retire  à  Bologne.  VIII. 
Autre  ambaffade  de  Jean  XJCIII.  à  Sigifmond.  IX.Diverfes 
négociations  de  ce  Prince.  X.  Négociation  des  Légats  de  Je^n 
JZTjriII.  avec  Sigifmond,  XL  Réflexion  fur  cette  négociation, 
Tom.  IL  Part/Il.  A 


1413. 


Ladiflas 
s'empare  de 
Rome. 


(a)  Lcon. 
Aret.  de  Keb. 
JtaL  p.  Z$J. 
Poçg.  Hift. 
Tior.  L.  IV. 
p.  1.94. 

(b)  Niem. 
Job.u:. 
XXllI.  p. 

179- 


HISTOIRE     DU     CONCILE 

XII.  Conférences  de  Jean  JTJTIJI.  avec  Sigifmond  en  diverfes 
villes.  XIII.  Choix  de  la  ville  de  Confiance.  X I V .  R emontrance  de 
Sigifmond  à  Jean  JTJfïlI.  XV.  Z1 Empereur ^  Jean  JCJCI1I% 
vont  à  Crémone  où  ils  manquèrent  de  périr  par  la  trahi fon  de  Gabrin 
Funduli.XVl.  Expédition  pour  la  convocation  du  Concile.  Edit  de 
r  Empereur  pour  cet  effet.  XVII.  Lettre  de  Sigifmond^  Grégoire 
Jfll.  XVIII.  Lettre  de  Sigifmond  à  Charles  VI  roi  de  France. 
XIX.  Bulle  du  Pape  fut -le même  fujet.  X  X.  Etat  de  la  France. 
XXI.  Conduite  de  l'ÎJ  niver fit  è  dans  ces  troubles.  XXII.  Di [cours  de 
Gentien  &  de  Pavilly  de  la  part  del'Vniverfitè.  XXIÏI.  Autre 
Afsemblée  de  fUniverfité  chcz^ Pavilly.  XXIV.  Caractère  de  Pa- 
villy. XXV.  Harangue  de  Talvende  de  la  part  de  fVniverfitê. 

XXVI.  Di  [cours  de  Gerfon  au  Roi  de  la  part  de  l"Univerfitê. 

XXVII.  Raifons  du  fïlence  fur  les  propofitions  de  Jean  Petic. 

XXVIII.  Afj emblée  de  P aris  pour  la  condamnation  des  propofitions 
de  Jean  Petit.  XXIX.  Première  Action.  XXX.  Seconde  Action. 
XXXI.  Digreffïon  touchant  Jean  de  Montaigu  archevêque  de 
Sens.  XXXII.  Quatrième  Action.  XXXIII.  Cinquième  AElion. 
X  X  X  I V.  Ambajfade  de  Sigifmond  k  Charles  VI.  touchant  le 
Concile  de  Confiance. 


I.  Il  OEan  XXIII.  ne  demeura  pas  long -temps  paifible 

poflèiïeur  de  fa  Capitale.  Ladiflas ,  qui  l'année  pré- 
cédente avoit  fait  plufieurs  tentatives  pour  la  fur- 
prendre,  s'en  empara  cette  année  de  vive  force  & 
même  fans  coup  ferir.  L'occafïon  nepouvoit  être  plus  favorable 
par  la  difperfîon  des  Généraux  du  Pape  ,  ôt  fur  tout  par  l'abfence 
de  PauldesUrfins  &  de  S  force.  On  a  vu  qu'il  avoit  relégué  le  pre- 
mier dans  la  Marche  d'Ancone  3  fous  prétexte  de  gouverner  cette 
Province,  &:  Sforce  qui  avoit  pris  le  parti  de  Ladiflas  l'y  te n oit 
afnegé  par  ordre  de  ce  Prince,  &même  avec  les  propres  troupes 
de  Jean  JCJCIII  (  a  ).  Ce  dernier  n'avoit  pour  toutes  troupes  qu'- 
environ quatre  mille  hommes  de  gens  ramafîez  à  la  hâte,,  incapa- 
bles de  foutenir  le  moindre  afîaut.  Il  s'étoit  fait  d'ailleurs  quantité 
d'ennemis  dans  la  ville  par  {qs  extorfions  &  fes  mauvais  traite- 
ment,  au  lieu  que  Ladiflas  y  avoit  beaucoup  d'intelfÇences  (b). 
On  foupçonnoit  même  le  Pape  de  n'être  pas  fâché  que  Rome  fut 
ferrée  de  près,  pour  avoir  un  prétexte  de  ne  pas  fe  trouver  au  Con- 
cile qu'on  parloitd'aflembleren  Allemagne  (1).  Une  autre  raifon 

(  1  _)  H  and  tamen  agreferchat  vulgari  famam  adventare  ad  nrbem  Ladiflaum  ,  quo  facilws  excu.' 
fare  fojjit  taoram  in  Gennatiiam  pro  celebrando  Concilïo  traujcetideudu 


DE      PISE.     Liv.  VIL  3 

engageoit  encore  Zadijlas  à  hâter  une  conquête  qui ,  comme  il  r .  r  - 
s'en  rlattoit ,  l'eût  rendu  maître  non  feulement  de  Rome,  mais  de 
toute  l'Italie.  Il  s'agifloit  de  prévenir  Sigifmond  Roi  des  Romains, 
qui  arrivé  depuis  peu  en  Italie  n'eût  pas  mieux  demandé  que  de 
s'emparer  de  Rome  fous  prétexte  de  la  défendre,  ôcpour  venir 
plusaifémentàbout  du  Pape  dans  la  vue  de  rendre  la  paix  àl'E- 
glife ,  par  la  tenue  d'un  Concile  gênerai. 

I I.  Ladiflas ,  au  lieu  de  s'amufer  dans  la  Marche  d'Ancone  (a) ,  Fuite  du  p«- 
commeilavoitfeintdeleprojetter,  prit  le  chemin  de  la  campa-  vi^AesCar" 
gne  (b)  de  Rome  a  la  tête  d  une  bonne  armée  ,  iuivant  1  avis  que  (a)  Vwnum, 
lui  en  avoient  donné  les  Exilez  de  Rome  (  i).  Après  s'être  faifi  des  (ftc**»}*»'*- 
Places  les  plus  importantes,  il  marcha  droit  à  Rome  à  la  faveur 

de  ces  guides  qui  en  connoifloient  les  endroits  foibles.  Quand  on 
fut  aux  pieds  des  murailles ,  on  y  fit  une  aflez  grande  brèche  pour 
faire  entrer  de  la  cavalerie  près  delà  porte  appellée  Capenevers 
l'Eglife  de  Ste  Croix.  Les  gens  de  Ladiflas  ayant  trouvé  les  fenti- 
nelles endormies  dans  cet  endroit,  entrèrent  dès  le  grand  matin 
dans  la  ville  fans  trouver  aucune  réfiftance.  Le  défaftre  &  l'effroi 
furent  fi  grands,  que  le  Pape  &  treize  de  [es  Cardinaux  prirent 
des  premiers  la  fuite ,  ne  fe  trouvant  en  fureté  ni  au  Vatican ,  ni 
au  Château  St.  Ange ,  qui  pourtant  paiïoic  pour  un  port  impre- 
nable, &  qui  ne  fut  en  effet  emporté  que  quelques  jours  après. 
Cette  retraite  inopinée  fit  perdre  cœur  à  tout  le  monde.  Ceux  mê- 
me d'entre  les  Romains  ,  qui  avoient  promis  au  premier  avis  de 
l'approche  des  ennemis  de  foûtenir  jufqu'à  la  dernière  extrémité  t 
&quis'étoient  mis  en  devoir  de  le  faire,  fe  rendirent  à  l'ennemi 
fe  voyant  abandonnez  de  ceux  qui  avoient  le  plus  d'intérêt  à  dé- 
fendre la  Ville  (2). 

III.  Ladiflas  y  entra  (c)  moins  en  vainqueur  qu'en  corfaire,  y    Violences  de 
exerçant  des  cruautez  horribles ,  &  mettant -tout  au  pillage.  Piu-  Jjïï*8 
fieurs  Auteurs  de  ce  temps  -  là  ont  fait  l'hiftoire  de  cette  tragédie  (c)  4.  juia. 
d'une  manière  fort  uniforme,  cequieft  d'autant  plus  rare  qu'on 

ne  peut  pas  les  foupçonner  de  s'être  copiez.  Il  fe  faille  d'abord  du 
palais  de  St.  Jean  de  Latran ,  &  deux  jours  après  de  celui  du  Vati- 
can ,  où  il  fit  prifonnier  Landolphe  Maramaur  cardinal  de  Bar  qui 

(1)  Se  Picenmnojlcmans  petiturum  ;1$forfitctn  itet  egijfet  ut  P.iuli  auxilia  Pontificem  prïvaret , 
tiifi  Remanorum  exfulum  cohortatio  ab  ea  eogitatiene  illttm  avertiffet  :  li fréquentes  jecum  erant  ur- 
bemqtte  palliantes  impnlerutit ,  ut  Remampeteret.  Pogg.  ubijupr. 

(z)  Parabant  fe  ~R '  omatii  ad  definfonem ,  jamqtte  ad  dus  tnillia  eqttites  ttdificiaingreffas  ,  «bflrttc- 
tisniis  utneque  progredi ,  ueque  regrrdi peffent ,cepera?it.  Sedattdita  Pa;:tificisfuga  ,  dimijfis  equi- 
xibns  omnique  Jpe  auxilii  prxcifa  ,  fe  Kegipermifcre.V0gg.1ibi  jupr.  p.  rp5-  Vid.  &  Bz.ov.  an» 
I413-n.IV. 

Aij 


4         HISTOIRE    DU     CONCILE. 

Î4M,  en  avoit  la  garde.  Il  fitmafîacrer  plu fieurs  Prélacs  ,  après  lesavoir 
dépouillez  de  leurs  biens,  pilla  la  Chapelle  du  Pape  ,  enleva  les 
joyaux  du  St.  Siège  &  quantité  de  Reliques  enchaflées  dans  l'or  & 
dans  l'argent  &  enrichies  de  pierres  précieufes,  &  les  tréfors  dçs 
Eglifes  de  la  Ville,  convertie  la  Bafilique  de  St.  Pierre  en  une 
Maifon  de  Ville ,  lit  repaître  les  chevaux  fur  les  autels ,  &  changea 
les  temples  en  cabarets  &  en  lieux  de  débauche.  Comme  'Jean 
JTJCIII.  avoit  réfolu  de  profiter  du  faux  calme  dont  il  jouiiloic 
par  une  feinte  paix  ,  pouraflemblerun  Concile  à  Rome,  dans  la 
vue  d'éluder  celui  qu'on  lui  propolbit  ailleurs  j  Ladiflas  fie  ruiner 
tous  les  préparatifs  d'une  Atlemblée  qui  ne  pouvoit  l'accommo- 
der nulle  part.  Il  changea  tous  les  Officiers  établis  dans  la  Ville 
par  le  Pape  ,  le  Sénateur ,  les  Confervateurs  &  les  Capitaines  des 
Quartiers.  Il  fit  par  tout  effacer  ,  lacérer  &  abbatte  les  armes  & 
Iqs  drapeaux  de  Jean  JfJflII.  &  placer  les  (iennes  à  la  Tour  de 
St.  Pierre ,  au  Vatican ,  à  St.  Jean  de  Latran  ,  au  Capitole ,  &  au  - 
rres  Places  publiques.  On  a  vu  l'année  précédente  comment  le 
Général  S  force  avoit  quitté  le  parti  de  Jean  JTJflII.  pourfe 
ranger  du  côté  de  Ladiflas.  Le  Pape  fut  tellement  irrité  d'un 
changement  fi  contraire  à  fes  intérêts,  qu'il  avoit  fait  peindre  ce 
Général  pendu  par  les  pieds  à  toutes  les  portes  de  la  Ville  avec 
desinferiptions  flétriflàntes.  Ladiflas  fit  effacer  toutes  ces  notes 
d'infamie ,  qu'en  effet  S  force  n'avoit  pas  méritées,  puifqu'il  n'a- 
voit  plus  d'engagement  quand  il  changea  de  maître.  Ladiflas  s'é- 
tant  rendu  maître  du  Château  St.  Ange  après  quelques  jours  de 
liège,  il  redoubla  fes  cruautez  envers  les  citoyens.  Il  en  fit  exécu- 
ter plufieurs  $  les  galères,  l'exil,  &.  les  tortures  furent  les  moin- 
(a)  Pogg.  dres  fupplices  des  autres.  Quelques  Hiftoriens  de  Florence  (aj  ra- 
t,bijttpr.Scip.  contenc  que  Zadiflas  fit  dans  cette  occafion  aux  Marchands  Flo- 
f Ur.  Lib.  rentins  qui  negocioient  a  Rome ,  un  tour ,  non  feulement  indigne 
xviii. p.  j'un  Prince,  mais  même  de  Pirates,  qui  tiennent  ordinairement 
ce  qu'ils  ont  promis.  Ces  Marchands  au  premier  bruit  du  danger 
que  couroit  la  Ville  ,  avoient  caché  leurs  meilleurs  effets  chez 
leurs  amis.  Le  Roi  qui  couchoit  enjoué"  un  fi  riche  butin,  leur 
promit  en  entrant  qu'il  ne  leur  feroit  fait  aucun  tort ,  &  qu'ils 
pouvoient  en  toute  fureté  étaler  leurs  marchandifes.  Appuyez  fur 
la  parole  royale,  ils  reprirent  leur  négoce  comme  à  l'ordinaire. 
Mais  Ladiflas  plus  jaloux  de  leurs  thréfors  que  de  fa  foi,  les  fit 
tous  emprifonner,  &fefaifit  de  leurs  biens.  Je  joindrai  ici  la  def- 
crip tien  que  Monftrelet  a  faite  de  cette  cataftrophe  de  Rome.  »En 


DE      PISE.     Liv.  VIL  5 

»  cet  an  Lancelot  Roi  deNapples  &  de  Secille,  lequei  avoir  efté  iAirt 
»  mandé  par  aucuns  faulx  &  defloyaux  Romains,  vint  à  Rome  à 
»tout  grand  exercice  de  gens  d'armes  3  2c  fans  trouver  aucune  ré- 
»  flftence,entra  dedans,  &  meic  cour,  à  faquemant,  en  pillant  &  dé- 
»  robanc  générallement  tous  les  riches ,  &c  plus  puiilànts  de  la  Vil- 
»  le  :  &  auiîî  en  print  plufieurs  prifonniers ,  lefquels  furent  rançon- 
»  nez  à  grand  finance.  Et  adonc  le  Pape  Jean  &  fes  Cardinaulx  , 
»  qui  lors  réfidoient  en  icelle  Ville  ,  oyans  les  nouvelles  deiîusdic- 
»  tes, tout  plains  d'amertume ,  &.  de  paour  fe  fauvérent  de  Chaftel 
»  en  Chaftel ,  èc  enfin  fe  départirent ,  &  allèrent  par  divers  lieux 
»  jufquesà  Boulongne,  où  ledit  Pape  tint  fa  Court  :  toutefois  la 
«plus  grande  partie  de  leurs  biens  furent  prins ,  ôcraviz  des  gens 
»  dudicl  Lancelot ,  lequel  par  aucune  efpace  de  temps  domina  de 
»  tout  en  ladicte  Ville  de  Rome ,  &  en  feit  emporter  plufieurs  pré- 
cieux joyaux  tant  fainctuaires  comme  autres ,  &  puis  par  certains  (^A,1I4M« 

*  r  , ,  ■>       r       r  Volum.  I. 

»  moyens  le  partit  de  la  (a).  chap.  cv. 

IV.  Jean  XXIII.  chaudement  pourfuivi  par  les  gens  de  Zadijlas     -ROÎ!tc  ie 
ne  fe  trouva  gueres  plus  à  fon  aife  dans  fa  faice,  qu'il  auroit  pu.  Jcanxxiil. 
l'être  dans  Rome.  Il  eut  tout  letems  de  pleurer,  comme  il  faifoit 
en  chemin  ,fa  f  o  lie  de  s'êcre  fié  aux  belles  paroles  de  fon  ennemi 
(i).  Theodoric  de  Niem 3  qui  écoirà  fa  fuite.,  nous  fait  un  récit  fore 
tragique  des  maux  que  ce  Pontifeeutà  foufFrir  avec  toute  fa  Cour, 
pendant  cette  retraite  précipitée  (b).  Quoique  les  fugitifs  furpaf-   (6)  Vit.  job. 
falîent  de  beaucoup  le  nombre  de  ceux  qui  les  pourfuivoient  ,  &  ™,r1,  aHu? 

a  î  •  r    n>  i         1  ^  i    •  -i      »  n       Vonder  hardt 

que  même  les  premiers  ruilent  la  plupart  bien  armez ,  il  n  en  refta  t.  n.p.37p. 
que  fort  peu ,  tant  la  terreur  leur  avoir  ôté  la  force  &r  le  courage,  383* 
Comme  c'étoit  au  cœur  de  l'été  ,  plufieurs  périrent  de  chaud  6c 
de  fatigue.  Il  y  en  eut  beaucoup  de  tuez,  de  ceux  quiéchapérent 
à  l'épée  de  l'ennemi  furent  dépouillez  par  les  propres  gens  du  Pa- 
pe. Sa  première  ftation  fut  à  Sutri^  petite  ville  de  l'Etat  de  l'Eglife  a  Sutri. 
à  huit  milles  de  Rome,  allez  bien  fortifiée.  Mais  craignant  d'y  être 
affiegé  ,  il  y  tailla  ceux  qui  ne  pouvoient  fuivre  pour  pafîer  à  Viter-  a  Viterbe. 
be,  autre  place  de  l'Eglife  plus  importante,  où  il  fut  reçu  fort  amia- 
blement  avec  toute  fa  Cour  par  le  Gouverneur  y  êc  par  les  Dames 
1  de  la  ville  qui  fignalerent  leur  charité  dans  cette  occafion.  Après 
s'y  être  repofé  quelques  jours,  il  fe  rendit  à  ÎVf^w^-i7/^/?^^,  vil-  AMonte, 
le  épifcopalefufTraganre  du  Pape.  Pendant  le  féjour  qu'il  y  fit,  il  Fiafcoxi# 
eut  avis  que  Zadijlas  avoit  écrit  des  lettres  circulaires  à  ceux  de 

(i)Sift£gi  con poebe genti  dt  Rema piagnendo fer  cammina  am.namentelaju.tfollift.  Ammir. 
Ht).  Fier.  p.  666. 

Aiij 


û         HISTOIRE    DU     CONCILE 

r  . . ,  Sutri ,  de  Viterbe ,  de  Monte-Fiafcone  &  d'autres  endroits  de  la  ju- 
'  rifdi&ion  de  l'Eglife  de  Rome ,  qui  tenoient  encore  pour  ce  Siège, 
pour  les  fommer  de  fe  foûmettre ,  ou  de  Te  préparer  aux  dernières 
extremitez.  Il  écrivit  lui-même  à  Jean  XXII I.  d'attendre  dans  la 
dernière  de  ces  villes  les  ambaiîadeurs  qu'il  devoit  lui  envoyer  in- 
ceffamment.  Mais  ne  jugeant  pas  à  propos  defe  fïeràuneambaf. 
fade  dont  il  ne  pouvoit  rien  efperer  de  bon  après  Tes  lettres  mena- 
çantes que  ce  Prince  écrivoit  de  toutes  parts  ,  il  continua  fa  route 

ASiennc.  jufqu'à  Sienne.  Cette  République,  qui  avoit  été  agitée  par  de 
fréquentes  guerres  avec  Ces  voifins  pendant  les  années  précéden- 
tes, fetrouvant  alors  dans  un  état  plus  tranquile,    parce  qu'elle 

(a)  Pogg.«iî  avoit  été  comprife  dans  la  paix  entre  Zadiflas  &  les  Florentins  (a), 

juj>r.  p.  ij>z.  Jean  JtrJTIII.  crut  pouvoir  s'y  repofer  en  fureté  quelques  jours.' 
Ce  fut  là  en  effet  qu'il  commença  à  refpirer,  s'y  croyant  plus  à 
l'abri  de  la  pourfuite.  Comme  jufqu'alors  il  n'avoit  fongéqu'à  la 
fureté  de  la  perfonne,  fans  fe  mettre  en  peine  de  la  deftinée  de  fes 
2;ens  (i),  il  lesafîembia,  &,  les  larmes  aux  yeux  ,  il  leur  promit 
de  les  dédommager  de  leurs  pertes  par  toute  forte  de  grâces.  Après 

a  Florence,  s'être  rafraîchi  quelque  temps  à  Sienne,  il  prit  la  route  de  Floren- 
ce ,  où  il  efperoit  une  plus  puiflante  protection.  Les  Florentins  fe 
trouvèrent  fort  embarraflèz  à  recevoir  un  hôte  de  cette  impor- 
tance. La  Ville  éroit  alors  partagée  en  deux  factions  -,  les  uns  te- 
nant pour  le  Pape,  les  autres  pour  Zadiflas ,  quoiqu'il  eût  violé 
une  des  principales  conditions  du  traité,  quiétoit  de  ne  rien  en- 
treprendre au  préjudice  du  Pape ,  &c  de  Zoiïis  d'Anjou ,  &  de  ne 
fb)Pogg.  point  s'emparer  de  Rome,  ni  de  l'Etat  de  l'Egiifefb).  Pour  fe  tirer  : 

utifafr*       ^e  cec  embarras  s  ils  prirent  le  parti  de  ne  recevoir  le  Pape  qu'au 
fauxbourg  St.  Antoine ,  où  l'Evêque  avoit  fon  palais ,  &  de  retirer  j 
les  gens  de  fa  Cour  dans  la  ville ,  prérendant  par  ce  tempérament  I 
ménager  Zadiflas ,  &  en  même  temps  lui  faire  peur  (2). 

lettre  du  Va-      V.  Il  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  à  Florence  qu'il  écrivit  à  toute  la  1 

pejm  Roi  Chrétienté  ,  pour  donner  avis  de  fon  défaftre,  &  demander  du 
Hpenrre.  fecours  Qn  trouve  parmi  les  A&es  d'Angleterre  une  de  ces  Let- 
tres circulaires  à  Henri  V.  en  date  du  mois  de  Septembre  de  cette 
année,  conçue  en  ces  termes:  »  Jean  Evêque  Serviteur  desSer-* 
m  viteurs  de  Dieu  ,  à  fon  très-cher  Fils  l'illuftre  Roi  d'Angleterre 
» 'falot  6c  bénédiction  apoftolique.  Plût  à  Dieu,  mon  très-cher 

(1)  Cœteri  Curiales ,  inter  ques  tram ,  ipfumde  dit  in  dïtm  feqnebantur.  Quos  fuis  Cupitaneis 
$$gcnt;brts  armorum  recommendart  non  car  abat.  Niera,  ubi  fupr.  p.  381. 

(z  )  Volendo  in  un  medtfmo  tempo  tnofir&r  di  tensr  conto  dtl  Re ,  e  un  iftejfo  tempo  figer  lipattra* 
Ammirat.  ubijupr. 


DE       PISE.     Liv.  VII.  7 

«fils,  que5  comme  vous  le  fbuhaittez,  les  bruits  qui  fe  font  ré-  14.ii 
»pandus  chez  vous  touchant  le  malheureux  fort  de  la  ville  de  Ro- 
»>me  fuflentfaux.  Il  n'eft  que  trop  vrai,  comme  je  m'aiï'ure  que 
»  vous  l'aurez  déjà  fçû  par  une  de  nos  lettres ,  que  par  un  attentat 
»  perfide  &  facrilege ,  cette  Capitale  a  été  envahie  par  notre  en- 
»  nemi  le  traître  &  rebelle  Ladijlas.  On  ne  fçauroit  jamais  allez  dé- 
»  tefter  un  trait  auffi  noire  2c  une  auffi  infîgne  trahifon.  Eut-on  crû 
«qu'il  y  eût  au  monde ,  je  ne  dirai  pas  un  Roi  3  mais  un  homme  ca- 
pable de  poulîer  l'audace  £c  la  feeleratefle  auffi  loin  ?  Il  n'y  avoit 
»que  fort  peu  de  temps  que,  par  [es  ambafladeurs,  il  nous  avoit 
»juré  hommage  ,  &  qu'il  avoit  reçu  de  nous  l'inveftiture  du 
»  Royaume  deNaples  publiquement  en  prefence  de  tout  Je  peuple, 
»  &  de  la  manière  la  plus  folemnelle  ,  de  quoi  nous  avons  [es  lettres 
»  lignées  de  fa  main ,  &  fcellées  de  fon  fceau.  C'eft  fous  cette  ap- 
»  parence  de  paix  qu'il  effc  venu  à  bout  de  ce  qu'il  n'auroit  pu  exe- 
»cuter  même  pendant  une  guerre  ouverte,  parce  qu'endormis 
»  par  [es  promelles  £c  [es  fermens  nous  ne  nous  tenions  point  fur  nos 
»  gardes.  Je  ne  puis  ni  vous  dépeindre  ,  ni  me  reprefenter  à  moi- 
»  même  qu'avec  la  dernière  horreur  la  fureur  &.  l'impiété  avec  la- 
»  quelle  il  a  traité ,  ôc  il  traite  encore  la  ville  de  Rome ,  les  Tem- 
»  pies  facrez  &  les  vénérables  Reliques  des  Saints,  ôctout  le  dé- 
»  plorable  peuple  de  cette  Capitale.  Je  n'ofe  entrer  là-deilus  dans 
»  un  détail  qui  ne  feroit  qu'aigrir  votre  douleur  6c  la  mienne.  Il 
»  s'agit  donc  ici  de  reprefenter  à  votre  Serennité  &:  à  tous  les  Prin- 
»  ces  Catholiques  l'urgente  neceffité  de  s'oppofer  aux  progrès  Se 
«attentats  de  ce  Perfecuteur ,  dont  l'audace  va  tous  les  jours  en 
»  augmentant.  Vous  fuivrez  en  cela  l'ancienne  Se  louable  coutume 
»  des  Rois  ôc  des  Princes  Chrétiens  en  pareille  occafion  ;  ôc  il  n'en 
»  eft  point  de  plus  propre  à  fïgnaler  votre  pieté  3  &  à  vous  attirer 
»  en  même  temps  les  applaudiflemens  des  hommes  3  6c  les  bene- 
«dictions  de  Dieu.  Oeil  furquoi  nous  vous  envoyerons 3  ou  un  AsD>  l4tj# 
»  Légat ,  ou  nos  Ambafladeurs,  afin  quevousenfoyez  mieux  in-  fscundoNo- 
»  formé.  A  St.  Antoine  fauxbourg  de  Florence  la  quatrième  année  Xn.Si Ph.s?' 
»  de  notre  Pontificat.  exAntogr. 

VI.   Comme  SiziCmondrox des  Romains  étoit  alors  en  Lombar-  ^ar^"e fm 

«->-',.  i-ii/f  s  Cardinal  de 

die,  Jean  J£JC11I.  lui  envoya  le  cardinal  de  Chalant{\),  pour  Chalaoti 
implorer  fon  fecours  contre  Ladijlas.  Le  Pape  avoir  deux  grandes  Sisirmond- 
raifons  d'efperer  beaucoup  de  ce  côté-là.  L'une  qu'il  n'avoit  pas 
peu  contribué  à  l'élection  de  Sipfmondà  l'Empire  (2).  L'autre  que 

(  1  )  Voyez  le  cara&ere  de  ce  Cardinal  L.  III  de  cette  Hiftoire  ,  Art.  LV II ï, 
iz.)  Voyez.Liv.  IV.  de  cette  HiftoHse,  Art.  XL 


g         HISTOIRE    DU     CONCILE 

j  ai  3.  Zadiflas  donnoit  beaucoup  d'ombrage  à  ce  Prince  par  fes  conquê- 
tes en  Italie.  Chalant  déploya  toutes  les  voiles  de  fon  éloquence 
pour  exagérer  les  malheurs  de  Rome  6c  la  tyrannie  de  Zadiflas  à 
Sigifmondqu'il  appelle  le  plus  religieux  de  tous  les  Princes.  II  y  avoir, 
i>  dit-il ,  fix  luftres  que  l'Eglife  étoit  affligée  du  plus  pernicieux  de 
«  tous  les  fchifmes ,  lorfqu'au  feptiéme,le  Concile  de  Pife  étant  af- 
y  iémbie  ,  par  rinfpiration  du  St.  Efprit ,  les  deux  Concurrens  fu- 
»rent  canoniquement  dépofez,  pour  élire  un  vrai  6c  indubitable 
••  Vicaire  de  J  C.  L'unité  (i  long-temps  defirée  fut  rendue  à  i'E- 
»>  glife  j  Rome  ,  le  Patrimoine  de  St.  Pierre  3  6c  tout  le  temporel  de 
»  l'Eglife  furent  repris  fur  fes  redoutables  ennemis,  auffi-bien  que 
»  le  Palais  d'Avignon  ,  &  plu  (leurs  Forts  que  l'antipape  Pierre  de 
»  Zu/ie  avoit  élevez.  Zadiflas  ne  refpirant  que  la  conquête  de  Ro- 
^me,  marchoit  à  grands  pas  pour  Paflieger,  mais  il  fut  défait  en 
«bataille  rangée,  6c  mis  en  fuite  par  l'armée  de  l'Eglife.  Cepen- 
«  dant  comme  un  enfant  rebelle  il  n'a  celle  depuis  de  la  perfecu- 
«  ter  en  mille  différentes  manières ,  employant  fucceiTivemcnt  la 
«force  6c  larufe  ,,  tantôt  en  lion  ,  tantôt  en  ferpent  :  la  violence 
»  ne  lui  ayant  pas  réuffi  ,  il  n'a  rien  oublié  pour  corrompre  par  ies 
»  prefens ,  les  Généraux  6c  les  autres  Miniftres  de  l'Eglife  3  &  pour 
»  les  attirer  dans  fon  parti.  Ce  fut  par  cette  trahifon  qu'il  vint  cam- 
»  per  devant  Rome ,  6c  qu'il  y  fît  des  proportions  d'accommode- 
»  ment.  Le  doux  6c  facré  nom  de  paix  ,  quoiqu'offerte  par  un  en- 
nemi des  plus  exercez  dans  l'art  defourberj  reveilla  l'attention 
»  de  tout  le  monde.  Notre  Saint  Père  le  Pape  lui-même ,  qui  fou- 
»vent  en  avoit  fait  l'expérience,  aima  mieux  tout  rifquerque  de 
«  rejetter  des  proportions  pacifiques.  La  paix  fut  en  effet  conclue 
m  6c  ratifiée  ,  Zadiflas  renonça  à  l'obédience  d'Angelo  Corario  ,  re- 
»  connut  pleinement  Jean  JfJflII.  6c  lui  prêta  hommage  pour 
*>le  Royaume  de  Sicile.  Mais  il  n'y  a  ni  traitez  nipromefles  qui 
»  tiennent  contre  un  ennemi  perfide.  Peu  de  temps  après ,  en  effet, 
■»  Zadiflas  axtcntiÇ à  toutes  les  occafions  favorables  à  fon  deflein, 
»  vint  à  main  armée  furprendre  le  Pape  dans  Rome,,  en  força  les 
»  murailles  la  nuit  3  &  y  entrant  le  matin  y  exerça  les  plus  grandes 
»  hoflilitez.  Le  Pape  6c  les  très-Reverends  Cardinaux  ne  lui  au- 
«roient  pas  échapé  ,  s'ils  n'euflent  cherché  leur  fureté  dans  la 
»  fuite.  Qui  pourroit  reprefenter  les  malheurs  de  cette  journée? 
», Quelques -uns  des  Cardinaux  ont  été  faits  prifonniers ,  on  a  maf- 
v facré  plufieurs  Prêtres,  &  autres  Ecclefkfïiques  j  d'autres  ont 
»  été  blefTez.  On  a  dépouillé  les  Officiers  de  la  Cour  du  pape. 


DE       PISE.     Liv.  VII.  9 

•  Les  Bafiliques  des  Apôtres  ont  été  profanées  ;  on  y  a  vu  re-  141 3. 
«  paître  les  chevaux  comme  dans  des  écuries  ;  les  Eglifès  de  la  Ville 
»» ont  été  dénuées  de  leurs  croix,  de  leurs  calices,  6c  des  autres 
»  ornemens  facrez  j  &  ce  qui  fait  horreur  à  rapporter ,  le  foldat  in- 
»  fuient  s'eftfervi  dans  les  cabarets  des  faints  calices,  au  lieu  de 
»  verres  &  d'autres  vafes.  On  a  violé  les  femmes  6c  les  vierges  con- 
»  facrées  à  Dieu ,  relégué  les  meilleurs  citoyens ,  ôc  profcrit  leurs 
»  biens.  Qu'on  life  les  Annales ,  on  n'y  trouvera  pas  que  l'impiété 
»fefoitjamais  portée  à  de  fi  horribles  excès.  Les  Payenseux-mê- 
»  mes  ont  eu  du  refpect  pour  les  chofes  faintes.  Cependant  ces  fa- 
«crileges  demeuroient  impunis.  Un  feul  homme  porta  la  peine  de 
»»  cette  profanation,  ayant  étéaflafîinéla  nuit  après  avoir  fait  la 
»  débauche  dans  un  vafe  confacré.  Dans  ce  bouleverfement  géné- 
»  rai ,  après  l'invafion  de  Rome  &  de  la  plus  grande  partie  du  Pa- 
trimoine de  Sf.  Pierre,  le  Papes'eft  réfugié  à  Florence., où  il  a 
«été  reçu  avec  toute  force  de  tendreile  &  de  refpect  -,  Ôc  cette 
»  République*,  félon  fa  magnanimité  ordinaire,  a  réfolu  de  défen- 
»  dre  l'Eglife  de  toutes  fes  forces ,  6c  de  la  tirer  des  mains  de  Ces  en- 
»nemis(a).»  Ici  finit  la  harangue  du  Cardinal.  L'Empereur  en-  OOP'Frfc 
voya  de  fon  côté  une  amballade  à  Jean  JC2C1II,  lorsqu'il  étoit  p°£j.  pn  ' 
encore  à  Florence.  a6o> 

VII.  Pendant  ce  temps-là  ,  Laàijlas  affermifïoit  fon  Empire  LePaptfere- 
dans  Rome.  Le  Château  St.  Ange  avoittenu  bon  jufqu'alors.  Mais  ttreaBolos«f' 
le  Commandant  qui  l'avoit  fî  bien  défendu  ,  ayant  été  tué  d'une 
bombe  ,  on  y  en  mit  un  autre  qui  rendit  la  place  ,  gagné  par  l'ar- 
gent de  Ladiflas^  6c  par des  promelles  qu'il  ne  tint  point.  Ilavoit 
demandé  à  ce  Prince  les  biens  que  les  gens  de  la  Cour  du  Pape 
avoient  mis  en  dépôt  chez  fon  prédecefleur.  Ladiflas  les  lui  aban- 
donna ,  mais  bien  réfolu  d'épier  l'occafion  de  les  lui  reprendre. 
En  effet  ce  Commandant  s'etant  embarqué  pour  tranfporter  à 
Naples  larecompenfe  de  fa  trahifon,*en  fut  puni  par  une  autre 
perfidie.  Dès  qu'il  fut  arrivé  dans  le  Royaume  ,  le  Roi  le  reçut  à 
bras  ouverts,  &  lui  fit  même  prefent  d'une  Terre  qu'il  érigea  en 
Comté.  Mais  quelque  temps  après  il  le  fit  afl'aiîîner  &  s'empara  de 
tous  fes  biens  (b).  Le  Pape  ne  fe  trou  voit  pas  en  fureté  à  Florence.   (b)Ni'em. 
Les  Florentins  non  plus  ne  jugèrent  pas  à  propos  de  l'y  garder  plus  ubifupr.y. 
long  temps, de  peur  de  s'attirer  à  dos  Ladiflas  qui  avoit  pouflé  fes  38*-583« 
conquêtes  jufques  à  leurs  portes,  6c  qui  ne  cherchoit  qu'à  les  fur- 
prendre  fous  les  apparences  de  la  paix.  C'eft  ce  qui  le  fit  refoudre 
à  fe  retirer  à  Bologne,  quoiqu'on  lui  confeillât  de  ne  pas  fe  fier  à 
Tom.II.Part.il.  *  B 


io       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.  M.    cette  retraite.  Cette  Ville,  comme  on  l'a  vu,  étoit  rentrée  l'an- 
née précédente  dans  l'obéïflance  de  l'Eglife  Romaine  ,  &  c'étoit 
prefque  la  feule  quieûtéchapé  aux  armes  du  Vainqueur.  Il  y  fie 
le  même  métier  qu'il  y  avoit  fait  étant  Légat  fous  le  nom  de  Car- 
dinal de  St.  Euftache ,  c'efb-à-dire  qu'il  y  exerça  lâjîmonie  fans  nul- 
le pudeur ,  en  vendant  des  grâces  expectatives  à  plufîeurs  perfon- 
nes  pour  un  même  Bénéfice }  (  i  )  comme  nous  l'apprend  Niem  té- 
moin de  cet  indigne  maquignonage. 
iï'f'd*™'      VIII.  Cependant  Zadiflas  après  s'être  rendu  maître  de  Rome 
jean  xxin.  &  de  la  plus  grande  partie  de  l'Etat  de  l'Eglife  jufqu'aux  frontières 
à  Sigifmond.  je  Sienne  6c  de  Florence ,  s'en  retourna  à  Naples  faire  de  nou- 
veaux préparatifs ,  6c  de  nouveaux  arrangemens  pour  [qs  vaftes 
projets.  Il  laifïa  le  Comte  de  Troyeen  fa  place  avec  la  qualité  de 
Viceroi.  Un  Hifborien  de  Naples  prétend  que,  par  le  confeil  de 
S  force  ,  il  donna  à  Nicolas  marquis  à'Efie^  £c  Seigneur  de  Ferrare> 
le  commandement  général  des  troupes  qu'if  tenoit  dans  les  païs 
conquis  fur  l'Etat  de  l'Eglife,  comme  la  Campagne  de  Rome, 
la  Marche  d'Ancone,  la  Romagne  ,  une  bonne  partie  delaTof- 
cane,  avec  âss  conditions  très-avantageufes.  Mais  on  apprend 
d'ailleurs  que  ce  Seigneur  refufa  ce  parti ,  fous  prétexte  de  fon  at- 
tachement au  Pape  ôc  à  l'Eglife  3  mais  dans  le  fonds ,  parce  qu'il 
étoit  fur  le  point  de  traiter  avec  Sigifmond  6c  Jean  JCJriII.  con- 
(a)'CH/«ff  tre  Zadiflas.  On  peut  voir  les  conditions  de  ce  traité  dans  Bzg- 
Rer.NB.ip.    vjus  A)    Comme  le  deilein  de  Zadiflas  étoit  de  poufler  le  Pape  à 
'Buv.  i+i  3 .  toute  outrance ,  ce  dernier  refolut  d  envoyer  une  AmbafTade  plus 
Num.  xxi.  folemnelle  à  Sigifmond  pour  conjurer  cette  tempête. 
Bherfes  Ne-      IX.  Dans  l'état  violent  où  fe  rrouvoit  alors  l'Italie.,  par  lesçon- 
JJJJJ^      quêtes  ôc  les  vues  ambitieufes  de  Zadiflas ,  on  jettoit  de  toutes 
parts  les  yeux  fur  cet  Empereur ,  comme  fur  une  efpece  de  libéra- 
teur. Comme  de  fon  côté  il  avoit  grand  intérêt  à  fe  faire  des  amis- 
pour  fecourir  fon  Royaume  de  Hongrie  ravagé  par  les  Turcs,  il  ne 
négligeoitrien  pour  réunir  les  Princes  Chrétiens  contre  cet  enne- 
mi commun.  C'eft  dans  cette  vue  qu'il  conclut ,  par  Pentremife  du 
comte  de  Cilley  fon  beau  père  ,  une  trêve  de  cinq  ans  avec  les  Vé- 
nitiens, après  bien  des  efearmouches  6c  des  entrevues  réciproques. 
Une  des  principales  conditions  du  traité  fut  que  pendant  la  trêve 
chacun  garderoit  ce  qu'il  auroit  acquis^foit  par  droit  de  conquête,. 

(i)  Et  intérim  ipfe  *$  fui  Secretarii  tôt  expeBantias  &  alias  çratias  ,  qttalefainque petebantur  ab 
jpjîs  j  indifftrenter  omnibus  vendiderunt ,  quod  ex  tant  qui  fuer tint primi  expédiantes  remanferunt 
vmï ,  feilicef  in  eorttm  expectativis gratiis  ac  earttm  ejfeftibits  pojlergati.  Et  qui  per  hoc  gr avalât iir 
»cn  reperit  rtveltntem.  N iem.  ubifupr.  p.  3  8  J  - 


Jutw 


DE       PISE.     Liv.  VIL  rr 

foie  autrement.  Il  faut  remarquer  ici  en  padant  une  particularité  1413, 
rapportée  dans  une  hiftoire  manuferite  (1)  de  l'Empereur  Sigif- 
mond 3  par  Windek  l'un  de  (es  Confeillers*d'Etat.  C'eft  que  ce  Prin- 
ce manqua  d'être  empoifonné  au  voifinage  de  Venifè.  Il  s'étoic 
glilTé  un  homme  dans  fa  cuifine ,  qui  en  fut  chaflé  ,  parce  qu'on  le 
foupçonnoitd'y  vouloir  faire  quelque  mauvais  coup. En  effetayanc 
étéfuivi,  on  remarqua  qu'il  jettoit  quelques  drogues  dans  la  ri- 
vière. Ce  qui  ayant  redoublé  les  foupçons ,  il  fut  arrêté  &  confefla 
fon  crime.  Ce  fut  dans  la  même  vue  de  mettre  toute  l'Italie  dans 
ies  intérêts ,  que  Sigifmond  reçut  favorablement  les  quatre  am- 
balîadeurs  qui  lui  furent  envoyez  de  la  part  de  la  République  de 
Gènes ,  alors  gouvernée  par  le  Doge  George  Adorne.  Cette  Répu- 
blique avoit  beaucoup  fouffert  depuis  long-temps  par  des  guerres 
étrangères  &  inteftines.  Elle  s'étoit  donnée  aux  François,  puis 
en  avoit  fecoué  le  joug  pour  fe  livrer  au  marquis  de  M  ont f errât , 
qu'elle  abandonna  enfuite ,  fous  le  prétexte  de  recouvrer  fa  liber- 
té. Sigifmond  promit  aux  Génois  la  confirmation  de  tous  les  pri- 
vilèges qui  leur  avoient  été  accordez  par  (es  prédéceiîeurs.  La 
nouvelle  Hiftoire  de  Gènes  témoigne  même  que  par  le  crédit  de 
cet  Empereur  ils  furent  difpenfez  du  ferment  de  fidélité  qu'ils 
avoient  prêté  au  Roi  deFrance  (a).  La  bonne  intelligence  avec  (a)H#.<fe 
l'Etat  de  Gènes  étoit  d'une  grande  importance  pour  Si<zifmond  G*». Liv. 
par  rapport  à  la  guerre  de  Turquie ,  à  caufe  de  la  fituation  de  Gè- 
nes. 

X.  Jean  XXIII.  envoya  donc  à  Sigifmond  deux  Cardinaux,    ^égmmm 
qui  étoient  Antoine  de  Chalant  qui  y  avoit  déjà  été  de  fa  part,  t^Jm 
François  Z  abat  elle  ( '  1  )  Cardinal  de  fa  création  ,  qui  mourut  au  avec  Sigif- 
Concile  de  Confiance  _,  avec  le  célèbre  Emmanuel  3  ou  Manuel  mond- 
Chryfolore  de  Conftanrinople  ,  iilu  de  ces  anciens  Romains  qui  fui- 
virent  Confiant  in  dans  cette  nouvelle  Rome.  Après  avoir  été  inutile- 
ment envoyé  par  l'Empereur  Grec,  Jean  Paleologue ,  en  France, 
en  Angleterre  T  en  Allemagne,  il  vint  en  Italie  en  13  89.  s'y  arrê- 
ta, ôc  enfeigna  les  belles- Lettres  avec  un  grand  applaudiilement 
à  Rome ,  à  Venife,  à  Florence,  à  Pavie  ,  préférant  cet  emploi 
à  celui  d'ambafladeur  (  3  ).  Le  principal  fujet  de  leur  ambaiîade 
étoit  de  convenir  avec  Jean  JsTJflII.  d'un  lieu  pour  afîembler  un 
Concile  général,  où  l'on  pût  rendre  la  paix  à  l'Eglife,  pacifier  di- 

(1)  J'ai  eu  cemanuferit ,  par  l'obligeante  communication  d'un  Confeiller  du  Se'réniilune 
Pue  de  Coburg.  Il  eft  auflï  a  Helmftadt  entre  les  mains  de  M.  Von  der  Hurdt-, 
(i)  Voyez  fon  e'ioge  &  fon  cara&ere,  Hiftoire  du  Concile  de  Confiance. 
(  }J  Voyez  fa  mort ,  &  fon  éloge ,  Hiftoire  du  Concile  de  Ctnft.wce. 

Bij 


il       HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.  m  vers  Ecars  de  l'Europe  qui  étoient  en  guerre  ,  &  arrêter  les  progrès 
de  Ladiflas.  On  a  vii  dans  le  Livre  précèdent  que  le  Roi  des  Ro- 
mains a  voit  prié  le  Pape  de  ne  fe  point  déterminer  fur  le  choix  du 
]ieu  de  cette  Alîemblée,  qu'il  n'eût  de  les  nouvelles.  Ce  Pape 
voulut  le  prévenir  pour  gagner  fa  confiance ,  ôc  l'Empereur  de  fon 
côté  ne  manqua  pas  de  profiter  de  cette  démarche ,  pour  tourner 
à  fon  gré  une  négociation  fort  délicate,  où  il  s'agifloit  entre  au- 
tres chofes  de  convenir,  non  feulement  du  temps  6c  du  lieu  du 
Concile,  mais  de  la  manière  d'y  procéder.  Jean  JfJCIlL.  en  fut  la 
dupe  ,  6c  cette  ambaflade  par  laquelle  il  croyoit  gagner  beaucoup, 
fut  le  commencement  de  tous  [qs  malheurs.  Son  premier  projet 
avoitété  de  tromper  Sigifmond  en  donnant  à  fes  Légats  desinf- 
tru&ions  publiques  qui  tailladent  ce  Prince  maître  du  choix  du 
lieu,  &  en  même  temps  des  ordres  fecrets  de  neconfentir  qu'à 
certains  endroits  qu'il  leur  marqueroit.  Cependant  lors  qu'ils  vin- 
rent prendre  congé  de  lui ,  ce  Pontife  iaifi  de  je  ne  feai  quel  mou- 
vement de  tendrefîe  &  de  confiance  en  eux,  déchira  tout  à  coup 
cetceinftrudion  fecrette,  6c  remit  toute  l'affaire  à  leur  prudence, 
Valeur  diferetion.  C 'effc à  Léonard  Aretin  fon  Secrétaire,  qu'on 
eft  redevable  d'une  particularité  où  il  reconnoît  une  Providence 
lînguliere.  Le  Ledeur  ne  fera  pas  fâché  de  l'entendre  parler  lui- 
même. 

»  Il  ne  faut  pas ,  dit-il,  pafler  fous  filence  une  particularité  mer- 
«veilleufe,  &  qui  montre  bien  que  tout  efl:  gouverné  d'enhaut. 
»Le  Pape  m'avoit  dit  confidemment  fon  dedein  &  fon  plan.  Le 
»  principal  de  l'affaire ,  me  difoit  -  il ,  confite  dans  le  lieu  -y  je  me  gar- 
»  derai  bien  de  me  trouver  dans  un  endroit  où  /' Empereur  ait  trop  de 
»  pouvoir.  A  la  vérité ,  jai  donné  âmes  Légats  un  pouvoir  fort  ample, 
»  par  honnêteté  ,  &  afin  qu'ils  le  pui/Jent  produire  en  public  5  mais  en 
»  même  temps  ,  je  leur  ai  limité  certains  lieux  dans  des  ordres  fecrets.  Il 
»  me  nomma  enfuite  ces  lieux,  &  il  demeura  plusieurs  jours  dans 
»  cette  réfolution.  Mais  le  temps  du  départ  des  Légats  étant  arri- 
*>  vé ,  il  les  prit  en  particulier ,  6c  ayant  fait  recirer  tout  le  monde  ,• 
»  hormis  moi  feul ,  il  les  exhorta  à  fe  bien  acquitter  de  leur  com- 
«miflion,  leur  repréfentant  l'importance  de  l'affaire.  Puispafl'ant 
»à  des proteftations  de  bienveillance,  il  femità  faire  fort  ample- 
j' ment  l'éloge  de  leur  prudence  6c  de  leur  fidélité  ,  leur  difanc 
«qu'ils  fçavoient  mieux  que  lui-même,  ce  qui  pouvoir  être  le  pins 
«à propos  dans  cette  occafion.  Et commeils'attendrifîoit,  iîre- 
»voqua  tout  à  coup  fon  premier  projet.  Jyav&is  3  dit-il ,  réfolu  de 


n.  21. 


DE      PISE.     Liv.  VII.  13 

»  vous  marquer  certaines  villes  dont  vous  ne  vous  départiriez,  point  3     1413. 
»  mais  à  préfent  je  change  d'avis  ,  &je  remets  le  tout  a  votre  prudence. 
»  Sur  quoi  il  déchira  devant  eux  le  papier  ,  où.  il  avoit  écrit  les  vil-  Aret.  de  Reb. 
»  les  qu'ils  pouvoient  accepter,  &  ne  leur  enprefcrivit  aucune  (a),  itai.p.x$9. 
XI.  Il  faut  avouer  qu'il  y  eut  quelque  chofe  de  fingulier,  &  Reflexion  fur 
même  de  fatal ,  dans  cette  conduite  de  Jean  JTA'IJI.\\  n'igno-  cte^ne£'"Â' 
roit  pas  combien  il  eft  dangereux  de  donner  un  pouvoir  illimité  à 
des  Ambafladeurs ,  puis  qu'au  mois  de  Mai  de  cette  année  étant 
encore  à  Rome,  il  avoit  publié  une  Conftitution  par  laquelle  il 
déclaroit  nul  tout  ce  que  fes  Légats  pourroient  faire  contre  leurs 
Inftru&ions  &  leurs  Lettres  3  fous  prétexte  de  leur  plein  pouvoir, 
(bj  Cependant  aujourd'hui  il  les  envoyé  avec  un  plein-pouvoir ,  &  (b)  Ronald. 
fans  leur  donner  aucunes  inftru&ions  fecrettes»  Mais  la  conjonc- ann-  Hx3 
tureétoit  embarraflante3  &  Jean  JfJCIII.  fetrouvoitfort  com- 
battu. S'il  étoit  dangereux  pour  lui  de  ne  rien  prefcrire  de  parti- 
culier à  fes  Légats ,  il  ne  Tétoit  pas  moins  de  leur  donner  un  pou- 
voir trop  borné ,  de  peur  de  rompre  une  négociation  dont  il  eipe- 
roit  de  fi  grands  avantages ,  fur  tout  contre  Ladiflas.  Il  crut  donc 
qu'il  valoit  mieux  les  piquer  d'honneur  par  une  fi  grande  marque 
de  confiance.  Les  Légats  de  leur  côté  ne  fe  trouvoient  pas  moins 
embarrafîez  que  leur  Maître.  Ils  ne  pouvoient  ignorer  l'intérêt 
qu'il  avoit  à  obcenir  le  choix  d'une  Ville  à  fa  bienféance  j  mais  ils 
n'ignoroient  pas  non  plus  combien  il  avoit  befoin  de  ménager  Si- 
pfmond.  Cette  dernière  raifon  l'emporta ,  auiîi  bien  que  celle  d'af- 
ièmbler  un  Concile  dans  une  Ville  où  le  Pape  ne  fut  pas  le  maître , 
afin  de  travailler  plus  efficacement  à  l'union  de  l'Eglife  ,  qu'on  n'a- 
voit  pu  faire  jufqu'alors.  Tout  le  monde  fentoit  la  neceffiré  de 
cette  union ,  pour  fauver  l'Europe  d'une  ruine  inévitable  ,  Ci  le 
fchifme  duroit  davantage.  On  avoit  trop  long-  temps  éprouve  la 
mauvaife  volonté  des  Concurrens  à  cer  égard  ,  leurs  parjures ,  &; 
leurperpetuelle intelligence  à  facrifier  la  tranquillité  publique  à 
leurs  intérêts  particuliers,  pour  être  la  dupe  de  leurs  protefta- 
tions.  Tout  le  monde  étoit  fi  perfuadé  d'ailleurs  que  Sigifmond  y 
travailloit  de  bonne  foi ,  tant  par  l'intérêt  qu'il  avoit  à  l'union 
pour  foûtenir  l'Empire  &  la  Hongrie,  que^r  les  mouvemens 
qu'il  fedonnoit  pour  la  procurer,  qu'on  ne  doutoit  point  qu'il  n'y 
réufsît,  fi  une  fois  le  Concile  s'aflembloit  dans  un  lieu  où  il  eût 
plus  d'autorité  qu'en  Italie.  J'aime  mieux  croire  que  ce  fut  par  des 
raifons  fi  dignes  de  leur  probité,  que  les  Légats  donnèrent  les 
mains  au  choix  de  la  ville  de  Confiance,  malgré  les  intérêts de 

Biij 


i4       HISTOIRE     DU     CONCILE 

(O  b*.«/  *eur  Maître  *  Clue  ^e  *es  accu^er  de  malhabileté ,  comme  fait  l'An- 
ann.  1413.    nalifte  Bzgvius  (a). 
"•  ZCV  XII.  Quoi  qu'il  en  foie ,  Jean  JfjriII.  ne  s'y  attendoit  pas.  Il 

Conférences  .    7—  tiv-ni  1  •  1      -i    f,      « 

^jean  en  apprit  la  nouvelle  a  Bologne  avec  un  chagrin  mortel  ;  il  detefta 
X*IIL  a7ec  mille  fois  Ton  inconftance  &  fa  facilité.  Mais,  comme  le  dit  Zeo- 
àmerttsVil*  nard  Aretin  ,  on  nefeauroit  éviter  ce  que  Dieu  a  rèfolu  (b).  En  effec 
les-  quel  moyen  de  reculer?  La  Bulle  contre  l'abus  des  pleins-pou- 

iw^bffbp]  voirs  n'étoit  alors  de  nulle  valeur,  &ily  avoir  bien  de  la  diffé- 
rence entre  Jean  XJCIII.  dans  fa  Capitale,,  &:  Jean  JfJTIIl. 
fugitif.  L'unique  parti  qu'il  crut  pouvoir  prendre  dans  une  fitua- 
tionauffi  fâcheufe,  ce  fut  d'aller  dans  la  Gaule  Cifalpine  s'abou- 
cher avec  Sigifmond  lui-même  ,  pour  tâcher  de  convenir  avec  lui 
de  quelque  Ville  qui  l'incommodât  moins  que  Confiance.  Le  dé- 
tail de  ces  conférences  ne  feroit  pas  le  morceau  le  moins  curieux 
de  cette  Hiftoire.  Mais,  foit  qu'elles  fulTent  extrêmement  fecret- 
tes ,  foit  que  les  Hiftoriens  ayent  négligé  d'en  recueillir  les  parti- 
cularitez  ,  on  ne  peut  en  rien  dire  que  de  fort  général.  Les  Villes 
où  fe  paiîérent  ces  entrevues  entre  le  Pape  &  l'Empereur,  étoienc 
fituées  dans  le  Milanois ,  ôc  appartenoientà  ce  Duché.  Mais  el- 
les en  avoient  été  démembrées  par  la  tyrannie  de  Jean  Marie  Duc 
de  Milan.  Philippe  qui  lui  fucceda  étant  encore  enfant ,  n'avoir, 
pu  \qs  recouvrer.  De  forte  qu'elles  appartenoient  à  divers  Sei- 
(c)  Léonard,  gnsurs  particuliers  qui  les  gouvernoienc  en  tyrans  (c).  Léonard 
Am.\\bitup.  Aretin  nous  apprend  que  la  première  entrevue  fe  fit  à  Plaifance. 
Cette  Ville  delà  Lombardie,  qui  a  pafTé  pour  une  des  plus  belles 
de  l'Italie,  étoit  depuis  long-temps  au  pillage  du  premier  tyran 
quil'occupoit,  tels  que  furent  Otto  3  appelle  Bontertius ,  François 
(d)Tacixus  Vifconti  de  Milan  ,  (d)  Facin  Cande  la  Scala.  Je  ne  fçaurois  dire 
^■Ts'tΰ^'  entre  les  mains  de  qui  elle  étoit  alors.  Si<?ifmond  n'en  trouvant  pas 

Htjt.tlor.  I.  ,  r  •  • 

p.  i  j>        le  féjour  allez  tranquille  pour  des  conférences ,  aima  mieux  aller 
avec  le  Pape  à  Lodi  qui  appartenoit  alors  à  Gabrin  Funduli  l'un  des 
plus  fameux  petits  tyrans  de  ce  temps-là.  Ce  fut  dans  cette  Ville 
que  fe  termina  la  négociation  touchant  le  lieu  du  Concile.  L'Em- 
pereur y  avoir  amené  fon  Confeil ,  &  entre  autres  le  Comte  Ebre- 
(dj  Ndiem.    hard  de  Nellembouqg ,  &  le  Comte  Vlric  de  Teck  (e).  Cette  célèbre 
bourg^in\  conférence  dura  environ un  mois.  Le  Pape  s'y  trouvoit  en  habits 
Sudbe.  '      pontificaux  ,  &  afïis  fur  un  fauteuil.  L'Empereur  étoit  afïis  de  mê- 
me en  habit  de  Diacre  ,  qui  lit  l'Evangile  félon  la  coutume  de  ce 
temps-là ,  quand  les  Rois  &c  les  Papes  fe  trouvoient  enfemble  dans 
les  cérémonies  (^cxàes.  Les  conférences  furent  en  Latin.  Comme 


DE       PISE.     Jéiv.  VII.  15 

il  s'agifToit  principalement  du  lieu  du  Concile,  il  en  fut  propofé  jaj\, 
plufieurs.  Le  Pape  réprefenta  qu'il  eût  bien  fouhaité  que  le  Con- 
cile s'aflemblât  dans  quelques  Villes  de  la  Lombardie  ,  parce  qu'il 
craignoitque  les  Cardinaux ,  les  Patriarches  ,  les  Archevêques, 
&  les  Evêques  d'Italie,  qui  dévoient  fe  trouver  au  Concile  ,  ne  hX 
fent  difficulté  de  palier  les  Monts.  Mais  l'Empereur  répliqua  qu'il 
y  avoit  en  Allemagne  trois Ele&eursEccléfïaftiques  qui  pourroienfc 
n'être  pas  d'humeur  à  pafTer  \qs  Alpes  •  &;  que  ces  Princes  ayant  le 
pouvoir  d'élire  &  de  dépofer  les  Empereurs,  il  avoit  autant  d'in- 
térêt à  les  ménager,que  le  Pape  fes  Cardinaux. 

XIII.  Après  plufieurs  difficultez  réciproques,  l'Empereur  c\>oïxAei% 
ayant  demandé  à  Tes  Confeillers  s'il  n'y  avoit  point  au  voifînage  de  ™%ede  Cm^' 
de-là  les  Monts  quelques  Villes  propres  à  y  convoquer  un  Conci- 
le j  le  Comte  de  Teck,  l'un  de  &s  Minifîres  d'Etat,  propofa  la 
ville  de  Kempt ,  au  voifînage  de  la  montagne  &  Arlenberg  dans  le 
Tirol.  Mais  le  Comte  de  N  ellembourgs'oppofa  à  cette  ouverture  _, 
difantqu'à  la  vérité  Kempt  étoit  une  ville  Impériale,  mais  qu'il 
feroit  impofïible  d'y  faire  fubfîfter  tant  de  monde.  Il  propofa  donc 
Confiance,  autre  ville  Impériale ,  qui  n'eft  qu'à  une  journée  de 
Kempt.  11  repréfentoit  pour  faire  goûter  ce  choix  l'avantage  de 
la  fituation  de  cette  Ville ,  fur  un  très-grand  Lac ,  par  où  on  pou- 
voit  faire  venir  toute  forte  de  provifions  $que  c'étoit  d'ailleurs  une 
Ville  Epifcopale  ,  fuffragante  de  l'Archevêché  de  Mayence  -y 
qu'elle  étoit  tort  habitable  ,  par  un  grand  nombre  de  maifons  &: 
de  palais.  Ce  qu'il  prou  voit  par  quelques  e  xemples.  »  Les  habitans 
»  à'Appenfcl  ,  dit-il,  s'étant  autrefois  joints  aux  payfàns  des  mon- 
tagnes de  ce  païs-là  pour  attaquer  Confiance,  cette  Ville  eut 
»  de  quoi  loger  tous  les  Seigneurs  des  environs  qui  vinrent  à  fou 
«fecours ,  cavalerie  de  infanterie  ,  quoique  la  Ville  fût  fort  peu- 
»  plée.  Le  Comte  de  Teck  lui-même  y  logea  avec  tout  fon  monde. 
«L'Empereur  Robert  votre  prédéceiïeur,  difoït-il  à  S igifmond ,  y 
y  demeura  fix  femaines  avec  fes  troupes ,  jufqu'à  ce  que  la  paix  fût 
y>  faite,  fans  que  la  Ville  fouffrît  la  moindre  difette ,  parce  que  tout 
»  étoit  à  grand  marché. 

XIV.    L'Empereur  confirmé  par  ce  récit  dans  le  choix  qu'il  Remontrance 
avoit  déjà  fait,  s'adrefîa  au  Pape  en  ces  termes,  Saint  Père ,  la  /jefn"1 
Ville  de  Confiance  vousplait-elle  ?  Oui,  répondit  le  Pape  qui  ne  pou-  XXHi» 
voit  plus  reculer,  mon  très-cher  fils ,  elle  me  plait :  Cette  fa  meufe 
conférence  fut  reprefentée  fur  une  planche  où  on  lifoit  les  paroles 
qu'on  vient  d'alléguer  (a).  Il  paroît  par  les  Actes  du  Concile  de  fa)  &««*«*« 


16       H  I  S  T  O  I  IUE     DU     CONCILE 
14.1 5.    Confiance ,  que  fi  Jean  JfJCIII.  avoit  fçu  profiter  des  falutaires 
Utjh  conc.     avis  que  lui  donna  Sigifmond  dans  cette  conjoncture  ,  il  fe  feroir. 
c.nft. Fol. 8.  éparené  les  déboires  qu'il  lui  fallut  elîuyer  à  Confiance.  Cet  Em- 
Hardt/r.i.   pereur  l'exhorta  fort  férieufement  &,  fort  humblement  alors  à 
Part.  X.  p.     changer  de  mœurs,  puifqu'il  s'agifîoit  de  réformer  l'Eglife  dans 
viPpfrt?i.    ^on  Chef  &  dans  fes  Membres.  Le  Pape  qui  avoit  intérêt  à  fe  mon- 
trer docile,  fit  mine  de  bien  recevoir  ces  remontrances,  &c  pro- 
mit de  renoncera  fa  vie  fcandalcufe  3  &  particulièrement  à  la  fimo- 
C a )  Von der  nie  (aj.  Ladiflas  cependant  n'ecoit  pas  peu  intrigué  de  ces  entre- 
Hardt.T.  .  vfigs  ^  £Q  ces  conférences  3   dont  l'heureux  fuccès  ne  pouvoir 
55p.  tourner  qu'à  fon  défavantage,  parce  qu'il  étoit  impofîible  d'af- 

fembler  un  Concile  libre  fans  le  mettre  hors  d'état  de  le  troubler. 
Aufi]  avoit-il  fes  efpions  dans  tous  les  lieux  où  elles  fe  tenoienr. 
Thcodoric  de  Niem  témoigne  même  qu'il  y  envoya  un  Ambafla- 
dcur  fans  dire  quelles  furent  ks  propofitions.  Il  ajoute  que  ce 
même  Ambafîadeur,qui  étoit  defaconnoifTance,  fut  aufiî  envoyé 
(t)  Niem.   au  £)uc  <je  Milan  ,  pour  fe  prévaloir  de  quelques  démêlez  qu'il  y 

ubi  \apr.  p.  .  «  *      /•  t  o  tx  •     •    1  \ 

38;.  3  3<fT.     avoit  alors  entre  Sigifmond  oc  ce  Duc  (b). 

L'Empereur  XV.  De  Lodi  le  Pape  àc  l'Empereur  allèrent  à  Crémone ,  in- 
e;  J -an  virez  pa.r  Gabrin  Funduii,  qui  depuis  quelques  années  s'en  étoit 
J Crêmme*  r^ndu  maître ,  après  avoir  fait  perfidement  maflacrer  un  autre 
où  Us  ma»,  tyran  (  1  )  3  qui  en  ayant  chafîé  le  légitime  poflefleur ,  Jean  Marie 
queut  de      paleas  i  qui  elle  appartenoit ,  l'a  voit  confiée  à  Gabrin.  L'Hifloire 

pcnrparla  1  if  J 

trtkifgn  de  nous  reprefente  ce  dernier  3  comme  un  homme  capable  de  tout 
Qr<brmFun-  entreprendre  par  fa  prudence  &  par  fon  audace.  Malgré  [qs  vio- 
lences &c  fes  trahifons,  il  s'étoic  acquis  la  réputation  d'un  grand 
Capitaine,  &  d'une  honnêteté  dans  un  Confeil.  Jean  JfJflII . 
&  Sigifmond  avoient  une  fi  haute  idée  de  fa  prudence  &:  de  fon 
autorité,  qu'ils  acceptèrent  avec  plaifir  le  parti  d'aller  à  Crémo- 
ne pour  prendre  fes  avis  fur  la  fituation  de  leurs  affaires  j  mais 
peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  fullent  la  dupe  de  leur  confiance.  Le  four- 
be,qui  étoit  dans  les  intérêts  de  Ladiflas ,  les  reçut  avec  toute  for- 
te de'témoignage  de  refpect  &  d'amitié  _,  &  feignit  d'applaudir  au 
deflein  qu'ils  avoient  d'alïembler  un  Coacile  à  Confiance.  Mais  on 
fçut  depuis  de  fa  propre  bouche  ,  que  s'il  en  avoit  eu  le  courage  , 
cette  Comédie  auroit  fini  tragiquement  pour  l'Empereur  &  pour 
le  Pape.  Le  Duc  de  Milan  Philippe  Marie 3rcga.Ydznt  Gabrin  com- 
me un  des  plus  redoutables  ufurpareurs  de  plufieurs  parties  de  fes 
Etats  3  trouva  le  moyen  de  le  mettre  dans  fes  intérêts ,  par  fes  pré- 

-  O)  ^ugolinC.iivahal9t  marquis  de  Virdavn.  Pp£g.  lliji»  Tlor.  p.  157. 

fens 


DE       PISE.     Liv.  VII.  17 

fens  èc  par  Tes  promefîes ,  en  attendant  qu'il  rencontrât  l'occafion    r  ^  r  • 
favorable  de  îè  défaire  de  lui.  Il  lui  rendit  en  effet  de  grands  fer- 
vices,  &  le  Duc  recouvra  par  fon  fecoursplufieurs  places  qui  lui 
avoient  été  enlevées.  Mais  lui  étant  devenu  fufped:  par  diverfes 
intrigues ,  il  le  fit  prendre  &.  exécuter  dans  Milan  ,  après  une  lon- 
gue prifon.   Le  jour  de  fon  fupplice  ,  comme  le  Prêtre  l'exhor- 
toit  a  mourir  chrétiennement _,  &  à  fe  confefler  de  fes  crimes ,  &  fur 
tout  des  actions  cruelles ôctyranniques  dont  il  étoit  coupable,  il 
déclara  que  s'il  avoit  quelque  fujet  de  repentir ,  c'étoit  de  n'avoir 
pas  fuivi  l'envie  dont  il  fut  faifi,  d'immortalifer  fon  nom  en  jet- 
tanc  le  Pape  &  l'Empereur  du  haut  en  bas  de  la  tour  de  Lodi ,  où  #ai  Paiil  ~m 
il  les  avoit  régalez ,  &  qu'il  n'en  avoit  été  retenu  que  par  la  confu-  ap.  Sf$ni. 
fîonde  violer  les  droits  de  l'hofpitalité  (a).  Hijn.vn. 

XVI.  On  fit  enfuite  toutes  les  expéditions  neceflaires  pour  la   &&*«*§& 
.  convocation  du  Concile.  Le  Roi  des  Romains  publia  un  Edit  par  Î2«mSw 

lequel  il  y  invitoit  toute  la  Chrétienté  ,  promettant  des  faufcon-  "U. 
duits  à  tous  ceux  qui  en  voudroient.  Il  eh:  daté  de  Viglud  (  1  )  dans  ?,//„/ ^7" 
lediocèfe  deCumes,  du  30.  d'Oclobre  141 3.  S igifmond  expofè  cet efS. 
dans  cet  Edit  :  »  Qiiejean  JCJflII.  qu'il  appelle  fon  très  faim  Sei- 
»gneur,  lui  ayant  envoyé  des  Légats  avec  un  plein-pouvoir  ligné 
»  du  Collège  des  Cardinaux  ,  pour  convenir  enfemble  du  temps 
»  &  du  lieu  du  Concile,  après  plufieurs  délibérations,  ils  étoienc 
»  enfin  demeurez  d'accord  de  l'ailembler  à  Confiance  ,  le  1.  No- 
»vembre  de  l'année  fuivante.  Qu'ils  avoient  choiii  cette  Ville, 
»  comme  étant  un  lieu  propre ,  commode ,  fur ,  à  la  portée  &  à  la 
»bienféance  de  toutes  les  Nations,  &  où  il  pourroit,  félon  fon 
"devoir,  en  qualité  d'Empereur,  procurer  atout  le  monde  une 
»  entière  liberté.  Que  pour  cet  effet  il  voul oit  y  affilier  lui-même 
«enperfonne,  afin  d'y  pouvoir  plus  efficacement  procurer  la  fu- 
»reté  publique  &  particulière,  tant  pour  venir  au  Concile,  que 
»pour  y  féjourner  &  pour  s'en  retirer.  Que  le  Pape  avec  toute 
«fa  Cour  y  joiïiroit  de  toutes  les  immunitez  Ecclefîaftiques ,  ôc 
»  qu'il  y  pourroit  exercer  librement  toute  fa  jurifdi&ion  &  puifîan- 
»ce  Apoftolique.  Que  tous  les  Cardinaux,  Prélats,  Princes,  & 
»  toute  autre  perfonne ,  foit  écclefiaftique ,  foit  féculiere , auroienc 
»une  entière  liberté  de  propofer  tout  ce  qu'ils  jugercient  nécef- 

r  •    „  Lettre  de  Si- 

»  îaire.  r      j  - 

g  fmond  a 

XVII.  Sigifmond  écrivit  aufîi  à  Grégoire  JfJl.  (2)  qui  étoit  Grégoire 

A.» 

(1  )  De  Villa  Viglud  in  vulgarj  Vegui.  Von  der  Httrdt  T.  VI.  p.  £ .  &  ap.  Bt.ov.  ad  an.  1413.  Sigiftnufiduf 

(2)  Li  Lettre  cftdntée  de  Lodi  du  m£me  jour  que  l'Edit.  &c. 

Tom.  II.  Part.  II.  C 


14*3 


A  Betiiît 
XIII. 


"Raynald. 
ad  an. 141 3 
n.  23. 


Lettre  de  Si- 

jfiTmond  à 
Charles  VI. 
roi  de  Y  rame 


18       HISTOIRE     DU     CONCILE 

alors  dans  le  Royaume  de  Naples  fous  la  protection  de  Ladiflas , 
une  Lettre  à  peu-près  de  même  teneur  que  cet  Edit.  Comme  l'Inf. 
cription  de  cette  Lettre  eft  abrégée ,  je  ne  fçai  quel  titre  il  donnoic 
àGregoire»  Il  lui  reprefente qu'il  y avoit  long- temps  qu'il  défiroic 
»la  paixdel'Eglifej  mais  que  depuis  qu'il  avoit  pris  les  rênes  de 
r> l'Empire,  ce  défir  étoit  devenu  pour  lui  un  devoir  indifpenfa- 
»ble,  les  Canons  des  Pères  donnant  à  l'Empereur  la  qualité  de 
»T)èfenfeur  &  £  Avocat  de  £  Eglife  (i).Que  pour  cet  effet  il  étoit 
»  convenu  avec  Jean  JCJCIII.  d'affembler  dans  un  an  un  Concile 
»  œcuménique  à  Confiance.  Que  fi  lui  ,  Grégoire ,  vouloit  s'acquit- 
»  ter  de  fon  devoir  envers  Dieu,  envers  les  hommes,  &  envers  fa 
»  propre  confcience  3  il  Te  rendroit  au  Concile  avec  ceux  de  fon 
»  parti.  Qu'il  lui  écrivoit  cette  Lettre  pour  l'en  fommer ,  afin  qu'il 
»n'en  pût  prétendre  caufe  d'ignorance,  &.  qu'il  lui envoyoit  un 
»fauf- conduit  pour  cet  effet,  »  Cette  invitation  devoit  être  d'au- 
tant mieux  reçue  que  Grégoire  avoit  reconnu  Sigifmond  pour  Roi 
de^  Romains,  par  un  Brefdelamême  année  3  où  il  dit  entre  au- 
tres chofes  j  Que  de  fon  propre  mouvement  3  de  fa  fcience  certaine  ,  à* 
de  la  plénitude  de  fa  Puiffance  Apofiolique  ,  il  habilite 3  nom?ne ,  dé- 
clare ^  &  reçoit  Sigifmond  pour  Roi  des  Romains ,  afin  de  le  couron- 
ner Empereur  en  temps  &  lieu  convenables,  ordonnant  à  tous  les  vajfaux 
de  £  Empire ,  &  à  tous  les  Chrétiens  en  général ,  fuffent- il 's  Rois  &  Pa- 
pes ,  de  le  reconnoître  pour  tel. 

Il  paroît  par  un  Mémoire  préfenté  au  Concile  3  que  Sigifmond 
écrivit  aufïi  à  Benoît  JC III.  pour  l'exhorter  à  fe  trouver  à  Conf- 
tance. Mais  comme  il  n'avoir  pas  en  Catalogne ,  où  étoit  Benoît  y 
la  même  autorité  qu'en  Italie  3  il  fallut  encore  prendre  d'autres 
mefures.  Il  envoya  donc  une  ambaflade  à  Ferdinand  roi  d'Arra- 
gon  ,  pour  négocier  avec  lui,  &avec  Pierre  de  Lune  3  une  entre- 
vue où  ils  pufïent  convenir  enfemble  des  moyens  de  donner  la 
paix  à  l'Eglife. 

XVIII.  Sigifmond  en  ufa  de  même  à  l'égard  de  CharlesVI.  roi 
de  France ,  auquel  il  envoya  aufîi  des  Ambafïadeurs,  avec  une  Let- 
tre qui  mérite  bien  qu'on  -en  donne  le  précis.  Il  reprefente  au  Roi, 
»  que  Dieu  a  établi  la  fubordination  entre  les  hommes  pour  aller 
»au  devant  du  mauvais  ufage  qu'ils  feroient  de  leur  liberté.  Que 
»  dans  cette  vue  il  a  établi  d'un  côté  3  dans  la  perfonne  de  St. Pierre 
»&.  de  fes  fuccefïeurs ,  des  Fadeurs,  pour  travailler  au  falut  des 

(1)  Cnjuututm  Canones  fanfitritm  Fatrum  nos  appellant  advocattim  £>  defenforsm.  Von  dcr 
Jiardt«£/y«)>r.p.  6. 


DE      PISE.     Liv.  VIL  19 

»»  âmes  j&  de  l'autre,  les  Rois  &  les  Princes,  pour  avoir  foin  du     14.13, 

«temporel,  &  pour  châtier  les  méchans.  Que  le  devoir  des  uns 

»»&  des  autres  ne  confifte  pas  tant  dans  la  fpeculation  que  dans  la 

«pratique,  &  qu'ils  doivent  mettre  actuellement  la  main  à  l'œu- 

«  vredansle  befoin.  Que  la  malice  humaine  étoit  montée  à  un  tel 

»  comble ,  que  fi  l'on  n'y  apportoit  pas  promptement  des  remèdes 

»  efficaces,  il  étoit  à  craindre  que  lorfqu'on  voudroit  l'entrepren- 

»dre  dans  la  fuite,  il  n'en  fut  plus  temps.  Que  fe  croyant  engagé 

»  par  fon  caractère  d'Empereur  â  procurer  la  déformation  &  l'U- 

»nion  de  l'Eglife,  il  cruellement  déchirée  par  lefchifme,  &  dé- 

•*  figurée  par  mille  déreglemens  fcandaleux  ,  il  avoit  auparavanc 

1»  négocié  une  fi  importante  affaire  avec  les  Princes  Ecciéfiafli- 

*»ques&  Séculiers  de  k'Empire,  aufîî  bien  qu'avec  tout  ce  qui  s'y 

»  étoit  trouvé  de  perfonnes  doctes,  &  de  bon  confeil.  Qu'enfin 

«»  ayant  convenu  avec  le  Pape  Jean  JlJCIII.  d'afTembler  pour  cec 

»  effet,  un  Concile  à  Confiance  ,  il  y  invitoit  le  Roi  ,  &  le  conju- 

»>  roit  fraternellement  de  s'y  trouver  en  perfonne,  ou  par  une  am- 

«♦baiïadefolemnelle.  Il  ajoute  qu'on  travaillera  aufïi  dans  le  Con- 

»  cile  à  réunir  les  Grecs  avec  l'Eglife  latine. 

X  I  X.  De  fon  côté  Jean  JsTXlIl.  publia  (a)  une  Bulle  (b)  où  il  Luiu  du  ?<-■ 
expofe»  que  le  Concile  dePifen'ayant  pu  achever  l'affaire  de  la  %J£i'**m 
m  Réformation  ,  Alexandre  V.  fon  prédecefleur  en  avoit  renvoyé     (a)  Le  p. 
»  l'entière  conclufion  au  prochain  Concile,  qui  devoitfe  tenir  au  peccm!3re 
»  bout  de  trois  ans.  Qu'Alexandre  V.  étant  mort,  &  lui  JeanXXIll.     (b)BuUar. 
«ayant  été  mis  en  fa  place,  ilavoitpour.de  certaines  raifons ,  af-  R^n-p* 
»  femblé  au  temps  marqué  un  Concile  à  Rome,  qu'il  venoit  alors 
«  de  recouvrer  tour  nouvellementjmais  que  ne  s'y  étant  pas  trouvé 
»  aflez  de  Prélats ,  ni  de  personnes  d'autre  caractère ,  il  avoit  été 
«obligé  de  le  proroger  jufcju'au mois  de  Décembre,  fans  fixer  le 
j4ieu,  afin  de  prendre  du  temps  pour  en  délibérer  plus  ample- 
»ment.  Que  cependant  le  Roi  des  Romains  ayant  requis  de  lui 
«avec  inftance,  d'attendre  à  régler  le  temps  &  le  lieu,  qu'il  lui 
»  envoyât  une  ambaflade  pour  en  convenir  enfemble,  il  y  avoir 
«acquiefcé  de  l'avis  des  Cardinaux  :  Que  cette  ambaflade  étant 
«  venue  à  Florence , où  le  déplorable  état  de  l'Eglife  l'avoir  obligé 
»  de  fe  retirer ,  il  avoit  envoyé  à  fon  tour  des  Légats  à  Sigifmond 
»pour  conclure  cette  affaire,  &  qu'on  étoit  convenu  de  part  6c 
«d'autre  de  la  ville  de  Confiance  pour  le  lieu,  &.  du  premier  de 
«Novembre  de  l'année  fuivante  pour  letemps;  que  cette  réfolu- 
»  tion  ayant  été  confirmée  depuis  dans  la  conférence  de  Lodi ,  il 

Cij 


io       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.13.    *  la  ratifie  par  ces  préfentes,  &y  invice  toute  la  chrétienté.»  Ou- 
tre cette  Bulle,  il  écrivit  des  Lettres  particulières  dans  tous  les 
Royaumes  &  Ecats  de  Ion  Obédience  ,  comme  en  France,  en  An- 
gleterre ,  en  Allemagne  3  en  Pologne  }  en  Bohême  ,  en  Hon- 
grie ,  &c. 
^t  de  la       X  X.  Plufîeurscaufesconcouroient  à  rendre  l'état  de  la  France 
de  plus  en  plus  déplorable.  La  maladie  du.  Roi  qui  n'avoit  que  ra- 
rement de  bons  intervales,  la  fureur  des  deux  factions  qui  déchi- 
roient  le  Royaume,  les  armes  des  Anglois  attirez  par  ces  divi- 
sons inteftines  ,  l'épuifement  des  finances,  la  révolte  infolente 
des  Bouchers  &  des  Cabochiens^i)^  la  Baftille  affiegée  par  eux, 
tout  Paris  en  combuftion  par  cette  entreprife  ,  tout  cela  joint  en- 
femble  fit  prendre  la  réfolution  de  chercher  des  remèdes  à  tant  de 
maux  compliquez.  On  conclut  à  Pontoife  une  paix ,  qui  félon  les 
conventions  devoit  réconcilier  entre  eux  les  différents  partis ,  & 
\qs  ranger  fous  l'obéifTànce  du  Roi ,  mais  qui  dans  le  fond  ne  le  fie 
point.  Le  Duc  de  Bourgogne  mécontent  de  cette  paix  fe  retira  en 
Flandre,  Payant  voulu  rentrer  enfuite  dans  Paris,  il  fut  encore 
obligé  de  s'en  retirer  honteufement,  &  déclaré  ennemi  del'E- 
Moin.de  St.  tat(2).  Le  Moine  de  St.  Denys  qui  raconte  ces  faits  ,  fe  plaint  que 
DenysU       ce  Duc  contre  fa  parole  pilla  I l'Abbaye  de  ce  nom,  &  ne  paya  les 
ch.xxvi .v.  Moines  qu 'en  Gendarme.  Cependant  comme   les   Anglois  rava- 
920".  geoient  la  Beaufîè  ,  la  Normandie,  la  Guienne,  laXaintongeJ)& 

tous  les  païs  d'alentour,  le  Duc  de  Bourbon  qui  commandoit  en 
Guienne  entreprit  le  fiége  de  Soubize,  &  l'ayant  emportée  d'af- 
faut ,  il  abandonna  la  Ville  au  pillage  des  foldats ,  pour  avoir  foû- 
tenu  les  Anglois.  Il  faut  pourtant  remarquer  en  pafîant,  à  la  louan- 
ge de  ce  Duc,  qu'il  tint  dans  la  prife  de  cette  Ville  une  conduite 
toute  contraire  à  celle  qu'on  a  vu  tenir  à  Ladiflas  quand  il  s'em- 
Moine  de    para  de  Rome.  Le  premier  fit  faire  défenfe  par  cry  public  h  peine  de  la 
St.  Denys.      vie  fa  vi0ler  les  Ezlifes  &  d'en  bter  ni  les  Reliques  ni  les  loyaux  ou  les 
chap.xxiv.  Ornements  ,  au  lieu  que  le  dernierpula  tout  lans  nulle  difhn&ion 
p. .920.        du  faint& du  profane.  Cette  conquête  jointe  au  delîein  qu'avoient 
les  Anglois  de  marier  Henri  V.  avec  Catherine  fille  de  Charles  VI. 
les  difpofant  à  la  paix ,  on  fit  pour  un  an  une  trêve  qui  ne  fut  pas 
mieux  obfervée  que  les  précédentes. 
cmduitede      XXI.  Le  deflein  de  cette  Hiftoire,  ou  l'Eccléfiaftique  a  h 

l'Un  verfite  * 

dans  ces  trou- 
bles. (  !  )  Simon  Cabocbe ,  valet  de  boucherie  qui  gagnoit  fa  vie  à  écorcher  des  betes ,  a  donné  le 
nom  à  ces  mutins.  Moitié  de  St.  Denis,  Hift.de  Charles  VI.  L.  3  3 .  Ch.  I. 

(2)  Voyez  cette  Déclaration  du  Roi  à  la  fin  de  l'Ouvrage. 


DE      PISE.     Liv.  VIL  21 

principale  part,  veut  qu'on  s'étende  plus  que  les  Hiftoriens  n'ont  imi- 
tait fur  le  perfonnage  que  foûtint  l'Univerfité  dans  ces  mouve- 
mens,  en  reprenant  les  chofes  d'un  peu  plus  haut.  Il  y  eut  alors 
bien  des  gens  qui  trouvèrent  mauvais  qu'on  donnât  tant  de  part 
aux  affaires  d'Etat  à  un  Corps  qui  fembloit  ne  devoir  fe  mêler  que 
de  Sciences  &;  de  Littérature.  »  J'avoue  quant  à  moi ,  dit  le  Moi- 
»  ne  de  St.  Denys ,  que  je  trouvois  l'entreprife  de  l'Univerfité  &  des 
»  Parifiens  fi  grande  }  que  j'étois  fort  en  peine  comment  ils  s'en 
«pourroient  tirer,  &  je  mefouviens  d'avoir  oui  les  fentimens  de 
»  plufieurs  gens  d'honneur  &  de  mérite  fur  ce  fujet.  Ils  trouvoient 
»  fort  étrange  qu'ils  ofaflent  fe  mêler  d'une  chofe  de  cette  impor- 
»  tance  qui  ne  devoir  être  terminée  que  dans  le  Confeil  fecret  & 
»  par  les  Princes  dufang(i).  Cela  eft  bien  impertinent,  difoient- 
»ils,  que  des  feuilleteurs  de  Livres  3  des  gens  fans  aucune  prati- 
que d'affaires,  qui  ne  doivent  vacquer  qu'à  la  fpéculation,  6c 
»  à  qui  l'intérêt  du  gain  fait  faire  un  trafic  méchanique  de  leur 
«fçavoir  ,  étendent  l'autorité  des  ClalTes ,  jufques  à  vouloir  s'in^ 


Moin.  St. 


«gérer  du  gouvernement  des  Royaumes  5  qu'ils  veulent  borner  £,°in'i 


par  leur  poids  la  magnificence  des  Princes ,  &;  qu'ils  entrepren-  xxxm. 
»  nent  de  retrancher  l'Eftat  de  la  Maifon  du  Roi.  chaP- L 

XXII.  Quoiqu'il  en  foit ,  fi  l'Univerfité  de  Paris  s'entremêla   Difc™rs  de 
dans  ces  troubles  politiques ,  ce  ne  fut  qu'à  la  réquifition  de  la  de  paySly  de 
Cour,  dont  il  paroît  même  par  l'Hiftoire,  qu'elle  tenoit  le  parti  lapartde'w- 
contre  les  féditieux ,  aufïi  bien  que  celui  du  peuple  opprimé  par  les  mver->ite' 
impôts  &  par  la  mauvaife  adminiftration  des  Finances.  C'eft  ce 
qu'avoitfait  dès  l'année  précédente  Maître  BenoîtGentien  Moine 
de  St.  Denys ,  que  l'on  croit  Auteur  de  YHifioire  de  Charles  VI. 
par  un  Anonyme  de  cette  Abbaye ,  &  Maître  Euftache  de  Pavilly , 
Carme ,  Do&eur  en  Théologie.  Le  Difcours  du  premier  avoit 
pour  texte  :  Il  commanda  aux  Vents  &  à  la  Mer  3  &  ilfefit  un  grand 
calme.  Ilmonftra,  dit  Jean  Juvenal  des  Ur  fins  3  deux  vents  qui  do- 
minaient fort  au  Royaume  de  I "rance  ,  c  eji  a,  fc avoir  f édition  &  ambi- 
tion. Puis  déclara  la  pauvreté  du  Peuple  ,  &  les  grands  ^4  ides  qui 
êtoientfus ,  comme  Quatrie fines ,  Importions  &  Gabelles  3  &  la  gran- 
de excejjïvemangerie  des  Finances  qu'on  y  avoit  fait  (â).'  Quoique  le    (a)  juvenal 
difcours  de  BenoîtGentien  eût  porté  coup  fur  l'efprit  du  Roi ,  PU-  ?,",  H1"1!?5, 
inverfite  ne  trouvant  pas  qu  il  rut  entre  dans  un  allez  grand  détail,  ks  vi.  p. 

248.  Moyn. 

[1]  11  s'agiffoit  de  reformer  les  abus  qui  s'e'toient gliflez  dans  le  maniement  des  affaires  &  en  t    yv-vit     ' 
particulier  des  Finances  fousie  Surintendant  P.  des  Helfars.  Pierre  Qnichon  Dofteur  de  l'Uni-    i       -vin' 
verfitéfutundesCommiffaire».  ,ci»p.AUk 

C  iij 


il       HISTOIRE    DU     CONCILE 
1 4 1 3 .    W  qu'il  eût  parlé  aflez  fortement  des  dëpenfes  &  des  taxes  exceiïî- 
ves,  auffi  bien  que  des  hoftilitez  du  Comte  d'armagnac  au  préju^ 
dice  du  traité  de  la  paix  de  Bourges  &d'Auxerre,  commit  £»y?<z- 
che  de  Pavilly  ^oux  les  mieux  fpecifier  quelques  jours  après  dans 
une  nouvelle  audience.  Ce  qu'il  fit  avec  beaucoup  de  force  ,  tant 
par  fon  difcours  que  par  la  le&ure  d'un  très-ample  rôle ,  où  les 
malverfationsétoientfpecifîées,  &  où  l'on  nommoit  les  Auteurs» 
Il  déclama  fort  contre  Mr.  Benoît  Gentien  ,  il  improuva  tout  ce  qu'il 
avoit  dit  ,  il  l'accu  fa  à!  une  lâche  crainte ,  qui  l' avoit  retenu  de  déclarer 
(a)  Moine  de  directement  l 'intention  de  l'Univerfité  &  des  Bourgeois  de  Paris  (a), 
xxxiif    '  ^e  Chancelier  de  France  Arnaud  de  Corbie  ne  fut  pas  même  épar- 
chap.  xiv.   gné  dans  ce  difcours  quoiqu'il  n'y  fut  pas  nommé.  Cependant  le 
Roi  content  de  l'administration  de  ce  Magiftrat,  lefoûtint  avec 
tant  de  fermeté,  qu'il  ne  fut  pas  pour  lors  enveloppé  dans  la  defti- 
tution  de  plusieurs  Officiers.  Mais  comme  fa  fermeté  déplaifoic 
aux  factieux ,  ils  profitèrent  dans  une  autre  occafion  de  la  maladie 
du  Roi,  pour  contraindre  les  Princes  à  lui  ôter  les  fceaux,  &à  les 
donner  à  Eu-flachede  Laitres  fon  gendre ,  malgré  les  fortes  remon- 
trances que  fit  le  beau  père  pour  être  maintenu  dans  fa  charge.  Il 
s'y  oppofa  autant  qu'il  put ,  dit  le  Moine  de  St.  Denys ,  &  répondit 
plufieurs  fois  que perfonne  n  avoit  droit  de  lui  commander  de  fe  défaire 
de  fa  Charge  y  que  le  Roi  qui  l'y  avoit  élevé ,  &  qui  l' avoit  appelle  a» 
gouvernement  des  affaires.  Maintenant  qu'il  s'en  étoit  acquitté  avec 
autant  de  courage  que  de  fidélité ,  tant  durant  les  révolutions  dont  cet 
Etat  avoit  été  affligé  ,  que  dans  la  profperitè  des  affaires  ,  &  qu'on  ne 
(h)  Mome  de  fa  pouvo;t  faire  aucun  reproche  (b).  Aufîi  après  la  fuite  d'Eufiache 
xx  xii  i.  '  de  Laitres ,  le  Roi  voulut-il  rétablir  Arnaud  de  Corbie  dès  la  même 
chap.  vu.    année  3  mais  il  s'en  excufa  fur  fon  grand  âge,  &  on  mit  en  fa  place 
Henri  de  Marie  premier  Préfident  auquel  l'Hiftoire  donne  de 
grands  éloges  (i). 
Antre afem-      XXIII.  L'Univerfité  s'aflembla  encore  cette  année-là ,  mais 
*2j  ****  Pa"  fècrertement,  chez  les  Carmes  dans  la  chambre  du  même  Pavilly. 
On  trouve  à  cette  occafion  dans  l'Hiftoire  de  Juvenal  des  Urfins 
une  particularité  que  je  n'ai  pas  vue  ailleurs.  Je  la  rapporterai  parl- 
ée qu'elle  e(l  du  reflort  de  l'Hiftoire  Eccléfiaftique.  C'eft  que  ces 
Dodeurs  eurent  recours  à  des  vifions  &  à  des  révélations  pour 

{i]„  Celui-ci  en  étoit  très-digne  ,  tant  pour  fon  grand  fçavoir,  que  pour  la  réputation  qu'il 
,,s'ctoitacquife  en  des  Ambaffades  très-importantes,  dans  les  Pais  le»  plus  e'loigncz  ,  &  dans 
„  la  place  qu'il  avoit  remplie  au  Parlement  avec  autant  de  mérite  que  de  preftance ,  &  l'on  ne 
„  jugea  pas  fans  raifon,  qu'il  n'auroit  pas  moins  de  bonne  grâce  à  la  tête  du  Ctnfeil,  qu'en 
f,  celle  d'une  fi  célèbre  Compagnie.  Moine  Je  St.  Denys.tibifufr,  chap.  XVII. 


DE      PISE.    Liv.  VII.  23 

fê  mieux  aflûrer  du  parti  qu'ils  avoient  à  prendre  dans  cette  con-  x .  x  - 
jon&ure.  Ils  s'enquirent,  dit  cet  Hiftorien  ,  s'il  y  avoit  à  Paris 
des  perfonnes  dévotes  &  d'une  vie  contemplative ,  afin  de  fe  fervir 
de  leurs  lumières.  Il  ne  manque  jamais  de  ces  fortes  de  gens,  & 
il  s'en  trouva  de  l'un  &  de  l'autre  fexe.  »  Il  y  en  eut  entre  les  autres 
»  trois  qui  rapportèrent  trois  diverfes  chofes.  L'une  fut,  qu'il  fem- 
»  bloit  à  la  créature  qu'elle  voy oit  au  ciel  trois  foleils.  La  féconde, 
»  qu'elle  voyoit  au  Ciel  trois  divers  temps ,  dont  l'un  étoit  vers  le 
«  midi ,  es  marches  d'Orléans  &  de  Berry ,  clair  &  luifànt ,  les  deux 
»  autres  allez  près  l'un  de  l'autre  vers  Paris,  qui  par  fois  entou- 
«roient  des  nues  noires  6c  ombreufes.  L'autre  eut  une  vifïon, 
»  qu'elle  voyoit  le  Roi  d'Angleterre  en  grand  orgueil  6c  eftat ,  au 
«plus  haut  des  tours  de  Nôtre-Dame  de  Paris ,  lequel  excommu- 
»>  nioit  le  Roi  de  France ,  qui  étoit  accompagné  de  gens  vêtus  de 
«noir,  &  étoit  affis  fur  une  pierre  emmy  le  Parvis  de  Noftre-  (ajjuvenat 
«Dame  (a).  desUrfins, 

On  parla  de  diverfes  chofes  dans  cette  aflemblée ,  chacun  fe-  J^,p,  * 
Ion  fes  principes  ou  Ces  préjugez.  Mais  ils  convenoient  tous ,  que  2Sl- 
la  conjoncture  pou  voit  être  auffi  fatale  à  la  France ,  qu'elle  étoic 
favorable  à  l'Angleterre.  Il  yeutmêmedespartifans  du  fiége  de 
Rome  ,  qui  faifoient  entendre  que  les  broiiilleries  des  François 
avec  ce  fiége ,  pouvoient  bien  avoir  attiré  tous  ces  malheurs  fur  le 
Royaume.  »  Il  y  en  eut  un  d'entre  eux  qui  dit ,  qu'il  avoit  vu  plu- 
«  fleurs  Hiftoires,  &  que  toutes  les  fois  que  les  Papes  6c  les  Rois  de 
«  France  avoient  été  unis  enfemble  en  bon  amour ,  que  le  Royau- 
»  me  avoit  été  en  bonne  profperité  :  &  fe  doutoitquèlesexcom- 
»  munications  6c  malédictions  que  fit  le  Pape  Boniface  huitième 
«  fur  Philippes  le  Bel ,  jufqu'à  la  cinquième  génération ,  6c  depuis 
»  renouvellées ,  comme  on  dit ,  par  Beneditl ,  ne  fuflent  caufe  des 
»  maux  6c  inconveniens  qu'on  voyoit.  Car  philippes  le  Bel  délai  lia 
«trois  beaux-fils,  lefquels  moururent  fans  hoirs  mâles.  Philippes 
«  de  Valois  eut  bien  à  faire.  Et  fi  eut  le  Roi  Jean ,  qui  fut  pris  en  la 
«bataille  de  Poi&iers.  Et  eut  un  fils  nommé  Charles  cinquième  s 
«dit  le  Sage,  qui  eut  de  grandes  guerres,  &  eut  deux  enfans, 
»  Charles  qui  règne  de  préfent  malade,  comme  il  eftoit  notoire, 
»  6c  Louis  qui  mourut  piteufement  (b).  »  L'Afîemblée  fe  fépara  (b)Juvtnai 
fans  rien  conclure  depoficif,  finon  qu'il  étoit  important  de  pro-  àesih-fmmhi 

1  •  ir»-/v  *  fupr.p.  *?a. 

curer  une  bonne  paix  entre  les  Princes  (1).  -      r    J 

[1]  Il  faut  remarquer  en  parlant  que  Jean  'Juvenal  des  Vrjins ,  Seigneur  de  Traigneî  ,  père  de 
l'Auteur  de  VRiftdire  de  Charles  VI.  e'tuit  L'.ime  de  ces  Confeils  pacifiques. 


24       HISTOIRE    DU     CONCILE 

caraiïere'de      XXIV.  L'Hiftoire  au  refte  ne  rend  pas  un  témoignage  avan- 
paviiiy.        tageux  au  Carme Pavilly.  Elle  en  parle  comme  d'un  homme  fore 
avare  ,  6c  d'un  boutefeu ,  qui  fous  prétexte  du  bien  public,  6c  fans 
aucun  ménagement  pour  la  Cour  6c  pour  les  plus  grands  Sei- 
gneurs, fomentoit  la  fédicion.  C'effc  ce  qui  parut  allez  par  le  dif- 
cours  qu'il  tint  à  St.  Paulen  prefence  de  la  Reine ,  du  Dauphin, 
ôc  d'autres  Seigneurs.  Il  prit ,  dit  Ju  vénal  des  Uriins  3  fa  matière 
fur  une  fiction  d'un  jardin  3  où  il  y  avoitde  belles  fleurs ,  g?  herbetes ,  & 
auffl  il  y  croiffoit  des  horties  &  plu  fleurs  herbes  inutiles  qui  empè  choient 
&  bonnes  herbes  de  fructifier ,  &pour  ce  lesfalloit  farder ,  ofler ,  net- 
toyer.  Et  que  au  jardin  du  Roy  &  de  la  Reyne ,  il  y  avoit  de  mauvais 
fes  herbes  perilleufe s ,  ceflkfc. avoir  3  quelques  ferviteurs  & fervantes 
(a)  juvetial  qu'il  falloit  farder  &  oter  afin  que  le  demeurant  en  valuft  mieux  (a). 
iesVrjînt.     \^Q  réfalcat  de  ce  Sermon  féditieux  foutenu  d'une  grande  multitu- 
*jLU|S/*.'  de  de  factieux  fut  l'emprifonnement  de  plufieurs  Seigneurs  6c  Offi- 
ce St.  Defiys.  c'iqts  ,  entre  lefquels  étoient  Louis  de  Bavière,  furnommé  le  Vieux* 

L    XXXIII  -i 

chap.  v.       ouïe  Barbu,  freredela  Reine,  &  le  Ducde  Bar  coufin  du  Roi_, 

ôc  de  quelques  Dames  de  la  Cour.   Elles  furent  élargies  quelques 

jours  après.  Les  Ducs  de  Baviere&C  de  Bar  ,  non  plus  que  d'au- 

(b)?«w«fl/ très  prifonniers  de  marque,  ne  le  purent-être  que  quand  la  paix 

ubifobj^p.    fur.  bien  conclue.  Ce  fut  alors  que  le  Duc  de  Guienne  alh  lui-même 

z6z.  les  délivrer  à  la  tête  de  foivarmée  (b). 

Harangue  de      XXV.  On  connut ,  à  l'occafion  de  cette  paix  3  les  bonnes  in- 

Taivende  de  rent:ions  Je  l'Univerfité  par  le  difeours  que  fit  en  prefence  du  Roi 

vilniverfité .   le  Do&eur  Vrfln  Talvende  fur  ce  fujet  au  nom  des  Facultez.»  Il 

»  employa  fort  heureufement ,  dit  le  Moine  de  St.  Denys  3  tout  l'art 

»  de  la  Rhétorique  avec  la  connoifîance  des  faintes  Lettres ,  qu'il 

»  profefïoit ,  à  la  louange  d'une  paix  fî  neceflaireen  pre/ènee  des 

«  Princes,  &  il  fit  voir  que  non  feulement  l'Univerfité,  mais  que 

»  tous  les  gens  de  bien  6c  les  bons  François  l'avoient  attendue  avec 

*>  beaucoup  de  pafhon  6c  d'impatience.  Après  avoir  montré  par 

»  plufieurs  exemples  6c  par  de  fortes  autoritez,  qu'elle  devoit  être 

?  le  fouhait  de  tout  le  monde  _,  il  en  lut  tous  les  articles  :  il  afliira  le 

»  Roi  que  tous  ceux  qu'il  voyoit  là  préfents  les  approuvoient  cgiii- 

55  me  juftes  6c  raifonnables ,  6c  delà  tombant  fur  le  difeours  des 

»  Seigneurs  prifonniers  dont  il  parla  avec  toute  forte  d'honneur, 

»  il  dit  qu'on  avoit  grand  fujet  de  s'étonner  que  lesCommifîaires 

s} Denys.  l.  »  les  eu  fient  fi  long-  temps  détenus ,  6c  d'autant  plus  qu'il  n'y  avoit 

xxx m.    «aucun  fondement  çîeleur  faire  leur  procès (c).»   Pendant  que 

chap. xv.     ce  Docteur  parloir,  le  Dauphin  Duc  deGuienne  fut  obligé  de  le 

quitter 


DE      PISE.    Liv.  VIL  '  ïj 

quitter  pour  recevoir  les  Bourgeois  de  Paris  qui  venoient  lui  rendre  1 4 1  3 . 
hommage.  Il  marcha  triomphant  à  leur  tête  par  toute  la  ville  de 
Paris,  aux  acclamations  de  tout  le  peuple,  &  à  la  confufion  des 
féditieux.  Quelques  jours  après  PUniverfité  félicita  le  Duc  de 
Çuienne  d'un  fuccès  fi  avantageux.  Ce  Prince  qui  avoit  été  obligé  * 
de  la  quitter  brufquement  dans  la  députation  précédente ,  vou- 
lut réparer  par  un  honneur  extraordinaire  cette  efpece  d'irrégu- 
larité, àlaquelleil  avoit  néanmoins  été  indifpenfablement  obli- 
gé. »  Il  prit  avec  lui ,  dit  le  Moine  de  St.  Denys  3  les  Ducs  de  Berry, 
»  de  Bourgogne ,  de  Bavière ,  &  de  Bar ,  &  grand  nombre  d'autres 
»  Seigneurs  &  de  Chevaliers ,  &  vint  aux  Bernardins  3  où  il  avoic 
«fait  aflembler  tous  les  Graduez  3  comme  pour  délibérer  avec 
»  eux  de  quelque  chofe  d'importance.  Les  plus  célèbres  Docteurs 
»  Payant  été  recevoir,  tous  les  autres  fe  levèrent  à  fon  arrivée  j 
»  l'on  le  mena  à  une  Chaire  qui  lui  avoit  été  préparée  royalement , 

•  autour  de  laquelle  il  fît  feoir  les  Princes  qui  Pavoient  accom- 
»  pagné.  Quelque  affection  que  la  nature  donnât  à  de  fi  bons  Fran- 
çois pour  le  fang  de  leur  Roi,  je  crois  être  obligé  de  dire  qu'elle 
»  s'accrut  infiniment  dans  le  cœur  des  plus  illuftres  de  Pafïemblé-e, 
»  ôc  que  dès  lors  ils  gravèrent  plus  profondément  que  jamais  le  ref- 
«pecî;  des  Fleurs  de  Lys.  Comme  elles  étoienc  alors  réduites  à 

•  trois,  on  les  interpréta  en  faveur  de  ce  Prince  pour  défigner 
«trois  vertus  Royales 3  la  Valeur ,  la  SagefTe  &  la  Foi  5  parce  que 
«jamais nos  Hiftoires  ne  nous  avoient  reprefenté  de  fujet  où  la  i£  Mo'"'  Stt 
«Valeur  militaire  6c  la  Sageiîe,  qui  font  les  fuivantes  de  la  Foi,  fe  xxxiir. 

»  fufîent  rencontrées  plus  véritablement  (a).  chap.XvT 

XXVI.  Quand  la  paix  eut  été  publiée  dans  Paris  à  fon  de   mfiam-s  de 
trompe,  &.  le  pardon  accordé  aux  féditieux  ,   avec  défenfe  Gcrfon«» 

_r>  1  i-r  -i  i-  î-r,  •  euv       Rai  de  la  part 

a  employer  déformais  les  noms  odieux  de  Bourguignons  ,  cC  d  Ar-  je  wmvtrfi^ 
magnacs  (1)  ,  Jean  Gerfon  Chancelier  de  PUniverfité,  fit  de  fa  «'• 
part,&  de  celle  du  Clergé  un  difcours  au  Roi,  tant  pour  demander 
la  grâce  de  ceux  de  cette  Académie,  qui  avoient  eu  part  dans  les 
broûilleries  ,  que  fur plufieurs  autres  points importans,  tels qu'é- 
toient  la  réformation  de  tous  les  Etats  du  Royaume,  &  PafTaffu 
nat  du  Duc  d'Orléans.  Il  n'y  avoit  que  fort  peu  de  temps  que  ce 
Do&eur  toujours  attentif  au  bien  de  l'Etat,  avoit  penfè  être  la 
vi&irne  des  fureurs  populaires ,  pour  les  avoir  blâmées.  Il  fut 
dans  une  émeute  fe  réfugier  furies  hautes  voûtes  de  Notre-Dame* 

(1  )  'Bernard  Comte  à' Armagnac  beau-pere  du  Duc  d'Orléans  étoit  dans  fon  parti ,  8c  fous  CC 
,  prétexte ,  avoit  attiré  les  Ançlois  en  France ,  &  fait  quantité  de  ravages. 

Toai.  IL  Parc.  II.  D 


! 


i6       HISTOIRE    DU     CONCILE 
14.1  x     de  Paris ,  &  fut  fon  hofiel  tout  pillé  &  defrobé  (a).  Le  Moine  de 
(a)jttvenai  St.  Denis  ne  die  qu'un  mot  en  pafïant  à  la  louange  dudifeours 
F-**?-        dont  on  vient  de  parler.  Comme  il  fe  trouve  dans  YHifloire  de 

(b)  T  V  •  i 

Sec  p.23d.  l'Vniverfité  de  Paris  (b),j'en  donnerai  un  abrégé  qui  ne  laiilera 
&ftq.  *       pas  d'être  long,  même  en  retranchant  le  fuperflu.  i.  Après 
avoir  fait  une  peinture  fort  vive  des  maux  palTez ,  il  demande 
la  grâce  de  tous  les  coupables ,  en  fuppofant  pourtant  leur  fincere 
retour  à  robé*nTance,parce  que  fans  cette  conditionne  pardon  rteft 
■point  doulce pitié  mais  fotte  &  crueufe  folie.   2.   Recherchant  les 
caufes  de  tant  de  malheurs  arrivez  à  la  France,  il  les  trouve  dans 
la  profonde  fagefîe  de  Dieu ,  qui  fe  plaît  quelquefois  à  permet- 
tre des  maux  pour  en  tirer  des  biens  ,  par  des  voyes  admirables. 
Il  repréfente  encore,  que  par  là  font  manifeftez  les  bons,  &  les 
mauvais  fujets,  afin  de  les  pouvoir  féparerlesuns  des  autres.  Il 
ne  manque  pas  à  cette  occafion  de  rendre  témoignage  à  la  fidéli- 
té delà  plus  grande  partie  de  l'Univerfité  ,  du  Parlement,  du 
Clergé,  de  la  ville  de  Paris,  &  du  peuple  (i),  qui  avoient  ex- 
pofé  leur  vie  pour  foutenir  le  bon  parti.  »  Ce  n'eft  pas ,  dit-il > 
»  petit  fruit,  mais  grand  heur,  quand  on  peut  connoître  qui  eft 
«ami  en  néceifité,  qui  non.  Sire,  je  puis  dire  comme  expert  > 
»que  en  votre  Fille  l'Univerfité  font  cent  &  cent  &  plus  encore 
»  jofnes(2) Maîtres  qui  étoient  menaciez  de  tuer  &  d'eftre  détruits, 
»  non  pas  eulx  feulement ,  mais  leurs  pères  &:  mères  &  tout  leur  li- 
»gnage...   Pareillement  je  tiens  qu'ainfi  a  été  en  votre  ville 
»  de  Paris,  &  en  l'état  de  bourgeoise ,  mais  je  parle  de  ce  que  je 
»  fçai  mielx  (  mieux  )  fi  fais  l'exclamation  de  Alethes  en  Virgile  aux 
»  Sain&s  &  aux  Saincles. 

\Non  tamen  omnino  G  allô  s  (  Teucros  )  deflere  paratls  y 
Cùm  taies  animos  juvenum  &  tam  certa  tulifiis 

fc]  v.rg.  En*  Petlora  (c). 

IX.  248.  '  '   J 

Enfin  il  dit  que  par  là  on  a  pu  connoître  la  différence  entre  ua 
gouvernement  tempéré  par  les  loix ,  tel  qu'eft  la  Domination 
Royale,  &;  un  gouvernement  ufurpé  par  le  peuple.  C'eft  afinrSi+ 
re ,  que  nous  connoiljions  tous  la  différence  qui  efi  entre  la  Domination 
Royale  y  &  celle  dr aucuns  populaires  :  caria  Roy  aile  a  communément 
&  doit  avoir  doulceur  &  miféricorde  piteufe  y  noble  ^^r(cceur)  fi 

(îj  Je  les  place  dans  le  rang  qu'il  içur  donne»- 
{z)  Je  crois  que  çzUjeuna, 


340, 


DE      PISE.    Lit.  VII.  î? 

tfi  piteux  (  pitoyable  )  mais  cuer civil  (  bourgeois  )  &  vilain  { rufti-  ijlix 
que,  groflier,villageois  ) ,  a  domination  tyrannique  &  crueufe (cruel- 
le). C'eft  là  deflus  qu'il  fait  au  Roi  &  aux  Seigneurs,  une  exhor- 
tation très-grave,  &  très-forte  à  revêtir  des  fentimens  de  clé- 
mence ôc  d'équité  envers  leurs  Sujets ,  &  à  les  foulager  par  la  fup- 
preffion  des  Impôts ,  par  la  réforme  des  troupes ,  6c  pat  une  bon- 
ne paix  avec  l'Angleterre. »  Si  vous  fais,  Sire,  une  ammonition 
»»  ou  fupplication ,  6c  qui  plus eft  je  m'enhardis  de  vous  faire  une 
«obteftation  ou  conjuration  par  icelle,  grâce  que  Dieu  notre 
»  Souverain  Roi6cjugevoushafaitteparlatrès-grandeamourque 
»»  vous  apperçevez  en  vos  Subjets.  Amez (  ai?ne^)Sire ,  &  fervez 
«Dieu  de  tout  votre  cœur  6c  puifïance  fans  le  courroucer  par 
"péchez ,  &  pareillement  je  parle  à  la  Reine  notre  Dame  Sou- 
«veraine  6c  à  M.  de  Guienne  qui  font  comme  un  membre  avec 
»  vous  j  Amez  aufïi ,  gardez  ôcfavorifez  tous  les  bons  Subjets  main- 
tenant nommez  Chevallerie,  Clergie  Se  Bourgeoifîe,  fans  les 
«grever  par  charges  intollcrables  ,  &  d'aultres  oppreffions: 
wfoient  boutées  hors  entièrement,  6c  haftivement  toutes  gens 

•  d'armes. 

C'eft  ce  qui  le  fait  palier  aux  moyens  d'apporter  un  bon  or- 
dre aux  affaires  &  à  l'adminiftration  de  l'Etat ,  duquel  il  fait  qua- 
tre parties,  le  Roi  &  la  Cour  ,  la  Noblefle  ,  le  Clergé,  6c  la 
Bourgeoifîe,  félon  les  quatre  parties  de  la  Statue  de  Nabucbodo- 
nofori  laquelle  il  fait  une  longue  allufion.  Selon  lui  le  plus  fur 
parti  que  pniflé  prendre  un  Roi  pour  bien  régner,  c'eft  de  n'é- 
poufer  point  de  parti,ou  d'être  impartial,  6c  d'entretenir  de  même 
l'impartialité  dans  fa  Cour ,  dans  ks  Confeils  6c  dans  [es  Armées , 
fans  factions  6c  fans  brigues.»  Sire ,  cette  doctrine  vous  feut  dite 
«aultrefois  pafTez  deux  ans,  avant  que  cette  douloureufe  guerre 
»fût  mife  fus.  On  parloir  pour  votre  Clergié  de  France  6c  pour 
«votre  fille  l'Univerfîté ,  6c  feut  la  proportion  folemnellement 
«accordée  ,  puis  advouée.  On  dit  lors  par  4.  fois  que  pour 
«Dieu,  Sire,  vous  vous  donniffiez  bien  garde  de  croire  quelcon- 
«que  Confeil ,  qui  voudroit  votre  Royalle  perfonne  faire  partie 
«  où.  elle  doit  être  Juge  6c  Seigneur.  Car  il  n'y  avoit  plus  périlleux 

*  moyen  à  fubvertir  Votre  Majefté  Royale  6c  voftre  Royaulmej 
»  que  Dieu  ne  veuille ,  que  par  vous  rendre  partial.  Et  nous  avons 
»trop  fentu  la  vérité  de  cette  parole.  Cent  mille  perfonnes  en 
«font  mortes  ,  6c  votre  Royaulmeappauvry  6c  domaigié  de  plus 
*>de  trois  millions  6c  encore  autant  ce  tiens  je,  6c  encore  fut  pis, 

Dij 


iî       HISTOIRE    DU     CONCILE 

141  \.  »  fèDieu  n'en  euft  heu  miféricorde.»  En  fuite  il  montre  que  pour 
la  tranquillité  de  l'Etat  il  ne  doit  y  avoir  qu'une  Courdejufti- 
cequifoit  Souveraine,  devant  laquelle  le  Roi  lui-même  répon- 
de.» Cette  confîdération  appert  par  fîmilitude  du  corps  auquei 
»ne  doit  avoir  que  un  Chief  principal.  Raifon  aufïi  avecques  ex- 
»  périence  monftrent  que  aultrement  faire  feroit  &  a  efté  n'aguai- 
»res  caufe  dedivifîon&de  toute  injuftice,  &fubverfion,  &  op- 
«preflîon  des  bons.  Car  incontinent  que  on  vouloit  grever  une 
»perfonne,  pour  avoir  lefien,  ou  pour  haine,  on  le  lançoit  en 
»prifon  &  y  reftoit  fouvent  deux  mois,  ainçois  que  on  parla  à* 
»  lui  ;  puis  on  lui  faifoit  jurer  qu'il  ne  reveleroit  riens  de  ce  que 
»  on  faifoit ,  ôc  telles  abhominations,  &abus  fans  nombre.  Et  re- 
»  venoit  en  votre  Royaulme  tel  temps  comme  feuft  à  Rome  du 
»  temps  de  Syila  contre  Marins.  Sire  ,  c'eft  la  plus  principale 
*>  garde  de  votre  Royaulme  ce  que  vous  n'avez  qu'une  Cour  de 
»Juftice  Souveraine ,  c'eft  votre  Parlement  ,  auquel  vousmeif- 
»  mes  répondez  &;  tous  aultres  Subjets  le  doivent  mieulx  faire.  Par 
»>default  d'une  telle  Cour  vont  à  perdition  aultres  Rois,  comme 
»  Alemannie&  Italie,  où  le  plus  fort  vaint  &  vive  qui  vainche. 
»Dececy  naift  cette  crueufeôt  mortelle  playe  en  Italie  de  Guel- 
»phes  6c  de  Guibelins. 

C'eft  au  partage  de  l'autorité  qu'il  attribue  tous  les  maux  arri- 
vez à  la  France,  parce  que  fî  chacun  n'eut  pas  afpiré  au  Gouver- 
nement, on  n'auroit  point  vu  naître  les  jaloufies  qui  animèrent  les 
Princes  les  uns  contre  les  autres.  De  là  vint  l'afïàflînat  du  Duc 
&  Orléans  ,  comme  on  l'a  vu  en  1407.  fource  ou  prétexte  de  la 
guerre  civile.  L'Auteur  ne  parle  pourtant  de  cet  aflaiîinat  qu'en 
termes  généraux ,  &  fans  nommer  perfonne.  »  O  Ciel ,  ô  Terre  y 
»  ô  glorieux  Dieu  de  Paradis  j  comment  a  efté  vérité  ofFufquée  y 
»  confondue  &  celée  depuis  fïx  ans  en  çà  !  On  a  publié  principe  à 
»  toute  bonne  police  contraire  &  deftruifant  toute  authorité  Roïa- 
«  le  :  pourquoy  efl  venue  turbation  &  excecation  (aveuglement)  en 
«  la  chofe  publique  &  péril  de  damnation.  Appliquons  l'Hiftoire 
»  de  Antheon  qui  fut  dévoré  de  fes  chiens.  Pareillement  le  Peu- 
»  pie  vouloit  dévorer  le  Sang  Royal  &  de  nobleiTe  pour  faulfe  ap- 
parence &  information.  Et,  car  chafcun  conftitué,  au  lieu  de 
«dire  vérité,  la  puet  5c  doit  dire  quant  temps  en  eft  &  neceffité. 
«Pour  ce  aufli  que  mes  Inftru&ions  contiennent  par  exprès ,  que 
«  la  doctrine  de  noftre  foy  }  &  de  bonnes  mœurs ,  foit  renuë  en- 
prière.  Car  faulfeté  ne  fe  mec  point  en  traittié  5  elle  troublerok 


DE      PISE.     Lrv.  VIL  19 

>>tout  &  empefcheroit.  Je  reciteray  en  reprouvant ,  Se  reprou-  14.1$. 
«veray  en  récitant  aulcune  fauiîe  dodrine  qui  a  efté  femence  de 
»>  rébellion  &  de  fédition  contre  l'Eftat  de  Chevalerie  3  &  confé- 
»  quemment  l'Eftat  de  Clergie  s'en  fuft  fentu  au  vif  &  Bourgeoi- 
»  fie  mefmement  en  fuft  deftruite.  Et  protefte  comme  paravant , 
«que  je  ne  tens  à  punition  de  perfonne  quelconque  morte  ou 
•  vive.  Et  que  je  ne  vueil  point  me  faire  fort,  ouobligier  demonf- 
jjtrerque  telle  dodrine  ait  efté  publiée  par  tels  ou  tels,  mais  feu- 
clément  je  veuil  publier  nuement  la  vérité ,  6c  la  faulfeté  réprou- 
ver (a).  ÏÏSm"' 

Il  propofe  enfuite  fept  Alertions  (  1  )  ou  Propofîtions  par  lefquel-  ubi  fup'Tp. 
les  le  Dodeur  Jean  Petit  Cordelier  Normand  voulut  défendre  en  *4tf-  *47- 
1408.  l'aftafïïnat  du  Duc  ^Orléans  commis  en  1407.  par  ordre  du 
Duc  de  Bourgogne ,  Ôc  il  les  réfute  en  peu  de  mots  (2).  Comme 
quelques-unes  de  ces  Afîertions  autorifent  le  parjure  en  certains 
cas.,  Gerfon  s'étend  beaucoup  à  faire  voir  les  dangereufes  confe- 
quences  d'une  telle  dodrine  }  &  finit  l'article  qui  regarde  le  Roi 
par  cette  exhortation  à  garder  inviolablement  le  dernier  traité 
de  paix. 

Gerfin  paffe  enfuite  aux  devoirs  de  la  Noblefle  qu'il  appelle 
l'Etat  de  chevalerie.  La  principale  fondion  qu'il  lui  attribue  eft  de 
foutenir  l'Etat  par  les  armes.  Il  donne  une  très-haute  idée  de  cet 
Ordre  j  mais  elle  doit  en  même  temps  rendre  les  gens  de  guerre 
fort  retenus  à  s'engager  dans  ce  métier.  L' Etat  de  Chevalerie ,  dit- 
il,  eft  très  a  louer ,  s'il  fait  juftement  fon  devoir.  Car  gens  dy armes  qui 
expofent  leur  v  ie  pourvu fte  titre  &  dèfenfe  de  juflice  &  de  vérité  par  droi- 
te intention^  font  comme  Martyrs  de  Dieu.  Mais  fe  ils  font  le  contraire, 
ils  font  Martyrs  d' Enfer  ^  quand  ils  foutiennent  injufte  querelle ,  ou  par 
mauvaife  intention  &  perverfe  opération.  Il  réduit  les  devoirs  de 
l'Ordre  militaire  â  ces  deux  généraux.  L'un  ,  que  les  gens  de 
guerre  fe  doivent  contenter  de  leurs  gages  fans  faire  grevâmes  aux 
autres  états  5  il  fodtient  même  que  le  Roi  n'eft  pas  en  droit  de  don- 
ner cette  permiiïïon  aux  Gens  de  guerre.  Il  avance  un  fait  impor- 
tant fur  cette  matière.  »  On  propofa  ,  dit-ii ,  aultre  fois  contre 
»  aucunes  erreurs  de  ceux  qui  dient  que  les  gens  d'armes  peuvent 
»  prendre  vivres  &  aultres  chofes ,  fans  payer  &  reftituer.  On  dé- 
*clara  lors  cette  vérité  3  en  monftrant  quele  Roymême  ne  peut 

[i]On  peut  voir  ces  AfTertions  on  propofitions  en  différent  ordre  &  en  d'autres  termes 
dans  ïhiftoire  du  Cmcile  de  Confiance ,  telles  qu'elles  ont  été  tirées  de  MouflreUt. 
Ja,}Oa  verra  cette  réfutation  dans  la  fuite* 


50       HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.  i%  "  donner  *e  congié  en  tout  cas  &  félon  fan  plaifîr.  Car  le  Roy  eft 
«fubjetàraifbn&àlaloy  de  Dieu  &  à  juftice  j  fi  fait  pis  un  piilarc 
n  qui  prétend  l'authorité  Royale,  qu'un  autre  qui  pille  fans  autho- 
»>  rite  ,  &  eft  plus  à  punir.  Car  il  encoulpe  le  Roy  &  pèche  plus 
»  franchement  &  hardiment  fans  réfiftance ,  fans  correction  &  re- 
»  pentance.  »  Le  fécond  devoir  de  la  Chevalerie  n'eft  pas  moins 
important  ,  fur  tout  il  étoit  neceflaire  à  reprefenter  dans  un 
temps  de  factions  où  l'un  difoit  je  fuis  Armagnac  ,  ouOrleanois , 
l'autre  je  fuis  Bourguignon,  ôc  où  fous  ce  prétexte  chacun  pilloic 
&  tuoit  impunément  3  fans  fe  mettre  en  peine  du  fervice  du  Roi, 
&  du  bien  de  l'Etat ,  quoique  fouvent  on  fe  fer  vît  de  ce  pré- 
texte. 

Il  pafle  de  là  à  l'Etat  du  Clergé  figuré ,  félon  lui ,  par  Y  airain 
de  la  fiatue  de  JsFabuchodonofor.  C'eft  3  dit-il,  mètail  fonnant  -parce 
que  le  C le rgié  doit  avoir  clameur  de  la  vérité.  Il  prétend  donc  que 
lesEvêques,  les  Prélats  3c  les  autres  Ecclefiaftiques  Théologiens, 
Juriftes  8c  Philofophes  moraux  font  obligez  à  prêcher  les  veritez 
qui  regardent  la  Foi  ôc  les  bonnes  moeurs ,  ôc  que  les  premiers 
font  engagez  à  les  maintenir  par  autorité,  parce  que  leur  réticen- 
ce 3  ou  diiîimulation  peuvent  être  pernicieufes  à  l'Eglife  &  à  l'Etat. 
C'eft ,  dit-il ,  une  dure  fentence  contre  Clercs  &  Prélats  de  notre  temps. 
Ilfoûtientavecraifon  que  le  Clergé  faifantaufli  fon  devoir,  ne 
doit  pas  être  regardé  comme  un  membre  inutile  de  l'Etat ,  'fous 
ombre  qu'il  ne  vaque  pas  aux  emplois  méchaniques  8c  militaires, 
parce  que  le  meilleur  fervice  qu'on  puiiïe  rendre  au  Prince  ,  c'eft 
de  lui  dire  franchement  la  vérité.  D'où  il  conclut  que  c'eft  un 
grand  mal  d'empêcher  le  Clergé  de  reprendre  &  de  condamner  ce 
qui  le  mérite  s  8c  que  c'eft  dans  ces  occafions  qu'il  doit  fe  montrer 
intrépide  &  à  l'épreuve  des  plus  grandes  perfecutions.  Je  n'ai  rien 
remarqué  de  mémorable  fur  ce  que  Gerfon  dit  de  la  Bourgeoise, 
dont  le  partage  eft  Pobéifïance  8c  la  fubordination.  Après  avoir 
exécuté  fon  plan  il  finit  en  ces  termes  que  je  rapporterai  pour  don- 
nefrune  idée  du  goût  de  ce  fiecle-là.  »  Grâce  à  Dieu  d'amour  & 
»  de  paix ,  qui  eft  vie ,  voye  8c  vérité  ^  Grâce  à  fa  glorieufe  Vierge 
»  mère ,  &  à  Ste.  Geneviefve  qui  oneques  ne  faillirent  à  cette  Citéj 
»  Grâce  au  virginal  époux  de  Noftre-Dame,  St.  Jofepb ,  duquel 
»  le  mariage  feut  lignification  de  la  plus  parfaite  union  &  con- 
jonction qui  foit.  C'eft  de  Dieu  &  de  fon  Eglife.  Si  devons  ho- 
*  norcr  ce  mari  virginal  s  cette  facrée  8c  chafte  conjonction,  nous 
»  qui  querons  paix  &  union ,  grâces  à  St.  Denys  &  à  St.  Remy  >  Pa- 


DE      PISE.    Liv.  VIL  31 

v  trons  5c  Apoftres  de  France  ,  grâce  à  cous  Sainds  &  Saindes  def-    T  4 J  3  * 

»  quels  les  Mémoires  &  les  Reliques  font  en  cette  glorieufe,  Royal- 

»  le  &  très-Chreftienne  &  Religieufe  Cité  &  bonne  Ville  de  Paris. 

»  Grâces  à  vous ,  Roi  très-Chreftien ,  à  la  Reyne ,  à  Monfeigneur 

»le  Dauphin ,  qui  félon  fon  aage  y  a  très-conftammenc  labouré, 

»  &  Dieu  le  parface  de  bien  en  mieux.  Grâce  à  vous  tous  ,  Nos- 

»  Seigneurs.  Si  concluons  en  fuppliant  que  paifiblement  ôc  con- 

»  cordement  &  uniement  le  droit  chemin  nous  parvenions  à  la  vie 

»perdurable  de  Paradis.  Amen. 

Ce  que  dit  Gerfonila fin  de  cette  Harangue  touchant  le  Ma- 
riage virginal  de  St.  Jofeph  avec  Notre-  Dame ,  mérite  bien  une  pe- 
tite digreffion  ,  par  rapport  à  l'Hiftoire  Eccleflaftique  de  ce  temps- 
là.  Il  paroît  par  divers  écrits ,  6c  par  diverfes  démarches  de  ce 
Dodeur  de  Paris ,  qu'il  avoit  une  dévotion  toute  particulière  pour 
|  St.  Jofeph.  Il  y  a  dans  le  troifiéme  Tome  de  fes  Oeuvres  quelques 
Difcours ,  où  il  prérend  prouver  la  virginité  perpétuelle  de  ce 
•  Saint  y  que  comme  Je  an- Baptise  il  avoit  été  fandifié  dès  le  ven- 
;  tre  j  qu'il  s'étoit  marié  jeune  avec  Marie ,  mais  que  le  St.  Efpric 
.  avoit  éteint  en  lui  les  feux  de  la  convoitife  5  qu'il  mourut  avant  la 
|  Paffion  de  Notre-Seigneur ,  &  qu'après  il  refïufcita  avec  plusieurs 
$  autres ,  8c  apparût  à  la  Vierge  3  qu'il  monta  avec  J.  C.  dans  le 
:'  Ciel;  que  ce  fait  eft  certain,  mais  qu'il  eft  douteux  fi  ce  fut  en 
i  corps  ou  en  ame  (a).  Il  n'eft  pas  furprenant  que  dans  ces  principes  Ca  Jf"^ 
il  fe  foit  donné  beaucoup  demouvemens  pour  faire  célébrer  la  fê-  p.^^.  &* 
!  te  de  St.  Jofeph.  On  trouve  dans  le  IV.  Tome  de  ks  Oeuvres ,  une  fecH- 
1  exhortation  en  forme  deLettre  qu'il  adrefla  cette  année  auDuc  de 
:  Berri  oncle  du  Roi  de  France,  afin  qu'il  employât  fon  autorité  à 
1  introduire  publiquement  cette  fête.  Il  l'engage  à  une  œuvre  fi 
1  pieufe ,  par  le  grand  zèle  que  ce  Prince  témoignoit  à  enrichir  d'or 
,  &  de  pierreries  les  Reliques  des  Saints ,  par  {es  liberalitez  pour 
i  l'augmentation  du  Service  Divin  ,  particulièrement  dans  fa  ville 
.  de  Bourges ,  ôc  dans  l'Egkfe  de  Nôtre -Dame  de  Paris,  à  qui  /'/ 
;  avoit  donné  une  fi  belle  tète  de  St.  Philippe,  quil  ne  croyoitpas  qu'il 
:  s'en  pût  trouver  ailleurs  une  pareille  (1).  Gerfon  voudroit  donc  que 
par  ces  motifs,  ôc  par  d'autres  femblables,  le  Duc  de  Berri  or- 
i  donnât  de  célébrer  la  fête  de  St.  Jofeph  ^  le  Jeudi  des  IV.  Temps 
•  avant  Jsfo'êl  >  ou  le  Mecredi  lors  qu'on  lit ,  Luc  1. 16.  &que  cette 

[1]  Et  prœfertimviAemnr  infolemmffirtja  Tcclefici  twjlra  Domina  Varijienjis  te  caput  faniïi  Phi- 
lippi  dediffe ,  adeo  prethfe  undequaqtte  contextum  ,  m  me  latent  ttbïnam  gcnx'mm  Jimile  pojjet  rep~ 
riruUbi  fupr,  T.  IV.p^jpv 


5i  HISTOIRE  DU  CONCILE 
Ï4.H,  folemnitéfefît  dans  l'Eglifede  Nôtre -Dame,  où  font  les  An* 
neaux  dumariage ,  &  la  ceinture  de  la  Vierge  3  mais  pourtant  com- 
me il  dit  3  fans  vaine  fuper fit  ion  &  folle  préemption  j  (  fine  vanâ  fu- 
perflitione  3  ôcfatuâpr^efumptione.  )  Notre  Docteur  ne  manque 
pas  d'inviter  le  Duc  de  J^m'àune  fi  fainteinftitution,  au  nom  dz 
Jésus  qui  a  daigné  naître  dans  ce  facré  mariage ,  de  fon  très-nobh 
coufin  St.  Jean-Baptifle ,  & de  Jofeph  lui-?nème qui étoit  vierge,  époux 
&  gardien  fide le  de  Marie  3  &  gouverneur  de  l'Enfant  Jésus  ,  lequel 
ilbaifoitfifouvent.  Afin  de  rendre  l'exhortation  encore  plus  tou- 
chante ,  Gerfon  choifit  la  fête  de  St.  Clément  pour  l'adrefîer  au 
Duc.  »  C'eft,  dit-il 3  au  Pape  faint  Clément  qu'a  fuccedé  votre 
»  grand  &  bon  ami  le  Pape  Clément  VII.  de  fainte  mémoire ,  qui  g 
*  comme  je  l'ai  appris  par  des  témoignages  dignes  de  foi ,  &;  par 
»  révélation  (  i  )  (  dignkfide  &  revelatione  cognovi )  avoit  une  véné- 
ration finguliere  pour  St.  jofeph,  auffi  bien  que  plufieursperfon- 
»  nés  pieufes  &c  éclairées  de  notre  temps,  comme  le  Cardinal  de 
[  a]  Pierre  „  Cambrai  (a)  mon  précepteur ,  le  frère  Pierre  de  Bourgogne  Celef- 
»tin,  dontoV.  Jofeph,  comme  il  ledifoitfouvent,  étoitle  Patron 
«fîngulier,  &  dont  il  avoit  fouvent  éprouvé  le  fecours  dans  fes 
»  nécefïîtez  &  dans  celles  des  autres  comme  par  miracle ,  &  enfin 
»  en  dernier  lieu  Henri  Chiquot(iJ  célèbre  Docteur  en  Théologie 
»  de  l'Univerfité  de  Paris ,  qui  avant  fa  mort  recommanda  à  l'£- 
«  glife  de  Chartres  fa  patrie  de  faire  la  commémoration  de  St.  Jo- 
[h]GcrCon.feph  au  lieu  de  fon  Obit»  (b).  Gerfon  ajoute  que  tous  les  Docteurs 
374/^'  q11^  a  nommez  avoient  écrit  là-deflus  des  Livres  remplis  de 
dévotion  (3  ).  Gerfon  figne  ainfi  cette  Lettre  3  votre  humble  Chape- 
lain &  Orateur  ,  Jean  Gerfon  Chancelier  de  Paris  indigne. 

Ce  Chancelier  ne  fe  contenta  pas  d'écrire  là-dellus  à  des  Princes, 
èc  à  des  particuliers.  On  voit  ici  une  Lettre  qu'il  écrivit  fur  ce 
fujet  en  141  3.  à.  toutes  les  Eglifcs ,  fur  tout  à  celles  qui  étoient  dé- 
diées à  la  Vierge  Marie.  Quelque  emprefîement  qu'il  eût  pour 
l'Introduction  de  ce  fervice,  il  laifîe  pourtant  à  chacun  la  liber- 
té d'en  penfer  ce  qu'il  voudra,  parce  que  la  queftion  n'a  point 
été  décidée  par  l'Eglife.  C'eft  pour  faciliter  cette  entreprife  que 

[1] Je  ne  doute  pris  qu'il  n'y  ait  là  une  faute,  &  qu'au  lieu  de  Révélation,  il  ne  faille  dire 
Relation. 

(2}  Voyez  fur  Henri  Chiqnot  la  Lettre  que  Gerfon  écrivit  du  Concile  de  Confiance  à  un  Doc- 
teur en  Théologie  de  Chartres  nommé  Petit ,  où  il  le  prie  d'exécuter  le  Teftament  de  Chiyuot 
fur  le  fervice  de  St.  Jofeph.  ubi  fupr.  p.  73  1 . 

{%)  Ceftdommage  qu'on  n'ait  pas  ces  pièces,-  Elles  poiirroientfervir  d'un  beau  fupplement 
aux  Auteurs  Eccleliaftiques. 

Gerfon 


DE      PISE.     Lir.  VIL  35 

Gerfon  comipofa  lui-même  un  Office  de  St.  Jofeph,  pour  fervir  de    1413; 
modèle  à  ceux  qui  goûteroienc  cette  dévotion'(a).  Il  fît  encore  fur  [a]  ithifupr. 
cette  matière  un  long  Poëme  en  vers  Latins  afTez  paflables  pour  le  p< 7l6'  7*z' 
temps  (1)  3  fous  le  titre  de  Jofephine.U  y  a  dans  ce  Poëme,  com- 
pofé.,  comme  il  ledit,  en  14 17.  un  trait  fort  remarquable  contre 
les  Anti-Papes ,  &en  particulier  contre  Benoit  JCI II.  qui  violoit 
&  corrompoit  l'Eglife,  au  lieu  d'imiter  lechafte  Jofeph  qui  avoic 
confervé  précieufement  la  virginité  de  fon  époufe.  Ces  vers  méri- 
tent d'être  rapportez. 

Litera  taie  canit 3  cui  concinit  Allegoria  : 

Non  fccus  Ecclefeœ  tu  Papa  daris  vice  Chrifii 

Sponfus pro  pa  flore pio  :  violarepudicam 

Crede  nef  as ,  fed  eam  te  cuftodirc  necefie  e(b 

JDivinâ  fub  Lege  datant ,  velcedere  Sedi  , 

Scandala  Subjetlis ,  velSchifmata ,  fifiatus  ajfert. 

Senfimus  hoc  hodie  3  tempufque  locumque  notemus 

JMillefemel ,  centumque  quater ,  feptemque  decemque 

Orbibus  inpropriis  Phœbus  confeceratannos. 

Bifque  decem ,  bis  ter  que  die  s  peragrando  Zeonis 

Julius  in  Jîgno  dederat  tum  Scbifmatis  altos 

Peftiferi  :  Petrus  de  Luna  cedere  nolens , 

JBjiciturfede  Papali  voce  fub  una. 

Urbs  dumConcilium  retinet  Confiant  i  a  fanffum, 

Balthafar  ejeflus fuerat  ,jam  cefferat  alter. 

Triceps  hoc  monfirumfuit ,  utfunt  Cerberus,  hydra 

Unum  nulla  modo  contentio  rumpit  ovile. 

Legitimus  fuperefl  fponfus ,  Paflorque  credetur 

U nus  in  Ecclefia  3  cui  totus  pareat  Orbis. 

Virgo  tuisfac  hoc precibus  3  meritoque  potenti. 

Ipfa  tuo  célèbres  gratiffima ,  fpero  ,  quotannis  3 

Fecundo  prolis  cumvirginitatis  honore 

Conjugio  fponfoque  Jofeph  facrabit  honores: 

2\Tatali  ne  tuo  fie  olim  oïlava  dicata  efi  ? 

Mocprior infpira :  tali nos munere dotes  (b ).  mUfupr  \-u* 


Je  rapporterai  ici  pour  finir  cette  digrefîîon,  ce  que  nous  ap- 
prend le  Docteur  Du  Pin  touchant  la  fête  de  St.  Jofeph.  »  Quoi 

(1)  Quamvis  non  infertilis  vente  fuit  tamen  ItitHlentttS ,  non  tamfuo  quant  temporis  vitio.  Du 
Pin  ,  Gerfoniana.  p.  LVII. 

Tom.II.Part.il.  E 


yCz* 


34      HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.1%.  =•  qu'il  foit  fait  dans  l'Ecriture  fainte,  dit-if  une  mention  hono- 
»  rable  du  bienheureux  Jofeph  époux  de  Marie ,  &  réputé  père  de 
»  T.  C.  on  ne  voit  pas  que  l'Eglife  lui  ait  rendu  aucun  culte  particu- 
»  lier  avant  ces  derniers  temps.  Il  n'en  efl  fait  aucune  mention  dans 
«les  anciens  Martyrologes  ,  ni  même  dans  ceux  à'Vfuard ,  ôc 
»  à'Adon.  Les  Grecs  font  la  commémoration  de  Jofeph  le  20.  Juil- 
»let,  mais  ils  ne  diftinguent  point  Jofeph  lejufteémulç  de  Mat' 
»  thias  dans  l'apoftolat, d'avec  Jofeph  époux  de  la  Vierge.  Chez  les 
»  Latins  on  ne  faifoit  aucune  commémoration  de  Jofeph }  ôc  il  n'y 
»  avoit  nulle  fête  en  fon  honneur  avant  la  fin  du  XIV.  flécle.  Alors 
»  il  fe  trouva  des  gens  qui  par  une  dévotion  particulière  commen- 
»  cérent  à  célébrer  la  fête  de  St.  Jofeph ,  comme  les  Carmes,  les 
»  Franrifcains ,  ôc  les  Auguftins.  Mais  il  n'y  avoit  point  de  jour 

*  marqué  pour  cette  fête.  On  doit  d'autant  plus  louer  Gerfon  de 

*  fon  zèle  pour  l'époux  de  Marie ,  qu'il  n'y  a  point  mêlé  de  fa- 
»  blés ,  ôc  que  fon  Office  n'eft  point  compofé  de  pièces  apocryphes 
»  ou  douteufes,  mais  feulement  des  termes  de  l'Ecriture.  Cepen- 
»  dant  peu  de  gens  ont  embraflé  cette  folemnité  du  mariage  de  Jo- 
"feph,  &  fa  fête  n'a  point  été  reçue  dans  l'Eglife  univerfelle  avanc 

Lib  ^fgmf'  »  Sixte  IV.  Les  frères  Auguftins  la  célebroient  du  temps  de  Gerfon 
lvii.  oper.   »  à  Milan  le  19.  de  Mars  (a). 

Gerf.  t.  1.         Le  difeours  de  Gerfon  fut  approuvé  ôc  avoué  foîemnellement 
3705.  deux  jours  après  par  l'Univerfïté  à  St.  Bernard  en  prefence  du  Roi, 

de  Louis  d'Anjou  Roi  de  Sicile  ,  des  Ducs  de  Berri ,  d'Orléans  ôc  de 
plufieurs  autres  Seigneurs.  Il  ne  fut  pas  fî  généralement  applaudi 
que  l'Univerfïté  n'eût  befoin  d'en  faire  l'Apologie  contre  quel- 
ques-uns qui  croyoient  que  la  propoficion  de  l'Univerfïté  étoic 
contre  paix  &  déshonneur  d'aucuns  Seigneurs.  C'eff,  cevqu'elle  fît  le  4. 
d'Odobre  par  un  écrit  qui  fe  trouve  dans  l'Hiftoire  de  cette  tJni- 
fb)  ïfr/î.Um-  verfité  (b).  Les  principales  raifons  de  cette  Apologie  font:  1.  Que 
vtrf.ubifafr,  ]es  maximes  condamnées  dans  le  difeours  de  Gerfon  renverfent  les 
fondemens  de  tous  les  états  ôc  de  toutes  les  focietez.  2.  Qu'elles 
font  reconnues  pour  pernicieufespar  toutes  les  Nations  du  monde, 
fidelles  &  infidelles.  3.  Qu'on  a  dû  les  réfuter  publiquement, 
puifqu'on  les  feme  publiquement.  4.  Qu'on  n'a  nommé  perfonne, 
ni  demandé  la  punition  de  perfonne,  à  moins  qu'on  ne  perfîfte  opi- 
niâtrement dans  ces  déteftables  principes.  Il  y  a  quelques  maxi- 
mes importantes  dans  cette  Apologie  ,  comme  celle-ci:  «S/  on  ne 
fouvoit  autrement  avoir  paix  que  par  fouflenir  fan fêté  contre  la  foi  ou 
bonne  doc~lriner  on  devroit plutoft fouflenir  quelconque  yterre  ou  efclan- 


DE      PISE.     Liv.  VIL  35 

être',  &  cette  autre  :  Que  quand  la  crainte  a  empêché  de  dire  la  141 3, 
vérité,  c'eft  une  lâcheté  dont  on  doit  fe  repentir ,  &.  qu'il  faut  au 
moins  la  dire  quand  la  crainte  eft  diiîipée ,  parce  qu'il  vaut  mieux 
tard  que  jamais.  »  Combien  que  cette  vérité  de  la  Foy  &  de  bonne 
»  Do&rine ,  dit  l'Apologie ,  euft  peu  moult  profiter  qui  l'euft  pluf- 
»toft  dicte  conftam ment  :  6c  eft  à  croire  que  ne  fufîent  mie  venus 
»  tant  de  horribles  maux  en  ce  Royaume ,  fi  aucuns  fe  feuflent  ex- 
os  pofez  jufques  à  la  mort  pour  refifter  aux  erreurs  qui  ont  été  raci- 
»ne  denosmaux»  (1).  L'Apologie  finit  par  une  proteftation  con- 
tre quiconque  s'oppofera  obitinément  au  difcours  publié  par  ordre 
de  l'Univerfité,  ôc  approuvé  par  elle.  On  va  voir  quel  fut  le  réful- 
tat  de  ces  démarches. 

XXVII.  Il  y  avoit  long  temps  qu'une  Doctrine  aufîî  pernicieu-     Raifasd» 
fe  que  celle  de  Jean  Petit  dans  fon  Plaidoyer  pour  le  Duc  de  Bour-  ^"tlnl 
gogne  auroit  été  cenfurée  Se  profcrite  par  autorité  publique ,  fans  de  Jean  Pe- 
lé pouvoir  tyrannique  Ôc  l'humeur  violente  de  ce  Duc.  Plufieurs  tlt* 
perfonnes  doctes  ôc  bien  intentionnées  fe  plaignoient  d'un  filence 
fi  préjudiciable  à  l'Eglifeôc  à  l'Etat.  »En  mon  particulier,  dit  le 
»  Moine  de  St.  Denys ,  j'avois  plufieurs  fois  témoigné  beaucoup 
»d'étonnementdece  que  l'Evêquede  Paris  &  l'Inquifiteur  de  la 
»  Foi  avoient  négligé  d'entreprendre  unecaufe  fi  préjudiciable  aux 
»  bonnes  mœurs  6c  au  fervice  de  Dieu  5  maison  m'avoit  toujours 
»»  répondu  que  la  formidable  autorité  du  Duc  de  Bourgogne  les 
»  avoit  empêchez,  Se  qu'ils  avoient  agi  prudemment  de  laifier  cet- 
»  te  pefte  comme  enfevelie  dans  un  profond  filence ,  plutôt  que  de 
»  hazarder  de  la  voir  autorifer  par  le  crédit  de  ce  Prince. 

En  effet  toutes  les  tentatives  qu'on  avoit  faites  jufqu'alors  pour 
punir  un  aflafîinat  commis  avec  d'autant  plus  de  perfidie,  que  trois 
jours  auparavant  les  Princes  avoient  communié  enfemble ,  Se 
s'étoient  juré  une  amitié  fraternelle.  Le  Duc  de  Bourgogne  avoit 
lui-même  avoué  fon  crime  &  s'en  étoit  fui  dans  fa  Flandre  (2) , 
pour  fe  mettre  en  état  de  défenfe  en  cas  qu'il  fût  pourfuivi.  S'é- 
tant  trouvé  enfuite  en  conférence  à  Amiens  avec  Louis  Roi  de  Si- 
cile, Se  le  Duc  de  Berri  oncle  de  Charles  VI.  pour  trouver  quelque 
voye  d'accommodement ,  cette  entrevue  ne  fervit  de  rien  ,  parce 
que  Jean  Petit  &  deux  autres  Do&eurs  qui  s'y  trouvèrent,  fou- 
rnirent le  fait  du  Duc  de  Bourgogne.  Les  Princes  cependant  lui 

(1)  Ceci  regarde  l'affaffinat  du  Duc  d'Orléans  qui  trouva  &  qui  trouve  encore  des  Apoîo- 
giftes. 

[z)  Il  e'toit  Comte  de  Flandre, 

Eij 


16      HISTOIRE     DU     CONCILE 

14 M.  défendirent  de  la  parc  du  Roi  de  venir  à  Paris  ,  s'il  n'y  étoit 
mandé.  Il  y  vint  pourtant  ,  mais  bien  accompagné,  &  à  la  gran- 
de joye  des  Parifiens  quiPaimoient  autant  qu'ils  avoient  en  hor- 
reur la  mémoire  du  Duc  d'Orléans ,  parce  que  les  Bourguignons 
leur  avoient  fait  entendre  qu'il  étoit  auteur  des  impôts  qu'on  met- 
toit  fur  le  peuple.  Quand  le  redoutable  Bourguignon  fut  arrivé  à 
Paris,  il  obtint  audience  du  Roi,  en  prefence  du  Dauphin ,  du 
Roi  de  Sicile,  du  Cardinal  de  Bar,  des  Ducs  de Berri,  de  Bre- 
tagne &  de  Lorraine,  avec  quantité  de  nobleiîe ,  le  Re&eur  de 
l'Univerfité,  &  bon  nombre  de  Docteurs  &  de  Bourgeois.  Jean 
Petit  plaida  la  caufe  du  Duc  amplement,  Scie  reprefenta  comme 
le  Libérateur  de  la  Patrie  ,  &c  le  Duc  d'Orléans  comme  un  tyran  , 
un  monftre  abominable.  Ce  difcours  avoué  par  le  Duc  excita 
l'horreur  de  tous  les  gens  de  bien.  Mais  il  fit  une  telle  împreflion 
fur  les  Bourguignons  que  le  Roi  fut  obligé  d'accorder  des  Lettres 
de  grâce  au  Duc  de  Bourgogne.  Ce  dernier  cependant  étant  re- 
tourné en  Flandre  pour  iccourirjean  de  Bavière ,  élu  Evêque  de 
Liège,  &.  affiegé  à  Maftricht  par  les  Liégeois,  la  veuve  du  Duc 
d'Orléans  (i)  profita  de  fon  abfence  pour  venir  à  Paris  avec  le 
cadet  de  Ces  fils  (2)  demander  juftice  au  Roi  contre  le  Duc  de 
Bourgogne,  &  fon  Avocat.  Leur  caufe  fut  plaidée  par  l'Abbé  de 
Serifi(^)  &  par  Guillaume  Coufinot  Avocat  au  Parlement,  avec 
tant  de  fuccès ,  que  le  Roi  annulia  les  Lettres  de  grâce  qu'il  a  voit 
données  au  Duc  de  Bourgogne,  &  le  déclara  ennemi  de  l'Etat. 
Cette  difgrace  ne  dura  pas  longtemps.  Quelques  moisaprès,  le 
Duc  de  Bourgogne  étant  rentré  triomphant  dans  Paris,  on  parla 
d'accommodement.  La  veuve  du  Duc  d'Orléans  en  fut  fi  outrée, 
(a)  Mênfire.  qu'on  prétend  qu'elle  en  mourut  de  douleur  (a).  Cette  mort  fa- 
ietoblMPr'  cinca  beaucoup  la  réconciliation  du  Duc  de  Bourgogne  avec  le 
de  si.  Denjs  R°i  &  les  trois  jeunes  Ducs  d'Orléans.  L'accord  fut  conclu  folem- 
^biùp-.p.  nellement à  Chartres  en  Beaufîe  au  mois  de  Mars  de  1408.  Mais 
ies  Vr/ws  comme  ce  n  etoit  qu  une  Paix  fourrée  (4) ,  ainii  qu'on  s  en  expn- 
ubi  fupr.  p.   moit  alors ,  la  France  fut  en  proie  aux  factions  des  Grands  &  du 

(  1)  Vaknt'.ne  fille  de  Jean  Geleaffe  Duc  de  Jdilan. 

(a)  Jean  Comte  à'Angouleme. 

(3  j  C'eft  ninii  que  l'appelle  Jnvenal  des  Vrfins  ,  Hift.  de  Charles  VI.  p.  ipj".  Monflrelet  l'ap- 
pelle l'Abbé"  de  St.  Fiacre  de  l'Ordre  de  5t.  Benoit,  Chron.  Vol.  I.  p.  53.  Mr.  le  Laboureur 
conjecture  que  c'e'tcit  I-hilippe  de  Vilette  Abbe'  de  St.  Denys.  Moine  de  St.  Denys  ,  Hift.  Je  Char' 
Us  VI.  Liv.  XXVIIl.p.  661. 

(4)  Et  avoir  (  leD.jc  de  Bourgogne  )  un  très  bon  fol' h  fa  compagnie,  qu'on  difoit  être  fol 
fage,  lequel  tantoft  alla  chercher  une  paix  d'Églife  &  la  fit  fourrer  ,  &  difoit  que  c'tftoiî  une 
paix  fourree.  Et  aiaû  advint  depuis.  Juven.  ubi  fupr.  p.  J,o3. 


DE      PISE.     Liv.  VIL  37 

peuple  pendant  plufieurs  années,  &  tout  cela  par  les  intrigues  du  1413, 
Bourguignon.  C'eft  ce  qui  obligea  les  Ducs  à'Orleans  à  prefenter 
en  141 1.  une  Requête  au  Roi  pour  demander  de  nouveau juftice 
de  la  mort  du  Duc  leur  père  ,  &,  réparation  à  fa  mémoire  3  préten- 
dant que  la  paix  de  Chartres  étoit  nulle,  tant  parce  qu'elle  avoic 
été  mal  faite,  que  parce  que  le  Duc  de  Bourgogne  n'avoitceiïé 
de  la  violer.  Ils  ayoient  en  même  temps  envoyé  un  cartel  de  défi 
au  Duc  de  Bourgogne ,  qui  y  répondit  par  un  autre  beaucoup  plus 
violent ,  comme  on  le  peut  voir  ci-deflus  (a).  Ces  Princes  ne  s'ap-  Cai  Lîv.  IV. 
pelloient  pas  proprement  en  duel ,  ou  combat  fingulier  par  ces  for- 
tes de  défis. C'étoient  plutôt  des  déclarations  de  guerre,qui  ne  pou- 
voient  tendre  qu'à  fomenter  la  guerre  inteftine  ,  dans  le  Royau- 
me, comme  cela  ne  manqua  pas  d'arriver.  Lespartifans  du  Duc 
de  Bourgogne  adrefloient  des  cartels  de  même  forte  aux  Ducs 
d'Orléans  3  ôc  ceux  des  Ducs  d'Orléans  au  Duc  de  Bourgogne. 
Monftrelet  nous  apprend  qu'entre  autres,  ce  dernier  fut  défié  par 
un  Chevalier  de  Picardie  >  nommé  Meffire  Manfart  du  Bos  qui 
étoit  fon  homme  lige,  &  que  ce  Duc  en  fut  fî  irrité,  qu'il  eut  le  crédit 
de  le  faire  pendre  à  Paris  la  même  année  malgré  les  Orleanois.  Ce 
même  Duc  pour  fortifier  fori  parti  avoit  travaillé  inutilement  à 
mettre  le  Duc  de  Bourbon  dans  fes  intérêts  en  vertu  de  quelques 
confédérations  faites  entr'eux  auparavant  (1). 

(1)  Voici  fa  Lettre,  telle  qu'on  la  trouve  dans  Monftrelet  :  Trefcher  &  bien  amé  Coufm 
Duc  de  Bourbon  &  Comte  de  Clermont,  Jean  Duc  de  Bourgogne  Comtede  Flandres ,  d'Ar- 
ihois  &de  Bourgongne  tient  bien  eftre  en  voflre  memoirs  comment  en  l'an  mille  quatre 
cens  &  cinq,  vous  &  moyfeismes  &eusmes  certaines  alliances  enfemble  ,  lesquelles  furent 
&  ont  efté  depuis  trois  ans  en  ça  à  voftre  prière  &  requefte  renouvellées  &  derechef  jurées  8t 
promifes  enlaprefence  de  plusieurs  Chevaliers  &  autres  gens  dignes  de  foy.  Et  devez  demou- 
rer  mon  bon  vray  &  parfait  amy  &  allié  durant  le  cours  de  voflre  vie,  &  procurer  à  voftre  loyal 
povoir  le  bien  &  honneur  de  moy  &  efchever  mon  mal  &  dommage  ainli  que  bon  parent 
loyalàmoy  allié  eft  ten u  de  faire  ,  &  avec  ce  toutes  &quantes  fois  que  j'auray  à  faire  chofe 
qui  touche  l'honneur  fiteftat  de  ma  perfonne  ,.  &  demefTeigneurs  &amis,  vous  &  elles  teny 
moyaider,  confeiller  &  conforter  loyallemcnt,  fe  requis  en  elles  ,  de  corps  ,  d'amis  &  de 
chevance,  envers  tous  &  contre  tous,  excepté  tant  feulement  la  perfonne  de  monfoigneur  le 
Roi ,  monfeigneur  de  Guyenne ,  &  celuy  qui  fuccedera  au  Royaume  de  France  ,  &  feu  beau 
couiin  le  Duc  de  Bourbon  votre  père.  Et  encore  s'il  fut  advenu  qu'entre  moy,  &  aucuns  au- 
tres, euft  eu  guerre,  ou  débat,  fit  ledit  beau  coufin  voftre  père  fe  fut  mis  .contre  moy  avec 
perfonne  adverfaire  ,  vous  en  ce  cas  vous  en  eufliez  pea  mettre  a vecques  voftredit  feu  père  , 
tout  le  cours  de  fa  vie,  tant  feulement ,  fans  par  celte  condition  ou  exception  eftre  prej  udi- 
cié ou  dérogé  aucunement  ausdides  alliances.  Et  comme  je,  aurti  vous3  eftes  recors  que 
vous  avez  juré,  tenir,  garder,  faire  &  accomplir  les  chofes  delïusdi&es  &.  d  éclairées ,  toutes 
&  quantes  fois  que  le  cas  s'y  offriroit,  fur  la  damnation  de  voftre  ame  ,  par  la  foy  &  ferment 
de  voftre  corps ,  fur  ksSain&es  Evangiles  de  Dieu  ,  &  furlesSain&es  reliques  par  vousattoi:»- 
chées.  Or  eft  vray,  trefcher  &  amé  Coufm  ,  que  Charles  qui  fe  ditDuc  d'Orléans  ,  rhilippe  & 
jk/ïre  fes  frères  m'ont  nouvellement  envoyé  Lettres  de  deffiances  &  ont  intention  &  propos  de 
moy  grever  de  toute  leur  puiffance  ,  à  quoy  ou  plaifir  de  Dieu  j*ay  intentio]i  &  propos  de  rt- 
.  fifter,  par  le  bon.  conjcil  ,  confort,  fie  ayde  demesparens  fit  amis,  &  alliez  &  de  mes  Sut- 

Eiîj 


COtl 


38       HISTOIRE    DU     CONCILE 

141  t.        Les  chofes  s'aigrirent  tellement  entre  ces  Princes  ,  qu'ils  en 

vinrent  à  une  guerre  ouverte  t  qui  mettoit  tout  le  Royaume  en 

combuftion.  Cette  guerre  fe  termina  par  la  paix  de  1412.  ouïe 

traité  de  Chartres  fut  renouvelle,  & toujours  fort  mal  exécuté 

par  le  Duc  de  Bourgogne  &fes  adherans,  comme  on  l'a  vu  ci- 

deflus. 

Ajfembiee  de      XXVIII.  Quand  ces  frayeurs  furent  diffipées  par  la  retraite  du 

■ns pour  la  j)uc  je  Bourgogne  ,  par  le  retour  des  Princes  à  la  Cour  &  par  la 

despropo/t-     pacification  des  troubles  de  Pans ,  on  travailla  tout  de  bon  a  1  e- 

tuns  de  Jean  xamen  &  à  la  condamnation  de  cette  fameufe  pièce  de  Jean  Petity 

(  a  )  On  la  connue  fous  le  nom  de  Juflification  du  Duc  de  Bourgogne  (a).    Ce  fut 

trouve  à  lu   dans  cette  vue*  que  le  Roi  ordonna  à  Gérard  de  Montaigu  (  1  )  E  vê- 

Hiftoirè?^    <lue  ^e  Paris ,  &  à  fon  Officiai  de  fe  joindre  avec  Jean  PoletDomu 

nicain  Inquisiteur  de  la  Foi  en  France,  èc  un  certain  nombre  de 

Do&eurs  en  Théologie  pour  examiner  ces  propolîtions  _,  ôcpour 

les  cenfurer  juridiquement  3  leur  offrant  le  fecours  du  bras  feculier 

(b  )  Moine  en  cas  ^e  befoin.   L'Hiftoire  dit  que  Benoît  Gentien  fe  fignala  dans 

de  st.  Den.   cette  ocafion  par  un  très-beau  difeours  qu'il  prononça  contre  la 

Liv.  xxxiii.  justification  du  Duc  de  Bourgogne  (b). 

La  lettre  du  Roi  eft  datée  du  7.  O&obre  141 3.  Il  y  dit  entre 
autres  chofes  que  Ces  PrédécefTeurs  ont  eftè ,  &  font  appelles^  es 
faints  Canons  Roys  tre's- Chre'tiens  ,  pour  avoir  toujours  efiè 
entre  les  autres  Princes  Chrétiens ,  les  efpeciaux  défenfeurs  à*  champions 
[c)Gerfin.  de  la  Foi  catholique  (c).  Ni  le  Duc  de  Bourgogne 3  m  Jean  Petit 
°F*' T*   '   ne  font  nommez  dans  la  lettre ,  il  y  eft  feulement  parlé  de  plusieurs 
héréfies  &:  erreurs  dangereufes  par  rapport  à  la  Foi,  aux  bonnes 
mœurs ,  êcà  TEtat,  qui  depuis  quelques  années  s'étoient  répan- 
dues en  France  3  &  qui  avoient  même  pénétré  dans  les  Païs  étran- 
gers. »  Et  il  eft  venu  en  notre  connoiflance  ,  que  depuis  aucun  tems 
»  en  ça ,  plufieurs  héréfies ,  erreurs ,  ôc  autres  chofes  mal  fonnan- 

jefts ,  &  bien  vueillans  de  garder  mon  honneur  à  Pehcontre  d'eux.  Et  pource ,  trefeher  &  amé 
Coulin  ,  que  vous eftes  à  moy  allié  par  la  manière  que  deiTus  eft  devifée  ,  &  tenu  de  moy  ai- 
der, confeiller  ,  &  conforter  loyaument  ,  je  vous  requiers,  &  fommespar  vertus  desdictes 
alliances,  &  les  fermens  qu'avez  fait  comme  dit  eft ,  qu'en  voftre  perfonne  accompagné  le 
mieux  que  vous  pourrez  d'amis  &  de  gens  d'armes,  me  vueillez  venir  ayder,  confeiller  St. 
conforter  loyallement,  contre  les  deflusditts nommez,  Charhs  t  Philippe  Sajeancn  acquitaat 
vous ,  &  vosdits  honneur  &  ferment.  Sachant  qu'en  pareil  cas  je  voudroye  garder  entièrement 
mon  honneur  &  ma  foy  &  ferment,  fans  les  aucunement  frauder.  Et  ainli  j'efpoire  que  voc» 
ferez.  Si  me  vueillez  briefvementpar  le  porteur  de  cefte,  refaire  &  faire  fçavoir  fur  ce, voftre 
pbilir  &  vouîentc  ainfi  que  le  cas  le  requiert.  Donné  en  ma  Ville  de  Doiïay  foubs  mon  grand 
feel  placqué  à  ces  prefentes  le  xlv.  jour  d'Aouft  l'an  mille  CCCC.  &  xi. 

(1)  Il  étoit  frère  de  Jean  de  Montaigu  ,  grand  Maitre  d'Hôtel  du  Roi,  à  qui  la  fadion  B  JUf- 
guignone  fit  couper  la  tête  eu  i^og.Javeual  de$Urftns>  ubifupr.p.  aoj. 


DE      PISE.     Liv.  VIL  39 

«tes  en  noftre  Foy  ont  été  dires,  proférées,  6c  mifes  en  avant  en  141 3. 
«  noftre  Royaume  ,  tant  en  noftre  ville  de  Paris  3  comme  ailleurs  , 
»  lefquelles ont  été  depuis  publiées ,  6cfemées  en  noftre  dit  Royau- 
»  me ,  6c  dehors ,  en  plufieurs  &  diverfes  régions ,  tant  par  écrit , 
»  comme  autrement  _,  dont  plufieurs  maux  &  inconveniens  irrépa- 
»  râbles  fe  pourroient  enfuivre,  non  pas  feulement  en  nôtre  Roïau- 
»me,  mais  par  toute  la  Chreftienté ,  fi  provifion  n'y  étoit  mife 
»  telle  qu'il  appartient  au  cas  :  car  les  dittes  paroles  &  conclufîons 
«font ,  fi  comme  l'on  dit,  faufTes  _,  mauvaifes  &  erronnés  con- 
»  tre  noftre  Foy  &  la  dodrine  ,  6c  vray  entendement  de  la  fainte 
»>Ecriturej&  par  conféquent  ofFenfives  de  la  divine  Majefté , 
»  6c  difpofées  à  damnation  perpétuelle  des  âmes  de  ceux  qui  croi- 
»roient,6cfeadhurteroientpertinacementaux  dittes  herefies  ou 
•  erreurs,  6c  fi  font indudives  dépêché  mortel  &  donnant  occa- 
»  fion  de  mal  faire ,  6c  avec  ce  font  contre  bonnes  mœurs  tendant  à 
»  deftrudion  de  toutes  Seigneuries  terriennes ,  6c  par  conféquent 
»  à  lafubverfîon  de  la  police  de  toute  la  chofe  publique  ,  6c  contre 
»  noftre  Royalle  Majefté,  en  maintes  manières  :6c  fi  pourroient 
»redonder  àla  très -grande  charge,  deshonneur,  &  blasme  de 
»  Nous ,  6c  de  noftre  Royaume  ouquelles  ont  efté  élevées  de  mifes 
»fus.»  C'eft  fur  cette  Lettre  que  fe  forma  ,  dans  le  Palais  épifeo- 
pal ,  la  célèbre  Aflemblée  qui  dans  les  Ades  ,effc  appellée  Concile 
de  Foi.  L'ouverture  s'en  fit  le  3  o.  de  Novembre.  Il  faut  néceflai- 
rement  en  faire  ici  l'Hiftoire  en  abrégé  3  parce  que  cette  Aflem- 
blée eft  le  fondement  de  ce  qui  fe  pafla  là  -  deflus  au  Concile  de 
Confiance. 

XXIX.  Dans  la  première  féance  où  fe  trouvèrent  Jean  Cudert,  Tremien 
maître  aux  loix ,  Officiai  de  l'Evêque  ,  6c  le  Père  Pierre  F  lorentin  ySelincs* 
Provincial  des  Dominicains ,  de  la  part  de  l'Inquifiteur ,  avec  plu- 
fieurs maîtres  6c  Bacheliers  en  Théologie,  on  fit  laiedure  de  la 
lettre  du  Roi  dont  on  vient  de  parler ,  6c  des  fept  propofitions  que 
Jean  Gerfon  avoit  tirées  de  l'écritde  Jean  Petite  condamnées  avec 
l'approbation  de  l'Univerfité.  Voici  les  fept  propoficions  3  comme 
elles  font  exprimées  dans  les  ades  mêmes ,  &;  en  effet  très-fidelle- 
ment  tirées  de  la  juftification  du  Duc  de  Bourgogne,  compofée 
par  Jean  Petit.  Je  joindrai  à  chaque  article  fa  condamnation. 

1 .  Chacun  Tyran  doit ,  à*  peut  cjîre  loiïablement  3  &  par  mérite  oc- 
cis de  quelconque  fon  Vaffal^  &  Sujet  3  ou  far  quelconque  manière  3 
me  finement  par  aguettes ,  ou  par  flatteries ,  ou  adulations  ,  nonob fiant 
quelconque  jurement ,  eu  confédération  faites  avec  lui  $  fans  attendre  lœ 


4o       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1 4 1  x ,    Sentence  ou  Mandement  du  Juge  quelconque. 

»  Cette  afïertionainfi  mifegénérallement  pour  maxime,  &fe- 
»  Ion  l'acception  du  mot  Tyran ,  eft  erreur  en  noftre  Foy ,  6c  en 
»  doctrine  de  bonnes  mœurs,  &  eft  contre  ce  commandement  de 
»  Dieu  3  Non  occides  {tu  ne  tueras  point)  Exod.  XX.  1 3.  Glofla. 
«Autoritate  propria  3  tu  riocciras point  de  ton  autorité  3  & 
»  Matth.  XXVI.  52.  Omnes qui gladium acceperint ,  (Glofla,  prê- 
»  pria  autoritate)  3  gladio  peribunt  (  1  ). 

Item.  »  Cette  aflèrtion  tourne  à  la  fubverfîon  de  toute  chofe  pu- 
«blique,  &  d'un  chacun  Roy,,  ou  Prince. 

Item.  «Donne  voye  6c  licence  à  plufîeursautres  maux,  comme 
»  à  fraudes ,  6c  à  violations  de  foi ,  6c  de  ferment  3  à  trahifons ,  à 
«menfonges,  à  déceptions,  6cgénérallement  à  toute inobedian- 
»ce  desfujets  à  fon  Seigneur,  6c  à  toute  déloyauté ,  6c  défiance 
»  dss  uns  aux  autres ,  &  confequemment  à  perdurable  damnation. 

Item.  »  Celui  qui  afferme  obftinément  telle  erreur,  6c  les  au- 
»  très  qui  s'en  enfuivent,  eft  Hérétique  ,  &c  comme  Hérétique 
»  doit  être  puni ,  mefmement  après  fa  mort.  2Totetur ,  in  Decretis 
»  XX III.  quœft.  quint  a. 

2 .  Michel  fans  commandement  quelconque  3  ne  de  Dieu ,  ny  d'au- 
tre 5  mais  étant  feulement  meu  d'amour  naturel  3  occit  Lucifer  de  mort 
perdurable ,  &  pour  ce  il  a  des  richejfes  efpirituelles  3  autant  comme  il 
en  peut  recevoir. 

»  Cette  aflèrtion  contient  plufîeurs  erreurs  en  la  Foy  3  car  faint 
»  Michel  n'occit  pas  Lucifer  dQ  mort  perdurable,  mais  Luc  ifer  oc- 
»  cit foy  mefme par  péché,  6c  Dieu  l'occit  par  la  mort  de  la  peine 
«perdurable. 

Item.  »  Saint  Michel  a  commandement  de  Dieu  à  débuter 
j>  Lucifer  hors  deParadis  :  quia  omnis  poteftas  eft  à  Deo3&  hoc  fciebat 
»  Michaël ,  quia  erat  conftitutus  a  Deo  Princeps ,  quem  honorem  non 
»Jîbi  affumpfît.  Nota ,  quomodb  Michaël  non  eft  au  fus  inferre  m  die  ium 
»  blafphcmiœ  ,fed  dixit  :  imper  et  tibi  Dominus  (2).  Vide  in  Epiftola 
*>Judœ  y. 

Item.  »  Dieu  lui  euft  peu  bailler  des  richefles  efpirituelles,  6c  il 
»en  euft  peu  recevoir,  ôcaufll  ilnedefervit  mie  telles  richefles 
»  par  amour  naturel. 

(1  )  Tous  ceux  qui  prendront  Vêpée  ,  (h  glofedit^e  leur  propre  autorité)  périront  par  Pepee. 

(2.)  C'eft-à-dire,  parce  que  toute  puiffance  vient  de  Dieu ,  &c'eft  ce  que  fçavoit  bien  Mi- 
chel ,  parce  que  Dieu  l'avoit  établi  Prince ,  &  qu'il  ne  s'etoit  pas  approprié  cet  honneur.  Notes 
que  Michel  n'ofa  pas  injurier  Lucifer ,  mais  qu'il  dit  :  Le  Seigneur  vous  le  commande. 

3 .  Phinèes 


DE      PISE.    Liv.  VII.  41 

3 .  Phinees  occit  Zambri  3  fans  quelconque  mandement  de  Dieu  ^  &     141* 
Zambri  ne  fut  point  idolâtre. 

«Cette  ailèrtion  eft  contre  le  texte  de  la  Bible  où  eft  cette 
«hiftoire,  félon  l'entendement  des  Glofesôt  des  faints  Do&eurs, 
»  &  de  raifon.  Notez  2fum.  XXV.  Bixit  Moyfes  ad  Judices  Ifraël , 
occidat  unusquifque  proximos  fuos 3  qui  initiati  funt  Beelphegor.  Et 
ecceunus.   2.  Glolla  Jofephi  dicit  quod  Zambri  Princeps  in  Tribu 
Si  m  eon  duxerat  fi  liant  ejufdem  Principis  Medianitarum  ,  nomine 
Chozbi ,  ^  uxorejubente ,  in  quadam  folemnitate  non  immolavit Do- 
mino cum  aliis  Chrifii  Ducibus  ',  quamobrem  cùm  Moyfes  Ecclefiam 
congregafjet ,  &  cum  culparet  coram  omnibus ,  confeffus  e(l  alienigenam 
duxijle ,  &  idola  coluijfc  3  &  legibus  Moy  Ci  non  cjfe  obnoxium ,  &  def- 
ccndens  coram  omni  turba  quœ  flabat  ante  fores  tabernaculi ,  intravit 
tabernaculum  uxoris ,  &  fequens  eum  Phinees ,  invenit  eos  co'éuntes 3 
&confoditcos ,  ècc.  Et  Num.  XXV.  Sufpende eos.  Gloiïa  de  Lira: 
Dicunt  expofitores  nofiri  3  quodpunitio  primo  faBa  efi  de  Principibus , 
fer fufpenjtonem  3  quia  aliqui  erant  culpabiles  in  tranfgre.ljîone ,  idola- 
trando  ,  &  aliis fubditosnegligere  reprimendo.  Et  Glolla  Ka.  Sa.  Ut 
fœnafit  public  a  3  ficutpertinet  adterrorem  aliorum. 

Il  faut  remarquer  deux  chofes  fur  ce  troilîéme  article.  L'une 
eft ,  que  Jean  Petit  ne  dit  pas  que  Phinees  avoit  occis  Zambri ,  fans 
quelconque  commandement  de  Dieu,  mais  fans  quelconque  com- 
mandement de  Moy Ce ,  ne  d'autres  a  ce  ayant  pouvoir.  L'autre }  que 
bien  loin  d'avoir  dit  quez^w^r/n'étoit  pas  idolâtre,il  avoit  dit  tout 
lecontraire.  Ilfutfi efprins ,  dit  Jean  Petit,  parlant  de  Zambri, 
de  convoitife  3  &  de  délectation  charnelle  y  de  l'amour  d'une  Dame 
Payenne ,  que  pour  ce  quelle  nevouloit  s' accorder  a  faire  fa  volonté , 
s  il  nadoroit  les  Idoles ,  /'/  adora  les  Idoles ,  &c.  (a)  Mais  il  paroît  (a  )  Mtnfiret. 
par  les  Actes  que  c'étoit  une  faute  qui  s'étoitgliflée  dans  la  copie  i^yf?,TS 
communiquée  à  l'Univerfité ,  puifque  les  paroles  que  je  viens  d'al-  Gerf.  t.  v. 
léguer  fe  trouvent  dans  les  autres  exemplaires.  P- z2"  ZJ* 

4.  Moy  Ce  3  fans  mandement  quelconque  3  ou  autorité  occit  l* Egyp- 
tien. »  Cette  aftertion  eft  contre  le  texte  de  la  Bible  AB.  VI.  25. 
»» félon  l'entendement  des  Glofes,  &  des  faints  Docteurs,  &  de 
•  raifon.  Textus».  Exifiimabat  autem  intelligere  fratres  3  quoniam 
Deus  permanum  ipfius  daret  falutem  Ifracl.  Sequitur.  Qui  s  confiituit 
te  Judicem  l  GlofTa.  Solus  Deus.  Quia  non  ejl  poteftas  3  nifi  à  Deo« 
Rom.  XIII.  &  Eccli.  X.  5.  In  manu  Dei  pote/las  hominis.  In 
Glofla  de  Lira  ponitur  expreffius  ;  Quoniam  Deus  permanum  ipfius 
daret  falutem  illis.  Jam  enim  Dominus  infpiraverat  Moy  Ci  3  quod  li-. 
Tom.II.Part/lI.  F 


42       HISTOIRE    DU    CONCILE 

1 4.  i  ; .  beraturus  eratpopulumper  ipfum ,  defervitute  JEgypti ,  &ficjam  conf- 
titus  erat  a  Deo  tutor  &  deffenfor  populi  :  propter  quod  non  peccavit 
vinditlam  illam  faciendo.  z.c.  i. 

5 .  Judith  ne  pécha  point  en  flattant  Holophemc ,  ne  Jehu  3  en  men- 
tant quilvomloit  honorer  Baal. 

»  Cette  aiïertion  eft  favorisante  à  l'erreur  de  ceux  qui  ont  dit , 
»  qu'en  aucun  cas  on  peut  loidblement  mentir  ,  contre  lefquels 
»  écrit  AuguftinàSt.  Jerbme.  Si ,  inquic ,  admiffa  fuerint^  vel  offi- 
ciofa  mendacia  3  tota  Scripturœ  divinœ  vacillabit  authoritas. 

6.  Joab  occit  Abner  depuis  la  mort  d' Abfalon. 

»  Cette  afîertion  eft  contre  le  texte  exprès  de  la  fainte  Ecriture. 
»  2.  Reg.  cap.  III.  où  l'on  recite  que  long-temps  avant  la  mort 
»d' Abfalon ,  'Joab  occit  Abner. 

7 .  Toutefois  que  aucun  fait  aucune  chofe  qui  eft  meilleure  3  jacoit  ce 
qu'il  ait  juré  la  non  faire ,  ce  n'eft  mie  par  jurement  s  mais  eft  àparju- 
rement  contraire. 

»  Cette  aflertion  ainfi  généralement  mife  3  eft  faufle ,  &  ne  pro- 
*>  fice  rien  à  ceux  qui  jurent  feiemment  fauftes  alliances  j  car  c'eft 
»  fraude  Ôc  déception  ,  &  parjurement  clair ,  &:  dire  que  ceci  faire 
»  eft  chofe  licite ,  eft  erreur  en  la  Foy. 

On  lut  encore  dans  cette  action  environ  foixante  articles  tirez 
de  divers  endroits  de  la  condamnation  de  l'Univer/ïté.  Je  me  con- 
tenterai d'en  rapporter  quelques-uns  des  principaux ,  à  caufe  de 
la  liaifon  qu'ils  ont  avec  l'affaire  dont  il  s'agit,  i.  On  ne  doit  pas 
procéder  a  la  condamnation  de  certaines  erreurs  3  quoiqu'elles  foi  ent  pu- 
bliques &  fcandaleufes ,  de  peur  que  la  paix  ne  foit  troublée  par  cette 
xondamnation  :  &  ceux  qui  empêchent  quon  ne  condamne  ces  erreurs  3 
ne  doivent  pas  être  regardez^  comme  hérétiques.  2.  »  Il  ne  faut  pas 
s»  prier  pour  le  falut  de  l'ame  de  ceux  qui  ont  été  excommuniez 
«en  vertu  de  la  Bulle  à'VrbainV.  contre  les  aflociations.  {contra 
•»  compagnias  )  (  1 }.  Mais  il  faut  les  maudire  3  parce  qu'ils  font 
»  damnez  avec  le  Diable  3  &  tous  fes  Anges.  On  ne  doit  ni  les  con- 
»  felTer  ,  ni  les  abfoudre  à  l'article  de  la  mort ,  a  moins  que  le  Pape 
«ne  le  fafle.  Ils  ne  doivent  point  être  enfevelis  même  dans  les 
«champs,  &  il  faut  leslaifler  en  proye aux  bêtes,  &auxoifeaux. 
»  Ceux  qui  difentle  moindre  bien  de  ces  gens-la  font  excommu,- 
»niez.  On  ne  doit  point  baptifer  leurs  enfans.   3 .  Ceft  mieux  fait 

(1)  Iî  y  eut  fous  le  règne  de  Jean  11.  roi  de  France  des  brigands  &  des  voleurs  qui  infeftoient 
le  Royaume  fous  le  nom  de  Compagnies.  Urbain  V.  fulmina  contr'eux  une  Bulle  ,  &  publia  d^s 
Indulgences  pourtous  ceux  qui  leur  couroient  fus.  Sfond.  ann.  136*4.  N.  Vil  Le  P.  Danklf. 
Hifl.  de  France ,  T.  Iil.  fur  le  règne  de  Jean  IL 


DE      P  I  S  Ê.     Liv.  VIL  43 

de  tuer  un  tyran  fur  le  champ  &  à  l'improvifte ,  que  de  le  tuer  autre-  1 4.1  *  ; 
ment.  4.  On  doit  révéler  la  Confeljîon  ,  &  on  peut  contraindre  à  la  ré- 
véler. 5.  1 lejl  permis  de  fi  déguifer  en  Prêtre  3  pour  extorquer  la  vérité 
dans  la  Confeljîon.  6.  Un  Prince  peut  dépouiller  afin  gré  fis  Sujets , 
&ilne  peut  rien  faire  qui  mérite  dépoftion.  7.  On  peut  contraindre 
far  ferment  >  &  même  par  la  pri fin,  &  par  la  quefiion ,  un  homme  à 
déclarer  où  efifin  bien  3  ou  celui  d 'autrui. 

Après  qu'on  eut  lu  toutes  ces  propofîtions ,  on  prefentaune  co- 
pie du  Plaidoyer  de  Jean  Petit  pour  le  Duc  de  Bourgogne ,  afin 
qu'on  l'envoyât  à  la  Faculté  de  Théologie.  Il  paroît  que  les  trente 
Do&eurs  qui  étoient  dans  cette aflemblée,n'avoient  pas  tous  va 
cettte  pièce ,  parce  qu'il  y  en  eut  beaucoup  qui  diflinguerent  entre 
le  Droit ,  &  le  Fait.  Ils  s'accordoient  tous  fur  la  queftion  de  Droit, 
c'eft-à-dire  que  les  propofîtions  dévoient  être  condamnées  j  mais 
quelques-uns  doutoient  que  Jean  Petit  les  eût  avancées ,  &  ils  de- 
mandèrent qu'on  fît  perquisition  de  cette  pièce,  qui  de  voit  être, 
difoient-ilsj  dans  leTréfir  du  Roi.  C'eft  pourquoi  Jean  Gerfin , 
Chancelier  de  l'Eglife  de  Paris  6c  de  l'Univerfîté ,  fut  d'avis  qu'on 
obligeât ,  fous  peine  d'excommunication ,  ceux  qui  en  avoient  des 
exemplaires ,  à  les  rapporter. 

XXX.  Dans  la  féconde  action  l'Official  de  l'Evêque,  êcleVi-   Sec»,nd;Jf' 
j  caire  de  l'Inquifiteur  ayant  aflemblé  par  ordre  de  leurs  Supérieurs  fembiëedtP* 

foixanteôc  quatre  Docteurs,  prièrent  PAnembléeau  nom  del'E-  ui- 

vêque  de  délibérer  fur  la  manière  de  procéder  à  la  condamnation 

des  propofîtions  dont  on  avoitfaitla  lecture,  &  qu'on  avoir  ré- 

folu  de  condamner  dans  la  Seffion  précédente.  L'Archevêque  de    4.  Deçà*- 

Sens,  quiétoit  dans  cette  féance.,  ayant  parlé  le  premier  ,  loua  bre' 

Je  zèle  de  l'Evêque,  &  déclara  qu'il  étoit  prêt  à  foûtenir  jufqu'à 

la  mort ,  ce  qui  feroit  réfolu  par  ce  Synode ,  pour  la  gloire  de  Dieu, 

&  pour  l'avantage  de  la  Foi  Catholique ,  &  qu'il  le  feroit  exécuter, 

non  feulement  dans  fon  Diocêfe ,  mais  par  tout  où  il  dépendroit 

de  lui. 

XXXI.  Cet  Archevêque  étoit  frère  de  l'Evêque  de  Paris,  &    Bigreffu» 
de  Jean  de  M  ont  aigu  Grand  Maître  de  France ,  à  qui  le  Duc  de  ""tionlZ* 
Bourgogne  avoit  fait  couper  la  tête  en  140.9.  Comme  ce  Duc  gu  Âréeve- 
avoit  juré  la  perte  de  ce  Prélat,  parce  qu'il  étoit  undesprinci-  îuedeSem° 
paux  Confeillersdu  Duc  d'Orléans  >i\  fut  expofé à  une  très-cruelle 
perfécution.  LeMoine  de  St.  Denys  raconte  en  ces  termes  comment 

il  fe  tira  des  mains  d'un  Officier  du  Roi  que  le  Duc  de  Bourgogne 
a  voit  envoyé  pour  l'arrêter ,  &  qui  l 'arrêta  en  effet.  Fkifàntw/t 

Fij 


44       HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.  i  % .  ne  de  vouloir  voler  un  oyfeau  avec  un  épervier ,  il  mit  en  haleine  un  bon 
coureur  qu 'il '  mont  oit ,  &  il  s'envola  lui-même  afin  garde.  En  141 1. 
lesfadieux  fe  faifirent  du  temporel  &  du  fpiricuelde  l'Eglife  de 
Sens ,  fous  prétexte  de  le  mettre  entre  les  mains  du  Roi.  »  L'Evê- 
»  que  de  Paris ,  dit  le  Moine  de  St.  Denys ,  fon  frère ,  en  fouffrit  au- 
»  tant  5  6c  avec  d'autant  moins  de  juftice ,  que  c'étoit  un  bon  nom- 
as»  me,  fimple,  6c  paifible ,  qui  comme  banni  qu'il  étoit,  6c  privé 
»  par  ordre  du  Roy  de  toute  forte  de  commerce ,  6c  d'intelligence 
»  avec  ceux  de  la  Ville  ^n'étoit  coupable  que  des  larmes  qu'il  ver- 
»  foit  au  jufte  reffentiment  de  la-condamnation  de  fon  frère ,  Mef- 
»  fire  Jean  de  Mont  aigu  3  Grand- Maître  de  l'Hôtel  du  Roy ,  qu'il 
»eftimoitinjuft.e».  Ces  deux  Prélacs  furent  rétablis  dans  leurs  bé- 
néfices &  dignitez  en  141  2.  L'Archevêque  fe  trouva  en  141 3. au 
Confeil  du  Roi ,  où  les  Auteurs  de  la  /édition  qui  étoient  abfents 
furent  bannis  à  fon  de  trompe ,  6c  en  14 14.  dans  celui  où  fut  pu- 
h)  Moine  de  bliée  l'Amniftie  des  partifans  du  Duc  de  Bourgogne  (a).  Quelque 
St.  Denys  temps  après ,  l'Archevêque  quitta  la  mitre }  pour  prendre  le  caf- 
chlp.xi.  £îueî  &  fut  tué  en  141  5.  à  la  bataille  dy^4 encourt  (b). 
(b)  GaWa  Jean  Gerfin ,  qui  parla  après  cet  Archevêque ,  conclut  à  remer- 
chrjP'6r'  cier  le  Roi  de  fon  zèle  pour  la  foi  Catholique ,  6c  à  déclarer  incef- 
fament  pour  le  bien  de  la  paix  ,  6c  de  la  tranquillité  du  Royaume , 
quelespropofitionsen  queftionavoientété  condamnées  canoni- 
quement6cen  bonne  6c  due  forme.  Ilprefenta  même  un  Formu- 
laire de  cette  condamnation.  Un  autre  Dodeur  nommé  Petit , 
Chanoine  de  l'Eglife  de  Paris ,  déclara  qu'il  ne  prétendoit  pas  re- 
tarder l'affaire ,  mais  qu'il  la  trouvoit  extrêmement  délicate,  & 
que  comme  il  ne  s'étoit  jamais  rencontré  en  lieu  où  elle  eût  été 
agitée,  il  ne  pouvoir  pas  pour  le  préfent  en  dire  fon  avis.  Il  y  en 
eut  un  autre,  nommé  Guillaume Beville  Auguftin  ,  qui  opina  qu'on 
devoit  renvoyer  le  jugement  de  cette  affaire  à  la  Cour  de  Rome, 
afin  que  les  proportions  pulTent  être  condamnées  par  tout  ,  6c 
non  à  Paris  feulement.  Mais  Matthieu  Roder  D odeur  en  Théolo- 
gie fut  d'avis  qu'elles  fuflent  condamnées  fans  délai,  6c  fans  ren- 
voi à  la  Cour  de  Rome.  Il  n'y  en  eut  point  de  plus  emprefTé  à  cette 
condamnation  que  Henri  le  Barbu  Evêque  de  Nances,  6c  Légat 
du  Pape  en  Bretagne  (1).  A  la  referve  de  trois  ou  quatre  qui  ne 
voulurent foufFrir aucun  délai ,  parce,  difoient-  ils,  qu'il  ne  s'a- , 

(1)  Henri  le  "Barbu  abbé  de  l'Ordre  de  Cifteaux,  Dodeur  en  The'ologie,  Chancelier  du  Due 
de  Bretagne,  Nonce  du  fiége  Apostolique  en  Bretagne ,  l'un  des illuftres  Prélats  de  ce  temps- 
là.  Sammmb.  Gall.  Chrift.T.  III. 


D  <E       PISE.     Liv.  VIL  45 

gifïbit  pas  de  Ravoir  files  propofitions  étoienc  de  'Jean  Petit  s  mais  \±ix. 
ièulement  fi  elles  écoienc  hérériques  ou  non5  cous  les  aucres  furenc 
d'avis,  qu'à  caufe  de  rimporcance  de  la  matière,  on  communi- 
quât à  chacun  en  particulier  les  pièces  qui  avoienc  été  lues  en  pu- 
blic, afin  que  tout  le  monde  en  pût  juger  avec  connoifîance  de 
caufe.  C'eft  à  quoi  conclurent  auffi  l'Official  de  l'Evêque,  &;  le 
Vicaire  de  l'Inquifiteur  5  &  les  Pièces  furent  en  effet  communi- 
quées. 

XXXII.  L'Evêque  &  l'Inquifiteur  fe  trouvèrent  à  cette  action.  Troijîeme  Ac- 
On  y  délibéra  fur  deux  queflions.  L'une,  fi  les  Propoficions  de  "'"' 
Jean  Petit  y  qui  furent  encore  lues,  étoient  faufles  &  erronées. 
L'autre,  s'il  falloit  procéder  à  leur  condamnation  ,  &  comment  ip.Deccmb. 
il  falloit  s'y  prendre.   L'avis  de  l'Evêque  de  Nantes  fut  le  pre-  &fuivans* 
mier  qu'on  lut  dans  cette  Ailemblée.  Il  réfuta  fort  au  long  par  des 
raifons  folides,  par  des  témoignages  de  l'Ecriture,  des  Pères  & 
des  Scholaftiques,  la  première  Propoficion  ,  qui  aucorife  l'aflafîî- 
natd'un  tyran  ,  de  quelque  manière  qu'il  fefafîe ,  fans  aucun  ordre 
fuperieur,  &  malgré  toute  alliance  éc  confédération.  Comme  les 
autres  proportions  font  des  conféquences  de  la  première,  il  s'éten- 
dit moins  à  les  combattre.  Il  conclut  fon  avis  à  condamner  publi- 
quement &  fans  délai  ces  proportions ,  àc  même  à  faire  le  Procès  à 
l'Auteur,  quoi  que  mort  (  1  ) ,  comme  cela  s'étoit  pratiqué  en 
plufîeurs  occasions,  &il  répond  aux  fcrupules  de  ceux  qui  crai- 
gnoient  que  cette  condamnation  ne  fût  caufe  de  quelque  trouble 
dans  l'Etat. 

L'Abbé  de  St.  Germain  des  PrezJ^i)  ne  fut  pas  d'avis  qu'on  allâc 
fi  vîte.  »  Si  ces  Propofitions ,  difoic-il ,  n'ont  pas  été  dogmatifées 
«par  quelqu'un,  il  ne  faut  pas  les  condamner,  de  peur  qu'elles  ne 
«tournent  au  deshonneur  de  la  France.  Que  fî  elles  ont  été  dog- 
„macifées,  il  faut  plus  de  temps  pour  en  délibérer.  Il  concluoit 
donc  à  renvoyer  l'affaire  au  flége  deRome,ou  au  prochainConcile 
général.  L'Abbé  de  St.  Benys  (})  foûtenoitau  contraire^qu'il  n'y 
avoit  point  de  temps  à  perdre  à  condamner  publiquement  une 

(1)  Il  mourut  en  141 1 ,  àeequ'ondit,  fort  repentant,  àHefdin  en  Artois. 

\z)  L'Abbaye  de  St. Germain  des  Prêtée  la  Congrégation  de  St.  Manr  à  Paris  eft  fart  an- 
cienne. Elle  s'appelloit  auparavant  de  St.  Vincent,  &  elle  prit  le  nom  de  St.  Germain,  de  l'é- 
Têque  de  Paris  nommé  Germain,  qui  y  fut  inhumé  fur  la  fin  du  VI.  liécle.  On  prétend  qu'elle 
fut  fondée  par  Cbildebert ,  &  que  ce  monaftere  étoit  autrefois  la  fépulture  des  Rois  de  France. 
Cette  Abbaye  a  fourni  &  fournit  encore  de  grands  hommes  dans  les  Sciences  &  les  belles  Let- 
tres. L'Abbé  d'alors  étoit  Guillaume  l'Evêque,  qui  mourut  en  1418.  Snmmart.  Gall.  Chrift. 
T.  I  V. 

(  3  )  Abbaye  de  Henediïïins  auprès  de  Paris  fondée  dans  le  VII.  fiécle  par  Dag»bert. 

F  iij 


46       HISTOIRE    DU     CONCILE 

.  propofltion  pernicieufe }  deflrudtive  de  l'Etat ,  &  de  tous  les  liens 
d'alliance  &  d'amitié,  qui  renverfe  les  fondemens  delà  Religion 
chrétienne  3  6c qui  par  conféquent  eft hérétique,  ce  qu'il  prouve 
par  plufieurs  raifons.  Il  prétendoit  même  que  c'étoit  fe  rendre 
îufpecl  d'héréfie  que  de  héfiter  le  moins  du  monde  là-deiTus. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'être  furpris  que  l'Abbé  de  St.  JDenys  ait  opiné 
de  cette  manière,  fi  c'en: lui  qui,  comme  quelques  Sçavans  l'ont 
conjecturé,  plaida  fi  éloquemment  la  caufe  de  laDucheile  3  6c 
des  Ducs  d'Orléans.  Quoi  qu'il  en  foit,  l'Abbé  d'alors  étoit  Phi- 
C^fiammèrt.  lippe de'Vilette Do&eur  en  Théologie  6c  excellent  orateur(a  ).  On 
T.iv.p.jjg.  prétend  qu'il  fe  flgnala  ,  aufîi-bien  que  Courte  cuiffe ,  contre  Benoit- 
JflII.  dans  le  Concile  de  Paris,  Cependant  je  trouve  dans  l'Hif- 
toiredu  Moine  de  St.  Denys ,  que  cet  Abbé  fut  foupçonné  d'être 
dans  les  intérêts  de  ce  Pape  ,  &  que  même  il  fut  arrêté  avec  l'Eve- 
que  de  Gap  3  quelques  Chanoines  de  Paris  3  &  autres  perfonnes  de 
condition:  «Lefquels,  dit  le  Moine  de  St.  Denys ,  fans  garder  au- 
cune forme,  &  fans  information  6c  fans  preuve  juridique  ,  furent 
»  conduits  au  Palais  royal  3  &  de  là  transferez  au  Chafteau  du  Lou- 
»vre  3  où  l'on  les  tint  long-temps  prifonniers.  On  les  traita  de 
»  fauteurs  du  fchifme,  6c  de  criminels  de  leze-majefté  pour  les  ren~ 
»  dre  plus  odieux ,  6c  on  les  accufa  particulièrement  de  n'avoir  pas 
«  donné  avis  au  Roi  des  Lettres  que  Pierre  de  Lune  lui  devoit  en- 
»  voyer  j  mais  ils  en  furent  déchargez  par  Maiftre  Sancio  Zupi ,  qui 
«lesavoitprefentéesauRoi,  6c  par  le  Chevaucheur  d'écurie  qui 
»  en  avoit  rendu  defemblables  au  Duc  de  Berry  j  car  ayant  efté 
»  pris  ils  conférèrent  ingenuemenr ,  qu'eux-mefmes  n'avoient  rien 
(bj  Moine  de  »  fceu  de  leur  contenu  ,  auparavant  que  de  les  préfenter  (b). 
n\DL)S ubt  Malgré  cette efpéce de  juflification ,  on  ne  iaiila  pas  de  les  re- 
£XVÏil.  tenir  en  prifon  ,  ôc  de  leur  donner  des  Commifiairespourinfbruire 
leur  procès.  On  joignit  à  ces  Commiflaires,  par  l'entremife  de 
l'Univerfité ,  un  pareil  nombre  de  Dodeurs.  Mais  le  même  Hif-, 
torien  fe  plaint  que  ces  Docteurs  étoient,  ou  fi  ignorans  ,  ou  fi 
pafîionnez  &  fi  partiaux  ,  que  la  condition  des  prifonniers  en  de- 
vint pire,  parce  qu'ils  étoient  juges  &  Parties.  »  C'étoient  des 
«Théologiens  6c  des  Maîtres  es  Arts,  dit  le  Moine  de  St.  Denys , 
«plus  propres  aux  difputes  qu'à  l'examen  des  procès,  où  ils  n'a- 
»  voient  aucune  expérience ,  lefquels  appuyez  de  l'authorité  roya- 
le, &  aufli  perfuadez  de  Surcapacité  que  de  leur  crédit,  rirent 
«par  après  emprifonner  beaucoup  de  gens ,  qu'il  fallut  depuis  re- 
>4afchçr  }  après  qu'ils  curent  juitirié  de  leur  innocence.  Cela  fuc 


DE      PISE.     Liv.  VII.  47 

»caufe  (Tune  conteftation  perpétuelle  entr'eux,  Se  les  Jurifcon-    141 3. 
«fuites  leurs  Collègues  3  qui  dura  autant  que  la  Comfnriïïon.  Ils 
»  perdirent  feiemment  beaucoup  de  temps  devant  que  de  procé- 
>»  der  à  i'inftruction  ni  au  jugement  des  prifonniers  :  ils  ne  fè  fou- 
»  ciérent ,  ni  des  avis  ,  ni  de  l'Ordonnance  du  Chancelier  de 
»  France,  qui  confentoit  à  leur  liberté  ,  &  n'alléguoient  autre 
»chofe  ,  finon   qu'ils  avoient  commis  crime  de  leze  -  majefté , 
»  &  qu'ils  étoient  fauteurs  du  fchifme  ,   pour  avoir  conseillé , 
.»  rendu  ou  teu  3  ou  celé  les  Lettres  de  Pierre  de  Lune ,  dont  pour- 
»  tant  on  ne  trouva  coupables  que  Sance  Lupi  3  &  le  Chevaucheur 
»  d'écurie.  Les  Accufez  Te  fousmirent  plufîeurs  fois  au  jugement  de 
»  la  Cour  de  Parlement ,  &  de  l'Evesque  de  Paris  _,  fur  tout  ce  qui 
»leurpourroit  eftre  imputé  3  6c  le  Roi,  les  Ducs  &  les  Prélats  du 
»  Royaume l'eftimerent  très  jufte,  mais  il  fut  impoffible  d'y  faire 
»confentir  ces  Juges  pafîionnez,  qui  le  refuférent  toujours  abfo- 
«lument,  afin  que  l'ennuy  d'une  longue  &:  fafcheufe  prifon  les 
»obligeafl  de  fe  fousmettreàleur  Sentence.  Cela  fit  voir  claire- 
»  ment  qu'ils  n'avoient  de  zèle  que  pour  la  fatisfa&ion  d'une  ani- 
»  mofité  qui  les  rendoit  indignes  d'une  authorité  dont  ils  abu- 
»foient(a).  Après  avoir  été  fi  longtemps  retenus  en  prifon,  la  (a)  Moine  de 
«Reine,  lesDucsdeGa/Vw^,  de  Berri  6c  de  Bourbon  3  voyant  que  St.Denp  ubi 
quelques-uns  de  l'Univerfîté  s'oppofoient ,  plus  par  entêtement  upr* 
que  par  raifon  ,  à  la  liberté  de  l'Abbé  de  St.  Benys  &  de  l'Evêque 
de  Gap ,  ils  les  envoyèrent  quérir  par  le  Cardinal  de  Bar,  &,  les 
taillèrent  aller  (b).  Au  refte ,  c'eft  à  Philippe  de  Vilette ,  auffi  bien  (V)  Moine  de 
qu'à  Gui  de  Monceaux  fon  prédecelîeur ,  qu'on  doit  l'hiftoire  de p'*^**!  * 
Charles  VI.  que  l'on  vient  d'alléguer,  un  Religieux  de  cette  Ab-VU. 
baye  l'ayant  compofee  par  leur  ordre. 

Cependant  le  Docleur  Petite  Chanoine  de  Paris,  écoit  du  nom- 
bre des  circonfpe&s.  Il  allégua  plufîeurs  exemples  où  l'on  n'avoit 
pas  agi  avec  tant  de  précipitation  dans  la  condamnation  de  certai- 
nes erreurs.  Il  femble  même  qu'il  voulût  infinuer  que  les  eopiesde 
lapropofition  de  Jean  Petit  n'étoient  pas  fidèles,  &,  conformes  à 
l'original  qu'il  diloit  avoir  vu.  Ce  qui  le  faifoit  conclure  à"  afîem- 
bler  les  Théologiens  èc  les  Canoniftes  de  diverfes  Univerfïtez , 
pour  difeuter  la  matière ,  &  la  renvoyer  au  Concile.  Trois  autres 
Docteurs  furent  à  peu  près  de  ce  même  avis,  comme  le  Curé  de 
St.  Maturin,  le  Do&eur  Jean  de  Courtecuiffe  (1),  Aumônier  du 

(1)  Il  fut  evécjuede  Paris  en  142p.  mais  étant  Dàaî  voulu  de  Henri  Y,  roi  d'Angl.'tçrre  ,  il 
palTa  à  l'Evêchc  de  Genève-, 


48       HISTOIRE    DU     CONCILE 
14.1  x      ^°'i  &  l'Abbé  de  Verfel.  "Jean  Gerfon  fut  du  même  fentiment  que 
PEvêque  de  Nantes,  à  la  relerve  qu'il  ne  vouloir  pas  que  l'on  pour- 
fuivît  les  perfonnes ,  ni  leur  mémoire.   Il  répondit  aux  raifons  que 
quelques-uns  avoient  alléguées  pour  juftifier,  ou  pourexcufer  les 
propofitions  3  aufli  bien  qu'aux  îcrupules  que  quelques  autres  fon- 
d oient  fur  l'étac  prefent  du  Royaume,  ou  fur  la  crainte  qu'on  avoit 
du  Duc  de  Bourgogne.  Et  pour  fortifier  fon  fentiment ,  aux  fept 
propofitions  fur  lefquelles  on  déliberoit ,  il  en  joignit  plufieurs  au- 
tres tirées  de  la  Jujlïfication  du  même  Duc.  Le  fentimentde  l'Evc- 
que  de  Nantes ,  &  de  Jean  Gerfon  fut  fuivi  par  environ  trente  Doc- 
teurs. Il  y  en  eut  quelques-uns  qui  trouvoient  à  la  vérité  que  les 
-propofitions  étoient  erronnées  3  mais  qui  fe  remettoient  néanmoins 
àrEvêqueôcàrinquifiteur,  pourfçavoir  s'il  falloir  les  condam- 
ner à  prefent ,  ou  en  remettre  la  condamnation  à  un  autre  temps. 
Quelques  autres ,  mais  en  petit  nombre  3  excuférent  du  mieux 
qu'ils  purent  les  propofitions  y  &  en  remirent  le  jugement  au  Con- 
cile général.  Mais  le  plus  grand  nombre  étoit  d'avis  de  différer 
la  condamnation  par  divers  motifs  ,  les  uns  prétendant  que  la 
matière  n'étoit  pas  encore  fufHfamment  éclaircie  ,  tant  pour  le 
droit  que  pour  le  fait  ;  les  autres  que  le  jugement  en  appartenoit 
à  la  Cour  de  Rome ,  ou  au  Concile  général  h  quelques-uns ,  qu'il 
falloit  auparavant  communiquer  les  propofitions  au  Duc  de  Bour- 
gogne j  prefque  tous  jugèrent  qu'on  ne  pouvoir  décider  la  queflion 
de  droit  fans  être  éclairci  fur  la  queflion  de  fait ,  fçavoir  fi  les  pro- 
pofitions étoient  de  Jean  Petit  ou  non.  Comme  l'incertitude  fur  la 
queflion  de  fait  étoit  le  plus  grand  obflacle  à  prononcer  fur  la 
queflion  de  droit ,  on  entendit  ce  jour-  là  deux  Maîtres  aux  Arts, 
qui  dépoferent  avec  ferment  &  en  prefence  de  Notaires,  ques'e- 
tant  trouvez  dans  la  maifon  de  Jean  Petit  quelque  temps  après 
qu'il  eut  prononcé  fa  Jufiification  du  Duc  de  Bourgogne ,  fon  Secré- 
taire leur  avoit  di&é  ,  &  en  même  temps  3  à  environ  douze  aurres 
perfonnes  3  cette  Apologie,  &  qu'ils  l'avoient  écrite  auffi  fidèle- 
ment qu'ils  avoient  pu  5  que  Jean  Petit  lui-même  avoit  fou  vent  été 
prefent  pendant  qu'ils  écrivoient,,  &  qu'il  avoit  témoigné  que 
fon  Secrétaire  leur  dicloit  juflej  qu'ils  éroient  perfuadez  en  leur 
confeience  que  ce  qu'ils  avoient  écrit  étoit  le  propre  Ouvrage  de 
Jean  Petit ,  à  l'exception  de  quelques  noms  de  grands  Seigneurs, 
qu'on  avoit  effacez.  L'un  de  ces  témoins  indiqua  où  étoit  fa  co- 
pie, &  offrit  de  la  faire  venir  &  de  la  remettre  entre  les  mains  de 
î'Evêque.  L'autre  déclara  qu'il   ne  fçavoit  où  étoit  la  fienne. 

Mais 


DE       PISE.     Liv.  VIL  49 

Mais  fur  la  le&ure  qu'on  lui  fît  d'une  copie  dudit  Ouvrage  de  Jean  1413. 
Petit ,  il  témoigna  qu'elle  étoit  entièrement  conforme  à  la  fîenne. 
Il  fe  pafla  quelques  jours  fans  qu'on  fe  raiïemblât,  &  pendant  ce 
temps-là,  on  ramaiîa  tout  ce  qu'on  pouvoir  de  copies  de  l'Ou- 
vrage de  Jean  Petit.  Le  cinquième  de  Janvier  l'Official  de  l'Eve-  14 14, 
queôcle  Vicaire  de l'Inquifiteur en  ayant  prefenté  divers  Exem- 
plaires nommèrent  feize  D o&eurs pour  les  examiner,  les  colla- 
tionner  dienfuite  en  faire  leur  rapport.  Iispropoferenten  même- 
temps  de  députer  au  Duc  de  Bourgogne,  pour  lui  communiquer 
les  articles  attribuez  à  Jean  Petit ,  &  les  procédures  du  Synode. 
Les  avis  ayant  été  partagez  on  ne  prit  aucune  réfolution  là-deflus 
ce  jour  -  là  j  mais  deux  jours  après  on  députa  en  effet  Pierre  Flou- 
re  Dominicain  au  Duc  de  Bourgogne  ,  pour  le  prier  d'agréer  les 
démarches  du  Synode,  &  pour  lui  protefter  qu'elles  n'avoient  en 
vue  que  la  défenfe  de  la  Foi  &;  la  tranquillité  du  Royaume. 

XXXIII.  Les  jours  fuivans  furent  employez  à  collationner  les  Q2atriemt 
exemplaires  de  l'Ouvrage  de  Jean  Petit.  On  les  trouva  confor-    ^janvier 
mes ,  à  la  réferve  de  quelques  varietez  qui  n'altèrent  point  le  fens.  &  fuivant. 
Le  plus  grand  nombre  des  Docteurs  jugea  que  non  feulement  les  I414' 
feptpropofitions  y  étoient  contenues  formellement  ,  mais  qu'il  y 
en  avoit  encore  beaucoup  d'autres  qui  n'étoient  pas  moins  dange- 
reufes ,  6c  l'on  en  compta  même  jufqu'à  trente-fept.  Mais  les  Doc- 
teurs jugèrent  à  propos  de  les  réduire  aux  neuf  que  voici. 

1. 1 1  efl  licite  à  un  chacun  Subjctt ,  fans  quelconque  mandement  oti 
commandement ,  félon  les  Loix  moralle ,  naturelle  ,  &  divine ,  d'occire 
ou  faire  occire  tout  tyran  quiparconvoitife ,  barat  3  fortilege  ,  ou  ma-  Bann  tf  ma- 
Icngin ,  machine  contre  lefalut  corporel de  fon  Roy  ,  &  fouverain  Sei-  lf"£m> c  eft- 
gneur ,  pour  luy  tollir  fa  très  noble  &  très  haulte  Seigneurie ,  $*  non  pas  perie  $  fi-mt- 
feulement  licite  ,  mais  honnorable  &  méritoire ,  mefmement  quand  il  eft  de-  MeJmc- 

1     r  1  rr  ■    n  ■  i  n       r   ■  i    «««rveutdi- 

de  Ji  grande  puijjance ,  quejujhce  ne  peut  bonnement  ejtre  faite  par  Le  re;ci  fur  teutt 
Souverain. 

2.  Les  Loix  naturelle ,  moralle  &  divine ,  autorifent  un  chacun 
d'occire ,  ou  faire  occire  ledit  tyran. 

3 .  Il efl  licite  a  un  chacun  Subjeci ,  d'occire  ou  faire  occire  le  furnom- 
mé  tyran  trahi flre  &  defloyal  k  fon  Roy  &  fouverain  Seigneur,  par 
aguettes  &  efpiemens  ,  &fi  efl  licite  de  di.fjîmuler  &  taire  fa  voulenté 
de  ainfî faire. 

4.  C'ejl  droit  3  rai  fon  &  équité ,  que  tout  tyran  fit  occis  vilaine- 
ment 3  par  aguettes  fy*  efpiemens ,  (j?  efl  la  propre  mort  de  quoy  doivent 

Tom.  II.  Part.  II.  G 


50       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1 4. 1 4.     7noUYir  tyrans  dejloyaux ,  de  les  occire  vilainement  3  par  bonnes  cauteU 
Us ,  &  efpiemens. 

5 .  Cilqni  occit  &fait  occire  le  tyran  de/fus  nommé ,  es  manière  que 
dit  efi ,  ne  doit  de  rien  eftre  repris ,  &  ne  doit  pas  feulement  le  Roy  en 
eftre  content  3  mais  doit  avoir  le  fait  agréable  ,  &  l'autorifer  entant  que 
meftier  ou  befoing  feroit. 

6.  Le  Roy  doit  guerdonner  &  rémunérer  celui  qui  occit  en  la  manière 
que  dit  efi ,  ou  fait  occire  le  tyran  deffus  nommé  ,  et:  trois  chofes  3  c'efi  à 
fçavoir  en  amour ,  honneur  &  richeffes ,  à  l'exemple  des  rémunérations 
faites  a  St.  Michel  l'Archange  3  pour  l'expulfionde  Lucifer  du  Royau- 
me de  Paradis  ,  &  au  noble  homme  Phinées  ,  pourl'occifïondu  Duc 
Zambri. 

j.  Le  Roy  doit  plus  aimer  queparavant  celui  qui  occit  ou  fait  occire 
le  tyran  fufnommè  ,  es  manières  deffus  dite  s 3  &  doit  faire  prefeher  fa 
foy ,  &  bonne  loyauté par fon  Royaume  ,  &  dehors  le  Royaume ,  le  faire 
publier  par  Lettres  ,  par  manière  d' Epiflre  ou  autrement. 

8.  La  lettre  tué ,  mais  l'efprit  vivifie.  1.  Cor.  III.  6.  c'efi-a-dire  ^ 
que  toujours  tenir  le  fens  literal  en  lafainte  E friture  efi  occire  fon  ame. 

9.  Au  cas  d'alliance  3  ferment ,  promeffe ,  ou  confédération  faite  de 
Chevalier  à  autre  ,  en  quelque  manière  que  cefoit ,  ou  peut  efire  5  s'il 
advient  qu  il  tourne  au  préjudice  de  l'un  des  prometteurs  ,  ou  confédéré^ 
de  fon  efpoufe  3  ou  de  fes  enfans  3  il  n'efi  rien  tenu  de  les  garder. 

Mw"qfl'emS      XXXI V.  Les  Docteurs  ayant  examiné  ces  neuf  Proportions 
iz.  Fcrrier.  pendant  plufïeurs  jours ,  on  s'aflemblale  1  2.  Février  pour  enten- 
dre leur  fentiment.  La  pluralité  des  voix  ayant  été  à  la  condam- 
nation du  plaidoyer  de  Jean  Petit  ,  &  des  neuf  proportions  qui  en 
avoient  été  tirées,  le  tout  fut  condamné  au  feu  le  23.  de  Février, 
par  une  Sentence  de  l'Evêque  de  Paris,  &  de  Tlnquifiteurde la 
Foi,  6c  le  2  6.  le  Livre  fut  brûlé  publiquement.  Peu  de  temps  après 
cette  exécution  le  Roi  de  France  adrefla  des  Lettres  à  fes  Parle- 
mens,  pour  leur  enjoindre  de  mettre  la  Sentence  dans  leurs  Re- 
giftres.  Elle  ne  fut  pourtant  enregiftrée  au  Parlement  de  Paris 
que  le  14.de  Juin  141 6.  Cependant  le  Duc  de  Bourgogne  appella, 
de  cette  Sentence  au  fïége  Apoftolique_,  &  l'affaire  fut  commife 
aux  Cardinaux  des  Vrfins  3  de  Florence,  &à'Aquilée,  par  le  Pape 
Jean  JCJflII. 
Amhtffade      XXXV.  On  a  vu  ci  -  devant  comment  Sigifmond  aiïoit  écrit  au 
ïchnri« vi.  R-°i  de  France  pour  lui  donner  avis  de  la  réfolution  qu'il  avoic 
touchant  u     prifed'aflembler  un  Concile  à  Confiance  au  mois  de  Novembre 
conîiLet    ^e  l'année  prochaine,  &  pour  l'y  inviter.  Cet  Empereur,  à  qui 


DE      PISE.     Liv.  VIL  51 

l'Hiftoire  rend  unanimement  le  témoignage  de  n'avoir  rien  né-     14.14, 
gligé  pour  rendre  ce  Concile  auflî  complet  &  auflî  canonique 
qu'il  pouvoir  l'être ,  ne  fe  contenta  pas  des  Lettres  circulaires  qu'il 
écrivit  par  toute  l'Europe,  il  envoya  auffi  des  ambaflades  folem- 
nelles  à  tous  les  Rois  Chrétiens.  Celle  de  France  eut  une  audience 
favorable  du  Roi  le  9.  Décembre.  Je  rapporterai  ici  dans  les  ter- 
mes du  Moine  de  St.  Denys  la  réponlè  qu'il  fit  à  ces  Ambafladeurs. 
«Tout  le  monde fçait  que  le  Sereniffime  Roy ,  icy  prefent,  a  tra- 
»  vaille  de  toutes  les  forces  à  l'extirpation  du  Schifme  déteftable  % 
«qui  avoit  banni  &  chalTé  dans  un  profond  exil  3  lapaixdel'E- 
»glife,  toujours  fl  chère  à  nos  Princes,  6c  qu'il  n'a  rien  oublié 
«pour  la  faire  retourner  en  fon  lit,  quieft  l'Eglife,  comme  en  fa 
»  terre  natale ,  6c  à  fon  centre.  C'eft  une  vérité  fî  publique  6c  lî 
»  manifefte  ,  que  nous  ne  croyons  pas  que  voftre  prudence  ignore 
»que  depuis  trente  années  entières,  il  a  fans  celle  envoyé  avec 
»  beaucoup  de  peine  6c  de  dépenfes  des  Ambaflades  célèbres  par 
»  toute  la  Chreflienté  ,  pour  avoir  le  mérite  6c  la  joye  de  yoir  en 
»  fon  temps  efclatter  le  vifage  ferein  de  cette  bienheureufe  union. 
»  En  effet,  il  croyoiteftre  venu  au  comble  de  fon  fouhait,  5c  il  (è 
«flattoit  avec  raifon  d'avoir  atteint  un  bien  fî  déliré,  quand  les 
«deux  Contendans  jurèrent  de  renoncer  librement  à  leur  droit, 
«foitjufte  ou  prétendu  tel,  6c  quand  ils  promirent  de  s'aboucher 
«enfembleà  cette  fin.  Mais  quand  il  les  reconnut fl  aveuglez  de 
»  l'ambition  de  dominer ,  de  qu'il  s'apperceut  des  fuites  qu'ils  cher- 
»  choient,  S<.  desdifficultez  interminables  qu'ils  faifoient  naiftre 
«comme  de  concert  entre  eux,  touchant  le  lieu  de  l'entreveuë, 
»  6c  que  ces  difputes  n'alloient  qu'à  perdre  le  temps  en  vain,  il  fe 
»  refolut  de  n'obeïr  nia  l'un  ni  à  l'autre,  6c  pria  les  Rois  &  les 
»  Princes  de  prendre  ce  parti  pour  arrefter  la  durée  de  cette  perni- 
»  cieufe  divifïon.  L'affaire  touchoit  principalement  les  Cardi- 
naux, 6cdépendoit  du  jugement  des  deux  Collèges  j  c'eft  pour- 
«quoi  pouffez,  comme  l'on  croit,  d'une  infpiration  divine  ,  ils 
»  s'afTemblerent  enfemble  6c  convièrent  par  Lettres  les  plus  confî- 
«dérables  Prélats  3  Se  les  plus  illuftres  perfonnes  du  Clergé,  d'I- 
»talie,  de  France,  d'Angleterre  ,  et  des  autres  Nations  ,  de  fe 
»  rendre  au  Concile  général  par  eux  aflîgné  à  Pife ,  où  ils  fupplie- 
»  rent  pareillement  les  deux  Compétiteurs  de  fe  vouloir  trouver, 
m  pour  accomplir  ce  qu'ils  avoient  promis  6c  protefté  par  ferment. 
«Neantmoinsils  demeurèrent  en  leur  endurcifîementd'efprit:  6c 
»  comme  c'eftoit  témoigner  qu'ils  ne  faifoient  aucun  eflat  de  leurs 

Gij 


i4H. 


5i       HISTOIRE     DU     CONCILE 

»  avis  falutaires,  par  le  confeil  &  du  confentement  unanime  de 
cous  les  Ecclefiaftiques  là  prëfens ,  8t  qui  ont  en  cela  fuivi  l'ordre 
du  droit ,  ils  les  déclarèrent  contumax  &  indignes  de  la  dignité 
Apoftolique ,  ôcpaflant  outre,  ils  éleurent  pour  fouverain  Pon- 
tife, parlefufFrage  univerfel  de  l'Eglife  aflemblée,  Mre  Pierre 
de  Candie  d'immortelle  mémoire  ,  Cardinal  de  Conftantinople , 
lequel  prit  le  nom  à' Alexandre.  Ainfi  donc,  Reverens  Seigneurs, 
le  Roy  noftre  très  redouté  Seigneur  ratifia  &  agréa  ce  que  l'E- 
glife, comme  dit  efl ,  aiîemblée  en  nombre  fufTifant  ,  avoit  dé- 
cerné &  par  un  concours  mutuel  d'eftime  6c  d'affedion  avec  les 
autres  Rois  &  Princes  Chreftiens,  il  reconnut  ledit  Seigneur 
Alexandre  pour  véritable  &  pour  certain  Vicaire  de  Je  fus-  Chrifi  : 
&  celui -ci  ayant  eu  un  légitime  fucceiîeur  en  la  perfonne  du 
Pape  Jean,  il  lui  a  jufquesàpréfent  pareillement  obey,  comme 
à  celui  qui  avoit  efté  canoniquement  élevé  au  Throfhe  Apofto- 
lique  ,  &  comme  à  l'unique  Pafteur  de  l'Eglife  univerfelle  j  &; 
fon  intention  eft  de  continuer  à  lui  obeïr,  tant  qu'il  ne  refufera 
pas  décéder  Ton  droit.  Toutefois  comme  fa  Majefté  juge  favo- 
rablement des  deileins  &  des  delirs  de  fon  bien  aimé  Coufîn , 
auquel  elle  fe  recommande  très  affedueufement,  elle  ne  veut 
point  en  empefeher  aucun  de  fes  Subjets,  s'ils  y  veulent  aller 
volontairement.  Comme  ce  grand  Prince  defire  que  fon  Royau- 
me profpere  fous  fon  gouvernement  ,  il  a  la  mefme  afFedion 
pour  l'Eglife  univerfelle,  &  la  croyant  heureufement  rétablie 
fous  la  conduite  de  ce  Pontife,  elle  fouhaitteroit  fi  fort  qu'elle 
demeurait  dans  la  joùiflance  d'une  douce  &  heureufe  paix, 
qu'elle  ne  refuferoic  pas  d'expofer  fa  propre  perfonne  pour  fa 
»protedion. 

Le  Moine  de  St.  Denys  ajoute  que  »  les  deux  Ambafladeurs 
3' étant  venus  en  dévotion  à  noftre  Eglife  de  St.  Denys  ,  je  pris 
»  l'occafion  de  m 'enquérir  d'eux  fi  c'eftoit  le  feul  fujet  de  leur 
»  Députation  ,  &  ils  me  firent  cette  réponfe  :  Nous  nous  en  re- 
tournons vers  noftre  Maiffcre,  &  lui  portons  de  grandes  recom- 
»  mandations  de  la  part  du  Roy  de  France  j  &  ce  ne  fera  pas  fans 
»  nous  louer  de  fa  magnificence  ,  &  fans  publier  par  tout  qu'il 
«nous  a  fait  de  très -riches  prefens  ,  prenant  congé  de  lui.  Ils 
"  me  dirent  encore  familièrement,  que  le  Prince  avoit  envoyé 
»  d'autres  Ambaiïades  folemnelles  à  tous  les  Roys  de  la  Chref- 
"tienté,  pour  le  mefme  fujet  du  Concile,  &  que  comme  on  ne 
»pouvoit  rien  faire  fans  le  confentement  des  trois  prétendans  au 


DE       PISE.     Liv.  VII.  53 

«Pontificat,  il  les  avoit  exhorté  ,  par  Lettres  Se  par  Ambaffa-     1414. 
u  deurs  3  d'y  venir  en  perfonne  ou  d'y  envoyer  de  leur  parc ,  avec 
»  plein  pouvoir  d'accorder  ce  qui  feroit  réfolu  pour  la  paix  de 

»  l'Eglifè  (a).  (a)  Moine  de 

SuDenys.  p. 

Fin  du  Septième  Livre. 


G  iîj 


54 


HISTOIRE     DU     CONCILE 


1414. 

Troubles  de 
"Bohême.  O*- 
r  acier  e  d'Al- 
jbicus. 

(ai  Liv.  V. 


LIVRE      VIII 

SOMMAIRE. 

I.  Troubles  de  Bohème.  Caraclere  d'Albïcus  &  de  Conrad.  II.  Pro- 
cédures de  Conrad  contre  les  EluJJïtes.  Conduite  &  dlfcours  de  Jean 
Hus.  III.  Démarches  de  Jean  JCJfllI.  contre  Jean  Hus.  I  V*. 
Lettre  de  Gerfon  à  Conrad  contre  les  Muljîtes.  V.  Lettre  de  Jean 
JCJTIII.  à  Wenceflas.  VI.  Sentiment  de  Pierre  d' Ailly  fur  l'o- 
rigine du  JHLulJîtifme.  Difcours  des  Eïujjîtes  contre  le  Pape.  VII. 
Confeilde  l'Vniverfitè  de  Prague  contre  les  Huffites.  VIII.  Réponfe 
des  HuJJitesàce  Confeil.  I  X.  Confeilde  Jean  de  Lythomils  fur  le 
Huffitifme.  X.  Edit  de  Wenceflas  contre  les  Huffites.  XI.  Les 
JrluJJîtes  refufent  cet  Edit.  Effet  de  cette  réfutation.  XII.  La  Ville 
de  Prague  eft  interdite.  XIII.  Précis  du  Traité  de  l'Eglife  de  Jean 
Hus.  XIV.  Divers  Traitezjie  Jean  Hus  dans  fa  retraite.  Anato- 
mie  de  ly Ante-Chrifi.  XV.  De  l'abomination  des  Moines.  De  l'a- 
bolition des  Selles  ou  des  Religions.  XVI.  Troubles  en  Angleterre 
au  fujet  de  la  Religion.  XVII.  Converjion  des  Samogitès  &  des. 
Lithuaniens.  XVIII.  Mort  de  Ladiflas.  Préparatifs  &  Traitez^ 
pour  le  Concile  de  Confiance v 

I.  "T)  Ien  loin  que  les  Bulles  de  Jean  JTJflII.  contre  les  Hu/îîtes 
JDeuflent  pacifié  les  troubles  de  Bohême,  elles  n'avoient  fait 
qu'aigrir  les  efprits  de  ces  mécontents ,,  &  que  redoubler  les  hofti- 
litez  de  part  &  d'autre.  On  a  vu  ci-deflus  (a)  la  mort  de  Sbinko  Ar- 
chevêque de  Prague  3  l'indigne  cara&ere  à'Albicus  d'Unkzou  en 
Moravie,  fon  fuccefleur.  On  fe  contentera  d'ajouter  ici  quelques 
particularitez  touchant  ce  Prélat.  Il  avoit  été  Profeflèur  en  Mé- 
decine dans  l'Univerfité  de  Prague ,  6c  on  prétend  même  qu'il  fut 
Auteur  de  quelques  Livres  fçavans.  Balbinus  témoigne  avoir  hi 
un  Traité  qu'il  compofa  fous  le  titre  de  Régime  de  la  fanté ,  owVe- 
tulariustdediéau  Roi,  &  il  parle  afîez  avantageufement  de  cette 
pièce  ,  au  ftile  près ,  qu'il  dit  être  du  dernier  barbare.  La  plupart 
des  Hiftoriens  difent  qu'en  1413.il  acheta  de  Wenceflas  Roi  de 
gohçme  l'Archevpché  de  Prague  ?  contre  les  Canons  ,  n'étant 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  r  5y 

point  Eccléfiaftique.  Enfuice  il  le  vendit  à  Conrad  de  Vveftphalie    1414. 
Evêque  d'Olmutz^,  content  de  la  charge  de  Prévôt  de  l'Eglife  de 
Wifshrad  (  1  )  que  pofTedoit  Jean  d'Antioche  qui  parla  à  l'Evêché 
d'Olmutz  en  la.  ipla.ce  de  Conrad.  Albicus  mourut  en  1417. 

Les  Historiens  ont  auffi  parlé  fort  défavantageufement  de  Con-   CwaBere  h 
rad.  L'Auteur  du  catalogue  des  Evêques  d'Olmutz  en  Moravie ,  c°n„rad  Ar' 
dit  qu'il  étoit  de  Weftphalie  3  &  de  balle  naiflance  (z).  Il  lui  don-  pr^jf. 
ne  la  qualité  de  Sous-Camerier  de  Bohême.  C 'étoit ,  dit-il ,  un  hom- 
me vain ,  &  prodigue  3  ils' étoit  rendu  infâme  par  l'exercice  de  la  2VV- 
cromancie ,  par  les  fortiléges.  Jldiffîpa  les  biens  de  l'Eglife  d'Olmut^ 
dont  il  étoit  Eve  que ,  les  engageant  en  partie  au  Roi  Wenceflas  ,  en 
partie  aux  Grands  de  Moravie.  Ayant  été  promu  enfuite  à  l'Arche- 
vêché de  Prague  par  la  faveur  du  Roy  ,  il  en  ufa  3  félon  cet  Au- 
teur r  à  l'égard  des  biens  de  cet  Archevêché  comme  il  en  avoit  fait 
àOlmutz.  Il  ajoute  enfin  qu'après  le  fupplice  de  Jean  Mus ,  &de 
Jérôme  de  Prague  il  fe  fit  HuiTue. Dubrauwsky  (a)  Evêque  d'Olmutz   (a)  ïïijl.  £*- 
dit  à  peu  près  la  même  chofe  de  Conrad ,  à  la  referve  qu'il  le  taxe  ^xin  b 
d'avarice,  au  lieu  que  l'autre  en  fait  un  prodigue.  Mais  ces  deux  623. 
vices  ne  font  pas  au  fond  incompatibles.  Il  ne  l'accufe  ni  de  forui- 
lege  ni  de  Nécromancie ,  comme  fait  Augu(lin.  Il  lui  rend  même 
ce  témoignage ,  qu'au  commencement  il  fit  fort  bien  fon  devoir 
contre  les  Huffires  ,  ou  Calixtins.  Comme  il  ne  vouloit pas ,  dit-il , 
leur  donner  affezjle  Temples  à  leur  gréais  folliciterent  contre  lui  Nico- 
las de  Huflinetz^^r  en  demander  au  Roi-,  &  voici  la  réponfe  que 
PHiftorien  met  dans  la  bouche  de  ce  Prince.  Vous  nefilez^pas  fi  fin 
que  je  riaye  affez^  bonne  vue  pour  voir  votre  ouvrage.  Vous  croyez^  vous 
faire  de  la  toile  de  votre  fil,  mais  prenez^garde  que  vous  nenfaffîez^ 
une  corde  pour  votre  cou.   Le  Jefuite  Balbinus  nous  apprend  quel- 
ques autres  particularitez  touchant  cet  Archevêque.  Il  n'étoic 
pas,  félon  lui,  de  fî  baiîe  extraction  que  l'a  prétendu  Augufiin , 
puifqu'il  l'appelle  Comte  de  Wechta.  Il  le  reprefente  comme  un 
homme  fort  inconftant.il  avoit  obtenu  de  Boniface  IJT.  en  1403. 
l'Evêché  de  Eerden  (3),  d'où  il  fut  promu  par  Wenceflas  à  celui 
d'Olmutz ,  puis  à  l'Archevêché  de  Prague ,  dont  il  vendit ,  &  alié- 
na tous  les  biens  qui  montoient  à  plus  de  cent  mille  écus  ou  ducats 
d'or,  pour  envoyer  l'argent  en  Weftphalie.  Non  content  de  cet- 
te dignité  déjà  fort  lucrative ,  fon  avarice  le  fit  afpirer  à  des  char- 
Ci.)  C'eft  le  Palais  Royal  de  Prague. 
'  (2)  Augujlinus  Olomittx..  $  Brunens.  Prœpes,  Sttpretn.  Reg.  Secret,  apud  Dubravv.  Hift.  Bo* 
hem.  p.  874. 

0)  Ou  Verden  dans  le  pais  de  Brème. 


56       HISTOIRE    DU     CONCILE 
14.1 4.    ges  civiles  ,  comme  à  celle  de  Sous-Camerierdu  Royaume  de  Bohè- 
me. Balbinus  lui  donna  encore  la  Charge  de  Maître  des  Monnoy es 
dans  les  Montagnes  deCutten  fore  célèbres  en  Bohême  par  leurs 
(a)Baib.     mines  d'argent  (a).  Tous  conviennent  que  dans  la  fuite  Conrad 
^l  viDeC*  emhrafla  le  parti  des  Huiîites ,  &  qu'il  fe  mit  à  leur  tête ,  réduit , 
do- &  tyit.    difent quelques-uns,  à  la  mendicité,  après  avoir  diffipé  tous  \es 
P-3°J.        revenus  de  l'Archevêché  (b).  Balbinus  témoigne  que  ce  chanee- 
Bfii.Hujr.     ment  n  arriva  qu  en  1421.  Conrad  ayant  diiiimule  jufqu  alors  ion 
c.  xxv.      penchant  au  Hufîitifme.  »  Ce  fut  cette  année-là  3  dit-il ,  qu'il  mit 
eL.  p.  447!  "  ^e  fceau  du  Confijioire  de  l'Archevêque  entre  les  mains  des  Héré- 
448.  »  tiques.  D'où,  le  forma  le  nouveau  Confiftoire  appelléy»^  utraque, 

»  c'eft-àdire  ,  fous  les  deux  efpèces.  Il  allembla  ,  continue-t-il,  la 
»même  année  un  Synode  de  Prêtres  Hérétiques  &.  fanatiques  à 
»  Prague.  La  Communion  fous  les  deux  efpeces  y  fut  ordonnée  i 
»  tout  le  monde  ;  tout  Domaine  Ecclefiaftique  y  fut  aboli  comme 
(^c)Hhifu(r.  »  criminel,  &:  on  donna  la  jurifdi&ion  fur  le  Clergé  à  quatre  Prê- 
P-  448-  »  très ,  fçavoir  ,  Jean  de  Przj-bram,  M.  Procopc  de  Plçna ,  M.  Jac- 
?»  ques  de  Mife  3  Jean ,  Prédicateur  de  la  Ville  neuve  (c). 

En  effet  le  changement  de  Conrad  ne  peut  gueres  avoir  éclaté 
plutôt.  On  le  va  voir  cette  année  414.  agir  contre  les  Huiïïtes, 
En  1 4 1  8 .  il  affilia  de  tout  fon  pouvoir  le  Cardinal  Jean  Dominique, 
Légat  que  Martin  V.  envoya  pour  Textindion  du  Huffitifme.  Il 
croit  encore  orthodoxe  en  1420.  puifqu'il  couronna  le  30.  Juil- 
let Sigifmond  Roi  de  Bohême ,  que  les  Huiîites  ne  vouloient  pas  re- 
cevoir ,  §c  qu'au  mois  de  Septembre  de  la  même  année  3  il  fit  pu- 
(d)Theob.    blierla  Bulle  de  Martin  V.  contre  les  Bohémiens  (d).  Les  Hifto- 
£$.84.  %$.   riens  ne  conviennent  pas  de  1  année  de  la  mort  de  Conrad.  Ceux 
B*ik.  Epît.    qui  la  mettent  en  1411.  ou  1423.  fe  trompent  manifeflement, 
440.     P     puifqu'il  fut  excommunié  par  Martin  V.  en  1426.  cinq  ans  avant 
(c)  Cruger  fa  mort ,  dit  un  Hiftorien  de  ce  Païs-là  (e).  Le  plus  fur  eft  donc  de 
edi  ubin>pr  *a  metcre  à  l'an  143  1 .  comme  le  fait  un  manuferit  allégué  pari?*//- 
(f)Uid.    binus  (t).  Un  des  Auteurs  (g)  que  je  viens  de  citer,  prétend  quil 
&  /C/-USCr*   ne  mourut  Pas  impénitent ,  &  qu'à  caufe  de  fon  retour  a  la  Foi  Catholi- 
que, les  Hérétiques  lui  attribuoient  un  efprit  de  vertige ,  vertiy.no fum. 
Balbinus  prétend  que  depuis  il  n'y  eut  plus  d'Archevêques  à  Pra- 
gue ,  parce  que  Conrad  ne  leur  avoit  pas  laiilé  de  quoi  vivre ,  & 
que  cette  Eglife  fut  gouvernée  par  des  Adminiflrateurs  jufqu'à 
l'an  1561.  C'eft  ce  qu'on  verra  dans  fon  lieu.  Reprenons  le  fil  de 
.     ,      sl'Hiboive. 

Conrad ço?i-      JE  U  e.ft  confiant  que  Conrad  le  donna  dans  ce  temps. ci  beau- 
coup 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  57 

coup  de  mouvemens  pour  pacifier  les  troubles  de  Bohême.  Il  fie     1414. 
venir  plufîeurs  fois  'Jean  Mus  pour  l'entendre,  &  l'engager  au  fi-  m  les  b«JB- 
Jence  ;  mais  ce  dernier  ne  voulut  le  promettre  que  fur  le  fujet  des tes' 
Indulgences.  Cependant  les  Allemands,  qui,  comme  on  l'a  vu, 
étoientfortis  de  Prague  en  fureur  contre  Jean  Mus  3  ne  manquè- 
rent pas  de  donner  avis  des  difeours  qu'il  tenoit  publiquement 
contre  l'autorité  du  Siège  de  Rome.  Il  y  fut  cité  encore  une  fois } 
mais  bien  loin  de  comparoître,  ou  des'enexeufer  comme  il  avoic 
fait  la  première  fois ,  il  déclama  en  chaire  contre  le  Pape ,  difant 
hautement  qu'il  n'étoit  qu'un  Prêtre  comme  lui  ,  &  qu'il  n'a- 
voit  aucun  droit  de  le  citer.  Comme  Cqs  fermons  étoient  fort  ap-   c°nd*iti '  & 
plaudis  du  Peuple,  il  ne  garda  plus  de  mefures.  Quoique  Sbinko  jJanHus. 
eut  fait  brûler  plufieurs  exemplaires  des  livres  de  Wiclef,  il  en  ref- 
toit  encore  un  bon  nombre  à  Prague.  Jean  Mus  ne  ceffoic  d'en 
recommander  la  le&ure,  fur  tout  parce  qu'il  avoit  écrit  que  le 
Pape  n'étoit  pas  plus  qu'un  autre  Prélat.  On  ajoute  »  qu'il  prê- 
1  »  choit  contre  le  culte  des  Images  6c  des  Statues ,  qu'il  enfeignoic 
1  »que  les  Prêtres  dévoient  être  pauvres,  que  la  Confefîîon  auri- 
■  «culaire  étoit  inutile,  qu'il  n'étoit  pas  neceflaire  d'enterrer  les 
»  morts  dans  des  cimetières,  que  l'obïervation  d.Qs  Heures  cano- 
»  niales ,  6c  l'abftinence  des  viandes  n'étoient  que  des  traditions 
»  humaines  qui  n'avoient  pas  le  moindre  fondement  dans  la  parole 
»  de  Dieu  (a).  Les  Prêtres  Catholiques  de  leur  côté  ne  déclamant  .ftj  Tl^b' 
«pas  avec  moins  de  fureur  ,  on  peut  juger  de  1  horrible  tracas  cap.ix.p.ij. 
que  ces  invectives  réciproques  faifoient  dans  la  Ville.  Perfonne 
n'y  étoit  en  fureté.  Le  Roi  lui-même  ne  s'y  trouvoit  pas  dans  fon 
propre  Palais  :  il  efroit  de  Châteaux  en  Châteaux ,  de  peur.d'être 
pris  dans  quelque fédition  a  Prague. 

III.  Jean  XXIII.  cependant  irrité  de  Iadéfobeïfîance  de  Jean  ^tnZte$J^ 

__  J  ,.  .    L  ,  ,    -         ,  .       _..       .  ••■■•„  n      JeanXXIll. 

Mus ,  ne  neghgeoit  rien  pour  le  ranger  a  Ion  aevoir.  Il  yintereiia  antre  jea» 
même  les  Puifiances  étrangères.  C'eft  ce  qui  paroît  par  les  lettres  Hus. 
qu'il  en  écrivit  au  Roi  de  France ,  &  à  l'Univerfité  de  Paris.  Ce 
fut  fans  doute  ce  qui  produifit  la  lettre  de  Gerfon  à  l'Archevêque 
Conrad (  1  ).  CochUe  nous  en  a  confervé  un  morceau  qui  mérite  place 
i  ici,  à  caufe  de  l'importance  de  la  matière,  6c  de  l'Auteur. 

IV.  »  On  trouve  que  jufqu'ici,  dit  Gerfon  (1),  on  s'eft  pris  en    Lettre  de 

Gerfon  * 
("i)  Je  n'ai  pu  déterrer  cette  Lettre  parmi  lesOeuvres  de  Gerfon,^  A  que  Halbinus  dife  qu'elle  Conrad.. 

s'y  trouve.  Balb.  Epit.  Rer.  Bohem.  p.  423 . 

(2)  La  fufeription  eft  Reverendi/f.  in  Cbrijl.Patr.  ac  Domin.  Traclariff.Dom.  N.  Arcbiep.  Prag. 

Apoflil.  Sed. Légat.  î$c.  Johann.  Cancellar.  acDecan.  Scier.  Factih.Tbeolog.  Vnivcrf.  Parif.  Gra- 

tmn  tf  pacemtô ad tavigilanter  ft'perintendere  qua  fçlutem itnimarutn refphiitnt* 

Tom.II.Part.IL  H 


5S       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.    »diverfes  manières  à  arracher  les  héréfies  du  champ  de  l'Eglife,. 
«comme  avec  autant  de  faux  différentes.  Elles  furent  arrachées 
»au  commencement  avec  la  faux  ou  le  farcloir  des  Miracles  par 
«lefquels  Dieu  atteftoit  la  Vérité  Catholique,  &  cela  du  temps 
»  des  Apôtres.  Elles  furent  après  extirpées  par  les  Docteurs  avec 
»  la  faux  des  argumens  &  de  la  difpute ,  &;  enfuite  par  la  faux  des 
»  faints  Conciles  tenus  à  la  faveur  des  Empereurs,  parce  que  la 
»difpute  doctrinale  desDo&eurs  particuliers  paroifibit  inefficace, 
«Enfin  cette  pefte  devenant  défefperée  ,  il  fallut  employer  la  co- 
*  gnée  du  bras  feculier  pour  trancher  les  héréfies  avec  leurs  au- 
teurs, ôtlesjetterdansle  feu.  C'eft  par  cette  feverité,  &  pour 
»  ainfî  dire  cette  cruauté  mifericordieufe ,  qu'on  empêcha  que  les 
»  difeours  de  telles  gens  ne  ferépandiflent  à  leur  perte  ,  &  à  celle 
«  des  autres.  C'eft  en  effet  un  grand  bien  ,  c'eft  rendre  un  grand 
»  fervice  ,  que  de  prévenir  de  bonne  heure  les  entreprifes  des  mé- 
«chans,  par  une  prompte  punition  3  parce  que,  comme  le  dit  St. 
»  Auyiftin  ,  il  n'y  a  rien  déplus  malheureux  que  la  félicité  des  pécheurs. 
»  C'eft  par  là  que  votre  paternelle  Révérence  peut  juger  avec  fa 
»  prudence  &  fa  circonfpection  ,  de  ce  qu'elle  doit  faire  dans  cette 
«conjoncture.  Car  fi  ces  faux  Docteurs  qui  fement  chez  vous  des 
"héréfies  demandent   des  miracles  ,  ils  doivent  feavoir  que  le 
■  temps  des  miracles  efb  pafîé ,  ôc  qu'il  s'en  eft  fait  autrefois  en  af- 
»  fez  grand  nombre.  Il  n'eft  pas  permis  de  tenter  Dieu  en  lui  de- 
»  mandant  des  miracles  pour  confirmer  notre  foi,  comme  fi  elle 
«étoit nouvelle.  Ils  ont  non  feulement  Moïfe  &  les  Prophètes, 
»  mais  les  Apôtres  &  les  anciens  Docteurs  avec  les  facrez  Conciles. 
«  Ils  ont  aufli  des  Docteurs  modernes  aflemblez  dans  les  Univerfi- 
»tez3  fur  tout  dans  TOniverfité  de  Paris  la  Mère  des  études  fi) 
»(oudesUniverfitez  )  qui  jufqu'ici  a  été  exemte  du  monftre  de 
»  l'héréfie  &  le  fera  toujours  avec  l'aide  de  Dieu.  Ils  ont  toutes  ces 
»  chofes ,  qu'ils  y  croyent  :  autrement  ils  ne  croiroient  pas,  quand 
«même  les  morts  reflufeiteroient.  D'ailleurs  il  n'y  auroit  point  de 
»  fin  à  difputer  avec  des  gens  aufîî  préfomptueux.  Au  contraire ,  fe- 
»  Ion  le  mot  de  Seneque  3  en  pouj]a?it  trop  loin  la  difpute  3  onfeanda- 
»life  le  peuple ,  &  on  blefsela  charité.  Enfin  il  faut  appliquer  à  leur 
r>  obftination  effrontée  ce  mot  du  poète  ,  Le  mal  s'aigrit  parles  re* 
»mcdes  :  ^Egrescitque  medendo.  Si  donc  les  remèdes  précé- 
»  dents  font  inutiles ,  il  ne  refte  qu'à  mettre  la  cognée  du  bras  fé- 
«culieràlaracine  de  cet  arbre  infructueux  &  maudit.  C'eft  à  vous 

(1)  Matre  Studiorttm.  L'Univerfité  de  Paris  futfondée  par  CharUmagm  dès  le  huitième  ficelé. 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  55 

»  à  implorer  ce  bras  par  toutes  fortes  de  voyes ,  &;  vous  y  êtes  obli-     14 1 3 , 

»  gez  pour  le  falut  des  âmes  confiées  à  vos  foins  (  1  ) La  Lettre 

finit  ainfi  3  die  Cochlèe  :  Enfin  four  faine  voir  combien  le  Roi  très-chré- 
tien notre  Monarque  >  &  l'Vniverfité  de  Paris  fa  fille  3  à  notre  grande 
gloire  au  Seigneur ,  combien  ,  dis  -je ,  ils  ont  à  cœur  le  maintien  de  la 
foi  3  nous  avons  jugé  à  propos  d'envoyer  a  votre  Révérence  les  Lettres 
Patentes  du  Roi  &  de  l'Vniverfité  à  ce  fujet  (  2  ). 

V.  Jean  XXIII.  écrivit  lui-même  à  peu-près  dans  le  même     Lettre  de 
temps  à  Wenceflas  une  Lettre  très-forte  ,  dont  Cochlèe  nous  a  auffi  j  wenccfhs! 
confervé  quelques  endroits.  D'abord  il  le  félicite  fur  fa  bonne  in- 
telligence avec  Sigifmond  Roi  des  Romains  (3)  &  de  Hongrie  fon 

frère.  Enfuite  il  lui  témoigne  la  douleur  qu'il  a  des  progrès  du 
Huiîïtifmedans  fon  Royaume  3  malgré  la  condamnation  qu'il  en 
avoit  faite  dans  fon  Concile  de  Rome.  Il  fe  plaint  fort  amère- 
ment de  ce  que  les  hérétiques,  pour  fe  procurer  l'impunité  de 
leur  obflination,,  &  la  rendre  plaufible  dans  le  public  ,  ofoienc 
méprifer  ouvertement  les  ordres  du  liège  Apoftolique  &c  de  leurs 
Supérieurs  ,  6c  fouler  aux  pieds  les  clefs  de  l'Eglife ,  6c  les  cenfures 
Ecclefiaftiques.  Enfin  il  le  prie  par  les  entrailles  delà  miféricorde 
Divine  d'employer  toutes  les  forces  de  fon  Royaume  à  extirper 
une  fi  pernicieufehérélle.  La  Lettre  efl  dattée  à  Bologne  au  mois 
de  Juin  1414.  Mais  ce  Prince  n'y  eut  aucun  égard,  foitpar  fa 
nonchalance  naturelle ,  foit  que  fous  main  il  favorifat  les  Huffites ,  ^J/L..0^.1  ' 
comme  on  l'en  aceufoit  (a).  23. 

VI.  Il  n'y  avoit  rien  de  plus  digne  d'un  Pape  que  de  s'intereiïer   jugement  de 
dans  une  caufe  dont  il  étoit  naturellement  le  juge.  Mais  7ean?[crrc,dAll~ 

_     ,  .  ,  r       ■  J     &         \  J  ..        \l  fur  les  cor,- 

JCJCJII.  6c  les  compétiteurs  n  etoient  gueres  propres  a  remédier  emeuces,  & 
aux  divifions  delà  Bohême, puis  qu'ils  y  avoient eux-mêmes  don  iirU  Uu$~ 
né  lieu,  en  entretenant  un  Schifme  public,  en  s'aceufant  mutuel-      *' 
lementd'héréfie,  &  en  exerçant  publiquement  la  plus  horrible 
fimonie,  chacun  de  fon  côté.  Ecoutons  là  -  deffus  Pierre  d'Ailli 
Cardinal  de  Cambray ,  dans  un  Ouvrage  qu'il  compofa  fur  la  ré- 
formation de  l'Eglife  ,  un  peu  avant  le  Concile  de  Confiance. 
»CyQÏÏL  3  dit-il  3  àl'occafionderhéréfie  fimoniaque,  &  des  autres 
»  iniquitez  qui  s'exercent  à  la  Cour  de  Rome  ,  qu'il  s'eft  élevé  des 
»Sectes  en  Bohême  6c  en  Moravie^  qui  ont  gagné  depuis  k  tête 

(  1  )  Cette  Lettre  de  Gerfon  ,  fi  elle  efl  de  lui ,  mériteroit  bien  un  Commentaire  philo  fopbi* 
«que  &hiftorique. 

(2)  A  Paris  ce  27.  Mai.  Cocbl.  Bijl.  Hvjjit.  p.  22. 

(3)  Le  Pape  donne  aulfi  ce  titre  à  PFenceJlas  t  quoi  qu'il  eût  e'tc'de'pofé  de  l'Empire,  mais  il 
avoit  toujours  confervé  ce  titre  en  Bohême. 

Hij 


p.  poi.  .902. 


Co       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14 14.  "  jufqu'aux  autres  membres  dans  ce  Royaume ,  où  Ton  débite  pu- 
bliquement mille  chofesinjurieufes  au  Pape.  Il  y  a  entre  autres 
»un  certain  Jean  Husfe  difant  Bachelier  en  Théologie ,,  qu'on 
»  dit  être  leur  chef  3& qui  a  publié  un  Livre  ^1),  dans  lequel  par 
»  une  infinité  d'argumens  3  il  combat  l'autorité  du  Pape ,  &  la  ple- 
«nitude  de  fa  puillance,  aufîî  hautement  que  la  foi  Catholique 
»eft  combattue  dansl'Alcoran  3  le  Livre  de  ce  damné  Mahomet 
»que  les  Sarrafins  adorent.  C'eft:  ainfi  que  les  vices  éclattants  de 
»de  la  Cour  de  Rome  confondent  la  Foi  Catholique,  &  la  cor- 
»  rompent  par  des  erreurs.  Il  feroit  expédient,  continue-t-il ,  que 
»  ces  héréfiesôc  leurs  Auteurs  fullent  déracinez  de  ces  Provinces. 
»Mais  je  ne  vois  pas  qu'on  en  puiile  venir  à  bout ,  à  moins  que  de 
»  ramener  la  Cour  de  Rome  à  fes  anciennes  mœurs  Se  à  (es  loua- 
fa)  Apud    »  blés  coutumes  (aj. 

Gerf.  t.  11.  Aufîî  toutes  ces  démarches  ne  firent-elles  qu'irriter  les  Hufïites. 
Ils  fe  plaignoient  dans  leurs  Chaires ,  Que  le  Pape  &  £  Archevêque 
vouloient  empêcher  qu'on  ne  prêchât  la  parole  de  Dieu  &  F  Evangile  de 
Jefus-Chrilr.  3  Que  par  les  Indulgences  &  les  autres  pratiques  de  la 
Cour  de  Rome  ,  aujjî-bien  que  du  confifioire  Epifcopal  3il  faifoient  affex^ 
voir  quilsne  penfoient  qu'a  leurs  intérêts ,  &  non  à  ceux  du  Seigneur 
Jefus5  Qu 'ils  dèpouilloient  fes  brebis  de  leur  laine  &  de  leur  lait ,  ait 
lieu  de  les  nourrir  de  la  parole  de  Dieu ,  &  de  les  édifier  par  l'exemple 
d'une  bonne  vie.  Ils  foutenoient  que  les  laïques  étoient  en  droit  d'e- 
xaminer 6c  de  cenfurer  la  conduite  de  leurs  Prélats,  aufïî-bien  que 
St.  Paul  celle  de  St.  Pierre.  Ils  preferivoient  certaines  conditions 
&  certains  caractères ,  pour  juger  quand  il  falloit  obéïr  aux  Pré- 
lats ou  non.  Le  fchifme  leur  fourniiïoit  tous  les  jours  occafion  de 
tourner  en  ridicule  la  jurifdicHon  Papale.  Aujourd'hui ,  difoient- 
ils  ,  Baltha^ar  de  Cofia  appelle  Jean  XXIII.  eft  à  Rome 3  Angelo 
Corario  nommé  Grégoire  XII.  a  Rimini  ,  Pierre  de  Lune  qui  fe 
dit  Benoît  XIII.  en  Arragon.  D'où  vient  que  l'un  d'entre  eux  en  qua- 

141?  .*aT    litê  detrès-faint  Père  ne  contraint  pas  les  autres  de  fe  foumettre  à  fa 

xxxv.        Jurifdiclion  avec  leurs  adhérents  (b)  ? 

,  Cm\e{l  fe      VII.  L'Archevêque  Conrad  voyant  qu'il  negagnoit  rien  par  la 

4e Prague*    voye  de  l'exhortation  ,  réfolut  d'en  employer  de  plus. efficaces. 

contre  les      Mais  avant  toutes  chofes ,  il  voulut  fe  faire  donner  un  Exemplaire 

iiufr.es.        duconfeil  que  les  Théologiens  de  l'Univerfité  avoient  donné  à 
rArchevêque  Sbinko  fonprédecefïëur,  pour  l'extinction  du  Huf- 

(1)  Il  veut  apparemment  parler  du  Traite'  de  l'Eglife  prononce  en  141 5.  dont  on  parlera 
dans  la  fuite. 


(b)  Bx.ov. 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  61 

£tifme.  Ce  confeil  confîftoit  en  douze  articles  que  je  réduirai  à    1414. 
neuf  (a).  (z)Buv. 

ann.  1414. 

Que  tous  les  Maîtres  &  Docteurs  de  l'Univerfité  ailemblez  xlvii. 
dans  le  Palais  de  l'Archevêque ,  jureroienc  en  fa  préfence ,  &en  CochL  H'ft- 
préfence  des  autres  Prélats,  qu'ils  ne  tiennent  ni  ne  veulent  en-  ^,   p'  44° 
feigner  aucun  des  quarante- cinq  articles  de  Wiclef^  qui  ont  été 
condamnez,  &  pour  lefquels  le  Royaume  de  Bohême  eft  dif- 
famé. 

IL 

Qu'il  jureront  de  croire  &  de  vouloir  enfeigner  fur  les  fept  Sa- 
cremens  de  l'Eglife ,  fur  les  Clefs  3  Offices ,  &;  Cenfures ,  fur  les 
mœurs ,  les  Rites ,  les  Cérémonies  3  les  Droits,  les  Libertez ,  &  les 
chofes  facrées  de  l'Eglife, fur  la  vénération  des  Reliques/ur  les  In- 
dulgences 3  fur  les  Ordres ,  &  fur  les  Religions,tout  ce  qu'enfeigne 
l'Eglife  Romaine ,  dont  le  Pape  eft  le  chef,  &  dont  le  corps  eft  le 
Collège  des  Cardinaux,  qui  dans  l'Office  Ecclefîaftique  font  les 
vrais  &  manifeftes  fuccefleurs  de  St.  Pierre  Prince  des  Apôtres ,  & 
du  Collège  des  autres  Apôtres. 

III. 

Qu'en  toute  matière  Catholique  &  Ecclefîaftique ,  il  faut  s'en 
tenir  à  la  décifîon  du  Siège  de  Rome  3  &  qu'il  faut  obéir  aux  Pré- 
lats dans  toutes  les  chofes  où  l'on  ne  défend  pas  une  chofe  bonne 
en  elle-même,  (purum  bonum)8t  où.  Von  ne  commande  pas  une 
chofe  mauvaife  en  elle-même ,  Çpurum  malum  )  mais  feulement  des 
chofes  qui  tiennent  le  milieu  entre  ce  qui  eft  bon  ou  mauvais  en 
foi,  ou  qui  peuvent  être  bonnes  ou  mauvaifes  félon  la  manière ,  le 
temps ,  le  lieu  ,  &  la  perfonne. 

IV.  : 

Que  chacun  des  Docteurs  jure  qu'il  croit  faux  le  fentiment  de 
Wlclef^L  des  autres  fur  les  fept  Sacremens ,  ôc  fur  les  autres  articles 
fufnommez. 

v. 

Qu'on  publiera  là-defîus  un  Mandement  à  tous  les  membres  de 
PUniverfité,  lefquels  feront  tenus  d'y  obéir,  fous  peine  de  parjure, 
d'exil  du  Royaume ,  &  d'excommunication  ipf&fatlo. 

VI. 
Que  chaque  Evêque  publiera  un  pareil  ordre  dans  fon  Diocèiè, 
&  que  les  Prédicateurs  en  feront  de  même  dans  leurs  Chaires,  afin, 
que  tous  les  Eccléfîaftiques  &  les  Séculiers  ayent  à  s'y  conformer. 

H  iij 


*4r4- 


61       HISTOIRE     DU     CONCILE 

VIL 

Que  fî  quelqu'un ,  foitEccléfîaftique,  foie  Séculier  ,  foie  Eco- 
lier, foit  Maître ,  eft  convaincu  d'avoir  contrevenu  à  un  de  ces 
articles ,  les  Evêques  feront  en  droit  avec  leurs  Officiaux,  6c  les 
Dodeurs  qu'ils  s'afïocieront  pour  cela ,  de  corriger  un  tel  homme 
félon  le  Droit  6c les  Canons,  fans  que  perfonne  les  en  puifîe  empê* 
cher,  niprendreenfaprotedionle  coupable. 

VIII. 

Qu'on  défende  par  ordre  du  Roi  &  des  Echevins  de  chanter 
daus  les  Places,  dans  les  Tavernes  èc  ailleurs,  les  chanfons  qui 
ont  été  déjà  défendues,  comme injurieufes,  diffamantes  6c  fean- 
daleufes. 

IX. 

Qu'on  interdife  la  prédication  au  Dodeur  Jean  Hus ,  jufqu'i 
ce  qu'il  ait  fon  abfolution  de  la  Cour  de  Rome  ,  6c  que  par  fa  pré- 
fence ,  il  n'empêche  pas  l'Office  divin  à  Prague. 
•Réponfe  des  VIII.  Ce  confeil  des  Dodeurs  ayant  paru  falutaire  à  Conrad  ,  il 
confeul  le  communiqua  au  Roi,  aux  Barons  du  Royaume,  6c  au  Sénat  de 
Prague,  pour  le  faire  mettre  en  exécution.  Mais  des  que  'Jean 
Hus  l'eut  appris, il  afTembla  fon  Clergé  ,  6c  fît  drefler  un  confeil 
tout  oppofé  au  précèdent.  Il  confîftoit  en  neuf  articles  dreffez 
comme  le  portoit  le  confeil ,  pour  Y  honneur  de  Dieu,  pour  la  libre 
Prédication  de  fon  Evangile ,  -pour  rétablir  la  reno?nmée  du  Royaume 
de  Bohème ',  du  Marquifat  de  Moravie  sde  la  Ville  &  de  l'Vniverfité  de 
P raque,  pour  ramener  la  paix  t&  l'union  entre  le  Clergé  &  l'Académie, 
Le  premier  de  ces  articles  étoit,  qu'on  s'en  tînt  à  l'Edit  de  pacifica- 
tion donné  par  les  Princes  6c  par  le  Confeil  du  Roi,  entre  l'Ar- 
chevêque Sbinko  d'une  part,  le  Redeur  de  l'Univerfité  6c  Jean 
Hiis  de  l'autre.  Qu'il  étoit  d'autant  plus  raifonnable  de  s'y  tenir, 
que  cet  Edit  étoit  jufle  6c  droit,  qu'il  étoit  muni  du  Sceau  royal  , 
&  qu'il  avoit  été  reçu  folemnellement  par  les  deux  partis ,  dans  le 
Palais  du  Roy.  Le  fécond  ,  que  le  Royaume  de  Bohême  Rit  main- 
tenu dans  les  droits,  libertez,  coutumes,  dont  joùiflent  les  au- 
tres Royaumes  à  l'égard  des  approbations,  condamnations,  6c 
autres  Ades  qui  concernent  la  Sainte  Mère  Eglife  univerfelle.  Le 
troifiéme  ,  que  Maître  Jean  Hus  3  à  qui  le  feu  Archevêque  Sbinka 
n'avoit  pu  reprocher  aucun  crime  dans  fon  Synode,  pût  être  pré- 
fent  dans  l'Afîemblée  du  Clergé  ,  6c  que  là  ,  il  feroit  libre  à  chacun 
de  i'acoufer  d'erreur  ou  d'héréfie ,  en  s'obligeant  à  la  peine  du 
Talion,  s'ilnepouvoitla  prouver.  Le  quatrième,  que  s'il  ne  fe 


DE      PISE.     Liv.  VIIÎ.  65 

préfentoit  perfonne  contre  lui  danscecte  Aflèmblée^  le  Roi  fade     ^j* 
publier  dans  toutes  les  Villes  ,6c  dans  toutes  les  Eglifes  du  Royau- 
me ,  que  Jean  Jius  eft  prêt  à  rendre  raifon  de  fa  foi ,  &  que  fi  quel- 
qu'un a  quelque  héréfie  ou  quelque  erreur  à  lui  reprocher,  il  n'a 
qua  écrire  fon  nom  dans  la  Chancellerie  de  l'Archevêque.  Le 
cinquième  3  que  a*  perfonne  ne  fe  préfente,  on  faiïe  venir  ceux 
qui  ont  déféré  Jean  Hus  à  la  Cour  de  Rome,  6c  qui  ont  diffamé 
le  Royaume  de  Bohême  \,  comme  s'il  et  oit  infecté  d'héréfie  $  qu'on 
les  oblige  àprouver  ce  qu'ils  ont  avancé ,  6c  qu'ils  foient  punis  s'ils 
ne  peuvent  le  faire.  Le  îixiéme  ,  que  les  Docteurs  en  Théologie 
&  en  droit  Canon,,  Scies  Chapitres  des  Chanoines  3  foient  requis 
dénommer  les  hérétiques  j  s'ils  en  connoiffent  quelqu'un,  èc  que 
s'ils  déclarent  n'en  point  connoître ,  il  en  foit  palîé  un  ade  devant 
Notaire.  Le  feptiéme ,  que  quand  tout  cela  fera  fait ,  le  Roi  & 
l'Archevêque  défendent  fous  des  peines  d'accufer  qui  que  ce  foie 
d'heftéfie,  s'il  n'ell en  état  de  le  prouver.  Le  huitième,  qu'enfuite 
le  Roi  de  concert  avec  les  Barons  lèvent  une  collette  fur  le  Clergé 
pour  envoyr  une  Ambafïade  honorable  à  la  Cour  de  Rome  ',  &  que 
les  aceufateurs  foient  obligez  d'y  aller  à  leurs  dépens ,  afin  de  pur- 
ger le  Royaume  de  Bohême  de  leurs  faufîes  6c  odieufesaceufa- 
tions.  Le  neuvième  ,  qu'on  ne  doit  point  mettre  un  interdit  fur 
la  Ville  de  Prague  3  comme  on  avoit  fait  auparavant,  à  caufe  de 
Japréfence  6c  de  la  prédication  de  Jean  Hus ,  parce  que  cela  eft 
contre  l'ordre  &  contre  la  détermination  de  l'Eglife. 

IX.  Ce  confeil  fut  reçu  du  peuple  avec  de  grands  applaudifTe-    àmfeil  de 
mens.  Le  Clergé  au  contraire  en  fut  extrêmement  allarmé.  Con-  faom\kf*r'b 
rad  de  fon  côté  ne  fe  trouvoit  pas  dans  un  médiocre  embarras.  Il  ïïujfrifm* 
prévoyoit  bien  que  des  confeils  auflï  oppofez  ne  manqueroient  pas 
d'animer  le  peuple  &  le  Clergé  l'un  contre  l'autre.  Dans  cette  ex- 
trémité il  s'adrelîa  à  Jean  Evêquede  Lythomils  en  Moravie  pour 
avoir  fon  confeil.  C'eft  ce  même  Evêque  qui  fut  au  Concile  de 
Confiance  le  délateur  de  Jacobel,  reftaurateur  delà  Communion 
fous  les  deux  efpéces.  On  peut  juger  par  là  des  difpofidons  du 
Prélat.  Au  (fi  fon  confeil  fut-il  plus  violent  que  celui  âcs  Do&eurs, 
Il  vouloir  1 .  Qu'on  élût  un  Chancelier  de  l'Univerfité  qui  exerçât 
Inquifîtion  fur  les  Maîtres  6c  fur  les  Ecoliers,  èc  qui  punît  les  er- 
rants. 2.  Qu'on  défendit  de  prêcher  à  Jean  Husy  &c  à  ceux  qu'il 
appelloit  fes  complices ,  6c qu'on  le  chaflât  de  la  Chapelle  de  Be- 
thléem. 3 .  Qu'en  exécution  de  la  Sentence  du  fiége  Apoftolique  , 
Jean  Mus  6c  fes  adhérents fu0ent  exclus  de  la  focieté  6c  de  la  con- 


f*       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.  verfation  des  fidèles.  4.  Qu'on  défendît  les  Livres  en  langue  vul- 
gaire ,  où  fe  trouvoient  les  opinions  de  Jean  Hus ,  &  qu'on  excom. 
muniâc  ceux  qui  en  vendroient ,  ou  qui  s'en  ferviroienc. 

A  ce  confeil ,  l'Evêque  de  Lythomils  joint  une  réfutation  de 
celui  de  Jean  Hus ,  article  par  article.  Il  prétend  que  la  paix  qui 
s'étoit  faite  fous  l'Archevêque^/^  n'étoit  pà*s  légitime,  parce 
qu'elle  s'étoit  faite  fans  l'aveu  du  fîégeApoftolique,  qui  avoit  dé- 
jà prononcé  $  Que  Jean  Hus  ne  reclamoitles  droits  du  Royaume 
de  Bohême,  que  pour  fefouftrairedel'obéïflanceduëau  fiége  de 
Rome  5  Que  Ci  l'Archevêque  Sbinko  ne  l'avoir  point  accufé  d'hé- 
rélîe,  ce  n'étoit  que  par  un  principe  de  charité,  &dansl'efpe- 
rance  de  le  ramener  j  Que  c'étoit  à  Rome  qu'il  devoir  fe  purger, 
&  non  dans  le  Royaume  de  Bohême,  en  imitant  St.  Paul^qui  aima 
mieux  mourir,  que  de  ne  pas  pourfuivre  fon  appel  à  Rome.  Qu'il 
ne  vouloir  exiger  lafïgnature  des  Do&eurs  en  Théologie  ou  en 
droit  Canon ,  &  des  Chanoines ,  que  pour  leur  tendre  des  pîéges 
&  leur  fuppofer  des  crimes  3  en  fe  lavant  à  leurs  dépens  $  Que  c'é- 
toit  une  impudence  de  prétendre  que  le  Roi  levât  un  impôt  fur  les 
Eccléfiaftiques  pour  aller  le  juftifier,6cs'accufer  eux-mêmes  à  Ro- 
jne.  Quant  à  ce  que  Jean  H  us  avoit  demandé  qu'il  lui  fût  permis 
de  prêcher,  parce  que  l'Eglife  ne  veut  pas  qu'on  interdife  la  pré- 
dication de  l'Evangile ,  l'Evêque  dit  que  l'EgHfe  ne  fouffre  pas 
«on  plus  qu'on  abufe,  comme  il  fait,  du  nom  facré  d'Evangile, 
pour  femer  des  héréfies  3  &  pour  faire  des  fchifmes.  C'eft  en  exé- 
cution de  ce  confeil  que  le  Roi  ayant  affèmblé  fes  Barons  publia 
contre  les  Huffites  cette  Sentence  en  forme  d'Edit.  Elle  portoit, 
X .  »  Que  quelques-uns  du  Clergé  de  Bohême  s'éloignant  des  fen- 
»  timens  de  tout  le  Clergé  de  ce  Royaume ,  qui  avec  toute  la  chré- 
»  tienté  adhère  en  toutes  chofes  à  l'Eglife  Romaine ,  dont  le  Pape 
«eftle  chef,  &,  dont  les  Cardinaux  font  le  corps,  ont  foûtenu  que 
»  la  condamnation  des  quarante-cinq  articles  dePF/V/^/eftinjufte, 
»  &  méprifent  le  Pape  &  le  Collège  des  Cardinaux  ,  fous  prétexte 
»  de  ne  fuivre  que  l'Ecriture  fainte ,  qu'ils  expliquent  à  leur  fantai- 
«fïe,  fans  fe  mettre  en  peine  des  interprétations  des  Do&eurs, 
(OChap.    "ï100 plus  que  de  cette  Loi  du  Deuteronome  (a),  qui  veut  que 
gvii.        «pour  la  décifion  des  procès  &  des  controverfes  3  on  aille  au  lieu 
»  que  le  Seigneur  a  choilî,  &  que  celui  qui  n'obéira  pas  au  juge- 
jument  du  Sacrificateur  fera  puni  de  mort.  »  Or  tout  le  monde  fca:ty 
dit  la  Sentence,  que  l'Eglife  Romaine  efl  le  lieu  que  le  Seigneur  a 
çhoiji  fous  le  2Jouveau  Tefiamenty  qp  il  y  a  établi  la  principauté  de 

toute 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  6$ 

toute  PEglife ,  que  le  Pape  y  prêfide  comme  vrai  &  manifefle  fucceffeur  1414, 
de  St.  Pierre,  &  que  les  Cardinaux  y  comme  Prêtres  de  l'ordre  Zevi- 
tique  y  lui  font  affociezjians  l'office  Sacerdotal ,  &  que  ceft  à  eux  qu'il 
faut  avoir  recours  en  toute  matière  Catholique  &  Ecclefîajlique  (  i).  i. 
»  Que  quelques-uns  du  Clergé  de  Bohême  tâchoienc  d'induire  le 
»  peuple  à  défobeir  à  leurs  Prélats  s  6c  à  fouler  aux  pieds  la  dignU 
»  té  Papale ,  Epifcopale  6c  Sacerdotale ,  contre  le  fentiment  una- 
»nimede  toute  l'Eglife ,  qui  veut  que  les  inférieurs  obéiiïent  au 
«  Siège  de  Rome ,  dans  les  chofes  qui  ne  font  ni  bonnes  ni  mau  vai. 
*>  Cqs  en  elles-mêmes ,  mais  qui  peuvent  l'être  félon  la  manière ,  le 
»  lieu ,  le  temps ,  6c la  perfonne ,  félon  Saint  Bernard.  3 .  Que  com- 
*mela  Bohême  s'efl  toujours  diftinguée  par  fon  attachement  à  la 
>» foi  de  l'Eglife  Romaine,  le  meilleur  moyen  de  conferver  cette 

•  gloire,  eft.  de  défendre  fous  de  grieves  peines  à  tous  Eccléfîafti- 
»  ques  6c  Séculiers,  de  rien  enfeigner  de  contraire,  6c  de  punir 
«tous  les  contrevenants,  jufqu'à  les  livrer  au  brasféculier,  s'ils 
»  font  incorrigibles.  4.  Quecomme  tous  les  45.  articles  de  Wiclef 
»  étant  ou  erronez,  ou  fcandaleux  ,  ou  hérétiques  3  ils  ont  été 

•  juftement  condamnez  comme  tels  par  l'Univerfîté ,  6c  dans  la 
«maifon  de  Ville  de  Prague,  fous  peine  de  banniiïement.  Que 
»  d'ailleurs  les  Sentences  6c  les  procédures  du  Siège  de  Rome  con- 
tre Jean  Hus  ayant  été  reçues  fuivant  les  ordres  du  Roi,  par 
»  l'Archevêque  Conrad ,  par  le  Chapitre ,  &  par  tout  le  Clergé  de 
»  Prague  ,  &  qu'ils  y  ont  obéi ,  il  eft  néceflaire  que  tout  le  monde 
»  y  obéifïe  ,  d'autant  plus  qu'on  n'y  défend  rien  de  bon  en  foi ,  5c 
»  qu'on  n'y  commande  rien  de  mauvais  en  foi  j  mais  qu'il  s'agit  feu-, 
»lement  de  ces  chofes  indifférentes ,  dont  on  vient  de  parler  ,  fè- 
»  Ion  Jeftyle  de  la  Cour  Romaine ,  &  des  Pères  de  nos  Pères.  5 .  Que  ce 
»  n'eft  point  au  Clergé  de  Prague  à  juger,  fi  l'excommunication 
»  de  'Jean  Hus  eft  jufte ,  ou  injufte ,  &  qu'il  la  doit  tenir  pour  jufle , 
»  puis  qu'elle  a  été  fulminée  par  l'autorité  apoftolique. 

Ce  Décret ,  qui  avoit  été  conçu  par  les  Théologiens ,  fut  aufli 
approuvé  par  la  faculté  juridique,  6c  le  Roi  le  fit  publiquement 
dans  la  maifon  de  Ville.  Mais  les  Huffices  s'y  oppoferent  tout  ou- 
vertement dans  leurs  Chaires  6c  dans  leurs  difputes  publiques.  On 
en  vit  paroître  auflî-tôt  une  réfutation  où  les  Hufîîtes  dénoient  en- 
tre autres  chofes  les  Do&eurs ,  de  dire  oùétoitce  Clergé  pefti- 

(ï)  La  Sentence  allègue  là-defTus  la  décifion  d'Innocent  ITL  &  une  Lettre  de  St.  "Jérôme  z 
DamafeoùSt.  Jérôme  fcmble  parler  du  fiégedeRome  comme  du  premier  iiçge,  &  du  Pape 
Damafe  comme  du  Souverain  Juge  des  Controverfcî. 

Tom.II.Part.il.  I 


66      HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.14.,  feré  de  Bohême  ^  s'appellant  eux-mêmes  le  Clergé  évangelique; 
6c  les  accufant  de  diffamer  ôc  de  diviferle  Royaume  par  leurs  ca- 
lomnies. »  Ils  foûcenoienc  que  c'étoit  une  témérité  de  dire  que  le 
»Pape  &  les  Cardinaux  font  les  vrais  6c  manifeftes  fuccefîeurs  de 
»  St.  Pierre  6c  des  autres  Apôtres  ,  parce  qu'on  ne  fçait  pas  s'ils 
»  font  réprouvez  ou  non  ,  en  état  de  grâce  ou  de  condamnation  •> 
«  que  c'eft  J.  C.  qui  eft  le  Chef  de  l'Eglife  ,  6c  non  pas  le  Pape  y  que 
»  tous  les  fidèles  en  font  le  Corps ,  6c  non  pas  les  Cardinaux  5  Que 
»  le  Clergé  de  Prague  n'avoit  point  été  en  droit  de  condamner  les 
»  quarante-cinq  articles  de  Wklef,  parce  que  c'eft  une  de  ces  caufes 
»  majeures ,  dont  le  jugement  n'appartient  pas  aux  Docteurs  ,  ni 
»  même  aux  Evêques  &  aux  Archevêques  y  Que  l'Eglife  Romaine 
«nepouvoit  être  non  plus  juge  dans  cette  affaire  y  parce  qu'on 
»  ignore  à  préfent  où  elle  eft ,  y  ayant  trois  Papes  qui  fe  la  conte£ 
«centj  Qu'ils  fe  contredifent  en  blâmant  les  Huiïites  de  s'atta- 
»  cher  à  l'Ecriture  fainte  y  ôç  en  alléguant  eux-mêmes  cette  même 
»  Ecriture  contre  les  Huffitès  y  Qu'ils  devroient  être  punis  comme 
»  des  fauflaires ,  parce  qu'ils  falfitient  l'Ecriture  &  les  Canons,  en 
«difant  qu'il  faut  obéir  en  toutes  chofes  au  Pape,  puis  qu'il  eft 
»  confiant  qu'il  y  a  eu  plufîeurs  Papes  hérétiques  ,  6c  qu'il  y  en  a' 
»  eu  un  qui  étoit  une  femme  y  Que  le  vrai  moyen  de  rétablir  la  paix 
«en  Bohême ,  c'étoit  d'en  bannir  trois  vices  ,  qui  de  la  Cour  Ro- 
umaine s'étoient  répandus  par  tout  le  monde  3  fçavoirla  fimonie, 
*  l'avarice  ôclaluxurejQuetout  le  crime  du  Clergé  évangelique 
»  étoit  de  combattre  ces  vices  par  l'Ecriture  fainte ,  mais  que  puis 
^qu'elle  ne  fuffifoit  pas,  il  étoit  du  devoir  delà  puifîanceféculiere 
»>  de  les  extirper  j  Que  le  dernier  article  de  la  Sentence  étoit  grof-  ; 
"fier.,  puérile,  &:  fans  aucune  couleur  de  juftice5  fçavoir ,,  qu'il 
»  faut  obéir  aux  procédures  de  la  Cour  de  Rome  contre  Jean  Husy 
«  parce  que  le  Clergé  de  Prague  y  a  obéi.  Il  s'enfuivroit  de  là  ,  di- 
»  fbient-iLs ,  qu'il  faut  obéir  aU  diable  ,  parce  que  nos  premiers  pa- 
»  rens  lui  ont  obéi ,  &c  que  nous  devons  être  payens ,  parce  que  les 
»  pères  de  nos  pères  l'étoient ,  Qu'on  doit  croire  comme  un  vérité 
»  fondée  fur  les  Canons ,  que  les  procédures  contre  Jean  Hus 
«font  nulles  de  droit,  parce  qu'elles  ont  été  extorquées,  fabri- 
quées ôc  exécutées  contre  la  commiffion  du  Pape  j  Que  ceux  qui 
»  défendent  6c  exécutent  fciemment  &  opiniâtrement  ccs^  procé- 
dures doivent  être  regardez  comme  des  blasphémateurs ,  des 
wfacrileges,  des  excommuniez  ,  des  hérétiques  ,  comme  on  eft 
»  prêt  à  le  faire  voir  dans  une  audience  publique,  en  préfence  de 
»  tous  les  Dodeurs» 


DE      PISE.    Lïv.  VIII.  è7 

•-On  ne  manqua  pas  de  répliquer  à  ces  articles  des  Huflîtes,  qui  14.14, 
appelloient  les  Docteurs  des  Quidams  ou  Quidamiftes.  Sur  le  deffi 
que  les  premiers  avoienc  fait  aux  Docteurs ,  de  nommer  les  héré- 
tiques qui  font  en  Bohême,  ils  difent  »  que  fi ,  quand  on  prêche 
»  en  chaire  contre  les  adultères ,  les  ufuriers ,  les  voleurs ,  un  Pré- 
«dicateur  étoit  obligé  de  nommer  ces  gens-là,  il  ne  feroicplus 
»  permis  de  prêcher  3  Que  fi  les  Huflîtes  veulent  fçavoir  qui  îbnc 
«les  hérétiques  de  Bohême  ,  ils  n'ont  qu'à  aller  dans  les  Etats 
«voifins,  oà  on  ne  feroit  aucune  difficulté  de  les  leur  nommer, 
»  mais  qu'il  ne  faifoit  pas  fur  de  les  nommer  à  Prague,  parce  que 
»  les  accufateurs  courroient  rifque  de  la  vie  -y  Que  s'il  y  avoit  de  la 
«fureté  à  les  nommer,  non  feulement  les  Docteurs,  les  Prélats, 
»  les  Curez,  les  Ecciéfiaftiques ,  les  Séculiers  le  feroient,  mais  les 
«enfans  même  les  montreroient  au  doigt  dans  les  rues.  D'ailleurs, 
«difent  les- Docteurs,  qu'eft-il  befoin  de  les  leur  montrer,  puis 
»  qu'ils  fe  montrent  aflez  eux-mêmes ,  en  s'oppofant  aux  veritez 
»  établies  dans  le  Décret  ?  Quant  à  ce  que  les  Huflîtes  alléguoient, 
qu'on  ne  pouvoit  pas  fçavoir  fi  le  Pape  &  les  Cardinaux  font  le 
chef  &  le  corps  de  l'Eglife,  parce  qu'on  ne  fçaitpas  fi  le  Pape  ôc 
les  Cardinaux  ne  font  pas  réprouvez ,  &  qu'un  réprouvé  ne  peut 
être  membre  de  l'Eglife ,  bien  loin  d'en  être  le  chef,  [es  Docteurs 
répondent  avec  raiïon ,  »  que  cette  maxime  tend  à  tout  boulever- 
»  fer  dans  l'Eglife ,  parce  que  perfonne  ne  fçauroit  qui  eft  fon  Pape, 
»  fon  Evêque  ,  fon  Pafteur ,  fon  Prélat ,  ne  fçachant  pas  s'il  eft 
»  en  péché  mortel ,  ou  en  état  de  grâce.  Ainfi ,  difent-ils ,  chacun 
»»  pourroit  douter  s'il  eft  baptifé,  ôc  par  conféquent  s'il  elt  chré- 
»  tien  ,  parce  qu'il  pourroit  avoir  été  baptifé  par  un  méchant 
«Prêtre.  Mais  la  réprobation  ôc  la  méchanceté  des  Prêtres  de 
»  l'Eglife  n'empêche  point  l'effet  des  Sacremens ,  &ne  les  deftituç 
»  point  de  leur  office ,  &c. 

Les  Docteurs  ne  conteftent  pas  que  J.  C.  ne  foit  le  chef  de  toute 
la  multitude  des  Fidèles,  tant  ici  bas  que  dans  le  Purgatoire 8c 
dans  le  Ciel,  mais  ils  foutienncnt  qu'ils  ne  s'enfuit  pas  de  là  que  le 
Pape  ne  foit  pas  le  chef  de  l'Eglife  militante ,  tout  de  même  que  de 
ce  que  J.  C.  eft  le  Roi  des  Rois ,  il  ne  s'enfuit  pas  de  là  que  Charles 
VI.  ne  foit  pas  Roi  de  France.  »  Car,  difent-ils,  cette  multitude  de 
»  tous  les  Fidèles,  qui  dans  un  fenseft  le  corps  de  l'Eglife,  ne  s'eft 
«jamais  trouvée  aflemblée  en  un  corps ,  pour  former  un  Concile, 
»  &  elle  ne  peut  exercer  aucun  Office  Eccléfiaftique ,  parce  qu'elle 
«ne  nous  eft  pas  même  connue.  Comme  donc  dans  le  civil  il  y  a 


68       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.  un  lieu ,  &  des  Présidents  vifibles  ,  pour  rendre  la  juftice ,  &  portr 
»  juger  les  caufes,il  faut  néceflairement  que  cela  foit  auflidans 
«l'Eglife.  Or  ce  lieu  ,  c'eftRome,  cesPréildents,  c'eft  le  Pape  , 
»  ce  font  les  Cardinaux. 

Les  Humtes  avoient  avancé  deux  chofes ,  Tune  que  îa  condam- 
nation des  quarante-cinq  articles  de  j#fo7<f/etoitinjufte.  L'autre, 
que  le  Clergé  Evangelique  ,  ainfi  qu'ils  parloient ,  étoit  en  droit  de 
cenfurer,  comme  il  faifoit,  les  vices  &  les  déreglemens  de  l'autre 
Clergé  fans  en  excepter  le  Pape  8c  les  Cardinaux ,  en  un  mot  tout 
le  haut  Clergé  ,  &  que  la  correction  fraternelle  eft  un  devoir.  Voi- 
ci ce  que  difent  les  Docteurs  là-defïus.  »  Il  y  a  de  deux  fortes  de 
»  corrections ,  l'une  qui  fe  fait  par  autorité,  telle  qu'eft  celle  du 
«fupérieur  à  l'égard  de  l'inférieur  ,  l'autre  fraternelle  qui  fe  fait 
«par  charité,  6c  qui  convient  à  tout  le  monde  en  temps  &  lieu. 
«Tout  de  même  il  y  a  de  deux  fortes  de  condamnations,  l'une 
»  à' Autorité.  Celle-ci  appartient  au  Pape  feul,  6c  à  fon  Collège 
«  dans  les  Caufes  Majeures  ,  fur  tout  en  matière  de  foi ,  parce  que 
»  l'Eglife  Romaine  eft  le  Chef  des  autres  Eglifes ,  en  forte  que  c'eft 
»ie\le ,  comme  à  la  mère  ou  au  fouverain  Juge,  6c  au  dernier  ter- 
"  me  que  doivent  revenir  les  caufes  majeures,  6c  lesjugemens  des 
*>Evêques.  Les  Huiîites  eux-mêmes,  difent-ils,  ont  allégué  là- 
*>  defïus  plufieurs  paflages  du  Droit  Canon  fe  combattant  par  leurs 
»  propres  armes.  L'autre  forte  de  condamnation,  ils  l'appellent 
»  de  congruitè ,  parce  qu'elle  naît  de  la  nature  de  la  faute ,  c'eft-à- 

•  dire,  lorsque  l'action  en  elle-même  eft  digne  de  condamnation. 
»Ainfi  les  quarante -cinq  articles  de  Wiclef  ont  été  condamnez 
»  par  trois  fameufes  Communautez  ,  par  l'Univerfité  de  Prague 
«compoféede  pludeurs Nations,  parla  Nation  Bohémienne  en 
«particulier,  6c par  les  Docteurs  de  la  Faculté  Théologique  de 

•  Prague,  non  par  autorité ,  parce  qu'une  telle  condamnation  ne 
»  leur  appartiendroit  pas,  mais  par  la  nature  du  fait  en  lui-même  y 
»  ils  ont  été  jugez  dignes  de  condamnation  6c  défendus  ,  parce 
»  qu'aucun  de  ces  articles  n'eft  Catholique. 

Les  Docteurs  s'expliquent  d'une  manière  fort  obfcure  &  fort 
ambiguë  fur  le  reproche  qu'on  leur  avoit  fait  qu'il  y  avoit  alors 
trois  Papes.  Zoin,  difent-ils,  cette penfée  du  cœur  du  fidèle  que  l'Eglifr 
Romaine  fait  partagée  en  trois  à  eau  fe  des  trois  Concurrents.  Il  riy  a  r 
far  la  difpofition  du  Seigneur ,  qu  une  feule  Eglife  Romaine ,  qui  eft  la 
mère  &  la  maître jfe  (1).  Comme  il  ri  y  apasplufieurs  Cbrifis  ^mais  un 
(  1)  On  allègue  là-deffus  quelques  endroits  du  Droit  Canon» 


DE      PISE.     Liv.  VIII,  6) 

feulpour  tous  les  fidèles  ,  ils  n'ont  pas  non  plus  plusieurs  Papes  Vicaires  \a\a 
immédiats  de  J.  C.  Il  n'y  en  a  qu'un  qui  le  foi  t.  Tmt  efprit  qui  divife 
(  r  )  Je  fus  n  eft  pas  de  Dieu ,  mais  eft  l' Ante-Chrift ,  tout  de  même  tout 
efprit  qui  divife  le  Pape  n'eftpasde  Dieu,  mais  eft  un  Anti-Pape, 
Ainfitous  ceux  qui ,  hormis  le  Pontife  Romain ,  fe  font  dit  Papes  >  ne 
l'ont  pas  été  ,  mais  ont  été  jugez^Catholiquement  Anti-Papes. 

Surlefujec  de  l'Ecriture  faince  les  Do&eurs  difent  qu'ils  n'ont 
pas  blâmé  les  Huflîtes  defe  fervir  de  l'Ecriture  pour  appuyer,  6c 
pour  défendre  leurs  opinions.  Ils  le*  ont  feulement  repris  ,  difent- 
ils ,  de  ce  qu'ils  veulent  décliner  le  Tribunal  du  Pape  &  des  Cardinaux, 
à  qui ,  félon  Deuter.  XVII.  appartient  le  jugement  de  toute  matière 
Catholique  &  Ecclefiaftique  ,  ne  voulant  reconnoïtre  que  l'Ecriture 
fainte pour juge*  Cequineleurparoîtpasraifonnable.  »  L'Ecriture 
«fainte,  difent-ils,  eft  une  chofe  inanimée  j  comme  elle  ne  parle 
»pas ,  elle  ne  peut  prononcer  de  jugement.  Mais  le  Juge  Ecclé- 
»  fïaftique  doit  la  fuivre  dans  Ces  jugemens ,  fur  tout  en  matière  de 
«foi,  parce  que  c'eft  la  règle  &  la  mefure  infaillible  de  toutes  les 
„  actions  humaines. 

Us  font  paroître  plus  de  vivacité  fur  le  fujet  de  la  Chaire  de  St. 
Pierre  que  fur  les  articles  précédents.  Après  avoir  traité  les  Huf. 
fîtes  de  calomniateurs ,  «  ils  ne  peuvent  être  ,  difent-ils  ,  ni  con- 
vaincus par  raifon  ,  parce  qu'ils  font  opiniâtres,  ni  corrigez  par 
«autorité,  parce  qu'ils  ne  la  reconnoilloient  pas,  ni  fléchi  par 
«perfuafïon,  parce  qu'ils  font  fuperbes.  Croit-on  que  la  Chaire 
«de  St.  Pierre  foit  un  Siège  matériel ,  &:  une  réfidence  locale  ? 
«Non.  C'eftl'autorité  univerfelle  de  lier  &;  de  délier  fur  la  terre, 
»  de  connoître  &  de  décider  de  toutes  les  matières  de  la  Foi ,  &  de 
«la  difcipline,  &  de  prendre  foin  de  toutes  les  Eglifes  _,  &  de  tous 
»>  les  fidèles  du  monde.  La  chaire  de  St.  Pierre  eft  fous  l'Evangile 
»  ce  qu'étoit  la  chaire  de  Moyfe  fous  la  Loi.  C'eft  de  la  chaire  de 
»  St.  Pierre  que  l'Eglife ,  &  non  la  ville  de  Rome  tient  la  princi- 
«pauté.  Or  la  chaire  de  St.  Pierre  eft  par  tout ,  où  eft  le  Pape, 
«ou  lefuccefîeur  de  St.  Pierre  ,  comme  le  fiége  du  Roi  des  Ro- 
umains eft  par  tout  où  eft  ce  monarque.  S'ilétoit  confiant  qu'une 
«femme  ,  ou  qu'un  hérétique  fût  en  la  place  de  St.  Pierre,  il  ne 
«faudroit  pas  lui  obéïr,  parce  qu'en  tel  cas,  ce  ne  feroit  pas  le 
«Pape,  ce  feroit  un  excommunié.  Mais  tant  que  l'héréfie  ,  ou 
«l'erreur  à  l'égard  de  la  perfonne  ne  paroît  pas  manifefte- 
«ment,  il  faut  obéïr.  Comme  donc  il  neparoit  pas  d'héréfieni 

iiJÊoTvài  felonlaVulgatc,  î.Job.lV.l. 

I   iij 


7o      HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.14.  *  d'erreur  à  l'égard  delaperfonne,  nidefaulïeté  manifefte  dans 
«  Alexandre  V.  &  dans  Jean  JCXII1.  fon  fucceffeur ,  nous  fom- 
«  mes  obligez  d'obéir  à  leurs  procédures  contre  Jean  Hus ,  &  Tes 
»  complices. 

Delà  les  docteurs  pafïent  aux  trois  fources  de  diflenfîon  indi- 
quées par  les  Huflites ,  fçavoir  la  fimonie ,  la  luxure,  &  l'avarice, 
èc  ils  nient  formellement  que  ces  trois  vices  foient  la  caufe  des 
nouvelles  brouilleries,  parce  qu'avant  qu'elles  fufïent  arrivés,  il 
y  avoit  beaucoup  de  gens  ckns  le  Clergé  qui  en  étoient  entachez. 
Il  y  a  d'ailleurs ,  difent-ils,  plufieursbonsEccléfiaftiques  en  Bo- 
hême, qui  en  font  tout-à-fait  exempts,  &  qui  cependant  font 
fort  oppofez  aux  Wiclefites ,  comme  il  y  a  beaucoup  d'Eccléfiafti- 
ques  mondains,  fimoniaques ,  concubinaires ,  adultères  notoi- 
res, en  fort  bonne  intelligence  avec  eux.  D'où  ils  concluent  que 
la  divifion  n'eft  arrivée  que  par  les  innovations  des  Huflites. 

Au  refte ,  les  Docteurs  affirment  que  dans  les  procédures  de  la 
cour  de  Rome ,  contre  Jean  Hus ,  aufquelles  le  Clergé  de  Prague 
a  obéi,  on  ne  commande  point  un  pur  mal  ,6c  on  ne  défend  point 
un  pur  bien ,  &:  que  ces  procédures  roulent  fur  des  chofes  mi-/, 
toyennes  &  indifférentes ,  qui  peuvent  devenir  bonnes  ou  mau- 
vaifes ,  félon  les  circonftances.  Mais  ils  ne  fe  mettent  pas  en  peine 
d'alléguer  les  raifons  de  leur  aflertion.  On  verra  bientôt  que 
Jean  Hus  dans  fon  Traité  de  fEglife  3  eft  fort  éloigné  de  leur  fèn- 
timent.  Quant  à  ce  que  les  Huflites  avoient  dit  que  ces  procédu- 
res avoient  été  extorquées  contre  la  commiflion  du  Pape  3  les  doc- 
teurs foutiennent  que  c'eft  là  une  invention  du  procureur  de  Jean 
Hus ,  qui  eft  fufpe&  dans  cette  caufe ,  étant  engagé  dans  les  mê- 
mes liens  d'excommunication  que  fon  maître.  Ce  Procureur  j  di- 
fent-ils ,  eft  revenu  furieux  de  la  Cour  de  Rcme  ->fansy  avoir  rien  fait. 
Comme  il  s' eft  exhalé  en  injures  atroces  contre  l'autorité  Eccléfiaftique , 
il  mérite  tous  les  noms ,  de  profane ,  de  facrilege  y  &  excommunié  , 
d }  hérétique ,  qu'/'/j  donnent  à  ceux  qui  rpconnoijfant  cette  autorité,  ont 
exécuté  les  ordres  de  la  Cour  de  Rome. 

Telle  fut  en  fubftance  la  réponfe  des  docteurs  aux  raifons  des 
Huflites.  S'il  nous  étoit  permis  d'en  juger ,  il  femble  qu'il  y  règne 
un  fophifme ,  qu'on  appelle  dans  l'école  ^pétition  de  principe,  c'eft- 
à-dire,  qu'on  yfuppofe  prefque  toujours  ce  qui  eft  en  queftion. 
Mais  on  verra  tout-à-l'heure  Jean  Hus  réfuter  fort  amplement 
cette  réponfe.  Elle  fit  peu  d'impreflion  fur  l'eiprir  du  public.  Les 
J-luflites  n'en  prêchèrent  pas  moins  contre  la  fimonie  _,  le  conçu- 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  71 

binage }  l'avarice ,  le  faite ,  le  luxe  des  Eccléfiaftiques.  D'ailleurs  i±\a^ 
le  roi  de  Bohême  pour  engager  le  Clergé  à  fe  reformer ,  &  ôter 
par  là  ces  prétextes  de  plainces  publique ,  donna  un  édit ,  par  le- 
quel il  retranchoit  aux  eccléfiaftiques  de  mauvaifes mœurs,  leurs 
dixmes  &  leurs  revenus.  »  Autorifez  par  cet  édit ,  Il  l'on  en  croie 
»  Cochlée ,  les  Hu dîtes  en  déféroient  tous  les  jours  quelques-uns  de 
»  ce  caractère.  Plusieurs  fe  rangèrent  dans  leur  partie  pour  n'être 
»  pas  dépouillez.  Cette  crainte  tenoit  dans  le  iilence  les  Catholi- 
»  ques ,  &  laifïbit  la  victoire  aux  Huffites  (a).  , .  CgcM 

Conrad ,  pour  remédier  à  ces  défordres,  mit  l'interdit  fur  la  mjt.  Huff. 
ville  de  Prague ,  &  fur  tout  les  lieux ,  où  Jean  Bus  féjourneroit ,  L,I>  P* 6zi 
défendant  d'y  prêcher  _,  &  d'y  faire  le  fervice  divin  _,  pendant  tout 
le  temps  de  fon  féjour ,  &  même  quelques  jours  après  fon  départ. 
Malgré  cet  incerdit,  on  ne  laiffà  pas  de  lire  dans  la  chapelle  de 
Bethlehem  le  traité  que  Jean  Hus  avoit  compofé  fur  la  matière 
de  l'Eglife.  Jean  Cochlée  tout  pafïïonné  qu'il  eft  contre  Jean  Husy 
n'a  pu  s'empêcher  de  faire  l'éloge  de  ce  traité.  Maisjenefçaurois 
convenir  de  cet  art  avec  lequel  il  dit  que  ce  docteur  Bohémien  y 
amené  routes  chofes  contre  le  Pape  &  l'Eglife  Romaine.  Je  trou- 
ve au  contraire  que  ce  traité  eft  rempli  d'invectives  très-groflîe- 
res.  Cependant ,  comme  c'eft  de  ce  traité  qu'on  tira  \qs  principa- 
les propofitions  contre  Jean  Hus  au  Concile  de  Confiance ,  il  eft 
néceiïaire  d'en  rendre  compte. 

XIII.  Après  avoir  expliqué  les  diverfes  lignifications  du  mot    Tr&islm 
d'Eglife,  Jean  Hus  définit  l'Eglife  univerfelle  par  l'affemblée  de*fi%ej£ 
tous  les  pré deftinez^pajfe^  préfens  &  avenir ,  y  compris  les  Anges.  Hus. 
Enfuite  il  rendplufieurs  raifons  pourquoi  l'article  de  l'Eglife  eft 
mis  dans  le  fymbole  après  ceux  du  Père ,  du  Fils  &  du  St.  Efprit. 
C'efi ,  dit-il ,  entre  autres  raifons  3  parce  que ,  quoique  l'Eglife  foit  la. 
plus  excellente  créature  de  Dieu  y  ce  n'eft  pourtant  qu'une  créature* 
D'où  il  tire  cette  conféquence  3  qu'on  ne  doit  pas  croire  en  l'Eglife  > 
parce  qu  elle  n  eft  pas  Dieu ,  mais  qu'il  faut  croire  qu'il  y  a  une  fainte 
Eglife  univerfelle  3  dont  J.  C.  eft  lefeul  Chef,  &  que  toute  l'Eglife  doit 
fervir ,  mais  qu'on  ne  doit  rendre  aucun  culte  divin ,  ni  à  l'Eglife  en  gé- 
néral 3  ni  à  aucune  de  fes  parties  (  1  )..  Il  fait  trois  parties  de  l'Eglife  , 
fçavoir  l'Eglife  militante ,  l'Eglife  dormante  qui  eft  dans  le  Purga- 
toire ,  &.  l'Eglife  triomphante ,  par  les  fuff rages  &  prières  de  laquelle 
l'Eglife  militante  eft  aidée  félon  lui.  Comme  de  cette  définition 

(î)TotaEccleJîa  £>  quœlibct  ejtts pars  debttDeum  celere>  î$  ntc'ulfo'tjm  pars  vult  fe  esli  pro 
,D«. Fol.  CXCVI1I. 


1414- 


7i       HISTOIRE     DU     CONCILE 

&;  de  cette  divifion  de  l'Eglife ,  il  s'enfuit  que  les  réprouvez  n'en 
font  pas  membres ,  ce  qui  paroît  contre  la  doctrine  de  l'Ecriture 
(a  )  Matt.   (a)  &  des  Pères ,  il  répond  à  cette  objection  j  que  tout  de  même 

îa*inXL  *îue  ^ans  ^e  corPs  humain  il  y  a  plufieurs  chofes  qui  n'en  fonc 
pas  partie  (i),  ainfi  dans  le  corps  myftique  dej.  C.quiefH'E- 
glife ,  il  y  a  plusieurs  membres  qui  ne  font  pas  de  l'Eglife ,  tels  que 
font  les  reprouvez,  qu'il  appelle  les  excrêmens  de  l'Eglife ,  parce 
qu'autre  choie  eft.  être  de  l'Eglife  ,  &  être  dans  l'Eglile.  On  peut 
être  dans  l'Eglife ,  fans  être  de  l'Eglife.  Tels  peuvent  être ,  dit-il , 
le  Pape-  3  les  Eve  que  s ,  les  Prêtres ,  le  Clergé ,  quoiqu'ils  s'appellent 
l'Eglife  par  excellence  ,  parce  qu'ils  peuvent  être  réprouvez^  Mais  on 
peut  être  auffi  de  l'Eglife ,  quoi  qu'on  ne  foit  pas  encore  dans  l'E- 
ri,)  chip,    ghfe*  tels  que  font  ceux  qui  fe  convertirent  à  la  Foi  (b).  Ilpafle 

vu.  vin.  3e  là  après  les  réflexions  générales  6c  comme  préliminaires  3  à 
une  explication  plus  particulière  de  St.  Mathieu  XVIII.  16.17. 
1  S.  19.  Il  y  trouve  quatre  objets  à  confidérer ,  l'Eglife  3  fa  foi  3 
fon  fondement ,  fa puijfance.  Comme  *Jean  Uns  avoit  établi  dans 
le  premier  Chapitre  que  l'Eglife  univerfelle  étant  unique  _,  J.  C. 
en  efl  l'unique  Chef,  parce  qu'autrement  elle  feroit  un  corps 
monftreux  à  deux  têtes.  Il  fe  propofe  ici  une  queftion  ,  fçavoir ,  fi 
l'Eglife  Romaine  eft  cette  Eglife  univerfelle 3  &  propofe  pour  l'af- 
firmative le  nouveau  Droit  Canon  3  qui  dit  que  le  Pape  ejl  le  Chef 
de  l'Eglife  &  que  les  Cardinaux  en  font  le  Corps.  Mais  en  même  temps 
il  fe  déclare  pour  la  négative  par  cette  raifon  que  le  Pape  &  les 
Cardinaux  ne  forme  pas  toute  l'aiïemblée  des  prédeftinez,  félon 
qu'il  a  défini  l'Eglife.  C'eft  dans  ce  fens  qu'il  explique  les  paroles 
dej.  C.  Tu  es  Pierre  &  fur  cette  pierre  f  édifierai  mon  Eglife.  C'eft- 
à-dire  ,  félon  lui  3  Tu  eft  le  confejfeur  de  la  vraie  pierre  qui  eft  le  Chrift, 
&  c'eft  fur  cette  pierre  que  tu  as  confcjfè ,  c'eft-à-  dire,  fur  moi,  que  j'édi- 
fierai par  lafoi^&parla  confomrnationde  ma  grâce \mon  Eglife  3c  eft- à* 
(  c  )  Fol.  dire  l'aff emblée  des  Prédejlinez^{c).  Sur  quoi  il  allègue  l'autorité  de 
Nicolas  de  Zyra ,  qui  dit  que  l'Eglife  dont  parle  J.  C.  ne  confiftepas 
dans  les  hommes  conftituezjn  puijfance  &  en  dignité ,  foit  féculiere  , 
foit  Ecclêfiaftique ,  parce  que  plufieurs  fouverains  Pontifes  ont  apofta- 
fiê  de  la  Foi.  Ce  que  Jeanflus  confirme  par  l'exemple  de  plufieurs 
Papes  qui  font  tombez  dans  de  grandes  erreurs  &:  dans  de  grands 
crimes  ,  gomme  du  temps  du  Pape  Jean  cette  femme  Angloife  nommée 
Hagna ,  ou  Agnès  qui  accoucha,  Il  ne  eontefte  pas  que  l'Eglife 
Romaine  n'ait  de  grands  privilèges  à  caufe  de  St.  Pierre  qui  l'a 

(1)  Spiritum ,  flegmet  ,  Stercus ,  apojlema  }  uritia9 

fondée 


ccvn. 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  73 

fondée  &  par  d'autres  raifons  de  convenance.  Il  veut  bien  auffi  Jj-I^-> 
que  le  Pape  &  les  Cardinaux  foient  les  principaux  en  dignité 
dansl'Eglifè,  pourvu  qu'ils  imitent  J.  C.  &  que  fe  dépouillant  du 
fafte&  de  l'ambition  ils  fervent  avec  humilité  la^mere  commune 
des  Fidèles.  Il  ne  s'oppofe  pas  même  que  par  honneur  on  donne  à 
l'Eglife  Romaine  «le  titre  d'Eglife  Univerfelle  dans  le  même  fens 
que  la  glofe  du  Décret ,  qui  porte  que  par  toutou  il  y  a  des  fidèles 
là  eft  l'Eglife  Romaine  (  i).  :  ce  qui  ne  peut  convenir  au  Pape  &  aux 
Cardinaux  qui  font  attache^  à  Rome ,  encore  moins  à  des  Papes  &  à 
des  Cardinaux  tels  que  ceux  de  l'Eglife  Romaine  d'aujourd'hui.  De 
forte,  félon  lui  3  qu'à  proprement  parler  ,  on  nefçauroit  dire  que 
l'Eglife  Romaine  foit  l'Eglife  Univerfelle ,  parce  qu'au  fond  c'eft 
une  Eglife  particulière  &  qui  n'eft  pas  même  la  plus  ancienne,,  té- 
moin celle  de  Jerufalem  &  d'Antioche.  D'où  il  conclut  que  ni  le 
Pape  ,  ni  les  Cardinaux,  quand  même  ils  vivroient  conformé- 
ment à  leur  caractère ,  ne  compofent  pas  la  tête  &  le  corps  de 
l'Eglife  Univerfelle.,  qui  a  pour  chef  J.  C.  ôcpour  membres  les 
Prédeftinez. 

Comme  la  Foi  eft  le  caractère  effentiel  de  l'Eglife,  ou  le  fonde- 
ment de  toutes  les  conditions  qui  constituent  fon  eiïence  ,  Jean 
J-Tus  employé  le  Chapitre  VIII.  à  diftinguer  la  Foi  en  diverfes 
fortes,  à  la  manière  des  Scholaftiques ,  comme  la  Foi  actuelle  3  la 
Foi  habituelle ,  la  Foi  objective,  la  Foi  informe  3  c'eft- à- dire  ,  qui  n'a 
que  l'objet  &  la  matière  de  la  Foi  fans  en  avoir  la  forme ,  qui  con- 
fifte  dans  la  charité,  ôcdans  la  Foi  formée  parla  charité.»  C'efl: 
«cette  dernière  Foi,  dit-il,  quand  elle  perfevere  ,  qui  eft  le  fon- 
«  dément  de  toutes  les  autres  vertus  chrétiennes.  Cette  Foi ,  con- 
tinue-t-il,  doit  être  nécelïairement  fondée  fur  deux  chofes ,  fur 
»  la  Vérité  qui  éclaire  l'entendement ,  &  fur  V Autorite  qui  affermie 
»l'ame.  Or  cette  Autorité  ne  peut  être  autre  que  celle  de  Dieu 
»>  parlant  dans  fa  parole.  Quand  une  fois  le  chrétien  eft  perfuadé 
y»  qu'une  Vérité  a  été  dictée  par  le  St.  Efprit  dans  l'Ecriture,il  doit 
»la  foûtenir  conftamment  au  péril  de  fa  vie.il  n'en  eft  pas  de  même 
«des  paroles  des  Saints  &  des  Bulles  des  Papes  ;  on  n'eft  obligé  d'y 
«croire  qu'autant  quelles  font  conformes  à  l'Ecriture  fainte ,  foit 
»  directement  ,  foit  indirectement.  On  peut  croire  aux  Bulles  du 
Pape  comme  à  une  opinion  (opinativè)  parce  que  le  Pape  &  fa  Cour 
peuvent  fe  tromper  faute  de  fcavoirla  vérité ,  félon  ce  mot  commun  , 

(i  )  Argumentant  uhkamtjue  funt ,  ibi eft  Rtmtttia  Eccle/ta» 

Tom.II.Part.il.  K 


74       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14. 14.  &  profit  trompe  le  Pape  s  &  il  fe  trompe  par  ignorance  (  1  ).  »  L'expé- 
»  rience ,  dit-il ,  nous  apprend  allez  comment  on  croie  aux  Paten- 
tes des  Princes,  aux  Aétes  des  Notaires  &  aux  relations  des 
«hommes,  parce  qu'on  fçait  que  tout  cela  trompe  fouvent.  Autre 
»  chofe  en:  donc  de  croire  en  Dieu,  parce  qu'il  ne  peut  tromper, 
»  ni  être  trompé  6c  de  croire  au  Pape  qui  eft  fujet  à  l'un  &  à  l'autre, 
»  autre  chofe  eft  de  croire  l'Ecriture  fainte,  autre  de  croire  une 
»  Bulle,  parce  qu'elle  n'eft  qu'une  invention  humaine.  Il  n'eft  ja- 
»  mais  permis  de  ne  pas  fuivre  l'Ecriture  ,  ni  de  s'y  oppofer,  mais 
»  il  eft  quelquefois  permis  de  ne  pas  croire  une  Balle  6c  de  s'y  op- 
«pofer,  comme  quand  une  Bulle  n'a  fa  fource  que  dans  l'avarice, 
»  quand  elle  recommande  6c  qu'elle  élevé  aux  charges  de  l'Eglife 
»  des  fujets  indignes,  quand  elle  opprime  des  innocens ,  en  un  mot, 
»  quand  elle  eft  contraire  aux  commanciemens  &  aux  confeils  de 
«Dieu. 

Delà  Jean  Mus  parle  aux  fondemens  de  l'Eglife,  exprimé  dans 
ces  paroles  dej.  C.  à  St.  Pierre:  J'édifierai  mon  Eglife  fur  cette  pierre. 
Comme  c'eft  là  deflus  principalement  que  les  Papes  fondent  leur 
prétention,  d'être  eux-mêmes  la  pierre  fur  laquelle  l'Eglife  eft  bâ- 
tie, il  traite  ce  fujetavec  plus  d'étendue  que  les  précédents.  Pour 
l'ordre  &  pour  la  brièveté  je  réduirai  ce  qu'il  en  dit  en  thefes  ou 
en  proportions. 

I.  f .  C.  eft  en  tout  fens ,  la  pierre  fondamentale  de  l'Eglife.  1 .  Il 

eneft  le  fondateur ,  y 'édifierai.  1.  Il  eft  le  fondement  lur  lequel 

l'Eglife  eft  pofée ,  fur  cette  pierre.  Ce  qui  fe  prouve  par  plufieurs 

paftages  de  l'Ecriture,  &  par  ces  paroles  de  St.  Augu(lin.»G'£ÏÏL 

»  comme  fi  J.  C.  avoir  dit  à  St.  Pierre  :  Parce  que  vous  m'avez  dit  , 

»  vous  êtes  le  Fils  du  Dieu  vivanr  ;  je  vous  dis  moi,  que  vous  êtes 

»  Pierre  3  car  il  s'appelloit  auparavant  Simon.  Or  ce  nom  lui  fuc 

»impofé  par  le  Seigneur  pour  défigner  l'Eglife ,  parce  que  Saint 

»Pierre  par  cette  figure  6c  par  fa  confefîîon  reprefentoit  l'Eglife. 

»  Car  comme  Chrift  eft  la  pierre,  Pierre  eft  le  peuple  chrétien. 

»  Car  la  Pierre  eft  le  nom  principal  6c  original.  C'eft  pourquoi 

^Pierre  vient  de  la  pierre ,  6c  non  pas  la  pierre  de  Pierre,  tout  de 

même  que  Chrift  ne  vient  pas  de  Chrétien  ,  mais  Chrétien  vient 

»  de  Chrift.  Vous  êtes  donc  Pierre  3  dit  le  Seigneur ,  &fur  cette  pierre 

»  que  vous  avez  reconnue  ,  en  difant,  tu  es  le  Chrift  le  Fils  du  Dieu 

^vivant ,  'f  édifierai  mon  Eglife ,  c'eft-à-dire  ,  fur  moi  qui  fuis  le 

»>  Fils  du  Dieu  vivant  3  Je  vous  édifierai  fur  moi  ;  je  ne  m'édifierai 

(1)  Fallit  Papa  lucrum  <$fallitur  profiter  ignaranxiam.  Fol.  CCIX. 


ccxl. 


DE      VISE.    Liv.  VIII.  75 

5>  pas  fur  vous,  car  les  hommes  voulant  s'édifier  fur  les  hommes,     14 14, 

»  difoient  ,  moi  je  fuis  de  Paul,  moi  je  fuis  d'Apollos ,  moi  je  fuis  de 

»  Cephas  3  qui  efl  le  même  que  Pierre.  Mais  ceux  qui  ne  vouloienc 

»pas  être  édifiez  fur  Pierre ,  mais  fur  la  pierre,  difoient,  moi  je 

»  fuis  de  chriflÇa).  3.  Parce  que  le  fondement  delà  foidel'Eglife   {^Aitgujt. 

»  roule  fur  cette  vérité  confeilée  par  St.  Pierre  ;  Tu  es  le  Chrifl ,  le  T  v'  '"  E" , 

.  *■  J  J     >         vang.  Manb. 

»  F  ils  du  Dieu  vivant.  *  serm. 

II.  Quand  donc  les  Apôtres  font  appeliez  les  fondemens  de  LXxvi.p. 
l'Eglife,  c'efl  d'une  manière  impropre ,  figurée,  ôc  fubordonnée  À?°vverp.  & 
à  J.  C.  parce  quec'eftfur  luiqu^ils  ont  bâti  l'Eglife.  1.  Cor.  III.  1.  Serm- 
Pierre  II.  Ephef  II.  en  forte  que  J.  C.  efl  le  fondement  des  fonde-  8^x.XsïmP* 
mens,  comme  /*/  efl  le  Saint  des  Saints,  &  le  Pafteurdes  Pafteurs.  ccxlii.  p. 
Si  ekgo  Sacramenta  coptes ,  Chriftus  Sanftus  SanHorum  hfigregem  cC°LXX.  n^' 
fubditum  coptes ,  Chriftus  PaftorPaftorum  -,fifabricam  coptes,  Chrif  754-Rctraa. 
tusfundamentumfundamentorum.  Chriftus  efl  fundamentum  Ecclefîœ  TI  P-25* 
antonomaflicè  ,  quia  ab  illo  incipit ,  & in  illofinitur(b).  ( b  )  Fpi 

II I. J.  C.  étant,à  proprement  parler,  le  feul  chef  6c  le  feui  fonde- 
ment de  l'Eglife  Univerfelle ,  il  s'enfuit  de  là  que  St.  Pierre  ne  peut 
l'être  que  de  la  même  manière  que  les  Apôtres  (es  Collègues.  On 
peut  bien  convenir  que  J.  C.  qui  efl  la  pierre  de  l'Eglife  _,  a  fondé 
pierre  dans  l'humilité,  dans  la  pauvreté  ,  dans  la  Foi,  &  que  c'efl 
par  ces  vertus  qu'il  a  édifié  l'Eglife  qu'il  a  gouvernée.  Mais  de  pré- 
tendre que  par  ces  paroles,  fur  cette  pierre  j'édifierai  mon  Epife  , 
J.  C.ait  eu  intention  de  fonder  toute  l'Eglife  fur  la  perfonne  de 
Pierre ,  c'efl  ce  qui  efl  contraire  à  la  Foi  &  à  la  raifon.  Auffi  Saint 
Pierre  ne  s'efl-il  jamais  vanté  d'être  le  Chef  de  l'Eglife  Univerfelle, 
parce  qu'il  ne  Ta  jamais  gouvernée  toute.  On  peut  pourtant  accor- 
der à  St.  Pierre ,  avec  quelques  Pères,  une  primauté  d'ordre  ifur 
les  autres  Apôtres ,  à  caufe  de  l'excellence  de  {es  vertus ,  &  dire  , 
fi  l'on  veut ,  avec  le  bienheureux  Denys ,  que  St.  Pierre  a  été  le  chef 
du  Collège  Apoflolique ,  ou  le  Capitaine  des  Apôtres ,  ce  qui  efl 
bien  différent  d'être  le  Chef  de  l'Eglife  Univerfelle. 

I  V.  A  l'égard  de  l'Evêque  de  Rome  ,  on  peut  aufîî  le  regarder 
comme  le  Vicaire  de  St.  Pierre ,  &  le  premier  dans  l'Eglife  qu'il 
gouverne,s'il  imite  les  vertus  de  cet  Apôtre,  mais  s'il  fuit  une  route 
oppofée,  iln'efl  que  le  Précurfeur  del'Ante-Chrifl.»  Vous  êtes 
«Pafleur,  difoit  St.  Bernard  à  Eugène  JV.  ôtvous  allez  tout  doré 
»  &  tout  bigarré.  Quel  fruit  en  retirent  les  brebis  ?  Si  j'ofois  le  dire, 
«•ce  font  plutôt  des  parcs  décernons  que  de  brebis.  Cen'efl  pas 
»  ainfi  qu'en  ufoient  St.  Pierre  &  St.  Paul,  ils  nes'amufoient  pas 

Ki, 


y6  HISTOIRE  DU  CONCILE 
1414.  »  à  des  babioles  (  1  ).  Ou  montrez -vous  au  peuple  enPafteur,  ou. 
»  dites  nettement  que  vous  ne  l'êtes  pas.  Mais  vous  n'avez  garde 
«de  le  dire  j  parce  que  vous  êtes  bien  aife  d'avoir  l'héritage  de 
»  celui  dont  vous  tenez  la  place ,  fans  en  avoir  le  caractère.  On  ne 
»  voit  pas  que  ce  Pierre  qui  l'occupa  ait  marché  tout  chargé  d'or , 
»defoye,  de  pierreries:  il  nemontoit  point  un  cheval  blanc,  il 
«n'étoit  point  efcorté  de  foldats,,  &il  n'avoit  pas  une  groiïe  cour. 
»  Mais  fans  tout  cela  il  a  crû  pouvoir  remplir  ce  miniflere  }  fi  vous 
»  mai?nez^pai(fezjnes  brebis.  Dans  ces  choies  vous  avez  fuccedé  non 

(a)  ïhitUtol.  PÀ  Pierre ,  mais  à  l'Empereur  Conflantin  (a). 

ccxn.b.  Dans  le  dixième  chapitre  JeanHus  traite  de  la  puiflance  Ec- 
cléfiaftique  exprimée  par  J.  C.  en  ces  termes:  Je",  vous  donnerai  les 
Clefs  ,  &c.  Je  réduirai  encore  ce  qu'il  en  dit  aux  articles  fuivans. 

Ch.  X.Fol.      I.  Cette  puiflance  eft  purement  fpirituelie.  Elle  confifte  à  inf- 

ccxiii.  truire  3  à  condamner  les  coupables  par  les  peines  fpirituelles,  à 
abfoudre  les  pénitens ,  &  à  leur  annoncer  la  rémiflîon  de  leurs  pé- 
chez ,  en  un  mot  à  gouverner  l'Eglife  félon  la  parole  de  Dieu  (1). 
Elle  réfîde  immédiatement  dans  J.  C.  comme  dans  le  Chef  de  l'E- 
glife. Il  la  donne  aux  Prélats  de  l'Eglife  par  commiflion  ,  de  forte 
que  leur  Puiflance  n'eft  quinftrumentale  &  minifterielle  y  ils  font  les 
organes  &  les  miniftres  de  J.  C. 

I I.  Cette  puiflance  a  été  donnée  dans  la  perfonne  de  St.  Pierre 
à  toute  l'Eglife  militante,  quoique  toute  perfonne  de  l'Eglife  ne  la 
puifîe  pas  exercer  indifféremment. 

I I I.  Il  s'enfuit  de  là  que  les  Miniftres  de  l'Eglife  ne  fçauroienc 
lier  ni  délier,  remettre  ni  retenir  les  péchez,  fî  Dieu  ne  l'afaic 
auparavant.  Ce(l  une  extravagance  aux  Prêtres  de -prétendre  pouvoir 
lier  &  délier  à  leur  gré ,  fans  que  J.  C.  l'ait  fait  auparavant ,  à*  le 
peuple  fefait  une  grande  illufion,  quand  il  croit  qu'un  Prêtre  lie  ou  délie 
le  premier  _,  &  que  Dieu  ne  le  fait  qu'après ,  comme  fi  Dieu  executoit 
le  jugement  du  Prêtre ,  au  lieu  que  c'efl  le  Prêtre  qui  doit  exécu- 
ter le  jugement  de  Dieu,  &  ne  condamner  ni  abfoudre  qu'en  con- 
formité avec  J.  C.  parlant  dans  l'Evangile.  Un  Prêtre  qui  lie  & 
qui  délieabfolument  &  fans  cette  condition  que  Dieu  l'approuve  , 
agit  comme  s'il  étoit  impeccable ,  &  comme  s'il  étoit  Dieu  par  confé-- 
quent,  parce  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  fonde  les  cœurs  ,  &  qui  pro- 
nonce fans  partialité  &  fans  paffion ,  au  lieu  qu'un  Prêtre  peut  être 
fufceptible  de  haine ,  d'afîedion ,  d'avarice ,  &  être  trompé  par 
les  hypocrites. 

(  1  )  TZônjk  Paulus  ludebat.  Fol.  CCXI.  b. 
(ij  Doiï,  confut.  cajlig.folare.  remitte.fer.  ora. 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  77 

I V.  Auffi  J.  C.  ne  dit-il  pas ,  tout  ce  qu'il  vous  plaira  de  lier  &de  ja.ia., 
délier ,  mais  tout  ce  que  vous  lierez^  $*  délierez^,  fuppofant  que  les 
Apôtres  le  feronr  conformément  à  fa  volonté,  &  avec  les  excep- 
tions néceflairesj  comme  le  remarque  Richard  Middleton(i)(dQ 
média  villa.  )  Il  ne  faut  pas  fe  laiiTer  tromper  par  ces  fophifmes  de 
l'Ante-Chrift  :  Tout  ce  que  le  Vicaire  de  J.  C.  lie  ou  condamme  fur  la. 

terre ,  fera  lie  ou  condamne  dans  le  Ciel.  Or  le  Vicaire  de  J.  C.  a  lié  ou 
condamné  un  fidèle  parce  qu'il  lui  a  refufè  de  l'argent  pour  fon  abfolu- 
tion  ,  donc  il  fer  a  lié  &  condamné  dans  le  Ciel.  Ou  bien  3  Tout  ce  que 
le  Vicaire  de  J.  C.  délie  ou  ab fout  fur  la  terre  3  fera  délié  &ab  fous  dans 
le  Ciel.  Or  le  Vicaire  de  J.  C.  a  délié  ou  abfous  un  impénitent  qui  lui  a 
offert  de  l'argent.  Donc ,  &c.  C'eft  ainfi,  dit  Jean  Hus ,  qu'il  faut 
réformer  cet  argument.  Tout  ce  que  le  Vicaire  de  J .  C.  lie  ou  délie 
juftcmcntfur  la  terre ,  fera  lié  &  délié  dans  le  Ciel.  C'eft  pourquoi  les 
glofes  des  Décrets  apportent  cette  exception  à  la  puiiîance  délier 
ou  de  délier ,  fuppofé  qu'il  n'y  ait  point  d'erreur  dans  la  clef. 

V.  Cette  puiiîance  de  lier  6c  de  délier  a  été  égale  dans  tous  les 
Apôtres  _,  comme  cela  paroît  par  l'Evangile  3  où  J.  C.  dit  à  tous 
également,  avant  &  depuis  fa  refurreclion.,  après  leur  avoir  donné 
le  St.  Efprit  3  ce  que  vous  lier ezjfur  la  terre  &c.  ceux  à  qui  vous  par- 
donnerczJ.es  péchez^,  ils  leur  feront  pardonne^  ceux  à  qui  vous  les  re- 
tiendrez^, ils  feront  retenus.  Il  les  envoyé  prêcher  &  baptifer  avec  le 

même  pouvoir  (a).  C'eft  ce  que  porte  auffi  le  droit  canon.  Tous  les  00  M*f^* 
autres  Apôtres  ont  reçu  avec  St.  Pierre  une  égale puijfance  &  un  égaljean    xxu. 
honneur  3  &  après  leur  mort  les  Evèques  leur  ontfuccedé  (b).  C'eft  donc  zî'Mattb. 
une  extravagance ,  dit  Jean  Hus ,  de  croire  que  les  Apbtres  n'ayent  1Ç 
reçu  dej.  C '.  aucun  don  fpirituel ,  dont  St.  Pierre  nefùtlafource.  (b)  Décret. 

Après  avoir  établi  ces  principes  généraux  fur  la  puiiîance  des-0^'  xx  ' 
clefs,  il  entre  dans  un  allez  grand  détail  de  l'abus  qu'a  fait  le 
Clergé  de  Rome  de  plufieurs  pafîagesde  l'Ecriture  Sainte  pour 
étendre  l'autorité  de  l'Eglife  Romaine  au-delà  de  (es  juites  bor- 
nes. Ce  qui  lui  donne  lieu  de  diftinguer  deux  fortes  de  puiiîance, 
l'une  légitime ,  à  laquelle  il  faut  obéir  (c) ,  l'autre  prétendue ,  ufur-   (c)  Kl}™' 
pée  &  fauilement  ainfi  nommée  3  à  laquelle  il  faut  réiiftcr ,  com- 
me à  la  puijfance  de  la  bête  dans  l'Apocalypfe  (b).  »Telle  eft ,  dit-il ,    [%$"' 
»ia  puiiîance  des  fimoniaques,  qui  par  intérêt  abufent  des  clefs 
»pour  condamner  des  innocens ,  &  pour  abfoudre  des  coupa- 
v  blés, qui  achètent  &  qui  vendent  les  Ordres  facrez,  les  Evêchez ., 

(i)Scholaftique  AngloisduXIII.  fiecle,  appelle  le  Deiïeur  folide  <$  copieux  y  très  fon té  <$ 
autorijé. 

Kiii 


Ch.  XII. 


78       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.  "*es  canonicats,  les  cures  3  qui  font  un  négoce  des  Sacremens , 
»  &  qui  vivent  dans  l'avarice ,  dans  la  luxure ,  dans  la  volupté  ,  & 
»dans  d'autres  crimes  qui  profanent  3  &  fouillent  l'autorité  du 
«Sacerdoce.  »  Telles  gens  n'ont  pas  des  fentimens  orthodoxes  fur  les 
fept  Sacremens  3  fur  les  Clefs  ,  les  Offices ,  les  Cenfures  ,  les  Cérémonies , 
la  vénération  des  Reliques ,  les  Indulgences ,  les  Ordres.  Comme  les 
ennemis  de  Jean  Hus  l'avoient  appelle  lui,  &  (es  adhérens  un 
Clergé  pefiifèrè  3  il  ne  manque  pas  de  leur  donner  le  même  éloge 
par  une  efpéce  de  récrimination.  Tel  efi ,  dic-il ,  ce  Clergé  pefti- 
ferè  a  la  tète  duquel  efl  Etienne  Paietz  avec  Staniflas  Znoïma  qui 
en  ont  entraîné  -plujteurs  autres. 

Le  Chapitre  XII.  eft  employé  à  prouver  que  J.  c.  efi  le  feul 
vrai  Pontife  Romain  ,  parce  qu'il  a  feul  les  qnalitez  ôt  les  préro- 
gatives que  s'attribuent  fauflement  les  Pontifes  de  Rome.  Si  toute 
créature  humaine ,  dit-il ,  eft  obligée  de  néceiîité  de  falut  à  fe  fou- 
mettre  au  Pontife  Romain  ,  il  s'enfuit  de  là  qu'il  n'y  a  point  d'au- 
tre Pontife  Romain  que  le  Seigneur  j.  C.  le  fouverain  Pontife  ce 
l'Eglife.  1.  Parce  que  l'humanité  de  J.  C.  n'eft  foumife  à  aucun 
Pontife,  Dieu  l'ayant  exhahéj  &  lui  ayant  donné  un  nom,  par 
deflustout  autre  nom,  afin  qu'au  nom  dejefus,  toute puiilance 
humaine  3  angelique  &  diabolique,  fléchifle  le  genou.  2 .  Parce  que 
la  Mère  de  J.  C.  Jean-Baptifie ,  St.  Pierre  3  &  les  autres  bien-heu- 
reux qui  font  dans  la  patrie,  ne  font  obligez  à  fe  foumettre  à  au- 
cun autre  Pontife  Romain  n'a  nul  pouvoir  de  lier  ôc  de  délier  à 
leur  égard.'»  Le  Pape  Clément  élargit  donc,  il  emplirie  trop  fa 
j»puiflance3  lorfqu'il  déclare  dans  fa  bulle  Angelis  Paradifi^  que 
«l'ame  de  quiconque  iroit  à  Rome  pour  avoir  des  Indulgences, 
3>feroit  exempte  du  Purgatoire  3  ôc  iroit  tout  droit  à  la  gloire  cé- 
»  lefte  3  s'il  venoit  à  mourir  en  chemin.  »  Le  titre  d'Evèque  univer- 
fel ,  £c  de  très- fa  int  que  fe  donnent  les  Papes,  eft  réfuté  dans  ce 
chapitre  par  l'exemple  des  Apôtres ,  qui  n'ont  point  pris*  ces  ti- 
tres, par  les  Canons,  par  les  Conciles,  &  parla  vie  fcandaleufe 
de  plu  Meurs  Papes  en  qui  ilny  a  eu  aucune  étincelle  de  fainteté. 

Les antagoniftes  de  7^?z  ri»-*",  dont  on  vient  de  parler,  avoient 
pofé  en  fait  dans  leur  écrit ,  que  le  Pape  eft  le  Chef  de  l'Eglife , 
par  où  ils  entendent  l'Eglife  Romaine ,  que  les  Cardinaux  en  font 
Je  corps ,  &  qu'étant  les  feuls  vrais  fuccefîeurs  de  St.  Pierre  Prin- 
ce des  Apôtres,  &  du  collège  apoftolique  ,  c'eftàeux  qu'appar- 
tient à  perpétuité  dans  toute  l'églife  la  connoifTance  &  la  déci- 
sion de  toutes  les  matières  de  doctrine  &  de  difeipline ,  à  corriger 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  79 

&  à  repurger  les  erreurs  5  en  un  mot ,  à  avoir  foin  de  tous  les  fîdé-  1414; 
les  partout  le  monde,  &  qu'on  ne  fçauroit  avoir,  ni  trouver  d'au- 
tres pareils  fuccefleurs  de  St.  Pierreux,  des  Apôtres  que  dans  le  Pa- 
pe, &  dans  le  collège  des  Cardinaux.  Ces fariboles ,dit-il, font  fontes 
en  grande  partie  de  la  tète  de  Staniflas  intimidé  ,  &  terrafjè  par  la 
Cour  de  Rome.  Jean  Hus  dit  pourtant  qu'il  ne  contefteroit  pas 
la  théfe,  s'il  fe  trouvoit  un  Pape  6c  des  Cardinaux  qui  gouver- 
naflent  ïpirituellement,  &  dans  une  parfaite  conformité  avec 
J.  C.  comme  fit  St.  Pierre  après  l'afcenfion  de  fon  divin  Maître. 
Mais  il  ajoute  que  fi  on  appelle  Pape  toute  perfonne  que  l'Eglife 
d'occident  acceptera  pourEvêque  de  Rome,  pour  décider  fou- 
verainementdes  caufes  &  des  affaires  de  l'Eglife,  &  pour  com- 
mander aux  fidèles  tout  ce  qui  lui  plaira ,  ce  feroit  abufer  des 
termes,  parce  qu'en  ce  cas,  il  pourroit  arriver  qu'un  laïque  igno- 
rant,  une  femmelette  3  un  hérétique,  &  un  ante-chrift  feroit 
Pape.  Il  allègue  pour  prouver  le  premier  cas ,  les  Papes  Conftan- 
tin  II.  &  Grégoire  II.  qui  étoient  des  laïques  ignorans,  &  qui 
comme  tels  furent  dépofez  j  pour  prouver  le  fécond  ,  la  Papelîe  Fol.  ccxx. 
Jeanne  nommée  Agnès ,  dont  il  raconte  l'avanture  dans  les  ter- 
mes  de  Ranulphe  de  Higeden(i)  3  &  le  troifiéme  le  Pape  Libère 
Arien.  A  l'égard  de  l'Anti-Chriftianifme ,  il  foutient  que  tout 
Pape  qui  vit  d'une  manière  oppofée  à  la  doctrine ,  &  à  la  vie  de 
J.  C.  efl  un  AnteChrifl.  Aucun  fidèle  ne  fçauroit  nier,  dit-il } 
qu'il  n'efl  pas  impoflîble,  qu'il  ne  fe  trouve  fur  le  Saint  Siège,  U)Manh. 
l'homme  de  péché 3  tel  qu'il  efl  repréfenté  par  J.  C.  (a)  &  par  St.  (bjzïV^/r. 
Paul  (b):  Après  cette  réflexion  il  réduit  la  propoficion  générale  IL 
des  docteurs  à  ces  fix  points.  I.  Le  Pape  eft  le  Chef  de  lafainte  Egli- 
fe  Romaine.  II.  Le  collège  des  Cardinaux  eft  le  corps  de  la  fainte  Eqli~ 
fe  Romaine.  III.  Le  Pape  eft  le  manifefte  &  le  vrai  fucceffeur  de  St. 
Pierre  Prince  des  Apbtres.  IV.  Les  Cardinaux  font  les  vrais  &  les 
manifefte  s  fucceffeur  s  du  collège  des  autres  Apbtres.  V.  Pour  le  gou- 
vernement de  l' Eglife  dans  tout  f  univers  3  il  faut  qu'il  y  ait  toujours 
dans  cet  Office  de  tels  manifeftes  &  vrais  fucceffeurs  du  Prince  &  du 
collège  des  Apbtres.  VI.  On  ne  fçauroit  trouver  ni  avoir  fur  la  terre 
d'autres  tels  fucceffeurs  que  le  Pape  ,  qui  eft  le  Chef  3  &  les  Cardinaux 
qui  font  le  corps  de  F  Eglife  Romaine .  Ces  fix  points  font  réfutez 
par  ce  feul  argument  :  Toutes  les  vèritezjle  la  religion  chrétienne  doi- 
vent être  fondées  ,  ou  fur  le  témoignage  des  fens  3  ou  fur  £  entière  èvi- 

(1)  Appelle  Cejlrktt/is  Benediâin  du  14.  f^écle,  Auteur  de  l'Hiftoire  intitules  Tol-jchrm'i- 
ton. 


1 4- T  4- 

(a)   Encbir 
T.  VI.  p. 
144. 


(b)Fol. 
CCXXIII. 

ccxxiv. 


Chap.  XV. 


80       HISTOIRE     DU     CONCILE 

dence  de  la  chofe ,  ou  fur  une  révélation  exprejje ,  our  enfin  fur  ï  Ecri- 
ture f  tinte.  Or  tous  ces  fondement  manquent  à  ces  fix  points.  Donc 
il  ri  y  en  a  aucun  qui  foit  un  point  de  religion.  La  majeure  eft  fondée 
fur  St.  Awzuftin  (a) ,  elle  eft  d'ailleurs  d'elle-même  inconteftable. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  mineure,  elle  eft  prouvée  à  l'égard  du 
Pape  ,  par  ceux  d'entre  les  Papes,  qui  on: été  hérétiques ,  fchif- 
matiques  &: réprouvez.  Ilfoutient  même,  que  le  Pape  le  plus  lé- 
gitimement élu  ,&  le  plus  orthodoxe,  ne  peut  ni  devant  Dieu, 
ni  devant  \qs  hommes  être  regardé  comme  le  Vicaire  de  J.  C. 
s'il  ne  vit  pas  comme  J.  C.  a  vécu  ,  &  s'il  ne  revêt  en  tout ,  le  ca- 
ractère &  le  perfonnage  de  celui  dont  il  fe  dit  le  Vicaire  ,  s'il  n'eft 
doux,  charitable,  patient,  vigilant,  humble,  comme  J.  C.  l'a 
été.  La  grofle  cour  des  Papes ,  leurs  armées ,  leur  adoration ,  les 
génuflexions  devant  eux,  le  baifer  des  pieds,  en  un  mot,  toute 
la  mondanité  de  la  Cour  de  Rome ,  ne  font  pas  oubliez.  A  l'é- 
gard des  Cardinaux,  il  prétend  que  pour  pouvoir  les  confidérer 
comme  le  corps  de  l'Eglife  ,  félon  le  fécond  point,  il  faudroit 
fcavoir  par  révélation  qu'ils  font  prédeftinez  au  falut.  »  Qui  pren- 
ds droit  jamais,  dit-il,  pour  des  prédeftinez  au  falut  des  gens  qui 
>»  vivent  dans  la  fplendeur  ôc  dans  la  volupté ,  qui  s'engraiilent  aux 
«dépens  du  pauvre  peuple,  des  gens  flmoniaques  fïeffez,  qui  à 
«l'exemple  de  Gie<za\  prennent  de  l'argent  de  toutes  mains,  qui 
»  entaiTent  bénéfices  fur  bénéfices ,  qui  dès  le  grand  matin ,  vont 
"comme en  cavalcade  trouver  le  Pape,  dans  un  appareil  fuper- 
«  be ,  &;  bien  montez  ?  Ce  n'eft  pas  la  longueur  &  la  difficulté  du 
»  chemin  qui  les  oblige  à  marcher  fi  à  leuraife,  il  femble  que  ce 
»  ne  foit  que  pour  faire  oftentation  de  leur  magnificence,  &que 
«pour  contrequarer  J.  C.  &  (gs  Apôtres  ,  qui  parcouroient  à 
«pied,  &  avec  des  habits  fort  fîmples,  les  villes  &  les  villages, 
»  prêchant  la  venue  de  Dieu.  Ici  finit  la  réfutation  des  quatre 
»  premiers  points  ^b). 

Le  cinquième  point  fuppofe  qu'il  faut  qu'il  demeure  toujours 
pour  le  gouvernement  de  l'Eglife  par  tout  l'univers  de  tels  Car- 
dinaux ,  qui  fcient  les  fuccelleurs  viables  (  manifeflos)  de  St. Pierre 
&  des  autres  Apbtrcs.  Cette  néceiîité  eft  vigoureufement  combat- 
tue dans  le  chapitre  XV.  Elle  n'eft  point,  dit  Jean  Mus ,  cette 
»néceffité  ,  de  la  part  de  Dieu,  car  il  peut  bien  gouverner  l'E- 
»glife  partout  le  monde,  fans  de  tels  fucceffeurs.  Elle  n'eft  pas 
?»  non  plus  delà  part  de  l'Eglife  qui  peut  être  fort  bien  conduite 
»  par  de  faints  Prêtres ,  fans  ces  douze  Cardinaux  ,  comme  dlç 

»  l'a 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  Sr 

»Pa  été  pendant  plus  de  trois  cens  ans,  depuis PAfcenfion  de     14x4» 
»>J.  C.  à  moins,  continué'-t-il ,  qu'on  ne  prenne  cette  néceffité , 
»  dans  le  fens  que  J.  C.  a  dit ,  qu'il  eft  nécefïaire  qu'il  y  ait  des 
»fcandales.  En  effet,  il  prononça  cette  maxime  après  avoir  cen- 
»fiiré  fes  difciples  de  rechercher  la  primauté  entre  eux. 

Le  fixiéme  point  des  anragoniftes  de  Jean  Hus  fuppofe  qu'on 
ne  peut  trouver,  ni  avoir  fur  la  terre  d'autres  tels  fucceffeurs  que 
le  Pape,  qui  eft  le  Chef  de  l'Eglife,  &  le  collège  des  Cardinaux, 
qui  en  eft  le  corps.  Ce  fixiéme  point  a  été  fumTamment  refuté 
en  combattant  le  premier ,  le  fécond ,  &  le  cinquième.  Il  y  faut 
ajouter  quelques  nouvelles  réflexions,  que  fait  Jean  Htts\à-dçC- 
fus.» Il  ne  faut  point  douter,  dit-il,  que  St.  Augufiin  n'ait  plus 
»  fervi  l'Eglife  que  plufieurs  Papes ,  &  qu'il  n'ait  fur  paffé  en  do&ri- 
»  ne  tous  les  Cardinaux  depuis  les  premiers  jufqu'à  ceux  qui  vi- 
vent aujourd'hui.»  Il  ditaprès  la  même  chofe  de  «S*.  Jérôme ,  de  St. 
Chryfofiome^  S.  Ambroife ,  de  St.  Grégoire.  Il  y  joint  même  le  pré* 
tendu  Benys  l'Aréopagite  et  Jean  Damafcene.  D'où  il  conclut  que 
ces  faints  hommes  ont  été  plus  véritablement  les  vrais  &mani- 
£q[ïqs  fucceffeurs  des  Apôtres,  que  le  Pape  6c  les  Cardinaux  d'a- 
»  préfent ,  qui  au  lieu  de  briller  par  la  faintecé  de  leur  vie ,  &  par 
»  la  dod'rine ,  ne  fe  diftinguent  que  par  de  mauvaifes  maximes, 
»&en  particulier  par  la  fimonie,  &  par  un  fafte  extraordinaire. 
Il  argumente  enfuite  contre  le  fixiéme  point  de  cette  manière  ; 
Dieu  étant  tout  puiflant ,  peut  donner  d'autres  vrais  fucceffeurs 
des  Apôtres,  que  les  Papes  &  les  Cardinaux.  Donc  il  peut  y  en 
avoir  d'autres.  L'antécédent  eft  prouvé  par  cette  raifon  :  c'eft 
que  fi  Dieu  ne  pouvoit  pas  donner  d'autres  fucceffeurs  des  Apô- 
tres, que  le  Pape  &  les  Cardinaux,  Confiantin  auroit  eu  plus  de 
pouvoir  que  Dieu  n'en  a.  Car  ce  fut  cet  Empereur  qui  au  troifié, 
me  fiécle  établit  la  domination  univerfelle  du  Pontife  Romain, 
Avant  fa  donation  (1  )  l'Evêque  de  Rome  étoit  comme  les  autres 
Evêques.  C'eft  pour  cela,  dit-il,  que  les  Pontifes  Romains  qui 
vinrent  après  Sylvefire ,  craignant  de  perdre  cette  prééminence 
en  demandèrent  la  confirmation  aux  autres  Empereurs.  Sur  quoi 
il  allègue  le  décret  de  Gratien  ,  où  Louis  le  Débonnaire  confirma 
à  ce  qu'on  prétend,  cette  donation  au  Pape  Pafehal  l.(i)  Il  pou- 
voit encore  alléguer  le  ferment  que  prêta  l'Empereur  Otkon^far^ 

(\}JeanHus  allègue  ici  la  faufle  Donation  de  Conjlantw,  Décret.  Dijl.  96.  parce  qu'alors 
U  fa  jfleté  n'en  étoit  pas  reconnue  comme  eîïeTeft  à  préfent,  même  dans  l'Eglife  Romaine. 

(2)  Cette  Confirmation  eft  auflî  reconnue  pour  fijuffe  dans  l'Eglife  Romaine.  Voyez  Frav* 
ftis  Vagi.  Tîrev.  Rom.  Vont'tf.  T.  II.  p.  Zf. 

Tom.  IL  Part.  IL  L, 


Si       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14 14.  nommé  le  Grand ,  au  Pape  Jean  JTJJ.  à  qui  il  confirma  les  pri- 
vilèges accordez  aux  Papes  par  Cbarlemagne  &  par  Pépin  1.  lef- 
quels  ne  font  pas  conteftez. 

Quoiqu'il  en  foie 3 que  ces  conceflîons  des  Empereurs  foienc 
véritables  ou  fuppofées,  Jean  Hus  ne  s'en  embarrafTe  point.  Ja- 
mais 3  dit-il  3  St.  Pierre  n'a  eu  befoin  que  l'Empereur  Louis  le  Dé- 
bonnaire lui  donnât  le  domaine  temporel  de  Rome ,  il  étoit  en 
pofleffion  du  royaume  des  Cieux  3  &  par  cela  plus  grand  que  Louis. 
Plût  à  Dieu  que  St.  Pierre  lui  eût  dit  :  Je  n'accepte  point  votre  con- 
cefjîon  >  quand  fai  été  Eve  que  de  Rome 3  foi  tout  abandonné ,  je  nai 
point  envié  à  Néron  la  domination  de  Rome ,  &je  nen  ai  pas  befoin. 
Je  vois  au  contraire  quelle  a  été  nuifible  à  mes  fucceffeurs ,  elle  les  dé- 
tourne de  la  prédication  de  l' 'Evangile  3  de  la  prière  3  de  l'observation 
des  Commandemens  de  Dieu  &  des  confeils  Evangeliques ,  <&  elle  les 
enorgueillit.  Il  répond  enfuite  à  quelques  objections  tirées  des 
faulîes  Décretales  des  Papes  qu'il  fuppofe  vrayes ,  comme  on  fai- 
foit  en  ce  temps-là,  &des  fentimens  des  Docteurs  fur  l'autorité 
du  Pape.  Ce  font ,  dit -il,  des  Orateurs  du  menfonge  auxquels  il  ne 
faut  ajouter  aucune  foi  parce  que  leurs  principes  font  oppofez^à  l'Ecri-. 
ture.  D'où  il  conclut  qu'il  eft  au  pouvoir  de  Dieu  de  mettre  le  gou- 
vernement del'Eglife  en  d'autres  mains  que  celles  du  Pape  &  des 
Cardinaux,  comme  entre  les  mains  de  bons  Prêtres  de  Evêques. 
Car  il  eft  tout-à-fait  du  fentiment  de  St.  Jérôme ,  quinemettoic 
aucune  différence  entre  l'Evêque  êc  le  Prêtre ,  &  qui  les  faifoic 
également  fucceiïeurs  de  St.  Pierre ,  félon  les  paroles  de  ce  Père 
dans  fa  Lettre  à  Evagre  3  que  Jean  Hus  ne  manque  pas  d'alléguer. 
Tous  ces  Archevêques  ,  Patriarches  ,  Evêques,  dit -il,  qui  au 
Concile  de  Pife  ont  condamné  Grégoire  Jfll.  (  &  Benoît  JCIII.  ) 
comme  hérétiques  ,  étoient  èc  font  encore  les  vrais  fucceffeurs 
des  Apôtres  fans  être  Papes  ni  Cardinaux.  Mais  comme  les  Evê- 
ques, les  Prêtres  &  les  autres  Miniftres  de  i'Eglife  peuvent  être 
des  loups  cachez  fous  la  laine  des  brebis  auffî-  bien  que  les  Cardi- 
naux r,  il  répond  à  cette  objection  en  diftinguant  le  Clergé  de 
J.  C.  &  le  Clergé  de  l'Ante-Chrift.  Et  voici  la  différence  qu'il  mec 
entre  ces  deux  Clergez.  »  Le  Clergé  de  J.  C.  s'en  tient  à  fon  chef  Se 
x  à  [es  loix.  Le  Clergé  de  l'Ante  -  Chrift  s 'appuyé  totalement  ou 
«au  moins  en  principale  partie  (veltûtaliter  vel  prœponderanter) 
»  fur  les  loix  humaines  &  fur  les  loix  de  l'Ante-Chrift  :  il  ne  s'atta- 
che qu'à  défendre  des  privilèges  pleins  de  faite,  il  vit  dans  la 
«fplendeurôc dans  la  volupté,  ilprtnd  tout  le  contrepied  dej.  C. 


DE      P  I  S  E.  <  Liv.  VIII.  85 

»  &  cependant  il  s'appelle  le  Clergé  de  Chrift  &  de  l'Eglife  pour  fé-  1414, 
»duire  le  peuple,  qui  trompé  par  ce  beau  nom  croit  fuivre  J.  C* 
«pendant  qu'il  ne  fuit  que  les  traditions  des  hommes.  Il  n'eft  pas 
»néceilaire  d'être  fcrutateur  des  cœurs  pour  faire  ce  difcerne- 
»ment,  vous  les  connoîtrez  à  leurs  fruits.  C'eft-là  le  précis  des 
réflexions  que  fait  Jean  Mus  fur  cette  prétention  desDo&eurs  de 
Bohême,  que  le  Pape  eft  le  chef  de  l'Eglife,  &  que  les  Cardinaux 
en  font  le  corps. 

Comme  les  mêmes  Docteurs  avoient  reproché  trois  chofes  à 
Jean  Hus  &  à  fes  adherans  :  1 .  Qu'au  mépris  du  Pape  &  des  Car- 
dinaux ils  ne  vouloientreconnoître  que  l'Ecriture  iainte  dans  ces 
matières:  2.  Qu'ils  interpretoient  l'Ecriture  à  leur  fantaifie  ,  fans 
fe  mettre  en  peine  des  explications  de  tous  les  Docteurs  de  l'Eglife: 
3 .  Qu'en  cela  ils  étoient  contraires  à  ce  qui  eft  dit ,  Deut.  XVII. 
&à  la  Lettre  de  St.  Jérôme  au  Pape  Damafe ,  il  répond  dans  le 
chap.  XVI.  à  cette  objection  qu'il  attribue  principalement  à  Etien- 
ne Palctz^  Je  réduirai  fa  réponfe  aux  chefs  fuivans. 

1 .  Il  déclare  que  s'il  a  nié  que  le  Pape  foit  le  chef  de  l'Eglife  ôc 
que  le  Collège  des  Cardinaux  en  foit  le  corps ,  il  ne  l'a  pas  fait  par 
mépris  pour  cesdignitez,  qu'il  ne  l'a  fait  que  par  amour  pour  la 
vérité,  &;  que  fes  mépris  ne  tombent  que  fur  leur  avarice,  leur 
vanité,  &fur  tout  ce  qu'il  y  a  d'illicite  &  de  criminel  dans  leur 
xonduite.  2.  Bien  loin  de  s'en  défendre  ,  il  regarde  au  contraire 
comme  une  louange ,.  l'accufation  de  ne  vouloir  recevoir  que  l'au- 
torité de  l'Ecriture  fainte,  quoiqu'il  faiîe  profeffion  de  refpecter 
les  faints  Docteurs  ,  quand  leurs  décidons  font  conformes  à  la  pa- 
role divine.  3.  Quec'eft  une  calomnie  de  l'accufer  lui  àc  les  fiens 
d'expliquer  l'Ecriture  félon  leur  tête ,  puifqu'ils  tâchent  de  l'expli- 
quer félon  l'intention  du  St.  Efprit  &  des  Saints  Docteurs  qui  en 
ont  été  élairez ,  mais  qu'au  fond  c'eftlà  une  queftion  de  fait ,  puis 
qu'il  s'agit  de  fçavoir  en  quoi  ils  expliquent  mal  l'Ecriture  par  la 
difcuffion  des  palTages.  4.  A  l'égard  du  pafïage  du  Deuteron.  XVII. 
8  - 1  3 .  il  foutient  que  bien  loin  d'être  favorable  aux  prétentions  du 
Pape  &  des  Cardinaux,  il  leur  eft  tout-à-fait  contraire.  Pour  le 
prouver  il  produit  l'explication  de  Nicolas  de  Lyra  Interprète  cé- 
lèbre de  l'Ecriture  au  quatorzième  fiécle.  Il  ne  faut ,  dit  ce  Doc- 
teur ,  qu'on  appelle  dans  l'Eglife  Romaine  le  Docteur  clair  &  uti- 
le ,  il  ne  faut  fuivre  le  fentiment  d'aucun  homme  de  quelqu*  autorité  quil 
foit,  s'il  contient  une  erreur  ou  une  faujjetê  manifefie  ,  ce  qui  paroi t. 
farce  que  dans  le  texte  on  promet  qu  ils  jugeront  &  quils  enfeigneront 

Lij 


84       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.14.  fel°n  la  bide  Dieu.  Ce  qu'il  confirme  par  un  autre  paflage  du  mê- 
me Do&eur  fur  ces  paroles  de  l'Exode  XXIII.  i.Tu  nefuivras 
point  la  multitude  pour  faire  le  mal ,  &  tune  te  détourneras  point  de  ce 
qui  efl  droit  pour  fuivre  le  plus  grand  nombre.  »  Comme  il  ne  faut  pas  , 
»  dit  Lyra ,  s'écarter  de  la  vérité  à  caufe  du  grand  nombre  de  Juges 
»  qui  s'en  écarte ,  il  ne  faut  pas  non  plus  s'en  détourner  à  caufe  de 
»  ceux  qui  ont  le  plus  d'autorité. 

Ceft  là-  delîus  que  Jean  Hus  adrefle  ces  paroles  à  ks  antagonif- 
tes.»0  vous,  Do&eurs,  pourquoi  n'avez-vous pas fuivi cette  re- 
»glç  qui  eft  plus  fûre  que  toutes  vos  décifïons  ?  Quand  on  allembla 
»l'Univerfité  pour  jugerfienconfcience  &  félon  la  Loi  de  Dieu, 
»  elle  étoit  tenue  d'obéïr  à  la  Bulle  du  Pape  qui  vouloit  l'obliger  à 
»  fournir  de  fes  revenus  pour  la  croifade  contre  Ladiflas ,  vous  re- 
»  fusâtes  de  vous  expliquer  là-deflus.,  fous  prétexte  que  vous  n'é- 
»  tiez  pas  en  droit  déjuger  ni  d'interpréter  les  Bulles  du  Pape.  Ce- 
pendant vous  parliez  autrement  en  particulier.  J'ai  ouï  moi-mê- 
»  me  dire  à  Paletzop£'\\  y  avoit  des  erreurs  manifeftes  6c  palpables 
»  dans  les  articles  qui  lui  avoient  étépréfentez  par  les  Légats  du 
»  Pape.  Cependant  ces  articles  étoient  tirez  de  la  Bulle  même  & 
?>ils  avoient  été  donnez  aux  Légats  comme  aux  premiers  Com- 
wmillaires  pour  les  faire  publier  de  la  part  du  Pape  aux  Prédica- 
»  teurs.  J'ai  appris  que  le  Prédicateur  Maître  Briccius  avoit  dit  ea 
«plein  Collège  qu'il  aimeroit  mieux  mourir  que  de  les  publier, 
»  mais  quand  Palets  lâcha  le  pied,  Briccius  recula  aufîî.  Ils  furent 
»  intimidez  par  les  Lettres  fubfidiaires  que  les  Légats  avoient  ob- 
»>  tenues  du  Roi. 

4.  Il  y  a  fur  tout  deux  endroits  dans  le  paflage  du  Deuteronome , 
fur  lefquels  les  Anti-Huffites  infîftoient  fortement.  L'un  eft  Tor- 
dre qui  eft  donné  aux  Ifraëlites  d'aller  au  lieu  que  Dieu  avoit  choifi 
pour  la  décifion  des  difficultez  qui  furviendroient  dans  le  juge- 
ment des  affaires  j  l'autre ,  que  celui  qui  par  orgueil  ne  voudra  point 
obéir  au  Pontife  on  au  Juge  fera  puni  de  mort.  'Jean  Mus  fait  là-deflus 
diverfes  réflexions  bien  hardies.  Elles  roulent  fur  ces  trois  princi- 
pes. Le  premier ,  qu'il  s'agit  là  d'un  homme  qui  défobéit  par  or- 
gueil ,  &  non  d'un  homme  qui  ne  veut  pas  fe  foumettre  à  un  juge- 
ment injufte.  Le  fécond  qui  en  eft  une  fuite,  eft  qu'il  s'agit  d'un 
Pontife  ou  d'un  Juge  qui  prononce  félon  la  Loi  de  Dieu.  Le  troi- 
sième, qu'il  y  a  beaucoup  de  différence  entre  Pefprit  de  l'Evan- 
gile 3  qui  n'employé  que  la  raifon  &  la  perfiiafion^êc  celui  de  la  Loi, 
<)ui  étoit  une  Loi  de  rigueur.  D'ailleurs  il  s'agiiïbit  là  d'affaires 


DE      PISE.    Liv.  VIII.  85 

civiles  plus  que  d'affaires  de  Religion.»  Si  l'on  ne  fait  ces  excep-  141:4., 
»>  dons ,  dit-il ,  il  s'enfuivroit  que  J.  C.  fut  juftement  condamné  , 
«parce  que  les  Pontifes  Anne  &  Caïphe  préffdoient  dans  le  lieu 
»  que  Dieu  avoit  ordonné,  &  que  Pilate  étoit  un  Juge  légitime. 
»  Il  peut  arriver  tout  de  même  aux  Papes  Se  aux  Cardinaux  de  pro- 
>i  noncer contre  la  juftice& la  vérité,  parce  qu'ils  ne  font  pas  in- 

»  faillibles Ces  D  odeurs ,  dit -il,  devroient  avoir  honte  de 

»>  mettre  en  parallèle  des  cas  qui  ne  fe  refTemblent  point  du  tout ,  & 
»  d'employer  ce  fophifme,  Sous  l'ancienne  Loi  un  homme  défobkif 
»fant  étoit -puni  de  mort  3  donc  il  doit  l'être  fous  la  Loi  de  grâce.  ].  C. 
»  le  fouverain  Pontife  de  l'Eglife  a-t-il  jamais  condamné  perfônne 
»  à  mort  ?  Il  n'a  pas  même  voulu  fe  mêler  d'affaires  civiles.  Il  veut 
»  bien  qu'on  regarde  un  pécheur  obftiné ,  &  qui  malgré  toutes  les 
«remontrances,  demeure  impénitent  &  irréconciliable 3  il  veut 
«bien  qu'on  le  regarde  comme  un  payen  &  comme  un  peager, 
•  mais  il  ne  dit  point  qu'il  faut  le  faire  mourir.  Nos  nouveaux  Doc- 
teurs, continue  - 1  -  il ,  ne  faifantpas  attention  à  un  Evangile  fi 
«plein  de  douceur  &  de  charité,ont  ajouté  ce  corollaire  fanglant  à 
»  leur  Sentence  j  S' il  y  a  quelqu'un  parmi  le  Clergé  de  Bohème  qui  s'op- 
upofe  à  aucun  des  articles  ci-dejlus  ,  il  fera  poujlé  parles  Cenfures  ec- 
ncléjïaftiques  3  &  livre  au  brasféculier,  s'il  eft  incorrigible  ,  imitant 
»  en  cela  les  Sacrificateurs  3  les  Scribes  &  les  Pharifiens  qui  livre- 
»  rent  J.  C.  à  Pilate ,  parce  qu'il  ne  vouloit  pas  leur  obéir  en  toutes 
»  chofes.  Il  ne  s'explique  pas  moins  fortement  contre  ce  qu'avoienc 
dit  les  Dodeurs  j  que  tous  les  fidèles  feavent  que  l'Eglife  Romaine  eft 
le  lieu  que  Dieu  a  choifi,  où  il  a  établi  la  principauté  de  toute  l'Eglife  3 
dans  laquelle  le  fouverain  Sacrificateur  quipréfide  eft  le  Pape ,  vrai  & 
manifefte  fucceffeur de  St.  Pierre  >  &  les  Cardinaux  font  les  Prêtres  de 
l 'Ordre  Levitique.  „  Les  Dodeurs ,  dit  Jean  Elus ,  accumulent  ici 
„  beaucoup  de  chofes  fans  preuve.  „  Quand  pourront  -  ils  prouver 
que  chaque  Fidèle  fçait  tout  ce  qui  eft  contenu  dans  cette  ridicule 
propofition?  Combien  y  a-t-il  de  Fidèles  qui  ne  fçaventrien  de 
Rome,  du  Pape,  des  Cardinaux,  fur  tout  qui  ignorent  que  le 
Pape  foit  le  vrai  fucceffeur  de  St.  Pierre ,  &  que  les  Cardinaux 
foient  des  Prêtres  de  l'Ordre  Levitique  ?  Mais  peut-être  que  par 
l'Eglife  Romaine  ils  entendent  ce  lieu  dont  J.  C.  a  prophetifé  en 
ces  termes  :  Quandvous  v  erre  zj  abomination  de  la  déflation  dans  le 
lieu  Saint.  Ou  bien  3  par  l'Eglife  Romaine  les  Dodeurs  entendent 
la  place  ,  c'eft-à-dire  la  Bafilique  de  St.  Pierre  3  ou  la  dignité  Apof- 
tolique,  carc'eftde  ces  deux  manières  qu'on  peut  prendre  ici  iç 

L  iij 


U  HISTOIRE  DU  CONCILE 
14.14.  lieu  ou  la  place  dans  laquelle  le  Seigneur  a  mis  la  principauté  de 
toute  l'Eglife,  parce  qu'il  a  voulu  que  St.  Pierre  &  St.  Pauf  qu'il  a 
établis  les  Princes  fpirituels  del'Eglife  par  toute  la  terre  après 
J.  C.  fouffrifîent  à  Rome.  Or  ce  n'eft  pas  tel  &  tel  Pape  ,  mais  J.  C. 
qui  eft  lefouverain  Prêtre  dans  cette Eglife-là ,  c'eft  lui  qui  prefide 
à  ce  lieu,  c'eftà-dire,  ihPafilique  ou  à  la  dignité  Apoftolique, 
&  qui  gouverne  l'Eglife  Ton  époufe.  Si  l'on  remarque  dans  un  Pape 
une  vie  oppofée  à  celle  de  J.  C.  fi  ce  Pape  eft  fuperbe,  avare, 
ambitieux ,  s'il  vit  dans  la  molleiïe  (  in  impatientia  )  s'il  s'attribue 
un  pouvoir  exceffif,  s'il  met  fa  volonté  au-deffus  de  celle  de  Dieu, 
c'eft  alors  qu'on  voit  l'abomination  de  la  défolation  dans  le  lieu 
faint  où  elle  ne  doit  pas  être.»  Suppofons  ,  dit-il ,  un  voyageur 
»  qui  la  première  fois  entre  chez  un  père  de  famille,  qu'il  trouve 
«libéral,  affable ,  facile,  d'une  converfation  toute fainte ,& qui 
5>  ne  refpire  que  la  vertu ,  qu'enluite  retournant  dans  la  même 
»  maifon  il  y  rencontre  une  bête  monftrueufe,  qui  fe  jette  comme 
,,  une  affamée  fur  fes  hôtes,  qui  les  tyrannife  par  toutes  fortes  de 
»  cruautez ,  qui  leur  faiîe  mille  trahifons  ,  &  qui  les  traite  avec 
»  une  arrogance  infuportable  5  quelle  ne  feroit  point  la  confterna- 
»  non  du  Voyageur  devoir  un  tel  monftreaflisfur  la  chaire  d'un 
»>  aufli  homme  de  bien  que  l'étoit  le  premier  ?  C'eft  alors  qu'on  voie 
»  s'accomplir  la  Prophétie  de  Zacharie  XI.  1  5 . 1 7.  Prenezjout  l'é- 
»  quipage d'un  Pafteur  infenfè ,  &c.  S'ilfe  trouve  que  cette  deferip- 
»tion  convienne  à  quelque  Pape,  comment  pourra -t -on  dire, 
»  comme  le  veulent  les  Docteurs,  que  le  fouverain  Pontife  eft  le 
»  vrai  &:  le  manifefte  fuccefleur  de  St.  Pierre  ? 

5.  A  l'égard  de  la  lettre  0116"/.  Jérôme  parle  fî  humblement  à 
Damafe ,  l'appellant  le  très-heureux  (  beatifjimum  )  &  fe  foumet- 
tant  à  fon  jugement  fur  fa  croyance ,  Jean  Mus  ne  s'en  embarraiïe 
gneres.  Il  femble  qu'il  ne  regarde  les  paroles  de  St.  Jérôme  que 
comme  un  compliment  que  ce  Père  fait  au  Pape  dans  la  fuppofî- 
tion  que  fa  foi  eft  orthodoxe  &  conforme  à  celle  de  l'Eglife,  ôc 
que  fa  conduite  eft  fainte  &  chrétienne  ,  comme  le  même  Père 
donne  le  titre  de  très-faint  &  de  très-heureux  Pape  à  St.  Auyif- 
tin  dans  la  même  fuppoiition.  Ce  feroit  >  dit-il,  'être  fou  que  de  ti- 
rer cela  à  confequence  pour  tous  les  Pontifes  Romains ,  parce  qu'il  y 
en  a  plufîeurs  qui  ont  été  hérétiques  &  qui  ont  ratifié  des  hère  fie  s.  Il 
Z>ifi.%%.  in  allègue là-deffus  labullede  Nicolas II.  où  ce  Pape  fe  plaint  en 
Nomme.  termes  très-  forts  que  le  fiége  de  Rome  a  été  fi  rudement  fecoué  par 
l 'héréfie  fîmoniaque %  &par  les  coups  de  marteaux  redoublez^  des  ban* 


DE      PISE.    Liv.  VIII.  87 

quiers  de  la  Cour  de  Rome 3  que  peu  s'en  e[t  fallu  que  la  colomne  du  14.14., 
Dieu  vivant ,  nait  été  jette e  par  terre 3  &  que  la  najfelle  dufouve- 
rain  Pécheur  nait  fait  naufrage.  Il  allègue  enfuite  la  glofe  qui 
s'exprime  en  ces  termes  :  »  Ici  efr,  couché  en  termes  couverts  ce  qui 
»  fe  lit  dans  les  chroniques  3  que  Benoit  (IX.)  &  Benoit  (  X.)  qui 
»  fucceda  à  Etienne  (  IX.)  furent  chaflez  3  que  Jean  Evêque  de  Sa- 
»  bine  ayant  acheté  le  Pontificat ,  fut  fait  Pape  fous  le  nom  de 
»  Sylvefire  III.  que  Benoit  fut  rétabli  3  mais  qu'ayant  depuis  été 
*»  chaiîé ,  le  Pontificat  fut  donné  à  'Jean  archiprêtre  qui  prit  le 
«nom  de  Grégoire  (VI.)  que  celui-ci  fut  dépofé  par  l'Empereur 
»  Henri  3  &  relégué  au-delà  des  monts ,  que  tout  cela  fe  pafla  dans  L'an  1044. 
»  un  an  3  &  fit  donner  à  Henri  le  privilège  dont  il  s'agit  dans  cet- 
»  te  bulle.»  Jean  Hus  fuivant  les  chroniques  de  Martin  le  Polo- 
nois  3  de  Ranulphe  de  Higden  appelle  Cefirienfis ,  de  RodulpherTru- 
âonenfîs ,  remonte  bien  plus  haut  que  l'onzième  fiécle  ,  pour  trou- 
ver des  fchifmes  dans  l'Eglife  Romaine ,  &  par  conféquent  y  félon 
les  principes  de  cette  Eglife,,  deshéréfies,  6c  en  même  temps  des 
vuidés  &:  des  défauts  dans  la  fuccefîion. 

En  420.  (1  )  il  arriva  un  fchifme  fous  Boniface  I.  Eulaliusaya.nl 
été  mis  en  fà  place.  L'Empereur  Honorius  confulté  la-dellus  par 
Symmaque  prefect  de  Rome ,  qui  favorifoit  Eulalius  3  déclara 
bonne  l'élection  de  ce  dernier  &  fit  chafler  Boniface  de  la  ville. 
Mais  cet  Empereur  ayant  été  mieux  informé  défendit  aux  deux 
concurrens  de  fe  porter  pour  Papes,  jufqu'à  ce  que  l'affaire  fût 
éclaircie.  Elle  le  fut  en  faveur  de  Boniface  qui  fut  rétabli  dans  fon 
fiége.  Il  arriva  un  autre  fchifme  en  49  3 .  (  2  ).  fous  le  Pape  Symma- 
que qui  eut  pour  concurrent  un  certain  Laurent  archiprêtre  de 
Rome.  Symmaque  ayant  été  confirmé  par  le  roi  Thêodoric  Arien, 
Laurent  recommença  le  fchifme  quelques  années  après,  &  fefic 
élire  Pape  de  nouveau  3  à  l'exclufion  de  Symmaque  3  qui  fut  réta- 
bli dans  un  Concile  de  Rome,  aflemblé  par  ordre  du  Roi.  Il  y 
eut  encore  un  autre  fchifme  en  76  8 .  lorfqu' Etienne  III.  fut  mis 
à  la  place  de  Confiantin  //.qui  fut  dépofé,  parce  qu'il  étoit  laï- 
que. En  855.  Anaftafe  cardinal  dépofé  fut  mis  en  la  place  d'E- 
tienne III.  qui  enfuite  fut  rétabli  en  903.Chriflophorech.afta,  Léon 
V.  du  fiége  de  Rome ,  &  il  en  fut  chalTé  à  fon  tour.  Jean  JCII. 
fut  élu  Pape  en  8  56.  à  l'âge  de  1 8.  ans ,  6c  il  a  été  réputé  pouf 

(1)  En  418.  félon  Burenius  &  Pagi<\vn  compce  ce  Schifmc  pour  le  troifiéme.  J'ai  nu  refte  un 
peu  plus  e'tendu  cette  affaire ,  que  ne  fait  Jeau  Hus  &  fuivi  Pagi.  Breviar»  Pontif,  Rom.  T.  I, 
p.  153.1*4- 

(2}  En  4p3.  félon  Fagu 


88       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14 14.  te^  malgré  Tes  mœurs  criminelles.  Il  fut  enfuite  dépofé  dans  un 
fy«ode  où  fe  trouvèrent  la  plus  grande  partie  des  Evêques  d'Ita- 
lie, les  Evêquesôc  Archevêques  de  Trêves,  de  Hambourg  ,  de 
Minden,  de  Spire  ,  ôcZeon  VIII.  fut  mis  en  fa  place.  Maisjean 
JsTII.  fut  bientôt  rétabli ,  &  Léon  chaflé.  Jean  Hus  pofe  en  fait , 
que  Jean  JTII.  fut  frappé  du  démon  ,  furpris  en  flagrant  délit 
avec  une  femme  mariée,  6c  qu'il  mourut  fans  viatique  (1).  Après 
la  dépofition  de  Benoît  V.  Jean  JCIII.  fut  mis  en  fa  place ,  & 
enfuite  dépofé  ,  puis  rétabli.  Jean  Hus  rapporte  encore  plufleurs 
fchifmes,  dans  les  flécles  XI.  &  XII.  8c  foutient  que  depuis  la 
donation  de  Confiantin ,  il  ne  s'étoit  pas  paflé  un  fiecle  fans  fchif- 
me,  Ce  qui  le  fait  pafler  au  grand  fchifme  qui  régnoit  alors, & 
que  le  Concile  de  Pife  n'avoit  fait  qu'augmenter. 

Après  cette  courfe  hiftorique  Jean  Hus  réfute  dans  le  chapitre 
XVII.  comme  une  calomnie,  l'accufation  intentée  par  les  doc- 
teurs, contre  ceux  de  fon  parti,  de  vouloir  féduire  les  peuples, 
5c  les  porter  à  la  défobeïflance  envers  les  fupérieurs ,  tels  que  font 
le  Pape,  les  Evêques ,  les  Prêtres,  &tout  le  Clergé.»  Notre  in- 
»  tendon,  dit-il,  n'eft  point  de  féduire  le  peuple,  mais  de  le  por- 
»  ter  à  fe  régler  unanimement  fur  la  loi  de  Dieu, de  ne  point  fe  laifTer 
»  infatuer,ni  partager  par  des  conftitutions  anti-chrétiennes,  d'en- 
»  gager  le  Clergé  à  vivre  félon  l'Evangile,  fans  pompe,  fans  ava- 
»  rice  ,  ôc  fans  luxure.  Nous  ne  prêchons  point  la  défobeïflance 
»  à  des  fupérieurs  qui  fuivroient  la  Loi  de  J.  C.  Mais  Dieu  foie 
»  loué  de  ce  qu'on  n'a  ofé  nous  en  aceufer.  »  Il  y  a  dans  ce  cha- 
pitre plufleurs  diftinctions  obfcures &  fubtiles,  de  l'obeïflance,  qui 
ne  font  gueres  au  fujet.  La  dernière  diftinction  y  fera  peut-être 
plus.  Ildiftingue  trois  fortes  d'obeïflance.  L'une  fpirituelle,  qui 
eft  celle  que  tous  les  chrétiens  rendent  à  la  Loi  de  J.  C.  L'obeïf- 
fance  féculiere,  qui  eft  celle  qu'on  doit  aux  loix  civiles,  luppofé 
qu'elles  foient  conformes  à  la  loi  de  Dieu,  l'obéïflance  Ecclé- 
fuftique,  qui  eft  celle  qu'on  rend  aux  inventions  des  Prêtres  de 
l'Eglife,  fans  autorité  exprefle  de  l'Ecriture.  Obedientia  ecclefiaf- 
tica ,  fecundum  adinventiones  Sacerdotum  Ecclefia  ,  -prœter  expref- 

(a)  Fol.    Çam  authoritatem  feripturœ  (a).  La  première  eft  toujours  légitime 

sx  l  '  $z  indifpenfable.  Une  dit  rien  de  la  féconde  jfur  latroifiéme  il 

allègue  ces  paroles  de  St.  Ifidore,  quife  trouvent  dans  le  Droit 

Canon.   Si  celui  qui  pkfide  dit  ou  commande  quelque  chofe  contre  la 

(1)  Ijle  Johannes  cum  uxore  cnjufdam  objciïans  à  Dixbol»  in  tempore  coitus  ferctttitur  fâ  fine 
fiatiçoDomwokiit.  Fol,  CCXXX. 

yolonfç 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  89 

volonté  de  Dieu  3  &  contre  ce  qui  efl  commandé  évidemment  dans  les     ïai  a 
faintes  Ecritures ,  qu'il  foit  regardé  comme  un  faux  témoin  &  un  fa- 
cri  lege. 

Ces  réflexions  le  conduifent  à  expliquer  dans  le  chapitre  XVIII. 
ce  qu'il  entend  par  le  Siège  Apoftolique ,  auquel  les   docteurs 
avoient  dit  que  les  inférieurs  doivent  obéir  dans  toutes  les  chofes  où, 
l'on  ne  défend  pas  une  chofe  bonne  en 1  elle-même ,  où  l'on  ne  commande 
pas  une  chofe  mauvaife  en  elle-même ,  mais  ou  il  s'agit  d'une  chofe 
qui  tient  le  milieu  entre  deux.  Plufieurs  3  dit- il,  &  principalement  les 
Canonifies  3  vantent  beaucoup  le  fiége  apoftolique  ^  fans  fcavoir  ce  que 
cefl.  Les  uns  difent  que  cefl  proprement  cette  chaife  de  bois }  ou  de  pier- 
re ,  où  efi  ordinairement  a ffi s  le  Pape  7  les  autres ,  que  c  efi  la  Cour  de 
Rome h  les  autres ,  que  cefl  la  chaire  où  s'affeyoit  ordinairement  St. 
Pierre  ;  les  autres ,  que  cefl  Rome  même  '>  les  autres }  que  cefl  lapuif- 
fance  du  Pape  -y  les  autres ,  que  cefl  /' ' Eglife ,  ou  la  bafîlique  de  Se, 
Pierre.  Le  do&eur  Bohémien  ne  s'accommode  point  de  tout 
cela.  Il  prétend  que  le  fiége  apoftolique  n'eu:  point  où  l'on  ne 
fuit  pas  la  do&rineôc  lavie  des  Apôtres,  6c  qu'il  eft  par  tout  où 
l'on  marche  danscette  route.  Lemot  Apostolique  ,  dit-il  ,vient 
du  mot  Apôtre ,  qui  (ïgnifie  Envoyé  ,  feavoir ,  du  Seigneur  :  il  faut 
que  tout  Envoyé  de  J.C.  porte  les  caraflcres  defon  maître ,  &  des  ?nar- 
que s  certaines  qu'il  efl  envoyé  de  fa  part.  Tout  Prêtre  qui  ne  cherche 
point  fa  propre  gloire  ,  mais  qui  cherche  la  gloire  de  Dieu ,  l'avan- 
cernent  de  l'Eglife,  &  le  fa  lut  du  peuple ,  qui  fait  la  volonté  de  Dieuy 
qui  découvre  les  rufes  de  l'An  te-  Chrifl ,  en  prêchant  la  loi  de  Chrifl  3 
tout  Prêtre  qui  efl  tel 3a  des  marques  certaines  qu'il  efl  envoyé  de  Dieu. 
. . .  Sans  ces  marques  il  n'y  a  ni  Pape  ,  ni  Evêque,ni  Prédicateur, 
&  ils  font  plutôt  Apoflttiques  qu: Apofl 'cliques.  Après  ce  raifon- 
nement  vient  un  long  parallèle  des  Pharifiensêc  des  Scribes  affis 
fur  la  chaire  de  Mcyfe ,  avec  le  Pape  &  les  Cardinaux  qui  pré- 
tendent être  aflls  fur  la  chaire  de  St.  Pierre.  Leurmolefiè,  leur 
fafte ,  leur  luxe  &  leur  ambition  ne  font  pas  épargnez  dans  ce  pa- 
rallèle. Encore  trouve-t-il  cette   différence  entre  les  Pharifiens 
d'autrefois  &  les  modernes  j  c'eft  qu'au  moins  fi  les  premiers 
faiioient  mal ,  ils  difoient  bien  ,  au  lieu  que  les  derniers  non  feu- 
lement ne  difent  ni  ne  font  bien,  mais  ils  empêchent  les  autres 
de  le  faire.  Mais  afin  de  fe  mettre  mieux  à  l'abri  des  foudres  du 
Vatican,,  il  n'avance  lien  qu'il  n'appuyé  fur  l'autorité  du  Droit 
Canon  &  des  Pères ,   dont  il  allègue  des  paiïages  fi  formels  , 
qu'il  fembîe  qu'ils  fu£ent  faits  pour  lui.  Il  conclut  que  le  fiége 
Tom.II.Parc.il.  M 


5>o       HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.14.    Apoftoliqueconfifte  dans  Pautorité  ou  dans  la  race,  &  clans  la 
fuccefîîon  des  faints  Prêtres  &des  faines  Evêques,  qui  gouver- 
nent PEglife  de  la  manière  qu'ils  jugent  la  plus  avantageufe  à  la 
gloire  de  Dieu  ,  au  falut  de  PEglife ,  tant  de  Tes  chefs  que  du  peu- 
ple ,  en  n'établhîant  dans  le  miniftere  ,  que  des  gens  capables 
de  s'en  bien  acquitter,  fans  qu'il  entre  ni  faveur  ni  paffion  par- 
ticulière ,  ôc  perfonnelle,  ni  avarice  dans  leur  choix.  Enfuivant 
ces  principes,  il  foutient,  que  quiconque  connoît  avec  certitude 
que  les  commandemens  du  Pape  font  contraires  aux  comman- 
démens ,  ou  aux  confeils  de  J.  C.  ou  qu'ils  peuvent  tendre  à  la 
ruine  de  PEglife,  il  eft  obligé  d'y  réfifher  hardiment ,  de  peur 
d'être  complice  du  crime  ,  par  un  filence  qui  feroitpris  pour  con- 
fentement.  »  C'eft,  pour  cela,  dit-il,  que  me  confiant  en  la  pro- 
ie te&ion  de  J.  C.  qui  l'accorde  aux  défenfeurs  de  fa  vérité ,  je 
»  m'oppofai  à  la  bulle  à" Alexandre  V.  envoyée  en  1409.  à  Sbinka 
«Archevêque  de  Prague,  par  laquelle  ce  Pape  défendoit  de 
«prêchera  Prague,  ailleurs  que  dans  les  Eglifes  cathédrales, 
»  collégiales ,  paroifliales  ,  Se  dans  les  monafteres  ,  excluant  de 
»  cette  liberté  les  chapelles  privilégiées  parle  flége  Apoftolique 
»  (  comme  étoit  la  chapelle  de  Bethlehem  ).  Je  m'y  oppofai ,  dis- 
»je,  parce  que  je  trouvois  ce  commandement  contraire  à  Pe- 
»xempledej.  C.  qui  prêchoitfur  la  mer,  dans  les  déferts,dans 
»  les  maifons ,  dans  les  fynagogues ,  dans  les  rues  ,  dans  les  pla- 
ces publiques.  Comme  cette  bulle  n'étoit  pas  moins  contraire 
»  aux  privilèges  des  chapelles  érigées  par  autorité  du  iiége  Apo£ 
3>  tolique ,  pour  y  prêcher  la  parole  de  Dieu ,  &  qu'on  ne  leur  ôtoit 
»  ce  privilège  que  par  des  paflîons  &  des  intérêts  particuliers, 
»  j'appellai  ày Alexandre  V.  mal  informé  à  Alexandre  V.  mieux  in- 
«  formé.  Le  Pape  étant  mort  pendant  que  je  pourfuivois  mon 
«appel,  j'en  appellai  la  même  année  à  Jean  JCJCIII.  £pn  fuc- 
a>  cefleur.  Ce  dernier  demeura  plus  d'un  an  fans  donner  aucune 
»  audience  à  mes  Avocats  Se  à  mes  Procureurs ,  &  cependant  il 
«aggrava la  Sentence  portée  contre  moi.  Mais  voyant  que  je  ne 
«pouvois  obtenir  aucune  juftice  en  attendant  un  Concile,  dont  je 
»  trouvois  la  reflource  longue  &  incertaine  ,  j'en  appellai  à  J.  C. 
»  comme  à  un  Juge  également  infaillible  &  impartial.  Je  m'oppo- 
»  fai  tout  de  même  aux  Indulgences  &  à  la  Croifade  de  Jean 
»  JCJCIII.  parce  qu'elles  ne  tendoient  qu  a  la  deftru&ion ,  fuivanc 
*  en  cela  le  fentiment  de  PEvêque  de  Lincoln  (  Robert  Grotefl  )  qui 
?»  comme  moi  appella  &  Innocent  IV.  à  J.  C.  Voici  les  paroles  de 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  91 

«cet  Evêque.  La  faintetê  du  Siège  Apoflolique  confifie  a  édifier  &  1414^ 
nonk  détruire.  Car  la  plénitude  de  lapuifjance  confific  à  pouvoir  tout 
pour  P  édification.  Or  ce  qu 'ils  appellent  des provi fions ',  bien  loin  de  tour-* 
ner  a  l'édification ,  tend  à  une  defiruBion  manifefle.  Ce/l  pourquoi  le 
très  -  heureux  Siège  JLpoflolique  napas  le  pouvoir  de  les  donner.  Jean . 
J-îus raconte,  àl'occafiondecetEvêque,  cette  hiftoriette  fur  la 
foi  de  Ranulphe  dit  de  Chefter ,  c'efi  que  quand  ce  Prélat  mourut,  on 
entendit  cette  voix  a  la  Cour  du  Pape ,  Vi  en  misérable,  au  Ju- 
gement,^  que  le  lendemain  le  Pape  mourut  d'un  coup  de  lance  quon 
lui  avoit  donné  au  cbté. 

Il  confirme  dans  le  chapitre  XIX.  ce  qu'il  avoit  établi  dans  le  Ch.xiX- 
XVII.  c'eft  qu'il  ne  faut  obéir  à  aucun  Juge  Eccléfiaftique ,  quand 
il  commandece  que  Dieu  a  défendu ,  &  qu'il  défend  ce  que  Dieu 
a  commandé,  &  que  dans  ce  cas  l'obéïfîance  eft  un  crime,  &  la 
défobéïflance  une  vertu  &  un  devoir.  Les  Do&eurs  contre  qui  il 
difpute  n'auroient  ofé  contefter  cette  maxime  j  mais  ils  foûte- 
noient  que  dans  les  chofes  indifférentes  ou  qui  tiennent  le  milieu 
entre  ce  qui  eft  mal,  &  ce  qui  efl:  bien  abfolument,  il  faut  obéïr 
en  tout  aux  Supérieurs.  Ils  fe  fondoient  dans  cette  maxime  ,  fur 
l'autorité  de  St.  Bernard  ,  dont  je  rapporterai  ici  le  paflage  ,  quoi 
<|p'il  foit  un  peu  long.»  Il  eft  confiant  que  de  faire  du  mal,  qui 
»  que  ce  foit  qui  le  commande,  ce  n'eft  pas  obéïflance ,  mais  plû- 
»  tôt  défobéïflance.  Il  faut  bien  remarquer  qu'il  y  a  des  chofes 
«qui  font  ou  bonnes  abfolument,  ou  mauvaifes  abfolument,  &  à 
».  leur  égard, on  ne  doit  aucune  obéïflance  aux  hommes,  quand  ils 
«défendent  les  unes,  &  qu'ils  commandent  les  autres.  Mais  entre 
»  ces  aâions  bonnes  ou  mauvaifes  ei:  elles-mêmes,il  y  en  a  qui  tien- 
nent le  milieu  ,  qui  félon  les  circonftances  des  lieux  ,  des  temps, 
r>  des  perfonnes,&  félon  la  manière  dont  on  les  fait,  peuvent  être 
»  bonnes  ou  mauvaifes.  C'eft  dans  ces  chofes  que  la  Loi  de  l'obéïf- 
*  fance  a  été  mife  ,  comme  dans  l'arbre  de  Science  du  bien  Se 

«  du  mal  pofé  au  milieu  du  Paradis Dans  ces  chofes  il  n'eft  af- 

»  furément  point  permis  de  préférer  notre  propre  fentiment  (  no  fi 
»trumpenfum),  à  celui  de  nos  maîtres,  &  nous  devons  toute  forte 
»  de  déférence  à  leurs  commandemens  &  à  leurs  défenfes.  La  Foi  % 
»  l'Efpérance ,  la  Charité ,  les  autres  vertus  chrétiennes  font  bon- 
»  nés  en  elles-mêmes  :  on  ne  fçauroit  ni  en  défendre  ni  en  omettre 
»  la  pratique.  Le  larcin ,  le  facrilége  ,  l'adultère  &  les  autres  pé~ 
»  chez  contre  la  Lo^,  font  mauvais  en  eux-mêmes  :  on  ne  fçauroit 
»  ni  les  commander  3  ni  les  commettre  fans  crime.  Le  commande- 

Mij 


91       HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.    »  nient  ne  peut  aucorifer  une  action  illicite,,  ni  difpenfer  d'un  de- 

»  voir  indifpenfable.  Mais  il  y  a  des  choies  inditFerentes  ou  mi- 

x  toyennes ,  qui  ne  font  ni  bonnes  ni  mauvaifes  en  elles-mêmes, 

«  comme  par  exemple  ,  déjeuner,  de  veiller  ,  délire.  On  peut  à 

»la  vérité  les  défendre  ou  les  commander  mal  à  propos,  mais  en 

»  cela  l'obéiflance  aux  Supérieurs  n'a  rien  de  criminel.  Il  y  a  aufïï 

«de  ces  chofes  indifférentes  ou  libres  _,  qui  peuvent  devenir  cri- 

«minelles.  Par  exemple  ,  il  eft  libre  de  fe  marier,  ou  de  ne  fe  pas 

»  marier  3  mais  quand  on  eft  marié  il  n'eft  pas  libre  de  rompre  fon 

«mariage.  Il  eft  libre  à  un  homme  feculier  d'avoir  du  bien  ou  de 

»  n'en  avoir  pas.  Mais  cela  nJeft  pas  en  la  liberté  d'un  Moine,parce 

(3\BerW0r^  «qu'il  ne  doit  rien  pofteder  en  propre  (a).  La  conclufïon  que  Jean 

Ep.  ad         Hus  tire  de  tout  ceci ,  après  quelques  diftinclions  de  fa  façon, 

Adam.  Hus.  m  c>e£j.  gU»|j  n£  £auc  p0jnt  05éir  au  Pape  ni  à  aucun  Prélat  fans  exa- 

ccxxxviii.    »  miner  fî  leurs  ordres  font  conformes  à  la  parole  de  Dieu  ,  parce 
«qu'ils  ne  font  pas  infaillibles.  Iieftfouvent  arrivé,  dit-il,  à  des 
«Saints,  de  commander  des  chofes  deraifonnables  à  leurs  infé- 
»  rieurs ,  pour  éprouver  leur  obéiflance,  comme  d'arrofer  un  tronc 
»  d'arbre jufques à  ce  qu'il  pouffe,  d'amolir  des  pierres  avec  de 
«l'eau,  d'apprivoifer  des  bêtes  farouches,  comme  le  dit  Hugues 
»de  St.  Victor.  Ce  qui ,  félon  lui,  ne  regarde  pas  feulement  les 
chofes  bonnes  ou  mauvaifes  en  elles-mêmes ,  mais  auiTi  les  chofes 
indifférentes,  où  l'on  n'eft  pas  toujours  obligé  à  obéir  au  Pape, 
aux  Cardinaux ,  &  au  Siège  de  Rome.  Si ,  par  exemple ,  ils  défen- 
doient  à  des  féculiers  de  fe  marier  ,  ou  de  poffeder  des  biens ,  ils  ne 
feroient  point  tenus  à  obéir ,  parce  que  le  Pape  n'eft  pas  en  droit 
de  contraindre  dans  des  chofes  où  J.  C.  a  laiiîé  la  liberté.  Il  avan- 
ce ici  un  fait  bien  remarquable.  Wenccflas,  dit -il ,  eft  Roi  des  Ro- 
mains &  de  Bohême.  Sigifmond  eft  Roi  de  Hongrie ,  malgré  Boniface 
IX.  &  fes  Cardinaux  qui  avaient  ordonné  à  l'un  de  reftgner  l'Empire  , 
&  k  l' autre  le  Royaume  de  Hongrie.  Il  s'enfuivroit  de  là.  que  l'un  d* 
l'autre  font  en  péché  mortel ,  pour  avoir  defobei  dans  une  de  ces  chofes 
qui  font  libres.  Ce  qu'aucun  homme  de  bonfens  ne  croira  (  1  ).  Il  allègue 
un  autre  fait  qui  n'eft  pas  de  la  même  importance,  mais  qui  pour- 
tant ne  laille  pas  d'être  curieux.  Un  Docteur  de  Prague ,  nommé 
Maurice,  avoit  obtenu  d'Innocent  VII.  un  Bénéfice  à  Prague.  Le 
Pape  ordonna  fous  peine  d'excommunication  à  Staniflas  &  à  Pierre 


:flitué  Sigifmond  pour  mettre  en  fa  place  Ladijlas  &  confenti  à  la  de- 
ce  dernier  étoiUoujours  reconnu  Soldes  Romains  en  Bohème,» 


(  1  )  Bani/ace  IX.  avoit  de__ 
'poUtlon  de  BZettcejl.a:  mais  ce  aernier  etoitfoujours  recor. 
fur  tout  par  les  Huffites  qui  ne  vouloient  point  de  Stgifincnd 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  93 

Znoima  ,  à  JeanElie  &à  un  autre  qui  n'efi  pas  nommé  ,  de  céder  ce  \a\  a 
Bénéfice  k  Maurice.  Cependant  ils  ri avoient pas  encore  obéi  d  cet  or- 
dre i  d'où  ils' enfuiv  oit  qu  ils  ètoient  dans  les  liens  de  l'excommunica- 
tion ,  &  dans  une  double  défobeijfance  ^puif qu'ils  ne  fe  tenoient  pas  pour 
excommuniez  (a.).»  C'eft-là,  dit-il ,  une  de  ces  chofes  indifférences,  (a)  Foi. 
»  puifqu'il  n'y  a  rien  de  mauvais  en  foi  à  céder  un  Bénéfice  j  cepen- 
«  dant  ils  n'ont  pas-cru  être  obligez  d'obéir  en  ce  pointeaux  ordres 
«de  la  Cour  de  Rome.  S'il  y  a  quelque  mal  en  cela ,  dit-  il ,  c'eft  à 
«  Maurice  d'ambitionner  cette  place ,  ôc  aux  autres  de  ne  vouloir 
«pas  la  céder ,  tous  par  un  principe  de  vanité. 

Jean  Hus  va  encore  plus  loin.  *  Il  foûtient  que  quoique  le  jeûne 
»  &  la  prière  non  feulement  ne  foient  pas  du  ma] ,  mais  qu'il  y  ait 
«même  une  grande  apparence  de  bien,  il  foûrient  qu'il  ne  faut 
«  obéir  au  Pape  à  cet  égard  3  qu'autant  que  cela  eft  raifonnabie , 
«parce  qu'il  pourroit  ordonner  de  fi  longs  jeûnes  &  de  fi  longues 
«prières  ,  qu'on  tomberoit  en  défaillance.  On  fe  nuiroit  à  foi- 
»  même ,  &  on  fe  mettroit  hors  d'état  de  fervir  l'Eglife.  Les  Peni- 
»  tenciers  &  les  Prélats  d'aujourd'hui  impofent  au  peuple  des  jeû- 
»nes,  des  prières,,  &  des  abltinences,  qu'ils  ne  pratiquent  rien 
«moins  que  tout  cela.  J.C.  étoit  le  vrai  Abbé  ,  6c  le  vrai  Prieur, 
«il  neprenoit  point  plaifir  à  charger  ks  Difciples,,  &  il  ne  leur 
»  impofoit  qu'un  joug  aifé  &  un  fardeau  léger.  A  plus  forte  raifon  y  ne 
«doit-on  pas  obéir  à  des  ordres  impoiîibles  ou  fi  déraisonnables  , 
»  que  le  bon  fens  y  répugne  ,  comme  fi  le  Pape  me  commandoic  ' 
»  de  jouer  de  la  flûte,  de  faire  le  métier  de  Maflon,  de  Tailleur 
«ou  de  Cuifinier.  67,  dit-il ,  un  Pape  de fon propre  mouvement  èta- 
bliffoit  pour  Eve  que  un  homme  vicieux  ,  ignorant  dans  la  Loi  de  Dieu  3 
&  qui  nefeauroitpas  même  la  Langue  qu'on  parle  dans  fon  Diocefe  y 
cet  homme  feroit  oblige  de  refufer  ce  Bénéfice  ,  &  le  peuple  ne  devroit  pas 
non  plus  l'accepter  pour  Eve  que ,  puifqu'ilne  voudroitpas  même  choifir 
pour  bouvier  ou  pour  berger  -un  homme  qui  ne  feauroit  pas  paître  des 
bœufs  &  des  brebis.  Il  pofé  encore  plufieurs  autres  cas,,  où  il  foûtienc 
qu'il  efl  méritoire  de  défobéir.  Il  appelle  les  Cardinaux  ,  6c  toute 
la  Cour  Romaine  ,  les  Satrapes  de  YAnte-Chrift  ,  parce  que  le 
Pape  s'en  fert  pour  exécuter  (qs  ordres  tyranniques  par  tout  le 
mon«le ,  appliquant  au  Pape  &  aux  Prélats  de  la  Cour  la  vifion  de 
Daniel chap.  IX.  llsferoient,  dit- il ,  pis  que 'tout  cela ,  s'ils  ne  crai- 
qnoient  que  le  peuple  a  qui  Dieu  commence  d'ouvrir  les  yeux  ne  s'apper- 
cût  enfin  de  leur  iniquité.  Il  n'oublie  pas  a  cette  occafion  les  trois 
jbommes  décapitez  à  Prague  pour  s'être  oppofez  aux  Quêteurs 

M  iij 


94      HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.    des  Indulgences.  On  en  a  parlé  ailleurs  (a)  5  mais  on  a  oublié  une 
(«ij  Liv.  vi.  particularité ,  qui  fe  trouve  à  la  marge  du  Traité  de  l'Eglife.  C'eft 

p  ***"  que  7^«  -RFiM  avoit  écrit  de  fa  propre  main  dans  un  Livre  de  la 
Chapelle  de  Bethléem  ,  appelle  Pafjional  ou  Légende ,  ces  paroles.- 
»L'an  141 2.  plusieurs  ont  voulu  être  décapitez  ,  &  ont  offert 
»  leur  cou  au  bourreau  ,  lors  qu'on  coupa  la  tête  à  Martin  ,  à  Jeany 
aètSta/fek,  parce  qu'ils  ont  contredit  ceux  qui  prêchoient-  qu'il 
»  eft  permis  de  faire  la  guerre  ,  quand  le  Pape  l'ordonne  3  qu'il  faut 
»  croire  au  Pape ,  &  que  quiconque  donne  de  l'argentpour  la  croi- 
»>  fade ,  eft  abfous  de  la  peine  &  de  la  coulpe. 

Comme  toute  défobéifïance  au  Pape  entraîne  après  elle  Fex-jj 
communication ,  le  Do&eur  Bohémien  foûtient  qu'on  ne  doit 
point  s'en  mettre  en  peine ,  pourvu  qu'on  faiTe  ce  que  J.  C.  com- 
mande, à  l'exemple  des  Apôtres ,  qui  ont  mieux  aimé  obéir  à 
Dieu  qu'aux  hommes.  Ainfi  tout  Prêtre ,  s'il  veut  vivre  félon  la 
Loi  de  Dieu,  s'il  fçait  l'Ecriture  fainte ,  &  s'il  eft  animé  d'un  vrai 
zèle  pour  l'édification  des  âmes ,  doit  prêcher ,  malgré  la  préten- 
due excommunication  du  Pape.  Outre  les  paflages  de  l'Ecriture 
fainte ,  il  allègue  là-deflus  des  témoignages  de  plufieurs  Sts.  Pères, 
&  ces  paroles  de  St.  Auguftin.  Il  y  a  peu  de  Prêtres  qui  prêchent  bien, 
la  parole  de  Dieu  :  il  y  en  a  beaucoup  qui  demeurent  dans  unfilence  cri- 
minel j  le 'S  uns  par  ignorance ,  les  autres  par  négligence ,  &  par  mépris 
pour  la  parole  Divine.  Le  fîlence  des  uns  &des  autres  eft  inexcu fable. 
Ceux  qui  ne  fçaventpas  prêcher  ne  doivent  pas  fe  mêler  de  conduire 
l'Eglife ,  &  ceux  qui  fcavent  prêcher  ne  doivent  pas  fe  taire  3  quand 
même  ils  ne  feroient pas  Pafteurs.  »  Fondé ,  dit-il ,  fur  ces  principes, 
»  je  n'ai  pas  crû  devoir  obéir  à  la  défenfe  d'Alexandre  V.  de  ne  pas 
»  prêcher.  Cependant  je  fupporte  humblement  mon  excommu- 
»  nicatjon  ,  dans  l'efpérance  qu'elle  m'attirera  la  benedi&ron  de 
(b)Foi.    «mon  Dieu  (b). 

cclxvi.  Dans  le  chapitre  XXI.  il  examine  plufieurs  circonftances  6c 
plufieurs  cas,  oùl'on  eft  difpenfé  d'obéir  au  Pape,  &  aux  autres 
Supérieurs  Eccléfiaftiques.  Il  avoit  établi  dans  le  chapitre  XVIL 
la  diftin&ion  ordinaire  des  Scholaftiques ,  entre  les  commande- 
mens  &  les  confeils  de  l'Evangile.  Le  Commandement ,  dit-il  ,  eft 
un  enfeignement  (  doclrina  )  général  de  Dieu  ,  qui  oblige  toujours  tous 
les  hommes ,  fous  peine  de  péché  mortel.  Le  Csnfeil  eft  un  enfeignement 
particulier  de  Dieu ,  qui  oblige  pendant  cette  vie  feulement ,  fous  peine 

ccxxxii.    de  péché  véniel.  Le  Commandement  eft  pour  les  imparfaits }  le  Confeil 

b„  pour  les  parfaits  (c)  :  &  félon  lui  il  y  a  douze  Confeils ,  commue  font 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  95 

la  pauvreté,  le  célibat, les  œuvres  de  furrerogation  &c.  Il  prétend  \a\a 
dans  celui-ci,  que  quand  un  Prélat  commande  quelque  choie 
d'incompatible  avec  un  confeil  divin,  il  ne  faut  point  obéir  au 
Prélat.  »Je  voudrois  bien  9  dit-il y  que  St.  Bernard  me  répondît 
»au  cas  que  je  vais  propofer.  Si  St.  Benoit  {i)  lui  avoit  commandé 
»  de  paître  les  pourceairx^ôc  qu'en  même  temp^Dieu  lui  confeil- 
»  lât  d'aller  à  l'Eglife  s'employer  au  falut  des  âmes ,  je  ne  doute  pas 
«que  vu  l'autorité  de  celui  qui  confeille,  &  l'utilité  du  confeil, 
»  St.  Bernard  n'eût  préféré  ce  dernier  au  commandement  de  fon 
«Abbé.  Ce  feroit  une  grande  abfurdité  de  laifler  les  brebis  de 
«  J.  C.  fans  pâture  ,  pour  obéir  à  un  fot  &  à  un  pourceau  d'Evêque, 
m  qui  commanderoit  de  garder  des  pourceaux  (a).  (a)  f«.i. 

Il  y  a  auffi  des  circonftances  où  l'on  eft  difpenfé  d'obéir  à  fes  fu-  CCXLIV- 
périeurs  ,  comme  s'ils  ordonnoient  à  quelqu'un  de  comparoître 
dans  un  lieu  où  il  auroit  des  ennemis  qui  machineroientfa  mort. 
Cette  maxime  du  droit  naturel  eft  confirmée  ici  par  plufieurs  au- 
toritez  du  Droit  Canon  3  &  par  des  exemples  tirez  de  l'Hiftoire 
Eccléfiaftique.»Eût-il  donc  été  raifonnable  ,  dit-il y  fe  faifant  a 
»  lui-même  l'application  de  ces  principes  3  eût-il  été  raifonnable ,  que 
«j'eufle  comparu  lorfque  j'ai  été  cité  par  le  Pape3  à  trois  cens 
«  milles  d'ici ,  où  jenepouvois  aller  fans  pafler  tout  au  travers  de 
»  mes  ennemis,  &  où  j'aurois  eu  pour  Juges  mes  délateurs  ?  Je  ne 
«  pouvois  d'ailleurs  m'y  rendre  fans  me  ruiner  ou  fans  dépenfer 
»  l'argent  des  pauvres  _,  à  moins  que  de  me  réfoudre  à  périr  de  foif 
«  &  de  faim.  Quel  auroit  été  le  fruit  de  cette  comparition  ?  Rien 
»  que  de  négliger  mes  devoirs  ,  tant  par  rapport  à  mon  propre  fa- 
llut 3  que  par  rapport  à  celui  des  autres.  On  ne  va  point  là  pour 
i»  apprendre  à  bien  croire,  mais  à  plaider,  ce  qui  n'eft  pas  le  mê- 
»  tier  d'un  ferviteur  de  Dieu. Là  on  eft  dépouillé  par  le  Confïftoire, 
»  on  fe  relâche  dans  les  bonnes  mœurs  j  comme  on  y  eft  opprimé  , 
«on  s'expofe  à  l'impatience.  Si  l'on  n'a  pas  de  quoi  donner ,  l'on 
«  eft  condamné  ,  quelque  bon  droit  qu'on  ait.  Et  ce  qui  eft  le  plus 
«fâcheux,  on  eft  contraint  d'adorer le  Pape  à  genoux  comme  un  Dieu. 
«De  tout  cela,  continue-t-il^  je  conclus  que  l'excommunication 
*>  qu'on  a  lancée  contre  moine  me  touche  &  ne  me  lie  point,  elle 
»  ne  m'engage  à  rien  du  tout.  Ainfi  j'ai  remis  ma  caufe  &  ma  per- 
«fonne  entre  les  mains  de  J.  C.  qui  me  fera  la  grâce  de  finir  mes 
«jours  dans  fa  foi,  foit  par  mort  naturelle  ,  foit  par  mort  violente, 
(b)  Ecrivant  contre  le  Pape  ôc  l'Eglife  Romaine  avec  autant  de     (bfVoi 

(i  j  St.  Berriard  fuivoit  la  Règle  dz  St.- Benoît moine  du  6.  fk'clc 


96       HISTOIRE     DU     CONCILE 
14 14.    hardiefïequ'il  faifoit,  il  pouvoit  bien ,  fans  être  Prophète,  avoir 
un  preflentiment  de  ce  qui  lui  arriva  dans  la  fuite.  Non  feulement 
il  établit  plusieurs  cas  où  il  eft  permis  de  défobéir  à  {es  fupérieurs , 
mais  il  foûtient  même,  qu'il  en  eft  beaucoup  où  il  eft  permis  de 
les  reprendre  &  de  les  corriger  à  l'exemple  de  St.  Paul  qui  reprit 
St.  Pierre.  Une  trouve  pas  qu'il  faille  faire  la  moindre  attention 
aux  objections  que  l'on  fait  contre  cette  maxime.  On  dit  ,  par 
exemple  ,  que  le  Pape  étant  le  Vicaire  de  J.  C.  il  ne  peut  être  re- 
pris non  plus  que  J.  C.  qui  traita  Pierre  de  Satan ,  pour  l'avoir 
voulu  reprendre.  »  La  conféquence,  dit. il,  eft  nulle,  parce  que 
»  J.  C.  eft  infaillible  &  que  le  Pape  ne  l'eft  pas ,  non  plus  que  Saint 
»  Pierre.  Que  le  Pape  fuive  exactement  l'exemple  de  J.  C.  il  ne 
»  fera  pas  fujet  a  être  repris.  Mais  s'il  fait  mal,  il  ne  tient  point  la 
»  place  de  J.  C.  Si  un  Evêque  ou  quelqu'autre  Confeileur  attentoic 
»  dans  la  confefîion  à  l'honneur  d'une  femme,  neferoit-elle  pas 
»en  droit  de  le  reprendre  comme  un  Ante-Chrift,   comme  un 
»  corrupteur  déloyal,  puis  qu'alors  bien  loin  de  tenir  la  place  de 
»J.  C.  il  tient  celle  du  diable  qui  tenta  la  femme  ?  Pour  prouver 
qu'il  n'eft  permis  à  perfonne  de  reprendre  le  Pape  ,  on  lui  objec- 
toit  encore  le  prétendu  Synode  de  Sinueiïè-(i),  qui  ne  voulut  pas 
prononcer  contre  le  Pape  Marcellin ,  qui  avoit  encenfé  aux  Ido- 
les pendant  la  persécution  de  Diocletien  ,  &  qui  le  remit  à  fon 
propre  jugement,  parce  que  le  Pape  n'eft  jugé  de  perfonne  comme 
cela  eft  porté  dans  le  Décret.  Jean  Hus  répond  à  cela  trois  cho- 
ies. 1.  »  Que  le  fentiment  de  ces  Evêques  ne  fçauroit  détruire  ce- 
m  lui  de  St.  Paul  qui  reprit  St.  Pierre  en  face.  2.  Qu'il  auroit  été 
»  fuperflu  de  condamner  Marcellin }  puifquefa  repentance  faifoit 
»  aflez  connoître  qu'il  avoit  été  repris  de  Dieu  même.  3.  Que  c'é- 
»  toit  une  réprimande  affez  forte  de  le  renvoyer  à  fa  propre  con- 
science. Condamnez^- vous  vous -?nème  par  votre  bouche  ,  lui  di- 
»rent-ils.  Mais  Jean  Hus  auroit  eu  plutôt  fait  de  dire,  s'il  l'avoit 
fcû,  que  ce  Synode  de  Sinueffe  eft  un  Synode  fuppofé,  &  qu'il  n'a 
jamais  exifté ,  comme  les  Sçavans  de  TÉglife  Romaine  en  convien- 
(  a  )  Voyez   nent  à  préfent  (a). 

Fr.Pagi,  Après  avoir  établi  le  droit  qu'ont  les  inférieurs  de  reprendre 

nam.Tomi.  leurs  fupérieurs ,  fut-ce  même  le  Pape,  quand  il  commande  ou 
qu'il  défend  contre  la  Loi  de  Dieu  ,  on  peut  aifément  juger  com- 
bien ilétoit  éloigné  d'approuver  le  fentiment  des  Do&eurs ,  qui 
avoient  déclaré  que  le  Clergé  de  Prague  ayant  obéi  aux  procé- 

(1)  C'eft  Rocca  de  Mondragone  au  Royaume  de  Napleso 

dures 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  97 

dures  de  la  Cour  de  Rome  contre  Jean  Mus  3  c'eft-à-dire ,  à  fon  iaia, 
excommunication  &  à  l'interdit  que  l'Archevêque  avoit  mis  par 
ordre  du  Pape  fur  la  Ville  de  Prague,,  pendant  que  Jean  Husy 
derneureroit  >  ils  étoient  obligez  d'y  obéir  auffi,  &  que  cen'étoit 
point  au  Clergé  de  Prague  à  juger  fi  l'excommunication  de  Jean 
Mus  étoit  jufte  ou  non.»  C'eft  une  conféquence  ,  dit-il ,  fort  mal 
»  tirée ,  parce  que  le  Clergé  de  Prague  a  obéi  aux  procédures  con- 
»  tre  Jean  Mus ,  il  faut  y  obéir.  Oeil  fuppofer  le  Clergé  de  Prague 
«infaillible,  mais  ne  l'étant  pas,  la  conféquence  eft  auffi  nulle 
»  que  celle  des  Juifs  qui  condamnèrent  J.  C.  comme  un  fédu&eur 
»  &  un  blafphemateur ,  parce  que  le  Clergé  de  Jerufalem  l'avoic 
»  jugé  tel.  Sur  tout  il  les  poufle  avec  beaucoup  de  fel  &  de  vivacité, 
fur  la  raifon  qu'ils  rendent  de  leur  obéïflance ,  que  ce  n'efh  pas  au 
Clergé  de  Prague  à  examiner  fi  l'excommunication  de  Jean  Mus 
eft  jufte ,  ou  fî  elle  ne  Teft  pas.  Il  ppelle  cette  concufîon  une  queue 
énorme  (  caud  a  m  enokmem.)»  Cette  alternative.,  dit-il,  fup- 
»pofe  que  l'excommunication  de  Jean  Mus  peut  être  in  j  ufte  3  8c 
»par  conféquent  ils  hazardent  d'obéir  à  uncommandementin- 
»  jufte ,  ce  qui  eft  honteux  &  criminel  à  des  Docteurs.  D'ailleurs, 
»  puifqu'ils  jugent  que  l'excommunication  eft  de  ces  chofes  mix- 
ités, où  il  n'y  a  ni  bien  ni  mal  à  parler  abfolument,  &;  qui  peut 
»  être  bonne  ou  mauvaife,  félonies  circonftances  des  personnes, 
»»  des  temps  &  des  lieux,  il  faut  qu'ils  ayentfçii  que  l'excommuni- 
»  cation  de  Jean  Muss'eù.  faite  dans  des  circonftances  où  elle  eft 
»  bonne  &  jufte.  Ils  en  ont  donc  jugé ,  &  cependant  ils  difent  qu'il 
»  ne  leur  eft  pas  permis  d'en  juger.  C'eft  une  contradiction  mani- 
»fefte.  Mais  qui  pourroit,  continue-t-il,  s'empêcher  de  rire,  de 
»  voir  cette  raifon  dans  la  bouche  de  Docteurs ,  qui  tous  les-  jours 
»  expliquent  les  Décretales  &  les  Décrets ,  qui  examinent  les  pro- 
»  ces ,  qui  doivent  confeiller  &  juger  félon  l'exigence  des  cas ,  s'il 
»  eft  permis  d'en  appeller  ou  non  ? 

Après  ces  réflexions  générales ,  il  en  vient  à  fon  excommunica- 
tion particulière ,  &  renvoyé  au  FaEium  de  Maître  Jean  de  Jeffenitz^ 
Docteur  en  Droit  Canon  de  l'Univerfîté  de  Bologne,  qui  avoit 
démontré  en  pleine  Académie  à  Prague,  l'injuftice  &  lanullité 
de  l'excommunication  fulminée  contre  Jean  Mus.  On  a  parlé  ail- 
leurs de  cette  pièce.  Delàpaflantàlamatierede  l'excommunica- 
tion en  général ,  il  diftingue  trois  efpeces  de  Cenfures  Eccléfiafti- 
ques ,  Y  Excommunication  3  la  Sufpenfion ,  &  Y  Interdit. 

I.  Pour  bien  faire  connoître  ce  que  c'eft  que  l'Excommunica- 
Tom.II.Part.il.  N 


98  HISTOIRE  DU  CONCILE 
14.14.  tion,  il  ne  trouve  point  de  meilleure  méthode,  que  de  faire  bien 
connoître  ce  que  c'eft  que  la  communion  ,  ou  la  communication. 
Il  la  fait  de  quatre  fortes.  1.  La  participation  de  la  grâce,  que 
Dieu  accorde  gratuitement  2 .  Cor.  chap.  dernier.Telle  eft  la  Com- 
munion des  Saints,  qui  compofent  le  Corps  myftique  dont  J.  C. 
eft  le  Chef.  2.  La  participation  aux  Sacremens.  Ephef.  JV.  &  en 
particulier  à  celui  de  la  Sainte  Cène.  1.  Cor.  X.  3.  La  communica- 
tion, ou  la  communion  qu'ont  entre  eux  les  Fidèles,  ce  qu'il  ap- 
pelle la  communion  desfuffrages.  4.  La  communion  ou  la  communi- 
cation qu'ont  entre  eux  les  Chrétiens,  tant  bons  que  mauvais  3 
qui  converfent  enfemble.  Les  trois  premières  n'appartiennent 
qu'aux  bons  ,  &  les  gens  du  monde  font  le  plus  de  cas  de  la  qua- 
trième. 

I I.  Suivant  ces  quatre  fortes  de  Communions ,  il  établit  auiîî 
quatre  fortes  d'excommunications.  Celle  qui  fépare  de  la  grâce 
divine,  celle  qui  exclut  de  la  participation  des  Sacremens,  celle 
qui  prive  de  la  participation  des  fuffrages  des  fidèles  par  rapport 
à  la  vie  éternelle,  celle  qui  exclut  publiquement  par  autorité  Ec- 
cléfiaftique  ,  ou  Séculière.,  du  commerce  &  de  la  converfation 
des  Chrétiens. 

III.  On  ne  fçauroit  être  excommunié  des  trois  premières  efpé- 
ces  d'excommunication  que  pour  un  péché  mortel  qui  fépare  de 
la  grâce  de  Dieu,  &  par  conféquent  des  deux  autres  Commu- 
nions,  feavoir  celles  des  Sacremens  &  desfuffrages.  D'où  il  fuit 
qu'aucun  Eccléfiaftique  ne  peut  excommunier  de  ces  deux  ma- 
nieres,  fi  le  pénitent  lui-même  ne  s'excommunie  auparavant,  par 
le  fentiment&  l'aveu  de  fon  crime.  Ce  qui  fe  prouve  par  le  Droit 
Canon. 

I  V.  On  compte  communément  deux  genres  d'excommunica- 
tion ,  fçavoir,  l'Excommunication  majeure ,  &  l'Excommunica- 
tion mineure.  L'Excommunication  mineure  exclut  de  la  commu- 
nion des  Sacremens,  l'Excommunication  majeure  y  ajoute  l'ex- 
clufion  de  la  focieté  des  fidèles,  &  elle  fe  prononce  contre  un  pé- 
cheur public.  »  C'eft  3dit  il^  cette  forte  d'excommunication  qu'ils 
»  ont  prononcée  contre  moi  dans  leurs  procès  3  &  leurs  dénoncia- 
»  tions,m'excluant  de  tout  commerce  humain.  Mais  Dieu  [oit  béni  > 
dit-il,  qui  na  pas  donné  a  cette  Excommunication  la  force  dîoterla 
juftice  ^  la  vertu  d  un  homme  jufie^  é*  de  le  rendre  pécheur. 

V.  L'Excommunication  étant  un  remède  fpirituel ,  pour  guérir 
le  pécheur  &  pour  le  ramener  dans  laBergerie  dej.  C.  doit  avoir  la 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  99 

vie  éternelle  de  l'excommunié  pour  dernière  fin.  D'où  il  fuie  qu'el-  1414. 
le  ne  peut  être  prononcée  que  contre  un  pécheur  qui  l'a  méritée 
par  quelque  faute  dont  il  fe  confefle  lui-même,ou  dont  il  a  été  con- 
vaincu par  fes  Juges ,  &  encore  ne  faut-il  lé  faire  qu'après  la  triple 
admonition  3  ielon  le  commandement  de  J.  C.  Quand  cette  Excom- 
munication efi  légitime  3  je  la  redoute  plus ,  dit-il ,  quoi  qu'on  l'appelle 
mineure  3  que  l'Excommunication  majeure ,  parce  qu'elle  efi  fulminée 
publiquement  par  un  Prélat.  Mais  je  crains  encore  plus  la  plus  grande 
de  toutes  les  Excommunications ,  c'efi  celle  où  le  fouverain  Pontife  de 
l'Eglife ,  enpréfence  des  Anges  &  des  hommes ,  excommuniera  éternel- 
lement les  méchans.  C'efi  celle-là  que  doit  craindre  un  Juge  3  car  quicon- 
que excommuniera  quelqu'un  par  intérêt ,  par  pafjion 3  pour  fe  vanger 
de  quelque  injure  3  en  un  mot  contre  fa  confidence  3  &  fans  en  avoir  de 
caufe  légitime  ,  il  s'excommunie  lui-même. 

VI.  Quoiqu'une  excommunication  injufte  ne  puiffe  nuire  à 
l'excommunié,  &  que  même  elle  puiffe  lui  être  falutaire  s'il  la 
fupporte  patiemment  ,  il  y  a  pourtant  plufieurs  confidérations 
qui  le  peuvent  obliger  à  la  craindre,  même  parce  qu'elle  eft  in- 
jufte. Déjà  il  doit  rentrer  en  lui  -  même ,  pour  examiner  s'il  ne  l'a 
pas  méritée.  D'ailleurs  par  un  principe  de  charité  on  doit  être  en 
inquiétude  (  1  )  pour  le  falut  de  celui  qui  excommunie  injuftemenr, 
&  pour  celui  des  frères  qui  en  peuvent  faire  de  mauvais  jugemens 
&  de  mauvaifes  applications.  Il  doit  auffi  craindre  le  fcandale  pu- 
blic, &les  défordres  qui  en  réfultent.  Enfin  il  doit  bien  prendre 
garde  de  ne  fe  point  rebuter  de  la  juftice  &  de  la  vérité ,  &  de  ne 
point  fuccomber  aux  mouvemens  de  l'impatience.  C'eft  ce  que 
Jean  Hus  dit  avoir  fait  écrire  fur  les  murailles  de  la  Chapelle  de 
Bethléem. 

VII.  La  Sufpenfion ,  ou  lâSufpenfe  (2)  eft  Pinterdidion  d'un 
miniftere  ,  ou  de  quelque  Bénéfice  pour  un  crime.  C'eft  pourquoi 
ce  que  les  anciens  Décrets  appellent  fuf pendre ,  le  nouveau  droit 
ou  les  Décretales  l'appellent  interdire  d'un  Bénéfice ,  ou  d'une 
fonction  Eccléfiaftique. 

VIII.  Comme  c'eft  à  Dieu  premièrement  &  par  lui-même  qu'ap- 
partient le  droit  d'excommunier,  c'eft  aulîi  à  lui  qu'appartient 
demêmeledroitdefufpendre.  Ainfiil  eft  impoffible  qu'un  Pape 

(i)Il  parle  ici  avec  éloge  des  Thefes  qu'avoit  publiez  pour  l'Excommunication  un  Docteur 
en  Droit  canon  ,  nommé  Frédéric  Epinge.  Fol.  CCLIX.  b. 

(2)  LaSufpenfe  ,  ditM.  de  Hericourt,  efi  une  Cenfure  Eccléfïaflique  par  laquelle  on  défend  .1 
un  Clerc  d'exercer  le  pouvoir  que  lui  a  confie  l'Eglife  à  caufe  de  ftn  Ordre  ou  de  [oh  Bénéfice.  Annal» 
du  Decr»p.  185.  ç,  %. 

Nij 


ioo     HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.14..     fufpendejuftement  qui  quecefoit.,  fî  Dieu  ne  l'a  fufpendu  aupa- 
ravant. 

IX.  Il  y  a  de  plufieurs  fortes  de  Sufpenfîons.  Il  y  a  une  Sufpen- 
fion  d'Office  ,  une  Sufpenfîon  de  Bénéfice  ,  ou  de  quelque  bien 
dont  le  pécheur  eftjuftement  fufpendu  3  pour  quelque  crime.  Il  y 
a  encore  une  Sufpenfîon  dedroitêt  une  Sufpenfîon  de  fait.  La  Suf- 
penfîon de  droit  appartient  principalement  ,  originairement ,  & 
régulièrement  (  regulariter)  à  Dieu  ,  c'eft-à-dire,  que  c'efl  la  vo- 
lonté &  la  Loi  de  Dieu  qui  doit  régler  la  Sufpenfîon.  A  l'égard  de 
la  Sufpenfîon  à?  fait ,  Dieu  l'exécute  par  de  bons  &  par  de  mau- 
vais Miniftres,  mais  par  lui-même ilfufpend  tout  Prélat  criminel 
de  fon  office  &  defon  miniftere,  pendant  tout  le  temps  qu'il  efr. 
criminel ,  parce  que  tout  le  temps  qu'il  efl  en  péché  mortel ,  il  pèche 
quelque  chofe  quilfaffe. 

On  peut  alléguer  divers  exemples  de  ces  fufpenfîons  divines, 

comme  quand  Dieu  fufpend  de  la  Sacrificature  ceux  qui  rejettent 

{_qof.iv. 6.  la  fcience  (a) ,  quand  il  défend  de  lui  offrir  des  facrifices  (bj.  Saint 

^Maiac'b  ^'^fafpend  de  la  communion  de  PEuchariftie  ceux  qui  commu- 

1.  io.  nient  indignement  (c).  Dieu  fufpendit  Heli  &  fes  fils  de  la  facrifî- 

[cj  i.Cor.    cature  4  caufe  de  l'indulgence  de  l'un,  de  la  profanation  &  des 

[cri  i.sam.  autres  crimes  des  autres  (d).  Il  fufpend  encore  de  la  fonction  d'an- 

iii.  ix.  13.   noncerfa  parole,  &  d'avoir  (es  louanges  &  fon  alliance  dans  la 

bouche  ,  ceux  qui  méprifènt  tout  cela  dans  leur  cœur  &  par  leur 

[e]P/.L.  .  •      '       1,     /    y    tr    -M  I    r  >-l     •        J  r       •        • 

16.  zq.  vie  criminelle  (e).  Voici  la  concluhon  qu  il  cire  de  tous  ces  princi- 
pes. «  Il  s'enfuit  de  là  qu'il  y  a  bien  peu  de  Prédicateurs  que  Dieu 
»  ne  fufpende  à  préfent  du  miniftere  de  fa  parole  ,  parce  qu'il  y  en 
»  a  peu  qui  ne  rejettent  la  fcience  de  l'Ecriture,  &  qui  ne  démen- 
tent par  leur  vie  les  devoirs  qu'ils  enfeignent  aux  autres.  A  l'é- 
»gard  des  Juges  Eccléfîaftiques ,  ils  font  d'autant  plus  criminels 
y><\u'Heli  dans  l'adminiftration  de  la  Juftice,  s'ils  abfolvent  ou 
»  s'ils  épargnent  les  coupables,  &  s'ils  condamnent  les  innocens, 
»  qu'il  s'agit  d'enfansfpirituels,  dont  la  vie  efl  plus  précieufe  que 
»  la  vie  préfente.  Outre  que  c'eft  un  bien  plus  grand  crime  aux 
»  Prélats  de  vendre  les  péchez,  d'épargner  les  pécheurs  pour  de 
a>  l'argent,  &  pour  afîouvir  une  avarice  infatiable,  qu'à  Heli  d'a- 
»  voir  de  l'indulgence  pour  [qs  enfans ,  qui  ne  péchoit  que  par  af- 
»  fection  naturelle. 

X.  »  Cette  Sufpenfîon  a<ftive  de  Dieu  s'étend  aux  Prêtres,  aux 
»  Rois,  &  à  tous  les  hommes  de  quelque  ordre  qu'ils  foient.  Dieu 
>»  dépofa  £«*#*/ pour  avoir  épargné  Amalec ,  contre  fon  comman- 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  101 

»  dément  exprès  (a).  Il  ordonna  à  Moïfe  de  pendre  au  Soleil  tous     14.14.. 
«ces  Chefs,  du  peuple  qui  avoient  paillarde  &  idolâtré  avec  les   m  [.Sam. 
»  filles  de  Moab\b).  Telle  eft  ,  dit-il  3  la  condition  des  Princes.  Ils  xv.aj. 
»  ne  portent  pas  feulement  leurs  propres  fautes ,  mais  ils  font  obli-  xxv.    ™  ' 
«  gez  de  rendre  compte  des  péchez  du  peuple  ,  parce  que  le  peu- 
«pie  pèche  fouvent  par  leur  exemple  ou  parla  négligence  à  le 
«gouverner  félon  la  Loi  de  Dieu.  Malheur  donc  aux  Princes  d'a- 
m  préfent ,  tant  fpirituels  que  féculiers ,  qui  vivent  dans  la  luxure, 
«donnant  par  là  un  mauvais  exemple  à  leurs  fujets,  ou  qui  ne  les 
«corrigent  qu'en  tirant  d'eux  de  l'argent  par  avarice.  Tout  cela 
eft  appuyé  fur  de  longs  &  beaux  paffages  (i)du  Droit  Canon , 
contre  la  luxure  ,  l'avarice  3  la  fimonie  des  Eccléfiaftiques.  D'où 
'Jean  Mus  conclut  qu'il  a  été  obligé  indifpenfablement  de  prêcher 
contre  ces  vices  du  Clergé  ,  parce  que ,  félon  le  même  Droit  Ca- 
non ,  le  fîlence  dans  ces  occafions  eft  une  efpéce  de  complicité  (c).   [c]  DifH*& 

XI.  De  la  Sufpenfe  Jean  Mus  pafîe  à  l'Interdit  (2) ,  dans  lequel  8j* 
les  Supérieurs  Eccléfiaftiques  engagent  tout  un  peuple,  àcaufe 
d'une  feule  oudeplufieurs  perfonnes.  C'eft  par  l'Excommunica- 
tion, la  Sufpenfion  &  l'Interdit  qu'ils  s'aflujettifïent  le  peuple, 
qu'ils  multiplient  l'avarice,  qu'ils  concilient  de  l'autorité  à  leurs 
mauvains  delîeins ,  &;  préparent  les  voyes  àsYAnte-Chri/}.  Quand 
quelqu'un  ne  leur  obéit  pas ,  ils  employent  contre  lui  l'Excommu- 
nication &  la  Sufpenfe.  Que  s'il  continué"  à  réfifter  à  leurs  ordres, 
c'eft-à-dire  à  prêcher  malgré  leur  défenfe  ,  ils  mettent  un  Inter- 
dit fur  le  peuple,  en  interdifant  dans  ce  bien-là  l'OfficeDivin  y 
l'adminiftration  des  SacremensSc  la  fépulture,  fans  aucune  dif- 
tin&ion  desinnocens  &de  ceux  qui,  félon  eux  ,  font  coupables. 
»Une  des  marques  évidentes,  dit-il  3  que  ces  Cenfures  qu'ils  ap- 
»  pellent  Fulminations  procèdent  de  l'Ante-Chrift  ,  c'eft  qu'elles 
•  font  lancées  contre  ceux  qui  prêchent  l'Evangile  &  qui  décou- 
«vrent  la  corruption  du  Clergé.  En  voici  encore  uneautremarque 
félon  lui.  C'eft  que  ces  Cenfures  ont  bien  moins  pour  objet  la 
transgreflion  de  la  Loi  de  Dieu,  que  la  défobéiftanceaux  fupé- 
rieurs Eccléfiaftiques ,  comme,  par  exemple,  fî  on  cenfure  leur 
avarice  _,  li  le  peuple  ne  leur  paye  pas  les  dixmes  à  leur  gré  3  ou  s'il 
fe  fouftrait  de  leur  obéiflance  dans  des  chofes  illicites.  Si  des  fécu- 
liers mettent  enprifon  un  Eccléfiaftique,  fut -il  un  voleur  &  un 

[1]  Voyez-les  en  François  dans  les  LaixZcc'.é/iafliq>ie<  dans  leur  erdre  naturel  de  M.  Louis  de 
Jlericourt  Avocat  en  Parlement,  p.  182.  185 .  &  Annal,  du  Decr.p.  20. 

[2]  L'Interdit  eft  une  Cenfure  par  laquelle  l'Eglife  ôte  aux  Fidèles  la  communication  de 
certains  biens  fpirituels.  I/interditpeut  être  local ,  perfonel ,  &  mixte.  Hericottrt.  p.  158. 

N  iij 


ioi     HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.14.  fcelerat,  Ci  on  maltraite  &  fion  blefTe  un  Prêtre.  Quand  Herode 
fit  arrêter  &enfuite  décapiter  Jean  -Baptifie  3  J.  C.  le  fouverain 
Pontife  mit-il  l'interdit  fur  le  pais  de  ce  Prince  ?  Quand  Içs  Apô- 
tres &  les  Saints  ont  étéperfécutez,  ont-ils  fulminé  des  Excom- 
munications? ont -ils  mis  des  Interdits  ?  On  a  été  plus  de  mille 
ans  fans  entendre  parler  de  ces  interdits.  L'origine  en  tfl  due  au 
déchaînement  de  Satan  ,  lorfque  le  Clergé  engraiflé  des  faux 
biens  du  monde  ,  enyvré  de  plaifirs  ,  &  bouffi  d'orgueil  ne  pouvoir 
plus  foufTrir  la  moindre  contradi&ion.  C'eftainfî,  continue- t-il , 
qu'en  1*154.  le  Pape  Adrien  IV.  mie  toute  la  Ville  de  Rome  à  l'in- 
terdit, pour  un  Cardinal  (1)  qui  avoit  été  blèfTé  à  mort  dans  cette 
Capitale.  Alexandre  III.  après  lui  mit  en  11  59.  le  Royaume 
d'Angleterre  à  l'interdit.  Innocent  III.  à.  fon  exemple  mit  à  l'in- 
terdit le  même  Royaume  (2).  Boniface  VIII.  Innocent  IV.  &  Clé- 
ment V.  multiplièrent  beaucoup  cqs  interdits  dans  le  1 3 .  &  dans  le 
1 4.  fîécle 3  &  leurs  fuccefleurs  ont  encore  enchéri  par  defïus. 

Après  avoir  réfuté  par  âcs  raifonsfolidesôc  fort  vivement  ex- 
primées ces  interdits  généraux,  àcaufede  quelques  particuliers, 
il  allègue  contre  cette  méthode  un  long  paflage  de  St.  Auguftin 

[a]  Cutf.    qUj  fe  trouve  dans  le  Droit  Canon  (a).  Un  jeune  Evêque  ,  nommé 
Qu(ift.iiL     AuxiUus ,  avoit  excommunié  toute  une  famille  à  caufe  du  péché 

[b]  Lettre  réel  ou  prétendu  du  père.  St.  Augufiin(b)  s'exprime  très-forte- 
Traduttde  menc  contre  cette  injuftice  en  ces  termes.  »  Après  beaucoup  d'a- 
Mr. Duboh.  wgitâtiôris  &de  différentes  penfées  que  cette  Lettre  m'a  fait  ve- 
p-  Sll'Sll>  „nir  dansPefprit 3  j'ai  crû  ne  pouvoir  me  difpenfer  de  vous  écrire, 

«  afin  que  fi  la  raifon  ou  l'Ecriture  vous  fournirent  quelque  chofe 
»  de  certain  fur  ce  fujet  3  vous  veuilliez  bien  m'en  faire  part , 
»  &  m'apprendre  comment  on  peut  excommunier  le  fils  pour 
»  le  péché  du  père,  la  femme  pour  celui  du  mari,  le  ferviteur 
«pour  celui  du  maître 3  &  même  lesenfans  qui  peuvent  naître 
»  dans  la  maifon  que  vous  avez  excommuniée  3  puifque  tant  qu'elle 
»  fera  dans  cet  état  elle  nefçauroit  procurer  aux  enfans,  même 
»  en  danger  de  mort  3  la  grâce  delà  régénération  que  produit  le 
»  faint  Baptême. 

»  Ce  châtiment  n'eft  pas  de  ceux  qui  ne  tombent  que  fur  le  corps, 
»  comme  la  peine  de  mort  que  Dieu,  comme  l'Ecriture  nous  ap- 
y  prend  ,  fit  fouffrir  à  quelques-uns  pour  avoir  méprifé  fes  ordres , 

[1]  C'était  Gérard  cardinal  de  Ste.Tudentmic.  On  fut  quatre  mois  fans  ce'lebrer  l'Office  Di- 
vin à  Rome.  Pagi.  T.  III.  p.  40. 

[2]  Pour  n'avoir  pas  voulu  reconnoitre  pour  Archevêque  de  Cantorberi  le  cardinal  Langtorp 
à  qui  le  Pape  a  voit  conféré  cet  Archevêché  &c.  Pagi.  ubi  fup.  p.  xpj . 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  103 

»>  &  dans  la  punition  defquelsil  enveloppa  cous  ceux  qui  leur  ap-  14.14, 
»  parténoient,  quoiqu'ils  ne  fuflènt  point  complices  de  leurs  cri- 
»me.  Car  il  ne  faifoit  perdre  a  ces  gens -là  que  la  vie  corporelle 
«qu'ils  ne  pouvoient  éviter  de  perdre  tôt  ou  tard  ,  &,  dont  il  peut 
»difpofer  comme  il  lui  plaît,  quand  ce  ne  feroit  que  pour  faire  un 
»  exemple  j  &  imprimer  la  terreur  aux  autres.  Mais  l'excommuni- 
»  cation ,  qui  eft  un  effet  du  pouvoir  qui  nous  eft  donné  par  ces  pa- 
»  rôles ,  ce  que  vous  aurez^lié  fur  la  terre  3  fera  lié  au  Ciel  3  tombe  fur 
»  les  âmes  mêmes.  Or  il  eft  dit  des  âmes  que  celle  du  fils  eft  à  Dieu 
»aufli  bien  que  celle  du  père 3  &  que  celle  qui  aura  péché  fera  la 
»  feule  qui  mourra. 

1.  »  Peut-être  vous  êtes-vous  fondé  fur  l'exemple  de  quelques 
«grands  Evêques  quiontanathematifé  comme  vous  des  familles 
»  entières  pour  le  péché  d'un  feul.  Mais  peut-être  auffi  qu'ils  au- 
»roient  eu  peine  à  rendre  raifon  de  cette  conduite  3  &;  c'eft  parce 
»  que  je  n'ai  jamais  pu  voir  comment  on  en  pourroit  rendre  raifon, 
»>  que  je  n'ai  jamais  ofé  faire  ce  que  vous  avez  fait,  quelque  grands 
»  qu'ayent  été  les  crimes  que  j'ai  vu  commettre  contre  l'Eglife ,  ôc 
»  quelque  douleur  que  j'en  eufle.  Si  néanmoins  Dieu  vous  a  fait 
»  connoître  que  cela  fe  peut  faire  avec  juftice,  le  peu  d'âge  que 
»>  vous  avez  3  6c  le  peu  de  temps  qu'il  y  a  que  vous  êtes  Evêque , 
»ne  m'empêcheront  point  de  vous  écouter  là-deflus.  Me  voilà 
»donc,  avec  mes  cheveux  blancs,  &.  tout  ce  que  le  long  temps 
»  qu'il  y  a  que  je  fuis  Evêque  me  peut  avoir  donné  d'expérience , 
"prêt  à  apprendre  de  vous,  quelque  jeune  que  vous  îbyez,  & 
»  quoiqu'il  n'y  ait  pas  un  an  que  vous  êtes  Evêque. 

XIII.  Comme  les  Docteurs  avoient  dit  que  félon  le  jîyle  de  l'E- 
glife toujours  obfervé  far  la  Cour  Romaine  &par  les  pères  de  nos  fe- 
res  (a) ,  il  falloit  obéir  aux  Supérieurs ,  quand  leurs  ordres  roulent  [a]  Foi. 
fur  des  chofes  qui  ne  font  ni  bonnes  ni  mauvaifes  en  elles-mêmes  ,  ccxlviu. 
il  demande  aux  Dodeurs  s'ils  croyent  en  confcience  qu'il  n'y 
ait  ni  bien  ni  mal  3  que  ce  foit  une  chofe  indifférente  de  priver  des 
innocensdesSacremens,  delà  Sépulture,  d'empêcher  le  Service 
divin ,  &  de  donner  lieu  par-là  à  tant  de  fcandales ,  de  médifances, 
de  calomnies,  de  haines  &  d'emportemens.  »  O  Docteurs,  de 
»  quelle  Eglife  eft  ce  là  le  ftyle  ?  Eft-ce  le  ftyle  d'une  Eglife  Apofto- 
»lique?  Eft-ce  le  ftyle  des  Apôtres?  Eft-ce  leftyle  de  J.  C.leChef 
»  de  l'Eglife  3  dans  le  ftyle  duquel  eft  contenu  toute  vérité  utile  i 
»>  l'Eglife?  Où  trouverez-vous  ces  paroles  de  l'interdit  que  vous 
»  avez  fabriqué ,  Nous  mettons  À  l'interdit  tout  Lieu ,  toute  Cité  ^ 


io4    HISTOIRE     DU     CONCILE 

14.14..  "  toute  Ville ,  tout  Bourgs  tout  Village  exempt  ou  non  exempt,  oà 
«Jean  Hus  ira  3  autant  de  temps  quily  féjourhera  ,  &  trois  jours  na- 
»  turels  après  fon  départ ,  &nous  voulons  que  pendant  tout  ce  temps  le 

[a  ]  Fol.  »  Service  Divin  ceffe  dans  ces  lieux-là  (a).  A  moins  peut-être 3  con- 
ccLiu.  &  n  tinue-t'il ,  que  cejlyle  ne  foie  fondé  fur  Tordre  que  J.  C.  a  donné 
»  de  ney£  relâcher  point  dans  la  prière ,  &  St.  Paul,  de  prier fans  ceffe , 
»  ou  fur  ces  paroles  du  Pfalmifte  3  Nations ,  louez,  le  Seigneur.  .  . 
»louez^le  Seigneur  en  tout  lieu.  Mais  que  diront  les  Auteurs  de  ce 
»  ftyle ,  s'il  arrive  que  Jean  Hus  parvienne  à  la  Jerufalem  Celefte , 
«  à  la  fainte  Cité  ,  où  lès  Chérubins  &  les  Séraphins  ne  ceflent  ja- 
»  mais  de  célébrer  les  louanges  de  Dieu?  Sans  doute  que  fi  Jean 
»  Hus  entre  dans  le  Ciel ,  la  Cour  célefte  fera  aufll  interdite  ,  félon 
«le  ftyle  de  la  Bulle  du  Pape  clément  3  qui  commande  aux  Anges 
»  du  Paradis  d'exempter  des  peines  du  Purgatoire  ceux  qui  iront  à 
*>  Rome  en  pèlerinage. 

XIV.  «Les  Dodeurs  ont  condamné  45.  articles  de  Wiclef, 
s»  parce  que,  difoit-on  ,  chacun  de  ces  articles  eft  ou  hérétique, 
«  ou  erroné  ,  ou  fcandaleux  j  mais  jufqu'ici  on  a  vainement  atten- 
»  du  les  preuves  de  cette  condamnation  &  de  ces  qualifications.  » 
Un  de  ces  articles  de  JViclefézoiz  que  les  Seigneurs  étoient  en  droit 
dHoter  les  biens  temporels  aux  Ecclefia/liques  de  mauvaifes  mœurs.  On 
peut  juger  que  dans  une  aufïï  grande  corruption  que  l'étoit  celle 
du  Clergé  de  Bohême ,  il  y  eut  bon  nombre  de  Seigneurs  féculiers 
qui  ne  manquèrent  pas  l'occafion  de  profiter  d'une  maxime  qui 
leur  étoit  fi  favorable.  C'eft  ce  qui  fit  que  les  Dodeurs  &  les  au- 
tres Ecclefiaftiques  ne  jugèrent  pas  à  propos  de  toucher  davantage 
cette  corde  3  de  peur  d'aigrir  le  mal,  &  de  rifquer  de  nouvelles 
pertes  3  en  s'acharnant  contre  un  article  fi  plaufible.  C'eft  ce  que 
Jean  Mus  leur  reproche  en  ces  termes  :  »  Je  m'étonne,  dit- il,  que 
»  les  Dodeurs  ne  prefîérent  pas  dans  le  Prétoire  (1)  l'abolition  de 
»  l'article  qui  permet  aux  féculiers  d'ôter  le  temporel  aux  mauvais 
«Ecclefiaftiques.  C'eft  qu'ils  craignent  qu'il  ne  leur  arrive  ce  qui 
»  leur  eft  déjà  arrivé.  Us  perdront  leur  temporel  :  Dieu  veuille 
»  qu'ils  ne  perdent  pas  leur  ame  !  Les  Dodeurs  difoient  que  dès 
«que  les  articles  de  Wiclefferoisnt  condamnez,  on  verroit  renaî- 
»  tre  la  paix  &.  la  concorde.  Mais  leur  prophétie  s'eft  tournée  con- 
tre eux.  Ils  triomphoienr  de  leur  condamnation  ,  mais  ceux  qui 
»  font  obligez  de  quitter  leurs  revenus ,  étoient  bien  mortifiez  de 
»  ce  jugement.  Usavoient  condamné  cet  article,  les  Dixmesfont 

[  1  j  C'eft  la  maifon  de  Ville, 

de 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  P*5 

»  de  pures  aumônes.  Il  en  eft  venu  beaucoup  au  Prétoire  prier  qu'on  1 41 4. 
»ne  leur  ôtât  pas  leurs  revenus  ,  puifque  c'étoit  des  aumônes. 
%Mais  quelques  Seigneurs  leur  ont  repondu  :  C'eft  vous-mêmes 
î>  qui  avez  condamné  cec  article,  &à  préfent  vous  dites  que  ce 
«'font  des  aumônes,  condamnant  votre  propre  condamnation. 
Ici  finit  le  Traité  de  l'Eglife. 

XI V.  Je  ne  fçaurois  dire  fi  Jean  Hus  lut  lui-même  ce  Traite  ,  ou  Stctmùr* 
s'il  ne  fut  lu  qu'après  fa  retraite.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  qu'il  j^'hi* 
fe retira  cette  année  de  Prague,  voyant  l'interdit  fulminé  contre 
la  Ville  à  fon  occafion.  Quoique  la  plupart  des  Hiftoriens  ne  .par- 
lent positivement  que  d'une  feule  retraite  de  Jean  Hus ,  on  peur, 
conclure  de  l'Hiftoire  qu'il  s'étoit  retiré  en  141 1.  comme  je  l'ai 
dit  ailleurs  (a).  C'eft  ce  qui  paroît  aiïez  clairement  par  la  narration     fa]  Liv.  v. 
de  Dubrawski  Evèque  d'OImutz  &  Hiftorien  de  Bohême.  Car  £g^J«5; 
après  avoir  dit  que  la  Prédication  fut  interdite  à  Jean  Hus  par 
l'Archevêque  Sbinko }  il  ajoute  que  Jean  Hus  lui-même  fe  retira 
à  Huf/inctz^,  ai  que  dans  fa  retraite  il  fe  vantoit  qu  il  alloit  donner  un 
fi  grand  fou fflet  à  l'Eglife  Romaine  3  que  dans  cent  ans  elle  enfentiroit 
encore  le  coup  (1).  Or  tout  cela  fe  paila  en  141 1.  La  même  année 
Sbinko  partit  pour  Presbourg,  où  il  mourut  comme  on  l'a  vu  .,  ôc 
Albicus\\\\  fucceda.  Ce  fut  alors  ,  dit  le  même  Hiftorien  ,  que  Jean 
Hus  revola  dans  fon  nid  afin  d'y  pouvoir  étendre  fe  s  ailes  plus  quil  na- 
voitfait  dans  fon  lit  natal (b).  D'ailleurs  parmi  les  Lettres  qu'il  (bjDubnr. 
écrivit  à  Prague  pendant  fa  retraite  ,  il  y  en  aune  (c)  dattée  du^1,^r'r# 
jour  de  Noël.  Ce  ne  pouvoit  pas  être  en  141 3.  puifque  fa  féconde     (OEpift. 
retraite  n'arriva  que  bien  avant  dans  cette  année  ,  l'Interdit  H„^FJj, 
n'ayant  été  mis  à  Prague  qu'au  mois  de  Juin.  Ce  ne  fut  pas  non  plus  xcix. 
en  14 14.  puifque  5^»  i^rétoit  déjade  retour  pour  fe  préparer 
au  voyage  de  Confiance.  JEneas  Sylvius  (d)  met  aufïï  une  retraite  (d)  Mn.Syiv. 
de  Jean  Hus ,  après  que  S 'binko  l'eut  interdit.  Au  fond  ,iln'eftpas  c^*xv"* 
furprenant  que  fuivant  la  fituation  des  affaires  Jean  Hus  fe  retirât 
de  Prague  de  temps  en  temps ,  &  puis  qu'il  y  revint  comme  le  ïéf 
moigne  Cochlêe{i).  Quoi  qu'ilenfoit,  cette  féconde  retraite  eft 
la  plus  clairement  marquée  dans  l'hiftoire.  Les  Hiftoriens  parti- 
fans  de  Jean  Hus  (e)  dilent  qu'elle  fut  volontaire,  les  autres(f  )  &™e9hM' 
difentqu'il  y  fut  forcé.  (f)Ctcbi.p. 

Ci. 

[1]  Atque  tlle  TrttgA  difeedens  ,  in  pago  HuJJinecz  nnde  oriundus  ferat ,  veteri  Domino  fit»  per- 
mittentt ,  fermor.es  quos  coopérât ,  in  mxgno  cœtu  hominum  fermoanabatur  ,  glorians  fe  ej'ijmodi  et- 
laphum  Romanx  Eccle/îx  hnpaiïnrum ,  ut  livorem  ejus  ,  ne  pojlcentxm  quidem  annoi  abeleat.  Du- 
brav.  Hift.  Bobem.  L'b.  XXIII.  p.  616.  617. 

[1]  Jlle  venit  vero  piertimque  Pragatn  e  villa fuaprédicans  in  Bethléem.  Cochl.  ttbi  (upr.  p.  5j  . 

Tom.II.Part.il.  O 


ioS     HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414. 

XV.  Onîprétend  que  ce  fut  pendant  cette  retraite  qu'il  com- 

re<^fcJeaT  pofa  contre  l'Eglife  Romaine  quelques  autres  Traitez  violents  & 
Hus.  injurieux  jufques  à  la  fureur.  Telsétoient  fon  Anatomie  des  menW 

bres  de  PAnte-  Chrift ,  fon  Abomination  des  Prêtres  &  des  Moines 
Charnels ,  un  autre  de  l'Abolition  des  Sectes  ou  Religions  ,  &  des 
Traditions  humaines.  Il  ne  paroît  point  que  fes  adverfaires  ayent 
eu  connoiflance  de  ces  fatyres  &  de  ces  invectives.  Ils  y  auroienc 
trouvé  une  moiiïon  d'accufations  beaucoup  plus  riche  que  dans 
le  Traite  de  l'Eglife  ,  &  elles  auroient  été  mieux  fondées.  Ces 
Traitez  furent  imprimez  pour  la  première  fois  en  1 5  24.  par  Othon 
de  Bruns fels  Luthérien  ,  &  dédiez  à  Luther.  J'ai  balancé  il  je  ren- 
drois  compte  au  Public  de  pièces  auffi  oppoïées  au  goût  de  notre 
fiécle,  qu'au  caractère  évangelique.  J'ai  crû  pourtant  le  devoir 
faire  en  qualité  d'Hiftorien.  Mon  fîlencen'auroit  contenté  ni  les 
ennemis  de  Jean  Hus ,  ni  ceux  qui  pourroient  s'intereffer  à  fa 
mémoire.  Ceux  même  qui  y  font  indifferens  ne  le  font  pas  pour 
les  faits ,  tel  qu'eft  celui-ci ,  que  Jean  Mus  a  écrit  en  telle  conjonc- 
ture un  Livre  où  il  fait  Y  Anatomie  de  l'Antc  Chrift ,  &  où  il  dit 
telle  &  telle  chofe.  Mais  j'abrégerai  extrêmement,  fans  rien  diiïi- 
muler  de  ce  qui  peut  donner  une  idée  avantageufe ,  ou  défavanta- 
geufe  de  fon  caractère. 
Ancttomiede  \J  Ante  -  chrift  eft  donc  l'homme,  ou  la  femme,  ou  la  bête, 
me-  rf^^  félon  lui,  c'eft  tantôt  l'un,  tantôtl'autre)  dont  Jean  Hus 
entreprend  de  faire  l'Anatomie.  Il  en  donne  d'abord  cette  defcri- 
ption  générale  en  plufleurs  caractères  qui  font  1 .  Une  Doctrine  êc 
une  vie  oppofée  à  celle  de  J.  C.  fous  les  apparences  du  Chriftia- 
nifme.  Car,  félon  lui,  ce  n'eftni  Mahomet  ,  ni  aucun  Infidèle. 
2  .Un  plein  pouvoir  &  une  fouveraine  autorité  dans  l'Eglife  &  dans 
le  monde.  3.  Des  tréfors  immenfes  avec  lefquels,  foûtenu  par 
l'opération  de  Satan,  il  s'empare  de  l'efprit  &  du  cœur  des  gens 
du  ftécle.  4.  L'ufurpation  &  l'abus  des  biens  qui  appartiennent  à 
J.  C.  &  aux  Fidèles,  comme  l'Ecriture  Sainte  &  les  Sacremens, 
dont  il  fefert  pour  fa  propre  gloire,  &  pour  aiïbuvir  fa  cupidité, 
fous  le  prétexte  de  la  Religion.  Il  lui  donne  enfuite  plufleurs  des 
noms  les  plus  odieux  que  l'Ecriture  donne  aux  impies  ,  aux  perfé- 
cuteurs ,  aux  tyrans ,  aux  ennemis  de  Dieu ,  du  genre  humain,  & 
de  l'Eglife,  comme  Abomination  de  la  dèfolation ,  le  fanglier  de  la 
foret,  la  Babilone ,  le Behemot ,  Bahal ,  &c. 
ihe  g  vifi&  Par  la  tête  de  TAnte- Chrift  il  entend  les  Supérieurs  Eccléfiafti- 
cbrâ""'     4ues^e  f°n  règne  quirégiilent  les  membres  inférieurs ,  6c  leur 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  107 

fournirent  la  fubfïftance  èc  la  vigueur.  Les  cheveux  de  cette  tète ,    iaia.. 
dic-il ,  font  comme  les  cheveux  des  femmes ,  attribuez  dans  l'Apoca- 
lypfe  (a)  aux  fauterelles  du  -puits  de  l'abîme.  Ce  font  les  défirs  char-  (a;  Chap. 
nels  qui  croment  comme  les  cheveux  qui  flottent  agréablement Ix-8' 
fur  la  têce ,  &  qui  defeendent  jufqu'à.  terre.  N 'eft- ce  pas  là ,  dit-il  y 
le  cara&ere  des  Evêques&  des  Supérieurs,  qui  par  leur  vie  molle 
&  efféminée  repréfentent  11  bien  la  tête  d'une  femme  impudique. 
Il  veut  bien  auffi  que  par  les  cheveux  de  la  tête  de  l'Ante-Chrift, 
on  entende  Ces  Officiers,  fes  domeftiques  (familiares) ,  fes  amis 
qui  couvrent  la  turpitude  de  fon  cou.  En  qualité  de  bête,  il  en  a  dix 
qui  repréfentent  toutes  les  principales  Eglifes  foumifes  à  fon  em- 
pire. Le  front  eft  celui  dont  il  eft  parlé  dans  Jeremie(b).  Sur  ce  (bjehap.  III. 
front  eft  écrit  Myftere  3  comme  il  eft:  dit  dansY^pocalypfe  (c).  Ce  ?• 
miftere  efl  pour  les  ignorans  qui  fe  laiflent  tromper  par  les  brillans  xvh.  /.P 
qui  ornent  cette  tête  :  mais  comme  il  efl:  écrit  fur  le  front ,  les  gens 
éclairez  &  les  fidèles  ne  font  pas  la  dupe  de  ce  myftere  d'iniquité. 
Ce  front  a  dix  cornes  pour  marquer  la  force  6c  la  puifTance  de 
l'Ante-Chrift,  aufïï-bien  que  la  hardiefîe  avec  laquelle  il  viole 
les  dix  commandemens  de  la  Loi  de  Dieu.  L'Ante-Chrift,  dit-il , 
employé  trois  fortes  de  voyes  pour  s'emparer  des  Elus.  La  tyran- 
nie 6c  la  puiflànce  féculiere,qu'il  a  ufurpée.La  prudence  charnelle, 
qui  lui  fournit  des  argumens  contre  J.  C.  en  corrompant  l'Ecri- 
ture &  en  lui  donnant  des  fens  faux  &  contraires  à  celui  du  St.  Ef- 
prit.  Enfin,  ilféduit  le  monde  par  les  apparences  de  la  Foi,  delà 
Juftice  ,  &  de  la  Sainteté. 

C'eft  dans  ces  apparences  qu'il  fait  confifter  le  vifage  de  l'Ante- 
Chrift.  Quipourroit,  dit-il,  foupçonner  d'avarice  ,  celui  qui  ne 
prêche  que  la  pauvreté  3  d'ignorance  celui  qui  prend  les  titres  de 
Maître,  &deDocT:eur-  deblafphême  6c  d'impiété  ,  celui  qu'on 
voit  pafler  les  jours,  &  même  les  nuits  en  prière?  Il  donne  de  fort 
mauvais  yeux  à  TAnte-Chrift.  De  l'œil  droit ,  qui  félon  lui  eft  l'œil 
de  l'intelligence,  l'Ante-Chrift  voit  tout  à  rebours,  &  au  travers 
de  fes  préjugez  8c  de  fes  parlions.  De  l'œil  gauche  il  dévore  tous 
les  honneurs,  tous  les  biens,  &  toutes  les  voluptez  de  tout  l'Uni- 
vers. Il  fait  à  peu-près  le  même  jugement  des  oreilles  de  l'Ante- 
Chrift.  Il  le  compare  aux  idoles,  qui  ont  des  oreilles,  &  qui  n'en- 
tendent point.  Quand  les  fidèles  Prédicateurs  annoncent  la  pa- 
role de  Dieu  ,  l'Ante-Chrift  6c  fon  Collège  font  la  fourde  oreille,  XLn.  i^rê- 
parce  que  leurs  paroles  conduifent  à  la  vie  éternelle  ,  comme  le  i°n  la  yuî- 
dit  Ifaïe  (d).  Qui  efl  four d ,  finon  celui  à  qui  f  ai  envoyé  mes  Me  (fa-  ga  i 

Oij  * 


xo8     HISTOIRE    DU     CONCILE 

14.14.  &ers  -^  ne  donne  Pas  une  idée  p^us  agréable  du  nez 'de  l'Ante- 
Chrift.  Il  eft  trop  coure,  dit-il,  puis  que  la  bonne  odeur  de  l'E- 
vangile ne  peut  parvenir  jufqu'à  lui.  Il  l'atrop  long  ,  puis  qu'il  ne 
flaire  &  ne  refpire  qu'un  pouvoir  exceffif  6c  arbitraire ,  une  autorité 
exorbitante.  Ilefttortu,  puisqu'il  prend  pour  héréfie  ce  qui  eft 
conforme  à  la  parole  de  Dieu  ,  ôc  pour  vérité  ce  qui  lui  eft  oppo- 
fé.  Ainfi  on  ne  devroit  point  le  recevoir  félon  la  loi  du  Levitique , 
(a)Levh.    qui  ne  vouloir  point  de  camus  pour  facriricateur  (a).  Des  narines 

xxi.  18.      je  PAnte-Chrift  fort  une  fumée  empoifonnée ,  qui  empefte  tout  le 
[b]  Apec,    monde.  Pour  fa  bouche,  il  la  compare  à  la  gueule  d'un  Lion.  (b). 

xili.  2.  jj  efl.  g0urmanci  &  infatiable.  //  n'a  pas  affès^,  dit-il,  du  Patri- 
moine de  St.  Pierre ,  des  trois  Royaumes  de  Conftantin  ,  des  -premiers 
fruits  du  Clergé  ,  &  des  dépouilles  de  tout  le  Chriflianifme  qu  il  enlevé 
fous  le  prétexte  frauduleux  des  Indulgences.  Il  lui  a  été  donné ,  con- 
tinuent-il,  une  bouche  qui  profère  de  grandes  chofes,  &  des  blafpbê- 

[0]  ibid.  jr.  mcs  (C)  car  il  foutient  que  par  la  plénitude  de  fa  puiiïànce  Impé- 
riale ,  &  par  fon  autorité  Pontificale  ,  il  peut  difpofer  à  fon  gré  de 
tous  les  Royaumes  du  monde  ,  &  de  tous  les  biens  de  l'Eglife 
comme  de  fon  héritage.  Les  blafphêmes  de  l'Ante- Chrift  confîf- 
tent ,  félon  Jean  Mus  ,  en  ce  qu'il  fubftitue  Ces  traditions  à  l'Ecri- 
ture fainte ,  &  qu'il  s'attribue*  le  pouvoir  de  pardonner  les  péchez, 
tant  la  peine  que  la  coulpe,  pouvoir  qui  n'appartient  qu'à  Dieu 
feul.  Et  encore  l'Ante-Chrift  le  fait-il  par  des  conventions  pécu- 
niaires ,  ou  argent  comptant.  Il  imite  encore  le  Lion ,qui  dévore  fa 
proye lentement,  qui  en  fuce  premièrement  le  fang  &  en  caiîe 
les  os.  On  peut  juger  par  cet  échantillon  ce  qu'il  peut  dire  fur  la 
langue  &  la  falive  de  l'Ante  .  Chrift ,  fans  que  j'en  entretienne  le 
Leâeur  depeurdele  faire  faliver.  Je  fuis  d'avis  de  lui  épargner 
aufîï  des  fpéculations  fort  creufes,  &  fort  obfcures  fur  le  menton 
de  l'Ante-Chrift  qu'il  dépeint  fans  barbe,  parce  que  la  barbe  eft 
dans  l'homme  le  figne  de  la  force  &  de  la  chaleur  3  &  que  l'Ante- 
Chrift  eft  deftitué  de  cette  force  &  de  cette  chaleur  fpirituelle  qui 
fait  le  Chrétien.  Les  dents  de  l'Ante  Chrift  font  les  perfécuteurs 
de  PEglife  ,  Ces  lèvres  font  fes  Bulles. 

LeCa»  y  les       II  regarde  encore  les  Supérieurs  Eccléiiaftiques  comme  le  cou 

mIU/'L      de  l'Ante- Chrift,  parce  qu'ils  joignent  la  tête  au  reite  du  corps. 

Tottrinede     Jufqu'ici  félon  fon  fyftême ,  il  avoir  aiïez  défîgné  le  Pape  ,  mais 

l'Ame-cbrifi.  j|  ne  pavoit  pas  encore  nommé.  Il  le  nomme  dans  Je  chapitre 
XVII.  Comme,  dit-il  3  le  col  eft  fitué  entre  la  tête  &Ie  corps, 
ainfiles  Supérieurs  foûciennent  le  Pape  &  le  peuple.  Ils  font  joints 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  io<> 

auPapeàcaufedelareiïemblancede  leurs  mœurs  5c  de  leur  ca-     r±i±. 
radere,  6c  au  peuple  par  l'efpérance  du  gain  &  du  profit  tempo- 
rel. Les  bras  de  l'Ante-Chrift  font  fa  force  :  mais  comme  la  véri- 
table force  confifte  dans  la  vertu  6c  dans  la  fainteté  ,  fon  bras  droit 
eft  aride  j  il  n'a  de  force  que  dans  le  gauche,  pour  exercer  un 
pouvoir  tirannique  6c  indomptable.  La  main  droite  eft  l'inftru- 
mencdela  libéralité;  mais  l'Ante-Chrift  ne  peut  exercer  qu'u  ne 
libéralité  faufle  6c  pernicieufe.  Ses  bénédictions  font  une  malé- 
diction. Selon  les  expofiteurs  ,  dit-il  _,  le  Pa  fleur  infenfé  de  Zacharie , 
(a)  c'eft  l' 'Ante-Chrift.  Son  équipage ,  c'eft  une  flûte ,  un  bâton  &  un     (»J-Chajp» 
fac.  C%  eft  avec  fa  flûte  qu'il  bénit  fes  adulateurs  >  &  qu'il  maudit  ceux 
qui  le  contre  difent  :  fon  bâton  eft  d'une  dureté  infupportable  :  fon  fac  eft 
infatiable ,  parce  qu  il  eft  percé.  Dans  fa  main  gauche  il  n'y  a  qu'ar- 
tifice &  que  violence ,  elle  s'élève  même  contre  le  Dieu  fort  (b).    (b<  3°b- 
Dans  la  poitrine  de  l'Ante-Chrift  il  y  a  deux  concavitez  ,  dont  l'u-  z^' 
ne  contient  la  concupifcence  qui  jouit  du  préfent  par  toutes  fortes 
de  voyes illicites,6c  l'autre  la  con voitife  de  l'avenir  fouverainement 
ingénieufe  à  perpétuer  les  biens  préfens.  De  là  partent  les  récom- 
penfes  pour  ceux  qui  fervent  fes  défîrs,  6c  les  peines  affliclives 
pour  ceux  qui  luiréfiftent.  La  poitrine  eft  une  partie  large  èc  éle- 
vée. Telle  eft  celle  de  l'Ante-  Chrift.  Il  allègue  Jà-deftus  la  Préfa- 
ce du  Canonifte  Jean  André  (i)  fur  les  Clémentines ,  qui  dit  que 
l'Ante-Chrift  n'eft  ni  Dieu  ni  homme ,  mais  qu'il  tâche  pourtant  de  s'é- 
lever injurieufemeyit  au-dcjfus  de  tout  ce  qui  eft  Dieu  ,  &  que  comme  les 
ci  féaux  volent  a  tire  d'aile  pour  fendre  l'air  ,  &  ont  des  becs  aigus  pour 
prendre  leurproye ,  il  en  eft  de  même  de  l'Ante-Chrift.  »  Il  en  eft  de  lui, 
»  dit  Jean  Mus ,  comme  de  Nabuchodonofor  6c  à'Holoferne ,  dont 
»  les  peuples  de  Syrie  6c  de  Méfopotamie  ne  purent  dompter  la  fé- 
rocité en  allant  au  devant  de  lui  avec  les  danfes,la  mufique  ,  les 
»  tambours,  des  couronnes  &  des  flambeaux }  parce  que  Nabu- 
»  chodonofor  avoit  commandé  à  Molofeme  d'exterminer  tous  les 
«Dieux  de  la  terre,  afin  qu'il  filtfeul  appelle  Dieu  par  toutes  les 
»  Nations  (.c).  Tout  de  même  quand  une  fois  on  a  irrité  l'Ante-    (c)  ?«,//>*. 
»  Chrift  ,  il  n'y  a  ni  prières  ni  préfens  qui  puifîent  fléchir  fa  fierté , chap* l^'9' 
«parce  que  c'eft  une  bête  cruelle  ôc  inhumaine.  Comme  l'Ante- 
Chrift  eft  auffi  une  femme  }  6c  même  une  femme  proftituée  ,  c'eft   L  c  ,     f 
dans  fes  mamelles  que  (es  petits  élevés  prennent  le  lait  de  la  mau-  Pouimmje 
vaife  do&rine  6c  de  la  mauvaife  vie.  icyejaRat- 

_  .  ,.  _  __.  (x  .,.  te  ,1  ERemacb 

Des  parties  extérieures,  Jean  Hus  paiie  aux  intérieures.  Le  der/nu- 

(i)  Il  ficrifToit  au  commencement  du  XIV.  fiédc.  '" 

Oiij 


HH- 


no     HISTOIRE     DU     CONCILE 

cœur ,  qui  eft  le  dernier  vivant ,  &  le  dernier  mourant ,  répré- 
fente  fort  bien ,  à  Ton  gré,  la  malice  incorrigible,  8c  l'impéni- 
tence  de  l'Ante-Chrift.  Comme  c'eft  lepoulmon  qui  fournit  du 
rafraichiffement  au  cœur  quand  il  efl:  trop  échaufé,  c'eft  dans 
le  poulmon  que  font  les  Indulgences  du  Pape ,  le  rafraichiflemenc 
des  âmes  confumées  par  le  feu  des  paiïîons  criminelles.  La  race 
qui  excite  le  ris  ,  répréfente  la  joye  &  les  applaudiflemens  de 
TAnte-Chrift  à  la  vue  de  fes  victoires.  Il  compare  le  Sacerdoce 
de  l'Ante-Chrift  à  l'eftomach  qui  reçoit,  qui  garde,  qui  digère 
les  alimens  3  &  d'où  ils  fe  diftribuent  par  tout  le  corps.  L'aliment 
qui  entre  dans  l'eftomac  de  l'Antechrift ,  ce  font  les  faufles  doc- 
trines, &  le  menfonge.  Cet  aliment  fe  prépare  dans  les  Bulles , 
les  Décrétâtes ,  tous  ces  Codes  qui  fe  lifent  pompeufement  dans  les 
Univerfîtez.  Les  honneurs  3  6c  l'argent  le  font  mâcher  avide- 
ment (maflicatuf).  Il  fe  digère  dans  la  mémoire.  Il  fe  convertit  en 
liqueur ,  ou  en  humeur ,  il  fe  fubtilife  par  les  Glofes ,  &c. 

Le  bras  féculier  eft  le  foye  du  Pape ,  parce  que  c'eft  le  fîége  du 
fang.  Comme  c'eft  du  foye  que  vient  la  chaleur ,  qui  eft  tempérée 
par  la  rate  ,  tout  de  même  ,   ce  font  les  Officiers  féculiers  de 
l'Ante-Chrift  -,  qui  rendent  les  Prêtres  ardents  à  la  pourfuite  &  aux 
procès  de  ceux  qui  réfiftent  à  Ces  ordres,  ôc  ils  font  recréez ,  & 
rafraichis  dans  cette  ardeur  par  les  Indulgences.  Le  fiel  amer  qui 
eft  attaché  au  foye  ,  c'eft  l'indignation  &  la  colère  de  l'Ante- 
Chrift,  dont  le  bras  féculier  eft  l'exécuteur.      • 
Les  Mêmes       Le  ventre ,  qui  eft  le  réceptacle  de  toute  la  nourriture ,  c'eft 
Ventre  de      l'avarice  de  l'Ante-Chrift.  Les  Religieux,  ou  les  Moines  font 
rAnte-cbriji.  jes  encraii[es .  c'eft  le  faperflu  de  l'eftomac.  Il  paroit  par  les  Chro- 
niqueurs ,  dit  Jean  Hus }  que  les  Religions  (Seëkxjfont  venues  après 
fa)  Apac.    le  déchaînement  de  Satan  (a).  Ce  fut  dans  ce  temps ,  qu'on  vit  s'épa- 
^to  Vcr-ez  nott*r  ces  fiantes  ,  qui  avaient  été  cachées  jufqu  alors  (b).   Comme 
Foi.  les  entrailles  ne  fontpas  uniformes ,  il  y  a  aufli  une  grande  variété 

ÇCCÎ.XXVHI.  dans  les  Religieux.  Les  uns  habitent  en  commun  3  les  autres  dans 
les  Bois  ,  &dans  les  Champs.  Les  uns  font  profeffion  extérieure 
de  dévotion.  Les  autres  font  deftinez  à  la  guerre  ,  au  carnage, 
aux  pilleries.  Les  uns  font  blancs ,  les  autres  noirs ,  tes  autres  gris, 
Jes  autres  de  couleur  mêlée.  Les  uns  ont  la  Croix ,  les  autres  ne 
l'ont  pas.  Les  uns  font  diftinclion  de  viandes  3  les  autres  font  plon- 
gez dans  la  gourmandife.  Ils  ne  font  pas  moins  divifez  dans  leurs 
fentimens  que  dans  leurs  habits.  Chaque  Ordre  exalte  fon  Ordre 
jufques  aux  nues ,  &  méprife  tous  les  autres.  L'orgueil  des  Moines, 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  ni 

]e  bruit,  les  vacarmes  que  leurs  pallions  excitent  dans  le  monde ,     14 14. 
reffemblent  auiîi  fort  bien  aux  ventofkez  des  entrailles. 

Des  parties  intérieures  Jean  Hus  revient  aux  extérieures.  A  câtes,Dos<$ 
chaque  côté  du  Corps  humain,  il  y  afept  côtes.  Celles  du  côté  JReiZsmd'Mn~ 
droit  de  l'Ante-Chrift ,  c'eft  le  Papat ,  le  Patriarchat ,  le  Cardi-  %* 
nalat,  l'Archiépifcopat  ,  l'Epifcopat,  les  Abbez,  les  Chanoines, 
&  tout  ce  qui  eft  compris  là-dedans.  Celles  du  côté  gauche  font 
les  Empereurs,  les  Rois,  les  Ducs,  les  Marquis,  les  Comtes  ,  les 
Barons ,  les  Clients  (  1) ,  £c  tout  ce  qui  en  dépend.  Les  Ecclefîaf- 
tiques  fubordonnez  aux  dignitez  du  côté  droit,  &  aux  dignitez 
du  côté  gauche ,  font  le  dos ,  parce  qu'ils  font  derrière  l'Ante- 
Chrift.  Tels  font  les  Prêtres,  les  Curez,  les  Religieux  ,  les  Re- 
ligieuses ,  ôc  les  autres  hypocrites ,  qui  font  l'office  de  leurs  Supé- 
rieurs, en  priant,  chantant,  lifant,  difant  la  Mefle  ,  &  adminif- 
trant  les  Sacremens.  De  l'autre ,  les  Bourgeois ,  les  Payfans  ,  les 
Artifans,  qui  fervent  de  bêtes  de  fomme  aux  grands  Seigneurs, 
pour  vendre,  acheter,  bâtir,  fabriquer,  pêcher,  labourer,  &c. 
En  parlant  des  Reins  ôc  delà  Cuifîe  de  l'Ante-Chrift  ,  il  dit  fur 
l'incontinence ,  6c  la  luxure  des  Ecclefiaftiques,  certaines  chofes 
que  la  pudeur  ne  permet  pas  d'exprimer. 

Les  jambes  de  l' Ante-Chrift  font  les  Légats ,  qu'il  envoyé  par   Lesjamêef, 
tout  le  Monde.  La  moelle  des  os ,  c'eft  l'argent,  l'aurois  bien  de  l^G,eno1Hx^es 

1  •         v    C-  J  M  1»    r      ■      J>  '  Pieds,  les  Vei- 

la  peine  a  faire  comprendre  comment  il  trouve  1  eipnt  d  etour-  nes,iapea»d 
dillement  dans  les  genoux  de  l'Ante-Chrift.  C'eft, -dît-il,  parce ''A«*-Cfrrijj. 
que,  félon  les  Naturaliftes,  les  genoux  de  l'Enfant  font  auprès  de 
fes  yeux,  dans  le  ventre  de  la  mère,  pour  les  couvrir.  Les  pieds 
de  l'Ante-Chrift  font  les  Prédicateurs  qui  vont  le  prôner  par  tout 
le  Monde.  Ces  pieds  reiïemblent  aux  pieds  de  l'Ours ,  qui  eft  un 
animal  fale  ,  mais  qui  aime  le  fucre  êc  la  douceur,  comme  font 
ordinairement  les  Prédicateurs.  Comme  les  veines  joignent  en- 
femble  les  parties  du  Corps ,  de  font  le  réceptacle  du  fang,  qui 
nourrit  l'animal,  il  dit  qu'elles  répréfentent les penfées  &  les  in- 
tentions de  l'Ante-Chrift.  Cefi,  dit-il,  un  affemblage  &  comme  un 
fyfieme  de  toute  forte  de  crimes  ,  de  coutumes  damnables  ,  &  fabriquées 
far  l'ancien  Serpent ,  qui ,  comme  le  fang  ,  circule  dans  les  veines  ,  &» 
arrofe  la  Synagogue  de  Satan.  »  La  peau  &  le  cuir  de  l'Ante-Chrift , 
»  c'eft  la  perfidie ,  avec  laquelle  il  couvre  8c  il  défend  tout  le  corps. 
»  Cette  peau  eft  fujette  à  la  démangeaifon  de  la  luxure ,  &  de  1& 
«lafciveté,  à  la  gale  de  la  fimonie,  aux  apoftumes  de  l'orgueil  „ 

(ij  II  faut  entendre  par  là  les  Gentilshommes 


in     HISTOIRE    DU     CONCILE 

1 ± 1 4.    "  aux  playes  mortelles  des  erreurs  ,  &  des  crimes.  Ce  qui  la  rend 

«comme  la  peau  du  Léopard  ,  qui  ne  perd  jamais  les  taches. 
ta  Queue  de      La  queue"  de  l'Ante-Chrifl  font  les  faux  Prophètes,  qui  cachent 

l'A.tte-chrifi.  çcs  parties  honteufes,  par  de  vaines  excufes,  de  faux  principes, 
des  fophifmes  ,  des  menfonges  ,  &  des  blafphemes.  Entre  ces 
menfonges  Ôc  ces  blafphemes ,  il  met  deux  principes  de  l'Eglife 
Romaine.  Le  premier  efl,  que  celui  qui  efb  élu  Pontife  de  Rome 
efl  le  Chef  de  toute  l'Eglife  militante ,  &  le  fouverain  Vicaire  de 
J.  C.  fur  la  terre:  principe  qu'il  réfute,  comme  il  a  fait  dans  le 
Traité  de  l'Eglife.  Mais  voici  quelque  chofe  qu'il  n'avoit  pas  en- 
core dit  fi  formellement.  Il  fbutient  que  c'efl  une  maxime  qu'on 
peut  regarder  comme  une  vérité  catholique  :  Qu'il  n'y  a  point 
d'homme  fur  la  terre ,  plus  propre  à  être  le  principal  Vicaire  de  Satan , 
&  le  principal  Ante-Chrifl ,  que  le  Pontife  de  Rome ,  parce  qu'il  ri  y 
en  a  point  qui  puiffe  plus  facilement  tromper  l'Eglife  par  hypocrifie  ,  & 
s'élever  par  divers  artifices  au  deffus  de  J.  C.  a  caufe  de  la  fituation 
de  Rome ,  g£»  de  la  haute  opinion  dont  les  Peuples  font  prévenus  en  fa- 
veur de  cette  Capitale.  Le  fécond  principe  fous  lequel ,  félon  lui ,  efl 
cachée  la  turpitude  de  l'Ante-  Chrifb ,  c'efl  qu'il  faut  recevoir  com- 
me l'Evangile  ,  tout  ce  que  le  Pape  a  décidé  en  matière  de  foi.  Ces  prin- 
cipes font  la  queue,  dont  l'Ante-Chrifl  couvre  fa  turpitude.  Mais 
il  ne  tient  pas  à  Jean  Hus  3  qu'elle  ne  foit  découverte ,  &  il  fou- 
tient  même  que  c'efl  un  devoir  de  la  découvrir.  Hac  principia 
caudœ  Anti-Chrifii  propalata  ,  tenet  Schola  Anti-  ChrijH  tanquam 
per fenota  :  tamen  licetfideli  rationabiliter  librando ,  ea  tanquam  ve- 
nenum  propellere  }  &  oppofîtum  fide  conformi  aferere ,  fed  nos  in  hoc 
torpemus  tanquam  Dei  dégénères. 

o^ofmon  de      Le  Chapitre  XLIII.  contient  une  oppofition  de  rAnte-Chrifl 

rAntç"Cbr*  à  J- C-  En  voici  quelques  traits.  J.  C.  eil  Dieu  &  Homme  h  l'Ante- 
Chrifl  n'efl  ni  Homme  ni  Dieu,  c'efl  un  Diable  incarné.  Il  allè- 
gue là- deffus  Nicolas  de  Lyra  ,   Préface  des  Clémentines.  J.  C. 
étoit  doux ,  l'Ante-  Chrifl  efl  inhumain  ,  il  ne  refpire  que  guerres, 
(  )Dan    ^  qu'erTufion  de  fang  ;  c'efl  la  quatrième  bête  de  Daniel  (a).  J.  C. 

vin.  7.  étoit  humble,  l'Ante- Chrifl  efl  fuperbe  au  fuprême  degré, 
Apoc.  xin.  j|  fe  fajc  baifer  les  pieds ,  il  met  la  couronne  fur  la  tête  de  l'Empe- 
reur avec  fon  pied  ,  il  ne  prétend  être  fournis  au  Jugement  de 
perfonne,  6c il  veut  juger  lui-même  tout  le  monde.  J.  C.  étoit 
acceiïible  à  tous  ^  la  porte  de  l'Ante-Chrifl  efl  environnée  de  .gar- 
des, &.  l'on  n'entre  chez  lui  ,  qu'à  condition  d'apporter  bien  de 
l'argent.  Cette  condition  efl  marquée  dans  ce  diflique. 

Jnuts 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  113 

Intus  qui  s?  tu  qui s  t  egofum.  Quid  quarts  1  Ut  intrem.  *4r4» 

Fers  quidï  Non.  Staforis.  Fero.  Quid?  Satis.  Intra. 

J.  C.  a  prêché  la  chafteté  par  fon  exemple  &  par  Ces  maxi- 
mes. La  Cour  de  PAnte-Chrift  eft  la  Babylone  mère  des  fornica- 
tions 5  il  protège  &  même  il  entretient  des  lieux  infâmes,  &:  des 
courtifanes  en  divers  endroits ,  &  la  luxure  y  eft  portée  à  une 
licence  effrénée.  J.  C.  étoit  pauvre ,  &  il  a  chéri  les  pauvres. 
L'Ante-Chrift,  comme  un  transfuge  criminel,  a  banni  la  pau- 
vreté de  la  Cour ,  il  s'applaudit  dans  la  donation  de  Conftantin , 
&il  la  défend  de  toutes  fes  forces.  Non  feulement  il  ne  refufe 
pas  l'offre  que  le  Démon  fît  à  J.  C.  de  lui  donner  les  Royaumes  du 
monde,  mais  il  élevé  même  fapuifïance  au  defïus  des  Rois,  les 
appelianty^/^f//.  J.  C.  a  défendu,,,  fous  peine  d'anathême.,  par 
la  bouche  de  St.  Fauly  d'annoncer  un  autre  Evangile  que  le  fieir, 
&  de  rien  ajouter  à  la  Loi ,  ni  d'en  rien  retrancher  L'Ante-Chiift 
a  fabriqué  de  nouvelles  Loix  ,  qui  ne  fe  trouvent  point  dans  l'E- 
criture, &  qui  même  y  font  oppofées ,  foit  directement ,  foit  in- 
directement. J.  C.  a  donné  fa  vie  pour  le  falut  des  hommes  j  PAn- 
te-Chrift facrifïe  des  peuples  entiers  pour  le  maintien  de  fa  vie, 
&de  fes  ufurpations  criminelles,  témoin  la  Croifade  contre  La- 
diflas. 

Dans  le  dernier  Chapitre,  JeanHus  traite  du  lieu ,  ou  de  la  &**"*??*»- 
/>/^tt  de  PAnte-Chrift.  Il  dit  qu'à  parler  proprement,  &  à  la  let- te'  *' 
tre,  le  lieu  de  PAnte-Chrift  c'eft  Rtme ,  parce  que  c'eft  Rome 
qui  eft  appelléei?^^Wdans  PEcritui4.  Mais  dans  un  fensplus 
étendu,  &  plus  réel,  il  trouve  que  comme  J.  C.  quoique  locale- 
ment dans  le  Ciel ,  eft  dans  tout  le  monde  ,  par  fa  vertu  :  tout  de 
même  le  génie ,  le  caractère  &  l'efprit  de  PAnte-Chrift  eft  répan- 
du dans  tout  le  monde,  parles  erreurs,  lesfuperftitions  ;  les  cri- 
mes 3  &  toutes  les  déteftables  pratiques  dont  ilfefertpour  com- 
battre J.  Ç.  &  pour  faire  la  guerre  à  fon*Eglife. 

Après  avoir  ainfi  anatomifè  PAnte-Chrift ,  &  lui  avoir  aflïgné  G«»«*%>  *é 
fa  place  3  il  en  fait  la  Généalogie  .&  en  marque  la  durée.  Comme  il  ?  Ame  cbriji. 
n'a  été  manifefté  que  par  fucceffion  de  temps,  il  finira  de  même. 
Il  prétend  que  pendant  onze  cens  ans  il  n'avoit  ofé  fe  produire  en 
public.  Jufqu'alors  l'Iniquité  3  fille  du  Diable ,  avoit  gardé  dans 
ion  fein  le  malheureux  fruit  de  (es  amours,  avec  les  ennemis  de 
J  C.&de  PEgJife.  Enfin  elle  a  enfanté  dans  ces  derniers  flécles 
i'Ante  Chrift ,  qui  levé  hautement  la  tête  dan$  le  Temple  de 
Tom.II.Part.il.  P 


ii4    HISTOIRE     DU     CONCILE 
14 14.    Dieu,  fous  des  noms  auguftes  &  vénérables,  paré  des  couleurs 
&  des  titres  de  la  fainteté ,  il  perfécute  les  faints  ^  fi  on  l'en  croit , 
l'abomination,  la  défolation  ,  ni  l'Ante-Chrift  annoncez  dans 
l'Ecriture  ne  font  pas  encore  arrivez  ,  quoiqu'il  foit  lui-même  cec 
Ante-Chrift,  &  cette  abominable  défolation.  Il  fait  ici,  comme 
à  fon  ordinaire ,  au  Pape  ,  à  fes  Miniftres,  &  à  toute  l'Eglife  Ro- 
maine ,  des  applications  plus  injurieufes  qu'ingenieufes  ,  de  plu- 
sieurs endroits  de  l'Ecriture,  comme  des  Proverbes  de  Salomon, 
où  il  eft  parlé  de  la  femme  infenfêe ,  querelleufe ,  turbulente ,  pleine 
d'attraits,  mais  ignorante ,  qui  s' a  (lied  a  la  forte  de  fa  Maijon,  en 
un  lieu  élevé ,  d'où  elle  appelle  les  paffants ,  &  les  inifite  à  boire  des 
eaux  dérobées',  pendant  qu'ils  ne  s'appercoiventpas  que  les  Géants  font 
avec  elle,  &  que  ceux  qui  mangent  à  fa  table  font  dans  le  plus  profond 
de  l'Enfer  :  du  IX.  chap.  de  \*Apoc.  où  eft  la  defcription  des  faute-' 
relies  de  l'abyme  ,  qui  ont  des  ailes ,  des  chariots,  des  chevaux, 
des  couronnes.  Les  couronnes  font  les  titres,  les  grades,  \çs  di- 
gnitez.  Les  ailes ,  c'eft  leur  rapidité  à  courir  après  le  mal  -y  le  bruit 
des  ailes,  c'eft  le  bruit  &  les  clameurs  du  Palais  -y  les  chevaux  du 
chariot  font  les  Avocats  5  les  roues  font  les  Procureurs ,  les  Sollici- 
teurs j  le  cocher ,  c'eft  le  Juge  ou  le  Préfident.  Le  Notaire  eft  toûV 
jours  dans  le  chariot  avec  les  Actes  du  procès.  Le  bruit  des  ailes 
reprefente  encore,  dit-il,  fort  bien  les  criailleries  des  Prédica- 
teurs qui  ne  font  que  déclamer  les  uns  contre  les  autres,  l'un  di- 
fant,  moi  je  fuis  de  Dominique  -,  l'autre,  moi  je  fuis  de  François  > 
l'autre,  moi  je  fuis  de  Bernard ,  moi  d'un  autre. 
Vrepheùe  de      Des  progrès  de  i'Ante-TUiriftil  pafïeàfa  fin  ,  ou  peu  s'en  faut 
jeaa  Hus.     ^u'jj  ne  s>érigeen  Prophète  ,  quoiqu'il  s'en  remette  pourtant  à  la 
détermination  de  la  fainte  Eglife.  lia  raifon  de  ne  parler  pas  trop 
affirmativement.  Car  fi  on  examine  cette  prétendue  Prophétie, 
il  fe  trouvera  que,  félon  fon  propre  fyftême,  ils'eft  trompé  dans 
fon  calcul.  Il  faut  l'écouter  parler  lui-même.  »  La  puiflance  des 
(a)  Apec.     "  Sauterelles  doit  être  abrégée  au  bout  de  cinq  mois  (a).  Ici ,  fauf 
ïx.j.  »  la  détermination  de  Ste  Eglife,  je  crois  en  partie  connoître  ou 

«fçavoir  &  en  partie  prophetifer.  Car  je  fcais  que  c'eft  là  un  nom- 
»  bre  myftique  ,  &  qu'il  ne  faut  pas  prendre  le  nombre  de  cinq  à 
»  la  lettre,  comme  il  fe  prend  ordinairement.  Le  mois  eft  la  me- 
rofurecomplettedu  cours  de  la  Lune.  Le  cours  de  la  Lune  a  deux 
«mefures  générales  &  connues.  Elle  parcourt  le  moindre  en  29. 
«jours  ou  environ,  &  le  plus  grand  en  19.  ans.  Or  dans  tout  ce 
«  Livre  de  St.  Jean ,  Tefpric  de  J.  C.  partage  les  temps  par  rapport 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  115 

»  à  la  Sainte  Eglife.  Quoique  ce  temps  à  l'égard  de  J.  C.ne  foit  que  141 4; 
«comme  le  jour  pane  d'hier,  il  eftlong  à  notre  égard  j  ainfi  il 
»  faut  prendre  le  mois  pour  figurer  le  plus  long  cours  de  la  Lune, 
»  fçavoir  19.  ans.  Et  c'eft  pendant  cet  efpace  de  temps  queJesSau- 
»terelles  couronnées  nuiront  leplusàl  Eglife  de  Dieu  ,  félon  le 
•'jugement  des  hommes  charnels  qui  n'aiment  pas  la  Croix  de 
»  J.  C.  Je  crois,  contime-t  il  3  que  je  prophetife  en  partie  ,  fous 
»  la  direction  de  l'Efprit  de  J.  C.  quand  je  dis  que  les  années  mar- 
»  quées  ont  commencé  à  courir  depuis  l'an  1295.  Ce  fut  alors  que 
»  \qs  Sauterelles  fortirent  du  puits  de  l'abîme,  qu'elles  fe  multiplie- 
»  rent  extrêmement , qu'elles  reçurent  des  couronnes  femblables 
«  à  de  l'or  ,  6c  que  l'abomination  de  la  défolation  fut  mife  dans  le 
»>  Temple,  c'eft-à  dire  dans  l'Eglifede  J.  C.que  le  Sacrifice  con- 
tinuel fut  prefque  ôté  de  la  principale  partie  de  l'Eglife,  c'eft-à- 
»  dire  du  peuple  Chrétien  ,  foit  que  Dieu  le  fît  à  caufe  du  refroi- 
«diflement  de  la  charité  6c  de  la  multiplication  de  l'iniquité,  foit 
»  par  la  négligence  des  Miniftres  de  l'Egttfe  6c  des  Prêtres. 

Il  eft  pourtant  allez  fobre  pour  ne  pas  vouloir  définir  l'an  &c  le     Prudes 

1       \  n  •  \     •      r  •  ^->»n  *   Sauterelles  en 

moment  ou  cette  periecution  doit  le  terminer.  »  Ce  n  elt  pas  a  ^thmt. 
»  nous  de  connoître  l'année  6c  le  moment  où  ces  jours  doivent 
»  être  terminez.  Dieu  s'eft  refervé  cela  à  luifeul.  Cependant  ceux 
»  qui  font  animez  de  l'Efprit  de  J.  C.  peuvent  faire  attention  à  ces 
»chofes.  Je  ne  prétends  rien  avancer  ni  défendre  opiniâtrement 
«  6c  avec  contention  ,  Ôc  je  demande  à  Dieu  ardemment  qu'il  me 
»fafle  la  grâce  de  n'être  point  fage  au-delà  de  ce  qu'il  faut  l'être  3 
»  mais  d'être  fage  avec  fobrieté.  Si  pourtant  il  m 'eft  permis  de 
"dire  mon  fentiment,  je  crois  que  ces  méchantes  Sauterelles  cou- 
ronnées ,  c'eft-à- dire  ,  cette  grande  multitude  d'hypocrites, 
»  font  d'un  côté  la  Chaire  6c  l'autorité  des  puilïans  dans  le  Clergé, 
«parmi les  Prêtres  6c  les  Religieux,  de  l'autre  les  Princes  3  les 
»  Seigneurs  féculiers ,  car  je  les  comprends  les  uns  6c  les  autres 
»  fous  l'image  des  Sauterelles  couronnées.  J'eftime  que  le  Seigneur 
«les  a  fort  bien  défignez  par  le  prodige  des  Sauterelles ,  qui,  félon 
»l'Hiftoire,  arriva  en  1295.  ou  environ,  où  l'on  vit  des  Saute- 
»  relies  forties  des  abîmes  de  la  terre  6c  venues  de  l'Orient  faire 
»une  foudaine  irruption  en  fi  grande  multitude,  qu'il  étoit  im- 
»  poffible  de  mefurerl'efpace  qu'elles  occupoient  en  long  6c  en  lar- 
»  ge.  Elles  tomboient  Ci  épaifles  qu'elles  oflfufquoient  le  Soleil  par 
»  toute  la  Bohême ,  la  Moravie  6c  la  Pologne ,  ôc  qu'elles  envelop- 
pèrent toute  la  terre  comme  dans  un  fac.  Le  monde  en  fut  fî 

pij 


ri6     HISTOIRE     DU     CONCILE 

1414.  "  effrayé ,  qu'on  croyoic  que  c'étoit  le  jour  du  jugement.  Elles  dé- 
»  vorerent  tout  dans  les  champs  6c  dans  les  forêts.  Le  bruit  de  leurs 
«ailes  étoit  comme  celui  degroiîes  eaux_,  oucomrae  celui  d'une 
»  armée  qui  marche  en  bataille.  Elles  étoient  plus  fécondes  que 
«les  autres  Sauterelles,  félon  que  les  décrit  Charles  Roi  de  Bohê- 
»  me  dans  fa  Chronique .  Il  y  a  encore  à  prefent  beaucoup  de  gens 
»  pleins  de  vie  qui  ont  vu  ces  Sauterelles,  6c  qui  racontent  ce  qu'on 
»  vient  de  dire. 

Il  y  a  ici  deux  remarques  à  faire.  La  première  eft,  que  ceux  qui 
racontoienten  1 41 3.  cette  Hiftoire  comme  en  ayant  été  témoins 
oculaires  en  1295.  dévoient  avoir  cent  dix-huit  ans,  ce  qui  eft 
très  rare  s  bien  loin  qu'il  puiiïe  y  en  avoir  un  grand  nombre, 
comme  Jean  Hus  le  fuppofe.  Il  faut  donc  qu'il  fe  foit  trompé,  ou 
que  le  prodige  des  Sauterelles  foit  arrivé  plus  d'une  fois  3  &  à  fort 
peu  de  dilfcance  l'un  de  l'autre ,  ou  qu'il  y  ait  faute  aux  chiffres.  En 
^  Fpit  Rfr> effet  Balbinus  (&)  rapporte 3  fur  la  foi  d'un  Manufcrit  Bohê- 
Bohem.  p.     mien  écrie  en  ce  temps-là ,  qu'en  13  5  8.  il  arriva  en  Bohême  un 
55°'  prodige  tout  pareil,  &  que  Charles  Marquis  de  Moravie  (iJpQnfa 

être  étouffé  par  les  Sauterelles.  Il  y  a  donc  beaucoup  d'apparence 
qu'au  lieu  de  1  295.  marquez  dans  le  texte  de  Jean  Hus  il  ia.ut  lire 
13  3  S.  6c  qu'au  lieu  de  95.  il  faut  lire  75.  Tout  s'accorde  avec  la 
date  de  1338.  6c  rien  avec  celle  de  1295.  Il  pouvoir  encore  y 
avoir  alors  bien  des  gens  qui  avoient  vu  le  prodige  des  Sauterelles, 
puifqu'ils  n'auroient  eu  que  75.  ans.  Le  nombre  de  95.  ans  ne 
fçauroit  non  plus  s'accorder  avec  celui  de  1  295.  puifque  depuis 
cette  dernière  date  jufqu'à  1413.il  y  a  11  8.  ans,  comme  on  l'a 
déjà  remarqué,  au  lieu  qu'il  n'y  en  a  que  7  5.  depuis  1338.  ce  qui 
quadre  fort  bien  avec  la  prétention  de  Jean  Hus  ,  d'avoir  donné 
un  11  grand  fouflet  àl'Eglife  Romaine  que  dans  cent  ans  elle  s'en 
reflentiroit  encore.  Il  elï vrai  que  fon  calcul  de  cinq  mois  ne  s'ac* 
corde  pas  avec  le  nombre  de  75.  ans,  mais  il  ne  s'accorde  pas 
mieux  avec  celui  de  9  5.  ans  par  la  date  de  1295.  La  féconde  re- 
marque qu'il  faut  faire  3  c'eft  que  l'Hiftoire  fait  voir  que  toute 
cette  prophétie  n'étoit  que  l'iiluiïon  d'un  hommefort  paflionné^ôc 
qui  voyoit  leschofes  moins  par  efprit  prophétique  qu'au  travers 
defesefpérances&defesdéiirs.  Marquer  la  date  des  grands  pro- 
grès de  î'Eglife  Romaine  à  1 3  3  8.  c'eft  troptard  de  bien  plus  d'un 
fiécle.  Comme  il  avoit  dans  la  tête  le  parallèle  de  I'Eglife  Ro- 
maine avec  les  Sauterelles  de  XApocalypfe ,  celles  de  Bohême  pa- 

(  1  )  C'eft  l'Empereur  Ckstrks  1\\  élu  Roi  des  Romains  en  1-346". 


DE       PISE-     Liv.  VIII.  117 

roiflbienc  à  Ton  imagination  autant  d'avant -coureurs  des  maux  14.14. 
qu'il  prévoyoit  que  devoit  faire  l'Eglife  Romaine.  Mais  elle  en 
avoit  déjà  fait  d'aufïi  grands  5c  en  bien  plus  grand  nombre  depuis 
fort  long-temps,  qui  n'a  voient  point  été  annoncez  par  aucune  ir- 
ruption de  Sauterelles.  C'eftfe  jouer  également  6c  de  l'Ecriture 
Sainte  &  de  la  crédulité  du  monde  que  de  s'abandonner  à  de  pa- 
reilles applications  3  dont  l'événement  découvre  prefque  toujours 
la  témérité.  D'ailleurs  fî  Jean  Hus  donna  en  14 13.  un  grand  fou- 
flet  à  l'Eglife  Romaine,  elle  lui  en  donna  un  bien  plus  grand  deux 
ans  après  en  le  faifant  brûler  comme  elle  fit  au  Concile  de  Conf- 
tance.  Au  fond  ,  files  Hufîkes  fe  foutinrent  long- temps  ,  la  Bohê- 
me n'efl:  pas  toute  l'Eglife  Romaine  6c  le  fouflet  fut  bien  léger,  de 
rendu  au  double.  Maisileft  arrivé  à  cet  égard  à  Jean  Hus  £C  qui 
arrive  à  tous  ces  fortes  de  prophètes  qui  font  des  applications  du 
Livre  énigmatique  de  V  Apocalypfi  félon  leurs  pallions  6c  leurs  pré- 
jugez, faifant  également  violence  6c  à  la  prophétie  pour  l'accom- 
moder aux  évenemens  qu'ils  ont  en  vue ,  &  à  ces  mêmes  évene- 
mens  pour  les  ajufter  avec  la  prophétie. 

Pour  revenir  de  cette  digrefîion  aux  Ouvrages  de  Jean  Huslraite' de  /v 

dr  m   r  1  t>       •     '  >-r  bomin.it  ion 

ant  la  retraite  3  il  faut  mettre  dans  ce  rang  un  Traite  cp  il  des  Moines. 

compofa  fous  ce  titre  :  De  l'horrible  abomination  de  la  déflation  des 
Prêtres  &  des  Moines  charnels  dans  l'Eglife  de  Chrifi ,  fur  ces  paroles 
du  V.  ebap.  de  la  Prophétie  à'Ofce  (1  ),  Prêtres,  écoute^  ceci , 
Mai  fin  d' Ïfrael ,  fiyez^  attentive  ,  M  ai  fin  du  Roi ,  prêtez^  l'oreille  j 
car  Dieu  va  exercer  Ces  Jugemens  fur  vous  5  farce  que  vous  êtes  devenus 
a  ceux  fur  qui  vous  ètiez^obligezjie  veiller  ,  ce  que  font  les  pièges  aux 
ai  féaux  ,  &  les  filets  que  l'on  tend  fur  le  Thabor.  Vous  avez^  détourné 
adroitement  les  hofiies  de  Dieu  3  &je  n'ai  point  cefjè  de  vous  inftruire , 
.  &  de  vous  reprendre .  Je  connois  EpliTâïm  ,  &  ïfrael  na  pu  échapper 
à  mes  yeux.  Je  fqai  maintenant  quEphrâïm  fe  proflitue  aux  j *  d'oies ',  & 
qu  ïfrael  s' ef  fouillé  du  même  crime.  Ils  ri  appliqueront  point  leurs  pen- 
fées  à  revenir  à  leur  Dieu  ,  parce  qu  ils  font  pojfedezjie  l'efprit  de  forni- 
cation ,  &  quils  ne  connoiffentpas  le  Seigneur.  U  impudence  dTIfraet 
eft peinte  fur  fonvifage  ....  J'ai  mis  le  texte  tout  entier  ,  parce 
que  fa  feule  lecture  peut  faire  juger  de  l'ufage  6c  de  l'application 
qu'en  fait  Jean  Hus.  C'eftle  même  ftileôc  le  même  efprit  que  dans 
les  pièces  précédentes.  Il  fuffiradone  d'en  rapporter  quelques 
traits  particuliers,  fans  avoir  deflèin  ,  ni  de  rendre  Jean  Hus  cou- 
pable ou  innocent ,  ni  d'exeufer  l'Eglife  Romaine.,  ou  de  la  biâ- 

{  i }  Je  me  fers  de  la  ver-fion  de  Pûzt-RojfâL  * 

P  iij. 


* 


nS     HISTOIRE    DU     CONCILE 

1 4. 1 4,    mer  >  ma*s  Seulement  pour  mettre  le  Lecteur  au  fait  des  motifs  de 
la  condamnation  de  Jean  Mus. 

I.  Le  Schifme  avoit  alors  éclaté  d'une  telle  force  à  Prague  &  en 
plufieurs  autres  lieux  de  la  Bohême  èc  de  la  Moravie,  qu'on  en- 
tendoit  tous  les  jours  les  Prédicateurs  prêcher  des  do&rines  tout 
oppofées  les  unes  aux  autres  ,  fur  des  matières  capitales.  Jean 
Bus  déplore  ce  malheur,  parce  que  ce  partage  des  Conducteurs 
efl  un  piège  très-dangereux  pour  le  peuple,  ôc  une  tentation  vio- 
lente à  l'incertitude,  à  l'incrédulité  ,  &  à  l'irréligion.  Le  remède 
qu'il  propofe  à  ce  mal ,  eft  d'un  fuccès  fort  incertain.  Il  faut  ,  dit-il, 
que  ceux  qui  combattent  pour  la  vérité  s'oppofent  courageufement  aux 
faux  Prédicateurs.  Mais  comme  ceux  du  parti  contraire  en  pou- 
voient  dire  autant ,  &  qu'ils  ne  manquoient  pas  de  le  faire ,  c'étoit 
un  remède  plus  capable  d'aigrir  le  mal  que  de  le  guérir. 

II.  Il  prétend  qu'une  des  principales  caufes  de  ce  Schifme  &  de 
ces  difîentions  pernicieufes ,  étoit  la  grande  multitude  de  Moi- 
nes, qui  s'emparoient  par  tout  de  lefprit  des  peuples  ,  &  qui  em- 
pietoient  fur  les  droits  &  fur  lesfonclion*desO^«^/r^/.  C'eft  , 
dit  il y  depuis  qu'on  voit  ces  fortes  de  gens  courir  les  Villes,  les 
Villages ,  &  les  Châteaux  3  c'eft  depuis  ce  temps-là  que  les  peuples 
fontdivifez,  &  que  trompez  par  ces  hypocrites  ,  ils  refufent  d'o- 
béir à  leurs  Supérieurs  Eccléfiaftiques.  Ceux -ci  de  leur  côté 
voyant  les  Moines  s'impatronifer  dans  les  familles  ,  négligent 
leurs  devoirs  par  jaloufie  &  par  interêt.Il  compare  cette  jaloufie  & 
cette  concurrence  des  Prêtres  féculiers  &  des  Moines  aux  fureurs 
de  deux  rivaux  qui  font  la  cour  à  une  mèyyie  femme ,  ou  de  deux  Cocqs 
qui  en  veulent  à  une  même  poule.  Il  faudroitdonc  ,  a  fonavis,  faire 
de  ces  deux  chofes  l'une  ;  Ou  donner  aux  Moines  la  conduite  des 
peuples,  à l'exclufion  des  Prêtres,  fi  par  leur  avarice  &  leur  en- 
vie contre  les  Moines  ils  font  occafion  de  trouble  ,  ou  laifler  la 
conduite  des  peuples  aux  Prêtres ,  &  renfermer  les  Moines  dans 
leurs  Cloîtres,  fans  leur  donner  la  licence  de  courir  ,  comme  ils 
font,  les  champs  &  les  Villes,  pour  débaucher  le  peuple  de  l'o- 
béïiïance  à  fes  Supérieurs  ordinaires.  Sans  cette  alternative  il  n'y 
aura  pas  moyen  de  donner  la  paix  à  l'Eglife&  de  tranquillifer  les 
peuples ,  parce  que  les  Moines  en  vertu  de  leurs  exemptions  &  de 
leurs  privilèges ,  émanez  immédiatement  du  Pape,  n'étant  point 
fubordonnez  aux  Pafteurs ordinaires,  s'empareront  toujours  im- 
punément des  Chaires  ,  des  Confeflions  &  des  autres  fondions 
pafioraies.  Dans  cette  fituation ,  qui  pourra  les  mettre  d'accord  ? 


DE       PISE.     Liv.  VIII.  119 

Le  Pape  ni  même  les  Evêques  ne  peuvent  pas  toujours  être  pré-  I4I4. 
fens  dans  tous  les  lieux  où  ces  défordres  arrivent.  Quand  même 
ils  y  feroient,  ils  fe  trouveroient  fort  embarraiïez  à  juger  entre 
les  Moines  &  les  Prêtres,  parce  que  chacun  prétendroit  foûtenir 
fa  thefe  par  de  bonnes  raifons.  Les  Prêtres  ordinaires  diroienc 
qu'ils  font  les  fuccefïèurs  des  Apôtres,  &  les  Moines  allegueroienc 
les  Privilèges  odes  exemptions  des  Papes  qui  les  ont  difpenfez  de 
l'ordre  établi  par  les  Apôtres.  Cependant  il  regarde  cette  alter- 
native comme  une  extrémité  fàcheufe  ,  parce  que  les  Moines ,  fé- 
lon leur  ancien  inftitur  &  félon  le  nom  de  Solitaires  qu'ils  portent, 
ne  font  point  du  tout  propres  à  conduire  les  peuples  à  la  manière 
de  vivre  à  laquelle  ils  font  obligez  ,  &  leurs  vœux  font  trop  éloi- 
gnez de  la  vie  ordinaire  &;  de  la  focieté  ,  *pour  qu'ils  puiffent  fym- 
patifer  avec  les  peuples ,  ni  fe  propofer  pour  mod  eles  au  troupeau. 
III.  Il  n'y  a  point,  félon  lui,  de  vocation  légitime ,  que  celle 
qui  eft  fondée  fur  la  Do&rineôc  fur  l'exemple  de  J.  C.  Tous  ceux 
qui  entrent  dans  l'Eglifepar  une  autre  voye  font  intrus ,  &  il  ne 
faut  pas  s'étonner  que  s'y  étant  ingérez  d'eux-mêmes,  ils  neveu- 
lent  point  d'autres  Prêtres ,  que  de  leur  main.  C'eft  pour  cela 
qu'ils  éloignent  du  St.  Miniftere ,  tous  ceux  qui  pourroient  s'en 
bien  acquitter  en  marchant  fur  les  traces  de  J.  C.  &  des  Apôtres. 
»  Il  y  a  ,  dit-il ,  (a)  quantité  de  fidèles  cachez ,  entre  les  Payf ans,les  fa)  Foi. 
«Bourgeois,  les  Nobles,  qui  feroient  fort  capables  de  ce  faint  Mi-  &fof~- 
«  niftere  3  quand  même  ils  ne  feroient  pas  lettre^,  pourvu  qu'ils 
«euflent  i'efpritde  J.  C.  Mais  ou  ils  demeurent  dans  le  filence, 
«parce  qu'ils  n'ofent  parler  ,  ou  ils  fe  retirent  du  monde  comme 
»  deBabylone,  ou  ils  n'ont  pas  les  moyens  Se  les  occafions  de  fe 
«produire,  avec  les  formalitez  requifes,  on  ne  les  connoît  pas, 
».  &  on  ne  fe  met  pas  en  peine  de  les  chercher».  Il  applique  ici 
fort  ingénieufement  à  ces.  gens  de  bien  qui  ne  veulent  pas  acqué- 
rir des  dignitez  Eccléfiaftiques  aux  dépens  de  leur  innocence  &z 
de  leur  tranquillité ,  il  leur  applique  l'apologue  de  l'olivier  ,  du 
figuier ,  &  de  la  vigne  qui  refuférent  de  régner  fur  les  arbres.  »  Je 
»  fçai ,  dit-il >  que  bien  des  gens  qui  entendront  ,  ou  qui  liront  ceci, 
x  ne  manqueront  pas  de  s'irriter  contre  moi.  Mais  c'eft  à  eux  à 
»  examiner  lequel  eft  le  mieux  _,  ou  de  s'ofTenfer  de  ma  liberté  ,  ou 
»  de  craindre  le  Seigneur  qui  me  fait  parler ,  &  s'ils  fe  fentent  cou- 
»  pables  3  de  faire  pénitence }  de  revenir  de  l'Ante  Chrift  à  J.  C.  >* 
La  maxime  eft  fort  bonne  en  foi ,  mais  la  pénitence  devoit  paroî- 
trebien  rude  à  beaucoup  de  gens  3  c'eft  de  quitter,  dit-il  y  plutôt 


CCCLXXXII< 


CCCLXXXIV. 


no     H  I  S  T  O  I  RE     DU     CONCILE 

14.14.  un  Bénéfice  mal  acquis,  &  où  l'on  n'eft  pas  parvenu  par  des  voyes 
légitimes  ,  que  de  le  poiïëder ,  fur  tout  quand  on  s'en  fent  indigne. 
Si ,  félon  lui ,  c'eft  un  péché  ,  de  retenir  un  feul  bénéfice  mai  ac- 
quis ,  ou  d'y  afpirer  par  de  mauvaifes  voyes ,  c'en  eft  un  bien  plus 
grand  d'en  poffeder  plufieurs  Se  même  d'incompatibles,  par  ava- 
rice ,  par  vaine  gloire,  &  aux  dépens  de  l'édification  de  l'Eglifè. 
Ce  font  là)  dit-il,  des  voleurs  $  qui  méritent  d'être  pendus  plus  haut , 
que  les  voleurs  de  grands  chemins ,  parce  qu'ils  le  font  fous  le  prétexte 
de  la  Religion  ,  &  de  la  pieté.  C'eft  fous  ce  prétexte  fpécieux  quilsfé- 
duifent  non  feulement  le  Peuple  ,  mais  le  Pape  lui-même ,  pour  en  obte- 

(a)  Fol.     nir  des  Bulles  (a  ) . 

IV.  C'eft  une  tradition  allez  générale  que  nôtre  Seigneur  fut 
transfiguré  fur  la  Montagne  du  Thabor,  ou  le  Prophète  Ofée  dit 
que  les  Sacrificateurs  écendoient  leurs  filets.  Jean  Mus  ne  manque 
pas  une  fi  belle  occafion  d'invectiver  contre  le  faite  &  la  pompe 
de  i'Eglife  Romaine ,  la  mollefîe  &  le  luxe  de  {qs  Prélats ,  &  de 
leur  reprocher  qu'ils  aiment  mieux  fuivrej.  C.  fur  IsThabor  que 
fur  la  Croix.  >*  C'eft  à  contenter  leur  vanité ,  dit-if  que  font  defti- 
»  nez  tant  de  cérémonies ,  tant  de  fêtes ,  &  d'exercices  corporels 
»  que  l'on  multiplie  tous  les  jours  pour  éblouir  le  Peuple  par  leur 
«éclat,  &l'amuferde  la  vaine  efperance  de  mériter  la  vie  éter- 
»  nelle  par  l'obfervation  de  ces  traditions.  II  vaudroit  bien  mieux 
o  multiplier  la  charité,  les  œuvres  de  mifericorde,  &  les  aucres 
»  vertus  Chrétiennes,  adminiftrer  les  Sacremens  félon  l'Evangile,  • 
«exercer  une  difeipline  fevere.  Mais  c'eft  de  ceschofes-làqueles 
»Pharifiens&  les  Scribes  d'aujourd'hui  nefe  mettent  pasen  peine, 
»  parce  qu'il  ne  leur  en  reviendront  ni  gloire  mondaine,  ni  profit 
«temporel. 

V.  Après  avoir  appliqué  à  fa  manière  la  Prophétie  d'Ofée  à 
i'Eglife  Romaine  ,  il  lui  applique  ,  du  même  ftile  ,  celle  de  tout  le 
Chapitre  XXIII.  d'Ezechief  touchant  les  fornications  de  Sama- 
rie,  &de  Jerufalem.  C'eft,  dit-il ,  lamême  Idolâtrie  avec  cette 
différence  que  la  première  s'exerçoit  groffierement  &:  à  la  lettre , 
au  lieu  que  celle-ci  s'exerce  d'une  manière  plus  fine  &.  plus  fpiri- 
tuelle,  mais  d'autant  plus  dangereufe  qu'elle  fe  cache  fous  le  voile 
de  la  pieté  &  de  la  Religion ,  &  c'eft  en  quoi  cette  abomination  eft 
défolante.  Car,  continue-r.il,  fi  l'Ante-Çhrift  venoit  comme  in- 
fidèle, &  ennemi  déclaré  de  J.  C.  s'il  fe  plaçoit  en  perfonne,  ou 
fa  ftatuè*  dans  le  lieufaint,  ce  feroit  une  tyrannie  &  une  impieté. 
Mais  il  n'y  auroit point  là  deféduftion  pour  ks  élus,  parce  qu'il 

feroir, 


DE      PISE.    Jiivi  VIII.  m 

feroit  connu  pour  tel  ,  Se  qu'on  a  vu  de  pareils  perfécuteurs  de  TE-     1414. 
glife  (1).  Il  joint  à  cela  les  chapitres  VIII.  XVI.  &  XVII.  du 
même  Prophète.  Dans  le  VIII.  Dieu  ordonne  au  Prophète  de 
percer  la  muraille  duTempIe,  pour  voir  les  abominations  qui  s'y 
commettoient.  Dans  le  XVI.  Dieu  reproche  à  Jerufalem  toutes 
fortes  de  proftitutions ,  ôcen  particulier  celle-ci  f.  3  1.  Vous  vous 
êtes  bâti  un  lieu  infâme ,.  à  l'entrée  de  toutes  les  rues ,  &  vous  vous  êtes 
fait  une  retraite  dimpudicité  dans  toutes   les  Places  publiques  (2). 
Dans  le  XVII.  eit  repréfentée  Jerufalem  emmenée  à  Babylone 
par  Nabuchodonofor  ,  ligure  fous  l'emblème  d'une  grande  Aigle. 
Il  applique  tous  ces  caractères  odieux  au  Pape,  aux  Eccléfiafti- 
ques  ,  en  un  mot  à  tout  le  Clergé  de  fon  temps.  Non  content  de 
ces  parallèles  injurieux,  il  y  en  ajoute  un  autre  fort  mal-honnête 
tiréduchap.  XV.  du  2.  Livre  des  Chroniques,  f  16.  où  il  eit  dit 
que  Maaca  mère  du  Roi  A  fa  encenfoit  à  l'Idole  de  Priape  (1). 
Comme,  dit-il,  quelquefois  l'incontinence  fe  porte  à  des  excès 
contre  nature  que  la  pudeur  ne  permet  pas  d'exprimer,  ainfi  on  ne 
fçauroic ,  fans  icandalifer  les  oreilles  pieufes,  s'expliquer  fur  les 
fureurs  de  l'avarice  6c  de  la  cupidité  des  Prêtres  Et  fi  Dieu  ne 
m'a  voit  fufeité  pour  percer la  mitraille afin  qu'on  découvrît  la  mul- 
titude d'abominations  qui  fe  commettent  &  fe  fortifient  tous  les 
jours  dans  le  lieu  faint ,  je  n'aurois  jamais  ofé  dire  le  peu  que  j'en 
dis ,  de  peur  de  feandalifer  les  uns ,  &  d'irrirer  les  autres.  Il  décrit 
fort  vivement  les  combats  intérieurs  qu'il  eut  à  Soutenir  avant  que 
de  répondre  à  cette  vocation  fecrete.  »  Pendant  tout  le  temps 
»  que  j'ai  été  environné  de  cette  épaifle  muraille  qui  me  déroboit 
«iavuë  de  ces  abominations,  captif  &  endormi  j'afpirois  avide- 
»  ment  à  habiter  dans  ces  beaux  tabernacles,  comme  un  homme 
»  qui  s'oubliant  dans  un  feftin  ,  dévore  des  yeux  tous  les  plats  ,  de 
»  n'efl:  attentif  qu'à  la  Mu  (Ique  qui  charme  fes  oreilles.  Enfin  il  a 
«  plu  au  Seigneur  Jefus  de  me  faire  fortir  de  ces  funeftes  murailles, 
»  comme  un  tifon  arraché  du  feu.  Enclave  malheureux  de  mespaf. 
»  fions,  il  a  fallu  que,  comme  Lot ,  Dieu  me  tirât  del'embrafe^ 
»-ment  de  Sodome.  Depuis  cette  vocation,  j'ai  obéi  à  la  voix  de 
»  Dieu  ,  qui  me  difoic ,  Perce^la  muraille.  C'eft  ce  que  je  fais  con- 
«  tinuellement  par  mes  écrits  &  par  mes  prédications.  Je  n'ignore 
*>  pas  que  fi  ce  que  j'entreprends  eft  un  ouvrage  humain,  il  fera 

(  1  )  Caligulit  voulut  fiu're  mettre  fa  Statue  dans  le  Temple  de  Jerufalem. 

(  z  )  Verliom  de  Port.Royal. 

(})  C'eft  ainfi  que  porte  i«  Vulgate ,  &  la  verfïon  de  Port-Royal, 

Torn.II.Part.il.  Q^ 


12. 


122    HISTOIRE    DU     CO  N-C  I  L  E 

îa1j"  »  détruit,  &  même  ;je  m'en  réjouirai  $  mais  fi  cette  œuvre  eft  de 
»  Dieu,  &  dans  l'efprit  de  J.  C.  crucifié ,  comme  j'en  luis  perfuadéy 
[a]  Fol.    »  toutes  les  puiflances  du  monde  ne  pourront  l'empêcher  (a). 
cccxcix.  y.  Quand  il  eut  percé  la  muraille  3  il  vit  une  porte.  Cette.. 

xxjtcb.  vin.  porte  3  lelon  lui ,  c'eft  celle  de  l'Ecriture  Sainte ,  où  il  vit  à  décou- 
S- s>-  io.  h.  vert  les  abominations  des  Moines  ,  des  Prêtres  6c  du  Clergé,  re- 
prefentées  fous  divers  enblêmes.  Ce  fut  alors  que,  comme  un 
autres.  Paul3  voyant  qu'une  grande  forte  lui  étoit  ouverte  ;  il  ne 
donna  nul  repos  à  fon  ame,  écrivant  3  prêchant,  infiftant  eh  temps 
&  hors  de  temps ,  à  tout  le  Clergé ,  fans  en  épargner  les  plus  émi- 
nents.  Embarqué  3  dit-il ,  fur  cette  mer  orageufe ,  je  fus  plongé  au  fond. 
de  l'eau  (  i)par  la  tempête ,  f  entrai  dans  la  gueule  du  Leviathan  ,  juf 
quà  ce  que  Dieu  m  en  retire  pour  célébrer  fe s  louanges.  Il  fou  tient  que 
les  déteftables  abominations  décrites  dans  ce  chapitre  àyEzecbiely 
regardent  proprement  les  Chrétiens  hypocrites,  6c  fur  tout  les 
Eccléfiaftiques  &c  les  Prêtres  charnels  3  parce  que  les  Juifs  &  les 
Papes  n'ont  jamais  commis  de  fi  horribles  abominations  en  prefen- 
ce  de  J.  C.  que  ces  mauvais  chrétiens  &  ces  Prêtres  hypocrites  en 
commettent  tous  les  jours  au  milieu  de  l'Eglife.  La  raifon  en  eft , 
que  les  Juifs  &  les  Payens  étoient  ennemis  déclarez  de  J.  C.  au 
lieu  que  les  Prêtres  faifant  femblant  d'être  fes  amis  6c  (es  Minif- 
tres  3  prophanent  Ces  Sacremens  de  la  manière  du  monde  la  plus 
indigne  6c  la  plus  infâme ,  fur  tout  le  Sacrement  de  l'Euchariftie  y 
qu'ils  proftituent  tous  les  jours  en  le  donnant  à  des  prophanes.  On 
peut  voir  en  marge  (es  propres  paroles  que  je  n'oferois  traduire  de 
peur  d'offenfer  les  oreilles  pieufes  6c  délicates  (2).  Les  reptiles  3 
les  autres  bêtes,  &  les  Dieux  de  fiente  qui  font  peints  fur  les  mu- 
railles 3  font  encore  les  Prêtres  fouillez  de  vices,  &  dont  les  Peu- 
ples font  néanmoins  les  idolâtres ,  parce  qu'ils  cachent  leurs  abo- 
minations fous  le  voile  de  la  Religion  ,  «5c  fous  les  peintures  6c  les 
ornemensfacrez  dont  ils  parent  leurs  Eglifes.  Il  les  compare  eux- 
mêmes  à  des  parois  peinturées  3  les  murailles  font  deftinées  à  em- 
pêcher que  rien  de  prophane  6c  de  fouillé  n'entre  dans  l'Eglife ,  6c 
ils  y  introduifent  eux-mêmes  la  fouillure  6c  la  profanation  fous  di- 

(t)  Il  désigne  par  là  Ton  Excommunication» 

(2)  Si  enim  qnis  Cbriftianus ,  <$  pracipue  cujusfidei  eft  commiffum  ,  ut  effet  euftos  $  difpenfator 
Sacramentorum ,  quafi  atnico  Jingulari  De: ,  ï§ferv a  fideliî$  prudenti ,  fi  accepta  corpore  Cbrifti  ,• 
ex  (uperbia  Ç$  vo'nntarie projicertt  ipfum  canibus  £>  ferophis  ,  vel  ad  jïercora  ,  £>  conculcarettir  :  vet 
ex  contemptu  $$  ira  contra.  "Jefum  >  accepta  jhreore  horribili ,  ipfum  projiceref  in  calicem  facrum ,  m 
coufpeiïitMiits  Cbrifiianitatis  :  psîejnecogitare  ,  quanta  effet  ijîa  injuria  ,  qttam  pejjima  effet  aby 
Tiunatio  fallu  à  Cbrifliano ,  &  maxime  ab  eo ,  qui  fuit  ex  bonitate  Dei  inter  amicos  gratta  }.receptm  , 
£5  repiitatus  ,  arnica  Cbrifti  vert  Dei ,  puta  Saccrdtte  ?  Fol.  CCCC  A» 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  123 

verfes  couleurs.  A  l'égard  des  foixante  ôc  dix  anciens  qui  écoienc  1414; 
debout  devanc  les  peintures  ,  ce  font,  félon  lui ,  les  Prélats  &  le 
haut  Clergé  ,  les  colonnes ,  qui  au  lieu  de  foutenir  la  muraille  ôc 
tout  l'édifice  de  la  maifon  de  Dieu,  ne  foutiennent  que  celui  de 
l'Ante-Chrift.  Le  nombre  de  foixante  ôc  dix  n'eft  pas  employé 
fans  myftere.  Comme  il  fait  dix  fois  fept ,  cela  marque  l'excès  de 
l'abomination  3  &  la  perfection  de  l'iniquité ,  aufli  bien  que  la  mul- 
titude des  abominations.  Mais  il  trouve  encore  plus  grande  l'abo- 
mination de  Jeconias  qui  eft  au  milieu  d'eux  ,  c'eft-à-dire ,  félon 
lui,  du  Souverain  Pontife  &  des  hauts  Prélats.  «Comme  ils  font 
>»  les  plus  proches  de  J.  C.  fes  Difciples  immédiats,  qu'ils  fçavenc 
»fesfecrets,  {es  entrées  ôc  fes  forties,  en  le  baifant  amoureufe- 
»  ment  ils  le  livrent  par  avarice  ôc  par  ambition  aux  Magiftrats  du 
»  Temple  3  c'eft-à-dire  aux  Prêtres  &  aux  Ecclefïaftiques  infé- 
rieurs pour  fe  mocquer  de  lui  ,  pour  lui  cracher  au  vifage,  Ôcen 
»  cacher  la  beauté  en  lui  mettant  un  voile  fur  la  tête  (ij.  »  C'eft  ce 
que  font,  dit  il,  le  Pape  &  les  Prélats,  en  donnant  les  charges  6c 
les  bénéfices  à  des  Prêtres  indignes  qui  déshonorent  J.  C.  ôc  fon 
Eglife,  &  en  vendant  la  remiffton  des  péchez  à  beaux  deniers 
comptans  au  mépris  de  la  Grâce  de  J.  C.  Il  n'en  demeure  pas  là. 
Comme  s'il  ne  s'étoit  pas  encore  expliqué  aflez  clairement,  voici 
comme  il  entend  ces  abominations  multipliées  par  fept.  C'eft  1. 
la  défolation  des  feptefprits  de  J.  C.  ôcTintrodu&ion  des  fept  ef- 
prits  del'Ante-Chrift  5  2.  la  défolation  des  fept  vertus  dont  il  y 
en  a  trois  Théologiques,  la  Foi,,  l'Efperance,  ôc  la  Charité,  ôc 
quatre  Cardinales,  la  Tempérance,  la  Prudence,  la  Force  ôcla 
Juftice  j  3.  la  multiplication  des  fept  péchez  mortels  {feptem  capi- 
talium peccatorum famo ^fomrri)  54.  la  défolation  des  sept  Sacre- 
mens  instituez  par  Jésus -Christ  j  5.  l'introduction  de 
toutes  les  erreurs  ôc  inventions  des  hommes,  fur  tout  à  l'égard 
des  Sacremensiô.  la  défolation  de  la  y erité  Se  V  amour  des  fables.- 
7.  une  infinité  depromefles  humaines  &  par  conféquent  douteu- 
ses, n'ayant  pour  fondement  que  les  Bulles  des  Papes  (a).  Il  mar-  (ajFoi. 
queaurefte  ici  &  en  divers  autres  endroits  le  commencement  ôcccccvi.b. 

(  1)  Qui  exijlentes  primi  Ç$  proximi  Cbrijlojefti ,  &  immédiate  difeipuli  ,  $$  omnia  fecreta  ipjiuî 
'Jefu,ipjîu(que  ingreffum  &  cgreffitmfcientes  jtpfum  dulciter  ofculando  quafi  Magifirum  $$  amicum  , 
tradunt  ob  amorem  hiijtts  vitx  ^gloria  $$  divitiarum  Magiflratui  Templi ,  id  efi ,  itiferioribus  Cle- 
ricis  î$  Sacerdotibus  ad  illttiendum,  confpuendum  ,  <$  pulcherrimam  plenamque  gratiarum  faciem 
vdandum'tf  irridendum.  Quod  tpjtfummo  Sacerdoti ,  vel  fummis  Sacerdotibus contigit  tune  ,  dum 
0Jficiaî$  bénéficia  ttniverj x  Ecclejixmolliter  <$ faciliter  difpenfant  indignis  Clericis ,  dulciter  $$  bé- 
nigne gratiam  facientes generalem  ,  $$  omnibus  avaris  £>  cupidis ,  quifponte  Ç5>  rapide  requirunt,^ 
fctttnt  ai  ipftsgradus  in  pcclejta  ,  î$  bénéficia  tf  officia Ecdejta Sattftœ.  Fol.  GCCCHI.  b. 

QJj 


ii4     HISTOIRE    DU     CONCILE 

^414.  l£s  progrès  de  ces  abominations  _,  depuis  que  parla  folle  (flultàm) 
Donation  de  Confantin ,  le  Pape  &  le  Siège  de  Rome  fe  font  arro- 
gez èc  refervez  la  collation  arbitraire  &  tyrannique  de  tous  les  Ré- 
(a;  Fol.  néfïces  (a).  C'eft;  alors  que  la  fplendeur  ôc  la  gloire  du  Pape  &  des 
ccccviii.  Cardinaux  a  paru  dans  Ton  plus  grand  éclat 3  èc  que  la  force  des 
reins  &  du  ventre  du  Zeviathan  s'efl  merveilleufement  dilatée  par 
tout  l'Univers. 

Dans  la  fuite  de  la  Prophétie  d'Ezgchiel ,  Dieu  montra  à  ce 
Prophète  des  femmes  qui  pleuroient^^/V  (1).  Il  croit  voir  dans 
cet  emblème  les  mœurs  efféminées  des  Prélats ,  cette  vie  molle 
&c  délicate  qui  Iqs  fait  plus  relîembler  à  des  femmes  qu'à  des  hom- 
mes, dont  la  force  6c  la  vertu  doit  être  le  caractère.  Il  les  repre- 
fente pleurant  Adonis  3  parce  qu'ils  font  beaucoup  plus  fenfibles  à 
la  perte  de  leurs  honneurs,  de  leurs  biens  3  de  leurs  plaifirs,  qu'à 
celle  de  leur  falut ,  &  à  l'exil  delà  vérité  &  de  la  vertu.  »  S'il  meurt 
?>  quelque  grand  du  fiécle,  ils  le  canonifent  3  ils  l'exaltent ,  ils  en^ 
«tonnent  à  fon  honneur  des  chanfons  lugubres 3  en  un  mot  ils 
«pleurent  Adonis  3  parce  qu'il  leur  faifoit  beaucoup  de  bien.  Mais 
»  ils  oublient  Jefus  crucifié,  qui  a  fondé  (on  Eglife,  qu'il  a  puri- 
»fïée  par  fon  fang  ,  &  qu'il  a  enrichie  de  tant  de  donsfpirituels. 
»  Ils  ne  s'avifent  point  de  pleurer  la  perte  de  la  charité  &  de  la 
fb  )  Fol.  x  grace  de  J.  C.  en  eux  ,  non  plus  que  la  retraite  du  St.  Efprit  (b). 
Il  n'épargne  pas  plus  les  Séculiers  que  les  Eccléliaftiques.  Il 
trouve  dans  les  premiers,  aufïï-bien  que  dans  les  autres,  cette 
Femme  que  VApocafypfe  repré&ntç  au  chapkre  XVII.  montée  fur 
une  bete  de  couleur  cfécarlatte.  Il  cenfure  les  Nobles ,  de  ce  qu'ils  fa- 
crifient  leur  vieôc  leur  falut  à  leur  vaine  gloire  6c au  faux  honneur 
du  monde  par  la  fureur  des  duels.  Il  entre  dans  un  grand  défail 
des  habits,  tant  des  hommes  que  des  femmes  3  &  il  y  trouve  des 
amorces  fcandaleufes  à  la  luxure  (2).  Il  prétend  que  la  Bête  de 

(1)  Selon  la  Vulgatp  &  Port-Royal. 

(  l)  Voyez  la  defcn'ption  de  ces  habits  dans  tout  le  chapitre  XLIX. 

Veruntamen  in  eo  me  talibus  pluries  compati  oportebat ,  quod  feilicet ,  dum  ita  veftibus  CHYtis 
1$  pr&cijis  nimium  non  mtidiee  fuper  anum  à  retris  ,  ano  quaji  totaltter  à  vefîibus  deuudato  ,  falum 
panno  caligarum  locum  lions  vel  fecreto  for  aminé  meatus  flercorum  operiente  ,  contigit  pluries ,  quod 
m(ais  lifdem  pantins  ruptus  vel  difjutuf,quia  ipjum  nimis  ££  quajtpellem  in  tympanis  violenter  diflen- 
debant ,  talium  anum  midumjîmul  î$  virilia  denudatum publiée  inEcclefavelinforo,  palam  om- 
nibus volentibus  infpicere  oflendebant  :  enimvero  ilhtderat  deplerumque  contlngens  ,  dam  tncumbe- 
bat  illis  neceffitas  inclinarevel genu  unumaitt  ambo  ,  velcoramfœminis,  velcoramDeo  inEcclefia; 
quia pannits  erat  caligarum  ï$ Juper  genitalia  nimis  violenter  dijlentus  ,  ruptis  pra  violentia  futur is 
àpanniplenitudine ,  excutiehatur  adprofpeilumhominum  nudumveretrutn  ,  vel  lien  ,  anus  ,  aut 
*mho,r£  quandoque  flumunum  denudatum  génitale.  In  hoc  tatnen  légales  fe  ojlendebant ,  quod  pro 
tali  fuccrjfarubjr  eos facile perfundebat.  Fol.  CCCCXX1X. 


417 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  115 

Y Apocalypfe  repréfente  des  Séculiers  vicieux  &  emportez  comme  1414 
les  bêtes  par  la  fureur  de  leurs  paiïions ,  que  les  fept  têtes  &,  les  dix 
cornes  repréfentent  les  Empires  politiques ,  &  que  la  femme  mon- 
tée fur  la  bête  &  vêtue  de  pourpre  &d'écarlate, parée  d'or  3  de 
pierres  précieufes ,  de  perles,  ayant  à  la  main  un  vafe  d'or  plein 
des  abominations  &  de  l'impureté  de  fa  fornication  .,  représente 
lesEccléfiaftiquesquiféduifent  le  monde  &  l'Eglife,  fous  les  or- 
nemens  &  les  apparences  de  la  fainteté.  D'où,  il  conclut  que  les 
Eccléfiaftiques  font  plus  coupables  que  les  Séculiers ,  parce  que 
ces  derniers  ne  font  qu'abufer  des  chofes  terreftres  qui  font  de  leur 
reffort,  au  lieu  que  les  autres  abufent  des  grâces  de  Dieu,  &  des 
biens  fpirituels ,  pour  contenter  leur  fafte&  leurs  voluptez^  pré- 
ientant  le  poifon  aux  Peuples  dans  une  coupe  d'or  (a).  60  Foi. 

«V  *  CCCXVII 

VII.  Comme  il  eft  animé  d'un  grand  zèle  contre  les  Moines ,  b. 
ordinaires  Quêteurs  des  Indulgences ,  il  y  revient  fouvent.  Il  leur  cccxcix. 
applique  ce  paflage  d'^^^W  XI II.  10.  1 1.  où  il  eft  parlé  des  faux 
Prohétes  qui  enduifoient  la  muraille  du  Templeavec  delà  boue 
fans  paille ,  &  qui  prêchoient  paix  &  fureté  au  peuple  lorfqu'il  n'y 
avoit  ni  pajx  ni  fureté.  »  C'eft,  dit-il ,  ce  que  font  les  Moines  par 
«les  faufles  promefTes  de  leurs  Indulgences  qu'ils  publient  avec  la 
5»  dernière  impudence.  Munis  ,  comme  ils  font,  de  l'autorité  Pa- 
»  pale  ,  ils  courent  çà  &  là  pour  dépouiller  les  fimples ,  fous  l'efpé- 
»rance  d'obtenir  la  rémifllon  de  leurs  péchez.  On  ne  fçauroit 
croire  combien  ils  s'enrichifient  eux  &  leurs  Communautezà  cette 
indigne  vénalité  d'une  grâce  qui  n'eft  due  qu'à  la  miféricorde  di- 
vine. C'eft  delà,  qu'ils  tirent  ces  fommes  immenfes  ,  pour  bâtir 
des  Monafteres,  &  d'autres  édifices  fuperbes ,  enrichis  &  enjoli- 
vez de  tousles  ornemensôc  de  tous  les  colifichets  capables  d'atti- 
rer les  peuples,  d'images  &  de  Statues,  où  ils  font  accroire  que 
Dieu  &  les  Saints  opèrent  de  grands  miracles ,  atteftez  par  des  té- 
moins &.  par  des  Bulles ,  &  devenus  par  là  fi  inconteftables  3  que 
fouvent,  fi  on  les  en  croit,  l'incrédulité  a  été  punie  par  des  juge- 
mens  manifeftes  delà  juftice  Divine.  Quand  ils  ont  amafTéplus 
qu'il  ne  leur  faut  pour  leurs  édifices  fuperflus,  ils  n'ont  garde ,  dit- 
il,  d'imiter  Moïfe ,  qui  voyant  que  le  peuple  donnoit  trop  pour 
la  conftruclion  du  Tabernacle ,  défendit  publiquement  de  s'élar- 
gir davantage.  Il  prétend  auffi  que  la  Prophétie  de  Y  Apocalypfe  3 
touchant  la  femme  eny  vrée  du  fang  desSaints,,leur  convient  beau- 
coup mieux  encore  qu'aux  Prêtres  Séculiers.  Il  fait  confifter  prin- 
cipalement cette  yvrede  en  ces  chofes.  1.  En  ce  qu'ils  reçoivent 


ii6  HISTOIRE  DU  CONCILE 
14.14.  pour  le  pardon  des  péchez  de  l'argent  &  despréfens  donc  ils  font 
bonne  chère,  mangeant  Se  buvant  ainfi.  les  péchez  du  peuple.  1, 
En  ce  que  même  ,  fous  le  prétexte  des  Indulgences  ,  ils  employent 
leurs  exactions  en  vaines  dépenfes  &  en  débauches,  volant  aux 
ouvriers  leur  falaire,&  aux  pauvres  leur  fubflftance.  Il  juge  que  les 
Moines  font  d'autant  plus  coupables  de  ce  péché,  qu'ils  le  com- 
mettent fans  nul  prétexte  de  vocation  ,  au  lieu  que  les  Prêtres  or- 
dinaires ,  comme  des  ouvriers  établis  pour  travailler  à  la  vigne  du 
Seigneur  font  dignes  de  leurs  falaires,  pourvu  qu'ils  n'exigent  rien 
au-delà ,  &  qu'ils  n'en  faflent  pas  un  mauvais  ufage.  Il  trouve  d'au- 
tant plus  d'inconvéniens  dans  cette  multitude  de  Moines,  que 
par  leur  relâchement  Scieurs  promefles  du  Paradis  ,  ils  détruifenc 
tout  ce  que  les  Prêtres  édifient  par  l'exercice  d'une  jufle  feverité. 
Ilss'enyvrent  du  fangdes  Saints  ,  en  déchirant  &  en  perfécutant, 
comme  ils  font,  à  l'exemple  des  Pharifiens,  les  Prédicateurs  de 
la  vérité.  En  général  tout  ce  qu'il  y  a  de  gens  de  bien  ,  qui  préfè- 
rent la  parole  de  Dieu  aux  traditions  humaines,  &  une  pieté  fin- 
cere  à  la  fuperftition  &  à  l'hypocrifîe,  ils  les  traitent  d'héréti- 
ques ,  de  Picards  cachez  ,  de  Turlupins  &  de  Eègards.  Ils  font  tout 
cela  avec  tant  d'audace,  qu'il  n'y  a  ni  Evêque,  ni  Curé,  ni  mê- 
me Pape  qui  ofe  les  contredire,  parce  qu'ils  font  foutenus  par  les 
Grands  infatuez  de  leurs  Indulgences ,  ou  dupes  de  leur  hypocri- 
fîe.  4.  Ilss'enyvrent  du  fangdes  Saints  en  employant  à  fatisfaire 
teur  gourmandife  Scieur  y  vrognerie,  les  mérites  que  les  Saints  & 
les  Martyrs  ont  acquis  par  leur  fang,  parce  qu'ils  tirent  de  l'argent 
de  leurs  fuffrages  &  de  leurs  prières.  Jean  Mus  ne  prétend  pour- 
tant pas  envelopper  tous  les  Moines  dans  cette  cenfure  ,  ou  plutôt 
dans  cette  invedive  générale.  Il  en  excepte  ceux  qui  vivant  dans 
la  retraite,  &  occupez  à  des  exercices  de  pieté  fe  tiennent  dans 
les  bornes  &  dans  l'efprit  de  leur  état. 

C'eft  à  peu-près  là  tout  ce  quieft  répandu  &  fouvent  réfuté 
dans  ce  Traité ,  mais  avec  un  emportement  ,  une  grolTiereté , 
quelquefois  même  une  obfcenité  qui  ne  peut  avoir  de  juftes  appro- 
bateurs.-Il  y  a  d'ailleurs  tant  de  jeux  de  mots,  toujours  mauvais 
en  eux-mêmes ,  mais  {ïobfcurs&fïinfipides,  à  caufe  delà  diver- 
fité  des  Langues ,  qu'il  a  été  impoffible  d'en  faire  honneur  à  l'Au- 
teur,.quoiqu'il  femble  s'y  applaudir  beaucoup.  Après  ce  qu'il  à 
dit  çà  èc  là  contre  les  Moines  &.  les  Religions ,  ou  les  Selles ,  com- 
me il  parle,  il  feroit  fort  inutile  d'entretenir  le  public  de  fon  petit 
Traité  de  la  neceljïtè de  leur abolition.  Comme  cette  multitude,  U 


DE      PISE.     Liv.  VIIL  117 

cette  bizarre  diverfité  d'Ordres  de  Religieux  eft  un  fruit  des  Tra-    1414. 
dirions  humaines  ,  on  peut  aifément  juger  qu'il  n'eft  pas  moins  d'a- 
vis de  les  abolir ,  pour  s'en  tenir  uniquement  à  l'Ecriture  Sainte. 
Il  en  rend  deux  bonnes  raifons.  L'une  efl  que  ce  grand  nombre 
d'obfervances  humaines ,  détourne  de  la  pratique  des  bonnes  œu- 
vres commandées  dans  la  Loi  de  Dieu  &  dans  l'Evangile ,  6c  difli- 
pent  la  force  6c  la  vertu  du  Chrétien.  L'autre  ,  que  ces  pratiques 
humaines ,  ou  ces  Commandemens  de  l'Eglife  fervent  de  prétexte 
aux  libertins ,  aux  fuperftitieux  6c  aux  hypocrites  de  fe  difpenfer 
des  vertus  folides ,  parce  que  les  pratiques  extérieures  coûtent 
toujours  beaucoup  moins  que  le  Sacrifice  du  cœur.  Entre  les  Tra- 
ditions, il  n'en  trouve  pas  de  plus  pernicieufes  que  celle  qui  re- 
garde le  culte  des  Images.  Il  faut  l'entendre  parler  lui-même. 
»  N'eft-cepas,  dit-il,  une  chofe  déplorable,  que  le  plus  grand 
»  nombre  de  ceux  qui  prétendent  être  les  maîtres  5c  les  fages  dans 
»  l'Eglife  ,  ont  établi  par  leurs  décrets ,  qu'il  faut  fervir  6c  adorer 
»  les  ftatués  de  bois ,  de  pierre  ,  d'argent ,  6cc.  contre  la  défenfe 
»  formelle  de  Dieu  :  Tu  ne  les  adoreras  point  3  &  tu  ne  -les  ferviras 
»  point.  C'eft  en  vain  qu'on  allegueroit  contre  ce  commandement 
«l'autorité  de  Thomas  d'Aquin  6c  des  autres  Docteurs.  Car  ce 
»  qu'ils  ont  dit  là-deflus,  ils  nel'ont  pas  dit  affirmativement,  mais 
»  feulement  par  manière  de  difpute ,  encore  étoit-ce  dans  les  éco- 
*>  les  èc  parmi  les  Sçavans.  Mais  c'eft  toute  autre  chofe  ,  de  débiter 
»ces  proportions  en  Chaire,  d'une  manière  décifîve  6c  fur  tout 
«devant  les  (impies,  à  qui  l'on  confeille  au  préjudice  de  leur  falut 
»  d'avoir  des  Statues  de  bois  6c  de  pierre.  Une  telle  doctrine  ne 
»  fçauroit  qu'expofer  le  Chriftianifme  aux  médifances  &  aux  ca- 
lomnies des  Juifs  ôc  des  Payens,  qui  reprocheront  avec  raifon 
«aux  Chrétiens  d'être  des  Idolâtres,  pendant  qu'ils  en  accufenc 
»  eux-mêmes  les  Payens.  Othon  de  Bruns fels  3  qui  a  le  premier  pu- 
blié ces  Traitez,  y  en  ajoute  d'autres  qu'il  attribue  auiîi  à  Jean 
Elus.  Tel  eft  celui  de  l'unité  de  l'Egli 'fe ,  où  il  n"y  a  rien  qu'il  n'aie 
dit  avec  beaucoup  plus  d'étendue  dans  fon  Traité  exprès  fur  cette 
matière ,  comme  on  l'a  vu.  Il  y  en  a  encore  un  autre ,  mais  impar- 
fait ,  touchant  la  perfection  Evangelique.  Il  fufïïra  d'en  rapporter 
le  fommaire  fait  par  Othon  de  Bruns  fels  lui-même.  L'Auteur,  dit- 
il  ,  traite  de  la  neceljitè  de  recevoir  £  Evangile  &  de  le  pratiquer.  Com- 
me il  efl  impoffible  ,  dans  cet  état  de  fragilité ,  d'accomplir  exactement 
les  Commandemens  de  Dieu ,  le  mérite  de  la  mort  de  J.  C.  fuppîée  à  ce 
qui  nous  manque.  Tout  ce  que  nous  faifons  de  bon ,.  ne  fi  point  de  nous  , 


n8     HISTOIRE    DU     CONCILE 

I  4.74..    &  efi  de  Dieu  qui  opère  en  nous  :  ainfi  ce  n'eft  pas  nos  mérites  que 
Dieu  récompenfe ,  ce  font  les  mérites  de  Je  fus  Chrifi.  Cefi  à  nous  de 
combattre  le  monde  &  le  péché  y  mais  notre  force   &  notre  victoire 
vient  de  Dieu.  Il  ejl  fi  bon  ,  que  quand  l'effort  &  ly  intention  font  fin- 
ceres ,  //  les  prend  pour  l'effet  ,  parce  que  fa  miféricorde  l'emporte 
fur  fa  juftice.  Il  ne  faut  pas ,  au  refie ,  juger  de  l' Evangile  &  de  la 
Religion  ,  par  la  vie  des  Chrétiens ,  comme  font  ceux  qui  fe  fcandali- 
fent  de  voir  des  défauts  dans  les  Saints.  Mais  la  fragilité  humaine,  non 
plus  que  la  liberté  Ev  angeli  que  fi  auto  ri  fe  point  la  pare ffe  &  le  liberti- 
nage. Le  même  Auteur  publia  encore  quelques  autres  Traitez  de 
Jean  Hus  zutti  incomplets.  Ce  font  plutôc  des  fragmens  que  des 
Traitez.  Tels  font  ceux  du  Myftere  d'iniquité  de  l'Ante-Chriffc  j 
de  la  révélation  de  £ Ante-Chrift  (1).  Je  n'ai  rien  trouvé  de  confi- 
derable  dans  le  premier,  que  ce  qu'il  dit  fur  le  culte  des  Saints.  Il 
compare  ceux  qui  perfécutent  &  font  mourir  les  Saints  vivants ,  Se 
qui  béatifient  les  morts  j  il  les  compare  aux  chafïeurs  qui  mangent 
ce  qu'ils  ont  tué,  £c  qui  en  mangeant  louent  beaucoup  les  mor- 
ceaux, pour  animer  les  autres  à  la  chafle  y  aux  Juifs,  qui,  après 
avoir  fait  mourir  les  Prophètes ,  ornoient  &.  blanchifloient  leurs 
tombeaux  5  aux  Romains,  qui  tuoient  leurs  Empereurs,  &  puis 
leur  drefîoient  des  ftatuës,  èc  les  mettoient  entre  les  Dieux.  Il 
dit  que  le  culte  des  Saints  eft  une  invention  du  Diable,  pour  dé- 
tourner les  hommes  de  l'amour  &  de  la  charité  commandée  dans 
l'Evangile  ,  envers  les  Saints  qui  iont  fur  la  terre.  »  Tous  les  Com- 
>»mandemens  de  l'Evangile,  dit-il ,  fe  rapportent  à  la  Charité,  à 
«la  Juftice,  aux  bons  offices,  &.  à  tous  les  autres  devoirs  envers 
»  nos  prochains ,  Se  entre  ceux-là  envers  ceux  qui  font  Saints.  Mais 
»  les  Saints  du  Ciel  ne  font  plus  nos  prochains,,  ils  font  bien  loin 
»  de  nous ,  dans  un  état  qui  n'a  nul  rapport  au  nôtre.  C'eft  pour- 
»  quoi  l'Ecriture  n'a  rien  preferit  à  leur  égard.  Il  eft  donc  bien 
«plus  raifonnable  de  cultiver  les  vivants,  lèlon  l'ordre  de  Dieu, 
»  que  defervir  les  morts ,  fans  aucun  ordre  divin  ».  Il  veut  pour- 
tant bien  qu'on  loue  Dieu  dans  les  Saints,  félon  l'exhortation  de 
(a)  xljv.  1' 'Ecclefiafiique ,  (a)  &  qu'on  fafle  une  mention  honorable  de  leurs 
vertus,  fuivant  l'ancienne  coutume  de  l'Eglife.  Ce  culte  immodéré 
des  Saints ,  dit- il ,  vraye  invention  de  l'Hipocrifie ,  eft  une  fource 
inépuifable  de  fuperftitions  ,  au  préjudice  delà  vraye  fainteté.   On 

(1)  II  une  Librum  invenimus  prorfus  mancam<$  indigeftnm  :  $  multa  non  cobœrebant  :  qttœdam 
pTitpnjhre  dicebantur.Unde  appartt  ab  fludiofo  quopictm  extracknm  ex  voluinïne  eni  titulus fuerit  :  De 
myilerio  iniquitatis  Anti-Chriiti.  Qnodipjum  indiçabant  ad  marginem  nota.  Nos  pro  viribus  in 
çupita  digejfitnns. 

exalte 


3.  2» 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  129 

exalte  les  vertus  des  morts  dont  l'exemple  efi  trop  éloigne  j  on  infpire  du  \  4 1 4.. 
mépris  pour  la  fainteté  des  vivants  dont  l'exemple  feroit  pourtant  beau- 
coup plus  efficace.  C'efi,  dit-il,  l'orgueil 3  la  cruauté  3  l'avarice,  la 
molle jfe 3  &la  volupté ,  qui  ont  enfanté  ce  culte.  La  vanité  efi  flattée 
à  exalter  les  vertus  des  morts  j  il  n'en  coûte  rien  à  l'amour  propre ,  mais 
l'envie  bleffée  de  la  vertu  des  vivants  fait  tous  fes  efforts  pour  en  ter- 
nir l'éclat.  Ils  font  gracieux  envers  les  Saints  qui  font  dans  le  Ciel  3 
parce  qu'ils  font  au-  de (fus  des  atteintes  de  leur  cruauté  ,  &  que  même  ils 
craignent  d'en  être  mal  recommandez^auprès  de  Dieu  ,  mais  ils  font 
cruels  3  &  ils  fe  prévalent  de  leur  force  &  de  leur  autorité  envers  les 
Saints  qui  font  fur  la  Terre,parce  qu'ils- ont  intérêt  à  opprimer  la  vertu. 
Ils  font  avares  envers  les  Saints  qui  font  fur  la  Terre  '■>  non  contents  de 
ne  les  pas  affifter ,  ils  les  dépouillent  •  ils  font  libéraux  envers  les  Saints 
glorifie^  qui  n'ont  befoin  de  rien.  Ils  revêtent  avec  luxe  les  os  des 
Saints  3  defoye  3  d'or ,  $•  d'argent ,  £7*  ils  les  logent  magnifiquement , 
■pendant  qu'ils  refufent  le  vêtement  &  l'hofpitalité  aux  pauvres  mem- 
bres de  J.  C.  Ils  exaltent  les  jeunes  &  lafobrieté  des  Saints  qui  font  fur 
la  terre ,  ///  s'enyvrent  &s'engraijfent  à  leurs  dépens. 

Jean  Mus  fait  main  balle  fur  tout  ce  qu'on  die  des  miracles  des 
Saints  dans  les  légendes 3  pour  entretenir  le  culte  fuperftitieuxr 
On  y  trouve ,  par  exemple 3  que  quelques-uns  qui  fe  font  dévouez^  à  Ste 
Marie ,  à  Ste  Catherine  3  ou  à  d'autres  fcmblable  s  y  ont  été  délivrez^ 
de  leurs  malheurs.  On  y  promet  que  ceux  qui  ferv iront  tel  ou  tel  Saint  ne 
recevront  point  de  pauvreté ,  éviteront  telle  ou  telle  maladie  ,  ne  mour- 
ront point  fans  Sacrement ,  ou  en  péché  mortel  l  qu'un  tel Saint  leur  ap- 
paroitra,  comme  Marie  a  apparu  à  l'heure  de  la  mort,  à  celui-ci ,  ou 
à  celle-là.  C  'efi  par de  pareilles fables ,  &  par  ces  vaines  pr  orne ff es  que 
le  diable  éteint  &  crucifie  J.  C.  dans  le  coeur  des  hommes  3  les  remplit 
d'une  fauffe  tranquillité. 

Il  n'y  a  rien  de  fort  particulier  dans  le  Traité  de  la  Révélation 
del' Ante-Chrifi.  Ce  font  toujours  des  applications  d'Ezechiel  3  des 
autres  Prophètes ,  de  \' Apocalypfe ,  &  de  tous  les  paflages  de  l'An- 
cien &  du  Nouveau  Teftament,  où.  il  eft  parlé  des  méchans,  des 
impies  3  des  hypocrites  ,  des  faux  Prophètes.  C'eft  toujours  la. 
paillarde  Spirituelle  Se  Myfiique ,  c'eft  Gog  &  Magog  3  qui  fédui- 
fent  les  Nations  fous  le  nom  &  dans  la  Maifon  de  J.  C.  L'Ante- 
Chrift  n'eft  pas  le  diable ,  c'eft  fon  efprjt  qui  s'eft  emparé  des  maur 
vais  Chrétiens ,  en  particulier  des  Moines  &  des  Prêtres  charnels 
qui  font  les  Satrapes  de  l'Ante-Chrift  ,  lequel  eft  le  Pape  défigné^ 
félon  lui,  z.  Theff.  II.  3.4,  Le  corps  de  l'Ante-Chrift  ,  c'eft  1» 
Tom.  IL  Part.  IL  R 


130     HISTOIRE    DU     CONCILE 

1414.  multitude  des  Chrétiens  mondains  qui  apoftaile  &  qui  abandonne 
J.  C.pourfuivrele  monde.  Plus  un  Chrétien  de  ce  cara&ere  eft 
élevé  en  dignité  dans  l'Eglife  3  plus  il  approche  de  la  tête  de  l'An- 
te-Chrift.  Mais  celui  qui  eft  au  fuprême  degré  dans  l'Eglife  &  à 
la  tête  de  tous  les  autres  3  celui-là  eft  le  fouverain  Ante-  chrifi  dé- 
nommé fîngulierement  par  l'Apôtre  en  ces  termes  :  Cela  n  arrive- 
ra point  que  la  révolte  ne  foit  arrivée  auparavant ,  &c.  »  Comme  le 
«peuple  Chrétien  3  continue-t-il ,  n'a  pas  été  pris  d'entre  les  Prê- 
»  très  _,  mais  que  ce  font  les  Prêtres  qui  ont  été  pris  d'entre  le  peu- 
»ple,  ainfi  tel  qu'eft le  peuple,  tels  doivent  être  les  Prêtres  ^  fi  le 
«peuple  eft  charnel,  il  faut  que  les  Prêtres  le  foient.  Un  peuple 
»  divifé  èc  diflemblable  aura  des  Prêtres  divifez&  bigarrez.  Car 
»  Dieu  ,  donr  les  œuvres  font  parfaites  3  prend  foin  d'ajufter  à 
«chaque  corps  une  tête  qui  lui  foit  propre  ,  &.  de  donner  aux 
«  membres  un  chef 3  tel  qu'ils  le  demandent.  A  un  peuple  dur  & 
«cruel,  il  lui  donne  un  Chef  dur  &  cruel.  A  un  peuple  doux  & 
«  craignant  Dieu  ,  il  lui  donne  des  conducteurs  doux  &  craignants 
«Dieu.  A  un  peuple  déchiré,  frappé  d'étourdiflement  (vertigi- 
»nofo)  il  lui  donne  une  tête  diviféeôc  déchirée.  A  un  peuple  bien 
»  uni  &  uniforme  ,  il  lui  donne  une  tête  unie  fans  difformité,  & 
«par  tout  femblable  à  elle -même.  On  verra  dans  YHiftoire  du 
Concile  de  Confiance  les  Ouvrages  que  Jean  Mus  compofa  dans 
cette  Ville  juf  qu'à  fa  mort. 
ireuUesde  XVI.  On  ne  pouvoit  pas  reprocher  à  Henri  V.roï  d'Angle- 
'ReUgion  en  terre  la  même  négligence  dont  on  accufoit  Wenceflas  roi  de  Bohê- 
me, à  arrêter  les  progrès  de  ce  qu'on  appelloit  les  Nouvelles  doc- 
trines. Le  jeune  Monarque  Anglois  fuivit  fort  bien  à  cet  égard  les 
traces  de  Henri  IV.  fonpere  &  fon  prédecefïeur,  qui,  comme 
(a)  Livre  VI.  on  l'avûfa),  avoit  quelques  années  auparavant,  fîgnalé  fon  zèle 
ï>-  *7*«  contre  les  Wiclefîtes  connus  alors  fous  le  nom  de  Lollards.  Les  Hif- 
toriens  font  fort  maigres  3  &  même  ne  font  pas  d'accord  entre  eux 
fur  l'origine  de  ce  dernier  mot.  J'ai  appris  d'un  fçavant  Anglois 
(b]Monfieur  (b)  qu'on  croyoit  communément  que  les  Wiclefîtes  avoient  été  ap- 
kDodeur  ^t\\ei  Lollards  d'un  certain  Nicolas  Lollard  3  Barbe  ou  Mi- 
niftre  Vaudois ,  qui  s'étant  réfugié  en  Angleterre  y  répandit  fa 
doctrine,  &  qu'il  y  a  eu  deux  ou  trois  Barbes  Vaudois  qui  onc 
porté  le  nom  de  Lollard.  Quoi  qu'il  en  foit ,  l'Edit  de  Henri  IV. 
contre  les  Lollards  portoit ,  que  par  tout  où  l'on  en  reneontre- 
roit  ils  feroient  arrêtez  &  mis  entre  les  mains  de  l'Evêque  duDio- 
cefe.  Que  s'ils  periiftoient  dans  leur  do&rine >  les  Prêtres  feroienc 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  r3 1 

dégradez  &  livrez  au  bras  féculier.  C'eft  ce  qui  fut  exécuté  à  l'é-     1414., 
gard  d'un  Prêtre  Lollard ,  qui  apparemment  eft  Guillaume  Thorj>> 
dont  le  fupplice  eft  raconté  dans  l'Hiftoire  des  Martyrs  (a).  (.1)  Vv.  11. 

Ilferoit  aflezdimciledefçavoir  au  vrai  les  fentimens  des  Loi-  P'4î-48' 
lards,  fio$  n'avoit  pas  les  A  Fies  d'Angleterre  recueillis  par  M.  Ry- 
mer%  parce  qu'on  peut  foupçonner  de  partialité  les  Hiftoriens  des 
deux  partis  qui  en  ont  parlé  >  &  que  d'ailleurs  tous  les  papiers  qui 
concernoient  les  Lollards  ont  péri  dans  un  embrafement  où  fut 
confumée  la  Tour  appeliée  des  Lollards  près  de  l'Eglife  de  St.  Paul 
à  Londres  (1)  Ces  Ailes  £  Angleterre  contiennent  une  proclama- 
tion de  Henri  V.  contre  les  Lollards,  le  Procès  &  Oldcafiel  connu 
fous  le  nom  de  Lord  Cobham ,  &  un  Edit  d'amniftie  en  faveur  des 
Lollards.  L'Edit  eft  datte  du  21.  d'Août  141  3.  Il  porte  en  fub- 
ftance,  1.  Qu'aucun  Chapelain  {Capellani)  de  quelque  grade, 
état ,  &  condition  qu'il  foit  n'ait  à  tenir ,  dogmatifer,  prêcher ,  dé- 
fendre la  doctrine  des  Lollards.  2.  Q^aucun  des  Sujets  du  Royau- 
me n'adhère  &  ne  prête  confeil  ou  fecoursaux  dits  Prêtres  Lol- 
lards ,  fous  peine  d'emprifonnement,  &deconfifcation  des  biens 
des  coupables.  Il  eft  défendu  à  tous  Eccléfiaftiques  fufpe&s  de  Loi- 
lardifme  de  prêcher  fans  une  permifîion  exprefle ,  &  dans  toutes  les 
formes  ,  de  (on  Diocefain ,  fous  les  mêmes  peines. 

A  l'égard  du  Procès  à.' Oldcafiel ,  on  le  trouve  rapporté  tout 
entier  dans  l'Hiftoire  des  Martyrs  (b)  avec  beaucoup  de  fidélité  &  0>) Liv- n- 
tel  qu'il  eft  dans  les  Actes.  On  trouve  dans  ces  Actes  une  Lettre  de  P*7Î*7*' 
Thomas  Arondel ,  Archevêque  de  Cantorberi ,  à  Richard  Evêque 
de  Londres ,  où  il  lui  raconte  toute  la  procédure  tenue  contre 
Oldcafiel. Il  dit  1 .  Que  dans  un  Synode  Provincial  aflemblé  à  Can- 
torberi pour  l'union  &  la  réformation  de  l'Eglife ,  il  avoit  été  con  - 
clu  qu'il  feroit  impoffible  de  parvenir  à  ce  but ,  fi  on  ne  pourfuivoic 
par  les  Cenfures  Eccléfiaftiques,  les  Grands  du  Royaume  qui 
prenoientenleur  protection  les  Lollards,  jufqu'à  les  livrer  au  bras 
féculier,  s'ils  continuoièht  à  maintenir  ces  hérétiques.  2.  Qu'a- 
près avoir  fait  une  recherche  exacte  de  ces  fauteurs  6c  protecteurs 
des  hérétiques,  on  avoit  découvert  &  déféré  le  Chevalier  Jean 
Oldcafiel ,  comme  un  des  principaux  d'entr*eux.  Que  ce  Cheva- 
lier avoit  envoyé  dans  les  Diocéfes  de  Londres ,  de  Rochefter ,  &  de 
tfcreforddes  Prédicateurs  Lollards  qui  prêchoient  fans  permiffion 
des  Ordinaires  9  Ôc  des  Diocéfains,  contre  la  conftitution  de  la 
Province  h  &  que  le  même  Chevalier  avoit  alîifté  à  leurs  criminel- 

(  1  )  C'eft  encore  ce  que  j'ai  appris  de  Mr.  le  Do&eur  de  Villa. 

Rij 


i3*     HISTOIRE    DU     CONCILE 

141 4.    les  prédications ,  &  intimidé  les  contredifans  par  mille  terreurs; 
jufqu'à  les  menacer  du  bras  féculier. 

3.  L'Archevêque  de  Cantorberi  expofe  fommairement  à  l'E- 
vêquede  Londres  la  dodrine  à' Oldcafiel.  »  Il  foutient,  dit-il ,  en- 
»  tre  autres  chofes ,  que  nous  \  ni  nos  Confrères  fuffragpns  de  no- 
»tre  Province  n'avons  pas  le  droit  de  faire  une  Conftitution  de 
»  cette  nature.  Outre  cela,  continue  t-il,  il  tient  ôtenfeigne, fur 
»  le  Sacrement  de  l'Autel,  fur  la  Pénitence,  fur  les  Pèlerinages, 
»  fur  l'adoration  des  Images  \  &:  fur  les  Clefs ,  une  dodrine  con- 
»  traire  à  celle  de  l'Eglife  Romaine  8c  de  l'Eglife  Univerfelle.  C'eft 
»  pourquoi  nous  avons  été  requis  par  les  Prélats  &  tout  le  Clergé 
*>  de  procéder  contre  ledit  Seigneur  Oldcaftel. 

4.  L'Archevêque  expofe ,  que  par  refpecl:  pour  le  Roi  qui  tenoit 
à  fon  fervice  ledit  Oldcafiel  3  &  pour  l'honneur  de  la  Chevalerie,on 
avoit  été  d'avis  unanimement  d'aller  trouver  le  Roi  lui-même ,  &: 
de  lui  dénoncer  l'hérétique.  Le  Roi,,  dit-il ,  nous  ayant  prié  de 
ramener  Oldcafiel  à  l'union  de  l'Eglife  fans  aucune  flétrifïure ,  nous 
avons  différé  pendant  long -temps  l'exécution  de  la  réfolution 
qu'on  avoit  pris  contre  lui.  Mais  enfin  s'érant  trouvé  inflexible 
même  aux  remontrances  du  Roi  _,  comme  ce  Monarque  nous  l'a 
témoigné  de  vive  voix  &  par  écrit,  nous  l'avons  cité  à  compa- 
ra) Cwviin.  roître  devant  nous ,  par  un  exprès  envoyé  dans  fon  Château  (a) , 
gue.  avec  ordre  de  faire  la  citation  avec  tous  \qs  ménagemens  poffibles. 

5.  L'Archevêque  raconte  cpf  Oldcafiel  ayant  refufé  de  recevoir 
la  citation,  ilfutréfolu  de  le  citer  par  Edit  affiché  aux  portes  de 
l'Eglife  Cathédrale  de  Rochefier 3  qui  n'eft  qu'à  trois  milles  d'An- 
gleterre de  fon  Château,  àcomparoître  devant  nous  le  2.  de  Sep- 
tembre jmais  que  n'ayant  point  comparu  ce  jour-là  il  a  été  cité 
publiquement  êcpréconifé  à  haute  voix  dans  notre  grande  Cha- 

(b)  Caftrum  pelle  (b)3  puis  déclaré  contumace  3  &  enfuite  comme  tel  excom- 
dsUdp.  munie.  Cependant  3  dit  l'Archevêque,  comme  nous  avons  ap- 
pris qu'il  fefortifîe  dans  fon  Château  pour  y  défendre  plus  fure- 
ment  Ces  opinions  3  nous  avons  réfolii  de  le  citer  encore  une  fois 
pour  le  23.  de  Septembre  3  afin  qu'il  allègue  les  raifons  qui  pour- 
roient  nous  empêcher  de  procéder  contre  lui,  comme  contre  un 
hérétique  <k  un  fchifmatique  notoire  3  êc  contre  un  ennemi  de  l'E- 
glife univerfelle  3  &  par  cette  raifon  d'implorer  contre  lui  le  f e- 
cours  du  bras  féculier. 

6.  Oldcafiel  ayant  été  arrêté  par  des  Officiers  du  Roi  3  &  con- 
duit à  la  Tour  de  Londres,  il  fut  amené  par  le  Commandant  de 


DE      PISE.    Liv.  VIII.  133 

la  Tour  à  l'Eglife  de  St.  Paul  de  Londres,  &  comparut  devant     1414; 
l'Archevêque  afïîfté  desEvêquesde  Londres  &  de  ^inchefter. 
Etant  là  préfent  on  lui  expofa  avec  beaucoup  de  douceur  &  d'hon- 
nêteté tout  ce  qui  s'étoitpaflé  à  fon  égard  ,  fçavoir ,  qu'il  avoit 
été  déféré  dans  l'AfTemblée  du  Clergé  de  Cantorberi  ^  qu'enfuite 
il  avoit  été  cité  ,  mais  que  n'ayant  point  comparu ,  il  avoit  été 
excommunié.  Après  quoi  on  lui  avoit  offert  fon  abfolution,  s'il 
pou  voit  fejuftifier.  Il  répondit  qu'il  étoit  prêt  de  leur  rendre  rai- 
fon  de  fa  foi ,  (I  on  lui  en  donnoit  lapermiflion.  Il  tira  de  fa  poche 
un  papier  qu'il  mit  entre  les  mains  des  Prélats  après  l'avoir  lu  tout 
entier.  Ce  papier  contenoit  une  Confeffion  de  fa  foi.  Comme  on  a 
eu  occafion  de  l'inférer  avec  le  refte  de  la  procédure ,  dans  unOu- 
vrage  imprimé  cette  année,onfe  contentera  d'y  renvoyer(a).  Après    r^TréUr- 
cette  procédure  O/^vr/^/perfiftant  dans  fa  déclaration  l'Arche-  votif  contre  la 
vêque  fulmina  contre  lui  Ôcfes  adhérants  fa  Sentence  d'excom-  f/s"/"^" 
munication  dattée  du  10.  d'O&obre  141 3.  Au  commencement  Kome,^.voii. 
de  l'année  fuivante  Henri  ^.publia  un  Edit  contre  Oldcafiel ,  qui  in ,8-imPri- 
avoit  trouvé  moyen  de  fortir  de  fa  prifon.  Il  eft  accufédans  cet  à  Amfter- 
Edit  non  feulement  d'héréfïe,,  mais  d'avoir  confpiré  contre  la  vie  darn>  chcz 
du  Roi,&  foulevd  les  Lollards  pour  cet  effet. C'eft.  pourquoi  le  Roi 
propofe  de  grandes  récompenfes  à  ceux  qui  arrêteront  0ldcaftel3&. 
qui  le  lui  livreront,  des  privilèges  &  des  Immunitez  confidérables, 
aux  Villes ,  Bourgs,  Villages  &  Communautez  où  il  fera  arrête. 
Quelques  mois  après  (b)  le  Roi  publia  une  Amniftie  contre  ceux     (b)LeaS, 
d'entre  les  Lollards  qui  avoient  conjuré  contre  lui ,  à  la  referve  de  Mars- 
JeanOldcaftel y  &c  d'une  douzaine  d'autres  perfdnnes  qui  étoient 
prifonnieres  dans  la  Tour  de  Londres.  C'eft  toutecqu'on  a  trou- 
vé touchant  cette  affaire  ,  dans  les  aétes  de  cette  année.  Pour 
n'en  pas  faire  «à  deux  fois ,  j'en  rapporterai  ici  la  fuite  fur  la  foi  de 
JValfîngham&cdes  Annaliftes  Continuateurs  de  Baronius  (c)  ,  fans    (c)  Bavut* 
prétendre  être  garant  des  faits.  %  ^Rapmidus, 

Quand  l'Archevêque  eut  prononcé  fa  Sentence  il  alla  lui-même 
en  donner  avis  au  Roi  ,&  lui  demanda  cinquante  jours  de  terme 
pour  tâcher  de  faire  rentrer  Oldcafiel  en  lui-même.  Ce  Prélat 
ayant  obtenu  ce  délai,  on  ramena  le  prifonnieràla  Tour  ,  dont  il 
trouva  bientôt  le  moyen  de  forcir.  Auffitôt  après  fon  évafion,  il 
écrivit  à  tout  ce  qu'il  avoit  d'amis  &  de  partifans  pour  les  engager 
à  force  de  promettes  dans  une  révolte  ouverte.  Depuis  ce  temps- 
là  jufqu'à  Y  Epiphanie ,  on  ne  vit  qu'attroupemens  de  Lollards  qi>i 
couroient  les  Villes  &  les  campagnes  pour  gagner  les  Païfans.les 


i34     HISTOIRE     DU     CONCILE 

14  14.    Artifans,  &  toute  forte  de  gens  propres  à  porter  les  armes.  En 
effet,  dèsle  commencement  de  l'année  1414.  ils  choifirent  «pour 
exécuter  le  deflein  qu'ils avoient  de  maflacrerle  Roi,  6c  toute  la 
Cour  ,  le  jour  que  ce  Monarque  célebroic  l'anniverfaire  de  fa 
00  Apud  naiflance  (a).  Mais  le  Roi  en  ayant  eu  avis  par  quelques  -  uns  des 
MUbam.        Conjurez  ,  fe  retira  fans  bruit  dansfon  Palais  de  IVefimunfier ,  pour 
être  plus  en  fureté ,  &  plus  à  portée  d'avoir  du  fecours.  Cepen- 
dant les  Lollards  s'avancèrent  la  nuit  de  tous  les  endroits  du 
Royaume  jufqu'à  St.  Gilles  près  de  Londres  ,  oà  on  difoic  qu'0/i- 
caftel  les  attendoit.  Le  Roi ,  qui  n'ignoroit  pas  leurs  mouvemens , 
avoir  fait  mettre  fesgens  fous  les  armes  ,  6c  fans  attendre  que  le 
jourpanic,  comme  on  le  lui  confeilloit,  il  voulut  qu'on  attaquât 
les  ennemis  pendant  la  nuit,  pour  prévenir  le  deflein  qu'on  leur 
imputoitde  vouloir  détruire  les  Eglifes  de  Wefimunfiery  de  Saint 
Alban  5c  de  Saint  Paul,  ôc  tous  les  Monafteres  de  Londres.  Cette 
attaque  nocturne  &  précipitée  réufïït  contre  toute  apparence ,  par 
une  méprife  des  Lollards,  dont  un  grand  nombre  fe  trouva  dans 
le  Camp  du  Roy  croyant  être  avec  leur  gens.  On  leur  demanda 
qui  ils  cherchoient  ,  Ôc  fur  ce  qu'ils  répondirent  ,  qu'ils  cher- 
choient  Cobham  leur  Chef,  ils  furent  arrêtez.  L'épouvante  fe  mit 
auflîtot  dans  le  refte  de  la  troupe  des  rebelles ,  d'autant  plus  qu'ils 
ne  voyoient  point  venir  de  Londres  le  fecours  qu'ils  en  atten- 
doient ,  parce  qu'on  ferma  les  portes  delà  Ville.  On  prétend  que, 
fans  cette  précaution  ,  il  fe  feroit  joint  à  eux  jufqu'à  cinquante 
mille  hommes,  tant  des  Citoyens  que  des  Laquais  Ôc  Apprentifs 
de  Londres.  Dans  cette  difperfion  générale  on  ne  pût  feavoir  de 
quel  côté  avoir  tourné  le  Chef,  quelques  promefles  que  le  Roi 
eût  fait  à  ceux  qui  le  découvriroient.  Les  prifonniers  déclarèrent 
qu'ils  avoient  conjuré  d'exterminer  le  Roy,  les  Grands  du  Royau- 
me ,  les  Prélats,  les  Religieux  rentez  ôc  Mendiants,  ôc  les  Bour- 
geois, On  leur  fit  leur  procès,  &  ils  furent  les  uns  écartelez,  les 
autres  rouez,  Ôc  tous  enfuite  brûlez.  L'hiftoire  parle  entre  autres 
d'un  Brafleur  fort  riche,  nommé  Guillaume  Mûrie (1) ,  à  qui  Old- 
caftel  avoit  promis  de  le  faire  Chevalier  ôc  Comte  de  Hertfort^ 
parce  qu'il  étoit  plus  attaché  à  ce  Seigneur  qu'aucun  de  la  Se&e. 
Cet  homme ,  qui  étoit  avec  les  autres  à  St.  Gilles  voyant  la  fuite 
de  fesgens,  rentra  clandestinement  dans  Londres  où  il  fut  arrê- 
té. On  trouva  fur  lui  des  Eperons  dorez  ôc  une  lifte  des  Moines 
de  S.  Alban  qu'il  vouloir  chafler  de  cette  Eglife  pour  s'en  emparer, 

(  1  )  De  la  Ville  de  Dunjttplia, 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  135 

Il  fut  pendu,&  brûlé ,  avec  plufîeurs  autres  Prêtres  &  Laïques  qui    iaja, 
furent  convaincus  d'avoir  trempé  dans  cette  confpiration. 

La  Secle  des  Lollards  ne  fut  pas  tellement  diffipée  dans  cette 
occafîon,  qu'elle  ne  fe  reveillât  quelques  années  après.  Walfin- 
gham  rapporte  qu'en  1417*  profitant  de  l'abfence  du  Roi,  qui 
étoit  en  France  alors ,  ils  attirèrent  les  Ecoflois  en  Angleterre , 
pour  fe  défaire  du  Roi ,  6c  mettre  Richard  d'Ecoffe  en  fa  place. 
Mais  cette  tempête  fut  bien-tôt  conjurée  par  la  valeur  du  Duc  de 
Bedford,  qui  mit  en  fuite  les  EcofTois.  Ce  fut  cette  même  année 
quOldca fiel  tut  trouvé  proche  de  St.  Alban  ,  dans  la  Maifon  d'un 
Pay  fan  3  où  il  s'étoit  caché  avec  quelques-uns  de  fes  gens.  On  dit 
qu'il  fe  trouva  dans  ce  lieu  là  plufîeurs  Livres  écries  en  Anglois  5 
éc  d'autres  ,  où  il  y  avoit  de  belles  images  des  Saints  dont  les  Lol- 
lards avoient  efface  les  têtes  Scies  noms,  aufïï- bien  que  les  Lita- 
nies des  Saints  &  de  la  Vierge  ,  qu'ils  avoient  rayez  jufqu'à  ces  pa- 
roles Kyrie  eleifon.  On  trouva  aufîi  des  manuferits  pleins  de  blaf- 
■phèmes  contre  la  bienheureufe  Vierge  Marie,  fi  horribles  que  l'Hif- 
torien  dit  qu'il  n'a  ofé  les  rapporter.  Cependant,  pour  le  dire  en 
paflant ,  il  étoit  du  devoir  d'un  Hiftorien  de  fpécifier  ces  blafphê- 
mes  vrays ,  ou  prétendus }  afin  que  le  Le&eur  en  pût  juger.  L'Ab- 
bé de  St.  Alban  envoya  ce  livre  ainfi  rayé  de  la  main  des  Lollards, 
&  quelques  autres  écrits  de  leur  façon  au  Roi,  &le  Roi  les  remit 
entre  les  mains  de  l'Archevêque  de  Cantorberi ,  afin  que  dans  [qs 
fermons,  il reprefentât  au  Peuple  l'irrévérence  des  Lollards  en- 
vers les  Saints.  Il  neparoîtpasqu'O/^/^/  fut  arrêté  dans  cette 
occafîon,  mais  il  le  fut  quelque  temps  après,  furies  terres  d'un 
Seigneur  (  1  ) ,  non  fans  courir  rifque  de  la  vie ,  &  fans  mettre  en 
danger  celle  des  gens  qui  le  prirent.  Le  Parlement  d'Angleterre 
étoit  alors  aflemblé  à  Londres ,  on  y  amena  Oldcafiel avec  un  Prê- 
tre de  fes  plus  confidents  amis,  où  il  fut  entendu  dansfesdéfenfes. 
Il  fit ,  dit-on ,  d'abord  de  longs  difeours  pour  exciter  la  compafîîon 
de  fes  Juges  -y  mais  comme  on  le  prefïbit  de  répondre  fans  écarts 
aux  queftions  qu'on  lui  faifoit,  il  répondit  3  après  quelques  mo- 
mens  de  méditation,  qu'il  ne  faifoit  nul  cas  de  leur  jugement,  Se 
que  pendant  la  vie  de  fon  Maître  le  Roi  d'Ecofle ,  il  n'avoit  point 
d'autre  Juge  que  lui  fur  la  terre.  Après  cette  réponfe,  on  le  traî- 
na au  fupplice ,  il  fut  pendu  &  brûlé.  On  prétend  que  les  derniè- 
res paroles  qu'il  prononça  furent  3  pour  prier  un  certain  Seigneur 
nommé  Thomas  Erpingham,  que  s'il  levoyoit  refîufciter  dans  trois 

(1)  Dominide  Torviyfta* 


13*     HISTOIRE     DU     CONCILE 

r  ,  jours,  il  prît  fa  Se&e  en  fa  protection.  Telle  fut  la  fin  à'Oldcaftel , 
félon  Waifingham.  Je  la  rapporterai  auflî  dans  les  termes  de  'Jean 
Crefpin ,  l'un  des  Auteurs  de  l' Hifloire  des  Martyrs ,  fans  vouloir 
non  plus  garantir  le  fait,  ni  en  dire  mon  fentiment ,  mais  feule- 
ment pourlafatisfa&iondu  Public.  »*  Cependant,  dit  cet  Auteur, 
»  grands  troubles  furent  efmus  par  les  Evefques  contre  la  Religion 
»Chreftienne,  par  tout  le  Royaume  d'Angleterre.  En  ce  temps- 
»  là  en  la  Province  de  Wallie,  il  y  avoir  un  Gouverneur  de  l'Or- 
»  dre  dçs  Sénateurs ,  nommé  Poviz^  Ceftui-ci  induit  par  les  dou- 
»  ces  paroles ,  &  prefencs  ,  &  fous  un  faux  femblant  d'amitié,  tra- 
»  hic  le  Seigneur  de  Cobham ,  &  par  [qs  menées  fit  tant  qu'il  le  me- 
»  na  à  Londres.  Eftant  là  attiré  il  fut  condamné  d'héréfie ,  6c  de 
»  crime  de  Leze  Majefté ,  félon  la  Loi  &  Edit  que  le  Roy  Henry 
»V.  a  voit  fait  contre  les  Wicleviens ,  &  ferré  prifonnier  en  la 
»  Tour  de  Londres.  Bien-toft  après  il  fut  tiré  de-là  ayant  les  mains 
»  liées  par  derrière  3  &;  on  le  mie  fur  une  claye  3  Se  puis  fut  mené  au 
«  Champ  St.  Gilles  quieft  le  lieu  où  on  exécute  les  malfaiteurs. 
»  Il  avoic  une  chaine  à  Tentour  du  Corps  :  &  on  le  guinda  en  l'air , 
»  àc  au  deflous  de  lui  on  entafla  un  monceau  de  bois ,  &  là  ce  vail- 
»  lant  Martyr  fut  bruflé  avec  grande  confiance.  Le  Peuple  fut 
*>  fore  marri  de  voir  un  tel  fpectacle.  Et  cependant  les  Evêques  fai- 
»fbient  toute  diligence  d'admonefler  le  Peuple  que  nul  ne  priât 
w  pour  fon  ame  ,  ains  que  tous  le  tinflent  pour  un  hérétique  dam- 
v  né  ,  comme  celui  qui  étoit  more  &c  decedé  de  ce  monde  hors  la 
n  foy  &  obéiiïance  du  Pape.  En  cette  forte  ce  SaincT:  Chevalier 
»  achevant  le  cours  de  fa  vie,  &  recommandant  fon  ame  à  Dieu, 
h  &  priant  pour  le  falut  de  fes  ennemis ,  après  avoir  exhorté  le 
»  peuple  à  s'addonner  à  la  vraye  foy  ôc  pure  Religion, rendit  fon  ef- 
»  prit  au  Seigneur  l'an  1418. 
Gorwerfton  XVII.  Il  y  avoit  environ  18. ans  (a)  que  Ladiflas  Jagellon 3  Roy 
des  Lhhita-     de  Pologne  ,  &  Duc  de  Lithuanie ,  en  époufant  Hedwize ,  fille  de 

niais tf  des         -.:...'•  o      •  j     tt  •  >  -       •  -  r      l  ôv  »        r 

Samoghes.  Louis ,  Roi  de  Hongrie ,  s  etoit  engage  non  feulement  a  embral- 
(ajEn  \t>\6.  fer  lui-même  le  Chriftianifme,  mais  à  y  amener  les  Lithuaniens 
p.  no.'  fes  fujets  encore  Payens.  C'eflce  qu'il  fit  par  le  Miniftere  de  l'Ar- 
(bj  BodzAn-  chevêque  de  Gnefne  (b) ,  &  de  plufieurs  autres  Eccléfiaftiques  qu'il 
mena  en  Lithuanie  auffirôt  après  fon  mariage.  Leurs  principales 
Divinitez  étoient  le  Feu }  qu'ils  croyoient  perpétuel ,  parce  que 
leurs  Prêtres  avoientfoinde  l'entretenir  jourôc  nuit,  les  Bois, 
&les  Forêts }  les  Afpics ,  &les  Serpents  3  où  ils  s'imaginoient  que 
Ja  divinité  étoit  cachée.  L'Hiftoire  nous  parle  de  cette  converfion, 

comme 


*~ 


DE      PISE.     Liv.  VIII.  137 

comme  d'une  exécution  aflez  brufque  &  précipitée.  Elle  Te  fit  à  14,14? 
Vilna  Métropole  de  la  Province  ,  ôc  comme  leur  Jerufalem.  Le 
Roy  fe  contenta  d'abord  de  leur  faire  la  propofition  d'abandon- 
ner leurs  faux  Dieux  pour  fe  convertir  au  véritable:  &  fur  leur 
refus ,  il  fit  éteindre  leur  feu  qu'ils  fe  figuroient  éternel ,  renverfer 
leur  Temple  6c  l'Autel  où.  ils  offroient  leurs  facrifices ,  abbattre  6c 
couper  leurs  bois  &  leurs  facrez  bocages,  tuer  les  Serpens  qu'ils 
gardoient  dans  leurs  maifons,  comme  des  Dieux  Pénates.  Ces 
barbares,  qui  n'avoient  point  d'autres  armes,  répandirent  des 
torrens  de  pleurs  à  l'afpect  delà  défaite  de  leurs  Dieux.  Cepen- 
dant après  les  premiers  mouvemens  3  comprenant  que  leurs  Dieux 
n'étoient  que  de  vaines  6c  foibles  idoles,  6c  qu'on  les  avoit  trom- 
pez dans  l'opinion  qu'on  leur  en  avoit  fait  concevoir,  ils  embraf- 
férent  la foy  Chrétienne  ,  partie  par  force,  partie  par  réflexion. 
On  les  inftruifit  pendant  quelques  jours  des  principaux  articles  de 
la  Religion.  Le  Roy  qui  parloit  Lithuanien  s'employa  plus  que  les 
Prêtres  à  cette  inftru&ion  qui  fut  fuivie  du  baptême.  Comme  il 
eût  été  fort  difficile  de  les  baptifer  l'un  après  l'autre ,  on  les  distri- 
bua par  pelotons  ou  par  bandes,  ôc  on  fe  contenta  de  verferde 
l'eau  bénite  fur  chaque  bande.  Les  hommes  ôc  les  femmes  furene 
mis  àpart.  On  donna  de  differens  noms  à  chaque  troupe  d'hom- 
mes, 6c  à  chaque  troupe  de  femmes,  comme  ceux  de  Pierre,  de 
Paul,  de  Jean,  de  Jacques,  de  Stanijlas  (1),  de  Catherine,  de 
Marguerite ,  de  Dorothée ,  &c.  Le  Roi  fit  préfent  à  chacun  de  ces 
Néophytes  d'un  habit  neuf }  d'un  drap  qu'il  avoit  fait  apporter  de 
Pologne  tout  exprès.  On  peut  juger  combien  cette  liberalicé  rare 
pour  des  gens  qui  n'étoient  habillez  que  de  toile,  multiplioit  cha- 
que jour  le  nombre  des  Profélites.  Vilna  fut  érigé  en  Evêché,  qui 
fut  donné  à André  de  /' Efpervier  frère  Mineur  ,  Confefîeur  de  la 
Reine  Elifabeth  de  Hongrie  mère  d'Hedwige.  Le  Roy  donna  aufîi- 
tôtavisde  cette  converfïon  au  Pape  Urbain  VI.  qui  l'en  félicita 
par  un  Bref  qu'on  trouve  dans  l'Hiftoire  de  Dlugos  (a).  (a)  Lib.  x. 

Comme  le  Chriftianifme  n'avoit  pas  encore  pénétré  dans  la  Sa-  p* 
mogitie  Provincede  laLichuanie,  leRoyfe  fît  une  affaire  de  con- 
ïcience  de  convertir  ce  refte  d'Infidèles.  Il  y  alla  lui-même  accom- 
pagné de  quelques  Prêtres  Polonois,  avec  Anne,  fille  du  Comte 
de  Cillei3  qu'il  avoit  époufée  après  la  mort  d'Hedwige.  Il  s'y  prie 

(1)  Stanijlas ,  Evêquc  de  Cracovie ,  fut  maffacre  fur  la  fin  du  VII.  ficelé  en  difant  la  Méfie, 
par  le  Roi  Bolejlas ,  que  cet  E/êque  avoit  cenfuré  &  excommunié  pour  adultère  &  pour  plu* 
fieurs  autres  crimes.  Ii  futcanonife'par  Inntcent  \V,  en  124p.  Dlug.  L.  III,  p.  2P4. 

Tom.II.Part.II,  S 


IIO.   III* 


i38     HISTOIRE     DU     CONCILE 

à  peu  près  de  la  même  manière  qu'à  l'égard  des  Lithuaniens,com- 
me  ils  avoient  auffi  à  peu  près  le  même  culte.  Les  Hiftoriens  rap- 
portent allez  unanimement  que  les  Samogites  3  auffi  -  bien  que  les 
Lithuaniens,  adoroient  entre  autres  Divinitez  le  Feu  &  le  Ton- 
nerre. Les  Prêtres  de  ces  derniers  avoient  le  foin  d'entretenir 
perpétuellement  le  feu  fur  lefommet  d'une  haute  montagne  fî- 
tuée  fur  la  rivière  de  Nyewias^a.  Comme  ilss'imaginoient  que 
les  bois  fit  les  forêts  étoient  la  demeure  des  Dieux,  ils  les  regar- 
doient  avec  un  fouverain  refpect.,,  aufli-bien  que  les  oifeaux,  les 
bêtes  fauvages ,  6c  généralement  tous  les  habitans  des  bois.  Il  y 
avoitfur  tout  un  bois  entre  les  autres  ,  qu'ils  croyoient  tellement 
facré  que  perfonne  n'y  pouvoit  rien  toucher  fans  s'expofer  à  la 
vengeance  célefte ,  6c  qu'elle  fe  fervoit  aulîitôt  des  démons  pour 
courber  les  mains  6c  les  pieds  de  ceux  qui  ofoient  violer  une  11  fain- 
te  demeure.  De  forte  que  toutes  ces  bêtes  étoient  apprivoifées  , 
&  qu'elles  felaiiloient  approcher  de  tout  le  monde.  Chacun  avoir 
dans  ceboisuneefpece  de  foyer,  où.  il  portoit  les  corps  morts  de 
fes  parens  &  de  fes  amis,  avec  tout  ce  qu'ils  avoient  lailîè  de  plus 
précieux  pour  les  y  brûler.  Autour  de  ces  foyers  étoient  rangez 
desefpecesdechailesou  de  tables  de  liège,  où  ils  portoient  des 
(z)Medonem.  vjvres  g^  un  certain  breuvage  (  a  ) ,  dont  ils  s'imaginoient  que  les 
âmes  de  leurs  parens  fe  nourrilïoient  j  ces  bonnes  gens  ne  faifanc 
pas  réflexion  que  c'étoit  aux  corbeaux  6c  aux  autres  bêtes  qu'ils 
préparoient  à  manger.  Le  premier  jour  d'Octobre  ils  tenoienc 
dans  ce  bois  facré  une  AlTemblée  folemnelle  de  tout  lePaïs,  où 
chacun  ,  hommes 6c femmes,  apportoitce  qu'il avoit de  meilleur 
à  boire  6c  à  manger ,  6c  après  s'être  bien  régalez  pendant  quelques 
jours,  la  fête  finilToit  par  des  libations  qu'ils  ofïroient  à  leurs 
Dieux ,  &  principalement  au  Tonnerre. 

Zadijlas  après  avoir  converti  les  Lithuaniens  (b)  ,  voulant  pro- 
(b)Cefuten  curer  lemême  avantage  aux  Samogites  leurs  voifins,  6c  comme 
Uz?'r  \r    eux  unis  aux  Royaume  de  Polopne.y  alla  lui- même.  D'abord 
p.  ir©.Bov.  étant  monte  lur  la  montagne,  il  éteignit  lui-  même  le  reu  en  y 
H£?-n.       verfant  une  grande  quantité  d'eau.  Enfuite  il  détacha  des  Soldats 
Polonois  pour  aller  couper  lesarbres  du  bois,  <3c  tuer  toutce  qu'ils 
y  rencontroient  d'animaux.  Ces  barbares  étoient  fort  étonnez 
de  voir  les  Soldats  couper  leurs  bois  impunément ,  parce  que  leurs 
Prêtres  les  menaçoient  de  la  vengeance  celelïe  s'ils  ofoient  en  cou- 
per. C'eft  ce  qui  commença  à  leur  donner  mauvaife  opinion  de 
leurs  Dieux  qui  ne  s'étoient  point  défendus,  6c  n'avoient  poinc 


DE      PISE.    Liv.  VIII.  139 

vangé  la  profanation  de  leur  culte.  De  forte  que  du  confentement  141 4. 
de  tous  ,  un  de  leurs  plus  vieux  concitoyens  déclara  publiquement 
au  R  oy ,  Que  puifque  leurs  Dieux  avoient  été  affezjàchespour  fe  laif- 
fer  vaincre  far  celui  des  Polonois ,  ils  étaient  ré folus  d'abandonner  leur 
culte  ,  &  de  s* attacher  a  celui  du  plus  puiffant.  Après  cette  déclara- 
tion le  Roy  leur  apprit  lui-même  l'Oraifon  Dominicale  &  le  Sym- 
bole des  Apôtres,  parce  que  les  Prêtres  Polonois  qu'il  avoit  avec 
lui  ne  parloient  pas  le  Samogicien ,  qu'il  fçavoit  parfaitement, 
comme  étant  de  ce  pais-là  ,  de  forte  qu'il  fut  leur  Apôtre  &  leur 
Prédicateur.  On  peut  voir  dans  Dlugos  un  échantillon  du  Sermon 
qu'il  leur  fit  (a).  Le  même  Hiftorien  raconte  qu'un  Dominicain,  00  Dlug. 
qui  étoit  Prédicateur  du  Roy  (b)  ,  ayant  prêché  amplement  fur  la  L1f  "  x\mv. 
Création  du  monde  ,  un  Samogite  qui  l'écoutoit  s'imagina  que  le  344- 
Prédicateur  avoit  dit  que  le  Mondeavoit  été  créé  de  Ton  temps.  y^n^ÎC0ÎM 
Là-deilus  le  Samogite  fe  tournant  vers  le  Roy  lui  parla  en  ces  ter- 
mes :  Sire  y  ce  Prêtre  efi  un  menteur  j  quoiqu'il  ne  foit  pas  encore 
vieux ,  il  dit  qu  il  fe  fouvient  de  la  Création  du  Monde.  Nous  avons 
parmi  nous  des  gens  qui  ont  plus  de  cent  ans ,  &  qui  nont  aucune  mé- 
moire de  ce  fait- là.  Le  Roy  eut  la  bonté  de  le  défabufer  ,  &:  de  lui 
faire  comprendre  fon  mal  entendu.  Comme  ce  Monarque  con- 
noifloit  l'inconftance  des  Samogites,  &que  même  ils  avoient  ré- 
folu  fecretement  après  fon  départ,  de  rallumer  leur  Feu  encore 
caché  fous  la  cendre,  il  demeura  là  encore  quelques  jours,  pour 
faire  jetter  jour  &  nuit  de  l'eau  fur  ces  cendres.  Ileutauflila  pré- 
caution de  leur  donner  pour  Gouverneur  un  Baron  Samogite 
Chrétien  nommé  Kinz^çal ,  homme  pieux  &  zélé  ,  à  qui  il  recom- 
manda de  prendre  bien  loin  que  Iqs  Samogites  convertis  ne  retom- 
baient pas  dans  leurs  fuperftitions,  &  d'interdire  à  ceux  qui  ne 
l'étoient  pas  encore,  tout  exercice  de  leur  Religion.  Il  érigea  une 
Eglife  Cathédrale  dans  l'endroit  le  plus  confidérable  de  la  Pro- 
vince (c),  &  établit  par  tout  le  Pais  plufieurs  Paroifîes  qu'il  dota  (c)Mednikj, 
libéralement. Non  content  de  cette  munificence  vraïement  Roya- 
le ,  il  fit  des  préfensconfidérables  à  ceux  qui  fefaifoientbaptifer. 
Cependant  ces  converfîons  ne  furent  ni  générales  ni  durables.  On 
peut  voir  dans  YHifioire  du  Concile  deConfance^quQ  le  Roy  de  Polo- 
gne^ Alexandre  Withoud  grand  Duc  de  Lithuanie  de  de  Samogi- 
tie,  furent  obligez  d'envoyer  à  ce  Concile  pour  demander  des 
ConvertifTeurs. 

On  voit  par  le  Sommaire  de  ce  VIII.  Livre,  qu'on  avoit  eu  d'a- 
bord deflein  d'y  rapporter  la  mort  de  Zadijlas  Roy  de  Naples ,  ôc 


*4*4. 


140     HISTOIRE    DU     CONCILE 

les  Concordats  ou  Trairez  pour  le  Concile  de  Confiance.  Mais 
depuis  on  a  jugé  que  ces  deux  articles  feroient  mieux  dans  la  nou- 
velle Edition  del'Hiftoire  de  ce  Concile  ,  où  Ton  fera  une  revive 
générale  de  ce  qui  s'eftpailë  en  14 14.  jufqu'au  mois  de  Novem- 
bre, qui  fut  celui  de  fa  convocation. 


JFin  du  huitième  &  dernier  Livre. 


DECLARATION 


DECLARATION 


•DE  CHARLES  VI.  ROI  D.E  FRANCE 

Par  laquelle  le  Duc  de  Bourgogne  ejl  déclaré  ennemi  de  l'Etat. 
Il  eft  parlé  de  cette  Déclaration  dans  cette  Hiftoire,  Liv.  VII.  §.  xx. 

CHarles  par    la  grâce  de  Bourgogne  d'autre  :  lequel  Trai-  ç^r^ys 
de  Dieu  ,  roi  de  Fran-  té  nosdits  Neveux  ,  quoy  qu'ils  le  lÏv.xxxîii. 
ce  :  Comme  ainfi  foit ,  que  trouvaflent  fort  dur,  6c  fort  étran-  en.  xxvn, 
depuis  le  damnable ,  6c  cruel  homi-  ge,  parlèrent  très-patiemment  néant- 
cide   commis  ,  6c  perpétré  par  le  moins  ,  tant  par  refpeâ;  ,  qu'ils  eu- 
commandement ,  6c  ordonnance  de  rent  pour  nous  ,  que  par  une  jufte 
nôtre   Coufin  Jean  de  Bourgogne  ,  comparTion  pour  nos  Subjets,  qu'ils 
en  la  perfonne  de  feu  noftre  très-  craignoient  de  voir  tomber  dans  les  - 


cher  ,  6c  très-amé  Frère  unique  , 
&  germain,  Louis  Duc  d'Orléans, 
à  qui  Dieu  pardotnt,  ledit  de  Bour- 
gogne ait  pris  fujet  de  venir  contre 
noftre  volonté  ,  &  contre  noftre 
deffenfe,par  plufieurs  fois  réitérées , 
en  noftre  Ville  de  Paris  ,  avec  de 
grandes  troupes  de  gens  de  guerre  , 
fous  certains  prétextes  notoirement 
faux  ,   &  denuez  de  toute  vérité  , 


malheurs  de  la  guerre  civile.  Mais 
encore  qu'entr'autres  Articles ,  le  dit 
de  Bourgogne  euft  juré  ,  6c  promis , 
entre  nos  mains ,  que  dès  lors  ,  év  à 
l'avenir  ,  il  feroit  leur  vray ,  6c  fidèle 
amy,6c  amyde  tous. leurs amis:il  ne 
laiffa  pas  auilï-toit  après ,  de  témoi- 
gner tout  le  contraire, 6c  fans  fe  fou- 
cier  des  ferments  qu'il  avoit  faits , 
pour  la  ratification  de  cette  Paix  , 


au  grand  fcandale  ,  &  au  danger  de  &  des  engagements  de  fa  foy  ,  pour 
noftre  Eftat  ,  &  de  la  chofe  publi-  fe  vanger  de  quelques-uns  de  nos 
que  ,  6c  tafché  de  juliifier  cet  hor-  ferviteurs  ,  qu'il  foupçonnoit  de 
rible  6c  déteftable  meurtre.  Confide-  nous  avoir  induits  à  punir  par  Jufti- 
rans  les  grands  maux ,  inconveniens ,  ce ,  l'arTalTinat  de  noftre  Frère ,  com- 
&  dommages  irréparables  ,  qui  à  me  auiîî  pour  avoir  le  gouverne- 
cette  occafion  pouvoient  arriver  fur  ment  ,'6c  l'adminiftration  de  noftre 
nous  ,  6c  noftre  Peuple,  6c  fur  tous  perfonne,  6c  de  tout  ce  Royaume  : 
îes  Subjets  de  noftre  Royaume  ,  6c  qu'il  avoit  toujours  affecté,  6c  pour 


voulans  obvier  de  tout  noftre  pou- 
voir ,  aufdits  dangers  6c  inconve- 
niens :  Nous  mandâmes  à  Chartres 
noftre  très-cher  6c  très-aimé  Fils  , 
6c  Neveu  ,  le  Duc  d'Orléans ,  6c  le 
Comte  de  Vertus  ,  enfans  de  noftre 
dit  Frère  ,  lors  mineurs  ,  6c  en  bas 


à  quoy  parvenir  il  avoit  fait  faire  ce 
damnable  meurtre  :  il  fit  prendre  6c 
condamner  à  mort  beaucoup  de  nos 
fidèles  ferviteurs  ,  6c  contraignit 
les  autres  ,  par  des  voyes  étranges  , 
6c  déraifonnables  ,  à  de  groiïès  ,  6c 
exceflives  fommes   d'argent.  Alors 


âge  ,  6c  là  fismes  faire  un  Traité  de     nosdits  Neveux  confidérant  qu'au 
jPaixentr'eux,  d'une  part ,  6c  le  dit     mépris  de fes promeifes  ,  confirmées 

Tome  II.  Parc.  III.  A 


ij  DECLARATION 

par  fon  ferment  ,  il  avoit  enfraint 
l'accord  fait  entr'eux ,  ils  nous  fup- 
pliérent  humblement  ,  &  par  plu- 
sieurs fois  ,  que  nous  leur  fiffions 
Juftice  de  la  mort  de  leur  père ,  com- 
me de  droit ,  nous  y  étions  tenus  : 
mais  ledit  de  Bourgogne,  qui  avoit 
privé  de  leurs  Charges  nos  fidèles 
ferviteurs  ,  6c  qui  les  avoit  remplies 
de  fes  Créatures  ,  nous  empefcha 
d'incliner  à  leur  requefle  :  6c  ce  qui 
efl  encore  pluscondamnab]e,voyant 
que  pour  le  défaut  de  Juflice  ,  ils 
vouloient  procéder  contre  luy  par 
voye  de  fait  ,  pour  vanger  cet  hor- 
rible attentat  ,  comme  ils  y  étoient 
naturellement  obligez  :  il  leur  im- 
pofa ,  &  contre  toute  vérité  fit  pu- 
blier contre  eux  ,  que  nous  étions 
fuffifamment  informez  ,  qu'eux  ,  6c 
quelques  autres  de  noftrefang  ,  qui 
pour  lors  étoient  avec  eux  ,  nous 
vouloient  dépouiller ,  6c  priver  de 
noflre  Etat  ,  6c  de  noflre  dignité 
JRoyale  ,  pour  créer  un  autre  Roy 
de  France.  Il  paffa  plus  outre ,  car 
fous  ombre  de  ces  menfonges  ,  & 
de  ces  calomnies  ,  il  émût  noflre 
Peuple  contr'eux  ,  avec  tous  fes  ad- 
hérants,il  nous  induifit  nous-mesme 
à  leur  faire  la  guerre  ,  afin  de  cou- 
vrir une  querelle  fi  injufle  de  noflre 
authorité ,  &  nous  porta ,  6c  exhorta 
à  pourfuivre  contre'eux  cette  ini- 
«îitié  récente ,  &  fondée  fur  de  fi 
faux  prétextes  ;  de  là  font  arrivez 
tant  de  malheurs ,  qui  ne  font  que 
trop  publics  :  car  fous  prétexte  de 
cette  guerre  ,  ledit  de  Bourgogne  a 
fait  emprifonner  au  Chaflelet  de 
Paris  ,  &  ailleurs ,  quantité  de  no- 
tables Chevaliers  ,  &  Efcuyers  , 
afTedionnez  au  party  de  nos  Neveux 
&  parens  ,  desquels  il  en  a  fait  injuf- 
«ement  mourir  par  fupplice  quel- 


DE  CHARLES  VL 

ques-uns ,  après  toute  forte  de  tour- 
ments ,  6c  fait  périr  d'autres  de  faim- 
dans  lesprifons  ,  après  leur  avoir  dé- 
nié les  Confeffions  ,  &  les  autres- 
Sacrements  de  l'Eglife  ,  6c  refufé 
l'humanité  de  la  fepulture  à  leurs 
cadavres  esparts  dans  les  lieux  pro- 
phanes ,  dans  les  voiries  ,  dans  les 
Champs  ,  6c  fur  les  grands  che- 
mins ,  6c  abandonnez  aux  chiens , 
6c  aux  oyfeaux  de  carnage.  Il  n'a 
pasvoulu  mefme  fouffrir  qu'on  bap- 
tizafl  leurs  enfans,  ce  qui  va  directe- 
ment contre  la  Foy  Catholique  ,  6c 
par  de  fi  horribles  cruautez  ,  il  fem- 
ble  fans  doute  avoir  furpaffé  tout 
ce  qui  s'efi  jamais  fait  d'inhumain. - 
Davantage  ,  fous  ombre  de  cette 
mesme  guerre  ,  qu'il  n*a  entreprife 
que  pour  fes  propres  interefls,6c  pour 
l'impunité  de  fon  crime, il  a  levé  fur 
nos  Subjets  fous  le  nom  de  Tailles  , 
d'emprunts  ,  6c  de  reformations  > 
des  Finances  excefîives.  Il  a  pris  , 
6c  fouillé  les  Thréfors  des  Eglifes , 
pillé  dans  les  Greffes  de  noflre  Cour 
du  Parlement  6c  du  Chaflelet  ,  l'ar- 
gent mis  en  dépoli;  ,  6c  configné  , 
en  faveur  des  vefves  ,  6c  des  enfans 
mineurs  ,  au  fujet  de  quelques  repé- 
titions ,  ou  retraits.  Il  a  fait  dimi- 
nuer le  prix  ,  6c  la  valeur  des  mori- 
noyes  ,  au  préjudice  de  nos  Subjets  , 
6c  de  toute  la  chofe  publique  ,  6c 
celU  monte  à  un  million  d'or  ,  félon 
les  Regiilres  de  noflre  chambre  des 
Comptes ,  lequel  n'a  point  été  em- 
ployé à  noflre  fervice  ,  6c  qu'il  a 
converty  à  fon  ufage  particulier. 
Par  là  tout  le  monde  connoifl ,  que 
c'efl  ce  qui  a  interrompu  par  un  fi 
long,  efpace  de  temps  ,  tout  le  com- 
merce,^ le  négoce,  6c  par  confisquent 
traverfé  la  fortune  publique  de  l'Ef- 
tat:  6c  parla  même  raifon,  les  revenu* 


CONTRELEDUC 

.de  noftre Domaine, &  des  fubfides  du 
Royaume  ,  font  notablement  dimi- 
nuez. Non  content  de  tout  cela,ledit 
-de  Bourgogne,  porté  qu'il  étoit  ab- 
folumentà  la  deftru&ion  de  nos  dits 
Neveux ,  '&  de  noftre  très-aimé  On- 
cle le  Duc  de  Berry  ,  &  autres  de 
noftre  Sang ,  afin  de  gouverner  feul 
noftre  Royaume  .,  nous  engagea 
nous ,  &  noftre  très-cher  fils  le  Duc 
de  Guyenne  ,  à  les  aller  debeller  , 
contraignit  plufieurs  de  nos  Coufins 
à  prendre  les  armes ,  pour  le  mes- 
me  fujet  ,  comme  s'il  euft  fait  la 
guerre  pour  nous  ,  &  nous  tira  de 
Paris ,  pour  les  aller  opprimer ,  com- 
me nos  ennemis  capitaux  ,  quoy 
qu'ils  nous  ayent  toujours  efté  très- 
fideles  parens  &  très-affeftionnez  , 
&  très-obéïfTants  Subjets  en  toutes 
chofes.  Si  bien  qu'il  nous  perfuada 
d'aller  affiéger  la  Ville  de  Bourges  , 
où  noftre  très-aimé  Oncle  faifoit 
fa  réfidence  ,  devant  laquelle  ,  il 
nous  tint  l'efpace  de  cinq  femaines , 
6c  plus  ,  à  noftre  grand  deplaifir  ,  & 
au  grand  danger  de  noftre  perfon- 
ne  ,  pour  les  chaleurs  exceflives,  & 
pour  l'infe&ion  de  l'air  empefté  des 
charognes.  C'eft  ce  qui  nous  fit  re- 
venir a  noftre  Ville  d'Auxerre ,  où 
ayans  mandé  noftre  Oncle ,  nos  Ne- 
veux, &  nos  Coufins  ,  il  pleut  à 
Dieu  de  nous  donner  les  moyens 
de  faire  un  nouvel  accord  ,  entre 
eux  ,  &  leurs  Alliez  ,  &  ledit  de 
Bourgogne ,  &  fes  Confédérez  ,  qui 
fut  folemnellement  juré  départ ,  & 
d'autre.  Mais  nous  ne  fusmes  pas 
pluftoft  de  retour  à  Paris  que  ledit 
de  Bourgogne  ,  contre  fa  parole  ,  & 
contre  fon  ferment  ,  fit  fecrette- 
ment  drefîer  certaines  Ordonnances 
en  noftre  nom  ;  par  lefquelles  nous 
révoquions  plufieurs  Articles ,  que 


DE  BOURGOGNE    iij 

nous  ,  &  noftre  très  -  aimé  Fils 
avions  promis  de  faire  en  traitant  le- 
dit accord  :  &  particulièrement  pour 
ia  reftitution  des  Terres ,  Héritages , 
Bénéfices ,  &  Offices  de  ceux  qui 
avoient  tenu  le  party  de  nos  Ne- 
veux,  &  parens.  Il  fit  encore  pis 
longtemps  après  ;  car  au  mépris  de 
nos  Lettres  touchant  la  reftitution 
des  Chafteaux  ,  maifons ,  &  hérita- 
gesjwiosdits  Neveux ,  &  à  leurs  Ai- 
liezV  i'  retint  les  Chafteaux  de  Con- 
cy ,  <3c  de  Pierrefons  ,  &  leurs  Do- 
maines ,  &  ce  fans  Lettres  de  noftre 
part  ,  &  fans  vérification  d'icelles 
faite  par  noftre  Cour  de  Parlement , 
comme  il  eft  accoutumé  en  telles  & 
femblables  occafions  ;  parce  qu'il  n'y 
avoit  perfonne  qui  ofaft  blasmer  en 
rien  ,  la  conduite  dudit  de  Bourgog- 
ne ,  &  de  fes  Complices.  De  plus , 
pour  nous  gouverner  à  fa  volonté , 
aufîi  bien  que  noftre  très -aimée 
Compagne  la  Reyne  ,  &  noftre 
très-cher  fils  aine  ,  &  pour  nous  te- 
nir aftujettis ,  &  en  captivité  ,  nous  , 
&  noftre  Royaifme  ,  il  a  élevé  cer- 
taines gens  de  néant ,  &  du  dernier 
eftat  de  noftre  Ville  de  Paris ,  qui 
iè  font  établis  dans  l'authorité  de 
tout  gouverner  ,  par  des  voyes  auflî 
infolentes  que  honteufès  ,  venant 
avec  violence  ,  &  avec  impétuofité 
dans  nos  Confeils  ,  &  en  noftre 
Cour  du  Parlement  ,  où  leurs  me- 
naces forçoient  tellement  en  toutes 
chofes  la  liberté  des  fuffrages  ,  que 
la  Juftice  eftoit  devenue  l'inftru- 
ment  de  leur  fureur ,  &  qu'il  falloir, 
enfin  que  tout  paflaft  à  leur  volon- 
té. En  continuant  ces  damnables 
attentats  ,  ces  feditieux  s'eftant 
apperceus  un  certain  Vendredy 
XXVIII.  du  mois  d'Avril  pané 
que  quelques-uns  de  nos  Couiins  , 
A  ij 


iv      DECLARATION 

ôc  des  Officiers ,  tant  de  noitre  Mai- 
fon ,  que  de  celle  de  la  Reyne ,  &  de 
noftre  Fils  ,  Se  autres  du  Corps  de 
noitre  Fille  l'Univerfité  ,  comme 
aulîi  quelques-uns  des  plus  honnef- 
tes  Bourgeois  ,  &  Marchands  de 
noitre  dite  Ville  de  Paris ,  n'approu- 
voient  pas  ce  gouvernement  ,  ils 
craignirent  qu'on  ne  leur  oitaft  l'au- 
thorîté  qu'ils  avoient  empiétée  ,  <5c 
<5c  qu'on  ne  les  chaitiait  de  leurs  for- 
faits. Pour  ce  fujet  ,  ils  firenfSuhe 
grande  Affemblée  de  Peuple  ,  & 
quoy  que  la  pluspart  ignorait  à  quel 
defiein  ,  ils  vinrent  par  voye  de  fait , 
fans  authoritéde  Juflice,  en  armes, 
ôc  l'Etendard  déployé  ,  devant  la 
maifon  de  noftre  Fils  ,  où  ils  entrè- 
rent de  force  ,  «5c  malgré  luy  ,  pri- 
rent noitre  très-aimé  Coufin  le  Duc 
de  Bar  ,  ôc  plufieurs  autres  des  Con- 
fêillers ,  Officiers ,  <5c  Serviteurs  de 
noitre  dit  Fils  ,  dont  les  noms 
eltoient  eferits  dans  un  Roolle  ,  que 
le  dit  de  Bourgogne  portoit  en  fa 
manche.  Il  les  fit  premièrement  me- 
ner à  fon  Hoftel  d'Artois  ,  6c  de  là 
trainer  en  diverfes  prifons ,  où  ils  ont 
efté  fi  mal  traitez  ,  que  quelques- 
uns  y  ont  malheureufement  achevé 
leurs  jours  ,  ôc  d'autres  languiflent 
encore  à  préfent  de  I'ennuy  infup- 
portable  qu'ils  ont  contracté  dans 
une  fi  longue  captivité.  Le  lende- 
main ces  gens-là  mesme  ,  tous  de  la 
plus  balle  lie  du  Peuple  ,  par  l'exhor- 
tation du  dit  de  Bourgogne  .vinrent 
pareillement  en  armes  ,  l'Eitendard 
déployé  ,  en  noitre  Holtel  Royal 
de  St.  Pol.  Us  y  entrèrent  par  force ,. 
malgré  nous ,  malgré  la  Reyne  noitre 
Compagne ,  <5c  malgré  noitre  Fils  , 
prirent  de  violence  noitre  Frère 
Louis  Duc  en  Bavière ,  avec  quelques 
Officiers  de  noitre  très-aimé  fils  ôc 
quelques  Dames ,  Ôc  Damoifelles  de 


DE   CHARLES  VI. 

grande  condition  ,  qui  eltoient  au> 
fervice  de  noitre  bien  aimée  Com- 
pagne  ,  en  fa  propre  préfence  ,  «5c  les 
menèrent  encore  en  différentes  pri- 
fons ,  où  ils  ont  longtemps  demeuré , 
au  grand  danger  de  leurs  perfonnes. 
L'impunité  les  authorifànt  de  faire 
ainfi  toute  forte  d'autres  excès  ,  ils 
marchoient  en  troupe  ,  non  feule- 
ment de  jour ,  mais  de  nuit  ôc  à  heure 
fufpede  ,  prenant  ,  ôc  emprifon- 
nant  ,  fans  authorité  de  Jultice  , 
plufieurs  de  nos  Officiers  ,  ôc  des 
Bourgeois  de  Paris  ,  en  leurs  pro- 
pres maifons  ;  ôc  ils  en  ont  fecrette- 
ment  tué  ,  ou  fubrnergé  quelques- 
uns  ,  ôc  contraint  les  autres  à  des 
rançons  infupportables ,  appuyez  en- 
tout  cela  du  dit  de  Bourgogne. 
Ainfi ,  <5c  au  moyen  de  ces  malheu- 
reux miniftres  d'iniquité  ,  du  nom- 
bre defquels  le  dit  de  Bourgogne 
avoit  mis  plufieurs  en  noitre  fervice  ^ 
ôc  dans  les  Charges  de  noitre  Mai- 
fon :  Nous ,  noitre  Epoufe  bien  ai- 
mée ,  ôc  noitre  Fils  aisné  ,  eitions 
réduits  en  une  telle  fervitude ,  qu'il 
ne  nous  eitoit  pas  poiîible  d'ordon- 
ner de  rien  en  liberté  pour  le  bien  de 
noitre  Etat  ,  jusques  à  ce  que  par  la. 
grâce  de  Dieu  ,  par  le  foin  ôc  par  la. 
diligence  de  nos  très-chers  parens  le 
Roy  de  Sicile  noitre  Couiin  ,  de. 
noitre  Fils  ôc  Neveu  le  Duc  d'Or- 
leans  ,  de  nos  Coufins  le  Duc  de 
Bourbon  ,  les  Comtes  d'  silençon  «Se 
d'Eu  ,  «5c  de  plufieurs  autres  de  nof- 
tre fang  ,  des  Prélats  ,  Chevaliers, 
Efcuyers  ,  des  Gens  de  la  Cour  de 
Parlement  ,  ôc  des  Supports  de 
noitre  Fille  l'Univerfité ,  des  Bour- 
geois ,  <5c  des  Marchands  de  noitre 
Ville  de  Paris  ,  nous  avons  eité  ré- 
tablis en  noitre  première  liberté.  En 
ce  tems-là4mesme ,  la  Paix  ci-devant 
conclue  à  Auxerre  ,  avoit  été  par 


CONTRE  LEDUC 

nous  reformée ,  &  jurée  de  nouveau  , 
comme  aufîï  par  le  dit  de  Bourgo- 
gne ,  6c  par  les  autres  de  noflre  fang , 
néantmoins  ledit  de  Bourgogne  ,  un 
Vendredi  4Jour  d'Aouft ,  avant  que 
noflre  Fils  aisné  marchait  à  cheval 
par  la  Ville ,  tascha  de  l'enfraindre  , 
faifant  publier  par  plufieurs  mai- 
fons  ,  &  lieux  publics  ,  qu'on  ne  pou- 
voit  confentir  à  cette  Paix ,  fans  don- 
ner les  mains  à  la  deftru&ion  &  à  la 
ruine  de  la  Ville ,  6c  des  Bourgeois  : 
ce  qui  efloit  une  induction  auffi 
fauffe  ,  que  pemicieufe,  &  damna- 
ble,6c  capable  de  faire  de  plus  grands 
maux,  6c  démettre  l'Etat  en  com- 
buflion.  En  fuite  de  cela  ,  ie  déplai- 
fîr  qu'il  eut  de  cette  Paix  ainfi  réta- 
blie ,  &  de  la  fuitte  hors  de  noflre 
Ville  de  Paris  ,  de  cette  canaille  qui 
la  troubloit,  Se  qui  ne  pouvoir  au- 
trement éviter  ie  chafliment  de  fes 
crimes  ,  lu  y  ayant  fait  prendre  le 
deffein  de  fe  retirer  incontinent  de 
noflre  Cour  ,  &  de  ladite  Ville, il 
feignit  d'aller  en  Bourgogne  ,  mais 
il  prit  le  chemin  de  la  Comté  de 
Flandres ,  où  comme  dans  fes  autres 
Terres ,  il  a  retiré  ces  Criminels  vio- 
lateurs de  la  Paix  ,  &  les  traitres  , 
&  les  infâmes  AffafTins  ,  qui  par  fon 
ordre  avoient  ,  comme  dit  en;  ,  tué 
noflre  Frère.  Depuis  fon  départ  , 
nous  luy  avons  envoyé  une  deputa- 
tion  folemnelle  ,  pour  luy  deman- 
der ,  6c  pour  luy  commander  en 
noflre  nom ,  qu'il  eut  à  rendre  les 
Malfaiteurs  qu'il  tient  près  de  luy  , 
tant  ceux  qui  font  déjà  convaincus 
du  crime  de  leze  Majeflé  ,  6c  com- 
me tels  chaffez  de  noflre  Royau- 
me ,  6c  proferits  à  perpétuité ,  que 
les  autres  contre  lesquels  il  y  a  Dé- 
cret d'adjournement  perfonnel ,  pour 
en  faire  punition  ,  comme  auiîi  de 


DE  BOURGOGNE.      v 

nous  rendre  nos  Chafleaux  du  Cm- 
toy ,  de  Caè'n  ,  6c  de  Thim ,  qu'il 
détient  injuflement  ,  contre  noflre 
volonté  ,  mais  non  content  de  de- 
fobéïr  à  nos  ordres  il  a  continué  de 
pis  faire  ,  fous  des  prétextes  qu'il  a 
malicieufement  inventez.  Il  a  man- 
dé de  grandes  troupes  ,  de  Bourgo- 
gne ,  de  Savoye  ,  d'Artois ,  6c  d'au- 
tres Pais  ,  pour  venir  contre  noflre 
Ville  de  Paris  ;  6c  afin  d'avoir  le 
pafTage  plus  libre  ,  &  plus  favora- 
ble par  nos  Villes  ,  il  a  fauffement 
écrit  aux  Villes  ,  &  aux  Commu- 
riautez  pour  leur  demander  aide  , 
&  aiîlftance  ,  comme  eflant  mandé 
de  notre  part  ,  6c  de  celle  de  noflre 
Fils ,  pour  nous  venir  délivrer  d'une 
fervitude  infupportable  ,  en  laquelle 
nous  eftions  tenus  prifonniers ,  à  ce 
qu'il  difoit.  Ce  qui  efl  fi  notoire- 
ment faux  ,  <jue  nous  pouvons  af- 
fe  urer  que  nous  n'avons  eu  de  véri- 
table liberté  que  depuis  fa  retraite 
de  noflre  Cour  :  &  il  efl  au  m"  peu 
véritable  qu'il  ait  eu  ordre  de  noflre 
part  fur  cela,  Tant  s'en  faut  ,  que 
nous  luy  avons  mandé  par  des  ordres 
exprès  ,,&  nous  ,  Se  noilre  dit  Fils r 
qu'il  fe  gardafl ,  fur  tant  qu'il  crai- 
gnoit  de  nous  ofTenfer  ,  d'entrer  en- 
armes  dans  ce  Royaume.  Ce  que- 
non  feulement  il  a  méprifé ,  mais  il 
retient  encore  injurieufement  , 
l'Huiffier  de  noflre  Cour  de  Parle- 
ment ,  que  nous  luy  avions  envoyé 
avec  nos  Lettres,  quoy  qu'il  n'ait  en 
rienoutre-paiïe  le  devoir  de  fa  char- 
ge. Ainfi,  le  dit  de  Bourgogne  con- 
tinuant fon  mauvais ,  6c  damnable 
deffein ,  ne  tenant  compte  de  nous 
obéir ,  6c  de  nous  garder  le  refpecT: , 
qu'il  doit  à  fon  fouverain  Seigneur, 
6c  fe  rendant  notoirement  rebelle  , 
il  a  pris,  fa  marche  vers  noflre  Ville 
A  iij 


v]      DECLARATION  DE  CHARLES  VI. 

de  Paris ,  avec  de  grandes  ,  6c  nom-     ce  qui  a  donné ,  ôc  donne  lieu  àtou- 


breufes  troupes  de  Gendarmes ,  ôc 
de  trait  ,  ôc  mesme  en  appareil  de 
guerre  ,  ôc  avec  hoftilité ,  en  trou- 
blant ,  ôc  enfraignant  la  Paix  ,  par 
lu  y  fi  folemnellement  jurée  ,  com- 
me dit  efl ,  pour  d'autant  plus  té- 
moigner combien  il  eft  ingrat ,  & 
indigne  de  tant  de  biens  &  de  grâ- 
ces qu'il  tient  de  noftre  libéralité.  Il 
continue  de  tenir  en  fa  compagnie 
tous  ces  deteftables  traiftres ,  meur- 
triers ,  6c  afTafîms ,  violateurs  de  la 
Paix  ,  coupables  6c  convaincus  du 
crime  de  leze  Majeflé  ,  6c  comme 
telsjuftementchaffez  ,  6c  bannis  de 
noftre  Royaume ,  il  trouble  le  repos 
de  nos  Peuples ,  ôc  tasche  d'émou- 
voir des  feditions  à  Paris ,  6c  ailleurs. 
Il  eft  aufli  entré  en  armes  dans  noftre 
Ville  de  Compiegne  ,  contre  les 
ordres  ,  6c  les  deffenfes  par  nous  en- 
voyées à  la  dite  Ville  ,  6c  aux  habi- 
tans  ,  de  le  laiiTer  pafler  avec  fes 
troupes  ,  qu'il  n'a  pu  ignorer  ,  non 
plus  que  ceux  qui  font  avec  luy  ,  6c 
qui  pis  eft ,  il  la  détient ,  6c  s'efforce 


tes  les  plaintes  ,   6c  aux  clameurs 
qui  tous  les  jours  viennent  à  nos 
oreilles  ;  6c  c'eft  ce  qui  nous  oblige 
aufli  de  faire   fçavoir   à   tous  nos 
Subjets  ,  que  pour  tous  les  atten- 
tats cy-deflus  ,  6c  pourplufieurs  rai- 
fons  à  ce  nous  mou  vans  ,  6c  princi- 
palement pour  les  mauvaifes  maniè- 
res qu'a  toujours  tenues  envers  nous 
ledit  de  Bourgogne  ,  qui  depuis  la 
mort   déplorable  de  noftre  deffunt 
Frère  ,  jufques  à  préfent  ,  n'a  cette 
de  procéder  par  voye  de  fait  ,  par 
puiflance  ,  6c  par  forces  d'armes ,  en 
transgreftant  nos  ordres  de  ne  point 
venir  en  noftre  Cour,  n'y  -en  noftre 
Ville  de  Paris  à  main  armée,il  doit  ef- 
tre  tenu  pour  ingrat, 6c  comme  tei,dé- 
cheu  de  tous  les  biens  6c  de  toutes  les 
grâces  qu'il  a  par  cydevant  receiies 
de  nous.  Surquoy  après  avoir  meure- 
ment  délibéré  avec  plufteurs  de  nof- 
tre fang,6cautres  perfonnes  fages  ,6ç 
gens  de  bien  ,  tant  de  noftre  Confeil, 
que  de  noftre  Cour  de  Parlement,  6c 
du  Corps  de  noftre  Fille  l'Univer- 


de  la  garder  contre  noftre  volonté,     fité ,  comme  aufîi  des  Bourgeois 


Il  s'eft  de  la  mefme  façon  rendu 
maiftre  de  noftre  Ville  de  Soilîons , 
6c  enfuitte  il  s'eft  encore  failli  de 
celle  de  Saint  Denys  ,  pour  nous 
incommoder  6c  noftre  Ville  de  Pa- 
ris. Enfin  pour  confommer  fa  mau- 
vaife  ,  6c  damnable  volonté  ,  il  eft 
venu  hoftilement ,  à  grandes  forces , 
6c  enfeignes  déployées  ,  devant  nof- 
tre Ville  de  Paris  ,  6c  y  eft  long- 
temps demeuré  de  pied  ferme ,  en- 
voyant fes  Couriers  jufques  aux  por- 
tes ,  à  deifein  d'y  exciter  quelque 
fedition  ,  6c  d'y  entrer  de  force  , 
comme  un  véritable  Ennemy  de 
l'Eftat ,  commettant  en  cela  un  nou- 
veau crime  de  leze  Majefté.  C'eft 


6c  Marchands  de  noftre  Ville  de 
Paris  ,  affemblez  en  grand  nombre  ; 
Nous  avons  ledit  de  Bourgogne  ,  6c 
tous  autres  ,  qui  après  la  publica- 
tion de  nos  Lettres  luy  prefteront 
Confeil ,  ayde  ,  ou  faveur ,  déclaré , 
6c  par  les  prefentes  déclarons  rebel- 
les ,  6c  défobéiffants  ,  infradeurs ,  6c 
violateurs  de  la  Paix  ,  6c  par  confé- 
quent  nos  Ennemis ,  6c  Adverfaires  , 
ennemis  6c  perturbateurs  de  l'Eftat. 
Pour  ces  eau  fes  nous  avons  réfolu 
d'affembler  pluftoft  que  faire  fe  pour- 
ra ,  toutes  nos  forces  ,  ôc  de  mander 
tous  les  nobles ,  6c  vaflaux  de  noftre 
Royaume,  avec  les  Bourgeois  de  la 
milice ,  de  la  Ville ,  pour  le  voyage 


CONTRE  LE  DUC 

que  nous  voulons  faire  contre  luy  y 
afin  de  réfifter  par  leur  affiflance  ,  à 
la  pernicieufe  volonté  ,  &  au  témé- 
raire attentat  du  dit  de  Bourgogne, 
&  de  fes  Complices  ,  de  les  réduire 
à  noflre  obéiffance  ,-  comme  il  efl 
raisonnable ,  &  de  chaftier  ,  &  de 
punir  de  telle  forte  les  forfaits,  qui 
ont  été  commis ,  que  l'honneur  nous 
en  demeure  ,  &  qu'il  en  foit  exem- 
ple à  l'advenir.  C'eft  pourquoy  , 
nous  mandons  par  ces  prefentes  , 
à  nos  fidèles  Confeillers  de  noftre 
Cour  de  Parlement  ,  au  Prévoit 
dé  Paris  ,  à  tous  Baillys  ,  Senes- 
chaux  ,  Prevofls  ,  &  autres  ,  nos 
Julliciers  <5c  Officiers  ,  ou  à  leurs 
Lieutenans  ,  de  publier  ,  &  faire 
publier  les  prefentes  Lettres  ,  en 
leurs  Sièges  ,  &  Auditoires  ,  & 
dans  les  Marchez  ,  &  lieux  publics , 
où  la  couflume  eft  de  publier  ks 
Déclarations  ,  &  Ordonnances 
Royaux  ,  à  ce  que  nul  n'en  puilfe 


DEBOURGOGNE.    vij 

prétendre  caufe  d'ignorance.  Leur 
ordonnant  de  noflre  authorité  , 
qu'au  pluflofl  qu'ils  pourront ,  ils 
viennent  à  nous  en  armes  ,  pour  nous 
fervir  en  ce  qu'il  leur  fera  comman- 
dé ,  fur  tout  qu'ils  craignent  d'en- 
courir noftre  indignation  ;  y  con- 
traignant les  autres  qui  pareillement 
y  font  obligez  ,  fi  befoin  efl  ,  par 
faifie ,  &  exploitation  des  biens  , 
arreft  ,  &  détention  des  perfonnes 
de  tous  ,  &  chacuns  de  ceux  qu'ils 
trouveront  défobéïflants  à  nos  E- 
dits  ,  &  Ordonnances  cy-deffus  : 
En  témoin  dequoy  nous  avons  fait 
appofer  noflre  Seel  aux  préfentes 
Lettres.  Donné  à  Paris  le  10.  Fé- 
vrier ,  l'an  de  noflre  Seigneur  1 4 1  3 . 
&  de  noflre  Règne  le  34..  Signé  par 
le  Roy ,  à  la  relation  de  fon  grand 
Confeil ,  affemblé  à  cette  fin  ,  en 
préfence  de  laReyne  ,  &  de  Mr.  le 
Duc  de  Guyenne,  Derian. 


yix\ 


JUSTIFICATION 


DU 


DUC 

PAR. 


E  BOURGOGNE 

JEAN      PETI  T. 


MONSTREIET,  ChRON.    Vol.  I.  fol.   3  4. 
Il*  eft  parlé  de  cette  Pièce  dans  cette  Hiftoire.,  Liv.  VII.  §.  XXVII. 

Comment  le  Duc  Jean  de  Bourgongne  fcift  propojer  devant  h'  Roi 
&  fin  grand  Confcil  Je  s  excitations  fur  la  mort  dit  dejjus 
dit  Duc  d'Orléans.  Cha.p.  XXXIX. 


LE  VIII.  jour  de  Mars  l'an 
mil  CC CC.  &  fept  le  Duc 
Jean  de  Bourgongne  feit  pro- 
pofer  à  Paris  en  l'hoftel  de   Saind 
Pol  par  la  bouche  de  Maiftre  Jean 
Vêtit  Dodleur  en  Théologie  la  Jufti- 
fication  d'icelui    Duc  Jean  fur  la 
mort  n'agueres  faite  du  Duc  Loys 
d'Origans  :  Et  eftoit  prefent  en  eftat 
Koyal  le    Duc  de  Guyenne  Daul- 
phin  de  Viennois  aifné  fils  &  héri- 
tier du   Roi  de  France  ,  le  Roi  de 
Cecdle  ,  le  Cardinal  de   Bar  ,   les 
Ducs  de  Berry .,  de  Bretaigne  &  de 
Lorraine  avec  plufieurs  Comtes  , 
Barons  „Chevaîiers  &  Efcuyers  de 
divers  Pays ,  le  Recteur  de   l'Uni- 
verfité  accompagné  de  grand  nom- 
bre de  Docteurs  &  autres  Clercs  & 
très  grand  multitude  de  Bourgeois 
j&  Peuple  de  tous  eftats ,  de  laquelle 
proportion  la  teneur  s'enfuit.  Pre- 
mier dift  ledit  Jean  Petit  comment- 
par  devers  la  tresnobie  &  treshaul- 
te  majeflé  Royalle  venoit  comme 
très  vray  .obéi fiant   à  fon  Roy  & 
Souverain  Seigneurie  Duc  de  Bour- 
gongne Comte  de  Flandres  ,  d'Ar- 
ia)    ro'thois&  de  Bourgongne  deux  fois 
che,  pnxi-  Iairde  France  oc   Doyen  des  Pairs 
mus,  en  grand  humiiité  pour  lu  y  faire 


révérence  &  toute  obeïflance  com- 
me il  eftoit  tenu  &  obligé  de  faire 
par  quatre  obligations  que  mettent 
communément  les  D  odeurs  en  Thé- 
ologie ,   le  Droit   Canon  ,  &   Ci- 
vil. Desquelles  obligations  la  pre- 
mière eft.  Proximi  adproximum  qua 
puisque  tenetur  proxinmm  non  offen- 
dere.  Secundo,  eft  cognatorum  ad  illos 
quorum  génère  geniti  vel  procreati 
funt   cpia  tenetur  parentes  fuos  non 
folum  non  offendere  ,fed  etiam  defen- 
dere  verbo  &  fatlo.  Tertia  eft  vajfa- 
lorumad  dominum ,  qua  tenentur  non 
folum  non  ojfendere  dominum  fuum  , 
fed  defendere  <verbo  &  falio.  Qu_arta 
eft  non  folum  non  ojfendere  dominum 
fuum  ,fed  etiamprincipis  injurias  vm~ 
dicare.  Or  eft  mondit  Seigneur  de 
Bourgongne    bon    Catholique    6c 
loyal    preud'homme    Seigneur    de 
bonne  vie  &  en  la  fo,r  de  la  Chref- 
tienté  ,  &  eft  proesme  (  a  )  du  Roi 
pourquoy  eft  tenu  de  l'aymer  com- 
me foy  mesmes  &  foy  garder  deluy 
faire  aucune  offence.  Item  il  eft  fon 
parent  yfili  de  fa  lignée  fi  prochain 
comme  fon  coufin  germain,  parquoy 
eft  obligé  non  pas  tant  feulement  à 
foy  garder  de  luy  faire  offence  9 
mais    à  tout     le    moins  le  doibt 

deffendre 


JUSTIFICATION  DU  DUC  DE  BOURGOGNE,    ix 

deffendre  par  parolle  contre  tous  &  du  feu  1  fils  de  mondit  Seigneur  de 
ceux  qui  luy  feraient  injure.  Tier-  Bourgongne.  Et  comme  dit  Monfei- 
•cement  il  eit  fon  V^aflal  .,  &  gneur  Saine!  Grégoire  :  Curn  crefcunt 
pource  par  la  tierce  obligation  il  dona  &  rationes  donorum..  Ileftobli- 
n'eil  pas  tant  feullement  tenu  de  Je  gé  entre  les  autres  mortels  à  le  gar- 
garder  par  parolle  ,  mais  avec  ce  de  der  ,  deffendre  ,  venger  de  toutes  in- 
faid  &  de  toure  fa  puiffance.  j^i^s  à  fon  pouvoir.  Et  s'il  a  bien 

Quartement  il  eft  fon  Subjecl:  ,  recogneu,&  tecognoift  &  recognoii- 
parquoyparla  quarte  obligation  qui  tra  (  le  Dieu  plaift  )  &  aura  en  fon 
enfuit  les  trois  obligations  devant-  cueur  mémoire  des  obligations  déf- 
aites il  n'eu:  pas  tant  feullement  tenu  fusdides  qui  font  douze  en  nombre, 
de  le  garder  de  fa  parolle  .&  de  fait     C'eft  à  fçavoir  proësme,parent,  Vai- 

fa!,  Subject.&  Baron,  Comte,  Duc, 
Pair  ,  Duc  &  Doyen  des  Pairs  ,  & 
les  deux  mariages.  Ce  font  douze 
obligations  par  lesquelles  il  eft  obli- 
gé l'aymer  ,  iérvir ,  obejr  &  porter 


pai 
contre  fes  ennemis ,  mais  eil  tenu 
avec  ce  de  le  venger  de  ceux  qui  luy 
font  injures ,  -ou  qui  luy  ont  lait 
•faire  ,  ou  vouldroient  machiner  & 
ont  machiné  à  faire  oh  (,  a  )  cas  qu'il 


viendrait  en  fa  cognoilfance.  Et  en-  révérence,  honneur  &  obeilîance 
tores  outre  il  eft  obligé  à  fa  tres-no-  le  deffendre  de  tous  les  ennemis  <5c 
bie  êc  tres-haulte  majefté  royallepar  non  pas  feullement  deffendre  ,  mais 
-plufieurs  autres  obligations  que  par  Je  venger  &  en  prendre  vengeance. 
4es  quatre  delfusdites.  Pource  qu'il  Et  avec  ce,  Prince  de  tres-noole  me- 
-a  receu  «Se  reçoit  de  jour  .en  jour  tant  moire  feuMonfeigneur  de  Bourgon- 
.de  biens  &'  d'honneurs  de  ladite  gne  fon  père  luy  commanda  au  lift 
majefté  &  magnificence  :  non  pas  àe  la  mort  que  lur  toutes  chofes 
feulement  comme  fon  proësme,  pa-  apreslefalut  defoname,  ilmift  tout 
rent ,  Vaffal  &  Subjecï  comme  dit  fon  c"eur,  voulenté,  courage  ,  corps 
eft  ,  mais  comme  fon  très-humble  &  puilïance  en  expolant  tant  qu'il 
Chevalier,  Duc  ,  Comte  &  Pair  viveroit  a  garder  loyaument  la  per- 
de France  ,  &  non  pas  Pair  de  Fran-  I°nne  au  Koy,  les  enfans  &  fa  Cou- 
ce  deux  fois ,  mais  Doyen  des  Pairs  ronne-  Car  û  ic  doubroit  tresgran- 
qui  eft  la  première  prérogative  de  dement  q^  fes  adverfaires  machi- 
Seigneurie  ,  nobleffe  &  dignité  qui  nolent  a k]Y tolhr  (b)  fa  Couronne, 
doit  en  ce  Royaume  après  la  Cou-  &  ™™  très-grande paour  (c)  qu'ils 
ronne.  Et  qui  plus  eft  le  Roy  luy  a  ne  iuffem  Plus  forts  après  fon  tres- 
iait  fi  grand  ligne  d'amour  &  d'ami-  Pas  <lue.luy  vlvant-  Et  pource  vou- 
tié  qu'il  la  faid  père  en  loi  de  maria-'  Jut  obllgfr  au  îid  de  fa  mort  par 
ee  de  très-noble  &  très-puilîant  Sei-  commandement  paternel  fes  enfans. 
gneurMonfeigneur leDuc  de  Gnycne  a  rel,lfte^  a  ]  encontre.  Et  n  eft  pas  a 
Daulohin  de  Viennois  fon  aisnéfils  oublier  la  très  grand  loyauté  de  mon 
&  héritier  d'une  part  &  aisnèe  fille  tresredoubte  Seigneur  Monfeigneur 
de  mondit  Seigneur  d'autre  part,  &  le  Duc  de  *«ry&  du  vaillant  Sei- 
aulîi  Madame  Michelle  de  France  êneur,  trespaffe  qui  fi  loyaument  , 
/n     «na       n      ,  x  r,  tant  doulcement ,  tant  feurement  & 

(a)au(b)  Otettollere.  (c)  Peur  ,  paver. 

Tome  II,  Part.  III.  B 


x  JUS  T  IF  C 

fi  fagement  gardèrent,  nourrirent  6c 
gouvernèrent  que  oncques  une  feul- 
le  imagination  de  foupeçon  mauvaife 
ne  fut  penfée  ne  dite  contre  leurs 
perfonnes.  Pourquoy  ces  chofes  def- 
fusdites  confiderées  mon  dit  Sei- 
gneur de  Bourgongne  ne  pourroit 
avoir  en  ce  monde  greigneur  (  a  ) 
douleur  en  fon  cueur  (  b  )  ne  grei- 
gneurne  plus  grand  desplaifir  que 
de  faire  chofe  où  le  Roy  peult  pren- 
dre desplaifance  envers  luy  du  faicl: 
advenu  en  la  perfonne  du  feu  le 
Duc  d'Orléans  derrain  (  c  )  tres- 
pafle.  Lequel  faicl;  a  efté  perpétré '(d) 
pour  le  tresgrand  bien  de  la  per- 
fonne du  Roy  ,  de  fes  enfans  &  de 
tout  le  Royaume  ,  comme  il  fera 
cy  après  monftré  &  déclaré  tant  6c 
fi  avant  qu'il  en  devra  bien  fuffire.  Il 
iupplie  treshumblement  au  Roy 
d'ofterde  luy  toute  fa  desplaifance 
de  fon  très  noble  courage  ,  fe  aucu- 
ne advient  à lencontre  de  fa  perfon- 
ne par  l'introdudion  delfusdite  ou 
autrement ,  &  que  le  Roy  luy  veuil- 
le monftrer  doulceur  6c  bénignité  & 
le  tenir  en  amour  comme  fon  loyal 
Vaffal  6c  fubjecl  &  Coufin  prochain 
comme  il  eft ,  attendu  plufieurs  cau- 
fesjuftes  6c  véritables  ,  que  je  dirai 
après  pour  la  Juftification  de  mon 
dit  Seigneur  de  Bourgongne  i  de  la- 
quelle il  m'a  chargé  par  commande- 
ment fi  exprès  que  je  ne  l'ay  ofé  au- 
cunement efeonduire  pour  deux  cau- 
fes  cy  après  déclarées.  La  première 
«il  quejefuis  obligea  Je  fervir  par 
ferment  à  lui  faicl;  il  y  a  trois  ans  paf- 
fez  "!  la  féconde  que  luy  regardant 
que  j'efloye  trespetitement  bénéficié 


ATI  ON 

m'a  donné chascun  an  bonne  <3c  gran- 
de penfion  pour  moy  aider  à  tenir 
auxefcolles.  De  laquelle  penfion  j'ai 
trouvé  une  grande  partie  de  mes  des- 
pens  &  trouveray  encores  s'il  luy 
plaiflde  fa  grâce.  Mais  quand  je  con- 
fidere  la  tresgrande  matière  dont 
j'ay  à  parler  &  la  grandeur  des  per- 
fonnes dont  il  me  conviendra  &  faul- 
dra  toucher  en  fi  tresnoble  6c  folem- 
nelle  Compagnie  comme  il  y  a  icy  , 
6c  d'autre  part  que  je  me  regarde 
6c  me  treuve  de  petit  fens  ,  povre 
de  mémoire  6c  foible  d'engin  (e)  6c 
tresmal  aourné  (f)  de  langage  ,  une 
très-grande  paour  me  fiert  (g)  au 
cueur  voir  fi  grand  ,  que  mon  engin 
6c  ma  mémoire  s'en  fuit  &:  peu  de 
fens  que  je  cuiàoye  (  h  )  avoir  ma  ja 
du  tout  laiffé.  Si  ne  voy  autre  re- 
mède fors  (  i  )  de  moy  recomman- 
der à  Dieu  mon  créateur  6c  redem- 
pteur,à  fa  tres-glorieufe  mere,à  Mon- 
feigneur  Sainci  Jean  l'Evangelifte 
le  Maifhre  6c  Prince  desTheologiens 
qu'ils  me  veuillent  enfeigner  ,  con- 
duire 6c  garder  de  mal  faire  6c  de 
mal  dire  ,  enenfuyvant  le  confeilde 
Monfeigneur  Sainci:  Auguftin  qui 
dit  ,  Libro  quarto  de  Dottrina  Chri- 
fliana  circa  finem  ,  fïve  apud  popu- 
lum  ,  vel  apud  quoslibet  jamjamque 
diclurus  ,/tve  quod  apud populum  di- 
cendum  vel  ab  eis  qui  voluerint  aut 
potuerint  legendum  ejî  dillaturm  ,  oret 
ut  Devis  fermonem  bonum  det  in  os  ejus. 
Si  enimregina  Hefter  oravit  pro  fu& 
gentis  falute  temporali  locutura  apud 
regem  ut  in  os  ejus  Deus  congruum  fer- 
monem daret  ,  quantomagis  or  are  dé- 
bet »  ut  taie  munus  accipiat  qui  pro 


(a)    Plus  grande  ,  grandior  (b)  Cœur  (c)  Dernier  ,  ou,  dernièrement, 
(d)    Perpétré,  commis  ,  perpétration,    (e)  D'efprit  ^ingenmm.   (f)  .Orné  3adornatus. 
(g)  Frappe ,/m>.  (h)  Fenfois.  (i)  Hots,  foras. 


DUDUCDE B 

aterna  homimtm  falute  in  verbo  & 
dottrina  laborat  &c.  C'eft-à-direque 
pource  que  celle  matière  eft  tres- 
îiaulte  «5c  perijleufe  <5c  qu'il  n'appar- 
tient pas  à  homme  de  fi  petit  eitat  , 
comme  je  fuis  ,,  d'en  parler  ,  voire 
(  a  )  de  mouvoir  les  lèvres  pour  par- 
ler en  fi  tresnoble  &  folemnelle  com- 
pagnie qu'il  y  a  icy  ;  Je  vous  fupplie 
tres-humblement  (  mes  tresredoub- 
tez  Seigneurs  )  <5c  à  toute  la  compa- 
gnie fi  je'  dy  aucune  chofe  qui  ne  foit 
bien  diète  ,  qu'il  me  foit  pardonné  «Se 
attribué  à  ma  fimpleife  <5c  ignorance 
<5c  non  point  à  malice.  Car  l' Apoftol- 
le  (  b  )  dit  :  Ignorans  feci  :  ideoque 
mifericordiam  confeemus  fum.  Car  je 
n'oferoye  parler  de  cette  matière  ne 
dire  les  chofes  qui  me  font  enchar- 
gées  fe  ce  n'eftoit  par  le  commande- 
ment de  mondit  Seigneur  de  Bour- 
gongne.  Apres  ce  je  protefte  que  je 
n'entens  à  injurier  quelque  perfonne 
que  ce  foit  ou  puift  eftre  ,  foit  vif 
ou  trespalfé.  Et  s'il  advient  que  je 
die  aucunes  parolles  fentans  injures 
pour  &  ou  (  c  )  nom  de  mondit  Sei- 
gneur deBourgongne  Se  parfon  com- 
mandement je  prie  qu'on  m'ait  pour 
exeufé  entant  qu'elles  font  à  fa  ju unifi- 
cation <5c  non  autrement. Mais  on  me 
pourroit  faire  une  queftion  ,  difant 
qu'il  n'appartient  pas  à  un  Théolo- 
gien de  faire  ladite  j unification  <5c 
qu'il  appartient  à  un  Jurifte. 

Je  refpons  que  nullement  n'appar- 
tient à  moy  qui  ne  fuis  ne  Jurifte 
ne  Théologien  :  mais  pour  fatisfaire 
aux  parlans  ,  je  refpons  à  la  queftion 
fej'eftoye Théologien,  il  me  pour- 
roit bien  appartenir  ,  attendu  une 
confideration  que  j'ay  en  cefte  ma- 


OURGOGNE-  xj 

tiere  ,  c'eft  à  fçavoir  que  tout  Doc- 
teur en  Théologie  eft  tenu  de  labou- 
rer (  d  )  à  exeufer  <5c  juftifier  fon 
Maiftre  <5c  fon  Seigneur  ,  luy  gar- 
der <5c  deffendre  fon  honneur  Se  bon- 
ne renommée  entant  comme  la  vé- 
rité fe  peult  eftendre  ,  mesmement 
(e)  quand  fondit  Seigneur  eft  bon 
«5c  loyal  6c  n'a  de  riens  mesprins  (f  ) . 
Je  preuve  cefte  confideration  eftre 
vraye  ,  car  c'eft  l'office  des  maiftres 
Dodeurs  en  Théologie  de  prefeher 
«Se  dire  vérité  en  temps  Se  en  lieu. 
Et  pourtant  ils  font  appeliez  Legis 
divinx  profejjores  ,  quia  inter  omnes 
alios  dotlores  ipjïmagis  tenentur  pro- 
fitera veritatem.  Et  s'il  advient  qu'ils 
meurent  pour  dire  vérité  ,  ils  font 
adonc  vrais  martyrs  :  ce  n'eft  donc 
pas  merveilles  fe  (g)  à  mondit  Sei- 
gneur qui  m'a  nourryen  l'eftude  & 
nourrira  fe  Dieu  plaift  j'ay  à  luy 
prefté  ma  povre  langue  à  prononcer 
Se  dire  icelle  juftification. Car  feonc- 
ques  il  fuft  lieu  &  temps  de  pref- 
eher &  dire  la  juftification  de  loyau- 
té de  mondit  Seigneur  de  Bourgon- 
gne  ,  il  en  eft  temps  «5c  lieu  <5c  ceux 
qui  m'en  fçauroient  mauvais  gré  fe- 
roient  grand  péché  ,  ce  me  femble  , 
mais  de  ce  me  devroit  tout  homme 
de  raifon  tenir  pour  exeufé.  Et  en  ef- 
perance  que  nul  ne  m'en  fçaura  mau- 
vais gré  de  la  di&e  Juftification  pro- 
noncer <5c  dire  ,  pour  ce  diray  cefte 
audorité  deMonfeigneur  Saine!  Pol. 

De  Cowvoitife. 
Radix  omnium  malorum  cupiditas  , 
quam  quidem  appetentes  erraverunt  à 
fide.i.Tïm.  6.  Laquelle parolle peult 
eftre  en  François  ainfi  mife.  Dame 
Couvoitife  eft  de  tous   maux  ,   la 


(a)  Même ,  vero  (b)  l'Apôtre ,  Apoflolus.  (c)  Au-  (d)  Travailler ,  Uborare, 
(e)   Principalement }  maximamente,   (  f  )  Failli,  (g)  Si, 

B  i\ 


xij  JDSTIFC 

racine  ,  puis  qu'on  eft  en  fes  lacs  & 
on  tient  fa  doctrine  :  apoftats  elle  a 
fait  aucuns  tant  l'ont  aymée  les  au- 
tres desloyaux  ,  bien  eft  chofe  dam- 
née. Cefte  parolle  propofée  tient  en 
foy  trois  chofes.  La  première  eft,que 
couvoitife  eft  de  tous  maux  la  raci- 
ne à  ceux  qu'elle   tient  en  fes  lacs. 
La  féconde  ,  qu'elle  a  fait  aucuns 
apoftats ,  c'eft  àfçavoir  renier  la  foy 
Catholique  &  ydolatrer.  La  tierce 
eft,  qu'elle  a  fait  les  autres  traiftres 
&  desloyaux  à  leurs  Rois  ,  Princes, 
&  Souverains  Seigneurs  :  &  pource 
que  je  penfe  à  déclarer  ces  trois  cho- 
fes dellusdides  qui   me  feront  une 
major    (a)   ,  6c  après  ladite  major 
joindre  à  une  min  or  (b)  pour  parfaire 
ladite  Juftification  de  mondit   Sei- 
gneur de  Bourgongne.  Je  puis  faire 
deux  parties  en  mon  propos.  La  pre- 
mière partie  fera  de  madidre  major. 
Et  la  féconde  partie  de  madid:e  mi~ 
n$r.  La  première  partie  contiendra 
quatre  autres.    La  première  partie 
déclarera  la  première  chofe  touchée 
en  mon  thème   (c).  La  féconde,  la 
féconde  ,  la  tierce  ,  la  tierce.  Et  l'au- 
tre quart  article  je  penfe  à  y  mettre 
aucunes  veritez  pour  mieux  fonder 
k  dicle  Juftification  de  mondit  Sei- 
gneur de  Bourgongne.  Pour  le  pre- 
mier article  déclarer  ,  c'eft  à  fçavoir 
que  couvoitife  eft  de  tous  maux  la 
racine.  Je  refpons  à  une  inftance  qu'on 
y  peult  faire  au  contraire  de   ladicle 
parolle. La  Saincte  Efcriture  dit  ain- 
fi.  Init'mm omnispeccati  fuperbia.  Ec- 
cle/iaftici  X.  Ergo  non  eft  cupiâiras 
radix  omnium  malorum.    Puis   que 
Sain&eEglife  dit  qu'orgueil  eft  com. 
mencement  de  tout  péché  ,  couvoi- 


ATIOM 

tifen'eft  pas  la  racine  de  tous  maux" 
&  péchez  &  ainfi  femble  que  ladiete 
parolle  de  Saincr,  Pol  n'eft  pas  vraye, 
A  ce  je  refpons  par  autorité  de  Mon- 
feigneurSain&J^»  l'Evangeljfte  qui 
dit  ainfi.  Nolite  ddigerc  munâum  nec 
ea  quœ  in  eo  Junt.  Si  quir  diiigit  mun- 
âum ,  non  ejî  charitas  patris  in    eo  : 
quoniam  omne  quod  ejî  in  mundv  3  aut 
eft  concupifeentia  carnis  ,  aut  oculo- 
rum  ,  autfnperbia  vit&  ,  qu&  non  eft 
ex  pâtre  fed  mundo  :  &  mundus  tran- 
fibit  &  concupifeentia  carnit.  Sed  qui 
facit  voluntatemDei  vivet  in  sternum. 
C'eft-à-dire  ,  ne  vueillez  point  aimer 
le  monde  ,  ne  mettre  votre  plaifir  , 
amour  ne  félicité  es  chofes  mondai- 
nes :  car  en  ce  monde  n'a  autre  cho- 
fe fors  concupifcence  &  couvoitife 
de  délectation  charnelle  ,  couvoitife 
de  richeffe  mondaine  &  couvoitife 
d'honneur  vaine  qui  ne  font  point 
données  de  par  Dieu  le  père.  Mais 
font  chofes  mondaines   &  transitoi- 
res (d) .  Et  toutes  fois  le  monde  fine 
(e)  &fa  couvoitife  avec  luy  ,  mais 
celuy  qui  fait  le  vouloir  de  Dieu  il 
vivra  toujours  en  gloire  pardurable- 
ment  avec  luy..  Ainfi  appert  claire- 
ment par  ceft  article  de  Saint  Jean 
qu'il  eft  trois  manières  de  couvoi- 
tife qui  encloiient  (f  )  en  eux  tous 
péchez  :  C'eft  à  fçavoir  couvoitife 
d'honneur  vaine  ,  couvoitife  de  ri- 
cheiTe  mondaine  ,  &  couvoitife  de 
délectation  charnelle ,  &  ainli  prenoit 
l'Apoftre  couvoitife  en  la  parolle  pro- 
férée quand  il  difoit  ,  Radtx  omnium 
malorum  cupiditas.  A  entendre  cou- 
voitife aux  trois  manières  deifusdites 
&  .touchées  par  Saincr,  Jean  l'Evan- 
gelifte  ,  dont  la  première  eft  couvoi- 


(3)  Majeure.  Première  proportion  d'un  Syllogisme,   (b)  Mtneure  >  féconde  propofitiorij 
(c)  Thème,  fuj  et. ,  (d)    PafVàgeres.  (e)    Finit,  (f)  R-enferment.  inçlndynt. 


DU   DUC    DE 

tife  d'honneur  vaine  ,  qui  n'eft  autre 
ehofe  que  mauvaife  concupifcence 
6c  voulenté  defordonnée  de  tollir  a 
autruy  fon  honneur  6c  Seigneurie. 
Et  celle  couvoitife  efl  appellée  en 
l'auétorité  de  Sainct  Jean  deffus- 
dicie  ,  Superbia  vitA  ,  6c  encloft  en 
foy  tous  ces  vices  :  Ceft  à  fçavoir 
orgueil ,  route  vaine  gloire  ,  toute 
ire  (a)  haine  6c  envie  :  car  quand 
celui  qui  efl  efpris  &  embraie  de 
couvoitife  ne  peult  accomplir  Ta  vou- 
lenté defordonnée  ,  il  fe  courouflé 
contre  Dieu  &  contre  ceux  qui  l'em- 
pefchent  6c  commet  le  péché  d'ire. 
[b]Et  tantoit  conçoit  envers  celuy 
qui  tient  ladicle  Seigneurie  fi  grand 
haine  6c  envie  qu'il  fe  met  à  machi- 
ner fa  mort.  La  féconde  couvoitife 
efl  appellée  couvoitife  de  richefîe 
mondaine  ,  qui  n'eft  autre  choie  que 
concupifcence  6c  voulenté  defordon- 
née de  tollir  à  autruy  fes  biens  meu- 
bles 6c  immeubles.  Et  celle  couvoi- 


BOURGOGNE.         xiîj. 

couvoitife  eft  caufe  6c  racine  de  tout 
maux  en  le  prenant  ainii  comme  le 
prenoit  l'Apoftre  quand  il  difoit  : 
Radix  omnium  malormn  cupiditas  % 
&  hoc  de  primo  articnlo  hujus  primt 
partis.  Pour  entrer  en  la  matière  du 
fécond  article  de  madicte  major  ,  je 
mets  une  luppofion  6c  fuppofe  poui? 
vérité  que  c'eft  un  des  grands  péchez* 
qui  foit  ou  puifie  eftre  ,  que  crime 
de  leze  majeité  royalle  :  la  caufe  11 
elL  Car  c'efl  fa  plus  noble  chofe  6c 
la  plus  digne  qui  puiit  eflre  que  ma- 
jeité Royalle.  Pource  on  ne  peult 
faire  plus  grand  péché  ,  ne  plus  grand 
crime  que  d'injurier  Majeité  Royal- 
le. Et  félon  ce  que  le  crime  eft  plus 
grand, l'injure  eil  plus  grande  6c  faiéfc 
plus  à  punir.  Pourquoy  il  efl  à  fçavoir 
qu'il  eil  deux  manières  de  Majeflez 
Royaux  :  l'une  eil  divine  6c  perpé- 
tuelle, &  l'autre  eil  humaine  Se  tem- 
porelle. Et  à  proportionablement  par- 
ler je  trouve  deux  manières  de  crime 


tife  eft  appellée  par  lediâ:  Evangelifte     de  leze  Majeilé.  La  première  eil  cri- 


Concupijcentia  oculorum  ,  6c  encloft 
en  foy  toute  ufure  ,  avarice  6c  rapi- 
ne. La  tierce  couvoitife  qui  eft  ap- 
pellée Concnpifcentia  carnis  ,  n'eft 
autre  choie  que  concupifcence  6c  de- 
firs  defordonnez  de  de'eélation  char- 
nelle qui  aucunes  fois  efl  parelîe  : 
comme  d'un  moine  ou  autre  reli- 
gieux qui  ne  s'endure  [c]  à  lever 
pour  aller  à  matines  ,  pource  qu'il 
eft  plus  aife  en  fon  liét.  Aucunes 
fois  eft  gloutonnie  comme  celuy  qui 
prend  trop  de  viandes  6c  de  vins  , 
pource  qu'ils  luy  femblent  doux  à 
la  langue  ,  6c  à  favourer  cleleétables. 
Aucunes-fois  eil  luxure  6c  plufieurs 
manières  qui  ne  faultja  [d]  déclarer. 
Ainfi  appert  clairement  eitre  vray 
mon  premier  article  ou  je  difoye  que 


me  de  leze  majeilé  divine ,  6c  la  fé- 
conde eft  crime  de  leze  majeilé  hu- 
maine. Item  eft  à  fçavoir  que  crime 
de  leze  majeité  divine  fe  part  en  deux 
degrez.  Le  premier  eft  quand  on 
faict  directement  injure  au  Souve- 
rain Roy  qui  eft  notre  Souverain 
Dieu  6c  Créateur,  comme  font  ceux 
qui  font  crime  de  herefie  ou  d'idolâ- 
trie. La  féconde  eil  quand  on  faict 
injures  directement  contre  lepoufe 
de  notre  Souverain  Roy  6c  Seigneur 
Jefus-Chrift  :  c'eit  à  fçavoir  Sainde 
Eglife.-Et  eil  quand  on  commet  pé- 
ché de  Scisme  ou  diviiion  à  ladiele 
Eglife»  Ainfi  veux-je  dire  que  les 
hérétiques  &  les  idolâtres  commet- 
tent crime  de  leze  Majeilé  divine  en 
premier  degré  6c  Scismarlque  en  fe-' 


Q.)  Colère, ./m.  (b)  Bien-tôt.  (c)  S'endurcit, 


iudurat.  (  d  )   A  preil-nt.  jam. 
Bit} 


xiiij  JUSTIFICATION 

cond  degré.  Item  il  eft  à  fçavoir  que  pies  ,  mais  pource  que  je  ferois  trop 
crime  de  leze  Majefté  humaine  fe  long  à  racompter  je  me  refraindray 
part  en  quatre  degrez.  Le  premier  [  c]  aux  trois  premières.  Et  fera  la, 
eft  ,  quand  l'injure  eft  directement  première  de  la  première  ,  la  fecon- 
faide  contre  la  perfonne  du  Prince,  de  de  la  féconde  ,  la  tierce  de  la 
Le  fécond  eft  ,  quand  l'injure  ou  of- 
fence  eft  directement  faide  contre  la 
perfonne  de  fon  espoufe.  Le  tiers 
degré  eft  ,  quand  elle  eft  directement 
faide  contre  le  bien  de  la  chofe  pu- 
blique. Et  outre-plus  il  eft  à  fçavoir 
que  pource  que  ces  deux  manières 
de  crime  de  leze  majefté  divine  & 
humaine  font  les  plus  horribles  cri- 
mes 6c  péchez  qui  puiffent  eftre, 
Jes  droits  y  ont  ordonné  certaines 
peines  6c  plus  grandes  qu'aux  autres 
crimes.  C'eft  à  fçavoir  qu'au  cas  d'he- 
refie  &  de  crime  de  leze  majefté  Di- 
vine un  homme  en  peult  eftre  accu- 
fé  après  fa  mort  ,  6c  fi  peult  faire 
procès  contre  luy.  Et  s'il  advient 
qu'il  foit  convaincu  6c  atteint  d'he- 
refie  ,  il  en  doit  eftre  defenterré  6c 
fes  os  mis  en  un  fac  6c  apportez  à  h 
Juftice  6c  ars  en  un  feu.  Et  fem- 
blablement  s'il  advient  que  aucun 
foit  atteint  6c  convaincu  de  crime 
de  leze  majefté  humaine  après  fa 
mort  il  doit  eftre  defenterré  6c  {es 
os  mis  en  un  fac  ,  6c  tous  fes  biens 
meubles  6c  immeubles  confifquez 
6c  acquis  au  Prince  6c  fes  enfans  de- 
clairez  inhabiles  à  toute  fucceffion. 
Cefte  diftindion  de  crime  de  leze 
majefté  en  ce  prefuppofée  ,  je  veuil 

prouver  le  fécond  article  de  ma  dide  Empereur  il  regnia  fon  baptesme 
major  par  exemples  6c  audoritez.  la  Chreftienté  6c  la  foy  Carholi- 
C'eft  à  fçavoir  que  Dame  couvoiti-  que.  Et  fe  rendit  à  la  loy  des  Sarra- 
tife  a  fait  plufieurrs  eftre  apoftats  6c  zins  à  adorer  les  ydoles  ,  perfècuter 
regnier  [a]  la  foy  Catholique  ,  ydo-  les  Chreftiens  6c  diffamer  le  nom  de 
latrer  6c  les  ydoles  adorer.  Jaçoit  Jefus-Chrift  ,  confiderant  que  par  ce 
que  [b]  j'en  treuve  plufieurs  exem-     moyen  il  feroit  Empereur. Si  advint 

(a)  Renier,  renegare.   (b)    Quoique  jamjît.  (c)  Bornerai,  refrenare. 
(d)  Colorant,  (e)  Travailler,  (f)  Payens ,  infidèles  Sarment. 


tierce. 

De  Julian  V  Apoftat. 

Le  premier  exemple  de  Julian 
V  Apoftat  ,  lequel  fut  premièrement 
Chreftien  6c  homme  d'Eglife  ,  mais 
pour  eftre   Empereur  de  Komme 
6c  pour  venir  à  l'Empire  il  règnia 
la  foy  Catholique  6c  fon  bapteïme 
6c  adora  les  ydoles  ,  6c  difoit  aux 
Chreftiens  en  coulourant  (d)  fa  cou- 
voitife.  Chrifhts  <verè  dicitin  Evan- 
gclio  fuo  :  Nijïquis  renunciaverit  om- 
nibus qu&pojfidet ,  non  pot  eft  meus  ejfe 
difcipulus.     En  difant  ,   vous    qui 
voulez  eftre  Chreftiens  vous  ne  de- 
vez riens  avoir.  Et  fçachez  qu'iceluy 
Julian  fut    homme    d'Eglife  très- 
grand  Clerc  6c  de  grand  lignée.  Et 
dit-on  qu'il  euft  efté  Pape  s'il  y  euft 
voulu  labourer  (e)  ,   mais  il  ne  luy 
chalut  pource  que  ce  n'eftoit  alors 
que  povreté  de  la   Papalité.  Mais 
c'eftoit  la  plus  noble  6c  riche  chofe 
qui  fut  au  monde  que  d'eftre  Empe- 
reur pour  lors  ,  ainfi  le  defira  mer- 
veilleufement.  Et  pource  qu'il  con- 
fidera  que  les  Sarrafms  (f)  eftoient 
encores  fi  forts  qu'ils  n'eufîent  pas 
fouffert  qu'un  Chreftien  euft  efté 


DU  DUC  DEBOURGOGNE.  xv 

que  l'Empereur  qui  lors  eftoit  vi-     charrues  par  tout  &  en  feroit  un 


vant  alla  de  vie  à'trefpas.  Et  les  Sar- 
rafins  &  payens  confiderans  qu'ice- 
luy  Julian  l'Apoftat  eftoit  de  grand 
lignage  ,  grand  Clerc  6c  plain  de 
grand  malice,  6c  que  c'eftoit  le^ra- 
gneur  (a)  perfecuteur  des  Chreftiens 
qui  fut  au  monde  &  qui  plus  difoit 
&  de  fa  mère  &  de  la  Foy  Catholi- 
que,le  feirent  Empereur.  Si  vous  di- 
ray  comment  il  mourut  de  mort  vil- 
laine.  Il  advint  que  luy  eftant  Em- 
pereur ceux  de  Perfe  fe  rebellèrent 
encontre  luy.  Et  lors  il  affembla  une 
très-grand  armée  pour  les  rebelles 
encontre  luy  ,  mettre  à  fubjeéHon  , 
&  au  partir  jura  &  voiia  à  (es  dam- 
nez Dieux  que  s'il  pouvoit  retour- 
ner victorieux  qu'il  deftruiroit  toute 
Chreftienté.  Et  en  allant  à  tout  fon 
armée  paiTa  par  une  cité  nommée 
Cefarée  au  pays  de  Capadoce  6c  là 
trouva  un  très-grand  Doéleur  en 
Théologie  qui  eftoit  Evesque  folen- 
nel  de  ladite  cité  appelle  Bafilius  qui 
eft  maintenant  Saint  Bafile  :  Lequel 
lors  efloit  tresbon  homme ,  6c  par  le 
moyen  delà  bonne  do&rine  de  luy 
ceux  du  pays  eftoient  bons  Chref- 
tiens.  Iceïuy  Saint  B  a  file  vint  par 
devers  iceïuy  Julian  l'Apoftat  &  luy 
feit  la  révérence  ,  &  luy  prefenta 


beau  champ  &  partout  feroit  femer 
du  forment.  Itaque  jnravit  quoâ  fa- 
ceret  eamfarrtferam  &  non  auflerctm. 
Et  s'en  alla  outre  en  fes  batailles. 
SaincT:  Bajile  &  les  Chreftiens  de  la- 
dite cité  eurent  confeil  6c  advis  en- 
femble  pour  fauver  la  dide  cité ,  & 
adviferent  que  c'étoit  le  meilleur  de 
prendre  tous  les  joyaux  6c  t refors 
pour  luy  prefenter  &  appaifer.  Et 
outre  qu'ils  iroient  en  procefîion  à 
une  Eglifedenoftre  Dame  qui  eftoit 
fur  une  montagne  près  de  ladicle  ci- 
té &  demourroient  là  par  trois  jour- 
nées (b)  ,  impétrant  à  Dieu  le  fau- 
vement  d'eux  &  de  ladicle  cité.  La 
tierce  nuict  advint  une  vifion  audit 
Saint  Bafile ,  c'eft  à  fçavoir  qu'il  veoit 
(c)  une  grand  compagnie  d'Anges 
&  de  Saintes  aflèmblez  devant  une 
dame,  laquelle  dame  difoit  à  un  de 
fes  Sa  mils  appelle  le  Chevalier  Mer- 
cure: Tu  as  toujours  efté  loyal  fervi- 
teur'à  mon  fils  &  à  moy.  Et  pour- 
ce  je  te  commande  que  tu  voifes  (d) 
tuer  6c  occire  Julian  l'Empereur  le 
faulx  Apoftat  qui  fi  fort  perfecute 
les  Chreftiens  &  dit  tant  de  villen- 
nie  de  mon  fils  6c  de  moy,  6c  prefte- 
ment  refïucite  ledit  Mercure.  Et  luy 
comme  bon  Chevalier  print  fon  efcu 


trois  pains  d'orge.  Lequel  prefent  il     6c  fa  lance  qui  eftoit  pendue  à  lapa- 
print  en   tresgrand  indignation    6c     roy  de  l'Eglife  où  il  eftoit  enterré 


dit-il  :  M'a  il  envoyé  viande  de  ju- 
ment ,  6c  je  luy  envoyeray  viande  de 
cheval ,  c'eft  à  fçavoir  trois  boilTeaux 
d'avoines.  Le  vaillant  homme  s'ex- 
cufa  en  difant  que  c'eftoit  tel  pain 
que  luy  6c  ceux  du  paysmangeoient. 
Puis  iceïuy  jura  qu'à  fon  retour  il 
deftruiroit  ladicle  cité  6c  la  mettroit 


en  ladicle  cité  6c  s'en  alla.  Et  devant 
tous  les  gens  d'iceluy  Julian  ,  le  vint 
occire  6c  tuer  de  horions  (e)  de  lan- 
ce ,  tant  qu'il  luy  paiTa  outre  parmy 
le  corps ,  6c  retira  fa  lance  6c  la  rap- 
porta à  fon  col  ,  6c  ne  fceurent  les 
gens  dudit  Empereur  qui  c'eftoit. 
Et  Saint  Bafile  fi  toftque  la  vifion 
luy  fut  advenue  ,  fi  s'en  vint  haftive- 


en  tel  eftat  qu'il  feroit    courir  les 

(a)   Plus  grand,  (b)  Impétrant ,  pour  obtenir  ,  mpetrando."  (c)  Voyoit 
(d)  Ailles,  (e)  Coups. 


xvj  JUSTIFIC 

nient  en  h  diîte  Eglifc  où  eftoit  le 
tombel  d'-iceluy   Chevalier  .,    6ç   fi 
trouva  que  le  corps  n'y  ,eftoit  pas , 
ladicte  lance  ne  l'efcu  ,  &  lors  appel- 
la  les  gardes  dei'Eglife  &  leur  de- 
manda qu'eftoient  devenus    lefiits 
escuz  6ç  lance,  ils  refpondirer.t  que 
la  nuid  précédente  avoient  efté  oftez 
êc  ne  fçavoient  de  qui  ne  comment. 
Si  retourna  icelui  Saint    Bajîle  à  la 
montaignehaflivement.au  Clergé  & 
au  Peuple  &  leur  dit  la  vifion  com- 
ment le  corps ,  l'efcu  &  la  lance  du 
dit  Mercure  n'eftoient  pas  en   l'E- 
gîife ,  6c  que  ceftoit  ligne  de  l'appro- 
bation de  ion  advifion  [a].    Allez 
,toft  après   vinrent  en   ladicte  Egli- 
fe ,    &c  trouvèrent    lefdits    efcu  6ç 
Jance  penduz  à  la    paroy    ,    remis 
.&    rapportez     au   lieu    où  ils    ef- 
xoient  par  avant  ,  &  eftoit  la  lance 
îoute  enfanglantée  ,  6c  au  tombel 
Jedit  corps.  Et  fut  advife  qu'à  ce 
faire  ne  meit  qu'un  jour  $c    deux 
nuicfs ,  la  féconde  nuict  mettre  fon 
dit  corps  au  tombel  6>  fes  armeures 
.comme  ils   eftoient  par  avant.    Et 
.comme  dit  eft  la  lance  eftoit  toute 
enfanglantée  du   fang  dudit  Julian 
l'Apoftat  ainfi  occis  comme  dit  eft. 
Et  outre  dit  la  Chronique  qu'il  re- 
cevoit  fon  fang.en  fa  main  en  difant 
Vicistime zGalïUe,  C'eft  à  dire,  tu 
.m'as  vaincu  ,  Galiléen  ,  en  parlant  à 
Jefus-Chiïft  6c  jectant  fon  fang  en 
hault.  item   ladicle  Chronique  dit 
que  l'un  des  confeiJlers  &  fophiftes 
ii'iceluy  Julian  eut  femblable  vilion 
dudit  miracle  de  ladicle  mort,   Et 
pource  s'en  vint  à  S  a.'m£t  B  a/île  pour 
foi  baptifer  comme  bon  Chreftien  , 
lequel  difoit  qu'il  avoit  efté  à  ladic- 


ATION 

te  occifion  [b]  &  qu'il  îavoit  veu 
recevoir  fon  fang  en  ies  pauimes ,  & 
le  jecler  en  hault  comme  dit  eft.  Et 
ainfi  fina  [c]   misérablement  fa  vie 
Julian  l'Apoftat.  Et  après  ce  avons 
la  première  exemple  de  Sergius  le 
Moyne  ,    lequel  eftoit    Chreftien  , 
homme  d'Eglife  &  de  religion  [dj  , 
qui  par  cou  voitife  fe  meit  en  la  com- 
pagnie de  Mahommet  ôc  fon  Apof- 
tre  fefeit.  Pourquoy  il  eft  à  fravoir 
que  celuy   Moyne  advifa  qu'iceluy 
Mahom  eftoit  un  grand  Capitaine 
des    routtes  du  pays    de  Surie    Se 
d'outre  mer ,  &  que  les  Seigneurs  du 
pays  eftoient  prefques  tous  trespaf- 
fez  par  une  mortalité  ,  6c  n'eftoit  de- 
mour.é  que  Jes  enfans ,  6c  dift  à  Ma- 
hommet :  Se  vous  me  voulez  croire 
je  vous  feray  le  greignenr  Seigneur 
6c  plus  honoré  du  monde  briève- 
ment, ils  furent  d'accord  de  ce  fai- 
re ,  &  que  Mahommet  feroit  tant 
par  force  d'armes  qu'il  conquerroit 
le  pays  6c  feroit  Seigneur ,  &  iceluy 
moyne  ouvrer  oh   [ej  de  fubtillejje  6e 
renonceroit  à  la  loy  des  Chreftiens , 
compoferoit  une  loy  toute  nouvel- 
le au  nom  dudit  Mahom.  Il  fut  ain- 
fi fait   &  furent  convertis  tous  les 
pays  d'Arabie,  6c  de  Surie,  d'Af- 
fricque6c  de  Fez  ôc  Maroc  &  Gre- 
nade ,  de  P.erfe  6c  ./Egypte  Sz  de  plu- 
fieurs  autres  pays  qui  pour  lors  ef- 
toient Chreftiens  pour  la  greigneur 
partie  fans  comparaifon.  Et  fut  cef- 
te  apoftafie  fai&e  de  la  loy  Mahom 
fix  cens  ans  après  l'incarnation  nof- 
r.re  Seigneur:  iceluy  Mahom  donna 
audit   Moyne  grand  abondance  de 
richelTes  mondaines  6c  les  receut  par 
couvoitife  qui  lu  y  feit  faire  l'apof- 


(a)  Viiîon.  (b)  Meurtre,  (c)  Finit,  (A)  Moine.  Religieux. 
£e)Opereroit  par  fubtilicé. 


tarie 


DU  DUC  DE  BOURGOGNE. 


xvn 


tàfie  à  la  damnation  pepertuelle  de 
fon  ame.  Le  tiers  exemple  eft  du 
Prince  &  Duc  de  Symeon  qui  eftoit 
une  des  douze  lignées  des  enfans 
d'Ifraël ,  lequel  Prince  eftoit  moult 


duirent  à  adorer  les  idoles.  Dieu 
s'en  courrouiïà  tres-grandement  & 
dit  à  Moyfequi  eftoit  le  Souverain 
Seigneur  6c  Duc  de  tous  les  autres 
du  peuple.   Prens  tous   les  Princes 


[a]  puiffant  homme  &  grand  Sei-  du  peuple  6c  les  fait  pendre  au  gibet 

gneur  6c  avoit  nom  Zambry.  Le-  contre  le   Soleil  .  Et  pourquoy  di- 

quel  fut  fi  efprins  de  couvoitife  &  foit  il  tous  les  Princes.  Pource  qu'u- 

de  délectation  charnelle  de  l'amour  ne  partie  eftoit  confentante  en  ice- 

d'une  Dame   Payenne  que   pource  luy   crime   &    les  autres  jaçoit  ce 

qu'elle  ne  fe  vouloit  accorder  à  faire  qu'ils  n'enfulTent  pas  confentans  ils 

fa  voulenté  s'il  n'adoroit  les  idoles  ,  eftoient   negligens   d'en    faire  ven- 

îl  adora  les  idoles  6c  les  feit  adorer  geance  de  fi  grand   injure  à  Dieu 

par  plu fieurs  de  {es  gens  6c  fubjeds.  leur  créateur  faite.  Tantofi  [b]  Moï- 

Desquels  la   Sainéte  Efcriture  dit  fe  alla  s'en  afTembler  tous  les  Princes 

ainfi.  At  illi  comederum  &  adorave-  &  tout  le  peuple  d'Ifraël  6c  leur  va 

runt  deos  earum ,  initiatusque  eftjf-  dire  ce  que  Dieu  luy  avoit   dit  & 

raèl  Beelphegor.  Et  iratus  Dominus  commandé.    Le  peuple  fe  print   à 

ait  ad  Moyfem  :  toile  cunîlos  princi-  pleurer  pource   que  les  malfaiteurs 

pes  populi  &  Jufpende  illos  contra  fo-  eftoient  fi  puiffans  que  les  juges  n'o- 

lem  in  patibulis  &  c&iera  :  &  paulo  feroient  faire  juftice  &   encores  plus 

pofl.  Et  ecce  unus  de  filtis  Jfraèï  in-  iceluy    Duc  Zambry  eftoit    à  tout 

travit  coram  fratribus  fuis  ad  [cor-  XXIV.  mille  hommes  de  fon  al- 

tum  M adiamtem  ,  &  cetera.  Quod  liance.  Item  il  fe  partit  de  la  place 

cum  vidijfet  furrexit  de  medio  multi-  voyant  tout  le  peuple  &  s'en  vaen- 

tvidinis   Phinees  ,   &  arrepto  pugione  trer  au  logis  de  ladidle  Sarrazinequi 

ingrejjus  eft  poft  virum  Ifraelitem  in  eftoit  fon  amie  par  amours  ,  6c  qui 

lupanar  ,    &  perfodit  ambos  Jîmul  in  eftoit  la  plus  belle  6c  la  plus  gentil 

locis  genitalibus.  Et  occifi  funt  viginti  femme  du  pays  ,  un  vaillant  hom- 

quatuor  milita  hominum.Et  fie  Phi-  me   nommé   Phinees  print  courage 

nées  placamt  Deum   Et  ideo  Pnno-  en  luy  6c  dit  en  fqn  cueur  :  Je  voue 

centius  in  de  miferia  conditionis  bu-  a  Dieu  que  prefentement  le  venge- 

manx,  ait  :  Ex  tréma  libidmis  turpitu-  ray  de  celle  injure ,  il  fe  départit  fans 

do  :  quA  non  folummentem  ejfœmtnat ,  mot  dire    fans     quelconque     corn- 

fed  etiam  corpus  aggravât.     Omne  mandement  de  Moyfe  ne  d'autre  à 

namque  peccatum  quodeunque  fecerit  ce  ayant  pouvoir  6c  s'en  vint  au  lo- 

homo  extra  corpus  eft  :  qui  autem  for-  gis ,  6c  trouve  iceluy  Duc  avecques 

nicatur^in  corpus  fuum  peccat.  C'eft-  icelle  dame  l'un  fur  l'autre  faifant 

à-dire  qu'iceluy  Duc  6c  une  grande  l'euvre  de  délice   ,  6c   d'un  couftel 

partie  du  peuple  feirent  fornication  qu'il  avoit  par  manière  de  dague  les 

de  leurs  corps  avecques  les  Payen-  tresperça    d'outre  en   outre   6c   les 

nés  femmes  6c   Sarrazines  du  pays  occift  tous  deux  enfemble  ,    6c  les 

de  Moab  ,  lesquelles  femmes  les  in-  vingt  6c  quatre  mille    qui  eftoient 


(a)  Très  multum.  (b)  Auffi-tôt ,  tam  cito. 

Tome  IL   Part.  III. 


sv.iii  JUSTIFI 

adjierans  avec  iceluy    Duc  appelle 
Zambry    fe    voulurent    combattre 
pour  fa  mort  :  mais  par  la  grâce  de 
Dieu  ils  furent  les  plus  foiblss  .&  fu- 
rent tous  tuez  &  occis.  Item  notez 
ceil  exemple  que  le  vaillant  homme 
Phinées  eltoit  fi  efprins.en  l'amour  de 
Dieu  6c  Kit  fi  dolent  quand  il  veit 
faire  cette  injure  à  Dieu  fon  Roy  & 
Souverain  Seigneur  qu'il  ne  doubta 
[a]  pas  à  foy  expofer  à  la  mort  & 
n'attendit  ne  congé   ne   licence  de 
Moyfe  de  ce  faire  ne  d'autre  quel- 
conque ,  pource    que  les  juges  ne 
faifoient  point  leur  devoir,  les  uns 
par  négligence  ,  &  les  autres  powr 
doubte  [b[  d'iceluy   Duc  Zambry. 
Et  plus  encores  efl  à  noter  la  ^rand 
rémunération   &  louange  qu'il  en 
acquit.  Car  il  eîl  eferit.  Dixit  Do- 
minas  ad   Aioyfem  :  Phinées  filius 
Heledz.ari  fin  Aaron  Sacerdotis  a- 
t-ertit  irammeam  kfiliis  l'fracl,  quia 
x^elo  meo  commotus  efl  contra  eos  ,  ut 
non  ipfe  delerem  filios  IJrael  in  z.elo 
meo  i  ideirco  loquere  ad  eum.  Ecce  do 
ei  pacem  fœderis  mei  &  trit  tam  ipjî 
quant  femini  ejus  paStum  Sacerdotii 
Jempiternum  >  quia  zelatus  efl pro  Deo 
fiis  &  expiavit  feelus  filiorum  IfraeL 
Ce(l  à  dire  qu'il  eut  tant  le  fait  ag- 
greable    &  le  rémunéra    tellement 
qu'il  &  fa  lignée  auraient  le  tiltre  de 
preflrife.  Ainfi  que  nul  de  l'ancien 
Tcftainent   ne  leroit  'Preftre ,  n'E- 
vesque  ,  fors  de  la  lignée  d'iceluy 
Phinées.  Placutt  &  ceffavit  feditio 
&  reputatum  efl  ei  ad  \uflitiam  ufque 
;n  fempiternum.  Scribitur  in  vfahno. 
C'elt-à-dire  qu'iceluy  fait  fut  attri- 
bué à  Juftice  ,  gloire  <5c  louange  à 
celuy  Phinées  &  à  toute  fa  lignée  a 
tousjoursmais.  Ainfi    appert    clere- 
ment  que  concupifcence  6c  couvoi- 
%ik  mauvaift  tint  tellement  en  Ces 


CATION 

lacs  le  Duc  Zambry  deiïusdlt  qu'el- 
le le  feit  idolâtrer  &  adorer  les  idole?, 
&  cy  fine  le  tiers  exemple  du  fécond 
article. 

Quant  au  troifiesme  article  de 
madicle  majorée  doy  monftrer  par 
exemple  &  par  auéraritez  de  la  Bible 
laquelle  nul  n'oferoit  contredire  : 
C'efl  à  fçavoir  .que  dame  couvoiti- 
fe  a  fait  pluCeurs  eftre  trainres  & 
defloyaux  envers  leurs  Souverains 
Seigneurs ,  jaçoit-eeque  je  pourroy.e 
mener  à  ce  propos  les  exemples  ôç 
audtoritez  tant  de  la  Sainte  Efcritu- 
rc  comme  d'ailleurs  ,  je  me  reffrain- 
dray  à  trois 

De  Lucifer, 

La  première  efl:  du  cas  de  Lucifer 
lequel  fut  la  créature  la  plus  par- 
faite &  en  elfence  que  Dieu  feit 
oneques  ,  duquel  dit  Tfaye  le  Pro- 
phète. Ouomodo  cecidifli  de  cxlo  Lu~ 
cifer  ,  qui  mane  oriebaris  :  qui  dice- 
bas  in  corde  tuo  ,  confeendam  Jupra 
aflra  Dei ,  exaltabo  folium  meitm  , 
afeendam  fuper  altttudinem  nubtum 
&  fimilis  ero  altiffimo.  Veruntamen 
ad  infernujn  detraheris  in  prof  un  dam 
laci.  Scribitur  Yfaya  14. 

Pourquoy  il  efl  à  fçavoir  qu'ice- 
luy; Lucifer  foy  regardant  6c  confi- 
derant  fa  noble  créature  tant  belle 
6c  tant  parfaiéle  dit  en  fa  penfée  en 
iuy-mesme.  Je  feray  tant  que  je 
mettray  ma  chaire  6c  mon  trosne  au 
deiîus  de  tous  les  autres  Anges  6c 
feray  femblable  à  Pieu  :  C'efl  à  fça- 
voir qu'on  lui  ferait  obeïffance  com- 
me à  Dieu  ,  6c  pour  ce  faire  il  de- 
çeut  une  grand  partie  des  Anges  êc 
les  attrahtt  [c]  à  fon  opinion  ,  c'efl 
à  fçavoir  qu'ils  lu  y  feraient  obeïf- 
fance ,  honneur  6c  révérence  par 
manière  d'hommage  comme  à  leur 


.(a)  Craignit,  .(b)1  Crainte,  (c)  attira. 


DU   DUCDE  B 

Souverain  Seigneur  ,  6c  ne  feroient 
de  riens  fubjecls  à  Dieu,  mais  a  ice- 
luy   Lucifer  ,   lequel   tiendroit  fa 
majeflé  pareillement  comme   Dieu 
la  fienne  ,  exempte  de  toute  la  Sei- 
gneurie de  Dieu  &  de  toute  fa  fub- 
jeclion.  Et  ainfi  vou'oit  tollir  à  Dieu 
fon     Créateur    6c   Souverain    Sei- 
gneur la  grand  partie  de  fa  Seigneu- 
rie &  les  attribuer  à  foy  ,  ôc  ce  hiy 
fâifoit  faire  couvoitife  qui  s'efroit 
boutée   [a]  en  fon   courage.  Si  toil 
que  Saint    Michel  apperçeut  cela 
il  s'en  vint  à  luy  &  luy  dit  que  c'ef- 
toit  trop  mai  fait  &  que  jamais  ne 
vonlfift  [b]  faire  telle  chofe  6c  que 
tant  que   Dieu  l'avoit  fait  plus  bel 
&  plus  parfait  de  tous  îes  autres  de 
tant  devoit  il  monflrer  greigneur  li- 
gne   de  révérence  ,  fubjeAion    6c 
obeïiTance  à  celuy  qui  l'avoit  fait 
plus  bel  ,  qui  eftoit  fon  Roy  6c  Sou- 
verain Seigneur.   Lucifer  dit  qu'il 
n'en  feroit   riens.  Sainct  Michel  dit 
que  luy  6c  les  autres  ne  fouffriroient 
point  telle  injure  faire  à  leur  Créa- 
teur 6c    Souverain  Seigneur  ,  brief- 
vement  la  bataille  fe  meut  entre  ce- 
luy   SainCt  Alichel  ôc    Lucifer.  Et 
une  grand  partie  des  Anges  furent  à 
l'accord  6c  ayde  d'iceluy   Lucifer  , 
6c   l'autre  partie   6c  la  plus  grand 
partie  fut  du  cofté  d'iceluy   Sainci 
Michel.    Saind  Michel   occift  ice- 
luy  Lucifer  de  mort  perdurable  ain- 
ii  qu'iceluy   Lucifer  ,  6c  les  autres 
de  fon  cofté  furent  chaffez  hors  de 
Paradis  par  force  ,  6c  tresbuchez  en 
enfer  dequoydit  Sainét  Michel  h: 
Sentence  ,   Apocalipfîs  XII.  Michel 
&  angelï  ejus  pr&liabantnr  cum  dra- 
tone  ,  &  draco  pugnabat  &  angeli 
tjus  cum  eo  .*  &  paululum  pofl  :  & 

(a)  mife.  (b)  Voulût,  (c)  retira*- 


OURGOGNE.  xh 

projettus  efl  in  tcrram  draco  ille  ,  & 
angeli  ejus  mijfi  funt  cum  eo.  Et  au- 
divi  <vocem  maonam  in  calo  dicentem. 
Nunc  fatla  efl  falus  &  virtus  &  re- 
gnum  Deo  noflro.  C'eft-à-dire  que 
Monfeigneur  Saind:  Je. in  vcit  en 
vifion  la  manière  de  la  bataille  def- 
fusdicle  6c  comme  Lucifer  fut  jec- 
té  hors  6c  tresbuché  en  enfer  6c  fes 
anges  avecques  luy.  Et  après  la  ba- 
taille gaignée  il  ouyt  une  voix  qui 
crioit  par  les  cieux.  Maintenant  eft 
faicle  une  grande  paix  à  Dieu  noftre 
Seigneur  ,  à  tous  Saindsde  Paradis. 
Ainfi  avez  ledit  premier  exemple  du 
tïoifiesme  article, 

Z)e  A^falon. 

Le  fécond  article  efl  du  bel  Ab- 
falon  ,  fils  du  Roy  David  Roy  de* 
Hierufaîem  ,  lequel  Abjalon  confi- 
cferant  que  fon  père  eftoit  vieux 
homme  6c  qu'il  avoit  perdu  une 
partie  de  fon  lens  6c  force  ,  ce  luy 
fembloit ,  6c  alla  environ  la  vallée 
où  fon  père  avoit  efté  oingt  6c  cou- 
ronné Roy  ,  6c  là  feit  une  conjura- 
tion contre  fondit  père  6c  fe  feit 
enoindre  Roy  :  6c  feit  qu'il  eut  dix 
mille  hommes  qu'il  attrait  à  fon  ac- 
cord 6c  s'en  vint  en  Hierufaîem 
avecques  les  dix  mille  hommes  de(- 
fusdits  pour  occire  fondit  père  6c 
prendre  la  poileffion  de  ladite  Vil- 
le. Sondit  père  ouyt  les  nouvelles 
de  celle  chofe  ,  fi  fe  partit  de  la  Vil- 
le tofl  6c  haflivement  6c  avecques 
luy  fes  loyaux  amis  6c  fe  re trahit 
[c]  en  une  Ville  forte  outre  le  fleu- 
ve Jordàin  où  il  manda  fes  loyaux 
amis  partout  où  il  peut ,  6c  Abfalon 
tous  les  liens  au  contraire  ,  briefve- 


C  ï] 


JUSTIFICATION 

de  bataille  fut  prinfe     Conneflable  du  Roy  David  le  trou- 


XX 

ment  journée 

6c  fut  la  bataille  en  la  Lendeve-Fo- 
refl  là  où  vint  Abfalon  en  perfonne  , 
garny  de  tresgrand  Compaignie  de 
gens  d'armes  &  feit  Prince  de  fa 
Compaignie  ,  c'eft  à  fçavoir  fon 
Conneflable.  Et  les  autres  Cheva- 
liers luy  confeillerent  qu'il  démoli- 
rait en  la  forefl  pource  qu'il  efloit 
viel  6c  ancien.  Si  demoura  ,  mais 
pource  qu'il  efloit  tresexpert  en  fait 
de  bataille  &  tant  bon    Chevalier 


va  là  pendu  &  tantollle  courut  dire 
à  Joab ,  lequel  Joab  luy  difl  :  Se 
tu  l'as  veu  ,  pourquoy  ne  Tas  tu  oc- 
cis ?  je  t'euffe  donné  dix  befans  [b] 
d'or  &  une  bonne  ceinture.  Lequel 
refpondit  à  Joab  :  Se  tu  me  don- 
noyés  mille  befans  d'or  fi  n'oferoye 
toucher  à  luy  ne  luy  faire  quelque 
mal.  Car  j'efloye  prefent  quand  ie 
Roy  te  commanda  6c  à  tous  les 
gens  d'armes.  Gardez  moy  mon  en- 
que  c'efloit  un  des  preux  du  monde  fant  Abfalon  6c  gardez  qu'il  ne  foit 
luy  mesme  ordonna   trois  batailles,     occis.    Et  Joab  replicqua  le  com- 


Desquelles  Joab  fon  Conneftable 
fut  Capitaine  de  la  première  batail- 
le ,  6c  Bifay  le  frère  de  Joab  de  la 
deuxiesme  :  &  de  la  troifiesme  fut 
Capitaine  Efchey  fils  de  Jeth.  Et 
puis  Yeflour  [a]  fut  grand  6c  la  ba- 
taille cruelle.  La  partie  du  defloyal 
Abfalon  fut  la  plus  foible  ,  les  uns 
furent  occis  &  les  autres  s'en  fuy- 
rent.  Il  advint  qu'iceluy  Abfalon 
en  fuyant  fur  fon  mulet  après  la 
desconfiture  pafTa  par  deffoubs  un 
chesne  espais  de  branches  fe  pendit 
par  fes  cheveulx  6c  fon  mulet  pallà 
outre  ,  car  ledit  Abfalon  avoit  oflé 
fon  heaume  pour  le  chault  &  pour 
mieux  courre  &  avoit  des  cheveux 
plus  que  dix  autres  fî  longs  qu'ils  ve- 
noient  jufques  à  fa  ceinture.  Si  le 
levèrent  en  hault  au  courre  6c  s'en- 
tortillèrent autour  desdides  bran- 
ches 6c  pource  demoura  il  là  pendu 
par  manière  de  miracle  pour  la  grand 
trahifon  6c  defloyauté  qu'il  avoit 
perpétrée  à  l'encontre  de  fon  pè- 
re fon  Roy  6c  fon  Souverain 
Seigneur.  Et  en  outre  fi  advint  , 
qu'un  des  gens  d'armes  d'iceluy  Joab 


mandement  que  le  Roy  avoit  fait 
eflre  contre  fon  bien  6c  fon  hon- 
neur. 

Car  tant  comme  le  dit  Abfalon 
aura  vie  ou  corps  ,  le  Roy  fera 
tousjours  en  péril  6c  fi  n'aurons 
paix  ou  Royaume ,  meine  moy  ou 
efl  le  dit  Abjalon.  Il  luy  menapre- 
fentement.  Si  trouva  Abfalon  pen- 
dant par  les  cheveux  &  luy  ficha 
trois  lances  dedans  le  corps  endroit 
lecueur ,  6c  puis  le  feit  jecl:er  en  un 
fofie  6c  lapider  6c  couvrir  de  pierres. 
Car  félon  la  loy  de  Dieu  pource 
qu'il  efloit  trahiflre  [c]  ,  tyrant  6c 
defloyal  à  fon  père  fon  Roy  6c  Sou- 
verain Seigneur  il  devoir  eflre  lapi- 
dé 6c  couvert  tout  de  pierres. 
Quand  David  fceut  la  nouvelle  que 
fon  fils  efloit  occis  il  monta  en  une 
haute  chambre  6c  fe  print  à  plorer 
moult  tendrement  6c  dit  ces  pa- 
roi le  s. 

FM  mi  Abfalon  ,filimi,  quis  mi- 
hi  tribuat  ut  ego  moriar  pro  te  ,  Ab- 
falon fili  mi. 

Il  fut  annoncé  à  Joab  6c  aux  autres 
gens  d'armes  que  le  Roy  faifoit  iî 


(a)  Vejiour  ,  Iechoc.  (b)Befâns,  Moneta  Byfanlina  Terme  commun  dans  le  blafon. 
(c)  Traître. 


DU  DUC  DE 

grand  courroux  pour  l'amour  de  fon 
fils  ,  fi  en  furent  tresindignez,  lors 
Joab  vint  au  Roy  David  &  lui  dit 
cesparolles. 

Confndifii  hodie  vultus  omnium  fer- 
vorum  tuorum  qui  falvam  feccrunt  a- 
nimam  tuam.  Dtligis  odientes  te  ,  & 
odio  habes  diligentes  te  ,  &  ojiendifti 
hodie  qui  a  non  curas  de  ducibus  mis 
&  de  ferais  mis  3  &  vere  cognovi 
modo  quodfi  Abfalon  viveret  &  nos 
omnes  occubuijfemus  tune  placer  et  tibi. 
Nunc  igitnr  Jurge  &  -procède  &  allo- 
quens  fatisfac  fervis  mis.  Juro  enim 
tibi  per  Dominum ,  quod  fi  non  exieris 
ne  unus  quidem  remanfurus  fît  tecum 
noble  hac  ,  & pejus  hoc  erittibi  quiim 
omnia  mala  qu&  venerunt  fuper  te  ab 
adolefcentia  tuausque  inprefens.Scri* 
bitur  z.Reg.  XIX.  C'ell  à  dire  que 
le  bon  Chevalier  Joab  s'en  vint  au 
Roy  &   luy  dit  vérité  fans  flater  , 
c'eft  à  fçavoir  tu  haiz  ceux  qui  t'ay- 
ment  &  ayme  ceux  qui  te  hayent. 
Tu  eulfes  bien  voulu  que  nous  euf- 
fions  efté  tous  occis  6c  que  Abfalon 
ton  fils  vesquifl,  qui  avons  mis  noz 
corps  en  tresgrand  péril  de  mort  à 
combattre  entour  luy  pour  toy  fau- 
ver.  Et  pource  les  gens  d'armes  & 
le  peuple  en  font  fi  indignez  à  ren- 
contre de  toy  que  fe  tu  ne  viens 
feoir  à  la  porte  pour  les  mercier  à 
lye  chère    [aj  comme  ils  entreront 
dedans  ,  ils  feront  un  autre  Roy  & 
te  ofteront  ton  Royaume  ,  &  onc- 
ques  fi  dolente  journée  ne  te  advint 
fe  tu  ne  fais  ce  que  je  dis.  Le  Roy 
confiderant  ce  qu'il  difoit  veoir  s'en 
vint  à  la  porte  fe  feoir  pour  mercier 

[b]  les  gens  d'armes  comme  ils  en- 
troyent  dedans  &  leur  feit  bonne 

chère  &  joyeufe.   Et  ceft  prefent 

(a)  Joyeu/k  chère,   (b)  Kemmier. 


BOURGOGNE.  xxi 

exemple  fait  moult  à  noter  que  le 
bon  Chevalier  Joab  occift,  le  fils  du. 
Roy   contre  le  commandement  du 
Roy  &  n'obeifl  point  à  fon  com- 
mandement pource  ,qu'il  eftoit  au 
préjudice  de  Dieu  ,  du  Roy  &  de 
fon  peuple.  Item  nonobstant  qu'ice- 
luy  Joab  l'occift  ,  ils  avoyent  tou- 
jours efté  amis   enfemble  ,  &   tant 
que  le  dit  Joab  audit  Abfalon  avoit 
fait  fa  paix  par  devers  le  Roy  David 
fon  père   d'un  meurdre  qu'il  avoit 
fait  en  la  perfonne  de  fon  frère  aisné 
fils  du  Roy  David  qu'il  avoit  occis 
&  en  avoit  iceluy  Abfalon  efté  fui- 
tif  hors  du  Royaume  par  quatre  ans. 
Mais  aucuns  pourroient  arguer  con- 
tre les   chofes  deffusdides  ,   parce 
que  quand  le  Roy    David  fut  au 
lia:  de  la  mort  il  enchargea  à  fon  fils 
Salomon  qui  devoit  eftre  Roy  après 
luy  qu'il  feit  Juftice  dudit  Joab  ,  de 
ce  je  refpons  que  ce  ne  fut  pas  pour 
le  cas  delTusdit  ,  car  nonobftant  que 
Joab  fut  bon  Chevalier  &  loyal  au 
temps  qu'il  occift  ledit    Abfalon  , 
neantmoins  envers  la  fin  de  fes  jours 
il  feit  deux  grans  fautes.   La  pre- 
mière ,  car  il  occift  un  tresbon  Che- 
valier &  homme   d'armes  nommé 
Amafon.  La  feconde,qu'il  occift  un 
tresbon    Chevalier  nommé  Abner 
par  grand  trahifon  ,  c'eft  à  fçavoir 
en  le  faluant  &  baifant  luy  bouta  un 
coufteau  au  corps.  Et  pource  que  le 
Roy  David n'a.voh  point puny  ledit 
Joab  des  deux  homicides  deffusdits 
qu'il    avoit  perpétrez  fi   defloyau- 
ment  ,  il  en  feit  confeience  au  lict 
mortel  &  chargea  le  Roy  Salomon 
qu'il  en  feit  Juftice  après  fon  tres- 
paffement  &  qu'il  le  punift  en  cefte 
mortelle  vie  à  éviter  la  damnation 


Ciij 


xxii  JUSTIFI 

perpétuelle  dudit  Joab  Se  Juy  dit 
ainfi. 

Tufcis  qu&fecerh  tnihi  Joab  filins 
Saruiœ  ,  qu£  fecerit  duobns  principi- 
hus  exercitus  Ifrael  Abner  filio 
Ner  &  Amafae  filio  Jether  ,  quos 
occidit  &  effilait  fanguincm  bclli 
in  pace.  Facias  ergo  juxta  fapien- 
tiam  tuam  &  non  deduces  cameiem 
ejus  pacifiée  ad  inferos.  Scribhur  z. 
Rgg.  IL  C'elt-à-dire  que  les  deux 
Chevaliers  Princes  de  la  Chevalerie 
de  Ifrael  avoient  elle  tuez  defloyal- 
jement  6c  en  paix  de  Dieu  6c  de  fon 
Roy.  Et  je  fais  confeience  de  ce 
ue  je  luy  ay  efté  trop  favorable, 
t  pource  fe  tu  ne  le  punis  tu  feras 
caufe  de  la  damnation  de  fon  ame. 
Je  fais  cy  un  nota-  Et  il  n'eft  nul  fi 
bon  Chevalier  au  monde  qu'il  ne 
puilfe  bien  faire  une  faute,  voire  fi 
grande  que  tous  les  biens  qu'il  aura 
ïaicls  devant  feront  adnichillez*\&\. 
Et  pource  on  ne  crie  aux  jouftesne 
aux  batailles  aux.  Preux  :  mais  on 
crye  bien  aux  fils  des  Preux  après 
là  mort  de  leur  père  r  car  nul  Che- 
valier nepeult  eftrejugé  preux  fece 
n'eft  après  le  trespailèment.  Ainfi 
avez  le  deuxiesme  exemple  du  tiers 
article. 

De  la- Roy  ne  Athalic* 

Le  tiers  exemple  fera  d'une  Roy- 
ne  ,  qui  avoit  nom  Athalie  Royne 
du  Royaume  de  Hierufalem  de  la- 
quelle dit  laSain&e  Efcriture.-  Atha- 
lia  vero  mater  régis  Ocbofiœ  ,  vidons 
filiura  fuum  moftuum  furrexit  &  in~ 
terfecit  omne  femen  rcgium.  TolUns 
autem  Jofaba  filia  Régis  Joran  & 
foror  Ocho/îœ  Joas  fUtum  Ochofiafura- 
ta  ejî  eumde  medio  filior um  Régis  qui 
interficiebantur  &nutricem  ejus  de  tri- 
clinio  &  abscondit  enm  à  fade  Ajha~ 
£a)  Anéantis. 


CATION 

lis,  ut  non  interficeretur ,  &c.  4..  Reg. 
XI.  C'efi-à-dre  ,  qu'icelle  mauvaiiè 
Athalie  regardant  que  le.  Roy  Ocho- 
fias  fon  fils  eftoit  trespaffé  Se   qu'il 
n'avott  lanTé  que  petits  enfans  pour 
à  foy  attribuer   la  Seigneurie  par 
couvoitife  6c  mauvaife  concupifeen- 
ce  Se  tyrannie  occiit.  les  enfans  dudit 
Roy  fon  fils  6c  furent  tous  occis  ex- 
cepté que  par  la  grâce  de   Dieu  ôc 
d'une  vaillante  Dame  qui  eiloit  tan- 
te desdits  enfans  ,  feur  à  leur  père  , 
embla  un  nommé  Joas  ou   berceau 
de  fa  nourrice  6e  l'envoya  fecrette- 
ment  à  l'Evesque  qui  le  nourrit  juf- 
ques  à  fept  ans.  Cependant  la  mau- 
vaife Royne  deifusdite  régna  lesdits 
fept  ans  par  tyrannie  Se  defloyauté  ,- 
&  au  VII.  an  le  vaillant  Evesquela 
feit  occire  par  aguets  6c  efpiemens. 
Et  puis  feit  couronner  le  petit  en- 
fant ,  nonobftant  qu'il  fuft  jeune  Se 
qu'il  n'eult  que  fept  ans  gouverna 
très-bien  ledit  Royaume  parle  con- 
feil  du  vaillant  homme  Evefque  Se 
autres  très-bons    Evefques  &  preu- 
d'hommes,car  la  Saincte  Ecriture  dit 
ainfi  : 

Joas  regnavit  X  L-  annis  in  Hieru- 
falemfecitque  retlnm  cor  ain  Domine 
mnc~lis  diebus  qmbus  docttit  eum  Jo- 
jada  Sacerdos.  Ainfi  avez  le  III~ 
exemple  ,  qui  eft  comment  couvoi- 
tife d'honneur  vaine  qui  n'efl  autre 
chofe  que  concupifcence  &  voulen- 
té  defordonnée  à  tollir  à  aiitruy  fa 
noble  domination  Se  Seigneurie,  feit 
ladite  Royne  eflre  meurdriere,  fau- 
ce  6c  desloyalle  à  obtenir  par  force 
6c  tyrannie  la  couronne  6c  Seigneu- 
rie du  Royaume  de  Hierufalem.  Et 
û  avez  ou  y  comment  par  aguets  6c 
efpiemens  elle  fut  occife  ,  car  c'eft 
droit ,  raifon  &  équité  que  tout  Ty- 


DU  DUC  DE    B 

ran  foit  occis  vaillamment  ou  par 
aguet  &  efpiement.  Et  eft  la  propre 
mort  dont  doivent  mourir  Tyrans 
deiloyaux.  Ainfi  je  fais  fin  dudit 
Article  III.  de  madi&e  major. 

Apres  je  viens  au  quart  exemple 
de  maduSe  major  ,  auquel  je  penfe 
noter  &  propofer  VIII.    Veritez 
principalles  par  manière  de  conclu- 
Jion  &  fondement  d'iceluy  &  con- 
férer huicl:  autres  concluions    par 
manière  de  <x)ro!aires  pour  mieux 
fonder  la  J unification    de   mondit 
Seigneur  deBourgongne.La  premiè- 
re que  tout  SubjevSt  Vaffal  qui  par 
couvoitile .,  barat  {a]  ,  fortilege  6c 
mai  engin  [b]  machine  contre  le  fa- 
Jut  corporel  de  fon  Roy  &   Souve- 
rain Seigneur  pour  luy  tojlir  &  fbub- 
iîraire  fa  tresnoble  &  tres-iiaulte  Sei- 
gneurie, il  pèche  fi  gxiefvement  & 
commet  fi    horrible  crime  comme 
rrime  de  leze  majeflé  royal  ou  pre- 
mier degré  ,  &  par  confequent  il  efl 
aligne  de  double  mort   ,  c'efl  à  fça- 
voir  premier  &  II,.  Je  prouve  ma- 
dicte  propofition,car  tout  Subjeâ:  & 
Vailal  qui  eflennemy  &  deiloyal  à 
fon  Souverain  Seigneur  pèche  mor- 
tellement. Adonc  ma  conclufion  eft 
yraye.  Et  qu'il  foit  Tyran  je  le  prou- 
ve par  Monfeigneur  Saincl;  Grégoire 
,qui  dit  ainfi  ; 

Tyrannus  eft  proprie  qui  non  Demi- 
nus  repntatur. 

Non  juftèprincipatur:ant  non  prin- 
cipatu  décor  atur. 

JSIamficM  regnum  retins  principa- 
tus  dicitur  : 

$ic  dominium  perverfum  tyrannis 
nuncupatur. 

-Qui  commet  crime  de  lefe  majeflé 

(a)  FrAuit  (b)  Mwvats  e/frit ,  mauvaife 


O  UR  G  O  G  N  E.        xxiij 

il  appert  clerement  par  la  defcription 
delfusdictedes  degrez  de  lefe  majef- 
té,car  il  fait  fi  grand  orFence  que  plus 
ne  peult  àla  majefté  royalle  en  la  pro- 
pre perfonne  du  Prince,qu'il  foit  di- 
gne de  double  mort  première  ôc  fe- 
conde,je  le  prouve, car  par  la  premiè- 
re mort  j'entens  mort  corporelle  qui 
efl  feparation  du  corps  &  de  l'ame  , 
qui  n'eft  autre  chofe  que  damnation 
perdurable,la  quelle  parolle  Monfei- 
gneur  Sûnâjean  l'Evangelifte  dit. 

Qui  vivit  non  morietur  nec  Imdetur 
kmortefccmda. 

C'eft-à-dire  que    toute  créature 
humaine  qui  aura  vicloire  finable- 
ment  fur  eouvoitife  &  ks  trois  filles, 
il  n'aura  garde  de  la  mort  féconde  : 
C'ell  à  fçavoir  de  perdurable  dam- 
nation. La  féconde  vérité  eft  ,jacoit 
[c]  ce  que  ou  cas  deflusdit  foit  tout 
Subjed  Vaffal  digne  de  double  mort, 
&  qu'il  commette  fi  horrible  mal 
qu'on  ne  le  pourroit  trop  punir  :  tou- 
te fois  efl  plus  à  punir  qu'un  fîmple 
SubjecT:  ,  en  ce  cas  un  Baron  qu'un 
fîmple  Chevalier  ,  un  Comte  qu'un 
Baron  ,  &  un  Duc  qu'un   Comte  , 
le  coufin  du  Roy  qu'un  eflrange,   le 
frère  du  Roy  qu'un  coufin  ,   le  fils 
du  Roy  que  le  frère  ,  voilà  quant  à 
fa  première  partie  de  la  féconde  véri- 
té. Et  quant  à  la  féconde  partie  je 
le  prouve.    Car  en  moult  de  degrez 
l'obligation  ell  greigneur  à  vouloir 
garderie  falut  du  Roy  &  de  la  chofe 
du  bien  publique.  Dont  parce  ceux 
qui  font  le  contraire  font  plus  à  pu- 
nir en  montant  de  degré  en   degré. 
Que  ma  confequence  eft  très-bonne, 
je  la  prouve.  C'efl  à  fçavoir  que  le 
fils  efl  plus  obligé  que  le   frère  ,  & 
vcyt  >  dolus  malus,   (c)   Quoique. 


xxiiij  J  U  S  T  ï  F  I 

Je  frère  que  le  coufin,  un  Duc  qu'un 
Comte  j  un  Comte  qu'un  Baron  ,  un 
Baron  qu'un  Chevalier  ,  &c.  à  gar- 
der Je  bien  ,  honneur  du  Roy ,  &  de 
Ja  chofe  publicque  du  Royaume,car 
à  chacune  desdides  prérogatives  , 
dignitez  ,  6c  Seigneuries  correfpond 
certain  degré  d'obligation.  Et  ainfi 
qu'ils  font  greigneur ,  6c  plus  nobles 
greigneurs  ,  &  plus  forte  eft  l'obli- 
gation. Et  partant  que  plus  en  a  , 
&  de  plus  nobles  ,  de  plus  eft  obligé  ; 
comme  dit  eft  en  l'audorité  deSaind 
Grégoire  de/Tus  allégué. 

Cum  crefcunt  dona ,  &  rationes  do- 
norum. 

Item  par  le  deuxiesme  argument 
pren-je  madide  vérité,  car  tant  que 
Ja  perfonne  eft  plus  prochaine  du 
Roy  6c  plus  noble  ,  s'il  fait  les  cho- 
fes  deffusdides  ,  de  tant  eft-ce  plus 
greigneur  efcandale  que  ce  n'eft  d'u- 
ne povre  perfonne  qui  eft  loingraine 
du  Roy.  C'eft  trop  greigneur  efcan- 
dale qu'un  grandDuc  6c  puiffant  Sei- 
gneur parent  prochain  du  Roy,  ma- 
chine fa  mort  pour  lui  tollir  fa  Sei- 
gneurie ,  que  ce  ne  feroit  d'un  po- 
vre Subjed  qui  n'eft  pas  fon  parent  , 
de  tant  que  lemachineur  feroit  plus 
prochain  du  Roy  ,  &  de  greigneur 
puiffance  ,  de  tant  feroit  la  chofe 
plus  inique  ,  &  de  tant  feroit  de 
plus  grand  efcandale  ,  6c  par  confe- 
quent  feroit  plus  à  punir.Tiercement 
je  prouve  ma  vérité  deffusdide  :  car 
où  il  y  a  plus  grand  péril  ,  adonc  il 
doit  avoir  greigneur  remède  de  pu- 
nition ,  ôc  alencontre  qu'il  y  ait  plus 
grand  péril  je  le  prouve.  Car  la  ma- 
chination des  prochains  parents  du 
Roy, 6c  qui  font  de  grand  audorité  , 

(a)     Attaquer  mal  à  propos,    (b)  Majeramente 


CATIO  N 

6c  puiffance  ,  eft  trop  plus  perilleufe 
que  n'eft  la  machination  des  povres 
gens.  Et  pourtant  qu'elle  eft  plus 
perilleufe  ,  ils  en  doivent  avoir  plus 
grand  punition  pour  obvier  aux  pé- 
rils qui  en  peuvent   advenir   ,  pour 
Jes  refraindre  des  tentations  de  l'en- 
nemy  &  de  couvoitife   ,  car  quand 
ils  fe  voyent  fi  prochains  à  la   Cou- 
ronne ,   advient  que   couvoitife  fe 
boute  en  leur  cueur.   Pourquoy  ils 
fe  bouteront  à  machiner  de  tout  leur 
puiffance,  ôckmespoigner  [a]  ladide 
Couronne  ,  ainfi  n'eft  pas  d'un  po- 
vre Subjed  qui  n'eft  pas  prochain 
parent  du  Roy  ,  car  il  n'y  auroit  ja- 
mais imagination  ou  efperance    de 
toucher    à    ladide     Couronne    du 
Royaume  autrement. Des  occifions. 
La  tierce  vérité  ,  ou  cas  deffusdid 
en  ladide  première  vérité.  Il  eft  li- 
cite à  chacun  Subjed  fans   quelque 
mandement  félon  les  Loix  moralle  , 
naturelle  6c  divine  d'occire  ,  ou  de 
faire  occire  iceluy  trahiftre  defloyal, 
6c  Tyran  ,  6c  non  pas   tant  feule- 
ment licite  ,  mais  honnorable  ,  6c 
méritoire  ,  mesmement  [b]  quand  iJ 
eft  de  fi  grand  puiffance  que  juftice 
ne  peult  bonnement  eftre  fai<fte  par 
le  Souverain.  Je  prouve  cefte  vérité 
par  douze  raifons  en  l'honneur  des 
douze  Apôtres.  Desquelles  raifons  les 
trois  premières  font  de  trois  audo- 
ritez  de  trois    Philofophes  moraux. 
Les  autres  trois  font  de  trois  dodri- 
nes  de  Sainde   Théologie  ,   6c  du 
Dodeur  Saind  qui  dit  en  la  dernière 
partie  du  fecondLivre  des  Sentences. 
Quando  altquis  dominiitmjîbi per  vio- 
lentiam  furr ipit  nolentibus   Subditis  , 
vel  etiam  ad  confenfum  coattis  :  & 
non  eft  recurjus  ad  Superiorem   per 
quem  de  tait  jndicinmpoJ[et  fieri.  Ta- 

principalement. 

lis 


DU  DUC   DE    B 

lis  enim  qui  ad  liber ationem  patria  ta- 
lent tyrannum  occidit  :  laudem  ,  & 
prœmium  accipit.  Hic  primum  lauda- 
tur.  Item  débet  laudari  per  qu&  facit 
opus  dignum  lande.  Idem  licitum  prœ- 
mium &  bonorabile  accipit  ,  &  idem 
débet  accipere.  Il  le  facit  opus  merito- 
rium  ,  quia  nullum  opus  eft  dJgnum  , 
■primo  ni  fi  fier  et  ?neritorium.  A  parler 
briefvement,  6c  proprement  le  Doc- 
teur defiusdit  veut  dire  que  ce  Sub- 
ject  qui  occift  le  tyran  defiusdit  fait 
çeuvre  de  louenge ,  6c  rémunération. 

La  II.  autorité  fî  eft. 

Scalcelbero  ,  Sacra  Theologiœ  exi- 
piii  do5loris  in  libro  fuo  ,  Policratum 
JLib.  II.  Cap.  UN.  fie  dicit  :  amico 
adulari  non  licet ,  fed  aurem  tyranni 
tnulcere  licitum  eft.  Namque  feilicet 
tyranno  licet  adulari  quem  licet  occi- 
dere.  C'efl-à-dire  ,  iln'eft  licet  à  nul- 
ly  de  flater  fon  amy  ,  mais  eft  licite 
de  addomter  ,  &  endormir  par  de 
belles  parolles  les  oreilles  du  tyran , 
car  puis  qu'il  eft  licite  d'occire  ledit 
tyran  ,  il  eft  licite  de  luy  blandir  (a) 
par  belles  paroles  &  fignes.  La  III. 
au&orité  eft  de  plufieurs  docteurs 
que  je  mets  tous  enfemble  ,  affin  que 
je  n'y  excède  le  nombre  de  trois. 
C'eft-à  fçavoir  ,  Ricardi  de  Media- 
Villa-  j  Alexandri  de  Hallis  ,  6c  Af- 
tenfis  infumma  ,qui  conclufionem  pra- 
fatamponunt  inl\\.  ejforum.  Et  y 
adjoint  pour  l'au&orité  greigneur 
cofirmation  de  St.  Pierre  l'Apoftre 
qui  dit  ainfî.  Subditi  eflote  Régi  quafi 
pr scellent i  five  ducibus  tanquàm  ab  eo 
mi/fis  ad  vindiblam  malefatlorum  » 
laudem  ver  h  bonorum ,  quia  fie  eft  vo- 
luntas  Dei.  Scribitur  prima  Pet.  IL 
C'eft-aTdire  que  la  voulenté  de  Dieu 

(a)  EUndiri ,  flatter. 


OURGOGNE,  xxv 

eft  que  tous  obeyfTent  au  Roy  , 
comme  excellent ,  6c  Souverain  Sei- 
gneur fur  tous  les  autres  de  fon 
Royaume.  Et  puis  au  Duc  comme 
commis  ,  6c  envoyé  de  par  icelui  à 
la  vengeance  ,  6c  punition  des  mal- 
faiteurs ,  6c  à  la  rémunération  des 
bons  ,  à  la  vengeance  des  injures  fai- 
tes ,  ou  machinées  au  Roy  à  faire 
par  {es  ennemis  ,  6c  malfaiteurs  : 
dont  il  s'enfuit  que  les  Ducs  font 
obligez  à  venger  le  Roy  de  toutes 
injures  qui  feront  ou  machinées  à  fai- 
re ,  ou  au  moins  à  faire  leur  pou- 
voir ,  6c  d'expofer  à  ce  toute  leur 
pu i fiance  toutes  6c  quantefois  qu'il 
viendra  à  leur  cognoiffance.  Après 
je  viens  à  la  IV.  autorité  des  trois 
Philofophes  moreaux  dont  la  pre- 
mière eft.  Ante  forum  principis  pluri~ 
bus  locis  cuilibet  fubditorum  licitum 
eft  occidere  tyrannum  ,  &  non  folum, 
licitum  ,  immo  laudabile.  C'eft-à-dire 
qu'il  eft  licite  à  un  chacun  des  Sub- 
jeds  d'occire  le  tyran  ,  6c  non  pas 
feullement  licite: Mais  eft  chofe  hon- 
norable  ,  6c  digne  de  louenge.  Tidlius 
in  libro  de  Ojficiis.  Laudatis  illos  qui 
illum  Cafiarem  interfecerunt ,  quamvis 
effet  fibi  familiarium  amicus  3  eo  quod 
jura  imperii  quafi  tyrannus  ufurpa- 
verat.  C'eft-à-dire  que  le  noble  mo- 
ral nommé  Tulle  dit  6c  eferit  en  foi» 
livre  ,  que  ceux  qui  occirent  Julius 
Cefar  font  à  louer  ,  6c  font  dignes 
de  louenges  ,  pource  qu'iceluy  Ju- 
lius  Cefar  avoit  ufurpé  la  Seigneurie 
de  l'Empire  de  Romme  ,  par  tyran- 
nie ,  6c  comme  tyran.  La  III.  auc- 
torité  eft  de  Bocace  qui  dit  en  fon 
Livre  De  cafibus  virorum  illuftrium, 
Lib.  IL  Cap.  i  5.  contra fili os  tyran- 
norum.  Et  parlant  du  tyran  dit  ainfî. 
Ledirai-je  Roy  ?  le  dirai-je  Prince  f 


D 


JUSTIFICATION 

la  foy  comme  à  Sei-     raifon  il  efl  licit 


XXV) 

2uy  garderay-je  la  foy  comme  à  Sel-  raifon  il  efl  licite  d'occire  un  tyrar* 

gneur  ?  Nenny.  Il  efl  ennemy  de  la  qui  par  nuicl,  &  par  jour  machine 

chofe  publicque.  Contre  celuy  puis  la  more  de  fon  Souverain   Seigneur. 


faire  a"mes  ,  conjuration  ,  mettre 
efpies  ,  employer  force  ,  c'efl  fait  de 
courageux.  C'efl  rreffainte  chofe  , 
Se  tresneceffaire.  Car  ce  irefl  plus 
aggreable  facrince  que  le  fang  du  ty- 
ran ,  c'efl  une  chofe  insupportable 
de  recevoir  villennies  ,  pour  bien 
faire.  Après  je  viens  à  la  III.  aucto- 
rité  des  Loix  civilles.  Et  pource 
que  je  ne  fuis  pas  Legille  ,  il  me  fuf- 
fifl  de  dire  la  Sentence  des  Loix  fans 
les  alléguer,  car  en  toute  ma  vie  je 
ne  fus  efludiant  en  Droit  Canon  ,  6c 
Civil  que  deux  ans  ,  il  y  a  plus  de 
vingt  anspaffez  ,  pourquoy  je  n'en 
puis  gueres  fçavoir  ,  Se  ce  que  alors 
j'en  peuz  apprendre  ,  fi  l'ay-je  oublié 
pour  la  longueur  du  temps.  La  pre- 
mière autorité  des  Loix  civilles  eil 
que  les  deferteurs  de  chevalerie  cha- 
cun peut  occire  licitement.  Et   qui 


Cède  comequence  appert  a  tout 
homme  de  fain  entendement  s'il  y 
Veult  confiderer  ,  6c  i'antecedent  eil 
texte  de  la  Loy  eferipte.  Àins  que 
jentre  en  la  matière  des  trois  exem- 
ples de  la  Sainde  Efcriture.  Je  veuil 
refpondre  à  aucunes  objections  qu'on 
pourroit  faire  à  l'encontre  de  ce  que 
dit  efl  en  arguant  ainfi.  Tout  homi- 
cide par  toutes  Loix  efl  deffendu  , 
c'efl  à  fçavoir  ,  divine  ,  naturelle  , 
moralle  ,  <5c  civiile.  Tout  ce  que  dit 
efl  ,  n'eflpas  tout  vray  dit  qu'il  foit 
deffendu  par  loy  divine.  Je  le  prou- 
ve, car  la  Saincle  Efcriture ,  dit  ainfi. 
Non  occides.  Exod.  XX.  Et  efl  un 
des  commandemens  de  la  Loy  divi- 
ne  ,  par  lequel  commandement  efl 
deffendu  tout  homicide.  Qu'il  foit 
deffendu  en  la  Loy  de  nature  ,  je  Je 
prouve.  Natura  enim  inter  homines 


efl  plus  deferteur  que  celuy  qui  de-  quandam  cognationem  confiituit  3  qua 
fert  la  perfonne  du  Roy  ,  qui  efl  la  hominem   homini  tnfidiari  nefas  efl, 
clef  de  Chevalerie  ,  &  fans  lequel  ne  Qu'il  foit  deffendu  auffi  par  la  Loy 
peut  la  Chevalerie  longuement  du-  moralle  ,  je  le  prouve.  Quia,  per  id  : 
rer  ?  La  féconde  auclorité  efl   qu'il  hoc  non  facias  aliis  ,  quodtibi  non  vis 
efl  licite  à  un  chacun  d'occire  &  fai-  fieri  :  alterum  non  lœdere,jusfuum  uni- 
re  occire  les  larrons  qui  guettent  tes  cuique  tribuere  ,  hoc  efl  morale  ;  in- 
chemins  en  bois  ,  Se  en  forefls  :  Se  fuper ,  &  de  naturali  jure.  Qu'if  foit 
pour  ce  efl  licite  qu'ils  font  nommé-  aulîl  deffendu  par  la  Loy  civile  ,  & 
ment  ,  Se  formellement  ennemis  de  impériale  je  le  prouve  par  les  Loix 
la  chofe  publicque  ,  &   machinent  civiles  ,  Se  impériales  qui  difent  ain- 
contre  ,   Se  continuellement    met-  fi:  Qui  hominem  occidit^capite  punia- 
tent  peine  à  croire  les   paffants.  A-  tur ,  non  habita  dtjferentiafexus  ,  vel 
donc  il  efl  licite  d'occire  le  Tyran  qui  conditionis.  hem  omne  bellum  ,  omnis 
continuellement  machine  contre  fon  ufus  armorum  vitiofus  prxcipuè prohi- 
Roy  ,  Se  Souverain  Seigneur  ,   Se  bitus  efl.  Nam  qui  vitio  pracipuè  bel- 
le bien  public.  La  III.  au&orité  fî  lumgerit,  lafle  majeflatis  reus  efl.  Item 
efl ,  qu'il  efl  licite  à  un  chacun  d'oc-  Régis  proprium  ^furta  cohibere ,  adul- 
cire  un  larron  s'il  le  trouve  de  nuict  teriapumre ,  ipfos  de  terra  perderç; 
en  fa  maifonpar  la  Loy  civiile  ,  Se  qui  enim  talia  flbi  appropriât  ,  ant 
ImperialJe,,  Adonc  par  plus    forte  ftfarpat  ,principeminjuriatur  ,&lim 


**. 


DU  D  UC   DE  B 

dit  :  quantam  (  ut  dicit  lex  )  judicio^ 
rum  <vigor  ,  juris ,  &  publica  tutela  in 
rnedio  conftituta  efl  ,  nequis  de  aliquo 
quantumcunque  fceleribus    implicito 
afjmnere  valeat  ultionem.  Pour  ref- 
pondre  aux  raifons  deiïusdites  c'eft 
a  fçavoir  que  les  Théologiens  ,   & 
J  milles  parlent  en  diverfes  maniè- 
res de  ce  mot    homicidium  ,  mais 
nonobftant  qu'ils  différent  enpar'ers, 
ils  conviennent  en  une  mesme  Sen- 
tence.  Car  les    Théologiens  dient 
que  tuer  un  homme  licitement  n'eit 
pas  homicide  ,   car  ce  mot  homici- 
dium ,  emporte  en  foy,  quod/îtjuftum 
fropter  hoc  dicunt  quod  Moyfes  ,  Phi' 
nées  ,  &  Mathatias  non  commi fer  vint 
homicidia  qu&  jufl'e   occiderunt.  Mais 
Jes  Juriftes  dient  que  toute  occi<ion 
d'homme  ,  foie  jufte  ou  injufte  ,  efl 
homicide,  mais  les  autres  dient  qu'il 
y  a  deux  manières  d'homicide,  jufte , 
6c  injufte  ,  6c  pour  homicide  jufte  , 
nul  ne  doit  élire  puni.  Je  refpondray 
donc  félon  les  Théologiens,  que  i'oc- 
cifion  dudit  tyran  n'eft  pas  homici- 
de :  pour  ce  qu'elle  fut  jufte  6c  lici- 
te. Selon  Loy  Juriftejeconfefieque 
fut  homicide,  mais  s'elle  fut  jufte  & 
licite  ne  s'en  enfuit  point  de  purga- 
tion  ,  mais  rémunération.  Quant  à 
l'argument  qui  dit  ,  quod  hominem 
homini  infidiari  nefas  efl ,  &  qua  ma- 
gis  infidiatur  homini ,  6cc.  Il  ne  s'en- 
tend du  tyran  qui  continuellement 
machine  la  mort  de  fon  Roy  ,   6c 
Souverain  Seigneur.  Et  homo  efl  ne- 
fas ,   &  perduio  ,    &   iniquitas.   Et 
pource  celuy  qui  occiffc  par  bonne 
cautelle  ,  6c  efpiemens ,  pour  fauver 
la  vie  de  fon  Roy  ,  Souverain   Sei- 
gneur ,  &  l'ofter  de  tel  péril  il  ne  faiét 
pas  nefas  (a) ,  mais  il  s'acquite  envers 


OURGOGNE.        xxvSj 

fon  Roy ,  &  Souverain  Seigneur.  Et 
homo  efl  nefas  ,  &  perditio ,  &  iniqui- 
tas. Et  pource  celuy  qui  l'occift  par 
bonne  cautelle  &  efpiement   ,  c'eft: 
pour  fauver  la  vie  de  fon  Roy  ,  & 
fon  Seigneur.  Quant   à  l'argument 
qui  dit  ,  Nom  facias  al iis  ,  6c  c.  Al- 
termnnonUdere ,  &c.  Je  refpons  que 
c'eft  fait  contre  le  Tyran  6c  pour  ce- 
luy qui  l'occift.  Car  il    fait  contre 
fon  Roy  ,  6c  Souverain  Seigneur,  ce 
qu'il  ne  vcaldroit  pas  qu'on  lu  y  feift. 
Et  ipfum  Regem  injuriatur ,  &  lœdit. 
Pour  laquelle  chofe  le  SubjecT;  qui 
l'occift  de  mort  telle,  qu'il  a  deffervy, 
ne  fait  en  riens  contre  Iesdites  Loys, 
mais  garde  Ventente  (b)  d'icelles  ; 
c'eft  à  fçavoir  bonne  équité, 6c  loyau* 
té   envers  fon  Roy  ,  6c  Souverain 
Seigneur.    Aux   autres    Loix    qui 
dient    Hominem     occidere    ,     capi~ 
taie  ejfe.  Ornais  ufus  armorum  ,   &cm 
Je  refponds  à  toutes  les  Loys  enfem-» 
ble  qu'il  n'eft  Loy  tant  foit  générale, 
ne  reigle  tant  foit  commune  ,  qu'en 
aucun  cas  efpecial ,  n'y  ait  exception 
aucune.  Je   vous  dy  outre  que  le 
cas  d'occire  un  tyran  eft  exempté  : 
6c  par  efpecial  quand  il  eft  tyran  de 
telle  tyrannie ,  comme  deffus  eft  dit» 
Comment  pourroit-on  trouver  plus 
digne   cas    d'exception  que  Jes  cas 
delîusdits  ;  c'eft  à  fçavoir  qu'il  eft 
faict  par  fi  grand'  neceffité  comme 
pour  deffendre  fon  Roy  ,  6c   le  gar- 
der de  péril  de  mort  f  Et  mesmemenâ 
(c)  quand  Iesdites  machinations  ,  6c 
fortiléges  ont  fi  avant  ouvré  {à)  en  fa 
perfonne  qu'il  ne  peult  entendre  à  fai-» 
re  Juftice,6cque  ledit  tyran  a  deffervy 
fi  grand  punition  que    Juftice  n'en 
peult  bonnement  eftre  faite  par  fon 
dit  Roy ,  6c  Souverain  Seigneur  qui 


(a)  Il  ne  fait  pas  un  crime  ,  une  chofe  illicite, 
(b)    L'intention,  intenium.    (c)     Principalement,  (d)  Opéré," 


Dij 


xxviij  JUSTIFI 

en  eft  afFoibly ,  bleffe ,  8c  endomma- 
gé en  entendement  ,  8c  en  puiflance 
corporelle  :  8c   pour  ainfi  expliquer 
]a  Loy  ,  8c  interpréter  en  tel  cas  , 
n'eft  pas  contre  la  Loy  à  parler  pro- 
prement :  parce  qu'il  eft  à  fçavoir 
qu'en  toutes  Loixa  deuxchofes.  La 
première  ,  le  principe  ,  ou  la  Senten- 
ce textuale.  L'autre  il  eft  pourquoy 
on  l'a  faict  faire  ,  à  laquelle  fin  les 
Auteurs  d'icelle  Loy    entendoient 
principalement.  Et  quand  on  fçait 
que  la  Sentence  eft  contraire  à  la  fin 
de  la  Loy  ,  c'eft  à  fçavoir  à  la    fin 
pourquoy  ladide  Loy  fut  faicle  :  on 
doit   expliquer  ladicle  Loy  à  l'en- 
tente de  la  fin ,  8c  non  pas  à  fens  li- 
teral  ,  ou  Sentence  textuale.  Ainfl 
met  le  Philofophe  l'exemple  des  ci- 
toyens qui  feirent  une  Loy  pour 
garder  leur  cité  ,  c'eft  à  fçavoir  que 
nul  eftranger  en  leur  cité  ne  montaft 
fur  les  murs ,  fur  peine  capitale  ,  8c 
la  caufe  qui  les  meuft  à  ce  faire  fut 
que  ladi&e  Ville  eft  oit  affiegée  des 
ennemis.  Ils  fe  dont  oient  (a.)  fe  Ef- 
trangers  montoient  fur  les  murs  avec 
les  citoyens,  ou  autrement,  ils  pour- 
roient   avoir  trop  grand  péril.    Et 
quand  ils  verroient  leur  point   ,  ils 
ne  fe  tournaflent  avec  leurs  ennemis 
contre  ladite    Ville  ,  ou  qu'ils  ne 
leur  donnaient  aucun  figne  ,  ou  en- 
tendement de  la  manière  de  prendre 
ladite  Ville.    Or  advint  que  ladite 
Ville  fut  afiaillieen  plufieurs  lieux  : 
les  eftrangers  8c  pèlerins  qui  eftoient 
en  ladite  Ville  regardèrent  qu'à  un 
des  lieux  les  ennemis  les  aflailloient 
trop  fort ,  8c  eftoient  ceux  de  la  Vil- 
le trop  foibles  en  iceluy  endroit   : 
preftement  lesdits  eftrangers  s'armè- 
rent, 8c  montèrent  fur  les  murs  pour 
fecourir  ceux  de  la  Ville  qui  eftoient 
(a)  Us  craignoient  que  fi,  f  b)  Fiiiejfes, 


CATION 

les  plus  foibles ,  repoufTerent  Iesdi&s 
ennemis  ,  8c  fauverent  ladite  Villle. 
Le  Philofophe  demande.  Puis  que 
iesdicts  pèlerins  font  montez  fur  les 
murs ,  il  fembloit -qu'ils  avoient  fait 
contre  ia  Loy  ,  8c  dévoient  être  pu- 
nis. Je  refpons  que  non  ,  jaçoit  ce  . 
qu'ils  ayent  fait  contre  le  fens  litté- 
ral ou  textual  de  ladite  Loy  ,  pour 
laquelle  Loy  fut  faite  afin  de  garder 
ladite  Ville  :  Car  s'ils  n'y  euffent  pas 
monté  ,  ladite  Ville  n'euft  pas  éfté 
gardée  ,  mais  euft  efté  prinfe.  Au 
propos  hs  Loix  defïusdites  qui  dient, 
que  nul  ne  doibt  prendre  au&orite 
de  Juftice  fors  que  le  Roy,  8c  ne  fai- 
re point  d'armes  fans  licence  de  Prin- 
ce :  Je  dits  que  celles  Loix  furent 
faites  pour  garder  l'honneur  du  Roy, 
de  fa  perfonne ,  8c  de  la  chofe  public- 
que.  Mais  en  ce  cas  doncquesj'ap- 
prouveray  qu'un    tyran  de    grand' 
puiflance  8c  fubtilité  ,  qui  machine 
de  toute  fa  puiflance  la  mort  du  Roy 
continuellement  par  barats  (h)  8c 
maléfices  pour  luy  toîlir  fa  Seigneu- 
rie ,  8c  fera  mondit  Seigneur  tant  in- 
difpoféparluy  en  entendement  ,  & 
en  force  corporelle,qu'il  ne  fçauroit , 
ou  pourroit  y  mettre  remède  ,  8c  en 
faire  Juftice.  Et  en  outre  qu'iceluy 
continue  de  jour  en  jour  fa  mauvai- 
ftié.  Je  regarde  les  Loix  deflusdites 
qui  me  défendent  port  d'armes  fans 
licence  de  mondit  Roy  generalle- 
ment  ,  8c  qui  me  deffendent  que  je 
ne  prengne  l'audorité  d'occire  au- 
cun. Que  dois-je  faire  pour  garder  le 
fens  littéral  d'icelles  Loix  ?  dois-je 
laiffèr  mondit  Roy  en  fi  grand  péril 
de  mort  ?  Nenny  ,  ains  dois  deffen- 
dre  mondit  Roy,  8c  occire  le  tyran. 
Et  ce  faifant  jaçoit  ce  que  je  face 
contre  le  fens  littéral  desdites  Loix  , 


DU  DUC  D  E    B 

je  ne  fera  y  point  contre  la  fin  pour- 
quoy  elles  furent  ordonnées  ,  6c  fai- 
tes. Mais  accompliray  le  comman- 
dement final  d'iceiles  Loix  ,  c'efl 
à  fçavoir  pour  l'honneur  ,  bien  ,  & 
confervation  du  Prince  ,  laquelle 
chofe  garderay  mieux  aiiifi  faifant 
que  de  laiffer  vivre  iceluy  tyran  au 
grand  danger  6c  péril  demonditRoy. 
Et  pource  je  ne  dois  pas  eflre  puny  , 
mais  guer  donné  (a)  :  Car  je  fais  œu- 
vre méritoire  ,  6c  ne  tends  qu'à  bon- 
ne fin  ,  c'efl  à  fçavoir  à  la  fin  pour- 
quoy  icelles  Loys  furent  faites.  Et 
pource  dit  Monfeigneur  Saint  Paul. 

Littera  occidit}charùas  autem  œdifîcat. 

C'efl-à-dire  ,  que  tenir  le  fens  litté- 
ral en  la  Sain&e  Efcriture,  efl  occire 
fon  ame  :  Mais  tenir  le  fens  de  vraye 
charité  ,  c'efl  à  fçavoir  tendre  à  la 
fin  pourquoy  la  Loy  divine  fut  faite, 
c'efl  chofe  qui  bien  édifie  fpirituelle 
édification. 

Item  les  Loix  divine,  naturelle  & 
humaine  me  donnent  auélorité  de  le 
faire  ,  &  en  ce  faifant  je  fuis  miniflre 
de  la  Loy  divine  ,  ainfi  appert  que 
les  dites  objections  ne  font  rien  con- 
tre ce  que  dit  efl.  Je  viens  aux  trois 
exemples  de  laSainvfle  Efcriture  pour 
parfaire  la  probation  demadite  tier- 
ce vérité.  La  première  vericé  efl  de 
Moyfe  qui  fans  commandement  ne 
auclorité  quelconques  occifl  l'E- 
gyptien qui  tyrannifoit  les  fils  d'I- 
fraël.  Et  pour  lors  iceluy  Moyfe  n'a- 
voit  au&orité  de  Juge  ,  laquelle  luy 
fut  donnée  fur  le  Peuple  d'Ifraël, près 
quarante  ans  après  qu'il  eut  perpétré 
ce  fait ,  de  ce  toutesfois  efl  loué  icy 
Moyfe. 

Vtpatet  auttoritate  Exodi  II.  quia 

(a)     Recompenfé» 


OURGOGNE.        xxix 

tanquam  minifier  legis  hoc  facit.  Ita 
in  propo/ito  in  hoc  faciendo  ego  ero 
minifier  legis.  Le  deuxiesme  exemple 
efl  de  Phinées  ,  qui  fans  comman- 
dement quelconque  occifl  le  Duc 
Zambry  ,  comme  il  efl  cy-devant 
racompté.  Lequel  Phinées  ne  fut 
pas  puny.  Mais  en  fut  loué  6c  rému- 
néré tresgrandement'en  trois  chofes , 
en  amour  ,  honneur  ,  &  richeffes. 
En  amour  ,  que  Dieu  luy  monflra 
greigneur  figne  d'amour  que  devant. 
En  honneur.  Quia  reput  atum  efi  ei 
adjufiitiam  &c.  En  richeffes.  Qj^ia 
per  hoc  acqui  finit  aVcum  facer  dotii  j em- 
piternum  non  tantum  pro  fe  ,  fed  pro 
tota  tribu Jua,  Le  tiers  exemple  efl  de 
Saincl  Michel  l'Archange  qui  fans 
commandement  de  Dieu  ne  d'autre, 
mais  tant  feulement  d'amour  natu- 
relle occifl  le  tyran  ,  &  defloyal  à 
Dieu  fon  Roy  ,  6c  Souverain  Sei- 
gneur ,  pource  que  ledit  Lucifer  ma- 
chinoit  à  ulurper  une  partie  de  l'hon- 
neur ,  6c  Seigneurie  de  Dieu.  Ice- 
luy Sainct  Michel  en  fut  favorable- 
ment rémunéré  es  trois  chofes  des- 
fufdites ,  c'efl  à  fçavoir  ,  en  honneur, 
amour,  6c richeffes.  En  amour  ,  au- 
tant que  Dieu  l'ayma  plus  que  nul 
autre,  6c  le  conferma  en  fon  amour , 
6c  grâce.  En  honneur. 
Quiafecit  eum  militix  cœlefiis  prin- 

cipem  in  aternum. 
C'efl-à-dire  qu'il  le  feit  Prince  de 
la  Chevalerie  des  Anges  à  jamais. 
En  richeffes.  Car  il  luy  donna  ri- 
cheffes en  fa  gloire  ,  tant  comme  il 
en  voulut  avoir  6cc.  Tantkm  qnan- 
tmn  erat  capax  ,  de  quibus  loquitur. 
O  altitudo  divitiarum  fapientia  ,  & 
fcienti<z  Dei  !  quam  incomprehenjibilia 
funt  judicia  ejus  ,  &  invefiigabiles  via 
ejus  !  Ad  Rom.  XI. 

Diij 


xxx  J  U  S  T  I  F  I 

Ainfi  appert  ma  tierce  vérité  prou- 
vée par  douze  raifons.  La  quarte  vé- 
rité ,  ou  cas  deffusdit.  Il  eil  plus  mé- 
ritoire ,  honorable  ,  6c  licite  qu'ice- 
Juy  Tyran  foit  occis  par  un  des  pa- 
rens  du  Roy  que  par  un  eftranger 
qui  ne  feroit  point  du  Sang  du  Roy  , 
Se  par  un  Duc  que  par  un  Comte  , 
6c  par  un  Baron  que  par  un  (impie 
Chevalier  ,  6c  par  un  fimple  Cheva- 
lier que  par  un  fimple  homme.  Je 
preuve  ceftepropofîtion.  Car  celuy 
qui  eft  parent  du  Koy  a  à  defirer  ,  & 
garder  l'honneur  du  Roy  ,  le  deffen- 
dre  àfon  pouvoir,  Se  venger  de  tou- 
tes injures ,  6c  y  eft  obligé  plus  qu'un 
Eftranger,  un  Duc  qu'un  Comte  , 
un  Comte  plus  qu'un  Baron  ,  6cc. 
Et  fait  plus  à  punir,  &  eft  greigneur 
vilennie,  Se  diffame  ,  s'il  eft  négli- 
geant de  ce  faire  :  Se  s'il  en  fait  bien 
ion  devoir  ,  bonne  loyauté ,  &  dili- 
gence,ce  luy  eft  greigneur  honneur  & 
mérite.  Item  in  hoc  magis  relucent 
amor  &  obedientia  occiforis  ,  vel  oc- 
cidere pracipienti  s  adprincipem  &  do- 
mimtm  fuum  ,  quia  efl  magis  honora- 
bile  fi  fuerit  prœpotcns  Dux  vel  Cornes, 
Item  in  hoc  magis  relucetpotentia  Ré- 
gis quod  efl  honorabile  ,  &  quanto  oc- 
cifor  vcl  ditla  occiflonis  praceptor  non 
fuerit  vilior  &  potemior  tanto  magis  , 
Sec.  La  quinte  vérité,  ou  cas  d'al- 
liances ,  fermens  Se  promeiTes  ,  Se  de 
confédérations  faiétes  de  Chevalier  à 
autre  en  quelque  manière  que  ce  foit, 
ou  peut  eftre.  S'il  advient  qu'icelles 
garder,  6c  tenir  tourne  ou  préjudice 
de  fon  Prince  ,  Se  de  lés  enfans  ,  6c 
de  la  chofe  publicque  ,  n'eft  tenu 
nuls  de  les  garder  :  ains  les  tenir  6c 
garder  en  tel  cas  feroit  fait  contre 
les  Loix  naturelle  ,  moralle  ,  6c  di- 
vine :  je  preuve  cefte  vérité.  Arguen- 
dofic.  Bonam  <nquitatem  (  diétamen 


C  ATI  ON 

reétae  rationis  )  &  legem  divin am  bo- 
ni principes  in  perfona  publica  ferva- 
re  &  utilitatemreipublica  debent prœ- 
ferre  ,  &  prœfitpponere  ,  m  omnibus 
talibus  promiffiornbus  ,  juramentis  , 
&  confederatiombus  :  immo  excipiun- 
tur  implicite  (ecundum  diciamen  retta 
rationis  bonam  aquitaiem  ,  &  chari~ 
tatis  ordmem  :  quia  alias  ejjet  licitum 
non  obedire  principi  immo  rebellare 
contra  principes  quod  efl  exprejjc  con* 
tra  Jacram  Script  uram  qiu  fie  d'rit , 
Obediteprincipibus  vtftris ,  licet  eiiam 
dif colis  ,  &  alibi.  Subjecti  eftote  Régi 
pr&celienti ,  ftve  'Judicibus  tanquam 
ab  eo  miffis  ad  vindiliam  malifado- 
rum  y  tandem  vtro  bonorum.  i.  Petr. 
III.  utfup.  allegatnm  efl.  Ex  tllo  ar- 
guitnr fie.  Qjiandocunque  occurrunt 
du£  obligationes  ad  mvicern  contraria 
major  tenenda  efl ,  &  minor  d'jfolven- 
da ,  quantum  ad  hoc  ,  jed  in  cafu  no- 
flro  concurrunt  du£  obligationes.  Et 
cum  obligatio  ad  principemfit  major , 
&  alia  minor  $  obligatio  adprincipem 
tenenda  efl  ,  &  alia  non  in  tali  cafu. 
Item  argue n do  eandem  qiuflionem  , 
quandocunque  aliquis  facit  quod  efl 
melius  ,  quamvis  jur avit  fe  idnon  fac- 
turum  ,  non  efl  perjurium  ,fed  perju- 
rio  contrarium:  ut  exprefje pomt  Ma- 
gister  Sententiarmn  ultima  ditli  tertii: 
fed  in  cafu  noflro  melius  efl  tyrannum 
in  prdifato  cafu  occidere  ,  quamvis  ju- 
ravitfe  non  occifurum  ,  quàm  pr&fen- 
tem  vivere  ,  ut  taclum  efl  fuperius  : 
ergo  occidere  tyrannum  inpr&fato  ca- 
fu quamvis  jur  avit  fe  non  occifurum  , 
non  perjurium  façit  ,fedperjurio  con- 
trarium. Et  confequenter  Ifidorus  in 
libro  de  fummo  bono  ,fîc  dicit ,  idnon 
efl  obfervandumfacramentum  &  ju- 
rante ntum  quo  malum  incarné promit ti- 
tur.Sedin  cafu  noflro  malè  &  incarne 
promittitur.Sed  non  tenent promiffiones 


DU   DTJC    DEBOURGOGNE.        xxxl 


Jurât  a  vel  confcederationes  contra  prin- 
cipem ,  uxorem principes ,  liberos  ,  vel 
reipnblica  utîlitatem.  Lafixiesme  vé- 
rité ,  ou  cas  deflusdit  eft  que  s'il  ad- 
vient que  les  dicles  alliances ,  ou  con- 
fédérations tournent  au  préjudice  de 
l'un  des  promettans ,  ou  concedàns  , 
de  fon  efpouie  ,  ou  de  fes  enfans ,  il 
n'efl  en  riens  tenu  de  le  garder.  Pa- 
tet  hic  veritasper  rationes  tattas  prias, 
&  citm  hoc  probatur  fie  îquia  obferva- 
re  in  illo  cafa  confœderationes  contra, 
legem  charitatis ,  qua  qui  s  m  agis  fibi 
ipfi ,  uxori  proprix,  vel  liberis  quam 
pojjet  obligari  cuicunque  alteri  virtute 
talis promijfionis ,  &  omnia  pr&ccpta, 
&  cênfimilia  in  ordinc  ad  charitatem 
patetper  Apoftolum  fie  dicentem.  Fi' 
ni;  prxcepti  eft  charitas  ,  quia  in  om~ 
tubas  cafibas  &  promiffionibus  intelli- 
gitur  hoc  ,  fi  infide  objervaverit  jaxta 
illud  :  Frangenti  fidem,  ôcc.  Itemfub- 
intelligitur  fi  Domino  placuerit ,  fed, 
certain  eft  qaod  non  placer  et  Deo  ,  cum 
foret  contra   legem  tharitatis  ,  ideo  , 
&c.  La  feptiéme  vérité  ou  cas  def- 
fusdit  eft  que  il  eft  licite  à  un  chacun 
fubjed  honnorable  ,  &  meritable  oc- 
cire le  tyran  trahiftre  defîus  nommé 
&  desloyal  à  fon  Roy  ,  &  Souverain 
Seigneurparaguet ,  cautelles  ,  &  ef- 
piements  ,  &  ii  eft  licite  de  difîimu- 
Jer  &  taire  fa  voulenté  d'ainfi  faire. 
Je  le  preuve  premièrement  par  l'auc- 
torité  du  Philofophe  moral  appelle 
B  oc  ace  deifus  allégué  ou  fécond  livre 
De  cafibas  viroram  illaftrium   ,  qui 
dit  ainii  en  parlant  du  tyran  ;  le  ho- 
noreray-je  comme  Prince  ?  lu  y  gar- 
deray-je  foy   comme   à   Seigneur  ? 
Nenny  ,  il  eft  ennemy  ,  &  contre  luy 
puis  prendre  armes  &  mettre  efpies. 
C'eft  fait  de  courageux  ,  c'eft  très 
fain&e  chofe ,  &  du  tout  neçeftaire, 
(a)   Avec  délibération. 


Car  à  Dieu  n'eft  fait  plus  agréable 
facrihee  que  du  fang  du  tyran.  Item 
je  le  preuve,  par  l'exemple  de  Sainde 
Efcrituredu  Roy  Jehu,  Occident  te 
face/dotes  caltores  Baal  ,  ut  habeiur 
primo  Reg.  &  iibific  d.icitar  ,  Jehd 
Àchab  param  coluit  Baal ,  ego  autem 
'jolam  eam  amplius.  Et  paulalam 
poft  :  porro  Jehu  licet  infidiofe  at  dtf- 
perdat  caltores  Baal  dicit ,  fanfîifica- 
te  diem  folemnem  Baal ,  &c.  Et  lau~ 
datar  de  hoc.  Item  de  Athalia  Regina 
vidente  fdiamfaam  mortaam  ,furrexit 
&  interfecit  omne  femen  reoium  ut 
regnarct ,  &  Joiadas  y7/w?;z«.r  Sacer- 
dos  infidiofe  fecit  eam  occidi.  Et  de  hoc 
landaïur  at  fuperias  tatlum  eft  ad 
longam.  Item  Judith  occidi t  Holofer- 
nemperinfidias.  Et  etiamde  hoc  lau- 
daturpater  familias  qaod  ad  z.iz.anix 
eradicationem  non  volait  expeUare 
tempus  mejfis  ne  triticam  fimal  cum 
Zjiz.aniis  eradica-  etar  ,  &c.  Quod  in- 
telligitur in  occifione  tyrannorum  per 
infidias,fed  &  bonam  caatelam ,  & 
débet  expeféari  loci ,  &  temporis  opor- 
tunitas  ,  &  expier i  ne  boni  eradicen- 
tur  ,  &c.  C'eft  la  plus  propre  mort 
de  quoy  tyrans  doivent  mourir  que 
de  les  occire  villainement  par  bonne 
cautelle,  aguet,  &  efpiemens.  Mais? 
pourcejefais  une  queftion.  Pour- 
quoy  c'eft  qu'on  eft  tenu  en  nlu-> 
fieurs  cas  de  garder  foy  ,  &  conve-« 
nance  à  fon  ennemy  capital  ,  &  non 
pas  au  tyran.  La  caufe  de  la  refpon- 
fe  mettent  communément  les  Doc- 
teurs ,  &  pource  qu'elle  eft  commu- 
ne, &  qu'elle  feroit  longue  à  racomp- 
ter  ,  je  m'en  palferay  à  tant. 

De  fortileges.  La  huicliesme  vé- 
rité eft  que  tout  Subject.  &  vaflal  , 
qui  penjeement  (a)  machinent  contre 
Ja  fante  de  leur  Roy  ,  &  Souverain 


xxxij  JUS  TIF 

Seigneur  de  le  faire  mourir  en  lan- 
gueur par  couvoitife  d'avoir  fa  Cou- 
ronne, &  Seigneurie  ,  fait  confacrer, 
ou  à  plus  proprement  parler  ,  fait 
exercer  efpées  ,  dagues  ,  badelaires 
(a)  ,  ou  couteaux  ,  verges  d'or  ,  ou 
anneau Ix  ,  &  dédier  ou  nom  des  dia- 
bles par  Necromance  faifant  invoca- 
tions de  karaderes,  forceries  ,  char- 
mes ,  fupefiitions ,  &  maléfices  ,  & 
après  les  bouter  ,  &  ficher  parmy  le 
corps  d'un  homme  mort ,  <5c  defpen- 
du  du  gibet.  Et  après  mettre  en  la 
bouche  dudit  mort  ,  &   laifier  par 
l'efpace  de  plu  Meurs  jours  ,  en  gran- 
de abhomination  ,  &  horreur  pour 
parfaire  lesdits  maléfices.  Et   avec 
ce  porter  fur  foy  un  drappel  lié  ,  ou 
coufu  du  poil  deshonnefte  ,  &  plain 
de  la  poudre  d'aucuns  des  os  d'ice- 
luy  mort  defpendu.  Celuy  ou  ceux 
qui  le   font  ne  commettent    point 
feulement  crime  de  leze  Majefté  hu- 
maine ,  ou  premier  degré  ,  mais  font 
trahiftres ,  &  defloyaux  à  Dieu  leur 
Créateur  &  à  leur  Roy  :  &  comme 
Idolâtres  ,  &  corrumpeurs  ,  faulfai- 
res  de  la  foy  Catholicque  font  dignes 
de  double  mort ,  c'eft  à  fçavoir  pre- 
mière &  féconde ,  mesmement  quant 
Jesdides  forceries  ,  &  fuperftitions , 
&  maléfices  fortifient  leur  effed  en 
la  perfonne  du  Roi  parle  moyen  ,  & 
malle  foydesdirs  machinans.  Quia 
dicit  Dominus  Bon  aventura,  lib,  II. 
d.  VI.  Diabolus  nunquam  fatiifacit 
nioluntati  talium ,  nifi  antequam  infi- 
delitas  idololatriœ,  immifeeatur.  Sicut 
enim  ad  divina  miracnla  plurimum 
facit  fides  ,  &c.  Et  ideo  experientia 
de  ejfeElu  prœdi&arum  [uperfiitionum 
fecuta  in  peïfonam  pr&fati  Régis  pre- 
bat  clarc  ibi  fuiJJ'e  Idololatriam  &  fi- 
dsm  perverfam.  Item  diabolus  nihil 
(a)  Sabre  Turc, 


ICATION 

faceret  ad  voluntatem  talium  in  taîi 
ca/Hy-nift  exhiber etur  ei  dominium  quod 
multttm  affeèlatraec  fe  exhibet  ad  taies 
invocationes   ipjïs  invocantibus  eum» 
nifi  ipfum  adorent  ,  &  facrificia  ,  d* 
oblationes  ojferant ,  a  ut  patta  cum  ip- 
fis  dxmonibus  faciant.    Item    Dottor 
Sanctus  feeunda  ftcundœ,  in  XL  arti- 
culo  fecundo  dieu  quod  taies  invoca- 
tiones nunquam  fortiuntur   effettum   , 
nifi  fuerit  falfa  corruptio  fidei  ,  idolo" 
latria,  &  patlio  cum  dœmonibus.Ejus- 
dem  opinionis  videtur  ejfe  Alexander 
de  Hallis ,  Richardus  de  A^edia-villa^ 
&  Aftenfis  infumma.  Et  communiter 
omnes  Doiïores  qui  de  hac  materia  lo- 
cutifunt ,  &  ficut  falfarii  moneta ,  & 
pecuniarum  Régis  ,  &c.  Ainfi  je  voy 
que  les  Dodeursen  Théologie  dient 
tous  d'un  commun  accord  que  telles 
fortileges ,  charmes  &  maléfices  ne 
fortiffent    point   leur  effet   ,  fe  ce 
n'eft  par  oeuvre  de  Diable  ,  &  par 
fon  faulx  moyen.  Et  les  charmes  ,  & 
autres  fuperftitions  que  font  lesdits 
invocateurs  n'ont  point  de  vertu  de 
nuyre ,  ou  ayder  à  quelque  perfon- 
ne que  ce  foit  :  mais  ce  font  les  Dia- 
bles qui  ont  puiifance  de  nuyre  tant 
comme  Dieu  leur  en  permet ,   lef- 
quels  ne  feroient  riens  à  la  requelle 
desdits  invocateurs  ,  s'ils  ne  leurfai- 
foient  trois  chofes.  C'efl  à   fçavoir 
exhiber  honneur  divine  ,  lequel  ne 
doit  point  eflre  exhibé  fors  à  Dieu 
par  adion  &  convenance  par  maniè- 
re d'hommage  ,  promeife  ,  &  obli- 
gation ,  foy  monftrer  à  eux  faulfai- 
res  &  corrumpeurs  de  la  foy  Catho- 
licque.   Lesquelles    chofes  joindes 
enfemble  font  erreurs  de  foy  ,  & 
Idolâtrie  ,  cV  partant  commettent 
le  crime  de  leze  Majefté.  Primum  co- 
r.ollarium.  S'il  advient  que  pour  les 

CM 


DU  DUC  DE  BOURGOGNE.  xxxi]j 

cas  deilusdits  iceux  invocateurs  de  Quart  um  coroilarium  eft.    Tout 

Diables  idolâtres  ,  6c  trahiftres  du  fubjed  ,  6c  vafTal  du  Roy  qui  fait 

Roy  foient  mis  en  prilbn  ,  6c  que  alliances  avec  aucuns  qui  l'ont  enne- 

pendant   le  procès    contre  eux  ou  mis  mortels  du  Roy-,  6c  du  Royau- 

avant  iceluy  juger  ,  aucun  leur  fac-  me  ne  fe  peut  exculer  dû  trahiion  , 


teur  ,  ou  participant  en  leur  crime 
les  délivre  ,  ou  face  délivrer  de  fa 
puiflance  il  doit  eftre  puny  comme 
les  deilusdits  Idolâtres  comme  tra- 
hiftres du  Roy,  6c  fon  Souverain 
Seigneur  ,  &  crimineux  de  leze 
.Majefté  ,  ou  premier  6c  quart  degré. 
Secundum  coroilarium.  Tout  fub- 


par  eipecial  quant  il  mande  aux 
gens  d'armes  de  la  partie  d 'iceux  en- 
nemis qu'ils  obtiennent  les  forte- 
relies  dudit  Royaume  ,  qu'ils  fe 
tiennent  bien  en  icelles  forte- 
reifes  fans  eux^  rendre  :  car  quant: 
viendra  au  fort  il  s'employera  ,  ce 
leur  fera  faire  fecours ,  &  bon  reme- 


ject  qui  donne  &  promet  à  autruy  de.  Avecques  ce    empefehera    les 

grand  fomme  d'argent  pour  empoi-  voyages   6c    armées  qui    fe  feronc 

fonner  fon  Roy,  Se  Souverain  Sei-  contre  leldits  ennemis  en  les  recon- 

gneur  de  marché  fait ,  6c  les  poifons  fortant  tousjours  par  voyes  fubti- 

ordonnez  ,  pofé  que  les  poifons  ne  les  ,  &  lecrettes  ,  efl  trahiftre  à  fon 

fortifient  point  leureffed:  pour  au-  Roy,  Se  Souverain  Seigneur  de  la 

çun  empefehement  furvenant  par  la  choie  publicque  du  Royaume  ,  6c 

grâce  de   Dieu  ,  ou   autrement   ,  commet  crime  de  Leze  Majefté    ou 

tous  les  deux  machinans  commet-  premières  quart  degré  ,  6c  eft digne 

cent  crime  de  leze   majefté  en  pre-  de  double  mort  ,  c'eft  à  fçavoir  de 


mier  degré ,  font  faux  trahiftres  , 
êc  delloyaulx  à  leur  Roy  ,  6c  Sou- 
verain Seigneur  ,  Se  font  dignes  de 
double  mort  première  6c  féconde. 


la  première  ,  6c  de  la  féconde. 

Quintum  coroilarium  eft  ,  Que 
tout  fubjed ,  6c  vaffal  qui  par  frau- 
de ,  barar  ,  6c  faux  donner  à  enten- 


Tertium  coroilarium.   Tout  fub-     dre  met  difiention  entre  le  Roy  6c 

la  Royne  ,  en  faifant  entendre  à  la- 
dide  Royne  que  le  Roy  la  hayoit 
tant ,  qu'il  eftoit  délibéré  de  la  fai- 
re mourir ,  elle  6c  fes  enfans  ,  6c  qu'il 
n'y  avoit  point  de  remède  ,  s'elle  ne 
s'enfuyoit  lurs  du  Royaume  atout 
fes  enfants,  enluy  confeillant  ,  6c 
requérant  qu'ainfi  le  feit  ,  lu  y  of- 
frant la  mener  hors  du  Royaume 
en  aucunes  de  {es  Villes  ,  ou  forte- 
reftes ,  6c  en  adjouftant  une  cautel- 


ject  qui  foubs  diffimulation  6c  fain 
tife  de  gens ,  6c  esbatement  à  pen- 
féement  6c  de  malice  a  procuré  faire 
veftemens  pour  veftir  fon  Roy  ,  6c 
qui  plus  eft  le  faire  veftir  avec  plu- 
sieurs autres ,  6c  y  bouter  le  feu  à 
efeient  pour  le  cuyder  ardoir ,  6c  luy 
tollir,  6c  fubftrairefa  tresnoble  Sei- 
gneurie il  commet  crime  de  leze 
Majefté  ou  premier  degré  ,  6c  eft 
tyran  ,  trahiftre  ,  6c  delloyal  à  fon 


Roy,  6c  pour  ce  eft  digne  de  dou-  le  oufubtilité,  c'eft  à  fçavoir  qu'il 

ble  mort,  c'eft  à  fçavoir  de  premie-  eft  neceftaire  que  ladi&e  Royne  le 

re,  6c  de  féconde,   6c  mesmement  tienne  fecret  afin  qu'elle  ne  foi,  em- 

quant  par  le  feu  font  ars  6c  morts  pefchée  ou  arreftée  à  ce  faire.  Pour 

plufieurs    nobles    hommes  villaine-  ce  faire  il  vouluft  qu'elle  faindift  (a) 

jnent  à  grand  douleurs.  (a)  Fe/g»;>, 

Tome  II.  Partie  HZ.  £ 


xxxiiij  JUSTIFIC 

aller  en  plufieurs  pellerinages  de  l'un 
à  l'autre  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  feroit 
en  lieu  feur.  Tendant  par  cela  la 
mettre  en  fes  prifons  ,  &  fes  deux 
enfans ,  6c  puis  faire  femblablement 
au  Roy  pour  parvenir  par  ce  moyen 
à  la  Couronne ,  6c  Seigneurie  du 
Royaume.  Il  eft  tout  fubjedr.  au 
crime  de  Leze  Maje&é  ,  en  fécond  , 
en  tiers  ,  &  quart  degré.  Celle  véri- 
té s'enfuit  des  précédentes  ,  &  fi 
appert  tout  cler  à  tout  homme  de 
bon  entendement ,  6c  tant  quefe  je 
Ja  vouloye  prouver  ,  ejfet  adjuvare 
cœlum  facibus. 

Sextum  corollarium  eft  ,  Que  tout 
fubjedt ,  6c  vafTal  qui  par  couvoitife 
d'avoir  la  Couronne  ,  6c  Seigneurie 
du  Royaume /ê  trait  (a)  devers  le 
Pape  en  impofant  faulfement  6c 
contre  vérité  à  fon  Roy  ,  6c  Souve- 
rain Seigneur  crimes  ,  6c  vices  re- 
dondans  à  fa  noble  lignée  ,  6c  géné- 
ration ;  6c  par  ce  concluant  que  le 
Royn'eftpas  digne  de  tenir  la  coût 
ronne  d'un  Royaume  ;  ne  fes  enfans 
de  l'avoir  après  luy  ,  comme  par 
fucceffion  ,  requérant  audit  Pape , 
par  tresgrand  infiance  qu'il  veuille 
faire  déclaration  fur  le  fait  de  la 
privation  d'iceluy  Roy  ,  6c  desdits 
enfans ,  6c  declairer  iceluy  Royau- 
me devoir  appartenir  à  iceluy  6c  a 
fa  lignée  ,  6c  luy  requérant  don- 
ner abfolution  ,  6c  à  tous  les  vaf- 
faulx  dudit  Royaume  d'adhérer  à 
luy  vouldroient  ,  par  difpenfa- 
tion  du  ferment  de  feaulté  ,  6c  d'o- 
bligation ,  par  lesquelles  font  tenus 
6c  obligez  tous  fubjecls  ,  6c  vaffaulx 
à  leur  Roy  ,  6c  Souverain  Seigneur  : 
tous  tels  fubjects6c  vaffaulx  font  tra- 
hiftresfubjeds ,  tyrans  6c  defloyaux 


ATION 

audit  Roy  6c  au  Royaume;  Se 
commettent  crime  de  Leze  Majeflé,, 
ou  premier  ,  6c   ou  fécond  degré. 

Septimum  corollarium  eft  }  Que  s  il 
advient  qu'iceluy  defloyal    ,    6c  ty- 
ran (  ex  animo  deliberato  )  empefche 
l'union  de  l'Eglife,  6c  les  conclufions 
du  Roy  ,  6c  des  Clercs  dudit  Ro- 
.yaume ,  délibérez  ,  6c  conclus  pour 
le  bien  ,    6c   utilicé   de  Ja  Saintle 
Eglife  ,  il  empefche  l'exécution  de 
l'Eglife  par  force,  6c  puilfance  in- 
deiïement  ,  6c  contre  raifon  ,  ten- 
dant que  le  Pape  foit  plus  enclin  à 
luy  odlroyer  fa  faulfe  ,  mauvaife  , 
6c  inique  requeile  ,  iceluy  tyran  eft 
defloyal  à   Dieu  ,   à  Saincle;  Egli* 
fe ,  à  fon   Roy  ,  6c  Souverain  Sei- 
gneur ,  6c  doit  eflre  réputé  Scisma- 
ticque  ,  6c  fi  eft  pertinax  ,  heretic- 
que.  Et  fi  eft  digne  de  villaine  mort , 
tant  que  la  terre    s'en  doit  ouvrir 
foubs  luy  ,  6c  l'engloutir  en  corps , 
6c  en  ame  comme  elle  feit  les  trois 
Scismaticques  Dathan  ,  Chores  ,  6c; 
Abiron  ,  desquels  nous  lifons  en  la 
Bible.  Aperta  eft  terra  fub  pedibus 
eorum  ,  &  aperiens  os  fttum  devora- 
<oit  eos  cum  tabernaculisfuis  ,  dejeen- 
derunt^ue    <viri   eorum  in    injernum 
operti     humo.    Num,    XVI.     PfaL 
Aperta  eft  terra  ,  &  deglutivit  Da- 
than ,  6cc. 

Ociavum  corollarium  eft  ,  Que 
tout  Vaffal ,  6c  Subjecl:  doit  eflre 
comme  crimineux  de  Leze  Majef- 
té  ,  qui  par  couvoitife  de  venir  à  la 
Couronne  6c  Seigneurie  du  Royau- 
me machine  à  faire  mourir  par  pri- 
vez empoifonnemens  ,  6c  viandes 
envenimées  ,  ou  autrement  iceluy 
Roy  6c  fes  enfans  ,  il  6c  tout  tel 
Vaffal  6c  Subjecl:  doit  eflre  comme 


(a)  Se  tire  ,  a  recours. 


DU  DUC  DE  B 

crimineux  de  J^eze  Majefté  en  pre- 
mier Se  tiers  degré. 

Nonum  ,  &  ultimum  corollaHum 
efl,  Que  tout  Subjeâ  ,  &  Variai  qui 
tient  gens  d'armes  fur  le  païs,  qui  ne 
font  autre  chofeque  manger  &  exi- 
ler (a)  le  peuple  ,  piller  ,  robber  (b)  , 
prendre  ,  tuer  gens ,  &  efforcer  fem- 
mes ,  &  avec  ce  mettre  capitaines 
es  chafleaux  ,  forterelTes ,  ponts  & 
pafTages  dudit  Royaume.  Et  avec 
ce  fait  mettre  fus  tailles  ,  Se  em- 
prunts innumerables  ,  faignant  que 
c'eft  pour  mener  la  guerre  contre 
les  ennemis  du  Royaume.  Et  après 
quant  lesdi&es  tailles  font  levées ,  Se 
mifes  au  trefor  du  Roy  ,  les  emble  , 
(c)  prent ,  Se  ravift  par  force  ,  & 
puitîance  ,  Se  en  donnant  defdicfes 
pecunes  fait  alliances  aux  ennemis, 
adverfaires  ,  &  malveillans  desdits 
Roy  &  Royaume  en  fe  rendant  fort 
Se  puiiTant  pour  obtenir  fa  damna- 
tion &  mauvaife  intention.  C'eft- 
à-dire  d'obtenir  la  Couronne  Se  Sei- 
gneurie dudit  Royaume.  Il  Se  tout 
tel  Subjeâ:  qui  ainfi  fait  doit  eftre 
puny  comme  tyran ,  faux  ,  &  def- 
loyal  audit  Roy  &  Royaume  ,  & 
comme  criminel  de  leze  majefté  , 
ou  premier  &  quart  degré  ,  &  eft 
digne  de  double  mort ,  première  Se 
féconde.  Et  ainfï  faiz  fin  de  la  pre- 
mière Juftification. 

Sequitur  minor. 
La  féconde  partie  de  ladite  Jufti- 
fication ,  ou  Propofition  s'enfuit. 

Or  viens-je  à  declairer  &  affermer 
madiéle  minor  en  laquelle  j'ay  à 
monftrer  que  feu  Loys  ,  nagueres 
Duc  d'Orléans,  fut  tant  embraffe 
&   efprins  de  couvoitife  ,  6c  hon- 


OURGOGNE.  xxxv 

neurs  vaines  ,  &  richeffes  mondai- 
nes ,  c'eft  à  fçavoir  d'obtenir  pour 
foy ,  Se  fa  génération  .  Se  de  tollir 
Se  foubftraire  à  luy  la  treshaulte  Se 
Se  tresnoble  Seigneurie  de  la  Cou- 
ronne de  France  au  Roy  no ftre  Si- 
re ,  qu'il  machina  Se  eftudia  par 
couvoitife  ,  barat  ,  fortileges  ,  & 
malengins  (d)  à  deftruire  la  perfonne 
du  Roy  noftre  Sire  ,  de  fes  enfans , 
Se  génération.  Entant  qu'il  fut  (i 
efprins  de  couvoitife  ,  tyrannie  ,  & 
tentation  de  l'ennemy  d'enfer  ,  que 
comme  tyran  à  fon  Roy  ,  Se  Sou- 
verain Seigneur  ,  il  commit  crime 
de  leze  majefté  divine  ,  Se  humaine 
en  toutes  les  manières  Se  degrez  de- 
clairez  en  madide  major  ,  c'eft  à 
fçavoir  de  majefté  divine  Se  humai- 
ne en  premier  ,  fécond  ,  &  tiers  <5c 
quart  degrez.  Et  quant  eft  de  cri- 
me de  leze  majefté  divine  il  appar- 
tient au  Souverain  Juge  de  la  fus  , 
[e]  pourquoy  je  ne  penfe  point  à 
faire  efpecial  article.  Mais  es  articles 
de  leze  majefté  divine  &  humaine 
je  penferay  à  en  toucher  par  manière 
d'incident.  Ainfi  donc  me  faut  de- 
clairer par  article  comment  il  a  com- 
mis crime  de  leze  majefté  humaine 
en  chacun  des  quatre  degrez  deffus 
nommez.  Pour  laquelle  chofe  je 
penfe  à  devifer  madicl:e  minor  en 
quatre  articles.  Ou  premier  article 
je  penfe  à  declairer  comment  en  plu- 
fieurs  ,  Se  diverfes  manières  il  a 
commis  crime  de  leze  majefté  hu- 
maine au  premier  degré  ,  Se  fécond 
degré  ,  le  tiers  en  tiers  ,  le  quart  en 
quart  degré.  Quant  au  premier  ar- 
ticle qui  fera  du  premier  degré  ,  le- 
quel eft  quand  l'injure  ou  offence  eft 


[a]  Apprauvir.  exilemfacere.  [b]  Dérober,  [c]  Enleva 
[d]  Mauvaife  voye.  [e]  De  là  haut. 


Eij 


xxxtj  TUSTIF 

directement  contre  Ta  perfonne  du 
Roy,  c'eft  à  fçavoirque  celle  injure 
peut  eftre  fai&e  en  deux  manières. 
La  première  manière  en  machinant 
la  mort  &  deftruction  de  fon  Prin- 
ce &  Souverain  Seigneur.  La  pre- 
mière manière  fe  peut  divifer  en 
plufieurs  manières  ,  mais  quant  à 
prefent  je  ne  la  diviferai  qu'en  trois 
manières.  La  première  manière  efl 
en  machinant  de  fon  dit  Prince  la 
mort  par  fortileges  ,  mallefices  & 
fuperftitions.  La  IL  manière  par 
poifons ,  venins  ,  6c  intoxication  [a] . 
La  II L  manière  eft  pour  occire  , 
ou  faire  occire  par  armes  &  eaiie  , 
feu  &  autres  violentes  inje&ions. 
Qu'il  ait  efté  criminel  la  première 
efpece  je  le  preuve.  Car  pour  faire 
mourir  la  perfonne  du  Koy  noftre 
Sire  en  langueur  ,  &  par  manière  fi 
fubtillequenefut  nulle  apparence, 
il  feit  par  force  d'argent ,  6c  diligent 
ce  tant  qu'il  fina  (b)  de  quatre  per- 
sonnes dont  l'une  eftoit  Moyne  apof- 
tat ,  l'autre  Chevalier  ,  l'autre  Ef- 
cuyer  ,  6c  l'autre  Varier  ,  auquel  il 
bailla  fa  propre  efpée  ,  fa  dague  , 
-6c  un  annel  (c)  pour  dédier  6c  con- 
sacrer ,  ou  pour  plus  proprement 
parler  ,  exercer  ou  nom  des  Diables. 
£t  pource  que  telle  manière  de  ma- 
léfice ne  pou  voit  bonnement  faire  , 
fe  ce  n'étoit  en  lieux  folitaires  ,  6c 
qui  font  loing  de  toutes  gens  ,  ils 
portèrent  lesdidles  chofes  en  la  tour 
deJVIont-jay  vers  Laigny  fur  Mar- 
ne ,  6c  là  fe  logèrent  ,  6c  feirent  refi- 
dencepar  l'efpace  de  plufieurs  jours. 
Et  leditMoyne  A  portât  comme  def- 
fus  qui  eftoit  Maiftre  d'icelle  euvre 
diabolique  feit  plufieurs  invocations 
de  diables  ,  6c  par  plufieurs  fois ,  6c 

[a]  Empoisonnement,   [b]  traita. fnunça.  Id» 
l^lAnntau.  [d]  Frès,  [cj  DiJparHt,,. 


I  CATIO  N 

journées  dont  je  vous  diray  deux  en» 
femble  qui  furent  entre  Pasques  , 
6c  l'Afcenfion  à  un  Dimenche  très- 
bien  matin  devant  Soleil  levant  en 
une  Montaigne  près  de  la  tour  de 
Mont-j'ay.  Ledit  Moyne  feit  plu- 
fieurs chofes  fuperftitieufes  requifes 
à  faire  en  telles  invocations  de  dia- 
bles empres  [d]  un  buiffon.  En  fai- 
fant  lesdides  invocations  de  diables 
fe  defpouilla  en  pur  fa  chemife  6c  fe 
meit  à  genoulx  ,  6c  ficha  lesdides 
efpée  ,  6c  dague  par  ks  poindes  en 
terre  ,  6c  ledit  annel  meit  auiïi  em- 
pres 6c  là  dit  plufieurs  oraifons  in- 
vocant  les  diables  ,  6c  tantoft  vin- 
drent  à  lui  deux  diables  en  forme  de 
deux  hommes  veftuz  ainfi  que  de 
brun  vert  ce  fembloit,  dont  l'un 
avoit  nom  Hernias  ,  6c  l'autre  Ef- 
tramain.  Et  lors  leur  feit  honneur, 
6c  très-grand  révérence  ,  6c  fi  grand 
comme  on  pourroit  faire  à  Dieu 
noftre  Sauveur.  Et  à  ce  fait  fe  tira 
derrière  iceluy  builTon.Et  iceluydia- 
ble  qui  eftoit  venu  pour  ledit  annel  le 
print ,  6c  l'emporta  ,  6c  s'esvanoiïit. 
Et  iceluy  qui  eftoit  venu  pour  la- 
dite efpée  6c  dague  demoura.  Et 
puis  print  icelle  efpée  ,  6c  dague  , 
6c  puis  après  s'évanouyft  [ej  com- 
ment avoit  fait  l'autre-  Et  tantoft 
après  iceluy  Moyne  retourna  ,  6c 
vint  où  lesdicls  diables  avoient 
efté  ,  6c  trouva  iceux  dague  6c  efpée 
couchez  de  plat ,  6c  que  ladide  ef- 
pée avoit  la  tefte  rompue ,  6c  trou- 
va ladi&e  poinde  ,  en  la  pouldre 
où  iceluy  diable  l'avoit  mife.  Et 
après  attendit  par  l'efpace  de  demie 
heure,  l'autre  diable  qui  avoit  em- 
porté fannel  ,  lequel  retourna  ,  Se 
lui  bailla  ledit  annel ,  qui  eftoit  ar> 

produifa. 


DU  DUC  DE  BOURGOGNE. 


parent  rouge  ?  ainfi  qu'efcarlatte  , 
comme  il  fembloit  pour  l'heure  ,  6c 
hiy  dit  c'eft  fait ,  mais  tu  les  met- 
tras en  la  bouche  d'un  homme  mort , 
ainfi ,  &  en  la  manière  que  tu  fçais , 
&  lorss'esvanouyfl  ,  6c  ledit  Moyne 
refeit  la  poinele  d'eux,  cuydant  ar- 
doir  le  Roy  noflre  Sire ,  mais  à  l'ay- 
de  de  Dieu  ,  6c  à  l'ayde  des  très  ex- 
cellentes Dames  de  Berry  6c  de 
Bourgogne  ,  6c  des  autres  Dames  , 
&  Damoifelles  qui  là  eitoient  ,  il 
efchappa. 

Après  je  vueil  déclairer  que  le- 
dit criminel  Duc  d'Orléans  a  com- 
mis crime  de  leze  majefté  en  la  fé- 
conde manière  dudit  premier  de- 
gré ,  c  efl  à  fçavoir  qu'il  a  fait  al- 
liances du  Roy  6c  du  Royaume.  Et 
pour  déclairer  comment  la  vérité 
eft  telle  qu'après  ce  que  le  Roy  nof- 
tre  Sire  ,  &  le  Roy  Richard  d'An- 
gletere  furent  enfemble  en  amitié 
confermez  par  le  Traité  du  mariage 
dudit  Roy  d'Angleterre  Richard , 
&  l'aisnée  fille  de  France ,  le  Roy 
Richard    voulut   comment   que  ce 


XXXVlj 


Duc  d'Orléans  il  conceut  haine  mor- 
telle contre  ledit  Roy  Richard ,  6c 
s'enquift  qui  efloit  legreigneur  ad- 
verfaire  qu'il  eut  en  tout  le  monde 
6c  trouva  que  c'efloit  Henry  de  Len~ 
clafire  ,  &  feit  tant  qu'il  eut  allian- 
ce avecques  luy  ,  l'une  pour  deftrui- 
re  le  Roy  6c  l'autre  pour  renforcer 
6c  rendre  puifTance  à  parvenir  à  la 
damnabîe  intention  }  6c  furent  d'ac- 
cord les  deflusdicls  de  labourer  6c 
machiner  de  toute  leur  jjûiflahce 
par  toutes  les  voyes  6c  maniérés 
poffibies  à  eux  la  mort  6c  deflruc- 
tion  des  deux  Roys  pour  obtenir  les 
deux  Couronnes  de  France  6c  d'An- 
gleterre. Celle  de  France  pour  Loys 
d'Orléans.  Et  celle  d'Angleterre 
pour  Henry  de  Lenclajire  :  Henry 
efl  venu  à  fon  entente  [c] ,  mais  Loys 
non,  Dieu  mercy  ,  6c  qu'il  foit  vray 
defdiclres  alliances  iceluy  Duc 
d'Orléans  a  tousjours  favorifé  ,  ay- 
dé  ,  6c  conforté  ledit  Henry  de  Len- 
claflre ,  6c  les  autres  Anglois  de  la 
bande  dudit  Henry  de  tout  fon  pou- 
voir ,   6c    expreffement    manda    à 


fut  parler  au  Roy  noflre  Sire  pour     iceux  Anglois  ennemis  du  Roy  ôc 


fa  grand  fanté  ,  6c  fi  aflemblerent 
enfembie  ,  6c  lors  luy  dit  que  les  en- 
fermetés  [a]  de  fon  corps ,  6c  grans 
maladies  qu'il  avoit  luy  eftoient  ve- 
nues par  le  moyen  6c  fourchas  [b] 
desdits  Ducs  d'Orléans ,  6cdeMil- 
lan  ,  6c  que  pour  Dieu  il  s'en  voul- 


du  Royaume  qui  eftoient  au  chaftel 
de  Bordes ,  qu'ils  fe  tinffent  bien  ,  ôc 
qu'ils  ne  rendirent  pas  leur  chaflel 
aux  François  ,  6c  qu'il  empefche- 
roit  le  fiege  ,  ou  qu'il  leur  fineroit  [d] 
de  bon  fecours ,  ou  remède  ,  toutes- 
fois  qu'il  en  feroit  neceffrté  ,  6c  ou- 


fift  prendre   garde.    Et  pour  celle     tre  empefcha  plufieurs  voyages  en 
caufe   le  Roy  print  fi  grande  indi-     treprins  contre  ledit  Henry.   Et  ain 


gnation  contre  ledit  Duc  de  Mil- 
lan  ,  6c  non  fans  caufe,  que  fon  he- 
rault  ,  qui  portoit  fes  armes  ,  ne 
s'ofoit  plus  veoir  devant  le  Roy.  Et 
H  tcft  que  les  chofes  delïusdi&es 
yindrent   à   la  cognoifîance   dudit 


fi  fut  tyran  6c  defloyal  à  fon  Prince 
6c  Souverain  Seigneur  ,  6c  à  la 
chofe  publicque  de  ce  Royaume, 
6c  commifl  crime  de  leze  majellé 
en  la  deuxiesme  manière  dudit  pre- 
mier degré.  A  la  confirmation   de 


ljL],htfrmite%.  [b]  Fourfuite  [c]  Attente,  intention,  [d]  Feroit  tenir  >•  de  fofnancer* 


xxxviij  JUSTI 

ce  fait  me  meut  une  chofe  que  je 
Vous  diray.  Il  eft  vray  que  ou  temps 
qu'on  detenoit  le  Roy  Richard  , 
que  ledit  Henry  tendoit  à  faire  mou- 
rir ,  aucuns  pluiieurs  des  Seigneurs 
d'Angleterre  luy  difoient  qu'ii  y 
avoit  tresgrand  péril  pour  la  doubtc 
[a]  des  François.  Auxquels  il  ref- 
pondit  que  de  ce  ne  convenoit  faire 
aucune  doubte  ,  car  il  avoit  un 
puifiant  amy  en  France,  auquel  il 
ctoit  allié  :  c'eft  à  fçavoir  le  Duc 
d'Orléans  Frère  au  Roy  de  France  , 
lequel  ne  foufFriroit  point  par  quel- 
que chofe  qu'on  attentai!:  contre  le- 
dit Roy  Richard  Se  qu'aucun  affault 
en  fut  par  les  François  à  l'encontre 
des  Anglois.  Et  pour  les  faire  plus 
certains  feit  lire  les  Lettres  desdic- 
tes alliances.  Ainfi  appert  que  ledit 
criminel  Duc  d'Orléans  a  commis 
.crime  de  leze  majefté  en  plufieurs 
manières  &  efpeces  du  premier  de- 
gré. Ainfi  fine  le  premier  article  de 
madide  minor  :  Nonobftant  qu'il  y 
airplufieurs  autres  crimes  treshorri- 
bles  en  plufieurs  manières ,  6c  di- 
verfes  efpeces  de  crime  de  leze 
majeflé  en  ce  premier  degré  ,  com- 
mis 6c  perpétrez  par  iceluy  criminel 
Duc  d'Orléans  ,  lefquels  mondit 
Seigneur  de  Bourgongne  a  refervé 
àdireen  temps  &  lieu  toutesfois  que 
meftieren  fera. 

Après  je  viens  au  fécond  article 
de  madide  minor ,  auquel  je  vueil 
monflrer  comme  ledit  criminel  Duc 
d'Orléans  a  commis  crime  de  leze 
majefté  ,  non  pas  feulement  au  pre- 
mier degré  ,  mais  au  fécond  :  lequel 
degré  eft  de  faire  offence  à  l'encon- 
tre du  Roy  en  la  perfonne  de  fa  fem- 
me efpoufe  :  car  il  elt  vray  que  qua- 


FICATÎON 

tre  ans  ou  environ  que  le  Roy  efloit 
encheu  [b]  en  fa  maladie  ,   ledit  cri- 
minel Duc  d'Orléans  lequel  ne  cef- 
foir  de  machiner  par  quelle  manière 
il  peuft  venir  à  fa  damnable  6c  mau- 
vaife  intention  ,  penfant  que  s'il  po- 
voit  tenir  la  Royne ,  &  fes  enfans 
hors  du   Royaume  il  viendroit  de 
léger  à  fon  intention  dit  Se  feit  fça- 
voir à  la  Royne  faulcement ,  Se  con- 
tre vérité  que  le  Roy  eftoit  merveil- 
leufement  meu  Se  indigné  à  l'encon- 
tre d'elle.  Et  pour  ce  il  fe  confeil- 
loit  que  fi  chierement  comme   elle 
l'aymoit   ,  qu'elle  6c  fes   enfans  fe 
meiiTent  hors  de  la  voye  du  Roy  , 
6c  en  tel  lieu  qu'ils  feufTent  hors  de 
fa  puilTance  ,  tendant  à  la  mener  el- 
le ,  6c  fes  dits  enfans  en  la  Duché 
de  Luxembourg  afin  quand  il  les  eut 
tenuz  en  la  Duché  de  Luxembourg 
d'en  faire  à  fa  voulenté  ,  6c  promet- 
toit  à  la  dide   Royne  qu'il  la  tien- 
droit  en  ladifte  Duché  bien  6c  feu- 
rement ,  6c   fesdits  enfans  auffi.  En 
difant  outre  qu'après    la  fanté  du 
R.oy ,  s'il  veoit  6c  appercevoit  que 
le  Roy  ne  fut  plus  meu   contre  elle 
6c  qu'elle  peut   feurement  retour- 
ner par  devers  le  Roy  à  quoy  ilpro- 
mettoit  à  fon  pouvoir  ,  à  induire  le 
Roy  ,    l'iroit  quérir  elle  6c  les  en- 
fans ,  6c  la  rameneroit  au  Roy  :  Et 
au  cas  que  le  Roy  demourroit  en 
propos  6c  imagination  contre  elle  , 
il  la  tiendroit  ou  pays  de  Luxem- 
bourg félon  fon  eftat ,  quiconques  le 
voulfift  veoir  ,  fut  le  Roy  ou  autre. 
Et  afin  de  coulourer  fadide  mau- 
vaiflié  ,  6c  intention  faifoit  enten- 
dant à  ladide  Royne  qu'il  convenoit 
que  la  chofe  fut  faide  caultement 
[c]  ,  6c  fubtillement,  6c  tellement 


fa]  La  crainte,    [b]  Tombe,  [c]  Cautè.  adroitement , prudemment. 


DUDUCDE    BO 

qu'où  chemin  elle  ou  fesdits  enfans 
ne    peu  fient    avoir    empefchement 
aucun.    Et  pour  ce  faire  ck  exécu- 
ter avoit  ad  vile  que  la  Royne  foin- 
droit  qu'elle  &  fesdits  enfans  allaf- 
fent  à  Saint  Fiacre  en  pèlerinage  , 
&  d'illec  [a]  à  noftre  Dame  de  Lief- 
fe.  Et  que    de    là  il    la  conduiroit 
jufques  audit  lieu  de  Luxembourg; 
&  que   là  luy    bailleroit  ou   feroit 
bailler  l'eitat  d'elle  ,  &  defes  enfans 
honorablement  comme  appartient  , 
en   attendant    que  la  voulenté  du 
Roy  fut  muée  envers  elle  &  lesdits 
enfans.  Et  de  fait  preftà.  fort  ladicle 
Royne  ,  &  par  plufieurs  fois  en  re- 
citant  en    effecl:  les   parolles  telles 
comme  j'ay  touché.  Tendant  affin 
d'avoir   la  Royne  &  fesdits  enfans 
pour  en   faire  fa  voulenté  dont  ils 
furent  en  grand  péril ,  &  eu  fient  efté 
encore  plus  fe  n'eufîent  efté  aucuns 
bienveillans  de  ladicle   Royne  ,    & 
de  fesdits  enfans    auxquels   ladicle 
Royne  fe  confeilla  ,  lesquels  luy  di- 
rent que  c'eftoit  faulce  déception  , 
&  tresgrand  péril.   Et  pour  laquel- 
le Vrhofe  ladite  Royne  bien  advifée 
mua  fon  propos  appercevant  la  faul- 
ce ,  &  damnée  intention  dudit  cri- 
minel feu  Duc  d'Orléans.  Si  fe  dé- 
termina à  demourer  par  deçà ,  &  non 
aller  audit  voyage.  Ainfi  appert  le 
deuxiesme    article  de  madide  mi- 
nor  ,  c'eft  à  fçavoir  que  ledit  crimi- 
nel Duc  d'Orléans  a  commis  crime 
de  leze  majefté  ou  tiers   degré.  Et 
combien  que  ce  appert  afîez  par  l'ar- 
ticle devant  declairé  ,  toutes  voyes 
je  monflre  qu'il  a  commis  crime  de 
leze  majefté  en  trois  autres  maniè- 
res de  ce   tiers  degré.  La  première 
efl  par  venins  ,  poifons  ,  Se  intoxi- 
cations. La  féconde  par  fallaces  [b] 
£a]  Là,  [b]  Tromperies,  [cj  Faute  >  fethé, 


URGOGNE-  xxxviiij 
&  déceptions.  Quant  à  la  première 
manière  que  ledit  criminel  Duc 
d'Orléans  machina  à  faire  manger  à 
Monfeigneur  le  Daulphin  dernier 
trefpafle  une  pomme  empoifonnée 
&  venimeufe  ,  laquelle  fut  bail- 
lée à  un  enfant  ,  Se  luy  fut  char- 
gé qui  la  portait  &  baillait  audit 
Monfeigneur  le  Daulphin  ,  Se  non  à 
autre  comme  qu'il  fut.  Si  advint 
qu'en  la  portant  il  pafibit  parmy  les 
jardins  de  Saint  Pot,  Se  là  rencontra 
la  nourrice  d'un  des  enfans  du  Duc 
d'Orléans ,  laquelle  tenoit  iceluy  fils 
entre  fes  bras.  Et  pour  ce  que  la- 
dite pomme  fembloit  à  Jadiéte 
nourrice  belle  ,  Se  bonne  ,  elle  dit  à 
l'enfant  qui  la  portoit  qu'il  luy  bail- 
lai! pour  donner  à  fon  fils .  lequel 
luy  refpondit  que  non  feroit  ,  «Scqu'il 
ne  la  bailleroit  fors  qu'à  Monfei- 
gneur le  DauIfin.Et  pource  qu'il  ne 
iuy  vouluit  pas  bailler  de  fon  gré  , 
elle  luy  ofta  par  force  ,  &  la  bailla 
à  manger  à  fon  fils  dont  il  cheut  en 
maladie ,  &  mourut  aiTez  toit  après- 
Si  fais  cy  une  queition.  Ceit  inno- 
cent eit  mort  de  la  pomme  empoi- 
fonnée :  en  doit  eftre  pugny  l'enfant 
qui  la  portoit  ou  la  nourrice  qui  luy 
bailla  ?  Je  refpons  que  nenny,  car 
l'un  ne  l'autre  n'y  eut  coulpe  [c]  : 
mais  la  coulpe  Se  la  trahifon  en  doit 
eftre  attribuée  à  ceux  qui  l'empoi- 
fonnerent  ,  ou  la  feirent  porter.  La 
deuxiesme  manière  eft  par  fallace  & 
déception  ,  c'eft  à  fçavoir  ,par  don- 
ner faulx  à  entendre.  Et  combien 
que  cefte  manière  apperra  par  les 
cas  deiïusdits  Se  déclarez  de  la  Roy- 
ne &  de  fes  enfans  ,  qu'il  voulut 
mener  en  la  Ville  de  Luxembourg;: 
toutesfois  la  vueil  encore  declairer 
par  un  autre  cas.  C'eftàfçavoir  que 


xxxx  JUSTIFI 

.ledit  criminel   Duc   d'Orléans  per- 
feverant    en  fa  mauvaife  &  damna- 
ble  intention  a  efté ,  ôc  envoyé  eu 
pi uf kurs  fois  par  devers  le  Pape  , 
rendant  affin  de  priver  <3c  débouter 
le  Roy  de  fa  perfonne  du   Royau- 
me  <Sc  de   la  dignité   Royalle.  Et 
pour  parvenir  à  fa  damnable  inten- 
tion en  trouva  faulcement  ,  6c  con- 
trouva  malicieufement   ôc    contre 
.vérité  plu fieurs  cas  ôc  crimes  contre 
la  perfonne  du  Roy  ,  ôc  redondant 
.[a]  à  fa  noble  génération  &  lignée, 
lesquels  il  donna  à  entendre  au  Pa- 
pe en  le  requérant  qu'il  voulfiffc  de- 
cîairer le  Roy&  fapofterité  inhabile 
à    tenir   telle    dignité    comme   le 
.Royaume  de  France  ,  ôc  qu'il  voul- 
fift  abfouldre  ledit  criminel  &  les 
autres  feaulx  du    Royaume  qui  à 
Juy  fe  vouldroient  adhérer  du  Ser- 
ment de  fidélité  en  quoy  ils  eftoient 
allrains   devers   le    Roy  ,    ôc    qu'il 
voulfift  decîairer  le  plus  prochain  de 
fa  pofterité  de  veoir  venir  ôc  fucce- 
der    à    la  Couronne  ôc   Seigneurie 
dudit  Royaume  de  France.  Et  pour 
mieux  conduire  fon  fait ,  ôc  pluflofl 
encliner  le  Pape  à  condefeendre  à  fa 
faulce  injuitice  ,  &  inique  requefte  , 
a  tousjours  favorifé  le  fait  dudit  Pa- 
pe ,  &  fou  tenu  en  pluiïeurs  &  diver- 
fès  manières  ,  comme  il  appert  par 
la  voye  de  Cefîion  ,  de  la  Subftra- 
tion  ,  ôc  reflitution  fur  le  fait  des 
pecunes,  &  de  l'efpitre  de  Touloufe, 
Ainfi     appert    le    tiers    article    de 
madide  major  déclairé  ,  nonobftant 
qu'il  feit  plulieurs  autres  crimes  in- 
numerables  ,   tresgrans  ,  ôc  treshor- 
ribles  de  leze  majefté  au  tiers    de- 
gré ,  lesquels   mondit    Seigneur  de 
Bourgongne  a  refervez  preft  à  dé- 
clarer en  temps  ôc  en  lieu  toutesfois 
que  meflier  [b]  fera.  Après  je  viens 

£a]  RijaiiliJJants.  [b]  Befoin» 


CATION 

à  decîairer  le  quart  8c  dernier  arti- 
cle de  madicte  minor  ,   c'efl  à  fça- 
voir  que  ledit  criminel   feu    Duc 
d'Orléans  a  commis  crime  de  leze 
majefte  au  quart  degré ,  lequel    de- 
gré eft  ,  que  quand  ladi&e  ofFence 
efl  directement  contre  le  bien  de  la 
chofe  publicque  du  Royaume.  Et 
combien  que  ce  appert  allez  par  les 
cas  delfus   declairez    des   alliances 
qu'il  avoit  fait  avec  les  ennemis  de 
ce  Royaume  ,  ôc  qu'ils  foient   ex- 
preifement'  ennemis  de  la  chofe  pu- 
blicque ,  je   le  vueil  decîairer  luy 
avoir  commis  crime  en  autres  ma- 
nières. La  première  ,  en  ce   qu'il  a 
tenu  les  gens  d'armes  furies  champs 
en  ce  Royaume  par  l'efpace  defqua- 
torze  ou  quinze  ans- ,    qu'ils  ne  fai- 
fbient  autre  chofe   que  manger  ôc 
exiler  le  pauvre  peuple  ,  piller  ,  ro- 
ber  ,  rançonner  ,   occire  ,  tuer  ,   ôc 
prendre   femmes  à  force  ,  <Sc   met- 
toit  Capitaines  es  forterefîes  ,  pons 
ck  palfages  de  ce  Royaume  ,  pour 
parvenir  à  fa  faulce  ôc  damnable  in- 
tention :  c'efl  à  fçavoir  ufurper  la 
Seigneurie  du  Royaume.  La  fécon- 
de manière  eft  qu'en  ce  qu'il  a  fait 
mettre  tailles  ôc  emprunts  intollerar 
bies  fur  le   Peuple  en  faignant   que 
c'eiloit  pour  foutenir  la  guerre  con- 
tre les  ennemis  du  Royaume.  Et  en 
donnant  d'icelles  pecunes  aux  enne- 
mis adverfaires ,  &  malveillans   du 
Roy  ôc  du  Royaume,  ôc  en  a  fait  {es 
alliez  en  intention  daffoiblir  le  Roy 
ôc  fe    rendre  plus  fort  ôc  plus  puif- 
fant  pour  obtenir  fa  damnable  entre- 
prinfe  de  parvenir  à  la  Couronne  , 
ôc  Seigneurie  dudit  Royaume.  Ain- 
fi  appert   que  j'ay  déclairé  ,    ôc  re- 
monftré  ,  comment   ledit  criminel 
Duc  d'Orléans  a  commis  crime  de 
leze  Majefté  au  quart  degré  ,  8c  en 

piufieurs 


DU   DUC  DE  B 

plufieurs  manières ,  plufieurs  autres 
crimes  de  leze  Majefté  tresgrans  6c 
horribles,  non  pas  tant  feulement  du 
quart  degré,  mais  au  tiers,  fécond,  6e 
premier  en  plufieurs  cas  6c  diverfes 
manières  d'efpeces  pour  parvenir  à 
fa  damnable  6c  mauvaife  intention  , 
à  fçavoir  à  la  tresnoble  Couronne  , 
&  Seigneurie  de  France  ,  6c  l'ofler 
6c  foullraire  au  Roy  noflre  Sire  6c 
à  fa  génération  T  lesquels  autres  cri- 
mes mondit  Seigneur  de  Bourgo- 
gne a  refervé  à  declairer  en  temps 
jk  en  lieu  quant  meflier  en  fera.  Et 
en  outre  appert  madide  minor  de- 
clairée,  laquelle  joinde  à  madeffus- 
dide  major,  s'enfuit  clerement  & 
en  bonne  confequenee  que  mondit 
Seigneur  de  Bourgongne  ne  doit  en 
riens  eflre  blasmé  ne  reprins  dudit 
cas  advenu  en  la  perfonne  dudit  cri- 
minel le  Duc  d'Orléans ,  6c  que  le 
Roy  noflre  Sire  n'en  doit  point  eflre 
mal  content  feulîement  :  mais  doit 
avoir  mondit  Seigneur  de  Bourgon- 
gne ,  &  fon  fait  pour  aggreable  ,  6c 
l'audorifer  en  tant  que  meflier  fe- 
roit.  Et  avec  ce  le  doit  guerdonner  , 
&  rémunérer  en  trois  chofes ,  c'efl  à 
fçavoir,  en  amour  ,  honneur,  ri- 
cheffes.  A  l'exemple  des  rémunéra- 
tions qui  furent  faides  à  monfei- 
gneur  Saind  Michel  l'Archange  , 
êc  au  vaillant  homme  Pbinées  ,  des- 
quelles rémunérations j'ay  faid men- 
tion en  madide  major  en  la  proba- 
tion  de  ma  tierce  vérité.  Et  I'entens 
ainfi  en  mon  gros  6c  rude  entende- 
ment que  le  noflre  Sire  ,  doit  plus 
que  devant  fa  loyauté  6c  bonne  re- 
nommée faire  prononcer  par  tout  le 
Royaume  ,  6c  dehors  le  Royaume 
publier  par  Lettres  patentes  ,  par 
manières  d'epiflre  ou  autrement. 
Iceluy  Dieuvueille  que  ainfifoit-il 
Tome  II.  Parc,  III. 


OURGOGNE.         xxxxi 

fait  Qui  ejl  benedittus  in  fecnlafecu- 
loYHm.  Amen. 

Apres  laquelle  propofition  finée  , 
iceluy  Maiflre  Jean  Petit  requifl  au- 
dit Duc  de  Bourgongne  qu'il  le 
voullifl  advouer  :  lequel  Duc  luy 
accorda  ,  Se  l'advoiia  en  la  prefence 
du  Daulphin  qui  là  reprefentoit  la 
perfonne  du  Roy  de  Cécile  ,  avec- 
ques  tous  les  autres  par  deffus  nom- 
mez ,  6c  après  dit  iceluy  propofant 
qu'iceluy  Duc  de  Bourgogne  rete- 
noit  6c  declairoit  encores  aucunes 
autres  chofes  plus  grans  à  dire  au 
Roy  quand  lieu  6c  temps  feroit.  Et 
brief  enfuivant  fe  retrahirent  tous 
les  Princes  chacun  en  fon  ho  fiel ,  6c 
ledit  Duc  Bourgogne  accompaigné 
de  plufieurs  hommes  d'armes  ,  6c 
gens  de  traid  s'en  retourna  en  fon 
hoflel  d'Artois.  Si  fut  adoneques 
fart  grand  murmure  dedans  la  Ville 
de  Paris  ,  tant  des  Princes  ,  des  Ba- 
rons 6c  nobles  hommes  ,  comme  du 
Clergé  ,  de  la  Communauté,  pour- 
ce  qu'il  fut  aîfez  commun  en  icelle 
delà  juflification  ,  6c  aufîi  les  accu- 
fations  qu'avoit  fait  faire  ,  6c  pro- 
pofer  ledit  Duc  de  Bourgogne  con- 
tre ledit  Duc  d'Orléans  derTund , 
6c  y  eut  plufieurs ,  6c.  diverfes  opi- 
nions. Car  ceux  qui  tenoient  le  par- 
ty  du  Duc  d'Orléans  difoient  icel- 
\es  aceufations  eflre  faulces  ,  6c  de- 
cevables.  Et  ceux  tenant  la  partie 
de  ceux  de  Bourgongne  difoient  le 
contraire.  En  après  brief  enfuivant 
Tfabel  Royne  de  France  pleine  de 
grand  admiration  6c  cremeur  [a]  ,  le 
Duc  d' Acquitœine  fon  fils  ,  6c  fes 
autres  enfans  fe  partirent  de  Paris 
accompaignez  de  Loys  Duc  de  Ba- 
vière frère  à  la  Royne  ,  6c  s'en  allè- 
rent faire  leur  réfidence  ou  chaflel 
de  MeJun.  Et  tofl  après    le  Roy 


xxxxij  JUSTIFI 

Charles  qui  grand  efpace  avoit  efté 
malade  ,  retourna  en  fanté ,  devers 
lequel  icefuy  Duc  fe  retrahift ,  & 
trouva  la  manière  qu'il  fut  r'accor^- 
dé ,  &  reconcilié  avecques  luy  & 
impetra ,  &auflî.  Et  obtint  Lettres 
feellées ,  du  féel  du  Roy  &  lignées 


CATION 

de  fa  main.  Par  lesquelles  luy  eftoit 
pardonné  le  cas  n'agueres  advenu 
en  la  perfonne  du  Duc  d'Orléans 
dont  moult  de  grans  Seigneurs ,  ôç 
aufïï  autres  Saiges.  furent  moult  ef- 
merveillez  :  mais  de  prefent  ne  le 
pouvoient  avoir  autre. 


F  I  N. 


TABLE 

DES 


MATIERES 

Le  premier  Chiffre  Romain  marque  leTome.  P.  II.  marque  la  féconde  Partie  de  ce 
Tome ,  &  le  Chiffre  Arabe  marque  la  page. 


A 


B  b  e'  empoifonné  pour  avoir  fon 

Bénéfice.  I.  183. 
Abbé  de  Cour  I.  Si. 

Abbé  de  St.  Michel ,  voyez  Régis  de  St. 
Maixant.  I.  p.  n.  f8. 

Abenfiroc.  (  Juif  )  Sa  Lettre  à  la  Synago- 
gue de  Gironne  touchant  les  Confé- 
rences de  Tortofe.  II.  181. 

Adimar.  (  Alaman  )  Evêque  de  Florence  , 
puis  Archevêque  de  Tarente,  &  de 
Pife,  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII. 
IL  61. 

Il  fait  la  première  lecture  au  Concile  de 
Pife.  II.  41. 

Son  caractère  I.  46. 

Adimar  (  Evêque  du  Puy  en  Vêlai  )  L'un 
des  premiers  Croifez.  II.  77. 

Adminiftration  (del'Eglife)  On  doit  fo- 
rer aux  Concurrents  quand  il  s'agit 
d'afTembler  un  Concile  pour  les  juger. 

I.  147* 

Agottft.  (d')  Voyez  Bertrand. 

Ailly  (  Pierre  d')  Docteur  &  Profefleur  en 
Théologie,  Evêque  de  Cambrai  en- 
voyé par  le  Roi  de  France  à  Benoît 
pourl'obliger à  céder.  I.  115. 

Il  prêchepourla  voye  de  la  Souftraction. 
I.  119. 

Il  publie  la  reftitution  d'obédience  à  Be- 
noît. I.  141.  143. 

Il  harangue  pour  Benoît  contre  l'Univer- 
llté  de  Paris.  I.  173.  17J. 

L'Univerfité  l'entreprend.  Ibid. 

Il  en  appelle  au  Roy.  Ibid. 

11  eft  pourfuivi  pour  adhérera  Pierre  de 
Lune.  I.  138. 147. 

11  eft  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII.  II.  67. 

Son  Caractère.  Ses  Ouvrages.  Sa  mort. 

Son  Epitaphe.  Ibid. 

Son  fehtimentfurles  Huffites.  II.  p.  ;9. 

Aïx  la  Chapelle  ,  Ville.  Elle  refufe  de  cou- 
ronner Robert.  I    131. 

Ah  m   (Robert  Evêque  deSalifbury)  Son 


Sermon  au  Concile  de  Pife  contre  les 
Concurrents.  JI.  71. 

Il  eft  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII.  II.  71. 

Alaman.  Voyez  Adimar. 

Alamand  (  Bernard  Evêque  de  Condom  )  Sa 
Lettre  au  Roi  de  France  pour  l'extin&ion. 
du  Schifme,  &à  Clément  VII.  furie 
même  fujet.  I.  8f. 

AlbicHs  (  Archevêque  de  Prague  )  II.  91.  91. 
II.  J..IL   m. 

Il  étoit  Médecin  du  Roi  de  Bohême. 
Ibid. 

Son  extrême  avarice.  Ibid. 

Son  incapacité,  ibid. 

Allemagne.  Plusieurs  Princes  d'Allemagne 
envoyenr  inutilement  à  Urbain  pour 
l'engager  à  s'entendre  avec  Clément , 
pour  l'union  del'Eglife.  I.  j-8. 

Clément  envoyé  en  Allemagne  pour  la  dé- 
tacher d'Urbain.  Ibid. 

Allemands.  Leur  témoignage  fur  l'élection 
d'Urbain  VI.  1. 17.  &  fuiv. 

Allemands.  (  Ecoliers  )  Ils  quittent  l'Univerfi- 
té  de  Prague.  T  p.  II.  fa. 

Alenfon.  (  Philippe  Dut  d')  Cardinal  d'Oftie. 
Il  écrit  à  l'Univerfité  de  Paris  pour  l'u- 
nion del'Eglife.  I.  71. 

Alexandre  II.  (Pape)  Il  cite  Henri  IV.  de- 
vant fon  tribunal  I.  3.  Voyez  Henti 
IV. 

Alexandre  IV.  Ses  Bulles  en  faveur  des  Do- 
minicains, î.p.  II.    izo. 

Alexandre  V.  (  Pape  )  Elu  au  Concile  de  Pife. 
I.  p.  II.   91.  Voyez  Philargi. 

Sa  patrie,  p.  IL  91. 

Ses  emplois.  Son  caractère.  ï.jf>.  IL   91.  92,. 

Il  pré'fideàla  XX.  Seflîon.  I  p.  IL  94. 

Lly  prêche.  I.  p.  IL  95-. 

Il  promet  de  travailler  à  la  Réformation  de 
l'Eglife.  I.  p.  II.  9J-. 

Il  la  diffère.  II.  107.  ro8. 

Il  eft  couronné.  1.  p.  IL  96. 

Il  notifie  fon  élection  à  toute  l'Europe.  96. 

11  irrite  Robert  Roi  des  Romains  en  doa- 

EU 


T    A     1 

donnant  ce  titre  à  ^enccflas.  II.  p.  II. 
109. 
Il  engage  les  Allemands  par  fes  liberalitez. 

Ibid. 
îl  favorife  exceffivement  les  Moines  Men- 

dians.I.  p. II.  118.  119. 
Sa  Bulle  en  leur  faveur.  123.  izf. 
Elle  eft  caflee  en  France,  130» 
Il  fulmine  contre Ladiflas.  130.  131. 
Il  quitte  Pife.  131. 
Il  publie  une  Croifade  contre  les  Turcs.  I: 

MI.  13-). 
Il  publie  une  Bulle  contre  les  Huflïtes.  Ibid. 
Il  va  à  Bologne.  I  p.  II.  13  y. 
Les  Romains  lui  envoyent  une  Ambaflade 
folemnelle  pour  le  prier  de  venir  à  Ro- 
me. Ibid. 
Il  avance  le  Jubilé.  I.  f.  II.  136. 
Il  donne  la  Rofed'Or  au  Marquis  d'Eite. 

Lp.U.i)6. 
Il  veut  inutilement  lever  des  Décimes  fur 

le  Clergé  de  France.  11.  137. 
Il  meurt  II.  137.  158. 
SesObféques.SqnEpiraphe.  II  139,    140. 
Alexis  {  de  Comnene,   Empereur  Grec.  ) 
Il  eft  jaloux  des  Princes  Latins.  II.  77. 
AmbaJJ'ade  de  la  Caftille  aux  Régents  de 

France.  I-  40.  4r. 
Difcuffion  iur  cette  Ambaflade.  I.  41. 
Ambajfad.  inutile  des  Princes  de  France  à 

Benoît  XIII.  Voyez  Benoit  XIII. 
Ambaffadeurs  (de  France.)  Leur  arrivée  à 

Aix.  I.  196. 
Les  Légats  des  Concurrens  vont  au  devant 

d'eux.  Ibid. 
Ils  vont  à  Ville-Neuve,  &  y  tiennent  di- 
vers Confeils  fur  l'entrevue   des  Con- 
currens   I.  198.  1*99. 
Ils  vont  à    Marfeille    trouver  Benoît  I. 

toi. 
Ils  fe  retirent  à  Aix  mécontens  des  tergi- 

verfations  de  Benoît.  I  20  j  ,zc6. 
Ils  délibèrent  s'ils  déclareront  la  Souftrac- 

tion  à  Benoît,  icé. 
Ils  fe  partagent  en  trois  corps  pour  aller 

en  divers  lieux.  1. 107. 
lis  arrivent  à  Rome.  I.  210. 
Ils  s'offrent  en  otage  à  Grégoire.  I.  213, 
Ils  ont  une  audience  favorable  des  Gouver- 
neurs de  Rome.  I.  182  214.  21  j. 
Leur  départ.  I    219 
Leur  Lettre  à  Grégoire.  Ibid. 
Ils  vont  trouver  Benoît.  I.  120. 
Ils  arrivent  au  Concile  de  Pife.  I.J>.  II.  ço. 
Ambajfadeurs  (d'Angleterre  )  ils  arrivent 

au  Concile  de  Pife.  I.  p.  II.  70. 
JLmbafiadzurs  (  d' Arragon.  )  Ils  ont  audien- 
ce, l.f.  II.   83. 


5     L    E 

Ambajfadeurs  (de Robert)  Voyez  BobertDue 

de  Bavière. 
Amiens  (  Cardinal  d')  Il  donne  un  démenti  4 

Urbain  VI.  I.  30. 
Anagnie  [Ville  de  l'Etat  Ecclefiaftique]  Les 

Cardinaux  s'y  aflemblent   pour  délibérer 

fur  l'élection  d'un  autre  Pape.  I.  29.  30» 
Anztomie  des  Membres  de  l'Antechift.  1 1  p . 

II.  \06.  1IJ. 
Ancorano.  { Pierre  d'  )  Do&eur  de  Bologne  , 

il  réfute  les  proportions  des  AmbafTadears 

de  Robert.  Y  p.  II    72  73. 
André  [  Hermite  Efpagnol.  ]  Il  exhorte  Hen- 
ri Roi  de  Caftille  à  travailler  à  la  paix  de 

l'Eglife  I.  6$. 
Henri  le  fait  mettre  en  prifon.  Ibid» 
André  lui  prédit.une  mort  fubite ,  qui  arriva 

lelendemain.  Ibid. 
André  II.  [Roi  de  Hongrie.]  Il    fe  croifc 

pour  la  Terre  Sainte.  Voyez  Halitx.. 
Ange  [Château  St.]  FortereiTe  du  Pape.  L 

if.  16.  12.  Voyez Poftagne,8c  3f. 
Angleterre   [  Royaume  d' ]    Ses   prétentions 

fur  la  France.  II..  4.4.   Voyez  Lollnrds. 
Anglois.  Ils  s'oppofent  à   l'introduction  des 

Dominicains  comme  Confeflèurs.I.  p  II. 

119 

Ils  ravagent  la  France.  IL  p.  IL  20. 

Anjou.  [  Louis  I  Duc  d'  ]  Il  reçoit  de  Clé- 
ment VII  l'Inveitituie  du  Royaume  de 
Naples   I.  4+. 

Il  va  dans  ce  Royaume  pour  s'en  mettre 
en  poiTeffion ,  &  s'y  fait  proclamer  Roi. 
I  44. 

Il  appelle  Charles  de  Duras  en  Duel.  Ibid. 

Plufîeurs  fois.  I.  47. 

Mauvais  état  de  fon  Armée  en  Italie.  I.  47. 48. 

Il  meurt.  Ibid. 

Anjou  [  Louis  II.  Duc  d'  ]  Il  va  au  Concile 
de  Pife  I  />.  Il   100. 

Alexandre  V.  le  déclare  Roi  de  Naples, 
Mi. 

Il  va  à  Rome  ibid. 

SaVidoire  fur  Ladiflas.  L   p.  II.  132. 

Il  entre  dans  Rome.  I.  p.  II.   133. 

Il  y  retourne  avec  Jean  XXIII    II.  63. 

Il  femeten  Campagne  contre  Ladiflas.  II, 

«3- 

Il  lui  livre  bataille,  &  le  défait.  II.  64. 

Il  ne  profite  pas  de  fa  Victoire.  II.  6j. 

Il  s'en  retourne  en  France.  66. 

Annates  abolies  par  l'Arrêt  du  Patlement.  I. 

'9f. 

Anne  [Fille  du  Comte  de  Cillei]  Jagellun 
l'époufe  en  fécondes    Noces.   II.  p.  IL 

137- 

Elle  affilie  à  la  converfion  des  Lithuaniens. 

Ibid. 


DES       MATIÈRES. 

Antechrifi.  Voyez  Anatomie.     Généalogie,  Afîemblées  en  divers  lieux  pour    l'union  de 

Soncaraclére  II.  p.  II.  io;,  l'Eglife.  1. 106.   J07. 

Le  Pape  efl  l'Antechrifl.  II.  p.  II.  108.  AJfemblée  [de  Paris]  pour  tirer  del'argent 

&fuiv.ll.p.  II.  129.  130.  du  Clergé.  I.  117. 

Antipape.  Ceux  qui  adhérent  de  bonne  foi  à  Autre  Aflemblée  de  Paris  fur  la  fouitraction. 


un  Antipape  ne  font  pas  pour  cela  Schif 
manques.  I.  p.  II.  141. 

Antonin  (  Archevêque  de   Florence  ,  Hif- 
torien  Italien)  Son  témoignage  fur  l'é- 
ledion  d'Urbain  VLI.if. 
Il  traite  le  Concile  de  Pife  de  Concilia- 
bule. Ibid. 

Apocryphes.  (Ecritures)  blâmées.  I.  63. 

Apôtres.  {Les)  Ils  ne  font  qu'impropre- 
ment les  fondcmens  de  l'Eglife.  II. 
h  n.  74. 

-Appenfel  (  Canton  de  Suifle  )  afïïege  inu- 
tilement la  Ville  de  Confiance.  II.  p. 
II.  iS. 

Aquila  (  Evêque  d'  )  mis  à  la  queflion 
charge  les  Cardinaux  d'Urbain.  I   yo. 

Archimoine.  I.  183. 

Antin  (  Léonard ,  Hiflorien  Italien)    Son 


I-  r3f./ 

Aflemblée  du  Clergé  de  France.  I-  16 \. 
14.6. 

—  contre  Benoit  I   237. 

—  contre  la  Dodlrine  de  Jean  Petit. 
II.  219.  p.  II.  38    fO. 

Averfa.  Ville  du  Royaume  de  Naples ,  011 
Charles  de  Duras  vient  vifiter  Urbain 
VI.  Voyez  Charles  de  Duras  &  Vrba'm 
VI. 

Auguflin  [Saint]  Son  fentiment  fur  l'Inter- 
diction générale.  II.  p.  II.   102.  103. 

Avignon.    [  Ville]    Réfïdence   des  Papes  à 
Avignon.  I.  4. 
Le  Pont  d'Avignon  rompu.  I.  101. 
Cette  Ville  reconciliée  avec  Benoît  1. 1 39 . 
140. 


Vendue  au  Pape.  II.  9. 
témoignage  fur  l'éleclion  d'Urbain  VI.     Avocats  pour  &  contre  Benoît  I.  110.  m. 
1.2,4.  &  Préf.  XIX.  itfi.  162. 

11  efl  fait  Secrétaire  d'Innocent  VII.  &     Avoda.  [Sara]  Traité  du  Thalmud  contre 


préfent  à  fa  mort.  I-  160.  161. 
Sa  Lettre  à  un  defes  amis  fut  la  conduite 
de  Grégoire  Xll.  I.  227.  &>fuiv. 
Son  jugement  fur  Dom  nique.  I.  231. 
Son  récit  de  la    Négociation    fur     le 
choix  d'un  lieu  pour  le  Concile.  II. 
p.  II.  12.  13. 
Armagnac  (Comte  d' )  fe  trouve  au  Con- 
cile de  Perpignan.  I  p. \\.  if. 
Armagnacs.  Faction  en  France  II.  41. 
Arméniens  (Sedte  des    Grecs)    Jean  Hus 
accufé  d'en  être,  s'en  défend.  IL  147. 
148. 
Ils    ne     reconnoiflent     que    l'Ecriture 
Sainte    pour»  fondement    de    la   foi. 
Ibid. 
Arondel  [  Thomas  de  ]  Archevêque  de  Can- 
torberi,  il  fait  le  procès  à  Oldcaflel.  II. 
p.  II.  M1    &futv. 
Arrugon  [  Pierre  d'  ]  Saint  Canonifé  :    Il 


l'Idolâtrie  Payenne ,  pris  par  le  Concile 
de  Trente  pour  une  Inve&ive  contre  le 
Chriilianifme.  II.  167. 


BAckarA.  [Vin  de]  I.   132. 
Balafre.  Voyez  Brancacio. 
Balbinus.  [Bohuflaus  ]  Hiflorien  de  Bohême, 
fufpecl  fur  l'empoifonnemenr  de  Sbinko. 
IL  90  91. 
Baldus  [  Jurifconfulte  ]    Précepteur  de  Gré- 
goire XI.  I.  f. 
Balu^e.  Son  Hifloire  des  Papes  d'Avignon-  I» 

6.  &  Préf.  XVIII. 
Bamberg.  Voyez.  Nider.  Pommier. 
Bannerets.  Ce  que  c'efl   que  cette  Charge  à 
Rome.  I.9. 
Leur  violence  envers  les  Cardinaux.  I.  9. 
10. 


confeilleà  Grégoire  XI.  d'établir  fon     Bar  [  Louis  de,  Cardinal]  Il  va  au  Concile 


Siège  à  Rome.  î    6 

Arragon.  [Jean  Roi  d' ]  Ses  foins  pour 
l'union  de  l'Eglife.  I  72.  Voyez  Am- 
baladeurs. 

Arr.igon,  [Martin  Roi  d'  ]  favorable  à  Be- 
noît I.  114    115. 
Sa  mort.  II.  36.  37. 
Compétiteurs  au  Royaume   d'Arragon. 
Ibid. 

Ar[en<t '.  Voyez  Bibliothèque. 

AJÏajfwat.  .Voyez  Bourgogne.  Orléans. 


de  Pife.  ï.p.  II.  32.  33. 
Il  y  arrive,  l.p.  II.  86. 
Il  efl  envoyé  en  France  par  Alexandre  V. 
I  p.  IL  98.  Voyez  Maramaur. 
Barbe.  Voyez  Benoit. 

Barcelone.  Aflemblée  des  Prélats  ,  Se  des 
Grands  d'Efpagne  dans  cette  Ville,  où 
l'on  fe    déclare  pour  Clément   VII.  I. 

S9- 
Bari    [Archevêque    de]   Voyez.    Prignano. 
Bataille.  Voyez  Jagellon.  Itutonique.  Anjou» 


T    A 

"Bx.ud.omn.  [  frère  de  Godefroi  de  Bouil- 
lon ]  l'un  des    premiers    Croifez.    II. 

77- 
Bavière   [  Etienne  Duc   de  ]    Envoyé  en 
France  par  les   Electeurs  de  Robert.  I. 
ijr. 

■  1  ■  .  (  Loîiis  Duc  de  )  Electeur  Palatin 
gouverne  l'Empire  en  l'abfence  de  Ro- 
bert I.  332. 

■  1  (  Jean  Duc  de  )  Evêque  de  Liège. 
I.  p.  II.  iy.     . 

Il  refufe  de  prendre  l'Ordre  de  Prêtrife. 
Ibid. 

Il  eftchafie  par  les  Liégeois.  Ibid. 

Il  fè  retire  à  Maftricht ,  où  il  eft  afliegé. 
Ibid. 

Il  eft  délivré  par  Jean  Duc  de  Bourgo- 
gne. I  p. II.  27. 
— 1  (  LoiiisDucde)  Prifonnierà  Pa- 

ris parles  factieux.  II.  p.  IL  24. 
Bedeaux  (  de  l'Univerfité  de  Paris  )  Leurs 

bevûè's.  II-  28. 
Beltran  (  André  )   Docteur  en  Théologie, 

&c   Aumônier  de  Benoît   XIII.    Pro- 

felyte  Juif,   il  confère  avec  les  Juifs. 

IL   179. 
Sa  méthode.  Ibid. 
11  fut  Evêque  de  Barcelone.  Ibid. 
Bénéfices.  Comment  ils  furent  adminiftrez 

pendant  la  Souftraction.  I.  188. 
Benoît  XI.  (Pape)  Il  donne  aux  Moines 

Mendiants  pleine  liberté  de  prêcher  ,  & 

de  confefièr.  I.  p.  II.  122. 
Benoît  XIII.  (  Pape,)    Son  Election.  L 

6%. 
Il  eft  reconnu  en  France.  I.  7f. 
Il  donne  d'abord  de    grandes    efperan- 

ces    de    vouloir  éteindre     le  Schifme 

par  quelque   voye  que  ce  foit.    I.  7 y. 

76. 
Le  Roi  lui  députe  fes  Oncles ,  &  fon  frère 

pour  l'engager  à  céder.  I.  91. 
Leurs  inftructions.  I.  91.  9f. 
Us  s'en  retournent  fans  pouvoir  rien  ob- 
tenir. I.  lOf. 
Il  eft  abandonné   de    fes  Cardinaux.  I. 

114. 
Il  eft  afliegé  dans  Avignon,  Ibid. 
Récit  de  Ion  évafion.  I.   136. 
Sa  Lettre  au  Roi  de  France.  I.   116. 
Divifions  en  France  au  fujetde  la  Souf- 

traûion  faite  à  Benoît.  I  13  <;. 
Il  laiffe  croître  fa  barbe  pendant  fa  pri- 

fon  ,  on  lui  en  fait  un  crime.  I.  137. 
Mot  qu'il  dit  fur  fa  barbe,  ibid. 
Il  notifie  fon  évafion  au  Roi  de  France. 
Ibid. 
Il  fe  réconcilie  avec  fes  Cardinaux ,  & 


BLE 

les  regale.  I.  13  8. 
On  lui  reftituë  l'Obédience  en  France,  f» 

141. 
U  refufe  de  tenir  parole.  I.  144. 
U  envoyé  àBoniface  IX.  pour  lui  propo- 

ferune  entrevue.  I-   148. 
Ses  Légats  emprifonnez  à  Rome.  I.   149* 
Il  part  pour  s'aboucher    avec    Innocent 

vu.  1.  m- 

II  levé  une  Décime  fur  le  Clergé  de  France. 

Ibid. 
Son  arrivée  à;Gcnes.  Ibid. 
U  y  fait  entrer  des  troupes  que  les  Génois 

en  chaflent    I.  i$6. 
On  fe  fouftrait  de  nouveau  de  fon  Obé- 
dience. I.  if 9. 
Il  eft  déclaré  Hérétique  &  Schifmacique.  I. 

184. 
Sa  Lettre  à  Grégoire  XII.  I.  193.  194- 
U  reçoit  honnêtement  les  Ambafiadeurs  de 

France  àMarfeille.  I.  201. 
U  leur  donne  audience.  I.  201.  202. 
U  répond  au  Difcours  de  Cramaud  ,  &  pro- 
met fa  ceflion.  Ibid* 
Il  refufe  d'en  donner  la  Bulle.  I.  20t.  & 

fttiij. 
Il  fait  fon  Apologie  devant  les  Ambafiadeurs 

de  France.  L  202. 
U  excommunie  tous  ceux  qui  ont  eu  part  à 

la  Souftraction.  I.  209. 
U  ne  veut  pas  entendre  à  un  autre  lieu  que 

Savonne.  I.  220» 
Il  y  va.  I.  220.  2ii 
Sa  réponfe  aux  Ambafiadeurs  de  Caftille.- 

Ibid. 
Sa  réponfe  à  Grégoire  XII.  I.  226. 
Toutes  les   apparences  font  pour   lui.  I» 

128. 
Sa  Bulle  plaintive  ,  &  menaçante ,  au  Roi 

de  France,  L  237. 
Cette  Bulle  eft  lacérée  en  France.  I.  2  3  S. 

Voyez  Bulle. 
La  plus  grande  partie  de  1'  Europe  fe  fouftrait 

de  fon  Obédience.  I.  244. 
U  s'enfuit  à  Perpignan.  245-. 
Sa  Lettre  à  Grégoire    avant    fon   départ» 

Ibid. 
U  fait  de  nouveaux  Cardinaux    Ibid. 
U  indit  un  Concile  à  Perpignan,  ibid. 
Ses  fauteurs  déclarez  hérétiques.  I.  246. 
Les  Cardinaux  le  citent  à  Pife.  I    p.   II    9* 
Il  leur  répond  ,  &  les  cite  à  Perpignan   I. 

p.  II.  11.  13.  14. 
Ses  Légats  font  arrêtez  en  France.  I  p.  II. 

n. 
Us  font  maltraitez  à  Pife.  l.p.  II.  17.  18. 
U  excommunie  le  Concile  de  Pife.I.  p.  II. 
48.. 


DES     MATIERES. 


Benoît  XIII»  (  Pape  )  Ses  Légats  fontécou- 
écoutez  au  Concile  de  Pife  non  fans 
peine.  I.  p.  II.  89. 

Mauvais  fuccès  de  cette  Audience,  Ibid. 

Ils  fe  retirent  fans  prendre  congé.  Ibid, 

11  crée  douze  Cardinaux  après   fa  dépo- 
fition.  I.f,  II.  90. 

Il  fe  retranche  dans    Penifcola.    II.  9. 

Il  donne  à  Ferdinand    l'inveftiture    des 
Ifles  de  Sardaigne,  &  Corfe  II.  163. 

Il  ordonne    des   Conférences   avec  h  s 
Juifs.  II.  166.  190. 

Sa  Conftitution  violente  contre  les  Juifs. 
II.  180.  181. 

Son  Difcours  aux  Juifs  avant  la  Confé- 
rence. II.  182. 
Bcrefchit  Rabba.  Voyez  Dialogue, 
Berg  (  Guillaume  Comte  de  )   Evêque  de 
Paderbone,  Ses  guerres  avec  fes  voi- 
fîns.  II.  si.  f  3. 
Berlin.  On  y  fait  mourir   38.   Juifs.   II. 

Bernard  (  Saint ,  Abbé  de  Clairvaux  )  Ses 
miracles.  II.  77. 
Quels  doivent  être  félon  lui  les  Légats 

du  Pape.  II.   149. 
HardiefTe  de  fon  Difcours  à  Eugène  III. 
II.  f.  II.  7f-  76. 

Berri  (  Duc  de  )  Difcours  qu'il  tient  à  Be- 
noît à  Avignon.  I.  98.   102. 

Bertrand  (  d' Agouft  )  Archevêque  de  Bour- 
deaux,  élu  Pape  fous  le  nom  de  Clé- 
ment V.  I.  f. 

Bethléem.  (  Chapelle  de  )    à  Prague  ,  Sa 
fondation.  II.   Sf.  95-.  96. 
JeanHus  en  eft  Curé.  II.  9f. 
Son  Songe  à  l'occaïïon  de  cette  Cha- 
pelle. II.  9f.  96. 

Bibliothèque  (  des  Evêques)  C'eft  un  Arfe- 
nal.  II.  fi. 

Blain  (  Pierre  )  Cardinal  de  Benoît.  1. 1 3  9. 

Blanche  (  Vice  Régente  de  Sicile  )  Voyez 
Cadrera, 

Blancs.  Seétede  Fanatiques.  I.  izi.in. 
113.  114. 
L'un  d'entre  eux  brûlé.  I.  122. 

Blondo  (  Flavio  )  Hiftorien  Italien ,  Son  té- 
moignage fur  l'élection  d'Urbain  VI. 
I.  2;.  t6.  &Préf.  XX. 

Bœufy  le  mughTement  d'un  Bœuf  annonce 
la  venue  du  Meule.  II.  171.  186.  187. 

Bœufs  (  Pierre  aux  )  Cordelier ,  Il  plaide 
pour  l'Univerfité  contre  Benoît.  I.  161. 
163. 

Bohême.  Troubles  de  Bohême.  I.  p.  II.  49» 
fo.  II.  p.  II.  j4.   6). 
Troubles  caufez  parle  Schifme.  II,/>,  II. 
S9> 


Bohémiens,  ils  fe  plaignent  au  Roi  de 
France  de  la  déposition  de  Wenceflas 
fon  Coufin.  I.  131.  131. 

Bohémiens  (Ecoliers)  Ils  obtiennent  trois 
voix  dans  l'Univerfité  de  Prague  contre  les 
Allemands.  I.  p.  II.  49. 
Bologne  (  Univerfité  de  )  On  y  prononce 
que  les  Cardinaux  font  en  droit  de  fe 
réunir  pour  aflèmbler  un  Concile.  I.  p, 
II.  8. 
Bologne  (  la  Grafle  )  gouvernée  par  des  Lé- 
gats du  Pape.  II.  if 9. 

Sujette  aux  Séditions,  ibid. 

Chaife  les  Légats  de  Grégoire  XL  II. 
Ibid. 

Elle  fe  reconcilie  avec  le  Siège  de  Rome. 
160. 

Secoue  le  joug  de  Boniface  IX.  Ib  d. 

Chafîè  le  Légat  de  Jean  XXIII.  Ibid. 

Elle  fe  reconcilie  avec  ce  Pape.  Ib'd. 
Boniface  VIII.  (Pape)  Son  infolence con- 
tre Philippe  le  Bel.  I.  4. 

Il  eft  dépofé.  I.    106. 

Sa  Bulle  en  faveur  des  Moines  Mendians. 
l.p.  II.  m.  inftitue  le  Jubilé.  I.  114. 
Bontface  IX.  (  Pape  )  fuccede  à  Urbain  VI. 
I.  64.  Voyez  Thomacelle. 

Iln'eft  pas  meilleur  que  fon  Prédécefleur. 
Ibid. 

Il  écrit  par  l'entremife  de  deux  Char- 
treux au  Roi  de  France  pour  l'ex- 
horter à  travailler  à  la  paix.  I.  6 y. 
67. 

Il  élude  cette  négotiation.  I.  70. 

Il  écrit  à  "Wenceflas  pour  l'empêcher  de 
s'unir  avec  la  France.  I.  109. 

Il  exerce   la    Simonie    fans  mefure.   I. 

119. 

Principal  Auteur  des  Annates.  I.   119. 
Il  quitte    Rome,  il  y  revient.    I.    no. 

121. 
Son  Jubilé.  I.  114.  izr. 
La  Bohême,  &  la  Hongrie  l'abandonnent. 

Comment  il  reçoit  l'Ambaflade  de  Benoit. 

I.  148. 
Il  meurt.  I.  149. 
Bouchers.  Leurs  Séditions  «  Paris  ,  Se  à  Bo- 
logne.  II.  61.  6t.  . 
Bouchant  (Jean  le  Maingre  )  Maréchal    de 
France  ,  s'empare    de  Savonne.    I.  108. 
Il  eft  envoyé  à  Benoît  pour  le  contraindre 

à  céder.  I.  113.  1 14. 
Il  s'empare  d'Avignon.  Ibid. 
Il  eft  Gouverneur  de  Gènes,  où  il  fait  ac- 
cueil à  Benoît  XIII.  I.  ir6. 
Il  fait  équiper  des  Galères  pour  Grégoire 
XII.  I.  ixo. 


I 


.       T  A 

Il  reçoit  ordre    d'arrêter  Benoît  XIII. 

I.  144- 
Il  appaife  la  fédition  de  Voutre,  &  fait 

punir  les  Séditieux.  I.  p.   IL    33. 
Il  eft  chaflé  de  Gènes.  I.  p.  II.  47. 
Son  Hiftoire ,  &  fon  caractère,  ibid. 
Bourbon    (  Loiiis    Duc    de  )    Régent    de 

France.  I.   39. 
Bourdeaux  (Cardinal  de  ).  Il   eft  envoyé 
en  Angleterre.  I.p.  II.  71. 
Il  va  trouver  Benoît  à  Savonne.  71. 


&  Grégoire  à  Sienne.    Ibid. 


Il  fe  trouve  au  Concile  de  Pife.  ibid. 
Il  eft   grand  partifan  de    la  Réfidence 

des  Evêques.  Ibid. 
Il  ne  confent  pas  à  l'élection  de  Jean 

XXIII.  II.  4. 
Bourg  (  Murs  du  Bourg  de  St.  Pierre  à 

Rome  )   réparez  par  Jean  XXIII.  pour 
aller  de  fon  Palais  au  Château  S.  Ange. 

H.  i>*. 
Bourges  ( Ville  )  Siège  de  Bourges.  II.  10  r. 

Paix  de  Bourges.  Ibid. 
Bourgogne  {  Philippe  Duc  de  )  Régent  de 

Fiance.  I.  39. 
■  (  Jean  Duc  de  )  fait  afTafliner  le 

Duc  d'Orléans.  I.  p.  II.  x6.  17. 
Il  fait  faire  fon  Apologie.  Ibid.  &  II.  à 

la  fin. 
Il  obtient  des  Lettres  d'abolition.  I.  p. 

II.  16. 
Il  fe  retire  en  Flandres.  Ibid. 
On  lui  fait  fon  procès  à    Paris.  Ibid. 
Il  va  au  fecours  de  Jean  de  Bavière,  & 

le  rétablit.  I.  p.  II.  17.  28. 
Son  Cartel  de  defH  aux  Ducs  d'Orléans. 

II.  41.  Voyez  Epigramme. 
Il  eft  allàffiné.  II.  43- 
Bourguignons.  Faction  en  France.  II.  41. 
Braccio   (de   Peroufe ,  Général  de   Jean 

XXIII.  )  ce  Pape  le  fait  Gouverneur 

de  Bologne.  II.  107. 
Il  foutient  ce  Pape  après  fa  déposition. 

Ibid. 
Il  entre  triomphant  dans  Rome.  Ibid. 
Il  fe  déclare  contre  Martin  V.  ibid. 
Il  excommunie  le  Pape.  Ibid. 
H  fe  reconcilie  avec  lai.  Ibid. 
Il  eft  tué.  Ibid. 
Brancfrào  (Thomas  Neveu  de  Jean  XXIII) 
Il  eft  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII.  II. 

69. 
Son  impudicité.  Ibid. 

Sa  Balaffre.  Ibid. 
Brancas    (Nicolas    de)  Archevêque  de 

Cufa  &  Cardinal  de    Benoît.  I.  139. 

II.  i. 
Brtnd*  (  de  Caftiglione)     Evêque  de 


BLE 

Plaifance,  Cardinal.  H.  if.  69. 
Il  eft  envoyé  par  Jean  XXIII.  &  par  Mar- 
tin V.  en  Bohême.  Ibid. 
Bra^uemont  (  Pierre  de  )  Gentilhomme  Nor- 
mand. Il  tire  Benoît  de  prifon.  1. 136. 
Bras  (Séculier)  Le  bras  feculier  eft  le  foye 

du  Pape.  II.  p.  II.  no. 
Brigitte  (  Sainte ,  Suedoife  )  Elle  porte  Gré- 
goire XI.  à  aller  à  Rome.  I.  6. 
Sa  Canonifation  blâmée.  I.  63. 
Bmda  (  André  de  )  Docteur  Bohémien  ,  Ach 

verfaire  de  Jean  Hus.  II.  82. 
Brunpwic  (  Otton  de  )  époux  de  Jeanne  Reine 
de  Naples.  I.  44. 
Ses  démêlez  avec  Urbain  VI.  I.  yi. 
Mérite  de  ce  Prince.  I.  jz;  y 6. 
Charles  de  Duras  le  tient  prifonnier.  I. 

48;        \ 
Il  déconfcille  à  Charles  de  Duras  d'atta- 
quer Loiiis  d'Anjou,  ibid. 
Charles  de  Duras  pour  ce  confeil  lui  don» 
ne  fa  liberté.  Ibid. 
'  (  Frédéric  Duc  de  )  élu  Empereur. 

1. 119. 
Aiïafîmé.  ibid. 

Lettre  des  Cardinaux  aux  Ducs  de  Brunf- 
wic.  I.p.  II.  4. 
Bulle  Voyez  Benoît  XIII.  (  Pape  ). 
Indigne  traitement  que  l'on  fait  au  por- 
teur   de   la   Bulle  de    Benoît  XIII.    I. 
139. 
Bulle  du  Concile  de  Latran.  Omnis  tttriufque. 

I.p.  II.  118  118. 
Bulle    (d'Alexandre  V.)  Voyez  Alexandre 

V. 
Bulle   (In    Cœna  Domini  )  Qui  font  ceux 
qui   font  excommuniez  par  cette  Bulle» 
II.  4. 
Bulles  [At  Jean   XXIII.)  contre  Ladiflas. 

IL  80.  81. 
Burgin  (  Bégard  ou  Fratricelle)  brûlé.  I.  p. 

IL  138. 
Butillo  (  Prignano  )    Neveu  d'Urbain    VI. 
fait  Prince  de  Capouè.  I.  47. 
Il  viole  uneReligieufe,  &   perd  fa  Princi- 
pauté, ibid. 
Le  Roi  lui  pardonne  fon  crime-,  &  lui  donne 
la  Ville  de  Nocera.  Ibid. 
Butrio.  (Antoine  de)    Bolonois ,    Docteur 
en  Droit)  Envoyé  par  Grégoire  XII.  à 
Benoît  XIII.  I.  195-,  • 


C. 


CAboche  (Simon,  Valet  de  Boucher  ) 
Chef  de  la  faction  des  Bouchers.  IL 
p.  IL  20. 
Caboçhiws.  IL  ibid.  Voyez  Bouchers. 

Cabrer* 


D  E  S    M  A 

Cabrêva  (  Bernard )  Grand  Jufticierde  Si- 
cile :  Il  veut  enlever  Blanche  Vice- 
RegentedeSicile.il.  37.  38. 

Il  eft  honteusement  refufé.  Ibid. 

Il  s'empare  de  plusieurs  Villes  de  la  Si- 
cile, lbid. 

Il  affiege  inutilement  Syracufe.  IL  38. 

Il  affiége  Palerme  ,  où  s'étoit   réfugiée 
Blanche,  lbid. 

Il  y  eftpris ,  &  fort  maltraité,  lbid. 

Il  eft  mandé  en  Catalogne  par  Ferdinand. 
Ibid. 

Il  met  tout  en  combuftion  dans  la  Sicile. 

II.  98. 
Cafetan  (  Cardinal)  Sa  négociation  pour 
l'élection  d'un  Succelfeur  à  Benoît  XI. 

I.  4.  f. 

Cafetan  [  Comte  de  Fondi ,   Gouverneur 
de  jb  Campagne  de  Rome  )  maltraité 
par  Urbain  VI.  I.  3 1. 
Calcul.  Les  Rabbins  expliquent  à  Benoît 
XIII.  leurs  maximes  contre  ceux  qui 
calculent  les  temps.  II.  1 8  f . 
Cahxte  II.  (Pape)  "Voyez Senti  V. 
Cammiec  (Evêché  dans  la  haute  Pologne  ) 
Nicolas  Tramba  en  eft  fait  Evêquepar 
Jean  XXIII.  IL  103. 
Capou'e  (Jean  de  )  Cardinal  d'Urbain, mis 

à  la  queftion.  I.  ;  2. 
Captera.  Lifez  par  tout  Cabrera. 
Caracciolo  (  Conrad  )  Cardinal  de  Malthe  , 
envoyé  en  Lombardie,  &à  Avignon, 
par  Alexandre  V.  I.  p.  IL   1 37. 
Son  <  aractere.  IL  j.  6. 
Carbon  (  Guillaume)  Evêque  de  Civittadi 

Chietti,  Cardinal  douteux.  IL  71. 
Cardinalat,  refufé.  I.  fo. 
Cardinaux.  lis  font  un  an  fans   pouvoir 
convenir  d'un  Succelfeur  à  Benoît  XL 
I.   6. 
La  v'olence  qu'on  leur  fait  dans  le  Con- 
clave pour  l'élection  d'un  Pape  Romain, 
ou  Italien.  I.  f.  8.  9.  10.  1 1.  12. 
Leurs  démêlez  avec  Urbain  VI.  L  13.15'. 
Leur   Lettre  aux    Cardinaux  d'Avignon 
fur     l'élection    d'Urbain    V I.    I.    27. 
28. 
Ils  abandonnent  Urbain  VI.  L  29. 
Leur  mauvaife  foi.  Ibid. 
Leur  Lettre  injurieufe  à    Urbain  VI.  I. 

29. 
Leur  Manifefte  contre  ce  Pape.  1. 130. 
Us  font  le  Sénat  del'Eglife.  l.p.  IL  147. 
Si  un  Pape  les  peut  faire  mourir.  I.  ff. 
Leur  Origine.  I.  81. 
Leur  faite ,  &  leurs  autres  vices  énormes. 
'L  81.82. 
Les  Cardinaux  de.  B;r.oitle  fupplient  à 


TIUES. 

genoux  de  confentir  à  la  Cefllon.  I. 
102. 

Allarme  des  Cardinaux  de  Benoît  à  Château- 
Rayrard.  L  138. 

Leur  réconciliation  avec  ce  Pape.  I.  139. 
203.  204. 

La  réponfe  des  Cardinaux  de  Grégoi- 
re  aux  Ambadadeurs  de  France.  I.  iiy. 

Ils  abandonnent  Grégoire.  L  22$'.    231. 

Us  "appellent  au  Concile  Général.  L  23  t. 

Les  deux  Collèges  des  Cardinaux  fe  ré'ùnif- 
fent.  I.  p.  II.  34. 

Us  écrivent  au  Roi  de  France.  4.      • 

Les  Cardinaux  de  Benoît  le  citent  à  Pife. 
I.p.Il.s.  9. 

Ils  s'oppofent  à  la  convocation  du  Con- 
cile de  Grégoire.  I.p.  II.  ±%.  z^. 

lis  peuvent  affembler  un  Concile  quand 
le  Pape  ne  veut  .pas  le  faire.  I.  p.  IL 
144. 

Us  ne  font  pas  le  Corps  de  l'Eglife.  IL  p.  II. 

4*. 
Carme  [  Moine  ]  mis  en  prifon  par  Grégoire. 

L    22J. 

Carrare   [  François    de  ]    Seigneur  de    Pa-        ' 
doué,  General  de  l'Empereur  en  Italie.  I. 
133.  134. 

Cartel.  Voyez,  Deffi. 

CaflAle.  Voyez  Henri. 
Le  Roi  de    Caftille   fe  plaire  qu'on  ait  né- 
gocié la  paix  à  Avignon  à  fou  infçu.  1. 104. 

Il  fe  déc'are  pour  la  Ceffion.  L  1  io. 
La  Caftille  reftitué  l'Obédience  à  Benoît.  I. 
143. 
Catherine  (  de  Sienne  ,  Sainte  )  Elle  confeille 
à  Grégoire  XI.  de  réfider  à  Rome.  L  6. 
Voyez  $iennc 
Cau/is.   (Michel    de)  Docteur   Bohémien, 

Adverfaire  de  Jean  Hus.  II,  26. 
Ctlefii-a  III.  (  Pape)  -Il  ordonne  une  Croifa- 

de  pour  la  Terre  Sainte.  IL  78. 
Celeflm  f.  (Pape)  S'il  abdiqua  volontaire- 
ment ,  ou  î  on.  L  p.  IL  1 1  4. 
Cejjion  des  deux  Concurrens  propofec.  L  59, 
60. 
Clément  y  confent.  Ibid. 
Acte  de  Ceffion  ligné  par  tous  les  Cardinaux 
qui  élurent  Pierre   de  Lune  lui-même.  L 
74.  96.  91. 
Cett»  voie  eft  jugée  !a  plus  propre  à  étein- 
dre le  Schilme.  L  9  \. 
La  plus  grande  partie  de  l'Europe  fe  déclare 
pour  cette, voie.  L  ne. 
Ch-n'ant   [Antoine  de]    Cardinal,  étoir  au 
Concile  de  Paris  de  la  part  de  Benoît-.  I. 
iJ'7- 


T  A 

Il  eft  déclaré  Hérétique  pat  le  Clergé  de 

France.  I.  146. 
Il  fe  trouve  au  Concile  de  Perpignan  , 
où  il  eft  fufped  à  Benoît.  I.  p.  II.  19. 
Il  s'unit  au  Concile  dePife,  84, 
Son  Hiftoire ,  &  ion  Cara&ere.  I.  p.  II. 

Il  eft  envoyé  àSigifmond  par  le  Pape.  II. 

p.  II.  7.  8.  9. 
Champs  [Gilledes]  Do&eur  en  Théologie. 
II.  69. 

Confefleur  du  Roi  de  France.  Ibid, 

Envoyé  à  Benoît  XIII.  70. 
■  »à  "Wenceflas.  Ibid. 

Fait  Cardinal  par  Jean  XXIII.  II.    69. 
Chancelier  (  de  -France  )  Voyez    Corbie. 


Marie. 

Chanoines.  Leur  portrait.  I.  84. 

Charles  IV.  [Empereur]  refufe  à  Gré- 
goire XI.  une  Croifade  pour  la  Terre 
Sainte.  II.  79. 

Charles  v.  [  Roi  de  France  ]  Sa  mort.  1. 3  9. 
Il  refufe  le  Pontificat  ;  Se  pourquoi.  I. 
108. 

Charles  VI.  [Roi  de  France  ]  Sa  minorité. 
I.   Î9. 

Il  tombe  en  démence.  I.  69. 

Cette  maladie  eft  un  grand  obftacle  à  la 
réunion  de  l'Eglife.  I.  70. 

Après  fa    convalefcence  il  renvoyé  les 
Chartreux  avec  deux  autres  du  même  • 
Ordre  pour  négocier  l'union.  Ibid. 

Sa  Lettre  à  Benoît  XIII.  I.  116. 

Il  reftituë  l'obédience  à  Benoît ,  &  en- 
tonne lui-même  le  Te  Heum  à  ce  fujet. 
I.  141. 

Son  Edit  pour  les  Collations  des  Bénéfices. 
I.  I4f.  14*. 

Sa  Lettre  aux  Cardinaux  après  Ja  mort 
d'Innocent  VII.  I.  189.  190. 

Il  écrit  à  Grégoire  XII.  I.  107. 
Sa  Lettre  aux  Cardinaux  des  deux  Obé- 
diences. I.  143. 
Sa  Lettre  à  l'Ùniverfité  de  Paris  contre 
Ja  confpirationdesPrinces.il.  99.100. 
ior. 
Il  leur  déclare  la  guerre.  IL  10  1. 
Ils   font   excommuniez   en  vertu  d'une 

Bulle  d'Urbain  V.  II.  loi. 
Sa  Déclaration  contre  le  Duc  de  Bour- 
.gogne.  IL  p.  II.  141.  &  fniv. 

Charles  [  Duc  de  Bretagne  ]  Sa  canoftifa- 
tion  blâmée.  I.  63. 

Chartres.  [Ville]  Traité  de  Chartres  en- 
tre les  Fa&ions  de  France.  II.  105.  II. 
p.  IL  36. 

Chartreufe  [Grande,  de  Grenoble. ]  Son 
Chapitre  s'aflcmble  en   Efpagne  feus 


BLE 

l'Obédience  de  Benoît.  I.  p.  H.  49; 
Chartreux.  Deux   Chartreux   vont  trouver 
Boniface  pour  l'exhorter  à.  donner  la  paix 
à  l'Eglife.  I.  70. 
Ils  obtiennent  de  ce  Pape  une   Lettre  au 

Roi  de  France  dans  cette  vue.  Ibid. 
Ils  vont   trouver     Clément  VIL  à   Avi- 
gnon qui   les  fait  mettre  en  prifon.  I. 
68. 
Us  obtiennent  leur  liberté  par  l'interce/fion 
du  Roi  de  France.  I.  68. 
Ils  ont  une  audience  favorable  de  Charles 

VI.  I.  70. 
Ils  ne  peuvent  rien  obtenir  ni  de  Clément , 
ni  de  Boniface.  Ibid. 
Chdteau-Raynard  [  proche  d'Avignon  ]  lien 
de  la  retraite  de  Benoît  après  être  forti 
de  la  prifon  d'Avignon.  I.  136.  137. 
Chevaliers  Voyez  Livonie.    TeutnnicjHt. 
Childeric  IJI.  [  Roi  de  France  ]  abdique  pour 

faire  place  à  Pépin.  I.  186. 
Chrétien  [  Moine   de  l'Ordre  de  Cifteaux  ] 
premier  Evêque  dePruife.  II    17. 
Il  travaille  à  la  converfion  des  Pruffiens. 
Ibid. 
Chrétiens,  défaits  en  Orient  par  les   Infidèles. 
IL  77. 

Us  reprennent  Antioche.  IL  78. 
Us   prennent    Zara    fur    les    Flongrois. 

Ibid. 
-    •  Confbntinople     fur    les    Turcs 


Ibid. 

Chrijt    [  Jefus  ]    Il  eft   le   feul   Chef,   8c 
fondement  de  l'Eglife.  IL  p.  IL  74.  75-, 
Le  feul  vrai   Pontife  Romain.  IL  p.  II. 
78. 
Chryfolore.  [  Emmanuel  de  Conftantinople  J 
Envoyé  de  Jean  XXIII.  à  Sigifmond.  II. 
p.  IL  it.  ri. 
Cltmangis.    [  Nicolas  ]    Auteur     Fra  nçois  : 
mauvais  témoignage  qu'il  rend  à  la  con- 
duite de  Clément  VIL  I.  3  9. 
Il  harangue  le  Roi  fur  la   corruption  de 
l'Eglife.  I.  71.   Voyez  Vniverfité  de  Pa- 
ris. 
Il  écrit  à  Benoît  XIII.  pour  l'exhorter  i 

l'union.  I.  76.  77.  7?. 
Il  eft  fait  Secrétaire  du  Pape.  I.  78. 
Il  écrit  fon  livre  de  la  corruption  de  l'E- 
glife. I.  78.  &fuiv. 
Il  n'approuve  pas  la  voie  de  la  Souftrac- 
tion.  1. 118. 
Clément  IV.  [  Pape  ]  Limite  la  Bulle  d'Ale- 
xandre IV.  en  faveur  des    Moines  Men- 
dians.    I.  p.  IL  itiî 

Il  ordonne   une  Croifade   pour  la  Terre 
Sainte.  IL  79* 
Ciment  K  [Pape]  Son  élection.  I.  4.  y. 


D  E  S    M 

Clément  V.  (  Pape  )  "Il  eft  le  premier  des 

Papes  qui  réfident  à  Avignon.  Ibid. 
Il  cafle  la  Bulk  de  Benoît  XI.  en  faveur 

des  Moines  Mendians.  I.  p.  II.  m. 
Il  difpenfè  du  Purgatoire  ceux  qui  vont 

à  Rome  en  pèlerinage.  II.  p.  II.   7^. 
Chment    VII.  [  Pape  ]  Hiftoire  de  fon 

élection.  I.  6. 31.  34. 
Son  Caractère.  Ibid. 
Ses  violences,  &  fa  mauvaife  conduite. 

Les  cruautez  d'Urbain  font  quantité  de 

partifans  à  Clément  VII.  I.  f 8. 
Il  envoyé  le  Cardinal  d'Aigrefeuille  en 
Allemagne  pour  la  détacher  d'Urbain. 
Ibid. 
Ses  exactions  en  France.  I.  6j, 
Il  fait  mine  de  s'entendre  avec  Bonifa- 
ce  IX.  pour  donner  la  paix  à  l'Eglife. 
I.  62.  69. 
Il  ordonne  des  Procefïïons  pour  la  paix. 
I.  70. 
Il  compofe  un  Office  nouveau  danscette 
vne.  Ibid. 
Il  combat ,  &  fait  combattre  fortement 

la  voïed^  laCeffion.  I.  71.71. 
Il  meurt.  I.   73. 

Toute  l'Europe  s'emprefTe  inutilement  à 
empêcher  une  nouvelle  élection   après 
fa  mort,  I.  73.  74. 
Clergé.  Peinture  affreufe    de  Ces  dérégîe- 
mens.  I.   61 .  63. 
Devoirs  du  Clergé.  II.  p.  II,  3c. 
Clergé  (de France)  Voyez  Affemblée. 
Clergé  (de J.  C  )  del'Antechrift.  II.j>.  II. 

81. 
Clcrmont  (  Synode  de)  Il  fe  déclare  en  fa- 
veur des  Moines  Mendians.  I.  p.  II.  1  2  o . 
Clovis  (  Roi  de  Fiance  )  aiîemble  un  Con- 
cile. I.   1  64. 
Cochlée  (Jean  )  Auteur   pafTionné  contre 
les  Huflkes  &  les  Luthériens.  II.    118, 
CdLges.  Voyez  Cardinaux. 
Collujîon  des  deux  Concurrens.I.  70.  210. 
2ii.    ni.  117.   118.156.  l.p.  II. 11. 

74.7if.77. 

D'Innocent  VII.  &de  Ladiflas.  I.  \y. 
De  Grégoire  XII.  &  de  Ladiflas.  l.p.  II. 
101.   103. 
Cologne  (Univerfîtéde)  Sa  Lettre  à  l'Uni- 
veifité  de  Paris  pour  la  remercier  de  fes 
foins  pour  l'union.  I.  71. 
Cologne  (Archevêque  de)  Ses  Ambaiïadeurs 
arrêtez  à  deux  journées  de  Pile.  I.  p.  II." 

7'. 
Us  font  relâchez  par  Fentremifede  Eon- 
cicaut.  Ibid. 
Cologne  (Theodoric  de  Meurs,  Archevêque) 


A  Tï  E  R  E  S. 

eft  élu  Archevêque  de  Cologne.  II.  13; 
Cologne.  Voyez  Mayence. 
Colonne  (Nicolas   de)  entre  dans  Rome  à 

main  armée.  I.  110. 
Colonnes  (Jean,    Nicolas)  fontiennent  les 
Gibelins  contre  les  Papes.  I.   1  j- 1. 
Ils  font  chaiîéz  de  Rome.  I.  153. 
Us  font  excommuniez.  I.   156.     * 
Us  fe  reconcilient  avec  le  Pape.  II.  u.  ix; 
Colonne  (  Othon  de  )  Cardinal.  Il  excommu- 
nie Jean  Hus.  II.  5-0. 
Il  eft  Gouverneur  de  plufieurs  Places  de  l'E- 
glife fous  Jean  XXIII.  II.  65. 
Commandemens  (  de    l'Eglife  )  Us    énervent 
les  Commandemens  de  Dieu.  II.  p.  II. 
~  117. 
Communion ,  ou  Communication.  Ce  que  c'eft, 

II.  p.  II.  97.  &fuiv. 
Compétiteurs.  Voyez  Arragon. 
Compromis.  Cette  voye  rejettée.  I.  92. 
Conception    (  Immaculée  de  la  Vierge  )  Dif- 

putes  là-deiTus  blâmées.  I.  63. 
Concile  (Général)  Difficultez  fur  fa  convo- 
cation pendant  le  Schifme.  I.   33; 
U  eft  réfolu  en  France.  I.  ii8. 
Il  peut  être  aflemblé  par  les  Cardinaux.  I. 
p.  II.  9,  to.  11.  n.  14a.  143. 
Il  repréfente  l'Eglife  Univerfelle.  I.  p.  II. 

144.  I4f. 
U   eft   le    Juge  compétent     des    Papes. 
Ibid. 
U  eft  jugé  peu  propre  à  éteindre  le  Schifme. 
I.  92. 
Concile  (Oecuménique)  Clément  VU.  y  con- 
fent.  I.  60. 

Plufieurs  Docteurs  font  d'avis  que  le  Schif- 
me ne  peut  être  terminé  que  dans  uji  Con- 
cile Général,  ibid.  &  iif. 
Divers  "cas  où    Fon    peut    alTembler  un: 
Concile    Général    fans  le    Pape.  I.   61, 
6z. 
U  peut  être  aflemblé  par  les  Cardinaux.  I. 
p-  II  7.  8.  9. 
Concile  (  de  pife  )  Voyez  Pife. 

■■  (de  Perpignan)  Voyez   Perpignan, 

[  de  R.ome  ;  Voyez  Jean  XXIII. 

Conciles  Nationaux  (de   Paris.  )    I.  91.   110. 
15-8.  1er, 
On  y  conclut  pour  la  voie  de  laCefïïon.I, 
$2. 
Con  lave.  Entrée  des  Cardinaux  dans  le  Con- 
clave pour  élire  un  Succefleur  à  Grégoire 
XI.  I.  8. 
Violence  exercée  contre  ce  Conclave.  I.  8. 

9.  &  fmv . 
Le    tonnerre  tombe  dans   le  Conclave.  I. 

32. 

Sûreté  du  Conclave  de  Pife.  I.  p.  II.  87. 


,    T     A 

Simonie  exercée  dans  ce  Conclave.  I  p. 
IL  ?r. 
Concurrens.   Les  deux    Concurrens    font 
citez  au  Concile  de  Pife.  Lj>.  II,  41.41. 

*4r- 
On  leur  fait  leur  procès.  I.  p.  II.  74-  77. 
Ils  fontdépofez.  \.p.  II.  80. 
Conddmar    (  Gabriel  Evêque  de  Sienne  ) 

Grégoire  le  fait  Cardinal.  I.  131. 
Jl  elt  fon  bâtard:  fon  caractère. I.   136. 

1J7- 

Conférences  des  Légats  de  Grégoire  XI I. 

avec  Benoît  XIII.  I.  19$.  i$6. 
'■  des    mêmes  avec  les  AmbafTa- 

deurs  de  France.  I.    196.  Voyez  Lotit. 
avec  les  Juifs  à  Tortofe  à  la  folli- 


citation  de  Vincent  Ferrier,  &  fous  Be- 
noît XIII   II.  178. 

Rabbins  mandez  à  Tortofe  pour  con- 
férer avec  les  Docteurs  Chrétiens.  II. 
179. 

On  ne  fauroit  favoir  le  fuccès  de  ces 
Conférences  ,  parce  qu'elles  font  rap- 
portées par  les  partis  interefTez.il.  190. 
Conrad  (  Weftphalien  Evêque  d'Olmutz  ) 
eft  choifï  adminiftrateur  de  l'Archevê- 
ché de  Prague.  II.  91. 

Jl  fe  range  dans  le  parti  des  Huffites.  II. 
p.  IL  ff.  S6. 

Son  Hiftoire,  fon  Caractère.  lh\A. 

Ses  démarches  contre  les  HufTites.  II.  p. 
IL  ff.  60.  6t. 

Il  met  l'Interdit  fur  la  Ville  de  Prague. 
II.  p  II.  71. 
Confeils  E-v Angéliques.  II.  p.  II.  94.  9f. 
Confiance    (  Ville  )  choifie  pour    ailèm- 
bler  un  Concile  Général.  II.  p.  II.  12. 

if.  ' 

Cenfiantin  II.  (  Pape  ]  Laïque  dépofé.  II. 

p.  IL79. 
Contadins.  Voyez  Moatagnars. 
Conti  (Lucio  de  Comitibus,    Noble  Ro- 
main )  Fait  Cardinal  par  Jean  XXIII. 

II   70. 
Employé  à  diverfes  affaires  par  Martin 

V.  Ibtd. 
Converfions  (  des  Juifs  )  Elles  font  en  grand 

nombre,  mais  faufîes   &    équivoques. 

II.  i->9.  180. 
Converfions.  V 'oyez  Juifs.  Lithuaniens.  Sa- 

mogites. 
Corario.  (Angclo  Cardinal)  Voyez  Gre-. 

goire  XII, 
Corario  (  Antoine   Evêque    de  Bologne , 

Neveu  de  Grégoire  XII.  (  Grégoire  le 

fait  Cardinal.  I.  231. 
Son  Caractère.  I.  236. 
Les  Bolonois  le chaflent.  I.  p.  IL  8, 


BLE 

Il  eft  envoyé  à  la  Diète  de  Francfort  pat 

Grégoire,  l.p.  IL  28. 
Il  y  parle  injurieufement  des   Cardinaux. 
Ibtd. 
Corbie  (  Arnaud  de  )  Chancelier  de  France 

prefent  au  Concile  National  de  Paris.  I» 

91.    110. 
Onluiôte  lesfceaux.  IL  p.  IL  Z2. 
Cojfm  (  Balthafar  de  )    Cardinal  de  S.  Eufta- 

che,  &  Légat  de  Bologne   l.p. IL  8. 

Il  eft  fait  Vicaire  de  l'Eglife  Romaine  par 

les  Cardinaux  réunis.  Ibtd. 
Il  affemble  les  Docteurs  de  Bologne  pour 

délibérer  contre  les    Concurrens.    I.  p, 

IL  8 
Il  refufe  un    Pafïeport  aux  Légats  de  Be- 
noît, &  les  menace  de  les  faire  bfûler.  I. 
p.  IL  18. 
Il  fe  trouve  au  Concile  de  Pife.  I.  282. 
Il  eft  confirmé  Légat  de  Bologne  par  Aie-» 

xandre  V.  I.p.  IL  133. 
Il  fe  meta  la  tête  de  la  Ligue  contre  Ladiflas» 

Ibid, 
Ses  briguespourlePontificat.Lf.il.  1 5  f  • 

(jf  [tt;v. 
Il  eftaccufé  d'avoir  empoifonné  Alexandre 

V.  l.p.  n.  i?9. 
Il  eft  élu  Pape.  Voyez  Jean  XXIII. 
Courtecuijfe  (  Jean  de  )  Docteur  en  Théo- 
logie :  il  harangue    contre    Benoît.   I. 

238. 
Cramaud  (Simon  de)  Patriarche  d'Alexan- 
drie, Il  préfide  au    Concile  National  de 

Paris.  I.  91.  1  10. 
Il  elt  envoyé  à  la  Diète  de  Francfort.  I. 

134 
Il  efl  à  la  tête  de  l'AfTemblée  du  Clergé  de 

France.  I.  \6i. 
Il  plaide  pour  l'Univerfité  contre  Benoît.  I. 

142.  1  f6.  \6j.  168.  184. 
Il  eft  affis  le  premier  à  Table  dans  un  repas 

que  le  Roi  de  France  donne  au  Roi  de  Bo- 
hême. I.  167. 
Il  eft^envoyé  à  Benoît  XIII.  &  à  Grégoire 

XII.  pour  l'union.  I.    194. 
Il  porte  la  parole  à  Benoît  dans  l'entrevue 

de  Marfeiîîe.  I.  102.   103. 
Il  fe  laiffe  féduire  parles  difeours  pathéti- 
ques de  Benoît,  &  lui  demande  pardon  à 

genoux.  I.  204.. 
Il  va  à  Rome  de  la  part  de  la  France.  I 

207.  .  • 

Ses  négociations  dans  cette  Ville.  I.  213. 

214.  &  fttiv. 
Il  va  trouver  de  la  part  du  Roi  de  France, 

les  Cardinaux  des  deux   Obédiences.    I. 

241. 
Il  eft  le  Chef  de  l'Ambaflade  de  France , 


DES    MA 
au  Concile  de  Pife.  I.  p.  IL  70.  71. 
Crémone  (  Ville  )  Entrevue  du  Pape  &  de 
Sigifmond  dans  cette  Ville.  IL  p .  IL 
i  6. 
Ils  y  courent  danger  de  la  vie.  I.  p.  II. 
16.  17. 
Croifade.  Hiftoire  abrégée  des  Croifades. 
II.  71.  &fuiv. 
Leur  mauvais  fuccès.  IL  79. 
Croifade    contre  les    Chrétiens.  Voyez 
Innocent  III.  Innocent  IV. 
Croifez.  Cérémonies  de  leur  inftallation. 

IL  71.73.74. 
Crus  [  Pierre  du  )  Cardinal  Camerlingue  , 
emporte  les  ornemens   Pontificaux.  I, 
31. 
Cttré.  Ce  que  c'eft  que  le  propre  Curé.  I. 
p.  IL  110.  11 1. 

Droits  des  Curez.  \.p.  IL  118.  129. 
Cucurne  ou  Cothurne  (  Barthelemi  )    Car- 
dinal d'Urbain  ,  mis  à  la  queftion.  I. 
ii. 


D. 


DE'capiTïz:  trois  hommes  déca- 
pitez à  Prague  pour  avoir  contredit 
les  "Quêteurs.  IL  97.  p.  IL  94. 
Décret  de  l'Eglife  Gallicane  pour  la  Ceffion 

&  la   Souftraction.  I.  189. 
Défi  de  Loiiis  d'Anjou  à  Charles  de  Duras. 

I.  44* 
—  de   Charles  .de  Duras   à    Louis 

d'Anjou.  47. 
•—'— —  du  Duc    d'Orléans  au  Duc  de 


Bourgogne.  IL  41. 


du  Duc  de  Bourgogne  au  Duc 
d'Orléans.  Ibid. 

Défis  entre  Princes  font  ordinairement 
des  rodomontades.  I.  47. 

Denys  (  Moine  de  Saint  )  Hiftorien  Fran- 
çois. Mauvais  témoignage  qu'il  rend 
à  Clément  VIL  I.  37.  39.  Voyez  Gen- 
tïen. 

Dépofition.  Si  l'on  peut  dépofer  un  mau- 

.  vais  Pape-  L'affirmative  foutenuë.  I. 
49.  Voyez  Wencejlas.  Sentence  de  dé- 
pofition contre  les  Concurrens.  \.p.  IL 
80. 82. 

Défobéir.  C'eft  quelquefois  un  devoir  de  dé- 
fobéir. IL  p.  IL  91.  93. 

Dcfchatnps.  Voyez  Champs., 

Dialogue  ,  entre  Dieu ,  Satan ,  &  le  Mef- 
fie ,  tiré  du  grand  Commentaire  Rabbin 
fur  la  Genel'e,  appelle  Berefchit  Rabba. 
IL  173.  174. 

Dictuts ,  ou  Maximes  de  Grégoire   VIL 


T  I  E  R  E  S. 

Diète.  Voyez  Francfort. 

Digne  (  Evêque  de  )  Son  Sermon  au  Concile 
contre  les  Concurrens  Se  les  AmbaiTa- 
deurs  de  Robert.  I.  p.  IL  ^7. 

Difcorde  entre  l'Eglife  &  l'Empire. I.  3. 

Difcujfîon  des  Droits  des  deux  Concurrens. 
I.    S9'  6°-  6x. 
Cette  voye  rejettée.  I.  91. 

Dlugofî ',  ou  Longin ,  (Jean)  Hiftorien  Po- 
lonois  :  Ton  récit  de  l'Election  d'Urbain 
VI.  I.  22.  23. 

DeÏÏeurs.  Voyez  Bowgne,  Florence. 

m  '     ■■«.  les  Dodleurs  de  Bohême  répondent 
aux  raifons  des  Huffites.  IL  p-  IL  67.  68. 
&  [uiv. 
Leurs  Contradictions.  IL  p  IL  83.  84. 

Dominic  (  Jean  ,  Dominicain  )  envoyé  par 
les  Florentins  aux  Cardinaux  affemblcz 
en  Conclave  po.ur  l'Election  d'un  Pa- 
pe ,  après   la    mort  d'Innocent  VU.  I. 

Il  eftfait  Cardinal  iji. 

Son  Caractère.  1.231.231. 

Il  eft  envoyé  en  Hongrie  par  Grégoire  XII. 

Lfll.  3  3.  

Dominicains,  ou  Frères  Prêcheurs , reunis  a 

l'Univerfité.  I.  I4f . 

Autorifez à confeflér.  ibid. p.  IL  120.  Leurs 
violences  en  Angleterre  -,  leurs  diiputes 
avec  le  Clergé  de  France.  I.  p.  IL  120. 111. 

Le  Clergé  députe  à  Nicolas  IV.  pour  termi- 
ner leur  différent.  Ce  Pape  ne  veut  pas 
prononcer.  Ibid. 
Dominique  (  Efpagnol  ]  fondateur  des  Do- 
minicains ,  &  premier  Inquifiteur.  l.p. 

IL  119. 

Donation  (deConftantin)  confirmée  par  les 
autres  Empereurs.  IL  p.  IL  81.  8i. 

Donato  (  Loiiis  )  Cardinal  d'Urbain  ,  mis  à  la 
queftion.  I.  5"2. 

Du  Prat,  Voyez  Prat. 

Duras  (  Charles  de  )  Urbain  VI.  lui  don- 
ne l'inveftiture  du  Royaume  de  Naples.  I. 

44- 
Il  tient  Jeanne  prifonniere  avec  Otton  de 

Brunsv/ickfon  Epoux.  Ibid. 
Il  la  fait  afiàffmer.  Ibid. 
Il  refufe  le  Cartel  de  défi  de  Loiiis  d'Anjou. 

I.    44.  4f. 

Il  veut  faire  empoifonner  ce  Prince  par  un 
Héraut  d'armes.  45. 

Il  va  trouver  Urbain  VI.  à.Averfa.1.  45". 
A6.  ! 

Il  tient  la  bride  du  Cheval  du  Pape.  Ibid. 

Il  l'arrête  enfuite  piifonnier.  ibid. 

Il  le  fait  conduire  à  Naples.  ibid. 

Il  fe  reconcilie  avec  Urbain  ,  &  lui  deman- 
de pardon.  47. 


T  A 

Il  Ta  attaquer  Louis    d'Anjou  à  Bar- 
lér<*,  ou  il  l'appelle  inutilement  en  duel. 

'   I.  47- 
On  le  détourne    de     donner   bataille. 

48. 

Il  retourne  à  Naples.  I.  48. 
Il  y  forme  le  defléin  de  perdre  Urbain 
VI.  49. 

Il  l'afliége  dans  Nocera.  I.  f  £. 
Il  eft  ailàfiîné  en  Hongrie.  I.  f  6. 


E. 


Ecclésiastiques,  autorifez  par 
les  Papes  à  porter  les  armes.  II.  fi. 
f*. 
EcoJJe.  Elle  fe  déclare  pour  Clément  VII. 

I.  )6. 

Ecriture  (  Sainte  )  Uniqu»  Règle  delà  Foi. 

II.  p.  IL  83. 

"Edit;  Voyez  Stgifmor>d'WtnccJl*s» 
Eglije  :  Voyez  Difcorde. 
EgUfe  (  Biens  d')  Ufage  &  abus  des  biens 
d'Eglife.  I.79.20. 
Les  Papes  n'y  ont  point  de  droit  que  par 
charité.  I.  i8~. 
Eglife  (de  France)  Voyez  Lihertez.. 
Les  mefures  qu'elle  prend  pour  Ton  gou- 
vernement,   pendant  la  SouftracfHon. 
I.  III.  &  fuiv. 
"Egltfe  (Grecque)  opprimée  parles  Turcs. 
'  I.  117. 

Eglift  (Traité  de  1' )  Voyez  Jean  Uns. 
Eglife  (  Romaine  )  Elle  n'eft  pas  Univer- 

felle.  II.  p.  II.  73. 
Egltfe  [Univerfelle)  Elle  peut  être  gouver- 
née fans  Pape    &  fans  Cardinaux.  II. 
p.  II.  80.  8  1. 
Electeurs  (de  Mayence,  de  Cologne,  de 
Trêves)  dépotent  "Wenceflas.  I.    118. 
Ils  prient  le  Roi  de  France  d'agréer  l'é- 
lection de  Robert.  I.    131. 
Elle  (fameux   Rabbin)  Sa  Prophétie  fur 
les  6000.  ansde  la  duiée  du  Monde. 
II.  170. 
Elle  porte  que  le  Mefïïe   devoit    venir 
dans  les  derniers  deux  mille  ans.  Ibid. 
Jérôme  de  Sainte   Toi   acccufe  les    Jmfs 
d'avoir  ajouté  à    la  Prophétie  d'Eliej 
que  le    Me/fie  n'étoit    point  venu  de- 
puis les  deux  derniers  mille  ans.    II. 
183.  184. 
Difpute  fur  ce  Calcul  d'Elie.  II.  183.  1 84. 
185-. 
Elitzer  (Rabbin)  allégué    dans  le  Thal- 
mud  :  il  dit  que  les  Sages  du  Thalmud 
font  comme  la  Salamandre  dans  le  feu 
ians  brider.  II.  173. 


BLE 

Emmanuel  Empereur  de  Conftaminople , 

vient  en  France.  I.  126.  1x7. 
Il  y  amené  des  Savans  qui  établilTent  le  goût 
des  Belles  Lettres.  I.  1x7. 

Empereurs.  Lès  Canons  les  établilTent  Avo- 
cats del'Eglife.  II.  p.  IL  18. 

Empire  :  Voyez  Difcorde. 

Empoifonneur  ;  Voyez  Héraut  d'armes. 

Empoifonneur  s  (de  Sbinko  )  brûlez.  IL  90» 
91. 

'»  de  Sigilmond.  IL  p.'  II.  11. 

Emprisonnement  de  trois  hommes  qui  avoient 
contredit  les  Quêteurs.  IL  97.  Voyez 
Décapitez. 

■■■  ■         des  Marchands  de  Rome,  Voyez 
Ladijlas. 

Entrevue  des  Concurrens  propolee  par  Be- 
noît. I.  97.  100.  101.  148.  1J4.  Voyez 
Jagellon.  Sigfmcnd. 

Epigramme  contre  les- Ducs  d'Orléans  &  de 
Bourgogne.  IL  42.  43. 

Efpagnols  :  leur  témoignage   fur  réleétior* 
d'Urbain  VI.  I.   17.. 
Ils  fe  déclarent  pour  Clément    VIL   L 
3<f. 

Efprit  (Procefîïon  du  Saint  Efprit)  Dé- 
cret de  Grégoire  X.  làr-deflus.  I.  p.  II. 
41. 

Eft  (  Nicolas  Marquis   d'  )  Voyez  Alexan- 
dre V. 
Il  traite  avec  Jean  XXIII.  Se  Sigifrnondo 
IL  p.  IL  10. 

Eftn  (Adam)  Evêque  de  Londres,  &  Car- 
dinal d'Urbain  VI.  mis   à  la  qucflion. 

fi    f2 

Il  échape  au  dernier  fupplice  par  l'intercef- 

fïon  ce  Richard  II.  I.  $-5-. 
Etienne  (Comte  de  Blois ,   Se  de  Chartres) 

l'un  des  premiers  Croifez.  IL  -6. 
E-jiqucs  ;leur  violence  ,  leur  fîmonie  ,  leurs 
débauches  ,  &  leurs  excès  à  tous  égards. 
I.  82..  83. 
Leur  élection  ne  doit   point  être  réfervée 
au  Tape.  I.  186.  .1S7. 
Ils  font  fubfhtuez  aux  Apôtres.  L  p:II.  148. 
Excommunication.  En  quel  cas  elle  eft  julle 

eu  injufte.  IL   1  f  4. 
L'inju(te    n'engage   point.    IL    54.     97. 

Ce  que  c'eft  que  l'Ecommunication.  II. 
2    f.  97-  9  8.  &[niv. 
Exécution  ciandeftine  de  trois  hommes  qui 

avoient  contredit  les  Quêteurs.  II.  97. 
Expectatives   (Grâces]  80.    120.  IL    94. 

Voyez  Décapitez. 
Eztchid  (  Prophète  )  Ses   Prophéties  appli- 
quées à l'Eglife  Romaine.  11.  p.  II.  12.0*. 
12;. 


DES       MA 


F. 


FAbles:  comment  elles  appartiennent  à 
l'Hiftoire  II.    i6ç. 
F 'auteurs  [  de  Benoît  )   déclarez  hérétiques 

&  Schifmatiques.  1. 14.6. 
Ferdinand  [  Infant  de  Caftille  ]  fes  Victoi- 
res contre  les  Maures.  IL  37. 
Il  eftélû  Roi  d'Arragon.  lbid, 
Ferdinand  (  Roi  d'Arragon  )  fes  Concurrens. 
II.  60. 
Il  pacifie  les  Troubles  de  la  Sicile  &  de  la 
Sardaigne.   II.  98. 
Son  Election.  II.  p.  II.  1^3. 
Terrier  [Vincent]  publie  l'élection  de  Fer- 
dinand d'Arragon.   II    p.  II.   163. 
Il  convertit  quantité  de  Juifs  en  Efpagne. 

II.  p.  II.    163.  &fuiv. 
Son  Hiftoire,  fon  Caractère,  l.p.  II.  164. 
Prétendu  miracle  de  Ferrierà  Salamanque. 
H./».  II.   i<Jj. 
Ttrutr   [Boniface]  Prieur  de  la   Grande 
Chartreufe  :  il  penfa  être  élu  Pape  après 
la  mort  de  Clément  VII.  I,  i6r. 
Il  eft  envoyé  à  Pife  par  Benoit  XIII.  l.p. 

II.    16.    17. 
Son  Hiftoire,   &  fon  Caractère.  I.  p.    II. 

18.  i9.&;Préf  XXXVII. 
Son  Iavective  contre  le  Concile  de  Pife. 
l.p.  II.  109.    1 10. 
Fêtes ,  on  fe  plaint  de  leur  multiplication.  î. 

Feu.  Divinité  des  Lithuaniens  &  des  Sa- 

mogites.  II.  p.  II.   136. 
F  ils.  Un  fils  qui  pend  fon  père.  I.  1  zo. 
Ftllatre.  (Guillaume,    Doyen  de  Rheims  ] 
harangue  pour  Benoît  dans  l'Aflemblée 
du  Clergé  de  France.  I.    168.   169. 
Il  abbai/Te l'autorité  du  Roi.  I.  168. 
Il  eft  obligé  d'en  demander  pardon.  1. 170. 

171. 
Il  harangue  une  féconde  fois  pour  Benoît. 

I.  1S1.  184. 
Il  exalte  infiniment  l'autorité  des  Papes. 
I.   183. 
Il  fut  Archevêque  d'Aix  en  Provence.  II. 
7i. 
Il  fut  fait  Cardinal  par   Jean  XXIII. 
70. 
FLmdrin    [Guignon]    Meflager  de  l'Uni- 
vcrûté  de  Touloufe,  porteur  de  fa  Let- 
tre contrela  Souftraction.  F.    1  rj. 
Il  eft  condamné  dans  l' Allèmblée  du  Cler- 
gé de  France.  I.  146. 
Florence  (  Cardinal  de  )  Difcours  qu'il  tient 
à  Benoît  pour  l'engager  à  céder.  I.  10}, 
104. 


r  i\E  %  e  s: 

Florentins  envoyent  du  fecours    à  Robert. 

I.  134. 
Font  la  Conquête  de  Pife.  I.   itfi. 
Ils  fe  liguent  contre    Ladiflas.    I.  p.  II. 

136.      - 
Ils  reçoivent  Jean  XXIII.  dans  leur  Faux- 
bourg.  II.  p.  II.  6.  7. 
Les  Docteurs  Florentins  décident  que  les 
Cardinaux  peuvent  aflembler  un  Concile 
General.  I.  p.  II.  7. 
Foi.  Diverfes  fortes  de  Foi.  IL  p.  II.  73. 
Foix   (  Comte  de  ]  fe  trouve  au  Concile  de 

Perpignan,  l.p.  II.  ir. 
Fondi^  Ville  de  l'Etat  de'Naples ,  où  les  Car- 
dinaux s'afîemblent  pour  l'élection   d'un 
autre  Pape.  I.  33.  54. 
Fondi  (  Honoré  Cajetan  Comte  de]  partifart 

de  Clément  VII.  I.    no. 
Forêts  ou  Bois  :  Divinité  des  Lithuaniens ,  Se 

des  Samogites.  II.  p.ll.  i$6.&fuiv. 

France  [Royaume  de]    fert  de    retraite  à 

plufieurs  Papes.  I.  c. 

Il  fe  déclare  pour  Clément   VII.  I.  36. 

Il  eft  déchiré  par  des  Factions.  IL  41. 99» 

1er.  p.  II.  io. 
Rois  de  France  aceufez  de  vouloir  uiurper 

l'Empire.  I.  107.    10S. 
Leur  Droit  d'allembler  les  Conciles  ,  éta- 
bli. -I.'ifi.  157.    179.  170.  171.  18;. 
Les  Princes  de  France  confpirent   contre 
Charles  VI.  II.  99. 
Francfort  fur  le  Mein.    L'Empereur   Robert 
y  eft  couronné.  Voyez    Robert  I.    129. 
130. 
Diète  dans  cette  Ville  touchant  le  Con- 
cile de  Pife.  I.  p.  II.  28. 
On  envoyé  de  la  part  de  la  Diète  des  Am- 
bafladeurs  en  Italie,  pour  traiter  de  l'U- 
nion. I  p.  IL  z8-   %<). 
Francifcains  (Moines)  décapitez  à  Grenade. 

II.  9.  ro. 
Franzola   (  Robert  de  )    Avocat    Confifto- 
rial   de    Mayence,  fait   l'apologie   des 
Cardinaux  de  Pife,  à  la  Diète  de  Franc- 
fort. I.  p.  II.   29.  &  Add.l.  p.  II.  148. 
Frias  [  Pierre  Ferdinand  de }  Cardinal ,  Gou- 
verneur de  Rome ,  en  l'abfence  d'Ale- 
xandre V.  I.  p.  II.   135. 
Froifîc.rd  (Jean]  Coafufion  &  fautes  de  cet 
Hiftorien  fur  1'aftaire  du  grand  Schifme. 
I.  6. 
Fuite.  Voyez  fean  XXI II. 
Fundtili  (Gabrin  ]  Tyran  de  Crémone,  re- 
çoit le  Pape     &   Sigifmond  dans  cette 
Ville.  IL  p.  IL  16. 
Sa.  trahifon.  Sa  mort.  II.  p.  II.  17. 


T    A    B 


Gi 


G'  A  l  e  A  s  [  Jean  Marie  )  Duc  de  Milan , 
TTyran  de  l'Italie.  IL  39.  40. 
Sescruautez.  Ibid. 
Il  eft  maiî'acré.  lbid. 
Cahot.  (Tarlat  de  pietra   Mala  )  Cardinal 
d'Urbain  VI.  l'abandonne.  I.  57. 
Son  Caractère.  I.   $•£. 
Gallicane  [Ëglile)  Voyez  Décret. 
Cetre  Eglife  eft  loiiée  par  l'Archevêque  de 
Gènes.  I.  p.  II.   31.  v.  Maiïno. 
G.ircy    Alvarez,    de    Alarfon  ,  Théologien 
Efpagnol,  favant  en  Hébreu,  enChal- 
déen  ,  &  en  Latin  :  il   confère  avec  les 
Juifs.  II.  179. 
Gcdalia  [P.abbin]   Auteur  de  la  Chaine  de 
la  Cabale.  Il  parle  des  Conférences  avec 
les  Juifs.  II.  181. 
Gelaze  II.  cherche  un  azyle  en  France.  I. 

4. 
Gemare  (la)  Ce  que  c'eft.  II.  1^7. 
Généalogie  (de  l'Antechrift  )  II.  p.  II.  113. 
Gènes  (  République  de  ]  accufée  par  les  Fran- 
çois. I.    108.  '  1; 6. 
Traité  de  Gènes  pour  la  Conférence  de 

Savonne.  I.  110. 
Embraiïe  la  Neutralité.  I.  p.  II.   11. 
Elle  fe  révolte  contre  Boucicaut.  I.  f>'.  II. 

47.  48. 
Elle  demeure  fidèle  au  Roi  de  France.  I.  p. 
II.  48. 

Elle  reconnoît  Alexandre  V.  Ibid.   . 
Elle  veut  s'emparer  de  la  Sardaigne.  II. 

98. 
Son  Ambaffade  à  Sigifmond.  II.  p.  II. 
zr. 
Genticn  (  Benoît  )  Moine  de  Saint  Denys  , 
Son  Dikours  au  Roi  fur  la  Paix.  II.  p. 
II.  n.u 
11  harangue  contre  les  Propositions  de  Jean 
Petit.  II.  p.  II.  38.  39. 
Il  eft  crû  Auteur  de  l'Hiftoire  Anonyme 
de  Charles  VI.  p.  II.  zi.  &  Préf  XXXIII. 
Son  jugement  fur  la  part  qu'eut  PUniver- 
fité  aux  affaires  d'Etat.  lbid. 
Gerltnhufen  [  Conrad  de  )  nommé  à  l'Evê- 
ché   de  Wormes  ^>on  Traité  touchant 
ia   necefnté    d'un^Zoncile    General.  I. 
63. 
Il  exhorte  le  Roi  de  France  à  le  convoquer. 
Ibid. 
Gerfon  {  Juif  Allemand  converti  )  Il  confeiile 
la  lecture  des  Livres  Juifs  pour  s'en  fer- 
vir  contre  eux.  II.    \6j. 
Gerfon    (  Jean  )  Chancelier    de    PUniverfi- 
té   de    Paris  :  Son  fenùment   fur    les 


L     E 

vifions  de  certaines  femmes.  1. 6. 
Il   n'approuve    pas  la    Souftraction.    I. 

119. 
Il  eft  d'avis  qu'on  reftituë  l'obédience  à 

Benoît,  lbid. 
Il  le  harangue  de  la  part  de  PTJniveriîté.  I . 

144. 
Il  eft  envoyé  aux   deux   Concurrens.  I. 

194. 
Il  harangue  les'  Ambaffade ur s  d'Angleter- 
re. I.  p.  II.  zy. 
Son  Traité  en  faveur  de  la  Ceffion.  I.  p. 

IL  45.  44. 
Son  Sermon  au  Concile,  après  l'élection 
du  Pape   I.  f.  II    93.  94. 
Son  Traité  des  cas  où  le  Pape  eft  dépofa- 

ble.  l.p.  II    1 1 3.  d*  fuiv. 
.  Il  prêche  contre  la  Bulle  d'Alexandre  V. 

enfaveut  des  Moines  Mendians»  I.  p.  II. 

lié.  &  fuiv. 
Son  Difcours  au  Roi  fur  la  Réformation 

des  Etats  du  Royaume.  II.  p.  II.  2;.  & 

fuiv. 

Il  eft  obligé  de  fe  cacher.  IL  p.  IL  ij. 
Sa  Dévotion  pour  S.  Jofeph.  II.  p .  IL  31. 

(3*  fuiv. 
La  Lettre  à  Conrad  contre  les  Huiîîtes.  IL 

p.  IL  f7..58- 
Gibelins ,  Guelphes ,  Factions  en  Italie.  1. 1  jz. 

p.  IL<7.  IL  39- 
Gilles,  Chantre  de  l'Eglife  de  St.  Quentin  , 

Fanatique.  IL  68. 
Gnefne   [  Archevêque  de  ]  Il   convertir  les 

Lithuaniens.  II.  p.  IL  136.  Voyez  Ku- 

rous'J. 
Godefroy  (de 'Bouillon)  Duc  de  Lorraine,  Pua 

des  premiers  Croifez.  IL  77. 
Il  eftfait  Roi  de  Jerufalem.  Ibid. 
Gcrel    [Jean]    Frère   Mineur,  foûtient  la 

caufe  des  Moines..  I.  p.  IL  111. 
La  Faculté  Théologique  de  Paris  l'oblige  à 

fe  rétracter    Ibid. 
Gnulain    (Jean)  Profeffeur  en   Théologie  > 

gagné  par  Clément  VIL  pour   prêcher 

conrre  la  voie  de  la  Ceffion.  I.  7  1 . 
Il  eft  exclus  des  AlTemblées  de  PUniver- 

hté  de  Paris,  lbid. 
Grecs  (Chrétiens)  Ils  s'entendent  avec   les 

Turcs  contre  les  Chrétiens  d'Occident. 

II.  77- 

Ils  empoifonnent  l'Armée  Latine.  Ibid. 
Grégoire  II.   (Pape)  Laïque  dépofé  IL  p.  IL 

79» 
Grégoire  VI.  (Pape)  Sanguinaire.  IL  yi. 
Grégoire  VII.  (  Pape)  Fondateur  de  l'Empire 

Papal.  I.  3. 
Ii  excommunie  &  dépofe  l'Empereur  ,  &  le 


Roi  de  Pologne,  lbid. 


I! 


D  E  S     M  A 

i   îl  menace  tous   les  Princes  de  l'Europe , 
s'ils  ne  lui  cèdent.  I.4. 
L'Inveftiture  &  le  Temporel  des  ^Eglifes. 
lbid. 
Il  publie  une  Croifade  pour  la  Terre  Sainte» 

II.  7f. 

Grégoire  IX.  (Pape)  condamne  au  feu  les 

Livres  du  Thalmud.  II.   166. 
Grégoire  XI.  rétablit  le  Siège  pontifical  à  Ro- 
me. I.  j.  6. 
Sa  prédi&ion  touchant  le  Schifme.  I.  6. 
Grégoire  XII.  Son  élection.  I.   190. 
Il  confirme  fon  ferment  de  céder.  192,. 
Il  donne  de  grandes  efperances  de  l'Union. 

Son  v^aracl:ére ,  &  fes  Dignitez ,  étant  Car- 
dinal. I  191, 

Sa  Lettre  à  Benoît  XIII.  pour  l'inviter  à 
l'Union.  I.  193. 

Il  envoyé  des  Légats  à  Benoît  XIII.  I. 

19;. 

Conditions  qu'il  propole  pour  aller  à  Sa- 
vonnée I.  216.  Ï17. 

Il  diffère  d'aller  a  Savonne.  I.  196.  197. 

Il  refufed'y  aller.  I.  zn.  &[mv. 

Charles  VI.  lui  écrit.  207. 

Il  envoyé  des  Légats  en  f rance  pour  l'U- 
nion, lbid. 

Il  joue  les  Ambafiadeurs  de  France.  I.  2  1 1. 
ér  Ittiv. 

Il  demande  un  autre  Traité  que  celui   de 
Marfeille.  I.  zij.  118.  «1. 
'  Il  amufe  les  Légats  de  Benoît.  217. 

Il  va  àLucqucsoùiljouè  le  même  rôle.  I. 
22T-    21}. 

Ses  Cardinaux  l'abandonnent.  I.  227.229. 

Sa  Lettre  à  Benoît.  1.  116. 

Il  v."ut  faire  de  nouveaux  Cardinaux  contre 
fon  ferment.  I.  2  2f.  219. 

Oppofition  des  Cardinaux  à  cette  démar- 
che. I.  229. 

Il  fait  quatre  Cardinaux.  I.  231. 

Les  autres  Cardinaux  appellent  au  Concile 
Oecuménique.  I.  196.  197. 

Sa  réponfe  à  cet  appel  I.  232.  233. 

Il  les  excommunie.  I.  234. 

Us  le  citent,  &  lui  envoyent  unManifefte. 
I.  ijy.  236. 

Il  fait  fon  Apologie.  I    14$-.  246.  p.  ÏI.  7. 

Ses  Cardinaux  le  citer  t  à  Pife.  I.  p.  II.  f. 

On  le  condamne  à  Rome,  &  on  en  chafle 

fespartifans.  l.p   II.  8. 

Il  eft  abandonné  de  la  plus  grande  partie 
de  l'Allemagne.  I.  p.  II,  29^ 

Il  aflemble  un  Conciit  à  Cividad  di  Frioul. 
I.  p.  II.  100. 

Il  fait  des  propositions  illufoires  pour  l'U- 
nion. I.  />.  II.   102. 


T  I  E  R  E  S. 

Il  fe  fauve  en  habit  de  Marchand  à  Gayete; 

I.  f.  IL  103.  &  [uiv. 
Avanture  de  cette  retraite.  lbid. . 

Il  fulmine  contre  les  Hérétiques.  IL  59. 
Contre    Loiiis    d'Anjou  ,   contre    Jean 
XXIII.  Benoît  XIII.  &  leurs  adherens. 
lbid. 
Il  fe  fait  des    parti  fans  en  Allemagne  , 
en  ufant  d'indulgence  par  rapport  aux 
difficultez   que  caufoit  le  Schifme.  II. 
109. 
Il  fe  retire  à  Rimini.  IL    1 10. 
Grenade.  Voyez  Trancifcains  ,  Jean  XXIII: 
Guerre  (  Métier  de  la  )   Danger  .de  ce  mé- 
tier. IL  f.  IL  29.  30. 
Guiart  (Jean)    Archiprêtre   de   Poitiers  ,' 
porteur  de  la  Citation  de  Benoît.  I.  p. 

II.  10. 

la  Lettre  qu'il  écrit  de  Perpignan.  I./\  II, 
10.   11.  12. 
Guillaume  (  Evêque  d'Orange)  l'un  des  prt^ 

miers  Croifez.  II.  77. 
Guillaume.  Voyez  Narbonne. 


H. 


HABILITATION.     On   propofe    à 
Grégoire  &  à  Benoît  l'habilitation  des 
deux  Collèges  des  Cardinaux  pour  élire 
un  Pgpe.  I.  202.  &  fuiv. 
Les  Cardinaux  peuvent  s'habiliter.  I.p.  II. 
146. 
Haiton.   (  Jean  )  Dominicain  Anglois ,  com- 
bat la  voye  de  la  CeiTîon.  I.  101. 
Il  eft  mis  enprifon.  lbid. 
Halr.m.  Voyez  Alam. 

Halttz.  (Archevêché  dans  la  Ruflie  noire  J 

André  en  eft  fait  Archevêque.  IL  103. 

Cet  Archevêché  eft  transféré  à  Lembourg 

dans  la  même  Province,  ibi-t. 

Halorki  [Jofué).  Voyezferôme  de  Sainte  Toi, 

Harcourt  [  Loiiis   de  )  élu    Archevêque  de 

Roiien.  I.  246, 
Hedviige  (  Fille  de  Loiiis  Roi  de  Hongrie^ 
Elle  époufe  le  Roi  de  Pologne,  &  l'en- 
gage à  fe  faire  Chrétien.  IL  p.  IL   1 36.. 
Htennut  [Jeannet)  dépêché  à  Rome ,   pour 

parler  a  Grégoire  XII.  L  198. 
Henri  ï.  [  Empereur  )  fe  croife  pour  la  Terre 

Sainte.  IL  78. 
Henri  IV.  [  Empereur)  cité  par  Alexandre 

II.  I.5. 

Il  refufe  de  fe  croifer  pour  la  Terre   Sainte; 
II   7f- 
Henri  V.  (  Empereur  )    fon  Traité  avec  le 

Pape  Calixte.  lbid. 
Henri,  Roi  de  Caftilie.  Sa  mort  tragique.  I. 
6j .  Voyez  André  Hermire. 


T    À    B 

Henri  IV.  (  Roi  d'Angleterre)  pourfuic  les 
Lollards.  II.  46. 
Confpiration  contre  lui.  II.  zoj. 
Sa  mort  de  la  lèpre.  II.  104. 
Henri  V.  (  Roi  d'Angleterre)  fuccede  àHenri 
IV.  non  fans  oppofîtion.  II.  104. 
Son  Edit  contre  les  Lollards.  II.  p .  II.  1 30. 
Héraut  (d'armes)  Un  Héraut  d'armes  de 
Charles  de  Duras  exécuté    pour    avoir 
voulu    empoifonner   Loiiis  d'Anjou.  I. 

Herefie,  Voyez  Obftinat'wn. 
Hérétiques.  Excommuniez  par  la  Bulle   In 
Ccena.  Domini.  II.  y  9. 
Il  faut  lire  leurs  Livres,  &  non  les  brûler, 
II.  87 
Heimite  (  Pierre  1'  )  follicite  une   Croizade 
pour  la  Conquête  de  la  Terre  Sainte.  II. 
76. 
H  ermite  François  envoyé  par  Clément  VII. 
à  Urbain.  I.  $7. 
Il  fait  le  Prophète.  Difcours  qu'il  tient  à 

Urbain.  Ibid. 
II  elt  arrêté,   &  confeiTe  fon   impofture. 
I.    f8.  Voyez  André. 
On  le  renvoyé  en  France.  Ibid. 
Hefe  (Henri  de)   Dcxfteur  de  Paris  fe    dé- 
clare pour  un  Concile  General.  I.  60. 
Traité  de  ce  Do&eur  là-deiï'us.  I.  60.  61. 

6h 

Hibou.  II.  114.  VoyciJean  XXIII. 
Hildtbrand.  VoyezGregoire  VII.  (Pape.) 
Hildirmffen.  [Guillaume  de]  Carme  Fana- 
tique &  Sedtaire.  II.  68. 
Il  fe retracte.  II  '  68. 
Hildesheitn  (  Eglife  de  ]  fon  Evêque  a  pour 

Bibliothèque  unarfenal.  II.   j"i.  jz. 
Hymnes  au  détriment  de  la  foi ,  blâmées. 

I.  63. 
Hommes  (d'intelligence]  Secte.  II.    68. 
Hongrie  [la)  reconnoît  Urbain  VI.  I.   3;. 
36.  Voyez  Loiiis ,   Ladtjlas ,  Sigifmend  > 
Jean  XXIII. 
Hugues  (  le  Grand  )  Comte  de  Vermandois, 

l'un  des  premiers  Croifez.  II.  77. 
Hus  [Jean]  Docteur  Bohémien.   Il   éclate 
contre  la  Cour  de  Rome,  l.p,  IL  49. 
Il  eft  fait  Recteur  de  l'Univerfité  de  Pra- 
gue   l.p.  II.    fo. 
Il  appelle  à  Grégoire  XII  I.  p.  IL  134, 
A  Alexandre  V.  ibid.  &  I.  p.  II.   135. 
Il  eft  cité  devant  l'Archevêque  de  Prague. 
IL  47. 

Il  prêche  contre  l'Archevêque.  IL  48. 
Il  refufe  d'aller  à  Rome.  IL  48.  49. 
Il  y  envoyé  des  Procureurs.  Ibid. 
Il    fe  reconcilie  avec    l'on    Archevêque. 
.     ibid. 


L    E 

Il  eft  excommunié  par  le  Pape.  IL  Si.  Se 

IL  p.  IL  ioj. 

Il  fe  retire  de  Prague.  IL  8z.  p.  IL  iof. 

Il  appelle  à  Dieu  du  jugement  du  Pape. 
IL  Si.  8;. 

Il  projette  contre  les  procédures  de  fon  Ar- 
chevêque. IL  85.  8f. 

Il  fait  (on  apologie  auprès  des  Cardinaur. 
IL  86. 

Il  prêche  pendant  fa  retraire  contre  le  Pa- 
pe, &  les  Cardinaux  IL  86.87. 

Ses  Traitez  pendant  fa  retraite.  IL  87; 
S8. 

il  revient  à  Prague ,  &  prêche  contre  la 
Croifade  de  Jean  XXIII.  IL  93. 

Il  eft  cité  devant  l'Archevêque  Albicus.  II, 

9h 

Sa  fermeté  Chrétienne  dans  cette  audien- 
ce. II  93.  £4. 

Il  fait  afficher  des  Thefes  contre  la  Croifade 

de  Jean  XXIII.  IL  j>4. 

Le  fuccès  de  cette  dilpute.  IL  94.  9/. 

Sa  Chaire  dans  la  Chapelle  de  Bethléem. 

II.  9f. 

Il  reclame  trois  hommes  qui  avoient  été 
mis  en  prifon  ,  pour  avoir  contredit  les 
Quêteurs.  IL  97.  133. 

On  coupe  la  tête  à  ces  trois  hommes.  II. 
97-   i34. 

Le  peuple  enlevé  leurs  corps,  &  leur  rend 
des  honneurs  funèbres.  Ibid. 

Jean  Hus  en  parle  comme  de  Martyrs.  Ibid, 
Voyez  Décapitez..  97.  p.  IL  134. 

Il  réfute  les  Bulles  de  Jean  XXULiii.^» 

fuiv,  131. 

Il  défend  les  4$'.  Articles  de  "Wiclef,  con- 
damnez par  l'Archevêque  de  Prague.  II. 
134.  &  fuiv. 

Autres  Traitez  de  Jean  Hus.  140.  141.  d» 
fuiv. 

Il  défie  huit  de  fes  adverfaires  de  paffer 
par  la  peine  ou  le  jugement  du  feu.  II. 

i4f- 

Son  Confeil  pour  appaifer  les  troubles  de 

Bohême.  IL  p.  II.  61    65. 
Son  Traité  de  l'Egliie.  Il  p.    IL   71.  é> 

fuiv.  104. 

IlcroitlePurgatoire.il.  p.  IL  71. 
Il  compofe  divers  Traitez  pendant  fa  re- 
traite. IL  p.   IL   iof. 

Il  fait  le  Prophète  ,  &  fe  trompe  dans  fon 

calcul.  IL  p.  IL  116.  117. 

Ses  Combats  avant  que   d'éclater  contre 

l'Eglife  Romaine.   IL    p-  IL    m.  Tli- 
Il  croit  les  fept  Sacremens  de  l'Eglife  Ro- 
maine. IL  p.  IL    113  • 
Hutfmetz,    (Ville,  ou    Bourg  de    Bohême) 
Patrie  de  Jean  Hus.  IL  81. 


DES     MA 

Sujfmetz    (  Nicolas  ,  Seigneur  de  )  Patron 

de  Jean  Hus.  II.  8x. 
Hujfitts ,  acculez     fans  fondement   d'avoir 
empoifonné  Sbinko.  II.  89.  90. 
Ils  le  liguent  contre  les  Prédicateurs  des 
Indulgences.   II.  97. 
Trois  Hu/Iîtes  décapitez  à  Prague.  II.  $7. 

h  11.154. 

Ils  réfutent  l'Edit  de  Wenceflas.  II.  p.  II, 
65.  66.  Voyez  Docteurs, 


h 


JA  c  o  B  e  l  (  ou  Jaques  de  Mife)  Docteur 
Eohemien  ,  donne  la  Communion  fous 
les  deux  efpeces.  II.  94. 
Jacobins.  Voyez  Dominicains. 
3a.gcU.cn.  [  Ladiflas  )  Roi  de  Pologne)  il  ad- 
hère au  Concile  de   Pife.   I.  p.  II.   35. 
34. 
Il  envoyé  du  bled  aux  Lithuaniens.  I.  p, 
II.  fo. 
Le  Grand  Maître  de  l'Ordre  Teutonique 

fait  confîfquer  ce  blé  lbid. 
Le  Roi  envoyé  un  Ambafladeur  à  ce  Grand. 

Maître,  lbid. 
Il  publie  un  Manifcrte  contre    les  Cheva- 
liers. I.  p.  II.  51.  II.  19. 
Il  remporte  fur  eux  une  Victoire  complète. 

II.  20. 
Defcriptiondela  baraille.  II.  xi. 
Son  Caractère.  II.  22. 
Il  manque  d'être  tué.  II.  22. 
Il  envoyé  une  AmbaiTade  à  Jean  XXIII. 
pour  lui  demander  une  Croifade   contre 
les  Tartares.  II.   i<s>i.  161. 
Il  eft  refufé.  II.  103 . 
Il  va    en  Hongrie  avec   Sigifmond.  II. 

lOf. 

Préfens  que  lui  fait  ce  dernier.  II.  zo6. 
Son  entrevue  avec  Withold.   II.  106. 
Il    établit  le  Rite  Latin  en    la  place    du 

Rite  Grec ,  dans  la  Cathedralede  Przmill. 

II.  208. 
Il  convertit  les  Lithuaniens.  II.  p.  II.  136. 

&  fuiv. 

—   ■     .  -  les  Samogites.  II.  p.  II.  138. 

139. 

Jean  XII.  (  Pape  )  :  Voyez  Othon  Empe- 
reur. 

Jean  (  Duc  de  Bourgogne  )  :  Voyez  Bour- 
gogne. 

Jean  XXII.  (  Pape]  menacé  d'être  brûlé  par 
le  Roi  de  France ,  s'il  ne  fe  retracée.  I. 
173-  174. 

Jean  XXIII.  [Pape.)  Son  élection.  II.  2. 
Cérémonies  de  fon  couronnement.  II. 
a.  4. 


T  I  E  RE  S. 

Son  Election  forcée.  II.    f .  6% 

Son  Hiitoire ,  fon  caractère,  &  les  mœurs. 

H.^.7.8. 
Il  notifie  fon  élection  par  tout.  II.  8. 
Il  tente  la  converfion   des    Maures.  II. 

9. 
Il  révoque  la  Bulle   d'Alexandre  V.  en 

faveur  des  Moines  Mendians.  IL  10.  11. 
Il  eft  reconnu  à  Rome.  II.  n.  12. 
Il  recommande  Sigifmond  pour  Roi  des 

Romains.  II.    13 
11  rétablit  les  Eglifes  de  Hongrie.  II.  14, 

if- 
Il  envoyé  en  Pologne  pour  pacifier  les  Po- 

lonois  Se  les  Chevaliers.   11.23. 
Il  envoyé  en  France  pour  demander  des 

Décimes.  II.  2?.  28. 
Il  entre  dans  Rome  avec  Louis  d'Anjou. 

II.  61. 
Il  fait  traîner   par    les   rues  dans   une 

proceflion  les  Etendars  de  Ladiflas.  II. 

66. 
Il  rançonne  les  Romains.  II,  15*7.  ijg. 
Il  fait  de  nouveaux  Cardinaux,  lbid» 
.  Il  fulmine  contre  Ladiflas ,  &  le  dépouille 

du  Royaume  de  Naples.  II.  71. 

Sa  Croiluc'e  contre  Ladifl.is.  II.  71. 

m  contre  les  Maures.  II.  98. 

Il  indique  un  Concileà  Rome.  II.  103: 
Il  traite  avec  Ladiflas  fous  des  conditions 

honteufes.  II.  107. 
Il  aflemble  fon  Concile  à  Rome.  II.  iii^ 

112. 
Difcufîîon  fur  ce  prétendu  Concile.  II. 

1 12    1  13. 
Avanture  du  Hibou  clans  ce  Concile.  Lï„ 

114. 
Sa  Bulle  conti:  les  Huflites.  II.  uy. con- 
tre Ladiflas.  II.  iif  » 
Son  avarice,  &  fon  avidité  infatiable.  II. 

if  7.  &  fuiv. 
Il  confirme  le  Traité  entre  les  Polonois 

&  l'Ordre  Teutonique.  II.    161.  îCz. 
Il  accorde  des    privilèges  à  l'Univeriité 

de  Paris.  II.  162. 
Il  s'enfuit  de  Rome.  II.  p.  II.   3. 
Defcription  de  cette  fuite.  II  p.  II.  /.  £» 

180. 
Sa  Lettre  au  Roi  d'Angleterre.  IL  p.  II. 

6.  7. 
Il  fe  retire  à  Bologne.  II.  p.  II.  ?.  10. 
Ses  AmbafTides  a  Sigifmond.  II.   p.  II. 

7.  10.  1 1. 
Il  accepte  malgré  lui   le    choix   de    1a 

Ville  de  Confiance.  II.   p.  II.  12.  & 

fuiv. 
Il  s'abouche  avec  Sigiftnond.  II.  p.  IL 

*4- 


T    A 

Il  donne  une    Bulle  pour  la  Convoca- 
tion du  Concile  de  Confiance.  II.  p.  II. 

Il  écrit  en  divers  lieux  contre  les  Huffites. 
II.  p.  IL  57.  si. 
Jean  (Porrugais  Evêque  deConimbre)  puis 
Archevêque  de  Lifbonne  ,  fait  Cardinal 
par  Jean  XXIII    II.  é7. 
Jeanne  (Papeffe  )  :  Voyez  Papijfe. 
Jeanne  I.   (  Reine  de    Naples  )  Ces  démêlez 
avez  Urbain  VI.  I.  31.    33. 
Elle  adopte  Louis  d'Anjou   pour  Roi  de 

Naples.  I.  44. 
Urbain.  VI.  la  tient  prifonniere.  ibid. 
Charles  de  Duras  la  fait  aflafTïner.  Ibid. 
Jérôme  (Saint)  Sa  Lettre  au  Pape  Damafe. 

IL  p.  IL  S  6. 
Jérôme  (  de  Sainte  Foi  )  Médecin  de  Benoît 
XIII.  Do&eurjuif,  converti  au  Chrif- 
tianifme.  II-   1  6  t. 
Il  écrit  contre  les  Juifs.  IL  1  66. 
Précis  de  ce  Traité.  IL  166.  178. 
Ce  Traite  fut  lu  en  prefence  de   Benoît 
XIII.  de   fes  Cardinaux  &  de  plufïeurs 
Docteurs   Chrétiens   &  Juifs.    IL     166. 
148. 
Il  eut  la  principale    part  aux  Conférences 
avec  les  Juifs.  IL  178. 
Ilétoit  fort  verfédans  la  Bible,  dans  les 
Livres  des  Rabbins  &  dans  le  Thalmud. 

II.179. 

Son  Traité  contre  les  Juifs  divifé  en  deux 

Livres.  IL  190. 
Il  ramaffe   dans  le  fécond  tout  ce   qu'il 
y  a   d'abfurde  &   d'impie  dans  le  Thal- 
mud &  dans  les  Rabbins.    IL   191.  10  1. 
Réponfes  aux  Livres  de  Jérôme  de  Sainte 
Foi.  II.  loi. 
Jerufalem  prife  furies  Infidèles.  IL  77. 
Jejfmetz  (Jean  de]  Avocat  de  Jean  Hus.  II. 

48. 
Images.  On  fe  plaint  de  leur  grand  nombre 

dans  les  Eglifes.  I.  63. 
Image  (de  J.  C.  )  formée  tout  à  coup  dans 
une  Synagogue  fur   les   manteaux  des 
Juifs  &     fur  le  linge  des   Juives.    IL 
i6r. 
Indulgences  accordées  aux  Croifez.  IL  74. 
Quêteurs  des  Indulgences  en  Bohême  , 
&  leur  emportement  contre  Jean  Hus. 
IL  97. 
Ils  font  maltraitez  par  trois  hommes  qui 
font  mis  en  prifon    IL  97. 
Iniquité  Fille  du  Diable  &  Mère  de  l'Ante- 

dirift.  11.  p.  IL   113. 
Innocent  II .  (  Pape  )    cherche  un  azyle  en 

France.  I.  4. 
Innocent  III.  (  Pape.  ]  Sa  Lettre  à  André 


BLE 

IL  Roi  de  Hongrie.  IL  je. 
Il  oblige   les    Ecclefi^ftiques    à    fournît 
aux  Croifades,  Se  y  contribue  lui-même. 
IL  7J-  79. 
Il  ordonne  une  Croifade  contre  les  Vau- 
do:s.  II.  79. 
Innocent  IV.  {  Pape.  )  Il  défend  aux  Do- 
minicains &  autres  Religieux  de  cqn- 
feller  fans  permiffion  duCuré.  I.  p.  II. 
izo. 
Il  ordonne  une  Croifade  pour  la  Terre 
Sainte.  IL  79. 

~— — —  contre  les  Vaudois.  Ibid. 
»■■         contre  l'Empereur  Frideric  IL  Ibid, 
Il  condamne  au  feu  les  Livres  du  Thaï -. 
mud.  II.  i66- 
Innocent  VII.  Son  élection.  I.  ijo. 
Son  caractère.  I.  1  r  1 . 
Il  promet  de  céder.  Ibid. 
Troubles  clans  Rome  après  fon  élection* 
I.  if r.  !fi. 

Il    efè  obligé  d'en    fortir,    il   y  rentre. 
Ibid. 

Il  fe  fauve  à  Viterbe.  I.  irz. 
Il  notifie  fon  élection  dans  toute  l'Europe. 
I-   if;. 
Sa  Lettre  à  l'Univeriuc  de  Paris  &  au  Duc 
de  Berri.  Ibid. 

Il  fait  efperer  l'union.  I.  if4. 
Se  rendfufpect.  Ibid. 
Affemble  un  Concile  à  Rome.  I.  1  j-  j-. 
S'unit  avec  Ladiflas.  Ibid. 
Refufe   un  Saufconduit    à  Benoît  XIII» 

L  IS6. 
11  rentre  dans  Rome.  Ibid. 
Il  excommunie  Ladiflas  &  les  Colonnes. 

Ibid. 
Il  meurt  d'Apoplexie.  I.  160. 
Lettre  de  Léonard  Aretin  fur  cette  mort. 

I.  160.  161. 
Il  excommunie  ceux  qui  avoient  trempé 
leurs  mains  dans  le  fang  de  l'Archevêque 
d'York.  IL  zo3. 

Mot    de    ce   Pape  fur   cette   exécution. 
ib.d. 
Intelligence  (  Hommes  d'  )  SecFe.  IL  6%. 
Interdit  (  d'un  Peuple  ou  d'une  Ville  )  in- 
juffce.  IL   p.  IL  101.  c£*   [tiiv.  Voyez 
Saint  Aug'/fiin. 
Inveflitures  ufurpées  parles  Papes.  I.  4. 
Jofcpb  (Saint)  Fête  de  ce  Saint.  IL  p.  II. 

31.  (j>  fuïv. 
Joffc.  Voyez  Moravie. 
Italie.  Sa  difolation.  IL  39.    • 
On  y  fait  par    tout  des    procédions  pour 
appaifer  la  colère  de  Dieu.  IL  40. 
Italiens.  Leurs  témoignages  fur  l'élection 
d'Urbain.  I.  14.  &ftttv. 


DES'MA 

Jfinhi'é  fousBoniface  IX.  I.  m,  m,   u^, 

126. 

Judo,  (Rabbin    Compilateur  de  la  Mifna  ) 
fon  calcul  touchant  la  venue  du  MeiTîe. 
II.   171. 
Juge    (  Marin  de  )  Cardinal  d'Urbain ,  mis 

àlaqueftion.  I.  fi. 
Juifs.  Ils  demandent  la  protection  d' Alexan- 
dre V.  I.f.II.  96. 
Ils  font  chailez  d'Allemagne.  II.  f4. 
Ferfecutez  partout.  II.  y 4.  ^.-  j£. 
Loix  des  Empereurs  ,  des   Conciles  &  des 

Papes  en  leur  faveur.  II.  y  4. 
Convention  des  Juifs  en  Arragon.  II.  164. 

(3»  fuiv. 
Quelques-uns  d'entr'eux  écrivent  pour  la 

ReligionChretienne.il.  \66. 
En   quoi  ils  conviennent  &    en  quoi  ils 
différent  d'avec  les  Chrétiens.   II.  t68. 
169. 
Leurs  principales   objections.    II.    168. 

1(9. 

leurs  Docteurs  appliquent  au  Meflie  les 

partages  que  les  Chrétiens  appliquent  à 

J.  C.  II.  170.  171.  172.  175. 

Ils-font  accufez  d'avoir  corrompu  le  texte 

Hébreu  par  leurs  propres   Docteurs.  II. 

174. 
-  ■  d'avoir  retranché  quelque  chofc 

de  l'Hiftorien  Jofeph  &  duThalmud.  II. 
176. 
Leur  difperfion  &   leur  ruïne  caufée  par 
leur  incrédulité  &  leur  haine    contre  le 
Meffie.  II.  176. 
Leurs  Conférences  avec  les  Chrétiens  en 
Arragon.  Voyez  Conférence. 
\  Ils  font  peifecutez  fous  Benoît  XIII.  II. 
180.  181. 
Ils    tâchent   de  gagner    par   argent   les 
Evêqucs  pour  finir  la  Conférence.  II.  187. 
Jungen  (Ulricd'J   Grand  Maître  de  Pruf- 
fe,  il  arrête  les  Navires  chirgez  de  bled  , 
que  Ladiflas  envoyoit  en  Lithuanie.  I. 
p.  II.  fO.  fi. 
Il  fait  piller  les  Marchands  de  Ranguenet 
dans  la  Pruiïe  Ducale.  Ibid. 
farifprndence  Ecclejiaftique  nouvelle.  I.  1 3 . 


K. 


KUrouski  (  Nicolas  )  Archevêque 
de  Gnefne,  il  eft  envoyé  par  Ladiflas 
au  Grand  Maître   de  Prufie.  I.  p.  II. 

Il   parle  fièrement    à  ce  Grand  Maître. 
Ibià. 

Il  eft  accufé  d'avoir  voulu  violer  la  Reine 
de  Pologne.  II.  jqz. 


T  ï  E  R  E  S. 

Il  tombe  de  cheval ,  &  meurt.  Ibid. 
L. 

LA  di  sla  s  Concurrent  de  Loiiis  d'An- 
jou au  Royaume  de  Naples.  I.  j7. 
Boniface  IX.  lui  adjuge  ce  Royaume  & 
celui  de  Hongrie.  I.  64. 
Il  pacifie  Rome  après  l'avoir  broiiillée.  I. 

IjZ. 

Il  entre  dans  Rome  &  en  eft  chafle.  I. 

Il  y  rentte  triomphant.  I.  2Zj.  p.  II.  loi 
Il  troub'e  le  Concile  de  Pife  par  des  hofti- 

lirez.  I.p.  II.  73    74. 
Il  y  eft  excommunié  par  Alexandre  V.  I. 

p.  II.  130. 
Il  eft  battu  par  Loiiis  d'Anjou,  t.  p.  IL 

ijz. 

1  Par  Paul  des  Urfins.I.f.  IL  13 3» 
1  Par  Loiiis  d'Anjou.  II.  64* 
Fait  un  Traité  honteux  avec  Jean  XXIII. 

II.  107.  &  fuiv. 

Il  viole  le  Traité  &  s'empare  de  Rome.  II. 

m.p.  II.  z.  ?. 
Sa  cruelle  tyranniedanscetteVille.il.  p, 

II.  J.  4. 

Pille  les  Marchands  de  Rome.  II.  p.  II. 

4.  S  •  &  fu'v- 
Ses  perfidies.  II.  p.  II.  9.  10. 
Langlei    (  Thomas  Anglois  )    Evéque   de 

Durham ,  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII. 

II.  66.  69. 
Latran  (  Concile  de  )  autorife  la  Croifade 

pour  la  Terre  Sainte.  II.  79* 
Laudo  (  François  )   Patriarche   de    Grade  , 

fait  Cardinal  par  Jean  XXIII.  IL 

«4- 

Légats  de  Grégoire  XII.  arrivent  a  Paris. 

I.  107. 

.  de  Benoît  à  Grégoire.    I.  21 6. 

■■  de  Benoît  au  Concile.  Voyez 

Benoît  &  Pife. 
Légats  (des  Papes  ;  quels  ils  doivent  être. 

II.  10. 

Légats i  Les  Légats  du  Pape  font  les  jambes 

de  P Antechrift.  II.  p.  II.  m. 
Légations,  lesquelles  font  illégitimes.  II. 

149.  &[uiv.    . 
Lèpre.  Voyez  Henri  IV.  (  Roi  d'Angleterre.) 
Libère  (Pape)  Arien.  II.  p.  IL  79- 
Libertez  de  l'Eglife Gallicane.  I.  in.. 
Liechtenstein   (  George     de  )     Evêque     de 

Trente,  fait  Cardinal  par  Jean XXIII. 

II.  69. 
Liège  ( Ville  de  )  Schifme  &  Guerre  de  Liège. 

I.p.  11.  17,  18. 


t  A  B 

Liège  { Jean  ,  Cardinal  de  )   le  premier  des 
Cardinaux   qui  fe   rend  à  Pife.  I.    223. 

11  eftpourfuivipar  Grégoire.  1. 130. 

Sa  réponfe  à  Theodoric   deNiem.I.223. 

Il    s'oppofe  au  deflein    de  Grégoire   de 

faire  de  nouveaux  Cardinaux.  I.   130. 
Zicgeois ,  ils  font  défaits  par  Jean  Duc  de 

Bourgogne.  I.  p.  II.  27. 
Ligue  contre  Ladnks  de  Hongrie.  I.p.  II. 

131. 
Zincûln  (Robert  G  reflète,  Evêque  de)  fléau 

delà  tyrannie  Papale.  II.  i46. 
Sa  fermeté  à  s'oppoièr  à  Innocent  IV.  Ibid, 

&  II. p.  II*  90-  91. 
Zinïngen  (  Godefroi  de  )  élu  Archevêque  de 

Mayence  ne  peut  joiiir  de  cette  dignité. 

I.p.  II.  109. 
Lithuaniens  ,  leur   Culte.   II.   p.   II.   1  j  £. 

1 37- 
Zythomïls   (Jean,  Evêque   de)  fon   confeil 

pour  appaifer  les  troubles   de   Bohême, 

IL?.  II.  63. 
Il  réfute  le  confeil  de  Jean  Hus.  Ibid. 
Livonie    (  Chevaliers   de  )   Tort-épées ,  vont 

au  fecours  de  Conrad  de    Mafovie.   II. 

17. 
Livonie.  La  Polygamie  y  eft  commune.  I. 

Livoume  (ou  Ligourne  )  Ville  d'Italie  appar- 
tenant à  la  France.  I.  p.  II.  3. 

Les  anciens  Cardinaux  de  Benoît  s'y  reti- 
rent. I. p. II.  4. 

Les  Cardinaux  de  Pife  les  y  vont  trouver. 

Ibid. 

Ils  s'y  réunifient.  Ibid. 

Négociations  de    Livourne.  I.  p   II  4.  7. 
Lodi    (  Ville  )    Conférence     entre  l'Empe- 
reur &  le  Pape  dans  cette  Ville.  II    ]>.  II. 
14.  if. 
Lollards ,  Se&e  en  Angleterre.    II.  44.  & 
fuiv. 

Leurs  opinions.  II.  44.  203.  f.  II.  -130. 

Supplice  d'un  Lollard.  II.  46. 

Demandes  qu'ils  font ,  rejetcées.  II.  4^. 

47- 

L'origine  de  ce  mot.  II.  p.  II.  130.  Voyez 

Htmi  IV,  Henri  v  (  Rois  d'Angleterre.) 

Lcrvaine  (la)  fe  déclare  pour  Clément  VII. 

I.  36 
Louis,  Roi  de  Hongrie,  envoyé  à  Clément 

VII.  pour  le  prier  de  reconnoître  Urbain 

VI.  I.  36.  57. 
Louis.  Voyez  Orléans  ,  Anjou. 
Louis  VII.  (  Roi  de  Prance  )  ià  déroute  en 

Orient-.  II.  77. 
Louis  IX.  (Saint)  Roi  de  France,  défait 


LE 

&  pris  priionnier  en  Terre  Sainte.  IL,. 

"9- 
Lovas  [  le  Débonnaire  ,  Empereur  )  con- 
firme les  Privilèges  des  Papes.  II.  p.  II; 
82. 
Lucius  III.  (Pape)  Il  publie  une  Croifa- 
de  contre  Saladin  Soudan  d'Egypte.  IL 
p.  IL  8i. 

Il  écrit  à  Saladin.  Ibid. 
Lacques.  Voyez  Grégoire. 
Lune    (Pierre   de)    Cardinal    d'Arragony 
affifte  à  l'élection  d'Urbain  VI.  I.  f. 
Si  le  tonnerre  tomba  fur  la  Cellule  de  ce 
Cardinal.  I  9. 

Il  fort  du  Conclave  entouré  de  Romains , 
ce  qui  fait  courir  le  bruit  qu'on  l'emmenc 
prifonnier.  I.  rr. 

Il  eft  Légat  de  Clément  VII.  à  Paris ,   où 
il  traverfe  l'Union.  I.  71. 
Il  eft  élu  Pape  fous  le  nom   de  Benoit 

XIII.  II.  73. 

Il  promet  dans  le  Conclave  d'embraiTer 

la  voye  de  la  Cefïïon.  Ibid.  Voyez  Benoit 

XIII. 
Lune  (  Frédéric  ,   Comte  de  )  Fils  naturel 

de  Martin  Roi  d'Arragon.  I.  p.  II.  48. 

Benoît    XIII.   levé  cet  obftacle   pour  la 

Succeflîon  du  Royaume  de  Sicile.  Ibid.  & 

II.  3  6. 
Lune  (Antoine  de]  Voyez  Sr.rragoffe. 
Luxembourg   (  Pierre  de  )    Cardinal  de  la 

création  de  Clément  VIL  fa  mortàlagc 
de  dix-huit  ans.  I.  jS. 

Prétendus  miracles  faits  à  foniepulchre. 

Ibid. 

Doutes  fur  ces  miracles.  I.  5-9. 

Pierre  d'Ailliveut  engager  Clément  VII. 

à  canonifer   Pierre    de    Luxembourg, 


Ibid. 

Il  ne  le  fut  qu'au  feiziéme  Siècle.  L  S9> 
t 
M. 

MAcon  (  Pierre  de  Juis,.  Evêque  de) 
envoyé  a  Paris  par  Benoît  pour  fou- 
tenir  les  intérêts.  I.  110. 
Mahomet  (  Roi  de  Grenade.  )  IL  9. 
Maillefec  (  Gui  de  )  Cardinal ,  il  prélldeau 
Concile  de  Pife.  I.p. II.  38. 
Ses  emplois.  Ibid. 

m,  Evêque   &    Cardinal   de  Poi- 

tiers, l'un  des  Cardinaux  de  Benoit.  I. 

••39-  "•'. 

Maimonides  (  Mo'ife  )  fameux  Rabbin  ,  au- 
torife   l'abolition  des  Cérémonies.    II. 

Il  applique  au  Meffie  le  paflage  de  la  Gc- 
nelè.  XLIX   11.  II.  )  7 6. 


DES       MA 

Mn'frtefta  \  Charles  de  ]  Prince  de  Rimini  , 
il  va  au  Concile  de   Pife  de   la  part  de 
Grégoire.  I.  p .  IL  y  9.  60. 
Il  confeille  à  Grégoire  Ton  ami  de  ne  point 

aiïembler  de  Concile.  60. 
Il  négocie  inutilement  avec  les  Cardinaux 
pour  changer  de  heu.  I.p.  II.  60. 
Manuel.  Voyez  Emanuel. 
Maramaur  [Landolphe  de]  Cardinal,  en- 
voyé à  la  Diète  de  Francfort  par  les  Car- 
dinaux de  Pife.  I.p.  IL  z8. 
Envoyé  en  Efpagne  par  Alexandre  V.  & 
par  Jean  XXIII.  II.  9. 
Marcelin  [  Pape]  I.  p.  II.  147. 

Il  encenfe  aux  Idoles.  II.  p .  II.  96. 
Marguerite^  Reine  de  Naples ,   Epoufe  de 
Charles  de  Duras ,  fu  conduite  avec  Ur- 
bain VI.  I.  48. 
Marguerite  [  l'Aquilonaire  ]  Reine  du  Nord, 
II.  102. 
Ses  conquêtes ,  fa  mort.  IL  101. 
Henri fon  Fils  renonce  à  fa  Succeiîîon  pour 

vivre  dans  la  retraite.  IL  201. 
Elle  le  condamne  au  feu.  IL  ioz. 
Uenéchape.J&W. 

Il  va  à  Rome  &  meurt  en  Italie,  ibid. 
Marino  [pilco]   Archevêque  de  Gènes.  I. 
if6. 
Il  harangue  les  AmbaiTadeurs  de  France. 

I.p. II.  30.  31. 
Son  Caractère.  Ibid. 
Son  Traité  delà  Reformation  de  l'Eglife. 

I.p. II.  31.  31. 
Il  fe  retire  dans  une  folitude  voyant  la  col- 

Jufîon  des  Concurrens.  I.  p.  II.  106. 
Il  fe  trouve  au  Concile  de  Pife.  Ibid. 
Marie  [Henri  de]  Chancelier  de  France, 

fon  caradere.  IL  p .  IL  12'. 
Marfedle.  Voyez,  Ambafadeursde  France. 
Martin  [  Roi.  de  Sicile ,  ]  fa  mort.  L  p.  IL 

48. 
Martin  [  Roi  d'Arragon,  ]  fa  mort.  I.  p.  II. 

49.  Voyez  Arragon. 
Martin    IV.  (Pape]  accorde  aux    Moines 
Mendians   la    liberté  de    confeller  par 
la  permiffion  des  Légats  du  Pape.I.  p.  IL 
121. 
Martyrs,    Les    trois   hommes   ,    décapitez 
pour    avoir   contredit    les     Quêteurs  , 
font  regardez  comme  des  Martyrs.   IL 
97. 
Mafovie  (Conrad  Duc  de]  appelle  à    fon 
fecours  les  Chevaliers  Teutoniques  con- 
tre les  Prufliens.  IL  j7. 
Son  Traité  avec  eux.  IL  17. 1?. 
Maures,  ils  exercent  de  grandes   cruautez 
centre  les    Chrétiens    d'Efpagne.    IL 
Si. 


T  ï  E   R   E   S. 

Us  obtiennent  de  Ferdinand  une  Trêve» 

Ibid.  Voyez  Jean  XXIII. 
Maurice   [de  Prague]    Docteur,  obtient 

d'Innocent  VIL  un  Bénéfice  à  Prague. 

IL'MI.  92.93. 
Mc.yence  [  Archevêque  de]   Difpute  de  fe$ 

Ambailàdeurs  avec  ceux  de  l'Archevêque 

de  Cologne.  I.p.  IL  73. 
Meliorato  [  Cofmato  ,    Cardinal  ]    Voycfc 

Innocent  VII. 
Ses  Dignitez  avant  que  d'être  Pape.  I, 

Meliorato  [  Louis  ]  tué'  onze  des  Gouver- 
neurs de  Rome.  I.  ifi. 
Mémoire  des  Ambaflàdeurs  de  Robert  con- 
tre le  Concile  de  Pife.    Voyez  Robert , 
Concile  de  Ptfe. 
Reponfe  à  ce  Mémoire,  ibidem. 
Réfutation  de  cette  reponfe.  I.p,  II.  i/o» 
ifi. 
Mendians.  Voyez  Moines. 
Mejfe ,  lue  en  Hébreu  ,  en  Grec ,  &  en  La- 
tin au  couronnement  d'Alexandre  V. 
I.f.  II.  96. 
Mejfie.  Ses  caractères  félon    les   Juifs.  II. 

142. 
Milan   [Jean   GalealTe  Duc  de]  s'empare 
du  Peroufîn.  I.  i2r. 
U  veut  faire  empoifonner  l'Empereur  Ro- 
bert. I.  132. 
Son  défi  à  cet  Empereur.  I.  133. 
Il  défait  les  Allemands.  I.  133. 
Il  meurt.  I.ïjj. 
Milanois  (le)  érigé  en  Duché  &  vendu  à 

Jean  GaleaiTe  par  "Wenceflas.  I.  129. 
Minutolo  (Henri,  Cardinal  de]  fon  Hif- 
toire  ,  fon  Caractère  &  fa  mort.  IL  61, 
6i. 
Miracles.  Voyez,  Terrier, 
Mifna.  Ce  que  c'eft.  IL  167. 
Moine.  Mot   d'un  Moine  qui   ne   jeûnoic 
plus  depuis  qu'il  étoit  devenu  Abbé.  I. 
iSf. 
Moines.   Defcription  de  leurs  défordres.  L 

84. 
Leurs  ufurpations  fur  les  Ordinaires  au 
fujet    delà  Confeffion  &  de  la  Prédica- 
tion, I.p.  II.  119.  122.  IL  p.  IL  1 18. 
Leur   difpute  à  Avignon  avec    Richard 
Archevêque  d'Armach.  I.  p.  IL  121. 
Voyez  Gorel.^ 
Bulle  d'Alexandre  V.  en  leur  faveur ,  ré- 
voquée. IL  10. 
Leur  caradere.   IL  p .  IL  uf. 
Us  font  les  entrailles  du  Pape.  IL  p.  IL  11?. 
Montagnards  ou  Contadins  envoyez  par  les 
Romains  pour   forcer  les  Cardinaux» 
élire  un  Pape  Italien.  L  9. 


T  A 

Iftntatgu  [Gérard  de  ]  Evêque  de  Poitiers, 
fuccede  à  Orgemont  dans    l'Evêché   de 
Paris.  l.p.  II.  07. 
Il  affemble  un  Concile  contre  la  Doctrine 
de  Jean  Petit.  IL  p.  II.  38. 

Montxigu  [  Jean  de  ]  Grand  Maîtrede  Fran- 
ce )  le  Duc  de  Bourgogne  lui  fait  couper 
la  tête.  II.  p.  II.  43. 

Montaigu  (Jean  de)  Archevêque   de    Sens 
perfecuté  par  la  Faction  Bourguignone. 
II.  p.  II.  43    44. 
Il  quitte  la  Mitre  pour  l'épée-  II.  f .  II.  4+. 
Il  eft  tué  dar.s  une  bataille.  Ibid. 

Moxtefon  (Jean  de]  Docteur  Dominicain  , 
condamné  par  l'Uiuveriitê    de  Paris.  I. 

I4f. 

"Moravie  (  JolTe  Marquis  de  )  &  de  Brande- 
bourg, élu  Empereur  par  quelques-uns 
des  Electeurs.  Son  caractère.  Sa  mort. 
I.  130  II.  13. 

JAota  [  Antoine  de  )  Evêque  de  Boulogne  , 
neveu  de  Grégoire  XIII.   envoyé   de  fa 
part  à  Benoît.  I.  !9f.   197. 
Il  va  en  France  annoncer  les  bonnes  dif- 
poiuions  de  fon  Oncle  I.  198. 

hloyfc  [  le  Prédicateur  ]  Rabbin  du  Siècle  XI. 
ÎI.  171.  175. 


N. 


BLE 

&  Secrétaire  d'Urbain   VI.  I.   17.    & 
fuiv. 

Son  récit  fur  l'élection  de  ce  Pape.  I.  17, 
C^>  fuiv. 

Il  fut  l'un  des  Commiflaires  des  Cardi- 
naux prifonniers  d'Urbain  VI.  I.  yo.  & 
fuiv. 

Difcours  judicieux  &  hardi  qu'il  tient 
au   Pape    en    faifant    fon   rapport.    I, 

JO. 

Il  tient  la  plume  lorfqu'on  donne  la 
queftion  aux  Cardinaux  d'Urbain.  I.  ri. 
jz. 

Son  Apologie.  I    222.  &  Préf.  art.  IX. 
Sa  Lettre    à   Grégoire   XII.     I.    114. 
115. 
Jugement  qu'il  fait  de  Jean  Dominique. 
I.  232. 
Nocera  [  Ville   du  Royaume  de  Naples  } 
Charles  de  Duras  la  donne  au  Neveu 
d'Urbain.  I.  47. 
Le  Pape  s'y  retire.  Ibid. 
Il  y  fait  donner  la  queftion  à  fes  Cardi- 
naux. I.  jo. 
NadUc  (Philippe  de)  a  la  garde  du  Con- 
clave au  Concile  de  Pife.  I.  p.  II    90. 
Rouiller  [  Guillaume  de  )  Légat  de  Bologne 
pour  Grégoire  XI.  II.  if?. 
Sa  tyrannie.  Ibid, 


NA  p  l  e  s  (  Royaume  de  ]  Voyez  Char- 
les dt  Duras.  Jeanne  Rei/ie  de  Naples. 
Vrbain  VI. 

Narbonne  [  Guillaume  Vicomte  de  ]  foutienr 
les  Génois.  II.  98. 

Najîau  (Jean  de)  élu  Archevêque  de  Mayen- 
ce  contre  Liningen.  I  p.  IL  10^. 
Son  Caractère,  ibidem. 

Naucler  (Hiftorien  Allemand  )  Son  récit 
de  l'élection  d'Urbain  VI.  I.  2  4. 

Nellenbourg  (  Ebrehard  Comte  de]  Miniftre 
de  Sigifmond.  Il  propofe  la  Ville  de 
Confiance.  II  p.  II.  ,5-. 

Neutralité  en  France  &  en  plufîeurs  lieux  de 
l'Europe.  I.  2  ,0. 
Provifion  des  Bénéfices  pendant  la  Neu- 
tralité. II.  33.  cyfurj. 

Nicolas ,  Moine  qui  confoloit  Urbain  pen- 
dant le  Sùge  de  Nowera.  I.  y  3.  ç4 

Nicolas  II.  (  Pape.)  Son  aveu  fur  la  Simo- 
nie delà  Cour  de  Rome.  ll.p.  II.  86. 
87. 

Nicolas  111.  Voyez  Dominicains. 

Nider  (Jeai,]  Dominicain ,  fon  conte  d'un 
Pommier  fertile  au  fort  de  l'hyverdans 
le  Diocefe  de  Bamberg.  II.  16J.  Voyez 
Pommier. 

Niem  [  Theodoric  de  )  Hiftorien  Allemand 


O. 


OB'i  D  1  e  N  c  e  :  Voyez  Vrbain  VI.  cXe* 
ment  VII.  Benoit  XIII.  Bonifiée  IX. 
Grégoire  XII.  Reftitution.  SouftratHon. 
Obéiffance.  Diverfes  fortes d'Obéïiiànce.  II. 

p.  II.  8  8.  &fuiv. 
Obftination  dans  le  Schifrne  emporte  here- 

fie.  I.   164.  188.  189. 
Occident.  Origine  du  grand  Schifme  d'Oc- 
cident. I.  y.  &  fuiv. 
Oldcaftel   (  Jean  Lord  de  Cobham.  )  11  eft 
Chef  des  Lollards   ll.p.  II.  131.131, 
*  Il  eft  arrêté.  IL  p.  II    132. 
Il  échappe  de  la  prifon.II./>.  II.  133. 
Son  procès.  II.  p   IL  13  y.  136. 
Il  eft  exécuté.  II. p.  II.  x  3  f.  136. 
OUfc-.n'tcz  :   (  Sbinko  d'  ]  Secrétaire  du  Roi 
de  Pologne  couvre  le  corps  de  fon  Maî- 
tre. II.  12. 
Il  refufe  des  emplois  militaires.  Ibid. 
Il  eft  fait  Evêque  de  Cracovie.  Ibid. 
Ordres  (Religieux]  On  fe  plaint  de    leur 

diverfîté   I.  63. 
Ordre  [  de  Prêtrife.  )  Différence  entre  l'Or- 
dre &  l'exercice  de  l'Ordre.  I.p.U   n  ;. 
L'Eglife  peut  ôter  le  dernier  &  pas  l'autre. 
ibid. 

Crgemcni 


DES       MA 

Crgemont  (Jean  ]  Evêque  de  Paris  ,  Alexan- 
dre V.  lui  notifie  fon  élection.  l.p.  II. 

96.97* 
Il  meurt.  l.p.  II.  97. 
Orléans  [  Loliis  ,  Duc  d'  ]  favorable  à  Benoît. 
I.  1 14.  136. 

■  à  Wenceflas.  I.  131. 

Il  fait  tirer  Benoît  de  prifon.  I.  13^. 
Il  lui  faix  reftituer  l'Obédience.  I    141. 
Il  lui  envoyé  une  Ambaflade  qui  fut  mal 
reçue'.  I.  144. 
Il  va  trouver  lui-même  le  Pape.  Ibid,  & 

148. 

Ileftaflaflïné.  l.p.  II.  16.  ll.p.ll.  ay.i8. 

Orléans.  {  Ducs  d'Orléans  )  pourfuivent  l'af- 

fafîînat  de  leur  pcre.  II.  41.  p.  II.    36. 

Ils  envoyent  un  Cartel  de  défi  au  Duc  de 

Bourgogne,  ibidem.  Voyez  Epigramme.  II. 

41.  Ml.  3*.  37- 

Orlesmois ,  Faction  en  France.  II.  41.    43. 

99. 
Ofée   (Prophète)  fa  Prophétie  appliquée  à 

l'Eglife  Romaine.  II.  p.  IL  120. 
Ofias    (  Roi  ]  Il  vouloit  chanter   Méfie.  I. 

i8x. 
Othon  I.  (Empereur] fa  déroute  en  Orient. 

II.77. 

Il  confirme  à  Jean  XII.  les  Privilèges  ac- 
cordez par  fes  Prédeceiïeurs.  IL  p.  II.  8  r . 

Othon.  [  Empereur  )  afïemble  un  Concile 
où  Jean  XII.  eft  dépofé.  I.  164. 

Oit  on.  Voyez  Brunfw.ch. 

Oxford  (  Univerfité  d')  fon  témoignage  en 
faveur  de  Wickf.  IL  88. 


P. 


PAiEOtocUï  [ Empereur    Grec ]    Il 
envoyé  demander  dufècours  par  toute 
l'Europe    IL  p.  IL  11. 
Talerme  (  Abbé  de  ]  célèbre  Jurifconfulte.  IL 
70. 

Il  fut  Archevêque  de  Palerme  ,  puis  Car- 
dinal de  la  création  de  Jean  XXII.  Ibid. 
Palefitne    (  Cardinal    de  ]  lit  la  Sentence , 

&c.  l.p.  IL  4f. 
Paletz  [  Eftienne  Docteur   Bohémien  ]  Ad- 

yerfaire  de  Jean  Hus.  IL  14:.  ifi. 
Talltum  [  d'Archevêque  ]  Vaine  cérémonie. 

I.  p.  IL  14g. 
Pampelune  [Cardinal  de]  parent  &  partifan 
de  Benoît.  I.  9  7 .  &  fuiv. 
Reproches  que  lui  fait  le  Cardinal  d'Albe. 

I.  TOI. 

Il  n'eft  pas  reçu  en  France,  où  Benoît  vou- 
loit l'envoyer.  I.  109.   110. 

Il  affifte  comme  témoin  au  Traité  d'Avi- 
gnon. I.  139. 


T   I   E    R   E    S. 

Pancerino.   [Antoine)  Patriarche    d'Aqui- 
lée.  Fait  Cardinal  par  Jean  XXlII.  II. 
66. 
Tapes,  Dix  Papes  dépofez  pour  leur  mau- 
vaife  conduite.  I-  106. 

Il  eft  permis  d'appeller  des  jugemensdes 
Papes.  Ibid. 

Us  (ont  frères  des  autres  Evêques.  I.  186. 

Us  n'ont  pas  plus  de  droit  qu'eux  à  l'élec- 
tion des  Evêques.  ibid. 

Us  font  obligez  à  céder  pour  l'Union  de 
l'Eglife.  I.  188. 

Us  doivent  être  dépofez  ,  Se  pourfuivispar 
le  bras  féculier ,  quand  ils  font  parjures, 
I.   189. 

Us  font  Hérétiques  &  Schifmatiques,  s'ils 
entretiennent  le   Schifme.  I.  p.  IL  142. 

]43. 
Divers  Papes  chaflez.  II.  p.  II.  87. 
On  peut  reprendre  &  corriger  les  Papes; 
IL  p.  II.94.  9J". 

Divers  cas  où  ils  peuvent  être  dépofez; 
Voyez  Gerfon. 
Papes.  Voyez  Evêques  de  Rome. 
Pzpcjfe  (Jeanne)  IL  Z44.  p.  IL  71.  79. 
Paris.  Voye-z.Jlj[$mblée.  Concile.  Univerfité. 

Vacances  de  cette  Egli/e.  I.  187. 
Parjure.  Voyez  Papes. 
Pafchal  II.  [Pape]  Il  cherche  un  azyleen 
France.  I.  4. 
Il  envoyé  un  Légat  en  Terre  Sainte.  II. 

77. 
Il  publie  une  Croifade  pour  la  Terre  Sain- 
te. Ibid. 

Pavilli  (Euftachede]  Carme:  fon  Difcours 
au  Roi  pour  la  paix.  IL  p.  IL  2r.  n. 
Son  caractère.  II.  p.  IL  24. 

Pendre.  Voyez  Fils. 

Pépin  (Roi  de  France)  fuccedeà  Childeric 
LI.  18e. 

Perfection  [  Evangelique]  Ce  que  c'efh  II. 
p.  II    117.  128. 

Perpignan  [Concile  de)  Voyez  Benoit.  &  I. 
p.  IL   s   ij.  16. 

Perron  [  Bernard  du  )  Elu  Evêque  de  Nan- 
tes pendant  la  Souftradion.  I.  186. 
Transféré  par  Benoît  à  Tréguier  au  Nord 
de  la  Bretagne.  Ibid. 

Perfecnteurs.  Leur  portrair.  II.  p.  IL  128. 

Perfona  [Gobelin)  Hiftorien  Allemand, 
fon  récit  de  l'éledrion  d'Urbain  VI.  I. 
19.  20.  21. 

Pervis  (  Theodoric  de  )  élu  Evêque  de  Liège 
contre  Jean  de  Bavière.   I.   p.  IL  2f. 

27' 

Confirmé  par  Benoît.  XIII.  Ibid. 

Tué  devant  Maftrichr.  I.  p.  IL   27. 
Pervis  (Henri  de]  Général  des  Liégeois  ? 

H 


T    A     B 

tué  dans  la  Bataille  de  Maftrickt.  I.  p.  II. 

*7- 

Petit  [Jean)  Doâeur    de  Paris,  il  plaide 

pour  PUniverfïté  de  Paris  contre  Cha- 
lant  Légat  de  Benoît.  I.  ifS.  164.  Hf. 

Il  conclut  à  la  Souftraétion.  I.  166. 

Il  prend  le  parti  de  l'Univerfité  contre 

Pierre  d'Ailli.  I.  16  f. 

Il  harangue  contre  le  Pape.  1. 18  j. 

Il  fait  l'Apologie  du  Duc  de  Bourgogne. 

I.  p.  II.  z6.  II.  p.  II.  19.  3f.  &  fuiv. 
Sa  Doctrine  efl  condamnée  en  France.  II. 
p.  II    38.  49.  yo;> 

Ses  Propositions  réfutées,  Ibid. 

Petit  [Dominique  le]    Envoyé  de    France 
au  Concile  de  Pife.  I.  p.  II.  7Z. 
11  y  fait  un  Sermon.  Ibid. 

Philargi  [  Pierre  )  Cardinal  dit  de  Candie  , 
Archevêque  de  Milan  :  fon  Sermon  au 
Concile  de  Pife.  I  p.  II.  39.40.  Voyez 
Alexandre  V. 

Philippe  [leBel)Roi  de  France ,  fa  vigueur 
contre  Boniface  VIII.  I.  4. 

Philippe  Augtifle  (Roi  de  France.  )  Il  fecroife 
pour  la  Terre  Sainte.  II.  78. 

lierre  (  Cardinal  de  Saint]  On  feint  de  l'é- 
lire Pape.  I.  7    ïi.  1    .  1  f. 
Il  déclare  qu'il  n'eft  point  Pape.  I.    iz. 

if. 

Pierre  (Saint]  Il  eft  Chef  du  Collège  Apo- 
ftolique  ,  Se  non  de  l'Eglife  univerlèlle.  II. 

t-  n.  7f. 

Pietra  (Santa)  Ville  d'Italie,  où  Grégoire 

veut  s'aboucher  avec  Benoît.  I.  11  S.  119. 

Pifans.  Leurs  démêlez  avec  les  Papes.  I   p. 

II.  m.  é>  fuiv. 

Pife  (  Ville  )  occupée  par  les  Florentins.  I. 

161. 
Les  anciens  Cardinaux   de   Grégoire   s'y 

retirent   I.  130. 
Il  s'y  trouve  des  A  mba {fadeurs  de  plufieurs 
Royaumes.  I.  p.  II.  9. 
La  plus  grande  partie  de  l'Europe  convient 
d'ailembler  le  Concile  General  à   Pife.  I. 

p.  II.  3  3. 

Doutes  fur  ce  Concile.  I.  p.  II.  34.   3  $-. 
Situation  de  la   Ville  de  Pife.  I.  p.  II.  34. 
3î.  36. 

Elle  appartient  à  l'Empire.  I.  p.  II.  ifo. 
Pife  (  Concile  de)  l.p.  II.  34.  107. 
Dénombrement  des  Membres  du  Concile 
de  Pife.  I.  p.  11.3e.  37.  4;.  46.   166.  & 
fuiv. 

Cérémonies  de  ce  Concile.  I   p.  IL  40. 
Il  autorife  les  Cardinaux  à  élire  un  Pape. 
l.p.  II.  87. 

Clôture  de  ce  Concile.  I.  p.  II.  1C7.108. 
Mécontentemens  touchant  le   Concile  de 


L    E 

Pife.  I.  p.  II.  107.  113.  145. 
Apologie  du  Concile  de  Pife.  I.  p.  II.  117." 
&  Préf.  IX.  &fuiv. 
Plaifance.    (Ville)    Entrevue    du  Pape    Se 
de  l'Empereur  dans  cette  Ville.  II.  p.  II, 

14. 

Plaoul  (  Pierre]  Dofteur  de  Sorbonne, ha- 
rangue pour  l'Un iverfîté  de  Paris,  contre 
celle  de  Touloufe.  I.  1  f  9. 
Il  harangue  contre  les  Concurrens.1. 178. 

&  fil  IV. 

Son  Sermon  au  Concile  de  Pife.  l.p.  II. 
78. 
Platine.  (  Hiftorien  Italien  )  Son  témoi- 
gnage fur  l'élection  d'Urbain  VI.  I.  z6. 
Se  Préf.  XIX.  &  fuiv. 
Poliac  (Jean  de)  Théologien  de  Paris  :  Ces 
Théfes  contre  les  Moines  Mendians,  L 
p.  II.  m. 

Jean  XXII.  fulmine  contre  lui.  Ibid. 
Valogne.  Saints  de  Pologne.  II.  17. 
Polygamie,  Voyez  Livonte. 
Pommier  (  Miraculeux  )  Il  produit  du  fruit 
au  fort  de  l'hyver  ,  &  au  milieu  des  nei- 
ges le  jour  de  Noël.  Il.léf. 
Ce  fait  efl:  attefté  au  Concile  de  Conf- 
iance,  &  au  Concile  de  Balle.  II.   165. 
Pontoife  {  Ville  ]  Paix  de  pontoife.II.  p.  IL 

10. 
Poflsgne   (  Pierre  )  Gouverneur  du  Château 
Saint  Ange,  en  refufe  les  clefs  à  Urbain 
VI. I    31. 

Sa  Lettre  aux  Cardinaux  d'Avignon.  Ibid. 
Les  Cardinaux    lui  ordonnent  de  reftituer 
le    Château  Saint   Ange   à  Urbain  VI. 
Ibid. 
Potcntinns.  (  Gentilhomme  Napolitain  )  Dév 
couvre  un  Empoifonneur.  Voyez  Héraut 
d'Armes. 
Pragu:   {  Jérôme  de  )    Docteur  Bohémien  : 
il  s'unitavec  Jean  Hus.  II.  50. 
Ses  voyages.  Ibid. 
Ses   démarches  violentes  contre    l'Eglifc 

Romaine.  II.  51.  5Z. 
Son  Difcours  dans  la  difpute  de  Jean  Hus. 

II.  9;. 

Il  eft  jugé  plus  favant  que  Jean  Hus.  Ibid. 
Prague.    (Ville)   Les    Archevêques  de  Pra- 
gue font  Primats  du  Royaume  ,  Princes 
de  l'Empire  ,  &  Légats  nez  du  Siège  de 
Rome.  II.  9Z. 
Prat    (  Du  ]   Sa    négociation     pour    l'élec- 
tion d"un   Succefïeur   a  Benoît  XI.  I.  4. 
Il  abandonne  Urbain  VI.  I.  jj- 
Son  caractère.  I   ff.  $6. 
Prignano    (Barthelemi    de)  Archevêque  de 
Bari,  élu  Pape  fous  le  nom  d'Urbain  VI. 
I.   ji. 


DES     MATIERES. 


$©n  caractère.  9.  10.    Voyez  VrbainVI. 

Ttrignano.  Voyez  Butillff. 

Rrufîe.  Voyez  Chrétien» 

Truffions.  Voyez  Mafovie. 

RrzemiU.  (  Ville  en  Pologne  ]  Voyez  Ja- 
gellon. 

Tuiffance  (  Ecclefiaftique  )  En  quoi  elle  con- 
fiée. II.  p.  II.  7  6.  &  fuiv. 

Fyrrhonifme  hifioriqut.l.  ijj. 

CL 

Question,    (ou  Torture  )    Voyez 
Vrbain  VI. 
Ghiêieurs.    Voyez  Indulgences.   Sangre.   Do- 
nat.  Ejion.  Cncurne.Juge. 


R. 


RÂban.  (Pierre)  Evêque  de  Saint  Pons, 
blâme  hautement  l'emprifonnement  de 
Benoît.  I.  11,6. 
Raymond  [de    Baucio    des  Urfins  )  fils   du 
Comte   de  Noie,  amené  un   Corps    de 
troupes  à  Urbain  VI.    dans  Nocera.-  I. 
f  1. 
Il  tire  ce  Pape  âc  Nocera.  liid. 
Raymond ,    Comte  de  Touloufe ,  l'un   des 

premiers  Croifez.  II.  76. 
Ricanati  (Jean  )  Noble  Vénitien  méprifede 

cet  Auteur.  I.  p.  II.  10. 
Réfcrmatitn  de  l'Eglife   dans    le    Chef  & 
dans    les    Membres.    Voyez    Alexandre 
V. 
Régents  (de France]  pendant  la  minorité  de 
Charles  V.  1.39. 
Réponfe  qu'ils  font  aux  Ambafiadeurs  de 
Caftille  &  de  Hongrie  fur  le  fuiet  d'Urbain 
VI.  I.  40.  41. 
Leurs  jaloufïes    troublent    la   France.   I. 

39- 
Régis    ou  le  Roi  (  Pierre  )  Abbé    du   Mont 
Saint  Michel:  il  harangue  contre  Benoît. 

1.}7S. 

Il  foutient  la  fuperiorité  des  Conciles  gé- 
néraux fur  les  Papes.  1. 176.  177. 
Il  va  à  Rome  de  la  partduRoi  de  Prance. 
I.  407. 
Renonciation.  Le  Pape  peut  la  faire  par  Pro- 
cureur. I.  p.  II.  144. 

■■  &  en  quelque  lieu  que  ce  foit. 

lbid. 
Rheims.  Affemblée  à  Rheims  pour  l'Union 

de  l'Eglife.  I.  107. 
Richard   I.  (Roi    d'Angleterre  )  fe  croife 

pour  la  Terre  Sainte.  II.  78. 
Richard  Archevêque d'Aimach.  I.f.II.  \iz. 
Voyez  Moines. 


Rico,  puiffànt  Arragonois.  II.  CO. 

Rite  (  Latin  .,  Grec.  )  Voyez  ,  Jagelloni 

Robert,  Cardinal  de  Genève,  élu  Pape  fous 
le  nom  de  Clément  VII.  11.  iz.  *}.££» 
fuiv.  Voyez  Clément  VIII. 

Robert,  Duc  de  Bavière,  Electeur  Pala- 
tin :  fa  Lettre  à  l'Empereur  pour  le  dé- 
tourner d'aller  à  Rheims.  I.  107.  Ô» 
fttiv. 

Il  eft  élu  Empereur.  I.  130. 
Il  notifie  fon  éledion  à  Boniface  IX.  ijo. 

Il  afîiege  Francfort ,  &  y  eft  reçu.  I.  1  30. 
Il  envoyé  en  Arragon.  I.  131. 
Il  va  en  Italie.  Ibid. 
Il  y  eft  battu  &  fe  retire.  I.  133.  134. 
Il  fait  accueil  au  Légat  de  Grégoire  à  1* 
Diète  de  Francfort,  l.p.  IL  18. 
Il  tient  pour  Grégoire  Se  quitte  la  Diète, 
lbid. 

Il  envoyé  des  Ambafiadeurs  à  Grégoire. 
lbid. 

Il  n'eit  point  reconnu  pour  Roi  des 
Romains  au  Concile  de  Pife.  I.  j>.    II. 

fi. 
Ses   Ambafiadeurs  à  ce   Concile  ont   au- 
dience dans  une  Congrégation.  I.  p.  II, 

Leurs  raifons  contre  le  Concile  de  Pife.  I. 

p.  II.  Si-  J4- 
Ils  fe  retirent  fans  prendre  congé.  I.  p.  II, 
S7- 

Robert  appelle  du  Concile  de  Pife  à  un  Con- 
cile légitime.  I.p.  II.  58. 
Il  fait  des  plaintes  d'Alexandre  V.  l.p.  II. 
108.  109. 

Sa  Lettre  circulaire  aux  Evêques  d'Alle- 
magne contre  le  Concile  de  Pife.  I.  p.  IL 
150.  &fuiv. 

Son  Hiftoire  ,  fon  caractère  ,  fa  mort.  II* 
12. 
Rcfiitution  [  d'Obédience  )    Voyez    Charles 
VI.  Benoit  XIII, 

Conditions  de    cette  reftitution.  I.  141. 
141. 
Robert  (Duc de  Normandie,  )  l'un  despre- 
miers Croifez.  IL  76. 
Rcbeit  (Comte  de  Flandres]  l'un  des  pre- 
miers Croifez.  II    76. 
Rodolfis   [  Laurent  de  )  Docteur  de  Florence, 
fe  déclare  pourla  Gcffîon  ,  &  pour  la  con- 
vocation d'un  Concile  par  les  Cardinaux. 
I.  p.  II.  né. 
Romains.   Leur    délibération    fur   l'élection 
d'un   fucceffeur  à    Grégoire   XL  I.  7, 
S. 
Ils  s'obftinent  à  avoir  un  Pape  Romain  ou 
Italien.  Ibid. 

H  îj 


TAB 

Leur  violence  pour  en  venir  à  bout.  Ibid. 
Rome  def  blée  en  l'abfence  de  neuf  Papes  refi- 

dens  à  Avignon.  I.  j. 
Troubles  dans  Rome  après  l'élection  d'In- 
nocent VII.  I.  if  i,  iji. 

Les  Evêques  de  Rome  s'élèvent  au  defliis 

des  Empereurs  &  des  Rois.  I.  3. 

Revenus  de  l'Eglife  de  Rome.  I  187. 

Concile  de  Rome.  VoyezJexa  XXIII. 

La  Ville  de  Rome  eft  le  fiége  propre  de 

l'Antechrift    II.  p   II.  1 1 5. 
Rome  (  Evêque  de  )  Il  n'eft  le  premier  que 

dans  ion  Eglife  II.  p.  II.  7f. 
Rofe    i'or   Voyez  Alexandre  V.    Origine  de 

cette  cérémonie.  I.  p.  II.  1 36. 
Royi  (Gui  de]  Archevêque  de  Rheims, pour- 
suivi pour  adhérer  à  Pierre   de  Lune.  I. 

iî8- 

Il  fe  plaint  du  Clergé  de  France.  I.  147. 

Il  n'accepte  point  la  neutralité,  ibid. 

Ii  eft  cité.  Ibid. 

Sa  mort  tragique  à  Voutre  près  de  Gènes. 

I.p.  II.  31    jj. 

11  eft  inhumé  à  Gènes  l.p.  II.  33. 


S. 


SAints.  Leur  culte  eft  une  invention  du 
Diable.  II.  f.  II.  n8.  115». 
Leurs  miracles  fonufuppofez.   II.  f.  II. 

119* 

S.dadin    (Soudan   d'Egypte]  il    afïïege   & 

prend  jerufalem.  II.  77.  78. 
Salamandre.  Voyez  Elit^er. 
Salamanque.  Voyez  faner. 
Salijburi.  Voyez  AUm. 
_  (  Synode  de  )  11  révoque  toutes  les 

concertions   accordées  aux  Moines.  I. 
p.  II.   1 19.  1*0. 
Salom.n   (Rabbin  )    applique   au   Meffie  le 

pafLge  de  Zacharie  IX.   9.  II.   176. 
Sdomon  (  Ben   Virga     Auteur  du    Schevet 

Jehuda:  fon  récit  des  Conférences  avec 

les  Juifs.  I.  18  1.    1S9. 
Saluées  (  Amedée  de  )  l'un  des  cardinaux  de 

Benoît.  1.  140. 
Samogites.  Leur  culte.  II.  p.  II.    137.  138. 
Sangre  (Gentil  de]  Cardinal  d'Urbain  VI. 

fes  emplois.  I.  f  1  II  eft  mis  à  la  queftion. 

I.  f  1    Sa  confiflion.    fi. 
Sardaigne  [Iflede]  «unie  à  l'Arragon.  II. 

?8' 
Snrrageffe    (  Dom  Garfias   Archevêque  de  ) 

poignardé  par    Antoine  de  Lune  neveu 

de  Benoît  XIII.  II.  60. 

Savonne ,  Ville  de  l'Etat  de  Gènes  ,  occupée 

par  les  François.  I.  ic8. 

Elle  eft  choifie  pour  les  Conférences  des 


LE 

deux  Coneurrens.  1. 196.  Voyez  Grégoire; 
Benoît. 
Savoye  (  la  ]  fe  déclare  pour  Clément  VII, 

I.  16. 

Sauterelles  [del'Apocalypfe  ,)  ce  quec'eft. 

II.  p.lï.  iif. 

Prodige  de  fauterelles  en  Bohême.  Ibid. 
Sbm':o  (  de  Haflemberg]  Archevêque  de  Pra- 
gue, il  fait  brûler  les  Livres  de  Wiclef. 
I.  P  II.   50. 

Il  ordonre  aux  Prédicateurs  de  prêcher  la 
Tranflubftintiation.  I.  p.  II.   fo. 

Il  écrit  en  Cour  de  Rome  contre  Jean  Hus,; 
ibid.  Sep.  II.  134. 

Il  pourfuit  les  Huflites.  II.  47. 

Il  écrit  au  Pape  en  faveur  de  Jean  Hus.  II» 
49-  So. 

Il  eft  cité  en  Cour  de  Rome.  II.  Si-  83. 

11  meurt  à  Prefbourg  empoifonne.  II.  89. 
so. 
Sthifmes:  l'ambition  des  Papes  en  eft  l'ori- 
gine. I.  V. 

Fureur  du  Schifme  d'Occident.  I.  ;$.  Voyez 
Obfti.-.a-ion  &  I.  p.  II     1 42. 

Divers  Schifmes  dans  l'Eglife  Romaine.  IL 

p.  II.  87.  88. 
Schifme  en  Bohême.  II.  p.  il.  n8. 

Sctoop  [Richard  )  Archevêque  d'York conf- 
pire  contre  le  Roi  d'Angleterre.  II.  10  3. 
Il  eft  exécuté.  Ibid. 
Secrétaire   (du  Roi   de    Pologne]    Voyez 

Olefcknicz*. 
Sermens  des  Cardinaux  fur  l'élection  d'Ur- 
bain VI.  I    1 3. 
Leurs  fermens  à  l'élection  d'Innocent  VII. 
I.    ifo. 
Serment  :  les  Papes  ne  îauroient  fe  difpenfer 
de  leur  ferment  pour  le  bien  de  l'Eglife 
Univerfdb    I.  p,  II.    143. 
Il  n'y  a  que  lEglife.  Univertêlle  qui  punTc 
les  en  difpenfer.  Ibid. 
Serpcns:  Divinité  des  Lithuariens  ,  &  des 

Sâmogites.  II.  p.  IL  137.  138. 
Sève  (Jacques   de)  envoyé   en  France  par 
Urbain  VI.  pour  foutenir  fon  élection. 
I.   .3. 
Il  prend  le  parti  de  élément  VU.  Ibid. 
Il  rentre  dans  l'Obédience  d'Urbain   VI. 
Ibid. 

Il  témoigne  que  l'élection   d'Urbain  VI. 
fut  libre.  I.  14.   \6. 
Il  fait  l'apologie  d'Urbain  VI    I.   r  ••  iy* 
S  fore,-  (Magnus]  Général  de  Jean   XXIII. 
Il  abandonna  ce  Pape  quand  le    temps 
de  fon  engagement  fut  expiré.  II.    1  o  j. 
106. 
H  eft  pendu  en  effigie  par  ce  Pape.  II.  p, 
11.4. 


DES    MA 

Il  eft  rétabli  en  honneur  par  Ladiflas./£/W. 

Son  caractère.  II.   îoj. 
Il  entre  dans  le  fervice  de  Ladiflas.  Ibid. 
Sa  mort  tragique.  II.  106. 
Sicile.   Voyez  Arragon ,    Martin,  Cabrera. 
-Siège  (  Apoftolique  ]  ce  que  c'eft.  II.  p.  II. 

89.' 
Sienne  (  Sainte  Catherine  de  ]  porte  Grégoire 
XI.  àalkràRome.  1.6 


T  I  E  R  E  S; 

contre  Jean  Hus.  II.  87. 

Stratagème  de  Clément  VII.  pour  obliger 
fon  concurrent  à  lui  céder.  Voyez  Her- 
mite. 

Style  [de  la  Cour  de  Rome  )  Il  eft  oppofé 
à  celui  de  l'Evangile.  II.  p.  II.  105.  1  04: 

Stiejja  ,  Ville  de  la  Province  de  Labour,  re- 
nommée par  Ton  bon*  air  &  fes  vins  dé- 
licieux. I.  4.  j, 


Sig/Jmond  [Roi  de  Hongrie  ]  Il  fait  mettre    S  mit  a  (Jérôme)  Hiftorien  Arragonois,  fon 


enprifon  Wenceflas  fon  Frère.  I.  128. 
Se  plaine  de  la  déoofition  de  Wenceflas. 
I.  13,. 

Eft  défait  par  les  Turcs,  l.p.  II.   134. 
Eft  élu  Roi  des  Romains.  II.   13. 
Il  fe  nomme  lui-même   Ibid. 
Il  reconnoît  Jean  XXIII.  14. 
Il  lui  envoyé  une  Ambaffade.  Ibid. 
Démêlez  de  Sigilmond  avec  les  Vénitien?. 
II   14. 


récit  des  Conférences  avec  les  Juifs.  II. 
1  60.  1  £0.   181.    1  90. 
Sttfato    (Conrad  de)  Profefï'eur  en  Théolo- 
gie &  Chanoine  de  Spire:  il  eft  un  des 
Envoyez  de  Robert  au  Concile  de  Pife. 
I.?   II    ç*. 
Il  propofe  les  doutes  de  Robert  contre  ce 

Concile    I.  II.  5-3. 
Il  affiche  l'appel  de  Robert  de  Bavière.  I, 

ml  r 


Il  eft  Médiateur  entre  les  Polonois  &  les    Sufpenfion  [d'Office,  de    Bénéfice;  ce  que 


Chevaliers  Theutoniques.  II.  23. 
-Son  voyage  en  Pologne.  II.  10  y. 
Il  amené  le  Roi  de  Pologne  en  Hongrie. 

Ibid. 

Il  vient  en  Italie.  II.  p.  II.  10.  n. 
Il  s'abouche  avec  le  Pape.  II   p.  II.  14.  jj. 
Il  donne  un  Edit  pour  la  convocation  du 

Concile  de  Confiance.  II.  p.  II.   17. 
Il  écrit  aux  concurrens  pour  les  y  inviter. 

IL  MI.  '7.  18. 

~—  —  à  Charles  VI.  IL  p.  IL   18. 
Il  envoyé  une  Ambaffade  en  France  à  ce 
fujet.  II  p.  II.  $0.  fi.  f  t. 

Sitneon  (Rabbin)  aceufe  les    Juifs    d'avoir 

corrompu  le  texte  Hébreu.  IL    174. 
Sinuejfe  (Concile  de)  Il  eft  fuppofé.  II.  p. 

II.  96. 
Soubife  (  Ville  )  affiegée  Se  prife  par  le  Duc 

de  Bourbon.  II.  p. II.  10. 
Souftrattion.   (  de  Benoît)  refoluèen  France. 

I.  1 10.  1  y8.  1  $-9. 
—  Se  dans   la  plus  grande  partie  de 

l'Europe.  I.   1 1 1. 
Mauvais  effet  de  cette  voye.  I.  117.   118". 

178.   179-  f-  EL  148.  145;. 
Utilité  de  cette  voye.  Ibid. 
Edit  de  Souftradtion.  I.  i;?.  160. 
Seconde  Souftraclion.  I.  188.   189.  24O. 
Le  Concile  de  Pife   prononce  la  fentence 
de  Souftraction.  I.  p.  II.  74.  7$-.  77. 
Staniflsu,  (  Evolue  de  Cracovie  Canonifé.  ) 
H  eft  maffacré  par  Bokflas  Roi  de  Polo- 
gne- II.  p.  II.  .37. 
Steph.\ne[ci    (Pierre  Hannibaldi  de]  Cardi- 
nal Légat  de  Jean  XXIII.  en  Italie.  II. 
64. 
Stûdei  (Jean)   Docteur  Anglois,  il  écrie 


c'eft.  II.  p.  IL   ico.  101. 
Symmaqxe  (  Pape  )  Concile    afTemblé   pour 

le  juger    I  p  IL   147. 
Synagogue    (  de    Salamanque  )  convertie  en 

Eglife.  II.  iéf. 
Son  infeription  en  vers.  Ibid, 


T. 


TAlvendb  [ITrfin  )  Docteur  de  l'Uni- 
verfité  de  Paris,  fon  Difcours  au   Roi 
pour  la  paix.  II.  p.  IL  x\. 
Tmcrede  [de  Sicile]    l'un    des    premiers 

Croifez   IL  77. 
Tartaro  (  Petro  )  Cardinal  de  Rieti ,  confpire 
contre  Urbain  VI.  I.  49. 
Il  propofe  publiquement  fi  l'on  ne  peut 
punir  &  dépofer    un   mauvais    Pape.  I. 
49. 
Il  commande  l'armée  de   Charles  devant 
Nocera.  I.   f  3. 
Teck  [Ulric  Comte   de,)  Miniftre  d'Etat 
de  Sigifmond  :  il  propole  Kcmpt   pour 
aflcmbler    un  Concile.  II   p.  II.  if. 
Te  De«m  ,  chanté  au  Concile  de  Pife  après 
la  dépofition  des  deux  Concurrens  I.  p. 
II    Si.  Voyez  Charles  VI. 
Timoiçnc ges   des   Cardinaux  fur  l'élection 
d'Urbain  VI.  I    13. 
Tirre  (Sainte)  II    72.  79- 
Temporel  (des  Rois)  ufurpé  par  les  Papes. 

I+- 

lhabor  (Montagne  de)  ce  que  c'eft  félon 

Jean  Hus    II. p.  II.    no. 
Thalmud,  ce  que  c'eft    IL  1  67. 
Partage   du    Thalmud   félon    Jérôme   de 
Sainte  Foi.  IL  177. 


T     A 

Son  Originell.  190.191. 
Theutonique  (  Chevaliers  de  l'Ordre  )  Leur 

guerre  avec  les  Polonoisl.p.  II.  jo.  j  1. 

&  II.  Jy.&fuiv. 
Occafion  de  cette  guerre,  ibid,  &  II.  zj. 
Leur  Inftitution  17.  18. 
Leurs  fureurs.  Ibid. 
Ils  font  défaits  en  bataille  rangée.  II.  20. 

2  1.  2.1. 

Ils  demandent  la  paix.  Ibid. 
Elle  fe  conclut  à  Thorn.  II.  101.  1  c  5 . 
Elle  eft  mal  gardée.  II.  161.  i6z.  - 
Thon.acelh  (  Pierre  de  )  fuccede  a  Urbain  VI. 
fous  le  nom  de  Boniface  IX.  Voyez  Boni- 
fiée JX. 
Ihuri  [  Cardinal)  Légat  de  Benoît  XIII.  au- 
près des  Ambafladeurs de  France.  I.  196. 
La  Conférence  avec  les  AmbaiTadeurs  de 
France.  Ibid. 

Ilditia  première  Meflè  au  Concile  de  Pife. 
I.p.II.  38. 
Son  Ambition,  ibid. 

Alexandre  V.  l'envoyé  en  France  pour  ob- 
tenir des  Décimes  fur  le  Clergé.  I.  p.  II. 

37- 
Toc/m  fonné  à  l'élection  d'Urbain.  I.  1  r. 
Todi  (  Antoine  Calvo  Evêque  de  )  Cardinal , 
Envoyé  de  la  part  de  Grégoire  XII.  àBe- 
noitXIII.  I.  t9fn 
Il  harange  les  AmbaiTadeurs  de  France.  I. 

11  va  annoncer  les  bonnes  difpontions  de 
Grégoire  XII.  ibid. 
Il  eftcitèau  Concile,  &  s'y  rend.  I.  j>.  II. 
86.87. 
Tonnerre.  Voyez  Conclave. 
Tonnerre,  Divinité  des  Lithuaniens  ,  &  des 

Samogites.  II. p.  1 36. 1 38. 
Tortofc.  Voyez  Conférence  avec    les  Tuifs. 
Teuloufe  (  Univer/îté  de  )  fe  déclare  contre  la 
Souftraction.  I.  nS.ijy. 
Sa  Lettre  eft  lacérée  par  Sentence.  I.  1*9. 
Tours  { Amélie  de  Brueil  Archevêque  de  )  ha- 
rangue pourBenoîtXIII.I.  171.  171. 
Il  eft  envoyé  à  Benoît  XI II.  &  à  Grégoire 
XI.  Ibid. 
Il  va  à  Rome  de  la  part  du  Roi  de  France,  I. 
207. 
Traditions  (  humaines  )  Ce  que  c'eft  félon 

JeanHus.  II./>.  IL  110. 
Traité.  Voyez  Henry  V. 
Jramba  (  Nicolas  )  Vice- Chancelier  de  Po- 
logne. Voyez-C^tf»»/^. 
Trente  (  Concile  de  )  Bévue  de  ce  Concile  au 

fujet  d'un  Traité  du  Thalmud.  IL   167. 
Turcs.  Voyez  Alexandre  V .  Sigifmond. 
Ils  font  Maîtres  de  la  plus  grande  partie  de 
l'Afic  Mmeurç.  II.  7/. 


L     E 


\  T'A  rennes  C  Jean  de  )  Docteur  de  Pa- 
ris ,  fes  Lettres  à  Benoit  XIII.    pour 
l'exhorter  à  unir l'Eglife.  I.  8,.  86.  87,- 
Vaudois.  Voyez  Innocent] II.  Innocent  IV. 
Vdtne  (  Jacques  d'  )  Protonotaire  ,  Grégoire 
le  fait  Cardinal.  I  231. 
Son  Caractère.  I.  137. 
Vénitiens.  Ils  prient  Grégoire  de  fe  trouvée 
au  Concile  de  Pife.  I.  p.  1J.  zi.  iz. 
Ils  veulent  le  faire  arrêter.  I.  p.  II.  ïoj. 
Leurs  démêlez  avec  Sigifmond.  II.  iCo^ 
Leur  AmbafîaJeàce  Prince.  II,  16 1. 
Ils  font  battus,  ibid.    - 
Vïco  (François  )  Gouverneur  de  Viterbe,  re~ 
fufede  remettre  cette  Place  à  Urbain  Vf. 
I.16, 
Vidal  {  Dom  )  Rabbin ,  Orateur  des  Juifs  au«- 

près  du  Pape  à  Tortofe  II.  1 8z. 
Villeneuve  vis-à-vis  d'Avignon,  Voyez  Am~ 

boudeurs  de  France. 
Villes  nommées  pour  les  conférences  de  Gré- 
goire &  de  Benoît  XIII.  I.  196. 
Vilttte  (  Philippesde)  Abbé  de  St.  Denys  él& 
pendant  la  Souftraction.  I.  144. 
Il  va  à  Rome  de  la  part  du  Roi  de  jrance.  I. 

Z07. 
il  eft  mis  en  prifon  pour  adhérer  à-  Pierre 
ds  Lune.  1.238.^.  II.  4^.46. 
Vilna  (  Métropole  de  la  Lithuanie  )  C'étoit  le 
centre  de  la  Religion  pendant  le  Paganif- 
me.  II  p.  II.  137. 
Elle  eft  érigée  en  Evêché.  IL  p.  II.  1 3  7. 
Vin.    EfFufîon  de   Tonneaux  de  vin  ,  prife 

pour  des  ruiiîeaux  de  fang.  II,  zz. 
Violence.  Voyez  Cardinaux.  Conclave.  Rou- 
mains. Bannerets ,  &  I.  9  &  fuiv. 
Vifth  (  Pierre  )  Evêque  de  Cracovie ,  fe  trou» 
veau  Concile  I.f.II.  104. 
31  célèbre  la  Welle  a  la  Selfion  22.  Ibid. 
Son  Hiftoire  &  fon  mérite.  Ibid.  &  II.  2O7, 
V>fiona:res.ll.  p.  II.  tz. 
Vital  {  Archevêque  de  Touloufe)  charte  par 
Benoit  pour  mettre  Ravat  en  fa  place.  I. 
187. 
Union  de  l'Eglife.  Voyez  Vrba'm  VI.  Allema- 
gne. 
Trois  voyes  d'Union  propofées.  I.  60. 
Difficulté  de  l'Union.  I.  134. 
Vniverfité  (  de  Paris)  fe  déclare  pour  Urbain 
VIA.  36. 

— pour  la  CefEon  des  deux  Concur- 

rens  I.  j  9. 
Elle  fe  plaint  des  exactions  de  Clément.  I- 
6;. 
Elle  s'afTemblepour  l'Union  de  l'Eglife,  I. 
71. 


DES    MATÏ'ERES; 


jfiîe  conclue  à  l'une  de  ces  trois  voyes , 
ou  la  Ceffion,  ou  les  Compromis  entre 
les  mains  d'Arbitres,  ou  le  Concile  Gé- 
néral. Ibid. 

Elle  députe  Clemangis  au  Roi ,  pour  lui 
prefen ter  fa  délibération.  Ibid. 

Elle  fufpend  fes  Aiîémblées  3c  pourquoi.  I. 

Elle  écrit  à  Clément  VIL  pour  l'exhorter 
a  ne  pas  empêcher  l'une  des  trois  voyes, 
&  pour  lui  faire  des  plaintes  de  Pierre  de 
laine.  I.  73. 

Elle  envoyé  une  députation  au  Roi  après 
la  mort  de  Clément  pour  ,1e  prier  de 
différer  l'élecfion  d'un  autre  Pape.  I.7.5. 
74. 

Elle  appelle  de  la  Bulle  de  Benoît  à  un  Pape 
légitime.  I.  106. 

Elle  fe  range  à  la  reftitution  d'Obédience 
à  Benoît,  à  la  referye  des  Allemands  & 
des  Anglois.  I.   14;. 

Elle  donne  fes  Conclufîons  pour  la  Souf- 
tradtion.  I.  158.  iy^. 

Elle  écrit  aux  Cardinaux  des  deux  Obé- 
diences. I.  244. 

Elle  eft  louée  par  l'Archevêque  de  Gènes. 
L/>.  II.  Ji. 
1    Lettre  de  fes  Députez  au  Concile  de  Pife. 

I.  p.  IL  82.  83. 

Ordonne  que  chacun  fe  confeffe  à  fon  pro- 
pre Curé.  î.p.  II.  m. 

Elle  députe  à  Pife  au  fujet  de  la  Bulle  en 
faveur  des  Moines  Mendians.  I.  p.  II. 
ïij. 

Elle  refufedes  Décimes  à  JeaD  XXIII.  II. 
17.  &fniv. 

Ses  Négociations  pour  pacifier  la  France. 

II.  p.  II.  10.  il.  &  Çhw. 

Elle   condamne  les  Proportions   de  Jean 
Petit  II.  p.  II.  39. 
Vocation.  Quelle  vocation  eft  légitime  félon 

Jean  Hus.  II.  p.  II.  119. 
Vautres.  Voyez  Roye. 

Voje  (  de  fait  ]  pour  éteindre   le  Schifme  , 
rejettée.  I.  92.  p.  II.  30.  Voyez  Ceffion. 
Difcuffion.  Compromis. 
Urbain  II.  (Pape)  premier  inftituteur  des 
Croifades.  II.  74.  75-. 
Il  aiTemble  un    Concile  à  Clermontpour 
régler  les  Croifades.  II.  76. 
1)rb  ïin  III.  (  Pape  )  meurt  de  déplaifir  de  la 

prifede  Jerulalem.  II.  78. 
"Urbain  V.  (  Pape)  Sa  Bulle  contre  les  Li- 
gueurs. IL  101. 
1)rb*m  VI.  (Pape)  Hiftoire  de  Ton  élection. 
I.  i.&n. 
11  eft  couronné.  I.   12. 
Sa  conduite ,  fon  caractère  depuis  fon  élec- 


tion. I.  30.  jr: 

Il  veut  faire  lbn  neveu  Roi  de  Sicile  au 

préjudice  de  Jeanne.  I.  33. 
Quelle  éteit  l'on  Obédience  lors  qu'il  fut 
abandonné  des  Cardinaux.  I.  36. 
Il  publie  une  Croifadecontre  Louis  d'An- 
jou. I   4f. 
Il  va  au  Royaume  de  Nâples  malgré  le» 

Cardinaux.  I.  4c. 
Son  entrevîïë  avec    Charles  de  Duras  s 

Averfà.  I.  46. 
Charles  l'y  fait  arrêter  prifonnier.  Ibid.  & 

enfuite  conduire  à  Naples.  I.  46. 
Hauteurs  d'Urbain  à  l'égard  du  Roi.  I.  47. 
Ils  font  la  paix  &  fe  rebrouillent.  I.  47.  48. 

Quelques-uns  de  fes  Cardinaux  confpi- 

rent  contre  lui.  I.  49. 
Il  fait  emprifonner  fïx  de   fes  Cardinaux. 

I.  49. 
Ilfaitune  création  de  dix-fept Cardinaux. 

I.  49.  5°' 
II  fait  mettre  à  la  queflion  ces  fïx  Cardi- 
naux. I.    fO.  cl.  f2. 

Il  met  le  Royaume  de  Naples  à  l'interdit. 

Il  eft  aflîegé  devant  Nocera.  I.    y  3. 
Ses  dévotions  furieufes   pendant  ce  fîege, 
Ibid. 

Il  fort  furtivement  de  cette  place.  I.  54. 
Il  fait  mourir  cruellement  cinq  de  fes  Car- 
dinaux. I.  c4.  $•  f . 

Il  veut  s'emparer  du  Royaume  de  Naples 
à  l'exclufïon  de  Louis  d'Anjou  &  de  La- 
diflas  de  Duras.  I.  57. 
Il  refufe toute  voye  d'union.  I.  y  8. 
Ii  meurt  au  grand  contentement  de  tout 

le  monde.  I.  63.  £4. 
Démarches  pour  l'Union  de  l'Eglife  après 
fa  mort.  Ibid. 
Vrgcl  (  Jacques  Comte  d'  ]  Ses  brigues  pour 
le  Royaume  d'Arragon.  IL  37. 
Benoît  XIII.  lefoutient.  IL  60. 
Il  difputela  couronne  à  Ferdinand  IL  98. 
Il  s'allie  avec  le  Duc  de  Clarcnce  pour  fe 

foutenir.  Ibid. 
Il  eft  défait  &  condamné  à  une  prifon  per- 
pétuelle. II.  9<). 
Vrte  (  Theodoric  ]   Moine    Allemand,  fon 
récit  de  l'élection  d'Urbain  VI.  I.  21.  12. 
Son  Hiftoire  du  Concile  de  Confiance.  I. 
p.  IL   112.  113. 
11  juge  défavantageufement  du  Concile  de 
Pife.   Ibid. 
Vrfins  (Maifon]  Ils  foutiennent  les  Guel- 

phes  en  faveur  du  Pape.  I.  if2. 
Vrfins  (  Jean  Juvenal  des  )  Avocat  du  Roi , 
fait  la  clôture  de  l'Aflemblée  du  Cierge. 
I.  18  J.  IL  16."' 


T  A  B 

Vrfint  (  Paul  des  )  Chef  des   Guelphes  eft 
chatte  de  Rome.  I.  p.  II.  8. 
Son  Hiftoire&  fon  caractère.  I.  p.  II.  131; 

Vrfins  (Pienedes)  Comte  de  Noie,  exécu- 
teur de  la  Bulle  de  Jeau  XXIII.  contre 
Ladiflas.  II.  71. 

W. 

VVAgenseil  (Jean  Chrifcophe)  fonfenti- 
mentfurle  Livre  de  Jérôme  de   Sainte 
Foi    II.  167. 
^Valdeck.  (  Comte  de  )  Il  afTaffine  Frideric  de 

BrunfvHc.  I.  1 19. 
yPmceflus   [Empereur)  envoyé  à  Clément 
VII.  pour  le  prier  de  reconnoître  Urbain 
VI.  I.36. 
Il  fe  trouve  à  l'A fïemblée  deRheims  1. 107. 
Il  néglige  les  affaires  de  l'Empire.  I.  108. 
Intempérance  de  ce  Prince.  I.  105. 
Il  approuve  la  voye  de  la  Ceffion.  lbid. 
Son  caraéfere &  fa  conduite.  I.  iz8.  118. 
Sa  dépofition.  Ibid. 

Raifons  de  cette  dépofition.  I.  119.  130. 
Il  regarde. fa  dépofition  avec  indifférence. 
I.  151.  131. 
Il  favorile  les  Huflltes.  I.  p.  II.  49* 
"^Pence/las  (  Roi  de  Bohême  ]  Il  ordonne  de 
publier  la  Bulle  de  Jean  XXIII.  contre 
Ladiflas.  II.  91. 
Son  Edit  contre  lesHuflîtes.  II./».  II.  Ê4» 
6$% 


LE 

Widef  (  Jean  )  fes  Livres  brûlez  à  Prague. 
I.  p.  II.  yo.  II.  8z.  83. 
Lille  de  fes  Ouvrages.  II.  83. 
Il'étoit  Confefïeur  de  Richard.  II.  II.    \6'. 
Il  traduit  la  Bible  en  Anglois.  II.  8 p. 
"Wiclcfites  Voyez  Lollards. 
Wtnjherg    (  Conrad    de  )    Archevêque    de 

Mayence  ,  meurt.  1.  p.  IL  109. 

Withoud  (  Alexandre  Duc  deLithuanie)  Il 

fait  irruption  en  Samogitie.  I.  p.ll.-s  i* 

Il  commande  les  troupes  de  Jagellon  dans 

la  bataille  contre  les  Chevaliers.  II.  ix. 

Il  embraflele  Chriffcianifme.  II.  zf. 
^,rurtz.bonr^.  (  Evêque  de  ]  favorable  aux  Che- 
valiers Theutoniques.  II.  13. 


Z. 


ZAbarelle    ( François ]   Evêque  de 
Florence ,  fait  Cardinal  par  Jean  XXIII. 
II.  70. 
Il    fut  difciple  de    Panormitanus.  Voyez 

Fctlerme, 
Il  va  de  la  part  de  Jean  XXIII.  à  Sigif- 
mond.  II.  p.  II.  11. 
Znoima.    (Staniflas]    Do&eur   Bohémien, 
Adverfaire  de  Jean  Hus.   h.  14;.  iji, 

iJ3. 


Fin    n  s    la    Table    dis    Matières, 


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