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HISTOIRE
D U
CONCILE
DE PISE
TOME II.
ISTO IRE
D U
CONCILE
DE PISE'
Et de ce qui s'eft parte de plus mémorable depuis ce Concile
jufqu'au Concile de Constance.
Par ] ACQ^VES LENFANT-
ENRICHIE DE PORTRAITS.
* TO ME S E C O Xû.
entre ce Concile & celui de Confiance.
A UTRECHT,
Chez, CORNEILLE GUILLL. LE FEBVRE.
M. D C C. XXXI.
SUITE
DU CONCILE
DE PISE-
ou
HISTOIRE DE CE QUI S'EST PASSE'
entre ce Concile ï? celui de Confiance.
L I V R E IV
SOMMAIRE.
I. Eleblion de Jean XJCIU. II. Cérémonies de Fé/effion, de la
confie cration & du couronnement de Jean JCJflII. III. Son
èleïiion forcée. IV. Ses mœurs & [on caractère. V.Jean XXIII.
confirme la Sentence du concile de P if e contre les concurrent s. VI.
Jl envoyé un Leyit en Effagne 5 fes commijjîons. VII. Deux,
prédicateurs Francifcains décapitera Grenade. VIII. Bulle de
Jean JCJC1II. pour révoquer celle ^Alexandre V. en faveur
des Moines Mendiants. IX. Comment fon éleïlion fut reçue à
Rome. X. Caratlere de l'Empereur Robert , & fa mort.Xï. Mie-
Tom. II. A
HISTOIRE DU CONCILE
[lion de Sigismond. XII. Cet Empereur envoyé une Ambafjade
à Jean JfJflII. pour le reconnoïtre. XIII. Jnfiitution de L'Or-
dre Teutonique. XIV. Origine des guerres entre les Polonois &
les Chevaliers de l'Ordre Teutonique. XV. Lettres du Roi de
Pologne & du Grand Duc de Lithuanie contre les Chevaliers de
l'Ordre Teutonique, XVI. Relation de la bataille qui fe don-
na entr'eux le 15. Juillet. XVII. Relation de la même bataille
par les Chevaliers de l'Ordre Teutonique. XVIII. Remarques
fur cette Relation. XIX. Jean XXI II. notifie fon élection k l'V-
niverfité de Paris. XX. Af] emblée de cette 7Jniv er fit é fur l'exa-
ction des Décimes y &c. XXL Edit du Roi fur ce fu jet. XXI Iv,
Morts de quelques Têtes couronné ''es. M 'on de Martin Roi d'Ar-
ragon. XXIII. Jacques d'Urgel afpirs au Royaume d'Arragon.
XXIV. Caprera veut s'emparer de La Sicile. XXV. Etat de
l'Italie. XXVI. Etat de la France. XXVIL Etat de l'An-
gleterre, XXVIII. Progrès du Huiffitifme en Bohême. XXIX.
Particularité ^touchant Jérôme de Prague. XXX. Guerres en-
tre quelques Evèqucs d'Allemagne. XXXL Etat des Juifs en Al-
lemagne & en divers autres endroits du monde.
Sleiîitn de T
JeanXXIII
1410.
14 May.
Ussi-tôt après les obfeques à* Alexandre V.les Car-
dinaux , au nombre.de ié ou de 17 , entrèrent en Con.-
_ clave , & après y avoir demeuré 3 jours • ils élurenr
le 17 de Mai Balthazar de Cossa ou de la Cuijje , Napo-
litain , Cardinal de S> Eu^ache , & Légat de B.oulogne 3 fous
(a) M*/»* le nom de Jean XXIII. (a). Il fut mis le même jour furie
de s. Denjs thrône dans la Cathédrale de Boulogne , félon la coutume.
Chap!°4. *-e 24' *! fut ordonné Prêtre par le Cardinal â'Ofîie , & lelen-
Niem de demain , jour de Dimanche , il fut confacré par le même Car-
Lib.3 Cap dinal j Pu*s couronné parle Cardinal de Brancas j après quoiit
uir. fît la cavalcade à l'ordinaire.
Cérémonies jj TE rapporterai cette cérémonie dans les termes de Mon J
aet élection , , J * i^ 1 > r r • i • • i 1 1 rr
de la confe-firelet (b). ci Et la , furent faites ce dit jour tant de noblefies&;
cratbn , d* i} de joyeufetez , qu'il feroit fort à l'eftimer. Et furent à la pro-
™2j"ean 55ce^10n XXIV- Cardinaulx , deux Patriarches 3 trois Archevê-
xxm. „ ques , xxv. Abbez tant mitrez , comme non mitrez 3 fans
(b)Mon/- 1 autres gens d'Eelife qui étoient en très- grand nombre.
trel. Chap. " i S- ta & *■ • • & -ni \ >
**• p>97. 5>Et porta ledit Pape pour ce jour une. mitre vermeille bordée
J5 de blanc. Et le Samedy enfuivant xxm. jour de May iceiui
3, Pape receut en la cbappelle defon predeceileur les fainctes*
DE PÏSE Lir. IV, 5
%, ordres de Preftre. Et célébra la Merle le Cardinal de Vimers r^is*
55 (2l) , & fut Diacre le Cardinal de C ballant. Auquel fervice fu- ^ nvîmi
ri rent cous les Preiacs defïùs nommez, Et le lendemain jour de
^ Dimanche (ty le die Pape célébra la Méfie en ladi&e Eglife (b) ce fut
.„ de S. Pierre. Et avoit le die Cardinal de Vimers auprès de lui le 2*- de
„ qui lui moncroit le fervice , & là eftoyent Le Marquis de Fer. May'
^rare , & le Seigneur de Mdiejle qui tenoienc le bafîîn où le
„Pape lavok fes mains. Lequel de Ferrare avoic amené en fa
.„ compagnie u.v. Chevaliers cous veftus de vermeil & d'azur,
.„& avoic cinq trompettes., &: quatre paires de meneftriers cous
.„ jouans chacun de fon infiniment. Et oucre la deflusdi&e Mef.
-, fe célébrée par ledic Pape 5^*0 , il fuc porté hors de ladi&e
4, Eglife , & là fur un efcharTauIt bien &: noblement ordonné 9
,„oufau) parvis d'icelle Eglife fut afîîs & pofé ^ &: là fut cou-
„ronné , prefens ceux qui U eftoyent., donc.il y avoic xxvi.
„ Cardinaulx ,11. Pacriarches 3 v. Archeyefques ,xxvi. Evefques
.,, xxiii. Abbez fierez, &c xxn.non micrez avec grand mul.
Ay cicude de Do&eurs , &; autres gens d'Eglife. Ec lui eflanc en
la dite chaire qui.eftoit toute couverte de drap d'or , eftoienc
autour, & à l'environ de luy ,, les Cardinaulx de Vimers^ de
Cballant , de Millet , & à'Efpaipie , de Thurry , & de i?^rr
^defîiis nommez a cquc (avec ) des eftoupes êc du feu:Iefquel-
^les finées ils meirenc ladite couronne fur fon chief , & ertoic
„ icelle couronne double de trois couronnes. C'effc à fçavoir la
„ première d'or , qui environnoit le front par dedans. la mitre.
.ÎSLa féconde d'argent &; d'or , & n'etoit qu'au meillieu d'i-
m celle mitre. JEc la tierce eftoit d'or très précieux & pur 3 6e
.„ furmontoit ladicte mitre : &. après 3 lui couronné & defeen*
^ du dudict efchafFauIt fut mis fur un cheval qui eftoit tout
„ couvert de vermeil. Et les chevaux des Cardinaulx , Patriar*
tï ches , Evefques , Archevefques eftoyent tout couverts de
^3 blanc : & chevaucha en cet eftat de rue en rue par toute la
..„ cité faifant le flgne de la croix jufques en la rue où demeu-
\9 roient les Juifs , lefquels offrirent par écrit leur Loy , laquel-
le de fa propre main il print.& receuc, & puis la regarda , OC
,,tantoft { bientoft) la je&a derrière lui en difant ^ Voltre loy
eft bonne , mais d'icelle la noflre eft meilleure. Ec lui parci
de là les Juifs le fuivoienc le cuidant atteindre y & fut toute
la couverture de fon cheval deschirée , & le Pape jectoit par
j* toutes les ni.ës où il pailbit, monnoye ; c'eft à fçavoir de*
Aij
Pi
4 HISTOIRE DU CONCILE
S410. .„niers qu'on appelé quatrins, & mailles de Florence & autres
„ monnoyes , & y avoic devant lui ., & derrière lui deux cens
°„ hommes d'armes , & avoit chacun en fa main une mafle de
j, cuir , dont ils frappoient les Juifs , tellement que c'eftoit
„ grand joye à veoir. Et puis s'en retourna en fon palais le ien-
(a)ilpour- îî demain avec les xxviii. (a) Cardinaulx veftus de rouge ., trois
roit bien y }) Patriarches veftus ainfi , dix Arche vefques, xxx. Evefques y
«lïïnîi „ auffi femblablement veftus , & mitrez de blanches mitres,
fauted'im-„XL. Abbez tant mitrez , comme non mitrez, le Marquis de
preiTion. ^ Fer rare , le Seigneur de Malefie , le Sire de Gaucourt , & des
„ autres xliv. tant Ducs, Comtes , comme Chevaliers de la
„ terre d'Italie veftus de parement de leurs livrées , &. en chacune
^rue deux & deux menans le Pape par le frain de fon cheval ,
,3 l'un à dextre , & l'autre à feneftre. Et là eftoyent trente fix
(b)swo»«. ^ bufines (b) , ou trompettes , & dix paires de meneftriers, & ft
„y avoit chantres, par efpecial les chantres de la Chappelle
jjde fon predecefleur , auffi les chantres des Cardinaulx , 8£
^plufieurs d'Italie qui tous chevauehoient devant le Pape 3,
5J qui chantoyent motets , virlays , & chantoient moult hault.
3J Ëc quand il fut venu en fon palais , il donna fa paix à tous
„ les Cardinaulx. Lesquels par ordre 3' & de degré en degré le bai-
„ ferent ou ( au) pied , en la main , & en la bouche , 8c
3) commença le Cardinal de Vimers , & en après les Patriarches ,
„ Evefques , & Abbez, &confequemment les autres gens d'E-
(c) Bene- ^ glife. Et par les quatre élémens donna fa beneiiïon (c) à tous
&S1011. ^ eftant en eftat de grâce : & à ceux qui n'y eftoyent pas , il les
, difpenfa jufques à quatre mois après enfuivant, affin quepen-
„ dant ce temps ils s'y meifîent , en priant que pour fon prede-
„ cefteur Pape Alexandre chacun dîttrois fois Paternofier ,&c.
?, Et de là s'en alla au disner 3 &eftoit environ l'heure de dou-
„ ze heures , & quand ledit myftere fut commencé, il eftoiten-
„ tre cinq &; fîx heures du marin. Pour ladite folennité de lui 3
53 chacun feit fefte par l'efpace de huict jours par toute la cité
de Boulogne , & en chacun collège de PEglife cathédrale de
Sàincl: Pierre feircnt proceffion entour de la dide Eglife , &
eftoit tout le Collège veftu de Chappes vermeilles : & pareil-
„ lement feirent les Chartreux du mont SaincT: Michel qui eft
J} dehors les murs de Boulogne.
La plupart des Auteurs conviennent aflèzque cette éle&ion
(d)Spond. fut unanime, à la réferve du Cardinal de Bourdeaux , (à) quij
DJ
•»>
DE PISE Liv. IV. 5
à ce qu'on prétend, n'y voulue jamais confen tir. Cependant un r410'
Auteur (sl) de ce temps -là témoigne que comme il y avoit de la ?a) fiSi
diiTenfion entre les Cardinaux , ils le prièrent de dire qui il vou- de Bergam*
toit qu'on élut , Se que là-deiTus , il leur dit : Donnez^moi le man. fol° 3**
teau de S- Pierre , ( chlamydem ) & je le donnerai à celui qui doit
être pape : ce qui s'étant fait , il mit le manteau fur fes épau-
les en difant : Je Juis Pape. De forte que les Cardinaux jugè-
rent qu'il valoit mieux diffimuler , que de fe mettre à dos un
homme qui avoit tout pouvoir. Les autres , dit Monstrelet ,
ft>) 3 qui n'efi 'oient pas bien d'accord de la dite élection , quand ils vi- [b)Mo»/?re/,
rent qu ils eft oient en trop petit nombre ffe confentirent avec les au- 96.
très , & puis le prindrent & le menèrent à l'Egtife cathédrale de
S. Pierre, & là en l? mitrant prindrent le ferment de lui , & après
le menèrent en Pboflcldefon predecefieur , c'eft-a-fçavoir au palais , [c] Cette
& tantôt ("bientôt,) toute lamaifon fût fufièe (pillée) \ félon la cou- coutume
tume de ce temps Jà f (c) & emporté tout ce qu'on y trouva , & dueauCon-
memement n'y demeura huis nefeneflreque tout ne fut btè. ciledeCon-
III. Ce que je viens de dire prouve afïez que l'unanimité ance\
des électeurs de Balthazar fut forcée , & que fon élection ne jeanxxliî
fut point libre. Platine (e) témoigne qu'auffi tôt après la mot* forcée.
& Alexandre V.'ù employa beaucoup d'argent à gagner les Car- 7>fëK?ï
dinaux , fur tout ceux d'entre eux qui étoient pauvres. Il ajou-
re que quelques-uns avoient écrit que cette éle&ion fe fit avec
violence , & que Balthazar tenoit des troupes dans la ville &:
à la campagne pour fe faire élire par force , fi on ne le faifoit
pas de gré. La même chofè eft rapportée par Philippe de j8er~
game (e) qui dit de plus qu'avant l'éleûioiï , Balthazar fît de jvj p. 3^
grandes menaces aux Cardinaux , s'ils n'élifoient un Pape qui
lui fût agréable, &; qu'en ayant propofé plufîeurs,il n'en vou-
lut agréer aucun. Ntem le traite tout nettement d'intrus : (f; r„
-, &» n J- -i ' / • ira [H In rit*
Vous nèfles pas , dit- il, entre par la porte , mais par lafeneftre : Joh.xXIir»
on dit de vous avec rai fon que vous avez^ rompu le feuil de lapor- Cap. VII*
te avec une hache d'or _, & que vous avez^fermé la gueule a vos do-
gues avec un bon gros morceau de pain , de peur qu'ils n'aboyaient
contre vous Cependant, au rapport du même Auteur [g] ( pour [g]vir.>^
mieux cacher fon jeu 3 il les exhortoit en même temps à faire XXIIL Lib*
élire à Rome Conrad Caracciolo Cardinal Prêtre de S. Qhryfo- vm.ap
gon , Napolitain , & connu fous le nom de Cardinal de Malte
fh"L Ce Prélat étoit aflez bon, dit Je même Auteur , mais fans M 9? en
lettres, groffier, &; fort mal propre à être Pape. D'ailleurs le detfus.
6 HISTOIRE DU CONCILE
■141 0, crédit , & I armée de Louis d'Anjou donna un grand branle à cet-
te élection. Ce Prince ayant appris la mort à! Alexandre V. qu'il
alloir joindre , afin de pourfuivre Ladijla s , envoya un Arobaila-
deur aux Cardinaux pour les prier d'élire Baïthaz^ir comme
, s M: un homme dans fes intérêts , & en ératdelefoutenir [al. Quoi
Qa) Niem r . .. . . • ? ., , . . ~ 1 • ^^
jlbifttpr*, qu'il en ioit , il arriva au but qu il s etoit propoie depuis, long-
-temps , puifque lorfque n'étant qu'archidiacre de Boulogne il
prie la refolution d'aller à Rome taire fa coMxkBordfaee 1JC. il
(b} Platin. ^i^0^ * ^es âxnls 4U'^ a^oit au Pontificat ( b ).
$Uff, IV. A l' £ g a r d ;de fes mœurs , la plupart des Historiens
Mœun C7< en ont fait une peinture afFreule , .& ceux même qui en ont
temXXUi^ ^ep^us ^e kien 'm&k ont P11 \ onr été contrainus d'en dire
beaucoup de mal. On ne fauroit ie raporterfur fes mœurs &; fur
fon caractère à des Auteurs plus dignes de foi , qu'à fes coik
temporains,êc aux témoins oculaires de toute fa conduite Tels
font Léonard Arctïn ÔC Theod.oric de Niem , qui ont été les Se-
crétaires. Gobelin Perjona , qui fut prefent à -fon couronnement
(c) Co/modr. ( me ïfl *i*s frafentia conftituto ( c ) ) témoigne que plusieurs furent
ztzt.vi, icandalifez de fonéleàion. Le premier de ces Hiftoriens lui
Cap; 90. ^tcrjbue£|ç gj-^nds talées pour le monde -, mais une entière uidif-
<d) Leon.pofîtion pour l'état eccieflaftique ( d ). Ce qui eft confirmé par
Aretinf de j7iavj0 Blondo (e) dans le même Siècle. A l'égard de Theodoriç
%jt p' de Niem qui a forte fit vie , &: qui étoit à Boulogne iorfqu'ilfuç
r^nder h. qu»â ce}ul &§ Papç jl exerça la piraterie des fa première teunefïè.
<lom. II, **, i_ 11 r ' j 1 r r -r -
Part. 14, Il eo eut une pelle oçcafion pendant la guerre que le faifoient
ZadiflaSiSt Louis d'Anjou pour le Royaume de Naples. Cette .pre-
mière guerre terminée par îa vi&oire de ZadiJJas t JBaltk^^tr
réfoiut d'aller à Boulogne , fous le prétexte d'y étudier ( fibfiu-
âemis figura)^ mais au fond pour fe mettre en état d'obtenir quel*
que dignité ecelefiaftique , en prenant les Degrez. Aufli ne fie-
n pas de grands progrès dans aucune feien ce. La piraterie ayant
fait place ih d ébauche, il y paffokies. nuits, &dormoit lagralïe
matinée. Apres avoir mené ce train de vie quelques années, Bo-
ni face IJC.lz fie Archidiacre de Boulogne , Bénéfice confidera.
i8^r^m'Wc>& p^-r &s revenus yèi par l'autorité qu'il donnoit dans l'A-
xxw! uU cademie ( g ). Mais B/thbazgr trouvant (a fortune .trop bornée à
fjt'hh Boulogne , voulut aller à Rome faire fa cour au même Pape qui
TULuU Scalp
IEAX XXIII
DE PISE Lrv. IV, 7
k fit fbn Camerier. Il eue là une belle occafion d'exercer , ibus un 1 tyffc.
fi bon maître , fes grands talens pour la fimoniefi^. Audi ne
s'y épargna-t-il pas , &. hors de Rome ,, 6c à Rome même } oit
il trouvoit de fort bons correfpondancs dans ce négoce. Pour
tirer de l'argent des Prélacs étrangers s il leur donnoit de faux
avis , leur faifant entendre que (ans lui le Pape les auroit reléguez
dans des pais barbares. Non content de ces indignes profits 3 il
engagea Boniface à envoyer des Quefleurs en Allemagne^en Dan-
nemarc , en Suéde, en Norwegue, publier de larges indulgen-
ces pour toute forte de péchez. Ils prenoient pour prétexte de
ces quêtes lepreflant befoin defecourir l'Empereur de Confiais
tinople contre les Turcs (a). L'Auteur qui raportece fait temoi- , ^.
gne que, lui Voyant , ils le vantoienc publiquement que quand vit. joh. '
S. Pierre lui-même vivroit , il n'auroit pas un plus ample pouvoir XXI*i- *&
que celui que Boniface leur avoir communiqué. Ce Pape , pour jy pgg
recompenler Balthaz^ar des grands fervices qu'il lui rendoit par 34*.
[es exa&ions énormes,le fit Cardinal Diacre de S.Euftache en 140^
Enfuite il l'envoya Légat à Boulogne dont il fe rendit maître &
qu'il gouverna pendant plufieurs années en vrai tyran. Boniface
eut deux raifons de lui donner cette légation ( b ). La première (b)Nîenu
étoit de rompre le commerce fcandaleux que Baltbaz^ir avoit uhi f»p™ p.
à Rome avec une certaine femme nommée Catherine qui avoit 34 *
Ion maria Naples. La féconde étoit de ramener fous l'obéïiîan-
ce de l'Eglife la ville de Boulogne dont Jean G aléas Bcrnabo Duc -
de Milan, s'étoit emparé , & qu'il avoir laiiTée en mourant à Jean
Marie fon fils aîné (c). Le Pape y ayant donc envoyé Balthaz^ar (C) Pogg.
avec une bonne armée , Boulogne fe rendit , & ce Légat gouverna HiP- Flor-?*
cette villeavec un empire fi abfolu Se fi inhumain^qu'on ne fauroit *37' *3 '
exprimer les horribles exa&ions, ôcles cruelles exécutions qu'il
faifoit dans la ville 6c dans tout le païs. Après la mort de Boni,
face , il fe brouilla &\qc Innocent VII. &: Grégoire JCII. qui ne
pouvoient foujffrir fa tyrannie. Le dernier l'excommunia & mit
la ville de Boulogne à l'interdit. Mais le Légat fe mocqua de l'a-
natheme , & y fit continuer le fer vice divin ( à ). {à) Aubère
La haine qu'il avoit conçue contre Greg oire avança beaucoup p'653"
la convocation du Concile de Pife. Mais comme il n'étoit pas
( I ) Nemo enim umquam in Sede Apoflolica legitur pr<efedi/Jè , qui rJeo publiée £? hivertcunde
Simoniœ vitium pnefumeret exercere ,, fcandali^anda indiffermter propter fectmiœ qutfium , valde
multoi Afchiepifcopos } Epifiopos , Z2" aliorum flaluum EccUftaJiicos , Vwtlalos ordinando , nec non
Clericos C7* Sacerdotes , omnia vitiofè faciendo , qui etiam fratres fitos Murchiones c Duces aç
Comités fecit , eoi uhra modum ditando ac e\Um exaltando, HÏQm. Labyjr. Lib. 6,. Cap. $$,.
8 HISTOIRE DU CONCILE
14 io. moins difllmulé que violent, afin de mettre Grégoire dans foui
tort,il lui envoya uneAmbafTade à Lucques pour l'exhorter à te,,
nir fa parole 3 lui promettant une obéïiTance entière fous cette
condition. Mais Grégoire n'ayant pas fait grand cas de cette Arn>
bafîade , elle fe retira fans rien faire. Balthaz^ar irrité de ce mé-
pris n'oublia rien pour traverfer ce Pontife. Il follicita les Car-
dinaux à l'abandonner , n'épargnant point fon argent pour les
gagner. Il fit d'ailleurs alliance avec les Florentins , 6c en obtint
(a)Niem. *a v^e ^e P^e Pour Y temr Ie Concile. On prétend ( a) qu'il eut
nt. joh. des voix pour le Pontificat dans le Conclave , mais qu'il s'en dé-
xxui.Lib. fendit j6c qu'il propofa Pierre Philargi comme un homme fa-
\ vant , renommé , vénérable par fon âge , & qui étant Grec de
nation n'avoit point de parents qui pullent être à charge à l'E-
glife. Il ajoutoit que fi on elifoit Pierre Philargi , il l'aiîifteroit
de toutes fes forces pour recouvrer Rome , &c toutes les terres
de l'Eglife Romaine , tant en Tofcane qu'ailleurs. L'Auteur qui
rapporte ce fait ne dit point quel fut le motif de Balthaz^ir en
recommandant fi fortement pierre Philary.. Mais il efr. aifé de
• juger que n'efperant pas avoir afTez de fuffrages 3 il aima mieux
propofer un homme dans fes intérêts, & qui par fon grand âge
lui faifoit efperer qu'il pourroit bientôt lui fucceder.
jeanxxin. V. Aussi-tôt après fon couronnement , Jean J£2CIII. ne
confirme u manqua pas de prendre toutes les rnefures neceflaires pour afFer-
Côwîude * niir fon autorité. Dans cette vue il écrivit une Lettre circulaire
Fife contre à toute la Chrétienté pour notifier fon élection. Un des Conti-
les Concur- nuateurs de Barotiius ( b ) nous aconfervé la Bulle qu'il adrefTa
T£fit$
(b)Rayn. aux Archevêques de Maycnce ( c ), de Cologne ( d ) & de Trêves (ç],
1410.r1.z1. ji y confirmoit par une Bulle datée du 15 Mai, tout ce qu'^f-
îfa/jaï™ £ lexandre fon prédéceffeur avoit ordonné au fujet des cenfures ,
(d) Frédéric difpenfes , collations , &: autres a&es des Concurrents , & cela
If ^Tc'mer en vertu du Concile de Pife. Comme Alexandre prévenu par la
ie Konig- mort n'avoit pu expédier ces Bulles , Jean JfJflII. ratifie fes
fiein- intentions par celîe-ci. Peu de temps après il renouvella la fen-
¥fr ul "' tence du Concile de Pife contre Grégoire & Benoît , accordant
néanmoins fix mois de termes à leurs adhérants, tant feculiers
qu'eclefîaftiques , pour fe retirer de leur obédience , & fe ran-
ttS Rayn. £er ^ans lafienne,& leur déclarant en même temps , que par
»ii>/ui.23. l'indulgence de mère Eglife } toutes les fentences qui avoient été
portées contre eux auparavant, feroientde nulle valeur jufqu'à
ce temps.là[f].
VI.
D£ PISE. Liv. IV. 5
VI. Cependant il ne laifla pas d'envoyer eaEfpâgne Jean 1410.
Zandolphe de Maramaur 3 Cardinal Diacre du titre de S. Nicolas il envoyé «M
in Carcere Tulliano (l) , pour fonder Benoit fur le fujet de fa cei- L^ '" ^
fion , & pour tâcher de ramener la Caitilk , le Léon , l'Arra- c2mi£iZ:
gon , la Navarre ,.6c toute l'Efpagne qui tenoit encore pour cet
antipape. Ce Prélat avoit ordre de travailler en même -temps
i laconveriîondu Roi de Grenade, 6c des Maures. A l'égard
de la première commiffion qui etoit de négocier la paix avec
Benoit §l avec l'Efpagne, il n'y fut pas plus heureux que quand
il y avoit écé envoyé par Alexandre V. comme nous l'apprend
Auberi (z, j. Benoit auffi inflexible que jamais , prétendoit que (a)Hfî.g«
l'Eglife «niverfelle réfidoit dansfon Fort de Penifcola (z)où il »*•**> c*ri*
s'etoit retranché. En partant de Portovenere il avoit laiflé des 6\Q% ' p^*
•garnifons Catalanes dans les places du Comté Venai/fin (3) qui
appartenoit alors à l'Eglife Romaine 3 Jeanne Reine de Naples,
&. Comtefîe de Provence , l'ayant vendu avec Avignon à Cle~
ment Vil en 1^48. C'eft ce qui obligea JeanJFJflll. àyen-
voyer.leCardinal Pierre deThurrey pour tenir en bride cette con-
trée ,avec ordre de publier une croifade contre les Catalans (b). (b)Raînald,
Il y a beaucoup d'apparence que ce Cardinal mourut dans cette uhi J*p* n.
légation. Le Pape lui donna pour fuccefleur Françoù de Confié **"
Archevêque de Narbonne,Sc Légat d'Avignon.
VIL Maramaur ne réuflît pas non plus dans l'autre corn, ^uxtred^
miffion , qui étoit la conversion des Maures de Grenade. Voici d/caLdlca*
ce que j'en apprens d'un Auteur qui a écrit la vie de ce Cardi- P'UK « $r«#
nal(c). 11 avoit envoyé chez ces Infidèles deux Moines Francis- Vc) Et?*.
cains (d) avec ordre d'y prêcher la Foi chrétienne. Ces Moines Pu*. Doh.
s'en acquittèrent avec un grand zele,& prêchoient publiquement L('}\'p'*7z/
dans des. aflemblées fort nombreufes. Le Magillrat 6c le Clergé c«/^"& *
Mahometan ,allarmez de ce fuccès , défendirent à ces Predica- pierre Je
teursde continuer leurs prédications publiques , leur en repré- DHttu,au
fentant le danger. Mais intrépides à ces menaces 6c même aux
mauvais traitemens 6c aux voies de fait , ils continuèrent à prê-
cher. Tout cela fe pafla en l'abfence de Mahomet Roi de Gre-
nade, occupé à quelque guerre. Dès que ce Monarque fut de
retour , il fit plufieurs tentatives inutiles , pour arrêter le cours
de ces prédications. Mais ne pouvant en venir à bout , ni par
.(j) Ce Cardinal avoit écrit un Livre.de l'abolition du fchifine.
(1) Bourg avec Forterelfe dans une Presqu'Ifle du Royaume de Valenoc.
{3) CoDtrée de la Provence.
Tome JJ. B
îo H I STO I RE D U C Q N -G M E
1410. menacés nipapcouroiens , il Ht enfin trancher la tête aux deux
Prédicateurs.jLes Chrétiens, qui étoient en ce païs-làfirent trank.
porter clandeftinement leurs corps en Catalogne.
-***.* VIII. C o m m e la Bulle à" Alexandre V. en faveur des Moi-
Eitllede Jean . . , r ,,
xxiii. po»r nés Mendiants,, dont on a amplement parle tur I an i4oc).avoit
nvoquerceiu dépliià tout le monde , fur tout aux Evëques , aux Curez & par-
ère v™n~fa tieulieremenc en France , Jean JfJCIIL révoqua cette Bulle par
<w»r de$ une autre datée du 17. Juin, afin de rendre le .commencement-;
Mnes Men- fe c Pontificat agréable. La Bulle n'eftpas loneue, onlamec-
juin tra 1C1 coure entière. „Jean Eveque ., Serviteur des Serviteurs «
„ de Dieu , attaque la mémoire de ceci foit confervée à perpe-
5, tuité. Ayant été établi fur le Siège Apoftolique par la grâce
„ divine , quoique nous ne le méritions pas, nous nous appliquons
,j avec plaiiir à procurer la paix à, tous les fidèles ^ & à lever,
5, autant qu'en nous eft } tout ce qui peut leur donner du fean-
,, dale. IL y-a long-temps que iur les plaintes portées à Alexan-
5, dre V. notre predecefTeur d'heureufe mémoire , par les Frères
3 Prêcheurs, \zs F ranciscains^XQS Fie'rmites deS^sîuguftinj&clçsCœr-
5, mes , (ur ce que quelques Ecclefiaftiques , & quelques perJbnnes
„ de l'un & de l'autre fexe foûtenoient en public certains arti-
„ clés que lefdits Frères tenoienc pour erronez, Ôc qui concer-
j, noient la matière de la Clémentine , Dudum , au préjudice des
3y mêmes Frères , ledit Alexandre &v oit pourvu à cela d'une cer-
„ taine manière par fes Lettres du n Octobre de la première
5J année de fon règne , qui commencent , Regnans in excelfis. Or
3> ayant été élevez par la grâce de. Dieu au faîte du, fouverain :
„ Apoftolat ( ad api cent fummi Apofiolatus ) en la place dudit Aie-
^xandre que Dieu a retiré, nous avons appris , non fans déplai-
,, fir & fans étonnement , qu'il s'étoit élevé de grands troubles-
,- & de grands fcandales en diverfes parties du monde entre les
-, autres fidèles , &ç entre nos frères les Evêques à l'occaiîon -de
3> la publication de ces Lettres, & qu'il en arriverait encore
^davantage, fî L'on n'y apportoitun prompt remède. Nousde/i-
,5rant, félon notre devoir paftoral , y pourvoir fa] utairement,
,, 6c aller au devant de. ces fcandales , nous voulons , Se par l'au-
3, torité apoilolique , du confeif de nos frères , nous décrétons
n par ces prefentes , qu'à l'égard des parties , des chofes, des
(a) ?npar- droits &; des caufes mentionnées dans lefdites Lettres (a) , tou-
tibui ijïfts nec L T J i i a / \ ^\ • -
nonrebm , » ces cnoles demeurant dans le même ctat ou elles etoient avant
jWibus, eau- „que ces Lettres fufïent faites , qu'elles foient re'gardées cojcû-
DE PISE. Lit. "IV. n
;,iîiefi elles n'a voient point exifté , aufîî bien que les procédures içto
*•>
faites en conféquence , 6c nous défendons à qui que ce foit de
9>fefervir des Lettres de notrepredecelTeur , Se de s'appuyer fur
,,leur autorité.
J'ai donné cette Bulle telle que je l'ai trouvée dans le V. Tome
Ael'HiJtoire de tVniverfeté de paris (a). Cependant i' faut que (a) P«*°^
cette Univerfité eût reçu là-deffiis une Bulle d'une autre teneur.
Car dans l'Aflemblée qui fe tint le 17 de Novembre chez les
Bernardins , cette Bulle fut condamnée unanimement par ces
raifons. i. On fe plaint 'que la Bulle de Jean JCJCJII. ne fait
que tempérer celle & Alexandre V. au lieu de la révoquer , com-
me l'Univeriité de Paris l'avoit demandé. 11 eft vrai que le mot
de révoquer ou de caffer&'çù. pas employé, mais il femble que
c'etoit aïïez la révoquer que vie la regarder comme non aveuue.
i. Qu'on n'irapofoit aucune peine à ceux qui voudroient fe fer-
vir de la première Bulle. Pour cette plainte , elle éroit jufte , parce
qu' 'Alexandre V. avoit ordonné de grandes peines contre ceux
qui oferoient défendre les proportions dont fe plaignoient les
Moines Mandiants. Ordonnant que fe quelqu'un à l'avenir e(ifi ofé
de les fou tenir ^ ou dans le $ Ecoles ou autrement de les glofer, (c'eft-
à-dire expliquer ) défendre,, tenir 3 ou prêcher, qu'il foit tenu pour
hérétique } & qu'il encoure fentence d? excommunication ( ipfo faéto )
dont il ne pourra être a b fous que par le Souverain Pontife j (mon à lar~
ticle de la mort ( b ) 3. Parce que dans la première Bulle , il étoit (h) Vpye*
dit qu'elle avoit été donnée par le confeil des Frères , c'eft-à-dire S™
des Cardinaux , ce qui n'étoit point dit dansla féconde. Cepen.
^dant ces mots (fratrum noferorum confilio ) par le confeil de nos frère s %
fe trouvent exprefïément dans la Bulle dont on vient de donner
latradu&ion. Quoi qu'il en foit ,. l'une 6c l'autre fut rejettée, 6c
celle d'Alexandre V. ôc celle de Jean JCJCIII. On en diftribua
.des copies aux Facultez &. aux Nations pour les mieux examiner.
IX. O n n'e u t pas plutôt appris à Rome la nouvelle élec-
tion, que le Sénat 6c -le Peuple Romain firent effacer par commmfm
tout les portraits de Grégoire , abbattre Ces ftatues , 6c autres '^'^J^
monumens , pour mettre en leur place , les portraits 6c
"les armes de Jean JTJTIIJ. Jacques des Vrfens fut commandé
avec quelques Cavaliers de Paul des Vrfens , pour marcher
contre Jean & Nicolas de Colonne qui étoient encore dans le
parti oppofé s de les engagea } par Fentremife de BenoitCajetan ,
A fe réconcilier 6c à fe déclarer pour JeanXXIll. A la nou«
'<
n - HISTOIRE DU CONCILE
5410. velle de cette réconciliation, le Cardinal de Stz.praxede Légat
à Lattre à Rome., en l'abfence du Pape , & Roger de Perouje Sé-
nateur de la création de Jean JfJfJII. donnèrent des ConJèrva^
tcurs à la Ville -} on punit ceux qui pafToient pour traîtres , & on"
(a) b\°v. jetta leurs corps à la voirie (a). Jean JCJflII. apprit d'autre
x^îii côté, avec beaucoup de joie, le mauvais fuccès d'une tentative
de Ladijlas , fur la ville de Rome. Ce Prince avait envoyé, fur
des Galères cinq mille chevaux., & trois mille fantaffins à Oftie ,
ville fituée à l'embouchure du Tibre, à quatre, milles de Rome,
pour s'emparer de cette Capitale, d'autant plus ailée àfurpren-
dre , qu'elle écoit toute occupée à des rejouiiïances fur l'élection
de Jean JCJCIIZ. Mais Paul des Vrjîns ayant jugé plus à pro-
pos de les prévenir,que de les attendre , s'avança dans la Campa*
pie de Rome , avec quinze cens hommes feulement , livra bataille
ib\ B70V à l'armée de Ladijlas , en tailla une partie en pièces àc mit le relie
». xx. * en fuite /b-)*
Génère de X. L a première année du Pontificat de Jean JfJflII. fut aiïe^
ljj™jereur heureufe. Il étoit reconnu de la plus grande partiede l'Europe»
fa.Morù Benoît JfJ //.n'avoit plus pour luiquel Efpagne,rEcoiTe,&. quel-
ques Seigneurs particuliers , comme les Comtes de Foix , 6c &. Ar-
magnac. Grégoire JCU. étoit prefque feul à Rimini , n'ayant plus
dans fes intérêts que Ladijlas , &, quelques endroits.de l'Italie &:
de l'Allemagne .où l'Empereur* Robert IJJ. Duc de Bavière , &
Comte Palatin, lui fomentok encore, un parti. L'Empereur eue
trop der part aux affaires de l'Eglife pour ne pas le faire connou
tre un peu particulièrement. On a vu dès le. commencement de
cette Hiftoire , le malheureux fuccès de fon expeditionen Italie.,
iorfqu'il y vint. pour fecourir les Florentins , contre le Duc de
Milan. Dans la iukeonl'a vûtraverfer le. Concile de Pife, pour
foutenir Grégoire JFII. H. étoit fils de: Rodolphe Electeur du Pa.-
latinat. Il fut élevé à cette dignité après la mort de Robert II.
en 1398 ou environ. Pendant lbn Eledoratil fonda l'Univerfîté
de Heidelberg^furle modèle de celle de Paris, & fit bâtir l'E-
glife du S. Efprit , quieft la Cathédrale de cette Capitale du
Palatinat Après avoir gouverné l'Eledorat environ deux ans,,
il fut élu Empereur le 21. Août 1400 , en la place de Wencejlas
Roi deBobeme qui fut depofé de l'Empire cette même, année .Ro~
Sert fut couronne à Cologne par l'Archevêque Frédéric ,parce que
ceux à' Aix-la chapelle y quitenoient toujours pour Wencejlas ne
voulurent pas le recevoir dans leur Ville. Ce Prince naturelle-
DE PTSE. Liv.IT. 13
mear pacifique & clément n'entreprenoit jamais de guerre fans 1410,
neceflité- , fondé fur ce bon mot à! Augufte , que faire la guerre ,
fctoit pécher avec un hameçon d'or, dont la perte ne peut être conu
fenfèepar la plus heur eu fe 'pèche, (a) Il fit pourtant quelques ex- (a)Suct. ;»>
Dédirions moins malheureufes que celle d'Italie , comme on peut f"*-c' 2J*
le voir dansl'Hiftoire Palatine de Daniel Paré (b) , d'où j'ai tiré j^ l,'Iv\
tout ceci. Après avoir gouverné paifiblemenc l'Empire pendant 1 o Sed; 1 1 1.
ans il mourut à Gppenheim^çtite ville Impériale du bas Palatinat, p\^u'
en l'an 1410.
XI. DevS que Jean XX J 2 ï. eut avis de la mort de Robert , £W/o7r<j<
il écrivit aux Etats de l'Empire les priant d'élire pour Empe- ^Kmo '
reur Sigismond de Luxembourg^ Electeur de Brandebourg & Rvi
de Hongrie, U reprefentoit que c'éfoitun Prince puiflant & ca-
pable de foutenir l'Eglife & l'Empire Outre cette raiion géné-
rale , il en avoit une particulière de fouhaiter ce choix , c'eft
que Sigismond èc Ladijlas exerçant depuis long-tems entre eux
de grandes inimitiez ,. perfonne n'étoit plus propre que le pre-
mier de ces Princes à le foutenir contre l'autre. Cependant il
y a des Hiftoriens qui prétendent que Jojle ou -Jufte (c) Mar- (c)3oiU<™,
grave de Moravie ôc de Brandebourg X emporta pour cette fois Wm*
fur Sigismond. Ce, Prince étoit neveu de l'Empereur Charles
IV. & frère dé Procope. D'autres témoignent que les Electeurs
furent partagez entre Joffe & Sigismond ^ que trois d'entre eux,
fçavoir l'Electeur de Trêves , l'Electeur Palatin:, & le Margra-
ve de Nuremberg, élurent ce dernier- , mais que fon élection
ne fut. pas publiée , parce que les Electeurs de Mayence & de.
Cologne le déclarèrent pour Joffe. Quoi qu'il en foit , ce dernier
étant mort âgé de 73. ans, ou , félon d'autres , de 93. fix mois
après fon éledion, Sigisynond fut mis en fa place d'un confen-
tement unanime. Gomme Jojîe n'avoit point été couronné , il
n'eft point mis dans la lifte des Empereurs, & PHifloire remar*
que même que Sigismondoovsvptoit toujours le commencement
de fon Règne du tems qu'il fut nommé par les trois Electeurs.
On trouve pourtant parmi les Conftitutions Impériales une
Conltitunon àe Joffe en qualité deRoi desRomains datéedei4ïo.
qui porte qu'on doit réfifter à la Majefté Royale , fî elle entre-
prend quelque chofè contre les Conftitutions de l'Empire (d). (£)' G'M4h
De la manière que les Hiftoriens ont parlé du caractère de Jof. °' '
fe , on ne fit pas une grande perte dans fa mort. Ils le reprefen- deimpeJ^*
tent comme un Prince foible., inutile ^ infidèle > &,intereiTé [e]. p« 3J<;
i4 HISTOIRE DU CONCILE
ï.410. Cependant Jean Dubrauski Evêque â'Olmut^ en Moravie , ejï.
donne une toute autre idée dans ion Hifioire de Bohême. Il ra-
conte que par fa valeur & fon adivité il remporta une vidoire
confiderable fur tes Hongrois .., qui en l'abfence de leur Roi
Louis , &par la négligence de Wenceflas ,, mettoient tout à feu
& à fang dans la Moravie , & qu'après la vidoire il lit préfent
des prifonniers à laNobielle qui avoit combattu vaillamment,
&: reftitua aux Moraves tout ce que les Hongrois avaient pris
(a)Dubrav fur eux [a]. J'ay lu dans un ancien MS. de la Bibliothèque de
\lxhlb" S' Pau^ ^ Leipfig , qu'il mourut empoifonné en 141 1, le jour de
609t ' S. Antoine , comme l'avoua un des conjurez a Broda en Bohê-
me. L'Auteur que je.viens de citer raconte fur l'eledf>n de Si-
gismond une particularité qui ne fe trouve point ailleurs, an
■(b)DutrAv. moins que je fâche [b]. G'eft que les ëledeurs s'étant aflenv»
L.xxiiip. blez après la mort de Robert y pour élire un autre Empereur,,,
feI" Mgismond , à qui en qualité de Roi on demanda fa voix avant
les autres , fe nomma, lui même. Je me connois 3 dit-il y&c je ne
connois -point les autres , j* ignore s'ils feroient auffi capables qtte
moi de gouverner l' 'Empire ,fur tout dans ce tems de Schifme. Le^
éledeurs , continuent- il , ravis en admiration de cette fran-
chifè , lui donnèrent unanimement leurs fufFrages. Si ce faiteft
véritable il faut qu'il fe foit pailë après la mort de Jofie , car Si-
gismond étoit abfent dans Féledion où il y eut partage entre
les Ëledeurs, fur le, fu jet de, ces deux Princes. On peut voir le
caradere de Svzismonà dans /' Hifioire du Concile de Confiance.
atEmpsreur XII. AusSi-T^T que l'éleçlion de Jean XXIII. fut notL
envoyé une g^e ^ Sigismond , il lui envoya une Âmbafïâde pour le recon-
/jean * noitre, & pour lui demander jà protedion contre fes ennemis,
xxni.^r qu'il avoit en grand nombre ,& en divers lieux. Ce Prince avoit
i'r"onnohrt abandonné Boniface IX. pour favorifer l'éledion de Zadiflas
au Royaume de Hongrie. Enfuite il prit le parti de Gregoiu
XII. contre Benoît XIII. Mais il l'abandonna pour adhérer^
au Concile de Pife 5 il reconnut Alexayutre V. qui y fut élu ,&
par conféquent Jean XXIII. fon fucceiïeur. Ce dernier en
connut uneJQye extraordinaire , & promit de le protéger cou-
re] Ray». tre ïous ^es ennemis (c^. Le principal fujet de l' Ambaflade de
1410. num. Sigismond à Jean XXJII. regardoit les Vénitiens (d) qui s*é-
*?• toient prévalus de fes malheurs en Hongrie , £c des guerres où
Hro.nmn. il avoit été engagé contre les Turcs, pour lui en'ever plufieurs
M.xt. -5. places de la Dalmatie. De fon côté l'Empereur promettoit de
DE PISE. Liv.ïVV ïj
reftituef "à'^l-'.EgJjiie & aux Ecclefiaftiques plufieurs fâetts , & fcfcW
plufieurs droits qu:iî""'icUr ~avo.it.- enlevez en Hongrie dans
la r.e.cefTité de fes affaires , & pendant qu'il étoit brouillé,
avec Boniface JJC, Comme le Pape avoit be foin de Sips-
mond , il écouta favorablement ces proportions , de refoluc
"d'envoyer un.Nonce en Hongrie pour y rétablir les aâàires de
h Religion & remettre l'état de cette Eglife dans fa première,
fplendeur. Cette .commiffion fut donnée à JBranda deCafiglio-
ne Milanois, Evêque i de Plaifance , de la création de Boniface
IJ£. comme cela paroît par la Bulle du Pape datée de Bolo-
gne.le premier de Septembre, où il ordonne entre autres chofes
d'ériger des Paroiffes en Hongrie en faveur des Tartares & au-
tres Infidèles qui embraffoient la Religion Chrétienne. Le Non-
ce s'acquicta fi bien de fa, com million ,, qu'il fut créé Cardinal
du titre de S. Clément l'année fuivante. Ce Prélat avant que
d'être Evêque avoit déjà été employé en plufieursnégociations
fous Boniface IJT. IL fut dépouillé de fonEvêché par Grégoire
JTII. parce qu'il l'abandonna, voyant qu'il ne vouloit pas ce- v
der , comme il .l'avoir juré. Il aiTifla aux Conciles de Pile & de
Conftance , d'où Martin V. l'envoya Légat à. Latere en Bohê-
me pour réduire les Huffites. Ayant acquis les bonnes grâces VyE
de l'Empereur pendant cette AmbafTade , le Pape ne- -pouvoir ?*•/>. S,ia*
chofir im. fujet plus agréable pour l'envoyer en Hongrie (i). L.ui.p.7.9ï
XIII. Cette année ne fut. pas moins funefte que la precé- /»/&«»«»&
dente auxChevaliers de Y Ordre Teutonique 3 connus alors fous l0rfr,rv^
le nom de Irercs de l'Hôpital de Sainte Marie de Jerufalem.
On a oublié de marquer fur Pan 1409. l'origine de ces guerres
entre les Polonois :& les Chevaliers de l'Ordre -Teutonique.
Elle peut trouver place ici • mais il faut auparavant'dire quel-
que chofe de leur inftitution. Les Hifloriens conviennent allez
que cet Ordre fut établi vers la fin du XII. Siècle , quoiqu'ils
ne foient pas tout à-fait d'accord fur l'année. Cette inlHtution
commença d'une manière fort fimple & fort pieufe. Quelques
Allemands ( Teuthonici ) de Brème 6c de Lubec , qui étoienc
alors à jerufalem pour la conquête de la Terre-Sainte, y fon-
dèrent un Hôpital pour les pauvres malades d'Allemagne qui
fc trouvoient dans l'armée. Ils les fèrvoient eux-mêmes, & ils
les entretenoient de leurs biens. Plufieurs Grands Seigneurs
voyant l'utilité de cette fondation, folliciterent l'Empereur^
Hemy VI. à en demander la confirmation au Pape Cèlefiin ■ :
16 HISTOIRE DU CONCILE
-1410. III. Tels eftoient Henri Roi de Jerufalem (1) , les Archevê-
ques de Nazareth , de Tyr , & de Cefarée , les Evêques de Be-
tb/ebem&L d'acre ou Ptolémaïde -en Syrie, le Grand Maître de
l'Ordre de Saint Jean [2] , le Grand Maître -de la Maifon du.
Temple [-.] , Conrad Archevêque de Mayence , Conrad Evêque
de Wirtzbourg ôc Chancelier de l'Empire , Wolger Evêque de*
Paflau } Gandolpbe Evêque d'Hal-berftad , & quantité de Sei-
gneurs Séculiers. L'Ambaflade de Henri VI. fut fort agréable
au Pape, il accorda aux Chevaliers Teutoniques des mêmes
Privilèges qu'à ceux de Saint jean ôc aux Templiers , -ôc leur
ordonna de porter une tunique noire £c un manteau blanc
avec une croix noire: de là vient qu'ils font fouvent appelez
Porte-Croix, ( Crucjgeri. ) Ils dévoient ïuivre les Règles des
Chevaliers de Saint jean pour ce qui regarde le foulagement
des pauvres & des malades , & celles des Templiers pour ce
qui regarde la .conduite & le gouvernement tant des Clercs que
des Séculiers d^entr'eux. Ces Privilèges arrivèrent pendant le
liège d'Acre , qui fut conquife par les Chrétiens environ Tan
1291. Leur premier Grand Maître fut un Seigneur Allemand
nommé Henri deWalpote 3 &ils furent tous depuis de cette Na-
tion. Vers le milieu du XIII. fiecle cet Ordre reçut de grands
accroùTemens par les nouveaux Privilèges que l'Empereur Fré-
déric II. & le Pape Innorcnt IV. leur accordèrent,. 6c par les
magnifiques donations qu'ils leur firent dans la Pouiile , dans
la Romagne, dans l'Arménie, en Allemagne , en Livonie,en
PrufTe , èc en d'autres endroits de l'Europe. Ils le multiplièrent
tellement , & ils acquirent un fi grand crédit , que les Princes
qui a voient des démêlez enfemble , les choifîflbient média-
teurs, ou les appeiloient à leur fecours dans leurs guerres. Le
premier de ces cas arriva fous Honoré III. Ce Pape ayant quel-
ques démêlez avec l'Empereur Frédéric II. ils s'en rapportè-
rent l'un & l'autre à Herman de Saltz^t Grand Maître de l'Or-
dre. Ce dernier refulà d'abord la comrniffion , parce qu'il ne s'en
croyoit pas digne, n'étant , difoit il , qu'un homme de bas état ,
& fans nulle dignité ^perfona humilis 3&in nullius dignitatis prœe-
{1) Il.faut que CC foie Henri Comte de Champagne.
(z) Fondé en 1 104. lous Urhain II. Ce (ont atijourd'hui les Chevaliers de Malthe,
(3) Ce fondes Templiers inftituez en iijz. foijs Eafcbal H. & détruits en 1314. fous Cie'
tçent y9
miuentiot
DE PISE. Liv. IV. 17
minentiaconflitutus. C'eft. ce qui porta le Pape 6c l'Empereur à lui I4dI0
donner 6c à fes SuccefTeurs le titre de Prince , afin de leur con-
cilier plus d'autorité. N*>us allons voir un exemple du fécond cas
dans le XIII. fiecle.
XIV. Il y avoit déjà quelques années que les Prufliens en- origine <*«
core engagez ou retombez dans le Paganifme, mettoient tout &uerres cmre
à feu 6c à fang dans la Mafovie , dans la Cujavie, dans le Pala- Zawliur'i
tinat de Culme 6c dans la plus grande partie de la Pologne. Ils de rordn
a voient réduit Conrad Duc de Mafovie 3 qui commandoit dans reittoni1uet
ces Provinces , à de telles extremitez , qu'à peine pofTedoit.il
quelques Châteaux. Ils détruifirent 6c brûlèrent plus de deux
cens cinquante Eglifes Paroiflîales , 6c quantité de Monafteres.
Ils maflacroient les Prêtres à l'Autel, 6c tiroient les Religieufes
de leurs Couvents, pour en faire la vi&ime de.leurimpudicité
[a]. Ce fut pour fe mettre à couvert de ces fureurs que le Duc , (a) Petr.dc
à la follicitation de Chrétien premier Eve que en Prufie cappella les Dusb- cl,r*
Chevaliers de Livonie , connus fous le nom de Frères de Chrifi Jp/sJ. 31!
ou de Port-èpées ( Ensiferi ) qui avoient fait beaucoup de con-
verfîon dans cette Province [1]. Il leur fit bâtir le Fort de Do.
br^in , d'où ils furent appelez les Frères de Dobrzin , 6c leur don-
na quelques terres dans la Cujavie , à condition que le Duc 6c
les Chevaliers partageroient entre eux tout ce qu'ils pourroient
conquérir fur les Infidèles. Mais les Prufliens vinrent bientôt à
bout d'un fi petit renfort 3 il falut un plus puiflant fecours. C'eft
ce que le Duc crut trouver dans les Chevaliers de l'Ordre Teu-
tonique , qui avoient été chafiez par les Sarrafins , 6c s etoient
retirez en Italie 6c en Allemagne. Il s'adrefTa donc au Pape
Grégoire IJC. à Frédéric II. ôc aux Princes d'Allemagne , pour
les prier d'accorder des parle ports à ces Chevaliers , dont le
nombre 6c la puiiïance avoit beaucoup accru fous leur Grand
Maître Herman de Saltz^t , pour venir en Pologne. Il envoya
en même, tems une AmbaiTade à ce Grand Maître , qui , à la fol-
licitation de l'Empereur 6c du Pape , nomma deux Chevaliers
pour traiter avec le Duc de Mafovie 3 à ces conditions , félon le
récit de Pierre de Dusbourg Chevalier de l'Ordre en 1326. (b) , „. ^
que Conrad donneroit à perpétuité aux Chevaliers 6c à leurs tm/f, pan!
fuccefleurs le Palatinat de Culme, avec un autre territoire mar- 1-p-3î»
que en marge (c) , 6c tout ce qu'ils pourroient conquérir de ter- (c) ubovia
(1) Us furent joints à l'ordre Teutonique en 1234. PetRusde Dusbourg,
Chron. Fruflia. Pars III. pag. 114. IIJ. 116. HaRTNOCH. Dijjirt. Xlf, pag. 211.
Tom. II. C
i^io.
t8 histoire du concile
res& de pais, le Duc ne s'y refervant aucun droitni propriété,'
&; renonçant à toute action de droit de défait qu'il pourrois
avoir lui ou fa femme ou les fils & fucceâèurs. Cette donation fut
faire du confentement de fa femme & de fes trois fils (i) , & li-
gnée par un grand nombre d'Evêques ât eje Seigneurs du Païs.
Elle fut enfuite confirmée en 1216, par l'Empereur Frédéric II>^
(2) & par Grégoire JJf.
Il eft vrai que les Hifloriens Poionois racontent TafTaire au-
trement. Ils difent que les Chevaliers Teutoniques furent
appeliez par Conrad à condition qu'ils polïederoient le Palatinat
de Culme & tout ce qu'il y a de terres -entre les rivières de la Vif»
tule, de Mokra, & de Déniants 5 & que cequ'ils enleveroient
aux Pruiïîens , feroit partagé équitablement &: par arbitrage en-
tre les Chevaliers &i le Duc , ou fes héritiers & fuccefleurs 3
mais que quand IaPruiTe feroit coiiquife , ilsrendroientauDue
le Palarinat de Culme. Il nes'agifïoit pas feulement deconque-
rirla Prufle, il faloitauiïi convertir cette Nation fore obftinée
dans l'Idolâtrie Payenne. Cette conversion étoit une des condù
tions que le Pape avoit ftipulée des Chevaliers,à qni même il dorr-
na de grandes Indulgences dans cette vue. C'eflpour cela que le
même Chrétien Moine de t Ordre de Cifteaux T dont on vient de
parler, fut envoyé parle Pape 5 mais il y travailla inutilement.
Cependant les Chevaliers s'y prenoienc fort négligemment y
malgré les ordres & les fulminations des Papes , quoiqu'ils re-
prochaient aux Poionois la même négligence 3 5c qu'ils en prit
fent prétexte de leur faire la guerre , comme on le va voir. La
conquête de la PruiTe fe fit allez lentement., les Chevaliers y
ayant employé 53. ans.
Il y avoit eu depuis long temps de longues &fanglantes guer-
res à cette occafion entre les Poionois & les Chevaliers , qui
étoient foutenus par le plus grand nombre des Princes Chré-
tiens d'Allemagne. Et même quoique les Chevaliers eufïènt
été défaits en plufîeurs batailles rangées , leur zélé ou plutôt
leur ambition Se leur avidité ne leur permettant d'obferver ni
paix ni trêve , ils revendent tous les jours à la charge 3 fous
ombre que les Poionois ne s'employoient pas avec affez d'ar-
deur ni à la converfion de ce qui reiloit dlnfîdelles dans ces
(1) Sa femme ^'appeloit Agafia. Ses fils étoient Boleflas , CaJImir , & Semovit.
U) On en peut voir la Patente dans GolduftJ' Elle a été rapportée par C'hnfiopbU HartMl
dans Tes remarques fur Eiem de Dmbour* , pag. 3 j . 3 6f
DE PISE. Liv. IV. 19
contrées , ni à la réunion des Grecs à l'Eglife Latine. C'efl: ce que
l'on va voir par des lettres de Zadijlas fagellon roi de Pologne I4IOè
& ai! Alexandre Withold grand duc de Lithuanie, adreflèe fur
ce fuj et à toute la chrétienté ,6c en particulier à l'Empereur
Robert.
XV. Ces 'Princes fe plaignoient 3 33 Que depuis la paix faite Lettres du
s entre la Pologne Se les Chevaliers . ces derniers n'avoient cef- Rot dePolo~
>fé de harceler les Polonois, &: de les provoquer a une rupeu- Gra,,dD«ccU
i re ouverte 3 par leurs chicanes 6c par leurs calomnies. Qu'en- Lhimame à
>tre autres chofes ils publioient dans le monde , que depuis Rober7™«-
5 q.ue Ladijlas t<.Witbold avoient embrafïé le chriflianif me.,la Re t,e acheva.
5 ligion Catholique n'avoit fait aucun progrès , 6c que lesMof fjjJT^ ^
scovites ou RufÊens n'écoient pas bien iincerement convertis. ^ue.
3 Ces Princes reprefentuient , pour ie jultifier de ces aceufa-
3 tions, que 1 Egliie ne juge point de ce qui fe pafîe dans lin-
3 teneur , qu'ils ne manqueraient point de punir l'hypocririejfî
3 elle leurétoit connue j mais queiî les Chevaliers avoient été
3 animez d'un efpric de charité 6c de paix , ils auroient du leur
3 découvrir ceux qui s'écartoient de la foi '■> £c que il on eût
3 refufé d'écouter leurs avis , il eût été tems alors de s'enplain-
3 dreâ l'Eglife , félon le précepte de l'Evangile. Qu'au lieu de ce-
3 la, ils avoient publié contre eux des libelles diffamatoires ,
sauiîi faux qu'injurieux 53. Les Princes Polonois ajoûtoient à
cela 33 Que pour eux , ils n'avoient pas befbin de difeours pour
3 fe jultifier contre les aceufations des Chevaliers , qu'il n'y
3 avoit qu'à venir en Lithuanie , pour voir les progrès qu'y fai-
3 foit tous les jours la Religion Catholique , par le grand nom-
> bre de Cathédrales , de Paroiiîes 3 de Monalteres qu'ils avoient
5 fait bâtir, ôc qu'ils avoient bien rentez de leur propre patri-
5 moine. Que les Chevaliers devroient avoir honte de rejecter
3 fur les autres un blâme qui ne peut tomber que fur eux ,
> puifque depuis environ 200 ans qu'ils avoient envahi la Pruiîè,
> ils n'y avoient fait que très-peu de converfîons, fur lefquelles
même on ne pouvoir bien compter", puifqu'elles avoient été
forcées. 53 Mais , continuent les Polonois yces Chevaliers ne fe
foucient que de s'emparer du bien d * autrui , far quelque voie que
ce foit 3 &fî Dieu n'y met la main , ils fe rendront à la fin maîtres
de tout le monde , ne reconnoifiant > comme ils font , d'autre loi ni
d'autre. règle de leur conduite , que la violence & la for ce 3 jufques-
là qu'ils ont tourné en ridicule la fatience & la modération du
Cij
20 HISTOIRE DU CONCILE
Royaume de Pologne, aujjî-bien que je s démarches & fes inflances four
£ affermifîement de la -paix. Les lettres fhiiffent par des prières à
TËmpereur de ne point ajouter foi aux Chevaliers , de ne les
point protéger , 6c de ne pas fbufïrir qu'on leur envoyé aucun
fecours. Je ne fai quel fut lefuccès de ces lettres à l'Empereur
SrHur^r* R°bert. Quoi qu'il en foit , Theodoric de Niem (a) dans la vie de
H- p- 359- Jean Jl JTI 1 1. reproche à ce Pape de n'avoir pas voulu
s'employer à accorder les Polonois & les Chevaliers , quoiqu'il
en eût été fouvent follicité avant la fanglante bataille qui fe don-
na le 15 Juillet de cette année.
ReiaiimdeU XVI. Il feroit à fouhaiter qu'on pût avoir la defcription que
hataduqiafe j^^ffas 7an-el/on roi de Polog-ne fit lui-même de cette victoire
donna le 15. J . J- a t îr>
de juillet, dans une lettre qu'il écrivit là. demis a Henri de Rofcs baron de
Bohême. Balbinus , qui avoit entre les mains cette lettre en ma-
nufcrit , nous en apprend (b) une particularité qui découvre la
S Eb1°Z' bonté du caractère de fagellon. C'effc que ce Monarque témoi-
i>. 412^ ' gne qu'avant que de livrer bataille , il n'avoit pu s'empêcher
de pleurer en penfant à un auiïï grand carnage que celui qu'il
prévoyoit ^ èc qu'il étoit allé les larmes aux yeux contre des
ennemis dont il preffentoit la perte. Il paroît en efîet par une
lettre^ circulaire qu'il écrivit en 1409. pour ju.ftifier la guerre
qu'il entreprenoit y il paroît, dis-je, que les Chevaliers avoient
toujours été les aggreiïeurs. Il femble auffi que le Grand Maî-
tre fêle reprocha Car ayant été furpris tout en larmes avant la
bataille , il dit aux Commandeurs , & en particulier à Werner
Tithingas Commandeur d'Elbing , qui lui reprochoit fa foiblef-
fe , qu'il ne pleuroit que dans la crainte que tant de fang qu'on
alloit répandre, ne lui fût redemandé. Ils furent encore lesag-
grelieurs dans cette dernière occafion , & même avec infulte,
comme le rapporte Jean Dlugofs , ou Zongin , dans fonHiftoi-
(c)L.xi.p. re de Pologne, (c) Le Grand Maître avoit envoie à J âge lion-
(dyiadwea- deux hérauts ( aroldos ) (d) avec ordre de lui prcfenter de fa part
tons, deux épées , l'une pour le Roi , &: l'autre pour Alexandre Wit-
holà grand duc de Lithuanie , commepour leur reprocher leur
lenteur au combat 3 dede lui offrir le choix du champ de%ba-
taille. Le Roi reçût ces deux épées les larmes aux Jyeux , &
répondit avec autant de fermeté que de modeftie&: de piété ,
que quoiqu'il ne manquât pas d'épées dans fon armée , il les
acceptoit pourtant comme un prefent de bon augure , pui£
qu'il fembloit que fes propres ennemis vouloient lui fournir des
DE PÎSE. Liv. IV. 21
armes contre eux-mêmes $ Que pour le champ de bataille il ne
prétendoit pas en avoir le choix s mais qu'il s'en remettoit à ^
la fouveraine Providence , & qu'il recommandoit la juftice de
fa caufe à Dieu , à la Vierge , à fes Patrons , & à ceux de ion
Royaume , comme à Stanijlas (i) , à Adalbert (2) i à Wenccjlas
(3) , à Florian (4) , & à Hcdwige (5). îl protefla au relie à ces
hérauts , que comme il avoir toujours recherché la paix 3 il
étoit encore tout prêt à l'accepter , pourvu qu'elle fe fît à des
conditions équitables , Se à retirer fa main toute prête à frap-
per,, quand même il fçauroit, parle ligne du ciel le plus évi-
dent j remporter la victoire avec ces deux épées qu'ils lui
avoient apportées. Dès qu'on eut donné le lignai du combat,
il commença entre les Chevaliers d'une part , & de l'autre les
Lithuaniens ,-les Rufïès & les Tartares qui étoient à l'aile
droite , que commandoit Alexandre Withold. Aptes un com-
bat furieux , ces derniers prirent la fuite vaincus par le nom-
bre 3 malgré les efforts du Général pour les rallier. Il n'y eut
que les Rufïès de Smolensko , qu' Alexandre avoir dans Çon ar-
mée , qui tinrent ferme jufqucs à la fin. Après s'être défendus
vaillamment,, ils allèrent rejoindre l'armée de Pologne à l'aile
gauche. Enfui te les Polonois & les Pruffiens en vinrent aux
mains. Comme les Grands de Pologne , Se toute l'armée avoic
infbamment prié le Roi de ne pas expofer fa perfonne 3 il re- -
gardoit le combat environné de lès «gardes. Dès que l'ennemi
s'en fut apperçu , il tourna tous (es efforts vers l'endroit où étoit
le Roi. On voyoit les lances voler de ce côté-là comme des
fauterelles. Le Roi effrayé du danger, dépêcha fon Secrétaire
(a) à ceux de l'armée qui étoient le plus près de lui pour v'e- outihiSl*?
nir promptement à .ion iecours. Mais comme on étoit fur le
point de donner, le meiTage fut fort mai reçu. Un des Officiers (b)N*w««
(b) de l'armée tira même fon épée contre le Secrétaire , Ôc lui Keibajja.
(1) Evêque de Cracovie , tué en 1079. par Bvlejlas roi de Pologne , canonifé en 1253.
par Innocent IV. Dlug. L. VU. p. 728.
(2) Archevêque de Gnefne , maflàcré pour la Foi Chrétienne enPruflè, où il étoit allé
prêcher l'Evangile en 997. On célèbre fa Fête le 23 d'Avril
(3) Roi de Bohême tué par fon Frère BoUJîas dans le dixième fiecle. On célèbre fa Fête
le 28. Septembre. Baron. Manyrolo^. Rom.
(4) Je trouve deux F'orians Martyrs dans le Martyrologe Romain ; l'un fous Diocleùtn ,
l'autre fous Heraclius maflàcré par les Sarazins. C'eit celui dont il s'agit ici ; les reliques
furent envoyées fur la fin du" XII. fiecle par Luce III. à Cajîmir II. roi de Pologne. Eile3
font à Cracovie où Florian a une Eglilè. Dingos. Cromer4
(5) Duchefle de Polognc3 morte en 1 243. & canonifée par Clément If. en 1267,
Ciij
a± HISTOIRE DU CONCILE
reprefenta avec autant de force que de vérité, que s'ils tour-
noient le dos pour fecourir le Roi, ilsl'expoieroient à un plus
grand danger que celui ou ij etoit j de forte que le Secré-
taire s'en retourna fans pouvoir rien obtenir de gens qui ne réf.
piroienc que le combat t & à qui l'honneur ne permettoit pas
de reculer. L'événement fit voir qu'ils avoient railon , les Pru~
iîlens ayant plié de ce côté là , comme ils avoient déjà fait d'un
autre. Cependant , afin que Je Roi ne fut pas trahi par l'aigle
blanche qui „étoit fur le drapeau defes gardes , ils le cachèrent ,
èc couvrirent fi bien leur Maître avec leurs corps & leurs che-
vaux , qu'il étoit mal aifé de découvrir ofïil etoit- L'Hiftoir.e
témoigne que leRoi fupportoit impatiemment ces précautions,
& qu'il brûloit d'ardeur de courir au combat. 11 frappa même
de la lance un de fes gardes , qui cenoit de trop court la bri-
de de fon cheval pour l'empêcher d'avancer. Mais ils décla-
rèrent tous qu'ils fourTriroient plutôt les dernières extremitez,
que de l'abandonner à fon ardeur martiale. Il fallut céder. Le
Roi, malgré ces précautions } nelaiiïa pas de courir un grand
(a) Dippoid danger. Un foldat (a) Allemand de l'armée Pruffienne l'alla
SiTJ^ e pourfuivrc la lance à la main dans fon retranchement. Mais un
fatia. Secrétaire ( b) du Roi l'ayant couvert de fon corps reçut le coup ,
(b;s%H*«s & avec une demi lance. qu'il avoit à la main jetta le Pruiîien
kùc\a'~ par terre. L,e Roi fe contenta d'envifager le champion fans lui
faire aucun mal j mais il /ut achevé par les gardes. Le Secré-
taire n'ayant pas voulu accepter les avancemens que le Roi lui
propofoit dans la guerre , fe confacra à l'état ecclefiaftique, &
en recompenfe d'une fi belle action, fut depuis Evêqne de Cra~
covie. La délivrance du Roi fut fuivie de l'entière victoire de
fon armée , après un long &; janglant combat. Toute l'armée
Pruffienne fut ou taillée en pièces , ou mife en fuite 3 ou arrêtée
prifonniere. Le-Grand Maître , quantité de Généraux , de Com-
mandeurs 6c d'autre Noblefîe demeurèrent fur la place. Jamais
déroute ne fut plus générale , ni victoire plus complète Elle fut
fi fangîante , qu'il fe répandit un bruit que pendant un eipace
confiderable , il avoit coulé un torrent de fang. Mais c'etoit
une exagération fondée fur cette particularité. L'armée de Po-
logne ayant heureufement trouvé dans le camp ennemi une
grande quantité de tonneaux devin 3 s'étoit d'abord jette defîus
pour étancher fà foif , qui ne pouvoit être que fort grande
Après un long cv furieux combat , les uns buvant dans leurs ca£
DE PISE. Liv. IV. 25
ques , les autres dans leurs gans & dans leurs fouliers. Le Roi T.lQ
craignant qua» les foldats enyvrez ne fufïent incapables de fç ^b
défendre , en cas que ce qui refloit d'ennemis voulût profiter
de la conjoncture pour les attaquer, ordonna qu'on rompît tous
ces tonneaux 3 êc qu'on répandic le vin. Ce qui s'ctant exécuté
à l'inflantjon vit le vin couler fur les corps morts, &: fe mêlant avec
leur fangi, former en efFet une efpece de torrent. On compte
que les Chevaliers perdirent 30000 à 60000 hommes dans cette
bataille. On leur enleva 40 étendards outre 51 qui furent in.
terceptez. Les fuyards furent pourfuivis, & par ordre du Roi ,
traitez , pour la plupart , avec beaucoup d'humanité. Les Che-
valiers comptoient fi bien fur la victoire , qu'on trouva dans leur
camp des chariots déchaînes ôede fers ., qui {ervirent aies en-
chaîner eux-mêmes.
Les Polonois n'ayant pas fû profiter d'une victoire auiî] com-
plète que celle qu'ils remportèrent alors , les Chevaliers furent
en peu de temsen état de hazarder une nouvelle bataille qu'ils
perdirent encore après un combat très -long & très -opiniâtre
de part&d'autre. Cette défaite obligea les Chevaliers à entrer
en compofition -, mais comme ce fut par l'entremife de i'Evê-
que de NVurtzbourg qui étoit dans leurs intérêts, le traité fut
plus avantageux aux vaincus qu'aux victorieux. Ce fut à peu
près dans le même tems que Jean JTJTIII. envoya des Légats
aux Polonois 6c aux Chevaliers ,pour engager les uns &; les au-
tres à obferver religieufement la trêve qui venoit d'être con-
clue entre eux. Mais les Chevaliers ne l'obfervant pas mieux
que les précédentes ,6c continuant toujours leurs hoftiiitez , fe
firent battre encore une fois 1 ans après. S igismonduv oit toujours
été dans leurs intérêts , lorfqu'il n'étoit que Roi de Hongrie.
Mais il ne fut pas plutôt Empereur, qu'il penfa à réunir ensem-
ble toutes les Puifïanees Chrétiennes , afin qu'elles fuiTent en
état de l'afîifter contre les Turcs. Il voulut donc aulîî fe rendre
médiateur entre les Polonois &.les Chevaliers, èc il renouvelia
entre eux une trêve , qui fut encore bientôt rompue par les
Chevaliers, félon leur coutume. C'eft ce qui obligea enfin La-
difias&LWithold, à la follicitation de Jean JfXIIJ. d'avoir re-
cours à l'autorité du Concile de Conftance pour reprimer Tin. uZ'Zbt
domptable fureur des Chevaliers , comme on l'a vu dans VHL t.ate par us
ftoire de ce Concile. • Tcoiï"
XVII. Le récit qu'on vient de faire efl tiré d'HiftoriensPo. jeutLi^
24 HISTOIRE DU CONCILE
lonois [ Allemands & François qui s'accordent tous à donner
T A I O 3 1
le torraux Chevaliers Pruffiens Cependant le Moine de S. Denys
produit une lettre des Chevaliers de l'Ordre Teutonique qui
raconte la chofe tout autrement. Il eft d'autant plus néceflaire
de la mettre ici } que quelque recherche qu'on ait faite , on n'a
pu trouver aucune autre relation faite par les Chevaliers fur cet-
te affaire. 55 Il n'y a paslong-tems que le Roi Chrétien de Po-
» logne , vaincu par les prières d'un Prince payen fon frère ( a ) ,
avoitlone-M &z cacher dans des bleds qu'il lui envoya en Prude , dequoi
teins qu'^- » armer trois cens hommes , & la chofe venue à la connoiflance
i?ra"du ■ » & en la pofleffion des Chevaliers de Prulïe . ils s'en faifirent
Witwid e- i il- rk •
toit chré- » par droit de guerre , attendu qu'il n'eit pas permis aux Prin-
tien. „ ces Chrétiens de fournir des armes aux Infidèles , & ils en dif-
55 poferent à leur volonté. Le Roi de Pologne leur ayant de-
53 mandé plufiturs fois tant par ambafladeurs que par let-
35 très , qu'il lui rendiiTent cette prife , le dépit de s'en voir re-
35 fufé , lui fut plus fenfible que l'intérêt de la foi Chrétienne
33 qu'il avoic embraffée j il ne fit point de fcrupule de faire fo-
55 ciété d'armes avec un Payen 3& tous deux ayant mis iur pied
55 une armée de cinq cens mille hommes , ils couvrirent pen-
33 dant 14 jours, & même coururent toute la Prude Mais corn-
55 me leur defTein étoit de s'en rendre maîtres par une bataille,
53 fe doutant bien que les Chevaliers Teutoniques qui n'étoient
55 que fept cens, joints à quatre vingt-mille payfans , n'en vou-
35 droient point tenter le péril , Se qu'ils fe refervoient pour les
35 partis de guerre , ils les y engagèrent par un funefte ftrata-
« gême. Ils fe cachèrent dans les forêts j & ayant laide deux
■>5 cens mille de leurs gens à la campagne , les Chrétiens qui
s» les approchèrent ne fe crurent pas trop foibles pour les char-
35 ger 3 comme ils firent bravement^après avoir invoqué lafliftan-
55 ce du ciel : &ç en eflet , quelque réfiftance qu'ils trouvaflent,
55 ils les défirent , ils les mirent en fuite avec perte de cent tren-
35 te mille hommes $ de la gloire d'un fî grand exploit les eût
53 rendus capables de foutenir leur vidoire contre le refte 3 s'ils
35 fuflent demeurez fermes pour reprendre haleine , èc pour rap-
55 peller leurs efpritsôc leurs forces. Mais une folle ardeur rles
35 ayant emportez fans ordre à la pourfuite des fuyards jufques
» dans les bois , les trois cens mille qui y étoient cachez vinrent
» fondre fur eux , & fe trouvant en deifordre , & tout fatiguez
» de leur victoire, ils ne purent foutenir le poids d'une féconde
bataille.
DE PISE. Liv. IV. i5
«bataille. Le carnage fut fi grand , que des fept cens Cheva. I4to;
» liers il n'en refta que quinze : & des autres quatre-vingt mille
w hommes , ïoixante mille furent tuez , le refte fait prilbnnier.
» Le Roi de Hongrie fçachant ce malheur des Chrétiens , &;
m ayant appris que le Roi de Pologne avoir donné affiftance aux
» Sarrazins , il en a été fi irrité , qu'il a envoyé prier fon frère
>s Wenceff as voi de Bohême, de venir à fonfecours,&. devant que
>3 jepartifîe pour venir ici, il étoit en marche pour mettre à feu
'»& àfang la Province de Cracovie , 6c le refte de la Pologne.
XVIII. Il y a quelques remarques hiftoriques à faire fur ce Remarques
récit, i. Alexandre Withold y eft nommé Prince faycn , quoi- |"r. ceftte R6r
qu'il foit confiant par l'Hiftoire qu'il avoit été baptifë dès l'an
1389. Les Chevaliers ne pouvoient pas l'ignorer, parce quec'efl
chez eux qu'il avoit reçu le baptême , &: que le Commandeur
de Rangaenet, ville de laPrufreDucale,avoit été' fon parein. 1. Cet-
te même Relation appelle les Lithuaniens des Infidèles. Cepen-
dant ce n'eft pas une chofe moins certaine que les Lithuaniens
furent convertis à la Foi Chrétienne en 1386 en même. temps que
Zadiflas Jagellon alors leur Duc , qui fe fît baptifer cette année-
ià , pour avoir la Couronne de Pologne qui lui étoit offerte ,
& pour époufer Hedwige fille à'Elifabeth reine de Hongrie. II
lit embrafler la Religion Chrétienne en même-temps aux Li-
thuaniens ( a ). Il érigea Vilna capitale de Lithuanie en Eve- (a) spondi
ché , fonda &; renta des paroiiTes dans tout le païs. Depuis ce 1410.
temps les Lithuaniens avoient toujours fait profefîïon du Chri-
flianifme , ou s'il refloit encore quelques payens dans le païs ;
on tarvailloit tous les jours à leur converfion 3 comme le Roi
de Pologne le témoigne dans fa lettre circulaire (b). Ils ne pou- 0) Dlug.
voient pas non plus ignorer , que depuis cette converfion il y ™P' ?olon'
avoit déjà eu trois Evêques à Vilna , dont le premier s'appel-
loit André Vafeilo Polonois. 3. Alexandre Withold eft appelle
dans cette relation frère de Zadiflas , il étoit fon coufin germain ,
fils de Keiflat qui étoit frère àfOldger père de J âge lion. 4. A
l'égard des armes cachées dans le bledj on a vu au livre pré-
cèdent que ce n'étoit qu'un prétexte de l'avarice du Grand
Maître irrité de ce qu'on envoyoit du bled aux Lithuaniens , à
qui il vendoit le fien bien cher. 5. La Relation porte que l'ar-
mée Prufîienne n'étoit que de fept cens Chevaliers & de qua-
tre-vingt mille payfans ^ mais l'Hiftoire témoigne qu'elle étoit
de cent quarante mille hommes tant de troupes réglées du païs,
Tome JJ. D
i6 HISTOIREDUCONCILE
que de croupes étrangères (a). 6. Je ne fçai pas non plus fi l'on
* ^ peut ajouter foi à ce que dit l'Envoyé de l'Ordre Teutonique ,
de Rsb. p^ içavoir _, que Sigismond roi de Hongrie /cachant ce malheur des
hn.L.xv. Qhrètiens , & ayant appris que le Roi de Pologne avoit donne af-
pftance aux Sarrazins _, il en a été fi irrite , qu'il a envoyé prier
Confrère Wenceflas roi de Bohème de venir à [on fecours , & de-
vant que je partijje pour venir ici , il etoit en marche pour mettre
à, feu & à fitng la Province de Cracovie 3 & le refie de la Pologne
(b) Moine (b). A l'égard de Sigismond 3 il eft bien certain que fa conduite fut
de s. De- toujours fort équivoque dans cette affaire. Il avoit fait en 1399.
ay$i *W' une trêve avec le Roi de Pologne. Au commencement de 1410.
Ladijlas lui ayant envoyé Withold pour renouveller cette trêve ,
il répondit que fi Ladijlas faifoit la guerre aux Chevaliers, il ne
pouvoitpas les abandonner, parce que dans le deflein qu'il avoit
de fuccederà l'Empereur Robert , mort depuis peu , il étoit de
fon intérêt de fe ménager les Princes d'Allemagne qui favo-
rifoient extrêmement les Prulîiens. Cependant il promit de s'en»
( ïCrom trernett:re pour procurer la paix entre les deux partis, (c). La-
de Reh. to- dijlas , avant que d'entreprendre la guerre contre les Cheva-
hn. l.xvi. ]fers } l'ayant follicité de tenir fa parole & de fe porter pour
4'2 5* médiateur , il envoya une ambafiade folemnelleen Prufïe ;mais
ce fut moins pour traiter de la paix , que pour tirer quarante
mille ducats de l'Ordre Teutonique. Sigismond eut lieu de fe
repentir de fes ter gi ver fations. Un grand nombre de Nobles Po-
lonois qu'il avoit à fon fervice,ôc qui avoient même des pof-
feffions confiderablesen Hongrie, voyant que le Roi de Polo-
gne étoit joué par Sigismond, abandonnèrent genereufement ce
dernier malgré toutes {es offres , & fuivirent Ladijlas comme
leur maître naturel. En effet avant la bataille dont il s'agit dans
cette Relation , il parut bien que Sigismond n'étoit pas bien in-
tentionné pour les Polonois. Il avoit envoyé un autre ambaf.
ladeur aux deux parties pour faire mine de traiter de îa paix $
mais en même-tems il lui avoit donné des ordres feerets de dé-
clarer la guerre à Ladijlas de fi part , dans une audience par-
ticulière des Chevaliers. 11 eft vrai que cet ambafiadeur avoir
auffi ordre de dire en particulier à Ladijlas qu'il ne s'allarmât
pas de cette déclaration de guerre , puifqu'il ne l'avoit faite que
pour tirer une bonne fomme d'argent des Chevaliers ,.& de l'en-
courager à faire la guerre fans balancer, comme étant de beau-
coup fuperieur en forces. Cette défaite ne contenta point La-
DE PISE. Liv. IV. 17
'dijlas. Il reprochai l'ambaiïadeur l'ingratitude Si l'infidélité de I4IO#.
fon Maître, & fit des imprécations contre celui qui le premier
avoit viole la paix (a). On voit par toutes ces remarques com-
bien la relation des Chevaliers eft fautive. Cependant le Moine (a)Crom-
de S. Denys l'a crue* de bonne foi , puifqu'il parle en ces ter- ^V.^iés!
mes de la déroute des Chevaliers : Le Roi apprit le mois fuivant
far les lettres des Frères de l'Ordre T eutonique , la défaite de l'ar-
mée Chrétienne & de leur milice par les Jnfidelles.
XIX. On a déjà pu voir en plus d'une occafion combien
lean JfJTIII. étoit avide d'areent. Sa euerre avec Ladiflas , Jea"x^if
1 io-i >. o 1 r r mttPe f°n e~
& la réduction de Benoit JflII. oc de Grégoire JCIJ. fournil- union ài'u-
ioient un prétexte fpecieux à Ces exactions. On apprend par ****&* de
i'Mi/loire de l'Univerfité de Paris (b) , qu'il envoya en France
l'Archevêque de Pife (c) , & l'Evêque de Senlis pour deman- ^ 21o™'n"
derles décimes des Bénéfices ecclcfiaftiques , les procurations, ail-
les dépouilles des Prélats morts 3 qu'il prétendoit être dues de (c) Aiaman
droit divin, naturel, canonique & civil, au fouverain Pontife 3Aàmar'
& à la Chambre apoftolique. Comme il n'ignoroit pas que les
fuffrages de l'Univerfité étoient d'un grand poids dans le Par-
lement, il voulut les gagner, en étendant (es privilèges (d)par (d) *. Juil-
rapport aux Bénéfices. Dbs que ces légats furent arrivez , ils let*
demandèrent audience à l'Univerfité , & on la leur donna le
13 de Novembre. J'ai déjà parlé de cette Afïemblée à l'occa^
fion de la revocation de la Bulle d'Alexandre v. en faveur des
Moines Mendiants Le jour marqué les Légats notifièrent d'a-
bord l'élection canonique de Jean JfJflIJ. donnèrent à l'U-
niverfité la bénédiction du Pape , & bien des louanges fur fes
travaux efficaces pour l'union de l'Eglife. Enfuite, ils repréfen-
terent que quoiqu'il y eût à prêtent un fèul chef , le fchifme
n'étoit pourtant pas encore terminé ; qu'il faloit extirper deux
hérétiques ( Benoit JCIII. & Grégoire JCII. ) implorant dans
cette occafion le fecouis de l'Univerfité , d'autant plus qu'il n'a-
voitpas le moyen de fournir aux frais necefiaires pour l'exécu-
tion d'une fi grande &; fi fainte entreprife. L'Archevêque finit
par demander des députez de toutes lesFacultez &Nations,pour
en conférer plus particulièrement avec lui. L'Univerfité remer-
cia humblement le Pape dans la perfonne defes légats, & de fes
dons fpirituels , & de fes bonnes intentions à fon égard , 6c nom-
ma des députez démarque pour entendre le 17. Nov. leurs pro~ 17. Non
pofitions , & pour en faire leur rapport. Dès le même jour on
Dij
28 HIS/TOIRE DU CONCILE
, prit fur l'affaire de la Bulle à* Alexandre V. les conclufîons qu'or*
a déjà rapportées, oc on renvoya la réponfe furlefujet des De-
cimes , des Dépouilles &c. au 23. de Novembre. Afin que l'Af.
(â) r0/w femblée fût plus folemnelle , le Recteur de PUniverfité (a) en-
*Thr\' voya la veille (b) inviter ceux des Prélacs qui écoient alors à Paris,
Nov. ' & même les Cours fouveraines, afin que ceux qui étoient enga-
gez par ferment à PUniverflté , s'y trouvaient. A cette occafîon ,
il arriva un incident qui mérite d'être marqué ici. C'eft que les*
Bedeaux de PUniverflté ayant porté les billets du Recteur au
Parlement même , au lieu de les porter en particulier aux Con-
feillers qui avoient été membres de PUniverfité , le Parlement
s'en formalifa , comme d'une démarche inufitée. C'efl ce qui fe
trouve dans les Actes du Parlement. A quoi la Cour a répondu ^
portent ces Actes 3 que ce riétoit point la manière de venir céans
fgnifier les AJJ emblée s , attendu que l'Eftat de la Cour riétoit jub.
jette , ne jugée que du Roi * mais s'il y avoit aucuns finguliers qui
eujjent fait ferment à ladite Univcrjïté , dévoient efire & à part re-
quis d 'aller en ladite Ajjemblée , ^ non pas en la Cour par ladite
manière s. & fut enjoint audit Meffager 3 qu'il difi audit Re fleur y
que plus nefifi ainfi. A quoi a dit qu'à la manière de la Cour eftoit
l'intention du Relieur rmais que pour breveté avoit été fait par le*
dit Relieur 3 par cette manière.
jffembUe de XX. L'a ssemble' Efe tint donc le 1 3 -. de Novembre , fur
rvniverfué ]a fubvention , ôc l'exaction des Décimes , & elle fut des plus fo-
'desDedmT, femnelles. Nous en rapporterons les conclufîons dans les ter-
©•c mes de Monftrelet ( c ) » Le 23. jour de Novembre fuit à $. Ber-
Ch lxvi "nard de Paris, une congrégation générale de par PUniverflté s
F.103.104. « à laquelle furent évoquez , &: appeliez l'Archevefque du puy
» en Auvergne & plu/leurs autres Prélats , &, généralement tous
» les Maîtres , Bacheliers, & Licentiers tant en Droit canon corn-
(d) quoi- »rae civil , jaçoit (d) ce que autrefois n'étoit point accoutumé
lue' « d'appeller les Licentiers , ni les Bacheliers 3 mais tant feule-
53 ment les Maiftres. Et fut faicte ladicte congrégation fur les
55 demandes & requefts par l'Archevefque de Pife 3 &; autres
(e)Lesats. " Legaulx (e) de noftre S. Père qui furent pareillement fur le
(O fur les ,5 dixième &■ vaccant ( f ) , fur les procurations &. dépouilles des
Decimes,& 35 trepaflez , mais premier en ladicte congrégation fut leue une
les vacan- „ ordonnance folemnelle autrefois faicte du temps de Pierre de
CCS
>3 la Lune par le confeil de PEglife Francoife fur les libertez &
sa franchifes de ladicte Eglife de par le Roy > fon grand Confeil
DE PISE. Liv. IV. if
>s & par Parlement, roborée & confermée l'an quatre cens & fîx , 1410,
a laquelle contient en effed eftre telle , c'eft à lavoir que ladide
»s Eelife foit maintenue & confermée en Ton ancienne franchife.
53 & par ainfi quitte de tous dixièmes , procurations & autres
radions (a) & fubfides quelconques :& parce que lesdids Le-,
îs gaulx en demandant viennent contre lesdides Conftitutions ti0ns.exac"
» & Arrefts,fut conclud que ladi&e Ordonnance feroit gardée
>» fans enfraindre. Et pour meilleure obfervance l'Univerfîté meit
» ( mit) & ordonna folemnellement hommes devers le Roy ,
>3 Ton Confeil ,&: devers le Parlement auxquels appartient ledit
» Arreft à deffendre, & efchever (b) les inconvénients qui s'en (b) éviter'.
» pourront enfuivir , par l'infradion desdites Ordonnances,, 6c
>5 Conftitutions.
« Item fut conclud que fî le Pape , ou les Legaulx veulent
» aucun compeller ( forcer ) ou contraindre par cenfure eccle-
» fîaftique , ou autremenentà payer lesdids tributs , qu'on ap-
« pelé d'eux au Concile gênerai de ladide Eglife. Item s'il y a
55 aucuns Colledeurs , ou Soubscolledeurs veillants avoir ou
s? exiger lesdids fubfides , qu'ils foient punis par prife de leur
55 temporalité , s'ils en ont point (c) , &c fînon qu'ils foient mis (c) s'ijs ^
35 en prifon. En outre fut conclud qu'à pourfuivre led id faid ont-
35 foit requis en ayde le Procureur du Roy , & des autres Sei-
33 gneurs, qu'ils fe veuillent adjoindre à ladide Univerfiré. Fi-
33 nablement fut conclud qu'en cas que le Pape allegueroit ne-
33 ceflîté évidente en l'Eglifè , que le Confeil de PEglife foit évo-
33 que , 6c là feroit advifée une manière d'aydepar manière de
33 fubfîde charitable $ & feroient levées &; recueillies lesdides
sspecunes par certains bons preudhommesefleuz par ledit Con-
55 feil , qui les diftribueront à ceux qui feront ordonnez par le.
55 dit Confeil.
53 Item le Lundy enfui vant fut fait un Confeil , où fut pre-
ssfent le Duc d'Aquitaine , l'Archevefque de Pife , èc autres
55 Legaulx du Pape, aufïï le Redeur de l'Univerlité. Et audidt
35 Confeil propofa ledid Archevefque , que ce qu'il demandoit
55 étoit deu à la Chambre Apoftolique , tant en Droit divin 3
33 canon, civil, comme naturel. Et que c'étoit faind &; juftice ,
33 & que quiconque denieroit à le payer , il n'eftoit mie Chreftien.
33 Desquelles paroles l'Univerfîté mal contente dit que lesdides
»3 paroles eftoyent proférées en la deshonneur & opprobre du
» Roy , & de l'Univerfîté , &par confequent de tout le Royau-
Diij •
1410.
3o HISTOIRE DU CONCILE
» me. Pour lesquelles choies fut de rechef le Dimanche enfui*
» vaiiC30. jour du mois de Novembre faicbe une Congrégation
» generalle où elle avoir eflé faicte le Dimanche devant , où,
»> il fut conclud que l'Univerfité envoyeroit devers le Roy , cer-
î5 tains Legaulx pour lui expofer les paroles par les Legaulx du
» Pape dictes & proférées , en luy requérant que publiquement
5> foient révoquées par eux , et rappellées. Et en cas qu'ils ne les
53 voudroient révoquer & rappeller , les Facilitez de Théologie
(a) Droit „ & Décret (a) efcrira contre eux fur les articles de la foy , ôc
» feront punis félon l'exigence des cas.
53 Item fut conclud que ladi&e Univerfité de Paris efcriroit
33 à toutes autres Univerfités , Prélats } et Chapellains , qu'ils
33 s'adjoignent ci l'Univerfité de Paris en la pourfuite dudicc fait.
>3 Moult d'autres chofes furent touchées audit aflemblement ,
3? lesquelles pour caufe de brièveté font delailTées à cy efcrire.
33 Toutesfois la concluflon fut telle pour bailler refponfe , que
33 le Pape n'aura point de fubfide : ce n'eft pas la forme dellus
3? dicte. Item fut conclud que l'Univerilte de Paris requerra l'Ar-
33 chevefque de Reims, & les autres du grand Confeil du Roy
33 qui ont fait ferment à l'Univerfité , qu'ils s'adjoignent en la
33 pourfuite devant dicte , ou autrement ils feront privez. Et c'efl
(b) erai- 33 i favoir que après toutes ces chofes lesdicts Legaulx (b) doub-
8naQt:• 33 tans s'en allèrent et partirent de Paris fans dire adieu , com-
33 me on difoit communément à Paris. Noftre Saint Père le Pa-
33 pe envoya (es AmbaiFadeurs devers le Roy pour le payement
33 du dixième impofite fur l'Eglife Françoife. Et en contant de
33 leur légation fut édit au Confeil du Roy , prefent le Duc d'Ac-
(c) non «quitaine , folution que non mye(c) l'Eglife Françoife fèule-
feukment. 33 ment fut obligée ou tenue à ladicte folution dudit fubfide ,
33 mais que toutes les Egîifes quelconques ils fuflent àlavoulonté
33 du Pape ., premier par le droit divin , par le Le vitique , où il dit
rd^Dïacres. " en ^a ^encence °iue les Diacques ( d ) payeroient au fouverain
33 Preftre le dixième. Secondement de droit naturel , &; pofitif.
33 Et quand ces chofes fe faifoient , l'Univerfité vint à eux. Et le
( e ) au. " lendemain fut faicte une Congrégation ou ( e ) colliege des Ber-
33 nardins. Et là fut délibéré que la manire de demander ce fub-
S3 fideeitoità reprouver comme inique , 8t contraire à la loi , ou
33 décret par le Roy&fon Confeil fait l'an 1406 , &; de la con-
33 fervation de libercé , &franchife. Et voulut l'Univerfité , que
« cette loy foit confervée ôc gardée fans effcre corrompue. Et fus-
DE PISE. Liv. IV. 31
»5 die outre qu'où le Pape 3 ou fes Legaulx voudront ce deman- i^ïq.
J3 der,& contraindre aucun à le payer par cenfure de PHglife,
33 que ladite Univerfité appellera au Confeil gênerai de l'Eglife,
33 &; là les nouveaux Gouverneurs du Roy &. du Royaume vou-
«droient, ou pourfuivroientattempter aucunement contre la-
55 dite loi , icelle Univerfité appelle au Roy , & Seigneurs de ion
»3 Confeil. Et où il y auroit aucuns de l'Univerfîté qui laboure-
jjroient (ai pour la folution dudit dixième , ils feront privés , s
»s (b) , & s il en advenoit d aucuns labourants a ce qui euiîent leroit.
)5 temporel , l'Univerfîté requerra au Roi , que leur temporel fût (b) de IeurS
• 1 ■ j r> r »M ' :*'■■■• Charges &
» mis en la main du Roi. Et ou cas qu ils n en auroient point , Bénéfices.
"fufTent enprifonnez. Et fe (c) par manière de voie caritative (c)g
«noftre SaincT: Père le Pape eflieùe (d) fubfide , il pleut à l'Uni- (d; ieVe.
53 verfité & au Roi que les Prélats foyent huchez (e) pour deux (Rappelle?
» chofes : premier pour advifer quelles choies feront traitées au
n Confeil gênerai dei'Univerfelle Eglifè prochainement à tenir.
>5 Secondement à délibérer de ce lur le contenu & requeftes
» defdits Ambafladeurs fur ledit dixième. Et s'il efloit délibéré
53 que noflre S. Père le Pape ait ledit fubfide 3 l'Univerfîté veut
33 que foit député aucun preudhomme de ce Royaume qui rece-
33 vroit l'argent pour la paix & union des Grecs &; Latins , &c
n du Royaume d'Angleterre , pour la quelle (f) de Sainte Ter- (f) con-;
33 re 3 & prédication de l'Evangile à toute créature , car ce font <îu"e"
33 les fins pour lcfquelles noftre S. Père le Pape eflieve ce fubfï-
w de comme dient fes Legaulx. L'Univerfité fur ce requin;
ï3 Meilleurs du Parlement qu'ils s'adjoignifTent avec eux. Car
53 cela eft leur arreft , & auffi le fait des Procureurs du Roy à (g)pourfuî-
»la profecution (g) defquels ladidte loi fut faite (h) te-
Après ces réfolutions l'Univerfîté députa Jean Juvenal des tre faire.
Urfins , Procureur du Roi au Parlement pour l'engager à repon-
dre aux proportions des Légats, & aux raifons dont ils lesap-
puyoient. L'Archevêque de Pife voyant de quel poids étoient
les fentimens de l'Univerfîté, fit toute forte de foumiffions pour
la gagner 3 & recommanda l'affaire à quelques uns en parties
lier. Nonobstant cela l'Univerfîté conclud le iS. Janvier de
l'année fuivanre qu'on n'accorderoit aucun fubfide au Pape è
moins que ce ne fût de l'avis & du confentement de toute PE-
glife Gallicane. C'eft là-delîus qu'au mois de Février il y eut
une afTembïée de plulieurs Prélats du Royaume pour avoir leur
avis. Ils firent bien tout ce qu'ils purent pour fléchir l'Uni ver-
3i HISTOIRE DU CONCILE
fîté en faveur des Légats , mais inutilement, quoique la plus
grande partie des Princes , & Grands Seigneurs penchât allez
à leur donner fatisfa&ion. Cependant le Pape ne fe rebuta pas.
Lorfque Ladiflas eut appris l'éleclion de Jean JlJ£I1I. il prit
le parti de faire la paix avec les Florentins pour pouvoir tour-
ner toutes fes forces contre le nouveau Pape , &: contre Louis
d'Anjou. Il leur envoya un Ambaiïadeur avec ordre de leur
faire des offres avantao-eufes. L'Affaire agitée dans le Confeil
de Florence , les avis fe trouvèrent fort partagez, mais le parti
d'accepter la paix remporta. Entr'autres conditions que les Flo-
rentins exigèrent, celle ci ne pouvoit-être qu'agréable à Jean
\XJ£llL C'eft que cette paix ne feroit point au préjudice de
l'alliance qu'ils avoient faite avec lui > & avec Louis d'Anjou ,
& que Ladiflas ne pourroit s'emparer de Rome , ni des lieux
Hif} Fwf»r. circonvoifins j jufqu'à un certain efpace qui étoit fpecifié (à).
p. i<?i.i?2. Cependant cette alliance avec fon capital ennemi étoit fore
fufpede à Jean JfJflII. Se il la regardoit comme une révolte
de la part des Florentins. Il en écrivit au Roi de France Se à
TUniverfité pour leur repréfenter les allarmes que lui donnoit
cette confédération , Se pour demander du fecours contre La~
dijlas qui ne cherchoit qu'à s'emparer de Rome pour y mettre
un Pape à fa pofte. Il écrivit auffi une lettre au Parlement de
Paris pour notifier fon eîedion , Se l'inclination qu'il avoit à
procurer la paix à la Chrétienté. Un de fes Nonces ajouta que
Jean JfJflII. avoit defTein de travailler à l'union de l'Eglife
Grecque & Latine, & d'afîembler un Concile au temps mar-
qué par celui de Pife pour reformer l'Eglife dans fon Chef Se
dans fes Membres. Comme c'étoientlà des prétextes fpecieux
pour demander des fecours d'argent , le Parlement en fut la
dupe ., Se à la follicitation du Cardinal de Pife 3 Se des Seigneurs
de la Cour on lui accorda un fecours caritatif> comme ils par-
lent , pour fubvenirà [es befoins réels ou prétendus, Se pourfe-
voyezlà- conder des intentions qu'il ne penfoit guère à exécuter. Cepen-
Tumml'iu ^anc on ^urPr^c à Paris une lettre écrite apparemment avant
vrfins Hift. cette dernière réfolution , où le Légat fe plaignoit au Pape de
deCW/"^i ce que le Parlement prétendoit que la France étoit exempte de
payer aucun fubfide à la Cour de Rome 3 Se que la connoifTan-
ce des caufès écclefiaitiques lui appartenoit en ce qui regarde
le poJseJJoîre. Le Parlement en fut fort irrité , Se ordonna de
chercher dans les Archives des Patentes, ou Edits du Roi , ce-
lui
DE PISE. L iv. TV. $5
lui qui regardoit l'immunité de l'Egiife Gallicane. 11 fut en me- ^i©,
me temps refolu de faire défenfe au Légat de rien écrire con-
tre les droits du Parlement fur la connoifTance des caufes con-
cernant la pofleffion des Bénéfices , & on pria le Roi d'écrire au
Pape & aux Cardinaux , de ne point ajouter foi aux Légats , , . rm
& de maintenir le Parlement dans fes privilèges, (a) „;ana.
XXI. Ce fut à peu près en ce temps-là que le Roi de France &&**•*»*
i - î • • j * » • j j • furies Bene-
donna un editquia du rapport a ce qu on vient dédire, pour ^^ -
empêcher que ceux qui pendant la neutralité avoient obtenu ««* de ru-
des Bénéfices n'en fuflent dépouillez, & qu'on ne les inquiétât njver^éPen'
a cette occaiion comme railoient les Juges Apojtoliques , c elt-a- traitté.
■dire , les créatures du Pape. Il eit porté dans cet Edit que c'eft
au Parlement qu'appartiennent la connoifTance & l'interpréta,
îion des Ordonnances au fujct des Bénéfices, 6c des débats qui
en naifïent. Je donnerai cet Edit tel qu'il fe trouve dans l'Hiftoire ^> r°m'y
de Wniverjité de Paris, ^d)
Provifion faite fur les Bénéfices donner à ceux de
rUniverfité durant la neutralité*
dCharles parla grâce de Dieu'Roide France. A tous
™ ceux &.c. Noflre très chère 6c amée Fille l'Univerfité de
95 Paris , Nous a faitexpofer que joint que par le Concile , par
» Nous , 6c l'Egiife de nos Royaume 6c Dauphiné de Vien-
*>nois , tenu 6c célébré en la conclusion de la neutralité faite
53 par Nous en nofdits Royaume &c Dauphiné , contre les deux
w Contendans de la Papauté de l'Egiife universelle , ayenteflé
™ faits plufieurs Statuts 6c Ordonnances pour l'exhaufTement
w de ladite Eglife , 6c entre les autres , fur les cotations & pro-
« vifions des Bénéfices , afin que lefdits Bénéfices fuflent diitri-
» buez 6c conférez par les Ordinaires à perfonnes dignes , &c
53 bien meuis , tant de nos ferviteurs Se familles , comme des
»3 Eftudians 6c Supports de noftredite Fille l'Univerfité , & d'au-
>3 très Efludiants , pour lefquels Ordonnances tenir en leurs
33 termes, 6c garder qu'elles ne fuflent enfraintes par lefdits Or-
33dinairesa euflent efté trouvez par ledit Concile aucuns quia
33 ce pourvoiroient en defFauit d'iceux Ordinaires , de aux fer-
53 viteurs Se familles , 6caufli aufdits Efludiants, ôc fuppofts de
35 noftre Fille l'Univerfité de Paris 6c d'autres Eftudes ayent eflc
Tom. II. E
34 HISTOIRE DH CONCILE
2410. M particulièrement fai&es , de diftribuees affignations , pour feîos
55 lefdites Ordonnances leur eftre pourveu defdits" Bénéfices
55 par lefdits Ordinaires ,& Collateurs d'iceux Bénéfices, fur
53 lefquels chacun d'eulx ertoit afiigné. Depuis laquelle conclu-
55 (ion de ladite Neutralité , plufieurs d'eux nos Familles de Ser-
55 viteurs, de defdits Eftudiants , de Supports de noftre Fille l'U-
55 niverfité de Paris, de d'autres Efludes ayent efté deùement
5> & canoniquement pourveus de Bénéfices félon lefdits Statuts,
55 de Ordonnances du Concile defîiifdit, de en ayent efté deuë-
55 ment de canoniquement mis de inftitués en pofTeiîion de faifine :
ssneantmoins par inadvertance ou autrement , aucuns Juges
55 ^poftoliques, & autres perfonnes ont iceux moleftez , de em-
« pefchez , de s'efforcent de troubler, molefterjou empefeher
« plufieurs de nofdits Serviteurs de Familles , de defdits Eftu-
» diants de Supports de noftre dite Fille l'Univerfité de Paris T
55 de d'autres Eftudes : de ce pour raifon defdits Bénéfices à eux,
« ainfi que dit eft, donnez & conférez , de defquels ils ont efté
's deiiementmis en pofTefiion , faifine , qui a efté , de eften venant
53 directement contre lefdites Ordonnances , & en grande per-
ssturbationde nofdits Royaume ôtDauphiné :de de plus feroit,
ssfepar Nousn'eftoit fur ce pourveu de remède convenable , fi
«comme dit noftrediteFille en humblement requérant iceluy.
53 Pourquoy Nous 3 ces chofes confédérées ; de que Nous qui
33 fournies Gardien , Protecteur , de Deffenfèur des Eglifes de
s* noftre dit Royaume de Dauphiné , & que les Statuts , de Or-
33 donnances deftufdites, fai&es audit Concile avons ratifiées,
33 de approuvées , appartient iceux , de tout ce qui s'en eft en-
35 fùy , faire tenir , de garder , fans enfraindre , de pour obvier
55 aux inconvénients devant dits. Avons ordonné , & ordonnons
53 par ces prefentes , que tous ceux à qui il aura efté ainfi pour-
35 veu félon lefdits Statuts 3 de Ordonnances de pofTeflions , &
» faifine d'iceux Bénéfices, dans lefquels on les trouvera eftre ,
33 6c que tous troubles de empefehements , qui en ce leur font.,
3> en fbient oftez par le premier de nos Jufliciers qui requis en
33 fera. Et tous les perturbans,empefcheurs, de autres , qui pour ce
33 feront à contraindre, contraints à eux defifter defdits troubles,
33 de empefehements , de à rendre 3 bailler , de mettre réellement
33 de de fait es mains de noftre dit Jufticierj comme en la noftre,
55 toutes citations , procès 3 de manières , par vertu , ou foubs
» ombre defquels ils lé font efforcez , ou s'efforcent de faire
DE PISE. Lir. IV. 35
wiceux empefchements, &c auflî à rappeler, révoquer Se mec.
s> tre du tout au néant tous les procès , qu'ils auront fur ce fait , '4!^
"ou fait faire paria priie des temporels qu'ils tiennent, &cien-
55 dront en noidits Royaume &c Dauphiné , à quelque titre 6c
^ caufe que ce foit , ou autrement par toutes voyes deiies ôc
■» raiionnables. Et h* aucuns en y avoit qui n'euftent temporels
v en iceirx nos Royaume 6c Dauphiné , 6c qu'ils fuilenc refufants
«d'obtempérer à noidits mandements, inhibition & defenfes 3
«que iceux , 6c tous ceux qui procureraient les empefchements
î3 éc qui s'entremettront ou font entremis de leur aider à ce fai-
» re, 6c fouftenir , foyent pareillement contrain&s par prife6c
^emprifonnement de leurs perfonnes , 6c par arreft 3 6c détenu
r» ption de leurs biens _, jufques à ce qu'ils ayent deiiement ob-
tempéré, & obéï aux choies deirufdites , 6c chacune d'icelles.
.,5 Si donnons en mandement à nos Amez 3 & Féaux Confeil-
tïjlers tenans , 6c qui tiendront Parlement: au Prevofl de Paris.,
35 & à tous nos Senefchaux, Baillys, ôc autres Jufticiers 6c Offi-
3>ciers ytk. leurs Lieutenans. à chacun d'eulx, que nos prefentes
j5 Ordonnances ils faiTent tenir & garder entièrement fans en-
.5; fraie dre , en contraignant ou faifant contraindre à ce tous
« ceux qui à contraindre y font vigoureufement , & fans déport
33 par les manières devant dites 3 6c en cas d'oppoiîtion , les biens
33 defdits perturbateurs, 6c empefeheurs tenus en noftre main:
m quant à ceux qui ont temporel , 6c les perfonnes des autres
33 qui n'ont temporel , arreftées, de détenues , 6c les procez des
êi Juges Apoftoliques contre lefdits Statuts & Ordonnances faits ,
336c à faire , 6c tout ce qui s'en eft, & fera enfuy , tenu en fuf-
33 pens, attendu que la cognouTance & interprétation d'icelles
53 Ordonnances , êc les débats qui en naùTent 3 appartiennent à
35 noftre Cour de Parlement, adjournent , ou faiTent adjourner
55 les oppofants , 6c auifi leldits perturbeurs 6c empefeheurs , 6c
» autres contredifans &c dilayans d'obtempérer les chofes def-
35fuidites , ou aucunes d'icelles 3 à comparoir perfonnellement
« ou autrement , comme les cas le requerront à temps àc com-
55 pétant jour ordinaire ou extraordinaire de noftredit Parle-
53 ment, nonobftant qu'ils foyent de nos autres Parlements ad-
» venir , nonobftant que les Parties ne foient pas des jours dont
55 l'on plaidera lors , pour dire les caufès de leur oppofition ,
55 & reîpondre à noftre Procureur général , à noftre dite Fille
» l'Univerfité , & à tous ceux qui s'en veulent faire partie , pour-
Eij
56 HISTOIRE DU CONCILE
1410. » tant que chacun pourra toucher à tout ce qu'ils voudront dé-
jà mander , & contre eux propofer ^ & requérir ies circonftan-
33 ces &: dépendances , & aller avant &c outre félon raifon r
«en certifiant fur ce fuffifamment audit jour nofdits Confeillers
«aufquels nous mandons que aux Parties ouyes faffent paix. Et
a pour ce que par avanture les perfonnes de ceux qui ont fait:
î3 ou feront lefdits empefchements , refus ou contredits , ne
«pourront eftre appréhendez en nofdits Royaume & Dau-
>sphiné pour faire à leurs perfonnes adjournements. , ôc,
>3 commandements , inhibitions , èc defenfes. Nous voulons-
jsqu'icelles Ordonnances, commandements, inhibitions & de-
55 fen Tes qui feront faites aux perfonnes de leurs Procureurs aux^
53 lieux domiciliez defdits Bénéfices 3 au cas que ne pourront
» eflre appréhendez , vallent , & foyent d'autant d'effet & de
33 valeur > comme s'ils fufïènt faites à leurs propres perfonnes.
» Et outre pour ce que de ces pref entes l'on pourroit avoir à.
>» befogner en divers lieux , ôc qu'elles fe pourroient dépérir v
53 & perdre fur les chemins, Nous voulons qu'aux Vidimus , &c.
53 Donné à Paris le 17. jour d'Avril 1410».
Mmiàèqud* XXII. C'est tout ce que l'Hiftoire nous apprend des a&îons
ques Tètes fe- Jean XJCI1I. pendant cette année. Elle fut mémorable
iiï!."Sâr- Par ^a niort de plufieurs Têtes couronnées 3 comme d'Alexan-
tin d'A.ra- are V '. de l'Empereur Robert , de Martin roi d'Arragon. La
s°*' mort du dernier de ces Princes caufa de grands troubles en Ef-
pagne } par le grand nombre des compétiteurs à ce Royaume.
Tels étoient 1. Frédéric comte de Lune , fils naturel de Martin
roi de Sicile , mort l'année précédente. Benoît JC1II. avoit lé-
gitimé Frédéric 3 & l'avoit déclaré habile à fuccederâ la Cou-
ronne. 2. Ferdinand fils de Jean roi de Caftille , & de Yolan*
de , ou Eleonore fille de Pierre 11. roi d'Arragon , & foeur de
Martin l'aîné. 3. Zoiiis duc d' 'Anjou , &roi de Naples qui avoit
époufé Yolande fille unique du roi de Caftille. 4. Matthieu,
comte de Foix qui avoit époufé Jeanne fille de Martin* 5. Al-
fhonfe duc de Gand. 6. Jacques comte d*Vrgel petit-neveu à* Al»
fhonfe IV. & neveu de Jacques fon fils, rois d'Arragon.
Ce fut dans l'efperance d'aller au devant des troubles qui
dévoient naître de ces concurrences, que Martin fè maria tout
infirme qu'il étoit. L'Hiftoire dit même qu'il ufà de certains
médicaments , qui au lieu de lui donner de la vigueur lui ôte-
rent la vie. Après la mort de Martin on choiiit un Confeil de
DE PISE. Liv. IV. 37
neuf juges , donc il y en avoit trois d'Arragon , trois de Cata-
logne , & trois de Valence, Ils examinèrent l'affaire en préfen-
ce de Benoit XlII. reconnu dans tous ces Royaumes , & fe dé-
clarèrent pour (a) Ferdinand IV. Infant de Caflille , malgré les > .
briguer de Benoît qui vouloit y mettre Frédéric de Lune fon i^o.n.ts!
parenc. Mais ce choix n'ayant été déclaré que deux ans après ^- sîonL
la mort de Martin , les brigues , les brouilleries, les meurtres 5t!°^'»f"
& les féditions continuèrent dans le Royaume pendant cet inter- 1410. n. r.
règne. Ferdinand s'étoit déjà fignalé cette année par deux vic-
toires qu'il avoit remportées fur les Maures , comme on l'a déjà
dit. L'Hiftoire rapporte que pendant que Martin étoit malade
de la maladie dont il mourut, il arriva un tremblement de terre
qui lui fit juger que cela préfageoit la mort de quelque Grand.
Mais ce rie fi pas , dit il, la mienne 3 c'efi celle de Benoît XIII. qui
efi -plus <zrand que moi. L'événement jultiiîa qu'il avoir été mau-
vais prophète, puifqu'il mourut cette année , ôc que Benoit ne
mourut qu'en 1424.
XXIII. Entrl les concurrents au Royaume & Arragon , il Jacques
n'y en avoit point de plus redoutable que Jacques d'Vrgel.T> cs^J^ *['_
que Martin eut les yeux fermez, il prit la qualité de Gouvcr- yaume <?Ar--
neur du Royaume , fous prétexte d'y maintenir la tranquillité , ra&or7'
en attendant que l'élection fe fît félon les loixdupaïs. Comme
la veuve du Roi d'Arragon prétendoit être -girofle , ce Comte
la gardoit à vue , craignant d'être la dupe de quelque fuppofî-
tion. Sachant d'ailleurs que Pierre de Lune , ou autrement
Benoît JC111. & l'Archevêque de SaragofTe lui étoient con-
traires, parce qu'ils vouloient mettre fur lethrône Frédéric de
Lune , il menaça le premier de le faire rafer , non pas 3 difoit-il r
avec de l'eau comme on fait d'ordinaire 5 ôc l'autre, de changer fa
tiare en un cafque de feu. Cependant , comme on l'^déja dit ,,
Ferdinand l'emporta fur les rivaux.
XXIV. Il n'y eut pas moins de brouilleries à cette occa- Cabrera
lion en Sicile , qu'en Efpagne. BernardCabrera , Préteur ou Grand vm ■*"»?*-
Jufiicier de cette Ifle , voulut fe prévaloir de la mort de Mar- ™^ e a s
tin d'Arragon , pour s'emparer du Royaume de Sicile ( 1 ) , au
préjudice de - Blanche fiïïe du Roi de Navarre qui en étoit Vice-
Régente II fe trouvoit appuyé dans cette entreprife par le voi-
iinage de Ladijlas & de Grégoire JCI1. qui avoit encore quel-
(1) Il s'agît ici de la Sicile ultérieure au delà du Phare, qui depuis les Vêpres Sicilien-
nes étoit du reflbît du Roi à'Arrago&i
t E iij
38 HISTOIRE DU CONCILE
que ombre de pouvoir 3 parce qu'il ne demandoic pas mieux que
*410, detraverfer les Arragonois toujours dans les intérêts de Benoit
JflII. Pour y mieux réûfÏÏr 3 il fe mit dans la tête d'epoufer
Blanche , afin d'avoir un plus beau prétexte de fe faire donner
le nom de Roi. Ce n'étoit pourtant pas une entrepnfè ailée.
La Reine étoit jeune , belle , & fiere : Cabrera n'etoir ni jeune
ni bien fait. Elle le tenoit ordinairement dans un monaitere de
filles au voifinage de. Catune , ville maritime &. bien fortifiée.
Le Tyran prit la réfolution de l'aller enlever dans cette retrai-
te 5 mais la Reine avertie de ion delîein fe rerira dans la For-
texe^e Cabrera confus & irrité de voir que fon fecret éroit éven-
té, demanda une entrevue à. Blanche ^ fous prétexte de fejuftifier.
Elle ne la lui refufa pas. On dit que dans cette entrevue , après
avoir tâché de faire fon apologie, il glifïa quelques propofitions
de mariage ; à quoi la Reine ne répondit que par ces paroles ,
JFy vieux galeux ,Hui Senex S c a b i o s e ,,& gagna la plei-
ne mer fur fa galère , dont le pilote menaça Cabrera de le faire
fauter dans la mer s'il ne fe retirok au plus vîte. Cabrera pour
fe relever d'un fuccès fî honteux , fèma de faux bruits contre
Blanche pour rendre fon gouvernement fufpecfc. Il fe plaignit
hautement qu'elle ne vouloit entrer en aucune conférence avec
juifurce qui regardoit le bien de l'Etat , quoiqu'il fut le pre-
mier Magiiirat , & qu'elle tenoit des confeils fecrets avec des
particuliers qui etoient {es ennemis , auffi.bien que ceux du
Royaume. Sous ce prétexte il amafïa des troupes, &. s'empara
de plufieurs villes. lien auroit été de même de Syracufe 3 fî Blan-
che ne s'y fut retirée promptement : elle commanda en même
tems à { i ) l3 "Admirante Sancio de fe mettre en état de foutenir
Je fiege de cette place. -Cabrera y vint en effet , & s'étant em-
paré delà ville il mit le fiege devant la ForterefTe. Après avoir
battu la place plufieurs jours , il fut enfin repoufTé par la bra-
voure de Jean de Moncado , & de l'Admirante. Cependant Blan-
che fe retira à Palerme: il l'y pourfuivit , &. l'y auroit furp ri fe,fï
elle n'avoit pris la fuite à demi nue , accompagnée de quelques
femmes. Cabrera ayant appris l'évafion de la Reine, Voila , dit-
il , la troisième fois quelle m échappe. Il alla cependant dans la,
maifon où elleavoit couché , &: fe mit dans fon lit où il fe rou-
Joit avec la même volupté qu'un chien de chafTe qui fent la
(i) Cefi à peu près la même çhofe en Espagnol <\\\ Admirai en François,
DE PISE. L iv. IV. 39
pifle du gibier. Je n'ai pas , dit- il , la perdrix 3 mais f en ai le nid.
Il la fuivit en effet à la pifte , &. l'ayant trouvée au voifinage de
Palerme, il n'épargna ni proniefîès ni menaces pour la gagner.
Il fit aufîî tout ce qu'il put pour excufer la violence & la mal-
honnêteté de fon procédé , proteftane que ces violences ne la
regardoient point , & qu'il n'avoir eu pour but que de pourfui-
vre des traîtres 6c des ennemis de l'Etat. Enfin ayant afîïcgé Pa-
lerme^ les ennemis firent une heureufe fortie 5 on le prit & on
l'emmena prifonnier au Châteaff de Note 3 où il fut traité avec
l'indignité qu'il s'étoit attirée. Sancio le fit mettre dans une ci-
terne vuide , mais qui fut bientôt remplie par des canaux qu'on
lâcha toutexprès. Il eut beau crier au fecours , perfonnene ré-
pondoitj foit que le bruit de l'eau fît qu'on ne Pentendoit pas y
ioit que les domeftiques fuffent occupez à empêcher qu'elle ne
pénétrât ailleurs. Il y eut enfin un des domefliques qui par ha-
zards'étant approché de la citerne , &c l'ayant vu dans ce dé-
plorable état, en alla avertir le gouverneur du château , qui n'i-
gnoroit pas ce qui fe pailoit. Il fit femblant d'en être bien fur-
pris., Se fit retirer de là le pauvre Cabrera tout inondé. Délivré de
ce péril, il penfa à gagner celui qui le gardoit , en lui promet-
tant des monts d'or quand il feroit en liberté , & dès lors mille
ducats d'or argent comptant. Le Garde ayant dit qu'il vou-
loir du temps pour y penfer, alla avertir Sancio , qui lui ordon-
na de promettre à Cabrera qu'il le fauveroit., & de prendre l'ar-
gent. Le Garde alla donc trouver Cabrera la nuit , & lui tendit
une corde, le prefFant fort de defeendre de peur d'être furpris.
Mais quand il fut prefque au bas de la tour , il fe trouva pris
dans des filets qu'on avoit mis là tout exprès. Il fut là pendant
long-temps la rifée de tous les pafTants , qui le comparoient à
Mars furpris en adultère avec Venus. Quand on jugea qu'il avoit ^0E^Vr
été affez long-temps le jouet du public , on le ramena en prL xx.uwmt
fon , d'où il ne fortit que pour aller en Catalogne par ordre de Fdu & s*"
(a) Ferdinand qui le redemanda comme étant fon fiijet. Mes
Auteurs n'en difent pas davantage.
XXV. L' I t a l i e étoit toujours defoîée par les factions des Etat & ?k
Guelphes & des Gibelins, dont les premiers tenoient pour les taie%
Papes , & les autres pour l'Empereur & pour les Seigneurs fe-
culiers, Comme Jean Maria Galeas , duc de Milan , étoit à la
tête de la faction Gibeline, on peut compter la mort de ce Duc
entre les profperitez de Jean XJflII. & même on peut dire que
4o HISTOIRE DU CONCILE
la mort de tels Tyrans, en eft une pour tout le genre humain.
*410, Ce Prince avoir été dès fa première jeunefîe un monftre de fu.
reur & de cruauté. Comme un autre Néron , il avuit fait mou-
rir fa propre mère. Animant les Gibelins contre les Guelphes,
on ne voyoit dans tout le Jvlilanois que mailacres 3 briganda-
ges , incendies , facrileges , dans les villes& à la campagne. Le
Duc , comme s'il eiit été agité par des Furies de l'Enfer ., pre-
noit un tel plaifir à répandre le fang innocent 3 que la vie de
perfonne n'etoiten fureté , & qu*il n'épargnoit ni âge ni fexe ,
ni condition. Son fpectacle le plus agréable étoit de voir les
hommes pourfuivis par des chiens & par des dogues , qu'il nour-
riiToit exprès pour afTouvir cette rage. On raconte qu'ayant fait
jetter un jour aux chiens un enfant dont il avoit fait cruellement
déchirer le père, ces bêtes accoutumées & même alors animées
au carnage 3 n'ayant pas voulu le toucher ,il l'égorgea lui-même
de fa propre main , &: le fit enfuite jetter à ces bêtes , qui moins
inhumaines que lui , ne voulurent ni lécher fon fang , ni tou-
cher fon corps Enfin la Juftice divine ne permettant pas qu'un
monftre fi furieux vécût davantage , il fe forma contre lui une
conjuration j& de l'avis unanime des principaux de l'une &, de
l'autre fadion , ( 1 ) il fut maiTacré comme il alloit à TEglife. Son
corps auroit été privé de la fepulture , fans les bons offices d'une
(a) Byv. courcifane ^ a ) .Tout le refte de l'Italie n'étoit pas dans une
moindre defolation. La pefte y faifoit de grands ravages. Le
fchifme y avoit allumé le feu d'une cruelle guerre civile. Com-
me on jugeoit avec raifon que Dieu étoit irrité de tant de cri-
mes , quifecommettoient pendant ces temps d'animofîtez réci-
proques , on ordonna par tout des prières publiques & des
procédions folemnelles. On voyoit dans les villes & à la campa-
gne 3 des perfonnes de tout âge , de» tout fexe , & de toute con-
dition 3 aller dans les rues & dans les champs, vêtus de longues
robes blanches depuis la tête jufqu'aux talons j perfonne ne
pouvoit s'exempter de cette dévotion , fans pafîer pour profane
& pour impie. Les Princes ,les Prélats, tout le Clergé, y afîîf-
toient comme le peuple. On fufpendit tous les procès & tous
les a&es de Juftice ^ il s'y fît quantité de reconciliations, & une
ubi fuP? n*. reformation confiderable dans les moeurs. Ces Procédons dure.
37- rent crois mois (b).
(0 ft&sMk qu'il fut tué par fes domeftlques. Hifl. Titrent p. ifoi
XXVI.
DE PISE. Liv. IV. 41
XXVI. La France n'étoit pas plus t tan quile ; elle étoic i^ïo.
déchirée par deux factions qui , fous prétexte du bien public } emiUU
mettoient tout à feu &à iàng dans le Royaume. On appelloit FraHce*
les uns , la faction des bourguignons , & les autres celle des Or-
leanois \ ou des Armagnacs , parce que le Comte & Armagnac
étoit un de leurs principaux chefs. Depuis la paix de Chartres ,
le Duc de Bourgogne devenu plus puilTant que jamais difpofoic
à (on gré du Roi , de la Maifon royale , ôt de tout le Royau-
me. Les ducs d'Orléans d'ailleurs, mecontens de cette paix ,
pourfuivoient à outrance l'afîaffinat du Duc d'Orléans leur père,
ils envoyèrent cette année un cartel de défi au Ducdel^r-
gognccnces termes, félon Monftrelet: Charles Duc d'Orléans
«£•7* de Valois , Comte de Blois & de Bcaumont , & Seigneur de
Conchy. P h i lippe Comte de Vertus , & Jean, Comte d'An-
gou le J me frères , à toy Jean 3 qui te dis Du-c de Bourgogne. Pour
le très- horrible meurdre par toy fait en grand trahi fon 3 cfaguet à
penfe , par meurdriers 3 affaiflcz^ en la ferfonne de notre très-rc-
doubtè Seigneur, & Père , Monfeigneur Loys Duc d'Orléans ,
(cul frère germain de Monfeigneur le Roy , noflre Souverain Sei-
gneur , & le tien : Nonob fiant plufieurs fermens , alliances , &
compagnies d'armes que avoyes à lui , & pour les grands trahi fons ,
desloyaut-cz^, de s honneur , & mauv<?ftier^y que tu as perpétré contre
Tiofire dit Souverain Seigneur Monfeigneur le Rey 3 & contre nous
en plufieurs manières 3 te faifons feavoir que de cette enfuivant ,
nous te nuirons de" toute noflre puiffanec , & par toutes les maniera
que nous pourrons. Et contre toy & de ta dejloyauté & trahifon ,
appelions Dieu & rai fon à no/ire ayde , & tous les pr^udhom?nes de
£e Monde. En témoignage de verité , nous avons fait fceller ces
f refentes Lettres du fecl de moy Charles defius nommé. Donné
à J argue au ie A'VIII. jour de Juillet. Le Duc de Bourgogne ^y
répondit en ces mots, félon le même Auteur: Jean Duc de
Bourgogne 3Comte d* Arthois , de Flandres , & de Bourgogne, pala-
tin 3 Seigneur de Salines & de Malines. A toy Charles qui te
dis Comte de Vertus 3&à toy Jean qui te dis Comte d'Angoulefme ,
qui n'aguercs nous avez^eferipts vos lettres de deffîancesifaifons feavoir
& voulons que chacun [cache , que pour abbatre les très, horribles trahi-
fons par très -grandsmauvaifiiez^ &> aguets apenfezjconfpirécs, machin
nèesy & faicles felonnement à Rencontre de Monfeigneur le Roy noflre
très- redoubté & Souverain Seigneur 3 & le voftre : & contre fa très*
noble génération par feu LoYSvofire père , en plufieurs &diverfesm&>
Tom. II. F
4* HISTOIRE DU CONCILE
nier es : cep our garder voftre père f aulx & dejloyal trabifire de parvenir
à lafinalle exécution detefiablc , a laquelle il a contendu à l' encontre de
nofire très-redoubté & Souverain Seigneur >& le fi en 5 & auffi con-
tre ladiHe génération ^fifaulce & notoirement , que nul preudbomme
ne le devoit laijjer vivre : & mejmement nous , qui fommes coufins
germains de mondit Seigneur Y Doyen des Pères (i) 0* deux fois
père &plus abfirains à luy & à fadicte génération qu à, autre s quels-
quonques de fadilte génération de leursparens &fubjcHs3 ne devons un
fi faulxdefioyal3cruel & félon trabifire Jiaifier fur terre plus longuement
que ce ne jujl à nofire très-grand charge. Avons pour nous acquiter
loy aun/ient , & faire nofire devoir envers nofire très -grand & Souve*
rain Seigneur & fadicte génération fait mourir ainfi qii il devoit ledit
{aulx & de/loyal trahifire. Et ainfi 3 avons fait plaifir a Dieu 1.
fervice loyal a, nofire tres-redoubtè & Souverain Seigneur , execu~
té raifon. Et pour ce que toy & tefdict s frères enfuive-zj.a trace faul-
fe , defioyalle & félonne de voftre dict feu père y cuidans venir aux
damnablcs &> de/loyaux faits à quoy il contendoit , avons très-grand
lie fie au cueur de (dictes défiances. Mais du furplus contenu en iceU
les, toy & tefdict s frères avezjnenty3 ^menteizKfaulfement3 mauvaife-
ment3& defioyaument traifires que vous ejles,& dont a l'ayde de nofire
Seigneur qui fçait & connoifi la tres-entiere & parfaicle loyauté 3.
amour & vraye intention que tous jours avons ,. & aurons tant que
vivrons à nofire dit Seigneur , fadiïte génération 3 au bien de fon
peuple & de tout fon Royaume : vous ferons venir à la fin , & pu-
nition , telle que tels faulx , mauvais 3 & defloytfUxtrahittrcs rebelles
& désobéi fi ans fêlions comme toy & tefdict s frères efies 3 doivent venir
far raifon. En tefmoings de ce , nous avons fait fee lier ces lettres de
nofire S ecL Donné en nofire ville de Doiiay le jtlll.jour d*Aoufi 3
l'an 141 1.
Il couroic tous les jours de parc & d'autre des invectives ,
des Satyres , des Epigrammes pleines de fiel & de bile. On en
rapportera ici deux , parce qu'elles font en beaux vers La-
tins , l'une du Duc d'Orléans contre le Duc de Bourgogne ;
l'autre du Duc de Bourgogne contre le Duc d'Orléans. Celle
du Duc d'Orléans contre le Duc de Bourgogne étoit conçue en
ces ternies :
Te licet atra palus Erebi feptemplicemuro
Ambiat , aut Pblegethon ardens , aut fedibus mis
0) Je crois qu'il y a là une faute & qu'il faut dire £ain>
DE PISE. Liv. IV. 43
Jnfierni lateas caligine nubis opertus : '
jlut fi bella ge rentpro te quicunque valebunt
Ferre manu gladios ., validis torquere lacertis
Spicula , vel celeres arcu jaHare fiagittas :
Te patris ad tumulum c&dam , cafiumque litaho
Jlnte Jovem Stygium , cœfi patris ultor & hœres a
Si me fiata finent annos extendere faclis.
Le fens de cette Epigramme eft que quand le Duc de Bour-
gogne auroic dans (on parti tous les Diables , de ce qu'il y a de
plus formidable fur la terre , le Duc d'Orléans ne mourroit ja-
mais qu'il ne 1 eut lacrifïé aux mânes de fon père , & fur fon
tombeau.
Voici la réponfe du Duc de Bourgogne au Duc S Orléans.
Si cecidijje tuum juflk ratione parentem
u4mbigis , ut Jïle am fuadem pudor , horror y honeftas j
~Nam tuus ille pater ^terris invifus & aflris ,
Ob ficelerum fordes inopina morte peremptus
Occubuit : finemque maiis nox una diebus
Jlfitius impofuit } quàm jus expofeeret & fas.
JHinc mihi bella tamen , cœdes _, variafque rapinas s
Sœvus ubique facis. Sed fi mibi jufi a fiecundet
Bella JDeus , ficeler um pœnas in pondère pendes.
On fait dire au Duc de Bourgogne dans'cette Epigramme,, que
la pudeur 3 l'horreur 3 &. l'honnêteté l'empêchent de dire les
raifons de la mort du Duc à'Orlcam 3 qu'il repréfente comme
l'objet de la haine du ciel & de la terre j Qu'une feule nuit a
terminé les miferes publiques , d'une manière plus douce que
le Duc d'Orléans ne l'avoit mérité j Que pour cette jufte exé-
cution le Duc de Bourgogne étoit tous les jours expofé à des
guerres , à des brigandages, & à des mafîacres $ mais que fi la
fortune le fecondoit , le Duc & Orléans le payeroit au double.
Cependant il fut mauvais prophète , puis qu'il fut lui-même
aflaffiné en 141 9. par un domeftique du Duc à? Orléans. Pen-
dant ce temps on ne voyoit que placards contre les Orleanois,
Fij
l L\Q,
44 HISTOIRE DU CONCILE
1410. & contre les Bourguignons. En vertu d'une constitution à1 Ur-
bain V. qui excommunioit tous ceux qui confpireroient contre
les Rois , le Duc de Bourgogne fit publier par tout Paris , que
les Orleanoîs étoient excommuniez par cette Bulle , comme
(a) sponi. coupables de haute trahifon. Les Orleanois firent la même choie
Annal. 1410. » «,Ç 1 1 r» • / 1
«uni. xvi. a 1 égard des Bourgignons (a). É
EtatdeVJbt- XXVII. Un Hiftorien François place à cette année une trè-
fbTTê P ve ^e ^x mo*s encre ^a France & l'Angleterre (b). Un autre Hif-
Danîei. torien de la même nation [c) dit que toute la Noblefle du
(c)Me%rai. Royaume fouhaittoit avec paillon qu'au lieu de déchirer fes
propres entrailles par une guerre civile , on tournât toutes les
forces du Royaume contre les Angloispour vanger l'a mort de
Richard II. qui avoit époufé IJabcUe fille de Charles VI. èc
que la choie fut mite en délibération. Mais les Princes étoient
trop animez contre le Duc de Bourgogne pour écouterdes con-
feils aufli falutaires. Il y avoit long-teinps , dit l'Hiflorien des Re-
(d] Le P. valut ions d' Angleterre , (d) que V Anglois libre de fes mouvcmens
0rleiim' dôme /tique s ètudioit ceux de je s voifins 5 & L'un & l'autre parti
prévit que bien-tbt il s'en mèlcroit. Dans cette vue chacun penfa à
l'attirer de fon cote , & il eut le bonheur d'avoir à choïjîr 3 entre deux-
parties de la France , la plus propre à opprimer l'autre 3 pour les
ajjujettir toutes deux. Le Bourguignon ne rèuljit pas 3 fes liaifons
avec la Cour ne convenoient pas à Henri V. qui cherchoit à entrer
en France, non pour donner du fecours au Roi3 mais pour faire des con-
quêtes fur le Royaume. Par cette rai fon , & par les promefjes que lui
firent les Orleanois , leur parti lui parut le meilleur à fuivre.
On avoit fait dans le fleele précèdent bien des efforts & mê-
me des exécutions fanglantes pour détruire les Wiclefites , au-
trement appeliez les Lollards. Les Auteurs que j'ai pu consulter
n'apprennent pas d'où leur vint ce nom (r). lleft certain qu'ils
fe portèrent de leur côtéf de grandes violences, &àdesentre-
prifes fort criminelles , s'il en faut croire des Hifroriens qui à
la vérité paroifïenr pafllonnez contre eux. C'en: un malheur pour
l'Hiftuire que quand une fois certaines opinions ont été cou.
damnées, on n'oublie rien pour rendre odieufes les perfonnesde
ceux qui les ont foûtenues. Comme d'ailleurs ceux qui fe trou-
vent dans leurs intérêts ne font pas moins ardens à iuftifier ,
ou à excufèr ce que les autres condamnent, il eft fouvent fort
(i] Un (avant Anglois m'a appris qu'il vient de lolium , qui fignine de l'yvraye ou de la
zizanie , par^e qu'on les acculbit d'en femer dans le Royaume.
DE PISE. Liv.IV. 4s
difficile de démêler exactement la vérité d'avec les préventions. 1410.
[a] Un Hiftorien Anglois de ces temps-là , d'ailleurs fort pal- (a) rW.
fionné contre Wiclef , attribue ces opinions aux Lollards dans ïï^^t'
la Vie d'Edouard J1J. Parlant des Se&ateurs de Wiclef il dit p.^.i^z*.
«qu'ils croyoient que le vrai corps de J. C. n'eft pas dans le
« Sacrement de l'autel ,mais que c'en eft la reprefentation : Que
n l'Eglife Romaine n'eft pas plus le chef de toutes les autres Egli-
» fes qu'une autre Eglife,, & que jefus- Chrift n'a pas donné à Saint
>j Pierre plus de puiÏTance, qu'aux autres Apôtres: Que lePon-
m tife de Rome n'a pas plus la puifïance des clefs de l'Eglife ,.
>3 qu'un autre prêtre :Que les biens temporels peuvent êtreôtez
» à l'Eglife par les Seigneurs temporels 3 quand elle en abufe , ou
» quand elle eft dans l'erreur , ou dans le péché ( ' delinquentem)
» & qu'ils y font obligez fous peine de damnation : Que TE-
>5 vangile eft une régie fuffifante pour tout Chrétien 3 &; que tou-
rs tes les autres règles des Saints lous l'obfervance defquelles vi.
>3 vent plufieurs Religieux , n'ajoutent pas plus de perfe&ion à
«l'Evangile , que la blancheur à une muraille : Que ni le Pape,
» ni aucun autre Prélat, ne doit avoir de prifons pour punir les
» délinquants , & que tout délinquant peut librement aller où il
>3 voudra & faire ce qu'il lui plaira. » Cet Hiftorien ajoute que
ces proportions ayant été condamnées par le pape IJrbain V.
& par l'Archevêque de Cantorbcri^ Wiclef èc fes difciples demeu-
rèrent pendant quelque. temps dans le fîlence 3 mais que dans
la fuite , fous le nom des Lollards , ils répandirent dans le public
des opinions encore plus dangereufes. Voici celles qu'il leur im-
pute dans la Vie de Henri IV. •» Que les Sacremens ne font
» que des lignes morts 3 & de nulle valeur , de la manière
» qu'ils s'adminiftrent dans l'Eglife Romaine: Que la virginité ,
« & le célibat des prêtres , ne font pas des états approuvez de
» Dieu $ &: que par confequent , les Vierges , les prêtres , les Reli»
« gieux , s'ils veulent fe fauver , doivent fe marier , ou être dans le
« defTein de fe marier : Qu'autrement ils font homicides , ils de-
n-truifent la femence fainte d'où naïtroit la féconde Trinité y Se
» qu'ils interrompent le nombre de ceux qui doivent être ou
«fauvez , ou damnez: Que quand un homme & une femme font
» convenus enfemble de fe marier , la volonté eft fuffilante pour
>î le mariage , fans autre obeïftànce à l'Eglife, & qu'ainfi il y a plus
33 de gens mariez qu'on ne croit: Que l'Eglife n'eft autre chofe que
sa la fynagogue de Satan j Que c'eft pour cela qu'ils ne vont point
Fiij
46 HISTOIRE DU CONCILE
i^io. " à l'Eglife pour fervir le Seigneur , .& qu'ils ne reçoivent aucun
53 Sacrement j fur tout qu'ils ne prennent pas celui de l'Autel ,
>3 parce qu'ils prétendent que ceneft qu'une bouchée de pain
>s mort , la tour & Le pinacle de L' Antechift : Que quand il leur naît
53 un enfant , ils ne le font point baptifèr par les mains des Prê.
>»lïes^de peur que cet enfant , qui.cji la féconde Trinité non fouillée far
33 le péché , ne devienne pire enpajjantpar leurs mains. Qu'il n'y a
33 point de jour plus fàint que l'autre 3 non pas même le Diman-
>3 che j que tous les jours font égaux pour travailler, pour boire ,
33 &; pour manger $ Qu'il n'y à point de Purgatoire après cette
»3 vie j Qu'il ne faut point d'autre pénitence pour aucun péclié ,
33 que de fe repentir & de l'abandonner.
Les Lollards eurent du répit & même du pouvoir fous Edouard
III. et pendant les premières années du règne de Richard II.
dont W te le f étoit confefîèur. Le règne de Henri IV. ne leur
fut pas favorable. Wa/fngham rapporte à cette année le fup-
plice d'un de {es lè&aires , fimple artifan , qui foutenoit cette
proportion fcandaleufe , que le Corps de J. C. n'eft point dans
î'Euchariftie , & que ce qu'on y prend n'eft autre chofe que je ne
feai quoi d'inanimé qui valoir moins qu'un crapaut , ou une arai-
gnée , parce qu'au moins ce font des animaux. Cet homme ayant
été livré au bras feeulier fut condamné à être mis dans un ton-
neau d'huile bouillante. Le Prince de Galles , fils aîné du roi
Henri IV. qui auroit voulu. le fauver dufupplice ,alla lui-même
îe trouver pour l'exhorter à fe rétracter, Mais comme il n'en
voulut rien faire , on le jetta dans le feu. Le Prince touché des
cris affreux qu'il jetta dans les flammes , l'en fit retirer & lui
promit fon pardon , Se de quoi vivre le relie de fes jours , s'il fe
repentoit. Il ref ufa cette offre , Se périt ainfi miferablement. Le
même Hiftorien raconte que dans ce même temps quelques
gentilshommes Angloisde cette fe&e,à ce qu'il pretend,prefente-
rentau Roi £c au Parlement un mémoire, où ils expofoient que
le Roi pourroic avec les biens pofTedez&; mal employez parles
Evêques,Abbez,& Prieurs,entretenir quinze Comtes,quinzecens
gentilshommes ( milites ) fîx mille deux cens gens d'armes ( armi-
geros) & bâtir cent hôpitaux. Mais comme ils ne purent venir à
bout de prouver en détail leur propofïtion, le Roi leur défendit
de donner à l'avenir de pareils avis, ils ne furent pas plus heureux
(z)Waifi»g. dans deux autres demandes qu'ils firent. La première, que quand
?.33?'34o. jeurs Prêtres qu'ils ordonnoient eux-mêmes (a) , feroientpour-
DE P I SE. L iv. IV. 47
iiiîvîs pour héréfîe , on ne les mettroit point dans les priions des
Evêques , mais dans celles du Roi ou des Seigneurs féculiers. i41h°j
La féconde chofe qu'ils demandèrent en vain , c'eft que Ton ré-
voquât ou que l'on modifiât un Edit qui portoit, que ceux d'en-
tr'eux qu'on furprendroitdogmatifans, feroient arrêtez làns au-
cun ordre & mis dans les priions du Roi. On peut voir Wiclef
& les Wiclefites condamnez au Concile de Confiance.
XXVI II. L a doctrine de Jean Hus faifoit toujours de grands fngrh'At
progrès en Bohême , malgré les oppofîtions de Sbinko de Ha~ »£^e
fcmberg archevêque de Prague, élu en 1403. & celles du Clergé.
On a vd dans le Livre précédent qu' * Alexandre V. avoit écrit
à ce Prélat pour l'exhorter à empêcher le cours des nouveau-
tez ; & que pour cet effet il avoit fait brûler à Prague les Li-
vres de Jean Wiclef , &c de quelques Do&eursde Bohême dont
les Ouvrages étoient fufpeds d'héréfie ( 1 ). Non content de ce-
la l'Archevêque afTembla fon Chapitre pour délibérer fur les
moyens d'arrêter un torrent, qui, comme il le craignoit , alloic
inonder toute la Bohême. Il fut réfolu dans ce Confeil de ci-
ter Jean Hus pour lui faire des remontrances fur fa doclrine.
Ce dernier comparut. L'Archevêque lui reprocha entre autres
chofès d'avoir prêché qu'il ri ètoit point nécefîaire d'enterrer les morts
dans des cimetières y & qu'on pouvoir auffî-bien le faire au 7niliew
des champs , & dans les bois. Vous ri ignorez^ pas ymon cher fils ,
lui dit l'Archevêque , que S Adalbert( * ) ramena avec beaucoup
de peine la Nation Bohémienne de ces fepulture s profanes $ que fou-
vent il fut oblige de fulminer contre elle a ce fujet $ & qu'à fa prière _,
Dieu l' 'avoit châtiée de -plufïeur s fléaux 3 jufqu'à ce qu'en 103 9,
Brzetiflas ( 3 ) duc de Bohème s'engagea par ferment & toute fa
pofîcritè a garder inviolablement la Foi Chrétienne , & à fe faire
enterrer dans les lieux deftinès à cet ufage. Jean Mus répondit mo-
dérément , que s'il lui étoit échappé quelque chofe par erreur , ou
par oubli contre la Foi Chrétienne , il s'en corrigerait volontiers.
Là-defTus l'Archevêque le renvoya paifiblement avec ces pâ»
rôles , Dieu vous en fafle la grâce 5 Jtllez^3 <& ne tombez^ plus dans
(r) Il y a des Auteurs qui prétendent que cette exécution ne fe fit qu'en 141 o. après
la Conférence dont on parle ici. Theoïaid ,Bell. Hujjît. p. 8. y.
(i) Il y aune grande di/pute entre les Hiitoriens Polonois & ceux de Bohême fur le
corps de S. Adalbert , les premiers foutenant que ce corps repofe à Gnefne , & les der-
niers prétendant qu'il eft à Prague. Voyez là-deffus une difcuflion curieufe dans Bai.'-
5 I N U S Epit. Rer. Bohêm. Lib. III. Cap. IV.
,(î) U conquit la Bohême en 1038, Balh. ubi fupra Cap. II» III*
î4iO-
48 HISTOIRE DU CONCILE
ce pecbé. Cependant le Dimanche fuivant Jean Mus prêcha
publiquement fa doctrine , &: attaqua même , au moins in.
directement l'Archevêque. 55 • C'eft une chofe étrange , difoit-
» il } mes chers Bohémiens , qu'on défende d'enfeigner des ye-
» ritez manifeftes ,& fur tout celles qui brillent en Angleterre ,
« & en plufieurs autres lieux. Ces ïepultures particulières , 6c
» ces grofles cloches ne fervent à rien qu'à remplir les bour-
» fès des Prêtres avares. Ce qu'ils appellent ordre , n'eft autre
» chofe que confufîon. Croyez moi , ils veulent vous enchaî-
53 ner par cet ordre defordonné. Mais fi vous avez du courage,
» vous pourrez aifément rompre vos chaînes, & vous mettre dans
» une liberté dont on ne fauroit vous exprimer les avantages.
m N'eft ce pas une choie honteufe j êc une grande offenfe ea-
»3 vers Dieu d'avoir brûle 3 contre tout droit & raifon , des li-
» vres dépofitaires de la vérité , ôc qui n'avoient été écrits que
» pour votre bien ? » Sbinko ayant eu avis de cedifeours , en fit
des plaintes au roi Wencejlas. C'écoit mal s'adreifer. Ce Prince
& la Reine Sophie fa femme étoient dans les intérêts de Jean
Mus 5 <k d'ailleurs il trouvoitfon compte dans ces difputes , par-
ce qu'il tiroir ded'argent des deux cotez. Cependant comme les
livres dePT^/V/é/avoient été brûlez contre les privilèges de l'U-
niverfité,, qui relevoit immédiatement du Pape 3 cette exécu-
tion irrita extrêmement les Huiîites , qui pour s'en vanger fi-
rent courir des chanfons fatiriques contre l'Archevêque. Mais
ils n'en demeurèrent pas là -y ils chargèrent Jean de jejjenits ,
Docteur en droit canon & fort uni avec Jean Mus , de conful-
ter là-deflus l'Univerfité de Bologne. Elle répondit que comme
il y avoit confédération entre l'Univerfité d Oxford d'où étoit
Wïclef 36c celle de Prague 3 on ne devoir pas avoir brûlé les
livres de ce Docteur , de peur de s'attirer quelque refientiment
de la part de l'Angleterre. Cette réponfe étoit au gré de la
Cour de Rome , parce qu'elle ne demandoit pas mieux que de
tirer cette affaire devant elle. Jean H%s de fon côté réfolut d'en
appellera Jean JCJCJ U. Ce Pape commit l'affaire au cardinal
Othon de Colonne , qui cita jean Mus à la Cour de Rome refi-
dente alors à Bologne. Mais comme il s'étoit fait de grands
ennemis en Allemagne , il étoit impoffible qu'il entreprît ce
voyage fans courir rifque de la vie. C'eft ce qui obligea le roi
Wencejlas , la Reine dont Jean Mus étoit conréflèur , l'Univer-
fité dePrague,.&un grand nombre de Barons de Bohême 6c de
Moravie ,
DE PISE. Liv. IV. 49
Moravie, â envoyer une Ambafïade à Jean XXI II. pour le I4,^#
prier i. de difpenler Jean Hus de comparoître perfonnellemenc j
t. de permettre qu'on prêchât dans les chapelles privilégiées ;
3. de ne pasfouflrir que la Bohême fût diffamée par de fauiles
accufations d'héréfie $ 4. d'envoyer aux dépens duRoyaume des
légats a Prague pour examiner toute l'affaire. Jean Hus de
fon côté envoya trois procureurs à Bologne pour défendre fa
cauie , & pour alléguer les raifons qui l'empêchoient de com-
paroître. Ce fut , à mon avis , en ce tems-ci que par l'entre-
mife du Roi & de fon Confeil , Jean Hus fut reconcilié avec
Sbinko,&. que ce Prélat , malgré les démarches violentes qu'il
avoit faites, fut obligé d'écrire au Pape en faveur de Jean Hus.
Voici fa Lettre. » Très-Saint Père , Alexandre V. de bienheu-
» reufe mémoire donna une Bulle qui portoit que dans le royau-
té me de Bohême , à Prague , Se dans le marquifat de Moravie on
» répandoit certains articles qui iéntoient l'héréfie & le fchif-
« me, & fur tout l'erreur damnable fur le Sacrement de l'Eu-
m chariltie , doneplufieurs éteient infectez, 8c qu'il étoit nécef-
w faire d'arrêter le cours de ces nouveautez avant qu'elles in-
« fectafTent tout ie troupeau. C'eft pour cela que par cette même
îj Bulle il m'ordonna de faire enquête de ces erreurs , afin de
» les extirper. Mais ayant exécuté cet ordre.conjointement avec
» les Profelleurs en Théologie , les Do&eurs en droit canon ,
» ôc mes autres vicaires , je n'ai point trouvé d'erreurs héréti-
"ques ni dans le royaume de Bohême, ni à Prague , ni dans le
is marquifat de Moravie :5c il ne s'efl rencontré perfonne qu'on
?> pût convaincre d'opinions qui méritafïent punition ecclefiafli-
>5 que. Et même par l'entremife de Wenccflas roi des romains ( 1 )
>s& de Bohême ., & de fon Confeil, nous nous fommes entie-
53 rement réconciliez avec Jean Hus , 6c les autres Docteurs
« Maîtres de l'Univerfîré s de forte.que les brouilleries que nous
55 avions eues enfemble , ont été afloupies, C'eft pourquoi , Très-
» Saint Père , defirant , félon mon office paftoral 3 maintenir le
» royaume de Bohême dans fa bonne renommée 3 j'ai recours
» à la clémence de Votre Sainteté 3 la fuppliant d'avoir coni-
>j pafîion de ce royaume , de lever & d'annuller l'excommuni-
» cation 6c les cenfures qui s'en font en fui vies j 6c de difpenfèr
» de comparoître en perfonne l'honorable Maître Jean Hus ba-
55 chelier en Théologie.
(1) 11 avoitététlcpofé en 1400. Mais la Bohême îe reconnouToit encore pour Eir4*;
pereur.
Tom. II. G
h
5o HISTOIRE DU CONCILE
Cependant le cardinal de Colonne faifoit toujours Ton chemin'.
£410. jean ffus ne comparoilfant pas au terme marqué , il le condam-
na par contumace , ôc le déclara excommunié 3 malgré les in*
fiances de lès procureurs. Comme l'injuftice étoit manifefte ,-.
le Pape évoqua la caufe à fon tribunal ,.ôc la commit à quatre
autres commilîaires , favoir à Antoine Çajctan y cardinal acqui-
tte , au cardinal Nicolas Brancacio , au cardinal de V'enife , 6c
à François Zabarellc cardinal de Florence. On verra Tannée pro-
chaine la fuite de cette affaire.
TankuUn. XXIX. Te Rome de Prague étoit depuis plufieurs an-
te\ touchant , _y ■' -\ r • <-r -r \ a-» r
Jérôme de nées uni d'mterets & de lentimens avec Jean Fins (a). Ce fut par
Prague. ^ \Q coiiieil de ce dernier qu'il alla fréquenter les Académies étran-
3$. H°(jît'. gères 3 comme celles de Heidelberg, de Cologne , de Paris ,6c ,
Cap. iïi. félon quelques-uns , celle d'Oxford. Au retour de (es voyages
Biib XI ^'^ i°^Smt: ^la£iues de Mife &; à Jean Hus , pour combattre
fyit.Rer. les abus de l'Eglife Romaine. En 1410. il fut appelle par le Roi
Bohêm. pag. je Pologne pour régler l'Univerfité de Cracovie. De Pologne
il alla en Hongie trouver Sigismond qui fur fa réputation avoir,
defiré de l'entendre. Comme il y prêcha publiquement les*
louanges de Wiclef ', il y fut accufé d'héréiîe par les Moines ,
& fans la protedion du Roi , il n'auroit pas échappé de leurs
mains. De Hongrie Jerbme alla à Vienne en Autriche ., où il
fut mis en prifon par l'Académie , à la follicitation des mêmes
Moines qui Tavoient voulu arrêter en Hongrie. On ne dit pas
combien de tems il demeura en prifon. Ce qu'il y a de certain ,
c'eft qu'il en fortit à la réquisition de l'Univerfké de Prague 5
qui le redemanda à celle devienne. Si ce que quelques Auteurs ra-
content elt véritable , Jerbme de Prague étoit un homme fore
violent Se fort fatirique. Je crois que c'eft, à cette année qu'il
faut rapporter quelques particuiaritez qui en feroient une bon-
ne preuve , fi elles étoient bien avérées. On prétend qu'il fè
joignit à deux Anglois qui étant venus depuis quelques années à
Prague pour y étudier , dogmatifoient publiquement contre
l'autorité du Pape. Entre autres problêmes , ils propofoient ce-
lui-ci : Si le Pape avoit plus de pouvoir qu'un autre Prêtre , & fi
le pain de l'Eucharijlie ou le Corps de J.C. avoit plus de vertu dans
la Méfie du Pape , que dans celle d^un autre Officiant. Celui qui
ctoit alors Recteur de l'Uni verfïté, qui avoit condamné au feu
en 1403. 45 Articles de Wiclef, en étant informé , leur défen-
dit de débiter de pareilles nouveamez fous peine du feu , fe-
DE PISE. Liv. IV. 5t
Ion la Conflitution de Charles IV, (a). Ils promirent le filen- 1410.
.ce, mais ils ne le gardèrent pas. Au contraire ils produifirent (a)Theob;
un témoignage de l'Univerfité d'Oxford fort avantageux à Wi- BeU- Hu^u
clef. Non contents de cela , ils demandèrent permifTion à leur bric, iv.1"
hôte d'orner leur chambre de quelques peintures. Ce qui leur
ayant été accordé 3 ils repréfenterent d'un côté J. C. entrant
dans Jerufalem monté fur une ânefïe , ôefuivi de fesDifciples
marchant les pieds nuds 3 & de l'autre côté le Pape précédé de
tambours , de trompettes 3 de gens d'armes , 6c monté fur un
fuperbe cheval tout enharnaché d'or &; de pierreries , & fuivi
de Cardinaux équipez de même. Cette peinture excita de grands
tumultes dans la Ville , chacun couroit à ce ipeclacle avec des
niouvemensbien difïerents. Les uns étoient irritez d'une pein-
ture h" flétriflante pour le Pape , pendant que les autres en étoient
charmez , comme Jean Hus qui la louoit hautement. L'Hiftoi-
renedit point ce qui arriva à l'hôte qui avoit permis la pein.
■ture 3 ni s'il le fit innocemment ou à defîein. En ce dernier cas
il auroit dû être banni du pais à perpétuité félon la Conflitu-
tion de l'Empereur Charles JK{b). On raconte une autre vio_ (b)Rubric.
lence de Jérôme de Prague 3 c'eft que pour fe vanger des mau- v#
vais traitemens qu'il avoit reçus à Vienne par Pinftigation des
Moines , il mit un jour fur un chariot deux femmes proftituées
avec les Bulles du Pape pendues à leurs mamelles toutes décou-
vertes. Elles étoient accompagnées dans ce chariot de deux
hommes deguifez en Moines , ou de deux Moines efYe&ifs. Après
avoir fait promener le chariot par la ville, il brûla lui-même
les Bulles du Pape fous la potence de la nouvelle ville où il de-
meurons c). On aceufe encore Jérôme de Prague d'avoir foulé ^Balbl».
aux pieds des Reliques qui étoient fur l'Autel de Ste. Marie de EP'\- *«■.
Prague , & d'avoir déclamé contre le culte des mêmes Reli- B°hm' p'
ques , à quoi on ajoute , que deux Moines ayant voulu s'oppofer Thcob.Betf.
à cette violence , l'un Carme 6c l'autre Dominicain , Jérôme fe H#f-p-n«
faifit de l'un 3 le fit mettre en prifon , 6c jetta l'autre dans la (a) #//?.</«
Moldave , où il fe feroit noie 3 fi quelqu'un ne fût venu à fon Conc. de _
feCOUrS ( d ). Chance.
XXX. Il y avoit long-tems que le Canon des Apôtres ( e) qui Guerresentir' '
défend aux Ecclefiafliques de tous les Ordres de porter les ar- V^u'eTà* Ai-
mes 3 n'étoit plus obfervé en aucun endroit du monde , fur tout ''magne.
en Allemagne. L'Hiftoire rapporte que dans ce. fiecle Jà un Eve- (e) Caa,
que nouvellement élu à Hildesheim ayant demandé où étoit la 8^
Gij
ri HISTOIRE DU CONCILE
Bibliothèque de fes prédécefleurs, on Je mena dans un arfé-
1^1° nal où il y avoir toute forte d'armes. Ce font là , lui dit-on ,
les livres dont ils fe font fervi , ôt dont vous devez ufer auiîi
pour défendre votre Eglife contre les ufurpations de vos voi-
■AChnnh. mis (a)« Le fehîfme avoir porté cette ardeur martiale jufques
ïpt/c.HUJes. dans le. Sanctuaire j chacun fe paffionnant pour le Pape dont il
apud Leib- avojc reconnu l'autorité , ou trouvant fon compte à reietter une
Scrip. obédience 6c à en choifir une autre félon les intérêts. LesEccle-
Bmns. fîartiques y étoient même autorifez par les Papes ( i ), qui ne
pa°m 7y<?.' faifoient nul fcrupule de facrifier les Canons &; la Difcipline â
leur âmbirion. On en vit plufieurs exemples au quatorzième
fiecle , à l'occafion des dém-êlez des Papes avec l'Empereur
Louis de Bavière. Sur la fin du même fiecle , c'elt-à-dire au
commencement du fchifme , Urbain VI. accorda de grandes
Indulgences aux Ecclefiaftiques qui prendroient les armes con-
tre Charles de Duras roi de Naples fon ennemi (b). Le fchi£
vJûn. me ri éroir pas la feule occafion de ces guerres 3 elles naiffoient
Coin dr. auflî entre les Evêques 6c les autres Seigneurs Ecclefiaitiques (2).
^cat. vi. çw//,iawf Comte de ^fr?, élu Evêque de Paderborn en eut
lxxviii. unefàcheufeâ foutenir cette année contre Frédéric Archevêque
pag. 304. de Cologne , & Adolphe Comte de Cleves. L'Hiftoire ne dit point
quel étoit le fujet de leurs démêlez ^ mais elle nous apprend
touchant cet Evêque , &: l'Eglife dePaderborne, certaines par-
ricularirez qui merirenr de rrouver place ici, Guillaume avoir
éré élu à certe Egliïe à l'âge de 18 ans par le Chapirre , fur la
fin du XIV. fiecle. Mais comme on demanda rrop rard lacon-
firmarion de Boniface JJC. ce Pape élur un Italien ( 3 ) nommé
Bertrand , qui fe vinr merrre en poiîefiîon de l'Eglife de Pader-
born du confènremenr du Chapirre qui avoir éré gagné. Ce-
pendant cette Egliie & les habitans de la ville renoienr roujours
pour le premier élu ; & ne voulanr poinr reconnoître iter/ra»*/
il fe rerira clandeitinemenr 3 quoiqu'il eûr obrenu un paileport.
L'affaire ne fut pas finie par cette évafion. Quelques Seigneurs,
(1) Le Pape Grégoire VI. dans l'onzième fiecle fut un de ceux qinfefianala le plus par
ces fureurs militaires , fous prétexte de défendre TEglife Romaine. 11 'es porta fi loin, qu'on
lui donna le nom de fai^uhiaire , & que fes Cardinaux eux-mêmes l'avertirent au lie de la
mort de ne fe pas faire enterrer dans l'Eglife de S. Pierre avec Ces prédécefleurs. Theoe.
Vrie Jnifi. Concil. Confiant, apud Van der Hardt. Tom. I. part. I. pag. 117.
(i) On doit le trouver d'autant moins étrange, que les Evéques d'Allemagne font auflî
des Seigneurs temporels , & qu'ils ont des Etats à défendre.
(3) Bertrand™ Darvajjannis , de LomI->ardie, Chanoine de l'Eglife de Ravenne' & Audir
*em de Rote. Qobel. Fer/en, /Etat, VI. Cap. LXXXV.
DE P ISE. ht Y. IV. R
comme encre autres le Comte àzEversheim^ flattez de Pefpe-
rance d'avoir le temporel du diocefe , le recurent fort bien I4ia*
ehezeux. A leurfollicitation il fit afficher des placards contre
ceux de Paderborn. Mais comme il étoit fort odieux dans le
païs , on profita de l'abfence du Comte chez qui il fe tenoit ,
pour l'enlever ôcle mener prifonnier à Guillamnc de Berg 3 qui
le contraignit à lui reftituer fon diocefe ,&: même à le recom-
mander au Pape de fâ propre main. Le Pape ayant difpenfé
Guillaume de l'âge ordonné par les Canons , il fut reconnu Evê-
que de Paderborn 3 ôc déclaré maître du fpirituelêc du tem-
porel. Pendant fon Epifcopat il eut plufieurs petites guerres à
efîuïer de la part de fes voifinsavec desfuccès difTerens, jufqu'à
celle de 1410. dont on vient de parler. Le Siège de Cologne
étant venu à vaquer pendant ce tems là par la mort de Frédé-
ric , il fut élu dans Cologne par une partie du Chapitre de
cette Cathédrale , pendant que l'autre partie , qui étoit la plus
conliderable } choifit dans un autre lieu Tbéodoric de Meurs
neveu de Frédéric. Jean JlJCJII. gagné par les prefens de
Tbéodoric , & follicité par Sigismond , confirma cette dernière
élection. Guillaume de fon côté appella de ce jugement à un
Pontife indubitable, au Siège Apoftolique, Se au Concile gé-
néral qui fe devoir tenir à Confiance, foutenant quefonconcur-
rent étoic un intrus , & que fon élection étoit iimoniaque -y & il'
fit afficher cet appel aux portes des Eglifes de Cologne II n'y
traicoit point Jean JfJilII. de Pape , il l'appeloit feulement
Jean , ( Dominum Johannem ) nommé far quelques-uns le Nou-
veau Pape , (. P A.P a m MODERNUMJ.En même tems Adol-
fhe'Du.c de Berg envoya une Ambaflade à Grégoire JlII. pour
faire confirmer l'élection de Guillaume fon frère. On ne fau-
roit exprimer combien il y eut de fang répandu , combien il
fe commit de maflàcres & d'aiTalîinats en attendant cette con-
firmation , dont l'hiftoire ne parle point. Cependant le parti
de Tbéodoric fe fortifioit tous les jours. Il entra à main armée ;
dans Paderborn 3 & en fut reconnu Adminiftrateur par le
Chapitre qui avoit déclaré le Siège vacant. Guillaume aban-
donné des Ducs de Brunswic &, du Landgrave de Hejse , qui
lui avoient promis de le foutenir , déchu de l'efperance de l'Ar-
chevêché de Cologne , &: même exclus de Paderborn , le
terme de fa difpenfé étant d'ailleurs expiré , il ne penfa plus
qu'à fortir d'embarras par une honnête compofition. C'eft ce
Giij
54 HISTOIRE DU CONCILE
14 10. qu'il fit en époufant la fille du Comte de Teklenbourg , nièce de
(a) G«SèC l'Archevêque de Cologne fon Concurrent (a).
Cosm'odr. XXXI. Les Juifs furent chafïez cette année d'une partie de
JExauYL l'Allemagne pari7 rederic èc Guillaume Margraves de Mifnie ,
xciii ^ Par ^a^taz^-r Landgrave de Turinçe (bj. On leur imputoit
Etat des jmfi d'avoir acheté un enfant Chrétien dans le delTein de le faire
enAiiemaffK mourir# La choie étant venue aux oreilles de ces Princes 3 ils
& en divers , . . v , , , , . ,
autres en- prévinrent ce meurtre , qui, a ce qu on prétend , n avoitete
droits du réfolu qu'en haine du Chriftianifme. On fit rouër le païfan qui
tb)B*ov. av°ic vendu cet enfant , ioit qu'il fût fon père , foit qu'il fut à
n. i4io.n. quelque autre. Les Juifs de ces contrées furent exterminez , Se
srxxy* on confiTqua leurs biens qui étoient fort considérables. Les an-
nales font remplies des cruautez que les Chrétiens ont exercées
contre les Juifs fous prétexte de les convertir , ou de vanger la
mort de Jésus-Christ. Ce qui fans doute ne fait pas* honneur
aux Chrétiens. Ils auroient mieux fait d'imiter l'exemple de leur
Maître qui pria pour les Juifs , quoiqu'ils fufTent coupables de
fa mort. Les Payens eux-mêmes s'élèveront en jugement conret
les Chrétiens , puifqu'ils ont fait alliance avec les Juifs ,.& qu'ils
(c) jofcph. leur ont permis l'exercice de leur Religion (c). Au lieu de fe
Amiq. liv. contenter de punir les coupables quand leur faux zèle leur fai-
1 ioit entreprendre quelque choie contre les Chrétiens, comme
on prétend qu'il leur arrivoit fouvent j au lieu de cela , dis-je ,
on leur fuppofoit des crimes pour avoir un prétexte de les bannir.,
de les maffacrer & de s'emparer de leurs biens.
Il faut pourtant rendre cette juitice à pluileurs Empereurs , à
plufîeurs Conciles &: à plufieurs Papes , qu'ils avoient fait de
bonnes Ordonnances pour aller au devant de ces cruautez
& de ces injuftices 3 & pour refréner la fureur populaire
(A) Detr t contre ^es Juifs. H y ^ dans le corps du droit canon une
c'irt. 44. '§, lettre de Grégoire furnommé le Grand , à l'Evêque de Naples ,
s-ann.^oi. q^ ce ptlpe exhorte le Prélat à laifler aux Juifs la liberté de
Te'. t.°iv\' confeience > & à les attirer par la douceur (d). Le quatrième
Can.57.an. Concile de Tolède défend d'employer les voyes de la violence
rtVcan.i. ^^e la contrainte pour leur converiîon 3 quoique d'ailleurs ce
euh. 65>s- Concile ne leur ait pas été favorable (e). Le XVI. Concile du
SP,:DT"' rnême lieu exempta les Juifs qui fe convertiiTbient, du tribut
«les Aut.Ec <lu>ils payoient au fife [f ). Dans l'onzième ilecle le Pape Alexan-
Tom.viiL dre II. défendit aux Evêques d'Efpagne de faire mourir les Juifs
P' l u pour caufe de Religion (g). Alexandre III. fit aufïi quelques loix
DE PISE. Liv. IV. j;
en leur faveur (a). En 1190. Clément III. défendit de'les con. H1'0*
traindreà fe faire baptizer , de les punir fans forme de procès 3 vP-nTvi.
de les dépouiller de leurs biens , de violer leurs cimetières & de Cap. vl
déterrer leurs corps. & lx*
Tous ces réglemens n'empêchèrent pas que de fiecle en fiecle
les Juifs ne fouffriiTent de grandes perfé curions. Au commen-
cement du VIL fiecle Sicebut roi des Goths fît un grand carnar-
ge de juifs en Efpagne , fous prétexte de les convertir. On pré-
tend qu'il le fit à la prière de l'Empereur Heradim à qui on
avoir prédit qu'il fe gardât des Circoncis. Cette prétendue pré-
diction ne tomboit pourtant pas fur les Juifs , mais fur les Ma-
hometans qui fe faifoient auffi circoncire , &qui firent mourir (b)pLAT>
Jricraclius [b). Ces perfécutions continuèrent dans les fiecles -uA.Deusde-
fuivants ^ mais elles allèrent en augmentant dans le XII. le XIII. ^'1$!- m*
& le XIV. fiecle. On les chaflade France en 1198. fous Philippe (C)5/W.
Augufte -y mais il y furent bientôt rappeliez [c). Ils en furent Ann- II>g-
enfuite chafîez en 1195. Ils revinrent pourtant encore en France, * "
puifqu'en 1393. on les en voit chafîez pour la feptieme fois (d). ^«f.a«-I."
On les chafïa d'Angleterre en 1290. èc de plufieurs endroits T.nr.p.147
d'Allemagne en 1298. (e).En 1337. ils furent cruellement traitez £â utte
en plufieurs Villes de Bavière , fur quelque aceufation d'avoir p. 48*.
voulu confpirer contre les Chrétiens. On les voit malTacrez à (f) BaIb-
rague en 1335. On leur imputoit d avoir crucifie un Chrétien fcm.p.ao8,
& de l'avoir traité avec la même ignominie qu'ils traitèrent no- Dubrav.H
tre Seigneur (f]. Il arriva dans la même Ville un pareil mafia- xvïii.Lpb"
cre général des Juifs , aceufez d'avoir infulté un Prêtre quipor- v$ L
toit l'hoftie /g). Ils avoient été déjà chafîez de Prague par trois (g) ibid.
fois, quoique depuis plufieurs fiecles (h) les Bohémiens leur euf- s*6-&ms*
lent accorde une Synagogue en recompenle du lecoursqu ils (h) Dans le
leur avoient donné contre les Payens. En 1385. ils furent chaf- x. fiecle.
fez d'Allemagne & cruellement tourmentez. La perfécution ^ ^ib 'vi'
commença par Magdebourg, où on les foupçonna d'avoir em- p..4i.Bait>.
poifonné les fontaines , de d'avoir attiré la perte (ij. On les maf- ukîH™' p-
facra en 13 91. dans le Royaume de Caftille(k) , à la follicita- fo&w.
tionde l'Archidiacre d'Ecija & malgré les Magiftrats 3 plus dans 13^5. n.iz.
la vue du pillage que par zélé de Religion. Il n'y avoir point jwfn'g.
de prétexte dont on ne le fervît pour les ruiner, & pour s'em-
parer de leurs biens. Les Papes Innocent III. & Clément y.
avoient donné des Bulles pour rechercher les Juifs ufiiriers^ôC
pour les obliger à remettre aux Chrétiens les intérêts des fonv
rf HISTOIRE DU CONCILE
o mes que ces derniers empruntaient d'eux Sous ce prétexte on
les traincit fans cefle devant les Tribunaux 5 on dechiroic les
obligations qu'ils avoient entre les mains 3 en un mot on leur
failoit milleprocès & mille avanies. En 1407. ils furent cruelle-
ment maiîacrez à Cracovie dans une émotion populaire , lur
fa) Dlueos ^&ccllfaiion fréquente d'avoir fait mourir un enfant Chrétien
Hiff. Foion. (&). Us confefîoient même quelquefois ce crime, foit qu'il fut
L.b. x. p. véritable , foit que la torture les forçât à trahir leur innocence.
Ii n'étoit pas moins commun de les accufer de dérober des
Hoflies confacrées & de les rompre ou couper en pièces pour
infulter à Jefiiv-Chriif Les Annalilies de Brandebourg rappor-
tent unanimement au commencement du XVI. ficelé Phiftoire ,
ou Ie conte , d'une hoflie confacree qu'un Chrétien vendit à
'uLÏfznt un JLlii? clui l>ayant percée de coups en fit fortir du fang (b).
m 10. z*- Si le crime n'effc pas plus certain que le miracle, on eut tort d'en
da>- Gart- faire mourir 38. à Berlin , comme on fit dans cette occafion.
des juifs parmi les Chrétiens. Dès qu'on les croit 3 dit- il 3 dans
l'abondance \A on ne Je contente pas de les piller , on leur oie la vie fous
prétexte qu'ils mèprifent la Religion Chrétienne , & qu'ils font des
/: *i/? rai^cries d? Jefws-chrijl(c). Il auroit bien mieux valu en effet ne
' point fouffrir les Juifs , que de leur accorder une tolérance cruel-
Cap. le & infidieufe 3 en empruntant d'eux de l'argent, & leur don.
nant des billets qui portoient intérêt , pour les pourfuivre en-
fuite à cette occafion. Pourquoi y difoit Henri de H es se , ne
donner pas charitablement de leurs biens aux Juifs convertis , pour
empêcher que la necefîté ne Us fajje apoftaficr , & accufer Us Chre.
tiens de cruauté 5 & pourquoi ne défend, on pas aux Juifs de de-
meurer parmi les chrétiens 3 à moins qu'ils ne gagnent leur vie 3
(oitenfervant ces derniers , foit en cultivant la terre , & en travail-
lant à des métiers 3 au lieu d'exercer l'ufure aux dépens de leurpro.
&)»•>/"- pt tonfcience , & aux dépens des Chrétiens (d) ? Pierre d'Ailli
Toniï ii. s cxpnmeJa defius d une manière plus nette & plus équitable 5
Pag. 33s. car il veut abfoiument qu'on laifïè ks Juifs convertis maîtres
de leurs biens : au lieu que Henri de Hefje. veut feulement qu'on
2SS* kUr en faiïe lludrlue Par£ Par un P^ncipe de charité (e). Cet
*iç. ' abus de piller ainfi les Juifs convertis avoit pour prétexte cer-
taine Constitution Papale ? qui pour ôter aux riches Juifs la
tentation
DE PISE. Liv. IV. 17
tentation de n'embrafler le Chriftianifme que pour'mettre leurs
biens à couvert, ordonne que tout Juif qui fe fera Chrétien ,
abandonnera préalablement cous fes biens,faufà les leurrelli-
tuer dans la fuite , ou à vivre d'aumône. Comme on aura occafîon
de parler des Juifs dans la fuite de cette Hiftoire , on a crû que
cette digreflion ne ièroitpas hors de propos.
141».
JE in du IV- Livre.
Tant. 11.
H
;S HISTOIRE DU CONCILE
L I V R E V
SOMMAIRE.
?gne &c. au cardinal Minutolo. Sédition a Bolognt
Ravages des Bouchers à Paris & a Boulogne. V. Caraflere du
cardinal Minutolo. VI. Jean XXIII. ordonne de lever
des Décimes fur les Ecclefîafliques en plufieurs endroits de /'Eu-
rope. VII. ViBoirc de Louis d'Anjou fur Ladiflas. VIII.
Promotion de 14 ou iy Cardinaux. IX. Secie des hommes d'intel-
ligence. X. Jean XXIII. excommunie Ladiflas. XI. Origine des
C roi fade s. XII. Indulgences & privilèges d?s Croife\. XI lit
Première Croifade. XIV, -Seconde Croifade. XN .Troifème Croi-
fade. XVI. Quatrième Croifade. XVII. Cinquième Croifade,
XVIIL Sixième Croifade. XIX. Septième Croifade. XX. Hui-
tième Croifade. XXI. Retraite de |ean H us a Fiufjînet^ XXII.
Ouvrages & Lettres qu'il écrivit dans fa retraite. XX1IL
1? Archevêque de Prague va en Hongrie y ou il efi empoifonnè.
XXIV. CaraHere d'AIbicus Archevêque de Prague. XXV.
Jean Hus après fon retour prêche contre la Croifade. XXVL
Difpute publique contre les Indulgences . XXV 'II. Fondation de
la Chapelle de Bethlehem. XXV III. Croifade contre les Maures.
XXIX. Etat de la France. XXX. Traite de Paix entre les Po-
Ion ois & les Chevaliers T eu tonique s. XXXI. uimbaffade de La-
diflas à JeanXXIII. XXXII. Jean XXIII. indique un-Concile
à Rome.
1411. I.|gw»||N avûdans les Livres précédents, que le Concile de
Gmtimation || 'El Pife loin d'avoir éteint leSchifme , n'avoit fait que
Isa -mm\ le rendre plus incurable. Quoique Benoit de Grégoire
n'eufïentque des obédiences bornées } ils ne laiiToient pas d agir
en Papes légitimes. Grégoire avoit fes Nonces en divers lieux,
comme à Venife, en Sicile , en Allemagne,, en Hongrie , tant
pour affermir ceux qui tenoient encore pour lui , que pour ta-
dier-v^e ramener les autres. Il fulmina le Jeudi avant Pâques ^
D E P I S E. L i v. î V; 59
lëk>n la coutume de l'Eglife Romaine, une bulle contre les hé- î4!1)
.rétiques , & les ennemis du Siège de Rome. Cette bulle excom-
munioit 1. les Ga^ares ., les patanns , les Pauvres de Lyon(i)y
les Amoldiftcs (i) , les Speronijics (3), les Pajsagins (4) & tous
les hérétiques en général avec leurs fauteurs. 2. Les Pirates &:
les Corfaires. 3. Tous ceux qui fournifîbient des chevaux , des
armes , du fer , du bois aux Sarrafins pour faire la guerre aux
Chrétiens. 4. Tous les falsificateurs des bulles Apofioliques. j.
Tous ceux qui venant au Siège Apoflolique (5) , ou qui s'en
retournant , ou qui y demeurant fans jurifdicUon ordinaire, ou
fans commiffion,entreprenoient d'ufer de quelque violence que ce
fut par eux mêmes^ou par les autres. 6. Quiconque craverferoit ou
maltraiteroit directement ou indiredement ceux qui étoient à la
Cour deRome(6)J) foit pour leurs propres aftaires,foic pour lefer-
-vice de cette Cour. 7. Ceux qui envahiraient la ville de Rome , le
Patrimoine de S. pierre en Tofcane,le duché de Spolete,la Marche
^d'Ancone , la Romagneja Campagne de Rome., Bologne , Todi,
Urbin , Avignon , &c. 8. La bulle excommunioit Pierre de Lune
foi difant Benoit J£III. & Louis duc d'Anjou avec tous leurs
.adhérents. 9. Tous les Cardinaux qui avoient abandonné Gré-
goire. Il y en a onze de nommez dans cette bulle, entre les-
quels eft le cardinal de S. Eufiache , c'eft-à dire , Jean JfJflII.
Elle eft datée deGayete le jour àw Jeudi Saint 3 in Cœna Domi- 13. Aval
pip la V. année du Pontificat de Grégoire (7). Non content d'a-
voir compris Jean JfJCIII. dans cette excommunication gé-
nérale, Grégoire renouvellale 19. d'Avril la fentence qu'il avoir
déjà prononcée contre lui & contre fes Cardinaux. 11 publia de
plus des Indulgences plenieres en faveur de ceux qui fe ligue-
•roient contre ce Concurrent, fous le commandement de Char-
les Malatefta qu'il avoit fait Gouverneur de la Romagne, où
il lui confervoit encore quelques places.
II. Benoît n'étoit pas moins vigilant à foutenir (es intérêts. ffi-^natA de
L'année précédente il avoit brigué en faveur de Frédéric de Lune djanagofe]
(i)C'étoient des noms différents qu'on donnoitaux Vaudoîs.
(2.) Fanatiques du XIII. fiecle , ainfi nommez d'Arnold de Viilanova en Catalogne.
(3) Ils ne font pas connus.
(4) C'eft encore un des noms qu'on donnoit aux Vaudois,
(5) C'étoit à Gayete , félon Grégoire.
(6) Gayete où étoit alors Grégoire , parce que quelque part que foit celui qui prétend être!
Pape, là eft la Cour de Rome.
(7) U fut élu le 6. Nov. 140^.
éo HISTOIRE DU CONCILE
jaj i, l'un des compétiteurs au Royaume d'Arragon. Quoique fefe
dinand l'eût emporté par la fentence des CommhTaires , comme
elle n'étoit point déclarée , les brigues continuèrent. Soit que
Frédéric de Lune fût mort ,, foit que Benoît eût changé d'in-
clination , il s'interefloit alors pour le comte Jaques d'VrgeL
Dès l'année précédente Benoît avoir été à' SarragoJIe Capitale
Feldhalfo ' ^e l'Arragon pour engager dans ce parti l'Archevêque (a) de
ÀtHiTtàia. cette Ville, qui étoit un Prélat d'une grande autorité. Jaques
d'Vrgel étoit encore appuyé par Antoine de Lune proche parent
de Benoit , & par un puiflanc Arragonois nommé Rico , donc
l'Hiftoire dit qu'il avoit un fi grand patrimoine 3 que des confins
de la Caftille 3 il pouvoir aller jufques en France , en paiTant-
toûjours par Tes terres -, &c parfes villes. Comme Benoit ne s'é-
toit pas déclaré publiquement pour le comte d'T^rg^/ qui étoit
fort odieux , qu'au contraire il affectoit l'impartialité, il setoic
acquis une grande confiance , & on attendoit de fon choix la
^.Février, tranquillité du Royaume. Au commencement de cette année
il avoit aiîemblé les Etats pour délibérer fur cette importante
affaire. Après bien des débats Antoine de Lune nomma Jaques
d'Vrgelà la Couronne. Mais l'Archevêque ayant nommé Louis
duc de Calabre neveu de Jean roi d'Arragon , Antoine en fut tel*
lement irrité , qu'il réfolut en fecret de fe défaire de ce Prélat.
Pour en venir à bout , il lui écrivit une lettre fort amiable , lai
propofant un rendez-vous à : Aîmanba village entre Sarragojïe 8c
Catabajud où étoit fa réfidence , fous prétexte d'avoir une con-
férence fecrete avec lui fur l'affaire de la fucceffion. L'Arche-'
que ne foupçonnant rien moins qu'une pareille perfidie 3 s'y ren-
dit avec joye accompagné de douze perfonnes feulement. Ait--
toine alla au devant de lui à quelque diftance du village , afin
de faire plus fûrement fon coup. Après plufieurs entretiens fort
paifibles, Antoine demanda à Dom Garfia* ce qu'il penfoitdes
compétiteurs 3 & fi Jaques d'Vrgel fèroit Roi dArragon. Ce ne
fera pu fendant ma vie , dit le Prélat. Si ce n'eft fus- fendant v*.
tre vie 3 ce fera donc après votre mort , repartit Antoine tout en
fureur En même tems il jetta à terre l'Archevêque d'un coup
de poing , & lui enfonça le poignard danslefein. Les gens d* An-
toine fe jetterent fur le corps du Prélat pour l*achever , &. le
percèrent de mille coups. Ceux qu'il avoit amenez avec lui fu-
rent pour la plupart maffacrez ou conduits dans des cachots %
quelques-uns néanmoins fe fauverent dans le village. Touc le
Jean XXIII
Roms
DE PISE. Liv. V. 61
fruit qu Antoine tira de cet indigne alTafïinat , fut de rendre Vr- 14, 1 1
gel plus odieux que jamais 3 de de devei ir lui-même l'objet de
l'exécration publique.
III. Jean XXIII. après avoir parlé un an à Bologne , re-
folut enfin defe rendre aux follicications des Romains ,& d'aller & Uijjè
prendre pofleffion de Rome pour la délivrer des inquiétudes ?*&&*&+•
que lui donnoit toujours Ladijlas. Il prit avant Ton départ les *™ ^'Z
mefures qu'il crue les plus néceiïaires pour la fureté de fes in- Cardinal
terêts en Italie. Il laiila à Henri Minutolo Cardinal Evêque de ^"^trtoIj>*
Ste. Sabine , l'adminiltration de Bologne, de Ferrare,de Forli, Bologne*.
de Ravenne., tk de toute la Romagne avec la qualité de Lé-
gat perpétuel. Ce prélat, après avoir été Evêque de Bitonte y
puis Archevêque de Traniy & enfuite de Nazies , avoic été fait
Cardinal Prêtre^u titre de S. Anaflafe par Boniface IX. en
1389. Il fut d'abord dans le parti de Grégoire X I 1. qui en fît
fon Camerier. Mais ayant abandonné ce Pontife pour aller à
Pife , il luiôtafa dignité de cardinal afin d'intimider les autres
cardinaux dont la fidélité chanceloit. 11 fut rétabli par le Con-
cile de Plie. JeanXXIII. l'employa à diverfes légations > dont
lniftoire dit qu'ils s'acquitta avec beaucoup de fuccès. Il af.
fiitaà l'élection de trois Papes , favoir , Innocent VII. Greçoire
XII. et Jean XXIII. Les commencemens de fa légation de
Bologne ne furent pas heureux. Comme 'Jean XXIII. avoit
gouverné tyranniquement cette ville , le peuple, à i'infligacioî^
de quelques bouchers , prie occafîon de fon départ pour fe fou-
lever. Les mutins fe faifirent du Palais , en chaiïereot les Lé-
gats , & s'emparèrent du gouvernement, qu'ils gardèrent plus
d'unan. Plufieursperfonnesde qualicé furent la vi&ime de cette
fureur , qui s'en prenoit fur tout à la Noble/Tè , fous prétexte
de la liberté. Enfin les citoyens rentrez dans leurs véritable?
intérêts , on chafïa la populace 5 les plus mutins furent ou exé- , *
cutez, ou réduits à prendre la fuite (a). Le Légat revint à fon ann. Wz.
Gouvernement , où- il mourut en 1417. n-lv-
IV. O n peut remarquer en parlant que cette année fut celle 'Ravages des
du règne des Bouchers. Ils ne firent pas moins d'iniblences Se &«**«" ?
de ravages à Paris qu'à Bologne. »• On trouva fort étrange s Bologne.
»» die le Moine de Saint Denys{b) parlant du Comte de S. loi , (b) L>
«Gouverneur de Paris , d'un homme de fa condition , qu'au xix r.
«lieu de cultiver l'affedion des plus considérables familles, & ? X' J
«■■de rechercher l'amitié des plus honnêtes gens de la ville 3
Huj
6i HISTOIRE DU CONCILE
141 1. " qu'il cherchât des créatures dans les familles les plus abjecte ^
» Se jufques dans la boucherie de Paris; & qu'il n'eût point de
>3 honte de partager fon emploi avec trois fils d'un boucher du
55 Roi j nommez les le Goix -, c'étoient des gens fans mérite 3 de
55 qui n'avoient d'autre confideration auprès de lui , que celle
55 d'avoir témoigné dans la dernière guerre, qu'ils étoient Bou-
55 chers d'inclination , comme de nailTance , qu'ils aimoient le
55 carnage , de qu'il n'y en avoit point de plus propres à faire
55 une (édition. Ce ne fut que pour ce fujet qu'il leur donna ,
55 de à quelques autres de même farine, un commandement ab-
55 foluj dont il leur fît expédier des Lettres du Roi, fur un Corps
55 de cinq cens compagnons bouchers & écorcheurs , dont il leur
55 abandonna le choix. Cela déplut fort aux gens de qualité ,
?5 qui furent d'autant plus ofFenfez qu'on foudoyat cette canail-
» le aux dépens de la ville , fous le nom de Milice Royale , de
» que non feulement il leur fàc permis de marcher en armes
» par les rués , mais encore qu'il euflént charge de remarquer
» ceux du parti d'Orléans , c'eft à dire, de faire infulte à qui ils
45 voudroient,&: que ce fût deux de s'entremettre des intérêts
m de la ville de Paris , de de rapporter aux Confeils du Roi , les
» Requêtes des particuliers de des bourgeois.
clrdiZt V. Pour revenir au cardinal Minutolo , Garimbert (a) en
Minutoio. parle comme d'un ignorant de d'un homme fans aucune capa.
tyHwotp- clz£ Mais tous les autres Auteurs témoignent que c'étoit un
lenus Ep'\C- grand homme , àc qu'il avoit beaucoup d'eipnt de de favoir.
cepus Gai- j} avoit même écrit en vers héroïques la vie de la paffion de
S Pierre. On lui attribue aufli une philofophie fa crée de profane
touchant la connoiffancede Dieu& de foi-même, outre diverfès
Conftitutions , des Epîtres & des Harangues. On admire encore
à Naples plufîeurs monumens de fa libéralité , entre autres le
portail de l'Eglife Cathédrale , où l'on voit fa Statue à genoux
devant la Vierge avec ces vers :
JSFullius in lonyum , & fine fchemate tempus honoris
Porta fui , rutilons , fumjanua plena decoris 5
Me meus j & Sacra quonàam Mi nutulus Aula
(h) Auberi JBxcoluit propriis Henricu sfiimptibus hujus
gtf.Eggi \ Prœful , Apoflolicœ nunc confians cardo columnœ ,
Purp.Doâ:. Cui precor incolumem vitam poft fat a perennem.
L ' p* M oc opus exaîium mille currentibus annis
Quo quater centum & feptem Verbum caro fittîum efi ( h ).
DE PISE. Liv. IV. 63
Vf. Jean XXIII. confia les autres places de l'Etat de l'E- 141 r.
glife , comme peroufe, Todi , Orviete 3 Terni 3 ( Interamna ) Rieti^ Jean
le Duché de Spolete , 6c autres lieux, à Otbon de Colonne cardi- x,x ll l:
nal diacre de S. George in Velabro , que l'on verra élu Pape fous lever des De-
le nom de Martin /^. au Concile de Confiance. Ce «. cardinal "***/** Je*
avoit été auparavant Légat du Patrimoine de S. Pierre dans f^ feft>ïu-
laTofcane pour y recouvrer plufieurs villes. D'autre côté , afin fours en-
d'être en état de foutenir la guerre, Jean JfJCIII. ordonna f^syodee
qu'on levât des décimes fur les ecclefiaftiques en plufieurs en.
droits de Pc: urope , comme en France, dans les diocefes de %9'
Cambrai & de Toul , en Provence , en Dauphiné 3 en Savoye y
en Portugal 3 en Achaïe , en Macédoine , 6c dans les Jjles de la
Mer Egée , qui étoient alors aux Chrétiens. 11 envoya en mê-
me- tems en France F Archevêque de Pife èc l'Evêque d'Albi
demander du fecours > 6c notifier au Roi qu'il alloit à Rome
pour délivrer cette capitale. On fonna toutes les cloches de
îa ville 8c des fauxbourgs pendant huit jours avant fon arrivée
à Rome, pour marquer l'emprellement qu'on avoit à l'y rece-
voir.Il y entra le treizième d'Avril avec Louis dAnjou, le collège I3# Avril.
des cardinaux .,6c une très belle efcorte.Ce Prince l'accompagna
à la Cavalcade qu'il fît de lyEglife de S Pierre à [on Palais Pon-
tifical, & demeura avec lui jufqu'k la fête de S. George qu'il prit 2,3. Avril,
congé de lui pour aller exercer la charge de Général & Grand
Gonfalonnierde l'Eglife ( a) , dit le Moine de 5. JDcnys. D'autres ^ MoIne..
difent que ce jour-là Jean JCJflII. confacra folemnellement de s. vt«y$.
dans le Palais du Vatican les étendartsdes Papes , de l'Eglife, Ji3^?*'
de Louis d'Anjou 3 ceux du Sénat 6c du peuple Romain , aufîi-
bien que ceux du Général des Urfins ^ qu'il fit la revue de l'ar-
mée , & que le 28 d'Avril Louis d'Anjou 6c Paul des Vrfinf 18. Avril.
partirent pour entrer en campagne 3 après avoir reçu les éten-
darts de la main du Pape avec fa bénédiction , qu'il donna aufii
à tout£ l'armée ( b ). Il leur envoya enfuite Bcrthold des Vrfi'ns (b) b%>v.
avec un bon corps de troupes , 6c Jacques de S force Général H".n.in.
des Florentins, l'un des grands capitaines de ce tems _ là (c ). (c) sponL
Il voulut aufii avoir dans l'armée un Légat qui en eût le corn- I411 "' "■'
mandement général 3 6c il choifit pour cette fondion Pierre
Mannibaldi de Stéphane fei Romain } cardinal diacre de S. Ange.
Ce Prélat étoit de la création d'Innocent VII. Il donna enfui-
te fa x voix à l'éledion de Grégoire JTZl/.qoi lors de fon dé-
part pour Savonne le fit fon vicaire général à Rome. » Il
64- HISTOIRE DU CONCILE
1411. ■» avoit charge } dit Aubcri { a ) , de confifquer les biens de tous
(a)rom.li. M ceux qU- I-llontreroientle moindre figne de révolte , &pouvoit
pi )j vendre & engager , fans crainte d'en être recherché, telles vil-
»les & tels châteaux qu'il luiplairoit du domaine Ecclefiafti»
>î que. Il eréoit de nouveaux Magiftrats èc depofoit les anciens
»à fa volonté. En un mot il avoit un pouvoir prefque abfolu ,
(■-.) rheoi. " dont quelques-uns (b) écrivent qu'il abufa 3 ht qu'ayant im-
A/ew, Labi. >5 pofe fur le Clergé Romain quelques fubfîdes extraordinaires
^^•^•"pourlafubfiftance delà Milice étrangère, il commit des col-
«lecteurs qui procédèrent avec beaucoup de violence, & me-
m me par ernprifonnement des non folvablesj de forte que le Cler-
>j gé & le Peuple étant également animez contre notre cardL-
«nal , ilseuffent enfin dreflé un mauvais parti, s'ilne le fûtre-
jstiré de bonne heure auprès de fa Sainteté (Grégoire JTII. )
J3 qu'il alla trouver à Lucques. w Ladiflas s'étant emparé de Ro-
me en ce temps-là , comme on l'a vu , punit févérement les
Commifïaires des extorsions à'Hannibaldi , .& fît mettre en pri-
fon fa mère , 6c fa belle-fœur , femme de Laurent km frère. Jean
Jc'JflIJ. le déclara fon Vicaire général en Italie , lorfqu'U
partit pour le Concile de Confiance. Ce Cardinal mourut en
1417.
rittoireie VII. Comme Iqs deux Rois concurrents recherchoient avec
Louisd'An-unéaalemprefTement uneoccafîon décifive, elle ne tarda pas à
«mlas. le preienter. Trois ou quatre hiltoriens contemporains nous ont
donné la defcription de cette bataille , qui fut une des plus mé-
i9- May. morables de ces temps-ià.Quoiqu'ils différent en quelques circon-
ftances, ils font pourtant d'accord quant au fond. Les deux Ar-
mées campèrent à quelques milles l'une de l'autre, fèparées par
la rivière de Gariglan (1) près de Ceperano (1). Le moine de «S.
, .. _ Denis (cj, Auteur contemporain .dit que ce fut Ladijlas qui en-
Ce) Liv. j;V | -, .. r T /, * . r r r • « j 1 ■
xxxi. CI. V0Ya défier le Koi Louis -par un Héraut . qui fut fi bien reçu de lui ,
qu'il le renvoya avec des marques de fa libéralité. Cet Auteur ajou-
te , Q^auJJî-tbt Louis commanda un Capitaine nommé Bracio/w#r
. aller reconnoi tre fes forces ( de Ladiflas ) fa contenance , & la for-
me de fon camp ,<&> pour remarquer les chemins les plus propres pour C al-
ler joindre. •» Ce Capitaine , continue le Moine de S. Denis , étant
v arrivé proche de Peroufe fît rencontre d'un autre fameux Ca-
(1) Rivjere du Royaume de Naples.
(i) Ville de l'état de I'Eglifedans la Campagne de Rome , où fe termine ce qu'on appelle1
It Patrimoine à; S>iint lierre. Pogg. Hifi. Fièrent, pag. 191.
pitaine
DE PISE. Liv. V. 6T
à pitaine nommé Tartaillc , qui croit en marche pour Je mê-
.n me defTein que lui avec deux mille hommes de l'avanrgarde de * '
» Ladijlas. Il fut confeillé de le charger 5 & après un combat
»> fanglant , 6c qui fut longuement opiniâtre , il le défie avec per-
« te de la plupart de fes gens cous tuez ou bleflez à mort. « Un
ii heureux commencement rehaufïa le courage de Louis , qui
d'abord avoit balancé s'il hazarderoit le combat , à caufe de l'a-
vantageufe fituation de l'armée de Ladijlas, D'autres Auteurs ,
auffi contemporains , rapportent que ce fut Louis d'Anjou^ qui
commença l'attaque avec les troupes du Pape commandées par
le Général Sforce , qui fur le foir ayant pafTé la rivière , furprit
Ladijlas prêt à fe mettre à table ( a ). Quoi qu'il en foit 3 la vie- (a)Nienrç
toirefe déclara pour Louis d'Anjou. Il avoit donné l'avantgarde ^ruc'
à Mefîîre Louis de Loigni , qui donna le lignai de la bataille, xxil. ap!°
3î Elle commença de part 6c d'autre, dit le Moine de S. Denys 3 Fonder
>j avec des cris redoublez par le refonnement des échos ; 6c en Tom'.'ir.p;
>j même-temps l'air parut tout couvert d'un nuage de flèches [ 3*3. Pogg.
h qui ne put empêcher qu'ils ne fe joignirent de près , avec un ubif"P-
? mépris de la mort qui les rendoit aufîl force-nez que les bêtes P'
n les plus farouches. La haine qui les animoit d'une fureur égale ,
» les acharnoit de telle forte , qu'on voyoit voler les épées , les
« coutelas 6c les haches , avec une horrible impétuofité 5 de com-
» me le fuccès de la mêlée fut fournis à la feule force , nos gens
33 nefèfervirent d'aucune rufe de guerre , ils fe contentèrent de
n pouffer de droite 6c de gauche , 6c ils menèrent les Siciliens L" Ntf»&~
53 battant d'une telle vigueur 3 qu'on eût dit qu'ils avoient à dos *
si les feux 6c les foudres du Ciel. Ils perdirent enfin tout cœur
336c toute eiperance de vaincre. Ladijlas lui-même s'enfuit , ii
» gagna l'abri d'un Château voifîn nommé Roche-Seiche , 6c de
>3 trois mille hommes qu'il avoit avec lui (1 ) , il n'en échapa
*3 que fort peu. L'on fit un fanglant carnage du refte,6c l'on trouva
33 parmi les prifonniers dix Comtes 6c un grand nombre d'au-
33 très Seigneurs de marque. >3 Tous les Hiftoriens conviennent
que fî l'armée de Louis d'Anjou 3 au lieu de s*amufer à piller ?
eût pourfuivi Ladijlas , il auroit remporté une victoire complette.
Ladijlas lui-même convenoit que le premier jour il auroit pu
perdre fon Royaume 6c la vie $ que le fécond il auroit pu per-
( 1 ) Son armée étoit de treize mille chevaux & quatre mille fantafïins : Se ce"e
de Louis d'Anjou de douze mille chevaux, On ne dit pas en quoi con/îftoit fon ii.g
&nterie.
Tvme IL. I
tams.
'U HISTOIRE DU CONCILE
dre finon la vie , au moins le Royaume $ & que le troifiéme il
14,1 ' ne perdroit ni l'un ni l'autre , parce qu'il s'etoit mis en état
: (a) Amo- de fe défendre (a). Mais les foldats & les officiers généraux
nw Fiorem. éblouis par le butin fe jetterent fur \es\ vafes d'or & d'argent
xxii. Fol. qu'ils trouvèrent fur la table qu'on avoit fervie pour le loupé
CLvi. de Ladiflas. Ils enlevèrent les étendarts de ce Prince & ceux du
Légat que Grégoire avoit dans fon armée. Nos Soldats 3 dit le
Moine de S. Denys, fe firent riches de chevaux & de butin 5 ils
gagnèrent les étendarts de Ladiflas & de Grégoire. On aceufa
aufïï les Généraux 3 &; entre autres Paul des Urfins , d'avoir em-
pêché que Ladiflas ne fût pour fui vi , parce qu'ils avoient in-
térêt à faire durer la guerre. Quoi qu'il en foit , on porta à
Rome les étendarts & les autres marques de la victoire. Jean
JfJflII.lzs fit étaler fur la Tour de la Bafilique de S. Pierre y
afin que tout le monde les pût voir. Il y eut enîuite une procef-
fîon iolemnelle , où fe trouvèrent le Pape , les Cardinaux , &
quantité de Prélats. Pendant la proceffion le Pape fit traîner
par les rues les étendarts de Ladiflas &; de Grégoire à la vue de
tout le peuple qui crioit , Vive le Souverain Pontife & le victo-
rieux Louis Foi de Sicile. Cette adion fut fort blâmée des Cour-
tifans & de plufieurs perfonnes judicieufès , qui trouvoient que
cette infulte ne pouvoit fervir qu'à irriter , comme l'expérience
le confirma. Ladiflas ne tarda pas à rétablir fes affaires en l'ab-
fènee de Louis dH Anjou qui s'en retourna en France,
Promotion de VIII. Comme il étoit mort plufieurs Cardinaux depuis l'é-
14. ou 15. le&ion de Jean jrJT7Il.il en fit cette année le 6. de Juin une
Car6'"j2n promotion de quatorze , pour fortifier Ion parti contre fes Con-
currens qui en faifoient de leur côté.
1. François Lando noble Vénitien, Patriarche de Grade , -puis
de Conflantinople 3 fait Cardinal fous le titre de Sainte Croix,
de Jerufalem. Il fut au Concile de Confiance , & mourut en,
1. Antoine Pancerinc »-, natif du païs deFrioul. Il fut fait Pa-
triarche à'Aquiléeçn 1402. par Boni face 1JC. Antoine Cajetan ,
qui/elon quels- uns , étoit oncle de pancerino, ayant refigné cette
dignité > Grégoire JlJJ. le chafla de fonPatriarchat,, parce que
ne trouvant pas que ce Pape fe mît en peine de tenir fa parole,,
il embrafTa la neutralité. Mais Jean JTJCIII. l'y rétablie, & en
chafTa Antoine de Pontée que Grégoire y avoit mis. Il vécut jus-
qu'à l'an 143 k
AtuHiev Scitlp
DE PISE. Liv. V.. 67
3. Alaman Adimar Noble Florentin , Evêque de Florence
puis Archevêque de Tarentete. enfuicede Pife. Nous l'avons vu I4IÎ'
Nonce en France en 141 o. pour demander les Décimes & l^s
dépouilles &c Ce fut pendant cette légation que Jean XXIII,
le fit Cardinal Prêtre de S. Bufebe. De France il fut envoyé en
Efpagne pour accommoder les differens de la Cour de Rome
avec ce Royaume. Il fut au Concile de Pifè 5 & on le verra a
celui de Confiance. Il mourut en 1422.
4. Jean portugais , Evêque de Conimbre 3 puis Archevêque
de Lisbonne. Jean XXIII. le fit Cardinal , à la prière du Roi
de Portugal dont il étoit Confeiller. Il mourut à Bruge en
1413.
5. Pierre d'Ailli de Compiegne fur l'Oife en Picardie. II
fut Aumônier de Charles VI. & Chancelier de TUniverfité de
Paris. Il eut pour difciple le célèbre Jean Gerfon , qui lui fuc-
ceda dans cette dernière charge. On Ta déjà vu, & on le verra
dans la fuite s'employer avec un grand zèle pour la paix de
l'Eglife. Il mourut en 1416. C'étoit un Prélat fort favant. On
Tappelloit Y Aigle de la France & le Marteau infatigable des Hé-
rétiques. Il fit plusieurs Ouvrages , dont on peut voir la lifte
dans Ciaconius ( a ). On a blâmé Pierre d'Ailli de ce qu'il préten- (a) Tom»
doit que la Naiflance du Sauveur pouvoir fe prédire par hs ob- ' p* 8o0î
fervations Aftrologiques , ce qu'il prouvoit par l'Etoile qui pa-
rut aux Mages ( b ). Pic de la Mirandole réfuta un Livre de Pier- (b) Sixt>
re d' Ailli de la Concorde de la Théologie avec /' Agronomie & l'FLi- B^UoT.'
(jkoire. Ce Savant dit qu'il y a autant de fautes que de mots dans w?.
POuvrage de Pierre d' Ailli -, qu'il étoit ignorant dans TAftrono- JjJ^1, .
mie , ne l'ayant apprife que dans fa vieillefïè 5 Ôc que tout ce
qu'il en a écrit , il l'a pillé des autres fans l'avoir bien digéré ( c ). ( 0 E^gt
Je mettrai ici fon Epitaphe. Elle n'eft pas longue , & les vers J°™'11Is
en font afïez bons pour le tems.
Mors rapuit Petrum , Petrarn fubiit putre Corpus ,
Sed Petram Chrifium Spiritus ipfe petit.
Quisquis ades precibus fer opem f femperque mémento
Quod prœter mores omnia morte cadunt,
Isfamquidamor Regum^quid opes , quid gloria durent
Afpicis : bac aderant tum mihi 3 nunc abeunt. &&* *'*
JL ' Hommes
IX. Il FAUTaurefte , félon le rapport de Henri de Sponde **?*V*
( d ) , que Pierre d* Ailli ait été créé Cardinal abfent. C'eft ce (d) Ann;
I i j mi..», h
*4"«
6$ HISTOIRE DU CONCILE
qui paroît par l'abjuration que fie encre (es mains un Carme
nommé Guillaume de Jrlildernifien 3à 5. Quentin en Picardie le
ii. de Juin de cette année. Ce Carme joint avec un certain Gilles
Chantre de l'Eglife de S. Quentin -, avoit introduit une Secte
qu'ils appelloient les Hommes d'Intelligence. Gilles fbutenoit qu'il
étoit le Sauveur des hommes 3 que par lui ils verroient Jésus-
Ch ri st j que le Diable 6c tous les hommes , feroient enfin
fauvez 3 que les jeûnes , les pénitences , les prières ,les Ordres
de l'Eglife étoient inutiles 3 tout de même que la Confefîion
où on n'alloit que pour éviter la perfécution des Prêtres , 6c
où on ne confeflbit que des péchez légers, en Supprimant les
plus énormes. Ils difoient que les voluptèz- charnelles étoient
les plaifirs du Paradis, 6c qu'il n'y avoit point de péché à les
prendre , parce qu'ils font aufîi naturels que de boire £c de man-
ger. Ils attribuoient les plus méchantes a&ions non feulement
à la permiffion de Dieu , mais à fa volonté efficace 6c de bon
plaifir. Us prétendbienr que le tems de l'Ancienne Loi étoit le
tems du Père , celui de la Nouvelle Loi le tems du Fils , èc que
le tems du S. Efprit étoit prochain, ce qu'ils appelloient le tems/
à' Elle , pendant lequel les Ecritures feroient tellement réfor.
mées, qu'on refuteroit ce qui auparavant avoit paru véritable,
comme tout ce qu'on difoit de la Pauvreté , de la Continence 3
de YObédience. Ils prenoient pour infpiration tout ce qui leur
venoit dans la penfée 3 ce qui leur faifoit faire fouvent des ac-
tions extravagantes. Ils fbutenoient qu'il n'y avoit qu'une feule
Vierge , qu'ils appelloient la Sapience. Ils enfeignoient fur le
Purgatoire 6c fur l'Enfer des doctrines contraires à celles de l'E-
glife Romaine. A l'égard de Guillaume de Jdildernifien 3 il avoit,
outre cela , des principes qui lui étoient particuliers , comme
que tout ce que l'homme fait ne lui tourne ni à mérite ni à
démérite , ni au falut ni à la damnation , 6c que la pafîion de
J e s u%s-C hrist avoit fatisfait pour tous 3 que l'homme ex-,
teneur ne tâche point l'homme intérieur 3 que Dieu eft par tout ,
dans de la pierre , dans les membres humains , en enfer , tout
de même qu'au Sacrement de l'Autel 3 &c qu'ainfi l'homme
jouïfïoit déjà parfaitement de Dieu avant que de communier.
Us enfeignoient qu'il n'y auroit point de Réfurre&ion , parce
qu'elle avoit été faite en J e s u s-C hrist, dont nous fom~
mes les membres, le Chef ne refîufcitant point fans Ces mem-
bres. L'Hifloire lui attribue encore plufleurs autres héréfîes qu'il
fi E P I S E. L i v. V. êf
abjura à Cambrai & à Bruxelles où il les avoic répandues. Re- J4II/
venons aux autres Cardinaux de Jean JfJflII.
6. George de Liechtenjlein , autrement appelle Rofco , d'une
des nobles familles d'Allemagne. Il fut Evêque de Trente , ôc
créé Cardinal fans titre , parce qu'il n'alla pas à Rome. L'Hi-
ffcoire dit qu'il mourut empoifonné dans un château du diocèfe
de Trente.
7. Branàa de Cajliglione Noble Milanois , l'un des plus cé-
lèbres Jurifconful tes de fon tems. Après avoir été employé par
Boniface IJC. à plufieurs ambaMades pour l'extinctiondu fchif-
me , ce Pape le fit Evêque de Plaifance. Ayant abandonné Gré-
goire J£II 3 il perdit fon évêché. Mais il lui fut rendu par Jean
JfJflII. qui le fit Cardinal du titre de S. Clément. On a déjà
parlé de ce Prélat , & il en fera fait mention dans la flûte , puif-
qu il ne mourut qu'en 1443. âgé de plus de 90. ans.
S. Thomas Langlei Anglois de nation , evêque âeDttrbam.
Jean JfJTIII. le fit cardinal Prêtre,, mais fans titre auflî , par-
ce qu'il ne fut point à Rome, au rapport à'Eggs (a). Le même 0) PwfP-
Auteur ajoute que ce Prélat harangua le Concile de Pife dans^'J \/m,
la fixieme Seiïîon de la part du Roi &du Clergé d'Angleterre.
Cependant les Aétes attribuent cette harangue à FEvêque de Sa^
lifburi. Sponâe evêque de Pamicrs ne le met point au rang des
Cardinaux douteux. Ciaconius en parle comme d'un grand per-
ibnnaçe. L'année de fa mort eft incertaine.
9. Thomas Brancacio Noble Napolitain , neveu de Jean
JfXIIl, Il fut Evêque de Tricaria dans la Pouille. » Notre
33 Cardinal , dit Garimhert , étort d'une humeur fort approchan-
ts te de celle de Balthafar CoJJa fon oncle : il aimoit l'exercice
si des armes , 6c haïfîbit l'étude des lettres. Il étoit de plus-
» adonné au vice de la chair, & avoir prefque tous les foirs le
^renàez^vous > où il alloit contenter fes infâmes plaifirs. Une nuit
« entr'autres , comme il fortoit d'une m ai fon 3 accompagné de
» quelques mauvais garnemens,il fit rencontre d'un plus grand
33 nombre d'autres -, a,vec lefquels ayant eu prife, il reçut une ba-
33 laffreau vifage,qui lui demeura tout le refte de fes jours,au grand
33 fcandale de ceux qui favoient que c'étoit là un témoignage
33 de fa lubricité, (b)
10. Gilles des Champs Normand de nation ' 3 redeur du Colle- 00 Anberî
ge de Navarre , l'un des plus célèbres Théologiens de fon tems, Tbm/iiT'
Confefleur du Roi de France , par lequel il fut employé à di~ pag. 71,
Iiij
7o HISTOIRE DU CONCILE
f verfes négociations pour l'extinction du fchifme a & entr'autres
dans la grande ambaiïade qui fut envoyée à Benoit JCUI. en
139 s. comme on l'a vu. Il fut aufli envoyé en Allemagne pour
donner avis à Wençeflas de cette ambafTade. 11 eut deux Eve-
chez consécutivement, celui de Senlis , & celui de Coûtâmes en
Normandie. On ne convient pas du temps de fa mort.
1 1 . Lucio Conti ( *fe Comitibus ) famille noble de Rome. Il étoic
fils & Aldebrandin ou lldebrandin , Seigneur Romain. De la qua-
lité de Protonotaire Apoflolique il fut fait Cardinal le même
jour que les Cardinaux précédents , fous le titre de Sainte
Marie deCofmedm. Il Te trouva au Concile de Confiance s &y
fut chargé de citer Benoît JTJJI. Ayant donné fa voix à l'é-
lection de Martin y. ce Pape lui pardonna & à fa Maifon les
offenfes que le Siège de Rome prétendoit en avoir reçues , & lui
rendit toutes les terres & les domaines qui lui avoient été ôtez.
Il lui accorda de plus jufqu'à la troifiéme génération plufieurs
places & châteaux , dont on peut voir les noms dans Ciaconius.
Les Boulonoiss'étant révoltez contre Martin v. il envoya Lu.
cio avec des troupes pour ranger cette ville fous l'obéïflance de
l'Eglife Romaine. Il réunit dans cette négociation, & fut fait
Légat 6c Gouverneur de Bologne. Il mourut en 1457. Auberi
nous apprend qu'il écoit protedeur de l'Ordre de Saint Jean de
Jerufalem , qui font les Chevaliers de Malthe.
11. François Zabarelle évêque de Florence fa patrie. On peut
voir fon hiftoire dans celle du Concile de Confiance , où il mou-
rut. J'ajouterai feulement une particularité. C'efl qu'il eut pour
difciple ce Jurifconfulte fameux, connu fous le nom d'Abbé de
Palerme , qui fut Archevêque de cette ville , puis Cardinal de
la création de Félix V. Zabarelle compofa plufieurs ouvrages 3
(a) Append. entre lefquels Warthon (a) , fur la foi de Philippe Thomafin y
*i.Hij}.ut. compte les Actes des Conciles de Pife & de Bafle , lefquels per-
ave.p.4*. fonne n»a yus jufqu'jcj j que je fçache. Le Cardinal BeUarmin (b)
UxtUfJ^' témoigne que Zabarelle avoit fait un excellent livre du fchifme
qui , dit-il , a été défendu par PEglife jufqu'à ce qu'il foit corri-
gé } parce qu'il a été corrompu par les hérétiques , & qu'il a
(c) Ap. été imprimé à Strafl>ourg fans avoir été revu (c). C'efl apparem-
\ii'vf°îx. menc Ie même ouvrage que Mr. Von der Hardt a publié fur un
(d) A&. manufcrit de Vienne (d).
cw?.Tom. jy Guillaume Fillafire , originaire du païs du Mans , que le
* Docteur Jofeph Fggs appelle m champ fertile en bons efprits. 11
Î3E PISE. Liv. V. }i
fut Doyen de Rheims , puis Archevêque d'Aix en Provence ,
enfuite Cardinal Prêtre du titre de S, Marc. Après avoir paru *
avec éclat au Concile de Confiance , Martin V, l'envoya Lé-
gat en France. Il mourut à Rome en 1418. âgé de %o. ans.
14. Robert Malan Anglois 3 Archidiacre de Cantorberi ^ Chan-
celier de l'Académie d'Oxford , Evêque de Salisburi. Il fut au
Concile de Pile , où il harangua contre les Concurrens. Il fut
au Concile de Confiance où il mourut en 1417. Auberï le met
encre les Cardinaux douteux , d'un côté parce qu'il n'eut point
de titre , & de l'autre , parce qu'il n'eft jamais nommé qu'Evêque
dans le Concile de Confiance.
Quelques-uns placent à cette année , Guillaume Carbon No-
ble Napolitain , Archidiacre àïAquilèe 6c Protonotaire du S.
Siège, Evêque de Civita di Chieti (1). Auberi.le met entre les
Cardinaux douteux.
X. Ce fut par le conféil de ces Cardinaux & de trois au. Jeanxxirrç
. ~ <•/• K*- -rwr-r-r\ i> • -r excommunie
très que Jean JTJlIII. lança 1 excommunication contre La, Laaifla$.
dijlas de Duras 3 &le cita pour comparoître à Rome au mois de
Septembre. Mais ce Prince n'ayant pas comparu au terme mar-
qué , il le déclara rebelle, ennemi & perfécuteur de l'Eglifè,
fauteur du fchifme, le dépouilla des royaume de Naplesôc de
Jerufalem , & difpenfa fes fujets du ferment de fidélité. Il com-
mit l'exécution de cette fentenceà Pierre des Vrjtns comte de (1}
Noie à qui il écrivit une lettre dattée du 13. d'Avril. Il repré-
fente dans cette lettre. 1. Qu'il fe nomme témérairement Roi
de Sicile, ayant été dépofé par le Concile de Pife. 2. Que con-
tre fon ferment & contre le traité par lequel il avoir reçu ce
Royaume en fief de PEglife Romaine 3 il s'étoit emparé de plu-
fleurs provinces qui appartiennent à cette Eglife 3 & avoit conf.
pire contre lui avec plufieurs puiffances &; plufieurs particuliers y
comme entres autres avec Ange Corario facrilege , hérétique y
fchifmatique & dépofé par le Concile de Pife , & avec [es ad hé- ,. Vo
rents. 3. Par toutes Ces raifons& autres déjà alléguées [c) con- ci-deflus i.i
tre Ladijlas par Alexandre V. il ordonne fous peine d'excom- Ht
munication à Pierre des Urfïns de pouffer Ladijlas avec vigueur.
En effet ce Comte quitta le parti de Ladijlas pour prendre celui
de Louis , &; exécuter les ordres de Jean JfJTlII. Ce qui fut
(1) Ville du Royaume de Naples , dans l'Abruflê citérieure.
(z) Ville fort ancienne dans la Terre de Labour , à quatre ou cinq lieues d*
Naples.
n HISTOIRE DU CONCILE
caufe que dans la fuite Ladiflas ayant rétabli (es affaires , dé*
*' ' pouilla à main armée les Urjtns du Comté de Noie.
angine des XI. Jean XXIII. publia quelque temps après contre La*.
roiju es. fajias Llne Croifade qui fut envoyée par toute l'Europe. Com-
me on aura fouvent occafion de parler de Croi fades dans la fuite
de cette hiftoire, il cil bon d'initruire là-deiïus le Le&eur un
n ly4i°' Peu ParOculierement. Bzpvius (a) l'un des Continuateurs de Ba-
ronius , a pris foin de nous en expliquer l'origine, & les céré-
monies qu'on y cmployoit. On appelloit cette forte de guerre
Croifade , Se les foldats qui s'y engageoient , Croife^ , non feule-
ment parce que ces expéditions fe faifoient fous prétexte de re-
tirer la croix de Jefus-Chrifi d'entre les mains des infidèles , mais
auiïî parce que le Pape leur donnoit une croix , qui étoit attachée
ou couiue à leur habit fur l'épaule droite. Ils en avoient aulîl
quelquefois fur leurs armes. Les uns la portoient rouge , comme
les François y les autres blanche , comme les Anglois ^ les autres
verte,, comme les Comtes de Flandres , ce qui fervoiten même
tems à diffcinguer les foldats de chaque armée. Quelquefois ils
prenoient d'eux-mêmes cette croix j mais pour l'ordinaire on
la recevoitdu Pape, ou d'unEvêque ., ou de quelque Ecclefia-
ffique de diftin&ion commis à publier la Croifade. Tout le mon-
de fefaifoit honneur d'entrer dans cette milice: les Papes 3 les
Empereurs, les Rois , les Princes, les Evêques , &; même les
femmes s'y diftinguoient fouvent. Il étoit libre de ne s'y pas
engager. Mais quand on avoir pris la croix , c'étoit un vœu
qu'il falloir accomplir fous peine de damnation éternelle. Par-
mi les lettres & Innocent III. au 13. fiecle on en trouve une à
André II. furnommé le Jérofolymitain 3 fils de Bêla III. roi de
Hongrie , où il menace ce jeune Prince d'anathême 3 .& de per-
dre ion droit à la fucceflîon au royaume de Hongrie , s'il n'ac-
compliffoit le vœu auquel fon père l'avoit engagé en mourant,
d'aller à la conquête de la Terre Sainte , & auquel il s'étoit en-
gagé lui-même en prenant la croix. En effet André fe croifa ,
&tic le voyage de la Paleftine. Mais ce ne fut qu'en 121 7. Ce
qui pourtant , malgré la menace d'Innocent III. ne l'empêcha
pas de fucceder en 1205. à Ladiflas fon frère , au royaume de
Hongrie. Le Concile de Latran , tenu par le même Pape au 13.
lîecle , enjoint auffi fous des peines très-rigoureufesl'obiervation
_, , de ce vœu à tous ceux qui avoient pris la croix.
Cérémonies -vit ^ ' r
desCroifadv* XII. V o i c i les cérémonies qui le pratiquaient en rece-
vant
DE PISE. Liv. V 73
vtfant un Croifé , félon le Rituel Romain. 1. Il fe metroic à ge- Ii,Iîl
<noux devant le Pape , ou devant le Prélat député pour cela ,
#yant auprès de lui un Officier d'Eglife avec la croix qui de»
voit être bénie , &. donnée à celui qui s'engageoit. Enfuite le
Prélat debout &fans mitre prononçoit, Notre aide fait au nom
du Seigneur ;&.le candidat de l&Croifade aclievoit en ces mots,
.quia fait le ciel & la terre. Le Prélat ajoutoit, Le Seigneur foit
avec vous 3 l'autre répondok 3 avec votre efprit. i. Le Prélat fai„
foit cette prière. » Dieu tout-puifiant , qui as confacré le figne
» de la croix par le fang de ton Fils , qui par cette croix as voulu
»> racheter le monde , & le décharger fur cette même croix
n de l'obligation que l'ancien ennemi du genre humain avoit con-
» tre lui , Nous te prions de bénir cette croix en ta mifericorde ,
»> & de lui conférer d'enhaut une telle efficace , que quicon-
que la portera, en figne delà croix & de la pafiîonde ton Fils
53 unique , y trouve une plénitude de grâce , par rapport à fon
>j corps & à Ton ame '3 & que comme tu bénis la verge à! Aayon
«s pour dompter les rebelles , tu bénhîes auffi par ta droite ce
^3 figne , pour munir celui qui la reçoit contre tous les artifices
>3 &: les efforts du Diable. Par J f. s u s-C hrist, Amen. » 3.
Le Prélat verfoit de l'eau bénite fur la croix , & fur celui qui la
devoit prendre , &; adrefibit cette prière àj£Sus-CHMST :
>3 SeigneurJ e s u s-C hrist, Fils du Dieu vivant , qui es le vrai
33 Dieu tout-puifiant , la fplendeur & l'image du Père .,&: la vie
33 éternelle , qui as déclaré à tes difciples que celui qui veut ve-
33 nir après toi, doit renoncera foi. même ^charger fa croix &:
>3 te fuivre , nous implorons ton immenfe bonté de couvrir toû~
?a jours de ta protection, ton ferviteur ici préient, qui félon ta
93 parole eft tout prêt à renoncer à foi- même , à prendre fa croix ,
» &. à te fuivre j pour combattre tes ennemis, û pour le falut de
33 ton peuple élu. Veuilles le délivrer de tous dangers , l'ab-
33 foudre defes péchez , & le conduire heureufementau but qu'il
33 s'eft propofé.Puifque tu es le chemin, la vérité, la vie,la forcera
33 valeur de ceux qui efperenten toi , dirige {es pas , fais-le prof-
33 perer , & le foutiens au milieu des angoùTes du monde. En-
33 voye-lui ton Ange Raphaël, qui fut compagnon de Tobie
33 dans fon voyage , &. qui rendit la vue à fon père j afin qu'en
>3 allant &; en revenant , il le preferve des embûches defes enne-
^îmis vifibles 6c invifibles, & qu'il éloigne de lui toutiaveugle-
33 ment de corps & d'efprit. Toi qui avec Dieu le Père &: le Saint
Tom. JJ. K
74 HISTOIRE DU CONCILE
» Efpric vis & règnes dans tous les fieclès. Amen. » 4. Le Prélat"
y^llt s'affeyoit , mettoit fa mître fur fa tête , Ôt la croix fur l'épaule-'
du Chevalier, lui parlant en ces termes : Receve^le figne de la
Croix , au nom du Père , du Fils , & du Saint Ejprit , en figne de la
croix , paffïon , & mort ^Christ, four la défenfc de votre
corps & de votre ame > afin que far la bonté divine , afrès votre ex.
f édition vous revenicz^chez^vous fiain & jatif , far Jesus-Chri st
notre Seigneur. Après quoi le Prélat verfoit encore de l'eau bé-
nite fur le foldat , qui lui baifoit la main à genoux ?3 & fe reti-
roic.
La bénédi&ion ne fe bornoit pas à la croix 5 elle fe dônnoit
auflî aux armes & à l'équipage des pèlerins. On lit dans l'Hi-
iloire que Philiffe roi de France reçut très-dévotement la cor-
beille {fportulam ) de le bâton de pèlerinage , des mains de l' Ar-
chevêque de Reims fon oncle , & Légat du Siège Apoftolique.
On trouve ces paroles dans les Gefi.es du Roi Louis , fils de Louis
le Gros. Le Roi vint fie Ion la coutume a l'Eglifie de S. Denys , re-
cevoir le congé des Martyrs 5 & afrès la Afeffe il reçut avec refipcïl
le bâton de pèlerinage & l'étendnrtde S. Denys , qu'on appelle Ori-
flamme. Cefl ainfî encore que Richard roi d'Angleterre reçue
la poche & le bâton de pèlerin des mains de l'Archevêque de
Tours, 55 Mais, dit l'Hiftoire, dès qu'il voulut s'appuïer lur ce
>; bacon , il cafla ; ce qui fut regardé comme un mauvais pré-
>5 fàge. On trouve dans un R ituel , appelle le Sacerdotal Romain }-
le formulaire de la bénédidion qu'on donnoit aux armées en-
tières,
indulgences XIII. On es toit attiré à' ces expéditions par' les indub
cr privées gences pléniéres que les Papes donnoient. C'eft-à dire qu'ils re-
*J*K' lâchoient aux Croifez les pénitences aufquelles ils avoient été
condamnez, & qu'ils leur promettaient la vie éternelle &mê~
me la gloire du martyre ; néanmoins fous la condition de la péni-
tence 6c de la confefîion , s'ils venoient à mourir dans ce voyage,
C'eft ce que déclara Urbain II. dans le Concile de Clermont ,
comme on le verra tout à l'heure. Le bénéfice de ces indulgen-
ces s'étendoit à ceux qui contribuoient aux voyages & aux ar-
méniens, par leurs foins, & par leurs dépenfès , quoiqu'ils n'y
allaient pas eux-mêmes /comme le déclara Innocent 1U. Ou-
tre ces indulgences on accordoit aux Croifez de grands privi-
lèges par rapport au temporel, comme exemptions de tailles,
de collectes , lettres de répit, amnifties, &c.
DE PISE Liv. V. 7y
Dépareilles expéditions ne pouvant pas fe faire fans des dé-
£>enfes extraordinaires 3 il fallut y pourvoir par des contributions. * + r r>
Jnnocent 111. dansfon Concile de Latran tenu en 1 113. ordon-
na à tous les Ecclefïaftiques de tout ordre , excepté quelques
Moines privilégiez , 6c ceux quialloient eux-mêmes à la Terre
Sainte, de fournir pendant trois ans la vingtième partie de tous
les revenus ecclefïaftiques. Ce Pape lui-même, 6c tous les Car-
dinaux 3 contribuèrent la dixième partie de leurs revenus , ou-
tre trente mille livres que le Pape donna pour 800. Croifez (a). CO Pagf
A Tégard des laïques 3 les Rois , les Princes , les Comtes , Ba- Jj^f*'^
rons 3 Gentilshommes , les .Communautez des villes étoient Tom. ni,
obligez de fournir des troupes ,6c de les entretenir pendant trois F- "*>
ans. On mit outre cela des troncs dans toutes les Eglifes pour
recevoir des aumônes à l'ulage de cette guerre. Ce qui ne pou-
voit que produire de grandes fommes , parce que le Pape or-
donnoit aux Confefleurs de changer çn aumônes les peines qu'ils
impofoient à leurs pénitens.
Avant Urbain II. Grégoire VII. donna un prélude des Croi-
fades lorfqu'il .écrivit en 1074. à l'Empereur Henri IV. pour lui
donner avis qu'il avoit réfolu d'aller en Orient avec une nom-
breufe armée 3 6c pour l'engager lui-même à entreprendre ce
voyage > afin de délivrer les Chrétiens de l'oppreulon des Sar-
rafins. Les Italiens & les U Itramontaixis , dit-il à l'Empereur , font
far l' infpiration de Dieu tout difpofez^à .cette expédition , & ils pré-
parent une armée de cinquante mille hommes pour aller fous mon
commandement ^( me Duce et Pontifice) contre les en-
nemis de Dieu , & fe rendre au Sépulcre du Seigneur fous ma con*
duite ( b ). Mais l'Empereur n'avoit garde de donner dans un pie- (t>) Pagl.
.ge que le Pape ne lui tendoit , que pour livrer en proie l'Env ubif"Pra-
pire aux Saxons, qui s'étoient révoltez contre Henri. °'
XIV. C'est donc fous 'Urbain II. fur la fin du fiecleXI. *«»«"»
qu'il faut marquer la vraie origine des Croifades. Elles fe r_éfo- Croi^a e'
lurent à cette occafion. Les afFaires des Chrétiens étoient alors
dans un pitoyable état en Orient , les Turcs étant maîtres de la
Syrie, de rifaurie,de la Pamphylie,de l'une 6c de l'autre Cilic.ie ,
de la Lycie ( Mente feli ) de la Pifidie ( Verfagelli ) de la Ly-
caonie ( Caramanie) de la Cappadoce, de la Galatie, (Gallo-
grœcia ) de l'un 6c l'autre Pont 3 de la Bithynie , en un mot de
la plus grande partie de l'Afîe mineure. Ils mettoient^nprifon
.£c ils e'gorgeoient impitoyablement les pieux pèlerins qui alloienc
Kij
76 HISTOIRE DU CONCILE
24,11. au Saine Sépulcre. L'Empereur Grec , quKavoit déjà perdit-
plus de la moitié de fon Empire 3 étoit dans des allarmes con-
tinuelles de fe voir envahir Conftantinople. Pendant ces ex-
trémitezun Prêtre (i) François , du diocèiè d'Amiens , nommé
Pierre l'Hermite , & hermite en effet , étant allé à Jerufaleni-
entretint Simeon , qui en étoit alors Patriarche , fur les remè-
des qu'on pourroit apporter à une fi grande calamité j &. luiin-
fînua que s'ilvouloit en écrire au Pape, aux Rois &aux Prin-
ces d'Occident ,-il fe chargeroit des lettres , 6c les inviteroit'
tous à s'unir enfembie pour donner du fécours aux chrétiens
contre les infidèles. L'Hiiloire ou la Fable (i) raconte mcme
que Pierre l'Hermite eut une vifion de }£Sus-Christ pour le-
fortifier dans ce bon deflèin. Quoi qu'il en foie , Pierre chargé
de la commiiîion ', s'en alla droit à Rome trouver Urbain II,
qu'il rencontra tout difpofé à travailler de tout (on pouvoir au:
fuccès d'une fi fainte encreprife. Pierre de fon coté traverfa l'I-
talie, & paiTa les Alpes , invitant partout les Princes Chrétiens
à y concourir de toutes leurs forces pendant qu'Urbain afTem-
bloit un Concile à Clermont en Auvergne, principalement afin
d'y prendre des mefures pour cette expédition. Pierre s'y trou-
va, & reprefènta fi vivement le déplorable état où étoient les
Chrétiens de la Syrie & de la Paleftine , que tout le monde
unanimement conclut à les fecourir. Comme Urbain publia les
indulgences } 6c donna la croix , on vit en moins de rien s'af*
fembler une armée prodigieufement nombreufe (3). On ne con>
(a)Guiiieim. noi/Joit , dit un Hiftorien (b) 3 dans tes Royaumes d'Occident nulle
Tyrius. Lib. difiin'cHon d'âge , ni de condition i tout le peuple fe rendoit en foule
ap pl*i.T. Par tout 0Ii ^ Y av°lt des Princes qui voulurent fe mettre à la tète
11, p. "506. d'une armée. On remarqua même dans les femmes une ardeur
toute martiale, ôtune intrépidité d'Amazones. Les miracles ne
manquèrent pas au befoin. On en peut voir un allez bon nom-
bre dans Provins. Les principaux de cette armée furent
Robert duc de Normandie 3 Raymond comte de Thouloufè , .
Robert comte de Flandres , Etienne comte de Blois& de Char-
tres j Hugues le Grand., comte de Vermandois , frère de Phi-
(1) D'autres difent un Gentilhomme,
(i) Le Père Maimbeur* penche beaucoup à croire que cette vifion ne fut que l'effet
d'une imagination échauffée pendant le fommeil que l'Hermite prenoit dansi'Eglife du S>
Sépulcre. Hi(l. des Crti^da Liv. I. pag. 13.
(3) Six cens mille hommes , 6c cent mille cuiraffiers. Apni Bzov. ubi fupra 141C3
pag. 3ZJ.-
DE PISE. Liv. V. 77^
lippe I. roi de France ^Gvdefroi de Bouillon duc de Lorraine Se l
ion frère Baudouin , Tancrede de Sicile , &; quantité d'autres.
Ceux qui le diftinguerent entre les Ecclefiaftiques furent Adi-,
mur évêque du Pui en Vêlai dans le Vivarets , & Guillaume
évêque d'Orange. Cette première expédition fut fort heureu-
fe. Jerufalem fut prife par la valeur de Godefroi de Bouillon duc
de Lorraine. Il en fut déclaré Roi, peu avant la more d'Urbain
qui y établit' Daimbert ou Duibert fon légat , & patriarche de
Jerufalem. Pafchal II. fon fuccelîeur ayant appris la victoire des
Chrétiens, y envoya Maurice évêque de Porto, avec une fou.
veraine autorité.
XV. La féconde qui fe fit en 1101. fous ce Pape , fut fatale SeconJe-cm
aux Chrétiens , malgré les prières & les miracles de S.Bernard
abbé deClairvaux , que le Pape difpenfa d'y aller. Toute leur
armée quiétoit très-nombreufe, fut pafTée au fil de l'épée, à
Ce qu'on prétend par la faute & Alexis de Comnme Empereur u\-Ma-!m^
de Conftantinople , qui avoit conçu, de la jaloulle contre les bourg, ubi
Princes Latins, (a) £UP- P- 66-
XVI. La troifieme en 1145. fous Eugtne III. fut auffi fort 'rroifieme
malheureufe. L'Empereur Othon , & Louis VII. roi de France Cro:
eurent de la peine à fe fauverde la déroute générale de toute
l'armée Chrétienne, encore par la perfidie des Grecs , qui,
comme PHiftoire le rapporte , empoifonnerent la farine avec
de la chaux, ôc ne ceiToient d'animer les Turs contre les Chré-
tiens.
XVII. La quatrième fut entreprife fur la fin du 12. fiecle ^VJT*
fous le Pape Lucius III. contre Saladin foudan d'Egypte, qui r e'
avoit fait de grandes conquêtes fur les Chrétiens par lesjalou-
fies & la défunion de leurs Princes. Ce Pape avoit écrit deux
lettres, & envoyé deux ambafTadesen Orient, l'une à Saladin
lui-même, l'autre àSijîdin loû frère qui s'appelloit Seigneur de
îoute Ui multitude des Sarrafins , pour traiter de la paix. L'Au-
teur qui parle de ces lettres de Lucius, dit qu'elles ne fe trou-
vent point ; mais il rapporte quelques fragments des répenfes-
de Saladin ôc de Sifidin , par lesquelles ces Princes faifoient pa-
raître allez de penchant pour la paix (b). Cependant cette né- (b)p*j*T.'-
gociation n'eut point d'effet , puifqu'en 11 84. les Princes &; les IILP'IZ*«
Prélats d'Orient furent obligez d'envoyer une arnbafïàde en
Occident , pour fècourir Jerufalem vivement preiîée par Sa-
ladin. Les ambafladeurs allèrent d'abord trouver le Pape , quf
Kiii
7* HISTOIRE DU C ON CI L E
141 1. ordonna une Croifade dont il ne pue voir le fuccès., étant mor£
en 11 85. L'Empereur Henri I. Philippe Auyijfe roi de France^
Richard I. roi d'Angleterre s furent au nombre des Croifez. Les
armées des Chrétiens remportèrent d'abord quelques avanta-
ges : mais ils ne purent avoir de fuite, parce que leurs Princes
n'étoient jamais d'accord , êc que leurs propres affaires les ra-
pelloient dans leur païs. Jerufalem fut prife Tpa.rSaladin.UHiu
toire dit que le Pape Urbain III. en mourut de déplaifîr, lai£l
faut à Grégoire VIII. fon fucceffeur le foin de la recouvrer. On
nelcaitpas avec quel fuccès ce dernier s'y employa.
cinquième XV I II. On rapporte à l'an 119 5. une cinquième Croifade
Croifade. ordonnée par CeleJHn III. Les Chrétiens y reprirent Antio-
che (i).
(a) Depuis Comme I?inocent III. fiegea long-tems (a) , il n'y eut point
«ul'iiiV dePape qui prîc plus à cœur le fecours de la Terre-Sainte , §z
qui s'y employât avec plus d'efficace. Dès la première année
de fon pontificat il envoya des ambalTadeurs en divers endroits
de l'Europe pour animer les Princes à fecroifer dans cette vuç.
Ce qui reullit fur tout en France & en Italie.
si-.iemeCroi- XIX. L'An n e' e fuivante il envoya le Cardinal Pieprerfe
fade' Capou'é en France &. en Angleterre ., & le Cardinal .Suffredi à
Venife 3 pour exhorter ces Puilïances a renforcer l'armée d'ou-
tre mer. A cette invitation quantité de grands Seigneurs de ces
deux Royaumes alïemblerent en peu de temps une armée de
troupes bien aguerries , Se animées autant par l'efperance dit
butin Ôc par les indulgences & les privilèges qui leur étoient
accordez, que par zélé de Religion. Une partie de cette ar-
mée fe rendit à Marfeille , _& l'autre à Venife, dans l'efperan-
ce de palier plus vite. Mais ce fut le contraire. Comme l'argent
manqua 3 le Doge de Venife en offrit aux Croifez , à condition
• qu'ils iroient donner la chafle aux Pyrates fur la Mer Adriati-
que , èc qu'ils afïïegeroient Zara ville maritime 3 qui s'étoit ren-
due aux Hongrois. Les Croifez acceptèrent la condition , aflie-
gerenc Zara , & la prirent en 1101. fans fe mettre en peine de
l'excommunication du Pape , qu'ils encoururent parla. Il leur
avoit défendu d'attaquer aucune des terres des Croifez , & fpé-
/cialement Zara , parce que le Roi de Hongrie avoir pris la croix.
Cependant ayant fait leur paix avec le Pape , ils continuèrent
(1) André' du Chesne. Hifl, des Papes. Tom. II. pag. i28i> Bzov. ubi fuja-a, pag. 32e.
P'igi ue parle point d^ cette Ctoiiàdç.
DE PÎSE. Liv. V. 79
leur route 3 prirent Conftantinople , & y élurent Baudouin I4iII#
Empereur. Innocent fît enfuite autorifer la Croifade parle Con-
cile de Latranen 1115. Cette Croifade fut continuée fous Mono-
ré III. fuccefleur d'Innocent , puis fous Grégoire IX. Mais fous
ce dernier Pape , elle fut traverfée &; fort affoiblie par la nécef-
fitéd'une autre Croifade , pour fecourir Bauàouin II. .empereur
de Conftantinople contre Vatace empereur des Grecs ,6c A^en
roi des Bulgares. Ce partage de la Croifade fit que ni Tune ni l'au-
tre ne reuffit. C'eft la fixiéme.
XX. La feptieme fut ordonnée par Innocent IV. dans le -Septième
Concile de Lyon rend en 1243. Louis IX. ou Saint Louis m*u*
roi de France y alla avec quantité de Princes & de grands Sei-
gneurs. Son armée y fut prefque toute mafîacrée , &il y fut lui-
même fait prifonnier. Mais s'étant racheté , il s'en retourna dans
fon Royaume en 1154-.
XXI. La huitième Croifade fe fit par ordre de Clément ifjTMtime
en rz68. Mais il n'en put voir l'exécution , parce qu'il mourut
cette année. Loiïti IX. fit encore le voyage avec les Princes
fes enfans & la plus belle noblefîè du Royaume. Il y mourut en
1270. de la maladie qui fe mit dans l'armée. Cette Croifade ne
produifit rien pour la délivrance de la Terre Sainte. Grégoire X.
fuccefleur de Clément IV. en 1171. fit des efforts inutiles pour
engager les Princes Chrétiens de l'Europe à fe croifer encore
Une fois. Jean XJflI. Nicolas III. Clément V. Grégoire XI.
Nicolas V. Calixte Ht. Pie II. n'y furent pas plus heureux.
On étoit rebuté de ces Croifades , qui n'aboutiflbient qu'à ré-
pandre inutilement le fang Chrétien. Lorfque Grégoire XI. y
voulut engager l'Empereur Charles IV. ce Prince répondit qu'il
pourroit amafler une grofTe armée , mais qu'il n'étoit pas d'avis
de lui faire pafîer la mer, parce qu'il faudroit beaucoup verfer
de fang chrétien ^ & que quand même on gagneroit la Terre-
Sainte , il feroit impofîîble delà garder long-temps.
Jufques à Innocent III on ne remarque point que les Papes
ayent ordonné des Croifades contre les Chrétiens. Ce Pape en
donna le premier l'exemple par fa Bulle contre les Vaudois &
les Albigeois en 1115. Cet exemple fut fuivi par Innocent IV. qui
vers le milieu du 13. fiecle ordonna une Croifade contre l'Em-
pereur Frédéric II. en même -temps qu'il en avoit ordonné une
pour la Terre Sainte , comme on l'a vu. Depuis ce temps-là il
n'y eut rien de plus ordinaire que les Croifades des Papes coiî-
8o HISTOIRE DU CONCILE
sa.ii. trc les Princes Chrétiens, quand ils étoient mécontens de ces
derniers. C'eft ce qui nous ramené à la Croifàde de Jean
JCJClll. contre Ladijlas. On en trouve deux Bulles parmi les
Oeuvres de Jean Hus (a) , Tune addrefTée à toute la chrétien-
(a)Op. joh. té en date du 9. de Septembre de 1411 -, l'autre addreflée aux
I. Fol. 171! diocefes de Paflau , de Saltzbourg , de Prague & de Magde-
173. bourg , en date du 1. Décembre de la même année. La premiè-
re de ces Bulles , donnée de Ta vis des Cardinaux , àc qui de voit
avoir force de conflitution perpétuelle , contient un ordre fous
peine d'excommunication ipfo faïio à tous les Patriarches , Evê-
ques,, Archevêques &. Prélats > de déclarer tous les Dimanches
ïk tous les jours de fête , au (on des cloches ôc avec des cierges allu.
mez , puis éteints j& jettez à terre 3 Ladisl as excomynuniè , -par-
jure , fchifmatique , blafpbemateur^ hérétique relaps , fauteur à' hé-
rétiques , criminel de Lé^e M a je (té , ennemi au Pape & de l*£glije„
Il excommunie de même tous Iqs adhérents & fes fauteurs, juf.
qu'à ce que rentrant dans leur devoir, ils ayent reçu l'abfolu-
tion. 2. Que s'ils la reçoivent à l'article de la mort , ils foient pri-
vez de la fépulture ecclefiailique , s'ils viennent à mourir > 6ç
qu'en cas qu'ils furvivent , ils ayent à fe préfenter perfonnelle-
ment devant le Pape , pour faire fatisfa&ion , ou pour fubir telle
fentence qu'il jugera à propos , demeurant cependant excom-
muniez. 3. Que quiconque entreprendra de donner la fépulture
à Ladijlas , <k à fes partifans , fera excommunié 5 & ne pourra
être abfous qu'en déterrant ces corps de fes propres mains ,
pour les mettre hors de la fépulture ecclefiallique ; &. que le lieu
où ils auront été enterrez, demeurera profane à perpétuité. 4.
Le Pape prie par Yafpcrfïon du fan? de'Jefus-Qhrift^ tous les Empe~
reurs , Rois , Princes , Cardinaux , Prélats ; Monaffceres , Uni-
verfîtez 3 les particuliers de tousfexe & de tout état , de fe pré-
parer à le défendre lui-même &: à défendre l'Eglifc , en pourfui-
vantàtoute outrance & exterminant Ladijlas > & tous ceux de
fon parti. 5. Afin qu'on s'y porte avec plus d'ardeur > il pro-
met à tous ceux qui fe croi feront , les mêmes indulgences &: les
mêmes privilèges qu'à ceux qui vont à la conquête de la Terre
Sainte , aufli - bien qu'à ceux qui fans fè croifèr y employeront
leurs foins } leur argent &; leurrnonde. Nos de omnipotentis Dei
mifericordia , & beatorum Peteli ^Pauli Apoftolorum ejus
auHoritatc confiji ', & illà quam nobis , lie et infufficientibus meri-
tis\3 Deus ligandi atque folvendi divinités contulit potejlatem , om-
nibus
DE PISE. Liv. V. Si
Mibusverc pœnitentibus & confejjîs , qui hujufmodi laborem ,faluti-
ferœ crucis figno fufcepto , in perfoms propriis fubierint & expenfis , I411,
ilUmpeccatorum fuorum^de quibus corde contrit i CT ore confeflîfuc-
rint ^vcniam indulgemus , & in retributionem jufiorum falutis œterna
potliccmur argumentum quœ transfretantibus in Terra Sanfiœ fubfï-
dium conccdi per Sedcm Apcfiolicam confueverunt '(a). 6. La Bulle (a) Opéra
promet que ceux des Croifez qui mourront avant que d'à- H«/.Tom.L
voir pu accomplir leur vœu , auront les mêmes indulgences
que ceux qui mourront en l'aceomplifTant. L'autre Bulle
eft à peu près de la même teneur. Il eft bon d'entendre
le Moine de S. Denys fur cette Croifade (b). Il paroît qu'il x^xif"
étoit bien periuadé de la bonté de la cautedejean J£ JC 1 1 1. chaP.
33 Après tous les foins paternels , dit-il , que le Pape Jean ap- xxlV".pag»
33 porta pour la défenfe duPatrimoine de S. Pierre, ne fe Tentant
» pas allez fort pour reïîfter à la puiiïance de Ladiflas de Duras >
» ufurpateur du Royaume de Sicile , qui lui failoit la guerre, il
« réfolut en ce tems-cy d'implorer l'afîiftance des Fidelles , àc
« fit diverfes députations en plusieurs parties de la Chréftienté ,
« de perfonnes puifTant.es en œuvres & en paroles , pour les ex-
« horterà le venir vanger des perfécutions infupportables de ce
» Tyran , qu'ils avoient ordre de leur représenter 3 & d'aflurer
» de Paffiftance 6c des grâces du Ciel , tous ceux qui entrepren-
w droient charitablement une fi fainte guerre. Pour plus pro-
*) fondement graver dans les cœurs , le mérite &: la récompenfe
35 de cette action , ce Pontife , plein de fentimens de Dieu , ne
55 leur propofapas une folde pécuniaire, ni une reconnoiflance
35 temporelle , mais il ouvrit les tréfors de la puifïance paftorale ,
55 &il accorda la même indulgence à tous ceux qui contrits &:
35 conferTez , ie mettroient en chemin , ou qui envoyeroient de
« leur part pour la deffenfe de l'Eglife, la même indulgence ja-
33 dis concédée pour le général pallage d'outre-mer ^ laquelle
ss auroient gagnée après un mois tant ceux qui envoyeroient à
55 leurs dépens , que ceux qui entreprendroient le voyage , au
ss fervice , au nom d'autruy , ou qui donneroient de Targent , ou
53 qui même entendroient cordialement les prédications qu'on
33 feroit à ce deffein ^ retenant fous la protection du S. Siège
w Apoftolique , tous ceux qui fe croiferoient pour le venir fe-
5J courir. Mais quoique les déléguez pour la publication de ces
« indulgences, les eufïènt fait afficher aux portes des Eglifes ca-
n thédrales & des Monafteres les plus fréquentez , peu de Fran-
Tome II. L
ii HISTOIRE^DU CONCILE
» çois embrasèrent l'occafîon de cette fainte Croiïâde , à cau&
34J x* 53 des défordres & des troubles de ce Royaume.
En attendant que ces Bulles arrivent en Bohême, voyons c£
qui fepafïe dans ce Royaume. L'année précédente ou au com-
mencement de celle-ci , le Pape avoir excommunié Jean Hus y
&c en mêmetems défendu à tous les Prêtres de Prague d'y cé-
lébrer la Méfie , d'y baptifer , d'y enterrer les morts , & d'y faire
aucun exercice de religion pendant que Jean Hus feroit dans
cette ville , à la referve de la feule Eglife de Vijjeqrade ( i ). Cet
interdit ne fut pas plutôt publié , qu'on ne vit plus dans toute
la vijle que fédition 6c maflacres horribles caufez par l'animofï-
té furieufe des uns 6c des autres.
Retraite de XXII. Jean H u s après bien des combats , jugeant enfin'
Jean Hus* que fbn abiènee pourroit calmer l'orage, prit le parti de fe re*
"$**% tjrer ^ Hu.ljînet^ i ) , petite ville ou bourg qui étoit le lieu de fa
naiflance , auprès de Nicolas de Huf/imtzjon ami 6c fon patron,
Seigneur de ce même lieu. Ce fut de cette retraite qu'il interjetta
fon Appel du jugement du Pape à la Sainte Trinité. Dès l'an-
née précédente , comme on Ta dit alors feulement en palîant,
il avoit appelle à Jean JZJfllI. de la fentence de Sbynko , qui
par deux fois s'étoit fait apporter les livres de Wiclef , 6c les
6i)*Walpol avoit condamnez au feu (a). Par les grandes perquifltions des
»wpafei*< *dnti-Hu(jites il fe faifoit tous les jours quelque nouvelle dé-
' couverte de ces livres , dont l'Archevêque avoit fort à* cœur
la fuppreiîîon , follicité à cela , premièrement par les Allemands
avant leur départ de Prague , enfuite par Jean Gcrfin Chance-
lier de TUniver/îté de Paris , par André de Broda Docteur Bohé-
mien 3 6c par quantité d'autres. J£.neas Sylvius & après lui les au-
um.&éêm. très Hiftoriens de Bohême témoignent qu'on en brûla dans le
p. 69. palais épifcopal le 14 de Juillet de 1410. plus de deux cens vo-
?Jeob* lûmes fort nettementécrits 6c richement couverts, fuprà ducenta
p. 9. Du- volumina fuijle traduntur 3 puicherrimt conferipta 3 bullis aureis te-
brav. nf. gumentifque prctiojïs ornata ( b ), Comme cette entrepriiè étoit
xxnf. * contre les droits de regale du Royaume de Bohême , 6c contre
pag. 613. les privilèges de l'Univerlité qui relevoit immédiatement duSiege
ÏS Boinm ^e ^ome > la Sentence de Sbynko ne fut point approuvée par ce
p.4i?.4zo! Siège. Etmêmeàrinftance de Jean Hus , l'Archevêque avoir
été cité en Cour de Rome par Henri Crumhart de Wefierholtx^
(1) Ceft ce palais du Roi de Bohême qui fut rafé par les Huflîtes,
(1) Dans le difirift de JPrachiry
DE PISE. Lrv. V. S3
Do&eureti droit , Auditeur de Rote , & commis par le Pape dans f r
cette affaire. Mais Sbynko \ loin d'obéïr à cette citation , envoya
;Clandeftinement à Jean JFJfJll. des députez ou procureurs, qui
ftirprirent ou contrefirent une Bulle ( i ) , en vertu de laquelle il
prononça fa Sentence de condamnation. Elle contient i Une
lifte des livres de Wiclef que ce Prélat condamnoit au feu , fa-
voir, Le Dialogue 5 Le Trialogue ( 2 ) • Les traitez de M Incarnation
du Verbe j du Corps de Chrifi « de la Trinité 5 des Idées ? de la Ma-
tière & de la Formc-^des Hypothétiques 3 de Y Individuation du tcms l
des preuves des Proportions j des Sermons fur les Evangiles 5 d'au-
tres traitez /ur les Vniverfaux ; fur le Domaine civil 5 fur le De.
calooiie ,fur la Simonie ', fur les Attributs Divins. 2. Comme on
a-voit aceufé quatre perfonnes d'avoir entre les mains des livres
de Wiclef, on les condamne à les apporter dans le terme de fix
jours. 3. La Sentence défend j fous peine d'excommunication ,
de dépofition 3 d'emprifonnemenc 3 &: fous d'autres peines plus
grandes encore , (pœnas ulteriores ) , à tous Prêtres & Ecclefiafti-
ques de prêcher ni dans les lieux particuliers /ni dans les Cha-
pelles privilégiées , ni dans les Eglifes cathédrales &: Paroifîiales ,
ni dans les Monafteres. C'eft contre cette Sentence que Jean
J~îus étant dans fa chapelle de Bethlehem le 25. de Juin 1410.
renouvella., parles mains d'un Notaire public Se en prefence de
fept témoins qui repréfentoient tous ceux de l'Univerfîté àc de
la NoblefTe qui vouîoient lui adhérer 3 l'Appel qu'il avoit déjà
interjette au commencement de cette année. Il eft bon de don-
ner la fubftance de cet Appel , parce qu'il contient quelques
faits particuliers , & une efpece de récapitulation de ceux qui
fe trouvent en divers endroits de, cette Hiftoire. Les motifs de
l'Appel fe reduifent à ces chefs principaux. 1. Que la Sentence
de Jean JfJTUI. contre les livres de Wiclef eft contraire aux
privilèges de l'Univerfîté qui relevé immédiatement du Pape , de
m
( x ) Jean Hus coaje&ure dans fon Appel que c'étoit une Bulle contrefaite par un Moine
qui avoit été pendu publiquement à Rome cette année-là, publkè fealati. Op. Huf. Tom. I.
Fol. 89.9t.
(z) On a cet Ouvrage de Wiclef dans la Bibliothèque de l'Univerfîté de Francfort fur
l'Oder. Il eft imprimé en 1515. fans nom de lieu , porte pour titre , Jo. W 1 c 1. e f i viri
Hndequaque piif. Dialogorum libri quatuor l quorum primus divinitatem ÇF iJeas traitât y Secundus
vnïverfurum creationem compleclitur. Tertius de virtutibus vhiifqm ipfis contrariis copiofijfime loqui-
tur ; Quart us Rom, Ecclejîœ facramenta , ejus peiïiferam dotationem , Anticbrifli regnum , fratrum
frauddentam originem aiqu-e eorum hypocrijim , variaque noflro <tvo feitu dignijjïma , graphkè per-
ftringit, qua ut ejfent invenlu facilia ifiagdorum librorum , tum caput , tum capitis fummam indice
frtMtavimus, MD.XXV»
f4XI'
U HISTOIRE DU CONCILE
qu'elle a été exemptée de toute autre Jurifdi&ion , 6c même
des Légats. nez du Siège de Rome , ou des Déléguez & Sub-
déléguez du même Siège, i. Que cette entreprise eft une dé-
fobeïfTance à l'ordre que l'Archevêque de Prague avoir reçu;
d'Alexandre V% de ne rien attenter par lui ou par d'autres con-
tre les mêmes livres ,6c contre la même Univerfité , avant que
la caufe fut jugée par le Siège de Rome 3 6c de révoquer tout ce
qu'il auroit pu faire contre lesprivileges dont on a parle. 3 Qu'au
lieu d'obéir à cet ordre il avoir cabale à la Cour de Rome con-
tre l'Univerfité , 6c contre lui Jean Hùs j qu'il avoir fait enten*
dre fauiîemenr qu'il ferépandoit des erreurs 6c des héréfies à Pra*
gue , dans le royaume de Bohême 3 dans le marquifat de Mo
ravie 6c en d'autres provinces -, 6c qu'enfin il avoit furpris une
Bulle pour la condamnation de ces prétendues erreurs.4. Le qua-
trième motif eîl qu'on ne doit point abfolument obéïr à des>
ordres fcandaleux , contraires au droit commun , à l'utilité pu-
blique,& principalement à l'Evangile 3 tels que font les prétendus
ordres de Jean JCJC11I. 6c la Sentence de Sbynko portée en con-
féquence de cet ordre fuppofé , puifqu'il eit notoire .que dans
roue le royaume de Bohême 6c dans la Moravie , il n'y a ni hé-
réfie,ni erreur , 6c que c'en eft une capitale d'interdire la prédica-
tion de 1 Evangile. ^.Jean Mus prouve qu'il n'y a poinr d'héré-
iie en Bohême par le Mandement que l'Aichevêque de Prague
fit publier lui-même le 17. Juillet de 1408. dans un Synode âù
femblé cette année-là. Ce Mandement contenoitque l'Archevê-
que 3 par ordre du Roi de Bohême , ayant fait lui-même 6c par fes^
Prélats 6c Officiers une exacte recherche ou inquifition, iln'a-
voit trouvé aucun hérérique dans fbn diocèfe.6. Que quand me--
me tout cela ne feroit pas , les Sentences àc procédures de Sbynko
feroient nulles de toute nullité , parce qu'elles étoient venues
après la mort d'Alexandre V. de que 3 félon le droit commun v
lorfque celui qui eft mort a commandé quelque chofe , fqn com-
mandement expire avec lui, s'il n'a pas été exécuté pendant fa
vie. 7. Qu'il n'y a perfonnede fi ignorant danst l'Ecriture Sainte
6c dans les Canons 3 qui ne fâche que des livres de Logique ,
de Philofophie 3 de Morale 3 de Mathématique , &c. tels que
font la plupart des livres de Wiclef3 ne font pas fufceptibles d'hé-
réfïe , ni par conféquent fujets à la condamnation. Que Moïfe
& Daniel avoient été inftruits dans les feiences des Egyptiens
6c des Chaldéens i que l'Eglife ordonnoit, dans, la néceifite 6cfe«-
D Ë P I S E. L i v. V. £5
Ion les circonflan ces du tems, délire les livres des Hérétiques, u
non pourfoucenir leurs erreurs, mais pour les réfuter, & pour .
en tirer ce qu'il y a de bon ♦, que S. Paul lui-même avoit lu de
allégué quelques endroits des livres des Payens ^ que d'ailleurs il
cil nécefîai re que les Ecoliers desUniveriltez lifent les livres à'A-
rifiote 5 dAverro'ès 6c des autres Philofophes infidèles ; que par
la même raifon il faudroit brûler' le livre du Maître des Senten-
ces de ceux d'Origcne 3 où il y a plufieurs erreurs. Cependant Jean-
Jrlus protefte qu'il ne prétend point fbutenir aucune erreur ,
quelque part qu'elle fe trouve. 8. Que cette condamnation des
livres de Wiclefau feu eft contre l'honneur du royaume de Bo-
hême , de la Moravie , des autres provinces , & fur tout del'U-
niverfité de Prague, puifque le 14. de Juin de cette année elle
avoit conclu avec ferment, en pleine alïemblée de Maîtres,, de
Dodeurs, de Licentiez, de Bacheliers & d'Etudiants , qu'il fa-
loit s'oppoferà la Sentence de Sbynko contre les livres de Wi-
clef. (1) 9. Que c'eft au Siège Apoftolique &: non à aucun autre
à expliquera à interpréter {es propres referipts , &: que Sbynko
n'étoit point autoriféà interpréter, comme il a fait, la préten-
due bulle du Pape. 10. Qu'entre l'arrivée de cette faulTe Bulle
Scia Sentence prononcée par Sbynko , il n'y avoit pas eu allez de
temps pour examiner une aufli grande quantité de livres & écrits
fur des matières auffi importantes. 1 1 . Que Jean Mulheim de
Pardubic^ Prieur provincial de l'Ordre Teutonique en Bohê-
me faj , & le nommé La Croix ^Crux ) marchand ôc citoyen de (a) Baï^
Prague , avoient fondé la Chapelle de Bethlehem dans la vue Bohèm. paV;
qu'on y prêchât la parole de Dieu en langue vulgaire , confîde- 4©j.
rant que 3 quoi qull y eut à Prague quantité de lieux deffcinez au
culte Divin , il n'y en avoit aucun qui le fût à la prédication.
12. Enfin que cette fondation avoit été confirmée par le Siège
Apoitolique, parle Roi de Bohême & par Jean de Genjïein ar-
chevêque de Prague & Patriarche d'Alexandrie. (1)
Pour revenir à l'Appel que fît Jean Musi Dieu, il yexpofe
qu'il imite à cet égard Chry foft orne ^ André archevêque de Bohê-
me d)y Robert évêque de Lincoln , qui ayant été injuftemenc
(1) L'Ancien éditeur des livres Atjean Hi*s a mis cette note en marge , Le Icfteur pieux
remarquera ici un menjonge de Cochlée lorfquil écrit que non Jeulenitnt\l'Univer/tté de Praçueavoit
confenti à la brûlure des livres de "Wiclef, mais quelle avoit absolument condamné fa doélrine. Op. J
Hus. ubi lupr. Fol. 51.
(2) Voyez l'hiftoire & l'éloge de ce Prélat Epit. Rer. Bohem. pag. 400.
(3) Mort exilé en Italie ea 1 214. fous Ottogare I, roi de Bohême,
L iij:
$6 HISTOIRE DU CONCILE
condamnez , en avoient appelle au fouverain Juge de l'univers.
I411, Il mec entre les instigateurs delà condamnation Michel de Cau-
_yfr Do&eur Bohémien, &: les Chanoines de Prague. » Il l'ont
53 dit-il 3 extorquée au cardinal de S. Ange , à qui Jean JfJflii,
53 avoir donné le jugement de mon affaire. Ce cardinal , pendant
53 près de deux ans, n'a jamais voulu entendre mes procureurs
53 ce qu'on ne devroit pas refuferàun Juif,, à un Payen,àunhé-
33 rétique. Il n'a voulu avoir aucun égard aux raifons folides que
55 j'ai alléguées pour êtredifpenfé d'aller à Rome, non plus qu'au
(a) Voyez 33 témoignage authentique de l'Univerlîté de Prague (a) , ni me
onaoc'^oT » marquer aucun lieu où je piuTe défendre ma caufe en Arrêté
7/^.Foi.io. «quoique, félon toute forte de droits , c'eft l'ordre que les Tu,
p^ges ïètranfjortent fur les lieux où on prétend que l'acrion a
>s été com.mife , pour entendre ceux d'entre les gens de bien qui
«connoiflent le plus particulièrement l'accufé,& non fes enne-
?j mis & fes calomniateurs.
°UunFc% XX1H- Il e'criviT quelques ouvrages acdiverfeslettres dans
écrivit dans cette retraite. On en trouve XV. parmi fes Oeuvres. Il y en a
Ifrtfraite. une écrite cette année aux cardinaux, où il leur expofe avec
beaucoup de douceur & d'humilité , que l'origine de fes difgra,
ces de voit être fon apologie auprès deux , &c auprès de jean
JfJflII. 53 Dans le temps, dit-il qu'on fe retira del'obédien-
ijcede Grégoire , & qu'on s'unit au Collège des Cardinaux pour
33 donner la paix à l'Eglife 3 je prêcbois fortement & avec fuccès
5à cette union devant la Noblefle , le Clergé & le peuple. Mais
nSbynko^ archevêque de Prague, alors ennemi du Sacré colle-
53 ge des Cardinaux , fit afficher aux portes des Eglifes une dé-
«fenfe à tous les Do&eurs de l'Uniyerfité , & à moi en parti-
>3 culier, de faire aucune fonction facerdota le ; en alléguant pour
5> raifon que nous avions mal à propos abandonné Grégoire En
»? fuite , après le Concile de Pife , il fut obligé de changer de
« parti , & d'adhérer aux décifionsde ce Concile. >? Après avoir
aintî expofé le fait , il prie les Cardinaux de fe fouvenir de la
promeiTe qu'ils ont faite d'accorder protection & faveur à ceux
qui s'uniroientà eux ^& s'offre de rendre raifon de fa foi même
au péril du feu ( i ) , devant l'Univerlîté , devant tous les Prélats ,
& devant ceux qui avoient été fes auditeurs. Cependant il leur
Êpift. III, envoyé le bon témoignage que lui avoit donné l'Univerfité de
vi. vu. Prague. II y a plufieursde ces lettres où il rend cette raifon de
( 1) Etiam igné ai anàienliam fojîtc,
DE PISE. L i v. V. $7
Ùl retraite, c'eft qu'il craignoit d'attirer par fa préfençe des j<lu.
perfécutions aux fidèles , & d'aggraver la peine des incrédules»
«Mes ennemis , dit-il, nie reprochent que j'ai pris la fuite 5 Epift. XL-
»mais je l'ai «fait à l'exemple & félon le précepte de Jesus-
» Christ, non pour abandonner la vérité , pour laquelle je
«fuis prêta fouffrir la mort avec le fecours de Dieu , mais de
» peur d'être l'occafîon de la damnation éternelle des méchants s
» & de l'affliction des bons.
Pendant fa fuite il fui vie exactement le précepte de S. Àugufiin
qui porte ,• que celui qui fuit la perfécution de telle forte que le
miniftere évangelique ne foit pas abandonné par fa retraite , que
celui-là fait ce que Jésus- Christ a ordonné. JeanHus en effet
prêchoitdans les villes ôc dans les villages, fuivi d'une foule in-
nombrable de peuple qui l'écoutoit avec avidité. Il étoit pour-
tant contredit quelquefois. Un jour qu'il avoit prêché avec vé-
hémence contre le Pape & les Cardinaux dans le château de
quelque Seigneur , un certain vieillard (a) qui faifoit l'homme 0) Thcob.
Simple, lui demanda ce que fignifioienten Bohémien ces mots J* f"^''
Papete Cardinal , & s'il en avoit jamais vu quelqu'un. Je n'en
ai jamais vu , & je n'ai nulle envie d'en voir 3 dit Jean H us. Mais
d'où vient , répliqua le vieillard 3 que vous nous dites tant de mal
de gens que vous n'avez^ jamais vus 3 ni examinez^ ? Pour moi _,
continuoit-il 3 fai autrefois été à Rome avec mon père , j'y ai vu le
Pape & quelques Cardinaux 3 & j'ai trouvé en eux une pieté fans
égale. Hé bien , répliqua Jean Hus ,puijqu ils font tant de votre
goût , retourne z^donc à, eux 3 &y achevez^ le refie de vos jours. Le
vieillard répondit en fecouant la tête ,Mon Maître , je fuis trop
vieux pour entreprendre un fi long voyage 5 mais vous qui etesjcune3àL
le \ leur dire en face ce que vous dites d'eux fi à, votre aife en leur abfence,
&yous verrez^ ce qu'ils vous répondront. Le Seigneur du lieu qui pro-
tegeoit Jean Husy le retira chez lui,& impola filence au vieillard.
Il y a beaucoup d'apparence que ce fut en ce temps-là qu'il
compofa un petit traité où il prouve par l'autorité des Pères ,
des Papes 3 des Canons 3 & par la raifon , (b) qu'il faut lire les (b)Op.Hu.
livres des hérétiques , & non pas les brûler , ÔC où il répond aux cu^cvs
objections de les adverfaires l^-delTus. Ce fut encore cette an-
née qu'il écrivit contre un Docteur Anglois nommé JeanStokes
(c) , qui avoit réfuté l'apologie qu'il avoit faite de Wiclef & de (cy ibid.
fes livres l'année précédente. Cet Anglois avoit avancé 1. Que Fol.Cvni*
quiconque liroit & étudieroit les livres de Wiclef 3 quelque bien
88 HISTOIRE DU CONCILE^
f 4.1 1. difpofié qu'il fût d'ailleurs , & quelque enraciné qu'il fut dans là
foi , ne manqueroit pas de tomber dans l'héréfie , par fuccefliom
de temps, i. Que Wiclef pattoit pour hérétique en Angleterre.
3. Que fa doctrine y avoit été condamnée ,& fes livres brûlez.
4. Pour l'honneur de fa nation , Stokes s'était avifé de feindre
que W iclef étoiz Allemand & non pas Anglois. Jean Hus répond
à tous ces chefs. Il tire du premier plufieurs conféquences ab-
furdes, comme celle-ci: C'en: que, s'il eft impoflible de lire les
livres de W iclef [ans devenir hérétique, il faut que les raifon-
nemens de ce Docleur (oient plus forts que ceux de l'Ecriture
Sainte j puifqu'un homme enraciné dans la foi tireroit de l'E-
criture de quoi y répondre. D'ailleurs , dit- il , c'eft accufer d'hé-
réfie toute l'Univerfité de Prague , où , depuis plus de trente
ans , on lit > on étudie les livres de W iclef. C'eft faire la même
injure à l'Univerfité d'Oxford 3 ou depuis 30. ans aiuTion lit &
on en.feigne les livres du même D odeur. Et même, continue-
t'il, comme il n'eft pas impo{fible que tout le monde life ces
livres , ils'enfuivroit de là que toute l'Eglife deviendroit héré-
tique par fucceflÎGn de temps. Il n'épargne pas plus fon adver-
saire fur le fécond chef , qui porte que la doctrine de W r iclef "a.
été condamnée , 8c fes livres brûlez en Angleterre • 6c il fè mo-
que fort de l'argument tiré de la multitude pour prouver la vé-
rité d'un dogme, il y a , concluoit Stokes , beaucoup de Prélats
en Angleterre 3 en France , en Bohême, qui tiennent Wiclef
pour hérétique y donc Wiclef eft hérétique. C'eft , dit Jean
Hus , comme fi l'on argumentoit ainfi. Les Turcs nient que
Jesus-Chrjst foit Dieu , donc Jésus Christ n'eft pas Dieu.
Au refle il nie tout net que Wiclef patte généralement pour hé-
rétique en Angleterre , &: il prouve le contraire par le témoi-
gnage que l'Académie d'Oxford avoit envoyé depuis peu à Pra-
gue enfafaveur (1) , bien muni dufceau de cette Univerfité. Il
eft vrai que Stokes^ & ceux de fon parti , prétendoient que ce
témoignage étoit faux & contrefait 5 mais Jean Hus fomme
fon adverïaire de le prouver fous peine de la loi du Talion. A
l'égard du préjugé que Stokes prétendoit tirer contre Wiclef 'de
ce qu'on avoit condamné fa doctrine , & brûlé fes livres , il die
( M Mac- <îu'on pourroit tirer la même conféquence contre les livres de la
i*b.i. vf.j 'Loi<\xL*j4ntiochus fit brûler (a). Enfin il prouve par des faits in-
$*< conteftables , que Wiclef étoit Anglois & non pas Allemand $
( 0 On peut voir ce témoignage à la fin du fécond Tome des Oeuvrçs de Jean Hm.
comme
DE P ISE. Liv. V. *9
comme par fa traduction delà Bible en Anglois 7 &: par plu- l.ï ïc
fleurs endroits de (es Ouvrages , ou il dit lui-même qu'il a tra-
duit dans fa Langue maternelle ce qu'il avoit auparavant écrit
en Latin. Il Te raille avec beaucoup defel desfoupçonsd'héré-
fie qu'on répandoit contre ceux qui écrivoient des livres de pie-
té en langue vulgaire. Wielefa traduit la Bible en Anglois , il a
-écrit en cette langue plusieurs livres de Théologie 6c de Morale ;
donc elle eft hérétique. C'eft comme h" l'on difoit j la Reine
d'Angleterre , qui eft fœur de l'Empereur , a la Bible en trois
langues , en Allemand , en Bohémien , & en Latin ; donc elle n Ça) Mn>
eit hérétique. ^ ^ Bohem.ci^
Cependant l'abfence de Jean Hus n'avoit point rétabli la tran- xxxv.
quilité à Prague. La plus grande partie du peuple demandoit „.nb"T*
ion retour avec un empreilement qui alloit julqua la rureur , Lib.xxm.
pendant que les autres (a) mettoient tout en œuvre pour em P- l"- 6l/«
pêcher qu'il ne mît jamais le pied dans cette capitale de Bo- Zr.Bollm.
hême. Pag- 410.
XXIV. Ce fut, fi l'on en croit le plus grand nombre des VArchevi,
Hiftoriens , pour remédier à ces defordres , que l'Archevêque ql4e '***"■
J r . ' 1 1 r gue va en
Sbinko, ne trouvant aucune reiïource dans Wencejlas, prit la ré- Hongrie, a»
folution d'aller en Hongie implorer le fecours de Sipsmmd cpxiîlefi ,mtoi~
prenoit alors le titre de Gouverneur du Royaume de Bohême. D'au.
très difent néanmoins que ce Prélat fut obligé de prendre la
fuite pour fe mettre à couvert de la violence des Huiïïtes , irri-
tez contre lui de ce qu'il avoit fait brûler les livres de Wiclef{ b ) . ^ée ,
Quoi qu'il en foit , Sbinko mourut à#:efbourg dans la haute Hon- Htft. H»jjit,
grie , empoifonné par les Huflites, à ce que quelques-uns pré-L p,i°'
tendent. L'accufation étant fort grave , elle mérite d'être exa-
minée. Comme Etienne paletz^Dodcenr Bohémien , étoit un des
principaux adverfaires de Jean Mus ,il n'auroit pas manqué une
occafïon fi naturelle de rendre les Huffites odieux, s'ils a/voient
été coupables de ce crime. Cependant il n'en dit pas un feul mot
dans l'endroit de fon livre contre Jean Hus , ou il parle de la
mort de cet Archevêque. Ilparoîtau contraire,, parles paroles
de ce Docteur alléguées par Cochlèe , que ce Prélat mourut de
mort naturelle ( c). Reverendus Pater, Dominus Archiepifcopus , (c)CochUe;
olim S. Sbinko 3 fantlo infijlens labori 3 pro iîlorum malorum ,prœci- Pa£- ao*
pue pro illius venenati capitis malorum Wicleph & ejusdem facri*
leytrum doïlrinarum exterminio 3faïlus fuit ex inobedientia & re-
bellione illius Aîapfiri Hus , contemptibilis & jpene fabula in populo.
Tome II. M
96 HISTOIRE DU CONCILE
w i Q*£} Reverendus Pater , et fi œtate fatis juvenis , fed ?norum honeftate
canus & gravis 3 Dominifui J E s u S-C hristi exemplo edocius
folido '■> qui perfidorum Judœorum cedens fcandalis 3 exivit de templo
& abjcondit fe. JSfon ut conviïlus & ferviliter fugeret , fed tempus
ttt tempo ri refervaret. Ita & ipfe Pater chariljîmus , defuper ad-
monitus , pro temporis congruentiafurori cedens perfequentium , affëc*
tus y non confeHus tœdio ffciens quod metus pro tcmpore etiam in con-
fiantem virum potefi cadere : nequaquam autcm conviffus in accu fatis
perpartem Wicleph crirninationibus 3{edpotiusviHor egregius, quafi
exivit de templo ,&paululum abscondit je : dum dimijja fui Episco-
patuspontificali Cathedra 3 exivit de terra & diœcefi propria 3 Bohe~
Tnia , & peregrinus faclus 3peragrata terra Moraviœ , utvemjjet in
Ungariam jjifitaturus Seriniffimum Principem ^ejusdem terra Un-
varia* regem Sigismundum , antequam pervenijjet ad illius confpec-
tum , pra>occupatus & vijîtatus ipfeprior divina providentia , ut fui
certaminis optimœ rétributions reciperet prœmia , carnis foluto de-
bit o : exul quidcm a, fuis propriis , fed nec tam propriis quam fervi-
libus & tcmporaliter conceffîs , moment aneis fedibus : adrcpromijlam
fervisfidclibus defuper hareditatis perpétua capiendam patriam trans-
means ; indecifam communis quam afjumpfcrat , bcnediciionis caufayn
fanciœ matri Ecclefiœ , & fpiritum fuum Domino commcndavit. Et
qui adverfarios vincere vivens nonpoterat , ad fedem fui Epi fco pa-
rus viciorrelatus efl mortuus. Quodutique negotiorumillorum finis y
JDeo propitio , comprobabit. Mac ille B oh émus. A l'égard de Cochlèe
de qui l'on tient ce fait , &; qui ne perd aucune occafion de dé-
clamer contre les Hufîîtes , iPdic positivement qu'il mpurut de
déplaiflr de ne pouvoir trouver de remède aux maux de la Bo-
ï*)Ochiée3 heme (a).sEneas Sylvius , Auteur de ce fiecle là , & qui n'a pas
pag.ip. 20. accoutumé d'épargner les Hufîîtes , ne parle point du tout de
ce poifon dans fôn Hiftoire de Bohême. Jean Jjubrawski , qui a
auffi écrit FHiftoire'de Bohême , n'en parle que comme d'un
bruit. Venitquc Pofoniam , dit-il , ad fines Hungaria 3 ubi finem
(b) Du- vita quoque fuaifccit ,veneno , ut ferunt , potionatus ( b ). Mais il ne
Lib.xxin. dit point que les Huffites en eulTent été acculez. Cependant cet
pag. 617. empoifonnementeft attefté par Zacharie Thibaud { Theobaldus )
auteur fort exad, avec des circonlrances qui ne permettent gueres
d'en douter. Il dit qu'un des domeftiques àçSbinko ayant été ar-
rêté & mis à la queftion à Broda ville de Bohême 3 avoit cou-
feflé qu'étant à Bude il avoit donné du poifon à Sbinko dans fon
brûvage, & qu'il avoit reçu pour cela quinze florins d'un Bohe^
DE PISE. L iv. V. 91
mien que Hagec n'a pas voulu nommer. Il ajoute que l'empoi- j^n,
fonneur fut brûlé vif à Broda. Il y a beaucoup d'apparence que,
fî les Huffices avoienc fait empoifonner Sbinko ,un Hiltorien aufiï
pafïïonné contre eux que l'étoit Hagec , n'auroit pas fupprimé le
nom de l'empoifonneur. On peut donc bien croire fur la foi de
plufieurs Hiiloriens , qu'en effet Sbinko a été empoifonné ; mais
je ne fâche que le feul Balbinus qui ait avancé qu'il l'avoit été par
les Huilites. Et même contre (on ordinaire , il n'allègue ni Ma.
nufcrits 3 ni Hiftoriens , ni Auteurs qui ayent depofé d'un fait
auffi odieux , & qu'il avoit tant d'intérêt à bien appuyer. Je vois
bien à la marge de cet endroit du Livre de Balbin , le nom de
DuBRAwsKii mais cet Auteur ne parle de cet empoifonne-
ment^que comme d'un ouï-dire }& il ne l'attribue point aux Hufîï-
tes j celui de C o c h l e' e , mais il dit que Sbinko mourut de re-
gret &non de poifon $ celui d'yËNEAS Sylvius , qui n'en par-
le point du tout. Poui-ZalensIci aufïï allégué en marge , je ne
puis dire s'il efl: cité de bonne foi , ou non 5 parce que je n'ai
point vu cet Hiftorien de la Vie de Jean Hus. Balbinus devoit
donc s'en tenir à ce qu'il avoit dit tout fîmplementlà-deflus dans
fon Abrégé de l'Hifloire de Bohême. L Archevêque de Prague ,
dit- il , ne pouvant efperer aucun Jecours de Wenceflas, alla trou- (a) Ban,,
ver Sigifmond à Presbourg , ou il fut empoifonné (a). Mais, pour %à« *«••
groiïir fa Bohême Sainte imprimée depuis cet Abrégé , il a crû jy'çap 17'
pouvoir , par une fraude pieufe , faire de Sbinko une efpecevi.p. 420.
de Martyr. Voici comme il en parle. " Les Hufïïtes voyant que toiwm.Sanit
">j tant que Sbinko vivroit , ils ne pouvoient efperer de fe foutenir , ™.' 'cell"n'
» & que leur héréfie s'éteindroit 3 prirent tous laréfolution de le pag. 1/4,
« faire mourir 5 &: comme il alloit trouver Sigismond pour implo-
»rerfon fecours , ils corrompirent le cuifinierdu Prélat en lui
» donnant quinze ducats d'or pour récompenfe de fon crime.
» Ce cuifinier apporta ce poifon de Prague , & le donna à fon
>s Maître avant qu'il pût être admis à l'audience de l'Empereur. «
Quoi qu'il en foit , Sbinko , ou Svinko de Hafenberg avoit été
élu Archevêque de Prague en 1403 ,& mourut en 14 n. Balbinus
ôC d'autres Auteurs qui en font un homme très-illuftre , con-
viennent qu'il n'étoit pas fort favant. C'efl pour cela que les
Hufïïtes l'appelloient un Prélat Abécédaire , c'efl-à dire qu'il ne
favoit que fon A. B. C. CamSiett
XXV. Il eut la même année pour fuccefTur Albicus de Mo- Arche^
1CUS,
<p*
ravie , médecin du Roi , dont il avoit acheté ce Bénéfice. Tous de ïrague.
Mij
9t HISTOIRE DU CONCILE
les Hifloriens s'accordent à donner un caractère méprifable Se
î^iï. ridicule à ce Prélat. Les Hufîites n'avoient pas lieu fans doute
de blâmer en lui le faite & la fomptuoilté qu'ils reprochoient aux
Ecclefiafliques. Il donnoit dans l'extrémité oppolée avec la plus
fordide avarice du monde. Jamais il ne confia les clefs de fa
cave à perfonne. Comme il trouvoit que les cuifmiers faifoient
trop de dépenfe , il n'avoit pour cuifinier qu'une vieille édentée ,
qui ne mangeoit que des légumes 6c qui nebuvoit point de vin.
Il dévoroit avec des yeux d'envie tout ce que les autres man-
geoient,6cle bruit le plus agréable qu'il pût entendre , comme il
ledifoit lui même, c'étoit celui que font des gens qui rongent
des os 3 parce que c'étoit une marque qu'il n'y avoir plus de vian-
de à manger. Sa maifon étoit une efpece de cabaret 6c de mar-
ché. On y vendoitdu vin, du poifîon, de la viande , du gibierv
en un mot tout ce qu'il y avoir de meilleur : le refle étoit pour
là table fort maigre , ôc pour (es gens , qui étoient en petit nom-
bre , parce que perfonne ne vouloit le fervir. Son écurie ré-
pondoit au refte du ménage. Il avoit une telle averfion pour les
chevaux, parce qu'ils mangent toute la nuit , que le bruit d'une
feie Pincommodoit moins que celui que ces animaux font en
mangeant. Une il indigne conduite lui avoit attiré le mépris de
tout le monde. Il n'avoit nulle autorité ni dans PEglife , ni dans
l'Etat: également incapable de faire plaifir à les amis & de fe
défendre contre (qs ennemis -y encore moins defoutenir unauflî
grand caractère que celui des Archevêques de Prague , qui font
Primats du Royaume , Princes de l'Empire , & Légats nez du '
Epit. 1er. Saint Siège (aj. Il falut donc nécelîairement donner Padmi-
Mobem. pag. niflration de PEglife de Prague à quelqu'un qui en fût plus ca.
Mi.6cy. pable> £Ue fuc donnée à Conrad ^eftphalien de nation,
doyen de Vifgrade, Sous -chambellan du Royaume ,&c Evêque
d'ÔImutz^en Moravie, à qui Albic vendit quelque tems après,
l'Archevêché. Il fera parlé plus d'une fois dec^wv/ddansla fuite
de cette Hifloire.
Jean Hus, XXVI. Qjj and les Bulles de Jean JfJfIJI. arrivèrent à
après lonre- Prague , les fentimens furent fort partagez à leur fujet. Un Au-
IZtrluooï teur (D) °lui a écrit l'hiftoire des Huflîtes d'un ftileàla vérité
fade. fort paiîionné , mais qui pourtant a travaillé fur d'aflez bons
chlée h°/?" memQ^resJ nous apprend que le roi WenceJJas reçut la Bulle avec
Mujfi.ùb.i. plaifir , parce qu'il étoit dans le parti de Louis d'Anjou , 8c par
conféquent dans celui dtjean XJflII. que ce Prince comman-.
DE PISE. Lxv. V p
da qu'on la publiât dans toutes les Eglifes,& défendit d'y faire J .
aucune oppo/îtion. Cependant les Huiîites , pouffez à cela paf
Jean Hus 3 difoient hautement qu'il étoit indigne du Vicaire de
y.C.d'animer les Chrétiens à verfer le fang des Chrétiens. Ce Do-
cteur profîtantjou de l'abfence de Sbinko , ou de la moleflé & de
la timidité à*Albic^oi\ peut être de la faveur deConrad^qiVon foup-
çonnoit déjà den'agir pas de bonne foi contre le Hufîitifme étoit
retourné à Prague lur la fin de cette année, ou au commencement
de l'autre. A Ton arrivée il trouva dans cette Bulle de dans ces
indulgences un nouvel exercice à fon zèle contre les abus du
Siège de Rome & de la Papauté II y avoit déjà quelques années
qu'on avoit été allez autorifé en Bohême à prêcher contre les
indulgences. Dès 1^111403. Sipsmond, roi de Hongrie , mécon-
tent de Boniface IJC. qui tenoit le parti de LadiJlas fon con-
current , avoit écrit aux Prélats &; aux Grands de Bohême /
pour empêcher qu'on envoyât aucun argent à Rome, foit.par
voie d'indulgences, foit autrement. 'Jean Hus , à qui la lecture
des livres de Wiclcf avoit dès lors ouvert les yeux lur l'abus que
les Papes faifoientde leur autorité > ne manqua pas cette ocoa-
fion de déclamer contre les indulgences de Boniface (a). Il efb (a)Balb.--
vrai que celles de JeanJCJCIII. avoient un prétexte qui ne EJî' Rcr' .
devoit pas déplaire a Sigismond y puifque c'étoit pour faire la 412,
guerre à fon ennemi. Mais comme 'Jean Hus trouvoit qu'il n'é-
toit pas du caractère d'un Evêque , ni d'animer les Chrétiens
les uns contre les autres, ni de les amorcer à répandre le fang
par la promeffe de laremiûlon de leurs péchez, ni de défendre
I'Eglife par des armes charnelles , il crut ne devoir pas fe taire
dans une occaiïon auûi importante. Comme on n'ignoroit pas
quelles étoient fes difpofitions à cet égard , les Légats du Pape
le firent venir en préfence d'Albicus , qui étoit encore Arche-
vêque , pour lui demander s'il ne vouloit pas obéir à la Bulle
du Pape, &: prêcher la Croifade. Il répondit qu'il n'avoir rien
plus à cœur que d'obéïr aux Com?nande?nens Apojïoliques. Les
Légats prenant ces Commandemens& ceux du Pape pour une
feule & même chofe , ou faifant femblantde l'entendre ainfi,
dirent là-defîus à Albicus , Vous voyez^, Monficurl' Archevêque 3
qiïil veut bien obéir au Pape. Mais Jean Hus leur répondit net-
tement qu'il mettoit beaucoup de différence eutre les Comman-
demens des Apôtres ôc ceux du Pape 5 & que quand il devroic
être brûlé , il n'obeïroit jamais à ces derniers qu'autant qu'ils
M iij
94 HISTOIRE DU CONCILE
feroîent conformes à ceux des Apôtres. Il foutint fort bien une
I À. T T ^
(a) Op n»s. réponfe fi vigoureufe, car il fît afficher (a) aux portes de toutes
Fol. 2?3. les Eglifes de de tous les Monafteres de Prague, un Programme ou
décrit public , par lequel il invitoit tout le monde , furtout les
Docteurs, les Prêtres s les Moines & les écoliers , à venir diL
puter contre les Thefes qu'il avoir publiées là defTus Le fujet de
cesThefes étoitexpolé en ces termes dans le Programme , fça*
voir , Si jeton la Loi de Jésus . Christ, les Chrétiens peuvent en
bonne confeience approuver la Croifade ordonnée par le Pape contre
Ladiflas & contre fc s complices-, & fi une telle Croifade peut tourner
Bell. Hutf. '** la gloire de Dieu ^aufitlut du Peuple Chrétien & au bien du Royau-
pag. 12. me de Bohême (b) ?
Dijputepu- XXVIÏ. Le jour marqué pour la difpute, toute forte de gens
blique contre _ .. \ *- S n I
les induigen. le rendirent au Collège, les uns pour être acteurs , les autres
ce- , pour écouter, ou pour être fpectateurs de la feene. Le Recteur (c)
Marc'.^trQ de l'Académie allarmé de cette multitude , 6c craignant quelque
fédition, exhorta le peupleen langage Bohémien à fe retirer 3
difeedite , quœfo , paulùm , amici mei -r nihil emm cujus vefirà in-
terfit _, hic agitur j aperpaucis veftrûm quod dicitur , nec res de quai
agitur intelligi poteft. Mais cette exhortation ne fît qu'irriter le
peuple , & que redoubler fa curiofité. Il fe fît un (1 grand tumul-
te, qu'il falut que Jean H'is l'appaifât par une harange , où ,
après avoir expofé le fujet desTheies ,, il reprefènta qu'il ne de-
voit relier que ceux qui étoient en étatd'oppofer 3ou de juger
de l'affaire dont il s'agifToit. Le tumulte celle ,1a difpute com-
( ) w«lf- menC;a# Un Dodeur en Droit Canon (d) en fît l'ouverture &:
foutintla caufe du Pape II eut pour antaçonifleun Docleuren
f \ fil A 1 O
^ ; we e. j)rojc Civil (e) , qui entreprit de prouver que , par cette Croi-
fade , le Pape empiétoit fur les droits de l'Empereur & des Prin-
ces féculiers. Comme la difpute s'échauffoit , un autre Dodeur
(t) d. Léo. ^ ^ homme d'âge & de poids dans PUniverfité , s'adrefïa à Jean
Mus en ces mots : Toute f Académie e fi fort étonnée que 3 jeune
comme vous êtes } vous formiez^de fi hautes entreprifes. Croyez^vous
donc être plus feavant que tous les autres / Certainement il y a ici de
plus habiles gens que vous j mais il n'y en a point qui s* ingère
dans des queftions fi fubtiles & fi profondes. Rapportez^vous-en au
jugement des Docteurs , & à celui de toute P Académie , & vous
verrez^ qu'ils ne trouveront dans votre entreprife que des femences de
(éditions & de guerres inteftines. Quoi , vous voulezjvous oppofer au
Pontife Romain*. AUez^k Rome , & lui dites en face ce que vou$
DE PISE Liv. V. 95
dites ici ^pui [qu'il eft contre toute équité de déchirer des gens qui ne 1a1 r<>
vous entendent pas , gr- qui ne fcauroient vous répondre. D'ailleurs
étant Prêtre comme vous l'êtes , d'où avez^vous votre facerdoce l De
l'Evéque ^âirez^vous. Mais l' Eve que d'où l'a-t-ih Du Pape. Ain-
fi vous relevez^ du Pape _, qui cfl votre père spirituel, il n'y a que de
vilains oi féaux qui fali/fent leur propre nid , & Cham fut maudit
four avoir découvert la nudité de fon père. A ces paroles du Doc-
teur il y eut un grand murmure parmi le peuple , qui étoit pour
Jean Hus , & qui eût répondu à coups de pierres, s'il s'en fût
trouvé dans cet endroit-là. Cependant Jean Hus calma l'orage
du mieux qu'il pût. Son difcours fut fuivi de celui de "Jérôme de
Prague , qui fut fort long 2c fort éloquent. 11 le conclut en di-
fant ^ Que ceux qui font pour nous , Ce joignent à nous. Jean Hus
& moi nous allons au Palaps pour faire voir en public la vanité de
ces indulgences. A ces mots \ le peuple cria d'une commune voix ,
Cela eft vrai 3 il parle bien. Mais le Re&eûr de l'Académie s'y CetteDifpme
étant enrremis, les pria instamment d'agir avec plus de modéra- fut comme te
non , & même leur défendit d'aller au Palais ou à laMaifon defe"alde u
Ville ( Curiam) , de peur qui! n arrivât un plus grand éclat- y?/Ke) </ow 0„
Il ordonna en même-temps à tout le monde de fe recirer. Ce verra lesaf-
qui s'étant exécuté, la plupart des Ecoliers ou Etudians {uivi.Jre,*JeiJmes'
rent Jerbme de Prague comme le plus fçavant,à ce queditl'hif-
torien 5 Se tout le peuple accompagna jeanHus jufqu'à laC/^z-
peile de Bethlehcm.
XXVIII. Comme il fera fouvent parlé de cette célèbre Cha- Fondation de
pelle y il eft bon d'en faire Phiftoire. Un riche marchand nommé laCH'elleels
XaCroix^en commença le bâtiment dans la vieille Ville en 1392.
Mais il ne fut achevé qu'en 1400. Un gentilhomme de la Cour
de Wenceflas , nommé Jean de Mulheim , dont on a déjà parlé ,
dota cette Chapelle, lui donna le titre de Saint Matthieu & de
Saint Matthias , ou , des Innocents ^ & en confia la Cure à Jean
Hus 3 qui en parle fouvent avec une grande tendrefïè dans (es
lettres. C'eft dans cette Chapelle > dit Balbin (a) 3 qu'étoient (a>E/>/>.
les armes de Jean Mus , & fon char de triomphe. Zalanski , qui Rer.Bohem,
avoit compofé une vie de Jean Hus , ôc qui fans doute étoit Hufl pt,g* 4I2r
fîtes fi), rapporte que ce dernier fongea une nuit qu'il avoit peint
Je fus _ Chriji êc fe% Apôtres fur les murailles de cette Chapelle ,
êc que le Pape étoit venu effacer ces images s mais qu'il etoit
(t) Il s'appelloit Câlins Zalanfoj. C'eft apparemment le Curé de St. Gille à Prague, à qui
'Jean Hm écrivit de fa pviïon.lbeobald. Bell. Hufli. pag. 8, & 2.6.
96 HISTOIRE DU CONCILE
fùrvenu tant d'habiles Peintres au fecours de Jean Hus , que le
I411, Pape ne pouvoit venir à bout d'effacer toutes les belles images
qu'ils faifoient de Jefus - Chrift & des Apôtres. Jean Hus lui-
même,qui dans fa lettre 43. raconte ce fonge , dit que ces Pein-
/3n 0 très défièrent les Evêques 6c les Prêtres de les effacer. Il me
h»j. Tom. fembloit (a) , dit-il ,voir le peuple fer è jouir de ce fpeHacle. Pour moi,
X. Fol. 71. qUanci jefus réveillé ,f en ris de tout mon cœur. Les amis de Jean
Hus ne manquèrent pas-, auffi-bien que lui , de donner à ce fon-
ge une explicacion favorable à leurs efperances, L'image de jefus-
Cbrift, c'étoitfon Evangile que Jean Hus a voit prêche à Bethle-
hem j 6c qui dans la fuite devoit être prêché par d'autres avec
plus d'éclat 6c de pureté. Il faut pourtant rendre cette jufticeà
JcanHus^u'il ne s'arrêtoit point aux fonges,quoi qu'il ne laifsât
pas d'y faire attention , comme cela eft inévitable dans des Con-
gés fort marquez. Quoi qu'il en foit , la Chapelle de Bethlehem
a fubfiilé fort long-tems , 6c fubfifte même peut être encore.
(b) »hif»?t Thibaud (b) , qui a écrit fon Hiftoire du Huffitifme en 1 609 , té-
P'î4* moigne qu'elle fubfiftoit encore de fon tems .,& qu'on y enter.,
roit la plupart des Allemans , 6c fur tout ceux de Nuremberg.
Cet Hiftorien rapporte qu*il y avoit vu la Chaire de Jean Hus j
qu'elle étoit bâtie de bois de pin 6c couverte de drap j qu'on y
repréfentoit à droite Jcrbmede Prague , attaché à un pieu pour
être brûlé. Au milieu de la Chaire étoit repréfenté Jean Hus
avec des bourreaux qui allumoient le feu à l'envi , 6c dont les
uns jettoient fon lit dans les flammes, pendant que les autres y
mettoient Cqs livres. Au côté gauche de la Chaire on voyoit
encore une fois Jean Husaflîs dans une chaudière pleine d'huile
bouillante , & un bourreau qui lui verfe de cette huile fur la tête.
On confervoit encore dans la lacriftie la robe de Jean Hus qui
étoit toute de foye noire. Cette Chaire étoit à demi pourrie 6c
fort ébréchée^parce que de toutes partsonen emportoit des mor-
ceaux. Là auprès étoit le poile 6c la chambre où. demeuroit Jean
Hus- Il avoit pourtant aulîi dans le Collège de Cbarle IV. un ap-
partement , à la porte duquel un Poète de (qs amis avoit écrit ce
(c)NWe- diftique de fa propre main (c).
trmFrifchti- A r r ; '
r.HS.
Ha>c olim hœrcfeos damnati crimine falfo
Hussî 3 du?n vixit^parva tabernafuit)
(d) BaUin.
1413.1414. Balbïn (à) qui écrivit fon Abrégé de l'Hiftoire de Bohême en
1677,
.
DE PISE. Liv. V. 97
1^77 , die qu'il avoit encore vu. dans fa jeunefTe la Chaire de
Jean Mus dans cette Chapelle } & que le peuple alloitla baifer **'?•
pour être guéri du mal de dents, Hussn Cathedrampuerilibus an-
nisfiantem in illa Ecclejia vidimus, quam rude vulgus ad dolorem den-
tium , ac fortaffis etiam ob docentis authoritatem ( fiultè ) folebat ofi
culari. Ce fut dans cette Chapelle qu'après Jean Hns } Jacques
de Mife , ou autrement Jacobel , prêcha & donna la communion
fous les deux efpeces.
Pour en revenir à la difpute , dès le lendemain un grand
nombre de Huintes conjurèrent enfemble de ne faire déformais
aucun quartier aux Prédicateurs des indulgences Ce qu'ils exe-
cutoient avec tant de furie 3 que le Recteur de l'Académie fut
obligé de faire venir Jean Hus àc Jerbme*de Prague pour les prier
au nom de Dieu &: de tous les Saints d'employer leur crédit & leur
autorité fur le peuple pour empêcher ces émotions 3 & pour pré-
venir des maflacres où ils pourroient être eux-mêmes eiivelop-
pez. LesDo&eurs de l'Univeriké joignirent leurs infrances à cel-
les du Re&eur. Il y en eut même un qui le demanda avec lar-
mes (a), jean Hus & Jérôme de Prague , fans ie délifter de leur en- (a\ Marri<m
treprife , promirent de modérer leur zélé. Mais il auroit falu A*- £»'*»•
aufli enjoindre aux Quêteurs de tempérer le leur, & de ne pas
irriter le peuple par leurs déclamations furieufes contre Jean
Hus. Un Dimanche qu'un de ces prédicateurs ( b ) prêchoit la ,b> ~si
croifade avec un grand emportement contre la perfonne &; les la*.
écrits de Jean Hus , un certain Polonnois ( c) 3 cordonnier de (^ •&*«*■
fon métier 3 lui donna un démentir en pleine afîemblée. Dans;-^
une autre Eglife où le prédicateur prêchoit fur le même ton, un (à) mmi»
autre homme (d) dit tout haut qu'il paroifïbit bien que le Pape Kr^/W^ff-
étoit PAntechrift , puiiqu'il ordonnoitdes croifades pour répan-
dre le fang Chréttien. Un troifîéme ( e) , Bohémien de nation , (e) frhan-
chargea d'injures un Moine qui prêchoit dans unMonaftere. Ils "V^'hy
furent tous trois mis en prifon. Mais Jean Hus accompagné d'un . v"?
grand nombre d'Etudiants s'en alla fur le champ à la Maifon de
Ville réclamer ces prifonniers, èc demander leur liberté. On la
lui promit h mais on ne lui tint pas parole. Le Sénat de la vieille
Ville fit venir fecretement un bourreau qui leur coupa la tète
dans la Maifon de Ville. Cette exécution fut découverte par le
fang qui ruifîeloit dans la rue. Le peuple alla auiii tô: enlever
ces corps , &; leur rendit des honneurs funèbres dans la Chapel-
le deBethlehem comme à des martyrs. Jean Hus lui même est
Tom.il. M
?8 HISTOIRE DU CONCILE
parla fur ce pied là dans quelques-uns de fes Sermons malgré les
I4Ï • derenfes du Sénat 3 comme on le verra plus amplement dans la
fuite. Keprenons le file de l'Hiitoire.
Ooifadt XXIX. Jean XXIII. ordonna cette année une croifadequi
'°?lTerles avoitun prétexte plus fpecieux,pui{qu'elleetoitde(tinee à domp-
ter les Maures de Grenade qui avoient fait irruption en CalHlle
avec une grofîe armée, & qui exerçaient une horrible baibarie
contre les Chrétiens dans ce Royaume aufîi bien que dans les
païs voifins. Il donna commilîion de la publier à Jordan des Urfins
cardinal prêtre de St. Laurent in Damafo , qu'il avoit envoyé Lé-
gat en Efpagne pour tâcher de la ranger dans fon obédience ( i).
Mais cette Légation n'eut aucun fucces 3 d'un cote, parce que
Benoit JCI II. étant le maître en ces païs-là,on ne le loucioit gue-
res des Bulles dejean JZ JflII. qui au fond prenoit la guerre des
Maures &; le maintien delà Religion Chrétienne pour prétexte
de cabaler contre fon compétiteur. De l'autre , parce que Fer-
dinand devenu Roi d'Arragon avoit fait une trêve d'environ un
an & demi 3 pour tourner fes armes contre fes concurrens, fur
toutcontre le comte d'Urgel^ qui lui difputoit toujours la Cou-
ronne , &. qui pour foutenir par les armes le droit qu'il prétendoic
y avoir, s'étoit ligué avec le duc de Clarence fécond fils du Roi
d'Angleterre. Mais avant que de s'engager dans aucune guer-
re , Ferdinand voulut pacifier les troubles de la Sicile & de
(a) C'eft laSardaigne. Les Génois foutenus par Guillaume (a.) vicomte de
èe la mai- Harbonrie^ vouloient s'emparer de cette dernière ifle. Mais les Ge-
fon des vi- nois , pour ne pas s'attirer à dos un ennemi auffi redoutable que
Uurbonne^ Ferdinand 3 lui envoyèrent des ambalïadeurs & en obtinrent une
trêve de cinq ans. Elle fut fuivie de l'entière foumiflion de la Sar-
daigne à l'Arragon. Comme le vicomte de Narbonne polledoit
quelques Provinces & Principautez dans cette lfle , le Roi de
(b) wfl. France l'en dédommagea (b). Il en fut bien tôt de même de
t"tÎi ^a $lc^e » °ù ^a ^°^e ambition de Cabrera avoit tout mis encorri-
4^. * p' buftion comme on l'a vu.
(*) Rayn. (0 ®n trouve la Bulle de cette Croilàdedansun des Continuateurs des Annales de Baro^
an». 141 1. 3>""<s ( * )• E-He porre en fubftance 1.,, Qu'il apprend avec une grande amertume de cœur
„m g, » 1? da»get que court la Religion Chrétienne en Cailille, en Léon , & dans les endroits voi-
,, finspar la fureur desW, aÇnn & àesA<rarenit»<. i.Quepour prévenir un auflï grand malheuf
,, que le feroit la perte de laReli* ionChrétienne enEfpagne,il étoit refoLi de fecourir de tout
„ Ion pouvoir Jean roi de Camille & de Léon aulfi bien que Ferdinand gouverneur de ce«
„ Royaumes, qui s'étoient générenfemcnt croifez contre les Maures. 3. Que dans cette vue
,; il ordonne à fon Légat de foutenir la croifade & de publier les mêmes indulgences qu'on
fi accorde à ceux q^ii vont à l'expédition de VAfie.
DE PISE. Liv. V. 9*
D'autre côté le comte à'Urgel prévoyant bien que l'arme-
ment chitine contre les Maures feroit employé contre lui , en- I4I Ir
voya des ambafïàdeurs à Ferdinand pour lui prêter ferment de
fidélité à certaines conditions , qui lui furent accordées. La fui-
te fit bien voir que cette foumiffion n'étok qu'une feinte. Le
Roi n'eut pas plutôt défarmé , qu' "OVg^/fe mit en campagneaf-
fïfté de quelques troupes auxiliaires de France. Mais Ferdinand
qui remit promptement une armée fur pied 3 s'étant emparé des
villes de retraite à'Urgel , il fut réduit à demander pardon. Le
Roi lui donna la vie^mais non la liberté. Il le condamna à une pri-
ibn perpétuelle , où il mourut.
XXX. LaFrance éto; t réduite aux dernières extrémitez Bat de u
par les factions des Orleanois 6c des Bourguignons. Nonobftant France'
les traitez de Chartres & de Winceftre (ij } de les ordres que le
Roi avoit donnez aux deux partis de mettre bas les armes , les
hoftilitez continuoient avec la dernière fureur. Les Ducs d'Or-
léans 3 fous prétexte de venger la mort de leur père y mettoient
tout à feu & à fang dans le Royaume , de exerçoient des violen-
ces 6c des brigandages horribles. Ils s'étoient faifis des environs
de Paris , comme de S. Clouddede S. Denys , & ils ne menaçoient
pas de moins que d'entrer à main armée dans la Capitale pour
dépofer le Roi lui-même , de ufurper le gouvernement fous pré-
texte de la foibleflè de ce Prince. C'eft ce qui l'obligea à écrire
des lettres circulaires par tout le Royaume pour chercher les
moyens de conjurer cette tempête. Voici celle qu'il écrivit dans
la même vûeàl'Univerfité (z) de Paris.(a)v>CHARLES par laGra- (a) mp,
» ce de Dieu Roi de France. A noftre très chère de amée Fille Vni™rJ:
» TUniverfité de Paris , falut 6c dile&ion. Pour ce qu'il eftve- vTp.'xiï/
» nu pleinement Se clairement à noftre connoiflance , de nous te-
» nons pour deuëment de fuffifamment informez , tant par cer-
» taines lettres qui ont eité n'aguieres trouvées de apportées en
53 nos mains de de noftre Confeil , comme par les fais 6c œuvres
» que nous avons veu ça en arrière 6c veons chacun jour, com-
55 bien que pieça ait efté foubçonné (3 ) & que longuement la cho.
3> fe ait elle couverte (4) , palliée 6c diffimulée , que Jean noftre
(1) Aujourd'hui Eifsétre.
(i) MonJlreUt rapporte une Lettre que le Roi écrivit au Baillif d'Amiens à peu près de rriê-
me teneur. Volttm. I. des Chroniques ,an. 141 1. pag. 124.
(}) Il y a dans cette même Lettre rapportée par Monflrelet, eujl ejle' en grand ftifaettion*
(4) Monftreler, tapie.-
Ni}
ioo HISTOIRE DU CONCILE
» oncle deBerry, Charles noftre neveu d'Orléans 6c fes frères,
I4I ï§ „ Jean de Bourbon , Jeand'Alençon , Charles d'Albret nos coufins
>j (i) , Bernard d' ' Armaignac &c leurs aidans, confortans adhe.
>j rans , alliez & complices , meuz & induits de mauvais , inique,
>3 pervers 5c damnable propos , ont entrepris & fe font s'efforcez
» & s'efforcent de nous débouter [i] , démettre & deftituer de
• m noftre Etat &c autorité royale, & détruire du tout à leur pou-
>3 voir Nous & noftre Lignée que Dieu ne veuille , 6c faire nou-
33 vel Roy en France , qui eft chofe abominable à ouïr dire
33 Se reciter à tous lescuers de nos bons, vrays6c loyaux fubjets:
>3 Nous voulons à ce pourveoir 6c obvier en toutes manières à
33 l'aide de Dieu & de nos bons & loyaux vafîaux &c fubjets -y
33 Eu fur ce tres-grant 6c meure délibération de Confeii , avec
55 plufieurs de noftre iang bc lignage & autres faiges6c preudes
33 hommes de noftre grant Confèil , nos officiers & autres : ef-
33 crivons par devers vous , comme auiïî faifons devers plusieurs
33 autres nos bons fubjets , 6c vous prions , requérons , tresin-
33 ftamment 6c neantmoins mandons 11 expreffement que plus
33 pouvons fur la foy , obeiflance , loyauté 6c amour que vous
» avez à noftre Seigneurie , & au bien commun de lacliofe pu-
>3 blique de noftre Royaume , que pour nous aider ,* confeiller
>3 & conforter ,ainfî que vous verrez en vos confeiences quife
>3 devra faire félon la neceflité que vous voyez ,&c l'oppreffion
53 que s'efforcent de nous faire les deffusdits qui déjà font moule
33 près de nous 6c ont fi avant procédé , que par force font en-
55 trez en noftre ville de «S. Denys en France , en laquelle font
55 plufieurs Reliques 6c Corps faints , noftre Coronne , noftre
35 Oriflambe ( y) 6c plufieurs autres pretieux 8c riches joyaux :
55 font aufîi entrez èc ont pris le pont de S, Cloud & paravant
35 avoient prins fur nous 6c fur nos fubjets, nommément fur no-
35 ftre très chier de tres-amé coufîn le Duc deBourgongne, lequel
35 avoient deffié 6c non pas nous , plufieurs autres Villes '3 bou-
33 té feux , dérobé Eglifes , rançonné , tué , mutilé , & forcé
»3 femmes mariées , violé pucelles 6c fait tous maux que enne-
*3 mis pourroient faire , vous publiez èc prefehez & faites publier
(i) Monftrelet Noftre Coufîn Bernard d'Armamac
(i) Monitrelet , depofer. .
(3) Etendart de l'Abbaïe de S. Denys. Il ne fervoit autrefois que pour l'Abbaïe. On pré-
tend que Lottis VI. appelle le Gros fut le premier des Rois de France quife fervk de l'Oriflam-
me dans les expéditions de guerre.
DE PISE. Liv. V. roi-
m & prefcher folemnellement par vos notables Suppofls ésEgli-
™ fes&c ailleurs par noftre Royaume où bon vous fcmblera , les * "'
>y choies defïufdites , de autrement Nous donnez conleil , con.
>j fort&aide comme vous fçaurez bonadvifer tk quevousavez
»î toujours accouftumé de faire en toutes chofes touchant no-
»ftre honneur & l'utilité de noftre dit Royaume ,en prenant,
» déboutant ou puniflant, ainfi comme le cas le requierra^ tous
»ceulx de vos Supports que vous verrez & fçaurez dire aidans
« confortans&favorifansaux delTufdits, en telle manière que
» ce foit exemple à tous autres. Donné à Paris Je 14. jour d'O-
»&obre Tan de grâce 1411. &: de noftre règne le 32.
Il envoya en même-temps des ambafTadeurs aux Princes des
deux partis pour les engager à la paix. Ces ambafTadeurs n'y
ayant trouvé aucune difpofïtion , particulièrement dans les Or-
ïéanois , le Roi afîembla un Confeil , où il fut arrêté de leur dé-
clarer la guerre. On réfolut aufïï de publier une Bulle d'Urbain
K. (1) par laquelle , comme en parle Juvenal des TJrfïns , » il ?W^T'
» excommunioit tous ceux qui raifoient telles allemblees , & Moine de
»» leurs adhérans & complices & qu'on ne les peuft abfoudre , £i>«g».
» fînon à l'article de la mort. Et les privoit des fiefs , terres & châ^n!'
» Seigneuries qu'ils tenoient. Et mettoit interdit en leurs terres 1 11. & fuir.
m & Seigneuries , & abfolvoit les vafTaux des fermens , foy de
» hommage qu'ils avoientà eux. Et fous ombre defdites Bulles
» eferivoient ceux de l'Univerfité par tout les chofes defîufdites ,
» affin que par tout on veift les œuvres defdits Seigneurs qu'on
»tenoit pour traiftres au Roy &. en outre pour excommuniez.
» Et outre feirent & envoyèrent par eferit les chofes qui font dé-
pendues au temps de l'interdit gênerai, 6c auflî permifes. Et
»pource que lefdites lettres ou Bulles s'adrefîbient aux Arche-
ovefques de Reims & de Sens , aux évefques de Paris & de
"Chartres., lefquels on tenoit pour Armaiynacs , lefdites Bulles
« ne furent aucunement exécutées. « Cependant Mcnjlrelet èc
le Moine de S. Denis rapportent qu'elles le furent avec beaucoup
de rigueur. Le premier de ces hiftoriens dit que ce Mandement
fut publié à Amiens àc partout ailleurs dans les lieux accoutu-
mez ; qu'en vertu de cet ordre plufïeurs fujets &; vafTaux du
Koi fe mirent en devoir de l'aller fecourir ^ qu'en divers lieux
an arrêta un grand nombre d'Orleanois dont quelques-uns fu-
(1) Voyez, cette Bulle dans XHtfoirtk ÇbarUt fLpar le Moine de S.Denys. Liv. XXXL
Chap. 19*
N iij
joi HISTOIRE nu CONCILE
rent exécutez comme ennemis du Royaume , &. les autres mis en-
I^ï *" prifon ou rançonnez 3 &c qu'enfin le Duc de Berry , le Duc d'Or-
leans &c fes frères , le duc de Bourbon y les comtes d'Alencon &
d5 Armai^nac ,leSeigneur d'Albret&leur s adhérans & alliez furent-
non feulement bannis du Royaume pour toujours 3 à fon de trom-
pette dans tous les carrefours de Paris rmais encore en vertu de-
là bulle d'Urbain V. excommuniez & anathematifez à clochettes
fonans & chandelles allumées.
Trahéde XXXI. Les Polonois & les Chevaliers de l'Ordre Teutoni-
paixentreies firent cette année une paix perpétuelle à Thorn , à lafolli-
polonois Cl r 1 i 1 11 i t • 1 ••»
kfCbevaiien citation d'Alexandre Withotd grand duc de Lithuanie 3 a ces con*
T*M<mi<jttet. Citions : Que le Roi de Pologne rendroit aux Chevaliers tout ce
qu'il avoir conquis en Prufle^que tous les Commandeurs &c Che-
valiers qui étoient prifonniers , (croient relâchez ; que l'Ordre
payeroit à Ladijlas roi de Pologne une certaine fomme d'argent
pour leur rançonique IzSamogitie demeureroit auDuc deLithua-
nie j ôc retourneroit aux Chevaliers après fa mort. Ce font les
ù) Lib. conditions marquées par Dingos fa). Cromer(bj en marque d'au-'
XI,\PA3°,?' très . comme i. par exemple de fe foumettre à l'arbitrage du
(b)DcRe- ■ » . r r . b
ùi Pohti. Pape fur certains articles dont ils ne pou voient convenir 5 i. de
i.ib. xvii. comprendre dans cette paix les Dues de Stolp& de Mazovie,,-
êc Sipsmond roi de Hongrie 3 s'il vouloity entrer. En attendant
qu'on le fût , le Grand Maître de l'Ordre ftipula que les Po-
lonnois ne feroient point la guerre à ce Prince. On rapporte à>
cette année la mort de Nicolas Kurowski archevêque de Gncfne,
CePrélatavoit été aceufë par Anne fille duDucde Ciïïeï &. reine
de Pologne , de l'avoir voulu corrompre. Comme le Roi étoit
fur 4^ point de faire jine févere juftice de cet attentat , Kurowski
étant en chemin pour comparoître tomba de cheval & mourut,
de cette chute. On die qu'il apportoit avec lui une groiTe fom- .
me d'argent pour tâcher de fe racheter.
fmlf*h XXXII.Apre's la paix faite entre lesPolonois&lesChevaliers,,
/jean! Zadijlas envoya en ambafTadeà Jean JCJlIII. André Lafcalis
xxm. évêque dtWlafdiJlaw dans la Grande Pologne, & quelques gen-
tilshommes avec de grands préfens. Le but de cette ambafîà-
de étoit de faire déclarer au Pape que le Roi avoit entrepris-
une jufte guerre contre les Chevaliers Teutoniques , & qu'on
avoit été en droit de tranfporter dans les Eglifes de Pologne
tout ce qu'on avoit enlevé de chofes facrées dans celles de Prufl
fe. Cesambaffadeurs a voient ordre de demander outre cela que
DE PISE.'Liv. V. 103
le Pape ordonnât une croifade contre les Tartar es. Jean JTJT1II.
accorda les deux premiers articles i mais il refufa le troifîéme,
à caufe de la croifade qu'il avoir publiée contre Ladijlas roi de
Naples. D'ailleurs les ambafladeurs de Pologne étoient traver-
sez par ceux de Sigismond roi de Hongrie , 6c par ceux des Che-
valiers, parce qu ils craignoient que le Roi de Pologne ne fefer-
vît de cette croifade contre eux . Jean JfJflIl. à la requifition
du Roi de Pologne promut cette année deux Prélats dans ce
Royaume Ravoir André à l'archevêché de Halitz^ dans la Ruf-
iîe Noire (1) , & Nicolas Trambasice - chancelier a l'é vêché de
Caminiec dans la Haute Podolie. Ce dernier fut élevé la mê-
me année à l'archevêché de Gnefne par Jean JCJCiII. mal-
gré le Chapitre qui avoic demandé l'Evêque de Pofnanie en balle
Pologne.
XXXIII. Le Concile de Pife ayant ordonné qu'on afîem- jeanxxïï^
bleroit un Concile œcuménique au bout de trois ans , Jean indii>*eH»
JfJflJl. en indiqua un à R orne pour le mois d'Avril de l'an- R7w! t[ *
née fuivante par une Bulle du mois de Mai de la prélente an^
née. Cette Bulle contient 1. un magnifique éloge de la ville de
Rome par rapport au temporel oc au fpirituel > 2. la néceffité
de la défendre contre les entreprifes de Ladijlas & de Gregoi*
te J^ II. defquels on fait une peinture affreufè 53. que ce Con-
cile a été réfolu du confeil des Cardinaux à la gloire du Dieu
tout-puijjant , de la bienbeurcufe Marie toujours Vierge, des faims
apôtres S.Pierre &S. Paul&c de toute la Cour celejle^q.. que ce
Concile eftdefiiné à la réformation del'Eglifê} 5. tous les Rois,
Princes, Seigneurs, Patriarches, Archevêques, Évêques, Abbez,
Prélacs , Chapitres, Monafteres , font exhortez à y venir ou en
perfonne , ou par procureurs , fous la promefle de la remifîion de
leurs péchez. 6. On promet à tous fans exception , des fauf-
conduics, quelques crimes qu'ils ayent commis , quand même
ce feroit celui d'héréfie ou de Léze-Majeflé. 7. Il ordonne à tous
Rois , Patriarches, Archevêques , Evêques , Prélats, Eccleflalli-
ques , aux Ducs, Marquis, Comtes, Capitaines 6c autres Officiers
de guerre , aux Communautez , Univerfïtez 6c à tous les particu-
liers d'affifter ^c de protéger tous ceux qui viendront au Concile ,
& en particulier ceux qui pour des procès ou inimitiez pourroient
craindre d'être infultez en chemin.
(1) Cet archevêché a été transféré à Lembourg dans la mê me Province,
Fin du Livre Y.
141 2.
Etat de
lPEurofe„
(a) Le
Moine de.?,,
Deny;. Hifl.
de Charles
XXX IL.
(b) Voyez
ci-delïus
Liv.VI.
(c) Tbeo-
Idd. Bcil.
Hufl. Cau>.
YII,
t.
104 HISTOIRE DU CONCILE
©g)©®®© ©@ ©®&(5&®
L I V R E VI.
SOMMAIRE.
ï. Etat de ^Europe. II. Traité deLidiûas & de Jean JC J£ 1 1 I„
WX.Caraltere de Sforce & de Braccio. IV. Conditions du Trai-
té de Ladiiîas &de Jean XJCIU. V. Mouvement de Grégoire
pour fe maintenir. VI. Retraite de Grégoire à Rimini. Vil. Con-
cile affemb té à Rome par Jean JCJCIII. VIII. Ce Concile rCe fi
-pas œcuménique. IX. Avanture du hibou. X. Bulle de Jean
JfJTIII. contre les Wiclefites. XL Eclat de Jean Hus contre le
Siège de Rome. XII. Bulle de Jean JfJflII. contre Ladiflas*
XIII. Jean Hus réfute la Bulle du Pape. XIV. Autres Traitez^
^Jean Hus. Sa réfutation des Cro l 'fa de s. XV. Réplique de Jean
Hus à un Prédicateur de campagne. XVL S'il e/t permis de pré-
cher contre les mauvaifes mœurs du Clergé. XVII. Refolution de
trois doutes propofezji Jean Hus. XVIII. Reponfe de Jean Hus
à huit adverfaires. XIX. Exaction de Jean JCJCIII. XX. Bo-
logne reconciliée avec l'Eglife. XXI. Demèlez^des Vénitiens avec
Sigismond. XXII. Jean JfJfUI. confirme le Traité des Che-
valiers de l'Ordre T eutonique avec les Polonois. XXIII. //
accorde des privilèges d l'Vniverfité de Paris. XXIV. Benoît
JfJII. Affaire d Arragon. XXV. Converfion des Juifs par Vin-
cent Ferrier. XXVI. Ecrit de Jérôme de Sainte Foi contre les
Juifs ,Z ivre premier, XXVII. Second Livre du Traité de cet
Auteur. XXVIII. Affaires détachées.
llllppj 'Europe n'auroit pas eu moins befoin cette année que
M Oïl ^es précédentes de la vigilance & de la charité d'un Pa-
feiffî fleur commun pour pacifier les troubles dont on va la
voir agitée. La France nonobllant divers traitez de paix , étoic
toujours déchirée par les cruelles factions de Bourgogne &. d'Or-
leanSjdont l'Angleterre profitoit (a). L'AilemagneVétoit pas en-
core réunie fous une même obédience > ce partage y donnoir
occadon à des guerres inteftines (b). Les troubles de Bohême
alloient toujours en augmentant a l'occafion de la do&rine& des
prédications de Jean Hus (c). La paix conclue l'année précéden-
te
DE PISE. L i v. VI. 105
te encre la Pologne & \çS Chevaliers Teutoniques ne fervit qu'à
donner a ces derniers le cems de recommencer une guerre qui T
avoic une influence fore générale. La paix des Rois de Hongrie
& de Pologne n'étoit pas moins chancelante. D'un côcé les Vé-
nitiens animoient le Polonois contre Sigismcnds afin d'occuper ce
Prince qui les menaçoi t d'une guerre au fujet de la Dalmatie.
De l'autre Sipsmond gardant mal les traitez avec la Pologne ,
ce n 'étoient que méfiances & hoftilitez entre ces deux Royaumes
voifins (a). Les Royaumes d'Efpagne étoient toûjoursjattachez à (a) Dk-
Bcnoit JCIII. de ce Pape au lieu d'en réunir les différents partis, §os- Hifl-
ne penloit qu a y dominer en y rom entant la divilion. aru I4I2<
II. De toutes ces parties de l'Europe il n'y en avoit point qui Traité de
fe refTentît plus. du trouble général que l'Italie. On vient de par- Ladiflas o-
1er } ôc on parlera dans la fuite , des grands démêlez de sipsmond xxiu
avec les Vénitiens Les Génois étoient en guerre avec les Cata-
lans. Zadijlas iàiïbit trembler toute l'Italie tout vaincu qu'il écoit,
parce qu'il ne faifoit de paix , que pour fe mettre en état de mieux
faire la guerre. Ce fut dans cette vue qu'il traita avec Jean
JfJflII. Quoique ce Pape eût publié contré lui une croifade Kùm.vh.
l'année précédente , il ne laifla pas de rechercher 6c même d'à- Jehan,
cheter cher les moyens de fe reconcilier , aux moins en appa- ^a IlI#
rence , avec un ennemi redoutable jufques dans fes difgraces. xxiv.
D'ailleurs , il fe trouvoit d'autant moins en état de fe foute-
tenir , qu'iinepouvoit fe fier à les Généraux, à caufe de leurs
me(intelligences& desinfidelitezdcla plupart d'entre eux. Les
principaux étoient Paul de s Ut fins ^Magnus S fort la _, & Braccio
de Peroufe.
III. Co MME il eftafTez fou vent parlé de ces deux derniers dans Ca).aaen
cette Hifloire , on donnera ici en paifant leur caractère , ainfi ^Sforcec*
qu'on a donné celui de Paul des TJrfins dans le troifîéme Livre de de Braccl0«
cette Hiftoire. Celui-ci lui étoit fi fufpecl: 3 qu'il avoit fait un trai-
té fecret avec Zadijlas pour s'en défaire ,&: que dans cette vue
il l'avoit envoyé dans la Marche d'Ancone , fous prétexte de lui
en confier la garde 3 mais au fonds pour donner occafîon à La.
dijlas d'exécuter cette convention (b) Il s'en fallut même fort peu
que Jean JfJCIII. ne fût la dupe de fà mauvaife foi. Zadijlas ùft.F°,fF
qui ne demandoit pas mieux que de s'emparer de la Marche p. i?4-
d'Ancone , accepta le parti efperant de gagner un bon Général
au lieu dr^\e perdre. Mais comme il fe difpofoitày aller avec une
bonne armée , il en fut détourné par les Exilez de Rome , qui le
Tom. II. O
io6 HISTOIRE DU CONCILE
follicitoient fans cefle de s'en approcher. Ain fi Jean JFJflll. ne
(a) p«gg. fut heureux dans cette oceafion que par hazard (a),
ubi fiipr. A l'égard de S/W?, comme il ne s'étoit engagé au fèrvice de
Sjorce jeanjfjfjjz. que pour un certain tems 3 il crut pouvoir fans*
fcrupule prendre un autre parti. L'Hiftoire nous parle de ce Gé-
néral comme d'un véritable héros. Entre fes éminentes vertus , il
en avoir une fort rare en ce tems & en ce païs-là , fur tout parmi
les Généraux , c'étoit -, d'être efclave de fà. parole. On rapporte
fc que Braccio fon collègue & en même-tems fon émule dans le Gé-
N. n. neralat 3 le moquoit de ce généreux elciavage comme d une {im-
plicite, qui rendoit incapable du commandement. Auiîi ne quit-
ta- t- il le parti de Jean JfJfJlI. que quand le terme de fon en-
gagement futexpiré. Cette fidélité lui rendoit infupportables les
intrigues & les cabales de Paul des Vrfîns contre jean JlJCIII.
lien avertit ce Pape, & le menaça même de quitter la partie ,.
jfi ce Général continuoit à traverser fes bonnes intentions. Mais
quoique Jean JfA.'IU. touvât ces plaintes fort juffces , il crai-
gnoittropde s'attirer à dos un homme auffi accrédité que Paul
des Urfins , pour le congédier ouvertement. C'eft ce qui obligea,
Sforce à fe retirer dans quelque endroit de la Campagne deRomey
pour y être fimple fpe&ateur 3 & demeurer dans l'inaction , ne'
pouvant agir efficacement pour les intérêts de fon Maître. Le
Pape mortifié de cette retraite lui envoya le cardinal de St. An-
ge avec une bonne fomme d'argent dans Tefperance de le renga-
ger par là , parce que le terme de fon premier engagement étoit
prêt à finir,. Comme le Cardinal n'expliquoit pas clairement
les intentions du Pape en préfentant cet argent , Sforce lui de-
manda avec fa candeur ordinaire , fi c'étoit pour (es fervices
panez 3 ou pour le rengager de nouveau. Le Cardinal lui ayant
dit que c'étoit le dernier, il le renvoya avec cette réponfe , fous-
fouvezjvous en retourner avec votre argent 5 le Pape me doit bien
■plus , &jc ne puis me re foudre à, le fervir davantage , a caufe de la
tyrannie de Paul des Urfins. Puifque je ne fauroismy oppofcr de vi-
ve force , fans faire, un éclat contraire aux intérêts du Pape , jepren-
(b)Brov.. drai mon parti comme je l'entendrai (b). En effet, dès qu'il fut lu
Mii.N-H- bre 5îl s'engagea au fèrvice de Zadijlas. Je lailïe au refle à juger
au ledeur fi ce n'étoit pas donner atteinte à la fidélité dont il
faifoit profeffion , que de pafTer dans les intérêts de l'ennemi de
fbn premier Maître. Sforce mourut en 1414 s'étant noyé malheu-
reufement dans la rivière de Pejquaire dans l'Abruze, comme iï
DE PISE. Liv. VI. 107
enretîroitle vaillant François Sforce fon fils \ qui la pafïbit pour iaii,
combattre Braccio dont il s'agit à prefent.
L'Hilloire n'a pas parlé avec moins d'éloge de.ce Général, Braccio.
quoiqu'elle lui donne un caractère tout oppofé 3 comme on vient
de l'infinuer , puifque pour fervir Ton ambition, la fourberie &
la diflîmulation lui étoient indifférentes. Il avoit fait Tes pre-
mières armes avec Sforce , &: ils furent d'abord intimes ; mais Bcrgom. L.
comme la gloire étoit leur idole commune, cette concurrence XV«P- 373
dégénéra bien- tôt en inimitié. Il changea fouvent de parti , com-
me le faifoient fans nul fcrupule la plupart des Généraux dans
les guerres de ces flecles-là. 11 fut d'abord Général des Floren-
tins contre Ladijlas. Jean XXIII. ayant été élu. Pape, le prit .
à fon fervice fous le caradere de fon grand Gonfalonier , & l'é-
tablit Gouverneur de Bologne quand il alla au Concile de 6^.1414.
Confiance. Loin de l'abandonner après fa depofltion 3 il entre- N-IIL
prit de le rétablir , & s'empara dans cette vue d'une grande
partie de l'Etat Ecclefîaftique. En 1417.il entra triomphant dans
Rome fous prétexte d'y faire rentrer Jean XXIII. mais dans
le fond pour s'en rendre le maître lui-même , comme en effet il
s'en faifoit appeller Seigneur (a). Quand Martin V. vint en Italie , il (a) b%vi
fe déclara contre lui comme contre un intrus. Il en parloit me. !4I,?:XI11'
Si. flUY
me avec un fouverain mépris 3 le traitoit dePreflolé , &fe van-
toit de le réduire à dire la Meffe pour un denier. Ce Pape l'excom-
munia 5 il excommunia le Pape à fon tour , & il fe mit à la tê„
te d'une armée contre Sforce alors Général de Jeanne de Naples ,
quis'étoit mis fous la protedion de Martin V. Braccio ferecon- poe„ wijfm
cilia enfuite avec ce Pape par l'entremife des Florentins. Mais R^.p. n<?.
ayant repris les armes contre le même Pape en 1424. il fut tué Bvv-sP0"<l>
dans une bataille où commandoit François Sforce fils de Magnus,
comme on le verra plus amplement dans la fuite.
IV. Revenons de cette digrefîion au traité de Jean XXIII. Conditions .
&de Ladijlas. Les conditions en furent honteufes à l'un & à f 2f -
l'autre. Jean XX III. reconnoifToit Ladijlas Roi de Naples , au de jeau
préjudice de l'alliance qu'il avoit faite avec Louis d'Anjou. \\ xxiil
s'engageoit outre cela à mettre Ladijlas en pofleftion de la Si-
cile , à en chafTer Alfonfe roi à'Arragon , protedeur de Benoit
XI II. & à lui fournir à {es dépens des troupes pour cette ex-
pédition. Ce Pape le faifoit encore Grand Gonfalonnier de l'E-
glife Romaine avec une penflon de plus de deux cens mille du-
cats 3çn hypothèque defquelsil lui engageoit Afcalo, V 'herbe ,
Oij
io8 HISTOIRE DU CONCILE
1412. Peroufe ^Benevent , lui remettant de plus une rente de quarante
Ronald, mille ducats, qu'il n'avoir point payée depuis dix ans. Ladijlas
an. i4ii. de fon côté reconnoiiloit Jean XXIII. ôc abandonnent Grégoire
XII- contre les traitez qu'il avoit faits avec lui , promettant de
le reléguer en Provence ou en Dalmatie3s'il refufoit les condi-
tions qu'on lui propofbit pour céder. Ces conditions étoient de
lui faire une penfion de cinquante mille ducats, d élever au Car-
dinalat trois de fes parens à fon choix, 6c.de le faire Gouver-
neur delà Marche tiAncone. Cette reconnoilîànce fe fit à Na-
ples entre les mains de Raynaud de Brancas , cardinal diacre de
St. jsitus 6c de St. Modeftc , légat de Jean XX III. C'eft ce qu'on
va voir par la lettre dont voici le précis. Ladijlas dit d'abord que
pendant quelque temsil a douté que l'élection de Jean XXIII.
au Pontificat fût canonique ; mais que dans la fuite ayant mieux
examiné l'affaire dans une afTemblée générale des Prélats , des
Grands, des Docteurs , 6c des perfonnesles plus notables de fon
Royaume ^ il a trouvé cette éleciion légitime. Ce qui lui a fait
prendre la réfolution d'imiter la conduite des autres Rois 6c Prin-
ces Catholiques ,quil'avoient reconnu pour vrai Pape ; Qu'en-
confequence de cet examen , après avoir imploré l'afliilance du.
St. Efprit , il lui déclare par les préfentes , qu'il regarde fon élec-
tion comme une œuvre de Dieu -^ qu'il le reconnoît pour vrai Pon-
tife , 6c qu'il reconnoîtra de même tous fes fuccefïeurs canoni-
quementélûs. Il lui fait d'ailleurs efperer une ambaffade folem-
(a) Ray- ne^e pour confirmer cette reconnoilîànce (a),
naid. Ann. L'Hiftoire remarque deux particularitez fort peu glorieufes à.
uiz.n.ii. Zadijlas dans ce traité contre Gregoire.Uime qu'il vendit un ami
èc un allié pour la fomme décent mille ducats, que Jean XXIII.
(b)Nîem. W ^c compter (b). L'autre que ce traité fe fit en trahifon , com-
vit. joha». me le rapporte Niem fecretaire de Jean XXII 1. en cqs ter-
r™d'Hlrdt mes' " r>en<^anc qu'on faifoit cette paix frauduleufe , Grégoire fe
T. il. p. » tenoit à Gayete avec (ss Cardinaux 6c fa Cour , non loin de la
367. „ Campagne de Rome fous la prote&ion de Ladijlas , ne fâchant
53 rien d'abord de ce qui fe tramoit contre lui. Ladijlas l'y alla,
«même trouver un jour ^ 6c pour mieux cacher fon jeu , il lui
« rendoitles mêmes honneurs qu'auparavant. Comme Grégoire 5.
33 qui depuis avoit été informé de cette perfidie , lui en fit des
3s reproches , il le nia fort 6c ferme. Cependant dès le lendemain,
»il lui fit dire de fe retirer , 6c ne lui donna même qu'un terme
ilhifup™' " aflez court pour le faire (c). 55 Ce qui l'obligea à fe retirer , fe-
I>E PISE. Liv. VI. 109
fon Niem , dans la Marche d'Ancone fous la protection de fon ,
ancien ami Charles Malatejlat , & enfuite à Rimini dont ce der-
nier étoit Seigneur.
V. De Ion côté ce Pape ne négligeoit pas fes intérêts. Avant Mouvement
l'infidélité de Ladijlas , il s'étoit établi plufîeurs Légats en AL & Grégoire
lemagne , pour foutenir ceux qui y tenoient encore pour lui,tels , JJJ. ***'*"
qu'étoient V/erner de Konin^fiein } archevêque de Trêves , Ra- '
ban évêque de Spire , Conrad évêque de Wormes 3 & pour y
gagner de nouvelles créatures. Il donnoità l'évêque de for-
mes plein pouvoir d'agir contre Louis électeur Palatin , &; les
Princes de cetec Maifon , qui adheroient à Jean XX III. Com-
me pendant ce fchifme l'Allemagne étoit fort divifée, & que
plufîeurs des féculiers ne fça voient à qui s'adrefTer en bonne
confeience pour recevoir les Sacremens , ni ceux qui vouloienx
entrer dans l'Ordre eccleiiaftique , par qui fe faire ordonner 3 il
donna une Bulle qui permettoit à ceux du peuple de recevoir
les Sacremens de quelque Prêtre que ce fût, même des Moines
mendiants, pourvu qu'ils fuflent Catholiques , c'eft-à-dire , dans
fon parti, & aux Clercs, de fe faire ordonner par quelque Evo-
que que ce fût , pourvu auffi qu'il fût dans fon obédience , fi leur
propre Evêque n'y eft pas.
Il publia outre cela divers Décrets contre les partifans de
Jean XXIII, èc en particulier contre Herman Landgrave
de HeiTe , qui étoit de ce nombre. Un des Continuateurs de Ba-
ronius nous a confervé un de ces Décrets , qui contient quelques
articles dignes de remarque, t. Il permet aux Schifmatiques & aux
Catholiques de iè marier enfèmble , dansl'efperance que l'un ra-
mènera l'autre. 2. Il preferit des formulaires de ferment pour ceux
qui ferepentiroient de quelque acte fchifmatique , ou pour ceux
qui ayant pris le parti de Jean- 2? XI H. reviendroient à Gré-
goire. Je donnerai ici un de ces formulaires , parce qu'ils peu-
vent inftruire de l'état des confeiences pendant le fchifme. Le
premier de ces formulaires eft conçu en ces termes :« Je con-
îafeileque j'ai fait un a&e fchifmatique,quoique non de cœur^que
53 pour éviter le fcandale,ou quelque pelle , ou quelque danger,
« j'ai eu communion avec des fchifmatiques 3 ôcque par là j'ai
33 encouru l'excommunication , outre les autres peines portées
.33 parle droit, [a jureyel ab homme illatas ). Mais préfentemenc
» j'abjure le fchifme , & je confefïe de cœur & de bouche , que
•n-Grcy>ire XII. a été & eft vrai Pontife Romain. Je protefte ê&
O iij
no HISTOIRE DUCONCILE
» ieiurefurles Sts- Evangiles d'obéir déformais a.uditGre?oîre$t à
14,1 2. / * r m • '1 « J • -i
T 5>fcs fuccefleurs canoniquement élus, de ne me jamais retirer de
» fon obédience^ de ne commettre aucun acte ichifmatiques.5j
3. Comme lesCatholiques&les Schif manques fe trouvoient fou-
vent mêlez dans un même lieu , il difpenfeles Catholiques d'é-
viter les personnes 6c les habitations de leurs maîtres fchifmati-
ques,fans permettre pourtant de fe tranfporter dans les lieux
de la réfîdence des Ichifmatiques. 4. En cas que les fchifmati-
ques empêchafïènt dans les lieux de leur domination les Ca-
tholiques de faire leurs fondions ou leurs offices , H accorde à
ceux-ci la permiOion d'avoir dss autels portatifs 3 pour faire le
Service divin dans des endroits & à des heures convenables ( 1 ).
11 ajoute à cela la permiflîon aux Ecclefiaftiques inquiétez dans
leurs monafleres ou Bénéfices , de fe retirer chez des feculiers ,
pourvu qu'ils foient Catholiques 3 d'y dire les Heures Canonia-,
les , félon l'ordre établi dans ces lieux là , &de fe conforme rà
l'ordre &: aux ufages (ju'ils y trouveroient reçus , dans ce qui re-
gardent les Heures Canoniales &; le régime de vie > à la referve
des Chartreux à qui il n'accorde point de dif penfe (2).
Retraite de v l. On vient de voir que Grégoire fè voyant trahi par Zadiflas
frmtà"6 * & recira à Rimini , d'où il rit le récit de fa retraite dans une Bulle
oumanifefte qui contenoit les faits fuivants. wi. Qu'ayant été
» contraint defe retirer de Civitta di Frioul , à Gayete où il fe
55 croyoit fous la protection de LadiJUs , il avoit été obligé defe
55 retirer auffi de cette dernière avec trois de (qs Cardinaux , à
55 travers mille dangers, à Rimini par le moyen de deux barques
» Vénitiennes, qui par un foin tout extraordinaire de celuiquia
» prié que la foi de Saint Pierre ne defraillît point ,, s'etoient trou-
53 vécs à Gayete. Qu*il avoit été reçu à bras ouverts par le Cler-
*jgé &. le peuple de Rimini , qui avoit été fort dévotement au
(1) Si Catholicos à Schifmaticis ah exemptionefuorum ofpciorum in fuis locis £•?• Ecclefiis conti^e-
rit prohiberi , ex tttuc C7" non alias , ne divinii es* Sacramentis defraudentur 5 ut inlocuhubilibusy
front révèrent er poffmt , fuper quo torumdtm confientias oneramus , in altarihus portatilibus coram
quibuicumque Calholicis etiam ante diem ctlehrare ,gratiofe iirdulgemtts. Raynald, An. 141 2. N.I.
p. 418. c. 2.
(xi) Conccdimus ut quœlibet Ecclefîaflicarum perfonarum Catholicarum ,quœ propter fchifma m la-
cis Monafleriorum feu Benefc/orum Juorum abfqae contumelia Creatoris ffare minime valet , inÇjrcum
iis locis ac perjonis etiam fœcularibtts fe recipere , quibus naufragium ejfugere 3felicifque vit* portum
queat reperire ; o> tune Horas Canonicas fecundum quoicumque ordinarium aut ordinem ab EccUfîa
appiobatum dicere , ut fe fuis fuciis cum quibus converfatur de lis dkendis conformet ; quodque hujufmo-
di per/oiiç ab Ecclefia in diciisjejunii.- omnino fervatis , dtvotis Catholicis 3apudquos eos morari con~
tigerit , temporibus aeleris , fcandalis femper quantum poffibilitas permitlet proximorum vitatis , im
efu facere fe conformes , ne difpari comedendi uftt Citbolici earumdem receptores molefim çnerentttr 9
exceptis Carthufîenjtbus , in efv camium licite poffmt. Raynald. ubi. fitpr,
£>E PISE. Liv. VI. m
a devant de lui en procefîion j & qu'en reconnohTance d'un
*> fi bon accueil , il accorda tels ôc tels privilèges , à la ville !412'
>j de Rimini.
VII. Comme il n'y avoit eu nulle bonne foi dans la paix de Condieaf-
Jean JCX1II. &. de Zadijlas , elle n'avoit rétabli latranquilLy^k'*^
té au dehors qu'en apparence , mais point du tout la confiance xxni. ™
réciproque. Ladijlas moins arToibli qu'irrité de fa dernière dé-
route , fe tenoit fous divers prérextes au voifinage de Rome ,
cherchant les occafions de la furprendre j & Jean JfJCIII. de
fon côté ne s'endormoït pas à faire des préparatifs , pour fe met-
tre à couvert d'un orage qu'il prévoyoit. Cependant il crut pou-
voir profiter de ce faux calme, pour afïembler le Concile œcu-
ménique qu'il avoit publié l'année précédente > en exécution du
Concile de Pife , qui avoit- ordonné d'en convoquer un au bout
de trois ans. Comme le choix du lieu avoit été remis par^/V_
xandre V. à la difcretion du Pape , ion fuccefleur étant rentré
dans Rome , ne jugea pas qu'il y eût de lieu plus propre que
Rome à une telle convocation } au moins n'y en avoit- il point qui
fut plus à ia bienfeance. On apprend du Moine de Saint Denys
que les Evêques , Archevêques , Primats & autres pcrfonnes éccle-
fiafliques d* Italie , de Bohême ,. de Hongrie , d* 'Angleterre 3 dyE~
cojje , d'Allemagne _, & des autres fais de l'obédience de Jean
JfJC III. partirent pour ce Concile. Le même Auteur ajoute que le
roi (de France^ ordonna pareillement 3 qu'on èleùt des quatre Fa-
culté \de l'Univerfité de Paris des perfonne s célèbres en fcience , &
qui fujjent capables de représenter a fa Sainteté conformément à leurs
infiruclions y les charges infuportables que fouffroit PEglife Gallica-
ne , des nouvelles impofitions des derniers Papes. En même temps ,
continue l'hiftorien.,, le Roi voulut prêter Cobèïfiance filiale , &
députa pour cette ambafjade Meffire (\ ) , . . . . & Maiflre Jean de
Montreuil fonfecretaire 3 auxquels il donna ordre de recommander
de fa part les intérêts & les affaires de fon Royaume en Cour Romai-
ne ,. a Maiftre Pierre d'Âilly ,& à Maijlrc Simon Cramaut ., que
le Pape avoit en fa conjîdcration promeus & élevez^ de l'Eve fchê de'
Qambray , & de l'Archevefché de Rheims au Cardinalat 3 & de lui
rapporter de vive voix & par écrit tout ce qui auroit efté fait &
arrêté en la tenue du Concile {&), Le même hiftorien ajoute fur (a) Moine
de S, Denys.
(i) Le nom eft en blanc dans cette Hiftoire. On apprend de la Nouvelle hifl. du Concile 32«&33'
de Confiance de M. Bourgeois du Chafienet , que c'étoit M. Bernard de Chevmon évéque d'Amiens, P* °+3 .877»
p. 138.
irt HISTOIRE DUCONCILE
14.13. que cette deputation au Concile de Rome n'aboutit à rien
par rapport à fon but principal , qui étoit de fiulager lyEglife
Gallicane des décimes , des fervices , & des autres charges infuppor-
tables dont les prêdeccffeurs ( de Jean XXI IL ) i'avoient opprimée
depuis quelque temps , 6c il rejette toute la faute de ce mauvais
luccèsfur ['Evèque fi Amiens , qui ne penfa qu'à fes propres in-
térêts. On s'eft crû d'autant plus obligé de rapporter cet en-
droit de l'Hiftoire de Charles VI. par le Moine de Saint Denys ,
que riiidoire-de l'Univerfité de Paris ne fait aucune mention de
la deputation de cette Univerfîté, au Concile de Rome. Mais
l'Auteur de la Nouvelle H i foire du Concile de Confiance confir-
me le récit du Moine de Saint Denys , fans pourtant le nommer.
Ze Roi Charles 3 dit ce nouvel Hiftorien , envoya des Amb a fa-
deurs , qui furent acco?npagnez^, des députe^ de l'Univerfité de Paris ,
& fe joignirent au Patriarche d'Alexandrie, & à Pierre d'Ailli
archevêque de Cambrai , que le Pape av oit fait Cardinaux _, pour
folli citer la reformation de l'Eglife dans fon chef & dans fes ?nem.
fa)Ncuve!. bres{2i). Mais, continue. t'il , Bernard de Chcvenon cv'cque d'A-
}p\j ': miens 3 chef de Pambaffade , n'en parla point , & nefongea qu'à joL
Lsiifi.p.iii. Uciter fa iranfiation a l'Evêché de Bcauvais , & la nomination de
plufïcurs bons Bénéfices de l'Eglife Gallicane , pour le Roi & les Sei-
gneurs , en forte que les intérêts de l'Eglife Gallicane a qui gemiffoit.
feus le poids des exactions de la Cour de Rome que Jean avoit ré-
tablies , furent abfolument négligez^ , malgré les folîicitations des
députez^ de l'Univerfité.
ce Cov.dh VIII. Il tsT bien certain que (i ce-Concile s'afTembla, ce fut
n'eft^œcu fous de-mauvais aufpices , &; qu'il ne s'y prie point de réfolution
muppe» pour la réformation de l'Eglife , qui en étoit le principal pré-
texte. D'ailleurs tous les hiftoriens conviennent qu'il ne s'y
trouva pas des Prélats en allez grand nombre , par rapport à
_ l'importance des affaires qui dévoient s'y régler (b). C'eft ce que
ML-ààs'. témoigné Jean A"Arllî lui-même dans la Bulle par laquelle il
Chron. Ci- indique le Concile de Confiance, oùil dit qu'il avoit été obli-
?. an. S^ ^e remettre ce Concile de Rome au mois de Décembre de
14-2.11.5. 1411. à caufe du petit nombre de Prélats qui s'y étoient trou-
Labb. vez d'abord. On peut juger en effet que de tous ces Pre-
Cone. T. Jars qui, félon le Moine de Saint Denys , fe mirent en chemin
XI. c 1S2-3- Il ^ ri -i , r7 rr
s^ond. pour aller a Rome , il n y en eut que tort peu qui puflent pene-
hu. in. trer jufques-là à travers des troupes, que Ladijlas tenoit tou-
jours aux environs de cette Capitale. Ce Prince d'ailleurs avoir
interêj:
DE PISE. Liv. VI. ïi>
Intérêt à traverser ce Concile , parce que comme le dit Jean 1^2.
JCJCIIJ. il étoit regardé comme une continuation du Conci-
le de Pife oùZadi/las avoir été dépofé. Lechoix du lieun'étoit
pas non plus un grand attrait pour ceux qui defiroient
fîncerement une reformation , puifqu'il étoit aife de compren-
dre qu'il ne falloit en attendre aucune d'un Concile tenu à
Rome. Ce fut fans doute cette raifon qui jointe avec les précé-
dentes , fît que tout le temps fe confumaen fupernuitez fans rien
conclure d'utile à l'Eglife , comme le ditun Auteur célèbre de ce
temps-là , in rébus fuperfluis^ nihilque ad utilitatem Ecclefiœ -perti-
nentibus tempus terendo (a). \ri ■
Cependant ce prétendu Concile n'a pas lailfé d'être mis au ^1^*™°
rang des Conciles œcuméniques , par des Auteurs de poids. Pour
moi , après avoir tout examiné , je ne balance point à croire que
bien loin d'avoir été un Concile œcuménique , à peine mérite
t-il le nom de Conciliabule , & que ce ne fut qu'un avorton de
Concile. Déjà le filence de Théodore de Niem } qui étoit alors
fecretaire du Pape 3 eft un argument négatif d'une très-grande
force , fur le fujet d'un Concile où il auroiteu le plus de part en
cette qualité. D'ailleurs, il ne faut point d'autre témoin de la
nullité de ce Concile 3 que Jean JCJCIII. lui-même. Car félon
là date de fa Bulle contre les Wulefites ,ce Concile fut afTemblé
pour la première fois au commencement de 1412. (1) , & félon la
Bulle où il convoque celui de Confiance , il convient qu'il n'y
eut pas cette première fois afïez de monde pour former un Con-
cile légitime. Voilà donc le Concile échoué pour cette fois-
là. Le Pape ajoute qu'il a été obligé de le proroger jufqu'au
mois de Décembre delà même année , fans déclarer le lieu où
il fera convoqué , ce qui ne peut regarder que l'an 1412. puif-
qu'aumois de Décembre 1413. il étoit à Lodi^ d'où il convo-
qua le Concile de Confiance. Il dit enfuite qu'à la prière de
Sigismond; il renvoya, & le choix du lieu , & la convocation du
Concile jufqu'à ce qu'il eut reçu avis du lèntiment de ce Mo-
narque là-denus(2). Pendant ces entrefaites,iW{/7^j- s'empare de
(1) Verumquia venienté poftea tempore conflitttto , Tr<elatiçy colUïï >qui bujufmodî Concilio in-
terejfe debebant , nequaquam in tanto numéro convenerunt , quantum rertttn agendarum pondus , W
magnitude requirere videbatur : Nos poft alias prorogationes per nos f atlas , tandem Cincilium ipjum
admenfem Decembris nunc prie/entern, folenniter prorogavimus ,ac celebrandum flatuimus ; locum
autem infra certum tempus reliquimus dedarandum, ut intérim fuper to maturiits confuleremus. Vond,
Hard.T.VLp. 9- 10,
(z) Pofl h*c verO) infra diftum tempus nondum elapfum ,per UtterascbariJJïmi in Cbrifio filii no~
Tome II. F
M4 HISTOIRE DU CO N C | L E
Rome , Scjean JfJsTJII. s'enfuie à Florence, d'où , comme B
*4-]2° Je raconce , H'envoya des Légats à Sips?nond , qui convinrent avec
lui d'afTembler le Concile à Confiance. Il efl donc clair par
ce récit 3 que ce Concile prorogé au commencement de 1412.
& tenu à la fin de la même année , ou fi l'on veut , félon quelques-
uns , au commencement de 1413. eft une pure chimère , 6c
que tous les Auteurs qui en ont fait mention , ont été dans
l'erreur , ayant pris le deilein pour l'exécution , ou , un Con-
ciliabule commencé 3 mais avorté 3 pour un Concile œcumé-
nique.
jivanture IX. Qu g i ou*i L en foi-t , il ne laifîà pas de fe régler cer-
duHwiu. taines choies dans ce Concile, quelque qualité qu'on lui don.
ne. Clcmanys dans fon traité fur le (11 jet d'un Concile gênerai ,
raconte de celui-ci une avanture allez plaifante qu'il dit tenijt
de fort bonne main. C'eft que dès l'ouverture de ce Concile,
après la Méfie du Saint Efprit , tout le monde ayant pris fa pla-
ce , 6c Jean JfJtTIJl, étant aflis fur le thrône qu'on lui avoit
préparé , on vit tout à- coup un affreux hibou s'élancer avec
des cris horribles, de quelques coin , £c fe porter au beau mi-
lieu delà voûte de l'Eglife, regardant fixement le Pape. Tout
le monde étoit étonné de voir ainfi en plein jour , 6c en pleine
afîemblée , cet oifeau nocturne , 6c ennemi de la lumière. Beau-
coup de gens en tiroient mauvais augure: les uns en trembloient
de peur: les autres avoient beaucoup de peine à s'empêcher de
rire, s'entredifant à l'oreille que le Saint Efprit paroi/loi t la fous
une forme bien étrange. Le Pape fur quifeul lefunefte oifeau fem-
bloit uniquement arrêter fes regards, en rougifïbit 6c en fuoità
grofïes goûtes. Il en fut fî déconcerté , qu'il fè leva le premier
pour rompre l'afTembléc. Mais dans la féconde feance ,1e hibou
parut encore , regardant toujours Jean JCJTIII. entre deux
yeux. Encore plus effrayé que la première fois à la vue de cet
objet lugubre, il commanda qu'on chafsât l'animal, à force de
cris 6c de coups de bâton. C'étoit un plaifant fpeclacle , de voir
Jlri Sigifmondi elccliin Regem Romanontm } & HunTaria Revis illufîris , inflantiffime requijîti ,
ut non properaremus in dedaratione hujufmodi loci pro Cotuilio facienio , fedtam in dedaratione loci
prœd'.cli quant eliam in tempore diéli Conci'ii celehrandi fuper fédère veilerrnts , donec ipfe NuncioS
fuos iuper hoc infiriiflos ad noflram prxfeniian: deflinaret : Nos voiis ejufdem Régis , qnA ex ^e/o de-
voitoms zr puritatis ftdei emanare confpkiebamus , annuentes , adzemurn pï&falorv.m Nuncicrum , de
vtntrabilium Fratrum nafliorum SancLt Roman A Ecclefiœ Cardin alittm C Prtlaîorv.m , qui RomjX
ingenerali L'oufiftorio ad hoc vocati fuerunt , voluntate } cpnjîlio C?* ajje/ify dnximns expeclandumf
Yond. Hardt. ubi fupr.
DE PISE. Liv. VI. Ifj
l'es Prélats occupez à cet exercice qui dura long temps, parce
que le hibou ne vouloir pas décamper, ils le tuèrent enfin à coups *
de bâton. Quoiqu'il n'y eûtrienlà que de naturel , ileft aifé de
comprendre qu'on ne laifla pas d'y faire bien des fpeculations ,
& d'en porter divers jugemens , chacun félon fa paffion & fon
caractère. Je ne voudrois pas dire que ce foitune pure fi&ion ,
femblable à celle du Lutrin de Defpreaux. Il fe peut que l'hif-
toire eût quelque fondement , d'autant plus que Theodoricde-
~Niemà\t qu'il arriva en ce temps-là quelque chofe de fembla-
ble à Jean JCJflU. non dans le Concile dont il ne parle point ,
mais dans une autre occaflon, fçavoirà la Pentecôte, lorfque
difantVêpresdansla grande Chapelle de fon Palais,on commen-
çait l'Hymne duSaint Ebprk/i)l^eni Cr^^r.Mais je croirois bien
que l'hiitcire a été enrichie , èc brodée, pour rendre ce Pape
odieux & ridicule. Quoique clemanps la débite (i) comme cer-
taine ÔC publique, il fe peut fort bien que fa pafîion pour Benoît
2T1II. & contre Jean JTJlJII. lui afaic embrafTer trop avide-
ment, une occaflon d'apprêter à rire au monde , aux dépens
de ce dernier. Cependant en la rapportant ici, j'ai crû pouvoir
imiter un Hiflorien bon Catholique , c'eft Henri de Sp onde , qui
l'a inférée dans fa Continuation des Annales de Baronius. J'ac-
quiefeeau refte à fon jugement là-deflus., c'eft qu'on ne doit tirer
aucune confequence de pareilles avantures , èc qu'il ne faut pas
faire trop de fonds fur le récit de Clemangis dans cette occasion.
X. C'est encore à ce Concile 3 qu'on attribue une Bulle pu-
bliee cette année contre les Wiclefitesôc les Hufîites. Ueft vrai xxiiiZé
qu'elle eft datée de l'an 14.13. félon quelques-unsle6.de Tan- fawuitftèv
vier , félon d'autres le 1 de Février. Mais il faut que ce foit une
faute d'impre(ïïon , ou que ce foit la date de l'expédition , puif-
que, félonies remarques précédentes, il n'y eut point de Con-
cile à Rome cette année là. Quoi qu'il en foit , voici cette Bulle ,
comme elle fè trouve dans l'onzième Tome des Conciles de
(i) Dum quadam vice in fejîo Fentecoftes diclus Balthafâr Fefperasfolemnes imCapella majorifui
Talatii prope Baftlicam SanùliFetri , ut morise/f, célébrant , dum inciperetur hymnmVctm Creator '
SpiritUS , illico adfuic Çjr VoUvit illic in alto bitbo feu notlua, Hujits rei novitatem mitlti Curiales
ibidem exifientes mirabantur, Niem. Fit. Joa. XXlll. Cjp. XXXUI. ap.Vond. Hardt. T. II, p, ■
37?.
(z) Res ita pervulgata fuit ut vix aliquem lattre potueril quam illo tempore ex veriiico comptri
AufloreZj' qui me minime f ail ère ut put o voluiflet ..... Hœc ex quodam fideli amico didici qui illis'
diebui reclo gradtt Roma veniebat , fuper quibus cum propter rei injuttudinem hdfîtAre ccepijjem,per me
vehementijfime adjuratus teriffime fe retulijjè conp\mavit. Addtbat autem omnes qui aderant in ma-
gnum contempium atque irrifioncm Concilii ex bac re, paulatimquc toto dilapfo Concilia , nihïl illic prsr»
fus aflum eJl'ejruclHofum, Clemangis Tra&, p. 7 5 . 76. -
Pin
n6 HISTOIRE DU CONCILE
1412. Labbe^%- *1*3- "Un des principaux foins du Siège Apoftolique
» dans un Concile gênerai , quand il s'élève quelque dodrine qui
» ofFenie la Divine Majefté , & qui mec les âmes en péril de dam-
nation , c'eft d'en empêcher le progrès, 6c de l'étouffer danj
j> fanaiflance. Comme donc il fe trouve en quelques parties du
» monde des gens qui par un efprit de curioîité s'ingèrent d'en-
«feigner 6c d'apprendre , non ce qui peut feryir au faluc des
» âmes 6c à l'accronTement de la foi , mais ce qui au contraire
» tend à la renverfer , 6c qui tâchent d'introduire dans les Echo-
«les , 6c d'expliquer dans leurs Sermons certains livres, ou vo-
» lûmes , traitez , ou , Qpufcules , qu'on dit être de Jean Wiclefy
» favoir le Dialogue } le Trialogue , ôc plufîeurs autres livres (i] ,
» qui portent fon nom , 6cqui contiennent plufieurs Dogmes hé-
» rétiques , 6c plufîeurs erreurs mal fonantes dans la foi , par
?j lefquelles les fîmples fontféduits , 6c les dodes fcandaliféz,
» comme on nous l'a publiquement repréfenté 3 à nous mêmes 6c
»> à ce facré Concile : Nous voulons félon notre devoir Paflo-
» rai , autant que nous pouvons , avec le fecours de Dieu aller
« au devant de ces périls , où les âmes font expofées , de peur
» que, comme dit l'Apôtre, les fidèles ne foient entrainez par
»î des dodrines diverfes 6c étrangères , ôc corrompus par le le-
«vain des Pharifî.ens , contre lequel Jesus-Chiust leur a fi
»> expreflement recommandé defe précautionner. Car comme,
>s félon le témoignage de l'Apôtre , le levain corrompt toute la
?s malle 3 ainfi les faillies. dodrines des hérétiques , comme un ver
»> nin furieux , infedent toute la dodrine Catholique, quand elles
s? s'y trouvent mêlées. Ce font ces dodrines hérétiques que le
« Sauveur appelle l'abomination de la dèfolation , félon l'explica-
jstion de Saint Jerbme. Or comme nous voulons procéder mû-
« rement dans cette affaire, quoique notoire s 6c ôter toute oc-
» cafion de fcrupule 6c de doute 3 nous en avons commis l'exa-
» men & la difcuffion à des Cardinaux (2) ',, à des Evêques ,à des
v Dodeurs en Théologie & en Droit , pour nous en faire lerap-
55 port , par lequel il nous paroît conitant & à ce facré Conci-
«le, que tout ce qui étoit venu à notre connonTance là-defTus
»eft notoire 6c vrai, comme cela eft prouvé non feulement pas
(1) Ouos prtfentibus Laberi volummpro exprejfîs nomine <//V?i Johannis 'ViclefE înferiptos &
mthuUtos.
(1) C'étoient les Cardinaux Colonne , d' 'A^uiUe 3de Brancas, de ftnife &de Florencf- Oper.
V*ff. Fol. LXXXVL b, '"
DE PISE. Liv. VI. 117
•«l'évidence du fait , mais auffi par plufieurs Sentences définiti-
fs ves émanées de l'autorité Apoftolique (1) , &de celle de quel- M-12*
j>ques Archevêques (a) dans leurs Conciles & en d'autres oc- (a) L'Ar-
» cafions. Nous déclarons donc &; décrétons par l'approbation chevêque
55 du Concile , que toutes ces chofes font notoires &; fans repli- de Prtf<sMfr
m que, & qu'il y faut procéder comme fur des chofes notoires -,
» &: nous élevant par la vertu Divine contre lefdits Libelles,
» traitez , opufcules , favoir le Dialogue , le Trialogue , & tous
.55 autres livres de cette forte , qui portent le nom de Jean Wi-
55 clef \ de quelque art & faculté qu'ils foient , & de l'approba-
tion du même Concile , nous les condamnons , réprouvonsôc
55 ordonnons qu'ils foient brûlez publiquement en exécution de
(55 la fentence du Sauveur, Si quelqu'un ne demeure pas en moi yil
fera jette dehors , comme le farment , & il deviendra fec , onlera-
>5 maflera ,on le jettera au feu & il brûlera j attendu principale-
55 ment que dans ces écrits le vrai fe trouve mêlé avec le faux,
.55 comme la lèpre dans le corps humain, & que les fidèles mar-
>5 client dans leur lecture , comme entre les couleuvres & les
P» feorpions. Nous défendons de plus très-févérement par l'au-
.55 torité du même Concile , à tout Chrétien d'ofer lire , expofer ,
«enfeigner, pofîeder quelqu'un de ces livres intitulez de Jean
î5 Wiclef, ou aucune chofè qui en foit tirée , & de les alléguer
55 ni ep.public,nien particulier, fi ce n'eft pour les réfuter. Et afin
>5 qu'une doctrine fi pernicieufe & fi infime foit entièrement ex-
55 tirpée,nous commandons auxOrdinaires des lieux de faire par
» autorité Apoftolique une exacte perquisition defdits livres , &;
>5 de les faire brûler publiquement quand il s'en trouvera , &: de
» menacer les contredifànts d'être traitez comme fauteurs d'hé-
>5réfie. Outre cela nous déclarons que tous ceux qui entrepren-
55 dront de défendre la mémoire de Jean Wiclef, foient citez à"
55 comparoitre au Siège Apoftolique , dans le terme de neuf
m mois , devant nous ou devant notre Succeileur canoniquement
5î élu, ou dans cefacré Concile, ou ailleurs dans quelque lieu
» que ce foit de notre refidence , pour y alléguer tout ce qu'ils
55 voudront _, de peur que le fufdit Jean 'W'iclef ne foit condamné
>■> comme hérétique , même après fa mort (1). Donné à Rome à Sains
(1) Alexandre V. avoit condamné les Huffites.
(i) Ne idem Johannes licet ah humants ereptm de h*fefi condemnetitr. C'eft ainfî que porte la
Bulle qui fç lit dan<< l'onzième Tome des Conciles de Labbe. Mais Jean Cochlée( Hift. Huflf,
JÀb. I, p. 11, &les Annaliûes faov. 141 3, N, II. Si. Sjxmdan. An, 141 z. N. V. ) qui ont
Pi'j
i,8 HISTOIRE DU CONCILE
» Pierre , le deuxième de Février , la troifiéme année de notre
1412. s* Pontificat.
LesWidefi- Une fe trouve rien de cette Bulle ni de ce Concile parmi les
tess'oppotnt oeuvres- de Jean Hus , quoiqu'on y voye une relation allez
lutte Bulle. exa&edece qui fe paiïa à Rome en ce temps-ci aufujetde fon
affaire. Je n'en ai rien trouvé non plus dans les hiftoriens de
Bohême que j'ai pu confulter , comme ^Eneas Sylvius , Tkeobal-
dus , Dubrauski , Balbinus. Mais lî l'on en croit Jean Cocblèc au-
teur célèbre par fa paffion contre lesHuffites et les Luthériens ,
dès que cette Bulle fut arrivée en Bohême, elle ne manqua pas
d'être expofée à la cenfure & à la critique des Huffites. Par
exemple fur le mot de Concile général , qui y efl employé , ils di-
foient que ce n'étoit qu'un Concile angulaire , x'eft-à-dire , tenu
dans un coin, où les Prélats des divers Royaumes n'avoient
point affilié , n'y ayant eu que quelque peu deMoir/ês & deSi-
moniaques de la ville. Sur ce que les œuvres de Wiclef font ap-
pellées Opufcules , c'eft ainfi , difoient-ils , qu'il faut nommer les
Décretales des Papes, qui n'ont été compilées que pour foute-
nir le fafte du Pape ôc des Cardinaux 3 pendant que la loi de
Dieu eft mifeà l'écart. Ils foutenoient qu'on n'avoit pu encore
montrer une feule erreur dans tous les livres de Wiclef, quoi
qu'on en eût fouvent été défié. S'il y a des héréfïes dans ces livres,
difoient^ils,que le Pape les nomme & qu'il les fpecifie, autrement
il fe condamne lui-même (j). IL n'y a rien là que de fort confor-
Edatàejcut me au cara&ére des Huffites.
l^TieTT ^' *L eJ^ cercam d'ailleurs que ce fut cette année que Jean
Komft 4 H us fe déclara le plus hautement contre le Pape. On a vu qu'en
1403. il s'étoit oppofé aux Indulgences publiées par Boniface
lAT. étant autorifé à cette contradiction par Sigismond mécon-
tent de ce Pape. En 1409. il avoit réfuté la Bulle d'Alexandre V.
contre les Huffites , & depuis celle de Jean ATjri/7. contreGre-
(a) Op.H. apire XI 1. §L Ladiflas . Il paroît auffi par le Livre précédent (2)
Fol. j8p. b. x
rapporté les dernières paroles de cette Bulle portent, ne ut , ce qui ne fait point de fens ,
& qui eft une faute manifefte d'impreiïion. L'intention de la Bulle eft apparemment de dire,
ou , qu'après avoir oui le pour & le contre } fi Wiclef Ce trouve coupable d'Héréfîe , il fera
condamné même après fa mort ; ou,que fi au contraire il n« fe trouve pas coupable , on ne
condamne pas un homme après fa mort. C'eft le fens de l'édition de Labbe 3 qui, comme je
crois , eft fautive auffi,
(1) Quafuitt illa ? Nominailla. Aliàs quidem condemnas teipfum Papa, Cochl. ubi fupr:
( 2) On en a parlé par anticipation dans ce Livre-là , puifque la difpute ne put fc faire
«ju'eni4i2.
DE PISE Liv. VL ,j9
•que dans une Difpute publique , il avoir combattu la Bulle de
Jean JTXIII. qui ordonnoit une Croifade contre Zadijlas , & 141 2.
quiacordoitdes Indulgences à ceux qui voudroienr prendre les
armes pour fa querelle , ou contribuer indirectement , &; de quel-
que manière que ce fut , à foutenir cette fainte Guerre , comme il
Pappelloit. Cette difpute fut aflbupie pour, lors, mais elle fe ré-
veilla bientôt après j & ce fut cetse année même que Jean Hus
conipofa un Traité pour réfuter la Bulle en queftion. Ce Traité
porte j Queftion difputéepar Maître Jean Hus en 141 z. touchant les
Indulgences ^ou la Croifade du pape Jean XXIII, fulminée contre
JLadiflas Roi d'u4pulic ( de Naples ). Il efl important par plus
«d'une raifon de donner ici le précis de ces Bulles ,& de leur ré-
futation. LaCroifade de Jean ATATIII. contre Zadijlas étant une
iuitedu Concile de Pile quravoit excommunié ce Prince, elle ap-
partient naturellement à noftre Hiftoirc D'ailleurs , Jean Hus
efl un des premiers que je fâche qui ait refuté publiquement , &;
par des écrits exprès les Indulgences & les Croifades Papales.
Enlin on voit en Jean Mus un précurfeur de Zuther , & dans ces
Indulgences ,un prélude de la rupture qui arriva dans le fiecie
fuivant.
XII. Il y a dans les Oeuvres de Jean Hus deux Bulles à ce fu- wOaik
jet datées de Rome , l'une du 9. Septembre 3 l'autre du 2. De- Jean-
cembre de Tan 1411- l'une addreiïèeà tous les Chrétiens , Pau. ^LaSat»!
xre aux CommifTaires de cette Croifade , dans les Diocéfes de (a) op.
Pajjam , de Saltzjjourg, de Prague ,&de Magdebourg{a). Après îr*i-T-1-
les préambules ordinaires aux Papes dans leurs Bulles , 1. En cl'xxi.
•vertu de la fouveraine autorité que I)icu lui a donnée en terre } par CLXXIII,
une difpcnfation immuable \ incommutabiii ) fur tous les Potentats du
monde 3 afin de rendre la confît fion de Ladiflas <^ de fes adhérents
d * autant plus grande quelle fera plus publique 3il ordonne-» à tous
m Patriarches , Archevêques , Evêques , &: Prélats des Eglifes
>?> d'exécuter cette Bulle , auffitôt qu'ils l'auront reçue , fouspei-
'*> ne d'excommunication 3 ( ipfo fatto)&àe la faire publier dans
m leurs Eglifes tous les Dimanches & jours de Fêtes, au fon des
" Cloches , Cierges allumez , puis éteints , & jettez par terre , en
» publiant à haute voix que Zadijlas z. été , «5c eft excommunié
w comme Parjure , Schifmatique, Blasphémateur , Hérétique ,
" Relaps, fauteur d'Hérétiques, criminel de LezeMajefté, con-
juré contre PEglife, & contre fon fouverain Pontife , que com-
» me tel , lui de lès adhérents doivent être pourfuivis , & puni?
u6 HISTOIRE DU CONCILE
«tant par les peines ordonnées parle Droit, que par les peines*
«arbitraires (tamàjure quamab homine) jufqu'à ce qu'étant re~
X4I 2» ,5 venus à eux , ils reçoivent l'abfokition Toit de lui , fbit de fes fuc-
» cefleurs. i. Que s'ils ne font abfous à l'article de la mort par lui y
a ou par quelqu'un de fes fuccefTeurs , ils feront privez a perpé-
» tuité de la fépulture Eccleflaflique , et que s'ils lurvivent à cette
» abfolution , ils feront tenu$ de comparoître perfonnellemenc
>3 devant lui , ou fbn fuccefîeur pour en ordonner ce que la ju-
« ftice demandera ; faute de quoi , ils feront engagez dans l'ex-
»3 communication comme auparavant. A l'égard de ceux qui en-
treprendront de donner la fépulture Eccleflaflique à JLadiflas y
» & à [es complices , ils feront excommuniez & anathématifez 3
» jufqu'à ce qu'ils ayent déterré les corps de leurs propres mains y
» àc qu'ils les en ayent jettez loin , l'endroit où ils avoient été en*
» terrez demeurant profane à perpétuité (i). 55 3. Jean JlJTJII.
déclare de plus ,. que de l'avis de fes frères ( les Cardinaux ) 0"pdf
l'autorité Apoftolique- 3 cette Sentence & ce procès tiendra lieu.de- Con-
fiitution perpetueUç.
4. 55 Le Pape prie par l'afperflon du fang de J. C. tous les Env--
55 pereurs & Princes de la Chrétienté , tous les Prélats des Egli-
55 [qs , &; des Monafleres , toutes les Univerfîtez , & tous les par»
>5 ticuliers^/'a» 3 & de l'autre [exe , Ecclefialtiques, et Séculiers ,.
55 de quelque dignité , état , grade 3 condition qu'ils foient 3 Em-
55 pereurs , Rois, Reines , Cardinaux , de fe tenir prêts à pour-
53 fuivre , ôt à exterminer Ladijlas , & iès complices , pour la dé-
55 fenfe de l'état , de l'honneur de PEglife , ôt pour la flenne pro-
55 pre,leur promettant la remiffion de leurs péchez, à cette condi-
55 tion. 55 5. De là il paffe à un plus grand détail des grâces qu'il
attache à cette obéi&ance, déclarant qu'appuyé fur la mifericor-
de Divine 3 fur l'autorité de St. Pierre ,& de St. Faul^Sc en ver-
ru du pouvoir qu'il a reçu du Ciel de lier , et de délier , que tous
ceux qui prendront cette croix fa /«^//^obtiendront la remifliott
de leurs péchez après la contrition 2t la confeflîon, & une aug-
mentation de félicité dans la vie à venir • tout de même que le
Siège Apoftolique a coutume d'en accorder à ceux qui vont au
fecours de la Terre Sainte. Il promet les mêmes grâces tant à
ceux qui ne combattront pas en perfonne 3 mais qui envoye-
ront à leurs dépens , félon leurs facultez ôt leur condition ,des
perfonnes propres au combar, quand ils n'y demeureroient qu'un1
(1) Et nihikminui Iqchs ipfe perpétua tOfeOt Ecclejîafliça fepultura^
mois
DE PISE. Liv. VI. m
un mois 3 qu'à ceux qui feront employez par autrui, & il met les 141 2.
uns &. les autres avec leurs familles , £c leurs biens fous fa pro-
tection , &c fous celle de Sf. Pierre , commandant aux Diocéfains
de prendre leur défenfe , 6c de procéder par les cenfures Eccle-
iiafliques , même jufqu'à y employer le bras feculier , contre ceux
qui voudront molefter les Croifez dans leurs perlonnes}dans leurs
biens , &: dans leurs familles , fans fe mettre en peine d'aucun
appel , ( appellatione poftpojita ) & fans que ceux des autres Dio-
céfes puifîent les pourfuivre , pourvu qu'ils fè montrent prêts à
répondre dans le leur aux plaintes qui feront portées contre eux.
Ces mêmes grâces s'étendent à ceux qui mourront fans avoir pu
exécuter leur vœu, pourvu, qu'ils fe foient croifëz(i). La Bulle
addrefTée aux CommifTaires leur donne plein pouvoir de choifir
les Prédicateurs Se les Quêteurs les plus propres à ce métier , ôc
d'agir , à leur diferetion , félon les circonstances des tems , des
personnes, &: des lieux. Elle contient du refte les mêmes cho-
ies que la précédente. On y peut feulement remarquer ces dif-
férences.
1. Il y eft fait exprefTément mention RAnyslo Corario , ou au-
trement Grégoire JT/J. qu'on appelle^// de maie di El ion , Héréti-
que^ Schifmatique àcc. au lieu qu'il n'eft point du tout nommé dans
l'autre.
2. On y promet pleniere remiffion des péchez aux Prédica-
teurs de La Croifade, 6c auxQuêteurs qui s'employeront avec ef-
ficace à cette quête.
3. On y fufpend ou annulle l'effet de toutes les autres Indulgen-
ces générales , & particulières, accordées même par le Siège
Apoftolique (2). Après avoir donné le précis de ces Bulles , au-
tant qu'on a pu en comprendre la teneur ,il faut au fïï donner
quelque idée de la Réfutation de Jean Hus.
XIII. Elle commence par les proteftations fui vantes, r. De ne T TT
vouloir rien affirmer qui ne loit conforme a 1 Ecriture Sainte , & refuteUBuiu
d'être prêt à fe retrader , qui que ce foit qui lui prouve qu'il eft dti ïaPe-
dans l'erreur. 2. De n'avoir nulle intention de foutenir le parti
de Ladiflas , ni de Grégoire , 6c de leurs Sectateurs. 3. De ne
prétendre point s'oppofer à l'autorité que Dieu a donnée au
Pontife Romain 5 mais d'avoir feulement defïein de s'oppofer
(1) Datant Rom* apiid S. Petrum. 5. id. fej\ Pontifcatûs noftri ann. 2.
(1) Non ohftanlt aliqua indttlgtntta général/, vei ffeciali?rofej]oribtt!,fe» Fratribus OrctiniwîfetiRe*
li£ionum quorumUbet , ab tadem Sede fub quacunatte forma verborum conccjja.
Tom. II. Q^
in HISTOIRE DU CONCILE
14.12 * l'abus de cette autorité. Après ces proteftations il établit airs-
iî l'état de la queftion. -S/' félon l'Evangile il efi permis & ex.
pedient aux Chrétiens four l honneur de Dieu 3 le jalut du Peuple
& l'avantage du Royaume ( de Bohême ) , d'approuver les Bulles
du Pape 3 qui ordonnent une Qroifade contre Ladiflas Roi de Na.
pies , & contre [es complices. Selon la méthode de ce tems-là , qui
étoit de propofer le pour & le cqntre , c'eft-à-dire, l'affirmati-
ve , ou la négative de la queftion , il commence par établir
l'affirmative par ces raifons, premièrement par des paflages de
l'Ecriture fainte , tels que font Luc X. 16.011 Jefus-Chrift dit à
Ces Difciplcs , & à leurs Vicaires : Qui vous écoute il ni écoute , qui
vous rejette il me rejette-, Matthieu XVIII. 18 . Tout ce que vous lie*.
rez^y&cc. Marth. XVI. 19. où J.C. dit à Pierre , Je vous don-
nerai les Clefs du Royaume des deux , &c. ce qui ne peut pas
manquer de convenir au Pape , en qualité de fuccelîeur de
faint Pierre. Rom. XIII. oxxfaint Paul dit,. Qui refifte àlœPuifJan-
ce 3 refifte à l'ordre de Dieu. Secondement pour autorifer la Bulle
on allègue les Privilèges attribuez aux Êvêques de Rome dans
le nouveau Droit Canon , comme d'être les fouverains Inter-
prètes de la Loi de Jeiùs Chrift, & d'avoir tous les droits à fi
difpofition (1) , ce qui fait qu'il ne peut errer , quelque chofe
qu'il enfeigne & qu'il commandera que perfonne ne fçauroit
le contredire. Sur quoi Jean Mus allègue ces paroles & Etienne
Paletz^ Doyen de la Faculté Théologique de Prague -, JSFous Sa-
vons garde de rien attenter contre le Seigneur Apoftolique ( le Pa-
pe) ni contre fe s Lettres , nous nous garderons bien d'en juger ni de
rien définir contre elles. En troifïéme lieu , on allègue en faveur de
cette Croifade , l'approbation qui a été donnée depuis plufieurs
années à de telles Bulles par tout le Clergé fuperieur& fubal-
terne , Régulier &: Séculier. En quatrième lieu 3 on foûtient que
cette Coifade contre Ladiflas & Grégoire , tourne tellement au
maintien de TEgliiè Chrétienne , & au falut des âmes,, que ce fe-
roit une héréfie & une impieté de vouloir s'y oppoier.
De l'affirmative Jean Mus palîè à la négative pour laquelle
il fe détermine par c&s raifons. 1. Pour ce qui regarde la Croi-
fade ,il la trouve doublement criminelle. D'un côté parce qu'el-
le eft oppofée à la Charité Evangelique qui eft ennemie des ma£L
facres , des pilleries & des brigandages qui fe commettent
îous ce pieux prétexte, & de l'autre } parce qu'elle eft ordonnée
(î) Habens wniaJHrawfwniopittorisfuù
DE PISE. Lrv. VI 113
à des Chrétiens 3 contre des Chrétiens. C'eft ce qui lui donne
occafion de repréfenter fortement les horribles fuites de la f4I2J
o-uerre. il convient qu'il appartient aux Prince* Séculiers de la
faire ; mais en même. temps , il leur propose des règles 6c des
maximes de modération èc d'équité , qu'il feroit à fouhaiter
qu'ils fuiviilent, quand ils fe trouvent réduits à la dure neceffi-
té d'une guerre. Mais il foutient qu'elle n'eu: point permife , ni
aux Papes ni aux Evêques , ni à quelque Eccleflaftique que ce
foit, fur tout pour des intérêts temporels. C'eft ce qu'il prou-
ve par l'autorité , èc par l'exemple de jESus^CH.RisT,des Apô-
tres & des premiers Chrétiens. Car , s'il ne fut pas -permis , dit-
il , aux Dijciples de Jefus-C'hrifi de prendre Fépée pour le défendre ,
lui qui étoit le Chef de C Eglifc 3 contre ceux qui vouloient fe faijir
de lui3 &/î Saint Pierre lui-même , qui étoit fon premier Vicaire ,
en fut fevèrement repris S à, plus forte rai fon ne fera -t. il point permis
à un Evèque de déclarer & de faire la guerre , foit en perfonne 3
foit , commue s'expriment quelques Gloffateurs (i) , dans la perfonne
de l'Eglife , pour une domination temporelle , & pour des nehefes
mondaines. Comme il y avoit long-temps que les Papes étoient
en pofleflïon d'agir en Princes iéculiers pour le maintien de
leurs intérêts, il allègue de très beaux paflages de Saint Ambroi-
fe j de Saint ferbme3 de Saint Augufiin , de saint Grégoire , de St.
Bernard contre cet abus.
Il répond enfuite aux raifons qu'on allègue pour défendre
cette humeur belliqueufe qui s'étoit emparée des Papes. Unede
leurs principales raifons eft tirée des deux Glaives dont il eft
parlé Luc XXII. 36.38. Ils ont prétendu que par-là Jefus Chrifl
avoit accordé l'ufage du Glaive fpirituel 3 & du Glaive temporel
à fon Eglife , &; parconfèquent aux Papes qui en font iesChefs vi.
CiblesMaisJeanHus nie la confequence par rapportauPape &aux
Ecclefîaftiques, par les raifons qu'on vient d'alléguer, & par ces
paroles mémorables de Saint Bernard à Eugène III. Vous dom-
pterez^les Loups , mais vous ne dominerez^pas fur les brebis j elles
vous ont été données pour les paître ^non pour les opprimer. Si vous
avez^le .cœur faintement ému , fervez^vous auffî de votre langue 3
& de votre main, & armez^-vous de votre épée quiefi l'épée del'Ef.
prit , favoir la Parole de Dieu. Il foutient donc que l'ufage du
double Glaive appartient à Y Eglife univerfelle , parce qu'elle eft
compofée de tous les ridelles , où font compris les Séculiers.
(-î) Utglofaot quidam.
QJJ
1,112.
i24 HISTOIRE DU CONCILE
Or j dit-il y comme les Séculiers 3 à qui le feul glaive temporel con~
vient 3ne doiventpas entreprendre de manier le glaive fpirituehde même
les Ecclefiafiiqucs conteras du glaive fpirituel ne doivent point fe fer -
virdu temporel. Car > continue t-il ; fi un homme qui a contribue h
la monde quelqu'un par voye d'infinuation feulement , fût. ce un mal-
faiteur , ne peut être admis aux Ordres fierez^, fans difpenfe , t*efi
une bien plus grande irrégularité à un prêtre déjà reçu , de tuer des
hommes [oit par lui-même , foitparlcs autres. Pour prouver cette
thefe, il allègue l'autorité de Saint Paul qui au Chapitre XIII.
de fonEpître aux Romains met l'épée entre les mains des ma*
giftrats Séculiers, pour punir les malfaiteurs, ce qui au Chap.
VI. de fa lettre aux Ephefiens ordonne à ces fidèles de prendre
Tépée de 1 Efprit , pour refifter aux tentations du Démon. Après
avoir applique ces principes aux Papes , il finit cet article par ces
paroles : Plut à Dieu qu'imitant les Apôtres qui confulterent Je fus-
Chrifi lorsqu'ils vouloient le venger des outrages des Samaritains ,
plia a Dieu que le Pape , & fes Cardinaux euffent dit à Jefus-Chrifti
Seigneur , fi vous voulez^, nous animerons tout le monde , hommes ,
& femmes , à la dejlruïlion de Ladiflas , de Grégoire , & de-
leurs complices : il leur aur oit fans doute répondu comme il fit à fes
Apôtres.
Sur ce que quelques uns obje&oient que ces maximes de pa-
tience 6c de modération dans les adverfîtez , 6c cette obliga-
tion à ne fe fervir que de la prière 6c du glaive fpirituel , pour
s'en tirer, ne font que des confie ils pour les parfaits , il répond
que toutes les fois que la Glofe du Droit Canon établit ces princi-
pes > elles les étend aux Prêtres 3 parce qu'ils doivent fe maintenir
dans un état de perfection en qualité de ficaires des A poires. Mais
il prétend que le Pape efl plus étroitement engagé que tous
les autres au plus haut degré de la perfection ,à l'imitation de
Jefus-Chrifl &. de faint Pierre. D'où il conclut que fi ladéfen-
ie de faire la guerre pour des intérêts temporels, peut être re-
gardée comme un confeil à l'égard du commun des Chrétiens,
elle detit être regardée comme un précepte à l'égard desEccle-
fiaftiques. Il ajoute à cela que les Prêtres ne doivent point pré-
tendre caufe d'ignorance à cet égard , puifqu'étant les Docteurs
de l'Eglife 3 l'ignorance dans l'Ecriture efl en eux un double
crime & par rapport à eux-mêmes , 6c par rapport à leurs Peu-
ples, félon le Droit Canon , qui dit , que Y Ignorance efr une mar-
que exprefie iï infidélité , parce qu'ignorer l'Ecriture 5 c'efl ignorer
DE PISE Liv. Vî. ; t$f
Jefus-Cbrift. Il ne difpenfe pas même les Laïques dé fçavoir
que les Prêtres ne .doivent point faire la guerre. Lors t, dit-il , 1412-
qu'ils voient les prêtres afjijler aux fpecta clés , fjp f langes^ dans lu
mondanité & dans les affaires du fiecle 3 ils en murmurent , parce
qu'ils fçavent bien qu'autrefois il n'en était pas an: fi. Il leur fer oit
encore plus aifé de comprendre que la guerre risfi pas dît car ail en .
des Prêtres 3 & des Minijlres de ï Evangile.
Jean H us ne trouve pas moins -d abus dans les Indulgences
attachées aux Croifades, que dans les Croiiades mêmes. Vil re-
garde les Croiiades comme une inhumanité anti-Chrétienne \ il
énvifage les Indulgences comme une profanation: impie de l&
grâce Evangélique. Ce qu'il dit là-deilusfe réduit à deux Chef*
principaux. ï. Qu'il n'y a que Dieu qui ait le pouvoir de pardon-
ner les péchez , &: de remettre abiolument la coulpe .,. & par
conséquent la peine , parce qu'il n'y a que lui qui connoiiîè le
cœur , Se qui fçache iî le pénitent eft véritablement converti.
2. Que les Prêtres peuvent bien en qualité de Miniftres de Dieu
ab(oudre de la peine , & de la coulpe , mais non pas abiolument ,
puilque la remilîion des péchez dépend de la converfion du pé-
cheur, dont le Prêtre ne peut s'allumer que par un jugement de
charité , à moins qu'il n'en ait une révélation. D'où il luit t
qu'il ne peut accorder le pardon des péchez que pour autant
de tems que la repentance durera, & non pour un tems limité,,
ce qu'il ne (cauroit fçavoir fans une révélation particulière,, qui
.lui apprenne que le pécheur fe trouve en état,. s'il mouroit ,
d'aller droit à la patrie , fans palier par le Purgatoire , quodfta-
tim decedens fine pœnà Purq^atoru ad Patriampervcnirent (i ). Ces
principes lui paroiflent fi importans à la Foi Catholique , qu'il
croit les Prélats obligez indifpenfablement à en inibuire les
âmes confiées à leurs foins ,, de peur que les {impies occupez
par des dévotions moins utiles , ne foient diitraits de l'eilèn-
tiel , qui eft la contrition ^ & la perféverance dans la pieté.
Après avoir ainlî expliqué fes fentirnens touchant.les Croi-
fades , Ôi les Indulgences , il répond aux principales raifons
1
(i) Sacerdotes Clvifti habent poteftatem abfolvendi fttbditos a peinâ o* cuïpâ vere pjxnhentes . . g
nontamen debent ahfolvere lubhàc femà ni fpecialher fuerit revelatttm . . • Foret nimia pr^fum-
ftioalicjuemO>riflr iSicarium abiolutionemtalem pr .tendere , iv.fihoc Deus fîbi.revelaverit facien-
dum . . . ideoforet (lulîitia Sacerdotem cui non (îc revelatio, dejinere quod pœnitentia ,vel aliud
Sacramentum fttfcipienti proderit ad lalutem. Unde fapientes Sacerdotes non njjèrunt fimplkiter quoâ
gonfitensjît a peccatis tolutus 9fe"d fub condhione ifla {{ dolct^O'c..., Sncer dotes Ghrifti non habent
fotejlatw dmaadi indulgentias fecmdum ^uantitatem \emptriis nifi eis fpeçùtliter fuerit revtUturn,
n6 HISTOIRE DU CONCILE
qu'on allègue pour prouver que les unes & les autres font le-
14,12. gidmes ^ & qu'il faut obéir aux Bulies des Papes à leur égard.
La première raiion eft tirée des paffages alléguez eu mar-
(a) Luc.x. ge (a). Pour répondre au premier pailàge 3 Qui vous écoute è
16. Matth. il m* écoute ^ qui vous rejette 3il me rejette , 1. il avoue le principe
xviii7i8. appliqué aux Apôtres , mais il en nie la conséquence , &l'ap.
Rom. xiii. pîication par rapport aux Papes. 2. Il u/e d'une diftincHon qui
ne fçauroit être cunteftée. C'eft qu'il y a de vrais & de faux
Difciples de Jefus Chrift , virtuofi&vuiofï: les vrais font ceux
qui fuivent fon exemple , &; qui n'enfeignent que fa doctrine :
les faux font ceux qui font le contraire. Comme , dit il, c'eft un
devoir indifpenfable d'écouter les premiers , ce n'en efl pus un moins
indifpen fable de rejetter les derniers , .& il prouve l'un & l'autre
pzrHebr. XIII. 7. 17. & Galat. I. 8. 9. & par l'autorité àz faint
Bernard , qui traite de Difciples de \' Ante.Chrift 3 ceux qui enfèi^
gnent une doctrine contraire à celle de Jefus Chrift. Il allègue
encore ces paroles de Jaint Jfidore -ySi celui qui préjîde fait & or-
donne défaire quelque chofe que Jefus-Chrift ait défendu , ou s'il
viole .& ordonne de tranfgrefer ce que Jefus-Chrift a commandé 3 il
faut luioppoftr la fentence de faint Paul 3 qu'il foi t ana thème , &c.
Puis donc 3 conclut il delà , que le Pape ne fc aurait montrer que
Dieu veuille que tous les Chrétiens prennent les armes pour dèpouiL
1er ,.& pourmafacrer les Chrétiens qui font fous la domination de Lâ-
diflas , comment pourroit- on obéir à un commandement fi pernicieux,
0* fi cruel ?
À l'égard du fécond pafïage , Matth. XVIII. il ne nie pas que
le Privilège de pouvoir lier & délier fur la terre , n'appartienne
aux vrais Succefleurs des Apôtres 3 c'eft-à-dire ,i ceux qui dé-
pouillant toute affection humaine, ne lient, & ne délient que
conformément à la Loi de Jefus- Chrift. Z'abfolution de Jejus-
Chrift , dit-il , doit précéder celle du Prêtre félon l'ordre du tems , £7-
de la nature ^c'eft-à-dire ,que dans fufage des Clefs , il faut que
le Prêtre qui abfout , ou qui condamne , puifïè s'aiïurer qu'il s'a-
git d'un cas où Jefus- Chrift a déjà lui-même abfous 3 ou con-
(b) fe** damné ^ ce qui eft prouvé par plufieurs palfages de l'Ecriture (b),
xv' r & par le témoignage de faint Auyiftin , qui dit qu'un Prêtre ne
zlcZ'.ilï. doit Pas s'iinaginçr , que tous ceux qu'il a liez , ou déliez , le
foient en effet , mais feulement ceux qu'il a condamnez ,.ou ab-
fous fuivant l'ordre de Jefus-Chrift. Ce que ce Docfeur mon-
tre par l'emblème ingénieux de Lazare ;, que Jefus- Chrift ne don-
.
DE PISE Liv. VI. 127
fia à délier à fes Difciples qu'après l'avoir reiïufcité (a). Jean Jt,ltt
Hm fè fert de la même réponie pour expliquer les paroles de
Jefus.Chrift à Saint Pierre , Je vous donnerai- les Clefs du reyau- (a)AnSuJ}-
medesCieux.C'eR.-à. dire, que ce pouvoir eft limité & condition- p.^.F.c!
nel , & qu'il fnppofe un bon ufage des Clefs, condition dont il ubijupr,
prétend que faint pierre lui- même n'étoit pas difpenfé (i).D'où
il conclut en ces termes : Comment efl-ilpcjjible que d^s Prêtres
iqnorans , concubinaires , avares , qui mettant le prix aux Indulgen-
ces 'félon l'ordre des Com?nift aires 3 accordent à pauvres ^&à riches ,
la remiffion de la eoulpe & de la peine , au gré de F avarice , ejr/ui-
vant La Bulle qui veut qu'on mefure la quantité y félon la qualité
des personnes /On cite là-deflus de très-beaux paflages de faim
AugufHn , 6c de faint Grégoire (b). Ce dernier enfeigne que ce- ^
lui qui accorde le pardon des péchez^, félon fes paJJipns , & non fui- Hom. uZ°
vant l'état du pénitent yfe prive lui-même du pouvoir de lier 3 & de ubi.fupr,
délier. Ce n'eft pas , dit faint Atigufiin , à des ravifleurs , ôc à des
ufuriers que Jefus-Chrift a dit 3 ceux à qui vous remettre^ &c.
Il applique tout ceci auxPapes,aux Commiiîàires^&aux Quê-
teurs des Indulgences, lefquels il appelle fans balancer les Dif-
ciples de l' Ante-Chrifi.W foutienten mêmetems qu'il ne fe trou-
vera pas que dans l'Ecriture aucun des Saints ait dit , je vous
-pardonne vos péche^ je vous ab fous , ni qu'aucun d'eux ait don-
né des Indulgences de la peine 6c de la eoulpe pour un cer-
tain nombre d'années, ou de jours, J'ai recherché , dit il , & je
fuis encore à rechercher > fi- quelqu'un des Saints a donné des Indul-
gences , & je n'en trouve point. « Auiîi nos Docteurs qui mettent
» dans leur Article que les Saints Pères ont ïnltitué depuis cent
| ans les pardons de la peine , & de la eoulpe , n'ont-ils pas ofé
»3 dire, depuis mille ans, depuis trois mille, depuis deux mille.
'3 Ils n'ont pas non plus ofé nommer aucun des Pères qui aitin-
»j ftitué 6c publié des Indulgences , parce qu'ils en ignorent
» l'origine. D'où vient donc que des Indulgences fi falutaires aux
» hommes ont été enfevelies pendant plus de cent ans, dans un
o fi profond iommeil? La raifonen eft peut-être que dans ce tems
j là , 1 avarice n'étoit pas parvenue à fon comble.
(i)Omnii poteftasconceffaVct.ro> vel ej'tts fkarir limitât a eft -, quoi humiliter , & cenformi-
«r pareat Deo , ex cujus couformitate capit de tanto virtutem 5. ey-ab ejtts deformitale capit tant pr&-
wjitus quam fubjeélus feduclionem. Et hac eft ratio , quare Petttis,^ dit infpirati divinitm non ma-
rnificarunt poteftatemfuam ultra limites , quos Deus inflituit , jedpr/ecife adtanlumfoherunt vel //-
raventnt ad quantum dofli funt Deum folvere vel ligare. In ambiguis vero-vel tacuertwt j vtl
londiùonemjetundum quant oporttt S>enm prinçipalher folvere 3 exprefferunt*-
I4Ï2.
i>S 'HISTOIRE DU CONCILE
11 ne fe tire pas moins aifément du pafîàge Rom.Xlll. i. Qui
réfifie aux Puifjances ré/ïfie à l'ordre de Dieu. Il dit là-defTus , que
Dieu pour exercer les bons 3 ôc punir les médians permet que
les Tyrans abufent de leur pouvoir1, quoiqu'il n'approuve pas
leur tyrannie 5 mais qu'il ne s'enfuit pas delà , qu'il faille leur
obé'ir dans des ordres contraires à fa volonté , les Rois n'étanc
établis de Dieu que pour ordonner ce quiefl jufie. Proverb. VIII.
ij. C'eft pourquoi il diftingue entre une puifTance légitime & ré-
glée fur la Loi de Dieu , & une puifTance ufurpée par la per-
•million divine ,& prétendue fous de faux prétextes. De ce der-
nier ordre, dit-il, eft la puifTance du démon , à laquelle il eft
non feulement permis 3 mais néceflaire de refifter. Il fait l'ap-
plication de cette diftinction au Pape. Si le Pape > dit-il , ufc
de fa puiflance félon l'ordre de Dieu , on ne peut refifter au Pa-
pe fans refifter à l'ordre de Dieu. Mais il n'en eft pas de même ,
iï le Pape abufe de (on pouvoir \ en faifant , ou en commandant
des ciiofes contraires à la Loi Divine. Alors refifter au Pase , ce
•n'eft pas refifter aux ordres Divins , c'eft s'oppofer à des defor-
dres&à des abus , comme on doit s'oppofer à la puifTance du
Cheval $ aie , du Dragon , de la Bctc £c du Zeviatan.
Il répond enfuite aux' raifbns tirées dés Privilèges des Papes ,
félonie nouveau Droit Canon. D'abord il fondent que c'eft J. C.
qiu' eft le Souverain Interprète de fa Loi , en vertu de cette
promeflej Je ferai avec vous jufqu'iï la fin des Siècles. Il prouve
enfuite que le Pape ne fauroit être le fouverain Interprête de
- la Loi dej. C. par ce qù'unPape peut être.fort ignorant , comme
ii prétend le montrer , à mon avis allez mal à propos , par l'exem-
ple de Cov.fiantin II. qui étoit Laïque , & qui par cette rai fou
fut depofé (i) ,par celui de Grégoire (VI) qui,, félon lui , étoii- fi
ignorant , qu'il s'rfffocia un autre Pape ^ ce qui ayant déplu au peu-
ple , on en établit un- troifiéme } & tous les trois furent depofez^ par
ll 'Empereur Henri (\ rIj (1). -Il allègue contre l'infaillibilité du Pa-
pe , les exemples tirez de St. Pierre à qui St. Pauli'éûîïa, en face,
& d.e-s'-Papes Hérétiques. & dépofez pour héréfle , comme on
fait dans l'Eglife Gallicane , &■ parmi les Théologiens non Ul-
( 1 ) Cet exemple ne conyient^pa1» 5 d'un -côté, parce que ceConflaniinn. été toujours
regardé coia.-.e un Anti -Pape , de Tatitre , parce qu'on peut être Laïque & n'être pas
ignorant. .
(1) La vérité de i'Hiftoire eft qu'il y avoit alors trois Anti-Papes , Benoît IX. Syk-efîse III.
Grégoire y I. qui acheta le Pontificat de Benoit IX- franc. Pagi,£/w. Rom. Putuif, T. lî. p.
* tramontains
D E P ISE. L i v. VI. n9
tramontains. Contre l'argument tiré de la multitude des gens ,
qui ont approuvé les Indulgences & les Croifades, il propofë les '412,
raifons , que le bon fens di&e contre un pareil argument , qui ne
prouve rien , parce qu'il prouve trop , éc dont les conféquences
îontpernicieufes. Sur ce qui eft dit dans la Bulle, que la Croû
iade contre Zadijlas , tend à la protection de ly£glife , &; au falut
des âmes , voici comme il s'explique. » Le Royaume de Naples
n mis à l'interdit , par la Bulle 3 efl un R oyaume Chrétien , & il
» fait parconfequent partie de l'Eglife Chrétienne , à prendre
jî l'Eglife pour l' Aflemblée de tous les Chrétiens , vrais , ou faux,
» parfaits ou imparfaits. La Croifade en ordonnant d extermi-
55 ner ce Royaume , & d'y mettre tout à feu & à fang , ne fauroic
55 donc par cette voye protéger une partie de l'Eglife, qu'en dé-
55 truifant l'autre. Il faut d'ailleurs , continue- t- il , ou que J. C.
55 ait été un imprudent , lorsqu'il a empêché St. Pierre , de frap-
55per de l'épée pour le défendre contre ceux qui attentoient
?5 à fa vie > ou que la Dignité Papale vaille mieux que la vie de
55 J. C. puifque pour conferver cette Dignité , Jean JC JT I I I.
55 veut allumer le flambeau de la guerre. '5 D'où il conclut, que
bien loin que la Croifade puifle contribuer au falut des âmes ,
jc'eftau contraire y travailler que de prendre l'épée de l'efprit,
pour la combattre. Cefi là , dit- il , une guerre Spirituelle que doi-
vent entreprendre tous les Ecclefiafliques , contre les Soldats de £ An-
te-Cbriftpour éviter la malediclion prononcée par Jeremie XLVIII.
io. contre ceux qui empêchent l'épée de répandre le fang. Il fe plaint
que cette épée fpirituelle fe rouille dans le foureau de trois for-
tes de gens , favoir i. des fimples , qui croyent devoir obéïr
aveuglement aux Papes ; i. des gens indifferens , qui , pourvu
qu'ils jouilîent tranquillement des bénéfices des bulles du Pape ,
ne fe mettent pas en peine, s'il commande bien, ou mal ^3. d'un
grand nombre de Théologiens habiles , qui dans le particulier
parlent tout autrement de la Bulle qu'en public, de peur de per-
dre leurs Bénéfices.
Quant à la crainte de l'excommunication '3 dont les contre-
difantsfont menacez 3 il ne fait nulle difficulté de traiter cette
crainte de terreur panique , parce qu'il s'agit d'une excommu-
nication injufte qu'on ne doit pas redouter aux dépens de ion
devoir. Il n'oublie pas ici tous ces endroits de l'Ecriture , où.
J. C. prédit à les Apôtres , qu'ils feront chaflez des Sygnago-
gues , & où il les exhorte à ne pas fe mettre en peine , de ce?
Tome II. R.
i3b HISTOIRE DU CONCILE
excommunications , &. à craindre non ceux qui n'ont de pou.
J412* vojr que fur ja vie préfente, mais celui qui peut perdre éternel-
lement l'ame , &le corps dans la gêne. // vaut mieux , dit il .
fouffrir une excommunication injufte que de recevo ir une abfolution
feinte de la coulpe & de la -peine. Celui-là fera plutôt abfous de la
peine , & de la coulpe , en fouffrant la malédiction , ^ ^j opprobre s >
jufques h la mort 3 pour la caufe de Jefus-Chrifl 5 &pour obtenir la
félicité éternelle , ^«^ r^/«/ qui perfecute Les Chrétiens dans une eau-
fedouteufe , comme celle du Pontificat de Jean A JTIJJ. laquelle
il veut fuùteniv par les armes contre les maximes de l' Evangile. En-
fin il regarde comme une maxime de l'Ante-Chrift celles des
Decretiftes , qui pofe qu'on ne doit ni contredire , ni interpré-
ter les Bulles du Pape. C'efi y dit-il ,une chofe bien étrange , qu'il
foit permis aux Chrétiens d'interpréter la Loi de 'J 'efus-Chri(t \ qu'on
ne puijfe pas interpréter les Bulles du Pape. Ils ont bonne grâce d'al-
léguer cette raifon , eux qui confument tout leur tems à expliquer
les Decretales des Papes , qui n'ont pour fondement que leurs Bul-
les. Enfin il finit cette réfutation en difant qu'on ne doit pas
fe laiffer effrayer par les dernières paroles de la Bulle ,qui por-
te j Que fi quelqu'un entreprend de contredire cette Bulle ^ il encour-
ra l'indignation du Dieu tout-puiffant & des bienheureux Apbtresy
faim Pierre & faim Paul , parce que Jeius-Chrift devant caf.
fer un jour tout ce quieft contraire à l'Evangile , c'eft aux Chré-
tiens à bien examiner les Bulles des Papes , à s'y foumettre fi
elles font conformes à la Loi de Jefus. Chriit 3 à y refifter iî elles
y font contraires.
Après avoir refuté les Indulgences &: la Croifade , Jean
Irîus paflè à Texamen de la manière dont le Pape ordonne l'un
& l'autre. Il trouve fort mauvais que la Bulle damne Ladiflas
jufqu'à la troifiéme génération contre ce que Dieu dit E^echiel
XVIII. que le fils ne portera pas les iniquitez^'du père. Il nefeauroit
fouffrir 3 non plus que Ladiflas & fes adhérens ,foient menacez
d'être punis comme hérétiques fans avoir été convaincus d'hé-
réfîe , & fur tout que l'on traite de cette manière de pauvres
gens , hommes &. femmes , qui ne font pas en pouvoir de dé-
iobéïr iZadiJlas. Il tire une conféquence terrible de l'Anathê-
me , que la Bulle prononce contre ceux qui donneront la Sé-
pulture EccleiîalHque à Ladijlas , &àfes complices., jufqu'à ce
qu'ils ayent déterré le corps de leurs propres mains. Cette con-
féquence efl qu'un homme qui mourroit avant que d'avoir dé-
DE PISE. Liv. VI. 131
terré ces corps feroic damné éternellement. Que feront, die il,
ironiquement ,les manchots 6c les impotens , qui ne feront pas I412,
en état d'obéir à cet ordre/ Il tire une autre conféquence de
ce que porte la Bulle que l'endroit dans lequel le corps de
Zadiflas , ou celui de quelqu'un de fes complices > aura été en-
terré , demeurera prqfane à perpétuité. C'eft que , comme il
pourroit arriver qu'on auroit donné la Sépulture Ecclefiafli-
que à ces prétendus coupables en plufieurs Cloîtres & Cime-
tières du Royaume de Naples ,il s'enfuivroit de là que tous les
Cloîtres & toutes lesEglifes de ce Royaume- là pourroient de-
venir profanes. Il ne balance pas à traiter de Simonie le par-
don des péchez qui eft. accordé à ceux qui contribueront de
leur argent à cette Croifade , parce que la remiflion des péchez
efb un don du Saint-Efprit , qu'on ne doit point acheter par ar-
gent , à l'exemple de Simon. Tout cet Article efl appuyé deplu-
lieurs témoignages des Pères.
A l'égard delaclaufe qui porte fufpenfion ou anéantiflement
de toutes les Indulgences 3 accordées par les autres Papes , ôc
même émanées du Siège Apoflolique , à moins qu'elles ne foient
fpecialement exprimées dans la dernière Bulle, Jean Mus fait
voir que cette claufe n'eft inférée que pour trafiquer plus d'ar-
gent^ qu'elle efl au préjudice des Indulgences accordées par
Alexandre f^.ion prédeceflèur pour cinq ans qui n'étoient pas en-
core écoulez t& fie indulgentiœ Alexandri Papœ de plena remiffione
feccatorumufque ad quinque annos qui nondum funt elapfi \funtab-
jeîla. Mirabile eft quod una remifjîo peccatorum aliam non admittit ,
cun\ verum vero confonat 3 & bonum ejufdem generis compatitur fe
cum alio 3 forte colleciio pecuniœ impedivit , & plané ira ejl 3 quia
diverjïvolunt eandem pecuniam colligere .... Signum magnum eft 3
quod nonfîntverœ Indulgentiœ , fed fi'clitiœ & ex avaritia fabrica- .
tœ. Cette fufpenfion des anciennes Indulgences fut un des Griefs
de la Nation Germanique environ cent ans après (1). Jean Mus
ne fait pas plus de quartier au Formulaire d'abfolution donné
par les Commiflaires du Pape. Ce Formulaire porte entre au-
tres chofes 3 Par P Autorité Apoflolique quirrCa été donnée , je vous
abfous de tous les pèchez^dont vous aurez^fait la confefjîon a. Dietc
& à moi , ($* dont vous ferez^contrit. Que fi vous nepouvezj?as le faire
perfonnellement. 3 & que vous vouliez^ vous en rapporter à Gordon»
(1) Gravamina Naiionîs Gttmaniç* infafeicul» rerum éxfetendarum,
Rij
î3i HISTOIRE DUCONCILE
nancc , protection & fecours des Commijlaires & de moi , je vous don-
' * ' ne & je vous accorde la pleine remiffion de tous vos péchez^, tant de
la peine , que de la coulpe ^au no?n du Père , du Fils & du St. Lfprit.
Il regarde cette forte d'abfolution _, comme un pa&e entière-
ment fîmoniaque. Ilinfifte extrêmement fur l'iniufifance de la
Confeffionêtdela Contrition pour obtenir la remiffion des pé-
chez par cette maxime de St. Auçuftin , que le péché n'eft point
pardonné à un voleur,s'ilnereftitue (2). D'où il fuit que la Con-
trition qui n'opère pas la reftitution eft faillie & que pour don-
ner pleinement la remiffion des péchez , il faudroit que les Con-
fefleurs connulTent l'intérieur des pénitens. Ce qu'ils ne peuvent
faire fans une révélation. Pour montrer l'impiété de Pabfolu-
tion donnée (î légèrement , pourvu qu'on veuille contribuer à
la Croifadeit fuppofe deux hommes en ces deux différents cas.
L'un a été un fcélérat achevé pendant toute fa vie , mais pour-
vu qu'il donne de l'argent , il obtient la remiffion de la peine &
de la coulpe avec une très- légère contrition. L'autre efb un hom-
me de bien , qui pendant toute fa vie n'a jamais commis que des
péchez véniels , mais s'il ne donne rien , il n'aura point de par-
don ni pour la peine ni pour la coulpe. Or félon la Bulle fi ces
deux hommes viennent à mourir , le premier ira tout droit à la
patrie , fans pafTer par les peines du Purgatoire } au lieu que l'au-
tre ne pourra parvenir au Ciel qu'en pafTant par ces peines là.
Il ne juge pas à propos de palïer légèrement fur l'article du
Purgatoire , parce que c'eft un Article fort important au Clergé.
Suppofé , dit-il , les Indulgences que les Papes donnent pour la
peine 2c pour la coulpe , il s'enfuit delà qu'ils peuvent détruire
le Purgatoire ,puifqu'ils n'ont qu'à abfoudre qui ils veulent de
la peine & de la coulpe à l'article de la mort, pour autant d'an*
nées qu'il leur plait. » Et alors , ditJl ■ il n'y aura plus de Vigi-
>3 les ., de Méfies pour les morts , d'obîations , de larges Aumô-
53 nés , d'Anniverfaires , de Commémorations des Saints , on ne
» dotera plus de Chapelle , on ne bâtira plus de Cloître 6c d'Aii-
53 tels. Que fi l'on dit , ajouce cil 3 que le Pape n'a le pouvoir de
33 donner de telles Indulgences que pour des caufes raifonna-
33 blés , comme quand on lui fait la guerre ou quand il a befoin
33 d'argent, il s'enfuit de là que les fidèles doivent prier qu'on
(1) Non remittitur peccatum , wfi rejlituatur ablaium. Auguft. Ofer. T. II. Epift. CLIIL-
£>E ÏMSÈ. Lxv. VI. i}3
a faite ia guerre au Pape , ou qu'il aie befoin d'argent , puifqu'a-
» lors il ouvre cous les tréfors de l'Eglifè. l%t *
Ce fut à i'occaiion de cette Croifa de de Jean J^JCIU, qu'ar-
riva à Prague un événement tragique qui eft raconté à peu prés
de la même manière par tous les Auteurs Proteftants &, Catho-
liques. On dit donc que les Huffires afîemblez un jour dans un
cabaret , s'engagèrent par ferment à aller dans toutes les Eglifes
rompre en vifïere aux Prêtres qui publieroient les Indulgences.
Pour arrêter l'émeute que les Magiftrats craignoient de cette
conjuration , le Re&eur de l'Univerfité envoya chercher Jean
Jrius 3 &; Jérôme de Prague 3 pour les prier inftamment 6c par l'in-
térêt de leur propre vie qu'ils expofoient à un danger manifelte
de prévenir la fedition & le carnage qui ne pouvoient manquer
d'arriver à cette occafîon. Ils promirent tous deux, non de ne
pas s'oppofer aux Indulgences , mais de s'y prendre avec plus de
modération qu'ils n'avoient réfolu auparavant. Cependant , le
Dimanche fuivant , un Prédicateur de la Croifade ayant décla-
mé contre Jean Hus ^ dans TEglife du Château 3 un Cordonnier
Polonois 3 nommé Stanijlas Pafiec , lui donna un démenti à la fa-
ce de l'Eglifè ^ le Polonois fut auflî tôt mis en prifon dans le Pa-
lais delà vieille Ville. Dans une autre Eglife où le Prédicateur
prêchoit fur le même ton, un nommé Martin Krfchidefco die
tout haut , que puifque le Pape ordonnoit de répandre le Sang Chré-
tien par une Croifade ilfalloit bien qu'il fut l* Ante -Chrijï . Il fut
au{îi-tôt conduit dans la même prifon. Un troifiéme , nommé
Jean Hudec , ayant chanté pouilie à un Moine qui iignaloit auffi
fon zélé pour la Croifade, fut tout de même emmené prison-
nier. Là-deiïus Jean Husàlz tête d'un grand nombre d'Ecoliers
alla au Palais pour demander l'élargifTement , &; la grâce de ces
prifonniers. Un des Sénateurs lui fit cette réponfe de la part de
tout le Corps. » Cher Maître Jean > nous fommes fort étonnez
«tous, quevous vouliez allumer un feu où vous courez rifque d'ê-
>> trebrûlé vous. même.Nous croyions que votre animofitéauroit
«été aflbuvie paria perte irréparable que vous avez caufée à
» toute la Bohême 3 en détaillant l'Univerfité 3 par la difperfion
»d'un iî grand nombre d'Etudiants. Cependant vous deman-
» dez encore la grâce de ces feditieux , qui fè font liguez contre
« les Prêtres. 11 nous eft fort dur de pardonner à des gens qui
h n'épargnent pas même le Sanctuaire , qui remplirent la Ville
»de tumulte ,& qui , fi on les laifîe faire , pourront faire ruiife.
Riij
i34 HISTOIRE DU CONCILE
5) 1er le fang dans toutes les rues. Allez-vous-en néanmoins en.
I*I2i m paix avec vos Ecoliers , êc vous éprouverez au premier jour
js qu'on a eu égard à votre interceffion. « Hus content d'une
audience il favorable en apparence , publia partout , au grand
contentement des citoyens, qu'il avoit obtenu la grâce des pri-
fonniers. Mais il fe trouva que le Sénat ne lui avoit donné de fi
belles paroles que pour l'amufer 5 car il ne fut pas plutôt parti ,
qu'on envoya chercher clandeflinement un bourreau , qui cou-
pa la tête à ces trois hommes. L'exécution ne pût demeurer ca-
chée, parce que le fang des décapitez couloir dans la rue. Il s'ex-
cita un furieux tumulte dans la Ville à cette occafion j on alla
en foule enlever ces corps, qu'on enveloppa precieufement dans
des iinceuls pour les porter dans la Chapelle de Bethlehem où
ils furent enfevelis avec autant d'honneur que fi c'euflent été des
(V) oper Martyrs , les Ecoliers chantant : Ce font-là les Saints qui ont IL
Huf. T. I. vré leurs corps pour leTeftament de DieuJeanHus garda le iilen-
«fegc/.Cap. ce là.defTus le premier jour de Fête qu'il eut à prêcher : mais un
XXI. Fol. . ., \ \ r ■ r o 1
ccxlv. autre jour, il éleva leur laintete julquesaux nues , &. les preco-
Mn. syl. nifa comme des Martyrs. C'ell de quoi il ne difeonvient pas lui-
nif'i4:!'P' même dans fon Traité de l'Eglife , où expliquant l'onzième
TheobaU. Chapitre de Daniel , il applique les verfets 32. 33. 34. de ce
c*' vin Chapitre à ces trois hommes qui furent décapitez. L'expérience ,
p. m. 14. ' dit-il , de ce qui efi arrivé petit donner l'intelligence de ce texte. On
Dubrav. vojt cj[es prêtres & des laïques tomber par l'épée . parce qu'ils enfei-
Hiff.Bob.L. , r 1 l *i ~> >■/ / J
XXIII. p. yicnt -plusieurs par leurs bons exemples , & qu ils combattent ouver-
m. ii>4- tement les menfoges de l' Ante-Cbrifi , comme cela paroit parles trois
Autres Trai- fajjgggf ^ qUi on a tranché la tête (a).
Hus 1. sa XIV. On rapporte encore à cette année divers autres Traitez
réfutation des fe Jean Hus dont on fe contentera de donner une idée géné-
rale, pour mettre au fait des controverfes de ce tems-là , auiîi
bien que du caractère des principaux perfonnages de la feene.
Les Livres de Wiclef&en particulier les XLV. Articles de ce
Docteur Anglois avoient été de nouveau condamnez dans le
palais archiepifcopal ,foit fous Albicus , foit fous Conrad. Corn-
me Jean Hus avoit beaucoup de crédit dans l'Univerfité, il pa-
rut alors une Réplique delà Faculté Théologique de Prague à
cette condamnation fous ce titre : Dèfcnfe de quelques articles de
(b) Oper. Jean Wiclef dans l'Auditoire de Théologie. La Pièce qui con-
Cïi. e en tro*s Actes ell attribuée à Jean Hus : Jjeterminatio Joan.
cxxxiv. Hus. &c. (b). Dans le premier Acte on entreprend la defeniè
DE PISE Liv. VI. 135
du 14. article des 45. de Wiclef\ qui porte ,Que ceux qui cejient
de prêcher ou d'entendre la Parole de Dieu , à cnuje de l'excommu- 14,1 2,
nie at ion des hommes ,font excommuniez^cux-mêmes & fero?it répute \
comme des traîtres au jour du jugement. Cet article eft foutenupar
l'Ecriture , par l'exemple des Apôtres , par l'autorité des Pères
de par ces raifons : c'eft qu'un Pape peut être hérétique , & alors
ce feroit un péché de ne pas prêcher la Vérité , 6c de ne pas
combattre Pheréfie par la crainte de l'excommunication. Il
peut arriver aufïï qu'un Pape foit adultère , & qu'il défende de
prêcher contre l'adultère, fous peine d'excommunication , au-
quel cas l'obeïïïance feroit criminelle. Si d'ailleurs, dit -il , le
Pape défend oit la prédication de l'Evangile par tout , comme
Alexandre V. le fit à Prague , fous l'Archevêque Sbinko , feroit-
il jufte de lui obéir?
Le fécond des articles de Wiclcf défendu dans cet Acte efl
le XV. conçu en ces termes : // efi permis à tout Diacre &a tout
Prêtre de prêcher la Parole de Dieu fans l'autorité du Siège Apoftoli-
que , ni d'un Evoque Catholique. Les raifons qu'on allègue pour
défendre cet article font ^ Que l'ordination du Diacre ou du
Prêtre Pautorife allez à prêcher fans un mandement fpecial du
Pape ou de PEvêque , & que comme un homme qui efl: marié
n'a pas- befbin d'un ordre particulier pour travailler à fe procurer
lignée , il en efl de même delà génération fpirituelle qui fe fait
par la Parole de Dieu, le Prêtre étant canoniquement marié
avec PEglife , comme avec une epoufé myflique. Qu'un Diacre
ou un Prêtre peuvent être portez à prêcher par une infpiration
du Saint Efprit qui doit prévaloir aux ordres du Pape , ou de
PEvêque. Ce qui efl prouvé par l'exemple de Jofué que Moyfe
blâma de vouloir empêcher Eldad &c Medad de prophetifer ,
JsFomb, XI. 16. 19. Qu'il ya une vocation naturelle qui impofe
la necefïité de s'oppofer aux faux Prophètes & aux Minières de
PAnte-Chrifl. En lifant ce traité, on verra un prélude des con-
troverfes qui ont été agitées dans la fuite avec beaucoup de cha-
leur fur la vocation des Pafteurs.
Le fécond Ade de la Faculté Théologique de Prague roule
fur cet article qui eft le XVII. desXLV. Les Seigneurs temporels
ont le pouvoir d'oter , quand il leur plaît, les biens temporels aux
Ecclefiafiiques qui vivent dans l'habitude du péché. Cela efl: prou-
vé par plufleurs exemples de Pancien &; du nouveau Teftament ,
oùilparoit que le temporel appartient aux Rois & aux Princes
i36 HISTOIRE DU CONCILE
14.12. féculiers. L'autorité des Pères n'eft pas moins exprefle là-demis;
Sur cet article il n'y a rien qui ne foit établi bien lus fortement
par les Théologiens de l'Eglife Gallicane , 6c en particulier par
Monfleur Dupin dans fa dix feptiéme Diiîertation fur la difei.
pline Ecclefiaftique , puifque fans égard à la conduite des Eccle-
fiaftiques, ce Docteur prouve que le temporel de l'Eglife dé-
pend des Princes féculiers ; au lieu que W/W*/Tuppofe qu'il faut
que les Ecclefîaftiques vivent mal pour donner droit aux Prin-
ces de leur ôter leur temporel. Mais comme du temps de Wiclcf
la corruption , 6c fur tout la fimonie étoit générale dans le Cler-
gé , fa maxime l'étoit aufli. Il infïfte fort fur cette conféquence -y
c'eft que fi les Ecclefîaftiques étoient les maîtresse les proprié-
taires abfolusdu temporel qu'ils poiïedent, ils pourroient être
les maîtres de laplus grande partie d'un Royaume , comme de
celui de Bohême, dont ilsoccupoient alors plus de la quatriè-
me partie. Il n'oublie pas à cette occafion la prophétie de Sainte
Hildegarde prophetefte d'Allemagne, fur la fin du XII. iîécle,
qui dans un Concile de Trêves où étoit Saint Bernard avec plu-
sieurs Evêques de France, d'Italie & d'Allemagne, s'exprima
en ces termes: » Les Rois 6c les autres féculiers pouffez par un
«jugement Divin s'oppoferont aux Ecclelîaftiques avec force,
»6cfe jettant fur eux diront: Nous ne voulons pas que ces gens
« régnent fur nous par le moyen de leurs terres , de leurs champs
» 6c des autres biens féculiers, dont nous avons été établis les
«maîtres. Eft-il bienfeant que des gens tonfurez 6c à longues
« robes ayent plus de foldatsSc de plus belles armes que nous ,
«qu'un Ecclefîaftique foit foldat, 6c qu'un foldatfoit Ecclefîaf-
« tique ? Otons-leur donc ce qu'ils polledent injuftement. » En-
fuite la prétendue prophétie ajoute. •» Le Père tout-puifTant a
53 fort bien partagé toutes chofes. Il a donné le Ciel aux hom-
« mes celeftes , èc la terre aux hommes terreftres j en forte que
» félon ce partage les hommes fpirituels & les féculiers pofTedant
n ce qui leur convient , ils ne doivent point ufurper les uns fur les
ce autres ce qui ne leur appartient pas ; car Dieu n'a pas voulu
" que l'un de Ces fils eût tout à la fois la robbe & le manteau ( tu*.
« nicam 6c palhum ) 6c que l'autre allât toutnud , mais il a don-
» né à l'un le manteau, &c à l'autre la robbe. Il a revêtu du man-
teau les féculiers , à caufe de la grande étendue de leurs foins,
«6c comme pour couvrir leurs enfans qui croiiïent 6c multi-
«plienj: tous les jours. A l'égard de la robbe il l'a donnée au peu-
ple
DE PISE. Liv. VI. 137
w pic fpirituel;d'un côté , afin qu'il n'aille pas tout nud '•> de Tau- i4r ïi
» cre 3 afin qu'il n'en aie pas plus qu'il ne lui en faut. C'eft pour-
» quoi notre fentiment eft que tout cela foit partagé félon la
>s raifon , & que quand le manteau & la robbe fe trouvent en-
n femble , on ôte le manteau & qu'on le donne aux pauvres , afin
» qu'ils ne périfTent pas demiïére fa). » Cette prophétie de voit (a) ^°
avoir d'autant plus de poids, que les vidons de Sainte H ildegar- cxxiv.'b,
de furent autorifées par Eugène III par le Concile de Trente,
&enfuite par les Papes Anaftafe II. & Adrien IV.
Dans le troifiéme A&ejean Hus défend cet article de Wiclef, Twftémt
Que les dixmes ( ou décimes ) font de pures aumônes. Il n'a pas de Ailt^
peine à prouver cette Thefè par le témoignage de plufîeurs Pè-
res del'Eglife,6cmêmedes anciens Canoniftes., qui enfeignent
que non feulement les dixmes, mais même les autres porTeiïions
desEccleflaftiquesaudelà du necefTaire 3 font des biens qui ap-
partiennent aux pauvres. De toutes les autoritez qu'il rafïem-
ble là-deflus il tire ces trois conclurions. La première 3 que non
feulement les dixmes , mais les autres biens que les Ecclefiafti-
ques pofledent par des œuvres de mifericorde, font de pures au-
mônes qui doivent être dévolues aux pauvres 3 quand elles vont
au delà du necefTaire des gens d'Eglife. La féconde , que ces der-
niers ne font ni maîtres ni propriétaires de ces biens 3 mais qu'ils
en font feulement les miniftres 6c les difpenfateurs. La troifié-
me3 que s'ils en abufent , ils font des larrons , des voleurs , des
facriléges , 6c que comme tels, ils feront condamnez au dernier
jour,, s'ils ne fe repentent. Jean Hus ne dit rien là-defTus de fi
fort 6c de fî exprès , que ce qu'en ont dit plufîeurs Canoniftes
de France , 6c même d'Italie. Je rapporterai fur ce fujet , par oc-
cafîon 3 les paroles de Monfieur Marfolier dans fon Traité hif-
forique de i 'origine des Dixmes , des Bénéfices , & des autres biens
temporels de TEglifè (b). » Il eft bon de remarquer que lorfque les ^ Liv<
>> Canoniftes dans les queftions dont nous venons déparier 3 ou i.p. »f.
?s dans d'autres femblables où il s'agit de leur intérêt ., citent l'an- jj£ lo8'
» cien Teftament , 6c prétendent qu'une chofe eft de droit Divin,
»il faut diftinguer une équivoque qui leur eft ordinaire. Car fi
» ce qu'ils prétendent être de droitDivin, eft de droit naturel ,
» ou Chrétien , c'eft-à-dire , renouvelle par l'Evangile , il n'y a
» point de doute qu'il n'ait la force de loi divine , 6c qu'il n'oblL
«ge^ mais fi c'eft feulement un droitDivin Mofaïque, iln'o-
« blige plus perfonne , & fi un Prince fait dans fon Etat une loi
Tonu II. S
138 HISTOIRE DU CONCILE
*412* «femblable , elle ne pourra pafïer que pour loi humaine , &ne
5j pourra établir qu'un droit humain. Ce n'efl pas pourtant que
55 routes les fois que les Canonifles citent l'Ecriture Sainte mai à
55 propos, & à contrefens , ils le faflent toujours par ignorance
55 & faute de Fentendre , c'efl fouvent pour faire valoir leurs pré-
55 tentions &: étourdir les gens par ces grands noms de/o/' Divine
»&de droit Divin. Il n'en faut point chercher d'autre exemple
55 que celui des dixmes dont nous parlons. Il efl vrai que dans
» l'ancien TeflamentDieu commande qu'on paie les dixmes aux
» Lévites , mais il leur commande en même-temps de s'en con-
» tenter, ëc leur défend' de pofleder aucuns fonds. Ainfî , fi le
53 peuple efl obligé de droit Divin de paieries dixmes aux Egli-
55 fe$ , il efl vraiaufîi que par le même droit elles ne peuvent pas
55 pofleder des fonds Se desimmeubles. Déplus Dieu comman-
33 de à la vérité, qu'on paie les dixmes aux Lévites 5 mais c'efl
35 feulement des fruits de la terre. Et lesloix Canoniques ordon-
» nent qu'on les paie de la marchandife , de la folde , de la chaf-
» fe , de tous les arts , & de tous les métiers 3 & généralement de
33 tout ce qu'on gagne de quelque manière que ce foit. Si Dieu
33 n'ordonne aux Juifs que le paiement de la première forte de
35 dixmes , il efl certain que la féconde n'efl fondée que furies
33 loix humaines.Tous les Théologiens unanimement & plufieurs
"Canoniftes demeurent d'accord que c'efl une ordonnance de la
33 loi divine naturelle, que quiconque fert le peuple dans les cho-
"« fes de la Religion , vive du fervice qu'il lui rend , & que cette*
î3 loiaétérenouvelléeôc autorifée par notre Seigneur dans l'E-
(a)i.Cor. 55 vangile (a) 5 mais ni la loi naturelle divine } ni l'Evangile ne
l.I3'J4" » règlent point de quelle manière cela fe doit faire -y ainfi que ce
si. 35 foie en païant un dixième , un vingtième 3 plus ou moins ,
» cela dépend des loix humaines &; de la coutume. Ainfî quand
33 nous lifons dans quelques Décrètaleç que Dieu a ordonné le
33 paiement des dixmes , ou que les dixmes font de droit Divin ,
33.elles prennent la partie déterminée pour l'indéterminée,, c'efl-
33 à dire 3 que la dixme fîgnifie dans ces endroits ce qui efl nécefc
55 faire pour l'entretien du Clergé ; ou bien ces manières de par-
53 1er fignirlent que Dieu a établi les dixmes dans l'ancien Tefla-
5sment , ce qui a fervi de modelle pour faire de pareilles loix fous
»le nouveau.
La dernière propofition de Wklef, dont Jean Mus entreprend
iadcfenfe dans ce troifîéme Acte 3 efl celle-ci : Tout Seigneur
DE PISE. Liv. VI. 139
temporel , tout Prélat , tout Evèque en péché mortel yn*eft ni Sei. \/L\it
gneur temporel , ni Prélat, ni Evèque. Après bien des diftindions
obfcures & fubtilés, 6c un long amas de paûages de l'Ecriture
&des Pères, la plupart allez mai appliquez, fon fentiment fe
réduit à dire qu'un tel Seigneur, Prélat, ou Evêque, n'eft: ni
Seigneur , ni Prélat , niEvêque devant Dieu , & à regarder la
chofè en elle-même. Il prétend qu'un pécheur ne pojjede ce qu'il
a , que félon ce qu'il efi , 6c que comme étant en péché mortel , il
exifle injuftementjilpollede injuftement auflï. Le péché mortel 3
dit- il , infeUant toute la nature , infeile auljî toutes les manières
d'être 5 en forte que fila vie d'un homme ejl injufie , tout ce qu il fait
l'efi aufjî , parce qu Une peut ri en opérer , que félon la manière dont
il vit (i). Mais comme un Seigneur, 6c un Evêque ne laifïent
pas d'être appeliez Seigneur, 6c Evêque , il dit qu'en effet en
un fens ils4e font , 6c qu'en un autre ils ne le font pas. Un
Roi , dit- il , en péché mortel ejl Roi comme Pharaon 3 un Prêtre dans
le même état , efi Prêtre comme Anne le Souverain Sacrificateur h un
Evèque efi Evèque comme Caïphe ; un Diacre efi Diacre comme
l'hérétique Nicolas , qui étoit Diacre , & un Chrétien efi chrétien ,
comme Judas qui étoit difciple de Jefus-Chrifi. Mais en un autre
fens ils ne font ni Rois , ni Seigneurs , ni Prélats , ni Evèques 3 ni
Prêtres , ni Diacres , ni Chrétiens , » parce qu'ils ne le font que
m de nom , èc d'une manière équivoque • qu'ils ne le font pas vé-
jj ritablement , juftement , 6c en état de grâce , &c que pour lors
» Dieu n'approuve pas une telle Domination , ni une telle Digni-
55 té y ou un tel Office. » Cependant, félon lui 3 fi les Seigneurs
temporels , les Papes , les Evêques , 6c les autres fe relèvent du,
péché mortel , ils recouvrent leurs dignitez , 8>c leurs offices. Il
ajoute à cela que , quoique ce que les Prêtres font félon leur of-
fice , pendant qu'ils font en péché mortel , ne foit pas méritoi-
re , il ne laide pas d'être utile à l'Eglife , parce que quand ils
adminiltrent les Sacremens , ils le font moins par leur propre
vertu , que parcelle de Dieu. Ce qu'il prouve par des paiïàges
de Saint Auguflin , 6c de Saint Grégoire. Je me fuis au refte un peu
étendu fur ces articles^ d'un côté, parce que la dodrine de Jean
J-lus là-deflus n'avoitpasété jufqu'ici bienéclaircie 3 de l'autre,
(t) Monde peccatum , cum inficit naturam , mttlto ev'tàenùm inficit omnem m»dum vel accidenî
tjufdem yut/î vita hotninisfit injufla , itaquod injufte vivh , tmctjudibit operatioeius tjl injufia ,
ttm mn aliter operutur ftàm vivit. Fol. LXXJX. a.
Sij
i4o HISTOIRE DU CONCILE
parce qu'on verra Jean Mus fort intrigué au Concile de Conf-
iai 2. tance lur ces mêmes articles.
KepUq»e de XV. Il parut encore cette année un autre traité de Jean Mu4
Jean Hus<ï contre un Curé de la campagne , qui avoit avancé trois propo-
""frlT" étions que ^e premier trouvoit hérétiques. La première eft,
eampagne, qu'un homme en péché mortel , n'eft ni efclave , ni enfant du Diable.
Repiica j| réfute cette Théfe par plufieurs paffages de l'Ecriture , où les
Scatorem pécheurs font appeliez enfans &: efclaves du Démon. La fe-
pianenfem. conde proportion du Prédicateur , c'eft qu'avant qu'un Prêtre
141 a. ait £lt ça premiere Mefje , Un' eft qu'enfant de Dieu j mais que quand
il a officie , il eft père de Dieu 3 & créateur du Corps de Dieu fi). A
l'égard de cette proportion , Jean Hvs en marque l'origine dans
un Traité qui a pour titre , L'Etoile des Clercs , ( Stella Clerico-
rum ) où il eft dit ; Que c'eft un grand inconvénient de blâmer
un Prêtre } puifqu'il eft le créateur de fon propre Créateur. En-
fuite , après avoir expliqué les divers fens du mot créer 3 il fait
voir fans beaucoup de peine , que les Prêtres ne créent en aucun
de ces fens leur Créateur. Le troifiéme article étoit $ Que le plus
méchant preflre 3vaut mieux que le meilleur Laïque. Entre les ab-
furditez qu'il trouve dans cette opinion 3 il allègue celle-ci ,
c'eft qu'il s'enfuivroit de là que que le traître Judas en qualité
de Prêtre , ou d'Evêque , feroit meilleur que David qui étoit un
laïque , Se qui a prononcé ces paroles contre Judas au Pfeaume
CVIII. félon la Vulgate5 Donnera l'impie le pouvoir fur 'lui , &
que le Diable foit toujours a fon cbté droit. Lors qu'on le jugera ,
qu' il foit condamné '■> & que fa prière même lui tourne à péché -y Que
fes jours foient abrège^ & qu'un autre reçoive fon Epifcopat. II
s'emporte beaucoup, & avec raifon, contre la conféquence que
les Prêtres tiroient , à ce qu'il prétend , d'un principe iî favora-
ble à leur ambition. C'eft que le plus méchant Prêtre vaut mieux
que la bienbeureufe Vierge Marie , parce qu'elle n'a fait qu'en-
gendrer Jefus-Chrift une feule fois , au lieu que le Prêtre en eft
le créateur toutes les fois qu'il veut. » Je fuis furpris , dit-il , que
» les Prêtres implorent le fecours de la Vierge , puis qu'ils s'eftiment
» meilleurs qu'elle ^ qu'ils s'appellent eux-mêmes fes ferviteurs ,
» qu'ils efperent être délivrez de la triftefTe du temps prefent,
53 & jouir des joyes à venir par fa glorieufe interceffion , qu'ils
53 la nomment la JSA. ère de grâce , & de mifericorde -y qu'ils lui de-
33 mandent fa protedion contre leurs ennemis , &; qu'ils la prient
{\) Empâter Dei , & creator Corporis Deir
DE PISE. Liv. VI 14T
>> de les recevoir à l'heure de la mort. Ha \ Ha \ Prêtre méchant^
& fuperbe , vous ofezjdemander l'interccffîon , &la proteBion de la ji,'ti;
très -digne mère du Rédempteur j ^ cependant vous dites quyici-bas
tout Prêtre , «2i?W£ le plus méchant 3 ( ^ ^arj thîtk? ) *y# ^a dfe/fàrj <sk
/;/ i? ?/'»<? ^ monde , de la fouveraine des Anges 3 & de la porte dtc
Ciel.
Au refte , il paroît, pour le dire en parlant, que Jean Hus
croyoic avec Pierre Dailli & beaucoup d'autres de ce tems-là,
qu'un certainPoëme(Oridicule, intitulé D^^ta/** , & compofé
dans ces fiécles là par une fraude pieufe , fous le nom d'Ovide ,
étoit en effet d'Ovide le payen -y puifque pour confondre l'or-
gueil des Prêtres , il en allègue un long pafïage , dont voici un
échantillon.
O Virgo felix , b Virgofigriificata
Per fie lia s- ubi fpica nitet , quis det mihi tantum
Vivcre 3 quod poffim laudum fore prœco tuarum !
2Tam ni fi tu perfeBa fores 3 non eligeret te
Hic Deus omnipotens 3 ut carnemfumeret ex te
Uniretque fibi 3 nifi digna fores 3 etiam quod
pilius ille tuus pofiquamfurrexerit 3&de
Morte triumpharit 3 tevellet honorificare ,
Te fuperexaltans 3 cœlofque locansfuper omnes 5"
JE \t fibi concathedrans : ubi namque locavcrit illam
JEleUampartem carnis , quamfumpferit ex te ,
Et carnem de qua fuerit fua fumpta locavit.
XVI. Je crois encore qu'il faut rapporter àeettte année la s'ieftpermii
folution que Jean Hus donna de cette Queftion 3S 'il t fi permis de Prêche*
de découvrir charitablement la malice & l'hypocrijïe du Clergé en ^"atZaifes
pleine Afiemblée 3 & de prêcher contre fe s mauvaifes mœurs 3 quand mœurs du
ellei font manifefies. Entre les raifons de la négative , il y en a qui
ne femblent être alléguées que pour fe moquer , comme par
exemple celle-ci. et Qu'il ne faut pas reprendre publiquement le
» Clergé , parce que te grand Diable Lucifer ne le veut pas 3
» parce que Mahomet a défendu fous peine de mort de contre-
55 dire fon Alcoran ,&; fa conduite, & parce quel'Ante-Chrift
>5 qui fera un grand Prélat ne fouffrira pas qu'on lecontredife,
( 0 Sur ce Poème , voyez Voflîus de Poetis L atinis , SeUen , de Synedriis. Lib. III- C.XVL
■AJ,bert Fabrice Biblhtbtsa Latin^p, 276. 177»
Siij
CUr°-é*
t4i HISTOIRE DU CONCILE
î3 nifesadhérens. »î Les autres raifons de la négative paroifîènt
Iil2t plus ferieufes.On dit , par exemple , pour la foûtenir, que repren-
dre le Clergé en public, c'en: élever fi bouche contre le Ciel , c'en;
médire du Clergé & le confondre , feandalifer le peuple , èc lui
rendre le Cierge odieux , exciter le bras iéculier à lui ôter fes
biens temporels , par conféqent détruire toute l'Eglife , d'où
l'on conclut que la queftion eft folie , fauiTe & hérétique. On
ajoute quelques autoritez de l'Ecriture y comme Exode XXII.
28. félon la Vulgate & la Verfion de Port Royal , vous ne parle-
rejoint mal de s Dieux. On n'oublie pas l'exemple de Cham qui
fut reprouvé pour avoir découvert la turpitude de fonpere , ce-
lui de Conftanrin qui couvrit de fon manteau un Prêtre qu'il fur-
prit dans un commerce criminel avec une femme. Enfin on pro.
(f) Arche- P°^e ce moc ^e &aban Maur (a) , qui difoit que , quand on voyoit
réque de un Prêtre mettre la main dans lefein d'une femme , il fallait fùppofw
MiYcncrc, au il lui donnoit la bénédiction.
au IX. ne- l . . . , , iy .r Ai>f
cle. Jean Hus n a pas de peine de repondre a ces raifons. A 1 e-
gard de celles qui font tirées de Lucifer, de Mahomet 3 de l' Ali-
te-Chrift , il les compare & trois flèches du Diable ,qui n'ont point
de plumes. Quant à ce qu'on dit que c'eft élever fa bouche con-
tre le Ciel , ou blafphcmer , il répond que comme par blaf-
phemer contre le Ciel, (r,1 David a entendu blafphemer con-
tre Dieu, ou contre la Vérité, qui , dit-il, félon laGlofe, eft
Dieu même, il s'enfuit delà que ceux qui font coupables de ce
crime * ne peuvent être que les Ecclefiaftiques qui défendent
de prêcher contre les mauvaifes mœurs du Clergé. II ajoute
que la medifance confifte à parler malicieufement contre fou
prochain & dans la vue de lui nuire j mais que ce n'eft point
médire que de le reprendre par un principe de charité , fur tout
quand les défordres font publics , & de le confondre falutai.
rcment dans la vue de le corriger & de lui épargner la con-
fufîon éternelle? qu'au refle, cette confufion ne peut regarder
que cette partie du Clergé qui fe l'attire à elle-même par fa
mauvaife vie. A l'égard du fcandale que cette prédication peut
donner au peuple , c'eft , dit il , un fcandale pris , Ôc non un
fcandale donné. Le peuple au contraire en peut devenir meilleur ^
cïi fe retirant des actions fcandaleufes du Clergé • outre que le
peuple eft porté par là à prier Dieu pour la converfion des mau-
vaîsEcclefiaftiques. Quant àeequ'on objecte que ces déclamation»
(1) Pofuermt in cxlum os/num ; v lingua eerum tranfivh in terra, Pf. LXXII. 9.
D E P I S E L i v. VI. 145
incitent les Seigneurs féculiers à ôter les biens temporels aux
Ecclefialtiques , il foûtient qu'il n'y a point d'inconvénient à ce. ri4ï2,
la quand les Ecclefialtiques abufent de ces biens. Ce qu'il prou-
ve par l'exemple des Templiers , Ôc par plufieurs autoritez du
Droit Canon. Il répond à peu près de même au paffage qui dé-,
fend de mal parler des Dieux , ( c'eft-à-dire , des Magistrats 3 )
parce que fi en un fens les Ecclefialtiques iont des Dieux , cet-
te qualité ne convient qu'aux bons Ecclefialtiques , Se non aux
mauvais , qu'il compare, après faint Auyiftin , aux Idoles qui
ont une bouche & qui ne difent rien de falutaire > ôcc.
L'exemple de Cham , qui fut maudit pour avoir découvert la
turpitude de fon père , ne l'embarrallè pas non plus 3 parce que
Cham le fit pour infulter ion père, dans un déforJre qui n'ar,
, riva qu'en fecret Ainti , dit il , tout Prédicateur qui révéleroit
malicieufement un crime caché d'un Prêtre , ou de quelque Laï-
que que ce foit , feroit coupable du péché de Cham : fur quoi il
cite le Décret qui porte , Que la -plupart font une mauvaife applica- 2< nuenm 7,
tion de la malediHion de Cham , qui au lieu de cacher la honte de (on
père , la montra pour Je moquer de lui, Il n'efi point défi ndu par là
dit le Décret , aux inférieurs d? accu fer leurs Prélats , /'/ leur efi feu-
lement défendu de les trahir & de lesproftituer. A l'égard de l'exem-
ple de Confiantin qui couvrit de fon manteau un Prêtre commet,
tant paillardife avec une femme , il convient qu'il faut autant
que l'on peut couvrir les fautes d'autrui pour éviter le fcandale,,
mais il trouve l'exemple de Phinées plus louable que celui de
Confiantin , fi l'on fè trouvok dans les mêmes circonstances que
Phinées (1). Ce qu'il dit fur le mot àçRaban Maur au fujet d'un
Prêtre qui met la main dans lefein d'une femme 3 eft curieux à
lire.
Prétendre que c' efi pour donner la bénédiclion à cette femme , dit-il,
c*efi comme fi on fuppo foit qu'un Piètre quife me ttr oit fur une femme ^
qui appliquerait bouche a bouche, y eux aveux , & qui en un mot l'em-
braser oit ^feroit totit cela pour lareflufeiter à fexeynple £ Eli fée. Par
bonheur, dit-il j cène fut pas fur une femme , mais fur un en-
fant que s'étendirent Elie , & Elifée. Ce fut aufîi fur un jeune
(1) Exemplum ergo Phinées cum fît Kcr'-ptwa facrafirmatu-o» , Q' verbo Dei lattdutum fcr remit-
neratum , efi magis quam exemplum Conftantini latidandum. Non tamen exinde afjero , quod q»Hi-
betvidens çy potem aggredi tramfediat coeuntes. Sed reipicienio adtempits ,arl caufam &• ad d'jfe-
rentiam ptrfonarum compaiiendo fi potefl protegere pallto contegat, ne fat inaliiifcandalum, ni divul-
get , Vrfi accenfus fuerit \e!o Domini , ipfum Phillèes , ex puricau/a C voluntate ( fî lempHS con-
grnat ) imitetur^O^et, Hujf. Fol. CLJII
144 HISTOIRE DU CONCILE
homme ques'appuyay^/PWpourlerefufciter.J.C.nemic pas
141 2. non Pms *a mam dans *e ^em de cette jeune fille qu'il guérit , il la.
prit par la main , 6c lui dit de fe lever , non plus que Pierre qui
fe contenta de prier Dieu , & l e tourner du côté de T habita pour
la reffu (citer.
Après avoir ainfî refuté les raifons qu'on allègue pour empê.»
cher de reprendre publiquement les mauvaifes mœurs du Cler-
gé , quand fa corruption eft générale 6c publique , il allègue
les raifons qui autorifent cette correction dont voici les princi-
pales. La première eft 3 que'Jefus-Chrift qui eft le fouverain
Maître des Ecclefiaftiques, s'eft fournis à lacenfure des Phari-
fiens devant tout le Peuple. Jean VIII. 46. Àtœ&r , dit-il , /W,
ver/aire de Jefus-Ckrift , c' eft- a. dire l' Ante-Chrift , qui eft le pins
fuperbe de tous les Ecclefiaftiques , fe moquera de cette conjèquence ,
parce qu'il prétend s'élever au de Jf us de tout ce qui s'appelle Dieu.
La féconde raifon eft tirée de l'exemple de J. Chrift qui décou-
vroit publiquement l'hypocrifie de Pharifiens j de Néhémie cjui
cenfura auffi en public les Prêtres de la Loi , de toute l'Eglife ,
& de tout le peuple, qui eft en droit de s'oppofèr aux Clercs
qui font hérétiques ; enfin de l'exemple du Pape lui-même 3 qui
engage (es Ecclefiaftiques par ferment, à condamner un Anti-
Pape devant tout le peuple. La troifiéme raifon eft prifè des
Conftitutions des Papes, ou de l'Eglife , qui défendent au Peuple
d'entendre la Mefte d'un Prêtre concubinaire , 6c à un tel Prêtre
d'exercer aucune des fondions Ecclefiaftiques.
Ke/oiuthnde XVII. A ce Traité, on en peut joindre un autre de même
trois doutes date. Jean JFIusy réfout trois doutes qui lui avoient été propo-
.jean Hut' ^ez Par un ami j le premier eft, s'il faut dire, jecroiau Pape , ou
(a) Auteur pour mieux faire entendre la queftion , je croi par exemple en Cle-
ftitution°n" rncnt ^^ ^' ^e tecond, s'il cftpojjible d'être fauve } fansfe con~
yniienhm, fefter à un Prêtre. Le troifiéme ffï quelqu'un des Saints Do fleurs
a cru 3 ou avancé , que de tout ce peuple fubmergé dans la JS/LerRou-
ge , & de ces Sodomites confumez^parle (eu 3 il y en ait eu quelques-
uns de fauve z^. Il répond à la première queftion, parla diftinc
tion de Saint Auguftin , du Vénérable Bcde , 6c du Maître des
Sentences , entre, croire un Dieu , c'eft- à- dire , croire que Dieu
exifte , cm";-* à Dieu, c'eft- à-dire } croire que ce que Dieu
dit , eft véritable ; éc croire en nieu , c*eft-à dire , fe confier
çn lui , l'aimer, l'adorer, lui obéïr , 6c lui rendre tout le culte
qui lui eft dû. Au premier fens , on peut croire qu'il y a un Pa-
DE PISE. Liv. Vt. 14J
3>e , & des Prélacs , on peut croire auffi ce qu'ils difent , quand ils
difent la vérité. Mais comme on ne peut pas dire, croire en Saint 14,13.
Pierre , croire en Saint Paul, croire en Ja Sainte Vierge , croi-
re en l'Eglifè , parce que cette dernierefaçon de croire n'a que
Dieu pour objet, on ne peut pas dire non plus croire au Pape en
ce fèns. A l'égard du fécond doute , il foûtient par l'autorité de
l'Ecriture Sainte , tant du vieux que du nouveau Teftament ,
parcelle de Saint Cbryfofibmc , defaint Auquftin , & du Maître
des Sentences, que Ton peut-être abibus , en fe confefTant à
Dieu , avec un cœur vrayement contrit 6c humilié 3 fans fe con-
fefTeràun Prêtre , &fans pénitence extérieure j Ceferoit^ dit-il ^
une impiété téméraire 0- diabolique de damner les Pères de l' An-
cienne Loi 3 les petits enfans , les muets & les fourds de naijjan-
ce , les gens afj'affïnezji Pimprovifte , lés habitans des Déferts , £?• les
Chrétiens prifonraier s parmi les Payens. Quant au troifiéme doute ,
fçavoir , fi quelques-uns de ceux qui périrent , ou dans le Délu-
ge , ou dans les flammes de Sodome , ont été (auvez j il foûtient
la poffibilité de l'affirmative par la décifion de Saint Jérôme , qui
dit que les Egyptiens & les l/ra'èlûes & les autres fufnommez^ furent
punis dans le. temps , pour ne l'être pas dans l'éternité 11 y apporte
pourtant la diftin&ion du Maître des Sentences qui refirent la
décifion de Saint jerbmeà. ceux qui firent alors pénitence, par.
ce que Dieu ne !a rejette pas , quoi qu'elle foit courte., &: momen-
tanée , pourvu qu'elle foit fîneere.
XV III. P arm i les adverfaires àsjcan Hus , il y en avoit huit, *#"»£ A
entre lefquels etoient Etienne Paletz^, alors Doyen de la Facul- hlT*dvel*
té Théologique & Stani/las de Znoïma qui fe fignaloient par /<«>«.
leurs Ecrits contre lui. Il répond aux objections de ces huit Doc-
teurs 3 par un. traité , où il y a des chofes qui méritent attention,
i. Ils lui faifoientun crime d'avoir refuie de communiquer fon
traité contre les Bulles du Pape , aufujctde laCroifade, quoi
qu'il en eût été requis par la Faculté de Théologie., à moins qu'il
n'en eût un ordre exprès du Roi. Il répond à cela, qu'il a of-
fert de donner cet Ecrit en préfence du Confeil Royal , à con-
dition que lui, ôcles Docteurs, s'engageroient à la peine du feu.
(i) pour foutenir chacun fon fentiment 5 mais que les Docteurs
(1) Ceft le jugement du fer brûlant qui étoit en ufàge en ce tems- là aulTi-bien que d'au-
tres preuves dans la décifion des procès & des querelles. Celui qui pouvoit marcher plu-
sieurs pas avec un fer ou une mafle de fer tout» rouge à la main , fans fe brûler , étoit jugé
innocent. Celui en qui on remarquoit quelque brûlure étoit çenfé coupable. Cbrifl Cle-
Jir>gii Traft. de provoc. ad Judic. Dtifivt de pnbationivw. pag. f :.
Tom.lJ. T
,46 HISTOIRE DU CONCILE
effraïez de cette propofition avoient offert d'expofer un de leur
a412, corps contre lui à cette forte d'épreuve. » Vous êtes, leur répon-
» dit-il , tous liguez contre moi feul , fans que je veuille expofer
» aucun de ceux qui font dans le même cas que moi , à cette pei-
» ne. Il effc donc jufte que vous la fouteniez conjointement 3 com-
» me vous vous êtes joints pour m'accufèr. Le Roi qui étoit pré-
« fent nous dit , Meilleurs , accordez^vous ^ 6c là- deflus chacun fe
>3 retira. » Il ajoutoit à cela qu'ayant prêché publiquement dans-
l'Univerfîté enpréfence de tous les Maîtres, & de tous les Eco-
liers , auffi bien que dans la Chapelle de Bethlehem devant tout
le peuple les même chofès qui font dans cet Ecrit , il n'étoitpas
beloin qu'il le montrât ; fur quoi il applique à fes accufateurs les
paroles de Jefiis-Chrifl. Jean JCVIII. io. n. Ces prédications
publiques de Jean Mus contre les Bulles fournifloient un autre
fujet d'aecufations contre lui , parce qu'on prétendoit que dé-
fobéïr aux Bulles du Siège Apoftolique ,, c'étoit le même cri-
me quedéfobéir aux commandemens des Apôtres. Il n'en; pas
befoin de répéter ici toutes les réponfes de Jean Hus là- deflus i
on en a vu la plupart dans la réfutation de la Bulle. Je produi-
rai feulement unpafîage de Robert Grojihead ( Groflete ) ce celé- .
bre Evêque de Zincoln^qm au XI il, Siècle , fut un des plus
grands fléaux de la tyrannie Papale. Voici comme s'explique ce
Prélat Anglois fur ce parallèle des commandemens des Apô-
tres avec les Bulles du Siège Apoftolique. J'obéïs 3 dit-il au Pape'
Innocent IV. avec une foumij/ïon & une dévotion filiale aux corn-
?nandemens des Apbtres. Mais je m'oppofe avec le même zglê à tout
ce qui leur eji contraire , félon le devoir d'un Fils envers fon Père.
Au refte les commandemens des Apbtres ne font pas diffèrens de leur
doctrine , g?- de celle de Jefus-Cbrifl leur M a itre.C^eft. là, ,dit Jean-
Hus 3 le modèle que je fuivis 3 & la difiinclion que j'employai , lorfi.
que _, fous l'Archevêque Albicus, les Légats de Jean XXIIi. me'
demandèrent fi je ne voulois pas obéir aux Mandemens Apoftolique^
C ï Vo touchant la Qroifade (a).Pour montrer les excès énormes des bul-
lAivre les des Papes , il en allègue une de Boniface IX. qui ordonnoit
précèdent auxBohemiens de mettre dans le tréfor du Pape,autant d'argent
ftofre?6 Xi~ 4U'^S en dépenfèroient pour aller à Rome gagner les pardons J
& pour en revenir ^êc celle d'Alexandre V. qui défendoit de
prêcher l'Evangile à Prague , excepté dans les Eglifês Cathedra--
les , Paroiffiales, Collégiales, & (feins les Cloîtres.
i. Dans cet Ecrit des huit Docteurs, on tâchoit de rendre1
DE PISE Lrv. VI. 147
Jean Mus fufpecl: , d'être de la Se fie des Arméniens qui ne s'ap-
puyent que fur l'autorité de l'Ecriture , & non fur celle de l'Eglife ,
& des Saints Doileurs approuvai) , parce qu'il avoit demandé
qu'on lui prouvât la vérité des Bulles par des textes de la Bible ,
&non par des raifons fpecieufes. Jean Mus répond à cela que
le fbupçon d'Armenianisme tombera aufli fur Saint Auguftin ,
Saint Jérôme & Saint Grégoire , qui n'ont point reconnu d'autre
fondement de la foi que l'Ecriture Sainte. On tiroit encore de
cette même théfe de Jean Hus , une conféquence bien capa-
ble de le rendre odieux. // voudroit par là ^difent les huit Doc-
teurs 3 induire dans une très-grande erreur. C'eft qu'il ne faut pas
,croire }.& obéir aux Lettres patentes des Tapes , des Empereurs ,
des Rois , des Princes & des autres Supérieurs ,fi elles ne font fondées
fur l'évidence & fur la force des raifons ice qui tend à bouleverfer
toute lafocièté. Mais Jean Hus intrépide à cet argument fi pro-
pre à infpirer de la terreur , foutient , par l'exemple des Macca-
bées , qu'il ne faut point obéir aux ordres des Princes féculiers ,
ou ecclefiafliques , quand ils font contraires à ceux de Dieu.
» Delà manière dont parlent ces D odeurs , dit-il , fi le Pape,
»> ou le Roi leur commandoit de tuer tous les Juifs de Prague,
»&.s'il leur fourniflbit des troupes pour cela , ils ne feroient
m nulle difficulté d'obéïr à un pareil ordre , fans fe mettre en
» peine s'il elt conforme à la Loi de Dieu 3 d'autant plus que
r>j les Juifsnereconnoi0antpasjefus-Chrift,ne reconnoifïènt pas
«non plus le Pape fon vicaire. Tout de même ils ne balance-
35 roient pas à nous égorger au premier commandement , fur tout
.»> à me tuer moi qui félon eux enfeigne une fî grande erreur , &
*>fi pernicieufe à la fociété. Cependant, continue- t-il , je ne
» croi pas qu'il fût moins permis d'examiner le fondement des
» lettres du Pape , ou du Roi , qui ordonneroient un tel mafïa-
*> cre , que celui des lettres dÂrtaxerxès , qui par le confeil d'A-
» w^ordonnoient le mafTacre de tous les Juifs , par la raifon que
« ce peuple avoit une Religion différente de tous Jes autres peu-
.«pies.» L'exemple des lettres fanguinaires du Sanhédrin à Saul
pour perfécuter les Chrétiens , n'eft pas oublié.
3. Il faut rapporter ici toute entière une des objections des huit
Docteurs , pour mieux comprendre les réponfes de Jean Mus,
» Suppofé , difent-ils , ce qui pourtant eft impoflible , que la Fa-
( 1) yideturfe innuere effe de Sefla Armenorum qui Jolis autorhatibus Biblia , Z? non aliis an florin
XAtibm £cc/«/F« , Sanfterumiue probatorum Deftorttmjlare vofont. Opp. Huf. Fol. CCCIY.
1412,
t+g HISTOIRE DU CONÇUE
33 culte Théologique pût montrer pas des raifons fortes, claf-
I4I 2* » res & tirées du texte de la Bible } que les Bulles du Pape font
« manifeflement véritables en tout ^ cependant à caufe de iaconi
«féquence , non feulement la Faculté de Théologie , mais la
33 Roi, &fon Confeil doivent regarder cette demande & çet-
»? te prétention, comme folle, erronée, comme un fubterfu*
J3 ge j & ne tendant qu'à iéduire & à faire illufion. Car comme
» la prétention , ou la demande de Jean Hus ne peut pas toû-
» jours fubfîfter , elle pourroit féduire les fimples , qui croiroient
33 que la dodrine de Jean Hus feroirraifonnable & vraye,& qu'au
>a contraire les Bulles feroient faunes & dèraifonnables 3 parce
33 qu'on ne peut pas en rendre la raifon. La maxime du Décret,
33 fans autre raifon , fuffit pour refufer à. Jean Hus fa demande ,
33 ou fa prétention. Si quelqu'un^ dit le Décret. Difiinïi. 94. tra-
verfe la Légation du Siège Apoflolique , il ne met pas obftacle a l'a-
vancement d'unfeul homme ynais de plufïeurs'->& comme il nuit à beau-
coup de gens 3 il faut auljî qu'il encoure la cenfurù publique , & qu'il
[oit privé de la foc i été des gens de bien '•> traversant la eau Je de Dieu ,
êjp troublant l'état de l'Eglifc , il doit en être chajsé , & /'/ ne peut être
rétabli 3 qu'après avoir fait fatisfaîlion. 33 Que fi Jean Hus doute
33 que le Pape puiile donner indulgence , Ôc remiiîion pleniere de
33 tous les péchez 3 il fuffit pour le reprimer , &. pour le confon-
33 dre , de lui repréfenter qu'en cela il aime mieux s'en tenir à
ssfon propre, jugement j & à celui d'un petit nombre. d'errants ,
33 adhérer à l'héréfie Vaudoife '3 qu'à la foi de l'Eglife Romai-
33 ne &: de la Chrétienté depuis cent ans. Mais comme il feiru
33 ble s'approcher à cet égard de la fe&edes Arméniens onpeut
3jfefervir de quelques textes de. l'Ecriture pour appuyerlaFoi.
D'abord Jean Hus trouve une contradiction groffiére entre
le commencement de cedifeours, où l'on fuppofe qu'il eft]impo£
fible de prouver clairement la vérité des Bulles par l'Ecriture j
&; la fin où l'onpropofe d'en alléguer quelques textes pour l'ap-
puyer. Panant enfui te au fond de la chofe ,il donne au difeours
de ces Docteurs les noms injurieux qu'ils avoient donnez à là
demande , Stil leur reproche que le refus qu'ils font de rendre
raifon des Bulles du Pape , eft contraire à l'ordre de fa int Pierre ,
d'être toujours prêt à rendre compte, de fa foi. Selon leur raifonnement ,
dit-il , fi le Roi & fon Confeil avoient demandé les raifons de la
Bulle , ils auroient fait une demande erronée 3 folle &c. Selon ce mê-
me principe , il ne faudrait répondre 9 ni à Juif, ni à Payen 3 qui de-
DE PISE. Liv. Vf. 14$
mander oit à un Chrétien la rai [on de fa créance. Pour réfuter le reite
duraifonnement des Docteurs fur cet article 3 il renvoyé d'à- 141 2
bord au Chapitre XVII 1. de fon Traité de l'Eglifê , où expli-
quant ce que c'eit qu'une Légation du Siège Apojlolique 3 il ibiw
tient qu'elle doit avoir pour objet la doctrine ôc les corn mande-
mensdej. C.& qu'elle ne doit être oppofée ni à l'un, ni à l'au-
tre. Enfuiteil fait voir que les Légations de y C. de faim Pierre ,
dzfaint Paul, &. des autres Apôtres font fort différentes de celles'
des Papes des derniers fiecles. Ce font là, dit-il en parlant des
Légations , ou des ordres de J. G. ce font là des Légations auf.
quelles on ne peut s* oppo fer fans faire tort a toute l'Egli/e , & ce font
auffi fans doute celles -là dont -parle la D if in f lion 94. du Décret, que
doit être appliqué aux Légats de la Cour de Rome y & non à "Jean
Jius. On ne peut s'empêcher de rapporter ici un long pafîage
defaint Bernard où. il repréfente à Eugène III. quel doit être
la caractère des Légats du Pape. » Vous devez avoir , dit -il a
» ce Pape ,dcs Légats qui ne loient point avides des richefïes j
» qui ne regardent point comme un gain leur Légation,mais qui
>jparoi{Ient dansleur défintereiîement &: dans leur zélé pour le
)> falut des âmes tels que doivent être des Envoyez de J. C. qui
» auprès des Rois revêtent le caractère de Jean B-aptifte , avec
» les Egyptiens celui de Moyfe , avec les fornicateurs celui de
•^P binées , avec les idolatre^ceiui d'Elie , avec les avares celui
» à? Eli fée , avec les menteurs celui de Saint Pierre , avec les blaf-
» phémateurs celui de Saint Paul , avec les marchands &: les
>j banquiers celui de J. G. Ils doivent enfeigner le peuple , &norï
» le méprifer & l'opprimer 5 ne point flater les riches 3 ni crain-
>s dre les menaces des Princes. Il ne faut point qu'ils entrent dans
» les lieux de leur Légation avec de grolles efeortes , ni que leur
wfortieen foitformidable par leurs menaces, ni qu'ils depouil-
»s lent les Eglifes , au lieu d'y apporter la réforme. Ils doivent
te avoir foin de leur réputation fans envier celle d'autrui 3 être
m aflîdus à la prière, &: compter plus fur ce fecours , que fur celui
53 de leur induitrie &. de leur travail Qu'ils mettent leur glcï-
3>,renonà emporter ce qu'il y a de plus précieux & de plus rare
55 dans les lieux où ils font envoyez , mais à avoir établi la paix ,
33 à avoir donné des Loix aux barbares , la tranquillité aux Mo-
53 nafteres , la Difcipline aux Ecclefiaftiques.
Appliquant enfuite tout ce palïàge de Saint Bernard a. \a.I)iftinc-
tiony^. du Décret j il dit que jamais il ne lui eft arrivé de tra-
T-iij,
ï5o HISTOIRE DU CONCILE
verferou d'interrompre des Légats d'un fi bon cara&ere.» S'il
>j étoit pofllble qu'il en vînt de tels de la Cour de Rome en Bo-
>3 heme , je chancerois avec beaucoup de joye ce Cantique de
33 l'Eglife : Les Citoyens des Afotyes & les Domefiiqucs de Dieufonp
» arrive z^aujourd hui pour illuminer la Patrie 3 donner la paix aux
33 Nations & délivrer le Peuple du Seigneur. » Il rapporte après
cela une glofe fort curieufe fur cette Difiinclion 94. je la tra-
duirai ici mot pour mot. »Bazj , dit Jean Hus ., lifoit cette Di-
» ftin&ion en fe moquant , en ces termes : Il eft vrai que celui qui
«empêche ou qui trouble une Légation du Siège Apoftolique?
55 met obftacle à l'avancement 3 non d'un feul Cardinal , mais de
>3 fa maifon , de fa famille ,& de fes parens &ç. Que BazJ , die
« Jean Hus 3 ait rapporté cette glofe en fe moquant , ou qu'il ait
» parlé fèrieufement , il a dit la vérité. On peut , continue-t-il ,
>5 prouver cette vérité par plufieurs Légations .,&; en particulier
3j par celle du Cardinal que Boniface IJf. envoya en Hongrie
*3 pour dépofer Sipsmonddç ce Royaume, & mettre Ladijlas Roi
si de Naples , en fa place. Ce Cardinal fut chafle , & honteufe-
55 ment renvoyé au Pape avec fes Bulles , parce qu'il avojt trou-
55 blé l'état de l'Eglife en Dalmatie&en Hongrie.
4. Après s'être expliqué contre les Indulgences , àpeu près
comme il avoit déjà fait ailleurs 3 il répond à un argument donc
les Dodeursfefervoient pour les foutenir. C'efr. que pujfqu'un
Prêtre a reçu de J. C. le pouvoir de délivrer les petits enfans de
la peine & de la coulpe en leur administrant le Baptême , il s'en,
fuit de là que le Pape , en vertu de la plénitude de fa puifTance ,
peut abfolument donner la remiffion des péchez (1). A l'égard
du principe, il dit , appuyé de l'autorité defaint Cbryfoflome^ qu'il
faudroit être aiïuré que le Pape qui donne ces Indulgences, a
toutes les qualitez qu'on lui attribue , qu'il n'eft pas un faux
Chrifl , & un finge de J. C. au lieu de refïembler à Jean Bap~
ti/ïe qui lui adminiftra le Baptême. Il nieenfuite la conféquence
de la remiffion des péchez accordée aux petits enfans par le
Baptême, à la remiffion des péchez promife par les Papes dans
des Indulgences, qu'ils vendent à beaux deniers comptans , &:
pour exterminer le monde. Les Docteurs difoîent eacore qu'à
(l) Igitttr Papa hahens capitaliter , font aliter & alvealiter plenitadinem Ecclefiaftiae potefiatisg
erdinis c judicii , ut primus ©* fupremus univerfalii ficarim J. C. quoad officium ordinis Çf judi-
cii potejl donare , nedum parti aliter >/ed in toto C ttniverfaliter indulgentias <?* remijjiones omnium
peccatorum. 0pp3 H»f, T. I. Fol. CCCVL
ÈE PISE. Liv. VI tfl
l'exemple de Moyfe qui fie tuer vingt -trois mille (i) deslfraëli-
tes par les Lévites , le Pape peut demander des fubfides tempo- I4I 2 »
rels pour défendre l'état & les biens de l'Eglife , le Siège Apo-
ftolique , la Ville de Rome 6c fcs appartenances , pour tenir en
bride fès ennemis , les punir corporellement , les exterminer , &t
leur faire fouftrir le dernier fupplice. Jean Hus fe fert de plu-
sieurs diftindions pour répondre à cet argument. 11 diftingue
entre l'ancienne et la nouvelle ceconomie , entre une exécu-
tion faite par un commandement pofitif de Dieu , & une exécu-
tion faite 3 fans en avoir un ordre exprès , entre une entreprife
formée pour la caule de Dieu 3 & une entreprife que l'on ne fait
que pour fa propre caufe ,.& de fa propre autorité. L'applica-
tion de ces diftindions eft allez facile pour nous difpenfer de la
faire avec Jean Hus. Il n'oublie pas les vains prétextes dont
les Papes fè fervent pour ordonner des Croifades& des exécu-
tions fanguinaires 3 c'eftPhéréfie , les hoftilitez envers l'Eglife ,
& l'excommunication qui livre les excommuniez au bras fecu-
lier ,&; aux violences du premier venu. Ceci fuffitpour donner
une idée de cet Ecrit de Jean Hus , Se des Controverfes qui s'a*
gitoient alors.
Ces Docteurs étoient Etienne P alet^Staniflas de Znoïma (2) , Principaux
Pierre de Znoïma 3 Jean d'Helie , Jeand'HildefJen , André Broda Adverfairet
(3), Herman Ermite de Saint Auguftin3Mathieu Moïne(Monacbus <'e-'eanHus"
de Aula Regia. ) (4) Jefuisfurpis , dit Jean Hus , que Staniflas de
Znoïma qui a -prétendu que ces huit Douleurs compofoient toute la
Faculté Théologique de Prague , les appellant notre vénérable
Mère la Faculté &c. ait trouvé mauvais que Jeflînetz Dofleur en
Droit Canon ait appelle les Ecclejiafiiques du parti de Jean Hus
le Clergé Ev ange li que de Prague 3 puis qu'il y a autant de raifort
k l'un qu'à l'autre. Entre ces huit il y en a trois plus connus que
les autres. Le premier eft Etienne Paletz^alors Redeur de l'U-
niverfité dePrague : il en eft fouvent parlé dans YHi/loiredu Con-
cile de Confiance. Le fécond eft André Broda alors Bachelier en
Théologie à Prague. Dès l'an 1409. il avoir hgnalé fon zélé con-
tre Wiclef^zx une Lettre à l'Archevêque de &bin.sko , dont Jeam
(1) Selon la Vulgate. L'Hébreu , & les autres Vérifions n'en comptent que trois mille,-
Exod. XXII. 28.
(1) Znoïma Ville de Moravie.
(3) Broda Ville de Bohême.
(4) Cochlte y en joint quelques autres, - .
fryi HISTOIRE DU CONCILE
Cochlce a rapporté une partie (a). Le même Hiftorien témoigne
141 2- que Jean Mus avoit tâché inutilement d'engager Broda dans Tes
(a) cochi. jncerets, & rapporte en même temsla réponïe du dernier fur cet
yJ.\6. 17. article , où entr'autres l'on trouve ces paroles^ Vous finiffez^ votre
lettre en difant que vous fouhaitez^de me ramener dans le chemin
de la vérité. Jy marcherai toujours de toufmon coeur 3 mai s fefpere
que Dieu me fera la grâce de ne jamais marcher dans le chemin de
Wiclef he. même Broda écrivit en 141 5. contre Jacques de Mife ^
jou Jacobel 3 qui avoit rétabli à Prague la Communion fous les
<deux£fpeces.On parlera de cet Ecrit de Broda dans VMiftoirc
du Concile de Confiance. Le troifiéme Docteur célèbre entre ces
huit , c'eft Stanijlas de Znoïma Profeiïèur en Théologie à Pra*.
gue. Comme il mourut à peu prèse-n ce tems-ci , lorfqu'il fe pré-
(b) Théo- paroità aller à Confiance avec Paletz^(b) 3 pour y pourfuivrç
sbM. p. at. jCan Mus fû. faut dire ici -ce que ce dernier nous en apprend dans
un de fes Traitez contre lui. (c) Jean Hus reconnoit que Znoïma
T r p' m' -fuC^on Maître 3 & qu'il avoir appris de lui de fort bonnes cho-
içQLzv. ^es, mais que l'intérêt de la vérité l'engagea d'autant plus à lu-i
répliquer., que Znoïma .lui-même avoit aurrefois fou tenu les 45-.
Articles de Wiclef dans l'Univerfité , &: qu'il n'avoit changé de
fenriment que parles vexations delà Cour de Rome(i). ïl n'y
arien.au relie .dans cette Réplique de Jean Mus à Znoïma^ qui
nJeutdéja été dità peu près dansla réponfe aux huit D odeurs ,
àlaré.ferve de quelques faits hifloriques , comme celui-ci. C'effc
que Stanijlas Znoïma expofant le fentiment de Wiclef 3 s'étoit ex-
primé en .ces termes. C'eft ainfi 3 dit-il , que l'a expliqué le Doc-
teur Jean Wiclef profond Théologien & philo fophe .. . Cependant
aujourd'hui des gens moins ctlairez^que ce Doffcur le traitent d'hé-
rétique Ik-dcflus 3 <& diffament fes Ouvrages fins p enfer que quand
même il fe feroit trompé en cela ^n ne laifje pas de cueillir de très-
belles rofej entre des .èpints. Non feulement Staniflas de Znoïma
avoit fait en général l'éloge de Wiclef 3 mais il étoit même en-
Ijrç dans fes fentimens fur de fujet de l'Euchariftie ; fçavoir qu'on
n'eft point obligé à croire comme une doctrine Catholique que
dans ce Sacrement le pain fcfje àïétr£ pain , & que les accidents y
fubfflent fans fujet , ce qui étoit la doctrine de Wiclef que Znoïma
ayoit traitée depuis d'héréfie déteftable. C'efl ce que Jean Mus
^1) Donec fuit corn pulf us ad feribendum fu<e compilation! contrariant , CS" donc c fuit à Sancla Ro-
fmana Curia vexattts, ejr ab VJo quem nu ne dicit efj'e ca[>ut Sanilx C*îl)olic<t Ecçlefia 3 fpoliatus.
?<A. CCLXXXV1II. &CCLXXX1X.
lui
DE PISE. Litre VI. 153
lui reproche en le fommant fur fa confcience de fe retrader , &c
.de faire pénicence de l'une ou de l'autre de ces deux propofi- 1$12*
tions contradictoires (a). C'eft ainli que Jean Hus fait tomber (a) Jean
fon adverfaire en plufîeurs contradictions fur d'autres articles Hwjubl{lïï>r-
Comme il le renvoyé louvent à Ion Traité de l'Eglife , prononcé
en 1413- dans la Chapelle de Bethléem } Znoïma fe crut engagé
.de réfuter ceTraité par un iongEcritdont on pourra parler dans
Ja fuite.
Ce qu'on vient de dire tout à l'heure de Jean Jcflinctz^ engage
naturellement à parler du Faïlum que ce Docteur en Droit , qui
croit en même tems Notaire , fît fur la fin de cette année , en
faveur de jean Hus. Mais pour mieux être au fait de ce Faclum ,
il faut rapporter ce qui eft raconté dans la narration du procès
•de Jean Hus à la Cour de Rome , qui fe trouve parmi (es Oeu-
vres. Cette narration porte » qu'après que ces articles eurent
-55 été prouvez juridiquement &: enregîtrez , le Pape ordonna
m de prefenter le Regître au Cardinal de Brancas qui fit trai-
»ner l'afîaire près d'un an & demi , parce qu'il ne vouloit pas
o> cafïer la Sentence du Cardinal ' olo?nnt , quoi qu'il en fut in-
iîflamment f jllicitépar les Procureurs & par les Avocats qui
»en avoient ordre du Pape. Mais bien loin de leur faire juftice,
« il leur défendit de fe plus prefenter devant lui pour cette af-
faire, parce , difoit il, que le Pape ne vouloit pas qu'il les écou.
» tat davantage ,& il en fit même emprifonner quelques-uns.
^Cependant ces Procureurs s'étant retirez de la Cour dont ils
» ne pou voient plus fupporter les mauvais traitemens , le Car-
» dinal de Brancas ne laifTa pas de paffer outre , Se de confirmer
m la Sentence du Cardinal Colomne. C'eft de cette injufte Sen-
te tence que font émanées plufîeurs injuries exécutions à Prague.
3o Car on y a excommunié les Domeftiques & les Ecoliers de
» Jean Hus. On y a mis l'interdit fur la ville de Prague , & fur
m d'autres lieux du Royaume de Bohême. O y a déclaré Jean Hus
« héréfiarque , quoi qu'il n'eût été entendu , ni convaincu d'hé-
« réfie. Toutes procédures contre le Droit ytk contre les Déci-
» fions de l'Eglife } puifque , quand même le Cardinal de Bran-
5j cas auroit eu ordre du Pape d'aggraver la Sentence du Car-
«5 dinal de Colomne , il n'auroit pas dû. le faire , » Jean Hus ayant
.appelle de tous ces griefs au Concile Général qui devoir bien-
tôt s'alfembler 3 & qu'il ne pouvoit pas pafTer pour opiniâtre ,
axx contumace n'ayant rien négligé pour fe juftifier , ni à Rome ,
Tome II. Y
154 HISTOIRE DU CONCILE
ni à Prague (a). Il s'agifToit donc dans ce Facium de faire voir
(a)Opp. que l'excommunication de Jean Hus par Jean XXI 11. étant
Huf.r. i.p. ïnjufte 3 celle de tous ceux qui n'avoient pas laiffë d'entretenir
^t>XXViI' communion avec lui , l'étoit aufïi. Il établit les cas où l'excom-
munication effc nulle, 6c on peut appliquer tous ces cas à celle
de Jean Hus. i. Quand la Sentence d'excommunication efi portée
après un appel légitime. Jean Hus avoit appelle canoniquement,
2. Quand il y a dans la Sentence d'excommunication une erreur into-
lérable , comme de défendre ce qui efi commandé 3 ou de commander
ce qui efi défendu par la loi de Dieu- Jean Mus prétendoit qu'on
luidéfendoit de prêcher l'Evangile } 6c qu'on vouloir qu'il prê-
chât l'anti- Chri(lianifme.3.i2^^w^ &* Sentence efi portée par un
autre que parfon Ju^e. Les Cardinaux de Jean XX11I. n'étoient
plus (es Juges , puifqu'il avoir appelle juridiquement. 4.. Quand
on efi- excommunié par un C'ommiJIaire , contre la volonté de celui'
qui la commis. Les raifons que Jean Hus avoit de ne pas com-
paraître, ayant été trouvées légitimes par les Commiflaires de
Jean XXI 11. le Cardinal Colomnen'ézok plus en droit de l'ex-
communier pour n'avoir pas comparu. 5. Quand le Prélat ex-
communie contre les Privilèges de l'excommunié. Ceci regarde l'exw
communication de Sbinko contre Jean Hus, qui étoit illégiti-
me , l'Uni ver fité de Prague dont Jean Hus étoit membre y
étant privilégiée , 6c exempte de la Jurifdiction de l'Arche,
vêque.
Après avoir ainfi établi par les principes du Droit Canon en-
quels cas l'excommunication eft jufteouinjufte , il fait l'applica-
tion de ces principes à Jean Hus. 11 dit que toutes les procédures
qu'on a tenues à Rome dans l'excommunication de Jean Hus
étant téméraires 6c contraires auDroit^fon excommunication eft
injufte,6c frivole, 6c que par conféquent elle n'a point du em-
pêcher qaon n'entretînt communion avec lui. Pour le prouver
plus particulièrement il allègue le Canon du Concîle général
d'Innocent 111. qui porte , que ? excommunication doit avoir des
caufes manifefies & raifonnables. Ce qui ne fe trouve point dans
la raifon alléguée de l'excommunication de Jean Hus , favoir
qu'ayant été cité par le Pape , il n'avoir point comparu. Car ,
dit il , il eft de notoriété puplrque ,que le Roi , la Reine 3 le Confeil
du Roi , les B irons de Bohême , & de Moravie , les Communauté^
des Villes de P raque , ont écrit à diverfes fois en Cour de Rome ,
'pour demander par des raifons très* légitimes , qu'il fût difpenfè Je
DE PISE. Liv. VI. 155
comparoitre. Ces Lettres , dit-il , ont été lues dans des Con-
iiftoires publics par des procureurs de Avocats de la CourRo- 't1-'
maine , & ces raifons jugées légitimes , àc comme telles enre-
gîtréesenpréfence des Cardinaux , &; en particulier en préfen-
ce du Cardinal de Florence l'un des CommilTaires , qui en prou-
va la validité par témoins.
Il foutient enfuite que les raifons qui rendent l'excommuni-
cation de Jean Mus illégitime , ont la même force pour dif.
culperceux qui n'ont pas ceiTé de communiquer avec lui mal-
gré cette excommunication , & il ajoute encore une autre rai.
ion en leur faveur. C'effc que , même dans une excommunication
jufie riltfc(l pas permis félon le Droit de fufpendre 3 interdire , ex-
communier ceux qui. participent avec un excommunié , fans qtfily
ait eu auparavant une monition canonique , ou les participans foient
jexprejjément nommez^ & ,oàon leur ait donne un terme compétent ,
four obéir à cette monition yen forte qu'il paroijle manifefiement quyil$
n'ont refufé d* obéir que far rébellion ; d'où, il conclut qu'on n'a pas
dû excommunier les adhérants de Jean Mus , puifqu'on ne les
a délignez qu'en général , & qu'ils n'ont été nommez , ni aver-
tis canoniquement. Beaucoup moins , concinue-t-il , devoit-on
excommunier les Domeftiques, depuis que , félon le Droit natu-
rel & civil , & félon les Canons , /'/ efi permis aux femmes , aux
jtnfans , aux Efclaves , & aux Payfans , aux Servantes de fe tenir
avec leurs Maîtres excommunie^ & de leur rendre leurs offices or-
dinaires. Je voudrois bien favoir de quel droit nos Prélats , qui ne
font que fîmples exécuteurs d'une Sentence déjà fort injufte en elle-
même _, ont entrepris de chanter contre Jean Hus , les hymnes de l'E-
glife contre le traître Judas , & d? élever contre lui la Croix comme
en fait contre les Payens >les Jnfidelles qui occupent la Terre Sainte^
contre les ennemis de J. C. ô* contre des Hérétiques déjà convain-
cus, & déjà condamnez. Au lieu de fe contenter de leur commijjion 9
ils y ont ajouté de nouvelles menaces de leur chef, fans aucun égard
à l'appel au Concile général qui doit fe tenir , & contre la difpo-
Jïtion du Droit yqui veut qu'on prenne une Sentence dans le fens le
plus favorable , & qui défend d' en étendre malicieufement la rigueur.
Après avoir représenté ces excès, il veut bien rendre cette ju-
Itice aux Cardinaux déléguez du Pape dans cette caufe , qu'ils
n'ont point été commis par leur ordre , mais qu'ils ont été écrits
àleurinfu par quelque Notaire corrompu par l'argent , & par
les préfens d'un infâme inftigateur , &; par des pourceaux engraif-
Vij
i!
156 HISTOIRE DU CONCILE
fez^en Bohême. Ce font les termes.
.1412. • -q £ajc remarquer en parlant que Jean JTJflIl. en a ufé.
autrement à l'égard de Grégoire ^JJ. àc de Benoit JfJII. con-
damnez par le Concile de Pife , leur ayant donné du terme , &
toutes les furetez néceflaires. Il allègue encore pour exemple ,
la modération du même Pape envers les B.oulonnois ,quiavoienr/
emprifonné &. dépouillé de toutes choies le Cardinal de Na-
ples Ton Légat , démoli le Palais Pontifical &; révolté la Ville
(a) Voyez concre l'Egrlife (a). » Par cette conduite, dit-il , ils étoient ex.
cette leui- o * y 7
tiondansie » communiez ipfo faîio , infâmes a perpétuité, privez de tous.
Liv. prées- „ Offices & Dignitez , & la Ville devoit être mife à l'interdit.
v> Cependant le Pape par un principe de clémence , & pour
)3 éviter les grands fcandales qui en pourroient arriver, a mieux
» aimé fermer les yeux à cette rébellion-, que de la punir felon>
53 la rigueur du Droit. A plus force raifon devroit-il fe relâcher
33 dans cette occafîon , où il y va de l'intérêt du Royaume de-
33 Bohême , du Marquifat de Moravie , & de tant de Villes con-
33 iiderables qui font dans le parti de Jean Mus , d'épargner le
33 fang d'une infinité de Chrétiens, &; d'éviter les maflàcres ,&
33 les tueries inévitables dans ces émotions.
ll.four.ient fur tout que l'Archevêque de Prague, comme Ju-
ge ordinaire & naturel , eft obligé de s'oppoferà ces excès des-
CommifTaires , puifque félon le Droit Canon , l'Ordinaire peut
abfoudre de la Sentence du ^iége Apoftolique , quand elle eft
injufte ,& quand le prévenu n'a pu comparoître pour fe défen-
dre , fans fe mettre en danger de la vie. n Cet Archevêque , dit-
33 il , eft d autant plus en droit de le faire , qu'il ne s'eft trou-
33 vé perfonne qui ait été convaincu d'erreur ni d'héréfîe en-
33 Bohême , comme il fut déclaré par le feu Archevêque Sùinko
33 de fainte mémoire , Ôfpar les Princes & Barons qui /è trou-
53 verent à cet Acte , lequel fut ligné par l'Evêque d'Olmutz^
5» maintenant Ad miniftrateur de l'Archevêché de Prague, qui
« y étoit préfent (1). Mais ce Prélat eft toujours obfedé, comme
'Ovp.Huf. " î'éjoit SUnko , par certains Prélats qui l'empêchent de s'op-
T.r. Foi. 53 pofer aux mauvais defîeins des ennemis de Jean Htis , & de
Lxxxvii. „ fLUvre]a maxime du Droit qui aflujettit à la même peine, Se
(i"\ On a vu dans le Livre précèdent cette convention faite en oréfence & par î'entre-
mife du Roi de Bohême, de Sbyakp , du Patriarche à'Antiedi de l'Evêque d'Oirr^n ,
de Frédéric Electeur de Saxe , de l'Ainbafladeur de Sipfmoni en Bohême , de 1 Uniyerfîté &
des Villes de Pragues , de quantité de Barons &de Gentilshommes.
DE PISE. Liv. VI. 157
« ceux qui font du mal , & ceux qui y donnent leur confente-
» mène , ou qui n'empêchent pas de le commettre , quand ils I412'*
>j en ont le pouvoir. »Par toutes ces raifons, il fupplie l'Arche-
vêque , par la gloire de Dieu ,1e fàlut du peuple, la paix du
Royaume 5l'accroiflement delà vérité 8c de la juftice , de re-
médiera tous ces defordres en ordonnant ce qu'exigent l'hon-
nêteté , l'équité 3 l'utilité publique en pareil cas , en levant l'in-
terdit delà Ville de Prague , & en permettant la libre prédica-
tion de la parole de Dieu , à quoi, dit- il , les Ordinaires font
d'autant plus obligez , que ne pouvant vaquer eux mêmes à la
prédication à caufe de leurs grandes occupations, & de la valte
étendue de leurs Diocefes _, ils doivent pourvoir les Eglifes de
Miniftres , qui en foient capables, 6c qui foient puiffants en œu-
vres ôc en paroi es. On verra la fuite de ces troubles & de ces
difputes l'année prochaine. Paftons aux autres affaires de l'Eglife
dans celle-ci..
XIX. Tean XXI'IÎ. n'étoit pas tellement occupé à fe main- Ex^aionsdè
r r\ »-i r j ai- 1 de Jean
tenir contre les Concurrens , qu 11 ne le donnât bien des mou- xxin.
vemens pour régler les autres affaires de l'Eglife Se les fîennes
propres dans l'étendue de Ton Obédience. Mais au lieu de fe la
rendre favorable par de bons traitemens, il fembloit qu'il n'eût
pour but que de s'en faire haïr , tant il étoit ingénieux en moyens
de furcharger [es Sujets. On avoit efperé à Rome que cette Ville
fèroit beaucoup foulagée par le Traité qu'il avoit fait avec Zœ-
àijlcis. Car on s'étoitfîaté qu'il viendroit de Sicile & du Royau-
me de Naples du vin ôc d'autres denrées en fi grande abondan-
ce , que delong-temson n'y manqueroit de^àen 3 &; qu'il n'au-
roitplus de prétexte démettre de fi gros impôts fur cette Ca-
pitale. Mais ion avarice augmentoit à mefure qu'il faifoit des-
acquifitions. J'en donnerai ici quelques traits, tirez d'un témoin;
oculaire ^ c'elt Thierri de ~Niem Secrétaire Apoftolique.
Il rapporte que toutes voies lui étoient indifférentes pour
amafler de l'argent., 2c qu'il n'épargnoit pas même les Romains
& ceux de fa Cour , qu'il croyoit le mieux en état de conten-
terfon avidité^bcaucoup plus que fes befoins. C'eft dans cette vue
qu'il manda un jour quelques-uns des plus notables de fes Offi-
ciers , comme des Protonotaires , des Référendaires , des Scrip-
teurs& Abbreviateurs de Lettres Apoftoliques , pour aller fom-
mer un certain nombre de Cardinaux de contribuer à cette col-
k&e fous le prétexte fpecieux du bien de TEglifcIl falloir don-
Viij
î3§ HISTOIRE DU CONCILE
ner bon gré malgré , parce qu'il ne leur permettoit point de fe
14.12, retirer qu'ils n'euilent délié la bourfe. Il en ufa de même à Pé-
gard des CitoyensRomains ,dont il extorqua de grofïes fammes,
mettant même quelques-uns d'eux en prifbn jufqu a ce qu'ils
eufïent fourni leur contingent. 11 chargea encore la Ville de
divers impôts fort onéreux. On fe plaignit particulièrement de
ceux qu'il mit fur le vin &: fur les grains , qu'il rendit par-là
d'une cherté exceffive (1). Il vouloir aufli rançonner les Ani-
fans en mettant une taxe fur leurs ouvrages j mais il fut obligé
de retrader cet ordre,, parce que les Ouvriers ne vouloient plus
travailler. Il fallut tout de même fupprimer l'Edit pour changer
lamonnoye Jqs Marchands ne voulant pas recevoir les nouvel-
les efpéces,& ayant fermé leurs boutiques. Il ne bornoit pasfes
exaclions à la ville de Rome 3 il fatiguoit , félon le même Au-
teur (z) , divers Royaumes ôc diverfes Provinces par la publica,.
tion de (es Indulgences , & par l'avidité infupportable de fes
Quêteurs , tant Ecclefîaftiques que Séculiers. Quoiqu'il levât
ces fommes fous des prétextes pieux, il lesemployoit fouvent
à des dépe.nfes qu'il ne faifoit que pour contenter fés caprices.
En voici une ailez fînguliere. il fit réparera grands frais les
(a) Antkjui murs de Y ancien Beur^ de Saint Pierre (a.) , & il y pratiqua un
£»TgiSanfli chemin dérobé 5 pour aller fans être vu, de fon Palais juiqu'au
nLw. Château Saint Ange , & pour y faire conduire fecretement les
ubi /,fr. gens qui lui étoientfufpe&s. C'eft dans Penceinte de ces vieux
murs qu'etoit un édifice qui fer voit autrefois à enfermer les fem-
mes adultères &. les courtifannes publiques , dont la plupart y
étoient nourries dfe aumônes des particuliers (3).
ZadiJIas & {qs Sujets ne furent pas moins trompez que les Ro-
mains dans les efperances qu'ils av oient conçues de ce Traité.
La liberté du commerce étant rétablie 3 les Napolitains fè flat-
eoient de pouvoir vendre leurs vins Scieurs autres marchandi-
(1) Et fuentnt tttnchoîtenâxGàbcllx in tube pradifta , pot-fjîme devlno. Et granum tam care
vendebatur , itaf qitod pro peamiaetiam rubrum pro novem florenis Romanis , abfjue partium im-
joriunitate vix reperiebatur vmaie. Qualem menfuram vidi pro uno floreno in eadem urbe di-
verfn temporibus venundari. Theod. de Niera, fit. Johan. XXIII. p. $6f. 370.
(2) Multas etiam tune temporis in diverftsregnis O1 provinciis fut Qbedientie Indulgent! as , çy
peccatorum remiffiones vénales :, per aliquos avidos fuos Quseûuarios 5 Clencos & Laicos,pro
exigendii pecuniis fecerat pubiicari. Niem ubijupr. p.37 1 .
(3) In illo mttro feu meatu confueverunt olim ad perpetuam pœnitentiam agendam includi adulter*
C7* ait* public* pecatri ces , aliquœ ipfarum videlket invité , ac aliœvoluntarii , mult&que dtfidt*
liam eleemo/ynis fitjiçinabantttr toto tempore vit* fut, Niem. ubi. Jttpr, p. 371. 37a,
DE PISE. Lit. VL î?9
fcs à Rome , & le Roi de fon côté comptoit que le profit qu'ils
feroient par ce débit les mettroient mieux en état de payer 1412.
les tailles ôc les autres fubfides. Mais le Pape haïuTa tellement
Yaccifedes vins étrangers, que les Marchands ne voulaient plus
rien envoyer à Rome , parce qu'iis gagnoient plus à débiter leurs
marchandifes dans le, pais. Ladijlasde fon côté pour rendre la
pareille au Pape , défendit fous de grofîès peines , de tranfpor-
ter du vin à Rome, & rehaïuTa la gabelle de deux ducats d'or
pour chaque tonneau , en forte que l'impôt excedoit le prix du
vin. C'eft ainfi que LadijlashL Baltafar étoient la dupe de l'a-
varice l'un de l'autre. Le même Auteur raconte qu'il y avoic
entre eux un Traité fecret que tous ceux qui a voient été pour-
vus de Bénéfices par Grégoire JTII. feroient déformais obli-
gez à foliiciter à Rome de nouvelles provifions. Le Papes'ima-
ginoit d'ailleurs qu'il difpoferoit à fon gré des Archevêchez _,
Evêchez 3 Abbayes , Prélatures & autres Bénéfices dans le
Royaume de Naples, & qu'il pourroit en revêtir ceux qu'il
voudroit pour de l'argent. Mais il fut bien furpris de ne voir
venir à Rome pendant trois mois aucun EcclefïatHque ni aucun
Séculier demander de nouvelles provifions.il fè brouilla d'au-
tre côté par la même avarice avec le Gouverneur de la Ville,
qui étant dans les intérêts de Laâijlas , faifoit une guerre ou-
verte au Pape, pour fe mettre lui èc fon monde à couvert des
infultes qu'ils en foufTroient tant dans leurs perfonnes que
dans leurs biens. C'étoient-là des femences fecretes d'une guer-
re qu'on verra éclater l'année prochaine.
XX. Il y avoit long-temps que les Papes étoient en pof- Boio^nen-
feffion de gouverner Bologne iurnomméela Grafle . par un Lé- e,?""!ï?eat,ee
gat ou Vicaire , qui ordinairement etoit un citoyen Bolonois.
JEnea* Sylviuso. donné à cette Ville le cara&ere d\ tre moins
propre à entretenir les Sciences que les [éditions (2). En effet l'hiil (a) /£«.
roire efl: pleine de fes remuemens , tant pour conferver fa liber- 4to,EuI?P>"
té , que pourfecouerle joug de la tyrannie Papale. C'eftcequi
arriva eni37<.fous Grégoire J^J. dont les Boulonois chalïerent
le Légat Guillaume de Nouillet Cardinal de Saint Ange , ne pou- '
vant fouffrirla dureté de fon gouvernement. Ce Cardinal leur
promit vainement le pardon de ce qu'il appelloit leur révolte ,
s'ils vouloient rentrer fous l'obéïfTance du Pape. Ils répondirent
vigoureufement qu'ils foufFriroient plutôt les dernières extrémi-
tez 3 que d'avoir des maîtres aufli avares 3 aujji fuprbes Se auffl
%4o HISTOIRE D-U CONCILE
infolents. Le Légat irrité de cette réponfe les menaça de ne point
2 quitter le païs qu'il n'eut lavé [es pieds &fes mains dans le fang des
Bolonois. Paroles 3 -dit la-deflus le Pogge Florentin , quiferoient
(a) Pogg. horreur même dans labouche d'un Phalaris(z)\\.s fe réconcilièrent
Hiji. F/w.p. pourtant avec le Siège de Rome fous Urbain VI. auquel ils de-
meurèrent conltamment fidèles , malgré Les follicitations de Ion
Compétiteur. Us ne fé montrèrent pas moins affection-nez à ce
Siège fous Bomface IX. dont ils obtinrent de grands privilè-
ge)^*, ges /b). Cependant en 140-1. ils fecouerent le joug de ce Pape,
an. 1391. & donnèrent le gouvernement de leur Ville kjean Bentivoguo t
N* 5" animez à cela par Jean Marie Galeafie duc de Milan , qui l'en
Pogg. h//?, chafla lui-même bien tôt après , pour s'emparer de Bologne.
«r.0r.p. 138. jyiaisceDucenfut chafTe à ion tour en 1403. par le Légat de
An. 1401. Boniface , les Bolonois étant rentrez -fous (on obéïflance. On a
n. 9. An. VLl jans je ],jvre précèdent la ledition qu'un Boucher excita
Po°V ubL dans Bologne , d'où il fit chaiïer le Légat de Jean XXIII.
jupr.i<i$. Comme ce Pape craignoit de perdre les grands revenus qu'il ti-
Wv' ^njr> rok de cette Ville , il aima mieux diffimuler l'injure qu'il en avoit
reçuë^quede lapoulîerà boutenufantde toutes les rigueurs du
Droit Canon contre une Ville rebelle. C'eft pour cela qu'il y en-
voya cette année le Cardinal Fliskoavçc plein pouvoir de la re-
concilier avec l'Eglife. Ce que ce Légat exécuta heureufemenc
(c) b^ov. par Pentremife de Jaques de l'IJU qui avoit tout^pouvoiriùr Pef*
ï412;; j prit des Boulonois(c).
rritS* "- XXL L'H isToiRE rapporte que PEmpereur Sigismond & les
wtSigif- Vénitiens a voient choifi Jean XXIII. pour arbitre de leurs
lùond. différens aufujet delà Dalmatie (d). Les Vénitiens avoientpof-
fedécette Province de l'Illyrie pendant plufieurs fiecles , lors
qu'au XIV. Louis Roi de Hongrie la reconquit fur eux , comme
une dépe-ndance du Royaume de Hongrie (e). On prétend que
£- «..."T" depuis elle leur fut eng-açéede nouveau par Zadijlas de Duras
375. 57^ roi de Naples,que les Hongrois appellerent enHongrie, en 1403 ,
(z)spend. à l'exclufion de Sigismond ( f). Mais ce dernier étant allé en
an. 135^. Hongrie avec une nombreuie armée en chafla Zadijlas , qui
Num. xi. s^en reCourna dans fon Royaume de Naples. Sipsmond ne
\v)-&tov. fut pas plutôt tranquille pofïefleur de la Hongrie qu'il , penfa
an. 1403- àrecouvrer la Dalmatie. ou à la faire paver bien cher aux Vé-
R,ynM. mnens.
an. 14.11. Ce ne fut pas feulement Jean XXI II. qui fit des tentatives
&' 6'° inutiles pour terminer ces demêlez,le Roi dePologne n'y fut pas
plus
DE PISE. Liv. VT. i*t
plus heureux ^ Il avoit envoyé des Ambaffadeurs à Venife pour
engager cette Republique à lui faire une Ambaffade à Bude , I4I~*
afin d'y négocier leur paix avec l'Empereur. Les Vénitiens y en-
voyèrent en effet François Mocenigo , qui fut depuis Doge , &
ylntonio de Lauredano. Mais on ne put convenir de rien dans
cette entrevue. Les Vénitiens ne voulant rien céder de la Dal-
matie , & n'offrant à l'Empereur que l'hommage d'un cheval
bianc caparaçonné d'un drap d'écarlatte,à lui & à fes fuccefTeurs,
Sigismond fut tellement irrité d'une offre qu'il trouvoit ridicu .
le, qu'il prit la refolution defe faire juftice par la voye des ar-
mes. Il envoya en effet dès cette année des ordres d'agir con-
tre les Vénitiens } & remporta même une victoire confîdérable
fur eux dans le Frioul,Province de l'Etat de Venife. Pendant que
leurs Ambaffadeurs étoient encore à Bude , on reçut la nouvelle
-de cette victoire , de on y apporta cinq drapeaux que Pipon de
Florence , général de Sigismond , avoit emportez fur les Véni-
tiens. On traina ces drapeaux dans les rues de Bude , &: de- .
yant l'hôtel des AmbafTadeurs de Venife , qui furent fpe&a-
teurs de cet affront. L'Hiftorien dont on a tiré ces particulari-
sez y ajoute celle-ci, C'eft que les deux Rois Sigismond dcZa-
difliis , ayant paffë par-là 3 Zadiflas détourna la vue de ce fpec-
tacle , mais que Sigismond ayant foulé les drapeaux aux pieds
de Ces chevaux , le Roi de Pologne lui en fit une forte répriman-
de, l'exhortant adonner gloire à Dieu de fa victoire fans inful-
ter fes ennemis. Un autre Hifforien contemporain témoigne que
les Vénitiens furent tellement confternez de cette défaite , que
(i l'armée de Sigismond eût voulu pouffer fa pointe, elle auroit pu
s'emparer de Padoue qui étoit alors aux Vénitiens , & deTrevi*
gni ou Trevifc Capitale duTrevifan qui leur appartenoit aufîi.
Maison leur donna le temps de fortifier ces Places. On verra
l'année prochaine lesfuites de cette suerre. JeanXxpL
i. o confirme le
XXII. O n a vu dans le Livre précèdent le Traité des Polo- traitédes
nois & des Chevaliers de l'Ordre Teutonique. On rapporte à G*o*tim
cette année la confirmation qu'en donna Jean XXIII. par r«JLw
une Bulle adreffée à fes Nonces en Pologne (a). iVïmfon Se- «»«■/« p*.
cretaire Paccufe d'avoir été la caufe de la fanglante défaite des lo(^
Chevaliers Teuroniques en 1410. (b) jpour avoir négligé de les An. h"!.'
reconcilier avec les Polonois. Cependant , fi l'on en croit cet- Num- f-
te Bulle , ce Pontife s'étoit employé àdiverfes fois ,&même y2joIZI
avec efficace à cette reconciliation par [es Lettres éc par [es xxiir.
Tom. //, X CaP. XX-
1*2 HISTOIRE DU CONCILE
Nonces : ce qui arriva fans doute après la bataille. Quoi qu'il
ï^i2. en foit , il donna plein pouvoir à les Légats de contraindre
les parties à garder le Traité religieusement. Ce fut à peu près
dans ce même-tems que le Roi de Pologne envoya une ambaf-
fade folemnelle à Rome , avec de grands préfëns(i) pour jurer
obéïfîance au Pape. Ce Monarque demandoit par cette am-
bafîade , que le Pape déclarât par une Bulle que le Roy de Po*
logne avoit juftement entrepris la guerre contre les Cheva-
liers , qu'ainïi toutes les chofes facrées qu'on avoit enlevées des
Eglifes de la Pruile , avoient été juftement tranfportées dans
les Eglifes de Pologne. Les Ambailadeurs étoient chargez de
prier outre cela le Pape d'accorder à leur maître la permiilior*
de publier uneCroifade contre les Tartares. Le Pape leur ac-
corda tout à la referve du dernier Article. J'ai tire cette par-
ticularité de Cromer Auteur fort eftimé entre les Hiftoriens de
CO Dlugos p0jogne Cependant un autre Hiftorien (a) de ce païs.plus an-
ubifupra & r . n. ~ v r,., 3K
pag. \%%. cien , &. non moins eitime que Cromer , rapporte qu il vint cet-
(b) zoi- te année une Ambaiîade àeSaladin , Sultan des Tartares (b)^
*é7i Zeh~ * Laâijlas Roi de Pologne avec des préfens , pour lui offrir du
fecours contre tous fes ennemis. Cet Hiftorien ajoute que
l'Ambailade fut fort bien reçue , & que Ladijlas engagea ces
Ambaïîadeurs à aller faire les mêmes offres à* Sigifmond j ce
qui ayant été exécuté , ce dernier en donna avis aux Vénitiens
pour les intimider.
n accorde XXIII. On ne remarque pas que Jean JTJfJJI. fe foitmê-
res^Tun'i- ^ cette année des affaires de France toujours fort agitées par
verfrédeFa- les factions des Bourguignons & des Orleanois. On trouve feu-
■*% lement dans THiftoire de l'Univerfîté de Paris , que ce Pape
confirma quelques Privilèges qu'il avoit déjà accordez à cette
Univerfïté , comme la révocation de la Bulle d'Alexandre V.
en faveur des Moines mendians , & la confirmation àes Provi~
fions faites pendant la neutralité en faveur de la même Uni-
verfïté. C'eft ce que le Pape fît par l'organe tiAlaman GardL
nal Prêtre de faint Eufebe fon Légat à Larcre en France. Le
Pape donna encore deux autres Bulles par lefquelles il accor-
doit deux privilèges à l'Univerfîté de Paris. L'un , que le Chan-
celier de cette Académie pourroit abfoudre tous les Maîtres
(i) Cum peramplis donis , nempe quatuor patinis , aeduobus crateribm magnis aureis , tribus ve~
fiibus Sitbellinis , <& Culcitraitem ab alterd parte è panterarum ; ab altetra ex arvielitiornm pdlibui
ctafuta , C7- tèiis, Cromer de Reb. Eolon, p. 175».
Ferdj]\a:td Roi d'Arragon
Mâihty /-.
Le Dessein a ete tire d un , . . manusent du Siècle de Ferdinant qiu fe^—
trouve eLanf La Bibliothèque du Jcnat de L.eipjuj . C'est periirqiaru Ferdinand
y eji a çcrum,<c •
1
DE PISE. Liv. Vï. 1^5
&tous les Ecoliers , de tontes les Cenfurcs encourues de la part J4I2#
du faint Siège ; l'autre que les caufes de l'Univerfîtc qui avoient W;v Uwiw
accoutumé d'être jugées à la Cour de Rome , le feroient dé. ver}.
formais à celle de PEvêquede Paris. La première de ces Bulles r^'JyX'
étofc adreÏÏée à JeanGerfàn Chancelier de l'Univerfité , ôcl'au- An. 1411."
tre à Gérard Evëque de cette Capitale.
XXIV. Pendant que Jean XJfllI. regloit les affaires de Benoît
fon Obédience, Benoit JC 111. s'occupoit à celles de la fienneXII*\
en Efpagne. Quoique Ferdinand l'eût emporté fur tousfes Con- ^Ma^n,
currens au Royaume d'^trragon , l'affaire nétoit pas encore ter-
minée. Elle le fut cette année dans l'Aflemblée des mêmes
CommifTaires qui ayoient déjà été nommez depuis long- tems
pour en juger , &qui ne firent que confirmer leur premier ju-
; Cernent. Ce jugement fut publié le 25. de Juillet par le fameux
Vincent Ferrier , qui fit là-defEis un Sermon après la Meflè fo-;
Jemnelle célébrée par l'Evêque de Huefca ( r ). Le choix de
Ferdinand fut reçu du peuple avec de grandes acclamations. II
y eut pourtant quelques murmures de la part des partifans de
Jacques d'V 'rgel 5 mais Vincent Ferrier les ayant appaifez par un
Sermon qu'il prononça le lendemain , Ferdinand fut couronné
le troifiéme de Septembre 3 & prêta les fermens ordinaires aux
Arragonnois. Ai.nfi. finit un Interrègne qui avoit été fort tur*
bulent. Benoit JCIII. l'un des principaux mobiles de cette éle-
ction s'en alla à Tortofe , où il donna à Ferdinand Tlnveititu-
re des Ifles de Sicile , de Sardaigne , de Corfe , pour les polie-
der en fief , comme étant , à ce qu'il prétendoit , du Patrimoi-
ne Apoflolique ,,à condition que le Roi luifourniroit tous les ans
trois Galères ,&; des troupes pour ladéfenfe de l'Eglife Romai-
ne , & qu'il maintiendroit dans ces Royaumes la liberté Ecclefia-
ftique & l'autorité du Pape
XXV. L'Histoire rapporte qu'il fe convertit cette année converfat
une grande quantité de Juifs par les Prédications de Vincent des frifi p**
Ferrier dont on parloittoutà l'heure. Comme ce Do&eur futpé"^
célèbre dans ce fiécle-là par fon zèle , par fon fçavoir , par les
prodigieux effets attribuez à fes S ermons , & à ce qu'on prétend ,
par fes miracles , il eft d'autant plus à propos de le faire connoî-
tre, qu'il y aura occafion d'en parlerons la fuite. Il étoit de
Valence en Catalogne } Dominicain de religion, Maître du fa-
cré Palais , Confe&urdei?^/*^///. & Inquifiteur de la foi
(.1) Ville â'J nagon avec un Evêché fuffragant de SarragofTe.
Xij
2^4 HISTOIRE'DU CONCILE
dans toute l'Efpagne. Il avoit un talent peu commun pour la-
14,12. prédication , 6dl le fit valoir avec éclat pendant trente ans eir
Efpagne, en Italie , 6c en France. Cependant les Sermons qui^
ont paru fous fon nom , font C\ peu de chofè, que Monfieur Bu.
fin n'a pas cru les lui devoir attribuer. Si l'on en vouloit croire
les Dominicains , il fît plus de miracles que n'en rirent Moyfe%c-
Jfefus Chrift. Il rendoitla vue aux aveugles , l'ouïe aux fourds ,,
a vie aux morts, il faifoit marcher les boiteux , 6t guérifîoit
toute forte de maladies. Ses guérifons fpirituellesne furent pas
moins merveilleufes. Car il convertit trente- cinq mille Sarra-
fîns , ou Mahometans à la foi Chrétienne, & ramena cent mil-
le pécheurs de leur vie déréglée , fans compter la converfion?
des hérétiques Vaudois , 6c autres. Nouveau prodige ! Les Apô-
tres eurent befoin du don des Langues pour fe faire entendre*
par tout 5 mais Vincent fut plus heureux. Ses Sermons étoient
entendus de quelque Nation que ce fut , quoi qu'il prêchât par
(a)B^. tout en fa Langue maternelle, c'eft-à-dire en Catalan (a). Ce-
an. 1405. pendant fes Prédications n'étoient pas du goût de toutlemon-
^Rayndd. de. On Paccufoit de prêcher avec un zèle indifcret contre la
spond. Cave corruption des Ecclefiaftiques. Il fut mêmefoupçonné d'avoir
&c> du penchant pour là fecte des Flagellants ., 6c cela paroît en
effet par une lettre que lui écrivit Gerfon étant au Concile de
(b)wft. Confiance. S'il fut à ce Concile, ou non, c'eft un problême (b).
duCouc. de Ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il fe détacha de Benoit- JC1JI.-
v "^ Lui aPr^s l'élection de Martin V. 6c fut un dss plus ardents à le pref-
([c)'b^ov. ' fer de fefoumettre au Concile (c). Vincent mourut âgé de 70.
an. 1403. ans en 141 9. à Vannes en Bretagne , Se il fut canonifé par Calixte'
III. en 1455. Mais ce Pape étant mort avant que la Bulle de
canonifation fût dreflée , le Pape Pie II. confirma les intentions
de Calixte III. par une Bulle de 1458.
Le théâtre des converfions de Fcrritr furent cette année les
Villes de Zamora & de Salamanque , dans le Royaume de
Léon. C'eft, à ce qu'on prétend, à la fbllicitation de ce Domi-
nicain, que Jean II. roi de Caftille , ordonna que pour diftin-
guer les Juifs , ils porteroient fur le côté de leur habit, certaines
figures rondes , ce qui les faifoit appéller les Marque^. Lors que
Ferricr arriva à Salamanque , il rit amitié avec un Juif, pour fe
faire introduire dans la Synagogue les jours de Sabat. Un Hifto-
rien Efpagnol allégué par JB^ovius\ nous raconte fort gravement
un miracle qui fe fit un jour que nôtre Prédicateur alla dans la
DE P ï S E. L i v. V I. t$f
Synagogue portant à la main une image de Jefus-Chrift. , inftruit
parle Juifdujour & -de l'heure la plus propre à cette entreprife. 1412»
A la feule vue d'une image, il fe rit un grand tumulte qui fut
d'abord appaifé par les traits pleins de feu , qui fortoient de la
bouche de l'Orateur illuminé. A peine eut-il parlé quelque
temps , que tout à coup il fe forma des Croix blanches fur les
manteaux des hommes 3 &: fur le linge des femmes. A cette
merveille , hommes &. femmes fè convertirent , &; demandè-
rent le Baptême qui leur fut adminiftré par le Père Spirituel ,
dont plufieurs prirent le nom. On fit de la Synagogue un Tenu
pie, qui porta le nom d'Eglife de la vraye Croix ,&.on y mit cet-
ce Infcription en vers Latins :
j4ntiquum coluit vêtus hoc Synagoga Saccllum y
At nunc efi vera Relligione facrum.
Judœo expulfo primus Vinccntius îfiam
Zufiravit pura Relligione domum,
ïulgens namque jubar fubito dcfcendit Olympo-
Cunili[que impreffït peciore figna Crucis,
Inde trahunt Cives T^incentï nomma multi,
Ht Templum hoc vera dicitur inde Crucis*
Les fables appartiennent à FHifloire en ce qu'elles font rap-
portées à un certain temps comme des faits véritables. C'effc
ainfi qu'un des continuateurs de Baronius fa) raconte d'après (a) Ray»'.'
Jean Nider célèbre Dominicain duXY.fiécle, un miracle ar- *4«->
rivé environ ce temps là dans leDiocèfe deBamberg pour la con- % De vi-
verfion des Juifs. C'eft un pommier qui une année au fort de non. Lib.
l'hvver,& au milieu des neiges & des frimats porta de très-belles Z\' Cap'
il- o J • ' > T 1 VI. p. 452»
pommes bien vertes, & en grande quantité , precilement la 454.
nuit de la Nativité de notre Seigneur. Ce Moine dit qu'il en
vit une qui fut prefentée dans la ville de Forchem au Général de
fon Ordre. Il ajoute qu'au Concile de Confiance plufieurs té-
moins., &: en particulier l'Archevêque de Rig<i Dodeur en Droit
civil , &: canonique 3 en grande réputation ., atteiterent ce pro-
dige , & en perfuaderent beaucoup de gens qui en doutoient -y
qu'au Concile de Bafle, le même miracle fut propo/ë , lui
Poyant, à un grand nombre de Do&eurs &; de Philoiophes ,
qui déclarèrent qu'un tel effet ne pouvoit avoir été produit
naturellement. Et afin qu'on ne s'imagine pas que NiderYsXt
Xiij
166 HISTOIRE DUCONCILE
crû légèrement, ii dit qu'il lut alors le Livre des vegetables ,
■ ' 6c des plantes , compofé par Albert \ qu'il appelle le Secrétai-
re de toute la Nature , ôc qu'il n'y avoit rien trouvé pour ren-
dre raifon d'un tel prodige. J'en lailîe le jugement au Ledeur.
p,emier XXVI. Entre les Juifs qui fe convertirent en ce temps. là,
av. de Je- il y en aeu quelques-uns qui fe distinguèrent par leurfçavoir,
strpoi ®E 4IU compoferent même des Ouvrages en faveur de la Reli-
contre les gion Chrétienne. Il faut mettre dans ce rang le Juif nommé Jo-
?»ifs> ' ru£ Halorki ou autrement Lurki Médecin de Benoît JflII,
qui prit à fon baptême le nom à^J crème de Sainte Foi, Ce Pro-
ie! y te eftafîèz confîderable dans THifloire pour ne le pas négli-
ger en celle-ci. Les Hiftoriens tant Chrétiens que Juifs en ont
parlé , comme il ellaifé de juger , fort différemment. Les pre-
miers ont exagéré fes convergions ; les autres l'ont traité, félon
leur coutume , d'Epicurien & d'Apoftat. Ni les uns ni les autres
n'ont rien dit de fort particulier fur fa perfonne ôc fur fa vie. A
l'égard de fes Ouvrages il y a dans la Bibliothèque de Leyde une
Lettre manuferite dejofuè Halorki à un autre Juif nommé Sa~
lomon Hallevi qui avoit embraflë la Religion Chrétienne à Avi-
(a) johan. gnon. L'Auteur cité en marge fa) parle d'un Traité de Mede-
Chriftoph. cine d'un Rabbin nommé Jofepb Halorki. Mais ce fçavant coiv
Slw;: je&ure avec beaucoup de vrai femblance que Jofepb a été mis
heb.p.464. pour Jofué. Tout le monde convient que le Traité écrit cette
année contre la perfidie des Juifs & contre le Tbalmud^ effc de Je.
rbme de Sainte Foi. Il fut auffi le principal tenant dans plufieurs
conférences que le Pape Benoît JCIII. ordonna entre les Doc-
teurs Chrétiens §: les Docteurs Juifs 3 &; où il étoit prefent lui-
même pour la plupart du temps. Comme fon premier Traité
eft daté de 141 2. dans la première partie du quatrième Tome
de la Bibliothèque des Pérès , j'en rendrai compte avant que de
parler des conférences , aufquelles il peut fervir de plan. Dans
ce premier Traité l'Auteur attaque directement les Juifs par les
Oracles des Prophètes., &: fur tout par les témoignages des Rab-
bins. L'Auteur déclare dans fa Préface que quoique les Tbal-
mudiftes diuîent fouffrir une punition fevere , il a fuivi l'inten-
tion du Pape , qui veut que pour le prefent on fe contente de les
convaincre par leurs propres DoHeurs 3 que Je fus eft le M effie promis.
En quoi, pour le dire en paiïant, Benoit étoit alors plus mode-
ré & en même-temps plus raifonnable que Grégoire IJf. èc In-
nocent IV. qui condamnèrent au feu le Tkalmud & les livre?
DE PISE L ï v. Vï. i£?
des Rabbins , au lieu de les étudier pour s'en fervir contre eux 3
comme le confeilloit le Rabbin Gerfon ^Juif Allemand , après fa 1412.
converfîon (a).
Quoi que ceTraité foit un des meilleurs que les Juifs convertis ^ Wa;
ayent compofés fur cette importante matière , les Savans ont genf. Pr*f.
pourtant remarqué quelques bevuesôtquelquesnegligences,com- * *eU' J|"4
me a fait entre autres le docte Wagenfeit {b).Co. Savant dit à cette (b) Pr*/i-
eccaiion qu'on s'eft fouvent trompé en attribuant au Thalmuâ *««**>%».
pris en général ce qui ne convient qu'à la Gemare (1) qui eft le &£qq.'î7°
Commentaire de la Mifchna (2) & qui s'appelle fouvent ThaL
mud. Il foutient même que dans la Mifchna il n'y a point, de ces
impertinences , de ces calomnies , &: de ces blafphêmes f qu'on
impute ordinairement au Thalmud. il va plus loin , car il pré-
i tend encore que même dans la Gemare , il y a fort peu d'en-
1 droits contre la Religion Chrétienne, parce que chaque Cha-
i pitre de la Gemare repond à quelque Chapitre de la Mifchna ,
\. où l'on ne trouve point de pareilles chofes. Ce raifonnement n'eft
; pas pourtant fort concluant , parce queles Gemariflesontajou-
1 té de leur cru plufieurs chofes qui ne fe rapportent point à la
Mifchna. Il rapporte à cette oecafion une bevûe fort curieufe
du Concile de Trente , c'eft. que ce Concile ayant pris un Trai-
té du Thalmud compofé contre l'Iddatrie &, contre les céré-
monies Payennes , fous le titre de Avoâa Sara 3 pour une invec-
tive contre les Chrétiens 3 avoit refolu de retrancher du Corps
du Thalmud ce Traité tout entier. Cependant l'affaire ayant
étéremife au Pape il nomma des Cenfèurs,& 30. ans après lafé-
paration du Concile Marc Marin Evêqne de Brixen fit faire une
édition du Thalmud , où cette pièce ne parut pas (c). Le Sa. (c^agen}
vant Wagenfeil ae difconvient pas qu'il n'y ait des fables & des »fof»pr.p.
impertinences dans la Gemare , il prétend qu'il n'y a que fort ^'
peu de chofes injurieufes à J. C. ôt que ce que Jérôme de Sainte ■Wraeenf:
Foi en allègue n'eft pas tout de la Gemare , mais d'Ouvrages ibid.ç,77+.
faits depuis. On ne regardera pas ceci comme une digreflion fu- ?8,
(1) Gemare y cela veut dire perfection. La Gemare eft un Ouvrage compofé dans le qua~
triéme & cinquième fîécle pour expliquer la Mifchna qui en eft la première Partie , & ces
deux enfemble font leThalmud complet , qui eft le Corps de la Doctrine des Juifs, tant
Civile qu'Ecclefiaftique , à peu près comme notre Corps du Droit Canon & , du Droit
Civil.
(x) La Mifchna ,( c'eft-à-dire, la féconde Loi ) c'eft le Recueil de la Lot que les Juifs
appellent Orale. Ce Recueil fut fait dans le fécond lîécle. Il comprend toutes les Traditions
des }uifc,qui a-voient précédé ce fiécie-là.
îU HISTOIRE DU CONCILE
' perflue, fi l'onconfidere que l'étude du Thalmud ôcdes Rabbin$
ï^ii. te réveil la dans le tems donc nous écrivons l'Hiftoire. Revenons
au Traité de Jérôme de Sainte Foi.
Ce Traité fut prononcé en prélénce de Benoît JflII. de fes
Cardinaux, de plufieurs Docteurs tant Chrétiens que Juifs, &
de quantité d'autres perfonnes confiderables , comme cela eft
porté dans la Préface. L'Auteur y déclare qu'il a compofé cet
Ecrit , parce que pour le préfent l'intention (i) de Benoît eft feu-
lement de convaincre les Juifs par leurs propres Docteurs, que
J. C. eft le Meffie. Pour prouver , cette vérité il établit vingt-
quatre caractères ou conditions fous lefquelles le Meiîie devoit
paroître dans le monde. 11 eft vrai qu'entre ces caractères il y
en a quelques-uns fous lefquelsil ne paroît pas que les Prophè-
tes ayent defigné le Meffie, ni que les Apôtres lui ayent appli.
quez , non plus que les Juifs dans le tems de J. C. Comme par
Vk;,f»pr.u. exemple le 23. cara&ere où Jérôme de Sainte Foi dit qu'après la.
771*772. mort du Meffie Dieu fermeront le Ciel de peur d'entendre les prières
des Juifs , parce qu'ils lui font odieux. Ce qu'il prétend prouver
par Jer. ZamentUl. 8. & E*ech. XV. 1. & par l'application qui en
eft faite dans le Thalmud ,où on fait dire à Rabbi Eliazgr que
depuis la deflruHion de Jerufalem , il y avoit eu une porte de fer entre
Dieu &Jeru falem, félon' l' oracle d'Ezechiel. Quoique ces paflàges de
l'Ecriture foient mal appliquez dans le Thalmudfjerbme defainte
Foi ne fait pas mal d'en tirer un argument contre les Juifs , puis-
qu'ils conviennent eux-mêmes que;la ruine de Jerufalem n'a
point eu d'autre caufe que la haine , l'ingratitude &; l'envie des
Juifs. Il eft vrai que pour encourager les Juifs , Jerbme de Sain-
te Foi allègue un paflage du Commentaire allégorique fur les
Pfeaumes , où il eft dit que la porte de la converfton eft toujours
ouverte. Revenons aux autres caractères.
Avant que d'entrer dans l'explication de ces caractères , Je-
rbme de Sainte Foi commence fon premier Chapitre par mon-
trer en quoi les Juifs conviennent , & en quoi ils ne font pas d'ac-
cord avec les Chrétiens fur la queftion il le Meffie eft venu ou
non. Ils conviennent r. à reconnoître l'autorité de tous les Li-
vres de l'ancien Teftament tant des cinq Livres de Moïfe ; que
(1) Tamen cum toto hoc ^intentio Domini noflri Papa pro nunc non eftinijîfolttmjulere , qiioAper
proprias fuorum Doélorum auiboritates eis probetur difiam conclufionem fere veram : Scilicet Domi-
pum t2offrum Jefum Chriflum efle fuijfeque verum Mejfiam V in Uge Frophetarum %ftem ijfîprxjiolani
*«r. Biblioth. Patr. Tom, IV. Part I.p. 74*.
de
DE PISE. Liv. VI. 169
de tous les autres Prophètes , en forte qu'ils regardent comme
hérétique celui qui en contefteroit quelqu'un. 2. Que Dieu devoit H12»
envoyer le Meffie -pour fauver le feu-pie. C'efl 3 dit il , un des treize
articles que tout Juif doit croire félon Moïfe d'£gyp-te(i). 3. Que
le Meffie devoit être de la race de David.
A l'égard des chofes en quoi les Juifs & les Chrétiens ne font
pas d'accord, il les réduit à ces deux chefs généraux. Le pre-
mier confifte en ce que les Juifs ob fervent la Loi de Moïfe charnel,
lement , & félonies explications des Thalmudifies 3 au lieu que les
Chrétiens i'obfervent fpirituellement , 6c félon les explications
de J C. & des Apôtres dans l'Evangile. Le fécond eft,que le Meffie
n'eu: pas encore venu , au lieu que les Chrétiens reconnoifîent le
Meffie dans la perfonne de Je fus le Nazaréen né à Bethlehem
au tems â'Hcrodetk du fécond Temple. Il fait voir ici fort ju-
dicieufement que le premier de ces points controverfez dépend
deladécifiondufecond 3 favoirfi le Meffie eu: venu. Car, dit-
il ^ Ci le Meffie n'eit pas venu , les Juifs ont grande raifon d'obfer-
ver la Loi ceremonielle charnellement, comme failoient leurs
Pères ^puifque celui qui, félon eux 3 la leur devoit expliquer
fpirituellement , n'a pas encore paru -y au lieu que s'il elf venu ,
les Chrétiens font autorifez par cette même règle à entendre
& à obferver fpirituellement la Loi de Moïfe. Sur quoi il aile*
gue un paflage du Thalmud , où l'on trouve cette maxime } qu'ws
jour Dieu s'a/Jïera pour déclarer en préfence des Jufles l'intention &
les fecrets de la Loi \ par la main du Roi Meffie.
Après avoir ainfî établi l'état de la Controverfe., l'Auteur
allègue les raifons qui empêchent les Juifs de croire que Jefus
le Nazaréen eflle Meffie promis. La première en: , que le Mef-
fîe devoit venir pour mettre Jfra'él en liberté & le faire domi-
ner fur toutes les Nations ^ mais que le contraire eft. arrivé ,
puifque peu de tems après la venue de Jefus le Nazaréen les
Romains ont mis tout à feu &à fang àjerufalem & dans toute
la Judée , brûlé le Temple 3 renverfé le Royaume de Juda„ Se
réduit le peuple à une captivité qui dure encore. La féconde
raifon que l'Auteur met dans la bouche des Juifs eft fondée fur
ce paiîage de ZacharieVl. u. J^oila l'homme qui a pour nom l'O-
rient. Ce fera un germe qui pouffera de lui-même , & il bâtira un ç^sdeS^
Temple au Seigneur (a). Sur cet Oracle les Juifs s'eroient ima- Verfion de
ginez qu'à l'avènement du Meffie le Temple feroit détruit &: PortRoy^'
(1) C'cft Maimonides qui eft ainfi appelle, parce qu'il fut oblige de fe retirer d'EIpagne en
Egypte.
Tome IL, Y
lyo HISTOIRE 'DU CONCILE
qu'il le rebâtiroit. Ils fè fervent , dit Sainte Foi , de cette expli-
J412» cation de l'Oracle de Zacharie pour contefter à Je fus le Na-
zaréen la qualité de Meffie, parce que te Temple a été brûlé
quarante ans après fa mort. La troifiéme raifon des Juirs en;,,
que le Meffie a donné une nouvelle Loi , par laquelle il change
plufîeurs chofes à celle de Moïfe , qui , félon eux , dev* it être'
éternelle , félon cette parole de Malacbic IV. 4. Souvenc^vi.us
de la Loi de Moïfe mon ferviteur h d où ils concluent qu'elle ne
devoir point être abolie. Il fait une réponfe générale à ces trois
raifons , c'en; que l'illufion des Juifs à cet égard vient de ce qu'ils-
expliquent! la lettre les pafTagss 6c les termes où les Prophè-
tes repréfentent les chofes fpiiïtuelles fous l'image des chofes:
corporelles , comme les mots Jfra'él , Sion , Cité 3 Jerujalem y
Temple y Montagne de Dieu &c. Il prouve les explications mo-
rales èc fpirituelles de ces mots par plufîeurs autoritez très-clai-
res du Tbalmud& des Rabbins, & entre autres de Maimonidès
& du Rabbin Salomon Jarchi (1).
Après avoir ainfi expliqué en quoi les Juifs &: les Chrétiens
différent , & en quoi ils s'accordent , & rendu la raifon générale
de leurs differens , il commence au fécond Chapitre le détail des
cara&eres que devoit avoir le Meffie } et il les trouve tous en
J. C. Le premier , félon lui, c'eft que Jefus eft venu dans le tems
marqué par les Prophètes pour la venue du Meffie, c'eft-à- dire,
à la fin du fécond Temple , ou peu de tems avant fa deftruction.
C'efl ce qu'il montre par les Oracles qu'on a coutume d'allé-
guer pour prouver cette vérité , comme'Za charie IX. 9. Malach.
III. 1. les 70. Semaines de Daniel IX. 14. 17. Ce qu'il y a de plu»
confiderable dans ce Chapitre, c'eftle grand nombre des au-
toritez du Thalmadèc des Rabbins,, parlefquellesil paroît que,
félon eux , le Meffie devoit venir avant la deftru&ion du Tem-
ple de Jerufalem. J'en rapporterai ici quelques, unes. Il n'ou.
blie pas la célèbre tradition du Rabbin Elie {1) qui donne fîx
mille ans à la durée du monde , favoir deux mille ans de vui-
de ou d'inanité , c'efl à-dire fans Loi , deux mille fous la Loi , &
deux mille des jours du Meffie , c'eft- à- dire , que le Meffie
devoit venir environ à la fin du fécond millénaire. Il y ajoute
(1) Tous deux du XII. fiécle.
(2.) Fameux Rabbin allez ancien , mais d'un âge douteux. Quelques Do&eurs Juifs l'ont
pris pour Elie le Prophète , mais fauflement, de l'aveu même de leurs Confrères. On peut
pourtant juger qu'il vécut avant que le Tbalmudik achevé, puifqu'il y eft cité deux fois»
DE PISE Liv. VI. i7I
je calcul de Rabbijudœ (i) qui die que le monde dévoie durer 2
autant que quatre-vingt-cinq Jubilez , & que le Meffie viendroit
dans le dernier Jubilé , ce que Rabbi Salomon explique par
quatre mille deux cens cinquante ans. Il faut rapporter ici un
fait' qui tout fabuleux qu'il paroît,ne laide pas de convaincre les
Juifs par leur propre aveu, que le Meffie eft venu dans le tems
qu'ils ont eux-mêmes affigné à fa venue. Ce récit, félon Sainte
Foi, a été transféré àwThalmud dejerufalem (i) dans le Com-
mentaire allégorique fur les Lamentations de Jeremie 3 & voici
en quoi il confifte. Le bœuf d'un Juif qui labouroit fe mit à mu-
gir 3 or lemugtffementd'un bœuf marque la venue du Seigneur.
Un Arabe qui paffoit par là entendant le mugifTement du bœuf
dit au Juif, Détachez^vos bœufs & pliez^ votre bagage , car votre
Sanctuaire va être détruit. Le bœuf mugit une féconde fois , &c
r Arabe dit _, attache zjvos bœufs & preparezjvos vafes , parce que
votre Meffie eft né. Le Juif demanda comment a-t-il nom ? Con-
folateur , die l'Arabe. Mais , demanda le Juif, comment s'appelle
fonpere} L'Arabe repondit : 11 s'appelle Ezechi as , c'eft-à dire
; force de Dieu. Où doit-il naître , demanda le Juif/ A Betblehcm
de Juda, die l'Arabe. D'où Jérôme de Sainte Foi conclut que félon
les Juifs le Meffie devoit naître environ le tems de la deftruc-
tion du Temple. Il y a encore dans ce Chapitre plufîeurs con-
tes qui tendent au même but , & entre autres un long & ridi-
cule récit qu'il attribue au Rabbin Samuel fils de Nahaman.
Dans le troifîéme Chapitre on voit des autoritez de la pa-
raphrafeChaldaïque^ 6c du Rabbin Salomon }^our prouver que fé-
lon l'Oracle de Micbée V. 2. le Meffie devoit naître à Bethle-
hem. Dans le Chapitre quatrième pour montrer que le Meffie
devoit naître d'une Vierge,il allègue ce pafTage dejeremie XXXI.
21. 11. Retournez^, Vierge dyIfraël, retournez^ à vos mêmes Villes oà
vous habitiez^Jufqu* à quand ferez^vous dans la dijjolution & dans
les délices 5 Fille vagabonde ? Car le Seigneur a créé fur la terre un
nouveau prodige , une femme environnera un homme. Ce pafTage
n'en; pas à la vérité fort concluant , mais le Do&eur s'en fert
fort à propos comme d'un argument ad hominem 3 parce que lôs
Rabbins qu'il allégueront trouvé le Meffie né d'une Vierge ,6c
entr'autres le Rabbin Jofuè fils de Levi l'un des Do&eurs de la
(1) Ce Rabbin eft le Compilateur de la Mifchna dans le fécond fiécle.
(z) Ce ihdmuA fut compofé par le Rabbin Jocbanan dans le troilîe'me fîcéle ; mais il a
peu d autorité parmi les Juifs qui s'en tiennent au Thalm»d de Babylone dont on a parlé
ailleurs. I
Yij
i7i HISTOIRE DU CONCILE
Mifchna. Il faut juger de même du paffage d'E^echiel XLÏV. ir
1412, *• où il eft parlé d'une des portes du Temple fermée, où per-
fonne n'encre par elle, parce que l'Eternel Dieu eft entré par
elle , ce qu'il applique à la Vierge Marie , appuie fur l'autorité
du Thalmud 8t des Rabbins qui ont rapporté au tems du Meffie
ces pafîages d'Ez^cbiel. Il n'oublie pas le célèbre partage d'E.
faïe Vil. 14. appliqué dans l'Evangile à la naiflance de J.C»
d'une Vierge. On trouve ici une réponfe fort critique aux ob-
vu ftpr. p. je&ions des Juifs fur cet Oracle d'Efaïe 5 mais comme il eft dif-
75^. 757. ficile delà rendre intelligible en François ,on aime mieux- ren-
voyer le Lecteur à l'Ouvrage même.
Le Chapitre cinquième eft employé à prouver que le Meffie
devoit être Fils de Dieu , par l'autorité des Docteurs juifs , & en
particulier du grand Commentaire fur \à.Genefefmùtu\éBerefchity
Rabba , qui ont fait au Meffie l'application des pafîages de l'E-
criture que les Chrétiens allèguent ordinairement pour établir
cette vérité 3 6c même de plulieurs dont-ils ne le fervent pas ,
mais qu'on peut alléguer aux Juifs , pour les convaincre par les
Glofes de ieurs propres Do&eurs. Le Chapitre VI. n'eft pas des
moins curieux. On entreprend d'y prouver , par l'autorité des.
mêmes Dodeurs , que depuis le iemipsA\4brahamf\\& été pré-
dit que les Rois d'Orient , & les peuples de Saba viendroienc
avec des prélens adorer le Meffie. L'Auteur allègue là deflus ,
un endroit d'un Commentaire allégorigue iur la Genefe , où le
Rabbin Jofuè expliquant le Chapitre XXXII. de ce Livre dit
que les Nations rendront un jour au Meffie tous les préfensque
Jacob rit à £/!/#, ce que ce Rabbin prétend prouver par ces paroles
du Pfeaume LXXI. 10. Les Rois de Tharfis , & des Jjles lui of-
friront des préfens : les Rois d'Arabie , & de Saba lui apporteront
des dons3 que les Docteurs Juifs appliquent au Meffie. L'Auteur
joint à cette autorité, celle de Moïfe le Prédicateur (1) , qui parle
ainfi dans le grand Commentaire fur la Genefe. 33 Saba font les
33 fils d* Abraham , comme il eft dit dans la Genefe , & lors que
nSalomon vint à profpererdans fonRegne,on difbit,c'eft peut être
33 le Meffie ,& l'on vint à lui félon qu'ileft porte 1. RoisX. 1. La
33 Reine du Saba même ,. fur la réputation de tout ce que Salo-
53 mon avoit fait au nom du Seigneur ^vint pour en faire expérience:
33 par des egnimes. Par ce qu'il dit , continue le Rabbin, il pa-
>3 roît qu'il y avoit des Prophètes qui prophétifbient à cette
(1) Ç'eft Moïfe Haddtrcfihar Rabbin du fiëde XI.
DE PISE. L iv. VI. 175
» Reine au nom du Seigneur , comme ils en avoient reçu le
>s commandement, depuis Abraham, On prouve bien anfli qu'ils
» dévoient venir au tems du Meffie pour le tervir 3 par ces pa-
53 rôles à'Efaïe LX. 6. Tous viendront àe Saba 3 vous apporter de
» l'or ,& de l'encens ,& publier les Louantes du Seigneur, « Ce Sei-
gneur-là eft le Meffie ,, dit le Commentaire Juif.
L'Auteur prouve dans le VII. Chapirre 3 par l'autorité des
Commentateurs Juifs,, le neuvième caradere qu'il a attribué au
Meffie , favoir qu'il devoit délivrer de l'enfer les âmes des juftes
qui y avoient été retenues jufqu'à Jon avènement. La première
partie de cette propofition 3 que les âmes des juftes étoienten
enfer, eft une do&rine que les Juifs avoient tirée des Philo-
sophes Grecs, qui faifoient deux parties de l'enfer, l'une pour
les bons , l'autre pour les méchans. Cette Théfe eft prouvée
par ce mot de Rabbi Elie^er dan s le Thalmud 3 que le feu de l* en-
fer n'a point de puifjance fur les fayz s dit Thalmud 3&c qu'ils y font
comme la Salamandre dans le jeu fans y brûler, parce que les Sa-
ges du Thalmud j ont de feu 3 comme cet animal. On voit ici un bon
nombre d'autoritez Rabbiniques pour prouver que le Mefjîe de-
voit délivrer de l'enfer les âmes des juftes. Je rapporterai ici à ce
fujet , un Dialogue entre Dieu , Satan, & le Mellie : tiré du
grand Commentaire fur la Gcnefe. » Quelqu'un demandoit: Que
» veulent dire ces paroles de Jjaniel (a) , La lumière fera avec (a) chap;
îj lu h Rabbi Aba répondit 3 c'eft la lumière du Mefîie: le Pro- vu.
» phete nous montre que Dieu a fait le Meffie de la lumière ,
» & qu'il garde cette lumière fous le thrône de fa gloire pour
>} cette génération. Satan demanda à Dieu , Seigneur du mon-
î3 de , cette lumière qui eft fous le thrône de votre gloire pour
» qui eft-elle ? Dieu répondit, Pour le Mefîie , & pour fa gé-
» nération. Permettez-moi , lui dit Satan 3 de tenter le Meffie .
» & fa génération. Dieu lui dit , Vous n'aurez point de puifîan-
î3 ce fur lui. J'aurai puifïance fur lui, répliqua Satan. Si celaeft,
>j dit Dieu , je ferai en forte que Satan fera détruit dans le mon-
>3 de , avant qu'aucune ame de cette génération périiîe. En mê-
>j me tems 3 Dieu commença à faire accord avec le Meffie , ôc
« lui dit , Mefîie mon jufte , les péchez de ces gens-ci vous vont
» expofer à un terrible travail, vos yeux ne verront point., vos
» oreilles n'entendront que les rébus de cette génération 5, vos
» narines fendront beaucoup de mauvaifes odeurs , votre bou-
» che fera pleine d'amertume } votre langue tiendra à votre pa-
Yiij
14-12,
i74 HISTOIRE DU CONCILE
ï lais j votre peau féchera fur vos os , votre corps fera brifé par
3 la douleur. Si vous pouvez foutenir tous ces maux _, à la bon-
3 ne heure jmais fi vous ne le pouvez pas , fâchez que j'exter*
3 minerai du monde tous ces gens-là. Le Meffie répondit, Sei-
3 gneur du monde , je fuis content de fubir pour eux , toutes ces
5 iouffrances , fous cette condition , que je redufciterai tous
3 ceux qui font morts depuis Adam jufqu'à préfent, que vous
3 ne fauverez pas feulement ceux-là mais aufli ceux qui ont été
s dévorez par les loups , & par les lions, ou qui ont péri .dans
s la mer , ©u dans les fleuves , les avortons , tous ceux qui font
3 nez pendant mes jours , & ceux que vous avez réfolu de créer
s à l'avenir. Dieu lui dit , je vous accorde tout cela. Au même
3 inftant le Mefîie s'expofa à toutes ces fouffrances,avec un grand
> amour, félon ce qu'avoit dit Efaïe yJl s' eft offert , farce qu'il
> l\t voulu 3 & il n'a pas ouvert fa bouche. » Le Dialogue eft long
& ridicule j mais on peut tirer deux conféquences , l'une , que
le Meffie devoir refïufciter les morts , èc fauver le genre humain j
l'autre 3 qu'il ne pouvoir l'exécuter que par fes foufTrances.
La refurre&ion de J. C. de fa féance à la droite du Père font
lefujet du Chapitre VIII. La première de ces vérirez eft éta-
blie fur Ofèe VI. i. 2. où il eft dit , Il nous refîufcitera le troijième
jour : fur quoi Moïfe le Prédicateur dit dans le grand Com-
mentaire fur la Genefe , à l'occafîon du troijième jour dont il eft
parlé Genefe XXII. 4. que l' Ecriture fainte -parle fouvent de trois
jours ', & que la refurrection du JS/lefjie e(l un de ces trois jours-la. La
féance de J. C. à la droite du Père n'eft pas enfeignée moins, po-
fitivement par les Juifs , & entre autres par le Paraphrafte vhal-
daïque , qui comme le remarque notre Auteur , a traduit ces pa-
roles Pf CX. i.Ze Seigneur a ditàmon Seigneur , par celles-ci :
Le Seigneur a dit à fon Verbe (1). Je ne rapporterai point ici tou-
tes les autres autoritez alléguées par Jerbme de Sainte Foi. Je re-
marquerai feulement en paiTant que les Juifs font aceufez ici 7
par leurs propres Dodeurs , d'avoir corrompu le Texte Hébreu.
C'eft dequoi les aoeufe le Rabbin Simeon dans le grand Com-
mentaire fur la Genefe , où il dit , qu'au lieu de ces paroles du Pf.
XXII. Ils ont percé mes mains & mes pieds , les Juifs ont mis caariy
c'eft-à-dire , comme un lion , au heu de caarou , c'eft-à-dire, ils
ont percé. Ils ont fait dit ce Rabbin, quantité d'autres change-
mens de cette nature , comme cela eft rapporté amplement
(1) Il y a dans la Paraphrafe : Le Seigneur a dit avec fa parole 3 ou far fa parole.
DE PISE. Lrv. VI. m
dans le Midrafjthehillim , c'eft-à-dire j le Commentaire allégo-
rique fur les pjeaumcs 3oxx il eiï die que c'en: à caufe de ces chan- 141 2.*
gemens que le Prophète Jeremie a prononcé ces paroles 3 ils ne
■parlent point en vérité , & ils ont inftruit Leurs lanpt.es à proférer le
men fonÇC (a). (a) Jirem*
Il s'agit de prouver dans le Chapitre neuvième que le MefTie IX-3-
devoit donner une nouvelle Loi, abolir les anciens Sacrifices,
excepeé celui du pain & du vin , & difpenfer des autres loix
cérémonielles de Moïfe. il allègue d'abord , pour le prouver,
Efaïe II. 2. 3. ce que Rabbi Salomon applique* à la vocation des
Gentils , & un autre pafîage de Jeremie XXXI. 31. 32. 33. 34,
Il y infère les pafïages des pfeaumes XXI- 1 . & Efaïe XI. 10. ex-
pliquez, félon les Docteurs Juifs, de la même vocation des Na-
tions. Enfuite il propofe une explication d:un Rabbin quïl ap-
pelle Ryddi 3 fur ce pafîage du Critique des Cantiques 3 cm il me
baije du baifer de fa bouche , où félon ce Rabbin , Moïfe dit aux
ïfraélites 3 que cela n'arriveroit qu'au tems du Melïîe , félon Po-
racle de Jeremie qu'on vient d'alléguer. A Fégard de l'abolition
des Sacrifices, il l'établit par Efaïe 1. 11. &.Malachie\. \q. h. Sur
quoi il allègue un pafîage du Thalmud qui porte qu'au fîecle à
Venir tous les Sacrifices feront anéantis hormis celui de la Confef»
fion 3 c'eft- à- dire de la Louante , &; un endroit du Traité de Mai-
mon intitulé More Nevochim , c'eft-à-dire , Doéleur de ceux qui
doutent 3 où ce Rabbin dit que la première intention du Le-
giflateur, en ordonnant des Sacrifiées , étoit de détourner les
lfraëlites de Fidolatrie (1). Quanta la permiffion d'ufer des vian-
des défendues par la loi , il la prouve par un long paiîao-e de
Maimon dans le grand Commentaire allégorique fur lâGenefe
& par plusieurs autoritez du Thalmud que Fon peut voir dans
l'Auteur même , parce qu'il feroit trop long de les rapporter &
que d'ailleurs ellescontiennent des abfurditez dontonveut épar-
j gner la le&ure au public II prouve auiîi fort bien dans le Cha~
; pitre dixième , que félon le Prophète Efaïe LXVI. 19. Fidola-
trie devoit difparoître dans le monde par la doétrine du Meiîie,
Il fait voir enfuite par des paroles du Thalmud ^ que c'étoit -là
le fentiment des Juifs. Ces preuves , pour le dire ici en paf-
fant,fontàla vérité fort bonnes, s'il s'agir, feulement de Fido-
Iacrie des Gentils qui a été bannie par la doctrine de l'Evangile
delà plus grande partie du monde connu , puifque non - feule-
(1) Cetce doârine règne dans tout le troiiîétne Livre du More Nevochim,
Ïj6 HISTOIRE DU CONCILE
• mène les Chrétiens ôcles juifs, mais auffi les Mahometans font
14.12. profeffion de ne croire qu'un Dieu. Mais il Jérôme de fainte Foi
avoir vécu ailleurs que dans un païs d'inquifition , il auroic pu
rencontrer des Juifs , des Mahometans &: même des Chrétiens
qui auroient objecté qu'il y a dans la plus grande partie du Chri-
ftianifmeune autre forte d'idolâtrie , qui refïemble beaucoup à
celle des Payens. L'Auteur ne trouve pas plus de difficulté à
prouver par les Prophètes , &; par les explications qu'en ont
données les Rabbins , que Dieu auroitdes facrifîcateurs d'entre
les Nations, £c qu'après la venue du Meffie , elles feroient ba-
riiëes d'eau & du Saint-Eiprit. Il prouve , félon la même mé-
thode , que le Meffie devoit être pauvre & entrer dans Jerufa-
lem monté iur un ânon , félon ZacbarieYK. 9. Sur ce paflageil
allègue l'autorité de Habbi Salomon, qui déclare qu'il ne peut
être entendu que du Meffie : à quoi il ajoute un témoignage de
Maimon qui applique au Meffie ce qui eft dit de Judas Genefe
XLIX. 11. Il nous eft montré par- là, dit Maimon , que quand
le Meffie viendra pour fauver Ifraël, il embâtera lui- même fon.
âne , montera deflus ., & viendra en lfraël avec pauvreté.
Le douzième Chapitre contient la preuve des autres arti-
cles. La venue du Précurfeur du Meffie eft bien prouvée par les
pafTages connus à'Efaïe, 6c de Malachie. Mais il ne paroîtpas
(a)Amiq. ici que les Rabbins ayent appliqué ces pafTages au Précurfeur du
Cap/vif. Meffie. L'Auteur ne produit que le témoignage de Jofeph (a) ,
touchant Jean-Baptijie , duquel témoignage il aceufe les Juifs
d'avoir retranché quelque chofe, •» Les Juifs, dit-il , peuvent
» voir cette Hiftoire de Jcan-Baptifle . dans le Livre de Jofeph ,
» où il eft; dit que Jean èaptizxi Jefus-Chriji au Fleuve du Jour-
»dain3 quoique je n'y aye vu de ma vie cette parole. Mais les
» Docteurs Juifs ont retranché de ce Livre , comme je croi qu'ils
53 ont retranché beaucoup de chofes du Thalmud. » A l'égard de
cette Thefe, que la preiente captivité ou difperfion des Juifs,
ne leur eft arrivée qu'à caufe de leur ingratitude envers le Mef.
fie , il la prouve , par un témoignage du grand Commentaire
(b) Haidc-ixxr le Deuteronome\b) ,oi\ il eft dit que les Ifraëlites ont été dif.
barimRaiba perfez à caufe de ces paroles , qu'ils prononcèrent lorfque Ro-
6oa?n\eur parla fi durement. Nous n* 'avons point de part f# David,
ni d'héritage h attendre du F ils dy Ifaï. Et voici comme Jérôme
de Sainte Foi raifonne là-defTus. » Ce n'eftpas , dit- il, pour cet-
» teréponfe , fi on la prend à la lettre , qu'Ifraël fut emmené en
>3 captivité
DE PISE. Liv. VI. 177
«captivité à Babylone. Ce fut à caufe de fon idolâtrie , de fes 1^%,
» homicides êc de les adultères. Encore n'y fut-il que foixante&:
» dix ans. Comment pourroit-on croire que les [uifs feroient
» captifs depuis plus de quatorze-cens ans que dure la préfente
» captivité , feulement à caufe de la réponie qu'ils firent à ica-
»j boam / Nous n'avons point de part en David , à moins que par le
« David qu'ils rejetterent alors , on n'entende le MefTie. » Et
il montre en effet qu'il faut l'entendre ainfi, par plusieurs auto-
ritez Rabbiniques , de même par leTbalmud , où félon lui on lit
ces paroles, qui font un aveu indirect de leur crime enversjefus-
Chrift. Comment fe peut. il. fa ire que fous le fecondTemple , où il n'y
eut f oint d'idolâtrie ni de crime honteux 3 où il y avoit un f grand
nombre de gens de bien , hommes figes & dévots , où l'on ne peut
r-eprocher aux Juifs que la haine , & l* envie , ils ayent été afjujet-
tis à une fi terrible punition ? Jérôme de Sainte Foi regarde la clô-
iture delà porte du Ciel aux prières des Juif s 3 comme la princi-
pale partie de cette punition 5 quoique celle de la converfion
leur foie toujours ouverte. C'eft pour prouver cette Thefe que
l'Auteur cite deux Rabbins /l'un Rabbi Elia^er, qui dit , dans
le Thalmud, que depuis que le Temple a été détruit , la porte de
l'or ai fon a été fermée 3 & qu'il y aune porte de fer entre Jerufa-
ïfem & le père celefle. L'autre témoignage eit tiré du Commen-
! taire allégorique fur les P psaume s , où l;on trouve ces paroles
de Rabbi Samup.l : Les portes de Cor ai fon font quelquefois ou-
vertes , & quelquefois fermées , mais celles de la converfion ne le
font jamais 3 félon qu'il eft écrit dans les Pfeaumes , à caufe de
: ces paroles du Pfeaume LX1V. 6. (félon la Vulgate ) l'efpéran-
ce de toutes Us fins de la terre efi bien loin fur la Mer. Comme la
Mer , dit le Rabbin 3 efi ouverte & qu'on s'y peut baigner en tout
temps 3 il en efi de même de la converfion. Quiconque veutfe conver-
tir en quelque. temps que ce fait fera reçu de Dieu.
Après avoir prouvé ces articles 3 il répond à une objection
qu'il fe fait delà part des Juifs -, fçavoir , fi tout ce qu'il avoit
prétendu prouver par l'Ecriture 3 de par les Rabbins étoit véri-
table , d'où vient que les Juifs , & fur tout ceux qui étudient fans
celle le Thalmud ne fe converthîent pas au Chriftianifme ? Pour
répondre à cette objection 3 il fait trois parties du Thalmud , ôc
montre l'ufage & l'abus qu'en font les Thalmudifics(i) , La pre-
(1) Buxtorf a partagé le thalmud en fîx parties, dont la première appellée Zarahim.
traite des femences -, h féconde appellée Mohed , des Fêta j h troifiéme appellée N*fchi» , des
Tome II. Z
i7« HISTOIRE DU CONCILE
ï ai 2. miere traite dW caufes civiles , ^> ^ fr?»* ce qui en dépend , comrns
font , dit- il , nos Zoix Impériales. La féconde ., des Mariages 3 de&>
Animaux purs & impurs 3 des Prières 3 des Fêtes. La troifiéme
contient ^; hifioires & des narrations de la Loi , comme de f 0-
raifon _, <^5 œuvres 3 de la vie des pères y des miracles de la Loi , ^
/^ «z/*»»* ^ Me.ljîe 3 & de fes caractères , de la refurreffion des
morts , du Jugement dernier , de £ Enfer & du Paradis. C'eft fur ces
(a) uagg*- narrations & hifioires (a) que doivent rouler les Sermons qu'ils
Ê>nïïarra~ appellent Middrafot , c'eft-à-dire , Explications myftiques. Mais
comme ces narrations , ou explications myftiques ne fe trouvent
point à part dans le Thalmud, & qu'elles y font difperfées çà & là
en différents Livres 6c Chapitres , lorfquc les Rabbins lifentà
leurs Difciples les endroits où ces narrations fe trouvent ^ ils les fa f-
fent , difant que cela cfl inutile , parce que leur intention n'efl de
lire que ce qui fert k gagner de l'argent & à faire honneur dans le
monde. Il allègue encore d'autres raifons de l'endurciffèmenr
des Juifs j comme l'attachement à leurs familles , le profit
qu'ils tirent de leurs ufures (i) 3 la difficulté de furmonter les
préjugez de la naifïance , & de l'éducation. Ici finit le premier
Livre.
Conférences jL y EUT ^ u cs en ce m£me. temps , diverfes conféren*
avec Us y tuf . * * r. *■
ces avec les Juifs , en préfence de Benoit JfllI. Si ce fut avant
ou après le Traité de Jérôme de Sainte Foi , c'eft ce qu'il n'eft.
ni important , niaifé defeavoir 3 parce que les Hiftoires ne s'ac-
cordent pas là'defïus. Ce qu'il y a de certain, eft, quecePro-
felyte en fut un des principaux tenants , & qu'elles roulèrent
prefque toujours fur les principes avancez dans fon Livre.
Quelques Hiftoriens, tant Chrétiens que Juifs , ont fait le ré-
cit de ces conférences , comme on peut le juger , fort différem-
ment , chacun donnant la victoire à fon parti. Je rapporterai:
premièrement ce qu'en a dit Jérôme Surita , célèbre Hiftorien
d'Arragon (i). Il donne au zélé de Vincent Ferrier($J , le prin.
(a)i»»Km*- cipal honneur des converflons innombrables (a) de Juifs, qui,
ra its'mtes. fe\on |uj. ^ fe firent al ors. Ce fut à fa fbllicitation que Benoit-
femmes ; la quatrième appellée Ne^îckin , des dommages ; la cinquième appellée Chaiachim ,.
dès chojes Jacreh CT dtsfacrifces j la fixiéme appellée Maharot des purifications. Buxt. Biblioth..
Rabbin, p, .144^24^
(1) Il conte là-defiiis cette Hiftoriette du Thalmuâ , qu'une femme voyant un Rabbiiv
gros & gras lui dit qu'il avoit le vifage d'un homme , qui a un troupeau de pourceaux & qui
prête fon argent àufure.
(2) Sur cet Hiitorien voyez Nicol. Anton. Hifpal. Biblioth. Bifpan. Tom. I. p. 458*
($) Sanio Faron Maefro Vicente Firrer. .Sunt. Annal L. XII. Cap, XLY.
DE PISE. Liv. Vï. 179
JCJII. aSTembla à TortoSe ce qu'ilyavoic de plus fçavans Juifs
dans le Royaume, pour tâcher de les ramener par des confc- ,412^
rences. Les plus renommez d'entre eux étoient Rabbi Terrier, , * ^^
Salomon Jfaac , Rabbi A '/hue (aj 3 Rabbi Jofeph Albo (b) , Rabbi Biblwth.
Mattathias de Sarragolle (c) , le Docteur Théodore (1) , Ben Af. He**P- zor'
truc de Girone 3 le Rabbi Moyfe ( AbenabexJ. Ces Rabbins étant wdk »L
venus au rendez-vous, le Pape ordonna aux plus fçavans d'en- /«?. p- fou-
tre les Théologiens de fa Cour, d'enrrer en conférence avec fy 7^°/'
eux, afin de les convaincre par l'autorité de leurs propres Doc- 905. &
teurs. Les Théologiens Chrétiens qui fe Signalèrent le plus dans Sc,,CTjJ''
cette occafion étoient, un nommé Garcy Aharcz^de Alarcon , ,,7"'
fort fçavant en Hébreu , en Chaldéen, Se en Latin , André BcL
tran de Valence, Docteur en Théologie & Aumônier du Pape.
Ce dernier, qui n'étoit pas moins fçavant que l'autre , avoit été
Juif & lut depuis Evêque de Barcelone. Sa principale applica-
tion dans ces conférences fut de lever les doutes fur l'Ecritu-
re Sainte , èc de montrer les faullès glofes cv les falsifications des
.Rabbins dans l'explication des paflages. Mais celui qui y eut
le plus de part fut Jérôme de fainte Foi fon Médecin , homme fort
fçavant, bien verfé danslale&ure du vieux Teftament 3 & de
fes gloies , & dans les Livres des Rabbins &du Thalmud. Je-
rb me Surit a met la première conférence au mois de Février 1413.
Ce qui peut donner lieu de croire qu'elle fut une conféquence
du Traité lu devant le Pape en 14.i1.Le Pape & [es Cardinaux
fe trouvèrent à cette ASTemblée. Quandilnepouvoitpasy pré-
fider lui-même , il donnoit fa place au Général des Domini-
cains , & au Maître du facré Palais 3 qui étoit alors Vincent Ter-
rier, Il paroît par cette Relation que dans cette première con-
férenceilSe convertit plus de deux cens Juifs des Synagogue*
•de SarragoSIe , de Calatayud , & d'Alcanitz , & entre autres un
Juif nommé Théodore ou Todroz^Benvcnitz^, l'un des plus con-
sidérables de SarragoSïe , avec fept perfonnes de fa famille. De-
puis pendant que le Pape étoit à Tortofe , on baptifa environ
cent-vingt familles fort nombreuses , des Villes de Calatayud ,
-de Daroca , Fraga , Barbaftro , &: plus de cinq cens d'Alcanitz ,
deCaSpe, de Maello , de Lerida , de Javenarit , d'Alcolea Ces
converfions étoient fi nombreufes 6c fi rapides , qu'on efperoit
qu'elles feroient dans peu Suivies de celle de tous les Juifsd'Ar-
<i) El Maeftro Toiro^. Vid. IV&'.tf. uh. f*pr. p. 3^5. & Schev. Jthtiâ. p. n7- Hy eut encore
4in aukc Tod,o\ à cette Confereace.
Zij
14.12.
iSo HISTOIRE DU CONCILE
tagon , comme il étoit arrivé dans les Provinces d'Efpagne , fut
tout par les Prédications de Vincent Ferrier. L'Hitorien a rai-
fon de dire qu'elles fe faifoient de bon cœur, en apparence (1),
puis qu'on apprend d'ailleurs qu'au fbrtir de là ,1a plus grande
partie fe replongeoit dans le Judaïfme. Ces conférences n'é-
toient en effet qu'un voile pour cacher la perfécution que le
Papeméditoit contre eux. Car Surira nous apprend que la mê-
me année , à l'exemple de Grégoire Ijf. & d'Innocent IV. qui
avoient condamné au feu tous les Livres du Tbalmud, Benoit
publia des Conflitutions violentes , contre ceux qui perfifte-
roient dans leur Religion , de quelque prétexte qu'ils puffcnc
fe fervir. Il y condamnoit la doctrine des Juifs & leurs Au-
teurs , & défendoit à tout le monde, fidèles , ou infidèles , de
quelque condition qu'ils fuflènc, d'écouter & d'enfeigner cette
dodrine , n'exceptant de cette condamnation que les livres des
Juifs qui paroiiïbient les plus propres à les convaincre. Il ordon-
na aux Inquisiteurs , & aux Diocèfains de procéder contre ceux
qui garderaient de ces Livres, &. défendit aux Princes d'accor-
der aucun Privilège aux Juifs , & de leur permettre d'exercer
entr'eux aucune jurifdiction , ni pour injures , ni pour calom-
nies, ni pourpaiïèr des compromis , &. de fe mêler d'aucun ju-
gement , fous quelque prétexte que ce fûtfij. En exécution de
ces ordres, il commanda de fermer fi bien toutes les Synago-
gues fjj-, qu'il n'y eût qu'une feule petite porte pour y entrer,
& même que les avenues feroient gardées par des Officiers Chré-
tiens, afin que les Juifs ne pufient s'affembler dans les Carre-
fours ou dans les places publiques (4). Il défendit outre cela,
toute forte de communication & de converfation avec eux ,
& ordonna qu'on les diftinguât de toutes les manières les
plus odieufes f 5 J. Mais ce qui leur parut plus dur que tous
le refte , c'eft la défenfe qu'on leur fit d'exercer aucun négoce
& de prendre de l'argent à intérêt ou ufuire , métier que Surz-
( 1 ) Segum parefeio cen pitro coraçonl
(z) Prohibio tambien que de alli aidante , no fe concediefje ningun privïlegio portos Principes a
los que perfeverajjen en- fit dannada Ley : por que en todo reconociejjen pro la obra , que nos les queda-
•va ningun fivor : y no fe dicjje lugar , que paya procéder contra los de fit Ley , que ellos llamavan
malfwes ,ni por otraqualquier occafïon , pudieffenexercitar jurisdicion t niferjue^es entre ellos- »t
temar en fi ningun. compromiffo , ejuygado. Surit, ub.fupr.
(3) Todas las Aljamau
(4) En combites , o banos.
(5) SeorcUno qutfuejfenmuy ftnaLtdes.
DE PISE. Liv. VF iSt
rappelle leur Loi , leur Divinité , &. leur unique Foi. Enfin
la Conftitution commandoit de les proclamer certains jours H12,
de Tannée , &: de les admonêter de quitter leurs erreurs ,
fous peine d'être mis en captivité toute leur vie. Mais , ajoiir
te l'Hiftorien , comme c'eft une Nation obitinée & artifi-
cieufe, pleine derufes 8c a' entregent ( entremetimi entoj & qui n'i-
gnore aucune des ouvertures & des voyes pour acquérir du bien ,
elle auroit trouvé le fecret de iè dérober à toutes les rigueurs de
la Loi , fi on n'eût pas pris d'autres précautions. C'eft pourquoi
le Pape nomma des perfonnes graves pour procéder contre les
Juifs, & pour exécuter les peines portées par ces Bulles. Entre
ces Commiiîaires étoit Gonçalo Garcia de Santa Maria i fils de
Dom Paul 5 Evêque de Carthagene. Mais après la mort du Roi ,
les Juifs fe relevèrent de cette oppreffion , & continuèrent leur
trafic. C'eft. là tout ce que Surita nous apprend de ces confé-
rences avec les Juifs 3 de de leurfuccès. Il y a des Docteurs Juifs ,
qui en ont parlé plus amplement , comme entre autres le Rab-
bin Gedalia fils de Jofepb Jacchija dans fon Traité intitulé ChaL
fchelcth bakkabala , c'eft- à- dire, chaîne de la Cabale.
Mais comme il n'y en a point tqui fe foit plus étendu là-def-
fus , que le Rabbin Salo?non Ben Virga dans fon Scheveth Juda 7
c'eft- à dire j feeptre ,. ou Tribu de Juda ,je rapporterai fommai-
rement ce qu'il dit de ces conférences (i). Il rapporte que dans
ce temps là , c'eft-à-dire en 141 2. ou 1413. les Juifs fourrrirent
une grande perfécutiondela part du Pape ( Benoit JflII.) à
l'occafion de Jofuè Lurki ( c'eft le même qu'Ilalorki) qui depuis
fa révolte 3 comme parle Ben Viryz , s'appella Jérôme de faim c
Foi(i). Cet Apofiat } félon lui 3 pria le Pape de faire afiembîer
tous les plus fçavans d'entre les Juifs , & il fe faifoit fort de leur
prouver par leur Thalmud , que le Mefîie eft venu 3 & que ce
Meflie, c'eft Jejus-Cbrifi.. Pour rendre compte de ces conféren-
ces, Ben Viryt produit une lettre du Juif Abonsftroc, aux Juifs de
la fynagogue de Girone.
On trouve ici un beaucoup plus grand nombre de Rabbins que
dans la relation de Surita. Celui- ci en compte jufqu'àdix.fepc
de«diverfes Villes (3J. Les Juifs étant arrivez à Tortofe , que
(1) Je me fers de la traduction Latine de Georgius Gentius imprimée à Amfrerdameni^jr,
Voyez cette traduction p. Z2j. 270.
(a) Il trouve dans la première Lettre des trois premiers mots de ce nom écrites en carac-
tères Hebreux,fcavoir Maeftri Gieronymodi , le mot Ma^.i/quifîgnifie calomniateur.
(j) Ex Vrbe C*ftira»£nfl«ZataçhiasLevita ,frimm Me Vidael///«i Benvenifbe , M. Math»*-
iU HISTOIRE DU CONCILE
i ai 2. Ben Virga'avpelÏQ Rome , fans doute parce que le Pape y tenoir
fa Cour (i) , choiïirenc pour leur Qf&teur auprès du Pape le
célèbre Rabbin JJon Vidal Arragonois II concertèrent auffi
enfemble de fe conduire avec modération dans la difpuce ;
& de ne point s'interrompre & s'emporter les uns contre les
(a) Voyez autres (a).
wo\{. b:R. i^q pape les reçut avec un vifage gai 3 de leur parla à peu près
•P; );'en ces termes. » Honorables Hébreux, Nation ancrerais eluë
»de Dieu, maintenant rejettée à cauie de iès crimes, ne vous
»allarmez point de cette difpute, & fur ma parole Pontirica-
^le,, ayez bon courage. Que chacun de vous parle avec liberté,
>3 pour la défenfe de fa caufè. Maître Jérôme ( de fainte Foi)
« s'eft vanté de vous prouver par votre Thalmud que le Meffie
w eft venu , il s'agit de voir aujourd'hui s'il tiendra parole.
Après ce difeoursil les renvoya chez eux jufqu'au lendemain ,
& ordonna qu'onles logeât,& qu'on leur fournît tous les allimens
qu'ils demanderoient conformémentà leurLoi. Le lendemain
on les fit entrer dans un fale magnifiquement ornée. Il y avoic
70. Sièges préparez pour les Cardinaux êc les Prélats , qui y
parurent fplendidement vêtus. Il s'y trouva auffi un grand nom-
bre de grands Seigneurs, &des principaux de la Ville. Quand
chacun eut pris place , le Pape s'adreiTant aux Juifs : >3 Sçachez ,
vdtrM + fages Hébreux , que vous n'êtes point mandez ici
in pour difputer fi notre Religion eft vraye , ou^ fi c'eft la vô-
m tre. Je fuis très-perfiiadé de la vérité de la mienne. La vô-
« tre fut jadis vraye , mais elle eft préfentemenc abrogée. Il j
-,5 eft feulement ici queftion de ce fait, que Jérôme a avancé , ;
:s c'eft que , félon vocre Thalmud , compofé autrefois par des
» Docteurs beaucoup plus fçavans que vous , le Meffie eft venu
»il y a long- temps.
Alors Jérôme de fainte Foi ouvrit la conférence par ces paroles
gb)E/a« Ch ftEfaïe , Vene^ débattons nos droits . . . Mais fi vous êtes rebelles 3
vous ferezjonfumezjjar l'épée (bj. Le Rabbin Vidal % fans s'émoiu
•tiaslzahari, Macaltiob , fummtts îUe txfùlum prineeft , qui Hebr<eii Nafî dicitttv. Samuel Levi" \
ta & M. Mofes filius Mofis, Ex urbe Ofca Todrus, Bj/îantinuSj. Ex urbe Alcoi-i Jofephus///»;
Adreti -, Meir Galigon. Ex urée Darcca Aftrocus Leviia, Ex urbe Monte Rcgali , M. Jofephus :
Albiis. Ex urbe Monyonio Jofephus Leviia , & M. Jomtob Carcofa. Ex monte Aibar.o jihu-
garàa. Ex urie Vehfa Jofcphus Abbalcgh , cr fafiens Bongofa , C?* M. Todrtis filius Jechj,
■G'ranenjîi vir admodum vaierandus. Voyez, Oit la plupart de ces Rabbins la Bibliothèque Htbraï->
que de Wo'fius. »
(1) C'eft aïnfî nu moins que le Cardinal A'Aguirre s'en explique dans les Conciles d'Efpa-
gne j pour exeufer Ben Virga ou d'ignorance ou de mauvaile foù Bajnag. HUt. des Juifs, liv,
ÎX. p. 6^4. & Nitol. Aitt, Eibliotbc H<//<j». Pff.p. 133.,
DE PISE. Liv. VI. 133
voir d'un préambule aufli capable d'effrayer, attira l'admira-
tion du Pape , par l'élégance & la force du difcoursqu'il fît fur H12'
k préambule menaçant de Jérôme. La Relation porte même
que le Pape en fut touché , & qu'il excufa Jérôme de (on empor-
tement fur lamauvaife éducation qu'il avoit reçue parmi ceux
de fa Nation. Cependant , félon cette même Relation , ils firent
ce qu'ils purent pour éluder cette conférence. » Nous autres
» Juifs, dijoicnt.ils , nousnefommes point accoutumez à rai-
» fonner par Syllogifmes &; par des Argumens tirez de la Phi.
îîlofophie, comme le voudroit faire notre Antagonifte. Nous
»ne manquons pas de bonnes raifons pour foûtenir notre Reli-
>sgion, mais nous les propofons fans art, comme faifoient nos
» Ancêtres. 53 Le Pape leur permit de ne point s'attacher aux
argumens fubtilsde la Logique 3 Ç\ Jérôme de fainte Foi s'en fèr-
voit,mais de répondre avec /implicite , aux queltions qu'il leur
feroit fur la dodrine de leurs Prédecefïeurs. Ainfi finit cette con- .
ferencequi fut la féconde.
Dans la troifiéme Jérôme de fainte Foi s'étendit fort au long
fur la tradition attribuée à Elle , touchant les 6000. ans que
devoit durer le monde , fçavoir , deux- mille ans de vuide , c'eft-
à-dire, fans la Loi, deux mille ans fous la Loi, & deux, mille
ans fous le Mefïïe (ij. Le Rabbin VidalvoxAui détourner la que-
ftion 3 fur le tems de la venue du Meflie , pour s'attacher aux
autres caraderes fous lefquelsil devoit paroître 3 mais le Pape
l'obligea à s'en tenir à la queftion propofée , fçavoir , s'il y avoit
longtemps que le MefTie étoit venu. Le Rabbin répondit donc,
que Jerometi'zv oit allégué de la tradition d'Elie que ce qui fa.
vorifoit fa thefe , & qu'il en avoit obmis ce qui la pouvoit dé-
truire. Car il foutint qu'à la fin de cette tradition , on lifoit que
le Mcfjîe n1 était point venu depuis les deux derniers mille ans qii il
devoit venir , parce que les péchez^du peuple l'en avoient empêché.
Mais Jérôme nia nettement que ces dernières paroles fuflent du
Prophète Elie , ( Sancliffimi Vatis Eliœ) il foutint qu'elles avoient
été ajoutées par les Difciples à' Elie , ou par les Thalmudiftes
qui vinrent après } & qu'on pouvoit s'en convaincre par la lec-
ture duThalmud. Surquoi un Rabbin (1) répliqua que s'agif-
fant d'une queftionde fait, fort obfcure , feavoir fi ces paroles
(1) Voyez l'argument que Jérôme de fainte Foi tire de cette Tradition dans Ton premier1
livre Chap.II. p* 7^0. & les remarques de M. iîa/W^Hift. des Juifs. L. IX. p. 691,
(z) M. Zaraçhias Lema-> Rabbin Efpagnol. Voyez ~Wo\&~,ub.fiil>r,p, 361.-
i8* HISTOIRE DU CONCILE
étoienrune addition des Thalmudiftes, ou fi elles étoient d'£//>
ï412, lui même, on ne pouvoir avoir recours à cette raifon pour dé-
cider la queftion générale, jufqu'à ce que la queftion particu-
lière fdc décidée par des Argumens certains , où par quelque
Oracle, & ils prétendoient que cela étoic porté formellement
dans leThalmud , à l'occafion des questions douteufes. D'où ce
Rabbin concluoit qu'il falloit laillerà part lacirconflance du
temps, pour en revenir aux caractères du Meiïie. Car, difoit-il,
fi ces caractères conviennent à celui qui eu; venu, J ' erome de fain-
te Foi auraraifon d'alléguer la tradition des (ix milles ans j mais
fi ces mêmes caractères ne conviennent pas à celui qui eft venu,
nous avons rai fou d'alléguer l'obftacle des péchez & Ifraél.
Comme Jérôme de faim e Foi fe difpofoit à fe fervir d'autres rai-
fons pour convaincre les Juifs, le Pape voulut qu'il répondît
nettement à l'objection du Rabbin fur la tradition à'Elie.
« Comme £//>, difoit Jérôme , a paru long-temps avant les di-
» vers exils des Juifs, il faut que ces paroles , à cauje de nos pé-
nche^ ayent été dites par quel qu'autre, qui etoiten exil ou en
«captivité. On dira, continuoit-il 3 qu'elles ont été écrites par
55 quelques-uns de fesDifciples immédiats. Mais ces Difciples-
55 là étoient aulîî fort éloignez des temps de votre exil : il fauc
53 donc que cette addition foit des Thalmudiftes, qui l'ont faite
*> pour répondre à l'objection tirée des deuxderniers milleans, ;
33 où , félon eux , le Meflien'eft pas venu. 35 A quoi le Rabbin
Vidal repartit que fans s'arrêtera la prétendue addition ,il ne
falloit qu'examiner les parolesqui font inconteftablement d'i?- i
lie. 33 Ce Prophète, dtfoit-il , a dit fimplement deux-mi/le ans des
55 jours du Mefjîe. S'il étoit vrai que le Meflîe fût venu il y a long-
33 temps , il auroic dû dire à la fin des quatre-mille ans , ou, au
•o commencement des cinq mille , ou, marquer dans ces deux- j
?5 mille quelque temps prefix pour la venue du Meflîe Mais corn- \
35 me il ne l'a point fait , il peut être que le Meffie ne viendra
qu'au bouc des deux-mille ans. Oui, dit Jérôme , mais le fenti.
ment d'£//Vcft que cet efpace de deux mille ans fe pafiera fous
ie Meffie, après quoi viendra la fin du monde. Jofeph Albo re- .
pliqua à Jérôme que c'ccolt là une explication qui lui étoit parti-
culière , mais qu'on n'étoit pas obligé de s'y tenir. A quoi il ajou-
ta que les Thalmudiftes difoient qu'il y avoit deux termes mar-
quez pour la venue du Meflîe , fçavoir, ou le temps que Dieu
#yoit juré .de l'envoyer , ou le çemps que les Juifs, penitens fe-
rojenf;
DE PISE. Liv. VI. 1S5
roient difpofezà le recevoir, qu'ainfi les paroles d '£//>, deux-
mille ans des jours du Meffîe , fignifîoient que ces deux mille ans I41**
en général étoient le temps du Meffie , qu'il viendroit au com-
mencement , au milieu , ou^à la fin , félon que les Juifs s'en ren-
droient dignes. Le Pape leur objecta , pourquoi ne dites-vous
pas , Le Meffie viendra , fi les Chrétiens en font dignes , au lieu de
parler des Juifs ? Le libérateur , répondirent ils 3 ne viendra pas
pour ceux qui jouïflènc d'une profonde paix 3 il viendra pour
ceux qui font bannis & difperfez. La conférence fe paiTa en de
ièmblables conteilations, fans rien conclure, &; même, félon
la relation du Juif , elle ne tourna pas à l'avantage de Jérôme de
fainte Foi , à qui ils firent de fanglants reproches , que Benoit
parut approuver.
Le lendemain la conférence recommença pour la quatrième
fois. Elle roula fur un autre mot attribué à Elie dans le Thaï-
rnud, c'eftque le monde dcvoit durer '85. Jubilez^3 qui font 425©.
ans 3 & que U MeJJîe viendroit au dernier de ces Jubilez^ On ne dif-
putu pas moins longtemps , & auiïi vainement , fur ce calcul ,
que fur l'autre, mais toujours au defavantage du Profelyte, fé-
lon le rapport de THiftorien Juif , lorfqu'un Rabbin (a) lui aL (a) MatU'-
lçgua ces paroles duThalmud, pour lui fermer la bouche , par **'
leThalmud même: Vérifient malheur eu fement yceux qui calculent
les teynps auxquels le MeJJîe doit venir (1). Le Pape , qui avoit fou-
vent ouï débiter cette maxime , défira d'en entendre l'explica-
tion du même Rabbin , qui l'avoit avancée. » Ces paroles , dit *
53 le Rabbin , font (î claires qu'elles n'ont point befoin d'être ex-
»3 pliquées. On y détefte celui qui définit Ci préciièment le mo-
» ment de la venue du Meflîe & qui publie fon calcul. Cette pré-
>j cifîon a été fatale à notre Nation 3 parce que fi le Meflie ne
5î vient pas dans le tems marqué par ces fupputeurs^ elle perd
33 courage , & defefpere de fa délivrance. C'eft d'ailleurs une
33 grande témérité de vouloir arracher à Dieu un fecret qu'il a
33 caché à toutes les Nations &à tous les Prophètes. 33 Cette ré-
ponfe émût la bile de Benoit JfllI. qui reprocha fort dure-
ment aux Juifs leur aveuglement & leur ftupidité. f^ous devriez^
doncauffî, leur dit il, anathematifer le Prophète Daniel 3puifquHl
a calculé les temps du MeJJîe & qu'il les a marquez^ exprefjement.
Après avoir adouci le Pape du mieux qu'ils purent , le D odeur
• (1) Maie pereant qui temporum artùttlo sj 'appâtant qmbus vtntHrus eflMeJJias.
Tom.ll. Aa
i8S HISTOIRE DU CONCILE
Vidal répondit , qu'il y avoit bien de la différence entre Daniel ?
M12, & ces téméraires calculeurs , parce que Daniel étoit un Voyant
infpiré de Dieu } qu'il n'avoit pas compté, mais qu'il avoit vu
la chofe comme elle étoit. Le Papa appaifé par cette réponfe,
chacun fè retira.
Le jour fuivant les Juifs propoferent à Jérôme de Ste. Foi cet-
te Sentence du Rabbin Ase : N'attendez, point le Meljie avant
le dernierjubilé , mais attendez^ le confiamment après (i) : par où ^
difoitle Rabbin, il paroît que du temps à'Afè (i)le Meffie n'é-
toitpas encore venu. » Il ne faut pas , répliqua Jerbme , emprun,
»ter desargumens, de ceux qui nient que le Meffie foit venu ,
» tel qu'étoit Afè qui a avancé cette maxime de fon chef, &
» en fuivant fes préjugez. Il n'en eft pas de même de la Senten-
»ce d'ELiE le trèsfamt prophète 3 qui en cette qualité prédi-
»foit certainement l'avenir. 55 Le temps de la conférence fepaf-
fa à mettre en parallèle l'autorité à'Elie , & celle d*A/e\ & à
donner divers fens au terme des quatre-vingt-cinq Jubilez , au
bout defquelsdevoit venir le Meffie. Cependant les Juifs s'étanc
aperçus que le Secrétaire du Pape enregîtroit tout ce qu'ils di-
foient, & craignant quelques falfifications dont ils feroientla
vi&ime , ils convinrent entr'eux qu'il n'y en auroit qu'un qui par-
leroit pour tous, afin de le pouvoir defavouer en casque fa ré-
ponfe ne plût pas au Pape.
Dans la difpute fuivante Jérôme de fainte Foi attaqua les
Juifs par une hiftoire ou plutôt une fable qui iè trouve dans le
Thalmud , & que ce Profelyte allègue dans fon Traité. Comme
elle n'y eft pas toute entière , je la rapporterai ici. » Un hom. !
n me labourant un jour , un de {es bœufs fe mit à mugir. Un ;
" Arabe qui paiïoit par-là lui demanda qui il étoit ? Cet hom- !
» me lui ayant répondu qu'il étoit Juif, l'Arabe lui dit de dé- |
» teler fes bœufs , parce que le Temple des Juifs étoit détruit,
» & qu'il l'avoit connu par le mugiiïement du bœuf. Comme ils
« parloient enfemble, le bœuf ayant mugi une féconde fois ,
>j l'Arabe dit au Juif, attelez vos bœufs , car le Meffie eft né.
» Quel eft fon nom , dit Je Juif ,& le nom de fon Père ? Son nom
» eft Menachera , c'eft-à-dire , Confolateur , & le nom de fon
s» père Ezechias , c'eft-à-dire , force de Dieu , & il naîtra à Be-
( l) Quidni in médium profers omnium oriine poflremi , fedfapientia facile principis , h&c illufria
M. Afii verba ? Ufque ad ultimum JubiUum Meffiam ne exptcles , pojï illud deincePs porro expeftar ,
ubi fup. p. 147.
(i) L'un des Compilateurs de la Gemare dans le IV. Hégle,
DE PISE Lrv. VI. 187
« thleem. Là-defTus le Juif vendit Tes bœufs Se fa charrue , &C
» acheta des habits d'enfans. Etant arrivé à Bethléem 3 tous les 1412*
î> Habitans achetèrent de ces habits , hormis la Mère du Meffie
îî qui en rendit pour raifon,que fon Fils étoit né fous de mauvais
»aufpices, parce que le Temple avoit été détruit le jour de fa
» naifîance. » Ileft vrai, die le Juif ,que Dieu a dit qu'à la naif-
fance du Mefîie le Temple feroit détruit , mais il a promis en
même - temps qu'il feroit rétabli pendant fa vie. Prenez donc
ces habits pour votre enfant , dans quelques jours j'en viendrai
recevoir le prix. Etant revenu au bout de quelque temps , il trou-
va que l'enfant avoit été enlevé par un orage , &: que la Mère le
croyoit mort 5 mais le Juif lui reprocha fon incrédulité ,1a fai-
fant refiouvenir de la promefTe qu'il lui avoit faite de la part de
Dieu- La conclufion que Jérôme de fainte Foi tiroit de ce récit ,
c'eft que le Temple de Jerufalem fut détruit dans le temps de
la naillance du Meffie. Pour fe tirer de cette objection , les
Juifs fè fervirent de plufieurs glofes & diftinétions fubtiles de
leurs D odeurs dont le Pape témoigna n'être pas fort con-
tent (â). , (a) Voyez
La relation porte que dans la conférence quifuivit 3 Jérôme?'1'*2"1'*7-'
de fainte Foi reprit le même argument , mais que les Juifs y ré-
pondirent fi bien, que ce Docteur n'en remporta que de la confu-
fion , & que pour eux contens de leur prétendu triomphe 3 ils
prirent la refolution de faire finir le combat. C'eft pour cela ,
dit l'Hiftorien Juif, que nous corrompîmes par argent fans beau-
coup de peine les grands Seigneurs, & plufieurs Evêques 3 pour
engager le Pape à rompre les conférences , &: Jérôme lui-même
à y confentir } mais le Pape tint bon ,& il fallut recommencer
le lendemain.
Comme une des réponfes desjuifs avoit été que le Meffie pou »
voit bien être né &; avoir demeuré caché dans quelque coin du
Paradis , jufqu'à ce que les Juifs fufïent dignes qu'il parût , le
Pape les entreprit ce jour-là fur l'abfurdité de cette réponfe.
Il s'enfuivroit de-là 3 difoit-il , que le Meffie auroit vécu 1400.
ans fans fe montrer. Les Juifs répondirent là-defïus que le Rab-
bin de Girone (1) avoit fatisfait depuis long-temps à cette objec
(1) C'eft le Rabbin connu fous le nom de Mofes Gemnâenfis , qui écrivit au commence-
ment du XV. fiécle contre Paul Evêque de Burgos Profèlyte Juif. Il eft vrai que Ben yir-
g* dit ici , que ce Paul étoit un Moine , & que ce fut avec le Rabbin de Girone qu'il
eut à faire •> mais il y a beaucoup d'3pparence que c'eft une erreur. Voyez. Wolfim fut
ces trois,
Aaij
î8S HÎSTOIRE DU CONCILE
tion qui lui avoit été faite par le Moine paul^ en difant que
1412. puifqu'^ 'dam avoit vécu environ 1000. ans, un autre pouvoir
bien vivre davantage , & qu'une ancienne tradition portoit
qa'Enoc de Elie étoient encore dans le Paradis (ij. Le Pape nié.
content de cette défaite qu'il traitoit de conte de vieille , un
Rabbin fut affez hardi pour lui dire s Fous pouvez^ bien nous paf
fer quelque abfurditè , fui [que vous autres Chrétiens ^vous en croyez^
tant fur le fujetdu Mcffie. Le Pape entra là-deiTus dans une telle
fureur , que les Juifs craignant qu'il ne les réduisît en poudre \
lui demandèrent pardon de l'imprudence & de la témérité de
leur Confrère 3 qui avoit voulu railler avec le Pape , comme avec
un de ihs égaux. En effet s'étant retirez,ils firent une rude mer,
curialeau Rabbin.
Cependant le lendemain le Pape leur montra un vifage plus
ferein. jerbme de fon côté le fit fort de prouver aux Juifs par le
Thalmud que non-feulement le Meffie étoit né ; mais qu'il s'é-
toit manifefté. Ce qu'il entreprit de faire en alléguant un paffàge
» où le Rabbin Samuel ayant demandé comment on prouve que
«le Temple a été détruit, répond j Je le prouve par l'Oracle d'£-
>s faïc LXVL 7. Elle a enfante avant que d'avoir Jouffert les dou-
î> leurs de l'enfantement. Ce que l'Interprète Jonathan a rendu
» ainfi j Avant que l'angoijfc vienne 3 nous ferons délivrez^} Avant
» que la tempête qui doit détruire le Temple foit arrivée _, le Mcffîe
» fera révélé. » Les Juifs répondirent en défavouant le Rabbin
Samuel , &en difant que Jonathan dans le Tharpim 3 ou dans fa
Verfion chaldaïque , que le Saint- Efprit lui a dictée félon eux ,j
n'a point dit , comme fait le Rabbin Samuel ^ que le Meffie étoit
déjà venu , mais qu'il a dit feulement que quand le Meffie vien-
droit , il viendroit fubitement. A quoi ils difent que 7^07^ ^SV*
Foi ne pût répondre, &qu'ilnefaifoit que battre vainementla
pagne.
Les conférences difcontinuerent quelque tems; le Pape les
ayant renouées , attaqua de nouveau les Juifs fur l'application
que Samuel & Jonathan font du paiTage à'Efaïe à la venue du
Meffie } & leur foutint qu'il falloit expliquer au prétérit, & non
au futur , le mot employé parle Prophète Après quelques con-
teftations fur le fens de ce paiTage , Jérôme de Sainte Foi leur al-j
(1) Les Juifs n'avoicnt pas la même idée qu'ont les Chrétiens du Paradis. Les premiers
prenoient le Paradis pour le féjour des âmes des bons , en attendant la félicité du Ciel,
&ilscroyoient qu'£//'< devoit revenir du Paradis fur la terre.
DE PISE. Liv. VI. 1S9
légua cet oracle de la Genefe (a) : Le Sceptre ne fe départira $ oint de
Judani le Zepjlateur d'entre [es pieds jufqud ce que le Silo fois 141 2.
venu , ce que Jonathan explique ainfi , Jufqu'à ce que le Me/fie ^hî""^
vienne , comme Jérôme de fa inte Foi le leur fie remarquer. Vous
voyez , difoit-il , que vous n'avez plus ni Sceptre, ni Legiflateur.
Comment donc fubfiitera la vérité de l'Oracle , fi le Meffie
n'ellpas venu , puifquele Sceptre s'effc reciré ? Les Juifs répon-
dirent que le fens de ce palTage étoit fort équivoque en Hébreu,
& qu'un texte fujet à autant d'interprétations que celui-là, n'é-
toit pas propre à établir un fait ou une vérité d'importance.
Là-deflusles Juifs alléguèrent les diverfes Interprétations qu'^-
ben Ezra & leurs autres Do&eurs ont données à cet Oracle. Ils
yen ajoutèrent même d'autres , comme , par exemple , que cet •
Oracle pouvoir fignifier que le Sceptre ne fe retireroit point de
»Juda d'une retraite perpétuelle $ que tantôt les Juifs auroient
»un Roi de cette tribu , tantôt ils n'en auroient point , mais
» qu'ils recouvreroient de tems à autre le gouvernement juf-
» qu'au tems du Mefiie , qui rendroit leur règne éternel. »
Mais comme ils les appuyoient fur les accens , & fur la ponc
tuation , Jérôme de fiante Foi leur dit nettement qu'il n'étoit
pas befoin d'avoir recours aux fubtilitez de la Grammaire 3 parce
que la Loi fut donnée d'abord fans accens (1). Comme ils conti-
nuoient à propoferdes explications de leur chef, » Qu'ai- je à
» faire , leur dit Jérôme 3 de vos explications particulières ? Ne
» vaut-il pas bien mieux s'en tenir à celles de Moyfe que vous
'3 appeliez le Prédicateur (a) ÔC de Salomon fils dy îfaac fon di£ (m Rabbin
» ciple , qui par ces paroles , le feeptre ne fe départira point de dufîéckxi.
» Juda , entendent le Sanhédrin qui s'aflembloit dans le Tem-
» plede Jerufalem,& par conféquent dans la tribu de Juda ?»
A cela les Juifs répondirent qu'ils ne trouvoientpas cette expli-
cation fort concluante. D'ailleurs , difoientiis , ce Moïfe que
vous nous alleyie^n' cft point un des Do fleurs T halmudiflcs .C étoit
feulement un Orateur , & encore fon fentiment n'e/l-ilpas tel que
vous le propofe^. Ici finit brufquement la Relation du Juif
Abunftroc rapportée par Ben Virqa.
Ilferoit bien digne delacuriofité du Lecteur de fçavoirquel
fut le fuccès de ces conférences. Mais il y a un obflacle invin-
cibleà lafatisfaire j c'eft qu'on manque de Juges defintereflez.
(1) Qutnamrerumttecejfiras nos cogit ut accentilus fiiem hjbeamtts , cùm Lex ipfaÇme accentibus
primum data fer h. Ben Virga. ubifnpr.y. 167,
Aaiij
i?o HISTOIRE DU CONCILE
Si Ton en croit le Juif Abunflroc (i) 3 les Juifs en forcirent vidto-
*4 *" rieux. Pro certo habetote nos jam ■periculofam illam Charybdimfe-
(z)BcnFir»a liciter prœternavigdffe [a.J. Si d'autre côté on s'en rapporte au re-
jehudath c*c ^es Chrétiens ^les Juifs fe convertirent par milliers dans
zz6. cette conjoncture , comme on l'a vu par le récit de Surita & de
Nicolas Antoine dans fon Ancienne Bibliothèque <£ Efpagne. A
quoi l'on peut ajouter qu'à la fin du Livre de Jérôme de fainte
Foi , on trouve qu'il fe convertit mille Juifs à la lecture de cette
pièce. Je joindrai ici ce que M. Bafnage (b) rapporte à cette oc-
\i 'iei JJfj cadon fur la foi de Banolocci dans fa Bibliothèque Rabbinique.
hv. ix. p. C'en; que » la même année Jérôme de Sainte Foi ayant préfenté
yVr bb* " cec ^Cr^c ■> un ^es Rabbins (c) qui étoient -là , préïènta au Car.
4{mmbt » dinal àefaint Ange un Ecrit par lequel il avoue que les paf-
» fages qu'on avoir tirez de ce Livre lui paroiffbient choquants
»5 &erronez -y qu'il eft vrai qu'on peut leur donner un autre fens ,
» mais qu'il ne le connoît pas. C'eft pourquoi il déclare qu'il
» ne prétend point les défendre ni les juftifler , 6c defavoue tou-
îj tes les réponfes qu'il a faites pour les éluder. Et tous les Rab-
*» bins qui étoient préfens, à l'exception àejofeph Albo & de Fer-
» rier , fignerent le même Ecrit.
Deux chofes peuvent faire juger que les Juifs eurent du def-
fous dans cette occafion. L'une eft la bonté de la caufe des
Chrétiens. L'autre, qu'ils avoienten main le pouvoir &: l'auto-
rité , qui fouvent ont fait triompher une mauvaife caufe. On con-
jecture que le fécond Livre de Jérôme de Sainte Foi parut après
ces conférences.
Btconiuvn XXVII. Ce Second Livre qui ne parut que quelque tems
de ste. Foi après le premier , eit un Recueil des principales chofes qu'il y a
dans le Thalmud, (2) ou. que Jérôme de Sainte Foi y fuppofe, con-
tre le Chriftianifme. L'Auteur marque dans fa Préface , l'ori,
gine du Thalmud , dont il s'en faut beaucoup qu'il ne donne
une idée aulîî exacte , Scaufli nette , que l'ont fait plusieurs Sça-
vans d'entre les Chrétiens ($J. Car il joint enfemble le Rabbin
Juda Haccadofch 3& le Rabbin ^,comme s'ils avoienteom.
pofétous deux en même tems le Corps du Thalmud, qui félon
(1) Quelques feavans prétendent que c'eft le Rabbin Aflroc qui lut prefent & adeur da ns
cette conférence.
(i) Aliqtt& doftrin* multis Z? infinitii abominationibtti in diflo inicjuiffimo volumine Thalmud
contenta. Bibliot. Patr. ubifupr. p. 77 j.
(3) Comme Buxtorf, Ritbard Simon 3 Bndc'e 3 Bafoage & quantité d'autres,
contre les
fuifu
D E P I SE. L i v. VT. îft
lui, fut achevé environ le quatrième fïëclesau lieu que cesRabbins
' le compoièrent feparément,fçavoir leRabbin Judas Haccadofcb3 1412.
c'eft-à-dire 3 le Saint , les Livres de la Mifchna 3 au fécond tiè-
de j & le Rabbin Afè , la Gemare au quatrième fiécle,& elle fut
! continuée au feptiémeparle Rabbin Abina , ce qui fait enfem-
ble le Thaimud de Babylone. Ce Livre qui, félon 'jerbme de Sain-
te Foi , eft dix fois auffi gros que la Bible , n'eft , à l'en croire ,
qu'un ramas de menfonges, de galimatias, de faletez, d'extrava-
gances & d'abominations (i).C'eft par ces raifons qu'il juge qu'il
eft de la dernière importance de fournir aux Chrétiens un pré- ♦
fervatif contre ce Livre &d'en défabufer les Juifs. •>•> Mais cet
» Ouvrage 3 dit-il , appartient particulièrement aux Pafteurs de
«PEglife , fur tout à Benoit JCIIJ. qui en étant le fouverain
)5 Pontife , eft en droit & en obligation de travailler efficace-
«mène à ôter d'entre les mains du public ce Livre pernicieux
» que les Juifs ont fubflitué à la loi de Dieu -, ils eftiment, dit-
Mil , le Thaimud à un tel point 3 qu'ils appellent la Bible fïm-
Mplement LeHurc 3 au lieu qu'ils donnent au Thaimud le fubli,
«menomdeD^/r/w , jugeant même digne de mort celui qui
»en violeroitla moindre partie. « Ce fut pour remplir cette
obligation que Benoit JfUI. ordonna à fon Médecin Jerbme de
Sainte Foi de compofer ce fécond Livre pour donner à ce Pape
un échantillon de ce que le Thaimud a de pernicieux , & pour
confondre les Juifs par une pièce qu'ils regardent comme leur
loi. Il eft partagé en fîx Chapitres 3 fans la Préface. Le premier
Chapitre expofe ce qu'il y a dans le Thaimud contre la charité,
l'humanité , & la loi de nature. On voit dans le fécond ce
que le Thaimud enfeigne contre le fervice de Dieu &; fes per-
hdàons.Jerbme de Sainte Foi reproche aux Juifs dans le troifîé-
Ine Chapitre les proportions & les faits qui fe trouvent dans
ce Livre contre la loi & les Prophètes. Le Chapitre quatriè-
me contient une énumération fommaire des dédiions imperti-
nentes & des autres vices généraux du Thaimud. Il repré-
fente dans le cinquième & dans le flxiéme les maximes du Li-
vre contre la foi Catholique., contre le Sauveur J.C. & contre les
Chrétiens.
A l'égard des maximes contre la charité , l'humanité & les
fentimens de la nature , Jerbme de Sainte Foi pofe en fait qu'on
0) J'ai rapporpé ci- devant le fentiment de Wagcnfeil , là-deiïiis.
i9i HISTOIRE DU CONCILE
trouve'dans le Thalmud au Livre Sanhédrin (a) 3 que quiconque
I^1 2* . maudit ou même bat fon père 3 ou fa mère , eft innocent ^pourvu quil
fuL fJjfo- nyy ait point de blejfure. Ce qu'il confirme par le témoignage de
tandi. Ma'imonides qui die à peu près la même chofe dans fa glolè fur
ce Livre du Thalmud. A quoi ce Docteur ajoute un fentiment
fort inhumain 3 c'eft qu'on n'eft pas punifTàble pour battre père
6cmere après leur mort, "jerbme de Sainte Foi ibutient aufli que
les Juifs ne tiennent point coupable un homme qui maudit père
6c mère, pourvu que dans fes malédictions il ne prononce au.
• cun des noms de Dieu. Il impute encore à cet égard au Thal-
mud bien des chofes auffi abiurdes que dénaturées. Comme je
n'ai pas les pièces du Thalmud pour les vérifier , je les rap-
porterai fur la foi de mon Auteur. C'eft aux Juifs à s'en laver
par le defaveu , foit du fait , s'il n'eft pas véritable -, foit des
maximes 3 fi elles fe trouvent dans le Thalmud. Voici doncen-
(a)Cap.in core ce qu'il allègue de ce Livre (a). » Si quelqu'un a lié , ou
Sanfaedr. }5 garroté fon prochain, pieds 6c mains , & qu'il en meure , ce-
îj luiqui l'alié ne fera pas puni de mort. Mais fi celui qui a été
» ainfi lié , meurt de chaud ou de froid , le lieur mérite en ce
» cas la mort $ que s'il le lie 3 ou l'attache devant un lion , il
» ne fera pas puni de mort, comme il le mériteroit, s'il le jet-
» toit aux mouches ; s'il le jette dans un puits où il y a une
>j échelle, 6c que quelqu'un ôte l'échelle 3 celui qui l'a jette fera
» abfous. » Autre maxime non moins cruelle 3 & non moins
extravagante, tirée du même Livre. Si dix hommes en frappent
un autre avec dix bâtons 3 & qu'ils le tuent , ils feront innocents tous
dix. En voici encore une du même alloi , 6c de la même fource.
" Si quelqu'un tue un homme qui ait une tache au poumon , ou
>5 dont le poumon foit attaché à fon côté, ou qu'il y ait quel-
» qu'un des défauts qui font regarder par les Juifs un animal
»? comme impur , 6c dont on ne doit pas manger, le meurtrier
»en ce cas fera abfous, parce que , ditle Rabbin Salomon^ëék
» comme s'il avoit tué un homme mort , tout animal ainfi ta-
is ché étant attaqué mortellement. 55 Jérôme de Sainte Foi at-
tribue à Ma'imonides une maxime qui n'eft pas moins étrange
fur cette matière ; » C'eft que fi un criminel eft condamné à mort.
53 d'une voix unanime par fes Juges , un tel homme doit paf
m fer pour innocent , parce qu'il eft inévitable , ou neceiïaire qu'il
» y ait du partage entre les Juges dans un tel jugement , 6c que
»s le criminel doit être abfous ou condamné à la pluralité de?
vois
DE PISÉ. Li v re VI. 195
«voix (a). Jérôme de Sainte Foi ne trouve pas feulement de l'in-
humanité dans les maximes du Thalmud 3 il y trouve auili de (â)MwÔ;;-
l'impiété 3 puifque, félon lui , ils permettent de maudire Dieu Lib. judi- *
lui-même, pourvu qu'on ne le nomme pas parle nom ineffable ?u™ L5a'
•de Jchova. Il ramaffe dans ce Chapitre quantité d'autres cho- cap. ix.
fes qui font en même tems horreur éc pitié , horreur , parce qu'el-
les font contre la Religion •& contre la nature 3 pitié , parce
que ce font, pour la plupart, de purs galimatias. Il finit , par
exemple , ce Chapitre par une impertinence avancée dans le
Thalmud (b). C'eft que pendant cent trente ans, fçavoir après (b)Lib.san.
4a naifTance de Cain ôc & Abel , jufqu'à celle de Seth , Eve ne Cap.jw;«*
cefla d'enfanter , & de concevoir d'Adam des Efprits malins, & ftcuaUtrm*
des diables.
Le fécond Chapitre eft. employé à repréfenter, comme on l^a
dit , ce qui fe trouve dans le Thalmud , contre le culte de Dieu,
-& fes perfections. Ils difent , par exemple, que Dieu permet l'I-
dolatrie. Ce qu'il prouve par l'endroit du Traité Sanhédrin (c ) Mme7'
fur Levitique XX. 2. (1) , où il eft parlé des Idolâtres qui li-
vraient leurs enfans à Moloch , pour être paflèz dans le feu de-
vant cette Idole , paflage fur lequel la Glofe du Thalmud eft
-également folle & impie. Voici ce qu'elle porte félon lui. » Le
» texte difant de la femence , on doit entendre par là que le cri-
h me confïfte à ne donner qu'un de fes enfans , ou une partie de
» fa femence au Prêtre de Moloch , mais qu'on ne pèche pas en
» les lui livrant tous. A quoi félon notre Auteur, ils ajoutent une
" autre abomination. C'eftque, bien qu'un père ne puilTe don-
»ner unfeul de fes enfans à Moloch , il peut s'y donner lui-mê-
*3 me , & fon père , ou fon frère , parce que dans cette loi il s'a.
» git de la poûerité feulement. » Il y a encore deux cas où fé-
lon Jerbme de Sainte Foi , les Juifs permettent l'Idolâtrie , c'eft
quand on y tombe par crainte ou par amour. Ce que les Rab-
bins expliquent diverfement. Rabbi Salomon entend par l'a-
mour 3 celui qu'un efclave peut avoir pour fon Maître qui lui
ordonne d'adorer une image , & par la crainte 3 celle des me-
naces du même Maître s'il ne le fait pas. Mais Maïmonides , félon
notre Auteur , entend par l'amour celui dont on eft épris à eau-
fe de la beauté de l'Idole 3 & par la crainte , celle qu'on a que
€
; (0 Quiconque des en fans d'ifra'êljÇU des étrangers qui demeurent en Jfra'èl 3 donnera de fes enfam
• Moloch fera puni de mort.
Tom. //. Bb
i94 HISTOIRE DU CONCILE
l'Idole nefaffe du mal (i). Il n'épargne pas les maximes impies
14 12. des Juifs par lesquelles ils veulent qu'on préfère les fèntime&s
des Sages- à la loi de Dieu, n Ils difent , par exemple , que Ci quel.
53 qu'un fe moque ou médit d'un fage du Thalmud , il fera con-
» damné à l'enfer , mais que s'il tranfgrefïe la loi , il ne foufFri-
» ra point d'autre peine que celle qui eft infligée aux transgref-
(a) Lib. >j feur de la loi (a). » il rapporte là deiïus un conte du Thalmud
Beracbet. afl£z piaifant> „ {l furvint un jour une difpute dans une Ecole fur
53 quelque point de la loi. Tous les Docteurs étoient d'un feh-
» timent unanime , à la referve de Rabbi Elie^er(i) le plus grand
» de tous (^) , qui appuya le iîen par de fortes raifons. Les au-
« très n'y ayant pas voulu acquiefcer, Elie^cr s'en remit au ju-
« gementdeDieu. Au mêmeinftanton entendit cette voix du
y Ciel , Ne combattez^point Rabbi Eliezer, car ce qu'il dit eft vrai.
" Mais Rabbi Ofua fe levant profera ces paroles : Seigneur Dieu ,
33 la loi n'efi pas dans le Ciel , mais fur la terre &c. & là deiïus ils
>3 excommunièrent Elie^er. Peu de tems après Rabbi Nathan
» rencontra le Prophète Elie , &. lui demanda s'il étoit au
» Ciel , quand cette quefticn fut agitée. Oui , dit Elie 3 j'y étois.
53 Mais que dit Dieu, demanda Nathan , lorfque les fages ne.
53 voulurent pas obéir à fa voix ? Dieu , dit Elie _, fè prit à ri-
» re , & dit , mes enfans m'ont imincu , mes en fans m'ont vaincu y
55 (4). Il rapporte encore à cette occafion, une vanterie, ou une
fanfaronade du Rabbin Simeon Ben Jochai , allez femblable aux
prétentions des Papes avec leurs Indulgences. Simeon difoit qu il
étoit d'une fi grande fainteté , $* d'un fi grand mérite , que s'ilvou~
loit , il pourroit fauver tous les hommes nez. depuis lui. Si mon fils
Eliezer , continuoit-il , étoit avec moi , nous pourrions fauver tous
les hommes venus au monde , depuis fa naiffance ; & fi Jonathan
fils d'Oziel étoit avec nous , nous pourrions fauver tout le Genre hu-
zlv IlT main 3 depuis la création 3jufqu* à la fin du monde (b). Il reproche
enfuite aux Juifs d'attribuer à Dieu plufieurs imperfections j
comme de faire des imprécations contre lui-même, pour avoir
(1) Voyez la remarque de Denys Vojfius furie Chapitre 'III. Paragraphe VIII. du traité
de Màirronides touchant le ci lte des Etoiles & des Planettes.
(a) Il y eut plus d'un Rabbin de ce nom-, en ce temps-là. Celui-ci eft Elie^er fils d'Hir*
S*», Tuu de> Docteurs de la Mifchna.
(3) Les Juif, l'ont furnommé le Grand.
(4) Babha Metzia C3p. aunum comparât argentum. Eifenmenger Tom. I. Cap. I. pag. 14*
rait voir que J<.rôme de Jointe Foi n'a donné que le fens en gros , & qu'il a changé les circon.-
ftmçes , comme m'en a averti M. ïïoltenitts.
DE PISE. Liv. VI. î9T
détruit fa Maifon, brûlé fon Temple, 6c réduit fon peuplé en
captivité parmi les Nations, On trouve dans le Thalmud , au H1^.
Livre Beracbot , qu'à chaque veille de la nuit 3 Dieu ruq^it comme
un lion, pour ces chofcs. Dans le même Livre on fait parler ainfi (a) Rabbi
im Rabbin (a). Etant un jour entré dans une maifon des. ma. qI'J™
» fures de Jerufalem , Elie d'heureufe mémoire , vint à moi , 6c
» me dit , après que j'eus fait ni a prière : Mon fils , quelle voix
95 avez-vous entendue dans le défèrt ? J'ai entendu , repondis- je ,
» comme le gemiilement d'une colombe qui difoit , malheur à
\ » moi ; j'ai détruit ma maifon , 6c j'ai fait mon peuple captif par-
ia mi les Gentils. Là-defîus, Elie me jura par ma tête ^ 6c par
» ma vie , que cette voix s'entendoit , non feulement à cette
m heure-là , mais toutes les fois qu' Ifra'êl entroit dans ies Syna-
«gogues, 6c dans les Ecoles ; Lorfque le Rabbin prononce la
» prière appelle Cadish , où l'on célèbre Ja fainteté de Dieu , 6c
» que ce peuple répond 3 le nom de Dieu foit beni ; alors Dieu bran-
la le la tête, ôc fait des plaintes contre lui-même (i).
Us imputent encore à Dieu de fe fouiller par l'attouchement
d'un mort, comme quand il enlevelit Moïfe. » Sur quoi ils di-
\ » fent que Dieu fe lava, mais dans quoi ïè lava.t-il ? ce ne fut
»pas dans l'eau , car Ejaïe dit , qui ejl-ce qui a mêfurè- les eaux
» avec fon poing / On répond dans le feu, parce qu'Efaïe dit , le
] » Seigneur eft dans le feu 6cc. » Jcrbme de Sainte Foi impute en-
core aux Thalmudiftes , d'aceufer Dieu d'envie. Dieu , eft-il dit
dans le Livre Sotha , a créé cinq hommes qui lui refjcmbloient en
quelque chofe , Samfon en force , Saùl far la beauté de fon col , Ab-
falon par fes cheveux , Sedecias/^r les yeux ,le Roi Afa par fes
, pieds , & il les a tous condamnez^ par les chofcs où ils lui refjem-
\ bloient(b) Dieu eft encore taxé par les mêmes Dodeurs de prier J°) s*&* ,
que fa mifericorde fupprime fa colère, de fe repentir de {es fer.
, mens , d'avoir befoin d'étudier le Thalmud , 6c d'attacher des
phylactères à fes bras 6c à fon front où font écrites quelques
: paroles de la loi (c) , de mentir , même de pécher, 6c de s'2i-($Ber*cI,oti
vouer coupable. Il rapporte fur le dernier article cette extra-
vagance du Thalmud. »3 Dans le tems de la création, le Soleil 6c
« la Lune étoient égaux 5 mais la Lune fe préfenta devant Dieu ,
(i) Notez que cet endroit eft extrêmement fautif dans l'édition que j'ai du Livre de Jé-
rôme de fainie Foi M. J*blomkj qui poflede parfaitement le Thalmud , m'a afluré que cet
endroit eft changé dans le Thalmud d'aujourd'hui , & qu'on n'y trouve point l'affaire
du Cadiih.
Bbij
196 HISTOIRE DU CONCILE
» &: lui parla en ces termes : Seigneur , efl - il à propos qu'on5
141 2. » obéïfïe à deux Rois qui n'ont qu'un même diadème ? Là-deflus-
jj-Dieu commanda à- la Lune de fè diminuer beaucoup. La Lune
«répliqua, vous voulez que je me diminue , parce que j'ai fait
» une remontrance raifonnable ? Eh bien , dit Dieu , ne vous afl
» fligez pas , le Soleil ne paroîcra point la nuit } & vous paroîtrez
« jour 6c nuit. Oui ^ Seigneur 3 dit la Lune , mais la chandelle ne
»? fert de rien devant le Soleil. J'ordonnerai donc, dit le Sei-
» gneur , qu'on célèbre des fêtes en votre honneur tous les
»s mois. La Lune fe plaignit fi amèrement de tout cela , queDieu'
» fè confeflànt coupable , ordonna qu'on offrît un facrifice , tou-
» tes les nouvelles Lunes pour expier ce péché là , félon cette pa-
« rôle , on offrira au Seigneur un bouc pour les péchez (a).
Ga>H//?In' *-e Chapitre troifiéme comprend quelques unes des contra-
fun rapin*. di&ions du Thalmud avec la loi , & les Prophètes. Il met en-
tre ces contradictions l'opinion de Rabbi Eliezjr qui àit,que Dieu
créa le Ciel de la lumière defon vêtement , & la Terre de la neige*
qu'il avoit fous fes -pieds. Ce que Jerbme de Sainte Foi regarde
comme une héréfie , parce que c'eft l'opinion générale que le
monde fut créé de rien , & que le mot ilebreu bara , fignifie ,
tirer du néant. \\ impute outre cela à Rabbi Simeon d'avoir dit
que l'ordre dès teras fubfiftoit avant la création du monde , d'où
il s'enfuit 3 félon Jérôme de Sainte Foi v que les corps celeftes font
de toute éternité , parce qu'il regarde le tems , comme la mefu:
re du mouvement celefte. Il n'oublie pas les contes puériles &
profanes du Thalmud , fur les occupations de Dieu avant 6c
après la création , pendant les diverfes parties du jour. v> Pen^
j> dant la première , eft-il dit dans le Thalmud , Dieu étudie la
» loi 5 pendant la féconde , il inftruit les enfans morts j pendant1
>î la troisième., il juge tout le monde ^ pendant la quatrième, il fe'
J3 délaffe à jouer & à rire avec le Leviathan. La nuit il va à'
» cheval furies Chérubins , & vifite les dix. huit mille mondes
)> qu'il a créez. Mais que faifoit- il, demande- t-on , avant la créa*
s? tion? Il faifoit des mondes , & les defaifoit fi). D'où Jérôme de
n Sainte Foi conclut que les Juifs enfeignent l'éternité du mon,
33 de. 33 II leur impute de. plus d'attribuer aux conflellations du*
Ciel , le bonheur ,011 le malheur des hommes 3 contre l'E-
criture fainte qui nous apprend que Dieu les juge félon leurs
(1) Ces paroles font rapportées un peu autrement dans la Gemare Avoda Sara , mais c'effe-
ïémème fens.
D É ÎM SE Li v. Vî. 197
œuvres. Il allègue là- defïus cette fable du Thalmud , qu'on cer- j 4Ï:2#.
tainDodeur fe plaignant à Dieu de fa pauvreté 3 Dieu lui dit,
Si vous voulez^, je détruirai le monde four L'amour de vous , fuis- je
h referai , -peut -être x alors naîtrez^-vous fous une étoile , qui vous
rendra r/f/^(a).lls enfeignent encore,dit-il,dans le Thalmud, que
dans le tems du Mefîîe perfonne d'entre les Nations étrangères , qjP jljmi
ne fera admis à la loi de Dieu^ ce qu'il prouve être contraire «■</•.
aux déclarations des Prophètes ^b).Il remarque dans leThalmud (b) Avoda
une affedation continuelle de blâmer ceux dont l'Ecriture fainte 5*wCap.I.'.
parle avec éloge , & de juftirler ceux qu'elle blâme. Je ferois
rougir le Ledeur, fi je rapportois ici toutes les ordures , & les ob-
fcenitez abominables que les Thalmudiftes mettent dans la
bouche , & font commettre aduellement à Adam , à Noé , à
Abraham , à Jahel , à Samfon , à Moïfe , à David (j). &c. Il y a>
encore dans ce Chapitre une accufation fort odieufe contre les
Thalmudiftes au fujec des Sermens. Elle efl; prouvée par ces pa-
roles du Thalmud, au Livre des vœux [a). Quiconque veut que les (c)Cap.iV;-
fermens ipromefJes & vœux qu'il 'a faits fendant toute l'année \foient Tota'
de nulle valeur , n'a qu*à dire le premier jour de l'an , Je protefie
que toutes les promefies _, vœux , & Jermens que fat faits l'année
pajjée , & que je ferai ce lie. ci {1) font vains , & fruftr'atoires. Jé-
rôme de Sainte Foi témoigne que les Juifs obfervoient encore de
fon tems cette deteftable maxime , &: que la nuit qui précède
le jour des expiations , le Rabbin de la Synagogue tenoit entre
fes bras le volume de la loi , & prononcoit la même maxime-
fôlemnellement , en préfence de tout le peuple , qui y applau-
diffoitf;). Mais l'Auteur remarque que cette protestation re-
garde particulièrement les Chrétiens. Je finirai ce Chapitre par
une remarque qui m'eft fournie par Wagen/eil (d) ,&par d'au- wPr^tw'
tre Savans. C'effc que Jérôme de Sainte Foi rapporte fouvent les ign. Satan,
fentimens des D odeurs Juifs avec négligence. Par exemple , il
fait dire à Salomon jarchi fur Nombr. XVI. 35. (4) que Moïfe
avoir misdupoifon dans l'encens dont Nadab&c Abihu furent
confumez. Cependant le Rabbin Salomon ne dit pas que ce fut
Moïfe qui empoifonna l'encens , il dit feulement que les Jfraë.
(1) Marçar n Ae la Bigne a fwpprimé pluiîeurs de ces ordures , mais il en dit allez , pour
juger de la pièce par l'échantillon.
(z) Ces dernières parole ne le trouvent pas dans l'ancienne proteftation des Juifs. Ils*
proteltoient feulement contre les fermens de l'année paflée.
(3) Ils proteftent feulement aujourd'hui contre les vœux de l'année courante.
(4). Selon la vulgate ; cardans l'Hébreu c'eft Chap. XV II. 13 •
Bb iijj
i9g HISTOIRE DUCONCILE
lit es Ce mo quoi cm des parfums , en ces termes j C'est une poudre mor~
141 2. telle qui atuè Nadab , Abihu , & dont les deux cens cinquante ont
été confumezj^i).
Le quatrième Chapitre roule fur les vaines décifions duThal-
mud. Comme elles font en très- grand nombre, il fuffira d'en rap-
porter quelques unes des plus curieufes _, èc fur tout de celles
que lapudeur permet d'exprimer. Car dans ce Chapitre , com-
me dans le précèdent , il y a des obfcenitez dont on auroit hon-
te dans \es Corps de garde. Voici quelques exemples des ab-
furditez contenues dans ce Chapitre. Rabbi Salomon demande
pourquoi Jacob étant Prophète n'avoit pas fû par révélation
que fon ûlsjofepb avoit été vendu , & qu'il n'avoit pas été dé-
voré par les bêtes, comme il le croyoit. Voici la réponfe de ce
Rabbin. C'eft 3 dit-il , parce que les frères de Jofepb à l'heure
qu'ils le vendirent voulurent excommunier , Ôc anathematifer
quiconque déceleroit cetre trahifon Or cette excommunication
ne -fe pouvoit faire folemnellement , à moins qu'il n'y eût dix
perfonnes , & ils n'étoient que neuf. De forte que s étant ado-
dé Dieu même, pour être dix, Dieu n'ofa pas révéler ce fecret
à perfonne. Il y a encore dans ce Chapitre un autre conte qui
n'efl: ni moins ridicule, ni moins indigne de Dieu. » On y trou-
>j ve qu'un jour , Moïfe étant monté dans le Ciel , rencontra
"Dieu tenant le Livre de la loi entre les mains , &faifant des
33 couronnes pour ceux qui la liroient j comme Moyfe ne lui di-
» foit rien,il lui demanda, pourquoi il ne le faluoit pas. Moyfe ré-
>j pondit qu'un Efclave n'oloit pas Saluer fon Maître. Vous avez
33 raifon, lui dit Dieu , cependant puifque vous êtes ici , aidez-
(a) Sabbat „ moi. (a). £n voici encore un du même calibre, ils difent dans
S^rff4 ' leThalmud (b) que pendant qu'un enfant eft dans le venrre de
(b) xidda fa mère, il a fur la têce une lumière avec laquelle il voit les cho-
Cap.aborta- çQS jufqU'a la fin du monde 5 mais qu'à l'inftant, un Ange vient
qui lui donne un foufflet , &c lui fait oublier tout ce qu'il favoit.
Outre ces extravagances du Thalmud , il s'y rencontre des bé-
vues grofïïeres contre la foi de l'Hiftoire fainte , comme par
exemple ce qu'ils difent qu'tfg Roi de Bafan fut tiré des eaux du
déluge par Moyfe. Il y a encore fur le fujet de ce même Oi plii-
fieurs fables plus dignes des Contes des Fées, ou des Mille &;
une nuit, que d'une loi attribuée à Dieu lui-même, & fur d'au-
(1) Cette remarque eft de M. Noltenius,
DE PISE. Liv. VI. 199
très fujets tant d'impertinences, qu'on fe fait fcrupule de les rap-
porter par refpect pour le public. 141 2.
Voyons ce qu'il y a dans le cinquième contre la foi Catholi-
que. 1 . C'efl une chofe allez curieufe de voir Jerbme de Sainte
loi Profelyte Catholique Romain , faire un crime aux Juifs
d'avoir ajouté le Thalmud , c'eft-â dire leurs Traditions., à la
Parole de Dieu. Il ne faut que rapporter (es paroles pour voir
qu'il lui eût été aifé d'en faire l'application à la Religion qu'il
avoitembraflée. » Les Juifs, àiuil , voyant que la foi Catholi-
» que & la Doctrine de J. C. s'étendoient par tout l'Univers &;
» manifeltoient leur aveuglement , firent publier dans le monde
»que Dieu avoir donné leurs Conftitutions & leurs Règles à
>s Moyfe àt vive voix , pendant les quarante jours qu'il fut fur
"la Montagne. C'efl ce qu'ils appellent Thalmud , c'efl- à dire y
» Dodrine ou Loi orale , dont il punifTent la tranfgreffion plus
>s feverement que celle de la loi de Dieu. Il appuie fa. Thefe de
l'autoricé de Ma'imonides qui parle en ces termes ( a ). La rai] on (a) Prolog.
qui engagea notre faint Maître ( c ) à ramafler les Traditions des Tr^'
Juifs, c*eft qu'il s' appercevoit que le nombre de ceux qui les ètudioient
( ftudentium) diminuoit, que les travaux & les advcrfitez^ (de laNa-
tion ) multiplioient , que le règne de l'iniquité s'élevoit & dominoit
dans le monde -pendant que le peuple ètoit tranfporté dans ces extré-
mité^ Ccji pourquoi , pour empêcher les confit fions de l'erreur , il ré-
solut de rédiger par écrit les Cérémonies des Pharifiens fes Prede-
cefleurs.Enfaite Jerbme de Sainte Foi rapporte qu'au tems de Con~
ftantin le Grand, lesjuifs voyant avec douleur la converfion de
quantité de perfonnes confîderables de leur Nation firent une
afïemblée de leurs plus célèbres Docteurs à Babylone & nom-
mèrent deux Rabbins pour compiler tout le Thalmud qui fut
achevé environ 400. ans après la paillon du Sauveur. Il ajoute
que faint Jerbme ayant à peu près en ce tems-là traduit la Bible
d'Hebrcuen Latin., lesjuifs voyant qu'il y avoic plufîeurs textes
qui leur étoient contraires fe mirent à les falfifier par leurs glo-
£qs , èc firent accroire aux Juifs qu'il n'y avoit pas un mot dans
le Thalmud que Moyfe n'eût entendu de Dieu. Ils portent mê-
me fî loin , félon lui , l'autorité du Thalmud , que lorfqu'il s'élè-
ve quelque difpute entre leurs Do&eurs fur quelques queflions
de ce Livre ils. difent que la même Controverfè fut agitée de-
vant Dieu en préfence de Moyfe,
(1) Il appelle ain/I le Rabbin jW* principal Auteur de la compilation de laMifchna*
ioo HISTOIRE DU CONCILE
2. Après cette accufation générale il pailè au détail desDog.
;i4i 2. mes &. des faits rapportez dans le Thalmud contre la foi Catho-
lique pour obéir, dit-il , à Benoit X III. qui en avoit demandé
le dénombrement. Il fûppofe donc pag. 790. qu'il eft dit dans
(a) Chap. Je Thalmud au Traité Sabath (a) qu'il faut brûler les quatre
xvi. Foi. £vangjies & que je Rabbin Jojeph dit que cette exécution fe
devoit faire un jour de fête , mais qu'il faut excepter de cette
condamnation générale des Livres des Chrétiens les endroits
où les noms de Dieu font exprimez. Il ajoute qu'il y eut pour-
tant un Rabbin qui dit qu'il falloit aiuTi brûler les noms de Dieu
avec les Livres où ils fe trouvoient. Il faut néanmoins remar-
<b) ?>•*/. aâ qlier fur cet endroit que Wagenfeil ( b) s'infcrit en faux con-
$at*n. p. *re ce °lue dit Jerbme de Sainte Foi <|ue le Thalmud condam-
77.78. ne les quatre Evangiles au feu, parce que dans le Traité du
Sabath allégué ci-defTus il n'eft point parlé des quatre Evan.
gilesmiais vraifemblablementdesLivres des Chrétiens en géné-
ral. En eflet dans la Traduction que Wagenfeil donne de ce paf-
fage du Thalmud il s'agit des Livres des Hérétiques & même
en particulier des Sadducéens 3 félon la Traduction de M. ?</-
fc%lVïlfc-blon$ki. Ce qui fait voir , pour le dire en pafTant , que Jérôme
se, de Sainte Foi a manqué ici ou d'exactitude ou de fidélité.
3. Jerbme de fainte Foi impute encore un autre blafphême aux
Rabbins , ceft que , félon eux , la doctrine de Jefus- Chrifl
6c des Apôtres eft pire que l'idolâtrie 3 que les Chrétiens ado-
rent cent neuf idoles \ & qu'il ne faut avoir aucun commerce
avec eux que pour les convertir ou pour les tuer. Ces cruels fen-
cimens font attribuez à Maïmonidcs (i ) &c à Rabbi Salomcn.
4. Le quatrième blafphême regarde directement Jefus Chrift
Il eft dit dans le Thalmud , au traité Sœbath , que c'ctoit un bâ-
tard , un magicien 3 & qu'il avoit apporté d'Egypte certaines
machines d'argile {quœdam ficlilia) enfermées dans fa cuifle ,
avec quoi il faifoit des miracles. On compte dans le Thalmud
qu'un certain Rabbin ayant par (es conjurations évoqué de
l'Enfer , Jefus èç Balaa , on demanda à Balaa quel fupplice y
(1) Il faut remarquer que les paroles de M«\monides là-deiTus ne Ce trouvent point au-
jourd'hui dans le traité de Mdimonides de l'Idolâtrie , non plus que dans la verfîon , qu'en
a dor.nee Denis foffius , ce qui pouiroit faire foupçonner d'infidélité , Jérôme de fainte Koi
Mais on doit dire à fa décharge que M. Jablonskj a entre les mains, deux Manufcrits où
l'on trouve ces paroles blaiphcmatoires. Tels que fout Jefus le Nazarien cr fes Difciples ,
e>- Zadoc c Iteitos çp> leurs Difciples dont les noms impies [oient confondes ( computref-
fouffiroic
DE PISE. Liv. VI. iot
foujBfroic Je fus , il répondit qu'il cuifoit dans une chaudière plei-
ne de fiente toute bouillante. 141 2,
5. On peut juger qu'ils ne traitent pas mieux la Mère que
le Fils, les Dilciples que le Maître h la Mère de Je/us ctokunQ
femme publique 3 les Apôtres des lions , les enfans des Chré-
tiens font des reptiles , les Eglifes font des cloaques , &c.
6. Ils prononcent trois fois le jour des imprécations contre
les Chrétiens,parce que félon le Thalmud, c'eft un grand péché
dédire du bien desldolâtres^tels que font lesChrétiens, & de par-
ler d°aucune autre chofequi les regarde fans y ajouter quelque
témoignage d'indignation , Se quelque note d'infamie. C'eft ce
<]ui fait palier l'Auteur au VI. Chapitre , où il s'agit de ce que
le Thalmud contient contre les intérêts des Chrétiens. Le Thal-
mud commande aux Juifs de faire tout le mal qu'ils pourront
aux autres Nations , mais fur tout de n'épargner point les Chré-
tiens , comme étant une Nation idolâtre &: difToluë. Ils por-
tent fî loin leur haine pour les Chrétiens, qu'ils ne veulent pas
même qu'ils obfervent le Sabbath , ni qu'ils étudient la Loi ,
parce qu'ils n'en font pas dignes. Les Juifs tiennent qu'il eft per-
mis de les tromper &c de les voler , de les tuer, &de leur fai-
re toute fortes de mauxôc d'avanies. C'eft ce qu'il prouve par
des autoritez du Thalmud, ôc de plusieurs Rabbins , entre autres
de Maïmonides.
Il fait dire à ce dernier que quand on voit un Chrétien au-
près d'un puits il faut le jetter dedans 3 & mettre une pierre au-
deffus du puits -y que s'il y a une échelle , il faut l'ôter , afin qu'il
ne puiiïe pas remonter. Il y a encore dans ce Chapitre plufieurs
autres maximes inhumaines contre les Chrétiens , & ce qu'il y
a de plus déteftable , c'eft que félon Salomon Jarchi , les Chré-
tiens les plus dévots font les plus expofez à cette fureur. Tout
le Traité finit par une prière pour laconverfion des Juifs, mais
dans le Chapitre précèdent il avoit exhorté tous les Chrétiens
Catholiques à fe fervir de leur pouvoir , & de leur autorité pour
tes détruire , comme fi pour convertir les hommes , la grâce
de Dieu avoit befoin du fecours 8c du miniflere de la perfecu-
tion (ij.
(1) Au refte je dois rendre ce témoignage à deux amis de cette Ville auflfi diftinguez par
leur fçavoir que par la politefle de leurs mœurs , Meilleurs yablomki & Noltenius Prédicateurs
ordinaires du Roi de Prufle, que j'ai beaucoup profité de leurs lumières dans la compolï-
tion de ce morceau d'Hiftoire.
Tome II, Ce
201 HISTOIRE DU CONCILE
Ces Livres de Jérôme de fainte Foi ne demeurèrent pas fans ré-
ff412, ponfe. Un Rabbin de ce fiécle là , nommé Ifaac Nathan , y fie
(a) Voyez, une réponfe fous le titre de Réfutation du Sedufleur ,(a) où il
Homnger. combattoijc auffi d'autres Traitez contre les Juifs. Un autre
Pa«nL Rabbin , nommé Bom. Vidai fils de Levi , y répondit auflî fous
Ssecui.xiv ce titre. , Saint des Saints. Mais ces Livres ne le trouvent qu'en
Woift.Hb.fuf. manufcrit. Nicolas. Antoine dans fa Bibliothèque ancienne à'EC.
(b)Nkoi. pagne (b) parle encore dune pièce contre Jérôme de jainte Foiy
Ànt.°rn\ qui fe trouve manuferite dans la Bibliothèque de Leyde 3 fous le
Biblioth. tltre de Livre d opprobre.
Vet.Hiipan. XXVIII. Il ne me refteplus à rapporter pour finir cett&aïi*
*Afflîre$ dé- née,que quelques particularitez détachées. Il faut mettre dans
tachées y ce rang la mort de Marguerite appellée £ Aquilonaire , ou Rei-
Mort de nQ ju Nord, fille de Waldemar Roi de Danemarck , & femme
YA^iiomire de Haquin Roi de Norwege. Cette Princefïè , que l'Hiitoire
repréfente comme l'objet de la haine des Suédois 3 & de l'ad-
miration des Danois , fe rendit fort célèbre parafes conquêtes
dans la partieSeptentrionale de l'Europe (c) .Ce fut elle qui après
an i f T n' avon* um ^a Norvège au Danemarck , y joignit encore la Sue-
22. i4ii. de par la vidoire qu'elle remporta fur Albert Roi de Suéde. Je
n. 11. rapporterai ici par occafion ce qu'un des Continuateurs de Ba-
(d)Ray»a!i ron^u^ (d) nous raconte touchant Henri l'un à^s fils de cette
241 j. n.j7. Marguerite , parce que ce trait d'Hiftoire Ecclefiaftique trou-
veroit difficilement place ailleurs. Cet Hiflorien nous apprend
que comme un autre Moïfe , HV^r/préfera la vie religieuiè aux
trois Royaumes du Nord dont il devoit être l'héritier aprèsla
mort de fon père > Se d'Olaus fon frère aîné. Sa mère & les
Grands ayant fait de vains efforts pour l'en détourner par les
appas de l'ambition , il fe retira fous l'habit de faim François
dans un défert ignoré de tout le monde. On l'y trouva pour,
tant à force de recherche , & on le ramena à la Cour. Mais
/bit que la vie pénible qu'il avoir menée 3 l'eût tellement chan-
gé , que fa mère ne le reconnut pas ; foit que pofTedée par l'am-
bition , fa préfence lui fît ombrage , elle le condamna au feu
comme un impofteur. Mais étant échappé des fiâmes par mi-
racle , il retourna dans fa retraite Après y avoir patte quelque
temps , il lui prit envie d'aller à Rome vifiter les faints li'ux f
Scie Temple de faim irancois à? sîffife. Il mourut à Peroufe en
1415. mais avant fa mort , il fît fçavoir qui il étoit aux habitans
D E P I S E. L i v. V ï. 205
du lieu , & , à ce qu'on prétend 3 il fe fignala par divers miracles.
Il efl: vrai que les Hiftoriens de Danemarck démencent ces par- j*l2m
ticularicez , mais notre Auteur aime mieux s'en rapporter à une
tradition confiante de Peroufe , & à ce vers qu'on lit encore ,
dit-il 9 fur fbn tombeau.
Qui p omit Daciœ régna tenere tria.
Je mettrai à cette année la mort de Henri IV. après trois Angle*
\ jbons Hiftoriens François de ce temps-là (a). Ce Prince eutpen- J^^X^
: dantun Règne afïèz long beaucoup départ aux affaires de VE- vend des ur-
glife. Il donna en 1401. un Edir fort rigoureux contre les Loi. flni > îeMoi-
lards , ou Wiclefites , qui , comme on l'a déjà dit , fondez fur PE- ©«»«,
criture Sainte s'étoient déclarez hautement contre les déré- MonjireUt.
glemens & les ufurpations du Clergé d'Angleterre , 6c contre
pluiîeurs Dogmes de PEglife Romaine. Mais la feverité de ces
Edits qui condamnoient içs Novateurs au fupplice du feu , ne
fut pas capable de conjurer cette tempête contre le Clergé. Com-
, me l'Angleterre étoitfort épuifée d'argent , par les guerres qu'el-
le avoit à foutenir contre la France , les grands du Royaume ,
afTemblez en Parlement , propoferent en 1404 , d'employer
.une partie des biens immenfes de PEglife a foulager l'Etat. Mais
Thomas Archevêque de Cai»torberi para le coup par fes fortes
remontrances au Roi , fur le ferment qu'il avoit fait de proté-
ger PEglife. L/année fuivante il s'éleva une groffe fadion con-
tre Henri IV. fous deux prétextes fpecieux j l'un étoit l'ufur-
pation que le Roi avoit faite du Royaume fur le malheureux
Richard , l'autre Poppreffion de PEglife ôc du Peuple qui préten-
doient qu'on avoit violé leurs libertez. Cependant cette conju-
ration fut diffipée en partie par le fupplice de P Archevêque 0) Richard
d'York (b) Pun des Chefs de Pentreprife. L'Hifloire (c) raconte ?^aifin.
que le Roi ayant envoyé au Pape Innocent VII. tes armes & Henri ;r.
Phabillement de guerre de cet Archevêque avec une Lettre qui zaynald-
commençoit par ces mots des frères de Jofephà Jacob b Voyc^fixùt° *
c'efi la robe de votre fils , le Pape répondit , Je ne fiai fi ceft la
robe de mon fils , mais je fiçai qu'une bète ly a dévoré. Le Pape en effet
avoit excommunié ceux qui avoient trempé leurs mains dans le
fang de ce Prélat , parce qu'il regardoit fà mort comme un at-
tentat contre le Siège de Rome. Mais la mort de ce Pape empê-
cha que l'affaire ne fût pouffée plus loin. En effet Grégoire JTII.
qui lui fucceda leva cette excommunication , comme cela paroîc
Ccij
104 HISTOIRE DU CONCILE
par fa Bulle aux Evêques de Durham 6c de Lincoln,
141 2. Les Hiftoriens difent unanimement que Henri IV. mourut
de la lèpre; moult aggrave & piteu Cernent opprejjè de la maladie de
la Lèpre 3 die Monftrelet. Ces Hiftoriens nous racontent en ces
termes les dernières heures de ce Monarque: « Vérité eft que
» lui eftant par plufieurs jours fi eftraint de maladie que plus
îsnepouvoit 3 &que ceux qui deluiavoientlagarde un certain
» jour , voyant que de Ton corps n'iflbit plus d'alaine, cuidans-
>3 pour vrai qu'il fut tranfis , lui avoient couvert le village. Or
» eft ainfi que comme il eft accouftumé de faire ou pays , on
» avoir mis la couronne Royale fur une couche afïez près de lui ,.
» laquelle devoir prendre présentement après fon trefpas foi*
»defftifdit premier fils Scfuccefleur, lequel fut de ce faireafTez-
» preft : & print ladide couronne ôc emporta fur le donner à
» entendre des dictes gardes. Or avintqu'afïez toft après le Roi
» je6ta un fbufpir , fi fut defcouvert , & retourna en afTez bonne
» mémoire , & tant qu'il regarda où avoit efté fa couronne mi*
» fe , &c qwand il ne la veit , demanda où elle eftoit , & fes garde*
» lui respondirent : Sire , Monfeigneur le Prince voftre filsl'a
« emportée, & il dit qu'on le feit venir devant lui, &: il y vint. Et
« adonc le Roi lui demanda pourquoi il avoit emporté fa couron-
» ne , & le Prince dit : Monfeigneur , voici en prefence ceux qui
» m'avoient donné à entendre 8c affermé qu'eftiez trespafïë , &;
" pour ce que fuis voftre fils aifné , &; qu'à moi appartiendra vo-
» ftre couronne &: Royaume , après que ferez allé de vie à tref-
» pas, Pavoye prinfe. Et adonc le Roi en foufpirant luy dit, beau
« fils , comment y auriez-vous droit ? car je n'en y euz oncques
» point , & ce fçavez-vous bien. Monfeigneur vrefpondit le Prin-
»ce, ainfi que vous l'avez tenue & gardée àl'efpée, c'eft mon
» intention.de la carder & deflendre toute ma vie.
Il paroîtra dans la fuite qu'Henri y. tint parole. Si l'on en-
croit un autre Hiftorien contemporain , ce dernier ne fut pas dé-
claré Roi fans conteftation. » Il couroit, dit-il, alors un bruitin.
» certain de la mort de Henri roi d'Angleterre, & l'on difoic
» qu'une lèpre horrible, qui lui avoit mange le vifage&les ex-
>5 tremitez , l'avoit tellement défiguré qu'il faifoit peur à regar-
der; mais tomme l'on doutoit encore d'une fî étrange nouvel-
>s le , il arriva un homme d'Angleterre qui en aiïeura le Duc de
» Guyenne , & qui lui dit avoir été prefent au couronnement de
DE PISE. Liv. VI. iof
» Henri Prince de Galles fou fils aimé, je me fouviens d'avoir
»ouï dire à ce mefme mefïager v que tous les Anglois ne gouf- ,, I2
» toient pas cette fuccefïion , 6c que beaucoup difoient que le
« Sceptre devoir appartenir au Comte de la Marche qu'ils foufte-
» nojenteftre le véritable 6c plus proche héritier de ceRoyaume,
» parce que fon père eftoit iiîu de Meffire Lionel duc de Claren-
» ce3 fécond fils du grand 6c fameux Edouard , 6c que le Père de
» l'autre eftoitdefcen du de Jean duc de Lanclaflre troifiéme fils
» du même Edouard^ fi bien qu'il auguroit de cette diverfité de
» partys 6c de fentimens , que l'Angleterre tomberoit bientofl
«dans une nouvelle guerre civile-
La France étoit aulh agitée que jamais par les troubles inte- Fr-ancb
ftins6c par les armes des Anglois. Il s'en fallut beaucoup que la
paix faite à Chartres entre les factions Bourguignone 6c Orlea-
noife n'euiîent rendu la tranquillité à ce Royaume. D'ailleurs la
trêve étant expirée entre la France 6c l'Angleterre , chaque
parti tâchoità mettre l'Anglois dans fes intérêts,, comme fit le
Bourguignon l'année précédente. L'Orleanois en fit autant fur
la fin de celle-ci. Le duc de Bourgogne ayant avis de ce Trai-
té avec l'Angleterre preiîa tellement le fiege de Bourges , que
i les aiîîegez fe trouvèrent réduits à la dernière extrémité avant
que le fecours qu'ils* attendoient fut arrivé. Comme les afïie-
geants n'étoientpas plus à leur aife ,. on écouta les propofitions
de paix faites aux deux partis par le Comte de Savoye petit-fils
du Duc de Berri 6c gendre du Duc de Bourgogne , 6c elle fe fit au
grand contentement de tout le Royaume.
On a déjà vu que Sigijmond fit cette année un voyage en Hongrie
Pologne 6c qu'il y conclud un Traité avec Ladiflas Jageilon , 6c &ï,°10-
négocia l'accommodement des Chevaliers de l'Ordre Teuto- -
nique avec les Polonois fans pourtant le finir. Après ces négo- , s _ _. .
ciations , 1 Empereur invita le Roi de Pologne a 1 accompa-
gner à Cafchaw (a) dans la haute Hongrie , fous prétexte de
lui faire honneur 6c de le bien régaler , mais dans le fond , fî
l'on en croit les Hiftoriens Polonois , dans la vue de l'engager
àrayer de leur Traité certaines claufes qui ne Paccommodoient
pas, Une des principales conditions couchées par écrit dans ce
Traité,étoit d'exterminer lesChevaliers 6c de partager la Prufîè.
Mais comme la plupart des Princes èc Etats de l'Empire , 6c en-
tre autres , les Electeurs favorifoienc extrêmement ces Cheva-
Cciij
1*6 HISTOIRE DU CONCILE
141 2. liers 5 l'Empereur fie fi bien par tes carefTes , qu'il engagea La*.
dijlas à rayer cet article , à le contenter de fa parole 6c de fon
ferment. Il en alleguoit pour raifon , qu'un tel article étoit ca.
(a) Dfcr. p^ble de le faire dépofer de l'Empire , où il ne fe jugeoit pas
L.xi.p 3*1. encore bien affermi (a). Ce voyage au refte penfa lui être fatal.
Comme il accompagnoit la Reine de Pologne , qui avoit été du
voyage , il tomba de cheval 6c fe blefTa fi dangereufement qu'on
defefpera de fa vie. Mais ayant recouvré fa fanté , les deux Rois
continuèrent leur route ,6c partagèrent le temps entre leplaifir
de la chafïè , &; diverfes dévotions en chemin faifant. Etant, par
exemple , arrivez au Grand Waradin , le Roi de Pologne voulue
aller à pied vifiter l'Eglife de cette Ville , où repofe famt La-
di/las Koi de Hongrie j ils y firent leurs Pâques. De là ils allè-
rent à Bude, où ils célébrèrent la fête de la Pentecôte , 6c puis
la Fête-Dieu avec grande folemnité. Le Roi de Pologne tom-
ba auiîi dangereufement malade à Albe Royale , pour avoir trop
mangé de caillé , 6c avoir pris le bain enfuite. Comme il ne ref-
piroit que fon'rerour en Pologne , pour y achever de rétablir fa
fanté , PEmpereur 3 afin de le renvoyer fatisfait de cette courfe,
le regala de plufieurs préfens. Il lui remit la Couronne du
Royaume de Pologne , que l'Empereur OttonllI. avoit donnée
à Bolejlas premier Roi de Pologne , le Scepre , la Pomme d'or ,
une Epée & quantité de Joyaux appartenant à cette Couron-
ne (1) , qui avoient été tranfportez en Hongrie par Elifabctb
mère de Louis Roi de Pologne 6c de Hongrie , parce qu'elle
craignoit que pendant que fon fils féroit en Hongrie 3 les Po-
ub. f«pr"S' l°n°is n'élufTent un autre Roi f b). A ces préfens qui pouvoient
p. 331. être regardez comme une reflitution , l'Empereur y en joignit
beaucoup d'autres. Il regala Zadijlas de plufieurs reliques , &
ofTemens de Saints enchafïez dans de l'or & feelez du fceau de
Louis Roi de Pologne.
Zadijlas ne fut pas plutôt arrivé à Cracovie où la Reine Anne
fon époufe étoit venue au devant de lui , qu'il fit placer la Cou-
ronne, la Pomme d'or , PEpée 6c le Sceptre dans l'Eglife pa-
roifîiale d'où ils avoient été tirez par la raifon qu'on a dite. Aie*
xandre Withoud Duc de Lithuanie étant venu à fa rencontre ,
ils eurent enfemble une longue 6c amiabfe entrevue , pendant
laquelle Ladijlas lui fit le récit de tout ce qui s'étoit paflé dans
(1) Gladium. Sc\erbyec. quem gruem vocant. Dlug. nb. f»f>r. p. 330.
DE PISE Liv. VI. 207
le voyage , Se partagea avec lui les préfens qu'il a voit reçus de
Sipfmond. Pierre Vifch Evêque de Cracovie, qu'on a vûDepu-*i4i2.
té au Concile de Pife , profita de l'occafion de cette entrevue
pour tâcher de recouvrer Ton Evêché , que Jean JfJClII. lui'
avoir ôté à la follicitation du Roi, fous prétexte qu'il étoitim-*
becille,pour le donner à TEvêquede Pofnanie. Mais le Roi fè
montra inflexible aux raifons& aux larmes du malheureux Evê-
que dépouillé , aufli-bien qu'aux follicitations de [es parens , &
de fes amis qui étoient puiiîàns & en grand nombre. Il fallut
qu'il palîat à l'Evêché de Pofnanie malgré les oppositions de
fon Eglife. L'Hiftoire rapporte que cette violence caufa beau-
coup de fcandale , & attira beaucoup de blâme fur Laâijlas. Auf-
fi dit on qu'il s'en repentit , & même qu'il en demanda pardon ($Crm#
à genoux à Pierre Vifch fa). Cependant il mourut à Poihanie en L- XVI1*-
1414. p" z801*
Les diverfes Conférences qu'eurent enfemble Sipfmond Se
Ladijlas dans le fe jour que le premier fit en Pologne , & dans
leur voyage , ne terminèrent point le Traité des Polonois avec
les Chevaliers Teutoniques. Sipfmond ne demandoit pas mieux
que d'en tirer la conclufion en longueur y d'un côté pour em.
pêcher le Roi de Pologne d'agir contre les Chevaliers , fous
quelque prétexte , après la paix 3 de l'autre pour tirer de l'ar-
gent des derniers qui avoient impatience de voir la fin de ce
Traité. C'eft pourquoi l'Empereur prefTé de marcher en Italie
contre les Vénitiens commit l'affaire à Jean Archevêque de
Strigonie , à Nicolas de Gara , Palatin de Hongrie , &: à d'autres
Barons du Royaume. Cependant afin de le mettre en état de
foutenir cette dépenfe , Sipfmond envoya au Roi de Pologne
une Ambaiîade pour lui demander une certaine fomme d'ar-
gent à emprunter ( 1 ) 3 laquelle il reprendroit fur ce que les
Chevaliers dévoient à la Pologne. Ladijlas la prêta pour enga-
ger plus étroitement Sipfmond à exécuter fa pro m elle d'exter-
miner les Chevaliers. Les AmbaiTadeurs accompagnèrent le Roi
jufqu'à Prz^emiU dans la Ruflle Polonoife , bien contens de leur
négociation.
Il fe paiïa dans cette ville un événement remarquable , pen-
dant le fejour qu'y fit Ladijlas avec les députez de Hongrie. La
(1) Quadragititafexagenorum latortimgrofforum Pragenfîttm millia. Dlug.H&i fi*f>r. p. 43 J»
\
î08 HISTOIRE DU CONCILE
Cathédrale de /V^w/'^avoitétéjufqu'alors deffervieà/^ Gre-
%41%' quefyar un Prêtre Rufle. Le Roi pour fe juftifïer publiquement, ;
y s Dl en préfence de ces députez , de l'accufation intentée contre
ub.fupfv. lui en Allemagne de protéger les Schifmatiques, ordonna de
* déterrer tous les corps des Rufles qui repofoient dans cette Gu
334
thédrale > & la confacra au rite Latin (a).
Fin du Sixie'me Livre.
SUITE
DU CONCILE
P I S &
o u
HISTOIRE DE CE QUI S EST PASSE
entre ce Concile & celui de Confiance.
LIVRE VII-
SOMMAIRE,
I. Ladiflas s'empare de Rome. I I. Fuite du Pape & des Cardinaux.
I ï i. Violences de Ladiflas dans Rome. I V. Route de Jean XXII I.
à Sutri^ à Viterbe 3 à Monte - Fiafcone , a Sienne , à Florence. V.
Lettreau Pape au Roi d' Angleterre. VI. Harangue du cardinal
de Chalant a Sigifmond. VII. Le Pape fe retire à Bologne. VIII.
Autre ambaffade de Jean XJCIII. à Sigifmond. IX.Diverfes
négociations de ce Prince. X. Négociation des Légats de Je^n
JZTjriII. avec Sigifmond, XL Réflexion fur cette négociation,
Tom. IL Part/Il. A
1413.
Ladiflas
s'empare de
Rome.
(a) Lcon.
Aret. de Keb.
JtaL p. Z$J.
Poçg. Hift.
Tior. L. IV.
p. 1.94.
(b) Niem.
Job.u:.
XXllI. p.
179-
HISTOIRE DU CONCILE
XII. Conférences de Jean JTJTIJI. avec Sigifmond en diverfes
villes. XIII. Choix de la ville de Confiance. X I V . R emontrance de
Sigifmond à Jean JTJfïlI. XV. Z1 Empereur ^ Jean JCJCI1I%
vont à Crémone où ils manquèrent de périr par la trahi fon de Gabrin
Funduli.XVl. Expédition pour la convocation du Concile. Edit de
r Empereur pour cet effet. XVII. Lettre de Sigifmond^ Grégoire
Jfll. XVIII. Lettre de Sigifmond à Charles VI roi de France.
XIX. Bulle du Pape fut -le même fujet. X X. Etat de la France.
XXI. Conduite de l'ÎJ niver fit è dans ces troubles. XXII. Di [cours de
Gentien & de Pavilly de la part del'Vniverfitè. XXIÏI. Autre
Afsemblée de fUniverfité chcz^ Pavilly. XXIV. Caractère de Pa-
villy. XXV. Harangue de Talvende de la part de fVniverfitê.
XXVI. Di [cours de Gerfon au Roi de la part de l"Univerfitê.
XXVII. Raifons du fïlence fur les propofitions de Jean Petic.
XXVIII. Afj emblée de P aris pour la condamnation des propofitions
de Jean Petit. XXIX. Première Action. XXX. Seconde Action.
XXXI. Digreffïon touchant Jean de Montaigu archevêque de
Sens. XXXII. Quatrième Action. XXXIII. Cinquième AElion.
X X X I V. Ambajfade de Sigifmond k Charles VI. touchant le
Concile de Confiance.
I. Il OEan XXIII. ne demeura pas long -temps paifible
poflèiïeur de fa Capitale. Ladiflas , qui l'année pré-
cédente avoit fait plufieurs tentatives pour la fur-
prendre, s'en empara cette année de vive force &
même fans coup ferir. L'occafïon nepouvoit être plus favorable
par la difperfîon des Généraux du Pape , ôt fur tout par l'abfence
de PauldesUrfins & de S force. On a vu qu'il avoit relégué le pre-
mier dans la Marche d'Ancone 3 fous prétexte de gouverner cette
Province, &: Sforce qui avoit pris le parti de Ladiflas l'y te n oit
afnegé par ordre de ce Prince, &même avec les propres troupes
de Jean JCJCIII ( a ). Ce dernier n'avoit pour toutes troupes qu'-
environ quatre mille hommes de gens ramafîez à la hâte,, incapa-
bles de foutenir le moindre afîaut. Il s'étoit fait d'ailleurs quantité
d'ennemis dans la ville par {qs extorfions & fes mauvais traite-
ment, au lieu que Ladiflas y avoit beaucoup d'intelfÇences (b).
On foupçonnoit même le Pape de n'être pas fâché que Rome fut
ferrée de près, pour avoir un prétexte de ne pas fe trouver au Con-
cile qu'on parloitd'aflembleren Allemagne (1). Une autre raifon
( 1 _) H and tamen agreferchat vulgari famam adventare ad nrbem Ladiflaum , quo facilws excu.'
fare fojjit taoram in Gennatiiam pro celebrando Concilïo traujcetideudu
DE PISE. Liv. VIL 3
engageoit encore Zadijlas à hâter une conquête qui , comme il r . r -
s'en rlattoit , l'eût rendu maître non feulement de Rome, mais de
toute l'Italie. Il s'agifloit de prévenir Sigifmond Roi des Romains,
qui arrivé depuis peu en Italie n'eût pas mieux demandé que de
s'emparer de Rome fous prétexte de la défendre, ôcpour venir
plusaifémentàbout du Pape dans la vue de rendre la paix àl'E-
glife , par la tenue d'un Concile gênerai.
I I. Ladiflas , au lieu de s'amufer dans la Marche d'Ancone (a) , Fuite du p«-
commeilavoitfeintdeleprojetter, prit le chemin de la campa- vi^AesCar"
gne (b) de Rome a la tête d une bonne armée , iuivant 1 avis que (a) Vwnum,
lui en avoient donné les Exilez de Rome ( i). Après s'être faifi des (ftc**»}*»'*-
Places les plus importantes, il marcha droit à Rome à la faveur
de ces guides qui en connoifloient les endroits foibles. Quand on
fut aux pieds des murailles , on y fit une aflez grande brèche pour
faire entrer de la cavalerie près delà porte appellée Capenevers
l'Eglife de Ste Croix. Les gens de Ladiflas ayant trouvé les fenti-
nelles endormies dans cet endroit, entrèrent dès le grand matin
dans la ville fans trouver aucune réfiftance. Le défaftre & l'effroi
furent fi grands, que le Pape & treize de [es Cardinaux prirent
des premiers la fuite , ne fe trouvant en fureté ni au Vatican , ni
au Château St. Ange , qui pourtant paiïoic pour un port impre-
nable, & qui ne fut en effet emporté que quelques jours après.
Cette retraite inopinée fit perdre cœur à tout le monde. Ceux mê-
me d'entre les Romains , qui avoient promis au premier avis de
l'approche des ennemis de foûtenir jufqu'à la dernière extrémité t
&quis'étoient mis en devoir de le faire, fe rendirent à l'ennemi
fe voyant abandonnez de ceux qui avoient le plus d'intérêt à dé-
fendre la Ville (2).
III. Ladiflas y entra (c) moins en vainqueur qu'en corfaire, y Violences de
exerçant des cruautez horribles , & mettant -tout au pillage. Piu- Jjïï*8
fieurs Auteurs de ce temps - là ont fait l'hiftoire de cette tragédie (c) 4. juia.
d'une manière fort uniforme, cequieft d'autant plus rare qu'on
ne peut pas les foupçonner de s'être copiez. Il fe faille d'abord du
palais de St. Jean de Latran , & deux jours après de celui du Vati-
can , où il fit prifonnier Landolphe Maramaur cardinal de Bar qui
(1) Se Picenmnojlcmans petiturum ;1$forfitctn itet egijfet ut P.iuli auxilia Pontificem prïvaret ,
tiifi Remanorum exfulum cohortatio ab ea eogitatiene illttm avertiffet : li fréquentes jecum erant ur-
bemqtte palliantes impnlerutit , ut Remampeteret. Pogg. ubijupr.
(z) Parabant fe ~R ' omatii ad definfonem , jamqtte ad dus tnillia eqttites ttdificiaingreffas , «bflrttc-
tisniis utneque progredi , ueque regrrdi peffent ,cepera?it. Sedattdita Pa;:tificisfuga , dimijfis equi-
xibns omnique Jpe auxilii prxcifa , fe Kegipermifcre.V0gg.1ibi jupr. p. rp5- Vid. & Bz.ov. an»
I413-n.IV.
Aij
4 HISTOIRE DU CONCILE.
Î4M, en avoit la garde. Il fitmafîacrer plu fieurs Prélacs , après lesavoir
dépouillez de leurs biens, pilla la Chapelle du Pape , enleva les
joyaux du St. Siège & quantité de Reliques enchaflées dans l'or &
dans l'argent & enrichies de pierres précieufes, & les tréfors dçs
Eglifes de la Ville, convertie la Bafilique de St. Pierre en une
Maifon de Ville , lit repaître les chevaux fur les autels , & changea
les temples en cabarets & en lieux de débauche. Comme 'Jean
JTJCIII. avoit réfolu de profiter du faux calme dont il jouiiloic
par une feinte paix , pouraflemblerun Concile à Rome, dans la
vue d'éluder celui qu'on lui propolbit ailleurs j Ladiflas fie ruiner
tous les préparatifs d'une Atlemblée qui ne pouvoit l'accommo-
der nulle part. Il changea tous les Officiers établis dans la Ville
par le Pape , le Sénateur , les Confervateurs & les Capitaines des
Quartiers. Il fit par tout effacer , lacérer & abbatte les armes &
Iqs drapeaux de Jean JfJflII. & placer les (iennes à la Tour de
St. Pierre , au Vatican , à St. Jean de Latran , au Capitole , & au -
rres Places publiques. On a vu l'année précédente comment le
Général S force avoit quitté le parti de Jean JTJflII. pourfe
ranger du côté de Ladiflas. Le Pape fut tellement irrité d'un
changement fi contraire à fes intérêts, qu'il avoit fait peindre ce
Général pendu par les pieds à toutes les portes de la Ville avec
desinferiptions flétriflàntes. Ladiflas fit effacer toutes ces notes
d'infamie , qu'en effet S force n'avoit pas méritées, puifqu'il n'a-
voit plus d'engagement quand il changea de maître. Ladiflas s'é-
tant rendu maître du Château St. Ange après quelques jours de
liège, il redoubla fes cruautez envers les citoyens. Il en fit exécu-
ter plufieurs $ les galères, l'exil, &. les tortures furent les moin-
(a) Pogg. dres fupplices des autres. Quelques Hiftoriens de Florence (aj ra-
t,bijttpr.Scip. contenc que Zadiflas fit dans cette occafion aux Marchands Flo-
f Ur. Lib. rentins qui negocioient a Rome , un tour , non feulement indigne
xviii. p. j'un Prince, mais même de Pirates, qui tiennent ordinairement
ce qu'ils ont promis. Ces Marchands au premier bruit du danger
que couroit la Ville , avoient caché leurs meilleurs effets chez
leurs amis. Le Roi qui couchoit enjoué" un fi riche butin, leur
promit en entrant qu'il ne leur feroit fait aucun tort , & qu'ils
pouvoient en toute fureté étaler leurs marchandifes. Appuyez fur
la parole royale, ils reprirent leur négoce comme à l'ordinaire.
Mais Ladiflas plus jaloux de leurs thréfors que de fa foi, les fit
tous emprifonner, &fefaifit de leurs biens. Je joindrai ici la def-
crip tien que Monftrelet a faite de cette cataftrophe de Rome. »En
DE PISE. Liv. VIL 5
» cet an Lancelot Roi deNapples & de Secille, lequei avoir efté iAirt
» mandé par aucuns faulx & defloyaux Romains, vint à Rome à
»tout grand exercice de gens d'armes 3 2c fans trouver aucune ré-
» flftence,entra dedans, & meic cour, à faquemant, en pillant & dé-
» robanc générallement tous les riches , &c plus puiilànts de la Vil-
» le : & auiîî en print plufieurs prifonniers , lefquels furent rançon-
» nez à grand finance. Et adonc le Pape Jean & fes Cardinaulx ,
» qui lors réfidoient en icelle Ville , oyans les nouvelles deiîusdic-
» tes, tout plains d'amertume , &. de paour fe fauvérent de Chaftel
» en Chaftel , èc enfin fe départirent , & allèrent par divers lieux
» jufquesà Boulongne, où ledit Pape tint fa Court : toutefois la
«plus grande partie de leurs biens furent prins , ôcraviz des gens
» dudicl Lancelot , lequel par aucune efpace de temps domina de
» tout en ladicte Ville de Rome , & en feit emporter plufieurs pré-
cieux joyaux tant fainctuaires comme autres , & puis par certains (^A,1I4M«
* r , , ■> r r Volum. I.
» moyens le partit de la (a). chap. cv.
IV. Jean XXIII. chaudement pourfuivi par les gens de Zadijlas -ROÎ!tc ie
ne fe trouva gueres plus à fon aife dans fa faice, qu'il auroit pu. Jcanxxiil.
l'être dans Rome. Il eut tout letems de pleurer, comme il faifoit
en chemin ,fa f o lie de s'êcre fié aux belles paroles de fon ennemi
(i). Theodoric de Niem 3 qui écoirà fa fuite., nous fait un récit fore
tragique des maux que ce Pontifeeutà foufFrir avec toute fa Cour,
pendant cette retraite précipitée (b). Quoique les fugitifs furpaf- (6) Vit. job.
falîent de beaucoup le nombre de ceux qui les pourfuivoient , & ™,r1, aHu?
a î • r n> i 1 ^ i • -i » n Vonder hardt
que même les premiers ruilent la plupart bien armez , il n en refta t. n.p.37p.
que fort peu , tant la terreur leur avoir ôté la force &r le courage, 383*
Comme c'étoit au cœur de l'été , plufieurs périrent de chaud 6c
de fatigue. Il y en eut beaucoup de tuez, de ceux quiéchapérent
à l'épée de l'ennemi furent dépouillez par les propres gens du Pa-
pe. Sa première ftation fut à Sutri^ petite ville de l'Etat de l'Eglife a Sutri.
à huit milles de Rome, allez bien fortifiée. Mais craignant d'y être
affiegé , il y tailla ceux qui ne pouvoient fuivre pour pafîer à Viter- a Viterbe.
be, autre place de l'Eglife plus importante, où il fut reçu fort amia-
blement avec toute fa Cour par le Gouverneur y êc par les Dames
1 de la ville qui fignalerent leur charité dans cette occafion. Après
s'y être repofé quelques jours, il fe rendit à ÎVf^w^-i7/^/?^^, vil- AMonte,
le épifcopalefufTraganre du Pape. Pendant le féjour qu'il y fit, il Fiafcoxi#
eut avis que Zadijlas avoit écrit des lettres circulaires à ceux de
(i)Sift£gi con poebe genti dt Rema piagnendo fer cammina am.namentelaju.tfollift. Ammir.
Ht). Fier. p. 666.
Aiij
û HISTOIRE DU CONCILE
r . . , Sutri , de Viterbe , de Monte-Fiafcone & d'autres endroits de la ju-
' rifdi&ion de l'Eglife de Rome , qui tenoient encore pour ce Siège,
pour les fommer de fe foûmettre , ou de Te préparer aux dernières
extremitez. Il écrivit lui-même à Jean XXII I. d'attendre dans la
dernière de ces villes les ambaiîadeurs qu'il devoit lui envoyer in-
ceffamment. Mais ne jugeant pas à propos defe fïeràuneambaf.
fade dont il ne pouvoit rien efperer de bon après Tes lettres mena-
çantes que ce Prince écrivoit de toutes parts , il continua fa route
ASiennc. jufqu'à Sienne. Cette République, qui avoit été agitée par de
fréquentes guerres avec Ces voifins pendant les années précéden-
tes, fetrouvant alors dans un état plus tranquile, parce qu'elle
(a) Pogg.«iî avoit été comprife dans la paix entre Zadiflas & les Florentins (a),
juj>r. p. ij>z. Jean JtrJTIII. crut pouvoir s'y repofer en fureté quelques jours.'
Ce fut là en effet qu'il commença à refpirer, s'y croyant plus à
l'abri de la pourfuite. Comme jufqu'alors il n'avoit fongéqu'à la
fureté de la perfonne, fans fe mettre en peine de la deftinée de fes
2;ens (i), il lesafîembia, &, les larmes aux yeux , il leur promit
de les dédommager de leurs pertes par toute forte de grâces. Après
a Florence, s'être rafraîchi quelque temps à Sienne, il prit la route de Floren-
ce , où il efperoit une plus puiflante protection. Les Florentins fe
trouvèrent fort embarraflèz à recevoir un hôte de cette impor-
tance. La Ville éroit alors partagée en deux factions -, les uns te-
nant pour le Pape, les autres pour Zadiflas , quoiqu'il eût violé
une des principales conditions du traité, quiétoit de ne rien en-
treprendre au préjudice du Pape , &c de Zoiïis d'Anjou , & de ne
fb)Pogg. point s'emparer de Rome, ni de l'Etat de l'Egiifefb). Pour fe tirer :
utifafr* ^e cec embarras s ils prirent le parti de ne recevoir le Pape qu'au
fauxbourg St. Antoine , où l'Evêque avoit fon palais , & de retirer j
les gens de fa Cour dans la ville , prérendant par ce tempérament I
ménager Zadiflas , & en même temps lui faire peur (2).
lettre du Va- V. Il ne fut pas plutôt arrivé à Florence qu'il écrivit à toute la 1
pejm Roi Chrétienté , pour donner avis de fon défaftre, & demander du
Hpenrre. fecours Qn trouve parmi les A&es d'Angleterre une de ces Let-
tres circulaires à Henri V. en date du mois de Septembre de cette
année, conçue en ces termes: » Jean Evêque Serviteur desSer-*
m viteurs de Dieu , à fon très-cher Fils l'illuftre Roi d'Angleterre
» 'falot 6c bénédiction apoftolique. Plût à Dieu, mon très-cher
(1) Cœteri Curiales , inter ques tram , ipfumde dit in dïtm feqnebantur. Quos fuis Cupitaneis
$$gcnt;brts armorum recommendart non car abat. Niera, ubi fupr. p. 381.
(z ) Volendo in un medtfmo tempo tnofir&r di tensr conto dtl Re , e un iftejfo tempo figer lipattra*
Ammirat. ubijupr.
DE PISE. Liv. VII. 7
«fils, que5 comme vous le fbuhaittez, les bruits qui fe font ré- 14.ii
»pandus chez vous touchant le malheureux fort de la ville de Ro-
»>me fuflentfaux. Il n'eft que trop vrai, comme je m'aiï'ure que
» vous l'aurez déjà fçû par une de nos lettres , que par un attentat
» perfide & facrilege , cette Capitale a été envahie par notre en-
» nemi le traître & rebelle Ladijlas. On ne fçauroit jamais allez dé-
» tefter un trait auffi noire 2c une auffi infîgne trahifon. Eut-on crû
«qu'il y eût au monde , je ne dirai pas un Roi 3 mais un homme ca-
pable de poulîer l'audace £c la feeleratefle auffi loin ? Il n'y avoit
»que fort peu de temps que, par [es ambafladeurs, il nous avoit
»juré hommage , & qu'il avoit reçu de nous l'inveftiture du
» Royaume deNaples publiquement en prefence de tout Je peuple,
» & de la manière la plus folemnelle , de quoi nous avons [es lettres
» lignées de fa main , & fcellées de fon fceau. C'eft fous cette ap-
» parence de paix qu'il effc venu à bout de ce qu'il n'auroit pu exe-
»cuter même pendant une guerre ouverte, parce qu'endormis
» par [es promelles £c [es fermens nous ne nous tenions point fur nos
» gardes. Je ne puis ni vous dépeindre , ni me reprefenter à moi-
» même qu'avec la dernière horreur la fureur &. l'impiété avec la-
» quelle il a traité , ôc il traite encore la ville de Rome , les Tem-
» pies facrez & les vénérables Reliques des Saints, ôctout le dé-
» plorable peuple de cette Capitale. Je n'ofe entrer là-deilus dans
» un détail qui ne feroit qu'aigrir votre douleur 6c la mienne. Il
» s'agit donc ici de reprefenter à votre Serennité &: à tous les Prin-
» ces Catholiques l'urgente neceffité de s'oppofer aux progrès Se
«attentats de ce Perfecuteur , dont l'audace va tous les jours en
» augmentant. Vous fuivrez en cela l'ancienne Se louable coutume
» des Rois ôc des Princes Chrétiens en pareille occafion ; ôc il n'en
» eft point de plus propre à fïgnaler votre pieté 3 & à vous attirer
» en même temps les applaudiflemens des hommes 3 6c les bene-
«dictions de Dieu. Oeil furquoi nous vous envoyerons 3 ou un AsD> l4tj#
» Légat , ou nos Ambafladeurs, afin quevousenfoyez mieux in- fscundoNo-
» formé. A St. Antoine fauxbourg de Florence la quatrième année Xn.Si Ph.s?'
» de notre Pontificat. exAntogr.
VI. Comme SiziCmondrox des Romains étoit alors en Lombar- ^ar^"e fm
«->-',. i-ii/f s Cardinal de
die, Jean J£JC11I. lui envoya le cardinal de Chalant{\), pour Chalaoti
implorer fon fecours contre Ladijlas. Le Pape avoir deux grandes Sisirmond-
raifons d'efperer beaucoup de ce côté-là. L'une qu'il n'avoit pas
peu contribué à l'élection de Sipfmondà l'Empire (2). L'autre que
( 1 ) Voyez le cara&ere de ce Cardinal L. III de cette Hiftoire , Art. LV II ï,
iz.) Voyez.Liv. IV. de cette HiftoHse, Art. XL
g HISTOIRE DU CONCILE
j ai 3. Zadiflas donnoit beaucoup d'ombrage à ce Prince par fes conquê-
tes en Italie. Chalant déploya toutes les voiles de fon éloquence
pour exagérer les malheurs de Rome 6c la tyrannie de Zadiflas à
Sigifmondqu'il appelle le plus religieux de tous les Princes. II y avoir,
i> dit-il , fix luftres que l'Eglife étoit affligée du plus pernicieux de
« tous les fchifmes , lorfqu'au feptiéme,le Concile de Pife étant af-
y iémbie , par rinfpiration du St. Efprit , les deux Concurrens fu-
»rent canoniquement dépofez, pour élire un vrai 6c indubitable
•• Vicaire de J C. L'unité (i long-temps defirée fut rendue à i'E-
»> glife j Rome , le Patrimoine de St. Pierre 3 6c tout le temporel de
» l'Eglife furent repris fur fes redoutables ennemis, auffi-bien que
» le Palais d'Avignon , & plu (leurs Forts que l'antipape Pierre de
» Zu/ie avoit élevez. Zadiflas ne refpirant que la conquête de Ro-
^me, marchoit à grands pas pour Paflieger, mais il fut défait en
«bataille rangée, 6c mis en fuite par l'armée de l'Eglife. Cepen-
« dant comme un enfant rebelle il n'a celle depuis de la perfecu-
« ter en mille différentes manières , employant fucceiTivemcnt la
«force 6c larufe ,, tantôt en lion , tantôt en ferpent : la violence
» ne lui ayant pas réuffi , il n'a rien oublié pour corrompre par ies
» prefens , les Généraux 6c les autres Miniftres de l'Eglife 3 & pour
» les attirer dans fon parti. Ce fut par cette trahifon qu'il vint cam-
» per devant Rome , 6c qu'il y fît des proportions d'accommode-
» ment. Le doux 6c facré nom de paix , quoiqu'offerte par un en-
nemi des plus exercez dans l'art defourberj reveilla l'attention
» de tout le monde. Notre Saint Père le Pape lui-même , qui fou-
»vent en avoit fait l'expérience, aima mieux tout rifquerque de
« rejetter des proportions pacifiques. La paix fut en effet conclue
m 6c ratifiée , Zadiflas renonça à l'obédience d'Angelo Corario , re-
» connut pleinement Jean JfJflII. 6c lui prêta hommage pour
*>le Royaume de Sicile. Mais il n'y a ni traitez nipromefles qui
» tiennent contre un ennemi perfide. Peu de temps après , en effet,
■» Zadiflas axtcntiÇ à toutes les occafions favorables à fon deflein,
» vint à main armée furprendre le Pape dans Rome,, en força les
» murailles la nuit 3 & y entrant le matin y exerça les plus grandes
» hoflilitez. Le Pape 6c les très-Reverends Cardinaux ne lui au-
«roient pas échapé , s'ils n'euflent cherché leur fureté dans la
» fuite. Qui pourroit reprefenter les malheurs de cette journée?
», Quelques -uns des Cardinaux ont été faits prifonniers , on a maf-
v facré plufieurs Prêtres, & autres Ecclefkfïiques j d'autres ont
» été blefTez. On a dépouillé les Officiers de la Cour du pape.
DE PISE. Liv. VII. 9
• Les Bafiliques des Apôtres ont été profanées ; on y a vu re- 141 3.
« paître les chevaux comme dans des écuries ; les Eglifès de la Ville
»» ont été dénuées de leurs croix, de leurs calices, 6c des autres
» ornemens facrez j & ce qui fait horreur à rapporter , le foldat in-
» fuient s'eftfervi dans les cabarets des faints calices, au lieu de
» verres & d'autres vafes. On a violé les femmes 6c les vierges con-
» facrées à Dieu , relégué les meilleurs citoyens , ôc profcrit leurs
» biens. Qu'on life les Annales , on n'y trouvera pas que l'impiété
»fefoitjamais portée à de fi horribles excès. Les Payenseux-mê-
» mes ont eu du refpect pour les chofes faintes. Cependant ces fa-
«crileges demeuroient impunis. Un feul homme porta la peine de
»» cette profanation, ayant étéaflafîinéla nuit après avoir fait la
» débauche dans un vafe confacré. Dans ce bouleverfement géné-
» rai , après l'invafion de Rome & de la plus grande partie du Pa-
trimoine de Sf. Pierre, le Papes'eft réfugié à Florence., où il a
«été reçu avec toute force de tendreile & de refpect -, Ôc cette
» République*, félon fa magnanimité ordinaire, a réfolu de défen-
» dre l'Eglife de toutes fes forces , 6c de la tirer des mains de Ces en-
»nemis(a).» Ici finit la harangue du Cardinal. L'Empereur en- OOP'Frfc
voya de fon côté une amballade à Jean JC2C1II, lorsqu'il étoit p°£j. pn '
encore à Florence. a6o>
VII. Pendant ce temps-là , Laàijlas affermifïoit fon Empire LePaptfere-
dans Rome. Le Château St. Ange avoittenu bon jufqu'alors. Mais ttreaBolos«f'
le Commandant qui l'avoit fî bien défendu , ayant été tué d'une
bombe , on y en mit un autre qui rendit la place , gagné par l'ar-
gent de Ladiflas^ 6c par des promelles qu'il ne tint point. Ilavoit
demandé à ce Prince les biens que les gens de la Cour du Pape
avoient mis en dépôt chez fon prédecefleur. Ladiflas les lui aban-
donna , mais bien réfolu d'épier l'occafion de les lui reprendre.
En effet ce Commandant s'etant embarqué pour tranfporter à
Naples larecompenfe de fa trahifon,*en fut puni par une autre
perfidie. Dès qu'il fut arrivé dans le Royaume , le Roi le reçut à
bras ouverts, & lui fit même prefent d'une Terre qu'il érigea en
Comté. Mais quelque temps après il le fit afl'aiîîner & s'empara de
tous fes biens (b). Le Pape ne fe trou voit pas en fureté à Florence. (b)Ni'em.
Les Florentins non plus ne jugèrent pas à propos de l'y garder plus ubifupr.y.
long temps, de peur de s'attirer à dos Ladiflas qui avoit pouflé fes 38*-583«
conquêtes jufques à leurs portes, 6c qui ne cherchoit qu'à les fur-
prendre fous les apparences de la paix. C'eft ce qui le fit refoudre
à fe retirer à Bologne, quoiqu'on lui confeillât de ne pas fe fier à
Tom.II.Part.il. * B
io HISTOIRE DU CONCILE
14. M. cette retraite. Cette Ville, comme on l'a vu, étoit rentrée l'an-
née précédente dans l'obéïflance de l'Eglife Romaine , & c'étoit
prefque la feule quieûtéchapé aux armes du Vainqueur. Il y fie
le même métier qu'il y avoit fait étant Légat fous le nom de Car-
dinal de St. Euftache , c'efb-à-dire qu'il y exerça lâjîmonie fans nul-
le pudeur , en vendant des grâces expectatives à plufîeurs perfon-
nes pour un même Bénéfice } ( i ) comme nous l'apprend Niem té-
moin de cet indigne maquignonage.
iï'f'd*™' VIII. Cependant Zadiflas après s'être rendu maître de Rome
jean xxin. & de la plus grande partie de l'Etat de l'Eglife jufqu'aux frontières
à Sigifmond. je Sienne 6c de Florence , s'en retourna à Naples faire de nou-
veaux préparatifs , 6c de nouveaux arrangemens pour [qs vaftes
projets. Il laifïa le Comte de Troyeen fa place avec la qualité de
Viceroi. Un Hifborien de Naples prétend que, par le confeil de
S force , il donna à Nicolas marquis à'Efie^ £c Seigneur de Ferrare>
le commandement général des troupes qu'if tenoit dans les païs
conquis fur l'Etat de l'Eglife, comme la Campagne de Rome,
la Marche d'Ancone, la Romagne , une bonne partie delaTof-
cane, avec âss conditions très-avantageufes. Mais on apprend
d'ailleurs que ce Seigneur refufa ce parti , fous prétexte de fon at-
tachement au Pape ôc à l'Eglife 3 mais dans le fonds , parce qu'il
étoit fur le point de traiter avec Sigifmond 6c Jean JCJriII. con-
(a)'CH/«ff tre Zadiflas. On peut voir les conditions de ce traité dans Bzg-
Rer.NB.ip. vjus A) Comme le deilein de Zadiflas étoit de poufler le Pape à
'Buv. i+i 3 . toute outrance , ce dernier refolut d envoyer une AmbafTade plus
Num. xxi. folemnelle à Sigifmond pour conjurer cette tempête.
Bherfes Ne- IX. Dans l'état violent où fe rrouvoit alors l'Italie., par lesçon-
JJJJJ^ quêtes ôc les vues ambitieufes de Zadiflas , on jettoit de toutes
parts les yeux fur cet Empereur , comme fur une efpece de libéra-
teur. Comme de fon côté il avoit grand intérêt à fe faire des amis-
pour fecourir fon Royaume de Hongrie ravagé par les Turcs, il ne
négligeoitrien pour réunir les Princes Chrétiens contre cet enne-
mi commun. C'eft dans cette vue qu'il conclut , par Pentremife du
comte de Cilley fon beau père , une trêve de cinq ans avec les Vé-
nitiens, après bien des efearmouches 6c des entrevues réciproques.
Une des principales conditions du traité fut que pendant la trêve
chacun garderoit ce qu'il auroit acquis^foit par droit de conquête,.
(i) Et intérim ipfe *$ fui Secretarii tôt expeBantias & alias çratias , qttalefainque petebantur ab
jpjîs j indifftrenter omnibus vendiderunt , quod ex tant qui fuer tint primi expédiantes remanferunt
vmï , feilicef in eorttm expectativis gratiis ac earttm ejfeftibits pojlergati. Et qui per hoc gr avalât iir
»cn reperit rtveltntem. N iem. ubifupr. p. 3 8 J -
Jutw
DE PISE. Liv. VIL rr
foie autrement. Il faut remarquer ici en padant une particularité 1413,
rapportée dans une hiftoire manuferite (1) de l'Empereur Sigif-
mond 3 par Windek l'un de (es Confeillers*d'Etat. C'eft que ce Prin-
ce manqua d'être empoifonné au voifinage de Venifè. Il s'étoic
glilTé un homme dans fa cuifine , qui en fut chaflé , parce qu'on le
foupçonnoitd'y vouloir faire quelque mauvais coup. En effetayanc
étéfuivi, on remarqua qu'il jettoit quelques drogues dans la ri-
vière. Ce qui ayant redoublé les foupçons , il fut arrêté & confefla
fon crime. Ce fut dans la même vue de mettre toute l'Italie dans
ies intérêts , que Sigifmond reçut favorablement les quatre am-
balîadeurs qui lui furent envoyez de la part de la République de
Gènes , alors gouvernée par le Doge George Adorne. Cette Répu-
blique avoit beaucoup fouffert depuis long-temps par des guerres
étrangères & inteftines. Elle s'étoit donnée aux François, puis
en avoit fecoué le joug pour fe livrer au marquis de M ont f errât ,
qu'elle abandonna enfuite , fous le prétexte de recouvrer fa liber-
té. Sigifmond promit aux Génois la confirmation de tous les pri-
vilèges qui leur avoient été accordez par (es prédéceiîeurs. La
nouvelle Hiftoire de Gènes témoigne même que par le crédit de
cet Empereur ils furent difpenfez du ferment de fidélité qu'ils
avoient prêté au Roi deFrance (a). La bonne intelligence avec (a)H#.<fe
l'Etat de Gènes étoit d'une grande importance pour Si<zifmond G*». Liv.
par rapport à la guerre de Turquie , à caufe de la fituation de Gè-
nes.
X. Jean XXIII. envoya donc à Sigifmond deux Cardinaux, ^égmmm
qui étoient Antoine de Chalant qui y avoit déjà été de fa part, t^Jm
François Z abat elle ( ' 1 ) Cardinal de fa création , qui mourut au avec Sigif-
Concile de Confiance _, avec le célèbre Emmanuel 3 ou Manuel mond-
Chryfolore de Conftanrinople , iilu de ces anciens Romains qui fui-
virent Confiant in dans cette nouvelle Rome. Après avoir été inutile-
ment envoyé par l'Empereur Grec, Jean Paleologue , en France,
en Angleterre T en Allemagne, il vint en Italie en 13 89. s'y arrê-
ta, ôc enfeigna les belles- Lettres avec un grand applaudiilement
à Rome , à Venife, à Florence, à Pavie , préférant cet emploi
à celui d'ambafladeur ( 3 ). Le principal fujet de leur ambaiîade
étoit de convenir avec Jean JsTJflII. d'un lieu pour afîembler un
Concile général, où l'on pût rendre la paix à l'Eglife, pacifier di-
(1) J'ai eu cemanuferit , par l'obligeante communication d'un Confeiller du Se'réniilune
Pue de Coburg. Il eft auflï a Helmftadt entre les mains de M. Von der Hurdt-,
(i) Voyez fon e'ioge & fon cara&ere, Hiftoire du Concile de Confiance.
( }J Voyez fa mort , & fon éloge , Hiftoire du Concile de Ctnft.wce.
Bij
il HISTOIRE DU CONCILE
14. m vers Ecars de l'Europe qui étoient en guerre , & arrêter les progrès
de Ladiflas. On a vii dans le Livre précèdent que le Roi des Ro-
mains a voit prié le Pape de ne fe point déterminer fur le choix du
]ieu de cette Alîemblée, qu'il n'eût de les nouvelles. Ce Pape
voulut le prévenir pour gagner fa confiance , ôc l'Empereur de fon
côté ne manqua pas de profiter de cette démarche , pour tourner
à fon gré une négociation fort délicate, où il s'agifloit entre au-
tres chofes de convenir, non feulement du temps 6c du lieu du
Concile, mais de la manière d'y procéder. Jean JfJCIlL. en fut la
dupe , 6c cette ambaflade par laquelle il croyoit gagner beaucoup,
fut le commencement de tous [qs malheurs. Son premier projet
avoitété de tromper Sigifmond en donnant à fes Légats desinf-
tru&ions publiques qui tailladent ce Prince maître du choix du
lieu, & en même temps des ordres fecrets de neconfentir qu'à
certains endroits qu'il leur marqueroit. Cependant lors qu'ils vin-
rent prendre congé de lui , ce Pontife iaifi de je ne feai quel mou-
vement de tendrefîe & de confiance en eux, déchira tout à coup
cetceinftrudion fecrette, 6c remit toute l'affaire à leur prudence,
Valeur diferetion. C 'effc à Léonard Aretin fon Secrétaire, qu'on
eft redevable d'une particularité où il reconnoît une Providence
lînguliere. Le Ledeur ne fera pas fâché de l'entendre parler lui-
même.
» Il ne faut pas , dit-il, pafler fous filence une particularité mer-
«veilleufe, & qui montre bien que tout efl: gouverné d'enhaut.
»Le Pape m'avoit dit confidemment fon dedein & fon plan. Le
» principal de l'affaire , me difoit - il , confite dans le lieu -y je me gar-
» derai bien de me trouver dans un endroit où /' Empereur ait trop de
» pouvoir. A la vérité , jai donné âmes Légats un pouvoir fort ample,
» par honnêteté , & afin qu'ils le pui/Jent produire en public 5 mais en
» même temps , je leur ai limité certains lieux dans des ordres fecrets. Il
» me nomma enfuite ces lieux, & il demeura plusieurs jours dans
» cette réfolution. Mais le temps du départ des Légats étant arri-
*> vé , il les prit en particulier , 6c ayant fait recirer tout le monde ,•
» hormis moi feul , il les exhorta à fe bien acquitter de leur com-
«miflion, leur repréfentant l'importance de l'affaire. Puispafl'ant
»à des proteftations de bienveillance, il femità faire fort ample-
j' ment l'éloge de leur prudence 6c de leur fidélité , leur difanc
«qu'ils fçavoient mieux que lui-même, ce qui pouvoir être le pins
«à propos dans cette occafion. Et commeils'attendrifîoit, iîre-
»voqua tout à coup fon premier projet. Jyav&is 3 dit-il , réfolu de
n. 21.
DE PISE. Liv. VII. 13
» vous marquer certaines villes dont vous ne vous départiriez, point 3 1413.
» mais à préfent je change d'avis , &je remets le tout a votre prudence.
» Sur quoi il déchira devant eux le papier , où. il avoit écrit les vil- Aret. de Reb.
» les qu'ils pouvoient accepter, & ne leur enprefcrivit aucune (a), itai.p.x$9.
XI. Il faut avouer qu'il y eut quelque chofe de fingulier, & Reflexion fur
même de fatal , dans cette conduite de Jean JTA'IJI.\\ n'igno- cte^ne£'"Â'
roit pas combien il eft dangereux de donner un pouvoir illimité à
des Ambafladeurs , puis qu'au mois de Mai de cette année étant
encore à Rome, il avoit publié une Conftitution par laquelle il
déclaroit nul tout ce que fes Légats pourroient faire contre leurs
Inftru&ions & leurs Lettres 3 fous prétexte de leur plein pouvoir,
(bj Cependant aujourd'hui il les envoyé avec un plein-pouvoir , & (b) Ronald.
fans leur donner aucunes inftru&ions fecrettes» Mais la conjonc- ann- Hx3
tureétoit embarraflante3 & Jean JfJCIII. fetrouvoitfort com-
battu. S'il étoit dangereux pour lui de ne rien prefcrire de parti-
culier à fes Légats , il ne Tétoit pas moins de leur donner un pou-
voir trop borné , de peur de rompre une négociation dont il eipe-
roit de fi grands avantages , fur tout contre Ladiflas. Il crut donc
qu'il valoit mieux les piquer d'honneur par une fi grande marque
de confiance. Les Légats de leur côté ne fe trouvoient pas moins
embarrafîez que leur Maître. Ils ne pouvoient ignorer l'intérêt
qu'il avoit à obcenir le choix d'une Ville à fa bienféance j mais ils
n'ignoroient pas non plus combien il avoit befoin de ménager Si-
pfmond. Cette dernière raifon l'emporta , auiîi bien que celle d'af-
ièmbler un Concile dans une Ville où le Pape ne fut pas le maître ,
afin de travailler plus efficacement à l'union de l'Eglife , qu'on n'a-
voit pu faire jufqu'alors. Tout le monde fentoit la neceffiré de
cette union , pour fauver l'Europe d'une ruine inévitable , Ci le
fchifme duroit davantage. On avoit trop long- temps éprouve la
mauvaife volonté des Concurrens à cer égard , leurs parjures , &;
leurperpetuelle intelligence à facrifier la tranquillité publique à
leurs intérêts particuliers, pour être la dupe de leurs protefta-
tions. Tout le monde étoit fi perfuadé d'ailleurs que Sigifmond y
travailloit de bonne foi , tant par l'intérêt qu'il avoit à l'union
pour foûtenir l'Empire & la Hongrie, que^r les mouvemens
qu'il fedonnoit pour la procurer, qu'on ne doutoit point qu'il n'y
réufsît, fi une fois le Concile s'aflembloit dans un lieu où il eût
plus d'autorité qu'en Italie. J'aime mieux croire que ce fut par des
raifons fi dignes de leur probité, que les Légats donnèrent les
mains au choix de la ville de Confiance, malgré les intérêts de
Biij
i4 HISTOIRE DU CONCILE
(O b*.«/ *eur Maître * Clue ^e *es accu^er de malhabileté , comme fait l'An-
ann. 1413. nalifte Bzgvius (a).
"• ZCV XII. Quoi qu'il en foie , Jean JfjriII. ne s'y attendoit pas. Il
Conférences . 7— tiv-ni 1 • 1 -i f, «
^jean en apprit la nouvelle a Bologne avec un chagrin mortel ; il detefta
X*IIL a7ec mille fois Ton inconftance & fa facilité. Mais, comme le dit Zeo-
àmerttsVil* nard Aretin , on nefeauroit éviter ce que Dieu a rèfolu (b). En effec
les- quel moyen de reculer? La Bulle contre l'abus des pleins-pou-
iw^bffbp] voirs n'étoit alors de nulle valeur, &ily avoir bien de la diffé-
rence entre Jean XJCIII. dans fa Capitale,, &: Jean JfJTIIl.
fugitif. L'unique parti qu'il crut pouvoir prendre dans une fitua-
tionauffi fâcheufe, ce fut d'aller dans la Gaule Cifalpine s'abou-
cher avec Sigifmond lui-même , pour tâcher de convenir avec lui
de quelque Ville qui l'incommodât moins que Confiance. Le dé-
tail de ces conférences ne feroit pas le morceau le moins curieux
de cette Hiftoire. Mais, foit qu'elles fulTent extrêmement fecret-
tes , foit que les Hiftoriens ayent négligé d'en recueillir les parti-
cularitez , on ne peut en rien dire que de fort général. Les Villes
où fe paiîérent ces entrevues entre le Pape & l'Empereur, étoienc
fituées dans le Milanois , ôc appartenoientà ce Duché. Mais el-
les en avoient été démembrées par la tyrannie de Jean Marie Duc
de Milan. Philippe qui lui fucceda étant encore enfant , n'avoir,
pu \qs recouvrer. De forte qu'elles appartenoient à divers Sei-
(c) Léonard, gnsurs particuliers qui les gouvernoienc en tyrans (c). Léonard
Am.\\bitup. Aretin nous apprend que la première entrevue fe fit à Plaifance.
Cette Ville delà Lombardie, qui a pafTé pour une des plus belles
de l'Italie, étoit depuis long-temps au pillage du premier tyran
quil'occupoit, tels que furent Otto 3 appelle Bontertius , François
(d)Tacixus Vifconti de Milan , (d) Facin Cande la Scala. Je ne fçaurois dire
^■Ts'tΰ^' entre les mains de qui elle étoit alors. Si<?ifmond n'en trouvant pas
Htjt.tlor. I. , r • •
p. i j> le féjour allez tranquille pour des conférences , aima mieux aller
avec le Pape à Lodi qui appartenoit alors à Gabrin Funduli l'un des
plus fameux petits tyrans de ce temps-là. Ce fut dans cette Ville
que fe termina la négociation touchant le lieu du Concile. L'Em-
pereur y avoir amené fon Confeil , & entre autres le Comte Ebre-
(dj Ndiem. hard de Nellembouqg , & le Comte Vlric de Teck (e). Cette célèbre
bourg^in\ conférence dura environ un mois. Le Pape s'y trouvoit en habits
Sudbe. ' pontificaux , & afïis fur un fauteuil. L'Empereur étoit afïis de mê-
me en habit de Diacre , qui lit l'Evangile félon la coutume de ce
temps-là , quand les Rois &c les Papes fe trouvoient enfemble dans
les cérémonies (^cxàes. Les conférences furent en Latin. Comme
DE PISE. Jéiv. VII. 15
il s'agifToit principalement du lieu du Concile, il en fut propofé jaj\,
plufieurs. Le Pape réprefenta qu'il eût bien fouhaité que le Con-
cile s'aflemblât dans quelques Villes de la Lombardie , parce qu'il
craignoitque les Cardinaux , les Patriarches , les Archevêques,
& les Evêques d'Italie, qui dévoient fe trouver au Concile , ne hX
fent difficulté de palier les Monts. Mais l'Empereur répliqua qu'il
y avoit en Allemagne trois Ele&eursEccléfïaftiques qui pourroienfc
n'être pas d'humeur à pafTer \qs Alpes • &; que ces Princes ayant le
pouvoir d'élire & de dépofer les Empereurs, il avoit autant d'in-
térêt à les ménager,que le Pape fes Cardinaux.
XIII. Après plufieurs difficultez réciproques, l'Empereur c\>oïxAei%
ayant demandé à Tes Confeillers s'il n'y avoit point au voifînage de ™%ede Cm^'
de-là les Monts quelques Villes propres à y convoquer un Conci-
le j le Comte de Teck, l'un de &s Minifîres d'Etat, propofa la
ville de Kempt , au voifînage de la montagne & Arlenberg dans le
Tirol. Mais le Comte de N ellembourgs'oppofa à cette ouverture _,
difantqu'à la vérité Kempt étoit une ville Impériale, mais qu'il
feroit impofïible d'y faire fubfîfter tant de monde. Il propofa donc
Confiance, autre ville Impériale , qui n'eft qu'à une journée de
Kempt. 11 repréfentoit pour faire goûter ce choix l'avantage de
la fituation de cette Ville , fur un très-grand Lac , par où on pou-
voit faire venir toute forte de provifions $que c'étoit d'ailleurs une
Ville Epifcopale , fuffragante de l'Archevêché de Mayence -y
qu'elle étoit tort habitable , par un grand nombre de maifons &:
de palais. Ce qu'il prou voit par quelques e xemples. » Les habitans
» à'Appenfcl , dit-il, s'étant autrefois joints aux payfàns des mon-
tagnes de ce païs-là pour attaquer Confiance, cette Ville eut
» de quoi loger tous les Seigneurs des environs qui vinrent à fou
«fecours , cavalerie de infanterie , quoique la Ville fût fort peu-
» plée. Le Comte de Teck lui-même y logea avec tout fon monde.
«L'Empereur Robert votre prédéceiïeur, difoït-il à S igifmond , y
y demeura fix femaines avec fes troupes , jufqu'à ce que la paix fût
y> faite, fans que la Ville fouffrît la moindre difette , parce que tout
» étoit à grand marché.
XIV. L'Empereur confirmé par ce récit dans le choix qu'il Remontrance
avoit déjà fait, s'adrefîa au Pape en ces termes, Saint Père , la /jefn"1
Ville de Confiance vousplait-elle ? Oui, répondit le Pape qui ne pou- XXHi»
voit plus reculer, mon très-cher fils , elle me plait : Cette fa meufe
conférence fut reprefentée fur une planche où on lifoit les paroles
qu'on vient d'alléguer (a). Il paroît par les Actes du Concile de fa) &««*«*«
16 H I S T O I IUE DU CONCILE
14.1 5. Confiance , que fi Jean JfJCIII. avoit fçu profiter des falutaires
Utjh conc. avis que lui donna Sigifmond dans cette conjoncture , il fe feroir.
c.nft. Fol. 8. éparené les déboires qu'il lui fallut elîuyer à Confiance. Cet Em-
Hardt/r.i. pereur l'exhorta fort férieufement &, fort humblement alors à
Part. X. p. changer de mœurs, puifqu'il s'agifîoit de réformer l'Eglife dans
viPpfrt?i. ^on Chef & dans fes Membres. Le Pape qui avoit intérêt à fe mon-
trer docile, fit mine de bien recevoir ces remontrances, &c pro-
mit de renoncera fa vie fcandalcufe 3 & particulièrement à la fimo-
C a ) Von der nie (aj. Ladiflas cependant n'ecoit pas peu intrigué de ces entre-
Hardt.T. . vfigs ^ £Q ces conférences 3 dont l'heureux fuccès ne pouvoir
55p. tourner qu'à fon défavantage, parce qu'il étoit impofîible d'af-
fembler un Concile libre fans le mettre hors d'état de le troubler.
Aufi] avoit-il fes efpions dans tous les lieux où elles fe tenoienr.
Thcodoric de Niem témoigne même qu'il y envoya un Ambafla-
dcur fans dire quelles furent ks propofitions. Il ajoute que ce
même Ambafîadeur,qui étoit defaconnoifTance, fut aufiî envoyé
(t) Niem. au £)uc <je Milan , pour fe prévaloir de quelques démêlez qu'il y
ubi \apr. p. . « * /• t o tx • • 1 \
38;. 3 3<fT. avoit alors entre Sigifmond oc ce Duc (b).
L'Empereur XV. De Lodi le Pape àc l'Empereur allèrent à Crémone , in-
e; J -an virez pa.r Gabrin Funduii, qui depuis quelques années s'en étoit
J Crêmme* r^ndu maître , après avoir fait perfidement maflacrer un autre
où Us ma», tyran ( 1 ) 3 qui en ayant chafîé le légitime poflefleur , Jean Marie
queut de paleas i qui elle appartenoit , l'a voit confiée à Gabrin. L'Hifloire
pcnrparla 1 if J
trtkifgn de nous reprefente ce dernier 3 comme un homme capable de tout
Qr<brmFun- entreprendre par fa prudence & par fon audace. Malgré [qs vio-
lences &c fes trahifons, il s'étoic acquis la réputation d'un grand
Capitaine, & d'une honnêteté dans un Confeil. Jean JfJflII .
& Sigifmond avoient une fi haute idée de fa prudence &: de fon
autorité, qu'ils acceptèrent avec plaifir le parti d'aller à Crémo-
ne pour prendre fes avis fur la fituation de leurs affaires j mais
peu s'en fallut qu'ils ne fullent la dupe de leur confiance. Le four-
be,qui étoit dans les intérêts de Ladiflas , les reçut avec toute for-
te de'témoignage de refpect & d'amitié _, & feignit d'applaudir au
deflein qu'ils avoient d'alïembler un Coacile à Confiance. Mais on
fçut depuis de fa propre bouche , que s'il en avoit eu le courage ,
cette Comédie auroit fini tragiquement pour l'Empereur & pour
le Pape. Le Duc de Milan Philippe Marie 3rcga.Ydznt Gabrin com-
me un des plus redoutables ufurpareurs de plufieurs parties de fes
Etats 3 trouva le moyen de le mettre dans fes intérêts , par fes pré-
- O) ^ugolinC.iivahal9t marquis de Virdavn. Pp£g. lliji» Tlor. p. 157.
fens
DE PISE. Liv. VII. 17
fens èc par Tes promefîes , en attendant qu'il rencontrât l'occafion r ^ r •
favorable de îè défaire de lui. Il lui rendit en effet de grands fer-
vices, & le Duc recouvra par fon fecoursplufieurs places qui lui
avoient été enlevées. Mais lui étant devenu fufped: par diverfes
intrigues , il le fit prendre &. exécuter dans Milan , après une lon-
gue prifon. Le jour de fon fupplice , comme le Prêtre l'exhor-
toit a mourir chrétiennement _, & à fe confefler de fes crimes , & fur
tout des actions cruelles ôctyranniques dont il étoit coupable, il
déclara que s'il avoit quelque fujet de repentir , c'étoit de n'avoir
pas fuivi l'envie dont il fut faifi, d'immortalifer fon nom en jet-
tanc le Pape & l'Empereur du haut en bas de la tour de Lodi , où #ai Paiil ~m
il les avoit régalez , & qu'il n'en avoit été retenu que par la confu- ap. Sf$ni.
fîonde violer les droits de l'hofpitalité (a). Hijn.vn.
XVI. On fit enfuite toutes les expéditions neceflaires pour la &&*«*§&
. convocation du Concile. Le Roi des Romains publia un Edit par Î2«mSw
lequel il y invitoit toute la Chrétienté , promettant des faufcon- "U.
duits à tous ceux qui en voudroient. Il eh: daté de Viglud ( 1 ) dans ?,//„/ ^7"
lediocèfe deCumes, du 30. d'Oclobre 141 3. S igifmond expofè cet efS.
dans cet Edit : » Qiiejean JCJflII. qu'il appelle fon très faim Sei-
»gneur, lui ayant envoyé des Légats avec un plein-pouvoir ligné
» du Collège des Cardinaux , pour convenir enfemble du temps
» & du lieu du Concile, après plufieurs délibérations, ils étoienc
» enfin demeurez d'accord de l'ailembler à Confiance , le 1. No-
»vembre de l'année fuivante. Qu'ils avoient choiii cette Ville,
» comme étant un lieu propre , commode , fur , à la portée & à la
»bienféance de toutes les Nations, & où il pourroit, félon fon
"devoir, en qualité d'Empereur, procurer atout le monde une
» entière liberté. Que pour cet effet il voul oit y affilier lui-même
«enperfonne, afin d'y pouvoir plus efficacement procurer la fu-
»reté publique & particulière, tant pour venir au Concile, que
»pour y féjourner & pour s'en retirer. Que le Pape avec toute
«fa Cour y joiïiroit de toutes les immunitez Ecclefîaftiques , ôc
» qu'il y pourroit exercer librement toute fa jurifdi&ion & puifîan-
»ce Apoftolique. Que tous les Cardinaux, Prélats, Princes, &
» toute autre perfonne , foit écclefiaftique , foit féculiere , auroienc
»une entière liberté de propofer tout ce qu'ils jugercient nécef-
r • „ Lettre de Si-
» îaire. r j -
g fmond a
XVII. Sigifmond écrivit aufîi à Grégoire JfJl. (2) qui étoit Grégoire
A.»
(1 ) De Villa Viglud in vulgarj Vegui. Von der Httrdt T. VI. p. £ . & ap. Bt.ov. ad an. 1413. Sigiftnufiduf
(2) Li Lettre cftdntée de Lodi du m£me jour que l'Edit. &c.
Tom. II. Part. II. C
14*3
A Betiiît
XIII.
"Raynald.
ad an. 141 3
n. 23.
Lettre de Si-
jfiTmond à
Charles VI.
roi de Y rame
18 HISTOIRE DU CONCILE
alors dans le Royaume de Naples fous la protection de Ladiflas ,
une Lettre à peu-près de même teneur que cet Edit. Comme l'Inf.
cription de cette Lettre eft abrégée , je ne fçai quel titre il donnoic
àGregoire» Il lui reprefente qu'il y avoit long- temps qu'il défiroic
»la paixdel'Eglifej mais que depuis qu'il avoit pris les rênes de
r> l'Empire, ce défir étoit devenu pour lui un devoir indifpenfa-
»ble, les Canons des Pères donnant à l'Empereur la qualité de
»T)èfenfeur & £ Avocat de £ Eglife (i).Que pour cet effet il étoit
» convenu avec Jean JCJCIII. d'affembler dans un an un Concile
» œcuménique à Confiance. Que fi lui , Grégoire , vouloit s'acquit-
» ter de fon devoir envers Dieu, envers les hommes, & envers fa
» propre confcience 3 il Te rendroit au Concile avec ceux de fon
» parti. Qu'il lui écrivoit cette Lettre pour l'en fommer , afin qu'il
»n'en pût prétendre caufe d'ignorance, &. qu'il lui envoyoit un
»fauf- conduit pour cet effet, » Cette invitation devoit être d'au-
tant mieux reçue que Grégoire avoit reconnu Sigifmond pour Roi
de^ Romains, par un Brefdelamême année 3 où il dit entre au-
tres chofes j Que de fon propre mouvement 3 de fa fcience certaine , à*
de la plénitude de fa Puiffance Apofiolique , il habilite 3 nom?ne , dé-
clare ^ & reçoit Sigifmond pour Roi des Romains , afin de le couron-
ner Empereur en temps & lieu convenables, ordonnant à tous les vajfaux
de £ Empire , & à tous les Chrétiens en général , fuffent- il 's Rois & Pa-
pes , de le reconnoître pour tel.
Il paroît par un Mémoire préfenté au Concile 3 que Sigifmond
écrivit aufïi à Benoît JC III. pour l'exhorter à fe trouver à Conf-
tance. Mais comme il n'avoir pas en Catalogne , où étoit Benoît y
la même autorité qu'en Italie 3 il fallut encore prendre d'autres
mefures. Il envoya donc une ambaflade à Ferdinand roi d'Arra-
gon , pour négocier avec lui, &avec Pierre de Lune 3 une entre-
vue où ils pufïent convenir enfemble des moyens de donner la
paix à l'Eglife.
XVIII. Sigifmond en ufa de même à l'égard de CharlesVI. roi
de France , auquel il envoya aufîi des Ambafïadeurs, avec une Let-
tre qui mérite bien qu'on -en donne le précis. Il reprefente au Roi,
» que Dieu a établi la fubordination entre les hommes pour aller
»au devant du mauvais ufage qu'ils feroient de leur liberté. Que
» dans cette vue il a établi d'un côté 3 dans la perfonne de St. Pierre
»&. de fes fuccefïeurs , des Fadeurs, pour travailler au falut des
(1) Cnjuututm Canones fanfitritm Fatrum nos appellant advocattim £> defenforsm. Von dcr
Jiardt«£/y«)>r.p. 6.
DE PISE. Liv. VIL 19
»» âmes j& de l'autre, les Rois & les Princes, pour avoir foin du 14.13,
«temporel, & pour châtier les méchans. Que le devoir des uns
»»& des autres ne confifte pas tant dans la fpeculation que dans la
«pratique, & qu'ils doivent mettre actuellement la main à l'œu-
« vredansle befoin. Que la malice humaine étoit montée à un tel
» comble , que fi l'on n'y apportoit pas promptement des remèdes
» efficaces, il étoit à craindre que lorfqu'on voudroit l'entrepren-
»dre dans la fuite, il n'en fut plus temps. Que fe croyant engagé
» par fon caractère d'Empereur â procurer la déformation & l'U-
»nion de l'Eglife, il cruellement déchirée par lefchifme, & dé-
•* figurée par mille déreglemens fcandaleux , il avoit auparavanc
1» négocié une fi importante affaire avec les Princes Ecciéfiafli-
*»ques& Séculiers de k'Empire, aufîî bien qu'avec tout ce qui s'y
» étoit trouvé de perfonnes doctes, & de bon confeil. Qu'enfin
«» ayant convenu avec le Pape Jean JlJCIII. d'afTembler pour cec
» effet, un Concile à Confiance , il y invitoit le Roi , & le conju-
»> roit fraternellement de s'y trouver en perfonne, ou par une am-
«♦baiïadefolemnelle. Il ajoute qu'on travaillera aufïi dans le Con-
» cile à réunir les Grecs avec l'Eglife latine.
X I X. De fon côté Jean JsTXlIl. publia (a) une Bulle (b) où il Luiu du ?<-■
expofe» que le Concile dePifen'ayant pu achever l'affaire de la %J£i'**m
m Réformation , Alexandre V. fon prédecefleur en avoit renvoyé (a) Le p.
» l'entière conclufion au prochain Concile, qui devoitfe tenir au peccm!3re
» bout de trois ans. Qu'Alexandre V. étant mort, & lui JeanXXIll. (b)BuUar.
«ayant été mis en fa place, ilavoitpour.de certaines raifons , af- R^n-p*
» femblé au temps marqué un Concile à Rome, qu'il venoit alors
« de recouvrer tour nouvellementjmais que ne s'y étant pas trouvé
» aflez de Prélats , ni de personnes d'autre caractère , il avoit été
«obligé de le proroger jufcju'au mois de Décembre, fans fixer le
j4ieu, afin de prendre du temps pour en délibérer plus ample-
»ment. Que cependant le Roi des Romains ayant requis de lui
«avec inftance, d'attendre à régler le temps & le lieu, qu'il lui
» envoyât une ambaflade pour en convenir enfemble, il y avoir
«acquiefcé de l'avis des Cardinaux : Que cette ambaflade étant
« venue à Florence , où le déplorable état de l'Eglife l'avoir obligé
» de fe retirer , il avoit envoyé à fon tour des Légats à Sigifmond
»pour conclure cette affaire, & qu'on étoit convenu de part 6c
«d'autre de la ville de Confiance pour le lieu, &. du premier de
«Novembre de l'année fuivante pour letemps; que cette réfolu-
» tion ayant été confirmée depuis dans la conférence de Lodi , il
Cij
io HISTOIRE DU CONCILE
14.13. * la ratifie par ces préfentes, &y invice toute la chrétienté.» Ou-
tre cette Bulle, il écrivit des Lettres particulières dans tous les
Royaumes & Ecats de Ion Obédience , comme en France, en An-
gleterre , en Allemagne 3 en Pologne } en Bohême , en Hon-
grie , &c.
^t de la X X. Plufîeurscaufesconcouroient à rendre l'état de la France
de plus en plus déplorable. La maladie du. Roi qui n'avoit que ra-
rement de bons intervales, la fureur des deux factions qui déchi-
roient le Royaume, les armes des Anglois attirez par ces divi-
sons inteftines , l'épuifement des finances, la révolte infolente
des Bouchers & des Cabochiens^i)^ la Baftille affiegée par eux,
tout Paris en combuftion par cette entreprife , tout cela joint en-
femble fit prendre la réfolution de chercher des remèdes à tant de
maux compliquez. On conclut à Pontoife une paix , qui félon les
conventions devoit réconcilier entre eux les différents partis , &
\qs ranger fous l'obéifTànce du Roi , mais qui dans le fond ne le fie
point. Le Duc de Bourgogne mécontent de cette paix fe retira en
Flandre, Payant voulu rentrer enfuite dans Paris, il fut encore
obligé de s'en retirer honteufement, & déclaré ennemi del'E-
Moin.de St. tat(2). Le Moine de St. Denys qui raconte ces faits , fe plaint que
DenysU ce Duc contre fa parole pilla I l'Abbaye de ce nom, & ne paya les
ch.xxvi .v. Moines qu 'en Gendarme. Cependant comme les Anglois rava-
920". geoient la Beaufîè , la Normandie, la Guienne, laXaintongeJ)&
tous les païs d'alentour, le Duc de Bourbon qui commandoit en
Guienne entreprit le fiége de Soubize, & l'ayant emportée d'af-
faut , il abandonna la Ville au pillage des foldats , pour avoir foû-
tenu les Anglois. Il faut pourtant remarquer en pafîant, à la louan-
ge de ce Duc, qu'il tint dans la prife de cette Ville une conduite
toute contraire à celle qu'on a vu tenir à Ladiflas quand il s'em-
Moine de para de Rome. Le premier fit faire défenfe par cry public h peine de la
St. Denys. vie fa vi0ler les Ezlifes & d'en bter ni les Reliques ni les loyaux ou les
chap.xxiv. Ornements , au lieu que le dernierpula tout lans nulle difhn&ion
p. .920. du faint& du profane. Cette conquête jointe au delîein qu'avoient
les Anglois de marier Henri V. avec Catherine fille de Charles VI.
les difpofant à la paix , on fit pour un an une trêve qui ne fut pas
mieux obfervée que les précédentes.
cmduitede XXI. Le deflein de cette Hiftoire, ou l'Eccléfiaftique a h
l'Un verfite *
dans ces trou-
bles. ( ! ) Simon Cabocbe , valet de boucherie qui gagnoit fa vie à écorcher des betes , a donné le
nom à ces mutins. Moitié de St. Denis, Hift.de Charles VI. L. 3 3 . Ch. I.
(2) Voyez cette Déclaration du Roi à la fin de l'Ouvrage.
DE PISE. Liv. VIL 21
principale part, veut qu'on s'étende plus que les Hiftoriens n'ont imi-
tait fur le perfonnage que foûtint l'Univerfité dans ces mouve-
mens, en reprenant les chofes d'un peu plus haut. Il y eut alors
bien des gens qui trouvèrent mauvais qu'on donnât tant de part
aux affaires d'Etat à un Corps qui fembloit ne devoir fe mêler que
de Sciences &; de Littérature. » J'avoue quant à moi , dit le Moi-
» ne de St. Denys , que je trouvois l'entreprife de l'Univerfité & des
» Parifiens fi grande } que j'étois fort en peine comment ils s'en
«pourroient tirer, & je mefouviens d'avoir oui les fentimens de
» plufieurs gens d'honneur & de mérite fur ce fujet. Ils trouvoient
» fort étrange qu'ils ofaflent fe mêler d'une chofe de cette impor-
» tance qui ne devoir être terminée que dans le Confeil fecret &
» par les Princes dufang(i). Cela eft bien impertinent, difoient-
»ils, que des feuilleteurs de Livres 3 des gens fans aucune prati-
que d'affaires, qui ne doivent vacquer qu'à la fpéculation, 6c
» à qui l'intérêt du gain fait faire un trafic méchanique de leur
«fçavoir , étendent l'autorité des ClalTes , jufques à vouloir s'in^
Moin. St.
«gérer du gouvernement des Royaumes 5 qu'ils veulent borner £,°in'i
par leur poids la magnificence des Princes , &; qu'ils entrepren- xxxm.
» nent de retrancher l'Eftat de la Maifon du Roi. chaP- L
XXII. Quoiqu'il en foit , fi l'Univerfité de Paris s'entremêla Difc™rs de
dans ces troubles politiques , ce ne fut qu'à la réquifition de la de paySly de
Cour, dont il paroît même par l'Hiftoire, qu'elle tenoit le parti lapartde'w-
contre les féditieux , aufïi bien que celui du peuple opprimé par les mver->ite'
impôts & par la mauvaife adminiftration des Finances. C'eft ce
qu'avoitfait dès l'année précédente Maître BenoîtGentien Moine
de St. Denys , que l'on croit Auteur de YHifioire de Charles VI.
par un Anonyme de cette Abbaye , & Maître Euftache de Pavilly ,
Carme , Do&eur en Théologie. Le Difcours du premier avoit
pour texte : Il commanda aux Vents & à la Mer 3 & ilfefit un grand
calme. Ilmonftra, dit Jean Juvenal des Ur fins 3 deux vents qui do-
minaient fort au Royaume de I "rance , c eji a, fc avoir f édition & ambi-
tion. Puis déclara la pauvreté du Peuple , & les grands ^4 ides qui
êtoientfus , comme Quatrie fines , Importions & Gabelles 3 & la gran-
de excejjïvemangerie des Finances qu'on y avoit fait (â).' Quoique le (a) juvenal
difcours de BenoîtGentien eût porté coup fur l'efprit du Roi , PU- ?,", H1"1!?5,
inverfite ne trouvant pas qu il rut entre dans un allez grand détail, ks vi. p.
248. Moyn.
[1] 11 s'agiffoit de reformer les abus qui s'e'toient gliflez dans le maniement des affaires & en t yv-vit '
particulier des Finances fousie Surintendant P. des Helfars. Pierre Qnichon Dofteur de l'Uni- i -vin'
verfitéfutundesCommiffaire». ,ci»p.AUk
C iij
il HISTOIRE DU CONCILE
1 4 1 3 . W qu'il eût parlé aflez fortement des dëpenfes & des taxes exceiïî-
ves, auffi bien que des hoftilitez du Comte d'armagnac au préju^
dice du traité de la paix de Bourges &d'Auxerre, commit £»y?<z-
che de Pavilly ^oux les mieux fpecifier quelques jours après dans
une nouvelle audience. Ce qu'il fit avec beaucoup de force , tant
par fon difcours que par la le&ure d'un très-ample rôle , où les
malverfationsétoientfpecifîées, & où l'on nommoit les Auteurs»
Il déclama fort contre Mr. Benoît Gentien , il improuva tout ce qu'il
avoit dit , il l'accu fa à! une lâche crainte , qui l' avoit retenu de déclarer
(a) Moine de directement l 'intention de l'Univerfité & des Bourgeois de Paris (a),
xxxiif ' ^e Chancelier de France Arnaud de Corbie ne fut pas même épar-
chap. xiv. gné dans ce difcours quoiqu'il n'y fut pas nommé. Cependant le
Roi content de l'administration de ce Magiftrat, lefoûtint avec
tant de fermeté, qu'il ne fut pas pour lors enveloppé dans la defti-
tution de plusieurs Officiers. Mais comme fa fermeté déplaifoic
aux factieux , ils profitèrent dans une autre occafion de la maladie
du Roi, pour contraindre les Princes à lui ôter les fceaux, &à les
donner à Eu-flachede Laitres fon gendre , malgré les fortes remon-
trances que fit le beau père pour être maintenu dans fa charge. Il
s'y oppofa autant qu'il put , dit le Moine de St. Denys , & répondit
plufieurs fois que perfonne n avoit droit de lui commander de fe défaire
de fa Charge y que le Roi qui l'y avoit élevé , & qui l' avoit appelle a»
gouvernement des affaires. Maintenant qu'il s'en étoit acquitté avec
autant de courage que de fidélité , tant durant les révolutions dont cet
Etat avoit été affligé , que dans la profperitè des affaires , & qu'on ne
(h) Mome de fa pouvo;t faire aucun reproche (b). Aufîi après la fuite d'Eufiache
xx xii i. ' de Laitres , le Roi voulut-il rétablir Arnaud de Corbie dès la même
chap. vu. année 3 mais il s'en excufa fur fon grand âge, & on mit en fa place
Henri de Marie premier Préfident auquel l'Hiftoire donne de
grands éloges (i).
Antre afem- XXIII. L'Univerfité s'aflembla encore cette année-là , mais
*2j **** Pa" fècrertement, chez les Carmes dans la chambre du même Pavilly.
On trouve à cette occafion dans l'Hiftoire de Juvenal des Urfins
une particularité que je n'ai pas vue ailleurs. Je la rapporterai parl-
ée qu'elle e(l du reflort de l'Hiftoire Eccléfiaftique. C'eft que ces
Dodeurs eurent recours à des vifions & à des révélations pour
{i]„ Celui-ci en étoit très-digne , tant pour fon grand fçavoir, que pour la réputation qu'il
,,s'ctoitacquife en des Ambaffades très-importantes, dans les Pais le» plus e'loigncz , & dans
„ la place qu'il avoit remplie au Parlement avec autant de mérite que de preftance , & l'on ne
„ jugea pas fans raifon, qu'il n'auroit pas moins de bonne grâce à la tête du Ctnfeil, qu'en
f, celle d'une fi célèbre Compagnie. Moine Je St. Denys.tibifufr, chap. XVII.
DE PISE. Liv. VII. 23
fê mieux aflûrer du parti qu'ils avoient à prendre dans cette con- x . x -
jon&ure. Ils s'enquirent, dit cet Hiftorien , s'il y avoit à Paris
des perfonnes dévotes & d'une vie contemplative , afin de fe fervir
de leurs lumières. Il ne manque jamais de ces fortes de gens, &
il s'en trouva de l'un & de l'autre fexe. » Il y en eut entre les autres
» trois qui rapportèrent trois diverfes chofes. L'une fut, qu'il fem-
» bloit à la créature qu'elle voy oit au ciel trois foleils. La féconde,
» qu'elle voyoit au Ciel trois divers temps , dont l'un étoit vers le
« midi , es marches d'Orléans & de Berry , clair & luifànt , les deux
» autres allez près l'un de l'autre vers Paris, qui par fois entou-
«roient des nues noires 6c ombreufes. L'autre eut une vifïon,
» qu'elle voyoit le Roi d'Angleterre en grand orgueil 6c eftat , au
«plus haut des tours de Nôtre-Dame de Paris , lequel excommu-
»> nioit le Roi de France , qui étoit accompagné de gens vêtus de
«noir, & étoit affis fur une pierre emmy le Parvis de Noftre- (ajjuvenat
«Dame (a). desUrfins,
On parla de diverfes chofes dans cette aflemblée , chacun fe- J^,p, *
Ion fes principes ou Ces préjugez. Mais ils convenoient tous , que 2Sl-
la conjoncture pou voit être auffi fatale à la France , qu'elle étoic
favorable à l'Angleterre. Il yeutmêmedespartifans du fiége de
Rome , qui faifoient entendre que les broiiilleries des François
avec ce fiége , pouvoient bien avoir attiré tous ces malheurs fur le
Royaume. » Il y en eut un d'entre eux qui dit , qu'il avoit vu plu-
« fleurs Hiftoires, & que toutes les fois que les Papes 6c les Rois de
« France avoient été unis enfemble en bon amour , que le Royau-
» me avoit été en bonne profperité : & fe doutoitquèlesexcom-
» munications 6c malédictions que fit le Pape Boniface huitième
« fur Philippes le Bel , jufqu'à la cinquième génération , 6c depuis
» renouvellées , comme on dit , par Beneditl , ne fuflent caufe des
» maux 6c inconveniens qu'on voyoit. Car philippes le Bel délai lia
«trois beaux-fils, lefquels moururent fans hoirs mâles. Philippes
« de Valois eut bien à faire. Et fi eut le Roi Jean , qui fut pris en la
«bataille de Poi&iers. Et eut un fils nommé Charles cinquième s
«dit le Sage, qui eut de grandes guerres, & eut deux enfans,
» Charles qui règne de préfent malade, comme il eftoit notoire,
» 6c Louis qui mourut piteufement (b). » L'Afîemblée fe fépara (b)Juvtnai
fans rien conclure depoficif, finon qu'il étoit important de pro- àesih-fmmhi
1 • ir»-/v * fupr.p. *?a.
curer une bonne paix entre les Princes (1). - r J
[1] Il faut remarquer en parlant que Jean 'Juvenal des Vrjins , Seigneur de Traigneî , père de
l'Auteur de VRiftdire de Charles VI. e'tuit L'.ime de ces Confeils pacifiques.
24 HISTOIRE DU CONCILE
caraiïere'de XXIV. L'Hiftoire au refte ne rend pas un témoignage avan-
paviiiy. tageux au Carme Pavilly. Elle en parle comme d'un homme fore
avare , 6c d'un boutefeu , qui fous prétexte du bien public, 6c fans
aucun ménagement pour la Cour 6c pour les plus grands Sei-
gneurs, fomentoit la fédicion. C'effc ce qui parut allez par le dif-
cours qu'il tint à St. Paulen prefence de la Reine , du Dauphin,
ôc d'autres Seigneurs. Il prit , dit Ju vénal des Uriins 3 fa matière
fur une fiction d'un jardin 3 où il y avoitde belles fleurs , g? herbetes , &
auffl il y croiffoit des horties & plu fleurs herbes inutiles qui empè choient
& bonnes herbes de fructifier , &pour ce lesfalloit farder , ofler , net-
toyer. Et que au jardin du Roy & de la Reyne , il y avoit de mauvais
fes herbes perilleufe s , ceflkfc. avoir 3 quelques ferviteurs & fervantes
(a) juvetial qu'il falloit farder & oter afin que le demeurant en valuft mieux (a).
iesVrjînt. \^Q réfalcat de ce Sermon féditieux foutenu d'une grande multitu-
*jLU|S/*.' de de factieux fut l'emprifonnement de plufieurs Seigneurs 6c Offi-
ce St. Defiys. c'iqts , entre lefquels étoient Louis de Bavière, furnommé le Vieux*
L XXXIII -i
chap. v. ouïe Barbu, freredela Reine, & le Ducde Bar coufin du Roi_,
ôc de quelques Dames de la Cour. Elles furent élargies quelques
jours après. Les Ducs de Baviere&C de Bar , non plus que d'au-
(b)?«w«fl/ très prifonniers de marque, ne le purent-être que quand la paix
ubifobj^p. fur. bien conclue. Ce fut alors que le Duc de Guienne alh lui-même
z6z. les délivrer à la tête de foivarmée (b).
Harangue de XXV. On connut , à l'occafion de cette paix 3 les bonnes in-
Taivende de rent:ions Je l'Univerfité par le difeours que fit en prefence du Roi
vilniverfité . le Do&eur Vrfln Talvende fur ce fujet au nom des Facultez.» Il
» employa fort heureufement , dit le Moine de St. Denys 3 tout l'art
» de la Rhétorique avec la connoifîance des faintes Lettres , qu'il
» profefïoit , à la louange d'une paix fî neceflaireen pre/ènee des
« Princes, & il fit voir que non feulement l'Univerfité, mais que
» tous les gens de bien 6c les bons François l'avoient attendue avec
*> beaucoup de pafhon 6c d'impatience. Après avoir montré par
» plufieurs exemples 6c par de fortes autoritez, qu'elle devoit être
? le fouhait de tout le monde _, il en lut tous les articles : il afliira le
» Roi que tous ceux qu'il voyoit là préfents les approuvoient cgiii-
55 me juftes 6c raifonnables , 6c delà tombant fur le difeours des
» Seigneurs prifonniers dont il parla avec toute forte d'honneur,
» il dit qu'on avoit grand fujet de s'étonner que lesCommifîaires
s} Denys. l. » les eu fient fi long- temps détenus , 6c d'autant plus qu'il n'y avoit
xxx m. «aucun fondement çîeleur faire leur procès (c).» Pendant que
chap. xv. ce Docteur parloir, le Dauphin Duc deGuienne fut obligé de le
quitter
DE PISE. Liv. VIL ' ïj
quitter pour recevoir les Bourgeois de Paris qui venoient lui rendre 1 4 1 3 .
hommage. Il marcha triomphant à leur tête par toute la ville de
Paris, aux acclamations de tout le peuple, & à la confufion des
féditieux. Quelques jours après PUniverfité félicita le Duc de
Çuienne d'un fuccès fi avantageux. Ce Prince qui avoit été obligé *
de la quitter brufquement dans la députation précédente , vou-
lut réparer par un honneur extraordinaire cette efpece d'irrégu-
larité, àlaquelleil avoit néanmoins été indifpenfablement obli-
gé. » Il prit avec lui , dit le Moine de St. Denys 3 les Ducs de Berry,
» de Bourgogne , de Bavière , & de Bar , & grand nombre d'autres
» Seigneurs & de Chevaliers , & vint aux Bernardins 3 où il avoic
«fait aflembler tous les Graduez 3 comme pour délibérer avec
» eux de quelque chofe d'importance. Les plus célèbres Docteurs
» Payant été recevoir, tous les autres fe levèrent à fon arrivée j
» l'on le mena à une Chaire qui lui avoit été préparée royalement ,
• autour de laquelle il fît feoir les Princes qui Pavoient accom-
» pagné. Quelque affection que la nature donnât à de fi bons Fran-
çois pour le fang de leur Roi, je crois être obligé de dire qu'elle
» s'accrut infiniment dans le cœur des plus illuftres de Pafïemblé-e,
» ôc que dès lors ils gravèrent plus profondément que jamais le ref-
«pecî; des Fleurs de Lys. Comme elles étoienc alors réduites à
• trois, on les interpréta en faveur de ce Prince pour défigner
«trois vertus Royales 3 la Valeur , la SagefTe & la Foi 5 parce que
«jamais nos Hiftoires ne nous avoient reprefenté de fujet où la i£ Mo'"' Stt
«Valeur militaire 6c la Sageiîe, qui font les fuivantes de la Foi, fe xxxiir.
» fufîent rencontrées plus véritablement (a). chap.XvT
XXVI. Quand la paix eut été publiée dans Paris à fon de mfiam-s de
trompe, &. le pardon accordé aux féditieux , avec défenfe Gcrfon«»
_r> 1 i-r -i i- î-r, • euv Rai de la part
a employer déformais les noms odieux de Bourguignons , cC d Ar- je wmvtrfi^
magnacs (1) , Jean Gerfon Chancelier de PUniverfité, fit de fa «'•
part,& de celle du Clergé un difcours au Roi, tant pour demander
la grâce de ceux de cette Académie, qui avoient eu part dans les
broûilleries , que fur plufieurs autres points importans, tels qu'é-
toient la réformation de tous les Etats du Royaume, & PafTaffu
nat du Duc d'Orléans. Il n'y avoit que fort peu de temps que ce
Do&eur toujours attentif au bien de l'Etat, avoit penfè être la
vi&irne des fureurs populaires , pour les avoir blâmées. Il fut
dans une émeute fe réfugier furies hautes voûtes de Notre-Dame*
(1 ) 'Bernard Comte à' Armagnac beau-pere du Duc d'Orléans étoit dans fon parti , 8c fous CC
, prétexte , avoit attiré les Ançlois en France , & fait quantité de ravages.
Toai. IL Parc. II. D
!
i6 HISTOIRE DU CONCILE
14.1 x de Paris , & fut fon hofiel tout pillé & defrobé (a). Le Moine de
(a)jttvenai St. Denis ne die qu'un mot en pafïant à la louange dudifeours
F-**?- dont on vient de parler. Comme il fe trouve dans YHifloire de
(b) T V • i
Sec p.23d. l'Vniverfité de Paris (b),j'en donnerai un abrégé qui ne laiilera
&ftq. * pas d'être long, même en retranchant le fuperflu. i. Après
avoir fait une peinture fort vive des maux palTez , il demande
la grâce de tous les coupables , en fuppofant pourtant leur fincere
retour à robé*nTance,parce que fans cette conditionne pardon rteft
■point doulce pitié mais fotte & crueufe folie. 2. Recherchant les
caufes de tant de malheurs arrivez à la France, il les trouve dans
la profonde fagefîe de Dieu , qui fe plaît quelquefois à permet-
tre des maux pour en tirer des biens , par des voyes admirables.
Il repréfente encore, que par là font manifeftez les bons, & les
mauvais fujets, afin de les pouvoir féparerlesuns des autres. Il
ne manque pas à cette occafion de rendre témoignage à la fidéli-
té delà plus grande partie de l'Univerfité , du Parlement, du
Clergé, de la ville de Paris, & du peuple (i), qui avoient ex-
pofé leur vie pour foutenir le bon parti. » Ce n'eft pas , dit-il >
» petit fruit, mais grand heur, quand on peut connoître qui eft
«ami en néceifité, qui non. Sire, je puis dire comme expert >
»que en votre Fille l'Univerfité font cent & cent & plus encore
» jofnes(2) Maîtres qui étoient menaciez de tuer & d'eftre détruits,
» non pas eulx feulement , mais leurs pères &: mères & tout leur li-
»gnage... Pareillement je tiens qu'ainfi a été en votre ville
» de Paris, & en l'état de bourgeoise , mais je parle de ce que je
» fçai mielx ( mieux ) fi fais l'exclamation de Alethes en Virgile aux
» Sain&s & aux Saincles.
\Non tamen omnino G allô s ( Teucros ) deflere paratls y
Cùm taies animos juvenum & tam certa tulifiis
fc] v.rg. En* Petlora (c).
IX. 248. ' ' J
Enfin il dit que par là on a pu connoître la différence entre ua
gouvernement tempéré par les loix , tel qu'eft la Domination
Royale, &; un gouvernement ufurpé par le peuple. C'eft afinrSi+
re , que nous connoiljions tous la différence qui efi entre la Domination
Royale y & celle dr aucuns populaires : caria Roy aile a communément
& doit avoir doulceur & miféricorde piteufe y noble ^^r(cceur) fi
(îj Je les place dans le rang qu'il içur donne»-
{z) Je crois que çzUjeuna,
340,
DE PISE. Lit. VII. î?
tfi piteux ( pitoyable ) mais cuer civil ( bourgeois ) & vilain { rufti- ijlix
que, groflier,villageois ) , a domination tyrannique & crueufe (cruel-
le). C'eft là deflus qu'il fait au Roi & aux Seigneurs, une exhor-
tation très-grave, & très-forte à revêtir des fentimens de clé-
mence ôc d'équité envers leurs Sujets , & à les foulager par la fup-
preffion des Impôts , par la réforme des troupes , 6c pat une bon-
ne paix avec l'Angleterre. » Si vous fais, Sire, une ammonition
»» ou fupplication , 6c qui plus eft je m'enhardis de vous faire une
«obteftation ou conjuration par icelle, grâce que Dieu notre
» Souverain Roi6cjugevoushafaitteparlatrès-grandeamourque
»» vous apperçevez en vos Subjets. Amez ( ai?ne^)Sire , & fervez
«Dieu de tout votre cœur 6c puifïance fans le courroucer par
"péchez , & pareillement je parle à la Reine notre Dame Sou-
«veraine 6c à M. de Guienne qui font comme un membre avec
» vous j Amez aufïi , gardez ôcfavorifez tous les bons Subjets main-
tenant nommez Chevallerie, Clergie Se Bourgeoifîe, fans les
«grever par charges intollcrables , & d'aultres oppreffions:
wfoient boutées hors entièrement, 6c haftivement toutes gens
• d'armes.
C'eft ce qui le fait palier aux moyens d'apporter un bon or-
dre aux affaires & à l'adminiftration de l'Etat , duquel il fait qua-
tre parties, le Roi & la Cour , la Noblefle , le Clergé, 6c la
Bourgeoifîe, félon les quatre parties de la Statue de Nabucbodo-
nofori laquelle il fait une longue allufion. Selon lui le plus fur
parti que pniflé prendre un Roi pour bien régner, c'eft de n'é-
poufer point de parti,ou d'être impartial, 6c d'entretenir de même
l'impartialité dans fa Cour , dans ks Confeils 6c dans [es Armées ,
fans factions 6c fans brigues.» Sire , cette doctrine vous feut dite
«aultrefois pafTez deux ans, avant que cette douloureufe guerre
»fût mife fus. On parloir pour votre Clergié de France 6c pour
«votre fille l'Univerfîté , 6c feut la proportion folemnellement
«accordée , puis advouée. On dit lors par 4. fois que pour
«Dieu, Sire, vous vous donniffiez bien garde de croire quelcon-
«que Confeil , qui voudroit votre Royalle perfonne faire partie
« où. elle doit être Juge 6c Seigneur. Car il n'y avoit plus périlleux
* moyen à fubvertir Votre Majefté Royale 6c voftre Royaulmej
» que Dieu ne veuille , que par vous rendre partial. Et nous avons
»trop fentu la vérité de cette parole. Cent mille perfonnes en
«font mortes , 6c votre Royaulmeappauvry 6c domaigié de plus
*>de trois millions 6c encore autant ce tiens je, 6c encore fut pis,
Dij
iî HISTOIRE DU CONCILE
141 \. » fèDieu n'en euft heu miféricorde.» En fuite il montre que pour
la tranquillité de l'Etat il ne doit y avoir qu'une Courdejufti-
cequifoit Souveraine, devant laquelle le Roi lui-même répon-
de.» Cette confîdération appert par fîmilitude du corps auquei
»ne doit avoir que un Chief principal. Raifon aufïi avecques ex-
» périence monftrent que aultrement faire feroit & a efté n'aguai-
»res caufe dedivifîon&de toute injuftice, &fubverfion, & op-
«preflîon des bons. Car incontinent que on vouloit grever une
»perfonne, pour avoir lefien, ou pour haine, on le lançoit en
»prifon & y reftoit fouvent deux mois, ainçois que on parla à*
» lui ; puis on lui faifoit jurer qu'il ne reveleroit riens de ce que
» on faifoit , ôc telles abhominations, &abus fans nombre. Et re-
» venoit en votre Royaulme tel temps comme feuft à Rome du
» temps de Syila contre Marins. Sire , c'eft la plus principale
*> garde de votre Royaulme ce que vous n'avez qu'une Cour de
»Juftice Souveraine , c'eft votre Parlement , auquel vousmeif-
» mes répondez &; tous aultres Subjets le doivent mieulx faire. Par
»>default d'une telle Cour vont à perdition aultres Rois, comme
» Alemannie& Italie, où le plus fort vaint & vive qui vainche.
»Dececy naift cette crueufeôt mortelle playe en Italie de Guel-
»phes 6c de Guibelins.
C'eft au partage de l'autorité qu'il attribue tous les maux arri-
vez à la France, parce que fî chacun n'eut pas afpiré au Gouver-
nement, on n'auroit point vu naître les jaloufies qui animèrent les
Princes les uns contre les autres. De là vint l'afïàflînat du Duc
& Orléans , comme on l'a vu en 1407. fource ou prétexte de la
guerre civile. L'Auteur ne parle pourtant de cet aflaiîinat qu'en
termes généraux , & fans nommer perfonne. » O Ciel , ô Terre y
» ô glorieux Dieu de Paradis j comment a efté vérité ofFufquée y
» confondue & celée depuis fïx ans en çà ! On a publié principe à
» toute bonne police contraire & deftruifant toute authorité Roïa-
« le : pourquoy efl venue turbation & excecation (aveuglement) en
« la chofe publique & péril de damnation. Appliquons l'Hiftoire
» de Antheon qui fut dévoré de fes chiens. Pareillement le Peu-
» pie vouloit dévorer le Sang Royal & de nobleiTe pour faulfe ap-
parence & information. Et, car chafcun conftitué, au lieu de
«dire vérité, la puet 5c doit dire quant temps en eft & neceffité.
«Pour ce aufli que mes Inftru&ions contiennent par exprès , que
« la doctrine de noftre foy } & de bonnes mœurs , foit renuë en-
prière. Car faulfeté ne fe mec point en traittié 5 elle troublerok
DE PISE. Lrv. VIL 19
>>tout & empefcheroit. Je reciteray en reprouvant , Se reprou- 14.1$.
«veray en récitant aulcune fauiîe dodrine qui a efté femence de
»> rébellion & de fédition contre l'Eftat de Chevalerie 3 & confé-
» quemment l'Eftat de Clergie s'en fuft fentu au vif & Bourgeoi-
» fie mefmement en fuft deftruite. Et protefte comme paravant ,
«que je ne tens à punition de perfonne quelconque morte ou
• vive. Et que je ne vueil point me faire fort, ouobligier demonf-
jjtrerque telle dodrine ait efté publiée par tels ou tels, mais feu-
clément je veuil publier nuement la vérité , 6c la faulfeté réprou-
ver (a). ÏÏSm"'
Il propofe enfuite fept Alertions ( 1 ) ou Propofîtions par lefquel- ubi fup'Tp.
les le Dodeur Jean Petit Cordelier Normand voulut défendre en *4tf- *47-
1408. l'aftafïïnat du Duc ^Orléans commis en 1407. par ordre du
Duc de Bourgogne , Ôc il les réfute en peu de mots (2). Comme
quelques-unes de ces Afîertions autorifent le parjure en certains
cas., Gerfon s'étend beaucoup à faire voir les dangereufes confe-
quences d'une telle dodrine } & finit l'article qui regarde le Roi
par cette exhortation à garder inviolablement le dernier traité
de paix.
Gerfin paffe enfuite aux devoirs de la Noblefle qu'il appelle
l'Etat de chevalerie. La principale fondion qu'il lui attribue eft de
foutenir l'Etat par les armes. Il donne une très-haute idée de cet
Ordre j mais elle doit en même temps rendre les gens de guerre
fort retenus à s'engager dans ce métier. L' Etat de Chevalerie , dit-
il, eft très a louer , s'il fait juftement fon devoir. Car gens dy armes qui
expofent leur v ie pourvu fte titre & dèfenfe de juflice & de vérité par droi-
te intention^ font comme Martyrs de Dieu. Mais fe ils font le contraire,
ils font Martyrs d' Enfer ^ quand ils foutiennent injufte querelle , ou par
mauvaife intention & perverfe opération. Il réduit les devoirs de
l'Ordre militaire â ces deux généraux. L'un , que les gens de
guerre fe doivent contenter de leurs gages fans faire grevâmes aux
autres états 5 il fodtient même que le Roi n'eft pas en droit de don-
ner cette permiiïïon aux Gens de guerre. Il avance un fait impor-
tant fur cette matière. » On propofa , dit-ii , aultre fois contre
» aucunes erreurs de ceux qui dient que les gens d'armes peuvent
» prendre vivres & aultres chofes , fans payer & reftituer. On dé-
*clara lors cette vérité 3 en monftrant quele Roymême ne peut
[i]On peut voir ces AfTertions on propofitions en différent ordre & en d'autres termes
dans ïhiftoire du Cmcile de Confiance , telles qu'elles ont été tirées de MouflreUt.
Ja,}Oa verra cette réfutation dans la fuite*
50 HISTOIRE DU CONCILE
14. i% " donner *e congié en tout cas & félon fan plaifîr. Car le Roy eft
«fubjetàraifbn&àlaloy de Dieu & à juftice j fi fait pis un piilarc
n qui prétend l'authorité Royale, qu'un autre qui pille fans autho-
»> rite , & eft plus à punir. Car il encoulpe le Roy & pèche plus
» franchement & hardiment fans réfiftance , fans correction & re-
» pentance. » Le fécond devoir de la Chevalerie n'eft pas moins
important , fur tout il étoit neceflaire à reprefenter dans un
temps de factions où l'un difoit je fuis Armagnac , ouOrleanois ,
l'autre je fuis Bourguignon, ôc où fous ce prétexte chacun pilloic
& tuoit impunément 3 fans fe mettre en peine du fervice du Roi,
& du bien de l'Etat , quoique fouvent on fe fer vît de ce pré-
texte.
Il pafle de là à l'Etat du Clergé figuré , félon lui , par Y airain
de la fiatue de JsFabuchodonofor. C'eft 3 dit-il, mètail fonnant -parce
que le C le rgié doit avoir clameur de la vérité. Il prétend donc que
lesEvêques, les Prélats 3c les autres Ecclefiaftiques Théologiens,
Juriftes 8c Philofophes moraux font obligez à prêcher les veritez
qui regardent la Foi ôc les bonnes moeurs , ôc que les premiers
font engagez à les maintenir par autorité, parce que leur réticen-
ce 3 ou diiîimulation peuvent être pernicieufes à l'Eglife & à l'Etat.
C'eft , dit-il , une dure fentence contre Clercs & Prélats de notre temps.
Ilfoûtientavecraifon que le Clergé faifantaufli fon devoir, ne
doit pas être regardé comme un membre inutile de l'Etat , 'fous
ombre qu'il ne vaque pas aux emplois méchaniques 8c militaires,
parce que le meilleur fervice qu'on puiiïe rendre au Prince , c'eft
de lui dire franchement la vérité. D'où il conclut que c'eft un
grand mal d'empêcher le Clergé de reprendre & de condamner ce
qui le mérite s 8c que c'eft dans ces occafions qu'il doit fe montrer
intrépide & à l'épreuve des plus grandes perfecutions. Je n'ai rien
remarqué de mémorable fur ce que Gerfon dit de la Bourgeoise,
dont le partage eft Pobéifïance 8c la fubordination. Après avoir
exécuté fon plan il finit en ces termes que je rapporterai pour don-
nefrune idée du goût de ce fiecle-là. » Grâce à Dieu d'amour &
» de paix , qui eft vie , voye 8c vérité ^ Grâce à fa glorieufe Vierge
» mère , & à Ste. Geneviefve qui oneques ne faillirent à cette Citéj
» Grâce au virginal époux de Noftre-Dame, St. Jofepb , duquel
» le mariage feut lignification de la plus parfaite union & con-
jonction qui foit. C'eft de Dieu & de fon Eglife. Si devons ho-
* norcr ce mari virginal s cette facrée 8c chafte conjonction, nous
» qui querons paix & union , grâces à St. Denys & à St. Remy > Pa-
DE PISE. Liv. VIL 31
v trons 5c Apoftres de France , grâce à cous Sainds & Saindes def- T 4 J 3 *
» quels les Mémoires & les Reliques font en cette glorieufe, Royal-
» le & très-Chreftienne & Religieufe Cité & bonne Ville de Paris.
» Grâces à vous , Roi très-Chreftien , à la Reyne , à Monfeigneur
»le Dauphin , qui félon fon aage y a très-conftammenc labouré,
» & Dieu le parface de bien en mieux. Grâce à vous tous , Nos-
» Seigneurs. Si concluons en fuppliant que paifiblement ôc con-
» cordement & uniement le droit chemin nous parvenions à la vie
»perdurable de Paradis. Amen.
Ce que dit Gerfonila fin de cette Harangue touchant le Ma-
riage virginal de St. Jofeph avec Notre- Dame , mérite bien une pe-
tite digreffion , par rapport à l'Hiftoire Eccleflaftique de ce temps-
là. Il paroît par divers écrits , 6c par diverfes démarches de ce
Dodeur de Paris , qu'il avoit une dévotion toute particulière pour
| St. Jofeph. Il y a dans le troifiéme Tome de fes Oeuvres quelques
Difcours , où il prérend prouver la virginité perpétuelle de ce
• Saint y que comme Je an- Baptise il avoit été fandifié dès le ven-
; tre j qu'il s'étoit marié jeune avec Marie , mais que le St. Efpric
. avoit éteint en lui les feux de la convoitife 5 qu'il mourut avant la
| Paffion de Notre-Seigneur , & qu'après il refïufcita avec plusieurs
$ autres , 8c apparût à la Vierge 3 qu'il monta avec J. C. dans le
:' Ciel; que ce fait eft certain, mais qu'il eft douteux fi ce fut en
i corps ou en ame (a). Il n'eft pas furprenant que dans ces principes Ca Jf"^
il fe foit donné beaucoup demouvemens pour faire célébrer la fê- p.^^. &*
! te de St. Jofeph. On trouve dans le IV. Tome de ks Oeuvres , une fecH-
1 exhortation en forme deLettre qu'il adrefla cette année auDuc de
: Berri oncle du Roi de France, afin qu'il employât fon autorité à
1 introduire publiquement cette fête. Il l'engage à une œuvre fi
1 pieufe , par le grand zèle que ce Prince témoignoit à enrichir d'or
, & de pierreries les Reliques des Saints , par {es liberalitez pour
i l'augmentation du Service Divin , particulièrement dans fa ville
. de Bourges , ôc dans l'Egkfe de Nôtre -Dame de Paris, à qui /'/
; avoit donné une fi belle tète de St. Philippe, quil ne croyoitpas qu'il
: s'en pût trouver ailleurs une pareille (1). Gerfon voudroit donc que
par ces motifs, ôc par d'autres femblables, le Duc de Berri or-
i donnât de célébrer la fête de St. Jofeph ^ le Jeudi des IV. Temps
• avant Jsfo'êl > ou le Mecredi lors qu'on lit , Luc 1. 16. &que cette
[1] Et prœfertimviAemnr infolemmffirtja Tcclefici twjlra Domina Varijienjis te caput faniïi Phi-
lippi dediffe , adeo prethfe undequaqtte contextum , m me latent ttbïnam gcnx'mm Jimile pojjet rep~
riruUbi fupr, T. IV.p^jpv
5i HISTOIRE DU CONCILE
Ï4.H, folemnitéfefît dans l'Eglifede Nôtre -Dame, où font les An*
neaux dumariage , & la ceinture de la Vierge 3 mais pourtant com-
me il dit 3 fans vaine fuper fit ion & folle préemption j ( fine vanâ fu-
perflitione 3 ôcfatuâpr^efumptione. ) Notre Docteur ne manque
pas d'inviter le Duc de J^m'àune fi fainteinftitution, au nom dz
Jésus qui a daigné naître dans ce facré mariage , de fon très-nobh
coufin St. Jean-Baptifle , & de Jofeph lui-?nème qui étoit vierge, époux
& gardien fide le de Marie 3 & gouverneur de l'Enfant Jésus , lequel
ilbaifoitfifouvent. Afin de rendre l'exhortation encore plus tou-
chante , Gerfon choifit la fête de St. Clément pour l'adrefîer au
Duc. » C'eft, dit-il 3 au Pape faint Clément qu'a fuccedé votre
» grand & bon ami le Pape Clément VII. de fainte mémoire , qui g
* comme je l'ai appris par des témoignages dignes de foi , &; par
» révélation ( i ) ( dignkfide & revelatione cognovi ) avoit une véné-
ration finguliere pour St. jofeph, auffi bien que plufieursperfon-
» nés pieufes &c éclairées de notre temps, comme le Cardinal de
[ a] Pierre „ Cambrai (a) mon précepteur , le frère Pierre de Bourgogne Celef-
»tin, dontoV. Jofeph, comme il ledifoitfouvent, étoitle Patron
«fîngulier, & dont il avoit fouvent éprouvé le fecours dans fes
» nécefïîtez & dans celles des autres comme par miracle , & enfin
» en dernier lieu Henri Chiquot(iJ célèbre Docteur en Théologie
» de l'Univerfité de Paris , qui avant fa mort recommanda à l'£-
« glife de Chartres fa patrie de faire la commémoration de St. Jo-
[h]GcrCon.feph au lieu de fon Obit» (b). Gerfon ajoute que tous les Docteurs
374/^' q11^ a nommez avoient écrit là-deflus des Livres remplis de
dévotion (3 ). Gerfon figne ainfi cette Lettre 3 votre humble Chape-
lain & Orateur , Jean Gerfon Chancelier de Paris indigne.
Ce Chancelier ne fe contenta pas d'écrire là-dellus à des Princes,
èc à des particuliers. On voit ici une Lettre qu'il écrivit fur ce
fujet en 141 3. à. toutes les Eglifcs , fur tout à celles qui étoient dé-
diées à la Vierge Marie. Quelque emprefîement qu'il eût pour
l'Introduction de ce fervice, il laifîe pourtant à chacun la liber-
té d'en penfer ce qu'il voudra, parce que la queftion n'a point
été décidée par l'Eglife. C'eft pour faciliter cette entreprife que
[1] Je ne doute pris qu'il n'y ait là une faute, & qu'au lieu de Révélation, il ne faille dire
Relation.
(2} Voyez fur Henri Chiqnot la Lettre que Gerfon écrivit du Concile de Confiance à un Doc-
teur en Théologie de Chartres nommé Petit , où il le prie d'exécuter le Teftament de Chiyuot
fur le fervice de St. Jofeph. ubi fupr. p. 73 1 .
{%) Ceftdommage qu'on n'ait pas ces pièces,- Elles poiirroientfervir d'un beau fupplement
aux Auteurs Eccleliaftiques.
Gerfon
DE PISE. Lir. VIL 35
Gerfon comipofa lui-même un Office de St. Jofeph, pour fervir de 1413;
modèle à ceux qui goûteroienc cette dévotion'(a). Il fît encore fur [a] ithifupr.
cette matière un long Poëme en vers Latins afTez paflables pour le p< 7l6' 7*z'
temps (1) 3 fous le titre de Jofephine.U y a dans ce Poëme, com-
pofé., comme il ledit, en 14 17. un trait fort remarquable contre
les Anti-Papes , &en particulier contre Benoit JCI II. qui violoit
& corrompoit l'Eglife, au lieu d'imiter lechafte Jofeph qui avoic
confervé précieufement la virginité de fon époufe. Ces vers méri-
tent d'être rapportez.
Litera taie canit 3 cui concinit Allegoria :
Non fccus Ecclefeœ tu Papa daris vice Chrifii
Sponfus pro pa flore pio : violarepudicam
Crede nef as , fed eam te cuftodirc necefie e(b
JDivinâ fub Lege datant , velcedere Sedi ,
Scandala Subjetlis , velSchifmata , fifiatus ajfert.
Senfimus hoc hodie 3 tempufque locumque notemus
JMillefemel , centumque quater , feptemque decemque
Orbibus inpropriis Phœbus confeceratannos.
Bifque decem , bis ter que die s peragrando Zeonis
Julius in Jîgno dederat tum Scbifmatis altos
Peftiferi : Petrus de Luna cedere nolens ,
JBjiciturfede Papali voce fub una.
Urbs dumConcilium retinet Confiant i a fanffum,
Balthafar ejeflus fuerat ,jam cefferat alter.
Triceps hoc monfirumfuit , utfunt Cerberus, hydra
Unum nulla modo contentio rumpit ovile.
Legitimus fuperefl fponfus , Paflorque credetur
U nus in Ecclefia 3 cui totus pareat Orbis.
Virgo tuisfac hoc precibus 3 meritoque potenti.
Ipfa tuo célèbres gratiffima , fpero , quotannis 3
Fecundo prolis cumvirginitatis honore
Conjugio fponfoque Jofeph facrabit honores:
2\Tatali ne tuo fie olim oïlava dicata efi ?
Mocprior infpira : tali nos munere dotes (b ). mUfupr \-u*
Je rapporterai ici pour finir cette digrefîîon, ce que nous ap-
prend le Docteur Du Pin touchant la fête de St. Jofeph. » Quoi
(1) Quamvis non infertilis vente fuit tamen ItitHlentttS , non tamfuo quant temporis vitio. Du
Pin , Gerfoniana. p. LVII.
Tom.II.Part.il. E
yCz*
34 HISTOIRE DU CONCILE
14.1%. =• qu'il foit fait dans l'Ecriture fainte, dit-if une mention hono-
» rable du bienheureux Jofeph époux de Marie , & réputé père de
» T. C. on ne voit pas que l'Eglife lui ait rendu aucun culte particu-
» lier avant ces derniers temps. Il n'en efl fait aucune mention dans
«les anciens Martyrologes , ni même dans ceux à'Vfuard , ôc
» à'Adon. Les Grecs font la commémoration de Jofeph le 20. Juil-
»let, mais ils ne diftinguent point Jofeph lejufteémulç de Mat'
» thias dans l'apoftolat, d'avec Jofeph époux de la Vierge. Chez les
» Latins on ne faifoit aucune commémoration de Jofeph } ôc il n'y
» avoit nulle fête en fon honneur avant la fin du XIV. flécle. Alors
» il fe trouva des gens qui par une dévotion particulière commen-
» cérent à célébrer la fête de St. Jofeph , comme les Carmes, les
» Franrifcains , ôc les Auguftins. Mais il n'y avoit point de jour
* marqué pour cette fête. On doit d'autant plus louer Gerfon de
* fon zèle pour l'époux de Marie , qu'il n'y a point mêlé de fa-
» blés , ôc que fon Office n'eft point compofé de pièces apocryphes
» ou douteufes, mais feulement des termes de l'Ecriture. Cepen-
» dant peu de gens ont embraflé cette folemnité du mariage de Jo-
"feph, & fa fête n'a point été reçue dans l'Eglife univerfelle avanc
Lib ^fgmf' » Sixte IV. Les frères Auguftins la célebroient du temps de Gerfon
lvii. oper. » à Milan le 19. de Mars (a).
Gerf. t. 1. Le difeours de Gerfon fut approuvé ôc avoué foîemnellement
3705. deux jours après par l'Univerfïté à St. Bernard en prefence du Roi,
de Louis d'Anjou Roi de Sicile , des Ducs de Berri , d'Orléans ôc de
plufieurs autres Seigneurs. Il ne fut pas fî généralement applaudi
que l'Univerfïté n'eût befoin d'en faire l'Apologie contre quel-
ques-uns qui croyoient que la propoficion de l'Univerfïté étoic
contre paix & déshonneur d'aucuns Seigneurs. C'eff, cevqu'elle fît le 4.
d'Odobre par un écrit qui fe trouve dans l'Hiftoire de cette tJni-
fb) ïfr/î.Um- verfité (b). Les principales raifons de cette Apologie font: 1. Que
vtrf.ubifafr, ]es maximes condamnées dans le difeours de Gerfon renverfent les
fondemens de tous les états ôc de toutes les focietez. 2. Qu'elles
font reconnues pour pernicieufespar toutes les Nations du monde,
fidelles & infidelles. 3. Qu'on a dû les réfuter publiquement,
puifqu'on les feme publiquement. 4. Qu'on n'a nommé perfonne,
ni demandé la punition de perfonne, à moins qu'on ne perfîfte opi-
niâtrement dans ces déteftables principes. Il y a quelques maxi-
mes importantes dans cette Apologie , comme celle-ci: «S/ on ne
fouvoit autrement avoir paix que par fouflenir fan fêté contre la foi ou
bonne doc~lriner on devroit plutoft fouflenir quelconque yterre ou efclan-
DE PISE. Liv. VIL 35
être', & cette autre : Que quand la crainte a empêché de dire la 141 3,
vérité, c'eft une lâcheté dont on doit fe repentir , &. qu'il faut au
moins la dire quand la crainte eft diiîipée , parce qu'il vaut mieux
tard que jamais. » Combien que cette vérité de la Foy & de bonne
» Do&rine , dit l'Apologie , euft peu moult profiter qui l'euft pluf-
»toft dicte conftam ment : 6c eft à croire que ne fufîent mie venus
» tant de horribles maux en ce Royaume , fi aucuns fe feuflent ex-
os pofez jufques à la mort pour refifter aux erreurs qui ont été raci-
»ne denosmaux» (1). L'Apologie finit par une proteftation con-
tre quiconque s'oppofera obitinément au difcours publié par ordre
de l'Univerfité, ôc approuvé par elle. On va voir quel fut le réful-
tat de ces démarches.
XXVII. Il y avoit long temps qu'une Doctrine aufîî pernicieu- Raifasd»
fe que celle de Jean Petit dans fon Plaidoyer pour le Duc de Bour- ^"tlnl
gogne auroit été cenfurée Se profcrite par autorité publique , fans de Jean Pe-
lé pouvoir tyrannique Ôc l'humeur violente de ce Duc. Plufieurs tlt*
perfonnes doctes ôc bien intentionnées fe plaignoient d'un filence
fi préjudiciable à l'Eglifeôc à l'Etat. »En mon particulier, dit le
» Moine de St. Denys , j'avois plufieurs fois témoigné beaucoup
»d'étonnementdece que l'Evêquede Paris & l'Inquifiteur de la
» Foi avoient négligé d'entreprendre unecaufe fi préjudiciable aux
» bonnes mœurs 6c au fervice de Dieu 5 maison m'avoit toujours
»» répondu que la formidable autorité du Duc de Bourgogne les
» avoit empêchez, Se qu'ils avoient agi prudemment de laifier cet-
» te pefte comme enfevelie dans un profond filence , plutôt que de
» hazarder de la voir autorifer par le crédit de ce Prince.
En effet toutes les tentatives qu'on avoit faites jufqu'alors pour
punir un aflafîinat commis avec d'autant plus de perfidie, que trois
jours auparavant les Princes avoient communié enfemble , Se
s'étoient juré une amitié fraternelle. Le Duc de Bourgogne avoit
lui-même avoué fon crime & s'en étoit fui dans fa Flandre (2) ,
pour fe mettre en état de défenfe en cas qu'il fût pourfuivi. S'é-
tant trouvé enfuite en conférence à Amiens avec Louis Roi de Si-
cile, Se le Duc de Berri oncle de Charles VI. pour trouver quelque
voye d'accommodement , cette entrevue ne fervit de rien , parce
que Jean Petit & deux autres Do&eurs qui s'y trouvèrent, fou-
rnirent le fait du Duc de Bourgogne. Les Princes cependant lui
(1) Ceci regarde l'affaffinat du Duc d'Orléans qui trouva & qui trouve encore des Apoîo-
giftes.
[z) Il e'toit Comte de Flandre,
Eij
16 HISTOIRE DU CONCILE
14 M. défendirent de la parc du Roi de venir à Paris , s'il n'y étoit
mandé. Il y vint pourtant , mais bien accompagné, & à la gran-
de joye des Parifiens quiPaimoient autant qu'ils avoient en hor-
reur la mémoire du Duc d'Orléans , parce que les Bourguignons
leur avoient fait entendre qu'il étoit auteur des impôts qu'on met-
toit fur le peuple. Quand le redoutable Bourguignon fut arrivé à
Paris, il obtint audience du Roi, en prefence du Dauphin , du
Roi de Sicile, du Cardinal de Bar, des Ducs de Berri, de Bre-
tagne & de Lorraine, avec quantité de nobleiîe , le Re&eur de
l'Univerfité, & bon nombre de Docteurs & de Bourgeois. Jean
Petit plaida la caufe du Duc amplement, Scie reprefenta comme
le Libérateur de la Patrie , &c le Duc d'Orléans comme un tyran ,
un monftre abominable. Ce difcours avoué par le Duc excita
l'horreur de tous les gens de bien. Mais il fit une telle împreflion
fur les Bourguignons que le Roi fut obligé d'accorder des Lettres
de grâce au Duc de Bourgogne. Ce dernier cependant étant re-
tourné en Flandre pour iccourirjean de Bavière , élu Evêque de
Liège, &. affiegé à Maftricht par les Liégeois, la veuve du Duc
d'Orléans (i) profita de fon abfence pour venir à Paris avec le
cadet de Ces fils (2) demander juftice au Roi contre le Duc de
Bourgogne, & fon Avocat. Leur caufe fut plaidée par l'Abbé de
Serifi(^) & par Guillaume Coufinot Avocat au Parlement, avec
tant de fuccès , que le Roi annulia les Lettres de grâce qu'il a voit
données au Duc de Bourgogne, & le déclara ennemi de l'Etat.
Cette difgrace ne dura pas longtemps. Quelques moisaprès, le
Duc de Bourgogne étant rentré triomphant dans Paris, on parla
d'accommodement. La veuve du Duc d'Orléans en fut fi outrée,
(a) Mênfire. qu'on prétend qu'elle en mourut de douleur (a). Cette mort fa-
ietoblMPr' cinca beaucoup la réconciliation du Duc de Bourgogne avec le
de si. Denjs R°i & les trois jeunes Ducs d'Orléans. L'accord fut conclu folem-
^biùp-.p. nellement à Chartres en Beaufîe au mois de Mars de 1408. Mais
ies Vr/ws comme ce n etoit qu une Paix fourrée (4) , ainii qu'on s en expn-
ubi fupr. p. moit alors , la France fut en proie aux factions des Grands & du
( 1) Vaknt'.ne fille de Jean Geleaffe Duc de Jdilan.
(a) Jean Comte à'Angouleme.
(3 j C'eft ninii que l'appelle Jnvenal des Vrfins , Hift. de Charles VI. p. ipj". Monflrelet l'ap-
pelle l'Abbé" de St. Fiacre de l'Ordre de 5t. Benoit, Chron. Vol. I. p. 53. Mr. le Laboureur
conjecture que c'e'tcit I-hilippe de Vilette Abbe' de St. Denys. Moine de St. Denys , Hift. Je Char'
Us VI. Liv. XXVIIl.p. 661.
(4) Et avoir ( leD.jc de Bourgogne ) un très bon fol' h fa compagnie, qu'on difoit être fol
fage, lequel tantoft alla chercher une paix d'Églife & la fit fourrer , & difoit que c'tftoiî une
paix fourree. Et aiaû advint depuis. Juven. ubi fupr. p. J,o3.
DE PISE. Liv. VIL 37
peuple pendant plufieurs années, & tout cela par les intrigues du 1413,
Bourguignon. C'eft ce qui obligea les Ducs à'Orleans à prefenter
en 141 1. une Requête au Roi pour demander de nouveau juftice
de la mort du Duc leur père , &, réparation à fa mémoire 3 préten-
dant que la paix de Chartres étoit nulle, tant parce qu'elle avoic
été mal faite, que parce que le Duc de Bourgogne n'avoitceiïé
de la violer. Ils ayoient en même temps envoyé un cartel de défi
au Duc de Bourgogne , qui y répondit par un autre beaucoup plus
violent , comme on le peut voir ci-deflus (a). Ces Princes ne s'ap- Cai Lîv. IV.
pelloient pas proprement en duel , ou combat fingulier par ces for-
tes de défis. C'étoient plutôt des déclarations de guerre,qui ne pou-
voient tendre qu'à fomenter la guerre inteftine , dans le Royau-
me, comme cela ne manqua pas d'arriver. Lespartifans du Duc
de Bourgogne adrefloient des cartels de même forte aux Ducs
d'Orléans 3 ôc ceux des Ducs d'Orléans au Duc de Bourgogne.
Monftrelet nous apprend qu'entre autres, ce dernier fut défié par
un Chevalier de Picardie > nommé Meffire Manfart du Bos qui
étoit fon homme lige, & que ce Duc en fut fî irrité, qu'il eut le crédit
de le faire pendre à Paris la même année malgré les Orleanois. Ce
même Duc pour fortifier fori parti avoit travaillé inutilement à
mettre le Duc de Bourbon dans fes intérêts en vertu de quelques
confédérations faites entr'eux auparavant (1).
(1) Voici fa Lettre, telle qu'on la trouve dans Monftrelet : Trefcher & bien amé Coufm
Duc de Bourbon & Comte de Clermont, Jean Duc de Bourgogne Comtede Flandres , d'Ar-
ihois &de Bourgongne tient bien eftre en voflre memoirs comment en l'an mille quatre
cens & cinq, vous & moyfeismes &eusmes certaines alliances enfemble , lesquelles furent
& ont efté depuis trois ans en ça à voftre prière & requefte renouvellées & derechef jurées 8t
promifes enlaprefence de plusieurs Chevaliers & autres gens dignes de foy. Et devez demou-
rer mon bon vray & parfait amy & allié durant le cours de voflre vie, & procurer à voftre loyal
povoir le bien & honneur de moy & efchever mon mal & dommage ainli que bon parent
loyalàmoy allié eft ten u de faire , & avec ce toutes &quantes fois que j'auray à faire chofe
qui touche l'honneur fiteftat de ma perfonne ,. & demefTeigneurs &amis, vous & elles teny
moyaider, confeiller & conforter loyallemcnt, fe requis en elles , de corps , d'amis & de
chevance, envers tous & contre tous, excepté tant feulement la perfonne de monfoigneur le
Roi , monfeigneur de Guyenne , & celuy qui fuccedera au Royaume de France , & feu beau
couiin le Duc de Bourbon votre père. Et encore s'il fut advenu qu'entre moy, & aucuns au-
tres, euft eu guerre, ou débat, fit ledit beau coufin voftre père fe fut mis .contre moy avec
perfonne adverfaire , vous en ce cas vous en eufliez pea mettre a vecques voftredit feu père ,
tout le cours de fa vie, tant feulement , fans par celte condition ou exception eftre prej udi-
cié ou dérogé aucunement ausdides alliances. Et comme je, aurti vous3 eftes recors que
vous avez juré, tenir, garder, faire & accomplir les chofes delïusdi&es &. d éclairées , toutes
& quantes fois que le cas s'y offriroit, fur la damnation de voftre ame , par la foy & ferment
de voftre corps , fur ksSain&es Evangiles de Dieu , & furlesSain&es reliques par vousattoi:»-
chées. Or eft vray, trefcher & amé Coufm , que Charles qui fe ditDuc d'Orléans , rhilippe &
jk/ïre fes frères m'ont nouvellement envoyé Lettres de deffiances & ont intention & propos de
moy grever de toute leur puiffance , à quoy ou plaifir de Dieu j*ay intentio]i & propos de rt-
. fifter, par le bon. conjcil , confort, fie ayde demesparens fit amis, & alliez & de mes Sut-
Eiîj
COtl
38 HISTOIRE DU CONCILE
141 t. Les chofes s'aigrirent tellement entre ces Princes , qu'ils en
vinrent à une guerre ouverte t qui mettoit tout le Royaume en
combuftion. Cette guerre fe termina par la paix de 1412. ouïe
traité de Chartres fut renouvelle, & toujours fort mal exécuté
par le Duc de Bourgogne &fes adherans, comme on l'a vu ci-
deflus.
Ajfembiee de XXVIII. Quand ces frayeurs furent diffipées par la retraite du
■ns pour la j)uc je Bourgogne , par le retour des Princes à la Cour & par la
despropo/t- pacification des troubles de Pans , on travailla tout de bon a 1 e-
tuns de Jean xamen & à la condamnation de cette fameufe pièce de Jean Petity
( a ) On la connue fous le nom de Juflification du Duc de Bourgogne (a). Ce fut
trouve à lu dans cette vue* que le Roi ordonna à Gérard de Montaigu ( 1 ) E vê-
Hiftoirè?^ <lue ^e Paris , & à fon Officiai de fe joindre avec Jean PoletDomu
nicain Inquisiteur de la Foi en France, èc un certain nombre de
Do&eurs en Théologie pour examiner ces propolîtions _, ôcpour
les cenfurer juridiquement 3 leur offrant le fecours du bras feculier
(b ) Moine en cas ^e befoin. L'Hiftoire dit que Benoît Gentien fe fignala dans
de st. Den. cette ocafion par un très-beau difeours qu'il prononça contre la
Liv. xxxiii. justification du Duc de Bourgogne (b).
La lettre du Roi eft datée du 7. O&obre 141 3. Il y dit entre
autres chofes que Ces PrédécefTeurs ont eftè , & font appelles^ es
faints Canons Roys tre's- Chre'tiens , pour avoir toujours efiè
entre les autres Princes Chrétiens , les efpeciaux défenfeurs à* champions
[c)Gerfin. de la Foi catholique (c). Ni le Duc de Bourgogne 3 m Jean Petit
°F*' T* ' ne font nommez dans la lettre , il y eft feulement parlé de plusieurs
héréfies &: erreurs dangereufes par rapport à la Foi, aux bonnes
mœurs , êcà TEtat, qui depuis quelques années s'étoient répan-
dues en France 3 & qui avoient même pénétré dans les Païs étran-
gers. » Et il eft venu en notre connoiflance , que depuis aucun tems
» en ça , plufieurs héréfies , erreurs , ôc autres chofes mal fonnan-
jefts , & bien vueillans de garder mon honneur à Pehcontre d'eux. Et pource , trefeher & amé
Coulin , que vous eftes à moy allié par la manière que deiTus eft devifée , & tenu de moy ai-
der, confeiller , & conforter loyaument , je vous requiers, & fommespar vertus desdictes
alliances, & les fermens qu'avez fait comme dit eft , qu'en voftre perfonne accompagné le
mieux que vous pourrez d'amis & de gens d'armes, me vueillez venir ayder, confeiller St.
conforter loyallement, contre les deflusditts nommez, Charhs t Philippe Sajeancn acquitaat
vous , & vosdits honneur & ferment. Sachant qu'en pareil cas je voudroye garder entièrement
mon honneur & ma foy & ferment, fans les aucunement frauder. Et ainli j'efpoire que voc»
ferez. Si me vueillez briefvementpar le porteur de cefte, refaire & faire fçavoir fur ce, voftre
pbilir & vouîentc ainfi que le cas le requiert. Donné en ma Ville de Doiïay foubs mon grand
feel placqué à ces prefentes le xlv. jour d'Aouft l'an mille CCCC. & xi.
(1) Il étoit frère de Jean de Montaigu , grand Maitre d'Hôtel du Roi, à qui la fadion B JUf-
guignone fit couper la tête eu i^og.Javeual de$Urftns> ubifupr.p. aoj.
DE PISE. Liv. VIL 39
«tes en noftre Foy ont été dires, proférées, 6c mifes en avant en 141 3.
« noftre Royaume , tant en noftre ville de Paris 3 comme ailleurs ,
» lefquelles ont été depuis publiées , 6cfemées en noftre dit Royau-
» me , 6c dehors , en plufieurs & diverfes régions , tant par écrit ,
» comme autrement _, dont plufieurs maux & inconveniens irrépa-
» râbles fe pourroient enfuivre, non pas feulement en nôtre Roïau-
»me, mais par toute la Chreftienté , fi provifion n'y étoit mife
» telle qu'il appartient au cas : car les dittes paroles & conclufîons
«font , fi comme l'on dit, faufTes _, mauvaifes & erronnés con-
» tre noftre Foy & la dodrine , 6c vray entendement de la fainte
»>Ecriturej& par conféquent ofFenfives de la divine Majefté ,
» 6c difpofées à damnation perpétuelle des âmes de ceux qui croi-
»roient,6cfeadhurteroientpertinacementaux dittes herefies ou
• erreurs, 6c fi font indudives dépêché mortel & donnant occa-
» fion de mal faire , 6c avec ce font contre bonnes mœurs tendant à
» deftrudion de toutes Seigneuries terriennes , 6c par conféquent
» à lafubverfîon de la police de toute la chofe publique , 6c contre
» noftre Royalle Majefté, en maintes manières :6c fi pourroient
»redonder àla très -grande charge, deshonneur, & blasme de
» Nous , 6c de noftre Royaume ouquelles ont efté élevées de mifes
»fus.» C'eft fur cette Lettre que fe forma , dans le Palais épifeo-
pal , la célèbre Aflemblée qui dans les Ades ,effc appellée Concile
de Foi. L'ouverture s'en fit le 3 o. de Novembre. Il faut néceflai-
rement en faire ici l'Hiftoire en abrégé 3 parce que cette Aflem-
blée eft le fondement de ce qui fe pafla là - deflus au Concile de
Confiance.
XXIX. Dans la première féance où fe trouvèrent Jean Cudert, Tremien
maître aux loix , Officiai de l'Evêque , 6c le Père Pierre F lorentin ySelincs*
Provincial des Dominicains , de la part de l'Inquifiteur , avec plu-
fieurs maîtres 6c Bacheliers en Théologie, on fit laiedure de la
lettre du Roi dont on vient de parler , 6c des fept propofitions que
Jean Gerfon avoit tirées de l'écritde Jean Petite condamnées avec
l'approbation de l'Univerfité. Voici les fept propoficions 3 comme
elles font exprimées dans les ades mêmes , &; en effet très-fidelle-
ment tirées de la juftification du Duc de Bourgogne, compofée
par Jean Petit. Je joindrai à chaque article fa condamnation.
1 . Chacun Tyran doit , à* peut cjîre loiïablement 3 & par mérite oc-
cis de quelconque fon Vaffal^ & Sujet 3 ou far quelconque manière 3
me finement par aguettes , ou par flatteries , ou adulations , nonob fiant
quelconque jurement , eu confédération faites avec lui $ fans attendre lœ
4o HISTOIRE DU CONCILE
1 4 1 x , Sentence ou Mandement du Juge quelconque.
» Cette afïertionainfi mifegénérallement pour maxime, &fe-
» Ion l'acception du mot Tyran , eft erreur en noftre Foy , 6c en
» doctrine de bonnes mœurs, & eft contre ce commandement de
» Dieu 3 Non occides {tu ne tueras point) Exod. XX. 1 3. Glofla.
«Autoritate propria 3 tu riocciras point de ton autorité 3 &
» Matth. XXVI. 52. Omnes qui gladium acceperint , (Glofla, prê-
» pria autoritate) 3 gladio peribunt ( 1 ).
Item. » Cette aflèrtion tourne à la fubverfîon de toute chofe pu-
«blique, & d'un chacun Roy,, ou Prince.
Item. «Donne voye 6c licence à plufîeursautres maux, comme
» à fraudes , 6c à violations de foi , 6c de ferment 3 à trahifons , à
«menfonges, à déceptions, 6cgénérallement à toute inobedian-
»ce desfujets à fon Seigneur, 6c à toute déloyauté , 6c défiance
» dss uns aux autres , & confequemment à perdurable damnation.
Item. » Celui qui afferme obftinément telle erreur, 6c les au-
» très qui s'en enfuivent, eft Hérétique , &c comme Hérétique
» doit être puni , mefmement après fa mort. 2Totetur , in Decretis
» XX III. quœft. quint a.
2 . Michel fans commandement quelconque 3 ne de Dieu , ny d'au-
tre 5 mais étant feulement meu d'amour naturel 3 occit Lucifer de mort
perdurable , & pour ce il a des richejfes efpirituelles 3 autant comme il
en peut recevoir.
» Cette aflèrtion contient plufîeurs erreurs en la Foy 3 car faint
» Michel n'occit pas Lucifer dQ mort perdurable, mais Luc ifer oc-
» cit foy mefme par péché, 6c Dieu l'occit par la mort de la peine
«perdurable.
Item. » Saint Michel a commandement de Dieu à débuter
j> Lucifer hors deParadis : quia omnis poteftas eft à Deo3& hoc fciebat
» Michaël , quia erat conftitutus a Deo Princeps , quem honorem non
»Jîbi affumpfît. Nota , quomodb Michaël non eft au fus inferre m die ium
» blafphcmiœ ,fed dixit : imper et tibi Dominus (2). Vide in Epiftola
*>Judœ y.
Item. » Dieu lui euft peu bailler des richefles efpirituelles, 6c il
»en euft peu recevoir, ôcaufll ilnedefervit mie telles richefles
» par amour naturel.
(1 ) Tous ceux qui prendront Vêpée , (h glofedit^e leur propre autorité) périront par Pepee.
(2.) C'eft-à-dire, parce que toute puiffance vient de Dieu , &c'eft ce que fçavoit bien Mi-
chel , parce que Dieu l'avoit établi Prince , & qu'il ne s'etoit pas approprié cet honneur. Notes
que Michel n'ofa pas injurier Lucifer , mais qu'il dit : Le Seigneur vous le commande.
3 . Phinèes
DE PISE. Liv. VII. 41
3 . Phinees occit Zambri 3 fans quelconque mandement de Dieu ^ & 141*
Zambri ne fut point idolâtre.
«Cette ailèrtion eft contre le texte de la Bible où eft cette
«hiftoire, félon l'entendement des Glofesôt des faints Do&eurs,
» & de raifon. Notez 2fum. XXV. Bixit Moyfes ad Judices Ifraël ,
occidat unusquifque proximos fuos 3 qui initiati funt Beelphegor. Et
ecceunus. 2. Glolla Jofephi dicit quod Zambri Princeps in Tribu
Si m eon duxerat fi liant ejufdem Principis Medianitarum , nomine
Chozbi , ^ uxorejubente , in quadam folemnitate non immolavit Do-
mino cum aliis Chrifii Ducibus ', quamobrem cùm Moyfes Ecclefiam
congregafjet , & cum culparet coram omnibus , confeffus e(l alienigenam
duxijle , & idola coluijfc 3 & legibus Moy Ci non cjfe obnoxium , & def-
ccndens coram omni turba quœ flabat ante fores tabernaculi , intravit
tabernaculum uxoris , & fequens eum Phinees , invenit eos co'éuntes 3
&confoditcos , ècc. Et Num. XXV. Sufpende eos. Gloiïa de Lira:
Dicunt expofitores nofiri 3 quodpunitio primo faBa efi de Principibus ,
fer fufpenjtonem 3 quia aliqui erant culpabiles in tranfgre.ljîone , idola-
trando , & aliis fubditosnegligere reprimendo. Et Glolla Ka. Sa. Ut
fœnafit public a 3 ficutpertinet adterrorem aliorum.
Il faut remarquer deux chofes fur ce troilîéme article. L'une
eft , que Jean Petit ne dit pas que Phinees avoit occis Zambri , fans
quelconque commandement de Dieu, mais fans quelconque com-
mandement de Moy Ce , ne d'autres a ce ayant pouvoir. L'autre } que
bien loin d'avoir dit quez^w^r/n'étoit pas idolâtre,il avoit dit tout
lecontraire. Ilfutfi efprins , dit Jean Petit, parlant de Zambri,
de convoitife 3 & de délectation charnelle y de l'amour d'une Dame
Payenne , que pour ce quelle nevouloit s' accorder a faire fa volonté ,
s il nadoroit les Idoles , /'/ adora les Idoles , &c. (a) Mais il paroît (a ) Mtnfiret.
par les Actes que c'étoit une faute qui s'étoitgliflée dans la copie i^yf?,TS
communiquée à l'Univerfité , puifque les paroles que je viens d'al- Gerf. t. v.
léguer fe trouvent dans les autres exemplaires. P- z2" ZJ*
4. Moy Ce 3 fans mandement quelconque 3 ou autorité occit l* Egyp-
tien. » Cette aftertion eft contre le texte de la Bible AB. VI. 25.
»» félon l'entendement des Glofes, & des faints Docteurs, & de
• raifon. Textus». Exifiimabat autem intelligere fratres 3 quoniam
Deus permanum ipfius daret falutem Ifracl. Sequitur. Qui s confiituit
te Judicem l GlofTa. Solus Deus. Quia non ejl poteftas 3 nifi à Deo«
Rom. XIII. & Eccli. X. 5. In manu Dei pote/las hominis. In
Glofla de Lira ponitur expreffius ; Quoniam Deus permanum ipfius
daret falutem illis. Jam enim Dominus infpiraverat Moy Ci 3 quod li-.
Tom.II.Part/lI. F
42 HISTOIRE DU CONCILE
1 4. i ; . beraturus eratpopulumper ipfum , defervitute JEgypti , &ficjam conf-
titus erat a Deo tutor & deffenfor populi : propter quod non peccavit
vinditlam illam faciendo. z.c. i.
5 . Judith ne pécha point en flattant Holophemc , ne Jehu 3 en men-
tant quilvomloit honorer Baal.
» Cette aiïertion eft favorisante à l'erreur de ceux qui ont dit ,
» qu'en aucun cas on peut loidblement mentir , contre lefquels
» écrit AuguftinàSt. Jerbme. Si , inquic , admiffa fuerint^ vel offi-
ciofa mendacia 3 tota Scripturœ divinœ vacillabit authoritas.
6. Joab occit Abner depuis la mort d' Abfalon.
» Cette afîertion eft contre le texte exprès de la fainte Ecriture.
» 2. Reg. cap. III. où l'on recite que long-temps avant la mort
»d' Abfalon , 'Joab occit Abner.
7 . Toutefois que aucun fait aucune chofe qui eft meilleure 3 jacoit ce
qu'il ait juré la non faire , ce n'eft mie par jurement s mais eft àparju-
rement contraire.
» Cette aflertion ainfi généralement mife 3 eft faufle , & ne pro-
*> fice rien à ceux qui jurent feiemment fauftes alliances j car c'eft
» fraude Ôc déception , & parjurement clair , &: dire que ceci faire
» eft chofe licite , eft erreur en la Foy.
On lut encore dans cette action environ foixante articles tirez
de divers endroits de la condamnation de l'Univer/ïté. Je me con-
tenterai d'en rapporter quelques-uns des principaux , à caufe de
la liaifon qu'ils ont avec l'affaire dont il s'agit, i. On ne doit pas
procéder a la condamnation de certaines erreurs 3 quoiqu'elles foi ent pu-
bliques & fcandaleufes , de peur que la paix ne foit troublée par cette
xondamnation : & ceux qui empêchent quon ne condamne ces erreurs 3
ne doivent pas être regardez^ comme hérétiques. 2. » Il ne faut pas
s» prier pour le falut de l'ame de ceux qui ont été excommuniez
«en vertu de la Bulle à'VrbainV. contre les aflociations. {contra
•» compagnias ) ( 1 }. Mais il faut les maudire 3 parce qu'ils font
» damnez avec le Diable 3 & tous fes Anges. On ne doit ni les con-
» felTer , ni les abfoudre à l'article de la mort , a moins que le Pape
«ne le fafle. Ils ne doivent point être enfevelis même dans les
«champs, & il faut leslaifler en proye aux bêtes, &auxoifeaux.
» Ceux qui difentle moindre bien de ces gens-la font excommu,-
»niez. On ne doit point baptifer leurs enfans. 3 . Ceft mieux fait
(1) Iî y eut fous le règne de Jean 11. roi de France des brigands & des voleurs qui infeftoient
le Royaume fous le nom de Compagnies. Urbain V. fulmina contr'eux une Bulle , & publia d^s
Indulgences pourtous ceux qui leur couroient fus. Sfond. ann. 136*4. N. Vil Le P. Danklf.
Hifl. de France , T. Iil. fur le règne de Jean IL
DE P I S Ê. Liv. VIL 43
de tuer un tyran fur le champ & à l'improvifte , que de le tuer autre- 1 4.1 * ;
ment. 4. On doit révéler la Confeljîon , & on peut contraindre à la ré-
véler. 5. 1 lejl permis de fi déguifer en Prêtre 3 pour extorquer la vérité
dans la Confeljîon. 6. Un Prince peut dépouiller afin gré fis Sujets ,
&ilne peut rien faire qui mérite dépoftion. 7. On peut contraindre
far ferment > & même par la pri fin, & par la quefiion , un homme à
déclarer où efifin bien 3 ou celui d 'autrui.
Après qu'on eut lu toutes ces propofîtions , on prefentaune co-
pie du Plaidoyer de Jean Petit pour le Duc de Bourgogne , afin
qu'on l'envoyât à la Faculté de Théologie. Il paroît que les trente
Do&eurs qui étoient dans cette aflemblée,n'avoient pas tous va
cettte pièce , parce qu'il y en eut beaucoup qui diflinguerent entre
le Droit , & le Fait. Ils s'accordoient tous fur la queftion de Droit,
c'eft-à-dire que les propofîtions dévoient être condamnées j mais
quelques-uns doutoient que Jean Petit les eût avancées , & ils de-
mandèrent qu'on fît perquisition de cette pièce, qui de voit être,
difoient-ilsj dans leTréfir du Roi. C'eft pourquoi Jean Gerfin ,
Chancelier de l'Eglife de Paris 6c de l'Univerfîté , fut d'avis qu'on
obligeât , fous peine d'excommunication , ceux qui en avoient des
exemplaires , à les rapporter.
XXX. Dans la féconde action l'Official de l'Evêque, êcleVi- Sec»,nd;Jf'
j caire de l'Inquifiteur ayant aflemblé par ordre de leurs Supérieurs fembiëedtP*
foixanteôc quatre Docteurs, prièrent PAnembléeau nom del'E- ui-
vêque de délibérer fur la manière de procéder à la condamnation
des propofîtions dont on avoitfaitla lecture, & qu'on avoir ré-
folu de condamner dans la Seffion précédente. L'Archevêque de 4. Deçà*-
Sens, quiétoit dans cette féance., ayant parlé le premier , loua bre'
Je zèle de l'Evêque, & déclara qu'il étoit prêt à foûtenir jufqu'à
la mort , ce qui feroit réfolu par ce Synode , pour la gloire de Dieu,
& pour l'avantage de la Foi Catholique , & qu'il le feroit exécuter,
non feulement dans fon Diocêfe , mais par tout où il dépendroit
de lui.
XXXI. Cet Archevêque étoit frère de l'Evêque de Paris, & Bigreffu»
de Jean de M ont aigu Grand Maître de France , à qui le Duc de ""tionlZ*
Bourgogne avoit fait couper la tête en 140.9. Comme ce Duc gu Âréeve-
avoit juré la perte de ce Prélat, parce qu'il étoit undesprinci- îuedeSem°
paux Confeillersdu Duc d'Orléans >i\ fut expofé à une très-cruelle
perfécution. LeMoine de St. Denys raconte en ces termes comment
il fe tira des mains d'un Officier du Roi que le Duc de Bourgogne
a voit envoyé pour l'arrêter , & qui l 'arrêta en effet. Fkifàntw/t
Fij
44 HISTOIRE DU CONCILE
14. i % . ne de vouloir voler un oyfeau avec un épervier , il mit en haleine un bon
coureur qu 'il ' mont oit , & il s'envola lui-même afin garde. En 141 1.
lesfadieux fe faifirent du temporel & du fpiricuelde l'Eglife de
Sens , fous prétexte de le mettre entre les mains du Roi. » L'Evê-
» que de Paris , dit le Moine de St. Denys , fon frère , en fouffrit au-
» tant 5 6c avec d'autant moins de juftice , que c'étoit un bon nom-
as» me, fimple, 6c paifible , qui comme banni qu'il étoit, 6c privé
» par ordre du Roy de toute forte de commerce , 6c d'intelligence
» avec ceux de la Ville ^n'étoit coupable que des larmes qu'il ver-
» foit au jufte reffentiment de la-condamnation de fon frère , Mef-
» fire Jean de Mont aigu 3 Grand- Maître de l'Hôtel du Roy , qu'il
»eftimoitinjuft.e». Ces deux Prélacs furent rétablis dans leurs bé-
néfices & dignitez en 141 2. L'Archevêque fe trouva en 141 3. au
Confeil du Roi , où les Auteurs de la /édition qui étoient abfents
furent bannis à fon de trompe , 6c en 14 14. dans celui où fut pu-
h) Moine de bliée l'Amniftie des partifans du Duc de Bourgogne (a). Quelque
St. Denys temps après , l'Archevêque quitta la mitre } pour prendre le caf-
chlp.xi. £îueî & fut tué en 141 5. à la bataille dy^4 encourt (b).
(b) GaWa Jean Gerfin , qui parla après cet Archevêque , conclut à remer-
chrjP'6r' cier le Roi de fon zèle pour la foi Catholique , 6c à déclarer incef-
fament pour le bien de la paix , 6c de la tranquillité du Royaume ,
quelespropofitionsen queftionavoientété condamnées canoni-
quement6cen bonne 6c due forme. Ilprefenta même un Formu-
laire de cette condamnation. Un autre Dodeur nommé Petit ,
Chanoine de l'Eglife de Paris , déclara qu'il ne prétendoit pas re-
tarder l'affaire , mais qu'il la trouvoit extrêmement délicate, &
que comme il ne s'étoit jamais rencontré en lieu où elle eût été
agitée, il ne pouvoir pas pour le préfent en dire fon avis. Il y en
eut un autre, nommé Guillaume Beville Auguftin , qui opina qu'on
devoit renvoyer le jugement de cette affaire à la Cour de Rome,
afin que les proportions pulTent être condamnées par tout , 6c
non à Paris feulement. Mais Matthieu Roder D odeur en Théolo-
gie fut d'avis qu'elles fuflent condamnées fans délai, 6c fans ren-
voi à la Cour de Rome. Il n'y en eut point de plus emprefTé à cette
condamnation que Henri le Barbu Evêque de Nances, 6c Légat
du Pape en Bretagne (1). A la referve de trois ou quatre qui ne
voulurent foufFrir aucun délai , parce, difoient- ils, qu'il ne s'a- ,
(1) Henri le "Barbu abbé de l'Ordre de Cifteaux, Dodeur en The'ologie, Chancelier du Due
de Bretagne, Nonce du fiége Apostolique en Bretagne , l'un des illuftres Prélats de ce temps-
là. Sammmb. Gall. Chrift.T. III.
D <E PISE. Liv. VIL 45
gifïbit pas de Ravoir files propofitions étoienc de 'Jean Petit s mais \±ix.
ièulement fi elles écoienc hérériques ou non5 cous les aucres furenc
d'avis, qu'à caufe de rimporcance de la matière, on communi-
quât à chacun en particulier les pièces qui avoienc été lues en pu-
blic, afin que tout le monde en pût juger avec connoifîance de
caufe. C'eft à quoi conclurent auffi l'Official de l'Evêque, &; le
Vicaire de l'Inquifiteur 5 & les Pièces furent en effet communi-
quées.
XXXII. L'Evêque & l'Inquifiteur fe trouvèrent à cette action. Troijîeme Ac-
On y délibéra fur deux queflions. L'une, fi les Propoficions de "'"'
Jean Petit y qui furent encore lues, étoient faufles & erronées.
L'autre, s'il falloit procéder à leur condamnation , & comment ip.Deccmb.
il falloit s'y prendre. L'avis de l'Evêque de Nantes fut le pre- &fuivans*
mier qu'on lut dans cette Ailemblée. Il réfuta fort au long par des
raifons folides, par des témoignages de l'Ecriture, des Pères &
des Scholaftiques, la première Propoficion , qui aucorife l'aflafîî-
natd'un tyran , de quelque manière qu'il fefafîe , fans aucun ordre
fuperieur, & malgré toute alliance éc confédération. Comme les
autres proportions font des conféquences de la première, il s'éten-
dit moins à les combattre. Il conclut fon avis à condamner publi-
quement & fans délai ces proportions , àc même à faire le Procès à
l'Auteur, quoi que mort ( 1 ) , comme cela s'étoit pratiqué en
plufîeurs occasions, &il répond aux fcrupules de ceux qui crai-
gnoient que cette condamnation ne fût caufe de quelque trouble
dans l'Etat.
L'Abbé de St. Germain des PrezJ^i) ne fut pas d'avis qu'on allâc
fi vîte. » Si ces Propofitions , difoic-il , n'ont pas été dogmatifées
«par quelqu'un, il ne faut pas les condamner, de peur qu'elles ne
«tournent au deshonneur de la France. Que fî elles ont été dog-
„macifées, il faut plus de temps pour en délibérer. Il concluoit
donc à renvoyer l'affaire au flége deRome,ou au prochainConcile
général. L'Abbé de St. Benys (}) foûtenoitau contraire^qu'il n'y
avoit point de temps à perdre à condamner publiquement une
(1) Il mourut en 141 1 , àeequ'ondit, fort repentant, àHefdin en Artois.
\z) L'Abbaye de St. Germain des Prêtée la Congrégation de St. Manr à Paris eft fart an-
cienne. Elle s'appelloit auparavant de St. Vincent, & elle prit le nom de St. Germain, de l'é-
Têque de Paris nommé Germain, qui y fut inhumé fur la fin du VI. liécle. On prétend qu'elle
fut fondée par Cbildebert , & que ce monaftere étoit autrefois la fépulture des Rois de France.
Cette Abbaye a fourni & fournit encore de grands hommes dans les Sciences & les belles Let-
tres. L'Abbé d'alors étoit Guillaume l'Evêque, qui mourut en 1418. Snmmart. Gall. Chrift.
T. I V.
( 3 ) Abbaye de Henediïïins auprès de Paris fondée dans le VII. fiécle par Dag»bert.
F iij
46 HISTOIRE DU CONCILE
. propofltion pernicieufe } deflrudtive de l'Etat , & de tous les liens
d'alliance & d'amitié, qui renverfe les fondemens delà Religion
chrétienne 3 6c qui par conféquent eft hérétique, ce qu'il prouve
par plufieurs raifons. Il prétendoit même que c'étoit fe rendre
îufpecl d'héréfie que de héfiter le moins du monde là-deiTus.
Il n'y a pas lieu d'être furpris que l'Abbé de St. JDenys ait opiné
de cette manière, fi c'en: lui qui, comme quelques Sçavans l'ont
conjecturé, plaida fi éloquemment la caufe de laDucheile 3 6c
des Ducs d'Orléans. Quoi qu'il en foit, l'Abbé d'alors étoit Phi-
C^fiammèrt. lippe de'Vilette Do&eur en Théologie 6c excellent orateur(a ). On
T.iv.p.jjg. prétend qu'il fe flgnala , aufîi-bien que Courte cuiffe , contre Benoit-
JflII. dans le Concile de Paris, Cependant je trouve dans l'Hif-
toiredu Moine de St. Denys , que cet Abbé fut foupçonné d'être
dans les intérêts de ce Pape , & que même il fut arrêté avec l'Eve-
que de Gap 3 quelques Chanoines de Paris 3 & autres perfonnes de
condition: «Lefquels, dit le Moine de St. Denys , fans garder au-
cune forme, & fans information 6c fans preuve juridique , furent
» conduits au Palais royal 3 & de là transferez au Chafteau du Lou-
»vre 3 où l'on les tint long-temps prifonniers. On les traita de
» fauteurs du fchifme, 6c de criminels de leze-majefté pour les ren~
» dre plus odieux , 6c on les accufa particulièrement de n'avoir pas
« donné avis au Roi des Lettres que Pierre de Lune lui devoit en-
» voyer j mais ils en furent déchargez par Maiftre Sancio Zupi , qui
«lesavoitprefentéesauRoi, 6c par le Chevaucheur d'écurie qui
» en avoit rendu defemblables au Duc de Berry j car ayant efté
» pris ils conférèrent ingenuemenr , qu'eux-mefmes n'avoient rien
(bj Moine de » fceu de leur contenu , auparavant que de les préfenter (b).
n\DL)S ubt Malgré cette efpéce de juflification , on ne iaiila pas de les re-
£XVÏil. tenir en prifon , ôc de leur donner des Commifiairespourinfbruire
leur procès. On joignit à ces Commiflaires, par l'entremife de
l'Univerfité , un pareil nombre de Dodeurs. Mais le même Hif-,
torien fe plaint que ces Docteurs étoient, ou fi ignorans , ou fi
pafîionnez & fi partiaux , que la condition des prifonniers en de-
vint pire, parce qu'ils étoient juges & Parties. » C'étoient des
«Théologiens 6c des Maîtres es Arts, dit le Moine de St. Denys ,
«plus propres aux difputes qu'à l'examen des procès, où ils n'a-
» voient aucune expérience , lefquels appuyez de l'authorité roya-
le, & aufli perfuadez de Surcapacité que de leur crédit, rirent
«par après emprifonner beaucoup de gens , qu'il fallut depuis re-
>4afchçr } après qu'ils curent juitirié de leur innocence. Cela fuc
DE PISE. Liv. VII. 47
»caufe (Tune conteftation perpétuelle entr'eux, Se les Jurifcon- 141 3.
«fuites leurs Collègues 3 qui dura autant que la Comfnriïïon. Ils
» perdirent feiemment beaucoup de temps devant que de procé-
>» der à i'inftruction ni au jugement des prifonniers : ils ne fè fou-
» ciérent , ni des avis , ni de l'Ordonnance du Chancelier de
» France, qui confentoit à leur liberté , & n'alléguoient autre
»chofe , finon qu'ils avoient commis crime de leze - majefté ,
» & qu'ils étoient fauteurs du fchifme , pour avoir conseillé ,
.» rendu ou teu 3 ou celé les Lettres de Pierre de Lune , dont pour-
» tant on ne trouva coupables que Sance Lupi 3 & le Chevaucheur
» d'écurie. Les Accufez Te fousmirent plufîeurs fois au jugement de
» la Cour de Parlement , & de l'Evesque de Paris _, fur tout ce qui
»leurpourroit eftre imputé 3 6c le Roi, les Ducs & les Prélats du
» Royaume l'eftimerent très jufte, mais il fut impoffible d'y faire
»confentir ces Juges pafîionnez, qui le refuférent toujours abfo-
«lument, afin que l'ennuy d'une longue &: fafcheufe prifon les
»obligeafl de fe fousmettreàleur Sentence. Cela fit voir claire-
» ment qu'ils n'avoient de zèle que pour la fatisfa&ion d'une ani-
» mofité qui les rendoit indignes d'une authorité dont ils abu-
»foient(a). Après avoir été fi longtemps retenus en prifon, la (a) Moine de
«Reine, lesDucsdeGa/Vw^, de Berri 6c de Bourbon 3 voyant que St.Denp ubi
quelques-uns de l'Univerfîté s'oppofoient , plus par entêtement upr*
que par raifon , à la liberté de l'Abbé de St. Benys & de l'Evêque
de Gap , ils les envoyèrent quérir par le Cardinal de Bar, &, les
taillèrent aller (b). Au refte , c'eft à Philippe de Vilette , auffi bien (V) Moine de
qu'à Gui de Monceaux fon prédecelîeur , qu'on doit l'hiftoire de p'*^**! *
Charles VI. que l'on vient d'alléguer, un Religieux de cette Ab-VU.
baye l'ayant compofee par leur ordre.
Cependant le Docleur Petite Chanoine de Paris, écoit du nom-
bre des circonfpe&s. Il allégua plufîeurs exemples où l'on n'avoit
pas agi avec tant de précipitation dans la condamnation de certai-
nes erreurs. Il femble même qu'il voulût infinuer que les eopiesde
lapropofition de Jean Petit n'étoient pas fidèles, &, conformes à
l'original qu'il diloit avoir vu. Ce qui le faifoit conclure à" afîem-
bler les Théologiens èc les Canoniftes de diverfes Univerfïtez ,
pour difeuter la matière , & la renvoyer au Concile. Trois autres
Docteurs furent à peu près de ce même avis, comme le Curé de
St. Maturin, le Do&eur Jean de Courtecuiffe (1), Aumônier du
(1) Il fut evécjuede Paris en 142p. mais étant Dàaî voulu de Henri Y, roi d'Angl.'tçrre , il
palTa à l'Evêchc de Genève-,
48 HISTOIRE DU CONCILE
14.1 x ^°'i & l'Abbé de Verfel. "Jean Gerfon fut du même fentiment que
PEvêque de Nantes, à la relerve qu'il ne vouloir pas que l'on pour-
fuivît les perfonnes , ni leur mémoire. Il répondit aux raifons que
quelques-uns avoient alléguées pour juftifier, ou pourexcufer les
propofitions 3 aufli bien qu'aux îcrupules que quelques autres fon-
d oient fur l'étac prefent du Royaume, ou fur la crainte qu'on avoit
du Duc de Bourgogne. Et pour fortifier fon fentiment , aux fept
propofitions fur lefquelles on déliberoit , il en joignit plufieurs au-
tres tirées de la Jujlïfication du même Duc. Le fentimentde l'Evc-
que de Nantes , & de Jean Gerfon fut fuivi par environ trente Doc-
teurs. Il y en eut quelques-uns qui trouvoient à la vérité que les
-propofitions étoient erronnées 3 mais qui fe remettoient néanmoins
àrEvêqueôcàrinquifiteur, pourfçavoir s'il falloir les condam-
ner à prefent , ou en remettre la condamnation à un autre temps.
Quelques autres , mais en petit nombre 3 excuférent du mieux
qu'ils purent les propofitions y & en remirent le jugement au Con-
cile général. Mais le plus grand nombre étoit d'avis de différer
la condamnation par divers motifs , les uns prétendant que la
matière n'étoit pas encore fufHfamment éclaircie , tant pour le
droit que pour le fait ; les autres que le jugement en appartenoit
à la Cour de Rome , ou au Concile général h quelques-uns , qu'il
falloit auparavant communiquer les propofitions au Duc de Bour-
gogne j prefque tous jugèrent qu'on ne pouvoir décider la queflion
de droit fans être éclairci fur la queflion de fait , fçavoir fi les pro-
pofitions étoient de Jean Petit ou non. Comme l'incertitude fur la
queflion de fait étoit le plus grand obflacle à prononcer fur la
queflion de droit , on entendit ce jour- là deux Maîtres aux Arts,
qui dépoferent avec ferment & en prefence de Notaires, ques'e-
tant trouvez dans la maifon de Jean Petit quelque temps après
qu'il eut prononcé fa Jufiification du Duc de Bourgogne , fon Secré-
taire leur avoit di&é , & en même temps 3 à environ douze aurres
perfonnes 3 cette Apologie, & qu'ils l'avoient écrite auffi fidèle-
ment qu'ils avoient pu 5 que Jean Petit lui-même avoit fou vent été
prefent pendant qu'ils écrivoient,, & qu'il avoit témoigné que
fon Secrétaire leur dicloit juflej qu'ils éroient perfuadez en leur
confeience que ce qu'ils avoient écrit étoit le propre Ouvrage de
Jean Petit , à l'exception de quelques noms de grands Seigneurs,
qu'on avoit effacez. L'un de ces témoins indiqua où étoit fa co-
pie, & offrit de la faire venir & de la remettre entre les mains de
î'Evêque. L'autre déclara qu'il ne fçavoit où étoit la fienne.
Mais
DE PISE. Liv. VIL 49
Mais fur la le&ure qu'on lui fît d'une copie dudit Ouvrage de Jean 1413.
Petit , il témoigna qu'elle étoit entièrement conforme à la fîenne.
Il fe pafla quelques jours fans qu'on fe raiïemblât, & pendant ce
temps-là, on ramaiîa tout ce qu'on pouvoir de copies de l'Ou-
vrage de Jean Petit. Le cinquième de Janvier l'Official de l'Eve- 14 14,
queôcle Vicaire de l'Inquifiteur en ayant prefenté divers Exem-
plaires nommèrent feize D o&eurs pour les examiner, les colla-
tionner dienfuite en faire leur rapport. Iispropoferenten même-
temps de députer au Duc de Bourgogne, pour lui communiquer
les articles attribuez à Jean Petit , & les procédures du Synode.
Les avis ayant été partagez on ne prit aucune réfolution là-deflus
ce jour - là j mais deux jours après on députa en effet Pierre Flou-
re Dominicain au Duc de Bourgogne , pour le prier d'agréer les
démarches du Synode, & pour lui protefter qu'elles n'avoient en
vue que la défenfe de la Foi &; la tranquillité du Royaume.
XXXIII. Les jours fuivans furent employez à collationner les Q2atriemt
exemplaires de l'Ouvrage de Jean Petit. On les trouva confor- ^janvier
mes , à la réferve de quelques varietez qui n'altèrent point le fens. & fuivant.
Le plus grand nombre des Docteurs jugea que non feulement les I414'
feptpropofitions y étoient contenues formellement , mais qu'il y
en avoit encore beaucoup d'autres qui n'étoient pas moins dange-
reufes , 6c l'on en compta même jufqu'à trente-fept. Mais les Doc-
teurs jugèrent à propos de les réduire aux neuf que voici.
1. 1 1 efl licite à un chacun Subjctt , fans quelconque mandement oti
commandement , félon les Loix moralle , naturelle , & divine , d'occire
ou faire occire tout tyran quiparconvoitife , barat 3 fortilege , ou ma- Bann tf ma-
Icngin , machine contre lefalut corporel de fon Roy , & fouverain Sei- lf"£m> c eft-
gneur , pour luy tollir fa très noble & très haulte Seigneurie , $* non pas perie $ fi-mt-
feulement licite , mais honnorable & méritoire , mefmement quand il eft de- MeJmc-
1 r 1 rr ■ n ■ i n r ■ i «««rveutdi-
de Ji grande puijjance , quejujhce ne peut bonnement ejtre faite par Le re;ci fur teutt
Souverain.
2. Les Loix naturelle , moralle & divine , autorifent un chacun
d'occire , ou faire occire ledit tyran.
3 . Il efl licite a un chacun Subjeci , d'occire ou faire occire le furnom-
mé tyran trahi flre & defloyal k fon Roy & fouverain Seigneur, par
aguettes & efpiemens , &fi efl licite de di.fjîmuler & taire fa voulenté
de ainfî faire.
4. C'ejl droit 3 rai fon & équité , que tout tyran fit occis vilaine-
ment 3 par aguettes fy* efpiemens , (j? efl la propre mort de quoy doivent
Tom. II. Part. II. G
50 HISTOIRE DU CONCILE
1 4. 1 4. 7noUYir tyrans dejloyaux , de les occire vilainement 3 par bonnes cauteU
Us , & efpiemens.
5 . Cilqni occit &fait occire le tyran de/fus nommé , es manière que
dit efi , ne doit de rien eftre repris , & ne doit pas feulement le Roy en
eftre content 3 mais doit avoir le fait agréable , & l'autorifer entant que
meftier ou befoing feroit.
6. Le Roy doit guerdonner & rémunérer celui qui occit en la manière
que dit efi , ou fait occire le tyran deffus nommé , et: trois chofes 3 c'efi à
fçavoir en amour , honneur & richeffes , à l'exemple des rémunérations
faites a St. Michel l'Archange 3 pour l'expulfionde Lucifer du Royau-
me de Paradis , & au noble homme Phinées , pourl'occifïondu Duc
Zambri.
j. Le Roy doit plus aimer queparavant celui qui occit ou fait occire
le tyran fufnommè , es manières deffus dite s 3 & doit faire prefeher fa
foy , & bonne loyauté par fon Royaume , & dehors le Royaume , le faire
publier par Lettres , par manière d' Epiflre ou autrement.
8. La lettre tué , mais l'efprit vivifie. 1. Cor. III. 6. c'efi-a-dire ^
que toujours tenir le fens literal en lafainte E friture efi occire fon ame.
9. Au cas d'alliance 3 ferment , promeffe , ou confédération faite de
Chevalier à autre , en quelque manière que cefoit , ou peut efire 5 s'il
advient qu il tourne au préjudice de l'un des prometteurs , ou confédéré^
de fon efpoufe 3 ou de fes enfans 3 il n'efi rien tenu de les garder.
Mw"qfl'emS XXXI V. Les Docteurs ayant examiné ces neuf Proportions
iz. Fcrrier. pendant plufïeurs jours , on s'aflemblale 1 2. Février pour enten-
dre leur fentiment. La pluralité des voix ayant été à la condam-
nation du plaidoyer de Jean Petit , & des neuf proportions qui en
avoient été tirées, le tout fut condamné au feu le 23. de Février,
par une Sentence de l'Evêque de Paris, & de Tlnquifiteurde la
Foi, 6c le 2 6. le Livre fut brûlé publiquement. Peu de temps après
cette exécution le Roi de France adrefla des Lettres à fes Parle-
mens, pour leur enjoindre de mettre la Sentence dans leurs Re-
giftres. Elle ne fut pourtant enregiftrée au Parlement de Paris
que le 14.de Juin 141 6. Cependant le Duc de Bourgogne appella,
de cette Sentence au fïége Apoftolique_, & l'affaire fut commife
aux Cardinaux des Vrfins 3 de Florence, &à'Aquilée, par le Pape
Jean JCJflII.
Amhtffade XXXV. On a vu ci - devant comment Sigifmond aiïoit écrit au
ïchnri« vi. R-°i de France pour lui donner avis de la réfolution qu'il avoic
touchant u prifed'aflembler un Concile à Confiance au mois de Novembre
conîiLet ^e l'année prochaine, & pour l'y inviter. Cet Empereur, à qui
DE PISE. Liv. VIL 51
l'Hiftoire rend unanimement le témoignage de n'avoir rien né- 14.14,
gligé pour rendre ce Concile auflî complet & auflî canonique
qu'il pouvoir l'être , ne fe contenta pas des Lettres circulaires qu'il
écrivit par toute l'Europe, il envoya auffi des ambaflades folem-
nelles à tous les Rois Chrétiens. Celle de France eut une audience
favorable du Roi le 9. Décembre. Je rapporterai ici dans les ter-
mes du Moine de St. Denys la réponlè qu'il fit à ces Ambafladeurs.
«Tout le monde fçait que le Sereniffime Roy , icy prefent, a tra-
» vaille de toutes les forces à l'extirpation du Schifme déteftable %
«qui avoit banni & chalTé dans un profond exil 3 lapaixdel'E-
»glife, toujours fl chère à nos Princes, 6c qu'il n'a rien oublié
«pour la faire retourner en fon lit, quieft l'Eglife, comme en fa
» terre natale , 6c à fon centre. C'eft une vérité fî publique 6c lî
» manifefte , que nous ne croyons pas que voftre prudence ignore
»que depuis trente années entières, il a fans celle envoyé avec
» beaucoup de peine 6c de dépenfes des Ambaflades célèbres par
» toute la Chreflienté , pour avoir le mérite 6c la joye de yoir en
» fon temps efclatter le vifage ferein de cette bienheureufe union.
» En effet, il croyoiteftre venu au comble de fon fouhait, 5c il (è
«flattoit avec raifon d'avoir atteint un bien fî déliré, quand les
«deux Contendans jurèrent de renoncer librement à leur droit,
«foitjufte ou prétendu tel, 6c quand ils promirent de s'aboucher
«enfembleà cette fin. Mais quand il les reconnut fl aveuglez de
» l'ambition de dominer , de qu'il s'apperceut des fuites qu'ils cher-
» choient, S<. desdifficultez interminables qu'ils faifoient naiftre
«comme de concert entre eux, touchant le lieu de l'entreveuë,
» 6c que ces difputes n'alloient qu'à perdre le temps en vain, il fe
» refolut de n'obeïr nia l'un ni à l'autre, 6c pria les Rois & les
» Princes de prendre ce parti pour arrefter la durée de cette perni-
» cieufe divifïon. L'affaire touchoit principalement les Cardi-
naux, 6cdépendoit du jugement des deux Collèges j c'eft pour-
«quoi pouffez, comme l'on croit, d'une infpiration divine , ils
» s'afTemblerent enfemble 6c convièrent par Lettres les plus confî-
«dérables Prélats 3 Se les plus illuftres perfonnes du Clergé, d'I-
»talie, de France, d'Angleterre , et des autres Nations , de fe
» rendre au Concile général par eux aflîgné à Pife , où ils fupplie-
» rent pareillement les deux Compétiteurs de fe vouloir trouver,
m pour accomplir ce qu'ils avoient promis 6c protefté par ferment.
«Neantmoinsils demeurèrent en leur endurcifîementd'efprit: 6c
» comme c'eftoit témoigner qu'ils ne faifoient aucun eflat de leurs
Gij
i4H.
5i HISTOIRE DU CONCILE
» avis falutaires, par le confeil & du confentement unanime de
cous les Ecclefiaftiques là prëfens , 8t qui ont en cela fuivi l'ordre
du droit , ils les déclarèrent contumax & indignes de la dignité
Apoftolique , ôcpaflant outre, ils éleurent pour fouverain Pon-
tife, parlefufFrage univerfel de l'Eglife aflemblée, Mre Pierre
de Candie d'immortelle mémoire , Cardinal de Conftantinople ,
lequel prit le nom à' Alexandre. Ainfi donc, Reverens Seigneurs,
le Roy noftre très redouté Seigneur ratifia & agréa ce que l'E-
glife, comme dit efl , aiîemblée en nombre fufTifant , avoit dé-
cerné & par un concours mutuel d'eftime 6c d'affedion avec les
autres Rois & Princes Chreftiens, il reconnut ledit Seigneur
Alexandre pour véritable & pour certain Vicaire de Je fus- Chrifi :
& celui -ci ayant eu un légitime fucceiîeur en la perfonne du
Pape Jean, il lui a jufquesàpréfent pareillement obey, comme
à celui qui avoit efté canoniquement élevé au Throfhe Apofto-
lique , & comme à l'unique Pafteur de l'Eglife univerfelle j &;
fon intention eft de continuer à lui obeïr, tant qu'il ne refufera
pas décéder Ton droit. Toutefois comme fa Majefté juge favo-
rablement des deileins & des delirs de fon bien aimé Coufîn ,
auquel elle fe recommande très affedueufement, elle ne veut
point en empefeher aucun de fes Subjets, s'ils y veulent aller
volontairement. Comme ce grand Prince defire que fon Royau-
me profpere fous fon gouvernement , il a la mefme afFedion
pour l'Eglife univerfelle, & la croyant heureufement rétablie
fous la conduite de ce Pontife, elle fouhaitteroit fi fort qu'elle
demeurait dans la joùiflance d'une douce & heureufe paix,
qu'elle ne refuferoic pas d'expofer fa propre perfonne pour fa
»protedion.
Le Moine de St. Denys ajoute que » les deux Ambafladeurs
3' étant venus en dévotion à noftre Eglife de St. Denys , je pris
» l'occafion de m 'enquérir d'eux fi c'eftoit le feul fujet de leur
» Députation , & ils me firent cette réponfe : Nous nous en re-
tournons vers noftre Maiffcre, & lui portons de grandes recom-
» mandations de la part du Roy de France j & ce ne fera pas fans
» nous louer de fa magnificence , & fans publier par tout qu'il
«nous a fait de très -riches prefens , prenant congé de lui. Ils
" me dirent encore familièrement, que le Prince avoit envoyé
» d'autres Ambaiïades folemnelles à tous les Roys de la Chref-
"tienté, pour le mefme fujet du Concile, & que comme on ne
»pouvoit rien faire fans le confentement des trois prétendans au
DE PISE. Liv. VII. 53
«Pontificat, il les avoit exhorté , par Lettres Se par Ambaffa- 1414.
u deurs 3 d'y venir en perfonne ou d'y envoyer de leur parc , avec
» plein pouvoir d'accorder ce qui feroit réfolu pour la paix de
» l'Eglifè (a). (a) Moine de
SuDenys. p.
Fin du Septième Livre.
G iîj
54
HISTOIRE DU CONCILE
1414.
Troubles de
"Bohême. O*-
r acier e d'Al-
jbicus.
(ai Liv. V.
LIVRE VIII
SOMMAIRE.
I. Troubles de Bohème. Caraclere d'Albïcus & de Conrad. II. Pro-
cédures de Conrad contre les EluJJïtes. Conduite & dlfcours de Jean
Hus. III. Démarches de Jean JCJfllI. contre Jean Hus. I V*.
Lettre de Gerfon à Conrad contre les Muljîtes. V. Lettre de Jean
JCJTIII. à Wenceflas. VI. Sentiment de Pierre d' Ailly fur l'o-
rigine du JHLulJîtifme. Difcours des Eïujjîtes contre le Pape. VII.
Confeilde l'Vniverfitè de Prague contre les Huffites. VIII. Réponfe
des HuJJitesàce Confeil. I X. Confeilde Jean de Lythomils fur le
Huffitifme. X. Edit de Wenceflas contre les Huffites. XI. Les
JrluJJîtes refufent cet Edit. Effet de cette réfutation. XII. La Ville
de Prague eft interdite. XIII. Précis du Traité de l'Eglife de Jean
Hus. XIV. Divers Traitezjie Jean Hus dans fa retraite. Anato-
mie de ly Ante-Chrifi. XV. De l'abomination des Moines. De l'a-
bolition des Selles ou des Religions. XVI. Troubles en Angleterre
au fujet de la Religion. XVII. Converjion des Samogitès & des.
Lithuaniens. XVIII. Mort de Ladiflas. Préparatifs & Traitez^
pour le Concile de Confiance v
I. "T) Ien loin que les Bulles de Jean JTJflII. contre les Hu/îîtes
JDeuflent pacifié les troubles de Bohême, elles n'avoient fait
qu'aigrir les efprits de ces mécontents ,, & que redoubler les hofti-
litez de part & d'autre. On a vu ci-deflus (a) la mort de Sbinko Ar-
chevêque de Prague 3 l'indigne cara&ere à'Albicus d'Unkzou en
Moravie, fon fuccefleur. On fe contentera d'ajouter ici quelques
particularitez touchant ce Prélat. Il avoit été Profeflèur en Mé-
decine dans l'Univerfité de Prague , 6c on prétend même qu'il fut
Auteur de quelques Livres fçavans. Balbinus témoigne avoir hi
un Traité qu'il compofa fous le titre de Régime de la fanté , owVe-
tulariustdediéau Roi, & il parle afîez avantageufement de cette
pièce , au ftile près , qu'il dit être du dernier barbare. La plupart
des Hiftoriens difent qu'en 1413.il acheta de Wenceflas Roi de
gohçme l'Archevpché de Prague ? contre les Canons , n'étant
DE PISE. Liv. VIII. r 5y
point Eccléfiaftique. Enfuice il le vendit à Conrad de Vveftphalie 1414.
Evêque d'Olmutz^, content de la charge de Prévôt de l'Eglife de
Wifshrad ( 1 ) que pofTedoit Jean d'Antioche qui parla à l'Evêché
d'Olmutz en la. ipla.ce de Conrad. Albicus mourut en 1417.
Les Historiens ont auffi parlé fort défavantageufement de Con- CwaBere h
rad. L'Auteur du catalogue des Evêques d'Olmutz en Moravie , c°n„rad Ar'
dit qu'il étoit de Weftphalie 3 & de balle naiflance (z). Il lui don- pr^jf.
ne la qualité de Sous-Camerier de Bohême. C 'étoit , dit-il , un hom-
me vain , & prodigue 3 ils' étoit rendu infâme par l'exercice de la 2VV-
cromancie , par les fortiléges. Jldiffîpa les biens de l'Eglife d'Olmut^
dont il étoit Eve que , les engageant en partie au Roi Wenceflas , en
partie aux Grands de Moravie. Ayant été promu enfuite à l'Arche-
vêché de Prague par la faveur du Roy , il en ufa 3 félon cet Au-
teur r à l'égard des biens de cet Archevêché comme il en avoit fait
àOlmutz. Il ajoute enfin qu'après le fupplice de Jean Mus , &de
Jérôme de Prague il fe fit HuiTue. Dubrauwsky (a) Evêque d'Olmutz (a) ïïijl. £*-
dit à peu près la même chofe de Conrad , à la referve qu'il le taxe ^xin b
d'avarice, au lieu que l'autre en fait un prodigue. Mais ces deux 623.
vices ne font pas au fond incompatibles. Il ne l'accufe ni de forui-
lege ni de Nécromancie , comme fait Augu(lin. Il lui rend même
ce témoignage , qu'au commencement il fit fort bien fon devoir
contre les Huffires , ou Calixtins. Comme il ne vouloit pas , dit-il ,
leur donner affezjle Temples à leur gréais folliciterent contre lui Nico-
las de Huflinetz^^r en demander au Roi-, & voici la réponfe que
PHiftorien met dans la bouche de ce Prince. Vous nefilez^pas fi fin
que je riaye affez^ bonne vue pour voir votre ouvrage. Vous croyez^ vous
faire de la toile de votre fil, mais prenez^garde que vous nenfaffîez^
une corde pour votre cou. Le Jefuite Balbinus nous apprend quel-
ques autres particularitez touchant cet Archevêque. Il n'étoic
pas, félon lui, de fî baiîe extraction que l'a prétendu Augufiin ,
puifqu'il l'appelle Comte de Wechta. Il le reprefente comme un
homme fort inconftant.il avoit obtenu de Boniface IJT. en 1403.
l'Evêché de Eerden (3), d'où il fut promu par Wenceflas à celui
d'Olmutz , puis à l'Archevêché de Prague , dont il vendit , & alié-
na tous les biens qui montoient à plus de cent mille écus ou ducats
d'or, pour envoyer l'argent en Weftphalie. Non content de cet-
te dignité déjà fort lucrative , fon avarice le fit afpirer à des char-
Ci.) C'eft le Palais Royal de Prague.
' (2) Augujlinus Olomittx.. $ Brunens. Prœpes, Sttpretn. Reg. Secret, apud Dubravv. Hift. Bo*
hem. p. 874.
0) Ou Verden dans le pais de Brème.
56 HISTOIRE DU CONCILE
14.1 4. ges civiles , comme à celle de Sous-Camerierdu Royaume de Bohè-
me. Balbinus lui donna encore la Charge de Maître des Monnoy es
dans les Montagnes deCutten fore célèbres en Bohême par leurs
(a)Baib. mines d'argent (a). Tous conviennent que dans la fuite Conrad
^l viDeC* emhrafla le parti des Huiîites , & qu'il fe mit à leur tête , réduit ,
do- & tyit. difent quelques-uns, à la mendicité, après avoir diffipé tous \es
P-3°J. revenus de l'Archevêché (b). Balbinus témoigne que ce chanee-
Bfii.Hujr. ment n arriva qu en 1421. Conrad ayant diiiimule jufqu alors ion
c. xxv. penchant au Hufîitifme. » Ce fut cette année-là 3 dit-il , qu'il mit
eL. p. 447! " ^e fceau du Confijioire de l'Archevêque entre les mains des Héré-
448. » tiques. D'où, le forma le nouveau Confiftoire appelléy»^ utraque,
» c'eft-àdire , fous les deux efpèces. Il allembla , continue-t-il, la
»même année un Synode de Prêtres Hérétiques &. fanatiques à
» Prague. La Communion fous les deux efpeces y fut ordonnée i
» tout le monde ; tout Domaine Ecclefiaftique y fut aboli comme
(^c)Hhifu(r. » criminel, &: on donna la jurifdi&ion fur le Clergé à quatre Prê-
P- 448- » très , fçavoir , Jean de Przj-bram, M. Procopc de Plçna , M. Jac-
?» ques de Mife 3 Jean , Prédicateur de la Ville neuve (c).
En effet le changement de Conrad ne peut gueres avoir éclaté
plutôt. On le va voir cette année 414. agir contre les Huiïïtes,
En 1 4 1 8 . il affilia de tout fon pouvoir le Cardinal Jean Dominique,
Légat que Martin V. envoya pour Textindion du Huffitifme. Il
croit encore orthodoxe en 1420. puifqu'il couronna le 30. Juil-
let Sigifmond Roi de Bohême , que les Huiîites ne vouloient pas re-
cevoir , §c qu'au mois de Septembre de la même année 3 il fit pu-
(d)Theob. blierla Bulle de Martin V. contre les Bohémiens (d). Les Hifto-
£$.84. %$. riens ne conviennent pas de 1 année de la mort de Conrad. Ceux
B*ik. Epît. qui la mettent en 1411. ou 1423. fe trompent manifeflement,
440. P puifqu'il fut excommunié par Martin V. en 1426. cinq ans avant
(c) Cruger fa mort , dit un Hiftorien de ce Païs-là (e). Le plus fur eft donc de
edi ubin>pr *a metcre à l'an 143 1 . comme le fait un manuferit allégué pari?*//-
(f)Uid. binus (t). Un des Auteurs (g) que je viens de citer, prétend quil
& /C/-USCr* ne mourut Pas impénitent , & qu'à caufe de fon retour a la Foi Catholi-
que, les Hérétiques lui attribuoient un efprit de vertige , vertiy.no fum.
Balbinus prétend que depuis il n'y eut plus d'Archevêques à Pra-
gue , parce que Conrad ne leur avoit pas laiilé de quoi vivre , &
que cette Eglife fut gouvernée par des Adminiflrateurs jufqu'à
l'an 1561. C'eft ce qu'on verra dans fon lieu. Reprenons le fil de
. , sl'Hiboive.
Conrad ço?i- JE U e.ft confiant que Conrad le donna dans ce temps. ci beau-
coup
DE PISE. Liv. VIII. 57
coup de mouvemens pour pacifier les troubles de Bohême. Il fie 1414.
venir plufîeurs fois 'Jean Mus pour l'entendre, & l'engager au fi- m les b«JB-
Jence ; mais ce dernier ne voulut le promettre que fur le fujet des tes'
Indulgences. Cependant les Allemands, qui, comme on l'a vu,
étoientfortis de Prague en fureur contre Jean Mus 3 ne manquè-
rent pas de donner avis des difeours qu'il tenoit publiquement
contre l'autorité du Siège de Rome. Il y fut cité encore une fois }
mais bien loin de comparoître, ou des'enexeufer comme il avoic
fait la première fois , il déclama en chaire contre le Pape , difant
hautement qu'il n'étoit qu'un Prêtre comme lui , & qu'il n'a-
voit aucun droit de le citer. Comme Cqs fermons étoient fort ap- c°nd*iti ' &
plaudis du Peuple, il ne garda plus de mefures. Quoique Sbinko jJanHus.
eut fait brûler plufieurs exemplaires des livres de Wiclef, il en ref-
toit encore un bon nombre à Prague. Jean Mus ne ceffoic d'en
recommander la le&ure, fur tout parce qu'il avoit écrit que le
Pape n'étoit pas plus qu'un autre Prélat. On ajoute » qu'il prê-
1 » choit contre le culte des Images 6c des Statues , qu'il enfeignoic
1 »que les Prêtres dévoient être pauvres, que la Confefîîon auri-
■ «culaire étoit inutile, qu'il n'étoit pas neceflaire d'enterrer les
» morts dans des cimetières, que l'obïervation d.Qs Heures cano-
» niales , 6c l'abftinence des viandes n'étoient que des traditions
» humaines qui n'avoient pas le moindre fondement dans la parole
» de Dieu (a). Les Prêtres Catholiques de leur côté ne déclamant .ftj Tl^b'
«pas avec moins de fureur , on peut juger de 1 horrible tracas cap.ix.p.ij.
que ces invectives réciproques faifoient dans la Ville. Perfonne
n'y étoit en fureté. Le Roi lui-même ne s'y trouvoit pas dans fon
propre Palais : il efroit de Châteaux en Châteaux , de peur.d'être
pris dans quelque fédition a Prague.
III. Jean XXIII. cependant irrité de Iadéfobeïfîance de Jean ^tnZte$J^
__ J ,. . L , , - , . _.. . ••■■•„ n JeanXXIll.
Mus , ne neghgeoit rien pour le ranger a Ion aevoir. Il yintereiia antre jea»
même les Puifiances étrangères. C'eft ce qui paroît par les lettres Hus.
qu'il en écrivit au Roi de France , & à l'Univerfité de Paris. Ce
fut fans doute ce qui produifit la lettre de Gerfon à l'Archevêque
Conrad ( 1 ). CochUe nous en a confervé un morceau qui mérite place
i ici, à caufe de l'importance de la matière, 6c de l'Auteur.
IV. » On trouve que jufqu'ici, dit Gerfon (1), on s'eft pris en Lettre de
Gerfon *
("i) Je n'ai pu déterrer cette Lettre parmi lesOeuvres de Gerfon,^ A que Halbinus dife qu'elle Conrad..
s'y trouve. Balb. Epit. Rer. Bohem. p. 423 .
(2) La fufeription eft Reverendi/f. in Cbrijl.Patr. ac Domin. Traclariff.Dom. N. Arcbiep. Prag.
Apoflil. Sed. Légat. î$c. Johann. Cancellar. acDecan. Scier. Factih.Tbeolog. Vnivcrf. Parif. Gra-
tmn tf pacemtô ad tavigilanter ft'perintendere qua fçlutem itnimarutn refphiitnt*
Tom.II.Part.IL H
5S HISTOIRE DU CONCILE
1414. »diverfes manières à arracher les héréfies du champ de l'Eglife,.
«comme avec autant de faux différentes. Elles furent arrachées
»au commencement avec la faux ou le farcloir des Miracles par
«lefquels Dieu atteftoit la Vérité Catholique, & cela du temps
» des Apôtres. Elles furent après extirpées par les Docteurs avec
» la faux des argumens & de la difpute , &; enfuite par la faux des
» faints Conciles tenus à la faveur des Empereurs, parce que la
»difpute doctrinale desDo&eurs particuliers paroifibit inefficace,
«Enfin cette pefte devenant défefperée , il fallut employer la co-
* gnée du bras feculier pour trancher les héréfies avec leurs au-
teurs, ôtlesjetterdansle feu. C'eft par cette feverité, & pour
» ainfî dire cette cruauté mifericordieufe , qu'on empêcha que les
» difeours de telles gens ne ferépandiflent à leur perte , & à celle
« des autres. C'eft en effet un grand bien , c'eft rendre un grand
» fervice , que de prévenir de bonne heure les entreprifes des mé-
«chans, par une prompte punition 3 parce que, comme le dit St.
» Auyiftin , il n'y a rien déplus malheureux que la félicité des pécheurs.
» C'eft par là que votre paternelle Révérence peut juger avec fa
» prudence & fa circonfpection , de ce qu'elle doit faire dans cette
«conjoncture. Car fi ces faux Docteurs qui fement chez vous des
"héréfies demandent des miracles , ils doivent feavoir que le
■ temps des miracles efb pafîé , ôc qu'il s'en eft fait autrefois en af-
» fez grand nombre. Il n'eft pas permis de tenter Dieu en lui de-
» mandant des miracles pour confirmer notre foi, comme fi elle
«étoit nouvelle. Ils ont non feulement Moïfe & les Prophètes,
» mais les Apôtres & les anciens Docteurs avec les facrez Conciles.
« Ils ont aufli des Docteurs modernes aflemblez dans les Univerfi-
»tez3 fur tout dans TOniverfité de Paris la Mère des études fi)
»(oudesUniverfitez ) qui jufqu'ici a été exemte du monftre de
» l'héréfie & le fera toujours avec l'aide de Dieu. Ils ont toutes ces
» chofes , qu'ils y croyent : autrement ils ne croiroient pas, quand
«même les morts reflufeiteroient. D'ailleurs il n'y auroit point de
» fin à difputer avec des gens aufîî préfomptueux. Au contraire , fe-
» Ion le mot de Seneque 3 en pouj]a?it trop loin la difpute 3 onfeanda-
»life le peuple , & on blefsela charité. Enfin il faut appliquer à leur
r> obftination effrontée ce mot du poète , Le mal s'aigrit parles re*
»mcdes : ^Egrescitque medendo. Si donc les remèdes précé-
» dents font inutiles , il ne refte qu'à mettre la cognée du bras fé-
«culieràlaracine de cet arbre infructueux & maudit. C'eft à vous
(1) Matre Studiorttm. L'Univerfité de Paris futfondée par CharUmagm dès le huitième ficelé.
DE PISE. Liv. VIII. 55
» à implorer ce bras par toutes fortes de voyes , &; vous y êtes obli- 14 1 3 ,
» gez pour le falut des âmes confiées à vos foins ( 1 ) La Lettre
finit ainfi 3 die Cochlèe : Enfin four faine voir combien le Roi très-chré-
tien notre Monarque > & l'Vniverfité de Paris fa fille 3 à notre grande
gloire au Seigneur , combien , dis -je , ils ont à cœur le maintien de la
foi 3 nous avons jugé à propos d'envoyer a votre Révérence les Lettres
Patentes du Roi & de l'Vniverfité à ce fujet ( 2 ).
V. Jean XXIII. écrivit lui-même à peu-près dans le même Lettre de
temps à Wenceflas une Lettre très-forte , dont Cochlèe nous a auffi j wenccfhs!
confervé quelques endroits. D'abord il le félicite fur fa bonne in-
telligence avec Sigifmond Roi des Romains (3) & de Hongrie fon
frère. Enfuite il lui témoigne la douleur qu'il a des progrès du
Huiîïtifmedans fon Royaume 3 malgré la condamnation qu'il en
avoit faite dans fon Concile de Rome. Il fe plaint fort amère-
ment de ce que les hérétiques, pour fe procurer l'impunité de
leur obflination,, & la rendre plaufible dans le public , ofoienc
méprifer ouvertement les ordres du liège Apoftolique &c de leurs
Supérieurs , 6c fouler aux pieds les clefs de l'Eglife , 6c les cenfures
Ecclefiaftiques. Enfin il le prie par les entrailles delà miféricorde
Divine d'employer toutes les forces de fon Royaume à extirper
une fi pernicieufehérélle. La Lettre efl dattée à Bologne au mois
de Juin 1414. Mais ce Prince n'y eut aucun égard, foitpar fa
nonchalance naturelle , foit que fous main il favorifat les Huffites , ^J/L..0^.1 '
comme on l'en aceufoit (a). 23.
VI. Il n'y avoit rien de plus digne d'un Pape que de s'intereiïer jugement de
dans une caufe dont il étoit naturellement le juge. Mais 7ean?[crrc,dAll~
_ , . , r ■ J & \ J .. \l fur les cor,-
JCJCJII. 6c les compétiteurs n etoient gueres propres a remédier emeuces, &
aux divifions delà Bohême, puis qu'ils y avoient eux-mêmes don iirU Uu$~
né lieu, en entretenant un Schifme public, en s'aceufant mutuel- *'
lementd'héréfie, & en exerçant publiquement la plus horrible
fimonie, chacun de fon côté. Ecoutons là - deffus Pierre d'Ailli
Cardinal de Cambray , dans un Ouvrage qu'il compofa fur la ré-
formation de l'Eglife , un peu avant le Concile de Confiance.
»CyQÏÏL 3 dit-il 3 àl'occafionderhéréfie fimoniaque, & des autres
» iniquitez qui s'exercent à la Cour de Rome , qu'il s'eft élevé des
»Sectes en Bohême 6c en Moravie^ qui ont gagné depuis k tête
( 1 ) Cette Lettre de Gerfon , fi elle efl de lui , mériteroit bien un Commentaire philo fopbi*
«que &hiftorique.
(2) A Paris ce 27. Mai. Cocbl. Bijl. Hvjjit. p. 22.
(3) Le Pape donne aulfi ce titre à PFenceJlas t quoi qu'il eût e'tc'de'pofé de l'Empire, mais il
avoit toujours confervé ce titre en Bohême.
Hij
p. poi. .902.
Co HISTOIRE DU CONCILE
14 14. " jufqu'aux autres membres dans ce Royaume , où Ton débite pu-
bliquement mille chofesinjurieufes au Pape. Il y a entre autres
»un certain Jean Husfe difant Bachelier en Théologie ,, qu'on
» dit être leur chef 3& qui a publié un Livre ^1), dans lequel par
» une infinité d'argumens 3 il combat l'autorité du Pape , & la ple-
«nitude de fa puillance, aufîî hautement que la foi Catholique
»eft combattue dansl'Alcoran 3 le Livre de ce damné Mahomet
»que les Sarrafins adorent. C'eft: ainfi que les vices éclattants de
»de la Cour de Rome confondent la Foi Catholique, & la cor-
» rompent par des erreurs. Il feroit expédient, continue-t-il , que
» ces héréfiesôc leurs Auteurs fullent déracinez de ces Provinces.
»Mais je ne vois pas qu'on en puiile venir à bout , à moins que de
» ramener la Cour de Rome à fes anciennes mœurs Se à (es loua-
fa) Apud » blés coutumes (aj.
Gerf. t. 11. Aufîî toutes ces démarches ne firent-elles qu'irriter les Hufïites.
Ils fe plaignoient dans leurs Chaires , Que le Pape & £ Archevêque
vouloient empêcher qu'on ne prêchât la parole de Dieu & F Evangile de
Jefus-Chrilr. 3 Que par les Indulgences & les autres pratiques de la
Cour de Rome , aujjî-bien que du confifioire Epifcopal 3il faifoient affex^
voir quilsne penfoient qu'a leurs intérêts , & non à ceux du Seigneur
Jefus5 Qu 'ils dèpouilloient fes brebis de leur laine & de leur lait , ait
lieu de les nourrir de la parole de Dieu , & de les édifier par l'exemple
d'une bonne vie. Ils foutenoient que les laïques étoient en droit d'e-
xaminer 6c de cenfurer la conduite de leurs Prélats, aufïî-bien que
St. Paul celle de St. Pierre. Ils preferivoient certaines conditions
& certains caractères , pour juger quand il falloit obéïr aux Pré-
lats ou non. Le fchifme leur fourniiïoit tous les jours occafion de
tourner en ridicule la jurifdicHon Papale. Aujourd'hui , difoient-
ils , Baltha^ar de Cofia appelle Jean XXIII. eft à Rome 3 Angelo
Corario nommé Grégoire XII. a Rimini , Pierre de Lune qui fe
dit Benoît XIII. en Arragon. D'où vient que l'un d'entre eux en qua-
141? .*aT litê detrès-faint Père ne contraint pas les autres de fe foumettre à fa
xxxv. Jurifdiclion avec leurs adhérents (b) ?
, Cm\e{l fe VII. L'Archevêque Conrad voyant qu'il negagnoit rien par la
4e Prague* voye de l'exhortation , réfolut d'en employer de plus. efficaces.
contre les Mais avant toutes chofes , il voulut fe faire donner un Exemplaire
iiufr.es. duconfeil que les Théologiens de l'Univerfité avoient donné à
rArchevêque Sbinko fonprédecefïëur, pour l'extinction du Huf-
(1) Il veut apparemment parler du Traite' de l'Eglife prononce en 141 5. dont on parlera
dans la fuite.
(b) Bx.ov.
DE PISE. Liv. VIII. 61
£tifme. Ce confeil confîftoit en douze articles que je réduirai à 1414.
neuf (a). (z)Buv.
ann. 1414.
Que tous les Maîtres & Docteurs de l'Univerfité ailemblez xlvii.
dans le Palais de l'Archevêque , jureroienc en fa préfence , &en CochL H'ft-
préfence des autres Prélats, qu'ils ne tiennent ni ne veulent en- ^, p' 44°
feigner aucun des quarante- cinq articles de Wiclef^ qui ont été
condamnez, & pour lefquels le Royaume de Bohême eft dif-
famé.
IL
Qu'il jureront de croire & de vouloir enfeigner fur les fept Sa-
cremens de l'Eglife , fur les Clefs 3 Offices , &; Cenfures , fur les
mœurs , les Rites , les Cérémonies 3 les Droits, les Libertez , & les
chofes facrées de l'Eglife, fur la vénération des Reliques/ur les In-
dulgences 3 fur les Ordres , & fur les Religions,tout ce qu'enfeigne
l'Eglife Romaine , dont le Pape eft le chef, & dont le corps eft le
Collège des Cardinaux, qui dans l'Office Ecclefîaftique font les
vrais & manifeftes fuccefleurs de St. Pierre Prince des Apôtres , &
du Collège des autres Apôtres.
III.
Qu'en toute matière Catholique & Ecclefîaftique , il faut s'en
tenir à la décifîon du Siège de Rome 3 & qu'il faut obéir aux Pré-
lats dans toutes les chofes où l'on ne défend pas une chofe bonne
en elle-même, (purum bonum)8t où. Von ne commande pas une
chofe mauvaife en elle-même , Çpurum malum ) mais feulement des
chofes qui tiennent le milieu entre ce qui eft bon ou mauvais en
foi, ou qui peuvent être bonnes ou mauvaifes félon la manière , le
temps , le lieu , & la perfonne.
IV. :
Que chacun des Docteurs jure qu'il croit faux le fentiment de
Wlclef^L des autres fur les fept Sacremens , ôc fur les autres articles
fufnommez.
v.
Qu'on publiera là-defîus un Mandement à tous les membres de
PUniverfité, lefquels feront tenus d'y obéir, fous peine de parjure,
d'exil du Royaume , & d'excommunication ipf&fatlo.
VI.
Que chaque Evêque publiera un pareil ordre dans fon Diocèiè,
& que les Prédicateurs en feront de même dans leurs Chaires, afin,
que tous les Eccléfîaftiques & les Séculiers ayent à s'y conformer.
H iij
*4r4-
61 HISTOIRE DU CONCILE
VIL
Que fî quelqu'un , foitEccléfîaftique, foie Séculier , foie Eco-
lier, foit Maître , eft convaincu d'avoir contrevenu à un de ces
articles , les Evêques feront en droit avec leurs Officiaux, 6c les
Dodeurs qu'ils s'afïocieront pour cela , de corriger un tel homme
félon le Droit 6c les Canons, fans que perfonne les en puifîe empê*
cher, niprendreenfaprotedionle coupable.
VIII.
Qu'on défende par ordre du Roi & des Echevins de chanter
daus les Places, dans les Tavernes èc ailleurs, les chanfons qui
ont été déjà défendues, comme injurieufes, diffamantes 6c fean-
daleufes.
IX.
Qu'on interdife la prédication au Dodeur Jean Hus , jufqu'i
ce qu'il ait fon abfolution de la Cour de Rome , 6c que par fa pré-
fence , il n'empêche pas l'Office divin à Prague.
•Réponfe des VIII. Ce confeil des Dodeurs ayant paru falutaire à Conrad , il
confeul le communiqua au Roi, aux Barons du Royaume, 6c au Sénat de
Prague, pour le faire mettre en exécution. Mais des que 'Jean
Hus l'eut appris, il afTembla fon Clergé , 6c fît drefler un confeil
tout oppofé au précèdent. Il confîftoit en neuf articles dreffez
comme le portoit le confeil , pour Y honneur de Dieu, pour la libre
Prédication de fon Evangile , -pour rétablir la reno?nmée du Royaume
de Bohème ', du Marquifat de Moravie sde la Ville & de l'Vniverfité de
P raque, pour ramener la paix t& l'union entre le Clergé & l'Académie,
Le premier de ces articles étoit, qu'on s'en tînt à l'Edit de pacifica-
tion donné par les Princes 6c par le Confeil du Roi, entre l'Ar-
chevêque Sbinko d'une part, le Redeur de l'Univerfité 6c Jean
Hiis de l'autre. Qu'il étoit d'autant plus raifonnable de s'y tenir,
que cet Edit étoit jufle 6c droit, qu'il étoit muni du Sceau royal ,
& qu'il avoit été reçu folemnellement par les deux partis , dans le
Palais du Roy. Le fécond , que le Royaume de Bohême Rit main-
tenu dans les droits, libertez, coutumes, dont joùiflent les au-
tres Royaumes à l'égard des approbations, condamnations, 6c
autres Ades qui concernent la Sainte Mère Eglife univerfelle. Le
troifiéme , que Maître Jean Hus 3 à qui le feu Archevêque Sbinka
n'avoit pu reprocher aucun crime dans fon Synode, pût être pré-
fent dans l'Afîemblée du Clergé , 6c que là , il feroit libre à chacun
de i'acoufer d'erreur ou d'héréfie , en s'obligeant à la peine du
Talion, s'ilnepouvoitla prouver. Le quatrième, que s'il ne fe
DE PISE. Liv. VIIÎ. 65
préfentoit perfonne contre lui danscecte Aflèmblée^ le Roi fade ^j*
publier dans toutes les Villes ,6c dans toutes les Eglifes du Royau-
me , que Jean Jius eft prêt à rendre raifon de fa foi , & que fi quel-
qu'un a quelque héréfie ou quelque erreur à lui reprocher, il n'a
qua écrire fon nom dans la Chancellerie de l'Archevêque. Le
cinquième 3 que a* perfonne ne fe préfente, on faiïe venir ceux
qui ont déféré Jean Hus à la Cour de Rome, 6c qui ont diffamé
le Royaume de Bohême \, comme s'il et oit infecté d'héréfie $ qu'on
les oblige àprouver ce qu'ils ont avancé , 6c qu'ils foient punis s'ils
ne peuvent le faire. Le îixiéme , que les Docteurs en Théologie
& en droit Canon,, Scies Chapitres des Chanoines 3 foient requis
dénommer les hérétiques j s'ils en connoiffent quelqu'un, èc que
s'ils déclarent n'en point connoître , il en foit palîé un ade devant
Notaire. Le feptiéme , que quand tout cela fera fait , le Roi &
l'Archevêque défendent fous des peines d'accufer qui que ce foie
d'heftéfie, s'il n'ell en état de le prouver. Le huitième, qu'enfuite
le Roi de concert avec les Barons lèvent une collette fur le Clergé
pour envoyr une Ambafïade honorable à la Cour de Rome ', & que
les aceufateurs foient obligez d'y aller à leurs dépens , afin de pur-
ger le Royaume de Bohême de leurs faufîes 6c odieufesaceufa-
tions. Le neuvième , qu'on ne doit point mettre un interdit fur
la Ville de Prague 3 comme on avoit fait auparavant, à caufe de
Japréfence 6c de la prédication de Jean Hus , parce que cela eft
contre l'ordre & contre la détermination de l'Eglife.
IX. Ce confeil fut reçu du peuple avec de grands applaudifTe- àmfeil de
mens. Le Clergé au contraire en fut extrêmement allarmé. Con- faom\kf*r'b
rad de fon côté ne fe trouvoit pas dans un médiocre embarras. Il ïïujfrifm*
prévoyoit bien que des confeils auflï oppofez ne manqueroient pas
d'animer le peuple & le Clergé l'un contre l'autre. Dans cette ex-
trémité il s'adrelîa à Jean Evêquede Lythomils en Moravie pour
avoir fon confeil. C'eft ce même Evêque qui fut au Concile de
Confiance le délateur de Jacobel, reftaurateur delà Communion
fous les deux efpéces. On peut juger par là des difpofidons du
Prélat. Au (fi fon confeil fut-il plus violent que celui âcs Do&eurs,
Il vouloir 1 . Qu'on élût un Chancelier de l'Univerfité qui exerçât
Inquifîtion fur les Maîtres 6c fur les Ecoliers, èc qui punît les er-
rants. 2. Qu'on défendit de prêcher à Jean Husy &c à ceux qu'il
appelloit fes complices , 6c qu'on le chaflât de la Chapelle de Be-
thléem. 3 . Qu'en exécution de la Sentence du fiége Apoftolique ,
Jean Mus 6c fes adhérents fu0ent exclus de la focieté 6c de la con-
f* HISTOIRE DU CONCILE
1414. verfation des fidèles. 4. Qu'on défendît les Livres en langue vul-
gaire , où fe trouvoient les opinions de Jean Hus , & qu'on excom.
muniâc ceux qui en vendroient , ou qui s'en ferviroienc.
A ce confeil , l'Evêque de Lythomils joint une réfutation de
celui de Jean Hus , article par article. Il prétend que la paix qui
s'étoit faite fous l'Archevêque^/^ n'étoit pà*s légitime, parce
qu'elle s'étoit faite fans l'aveu du fîégeApoftolique, qui avoit dé-
jà prononcé $ Que Jean Hus ne reclamoitles droits du Royaume
de Bohême, que pour fefouftrairedel'obéïflanceduëau fiége de
Rome 5 Que Ci l'Archevêque Sbinko ne l'avoir point accufé d'hé-
rélîe, ce n'étoit que par un principe de charité, &dansl'efpe-
rance de le ramener j Que c'étoit à Rome qu'il devoir fe purger,
& non dans le Royaume de Bohême, en imitant St. Paul^qui aima
mieux mourir, que de ne pas pourfuivre fon appel à Rome. Qu'il
ne vouloir exiger lafïgnature des Do&eurs en Théologie ou en
droit Canon , & des Chanoines , que pour leur tendre des pîéges
& leur fuppofer des crimes 3 en fe lavant à leurs dépens $ Que c'é-
toit une impudence de prétendre que le Roi levât un impôt fur les
Eccléfiaftiques pour aller le juftifier,6cs'accufer eux-mêmes à Ro-
jne. Quant à ce que Jean H us avoit demandé qu'il lui fût permis
de prêcher, parce que l'Eglife ne veut pas qu'on interdife la pré-
dication de l'Evangile , l'Evêque dit que l'EgHfe ne fouffre pas
«on plus qu'on abufe, comme il fait, du nom facré d'Evangile,
pour femer des héréfies 3 & pour faire des fchifmes. C'eft en exé-
cution de ce confeil que le Roi ayant affèmblé fes Barons publia
contre les Huffites cette Sentence en forme d'Edit. Elle portoit,
X . » Que quelques-uns du Clergé de Bohême s'éloignant des fen-
» timens de tout le Clergé de ce Royaume , qui avec toute la chré-
» tienté adhère en toutes chofes à l'Eglife Romaine , dont le Pape
«eftle chef, &, dont les Cardinaux font le corps, ont foûtenu que
» la condamnation des quarante-cinq articles dePF/V/^/eftinjufte,
» & méprifent le Pape & le Collège des Cardinaux , fous prétexte
» de ne fuivre que l'Ecriture fainte , qu'ils expliquent à leur fantai-
«fïe, fans fe mettre en peine des interprétations des Do&eurs,
(OChap. "ï100 plus que de cette Loi du Deuteronome (a), qui veut que
gvii. «pour la décifion des procès & des controverfes 3 on aille au lieu
» que le Seigneur a choilî, & que celui qui n'obéira pas au juge-
jument du Sacrificateur fera puni de mort. » Or tout le monde fca:ty
dit la Sentence, que l'Eglife Romaine efl le lieu que le Seigneur a
çhoiji fous le 2Jouveau Tefiamenty qp il y a établi la principauté de
toute
DE PISE. Liv. VIII. 6$
toute PEglife , que le Pape y prêfide comme vrai & manifefle fucceffeur 1414,
de St. Pierre, & que les Cardinaux y comme Prêtres de l'ordre Zevi-
tique y lui font affociezjians l'office Sacerdotal , & que ceft à eux qu'il
faut avoir recours en toute matière Catholique & Ecclefîajlique ( i). i.
» Que quelques-uns du Clergé de Bohême tâchoienc d'induire le
» peuple à défobeir à leurs Prélats s 6c à fouler aux pieds la dignU
» té Papale , Epifcopale 6c Sacerdotale , contre le fentiment una-
»nimede toute l'Eglife , qui veut que les inférieurs obéiiïent au
« Siège de Rome , dans les chofes qui ne font ni bonnes ni mau vai.
*> Cqs en elles-mêmes , mais qui peuvent l'être félon la manière , le
» lieu , le temps , 6c la perfonne , félon Saint Bernard. 3 . Que com-
*mela Bohême s'efl toujours diftinguée par fon attachement à la
>» foi de l'Eglife Romaine, le meilleur moyen de conferver cette
• gloire, eft. de défendre fous de grieves peines à tous Eccléfîafti-
» ques 6c Séculiers, de rien enfeigner de contraire, 6c de punir
«tous les contrevenants, jufqu'à les livrer au brasféculier, s'ils
» font incorrigibles. 4. Quecomme tous les 45. articles de Wiclef
» étant ou erronez, ou fcandaleux , ou hérétiques 3 ils ont été
• juftement condamnez comme tels par l'Univerfîté , 6c dans la
«maifon de Ville de Prague, fous peine de banniiïement. Que
» d'ailleurs les Sentences 6c les procédures du Siège de Rome con-
tre Jean Hus ayant été reçues fuivant les ordres du Roi, par
» l'Archevêque Conrad , par le Chapitre , & par tout le Clergé de
» Prague , & qu'ils y ont obéi , il eft néceflaire que tout le monde
» y obéifïe , d'autant plus qu'on n'y défend rien de bon en foi , 5c
» qu'on n'y commande rien de mauvais en foi j mais qu'il s'agit feu-,
»lement de ces chofes indifférentes , dont on vient de parler , fè-
» Ion Jeftyle de la Cour Romaine , & des Pères de nos Pères. 5 . Que ce
» n'eft point au Clergé de Prague à juger, fi l'excommunication
» de 'Jean Hus eft jufte , ou injufte , & qu'il la doit tenir pour jufle ,
» puis qu'elle a été fulminée par l'autorité apoftolique.
Ce Décret , qui avoit été conçu par les Théologiens , fut aufli
approuvé par la faculté juridique, 6c le Roi le fit publiquement
dans la maifon de Ville. Mais les Huffices s'y oppoferent tout ou-
vertement dans leurs Chaires 6c dans leurs difputes publiques. On
en vit paroître auflî-tôt une réfutation où les Hufîîtes dénoient en-
tre autres chofes les Do&eurs , de dire oùétoitce Clergé pefti-
(ï) La Sentence allègue là-defTus la décifion d'Innocent ITL & une Lettre de St. "Jérôme z
DamafeoùSt. Jérôme fcmble parler du fiégedeRome comme du premier iiçge, & du Pape
Damafe comme du Souverain Juge des Controverfcî.
Tom.II.Part.il. I
66 HISTOIRE DU CONCILE
14.14., feré de Bohême ^ s'appellant eux-mêmes le Clergé évangelique;
6c les accufant de diffamer ôc de diviferle Royaume par leurs ca-
lomnies. » Ils foûcenoienc que c'étoit une témérité de dire que le
»Pape & les Cardinaux font les vrais 6c manifeftes fuccefîeurs de
» St. Pierre 6c des autres Apôtres , parce qu'on ne fçait pas s'ils
» font réprouvez ou non , en état de grâce ou de condamnation •>
« que c'eft J. C. qui eft le Chef de l'Eglife , 6c non pas le Pape y que
» tous les fidèles en font le Corps , 6c non pas les Cardinaux 5 Que
» le Clergé de Prague n'avoit point été en droit de condamner les
» quarante-cinq articles de Wklef, parce que c'eft une de ces caufes
» majeures , dont le jugement n'appartient pas aux Docteurs , ni
» même aux Evêques & aux Archevêques y Que l'Eglife Romaine
«nepouvoit être non plus juge dans cette affaire y parce qu'on
» ignore à préfent où elle eft , y ayant trois Papes qui fe la conte£
«centj Qu'ils fe contredifent en blâmant les Huiïites de s'atta-
» cher à l'Ecriture fainte y ôç en alléguant eux-mêmes cette même
» Ecriture contre les Huffitès y Qu'ils devroient être punis comme
» des fauflaires , parce qu'ils falfitient l'Ecriture & les Canons, en
«difant qu'il faut obéir en toutes chofes au Pape, puis qu'il eft
» confiant qu'il y a eu plufîeurs Papes hérétiques , 6c qu'il y en a'
» eu un qui étoit une femme y Que le vrai moyen de rétablir la paix
«en Bohême , c'étoit d'en bannir trois vices , qui de la Cour Ro-
umaine s'étoient répandus par tout le monde 3 fçavoirla fimonie,
* l'avarice ôclaluxurejQuetout le crime du Clergé évangelique
» étoit de combattre ces vices par l'Ecriture fainte , mais que puis
^qu'elle ne fuffifoit pas, il étoit du devoir delà puifîanceféculiere
»> de les extirper j Que le dernier article de la Sentence étoit grof- ;
"fier., puérile, &: fans aucune couleur de juftice5 fçavoir ,, qu'il
» faut obéir aux procédures de la Cour de Rome contre Jean Husy
« parce que le Clergé de Prague y a obéi. Il s'enfuivroit de là , di-
» fbient-iLs , qu'il faut obéir aU diable , parce que nos premiers pa-
» rens lui ont obéi , &c que nous devons être payens , parce que les
» pères de nos pères l'étoient , Qu'on doit croire comme un vérité
» fondée fur les Canons , que les procédures contre Jean Hus
«font nulles de droit, parce qu'elles ont été extorquées, fabri-
quées ôc exécutées contre la commiffion du Pape j Que ceux qui
» défendent 6c exécutent fciemment & opiniâtrement ccs^ procé-
dures doivent être regardez comme des blasphémateurs , des
wfacrileges, des excommuniez , des hérétiques , comme on eft
» prêt à le faire voir dans une audience publique, en préfence de
» tous les Dodeurs»
DE PISE. Lïv. VIII. è7
•-On ne manqua pas de répliquer à ces articles des Huflîtes, qui 14.14,
appelloient les Docteurs des Quidams ou Quidamiftes. Sur le deffi
que les premiers avoienc fait aux Docteurs , de nommer les héré-
tiques qui font en Bohême, ils difent » que fi , quand on prêche
» en chaire contre les adultères , les ufuriers , les voleurs , un Pré-
«dicateur étoit obligé de nommer ces gens-là, il ne feroicplus
» permis de prêcher 3 Que fi les Huflîtes veulent fçavoir qui îbnc
«les hérétiques de Bohême , ils n'ont qu'à aller dans les Etats
«voifins, oà on ne feroit aucune difficulté de les leur nommer,
» mais qu'il ne faifoit pas fur de les nommer à Prague, parce que
» les accufateurs courroient rifque de la vie -y Que s'il y avoit de la
«fureté à les nommer, non feulement les Docteurs, les Prélats,
» les Curez, les Ecciéfiaftiques , les Séculiers le feroient, mais les
«enfans même les montreroient au doigt dans les rues. D'ailleurs,
«difent les- Docteurs, qu'eft-il befoin de les leur montrer, puis
» qu'ils fe montrent aflez eux-mêmes , en s'oppofant aux veritez
» établies dans le Décret ? Quant à ce que les Huflîtes alléguoient,
qu'on ne pouvoit pas fçavoir fi le Pape & les Cardinaux font le
chef & le corps de l'Eglife, parce qu'on ne fçaitpas fi le Pape ôc
les Cardinaux ne font pas réprouvez , & qu'un réprouvé ne peut
être membre de l'Eglife , bien loin d'en être le chef, [es Docteurs
répondent avec raiïon , » que cette maxime tend à tout boulever-
» fer dans l'Eglife , parce que perfonne ne fçauroit qui eft fon Pape,
» fon Evêque , fon Pafteur , fon Prélat , ne fçachant pas s'il eft
» en péché mortel , ou en état de grâce. Ainfi , difent-ils , chacun
»» pourroit douter s'il eft baptifé, ôc par conféquent s'il elt chré-
» tien , parce qu'il pourroit avoir été baptifé par un méchant
«Prêtre. Mais la réprobation ôc la méchanceté des Prêtres de
» l'Eglife n'empêche point l'effet des Sacremens , &ne les deftituç
» point de leur office , &c.
Les Docteurs ne conteftent pas que J. C. ne foit le chef de toute
la multitude des Fidèles, tant ici bas que dans le Purgatoire 8c
dans le Ciel, mais ils foutienncnt qu'ils ne s'enfuit pas de là que le
Pape ne foit pas le chef de l'Eglife militante , tout de même que de
ce que J. C. eft le Roi des Rois , il ne s'enfuit pas de là que Charles
VI. ne foit pas Roi de France. » Car, difent-ils, cette multitude de
» tous les Fidèles, qui dans un fenseft le corps de l'Eglife, ne s'eft
«jamais trouvée aflemblée en un corps , pour former un Concile,
» & elle ne peut exercer aucun Office Eccléfiaftique , parce qu'elle
«ne nous eft pas même connue. Comme donc dans le civil il y a
68 HISTOIRE DU CONCILE
1414. un lieu , & des Présidents vifibles , pour rendre la juftice , & portr
» juger les caufes,il faut néceflairement que cela foit auflidans
«l'Eglife. Or ce lieu , c'eftRome, cesPréildents, c'eft le Pape ,
» ce font les Cardinaux.
Les Humtes avoient avancé deux chofes , Tune que îa condam-
nation des quarante-cinq articles de j#fo7<f/etoitinjufte. L'autre,
que le Clergé Evangelique , ainfi qu'ils parloient , étoit en droit de
cenfurer, comme il faifoit, les vices & les déreglemens de l'autre
Clergé fans en excepter le Pape 8c les Cardinaux , en un mot tout
le haut Clergé , & que la correction fraternelle eft un devoir. Voi-
ci ce que difent les Docteurs là-defïus. » Il y a de deux fortes de
» corrections , l'une qui fe fait par autorité, telle qu'eft celle du
«fupérieur à l'égard de l'inférieur , l'autre fraternelle qui fe fait
«par charité, 6c qui convient à tout le monde en temps & lieu.
«Tout de même il y a de deux fortes de condamnations, l'une
» à' Autorité. Celle-ci appartient au Pape feul, 6c à fon Collège
« dans les Caufes Majeures , fur tout en matière de foi , parce que
» l'Eglife Romaine eft le Chef des autres Eglifes , en forte que c'eft
»ie\le , comme à la mère ou au fouverain Juge, 6c au dernier ter-
" me que doivent revenir les caufes majeures, 6c lesjugemens des
*>Evêques. Les Huiîites eux-mêmes, difent-ils, ont allégué là-
*> defïus plufieurs paflages du Droit Canon fe combattant par leurs
» propres armes. L'autre forte de condamnation, ils l'appellent
» de congruitè , parce qu'elle naît de la nature de la faute , c'eft-à-
• dire, lorsque l'action en elle-même eft digne de condamnation.
»Ainfi les quarante -cinq articles de Wiclef ont été condamnez
» par trois fameufes Communautez , par l'Univerfité de Prague
«compoféede pludeurs Nations, parla Nation Bohémienne en
«particulier, 6c par les Docteurs de la Faculté Théologique de
• Prague, non par autorité , parce qu'une telle condamnation ne
» leur appartiendroit pas, mais par la nature du fait en lui-même y
» ils ont été jugez dignes de condamnation 6c défendus , parce
» qu'aucun de ces articles n'eft Catholique.
Les Docteurs s'expliquent d'une manière fort obfcure & fort
ambiguë fur le reproche qu'on leur avoit fait qu'il y avoit alors
trois Papes. Zoin, difent-ils, cette penfée du cœur du fidèle que l'Eglifr
Romaine fait partagée en trois à eau fe des trois Concurrents. Il riy a r
far la difpofition du Seigneur , qu une feule Eglife Romaine , qui eft la
mère & la maître jfe (1). Comme il ri y apasplufieurs Cbrifis ^mais un
( 1) On allègue là-deffus quelques endroits du Droit Canon»
DE PISE. Liv. VIII, 6)
feulpour tous les fidèles , ils n'ont pas non plus plusieurs Papes Vicaires \a\a
immédiats de J. C. Il n'y en a qu'un qui le foi t. Tmt efprit qui divife
( r ) Je fus n eft pas de Dieu , mais eft l' Ante-Chrift , tout de même tout
efprit qui divife le Pape n'eftpasde Dieu, mais eft un Anti-Pape,
Ainfitous ceux qui , hormis le Pontife Romain , fe font dit Papes > ne
l'ont pas été , mais ont été jugez^Catholiquement Anti-Papes.
Surlefujec de l'Ecriture faince les Do&eurs difent qu'ils n'ont
pas blâmé les Huflîtes defe fervir de l'Ecriture pour appuyer, 6c
pour défendre leurs opinions. Ils le* ont feulement repris , difent-
ils , de ce qu'ils veulent décliner le Tribunal du Pape & des Cardinaux,
à qui , félon Deuter. XVII. appartient le jugement de toute matière
Catholique & Ecclefiaftique , ne voulant reconnoïtre que l'Ecriture
fainte pour juge* Cequineleurparoîtpasraifonnable. » L'Ecriture
«fainte, difent-ils, eft une chofe inanimée j comme elle ne parle
»pas , elle ne peut prononcer de jugement. Mais le Juge Ecclé-
» fïaftique doit la fuivre dans Ces jugemens , fur tout en matière de
«foi, parce que c'eft la règle & la mefure infaillible de toutes les
„ actions humaines.
Us font paroître plus de vivacité fur le fujet de la Chaire de St.
Pierre que fur les articles précédents. Après avoir traité les Huf.
fîtes de calomniateurs , « ils ne peuvent être , difent-ils , ni con-
vaincus par raifon , parce qu'ils font opiniâtres, ni corrigez par
«autorité, parce qu'ils ne la reconnoilloient pas, ni fléchi par
«perfuafïon, parce qu'ils font fuperbes. Croit-on que la Chaire
«de St. Pierre foit un Siège matériel , &: une réfidence locale ?
«Non. C'eftl'autorité univerfelle de lier &; de délier fur la terre,
» de connoître & de décider de toutes les matières de la Foi , & de
«la difcipline, & de prendre foin de toutes les Eglifes _, & de tous
»> les fidèles du monde. La chaire de St. Pierre eft fous l'Evangile
» ce qu'étoit la chaire de Moyfe fous la Loi. C'eft de la chaire de
» St. Pierre que l'Eglife , & non la ville de Rome tient la princi-
«pauté. Or la chaire de St. Pierre eft par tout , où eft le Pape,
«ou lefuccefîeur de St. Pierre , comme le fiége du Roi des Ro-
umains eft par tout où eft ce monarque. S'ilétoit confiant qu'une
«femme , ou qu'un hérétique fût en la place de St. Pierre, il ne
«faudroit pas lui obéïr, parce qu'en tel cas, ce ne feroit pas le
«Pape, ce feroit un excommunié. Mais tant que l'héréfie , ou
«l'erreur à l'égard de la perfonne ne paroît pas manifefte-
«ment, il faut obéïr. Comme donc il neparoit pas d'héréfieni
iiJÊoTvài felonlaVulgatc, î.Job.lV.l.
I iij
7o HISTOIRE DU CONCILE
14.14. * d'erreur à l'égard delaperfonne, nidefaulïeté manifefte dans
« Alexandre V. & dans Jean JCXII1. fon fucceffeur , nous fom-
« mes obligez d'obéir à leurs procédures contre Jean Hus , & Tes
» complices.
Delà les docteurs pafïent aux trois fources de diflenfîon indi-
quées par les Huflites , fçavoir la fimonie , la luxure, & l'avarice,
èc ils nient formellement que ces trois vices foient la caufe des
nouvelles brouilleries, parce qu'avant qu'elles fufïent arrivés, il
y avoit beaucoup de gens ckns le Clergé qui en étoient entachez.
Il y a d'ailleurs , difent-ils, plufieursbonsEccléfiaftiques en Bo-
hême, qui en font tout-à-fait exempts, & qui cependant font
fort oppofez aux Wiclefites , comme il y a beaucoup d'Eccléfiafti-
ques mondains, fimoniaques , concubinaires , adultères notoi-
res, en fort bonne intelligence avec eux. D'où ils concluent que
la divifion n'eft arrivée que par les innovations des Huflites.
Au refte , les Docteurs affirment que dans les procédures de la
cour de Rome , contre Jean Hus , aufquelles le Clergé de Prague
a obéi, on ne commande point un pur mal ,6c on ne défend point
un pur bien , &: que ces procédures roulent fur des chofes mi-/,
toyennes & indifférentes , qui peuvent devenir bonnes ou mau-
vaifes , félon les circonftances. Mais ils ne fe mettent pas en peine
d'alléguer les raifons de leur aflertion. On verra bientôt que
Jean Hus dans fon Traité de fEglife 3 eft fort éloigné de leur fèn-
timent. Quant à ce que les Huflites avoient dit que ces procédu-
res avoient été extorquées contre la commiflion du Pape 3 les doc-
teurs foutiennent que c'eft là une invention du procureur de Jean
Hus , qui eft fufpe& dans cette caufe , étant engagé dans les mê-
mes liens d'excommunication que fon maître. Ce Procureur j di-
fent-ils , eft revenu furieux de la Cour de Rcme ->fansy avoir rien fait.
Comme il s' eft exhalé en injures atroces contre l'autorité Eccléfiaftique ,
il mérite tous les noms , de profane , de facrilege y & excommunié ,
d } hérétique , qu'/'/j donnent à ceux qui rpconnoijfant cette autorité, ont
exécuté les ordres de la Cour de Rome.
Telle fut en fubftance la réponfe des docteurs aux raifons des
Huflites. S'il nous étoit permis d'en juger , il femble qu'il y règne
un fophifme , qu'on appelle dans l'école ^pétition de principe, c'eft-
à-dire, qu'on yfuppofe prefque toujours ce qui eft en queftion.
Mais on verra tout-à-l'heure Jean Hus réfuter fort amplement
cette réponfe. Elle fit peu d'impreflion fur l'eiprir du public. Les
J-luflites n'en prêchèrent pas moins contre la fimonie _, le conçu-
DE PISE. Liv. VIII. 71
binage } l'avarice , le faite , le luxe des Eccléfiaftiques. D'ailleurs i±\a^
le roi de Bohême pour engager le Clergé à fe reformer , & ôter
par là ces prétextes de plainces publique , donna un édit , par le-
quel il retranchoit aux eccléfiaftiques de mauvaifes mœurs, leurs
dixmes & leurs revenus. » Autorifez par cet édit , Il l'on en croie
» Cochlée , les Hu dîtes en déféroient tous les jours quelques-uns de
» ce caractère. Plusieurs fe rangèrent dans leur partie pour n'être
» pas dépouillez. Cette crainte tenoit dans le iilence les Catholi-
» ques , & laifïbit la victoire aux Huffites (a). , . CgcM
Conrad , pour remédier à ces défordres, mit l'interdit fur la mjt. Huff.
ville de Prague , & fur tout les lieux , où Jean Bus féjourneroit , L,I> P* 6zi
défendant d'y prêcher _, & d'y faire le fervice divin _, pendant tout
le temps de fon féjour , & même quelques jours après fon départ.
Malgré cet incerdit, on ne laiffà pas de lire dans la chapelle de
Bethlehem le traité que Jean Hus avoit compofé fur la matière
de l'Eglife. Jean Cochlée tout pafïïonné qu'il eft contre Jean Husy
n'a pu s'empêcher de faire l'éloge de ce traité. Maisjenefçaurois
convenir de cet art avec lequel il dit que ce docteur Bohémien y
amené routes chofes contre le Pape & l'Eglife Romaine. Je trou-
ve au contraire que ce traité eft rempli d'invectives très-groflîe-
res. Cependant , comme c'eft de ce traité qu'on tira \qs principa-
les propofitions contre Jean Hus au Concile de Confiance , il eft
néceiïaire d'en rendre compte.
XIII. Après avoir expliqué les diverfes lignifications du mot Tr&islm
d'Eglife, Jean Hus définit l'Eglife univerfelle par l'affemblée de*fi%ej£
tous les pré deftinez^pajfe^ préfens & avenir , y compris les Anges. Hus.
Enfuite il rendplufieurs raifons pourquoi l'article de l'Eglife eft
mis dans le fymbole après ceux du Père , du Fils & du St. Efprit.
C'efi , dit-il , entre autres raifons 3 parce que , quoique l'Eglife foit la.
plus excellente créature de Dieu y ce n'eft pourtant qu'une créature*
D'où il tire cette conféquence 3 qu'on ne doit pas croire en l'Eglife >
parce qu elle n eft pas Dieu , mais qu'il faut croire qu'il y a une fainte
Eglife univerfelle 3 dont J. C. eft lefeul Chef, & que toute l'Eglife doit
fervir , mais qu'on ne doit rendre aucun culte divin , ni à l'Eglife en gé-
néral 3 ni à aucune de fes parties ( 1 ).. Il fait trois parties de l'Eglife ,
fçavoir l'Eglife militante , l'Eglife dormante qui eft dans le Purga-
toire , &. l'Eglife triomphante , par les fuff rages & prières de laquelle
l'Eglife militante eft aidée félon lui. Comme de cette définition
(î)TotaEccleJîa £> quœlibct ejtts pars debttDeum celere> î$ ntc'ulfo'tjm pars vult fe esli pro
,D«. Fol. CXCVI1I.
1414-
7i HISTOIRE DU CONCILE
&; de cette divifion de l'Eglife , il s'enfuit que les réprouvez n'en
font pas membres , ce qui paroît contre la doctrine de l'Ecriture
(a ) Matt. (a) & des Pères , il répond à cette objection j que tout de même
îa*inXL *îue ^ans ^e corPs humain il y a plufieurs chofes qui n'en fonc
pas partie (i), ainfi dans le corps myftique dej. C.quiefH'E-
glife , il y a plusieurs membres qui ne font pas de l'Eglife , tels que
font les reprouvez, qu'il appelle les excrêmens de l'Eglife , parce
qu'autre choie eft. être de l'Eglife , & être dans l'Eglile. On peut
être dans l'Eglife , fans être de l'Eglife. Tels peuvent être , dit-il ,
le Pape- 3 les Eve que s , les Prêtres , le Clergé , quoiqu'ils s'appellent
l'Eglife par excellence , parce qu'ils peuvent être réprouvez^ Mais on
peut être auffi de l'Eglife , quoi qu'on ne foit pas encore dans l'E-
ri,) chip, ghfe* tels que font ceux qui fe convertirent à la Foi (b). Ilpafle
vu. vin. 3e là après les réflexions générales 6c comme préliminaires 3 à
une explication plus particulière de St. Mathieu XVIII. 16.17.
1 S. 19. Il y trouve quatre objets à confidérer , l'Eglife 3 fa foi 3
fon fondement , fa puijfance. Comme *Jean Uns avoit établi dans
le premier Chapitre que l'Eglife univerfelle étant unique _, J. C.
en efl l'unique Chef, parce qu'autrement elle feroit un corps
monftreux à deux têtes. Il fe propofe ici une queftion , fçavoir , fi
l'Eglife Romaine eft cette Eglife univerfelle 3 & propofe pour l'af-
firmative le nouveau Droit Canon 3 qui dit que le Pape ejl le Chef
de l'Eglife & que les Cardinaux en font le Corps. Mais en même temps
il fe déclare pour la négative par cette raifon que le Pape & les
Cardinaux ne forme pas toute l'aiïemblée des prédeftinez, félon
qu'il a défini l'Eglife. C'eft dans ce fens qu'il explique les paroles
dej. C. Tu es Pierre & fur cette pierre f édifierai mon Eglife. C'eft-
à-dire , félon lui 3 Tu eft le confejfeur de la vraie pierre qui eft le Chrift,
& c'eft fur cette pierre que tu as confcjfè , c'eft-à- dire, fur moi, que j'édi-
fierai par lafoi^&parla confomrnationde ma grâce \mon Eglife 3c eft- à*
( c ) Fol. dire l'aff emblée des Prédejlinez^{c). Sur quoi il allègue l'autorité de
Nicolas de Zyra , qui dit que l'Eglife dont parle J. C. ne confiftepas
dans les hommes conftituezjn puijfance & en dignité , foit féculiere ,
foit Ecclêfiaftique , parce que plufieurs fouverains Pontifes ont apofta-
fiê de la Foi. Ce que Jeanflus confirme par l'exemple de plufieurs
Papes qui font tombez dans de grandes erreurs &: dans de grands
crimes , gomme du temps du Pape Jean cette femme Angloife nommée
Hagna , ou Agnès qui accoucha, Il ne eontefte pas que l'Eglife
Romaine n'ait de grands privilèges à caufe de St. Pierre qui l'a
(1) Spiritum , flegmet , Stercus , apojlema } uritia9
fondée
ccvn.
DE PISE. Liv. VIII. 73
fondée & par d'autres raifons de convenance. Il veut bien auffi Jj-I^->
que le Pape & les Cardinaux foient les principaux en dignité
dansl'Eglifè, pourvu qu'ils imitent J. C. & que fe dépouillant du
fafte& de l'ambition ils fervent avec humilité la^mere commune
des Fidèles. Il ne s'oppofe pas même que par honneur on donne à
l'Eglife Romaine «le titre d'Eglife Univerfelle dans le même fens
que la glofe du Décret , qui porte que par toutou il y a des fidèles
là eft l'Eglife Romaine ( i). : ce qui ne peut convenir au Pape & aux
Cardinaux qui font attache^ à Rome , encore moins à des Papes & à
des Cardinaux tels que ceux de l'Eglife Romaine d'aujourd'hui. De
forte, félon lui 3 qu'à proprement parler , on nefçauroit dire que
l'Eglife Romaine foit l'Eglife Univerfelle , parce qu'au fond c'eft
une Eglife particulière & qui n'eft pas même la plus ancienne,, té-
moin celle de Jerufalem & d'Antioche. D'où il conclut que ni le
Pape , ni les Cardinaux, quand même ils vivroient conformé-
ment à leur caractère , ne compofent pas la tête & le corps de
l'Eglife Univerfelle., qui a pour chef J. C. ôcpour membres les
Prédeftinez.
Comme la Foi eft le caractère effentiel de l'Eglife, ou le fonde-
ment de toutes les conditions qui constituent fon eiïence , Jean
J-Tus employé le Chapitre VIII. à diftinguer la Foi en diverfes
fortes, à la manière des Scholaftiques , comme la Foi actuelle 3 la
Foi habituelle , la Foi objective, la Foi informe 3 c'eft- à- dire , qui n'a
que l'objet & la matière de la Foi fans en avoir la forme , qui con-
fifte dans la charité, ôcdans la Foi formée parla charité.» C'efl:
«cette dernière Foi, dit-il, quand elle perfevere , qui eft le fon-
« dément de toutes les autres vertus chrétiennes. Cette Foi , con-
tinue-t-il, doit être nécelïairement fondée fur deux chofes , fur
» la Vérité qui éclaire l'entendement , & fur V Autorite qui affermie
»l'ame. Or cette Autorité ne peut être autre que celle de Dieu
»> parlant dans fa parole. Quand une fois le chrétien eft perfuadé
y» qu'une Vérité a été dictée par le St. Efprit dans l'Ecriture,il doit
»la foûtenir conftamment au péril de fa vie.il n'en eft pas de même
«des paroles des Saints & des Bulles des Papes ; on n'eft obligé d'y
«croire qu'autant quelles font conformes à l'Ecriture fainte , foit
» directement , foit indirectement. On peut croire aux Bulles du
Pape comme à une opinion (opinativè) parce que le Pape & fa Cour
peuvent fe tromper faute de fcavoirla vérité , félon ce mot commun ,
(i ) Argumentant uhkamtjue funt , ibi eft Rtmtttia Eccle/ta»
Tom.II.Part.il. K
74 HISTOIRE DU CONCILE
14. 14. & profit trompe le Pape s & il fe trompe par ignorance ( 1 ). » L'expé-
» rience , dit-il , nous apprend allez comment on croie aux Paten-
tes des Princes, aux Aétes des Notaires & aux relations des
«hommes, parce qu'on fçait que tout cela trompe fouvent. Autre
» chofe en: donc de croire en Dieu, parce qu'il ne peut tromper,
» ni être trompé 6c de croire au Pape qui eft fujet à l'un & à l'autre,
» autre chofe eft de croire l'Ecriture fainte, autre de croire une
» Bulle, parce qu'elle n'eft qu'une invention humaine. Il n'eft ja-
» mais permis de ne pas fuivre l'Ecriture , ni de s'y oppofer, mais
» il eft quelquefois permis de ne pas croire une Balle 6c de s'y op-
«pofer, comme quand une Bulle n'a fa fource que dans l'avarice,
» quand elle recommande 6c qu'elle élevé aux charges de l'Eglife
» des fujets indignes, quand elle opprime des innocens , en un mot,
» quand elle eft contraire aux commanciemens & aux confeils de
«Dieu.
Delà Jean Mus parle aux fondemens de l'Eglife, exprimé dans
ces paroles dej. C. à St. Pierre: J'édifierai mon Eglife fur cette pierre.
Comme c'eft là deflus principalement que les Papes fondent leur
prétention, d'être eux-mêmes la pierre fur laquelle l'Eglife eft bâ-
tie, il traite ce fujetavec plus d'étendue que les précédents. Pour
l'ordre & pour la brièveté je réduirai ce qu'il en dit en thefes ou
en proportions.
I. f . C. eft en tout fens , la pierre fondamentale de l'Eglife. 1 . Il
eneft le fondateur , y 'édifierai. 1. Il eft le fondement lur lequel
l'Eglife eft pofée , fur cette pierre. Ce qui fe prouve par plufieurs
paftages de l'Ecriture, & par ces paroles de St. Augu(lin.»G'£ÏÏL
» comme fi J. C. avoir dit à St. Pierre : Parce que vous m'avez dit ,
» vous êtes le Fils du Dieu vivanr ; je vous dis moi, que vous êtes
» Pierre 3 car il s'appelloit auparavant Simon. Or ce nom lui fuc
»impofé par le Seigneur pour défigner l'Eglife , parce que Saint
»Pierre par cette figure 6c par fa confefîîon reprefentoit l'Eglife.
» Car comme Chrift eft la pierre, Pierre eft le peuple chrétien.
» Car la Pierre eft le nom principal 6c original. C'eft pourquoi
^Pierre vient de la pierre , 6c non pas la pierre de Pierre, tout de
même que Chrift ne vient pas de Chrétien , mais Chrétien vient
» de Chrift. Vous êtes donc Pierre 3 dit le Seigneur , &fur cette pierre
» que vous avez reconnue , en difant, tu es le Chrift le Fils du Dieu
^vivant , 'f édifierai mon Eglife , c'eft-à-dire , fur moi qui fuis le
»> Fils du Dieu vivant 3 Je vous édifierai fur moi ; je ne m'édifierai
(1) Fallit Papa lucrum <$fallitur profiter ignaranxiam. Fol. CCIX.
ccxl.
DE VISE. Liv. VIII. 75
5> pas fur vous, car les hommes voulant s'édifier fur les hommes, 14 14,
» difoient , moi je fuis de Paul, moi je fuis d'Apollos , moi je fuis de
» Cephas 3 qui efl le même que Pierre. Mais ceux qui ne vouloienc
»pas être édifiez fur Pierre , mais fur la pierre, difoient, moi je
» fuis de chriflÇa). 3. Parce que le fondement delà foidel'Eglife {^Aitgujt.
» roule fur cette vérité confeilée par St. Pierre ; Tu es le Chrifl , le T v' '" E" ,
. *■ J J > vang. Manb.
» F ils du Dieu vivant. * serm.
II. Quand donc les Apôtres font appeliez les fondemens de LXxvi.p.
l'Eglife, c'efl d'une manière impropre , figurée, ôc fubordonnée À?°vverp. &
à J. C. parce quec'eftfur luiqu^ils ont bâti l'Eglife. 1. Cor. III. 1. Serm-
Pierre II. Ephef II. en forte que J. C. efl le fondement des fonde- 8^x.XsïmP*
mens, comme /*/ efl le Saint des Saints, & le Pafteurdes Pafteurs. ccxlii. p.
Si ekgo Sacramenta coptes , Chriftus Sanftus SanHorum hfigregem cC°LXX. n^'
fubditum coptes , Chriftus PaftorPaftorum -,fifabricam coptes, Chrif 754-Rctraa.
tusfundamentumfundamentorum. Chriftus efl fundamentum Ecclefîœ TI P-25*
antonomaflicè , quia ab illo incipit , & in illofinitur(b). ( b ) Fpi
II I. J. C. étant,à proprement parler, le feul chef 6c le feui fonde-
ment de l'Eglife Univerfelle , il s'enfuit de là que St. Pierre ne peut
l'être que de la même manière que les Apôtres (es Collègues. On
peut bien convenir que J. C. qui efl la pierre de l'Eglife _, a fondé
pierre dans l'humilité, dans la pauvreté , dans la Foi, & que c'efl
par ces vertus qu'il a édifié l'Eglife qu'il a gouvernée. Mais de pré-
tendre que par ces paroles, fur cette pierre j'édifierai mon Epife ,
J. C.ait eu intention de fonder toute l'Eglife fur la perfonne de
Pierre , c'efl ce qui efl contraire à la Foi & à la raifon. Auffi Saint
Pierre ne s'efl-il jamais vanté d'être le Chef de l'Eglife Univerfelle,
parce qu'il ne Ta jamais gouvernée toute. On peut pourtant accor-
der à St. Pierre , avec quelques Pères, une primauté d'ordre ifur
les autres Apôtres , à caufe de l'excellence de {es vertus , & dire ,
fi l'on veut , avec le bienheureux Denys , que St. Pierre a été le chef
du Collège Apoflolique , ou le Capitaine des Apôtres , ce qui efl
bien différent d'être le Chef de l'Eglife Univerfelle.
I V. A l'égard de l'Evêque de Rome , on peut aufîî le regarder
comme le Vicaire de St. Pierre , & le premier dans l'Eglife qu'il
gouverne,s'il imite les vertus de cet Apôtre, mais s'il fuit une route
oppofée, iln'efl que le Précurfeur del'Ante-Chrifl.» Vous êtes
«Pafleur, difoit St. Bernard à Eugène JV. ôtvous allez tout doré
» & tout bigarré. Quel fruit en retirent les brebis ? Si j'ofois le dire,
«•ce font plutôt des parcs décernons que de brebis. Cen'efl pas
» ainfi qu'en ufoient St. Pierre & St. Paul, ils nes'amufoient pas
Ki,
y6 HISTOIRE DU CONCILE
1414. » à des babioles ( 1 ). Ou montrez -vous au peuple enPafteur, ou.
» dites nettement que vous ne l'êtes pas. Mais vous n'avez garde
«de le dire j parce que vous êtes bien aife d'avoir l'héritage de
» celui dont vous tenez la place , fans en avoir le caractère. On ne
» voit pas que ce Pierre qui l'occupa ait marché tout chargé d'or ,
»defoye, de pierreries: il nemontoit point un cheval blanc, il
«n'étoit point efcorté de foldats,, &il n'avoit pas une groiïe cour.
» Mais fans tout cela il a crû pouvoir remplir ce miniflere } fi vous
» mai?nez^pai(fezjnes brebis. Dans ces choies vous avez fuccedé non
(a) ïhitUtol. PÀ Pierre , mais à l'Empereur Conflantin (a).
ccxn.b. Dans le dixième chapitre JeanHus traite de la puiflance Ec-
cléfiaftique exprimée par J. C. en ces termes: Je", vous donnerai les
Clefs , &c. Je réduirai encore ce qu'il en dit aux articles fuivans.
Ch. X.Fol. I. Cette puiflance eft purement fpirituelie. Elle confifte à inf-
ccxiii. truire 3 à condamner les coupables par les peines fpirituelles, à
abfoudre les pénitens , & à leur annoncer la rémiflîon de leurs pé-
chez , en un mot à gouverner l'Eglife félon la parole de Dieu (1).
Elle réfîde immédiatement dans J. C. comme dans le Chef de l'E-
glife. Il la donne aux Prélats de l'Eglife par commiflion , de forte
que leur Puiflance n'eft quinftrumentale & minifterielle y ils font les
organes & les miniftres de J. C.
I I. Cette puiflance a été donnée dans la perfonne de St. Pierre
à toute l'Eglife militante, quoique toute perfonne de l'Eglife ne la
puifîe pas exercer indifféremment.
I I I. Il s'enfuit de là que les Miniftres de l'Eglife ne fçauroienc
lier ni délier, remettre ni retenir les péchez, fî Dieu ne l'afaic
auparavant. Ce(l une extravagance aux Prêtres de -prétendre pouvoir
lier & délier à leur gré , fans que J. C. l'ait fait auparavant , à* le
peuple fefait une grande illufion, quand il croit qu'un Prêtre lie ou délie
le premier _, & que Dieu ne le fait qu'après , comme fi Dieu executoit
le jugement du Prêtre , au lieu que c'efl le Prêtre qui doit exécu-
ter le jugement de Dieu, & ne condamner ni abfoudre qu'en con-
formité avec J. C. parlant dans l'Evangile. Un Prêtre qui lie &
qui délieabfolument & fans cette condition que Dieu l'approuve ,
agit comme s'il étoit impeccable , & comme s'il étoit Dieu par confé--
quent, parce qu'il n'y a que Dieu qui fonde les cœurs , & qui pro-
nonce fans partialité & fans paffion , au lieu qu'un Prêtre peut être
fufceptible de haine , d'afîedion , d'avarice , & être trompé par
les hypocrites.
( 1 ) TZônjk Paulus ludebat. Fol. CCXI. b.
(ij Doiï, confut. cajlig.folare. remitte.fer. ora.
DE PISE. Liv. VIII. 77
I V. Auffi J. C. ne dit-il pas , tout ce qu'il vous plaira de lier &de ja.ia.,
délier , mais tout ce que vous lierez^ $* délierez^, fuppofant que les
Apôtres le feronr conformément à fa volonté, & avec les excep-
tions néceflairesj comme le remarque Richard Middleton(i)(dQ
média villa. ) Il ne faut pas fe laiiTer tromper par ces fophifmes de
l'Ante-Chrift : Tout ce que le Vicaire de J. C. lie ou condamme fur la.
terre , fera lie ou condamne dans le Ciel. Or le Vicaire de J. C. a lié ou
condamné un fidèle parce qu'il lui a refufè de l'argent pour fon abfolu-
tion , donc il fer a lié & condamné dans le Ciel. Ou bien 3 Tout ce que
le Vicaire de J. C. délie ou ab fout fur la terre 3 fera délié &ab fous dans
le Ciel. Or le Vicaire de J. C. a délié ou abfous un impénitent qui lui a
offert de l'argent. Donc , &c. C'eft ainfi, dit Jean Hus , qu'il faut
réformer cet argument. Tout ce que le Vicaire de J . C. lie ou délie
juftcmcntfur la terre , fera lié & délié dans le Ciel. C'eft pourquoi les
glofes des Décrets apportent cette exception à la puiiîance délier
ou de délier , fuppofé qu'il n'y ait point d'erreur dans la clef.
V. Cette puiiîance de lier 6c de délier a été égale dans tous les
Apôtres _, comme cela paroît par l'Evangile 3 où J. C. dit à tous
également, avant & depuis fa refurreclion., après leur avoir donné
le St. Efprit 3 ce que vous lier ezjfur la terre &c. ceux à qui vous par-
donnerczJ.es péchez^, ils leur feront pardonne^ ceux à qui vous les re-
tiendrez^, ils feront retenus. Il les envoyé prêcher & baptifer avec le
même pouvoir (a). C'eft ce que porte auffi le droit canon. Tous les 00 M*f^*
autres Apôtres ont reçu avec St. Pierre une égale puijfance & un égaljean xxu.
honneur 3 & après leur mort les Evèques leur ontfuccedé (b). C'eft donc zî'Mattb.
une extravagance , dit Jean Hus , de croire que les Apbtres n'ayent 1Ç
reçu dej. C '. aucun don fpirituel , dont St. Pierre nefùtlafource. (b) Décret.
Après avoir établi ces principes généraux fur la puiiîance des-0^' xx '
clefs, il entre dans un allez grand détail de l'abus qu'a fait le
Clergé de Rome de plufieurs pafîagesde l'Ecriture Sainte pour
étendre l'autorité de l'Eglife Romaine au-delà de (es juites bor-
nes. Ce qui lui donne lieu de diftinguer deux fortes de puiiîance,
l'une légitime , à laquelle il faut obéir (c) , l'autre prétendue , ufur- (c) Kl}™'
pée & fauilement ainfi nommée 3 à laquelle il faut réiiftcr , com-
me à la puijfance de la bête dans l'Apocalypfe (b). »Telle eft , dit-il , [%$"'
»ia puiiîance des fimoniaques, qui par intérêt abufent des clefs
»pour condamner des innocens , & pour abfoudre des coupa-
v blés, qui achètent & qui vendent les Ordres facrez, les Evêchez .,
(i)Scholaftique AngloisduXIII. fiecle, appelle le Deiïeur folide <$ copieux y très fon té <$
autorijé.
Kiii
Ch. XII.
78 HISTOIRE DU CONCILE
1414. "*es canonicats, les cures 3 qui font un négoce des Sacremens ,
» & qui vivent dans l'avarice , dans la luxure , dans la volupté , &
»dans d'autres crimes qui profanent 3 & fouillent l'autorité du
«Sacerdoce. » Telles gens n'ont pas des fentimens orthodoxes fur les
fept Sacremens 3 fur les Clefs , les Offices , les Cenfures , les Cérémonies ,
la vénération des Reliques , les Indulgences , les Ordres. Comme les
ennemis de Jean Hus l'avoient appelle lui, & (es adhérens un
Clergé pefiifèrè 3 il ne manque pas de leur donner le même éloge
par une efpéce de récrimination. Tel efi , dic-il , ce Clergé pefti-
ferè a la tète duquel efl Etienne Paietz avec Staniflas Znoïma qui
en ont entraîné -plujteurs autres.
Le Chapitre XII. eft employé à prouver que J. c. efi le feul
vrai Pontife Romain , parce qu'il a feul les qnalitez ôt les préro-
gatives que s'attribuent fauflement les Pontifes de Rome. Si toute
créature humaine , dit-il , eft obligée de néceiîité de falut à fe fou-
mettre au Pontife Romain , il s'enfuit de là qu'il n'y a point d'au-
tre Pontife Romain que le Seigneur j. C. le fouverain Pontife ce
l'Eglife. 1. Parce que l'humanité de J. C. n'eft foumife à aucun
Pontife, Dieu l'ayant exhahéj & lui ayant donné un nom, par
deflustout autre nom, afin qu'au nom dejefus, toute puiilance
humaine 3 angelique & diabolique, fléchifle le genou. 2 . Parce que
la Mère de J. C. Jean-Baptifie , St. Pierre 3 & les autres bien-heu-
reux qui font dans la patrie, ne font obligez à fe foumettre à au-
cun autre Pontife Romain n'a nul pouvoir de lier ôc de délier à
leur égard.'» Le Pape Clément élargit donc, il emplirie trop fa
j»puiflance3 lorfqu'il déclare dans fa bulle Angelis Paradifi^ que
«l'ame de quiconque iroit à Rome pour avoir des Indulgences,
3>feroit exempte du Purgatoire 3 ôc iroit tout droit à la gloire cé-
» lefte 3 s'il venoit à mourir en chemin. » Le titre d'Evèque univer-
fel , £c de très- fa int que fe donnent les Papes, eft réfuté dans ce
chapitre par l'exemple des Apôtres , qui n'ont point pris* ces ti-
tres, par les Canons, par les Conciles, & parla vie fcandaleufe
de plu Meurs Papes en qui ilny a eu aucune étincelle de fainteté.
Les antagoniftes de 7^?z ri»-*", dont on vient de parler, avoient
pofé en fait dans leur écrit , que le Pape eft le Chef de l'Eglife ,
par où ils entendent l'Eglife Romaine , que les Cardinaux en font
Je corps , & qu'étant les feuls vrais fuccefîeurs de St. Pierre Prin-
ce des Apôtres, & du collège apoftolique , c'eftàeux qu'appar-
tient à perpétuité dans toute l'églife la connoifTance & la déci-
sion de toutes les matières de doctrine & de difeipline , à corriger
DE PISE. Liv. VIII. 79
& à repurger les erreurs 5 en un mot , à avoir foin de tous les fîdé- 1414;
les partout le monde, & qu'on ne fçauroit avoir, ni trouver d'au-
tres pareils fuccefleurs de St. Pierreux, des Apôtres que dans le Pa-
pe, & dans le collège des Cardinaux. Ces fariboles ,dit-il, font fontes
en grande partie de la tète de Staniflas intimidé , & terrafjè par la
Cour de Rome. Jean Hus dit pourtant qu'il ne contefteroit pas
la théfe, s'il fe trouvoit un Pape 6c des Cardinaux qui gouver-
naflent ïpirituellement, & dans une parfaite conformité avec
J. C. comme fit St. Pierre après l'afcenfion de fon divin Maître.
Mais il ajoute que fi on appelle Pape toute perfonne que l'Eglife
d'occident acceptera pourEvêque de Rome, pour décider fou-
verainementdes caufes & des affaires de l'Eglife, & pour com-
mander aux fidèles tout ce qui lui plaira , ce feroit abufer des
termes, parce qu'en ce cas, il pourroit arriver qu'un laïque igno-
rant, une femmelette 3 un hérétique, & un ante-chrift feroit
Pape. Il allègue pour prouver le premier cas , les Papes Conftan-
tin II. & Grégoire II. qui étoient des laïques ignorans, & qui
comme tels furent dépofez j pour prouver le fécond , la Papelîe Fol. ccxx.
Jeanne nommée Agnès , dont il raconte l'avanture dans les ter-
mes de Ranulphe de Higeden(i) 3 & le troifiéme le Pape Libère
Arien. A l'égard de l'Anti-Chriftianifme , il foutient que tout
Pape qui vit d'une manière oppofée à la doctrine , & à la vie de
J. C. efl un AnteChrifl. Aucun fidèle ne fçauroit nier, dit-il }
qu'il n'efl pas impoflîble, qu'il ne fe trouve fur le Saint Siège, U)Manh.
l'homme de péché 3 tel qu'il efl repréfenté par J. C. (a) & par St. (bjzïV^/r.
Paul (b): Après cette réflexion il réduit la propoficion générale IL
des docteurs à ces fix points. I. Le Pape eft le Chef de lafainte Egli-
fe Romaine. II. Le collège des Cardinaux eft le corps de la fainte Eqli~
fe Romaine. III. Le Pape eft le manifefte & le vrai fucceffeur de St.
Pierre Prince des Apbtres. IV. Les Cardinaux font les vrais & les
manifefte s fucceffeur s du collège des autres Apbtres. V. Pour le gou-
vernement de l' Eglife dans tout f univers 3 il faut qu'il y ait toujours
dans cet Office de tels manifeftes & vrais fucceffeurs du Prince & du
collège des Apbtres. VI. On ne fçauroit trouver ni avoir fur la terre
d'autres tels fucceffeurs que le Pape , qui eft le Chef 3 & les Cardinaux
qui font le corps de F Eglife Romaine . Ces fix points font réfutez
par ce feul argument : Toutes les vèritezjle la religion chrétienne doi-
vent être fondées , ou fur le témoignage des fens 3 ou fur £ entière èvi-
(1) Appelle Cejlrktt/is Benediâin du 14. f^écle, Auteur de l'Hiftoire intitules Tol-jchrm'i-
ton.
1 4- T 4-
(a) Encbir
T. VI. p.
144.
(b)Fol.
CCXXIII.
ccxxiv.
Chap. XV.
80 HISTOIRE DU CONCILE
dence de la chofe , ou fur une révélation exprejje , our enfin fur ï Ecri-
ture f tinte. Or tous ces fondement manquent à ces fix points. Donc
il ri y en a aucun qui foit un point de religion. La majeure eft fondée
fur St. Awzuftin (a) , elle eft d'ailleurs d'elle-même inconteftable.
Pour ce qui eft de la mineure, elle eft prouvée à l'égard du
Pape , par ceux d'entre les Papes, qui on: été hérétiques , fchif-
matiques &: réprouvez. Ilfoutient même, que le Pape le plus lé-
gitimement élu ,& le plus orthodoxe, ne peut ni devant Dieu,
ni devant \qs hommes être regardé comme le Vicaire de J. C.
s'il ne vit pas comme J. C. a vécu , & s'il ne revêt en tout , le ca-
ractère & le perfonnage de celui dont il fe dit le Vicaire , s'il n'eft
doux, charitable, patient, vigilant, humble, comme J. C. l'a
été. La grofle cour des Papes , leurs armées , leur adoration , les
génuflexions devant eux, le baifer des pieds, en un mot, toute
la mondanité de la Cour de Rome , ne font pas oubliez. A l'é-
gard des Cardinaux, il prétend que pour pouvoir les confidérer
comme le corps de l'Eglife , félon le fécond point, il faudroit
fcavoir par révélation qu'ils font prédeftinez au falut. » Qui pren-
ds droit jamais, dit-il, pour des prédeftinez au falut des gens qui
>» vivent dans la fplendeur ôc dans la volupté , qui s'engraiilent aux
«dépens du pauvre peuple, des gens flmoniaques fïeffez, qui à
«l'exemple de Gie<za\ prennent de l'argent de toutes mains, qui
» entaiTent bénéfices fur bénéfices , qui dès le grand matin , vont
"comme en cavalcade trouver le Pape, dans un appareil fuper-
« be , &; bien montez ? Ce n'eft pas la longueur & la difficulté du
» chemin qui les oblige à marcher fi à leuraife, il femble que ce
» ne foit que pour faire oftentation de leur magnificence, &que
«pour contrequarer J. C. & (gs Apôtres , qui parcouroient à
«pied, & avec des habits fort fîmples, les villes & les villages,
» prêchant la venue de Dieu. Ici finit la réfutation des quatre
» premiers points ^b).
Le cinquième point fuppofe qu'il faut qu'il demeure toujours
pour le gouvernement de l'Eglife par tout l'univers de tels Car-
dinaux , qui fcient les fuccelleurs viables ( manifeflos) de St. Pierre
& des autres Apbtrcs. Cette néceiîité eft vigoureufement combat-
tue dans le chapitre XV. Elle n'eft point, dit Jean Mus , cette
»néceffité , de la part de Dieu, car il peut bien gouverner l'E-
»glife partout le monde, fans de tels fucceffeurs. Elle n'eft pas
?» non plus delà part de l'Eglife qui peut être fort bien conduite
» par de faints Prêtres , fans ces douze Cardinaux , comme dlç
» l'a
DE PISE. Liv. VIII. Sr
»Pa été pendant plus de trois cens ans, depuis PAfcenfion de 14x4»
»>J. C. à moins, continué'-t-il , qu'on ne prenne cette néceffité ,
» dans le fens que J. C. a dit , qu'il eft nécefïaire qu'il y ait des
»fcandales. En effet, il prononça cette maxime après avoir cen-
»fiiré fes difciples de rechercher la primauté entre eux.
Le fixiéme point des anragoniftes de Jean Hus fuppofe qu'on
ne peut trouver, ni avoir fur la terre d'autres tels fucceffeurs que
le Pape, qui eft le Chef de l'Eglife, & le collège des Cardinaux,
qui en eft le corps. Ce fixiéme point a été fumTamment refuté
en combattant le premier , le fécond , & le cinquième. Il y faut
ajouter quelques nouvelles réflexions, que fait Jean Htts\à-dçC-
fus.» Il ne faut point douter, dit-il, que St. Augufiin n'ait plus
» fervi l'Eglife que plufieurs Papes , & qu'il n'ait fur paffé en do&ri-
» ne tous les Cardinaux depuis les premiers jufqu'à ceux qui vi-
vent aujourd'hui.» Il ditaprès la même chofe de «S*. Jérôme , de St.
Chryfofiome^ S. Ambroife , de St. Grégoire. Il y joint même le pré*
tendu Benys l'Aréopagite et Jean Damafcene. D'où il conclut que
ces faints hommes ont été plus véritablement les vrais &mani-
£q[ïqs fucceffeurs des Apôtres, que le Pape 6c les Cardinaux d'a-
» préfent , qui au lieu de briller par la faintecé de leur vie , & par
» la dod'rine , ne fe diftinguent que par de mauvaifes maximes,
»&en particulier par la fimonie, & par un fafte extraordinaire.
Il argumente enfuite contre le fixiéme point de cette manière ;
Dieu étant tout puiflant , peut donner d'autres vrais fucceffeurs
des Apôtres, que les Papes & les Cardinaux. Donc il peut y en
avoir d'autres. L'antécédent eft prouvé par cette raifon : c'eft
que fi Dieu ne pouvoit pas donner d'autres fucceffeurs des Apô-
tres, que le Pape & les Cardinaux, Confiantin auroit eu plus de
pouvoir que Dieu n'en a. Car ce fut cet Empereur qui au troifié,
me fiécle établit la domination univerfelle du Pontife Romain,
Avant fa donation (1 ) l'Evêque de Rome étoit comme les autres
Evêques. C'eft pour cela, dit-il, que les Pontifes Romains qui
vinrent après Sylvefire , craignant de perdre cette prééminence
en demandèrent la confirmation aux autres Empereurs. Sur quoi
il allègue le décret de Gratien , où Louis le Débonnaire confirma
à ce qu'on prétend, cette donation au Pape Pafehal l.(i) Il pou-
voit encore alléguer le ferment que prêta l'Empereur Otkon^far^
(\}JeanHus allègue ici la faufle Donation de Conjlantw, Décret. Dijl. 96. parce qu'alors
U fa jfleté n'en étoit pas reconnue comme eîïeTeft à préfent, même dans l'Eglife Romaine.
(2) Cette Confirmation eft auflî reconnue pour fijuffe dans l'Eglife Romaine. Voyez Frav*
ftis Vagi. Tîrev. Rom. Vont'tf. T. II. p. Zf.
Tom. IL Part. IL L,
Si HISTOIRE DU CONCILE
14 14. nommé le Grand , au Pape Jean JTJJ. à qui il confirma les pri-
vilèges accordez aux Papes par Cbarlemagne & par Pépin 1. lef-
quels ne font pas conteftez.
Quoiqu'il en foie 3 que ces conceflîons des Empereurs foienc
véritables ou fuppofées, Jean Hus ne s'en embarrafTe point. Ja-
mais 3 dit-il 3 St. Pierre n'a eu befoin que l'Empereur Louis le Dé-
bonnaire lui donnât le domaine temporel de Rome , il étoit en
pofleffion du royaume des Cieux 3 & par cela plus grand que Louis.
Plût à Dieu que St. Pierre lui eût dit : Je n'accepte point votre con-
cefjîon > quand fai été Eve que de Rome 3 foi tout abandonné , je nai
point envié à Néron la domination de Rome , &je nen ai pas befoin.
Je vois au contraire quelle a été nuifible à mes fucceffeurs , elle les dé-
tourne de la prédication de l' 'Evangile 3 de la prière 3 de l'observation
des Commandemens de Dieu & des confeils Evangeliques , <& elle les
enorgueillit. Il répond enfuite à quelques objections tirées des
faulîes Décretales des Papes qu'il fuppofe vrayes , comme on fai-
foit en ce temps-là, &des fentimens des Docteurs fur l'autorité
du Pape. Ce font , dit -il, des Orateurs du menfonge auxquels il ne
faut ajouter aucune foi parce que leurs principes font oppofez^à l'Ecri-.
ture. D'où il conclut qu'il eft au pouvoir de Dieu de mettre le gou-
vernement del'Eglife en d'autres mains que celles du Pape & des
Cardinaux, comme entre les mains de bons Prêtres de Evêques.
Car il eft tout-à-fait du fentiment de St. Jérôme , quinemettoic
aucune différence entre l'Evêque êc le Prêtre , & qui les faifoic
également fucceiïeurs de St. Pierre , félon les paroles de ce Père
dans fa Lettre à Evagre 3 que Jean Hus ne manque pas d'alléguer.
Tous ces Archevêques , Patriarches , Evêques, dit -il, qui au
Concile de Pife ont condamné Grégoire Jfll. ( & Benoît JCIII. )
comme hérétiques , étoient èc font encore les vrais fucceffeurs
des Apôtres fans être Papes ni Cardinaux. Mais comme les Evê-
ques, les Prêtres & les autres Miniftres de i'Eglife peuvent être
des loups cachez fous la laine des brebis auffî- bien que les Cardi-
naux r, il répond à cette objection en diftinguant le Clergé de
J. C. & le Clergé de l'Ante-Chrift. Et voici la différence qu'il mec
entre ces deux Clergez. » Le Clergé de J. C. s'en tient à fon chef Se
x à [es loix. Le Clergé de l'Ante - Chrift s 'appuyé totalement ou
«au moins en principale partie (veltûtaliter vel prœponderanter)
» fur les loix humaines & fur les loix de l'Ante-Chrift : il ne s'atta-
che qu'à défendre des privilèges pleins de faite, il vit dans la
«fplendeurôc dans la volupté, ilprtnd tout le contrepied dej. C.
DE P I S E. < Liv. VIII. 85
» & cependant il s'appelle le Clergé de Chrift & de l'Eglife pour fé- 1414,
»duire le peuple, qui trompé par ce beau nom croit fuivre J. C*
«pendant qu'il ne fuit que les traditions des hommes. Il n'eft pas
»néceilaire d'être fcrutateur des cœurs pour faire ce difcerne-
»ment, vous les connoîtrez à leurs fruits. C'eft-là le précis des
réflexions que fait Jean Mus fur cette prétention desDo&eurs de
Bohême, que le Pape eft le chef de l'Eglife, & que les Cardinaux
en font le corps.
Comme les mêmes Docteurs avoient reproché trois chofes à
Jean Hus & à fes adherans : 1 . Qu'au mépris du Pape & des Car-
dinaux ils ne vouloientreconnoître que l'Ecriture iainte dans ces
matières: 2. Qu'ils interpretoient l'Ecriture à leur fantaifie , fans
fe mettre en peine des explications de tous les Docteurs de l'Eglife:
3 . Qu'en cela ils étoient contraires à ce qui eft dit , Deut. XVII.
&à la Lettre de St. Jérôme au Pape Damafe , il répond dans le
chap. XVI. à cette objection qu'il attribue principalement à Etien-
ne Palctz^ Je réduirai fa réponfe aux chefs fuivans.
1 . Il déclare que s'il a nié que le Pape foit le chef de l'Eglife ôc
que le Collège des Cardinaux en foit le corps , il ne l'a pas fait par
mépris pour cesdignitez, qu'il ne l'a fait que par amour pour la
vérité, &; que fes mépris ne tombent que fur leur avarice, leur
vanité, &fur tout ce qu'il y a d'illicite & de criminel dans leur
xonduite. 2. Bien loin de s'en défendre , il regarde au contraire
comme une louange ,. l'accufation de ne vouloir recevoir que l'au-
torité de l'Ecriture fainte, quoiqu'il faiîe profeffion de refpecter
les faints Docteurs , quand leurs décidons font conformes à la pa-
role divine. 3. Quec'eft une calomnie de l'accufer lui àc les fiens
d'expliquer l'Ecriture félon leur tête , puifqu'ils tâchent de l'expli-
quer félon l'intention du St. Efprit & des Saints Docteurs qui en
ont été élairez , mais qu'au fond c'eftlà une queftion de fait , puis
qu'il s'agit de fçavoir en quoi ils expliquent mal l'Ecriture par la
difcuffion des palTages. 4. A l'égard du pafïage du Deuteron. XVII.
8 - 1 3 . il foutient que bien loin d'être favorable aux prétentions du
Pape & des Cardinaux, il leur eft tout-à-fait contraire. Pour le
prouver il produit l'explication de Nicolas de Lyra Interprète cé-
lèbre de l'Ecriture au quatorzième fiécle. Il ne faut , dit ce Doc-
teur , qu'on appelle dans l'Eglife Romaine le Docteur clair & uti-
le , il ne faut fuivre le fentiment d'aucun homme de quelqu* autorité quil
foit, s'il contient une erreur ou une faujjetê manifefie , ce qui paroi t.
farce que dans le texte on promet qu ils jugeront & quils enfeigneront
Lij
84 HISTOIRE DU CONCILE
14.14. fel°n la bide Dieu. Ce qu'il confirme par un autre paflage du mê-
me Do&eur fur ces paroles de l'Exode XXIII. i.Tu nefuivras
point la multitude pour faire le mal , & tune te détourneras point de ce
qui efl droit pour fuivre le plus grand nombre. » Comme il ne faut pas ,
» dit Lyra , s'écarter de la vérité à caufe du grand nombre de Juges
» qui s'en écarte , il ne faut pas non plus s'en détourner à caufe de
» ceux qui ont le plus d'autorité.
Ceft là- delîus que Jean Hus adrefle ces paroles à ks antagonif-
tes.»0 vous, Do&eurs, pourquoi n'avez-vous pas fuivi cette re-
»glç qui eft plus fûre que toutes vos décifïons ? Quand on allembla
»l'Univerfité pour jugerfienconfcience & félon la Loi de Dieu,
» elle étoit tenue d'obéïr à la Bulle du Pape qui vouloit l'obliger à
» fournir de fes revenus pour la croifade contre Ladiflas , vous re-
» fusâtes de vous expliquer là-deflus., fous prétexte que vous n'é-
» tiez pas en droit déjuger ni d'interpréter les Bulles du Pape. Ce-
pendant vous parliez autrement en particulier. J'ai ouï moi-mê-
» me dire à Paletzop£'\\ y avoit des erreurs manifeftes 6c palpables
» dans les articles qui lui avoient étépréfentez par les Légats du
» Pape. Cependant ces articles étoient tirez de la Bulle même &
?>ils avoient été donnez aux Légats comme aux premiers Com-
wmillaires pour les faire publier de la part du Pape aux Prédica-
» teurs. J'ai appris que le Prédicateur Maître Briccius avoit dit ea
«plein Collège qu'il aimeroit mieux mourir que de les publier,
» mais quand Palets lâcha le pied, Briccius recula aufîî. Ils furent
» intimidez par les Lettres fubfidiaires que les Légats avoient ob-
»> tenues du Roi.
4. Il y a fur tout deux endroits dans le paflage du Deuteronome ,
fur lefquels les Anti-Huffites infîftoient fortement. L'un eft Tor-
dre qui eft donné aux Ifraëlites d'aller au lieu que Dieu avoit choifi
pour la décifion des difficultez qui furviendroient dans le juge-
ment des affaires j l'autre , que celui qui par orgueil ne voudra point
obéir au Pontife on au Juge fera puni de mort. 'Jean Mus fait là-deflus
diverfes réflexions bien hardies. Elles roulent fur ces trois princi-
pes. Le premier , qu'il s'agit là d'un homme qui défobéit par or-
gueil , & non d'un homme qui ne veut pas fe foumettre à un juge-
ment injufte. Le fécond qui en eft une fuite, eft qu'il s'agit d'un
Pontife ou d'un Juge qui prononce félon la Loi de Dieu. Le troi-
sième, qu'il y a beaucoup de différence entre Pefprit de l'Evan-
gile 3 qui n'employé que la raifon & la perfiiafion^êc celui de la Loi,
<)ui étoit une Loi de rigueur. D'ailleurs il s'agiiïbit là d'affaires
DE PISE. Liv. VIII. 85
civiles plus que d'affaires de Religion.» Si l'on ne fait ces excep- 141:4.,
»> dons , dit-il , il s'enfuivroit que J. C. fut juftement condamné ,
«parce que les Pontifes Anne & Caïphe préffdoient dans le lieu
» que Dieu avoit ordonné, & que Pilate étoit un Juge légitime.
» Il peut arriver tout de même aux Papes Se aux Cardinaux de pro-
>i noncer contre la juftice& la vérité, parce qu'ils ne font pas in-
» faillibles Ces D odeurs , dit -il, devroient avoir honte de
»> mettre en parallèle des cas qui ne fe refTemblent point du tout , &
» d'employer ce fophifme, Sous l'ancienne Loi un homme défobkif
»fant étoit -puni de mort 3 donc il doit l'être fous la Loi de grâce. ]. C.
» le fouverain Pontife de l'Eglife a-t-il jamais condamné perfônne
» à mort ? Il n'a pas même voulu fe mêler d'affaires civiles. Il veut
» bien qu'on regarde un pécheur obftiné , & qui malgré toutes les
«remontrances, demeure impénitent & irréconciliable 3 il veut
«bien qu'on le regarde comme un payen & comme un peager,
• mais il ne dit point qu'il faut le faire mourir. Nos nouveaux Doc-
teurs, continue - 1 - il , ne faifantpas attention à un Evangile fi
«plein de douceur & de charité,ont ajouté ce corollaire fanglant à
» leur Sentence j S' il y a quelqu'un parmi le Clergé de Bohème qui s'op-
upofe à aucun des articles ci-dejlus , il fera poujlé parles Cenfures ec-
ncléjïaftiques 3 & livre au brasféculier, s'il eft incorrigible , imitant
» en cela les Sacrificateurs 3 les Scribes & les Pharifiens qui livre-
» rent J. C. à Pilate , parce qu'il ne vouloit pas leur obéir en toutes
» chofes. Il ne s'explique pas moins fortement contre ce qu'avoienc
dit les Dodeurs j que tous les fidèles feavent que l'Eglife Romaine eft
le lieu que Dieu a choifi, où il a établi la principauté de toute l'Eglife 3
dans laquelle le fouverain Sacrificateur quipréfide eft le Pape , vrai &
manifefte fucceffeur de St. Pierre > & les Cardinaux font les Prêtres de
l 'Ordre Levitique. „ Les Dodeurs , dit Jean Elus , accumulent ici
„ beaucoup de chofes fans preuve. „ Quand pourront - ils prouver
que chaque Fidèle fçait tout ce qui eft contenu dans cette ridicule
propofition? Combien y a-t-il de Fidèles qui ne fçaventrien de
Rome, du Pape, des Cardinaux, fur tout qui ignorent que le
Pape foit le vrai fucceffeur de St. Pierre , & que les Cardinaux
foient des Prêtres de l'Ordre Levitique ? Mais peut-être que par
l'Eglife Romaine ils entendent ce lieu dont J. C. a prophetifé en
ces termes : Quandvous v erre zj abomination de la déflation dans le
lieu Saint. Ou bien 3 par l'Eglife Romaine les Dodeurs entendent
la place , c'eft-à-dire la Bafilique de St. Pierre 3 ou la dignité Apof-
tolique, carc'eftde ces deux manières qu'on peut prendre ici iç
L iij
U HISTOIRE DU CONCILE
14.14. lieu ou la place dans laquelle le Seigneur a mis la principauté de
toute l'Eglife, parce qu'il a voulu que St. Pierre & St. Pauf qu'il a
établis les Princes fpirituels del'Eglife par toute la terre après
J. C. fouffrifîent à Rome. Or ce n'eft pas tel & tel Pape , mais J. C.
qui eft lefouverain Prêtre dans cette Eglife-là , c'eft lui qui prefide
à ce lieu, c'eftà-dire, ihPafilique ou à la dignité Apoftolique,
& qui gouverne l'Eglife Ton époufe. Si l'on remarque dans un Pape
une vie oppofée à celle de J. C. fi ce Pape eft fuperbe, avare,
ambitieux , s'il vit dans la molleiïe ( in impatientia ) s'il s'attribue
un pouvoir exceffif, s'il met fa volonté au-deffus de celle de Dieu,
c'eft alors qu'on voit l'abomination de la défolation dans le lieu
faint où elle ne doit pas être.» Suppofons , dit-il , un voyageur
» qui la première fois entre chez un père de famille, qu'il trouve
«libéral, affable , facile, d'une converfation toute fainte ,& qui
5> ne refpire que la vertu , qu'enluite retournant dans la même
» maifon il y rencontre une bête monftrueufe, qui fe jette comme
,, une affamée fur fes hôtes, qui les tyrannife par toutes fortes de
» cruautez , qui leur faiîe mille trahifons , & qui les traite avec
» une arrogance infuportable 5 quelle ne feroit point la confterna-
» non du Voyageur devoir un tel monftreaflisfur la chaire d'un
»> aufli homme de bien que l'étoit le premier ? C'eft alors qu'on voie
» s'accomplir la Prophétie de Zacharie XI. 1 5 . 1 7. Prenezjout l'é-
» quipage d'un Pafteur infenfè , &c. S'ilfe trouve que cette deferip-
»tion convienne à quelque Pape, comment pourra -t -on dire,
» comme le veulent les Docteurs, que le fouverain Pontife eft le
» vrai &: le manifefte fuccefleur de St. Pierre ?
5. A l'égard de la lettre 0116"/. Jérôme parle fî humblement à
Damafe , l'appellant le très-heureux ( beatifjimum ) & fe foumet-
tant à fon jugement fur fa croyance , Jean Mus ne s'en embarraiïe
gneres. Il femble qu'il ne regarde les paroles de St. Jérôme que
comme un compliment que ce Père fait au Pape dans la fuppofî-
tion que fa foi eft orthodoxe & conforme à celle de l'Eglife, ôc
que fa conduite eft fainte & chrétienne , comme le même Père
donne le titre de très-faint & de très-heureux Pape à St. Auyif-
tin dans la même fuppoiition. Ce feroit > dit-il, 'être fou que de ti-
rer cela à confequence pour tous les Pontifes Romains , parce qu'il y
en a plufîeurs qui ont été hérétiques & qui ont ratifié des hère fie s. Il
Z>ifi.%%. in allègue là-deffus labullede Nicolas II. où ce Pape fe plaint en
Nomme. termes très- forts que le fiége de Rome a été fi rudement fecoué par
l 'héréfie fîmoniaque % &par les coups de marteaux redoublez^ des ban*
DE PISE. Liv. VIII. 87
quiers de la Cour de Rome 3 que peu s'en e[t fallu que la colomne du 14.14.,
Dieu vivant , nait été jette e par terre 3 & que la najfelle dufouve-
rain Pécheur nait fait naufrage. Il allègue enfuite la glofe qui
s'exprime en ces termes : » Ici efr, couché en termes couverts ce qui
» fe lit dans les chroniques 3 que Benoit (IX.) & Benoit ( X.) qui
» fucceda à Etienne ( IX.) furent chaflez 3 que Jean Evêque de Sa-
» bine ayant acheté le Pontificat , fut fait Pape fous le nom de
» Sylvefire III. que Benoit fut rétabli 3 mais qu'ayant depuis été
*» chaiîé , le Pontificat fut donné à 'Jean archiprêtre qui prit le
«nom de Grégoire (VI.) que celui-ci fut dépofé par l'Empereur
» Henri 3 & relégué au-delà des monts , que tout cela fe pafla dans L'an 1044.
» un an 3 & fit donner à Henri le privilège dont il s'agit dans cet-
» te bulle.» Jean Hus fuivant les chroniques de Martin le Polo-
nois 3 de Ranulphe de Higden appelle Cefirienfis , de RodulpherTru-
âonenfîs , remonte bien plus haut que l'onzième fiécle , pour trou-
ver des fchifmes dans l'Eglife Romaine , & par conféquent y félon
les principes de cette Eglife,, deshéréfies, 6c en même temps des
vuidés &: des défauts dans la fuccefîion.
En 420. (1 ) il arriva un fchifme fous Boniface I. Eulaliusaya.nl
été mis en fà place. L'Empereur Honorius confulté la-dellus par
Symmaque prefect de Rome , qui favorifoit Eulalius 3 déclara
bonne l'élection de ce dernier & fit chafler Boniface de la ville.
Mais cet Empereur ayant été mieux informé défendit aux deux
concurrens de fe porter pour Papes, jufqu'à ce que l'affaire fût
éclaircie. Elle le fut en faveur de Boniface qui fut rétabli dans fon
fiége. Il arriva un autre fchifme en 49 3 . ( 2 ). fous le Pape Symma-
que qui eut pour concurrent un certain Laurent archiprêtre de
Rome. Symmaque ayant été confirmé par le roi Thêodoric Arien,
Laurent recommença le fchifme quelques années après, & fefic
élire Pape de nouveau 3 à l'exclufion de Symmaque 3 qui fut réta-
bli dans un Concile de Rome, aflemblé par ordre du Roi. Il y
eut encore un autre fchifme en 76 8 . lorfqu' Etienne III. fut mis
à la place de Confiantin //.qui fut dépofé, parce qu'il étoit laï-
que. En 855. Anaftafe cardinal dépofé fut mis en la place d'E-
tienne III. qui enfuite fut rétabli en 903.Chriflophorech.afta, Léon
V. du fiége de Rome , & il en fut chalTé à fon tour. Jean JCII.
fut élu Pape en 8 56. à l'âge de 1 8. ans , 6c il a été réputé pouf
(1) En 418. félon Burenius & Pagi<\vn compce ce Schifmc pour le troifiéme. J'ai nu refte un
peu plus e'tendu cette affaire , que ne fait Jeau Hus & fuivi Pagi. Breviar» Pontif, Rom. T. I,
p. 153.1*4-
(2} En 4p3. félon Fagu
88 HISTOIRE DU CONCILE
14 14. te^ malgré Tes mœurs criminelles. Il fut enfuite dépofé dans un
fy«ode où fe trouvèrent la plus grande partie des Evêques d'Ita-
lie, les Evêquesôc Archevêques de Trêves, de Hambourg , de
Minden, de Spire , ôcZeon VIII. fut mis en fa place. Maisjean
JsTII. fut bientôt rétabli , & Léon chaflé. Jean Hus pofe en fait ,
que Jean JTII. fut frappé du démon , furpris en flagrant délit
avec une femme mariée, 6c qu'il mourut fans viatique (1). Après
la dépofition de Benoît V. Jean JCIII. fut mis en fa place , &
enfuite dépofé , puis rétabli. Jean Hus rapporte encore plufleurs
fchifmes, dans les flécles XI. & XII. 8c foutient que depuis la
donation de Confiantin , il ne s'étoit pas paflé un fiecle fans fchif-
me, Ce qui le fait pafler au grand fchifme qui régnoit alors, &
que le Concile de Pife n'avoit fait qu'augmenter.
Après cette courfe hiftorique Jean Hus réfute dans le chapitre
XVII. comme une calomnie, l'accufation intentée par les doc-
teurs, contre ceux de fon parti, de vouloir féduire les peuples,
5c les porter à la défobeïflance envers les fupérieurs , tels que font
le Pape, les Evêques , les Prêtres, &tout le Clergé.» Notre in-
» tendon, dit-il, n'eft point de féduire le peuple, mais de le por-
» ter à fe régler unanimement fur la loi de Dieu, de ne point fe laifTer
» infatuer,ni partager par des conftitutions anti-chrétiennes, d'en-
» gager le Clergé à vivre félon l'Evangile, fans pompe, fans ava-
» rice , ôc fans luxure. Nous ne prêchons point la défobeïflance
» à des fupérieurs qui fuivroient la Loi de J. C. Mais Dieu foie
» loué de ce qu'on n'a ofé nous en aceufer. » Il y a dans ce cha-
pitre plufleurs diftinctions obfcures & fubtiles, de l'obeïflance, qui
ne font gueres au fujet. La dernière diftinction y fera peut-être
plus. Ildiftingue trois fortes d'obeïflance. L'une fpirituelle, qui
eft celle que tous les chrétiens rendent à la Loi de J. C. L'obeïf-
fance féculiere, qui eft celle qu'on doit aux loix civiles, luppofé
qu'elles foient conformes à la loi de Dieu, l'obéïflance Ecclé-
fuftique, qui eft celle qu'on rend aux inventions des Prêtres de
l'Eglife, fans autorité exprefle de l'Ecriture. Obedientia ecclefiaf-
tica , fecundum adinventiones Sacerdotum Ecclefia , -prœter expref-
(a) Fol. Çam authoritatem feripturœ (a). La première eft toujours légitime
sx l ' $z indifpenfable. Une dit rien de la féconde jfur latroifiéme il
allègue ces paroles de St. Ifidore, quife trouvent dans le Droit
Canon. Si celui qui pkfide dit ou commande quelque chofe contre la
(1) Ijle Johannes cum uxore cnjufdam objciïans à Dixbol» in tempore coitus ferctttitur fâ fine
fiatiçoDomwokiit. Fol, CCXXX.
yolonfç
DE PISE. Liv. VIII. 89
volonté de Dieu 3 & contre ce qui efl commandé évidemment dans les ïai a
faintes Ecritures , qu'il foit regardé comme un faux témoin & un fa-
cri lege.
Ces réflexions le conduifent à expliquer dans le chapitre XVIII.
ce qu'il entend par le Siège Apoftolique , auquel les docteurs
avoient dit que les inférieurs doivent obéir dans toutes les chofes où,
l'on ne défend pas une chofe bonne en 1 elle-même , où l'on ne commande
pas une chofe mauvaife en elle-même , mais ou il s'agit d'une chofe
qui tient le milieu entre deux. Plufieurs 3 dit- il, & principalement les
Canonifies 3 vantent beaucoup le fiége apoftolique ^ fans fcavoir ce que
cefl. Les uns difent que cefl proprement cette chaife de bois } ou de pier-
re , où efi ordinairement a ffi s le Pape 7 les autres , que c efi la Cour de
Rome h les autres , que cefl la chaire où s'affeyoit ordinairement St.
Pierre ; les autres , que cefl Rome même '> les autres } que cefl lapuif-
fance du Pape -y les autres , que cefl /' ' Eglife , ou la bafîlique de Se,
Pierre. Le do&eur Bohémien ne s'accommode point de tout
cela. Il prétend que le fiége apoftolique n'eu: point où l'on ne
fuit pas la do&rineôc lavie des Apôtres, 6c qu'il eft par tout où
l'on marche danscette route. Lemot Apostolique , dit-il ,vient
du mot Apôtre , qui (ïgnifie Envoyé , feavoir , du Seigneur : il faut
que tout Envoyé de J.C. porte les caraflcres defon maître , & des ?nar-
que s certaines qu'il efl envoyé de fa part. Tout Prêtre qui ne cherche
point fa propre gloire , mais qui cherche la gloire de Dieu , l'avan-
cernent de l'Eglife, & le fa lut du peuple , qui fait la volonté de Dieuy
qui découvre les rufes de l'An te- Chrifl , en prêchant la loi de Chrifl 3
tout Prêtre qui efl tel 3a des marques certaines qu'il efl envoyé de Dieu.
. . . Sans ces marques il n'y a ni Pape , ni Evêque,ni Prédicateur,
& ils font plutôt Apoflttiques qu: Apofl 'cliques. Après ce raifon-
nement vient un long parallèle des Pharifiensêc des Scribes affis
fur la chaire de Mcyfe , avec le Pape & les Cardinaux qui pré-
tendent être aflls fur la chaire de St. Pierre. Leurmolefiè, leur
fafte , leur luxe & leur ambition ne font pas épargnez dans ce pa-
rallèle. Encore trouve-t-il cette différence entre les Pharifiens
d'autrefois & les modernes j c'eft qu'au moins fi les premiers
faiioient mal , ils difoient bien , au lieu que les derniers non feu-
lement ne difent ni ne font bien, mais ils empêchent les autres
de le faire. Mais afin de fe mettre mieux à l'abri des foudres du
Vatican,, il n'avance lien qu'il n'appuyé fur l'autorité du Droit
Canon & des Pères , dont il allègue des paiïages fi formels ,
qu'il fembîe qu'ils fu£ent faits pour lui. Il conclut que le fiége
Tom.II.Parc.il. M
5>o HISTOIRE DU CONCILE
14.14. Apoftoliqueconfifte dans Pautorité ou dans la race, & clans la
fuccefîîon des faints Prêtres &des faines Evêques, qui gouver-
nent PEglife de la manière qu'ils jugent la plus avantageufe à la
gloire de Dieu , au falut de PEglife , tant de Tes chefs que du peu-
ple , en n'établhîant dans le miniftere , que des gens capables
de s'en bien acquitter, fans qu'il entre ni faveur ni paffion par-
ticulière , ôc perfonnelle, ni avarice dans leur choix. Enfuivant
ces principes, il foutient, que quiconque connoît avec certitude
que les commandemens du Pape font contraires aux comman-
démens , ou aux confeils de J. C. ou qu'ils peuvent tendre à la
ruine de PEglife, il eft obligé d'y réfifher hardiment , de peur
d'être complice du crime , par un filence qui feroitpris pour con-
fentement. » C'eft, pour cela, dit-il, que me confiant en la pro-
ie te&ion de J. C. qui l'accorde aux défenfeurs de fa vérité , je
» m'oppofai à la bulle à" Alexandre V. envoyée en 1409. à Sbinka
«Archevêque de Prague, par laquelle ce Pape défendoit de
«prêchera Prague, ailleurs que dans les Eglifes cathédrales,
» collégiales , paroifliales , Se dans les monafteres , excluant de
» cette liberté les chapelles privilégiées parle flége Apoftolique
» ( comme étoit la chapelle de Bethlehem ). Je m'y oppofai , dis-
»je, parce que je trouvois ce commandement contraire à Pe-
»xempledej. C. qui prêchoitfur la mer, dans les déferts,dans
» les maifons , dans les fynagogues , dans les rues , dans les pla-
ces publiques. Comme cette bulle n'étoit pas moins contraire
» aux privilèges des chapelles érigées par autorité du iiége Apo£
3> tolique , pour y prêcher la parole de Dieu , & qu'on ne leur ôtoit
» ce privilège que par des paflîons & des intérêts particuliers,
» j'appellai ày Alexandre V. mal informé à Alexandre V. mieux in-
« formé. Le Pape étant mort pendant que je pourfuivois mon
«appel, j'en appellai la même année à Jean JCJCIII. £pn fuc-
a> cefleur. Ce dernier demeura plus d'un an fans donner aucune
» audience à mes Avocats Se à mes Procureurs , & cependant il
«aggrava la Sentence portée contre moi. Mais voyant que je ne
«pouvois obtenir aucune juftice en attendant un Concile, dont je
» trouvois la reflource longue & incertaine , j'en appellai à J. C.
» comme à un Juge également infaillible & impartial. Je m'oppo-
» fai tout de même aux Indulgences & à la Croifade de Jean
» JCJCIII. parce qu'elles ne tendoient qu a la deftru&ion , fuivanc
* en cela le fentiment de PEvêque de Lincoln ( Robert Grotefl ) qui
?» comme moi appella & Innocent IV. à J. C. Voici les paroles de
DE PISE. Liv. VIII. 91
«cet Evêque. La faintetê du Siège Apoflolique confifie a édifier & 1414^
nonk détruire. Car la plénitude de lapuifjance confific à pouvoir tout
pour P édification. Or ce qu 'ils appellent des provi fions ', bien loin de tour-*
ner a l'édification , tend à une defiruBion manifefle. Ce/l pourquoi le
très - heureux Siège JLpoflolique napas le pouvoir de les donner. Jean .
J-îus raconte, àl'occafiondecetEvêque, cette hiftoriette fur la
foi de Ranulphe dit de Chefter , c'efi que quand ce Prélat mourut, on
entendit cette voix a la Cour du Pape , Vi en misérable, au Ju-
gement,^ que le lendemain le Pape mourut d'un coup de lance quon
lui avoit donné au cbté.
Il confirme dans le chapitre XIX. ce qu'il avoit établi dans le Ch.xiX-
XVII. c'eft qu'il ne faut obéir à aucun Juge Eccléfiaftique , quand
il commandece que Dieu a défendu , & qu'il défend ce que Dieu
a commandé, & que dans ce cas l'obéïfîance eft un crime, & la
défobéïflance une vertu & un devoir. Les Do&eurs contre qui il
difpute n'auroient ofé contefter cette maxime j mais ils foûte-
noient que dans les chofes indifférentes ou qui tiennent le milieu
entre ce qui eft mal, & ce qui efl: bien abfolument, il faut obéïr
en tout aux Supérieurs. Ils fe fondoient dans cette maxime , fur
l'autorité de St. Bernard , dont je rapporterai ici le paflage , quoi
<|p'il foit un peu long.» Il eft confiant que de faire du mal, qui
» que ce foit qui le commande, ce n'eft pas obéïflance , mais plû-
» tôt défobéïflance. Il faut bien remarquer qu'il y a des chofes
«qui font ou bonnes abfolument, ou mauvaifes abfolument, & à
». leur égard, on ne doit aucune obéïflance aux hommes, quand ils
«défendent les unes, & qu'ils commandent les autres. Mais entre
» ces aâions bonnes ou mauvaifes ei: elles-mêmes,il y en a qui tien-
nent le milieu , qui félon les circonftances des lieux , des temps,
r> des perfonnes,& félon la manière dont on les fait, peuvent être
» bonnes ou mauvaifes. C'eft dans ces chofes que la Loi de l'obéïf-
* fance a été mife , comme dans l'arbre de Science du bien Se
« du mal pofé au milieu du Paradis Dans ces chofes il n'eft af-
» furément point permis de préférer notre propre fentiment ( no fi
»trumpenfum), à celui de nos maîtres, & nous devons toute forte
» de déférence à leurs commandemens & à leurs défenfes. La Foi %
» l'Efpérance , la Charité , les autres vertus chrétiennes font bon-
» nés en elles-mêmes : on ne fçauroit ni en défendre ni en omettre
» la pratique. Le larcin , le facrilége , l'adultère & les autres pé~
» chez contre la Lo^, font mauvais en eux-mêmes : on ne fçauroit
» ni les commander 3 ni les commettre fans crime. Le commande-
Mij
91 HISTOIRE DU CONCILE
1414. » nient ne peut aucorifer une action illicite,, ni difpenfer d'un de-
» voir indifpenfable. Mais il y a des choies inditFerentes ou mi-
x toyennes , qui ne font ni bonnes ni mauvaifes en elles-mêmes,
« comme par exemple , déjeuner, de veiller , délire. On peut à
»la vérité les défendre ou les commander mal à propos, mais en
» cela l'obéiflance aux Supérieurs n'a rien de criminel. Il y a aufïï
«de ces chofes indifférentes ou libres _, qui peuvent devenir cri-
«minelles. Par exemple , il eft libre de fe marier, ou de ne fe pas
» marier 3 mais quand on eft marié il n'eft pas libre de rompre fon
«mariage. Il eft libre à un homme feculier d'avoir du bien ou de
» n'en avoir pas. Mais cela nJeft pas en la liberté d'un Moine,parce
(3\BerW0r^ «qu'il ne doit rien pofteder en propre (a). La conclufïon que Jean
Ep. ad Hus tire de tout ceci , après quelques diftinclions de fa façon,
Adam. Hus. m c>e£j. gU»|j n£ £auc p0jnt 05éir au Pape ni à aucun Prélat fans exa-
ccxxxviii. » miner fî leurs ordres font conformes à la parole de Dieu , parce
«qu'ils ne font pas infaillibles. Iieftfouvent arrivé, dit-il, à des
«Saints, de commander des chofes deraifonnables à leurs infé-
» rieurs , pour éprouver leur obéiflance, comme d'arrofer un tronc
» d'arbre jufques à ce qu'il pouffe, d'amolir des pierres avec de
«l'eau, d'apprivoifer des bêtes farouches, comme le dit Hugues
»de St. Victor. Ce qui , félon lui, ne regarde pas feulement les
chofes bonnes ou mauvaifes en elles-mêmes , mais auiTi les chofes
indifférentes, où l'on n'eft pas toujours obligé à obéir au Pape,
aux Cardinaux , & au Siège de Rome. Si , par exemple , ils défen-
doient à des féculiers de fe marier , ou de poffeder des biens , ils ne
feroient point tenus à obéir , parce que le Pape n'eft pas en droit
de contraindre dans des chofes où J. C. a laiiîé la liberté. Il avan-
ce ici un fait bien remarquable. Wenccflas, dit -il , eft Roi des Ro-
mains & de Bohême. Sigifmond eft Roi de Hongrie , malgré Boniface
IX. & fes Cardinaux qui avaient ordonné à l'un de reftgner l'Empire ,
& k l' autre le Royaume de Hongrie. Il s'enfuivroit de là. que l'un d*
l'autre font en péché mortel , pour avoir defobei dans une de ces chofes
qui font libres. Ce qu'aucun homme de bonfens ne croira ( 1 ). Il allègue
un autre fait qui n'eft pas de la même importance, mais qui pour-
tant ne laille pas d'être curieux. Un Docteur de Prague , nommé
Maurice, avoit obtenu d'Innocent VII. un Bénéfice à Prague. Le
Pape ordonna fous peine d'excommunication à Staniflas & à Pierre
:flitué Sigifmond pour mettre en fa place Ladijlas & confenti à la de-
ce dernier étoiUoujours reconnu Soldes Romains en Bohème,»
( 1 ) Bani/ace IX. avoit de__
'poUtlon de BZettcejl.a: mais ce aernier etoitfoujours recor.
fur tout par les Huffites qui ne vouloient point de Stgifincnd
DE PISE. Liv. VIII. 93
Znoima , à JeanElie &à un autre qui n'efi pas nommé , de céder ce \a\ a
Bénéfice k Maurice. Cependant ils ri avoient pas encore obéi d cet or-
dre i d'où ils' enfuiv oit qu ils ètoient dans les liens de l'excommunica-
tion , & dans une double défobeijfance ^puif qu'ils ne fe tenoient pas pour
excommuniez (a.).» C'eft-là, dit-il , une de ces chofes indifférences, (a) Foi.
» puifqu'il n'y a rien de mauvais en foi à céder un Bénéfice j cepen-
« dant ils n'ont pas-cru être obligez d'obéir en ce pointeaux ordres
«de la Cour de Rome. S'il y a quelque mal en cela , dit- il , c'eft à
« Maurice d'ambitionner cette place , ôc aux autres de ne vouloir
«pas la céder , tous par un principe de vanité.
Jean Hus va encore plus loin. * Il foûtient que quoique le jeûne
» & la prière non feulement ne foient pas du ma] , mais qu'il y ait
«même une grande apparence de bien, il foûrient qu'il ne faut
« obéir au Pape à cet égard 3 qu'autant que cela eft raifonnabie ,
«parce qu'il pourroit ordonner de fi longs jeûnes & de fi longues
«prières , qu'on tomberoit en défaillance. On fe nuiroit à foi-
» même , & on fe mettroit hors d'état de fervir l'Eglife. Les Peni-
» tenciers & les Prélats d'aujourd'hui impofent au peuple des jeû-
»nes, des prières,, & des abltinences, qu'ils ne pratiquent rien
«moins que tout cela. J.C. étoit le vrai Abbé , 6c le vrai Prieur,
«il neprenoit point plaifir à charger ks Difciples,, & il ne leur
» impofoit qu'un joug aifé & un fardeau léger. A plus forte raifon y ne
«doit-on pas obéir à des ordres impoiîibles ou fi déraisonnables ,
» que le bon fens y répugne , comme fi le Pape me commandoic '
» de jouer de la flûte, de faire le métier de Maflon, de Tailleur
«ou de Cuifinier. 67, dit-il , un Pape de fon propre mouvement èta-
bliffoit pour Eve que un homme vicieux , ignorant dans la Loi de Dieu 3
& qui nefeauroitpas même la Langue qu'on parle dans fon Diocefe y
cet homme feroit oblige de refufer ce Bénéfice , & le peuple ne devroit pas
non plus l'accepter pour Eve que , puifqu'ilne voudroitpas même choifir
pour bouvier ou pour berger -un homme qui ne feauroit pas paître des
bœufs & des brebis. Il pofé encore plufieurs autres cas,, où il foûtienc
qu'il efl méritoire de défobéir. Il appelle les Cardinaux , 6c toute
la Cour Romaine , les Satrapes de YAnte-Chrift , parce que le
Pape s'en fert pour exécuter (qs ordres tyranniques par tout le
mon«le , appliquant au Pape & aux Prélats de la Cour la vifion de
Daniel chap. IX. llsferoient, dit- il , pis que 'tout cela , s'ils ne crai-
qnoient que le peuple a qui Dieu commence d'ouvrir les yeux ne s'apper-
cût enfin de leur iniquité. Il n'oublie pas a cette occafion les trois
jbommes décapitez à Prague pour s'être oppofez aux Quêteurs
M iij
94 HISTOIRE DU CONCILE
1414. des Indulgences. On en a parlé ailleurs (a) 5 mais on a oublié une
(«ij Liv. vi. particularité , qui fe trouve à la marge du Traité de l'Eglife. C'eft
p ***" que 7^« -RFiM avoit écrit de fa propre main dans un Livre de la
Chapelle de Bethléem , appelle Pafjional ou Légende , ces paroles.-
»L'an 141 2. plusieurs ont voulu être décapitez , & ont offert
» leur cou au bourreau , lors qu'on coupa la tête à Martin , à Jeany
aètSta/fek, parce qu'ils ont contredit ceux qui prêchoient- qu'il
» eft permis de faire la guerre , quand le Pape l'ordonne 3 qu'il faut
» croire au Pape , & que quiconque donne de l'argentpour la croi-
»> fade , eft abfous de la peine & de la coulpe.
Comme toute défobéifïance au Pape entraîne après elle Fex-jj
communication , le Do&eur Bohémien foûtient qu'on ne doit
point s'en mettre en peine , pourvu qu'on faiTe ce que J. C. com-
mande, à l'exemple des Apôtres , qui ont mieux aimé obéir à
Dieu qu'aux hommes. Ainfi tout Prêtre , s'il veut vivre félon la
Loi de Dieu, s'il fçait l'Ecriture fainte , & s'il eft animé d'un vrai
zèle pour l'édification des âmes , doit prêcher , malgré la préten-
due excommunication du Pape. Outre les paflages de l'Ecriture
fainte , il allègue là-deflus des témoignages de plufieurs Sts. Pères,
& ces paroles de St. Auguftin. Il y a peu de Prêtres qui prêchent bien,
la parole de Dieu : il y en a beaucoup qui demeurent dans unfilence cri-
minel j le 'S uns par ignorance , les autres par négligence , & par mépris
pour la parole Divine. Le fîlence des uns &des autres eft inexcu fable.
Ceux qui ne fçaventpas prêcher ne doivent pas fe mêler de conduire
l'Eglife , & ceux qui fcavent prêcher ne doivent pas fe taire 3 quand
même ils ne feroient pas Pafteurs. » Fondé , dit-il , fur ces principes,
» je n'ai pas crû devoir obéir à la défenfe d'Alexandre V. de ne pas
» prêcher. Cependant je fupporte humblement mon excommu-
» nicatjon , dans l'efpérance qu'elle m'attirera la benedi&ron de
(b)Foi. «mon Dieu (b).
cclxvi. Dans le chapitre XXI. il examine plufieurs circonftances 6c
plufieurs cas, oùl'on eft difpenfé d'obéir au Pape, & aux autres
Supérieurs Eccléfiaftiques. Il avoit établi dans le chapitre XVIL
la diftin&ion ordinaire des Scholaftiques , entre les commande-
mens & les confeils de l'Evangile. Le Commandement , dit-il , eft
un enfeignement ( doclrina ) général de Dieu , qui oblige toujours tous
les hommes , fous peine de péché mortel. Le Csnfeil eft un enfeignement
particulier de Dieu , qui oblige pendant cette vie feulement , fous peine
ccxxxii. de péché véniel. Le Commandement eft pour les imparfaits } le Confeil
b„ pour les parfaits (c) : & félon lui il y a douze Confeils , commue font
DE PISE. Liv. VIII. 95
la pauvreté, le célibat, les œuvres de furrerogation &c. Il prétend \a\a
dans celui-ci, que quand un Prélat commande quelque choie
d'incompatible avec un confeil divin, il ne faut point obéir au
Prélat. »Je voudrois bien 9 dit-il y que St. Bernard me répondît
»au cas que je vais propofer. Si St. Benoit {i) lui avoit commandé
» de paître les pourceairx^ôc qu'en même temp^Dieu lui confeil-
» lât d'aller à l'Eglife s'employer au falut des âmes , je ne doute pas
«que vu l'autorité de celui qui confeille, & l'utilité du confeil,
» St. Bernard n'eût préféré ce dernier au commandement de fon
«Abbé. Ce feroit une grande abfurdité de laifler les brebis de
« J. C. fans pâture , pour obéir à un fot & à un pourceau d'Evêque,
m qui commanderoit de garder des pourceaux (a). (a) f«.i.
Il y a auffi des circonftances où l'on eft difpenfé d'obéir à fes fu- CCXLIV-
périeurs , comme s'ils ordonnoient à quelqu'un de comparoître
dans un lieu où il auroit des ennemis qui machineroientfa mort.
Cette maxime du droit naturel eft confirmée ici par plufieurs au-
toritez du Droit Canon 3 & par des exemples tirez de l'Hiftoire
Eccléfiaftique.»Eût-il donc été raifonnable , dit-il y fe faifant a
» lui-même l'application de ces principes 3 eût-il été raifonnable , que
«j'eufle comparu lorfque j'ai été cité par le Pape3 à trois cens
« milles d'ici , où jenepouvois aller fans pafler tout au travers de
» mes ennemis, & où j'aurois eu pour Juges mes délateurs ? Je ne
« pouvois d'ailleurs m'y rendre fans me ruiner ou fans dépenfer
» l'argent des pauvres _, à moins que de me réfoudre à périr de foif
« & de faim. Quel auroit été le fruit de cette comparition ? Rien
» que de négliger mes devoirs , tant par rapport à mon propre fa-
llut 3 que par rapport à celui des autres. On ne va point là pour
i» apprendre à bien croire, mais à plaider, ce qui n'eft pas le mê-
» tier d'un ferviteur de Dieu. Là on eft dépouillé par le Confïftoire,
» on fe relâche dans les bonnes mœurs j comme on y eft opprimé ,
«on s'expofe à l'impatience. Si l'on n'a pas de quoi donner , l'on
« eft condamné , quelque bon droit qu'on ait. Et ce qui eft le plus
«fâcheux, on eft contraint d'adorer le Pape à genoux comme un Dieu.
«De tout cela, continue-t-il^ je conclus que l'excommunication
*> qu'on a lancée contre moine me touche & ne me lie point, elle
» ne m'engage à rien du tout. Ainfi j'ai remis ma caufe & ma per-
«fonne entre les mains de J. C. qui me fera la grâce de finir mes
«jours dans fa foi, foit par mort naturelle , foit par mort violente,
(b) Ecrivant contre le Pape ôc l'Eglife Romaine avec autant de (bfVoi
(i j St. Berriard fuivoit la Règle dz St.- Benoît moine du 6. fk'clc
96 HISTOIRE DU CONCILE
14 14. hardiefïequ'il faifoit, il pouvoit bien , fans être Prophète, avoir
un preflentiment de ce qui lui arriva dans la fuite. Non feulement
il établit plusieurs cas où il eft permis de défobéir à {es fupérieurs ,
mais il foûtient même, qu'il en eft beaucoup où il eft permis de
les reprendre & de les corriger à l'exemple de St. Paul qui reprit
St. Pierre. Une trouve pas qu'il faille faire la moindre attention
aux objections que l'on fait contre cette maxime. On dit , par
exemple , que le Pape étant le Vicaire de J. C. il ne peut être re-
pris non plus que J. C. qui traita Pierre de Satan , pour l'avoir
voulu reprendre. » La conféquence, dit. il, eft nulle, parce que
» J. C. eft infaillible & que le Pape ne l'eft pas , non plus que Saint
» Pierre. Que le Pape fuive exactement l'exemple de J. C. il ne
» fera pas fujet a être repris. Mais s'il fait mal, il ne tient point la
» place de J. C. Si un Evêque ou quelqu'autre Confeileur attentoic
» dans la confefîion à l'honneur d'une femme, neferoit-elle pas
»en droit de le reprendre comme un Ante-Chrift, comme un
» corrupteur déloyal, puis qu'alors bien loin de tenir la place de
»J. C. il tient celle du diable qui tenta la femme ? Pour prouver
qu'il n'eft permis à perfonne de reprendre le Pape , on lui objec-
toit encore le prétendu Synode de Sinueiïè-(i), qui ne voulut pas
prononcer contre le Pape Marcellin , qui avoit encenfé aux Ido-
les pendant la persécution de Diocletien , & qui le remit à fon
propre jugement, parce que le Pape n'eft jugé de perfonne comme
cela eft porté dans le Décret. Jean Hus répond à cela trois cho-
ies. 1. » Que le fentiment de ces Evêques ne fçauroit détruire ce-
m lui de St. Paul qui reprit St. Pierre en face. 2. Qu'il auroit été
» fuperflu de condamner Marcellin } puifquefa repentance faifoit
» aflez connoître qu'il avoit été repris de Dieu même. 3. Que c'é-
» toit une réprimande affez forte de le renvoyer à fa propre con-
science. Condamnez^- vous vous -?nème par votre bouche , lui di-
»rent-ils. Mais Jean Hus auroit eu plutôt fait de dire, s'il l'avoit
fcû, que ce Synode de Sinueffe eft un Synode fuppofé, & qu'il n'a
jamais exifté , comme les Sçavans de TÉglife Romaine en convien-
( a ) Voyez nent à préfent (a).
Fr.Pagi, Après avoir établi le droit qu'ont les inférieurs de reprendre
nam.Tomi. leurs fupérieurs , fut-ce même le Pape, quand il commande ou
qu'il défend contre la Loi de Dieu , on peut aifément juger com-
bien ilétoit éloigné d'approuver le fentiment des Do&eurs , qui
avoient déclaré que le Clergé de Prague ayant obéi aux procé-
(1) C'eft Rocca de Mondragone au Royaume de Napleso
dures
DE PISE. Liv. VIII. 97
dures de la Cour de Rome contre Jean Mus 3 c'eft-à-dire , à fon iaia,
excommunication & à l'interdit que l'Archevêque avoit mis par
ordre du Pape fur la Ville de Prague,, pendant que Jean Husy
derneureroit > ils étoient obligez d'y obéir auffi, & que cen'étoit
point au Clergé de Prague à juger fi l'excommunication de Jean
Mus étoit jufte ou non.» C'eft une conféquence , dit-il , fort mal
» tirée , parce que le Clergé de Prague a obéi aux procédures con-
» tre Jean Mus , il faut y obéir. Oeil fuppofer le Clergé de Prague
«infaillible, mais ne l'étant pas, la conféquence eft auffi nulle
» que celle des Juifs qui condamnèrent J. C. comme un fédu&eur
» & un blafphemateur , parce que le Clergé de Jerufalem l'avoic
» jugé tel. Sur tout il les poufle avec beaucoup de fel & de vivacité,
fur la raifon qu'ils rendent de leur obéïflance , que ce n'efh pas au
Clergé de Prague à examiner fi l'excommunication de Jean Mus
eft jufte , ou fî elle ne Teft pas. Il ppelle cette concufîon une queue
énorme ( caud a m enokmem.)» Cette alternative., dit-il, fup-
»pofe que l'excommunication de Jean Mus peut être in j ufte 3 8c
»par conféquent ils hazardent d'obéir à uncommandementin-
» jufte , ce qui eft honteux & criminel à des Docteurs. D'ailleurs,
» puifqu'ils jugent que l'excommunication eft de ces chofes mix-
ités, où il n'y a ni bien ni mal à parler abfolument, &; qui peut
» être bonne ou mauvaife, félonies circonftances des personnes,
»» des temps & des lieux, il faut qu'ils ayentfçii que l'excommuni-
» cation de Jean Muss'eù. faite dans des circonftances où elle eft
» bonne & jufte. Ils en ont donc jugé , & cependant ils difent qu'il
» ne leur eft pas permis d'en juger. C'eft une contradiction mani-
»fefte. Mais qui pourroit, continue-t-il, s'empêcher de rire, de
» voir cette raifon dans la bouche de Docteurs , qui tous les- jours
» expliquent les Décretales & les Décrets , qui examinent les pro-
» ces , qui doivent confeiller & juger félon l'exigence des cas , s'il
» eft permis d'en appeller ou non ?
Après ces réflexions générales , il en vient à fon excommunica-
tion particulière , & renvoyé au FaEium de Maître Jean de Jeffenitz^
Docteur en Droit Canon de l'Univerfîté de Bologne, qui avoit
démontré en pleine Académie à Prague, l'injuftice & lanullité
de l'excommunication fulminée contre Jean Mus. On a parlé ail-
leurs de cette pièce. Delàpaflantàlamatierede l'excommunica-
tion en général , il diftingue trois efpeces de Cenfures Eccléfiafti-
ques , Y Excommunication 3 la Sufpenfion , & Y Interdit.
I. Pour bien faire connoître ce que c'eft que l'Excommunica-
Tom.II.Part.il. N
98 HISTOIRE DU CONCILE
14.14. tion, il ne trouve point de meilleure méthode, que de faire bien
connoître ce que c'eft que la communion , ou la communication.
Il la fait de quatre fortes. 1. La participation de la grâce, que
Dieu accorde gratuitement 2 . Cor. chap. dernier.Telle eft la Com-
munion des Saints, qui compofent le Corps myftique dont J. C.
eft le Chef. 2. La participation aux Sacremens. Ephef. JV. & en
particulier à celui de la Sainte Cène. 1. Cor. X. 3. La communica-
tion, ou la communion qu'ont entre eux les Fidèles, ce qu'il ap-
pelle la communion desfuffrages. 4. La communion ou la communi-
cation qu'ont entre eux les Chrétiens, tant bons que mauvais 3
qui converfent enfemble. Les trois premières n'appartiennent
qu'aux bons , & les gens du monde font le plus de cas de la qua-
trième.
I I. Suivant ces quatre fortes de Communions , il établit auiîî
quatre fortes d'excommunications. Celle qui fépare de la grâce
divine, celle qui exclut de la participation des Sacremens, celle
qui prive de la participation des fuffrages des fidèles par rapport
à la vie éternelle, celle qui exclut publiquement par autorité Ec-
cléfiaftique , ou Séculière., du commerce & de la converfation
des Chrétiens.
III. On ne fçauroit être excommunié des trois premières efpé-
ces d'excommunication que pour un péché mortel qui fépare de
la grâce de Dieu, & par conféquent des deux autres Commu-
nions, feavoir celles des Sacremens & desfuffrages. D'où il fuit
qu'aucun Eccléfiaftique ne peut excommunier de ces deux ma-
nieres, fi le pénitent lui-même ne s'excommunie auparavant, par
le fentiment& l'aveu de fon crime. Ce qui fe prouve par le Droit
Canon.
I V. On compte communément deux genres d'excommunica-
tion , fçavoir, l'Excommunication majeure , & l'Excommunica-
tion mineure. L'Excommunication mineure exclut de la commu-
nion des Sacremens, l'Excommunication majeure y ajoute l'ex-
clufion de la focieté des fidèles, & elle fe prononce contre un pé-
cheur public. » C'eft 3dit il^ cette forte d'excommunication qu'ils
» ont prononcée contre moi dans leurs procès 3 & leurs dénoncia-
» tions,m'excluant de tout commerce humain. Mais Dieu [oit béni >
dit-il, qui na pas donné a cette Excommunication la force dîoterla
juftice ^ la vertu d un homme jufie^ é* de le rendre pécheur.
V. L'Excommunication étant un remède fpirituel , pour guérir
le pécheur & pour le ramener dans laBergerie dej. C. doit avoir la
DE PISE. Liv. VIII. 99
vie éternelle de l'excommunié pour dernière fin. D'où il fuie qu'el- 1414.
le ne peut être prononcée que contre un pécheur qui l'a méritée
par quelque faute dont il fe confefle lui-même,ou dont il a été con-
vaincu par fes Juges , & encore ne faut-il lé faire qu'après la triple
admonition 3 ielon le commandement de J. C. Quand cette Excom-
munication efi légitime 3 je la redoute plus , dit-il , quoi qu'on l'appelle
mineure 3 que l'Excommunication majeure , parce qu'elle efi fulminée
publiquement par un Prélat. Mais je crains encore plus la plus grande
de toutes les Excommunications , c'efi celle où le fouverain Pontife de
l'Eglife , enpréfence des Anges & des hommes , excommuniera éternel-
lement les méchans. C'efi celle-là que doit craindre un Juge 3 car quicon-
que excommuniera quelqu'un par intérêt , par pafjion 3 pour fe vanger
de quelque injure 3 en un mot contre fa confidence 3 & fans en avoir de
caufe légitime , il s'excommunie lui-même.
VI. Quoiqu'une excommunication injufte ne puiffe nuire à
l'excommunié, & que même elle puiffe lui être falutaire s'il la
fupporte patiemment , il y a pourtant plufieurs confidérations
qui le peuvent obliger à la craindre, même parce qu'elle eft in-
jufte. Déjà il doit rentrer en lui - même , pour examiner s'il ne l'a
pas méritée. D'ailleurs par un principe de charité on doit être en
inquiétude ( 1 ) pour le falut de celui qui excommunie injuftemenr,
& pour celui des frères qui en peuvent faire de mauvais jugemens
& de mauvaifes applications. Il doit auffi craindre le fcandale pu-
blic, &les défordres qui en réfultent. Enfin il doit bien prendre
garde de ne fe point rebuter de la juftice & de la vérité , & de ne
point fuccomber aux mouvemens de l'impatience. C'eft ce que
Jean Hus dit avoir fait écrire fur les murailles de la Chapelle de
Bethléem.
VII. La Sufpenfion , ou lâSufpenfe (2) eft Pinterdidion d'un
miniftere , ou de quelque Bénéfice pour un crime. C'eft pourquoi
ce que les anciens Décrets appellent fuf pendre , le nouveau droit
ou les Décretales l'appellent interdire d'un Bénéfice , ou d'une
fonction Eccléfiaftique.
VIII. Comme c'eft à Dieu premièrement & par lui-même qu'ap-
partient le droit d'excommunier, c'eft aulîi à lui qu'appartient
demêmeledroitdefufpendre. Ainfiil eft impoffible qu'un Pape
(i)Il parle ici avec éloge des Thefes qu'avoit publiez pour l'Excommunication un Docteur
en Droit canon , nommé Frédéric Epinge. Fol. CCLIX. b.
(2) LaSufpenfe , ditM. de Hericourt, efi une Cenfure Eccléfïaflique par laquelle on défend .1
un Clerc d'exercer le pouvoir que lui a confie l'Eglife à caufe de ftn Ordre ou de [oh Bénéfice. Annal»
du Decr»p. 185. ç, %.
Nij
ioo HISTOIRE DU CONCILE
14.14.. fufpendejuftement qui quecefoit., fî Dieu ne l'a fufpendu aupa-
ravant.
IX. Il y a de plufieurs fortes de Sufpenfîons. Il y a une Sufpen-
fion d'Office , une Sufpenfîon de Bénéfice , ou de quelque bien
dont le pécheur eftjuftement fufpendu 3 pour quelque crime. Il y
a encore une Sufpenfîon dedroitêt une Sufpenfîon de fait. La Suf-
penfîon de droit appartient principalement , originairement , &
régulièrement ( regulariter) à Dieu , c'eft-à-dire, que c'efl la vo-
lonté & la Loi de Dieu qui doit régler la Sufpenfîon. A l'égard de
la Sufpenfîon à? fait , Dieu l'exécute par de bons & par de mau-
vais Miniftres, mais par lui-même ilfufpend tout Prélat criminel
de fon office & defon miniftere, pendant tout le temps qu'il efr.
criminel , parce que tout le temps qu'il efl en péché mortel , il pèche
quelque chofe quilfaffe.
On peut alléguer divers exemples de ces fufpenfîons divines,
comme quand Dieu fufpend de la Sacrificature ceux qui rejettent
{_qof.iv. 6. la fcience (a) , quand il défend de lui offrir des facrifices (bj. Saint
^Maiac'b ^'^fafpend de la communion de PEuchariftie ceux qui commu-
1. io. nient indignement (c). Dieu fufpendit Heli & fes fils de la facrifî-
[cj i.Cor. cature 4 caufe de l'indulgence de l'un, de la profanation & des
[cri i.sam. autres crimes des autres (d). Il fufpend encore de la fonction d'an-
iii. ix. 13. noncerfa parole, & d'avoir (es louanges & fon alliance dans la
bouche , ceux qui méprifènt tout cela dans leur cœur & par leur
[e]P/.L. . • ' 1, / y tr -M I r >-l • J r • •
16. zq. vie criminelle (e). Voici la concluhon qu il cire de tous ces princi-
pes. « Il s'enfuit de là qu'il y a bien peu de Prédicateurs que Dieu
» ne fufpende à préfent du miniftere de fa parole , parce qu'il y en
» a peu qui ne rejettent la fcience de l'Ecriture, & qui ne démen-
tent par leur vie les devoirs qu'ils enfeignent aux autres. A l'é-
»gard des Juges Eccléfîaftiques , ils font d'autant plus criminels
y><\u'Heli dans l'adminiftration de la Juftice, s'ils abfolvent ou
» s'ils épargnent les coupables, & s'ils condamnent les innocens,
» qu'il s'agit d'enfansfpirituels, dont la vie efl plus précieufe que
» la vie préfente. Outre que c'eft un bien plus grand crime aux
» Prélats de vendre les péchez, d'épargner les pécheurs pour de
a> l'argent, & pour afîouvir une avarice infatiable, qu'à Heli d'a-
» voir de l'indulgence pour [qs enfans , qui ne péchoit que par af-
» fection naturelle.
X. » Cette Sufpenfîon a<ftive de Dieu s'étend aux Prêtres, aux
» Rois, & à tous les hommes de quelque ordre qu'ils foient. Dieu
>» dépofa £«*#*/ pour avoir épargné Amalec , contre fon comman-
DE PISE. Liv. VIII. 101
» dément exprès (a). Il ordonna à Moïfe de pendre au Soleil tous 14.14..
«ces Chefs, du peuple qui avoient paillarde & idolâtré avec les m [.Sam.
» filles de Moab\b). Telle eft , dit-il 3 la condition des Princes. Ils xv.aj.
» ne portent pas feulement leurs propres fautes , mais ils font obli- xxv. ™ '
« gez de rendre compte des péchez du peuple , parce que le peu-
«pie pèche fouvent par leur exemple ou parla négligence à le
«gouverner félon la Loi de Dieu. Malheur donc aux Princes d'a-
m préfent , tant fpirituels que féculiers , qui vivent dans la luxure,
«donnant par là un mauvais exemple à leurs fujets, ou qui ne les
«corrigent qu'en tirant d'eux de l'argent par avarice. Tout cela
eft appuyé fur de longs & beaux paffages (i)du Droit Canon ,
contre la luxure , l'avarice 3 la fimonie des Eccléfiaftiques. D'où
'Jean Mus conclut qu'il a été obligé indifpenfablement de prêcher
contre ces vices du Clergé , parce que , félon le même Droit Ca-
non , le fîlence dans ces occafions eft une efpéce de complicité (c). [c] DifH*&
XI. De la Sufpenfe Jean Mus pafîe à l'Interdit (2) , dans lequel 8j*
les Supérieurs Eccléfiaftiques engagent tout un peuple, àcaufe
d'une feule oudeplufieurs perfonnes. C'eft par l'Excommunica-
tion, la Sufpenfion & l'Interdit qu'ils s'aflujettifïent le peuple,
qu'ils multiplient l'avarice, qu'ils concilient de l'autorité à leurs
mauvains delîeins , &; préparent les voyes àsYAnte-Chri/}. Quand
quelqu'un ne leur obéit pas , ils employent contre lui l'Excommu-
nication & la Sufpenfe. Que s'il continué" à réfifter à leurs ordres,
c'eft-à-dire à prêcher malgré leur défenfe , ils mettent un Inter-
dit fur le peuple, en interdifant dans ce bien-là l'OfficeDivin y
l'adminiftration des SacremensSc la fépulture, fans aucune dif-
tin&ion desinnocens &de ceux qui, félon eux , font coupables.
»Une des marques évidentes, dit-il 3 que ces Cenfures qu'ils ap-
» pellent Fulminations procèdent de l'Ante-Chrift , c'eft qu'elles
• font lancées contre ceux qui prêchent l'Evangile & qui décou-
«vrent la corruption du Clergé. En voici encore uneautremarque
félon lui. C'eft que ces Cenfures ont bien moins pour objet la
transgreflion de la Loi de Dieu, que la défobéiftanceaux fupé-
rieurs Eccléfiaftiques , comme, par exemple, fî on cenfure leur
avarice _, li le peuple ne leur paye pas les dixmes à leur gré 3 ou s'il
fe fouftrait de leur obéiflance dans des chofes illicites. Si des fécu-
liers mettent enprifon un Eccléfiaftique, fut -il un voleur & un
[1] Voyez-les en François dans les LaixZcc'.é/iafliq>ie< dans leur erdre naturel de M. Louis de
Jlericourt Avocat en Parlement, p. 182. 185 . & Annal, du Decr.p. 20.
[2] L'Interdit eft une Cenfure par laquelle l'Eglife ôte aux Fidèles la communication de
certains biens fpirituels. I/interditpeut être local , perfonel , & mixte. Hericottrt. p. 158.
N iij
ioi HISTOIRE DU CONCILE
14.14. fcelerat, Ci on maltraite & fion blefTe un Prêtre. Quand Herode
fit arrêter &enfuite décapiter Jean -Baptifie 3 J. C. le fouverain
Pontife mit-il l'interdit fur le pais de ce Prince ? Quand Içs Apô-
tres & les Saints ont étéperfécutez, ont-ils fulminé des Excom-
munications? ont -ils mis des Interdits ? On a été plus de mille
ans fans entendre parler de ces interdits. L'origine en tfl due au
déchaînement de Satan , lorfque le Clergé engraiflé des faux
biens du monde , enyvré de plaifirs , & bouffi d'orgueil ne pouvoir
plus foufTrir la moindre contradi&ion. C'eftainfî, continue- t-il ,
qu'en 1*154. le Pape Adrien IV. mie toute la Ville de Rome à l'in-
terdit, pour un Cardinal (1) qui avoit été blèfTé à mort dans cette
Capitale. Alexandre III. après lui mit en 11 59. le Royaume
d'Angleterre à l'interdit. Innocent III. à. fon exemple mit à l'in-
terdit le même Royaume (2). Boniface VIII. Innocent IV. & Clé-
ment V. multiplièrent beaucoup cqs interdits dans le 1 3 . & dans le
1 4. fîécle 3 & leurs fuccefleurs ont encore enchéri par defïus.
Après avoir réfuté par âcs raifonsfolidesôc fort vivement ex-
primées ces interdits généraux, àcaufede quelques particuliers,
il allègue contre cette méthode un long paflage de St. Auguftin
[a] Cutf. qUj fe trouve dans le Droit Canon (a). Un jeune Evêque , nommé
Qu(ift.iiL AuxiUus , avoit excommunié toute une famille à caufe du péché
[b] Lettre réel ou prétendu du père. St. Augufiin(b) s'exprime très-forte-
Traduttde menc contre cette injuftice en ces termes. » Après beaucoup d'a-
Mr. Duboh. wgitâtiôris &de différentes penfées que cette Lettre m'a fait ve-
p- Sll'Sll> „nir dansPefprit 3 j'ai crû ne pouvoir me difpenfer de vous écrire,
« afin que fi la raifon ou l'Ecriture vous fournirent quelque chofe
» de certain fur ce fujet 3 vous veuilliez bien m'en faire part ,
» & m'apprendre comment on peut excommunier le fils pour
» le péché du père, la femme pour celui du mari, le ferviteur
«pour celui du maître 3 & même lesenfans qui peuvent naître
» dans la maifon que vous avez excommuniée 3 puifque tant qu'elle
» fera dans cet état elle nefçauroit procurer aux enfans, même
» en danger de mort 3 la grâce delà régénération que produit le
» faint Baptême.
» Ce châtiment n'eft pas de ceux qui ne tombent que fur le corps,
» comme la peine de mort que Dieu, comme l'Ecriture nous ap-
y prend , fit fouffrir à quelques-uns pour avoir méprifé fes ordres ,
[1] C'était Gérard cardinal de Ste.Tudentmic. On fut quatre mois fans ce'lebrer l'Office Di-
vin à Rome. Pagi. T. III. p. 40.
[2] Pour n'avoir pas voulu reconnoitre pour Archevêque de Cantorberi le cardinal Langtorp
à qui le Pape a voit conféré cet Archevêché &c. Pagi. ubi fup. p. xpj .
DE PISE. Liv. VIII. 103
»> & dans la punition defquelsil enveloppa cous ceux qui leur ap- 14.14,
» parténoient, quoiqu'ils ne fuflènt point complices de leurs cri-
»me. Car il ne faifoit perdre a ces gens -là que la vie corporelle
«qu'ils ne pouvoient éviter de perdre tôt ou tard , &, dont il peut
»difpofer comme il lui plaît, quand ce ne feroit que pour faire un
» exemple j & imprimer la terreur aux autres. Mais l'excommuni-
» cation , qui eft un effet du pouvoir qui nous eft donné par ces pa-
» rôles , ce que vous aurez^lié fur la terre 3 fera lié au Ciel 3 tombe fur
» les âmes mêmes. Or il eft dit des âmes que celle du fils eft à Dieu
»aufli bien que celle du père 3 & que celle qui aura péché fera la
» feule qui mourra.
1. » Peut-être vous êtes-vous fondé fur l'exemple de quelques
«grands Evêques quiontanathematifé comme vous des familles
» entières pour le péché d'un feul. Mais peut-être auffi qu'ils au-
»roient eu peine à rendre raifon de cette conduite 3 &; c'eft parce
» que je n'ai jamais pu voir comment on en pourroit rendre raifon,
»> que je n'ai jamais ofé faire ce que vous avez fait, quelque grands
» qu'ayent été les crimes que j'ai vu commettre contre l'Eglife , ôc
» quelque douleur que j'en eufle. Si néanmoins Dieu vous a fait
» connoître que cela fe peut faire avec juftice, le peu d'âge que
»> vous avez 3 6c le peu de temps qu'il y a que vous êtes Evêque ,
»ne m'empêcheront point de vous écouter là-deflus. Me voilà
»donc, avec mes cheveux blancs, &. tout ce que le long temps
» qu'il y a que je fuis Evêque me peut avoir donné d'expérience ,
"prêt à apprendre de vous, quelque jeune que vous îbyez, &
» quoiqu'il n'y ait pas un an que vous êtes Evêque.
XIII. Comme les Docteurs avoient dit que félon le jîyle de l'E-
glife toujours obfervé far la Cour Romaine &par les pères de nos fe-
res (a) , il falloit obéir aux Supérieurs , quand leurs ordres roulent [a] Foi.
fur des chofes qui ne font ni bonnes ni mauvaifes en elles-mêmes , ccxlviu.
il demande aux Dodeurs s'ils croyent en confcience qu'il n'y
ait ni bien ni mal 3 que ce foit une chofe indifférente de priver des
innocensdesSacremens, delà Sépulture, d'empêcher le Service
divin , & de donner lieu par-là à tant de fcandales , de médifances,
de calomnies, de haines & d'emportemens. » O Docteurs, de
» quelle Eglife eft ce là le ftyle ? Eft-ce le ftyle d'une Eglife Apofto-
»lique? Eft-ce le ftyle des Apôtres? Eft-ce leftyle de J. C.leChef
» de l'Eglife 3 dans le ftyle duquel eft contenu toute vérité utile i
»> l'Eglife? Où trouverez-vous ces paroles de l'interdit que vous
» avez fabriqué , Nous mettons À l'interdit tout Lieu , toute Cité ^
io4 HISTOIRE DU CONCILE
14.14.. " toute Ville , tout Bourgs tout Village exempt ou non exempt, oà
«Jean Hus ira 3 autant de temps quily féjourhera , & trois jours na-
» turels après fon départ , &nous voulons que pendant tout ce temps le
[a ] Fol. » Service Divin ceffe dans ces lieux-là (a). A moins peut-être 3 con-
ccLiu. & n tinue-t'il , que cejlyle ne foie fondé fur Tordre que J. C. a donné
» de ney£ relâcher point dans la prière , & St. Paul, de prier fans ceffe ,
» ou fur ces paroles du Pfalmifte 3 Nations , louez, le Seigneur. . .
»louez^le Seigneur en tout lieu. Mais que diront les Auteurs de ce
» ftyle , s'il arrive que Jean Hus parvienne à la Jerufalem Celefte ,
« à la fainte Cité , où lès Chérubins & les Séraphins ne ceflent ja-
» mais de célébrer les louanges de Dieu? Sans doute que fi Jean
» Hus entre dans le Ciel , la Cour célefte fera aufll interdite , félon
«le ftyle de la Bulle du Pape clément 3 qui commande aux Anges
» du Paradis d'exempter des peines du Purgatoire ceux qui iront à
*> Rome en pèlerinage.
XIV. «Les Dodeurs ont condamné 45. articles de Wiclef,
s» parce que, difoit-on , chacun de ces articles eft ou hérétique,
« ou erroné , ou fcandaleux j mais jufqu'ici on a vainement atten-
» du les preuves de cette condamnation & de ces qualifications. »
Un de ces articles de JViclefézoiz que les Seigneurs étoient en droit
dHoter les biens temporels aux Ecclefia/liques de mauvaifes mœurs. On
peut juger que dans une aufïï grande corruption que l'étoit celle
du Clergé de Bohême , il y eut bon nombre de Seigneurs féculiers
qui ne manquèrent pas l'occafion de profiter d'une maxime qui
leur étoit fi favorable. C'eft ce qui fit que les Dodeurs & les au-
tres Ecclefiaftiques ne jugèrent pas à propos de toucher davantage
cette corde 3 de peur d'aigrir le mal, & de rifquer de nouvelles
pertes 3 en s'acharnant contre un article fi plaufible. C'eft ce que
Jean Mus leur reproche en ces termes : » Je m'étonne, dit- il, que
» les Dodeurs ne prefîérent pas dans le Prétoire (1) l'abolition de
» l'article qui permet aux féculiers d'ôter le temporel aux mauvais
«Ecclefiaftiques. C'eft qu'ils craignent qu'il ne leur arrive ce qui
» leur eft déjà arrivé. Us perdront leur temporel : Dieu veuille
» qu'ils ne perdent pas leur ame ! Les Dodeurs difoient que dès
«que les articles de Wiclefferoisnt condamnez, on verroit renaî-
» tre la paix &. la concorde. Mais leur prophétie s'eft tournée con-
tre eux. Ils triomphoienr de leur condamnation , mais ceux qui
» font obligez de quitter leurs revenus , étoient bien mortifiez de
» ce jugement. Usavoient condamné cet article, les Dixmesfont
[ 1 j C'eft la maifon de Ville,
de
DE PISE. Liv. VIII. P*5
» de pures aumônes. Il en eft venu beaucoup au Prétoire prier qu'on 1 41 4.
»ne leur ôtât pas leurs revenus , puifque c'étoit des aumônes.
%Mais quelques Seigneurs leur ont repondu : C'eft vous-mêmes
î> qui avez condamné cec article, &à préfent vous dites que ce
«'font des aumônes, condamnant votre propre condamnation.
Ici finit le Traité de l'Eglife.
XI V. Je ne fçaurois dire fi Jean Hus lut lui-même ce Traite , ou Stctmùr*
s'il ne fut lu qu'après fa retraite. Ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il j^'hi*
fe retira cette année de Prague, voyant l'interdit fulminé contre
la Ville à fon occafion. Quoique la plupart des Hiftoriens ne .par-
lent positivement que d'une feule retraite de Jean Hus , on peur,
conclure de l'Hiftoire qu'il s'étoit retiré en 141 1. comme je l'ai
dit ailleurs (a). C'eft ce qui paroît aiïez clairement par la narration fa] Liv. v.
de Dubrawski Evèque d'OImutz & Hiftorien de Bohême. Car £g^J«5;
après avoir dit que la Prédication fut interdite à Jean Hus par
l'Archevêque Sbinko } il ajoute que Jean Hus lui-même fe retira
à Huf/inctz^, ai que dans fa retraite il fe vantoit qu il alloit donner un
fi grand fou fflet à l'Eglife Romaine 3 que dans cent ans elle enfentiroit
encore le coup (1). Or tout cela fe paila en 141 1. La même année
Sbinko partit pour Presbourg, où il mourut comme on l'a vu ., ôc
Albicus\\\\ fucceda. Ce fut alors , dit le même Hiftorien , que Jean
Hus revola dans fon nid afin d'y pouvoir étendre fe s ailes plus quil na-
voitfait dans fon lit natal (b). D'ailleurs parmi les Lettres qu'il (bjDubnr.
écrivit à Prague pendant fa retraite , il y en aune (c) dattée du^1,^r'r#
jour de Noël. Ce ne pouvoit pas être en 141 3. puifque fa féconde (OEpift.
retraite n'arriva que bien avant dans cette année , l'Interdit H„^FJj,
n'ayant été mis à Prague qu'au mois de Juin. Ce ne fut pas non plus xcix.
en 14 14. puifque 5^» i^rétoit déjade retour pour fe préparer
au voyage de Confiance. JEneas Sylvius (d) met aufïï une retraite (d) Mn.Syiv.
de Jean Hus , après que S 'binko l'eut interdit. Au fond ,iln'eftpas c^*xv"*
furprenant que fuivant la fituation des affaires Jean Hus fe retirât
de Prague de temps en temps , & puis qu'il y revint comme le ïéf
moigne Cochlêe{i). Quoi qu'ilenfoit, cette féconde retraite eft
la plus clairement marquée dans l'hiftoire. Les Hiftoriens parti-
fans de Jean Hus (e) dilent qu'elle fut volontaire, les autres(f ) &™e9hM'
difentqu'il y fut forcé. (f)Ctcbi.p.
Ci.
[1] Atque tlle TrttgA difeedens , in pago HuJJinecz nnde oriundus ferat , veteri Domino fit» per-
mittentt , fermor.es quos coopérât , in mxgno cœtu hominum fermoanabatur , glorians fe ej'ijmodi et-
laphum Romanx Eccle/îx hnpaiïnrum , ut livorem ejus , ne pojlcentxm quidem annoi abeleat. Du-
brav. Hift. Bobem. L'b. XXIII. p. 616. 617.
[1] Jlle venit vero piertimque Pragatn e villa fuaprédicans in Bethléem. Cochl. ttbi (upr. p. 5j .
Tom.II.Part.il. O
ioS HISTOIRE DU CONCILE
1414.
XV. Onîprétend que ce fut pendant cette retraite qu'il com-
re<^fcJeaT pofa contre l'Eglife Romaine quelques autres Traitez violents &
Hus. injurieux jufques à la fureur. Telsétoient fon Anatomie des menW
bres de PAnte- Chrift , fon Abomination des Prêtres & des Moines
Charnels , un autre de l'Abolition des Sectes ou Religions , & des
Traditions humaines. Il ne paroît point que fes adverfaires ayent
eu connoiflance de ces fatyres & de ces invectives. Ils y auroienc
trouvé une moiiïon d'accufations beaucoup plus riche que dans
le Traite de l'Eglife , & elles auroient été mieux fondées. Ces
Traitez furent imprimez pour la première fois en 1 5 24. par Othon
de Bruns fels Luthérien , & dédiez à Luther. J'ai balancé il je ren-
drois compte au Public de pièces auffi oppoïées au goût de notre
fiécle, qu'au caractère évangelique. J'ai crû pourtant le devoir
faire en qualité d'Hiftorien. Mon fîlencen'auroit contenté ni les
ennemis de Jean Hus , ni ceux qui pourroient s'intereffer à fa
mémoire. Ceux même qui y font indifferens ne le font pas pour
les faits , tel qu'eft celui-ci , que Jean Mus a écrit en telle conjonc-
ture un Livre où il fait Y Anatomie de l'Antc Chrift , & où il dit
telle & telle chofe. Mais j'abrégerai extrêmement, fans rien diiïi-
muler de ce qui peut donner une idée avantageufe , ou défavanta-
geufe de fon caractère.
Ancttomiede \J Ante - chrift eft donc l'homme, ou la femme, ou la bête,
me- rf^^ félon lui, c'eft tantôt l'un, tantôtl'autre) dont Jean Hus
entreprend de faire l'Anatomie. Il en donne d'abord cette defcri-
ption générale en plufleurs caractères qui font 1 . Une Doctrine êc
une vie oppofée à celle de J. C. fous les apparences du Chriftia-
nifme. Car, félon lui, ce n'eftni Mahomet , ni aucun Infidèle.
2 .Un plein pouvoir & une fouveraine autorité dans l'Eglife & dans
le monde. 3. Des tréfors immenfes avec lefquels, foûtenu par
l'opération de Satan, il s'empare de l'efprit & du cœur des gens
du ftécle. 4. L'ufurpation & l'abus des biens qui appartiennent à
J. C. & aux Fidèles, comme l'Ecriture Sainte & les Sacremens,
dont il fefert pour fa propre gloire, & pour aiïbuvir fa cupidité,
fous le prétexte de la Religion. Il lui donne enfuite plufleurs des
noms les plus odieux que l'Ecriture donne aux impies , aux perfé-
cuteurs , aux tyrans , aux ennemis de Dieu , du genre humain, &
de l'Eglife, comme Abomination de la dèfolation , le fanglier de la
foret, la Babilone , le Behemot , Bahal , &c.
ihe g vifi& Par la tête de TAnte- Chrift il entend les Supérieurs Eccléfiafti-
cbrâ""' 4ues^e f°n règne quirégiilent les membres inférieurs , 6c leur
DE PISE. Liv. VIII. 107
fournirent la fubfïftance èc la vigueur. Les cheveux de cette tète , iaia..
dic-il , font comme les cheveux des femmes , attribuez dans l'Apoca-
lypfe (a) aux fauterelles du -puits de l'abîme. Ce font les défirs char- (a; Chap.
nels qui croment comme les cheveux qui flottent agréablement Ix-8'
fur la têce , & qui defeendent jufqu'à. terre. N 'eft- ce pas là , dit-il y
le cara&ere des Evêques& des Supérieurs, qui par leur vie molle
& efféminée repréfentent 11 bien la tête d'une femme impudique.
Il veut bien auffi que par les cheveux de la tête de l'Ante-Chrift,
on entende Ces Officiers, fes domeftiques (familiares) , fes amis
qui couvrent la turpitude de fon cou. En qualité de bête, il en a dix
qui repréfentent toutes les principales Eglifes foumifes à fon em-
pire. Le front eft celui dont il eft parlé dans Jeremie(b). Sur ce (bjehap. III.
front eft écrit Myftere 3 comme il eft: dit dansY^pocalypfe (c). Ce ?•
miftere efl pour les ignorans qui fe laiflent tromper par les brillans xvh. /.P
qui ornent cette tête : mais comme il efl: écrit fur le front , les gens
éclairez & les fidèles ne font pas la dupe de ce myftere d'iniquité.
Ce front a dix cornes pour marquer la force 6c la puifTance de
l'Ante-Chrift, aufïï-bien que la hardiefîe avec laquelle il viole
les dix commandemens de la Loi de Dieu. L'Ante-Chrift, dit-il ,
employé trois fortes de voyes pour s'emparer des Elus. La tyran-
nie 6c la puiflànce féculiere,qu'il a ufurpée.La prudence charnelle,
qui lui fournit des argumens contre J. C. en corrompant l'Ecri-
ture & en lui donnant des fens faux & contraires à celui du St. Ef-
prit. Enfin, ilféduit le monde par les apparences de la Foi, delà
Juftice , & de la Sainteté.
C'eft dans ces apparences qu'il fait confifter le vifage de l'Ante-
Chrift. Quipourroit, dit-il, foupçonner d'avarice , celui qui ne
prêche que la pauvreté 3 d'ignorance celui qui prend les titres de
Maître, &deDocT:eur- deblafphême 6c d'impiété , celui qu'on
voit pafler les jours, & même les nuits en prière? Il donne de fort
mauvais yeux à TAnte-Chrift. De l'œil droit , qui félon lui eft l'œil
de l'intelligence, l'Ante-Chrift voit tout à rebours, & au travers
de fes préjugez 8c de fes parlions. De l'œil gauche il dévore tous
les honneurs, tous les biens, & toutes les voluptez de tout l'Uni-
vers. Il fait à peu-près le même jugement des oreilles de l'Ante-
Chrift. Il le compare aux idoles, qui ont des oreilles, & qui n'en-
tendent point. Quand les fidèles Prédicateurs annoncent la pa-
role de Dieu , l'Ante-Chrift 6c fon Collège font la fourde oreille, XLn. i^rê-
parce que leurs paroles conduifent à la vie éternelle , comme le i°n la yuî-
dit Ifaïe (d). Qui efl four d , finon celui à qui f ai envoyé mes Me (fa- ga i
Oij *
xo8 HISTOIRE DU CONCILE
14.14. &ers -^ ne donne Pas une idée p^us agréable du nez 'de l'Ante-
Chrift. Il eft trop coure, dit-il, puis que la bonne odeur de l'E-
vangile ne peut parvenir jufqu'à lui. Il l'atrop long , puis qu'il ne
flaire & ne refpire qu'un pouvoir exceffif 6c arbitraire , une autorité
exorbitante. Ilefttortu, puisqu'il prend pour héréfie ce qui eft
conforme à la parole de Dieu , ôc pour vérité ce qui lui eft oppo-
fé. Ainfi on ne devroit point le recevoir félon la loi du Levitique ,
(a)Levh. qui ne vouloir point de camus pour facriricateur (a). Des narines
xxi. 18. je PAnte-Chrift fort une fumée empoifonnée , qui empefte tout le
[b] Apec, monde. Pour fa bouche, il la compare à la gueule d'un Lion. (b).
xili. 2. jj efl. g0urmanci & infatiable. // n'a pas affès^, dit-il, du Patri-
moine de St. Pierre , des trois Royaumes de Conftantin , des -premiers
fruits du Clergé , & des dépouilles de tout le Chriflianifme qu il enlevé
fous le prétexte frauduleux des Indulgences. Il lui a été donné , con-
tinuent-il, une bouche qui profère de grandes chofes, & des blafpbê-
[0] ibid. jr. mcs (C) car il foutient que par la plénitude de fa puiiïànce Impé-
riale , & par fon autorité Pontificale , il peut difpofer à fon gré de
tous les Royaumes du monde , & de tous les biens de l'Eglife
comme de fon héritage. Les blafphêmes de l'Ante- Chrift confîf-
tent , félon Jean Mus , en ce qu'il fubftitue Ces traditions à l'Ecri-
ture fainte , & qu'il s'attribue* le pouvoir de pardonner les péchez,
tant la peine que la coulpe, pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu
feul. Et encore l'Ante-Chrift le fait-il par des conventions pécu-
niaires , ou argent comptant. Il imite encore le Lion ,qui dévore fa
proye lentement, qui en fuce premièrement le fang & en caiîe
les os. On peut juger par cet échantillon ce qu'il peut dire fur la
langue & la falive de l'Ante . Chrift , fans que j'en entretienne le
Leâeur depeurdele faire faliver. Je fuis d'avis de lui épargner
aufîï des fpéculations fort creufes, & fort obfcures fur le menton
de l'Ante-Chrift qu'il dépeint fans barbe, parce que la barbe eft
dans l'homme le figne de la force & de la chaleur 3 & que l'Ante-
Chrift eft deftitué de cette force & de cette chaleur fpirituelle qui
fait le Chrétien. Les dents de l'Ante Chrift font les perfécuteurs
de PEglife , Ces lèvres font fes Bulles.
LeCa» y les II regarde encore les Supérieurs Eccléiiaftiques comme le cou
mIU/'L de l'Ante- Chrift, parce qu'ils joignent la tête au reite du corps.
Tottrinede Jufqu'ici félon fon fyftême , il avoir aiïez défîgné le Pape , mais
l'Ame-cbrifi. j| ne pavoit pas encore nommé. Il le nomme dans Je chapitre
XVII. Comme, dit-il 3 le col eft fitué entre la tête &Ie corps,
ainfiles Supérieurs foûciennent le Pape & le peuple. Ils font joints
DE PISE. Liv. VIII. io<>
auPapeàcaufedelareiïemblancede leurs mœurs 5c de leur ca- r±i±.
radere, 6c au peuple par l'efpérance du gain & du profit tempo-
rel. Les bras de l'Ante-Chrift font fa force : mais comme la véri-
table force confifte dans la vertu 6c dans la fainteté , fon bras droit
eft aride j il n'a de force que dans le gauche, pour exercer un
pouvoir tirannique 6c indomptable. La main droite eft l'inftru-
mencdela libéralité; mais l'Ante-Chrift ne peut exercer qu'u ne
libéralité faufle 6c pernicieufe. Ses bénédictions font une malé-
diction. Selon les expofiteurs , dit-il _, le Pa fleur infenfé de Zacharie ,
(a) c'eft l' 'Ante-Chrift. Son équipage , c'eft une flûte , un bâton & un (»J-Chajp»
fac. C% eft avec fa flûte qu'il bénit fes adulateurs > & qu'il maudit ceux
qui le contre difent : fon bâton eft d'une dureté infupportable : fon fac eft
infatiable , parce qu il eft percé. Dans fa main gauche il n'y a qu'ar-
tifice & que violence , elle s'élève même contre le Dieu fort (b). (b< 3°b-
Dans la poitrine de l'Ante-Chrift il y a deux concavitez , dont l'u- z^'
ne contient la concupifcence qui jouit du préfent par toutes fortes
de voyes illicites,6c l'autre la con voitife de l'avenir fouverainement
ingénieufe à perpétuer les biens préfens. De là partent les récom-
penfes pour ceux qui fervent fes défîrs, 6c les peines affliclives
pour ceux qui luiréfiftent. La poitrine eft une partie large èc éle-
vée. Telle eft celle de l'Ante- Chrift. Il allègue Jà-deftus la Préfa-
ce du Canonifte Jean André (i) fur les Clémentines , qui dit que
l'Ante-Chrift n'eft ni Dieu ni homme , mais qu'il tâche pourtant de s'é-
lever injurieufemeyit au-dcjfus de tout ce qui eft Dieu , & que comme les
ci féaux volent a tire d'aile pour fendre l'air , & ont des becs aigus pour
prendre leurproye , il en eft de même de l'Ante-Chrift. » Il en eft de lui,
» dit Jean Mus , comme de Nabuchodonofor 6c à'Holoferne , dont
» les peuples de Syrie 6c de Méfopotamie ne purent dompter la fé-
rocité en allant au devant de lui avec les danfes,la mufique , les
» tambours, des couronnes & des flambeaux } parce que Nabu-
» chodonofor avoit commandé à Molofeme d'exterminer tous les
«Dieux de la terre, afin qu'il filtfeul appelle Dieu par toutes les
» Nations (.c). Tout de même quand une fois on a irrité l'Ante- (c) ?«,//>*.
» Chrift , il n'y a ni prières ni préfens qui puifîent fléchir fa fierté , chap* l^'9'
«parce que c'eft une bête cruelle ôc inhumaine. Comme l'Ante-
Chrift eft auffi une femme } 6c même une femme proftituée , c'eft L c , f
dans fes mamelles que (es petits élevés prennent le lait de la mau- Pouimmje
vaife do&rine 6c de la mauvaife vie. icyejaRat-
_ . ,. _ __. (x .,. te ,1 ERemacb
Des parties extérieures, Jean Hus paiie aux intérieures. Le der/nu-
(i) Il ficrifToit au commencement du XIV. fiédc. '"
Oiij
HH-
no HISTOIRE DU CONCILE
cœur , qui eft le dernier vivant , & le dernier mourant , répré-
fente fort bien , à Ton gré, la malice incorrigible, 8c l'impéni-
tence de l'Ante-Chrift. Comme c'eft lepoulmon qui fournit du
rafraichiffement au cœur quand il efl: trop échaufé, c'eft dans
le poulmon que font les Indulgences du Pape , le rafraichiflemenc
des âmes confumées par le feu des paiïîons criminelles. La race
qui excite le ris , répréfente la joye & les applaudiflemens de
TAnte-Chrift à la vue de fes victoires. Il compare le Sacerdoce
de l'Ante-Chrift à l'eftomach qui reçoit, qui garde, qui digère
les alimens 3 & d'où ils fe diftribuent par tout le corps. L'aliment
qui entre dans l'eftomac de l'Antechrift , ce font les faufles doc-
trines, & le menfonge. Cet aliment fe prépare dans les Bulles ,
les Décrétâtes , tous ces Codes qui fe lifent pompeufement dans les
Univerfîtez. Les honneurs 3 6c l'argent le font mâcher avide-
ment (maflicatuf). Il fe digère dans la mémoire. Il fe convertit en
liqueur , ou en humeur , il fe fubtilife par les Glofes , &c.
Le bras féculier eft le foye du Pape , parce que c'eft le fîége du
fang. Comme c'eft du foye que vient la chaleur , qui eft tempérée
par la rate , tout de même , ce font les Officiers féculiers de
l'Ante-Chrift -, qui rendent les Prêtres ardents à la pourfuite & aux
procès de ceux qui réfiftent à Ces ordres, ôc ils font recréez , &
rafraichis dans cette ardeur par les Indulgences. Le fiel amer qui
eft attaché au foye , c'eft l'indignation & la colère de l'Ante-
Chrift, dont le bras féculier eft l'exécuteur. •
Les Mêmes Le ventre , qui eft le réceptacle de toute la nourriture , c'eft
Ventre de l'avarice de l'Ante-Chrift. Les Religieux, ou les Moines font
rAnte-cbriji. jes encraii[es . c'eft le faperflu de l'eftomac. Il paroit par les Chro-
niqueurs , dit Jean Hus } que les Religions (Seëkxjfont venues après
fa) Apac. le déchaînement de Satan (a). Ce fut dans ce temps , qu'on vit s'épa-
^to Vcr-ez nott*r ces fiantes , qui avaient été cachées jufqu alors (b). Comme
Foi. les entrailles ne fontpas uniformes , il y a aufli une grande variété
ÇCCÎ.XXVHI. dans les Religieux. Les uns habitent en commun 3 les autres dans
les Bois , &dans les Champs. Les uns font profeffion extérieure
de dévotion. Les autres font deftinez à la guerre , au carnage,
aux pilleries. Les uns font blancs , les autres noirs , tes autres gris,
Jes autres de couleur mêlée. Les uns ont la Croix , les autres ne
l'ont pas. Les uns font diftinclion de viandes 3 les autres font plon-
gez dans la gourmandife. Ils ne font pas moins divifez dans leurs
fentimens que dans leurs habits. Chaque Ordre exalte fon Ordre
jufques aux nues , & méprife tous les autres. L'orgueil des Moines,
DE PISE. Liv. VIII. ni
]e bruit, les vacarmes que leurs pallions excitent dans le monde , 14 14.
reffemblent auiîi fort bien aux ventofkez des entrailles.
Des parties intérieures Jean Hus revient aux extérieures. A câtes,Dos<$
chaque côté du Corps humain, il y afept côtes. Celles du côté JReiZsmd'Mn~
droit de l'Ante-Chrift , c'eft le Papat , le Patriarchat , le Cardi- %*
nalat, l'Archiépifcopat , l'Epifcopat, les Abbez, les Chanoines,
& tout ce qui eft compris là-dedans. Celles du côté gauche font
les Empereurs, les Rois, les Ducs, les Marquis, les Comtes , les
Barons , les Clients ( 1) , £c tout ce qui en dépend. Les Ecclefîaf-
tiques fubordonnez aux dignitez du côté droit, & aux dignitez
du côté gauche , font le dos , parce qu'ils font derrière l'Ante-
Chrift. Tels font les Prêtres, les Curez, les Religieux , les Re-
ligieuses , ôc les autres hypocrites , qui font l'office de leurs Supé-
rieurs, en priant, chantant, lifant, difant la Mefle , & adminif-
trant les Sacremens. De l'autre , les Bourgeois , les Payfans , les
Artifans, qui fervent de bêtes de fomme aux grands Seigneurs,
pour vendre, acheter, bâtir, fabriquer, pêcher, labourer, &c.
En parlant des Reins ôc delà Cuifîe de l'Ante-Chrift , il dit fur
l'incontinence , 6c la luxure des Ecclefiaftiques, certaines chofes
que la pudeur ne permet pas d'exprimer.
Les jambes de l' Ante-Chrift font les Légats , qu'il envoyé par Lesjamêef,
tout le Monde. La moelle des os , c'eft l'argent, l'aurois bien de l^G,eno1Hx^es
1 • v C- J M 1» r ■ J> ' Pieds, les Vei-
la peine a faire comprendre comment il trouve 1 eipnt d etour- nes,iapea»d
dillement dans les genoux de l'Ante-Chrift. C'eft, -dît-il, parce ''A«*-Cfrrijj.
que, félon les Naturaliftes, les genoux de l'Enfant font auprès de
fes yeux, dans le ventre de la mère, pour les couvrir. Les pieds
de l'Ante-Chrift font les Prédicateurs qui vont le prôner par tout
le Monde. Ces pieds reiïemblent aux pieds de l'Ours , qui eft un
animal fale , mais qui aime le fucre êc la douceur, comme font
ordinairement les Prédicateurs. Comme les veines joignent en-
femble les parties du Corps , de font le réceptacle du fang, qui
nourrit l'animal, il dit qu'elles répréfentent les penfées & les in-
tentions de l'Ante-Chrift. Cefi, dit-il, un affemblage & comme un
fyfieme de toute forte de crimes , de coutumes damnables , & fabriquées
far l'ancien Serpent , qui , comme le fang , circule dans les veines , &»
arrofe la Synagogue de Satan. » La peau & le cuir de l'Ante-Chrift ,
» c'eft la perfidie , avec laquelle il couvre 8c il défend tout le corps.
» Cette peau eft fujette à la démangeaifon de la luxure , & de 1&
«lafciveté, à la gale de la fimonie, aux apoftumes de l'orgueil „
(ij II faut entendre par là les Gentilshommes
in HISTOIRE DU CONCILE
1 ± 1 4. " aux playes mortelles des erreurs , & des crimes. Ce qui la rend
«comme la peau du Léopard , qui ne perd jamais les taches.
ta Queue de La queue" de l'Ante-Chrifl font les faux Prophètes, qui cachent
l'A.tte-chrifi. çcs parties honteufes, par de vaines excufes, de faux principes,
des fophifmes , des menfonges , & des blafphemes. Entre ces
menfonges Ôc ces blafphemes , il met deux principes de l'Eglife
Romaine. Le premier efl, que celui qui efb élu Pontife de Rome
efl le Chef de toute l'Eglife militante , & le fouverain Vicaire de
J. C. fur la terre: principe qu'il réfute, comme il a fait dans le
Traité de l'Eglife. Mais voici quelque chofe qu'il n'avoit pas en-
core dit fi formellement. Il fbutient que c'efl une maxime qu'on
peut regarder comme une vérité catholique : Qu'il n'y a point
d'homme fur la terre , plus propre à être le principal Vicaire de Satan ,
& le principal Ante-Chrifl , que le Pontife de Rome , parce qu'il ri y
en a point qui puiffe plus facilement tromper l'Eglife par hypocrifie , &
s'élever par divers artifices au deffus de J. C. a caufe de la fituation
de Rome , g£» de la haute opinion dont les Peuples font prévenus en fa-
veur de cette Capitale. Le fécond principe fous lequel , félon lui , efl
cachée la turpitude de l'Ante- Chrifb , c'efl qu'il faut recevoir com-
me l'Evangile , tout ce que le Pape a décidé en matière de foi. Ces prin-
cipes font la queue, dont l'Ante-Chrifl couvre fa turpitude. Mais
il ne tient pas à Jean Hus 3 qu'elle ne foit découverte , & il fou-
tient même que c'efl un devoir de la découvrir. Hac principia
caudœ Anti-Chrifii propalata , tenet Schola Anti- ChrijH tanquam
per fenota : tamen licetfideli rationabiliter librando , ea tanquam ve-
nenum propellere } & oppofîtum fide conformi aferere , fed nos in hoc
torpemus tanquam Dei dégénères.
o^ofmon de Le Chapitre XLIII. contient une oppofition de rAnte-Chrifl
rAntç"Cbr* à J- C- En voici quelques traits. J. C. eil Dieu & Homme h l'Ante-
Chrifl n'efl ni Homme ni Dieu, c'efl un Diable incarné. Il allè-
gue là- deffus Nicolas de Lyra , Préface des Clémentines. J. C.
étoit doux , l'Ante- Chrifl efl inhumain , il ne refpire que guerres,
( )Dan ^ qu'erTufion de fang ; c'efl la quatrième bête de Daniel (a). J. C.
vin. 7. étoit humble, l'Ante- Chrifl efl fuperbe au fuprême degré,
Apoc. xin. j| fe fajc baifer les pieds , il met la couronne fur la tête de l'Empe-
reur avec fon pied , il ne prétend être fournis au Jugement de
perfonne, 6c il veut juger lui-même tout le monde. J. C. étoit
acceiïible à tous ^ la porte de l'Ante-Chrifl efl environnée de .gar-
des, &. l'on n'entre chez lui , qu'à condition d'apporter bien de
l'argent. Cette condition efl marquée dans ce diflique.
Jnuts
DE PISE. Liv. VIII. 113
Intus qui s? tu qui s t egofum. Quid quarts 1 Ut intrem. *4r4»
Fers quidï Non. Staforis. Fero. Quid? Satis. Intra.
J. C. a prêché la chafteté par fon exemple & par Ces maxi-
mes. La Cour de PAnte-Chrift eft la Babylone mère des fornica-
tions 5 il protège & même il entretient des lieux infâmes, &: des
courtifanes en divers endroits , & la luxure y eft portée à une
licence effrénée. J. C. étoit pauvre , & il a chéri les pauvres.
L'Ante-Chrift, comme un transfuge criminel, a banni la pau-
vreté de la Cour , il s'applaudit dans la donation de Conftantin ,
&il la défend de toutes fes forces. Non feulement il ne refufe
pas l'offre que le Démon fît à J. C. de lui donner les Royaumes du
monde, mais il élevé même fapuifïance au defïus des Rois, les
appelianty^/^f//. J. C. a défendu,,, fous peine d'anathême., par
la bouche de St. Fauly d'annoncer un autre Evangile que le fieir,
& de rien ajouter à la Loi , ni d'en rien retrancher L'Ante-Chiift
a fabriqué de nouvelles Loix , qui ne fe trouvent point dans l'E-
criture, & qui même y font oppofées , foit directement , foit in-
directement. J. C. a donné fa vie pour le falut des hommes j PAn-
te-Chrift facrifïe des peuples entiers pour le maintien de fa vie,
&de fes ufurpations criminelles, témoin la Croifade contre La-
diflas.
Dans le dernier Chapitre, JeanHus traite du lieu , ou de la &**"*??*»-
/>/^tt de PAnte-Chrift. Il dit qu'à parler proprement, & à la let- te' *'
tre, le lieu de PAnte-Chrift c'eft Rtme , parce que c'eft Rome
qui eft appelléei?^^Wdans PEcritui4. Mais dans un fensplus
étendu, & plus réel, il trouve que comme J. C. quoique locale-
ment dans le Ciel , eft dans tout le monde , par fa vertu : tout de
même le génie , le caractère & l'efprit de PAnte-Chrift eft répan-
du dans tout le monde, parles erreurs, lesfuperftitions ; les cri-
mes 3 & toutes les déteftables pratiques dont ilfefertpour com-
battre J. Ç. & pour faire la guerre à fon*Eglife.
Après avoir ainfi anatomifè PAnte-Chrift , & lui avoir aflïgné G«»«*%> *é
fa place 3 il en fait la Généalogie .& en marque la durée. Comme il ? Ame cbriji.
n'a été manifefté que par fucceffion de temps, il finira de même.
Il prétend que pendant onze cens ans il n'avoit ofé fe produire en
public. Jufqu'alors l'Iniquité 3 fille du Diable , avoit gardé dans
ion fein le malheureux fruit de (es amours, avec les ennemis de
J C.&de PEgJife. Enfin elle a enfanté dans ces derniers flécles
i'Ante Chrift , qui levé hautement la tête dan$ le Temple de
Tom.II.Part.il. P
ii4 HISTOIRE DU CONCILE
14 14. Dieu, fous des noms auguftes & vénérables, paré des couleurs
& des titres de la fainteté , il perfécute les faints ^ fi on l'en croit ,
l'abomination, la défolation , ni l'Ante-Chrift annoncez dans
l'Ecriture ne font pas encore arrivez , quoiqu'il foit lui-même cec
Ante-Chrift, & cette abominable défolation. Il fait ici, comme
à fon ordinaire , au Pape , à fes Miniftres, & à toute l'Eglife Ro-
maine , des applications plus injurieufes qu'ingenieufes , de plu-
sieurs endroits de l'Ecriture, comme des Proverbes de Salomon,
où il eft parlé de la femme infenfêe , querelleufe , turbulente , pleine
d'attraits, mais ignorante , qui s' a (lied a la forte de fa Maijon, en
un lieu élevé , d'où elle appelle les paffants , & les inifite à boire des
eaux dérobées', pendant qu'ils ne s'appercoiventpas que les Géants font
avec elle, & que ceux qui mangent à fa table font dans le plus profond
de l'Enfer : du IX. chap. de \*Apoc. où eft la defcription des faute-'
relies de l'abyme , qui ont des ailes , des chariots, des chevaux,
des couronnes. Les couronnes font les titres, les grades, \çs di-
gnitez. Les ailes , c'eft leur rapidité à courir après le mal -y le bruit
des ailes, c'eft le bruit & les clameurs du Palais -y les chevaux du
chariot font les Avocats 5 les roues font les Procureurs , les Sollici-
teurs j le cocher , c'eft le Juge ou le Préfident. Le Notaire eft toûV
jours dans le chariot avec les Actes du procès. Le bruit des ailes
reprefente encore, dit-il, fort bien les criailleries des Prédica-
teurs qui ne font que déclamer les uns contre les autres, l'un di-
fant, moi je fuis de Dominique -, l'autre, moi je fuis de François >
l'autre, moi je fuis de Bernard , moi d'un autre.
Vrepheùe de Des progrès de i'Ante-TUiriftil pafïeàfa fin , ou peu s'en faut
jeaa Hus. ^u'jj ne s>érigeen Prophète , quoiqu'il s'en remette pourtant à la
détermination de la fainte Eglife. lia raifon de ne parler pas trop
affirmativement. Car fi on examine cette prétendue Prophétie,
il fe trouvera que, félon fon propre fyftême, ils'eft trompé dans
fon calcul. Il faut l'écouter parler lui-même. » La puiflance des
(a) Apec. " Sauterelles doit être abrégée au bout de cinq mois (a). Ici , fauf
ïx.j. » la détermination de Ste Eglife, je crois en partie connoître ou
«fçavoir & en partie prophetifer. Car je fcais que c'eft là un nom-
» bre myftique , & qu'il ne faut pas prendre le nombre de cinq à
» la lettre, comme il fe prend ordinairement. Le mois eft la me-
rofurecomplettedu cours de la Lune. Le cours de la Lune a deux
«mefures générales & connues. Elle parcourt le moindre en 29.
«jours ou environ, & le plus grand en 19. ans. Or dans tout ce
« Livre de St. Jean , Tefpric de J. C. partage les temps par rapport
DE PISE. Liv. VIII. 115
» à la Sainte Eglife. Quoique ce temps à l'égard de J. C.ne foit que 141 4;
«comme le jour pane d'hier, il eftlong à notre égard j ainfi il
» faut prendre le mois pour figurer le plus long cours de la Lune,
» fçavoir 19. ans. Et c'eft pendant cet efpace de temps queJesSau-
»terelles couronnées nuiront leplusàl Eglife de Dieu , félon le
•'jugement des hommes charnels qui n'aiment pas la Croix de
» J. C. Je crois, contime-t il 3 que je prophetife en partie , fous
» la direction de l'Efprit de J. C. quand je dis que les années mar-
» quées ont commencé à courir depuis l'an 1295. Ce fut alors que
» \qs Sauterelles fortirent du puits de l'abîme, qu'elles fe multiplie-
» rent extrêmement , qu'elles reçurent des couronnes femblables
« à de l'or , 6c que l'abomination de la défolation fut mife dans le
»> Temple, c'eft-à dire dans l'Eglifede J. C.que le Sacrifice con-
tinuel fut prefque ôté de la principale partie de l'Eglife, c'eft-à-
» dire du peuple Chrétien , foit que Dieu le fît à caufe du refroi-
«diflement de la charité 6c de la multiplication de l'iniquité, foit
» par la négligence des Miniftres de l'Egttfe 6c des Prêtres.
Il eft pourtant allez fobre pour ne pas vouloir définir l'an &c le Prudes
1 \ n • \ • r • ^->»n * Sauterelles en
moment ou cette periecution doit le terminer. » Ce n elt pas a ^thmt.
» nous de connoître l'année 6c le moment où ces jours doivent
» être terminez. Dieu s'eft refervé cela à luifeul. Cependant ceux
» qui font animez de l'Efprit de J. C. peuvent faire attention à ces
»chofes. Je ne prétends rien avancer ni défendre opiniâtrement
« 6c avec contention , Ôc je demande à Dieu ardemment qu'il me
»fafle la grâce de n'être point fage au-delà de ce qu'il faut l'être 3
» mais d'être fage avec fobrieté. Si pourtant il m 'eft permis de
"dire mon fentiment, je crois que ces méchantes Sauterelles cou-
ronnées , c'eft-à- dire , cette grande multitude d'hypocrites,
» font d'un côté la Chaire 6c l'autorité des puilïans dans le Clergé,
«parmi les Prêtres 6c les Religieux, de l'autre les Princes 3 les
» Seigneurs féculiers , car je les comprends les uns 6c les autres
» fous l'image des Sauterelles couronnées. J'eftime que le Seigneur
«les a fort bien défignez par le prodige des Sauterelles , qui, félon
»l'Hiftoire, arriva en 1295. ou environ, où l'on vit des Saute-
» relies forties des abîmes de la terre 6c venues de l'Orient faire
»une foudaine irruption en fi grande multitude, qu'il étoit im-
» poffible de mefurerl'efpace qu'elles occupoient en long 6c en lar-
» ge. Elles tomboient Ci épaifles qu'elles oflfufquoient le Soleil par
» toute la Bohême , la Moravie 6c la Pologne , ôc qu'elles envelop-
pèrent toute la terre comme dans un fac. Le monde en fut fî
pij
ri6 HISTOIRE DU CONCILE
1414. " effrayé , qu'on croyoic que c'étoit le jour du jugement. Elles dé-
» vorerent tout dans les champs 6c dans les forêts. Le bruit de leurs
«ailes étoit comme celui degroiîes eaux_, oucomrae celui d'une
» armée qui marche en bataille. Elles étoient plus fécondes que
«les autres Sauterelles, félon que les décrit Charles Roi de Bohê-
» me dans fa Chronique . Il y a encore à prefent beaucoup de gens
» pleins de vie qui ont vu ces Sauterelles, 6c qui racontent ce qu'on
» vient de dire.
Il y a ici deux remarques à faire. La première eft, que ceux qui
racontoienten 1 41 3. cette Hiftoire comme en ayant été témoins
oculaires en 1295. dévoient avoir cent dix-huit ans, ce qui eft
très rare s bien loin qu'il puiiïe y en avoir un grand nombre,
comme Jean Hus le fuppofe. Il faut donc qu'il fe foit trompé, ou
que le prodige des Sauterelles foit arrivé plus d'une fois 3 & à fort
peu de dilfcance l'un de l'autre , ou qu'il y ait faute aux chiffres. En
^ Fpit Rfr> effet Balbinus (&) rapporte 3 fur la foi d'un Manufcrit Bohê-
Bohem. p. mien écrie en ce temps-là , qu'en 13 5 8. il arriva en Bohême un
55°' prodige tout pareil, & que Charles Marquis de Moravie (iJpQnfa
être étouffé par les Sauterelles. Il y a donc beaucoup d'apparence
qu'au lieu de 1 295. marquez dans le texte de Jean Hus il ia.ut lire
13 3 S. 6c qu'au lieu de 95. il faut lire 75. Tout s'accorde avec la
date de 1338. 6c rien avec celle de 1295. Il pouvoir encore y
avoir alors bien des gens qui avoient vu le prodige des Sauterelles,
puifqu'ils n'auroient eu que 75. ans. Le nombre de 95. ans ne
fçauroit non plus s'accorder avec celui de 1 295. puifque depuis
cette dernière date jufqu'à 1413.il y a 11 8. ans, comme on l'a
déjà remarqué, au lieu qu'il n'y en a que 7 5. depuis 1338. ce qui
quadre fort bien avec la prétention de Jean Hus , d'avoir donné
un 11 grand fouflet àl'Eglife Romaine que dans cent ans elle s'en
reflentiroit encore. Il elï vrai que fon calcul de cinq mois ne s'ac*
corde pas avec le nombre de 75. ans, mais il ne s'accorde pas
mieux avec celui de 9 5. ans par la date de 1295. La féconde re-
marque qu'il faut faire 3 c'eft que l'Hiftoire fait voir que toute
cette prophétie n'étoit que l'iiluiïon d'un hommefort paflionné^ôc
qui voyoit leschofes moins par efprit prophétique qu'au travers
defesefpérances&defesdéiirs. Marquer la date des grands pro-
grès de î'Eglife Romaine à 1 3 3 8. c'eft troptard de bien plus d'un
fiécle. Comme il avoit dans la tête le parallèle de I'Eglife Ro-
maine avec les Sauterelles de XApocalypfe , celles de Bohême pa-
( 1 ) C'eft l'Empereur Ckstrks 1\\ élu Roi des Romains en 1-346".
DE PISE- Liv. VIII. 117
roiflbienc à Ton imagination autant d'avant -coureurs des maux 14.14.
qu'il prévoyoit que devoit faire l'Eglife Romaine. Mais elle en
avoit déjà fait d'aufïi grands 5c en bien plus grand nombre depuis
fort long-temps, qui n'a voient point été annoncez par aucune ir-
ruption de Sauterelles. C'eftfe jouer également 6c de l'Ecriture
Sainte & de la crédulité du monde que de s'abandonner à de pa-
reilles applications 3 dont l'événement découvre prefque toujours
la témérité. D'ailleurs fî Jean Hus donna en 14 13. un grand fou-
flet à l'Eglife Romaine, elle lui en donna un bien plus grand deux
ans après en le faifant brûler comme elle fit au Concile de Conf-
tance. Au fond , files Hufîkes fe foutinrent long- temps , la Bohê-
me n'efl: pas toute l'Eglife Romaine 6c le fouflet fut bien léger, de
rendu au double. Maisileft arrivé à cet égard à Jean Hus £C qui
arrive à tous ces fortes de prophètes qui font des applications du
Livre énigmatique de V Apocalypfi félon leurs pallions 6c leurs pré-
jugez, faifant également violence 6c à la prophétie pour l'accom-
moder aux évenemens qu'ils ont en vue , & à ces mêmes évene-
mens pour les ajufter avec la prophétie.
Pour revenir de cette digrefîion aux Ouvrages de Jean Huslraite' de /v
dr m r 1 t> • ' >-r bomin.it ion
ant la retraite 3 il faut mettre dans ce rang un Traite cp il des Moines.
compofa fous ce titre : De l'horrible abomination de la déflation des
Prêtres & des Moines charnels dans l'Eglife de Chrifi , fur ces paroles
du V. ebap. de la Prophétie à'Ofce (1 ), Prêtres, écoute^ ceci ,
Mai fin d' Ïfrael , fiyez^ attentive , M ai fin du Roi , prêtez^ l'oreille j
car Dieu va exercer Ces Jugemens fur vous 5 farce que vous êtes devenus
a ceux fur qui vous ètiez^obligezjie veiller , ce que font les pièges aux
ai féaux , & les filets que l'on tend fur le Thabor. Vous avez^ détourné
adroitement les hofiies de Dieu 3 &je n'ai point cefjè de vous inftruire ,
. & de vous reprendre . Je connois EpliTâïm , & ïfrael na pu échapper
à mes yeux. Je fqai maintenant quEphrâïm fe proflitue aux j * d'oies ', &
qu ïfrael s' ef fouillé du même crime. Ils ri appliqueront point leurs pen-
fées à revenir à leur Dieu , parce qu ils font pojfedezjie l'efprit de forni-
cation , & quils ne connoiffentpas le Seigneur. U impudence dTIfraet
eft peinte fur fonvifage .... J'ai mis le texte tout entier , parce
que fa feule lecture peut faire juger de l'ufage 6c de l'application
qu'en fait Jean Hus. C'eftle même ftileôc le même efprit que dans
les pièces précédentes. Il fuffiradone d'en rapporter quelques
traits particuliers, fans avoir deflèin , ni de rendre Jean Hus cou-
pable ou innocent , ni d'exeufer l'Eglife Romaine., ou de la biâ-
{ i } Je me fers de la ver-fion de Pûzt-RojfâL *
P iij.
*
nS HISTOIRE DU CONCILE
1 4. 1 4, mer > ma*s Seulement pour mettre le Lecteur au fait des motifs de
la condamnation de Jean Mus.
I. Le Schifme avoit alors éclaté d'une telle force à Prague & en
plufieurs autres lieux de la Bohême èc de la Moravie, qu'on en-
tendoit tous les jours les Prédicateurs prêcher des do&rines tout
oppofées les unes aux autres , fur des matières capitales. Jean
Bus déplore ce malheur, parce que ce partage des Conducteurs
efl un piège très-dangereux pour le peuple, ôc une tentation vio-
lente à l'incertitude, à l'incrédulité , & à l'irréligion. Le remède
qu'il propofe à ce mal , eft d'un fuccès fort incertain. Il faut , dit-il,
que ceux qui combattent pour la vérité s'oppofent courageufement aux
faux Prédicateurs. Mais comme ceux du parti contraire en pou-
voient dire autant , & qu'ils ne manquoient pas de le faire , c'étoit
un remède plus capable d'aigrir le mal que de le guérir.
II. Il prétend qu'une des principales caufes de ce Schifme & de
ces difîentions pernicieufes , étoit la grande multitude de Moi-
nes, qui s'emparoient par tout de lefprit des peuples , & qui em-
pietoient fur les droits & fur lesfonclion*desO^«^/r^/. C'eft ,
dit il y depuis qu'on voit ces fortes de gens courir les Villes, les
Villages , & les Châteaux 3 c'eft depuis ce temps-là que les peuples
fontdivifez, & que trompez par ces hypocrites , ils refufent d'o-
béir à leurs Supérieurs Eccléfiaftiques. Ceux -ci de leur côté
voyant les Moines s'impatronifer dans les familles , négligent
leurs devoirs par jaloufie & par interêt.Il compare cette jaloufie &
cette concurrence des Prêtres féculiers & des Moines aux fureurs
de deux rivaux qui font la cour à une mèyyie femme , ou de deux Cocqs
qui en veulent à une même poule. Il faudroitdonc , a fonavis, faire
de ces deux chofes l'une ; Ou donner aux Moines la conduite des
peuples, à l'exclufion des Prêtres, fi par leur avarice & leur en-
vie contre les Moines ils font occafion de trouble , ou laifler la
conduite des peuples aux Prêtres , & renfermer les Moines dans
leurs Cloîtres, fans leur donner la licence de courir , comme ils
font, les champs & les Villes, pour débaucher le peuple de l'o-
béïiïance à fes Supérieurs ordinaires. Sans cette alternative il n'y
aura pas moyen de donner la paix à l'Eglife& de tranquillifer les
peuples , parce que les Moines en vertu de leurs exemptions & de
leurs privilèges , émanez immédiatement du Pape, n'étant point
fubordonnez aux Pafteurs ordinaires, s'empareront toujours im-
punément des Chaires , des Confeflions & des autres fondions
pafioraies. Dans cette fituation , qui pourra les mettre d'accord ?
DE PISE. Liv. VIII. 119
Le Pape ni même les Evêques ne peuvent pas toujours être pré- I4I4.
fens dans tous les lieux où ces défordres arrivent. Quand même
ils y feroient, ils fe trouveroient fort embarraiïez à juger entre
les Moines & les Prêtres, parce que chacun prétendroit foûtenir
fa thefe par de bonnes raifons. Les Prêtres ordinaires diroienc
qu'ils font les fuccefïèurs des Apôtres, & les Moines allegueroienc
les Privilèges odes exemptions des Papes qui les ont difpenfez de
l'ordre établi par les Apôtres. Cependant il regarde cette alter-
native comme une extrémité fàcheufe , parce que les Moines , fé-
lon leur ancien inftitur & félon le nom de Solitaires qu'ils portent,
ne font point du tout propres à conduire les peuples à la manière
de vivre à laquelle ils font obligez , & leurs vœux font trop éloi-
gnez de la vie ordinaire &; de la focieté , *pour qu'ils puiffent fym-
patifer avec les peuples , ni fe propofer pour mod eles au troupeau.
III. Il n'y a point, félon lui, de vocation légitime , que celle
qui eft fondée fur la Do&rineôc fur l'exemple de J. C. Tous ceux
qui entrent dans l'Eglifepar une autre voye font intrus , & il ne
faut pas s'étonner que s'y étant ingérez d'eux-mêmes, ils neveu-
lent point d'autres Prêtres , que de leur main. C'eft pour cela
qu'ils éloignent du St. Miniftere , tous ceux qui pourroient s'en
bien acquitter en marchant fur les traces de J. C. & des Apôtres.
» Il y a , dit-il , (a) quantité de fidèles cachez , entre les Payf ans,les fa) Foi.
«Bourgeois, les Nobles, qui feroient fort capables de ce faint Mi- &fof~-
« niftere 3 quand même ils ne feroient pas lettre^, pourvu qu'ils
«euflent i'efpritde J. C. Mais ou ils demeurent dans le filence,
«parce qu'ils n'ofent parler , ou ils fe retirent du monde comme
» deBabylone, ou ils n'ont pas les moyens Se les occafions de fe
«produire, avec les formalitez requifes, on ne les connoît pas,
». & on ne fe met pas en peine de les chercher». Il applique ici
fort ingénieufement à ces. gens de bien qui ne veulent pas acqué-
rir des dignitez Eccléfiaftiques aux dépens de leur innocence &z
de leur tranquillité , il leur applique l'apologue de l'olivier , du
figuier , & de la vigne qui refuférent de régner fur les arbres. » Je
» fçai , dit-il > que bien des gens qui entendront , ou qui liront ceci,
x ne manqueront pas de s'irriter contre moi. Mais c'eft à eux à
» examiner lequel eft le mieux _, ou de s'ofTenfer de ma liberté , ou
» de craindre le Seigneur qui me fait parler , & s'ils fe fentent cou-
» pables 3 de faire pénitence } de revenir de l'Ante Chrift à J. C. >*
La maxime eft fort bonne en foi , mais la pénitence devoit paroî-
trebien rude à beaucoup de gens 3 c'eft de quitter, dit-il y plutôt
CCCLXXXII<
CCCLXXXIV.
no H I S T O I RE DU CONCILE
14.14. un Bénéfice mal acquis, & où l'on n'eft pas parvenu par des voyes
légitimes , que de le poiïëder , fur tout quand on s'en fent indigne.
Si , félon lui , c'eft un péché , de retenir un feul bénéfice mai ac-
quis , ou d'y afpirer par de mauvaifes voyes , c'en eft un bien plus
grand d'en poffeder plufieurs Se même d'incompatibles, par ava-
rice , par vaine gloire, & aux dépens de l'édification de l'Eglifè.
Ce font là) dit-il, des voleurs $ qui méritent d'être pendus plus haut ,
que les voleurs de grands chemins , parce qu'ils le font fous le prétexte
de la Religion , & de la pieté. C'eft fous ce prétexte fpécieux quilsfé-
duifent non feulement le Peuple , mais le Pape lui-même , pour en obte-
(a) Fol. nir des Bulles (a ) .
IV. C'eft une tradition allez générale que nôtre Seigneur fut
transfiguré fur la Montagne du Thabor, ou le Prophète Ofée dit
que les Sacrificateurs écendoient leurs filets. Jean Mus ne manque
pas une fi belle occafion d'invectiver contre le faite & la pompe
de i'Eglife Romaine , la mollefîe & le luxe de {qs Prélats , & de
leur reprocher qu'ils aiment mieux fuivrej. C. fur IsThabor que
fur la Croix. >* C'eft à contenter leur vanité , dit-if que font defti-
» nez tant de cérémonies , tant de fêtes , & d'exercices corporels
» que l'on multiplie tous les jours pour éblouir le Peuple par leur
«éclat, &l'amuferde la vaine efperance de mériter la vie éter-
» nelle par l'obfervation de ces traditions. II vaudroit bien mieux
o multiplier la charité, les œuvres de mifericorde, & les aucres
» vertus Chrétiennes, adminiftrer les Sacremens félon l'Evangile, •
«exercer une difeipline fevere. Mais c'eft de ceschofes-làqueles
»Pharifiens& les Scribes d'aujourd'hui nefe mettent pasen peine,
» parce qu'il ne leur en reviendront ni gloire mondaine, ni profit
«temporel.
V. Après avoir appliqué à fa manière la Prophétie d'Ofée à
i'Eglife Romaine , il lui applique , du même ftile , celle de tout le
Chapitre XXIII. d'Ezechief touchant les fornications de Sama-
rie, &de Jerufalem. C'eft, dit-il , lamême Idolâtrie avec cette
différence que la première s'exerçoit groffierement &: à la lettre ,
au lieu que celle-ci s'exerce d'une manière plus fine &. plus fpiri-
tuelle, mais d'autant plus dangereufe qu'elle fe cache fous le voile
de la pieté & de la Religion , & c'eft en quoi cette abomination eft
défolante. Car, continue-r.il, fi l'Ante-Çhrift venoit comme in-
fidèle, & ennemi déclaré de J. C. s'il fe plaçoit en perfonne, ou
fa ftatuè* dans le lieufaint, ce feroit une tyrannie & une impieté.
Mais il n'y auroit point là deféduftion pour ks élus, parce qu'il
feroir,
DE PISE. Jiivi VIII. m
feroit connu pour tel , Se qu'on a vu de pareils perfécuteurs de TE- 1414.
glife (1). Il joint à cela les chapitres VIII. XVI. & XVII. du
même Prophète. Dans le VIII. Dieu ordonne au Prophète de
percer la muraille duTempIe, pour voir les abominations qui s'y
commettoient. Dans le XVI. Dieu reproche à Jerufalem toutes
fortes de proftitutions , ôcen particulier celle-ci f. 3 1. Vous vous
êtes bâti un lieu infâme ,. à l'entrée de toutes les rues , & vous vous êtes
fait une retraite dimpudicité dans toutes les Places publiques (2).
Dans le XVII. eit repréfentée Jerufalem emmenée à Babylone
par Nabuchodonofor , ligure fous l'emblème d'une grande Aigle.
Il applique tous ces caractères odieux au Pape, aux Eccléfiafti-
ques , en un mot à tout le Clergé de fon temps. Non content de
ces parallèles injurieux, il y en ajoute un autre fort mal-honnête
tiréduchap. XV. du 2. Livre des Chroniques, f 16. où il eit dit
que Maaca mère du Roi A fa encenfoit à l'Idole de Priape (1).
Comme, dit-il, quelquefois l'incontinence fe porte à des excès
contre nature que la pudeur ne permet pas d'exprimer, ainfi on ne
fçauroic , fans icandalifer les oreilles pieufes, s'expliquer fur les
fureurs de l'avarice 6c de la cupidité des Prêtres Et fi Dieu ne
m'a voit fufeité pour percer la mitraille afin qu'on découvrît la mul-
titude d'abominations qui fe commettent & fe fortifient tous les
jours dans le lieu faint , je n'aurois jamais ofé dire le peu que j'en
dis , de peur de feandalifer les uns , & d'irrirer les autres. Il décrit
fort vivement les combats intérieurs qu'il eut à Soutenir avant que
de répondre à cette vocation fecrete. » Pendant tout le temps
» que j'ai été environné de cette épaifle muraille qui me déroboit
«iavuë de ces abominations, captif & endormi j'afpirois avide-
» ment à habiter dans ces beaux tabernacles, comme un homme
» qui s'oubliant dans un feftin , dévore des yeux tous les plats , de
» n'efl: attentif qu'à la Mu (Ique qui charme fes oreilles. Enfin il a
« plu au Seigneur Jefus de me faire fortir de ces funeftes murailles,
» comme un tifon arraché du feu. Enclave malheureux de mespaf.
» fions, il a fallu que, comme Lot , Dieu me tirât del'embrafe^
»-ment de Sodome. Depuis cette vocation, j'ai obéi à la voix de
» Dieu , qui me difoic , Perce^la muraille. C'eft ce que je fais con-
« tinuellement par mes écrits & par mes prédications. Je n'ignore
*> pas que fi ce que j'entreprends eft un ouvrage humain, il fera
( 1 ) Caligulit voulut fiu're mettre fa Statue dans le Temple de Jerufalem.
( z ) Verliom de Port.Royal.
(}) C'eft ainfi que porte i« Vulgate , & la verfïon de Port-Royal,
Torn.II.Part.il. Q^
12.
122 HISTOIRE DU CO N-C I L E
îa1j" » détruit, & même ;je m'en réjouirai $ mais fi cette œuvre eft de
» Dieu, & dans l'efprit de J. C. crucifié , comme j'en luis perfuadéy
[a] Fol. » toutes les puiflances du monde ne pourront l'empêcher (a).
cccxcix. y. Quand il eut percé la muraille 3 il vit une porte. Cette..
xxjtcb. vin. porte 3 lelon lui , c'eft celle de l'Ecriture Sainte , où il vit à décou-
S- s>- io. h. vert les abominations des Moines , des Prêtres 6c du Clergé, re-
prefentées fous divers enblêmes. Ce fut alors que, comme un
autres. Paul3 voyant qu'une grande forte lui étoit ouverte ; il ne
donna nul repos à fon ame, écrivant 3 prêchant, infiftant eh temps
& hors de temps , à tout le Clergé , fans en épargner les plus émi-
nents. Embarqué 3 dit-il , fur cette mer orageufe , je fus plongé au fond.
de l'eau ( i)par la tempête , f entrai dans la gueule du Leviathan , juf
quà ce que Dieu m en retire pour célébrer fe s louanges. Il fou tient que
les déteftables abominations décrites dans ce chapitre àyEzecbiely
regardent proprement les Chrétiens hypocrites, 6c fur tout les
Eccléfiaftiques &c les Prêtres charnels 3 parce que les Juifs & les
Papes n'ont jamais commis de fi horribles abominations en prefen-
ce de J. C. que ces mauvais chrétiens & ces Prêtres hypocrites en
commettent tous les jours au milieu de l'Eglife. La raifon en eft ,
que les Juifs & les Payens étoient ennemis déclarez de J. C. au
lieu que les Prêtres faifant femblant d'être fes amis 6c (es Minif-
tres 3 prophanent Ces Sacremens de la manière du monde la plus
indigne 6c la plus infâme , fur tout le Sacrement de l'Euchariftie y
qu'ils proftituent tous les jours en le donnant à des prophanes. On
peut voir en marge (es propres paroles que je n'oferois traduire de
peur d'offenfer les oreilles pieufes 6c délicates (2). Les reptiles 3
les autres bêtes, & les Dieux de fiente qui font peints fur les mu-
railles 3 font encore les Prêtres fouillez de vices, & dont les Peu-
ples font néanmoins les idolâtres , parce qu'ils cachent leurs abo-
minations fous le voile de la Religion , «5c fous les peintures 6c les
ornemensfacrez dont ils parent leurs Eglifes. Il les compare eux-
mêmes à des parois peinturées 3 les murailles font deftinées à em-
pêcher que rien de prophane 6c de fouillé n'entre dans l'Eglife , 6c
ils y introduifent eux-mêmes la fouillure 6c la profanation fous di-
(t) Il désigne par là Ton Excommunication»
(2) Si enim qnis Cbriftianus , <$ pracipue cujusfidei eft commiffum , ut effet euftos $ difpenfator
Sacramentorum , quafi atnico Jingulari De: , ï§ferv a fideliî$ prudenti , fi accepta corpore Cbrifti ,•
ex (uperbia Ç$ vo'nntarie projicertt ipfum canibus £> ferophis , vel ad jïercora , £> conculcarettir : vet
ex contemptu $$ ira contra. "Jefum > accepta jhreore horribili , ipfum projiceref in calicem facrum , m
coufpeiïitMiits Cbrifiianitatis : psîejnecogitare , quanta effet ijîa injuria , qttam pejjima effet aby
Tiunatio fallu à Cbrifliano , & maxime ab eo , qui fuit ex bonitate Dei inter amicos gratta }.receptm ,
£5 repiitatus , arnica Cbrifti vert Dei , puta Saccrdtte ? Fol. CCCC A»
DE PISE. Liv. VIII. 123
verfes couleurs. A l'égard des foixante ôc dix anciens qui écoienc 1414;
debout devanc les peintures , ce font, félon lui , les Prélats & le
haut Clergé , les colonnes , qui au lieu de foutenir la muraille ôc
tout l'édifice de la maifon de Dieu, ne foutiennent que celui de
l'Ante-Chrift. Le nombre de foixante ôc dix n'eft pas employé
fans myftere. Comme il fait dix fois fept , cela marque l'excès de
l'abomination 3 & la perfection de l'iniquité , aufli bien que la mul-
titude des abominations. Mais il trouve encore plus grande l'abo-
mination de Jeconias qui eft au milieu d'eux , c'eft-à-dire , félon
lui, du Souverain Pontife & des hauts Prélats. «Comme ils font
>» les plus proches de J. C. fes Difciples immédiats, qu'ils fçavenc
»fesfecrets, {es entrées ôc fes forties, en le baifant amoureufe-
» ment ils le livrent par avarice ôc par ambition aux Magiftrats du
» Temple 3 c'eft-à-dire aux Prêtres & aux Ecclefïaftiques infé-
rieurs pour fe mocquer de lui , pour lui cracher au vifage, Ôcen
» cacher la beauté en lui mettant un voile fur la tête (ij. » C'eft ce
que font, dit il, le Pape & les Prélats, en donnant les charges 6c
les bénéfices à des Prêtres indignes qui déshonorent J. C. ôc fon
Eglife, & en vendant la remiffton des péchez à beaux deniers
comptans au mépris de la Grâce de J. C. Il n'en demeure pas là.
Comme s'il ne s'étoit pas encore expliqué aflez clairement, voici
comme il entend ces abominations multipliées par fept. C'eft 1.
la défolation des feptefprits de J. C. ôcTintrodu&ion des fept ef-
prits del'Ante-Chrift 5 2. la défolation des fept vertus dont il y
en a trois Théologiques, la Foi,, l'Efperance, ôc la Charité, ôc
quatre Cardinales, la Tempérance, la Prudence, la Force ôcla
Juftice j 3. la multiplication des fept péchez mortels {feptem capi-
talium peccatorum famo ^fomrri) 54. la défolation des sept Sacre-
mens instituez par Jésus -Christ j 5. l'introduction de
toutes les erreurs ôc inventions des hommes, fur tout à l'égard
des Sacremensiô. la défolation de la y erité Se V amour des fables.-
7. une infinité depromefles humaines & par conféquent douteu-
ses, n'ayant pour fondement que les Bulles des Papes (a). Il mar- (ajFoi.
queaurefte ici & en divers autres endroits le commencement ôcccccvi.b.
( 1) Qui exijlentes primi Ç$ proximi Cbrijlojefti , & immédiate difeipuli , $$ omnia fecreta ipjiuî
'Jefu,ipjîu(que ingreffum & cgreffitmfcientes jtpfum dulciter ofculando quafi Magifirum $$ amicum ,
tradunt ob amorem hiijtts vitx ^gloria $$ divitiarum Magiflratui Templi , id efi , itiferioribus Cle-
ricis î$ Sacerdotibus ad illttiendum, confpuendum , <$ pulcherrimam plenamque gratiarum faciem
vdandum'tf irridendum. Quod tpjtfummo Sacerdoti , vel fummis Sacerdotibus contigit tune , dum
0Jficiaî$ bénéficia ttniverj x Ecclejixmolliter <$ faciliter difpenfant indignis Clericis , dulciter $$ bé-
nigne gratiam facientes generalem , $$ omnibus avaris £> cupidis , quifponte Ç5> rapide requirunt,^
fctttnt ai ipftsgradus in pcclejta , î$ bénéficia tf officia Ecdejta Sattftœ. Fol. GCCCHI. b.
QJj
ii4 HISTOIRE DU CONCILE
^414. l£s progrès de ces abominations _, depuis que parla folle (flultàm)
Donation de Confantin , le Pape & le Siège de Rome fe font arro-
gez èc refervez la collation arbitraire & tyrannique de tous les Ré-
(a; Fol. néfïces (a). C'eft; alors que la fplendeur ôc la gloire du Pape & des
ccccviii. Cardinaux a paru dans Ton plus grand éclat 3 èc que la force des
reins & du ventre du Zeviathan s'efl merveilleufement dilatée par
tout l'Univers.
Dans la fuite de la Prophétie d'Ezgchiel , Dieu montra à ce
Prophète des femmes qui pleuroient^^/V (1). Il croit voir dans
cet emblème les mœurs efféminées des Prélats , cette vie molle
&c délicate qui Iqs fait plus relîembler à des femmes qu'à des hom-
mes, dont la force 6c la vertu doit être le caractère. Il les repre-
fente pleurant Adonis 3 parce qu'ils font beaucoup plus fenfibles à
la perte de leurs honneurs, de leurs biens 3 de leurs plaifirs, qu'à
celle de leur falut , & à l'exil delà vérité & de la vertu. » S'il meurt
?> quelque grand du fiécle, ils le canonifent 3 ils l'exaltent , ils en^
«tonnent à fon honneur des chanfons lugubres 3 en un mot ils
«pleurent Adonis 3 parce qu'il leur faifoit beaucoup de bien. Mais
» ils oublient Jefus crucifié, qui a fondé (on Eglife, qu'il a puri-
»fïée par fon fang , & qu'il a enrichie de tant de donsfpirituels.
» Ils ne s'avifent point de pleurer la perte de la charité & de la
fb ) Fol. x grace de J. C. en eux , non plus que la retraite du St. Efprit (b).
Il n'épargne pas plus les Séculiers que les Eccléliaftiques. Il
trouve dans les premiers, aufïï-bien que dans les autres, cette
Femme que VApocafypfe repré&ntç au chapkre XVII. montée fur
une bete de couleur cfécarlatte. Il cenfure les Nobles , de ce qu'ils fa-
crifient leur vieôc leur falut à leur vaine gloire 6c au faux honneur
du monde par la fureur des duels. Il entre dans un grand défail
des habits, tant des hommes que des femmes 3 & il y trouve des
amorces fcandaleufes à la luxure (2). Il prétend que la Bête de
(1) Selon la Vulgatp & Port-Royal.
( l) Voyez la defcn'ption de ces habits dans tout le chapitre XLIX.
Veruntamen in eo me talibus pluries compati oportebat , quod feilicet , dum ita veftibus CHYtis
1$ pr&cijis nimium non mtidiee fuper anum à retris , ano quaji totaltter à vefîibus deuudato , falum
panno caligarum locum lions vel fecreto for aminé meatus flercorum operiente , contigit pluries , quod
m(ais lifdem pantins ruptus vel difjutuf,quia ipjum nimis ££ quajtpellem in tympanis violenter diflen-
debant , talium anum midumjîmul î$ virilia denudatum publiée inEcclefavelinforo, palam om-
nibus volentibus infpicere oflendebant : enimvero ilhtderat deplerumque contlngens , dam tncumbe-
bat illis neceffitas inclinarevel genu unumaitt ambo , velcoramfœminis, velcoramDeo inEcclefia;
quia pannits erat caligarum ï$ Juper genitalia nimis violenter dijlentus , ruptis pra violentia futur is
àpanniplenitudine , excutiehatur adprofpeilumhominum nudumveretrutn , vel lien , anus , aut
*mho,r£ quandoque flumunum denudatum génitale. In hoc tatnen légales fe ojlendebant , quod pro
tali fuccrjfarubjr eos facile perfundebat. Fol. CCCCXX1X.
417
DE PISE. Liv. VIII. 115
Y Apocalypfe repréfente des Séculiers vicieux & emportez comme 1414
les bêtes par la fureur de leurs paiïions , que les fept têtes &, les dix
cornes repréfentent les Empires politiques , & que la femme mon-
tée fur la bête & vêtue de pourpre &d'écarlate, parée d'or 3 de
pierres précieufes , de perles, ayant à la main un vafe d'or plein
des abominations & de l'impureté de fa fornication ., représente
lesEccléfiaftiquesquiféduifent le monde & l'Eglife, fous les or-
nemens & les apparences de la fainteté. D'où, il conclut que les
Eccléfiaftiques font plus coupables que les Séculiers , parce que
ces derniers ne font qu'abufer des chofes terreftres qui font de leur
reffort, au lieu que les autres abufent des grâces de Dieu, & des
biens fpirituels , pour contenter leur fafte& leurs voluptez^ pré-
ientant le poifon aux Peuples dans une coupe d'or (a). 60 Foi.
«V * CCCXVII
VII. Comme il eft animé d'un grand zèle contre les Moines , b.
ordinaires Quêteurs des Indulgences , il y revient fouvent. Il leur cccxcix.
applique ce paflage d'^^^W XI II. 10. 1 1. où il eft parlé des faux
Prohétes qui enduifoient la muraille du Templeavec delà boue
fans paille , & qui prêchoient paix & fureté au peuple lorfqu'il n'y
avoit ni pajx ni fureté. » C'eft, dit-il , ce que font les Moines par
«les faufles promefTes de leurs Indulgences qu'ils publient avec la
5» dernière impudence. Munis , comme ils font, de l'autorité Pa-
» pale , ils courent çà & là pour dépouiller les fimples , fous l'efpé-
»rance d'obtenir la rémifllon de leurs péchez. On ne fçauroit
croire combien ils s'enrichifient eux & leurs Communautezà cette
indigne vénalité d'une grâce qui n'eft due qu'à la miféricorde di-
vine. C'eft delà, qu'ils tirent ces fommes immenfes , pour bâtir
des Monafteres, & d'autres édifices fuperbes , enrichis & enjoli-
vez de tousles ornemensôc de tous les colifichets capables d'atti-
rer les peuples, d'images & de Statues, où ils font accroire que
Dieu & les Saints opèrent de grands miracles , atteftez par des té-
moins &. par des Bulles , & devenus par là fi inconteftables 3 que
fouvent, fi on les en croit, l'incrédulité a été punie par des juge-
mens manifeftes delà juftice Divine. Quand ils ont amafTéplus
qu'il ne leur faut pour leurs édifices fuperflus, ils n'ont garde , dit-
il, d'imiter Moïfe , qui voyant que le peuple donnoit trop pour
la conftruclion du Tabernacle , défendit publiquement de s'élar-
gir davantage. Il prétend auffi que la Prophétie de Y Apocalypfe 3
touchant la femme eny vrée du fang desSaints,,leur convient beau-
coup mieux encore qu'aux Prêtres Séculiers. Il fait confifter prin-
cipalement cette yvrede en ces chofes. 1. En ce qu'ils reçoivent
ii6 HISTOIRE DU CONCILE
14.14. pour le pardon des péchez de l'argent & despréfens donc ils font
bonne chère, mangeant Se buvant ainfi. les péchez du peuple. 1,
En ce que même , fous le prétexte des Indulgences , ils employent
leurs exactions en vaines dépenfes & en débauches, volant aux
ouvriers leur falaire,& aux pauvres leur fubflftance. Il juge que les
Moines font d'autant plus coupables de ce péché, qu'ils le com-
mettent fans nul prétexte de vocation , au lieu que les Prêtres or-
dinaires , comme des ouvriers établis pour travailler à la vigne du
Seigneur font dignes de leurs falaires, pourvu qu'ils n'exigent rien
au-delà , & qu'ils n'en faflent pas un mauvais ufage. Il trouve d'au-
tant plus d'inconvéniens dans cette multitude de Moines, que
par leur relâchement Scieurs promefles du Paradis , ils détruifenc
tout ce que les Prêtres édifient par l'exercice d'une jufle feverité.
Ilss'enyvrent du fangdes Saints , en déchirant & en perfécutant,
comme ils font, à l'exemple des Pharifiens, les Prédicateurs de
la vérité. En général tout ce qu'il y a de gens de bien , qui préfè-
rent la parole de Dieu aux traditions humaines, & une pieté fin-
cere à la fuperftition & à l'hypocrifîe, ils les traitent d'héréti-
ques , de Picards cachez , de Turlupins & de Eègards. Ils font tout
cela avec tant d'audace, qu'il n'y a ni Evêque, ni Curé, ni mê-
me Pape qui ofe les contredire, parce qu'ils font foutenus par les
Grands infatuez de leurs Indulgences , ou dupes de leur hypocri-
fîe. 4. Ilss'enyvrent du fangdes Saints en employant à fatisfaire
teur gourmandife Scieur y vrognerie, les mérites que les Saints &
les Martyrs ont acquis par leur fang, parce qu'ils tirent de l'argent
de leurs fuffrages & de leurs prières. Jean Mus ne prétend pour-
tant pas envelopper tous les Moines dans cette cenfure , ou plutôt
dans cette invedive générale. Il en excepte ceux qui vivant dans
la retraite, & occupez à des exercices de pieté fe tiennent dans
les bornes & dans l'efprit de leur état.
C'eft à peu-près là tout ce quieft répandu & fouvent réfuté
dans ce Traité , mais avec un emportement , une grolTiereté ,
quelquefois même une obfcenité qui ne peut avoir de juftes appro-
bateurs.-Il y a d'ailleurs tant de jeux de mots, toujours mauvais
en eux-mêmes , mais {ïobfcurs&fïinfipides, à caufe delà diver-
fité des Langues , qu'il a été impoffible d'en faire honneur à l'Au-
teur,.quoiqu'il femble s'y applaudir beaucoup. Après ce qu'il à
dit çà èc là contre les Moines &. les Religions , ou les Selles , com-
me il parle, il feroit fort inutile d'entretenir le public de fon petit
Traité de la neceljïtè de leur abolition. Comme cette multitude, U
DE PISE. Liv. VIIL 117
cette bizarre diverfité d'Ordres de Religieux eft un fruit des Tra- 1414.
dirions humaines , on peut aifément juger qu'il n'eft pas moins d'a-
vis de les abolir , pour s'en tenir uniquement à l'Ecriture Sainte.
Il en rend deux bonnes raifons. L'une efl que ce grand nombre
d'obfervances humaines , détourne de la pratique des bonnes œu-
vres commandées dans la Loi de Dieu & dans l'Evangile , 6c difli-
pent la force 6c la vertu du Chrétien. L'autre , que ces pratiques
humaines , ou ces Commandemens de l'Eglife fervent de prétexte
aux libertins , aux fuperftitieux 6c aux hypocrites de fe difpenfer
des vertus folides , parce que les pratiques extérieures coûtent
toujours beaucoup moins que le Sacrifice du cœur. Entre les Tra-
ditions, il n'en trouve pas de plus pernicieufes que celle qui re-
garde le culte des Images. Il faut l'entendre parler lui-même.
» N'eft-cepas, dit-il, une chofe déplorable, que le plus grand
» nombre de ceux qui prétendent être les maîtres 5c les fages dans
» l'Eglife , ont établi par leurs décrets , qu'il faut fervir 6c adorer
» les ftatués de bois , de pierre , d'argent , 6cc. contre la défenfe
» formelle de Dieu : Tu ne les adoreras point 3 & tu ne -les ferviras
» point. C'eft en vain qu'on allegueroit contre ce commandement
«l'autorité de Thomas d'Aquin 6c des autres Docteurs. Car ce
» qu'ils ont dit là-deflus, ils nel'ont pas dit affirmativement, mais
» feulement par manière de difpute , encore étoit-ce dans les éco-
*> les èc parmi les Sçavans. Mais c'eft toute autre chofe , de débiter
»ces proportions en Chaire, d'une manière décifîve 6c fur tout
«devant les (impies, à qui l'on confeille au préjudice de leur falut
» d'avoir des Statues de bois 6c de pierre. Une telle doctrine ne
» fçauroit qu'expofer le Chriftianifme aux médifances & aux ca-
lomnies des Juifs ôc des Payens, qui reprocheront avec raifon
«aux Chrétiens d'être des Idolâtres, pendant qu'ils en accufenc
» eux-mêmes les Payens. Othon de Bruns fels 3 qui a le premier pu-
blié ces Traitez, y en ajoute d'autres qu'il attribue auiîi à Jean
Elus. Tel eft celui de l'unité de l'Egli 'fe , où il n"y a rien qu'il n'aie
dit avec beaucoup plus d'étendue dans fon Traité exprès fur cette
matière , comme on l'a vu. Il y en a encore un autre , mais impar-
fait , touchant la perfection Evangelique. Il fufïïra d'en rapporter
le fommaire fait par Othon de Bruns fels lui-même. L'Auteur, dit-
il , traite de la neceljitè de recevoir £ Evangile & de le pratiquer. Com-
me il efl impoffible , dans cet état de fragilité , d'accomplir exactement
les Commandemens de Dieu , le mérite de la mort de J. C. fuppîée à ce
qui nous manque. Tout ce que nous faifons de bon ,. ne fi point de nous ,
n8 HISTOIRE DU CONCILE
I 4.74.. & efi de Dieu qui opère en nous : ainfi ce n'eft pas nos mérites que
Dieu récompenfe , ce font les mérites de Je fus Chrifi. Cefi à nous de
combattre le monde & le péché y mais notre force & notre victoire
vient de Dieu. Il ejl fi bon , que quand l'effort & ly intention font fin-
ceres , // les prend pour l'effet , parce que fa miféricorde l'emporte
fur fa juftice. Il ne faut pas , au refie , juger de l' Evangile & de la
Religion , par la vie des Chrétiens , comme font ceux qui fe fcandali-
fent de voir des défauts dans les Saints. Mais la fragilité humaine, non
plus que la liberté Ev angeli que fi auto ri fe point la pare ffe & le liberti-
nage. Le même Auteur publia encore quelques autres Traitez de
Jean Hus zutti incomplets. Ce font plutôc des fragmens que des
Traitez. Tels font ceux du Myftere d'iniquité de l'Ante-Chriffc j
de la révélation de £ Ante-Chrift (1). Je n'ai rien trouvé de confi-
derable dans le premier, que ce qu'il dit fur le culte des Saints. Il
compare ceux qui perfécutent & font mourir les Saints vivants , Se
qui béatifient les morts j il les compare aux chafïeurs qui mangent
ce qu'ils ont tué, £c qui en mangeant louent beaucoup les mor-
ceaux, pour animer les autres à la chafle y aux Juifs, qui, après
avoir fait mourir les Prophètes , ornoient &. blanchifloient leurs
tombeaux 5 aux Romains, qui tuoient leurs Empereurs, & puis
leur drefîoient des ftatuës, èc les mettoient entre les Dieux. Il
dit que le culte des Saints eft une invention du Diable, pour dé-
tourner les hommes de l'amour & de la charité commandée dans
l'Evangile , envers les Saints qui iont fur la terre. » Tous les Com-
>»mandemens de l'Evangile, dit-il , fe rapportent à la Charité, à
«la Juftice, aux bons offices, &. à tous les autres devoirs envers
» nos prochains , Se entre ceux-là envers ceux qui font Saints. Mais
» les Saints du Ciel ne font plus nos prochains,, ils font bien loin
» de nous , dans un état qui n'a nul rapport au nôtre. C'eft pour-
» quoi l'Ecriture n'a rien preferit à leur égard. Il eft donc bien
«plus raifonnable de cultiver les vivants, lèlon l'ordre de Dieu,
» que defervir les morts , fans aucun ordre divin ». Il veut pour-
tant bien qu'on loue Dieu dans les Saints, félon l'exhortation de
(a) xljv. 1' 'Ecclefiafiique , (a) & qu'on fafle une mention honorable de leurs
vertus, fuivant l'ancienne coutume de l'Eglife. Ce culte immodéré
des Saints , dit- il , vraye invention de l'Hipocrifie , eft une fource
inépuifable de fuperftitions , au préjudice delà vraye fainteté. On
(1) II une Librum invenimus prorfus mancam<$ indigeftnm : $ multa non cobœrebant : qttœdam
pTitpnjhre dicebantur.Unde appartt ab fludiofo quopictm extracknm ex voluinïne eni titulus fuerit : De
myilerio iniquitatis Anti-Chriiti. Qnodipjum indiçabant ad marginem nota. Nos pro viribus in
çupita digejfitnns.
exalte
3. 2»
DE PISE. Liv. VIII. 129
exalte les vertus des morts dont l'exemple efi trop éloigne j on infpire du \ 4 1 4..
mépris pour la fainteté des vivants dont l'exemple feroit pourtant beau-
coup plus efficace. C'efi, dit-il, l'orgueil 3 la cruauté 3 l'avarice, la
molle jfe 3 &la volupté , qui ont enfanté ce culte. La vanité efi flattée
à exalter les vertus des morts j il n'en coûte rien à l'amour propre , mais
l'envie bleffée de la vertu des vivants fait tous fes efforts pour en ter-
nir l'éclat. Ils font gracieux envers les Saints qui font dans le Ciel 3
parce qu'ils font au- de (fus des atteintes de leur cruauté , & que même ils
craignent d'en être mal recommandez^auprès de Dieu , mais ils font
cruels 3 & ils fe prévalent de leur force & de leur autorité envers les
Saints qui font fur la Terre,parce qu'ils- ont intérêt à opprimer la vertu.
Ils font avares envers les Saints qui font fur la Terre '■> non contents de
ne les pas affifter , ils les dépouillent • ils font libéraux envers les Saints
glorifie^ qui n'ont befoin de rien. Ils revêtent avec luxe les os des
Saints 3 defoye 3 d'or , $• d'argent , £7* ils les logent magnifiquement ,
■pendant qu'ils refufent le vêtement & l'hofpitalité aux pauvres mem-
bres de J. C. Ils exaltent les jeunes & lafobrieté des Saints qui font fur
la terre , /// s'enyvrent &s'engraijfent à leurs dépens.
Jean Mus fait main balle fur tout ce qu'on die des miracles des
Saints dans les légendes 3 pour entretenir le culte fuperftitieuxr
On y trouve , par exemple 3 que quelques-uns qui fe font dévouez^ à Ste
Marie , à Ste Catherine 3 ou à d'autres fcmblable s y ont été délivrez^
de leurs malheurs. On y promet que ceux qui ferv iront tel ou tel Saint ne
recevront point de pauvreté , éviteront telle ou telle maladie , ne mour-
ront point fans Sacrement , ou en péché mortel l qu'un tel Saint leur ap-
paroitra, comme Marie a apparu à l'heure de la mort, à celui-ci , ou
à celle-là. C 'efi par de pareilles fables , & par ces vaines pr orne ff es que
le diable éteint & crucifie J. C. dans le coeur des hommes 3 les remplit
d'une fauffe tranquillité.
Il n'y a rien de fort particulier dans le Traité de la Révélation
del' Ante-Chrifi. Ce font toujours des applications d'Ezechiel 3 des
autres Prophètes , de \' Apocalypfe , & de tous les paflages de l'An-
cien & du Nouveau Teftament, où. il eft parlé des méchans, des
impies 3 des hypocrites , des faux Prophètes. C'eft toujours la.
paillarde Spirituelle Se Myfiique , c'eft Gog & Magog 3 qui fédui-
fent les Nations fous le nom & dans la Maifon de J. C. L'Ante-
Chrift n'eft pas le diable , c'eft fon efprjt qui s'eft emparé des maur
vais Chrétiens , en particulier des Moines & des Prêtres charnels
qui font les Satrapes de l'Ante-Chrift , lequel eft le Pape défigné^
félon lui, z. Theff. II. 3.4, Le corps de l'Ante-Chrift , c'eft 1»
Tom. IL Part. IL R
130 HISTOIRE DU CONCILE
1414. multitude des Chrétiens mondains qui apoftaile & qui abandonne
J. C.pourfuivrele monde. Plus un Chrétien de ce cara&ere eft
élevé en dignité dans l'Eglife 3 plus il approche de la tête de l'An-
te-Chrift. Mais celui qui eft au fuprême degré dans l'Eglife & à
la tête de tous les autres 3 celui-là eft le fouverain Ante- chrifi dé-
nommé fîngulierement par l'Apôtre en ces termes : Cela n arrive-
ra point que la révolte ne foit arrivée auparavant , &c. » Comme le
«peuple Chrétien 3 continue-t-il , n'a pas été pris d'entre les Prê-
» très _, mais que ce font les Prêtres qui ont été pris d'entre le peu-
»ple, ainfi tel qu'eft le peuple, tels doivent être les Prêtres ^ fi le
«peuple eft charnel, il faut que les Prêtres le foient. Un peuple
» divifé èc diflemblable aura des Prêtres divifez& bigarrez. Car
» Dieu , donr les œuvres font parfaites 3 prend foin d'ajufter à
«chaque corps une tête qui lui foit propre , &. de donner aux
« membres un chef 3 tel qu'ils le demandent. A un peuple dur &
«cruel, il lui donne un Chef dur & cruel. A un peuple doux &
« craignant Dieu , il lui donne des conducteurs doux & craignants
«Dieu. A un peuple déchiré, frappé d'étourdiflement (vertigi-
»nofo) il lui donne une tête diviféeôc déchirée. A un peuple bien
» uni & uniforme , il lui donne une tête unie fans difformité, &
«par tout femblable à elle -même. On verra dans YHiftoire du
Concile de Confiance les Ouvrages que Jean Mus compofa dans
cette Ville juf qu'à fa mort.
ireuUesde XVI. On ne pouvoit pas reprocher à Henri V.roï d'Angle-
'ReUgion en terre la même négligence dont on accufoit Wenceflas roi de Bohê-
me, à arrêter les progrès de ce qu'on appelloit les Nouvelles doc-
trines. Le jeune Monarque Anglois fuivit fort bien à cet égard les
traces de Henri IV. fonpere & fon prédecefïeur, qui, comme
(a) Livre VI. on l'avûfa), avoit quelques années auparavant, fîgnalé fon zèle
ï>- *7*« contre les Wiclefîtes connus alors fous le nom de Lollards. Les Hif-
toriens font fort maigres 3 & même ne font pas d'accord entre eux
fur l'origine de ce dernier mot. J'ai appris d'un fçavant Anglois
(b]Monfieur (b) qu'on croyoit communément que les Wiclefîtes avoient été ap-
kDodeur ^t\\ei Lollards d'un certain Nicolas Lollard 3 Barbe ou Mi-
niftre Vaudois , qui s'étant réfugié en Angleterre y répandit fa
doctrine, & qu'il y a eu deux ou trois Barbes Vaudois qui onc
porté le nom de Lollard. Quoi qu'il en foit , l'Edit de Henri IV.
contre les Lollards portoit , que par tout où l'on en reneontre-
roit ils feroient arrêtez & mis entre les mains de l'Evêque duDio-
cefe. Que s'ils periiftoient dans leur do&rine > les Prêtres feroienc
DE PISE. Liv. VIII. r3 1
dégradez & livrez au bras féculier. C'eft ce qui fut exécuté à l'é- 1414.,
gard d'un Prêtre Lollard , qui apparemment eft Guillaume Thorj>>
dont le fupplice eft raconté dans l'Hiftoire des Martyrs (a). (.1) Vv. 11.
Ilferoit aflezdimciledefçavoir au vrai les fentimens des Loi- P'4î-48'
lards, fio$ n'avoit pas les A Fies d'Angleterre recueillis par M. Ry-
mer% parce qu'on peut foupçonner de partialité les Hiftoriens des
deux partis qui en ont parlé > & que d'ailleurs tous les papiers qui
concernoient les Lollards ont péri dans un embrafement où fut
confumée la Tour appeliée des Lollards près de l'Eglife de St. Paul
à Londres (1) Ces Ailes £ Angleterre contiennent une proclama-
tion de Henri V. contre les Lollards, le Procès & Oldcafiel connu
fous le nom de Lord Cobham , & un Edit d'amniftie en faveur des
Lollards. L'Edit eft datte du 21. d'Août 141 3. Il porte en fub-
ftance, 1. Qu'aucun Chapelain {Capellani) de quelque grade,
état , & condition qu'il foit n'ait à tenir , dogmatifer, prêcher , dé-
fendre la doctrine des Lollards. 2. Q^aucun des Sujets du Royau-
me n'adhère & ne prête confeil ou fecoursaux dits Prêtres Lol-
lards , fous peine d'emprifonnement, &deconfifcation des biens
des coupables. Il eft défendu à tous Eccléfiaftiques fufpe&s de Loi-
lardifme de prêcher fans une permifîion exprefle , & dans toutes les
formes , de (on Diocefain , fous les mêmes peines.
A l'égard du Procès à.' Oldcafiel , on le trouve rapporté tout
entier dans l'Hiftoire des Martyrs (b) avec beaucoup de fidélité & 0>) Liv- n-
tel qu'il eft dans les Actes. On trouve dans ces Actes une Lettre de P*7Î*7*'
Thomas Arondel , Archevêque de Cantorberi , à Richard Evêque
de Londres , où il lui raconte toute la procédure tenue contre
Oldcafiel. Il dit 1 . Que dans un Synode Provincial aflemblé à Can-
torberi pour l'union & la réformation de l'Eglife , il avoit été con -
clu qu'il feroit impoffible de parvenir à ce but , fi on ne pourfuivoic
par les Cenfures Eccléfiaftiques, les Grands du Royaume qui
prenoientenleur protection les Lollards, jufqu'à les livrer au bras
féculier, s'ils continuoièht à maintenir ces hérétiques. 2. Qu'a-
près avoir fait une recherche exacte de ces fauteurs 6c protecteurs
des hérétiques, on avoit découvert & déféré le Chevalier Jean
Oldcafiel , comme un des principaux d'entr*eux. Que ce Cheva-
lier avoit envoyé dans les Diocéfes de Londres , de Rochefter , & de
tfcreforddes Prédicateurs Lollards qui prêchoient fans permiffion
des Ordinaires 9 Ôc des Diocéfains, contre la conftitution de la
Province h & que le même Chevalier avoit alîifté à leurs criminel-
( 1 ) C'eft encore ce que j'ai appris de Mr. le Do&eur de Villa.
Rij
i3* HISTOIRE DU CONCILE
141 4. les prédications , & intimidé les contredifans par mille terreurs;
jufqu'à les menacer du bras féculier.
3. L'Archevêque de Cantorberi expofe fommairement à l'E-
vêquede Londres la dodrine à' Oldcafiel. » Il foutient, dit-il , en-
» tre autres chofes , que nous \ ni nos Confrères fuffragpns de no-
»tre Province n'avons pas le droit de faire une Conftitution de
» cette nature. Outre cela, continue t-il, il tient ôtenfeigne, fur
» le Sacrement de l'Autel, fur la Pénitence, fur les Pèlerinages,
» fur l'adoration des Images \ &: fur les Clefs , une dodrine con-
» traire à celle de l'Eglife Romaine 8c de l'Eglife Univerfelle. C'eft
» pourquoi nous avons été requis par les Prélats & tout le Clergé
*> de procéder contre ledit Seigneur Oldcaftel.
4. L'Archevêque expofe , que par refpecl: pour le Roi qui tenoit
à fon fervice ledit Oldcafiel 3 & pour l'honneur de la Chevalerie,on
avoit été d'avis unanimement d'aller trouver le Roi lui-même , &:
de lui dénoncer l'hérétique. Le Roi,, dit-il , nous ayant prié de
ramener Oldcafiel à l'union de l'Eglife fans aucune flétrifïure , nous
avons différé pendant long -temps l'exécution de la réfolution
qu'on avoit pris contre lui. Mais enfin s'érant trouvé inflexible
même aux remontrances du Roi _, comme ce Monarque nous l'a
témoigné de vive voix & par écrit, nous l'avons cité à compa-
ra) Cwviin. roître devant nous , par un exprès envoyé dans fon Château (a) ,
gue. avec ordre de faire la citation avec tous \qs ménagemens poffibles.
5. L'Archevêque raconte cpf Oldcafiel ayant refufé de recevoir
la citation, ilfutréfolu de le citer par Edit affiché aux portes de
l'Eglife Cathédrale de Rochefier 3 qui n'eft qu'à trois milles d'An-
gleterre de fon Château, àcomparoître devant nous le 2. de Sep-
tembre jmais que n'ayant point comparu ce jour-là il a été cité
publiquement êcpréconifé à haute voix dans notre grande Cha-
(b) Caftrum pelle (b)3 puis déclaré contumace 3 & enfuite comme tel excom-
dsUdp. munie. Cependant 3 dit l'Archevêque, comme nous avons ap-
pris qu'il fefortifîe dans fon Château pour y défendre plus fure-
ment Ces opinions 3 nous avons réfolii de le citer encore une fois
pour le 23. de Septembre 3 afin qu'il allègue les raifons qui pour-
roient nous empêcher de procéder contre lui, comme contre un
hérétique <k un fchifmatique notoire 3 êc contre un ennemi de l'E-
glife univerfelle 3 & par cette raifon d'implorer contre lui le f e-
cours du bras féculier.
6. Oldcafiel ayant été arrêté par des Officiers du Roi 3 & con-
duit à la Tour de Londres, il fut amené par le Commandant de
DE PISE. Liv. VIII. 133
la Tour à l'Eglife de St. Paul de Londres, & comparut devant 1414;
l'Archevêque afïîfté desEvêquesde Londres & de ^inchefter.
Etant là préfent on lui expofa avec beaucoup de douceur & d'hon-
nêteté tout ce qui s'étoitpaflé à fon égard , fçavoir , qu'il avoit
été déféré dans l'AfTemblée du Clergé de Cantorberi ^ qu'enfuite
il avoit été cité , mais que n'ayant point comparu , il avoit été
excommunié. Après quoi on lui avoit offert fon abfolution, s'il
pou voit fejuftifier. Il répondit qu'il étoit prêt de leur rendre rai-
fon de fa foi , (I on lui en donnoit lapermiflion. Il tira de fa poche
un papier qu'il mit entre les mains des Prélats après l'avoir lu tout
entier. Ce papier contenoit une Confeffion de fa foi. Comme on a
eu occafion de l'inférer avec le refte de la procédure , dans unOu-
vrage imprimé cette année,onfe contentera d'y renvoyer(a). Après r^TréUr-
cette procédure O/^vr/^/perfiftant dans fa déclaration l'Arche- votif contre la
vêque fulmina contre lui Ôcfes adhérants fa Sentence d'excom- f/s"/"^"
munication dattée du 10. d'O&obre 141 3. Au commencement Kome,^.voii.
de l'année fuivante Henri ^.publia un Edit contre Oldcafiel , qui in ,8-imPri-
avoit trouvé moyen de fortir de fa prifon. Il eft accufédans cet à Amfter-
Edit non feulement d'héréfïe,, mais d'avoir confpiré contre la vie darn> chcz
du Roi,& foulevd les Lollards pour cet effet. C'eft. pourquoi le Roi
propofe de grandes récompenfes à ceux qui arrêteront 0ldcaftel3&.
qui le lui livreront, des privilèges & des Immunitez confidérables,
aux Villes , Bourgs, Villages & Communautez où il fera arrête.
Quelques mois après (b) le Roi publia une Amniftie contre ceux (b)LeaS,
d'entre les Lollards qui avoient conjuré contre lui , à la referve de Mars-
JeanOldcaftel y &c d'une douzaine d'autres perfdnnes qui étoient
prifonnieres dans la Tour de Londres. C'eft toutecqu'on a trou-
vé touchant cette affaire , dans les aétes de cette année. Pour
n'en pas faire «à deux fois , j'en rapporterai ici la fuite fur la foi de
JValfîngham&cdes Annaliftes Continuateurs de Baronius (c) , fans (c) Bavut*
prétendre être garant des faits. % ^Rapmidus,
Quand l'Archevêque eut prononcé fa Sentence il alla lui-même
en donner avis au Roi ,& lui demanda cinquante jours de terme
pour tâcher de faire rentrer Oldcafiel en lui-même. Ce Prélat
ayant obtenu ce délai, on ramena le prifonnieràla Tour , dont il
trouva bientôt le moyen de forcir. Auffitôt après fon évafion, il
écrivit à tout ce qu'il avoit d'amis & de partifans pour les engager
à force de promettes dans une révolte ouverte. Depuis ce temps-
là jufqu'à Y Epiphanie , on ne vit qu'attroupemens de Lollards qi>i
couroient les Villes & les campagnes pour gagner les Païfans.les
i34 HISTOIRE DU CONCILE
14 14. Artifans, & toute forte de gens propres à porter les armes. En
effet, dèsle commencement de l'année 1414. ils choifirent «pour
exécuter le deflein qu'ils avoient de maflacrerle Roi, 6c toute la
Cour , le jour que ce Monarque célebroic l'anniverfaire de fa
00 Apud naiflance (a). Mais le Roi en ayant eu avis par quelques - uns des
MUbam. Conjurez , fe retira fans bruit dansfon Palais de IVefimunfier , pour
être plus en fureté , & plus à portée d'avoir du fecours. Cepen-
dant les Lollards s'avancèrent la nuit de tous les endroits du
Royaume jufqu'à St. Gilles près de Londres , oà on difoic qu'0/i-
caftel les attendoit. Le Roi , qui n'ignoroit pas leurs mouvemens ,
avoir fait mettre fesgens fous les armes , 6c fans attendre que le
jourpanic, comme on le lui confeilloit, il voulut qu'on attaquât
les ennemis pendant la nuit, pour prévenir le deflein qu'on leur
imputoitde vouloir détruire les Eglifes de Wefimunfiery de Saint
Alban 5c de Saint Paul, ôc tous les Monafteres de Londres. Cette
attaque nocturne & précipitée réufïït contre toute apparence , par
une méprife des Lollards, dont un grand nombre fe trouva dans
le Camp du Roy croyant être avec leur gens. On leur demanda
qui ils cherchoient , Ôc fur ce qu'ils répondirent , qu'ils cher-
choient Cobham leur Chef, ils furent arrêtez. L'épouvante fe mit
auflîtot dans le refte de la troupe des rebelles , d'autant plus qu'ils
ne voyoient point venir de Londres le fecours qu'ils en atten-
doient , parce qu'on ferma les portes delà Ville. On prétend que,
fans cette précaution , il fe feroit joint à eux jufqu'à cinquante
mille hommes, tant des Citoyens que des Laquais Ôc Apprentifs
de Londres. Dans cette difperfion générale on ne pût feavoir de
quel côté avoir tourné le Chef, quelques promefles que le Roi
eût fait à ceux qui le découvriroient. Les prifonniers déclarèrent
qu'ils avoient conjuré d'exterminer le Roy, les Grands du Royau-
me , les Prélats, les Religieux rentez ôc Mendiants, ôc les Bour-
geois, On leur fit leur procès, & ils furent les uns écartelez, les
autres rouez, Ôc tous enfuite brûlez. L'hiftoire parle entre autres
d'un Brafleur fort riche, nommé Guillaume Mûrie (1) , à qui Old-
caftel avoit promis de le faire Chevalier ôc Comte de Hertfort^
parce qu'il étoit plus attaché à ce Seigneur qu'aucun de la Se&e.
Cet homme , qui étoit avec les autres à St. Gilles voyant la fuite
de fesgens, rentra clandestinement dans Londres où il fut arrê-
té. On trouva fur lui des Eperons dorez ôc une lifte des Moines
de S. Alban qu'il vouloir chafler de cette Eglife pour s'en emparer,
( 1 ) De la Ville de Dunjttplia,
DE PISE. Liv. VIII. 135
Il fut pendu,& brûlé , avec plufîeurs autres Prêtres & Laïques qui iaja,
furent convaincus d'avoir trempé dans cette confpiration.
La Secle des Lollards ne fut pas tellement diffipée dans cette
occafîon, qu'elle ne fe reveillât quelques années après. Walfin-
gham rapporte qu'en 1417* profitant de l'abfence du Roi, qui
étoit en France alors , ils attirèrent les Ecoflois en Angleterre ,
pour fe défaire du Roi , 6c mettre Richard d'Ecoffe en fa place.
Mais cette tempête fut bien-tôt conjurée par la valeur du Duc de
Bedford, qui mit en fuite les EcofTois. Ce fut cette même année
quOldca fiel tut trouvé proche de St. Alban , dans la Maifon d'un
Pay fan 3 où il s'étoit caché avec quelques-uns de fes gens. On dit
qu'il fe trouva dans ce lieu là plufîeurs Livres écries en Anglois 5
éc d'autres , où il y avoit de belles images des Saints dont les Lol-
lards avoient efface les têtes Scies noms, aufïï- bien que les Lita-
nies des Saints & de la Vierge , qu'ils avoient rayez jufqu'à ces pa-
roles Kyrie eleifon. On trouva aufîi des manuferits pleins de blaf-
■phèmes contre la bienheureufe Vierge Marie, fi horribles que l'Hif-
torien dit qu'il n'a ofé les rapporter. Cependant, pour le dire en
paflant , il étoit du devoir d'un Hiftorien de fpécifier ces blafphê-
mes vrays , ou prétendus } afin que le Le&eur en pût juger. L'Ab-
bé de St. Alban envoya ce livre ainfi rayé de la main des Lollards,
& quelques autres écrits de leur façon au Roi, &le Roi les remit
entre les mains de l'Archevêque de Cantorberi , afin que dans [qs
fermons, il reprefentât au Peuple l'irrévérence des Lollards en-
vers les Saints. Il neparoîtpasqu'O/^/^/ fut arrêté dans cette
occafîon, mais il le fut quelque temps après, furies terres d'un
Seigneur ( 1 ) , non fans courir rifque de la vie , & fans mettre en
danger celle des gens qui le prirent. Le Parlement d'Angleterre
étoit alors aflemblé à Londres , on y amena Oldcafiel avec un Prê-
tre de fes plus confidents amis, où il fut entendu dansfesdéfenfes.
Il fit , dit-on , d'abord de longs difeours pour exciter la compafîîon
de fes Juges -y mais comme on le prefïbit de répondre fans écarts
aux queftions qu'on lui faifoit, il répondit 3 après quelques mo-
mens de méditation, qu'il ne faifoit nul cas de leur jugement, Se
que pendant la vie de fon Maître le Roi d'Ecofle , il n'avoit point
d'autre Juge que lui fur la terre. Après cette réponfe, on le traî-
na au fupplice , il fut pendu & brûlé. On prétend que les derniè-
res paroles qu'il prononça furent 3 pour prier un certain Seigneur
nommé Thomas Erpingham, que s'il levoyoit refîufciter dans trois
(1) Dominide Torviyfta*
13* HISTOIRE DU CONCILE
r , jours, il prît fa Se&e en fa protection. Telle fut la fin à'Oldcaftel ,
félon Waifingham. Je la rapporterai auflî dans les termes de 'Jean
Crefpin , l'un des Auteurs de l' Hifloire des Martyrs , fans vouloir
non plus garantir le fait, ni en dire mon fentiment , mais feule-
ment pourlafatisfa&iondu Public. »* Cependant, dit cet Auteur,
» grands troubles furent efmus par les Evefques contre la Religion
»Chreftienne, par tout le Royaume d'Angleterre. En ce temps-
» là en la Province de Wallie, il y avoir un Gouverneur de l'Or-
» dre dçs Sénateurs , nommé Poviz^ Ceftui-ci induit par les dou-
» ces paroles , & prefencs , & fous un faux femblant d'amitié, tra-
» hic le Seigneur de Cobham , & par [qs menées fit tant qu'il le me-
» na à Londres. Eftant là attiré il fut condamné d'héréfie , 6c de
» crime de Leze Majefté , félon la Loi & Edit que le Roy Henry
»V. a voit fait contre les Wicleviens , & ferré prifonnier en la
» Tour de Londres. Bien-toft après il fut tiré de-là ayant les mains
» liées par derrière 3 &; on le mie fur une claye 3 Se puis fut mené au
« Champ St. Gilles quieft le lieu où on exécute les malfaiteurs.
» Il avoic une chaine à Tentour du Corps : & on le guinda en l'air ,
» àc au deflous de lui on entafla un monceau de bois , & là ce vail-
» lant Martyr fut bruflé avec grande confiance. Le Peuple fut
*> fore marri de voir un tel fpectacle. Et cependant les Evêques fai-
»fbient toute diligence d'admonefler le Peuple que nul ne priât
w pour fon ame , ains que tous le tinflent pour un hérétique dam-
v né , comme celui qui étoit more &c decedé de ce monde hors la
n foy & obéiiïance du Pape. En cette forte ce SaincT: Chevalier
» achevant le cours de fa vie, & recommandant fon ame à Dieu,
h & priant pour le falut de fes ennemis , après avoir exhorté le
» peuple à s'addonner à la vraye foy ôc pure Religion, rendit fon ef-
» prit au Seigneur l'an 1418.
Gorwerfton XVII. Il y avoit environ 18. ans (a) que Ladiflas Jagellon 3 Roy
des Lhhita- de Pologne , & Duc de Lithuanie , en époufant Hedwize , fille de
niais tf des -.:...'• o • j tt • > - • - r l ôv » r
Samoghes. Louis , Roi de Hongrie , s etoit engage non feulement a embral-
(ajEn \t>\6. fer lui-même le Chriftianifme, mais à y amener les Lithuaniens
p. no.' fes fujets encore Payens. C'eflce qu'il fit par le Miniftere de l'Ar-
(bj BodzAn- chevêque de Gnefne (b) , & de plufieurs autres Eccléfiaftiques qu'il
mena en Lithuanie auffirôt après fon mariage. Leurs principales
Divinitez étoient le Feu } qu'ils croyoient perpétuel , parce que
leurs Prêtres avoientfoinde l'entretenir jourôc nuit, les Bois,
&les Forêts } les Afpics , &les Serpents 3 où ils s'imaginoient que
Ja divinité étoit cachée. L'Hiftoire nous parle de cette converfion,
comme
*~
DE PISE. Liv. VIII. 137
comme d'une exécution aflez brufque & précipitée. Elle Te fit à 14,14?
Vilna Métropole de la Province , ôc comme leur Jerufalem. Le
Roy fe contenta d'abord de leur faire la propofition d'abandon-
ner leurs faux Dieux pour fe convertir au véritable: & fur leur
refus , il fit éteindre leur feu qu'ils fe figuroient éternel , renverfer
leur Temple 6c l'Autel où. ils offroient leurs facrifices , abbattre 6c
couper leurs bois & leurs facrez bocages, tuer les Serpens qu'ils
gardoient dans leurs maifons, comme des Dieux Pénates. Ces
barbares, qui n'avoient point d'autres armes, répandirent des
torrens de pleurs à l'afpect delà défaite de leurs Dieux. Cepen-
dant après les premiers mouvemens 3 comprenant que leurs Dieux
n'étoient que de vaines 6c foibles idoles, 6c qu'on les avoit trom-
pez dans l'opinion qu'on leur en avoit fait concevoir, ils embraf-
férent la foy Chrétienne , partie par force, partie par réflexion.
On les inftruifit pendant quelques jours des principaux articles de
la Religion. Le Roy qui parloit Lithuanien s'employa plus que les
Prêtres à cette inftru&ion qui fut fuivie du baptême. Comme il
eût été fort difficile de les baptifer l'un après l'autre , on les distri-
bua par pelotons ou par bandes, ôc on fe contenta de verferde
l'eau bénite fur chaque bande. Les hommes ôc les femmes furene
mis àpart. On donna de differens noms à chaque troupe d'hom-
mes, 6c à chaque troupe de femmes, comme ceux de Pierre, de
Paul, de Jean, de Jacques, de Stanijlas (1), de Catherine, de
Marguerite , de Dorothée , &c. Le Roi fit préfent à chacun de ces
Néophytes d'un habit neuf } d'un drap qu'il avoit fait apporter de
Pologne tout exprès. On peut juger combien cette liberalicé rare
pour des gens qui n'étoient habillez que de toile, multiplioit cha-
que jour le nombre des Profélites. Vilna fut érigé en Evêché, qui
fut donné à André de /' Efpervier frère Mineur , Confefîeur de la
Reine Elifabeth de Hongrie mère d'Hedwige. Le Roy donna aufîi-
tôtavisde cette converfïon au Pape Urbain VI. qui l'en félicita
par un Bref qu'on trouve dans l'Hiftoire de Dlugos (a). (a) Lib. x.
Comme le Chriftianifme n'avoit pas encore pénétré dans la Sa- p*
mogitie Provincede laLichuanie, leRoyfe fît une affaire de con-
ïcience de convertir ce refte d'Infidèles. Il y alla lui-même accom-
pagné de quelques Prêtres Polonois, avec Anne, fille du Comte
de Cillei3 qu'il avoit époufée après la mort d'Hedwige. Il s'y prie
(1) Stanijlas , Evêquc de Cracovie , fut maffacre fur la fin du VII. ficelé en difant la Méfie,
par le Roi Bolejlas , que cet E/êque avoit cenfuré & excommunié pour adultère & pour plu*
fieurs autres crimes. Ii futcanonife'par Inntcent \V, en 124p. Dlug. L. III, p. 2P4.
Tom.II.Part.II, S
IIO. III*
i38 HISTOIRE DU CONCILE
à peu près de la même manière qu'à l'égard des Lithuaniens,com-
me ils avoient auffi à peu près le même culte. Les Hiftoriens rap-
portent allez unanimement que les Samogites 3 auffi - bien que les
Lithuaniens, adoroient entre autres Divinitez le Feu & le Ton-
nerre. Les Prêtres de ces derniers avoient le foin d'entretenir
perpétuellement le feu fur lefommet d'une haute montagne fî-
tuée fur la rivière de Nyewias^a. Comme ilss'imaginoient que
les bois fit les forêts étoient la demeure des Dieux, ils les regar-
doient avec un fouverain refpect.,, aufli-bien que les oifeaux, les
bêtes fauvages , 6c généralement tous les habitans des bois. Il y
avoitfur tout un bois entre les autres , qu'ils croyoient tellement
facré que perfonne n'y pouvoit rien toucher fans s'expofer à la
vengeance célefte , 6c qu'elle fe fervoit aulîitôt des démons pour
courber les mains 6c les pieds de ceux qui ofoient violer une 11 fain-
te demeure. De forte que toutes ces bêtes étoient apprivoifées ,
& qu'elles felaiiloient approcher de tout le monde. Chacun avoir
dans ceboisuneefpece de foyer, où. il portoit les corps morts de
fes parens & de fes amis, avec tout ce qu'ils avoient lailîè de plus
précieux pour les y brûler. Autour de ces foyers étoient rangez
desefpecesdechailesou de tables de liège, où ils portoient des
(z)Medonem. vjvres g^ un certain breuvage ( a ) , dont ils s'imaginoient que les
âmes de leurs parens fe nourrilïoient j ces bonnes gens ne faifanc
pas réflexion que c'étoit aux corbeaux 6c aux autres bêtes qu'ils
préparoient à manger. Le premier jour d'Octobre ils tenoienc
dans ce bois facré une AlTemblée folemnelle de tout lePaïs, où
chacun , hommes 6c femmes, apportoitce qu'il avoit de meilleur
à boire 6c à manger , 6c après s'être bien régalez pendant quelques
jours, la fête finilToit par des libations qu'ils ofïroient à leurs
Dieux , & principalement au Tonnerre.
Zadijlas après avoir converti les Lithuaniens (b) , voulant pro-
(b)Cefuten curer lemême avantage aux Samogites leurs voifins, 6c comme
Uz?'r \r eux unis aux Royaume de Polopne.y alla lui- même. D'abord
p. ir©.Bov. étant monte lur la montagne, il éteignit lui- même le reu en y
H£?-n. verfant une grande quantité d'eau. Enfuite il détacha des Soldats
Polonois pour aller couper lesarbres du bois, <3c tuer toutce qu'ils
y rencontroient d'animaux. Ces barbares étoient fort étonnez
de voir les Soldats couper leurs bois impunément , parce que leurs
Prêtres les menaçoient de la vengeance celelïe s'ils ofoient en cou-
per. C'eft ce qui commença à leur donner mauvaife opinion de
leurs Dieux qui ne s'étoient point défendus, 6c n'avoient poinc
DE PISE. Liv. VIII. 139
vangé la profanation de leur culte. De forte que du confentement 141 4.
de tous , un de leurs plus vieux concitoyens déclara publiquement
au R oy , Que puifque leurs Dieux avoient été affezjàchespour fe laif-
fer vaincre far celui des Polonois , ils étaient ré folus d'abandonner leur
culte , & de s* attacher a celui du plus puiffant. Après cette déclara-
tion le Roy leur apprit lui-même l'Oraifon Dominicale & le Sym-
bole des Apôtres, parce que les Prêtres Polonois qu'il avoit avec
lui ne parloient pas le Samogicien , qu'il fçavoit parfaitement,
comme étant de ce pais-là , de forte qu'il fut leur Apôtre & leur
Prédicateur. On peut voir dans Dlugos un échantillon du Sermon
qu'il leur fit (a). Le même Hiftorien raconte qu'un Dominicain, 00 Dlug.
qui étoit Prédicateur du Roy (b) , ayant prêché amplement fur la L1f " x\mv.
Création du monde , un Samogite qui l'écoutoit s'imagina que le 344-
Prédicateur avoit dit que le Mondeavoit été créé de Ton temps. y^n^ÎC0ÎM
Là-deilus le Samogite fe tournant vers le Roy lui parla en ces ter-
mes : Sire y ce Prêtre efi un menteur j quoiqu'il ne foit pas encore
vieux , il dit qu il fe fouvient de la Création du Monde. Nous avons
parmi nous des gens qui ont plus de cent ans , & qui nont aucune mé-
moire de ce fait- là. Le Roy eut la bonté de le défabufer , &: de lui
faire comprendre fon mal entendu. Comme ce Monarque con-
noifloit l'inconftance des Samogites, &que même ils avoient ré-
folu fecretement après fon départ, de rallumer leur Feu encore
caché fous la cendre, il demeura là encore quelques jours, pour
faire jetter jour & nuit de l'eau fur ces cendres. Ileutauflila pré-
caution de leur donner pour Gouverneur un Baron Samogite
Chrétien nommé Kinz^çal , homme pieux & zélé , à qui il recom-
manda de prendre bien loin que Iqs Samogites convertis ne retom-
baient pas dans leurs fuperftitions, & d'interdire à ceux qui ne
l'étoient pas encore, tout exercice de leur Religion. Il érigea une
Eglife Cathédrale dans l'endroit le plus confidérable de la Pro-
vince (c), & établit par tout le Pais plufieurs Paroifîes qu'il dota (c)Mednikj,
libéralement. Non content de cette munificence vraïement Roya-
le , il fit des préfensconfidérables à ceux qui fefaifoientbaptifer.
Cependant ces converfîons ne furent ni générales ni durables. On
peut voir dans YHifioire du Concile deConfance^quQ le Roy de Polo-
gne^ Alexandre Withoud grand Duc de Lithuanie de de Samogi-
tie, furent obligez d'envoyer à ce Concile pour demander des
ConvertifTeurs.
On voit par le Sommaire de ce VIII. Livre, qu'on avoit eu d'a-
bord deflein d'y rapporter la mort de Zadijlas Roy de Naples , ôc
*4*4.
140 HISTOIRE DU CONCILE
les Concordats ou Trairez pour le Concile de Confiance. Mais
depuis on a jugé que ces deux articles feroient mieux dans la nou-
velle Edition del'Hiftoire de ce Concile , où Ton fera une revive
générale de ce qui s'eftpailë en 14 14. jufqu'au mois de Novem-
bre, qui fut celui de fa convocation.
JFin du huitième & dernier Livre.
DECLARATION
DECLARATION
•DE CHARLES VI. ROI D.E FRANCE
Par laquelle le Duc de Bourgogne ejl déclaré ennemi de l'Etat.
Il eft parlé de cette Déclaration dans cette Hiftoire, Liv. VII. §. xx.
CHarles par la grâce de Bourgogne d'autre : lequel Trai- ç^r^ys
de Dieu , roi de Fran- té nosdits Neveux , quoy qu'ils le lÏv.xxxîii.
ce : Comme ainfi foit , que trouvaflent fort dur, 6c fort étran- en. xxvn,
depuis le damnable , 6c cruel homi- ge, parlèrent très-patiemment néant-
cide commis , 6c perpétré par le moins , tant par refpeâ; , qu'ils eu-
commandement , 6c ordonnance de rent pour nous , que par une jufte
nôtre Coufin Jean de Bourgogne , comparTion pour nos Subjets, qu'ils
en la perfonne de feu noftre très- craignoient de voir tomber dans les -
cher , 6c très-amé Frère unique ,
& germain, Louis Duc d'Orléans,
à qui Dieu pardotnt, ledit de Bour-
gogne ait pris fujet de venir contre
noftre volonté , & contre noftre
deffenfe,par plufieurs fois réitérées ,
en noftre Ville de Paris , avec de
grandes troupes de gens de guerre ,
fous certains prétextes notoirement
faux , & denuez de toute vérité ,
malheurs de la guerre civile. Mais
encore qu'entr'autres Articles , le dit
de Bourgogne euft juré , 6c promis ,
entre nos mains , que dès lors , év à
l'avenir , il feroit leur vray , 6c fidèle
amy,6c amyde tous. leurs amis:il ne
laiffa pas auilï-toit après , de témoi-
gner tout le contraire, 6c fans fe fou-
cier des ferments qu'il avoit faits ,
pour la ratification de cette Paix ,
au grand fcandale , & au danger de & des engagements de fa foy , pour
noftre Eftat , & de la chofe publi- fe vanger de quelques-uns de nos
que , 6c tafché de juliifier cet hor- ferviteurs , qu'il foupçonnoit de
rible 6c déteftable meurtre. Confide- nous avoir induits à punir par Jufti-
rans les grands maux , inconveniens , ce , l'arTalTinat de noftre Frère , com-
& dommages irréparables , qui à me auiîî pour avoir le gouverne-
cette occafion pouvoient arriver fur ment ,'6c l'adminiftration de noftre
nous , 6c noftre Peuple, 6c fur tous perfonne, 6c de tout ce Royaume :
îes Subjets de noftre Royaume , 6c qu'il avoit toujours affecté, 6c pour
voulans obvier de tout noftre pou-
voir , aufdits dangers 6c inconve-
niens : Nous mandâmes à Chartres
noftre très-cher 6c très-aimé Fils ,
6c Neveu , le Duc d'Orléans , 6c le
Comte de Vertus , enfans de noftre
dit Frère , lors mineurs , 6c en bas
à quoy parvenir il avoit fait faire ce
damnable meurtre : il fit prendre 6c
condamner à mort beaucoup de nos
fidèles ferviteurs , 6c contraignit
les autres , par des voyes étranges ,
6c déraifonnables , à de groiïès , 6c
exceflives fommes d'argent. Alors
âge , 6c là fismes faire un Traité de nosdits Neveux confidérant qu'au
jPaixentr'eux, d'une part , 6c le dit mépris de fes promeifes , confirmées
Tome II. Parc. III. A
ij DECLARATION
par fon ferment , il avoit enfraint
l'accord fait entr'eux , ils nous fup-
pliérent humblement , & par plu-
sieurs fois , que nous leur fiffions
Juftice de la mort de leur père , com-
me de droit , nous y étions tenus :
mais ledit de Bourgogne, qui avoit
privé de leurs Charges nos fidèles
ferviteurs , 6c qui les avoit remplies
de fes Créatures , nous empefcha
d'incliner à leur requefle : 6c ce qui
efl encore pluscondamnab]e,voyant
que pour le défaut de Juflice , ils
vouloient procéder contre luy par
voye de fait , pour vanger cet hor-
rible attentat , comme ils y étoient
naturellement obligez : il leur im-
pofa , & contre toute vérité fit pu-
blier contre eux , que nous étions
fuffifamment informez , qu'eux , 6c
quelques autres de noftrefang , qui
pour lors étoient avec eux , nous
vouloient dépouiller , 6c priver de
noflre Etat , 6c de noflre dignité
JRoyale , pour créer un autre Roy
de France. Il paffa plus outre , car
fous ombre de ces menfonges , &
de ces calomnies , il émût noflre
Peuple contr'eux , avec tous fes ad-
hérants,il nous induifit nous-mesme
à leur faire la guerre , afin de cou-
vrir une querelle fi injufle de noflre
authorité , & nous porta , 6c exhorta
à pourfuivre contre'eux cette ini-
«îitié récente , & fondée fur de fi
faux prétextes ; de là font arrivez
tant de malheurs , qui ne font que
trop publics : car fous prétexte de
cette guerre , ledit de Bourgogne a
fait emprifonner au Chaflelet de
Paris , & ailleurs , quantité de no-
tables Chevaliers , & Efcuyers ,
afTedionnez au party de nos Neveux
& parens , desquels il en a fait injuf-
«ement mourir par fupplice quel-
DE CHARLES VL
ques-uns , après toute forte de tour-
ments , 6c fait périr d'autres de faim-
dans lesprifons , après leur avoir dé-
nié les Confeffions , & les autres-
Sacrements de l'Eglife , 6c refufé
l'humanité de la fepulture à leurs
cadavres esparts dans les lieux pro-
phanes , dans les voiries , dans les
Champs , 6c fur les grands che-
mins , 6c abandonnez aux chiens ,
6c aux oyfeaux de carnage. Il n'a
pasvoulu mefme fouffrir qu'on bap-
tizafl leurs enfans, ce qui va directe-
ment contre la Foy Catholique , 6c
par de fi horribles cruautez , il fem-
ble fans doute avoir furpaffé tout
ce qui s'efi jamais fait d'inhumain. -
Davantage , fous ombre de cette
mesme guerre , qu'il n*a entreprife
que pour fes propres interefls,6c pour
l'impunité de fon crime, il a levé fur
nos Subjets fous le nom de Tailles ,
d'emprunts , 6c de reformations >
des Finances excefîives. Il a pris ,
6c fouillé les Thréfors des Eglifes ,
pillé dans les Greffes de noflre Cour
du Parlement 6c du Chaflelet , l'ar-
gent mis en dépoli; , 6c configné ,
en faveur des vefves , 6c des enfans
mineurs , au fujet de quelques repé-
titions , ou retraits. Il a fait dimi-
nuer le prix , 6c la valeur des mori-
noyes , au préjudice de nos Subjets ,
6c de toute la chofe publique , 6c
celU monte à un million d'or , félon
les Regiilres de noflre chambre des
Comptes , lequel n'a point été em-
ployé à noflre fervice , 6c qu'il a
converty à fon ufage particulier.
Par là tout le monde connoifl , que
c'efl ce qui a interrompu par un fi
long, efpace de temps , tout le com-
merce,^ le négoce, 6c par confisquent
traverfé la fortune publique de l'Ef-
tat: 6c parla même raifon, les revenu*
CONTRELEDUC
.de noftre Domaine, & des fubfides du
Royaume , font notablement dimi-
nuez. Non content de tout cela,ledit
-de Bourgogne, porté qu'il étoit ab-
folumentà la deftru&ion de nos dits
Neveux , '& de noftre très-aimé On-
cle le Duc de Berry , & autres de
noftre Sang , afin de gouverner feul
noftre Royaume ., nous engagea
nous , & noftre très-cher fils le Duc
de Guyenne , à les aller debeller ,
contraignit plufieurs de nos Coufins
à prendre les armes , pour le mes-
me fujet , comme s'il euft fait la
guerre pour nous , & nous tira de
Paris , pour les aller opprimer , com-
me nos ennemis capitaux , quoy
qu'ils nous ayent toujours efté très-
fideles parens & très-affeftionnez ,
& très-obéïfTants Subjets en toutes
chofes. Si bien qu'il nous perfuada
d'aller affiéger la Ville de Bourges ,
où noftre très-aimé Oncle faifoit
fa réfidence , devant laquelle , il
nous tint l'efpace de cinq femaines ,
6c plus , à noftre grand deplaifir , &
au grand danger de noftre perfon-
ne , pour les chaleurs exceflives, &
pour l'infe&ion de l'air empefté des
charognes. C'eft ce qui nous fit re-
venir a noftre Ville d'Auxerre , où
ayans mandé noftre Oncle , nos Ne-
veux, & nos Coufins , il pleut à
Dieu de nous donner les moyens
de faire un nouvel accord , entre
eux , & leurs Alliez , & ledit de
Bourgogne , & fes Confédérez , qui
fut folemnellement juré départ , &
d'autre. Mais nous ne fusmes pas
pluftoft de retour à Paris que ledit
de Bourgogne , contre fa parole , &
contre fon ferment , fit fecrette-
ment drefîer certaines Ordonnances
en noftre nom ; par lefquelles nous
révoquions plufieurs Articles , que
DE BOURGOGNE iij
nous , & noftre très - aimé Fils
avions promis de faire en traitant le-
dit accord : & particulièrement pour
ia reftitution des Terres , Héritages ,
Bénéfices , & Offices de ceux qui
avoient tenu le party de nos Ne-
veux, & parens. Il fit encore pis
longtemps après ; car au mépris de
nos Lettres touchant la reftitution
des Chafteaux , maifons , & hérita-
gesjwiosdits Neveux , & à leurs Ai-
liezV i' retint les Chafteaux de Con-
cy , <3c de Pierrefons , & leurs Do-
maines , & ce fans Lettres de noftre
part , & fans vérification d'icelles
faite par noftre Cour de Parlement ,
comme il eft accoutumé en telles &
femblables occafions ; parce qu'il n'y
avoit perfonne qui ofaft blasmer en
rien , la conduite dudit de Bourgog-
ne , & de fes Complices. De plus ,
pour nous gouverner à fa volonté ,
aufîi bien que noftre très -aimée
Compagne la Reyne , & noftre
très-cher fils aine , & pour nous te-
nir aftujettis , & en captivité , nous ,
& noftre Royaifme , il a élevé cer-
taines gens de néant , & du dernier
eftat de noftre Ville de Paris , qui
iè font établis dans l'authorité de
tout gouverner , par des voyes auflî
infolentes que honteufès , venant
avec violence , & avec impétuofité
dans nos Confeils , & en noftre
Cour du Parlement , où leurs me-
naces forçoient tellement en toutes
chofes la liberté des fuffrages , que
la Juftice eftoit devenue l'inftru-
ment de leur fureur , & qu'il falloir,
enfin que tout paflaft à leur volon-
té. En continuant ces damnables
attentats , ces feditieux s'eftant
apperceus un certain Vendredy
XXVIII. du mois d'Avril pané
que quelques-uns de nos Couiins ,
A ij
iv DECLARATION
ôc des Officiers , tant de noitre Mai-
fon , que de celle de la Reyne , & de
noftre Fils , Se autres du Corps de
noitre Fille l'Univerfité , comme
aulîi quelques-uns des plus honnef-
tes Bourgeois , & Marchands de
noitre dite Ville de Paris , n'approu-
voient pas ce gouvernement , ils
craignirent qu'on ne leur oitaft l'au-
thorîté qu'ils avoient empiétée , <5c
<5c qu'on ne les chaitiait de leurs for-
faits. Pour ce fujet , ils firenfSuhe
grande Affemblée de Peuple , &
quoy que la pluspart ignorait à quel
defiein , ils vinrent par voye de fait ,
fans authoritéde Juflice, en armes,
ôc l'Etendard déployé , devant la
maifon de noftre Fils , où ils entrè-
rent de force , «5c malgré luy , pri-
rent noitre très-aimé Coufin le Duc
de Bar , ôc plufieurs autres des Con-
fêillers , Officiers , <5c Serviteurs de
noitre dit Fils , dont les noms
eltoient eferits dans un Roolle , que
le dit de Bourgogne portoit en fa
manche. Il les fit premièrement me-
ner à fon Hoftel d'Artois , 6c de là
trainer en diverfes prifons , où ils ont
efté fi mal traitez , que quelques-
uns y ont malheureufement achevé
leurs jours , ôc d'autres languiflent
encore à préfent de I'ennuy infup-
portable qu'ils ont contracté dans
une fi longue captivité. Le lende-
main ces gens-là mesme , tous de la
plus balle lie du Peuple , par l'exhor-
tation du dit de Bourgogne .vinrent
pareillement en armes , l'Eitendard
déployé , en noitre Holtel Royal
de St. Pol. Us y entrèrent par force ,.
malgré nous , malgré la Reyne noitre
Compagne , <5c malgré noitre Fils ,
prirent de violence noitre Frère
Louis Duc en Bavière , avec quelques
Officiers de noitre très-aimé fils ôc
quelques Dames , Ôc Damoifelles de
DE CHARLES VI.
grande condition , qui eltoient au>
fervice de noitre bien aimée Com-
pagne , en fa propre préfence , «5c les
menèrent encore en différentes pri-
fons , où ils ont longtemps demeuré ,
au grand danger de leurs perfonnes.
L'impunité les authorifànt de faire
ainfi toute forte d'autres excès , ils
marchoient en troupe , non feule-
ment de jour , mais de nuit ôc à heure
fufpede , prenant , ôc emprifon-
nant , fans authorité de Jultice ,
plufieurs de nos Officiers , ôc des
Bourgeois de Paris , en leurs pro-
pres maifons ; ôc ils en ont fecrette-
ment tué , ou fubrnergé quelques-
uns , ôc contraint les autres à des
rançons infupportables , appuyez en-
tout cela du dit de Bourgogne.
Ainfi , <5c au moyen de ces malheu-
reux miniftres d'iniquité , du nom-
bre defquels le dit de Bourgogne
avoit mis plufieurs en noitre fervice ^
ôc dans les Charges de noitre Mai-
fon : Nous , noitre Epoufe bien ai-
mée , ôc noitre Fils aisné , eitions
réduits en une telle fervitude , qu'il
ne nous eitoit pas poiîible d'ordon-
ner de rien en liberté pour le bien de
noitre Etat , jusques à ce que par la.
grâce de Dieu , par le foin ôc par la.
diligence de nos très-chers parens le
Roy de Sicile noitre Couiin , de.
noitre Fils ôc Neveu le Duc d'Or-
leans , de nos Coufins le Duc de
Bourbon , les Comtes d' silençon «Se
d'Eu , «5c de plufieurs autres de nof-
tre fang , des Prélats , Chevaliers,
Efcuyers , des Gens de la Cour de
Parlement , ôc des Supports de
noitre Fille l'Univerfité , des Bour-
geois , <5c des Marchands de noitre
Ville de Paris , nous avons eité ré-
tablis en noitre première liberté. En
ce tems-là4mesme , la Paix ci-devant
conclue à Auxerre , avoit été par
CONTRE LEDUC
nous reformée , & jurée de nouveau ,
comme aufîï par le dit de Bourgo-
gne , 6c par les autres de noflre fang ,
néantmoins ledit de Bourgogne , un
Vendredi 4Jour d'Aouft , avant que
noflre Fils aisné marchait à cheval
par la Ville , tascha de l'enfraindre ,
faifant publier par plufieurs mai-
fons , & lieux publics , qu'on ne pou-
voit confentir à cette Paix , fans don-
ner les mains à la deftru&ion & à la
ruine de la Ville , 6c des Bourgeois :
ce qui efloit une induction auffi
fauffe , que pemicieufe, & damna-
ble,6c capable de faire de plus grands
maux, 6c démettre l'Etat en com-
buflion. En fuite de cela , ie déplai-
fîr qu'il eut de cette Paix ainfi réta-
blie , & de la fuitte hors de noflre
Ville de Paris , de cette canaille qui
la troubloit, Se qui ne pouvoir au-
trement éviter ie chafliment de fes
crimes , lu y ayant fait prendre le
deffein de fe retirer incontinent de
noflre Cour , & de ladite Ville, il
feignit d'aller en Bourgogne , mais
il prit le chemin de la Comté de
Flandres , où comme dans fes autres
Terres , il a retiré ces Criminels vio-
lateurs de la Paix , & les traitres ,
& les infâmes AffafTins , qui par fon
ordre avoient , comme dit en; , tué
noflre Frère. Depuis fon départ ,
nous luy avons envoyé une deputa-
tion folemnelle , pour luy deman-
der , 6c pour luy commander en
noflre nom , qu'il eut à rendre les
Malfaiteurs qu'il tient près de luy ,
tant ceux qui font déjà convaincus
du crime de leze Majeflé , 6c com-
me tels chaffez de noflre Royau-
me , 6c proferits à perpétuité , que
les autres contre lesquels il y a Dé-
cret d'adjournement perfonnel , pour
en faire punition , comme auiîi de
DE BOURGOGNE. v
nous rendre nos Chafleaux du Cm-
toy , de Caè'n , 6c de Thim , qu'il
détient injuflement , contre noflre
volonté , mais non content de de-
fobéïr à nos ordres il a continué de
pis faire , fous des prétextes qu'il a
malicieufement inventez. Il a man-
dé de grandes troupes , de Bourgo-
gne , de Savoye , d'Artois , 6c d'au-
tres Pais , pour venir contre noflre
Ville de Paris ; 6c afin d'avoir le
pafTage plus libre , & plus favora-
ble par nos Villes , il a fauffement
écrit aux Villes , & aux Commu-
riautez pour leur demander aide ,
& aiîlftance , comme eflant mandé
de notre part , 6c de celle de noflre
Fils , pour nous venir délivrer d'une
fervitude infupportable , en laquelle
nous eftions tenus prifonniers , à ce
qu'il difoit. Ce qui efl fi notoire-
ment faux , <jue nous pouvons af-
fe urer que nous n'avons eu de véri-
table liberté que depuis fa retraite
de noflre Cour : & il efl au m" peu
véritable qu'il ait eu ordre de noflre
part fur cela, Tant s'en faut , que
nous luy avons mandé par des ordres
exprès ,,& nous , Se noilre dit Fils r
qu'il fe gardafl , fur tant qu'il crai-
gnoit de nous ofTenfer , d'entrer en-
armes dans ce Royaume. Ce que-
non feulement il a méprifé , mais il
retient encore injurieufement ,
l'Huiffier de noflre Cour de Parle-
ment , que nous luy avions envoyé
avec nos Lettres, quoy qu'il n'ait en
rienoutre-paiïe le devoir de fa char-
ge. Ainfi, le dit de Bourgogne con-
tinuant fon mauvais , 6c damnable
deffein , ne tenant compte de nous
obéir , 6c de nous garder le refpecT: ,
qu'il doit à fon fouverain Seigneur,
6c fe rendant notoirement rebelle ,
il a pris, fa marche vers noflre Ville
A iij
v] DECLARATION DE CHARLES VI.
de Paris , avec de grandes , 6c nom- ce qui a donné , ôc donne lieu àtou-
breufes troupes de Gendarmes , ôc
de trait , ôc mesme en appareil de
guerre , ôc avec hoftilité , en trou-
blant , ôc enfraignant la Paix , par
lu y fi folemnellement jurée , com-
me dit efl , pour d'autant plus té-
moigner combien il eft ingrat , &
indigne de tant de biens & de grâ-
ces qu'il tient de noftre libéralité. Il
continue de tenir en fa compagnie
tous ces deteftables traiftres , meur-
triers , 6c afTafîms , violateurs de la
Paix , coupables 6c convaincus du
crime de leze Majeflé , 6c comme
telsjuftementchaffez , 6c bannis de
noftre Royaume , il trouble le repos
de nos Peuples , ôc tasche d'émou-
voir des feditions à Paris , 6c ailleurs.
Il eft aufli entré en armes dans noftre
Ville de Compiegne , contre les
ordres , 6c les deffenfes par nous en-
voyées à la dite Ville , 6c aux habi-
tans , de le laiiTer pafler avec fes
troupes , qu'il n'a pu ignorer , non
plus que ceux qui font avec luy , 6c
qui pis eft , il la détient , 6c s'efforce
tes les plaintes , 6c aux clameurs
qui tous les jours viennent à nos
oreilles ; 6c c'eft ce qui nous oblige
aufli de faire fçavoir à tous nos
Subjets , que pour tous les atten-
tats cy-deflus , 6c pourplufieurs rai-
fons à ce nous mou vans , 6c princi-
palement pour les mauvaifes maniè-
res qu'a toujours tenues envers nous
ledit de Bourgogne , qui depuis la
mort déplorable de noftre deffunt
Frère , jufques à préfent , n'a cette
de procéder par voye de fait , par
puiflance , 6c par forces d'armes , en
transgreftant nos ordres de ne point
venir en noftre Cour, n'y -en noftre
Ville de Paris à main armée,il doit ef-
tre tenu pour ingrat, 6c comme tei,dé-
cheu de tous les biens 6c de toutes les
grâces qu'il a par cydevant receiies
de nous. Surquoy après avoir meure-
ment délibéré avec plufteurs de nof-
tre fang,6cautres perfonnes fages ,6ç
gens de bien , tant de noftre Confeil,
que de noftre Cour de Parlement, 6c
du Corps de noftre Fille l'Univer-
de la garder contre noftre volonté, fité , comme aufîi des Bourgeois
Il s'eft de la mefme façon rendu
maiftre de noftre Ville de Soilîons ,
6c enfuitte il s'eft encore failli de
celle de Saint Denys , pour nous
incommoder 6c noftre Ville de Pa-
ris. Enfin pour confommer fa mau-
vaife , 6c damnable volonté , il eft
venu hoftilement , à grandes forces ,
6c enfeignes déployées , devant nof-
tre Ville de Paris , 6c y eft long-
temps demeuré de pied ferme , en-
voyant fes Couriers jufques aux por-
tes , à deifein d'y exciter quelque
fedition , 6c d'y entrer de force ,
comme un véritable Ennemy de
l'Eftat , commettant en cela un nou-
veau crime de leze Majefté. C'eft
6c Marchands de noftre Ville de
Paris , affemblez en grand nombre ;
Nous avons ledit de Bourgogne , 6c
tous autres , qui après la publica-
tion de nos Lettres luy prefteront
Confeil , ayde , ou faveur , déclaré ,
6c par les prefentes déclarons rebel-
les , 6c défobéiffants , infradeurs , 6c
violateurs de la Paix , 6c par confé-
quent nos Ennemis , 6c Adverfaires ,
ennemis 6c perturbateurs de l'Eftat.
Pour ces eau fes nous avons réfolu
d'affembler pluftoft que faire fe pour-
ra , toutes nos forces , ôc de mander
tous les nobles , 6c vaflaux de noftre
Royaume, avec les Bourgeois de la
milice , de la Ville , pour le voyage
CONTRE LE DUC
que nous voulons faire contre luy y
afin de réfifter par leur affiflance , à
la pernicieufe volonté , & au témé-
raire attentat du dit de Bourgogne,
& de fes Complices , de les réduire
à noflre obéiffance ,- comme il efl
raisonnable , & de chaftier , & de
punir de telle forte les forfaits, qui
ont été commis , que l'honneur nous
en demeure , & qu'il en foit exem-
ple à l'advenir. C'eft pourquoy ,
nous mandons par ces prefentes ,
à nos fidèles Confeillers de noftre
Cour de Parlement , au Prévoit
dé Paris , à tous Baillys , Senes-
chaux , Prevofls , & autres , nos
Julliciers <5c Officiers , ou à leurs
Lieutenans , de publier , & faire
publier les prefentes Lettres , en
leurs Sièges , & Auditoires , &
dans les Marchez , & lieux publics ,
où la couflume eft de publier ks
Déclarations , & Ordonnances
Royaux , à ce que nul n'en puilfe
DEBOURGOGNE. vij
prétendre caufe d'ignorance. Leur
ordonnant de noflre authorité ,
qu'au pluflofl qu'ils pourront , ils
viennent à nous en armes , pour nous
fervir en ce qu'il leur fera comman-
dé , fur tout qu'ils craignent d'en-
courir noftre indignation ; y con-
traignant les autres qui pareillement
y font obligez , fi befoin efl , par
faifie , & exploitation des biens ,
arreft , & détention des perfonnes
de tous , & chacuns de ceux qu'ils
trouveront défobéïflants à nos E-
dits , & Ordonnances cy-deffus :
En témoin dequoy nous avons fait
appofer noflre Seel aux préfentes
Lettres. Donné à Paris le 10. Fé-
vrier , l'an de noflre Seigneur 1 4 1 3 .
& de noflre Règne le 34.. Signé par
le Roy , à la relation de fon grand
Confeil , affemblé à cette fin , en
préfence de laReyne , & de Mr. le
Duc de Guyenne, Derian.
yix\
JUSTIFICATION
DU
DUC
PAR.
E BOURGOGNE
JEAN PETI T.
MONSTREIET, ChRON. Vol. I. fol. 3 4.
Il* eft parlé de cette Pièce dans cette Hiftoire., Liv. VII. §. XXVII.
Comment le Duc Jean de Bourgongne fcift propojer devant h' Roi
& fin grand Confcil Je s excitations fur la mort dit dejjus
dit Duc d'Orléans. Cha.p. XXXIX.
LE VIII. jour de Mars l'an
mil CC CC. & fept le Duc
Jean de Bourgongne feit pro-
pofer à Paris en l'hoftel de Saind
Pol par la bouche de Maiftre Jean
Vêtit Dodleur en Théologie la Jufti-
fication d'icelui Duc Jean fur la
mort n'agueres faite du Duc Loys
d'Origans : Et eftoit prefent en eftat
Koyal le Duc de Guyenne Daul-
phin de Viennois aifné fils & héri-
tier du Roi de France , le Roi de
Cecdle , le Cardinal de Bar , les
Ducs de Berry ., de Bretaigne & de
Lorraine avec plufieurs Comtes ,
Barons „Chevaîiers & Efcuyers de
divers Pays , le Recteur de l'Uni-
verfité accompagné de grand nom-
bre de Docteurs & autres Clercs &
très grand multitude de Bourgeois
j& Peuple de tous eftats , de laquelle
proportion la teneur s'enfuit. Pre-
mier dift ledit Jean Petit comment-
par devers la tresnobie & treshaul-
te majeflé Royalle venoit comme
très vray .obéi fiant à fon Roy &
Souverain Seigneurie Duc de Bour-
gongne Comte de Flandres , d'Ar-
ia) ro'thois& de Bourgongne deux fois
che, pnxi- Iairde France oc Doyen des Pairs
mus, en grand humiiité pour lu y faire
révérence & toute obeïflance com-
me il eftoit tenu & obligé de faire
par quatre obligations que mettent
communément les D odeurs en Thé-
ologie , le Droit Canon , & Ci-
vil. Desquelles obligations la pre-
mière eft. Proximi adproximum qua
puisque tenetur proxinmm non offen-
dere. Secundo, eft cognatorum ad illos
quorum génère geniti vel procreati
funt cpia tenetur parentes fuos non
folum non offendere ,fed etiam defen-
dere verbo & fatlo. Tertia eft vajfa-
lorumad dominum , qua tenentur non
folum non ojfendere dominum fuum ,
fed defendere <verbo & falio. Qu_arta
eft non folum non ojfendere dominum
fuum ,fed etiamprincipis injurias vm~
dicare. Or eft mondit Seigneur de
Bourgongne bon Catholique 6c
loyal preud'homme Seigneur de
bonne vie & en la fo,r de la Chref-
tienté , & eft proesme ( a ) du Roi
pourquoy eft tenu de l'aymer com-
me foy mesmes & foy garder deluy
faire aucune offence. Item il eft fon
parent yfili de fa lignée fi prochain
comme fon coufin germain, parquoy
eft obligé non pas tant feulement à
foy garder de luy faire offence 9
mais à tout le moins le doibt
deffendre
JUSTIFICATION DU DUC DE BOURGOGNE, ix
deffendre par parolle contre tous & du feu 1 fils de mondit Seigneur de
ceux qui luy feraient injure. Tier- Bourgongne. Et comme dit Monfei-
•cement il eit fon V^aflal ., & gneur Saine! Grégoire : Curn crefcunt
pource par la tierce obligation il dona & rationes donorum.. Ileftobli-
n'eil pas tant feullement tenu de Je gé entre les autres mortels à le gar-
garder par parolle , mais avec ce de der , deffendre , venger de toutes in-
faid & de toure fa puiffance. j^i^s à fon pouvoir. Et s'il a bien
Quartement il eft fon Subjecl: , recogneu,& tecognoift & recognoii-
parquoyparla quarte obligation qui tra ( le Dieu plaift ) & aura en fon
enfuit les trois obligations devant- cueur mémoire des obligations déf-
aites il n'eu: pas tant feullement tenu fusdides qui font douze en nombre,
de le garder de fa parolle .& de fait C'eft à fçavoir proësme,parent, Vai-
fa!, Subject.& Baron, Comte, Duc,
Pair , Duc & Doyen des Pairs , &
les deux mariages. Ce font douze
obligations par lesquelles il eft obli-
gé l'aymer , iérvir , obejr & porter
pai
contre fes ennemis , mais eil tenu
avec ce de le venger de ceux qui luy
font injures , -ou qui luy ont lait
•faire , ou vouldroient machiner &
ont machiné à faire oh (, a ) cas qu'il
viendrait en fa cognoilfance. Et en- révérence, honneur & obeilîance
tores outre il eft obligé à fa tres-no- le deffendre de tous les ennemis <5c
bie êc tres-haulte majefté royallepar non pas feullement deffendre , mais
-plufieurs autres obligations que par Je venger & en prendre vengeance.
4es quatre delfusdites. Pource qu'il Et avec ce, Prince de tres-noole me-
-a receu «Se reçoit de jour .en jour tant moire feuMonfeigneur de Bourgon-
.de biens &' d'honneurs de ladite gne fon père luy commanda au lift
majefté & magnificence : non pas àe la mort que lur toutes chofes
feulement comme fon proësme, pa- apreslefalut defoname, ilmift tout
rent , Vaffal & Subjecï comme dit fon c"eur, voulenté, courage , corps
eft , mais comme fon très-humble & puilïance en expolant tant qu'il
Chevalier, Duc , Comte & Pair viveroit a garder loyaument la per-
de France , & non pas Pair de Fran- I°nne au Koy, les enfans & fa Cou-
ce deux fois , mais Doyen des Pairs ronne- Car û ic doubroit tresgran-
qui eft la première prérogative de dement q^ fes adverfaires machi-
Seigneurie , nobleffe & dignité qui nolent a k]Y tolhr (b) fa Couronne,
doit en ce Royaume après la Cou- & ™™ très-grande paour (c) qu'ils
ronne. Et qui plus eft le Roy luy a ne iuffem Plus forts après fon tres-
iait fi grand ligne d'amour & d'ami- Pas <lue.luy vlvant- Et pource vou-
tié qu'il la faid père en loi de maria-' Jut obllgfr au îid de fa mort par
ee de très-noble & très-puilîant Sei- commandement paternel fes enfans.
gneurMonfeigneur leDuc de Gnycne a rel,lfte^ a ] encontre. Et n eft pas a
Daulohin de Viennois fon aisnéfils oublier la très grand loyauté de mon
& héritier d'une part & aisnèe fille tresredoubte Seigneur Monfeigneur
de mondit Seigneur d'autre part, & le Duc de *«ry& du vaillant Sei-
aulîi Madame Michelle de France êneur, trespaffe qui fi loyaument ,
/n «na n , x r, tant doulcement , tant feurement &
(a)au(b) Otettollere. (c) Peur , paver.
Tome II, Part. III. B
x JUS T IF C
fi fagement gardèrent, nourrirent 6c
gouvernèrent que oncques une feul-
le imagination de foupeçon mauvaife
ne fut penfée ne dite contre leurs
perfonnes. Pourquoy ces chofes def-
fusdites confiderées mon dit Sei-
gneur de Bourgongne ne pourroit
avoir en ce monde greigneur ( a )
douleur en fon cueur ( b ) ne grei-
gneurne plus grand desplaifir que
de faire chofe où le Roy peult pren-
dre desplaifance envers luy du faicl:
advenu en la perfonne du feu le
Duc d'Orléans derrain ( c ) tres-
pafle. Lequel faicl; a efté perpétré '(d)
pour le tresgrand bien de la per-
fonne du Roy , de fes enfans & de
tout le Royaume , comme il fera
cy après monftré & déclaré tant 6c
fi avant qu'il en devra bien fuffire. Il
iupplie treshumblement au Roy
d'ofterde luy toute fa desplaifance
de fon très noble courage , fe aucu-
ne advient à lencontre de fa perfon-
ne par l'introdudion delfusdite ou
autrement , & que le Roy luy veuil-
le monftrer doulceur 6c bénignité &
le tenir en amour comme fon loyal
Vaffal 6c fubjecl & Coufin prochain
comme il eft , attendu plufieurs cau-
fesjuftes 6c véritables , que je dirai
après pour la Juftification de mon
dit Seigneur de Bourgongne i de la-
quelle il m'a chargé par commande-
ment fi exprès que je ne l'ay ofé au-
cunement efeonduire pour deux cau-
fes cy après déclarées. La première
«il quejefuis obligea Je fervir par
ferment à lui faicl; il y a trois ans paf-
fez "! la féconde que luy regardant
que j'efloye trespetitement bénéficié
ATI ON
m'a donné chascun an bonne <3c gran-
de penfion pour moy aider à tenir
auxefcolles. De laquelle penfion j'ai
trouvé une grande partie de mes des-
pens & trouveray encores s'il luy
plaiflde fa grâce. Mais quand je con-
fidere la tresgrande matière dont
j'ay à parler & la grandeur des per-
fonnes dont il me conviendra & faul-
dra toucher en fi tresnoble 6c folem-
nelle Compagnie comme il y a icy ,
6c d'autre part que je me regarde
6c me treuve de petit fens , povre
de mémoire 6c foible d'engin (e) 6c
tresmal aourné (f) de langage , une
très-grande paour me fiert (g) au
cueur voir fi grand , que mon engin
6c ma mémoire s'en fuit &: peu de
fens que je cuiàoye ( h ) avoir ma ja
du tout laiffé. Si ne voy autre re-
mède fors ( i ) de moy recomman-
der à Dieu mon créateur 6c redem-
pteur,à fa tres-glorieufe mere,à Mon-
feigneur Sainci Jean l'Evangelifte
le Maifhre 6c Prince desTheologiens
qu'ils me veuillent enfeigner , con-
duire 6c garder de mal faire 6c de
mal dire , enenfuyvant le confeilde
Monfeigneur Sainci: Auguftin qui
dit , Libro quarto de Dottrina Chri-
fliana circa finem , fïve apud popu-
lum , vel apud quoslibet jamjamque
diclurus ,/tve quod apud populum di-
cendum vel ab eis qui voluerint aut
potuerint legendum ejî dillaturm , oret
ut Devis fermonem bonum det in os ejus.
Si enimregina Hefter oravit pro fu&
gentis falute temporali locutura apud
regem ut in os ejus Deus congruum fer-
monem daret , quantomagis or are dé-
bet » ut taie munus accipiat qui pro
(a) Plus grande , grandior (b) Cœur (c) Dernier , ou, dernièrement,
(d) Perpétré, commis , perpétration, (e) D'efprit ^ingenmm. (f) .Orné 3adornatus.
(g) Frappe ,/m>. (h) Fenfois. (i) Hots, foras.
DUDUCDE B
aterna homimtm falute in verbo &
dottrina laborat &c. C'eft-à-direque
pource que celle matière eft tres-
îiaulte «5c perijleufe <5c qu'il n'appar-
tient pas à homme de fi petit eitat ,
comme je fuis ,, d'en parler , voire
( a ) de mouvoir les lèvres pour par-
ler en fi tresnoble & folemnelle com-
pagnie qu'il y a icy ; Je vous fupplie
tres-humblement ( mes tresredoub-
tez Seigneurs ) <5c à toute la compa-
gnie fi je' dy aucune chofe qui ne foit
bien diète , qu'il me foit pardonné «Se
attribué à ma fimpleife <5c ignorance
<5c non point à malice. Car l' Apoftol-
le ( b ) dit : Ignorans feci : ideoque
mifericordiam confeemus fum. Car je
n'oferoye parler de cette matière ne
dire les chofes qui me font enchar-
gées fe ce n'eftoit par le commande-
ment de mondit Seigneur de Bour-
gongne. Apres ce je protefte que je
n'entens à injurier quelque perfonne
que ce foit ou puift eftre , foit vif
ou trespalfé. Et s'il advient que je
die aucunes parolles fentans injures
pour & ou ( c ) nom de mondit Sei-
gneur deBourgongne Se parfon com-
mandement je prie qu'on m'ait pour
exeufé entant qu'elles font à fa ju unifi-
cation <5c non autrement. Mais on me
pourroit faire une queftion , difant
qu'il n'appartient pas à un Théolo-
gien de faire ladite j unification <5c
qu'il appartient à un Jurifte.
Je refpons que nullement n'appar-
tient à moy qui ne fuis ne Jurifte
ne Théologien : mais pour fatisfaire
aux parlans , je refpons à la queftion
fej'eftoye Théologien, il me pour-
roit bien appartenir , attendu une
confideration que j'ay en cefte ma-
OURGOGNE- xj
tiere , c'eft à fçavoir que tout Doc-
teur en Théologie eft tenu de labou-
rer ( d ) à exeufer <5c juftifier fon
Maiftre <5c fon Seigneur , luy gar-
der <5c deffendre fon honneur Se bon-
ne renommée entant comme la vé-
rité fe peult eftendre , mesmement
(e) quand fondit Seigneur eft bon
«5c loyal 6c n'a de riens mesprins (f ) .
Je preuve cefte confideration eftre
vraye , car c'eft l'office des maiftres
Dodeurs en Théologie de prefeher
«Se dire vérité en temps Se en lieu.
Et pourtant ils font appeliez Legis
divinx profejjores , quia inter omnes
alios dotlores ipjïmagis tenentur pro-
fitera veritatem. Et s'il advient qu'ils
meurent pour dire vérité , ils font
adonc vrais martyrs : ce n'eft donc
pas merveilles fe (g) à mondit Sei-
gneur qui m'a nourryen l'eftude &
nourrira fe Dieu plaift j'ay à luy
prefté ma povre langue à prononcer
Se dire icelle juftification. Car feonc-
ques il fuft lieu & temps de pref-
eher & dire la juftification de loyau-
té de mondit Seigneur de Bourgon-
gne , il en eft temps «5c lieu <5c ceux
qui m'en fçauroient mauvais gré fe-
roient grand péché , ce me femble ,
mais de ce me devroit tout homme
de raifon tenir pour exeufé. Et en ef-
perance que nul ne m'en fçaura mau-
vais gré de la di&e Juftification pro-
noncer <5c dire , pour ce diray cefte
audorité deMonfeigneur Saine! Pol.
De Cowvoitife.
Radix omnium malorum cupiditas ,
quam quidem appetentes erraverunt à
fide.i.Tïm. 6. Laquelle parolle peult
eftre en François ainfi mife. Dame
Couvoitife eft de tous maux , la
(a) Même , vero (b) l'Apôtre , Apoflolus. (c) Au- (d) Travailler , Uborare,
(e) Principalement } maximamente, ( f ) Failli, (g) Si,
B i\
xij JDSTIFC
racine , puis qu'on eft en fes lacs &
on tient fa doctrine : apoftats elle a
fait aucuns tant l'ont aymée les au-
tres desloyaux , bien eft chofe dam-
née. Cefte parolle propofée tient en
foy trois chofes. La première eft,que
couvoitife eft de tous maux la raci-
ne à ceux qu'elle tient en fes lacs.
La féconde , qu'elle a fait aucuns
apoftats , c'eft àfçavoir renier la foy
Catholique & ydolatrer. La tierce
eft, qu'elle a fait les autres traiftres
& desloyaux à leurs Rois , Princes,
& Souverains Seigneurs : & pource
que je penfe à déclarer ces trois cho-
fes dellusdides qui me feront une
major (a) , 6c après ladite major
joindre à une min or (b) pour parfaire
ladite Juftification de mondit Sei-
gneur de Bourgongne. Je puis faire
deux parties en mon propos. La pre-
mière partie fera de madidre major.
Et la féconde partie de madid:e mi~
n$r. La première partie contiendra
quatre autres. La première partie
déclarera la première chofe touchée
en mon thème (c). La féconde, la
féconde , la tierce , la tierce. Et l'au-
tre quart article je penfe à y mettre
aucunes veritez pour mieux fonder
k dicle Juftification de mondit Sei-
gneur de Bourgongne. Pour le pre-
mier article déclarer , c'eft à fçavoir
que couvoitife eft de tous maux la
racine. Je refpons à une inftance qu'on
y peult faire au contraire de ladicle
parolle. La Saincte Efcriture dit ain-
fi. Init'mm omnispeccati fuperbia. Ec-
cle/iaftici X. Ergo non eft cupiâiras
radix omnium malorum. Puis que
Sain&eEglife dit qu'orgueil eft com.
mencement de tout péché , couvoi-
ATIOM
tifen'eft pas la racine de tous maux"
& péchez & ainfi femble que ladiete
parolle de Saincr, Pol n'eft pas vraye,
A ce je refpons par autorité de Mon-
feigneurSain&J^» l'Evangeljfte qui
dit ainfi. Nolite ddigerc munâum nec
ea quœ in eo Junt. Si quir diiigit mun-
âum , non ejî charitas patris in eo :
quoniam omne quod ejî in mundv 3 aut
eft concupifeentia carnis , aut oculo-
rum , autfnperbia vit& , qu& non eft
ex pâtre fed mundo : & mundus tran-
fibit & concupifeentia carnit. Sed qui
facit voluntatemDei vivet in sternum.
C'eft-à-dire , ne vueillez point aimer
le monde , ne mettre votre plaifir ,
amour ne félicité es chofes mondai-
nes : car en ce monde n'a autre cho-
fe fors concupifcence & couvoitife
de délectation charnelle , couvoitife
de richeffe mondaine & couvoitife
d'honneur vaine qui ne font point
données de par Dieu le père. Mais
font chofes mondaines & transitoi-
res (d) . Et toutes fois le monde fine
(e) &fa couvoitife avec luy , mais
celuy qui fait le vouloir de Dieu il
vivra toujours en gloire pardurable-
ment avec luy.. Ainfi appert claire-
ment par ceft article de Saint Jean
qu'il eft trois manières de couvoi-
tife qui encloiient (f ) en eux tous
péchez : C'eft à fçavoir couvoitife
d'honneur vaine , couvoitife de ri-
cheiTe mondaine , & couvoitife de
délectation charnelle , & ainli prenoit
l'Apoftre couvoitife en la parolle pro-
férée quand il difoit , Radtx omnium
malorum cupiditas. A entendre cou-
voitife aux trois manières deifusdites
& .touchées par Saincr, Jean l'Evan-
gelifte , dont la première eft couvoi-
(3) Majeure. Première proportion d'un Syllogisme, (b) Mtneure > féconde propofitiorij
(c) Thème, fuj et. , (d) PafVàgeres. (e) Finit, (f) R-enferment. inçlndynt.
DU DUC DE
tife d'honneur vaine , qui n'eft autre
ehofe que mauvaife concupifcence
6c voulenté defordonnée de tollir a
autruy fon honneur 6c Seigneurie.
Et celle couvoitife efl appellée en
l'auétorité de Sainct Jean deffus-
dicie , Superbia vitA , 6c encloft en
foy tous ces vices : Ceft à fçavoir
orgueil , route vaine gloire , toute
ire (a) haine 6c envie : car quand
celui qui efl efpris & embraie de
couvoitife ne peult accomplir Ta vou-
lenté defordonnée , il fe courouflé
contre Dieu & contre ceux qui l'em-
pefchent 6c commet le péché d'ire.
[b]Et tantoit conçoit envers celuy
qui tient ladicle Seigneurie fi grand
haine 6c envie qu'il fe met à machi-
ner fa mort. La féconde couvoitife
efl appellée couvoitife de richefîe
mondaine , qui n'eft autre choie que
concupifcence 6c voulenté defordon-
née de tollir à autruy fes biens meu-
bles 6c immeubles. Et celle couvoi-
BOURGOGNE. xiîj.
couvoitife eft caufe 6c racine de tout
maux en le prenant ainii comme le
prenoit l'Apoftre quand il difoit :
Radix omnium malormn cupiditas %
& hoc de primo articnlo hujus primt
partis. Pour entrer en la matière du
fécond article de madicte major , je
mets une luppofion 6c fuppofe poui?
vérité que c'eft un des grands péchez*
qui foit ou puifie eftre , que crime
de leze majeité royalle : la caufe 11
elL Car c'efl fa plus noble chofe 6c
la plus digne qui puiit eflre que ma-
jeité Royalle. Pource on ne peult
faire plus grand péché , ne plus grand
crime que d'injurier Majeité Royal-
le. Et félon ce que le crime eft plus
grand, l'injure eil plus grande 6c faiéfc
plus à punir. Pourquoy il efl à fçavoir
qu'il eil deux manières de Majeflez
Royaux : l'une eil divine 6c perpé-
tuelle, & l'autre eil humaine Se tem-
porelle. Et à proportionablement par-
ler je trouve deux manières de crime
tife eft appellée par lediâ: Evangelifte de leze Majeilé. La première eil cri-
Concupijcentia oculorum , 6c encloft
en foy toute ufure , avarice 6c rapi-
ne. La tierce couvoitife qui eft ap-
pellée Concnpifcentia carnis , n'eft
autre choie que concupifcence 6c de-
firs defordonnez de de'eélation char-
nelle qui aucunes fois efl parelîe :
comme d'un moine ou autre reli-
gieux qui ne s'endure [c] à lever
pour aller à matines , pource qu'il
eft plus aife en fon liét. Aucunes
fois eft gloutonnie comme celuy qui
prend trop de viandes 6c de vins ,
pource qu'ils luy femblent doux à
la langue , 6c à favourer cleleétables.
Aucunes-fois eil luxure 6c plufieurs
manières qui ne faultja [d] déclarer.
Ainfi appert clairement eitre vray
mon premier article ou je difoye que
me de leze majeilé divine , 6c la fé-
conde eft crime de leze majeilé hu-
maine. Item eft à fçavoir que crime
de leze majeité divine fe part en deux
degrez. Le premier eft quand on
faict directement injure au Souve-
rain Roy qui eft notre Souverain
Dieu 6c Créateur, comme font ceux
qui font crime de herefie ou d'idolâ-
trie. La féconde eil quand on faict
injures directement contre lepoufe
de notre Souverain Roy 6c Seigneur
Jefus-Chrift : c'eit à fçavoir Sainde
Eglife.-Et eil quand on commet pé-
ché de Scisme ou diviiion à ladiele
Eglife» Ainfi veux-je dire que les
hérétiques & les idolâtres commet-
tent crime de leze Majeilé divine en
premier degré 6c Scismarlque en fe-'
Q.) Colère, ./m. (b) Bien-tôt. (c) S'endurcit,
iudurat. ( d ) A preil-nt. jam.
Bit}
xiiij JUSTIFICATION
cond degré. Item il eft à fçavoir que pies , mais pource que je ferois trop
crime de leze Majefté humaine fe long à racompter je me refraindray
part en quatre degrez. Le premier [ c] aux trois premières. Et fera la,
eft , quand l'injure eft directement première de la première , la fecon-
faide contre la perfonne du Prince, de de la féconde , la tierce de la
Le fécond eft , quand l'injure ou of-
fence eft directement faide contre la
perfonne de fon espoufe. Le tiers
degré eft , quand elle eft directement
faide contre le bien de la chofe pu-
blique. Et outre-plus il eft à fçavoir
que pource que ces deux manières
de crime de leze majefté divine &
humaine font les plus horribles cri-
mes 6c péchez qui puiffent eftre,
Jes droits y ont ordonné certaines
peines 6c plus grandes qu'aux autres
crimes. C'eft à fçavoir qu'au cas d'he-
refie & de crime de leze majefté Di-
vine un homme en peult eftre accu-
fé après fa mort , 6c fi peult faire
procès contre luy. Et s'il advient
qu'il foit convaincu 6c atteint d'he-
refie , il en doit eftre defenterré 6c
fes os mis en un fac 6c apportez à h
Juftice 6c ars en un feu. Et fem-
blablement s'il advient que aucun
foit atteint 6c convaincu de crime
de leze majefté humaine après fa
mort il doit eftre defenterré 6c {es
os mis en un fac , 6c tous fes biens
meubles 6c immeubles confifquez
6c acquis au Prince 6c fes enfans de-
clairez inhabiles à toute fucceffion.
Cefte diftindion de crime de leze
majefté en ce prefuppofée , je veuil
prouver le fécond article de ma dide Empereur il regnia fon baptesme
major par exemples 6c audoritez. la Chreftienté 6c la foy Carholi-
C'eft à fçavoir que Dame couvoiti- que. Et fe rendit à la loy des Sarra-
tife a fait plufieurrs eftre apoftats 6c zins à adorer les ydoles , perfècuter
regnier [a] la foy Catholique , ydo- les Chreftiens 6c diffamer le nom de
latrer 6c les ydoles adorer. Jaçoit Jefus-Chrift , confiderant que par ce
que [b] j'en treuve plufieurs exem- moyen il feroit Empereur. Si advint
(a) Renier, renegare. (b) Quoique jamjît. (c) Bornerai, refrenare.
(d) Colorant, (e) Travailler, (f) Payens , infidèles Sarment.
tierce.
De Julian V Apoftat.
Le premier exemple de Julian
V Apoftat , lequel fut premièrement
Chreftien 6c homme d'Eglife , mais
pour eftre Empereur de Komme
6c pour venir à l'Empire il règnia
la foy Catholique 6c fon bapteïme
6c adora les ydoles , 6c difoit aux
Chreftiens en coulourant (d) fa cou-
voitife. Chrifhts <verè dicitin Evan-
gclio fuo : Nijïquis renunciaverit om-
nibus qu&pojfidet , non pot eft meus ejfe
difcipulus. En difant , vous qui
voulez eftre Chreftiens vous ne de-
vez riens avoir. Et fçachez qu'iceluy
Julian fut homme d'Eglife très-
grand Clerc 6c de grand lignée. Et
dit-on qu'il euft efté Pape s'il y euft
voulu labourer (e) , mais il ne luy
chalut pource que ce n'eftoit alors
que povreté de la Papalité. Mais
c'eftoit la plus noble 6c riche chofe
qui fut au monde que d'eftre Empe-
reur pour lors , ainfi le defira mer-
veilleufement. Et pource qu'il con-
fidera que les Sarrafms (f) eftoient
encores fi forts qu'ils n'eufîent pas
fouffert qu'un Chreftien euft efté
DU DUC DEBOURGOGNE. xv
que l'Empereur qui lors eftoit vi- charrues par tout & en feroit un
vant alla de vie à'trefpas. Et les Sar-
rafins & payens confiderans qu'ice-
luy Julian l'Apoftat eftoit de grand
lignage , grand Clerc 6c plain de
grand malice, 6c que c'eftoit le^ra-
gneur (a) perfecuteur des Chreftiens
qui fut au monde & qui plus difoit
& de fa mère & de la Foy Catholi-
que,le feirent Empereur. Si vous di-
ray comment il mourut de mort vil-
laine. Il advint que luy eftant Em-
pereur ceux de Perfe fe rebellèrent
encontre luy. Et lors il affembla une
très-grand armée pour les rebelles
encontre luy , mettre à fubjeéHon ,
& au partir jura & voiia à (es dam-
nez Dieux que s'il pouvoit retour-
ner victorieux qu'il deftruiroit toute
Chreftienté. Et en allant à tout fon
armée paiTa par une cité nommée
Cefarée au pays de Capadoce 6c là
trouva un très-grand Doéleur en
Théologie qui eftoit Evesque folen-
nel de ladite cité appelle Bafilius qui
eft maintenant Saint Bafile : Lequel
lors efloit tresbon homme , 6c par le
moyen delà bonne do&rine de luy
ceux du pays eftoient bons Chref-
tiens. Iceïuy Saint B a file vint par
devers iceïuy Julian l'Apoftat & luy
feit la révérence , & luy prefenta
beau champ & partout feroit femer
du forment. Itaque jnravit quoâ fa-
ceret eamfarrtferam & non auflerctm.
Et s'en alla outre en fes batailles.
SaincT: Bajile & les Chreftiens de la-
dite cité eurent confeil 6c advis en-
femble pour fauver la dide cité , &
adviferent que c'étoit le meilleur de
prendre tous les joyaux 6c t refors
pour luy prefenter & appaifer. Et
outre qu'ils iroient en procefîion à
une Eglifedenoftre Dame qui eftoit
fur une montagne près de ladicle ci-
té & demourroient là par trois jour-
nées (b) , impétrant à Dieu le fau-
vement d'eux & de ladicle cité. La
tierce nuict advint une vifion audit
Saint Bafile , c'eft à fçavoir qu'il veoit
(c) une grand compagnie d'Anges
& de Saintes aflèmblez devant une
dame, laquelle dame difoit à un de
fes Sa mils appelle le Chevalier Mer-
cure: Tu as toujours efté loyal fervi-
teur'à mon fils & à moy. Et pour-
ce je te commande que tu voifes (d)
tuer 6c occire Julian l'Empereur le
faulx Apoftat qui fi fort perfecute
les Chreftiens & dit tant de villen-
nie de mon fils 6c de moy, 6c prefte-
ment refïucite ledit Mercure. Et luy
comme bon Chevalier print fon efcu
trois pains d'orge. Lequel prefent il 6c fa lance qui eftoit pendue à lapa-
print en tresgrand indignation 6c roy de l'Eglife où il eftoit enterré
dit-il : M'a il envoyé viande de ju-
ment , 6c je luy envoyeray viande de
cheval , c'eft à fçavoir trois boilTeaux
d'avoines. Le vaillant homme s'ex-
cufa en difant que c'eftoit tel pain
que luy 6c ceux du paysmangeoient.
Puis iceïuy jura qu'à fon retour il
deftruiroit ladicle cité 6c la mettroit
en ladicle cité 6c s'en alla. Et devant
tous les gens d'iceluy Julian , le vint
occire 6c tuer de horions (e) de lan-
ce , tant qu'il luy paiTa outre parmy
le corps , 6c retira fa lance 6c la rap-
porta à fon col , 6c ne fceurent les
gens dudit Empereur qui c'eftoit.
Et Saint Bafile fi toftque la vifion
luy fut advenue , fi s'en vint haftive-
en tel eftat qu'il feroit courir les
(a) Plus grand, (b) Impétrant , pour obtenir , mpetrando." (c) Voyoit
(d) Ailles, (e) Coups.
xvj JUSTIFIC
nient en h diîte Eglifc où eftoit le
tombel d'-iceluy Chevalier ., 6ç fi
trouva que le corps n'y ,eftoit pas ,
ladicte lance ne l'efcu , & lors appel-
la les gardes dei'Eglife & leur de-
manda qu'eftoient devenus lefiits
escuz 6ç lance, ils refpondirer.t que
la nuid précédente avoient efté oftez
êc ne fçavoient de qui ne comment.
Si retourna icelui Saint Bajîle à la
montaignehaflivement.au Clergé &
au Peuple & leur dit la vifion com-
ment le corps , l'efcu & la lance du
dit Mercure n'eftoient pas en l'E-
gîife , 6c que ceftoit ligne de l'appro-
bation de ion advifion [a]. Allez
,toft après vinrent en ladicte Egli-
fe , &c trouvèrent lefdits efcu 6ç
Jance penduz à la paroy , remis
.& rapportez au lieu où ils ef-
xoient par avant , & eftoit la lance
îoute enfanglantée , 6c au tombel
Jedit corps. Et fut advife qu'à ce
faire ne meit qu'un jour $c deux
nuicfs , la féconde nuict mettre fon
dit corps au tombel 6> fes armeures
.comme ils eftoient par avant. Et
.comme dit eft la lance eftoit toute
enfanglantée du fang dudit Julian
l'Apoftat ainfi occis comme dit eft.
Et outre dit la Chronique qu'il re-
cevoit fon fang.en fa main en difant
Vicistime zGalïUe, C'eft à dire, tu
.m'as vaincu , Galiléen , en parlant à
Jefus-Chiïft 6c jectant fon fang en
hault. item ladicle Chronique dit
que l'un des confeiJlers & fophiftes
ii'iceluy Julian eut femblable vilion
dudit miracle de ladicle mort, Et
pource s'en vint à S a.'m£t B a/île pour
foi baptifer comme bon Chreftien ,
lequel difoit qu'il avoit efté à ladic-
ATION
te occifion [b] & qu'il îavoit veu
recevoir fon fang en ies pauimes , &
le jecler en hault comme dit eft. Et
ainfi fina [c] misérablement fa vie
Julian l'Apoftat. Et après ce avons
la première exemple de Sergius le
Moyne , lequel eftoit Chreftien ,
homme d'Eglife & de religion [dj ,
qui par cou voitife fe meit en la com-
pagnie de Mahommet ôc fon Apof-
tre fefeit. Pourquoy il eft à fravoir
que celuy Moyne advifa qu'iceluy
Mahom eftoit un grand Capitaine
des routtes du pays de Surie Se
d'outre mer , & que les Seigneurs du
pays eftoient prefques tous trespaf-
fez par une mortalité , 6c n'eftoit de-
mour.é que Jes enfans , 6c dift à Ma-
hommet : Se vous me voulez croire
je vous feray le greignenr Seigneur
6c plus honoré du monde briève-
ment, ils furent d'accord de ce fai-
re , & que Mahommet feroit tant
par force d'armes qu'il conquerroit
le pays 6c feroit Seigneur , & iceluy
moyne ouvrer oh [ej de fubtillejje 6e
renonceroit à la loy des Chreftiens ,
compoferoit une loy toute nouvel-
le au nom dudit Mahom. Il fut ain-
fi fait & furent convertis tous les
pays d'Arabie, 6c de Surie, d'Af-
fricque6c de Fez ôc Maroc & Gre-
nade , de P.erfe 6c ./Egypte Sz de plu-
fieurs autres pays qui pour lors ef-
toient Chreftiens pour la greigneur
partie fans comparaifon. Et fut cef-
te apoftafie fai&e de la loy Mahom
fix cens ans après l'incarnation nof-
r.re Seigneur: iceluy Mahom donna
audit Moyne grand abondance de
richelTes mondaines 6c les receut par
couvoitife qui lu y feit faire l'apof-
(a) Viiîon. (b) Meurtre, (c) Finit, (A) Moine. Religieux.
£e)Opereroit par fubtilicé.
tarie
DU DUC DE BOURGOGNE.
xvn
tàfie à la damnation pepertuelle de
fon ame. Le tiers exemple eft du
Prince & Duc de Symeon qui eftoit
une des douze lignées des enfans
d'Ifraël , lequel Prince eftoit moult
duirent à adorer les idoles. Dieu
s'en courrouiïà tres-grandement &
dit à Moyfequi eftoit le Souverain
Seigneur 6c Duc de tous les autres
du peuple. Prens tous les Princes
[a] puiffant homme & grand Sei- du peuple 6c les fait pendre au gibet
gneur 6c avoit nom Zambry. Le- contre le Soleil . Et pourquoy di-
quel fut fi efprins de couvoitife & foit il tous les Princes. Pource qu'u-
de délectation charnelle de l'amour ne partie eftoit confentante en ice-
d'une Dame Payenne que pource luy crime & les autres jaçoit ce
qu'elle ne fe vouloit accorder à faire qu'ils n'enfulTent pas confentans ils
fa voulenté s'il n'adoroit les idoles , eftoient negligens d'en faire ven-
îl adora les idoles 6c les feit adorer geance de fi grand injure à Dieu
par plu fieurs de {es gens 6c fubjeds. leur créateur faite. Tantofi [b] Moï-
Desquels la Sainéte Efcriture dit fe alla s'en afTembler tous les Princes
ainfi. At illi comederum & adorave- & tout le peuple d'Ifraël 6c leur va
runt deos earum , initiatusque eftjf- dire ce que Dieu luy avoit dit &
raèl Beelphegor. Et iratus Dominus commandé. Le peuple fe print à
ait ad Moyfem : toile cunîlos princi- pleurer pource que les malfaiteurs
pes populi & Jufpende illos contra fo- eftoient fi puiffans que les juges n'o-
lem in patibulis & c&iera : & paulo feroient faire juftice & encores plus
pofl. Et ecce unus de filtis Jfraèï in- iceluy Duc Zambry eftoit à tout
travit coram fratribus fuis ad [cor- XXIV. mille hommes de fon al-
tum M adiamtem , & cetera. Quod liance. Item il fe partit de la place
cum vidijfet furrexit de medio multi- voyant tout le peuple & s'en vaen-
tvidinis Phinees , & arrepto pugione trer au logis de ladidle Sarrazinequi
ingrejjus eft poft virum Ifraelitem in eftoit fon amie par amours , 6c qui
lupanar , & perfodit ambos Jîmul in eftoit la plus belle 6c la plus gentil
locis genitalibus. Et occifi funt viginti femme du pays , un vaillant hom-
quatuor milita hominum.Et fie Phi- me nommé Phinees print courage
nées placamt Deum Et ideo Pnno- en luy 6c dit en fqn cueur : Je voue
centius in de miferia conditionis bu- a Dieu que prefentement le venge-
manx, ait : Ex tréma libidmis turpitu- ray de celle injure , il fe départit fans
do : quA non folummentem ejfœmtnat , mot dire fans quelconque corn-
fed etiam corpus aggravât. Omne mandement de Moyfe ne d'autre à
namque peccatum quodeunque fecerit ce ayant pouvoir 6c s'en vint au lo-
homo extra corpus eft : qui autem for- gis , 6c trouve iceluy Duc avecques
nicatur^in corpus fuum peccat. C'eft- icelle dame l'un fur l'autre faifant
à-dire qu'iceluy Duc 6c une grande l'euvre de délice , 6c d'un couftel
partie du peuple feirent fornication qu'il avoit par manière de dague les
de leurs corps avecques les Payen- tresperça d'outre en outre 6c les
nés femmes 6c Sarrazines du pays occift tous deux enfemble , 6c les
de Moab , lesquelles femmes les in- vingt 6c quatre mille qui eftoient
(a) Très multum. (b) Auffi-tôt , tam cito.
Tome IL Part. III.
sv.iii JUSTIFI
adjierans avec iceluy Duc appelle
Zambry fe voulurent combattre
pour fa mort : mais par la grâce de
Dieu ils furent les plus foiblss .& fu-
rent tous tuez & occis. Item notez
ceil exemple que le vaillant homme
Phinées eltoit fi efprins.en l'amour de
Dieu 6c Kit fi dolent quand il veit
faire cette injure à Dieu fon Roy &
Souverain Seigneur qu'il ne doubta
[a] pas à foy expofer à la mort &
n'attendit ne congé ne licence de
Moyfe de ce faire ne d'autre quel-
conque , pource que les juges ne
faifoient point leur devoir, les uns
par négligence , & les autres powr
doubte [b[ d'iceluy Duc Zambry.
Et plus encores efl à noter la ^rand
rémunération & louange qu'il en
acquit. Car il eîl eferit. Dixit Do-
minas ad Aioyfem : Phinées filius
Heledz.ari fin Aaron Sacerdotis a-
t-ertit irammeam kfiliis l'fracl, quia
x^elo meo commotus efl contra eos , ut
non ipfe delerem filios IJrael in z.elo
meo i ideirco loquere ad eum. Ecce do
ei pacem fœderis mei & trit tam ipjî
quant femini ejus paStum Sacerdotii
Jempiternum > quia zelatus efl pro Deo
fiis & expiavit feelus filiorum IfraeL
Ce(l à dire qu'il eut tant le fait ag-
greable & le rémunéra tellement
qu'il & fa lignée auraient le tiltre de
preflrife. Ainfi que nul de l'ancien
Tcftainent ne leroit 'Preftre , n'E-
vesque , fors de la lignée d'iceluy
Phinées. Placutt & ceffavit feditio
& reputatum efl ei ad \uflitiam ufque
;n fempiternum. Scribitur in vfahno.
C'elt-à-dire qu'iceluy fait fut attri-
bué à Juftice , gloire <5c louange à
celuy Phinées & à toute fa lignée a
tousjoursmais. Ainfi appert clere-
ment que concupifcence 6c couvoi-
%ik mauvaift tint tellement en Ces
CATION
lacs le Duc Zambry deiïusdlt qu'el-
le le feit idolâtrer & adorer les idole?,
& cy fine le tiers exemple du fécond
article.
Quant au troifiesme article de
madicle majorée doy monftrer par
exemple & par auéraritez de la Bible
laquelle nul n'oferoit contredire :
C'efl à fçavoir .que dame couvoiti-
fe a fait pluCeurs eftre trainres &
defloyaux envers leurs Souverains
Seigneurs , jaçoit-eeque je pourroy.e
mener à ce propos les exemples ôç
audtoritez tant de la Sainte Efcritu-
rc comme d'ailleurs , je me reffrain-
dray à trois
De Lucifer,
La première efl: du cas de Lucifer
lequel fut la créature la plus par-
faite & en elfence que Dieu feit
oneques , duquel dit Tfaye le Pro-
phète. Ouomodo cecidifli de cxlo Lu~
cifer , qui mane oriebaris : qui dice-
bas in corde tuo , confeendam Jupra
aflra Dei , exaltabo folium meitm ,
afeendam fuper altttudinem nubtum
& fimilis ero altiffimo. Veruntamen
ad infernujn detraheris in prof un dam
laci. Scribitur Yfaya 14.
Pourquoy il efl à fçavoir qu'ice-
luy; Lucifer foy regardant 6c confi-
derant fa noble créature tant belle
6c tant parfaiéle dit en fa penfée en
iuy-mesme. Je feray tant que je
mettray ma chaire 6c mon trosne au
deiîus de tous les autres Anges 6c
feray femblable à Pieu : C'efl à fça-
voir qu'on lui ferait obeïffance com-
me à Dieu , 6c pour ce faire il de-
çeut une grand partie des Anges êc
les attrahtt [c] à fon opinion , c'efl
à fçavoir qu'ils lu y feraient obeïf-
fance , honneur 6c révérence par
manière d'hommage comme à leur
.(a) Craignit, .(b)1 Crainte, (c) attira.
DU DUCDE B
Souverain Seigneur , 6c ne feroient
de riens fubjecls à Dieu, mais a ice-
luy Lucifer , lequel tiendroit fa
majeflé pareillement comme Dieu
la fienne , exempte de toute la Sei-
gneurie de Dieu & de toute fa fub-
jeclion. Et ainfi vou'oit tollir à Dieu
fon Créateur 6c Souverain Sei-
gneur la grand partie de fa Seigneu-
rie & les attribuer à foy , ôc ce hiy
fâifoit faire couvoitife qui s'efroit
boutée [a] en fon courage. Si toil
que Saint Michel apperçeut cela
il s'en vint à luy & luy dit que c'ef-
toit trop mai fait & que jamais ne
vonlfift [b] faire telle chofe 6c que
tant que Dieu l'avoit fait plus bel
& plus parfait de tous îes autres de
tant devoit il monflrer greigneur li-
gne de révérence , fubjeAion 6c
obeïiTance à celuy qui l'avoit fait
plus bel , qui eftoit fon Roy 6c Sou-
verain Seigneur. Lucifer dit qu'il
n'en feroit riens. Sainct Michel dit
que luy 6c les autres ne fouffriroient
point telle injure faire à leur Créa-
teur 6c Souverain Seigneur , brief-
vement la bataille fe meut entre ce-
luy SainCt Alichel ôc Lucifer. Et
une grand partie des Anges furent à
l'accord 6c ayde d'iceluy Lucifer ,
6c l'autre partie 6c la plus grand
partie fut du cofté d'iceluy Sainci
Michel. Saind Michel occift ice-
luy Lucifer de mort perdurable ain-
ii qu'iceluy Lucifer , 6c les autres
de fon cofté furent chaffez hors de
Paradis par force , 6c tresbuchez en
enfer dequoydit Sainét Michel h:
Sentence , Apocalipfîs XII. Michel
& angelï ejus pr&liabantnr cum dra-
tone , & draco pugnabat & angeli
tjus cum eo .* & paululum pofl : &
(a) mife. (b) Voulût, (c) retira*-
OURGOGNE. xh
projettus efl in tcrram draco ille , &
angeli ejus mijfi funt cum eo. Et au-
divi <vocem maonam in calo dicentem.
Nunc fatla efl falus & virtus & re-
gnum Deo noflro. C'eft-à-dire que
Monfeigneur Saind: Je. in vcit en
vifion la manière de la bataille def-
fusdicle 6c comme Lucifer fut jec-
té hors 6c tresbuché en enfer 6c fes
anges avecques luy. Et après la ba-
taille gaignée il ouyt une voix qui
crioit par les cieux. Maintenant eft
faicle une grande paix à Dieu noftre
Seigneur , à tous Saindsde Paradis.
Ainfi avez ledit premier exemple du
tïoifiesme article,
Z)e A^falon.
Le fécond article efl du bel Ab-
falon , fils du Roy David Roy de*
Hierufaîem , lequel Abjalon confi-
cferant que fon père eftoit vieux
homme 6c qu'il avoit perdu une
partie de fon lens 6c force , ce luy
fembloit , 6c alla environ la vallée
où fon père avoit efté oingt 6c cou-
ronné Roy , 6c là feit une conjura-
tion contre fondit père 6c fe feit
enoindre Roy : 6c feit qu'il eut dix
mille hommes qu'il attrait à fon ac-
cord 6c s'en vint en Hierufaîem
avecques les dix mille hommes de(-
fusdits pour occire fondit père 6c
prendre la poileffion de ladite Vil-
le. Sondit père ouyt les nouvelles
de celle chofe , fi fe partit de la Vil-
le tofl 6c haflivement 6c avecques
luy fes loyaux amis 6c fe re trahit
[c] en une Ville forte outre le fleu-
ve Jordàin où il manda fes loyaux
amis partout où il peut , 6c Abfalon
tous les liens au contraire , briefve-
C ï]
JUSTIFICATION
de bataille fut prinfe Conneflable du Roy David le trou-
XX
ment journée
6c fut la bataille en la Lendeve-Fo-
refl là où vint Abfalon en perfonne ,
garny de tresgrand Compaignie de
gens d'armes & feit Prince de fa
Compaignie , c'eft à fçavoir fon
Conneflable. Et les autres Cheva-
liers luy confeillerent qu'il démoli-
rait en la forefl pource qu'il efloit
viel 6c ancien. Si demoura , mais
pource qu'il efloit tresexpert en fait
de bataille & tant bon Chevalier
va là pendu & tantollle courut dire
à Joab , lequel Joab luy difl : Se
tu l'as veu , pourquoy ne Tas tu oc-
cis ? je t'euffe donné dix befans [b]
d'or & une bonne ceinture. Lequel
refpondit à Joab : Se tu me don-
noyés mille befans d'or fi n'oferoye
toucher à luy ne luy faire quelque
mal. Car j'efloye prefent quand ie
Roy te commanda 6c à tous les
gens d'armes. Gardez moy mon en-
que c'efloit un des preux du monde fant Abfalon 6c gardez qu'il ne foit
luy mesme ordonna trois batailles, occis. Et Joab replicqua le com-
Desquelles Joab fon Conneftable
fut Capitaine de la première batail-
le , 6c Bifay le frère de Joab de la
deuxiesme : & de la troifiesme fut
Capitaine Efchey fils de Jeth. Et
puis Yeflour [a] fut grand 6c la ba-
taille cruelle. La partie du defloyal
Abfalon fut la plus foible , les uns
furent occis & les autres s'en fuy-
rent. Il advint qu'iceluy Abfalon
en fuyant fur fon mulet après la
desconfiture pafTa par deffoubs un
chesne espais de branches fe pendit
par fes cheveulx 6c fon mulet pallà
outre , car ledit Abfalon avoit oflé
fon heaume pour le chault & pour
mieux courre & avoit des cheveux
plus que dix autres fî longs qu'ils ve-
noient jufques à fa ceinture. Si le
levèrent en hault au courre 6c s'en-
tortillèrent autour desdides bran-
ches 6c pource demoura il là pendu
par manière de miracle pour la grand
trahifon 6c defloyauté qu'il avoit
perpétrée à l'encontre de fon pè-
re fon Roy 6c fon Souverain
Seigneur. Et en outre fi advint ,
qu'un des gens d'armes d'iceluy Joab
mandement que le Roy avoit fait
eflre contre fon bien 6c fon hon-
neur.
Car tant comme le dit Abfalon
aura vie ou corps , le Roy fera
tousjours en péril 6c fi n'aurons
paix ou Royaume , meine moy ou
efl le dit Abjalon. Il luy menapre-
fentement. Si trouva Abfalon pen-
dant par les cheveux & luy ficha
trois lances dedans le corps endroit
lecueur , 6c puis le feit jecl:er en un
fofie 6c lapider 6c couvrir de pierres.
Car félon la loy de Dieu pource
qu'il efloit trahiflre [c] , tyrant 6c
defloyal à fon père fon Roy 6c Sou-
verain Seigneur il devoir eflre lapi-
dé 6c couvert tout de pierres.
Quand David fceut la nouvelle que
fon fils efloit occis il monta en une
haute chambre 6c fe print à plorer
moult tendrement 6c dit ces pa-
roi le s.
FM mi Abfalon ,filimi, quis mi-
hi tribuat ut ego moriar pro te , Ab-
falon fili mi.
Il fut annoncé à Joab 6c aux autres
gens d'armes que le Roy faifoit iî
(a) Vejiour , Iechoc. (b)Befâns, Moneta Byfanlina Terme commun dans le blafon.
(c) Traître.
DU DUC DE
grand courroux pour l'amour de fon
fils , fi en furent tresindignez, lors
Joab vint au Roy David & lui dit
cesparolles.
Confndifii hodie vultus omnium fer-
vorum tuorum qui falvam feccrunt a-
nimam tuam. Dtligis odientes te , &
odio habes diligentes te , & ojiendifti
hodie qui a non curas de ducibus mis
& de ferais mis 3 & vere cognovi
modo quodfi Abfalon viveret & nos
omnes occubuijfemus tune placer et tibi.
Nunc igitnr Jurge & -procède & allo-
quens fatisfac fervis mis. Juro enim
tibi per Dominum , quod fi non exieris
ne unus quidem remanfurus fît tecum
noble hac , & pejus hoc erittibi quiim
omnia mala qu& venerunt fuper te ab
adolefcentia tuausque inprefens.Scri*
bitur z.Reg. XIX. C'ell à dire que
le bon Chevalier Joab s'en vint au
Roy & luy dit vérité fans flater ,
c'eft à fçavoir tu haiz ceux qui t'ay-
ment & ayme ceux qui te hayent.
Tu eulfes bien voulu que nous euf-
fions efté tous occis 6c que Abfalon
ton fils vesquifl, qui avons mis noz
corps en tresgrand péril de mort à
combattre entour luy pour toy fau-
ver. Et pource les gens d'armes &
le peuple en font fi indignez à ren-
contre de toy que fe tu ne viens
feoir à la porte pour les mercier à
lye chère [aj comme ils entreront
dedans , ils feront un autre Roy &
te ofteront ton Royaume , & onc-
ques fi dolente journée ne te advint
fe tu ne fais ce que je dis. Le Roy
confiderant ce qu'il difoit veoir s'en
vint à la porte fe feoir pour mercier
[b] les gens d'armes comme ils en-
troyent dedans & leur feit bonne
chère & joyeufe. Et ceft prefent
(a) Joyeu/k chère, (b) Kemmier.
BOURGOGNE. xxi
exemple fait moult à noter que le
bon Chevalier Joab occift, le fils du.
Roy contre le commandement du
Roy & n'obeifl point à fon com-
mandement pource ,qu'il eftoit au
préjudice de Dieu , du Roy & de
fon peuple. Item nonobstant qu'ice-
luy Joab l'occift , ils avoyent tou-
jours efté amis enfemble , & tant
que le dit Joab audit Abfalon avoit
fait fa paix par devers le Roy David
fon père d'un meurdre qu'il avoit
fait en la perfonne de fon frère aisné
fils du Roy David qu'il avoit occis
& en avoit iceluy Abfalon efté fui-
tif hors du Royaume par quatre ans.
Mais aucuns pourroient arguer con-
tre les chofes deffusdides , parce
que quand le Roy David fut au
lia: de la mort il enchargea à fon fils
Salomon qui devoit eftre Roy après
luy qu'il feit Juftice dudit Joab , de
ce je refpons que ce ne fut pas pour
le cas delTusdit , car nonobftant que
Joab fut bon Chevalier & loyal au
temps qu'il occift ledit Abfalon ,
neantmoins envers la fin de fes jours
il feit deux grans fautes. La pre-
mière , car il occift un tresbon Che-
valier & homme d'armes nommé
Amafon. La feconde,qu'il occift un
tresbon Chevalier nommé Abner
par grand trahifon , c'eft à fçavoir
en le faluant & baifant luy bouta un
coufteau au corps. Et pource que le
Roy David n'a.voh point puny ledit
Joab des deux homicides deffusdits
qu'il avoit perpétrez fi defloyau-
ment , il en feit confeience au lict
mortel & chargea le Roy Salomon
qu'il en feit Juftice après fon tres-
paffement & qu'il le punift en cefte
mortelle vie à éviter la damnation
Ciij
xxii JUSTIFI
perpétuelle dudit Joab Se Juy dit
ainfi.
Tufcis qu&fecerh tnihi Joab filins
Saruiœ , qu£ fecerit duobns principi-
hus exercitus Ifrael Abner filio
Ner & Amafae filio Jether , quos
occidit & effilait fanguincm bclli
in pace. Facias ergo juxta fapien-
tiam tuam & non deduces cameiem
ejus pacifiée ad inferos. Scribhur z.
Rgg. IL C'elt-à-dire que les deux
Chevaliers Princes de la Chevalerie
de Ifrael avoient elle tuez defloyal-
jement 6c en paix de Dieu 6c de fon
Roy. Et je fais confeience de ce
ue je luy ay efté trop favorable,
t pource fe tu ne le punis tu feras
caufe de la damnation de fon ame.
Je fais cy un nota- Et il n'eft nul fi
bon Chevalier au monde qu'il ne
puilfe bien faire une faute, voire fi
grande que tous les biens qu'il aura
ïaicls devant feront adnichillez*\&\.
Et pource on ne crie aux jouftesne
aux batailles aux. Preux : mais on
crye bien aux fils des Preux après
là mort de leur père r car nul Che-
valier nepeult eftrejugé preux fece
n'eft après le trespailèment. Ainfi
avez le deuxiesme exemple du tiers
article.
De la- Roy ne Athalic*
Le tiers exemple fera d'une Roy-
ne , qui avoit nom Athalie Royne
du Royaume de Hierufalem de la-
quelle dit laSain&e Efcriture.- Atha-
lia vero mater régis Ocbofiœ , vidons
filiura fuum moftuum furrexit & in~
terfecit omne femen rcgium. TolUns
autem Jofaba filia Régis Joran &
foror Ocho/îœ Joas fUtum Ochofiafura-
ta ejî eumde medio filior um Régis qui
interficiebantur &nutricem ejus de tri-
clinio & abscondit enm à fade Ajha~
£a) Anéantis.
CATION
lis, ut non interficeretur , &c. 4.. Reg.
XI. C'efi-à-dre , qu'icelle mauvaiiè
Athalie regardant que le. Roy Ocho-
fias fon fils eftoit trespaffé Se qu'il
n'avott lanTé que petits enfans pour
à foy attribuer la Seigneurie par
couvoitife 6c mauvaife concupifeen-
ce Se tyrannie occiit. les enfans dudit
Roy fon fils 6c furent tous occis ex-
cepté que par la grâce de Dieu ôc
d'une vaillante Dame qui eiloit tan-
te desdits enfans , feur à leur père ,
embla un nommé Joas ou berceau
de fa nourrice 6e l'envoya fecrette-
ment à l'Evesque qui le nourrit juf-
ques à fept ans. Cependant la mau-
vaife Royne deifusdite régna lesdits
fept ans par tyrannie Se defloyauté ,-
& au VII. an le vaillant Evesquela
feit occire par aguets 6c efpiemens.
Et puis feit couronner le petit en-
fant , nonobftant qu'il fuft jeune Se
qu'il n'eult que fept ans gouverna
très-bien ledit Royaume parle con-
feil du vaillant homme Evefque Se
autres très-bons Evefques & preu-
d'hommes,car la Saincte Ecriture dit
ainfi :
Joas regnavit X L- annis in Hieru-
falemfecitque retlnm cor ain Domine
mnc~lis diebus qmbus docttit eum Jo-
jada Sacerdos. Ainfi avez le III~
exemple , qui eft comment couvoi-
tife d'honneur vaine qui n'efl autre
chofe que concupifcence & voulen-
té defordonnée à tollir à aiitruy fa
noble domination Se Seigneurie, feit
ladite Royne eflre meurdriere, fau-
ce 6c desloyalle à obtenir par force
6c tyrannie la couronne 6c Seigneu-
rie du Royaume de Hierufalem. Et
û avez ou y comment par aguets 6c
efpiemens elle fut occife , car c'eft
droit , raifon & équité que tout Ty-
DU DUC DE B
ran foit occis vaillamment ou par
aguet & efpiement. Et eft la propre
mort dont doivent mourir Tyrans
deiloyaux. Ainfi je fais fin dudit
Article III. de madi&e major.
Apres je viens au quart exemple
de maduSe major , auquel je penfe
noter & propofer VIII. Veritez
principalles par manière de conclu-
Jion & fondement d'iceluy & con-
férer huicl: autres concluions par
manière de <x)ro!aires pour mieux
fonder la J unification de mondit
Seigneur deBourgongne.La premiè-
re que tout SubjevSt Vaffal qui par
couvoitile ., barat {a] , fortilege 6c
mai engin [b] machine contre le fa-
Jut corporel de fon Roy & Souve-
rain Seigneur pour luy tojlir & fbub-
iîraire fa tresnoble & tres-iiaulte Sei-
gneurie, il pèche fi gxiefvement &
commet fi horrible crime comme
rrime de leze majeflé royal ou pre-
mier degré , & par confequent il efl
aligne de double mort , c'efl à fça-
voir premier & II,. Je prouve ma-
dicte propofition,car tout Subjeâ: &
Vailal qui eflennemy & deiloyal à
fon Souverain Seigneur pèche mor-
tellement. Adonc ma conclufion eft
yraye. Et qu'il foit Tyran je le prou-
ve par Monfeigneur Saincl; Grégoire
,qui dit ainfi ;
Tyrannus eft proprie qui non Demi-
nus repntatur.
Non juftèprincipatur:ant non prin-
cipatu décor atur.
JSIamficM regnum retins principa-
tus dicitur :
$ic dominium perverfum tyrannis
nuncupatur.
-Qui commet crime de lefe majeflé
(a) FrAuit (b) Mwvats e/frit , mauvaife
O UR G O G N E. xxiij
il appert clerement par la defcription
delfusdictedes degrez de lefe majef-
té,car il fait fi grand orFence que plus
ne peult àla majefté royalle en la pro-
pre perfonne du Prince,qu'il foit di-
gne de double mort première ôc fe-
conde,je le prouve, car par la premiè-
re mort j'entens mort corporelle qui
efl feparation du corps & de l'ame ,
qui n'eft autre chofe que damnation
perdurable,la quelle parolle Monfei-
gneur Sûnâjean l'Evangelifte dit.
Qui vivit non morietur nec Imdetur
kmortefccmda.
C'eft-à-dire que toute créature
humaine qui aura vicloire finable-
ment fur eouvoitife & ks trois filles,
il n'aura garde de la mort féconde :
C'ell à fçavoir de perdurable dam-
nation. La féconde vérité eft ,jacoit
[c] ce que ou cas deflusdit foit tout
Subjed Vaffal digne de double mort,
& qu'il commette fi horrible mal
qu'on ne le pourroit trop punir : tou-
te fois efl plus à punir qu'un fîmple
SubjecT: , en ce cas un Baron qu'un
fîmple Chevalier , un Comte qu'un
Baron , & un Duc qu'un Comte ,
le coufin du Roy qu'un eflrange, le
frère du Roy qu'un coufin , le fils
du Roy que le frère , voilà quant à
fa première partie de la féconde véri-
té. Et quant à la féconde partie je
le prouve. Car en moult de degrez
l'obligation ell greigneur à vouloir
garderie falut du Roy & de la chofe
du bien publique. Dont parce ceux
qui font le contraire font plus à pu-
nir en montant de degré en degré.
Que ma confequence eft très-bonne,
je la prouve. C'efl à fçavoir que le
fils efl plus obligé que le frère , &
vcyt > dolus malus, (c) Quoique.
xxiiij J U S T ï F I
Je frère que le coufin, un Duc qu'un
Comte j un Comte qu'un Baron , un
Baron qu'un Chevalier , &c. à gar-
der Je bien , honneur du Roy , & de
Ja chofe publicque du Royaume,car
à chacune desdides prérogatives ,
dignitez , 6c Seigneuries correfpond
certain degré d'obligation. Et ainfi
qu'ils font greigneur , 6c plus nobles
greigneurs , & plus forte eft l'obli-
gation. Et partant que plus en a ,
& de plus nobles , de plus eft obligé ;
comme dit eft en l'audorité deSaind
Grégoire de/Tus allégué.
Cum crefcunt dona , & rationes do-
norum.
Item par le deuxiesme argument
pren-je madide vérité, car tant que
Ja perfonne eft plus prochaine du
Roy 6c plus noble , s'il fait les cho-
fes deffusdides , de tant eft-ce plus
greigneur efcandale que ce n'eft d'u-
ne povre perfonne qui eft loingraine
du Roy. C'eft trop greigneur efcan-
dale qu'un grandDuc 6c puiffant Sei-
gneur parent prochain du Roy, ma-
chine fa mort pour lui tollir fa Sei-
gneurie , que ce ne feroit d'un po-
vre Subjed qui n'eft pas fon parent ,
de tant que lemachineur feroit plus
prochain du Roy , & de greigneur
puiffance , de tant feroit la chofe
plus inique , & de tant feroit de
plus grand efcandale , 6c par confe-
quent feroit plus à punir.Tiercement
je prouve ma vérité deffusdide : car
où il y a plus grand péril , adonc il
doit avoir greigneur remède de pu-
nition , ôc alencontre qu'il y ait plus
grand péril je le prouve. Car la ma-
chination des prochains parents du
Roy, 6c qui font de grand audorité ,
(a) Attaquer mal à propos, (b) Majeramente
CATIO N
6c puiffance , eft trop plus perilleufe
que n'eft la machination des povres
gens. Et pourtant qu'elle eft plus
perilleufe , ils en doivent avoir plus
grand punition pour obvier aux pé-
rils qui en peuvent advenir , pour
Jes refraindre des tentations de l'en-
nemy & de couvoitife , car quand
ils fe voyent fi prochains à la Cou-
ronne , advient que couvoitife fe
boute en leur cueur. Pourquoy ils
fe bouteront à machiner de tout leur
puiffance, ôckmespoigner [a] ladide
Couronne , ainfi n'eft pas d'un po-
vre Subjed qui n'eft pas prochain
parent du Roy , car il n'y auroit ja-
mais imagination ou efperance de
toucher à ladide Couronne du
Royaume autrement. Des occifions.
La tierce vérité , ou cas deffusdid
en ladide première vérité. Il eft li-
cite à chacun Subjed fans quelque
mandement félon les Loix moralle ,
naturelle 6c divine d'occire , ou de
faire occire iceluy trahiftre defloyal,
6c Tyran , 6c non pas tant feule-
ment licite , mais honnorable , 6c
méritoire , mesmement [b] quand iJ
eft de fi grand puiffance que juftice
ne peult bonnement eftre fai<fte par
le Souverain. Je prouve cefte vérité
par douze raifons en l'honneur des
douze Apôtres. Desquelles raifons les
trois premières font de trois audo-
ritez de trois Philofophes moraux.
Les autres trois font de trois dodri-
nes de Sainde Théologie , 6c du
Dodeur Saind qui dit en la dernière
partie du fecondLivre des Sentences.
Quando altquis dominiitmjîbi per vio-
lentiam furr ipit nolentibus Subditis ,
vel etiam ad confenfum coattis : &
non eft recurjus ad Superiorem per
quem de tait jndicinmpoJ[et fieri. Ta-
principalement.
lis
DU DUC DE B
lis enim qui ad liber ationem patria ta-
lent tyrannum occidit : laudem , &
prœmium accipit. Hic primum lauda-
tur. Item débet laudari per qu& facit
opus dignum lande. Idem licitum prœ-
mium & bonorabile accipit , & idem
débet accipere. Il le facit opus merito-
rium , quia nullum opus eft dJgnum ,
■primo ni fi fier et ?neritorium. A parler
briefvement, 6c proprement le Doc-
teur defiusdit veut dire que ce Sub-
ject qui occift le tyran defiusdit fait
çeuvre de louenge , 6c rémunération.
La II. autorité fî eft.
Scalcelbero , Sacra Theologiœ exi-
piii do5loris in libro fuo , Policratum
JLib. II. Cap. UN. fie dicit : amico
adulari non licet , fed aurem tyranni
tnulcere licitum eft. Namque feilicet
tyranno licet adulari quem licet occi-
dere. C'efl-à-dire , iln'eft licet à nul-
ly de flater fon amy , mais eft licite
de addomter , & endormir par de
belles parolles les oreilles du tyran ,
car puis qu'il eft licite d'occire ledit
tyran , il eft licite de luy blandir (a)
par belles paroles & fignes. La III.
au&orité eft de plufieurs docteurs
que je mets tous enfemble , affin que
je n'y excède le nombre de trois.
C'eft-à fçavoir , Ricardi de Media-
Villa- j Alexandri de Hallis , 6c Af-
tenfis infumma ,qui conclufionem pra-
fatamponunt inl\\. ejforum. Et y
adjoint pour l'au&orité greigneur
cofirmation de St. Pierre l'Apoftre
qui dit ainfî. Subditi eflote Régi quafi
pr scellent i five ducibus tanquàm ab eo
mi/fis ad vindiblam malefatlorum »
laudem ver h bonorum , quia fie eft vo-
luntas Dei. Scribitur prima Pet. IL
C'eft-aTdire que la voulenté de Dieu
(a) EUndiri , flatter.
OURGOGNE, xxv
eft que tous obeyfTent au Roy ,
comme excellent , 6c Souverain Sei-
gneur fur tous les autres de fon
Royaume. Et puis au Duc comme
commis , 6c envoyé de par icelui à
la vengeance , 6c punition des mal-
faiteurs , 6c à la rémunération des
bons , à la vengeance des injures fai-
tes , ou machinées au Roy à faire
par {es ennemis , 6c malfaiteurs :
dont il s'enfuit que les Ducs font
obligez à venger le Roy de toutes
injures qui feront ou machinées à fai-
re , ou au moins à faire leur pou-
voir , 6c d'expofer à ce toute leur
pu i fiance toutes 6c quantefois qu'il
viendra à leur cognoiffance. Après
je viens à la IV. autorité des trois
Philofophes moreaux dont la pre-
mière eft. Ante forum principis pluri~
bus locis cuilibet fubditorum licitum
eft occidere tyrannum , & non folum,
licitum , immo laudabile. C'eft-à-dire
qu'il eft licite à un chacun des Sub-
jeds d'occire le tyran , 6c non pas
feullement licite: Mais eft chofe hon-
norable , 6c digne de louenge. Tidlius
in libro de Ojficiis. Laudatis illos qui
illum Cafiarem interfecerunt , quamvis
effet fibi familiarium amicus 3 eo quod
jura imperii quafi tyrannus ufurpa-
verat. C'eft-à-dire que le noble mo-
ral nommé Tulle dit 6c eferit en foi»
livre , que ceux qui occirent Julius
Cefar font à louer , 6c font dignes
de louenges , pource qu'iceluy Ju-
lius Cefar avoit ufurpé la Seigneurie
de l'Empire de Romme , par tyran-
nie , 6c comme tyran. La III. auc-
torité eft de Bocace qui dit en fon
Livre De cafibus virorum illuftrium,
Lib. IL Cap. i 5. contra fili os tyran-
norum. Et parlant du tyran dit ainfî.
Ledirai-je Roy ? le dirai-je Prince f
D
JUSTIFICATION
la foy comme à Sei- raifon il efl licit
XXV)
2uy garderay-je la foy comme à Sel- raifon il efl licite d'occire un tyrar*
gneur ? Nenny. Il efl ennemy de la qui par nuicl, & par jour machine
chofe publicque. Contre celuy puis la more de fon Souverain Seigneur.
faire a"mes , conjuration , mettre
efpies , employer force , c'efl fait de
courageux. C'efl rreffainte chofe ,
Se tresneceffaire. Car ce irefl plus
aggreable facrince que le fang du ty-
ran , c'efl une chofe insupportable
de recevoir villennies , pour bien
faire. Après je viens à la III. aucto-
rité des Loix civilles. Et pource
que je ne fuis pas Legille , il me fuf-
fifl de dire la Sentence des Loix fans
les alléguer, car en toute ma vie je
ne fus efludiant en Droit Canon , 6c
Civil que deux ans , il y a plus de
vingt anspaffez , pourquoy je n'en
puis gueres fçavoir , Se ce que alors
j'en peuz apprendre , fi l'ay-je oublié
pour la longueur du temps. La pre-
mière autorité des Loix civilles eil
que les deferteurs de chevalerie cha-
cun peut occire licitement. Et qui
Cède comequence appert a tout
homme de fain entendement s'il y
Veult confiderer , 6c i'antecedent eil
texte de la Loy eferipte. Àins que
jentre en la matière des trois exem-
ples de la Sainde Efcriture. Je veuil
refpondre à aucunes objections qu'on
pourroit faire à l'encontre de ce que
dit efl en arguant ainfi. Tout homi-
cide par toutes Loix efl deffendu ,
c'efl à fçavoir , divine , naturelle ,
moralle , <5c civiile. Tout ce que dit
efl , n'eflpas tout vray dit qu'il foit
deffendu par loy divine. Je le prou-
ve, car la Saincle Efcriture , dit ainfi.
Non occides. Exod. XX. Et efl un
des commandemens de la Loy divi-
ne , par lequel commandement efl
deffendu tout homicide. Qu'il foit
deffendu en la Loy de nature , je Je
prouve. Natura enim inter homines
efl plus deferteur que celuy qui de- quandam cognationem confiituit 3 qua
fert la perfonne du Roy , qui efl la hominem homini tnfidiari nefas efl,
clef de Chevalerie , & fans lequel ne Qu'il foit deffendu auffi par la Loy
peut la Chevalerie longuement du- moralle , je le prouve. Quia, per id :
rer ? La féconde auclorité efl qu'il hoc non facias aliis , quodtibi non vis
efl licite à un chacun d'occire & fai- fieri : alterum non lœdere,jusfuum uni-
re occire les larrons qui guettent tes cuique tribuere , hoc efl morale ; in-
chemins en bois , Se en forefls : Se fuper , & de naturali jure. Qu'if foit
pour ce efl licite qu'ils font nommé- aulîl deffendu par la Loy civile , &
ment , Se formellement ennemis de impériale je le prouve par les Loix
la chofe publicque , & machinent civiles , Se impériales qui difent ain-
contre , Se continuellement met- fi: Qui hominem occidit^capite punia-
tent peine à croire les paffants. A- tur , non habita dtjferentiafexus , vel
donc il efl licite d'occire le Tyran qui conditionis. hem omne bellum , omnis
continuellement machine contre fon ufus armorum vitiofus prxcipuè prohi-
Roy , Se Souverain Seigneur , Se bitus efl. Nam qui vitio pracipuè bel-
le bien public. La III. au&orité fî lumgerit, lafle majeflatis reus efl. Item
efl , qu'il efl licite à un chacun d'oc- Régis proprium ^furta cohibere , adul-
cire un larron s'il le trouve de nuict teriapumre , ipfos de terra perderç;
en fa maifonpar la Loy civiile , Se qui enim talia flbi appropriât , ant
ImperialJe,, Adonc par plus forte ftfarpat ,principeminjuriatur ,&lim
**.
DU D UC DE B
dit : quantam ( ut dicit lex ) judicio^
rum <vigor , juris , & publica tutela in
rnedio conftituta efl , nequis de aliquo
quantumcunque fceleribus implicito
afjmnere valeat ultionem. Pour ref-
pondre aux raifons deiïusdites c'eft
a fçavoir que les Théologiens , &
J milles parlent en diverfes maniè-
res de ce mot homicidium , mais
nonobftant qu'ils différent enpar'ers,
ils conviennent en une mesme Sen-
tence. Car les Théologiens dient
que tuer un homme licitement n'eit
pas homicide , car ce mot homici-
dium , emporte en foy, quod/îtjuftum
fropter hoc dicunt quod Moyfes , Phi'
nées , & Mathatias non commi fer vint
homicidia qu& jufl'e occiderunt. Mais
Jes Juriftes dient que toute occi<ion
d'homme , foie jufte ou injufte , efl
homicide, mais les autres dient qu'il
y a deux manières d'homicide, jufte ,
6c injufte , 6c pour homicide jufte ,
nul ne doit élire puni. Je refpondray
donc félon les Théologiens, que i'oc-
cifion dudit tyran n'eft pas homici-
de : pour ce qu'elle fut jufte 6c lici-
te. Selon Loy Juriftejeconfefieque
fut homicide, mais s'elle fut jufte &
licite ne s'en enfuit point de purga-
tion , mais rémunération. Quant à
l'argument qui dit , quod hominem
homini infidiari nefas efl , & qua ma-
gis infidiatur homini , 6cc. Il ne s'en-
tend du tyran qui continuellement
machine la mort de fon Roy , 6c
Souverain Seigneur. Et homo efl ne-
fas , & perduio , & iniquitas. Et
pource celuy qui occiffc par bonne
cautelle , 6c efpiemens , pour fauver
la vie de fon Roy , Souverain Sei-
gneur , & l'ofter de tel péril il ne faiét
pas nefas (a) , mais il s'acquite envers
OURGOGNE. xxvSj
fon Roy , & Souverain Seigneur. Et
homo efl nefas , & perditio , & iniqui-
tas. Et pource celuy qui l'occift par
bonne cautelle & efpiement , c'eft:
pour fauver la vie de fon Roy , &
fon Seigneur. Quant à l'argument
qui dit , Nom facias al iis , 6c c. Al-
termnnonUdere , &c. Je refpons que
c'eft fait contre le Tyran 6c pour ce-
luy qui l'occift. Car il fait contre
fon Roy , 6c Souverain Seigneur, ce
qu'il ne vcaldroit pas qu'on lu y feift.
Et ipfum Regem injuriatur , & lœdit.
Pour laquelle chofe le SubjecT; qui
l'occift de mort telle, qu'il a deffervy,
ne fait en riens contre Iesdites Loys,
mais garde Ventente (b) d'icelles ;
c'eft à fçavoir bonne équité, 6c loyau*
té envers fon Roy , 6c Souverain
Seigneur. Aux autres Loix qui
dient Hominem occidere , capi~
taie ejfe. Ornais ufus armorum , &cm
Je refponds à toutes les Loys enfem-»
ble qu'il n'eft Loy tant foit générale,
ne reigle tant foit commune , qu'en
aucun cas efpecial , n'y ait exception
aucune. Je vous dy outre que le
cas d'occire un tyran eft exempté :
6c par efpecial quand il eft tyran de
telle tyrannie , comme deffus eft dit»
Comment pourroit-on trouver plus
digne cas d'exception que Jes cas
delîusdits ; c'eft à fçavoir qu'il eft
faict par fi grand' neceffité comme
pour deffendre fon Roy , 6c le gar-
der de péril de mort f Et mesmemenâ
(c) quand Iesdites machinations , 6c
fortiléges ont fi avant ouvré {à) en fa
perfonne qu'il ne peult entendre à fai-»
re Juftice,6cque ledit tyran a deffervy
fi grand punition que Juftice n'en
peult bonnement eftre faite par fon
dit Roy , 6c Souverain Seigneur qui
(a) Il ne fait pas un crime , une chofe illicite,
(b) L'intention, intenium. (c) Principalement, (d) Opéré,"
Dij
xxviij JUSTIFI
en eft afFoibly , bleffe , 8c endomma-
gé en entendement , 8c en puiflance
corporelle : 8c pour ainfi expliquer
]a Loy , 8c interpréter en tel cas ,
n'eft pas contre la Loy à parler pro-
prement : parce qu'il eft à fçavoir
qu'en toutes Loixa deuxchofes. La
première , le principe , ou la Senten-
ce textuale. L'autre il eft pourquoy
on l'a faict faire , à laquelle fin les
Auteurs d'icelle Loy entendoient
principalement. Et quand on fçait
que la Sentence eft contraire à la fin
de la Loy , c'eft à fçavoir à la fin
pourquoy ladide Loy fut faicle : on
doit expliquer ladicle Loy à l'en-
tente de la fin , 8c non pas à fens li-
teral , ou Sentence textuale. Ainfl
met le Philofophe l'exemple des ci-
toyens qui feirent une Loy pour
garder leur cité , c'eft à fçavoir que
nul eftranger en leur cité ne montaft
fur les murs , fur peine capitale , 8c
la caufe qui les meuft à ce faire fut
que ladi&e Ville eft oit affiegée des
ennemis. Ils fe dont oient (a.) fe Ef-
trangers montoient fur les murs avec
les citoyens, ou autrement, ils pour-
roient avoir trop grand péril. Et
quand ils verroient leur point , ils
ne fe tournaflent avec leurs ennemis
contre ladite Ville , ou qu'ils ne
leur donnaient aucun figne , ou en-
tendement de la manière de prendre
ladite Ville. Or advint que ladite
Ville fut afiaillieen plufieurs lieux :
les eftrangers 8c pèlerins qui eftoient
en ladite Ville regardèrent qu'à un
des lieux les ennemis les aflailloient
trop fort , 8c eftoient ceux de la Vil-
le trop foibles en iceluy endroit :
preftement lesdits eftrangers s'armè-
rent, 8c montèrent fur les murs pour
fecourir ceux de la Ville qui eftoient
(a) Us craignoient que fi, f b) Fiiiejfes,
CATION
les plus foibles , repoufTerent Iesdi&s
ennemis , 8c fauverent ladite Villle.
Le Philofophe demande. Puis que
iesdicts pèlerins font montez fur les
murs , il fembloit -qu'ils avoient fait
contre ia Loy , 8c dévoient être pu-
nis. Je refpons que non , jaçoit ce .
qu'ils ayent fait contre le fens litté-
ral ou textual de ladite Loy , pour
laquelle Loy fut faite afin de garder
ladite Ville : Car s'ils n'y euffent pas
monté , ladite Ville n'euft pas éfté
gardée , mais euft efté prinfe. Au
propos hs Loix defïusdites qui dient,
que nul ne doibt prendre au&orite
de Juftice fors que le Roy, 8c ne fai-
re point d'armes fans licence de Prin-
ce : Je dits que celles Loix furent
faites pour garder l'honneur du Roy,
de fa perfonne , 8c de la chofe public-
que. Mais en ce cas doncquesj'ap-
prouveray qu'un tyran de grand'
puiflance 8c fubtilité , qui machine
de toute fa puiflance la mort du Roy
continuellement par barats (h) 8c
maléfices pour luy toîlir fa Seigneu-
rie , 8c fera mondit Seigneur tant in-
difpoféparluy en entendement , &
en force corporelle,qu'il ne fçauroit ,
ou pourroit y mettre remède , 8c en
faire Juftice. Et en outre qu'iceluy
continue de jour en jour fa mauvai-
ftié. Je regarde les Loix deflusdites
qui me défendent port d'armes fans
licence de mondit Roy generalle-
ment , 8c qui me deffendent que je
ne prengne l'audorité d'occire au-
cun. Que dois-je faire pour garder le
fens littéral d'icelles Loix ? dois-je
laiffèr mondit Roy en fi grand péril
de mort ? Nenny , ains dois deffen-
dre mondit Roy, 8c occire le tyran.
Et ce faifant jaçoit ce que je face
contre le fens littéral desdites Loix ,
DU DUC D E B
je ne fera y point contre la fin pour-
quoy elles furent ordonnées , 6c fai-
tes. Mais accompliray le comman-
dement final d'iceiles Loix , c'efl
à fçavoir pour l'honneur , bien , &
confervation du Prince , laquelle
chofe garderay mieux aiiifi faifant
que de laiffer vivre iceluy tyran au
grand danger 6c péril demonditRoy.
Et pource je ne dois pas eflre puny ,
mais guer donné (a) : Car je fais œu-
vre méritoire , 6c ne tends qu'à bon-
ne fin , c'efl à fçavoir à la fin pour-
quoy icelles Loys furent faites. Et
pource dit Monfeigneur Saint Paul.
Littera occidit}charùas autem œdifîcat.
C'efl-à-dire , que tenir le fens litté-
ral en la Sain&e Efcriture, efl occire
fon ame : Mais tenir le fens de vraye
charité , c'efl à fçavoir tendre à la
fin pourquoy la Loy divine fut faite,
c'efl chofe qui bien édifie fpirituelle
édification.
Item les Loix divine, naturelle &
humaine me donnent auélorité de le
faire , & en ce faifant je fuis miniflre
de la Loy divine , ainfi appert que
les dites objections ne font rien con-
tre ce que dit efl. Je viens aux trois
exemples de laSainvfle Efcriture pour
parfaire la probation demadite tier-
ce vérité. La première vericé efl de
Moyfe qui fans commandement ne
auclorité quelconques occifl l'E-
gyptien qui tyrannifoit les fils d'I-
fraël. Et pour lors iceluy Moyfe n'a-
voit au&orité de Juge , laquelle luy
fut donnée fur le Peuple d'Ifraël, près
quarante ans après qu'il eut perpétré
ce fait , de ce toutesfois efl loué icy
Moyfe.
Vtpatet auttoritate Exodi II. quia
(a) Recompenfé»
OURGOGNE. xxix
tanquam minifier legis hoc facit. Ita
in propo/ito in hoc faciendo ego ero
minifier legis. Le deuxiesme exemple
efl de Phinées , qui fans comman-
dement quelconque occifl le Duc
Zambry , comme il efl cy-devant
racompté. Lequel Phinées ne fut
pas puny. Mais en fut loué 6c rému-
néré tresgrandement'en trois chofes ,
en amour , honneur , & richeffes.
En amour , que Dieu luy monflra
greigneur figne d'amour que devant.
En honneur. Quia reput atum efi ei
adjufiitiam &c. En richeffes. Qj^ia
per hoc acqui finit aVcum facer dotii j em-
piternum non tantum pro fe , fed pro
tota tribu Jua, Le tiers exemple efl de
Saincl Michel l'Archange qui fans
commandement de Dieu ne d'autre,
mais tant feulement d'amour natu-
relle occifl le tyran , & defloyal à
Dieu fon Roy , 6c Souverain Sei-
gneur , pource que ledit Lucifer ma-
chinoit à ulurper une partie de l'hon-
neur , 6c Seigneurie de Dieu. Ice-
luy Sainct Michel en fut favorable-
ment rémunéré es trois chofes des-
fufdites , c'efl à fçavoir , en honneur,
amour, 6c richeffes. En amour , au-
tant que Dieu l'ayma plus que nul
autre, 6c le conferma en fon amour ,
6c grâce. En honneur.
Quiafecit eum militix cœlefiis prin-
cipem in aternum.
C'efl-à-dire qu'il le feit Prince de
la Chevalerie des Anges à jamais.
En richeffes. Car il luy donna ri-
cheffes en fa gloire , tant comme il
en voulut avoir 6cc. Tantkm qnan-
tmn erat capax , de quibus loquitur.
O altitudo divitiarum fapientia , &
fcienti<z Dei ! quam incomprehenjibilia
funt judicia ejus , & invefiigabiles via
ejus ! Ad Rom. XI.
Diij
xxx J U S T I F I
Ainfi appert ma tierce vérité prou-
vée par douze raifons. La quarte vé-
rité , ou cas deffusdit. Il eil plus mé-
ritoire , honorable , 6c licite qu'ice-
Juy Tyran foit occis par un des pa-
rens du Roy que par un eftranger
qui ne feroit point du Sang du Roy ,
Se par un Duc que par un Comte ,
6c par un Baron que par un (impie
Chevalier , 6c par un fimple Cheva-
lier que par un fimple homme. Je
preuve ceftepropofîtion. Car celuy
qui eft parent du Koy a à defirer , &
garder l'honneur du Roy , le deffen-
dre àfon pouvoir, Se venger de tou-
tes injures , 6c y eft obligé plus qu'un
Eftranger, un Duc qu'un Comte ,
un Comte plus qu'un Baron , 6cc.
Et fait plus à punir, & eft greigneur
vilennie, Se diffame , s'il eft négli-
geant de ce faire : Se s'il en fait bien
ion devoir , bonne loyauté , & dili-
gence,ce luy eft greigneur honneur &
mérite. Item in hoc magis relucent
amor & obedientia occiforis , vel oc-
cidere pracipienti s adprincipem & do-
mimtm fuum , quia efl magis honora-
bile fi fuerit prœpotcns Dux vel Cornes,
Item in hoc magis relucetpotentia Ré-
gis quod efl honorabile , & quanto oc-
cifor vcl ditla occiflonis praceptor non
fuerit vilior & potemior tanto magis ,
Sec. La quinte vérité, ou cas d'al-
liances , fermens Se promeiTes , Se de
confédérations faiétes de Chevalier à
autre en quelque manière que ce foit,
ou peut eftre. S'il advient qu'icelles
garder, 6c tenir tourne ou préjudice
de fon Prince , Se de lés enfans , 6c
de la chofe publicque , n'eft tenu
nuls de les garder : ains les tenir 6c
garder en tel cas feroit fait contre
les Loix naturelle , moralle , 6c di-
vine : je preuve cefte vérité. Arguen-
dofic. Bonam <nquitatem ( diétamen
C ATI ON
reétae rationis ) & legem divin am bo-
ni principes in perfona publica ferva-
re & utilitatemreipublica debent prœ-
ferre , & prœfitpponere , m omnibus
talibus promiffiornbus , juramentis ,
& confederatiombus : immo excipiun-
tur implicite (ecundum diciamen retta
rationis bonam aquitaiem , & chari~
tatis ordmem : quia alias ejjet licitum
non obedire principi immo rebellare
contra principes quod efl exprejjc con*
tra Jacram Script uram qiu fie d'rit ,
Obediteprincipibus vtftris , licet eiiam
dif colis , & alibi. Subjecti eftote Régi
pr&celienti , ftve 'Judicibus tanquam
ab eo miffis ad vindiliam malifado-
rum y tandem vtro bonorum. i. Petr.
III. utfup. allegatnm efl. Ex tllo ar-
guitnr fie. Qjiandocunque occurrunt
du£ obligationes ad mvicern contraria
major tenenda efl , & minor d'jfolven-
da , quantum ad hoc , jed in cafu no-
flro concurrunt du£ obligationes. Et
cum obligatio ad principemfit major ,
& alia minor $ obligatio adprincipem
tenenda efl , & alia non in tali cafu.
Item argue n do eandem qiuflionem ,
quandocunque aliquis facit quod efl
melius , quamvis jur avit fe idnon fac-
turum , non efl perjurium ,fed perju-
rio contrarium: ut exprefje pomt Ma-
gister Sententiarmn ultima ditli tertii:
fed in cafu noflro melius efl tyrannum
in prdifato cafu occidere , quamvis ju-
ravitfe non occifurum , quàm pr&fen-
tem vivere , ut taclum efl fuperius :
ergo occidere tyrannum inpr&fato ca-
fu quamvis jur avit fe non occifurum ,
non perjurium façit ,fedperjurio con-
trarium. Et confequenter Ifidorus in
libro de fummo bono ,fîc dicit , idnon
efl obfervandumfacramentum & ju-
rante ntum quo malum incarné promit ti-
tur.Sedin cafu noflro malè & incarne
promittitur.Sed non tenent promiffiones
DU DTJC DEBOURGOGNE. xxxl
Jurât a vel confcederationes contra prin-
cipem , uxorem principes , liberos , vel
reipnblica utîlitatem. Lafixiesme vé-
rité , ou cas deflusdit eft que s'il ad-
vient que les dicles alliances , ou con-
fédérations tournent au préjudice de
l'un des promettans , ou concedàns ,
de fon efpouie , ou de fes enfans , il
n'efl en riens tenu de le garder. Pa-
tet hic veritasper rationes tattas prias,
& citm hoc probatur fie îquia obferva-
re in illo cafa confœderationes contra,
legem charitatis , qua qui s m agis fibi
ipfi , uxori proprix, vel liberis quam
pojjet obligari cuicunque alteri virtute
talis promijfionis , & omnia pr&ccpta,
& cênfimilia in ordinc ad charitatem
patetper Apoftolum fie dicentem. Fi'
ni; prxcepti eft charitas , quia in om~
tubas cafibas & promiffionibus intelli-
gitur hoc , fi infide objervaverit jaxta
illud : Frangenti fidem, ôcc. Itemfub-
intelligitur fi Domino placuerit , fed,
certain eft qaod non placer et Deo , cum
foret contra legem tharitatis , ideo ,
&c. La feptiéme vérité ou cas def-
fusdit eft que il eft licite à un chacun
fubjed honnorable , & meritable oc-
cire le tyran trahiftre defîus nommé
& desloyal à fon Roy , & Souverain
Seigneurparaguet , cautelles , & ef-
piements , & ii eft licite de difîimu-
Jer & taire fa voulenté d'ainfi faire.
Je le preuve premièrement par l'auc-
torité du Philofophe moral appelle
B oc ace deifus allégué ou fécond livre
De cafibas viroram illaftrium , qui
dit ainii en parlant du tyran ; le ho-
noreray-je comme Prince ? lu y gar-
deray-je foy comme à Seigneur ?
Nenny , il eft ennemy , & contre luy
puis prendre armes & mettre efpies.
C'eft fait de courageux , c'eft très
fain&e chofe , & du tout neçeftaire,
(a) Avec délibération.
Car à Dieu n'eft fait plus agréable
facrihee que du fang du tyran. Item
je le preuve, par l'exemple de Sainde
Efcrituredu Roy Jehu, Occident te
face/dotes caltores Baal , ut habeiur
primo Reg. & iibific d.icitar , Jehd
Àchab param coluit Baal , ego autem
'jolam eam amplius. Et paulalam
poft : porro Jehu licet infidiofe at dtf-
perdat caltores Baal dicit , fanfîifica-
te diem folemnem Baal , &c. Et lau~
datar de hoc. Item de Athalia Regina
vidente fdiamfaam mortaam ,furrexit
& interfecit omne femen reoium ut
regnarct , & Joiadas y7/w?;z«.r Sacer-
dos infidiofe fecit eam occidi. Et de hoc
landaïur at fuperias tatlum eft ad
longam. Item Judith occidi t Holofer-
nemperinfidias. Et etiamde hoc lau-
daturpater familias qaod ad z.iz.anix
eradicationem non volait expeUare
tempus mejfis ne triticam fimal cum
Zjiz.aniis eradica- etar , &c. Quod in-
telligitur in occifione tyrannorum per
infidias,fed & bonam caatelam , &
débet expeféari loci , & temporis opor-
tunitas , & expier i ne boni eradicen-
tur , &c. C'eft la plus propre mort
de quoy tyrans doivent mourir que
de les occire villainement par bonne
cautelle, aguet, & efpiemens. Mais?
pourcejefais une queftion. Pour-
quoy c'eft qu'on eft tenu en nlu->
fieurs cas de garder foy , & conve-«
nance à fon ennemy capital , & non
pas au tyran. La caufe de la refpon-
fe mettent communément les Doc-
teurs , & pource qu'elle eft commu-
ne, & qu'elle feroit longue à racomp-
ter , je m'en palferay à tant.
De fortileges. La huicliesme vé-
rité eft que tout Subject. & vaflal ,
qui penjeement (a) machinent contre
Ja fante de leur Roy , & Souverain
xxxij JUS TIF
Seigneur de le faire mourir en lan-
gueur par couvoitife d'avoir fa Cou-
ronne, & Seigneurie , fait confacrer,
ou à plus proprement parler , fait
exercer efpées , dagues , badelaires
(a) , ou couteaux , verges d'or , ou
anneau Ix , & dédier ou nom des dia-
bles par Necromance faifant invoca-
tions de karaderes, forceries , char-
mes , fupefiitions , & maléfices , &
après les bouter , & ficher parmy le
corps d'un homme mort , <5c defpen-
du du gibet. Et après mettre en la
bouche dudit mort , & laifier par
l'efpace de plu Meurs jours , en gran-
de abhomination , & horreur pour
parfaire lesdits maléfices. Et avec
ce porter fur foy un drappel lié , ou
coufu du poil deshonnefte , & plain
de la poudre d'aucuns des os d'ice-
luy mort defpendu. Celuy ou ceux
qui le font ne commettent point
feulement crime de leze Majefté hu-
maine , ou premier degré , mais font
trahiftres , & defloyaux à Dieu leur
Créateur & à leur Roy : & comme
Idolâtres , & corrumpeurs , faulfai-
res de la foy Catholicque font dignes
de double mort , c'eft à fçavoir pre-
mière & féconde , mesmement quant
Jesdides forceries , & fuperftitions ,
& maléfices fortifient leur effed en
la perfonne du Roi parle moyen , &
malle foydesdirs machinans. Quia
dicit Dominus Bon aventura, lib, II.
d. VI. Diabolus nunquam fatiifacit
nioluntati talium , nifi antequam infi-
delitas idololatriœ, immifeeatur. Sicut
enim ad divina miracnla plurimum
facit fides , &c. Et ideo experientia
de ejfeElu prœdi&arum [uperfiitionum
fecuta in peïfonam pr&fati Régis pre-
bat clarc ibi fuiJJ'e Idololatriam & fi-
dsm perverfam. Item diabolus nihil
(a) Sabre Turc,
ICATION
faceret ad voluntatem talium in taîi
ca/Hy-nift exhiber etur ei dominium quod
multttm affeèlatraec fe exhibet ad taies
invocationes ipjïs invocantibus eum»
nifi ipfum adorent , & facrificia , d*
oblationes ojferant , a ut patta cum ip-
fis dxmonibus faciant. Item Dottor
Sanctus feeunda ftcundœ, in XL arti-
culo fecundo dieu quod taies invoca-
tiones nunquam fortiuntur effettum ,
nifi fuerit falfa corruptio fidei , idolo"
latria, & patlio cum dœmonibus.Ejus-
dem opinionis videtur ejfe Alexander
de Hallis , Richardus de A^edia-villa^
& Aftenfis infumma. Et communiter
omnes Doiïores qui de hac materia lo-
cutifunt , & ficut falfarii moneta , &
pecuniarum Régis , &c. Ainfi je voy
que les Dodeursen Théologie dient
tous d'un commun accord que telles
fortileges , charmes & maléfices ne
fortiffent point leur effet , fe ce
n'eft par oeuvre de Diable , & par
fon faulx moyen. Et les charmes , &
autres fuperftitions que font lesdits
invocateurs n'ont point de vertu de
nuyre , ou ayder à quelque perfon-
ne que ce foit : mais ce font les Dia-
bles qui ont puiifance de nuyre tant
comme Dieu leur en permet , lef-
quels ne feroient riens à la requelle
desdits invocateurs , s'ils ne leurfai-
foient trois chofes. C'efl à fçavoir
exhiber honneur divine , lequel ne
doit point eflre exhibé fors à Dieu
par adion & convenance par maniè-
re d'hommage , promeife , & obli-
gation , foy monftrer à eux faulfai-
res & corrumpeurs de la foy Catho-
licque. Lesquelles chofes joindes
enfemble font erreurs de foy , &
Idolâtrie , cV partant commettent
le crime de leze Majefté. Primum co-
r.ollarium. S'il advient que pour les
CM
DU DUC DE BOURGOGNE. xxxi]j
cas deilusdits iceux invocateurs de Quart um coroilarium eft. Tout
Diables idolâtres , 6c trahiftres du fubjed , 6c vafTal du Roy qui fait
Roy foient mis en prilbn , 6c que alliances avec aucuns qui l'ont enne-
pendant le procès contre eux ou mis mortels du Roy-, 6c du Royau-
avant iceluy juger , aucun leur fac- me ne fe peut exculer dû trahiion ,
teur , ou participant en leur crime
les délivre , ou face délivrer de fa
puiflance il doit eftre puny comme
les deilusdits Idolâtres comme tra-
hiftres du Roy, 6c fon Souverain
Seigneur , & crimineux de leze
.Majefté , ou premier 6c quart degré.
Secundum coroilarium. Tout fub-
par eipecial quant il mande aux
gens d'armes de la partie d 'iceux en-
nemis qu'ils obtiennent les forte-
relies dudit Royaume , qu'ils fe
tiennent bien en icelles forte-
reifes fans eux^ rendre : car quant:
viendra au fort il s'employera , ce
leur fera faire fecours , & bon reme-
ject qui donne & promet à autruy de. Avecques ce empefehera les
grand fomme d'argent pour empoi- voyages 6c armées qui fe feronc
fonner fon Roy, Se Souverain Sei- contre leldits ennemis en les recon-
gneur de marché fait , 6c les poifons fortant tousjours par voyes fubti-
ordonnez , pofé que les poifons ne les , & lecrettes , efl trahiftre à fon
fortifient point leureffed: pour au- Roy, Se Souverain Seigneur de la
çun empefehement furvenant par la choie publicque du Royaume , 6c
grâce de Dieu , ou autrement , commet crime de Leze Majefté ou
tous les deux machinans commet- premières quart degré , 6c eft digne
cent crime de leze majefté en pre- de double mort , c'eft à fçavoir de
mier degré , font faux trahiftres ,
êc delloyaulx à leur Roy , 6c Sou-
verain Seigneur , Se font dignes de
double mort première 6c féconde.
la première , 6c de la féconde.
Quintum coroilarium eft , Que
tout fubjed , 6c vaffal qui par frau-
de , barar , 6c faux donner à enten-
Tertium coroilarium. Tout fub- dre met difiention entre le Roy 6c
la Royne , en faifant entendre à la-
dide Royne que le Roy la hayoit
tant , qu'il eftoit délibéré de la fai-
re mourir , elle 6c fes enfans , 6c qu'il
n'y avoit point de remède , s'elle ne
s'enfuyoit lurs du Royaume atout
fes enfants, enluy confeillant , 6c
requérant qu'ainfi le feit , lu y of-
frant la mener hors du Royaume
en aucunes de {es Villes , ou forte-
reftes , 6c en adjouftant une cautel-
ject qui foubs diffimulation 6c fain
tife de gens , 6c esbatement à pen-
féement 6c de malice a procuré faire
veftemens pour veftir fon Roy , 6c
qui plus eft le faire veftir avec plu-
sieurs autres , 6c y bouter le feu à
efeient pour le cuyder ardoir , 6c luy
tollir, 6c fubftrairefa tresnoble Sei-
gneurie il commet crime de leze
Majefté ou premier degré , 6c eft
tyran , trahiftre , 6c delloyal à fon
Roy, 6c pour ce eft digne de dou- le oufubtilité, c'eft à fçavoir qu'il
ble mort, c'eft à fçavoir de premie- eft neceftaire que ladi&e Royne le
re, 6c de féconde, 6c mesmement tienne fecret afin qu'elle ne foi, em-
quant par le feu font ars 6c morts pefchée ou arreftée à ce faire. Pour
plufieurs nobles hommes villaine- ce faire il vouluft qu'elle faindift (a)
jnent à grand douleurs. (a) Fe/g»;>,
Tome II. Partie HZ. £
xxxiiij JUSTIFIC
aller en plufieurs pellerinages de l'un
à l'autre , jufqu'à ce qu'elle feroit
en lieu feur. Tendant par cela la
mettre en fes prifons , & fes deux
enfans , 6c puis faire femblablement
au Roy pour parvenir par ce moyen
à la Couronne , 6c Seigneurie du
Royaume. Il eft tout fubjedr. au
crime de Leze Maje&é , en fécond ,
en tiers , & quart degré. Celle véri-
té s'enfuit des précédentes , & fi
appert tout cler à tout homme de
bon entendement , 6c tant quefe je
Ja vouloye prouver , ejfet adjuvare
cœlum facibus.
Sextum corollarium eft , Que tout
fubjedt , 6c vafTal qui par couvoitife
d'avoir la Couronne , 6c Seigneurie
du Royaume /ê trait (a) devers le
Pape en impofant faulfement 6c
contre vérité à fon Roy , 6c Souve-
rain Seigneur crimes , 6c vices re-
dondans à fa noble lignée , 6c géné-
ration ; 6c par ce concluant que le
Royn'eftpas digne de tenir la coût
ronne d'un Royaume ; ne fes enfans
de l'avoir après luy , comme par
fucceffion , requérant audit Pape ,
par tresgrand infiance qu'il veuille
faire déclaration fur le fait de la
privation d'iceluy Roy , 6c desdits
enfans , 6c declairer iceluy Royau-
me devoir appartenir à iceluy 6c a
fa lignée , 6c luy requérant don-
ner abfolution , 6c à tous les vaf-
faulx dudit Royaume d'adhérer à
luy vouldroient , par difpenfa-
tion du ferment de feaulté , 6c d'o-
bligation , par lesquelles font tenus
6c obligez tous fubjecls , 6c vaffaulx
à leur Roy , 6c Souverain Seigneur :
tous tels fubjects6c vaffaulx font tra-
hiftresfubjeds , tyrans 6c defloyaux
ATION
audit Roy 6c au Royaume; Se
commettent crime de Leze Majeflé,,
ou premier , 6c ou fécond degré.
Septimum corollarium eft } Que s il
advient qu'iceluy defloyal , 6c ty-
ran ( ex animo deliberato ) empefche
l'union de l'Eglife, 6c les conclufions
du Roy , 6c des Clercs dudit Ro-
.yaume , délibérez , 6c conclus pour
le bien , 6c utilicé de Ja Saintle
Eglife , il empefche l'exécution de
l'Eglife par force, 6c puilfance in-
deiïement , 6c contre raifon , ten-
dant que le Pape foit plus enclin à
luy odlroyer fa faulfe , mauvaife ,
6c inique requeile , iceluy tyran eft
defloyal à Dieu , à Saincle; Egli*
fe , à fon Roy , 6c Souverain Sei-
gneur , 6c doit eflre réputé Scisma-
ticque , 6c fi eft pertinax , heretic-
que. Et fi eft digne de villaine mort ,
tant que la terre s'en doit ouvrir
foubs luy , 6c l'engloutir en corps ,
6c en ame comme elle feit les trois
Scismaticques Dathan , Chores , 6c;
Abiron , desquels nous lifons en la
Bible. Aperta eft terra fub pedibus
eorum , & aperiens os fttum devora-
<oit eos cum tabernaculisfuis , dejeen-
derunt^ue <viri eorum in injernum
operti humo. Num, XVI. PfaL
Aperta eft terra , & deglutivit Da-
than , 6cc.
Ociavum corollarium eft , Que
tout Vaffal , 6c Subjecl: doit eflre
comme crimineux de Leze Majef-
té , qui par couvoitife de venir à la
Couronne 6c Seigneurie du Royau-
me machine à faire mourir par pri-
vez empoifonnemens , 6c viandes
envenimées , ou autrement iceluy
Roy 6c fes enfans , il 6c tout tel
Vaffal 6c Subjecl: doit eflre comme
(a) Se tire , a recours.
DU DUC DE B
crimineux de J^eze Majefté en pre-
mier Se tiers degré.
Nonum , & ultimum corollaHum
efl, Que tout Subjeâ , & Variai qui
tient gens d'armes fur le païs, qui ne
font autre chofeque manger & exi-
ler (a) le peuple , piller , robber (b) ,
prendre , tuer gens , & efforcer fem-
mes , & avec ce mettre capitaines
es chafleaux , forterelTes , ponts &
pafTages dudit Royaume. Et avec
ce fait mettre fus tailles , Se em-
prunts innumerables , faignant que
c'eft pour mener la guerre contre
les ennemis du Royaume. Et après
quant lesdi&es tailles font levées , Se
mifes au trefor du Roy , les emble ,
(c) prent , Se ravift par force , &
puitîance , Se en donnant defdicfes
pecunes fait alliances aux ennemis,
adverfaires , & malveillans desdits
Roy & Royaume en fe rendant fort
Se puiiTant pour obtenir fa damna-
tion & mauvaife intention. C'eft-
à-dire d'obtenir la Couronne Se Sei-
gneurie dudit Royaume. Il Se tout
tel Subjeâ: qui ainfi fait doit eftre
puny comme tyran , faux , & def-
loyal audit Roy & Royaume , &
comme criminel de leze majefté ,
ou premier & quart degré , & eft
digne de double mort , première Se
féconde. Et ainfï faiz fin de la pre-
mière Juftification.
Sequitur minor.
La féconde partie de ladite Jufti-
fication , ou Propofition s'enfuit.
Or viens-je à declairer & affermer
madiéle minor en laquelle j'ay à
monftrer que feu Loys , nagueres
Duc d'Orléans, fut tant embraffe
& efprins de couvoitife , 6c hon-
OURGOGNE. xxxv
neurs vaines , & richeffes mondai-
nes , c'eft à fçavoir d'obtenir pour
foy , Se fa génération . Se de tollir
Se foubftraire à luy la treshaulte Se
Se tresnoble Seigneurie de la Cou-
ronne de France au Roy no ftre Si-
re , qu'il machina Se eftudia par
couvoitife , barat , fortileges , &
malengins (d) à deftruire la perfonne
du Roy noftre Sire , de fes enfans ,
Se génération. Entant qu'il fut (i
efprins de couvoitife , tyrannie , &
tentation de l'ennemy d'enfer , que
comme tyran à fon Roy , Se Sou-
verain Seigneur , il commit crime
de leze majefté divine , Se humaine
en toutes les manières Se degrez de-
clairez en madide major , c'eft à
fçavoir de majefté divine Se humai-
ne en premier , fécond , & tiers <5c
quart degrez. Et quant eft de cri-
me de leze majefté divine il appar-
tient au Souverain Juge de la fus ,
[e] pourquoy je ne penfe point à
faire efpecial article. Mais es articles
de leze majefté divine & humaine
je penferay à en toucher par manière
d'incident. Ainfi donc me faut de-
clairer par article comment il a com-
mis crime de leze majefté humaine
en chacun des quatre degrez deffus
nommez. Pour laquelle chofe je
penfe à devifer madicl:e minor en
quatre articles. Ou premier article
je penfe à declairer comment en plu-
fieurs , Se diverfes manières il a
commis crime de leze majefté hu-
maine au premier degré , Se fécond
degré , le tiers en tiers , le quart en
quart degré. Quant au premier ar-
ticle qui fera du premier degré , le-
quel eft quand l'injure ou offence eft
[a] Apprauvir. exilemfacere. [b] Dérober, [c] Enleva
[d] Mauvaife voye. [e] De là haut.
Eij
xxxtj TUSTIF
directement contre Ta perfonne du
Roy, c'eft à fçavoirque celle injure
peut eftre fai&e en deux manières.
La première manière en machinant
la mort & deftruction de fon Prin-
ce & Souverain Seigneur. La pre-
mière manière fe peut divifer en
plufieurs manières , mais quant à
prefent je ne la diviferai qu'en trois
manières. La première manière efl
en machinant de fon dit Prince la
mort par fortileges , mallefices &
fuperftitions. La IL manière par
poifons , venins , 6c intoxication [a] .
La II L manière eft pour occire ,
ou faire occire par armes & eaiie ,
feu & autres violentes inje&ions.
Qu'il ait efté criminel la première
efpece je le preuve. Car pour faire
mourir la perfonne du Koy noftre
Sire en langueur , & par manière fi
fubtillequenefut nulle apparence,
il feit par force d'argent , 6c diligent
ce tant qu'il fina (b) de quatre per-
sonnes dont l'une eftoit Moyne apof-
tat , l'autre Chevalier , l'autre Ef-
cuyer , 6c l'autre Varier , auquel il
bailla fa propre efpée , fa dague ,
-6c un annel (c) pour dédier 6c con-
sacrer , ou pour plus proprement
parler , exercer ou nom des Diables.
£t pource que telle manière de ma-
léfice ne pou voit bonnement faire ,
fe ce n'étoit en lieux folitaires , 6c
qui font loing de toutes gens , ils
portèrent lesdidles chofes en la tour
deJVIont-jay vers Laigny fur Mar-
ne , 6c là fe logèrent , 6c feirent refi-
dencepar l'efpace de plufieurs jours.
Et leditMoyne A portât comme def-
fus qui eftoit Maiftre d'icelle euvre
diabolique feit plufieurs invocations
de diables , 6c par plufieurs fois , 6c
[a] Empoisonnement, [b] traita. fnunça. Id»
l^lAnntau. [d] Frès, [cj DiJparHt,,.
I CATIO N
journées dont je vous diray deux en»
femble qui furent entre Pasques ,
6c l'Afcenfion à un Dimenche très-
bien matin devant Soleil levant en
une Montaigne près de la tour de
Mont-j'ay. Ledit Moyne feit plu-
fieurs chofes fuperftitieufes requifes
à faire en telles invocations de dia-
bles empres [d] un buiffon. En fai-
fant lesdides invocations de diables
fe defpouilla en pur fa chemife 6c fe
meit à genoulx , 6c ficha lesdides
efpée , 6c dague par ks poindes en
terre , 6c ledit annel meit auiïi em-
pres 6c là dit plufieurs oraifons in-
vocant les diables , 6c tantoft vin-
drent à lui deux diables en forme de
deux hommes veftuz ainfi que de
brun vert ce fembloit, dont l'un
avoit nom Hernias , 6c l'autre Ef-
tramain. Et lors leur feit honneur,
6c très-grand révérence , 6c fi grand
comme on pourroit faire à Dieu
noftre Sauveur. Et à ce fait fe tira
derrière iceluy builTon.Et iceluydia-
ble qui eftoit venu pour ledit annel le
print , 6c l'emporta , 6c s'esvanoiïit.
Et iceluy qui eftoit venu pour la-
dite efpée 6c dague demoura. Et
puis print icelle efpée , 6c dague ,
6c puis après s'évanouyft [ej com-
ment avoit fait l'autre- Et tantoft
après iceluy Moyne retourna , 6c
vint où lesdicls diables avoient
efté , 6c trouva iceux dague 6c efpée
couchez de plat , 6c que ladide ef-
pée avoit la tefte rompue , 6c trou-
va ladi&e poinde , en la pouldre
où iceluy diable l'avoit mife. Et
après attendit par l'efpace de demie
heure, l'autre diable qui avoit em-
porté fannel , lequel retourna , Se
lui bailla ledit annel , qui eftoit ar>
produifa.
DU DUC DE BOURGOGNE.
parent rouge ? ainfi qu'efcarlatte ,
comme il fembloit pour l'heure , 6c
hiy dit c'eft fait , mais tu les met-
tras en la bouche d'un homme mort ,
ainfi , & en la manière que tu fçais ,
& lorss'esvanouyfl , 6c ledit Moyne
refeit la poinele d'eux, cuydant ar-
doir le Roy noflre Sire , mais à l'ay-
de de Dieu , 6c à l'ayde des très ex-
cellentes Dames de Berry 6c de
Bourgogne , 6c des autres Dames ,
& Damoifelles qui là eitoient , il
efchappa.
Après je vueil déclairer que le-
dit criminel Duc d'Orléans a com-
mis crime de leze majefté en la fé-
conde manière dudit premier de-
gré , c efl à fçavoir qu'il a fait al-
liances du Roy 6c du Royaume. Et
pour déclairer comment la vérité
eft telle qu'après ce que le Roy nof-
tre Sire , & le Roy Richard d'An-
gletere furent enfemble en amitié
confermez par le Traité du mariage
dudit Roy d'Angleterre Richard ,
& l'aisnée fille de France , le Roy
Richard voulut comment que ce
XXXVlj
Duc d'Orléans il conceut haine mor-
telle contre ledit Roy Richard , 6c
s'enquift qui efloit legreigneur ad-
verfaire qu'il eut en tout le monde
6c trouva que c'efloit Henry de Len~
clafire , & feit tant qu'il eut allian-
ce avecques luy , l'une pour deftrui-
re le Roy 6c l'autre pour renforcer
6c rendre puifTance à parvenir à la
damnabîe intention } 6c furent d'ac-
cord les deflusdicls de labourer 6c
machiner de toute leur jjûiflahce
par toutes les voyes 6c maniérés
poffibies à eux la mort 6c deflruc-
tion des deux Roys pour obtenir les
deux Couronnes de France 6c d'An-
gleterre. Celle de France pour Loys
d'Orléans. Et celle d'Angleterre
pour Henry de Lenclajire : Henry
efl venu à fon entente [c] , mais Loys
non, Dieu mercy , 6c qu'il foit vray
defdiclres alliances iceluy Duc
d'Orléans a tousjours favorifé , ay-
dé , 6c conforté ledit Henry de Len-
claflre , 6c les autres Anglois de la
bande dudit Henry de tout fon pou-
voir , 6c expreffement manda à
fut parler au Roy noflre Sire pour iceux Anglois ennemis du Roy ôc
fa grand fanté , 6c fi aflemblerent
enfembie , 6c lors luy dit que les en-
fermetés [a] de fon corps , 6c grans
maladies qu'il avoit luy eftoient ve-
nues par le moyen 6c fourchas [b]
desdits Ducs d'Orléans , 6cdeMil-
lan , 6c que pour Dieu il s'en voul-
du Royaume qui eftoient au chaftel
de Bordes , qu'ils fe tinffent bien , ôc
qu'ils ne rendirent pas leur chaflel
aux François , 6c qu'il empefche-
roit le fiege , ou qu'il leur fineroit [d]
de bon fecours , ou remède , toutes-
fois qu'il en feroit neceffrté , 6c ou-
fift prendre garde. Et pour celle tre empefcha plufieurs voyages en
caufe le Roy print fi grande indi- treprins contre ledit Henry. Et ain
gnation contre ledit Duc de Mil-
lan , 6c non fans caufe, que fon he-
rault , qui portoit fes armes , ne
s'ofoit plus veoir devant le Roy. Et
H tcft que les chofes delïusdi&es
yindrent à la cognoifîance dudit
fi fut tyran 6c defloyal à fon Prince
6c Souverain Seigneur , 6c à la
chofe publicque de ce Royaume,
6c commifl crime de leze majellé
en la deuxiesme manière dudit pre-
mier degré. A la confirmation de
ljL],htfrmite%. [b] Fourfuite [c] Attente, intention, [d] Feroit tenir >• de fofnancer*
xxxviij JUSTI
ce fait me meut une chofe que je
Vous diray. Il eft vray que ou temps
qu'on detenoit le Roy Richard ,
que ledit Henry tendoit à faire mou-
rir , aucuns pluiieurs des Seigneurs
d'Angleterre luy difoient qu'ii y
avoit tresgrand péril pour la doubtc
[a] des François. Auxquels il ref-
pondit que de ce ne convenoit faire
aucune doubte , car il avoit un
puifiant amy en France, auquel il
ctoit allié : c'eft à fçavoir le Duc
d'Orléans Frère au Roy de France ,
lequel ne foufFriroit point par quel-
que chofe qu'on attentai!: contre le-
dit Roy Richard Se qu'aucun affault
en fut par les François à l'encontre
des Anglois. Et pour les faire plus
certains feit lire les Lettres desdic-
tes alliances. Ainfi appert que ledit
criminel Duc d'Orléans a commis
.crime de leze majefté en plufieurs
manières & efpeces du premier de-
gré. Ainfi fine le premier article de
madide minor : Nonobftant qu'il y
airplufieurs autres crimes treshorri-
bles en plufieurs manières , 6c di-
verfes efpeces de crime de leze
majeflé en ce premier degré , com-
mis 6c perpétrez par iceluy criminel
Duc d'Orléans , lefquels mondit
Seigneur de Bourgongne a refervé
àdireen temps & lieu toutesfois que
meftieren fera.
Après je viens au fécond article
de madide minor , auquel je vueil
monflrer comme ledit criminel Duc
d'Orléans a commis crime de leze
majefté , non pas feulement au pre-
mier degré , mais au fécond : lequel
degré eft de faire offence à l'encon-
tre du Roy en la perfonne de fa fem-
me efpoufe : car il elt vray que qua-
FICATÎON
tre ans ou environ que le Roy efloit
encheu [b] en fa maladie , ledit cri-
minel Duc d'Orléans lequel ne cef-
foir de machiner par quelle manière
il peuft venir à fa damnable 6c mau-
vaife intention , penfant que s'il po-
voit tenir la Royne , & fes enfans
hors du Royaume il viendroit de
léger à fon intention dit Se feit fça-
voir à la Royne faulcement , Se con-
tre vérité que le Roy eftoit merveil-
leufement meu Se indigné à l'encon-
tre d'elle. Et pour ce il fe confeil-
loit que fi chierement comme elle
l'aymoit , qu'elle 6c fes enfans fe
meiiTent hors de la voye du Roy ,
6c en tel lieu qu'ils feufTent hors de
fa puilTance , tendant à la mener el-
le , 6c fes dits enfans en la Duché
de Luxembourg afin quand il les eut
tenuz en la Duché de Luxembourg
d'en faire à fa voulenté , 6c promet-
toit à la dide Royne qu'il la tien-
droit en ladifte Duché bien 6c feu-
rement , 6c fesdits enfans auffi. En
difant outre qu'après la fanté du
R.oy , s'il veoit 6c appercevoit que
le Roy ne fut plus meu contre elle
6c qu'elle peut feurement retour-
ner par devers le Roy à quoy ilpro-
mettoit à fon pouvoir , à induire le
Roy , l'iroit quérir elle 6c les en-
fans , 6c la rameneroit au Roy : Et
au cas que le Roy demourroit en
propos 6c imagination contre elle ,
il la tiendroit ou pays de Luxem-
bourg félon fon eftat , quiconques le
voulfift veoir , fut le Roy ou autre.
Et afin de coulourer fadide mau-
vaiflié , 6c intention faifoit enten-
dant à ladide Royne qu'il convenoit
que la chofe fut faide caultement
[c] , 6c fubtillement, 6c tellement
fa] La crainte, [b] Tombe, [c] Cautè. adroitement , prudemment.
DUDUCDE BO
qu'où chemin elle ou fesdits enfans
ne peu fient avoir empefchement
aucun. Et pour ce faire ck exécu-
ter avoit ad vile que la Royne foin-
droit qu'elle & fesdits enfans allaf-
fent à Saint Fiacre en pèlerinage ,
& d'illec [a] à noftre Dame de Lief-
fe. Et que de là il la conduiroit
jufques audit lieu de Luxembourg;
& que là luy bailleroit ou feroit
bailler l'eitat d'elle , & defes enfans
honorablement comme appartient ,
en attendant que la voulenté du
Roy fut muée envers elle & lesdits
enfans. Et de fait preftà. fort ladicle
Royne , & par plufieurs fois en re-
citant en effecl: les parolles telles
comme j'ay touché. Tendant affin
d'avoir la Royne & fesdits enfans
pour en faire fa voulenté dont ils
furent en grand péril , & eu fient efté
encore plus fe n'eufîent efté aucuns
bienveillans de ladicle Royne , &
de fesdits enfans auxquels ladicle
Royne fe confeilla , lesquels luy di-
rent que c'eftoit faulce déception ,
& tresgrand péril. Et pour laquel-
le Vrhofe ladite Royne bien advifée
mua fon propos appercevant la faul-
ce , & damnée intention dudit cri-
minel feu Duc d'Orléans. Si fe dé-
termina à demourer par deçà , & non
aller audit voyage. Ainfi appert le
deuxiesme article de madide mi-
nor , c'eft à fçavoir que ledit crimi-
nel Duc d'Orléans a commis crime
de leze majefté ou tiers degré. Et
combien que ce appert afîez par l'ar-
ticle devant declairé , toutes voyes
je monflre qu'il a commis crime de
leze majefté en trois autres maniè-
res de ce tiers degré. La première
efl par venins , poifons , Se intoxi-
cations. La féconde par fallaces [b]
£a] Là, [b] Tromperies, [cj Faute > fethé,
URGOGNE- xxxviiij
& déceptions. Quant à la première
manière que ledit criminel Duc
d'Orléans machina à faire manger à
Monfeigneur le Daulphin dernier
trefpafle une pomme empoifonnée
& venimeufe , laquelle fut bail-
lée à un enfant , Se luy fut char-
gé qui la portait & baillait audit
Monfeigneur le Daulphin , Se non à
autre comme qu'il fut. Si advint
qu'en la portant il pafibit parmy les
jardins de Saint Pot, Se là rencontra
la nourrice d'un des enfans du Duc
d'Orléans , laquelle tenoit iceluy fils
entre fes bras. Et pour ce que la-
dite pomme fembloit à Jadiéte
nourrice belle , Se bonne , elle dit à
l'enfant qui la portoit qu'il luy bail-
lai! pour donner à fon fils . lequel
luy refpondit que non feroit , «Scqu'il
ne la bailleroit fors qu'à Monfei-
gneur le DauIfin.Et pource qu'il ne
iuy vouluit pas bailler de fon gré ,
elle luy ofta par force , & la bailla
à manger à fon fils dont il cheut en
maladie , & mourut aiTez toit après-
Si fais cy une queition. Ceit inno-
cent eit mort de la pomme empoi-
fonnée : en doit eftre pugny l'enfant
qui la portoit ou la nourrice qui luy
bailla ? Je refpons que nenny, car
l'un ne l'autre n'y eut coulpe [c] :
mais la coulpe Se la trahifon en doit
eftre attribuée à ceux qui l'empoi-
fonnerent , ou la feirent porter. La
deuxiesme manière eft par fallace &
déception , c'eft à fçavoir ,par don-
ner faulx à entendre. Et combien
que cefte manière apperra par les
cas deiïusdits Se déclarez de la Roy-
ne & de fes enfans , qu'il voulut
mener en la Ville de Luxembourg;:
toutesfois la vueil encore declairer
par un autre cas. C'eftàfçavoir que
xxxx JUSTIFI
.ledit criminel Duc d'Orléans per-
feverant en fa mauvaife & damna-
ble intention a efté , ôc envoyé eu
pi uf kurs fois par devers le Pape ,
rendant affin de priver <3c débouter
le Roy de fa perfonne du Royau-
me <Sc de la dignité Royalle. Et
pour parvenir à fa damnable inten-
tion en trouva faulcement , 6c con-
trouva malicieufement ôc contre
.vérité plu fieurs cas ôc crimes contre
la perfonne du Roy , ôc redondant
.[a] à fa noble génération & lignée,
lesquels il donna à entendre au Pa-
pe en le requérant qu'il voulfiffc de-
cîairer le Roy& fapofterité inhabile
à tenir telle dignité comme le
.Royaume de France , ôc qu'il voul-
fift abfouldre ledit criminel & les
autres feaulx du Royaume qui à
Juy fe vouldroient adhérer du Ser-
ment de fidélité en quoy ils eftoient
allrains devers le Roy , ôc qu'il
voulfift decîairer le plus prochain de
fa pofterité de veoir venir ôc fucce-
der à la Couronne ôc Seigneurie
dudit Royaume de France. Et pour
mieux conduire fon fait , ôc pluflofl
encliner le Pape à condefeendre à fa
faulce injuitice , & inique requefte ,
a tousjours favorifé le fait dudit Pa-
pe , & fou tenu en pluiïeurs & diver-
fès manières , comme il appert par
la voye de Cefîion , de la Subftra-
tion , ôc reflitution fur le fait des
pecunes, & de l'efpitre de Touloufe,
Ainfi appert le tiers article de
madide major déclairé , nonobftant
qu'il feit plulieurs autres crimes in-
numerables , tresgrans , ôc treshor-
ribles de leze majefté au tiers de-
gré , lesquels mondit Seigneur de
Bourgongne a refervez preft à dé-
clarer en temps ôc en lieu toutesfois
que meflier [b] fera. Après je viens
£a] RijaiiliJJants. [b] Befoin»
CATION
à decîairer le quart 8c dernier arti-
cle de madicte minor , c'efl à fça-
voir que ledit criminel feu Duc
d'Orléans a commis crime de leze
majefte au quart degré , lequel de-
gré eft , que quand ladi&e ofFence
efl directement contre le bien de la
chofe publicque du Royaume. Et
combien que ce appert allez par les
cas delfus declairez des alliances
qu'il avoit fait avec les ennemis de
ce Royaume , ôc qu'ils foient ex-
preifement' ennemis de la chofe pu-
blicque , je le vueil decîairer luy
avoir commis crime en autres ma-
nières. La première , en ce qu'il a
tenu les gens d'armes furies champs
en ce Royaume par l'efpace defqua-
torze ou quinze ans- , qu'ils ne fai-
fbient autre chofe que manger ôc
exiler le pauvre peuple , piller , ro-
ber , rançonner , occire , tuer , ôc
prendre femmes à force , <Sc met-
toit Capitaines es forterefîes , pons
ck palfages de ce Royaume , pour
parvenir à fa faulce ôc damnable in-
tention : c'efl à fçavoir ufurper la
Seigneurie du Royaume. La fécon-
de manière eft qu'en ce qu'il a fait
mettre tailles ôc emprunts intollerar
bies fur le Peuple en faignant que
c'eiloit pour foutenir la guerre con-
tre les ennemis du Royaume. Et en
donnant d'icelles pecunes aux enne-
mis adverfaires , & malveillans du
Roy ôc du Royaume, ôc en a fait {es
alliez en intention daffoiblir le Roy
ôc fe rendre plus fort ôc plus puif-
fant pour obtenir fa damnable entre-
prinfe de parvenir à la Couronne ,
ôc Seigneurie dudit Royaume. Ain-
fi appert que j'ay déclairé , ôc re-
monftré , comment ledit criminel
Duc d'Orléans a commis crime de
leze Majefté au quart degré , 8c en
piufieurs
DU DUC DE B
plufieurs manières , plufieurs autres
crimes de leze Majefté tresgrans 6c
horribles, non pas tant feulement du
quart degré, mais au tiers, fécond, 6e
premier en plufieurs cas 6c diverfes
manières d'efpeces pour parvenir à
fa damnable 6c mauvaife intention ,
à fçavoir à la tresnoble Couronne ,
& Seigneurie de France , 6c l'ofler
6c foullraire au Roy noflre Sire 6c
à fa génération T lesquels autres cri-
mes mondit Seigneur de Bourgo-
gne a refervé à declairer en temps
jk en lieu quant meflier en fera. Et
en outre appert madide minor de-
clairée, laquelle joinde à madeffus-
dide major, s'enfuit clerement &
en bonne confequenee que mondit
Seigneur de Bourgongne ne doit en
riens eflre blasmé ne reprins dudit
cas advenu en la perfonne dudit cri-
minel le Duc d'Orléans , 6c que le
Roy noflre Sire n'en doit point eflre
mal content feulîement : mais doit
avoir mondit Seigneur de Bourgon-
gne , & fon fait pour aggreable , 6c
l'audorifer en tant que meflier fe-
roit. Et avec ce le doit guerdonner ,
& rémunérer en trois chofes , c'efl à
fçavoir, en amour , honneur, ri-
cheffes. A l'exemple des rémunéra-
tions qui furent faides à monfei-
gneur Saind Michel l'Archange ,
êc au vaillant homme Pbinées , des-
quelles rémunérations j'ay faid men-
tion en madide major en la proba-
tion de ma tierce vérité. Et I'entens
ainfi en mon gros 6c rude entende-
ment que le noflre Sire , doit plus
que devant fa loyauté 6c bonne re-
nommée faire prononcer par tout le
Royaume , 6c dehors le Royaume
publier par Lettres patentes , par
manières d'epiflre ou autrement.
Iceluy Dieuvueille que ainfifoit-il
Tome II. Parc, III.
OURGOGNE. xxxxi
fait Qui ejl benedittus in fecnlafecu-
loYHm. Amen.
Apres laquelle propofition finée ,
iceluy Maiflre Jean Petit requifl au-
dit Duc de Bourgongne qu'il le
voullifl advouer : lequel Duc luy
accorda , Se l'advoiia en la prefence
du Daulphin qui là reprefentoit la
perfonne du Roy de Cécile , avec-
ques tous les autres par deffus nom-
mez , 6c après dit iceluy propofant
qu'iceluy Duc de Bourgogne rete-
noit 6c declairoit encores aucunes
autres chofes plus grans à dire au
Roy quand lieu 6c temps feroit. Et
brief enfuivant fe retrahirent tous
les Princes chacun en fon ho fiel , 6c
ledit Duc Bourgogne accompaigné
de plufieurs hommes d'armes , 6c
gens de traid s'en retourna en fon
hoflel d'Artois. Si fut adoneques
fart grand murmure dedans la Ville
de Paris , tant des Princes , des Ba-
rons 6c nobles hommes , comme du
Clergé , de la Communauté, pour-
ce qu'il fut aîfez commun en icelle
delà juflification , 6c aufîi les accu-
fations qu'avoit fait faire , 6c pro-
pofer ledit Duc de Bourgogne con-
tre ledit Duc d'Orléans derTund ,
6c y eut plufieurs , 6c. diverfes opi-
nions. Car ceux qui tenoient le par-
ty du Duc d'Orléans difoient icel-
\es aceufations eflre faulces , 6c de-
cevables. Et ceux tenant la partie
de ceux de Bourgongne difoient le
contraire. En après brief enfuivant
Tfabel Royne de France pleine de
grand admiration 6c cremeur [a] , le
Duc d' Acquitœine fon fils , 6c fes
autres enfans fe partirent de Paris
accompaignez de Loys Duc de Ba-
vière frère à la Royne , 6c s'en allè-
rent faire leur réfidence ou chaflel
de MeJun. Et tofl après le Roy
xxxxij JUSTIFI
Charles qui grand efpace avoit efté
malade , retourna en fanté , devers
lequel icefuy Duc fe retrahift , &
trouva la manière qu'il fut r'accor^-
dé , & reconcilié avecques luy &
impetra , &auflî. Et obtint Lettres
feellées , du féel du Roy & lignées
CATION
de fa main. Par lesquelles luy eftoit
pardonné le cas n'agueres advenu
en la perfonne du Duc d'Orléans
dont moult de grans Seigneurs , ôç
aufïï autres Saiges. furent moult ef-
merveillez : mais de prefent ne le
pouvoient avoir autre.
F I N.
TABLE
DES
MATIERES
Le premier Chiffre Romain marque leTome. P. II. marque la féconde Partie de ce
Tome , & le Chiffre Arabe marque la page.
A
B b e' empoifonné pour avoir fon
Bénéfice. I. 183.
Abbé de Cour I. Si.
Abbé de St. Michel , voyez Régis de St.
Maixant. I. p. n. f8.
Abenfiroc. ( Juif ) Sa Lettre à la Synago-
gue de Gironne touchant les Confé-
rences de Tortofe. II. 181.
Adimar. ( Alaman ) Evêque de Florence ,
puis Archevêque de Tarente, & de
Pife, fait Cardinal par Jean XXIII.
IL 61.
Il fait la première lecture au Concile de
Pife. II. 41.
Son caractère I. 46.
Adimar ( Evêque du Puy en Vêlai ) L'un
des premiers Croifez. II. 77.
Adminiftration (del'Eglife) On doit fo-
rer aux Concurrents quand il s'agit
d'afTembler un Concile pour les juger.
I. 147*
Agottft. (d') Voyez Bertrand.
Ailly ( Pierre d') Docteur & Profefleur en
Théologie, Evêque de Cambrai en-
voyé par le Roi de France à Benoît
pourl'obliger à céder. I. 115.
Il prêchepourla voye de la Souftraction.
I. 119.
Il publie la reftitution d'obédience à Be-
noît. I. 141. 143.
Il harangue pour Benoît contre l'Univer-
llté de Paris. I. 173. 17J.
L'Univerfité l'entreprend. Ibid.
Il en appelle au Roy. Ibid.
11 eft pourfuivi pour adhérera Pierre de
Lune. I. 138. 147.
11 eft fait Cardinal par Jean XXIII. II. 67.
Son Caractère. Ses Ouvrages. Sa mort.
Son Epitaphe. Ibid.
Son fehtimentfurles Huffites. II. p. ;9.
Aïx la Chapelle , Ville. Elle refufe de cou-
ronner Robert. I 131.
Ah m (Robert Evêque deSalifbury) Son
Sermon au Concile de Pife contre les
Concurrents. JI. 71.
Il eft fait Cardinal par Jean XXIII. II. 71.
Alaman. Voyez Adimar.
Alamand ( Bernard Evêque de Condom ) Sa
Lettre au Roi de France pour l'extin&ion.
du Schifme, &à Clément VII. furie
même fujet. I. 8f.
AlbicHs ( Archevêque de Prague ) II. 91. 91.
II. J..IL m.
Il étoit Médecin du Roi de Bohême.
Ibid.
Son extrême avarice. Ibid.
Son incapacité, ibid.
Allemagne. Plusieurs Princes d'Allemagne
envoyenr inutilement à Urbain pour
l'engager à s'entendre avec Clément ,
pour l'union del'Eglife. I. j-8.
Clément envoyé en Allemagne pour la dé-
tacher d'Urbain. Ibid.
Allemands. Leur témoignage fur l'élection
d'Urbain VI. 1. 17. & fuiv.
Allemands. ( Ecoliers ) Ils quittent l'Univerfi-
té de Prague. T p. II. fa.
Alenfon. ( Philippe Dut d') Cardinal d'Oftie.
Il écrit à l'Univerfité de Paris pour l'u-
nion del'Eglife. I. 71.
Alexandre II. (Pape) Il cite Henri IV. de-
vant fon tribunal I. 3. Voyez Henti
IV.
Alexandre IV. Ses Bulles en faveur des Do-
minicains, î.p. II. izo.
Alexandre V. ( Pape ) Elu au Concile de Pife.
I. p. II. 91. Voyez Philargi.
Sa patrie, p. IL 91.
Ses emplois. Son caractère. ï.jf>. IL 91. 92,.
Il pré'fideàla XX. Seflîon. I p. IL 94.
Lly prêche. I. p. IL 95-.
Il promet de travailler à la Réformation de
l'Eglife. I. p. II. 9J-.
Il la diffère. II. 107. ro8.
Il eft couronné. 1. p. IL 96.
Il notifie fon élection à toute l'Europe. 96.
11 irrite Robert Roi des Romains en doa-
EU
T A 1
donnant ce titre à ^enccflas. II. p. II.
109.
Il engage les Allemands par fes liberalitez.
Ibid.
îl favorife exceffivement les Moines Men-
dians.I. p. II. 118. 119.
Sa Bulle en leur faveur. 123. izf.
Elle eft caflee en France, 130»
Il fulmine contre Ladiflas. 130. 131.
Il quitte Pife. 131.
Il publie une Croifade contre les Turcs. I:
MI. 13-).
Il publie une Bulle contre les Huflïtes. Ibid.
Il va à Bologne. I p. II. 13 y.
Les Romains lui envoyent une Ambaflade
folemnelle pour le prier de venir à Ro-
me. Ibid.
Il avance le Jubilé. I. f. II. 136.
Il donne la Rofed'Or au Marquis d'Eite.
Lp.U.i)6.
Il veut inutilement lever des Décimes fur
le Clergé de France. 11. 137.
Il meurt II. 137. 158.
SesObféques.SqnEpiraphe. II 139, 140.
Alexis { de Comnene, Empereur Grec. )
Il eft jaloux des Princes Latins. II. 77.
AmbaJJ'ade de la Caftille aux Régents de
France. I- 40. 4r.
Difcuffion iur cette Ambaflade. I. 41.
Ambajfad. inutile des Princes de France à
Benoît XIII. Voyez Benoit XIII.
Ambaffadeurs (de France.) Leur arrivée à
Aix. I. 196.
Les Légats des Concurrens vont au devant
d'eux. Ibid.
Ils vont à Ville-Neuve, & y tiennent di-
vers Confeils fur l'entrevue des Con-
currens I. 198. 1*99.
Ils vont à Marfeille trouver Benoît I.
toi.
Ils fe retirent à Aix mécontens des tergi-
verfations de Benoît. I 20 j ,zc6.
Ils délibèrent s'ils déclareront la Souftrac-
tion à Benoît, icé.
Ils fe partagent en trois corps pour aller
en divers lieux. 1. 107.
lis arrivent à Rome. I. 210.
Ils s'offrent en otage à Grégoire. I. 213,
Ils ont une audience favorable des Gouver-
neurs de Rome. I. 182 214. 21 j.
Leur départ. I 219
Leur Lettre à Grégoire. Ibid.
Ils vont trouver Benoît. I. 120.
Ils arrivent au Concile de Pife. I.J>. II. ço.
Ambajfadeurs (d'Angleterre ) ils arrivent
au Concile de Pife. I. p. II. 70.
JLmbafiadzurs ( d' Arragon. ) Ils ont audien-
ce, l.f. II. 83.
5 L E
Ambajfadeurs (de Robert) Voyez BobertDue
de Bavière.
Amiens ( Cardinal d') Il donne un démenti 4
Urbain VI. I. 30.
Anagnie [Ville de l'Etat Ecclefiaftique] Les
Cardinaux s'y aflemblent pour délibérer
fur l'élection d'un autre Pape. I. 29. 30»
Anztomie des Membres de l'Antechift. 1 1 p .
II. \06. 1IJ.
Ancorano. { Pierre d' ) Do&eur de Bologne ,
il réfute les proportions des AmbafTadears
de Robert. Y p. II 72 73.
André [ Hermite Efpagnol. ] Il exhorte Hen-
ri Roi de Caftille à travailler à la paix de
l'Eglife I. 6$.
Henri le fait mettre en prifon. Ibid»
André lui prédit.une mort fubite , qui arriva
lelendemain. Ibid.
André II. [Roi de Hongrie.] Il fe croifc
pour la Terre Sainte. Voyez Halitx..
Ange [Château St.] FortereiTe du Pape. L
if. 16. 12. Voyez Poftagne,8c 3f.
Angleterre [ Royaume d' ] Ses prétentions
fur la France. II.. 4.4. Voyez Lollnrds.
Anglois. Ils s'oppofent à l'introduction des
Dominicains comme Confeflèurs.I. p II.
119
Ils ravagent la France. IL p. IL 20.
Anjou. [ Louis I Duc d' ] Il reçoit de Clé-
ment VII l'Inveitituie du Royaume de
Naples I. 4+.
Il va dans ce Royaume pour s'en mettre
en poiTeffion , & s'y fait proclamer Roi.
I 44.
Il appelle Charles de Duras en Duel. Ibid.
Plufîeurs fois. I. 47.
Mauvais état de fon Armée en Italie. I. 47. 48.
Il meurt. Ibid.
Anjou [ Louis II. Duc d' ] Il va au Concile
de Pife I />. Il 100.
Alexandre V. le déclare Roi de Naples,
Mi.
Il va à Rome ibid.
SaVidoire fur Ladiflas. L p. II. 132.
Il entre dans Rome. I. p. II. 133.
Il y retourne avec Jean XXIII II. 63.
Il femeten Campagne contre Ladiflas. II,
«3-
Il lui livre bataille, & le défait. II. 64.
Il ne profite pas de fa Victoire. II. 6j.
Il s'en retourne en France. 66.
Annates abolies par l'Arrêt du Patlement. I.
'9f.
Anne [Fille du Comte de Cillei] Jagellun
l'époufe en fécondes Noces. II. p. IL
137-
Elle affilie à la converfion des Lithuaniens.
Ibid.
DES MATIÈRES.
Antechrifi. Voyez Anatomie. Généalogie, Afîemblées en divers lieux pour l'union de
Soncaraclére II. p. II. io;, l'Eglife. 1. 106. J07.
Le Pape efl l'Antechrifl. II. p. II. 108. AJfemblée [de Paris] pour tirer del'argent
&fuiv.ll.p. II. 129. 130. du Clergé. I. 117.
Antipape. Ceux qui adhérent de bonne foi à Autre Aflemblée de Paris fur la fouitraction.
un Antipape ne font pas pour cela Schif
manques. I. p. II. 141.
Antonin ( Archevêque de Florence , Hif-
torien Italien) Son témoignage fur l'é-
ledion d'Urbain VLI.if.
Il traite le Concile de Pife de Concilia-
bule. Ibid.
Apocryphes. (Ecritures) blâmées. I. 63.
Apôtres. {Les) Ils ne font qu'impropre-
ment les fondcmens de l'Eglife. II.
h n. 74.
-Appenfel ( Canton de Suifle ) afïïege inu-
tilement la Ville de Confiance. II. p.
II. iS.
Aquila ( Evêque d' ) mis à la queflion
charge les Cardinaux d'Urbain. I yo.
Archimoine. I. 183.
Antin ( Léonard , Hiflorien Italien) Son
I- r3f./
Aflemblée du Clergé de France. I- 16 \.
14.6.
— contre Benoit I 237.
— contre la Dodlrine de Jean Petit.
II. 219. p. II. 38 fO.
Averfa. Ville du Royaume de Naples , 011
Charles de Duras vient vifiter Urbain
VI. Voyez Charles de Duras & Vrba'm
VI.
Auguflin [Saint] Son fentiment fur l'Inter-
diction générale. II. p. II. 102. 103.
Avignon. [ Ville] Réfïdence des Papes à
Avignon. I. 4.
Le Pont d'Avignon rompu. I. 101.
Cette Ville reconciliée avec Benoît 1. 1 39 .
140.
Vendue au Pape. II. 9.
témoignage fur l'éleclion d'Urbain VI. Avocats pour & contre Benoît I. 110. m.
1.2,4. & Préf. XIX. itfi. 162.
11 efl fait Secrétaire d'Innocent VII. & Avoda. [Sara] Traité du Thalmud contre
préfent à fa mort. I- 160. 161.
Sa Lettre à un defes amis fut la conduite
de Grégoire Xll. I. 227. &>fuiv.
Son jugement fur Dom nique. I. 231.
Son récit de la Négociation fur le
choix d'un lieu pour le Concile. II.
p. II. 12. 13.
Armagnac (Comte d' ) fe trouve au Con-
cile de Perpignan. I p. \\. if.
Armagnacs. Faction en France II. 41.
Arméniens (Sedte des Grecs) Jean Hus
accufé d'en être, s'en défend. IL 147.
148.
Ils ne reconnoiflent que l'Ecriture
Sainte pour» fondement de la foi.
Ibid.
Arondel [ Thomas de ] Archevêque de Can-
torberi, il fait le procès à Oldcaflel. II.
p. II. M1 &futv.
Arrugon [ Pierre d' ] Saint Canonifé : Il
l'Idolâtrie Payenne , pris par le Concile
de Trente pour une Inve&ive contre le
Chriilianifme. II. 167.
BAckarA. [Vin de] I. 132.
Balafre. Voyez Brancacio.
Balbinus. [Bohuflaus ] Hiflorien de Bohême,
fufpecl fur l'empoifonnemenr de Sbinko.
IL 90 91.
Baldus [ Jurifconfulte ] Précepteur de Gré-
goire XI. I. f.
Balu^e. Son Hifloire des Papes d'Avignon- I»
6. & Préf. XVIII.
Bamberg. Voyez. Nider. Pommier.
Bannerets. Ce que c'efl que cette Charge à
Rome. I.9.
Leur violence envers les Cardinaux. I. 9.
10.
confeilleà Grégoire XI. d'établir fon Bar [ Louis de, Cardinal] Il va au Concile
Siège à Rome. î 6
Arragon. [Jean Roi d' ] Ses foins pour
l'union de l'Eglife. I 72. Voyez Am-
baladeurs.
Arr.igon, [Martin Roi d' ] favorable à Be-
noît I. 114 115.
Sa mort. II. 36. 37.
Compétiteurs au Royaume d'Arragon.
Ibid.
Ar[en<t '. Voyez Bibliothèque.
AJÏajfwat. .Voyez Bourgogne. Orléans.
de Pife. ï.p. II. 32. 33.
Il y arrive, l.p. II. 86.
Il efl envoyé en France par Alexandre V.
I p. IL 98. Voyez Maramaur.
Barbe. Voyez Benoit.
Barcelone. Aflemblée des Prélats , Se des
Grands d'Efpagne dans cette Ville, où
l'on fe déclare pour Clément VII. I.
S9-
Bari [Archevêque de] Voyez. Prignano.
Bataille. Voyez Jagellon. Itutonique. Anjou»
T A
"Bx.ud.omn. [ frère de Godefroi de Bouil-
lon ] l'un des premiers Croifez. II.
77-
Bavière [ Etienne Duc de ] Envoyé en
France par les Electeurs de Robert. I.
ijr.
■ 1 ■ . ( Loîiis Duc de ) Electeur Palatin
gouverne l'Empire en l'abfence de Ro-
bert I. 332.
■ 1 ( Jean Duc de ) Evêque de Liège.
I. p. II. iy. .
Il refufe de prendre l'Ordre de Prêtrife.
Ibid.
Il eftchafie par les Liégeois. Ibid.
Il fè retire à Maftricht , où il eft afliegé.
Ibid.
Il eft délivré par Jean Duc de Bourgo-
gne. I p. II. 27.
— 1 ( LoiiisDucde) Prifonnierà Pa-
ris parles factieux. II. p. IL 24.
Bedeaux ( de l'Univerfité de Paris ) Leurs
bevûè's. II- 28.
Beltran ( André ) Docteur en Théologie,
&c Aumônier de Benoît XIII. Pro-
felyte Juif, il confère avec les Juifs.
IL 179.
Sa méthode. Ibid.
11 fut Evêque de Barcelone. Ibid.
Bénéfices. Comment ils furent adminiftrez
pendant la Souftraction. I. 188.
Benoît XI. (Pape) Il donne aux Moines
Mendiants pleine liberté de prêcher , &
de confefièr. I. p. II. 122.
Benoît XIII. ( Pape,) Son Election. L
6%.
Il eft reconnu en France. I. 7f.
Il donne d'abord de grandes efperan-
ces de vouloir éteindre le Schifme
par quelque voye que ce foit. I. 7 y.
76.
Le Roi lui députe fes Oncles , & fon frère
pour l'engager à céder. I. 91.
Leurs inftructions. I. 91. 9f.
Us s'en retournent fans pouvoir rien ob-
tenir. I. lOf.
Il eft abandonné de fes Cardinaux. I.
114.
Il eft afliegé dans Avignon, Ibid.
Récit de Ion évafion. I. 136.
Sa Lettre au Roi de France. I. 116.
Divifions en France au fujetde la Souf-
traûion faite à Benoît. I 13 <;.
Il laiffe croître fa barbe pendant fa pri-
fon , on lui en fait un crime. I. 137.
Mot qu'il dit fur fa barbe, ibid.
Il notifie fon évafion au Roi de France.
Ibid.
Il fe réconcilie avec fes Cardinaux , &
BLE
les regale. I. 13 8.
On lui reftituë l'Obédience en France, f»
141.
U refufe de tenir parole. I. 144.
U envoyé àBoniface IX. pour lui propo-
ferune entrevue. I- 148.
Ses Légats emprifonnez à Rome. I. 149*
Il part pour s'aboucher avec Innocent
vu. 1. m-
II levé une Décime fur le Clergé de France.
Ibid.
Son arrivée à;Gcnes. Ibid.
U y fait entrer des troupes que les Génois
en chaflent I. i$6.
On fe fouftrait de nouveau de fon Obé-
dience. I. if 9.
Il eft déclaré Hérétique & Schifmacique. I.
184.
Sa Lettre à Grégoire XII. I. 193. 194-
U reçoit honnêtement les Ambafiadeurs de
France àMarfeille. I. 201.
U leur donne audience. I. 201. 202.
U répond au Difcours de Cramaud , & pro-
met fa ceflion. Ibid*
Il refufe d'en donner la Bulle. I. 20t. &
fttiij.
Il fait fon Apologie devant les Ambafiadeurs
de France. L 202.
U excommunie tous ceux qui ont eu part à
la Souftraction. I. 209.
U ne veut pas entendre à un autre lieu que
Savonne. I. 220»
Il y va. I. 220. 2ii
Sa réponfe aux Ambafiadeurs de Caftille.-
Ibid.
Sa réponfe à Grégoire XII. I. 226.
Toutes les apparences font pour lui. I»
128.
Sa Bulle plaintive , & menaçante , au Roi
de France, L 237.
Cette Bulle eft lacérée en France. I. 2 3 S.
Voyez Bulle.
La plus grande partie de 1' Europe fe fouftrait
de fon Obédience. I. 244.
U s'enfuit à Perpignan. 245-.
Sa Lettre à Grégoire avant fon départ»
Ibid.
U fait de nouveaux Cardinaux Ibid.
U indit un Concile à Perpignan, ibid.
Ses fauteurs déclarez hérétiques. I. 246.
Les Cardinaux le citent à Pife. I p. II 9*
Il leur répond , & les cite à Perpignan I.
p. II. 11. 13. 14.
Ses Légats font arrêtez en France. I p. II.
n.
Us font maltraitez à Pife. l.p. II. 17. 18.
U excommunie le Concile de Pife.I. p. II.
48..
DES MATIERES.
Benoît XIII» ( Pape ) Ses Légats fontécou-
écoutez au Concile de Pife non fans
peine. I. p. II. 89.
Mauvais fuccès de cette Audience, Ibid.
Ils fe retirent fans prendre congé. Ibid,
11 crée douze Cardinaux après fa dépo-
fition. I.f, II. 90.
Il fe retranche dans Penifcola. II. 9.
Il donne à Ferdinand l'inveftiture des
Ifles de Sardaigne, & Corfe II. 163.
Il ordonne des Conférences avec h s
Juifs. II. 166. 190.
Sa Conftitution violente contre les Juifs.
II. 180. 181.
Son Difcours aux Juifs avant la Confé-
rence. II. 182.
Bcrefchit Rabba. Voyez Dialogue,
Berg ( Guillaume Comte de ) Evêque de
Paderbone, Ses guerres avec fes voi-
fîns. II. si. f 3.
Berlin. On y fait mourir 38. Juifs. II.
Bernard ( Saint , Abbé de Clairvaux ) Ses
miracles. II. 77.
Quels doivent être félon lui les Légats
du Pape. II. 149.
HardiefTe de fon Difcours à Eugène III.
II. f. II. 7f- 76.
Berri ( Duc de ) Difcours qu'il tient à Be-
noît à Avignon. I. 98. 102.
Bertrand ( d' Agouft ) Archevêque de Bour-
deaux, élu Pape fous le nom de Clé-
ment V. I. f.
Bethléem. ( Chapelle de ) à Prague , Sa
fondation. II. Sf. 95-. 96.
JeanHus en eft Curé. II. 9f.
Son Songe à l'occaïïon de cette Cha-
pelle. II. 9f. 96.
Bibliothèque ( des Evêques) C'eft un Arfe-
nal. II. fi.
Blain ( Pierre ) Cardinal de Benoît. 1. 1 3 9.
Blanche ( Vice Régente de Sicile ) Voyez
Cadrera,
Blancs. Seétede Fanatiques. I. izi.in.
113. 114.
L'un d'entre eux brûlé. I. 122.
Blondo ( Flavio ) Hiftorien Italien , Son té-
moignage fur l'élection d'Urbain VI.
I. 2;. t6. &Préf. XX.
Bœufy le mughTement d'un Bœuf annonce
la venue du Meule. II. 171. 186. 187.
Bœufs ( Pierre aux ) Cordelier , Il plaide
pour l'Univerfité contre Benoît. I. 161.
163.
Bohême. Troubles de Bohême. I. p. II. 49»
fo. II. p. II. j4. 6).
Troubles caufez parle Schifme. II,/>, II.
S9>
Bohémiens, ils fe plaignent au Roi de
France de la déposition de Wenceflas
fon Coufin. I. 131. 131.
Bohémiens (Ecoliers) Ils obtiennent trois
voix dans l'Univerfité de Prague contre les
Allemands. I. p. II. 49.
Bologne ( Univerfité de ) On y prononce
que les Cardinaux font en droit de fe
réunir pour aflèmbler un Concile. I. p,
II. 8.
Bologne ( la Grafle ) gouvernée par des Lé-
gats du Pape. II. if 9.
Sujette aux Séditions, ibid.
Chaife les Légats de Grégoire XL II.
Ibid.
Elle fe reconcilie avec le Siège de Rome.
160.
Secoue le joug de Boniface IX. Ib d.
Chafîè le Légat de Jean XXIII. Ibid.
Elle fe reconcilie avec ce Pape. Ib'd.
Boniface VIII. (Pape) Son infolence con-
tre Philippe le Bel. I. 4.
Il eft dépofé. I. 106.
Sa Bulle en faveur des Moines Mendians.
l.p. II. m. inftitue le Jubilé. I. 114.
Bontface IX. ( Pape ) fuccede à Urbain VI.
I. 64. Voyez Thomacelle.
Iln'eft pas meilleur que fon Prédécefleur.
Ibid.
Il écrit par l'entremife de deux Char-
treux au Roi de France pour l'ex-
horter à travailler à la paix. I. 6 y.
67.
Il élude cette négotiation. I. 70.
Il écrit à "Wenceflas pour l'empêcher de
s'unir avec la France. I. 109.
Il exerce la Simonie fans mefure. I.
119.
Principal Auteur des Annates. I. 119.
Il quitte Rome, il y revient. I. no.
121.
Son Jubilé. I. 114. izr.
La Bohême, & la Hongrie l'abandonnent.
Comment il reçoit l'Ambaflade de Benoit.
I. 148.
Il meurt. I. 149.
Bouchers. Leurs Séditions « Paris , Se à Bo-
logne. II. 61. 6t. .
Bouchant (Jean le Maingre ) Maréchal de
France , s'empare de Savonne. I. 108.
Il eft envoyé à Benoît pour le contraindre
à céder. I. 113. 1 14.
Il s'empare d'Avignon. Ibid.
Il eft Gouverneur de Gènes, où il fait ac-
cueil à Benoît XIII. I. ir6.
Il fait équiper des Galères pour Grégoire
XII. I. ixo.
I
. T A
Il reçoit ordre d'arrêter Benoît XIII.
I. 144-
Il appaife la fédition de Voutre, & fait
punir les Séditieux. I. p. IL 33.
Il eft chaflé de Gènes. I. p. II. 47.
Son Hiftoire , & fon caractère, ibid.
Bourbon ( Loiiis Duc de ) Régent de
France. I. 39.
Bourdeaux (Cardinal de ). Il eft envoyé
en Angleterre. I.p. II. 71.
Il va trouver Benoît à Savonne. 71.
& Grégoire à Sienne. Ibid.
Il fe trouve au Concile de Pife. ibid.
Il eft grand partifan de la Réfidence
des Evêques. Ibid.
Il ne confent pas à l'élection de Jean
XXIII. II. 4.
Bourg ( Murs du Bourg de St. Pierre à
Rome ) réparez par Jean XXIII. pour
aller de fon Palais au Château S. Ange.
H. i>*.
Bourges ( Ville ) Siège de Bourges. II. 10 r.
Paix de Bourges. Ibid.
Bourgogne { Philippe Duc de ) Régent de
Fiance. I. 39.
■ ( Jean Duc de ) fait afTafliner le
Duc d'Orléans. I. p. II. x6. 17.
Il fait faire fon Apologie. Ibid. & II. à
la fin.
Il obtient des Lettres d'abolition. I. p.
II. 16.
Il fe retire en Flandres. Ibid.
On lui fait fon procès à Paris. Ibid.
Il va au fecours de Jean de Bavière, &
le rétablit. I. p. II. 17. 28.
Son Cartel de defH aux Ducs d'Orléans.
II. 41. Voyez Epigramme.
Il eft allàffiné. II. 43-
Bourguignons. Faction en France. II. 41.
Braccio (de Peroufe , Général de Jean
XXIII. ) ce Pape le fait Gouverneur
de Bologne. II. 107.
Il foutient ce Pape après fa déposition.
Ibid.
Il entre triomphant dans Rome. Ibid.
Il fe déclare contre Martin V. ibid.
Il excommunie le Pape. Ibid.
H fe reconcilie avec lai. Ibid.
Il eft tué. Ibid.
Brancfrào (Thomas Neveu de Jean XXIII)
Il eft fait Cardinal par Jean XXIII. II.
69.
Son impudicité. Ibid.
Sa Balaffre. Ibid.
Brancas (Nicolas de) Archevêque de
Cufa & Cardinal de Benoît. I. 139.
II. i.
Brtnd* ( de Caftiglione) Evêque de
BLE
Plaifance, Cardinal. H. if. 69.
Il eft envoyé par Jean XXIII. & par Mar-
tin V. en Bohême. Ibid.
Bra^uemont ( Pierre de ) Gentilhomme Nor-
mand. Il tire Benoît de prifon. 1. 136.
Bras (Séculier) Le bras feculier eft le foye
du Pape. II. p. II. no.
Brigitte ( Sainte , Suedoife ) Elle porte Gré-
goire XI. à aller à Rome. I. 6.
Sa Canonifation blâmée. I. 63.
Bmda ( André de ) Docteur Bohémien , Ach
verfaire de Jean Hus. II. 82.
Brunpwic ( Otton de ) époux de Jeanne Reine
de Naples. I. 44.
Ses démêlez avec Urbain VI. I. yi.
Mérite de ce Prince. I. jz; y 6.
Charles de Duras le tient prifonnier. I.
48; \
Il déconfcille à Charles de Duras d'atta-
quer Loiiis d'Anjou, ibid.
Charles de Duras pour ce confeil lui don»
ne fa liberté. Ibid.
' ( Frédéric Duc de ) élu Empereur.
1. 119.
Aiïafîmé. ibid.
Lettre des Cardinaux aux Ducs de Brunf-
wic. I.p. II. 4.
Bulle Voyez Benoît XIII. ( Pape ).
Indigne traitement que l'on fait au por-
teur de la Bulle de Benoît XIII. I.
139.
Bulle du Concile de Latran. Omnis tttriufque.
I.p. II. 118 118.
Bulle (d'Alexandre V.) Voyez Alexandre
V.
Bulle (In Cœna Domini ) Qui font ceux
qui font excommuniez par cette Bulle»
II. 4.
Bulles [At Jean XXIII.) contre Ladiflas.
IL 80. 81.
Burgin ( Bégard ou Fratricelle) brûlé. I. p.
IL 138.
Butillo ( Prignano ) Neveu d'Urbain VI.
fait Prince de Capouè. I. 47.
Il viole uneReligieufe, & perd fa Princi-
pauté, ibid.
Le Roi lui pardonne fon crime-, & lui donne
la Ville de Nocera. Ibid.
Butrio. (Antoine de) Bolonois , Docteur
en Droit) Envoyé par Grégoire XII. à
Benoît XIII. I. 195-, •
C.
CAboche (Simon, Valet de Boucher )
Chef de la faction des Bouchers. IL
p. IL 20.
Caboçhiws. IL ibid. Voyez Bouchers.
Cabrer*
D E S M A
Cabrêva ( Bernard ) Grand Jufticierde Si-
cile : Il veut enlever Blanche Vice-
RegentedeSicile.il. 37. 38.
Il eft honteusement refufé. Ibid.
Il s'empare de plusieurs Villes de la Si-
cile, lbid.
Il affiege inutilement Syracufe. IL 38.
Il affiége Palerme , où s'étoit réfugiée
Blanche, lbid.
Il y eftpris , & fort maltraité, lbid.
Il eft mandé en Catalogne par Ferdinand.
Ibid.
Il met tout en combuftion dans la Sicile.
II. 98.
Cafetan ( Cardinal) Sa négociation pour
l'élection d'un Succelfeur à Benoît XI.
I. 4. f.
Cafetan [ Comte de Fondi , Gouverneur
de jb Campagne de Rome ) maltraité
par Urbain VI. I. 3 1.
Calcul. Les Rabbins expliquent à Benoît
XIII. leurs maximes contre ceux qui
calculent les temps. II. 1 8 f .
Cahxte II. (Pape) "Voyez Senti V.
Cammiec (Evêché dans la haute Pologne )
Nicolas Tramba en eft fait Evêquepar
Jean XXIII. IL 103.
Capou'e (Jean de ) Cardinal d'Urbain, mis
à la queftion. I. ; 2.
Captera. Lifez par tout Cabrera.
Caracciolo ( Conrad ) Cardinal de Malthe ,
envoyé en Lombardie, &à Avignon,
par Alexandre V. I. p. IL 1 37.
Son < aractere. IL j. 6.
Carbon ( Guillaume) Evêque de Civittadi
Chietti, Cardinal douteux. IL 71.
Cardinalat, refufé. I. fo.
Cardinaux. lis font un an fans pouvoir
convenir d'un Succelfeur à Benoît XL
I. 6.
La v'olence qu'on leur fait dans le Con-
clave pour l'élection d'un Pape Romain,
ou Italien. I. f. 8. 9. 10. 1 1. 12.
Leurs démêlez avec Urbain VI. L 13.15'.
Leur Lettre aux Cardinaux d'Avignon
fur l'élection d'Urbain V I. I. 27.
28.
Ils abandonnent Urbain VI. L 29.
Leur mauvaife foi. Ibid.
Leur Lettre injurieufe à Urbain VI. I.
29.
Leur Manifefte contre ce Pape. 1. 130.
Us font le Sénat del'Eglife. l.p. IL 147.
Si un Pape les peut faire mourir. I. ff.
Leur Origine. I. 81.
Leur faite , & leurs autres vices énormes.
'L 81.82.
Les Cardinaux de. B;r.oitle fupplient à
TIUES.
genoux de confentir à la Cefllon. I.
102.
Allarme des Cardinaux de Benoît à Château-
Rayrard. L 138.
Leur réconciliation avec ce Pape. I. 139.
203. 204.
La réponfe des Cardinaux de Grégoi-
re aux Ambadadeurs de France. I. iiy.
Ils abandonnent Grégoire. L 22$'. 231.
Us "appellent au Concile Général. L 23 t.
Les deux Collèges des Cardinaux fe ré'ùnif-
fent. I. p. II. 34.
Us écrivent au Roi de France. 4. •
Les Cardinaux de Benoît le citent à Pife.
I.p.Il.s. 9.
Ils s'oppofent à la convocation du Con-
cile de Grégoire. I.p. II. ±%. z^.
lis peuvent affembler un Concile quand
le Pape ne veut .pas le faire. I. p. IL
144.
Us ne font pas le Corps de l'Eglife. IL p. II.
4*.
Carme [ Moine ] mis en prifon par Grégoire.
L 22J.
Carrare [ François de ] Seigneur de Pa- '
doué, General de l'Empereur en Italie. I.
133. 134.
Cartel. Voyez, Deffi.
CaflAle. Voyez Henri.
Le Roi de Caftille fe plaire qu'on ait né-
gocié la paix à Avignon à fou infçu. 1. 104.
Il fe déc'are pour la Ceffion. L 1 io.
La Caftille reftitué l'Obédience à Benoît. I.
143.
Catherine ( de Sienne , Sainte ) Elle confeille
à Grégoire XI. de réfider à Rome. L 6.
Voyez $iennc
Cau/is. (Michel de) Docteur Bohémien,
Adverfaire de Jean Hus. II, 26.
Ctlefii-a III. ( Pape) -Il ordonne une Croifa-
de pour la Terre Sainte. IL 78.
Celeflm f. (Pape) S'il abdiqua volontaire-
ment , ou î on. L p. IL 1 1 4.
Cejjion des deux Concurrens propofec. L 59,
60.
Clément y confent. Ibid.
Acte de Ceffion ligné par tous les Cardinaux
qui élurent Pierre de Lune lui-même. L
74. 96. 91.
Cett» voie eft jugée !a plus propre à étein-
dre le Schilme. L 9 \.
La plus grande partie de l'Europe fe déclare
pour cette, voie. L ne.
Ch-n'ant [Antoine de] Cardinal, étoir au
Concile de Paris de la part de Benoît-. I.
iJ'7-
T A
Il eft déclaré Hérétique pat le Clergé de
France. I. 146.
Il fe trouve au Concile de Perpignan ,
où il eft fufped à Benoît. I. p. II. 19.
Il s'unit au Concile dePife, 84,
Son Hiftoire , & ion Cara&ere. I. p. II.
Il eft envoyé àSigifmond par le Pape. II.
p. II. 7. 8. 9.
Champs [Gilledes] Do&eur en Théologie.
II. 69.
Confefleur du Roi de France. Ibid,
Envoyé à Benoît XIII. 70.
■ »à "Wenceflas. Ibid.
Fait Cardinal par Jean XXIII. II. 69.
Chancelier ( de -France ) Voyez Corbie.
Marie.
Chanoines. Leur portrait. I. 84.
Charles IV. [Empereur] refufe à Gré-
goire XI. une Croifade pour la Terre
Sainte. II. 79.
Charles v. [ Roi de France ] Sa mort. 1. 3 9.
Il refufe le Pontificat ; Se pourquoi. I.
108.
Charles VI. [Roi de France ] Sa minorité.
I. Î9.
Il tombe en démence. I. 69.
Cette maladie eft un grand obftacle à la
réunion de l'Eglife. I. 70.
Après fa convalefcence il renvoyé les
Chartreux avec deux autres du même •
Ordre pour négocier l'union. Ibid.
Sa Lettre à Benoît XIII. I. 116.
Il reftituë l'obédience à Benoît , & en-
tonne lui-même le Te Heum à ce fujet.
I. 141.
Son Edit pour les Collations des Bénéfices.
I. I4f. 14*.
Sa Lettre aux Cardinaux après Ja mort
d'Innocent VII. I. 189. 190.
Il écrit à Grégoire XII. I. 107.
Sa Lettre aux Cardinaux des deux Obé-
diences. I. 143.
Sa Lettre à l'Ùniverfité de Paris contre
Ja confpirationdesPrinces.il. 99.100.
ior.
Il leur déclare la guerre. IL 10 1.
Ils font excommuniez en vertu d'une
Bulle d'Urbain V. II. loi.
Sa Déclaration contre le Duc de Bour-
.gogne. IL p. II. 141. & fniv.
Charles [ Duc de Bretagne ] Sa canoftifa-
tion blâmée. I. 63.
Chartres. [Ville] Traité de Chartres en-
tre les Fa&ions de France. II. 105. II.
p. IL 36.
Chartreufe [Grande, de Grenoble. ] Son
Chapitre s'aflcmble en Efpagne feus
BLE
l'Obédience de Benoît. I. p. H. 49;
Chartreux. Deux Chartreux vont trouver
Boniface pour l'exhorter à. donner la paix
à l'Eglife. I. 70.
Ils obtiennent de ce Pape une Lettre au
Roi de France dans cette vue. Ibid.
Ils vont trouver Clément VIL à Avi-
gnon qui les fait mettre en prifon. I.
68.
Us obtiennent leur liberté par l'interce/fion
du Roi de France. I. 68.
Ils ont une audience favorable de Charles
VI. I. 70.
Ils ne peuvent rien obtenir ni de Clément ,
ni de Boniface. Ibid.
Chdteau-Raynard [ proche d'Avignon ] lien
de la retraite de Benoît après être forti
de la prifon d'Avignon. I. 136. 137.
Chevaliers Voyez Livonie. TeutnnicjHt.
Childeric IJI. [ Roi de France ] abdique pour
faire place à Pépin. I. 186.
Chrétien [ Moine de l'Ordre de Cifteaux ]
premier Evêque dePruife. II 17.
Il travaille à la converfion des Pruffiens.
Ibid.
Chrétiens, défaits en Orient par les Infidèles.
IL 77.
Us reprennent Antioche. IL 78.
Us prennent Zara fur les Flongrois.
Ibid.
- • Confbntinople fur les Turcs
Ibid.
Chrijt [ Jefus ] Il eft le feul Chef, 8c
fondement de l'Eglife. IL p. IL 74. 75-,
Le feul vrai Pontife Romain. IL p. II.
78.
Chryfolore. [ Emmanuel de Conftantinople J
Envoyé de Jean XXIII. à Sigifmond. II.
p. IL it. ri.
Cltmangis. [ Nicolas ] Auteur Fra nçois :
mauvais témoignage qu'il rend à la con-
duite de Clément VIL I. 3 9.
Il harangue le Roi fur la corruption de
l'Eglife. I. 71. Voyez Vniverfité de Pa-
ris.
Il écrit à Benoît XIII. pour l'exhorter i
l'union. I. 76. 77. 7?.
Il eft fait Secrétaire du Pape. I. 78.
Il écrit fon livre de la corruption de l'E-
glife. I. 78. &fuiv.
Il n'approuve pas la voie de la Souftrac-
tion. 1. 118.
Clément IV. [ Pape ] Limite la Bulle d'Ale-
xandre IV. en faveur des Moines Men-
dians. I. p. IL itiî
Il ordonne une Croifade pour la Terre
Sainte. IL 79*
Ciment K [Pape] Son élection. I. 4. y.
D E S M
Clément V. ( Pape ) "Il eft le premier des
Papes qui réfident à Avignon. Ibid.
Il cafle la Bulk de Benoît XI. en faveur
des Moines Mendians. I. p. II. m.
Il difpenfè du Purgatoire ceux qui vont
à Rome en pèlerinage. II. p. II. 7^.
Chment VII. [ Pape ] Hiftoire de fon
élection. I. 6. 31. 34.
Son Caractère. Ibid.
Ses violences, & fa mauvaife conduite.
Les cruautez d'Urbain font quantité de
partifans à Clément VII. I. f 8.
Il envoyé le Cardinal d'Aigrefeuille en
Allemagne pour la détacher d'Urbain.
Ibid.
Ses exactions en France. I. 6j,
Il fait mine de s'entendre avec Bonifa-
ce IX. pour donner la paix à l'Eglife.
I. 62. 69.
Il ordonne des Procefïïons pour la paix.
I. 70.
Il compofe un Office nouveau danscette
vne. Ibid.
Il combat , & fait combattre fortement
la voïed^ laCeffion. I. 71.71.
Il meurt. I. 73.
Toute l'Europe s'emprefTe inutilement à
empêcher une nouvelle élection après
fa mort, I. 73. 74.
Clergé. Peinture affreufe de Ces dérégîe-
mens. I. 61 . 63.
Devoirs du Clergé. II. p. II, 3c.
Clergé (de France) Voyez Affemblée.
Clergé (de J. C ) del'Antechrift. II.j>. II.
81.
Clcrmont ( Synode de) Il fe déclare en fa-
veur des Moines Mendians. I. p. II. 1 2 o .
Clovis ( Roi de Fiance ) aiîemble un Con-
cile. I. 1 64.
Cochlée (Jean ) Auteur pafTionné contre
les Huflkes & les Luthériens. II. 118,
CdLges. Voyez Cardinaux.
Collujîon des deux Concurrens.I. 70. 210.
2ii. ni. 117. 118.156. l.p. II. 11.
74.7if.77.
D'Innocent VII. &de Ladiflas. I. \y.
De Grégoire XII. & de Ladiflas. l.p. II.
101. 103.
Cologne (Univerfîtéde) Sa Lettre à l'Uni-
veifité de Paris pour la remercier de fes
foins pour l'union. I. 71.
Cologne (Archevêque de) Ses Ambaiïadeurs
arrêtez à deux journées de Pile. I. p. II."
7'.
Us font relâchez par Fentremifede Eon-
cicaut. Ibid.
Cologne (Theodoric de Meurs, Archevêque)
A Tï E R E S.
eft élu Archevêque de Cologne. II. 13;
Cologne. Voyez Mayence.
Colonne (Nicolas de) entre dans Rome à
main armée. I. 110.
Colonnes (Jean, Nicolas) fontiennent les
Gibelins contre les Papes. I. 1 j- 1.
Ils font chaiîéz de Rome. I. 153.
Us font excommuniez. I. 156. *
Us fe reconcilient avec le Pape. II. u. ix;
Colonne ( Othon de ) Cardinal. Il excommu-
nie Jean Hus. II. 5-0.
Il eft Gouverneur de plufieurs Places de l'E-
glife fous Jean XXIII. II. 65.
Commandemens ( de l'Eglife ) Us énervent
les Commandemens de Dieu. II. p. II.
~ 117.
Communion , ou Communication. Ce que c'eft,
II. p. II. 97. &fuiv.
Compétiteurs. Voyez Arragon.
Compromis. Cette voye rejettée. I. 92.
Conception ( Immaculée de la Vierge ) Dif-
putes là-deiTus blâmées. I. 63.
Concile (Général) Difficultez fur fa convo-
cation pendant le Schifme. I. 33;
U eft réfolu en France. I. ii8.
Il peut être aflemblé par les Cardinaux. I.
p. II. 9, to. 11. n. 14a. 143.
Il repréfente l'Eglife Univerfelle. I. p. II.
144. I4f.
U eft le Juge compétent des Papes.
Ibid.
U eft jugé peu propre à éteindre le Schifme.
I. 92.
Concile (Oecuménique) Clément VU. y con-
fent. I. 60.
Plufieurs Docteurs font d'avis que le Schif-
me ne peut être terminé que dans uji Con-
cile Général, ibid. & iif.
Divers "cas où Fon peut alTembler un:
Concile Général fans le Pape. I. 61,
6z.
U peut être aflemblé par les Cardinaux. I.
p- II 7. 8. 9.
Concile ( de pife ) Voyez Pife.
■■ (de Perpignan) Voyez Perpignan,
[ de R.ome ; Voyez Jean XXIII.
Conciles Nationaux (de Paris. ) I. 91. 110.
15-8. 1er,
On y conclut pour la voie de laCefïïon.I,
$2.
Con lave. Entrée des Cardinaux dans le Con-
clave pour élire un Succefleur à Grégoire
XI. I. 8.
Violence exercée contre ce Conclave. I. 8.
9. & fmv .
Le tonnerre tombe dans le Conclave. I.
32.
Sûreté du Conclave de Pife. I. p. II. 87.
, T A
Simonie exercée dans ce Conclave. I p.
IL ?r.
Concurrens. Les deux Concurrens font
citez au Concile de Pife. Lj>. II, 41.41.
*4r-
On leur fait leur procès. I. p. II. 74- 77.
Ils fontdépofez. \.p. II. 80.
Conddmar ( Gabriel Evêque de Sienne )
Grégoire le fait Cardinal. I. 131.
Jl elt fon bâtard: fon caractère. I. 136.
1J7-
Conférences des Légats de Grégoire XI I.
avec Benoît XIII. I. 19$. i$6.
'■ des mêmes avec les AmbafTa-
deurs de France. I. 196. Voyez Lotit.
avec les Juifs à Tortofe à la folli-
citation de Vincent Ferrier, & fous Be-
noît XIII II. 178.
Rabbins mandez à Tortofe pour con-
férer avec les Docteurs Chrétiens. II.
179.
On ne fauroit favoir le fuccès de ces
Conférences , parce qu'elles font rap-
portées par les partis interefTez.il. 190.
Conrad ( Weftphalien Evêque d'Olmutz )
eft choifï adminiftrateur de l'Archevê-
ché de Prague. II. 91.
Jl fe range dans le parti des Huffites. II.
p. IL ff. S6.
Son Hiftoire, fon Caractère. lh\A.
Ses démarches contre les HufTites. II. p.
IL ff. 60. 6t.
Il met l'Interdit fur la Ville de Prague.
II. p II. 71.
Confeils E-v Angéliques. II. p. II. 94. 9f.
Confiance ( Ville ) choifie pour ailèm-
bler un Concile Général. II. p. II. 12.
if. '
Cenfiantin II. ( Pape ] Laïque dépofé. II.
p. IL79.
Contadins. Voyez Moatagnars.
Conti (Lucio de Comitibus, Noble Ro-
main ) Fait Cardinal par Jean XXIII.
II 70.
Employé à diverfes affaires par Martin
V. Ibtd.
Converfions ( des Juifs ) Elles font en grand
nombre, mais faufîes & équivoques.
II. i->9. 180.
Converfions. V 'oyez Juifs. Lithuaniens. Sa-
mogites.
Corario. (Angclo Cardinal) Voyez Gre-.
goire XII,
Corario ( Antoine Evêque de Bologne ,
Neveu de Grégoire XII. ( Grégoire le
fait Cardinal. I. 231.
Son Caractère. I. 236.
Les Bolonois le chaflent. I. p. IL 8,
BLE
Il eft envoyé à la Diète de Francfort pat
Grégoire, l.p. IL 28.
Il y parle injurieufement des Cardinaux.
Ibtd.
Corbie ( Arnaud de ) Chancelier de France
prefent au Concile National de Paris. I»
91. 110.
Onluiôte lesfceaux. IL p. IL Z2.
Cojfm ( Balthafar de ) Cardinal de S. Eufta-
che, & Légat de Bologne l.p. IL 8.
Il eft fait Vicaire de l'Eglife Romaine par
les Cardinaux réunis. Ibtd.
Il affemble les Docteurs de Bologne pour
délibérer contre les Concurrens. I. p,
IL 8
Il refufe un Pafïeport aux Légats de Be-
noît, & les menace de les faire bfûler. I.
p. IL 18.
Il fe trouve au Concile de Pife. I. 282.
Il eft confirmé Légat de Bologne par Aie-»
xandre V. I.p. IL 133.
Il fe meta la tête de la Ligue contre Ladiflas»
Ibid,
Ses briguespourlePontificat.Lf.il. 1 5 f •
(jf [tt;v.
Il eftaccufé d'avoir empoifonné Alexandre
V. l.p. n. i?9.
Il eft élu Pape. Voyez Jean XXIII.
Courtecuijfe ( Jean de ) Docteur en Théo-
logie : il harangue contre Benoît. I.
238.
Cramaud (Simon de) Patriarche d'Alexan-
drie, Il préfide au Concile National de
Paris. I. 91. 1 10.
Il elt envoyé à la Diète de Francfort. I.
134
Il efl à la tête de l'AfTemblée du Clergé de
France. I. \6i.
Il plaide pour l'Univerfité contre Benoît. I.
142. 1 f6. \6j. 168. 184.
Il eft affis le premier à Table dans un repas
que le Roi de France donne au Roi de Bo-
hême. I. 167.
Il eft^envoyé à Benoît XIII. & à Grégoire
XII. pour l'union. I. 194.
Il porte la parole à Benoît dans l'entrevue
de Marfeiîîe. I. 102. 103.
Il fe laiffe féduire parles difeours pathéti-
ques de Benoît, & lui demande pardon à
genoux. I. 204..
Il va à Rome de la part de la France. I
207. . •
Ses négociations dans cette Ville. I. 213.
214. & fttiv.
Il va trouver de la part du Roi de France,
les Cardinaux des deux Obédiences. I.
241.
Il eft le Chef de l'Ambaflade de France ,
DES MA
au Concile de Pife. I. p. IL 70. 71.
Crémone ( Ville ) Entrevue du Pape & de
Sigifmond dans cette Ville. IL p . IL
i 6.
Ils y courent danger de la vie. I. p. II.
16. 17.
Croifade. Hiftoire abrégée des Croifades.
II. 71. &fuiv.
Leur mauvais fuccès. IL 79.
Croifade contre les Chrétiens. Voyez
Innocent III. Innocent IV.
Croifez. Cérémonies de leur inftallation.
IL 71.73.74.
Crus [ Pierre du ) Cardinal Camerlingue ,
emporte les ornemens Pontificaux. I,
31.
Cttré. Ce que c'eft que le propre Curé. I.
p. IL 110. 11 1.
Droits des Curez. \.p. IL 118. 129.
Cucurne ou Cothurne ( Barthelemi ) Car-
dinal d'Urbain , mis à la queftion. I.
ii.
D.
DE'capiTïz: trois hommes déca-
pitez à Prague pour avoir contredit
les "Quêteurs. IL 97. p. IL 94.
Décret de l'Eglife Gallicane pour la Ceffion
& la Souftraction. I. 189.
Défi de Loiiis d'Anjou à Charles de Duras.
I. 44*
— de Charles .de Duras à Louis
d'Anjou. 47.
•—'— — du Duc d'Orléans au Duc de
Bourgogne. IL 41.
du Duc de Bourgogne au Duc
d'Orléans. Ibid.
Défis entre Princes font ordinairement
des rodomontades. I. 47.
Denys ( Moine de Saint ) Hiftorien Fran-
çois. Mauvais témoignage qu'il rend
à Clément VIL I. 37. 39. Voyez Gen-
tïen.
Dépofition. Si l'on peut dépofer un mau-
. vais Pape- L'affirmative foutenuë. I.
49. Voyez Wencejlas. Sentence de dé-
pofition contre les Concurrens. \.p. IL
80. 82.
Défobéir. C'eft quelquefois un devoir de dé-
fobéir. IL p. IL 91. 93.
Dcfchatnps. Voyez Champs.,
Dialogue , entre Dieu , Satan , & le Mef-
fie , tiré du grand Commentaire Rabbin
fur la Genel'e, appelle Berefchit Rabba.
IL 173. 174.
Dictuts , ou Maximes de Grégoire VIL
T I E R E S.
Diète. Voyez Francfort.
Digne ( Evêque de ) Son Sermon au Concile
contre les Concurrens Se les AmbaiTa-
deurs de Robert. I. p. IL ^7.
Difcorde entre l'Eglife & l'Empire. I. 3.
Difcujfîon des Droits des deux Concurrens.
I. S9' 6°- 6x.
Cette voye rejettée. I. 91.
Dlugofî ', ou Longin , (Jean) Hiftorien Po-
lonois : Ton récit de l'Election d'Urbain
VI. I. 22. 23.
DeÏÏeurs. Voyez Bowgne, Florence.
m ' ■■«. les Dodleurs de Bohême répondent
aux raifons des Huffites. IL p- IL 67. 68.
& [uiv.
Leurs Contradictions. IL p IL 83. 84.
Dominic ( Jean , Dominicain ) envoyé par
les Florentins aux Cardinaux affemblcz
en Conclave po.ur l'Election d'un Pa-
pe , après la mort d'Innocent VU. I.
Il eftfait Cardinal iji.
Son Caractère. 1.231.231.
Il eft envoyé en Hongrie par Grégoire XII.
Lfll. 3 3.
Dominicains, ou Frères Prêcheurs , reunis a
l'Univerfité. I. I4f .
Autorifez à confeflér. ibid. p. IL 120. Leurs
violences en Angleterre -, leurs diiputes
avec le Clergé de France. I. p. IL 120. 111.
Le Clergé députe à Nicolas IV. pour termi-
ner leur différent. Ce Pape ne veut pas
prononcer. Ibid.
Dominique ( Efpagnol ] fondateur des Do-
minicains , & premier Inquifiteur. l.p.
IL 119.
Donation (deConftantin) confirmée par les
autres Empereurs. IL p. IL 81. 8i.
Donato ( Loiiis ) Cardinal d'Urbain , mis à la
queftion. I. 5"2.
Du Prat, Voyez Prat.
Duras ( Charles de ) Urbain VI. lui don-
ne l'inveftiture du Royaume de Naples. I.
44-
Il tient Jeanne prifonniere avec Otton de
Brunsv/ickfon Epoux. Ibid.
Il la fait afiàffmer. Ibid.
Il refufe le Cartel de défi de Loiiis d'Anjou.
I. 44. 4f.
Il veut faire empoifonner ce Prince par un
Héraut d'armes. 45.
Il va trouver Urbain VI. à.Averfa.1. 45".
A6. !
Il tient la bride du Cheval du Pape. Ibid.
Il l'arrête enfuite piifonnier. ibid.
Il le fait conduire à Naples. ibid.
Il fe reconcilie avec Urbain , & lui deman-
de pardon. 47.
T A
Il Ta attaquer Louis d'Anjou à Bar-
lér<*, ou il l'appelle inutilement en duel.
' I. 47-
On le détourne de donner bataille.
48.
Il retourne à Naples. I. 48.
Il y forme le defléin de perdre Urbain
VI. 49.
Il l'afliége dans Nocera. I. f £.
Il eft ailàfiîné en Hongrie. I. f 6.
E.
Ecclésiastiques, autorifez par
les Papes à porter les armes. II. fi.
f*.
EcoJJe. Elle fe déclare pour Clément VII.
I. )6.
Ecriture ( Sainte ) Uniqu» Règle delà Foi.
II. p. IL 83.
"Edit; Voyez Stgifmor>d'WtnccJl*s»
Eglije : Voyez Difcorde.
EgUfe ( Biens d') Ufage & abus des biens
d'Eglife. I.79.20.
Les Papes n'y ont point de droit que par
charité. I. i8~.
Eglife (de France) Voyez Lihertez..
Les mefures qu'elle prend pour Ton gou-
vernement, pendant la SouftracfHon.
I. III. & fuiv.
"Egltfe (Grecque) opprimée parles Turcs.
' I. 117.
Eglift (Traité de 1' ) Voyez Jean Uns.
Eglife ( Romaine ) Elle n'eft pas Univer-
felle. II. p. II. 73.
Egltfe [Univerfelle) Elle peut être gouver-
née fans Pape & fans Cardinaux. II.
p. II. 80. 8 1.
Electeurs (de Mayence, de Cologne, de
Trêves) dépotent "Wenceflas. I. 118.
Ils prient le Roi de France d'agréer l'é-
lection de Robert. I. 131.
Elle (fameux Rabbin) Sa Prophétie fur
les 6000. ansde la duiée du Monde.
II. 170.
Elle porte que le Mefïïe devoit venir
dans les derniers deux mille ans. Ibid.
Jérôme de Sainte Toi acccufe les Jmfs
d'avoir ajouté à la Prophétie d'Eliej
que le Me/fie n'étoit point venu de-
puis les deux derniers mille ans. II.
183. 184.
Difpute fur ce Calcul d'Elie. II. 183. 1 84.
185-.
Elitzer (Rabbin) allégué dans le Thal-
mud : il dit que les Sages du Thalmud
font comme la Salamandre dans le feu
ians brider. II. 173.
BLE
Emmanuel Empereur de Conftaminople ,
vient en France. I. 126. 1x7.
Il y amené des Savans qui établilTent le goût
des Belles Lettres. I. 1x7.
Empereurs. Lès Canons les établilTent Avo-
cats del'Eglife. II. p. IL 18.
Empire : Voyez Difcorde.
Empoifonneur ; Voyez Héraut d'armes.
Empoifonneur s (de Sbinko ) brûlez. IL 90»
91.
'» de Sigilmond. IL p.' II. 11.
Emprisonnement de trois hommes qui avoient
contredit les Quêteurs. IL 97. Voyez
Décapitez.
■■■ ■ des Marchands de Rome, Voyez
Ladijlas.
Entrevue des Concurrens propolee par Be-
noît. I. 97. 100. 101. 148. 1J4. Voyez
Jagellon. Sigfmcnd.
Epigramme contre les- Ducs d'Orléans & de
Bourgogne. IL 42. 43.
Efpagnols : leur témoignage fur réleétior*
d'Urbain VI. I. 17..
Ils fe déclarent pour Clément VIL L
3<f.
Efprit (Procefîïon du Saint Efprit) Dé-
cret de Grégoire X. làr-deflus. I. p. II.
41.
Eft ( Nicolas Marquis d' ) Voyez Alexan-
dre V.
Il traite avec Jean XXIII. Se Sigifrnondo
IL p. IL 10.
Eftn (Adam) Evêque de Londres, & Car-
dinal d'Urbain VI. mis à la qucflion.
fi f2
Il échape au dernier fupplice par l'intercef-
fïon ce Richard II. I. $-5-.
Etienne (Comte de Blois , Se de Chartres)
l'un des premiers Croifez. IL -6.
E-jiqucs ;leur violence , leur fîmonie , leurs
débauches , & leurs excès à tous égards.
I. 82.. 83.
Leur élection ne doit point être réfervée
au Tape. I. 186. .1S7.
Ils font fubfhtuez aux Apôtres. L p:II. 148.
Excommunication. En quel cas elle eft julle
eu injufte. IL 1 f 4.
L'inju(te n'engage point. IL 54. 97.
Ce que c'eft que l'Ecommunication. II.
2 f. 97- 9 8. &[niv.
Exécution ciandeftine de trois hommes qui
avoient contredit les Quêteurs. II. 97.
Expectatives (Grâces] 80. 120. IL 94.
Voyez Décapitez.
Eztchid ( Prophète ) Ses Prophéties appli-
quées à l'Eglife Romaine. 11. p. II. 12.0*.
12;.
DES MA
F.
FAbles: comment elles appartiennent à
l'Hiftoire II. i6ç.
F 'auteurs [ de Benoît ) déclarez hérétiques
& Schifmatiques. 1. 14.6.
Ferdinand [ Infant de Caftille ] fes Victoi-
res contre les Maures. IL 37.
Il eftélû Roi d'Arragon. lbid,
Ferdinand ( Roi d'Arragon ) fes Concurrens.
II. 60.
Il pacifie les Troubles de la Sicile & de la
Sardaigne. II. 98.
Son Election. II. p. II. 1^3.
Terrier [Vincent] publie l'élection de Fer-
dinand d'Arragon. II p. II. 163.
Il convertit quantité de Juifs en Efpagne.
II. p. II. 163. &fuiv.
Son Hiftoire, fon Caractère, l.p. II. 164.
Prétendu miracle de Ferrierà Salamanque.
H./». II. i<Jj.
Ttrutr [Boniface] Prieur de la Grande
Chartreufe : il penfa être élu Pape après
la mort de Clément VII. I, i6r.
Il eft envoyé à Pife par Benoit XIII. l.p.
II. 16. 17.
Son Hiftoire, & fon Caractère. I. p. II.
18. i9.&;Préf XXXVII.
Son Iavective contre le Concile de Pife.
l.p. II. 109. 1 10.
Fêtes , on fe plaint de leur multiplication. î.
Feu. Divinité des Lithuaniens & des Sa-
mogites. II. p. II. 136.
F ils. Un fils qui pend fon père. I. 1 zo.
Ftllatre. (Guillaume, Doyen de Rheims ]
harangue pour Benoît dans l'Aflemblée
du Clergé de France. I. 168. 169.
Il abbai/Te l'autorité du Roi. I. 168.
Il eft obligé d'en demander pardon. 1. 170.
171.
Il harangue une féconde fois pour Benoît.
I. 1S1. 184.
Il exalte infiniment l'autorité des Papes.
I. 183.
Il fut Archevêque d'Aix en Provence. II.
7i.
Il fut fait Cardinal par Jean XXIII.
70.
FLmdrin [Guignon] Meflager de l'Uni-
vcrûté de Touloufe, porteur de fa Let-
tre contrela Souftraction. F. 1 rj.
Il eft condamné dans l' Allèmblée du Cler-
gé de France. I. 146.
Florence ( Cardinal de ) Difcours qu'il tient
à Benoît pour l'engager à céder. I. 10},
104.
r i\E % e s:
Florentins envoyent du fecours à Robert.
I. 134.
Font la Conquête de Pife. I. itfi.
Ils fe liguent contre Ladiflas. I. p. II.
136. -
Ils reçoivent Jean XXIII. dans leur Faux-
bourg. II. p. II. 6. 7.
Les Docteurs Florentins décident que les
Cardinaux peuvent aflembler un Concile
General. I. p. II. 7.
Foi. Diverfes fortes de Foi. IL p. II. 73.
Foix ( Comte de ] fe trouve au Concile de
Perpignan, l.p. II. ir.
Fondi^ Ville de l'Etat de'Naples , où les Car-
dinaux s'afîemblent pour l'élection d'un
autre Pape. I. 33. 54.
Fondi ( Honoré Cajetan Comte de] partifart
de Clément VII. I. no.
Forêts ou Bois : Divinité des Lithuaniens , Se
des Samogites. II. p.ll. i$6.&fuiv.
France [Royaume de] fert de retraite à
plufieurs Papes. I. c.
Il fe déclare pour Clément VII. I. 36.
Il eft déchiré par des Factions. IL 41. 99»
1er. p. II. io.
Rois de France aceufez de vouloir uiurper
l'Empire. I. 107. 10S.
Leur Droit d'allembler les Conciles , éta-
bli. -I.'ifi. 157. 179. 170. 171. 18;.
Les Princes de France confpirent contre
Charles VI. II. 99.
Francfort fur le Mein. L'Empereur Robert
y eft couronné. Voyez Robert I. 129.
130.
Diète dans cette Ville touchant le Con-
cile de Pife. I. p. II. 28.
On envoyé de la part de la Diète des Am-
bafladeurs en Italie, pour traiter de l'U-
nion. I p. IL z8- %<).
Francifcains (Moines) décapitez à Grenade.
II. 9. ro.
Franzola ( Robert de ) Avocat Confifto-
rial de Mayence, fait l'apologie des
Cardinaux de Pife, à la Diète de Franc-
fort. I. p. II. 29. & Add.l. p. II. 148.
Frias [ Pierre Ferdinand de } Cardinal , Gou-
verneur de Rome , en l'abfence d'Ale-
xandre V. I. p. II. 135.
Froifîc.rd (Jean] Coafufion & fautes de cet
Hiftorien fur 1'aftaire du grand Schifme.
I. 6.
Fuite. Voyez fean XXI II.
Fundtili (Gabrin ] Tyran de Crémone, re-
çoit le Pape & Sigifmond dans cette
Ville. IL p. IL 16.
Sa. trahifon. Sa mort. II. p. II. 17.
T A B
Gi
G' A l e A s [ Jean Marie ) Duc de Milan ,
TTyran de l'Italie. IL 39. 40.
Sescruautez. Ibid.
Il eft maiî'acré. lbid.
Cahot. (Tarlat de pietra Mala ) Cardinal
d'Urbain VI. l'abandonne. I. 57.
Son Caractère. I. $•£.
Gallicane [Ëglile) Voyez Décret.
Cetre Eglife eft loiiée par l'Archevêque de
Gènes. I. p. II. 31. v. Maiïno.
G.ircy Alvarez, de Alarfon , Théologien
Efpagnol, favant en Hébreu, enChal-
déen , & en Latin : il confère avec les
Juifs. II. 179.
Gcdalia [P.abbin] Auteur de la Chaine de
la Cabale. Il parle des Conférences avec
les Juifs. II. 181.
Gelaze II. cherche un azyle en France. I.
4.
Gemare (la) Ce que c'eft. II. 1^7.
Généalogie (de l'Antechrift ) II. p. II. 113.
Gènes ( République de ] accufée par les Fran-
çois. I. 108. ' 1; 6.
Traité de Gènes pour la Conférence de
Savonne. I. 110.
Embraiïe la Neutralité. I. p. II. 11.
Elle fe révolte contre Boucicaut. I. f>'. II.
47. 48.
Elle demeure fidèle au Roi de France. I. p.
II. 48.
Elle reconnoît Alexandre V. Ibid. .
Elle veut s'emparer de la Sardaigne. II.
98.
Son Ambaffade à Sigifmond. II. p. II.
zr.
Genticn ( Benoît ) Moine de Saint Denys ,
Son Dikours au Roi fur la Paix. II. p.
II. n.u
11 harangue contre les Propositions de Jean
Petit. II. p. II. 38. 39.
Il eft crû Auteur de l'Hiftoire Anonyme
de Charles VI. p. II. zi. & Préf XXXIII.
Son jugement fur la part qu'eut PUniver-
fité aux affaires d'Etat. lbid.
Gerltnhufen [ Conrad de ) nommé à l'Evê-
ché de Wormes ^>on Traité touchant
ia necefnté d'un^Zoncile General. I.
63.
Il exhorte le Roi de France à le convoquer.
Ibid.
Gerfon { Juif Allemand converti ) Il confeiile
la lecture des Livres Juifs pour s'en fer-
vir contre eux. II. \6j.
Gerfon ( Jean ) Chancelier de PUniverfi-
té de Paris : Son fenùment fur les
L E
vifions de certaines femmes. 1. 6.
Il n'approuve pas la Souftraction. I.
119.
Il eft d'avis qu'on reftituë l'obédience à
Benoît, lbid.
Il le harangue de la part de PTJniveriîté. I .
144.
Il eft envoyé aux deux Concurrens. I.
194.
Il harangue les' Ambaffade ur s d'Angleter-
re. I. p. II. zy.
Son Traité en faveur de la Ceffion. I. p.
IL 45. 44.
Son Sermon au Concile, après l'élection
du Pape I. f. II 93. 94.
Son Traité des cas où le Pape eft dépofa-
ble. l.p. II 1 1 3. d* fuiv.
. Il prêche contre la Bulle d'Alexandre V.
enfaveut des Moines Mendians» I. p. II.
lié. & fuiv.
Son Difcours au Roi fur la Réformation
des Etats du Royaume. II. p. II. 2;. &
fuiv.
Il eft obligé de fe cacher. IL p. IL ij.
Sa Dévotion pour S. Jofeph. II. p . IL 31.
(3* fuiv.
La Lettre à Conrad contre les Huiîîtes. IL
p. IL f7..58-
Gibelins , Guelphes , Factions en Italie. 1. 1 jz.
p. IL<7. IL 39-
Gilles, Chantre de l'Eglife de St. Quentin ,
Fanatique. IL 68.
Gnefne [ Archevêque de ] Il convertir les
Lithuaniens. II. p. IL 136. Voyez Ku-
rous'J.
Godefroy (de 'Bouillon) Duc de Lorraine, Pua
des premiers Croifez. IL 77.
Il eftfait Roi de Jerufalem. Ibid.
Gcrel [Jean] Frère Mineur, foûtient la
caufe des Moines.. I. p. IL 111.
La Faculté Théologique de Paris l'oblige à
fe rétracter Ibid.
Gnulain (Jean) Profeffeur en Théologie >
gagné par Clément VIL pour prêcher
conrre la voie de la Ceffion. I. 7 1 .
Il eft exclus des AlTemblées de PUniver-
hté de Paris, lbid.
Grecs (Chrétiens) Ils s'entendent avec les
Turcs contre les Chrétiens d'Occident.
II. 77-
Ils empoifonnent l'Armée Latine. Ibid.
Grégoire II. (Pape) Laïque dépofé IL p. IL
79»
Grégoire VI. (Pape) Sanguinaire. IL yi.
Grégoire VII. ( Pape) Fondateur de l'Empire
Papal. I. 3.
Ii excommunie & dépofe l'Empereur , & le
Roi de Pologne, lbid.
I!
D E S M A
i îl menace tous les Princes de l'Europe ,
s'ils ne lui cèdent. I.4.
L'Inveftiture & le Temporel des ^Eglifes.
lbid.
Il publie une Croifade pour la Terre Sainte»
II. 7f.
Grégoire IX. (Pape) condamne au feu les
Livres du Thalmud. II. 166.
Grégoire XI. rétablit le Siège pontifical à Ro-
me. I. j. 6.
Sa prédi&ion touchant le Schifme. I. 6.
Grégoire XII. Son élection. I. 190.
Il confirme fon ferment de céder. 192,.
Il donne de grandes efperances de l'Union.
Son v^aracl:ére , & fes Dignitez , étant Car-
dinal. I 191,
Sa Lettre à Benoît XIII. pour l'inviter à
l'Union. I. 193.
Il envoyé des Légats à Benoît XIII. I.
19;.
Conditions qu'il propole pour aller à Sa-
vonnée I. 216. Ï17.
Il diffère d'aller a Savonne. I. 196. 197.
Il refufed'y aller. I. zn. &[mv.
Charles VI. lui écrit. 207.
Il envoyé des Légats en f rance pour l'U-
nion, lbid.
Il joue les Ambafiadeurs de France. I. 2 1 1.
ér Ittiv.
Il demande un autre Traité que celui de
Marfeille. I. zij. 118. «1.
' Il amufe les Légats de Benoît. 217.
Il va àLucqucsoùiljouè le même rôle. I.
22T- 21}.
Ses Cardinaux l'abandonnent. I. 227.229.
Sa Lettre à Benoît. 1. 116.
Il v."ut faire de nouveaux Cardinaux contre
fon ferment. I. 2 2f. 219.
Oppofition des Cardinaux à cette démar-
che. I. 229.
Il fait quatre Cardinaux. I. 231.
Les autres Cardinaux appellent au Concile
Oecuménique. I. 196. 197.
Sa réponfe à cet appel I. 232. 233.
Il les excommunie. I. 234.
Us le citent, & lui envoyent unManifefte.
I. ijy. 236.
Il fait fon Apologie. I 14$-. 246. p. ÏI. 7.
Ses Cardinaux le citer t à Pife. I. p. II. f.
On le condamne à Rome, & on en chafle
fespartifans. l.p II. 8.
Il eft abandonné de la plus grande partie
de l'Allemagne. I. p. II, 29^
Il aflemble un Conciit à Cividad di Frioul.
I. p. II. 100.
Il fait des propositions illufoires pour l'U-
nion. I. />. II. 102.
T I E R E S.
Il fe fauve en habit de Marchand à Gayete;
I. f. IL 103. & [uiv.
Avanture de cette retraite. lbid. .
Il fulmine contre les Hérétiques. IL 59.
Contre Loiiis d'Anjou , contre Jean
XXIII. Benoît XIII. & leurs adherens.
lbid.
Il fe fait des parti fans en Allemagne ,
en ufant d'indulgence par rapport aux
difficultez que caufoit le Schifme. II.
109.
Il fe retire à Rimini. IL 1 10.
Grenade. Voyez Trancifcains , Jean XXIII:
Guerre ( Métier de la ) Danger .de ce mé-
tier. IL f. IL 29. 30.
Guiart (Jean) Archiprêtre de Poitiers ,'
porteur de la Citation de Benoît. I. p.
II. 10.
la Lettre qu'il écrit de Perpignan. I./\ II,
10. 11. 12.
Guillaume ( Evêque d'Orange) l'un des prt^
miers Croifez. II. 77.
Guillaume. Voyez Narbonne.
H.
HABILITATION. On propofe à
Grégoire & à Benoît l'habilitation des
deux Collèges des Cardinaux pour élire
un Pgpe. I. 202. & fuiv.
Les Cardinaux peuvent s'habiliter. I.p. II.
146.
Haiton. ( Jean ) Dominicain Anglois , com-
bat la voye de la CeiTîon. I. 101.
Il eft mis enprifon. lbid.
Halr.m. Voyez Alam.
Halttz. (Archevêché dans la Ruflie noire J
André en eft fait Archevêque. IL 103.
Cet Archevêché eft transféré à Lembourg
dans la même Province, ibi-t.
Halorki [Jofué). Voyezferôme de Sainte Toi,
Harcourt [ Loiiis de ) élu Archevêque de
Roiien. I. 246,
Hedviige ( Fille de Loiiis Roi de Hongrie^
Elle époufe le Roi de Pologne, & l'en-
gage à fe faire Chrétien. IL p. IL 1 36..
Htennut [Jeannet) dépêché à Rome , pour
parler a Grégoire XII. L 198.
Henri ï. [ Empereur ) fe croife pour la Terre
Sainte. IL 78.
Henri IV. [ Empereur) cité par Alexandre
II. I.5.
Il refufe de fe croifer pour la Terre Sainte;
II 7f-
Henri V. ( Empereur ) fon Traité avec le
Pape Calixte. lbid.
Henri, Roi de Caftilie. Sa mort tragique. I.
6j . Voyez André Hermire.
T À B
Henri IV. ( Roi d'Angleterre) pourfuic les
Lollards. II. 46.
Confpiration contre lui. II. zoj.
Sa mort de la lèpre. II. 104.
Henri V. ( Roi d'Angleterre) fuccede àHenri
IV. non fans oppofîtion. II. 104.
Son Edit contre les Lollards. II. p . II. 1 30.
Héraut (d'armes) Un Héraut d'armes de
Charles de Duras exécuté pour avoir
voulu empoifonner Loiiis d'Anjou. I.
Herefie, Voyez Obftinat'wn.
Hérétiques. Excommuniez par la Bulle In
Ccena. Domini. II. y 9.
Il faut lire leurs Livres, & non les brûler,
II. 87
Heimite ( Pierre 1' ) follicite une Croizade
pour la Conquête de la Terre Sainte. II.
76.
H ermite François envoyé par Clément VII.
à Urbain. I. $7.
Il fait le Prophète. Difcours qu'il tient à
Urbain. Ibid.
II elt arrêté, & confeiTe fon impofture.
I. f8. Voyez André.
On le renvoyé en France. Ibid.
Hefe (Henri de) Dcxfteur de Paris fe dé-
clare pour un Concile General. I. 60.
Traité de ce Do&eur là-deiï'us. I. 60. 61.
6h
Hibou. II. 114. VoyciJean XXIII.
Hildtbrand. VoyezGregoire VII. (Pape.)
Hildirmffen. [Guillaume de] Carme Fana-
tique & Sedtaire. II. 68.
Il fe retracte. II ' 68.
Hildesheitn ( Eglife de ] fon Evêque a pour
Bibliothèque unarfenal. II. j"i. jz.
Hymnes au détriment de la foi , blâmées.
I. 63.
Hommes (d'intelligence] Secte. II. 68.
Hongrie [la) reconnoît Urbain VI. I. 3;.
36. Voyez Loiiis , Ladtjlas , Sigifmend >
Jean XXIII.
Hugues ( le Grand ) Comte de Vermandois,
l'un des premiers Croifez. II. 77.
Hus [Jean] Docteur Bohémien. Il éclate
contre la Cour de Rome, l.p, IL 49.
Il eft fait Recteur de l'Univerfité de Pra-
gue l.p. II. fo.
Il appelle à Grégoire XII I. p. IL 134,
A Alexandre V. ibid. & I. p. II. 135.
Il eft cité devant l'Archevêque de Prague.
IL 47.
Il prêche contre l'Archevêque. IL 48.
Il refufe d'aller à Rome. IL 48. 49.
Il y envoyé des Procureurs. Ibid.
Il fe reconcilie avec l'on Archevêque.
. ibid.
L E
Il eft excommunié par le Pape. IL Si. Se
IL p. IL ioj.
Il fe retire de Prague. IL 8z. p. IL iof.
Il appelle à Dieu du jugement du Pape.
IL Si. 8;.
Il projette contre les procédures de fon Ar-
chevêque. IL 85. 8f.
Il fait (on apologie auprès des Cardinaur.
IL 86.
Il prêche pendant fa retraire contre le Pa-
pe, & les Cardinaux IL 86.87.
Ses Traitez pendant fa retraite. IL 87;
S8.
il revient à Prague , & prêche contre la
Croifade de Jean XXIII. IL 93.
Il eft cité devant l'Archevêque Albicus. II,
9h
Sa fermeté Chrétienne dans cette audien-
ce. II 93. £4.
Il fait afficher des Thefes contre la Croifade
de Jean XXIII. IL j>4.
Le fuccès de cette dilpute. IL 94. 9/.
Sa Chaire dans la Chapelle de Bethléem.
II. 9f.
Il reclame trois hommes qui avoient été
mis en prifon , pour avoir contredit les
Quêteurs. IL 97. 133.
On coupe la tête à ces trois hommes. II.
97- i34.
Le peuple enlevé leurs corps, & leur rend
des honneurs funèbres. Ibid.
Jean Hus en parle comme de Martyrs. Ibid,
Voyez Décapitez.. 97. p. IL 134.
Il réfute les Bulles de Jean XXULiii.^»
fuiv, 131.
Il défend les 4$'. Articles de "Wiclef, con-
damnez par l'Archevêque de Prague. II.
134. & fuiv.
Autres Traitez de Jean Hus. 140. 141. d»
fuiv.
Il défie huit de fes adverfaires de paffer
par la peine ou le jugement du feu. II.
i4f-
Son Confeil pour appaifer les troubles de
Bohême. IL p. II. 61 65.
Son Traité de l'Egliie. Il p. IL 71. é>
fuiv. 104.
IlcroitlePurgatoire.il. p. IL 71.
Il compofe divers Traitez pendant fa re-
traite. IL p. IL iof.
Il fait le Prophète , & fe trompe dans fon
calcul. IL p. IL 116. 117.
Ses Combats avant que d'éclater contre
l'Eglife Romaine. IL p- IL m. Tli-
Il croit les fept Sacremens de l'Eglife Ro-
maine. IL p. IL 113 •
Hutfmetz, (Ville, ou Bourg de Bohême)
Patrie de Jean Hus. IL 81.
DES MA
Sujfmetz ( Nicolas , Seigneur de ) Patron
de Jean Hus. II. 8x.
Hujfitts , acculez fans fondement d'avoir
empoifonné Sbinko. II. 89. 90.
Ils le liguent contre les Prédicateurs des
Indulgences. II. 97.
Trois Hu/Iîtes décapitez à Prague. II. $7.
h 11.154.
Ils réfutent l'Edit de Wenceflas. II. p. II,
65. 66. Voyez Docteurs,
h
JA c o B e l ( ou Jaques de Mife) Docteur
Eohemien , donne la Communion fous
les deux efpeces. II. 94.
Jacobins. Voyez Dominicains.
3a.gcU.cn. [ Ladiflas ) Roi de Pologne) il ad-
hère au Concile de Pife. I. p. II. 35.
34.
Il envoyé du bled aux Lithuaniens. I. p,
II. fo.
Le Grand Maître de l'Ordre Teutonique
fait confîfquer ce blé lbid.
Le Roi envoyé un Ambafladeur à ce Grand.
Maître, lbid.
Il publie un Manifcrte contre les Cheva-
liers. I. p. II. 51. II. 19.
Il remporte fur eux une Victoire complète.
II. 20.
Defcriptiondela baraille. II. xi.
Son Caractère. II. 22.
Il manque d'être tué. II. 22.
Il envoyé une AmbaiTade à Jean XXIII.
pour lui demander une Croifade contre
les Tartares. II. i<s>i. 161.
Il eft refufé. II. 103 .
Il va en Hongrie avec Sigifmond. II.
lOf.
Préfens que lui fait ce dernier. II. zo6.
Son entrevue avec Withold. II. 106.
Il établit le Rite Latin en la place du
Rite Grec , dans la Cathedralede Przmill.
II. 208.
Il convertit les Lithuaniens. II. p. II. 136.
& fuiv.
— ■ . - les Samogites. II. p. II. 138.
139.
Jean XII. ( Pape ) : Voyez Othon Empe-
reur.
Jean ( Duc de Bourgogne ) : Voyez Bour-
gogne.
Jean XXII. ( Pape] menacé d'être brûlé par
le Roi de France , s'il ne fe retracée. I.
173- 174.
Jean XXIII. [Pape.) Son élection. II. 2.
Cérémonies de fon couronnement. II.
a. 4.
T I E RE S.
Son Election forcée. II. f . 6%
Son Hiitoire , fon caractère, & les mœurs.
H.^.7.8.
Il notifie fon élection par tout. II. 8.
Il tente la converfion des Maures. II.
9.
Il révoque la Bulle d'Alexandre V. en
faveur des Moines Mendians. IL 10. 11.
Il eft reconnu à Rome. II. n. 12.
Il recommande Sigifmond pour Roi des
Romains. II. 13
11 rétablit les Eglifes de Hongrie. II. 14,
if-
Il envoyé en Pologne pour pacifier les Po-
lonois Se les Chevaliers. 11.23.
Il envoyé en France pour demander des
Décimes. II. 2?. 28.
Il entre dans Rome avec Louis d'Anjou.
II. 61.
Il fait traîner par les rues dans une
proceflion les Etendars de Ladiflas. II.
66.
Il rançonne les Romains. II, 15*7. ijg.
Il fait de nouveaux Cardinaux, lbid»
. Il fulmine contre Ladiflas , & le dépouille
du Royaume de Naples. II. 71.
Sa Croiluc'e contre Ladifl.is. II. 71.
m contre les Maures. II. 98.
Il indique un Concileà Rome. II. 103:
Il traite avec Ladiflas fous des conditions
honteufes. II. 107.
Il aflemble fon Concile à Rome. II. iii^
112.
Difcufîîon fur ce prétendu Concile. II.
1 12 1 13.
Avanture du Hibou clans ce Concile. Lï„
114.
Sa Bulle conti: les Huflites. II. uy. con-
tre Ladiflas. II. iif »
Son avarice, & fon avidité infatiable. II.
if 7. & fuiv.
Il confirme le Traité entre les Polonois
& l'Ordre Teutonique. II. 161. îCz.
Il accorde des privilèges à l'Univeriité
de Paris. II. 162.
Il s'enfuit de Rome. II. p. II. 3.
Defcription de cette fuite. II p. II. /. £»
180.
Sa Lettre au Roi d'Angleterre. IL p. II.
6. 7.
Il fe retire à Bologne. II. p. II. ?. 10.
Ses AmbafTides a Sigifmond. II. p. II.
7. 10. 1 1.
Il accepte malgré lui le choix de 1a
Ville de Confiance. II. p. II. 12. &
fuiv.
Il s'abouche avec Sigiftnond. II. p. IL
*4-
T A
Il donne une Bulle pour la Convoca-
tion du Concile de Confiance. II. p. II.
Il écrit en divers lieux contre les Huffites.
II. p. IL 57. si.
Jean (Porrugais Evêque deConimbre) puis
Archevêque de Lifbonne , fait Cardinal
par Jean XXIII II. é7.
Jeanne (Papeffe ) : Voyez Papijfe.
Jeanne I. ( Reine de Naples ) Ces démêlez
avez Urbain VI. I. 31. 33.
Elle adopte Louis d'Anjou pour Roi de
Naples. I. 44.
Urbain. VI. la tient prifonniere. ibid.
Charles de Duras la fait aflafTïner. Ibid.
Jérôme (Saint) Sa Lettre au Pape Damafe.
IL p. IL S 6.
Jérôme ( de Sainte Foi ) Médecin de Benoît
XIII. Do&eurjuif, converti au Chrif-
tianifme. II- 1 6 t.
Il écrit contre les Juifs. IL 1 66.
Précis de ce Traité. IL 166. 178.
Ce Traite fut lu en prefence de Benoît
XIII. de fes Cardinaux & de plufïeurs
Docteurs Chrétiens & Juifs. IL 166.
148.
Il eut la principale part aux Conférences
avec les Juifs. IL 178.
Ilétoit fort verfédans la Bible, dans les
Livres des Rabbins & dans le Thalmud.
II.179.
Son Traité contre les Juifs divifé en deux
Livres. IL 190.
Il ramaffe dans le fécond tout ce qu'il
y a d'abfurde & d'impie dans le Thal-
mud & dans les Rabbins. IL 191. 10 1.
Réponfes aux Livres de Jérôme de Sainte
Foi. II. loi.
Jerufalem prife furies Infidèles. IL 77.
Jejfmetz (Jean de] Avocat de Jean Hus. II.
48.
Images. On fe plaint de leur grand nombre
dans les Eglifes. I. 63.
Image (de J. C. ) formée tout à coup dans
une Synagogue fur les manteaux des
Juifs & fur le linge des Juives. IL
i6r.
Indulgences accordées aux Croifez. IL 74.
Quêteurs des Indulgences en Bohême ,
& leur emportement contre Jean Hus.
IL 97.
Ils font maltraitez par trois hommes qui
font mis en prifon IL 97.
Iniquité Fille du Diable & Mère de l'Ante-
dirift. 11. p. IL 113.
Innocent II . ( Pape ) cherche un azyle en
France. I. 4.
Innocent III. ( Pape. ] Sa Lettre à André
BLE
IL Roi de Hongrie. IL je.
Il oblige les Ecclefi^ftiques à fournît
aux Croifades, Se y contribue lui-même.
IL 7J- 79.
Il ordonne une Croifade contre les Vau-
do:s. II. 79.
Innocent IV. { Pape. ) Il défend aux Do-
minicains & autres Religieux de cqn-
feller fans permiffion duCuré. I. p. II.
izo.
Il ordonne une Croifade pour la Terre
Sainte. IL 79.
~— — — contre les Vaudois. Ibid.
»■■ contre l'Empereur Frideric IL Ibid,
Il condamne au feu les Livres du Thaï -.
mud. II. i66-
Innocent VII. Son élection. I. ijo.
Son caractère. I. 1 r 1 .
Il promet de céder. Ibid.
Troubles clans Rome après fon élection*
I. if r. !fi.
Il efè obligé d'en fortir, il y rentre.
Ibid.
Il fe fauve à Viterbe. I. irz.
Il notifie fon élection dans toute l'Europe.
I- if;.
Sa Lettre à l'Univeriuc de Paris & au Duc
de Berri. Ibid.
Il fait efperer l'union. I. if4.
Se rendfufpect. Ibid.
Affemble un Concile à Rome. I. 1 j- j-.
S'unit avec Ladiflas. Ibid.
Refufe un Saufconduit à Benoît XIII»
L IS6.
11 rentre dans Rome. Ibid.
Il excommunie Ladiflas & les Colonnes.
Ibid.
Il meurt d'Apoplexie. I. 160.
Lettre de Léonard Aretin fur cette mort.
I. 160. 161.
Il excommunie ceux qui avoient trempé
leurs mains dans le fang de l'Archevêque
d'York. IL zo3.
Mot de ce Pape fur cette exécution.
ib.d.
Intelligence ( Hommes d' ) SecFe. IL 6%.
Interdit ( d'un Peuple ou d'une Ville ) in-
juffce. IL p. IL 101. c£* [tiiv. Voyez
Saint Aug'/fiin.
Inveflitures ufurpées parles Papes. I. 4.
Jofcpb (Saint) Fête de ce Saint. IL p. II.
31. (j> fuïv.
Joffc. Voyez Moravie.
Italie. Sa difolation. IL 39. •
On y fait par tout des procédions pour
appaifer la colère de Dieu. IL 40.
Italiens. Leurs témoignages fur l'élection
d'Urbain. I. 14. &ftttv.
DES'MA
Jfinhi'é fousBoniface IX. I. m, m, u^,
126.
Judo, (Rabbin Compilateur de la Mifna )
fon calcul touchant la venue du MeiTîe.
II. 171.
Juge ( Marin de ) Cardinal d'Urbain , mis
àlaqueftion. I. fi.
Juifs. Ils demandent la protection d' Alexan-
dre V. I.f.II. 96.
Ils font chailez d'Allemagne. II. f4.
Ferfecutez partout. II. y 4. ^.- j£.
Loix des Empereurs , des Conciles & des
Papes en leur faveur. II. y 4.
Convention des Juifs en Arragon. II. 164.
(3» fuiv.
Quelques-uns d'entr'eux écrivent pour la
ReligionChretienne.il. \66.
En quoi ils conviennent & en quoi ils
différent d'avec les Chrétiens. II. t68.
169.
Leurs principales objections. II. 168.
1(9.
leurs Docteurs appliquent au Meflie les
partages que les Chrétiens appliquent à
J. C. II. 170. 171. 172. 175.
Ils-font accufez d'avoir corrompu le texte
Hébreu par leurs propres Docteurs. II.
174.
- ■ d'avoir retranché quelque chofc
de l'Hiftorien Jofeph & duThalmud. II.
176.
Leur difperfion & leur ruïne caufée par
leur incrédulité & leur haine contre le
Meffie. II. 176.
Leurs Conférences avec les Chrétiens en
Arragon. Voyez Conférence.
\ Ils font peifecutez fous Benoît XIII. II.
180. 181.
Ils tâchent de gagner par argent les
Evêqucs pour finir la Conférence. II. 187.
Jungen (Ulricd'J Grand Maître de Pruf-
fe, il arrête les Navires chirgez de bled ,
que Ladiflas envoyoit en Lithuanie. I.
p. II. fO. fi.
Il fait piller les Marchands de Ranguenet
dans la Pruiïe Ducale. Ibid.
farifprndence Ecclejiaftique nouvelle. I. 1 3 .
K.
KUrouski ( Nicolas ) Archevêque
de Gnefne, il eft envoyé par Ladiflas
au Grand Maître de Prufie. I. p. II.
Il parle fièrement à ce Grand Maître.
Ibià.
Il eft accufé d'avoir voulu violer la Reine
de Pologne. II. jqz.
T ï E R E S.
Il tombe de cheval , & meurt. Ibid.
L.
LA di sla s Concurrent de Loiiis d'An-
jou au Royaume de Naples. I. j7.
Boniface IX. lui adjuge ce Royaume &
celui de Hongrie. I. 64.
Il pacifie Rome après l'avoir broiiillée. I.
IjZ.
Il entre dans Rome & en eft chafle. I.
Il y rentte triomphant. I. 2Zj. p. II. loi
Il troub'e le Concile de Pife par des hofti-
lirez. I.p. II. 73 74.
Il y eft excommunié par Alexandre V. I.
p. II. 130.
Il eft battu par Loiiis d'Anjou, t. p. IL
ijz.
1 Par Paul des Urfins.I.f. IL 13 3»
1 Par Loiiis d'Anjou. II. 64*
Fait un Traité honteux avec Jean XXIII.
II. 107. & fuiv.
Il viole le Traité & s'empare de Rome. II.
m.p. II. z. ?.
Sa cruelle tyranniedanscetteVille.il. p,
II. J. 4.
Pille les Marchands de Rome. II. p. II.
4. S • & fu'v-
Ses perfidies. II. p. II. 9. 10.
Langlei ( Thomas Anglois ) Evéque de
Durham , fait Cardinal par Jean XXIII.
II. 66. 69.
Latran ( Concile de ) autorife la Croifade
pour la Terre Sainte. II. 79*
Laudo ( François ) Patriarche de Grade ,
fait Cardinal par Jean XXIII. IL
«4-
Légats de Grégoire XII. arrivent a Paris.
I. 107.
. de Benoît à Grégoire. I. 21 6.
■■ de Benoît au Concile. Voyez
Benoît & Pife.
Légats (des Papes ; quels ils doivent être.
II. 10.
Légats i Les Légats du Pape font les jambes
de P Antechrift. II. p. II. m.
Légations, lesquelles font illégitimes. II.
149. &[uiv. .
Lèpre. Voyez Henri IV. ( Roi d'Angleterre.)
Libère (Pape) Arien. II. p. IL 79-
Libertez de l'Eglife Gallicane. I. in..
Liechtenstein ( George de ) Evêque de
Trente, fait Cardinal par Jean XXIII.
II. 69.
Liège ( Ville de ) Schifme & Guerre de Liège.
I.p. 11. 17, 18.
t A B
Liège { Jean , Cardinal de ) le premier des
Cardinaux qui fe rend à Pife. I. 223.
11 eftpourfuivipar Grégoire. 1. 130.
Sa réponfe à Theodoric deNiem.I.223.
Il s'oppofe au deflein de Grégoire de
faire de nouveaux Cardinaux. I. 130.
Zicgeois , ils font défaits par Jean Duc de
Bourgogne. I. p. II. 27.
Ligue contre Ladnks de Hongrie. I.p. II.
131.
Zincûln (Robert G reflète, Evêque de) fléau
delà tyrannie Papale. II. i46.
Sa fermeté à s'oppoièr à Innocent IV. Ibid,
& II. p. II* 90- 91.
Zinïngen ( Godefroi de ) élu Archevêque de
Mayence ne peut joiiir de cette dignité.
I.p. II. 109.
Lithuaniens , leur Culte. II. p. II. 1 j £.
1 37-
Zythomïls (Jean, Evêque de) fon confeil
pour appaifer les troubles de Bohême,
IL?. II. 63.
Il réfute le confeil de Jean Hus. Ibid.
Livonie ( Chevaliers de ) Tort-épées , vont
au fecours de Conrad de Mafovie. II.
17.
Livonie. La Polygamie y eft commune. I.
Livoume (ou Ligourne ) Ville d'Italie appar-
tenant à la France. I. p. II. 3.
Les anciens Cardinaux de Benoît s'y reti-
rent. I. p. II. 4.
Les Cardinaux de Pife les y vont trouver.
Ibid.
Ils s'y réunifient. Ibid.
Négociations de Livourne. I. p II 4. 7.
Lodi ( Ville ) Conférence entre l'Empe-
reur & le Pape dans cette Ville. II ]>. II.
14. if.
Lollards , Se&e en Angleterre. II. 44. &
fuiv.
Leurs opinions. II. 44. 203. f. II. -130.
Supplice d'un Lollard. II. 46.
Demandes qu'ils font , rejetcées. II. 4^.
47-
L'origine de ce mot. II. p. II. 130. Voyez
Htmi IV, Henri v ( Rois d'Angleterre.)
Lcrvaine (la) fe déclare pour Clément VII.
I. 36
Louis, Roi de Hongrie, envoyé à Clément
VII. pour le prier de reconnoître Urbain
VI. I. 36. 57.
Louis. Voyez Orléans , Anjou.
Louis VII. ( Roi de Prance ) ià déroute en
Orient-. II. 77.
Louis IX. (Saint) Roi de France, défait
LE
& pris priionnier en Terre Sainte. IL,.
"9-
Lovas [ le Débonnaire , Empereur ) con-
firme les Privilèges des Papes. II. p. II;
82.
Lucius III. (Pape) Il publie une Croifa-
de contre Saladin Soudan d'Egypte. IL
p. IL 8i.
Il écrit à Saladin. Ibid.
Lacques. Voyez Grégoire.
Lune (Pierre de) Cardinal d'Arragony
affifte à l'élection d'Urbain VI. I. f.
Si le tonnerre tomba fur la Cellule de ce
Cardinal. I 9.
Il fort du Conclave entouré de Romains ,
ce qui fait courir le bruit qu'on l'emmenc
prifonnier. I. rr.
Il eft Légat de Clément VII. à Paris , où
il traverfe l'Union. I. 71.
Il eft élu Pape fous le nom de Benoit
XIII. II. 73.
Il promet dans le Conclave d'embraiTer
la voye de la Cefïïon. Ibid. Voyez Benoit
XIII.
Lune ( Frédéric , Comte de ) Fils naturel
de Martin Roi d'Arragon. I. p. II. 48.
Benoît XIII. levé cet obftacle pour la
Succeflîon du Royaume de Sicile. Ibid. &
II. 3 6.
Lune (Antoine de] Voyez Sr.rragoffe.
Luxembourg ( Pierre de ) Cardinal de la
création de Clément VIL fa mortàlagc
de dix-huit ans. I. jS.
Prétendus miracles faits à foniepulchre.
Ibid.
Doutes fur ces miracles. I. 5-9.
Pierre d'Ailliveut engager Clément VII.
à canonifer Pierre de Luxembourg,
Ibid.
Il ne le fut qu'au feiziéme Siècle. L S9>
t
M.
MAcon ( Pierre de Juis,. Evêque de)
envoyé a Paris par Benoît pour fou-
tenir les intérêts. I. 110.
Mahomet ( Roi de Grenade. ) IL 9.
Maillefec ( Gui de ) Cardinal , il prélldeau
Concile de Pife. I.p. II. 38.
Ses emplois. Ibid.
m, Evêque & Cardinal de Poi-
tiers, l'un des Cardinaux de Benoit. I.
••39- "•'.
Maimonides ( Mo'ife ) fameux Rabbin , au-
torife l'abolition des Cérémonies. II.
Il applique au Meffie le paflage de la Gc-
nelè. XLIX 11. II. ) 7 6.
DES MA
Mn'frtefta \ Charles de ] Prince de Rimini ,
il va au Concile de Pife de la part de
Grégoire. I. p . IL y 9. 60.
Il confeille à Grégoire Ton ami de ne point
aiïembler de Concile. 60.
Il négocie inutilement avec les Cardinaux
pour changer de heu. I.p. II. 60.
Manuel. Voyez Emanuel.
Maramaur [Landolphe de] Cardinal, en-
voyé à la Diète de Francfort par les Car-
dinaux de Pife. I.p. IL z8.
Envoyé en Efpagne par Alexandre V. &
par Jean XXIII. II. 9.
Marcelin [ Pape] I. p. II. 147.
Il encenfe aux Idoles. II. p . II. 96.
Marguerite^ Reine de Naples , Epoufe de
Charles de Duras , fu conduite avec Ur-
bain VI. I. 48.
Marguerite [ l'Aquilonaire ] Reine du Nord,
II. 102.
Ses conquêtes , fa mort. IL 101.
Henri fon Fils renonce à fa Succeiîîon pour
vivre dans la retraite. IL 201.
Elle le condamne au feu. IL ioz.
Uenéchape.J&W.
Il va à Rome & meurt en Italie, ibid.
Marino [pilco] Archevêque de Gènes. I.
if6.
Il harangue les AmbaiTadeurs de France.
I.p. II. 30. 31.
Son Caractère. Ibid.
Son Traité delà Reformation de l'Eglife.
I.p. II. 31. 31.
Il fe retire dans une folitude voyant la col-
Jufîon des Concurrens. I. p. II. 106.
Il fe trouve au Concile de Pife. Ibid.
Marie [Henri de] Chancelier de France,
fon caradere. IL p . IL 12'.
Marfedle. Voyez, Ambafadeursde France.
Martin [ Roi. de Sicile , ] fa mort. L p. IL
48.
Martin [ Roi d'Arragon, ] fa mort. I. p. II.
49. Voyez Arragon.
Martin IV. (Pape] accorde aux Moines
Mendians la liberté de confeller par
la permiffion des Légats du Pape.I. p. IL
121.
Martyrs, Les trois hommes , décapitez
pour avoir contredit les Quêteurs ,
font regardez comme des Martyrs. IL
97.
Mafovie (Conrad Duc de] appelle à fon
fecours les Chevaliers Teutoniques con-
tre les Prufliens. IL j7.
Son Traité avec eux. IL 17. 1?.
Maures, ils exercent de grandes cruautez
centre les Chrétiens d'Efpagne. IL
Si.
T ï E R E S.
Us obtiennent de Ferdinand une Trêve»
Ibid. Voyez Jean XXIII.
Maurice [de Prague] Docteur, obtient
d'Innocent VIL un Bénéfice à Prague.
IL'MI. 92.93.
Mc.yence [ Archevêque de] Difpute de fe$
Ambailàdeurs avec ceux de l'Archevêque
de Cologne. I.p. IL 73.
Meliorato [ Cofmato , Cardinal ] Voycfc
Innocent VII.
Ses Dignitez avant que d'être Pape. I,
Meliorato [ Louis ] tué' onze des Gouver-
neurs de Rome. I. ifi.
Mémoire des Ambaflàdeurs de Robert con-
tre le Concile de Pife. Voyez Robert ,
Concile de Ptfe.
Reponfe à ce Mémoire, ibidem.
Réfutation de cette reponfe. I.p, II. i/o»
ifi.
Mendians. Voyez Moines.
Mejfe , lue en Hébreu , en Grec , & en La-
tin au couronnement d'Alexandre V.
I.f. II. 96.
Mejfie. Ses caractères félon les Juifs. II.
142.
Milan [Jean GalealTe Duc de] s'empare
du Peroufîn. I. i2r.
U veut faire empoifonner l'Empereur Ro-
bert. I. 132.
Son défi à cet Empereur. I. 133.
Il défait les Allemands. I. 133.
Il meurt. I.ïjj.
Milanois (le) érigé en Duché & vendu à
Jean GaleaiTe par "Wenceflas. I. 129.
Minutolo (Henri, Cardinal de] fon Hif-
toire , fon Caractère & fa mort. IL 61,
6i.
Miracles. Voyez, Terrier,
Mifna. Ce que c'eft. IL 167.
Moine. Mot d'un Moine qui ne jeûnoic
plus depuis qu'il étoit devenu Abbé. I.
iSf.
Moines. Defcription de leurs défordres. L
84.
Leurs ufurpations fur les Ordinaires au
fujet delà Confeffion & de la Prédica-
tion, I.p. II. 119. 122. IL p. IL 1 18.
Leur difpute à Avignon avec Richard
Archevêque d'Armach. I. p. IL 121.
Voyez Gorel.^
Bulle d'Alexandre V. en leur faveur , ré-
voquée. IL 10.
Leur caradere. IL p . IL uf.
Us font les entrailles du Pape. IL p. IL 11?.
Montagnards ou Contadins envoyez par les
Romains pour forcer les Cardinaux»
élire un Pape Italien. L 9.
T A
Iftntatgu [Gérard de ] Evêque de Poitiers,
fuccede à Orgemont dans l'Evêché de
Paris. l.p. II. 07.
Il affemble un Concile contre la Doctrine
de Jean Petit. IL p. II. 38.
Montxigu [ Jean de ] Grand Maîtrede Fran-
ce ) le Duc de Bourgogne lui fait couper
la tête. II. p. II. 43.
Montaigu (Jean de) Archevêque de Sens
perfecuté par la Faction Bourguignone.
II. p. II. 43 44.
Il quitte la Mitre pour l'épée- II. f . II. 4+.
Il eft tué dar.s une bataille. Ibid.
Moxtefon (Jean de] Docteur Dominicain ,
condamné par l'Uiuveriitê de Paris. I.
I4f.
"Moravie ( JolTe Marquis de ) & de Brande-
bourg, élu Empereur par quelques-uns
des Electeurs. Son caractère. Sa mort.
I. 130 II. 13.
JAota [ Antoine de ) Evêque de Boulogne ,
neveu de Grégoire XIII. envoyé de fa
part à Benoît. I. !9f. 197.
Il va en France annoncer les bonnes dif-
poiuions de fon Oncle I. 198.
hloyfc [ le Prédicateur ] Rabbin du Siècle XI.
ÎI. 171. 175.
N.
BLE
& Secrétaire d'Urbain VI. I. 17. &
fuiv.
Son récit fur l'élection de ce Pape. I. 17,
C^> fuiv.
Il fut l'un des Commiflaires des Cardi-
naux prifonniers d'Urbain VI. I. yo. &
fuiv.
Difcours judicieux & hardi qu'il tient
au Pape en faifant fon rapport. I,
JO.
Il tient la plume lorfqu'on donne la
queftion aux Cardinaux d'Urbain. I. ri.
jz.
Son Apologie. I 222. & Préf. art. IX.
Sa Lettre à Grégoire XII. I. 114.
115.
Jugement qu'il fait de Jean Dominique.
I. 232.
Nocera [ Ville du Royaume de Naples }
Charles de Duras la donne au Neveu
d'Urbain. I. 47.
Le Pape s'y retire. Ibid.
Il y fait donner la queftion à fes Cardi-
naux. I. jo.
NadUc (Philippe de) a la garde du Con-
clave au Concile de Pife. I. p. II 90.
Rouiller [ Guillaume de ) Légat de Bologne
pour Grégoire XI. II. if?.
Sa tyrannie. Ibid,
NA p l e s ( Royaume de ] Voyez Char-
les dt Duras. Jeanne Rei/ie de Naples.
Vrbain VI.
Narbonne [ Guillaume Vicomte de ] foutienr
les Génois. II. 98.
Najîau (Jean de) élu Archevêque de Mayen-
ce contre Liningen. I p. IL 10^.
Son Caractère, ibidem.
Naucler (Hiftorien Allemand ) Son récit
de l'élection d'Urbain VI. I. 2 4.
Nellenbourg ( Ebrehard Comte de] Miniftre
de Sigifmond. Il propofe la Ville de
Confiance. II p. II. ,5-.
Neutralité en France & en plufîeurs lieux de
l'Europe. I. 2 ,0.
Provifion des Bénéfices pendant la Neu-
tralité. II. 33. cyfurj.
Nicolas , Moine qui confoloit Urbain pen-
dant le Sùge de Nowera. I. y 3. ç4
Nicolas II. ( Pape.) Son aveu fur la Simo-
nie delà Cour de Rome. ll.p. II. 86.
87.
Nicolas 111. Voyez Dominicains.
Nider (Jeai,] Dominicain , fon conte d'un
Pommier fertile au fort de l'hyverdans
le Diocefe de Bamberg. II. 16J. Voyez
Pommier.
Niem [ Theodoric de ) Hiftorien Allemand
O.
OB'i D 1 e N c e : Voyez Vrbain VI. cXe*
ment VII. Benoit XIII. Bonifiée IX.
Grégoire XII. Reftitution. SouftratHon.
Obéiffance. Diverfes fortes d'Obéïiiànce. II.
p. II. 8 8. &fuiv.
Obftination dans le Schifrne emporte here-
fie. I. 164. 188. 189.
Occident. Origine du grand Schifme d'Oc-
cident. I. y. & fuiv.
Oldcaftel ( Jean Lord de Cobham. ) 11 eft
Chef des Lollards ll.p. II. 131.131,
* Il eft arrêté. IL p. II 132.
Il échappe de la prifon.II./>. II. 133.
Son procès. II. p IL 13 y. 136.
Il eft exécuté. II. p. II. x 3 f. 136.
OUfc-.n'tcz : ( Sbinko d' ] Secrétaire du Roi
de Pologne couvre le corps de fon Maî-
tre. II. 12.
Il refufe des emplois militaires. Ibid.
Il eft fait Evêque de Cracovie. Ibid.
Ordres (Religieux] On fe plaint de leur
diverfîté I. 63.
Ordre [ de Prêtrife. ) Différence entre l'Or-
dre & l'exercice de l'Ordre. I.p.U n ;.
L'Eglife peut ôter le dernier & pas l'autre.
ibid.
Crgemcni
DES MA
Crgemont (Jean ] Evêque de Paris , Alexan-
dre V. lui notifie fon élection. l.p. II.
96.97*
Il meurt. l.p. II. 97.
Orléans [ Loliis , Duc d' ] favorable à Benoît.
I. 1 14. 136.
■ à Wenceflas. I. 131.
Il fait tirer Benoît de prifon. I. 13^.
Il lui faix reftituer l'Obédience. I 141.
Il lui envoyé une Ambaflade qui fut mal
reçue'. I. 144.
Il va trouver lui-même le Pape. Ibid, &
148.
Ileftaflaflïné. l.p. II. 16. ll.p.ll. ay.i8.
Orléans. { Ducs d'Orléans ) pourfuivent l'af-
fafîînat de leur pcre. II. 41. p. II. 36.
Ils envoyent un Cartel de défi au Duc de
Bourgogne, ibidem. Voyez Epigramme. II.
41. Ml. 3*. 37-
Orlesmois , Faction en France. II. 41. 43.
99.
Ofée (Prophète) fa Prophétie appliquée à
l'Eglife Romaine. II. p. IL 120.
Ofias ( Roi ] Il vouloit chanter Méfie. I.
i8x.
Othon I. (Empereur] fa déroute en Orient.
II.77.
Il confirme à Jean XII. les Privilèges ac-
cordez par fes Prédeceiïeurs. IL p. II. 8 r .
Othon. [ Empereur ) afïemble un Concile
où Jean XII. eft dépofé. I. 164.
Oit on. Voyez Brunfw.ch.
Oxford ( Univerfité d') fon témoignage en
faveur de Wickf. IL 88.
P.
PAiEOtocUï [ Empereur Grec ] Il
envoyé demander dufècours par toute
l'Europe IL p. IL 11.
Talerme ( Abbé de ] célèbre Jurifconfulte. IL
70.
Il fut Archevêque de Palerme , puis Car-
dinal de la création de Jean XXII. Ibid.
Palefitne ( Cardinal de ] lit la Sentence ,
&c. l.p. IL 4f.
Paletz [ Eftienne Docteur Bohémien ] Ad-
yerfaire de Jean Hus. IL 14:. ifi.
Talltum [ d'Archevêque ] Vaine cérémonie.
I. p. IL 14g.
Pampelune [Cardinal de] parent & partifan
de Benoît. I. 9 7 . & fuiv.
Reproches que lui fait le Cardinal d'Albe.
I. TOI.
Il n'eft pas reçu en France, où Benoît vou-
loit l'envoyer. I. 109. 110.
Il affifte comme témoin au Traité d'Avi-
gnon. I. 139.
T I E R E S.
Pancerino. [Antoine) Patriarche d'Aqui-
lée. Fait Cardinal par Jean XXlII. II.
66.
Tapes, Dix Papes dépofez pour leur mau-
vaife conduite. I- 106.
Il eft permis d'appeller des jugemensdes
Papes. Ibid.
Us (ont frères des autres Evêques. I. 186.
Us n'ont pas plus de droit qu'eux à l'élec-
tion des Evêques. ibid.
Us font obligez à céder pour l'Union de
l'Eglife. I. 188.
Us doivent être dépofez , Se pourfuivispar
le bras féculier , quand ils font parjures,
I. 189.
Us font Hérétiques & Schifmatiques, s'ils
entretiennent le Schifme. I. p. IL 142.
]43.
Divers Papes chaflez. II. p. II. 87.
On peut reprendre & corriger les Papes;
IL p. II.94. 9J".
Divers cas où ils peuvent être dépofez;
Voyez Gerfon.
Papes. Voyez Evêques de Rome.
Pzpcjfe (Jeanne) IL Z44. p. IL 71. 79.
Paris. Voye-z.Jlj[$mblée. Concile. Univerfité.
Vacances de cette Egli/e. I. 187.
Parjure. Voyez Papes.
Pafchal II. [Pape] Il cherche un azyleen
France. I. 4.
Il envoyé un Légat en Terre Sainte. II.
77.
Il publie une Croifade pour la Terre Sain-
te. Ibid.
Pavilli (Euftachede] Carme: fon Difcours
au Roi pour la paix. IL p. IL 2r. n.
Son caractère. II. p. IL 24.
Pendre. Voyez Fils.
Pépin (Roi de France) fuccedeà Childeric
LI. 18e.
Perfection [ Evangelique] Ce que c'efh II.
p. II 117. 128.
Perpignan [Concile de) Voyez Benoit. & I.
p. IL s ij. 16.
Perron [ Bernard du ) Elu Evêque de Nan-
tes pendant la Souftradion. I. 186.
Transféré par Benoît à Tréguier au Nord
de la Bretagne. Ibid.
Perfecnteurs. Leur portrair. II. p. IL 128.
Perfona [Gobelin) Hiftorien Allemand,
fon récit de l'éledrion d'Urbain VI. I.
19. 20. 21.
Pervis ( Theodoric de ) élu Evêque de Liège
contre Jean de Bavière. I. p. IL 2f.
27'
Confirmé par Benoît. XIII. Ibid.
Tué devant Maftrichr. I. p. IL 27.
Pervis (Henri de] Général des Liégeois ?
H
T A B
tué dans la Bataille de Maftrickt. I. p. II.
*7-
Petit [Jean) Doâeur de Paris, il plaide
pour PUniverfïté de Paris contre Cha-
lant Légat de Benoît. I. ifS. 164. Hf.
Il conclut à la Souftraétion. I. 166.
Il prend le parti de l'Univerfité contre
Pierre d'Ailli. I. 16 f.
Il harangue contre le Pape. 1. 18 j.
Il fait l'Apologie du Duc de Bourgogne.
I. p. II. z6. II. p. II. 19. 3f. & fuiv.
Sa Doctrine efl condamnée en France. II.
p. II 38. 49. yo;>
Ses Propositions réfutées, Ibid.
Petit [Dominique le] Envoyé de France
au Concile de Pife. I. p. II. 7Z.
11 y fait un Sermon. Ibid.
Philargi [ Pierre ) Cardinal dit de Candie ,
Archevêque de Milan : fon Sermon au
Concile de Pife. I p. II. 39.40. Voyez
Alexandre V.
Philippe [leBel)Roi de France , fa vigueur
contre Boniface VIII. I. 4.
Philippe Augtifle (Roi de France. ) Il fecroife
pour la Terre Sainte. II. 78.
lierre ( Cardinal de Saint] On feint de l'é-
lire Pape. I. 7 ïi. 1 . 1 f.
Il déclare qu'il n'eft point Pape. I. iz.
if.
Pierre (Saint] Il eft Chef du Collège Apo-
ftolique , Se non de l'Eglife univerlèlle. II.
t- n. 7f.
Pietra (Santa) Ville d'Italie, où Grégoire
veut s'aboucher avec Benoît. I. 11 S. 119.
Pifans. Leurs démêlez avec les Papes. I p.
II. m. é> fuiv.
Pife ( Ville ) occupée par les Florentins. I.
161.
Les anciens Cardinaux de Grégoire s'y
retirent I. 130.
Il s'y trouve des A mba {fadeurs de plufieurs
Royaumes. I. p. II. 9.
La plus grande partie de l'Europe convient
d'ailembler le Concile General à Pife. I.
p. II. 3 3.
Doutes fur ce Concile. I. p. II. 34. 3 $-.
Situation de la Ville de Pife. I. p. II. 34.
3î. 36.
Elle appartient à l'Empire. I. p. II. ifo.
Pife ( Concile de) l.p. II. 34. 107.
Dénombrement des Membres du Concile
de Pife. I. p. 11.3e. 37. 4;. 46. 166. &
fuiv.
Cérémonies de ce Concile. I p. IL 40.
Il autorife les Cardinaux à élire un Pape.
l.p. II. 87.
Clôture de ce Concile. I. p. II. 1C7.108.
Mécontentemens touchant le Concile de
L E
Pife. I. p. II. 107. 113. 145.
Apologie du Concile de Pife. I. p. II. 117."
& Préf. IX. &fuiv.
Plaifance. (Ville) Entrevue du Pape Se
de l'Empereur dans cette Ville. II. p. II,
14.
Plaoul ( Pierre] Dofteur de Sorbonne, ha-
rangue pour l'Un iverfîté de Paris, contre
celle de Touloufe. I. 1 f 9.
Il harangue contre les Concurrens.1. 178.
& fil IV.
Son Sermon au Concile de Pife. l.p. II.
78.
Platine. ( Hiftorien Italien ) Son témoi-
gnage fur l'élection d'Urbain VI. I. z6.
Se Préf. XIX. & fuiv.
Poliac (Jean de) Théologien de Paris : Ces
Théfes contre les Moines Mendians, L
p. II. m.
Jean XXII. fulmine contre lui. Ibid.
Valogne. Saints de Pologne. II. 17.
Polygamie, Voyez Livonte.
Pommier ( Miraculeux ) Il produit du fruit
au fort de l'hyver , & au milieu des nei-
ges le jour de Noël. Il.léf.
Ce fait efl: attefté au Concile de Conf-
iance, & au Concile de Balle. II. 165.
Pontoife { Ville ] Paix de pontoife.II. p. IL
10.
Poflsgne ( Pierre ) Gouverneur du Château
Saint Ange, en refufe les clefs à Urbain
VI. I 31.
Sa Lettre aux Cardinaux d'Avignon. Ibid.
Les Cardinaux lui ordonnent de reftituer
le Château Saint Ange à Urbain VI.
Ibid.
Potcntinns. ( Gentilhomme Napolitain ) Dév
couvre un Empoifonneur. Voyez Héraut
d'Armes.
Pragu: { Jérôme de ) Docteur Bohémien :
il s'unitavec Jean Hus. II. 50.
Ses voyages. Ibid.
Ses démarches violentes contre l'Eglifc
Romaine. II. 51. 5Z.
Son Difcours dans la difpute de Jean Hus.
II. 9;.
Il eft jugé plus favant que Jean Hus. Ibid.
Prague. (Ville) Les Archevêques de Pra-
gue font Primats du Royaume , Princes
de l'Empire , & Légats nez du Siège de
Rome. II. 9Z.
Prat ( Du ] Sa négociation pour l'élec-
tion d"un Succefïeur a Benoît XI. I. 4.
Il abandonne Urbain VI. I. jj-
Son caractère. I ff. $6.
Prignano (Barthelemi de) Archevêque de
Bari, élu Pape fous le nom d'Urbain VI.
I. ji.
DES MATIERES.
$©n caractère. 9. 10. Voyez VrbainVI.
Ttrignano. Voyez Butillff.
Rrufîe. Voyez Chrétien»
Truffions. Voyez Mafovie.
RrzemiU. ( Ville en Pologne ] Voyez Ja-
gellon.
Tuiffance ( Ecclefiaftique ) En quoi elle con-
fiée. II. p. II. 7 6. & fuiv.
Fyrrhonifme hifioriqut.l. ijj.
CL
Question, (ou Torture ) Voyez
Vrbain VI.
Ghiêieurs. Voyez Indulgences. Sangre. Do-
nat. Ejion. Cncurne.Juge.
R.
RÂban. (Pierre) Evêque de Saint Pons,
blâme hautement l'emprifonnement de
Benoît. I. 11,6.
Raymond [de Baucio des Urfins ) fils du
Comte de Noie, amené un Corps de
troupes à Urbain VI. dans Nocera.- I.
f 1.
Il tire ce Pape âc Nocera. liid.
Raymond , Comte de Touloufe , l'un des
premiers Croifez. II. 76.
Ricanati (Jean ) Noble Vénitien méprifede
cet Auteur. I. p. II. 10.
Réfcrmatitn de l'Eglife dans le Chef &
dans les Membres. Voyez Alexandre
V.
Régents (de France] pendant la minorité de
Charles V. 1.39.
Réponfe qu'ils font aux Ambafiadeurs de
Caftille & de Hongrie fur le fuiet d'Urbain
VI. I. 40. 41.
Leurs jaloufïes troublent la France. I.
39-
Régis ou le Roi ( Pierre ) Abbé du Mont
Saint Michel: il harangue contre Benoît.
1.}7S.
Il foutient la fuperiorité des Conciles gé-
néraux fur les Papes. 1. 176. 177.
Il va à Rome de la partduRoi de Prance.
I. 407.
Renonciation. Le Pape peut la faire par Pro-
cureur. I. p. II. 144.
■■ & en quelque lieu que ce foit.
lbid.
Rheims. Affemblée à Rheims pour l'Union
de l'Eglife. I. 107.
Richard I. (Roi d'Angleterre ) fe croife
pour la Terre Sainte. II. 78.
Richard Archevêque d'Aimach. I.f.II. \iz.
Voyez Moines.
Rico, puiffànt Arragonois. II. CO.
Rite ( Latin ., Grec. ) Voyez , Jagelloni
Robert, Cardinal de Genève, élu Pape fous
le nom de Clément VII. 11. iz. *}.££»
fuiv. Voyez Clément VIII.
Robert, Duc de Bavière, Electeur Pala-
tin : fa Lettre à l'Empereur pour le dé-
tourner d'aller à Rheims. I. 107. Ô»
fttiv.
Il eft élu Empereur. I. 130.
Il notifie fon éledion à Boniface IX. ijo.
Il afîiege Francfort , & y eft reçu. I. 1 30.
Il envoyé en Arragon. I. 131.
Il va en Italie. Ibid.
Il y eft battu & fe retire. I. 133. 134.
Il fait accueil au Légat de Grégoire à 1*
Diète de Francfort, l.p. IL 18.
Il tient pour Grégoire Se quitte la Diète,
lbid.
Il envoyé des Ambafiadeurs à Grégoire.
lbid.
Il n'eit point reconnu pour Roi des
Romains au Concile de Pife. I. j>. II.
fi.
Ses Ambafiadeurs à ce Concile ont au-
dience dans une Congrégation. I. p. II,
Leurs raifons contre le Concile de Pife. I.
p. II. Si- J4-
Ils fe retirent fans prendre congé. I. p. II,
S7-
Robert appelle du Concile de Pife à un Con-
cile légitime. I.p. II. 58.
Il fait des plaintes d'Alexandre V. l.p. II.
108. 109.
Sa Lettre circulaire aux Evêques d'Alle-
magne contre le Concile de Pife. I. p. IL
150. &fuiv.
Son Hiftoire , fon caractère , fa mort. II*
12.
Rcfiitution [ d'Obédience ) Voyez Charles
VI. Benoit XIII,
Conditions de cette reftitution. I. 141.
141.
Robert (Duc de Normandie, ) l'un despre-
miers Croifez. IL 76.
Rcbeit (Comte de Flandres] l'un des pre-
miers Croifez. II 76.
Rodolfis [ Laurent de ) Docteur de Florence,
fe déclare pourla Gcffîon , & pour la con-
vocation d'un Concile par les Cardinaux.
I. p. II. né.
Romains. Leur délibération fur l'élection
d'un fucceffeur à Grégoire XL I. 7,
S.
Ils s'obftinent à avoir un Pape Romain ou
Italien. Ibid.
H îj
TAB
Leur violence pour en venir à bout. Ibid.
Rome def blée en l'abfence de neuf Papes refi-
dens à Avignon. I. j.
Troubles dans Rome après l'élection d'In-
nocent VII. I. if i, iji.
Les Evêques de Rome s'élèvent au defliis
des Empereurs & des Rois. I. 3.
Revenus de l'Eglife de Rome. I 187.
Concile de Rome. VoyezJexa XXIII.
La Ville de Rome eft le fiége propre de
l'Antechrift II. p II. 1 1 5.
Rome ( Evêque de ) Il n'eft le premier que
dans ion Eglife II. p. II. 7f.
Rofe i'or Voyez Alexandre V. Origine de
cette cérémonie. I. p. II. 1 36.
Royi (Gui de] Archevêque de Rheims, pour-
suivi pour adhérer à Pierre de Lune. I.
iî8-
Il fe plaint du Clergé de France. I. 147.
Il n'accepte point la neutralité, ibid.
Ii eft cité. Ibid.
Sa mort tragique à Voutre près de Gènes.
I.p. II. 31 jj.
11 eft inhumé à Gènes l.p. II. 33.
S.
SAints. Leur culte eft une invention du
Diable. II. f. II. n8. 115».
Leurs miracles fonufuppofez. II. f. II.
119*
S.dadin (Soudan d'Egypte] il afïïege &
prend jerufalem. II. 77. 78.
Salamandre. Voyez Elit^er.
Salamanque. Voyez faner.
Salijburi. Voyez AUm.
_ ( Synode de ) 11 révoque toutes les
concertions accordées aux Moines. I.
p. II. 1 19. 1*0.
Salom.n (Rabbin ) applique au Meffie le
pafLge de Zacharie IX. 9. II. 176.
Sdomon ( Ben Virga Auteur du Schevet
Jehuda: fon récit des Conférences avec
les Juifs. I. 18 1. 1S9.
Saluées ( Amedée de ) l'un des cardinaux de
Benoît. 1. 140.
Samogites. Leur culte. II. p. II. 137. 138.
Sangre (Gentil de] Cardinal d'Urbain VI.
fes emplois. I. f 1 II eft mis à la queftion.
I. f 1 Sa confiflion. fi.
Sardaigne [Iflede] «unie à l'Arragon. II.
?8'
Snrrageffe ( Dom Garfias Archevêque de )
poignardé par Antoine de Lune neveu
de Benoît XIII. II. 60.
Savonne , Ville de l'Etat de Gènes , occupée
par les François. I. ic8.
Elle eft choifie pour les Conférences des
LE
deux Coneurrens. 1. 196. Voyez Grégoire;
Benoît.
Savoye ( la ] fe déclare pour Clément VII,
I. 16.
Sauterelles [del'Apocalypfe ,) ce quec'eft.
II. p.lï. iif.
Prodige de fauterelles en Bohême. Ibid.
Sbm':o ( de Haflemberg] Archevêque de Pra-
gue, il fait brûler les Livres de Wiclef.
I. P II. 50.
Il ordonre aux Prédicateurs de prêcher la
Tranflubftintiation. I. p. II. fo.
Il écrit en Cour de Rome contre Jean Hus,;
ibid. Sep. II. 134.
Il pourfuit les Huflites. II. 47.
Il écrit au Pape en faveur de Jean Hus. II»
49- So.
Il eft cité en Cour de Rome. II. Si- 83.
11 meurt à Prefbourg empoifonne. II. 89.
so.
Sthifmes: l'ambition des Papes en eft l'ori-
gine. I. V.
Fureur du Schifme d'Occident. I. ;$. Voyez
Obfti.-.a-ion & I. p. II 1 42.
Divers Schifmes dans l'Eglife Romaine. IL
p. II. 87. 88.
Schifme en Bohême. II. p. il. n8.
Sctoop [Richard ) Archevêque d'York conf-
pire contre le Roi d'Angleterre. II. 10 3.
Il eft exécuté. Ibid.
Secrétaire (du Roi de Pologne] Voyez
Olefcknicz*.
Sermens des Cardinaux fur l'élection d'Ur-
bain VI. I 1 3.
Leurs fermens à l'élection d'Innocent VII.
I. ifo.
Serment : les Papes ne îauroient fe difpenfer
de leur ferment pour le bien de l'Eglife
Univerfdb I. p, II. 143.
Il n'y a que lEglife. Univertêlle qui punTc
les en difpenfer. Ibid.
Serpcns: Divinité des Lithuariens , & des
Sâmogites. II. p. IL 137. 138.
Sève (Jacques de) envoyé en France par
Urbain VI. pour foutenir fon élection.
I. .3.
Il prend le parti de élément VU. Ibid.
Il rentre dans l'Obédience d'Urbain VI.
Ibid.
Il témoigne que l'élection d'Urbain VI.
fut libre. I. 14. \6.
Il fait l'apologie d'Urbain VI I. r •• iy*
S fore,- (Magnus] Général de Jean XXIII.
Il abandonna ce Pape quand le temps
de fon engagement fut expiré. II. 1 o j.
106.
H eft pendu en effigie par ce Pape. II. p,
11.4.
DES MA
Il eft rétabli en honneur par Ladiflas./£/W.
Son caractère. II. îoj.
Il entre dans le fervice de Ladiflas. Ibid.
Sa mort tragique. II. 106.
Sicile. Voyez Arragon , Martin, Cabrera.
-Siège ( Apoftolique ] ce que c'eft. II. p. II.
89.'
Sienne ( Sainte Catherine de ] porte Grégoire
XI. àalkràRome. 1.6
T I E R E S;
contre Jean Hus. II. 87.
Stratagème de Clément VII. pour obliger
fon concurrent à lui céder. Voyez Her-
mite.
Style [de la Cour de Rome ) Il eft oppofé
à celui de l'Evangile. II. p. II. 105. 1 04:
Stiejja , Ville de la Province de Labour, re-
nommée par Ton bon* air & fes vins dé-
licieux. I. 4. j,
Sig/Jmond [Roi de Hongrie ] Il fait mettre S mit a (Jérôme) Hiftorien Arragonois, fon
enprifon Wenceflas fon Frère. I. 128.
Se plaine de la déoofition de Wenceflas.
I. 13,.
Eft défait par les Turcs, l.p. II. 134.
Eft élu Roi des Romains. II. 13.
Il fe nomme lui-même Ibid.
Il reconnoît Jean XXIII. 14.
Il lui envoyé une Ambaffade. Ibid.
Démêlez de Sigilmond avec les Vénitien?.
II 14.
récit des Conférences avec les Juifs. II.
1 60. 1 £0. 181. 1 90.
Sttfato (Conrad de) Profefï'eur en Théolo-
gie & Chanoine de Spire: il eft un des
Envoyez de Robert au Concile de Pife.
I.? II ç*.
Il propofe les doutes de Robert contre ce
Concile I. II. 5-3.
Il affiche l'appel de Robert de Bavière. I,
ml r
Il eft Médiateur entre les Polonois & les Sufpenfion [d'Office, de Bénéfice; ce que
Chevaliers Theutoniques. II. 23.
-Son voyage en Pologne. II. 10 y.
Il amené le Roi de Pologne en Hongrie.
Ibid.
Il vient en Italie. II. p. II. 10. n.
Il s'abouche avec le Pape. II p. II. 14. jj.
Il donne un Edit pour la convocation du
Concile de Confiance. II. p. II. 17.
Il écrit aux concurrens pour les y inviter.
IL MI. '7. 18.
~— — à Charles VI. IL p. IL 18.
Il envoyé une Ambaffade en France à ce
fujet. II p. II. $0. fi. f t.
Sitneon (Rabbin) aceufe les Juifs d'avoir
corrompu le texte Hébreu. IL 174.
Sinuejfe (Concile de) Il eft fuppofé. II. p.
II. 96.
Soubife ( Ville ) affiegée Se prife par le Duc
de Bourbon. II. p. II. 10.
Souftrattion. ( de Benoît) refoluèen France.
I. 1 10. 1 y8. 1 $-9.
— Se dans la plus grande partie de
l'Europe. I. 1 1 1.
Mauvais effet de cette voye. I. 117. 118".
178. 179- f- EL 148. 145;.
Utilité de cette voye. Ibid.
Edit de Souftradtion. I. i;?. 160.
Seconde Souftraclion. I. 188. 189. 24O.
Le Concile de Pife prononce la fentence
de Souftraction. I. p. II. 74. 7$-. 77.
Staniflsu, ( Evolue de Cracovie Canonifé. )
H eft maffacré par Bokflas Roi de Polo-
gne- II. p. II. .37.
Steph.\ne[ci (Pierre Hannibaldi de] Cardi-
nal Légat de Jean XXIII. en Italie. II.
64.
Stûdei (Jean) Docteur Anglois, il écrie
c'eft. II. p. IL ico. 101.
Symmaqxe ( Pape ) Concile afTemblé pour
le juger I p IL 147.
Synagogue ( de Salamanque ) convertie en
Eglife. II. iéf.
Son infeription en vers. Ibid,
T.
TAlvendb [ITrfin ) Docteur de l'Uni-
verfité de Paris, fon Difcours au Roi
pour la paix. II. p. IL x\.
Tmcrede [de Sicile] l'un des premiers
Croifez IL 77.
Tartaro ( Petro ) Cardinal de Rieti , confpire
contre Urbain VI. I. 49.
Il propofe publiquement fi l'on ne peut
punir & dépofer un mauvais Pape. I.
49.
Il commande l'armée de Charles devant
Nocera. I. f 3.
Teck [Ulric Comte de,) Miniftre d'Etat
de Sigifmond : il propole Kcmpt pour
aflcmbler un Concile. II p. II. if.
Te De«m , chanté au Concile de Pife après
la dépofition des deux Concurrens I. p.
II Si. Voyez Charles VI.
Timoiçnc ges des Cardinaux fur l'élection
d'Urbain VI. I 13.
Tirre (Sainte) II 72. 79-
Temporel (des Rois) ufurpé par les Papes.
I+-
lhabor (Montagne de) ce que c'eft félon
Jean Hus II. p. II. no.
Thalmud, ce que c'eft IL 1 67.
Partage du Thalmud félon Jérôme de
Sainte Foi. IL 177.
T A
Son Originell. 190.191.
Theutonique ( Chevaliers de l'Ordre ) Leur
guerre avec les Polonoisl.p. II. jo. j 1.
& II. Jy.&fuiv.
Occafion de cette guerre, ibid, & II. zj.
Leur Inftitution 17. 18.
Leurs fureurs. Ibid.
Ils font défaits en bataille rangée. II. 20.
2 1. 2.1.
Ils demandent la paix. Ibid.
Elle fe conclut à Thorn. II. 101. 1 c 5 .
Elle eft mal gardée. II. 161. i6z. -
Thon.acelh ( Pierre de ) fuccede a Urbain VI.
fous le nom de Boniface IX. Voyez Boni-
fiée JX.
Ihuri [ Cardinal) Légat de Benoît XIII. au-
près des Ambafladeurs de France. I. 196.
La Conférence avec les AmbaiTadeurs de
France. Ibid.
Ilditia première Meflè au Concile de Pife.
I.p.II. 38.
Son Ambition, ibid.
Alexandre V. l'envoyé en France pour ob-
tenir des Décimes fur le Clergé. I. p. II.
37-
Toc/m fonné à l'élection d'Urbain. I. 1 r.
Todi ( Antoine Calvo Evêque de ) Cardinal ,
Envoyé de la part de Grégoire XII. àBe-
noitXIII. I. t9fn
Il harange les AmbaiTadeurs de France. I.
11 va annoncer les bonnes difpontions de
Grégoire XII. ibid.
Il eftcitèau Concile, & s'y rend. I. j>. II.
86.87.
Tonnerre. Voyez Conclave.
Tonnerre, Divinité des Lithuaniens , & des
Samogites. II. p. 1 36. 1 38.
Tortofc. Voyez Conférence avec les Tuifs.
Teuloufe ( Univer/îté de ) fe déclare contre la
Souftraction. I. nS.ijy.
Sa Lettre eft lacérée par Sentence. I. 1*9.
Tours { Amélie de Brueil Archevêque de ) ha-
rangue pourBenoîtXIII.I. 171. 171.
Il eft envoyé à Benoît XI II. & à Grégoire
XI. Ibid.
Il va à Rome de la part du Roi de France, I.
207.
Traditions ( humaines ) Ce que c'eft félon
JeanHus. II./>. IL 110.
Traité. Voyez Henry V.
Jramba ( Nicolas ) Vice- Chancelier de Po-
logne. Voyez-C^tf»»/^.
Trente ( Concile de ) Bévue de ce Concile au
fujet d'un Traité du Thalmud. IL 167.
Turcs. Voyez Alexandre V . Sigifmond.
Ils font Maîtres de la plus grande partie de
l'Afic Mmeurç. II. 7/.
L E
\ T'A rennes C Jean de ) Docteur de Pa-
ris , fes Lettres à Benoit XIII. pour
l'exhorter à unir l'Eglife. I. 8,. 86. 87,-
Vaudois. Voyez Innocent] II. Innocent IV.
Vdtne ( Jacques d' ) Protonotaire , Grégoire
le fait Cardinal. I 231.
Son Caractère. I. 137.
Vénitiens. Ils prient Grégoire de fe trouvée
au Concile de Pife. I. p. 1J. zi. iz.
Ils veulent le faire arrêter. I. p. II. ïoj.
Leurs démêlez avec Sigifmond. II. iCo^
Leur AmbafîaJeàce Prince. II, 16 1.
Ils font battus, ibid. -
Vïco (François ) Gouverneur de Viterbe, re~
fufede remettre cette Place à Urbain Vf.
I.16,
Vidal { Dom ) Rabbin , Orateur des Juifs au«-
près du Pape à Tortofe II. 1 8z.
Villeneuve vis-à-vis d'Avignon, Voyez Am~
boudeurs de France.
Villes nommées pour les conférences de Gré-
goire & de Benoît XIII. I. 196.
Vilttte ( Philippesde) Abbé de St. Denys él&
pendant la Souftraction. I. 144.
Il va à Rome de la part du Roi de jrance. I.
Z07.
il eft mis en prifon pour adhérer à- Pierre
ds Lune. 1.238.^. II. 4^.46.
Vilna ( Métropole de la Lithuanie ) C'étoit le
centre de la Religion pendant le Paganif-
me. II p. II. 137.
Elle eft érigée en Evêché. IL p. II. 1 3 7.
Vin. EfFufîon de Tonneaux de vin , prife
pour des ruiiîeaux de fang. II, zz.
Violence. Voyez Cardinaux. Conclave. Rou-
mains. Bannerets , & I. 9 & fuiv.
Vifth ( Pierre ) Evêque de Cracovie , fe trou»
veau Concile I.f.II. 104.
31 célèbre la Welle a la Selfion 22. Ibid.
Son Hiftoire & fon mérite. Ibid. & II. 2O7,
V>fiona:res.ll. p. II. tz.
Vital { Archevêque de Touloufe) charte par
Benoit pour mettre Ravat en fa place. I.
187.
Union de l'Eglife. Voyez Vrba'm VI. Allema-
gne.
Trois voyes d'Union propofées. I. 60.
Difficulté de l'Union. I. 134.
Vniverfité ( de Paris) fe déclare pour Urbain
VIA. 36.
— pour la CefEon des deux Concur-
rens I. j 9.
Elle fe plaint des exactions de Clément. I-
6;.
Elle s'afTemblepour l'Union de l'Eglife, I.
71.
DES MATÏ'ERES;
jfiîe conclue à l'une de ces trois voyes ,
ou la Ceffion, ou les Compromis entre
les mains d'Arbitres, ou le Concile Gé-
néral. Ibid.
Elle députe Clemangis au Roi , pour lui
prefen ter fa délibération. Ibid.
Elle fufpend fes Aiîémblées 3c pourquoi. I.
Elle écrit à Clément VIL pour l'exhorter
a ne pas empêcher l'une des trois voyes,
& pour lui faire des plaintes de Pierre de
laine. I. 73.
Elle envoyé une députation au Roi après
la mort de Clément pour ,1e prier de
différer l'élecfion d'un autre Pape. I.7.5.
74.
Elle appelle de la Bulle de Benoît à un Pape
légitime. I. 106.
Elle fe range à la reftitution d'Obédience
à Benoît, à la referye des Allemands &
des Anglois. I. 14;.
Elle donne fes Conclufîons pour la Souf-
tradtion. I. 158. iy^.
Elle écrit aux Cardinaux des deux Obé-
diences. I. 244.
Elle eft louée par l'Archevêque de Gènes.
L/>. II. Ji.
1 Lettre de fes Députez au Concile de Pife.
I. p. IL 82. 83.
Ordonne que chacun fe confeffe à fon pro-
pre Curé. î.p. II. m.
Elle députe à Pife au fujet de la Bulle en
faveur des Moines Mendians. I. p. II.
ïij.
Elle refufedes Décimes à JeaD XXIII. II.
17. &fniv.
Ses Négociations pour pacifier la France.
II. p. II. 10. il. & Çhw.
Elle condamne les Proportions de Jean
Petit II. p. II. 39.
Vocation. Quelle vocation eft légitime félon
Jean Hus. II. p. II. 119.
Vautres. Voyez Roye.
Voje ( de fait ] pour éteindre le Schifme ,
rejettée. I. 92. p. II. 30. Voyez Ceffion.
Difcuffion. Compromis.
Urbain II. (Pape) premier inftituteur des
Croifades. II. 74. 75-.
Il aiTemble un Concile à Clermontpour
régler les Croifades. II. 76.
1)rb ïin III. ( Pape ) meurt de déplaifir de la
prifede Jerulalem. II. 78.
"Urbain V. ( Pape) Sa Bulle contre les Li-
gueurs. IL 101.
1)rb*m VI. (Pape) Hiftoire de Ton élection.
I. i.&n.
11 eft couronné. I. 12.
Sa conduite , fon caractère depuis fon élec-
tion. I. 30. jr:
Il veut faire lbn neveu Roi de Sicile au
préjudice de Jeanne. I. 33.
Quelle éteit l'on Obédience lors qu'il fut
abandonné des Cardinaux. I. 36.
Il publie une Croifadecontre Louis d'An-
jou. I 4f.
Il va au Royaume de Nâples malgré le»
Cardinaux. I. 4c.
Son entrevîïë avec Charles de Duras s
Averfà. I. 46.
Charles l'y fait arrêter prifonnier. Ibid. &
enfuite conduire à Naples. I. 46.
Hauteurs d'Urbain à l'égard du Roi. I. 47.
Ils font la paix & fe rebrouillent. I. 47. 48.
Quelques-uns de fes Cardinaux confpi-
rent contre lui. I. 49.
Il fait emprifonner fïx de fes Cardinaux.
I. 49.
Ilfaitune création de dix-fept Cardinaux.
I. 49. 5°'
II fait mettre à la queflion ces fïx Cardi-
naux. I. fO. cl. f2.
Il met le Royaume de Naples à l'interdit.
Il eft aflîegé devant Nocera. I. y 3.
Ses dévotions furieufes pendant ce fîege,
Ibid.
Il fort furtivement de cette place. I. 54.
Il fait mourir cruellement cinq de fes Car-
dinaux. I. c4. $• f .
Il veut s'emparer du Royaume de Naples
à l'exclufïon de Louis d'Anjou & de La-
diflas de Duras. I. 57.
Il refufe toute voye d'union. I. y 8.
Ii meurt au grand contentement de tout
le monde. I. 63. £4.
Démarches pour l'Union de l'Eglife après
fa mort. Ibid.
Vrgcl ( Jacques Comte d' ] Ses brigues pour
le Royaume d'Arragon. IL 37.
Benoît XIII. lefoutient. IL 60.
Il difputela couronne à Ferdinand IL 98.
Il s'allie avec le Duc de Clarcnce pour fe
foutenir. Ibid.
Il eft défait & condamné à une prifon per-
pétuelle. II. 9<).
Vrte ( Theodoric ] Moine Allemand, fon
récit de l'élection d'Urbain VI. I. 21. 12.
Son Hiftoire du Concile de Confiance. I.
p. IL 112. 113.
11 juge défavantageufement du Concile de
Pife. Ibid.
Vrfins (Maifon] Ils foutiennent les Guel-
phes en faveur du Pape. I. if2.
Vrfins ( Jean Juvenal des ) Avocat du Roi ,
fait la clôture de l'Aflemblée du Cierge.
I. 18 J. IL 16."'
T A B
Vrfint ( Paul des ) Chef des Guelphes eft
chatte de Rome. I. p. II. 8.
Son Hiftoire& fon caractère. I. p. II. 131;
Vrfins (Pienedes) Comte de Noie, exécu-
teur de la Bulle de Jeau XXIII. contre
Ladiflas. II. 71.
W.
VVAgenseil (Jean Chrifcophe) fonfenti-
mentfurle Livre de Jérôme de Sainte
Foi II. 167.
^Valdeck. ( Comte de ) Il afTaffine Frideric de
BrunfvHc. I. 1 19.
yPmceflus [Empereur) envoyé à Clément
VII. pour le prier de reconnoître Urbain
VI. I.36.
Il fe trouve à l'A fïemblée deRheims 1. 107.
Il néglige les affaires de l'Empire. I. 108.
Intempérance de ce Prince. I. 105.
Il approuve la voye de la Ceffion. lbid.
Son caraéfere & fa conduite. I. iz8. 118.
Sa dépofition. Ibid.
Raifons de cette dépofition. I. 119. 130.
Il regarde. fa dépofition avec indifférence.
I. 151. 131.
Il favorile les Huflltes. I. p. II. 49*
"^Pence/las ( Roi de Bohême ] Il ordonne de
publier la Bulle de Jean XXIII. contre
Ladiflas. II. 91.
Son Edit contre lesHuflîtes. II./». II. Ê4»
6$%
LE
Widef ( Jean ) fes Livres brûlez à Prague.
I. p. II. yo. II. 8z. 83.
Lille de fes Ouvrages. II. 83.
Il'étoit Confefïeur de Richard. II. II. \6'.
Il traduit la Bible en Anglois. II. 8 p.
"Wiclcfites Voyez Lollards.
Wtnjherg ( Conrad de ) Archevêque de
Mayence , meurt. 1. p. IL 109.
Withoud ( Alexandre Duc deLithuanie) Il
fait irruption en Samogitie. I. p.ll.-s i*
Il commande les troupes de Jagellon dans
la bataille contre les Chevaliers. II. ix.
Il embraflele Chriffcianifme. II. zf.
^,rurtz.bonr^. ( Evêque de ] favorable aux Che-
valiers Theutoniques. II. 13.
Z.
ZAbarelle ( François ] Evêque de
Florence , fait Cardinal par Jean XXIII.
II. 70.
Il fut difciple de Panormitanus. Voyez
Fctlerme,
Il va de la part de Jean XXIII. à Sigif-
mond. II. p. II. 11.
Znoima. (Staniflas] Do&eur Bohémien,
Adverfaire de Jean Hus. h. 14;. iji,
iJ3.
Fin n s la Table dis Matières,
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