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ARMÉE D'ALGÉRIE.
DROMADAIRE
BÊTE DE SOMME ET COMME ANIMAL DE GUERRE ,
PAR
Le Général J.-L. CARBUCCIA.
y
LE RÉGIMENT DES DROMADAIRES
A l'Armée d'Orient (1798-1801).
Le plus difficile n'est souvent pas de prouver
une vérité mais de la faire admettre.
PARIS _
© LIBRAIRIE MILITAIRE DE J. DUMAINE,
ANCIENNE MAISON ANSELIN, dure.
Rue et Passage Dauphine , 30. .,
1853
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M LE GÉNÉRAL DE DIVISION
MAREY-MONGE,
COMMANDANT LA D° DIVISION MILITAIRE;
Grand-officier de l'ordre de la Légion d'honneur,
Grand cordon de l’ordre de Saint-Michel de Bavière, e
Commandeur de l’ordre de Saint-Maurice et Saint-Lazare de Piémont,
Ancien commandant supérieur de la subdivision de Médéah,
Aucien Gouverneur général de l'Algérie par intérim,
“
Hommage de mon respect, de ma reconnaissance et de mon dévouement,
Le Général J.-L. CARBUCCIA,
Chargé à Médéab, comme Chef de Bataillon au 33° de ligne, de
l'organisation et du commandement du corps des Dromadaires,
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Lors de l’expédition de 1798, on organisa en Égypte
un service de dromadaires qui fut très-utile, selon les
rapports officiels de l’époque. — Mais il n’en reste
plus que le souvenir, et les archives mêmes du Gou-
vernement ne renferment, à ce sujet, aucun détail
ni aucun renseignement profitable.
Depuis notre conquête d'Afrique, on s’est souvent
préoccupé des avantages qu'on pourrait obtenir de
l’emploi du dromadaire, soit comme animal de guerre,
soit comme bête de somme.—En 1843, je fus chargé,
sous la direction de M. le général Marey-Monge, par
l'illustre maréchal Bugeaud, duc d’Isly, de glorieuse
et regrettable mémoire, de procéder à une or-
ganisation de dromadaires en Algérie. — Je consta-
tai les résultats de eette expérience dans une suite
de rapports circonstanciés.
Cependant, le chef de l’armée d'Afrique renonça à
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poursuivre une organisation définitive, et je crois
pouvoir affirmer qu’il le regretta vivement, lorsqu'il
eut pris une connaissance détaillée de mes rapports.
— Cet ajournement, du reste, n’a imfirmé en rien la
certitude des faits acquis; loin de là, car, depuis cette
époque, on a vu constamment donner aux colonnes
qui ont manœuvré dans le Sahara un équipage de
dromadaires pour le service de l'infanterie, des am-
bulances et des arrière-gardes, sans qu'il en soit ré-
sulté aucune difficulté.
Enfin, on est en droit de dire que l'attention de
tous les hommes qui s'occupent particulièrement de
la situation militaire de l'Algérie, s’est fixée chaque
jour davantage sur l'utilité de l'emploi du droma-
daire- Parmi les opinions favorables que je pourrais
citer, je me borneraï à reproduire, ici, celle de deux
écrivains militaires dont, certes, on ne contestera pas
la compétence, MM. les généraux Oudinot et Yusuf
qui se sont,, on le verra, prononcés d’une manière
décisive à cet égard.
M. le général Oudinot, dans sa brochure intitulée,
De la Question chevaline en Afrique, s exprime ainsi :
« Le dromadaire (appelé par les Arabes du nom générique
djimel), rend aussi des services importants et qui sont sus-
ceptibles d'acquérir encore plus d'extension.
« Si l’on consulte des faits historiques contemporains, on
voit qu’en 1798, après la révolte dusCaire, Bonaparte consti-
tua un corps de dromadaires qui, composé d'abord de 100
animaux, fut successivement porté jusqu’à 700. — Deux fan-
tassins placés dos à dos montaient le même dromadaire, dont
— IX —
la selle se trouvait placée au-dessus de la bosse. Il était con-
duit au moyen d’un licol garni d’une muserolle avec des rênes,
et lorsque les hommes mettaient pied à terre, ils menaient l’a-
nimal au moyen d’une rêne fixée dans une narine, comme
c’est l'usage dans toute PÉgypte, . , : : . : . 4 .
«, . . ‘ . “se . . . ste + o CE »
« Depuis la conquête de l'Algérie, des convois de droma-
daires ont constamment fait partie de nos colonnes expédi-
tionnaires , lorsqu'elles opéraient vers le sud. Mais ces ani-
maux, mis en réquisition ou loués de 5 fr. 50 à 4 fr. par jour,
étaient conduits exclusivement par des indigènes et semblaient
ne pouvoir être utilisés que pour les transports du matériel.
« En 1845, M. le gouverneur général, tant pour se sous-
traire à la dépendance des conducteurs arabes, que pour bien
se rendre compte du parti qu’on pourrait tirer d'animaux,
trois fois plus nombreux, en Algérie, que les mulets, eut la pen-
sée d'organiser un équipage de dromadaires soumis à des rè-
gles d'administration et de discipline. Il confia l’application
de cette pensée à M. le général. Marey, dont le.dévouement
aux intérêts de l'Algérie est aussi éclairé que persévérant.
« Cet officier général fit choix, pour diriger les expériences,
de M. le chef de bataillon, aujourd'hui lieutenant-colonel,
Carbuccia. |
« Bientôt les essais prouvèrent queles soldats de bonne volonté
n'étaient pas moins aptes que les Arabes à conduire et à sou-
mettre le dromadaire assujetti au transport des bagages. II fut
mème démontré à tous les esprits impartiaux que les fantas-
sins de l’armée d'Afrique, comme leurs devanciers de l’armée :
d'Egypte, sauraient, à l’occasion, monter le dromadaire dans
des circonstances données. Cependant, il faut le reconnaitre,
malgré le zèle infatigable et la haute intelligence du comman-
dant Carbuccia, les expériences faites pendant Fexpédition du
Djebel-Sahri ne donnèrent point de résultats concluants. Mais
si l'on y perdit un assez grand nombre de dromadaires, si,
l'épreuve ne fut pas entièrement satisfaisante, il faut l'attri-
buer aux préventions des militaires de presque tous les gra-
— X —
des pour le service de chameliers, et aux obstacles suscités
par les Arabes qui ont intérêt à se réserver le monopole de la
conduite des dromadaires.
« Toutefois, de nouvelles épreuves devaient être faites et ne
se firent pas attendre. L'année suivante, dans l’expédition de
Lagouath, si habilement dirigée par M. le général Marey, un
nouveau convoi de chameaux fut confié à la direction du com-
mandant Carbuccia. Cette fois, il fut prouvé par des faits irré-
cusables, qu'avec de la persévérance et de l’énergie, l'admanis-
tration française pourrait, sans le secours des indigènes, tirer
un grand parti du dromadaire, surtout dans les pays sablon-
neux et peu accidentés.
« M. Carbuccia, dont les convictions à cet égard sont aussi
consciencieuses que profondes, a fait sur la question un remar-
quable travail, qui mérite l’attention de l'autorité supérieure,
et qui conclut à la formation d’un corps spécial de chame-
liers. »
Voici, maintenant, ce que M. le général Yusuf,
dans sa brochure : De la guerre en Afrique, dit de
l'emploi du dromadaire :
« On a beaucoup critiqué le système du colonel Carbuccia,
qui consistait à employer les chameaux comme moyen de
transport dans une colonne. Pour moi, ce n’est qu’à l’aide de
ce moyen que J'ai pu tenir si longtemps la campagne en
toutes saisons, ménager mes soldats, et, au moment oppor-
tun, réclamer le concours de toutes leurs forces. Si ce sys-
tème n’a pas réussi dans les autres colonnes, je ne sais à
quoi attribuer cet insuccès; mais personnellement, j'en ai
toujours obtenu les meilleurs résultats. Au surplus, il n’est
pas nouveau, car, lors de la campagne de Syrie, le général
Bonaparte, avec près de quinze mille hommes, n’employa
pas d'autres moyens de transport, pour franchir le désert du
Caire à Saint-Jean-d’Acre.
— XI —
« Voici, d’après ma propre expérience, le meilleur mode de
s’en servir utilement : »
M. le général Yusuf, après avoir donné quel-
ques détails sur le mode d'organisation des dro-
madaires attachés à sa colonne d'expédition, poursuit
ainsi :
« En agissant ainsi, on verra que les chameaux rendront à
l’armée d'immenses services ; c’est, en effet, le seul moyen
de tenir une longue campagne, attendu qu'ils offrent le seul
mode de transport possible. En employant les mulets, il faut
commencer par les charger de leurs propres vivres, qui sont
déjà un lourd fardeau, tandis qu'il n’y a pas à s’occuper des
vivres du chameau, qui se nourrit partout en marchant.
N’avons-nous pas été souvent dans l'impossibilité de faire
une longue campagne, par le peu de facilité que nous avions
de nous procurer des moyens de transport, sans compter les
sommes énormes qu’ils coûtaient à l’État? Par l’emploi des
chameaux, deux problèmes se trouvent résolus : le premier,
c'est d’avoir une colonne très-allégée, parfaitement mobile,
peu fatiguée, et dès lors pouvant faire une longue campagne
en toutes saisons; le second, c’est que ce mode de transport
est peu dispendieux.
« Que l’on ne m’objecte pas que les montagnes sont impra-
ticables pour les chameaux; dans les montagnes, on ne fait
jamais une expédition de longue durée, mais seulement une
Course; quinze Jours au plus y sont employés, puis l'on
vient rejoindre le gros de la colonne; j’ajouterai même que,
pendant la belle saison, les chameaux ne m'ont pas failli
dans certaines montagnes. »
J'ajouterai qu'au-dessus de ces considérations tou-
tes spéciales, la question des dromadaires a une im-
portance supérieure au point de vue de l’affermisse-
— AN —
ment de notre colonie d'Afrique. — Aujourd’hui; le
point capital pour notre domination est le sud dé
l'Algérie; c’est de là seulement que viendront les in-
surrections futures, et pour les comprimer rapide-
ment ou les prévenir, l'organisation d’un service de
dromadaires est indispensable, comme je crois l'avoir
établi dans le cours de mon travail.
Telles sont les considérations qui m'ont déterminé
à publier le résultat des expériences que j'ai élé ap-
pelé à conduire, et j'espère, en le faisant, du moins
c'est là mon but principal, être encore utile à cette
brave armée d'Afrique, dont j'ai eu l'honneur de par-
tager pendant vingt ans les travaux patriotiques et les
fatigues.
Je ne terminerai pas ces quelques observations
sans adresser tous mes remerciements à l’illustre
M. Jomard, de l'Institut d'Égypte, qui a bien voulu
compléter cette brochure par un travail d’un haut
intérêt, el que recommande trop bien le nom du
savant conservateur de la Bibliothèque Impériale,
pour que j'aie besoin d’y appeler l'attention des Lec-
teurs.
ARMÉE D’'ALGÉRIE.
—————
DU
DROMADAIRE
CONSIDÉRÉ COMME ANIMAL DE GUERRE ET COMVME
BÊTE DE SOMME.
PREMIER RAPPORT.
RAPPORT
À M. LE MARÉCHAL BUGEAUD, GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE.
Maison-Carrée d'Alger, le 27 janvier 4844.
Monsieur le Maréchal,
1. M. le général Marey-Monge m’a prescrit de vous adres-
ser directement le résultat des études faites, sous sa haute
direction et par votre ordre, sur l’animal à une bosse que, dans
l'Algérie, on appelle à tort chameau, et qui n'est autre, d’a-
près les zoologistes, que le dromadaire proprement dit.
Les chameaux constituent un genre de ruminants ayant
non-seulement des canines aux deux mâchoires, mais encore
des dents pointues implantées dans l’os incisif; portant six in-
cisives inférieures, dix-huit ou vingt molaires. Ce genre se
divise en deux sous-genres, dans l’un desquels les espèces
n'ont point de bosse (les lamas). Mais si tel est dans le lan-
£ 9 =
gage des naturalistes la signification du nom de chameau,
pour le vulgaire ce nom désigne seulement un animal rumi-
nant reconnaissable, 1° à une ou deux protubérances conte-
nues dans une loupe remplie d’une graisse semblable à celle
du suif; 2 à une semelle cornée, indépendante des ongles,
qui lie les deux doigts de chaque pied l’un à l’autre; 3° à son
habitude de dormir sur le ventre et non sur le côté comme les
autres animaux. Quelques personnes ajoutent que cet animal
a, de plus que les autres ruminants, un cinquième estomac qui
_est, disent-elles, son réservoir d’eau.
Le chameau à deux bosses, appelé par Aristote et Linné
chameau de la Bactriane, et qu’on désigne aussi sous le nom
de chameau ture, a conservé le nom générique de chameau dans
Buffon, Cuvier, et dans tous les ouvrages des zoologistes : -il
n'habite que le centre de l'Asie, le Thibet, le Turkestan, etc.;
il est plus fort que le dromadaire, mais 1l est plus massif et
moins propre à la fatigue ; il n’est pas né enfin pour le désert.
Il peut porter jusqu'à sept quintaux métriques et marcher dans
les terrains humides. Cette race de chameaux n’est pas sem-
blable à celle qui existe en Afrique; en affirmant le contraire,
M. Rozet, dans son ouvrage sur la régence d'Alger, et M. Moll,
dans son livre sur la colonisation et l’agriculture de l’Algérie,
ont été induits en erreur par l'opinion générale (104) (1).
Le chameau à une bosse, appelé par Aristote chameau d’A-
rabie, porte, dans Linné, le nom de Camelus-Dromedarius, déno-
mination impropre, comme je le fais observer plus bas. Cet ani-
mal s’est répandu d'Arabie dans tout le nord de l'Afrique, dans
le Sénégal, dans la Svyrie,dans la Perse, dans la partie occiden-
tale de l’Asie, dans la Grèce, et c’est de cette espèce que je vais
avoir l'honneur de vous entretenir.
(4) Voir au ne 104 de cetouvrage des détails concernant le même.point d'histoire nâturelle
traité dans le deuxième rapport adressé à M. le Gouverneur général, le 28 juillet 1844,
PS4: DNA
J'ajoute subsidiarement que si l’Académie, dans son édition
de 1798, s'était trompée dans la définition de ces deux espè-
ces, l'erreur a été depuis rectifiée. On lit, en effet, dans l’édi-
tion de 1855 : « Chameau. — Quadrupède ruminant, baut des
« jambes, qui à le cou fort long, la tête petite, les oreilles
« courtes et deux bosses sur le dos; on dit chameau mâle,
« chameau femelle. » — « Dromadaire. — Espèce de chameau
« à uné seule bosse sur le dos, et qui va fort vite ».
Du dromadaire. — Division de ce rapport
2. Les études que vous avez ordonnées, Monsieur le Maré-
chal, devaient, pour être complètes, comprendre l’histoire de
animal sous le rapport physiologique et relater son aptitude
comme animal de guerre.
Je vais successivement traiter de ces deux sujets.
TITRE 1°.
HISTOIRE NATURELLE.
Observation première.
5. Le nom de dromadaire, dérivé du mot grec dpoueus, signi-
fiant coureur , a été d’abord appliqué aux chameaux de mon-
ture. Or, comme on ne se sert pour monter que du chameau à
une bosse, la lourdeur du chameau de Bactriane l'ayant fait
exclusivement reléguer parmi les bêtes de somme, on a par
abus étendu le nom de dromadaire à tous les chameaux à une
bosse. Cette dénomination ayant prévalu aujourd’hui, je pense,
Monsieur le Maréchal, qu'il faut distinguer parmi les droma-
daires les deux races suivantes :
FN Ds
4° La race destinée au fardeau ;
20 La race destinée à la course.
La première est celle que nous rencontrons dans la régence
d'Alger, proprement dite, où l’on ne s’en sert pas pour monture.
C’est aussi celle d'Égypte, où les dromadaires sont cependant
beaucoup plus légers qu’en Algérie; car il paraît positif que
plus ces animaux s’éloignent du désert, plus ils dégénèrent; la
seconde race est celle qui n’a jamais porté de charge, et qui
a toujours servi de monture ; elle existe dans l’intérieur de lA-
frique, où les chevaux, excessivement rares, sont des animaux
de luxe. _
Cette espèce, à laquelle les Arabes donnent le nom de (105
mhari, qu'ils disent être sans bosseet à laquelle Shaw attribue une
bosse de petite dimension, peut faire 50 à 50 (107) lieues par jour,
au dire de tous les voyageurs et des naturels du pays. Shaw
raconte que, lors de son voyage au mont Sinaï, le chef de leur
caravane se plaisait à les divertir par la légèreté de son mhari:
« Il allait, dit-il, reconnaitre une caravane qui paraissait à l’ho-
rizon, et il était de retour en un quart d'heure. »
En 18927, l’aga Jahhya, fondateur de la Maison-Carrée (Bordj-
el-harach), amena à Alger sept mharis dont le bey de Constan-
tine venait de lui faire cadeau. Ces animaux furent logés à la
Maison-Carrée, où ils moururent tous pendant l’hiver, qui fut
fort rigoureux cette année. Ces dromadaires mangent des
broussailles ; ils vivent, comme les autres animaux, d'orge et
de paille, et logent dans des écuries. Cette espèce n’est mal-
heureusement pas celle qui habite la partie de l'Algérie que
nous occupons. !
Depuis sept mois que les expériences sont commencées, j'ai
eu lieu de me convaincre de celte vérité : c’est que non-seule-
ment les anciens, mais encore les modernes et les plus célèbres
zoologistes ont accrédité certaines erreurs sur l'histoire natu-
nu D
relle du dromadaire. C’est, au reste, une question qui mérite un
sérieux examen. Lorsque mon opinion sera bien fixée au sujet
de ces erreurs, je me ferai un devoir de vous transmettre un
rapport circonstancié pour être, si vous le jugez convenable,
soumis à l’Académie des sciences.
En attendant, voici quelques notions dont on peut, dès à
présent, garantir l'exactitude, bien qu'elles aient été l’objet de
controverses et bien qu’elles soient encore inconnues.
Physiologie en général.
4. Cet animal, appelé (103) dymel, c’est-à-dire richesse du ciel,
est la plus utile et la plus précieuse des créatures soumises à
l’homme. Les Arabes n’évaluent pas la richesse par un nombre
de pièces de monnaie, mais par le nombre de dromadaires (121)
qu'ils possèdent. On peut dire que le dromadaire est le plus
domestique de tous les animaux. En Afrique, on ne le connait
pas à l’état sauvage : on le conduit par la douceur (115) et la
patience, et non, comme les autres animaux, avec brutalité et
force. Il vit trente à quarante (156) ans. Sa gestation est d’un
(109) an ; il marche dès sa naissance ; la naga (femelle), ne
porte qu’un seul petit, ainsi que cela a lieu chez tous les animaux
d’une taille plus élevée qué celle de l’homme. Le membre
genital (201) du mâle n’a pas une direction en arrière; seule-
ment le gland qui le termine est incliné par le fourreau qui,
après l’avoir recouvert, se contracte en arrière ; voilà pourquoi
les deux sexes urinent entre les deux jambes de derrière; le jet
d'urine du mâle est presque toujours si petit, que le matin, en
allant à l'exercice, on en voit souvent rester en arrière pendant
vingt minutes pour satisfaire ce besoin. mA
Chargement du dromadaire,.
5. Dans quelques tribus du désert, on a l'habitude de ne
charger les dromadaires qu'après l’âge de 5 ans; mais, parmi
LR
celles qui nous sont soumises, on dit qu’ils doivent teter pendant
la première année, porter le bât pendant la seconde, travailler
pendant la (128) troisième et s’accoupler pendant la (109) qua-
trième.
Il n’est pas exact de dire que, lorsque le dromadaire est trop
chargé, il l'indique lui-même en refusant de se lever : cet ani-
mal paie de bonne volonté comme tous les autres animaux ; il
s'arrête eltombe comme eux, quand il estépuisé(117)de fatigue.
Lorsqu'il doit marcher pendant longtemps, on le charge, sil
est robuste, de 500 kilog. et plus, et, s'il est de moyenne force,
de 200 kilog. -
L'idée qu'on peut lui laisser sa charge pendant la nuit, sans
lui faire de mal, est inexacte, attendu qu'il a besoin de se
rouler sur les flancs pour se délasser, comme le font tous les
animaux ; On la lui défait chaque jour en arrivant au bivouac;
en dénouant les cordes du fardeau, les ballots glissent à terre
de deux côtés et, l’animal ne bougeant pas beaucoup pendant la
nuit, on les rattache le lendemain avec facilité : le Mémorial de
Sainte Hélène se trompe donc à ce sujet.
Age.
A 0 : A per pur . u
6. L'âge de cet animal se reconnait aux (157) dents, jusqu à
l'âge de quinze ans, comme celui du cheval jusqu’à dix. Les
signes sont différents pour les deux bêtes ; à vingt ans, la moitié
: 2 ‘ . :
des dents du dromadaire a disparu, par suite de la mastication.
Rut.
7. On reconnait le rut (114) à une sueur plus ou moins fétide
qui suintc«de la tête. L'animal de quatre à cinq ans n'entre en
rut qu’au printemps; celui de six ans et au-dessus entre en rut
en janvier, et il fait alors sortir de sa bouche avec bruit son voile
du palais, qui pend d’un décimètre et demi à deux décimètres.
Le rut dure deux mois, le dromadaire, sous ce rapport,
. Cu de
f
étant bien différent (109) du cheval et des autres animaux.
Le dromadaire d'Algérie, comme la variété blanche dite ori-
ginaire d'Afrique (1), entre en rut (104) en hiver, et ce rut dure
deux mois; comme la variété brune dite d'Egypte, il fait
sortir de sa bouche une vésicule rougeâtre. Il urine même sur
sa queue pour s’en arroser les parties génitales.
Les vieux dromadaires deviennent quelquefois dangereux
pendant le (116)rut; mais on les calme promptement par une ou
deux frictions sur la tête faites avec du goudron.
Le dromadaire ne mange, pendant le rut, que lorsqu'il est
méchant, et alorsilne maigrit pas. La (105) femelle(naga), après
avoir mis bas, n’entre en rut ni pendant le reste de l’année, ni
pendant l’année (115) suivante.
L'accouplement a lieu, la naga ayant les jambes fléchies sous
le ventre, le poitrail contre terre (position naturelle de ces ani-
maux pour dormir ou recevoir la charge); le mâle se tient ac-
croupi sur son derrière, embrassant avec ses jambes de devant
le corps de la femelle.
L'opération dure fort longtemps, la femelle, très-indolente,
ayant besoin souvent de dix minutes pour se décider à recevoir
le mâle. J’ai vu des mâles qui, lassés de poursuivre la naga ou
de ses refus, se sont précipités sur elle, l’ont mordue à la gorge
jusqu’à ce qu’elle eût obéi. L’accouplement a lieu pendant le
jour comme pendant la nuit, et n’est pas gêné par la présence
de l’homme.
Castration.
8. Presque tous les dromadaires sont hongres, parce que
l’on veut les faire travailler en toutes saisons, et que la cas-
tration leur conserve (145) leur force et leur embonpoint.
(1) L'Encyclopédie distingue, sans beaucoup de fondement, trois variétés de dro-
._madaires : 1° la blanche; 2° la brune; 3° la grise.
LR. _
L'opération de la castration s'exécute, non par la pression
des testicules, mais par le moyen d’un poinçon rougi avec lequel
on les çerce (146) successivement. On sait que les musulmans
ne coupent que les hommes et quelques chevaux.
Cette opération peut se faire à tout âge : le printemps est la
saison favorable. |
Chair,
9. Le dromadaire de vingt-cinq ans ne sert presque plus à
la charge ; on l’engraisse, puis on le vend 35 à 40 francs pour
en faire manger (142)la viande, qui est aussi bonne et aussi saine
que celle du bœuf, d’après une instruction hygiénique mise à
l’ordre du jour de l’armée d'Afrique. La bosse en est le meilleur
morceau, mais elle exige plus de cuisson. La chair des jeunes
dromadaires est tendre comme celle du veau. La peau de l’ani-
mal abattu se vend (144) encore 20 francs à Alger.
Pays qui leur est propre.
10. Le dromadaire ne peut servir habituellement que dans un
pays de plaines ou peu accidenté, sablonneux et sec. Ce pays lui
convient essentiellement, à cause de ses pieds plats et élastiques.
C’est la terre à laquelle sa nature peut mieux se conformer ; ce-
pendant, on l’emploie accidentellement, et par exception, dans un
pays de montagnes, et, lorsque le terrain est sec, il gravit sans
s'arrêter des pentes rapides même à quarante-cinq degrés.
S'il marche sur un sol humide ou glissant, il se casse prompte-
ment les jambes, surtout celles de derrière : aussi les Maures
n'ont-ils pu acclimater l'espèce du dromadaire en Espagne,
malgré tous les essais qu’ils ont tentés à ce sujet. Lorsque le
dromadaire doit voyager dans un pays rocailleux, on a l’ha-
bitude de placer à ses picds des semelles en cuir de bœuf.
ES
Callosités.
11. Le dromadaire a sept (202) callosités : quatre aux deux
jambes de devant, deux aux jambes de derrière, etune au poitrail
sur le sternum ; cette dernière est épaisse d'un pouce et aussi
dure que de la corne. Ces callosités sont normales et ne pro-
viennent pas de l’habitude qu'a le dromadaire de s’accroupir
pour se mettre au niveau de l’homme et pour dormir. Je n’ai
jamais observé que ces callosités se soient putréfiées.
Il est à remarquer que, pour s’accroupir, l’animal a soin de
se placer sur un plan incliné, la tête en bas; puis, il fait trois
mouvements : le premier, pour tomber sur les genoux de de-
vant; le deuxième, pour plier les deux genoux de derrière, et
le troisième, pour appuyer son ventre à terre. Pour se rele-
ver, il commence par les deux jambes de derrière, puis il se
hausse entièrement.
L'opinion qu’on force les jeunes dromadaires à s’accroupir
dès leur naissance au moyen de tellis chargés de pierres, parait
inexacte.
Poil.
12. Le poil, qu’on coupe tous les ans au printemps, même ce-
lui de la bosse, ‘sert à confectionner la majeure partie des objets
à l’usage des Arabes, et surtout leurs tentes, leurs vêtements,
et même leurs récipients à eau. Si l’on coupait le poil après
l’époque de la mue, ilfne pourrait servir à aucun usage.
Fiente,
13. La fiente du dromadaire, après être restée, non pas,
comme on dit, deux ou trois jours, mais un jour seulement,
exposée aux rayons brülants du soleil, est d’une grande utilité
dans ce pays, presque entièrement déboisé, et où, maintenant,
le combustible est devenu aussi rare que l’eau, souvent même
— 140 —
plus rare; elle s’allume aisément, produit une flamme inodore,
qui est aussi vive que celle du charbon. ‘
Bosse.
14. On juge infailliblement de la force ou de la faiblesse
du dromadaire à sa (188) bosse, qui est formée de la surabon-
dance de la nourriture de l'animal; la résorption de cette bosse
compense, en temps et lieu, le peu de nourriture prise. Pen-
dant de longues marches, on voit cette bosse diminuer suc-
cessivement, et enfin devenir presque impalpable : puis c'est
la graisse du ventre qui disparaît à son tour, et enfin celle des
jambes; quand il a passé par ces différents degrés de maigreur,
le dromadaire meurt infailliblement.
L'idée qu’on ne saurait impunément presser la bosse du
dromadaire, paraît inexacte. Si les Arabes encastrent cette
bosse dans un bât, c’est afin de s’y tenir assis, et non pour
garantir la bosse: s'ils ne se placent pas sur cette bosse, c'est
à cause de l’incommodité qui en résulterait pour eux et non
pour l’animal, lequel peut transporter trois hommes, sans que
celui qui est placé sur la bosse paraisse le fatiguer plus que ceux
qui sont placés en avant ou en arrière.
Sobriété. s
15. Les récits des voyageurs sur la sobriété du droma-
daire sont unanimes: Pietro della Valle, Ogilby, Chardin,
Thévenot, Philippe, Oléarius, Tavernier, Léon l’Africain et
surtout Shaw, qui a voyagé en 1740 dans la province d'Alger,
rapportent des faits extraordinaires et qui cependant sont sou-
vent au-dessous de la vérité.
J'ai présenté au général Marey-Monge, dans un de mes
voyages à Médéah, des dromadaires qui n’avaient pas mangé
depuis trois jours, ni bu depuis trois mois, et qui ne paraissaient
pas souffrir de cette abstinence. Lorsque le dromadaire ne
Loan à HT
trouve plus de nourriture sur place, son conducteur lui donne
par jour quelques petits morceaux d’une pâte faite avec de
la fleur de farine ; et, soutenu par ce seul aliment, cet animal
porte sept quintaux anglais au moins, dit Shaw, et marche
quelquefois dix et quinze heures par jour, sans s'arrêter.
Aucun voyageur n’a osé affirmer que le dromadaire ne boit
jamais pendant les deux derniers mois del’automne, pendanttout
l'hiver et pendant tout le printemps ; et cependant, tel est le fait
extraordinaire dont chaque jour nousapporte une nouvelle preuve.
Les Arabes affirment que si cet animal boit (159) si peu, il le
doit à lanature particulière de son foie, qui ne secrète pas de bile.
Au commencement de l’été, le dromadaire boit; puis il reste
quinze jours sans boire. Après avoir bu de nouveau, il demeure
encore quatorze jours sans boire, puis treize, puis douze, etc.,
et enfin sept jours, en diminuant d’une unité successivement
le nombre des jours d'abstinence ; ensuite, il boit tous les sept
jours, et rien que tous les sept jours, quelles que soient la fa-
tigue et la chaleur de la marche.
La quantité d’eau qu'il prend chaque fois varie de 30 à 40 litres.
Il faut, dit-on, au dromadaire, l’herbe du désert pendant
l'hiver et la broussaille pendant l’été; on ne lui donne ni orge
ni paille ; il se nourrit de feuilles d'arbres, et il choisit de pré-
férence les végétaux épineux, hormis l’aloès, auquel il ne
touche jamais.
Pour engraisser cet animal, on doit le faire changer souvent
de pâturages et le conduire surtout dans des plaines où il puisse
brouter beaucoup d'herbe. Dansun bon terrain, il mange(68)assez
pendant deux heures pour les besoins d’un jour ; il peut paître
depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, aussi bien au repos
qu'en marchant, grâce à son cou qui, par sa longueur, lui sert
de balancier, et au moyen duquel il soutient l'équilibre de son
corps. Le dromadaire mange (158) le double du cheval.
da TD.
Réservoir d’eau.
16. Le chameau supporte la faim et la soif avec une patience
qui tiendrait du prodige, si l’on ignorait la structure de son
(194) estomac, lequel est capable de contenir et même de pro-
duire de l’eau, suivant l'opinion du célèbre Cuvier. En effet, non-
seulement le chameau a quatre estomacs comme tous les ru-
minants, mais 1l a, en outre, dans un de ces estomacs une sorte
de réservoir formé par des augets ou cellules qui, dans leur en-
semble, peuvent contenir plus de vingt litres d’eau; cette eau
y séjourne sans se corrompre : à tel point qu’un célèbre voya-
geur rapporte avoir vu éventrer un dromadaire mort depuis dix
jours, dans le réservoir duquel on trouva trois litres d’eau en-
core potable. C’est en comprimant ce réservoir par l’action des
muscles abdominaux, que l’animal peut faire refluer le liquide,
soit dans sa panse, soit dans son gosier.
L'expérience pourra faire connaître si l’eau des cellules pro-
vient d’une réserve faite par l'animal sur sa boisson, ou bien
si elle n’est que le produit naturel d’une sécrétion alimen-
taire. Le dire des Arabes et nosspropres observations sont en
faveur de cette dernière opinion. Un dromadaire étant mort par
accident, le 40 décembre, dans la Mitidja, l’ouverture en a été
faite en présence de plusieurs officiers de Bordj-el-Arach; le ré-
servoir d'eau présentait l’aspect d’un melon, dont il offrait
toute la contexture. Il contenait plus de quinze litres d’eau ver-
dâtre, mais sans mauvais goût. Les Arabes présents ayant af-
firmé qu’après avoir déposé trois jours, cette eau devenait lim-
pide et restait potable, l’expérience en fut faite et elle réussit.
* Motifs de la préférence donnée au dromadaire sur le mulet.
17. Loin du littoral de la Méditerranée, on préfère le droma-
daire au mulet, pour les motifs suivants : 1° il vexiste mille fois
s 2", PONS es
ne
plus de dromadaires que de mulets; 2° le mulet ne saurait se pas-
ser d'orge; 5°si le mulet porte trois sacs, le dromadaire en porte
quatre ; 4° le mulet doit boire tous les jours, et le dromadaire
tous les sept au plus; 5° le mulet chaque jour perd de sa force,
tandis que le dromadaire, grâce à la diminution de sa bosse,
voyage longtemps avec la même force et la même vigueur; 6° le
mulet a besoin de se reposer chaque soir, etle dromadaire, moins
sensible à la fatigue, peut continuer sa route pendant plusieurs
jours sans presque s’arrêter ; 7° le mulet, pendant les fortes cha-
leurs et les grandes pluies, a besoin d’une écurie ; le dromadaire
est toujours mieux en rase campagne qu'entre des murs ; l’odeur
de la chaux lui est particulièrement funeste ; 8° le mulet a be-
soin d’être pansé et étrillé ; le seul soin qu’on prend du droma-
daire, c’est de le frotter avec un morceau de bois lorsqu'il est
couvert de poussière ou de boue; 9c le dromadaire peut être
discipliné plus facilement que le cheval et le mulet ; 10° le dro-
madaire est monté, conduit et gardé plus facilement que le
cheval ou le mulet qu’on laisserait en état de liberté comme lui;
lorsqu'il est entravé aux deux genoux de devant, il ne peut se
sauver, ce qui arrive souvent au cheval et au mulet; 11° le
dromadaire se blesse plus difficilement sur le dos que le che-
val etle mulet, mais, à la vérité, il se guérit moins vite qu’eux;
12° le dromadaire ne rue presque jamais : ses ruades, du reste,
ne peuvent faire de mal; il ne mord que pendant le rut : on ne
peut en dire autant du mulet; 15° le dromadaire est moins su-
jet à la maladie que le cheval et le mulet; il n’est point ex-
posé à la morve, qui décime tous les ans ces derniers animaux ;
14° le mulet transporté en Algérie ne dure que quatre ans, et
le dromadaire dure vingt ans au moins; 15° le mulet coûte au
bout d’un an 755 francs, et le dromadaire ne coûte que 90 fr. ;
16° le mulet coûte chaque jour davantage à cause de la nour-
riture ; le dromadaire ne coûte rien de plus que le prix d’achat,.
ke
Manière de le conduire,
18. Le sifflement du maître fait coucher lé dromadaire, le fait
marcher au pas ou au trot, le fait arrêter ou lever. On emploie
aussi une baguette longue d’un mètre et demi, de la grosseur
du petit doigt, avec laquelle on lui frappe légèrement les deux
genoux, pour le faire coucher, et Le derrière, pour le faire lever
et marcher. L'animal s’accroupit pour faciliter le chargement.
Les Arabes de la régence d'Alger conduisent leurs droma-
daires par le moyen d’une longue baguette et sans bride; en
Égypte, on les guide par le moyen d’un anneau passé dans les
parines et d’une corde attachée à l’anneau.
Vitesse.
19. On pense à tort que le dromadaire pourrait faire tou-
jours vingt lieues par jour. Napoléon dit que c’était leur course
habituelle en Égypte; d’où il faut conclure que la race de l’Al-
gérie proprement dite, étant loin du véritable désert, a dégé-
néré. Le dromadaire d'Algérie ne saurait faire, sans s’arrêter,
plus de douze à quinze lieues par jour; la sonnette que j'ai fait
adapter à son cou contribue à activer la marche de cet animal.
Hygiène et maladies.
20. Les deux principales maladies (147) du dromadaire dans
la Mitidja, sont la toux et la gale. Il paraît que les vétérinares
(tbib) de ces animaux n’en perdent qu’un seul sur trente atteints
de ces maladies d’une manière grave. Le caïd de ces animaux
en est en même temps le tbib ; on l'appelle le caÿd-el-bel et non
caïd-el-djmel ; le mot (103) bel désigne la réunion d’un grand
nombre de dromadaires. | |
Pour maintenir le dromadaire en santé, après en avoir coupé
LR LR dE ns €
— 15 —
le poil au printemps, même celui de la bosse, on frotte son
corps entier avec du goudron et de l'huile; après cette friction,
il est bon de ne pas mettre le bât sur l'animal pendant environ
un mois. Tous les trois mois, on répète celle opération sur le
poil seulement, mais d’une manière légère et sans toucher la
partie du dos qu’occupe le bât : vingt-quatre heures après, on
peut faire travailler le dromadaire. Ainsi, le nombre des fric-
tions annuelles est de cinq: l'Arabe qui les opère ne choisit ja-
mais le samedi ; il doit aller au bain auparavant et être sain de
corps ; telles sont les coutumes àce sujet. L'opération n’a jamais
lieu que par un temps sec, sous peine de voir l'animal trembler
aussitôt de tous ses membres et souvent mourir en peu de
temps. Lorsque le dromadaire a la (162) gale, ce qui se recon-
nait à la chute du poil, on enduit la partie malade de goudron,
en recommençant deux ou trois fois s’il y a lieu, et à deux jours
d'intervalle. Lorsqu'il est blessé, on lave la blessure avec de
l’eau, puis en la goudronne. Lorsqu'il est méchant, ou lorsque,
“étant en rut, il entre en (7-116) fureur, on lui goudronne la tête,
sauf à répéterlafriction toujours légèrement, sansquoiiltomberait
hébété et ne mangerait pas de plusieurs jours. Le goudron, le
sulfate de cuivre, l’ocre ou le vermillon et le feu sont les seuls
ingrédients employés par les vétérinaires du dromadaire, pour
. panser ses plaies ; l'huile, le beurre rance et l'ail sont les seuls
médicaments qu’on lui administre à l’intérieur.
Allure du dromadaire.
21. L’allure du dromadaire ne donne pas de nausées sem-
blables à celles que détermine le mal (154) de mer, ainsi que le dit
Napoléon dans ses mémoires. On peut affirmer que le pas et le
petit trot du dromadaire sont plus doux que le pas et le petit
trot du cheval, à cause de l’élasticité (129) de ses pieds.
— 16 —
Le pas du dromadaire est, en plaine, de quatre-vingt-cinq
à la minute et de 1" 95 : il se soutient ainsi pendant des jours
entiers, et force le fantassin qui le suit à faire cent vingt-six pas
de 0,86 à la minute. Son trot est moins long, mais il l’est assez
pour qu’un cheval ne puisse le suivre que difficilement. Un che-
val au galop est distancé par un dromadaire au galop en peu de
temps : en descendant, le dromadaire trotte naturellement ; il
marche l’amble, c'est-à-dire des deux jambes du même côté à
la fois et non diagonalement comme le cheval. Ses jambes, sur-
tout celles de derrière, sont d’une finesse remarquable et si lon-
gues qu’elles en sont désagréables à l’æil, ce qui parait d’abord
un vice de conformation; mais c’est, au contraire, un des avanta-
ges les plus précieux de cet animal qui, dans les marches du dé-
sert, enfonce ses jambes dans le sable à une profondeur d’un
pied à un pied et demi, sans en être fatigué.
— — 2 © —— —————
TITRE IT.
PARTIE MILITAIRE.
——
CHAPITRE Ier,
DES CONVOIS MILITAIRES.
Peut-on tirer une utilité de l'emploi du dromadaire, et quelle est cette utilité ?
22. Dans la partie d'histoire naturelle du dromadaire ont
dù naturellement prendre place des notions sur lesquelles s’ap-
puie la partie militaire, qui est l’objet important de mon rap-
port.
Peut-on tirer une utilité de l’emploi du dromadaire et quelle
os AY <=
est cette utilité ? la réponse à cette question est bien simple.
Les Arabes, chaque jour, sous nos yeux, s’en servent comme
moyen de transport pour eux, pour leurs familles et leurs den-
rées. Les Turcs s’en sont servis à la guerre pour transporter
leurs convois, leurs blessés et leurs malades.
IL y a donc lieu d’examiner : 1° si le dromadaire peut être
utilisé pour les convois militaires avec des Français; 2 s’il peut
être utilisé pour le transport de l'infanterie dans les expéditions
lointaines.
Ces deux questions, qui sont loin d’être les mêmes, méritent
une discussion approfondie: chacune d’elles est d’une actualité
que personne ne peut méconnaitre. |
L'Algérie ne peut suffire à la fourniture des mulets de l’armée.
23. Il est constaté que notre consommation de mulets pen-
dant les années 1859, 1840, 1841, 1842 et 1845, a été de onze
mille. Cette consommation augmente chaque jour. Or, il est
malheureusement avéré que ce pays ne pourra, pendant cinq
ans encore, suffire à une pareille consommation. On doit donc
se demander comment on pourra suppléer à la pénurie de bè-
tes de somme et de mulets.
La première condition pour qu’un peuple conquérant conserve
sa domination sur un peuple vaincu, c’est qu'il se suffise avec
les ressources qu’il se procure dans le pays même. Le droma -
daire étant la bête de somme de l'Algérie, doit done, si cela
est possible, être employé par notre administration.
Les Turcs se servaient de dromadaires.
2%. Cet animal était le mode de transport employé par les
Turcs pour envoyer à tous les détachements de la milice can-
tonnée dans l’intérieur du pays, l'huile, le beurre et les figues
qui entraient dans la composition de la ration du soldat.
2
Ces convois n’avaient lieu que pendant l'été. Les dromadai-
res appartenaient au beylick, lequel, en 1830, en avait encore
plus de 400 ; lorsque l'autorité turque voulait en expédier, elle
mettait en réquisition un conducteur pour cinq bêtes, et les
tribus qui fournissaient ces conducteurs répondaient du char-
sement. Lors de notre débarquement, le caïd el bel de l’époque,
Si-ben-Kaâl, mort en 1839, ayant manifesté des craintes au
gendre du dey, l’aga Ibrahim, celui-ci, dans l'intérêt de la con-
servation de ces animaux, prescrivit de les répartir entre tous
les caïds de la Mitidja, lesquels se les sont appropriés. Un de ces
animaux, marqué à la lettre du beylick, devenu aujourd’hui
la propriété du Gouvernement, est à la Maison-Carrée dans nos
rangs.
Dépense du corps des équipages mihtaires en Algérie.
25. Le nombre de mulets ou de chevaux de trait au service de
l'administration dans toute l'Algérie est de plus de 6,000, et
chaque année, ies transports auxiliaires coûtent près de deux
millions.
La nourriture de ces 6,000 bêtes coûte environ trois millions
par an.
En 1842, sur 6,000 mulets ou chevaux de bât, la perte a
été de 1,850. : 3
En 1845, sur un effectif un peu moindre, la mortalité a été
de 2,000 environ.
Le nombre des voitures est de 1,000, et la dépense qu’elles
occasionnent peut s'élever par an et par voiture à 200 francs.
Enfin, notre effectif de soldats du train est de 2,800. II est
bon de dire qu’ils reçoivent de plus que le soldat d'infanterie :
19 francs de première mise ;
04 centimes de prime d'entretien par jour;
26 centimes de solde journalière,
SL E
Et une masse d’habillement un peu plus forte que dans l’in-
fanterie.
Le ministre a plusieurs fois recommandé d’expérimenter ce moyen de convoi.
26. L'idée d'employer dans l’armée française le dromadaire
pour les convois n’est pas neuve : elle date de loccupation. Tan-
tôt adoptée avec empressement, tantôt repoussée avec aveugle-
ment et par suite de préjugés, ce moyen de convoi n'a jamais été
expérimenté d’une manière suivie et précise, malgré les ordres
formels du ministre de la guerre (Voy. pièce justificative A). Ja-
mais le projet d’une organisation de soldats chameliers n’a été
soumise à son approbation par le gouverneur général. Le ministre
pressait en même temps l'organisation d'un service de trans-
ports par les voitures bouvières ; et cc service, après être resté
longtemps en souffrance, fonctionne maintenant de la manière
la plus satisfaisante.
Aussi les hommes consciencieux, mais timides, voyant que
cette question n’a pas fait un pas en avant depuis si longtemps,
sont-ils encore indécis sur la solution qu’elle est susceptible de
recevoir.
Des expériences ont été faites sur tous les points de l'Algérie. ,
27. Dans les provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine, en
temps de paix comme en temps de guerre, l'autorité à em-
ployé des dromadaires. Après des essais si nombreux, la vérité
est que nous sommes encore divisés en deux camps, dont le
plus nombreux est contraire à la mesure.
Opinions favorables à la mesure.
28. Après l'expédition de Mascara, où on s’est servi de dro-
madaires pour la première fois, l’intendant de Guiroye (pièce
justificative A 4°) déclara que l'emploi de ces animaux avait
2.
= DD
été des plus utiles : «Ils firent, dit-il, -plusieurs marches de
« nuit, sans que les caisses et les tonneaux qu’il portaient aient
«été le moins du monde endommagés. Les expériences ont
« été faites et refaites plusieurs fois, et elles ont parfaitement
« TÉUSSI. »
Cette opinion a été partagée par un grand nombre d'officiers
du corps de l’intendance (pièce justificative A°, pièce B), d’of-
ficiers du corps des équipages militaires, de vétérinaires (pièce
justificative A‘), et enfin d'officiers comptables. Des officiers du
train sont connus pour s’en être servis avec avantage. Je cite-
rai en particulier l'opinion de M. le colonel Poiré, qui, dans un
rapport très-détaillé ( pièce justificative A’), n’hésitait pas
à émettre, sur ce moyen de convoi, des idées qui avaient fixé
l'attention du ministre :
« Je certifie, dit-il, en homme consciencieux et dévoué, que
«les difficultés signalées jusqu’à ce jour ont été créées par
« beaucoup de laisser-aller et présentées avec exagération. »
Un des bons administrateurs de l'Algérie termine ainsi son
rapport sur la même matière : |
«C’est un trésor, dit-il, qu’on a négligé avec tant d’aveu-
«glement, qu'on a peine à le croire, et qu’il est did de
« s’en rendre compte. »
Opinions défavorables.
29. Voilà les opinions favorables. Je vais transcrire avec
la même fidélité les opinions contraires émises aujourd’hui, ou
telles qu’elles ont été formulées par des hommes consciencieux
opposés à notre projet (pièce justificative A‘):
1° Toutes les expériences ont jusqu’à présent échoué. Elles
ont été dirigées souvent par des hommes consciencieux et éclai-
rés, et tout porte à croire que les nouveaux essais LE seront
pas plus heureux ;
LE
20 Les dromadaires du Sahara ne s’acclimateront pas dans la
Mitidja : raison de plus pour que les nouveaux essais échouent
encore une fois;
3° Les conducteurs arabes voyagent pour le compte du
maitre du dromadaire dont ils sont les domestiques : ils se
prêtent avec peine à l'exécution d'un service dans lequel ils
meurent de faim : aussi protitent-ils de l’indocilité réelle ou
simulée de leurs bêtes pour s’écarter de la colonne ou pour
s'enfuir avec leur charge ;
4° Dans les terres argileuses , par suite de la conformation
de ses pieds larges et plats, le dromadaire glisse facilement, et
il compromet sa vie et son chargement ;
5° Il a peur du bruit du tambour et de la fusillade ; il a peur
du pantalon garance ; il a peur de tout’;
6° Lorsqu'il sent l'eau, il court s’y précipiter avec sa charge :
la charge se brise, et la colonne ne boit plus que de l’eau trou-
blée ; ”
7° Les Arabes l’envoient dans le désert pendant l'hiver ;
qu'en ferait, pendant ce temps, l’administration française ?
8° Pendant le rut, il est si terrible, qu’il blesse et tue même
son conducteur : il se sauve souvent, et on ne peut plus le rat-
traper ; |
9° On na besoin de lui qu’à des époques éloignées : il est
donc plus convenable de le louer avec son conducteur ; de cette
manière, on évite la nécessité de le nourrir avec une ration
qui doit être double de celle du mulet ;
10° Si une colonne expéditionnaire ayant beaucoup de dro-
madaires était attaquée, elle serait compromise, parce que ces
animaux s’effraieraient ainsi que leurs conducteurs : on se-
rait donc obligé de s'occuper d’eux, alors qu’on n'aurait pas
trop de temps pour préparer la défense.
110 Dans les colonnes expéditionnaires, l’arrière-garde esl
im DD
toujours retardée lorsqu'il y a des dromadaires au convoi.
Discussion des opinions défavorables.
30. Voilà toutes les objections, et je ne veux pas eh dimi-
nuer la gravité. Disons tout de suite qu'à cette question se
rattache une économie considérable, laquelle, si elle était ef-
fectuée par l'administration, pourrait aider à faire conserver
l'effectif de l’armée, pendant longtemps encore, sursle pied où
il est en ce moment en Algérie.
Un fait est au moins hors de doute : c’est qu'il ne faut ni
adopter ni repousser légèrement ; qu’il faut étudier les expé-
riences faites, en se mettant en garde contre l'esprit d’oppo-
sition qui s'attaque toujours à chaque idée nouvelle. Il est in-
dispensable de savoir si les expériences ont échoué par suite
des défauts des condueéteurs ou de ces animaux ; ,si elles ont
été conduites avec cet esprit ferme et résolu qui s’arrête de-
vant les difficultés insurmontables, mais non devant le mauvais
youloir ou le caprice d’un agent subalterne.
Les expériences n’ônt pas été faites avec la ferme volonté de réussir.
91. Toutes les difficultés mentionnées dans les opinions ci-
dessus sont-elles insurmontables ? Les personnes chargées de
suivre Ces essais en ont-elles voulu résolument la réussite ?
À cette question, tous les hommes consciencieux répondent
négativement ; et je pourrais dire les raisons particulières pour
lesquelles on à échoué jusqu’à présent dans chaque essai.
Les uns ont eu peur du ridicule ; les autres étaient convain-
eus d'avance de la non-réussite des essais.
Moyens employés sous M. le général Marey- Monge.
52. Ce n’est pas ainsi que j’ai procédé sous M. le général Ma-
as 9 ‘2:
rey-Monge. Son expérience du pays lui avait prouvé depuis long-
temps que c'était par la faute de l’homme, et non par celle de
la bête, que ces essais avaient toujours échoué. Pénétré de
cette idée, et doué d’une force de volonté bien connue, il ne
s’est pas rebuté contre le mauvais vouloir de quelques person-
nes ; les premiers moyens ayant été reconnus défectueux, il
en a imaginé de nouveaux ; et, lorsqu'il fut bien prouvé que ces
essais dureraient jusqu'à ce que le problème füt résolu, on
s’appliqua à réussir, et l’on réussit en effet en peu de temps.
Voici l’ordre des expériences :
Le général choisit dans le 55e de ligne quarante ones
de bonne volonté, qu’il plaça sous mes ordres et sous ceux
de M. le lieutenant Vaissier, pour conduire quarante droma-
daires de razzia ; puis il fit venir : 1° du pays des Raman, deux
équipages de dromadaire, consistant en un bât à califourchon
et un bât à cacolet; 2° du pays des Hadjoutes, un équipage de
la Mitiaja.
L'expérience ayant fait préférer le bât des Hadjoutes, ce bât
et le licol qui en faisait partie furent bientôt perfectionnés et
adaptés aux besoins de nos soldats, qui parvinrent à se faire
connaitre, aimer et obéir de leurs bêtes, ét à les plier à toutes
leurs volontés.
Alors la compagnie des chameliers fut portée à quatre-vingts
hommes et à quatre-vingts dromadaires, et elle fit le service
du train dans l’expédition du Djebel Dira, où elle commença
à prouver que réellement : 4° le soldat français peut remplacer
l’Arabe dans la conduite du dromadaire ; 2° que cet animal,
lorsqu'il est de seconde force, est loin de retarder la marche
des colonnes.
Enfin, Monsieur le Maréchal, vous avez voulu expérimenter
définitivement si les soldats d'infanterie pouvaient seuls être
chargés de transporter un convoi, et vous m'avez donné l’ordre
1
d'en conduire un à Médéah. La première nuit, j'ai campé à
quatorze lieues d'Alger, dans la gorge de la Chiffa ; et le len-
demain de bonne heure, je suis arrivé sans aucune perte à ma
destination. Les bêtes ne portaient chacune que 150 kilogram-
mes, parce que ce n'étaient que de bêtes de rebut; cependant,
lorsque le conducteur était fatigue de faire une marche de 126
pas de 0m,86 à la minute, il montait sur sa bête pour se reposer.
Le retour à eu lieu pendant la pluie et en trente-six heures
seulement : un Arabe seul, le caïd El-Bel, faisait partie du dé-
tachement.
Dans ce convoi, chaque bête avait son conducteur; dans
celui qui va suivre, un homme conduira deux bêtes, ainsi que
cela se pratique dans le corps des équipages militaires, où un
homme est affecté à deux mulets.
Ces convois continueront tant que la mauvaise saison ne s’y
opposera pas; et déjà l'opinion publique est que nos hommes
ont passablement profité des leçons des Arabes à ce sujet.
Ainsi se trouve peut-être résolue la grande difficulté qui a
fait échouer tous les essais : elle portait sur les conducteurs
arabes ; si nous les eussions employés pour nos expériences,
je suis persuadé que nous n’aurions jamais réussi.
Le dromadaire peut servir dans un pays de montagnes.
39. Reprenons les difficultés qu’on a fait valoir.
Les Turcs faisaient conduire le dromadaire du beylick à
Médéah et à Milianah : le général Marey-Monge l’a fait marcher,
en automne, dans le Djebel Dira, où il a gravi souvent des
pentes au huitième. Nous avons vu le dromadaire dans nos
colonnes de ravitaillement, en 1840 et 1841, franchir les
montagnes et marcher avec la pluie.
.
D,
2 ue
J] n’est pas peureux.
94. Le dromadaire ne s’effraie pas du bruit du tambour et
de la fusillade; et, s’il est bien tenu en main par le moyen du
nœud coulant adopte, il se familiarise facilement avec toute es-
pèce de bruit, même avec celui des voitures et du canon : au
surplus, il serait en vain pressé par l’aiguillon de la faim ou de
la soif ou par la fantasia des Arabes, le conducteur pourrait
toujours l’arrêter tout court avec ses moyens.
La comparaison entre le mulet et le dromadaire est loin d’être à l'avantage du mulet,
55. La comparaison entre les deux bêtes de somme ne peut
pas être soutenue d’après tout ce qui a été dit dans la première
partie de ce rapport. Pour la nourrriture, il est à noter qu'à
quelque époque ou en quelque lieu que l’on se trouve, en Al-
gérie, on ne donne jamais au dromadaire ni orge, ni foin; cet
animal se nourrit sur place, et, lorqu'il ne le peut, deux seule-
ment sur dix touchent à l'orge qu’on leur présente, et tous
mangent le foin et la paille.
Il vaut mieux acheter le dromadaire que le louer.
56. Le loyer est de 6 francs par jour ou de 12 francs au
quintal, pour aller de Blidah à Médéah. Un fort dromadaire ,
portant deux quintaux, gagne 24 francs par voyage, c'est-à-
dire en deux jours: donc, en dix voyages ou en trente jours, le
prix de la bête est payé, et il sert encore longtemps gratis.
Les 500 dromadaires provenant de la razzia des Rahman , en
mars 1845, ont été vendus 25,000 francs, ce qui fait 50 francs
par tête; et, quelques jours après, ils travaillaient pour le
Gouvernement au prix de 6 fr. par Jour.
— 96 Et
Le dromadaire n’est pas un embarras dans lés circonstances de guerre critiques.
57. Le désordre que cet animal pourrait susciter dans un
moment difficile est nul : én deux minutes, l’éssai en a été fait
publiquement ; le dromadaire s’accroupit et il est entravé aux
deux genoux de devant ; dans cette position, il peut être tué,
mais pour être enlevé, il faut qu’il soit désentravé, tandis que
le cheval et le mulet coupent facilement leurs liens et peuvent
être mis en déroute par suite d'une simple terreur panique.
Le dromadaire fort et robuste ne retardé pas la marche des colonnes.
98. ILest vrai que souvent, dans nos courses, les dromadai-
res du convoi ont retardé la marche des colonnes; cela provient
du mauvais choix qu’on fait de ces bêtes par suite de l’impos-
sibilité où l’on est maintenant de s’en procurer de meilleures.
Supposons que la cavalerie soit montée sur de mauvais che-
vaux, elle retarderait de même la marche de l'infanterie ; mais
le bon cheval, comme le bon dromadaire , marchant avec des
troupes à pied, les fatigueront, parce que le fantassin devra
faire une marche forcée pour les suivre.
Les habitants des plaines conservent le dromadaire pendant l'hiver,
99. Les habitants des paysfroids, des montagnes, par exemple,
envoient à la vérité le dromadaire dans le désert pendant le fort
de l’hiver : mais les habitants de la Mitidja le conservent tou-
jours et ils s’en servent avec confiance, même pendant l'hiver.
C’est pourquoi il serait important de surseoir de suite à la con-
cession de quelques fermes qui appartiennent encore au beylick
dans la Mitidja et de racheter celles qui, comme la Maison-
Carrée, sont indispensables pour y établir de grands pares ;
dans les écuries de la Maison-Carrée et de la Ras-Sautha, avec
= 97 —
peu de dépenses, on pourrait parquer mille dromadaires pen-
dant le temps que l'administration ne s’en servirait pas.
Rien n’empêcherait alors de créer un haras de deux ou trois
cents nagas (femelles) et de régénérer la race, de manière à
lui rendre la légèreté qu'elle a perdue. Le petit, arrivé à quatre
ans, servirait aux transports ét n'aurait pas coûté 40 francs
d'entretien.
La mortalité du dromadaire employé actuellement ne prouverait rien.
40. Il est possible, si l'hiver devenait très-rigoureux, que
le dromadaire venu du Sahara périt à la Maison-Carrée ; dans
ce cas, il faudrait acheter chez les Hadjoutes, par exemple,
celui qui devrait servir dans la Mitidja ; et dans le désert
d'Angad, celui qui devrait servir à l’infanterie dans le sud de
l'Algérie.
Certes, c’est jouer gros jeu que dé faire nos expériences en
hiver et en prenant des animaux fatigués, presque tous de re-
but et rongés de la gale : si les essais se terminent comme
je l'espère, c’est que la cause que je soutiens ne pouvait être
perdue.
Le temps du rut n’est pas une difficulté,
41. Le dromadaire peut devenir, à la vérité, terrible pen-
dant l’époque du rut; mais s’il est acheté après le printemps,
il est délivré du rut par le moyen d’une ou deux frictions de
goudron sur la tête; et si c’est avant, il est châtré, quelque âge
qu'il ait, sans aucun risque de perte.
L'animal ne donne pas le mal de mer,
42. Les expériences anciennes et celles qui ont été faites de-
puis sept mois oht convaincu que pas un soldat n’a éprouvé le
mal de mer sur un dromadaire: elles ont confirmé, au contraire,
l'exactitude du raisonnement suivant: cet animal marchant à
l’'amble, c’est-à-dire, des deux jambes du même côté à la fois,
son pas est plus doux que celui du cheval, lequel marche de
deux pieds diagonalement : par conséquent, il est très-propre
au transport des malades et des blessés. C’est pourquoi les
Turcs avaient fait construire des bâts de dromadaire à deux
places ; le blessé ou le malade se placait sur le devant, et il
était soutenu par un conducteur qui prenait place derrière lui.
Poids porté par le dromadaire.
45. D’après ce que chacun de nous a vu souvent, le gros dro-
madaire porte cinq à six sacs d'orge de 60 kilog.; le moyen 4, et
le faible 5, sans compter le poids du conducteur qui monte sur
la bête, toutes les fois qu’il est fatigué.
J'ai exposé consciencieusement et je crois avoir réfuté les
objections qui ont été présentées à toutes les époques ; il en
reste une seule qui est sérieuse, du moins dans certaines
limites, et prouve que le dromadaire n’est pas parfait.
Le dromadaire ne peut marcher par le temps de pluie et ne peut suivre les colonnes.
44. Le dromadaire ne peut, dit-on, marcher avec la pluie :
il ne peut donc jamais être employé dans les colonnes expé-
ditionnaires. À
Mon intention n’est pas actuellement de résoudre la question
des convois d’une manière complète, en proposant une orga-
nisation de compagnies de chameliers, en déterminant les pays
où elles peuvent être employées, en envisageant enfin cette
question sous toutes les faces.
Pour moi, cette question n’est qu’accessoire, et si je suis entré
dans quelques détails à ce sujet, c’est parce que M. l’intendant
d'Alger m’a demandé un rapport sur un sujet si important; c’est
enfin pour prouver que le corps des dromadaires, une’fois or-
=
ganisé, pourra S’approvisionner lui-même, et de plus être sou-
vent chargé d’un convoi sur des places de l’intérieur, si c’était
nécessaire.
Je concède donc les deux propositions ci-dessus, tout en fai-
sant observer qu’il y aurait autant d’imprudence à charger un
convoi sur des dromadaires dans les pays montagneux qu’à ne
pas le leur confier dans le désert d'Angad et au delà. La guerre
est finie, pour longtemps peut-être, autour de nous ; l'intérêt
du Gouvernementest de la porter au loin le plus vite possible ;
el alors il ne faudra que des dromadaires ; la nature du sol le
veul ainsi. |
Proposition de supprimer les transports auxiliaires et de créer un bataillon
avec 4,000 dromadaires.
45. J'arrive à ma proposition d'utiliser les dromadaires dans
l'Algérie, en tenant compte des difficultés que j'ai concédées,
comme inévitables, et en ne comptant pour rien les autres, qui
n’ont été mises en avant que par des hommes qui n’avaient
point une énergie suffisante. |
Les transports auxiliaires de l’armée coûtent maintenant par
an une somme de deux millions: je propose d'organiser un
bataillon avec mille dromadaires et je vais dire de quelle utilité
il serait à l’armée.
Dépense occasionnée par 4,000 dromadaires annuellement.
46. Les plus beaux dromadaires coûtent dans la Mitidja
300 fr. La dépense du premier achat serait donc de 300,000 fr.
La dépense annuelle serait :
1° Intérêt de l'argent à 5 pour 100. . . . 15,000 fr.
À reporter. ‘. . . 15,000 fr.
— 30 —
Report. . . . 15,000 fr.
4,000 cordes de 10m, en |
laine, àdfr. . . . . 4,0001fr.
1,000 bâis arabes, à 10 fr. 10,000
1,000 tellis, à 8 fr. . . . 8,000
. Goudronnage à 4 fr. la bête. 4,000 :
Huile, indigo, sulfate de cui- 6,000
vre, ocre, ele. 9,00
292,000
F.
|
5°
Plus, les frais de gardiens ordinaires :
1 caïd-el-bel par an. . . 1,500
® kaïds, à 1,000 fr. par an. 2.000 |
AA AIRE D 2 91,500
50 raïa, ou 1 gardien pour 20
bêtes, à 1 fr. par jour. . 18,000
5°, Dépenses 1MpPrevUes #7. T0 UE APP TETE
Toalerene) 0 80,000 fr.
. Le chiffre de dépenses, quelque minime qu’il soit, eu égard
à la grandeur du résultat qu'il procure, est établi sur des prix
maximum et sur les prévisions les plus larges: en effet, le
nombre des raïa pourra être réduit la seconde année, de un
pour vingt à un pour quarante et même cinquante; il faut en
conserver cependant pour quelques opérations qui, comme le
soudronnage , humilieraient peut-être quelque temps encore
l’amour-propre du soldat français.
Je propose, dès la première année, après avoir fait la dé-
pense n. 2 de 22,000 fr., d’intéresser le soldat à l'entretien de
ce matériel, en augmentant de dix centimes sa solde de pré-
sence ; il aura bientôt appris à tailler les bois, à faire les cordes,
et cette dépense ne sera que de 20,000 fr. par an.
Il me paraît inutile. de donner aux chamelfiers une solde plus
élevée, ce service devant être fait par le corps des équipages,
M —
dont l’effectif paraît trop considérable en Algérie, eu égard au
chiffre des animaux qu'il emploie : les soldats de ce corps re-
çoivent déjà une solde double de celle de l'infanterie qui travaille
autant qu'eux en ce pays.
Résultat à obtenir par cette organisation.
#7. Sur un troupeau de mille dromadaires, les Arabes disent
qu'il n’y en a pas cinquante d’indisponibles: je suppose que ce
chiffre s'élève à cent. Il resterait donc neuf cents bêtes prêtes
à servir.
Le temps des pluies, qui peut obliger les dromadaires de
suspendre leurs voyages dans la Mitidja, n’est pas de quatre-
vingts jours dans l’année; je le porte cependant à cent vingt-
cinq ou à quatre mois. Les neuf cents bêtes ne devront donc
travailler que deux cent quarante jours. Je choisis, comme base
de mes calculs, le ravitaillement de Médéah et Milianah: les
Arabes, du temps des Turcs, lopéraient avec des dromadaires
du beylick, lorsque ces deux places n'étaient reliées à Alger
que par des sentiers. L'opération sera bien plus facile, mainte-
nant que de belles routes sont ouvertes avec des pentes tout au
plus au 1%.
Economie de À million au moins dans la province d’Alger sur l'exercice 4844.
48. Dans les beaux jours, un dromadaire part de bon matin
d'Alger pour Médéah et il y arrive la nuit; il fait de même la
route d'Alger à Milianah en deux jours: voilà qui est inçon-
testable ; mais je suppose, 1° quant à Médéah, deux jours pour
l'aller, deux jours pour le retour, et même deux jours pour le
CPR OR RON 0 MT RON PE" Gr IQRES
2° Quant à Milianah, pour les mêmes causes . » 8 »
Temps nécessaire pour ce double voyage. 14 jours.
a
: ets
Divisant 240 jours par 14, le nombre de doubles voyages
que fera chaque dromadaire sera par an de 17:
Jé porte. 4 1, 1 0 RNA INONa Ses,
Le prix du transport du quintal métrique étant :
d'Alger à Médéah: de 0 M0L 60
et d'Alger à Milianah. . "1" 7"4197 80
Total 56 f. 60
Et un dromadaire pouvant porter deux quintaux, chaque
double voyage rapportera . . . . . . 75 tr. 20
les TNDyAaSeS tie LE AN Eee 1,244 40
et les 900 bêtes, en un'aniabrsvih 046 409 8601108
Diminuant la dépense annuelle. . . . 80,000 00
Le boni, en somme ronde, est de 1 ,000,000 00
RE ET EE 9 QE
Transport de 64,000 quintaux.
49. Une bête, dans son double voyage, porte. 4 q. ti.
Et dans ses 17 voyages . . . 65:34"
Le poids total porté par les 900 bôtes est " 61,000 d°
Ce poids correspond précisément au chiffre probable des
transports à effectuer sur ces deux places, eu égard à l'effectif
des troupes et surtout aux deux ravitaillements de 3 millions
de rations de vivres, ou la subsistance de 8,000 hommes en
AN 2 0 PI HU En DORE Barr x ANNE ne PS
750,000 rations d’orge ou l’orge nécessaire à
2,000 chevaux en un an, à quatre kilog. . . 28,000 d°
Subsitances, autres denrées! 4%209%. 7078 0 ER 000 0m
Hôpitäax.. +. 2: 0. CU RSR
Camypement. "00" 0 0 ASIN 0 A OST
Total éco OA0NPR
CS Ai
De ce caleul, il résulte clairement que les 1,000 dromadaires
pourraient remplacer le service auxiliaire des transports, et la
suppression de ce dernier service serait un bienfait pour le trésor
et pour la colonie.
Le dromadaire peut faire, pour l'administration militaire, diminuer le nombre
| des mulets en Algérie.
50. Mais là ne s'arrête pas l’économie possible : car, si les
principes qui peuvent'la faire admettre sont vrais, on doit en
étendre l'application au corps des équipages militaires, en rem-
plaçant, dès que les circonstances le permettront, un certain
nombre de mulets par des dromadaires.
Ce corps est chargé de trois services bien distincts :
1° D’approvisionner les places éloignées ; et, en général, il
importe peu que cette opération ait lieu deux ou trois mois plus
tôt que plus tard ;
2% D’assurer le service courant de ces mêmes places;
3° De suivre les expéditions.
Je propose de conserver le nombre de mulets nécessaires
pour les deux derniers services, et, à dater de cette année,
d’approvisionner Médéah, Coléah, Blidah, Milianah, parle moyen
de 1,000 autres dromadaires.
L'économie qui pourrait être faite serait de 1,500 mulets,
puisqu'un dromadaire peut porter plus qu'un mulet. Je sup-
pose qu’on n’en réduise que 1,200; avec des pertes de 120 bè-
tes par mois, bientôt l'effectif du corps des équipages descen-
drait au chiffre voulu par ce projet, si la remonte de France ne
venait continuellement combler les vides.
Économie produite par 4,000 dromadaires remplaçant 4,200 mulets ou chevaux de bât
dans la province d'Alger.
51. Une raison décisive pourrait porter à adopter ce parti: sion ,
3
3 —
achète les dromadaires au printemps et qu’on les fasse travail-
ler de suite, ils auront gagné en deux mois la dépense d'achat,
et viendraient-ils tous à crever pendant l’année, il n’y au-
rait aucune perte pour l'Etat. Mais un dromadaire finira par
durer entre nos mains, comme dans celles des Arabes, près de
vingt ans, et avec d'autant plus de raison, que nous avons de
nos animaux beaucoup plus de soin qu'eux. Voici des calculs
positifs qui justifieront ma proposition :
:
Coût de 1,000 dromadaires par an pour remplacer 4,200 mulets.
52. Le coût d’un dromadaire est de 500 fr., ci.. SOOfr.
Supposons que sa durée ne soit que de douze
ans, à raison de 80 francs par an, il aura coûté après
doté ansu ss ch edit ie ete Ne di 960
Prix de revient en douze ans. . . . . . . 1,260
EL Dar ant AUDE ere ot el ENAIEE A 105
Les 1,000 bêtes en un an coûteront. . . . . 105,000
PRESENT
Coût de 4,200 mulets. |
55. Un mulet, tous frais payés, rendu à Alger, revient à
900 francs; je suppose seulement 800 francs.
_ Il y a, à Alger, 5,168 bêtes de transport, et le chiffre des pertes
dans le dernier mois de 1845, s’est élevé à 68 : je prends ce
chiffre pour base, quoiqu'il soit le moins élevé des pertes des
autres mois de l’année : 68 par mois font 816 par an, le pro-
duit de la division de 3,168 par 816 donne au quotient 5,88 :
ua.mulet ou cheval de irait ne dure donc pas même quatre
ans en Algérie; supposons cette deruière durée : en douze
ans, un mulet aura élé remplacé deux fois et aura coûté, en
— 35 — |
SONATA NET 4 MSIE TS LUI Bouste 0178 2400.00
La nourriture journalière revient à 1 fr. 50
cent. ; je suppose avec le budget 1 fr. 20 c. : la
dépense sera par an de 458 fr., et en douze ans,
DR TER OR el RRQ gd de 8,200 ::00
Le ferrage fixé à 50 fr. par an reviendra, en |
douser ans, Rue’ .2 Ua MAUR Fr ANS Dai 560 00
Le harnachement, en douze ans, reviendra à
plus. de 200 fr.) melon; | 41,4. 180 00
Prix de revient en douze ans. . . . . . 8,196 00
: 1 à CCE 1 SENS A die NET Ps 683 00
Ainsi, les 1,200 mulets en un an coûtent. . 819,600 00
Et les 1,000 dromadaires qui remplaceraient
peut-être avec avantage les 1,200 mulets. . . 105,000 00
Economie annuelle, . . . . . . . . 114,000 00
v
Et je ne crains pas d’exagérer, en affirmant, que si je n’eusse
à dessein diminué considérablement les dépenses réelles du
mulet, tout en augmentant celles relatives aux dromadaires,
cette économie se serait élevée à 1,000,000 fr. au moins.
Économie possible sur le chapitre du budget des transports en Algérie pour la seule
province d'Alger.
|
54. Ainsi, l’économie générale qui pourrait être faite sur
le chapitre du budget de l’Algérie relatif aux transports, pour
la seule province d'Alger, en 1844, serait de 2,000,000 fr.
IL est probable qu’une économie pareille pourrait avoir lieu
dans les autrés provinces de l'Algérie sur le même chapitre;
mais je n'ose rien spécifier à ce sujet.
| 3.
BE Mb
. Conclusion.
55. La question de la possibilité des convois par le moyen
des Français et par des Français est donc résolue affirmative-
ment : les expériences déjà faites, celles que je suis encore ap-
pelé à faire devant telle commission qui sera nommée, prouve-
ront l’utilité que l’Etat peut en retirer immédiatement.
La réussite appartiendra au premier homme de cœur qui
osera entreprendre cette tâche; on le trouvera certainement dans
le corps des équipages militaires. Précisément, l'ordonnance du
11 janvier 1842, qui le réorganise, l’autorise, en temps de
guerre, à s'adjoindre des compagnies provisoires avec les res-
sources en hommes et bêtes que présente le pays occupé par
l’armée. 3e
Si, par suite de difficultés dont je ne veux pas expliquer d’a-
vance la nature, les officiers du corps des équipages venaient
à décliner la mission si honorable pour tout citoyen, et entore
plus pour un militaire, de travailler pour la patrie; ou si, en
d'autres termes, ils ne répondaient pas du succès, je connais un
officier d'infanterie qui, heureux et fier de pouvoir être utile à
l'Algérie, dont il ne sera jamais l’un des enfants gâtés, ose-
rait entreprendre cette tâche et il réussirait.
Mais n'est-ce pas une utopie que des hommes ont rêvée ?
Serait-il réellement possible de diminuer tout d’un coup le bud-
get de l'Algérie d'une somme aussi considérable? peut-on sup+
poser que, depuis quatorze ans, l’autorité française eût négligé
ce trésor avec un si grand aveuglement ?
Je pense que oui; mais, pour être juste envers tous, il faut
convenir :
1° Que les affaires courantes et pressées sont tellement con-
sidérables en Algérie, qu’un administrateur est obligé de leur
FR FR
consacrer tout le jour et mème une partie de la nuit, sans pou-
voir songer à l'avenir; on vit ici au jour le jour;
20 L'état de paix armée, ou de guerre, dans lequel nous vi-
vons depuis si longtemps, s’est loujours opposé à ce que des
essais fussent entrepris avec de grandes chances de succès. En
chargeant le corps du train de cette mission, on s’exposait tou-
jours à échouer, attendu que le service de ce corps est telle-
ment pénible, qu’il n'a pas le temps de s’occuper d’autres ob-
jets; |
5° L'époque actuelle est la première qui ait permis de penser
sérieusement à cette affaire, d'étudier les mœurs et le carac-
tère de l'animal. Ce n'est que maintenant que nous pourrons
faire une bonne remonte, puisque tout le pays est soumis de-
puis Maroc jusqu’à Tunis, depuis le littoral jusqu’au Djebel-
Amour ;
4 Enfin, si jusqu'ici une organisation de ce genre eût été
utile, ce n'est qu'après la pacification complète du pays, c’est-à-
dire depuis quelques mois seulement, qu’elle est devenue in-
dispensable. |
Prononcez-vous donc, Monsieur le Maréchal; tout dépend
de vous, et vous aurez la gloire d'entrer dans la voie des éco-
nomies possibles qui doivent enfin récompenser la France des
nombreux sacrifices qu’elle s'impose depuis longtemps pour
l'Algérie.
v— 36 — ,
CHAPITRE IL.
DU TRANSPORT DE L’'INFANTERIE.
.
Le dromadaire peut-il être utilisé pour le transport de l'infanterie ?
56. Me voici, enfin, arrivé à la partie importante de mon rap-
port.
Le dromadaire peut-il être utilisé pour le ranspork de l’in-
fanterie dans les expéditions lontaines ?
Régiment de dromadaires d'Égypte.
57. L'idée de faire transporter l'infanterie sur des dromadaires
a déjà été mise en exécution en Égypte par le général Bo-
naparte, qui fait, dans ses mémoires, un grand éloge du corps
qu'il organisa à ce sujet. L'histoire rapporte, qu'après la ré-
volte du Caire (1798), Napoléon forma, sous les ordres d’un
colonel, un corps d'infanterie composé d’un bataillon auquel il
donna le dromadaire pour monture : deux hommes placés dos
à dos, dit la France militaire, montaient le même dromadaire
qu'on chargeait, en outre, de munitions et de vivres pour plu-
sieurs jours. Le nombre de ces animaux, d’abord de 100, fut
ensuite porté à 700, lorsque le général Desaix fit fondre dans
le régiment du Caire le corps de dromadaires de la Haute-
Égypte, qui avait si inutilement poursuivi Mourad-Bey sous
les ordres de l’adjudant général Pierre Boyer.
Les traditions orales rapportent que chaque dromadaire avait
une selle avec étriers, encastrant la bosse, et que c’était sur le «
panneau, au-dessus de cette, bosse, que les deux hommes se pla-
çaient. L'animal était conduit par le guide, lequel dirigeait,
lorsqu'il était en selle, au moyen d’un licou ordinaire muni d’une
LS.
& =
muserolle, et de deux rênes, et, lorsqu'il était à pied, au moyen
d’une rène fixée à l’anneau passé dans une narine, ainsi qu'il
est en usage dans toute l'Egypte. Il est bien à regretter que
les anciens officiers de ce corps se soient refusés à me donner
les renseignements que je leur avais demandés à ce sujet.
Il serait à désirer aussi que le ministre de la guerre voulüt
bien donner communication des archives de son ministère rela-
tives aux corps des dromadaires d'Egypte; on y puiserait des
renseignements bien utiles pour la création d’un corps sembla-
ble, qui tôt ou tard doit avoir lieu en Algérie. Il n’est pas pos-
sible que toutes ces pièces soient égarées, comme on le prétend.
Les Turcs n’ont jamais pensé à une organisation définitive de
celte espèce.
Emploi des dromadaires par les Turcs,
58. Un vieillard qui était employé à la garde des droma-
daires du beylick, qui a fait en cette qualité bien des expédi-
tions, et notamment celle des Beni-Mzab en 1804, et celle de
Boüssada en 1850, rapporte ainsi qu'il suit l'usage que les
Turcs faisaient du dromadaire dans ces deux courses :
La milice partait au point du jour, ne portant que ses armes,
et elle s’arrêtait à l'asser (prière faite à trois heures et demie
du soir); elle ne voyageait jamais qu’à pied. Les hommes mala-
des ou blessés montaient sur les dromadaires du beylick, qui
avaient chacun un conducteur requis gratuitement. Ces bêtes
portaient les tentes à vingt-cinq hommes, les rations de vivres, .
consistant en bérouel (blé concassé) et en busmat (biscuit), ainsi
que des peaux de bouc remplies d’eau, dont on pouvait boire
à volonté.
Les dromadaires portaient aussi de petites pièces d'artillerie
sur des bâts particuliers. Je me rappelle en avoir vu en 1850
au fort Babazoun, lors de la prise d'Alger.
— #0 —
Emploi des dromadaires par Abd-el-Khader.
59. Abd-el-Khader, dans la dernière guerre, a fait souvent
transporter son infanterie, soit par des mulets, soit par des dro-
madaires, requis dans les tribus. Avant la destruction de son
infanterie régulière, c'était à dos de dromadaires qu'il lui fai-
sait traverser rapidement les Chott, pour porter la guerre dans
la province de Tlemcen. On sait que c’est par une marche de
trente-six heures, faite de cette manière, qu’il s’est emparé de
Médéah, avänt le traité de 1857.
Expédition de M. le colonel Jusuf exécutée avec de l'infanterie montée.
60. Les Français n’ont fait qu'un seul essai de ce genre; mais
il doit être très-sérieusement étudié, comme point de départ
des opérations nouvelles qui pourront avoir lieu dans la suite.
Au mois de juillet de l’année 1845, on a voulu transpor-
ter rapidement un corps d'infanterie jusqu'à Tiaret; douze
cents mulets furent réunis à Boghar pour monter deux batail-
lons d'infanterie, l’un du 55° de ligne, l’autre des zouaves. En
confiant le commandement de cette colonne à M. le colonel
Jusuf, on était assuré d'avance d’un succès complet; en effet,
quarante-huit heures après notre arrivée à Boghar, nous tra-
versions ces immenses plaines que l’on peut comparer à la
mer.
L'effet produit par la seule annonce de cette colonne a été
tellement prodigieux, qu’il en a été question jusqu’au delà du
Djebel-Amour ; et lorsque deux marches forcées nous eurent
conduits jusqu'au Nar-Ouassel, à trente-six lieues en avant, il
devint évident que l’on avait trouvé le véritable moyen pour
faire trembler les tribus du Sahara, et pour les empêcher de
4
prêter aucun appui à Ahbd-el-Khader.
_—— teste stunt
CR ES
Je commandais alors le bataillon d’élite du 33°, et j'ai fait
à mon colonel, sur cette expédition, un rapport dont je vais
extraire les détails utiles pour arriver à mon but actuel.
Il est humainement impossible de faire faire à une colonne
d'infanterie à pied la course que nous avons faite étant montés ;
il pourrait même y avoir un grand danger à le tenter. MM. les
colonels Pélissier et Eynard ont aussi commandé des colonnes
dans ce pays : les troupes, auxquelles ils avaient communiqué
leur patriotisme, ont beaucoup souffert, soit par la chaleur, soit
par le manque d’eau, tandis que nos soldats montés y ont fait
un véritable voyage d'agrément.
En quarante-huit heures, l'infanterie s’est assez familiari-
sée avec les chevaux et les mulets pour pouvoir s’en servir dans
une course lointaine et rester sur ces animaux pendant dix-huit
heures sans se blesser. On à manœuvré; nos pelotons étaient
alignés comme ceux de la cavalerie, et on a plusieurs fois dé-
filé devant des goums de 2,000 cavaliers avec un ordre admi-
rable ; il y a eu très-peu d'accidents. Les hommes ont eu le
plus grand soin de leurs bêtes et ne pensaient à leur propre sub-
sistance qu'après avoir pourvu, par des corvées souvent péni-
bles, à la nourriture des animaux.
Le mulet a fait un bon service dans cette expédition,
61. Les chevaux et les juments, et surtout ces dernières,
ne conviennent point à ce genre de transport; nous les avons
rendus à leurs propriétaires dans un état déplorable. Le ba-
taillon du 35° a perdu, dans la course de vingt jours, 10 che-
vaux sur 110, et 14 juments sur 150; les pelotons composés
de ces dernières bêtes marchaient fort mal, la ration de 2 kilog.
d’orge qui était allouée ne pouvant leur suffire.
Les mulets, au contraire, ne dépérissent pas sensiblement
avec cette ration; nous en avons blessé fort peu dans cette
Æ ÿ =
longue course, et Somme toute, lorsque nous les avons réndus,
ils étaient en bon état. Les pelotons de mulets ont toujours fait
le meilleur service; leur perte n’a été que de deux dans le ba-
taillon. du 33e.
Une expédition semblable ne peut avoir lieu que dans des circonstances extraordinaires.
Lt
‘62. M. le colonel Jusuf avait tout prévu : contrôles, numé-
rotage des bêtes, manœuvres devant l'ennemi, harnachement,
päquetage, campément: il à réussi dans son entreprise, mais
mon idéé n'a pas changé, et je le dis à présent, comme dans
mon premier rapport, cet essai n'aura plus lieu dans le sud
de la province d'Alger, à moins de circonstances urgentes. [Il
faut abandonner l’idée du transport de l'infanterie à dos de mu-
lets; c'est impraticable pour plusieurs raisons : 1° le mulet
esk très-rare dans le sud de la province d'Alger, et on n’en
trouve presque plus au delà de Boghar. Aïnsi, dans la province
de Tittery, sur 15,000 bêtes qui ont servi de base à la réparti-
tion de l'impôt en 1845, il y a plus de 1,000 dromadaires ; et,
à cette époque, les Ouled-Nayl, qui n’ont que des dromadaires,
et qui en ont par milliers, n’avaient pas encore fait leur sou-
mission à M. le colonel Jusuf; 2 il faut pour le mulet un ap-
provisionnement d'orge ; 3° il faut que cet animal boive tous
les jours, et souvent il est impossible, dans le Sahara, d’abreaver
les hommes; 4° avant un mois de course, le mulet est hors de
service; 5° le prix du loyer des 1,200 bêtes, à 4 fr. par jour,
Ed; : 6-0 5 5 4 STI MMA CRE ENT CSODMEN
Loyer de 800 dromadaires à 5 fr. par jour
pour le transport de l'orge destinée aux 1,200
mulèts et à 500-chévaut : runs: mi 4,000
PDA DA NQUE. + PDU Ve 8,800
RENE PRE RP PEER
É h3 EE
Ët par mois . . ue « 264,000 fr.
Perte à raison de 10 pour 100. ou de 120 bé- |
tes au prix de 200 fr. . . . . . . . . + 24,000
Total général. .1. 4". . Et a) 288000
Il faut donc se servir de dromadaires, dans le sud de la pro-
vince d'Alger, si l’on veut monter l'infanterie de manière qu’elle
puisse se porter rapidement à de grandes distances, soit pour
atteindre les tribus en fuite, soit pour porter secours à des tri-
bus amies, soit pour le recouvrement des contributions et des
amendes.
Proposition de monter l’infanterie à dromadaire.
63. Ces considérations avaient aussi frappé depuis longtemps
l'esprit observateur du général Marey-Monge, lorsqu'il prit pos-
session du commandement de la province de Tiltery, en juillet
1845 : il vous proposa, Monsieur le Maréchal, un nouvel essai
de monter l'infanterie à dromadaire ; et dès qu’il eut connu, par
votre lettre du 19 octobre 1845, qu'il rendrait au pays un grand
et véritable service en organisant une colonne de 600 droma-
daires, portant 1,200 hommes avec leurs vivres pour douze
jours, il entreprit hardiment une tâche aussi difficile.
Bientôt, ainsi que je l’ai fait connaître à la seconde partie de
ce rappôrt, la question des convois par des Français seuls fut
résolue affirmativement. Il ne restait donc plus qu’à s'occuper
de celle du transport des troupes.
Cent hommes d'infanterie pris dans le 35° de ligne et dans
le 3° bataillon de chasseurs d'Orléans, commandés par M. le
capitaine Janod, par les licutenants Même et Esmieu et le sous
lieutenant Simonet, furent chargés du dressage de cent droma-
_daires, réunis sous mes ordres à la Maison-Carrée. C’est à ces
+
officiers, pleins de zèle et de bein qu'est due la réussite
de l’expérience actuelle. |
i :
Des expériences faites pour monter le soldat d'infanterie à dromadaire, — 4° Dressage
des bëtes.
64. Mais il faut entrer dans le cœur de la question, décrire
les expériences qui ont eu lieu, É résultats qui en ‘ont été la
suite, leur application, de manière à prouver la possibilité dé
cette entreprise ; et d’abord on ne doit pas perdre de vue que
nous ayons opéré sur des bêtes de rebut, presque toutes du
sexe féminin; et si le résultat n’a pas été douteux, c’est que
l’idée ne présente, en effet, aucune difficulté d'exécution insur-
montable. Commençons par le dressage des bêtes.
La patience est nécessaire.
+ 65. Un soldat fut affecté à chaque dromadaire pour le dres-
ser; il a commencé par les battre à tel point, que deux de ces
animaux ont perdu un œil, et, malgré ces mauvais traitements,
ila dû renoncer à s’en faire obéir; alors, et de lui-même, ayant
essayé les moyens de douceur, il a été tout étonné de l’extrême
docilité de cet animal, que maintenant il se garde bien de bat-
tre, et qu'il ne désigne plus que comme un animal bienfaisant
ou domestique.
Du dressage.
66. Toutes les peines prises pour conduire en ordre ces
animaux avec une baguette ayant été en pure perte, on a
pensé à essayer, non une bride qui serait impraticable, mais un
simple licou. Après bien des essais, le licou à nœud coulant sur
le nez fut adopté comme rendant le dromadaire l’esclave du
soldat, Muni de ce licou, le soldat s’est appliqué à faire coucher
l'animal, à le faire lever et enfin à s’en faire suivre dañs toutes
er eu
les directions. Pour cela, il marchait devant lui et le condui-
sait avec les rênes; dans les premiers jours , l’animal est de-
venu furieux ; mais ensuite il a pris l'habitude d’obéir, et main-
tenant il ne laisse plus rien à désirer à ce sujet. Lorsque nous
aurons de nouveaux dromadaires, leur dressage pourra néces-
siter l'emploi de quatre jours au plus.
De l’attache.
67. Tous les matins, lorsqu'il fallait mettre le licou, on per-
dait du temps, et cette difficulté, en expédition, serait devenue
sérieuse. On a essayé : 4° d’attacher l'animal pendant la nuit à
ün anneau par le licou ; 2° de l’entraver à des cordes de bivouac,
comme les chevaux ou mulets. Ces moyens ont réussi, et ils
l'ont tellement habitué au soldat quil a presque cessé à son
approche ces cris plaintifs qui proviennent de sa peur de
l’homme. |
|
Des entraves de jambes,
68. Comme le dromadaire nereçoit pas de rations et qu’il doit
paître pendant au moins deux heures (15) chaque jour,
il eût été difficile à saisir au premier signal. On a obvié à ce
défaut, comme le font les Arabes, par le moyen d’une corde qui,
liant les deux jambes du même côté, porte légèrement en ar-
rière la jambe de devant, et empêche ainsi l’animal de se
sauver.
Des entraves du genou.
69. Dans des moments difficiles, soit de jour pendant l’he re
du pâturage, soit de nuit, on devait s'assurer que le drom ire
ne serait ni enlevé par un coup de main, ni mis en fui: par
une terreur panique. Il a été prouvé qu’en l’entravant aux 4x
genoux de devant lorsqu'il est accroupi, aucune force humaine
— k6 —
ne peut le faire échapper, et que cela ne l'empêche ni‘de cher-
cher sa nourriture à quelques pas de lui, en marchant sur ses
genoux, ni de dormir. Chaque soldat peus donc sur son dro--
madaire des entraves en corde préparées à ce sujet : les rênes
du licol peuvent en tenir lieu au besoin.
Des étriers.
70. Les Arabes, pour monter à dromadaire, le font accrou-
pir ; nous n’avons pu faire le même mouvement qu'avec dés-
ordre jusqu’à présent, à cause de quelques soldats peu adroits.
On a obvié à cet inconvénient par un long étrier à deux éche-
lons, et maintenant on monte à dromadaire comme à cheval ;
pour descendre, on ne fait pas accroupir, mais on saute leste-
ment à terre sur le côté. F |
Fin du dressage.
71... Lôrsque le soldat a pu répondre de la docilité de sa bête,
on lui a donné celle d’un de ses camarades, ét lorsque toutes
ont été ‘reconnues dressées, alors ont commencé les exer-
cices. |
… L'école de peloton a été faite à pied. L'animal a suivi son
maître sans bruit et sans peine ; il a montré la même docilité
dans toùs les mouvements de l’école de bataillon. Dans les car-
rés, après avoir été entravé aux deux genoux, il a servi de
rempart pour le feu de deux rangs, sans s CHtayer de la fu-
sillade. | ;
Déroute des Espagnols sur la plage de Babazoun, — Ordre du jour de l'armée
du 8 juin 4830.
72. L'histoire de ce pays paraît dire vrai lorsqu'elle rapporte
que les Espagnols, dans leur débarquement à Babazoun, ont
été attaqués par des Arabes qui, chassant devant eux üne mul-
titude d'animaux, sont arrivés sans essuyer. aucune perle jus-
que sur leur camp qui prit la fuite. L'animal dont la seule vue
glaça de terreur ces vieilles bandes qui avaient vaincu l’Europe,
cet animal, c’élait le dromadaire. Un ordre du jour du lieute-
nant-général Bourmont, donné en rade de Palma le 8 juin 1850,
prévint les troupes de l’expédition que les Arabes devaient
employer le même moyen pour nous jeter dans la mer. Mal-
heureusement pour nous, l’aga Ibrahim n’eut pas recours à ce
stralagème à Sidi-Feruch.
4 soldat peut conduire 4 dromadaires.
73. Enfin il a fallu reconnaître combien de dromadaires un
soldat peut conduire par la bride. On a arrêté ce nombre à
quatre, et on pourrait le porter à cinq et même à six, s’il était
nécessaire. Ainsi tenus en main, Ces animaux peuvent conti-
nuer à marcher pendant qu’une colonne mobile, formée de tous
les hommes montés et de trois guides sur quatre, est disponi-
ble pour être portée au loin.
.:
Expériences faites par les hommes montés.
74. Ces expériences faites par un soldat à pied ayant réussi,
on a essayé de faire diriger ces animaux par des hommes
montés. Les Arabes ont pour cela des chevaux ou des droma-
daires bien dressés qui ouvrent la marche, et qui servent à
faire suivre le troupeau dans toutes les directions. Ce moyen
nous, à réussi ; mais Jusqu'à présent nous n’avons pu obtenir
ni ordre ni rang. La bête est cependant à la disposition du sol-
dat monté qui peut larrêter tout court, la faire marcher, la
faire tourner à droite ou à gauche, la faire coucher et lever.
Je suis persuadé que plus tard nous viendrons à bout d’exé-
cuter tous ces mouvements avec ensemble. J'ajoute que cet
inconvénient, qui serait majeur, si on voulait organiser les
— 48 —
dromadaires en régiment de cavalerie, est tout à fait insigni-
fiant, lorsqu'on ne veut les dresser que pour les transports de
troupes ou de matériel ; pourvu qu’ils marchent, qu’ils se cou-
chent, qu’ils se relèvent, c’est tout ce qu’il faut, et ce but est
atteint.
2° Expériences sur le harnachement.
75. Après ces expériences, on a procédé à des essais relà-
üifs au harnachement. Ces essais ont porté 1° sur le bât, 2° sur
la bride.
Du bât et de son prix.
76. 10 Quant au système de bât, le parc de réparation d’Al-
ger ayant reçu des ordres à ce sujet de M. l’intendant de la
division, j'ai fait construtre, pour deux hommes, un bât qui
excite l'admiration des Arabes. La dépense en était bien mi-
nime : |
Charronnage 1 1100
dopog 72 AU STRESS
Bourrelier 2. % 0... 1489
Total . . . . 26fr.94c.
Ce bât, pour la solidité et la bonté, peut être comparé aux
bâts de l'artillerie et du train, qui coûtent près de 90 francs; 1l
est certes bien préférable aux trois bâts dits de chameau, exé-
cutés dans les mêmes ateliers en 1836, 1840 et 1845, lesquels
ont coûté : le premier, 76 fr. 84 c.; le second, 95 fr. 75 c., et
le troisième, 50 fr. 10 c.
Adoption du bât arabe modifié.
77. Il a été décidé qu’on ne construirait plus de ces bâts,
vu que l'équipement en usage chez les Arabes, légèrement mo-
difié, peut suffire. J’eusse dû, dès le principe, reconnaitre la
justesse et la portée de cette observation.
Voici une description succincte de notre bât : un saucisson
en laine ou en poil de dromadaire, de 0 m.55 c. sur 2 m.20c.,
est bourré fortement de 10 kilogrammes de paille ; il est replié
en deux, cousu à l'extrémité et placé autour de la bosse, qui le
consolide sur l'animal. L’Arabe se place sur le derrière de
ce saucisson, qui est maintenu par deux cordes, l’une sur le
devant et l’autre sur le derrière de la bosse; la corde de de-
vant peut être très-avantageusement remplacée par une sangle ;
celle du derrière doit être en laine ou en poil de dromadaire ,
sous peine de blesser la partie très-délicate sur laquelle elle
frotte.
Le dromadaire étant un animal de somme, sur le saucisson
en avant de la bosse on place deux demi-chevalets, larges de
0 m. 06 c. au moins, reliés l’un à l’autre par deux traverses
horizontales et attachés au saucisson avec de la ficelle ; c’est
sur cet assemblage que porte le poids de la charge. Il n’entre
donc dans cette confection, dont la solidité est réellement re-
marquable, ni cuir ni fer.
Le tarif de ce bât est celui-ci :
MONS in ne a nd papy 4 fr OU) G.
Dane ses LL en Qu ce as
Mn st /9 ii ST 2 +00
Ces aus ES 20 a: OÙ
RAT 06 Re nr. AE
Total . 0 MIO
Si l’on ajoute le prix de deux sacs à vivres et de deux peaux
de bouc, la dépense pour équiper complétement un dromadaire
4
D
sera de 45 francs, et pour les 650 bêtes de 9,750 franes au
plus.
Modifications adoptées.
“78. Ce bât, auquel les Arabes n’attachent que 8 mètres
de cordes en guise de sangles, peut servir au soldat pour les
plus grandes courses ; il suffit de lui délivrer 24 mètres de cor-
des, dont 14 pour le chargement et 10 pour le harnachement.
Le soldat placera d’abord sa couverture sur la corde de der-
rière, pour ne pas se blesser; ensuite il se confectionnera
un siége rembourré qu’il adaptera au bât ; 1l se servira de deux
morceaux de bois pour étriers, en fixant les cordes qui les sou-
tiennent aux travérses horizontales ; l’étrier de gauche descen-
dra à trois pieds de terre, pour pouvoir faciliter de monter à
dromadaire, si l'animal tarde à s’accroupir, ou si, s’étant ac-
croupi, il se lève trop vite ; il mettra ensuite cet étrier à la hau-
teur voulue par le moyen d’un ou de plusieurs tours faits autour
des bois: il attachera à son bât un poitrail, un avaloir, une
entrave de jambes et deux de genoux ; puis ces préparatifs
étant faits dans une heure au plus, il sera prêt à partir.
Avantages de ce hât.
79. Le bois, les tissus en laine, la corde et la paille ne man- |
quant pas chez les Arabes, on peut, en tout pays, acheter, répa-
rer, Corriger ou confectionner ce bât : c’est un immense avan-
age, qu'il est impossible de ne pas reconnaitre, et qui est d’une
utilité incontestable.
Du licou.
80. Plusieurs genres de licou ont été essayés, et l’un d’eux
formant un nœud coulant à pression sur le nez a réussi à
mettre l'animal à la disposition du soldat à pied où à droma-
daire. Il a été déjà dit que, par ee moyen, la bête $’arrêté,
Lot —
tourne à droite ou à gauche et obéit comme à la voix. La corde
doit avoir 5 mètres de long environ, pour former deux rênes.
Du percement des narines. «
81. Bien des expériences ont eu lieu pour le percement des
_narines et le placement de l'anneau au moyen duquel on con-
duira, comme on le fait en Egypte, les bêtes sans avoir besoin
de licou, ce qui sera plus simple ; ce procédé n’a jamais été
employé en Algérie: aussi les Arabes ne l’approuvent-ils pas
et disent-ils que cette sévérité doit être réservée pour les tau-
reaux: il est convenable de faire usage d’anneaux brisés,
lesquels peuvent être plus facilement placés et enlevés en cas
de besoin: le fil de fer à employer doit avoir sept millimètres
de diamètre, pour ne pas déchirer la peau, et étre long de vingt
centimètres environ. Les anneaux ont été placés de bien des
manières; on altend, avant: d'adopter une règle générale, que
les bêtes opérées soient guéries : je m'arrêterai probablement
au percement de la narine droite.
L'opération a lieu en deux minutes, l'animal n'étant qu'en-
travé aux deux genoux, et sa tête étant solidement tirée en
avant et tenue contre terre par le moyen de la corde.
Doit-on monter À ou 2 hommes sur le dromadaire ?
82. La possibilité de monter l'infanterie à dromadaire étant
bien reconnue, il a été nécessaire d'adopter les bases d’une
organisation : deux dispositions de principe ont été proposées ;
l’une consiste à monter deux soldats et leurs sacs sur chaque
dromadaire, en faisant porter les vivres de ces deux soldats
par d’autres dromadaires ; et l’autre, à faire porter les sacs et
les vivres par un dromadaire, sur leguel les deux, hommes
ne monteraient que l’un après l’autre: le premier moyen, évi-
demment le meilleur, ne peut être adopté à cause du manque
k.
Éthe
de pâturages nécessaires à un si grand troupeau dans beau-
coup de localités : il a donc fallu se décider pour le second.
Or, les dromadaires de moyenne force, même ceux que nous
avons en ce moment, pouvant porter en plaine deux quintaux,
avec le poids de cent soixante-douze kilogrammes, pourront
quelquefois recevoir en surcharge le soldat à pied pendant les
heures de la plus forte chaleur, sans en être sensiblement
fatigués.
Poids porté par un dromadaire. |
85. Un dromadaire portera donc le poids ci après :
Poids du bât æt cordes... 2% 46H! 000
Id. d'un homme ordinaire. . . 67 ,000
Fu "de Son Fushes P re eee DDR
Id. de sa cartouchière et des
cartouches ‘qu'elle contient. , , . . 2 ,790
Hotals ss Lis RD AL EDR
Poids d’un sachet de vivres com-
prenant :
Biscuit à 64518. 1, , 19Kt 990
50 Riz RP OQNE AT, HET LUS 12600
rations( Sel es TER UE E LAN SET
de siFiStore Da bah je NO 360
à
Café 12 CSS TR OS 560
FOR RC C2 590
Viande du lendemain. . . ". . Or: 300
Peau de bouc de 5 Litres. . . . 65,500
Vivres particuliers, ognons,
IPN US eee UN 0 LU
Poids des sacs et: sachets. . . 1 ,000
Total. , . 32kil. 946
— 93 —
Ajoutons 1 havresac complet, com-
prenant :
La couverture, la tente, la
NON EUR dE ut un UE te me IS OOÙ
Le poids total porté par homme est
derudltasras us a cad <duste 44.195
Et pour les 2 hommes, il sera de. . . . , 82kil. 250
Poids porté-par: 1:dromadaire:, ::,. , + . 172 000
EE
Conservera-t-on toujours les dromadaires, ou les mettra-t-on en pension ?
84. S'il est décidé que des dromadaires seront employés
à monter l'infanterie, il resterait encore à prendre un de ces
deux partis: ou de les conserver constamment; ou de les
placer en pension chez les tribus, à charge par elles, sous
certaines indemnités, d’en mettre à notre disposition un certain
nombre pour le transport de l'infanterie, toutes les fois qu’il en
sera besoin.
Ces deux moyens sont également praticables. Le second
présenterait l'avantage, aux yeux des gens timides, en fait d’in-
novations, de débarrasser l'autorité de toute espèce de difficultés.
On pourrait lever un tribut en dromadaires ; il produirait, dès
ja première année, la quantité d'animaux suffisante. Remarquons
à ce sujet que les Turcs en avaient établi un sur les chevaux
et sur toutes les bêtes de somme; qu’ils avaient soin de choisir
ce qu’ils trouvaient de plus beau, et qu'Abd-el-Khader n’y re-
nonça que parce qu'il avait plus besoin d'argent que de hêtes
de sommes. Le nombre de dromadaires fournis par ce tribut
s’élèverait bientôt, dans chacune des trois grandes divisions
de l'Algérie, par les razzias et par les amendes, à plus de six
cents. Le dépôt en serait confié à une tribu, par exemple, dans
DR —
Fil: —
la province de Titery, à celle des Raman, à condition que celte
tribu en fournirait cinq cent avec cinquante conducteurs,
toutes les fois qu’elle en serait requise. Il ne lui serait alloué,
pour pertes annuelles, à moins de cas de force majeure, que
le déchet d’un dixième. Le goudronnage ainsi que les autres
frais resteraient à sa charge. Pour indemnité, les tribus res-
ponsables seraient exemptes d'impôts: elles disposeraient des
produits, consistant en poil , crues, lait, etc.
Je pense qu’il faudrait les empêcher de se servir des droma-
daires pour leur usage, et que l'Etat devrait se charger de la-
chat et de la conservation du matériel.
Dans cette supposition, on peut être assuré que lorsque le
corps chargé de ce service devra faire une course à dromadaire,
il suffira qu’il parte quatre jours avant l'infanterie, pour se fa-
miliariser avec les animaux : ce temps suffit.
On doit conserver les dromadaires.
83. Ce moyen est évidemment praticable; mais il me semble
que les tribus ne nous fourniraient, pour ces opérations, que
des bêtes épuisées ; et cependant, 1l ne faut cesser de le répéter,
nous ne pouvons espérer la réussite dans une entreprise aussi
épineuse, que sous la condition d'employer des bêtes de pre-
mière force. Il existe encore cette difficulte, c'est qu’il suffirait
d’un chef de corps de mauvaise volonté pour faire manquer
une entreprise, et pour remettre encore la question à l'étude:
il vaut donc mieux conserver toujours les dromadaires. Le corps
qui en sera chargé s’habituera promptement à ce genre de
service, et ne tardera pas à être de la plus grande utilité. |
À quel corps doit-on confier les dromadaires ?
86. Mais à quel corps confiera-t-on les dromadaires? Orga-
nisera-t-on pour cela un corps spécial ?
PPT ET
— 55 —
Les grandes choses s’exécutent mal avec des organisations
qui ne servent qu'à un seul homme: c’est pour ces raisons que
je les repousse; il faut du temps pour qu’un corps nouveau
ait pris un seul et même esprit: or, il convient que, dans la po-
sition exceptionnelle réservée au corps de dromadaires, il ait
une organisation déjà faite, déjà éprouvée.
:
Avantage qu'offre un régiment pour cet objet.
87. Je le dis avec confiance: un régiment peut seul remplir
convenablement la grande tâche que s'imposent ceux qui pren-
dront ce service. Il faut en charger un colonel, si l’on veut être
sûr de la réussite.
Un régiment est commandé par un chef qui a déjà une po-
sition élevée, si nécessaire au bien-être et à l’avenir de ses sol-
dais.
Un régiment est une grande famille qui présente loutes les
spécialités, toutes les capacités possibles ; il possède des tail-
leurs, des cordonniers, des charrons, menuisiers, etc.
. Un régiment possède un esprit dé corps qui, dans les mains
d’un chef capable, assure la réussite des grandes choses et qui,
une fois formé, se conserve intact, en grandissant même, les
nouveau-venus prenant le même esprit que leurs devanciers.
Un régiment fournira toujours facilement les douze cent vingt
hommes à affecter au service des dromadaires d’une manière
permanente : c’est le minimum de force nécessaire pour faire
respecter l'autorité française sur les frontières du désert.
Je ne me dissimule pas les difficultés de cette entreprise ;
mais ces difficultés ne tiennent qu’au choix du chef dont la
_ bonne volonté entraïnerait celle de ses subordornés, si l'auto-
rité supérieure se montrait disposée à récompenser leurs nou-
veaux services. Une fois l'habitude établie, le pli serait pris.
= 56 | |
Création d’une masse de remonte.
88. Il serait formé une masse de remonte qui supporterait
les frais : 1° de la garde du troupeau par un caïd-el-hel, deux
caïds et un raï pour vingt-quatre bêtes; 2 de la haute paie
accordée au corps ; 5° du remplacement des dromadaires ; 4° de
l’entrelien et du renouvellement du harnachement; 5° du gou-
dronnage et autres frais hygiéniques ; 6° des pertes d’habille-
ment, d'armement et de petit équipement; 7° de l’achat des
blouses et pantalons de toiles; 8° de l'indemnité sur le pied
de rassemblement qui serait accordée aux officiers.
Cette masse rentrerait dans ses avances par suite des dispo-
sitions d’un règlement qui fixerait sa part : 1° sur le bénéfice
du 40° accordé au percepteur desamendes et des contributions ;
20 sur les razzias que le corps ferait souvent seul; 3° sur le
prix des transports qu'il effectuerait, soit pour s’approvision-
ner, soit pour approvisionner des places ou postes avancés ;
4° sur la vente des laines, etc.
On peut compter que, si cette masse dépensait 60,000 fr.
annuellement, elle en encaisserait plus de 100,000.
Propositions particulières pour l'armement du corps, son artillerie, etc.
89. Le corps serait armé de carabines de munition des chas-
seurs d'Orléans.
Il lui serait attaché un peloton de cavalerie.
Il aurait une section d'artillerie armée de vingt-quatre fu-
sits de rempart et de deux obusiers de montagne, portés, ainsi
que leurs affûts, par des dromadaires, sur des bâts particuliers
dont le modèle existe déjà dans les ateliers de l'artillerie à
Alger. ;
Il comprendrait une compagnie du bataillon de tirailleurs
| — 01 —
indigènes, dans laquelle on engagerait les familles les plus
influentes du pays à faire entrer leurs parents avec un grade
proportionné à leur influence. Ce recrutement, impraticable
maintenant, deviendrait facile du jour où un corps, croisant
dans le désert, ferait la police de la plaine; et les Arabes eux-
mêmes ne tarderaient pas à reconnaitre la nécessité de cette
mesure, aussi utile à leurs intérêts qu'à ceux de la France.
Les gardiens arabes du troupeau, dans un but d'économie et
de discipline, seraient incorporés dans cette compagnie.
Chaque peloton aurait un certain nombre de dromadaires te-
nus en main ou montés par un seul homme. Les uns porteraient
les bagages des officiers, les tentes et les autres effets de cam-
pement ; d’autres seraient entièrement disponibles.
Le poids porté par les dromadaires ne dépasserait pas 180 kil.
Ces animaux ne seraient astreints qu'à faire dix lieues par jour
habituellement, en marchant huit heures. Les hommes se re-
lèveraient de deux heures en deux heures; de cetle manière,
ni les hommes, ni les bêtes, ne seraient fatigués de la route.
Marques des dromadaires du beylick,
90. Les dromadaires du beylick devraient tous porter pour
marques indélébiles, sur le côté gauche de l’encolure, la lettre
de la province et un numéro matricule sur le côté droit. Les tri-
bus seraient prévenues qu’une amende serait encourue par ceux
qui auraient volé ou recélé une bête marquée de cette manière ;
cela avait lieu ainsi du temps des Tures et d’Abd-el-Khader.
Place des dromadaires en bataille.
91. Il me reste à vous soumettre quelques idées concernant
le mode d’affecter les dromadaires à un bataillon ; il a été opéré
à la Maison-Carrée de la manière suivante :
Les dromadaires sont placés sur un rang, afin que le corps
qui les monte, étant en bataille, couvre son front. Cette dispo-
sition est utile aussi pour continuer à isoler les bêtes le plus
possible les unes des autres: Les sous-officiers sont dans les
rangs ; les officiers seuls sont en serre-file et montés sur des
chevaux ou mulets de gada ou de razzia, qui leur sont prêtés
pour faire leur service, et auquel l'Etat accorde la ration de
fourrages ; l’adjudant est dans le même cas.
Le plan ci-contre donne une idée de la formation d’une com-
pagnie ;
À cause des 2 tambours et de leurs bêtes, l'effectif de la com-
pagnie sera de 122 hommes et de 65 bêtes.
Un bataillon de 5 compagnies sera donc composé de 600 hom-
mes et de 325 bêtes, et les deux” bataillons ou le corps entier
aura un effectif de 1,220 honimes et de 650 bêtes.
En prenant les armes, les hommes se numérotent par 4 dans
les 2 rangs; les soldats du 1% rang montent à dromadaire, ce
sont les mobiles ; les soldats du 2° rang sont à pied, ce sont les
guides. Le n° 5 des hommes montés étant destiné à conduire
les quatre bêtes, lorsque les n* 1, 2 et 4 sortent du rang,
s'appelle seul conducteur.
Des dromadaires haut-le-pied.
L]
92. Deux hommes sont attachés à chaque bête ; il existe ce-
pendant dans chaque escouade un dromadaire baut-le-pied qui
ne porte qu’un homme. Ces bêtes, au nombre de huit par com-
pagnie, sont destinées au transport des bagages des officiers,
de la compagnie ou de l'état-major, des quatre piquets et des
deux cordes à entraves, ou à rester disponibles.
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Subdivision, 30 hommes.
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16 bêtes,
Compagnie 120 hommes et 64 bêtes.
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22 sergent, soldat
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A défaut d’un régiment, deux bataillons peuvent être chargés des dromadaires,
95. S'il ne se présente pas un colonel de bonne volonté pour
entreprendre cette tâche, il y aurait lieu alors de réunir deux
bataillons d'infanterie, par exemple, deux bataillons de chas-
seurs d'Orléans, ou de créer un corps nouveau composé d’offi-
ciers et de soldats de bonne volonté. |
Il faut le dire franchement : c’est dans le choix du corps,
c’est dans la question du personnel, que git toute la difficulté
de cette entreprise. L'expérience du dressage, la possibilité de
faire conduire ces bêtes par des Français, n’ont jamais embar-
rassé; mais on à à craindre une force d'inertie qui pourrait
ruiner de légitimes espérances. Du reste, si j'ai donné la pré-
férence à un régiment d'infanterie, pour l’accomplissement de
cette mission, c’est pour obéir à ma conviclion; et j'ajoute qu’il
y aurait encore des chances de réussite, si la nécessité faisait
avoir recours aux autres modes d'organisation ci-dessus dé-
signés.
Les bataillons de chasseurs d'Orléans sont composés d’offi-
ciers qui, jeunes encore, saisiront toujours avec empressement
les occasions pour se placer dans une position spéciale, afin
d'acquérir par leurs services plus de droits à la bienveillance
du Gouvernement; quant aux officiers de bonne volonté, il
n’en a jamais manqué pour aucune organisation pénible ou
difficile.
Les sous-officiers et caporaux sont toujours ce que sont
leurs chefs.
Le soldat a pris goût à cette organisation.
94. Les soldats ont déjà prédit depuis longtemps que l'affaire
des dromadaires réussirait, et, en cette circonstance, leur voix
Sr dE
| '
a élé la voix de Dieu. Ils considèrent comme un avantage de ne
pas porter un sac des plus pesants, qui mine leur santé; ils se-
raient heureux de servir dans ce corps, quand même les dro-
madaires ne porteraient que le havresac et les vivres. D’après
les médecins, la mortalité d’un millier d'hommes annuellement
provient de la fatigue; aussi la réalisation de notre projet se-
rait-il un bonheur pour l'humanité J'ajoute que le soldat est
ami du merveilleux, qu’il préfère une vie errante et vagabonde
à la vie de garnison, et que la seule espérance de visiter Sétif
ou Tlemcen, de livrer quelques combats de plus et de faire des
razzias, déterminerait plus de bons soldats qu'on n’en vou-
drait à quitter leurs corps pour passer dans celui des droma-
daires.
Ü n’y à pas lieu de proposer de projet d'organisation. — Annonce d’une théorie
sur le dromadaire,
:
95. Il ne doit pas entrer dans les cadres de ce rapport de pré-
senter le projet d'organisation d’une troupe d'infanterie montée
‘sur les dromadaires, car j'ignore la base de laquelle on voudra
partir; mais il est un point dont je dois parler et dont je vais
m'occuper immédiatement ; c’est de faire connaître le résultat
de mes études : 1° sur la nature, les dimensions et la forme
du bât à adopter; 2 sur les modes de chargement; 5° sur
les modes à employer pour le dressage en peu de temps; 4 sur
les manœuvres qu’on peut exécuter à la guerre; 5° sur le pa-
quetage ; 6° sur la manière de camper, etc. Un grand nombre
d'observations faites dans le corps ont été recueillies avec soin
par MM. les officiers et elles trouveront place dans une théorie
du dromadaire dont la lecture intéressera, je l’espère, tous les
officiers.
Vu s
Où pourra-t-on placer les dromadaires ?
£
96. Où pourrait-on placer le dépôt des dromadaires ? Sous la
tente, à douze lieues en avant de Boghar: Tous les mois, ce
Corps S’approvisionnerait à trente jours de vivres, dans la place
de l’intérieur près de laquelle il camperait. De Seneg, de Ta-
guin, on peut en dix jours arriver facilement soit à Sétif, soit à
Tlemcen. 5
Colonnes mobiles.
97. Trois corps de 1,200 hommes placés à Sétif, à Taguin et à
Tlemcen, pourraient croiser à soixante lieues en arrière du lit-
toral; lorsque ces trois colonnes mobiles se réuniraient, elles
seraient assez fortes pour pénétrer même dans le désert de
Sahara, dont les peuplades n’ont jamais été gucrrières. Prenant
à revers la chaîne de montagnes du Tell, ces colonnes assure-
raient la tranquille possession de tous les points occupés jus-
qu’à ce jour ; elles forceraient à l’obéissance les nombreuses tri-
bus nomades du petit désert, dont la soumission est importante,
“car les grandes insurrections que l’on doit craindre doivent
partir de là. |
A
Du mode à employer pour confier les dromadaires au corps qui en sera chargé.
98. De quelle manière confiera-t-on, provisoirement du moins,
les dromadaires à un corps ?
Je ne suis pas d'avis que ce soit au même titre que les ché-
vaux sont confiés aux régiments de cavalerie et les mulets aux
corps des équipages militaires. Il faudrait éviter que l’mfanterie
céssât d'être ce qu'elle est, une bonne infanterie, pour dévenir
une mauvaise cavalerie. Je désirerais que les dromadaires fus-
sent donnés en dépôt à un corps, sans que l’Etat intervint dans
celte affaire, afin que celui-ci ne fût soumis à aucune chance
BR MR PP nd ler
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à = @3 —
de perte; qu'il ne prît part ni aux frais d'achat de matériel, ni
aux frais d'entretien ; que le conseil d'administration du corps
pourvût à ses dépenses par le moyen des ressources indiquées
plus haut, et qu’il fit, tous les six mois, la répartition des ex-
cédants de bonis entre tous les militaires du corps, d’après les
règles prescrites par l’ordonnance du 3 mai 1832, modifiée en
Algérie par les décisions ministérielles de 1841 et 1842. Un an
après, il y aurait lieu de profiter des leçons de l’expérience pour
créer un corps régulier.
Les dromadaires ne coûteront rien. à l'Etat.
99. Soit 650 dromadaires : si la dépense pour 1,000 dromä-
daires ‘en un anaété de 80,000 fr., elle sera, pour 650, de
52,000 francs.
Le corps de dromadaires de 1,220 hommes venant prendre
lui-même les vivres à Médéah, par exemple, pour les transpor-
ter en avant de Boghar, sur le point qui serait choisi, aurait
donc droit, en un an, au paiement de 52,665 quintaux métri-
‘ques, que l'administration serait très-aise de ne payer qu'à rai-
son de 16 fr. le quintal. Le produit s’élèverait, par conséquent,
pour cette seule raison, à plus de 52,000 fr., et il suffirait à
lui seul pour assurer l'Etat contre toutes sortes de pertes.
Conclusion,
100. Me voici, Monsieur le Maréchal, arrivé à la fin de ma
tâche, et jamais je n’ai eu, plus que dans ce jour, le sentiment
de ma faiblesse. Un pareil sujet, traité par une plume habile,
aurait grandi encore, si cela était possible, êt, après avoir été
considéré longtemps comme ridiculé, il serait presque devenu
sublime.
. Elle est bien grande, en effet, l’idée que vous avez adoptée
de monter l'infanterie sur des dromadaires! et son exécution
— 64 — :
doit apporter de nombreux changements à l’état actuel du pays,
et surtout à son état futur.
Après la paix, qui sera prochainement affermie, la France
voudra diminuer ses dépenses en Algérie; elle réduirait même
volontiers aujourd’hui l'effectif des troupes, si elle ne trou-
vait aucun autre moyen d’opérer des économies, quelque in-
sensée que serait cette mesure. Mais l’organisation des droma-
daires permettra d'augmenter rapidement les revenus du bud-
get colonial, en diminuant d'autant celui du ministère de la
guerre.
En effet, les contributions arabes pourront rentrer aussi
exactement que sous Abd-el-Khader. Le zekkat, par exemple,
sera perçu au mois de mars prochain, jusque dans le, Djebel-
Amour. Et malheur aux tribus lointaines qui n’obéiront pas
comme celles du Tell! Pour échapper à un juste châtiment,
il ne leur suffirait plus de s'éloigner à trente lieues de nous.
Le dromadaire, employé par l'administration, produira une
éeenomie annuelle de 2,000,000 de fr., et, mis au service des
_fantassins, il sauvera chaque année la vie à mille de vos soldats.
= Les chances de Ja guerre vont immédiatement tourner de
notre COLE. En” :
En effet, à nous la mobilité, et aux Arabes les embarras de
la conduite des femmes, des enfants et des troupeaux.
Les dromadaires répondront immédiatement de la jouissance
de l'Algérie, jusqu’au petit désert inclusivement. Cette jouis-
sance ne sera pas illusoire. On s’en convaincra par limpôt et
le recrutement; deux preuves de soumission du peuple vaincu
au peuple vainqueur. Les tribus récalcitrantes devront donc ou
combattre dans leur propre pays les colonnes françaises, ou
tomber, pendant leur fuite, dans la main des troupes montées
à dromadaire, auxquelles elles ne sauraient échapper.
Ce sont encore les dromadaires qui assureront la tranquil-
nn Etain à tt à
|; a
lité intérieure du pays : paf leur action, la France régnera sur
les tribus les plus lointaines, qui maintenant échappent à tout
contrôle ; ainsi se continuera l’œuvre de civilisation si glorieu-
sement commencée en 1850.
Il est bien prouvé maintenant que l’intérieur de l'Afrique
est très-peuplé; que le mot désert est vide de sens, et que ce
que l’on appelle Sahara est plus peuplé que le Tell. Notre com-
merce nous attachera cette immense population, et prendra
dans quelques années un essor prodigieux.
La France commence à se convaincre qu'il lui serait plus
facile d'abandonner sa conquête que de n’en conserver qu’une
partie; elle doit régner sur l’Algérie tout entière. Eh bien !
c’est le dromadaire qui lui permettra de faire acte de posses-
sion la première, sur la zone de pays profonde de 150 lieues en-
viron qui sépare Alger du commencement des sables, et qui
soumettra à sa domination les millions d’âmes qui l'habitent.
Lorsque le Gouvernement croira qu’il en est temps, 1l pourra
intercepter plusieurs des caravanes qui parcourent et traversent
habituellement le désert, dans neuf directions différentes, et à
des époques invariables. On peut espérer qu’un jour, au lieu de
se diriger sur Tripoli, sur l'Egypte ou sur le Maroc, les cara-
vanes viendront à Alger, attirées par la justice de nos lois et
surtout par la sécurité et la bonté de nos routes. Pourquoi la
France ne rêverait-elle pas le monopole de tout le commerce
de ce pays ? Qui peut prévoir au juste l'influence qu’exercera
la première reconnaissance à force armée, exécutée par le
moyen des dromadaires, dans les régions centrales du vaste
continent de l'Afrique ?
Tous ces avantages présents ou futurs vous seront dus, Mon-
sieur le Maréchal; et, après avoir eu la gloire de terminer en
si peu de temps un guerre qui paraissait interminable, vous
aurez acquis celle bien plus grande encore d’avoir deviné le
ù
SG —
brillant avenir de la France en Algérie, et de lui en avoir pré-
paré les voies.
Je suis avec respect,
Monsieur le Maréchal,
Votre très-humble serviteur,
Le chef de bataillon du 55° de ligne,
J.-L. CARBUCCIA.
Nora. Le 98 janvier 1844,-M. le maréchal gouvérneur ayant
passé en revue la compagnie de dromadaires organisée à la
Maison-Carrée, reconnut que notre essai avait parfaitement
réussi. — Le journal officiel de l'Algérie rendit compte de ce ré-
sultat (pièce jusüficative C), et, le 31 janvier 1844, l'orga-
nisalion provisoire fut décidée (pièce justificaüve D).
#07 —
DEUXIÈME RAPPORT.
SCC
AYAUWL-PROPOS,
Boghar (en avant de Médéah), le 28 juillet 1844.
101. Six mois se sont écoulés depuis la remise de notre premier
rapport concernant la question des dromadaires. Nous venons
compléter la tâche qu'a daigné nous confier M. le Gouverneur
général. Les expériences nombreuses et concluantes faites sous
la direction du général Marey-Monge ont eu lieu publiquement.
La question sous toutes ses faces à été examinée par lui. Nous
allons essayer de décrire ce qui a été fait sous nos yeux ; trop
heureux si nous pouvons porter, chez quelques-uns des adver-
saires du projet, la conviction que nous possédons nous-
même.
Division,
102. Il convient de diviser ce rapport, comme le précédent,
en trois parties.
La première partie, destinée à la suite de l'histoire naturelle
du dromadaire, sera encore loin d’être complète. Mais, ainsi
que nous ne cessons de le répéter, la base de l'instruction con-
sistant surtout dans la connaissance des mœurs et de l'hygiène
du dromadaire, on ne saurait trop étudier cette question prin-
cipale. |
La deuxième partie traitera des convois, et la troisième de
l’organisation des corps montés. |
_ de — ©
_— 68 —
| PREMIERE PARTIE.
DE L'HISTOIRE NATURELLE DU DROMADAIRE.
Ce ———
#UTRE I”.
PHYSIOLOGIE ET QUALITÉS DU DROMADAIRE.
CHAPITRE Ie.
(DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE DROMADAIRES.
Dénominations diverses.
4
105. Chez les Arabes, le mot djmel (4) désigne le dromadaire
sans distinction de genre ; beir désigne le mâle, naga (T) la fe-
melle, ef bel (20) la réunion d’une centaine environ de droma-
daires.! ! |
Ex À Il n’en existe qu’une seule race en Algérie.
| 104. Dans toute l'Algérie, on n’en connaît qu’une (1) seule
race. Son poil mue tous les ans, aux mois d'avril et mai. Son
rul (7) a lieu à la fin de l'hiver ; etles formes de cette espèce
sont moins massives que celles de la race d'Egypte.
Du mhari.
105. Nous avons parlé, dans notre premier (3) rapport, du
mhari, comme d’un animal presque fabuleux ; pendant l’expédi-
tion de Lagouath, M. le général Marey-Monge est enfin parvenu,
PT 9
après bien des efforts, à s’en procurer trois, qui ont été attachés
au corps des dromadaires.
Comparaison du mhari et du dromadaire.
106. Le mhari est plus grand que le dromadaire ; on pré-
tend qu’il est, par rapport à ce dernier, ce que le cheval de
course est au cheval de trait. Sa bosse est petite : elle ne dé
passe presque pas le garot. L’extrème maigreur du corps et
les fortes proportions des cuisses sont le Signe de sa prit PP
vigueur à la course.
Re Ju mhari.
107. Les Arabes disent que le mhari, Ya commé Je-vent ;
mais c'est là certainement/une grande efagération, Cet añinfal
pe marche qu’au trot; mais’son trot, ét allongé’, et 1l peut le
maintenir pendant douze heures. II Lpércourt d dé fa sorte quarante
et même soixante (5) lieues par joûr, et cela pendañt plusieurs
jours de suite. Il mange de l'hérbe ou dW bois, comme tous les
dromadaires. On/est en oufe dans l'u age dé lui donner une
ration de blé, de’dattes, dÉrge, ou de noyaux de dattes, sui-
vant les cantois. Cette ration supplémentaire contribue beau-
Coup à accroifre son agilité.
Harnachement du mhari.
108. L'Arabe, monté sur le mhari, est assis sur une selle
particulière placée entre la bosse et le garot, pour rendre le
trot moins dur ; il n’a pas d’étrier ; il croise ses jambes sur l’en-
colure, et dirige sa monture au moyen d'une bride sans mors
et d’une corde passée dans l’aile de la narine droite; il presse
l'allure en frappant sur l’épaule,
D Le
CHAPITRE II.
DE LA GÉNÉRATION DU DROMADAIRE.
Époque de la génération du dromadaire.
109. À quatre (5) ans, le dromadaire mâle commence à en-
gendrer, et la femelle peut concevoir. L’accouplement a toujours
lieu à la fin (7) de l'hiver. Un an (4) après, Jour pour jour, di-
sent les Arabes, la femelle met bas un seul petit; le nombre des
mâles est à celui des femelles à peu près dans la proportion
d’un à quatre. |
Saisons favorables et défavorables à la génération.
110. Le dromadaire qui voit le jour dans le premier mois du
printemps peut vivre. Celui qui naît après ce délai, ou bien en
été ou en automne, meurt infailliblement; mais ces cas, du
reste, sont aussi rares que l'existence, chez le même animal,
des imperfections physiques. Les principales de ces imperfec-
tions sont dans la conformation de la bosse ou du slernum,
et dans la marche de travers, par suite des épaules ou des
pieds de derrière.
La femelle (naga), lorsqu'elle est pleine, porte le nom de legéa.
On la charge toujours comme le mâle, quand cela est néces-
saire, même le jour où elle met bas et celui où elle avorte ; tou-
tefois, dans ce cas, on la charge moins.
Avortements,.
111. Les avortements sont assez nombreux, toutes les fois que
la legâa est piquée par les mouches. À Tiaret, l'équipage de
Tittery en a compté quinze en vingt jours. La charge, à moins
De.
I
d’être trop forte, ne produit jamais ces accidents. Les avortons
de deux à trois mois sont déjà parfaitement conformés ; quelques-
uns, provenant de mères bien constituées, avaient une bosse
reconnaissable.
Stérilité.
112. Les femelles stériles sont nombreuses ; cela provient
presque toujours des fardeaux énormes dont les Arabes les ac-
cablent, même dans l’état de gestation avancée.
Part.
113. La femelle qui a mis bas à la fin d’un hiver se repose
jusqu’à l'hiver (7) suivant, époque où elle conçoit de nouveau,
pour mettre bas l'hiver d’après. Il y a des exemples, rares à
la vérité, de femelles qui ont mis bas deux années de suite.
L'accouchement a lieu la femelle étant couchée à terre.
Après sa délivrance, la mère commence à appeler le petit
d’une voix rauque et lugubre ; on le lui montre, elle le mécon-
naît et ne cesse de crier; ce n’est qu'après l'avoir promené long-
temps autour d'elle et le lui avoir présenté souvent, qu'elle le
laisse approcher de sa mamelle. Le petit tette debout dès Le pre-
mier jour; il ne marche que vers le septième. À partir du se-
cond mois, il cesse de teter à volonté; on l’en empêche par le
moyen d’un filet qui enveloppe les mamelles. Personne n’ignore
que l’Arabe vit, en grande partie, du lait de naga, qui est très-
nutritif.
Rut et suintement.
114. On pense généralement et à tort que le temps du (7) rut
seul est signalé par un suintement à la nuque et par la sortie
du voile du palais avee grand bruit ; ce phénomène a lieu toutes
les fois que l'animal est fortement impressionné. En effet, on le
remarque sur un dromadaire qui est en colère, et pendant le
— 72 —
temps des fortes chaleurs, on voit aussi l’eau suinter entre les
deux oreilles, à l’endroit appelé langr4. Quant au suintement
dont parlent nos grands naturalistes, il est dü, je pense, au
goudron absorbé par les frictions antérieures, et il n’a aucune
fétidité.
CHAPITRE HI
DU CARACTÈRE DU DROMADAIRE.
Douceur du dromadaire,
115. Le dromadaire est l'animal le plus doux (4) qui existe ;
sa bouche, toujours ouverte et menaçante, ne fait aucun mal;
les cris qu’il jette proviennent de la peur qu’il a de l’homme, et
ils diminuent à mesure qu'il s’habitue davantage aux soins de
son maitre. Il est têtu, à la vérité, mais ce défaut n’est pas
aussi prononcé que chez le mulet, et on l'en corrige facilement
en ne le brusquant pas. Il est peu de dromadaires méchants, et
quoique, dans le commencement, ils aient, par suite de mau-
vais traitements, mordu une cinquantaine d'hommes et donné
des coups de pied à un grand nombre, ils n’ont occasionné au-
cun mal.
Dromadaire vicieux.
116. Nous avons dit dans notre premier rapport, qu’à l’é-
poque du (7, 116) rut, leur humeur changeait ; passé ce temps,
s'ils deviennent furieux, on les abat.
En 1845, les Zenakra (tribu du Tittery) ont été obligés d’en
tuer un magnifique qui avait déjà blessé un homme et un
cheval.
ve
— "13 —
CHAPITRE IV. 3
DU COURAGE DU DROMADAIRE.
Le dromadaire est courageux.
117. On se plait à représenter, parmi nous, le dromadaire
comme lâche et craignant la fatigue; chez les Arabes, il a une
tout autre réputation. En effet, cet animal marche jusqu à ce
qu'il soit (5) épuisé, et alors il tombe pour ne plus se relever.
Dans l'expédition du mois d'avril dernier, ôn a été étonné d’en
voir qui, réduits à l’état de vrais squelettes, faisaient néanmoins
des marches forcées avec leurs charges. Il est certain que des
mulets, dans le même état, n’auraient pu même porter leur
pat.
Du dromadaire dans les mauvais passages,
118. Il arrive souvent qu'en gravissant une pente rapide
ou un chemin détrempé, le dromadaire glisse sur les pieds de
devant, qui sont dépourvus de pinces, et qu’il tombe sur les ge-
noux; il n’essaie pas de se relever alors, mais il continue de
marcher dans cette position, et il ne se redresse que lorsqu'il
est sorti du mauvais pas.
Conduite à tenir par le chamelier dans ces mauvais passages.
119. Si l’animal tombe, surtout par suite de fatigue, il faut
bien se garder, pour le faire lever, d'employer les coups, car
un moment de répit, un léger sifflement, suffisent d'habitude.
Au commencement de nos expériences, des soldats venaient à
chaque instant se plaindre de ce que l’on ne pouvait faire avan-
cer leurs bêtes ; alors un instructeur suivait et montrait la ma-
DS, en
nière de s’y prendre. Pendant la dernière course, nos hommes
avaient été si bien mis au courant de la façon de conduire leurs
dromadaires, que les officiers n'avaient plus à s’occuper de ce
détail.
Preuve de instruction acquise par nos soldats.
120. Dans le principe, lorsqu'un dromadaire tombait, on
croyait devoir le frapper jusqu’à ce qu’il se relevât, et souvent
l’on ne réussissait pas; aujourd'hui, on laisse l’animal respi-
rer, et on lui donne un chardon ou quelque autre plante de
son goût. Après quoi, à un léger sifflement, il se lève et con-
tinue sa marche, Enfin, s’il est nécessaire, on le frappe forte-
ment deux ou trois fois, mais seulement sur les cuisses ; on
doit éviter soigneusement de le battre sur la tête, le ventre et
le dos.
Si le dromadaire n’a jamais réussi entre les mains des Fran-
çais, c’est que les Français n'ont jamais su les conduire; si,
pendant longtemps, nos essais n’ont point été couronnés de
succès, c'était un effet de la même ignorance. La question n’est
résolue, aujourd'hui, que parce que notre instruction a consi-
dérablement gagné. Ainsi, il ne faut point accuser le droma-
daire de nos premières déceplions.
CR
CHAPITRE V.
DU TRAVAIL DU DROMADAIRE.
Le nombre des dromadaires est chez l’Arabe le terme de comparaison pour les fortunes.
191. En Europe, c’est par la quantité de numéraire qu’on
juge de la fortune d’un homme; dans le sud de l’Afrique, on l’ap-
précie par le nombre (4) de dromadaires, On dit, par exemple,
— 75 —
que tel Arabe a cent dromadaires, que tel autre en a quatre-
vingts, et cette définition suffit pour donner une idée complète
de la fortune d’un particulier. Cela se conçoit, car c’est là le
bétail principal, puisqu’au delà du Tell le mulet est presque
inconnu ; on n’y voit que des dromadaires. Pour les Arabes,
cet animal est indispensable, habitués qu'ils sont à changer
de camp tous les trois à quatre jours; mais ces courses sont
peu pénibles, elles ne durent guère que quelques jours.
Habitude de travail du dromadaire dans les diverses saisons.
122. Pendant le printemps, où l'herbe manque, les droma-
daires ne sauraient, sans dépérir beaucoup, fournir à de lon-
gues marches; toutefois, s’il y a nécessité de le faire, on ne doit
employer que ceux qui sont gras, forts el bien reposés.
Pendant deux mois de l’été, les dromadaires ne doivent pas _
travailler, le premier mois à cause de la piqüre de la mouche
dite debab, et le deuxième parce que le poil ayant été coupé,
la peau s’écorche vite, et que les vers se mettent de suite dans
les plaies.
Pendant l’automne et l'hiver, au contraire, les dromadaires
travaillent chaque fois pendant environ trente jours, sauf en-
suite à se reposer quelque temps.
Crainte des Arabes au sujet des réquisitions faites dans toutes les saisons.
125. La réquisition que nous faisons, en toute saison, de dro-
madaires, pour accompagner nos colonnes, excite fortement le
mécontentement de l’Arabe. Il regarde cette obligation auquel
on le soumet comme une vexation et une injustice, et c’est là
une raison qui doit engager l’autorité française à avoir à soi ses
dromadaires. Alors les règles suivies aujourd’hui, et que nous
allons exposer, cesseront d’être nécessaires.
2-0
Règles générales à consulter sur le travail par l'administration française.
124. Il est bon de laisser reposer les dromadaires pendant
les mois d'avril, de juin et de juillet. A la rigueur cependant,
cela n’est indispensable que pour le mois de juin, à cause de
la piqûre des mouches. En cas d'urgence, on peut faire tra-
vailler les animaux dans ce dernier mois, mais on s’expose alors
à des pertes au moins égales au quart des bêtes employées.
Précautions à prendre pendant le printemps et l’élé.
125. Si l’on fait travailler les dromadaires pendant le mois
d'avril, il faut, comme nous l'avons dit, choisir les individus
les plus forts et les plus robustes, et les laisser reposer au retour
pendant un mois. Il est nécessaire aussi d’en avoir au moins un
dixième de non chargés. Si le travail a lieu pendant le mois de
juillet, on doit redoubler de surveillance dans le pansage des
plaies, administrant force goudron et sulfate de cuivre. L’ex-
périence constate, au surplus, que lorsqu'ils sont déchargés,
leurs blessures se guérissent plus facilement en été que dans
les autres saisons.
Danger de la marche pendant la pluie sur des terres argileuses.
126. Le dromadaire n’ayant pas le pied armé de pinces,
glisse facilement sur un terrain argileux; aussi, quelques heu-
res après la pluie, faut-il qu’il s'arrête, sinon il se casse les
jambes. Dans les terrains sablonneux ou pierreux, tels que
ceux qui ont été parcourus dans l’expédition du Djebel-Sahari
et dans celle de Lagouath, dans le Sahara en général, le même
danger ne se présente pas.
TL —
Poids porté,
127. Un fort dromadaire porte facilement en plaine 350 ki-
log. Dans les pays accidentés, la charge ne doit pas dépasser
260 kilog. tout compris. Lorsque la nécessité le veut, on peut
le charger de 200 kilog. même en pays de montagne ; c’est ce
qui à été fait dans l’expédition contre les Koraïch et les Hal-
louià, mais on s'expose ainsi à des pertes.
Age auquel le dromadaire peut porter.
128. À quatre (5) ans au plus tard, le dromadaire porte; à
cinq ans,1l est dans la force de l’âge, et la conserve jusqu’à
neuf ans; de neuf à treize, il perd de sa vigueur ; à dix-sept
ans, il a atteint la vieillesse. À partir de cette époque, l’Arabe
cherche l’occasion de s’en défaire de la manière la plus avanta-
geuse pour ses intérêts, sinon il le mange. :
CHAPITRE VI.
DE L’ALLURE DU DROMADAIRE.
Allure générale.
129. Les dromadaires ont pour allure (21) générale le pas en
plaine et le trot dans les descentes. En plaine, ils trottent éga-
lement, lorsque leurs conducteurs les y excitent ; enfin, ils ga-
lopent bien, et il n’est pas un soldat qui n'ait vu des cavaliers
courir à fond de train sur eux sans pouvoir les atteindre.
Les dromadaires peuvent être divisés en deux classes.
150. La nature, du reste, nous montre deux classes de droma-
daires, l’une aux formes massives, l’autre aux formes sveltes ;
elle nous fait connaître par là que nous pouvons employer la pre-
mière à la charge, et la seconde au transport de l’homme. Aussi,
pour ce dernier cas, chaque tribu a-t-elle plusieurs de ces dro-
madaires, que les Arabes appellent mhari; ceux-ci portent
comme les autres, lorsqu'il en est besoin, mais ils servent sur-
tout de montures.
Allure du dromadairé en temps ordinaire.
151. Le dromadaire marche depuis la pointe du jour jusqu'à
trois heures du soir au plus. 11 mange chemin faisant. En arri-
vant au bivouac, on le décharge, on désangle légèrement la
corde du derrière du bàt, puis on le laisse paître en liberté.
Pendant la marche, on ralentit l'allure, lorsque le terrain offre
un bon pâturage, et on la presse dans le cas contraire. Pendant
un voyage de trente jours, il n’a besoin de faire ni les petites
haltes, ni les grandes, ni les séjours de l'infanterie. Si le convoi
ne peut se séparer de la colonne à la grande halte, on ne doit
pas décharger, à moins que le repos ne soit de trois heures au
moins.
Comparaison de la vitesse du dromadaire et de celle de l’infanterie.
152. Le dromadaire marche moins vite que Finfanterie,
mais il arrive à sa hauteur à chaque petite halte; puis à la
grande halte, il prend les devants sur elle pour arriver long-
temps avant au bivouac,
Allure pressée du dromadaire. .
153. S'il en.est besoin, le dromadaire peut, pendant trois à
UT) 2.
quatre jours de suite, marcher jusqu’au coucher du soleil ; puis
il lui faut deux jours de repos.
Il est encore en état de marcher pendant vingt-quatre heures
de suite sans s’arrêter. ‘
Il peut toujours recevoir en surcharge, pendant une partie
de la journée, des havresacs ou des hommes, sans en être
fatigué sensiblement.
Ainsi, si son allure ordinaire est moins vive que celle de
l'infanterie, son allure pressée est plus rapide que celle de
cette dernière.
On peut presser son allure tout en le laissant encore man-
ger chemin faisant, mais presque à la dérobée, ou bien sans
lui permettre de manger; dans ce dernier cas, il fait dans le
même temps le double de chemin de plus que l'infanterie.
Nous: reviendrons sur d’autres expériences faites sur les
dromadaires déchargés, pour prouver qu'avec un peu de pa-
tience et d'étude, on pourra organiser un corps de cavalerie
nouvelle, au moyen de dromadaires choisis.
L’allure du dromadaire ne donne ni nausées ni mal de mer. -
154. Il est important de constater ici, ce que j'ai déjà fait
observer, que le soldat n’a ni nausées, ni mal de mer (21) sur
les dromadaires.
A —
CHAPITRE VIL
+ DE LA LONGÉVITÉ DU DROMADAIRE.
: ‘
. Age du dromadaire.
155: L'âge que peut atteindre le dromadaire est bien loin
LE
LR
‘encore d'être connu; on à fait, je crois, une chose très utile,
en marquant tous ceux qui naissent à l’équipage, du millé-
sime de l’année : les nombres 43 et 44, appliqués avec le fer
rouge sur le côté droit du cou, serviraient dans la suite à éta-
blir des données exactes qui résoudront cette question intéres-
sante.
Il n’en existe pas de trente ans.
156. On sait que les Arabes n’ont pas l'habitude de compter
leur âge; ils connaissent cependant qu'ils ont quinze ans, lors-
que leurs parents commencent à leur faire faire le jeüne appelé
Rhamadan ; nous avons interrogé sur la vie moyenne (4) des
dromadaires des Arabes sachant ainsi qu'ils ont trente ans,
et ils nous ont répondu qu'il n’en existait pas un seul né à la
même époque qu'eux, c'est-à-dire quinze ans avant la prise
d'Alger par les Français. Le dromadaire, à vingt ans au plus,
est vendu pour faire un dernier voyage dans le pays des Beni-
Mzal ; là 1l ne vaut plus que trente à quarante francs ; sa chair
est alors mangée.
CHAPITRE VIIL
DES DENTS DU DROMADAIRE.
L'âge se connaît à la dent.
157. Le dromadaire de deux à trois ans n’a pas de dents: à
quaire, il en a deux incisives : à einq, 4; à six, 6; et’ enfin à
huit ans, il en a 8; son âge se connaît cependant jusqu'à quinze
ans (6) : — IL à en outre des canines, des molaires et des cro-
chets,
dan dE HET
NA 4 *
= *
r À
nm,
5-08
CHAPITRE IX. ”
” DU PRIX DU DROMADAIRE,
Prix du dromadaire selon l’âge.
158. Le prix du dromadaire de trois à six mois est de vingt
à quarante francs ; à deux ans ce prix devient plus élevé, et
reste le même jusqu’à quatre ans; il varie bien peu de cinq
à neuf ans; depuis treize jusqu’à dix-sept, il diminue; après
vingt ans, il est dans les conditions déjà rapportées.
Différence de prix dans les trois provinces de l'Algérie.
139. Ces prix ne sont pas les mêmes dans les trois provinces
de l'Algérie; dans celle de Constantine, le prix moyen ne dé-
passe pas cent francs ; dans celle d'Alger, au contraire, il atteint
cent trente, et dans celle d'Oran cent dix : de sorte qu’on peut
assurer que la dépense serait pour l'Etat de cent cinq, taux
moyen, par dromadaire et pendant longtemps.
L \
Le dromadaire mâle se paie comme la femelle.
:
140. Un dromadaire mâle se paie comme une femelle. Les
Arabes préfèrent cependant ces dernières et leur nombre est
toujours plus considérable; on peut représenter cette différence
par la proportion 4 : 4.
Vices rédhibitoires
141. Le dromadaire se vend à l'essai; on peut le garder
pendant un mois et le renvoyer après; dans le cas cependant
où il aurait travaillé, on ne peut plus résilier le marché.
Depuis l'été jusqu’à l'hiver, le vendeur garantit dela piqûre
6
— 82 —
des mouches du mois de juin précédent; et si, après la vente,
sans causes connues, le dromadaire vient à dépérir, cette
vente est nulle de plein droit, attendu que le dépérissement et*
la mort qui doit s’ensuivre ne sont attribués qu’au debab.
CHAPITRE X.
” DE LA VIANDE DU DROMADAIRE.
Graisse du dromadaire.
142. Tout dromadaire qui, étant malingre, ne se rétablit pas,
ou qui se casse la jambe par accident, ce qui n'est pas rare,
est immédiatement abattu pour être vendu (9) en détail dans
les marchés; sa graisse n’a aucune valeur, car elle est mau-
vaise au goût: mais elle peut servir à faire des chandelles de
bonne qualité, qui durent longtemps et éclairent parfaite-
ment, sans répandre de mauvaise odeur. La viande du dro-
madaire mâle ne diffère pas de celle de la femelle. ‘
#
Préférence des Arabes au sujet des différentes viandes. F
145. Les Arabes préfèrent la viande du mouton à celle du
bœuf et celle du bœuf à celle du dromadaire. Cette dernière
ressemble tellement à celle du bœuf, qu'il est difficile de ne
pas s'y tromper. Dans la dernière expédition, bon nombre
d'officiers ont mangé du dromadaire sans s’en douter; la
viande de cet animal est cependant plus courte et moins serrée
que celle du bœuf: l’Arabe mange tous les dromadaires abat-
tus, à l’exception de ceux qui sont crevés par suite de gale
invétérée.
.
RS =
De la peau du dromadaire,
144. Les Arabes estiment moins leur peau (9) que celle du
bœuf, mais les Européens la préfèrent de beaucoup.
CHAPITRE XI.
DE LA CASTRATION DU DROMADAIRE.
Du dromadaire châtré.
145. Le dromadaire châtré est plus fort et plus robuste que
le dromadaire entier. Après les courses très-fatigantes du
printemps et de l’été 1844, nos dromadaires chàtrés (8) étaient
encore gras et capables de recommencer un service actif;
quant à la femelle, elle est plus faible que le dromadaire entier.
Avantage de la castration.
146. Toutes les fois que les Arabes destinent des droma-
daires au commerce , et qu’ils veulent s’en servir en tous temps
et en tous lieux, ils ne manquent pas de les châtrer; cette
opération se pratique au commencement du printemps, et de
plusieurs manières, soit en perçant les testicules avec un (8) fer
rouge, soit en ouvrant la peau avec un couteau, et en détachant
les testicules de leur enveloppe; ce dernier mode est très-
usité; du reste, la bête peut porter sa charge le jour même de
l'opération, et être châtrée jusqu'à l’âge de douze ans.
— “CG 2 a
G.
= 4 —
TITRE IL.
DES MALADIES DU DROMADAIRE.
147. Le nombre des maladies du dromadaire n’est pas con-
sidérable ; il peut se réduire à trois (20) principales, que nous
allons examiner successivement.
D
CHAPITRE Ier.
19 DE LA PIQURE DE LA MOUCHE APPELÉE DEBAB.
Des suites de la piqûre.
148. D’après les Arabes, c’est la piqüre de la mouche que
nous nommons taon, et qu’ils appellent debab, qui occasionne
toutes les maladies mortelles du dromadaire : aussi, lorsque
cet animal meurt de dépérissement, on n’accuse jamais que la
piqüre du debab, et on attend que la volonté de Dieu soit faite.
Pertes de dromadaires en 4843. *
149. En 1845, les Bou-aïch, tribu de Titter y, n'ayant pu
émigrer dans le désert par crainte de l’Emir, furent forcés de
rester dans le Tell, pendant le temps où le debab sévit si
cruellement. Ils ne perdirent que la moitié de leurs troupeaux;
cette perte, quoique sensible, fut loin d'être aussi considérable
qu'ils le craignaient. Et si le fatalisme ne les eùt empêchés de
prendre les précautions naturelles en pareil cas, il est probable
qu’elle aurait été moins sensible encore.
0
= 99 —
Émigration des dromadaires au mois de jun.
150. Du premier au quinze juin, dès que le debab parait,
on conduit tous les dromadaires du Tittery à deux ou trois
journées de marche vers le sud, loin des eaux stagnantes et
de la verdure, qui donnent naissance au debah ; on reste dans
cette position jusqu’à ce que la moisson soit finie, car il naït
trois générations de debab dans le même mois; elles vont
se nicher sur la paille et y sont dévorées par une autre
espèce de mouches, longue, effilée, qui en mange par jour,
disent les chroniques du pays, 3,120, ni plus, ni moins; cette
mouche, qui s’appelle aï-sug-debab, est elle-même dévorée à la
fin de juillet par le ñnarrah, espèce de demoiselle.
Nécesité de cette émigration.
151. Il est certain qu’à l’époque où le debab parait, il faut
faire émigrer le dromadaire et le mener dans une contrée où
il y a du bois à manger et de l’eau à boire; les Arabes com-
prennent dans cette dénomination de bois, trois arbustes dont
le nom français ne nous est pas connu, qu'ils appellent quettaf,
djel, isserif. Les dromadaires recherchent ces arbustes dont
ils font leur nourriture habituelle dans tous les pays et qui sont
aussi communs près de Boghar que dans le grand désert ; seu-
lement, dans ce dernier lieu, leurs racines enfoncées dans le
sable sont d’une grosseur plus considérable que dans les bonnes
terres des environs de Boghar.
Lorsque l'administration française ne pourra suivre l’usage
des Arabes à ce sujet, elle pourra consulter ce que nous avons
fait en pareille occurrence cette année.
— 86 —
Historique de l'expédition de Lagouath par le général Marey-Monge pendant le temps
du debab.
152. Le 11 juin, M. le général Marey, après sa remarquable
expédition à Lagouath, arrivait à Tiaret avec une colonne, dont
le convoi composé de six cents dromadaires devait être conservé,
puisqu'il n'aurait pu être remplacé que par des ânes ou même
des bœufs porteurs : il y avait donc urgence à aborder de front
la plus grande de toutes les difficultés que présente la question.
Le général aurait pu cependant l’éluder en partie; mais il te-
nait à pouvoir affirmer, avec cette conscience que l’armée en-
lière lui connaît, qu'il avait traversé toutes les phases défavo-
rables : il voulait constater les pertes éprouvées dans ces diverses
expériences, afin d'amener M. le maréchal-gouverneur à
former son jugement"sans aucune cause d'erreur.
Épouvantable effet du debab.
155. Au pied de Tiaret, en traversant la rivière, les droma-
daires furent assaillis, pour la première fois, par le debab :
chaque animal avait sous le ventre des milliers de ces mouches,
dont il cherchait vainement à se débarrasser, soit par des sauts,
soit avec les pieds, soit même en se précipitant à terre. À quatre
heures du soir, le debab disparut et permit enfin à nos dro-
madaires de prendre la nourriture et le repos dont ils avaient
un si grand besoin.
Les Arabes nous assurèrent que, pour préserver nos bêtes des
attaques du debab, il fallait les conduire près d’un grand arbre,
sur un terrain rocailleux, dépouillé de toute verdure, situé en
face du camp. Là, ajoutaient-ils, les dromadaires pouvaient
passer le moment de la journée où le debab sévit; nous suivimes
leur avis, mais nous fûmes cruellement abusés. Le spectacle
207 —
dont nous fûmes témoins, huit heures durant, fut réellement
affreux: tantôt Jes bêtes paraissaient ivres, tantôt furieuses,
parfois sans vie, toutes avaient la tête, les jambes et le ventre
couverts de debab ; nous dûmes donc renoncer à, ce prétendu
abri et nous eùmes recours plus tard à un expédient qui nous
réussit mieux.
Moyen préservatif contre le debab.
154. Le lendemain, les dromadaires partirent à trois heures
du matin pour le pâturage et furent de retour avant huit
heures. On les fit parquer pêle-mêle sur un mamelon élevé,
où ils se groupèrent en tournoyant: de cette manière ceux qui
étaient à la circonférence furent les seuls exposés à la piqûre,
et, pour les en préserver autant que possible, on acheta du
goudron, au prix exorbitant de douze francs la peau de bouc
de huit à dix litres, et on les goudronna. Le debab disparut
pendant trois jours, chassé par l’odeur; lorsqu'il revint, on
imagina de l’éloigner encore au moyen d'une fumée épaisse,
provenant du feu mis à de la paille mouiilée et à de l'herbe
verte; ce procédé ayant eu quelques succès, le reste de la
mauvaise saison s’écoula sans autre accident. Si la malheu-
reuse circonstance dont nous avons parlé plus haut et qui
devint, après l’automne, la cause d’une perte assez grave, ne
se füt point produite, nous croyons que la perte éprouvée par
notre équipage dans cette épreuve la plus à craindre de toutes
eût été d’un quart des bêtes.
Le debab s'attache à tous les animaux.
155. Il ne faudrait pas s’imaginer que* le debab ne pique
que les dromadaires, il s'attache avec autant de furie aux che-
vaux et aux mulets. Aussi les Arabes disent indistinctement
D Me
d’une de ces trois bêtes, lorsqu'elle est piquée de la mouche et
qu’elle est en danger de périr, medbouba. En plusieurs cir-
constances, nous avons vu des mulets et des chevaux tellement
couverts de, piqüres, qu'ils étaient dans un état réellement dé-
plorable; nous citerons entre autres un mulet des spahis, fai-
sant partie d’un convoi arrivé à Tiaret sous les ordres d’un
officier de ce corps. Ce mulet avait eu tellement à souffrir du
debab, qu’il creva au bivouac de Tiaret le même jour.
Effet du debab dans une colonne,
2
156. Si une colonne, ayant des dromadaires au convoi,
était obligée de manœuvrer pendant le temps où le debab
sévit, elle devrait au moins s'arrêter depuis huit heures du
matin jusqu'à trois heures du soir. Pendant la chaleur, nous
pensons que la marche ne pourrait durer plus de trois jours,
sans que la perte ne devint, en peu de temps, considérable.
CHAPITRE II,
20 DE LA FAIM CHEZ LE DROMADAIRE.
C’est une maladie mortelle.
157. Après le debab, la deuxième cause de maladie con-
siste dans la faim; c’est à elle que nous devons les pertes
éprouvées dans l’expédition du mois d'avril de cette année.
Appétit du dromadaire. |
t
158. Le dromadaire est un animal qui mange tout ce que
la terre produit, mais qui a besoin de consommer (15) beaucoup:
1 >
25 kilogrammes d'herbes ou de broussailles par jour lui suf-
fisent à peine. Il aime à arracher sa nourriture avec ses dents,
et ne prend de ce qu’on lui présente que des chardons ou des
herbes tendres.
Son alimentation varie suivant les saisons.
159. Son alimentation hygiénique varie suivant les saisons,
suivant les pays et même suivant certaines localités.
Voici les règles généralement suivies à cet égard:
En été, l'animal mange du bois (quettaf, djel, 1sserif) : le
guettaf a la propriété médicale de rendre moins à craindre la
piqüre du debab.
En hiver, il mange du bois le matin et le soir certaines
plantes appelées cha, alpha et senag.
Au printemps et à l’automne, il mange indistinctement du
bois et de l'herbe.
Le dromadaire ne (15) boit, au printemps, en aucun pays,
sans doute parce qu'il mange beaucoup d'herbe; ce n’est que
durant l’été qu’il boit. Ce fait semble incroyable, lorsqu'on
réfléchit que certains cantons, comme la Mitidja, ne contien-
pent pas de guettaf. Mais partout où l’animal broute cet arbuste
salé, il peut boire tous les jours depuis le quinze juin jus-
qu’à la fin de l’hiver, d’après de nouveaux renseignements qui
paraissent certains : s’il y a disette d’eau, il peut jeùner sept
jours.
Dans la partie du désert que nous avons traversée derniè-
rement, on rencontre des espaces de quinze à vingt lieues
sans eau. Le dromadaire les parcourt sans difficulté. On as-
sure que plus loin, dans le sud, il peut rester jusqu'à quinze
jours sans boire: et il y a lieu de croire là-dessus les Arabes,
car leurs dires sont unanimes sur ce point.
Pendant la route, les Arabes s'opposent à ce que ces animaux
— 90 —
boivent, quelle que soit la chaleur; ils prennent quelquefois
bien de la peine à les empêcher; ce n’est que pendant l'hiver
qu'ils leur permettent l’usage de l’eau de pluie.
Les heures du pâturage varient aussi à l'infini, même
entre les douars d’une tribu; voici la règle commune:
Au printemps, on part de nuit, et on rentre au lever du
soleil, en ayant grand soin d'éviter la rosée. On repart à midi
et on reste jusqu'à six heures du soir et même jusqu’à dix
heures, si la lune est levée. |
En été, le départ est à trois heures du matin et le retour à
huit heures, Après la disparition du debab, le départ est de
deux à quatre heures, suivant la nature et la force du vent, et
le retour à huit heures; on le recule même à dix heures, sil
fait clair de lune. Pendant cette saison, on fait boire le matin,
en rentrant à la tribu.
En automne, le départ est après le lever, et le retour après
le coucher du soleil; les bêtes boivent en partant,
En hiver, on part et on rentre comme en automne; mais l’on
ne fait boire que lorsque l’eau est réchauffée par le soleil.
Les dromadaires, après avoir été déchargés en arrivant au
bivouac, ont l'habitude de se coucher pour ruminer, On doit
les faire lever, et alors ils mangent; la nuit, ils ont le temps
de ruminer, car ils ne dorment pas quatre heures,
Ces animaux ont l'habitude de toujours mâcher du même
côté ; lorsqu'ils ruminent, ils font jouer la mâchoire inférieure |
tantôt à droite, tantôt à gauche, et très-uniformément.
L'alimentation varie surtout suivant les pays.
160. Nous avons dit que la partie si importante de l’hy-
giène du dromadaire n’était pas bien connue; les Arabes eux-
mêmes ne s'entendent pas à ce sujet. Nous en avons eu la
ANS”: QE
preuve durant notre séjour à Tiaret, Voulant éviter les pertes
imminentes, nous nous entourâmes de tous les conseils de
l'expérience, nous consultâmes les plus capables bib de la
tribu des Harars. Cette tribu est en effet renommée par son
habileté en chamelerie. Elle considère la rosée de l’été comme
plus dangereuse que le debab : aussi n’envoie-t-elle les dro-
madaires au pâturage que longtemps après le lever du soleil.
Au contraire, les Rhaman, les Bou-aïch, tribus du Tittery, qui
possèdent des milliers de dromadaires, et qui en avaient un
grand nombre au convoi, les envoyaient paitre à trois heures
du matin, sans se préoccuper de la rosée. Ils rejetaient sur les
Harars le reproche d’ignorance que ces derniers leur appli-
quaient; de quel côté est l’erreur? Pour nous, nous devons
déclarer que des deux parts les pertes ont été grandes et qu’il
nous est impossible, du moins pour le moment, de nous pro-
noncer sur la préférence à accorder aux habitudes de l’une ou
de l’autre province ; nous craignons cependant plus la rosée que
le debad.
En résumé et comme complément, lorsqu'on sera obligé de
se servir de dromadaires pendant le mois d'avril, il importe
suivant nous, de ne pas perdre de vue les observations men-
tionnées au chapitre, Du travail, art. 121. Pour éviter que ces
animaux ne meurent de faim, on doit choisir les plus gras et les
plus forts; veiller à ce que l'allure soit ralentie toutes les fois que
l’on traverse un terrain à bonnes herbes; la presser ensuite
pour rattraper la distance perdue, lorsqu'il n’y a rien à manger;
arriver au bivouac de midi à une heure: voilà ce que doit avoir
toujours présent à l'esprit le chef responsable.
Instruction acquise par nos soldats dans la dernière expédition.
161. Pendant l’expédition d'avril, qui dura vingt-huit jours,
Sp
nous avons été obligés d'abandonner soixante-dix dromadaires.
Les Arabes, qui en avaient trois fois plus que nous, n’en ont
perdu que onze. Cette différence s’explique 1° par la supério-
rité réelle des dromadaires amenés par les Arabes ; 20 par le
soin que ces derniers ont eu constamment de faire manger
leurs bêtes à propos; toutefois, à la fin de la course, le ba-
taillon comptait un grand nombre de bons chameliers, qui
avaient profité de l’exemple des Arabes, et dont l'instruction
s'était développée heureusement assez à temps pour que les
plus grands malheurs aient été évités.
CHAPITRE II.
3° DE LA GALE CHEZ LE DROMADAIRE,
Cas où la gale est mortelle.
162. La (20) gale constitue la troisième maladie; elle n’est
mortelle que lorsque la bête n’est pas encore guérie à l’arrivée
des froids de l’hiver; alors son corps, privé de poil, ne peut
résister aux rigueurs de la saison.
Précaution contre la gale.
163. Tout dromadaire, atteint de cette affection, doit être
mis à part : car, en peu de jours, il aurait infecté un troupeau
tout entier. Les grara (besaces), son aouïa (bât) et ses cordes
doivent être soigneusement lavés à l’eau claire, avant d’être
remis en usage. On frotte de goudron la partie malade, en
ayant, si la chaleur le permet, soin de couper d’abord le poil
qui l’environne; en hiver, cette dernière mesure serait funeste.
JUS
Il est rare qu’une seule friction suffise. Au bout de quinze jours,
la peau étant sèche, on peut reconnaître si la gale est passée ;
dans ce cas seulement, le poil commence à repousser.
Surveillance spéciale du chef de corps.
164. Le chef du corps des dromadaires ne saurait apporter
trop d'attention à empêcher la gale d'entrer dans le troupeau,
et trop de soin à faire mettre à part l’animal atteint. Chaque
jour, il doit faire passer une revue dans ce but, et tenir tou-
jours du goudron prêt, pour faire frictionner les parties atteintes
ou même suspectes.
Cas où la friction doit être générale,
165. Si la gale est ancienne et invétérée, ce qui aura
lieu souvent après les expéditions d’un mois de durée, il
est nécessaire de faire goudronner tous les dromadaires,
même dans les parties de leur corps qui paraissent en avoir
le moins besoin , telles que les dents , la bouche et les ongles
des pieds. Pour cette opération, on passe une corde à leur mä-
choire inférieure, et on les abat sur le flanc, la tête attachée à
la naissance de la queue; dans cette position, on n’a pas be-
soin d'appliquer beaucoup de goudron. Cette substance, em-
ployée en trop grande abondance, les EE el pourrait
amener souvent leur mort.
La qualité du goudron est, à raison de l'utilité hygiénique
de cette matière, un des points sur lesquels il faut porter le
plus d'attention. De sa bonne composition dépend la santé du
dromadaire.
Mauvaise volonté des Arabes à l’égard de notre équipage.
166. À ce sujet, il est à remarquer que les Arabes, soit
8% =
dans la plaine de la Mitidja et des Aribs, soit à Boghar et dans
le Sersou, n’ont vu qu'avec la plus grande peine commencer
ces expériences ; que toujours ils ont essayé de nous én dé-
goûter par les pertes qu’ils nous causaient, soit par la mauvaise
qualité du goudron que nous étions obligés de leur acheter, soit
par le mauvais usage qu’ils en faisaient en l’employant à trop
fortes doses. À la Maison-Carrée, ils nous ont d’abord livré
du goudron de pin, qui n’a aucune vertu contre la gale ; puis
ils nous ont vendu du goudron de marine composé de poix noire,
d'huile de poisson, de suif et d’étoupes, qui a littéralement brûlé
nos bêtes, et c’est à cette cause que nous devons attribuer la
mortalité qui régna alors. Depuis cette époque, Les Arabes conti-
nuant à profiter de notre ignorance, ont toujours mêlé du gou-
dron de pin à celui qui provient des arbres qu'ils appellent
arar où tâga. De cette manière, ils ont épargné plus de la moi-
tié de la main-d'œuvre et ont empêché toute espèce de gué-
rison. Enfin, en ce moment, ils viennent de surprendre notre
confiance dans une livraison de goudron qui avait été cepen-
dant reconnu bon par des experts arabes; ils l’ont ensuite
employé sous nos yeux avec tant de profusion sur deux cents
dromadaires, qu’une grande partie de ces animaux à péri.
Prix et qualité du goudron.
167. Le goudron se vend par peaux de bouc de vingt
litres environ, au prix de #4 à 5 francs. Soixante litres, en
trois jours, peuvent être faits par deux ouvriers. Le meilleur
goudron provient de la tribu des Ouled-Anteur, de celle des Ou-
led-Tbrahim, dans le Djebel-Sahari, et de celle des Sahari, dans
les environs de Berouaquia; 1l se conserve longtemps dans les
tonneaux, dans les jarres, et même dans les peaux de boue, si
toutefois celles-ci sont bien fermées et mises en un lieu frais,
PME + ee
On peut reconnaître, dans un récipient, si le goudron con-
lient du mélange : en le laissag{ reposer, l’urine et l’eau re-
montent.
Le goudron durei doit être jeté; en hiver, on peut se servir
du goudron épais; en été, on ne peut l’employer que liquide ;
du reste, il ne faut aucun mélange d’eau ni de lait.
De l’onguent sulfureux substitué au goudron pour la guérison de la gale.
168. Nous avons eu l’idée de faire essayer l’onguent sou-
fré sur les dromadaires. Cet essai paraît avoir réussi; au reste,
les expériences se poursuivent encore. Dans le cas où l’onguent
ne pourrait remplacer le goudron, on a déjà décidé que quatre
ouvriers du magasin seraient employés toute l’année, aux envi-
rons de Boghar, à faire du goudron. Les Turcs et Abd-el-Khader
avaient aussi un certain nombre d'ouvriers, exempts de tout
impôt, qui faisaient constamment ce métier. De cette manière,
une peau de bouc de 20 litres né coûterait que 3 francs; il en
faudrait deux par tête et par an. Cette quantité est nécessaire,
non-seulement pour guérir la gale, mais encore pour entre-
tenir la santé; on sait déjà que les dromadaires doivent être
goudronnés entièrement cinq fois par an, surtout s'ils doivent
travailler.
Le
Précaulions des Arabes contre la gale dans leurs bivouaes,
169. Il est bon de faire ici une remarque assez importante.
La gale provient souvent de la malpropreté. Aussi les Arabes
changent-ils souvent de bivouacs, tous les deux ou trois jours
au moins, afin que leurs dromadaires ne couchent pas dans des
endroits remplis d’ordures. Ils regardent ce changement con-
tinuel de bivouac comme la précaution hygiénique la plus
importante pour eux et leurs bêtes.
UN NN
CHAPITRE IV.
DES AUTRES MALADIES DU DROMADAIRE.
ne + + en
: 170. En dehors de ces maladies, il en existe plusieurs au-
tres dont les Arabes ne parlent presque pas.
0 da slemma,
171. 1° La slemma ou colique n’est jamais une maladie
grave; elle provient généralement de ce que l’animal a bu de
l’eau stagnante l'été, et elle disparaît d'elle-même. |
Le magoub.
172. 2° Le magoub est une maladie qui provient de la san-
ele lorsque celle-ci est placée en avant du fourreau, au lieu de
l'être entre la verge cet Les testicules ; alors une tumeur se dé-
clare et l'animal ne peut uriner. Le remède des Arabes est tout
simple : ils ouvrent la peau près de la verge qu'ils saisissent et
qu'ils-tirent ‘en nié de manière à détendre le nerf; cela
eg
Le moroos.
175. 9° Le moroos est une fissure qui se manifeste dans la
corne de la plante du pied ; elle amène un boitement assez fort,
mais qui disparait assez vite, sans l'application d'aucun sa
mède.
HAE Le metla.
| 174. 4° Le metla est une maladie particulière de la femelle, ù
quand celle-ci est trop chargée; il consiste dans la chute du
em Qù
vagin, lequel rentre à sa place après quelques jours de repos.
Ajoutons en terminant que, quand, après le printemps, on
voit des bêtes qui ne sont pas remises par le vert, on les purge
avec du blé bouilli dans de l’huile.
CHAPITRE V.
DES BLESSURES DU DROMADAIRE.
Du feu.
175. Lorsqu'un dromadaire boite, par suite d’une chute,
on applique de suite le feu à la partie blessée : cette opéra-
tion s'appelle béda.
Principaux médicaments.
176. Les blessures se guérissent ordinairement par l’emploi
du goudron bouilli avec de la graisse non salée de bœuf et de
mouton ; ou bien, par le goudron seul, ou encore par la graisse
seule. Les pansages se font tous les deux jours; on se sert
aussi de debagar, de tan, de cendres de tabac et de la feuille
d’arar sèche et pilée. On emploie enfin le sulfate de cuivre (tu-
ha) toutes les fois que la plaie contient des vers. Dans le dé-
sert, on fait usage d’une plante appelée dugust pour guérir
toutes les blessures.
Leur efficacité.
177. Tous ces médicaments et surtout le premier guéris-
sent une forte blessure, dans le laps de vingt jours. On ne doit
pas se servir du futia aussi longtemps que le font les Arabes,
ce sel ayant la propriété de brüler les chairs trop vives de la
7
plaie, loin d'avancer, retarde au contraire la guérison, laquelle
doit s'achever par des compresses d’eau-de-vie, de teinture
d’aloès, ou par le charbon pilé.
Précautions à prendre pendant l'été.
178. Pendant l’été, un dromadaire blessé doit être immédia-
tement décharg'. Sans cette précaution, les vers se mettent
dans les plaies et font crever l'animal : aussi les Arabes ne
se servent-ils presque jamais de leurs dromadaires pendant le
second mois de l'été.
Pour éviter ces accidents, on doit, lorsque les circonstances
obligent à faire travailler la bête durant cette troisième et
dernière époque critique, laisser disponible un sixième au moins
des dromadaires. Du reste, les blessures se guérissent plus
facilement dans cette saison que dans le reste de l’année; huit
jours suffisent généralement. | de
TITRE OL.
DE L'ANATOMIE DU DROMADAIRE.
Nécessité d’un travail spécial à faire par un homme de l’art,
179. L'anatomie du dromadaire mériterait d’être sérieu-
sement étudiée par un artiste vétérinaire habile. Un rapport fait
par un homme d’une compétence spéciale serait d'un grand 1 in-
térêt pour la science.
Nous nous bornerons ici à consigner les observations que
nous avons pu faire à la suite de plusieurs autopsies. qu
4
mn 99 Le ce)
Comparaison du dromadaire avec le cheval el le bœuf,
180. Pour donner une idée exacte de l’organisation anato-
mique du dromadaire, nous le comparons tantôt au cheval,
tantôt au bœuf, et même, parfois, à ces deux animaux à la fois,
car il tient beaucoup de l’un et de l’autre.
Peau du dromadaire.
181. La peau du dromadaire est d’un tiers plus épaisse que
celle du bœuf.
Lèvre.
, Li
182. Sa lèvre supérieure est renflée et fendue de 34 milli-
mètres, disposition nécessaire à son alimentation.
Larynx.
183. Son larynx renferme, d’ordinaire, des vers blancs, longs
de deux centimètres et épais de cinq millimètres.
Cerveau.
184. Son cerveau est plus grand que celui du bœuf; mais
il est plus petit que celui du cheval.
Muqueuse buccale.
185. La muqueuse buccale du dromadaire pend dans le pha-
rynx ; lorsque la bête est en rut ou lorsqu'elle est violemment
agitée, celte muqueuse est chassée de la bouche avecun grand
bruit produit par l’air ; elle présente des rides et des plis assez
- considérables pour former une poche où les aliments séjournent
pendant l'acte de la rumination ; à la surface, cette poche est
recouverte de papilles plus longues que celles du bœuf. La mu-
ï
queuse de la langue contient aussi des papilles nerveuses à
dessins irréguliers remarquables. |
Cou.
186. Le cou du dromadaire a des deux côtés deux veines et
une artère, comme cela se voit chez tous les ruminants ; il est
d’une longueur diflorme.
Trachée-artère.
LI
187. La trachée-artère est formée d’un canal plus long,
mais moins large que celui de tous les autres janimaux ; les
narines étant aussi très-étroites, il en résulte que l’air a peu de
passage pour arriver dans les poumons, principal organe de la
respiration. |
Tissu de la bosse.
188. Le tissu de la bosse (14) du dromadaire est so
el Peut être ? DRpATe à la tétine de la vache.
Paroi antérieure de l’abdomen.
189. La paroi antérieure de l’abdomen du dromadaire est bien
plus forte que celle des autres animaux; la ligne blanche qui
la partage en deux par le milieu, est très-prononcée. Les muscles
de cette région se croisent entreeux de la manière la plus solidé.
Compartiments de l'estomac.
190. Le bœuf a son appareil stomacal composé de quatre
estomacs ; il en est de même du dromadaire : ceux de ce der-
nier, quoique ayant des formes différentes et plus prononcées,
pourraient recevoir les mêmes noms. Nous nous contenterons
néanmoins de les désigner par léurs numéros d'ordre,"
— 101 —
Panse ou 1°" estomac.
191. Chez tous les dromadaires crevés de la veille, nous
avons remarqué que la panse, premier estomac des ruminants,
contenait 50 à 60 livres d'herbe noyée dans une quantité plus
ou moins considérable d’eau verdâtre ; cette panse renferme une
multitude de pochettes fermées par des filets, ou brides longi-
tudinales, qui ne communiquent pas les unes avec les autres :
ces pochettes ou augets, qui donnent à l’intérieur de cette par-
tie de la panse l’apparence d’un melon à tranches très-pronon-
cées, étaient, noûs le répétons à dessein, remplis d’eau et
d'aliments et plus développés dans la panse du dromadaire que
dans celle du bœuf.
2e estomac.
192. Le 2° estomac du dromadaire se compose d’une quan-
tité de brides tendineuses, formant un grand nombre de pe-
tites cellules, divisées entre elles par la membrane de l’esto-
mac. Le passage du 2° au 5° estomac est une ouverture de
50 millimètres de diamètre pratiquée dans une bride musculeuse
très-forte. |
3e et 4e estomacs.
195. Ces deux estomacs présentent des cloisons membra-
neuses établissant de très-nombreux compartiments; dans le
3° estomac, ces cloisons sont maintenues par de fortes brides
de nature musculeuse, dont les parois sont garnies de lames
rapprochées ou parallèles entre elles; tandis que, dans le 4° es-
tomac, l’entrelacement des vaisseaux sanguins a lieu par de
simples membranes.
Doutes sur l'existence du cinquième estomac.
194. L’appendice à la panse, désigné. sous le nom de ré-
servoir d’eau par les naturalistes, et qui occupe la position du
— 102 —
bonnet dans le bœuf, chez lequel il offre d’ailleurs une struc-
ture intérieure différente, a longtemps été considéré par quel-
ques-uns d’entre eux comme formant le cinquième estomac.
Cette distinction, établie à à tort entre les deux parties composant
le premier estomac, a été abandonnée. D’autres naturalistes,
renonçant à faire un estomac spécial de l’appendice au pre-
mier estomac, mais préoccupés aussi de cette pensée qu’il de-
vait y avoir cinq estomacs dans le dromadaire, ont compté
pour un estomac un rénflement du canal digestif placé au
commencement du duodenum : nous croyons que c’est éga-
lement à tort.
En résumé, compardison altentive faite entre l'appareil
stomacal du bœuf et celui du dromadaire, il semble qu’on ne
peut admettre le cinquième estomac.
Poumons du dromadaire,
195. Les poumons du dromadaire ont la forme de ceux du
cheval ; ils ne sont pas plus volumineux que ceux de ce der-
nier; ils sont un peu plus forts que ceux du bœuf. Ce viscère
spongieux ne peut donc contenir, eu égard à la masse du
corps, qu’une petite quantité d'air; d’où il faut conclure que
le dromadaire est un animal destiné à supporter une fatigue
continue, mais non violente ; quil ne pourrait, par exemple,
que difficilement trainer la voiture, et enfin qu’il n’est pas or-
ganisé pour travailler dans les pays accidentés.
Côtes.
196. Les côtes du dromadaire sont au nombre de douze,
comme chez le bœuf.
Reins.
197. Les deux reins, composés d’une multitude de petits
reins, si l’on peut S’exprirher ainsi, sont plus volurhineux que
En a GS de DE
Es =
ceux du cheval; toutefois, ils n’offrent pas la même confor-
mation que chez cet animal et chez le bœuf; ils ressemblent
à une grande boucle d'oreille ronde et non fermée. Ils sont
composés de trois substances différentes. Chaque rein pèse une
livre et demie; l’un est ordinairement plus grand que l’autre.
Cœur.
198. Le cœur du dromadaire ressemble à celui du cheval ;
les oreilleites sont deux fois plus grandes que celles du cœur
de ce dernier.
Foie.
199. Le foie se compose d’un grand nombre de lobules, en
forme de losanges, qui peuvent être soulevés isolément, et qui
sont plus prononcés d’un côté que de l’autre. La substance en
est plus consistante, plus granuleuse que celle des autres ani-
maux. Le foie du dromadaire est divisé en deux, comme celui
du cheval, tandis que celui du bœuf ne se compose que d’une
seule pièce.
Doutes sur l’existencé dé la liqueur biliarre.
E
200. Toutes les recherches faites pour trouver «la liqueur jau-
« nâtre qu’on nomme bile dans le viscère du bas-ventre appelé
« foie, lequel est composé de différentes glandes propres à sé-
« parer cette liqueur de Ia masse du sang » (Lavoisier, Diction-
naire de médecine), ont été infructueuses. On sait généralement
que la vésicule biliaire, qui se rencontre toujours chez les ani-
maux carnivores, manque quelquefois, souvent même, chez les
herbivores : aussi n’a-t-on pas été étonné de reconnaitre l'absence
de cette vésicule chez le dromadaire. Mais ce qui a surpris, c’est
- que les bêtes crevées; même après une longue abstinence, ne
présentassent dans les canaux du foie aucun indice de bile.
sb Pal # n 7 AA VX PEN te af AP AT\VT'-e À .
d v . 'J 2 A !
— 104;
Des parties génitales du dromadaire.
201. La conformation des parties génitales du dromadaire
mâle est en tout semblable à celle du. bœuf, hormis que le:
fourreau (4) portant en arrière, attire à lui. le bout de la verge,
qui change de direction pour Paccouplement. Le vagin de la
femelle est le même que celui de la vache; le conduit urinaire
dans le vagin est cependant plus étroit dans la première.
Les mamelles sont placées entre les cuisses, commé dans tout
l’ordre des ruminants.
Callosités.
202. La callosité du sternum, partie osseuse du devant de
la poitrine, est formée d’une corne molle ou tumeur sans poil,
en tout semblable à l’ergot du cheval; elle est naturelle, puis- |
qu'elle apparaît sur les avortons aussi bien que la bosse;
au-dessous du sternum se trouve un tissu graisseux de 15
millimètres d'épaisseur; quant aux six (11)autres callosités, elles
ne sont que le résultat de l'épaississement de la peau, produit
par le frottement de ces parties : car au-dessous pousse la chair.
_ Semelle des pieds.
205. La semelle des pieds est une véritable corne polie, mais
peu dure ; au-dessous se trouve aussi un coussinet graisseux plus
dense et plus volumineux que celui qui existe chez les autres
animaux ; cette semelle réunit jusque près de leur pointe les
deux doigts du pied : c’est surtout par suite de la disproportion
entre ses jambes et ses pieds que le dromadaire parait si:
difforme.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.
—#où0
DEUXIÈME PARTIE.
DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES DE DROMADAIRES.
TITRE [°.
DU. DROMADAIRE COMME MOYEN DE CONVOI.
CHAPITRE Ier.
UTILITÉ, INDISPENSABILITÉ DU DROMADAIRE.
204. Dans la partie de l’histoire naturelle du dromadaire,
nous avons essayé de donner des notions qui sont d’autant
plus utiles à la question d’une ‘organisation militaire, que ces
notions en forment souvent le point de départ. En effet, tant
que nos soldats n’ont point connu les mœurs et lhygiène du
dromadaire, ils n'ont pas su en tirer parti, et ia fallu léxpé- :
rience récemment acquise pour prouver l'utilité de cet animal.
Rareté du mulet.
205. Le mulet commence déjà à devenir rare dans certaines
parties du Tell. Dans la province d'Oran, on est obligé, pour
le service des colonnes expéditionnaires, d'employer des ânes
et même des bœufs porteurs, aussi bien que pour le ravitaille-
ment des postes avancés.
Des réquisitions dans la province de Tittery.
206. Depuis moins d’un an, dans la province de Tittery, il a
= jé =
été fait, en cinq fois différentes, une réquisition de 3,000 dro-
madaires, dont l'administration a payé la location pendant un
mois environ, au prix moyen de 4 fr. par jour chaque bête, ce
qui forme un montant de 360,000 fr. Ces dépenses augmente-
ront naturellement chaque année; car, du jour où la France ne
voudrait plus avancer, elle se trouverait forcée de faire un pas
rétrograde dont les conséquences seraient certainement fu-
nesies.
Le dromadaire est mdispensable pour opérer dans Je sud de Tittery.
207. Dans la dernière expédition, les dromadaires ont gagné
leur naturalisation comme moyen de convoi; tout le monde en
convient. Aujourd’hui, cependant, ces animaux n’ont pas encore
été appelés à rendre tous les services qu’on devait en attendre et
à prouver leur utilité absolue pour l'infanterie. En 1845, lors
du glorieux fait d’armes de la Smala, il n’y avait dans la plaine
de Taguin ni eau ni fourrage. Si S. A. R. le duc d’Aumale eût
dû pousser plus loin dans le sud, c’est alors qu’un équipage de
dromadaires aurait paru tellement nécessaire, qu’on se serait
certainement empressé dé l’organiser immédiatement. En 1844,
au contraire, un an après, jour pour jour, la plaine de Taguin
était encore inondée, et nous avons trouvé de l’eau et du vert
jusqu’au delà de Lagouath. IT en résulte que chevaux et mu-
lets firent cette course sans dépérir ; aussi la colonne était-elle
de retour à à Taguin le 7 juin, sans compter de malades. Mais
il faut penser à 1845 et aux années qui suivront : à celte
époque, le triomphe du dromadaire sera probablement complet
et l’on se convaincra que :
1° Un équipage de ces animaux est HER UE à l’infan-
terie, qu’il serait inhumain de faire voyager dans de pareilles
plaines, sans offrir au moins aux hommes fatigués le secours
d’une monture;
EN —
$e L’artillerie, l’'ambulance, tous les aütres services, se-
raient heureux eux-mêmes de ne plus se servir dé mulets,
pour ne pas les voir périr dé faim et de soif dans ces contrées,
où ils n’apparaissent jamais que comme objets de luxe.
Doit-on organiser un équipage de dromadarres
208. Ainsi, le dromadaire est indispensable à l’armée au
delà du Tell ; mais l’administration française doit-elle en orga-
niser un TENTE Et, dans le cas où elle le voudrait, le
pourrait-elle ?
A la question, le doit-elle? nous répondons : « Si l’admi-
< nistration de la guerre est souvent forcée de louer des dro-
madaires de réquisition, il serait plus 6 économique pour elle
d’en avoir à son compte. »
À la question, le peut-elle ? nous disons : « Les imperfections
du dromadaire sont bien connues ; mais jusqu’à présent, on a
prétendu qu’elles le rendaient impropre à être employé dans
l’armée, tandis qu'il peut lui rendre des services dans cer-
taines saisons et dans un grand nombre de lieux soumis à la
domination de la France. Enfin, jusqu’à présent, si tous les
essais ont été infructueux, on ne doit point l’attribuer à l'in-
capacité des Français à ce sujet; et, dans quelques mois, la
subdivision de Médéah présentera une organisation en offi-
ciers, sous-officiers et soldats de bonne volonté, instruits et
capables, ainsi qu’un nombreux matériel qui n’aura rien coùté
à l'État. »
£::$ Ne
But des expériences ordonnées.
209. Voilà le point de départ de cette question, qui s’est en-
Suite tellement compliquée, que les détails ont fait perdre de vue
lé but que l’on se proposait d'atteindre. Du reste, nous devons
= "408 —
noter ici que, dans notre tentative, il \ avait, de l'aveu de
tous, deux idées nouvelles : R
10 La conduite des bêtes par nos lge ce que les se
riences précédentes déclaraient impossible: "1
2 Le transport de l'infanterie, transport que les Turcs
eux-mêmes n ‘avaient ie dre d’une manière RE
nente.
Utilité ' expériences.
210. Nous allons-maintenant suivre de mA EH de
cette question.
Le raisonnement avait démontré l'utilité d’un équipage de
dromadaires. Les faits nombreux, patents et avérés qui ont eu
lieu dans les expéditions du printemps et de l’été, ont prouvé
‘enfin que M. le Maréchal gouvernéur, en organisant ce corps
auxiliaire de transport, maigré une opposition presque géné-
rale, a rendu un grand service au pays et à l’armée.
Première preuve de l'utilité d’un -équipage.
211. En effet, les expéditions du Djebel-Sahari et de La-
gouath, dans lesquelles on-s’est-servi des dromadaires durant
six mois consécutifs, ont prouvé un fait qui, lui seul, démon-
tre l’utilité de l'équipage ; ce fait, le voici :
En achetant les dromadaires au lieu de les louer, il en se-
rait résulté : 1° non-seulement que l’on aurait dépensé moins,
mais encore que l’on aurait économisé plus de 210 p. 100;
20 que toutes ces bètes, au nombre de plus de 1,000, seraient
en ce moment notre propriété. Ceci est incontestable, incon-
testé : or, c’est là qu'est toute la question. En effet, chaque
dromädaire à été loué au prix de 3 fr. 50 c. par jour; nous
avons été, en deux fois, cent dix jours, dehors, c’est donc 385 fr.
qu'a coûté chaque dromadaire : or le prix de commercé du
dromadaire est de 200 à 230 fr. Ainsi, si nous’ eussions
— 109 —
acheté ces animaux, chaque dromadaire, dans cet espace de
cent dix jours, eût gagné plus d’une fois et demi sa valeur ; et
notre raisonnement serait bien plus décisif si nous avions voulu
prendre pour base le prix du dromadaire de razzia, qui est, à
Alger, de. 150 à 150 fr., et qui, à Oran et à Constantine, descend
même à 105 fr.; dans ce cas, c’est deux fois et demi et trois
fois sa valeur qu eùt gagné le dromadaire.
Deuxième preuve.
912. Un second fait est le complément indispensable du
précédent.
Le prix de transport du quintal métrique payé par l’État,
d'Alger à Médéah, est de 18 fr. 80 cent. ; l'aller et le retour
ont lieu en quatre jours. Un dromadaire portant deux quintaux
gagne donc par voyage 37 fr. 60 c.; en conséquence, en un
mois, il aura gagné au moins 250 fr. Le prix d'achat est,
dans les conditions les plus défavorables, de 250 fr, au maxi-
mum. Donc l'administration, en louant des dromadaires pen-
dant un mois seulement, en paie plus que la valeur.
sh © —
CHAPITRE II,
DES OBJECTIONS CONTRE L'ORGANISATION D'UN ÉQUIPAGE,
Énoncé des objections principales.
213. Après ce qui précède, les objections que l’on fait encore
valoir, quoique timidement, contre la formation d’un équipage
de dromadaires, ne peuvent être de grande portée. Toutefois,
examinons les principales :
1° La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des
chances de pertes excédant celles des bénéfices? |
— 110 —
20 La mortalité ne pourrait-elle pas réduire les bénéfices à
néant et même être une cause de pertes plutôt qu'un moyen
d'économie ? |
3° L’administration a-t-elle besoin de louer des dromadaires,
et, dans ce cas, ne pourrait-elle pas suivre un mode d'opérer
moins ruineux que celui de la réquisition sans courir les dan-
gers de l’entreprise directe ?
4° Les soldats qui ont fait toutes les expériences avec zèle et
bonne volonté, parce que, sans doute, leur mission ne devait
être que de courte durée, pourraient-ils se plier à un service
auquel leurs devanciers ne se sont jamais habitués ? Enfin,
serait-il possible d'organiser un corps dans ce but ?
La réponse à chacune de ces objections est simple.
D RE —————
CHAPITRE HI. :
RÉFUTATION DES OBJECTIONS.
4° La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des chances de pertes dépassant
celles des bénéfices.
214. La dépense qui résulterait de l’organisation d’une com-
pagnie de dromadaires entraînerait, par année, aux déboursés
suivants :
Soit 100 dromadaires, du prix de 108 fr. chacun, et pouvant
servir 10 ans environ; leur entretien annuel s’élèvera cha-
que année à la somme de (m) . . . . . . 1,050 f.
Le goudronnage à 6 fr. par bête et PAFAD - : : 600
Graisse et sulfate de cuivre, id. . . . . . . 100
Licou de 5 fr. Di PO CE
À reporter. . . . 2,250 f.
ARS SOIENT
— 111 —
Reports : . .". 9,280.
Bât de 4 fr., Ÿ Mr rer dé ee PE di
Sangle en cuir de 4 fr., MASERATI
Corde de 1 fr. 50 c., Li Dabe HOTTE UN
200 besaces à charger, de 5 fr. dadines d'ube durée
PRO ANS, FODÉ HO Ps BAL ST 58e
Frais pour 10 bêtes disparues et ramenées au moyen
de la prime d’encouragement de 10 fr. par bête,
ON TO PR ONNEXPAPDR AANS, AUD SERRE NUE 400
Dépenses diverses et imprévues, par an. . . : 1,000
Un chef de cardiens à5 fr. par’jodr SEPSUS 1,095
Cinq gardiens arabes (4 pour 20 bêtes), à 1 fr. 50 c. c:
PAP DRE | 3809 & SEH002 787
Indemnité aux trois officiers d h compagnie, ac-
cordée d’après l'arrêté du 51 janvier . . . . 1,200
FetAih) .:. . :. 9,065,
Nous ne parlerons pas de la dépense de la troupe, parce que
ce service serait livré au corps du train.
Nous avons dit que le dromadaire pouvait travailler pendant
neuf mois; en réduisant ce chiffre à huit seulement, compa-
rons cette dépense à celle qu'occasionneraient 100 mulets.
Le prix d'achat, à raison de 1,000 fr. par mulet rendu en
Algérie, pour une durée de trois ans, serait, pour huit mois,
He. : en ere O0 E
Les frais de nourriture, à raison de 1 fr. 40 c. par
Jour et par bête, RAS ee + + + 56,000
Ceux d'entretien, de Ts 0e AA PONT t 4 D: UDD
Total de la dépense pour huit mois té). 65,000
L'Etat, pour avoir en propriété 100 NÉE devra Re
le sacrifice suivant dans la première année :
12 —
Achat à 105 fr. chaque dromadaire. . à pre 10,500 fr.
Entretien : 9,600 (n) — 1000 = 8,600, ci . 8,600
Total:,.68 einas ah atsesé + ete SOON
Maintenant, on aura à choisir entre ces deux moyens : 1° ou
diminuer l'effectif des mulets; 2° ou louer aux Arabes 100
dromadaires de moins par an. Ainsi donc, 1° si l’on licencie
100 mulets, ou, ce qui est la même chose, si on ne les remplace
pas, L'économie sera de (0): 2... . 1. "Dove
Plus la moitié de 65,000 fr. pour les quatre
QUAPES VIS. eine D + D dl: : DR
Total par an . . . 97,500 f.
2’ Si l’on s’abstient de louer 100 dromadaires, il résulte de
ce qui a. été dit plus haut, que l’on aura économisé, en huit
mois, la somme énorme de 127,000 fr.
L'État n’est donc exposé à aucune perte en organisant ce
nouveau corps d’équipages militaires.
2° La mortalité ne peut même occasionner des pertes à l’État.
215. La mortalité pourra diminuer les bénéfices déjà réalisés,
mais elle ne constituera jamais l’État en perte. En effet, quand
tous les dromadaires crèveraient après un mois de service, par
l’incurie des gardiens ou par suite de maladie, supposition plus
qu’exagéréé , l'État opèrerait encore un bénéfice. On répète
de toutes parts, et peu charitablement, que l'expédition de Djebel-
Sahri, dans laquelle 70 bêtes furent laissées en arrière, a été
désastreuse. Eh bien ! si l’État eût été obligé de payer à l’équi-
page le prix de ses transports, il aurait dû lui tenir compte
d’un dixième en sus du chiffre des pertes éprouvées. Il n’en
est pas ainsi du mulet qui, plus il reste au service, plus'il coûte,
_…
= (18 —
cause du prix élevé des rations de fourrage qu'il con-
-S
30: L'administration a besoin de louer des dromadaires, surtout à cause de nos relations
avec l’intérieur.
216. La troisième objection renferme deux distinctions qui
nécessitent deux réponses. D'abord l'administration est seule
juge de ses besoins ; elle seule peut savoir si, avec l'effectif
des animaux entretenus au budget, son service n’exigera pas
des réquisitions nouvelles en 1845.
Jusqu'à présent, elle a été obligée d’avoir recours à ces der-
niers moyens, surtout pour ravitailler des places qui ne sont
pas encore rie par des routes carrossables ; quel que soit
le zèle apporté par le corps du train des équipages dans ses pé-
nibles fonctions , il n’a pu suffire à tout, et le double de l’ef-
fectif en hommes et en bêtes n’en viendrait pas à bout, telle-
ment notre système d'occupation, déjà si étendu, prend con-
stamment, et même malgré nous, une plus grande exten-
Et FOR | |
Jusqu'à ce jour, les dromadaires ont été requis cinq fois
dans la province de Tittery; c’est là une preuve concluante;
tout indique qu'à l'avenir on les emploiera plus souvent én-
core.
- En.effet, la soumission du désert jusqu’au Beni-Mzab, ainsi
que l'installation d’un kalifa à Lagouath, exigent impérieuse-
ment que la France se tienne toujours prête à porter des forces
de ce côté; et on ne doit pas cesser de répéter qu'il pourrait
arriver, malheur à une colonne qui oserait s’aventurer dans ce
pays, sans être accompagnée d’un équipage complet de droma-
daires destinés spécialement à transporter de l'infanterie, l'usage
de la cavalerie étant impossible dans ces‘contrées. Trois journées
de simoun ou d'une température de 64degrés centigrades, circon-
8
— A1k —
stances qui sont loin d’être rares, suffiraient pour amener une
catastrophe que l’humanité et la politique prescrivent d'éviter.
Nous dirons plus : une colonne dont le convoi de dromadaires
ne serait commandé que par les Arabes, qui seuls aujourd’hui
savent les conduire, s’exposerait, par la trahison du seul chef
de ce convoi, à cent lieues de la base d'opération, à voir son
existence et ses opérations gravement compromises.
L'entreprise directe est le mode le plus rationnel à adopter par l'administration.
217. La question de savoir si l’administration, au lieu de
procéder par location, ne ferait pas mieux d’acheter des droma-
daires pour les confier à la garde des Arabes, à la charge par
ceux-ci de les représenter à la première réquisition; cette
question, disons-nous, à été longtemps débattue avant l’adop-
tion du mode actuel. Nôus nous prononcerions pour l’affirma-
tive, si l’on pouvait lever les difficultés majeures qui se pré-
senteront sans cesse dans l'exécution : mais l’entreprise directe
semble plus rationnelle, plus économique ct surtout plus digne
d’une grande nation; si ce projet est repoussé, nous désirerions
que le mode actuel fût, du moins, abandonné, et que dans les
convois, les dromadaires loués aux tribus fussent conduits par
des soldats français. |
4 Le soldat peut se plier au service du dromadaire.
218. Il est juste de convenir que les anciennes expériences
pour plier le soldat au service du dromadaire avaient échoué
complétement; que le dégoût avait fini par atteindre nos hom-
mes, et qu'ainsi l’on pouvait soutenir que jamais la pétulance
de nos soldats ne s’accommoderait d’une pareille mission ; mais
pour être juste encore , il faut dire aussi que depuis que nous
avons entrepris cette tâche, les choses ont changé d’aspect.
Voilà neuf mois que les essais ont été commencés et six mois
qu'ils continuent sous la direction des soldats du 1° bataillon
du 35° de ligne, que j'ai l'honneur de commander, et les ré-
sultats ne sont plus contestables,
Bonnes dispositions des soldats chargés des expériences.
219. Nos braves soldats ont pris Ja question fortement à
cœur, et bien loin de se rebuter par leurs nombreux échecs, ils
y ont puisé le courage nécessaire pour continuer la lutte; ils
veulent prêter à leurs chefs le secours de leur zèle, de leur dé-
vouement et continuer leurs efforts jusqu'à ce que toute l’armée
soit obligée de convenir que la victoire leur est restée. Or, ce
qu'ils auront fait avec tant de peine, d’autres pourront faci-
lement le faire après eux, car la route sera tracée.
Nous disons plus : si l’administration avait besoin d'eux
pour former le corps à organiser, elle pourrait compter sur
leurs services ; quoique résolus en grande partie à ne pas chan-
ger d'arme > ils resteraient provisoirement à leur poste pour
voir la France retirer de leur bonne volonté les fruits qu’elle
doit en obtenir.
En voyant les préventions avec lesquelles on a accueilli la
reprise des expériences qui étaient confiées à leur dévouement,
les soldats du corps provisoire de dromadaires ont résolu de
lutter contre toutes les chances contraires et de réussir à force
de zèle, de patience, de persévérance et même d’abnégalion :
aujourd'hui, à la face de l’armée, ils croient qu’ils ont enfin
gagné leur cause malgré une opposition qui croyait de bonne
foi à l'impossibilité de cette entreprise.
Cause de la non-réussite jusqu’à ce jour.
220. La voix publique a proclamé enfin cette vérité; si
celte affaire qui traine depuis dix ans, nonobstant les instances
réitérées du ministre de la guerre, est arrivée jusqu’à 1844,
8.
— 116 —
sans avoir obtenu une solution favorable, on ne doit l’attribuer
ni aux défauts du dromadaire, ni à la mauvaise volonté du
conducteur, mais au peu de confiance des chefs persuadés d’a-
vance de l’inutilité de. leurs efforts : telle est la cause pour la-
quelle l'administration supérieure a toujours échoué dans les
nombreuses tentatives qu'elle a faites pour arriver à un but
aussi désirable. :
En effet, Le corps du train des équipages, auquel cette mission
revient naturellement, n'a jamais cru à la réussite; et l’infan-
terie, lorsqu'elle en a été chargée, à reculé devant la tâche,
parce que, jusques en 1845, elle n'avait pas compris combien
une organisation d’équipages destinés à mobiliser ses bataillons
serait utile à son avenir. j
L'histoire de l'expérience actuelle rappelle le sort de toutes les innovations.
291. L'histoire du présent rappelle l’histoire du passé; en ef-
fet ne voyons nous pas, à toutes les époques, l’opinion publique
soulevée contre les novateurs à cause des difficultés inhérentes
à toute innovation? Dans l'espèce, il faut en convenir franche-
ment, les difficultés ont été grandes ; on ne peut s’en dissimu-
ler la gravité, mais on l’exagérait. Malheureusement pour
nous, le souvenir de ces exagérations était encore présent à
tous les esprits, lorsque M. le maréchal gouverneur a prescrit
de reprendre les expériences depuis si longtemps abandon-
nées.
= ALT —
CHAPITRE [IV.
REPRISE, PAR ORDRE DE M. LE GOUVERNEUR, DES EXPÉRIENCES
ABANDONNÉES DEPUIS 1840.
Dispositions hostiles de l'opinion publique.
229, La reprise des expériences constituait une mission dif-
ficile ; il fallait, pour réussir, une force de caractère peu com-
mune de la part du chef et une confiance illimitée chez les
subordonnés. Le passé prouvait qu'un succès immédiat était
impossible ; que des échecs, au moins partiels, étaient inévita-
bles; que le découragement parmi le plus grand nombre des
soldats devait être le résultat du ridicule qui, à toutes les épo-
ques, avait forcé d'abandonner les essais; enfin, que l’oppo-
sition générale deviendrait d'autant plus menaçante que l’on
approcherait davantage d’une organisation régulière.
Une organisation provisoire était nécessaire.
293. Il fallait vaincre l’une après l’autre toutes les difficultés
par des expériences publiques ; pour cela, il était nécessaire de
créer un corps provisoire et de le faire fonctionner longtemps.
Afin d'atteindre ce but, M. le gouverneur général, après la re-
vue mémorable du 28 janvier 1844, dans la plaine de Mustapha,
rendit l’arrêté du 51 janvier sur les équipages ; et peu après,
M. le général Marey-Monge fut autorisé à faire des expériences
en grand dans l'expédition dirigée contre les fractions dissidentes
de la tribu des Ouled-Nayl.
Expédition des Ouled-Nayl ou du Djebel-Sahri avec le 4er bataillon du 33° et ses effets.
224. À son départ de Médéah, M. le général Marey-Monge
— 118 —
organisa en bataillon de chameliers le 1* bataillon du 35° sous
nos ordres.—Ces braves soldats fürént malheureux de recevoir
une telle destination qui couvrait, disaient-ils, de ridicule notre
excellent régiment; mais ils y firent toujours preuve d’une abné-
gation remarquable. Malheureusement, nos dromadaires avaient
travaillé tout l’hiver, ou étaient venus de chez les Arabes par une
neige très-forte et par des chemins impraticables. L'opération
cependant s’annonçait encore sous de belles espérances, lorsque
la neige tomba de nouveau, et priva, pendant quatre jours, les
dromadaires de pâturage.—Puis un temps affreux vint, contre
toute attente, assaillir l’expédition et se maintint pendant la
course entière. Aussi nos bêtes exténuées, maigres, dévorées
par la faim, ne purent-elles supporter ces fatigues; 70 sur 250
périrent ou furent abandonnées dans l’espace d’un mois. Nous
constatons ici que nous leur avons fait souvent distribuér de
l'orge, et que peu en ont mangé malgré la faim ! |
Tel a été le résultat de la première expérience, et ses tristes
conséquénces furent prévues dès le commencement. L'État,
dans cette circonstance, a fait une perte qui, réunie à celle
éprouvée antérieurement, s’est élevée à un chiffre à constater.
Nous ne chercherons pas à la dissimuler.
La situation du corps, à la date du 28 juillet, présente les
résultats officiels suivants pour l'effectif des dromadaires :
Recu. Perdu.
Avant l’organisation de M. le |
maréchal . . . . . . . 22% 161 dont 98 réformés vendus.
Et après cette organisation. . 619 204
Totaux, y 0 O0 900
D st
Il restait, au 28 juillet 1844, 478
La perte, qui s'élève à 365, doit être diminuée : 1° parce que
on y comprend 98 dromadaires qui ont été vendus ‘par le do-
|
—.119 —
maine, en décembre 1845, dans la Métidjah; 2° parce que, sur
les 29 laissés en arrière et sur les 89 abandonnés, il en rentrera
plus de la moitié. Mais supposons que le chiffre 365 repré-
sente la perte, elle équivaut à une somme de 47,000 fr.
Ce n’est pas éluder les difficultés que de les faire ressortir ainsi.
Economie finale produite par les expériences.
225. Voyons maintenant l’économie produite par les dro-
madaires depuis le début, afin de savoir si les ordres donnés
par M. le maréchal, pour que les frais de transport couvrissent
tous les frais des expériences, ont élé exécutés. :
Dans l’expédition du Djebel-Dirah, l’économie constatée est
de (pièce justificative H)..., . . rente NUM T.
Dans l’expédition des Ouled-Nayl biboë Bt MO,
Dans l'expédition du désert, et celle de Tiaret
(piété 27.1 Pate af role Sohtomite ds 1m den 07180
; Fotal.51, 60 Js1l1eûr, ol 51580940" fr.
Ainsi, la perte eüt-elle été de 700 dromadaires, l’État n’au-
rait encore rien à débourser pour les essais; et puisqu'elle ne
s'élève qu’à la moitié, il y a eu bénéfice réalisé,
Continuation des expériences avec des hommes de bonne volonté.
226. Mais n’anticipons pas sur le cours de notre histoire.
À la suite de cette expédition, on s’attendait généralement au li-
cenciement de l’équipage; mais M. le gouverneur général, tout
en donnant l'ordre de rendre le 1° bataillon du 55° à son colonel
qui le réclamait, repoussa hautement l’idée d'abandonner les
expériences et autorisa M. le général Marey-Monge à les conti-
nuer avec des hommes de bonne volonté, s’il s’en trouvait.
En présence d’oppositions qui n'avaient jamais été aussi
vives et qui justifient la résolution prise par le 1° bataillon
= 490 —
du 55° de cesser ce service si maltraité, quoiqu'il lui en coutât
de se séparer de son chef; au milieu de difficultés qui renais-
saient chaque jour, et dont le spectacle attristait les témoins de
cettelutte; après un échec qui nous couvrait personnellement d'un
ridicule immérité, 84 hommes sur 562 de notre bataillon du
55° répondirent cependant encore à notre appel, ainsi que 36
soldats du 3° bataillon de chasseurs d'Orléans. Nous devons
ajouter que, de nos 25 officiers et 48 sous-officiers, M:: Huet,
sous-lieutenant, et Poulain, sergent-fourrier, furent les seuls
qui ne voulurent pas nous abandonner lorsqu'ils nous virent
décidé à braver l’opinion publique. Un second officier, M. Sil-
vain, lieutenant, demanda à nous suivre au moment de partir
en expédition. C’est avec cette poignée d'hommes dévoués,
pleins d’abnégation et d'énergie, qui ont suppléé au nombre
par leur bonne volonté, et dont l'exemple ne sera pas perdu
pour l’armée, que nous avons pu prendre une revanche écla-
tante; aussi notre reconnaissance leur est-elle à jamais acquise.
Coniposition de l'équipage après quatre-vingts jours d’expédilion au retour à Médéah,
997. Dans le courant de l'expédition, le nombre des dro-
madaires ayant augmenté, M. le capitaine des voltigeurs An-
sermain et M. le sous-lieutenant des grenadiers Simonet, accep-
térent le commandement de 100 hommes d'élite qui vinrent
renforcer l’équipage, dont voici la composition à notre retour
à Médéab, après l'expédition de Tiaret.
Officiers. 70 eee re si
Troupe,: ler RE 0 220
Dromadaires de l’Etat. . . 246
— requis. +... 1900
Nous pouvons affirmer de plus, d’après les demandes qui
nous ont été faites, que si un nouvel accroissement dans le
chiffre des dromadaires eût exigé le service d’un plus grand
— 121 —
nombre d'officiers et de soldats de bonne volonté, nous n’au-
rions eu d’autres difficultés à ce sujet que l'embarras du choix.
Revenons maintenant à l'historique de la question.
L'expédition de Lagouath ne paraissait pas devoir être heureuse pour la solution
de la question.
228. L'expédition de Lagouath s’annonçait sous de plus tris-
tes auspices que celle du Djebel-Sahri. Le départ, qui devait
avoir lieu le 27 avril, fut successivement retardé par les pluies
jusqu’au 12 mai. Le général Marey-Monge, prévoyant qu’en
différant davantage de se mettre en route, il S'exposait à ne pas
pouvoir remplir la mission qui lui était confiée, profita du pre-
mier jour de soleil pour partir; son convoi de 1,300 dromadai-
res marcha difficilement jusqu'à Taguin, à cause de la nature
du pays; mais une fois entré dans les terres sablonneuses, le
froid et la pluie, qui n'avaient pas cessé, furent plutôt favorables
que défavorables à sa marche, ainsi qu’il l'avait prévu.
Si l’ôn eûtattendu le beau temps à Boghar, cinq jours après
nous eussions été surpris par les dernières neiges ; l’expédition
n’aurait pu avoir lieu cette année, l’État aurait fait de grandes
pertes et la question des dromadaires aurait sans doute été aban-
donnée pour toujours.
Pertes en dromadaires pendant l'expédition de Lagouath,
229. Les mêmes dromadaires qui allaient, au mois d'avril, au
Djebel-Sahri ont composé le convoi de Lagouath ; alors ils trou-
vèrent des pâturages abondants sur toute la route, et les soldats,
devenus bons chameliers, ne perdirent pas une occasion de les
faire manger. Aussi, lorsqu’après trente-sept jours d'expédition,
on fut, le 7 juin, de retour à Taguin, la perte n’était que de
deux dromadaires. L’un s’élait cassé la jambe et l’autre s'était
égaré. Pas un seul n'était resté en. arrière, el cependant ils
—…— 122 —
s'étaient bieñ peu reposés etse trouvaient dans un triste état de
maigreur.
Expédition de Tiaret.
250. De Taguin, M. le général Marey-Monge s’est dirigé
sur Tiaret avec son convoi de dromadaires; les Arabes ju-
raient que pas un de ces animaux n’échapperait à la piqüre du
debab. Mais , en usant de la prévoyance et des Soins dont noûs
avons parlé dans là première partie de cette note, nous avons
traversé cette terrible épreuve sans de grandes pertes. En outre,
quelques jours après notre arrivée à Tiaret, il a fallu suivre le
général dans son expédition contre les Koraïch et les Hallouïas,
tribus qui habitent lés montagnes escarpées de l’Ouenseris.
Chaque dromadaire reçut la charge énorme de 200 kilogram-
mes; cette mission, quoique excessivement difficile, a été rem-
plie avec succès.
Pertes en dromadaires pendant l’expédition de Lagouath et celle de Tiaret.
231. Au retour à Médéah, le 20 juillet, après cette nou-
velle course de quarante-trois jours succédant sans intérruption
à celle de trente-sept jours qui l'avait précédée, l'équipage comp-
tait encore au convoi 227 bêtes; la perte s’établissait ainsi :
Dromadaires morts, : . . : . 6
Id. laissés en arrière. . . 8
Id. s'étant cassé la jambe. 2
Id. ÉDAPES 2 EN EE
Total: 54 13. 49
Report des pertes à Lagouath. 2
Total genéral. . . . . . 21 pendant 80jours.
nn à à 2 RS —— — ——
|
— 1923 —
CHAPITRE V.
RÉSULTAT DÉFINITIF DES EXPÉRIENCES,
Les avantages d’un corps auxiliaire des équipages sont unanimement reconnus.
232. Malgré les doutes et les injustes préventions qui exis-
taient avant l'expédition de Lagouath, il-est peu de personnes,
dans notre subdivision de Médéah, qui n’en soient venues à re-
connaître aujourd’hui :
1° Que nos soldats peuvent devenir de bons chauèliére
2° Qu'il ne serait pas prudent de confier le commandement
de nos convois à des Arabes ;
5° Qu'il y aura économie pour l’État à avoir des dromadai-
res en propriété : une seule question est restée à résoudre,
celle des corps montés à dromadaire.
Opposition au projet d'organisation des troupes montées.
253. Des personnes opposées au projet d'organisation des
troupes montées déclarent, après notre réussite, qu'elles n’a-
vaient jamais douté de la possibilité d'organiser un équipage,
lorsque le chef lé voudrait sérieusement, fermement, et sans
s'inquiéter des oppositions secondaires ; mais que le difficile,
l'impossible même, c'est le transport de l’infanterie : nous
acceptons le premier aveu, nous l’acceptons avec reconnais-
sance; quant à l'opposition faite au système des troupes mon-
tées, nous en traiterons spécialement plus tard: Espérons que
la vérité finira par triomphér aussi sur ce point le plus im-
portant de tous.
Voilà le véritable état de la question, au retour de trois
courses, après cent dix jours d'expédition; nous le constatons
— 124 —
en ce moment, car nous n'en doutons pas, nos détracteurs
voudront reprendre, plus tard, les concessions qu’ils sont obli-
gés de nous faire aujourd’hui.
— “tr DES
CHAPITRE VI...
RÉCAPITULATION.
Progression des expériences.
254. Les expériences ont été faites publiquement, d’abord
en pelit et ensuite sur la plus grande échelle, pendant neuf
mois consécutifs; elles ont conduit à la constatation des faits
énoncés dans la première partie de cette notice, où il est traité
des mœurs et de l’hygiène de l’animal, de ses défauts et aussi
de ses qualités : elles ont fini par former un corps dont le per-
sonnel n'attend plus qu’une ordonnance pour devenir un auxi-
laire précieux de celui du train des équipages.
| Les expériences ont été faites aux époques les plus critiques.
235. Les expériences ont été faites aux trois époques de
l’année où les Arabes font reposer leurs bêtes, et où, par consé-
quent, il y.a le plus de chances de pertes. Le maximum de ces
pertes étant connu, la religion de M. le maréchal gouverneur
ne peut plus être surprise : il a par devers lui les documents
nécessaires pour décider en toute connaissance de cause.
Il ne serait pas juste de juger les difficultés futures par les
difficultés passées; l’expérience est acquise, les doutes ont dis-
paru en grande partie : jadis, enfin, il fallait trouver un chef
qui voulüt fermement le succès de l'affaire, des subordonnés qui
le voulussent aussi. On les a trouvés, ils ont fait leur devoir;
c’est à l'autorité à décider maintenant s’ils ont atteint le but
qu'elle se proposait. °
— 125 —
CHAPITRE VII.
DES DIFFICULTÉS QUI ONT ÉTÉ VAINCUES.
Le dromadaire était si peu connu que l'expérience seule pouvait nous révéler
ses qualités et ses défauts.
256. On doit comparer les études faites sur les dromadai-
res à celles qui auraient pu être faites sur les chevaux en Afri-
que, si l’on eût ignoré en France l'usage de ces animeux.
Faisons un appel aux hommes de bonne foi! cette deuxième
expérience n'aurail-elle pas présenté des difficultés bien plus
grandes que la première? Ces chevaux, que les Arabes au-
raient vendu de mauvaise espèce, n’auraient pas duré six mois;
l’inexpérience, après elle la mauvaise volonté qui suit toutes
les déceptions, tous les échecs, auraient amené la mortalité ;
une prompte désorganisation aurait atteint le corps d’infante-
rie que l’on aurait voulu monter ainsi; d’un autre côté, les
morsures, les coups de pieds des chevaux, les chutes auraient
envoyé un dixième des hommes à l'hôpital ; et si, dans ces con-
ditions, ce corps eût été engagé contre les Arabes, les pertes
eussent été bien plus considérables encore; le dégoût aurait
été universel, et on eùt abandonné les essais en couvrant de
ridicule le malheureux novateur.
N’aurait-on pas eu tort, cependant, de s’arrèter là, et de sa-
crifier les immenses avantages de l'avenir aux difficultés iné-
vitables du présent?
On n’improvise pas plus un chamelier qu’un cavalier; et il
faut, pour ces deux services, une aptitude qui n’est pas com-
muné à tous, car la patience en est la base.
On a pris des soldats et on leur a confié des dromadaires :
M. le maréchal s’attendait aux pertes qui ont eu lieu. Ces per-
ÉPER,
dt
— 196
tes ont ensuite diminué, et maintenant elles sont presque nul-
les, comme le prouvent les quatre-vingts jours de l’expédition
que l’on vient de terminer.
On a commis bien des fautes ; déjà, on en commet moins, et,
dans un temps peu éloigné, les fautes seront plus rares encore.
Le dromadaire a été étudié dans les grands convois de 4844.
257. Il fallait observer les habitudes des Arabes; les grands
convois auxquels nous avons élé mêlés, ont'initié nos soldats
aux secrets de ces bons instructeurs dans uné partie aussi dif-
ficile. Nous pouvons déjà constater que les divers services de
l’armée préfèrent les dromadaires de l'État conduits par des
Français, aux dromadaires deréquisition conduits par des Arabes.
Il est juste de tenir compte à l'équipage de Tittery des difficultés qu'il a su vaincre
et de ses sacrifices personnels.
258. IL ne suit pas de ce qui précède que notre instruction
soit parfaite, que nous n’ayons plus besoin des Arabes; non,
sans doute ; mais les hommes qui se sont dévoués à cette cause
croient avoir droit à une grande indulgence, 1° parce qu'ils ont
réparé, à la sueur de leur front, les pertes provenant de leur
inexpérience; 2 parce qu'ils ont déjà fait obtenir à l'État un
bénéfice certain, au lieu de lui être à charge; 3° parce qu'ils
sont persuadés qu'ils économiseront plus d’un million par an
en frais généraux de transports. N'est-ce pas un fait curieux à
enregistrer, que celui d’un essai qui paraît avoir été onéreux,
et qui, en définitive, n’aura cependant rien coûté à l'État? Quel
est l’essai d'organisation dont on a pu dire la même chose ?
Enfin, si les échecs passés doivent être attribués à l’igno-
rance des mœurs du dromadaire, notre réussite estévidemment
la conséquence des études sérieuses qui ont été faites; et ona
droit d’en conclure que notre corps est, aujourd'hui, une pépi-
nière de bons instructeurs. ;
— 127 —
Proposition d’organisalion dé compagnies de chameliers.
259. Aussi, désirons-nous voir l'État profiter d’une expé-
rience acquise si laborieusement, en organisant définitivement
des compagnies auxiliaires du corps du train des équipages
militaires. L’atilité de ces compagnies ne tarderait pas à êie
prouvée par les services nombreux qu’elles rendraient à l’ad-
ministration de la guerre. Cette organisation est d’autant plus
facile qu’elle se ferait avec un matériel déjà payé, et avec un
personnel expérimenté et plein de bonne volonté ?
D
TITRE IL.
BASES DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES.
CHAPITRE Ier.
DES OBSERVATIONS RELATIVES AUX DROMADAIRES.
240. Il est probable, d’après une lettre de M. le Gouverneur
général, que l’organisation des équipages aura.lieu; aussi
croyons-nous devoir entrer dans quelques détails d'exécution.
Choix et prix du dromadaire.
241. Le dromadaire peut être chois indistinctement dans
les trois provinces de l'Algérie ; les razzias en fourniraient
encore longtemps, dont le prix ne serait pas fort élevé, surtout
si l’on en juge d’après la vente des 50,000 qui a eu lieu après
les razzias de MM. les lieutenants généraux duc d'Aumale, de
— 1928 —
Lamoricière, Changarnier, Baraguey-d’Hilliers. En effet, dans
la Métidja, le dromadaire a été donné gratuitement; dans le
Tittery, il a été vendu 50 fr., à Mascara, 25 fr., et à Constantine,
70 fr. De plus, l'habitude étant de payer le zekkat en nature,
l’État pourrait entretenir ses équipages à bon marché pendant
de longues années, au prix moyen de 105 fr. environ. Il n’y à
presque plus de chevaux, presque plus de mulets en Algérie,
comparativement à ce qui existait en 1830, et même en 1839 ;
mais 11 y a un nombre incalculable de dromadaires.
Des indisponibles.
249. Dans les troupeaux des Arabes, vingt jours après la
rentrée d’une colonne, il n'y a pas 8 pour 100 de dromadaires
indisponibles. L'État ne pouvant laisser reposer les siens aussi
longtemps, on pourra élever le chiffre des indisponibles à 15
pour 100. Heureusement que les frais de nourriture sont toujours
nuls ; tandis que le mulet et le cheval coûtent d'autant plus
qu'ils sont à l’infirmerie.
Des réformés.
243. La vente des dromadaires incapables de faire un ser“
vice actif n’est pas, chez les Arabes, annuellement de plus de
8 pour 100. Par les mêmes raisons, il sera nécessaire de porter
le chiffre à 16 pour 100, pour l'équipage de l’État, annuelle-
ment.
On ne doit compter, pour une organisation définitive, que sur une remonte nouvelle.
244. Dans les troupeaux des Arabes, un dromadaire sert
jusqu’à 17 ans; pourquoi n'obtiendrions-nous pas le même
service de l'animal? Dans les commencements, il est certain
que nous serons loin d'y arriver, et il y a bien des raisons pour
le faire craindre. N'ayant jamais eu un avenir assuré, nous
De
nous sommes contentés de vivre au jour le jour, nous n’avons
été difficiles ni sur le choix des bêtes, ni sur le sexe, ni sur
l’âge, nous n'avons pas même encore songé à faire châtrer les
males ; aussi devons-nous nous attendre à un déchet consi-
dérable, égal au moins aux deux tiers de notre effectif, et ne
compter, pour une organisation régulière et durable, que sur
une remonte nouvelle.
Perte annuelle de bestiaux en Algérie.
245. Il ne faut pas manquer de noter ici que le mulet, en
Algérie, n'a pas duré un an en 1840 et 1841, qu’en 18#4, malgré
tous les soins pris, sa durée moyenne n’a été que de 5 ans et
demi environ. Ajoutons que, dans certains corps de cavalerie
d'Afrique, la perte des chevaux a été de moitié dans les mau-
vaises années, et, enfin, que la perte sur les bestiaux de
l'administration est annuellement de deux millions, terme
moyen.
Idées à consulter lors de l’organisation définitive.
246. Dès qu'une organisation sera définitive, on devra agir
en prévision de l'avenir. Les dromadaires bien choisis n’auront
que # à 5 ans ; ils seront châtrés ; 1l y sera attaché un artiste
vétérinaire et, en outre, un tebib arabe ; on choisira un caïd-
el-bel (chef) très-entendu, ayant quelque avoir, qui, suivant
l'usage, sera responsable des bêtes égarées, volées ou crevées
par la faute des gardiens, et qui sera investi du burnous rouge,
comme les autres caïds ; alors l’État pourra se féliciter de son
organisation, car il ne perdra pas six dromadaires pour un
mulet, qui représente la même valeur.
— M0 —
”
: CHAPITRE II.
DES OBSERVATIONS RELATIVES AU HARNACHEMENT.
Du bât.— Le bourrelet (aouïa).
247. Le bât du dromadaire se compose de trois parties : un
bourrelet en toile, le bois et ses cordes.
Le bourrelet (aouïa) doit avoir de 2 mètres à 2°,35 de lon-
gueur, sur 0®,28 à 0®,55 de largeur. Lorsque l’étoffe a été cou-
pée en forme de cylindre, on la bourre avec de la paille, et en-
core mieux avec des plantes du pays, appelées alpha et sennag,
ce qui rend le bât moins pesant ; le bourrelet, sans le bois, pèse
7 kilogr., avec le bois et les cordes, 12 kilogr. Tous les Arabes
confectionnent dans leurs douairs des aouïas ; ils les vendent
au prix de 1 fr. 50 à 2 fr. : la tribu des Larbah, du Djebel-Amour,
se chargerait de cette fabrication à 1 fr. 50. Le magasin du corps
est riche en aouïas neufs qu’il a payés à ce prix d’après une
commande faite avant notre départ pour Lagouath. La durée
du bourrelet esi d’un an au moins ; il est fait en laine de mou-
ion à chaine et à trame non serrées.
Le bois du bât (kteb).
248. Le bois du bât (kteb), change de forme suivant les pays;
ceux de l’équipage ont été confectionnés dans les montagnes
des Beni-Moussa et chez les Ouled-Anter, tribu près de Boghar.
ils reviennent de 1 fr. 50 à 2 fr. l'assemblage : du reste, tous
les montasnards en fabriquent avec des racines de bois dur.
Lorsque le dromadaire sert à porter des femmes, des enfants
ou des malades en palanquin, la manière de placer le kteb ou
bois est la même en Algérie qu'en Égypte; le bois, composé de
— 131 —
deux pièces, formant deux V renversés réunis près de leur
sommet par deux traverses horizontales, porte à cheval sur
le bourrelet, les deux V étant l’un en avant et l’autre en arrière
de la bosse. En Egypte, dit-on, cette position du kteb est in-
variable. En Algérie, au contraire, lorsque le dromadaire porte
la charge, les deux V sont placés en avant de la bosse qui est
toujours encadrée par le bourrelet, le premier V étant séparé du
dernier par un intervalle de 0®,20 à Ow,95 ; les traverses hori-
zontales doivent être ‘éloignées l’une de Pautre de 0w,10 à
0®,15; les bois qui portent sur les flancs doivent avoir 0",05 à
008 d'équarrissage; enfin, le kteb ne peut pas dépasser la toile
du bât, et son sommet inférieur doit toujours s’élever à 0,05
au-dessus du garrot: son poids n’excède pas 3 kilogrammes.
Le modèle de kteb a été perfectionné par l'équipage, qui en a
même imaginé un nouveau plus solide et moins sujet à
blesser. Nous possédons 320 kteb qui auront une durée de deux
ans au moins.
Des cordes.
249. Le bât est attaché au corps par une corde pliée en deux
et fixée par le milieu à la traverse droite du bât; la première
moitié de la corde (corde du devant du bât), sanglant en arrière
du sternum, peut être avantageusement remplacée par une bande
en cuir, large de 4 à 5 centimètres, bordée de toile ou de peau
de mouton du côté du sternum : la deuxième moitié (corde
de derrière du bât) se place suivant le sexe, soit en avant des
mamelles, soit entre les testicules et la verge; cette dernière
corde blessant facilement les dromadaires aux parties génitales
ou à laine, doit être tenue avec soin, souvent lavée, et être
faite de laine de mouton : on doit cesser de la placer lorsqu'elle
blesse et la remplacer par une croupière en corde attachée au
derrière du bât, garni d’un gros bourrelet pour éviter de blesser
la queue : tous les Arabes font des cordes qui ont habituelle-
9.
— 132 —
ment 10 mètres de long et coûtent 1 fr. 50 c. : elles se com-
posent de laine de mouton et de poil de chèvre ou de laine de
mouton seulement; la corde en poil de dromadaire est plus
chère : elle ne sert qu’à orner les turbans à l’usage des hommes
de ce pays. : |
Des graras (besaces).
250. Le corps du train des équipages se sert, pour charger,
de deux cordes en chanvre, de 7 mètres, qui ne durent qu'un
an et coûtent 2 fr. 40 c. chacune. Les Arabes, au contraire,
ne se servent de cordes que lorsqu'ils n’ont point de grara
(grandes besaces), lesquelles coûtent chacune 5 francs, et durent
deux à trois ans. |
Les graras sont faites d’un tissu dont la chaîne est en poil de
chèvre blanc, mélangé de poil de dromadaire, tramé avec de la
laine de mouton. Cette étoffe fabriquée par les femmes arabes
est d’une solidité à toute épreuve; elle sert indistinctement
pour charger les mulets ou les dromadaires; mais lorsqu'on
l’emploie pour les premiers, elle porte le nom de tels.
Les graras doivent avoir de 2m à 2" ,40 de long, sur 0°,70 à
0®,80 de large. Il en faut deux pour un chargement; le poids
des deux est environ de 8 kilog : on en fabrique beaucoup dans
la tribu des Larbah et dans l’aghalik de l’est de Médéah ; le
magasin en contient 800 pour 400 chargements.
Du lhicou.
251. Le licou n’est pas usité chez les Arabes ; il a été em-.
ployé par l'équipage pour dresser les dromadaires, et cet em-
ploi à réussi complétement : en effet, le licou met la bête dans
la dépendance absolue de d'homme, le familiarise avec lui,
eUcela en peu de jours. Un licou en cuir sorti des ateliers du
parc de réparations coûte 1 fr. 50 c. Le licou peut être avanta-
Me
— 133 —
geusement remplacé par l'anneau placé dans l’aile d’une des
narines. C’est ce que font, pour leurs mébaris, les Arabes de
Tugurt : c’est aussi ce qui se pratique en Egyte. Par le moyen
de l'anneau placé dans la narine, le dromadaire est l’esclave
de l’homme, absolument comme le cheval lorsqu'il est bridé.
Il n'entre point dans le cadre de cette notice, de faire ici le
manuel du chamelier ; cette tâche mènerait trop loin : les offi-
ciers des compagnies quiseraient organisées sont déjà instruits ;
nous nous bornons donc à rapporter ici les faits principaux.
CHAPITRE IT.
DE L'ORGANISATION PROYISOIRE ADOPTÉE PAR M. LE GÉNÉRAL MAREY-
MONGE.
Simplicité de cette organisation,
252. L'organisation provisoire adoptée par M. le général
Maxey-Monge, pour le dépôt de l’équipage, devait trouver
place ‘dans notre travail, car sa simplicité laisse peu à désirer ;
elle pourra même servir de base à l’ordonnance qui règlera ec
point.
Division en deux bandes,
253% Les dromadaires du corps sont divisés en deux bandes,
celle des disponibles et celle des indisponibles; ils sont placés
en avant de Boghar au milieu de riches pâturages sous la pro-
tection et la responsabilité de tribus intéressées à éviler les
razzias et les vols,, aussi bien pour leurs nedj (grandes réu-
nions de bôles de toute espèce d’une tribu), que pour notre
faible troupeau. Là, ces Arabes sont surveillés par le caïd
— 134 —
el-bel (chef), ayant sous ses ordres, par vingt bêtes, un rai
(gardien). Pendant ce temps-là, le matériel est déposé en ma-
gasin sous la garde d'un sergent et de dix hommes, composant
la section hors rang ; un officier est chargé à Boghar de l’ad-
ministration du personnel français-arabe et du matériel : voilà
pour le temps des repos. On le voit, le nombre d'hommes dis-
traits des rangs de l’infanterie, n’est pas considérable.
Quand un convoi est nécessaire pour le Tittery, ou si, dans
une course, il est besoin d’un certain nombre de dromadaires,
un détachement, calculé à raison d’un soldat pour deux bêtes,
part pour Boghar où le caïd dirige de son côté le nombre d’a-
nimaux et de raïen demandés : là, on procède au harnache-
ment ; et, quand l'opération est terminée, les hommes rentrent
à Médéah pour y continuer leur service d'infanterie, et les bêtes
retournent au parc.
Emploi d’un bataillon entier.
254. Ordonne-t-on une expédition qui nécessite le départ de
tout l’équipage ? Le bataillon entier part de Médéah pour
Boghar, précédant la colonne de deux jours seulement : il se
répartit, par compagnies de dromadaires, les vivres de la colonne ;
il se sert, en outre, des bêtes disponibles pour transporter ses
havre-sacs, dans lesquels il place 20 à 25 jours de vivres ; les
vivres sont plus à l’abri de la pluie dans les grara que dans
la caisse de biscuit la mieux fermée.
Marche des soldats et des dromadaires en expédition. — Avantages qui en résultent.
255. En route, les dromadaires marchent en colonne par
compagnie, le plus librement et sur le plus grand front pos-
sible, de manière à manger ce qui se rençpnire sur leur pas-
sage.
Derrière chaque compagnie sont placés une garde d’un ca-
n'"R
4
*
— 135 —
poral et de quatre hommes, et les raïens. Le reste de la
troupe, formée en colonne, occupe une place au convoi, sur un
des flancs ou à tout autre point désigné.
Pendant les expéditions du printemps et de l'été, cette infan-
terie a couvert le convoi militaire et a permis au général de ne
pas affecter à ce service le bataillon qu’il est d'usage d'y placer
chaque jour. Ce serait une erreur de croire que le corps du train
présente les mêmes avantages, car le soldat du train, lui, est
obligé de veiller constamment sur ses mulets et de rester avec
eux pour les tenir en main, au besoin; tandis qu'il suffit de
quatre soldats et d’un caporal pour garder 100 dromadaires. De
plus, si un bataillon devait continuer sa marche après l’arrivée
au bivouac, il est probable que le général préfèrerait les trou-
pes les moins fatiguées, c’est-à-dire, les soldats de dromadaires
qui marchent sans sacs. Par la même raison, il est évident que
ce Corps fournirait bien moins dé malates que les autres ; car,
en campagne, le havre-sac est le premier ennemi du soldat : les
dernières expéditions l'ont bien prouvé.
Au retour de la course, les dromadaires restent à Boghar,
le harnachement est emmagasiné, et le bataillon, redevenu
libre, reprend son service d'infanterie. Cette organisation est
tellement simple, qu’elle mériterait d’être définitive.
CHAPITRE IV.
CONCLUSION.
L'équipage est prêt à continuer les expériences.
e
256. Si, malheureusement pour la chose publique el pour
nous, si, malgré des expériences aussi concluantes, les chefs
— 136 — ”
pensaient que nous n’avons pas encore atteint le but désiré,
nous déclarons, au nom de l'équipage que, malgré les difficultés
de la tâche qui nous fut imposée, malgré tout ce qu’elle a eu
de pénible, nous sommes prêts à la continuer. M. le maréchal
gouverneur a eu dans notre dévouement une confiance que nous
sommes jaloux de justifier : aussi longtemps qu'il persévèrera
dans les essais, nous serons à sa disposition. De même, nous
pensons pouvoir compter sur la bienveillance de nos chefs, et
pour l’objet de notre mission, et pour nous tous qui avons un
si grand intérêt à sortir d’un provisoire si funeste.
Probabilité de l’organisation de trois compagnies de chamehers.
257. L'organisation, soit dans la Métidjah, soit à Boghar, de
trois compagnies auxiliaires de corps du train, avec notre per-
sonnel, notre matériel et notre équipage actuel, n'offre plus
guère de doute à l’esprit, même des personnes qui, par suite de
leurs convictions, étaient les moins portées à reconnaître que
les difficultés de cette entreprise pouvaient être enfin vaincues.
Il faudrait que l’on fût bien mal renseigné pour ne pas profiter
des sacrifices de toutes sortes faits par de braves soldats pour
arriver à un but que M. le Ministre de la guerre poursuit depuis
si longtemps, sans pouvoir l’atteindre.
FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.
— 137 —
TROISIEME PARTIE.
DE L'ORGANISATION DES CORPS MONTÉS A DROMADAIRES.
CHAPITRE 1er,
DES EXPÉRIENCES AU SUJET DES CORPS MONTÉS.
258. L’utilité du dromadaire doit toujours être envisagée
sous deux aspects : d’une part, il devient, entre les mains de
nos soldats, le moyen le plus économique de transport; c’est
ce qui à fait l’objet de la deuxième partie de ce rapport; de
l’autre, il se présente comme moyen de transport de l'infanterie
dans les courses lointaines: c’est ce que nous allons examiner
dans notre troisième partie.
s Expérience du mois de mars 1844.
259. Une seule expérience en grand a été faite à ce sujet :
c'est en partant pour l'expédition des Ouled-Nayl. Deux hom-
mes avaient été attachés à chaque dromadaire; la place des
havre-sacs, de la couverture et de la tente-abri avait été dé-
terminée de la manière la plus convenable ; les fonctions de
chaque grade pour le pansage, le paquetage, le pâturage en re-
pos comme en marche, avaient été assignées. Les soldats étaient
satisfaits de ce service : une organisation devenait certaine
au retour de la course.
Abandon des expériences.
260. Malheureusement, au bout de cinq jours de marche,
il fallut renoncer à cette expérience en grand : nous avons dit
par quel cas de force majeure. Les bêtes pouvaient à peine se
— 138 —
traîner ; celles qui restaient disponibles pour porter des hommes
furent employées à porter des denrées. L’équipage était obligé
de recourir à ce service, seul payé, sous pefne de cesser d'exister
puisqu'il avait accepté l'obligation de subvenir par lui-même
à tous les frais d'entretien.
L'expédition de Lagouath aurait été favorable à l’essai; mais
pour conduire de front les deux expériences, d’abord le nombre
d'hommes de bonne volonté ne fut pas assez considérable; en-
suite, la caisse du corps présentait un déficit qu'il fallüt, avant
tout, songer à combler par les transports soldés. |
Le soldat parvenu à bien se servir du dromadaire comme moyen de convoi saura s’en
servir habilement pour monture.
261. De ce qui précède, il faut se garder de conclure que
la question des troupes montées soit restée au même point
qu'elle était lors de notre premier rapport : il est positif, au
contraire, que les convois, en perfectionnant l'instruction des
chameliers, ont hâté la solution d’une question aussi impor-
tante. Si l’ôn convient que notre instruction est déjà bonne, on
reconnaitra bientôt aussi qu'il n'y a plus de difficultés pour
l’organisation des troupes montées.
En effet, qui doute qu’un soldat du train, qui sait bâter,
charger et conduire un mulet, ne puisse se servir du même
mulet pour monture ?
Les mêmes observations s'appliquent aux chameliers, avec
d'autant plus de raison, que le dromadaire exige de la part de
son maître plus de soins que de travail de corps. Le mulet est
fort et robuste ; on peut à la rigueur se borner à lé traiter quand
il est malade, et ne s’en occuper que légèrement lorsqu'il est
bien portant. Quant au dromadaire, il faut savoir l’entretenir
dans l’état de santé; jusqu'ici l’art du vétérinaire lui a été inu-
üle : si une fois il devient bien st il ne tarde pas à crever.
Mrim.i 202
— 139 —
Ceci explique l'intérêt que nous avons mis à perfectionner
l'instruction des chameliers et la persistance à continuer les
convois. Du jour où nos soldats auront acquis l'intelligence du
nouveau service, le problème des troupes montées sera résolu :
toute expérience deviendra, dès lors, inutile.
N'est-il pas évident, en effet, que le dromadaire se blessera
moins lorsqu'il portera un soldat ne pesant que 65 kilog., et
obligé sans'cesse de garder l'équilibre, que lorsqu'il est chargé
d’une matière inerte, perdant à chaque instant son centre de
gravité, et du poids de 120 kilog. au moins, sans les surchar-
ges? Il faut conclure de là, nous le répétons, que le soldat, par-
venu à bien se servir du dromadaire comme moyen de convoi,
saura aussi s’en servir habilement comme moyen de monture.
Comparaison entre le cheval et le dromadaire considérés comme montures.
262. Ajoutons que le cheval est difficile quand il se défend ;
que ses réactions sont vives, que ses défenses sont redoutables;
aussi exige-t-on beaucoup du cavalier. Le dromadaire, au con-
traire, est doux; ses réactions sont lentes, ses défenses peu à
craindre; on ne peut donc exiger de lui que de marcher droit
devant lui. L'art de le commander est donc facile, lorsqu'on a
appris à le soigner et à le connaitre.
CHAPITRE IT.
DU DROMADAIRE COMME ANIMAL DE GUERRE.
265. L'important est de savoir si le dromadaire peut deve-
nir un animal de guerre, et quelle utilité le Gouvernement
pourrait en retirer en Algérie.
Expériences à ce sujet.
264. Pendant que nous perfectionnions l'instruction des cha-
— 140 —
meliers, M. le général Marey-Monge prescrivait de temps en
temps, pour l'étude de la question des corps montés, des expé-
riencés publiques qui ont été faites en présence de toute la
colonne, et dont les résultats étaient constatés par des procès-
verbaux du sous-intendant militaire; ces expériences ne pou-
valent manquer de produire leur effet sur les hommes de bonne
foi; celles qui ont eu lieu les 6, 11 et 26 juin, et auxquelles
ont pris part les armes de l’infanterie et de. la cavalerie, ont
établi que le dromadaire est doué de facultés de guerre que les
Arabes eux-mêmes ne leur supposaient pas, quoiqu’ils en .eus-
sent profité bien souvent (pièce F). |
Utilité du dromadaire chez les Arabes pour éviter nos razzias.
265. Une razzia est-elle dirigée par une colonne contre les
tribus de la plaine? Celle-ci, si elle est avertie deux heures
avant notre arrivée, prend la fuite et on la poursuit inutilement
quelquefois. pendant deux jours; hommes, femmes, enfants,
tout a disparu sur des dromadaires que chassent, devant eux,
des cavaliers à une allure très-pressée, au trot même, jusqu'à
ce qu'en peu de temps une distance de vingt lieues au moins les
sépare de nous.
La conduite des Arabes, dans ces circonstances de guerre,
et avec des bêtes chargées, ne prouve-t-elle pas, plus que toutes
les expériences de la dernière expédition, l'utilité que nous pou-
vons tirer .du dromadaire pour combattre nos ennemis avec
leurs propres armes?
Qualités du dromadaire comme animal de guerre.
266. Il est donc prouvé, depuis longtemps, 1° que le dro-
madaire, surtout lorsqu'il ne porte qu’un soldat et son havre-
sac, peut trotter et galoper longtemps en plaine, s’il est pour-
suivi par des cavaliers ;
L
— 11 +
20 (Jue, dans les courses rapides, il deviendrait un puissant
auxiliaire pour la cavalerie qui n’hésiterait pas à se lancer plus
au loin à la poursuite de l’ennemi, si elle se savait appuyée par
une infanterie faisant une lieue et demie, sans halte, et arrivant
toute fraiche à l’endroit du combat ;
9° Qu'il remplacerait avec avantage la cavalerie, dans le cas
où le but serait éloigné de trois à quatre jours de distance, car,
alors, il y arriverait certainement avant elle ;
4° Que le maximum de vitesse du dromadaire, poursuivi
par un cavalier, est de deux lieues et quart par heure, à lallure
du grand pas et du trot, pendant cinq lieues de suite : notre
course du 26 juin le prouve;
5° Que si l’on faisait, dans le nombre immense de droma-
daires qui peuplent le sud d'Alger, un triage convenable, on au-
rait un corps composé de bons coureurs, et que, si on achétait
des élèves de deux à trois ans, châtrés et non encore usés, abà-
tardis par la charge, on aurait des bêtes plus légères encore,
et plus aptes à monter de l'infanterie ;
Go Que ces derniers moyens employés par le général Bona-
parte, en Egypte, pour l’organisation du corps qui fit un si
grand honneur au général Pierre Boyer, et qu’il recruta parmi
les hussards et les matelots de la flotte d’Aboukir, pourraient
servir de base à M. le gouverneur général, s’il voulait organiser
les dromadaires ; ce qui lui serait bien plus facile encore qu’à Na-
poléon, par les raisons citées à la première partie de cette note ;
7° Que, depuis l'occupation de Biskara, le pays de Tugurt
n'étant plus si loin de nous, on pourrait en faire venir des mé-
haris en quantité suffisante pour monter le corps de nouvelle
formation.
Le cheyal et le dromadaire sont utiles chacun dans la contrée qui lui est propre,
267. On doit donc admettre que le dromadaire peut devenir
— 19 —
un animal de guerre dans la plaine et les pays peu acciden-
tés. Il pourrait moins utilement, il est vrai, servir dans le
Tell. Par une raison inverse, le cheval ne peut rendre que
peu de services dans la plaine sablonneuse du sud de l’Algé-
rie : il sert dans le pays de montagne; le dromadaire, lui, dans
l’espace déjà immense qui, partant de Boghar, conduit jus-
qu'à Lagouath et conduira bientôt jusqu’au delà des Beni-
Mzab. Le pays du cheval n’est que de vingt-cinq lieues de large;
le pays du dromadaire en a plus de cent et doit s'augmenter
encore chaque année...
CHAPITRE IIL
UTILITÉ DES CORPS A DROMADAIRE.
Dépendance du Tell envers le désert et vice versä.
268. Enfin, il y a entre le désert et le Tell, et entre le
Tell et le désert, une dépendance réciproque; de sorte, que
l’on peut affirmer que c’est par la possession du désert, que
commencera la jouissance tranquilie et paisible du Tell.
On ne peut posséder le Tell qu’en occupant le désert.
269. L'expérience de la guerre actuelle prouve que vouloir
soumettre seulement la moitié d’un peuple vaincu, c’est s’ex-
poser à rendre la guerre interminable, et par conséquent à
prolonger indéfiniment les charges qu’elle impose. Si on veut
voir là fin des sacrifices de l'Algérie, il faut conquérir les
plaines qui sont au delà du Tell, du côté du’ Sahara et les
occuper; car, de cette manière, on tiendra le Tell en échec.
Cette vérité est devenue de la dernière évidence depuis l’expé-
— 143 —
dition si remarquable qui vient de s’accomplir dans le sud.
Pour occuper le désert il faut des corps montés à dromadaires.
270. Or, pour occuper ces plaines, il faut des corps montés
à dromadaires; car on peut dire, sans exagération, que le che-
val etle mulet y sont d’un usage impossible : « Si nous avions
« de l'orge, disait le kalifa de Lagouath, nous la mangerions et
« ne la donnerions pas à nos bêtes. » G
Ainsi, si l’on veut l'Algérie, il faut la vouloir tout entière.
Pour l’avoir tout entière, il faut occuper les plaines qui la
limitent au sud.
Pour occuper ces plaines, il faut des corps montés à dro-
madaires.
Utilité des corps montés à dromadaires pour posséder le Tell.
271. Lorsque ces régiments seraient créés, et qu’ils station-
neraient entre le Tell et le désert, aux endroits de passage in-
variablement fixés par les eaux, il n’y a pas de doute que les
tribus placées entre ces points et la mer ne pourraient alors se
sousiraire à la poursuite des colonnes du Tell, sans tomber
entre les mains des colonnes de dromadaires. Ainsi, il est clair
que ces corps assureraient la paisible possession du Tell.
Utilité pour monopoliser le commerce de l'intérieur de l'Afrique.
279. Mais là ne s’arrêterait pas l'utilité du dromadaire; son
ulilité capitale consisterait dans le monopole du commerce de
l'intérieur de l'Afrique, qu’il ferait passer entre les mains de la
France. Les suppositions avancées à ce sujet, dans notre pre-
mier rapport, sont déjà presque converties en certitude. Si le
gouverneur général à adopté avec un si grand empressement
l'idée de la reprise des expériences actuelles, c’est que des mé-
ditations sérieuses lui avaient fait entrevoir la grande utilité
— 14 —
des corps montés, dans l'intérêt de notre avenir commercial.
L'expédition de Lagouath a eu pour premier effet de rappro-
cher les distances, en nous les représentant telles qu'elles sont,
et de nous inilier au secret du commerce d'importation et d’ex-
portation de l’intérieur de l'Afrique.
Route commerciale d’Alger à Timboktou.
975. Leshabitants de Lagouath rapportent que, chaque année,
leur territoire est visité par des caravanes qui, arrivées là,
suivent toutes la même route pour aller dans le sud du Sahara ;
que, sur cette route très fréquentée, des caravanes de 200 dro-
madaires au moins voyagent chaque jour sans le moindre dan -
ger. Du temps des deys, ajoutent-ils, le nombre de celles qui
parlaient d'Alger était considérable. Elles furent interceptées
en 1805, et ne se rétablirent, en 1804, qu’à la suite d'une
expédition faite par le dey chez les Beni-Mzab. Ceux-ci une
fois soumis, disent les vieillards du pays, les Turcs laissèrent
à Gradeïa une garnison de 25 hommes. Alors les caravanes
qui avaient abandonné cette route, par suite des vexations
qu'elles y éprouvaient, la reprirent peu à peu, et, en 1830 seu-
lement, elles ont cessé de la suivre. Depuis cette époque, le
commerce de Lagouath et celui de tout l’intérieur de l'Afrique
sont alimentés par le Maroc et par Tunis. Les denrées anglaises
couvrent le sol africain ; les ksours de Lagouath, ainsi que
les sept principales villes des Mzabites, en sont encombrés
pour plusieurs années.
La ligne commerciale d'Alger à Timboktou est celle-ci :
1° D’Alger à Lagouat il ya . . 10 jours à dromadaire.
2° De Lagouath à Gradeïa, capitale
des MPanites . "1. OM Ze —
À reporter. . . 14 jours à dromadaire.
= 145 —
Report. + . 14 jours à dromadaire.
3° Enfin de Gradeïa à Tuat, centre
du commerce de l’Afrique avec
l'Europe (et vice versd). . . . 10 — —
Total . . 2% jours à dromadaire.
Les voyageurs la parcourent déjà en grande partie.
974. La France cherche de tous côtés des débouchés à son
commerce, qui ne demande qu’à produire et qui trouve partout
une concurrence ruineuse. Comment négligcrait-elle un mo-
nopole assuré et dont les avantages sont incalculables? Déjà
les Arabes voyagent isolément de Médéah à Lagouath, sous la
protection et la responsabilité des chefs arabes : tout porte à
croire que , si le Gouvernement le veut, dans six mois, les
Européens voyageront librement sur cette route de 100 lieues
de parcours. |
Le kalifa de Lagouath jouit déjà d’une assez grande auto-
rité pour gouverner le pays des Mzabites, si l'autorité supé-
rieure jugeait politique de les placer sous son commandement.
Nous croyons également qu’en ce moment (juillet 1844), la créa-
tion d’un kalifa à Tuat ne présenterait pas plus de difficultés que
celle qu’offrait l'établissement du kalifa de Lagouath, au mois
d'avril dernier , alors que M. le général Marey-Monge proposa
une entreprise si difficile.
Facilité de cette entreprise.
275. Pour parvenir à cette importante organisation il suffi-
rait, disent les chefs arabes, que, par les soins du kalifa de
Lagouath, un ravitaillement de deux mois pour une colonne
expéditionnaire de 2,500 hommes d'infanterie fût transporté à
Gradeïa au 15 février de l’année où l'opération devrait avoir
10
hé
lieu : le Djebel-Amour pourrait lui seul assurer ce service ,
sans aucun souci pour l’administration, et fournir à la colonne
les 3,500 dromadaires dont elle aurait besoin.
L'Algérie, sans le désert, sera toujours pour la France une cause de dépenses sans
compensation.
276. Alger était, ayant la guerre de 1839, un gouffre où
la France jetait inutilement ses millions et ses hommes, sans
espérance de retirer pendant bien des années aucun fruit de ses
sacrifices. En 1839, notre gouvernement est sorti de cette
léthargie, et,en 1844, il s’occupa sérieusement du gouver-
nement de l'Algérie, mais sans compensation aucune encore
pour ses intérêts. : |
Le monopole du commerce de l'Afrique, tel était le rêve de
Louis XIV pour nos possessions du Sénégal. Ce rêve, qui a été
de courte durée, l'Algérie peut le réaliser, et alors la France
s’applaudira de sa persistance à conserver une conquête des-
tinée, dans l'avenir, à assurer à son commerce une prospérité
toujours croissante. : sc:
Il y à quatorze ans, il y a un an encore, de semblables idées
eussent paru folles et absurdes. Mais on peut affirmer que,
depuis la réussite des expériences sur les dromadaires, une ère
commerciale toute nouvelle s'ouvre pour notre pays.
Ces avantages ne peuvent être obtenus sans le concours du dromadaire.
277. Ces avantages ne seraient pas réalisables, si l’on parve-
nait à prouver que nos soldats ne sont pas capables de plier
leur caractère pétulant aux exigences du service de chamelier ;
car il est évident que ce résultat ne peut être obtenu sans
la création d'un corps chargé de protéger le commerce et
de réprimer les crimes commis, à deux cents lieues’ d'Alger,
— 447 — .
par les tmbus limitrophes de la route? Et ce corps peut-il être
autre qu'un corps à dromadaires ? Mais l'expérience a démontré
que nos soldats pouvaient être formés à ce service.
CHAPITRE 1Y.
DE L’EFFECTIF DES CORPS DE DROMADAIRES.
» ‘ i : |
Quelle est la force nécessaire pour dominer le désert jusqu’à Lagouath et au delà ?
278. La question doit être posée en ces termes : 1° La
plaine de Taguin est déjà aussi sûre que celle de Boghar, que
celle de la Métidjah ; quel est l'effectif de troupes nécessaires
pour que, après la soumission du pays, un corps puisse se mon-
trer en tout temps sur la route de Taguin à Lagouath et de La-
gouath à Gradeïa, non-seulement sans courir aucun danger,
mais même avec assez de force pour réprimer les vols, les as-
sassinats et faire la police de cette route? À cette question, et
quand même la guerre avec Abd-el-Kader devrait durer, dix
ans, les chefs du pays répondent unanimement : «1000 hommes
« d'infanterie montés sur 500 dromadaires avec 50 chevaux
« et deux pièces de montagne suffisent pour l'accomplisse -
« ment de cette mission. » Et cela est d’autant plus croyable,
qu'en supposant une levée de boucliers dans ces conirées, le
corps de dromadaires monté, pouvant mettre facilement 750
hommes à pied, ne craindrait pas une attaque générale.
La France doit-elle faire le sacrifice de l’organisation de cette force ?
2° La France doit-elle faire les sacrifices nécessaires à l’éla-
“blissement d’un de ces corps dans chacune des provinces de
l'Algérie ?
: 40.
— 118 —
Quelle est l’organisation qui aura été justifiée par des consi-
dérations aussi importantes et décidée par des motifs d'utilité
plus réels, plus incontestables? Jusqu'iei nous n’avons travaillé
que pour la guerre : quel honneur n'y aurait-il pas à commen-
cer de travailler pour la paix ?
Emplacement de ces corps
279. La place de ce corps dans la province d'Alger est déjà
trouvée : c’est Souagui, dans la plaine de Taguin, à vingt lieues
de Boghar, au milieu d’une contrée où l’eau, le bois, la pierre,
les pâturages, ne manqueraient pas plus que les terres excel-
lentes propres à la culture des céréales.
Le poste qui serait placé à Souagui pourrait, au moyen de ses
dromadaires, labourer ses terres, transporter ses vivres, bâtir
une ville dont la prospérité deviendrait bientôt considérable,
et à côté de laquelle uné autre ville arabe s’élèverait avec une
rapidité plus grande encore, par suité de considérations locales
tout à fait étrangères à ce sujet.
Voilà le poste que l’avenir réserve aux dromadaires de
Tittery.
Y a-{-il lieu à une organisation entièrement nouvelle ?
280. Il est nécessaire d'expliquer le sens du mot organisa-
tion qui reparait si souvent dans cette note, car nous persistons
à dire qu'une organisation entièrement nouvelle n’est pas né-
cessaire.
Qu'un régiment se charge de cette mission : elle ne sera ni
sans gloire pour son nom, ni sans intérêt pour son pays, ni
sans honneur pour son chef. L'esprit de l’armée d'Afrique a
étonnamment grandi depuis la guerre de 1839. Naguère on se
croyait exilé à Dely-Tbrahim, puis à Douèra, puis à Blidah et
enfin à Médéab ou à Milianah: maintenant, des troupes oceu-
— 149 —
pent tout naturellement. les postes permanents établis à l’avan-
cée entre le Sahara et Alger, et on passe facilement d’une pro-
vince à l’autre en quinze jours de marche, sans éprouver au-
cun étonnement et même avec joie.
Le chef du régiment qui serait chargé des dromadaires diri-
serait l'esprit de ce corps dans la voie que lui ouvrirait un
avenir aussi beau. Une fois les officiers éclairés et décidés à
accepter cette tâche, il n’y aurait plus de difficultés; enfin, si
le Gouvernement ne pouvait trouver un régiment qui acceptât
cette mission, et s’il reculait devant l’idée d’en commander un
d'office, alors il faudrait créer un corps nouveau.
On peut créer un corps régulier.
281. Nous avons fait à plusieurs reprises des expériences
sur vingt dromadaires pris au hasard, en les faisant monter
par des soldats qui les dirigeaient au moyen de la baguette et
du licou. Après trois jours d'essais, ces animaux indisciplinés
et habitués à voyager en goum étaient à l’école d’escadron,
marchaient de front ou par le flanc, tournaient à droite et à
gauche et exécutaient, à l'étonnement général, les évolutions
qu’on ne demande aux chevaux qu'après un mois de manége.
Il est donc positif qu’on peut organiser un corps d’une manière
toute régulière, en affectant un ou deux hommes à chaque dro-
madaire. Pendant le temps de station, cet animal n'aurait pas
besoin d'orge ; en voyage, il serait peut-être quelquefois utile
de lui en distribuer, car, si les herbes du désert suffisent pour
soutenir sa force, l’orge seule peut lui donner l’agilité néces-
saire. ”
Le défaut de pâturage obligerait à restreindre le plus possi-
ble l'effectif des animaux et à affecter ainsi deux hommes à
chaque dromadaire ; cependant, le soldat qui sera à pied se
fatiguera beaucoup lorsque la bête allongera le pas dans les
2: 1 =
sablés, le pied $'énfonçant de manière à rendre là marche très
pénible. | FAR
Le corps pourrait utiliser dans les vingt-quatre heures le harnachement arabe,
289. Il est inutile, en ce moment du moins, d'entrer dans
de plus grands détails, d’autant plus qu'ils n’ont aucune im-
portance pour le parti que l’on prendra. Il suffit de dire qu'avec
l'équipement arabe actuel on peut monter en vingt-quatre heu-
res un régiment tout entier à dromadaires, si ce régiment a
reçu antérieurement l'instruction nécessaire. Les graras don-
nent le moyen de garantir le havre-sac, les vivres et les car-
touches, des atteintes de l'humidité; deux morceaux de bois
pour étriers et un coussinet complètent les modifications que le
soldat effectuerait en peu de temps. Enfin, le percement de
l'aile d’une des narines du dromadaire est une opération aussi
facile que courte. Plus tard, on étudierait le mode de bât à
adopter, de manière à diminuer les fatigues du soldat monté;
on expérimenterait un cacolet pour les malades; on rédigerail
enfin, pour cette nouvelle arme, une théorie complète dont les
matériaux sont déjà prêts.
Recommandation expresse pour les marches.
285. Une recommandation essentielle devrait être faite au
corps à dromadaire de voyager sans assujellir à sa marche la
marche des autres armes ; car, tantôt la sienne doit être ralen-
tie et tantôt elle doit être poussée. Or, dans ces deux cas, il
faut que ce corps marche seul ; autrement, de graves inconvé-
nients en résulteraient pour l'infanterie, à laquelle, pour cette
raison surtout, les dromadaires sont devenus si antipathiques.
= 151 —
CHAPITRE V. F
CONCLUSION.
Fin de notre tâche.
284. Nous avons enfin terminé notre tâche; puissions-nous
voir rendre justice à l’esprit de franchise et de modération qui
a constamment guidé notre plume, même dans le récit des faits
où, peut-être, l’opinion publique nous aurait autorisé à appor-
ter un peu de passion.
Nous n’avons pas sollicité la mission difficile qui nous fut
confiée : elle nous a été proposée par le colonel du 33° de li-
gne, régiment dont nous faisions partie et nous ne l’avons ac-
ceptée que lorsque nous la vimes refusée par tout le monde ;
et cela malgré les conseils unanimes de nos camarades, et uni-
quement dans le but d’ê tre utile et de donner à M. le général
Marey-Monge une preuve de notre respectueux dévouement.
Aussi nous avons fait tous nos efforts pour réussir, en luttant
contre les difficultés qu’on devait s'attendre à rencontrer dans
une entreprise qui avait toujours échoué antérieurement et jeté
même quelque ridicule sur les novateurs : retour bien injuste
de leurs efforts !
Nous le dirons en finissant : dans notre conviction, le jour
n’est pas loin où une bonne politique aura fait comprendre au
Gouvernement français la nécessité de faire un appel au ser-
vice des dromadaires : aussi, sommes-nous fiers d’avoir, dans
ces essais, fidèlement suivi les ordres du chef de l’armée.
I n'y a plus de discussion possible sur l'utilité des équi-
pages destinés à mobiliser l'infanterie, ni sur la possibilité
de cette organisation, Ce sont des faits maintenant acquis; il
— 192 —
ne reste qu'à attendre l’époque où, en vertu des ordrés du Gou-
vernement, on devra procéder, à cette organisation, destinée à
assurer la conquête commerciale de l’Afrique.
Boghar, près de Médéah, le 28 juillet 4844.
J.-L. CARBUCCIA.
FIN DU DEUXIÈME RAPPORT.
"60516560
PREMIER APPENDICE.
285. Le licenciement du personnel de l'équipage, ordonné
par M. le gouverneur général, tout en conservant les bêtes et
le matériel à Boghar, soit parce que les expériences sont dé-
sormais inutiles, soit en vue de l'inspection générale du 33°
de ligne, nous force de rentrer dans notre régiment et d’aban-
donner nos expériences. Avant d'exécuter cet ordre, nous
croyons devoir rédiger un appendice très-bref, suivi de plu-
sieurs pièces officielles ou authentiques destinées à éclairer en-
core davantage la question qui occupe depuis si longtemps
l’opinion de l’armée. La lecture de ces pièces prouvera qu'en
tout temps la question des dromadaires a trouvé des gens de
cœur pour la défendre.
1° Pour avoir 1,000 bêtes disponibles, la dépense pour les
dromadaires, comparée à celle pour les mulets, est dans la
proportion de un à cinq (pièce G).
2% Il a été reçu, depuis le 22 septembre 18%5 jusqu'au. 5
août 1844, 845 bêtes, dont 98 ayant été Vendues par le do-
— 153 —
maine à Bouffarick, il reste à justifier de . . . 745-bêtes.
Or, au 5 août, le chiffre des absents, dont la
moitié au moins rentrera, est de. . . . 118 bêtes.
Et le chiffre des morts est de. . . . 175
Total 292 45/08 29312093
Partant, 1l doit rester et.il reste en effet an parc,
le 5 août 1844 (pièce: K)a. 4.4 .4140 4, 2, 4 459 bêtes.
Les 293 bêtes, au prix de la province d'Alger, qui est, terme
moyen, de 150 fr., représentent une perte de. . 38,000 fr.
Ajoutant le prix d'achat du matériel, son entre-
tien, les hautes paies et les dépenses diverses du
22 septembre 1845 au 5 août 1844 . . . . . 30,900
Total général des frais. . . . . (68,900fr.
Mais l'équipage laisse un matériel de .: + . 10,000 fr.
Et il a économisé à l'Etat (pièces H, I, J), en
frais de transport qu’on eût été obligé de payer
aux Arabes de réquisition. . . . . . . . 80,800 .
RO ET es eu. Le JUDO.
Partant, au jour du licenciement, l’économie fi-
ngle est des it ét list tt iddiiout at vas @000fr:
3° Les pertes en dromadaires ont été grandes par suite de
l’inexpérience : elles étaient indubitables, elles diminueront
graduellement, et le bénéfice de l'Etat augmentera d'autant.
4 Sans nul doute un équipage de dromadaires peut fonc-
tionner avec des Français, soit que les bêtes appartiennent à
VPEtat, soit qu'il les loue pour le temps d’une expédition. Il y
aurait peu de prudence de la part d’un chef de colonne à con-
fier son convoi à des Arabes seuls. |
= 154 =
Be Notre équipage, au 5 août 1844, j jour dé son licenciement,
ne se compose que de 5 officiers et de 228 hommes, parcequ’il
a été déjà renouvelé trois fois.
6° Ces renouvellements ont eu pour résultat de familiariser
à un tel point les soldats avec les dromadaires, que, lorsque na-
guère M. le général Marey-Monge mettait un dromadaire à la
disposition d’un officier pour le transport de ses “bagages, cet
officier faisait. charger et conduire l’animal pat son ordonnance
comme s'il se fût agi d’un cheval ou d’un mulet.
7° Le personnel est composé d'officiers, de sous-officiers et
de soldats dévoués et capables.
8° Ce personnel suffit, soit : 1° pour l’organisation complète
de trois compagnies de chameliers auxiliaires du corps du train
des équipages, autorisée par! ordonnance du 11 janvier 1842, et
si vivement pressée par M. le Ministre de la guerre dans ses dé-
pêches des 22 janvier, 20 mai et 16 septembre 1840 (pièce A);
soit 2 pour former le noyau d’une organisation de troupes
montées à dromadaire, laquelle peut être considérée comme le
complément nécessaire de la création du kalifa de Lagouath et
de la soumission du Sahara algérien.
9° L'organisation de troupes montées ne pouvait avoir lieu
avant que l'instruction des soldats, comme chameliers, ne fût
complète. Maintenant, elle est aussi facile que, jusqu’à présént,
elle avait été difficile.
10° Le temps des essais est passé : ces essais ont réussi après
des chances diverses et après une lutie où les opposants nous
ont obligé à déployer, pour défendre notre cause, encore plus
d’ardeur qu'ils n’en mettaient à l’attaquer (pièce E).
11° Le moment d'une organisation définitive estarrivé parce
que les essais ont appris tout ce que l’on pouvait en attendre,
et parce que le personnel, craignant, s’il était réorganisé provi-
soirement, un autre licenciement, n'aurait plus la confiance
= 155 —
nécessaire pour lutter contre les difficultés sans nombre d’une
semblable mission.
190 M. le maréchal gouverneur avait voulu s'assurer qu'on
pouvait utiliser les dromadaires par des soldats français : ses
intentions ont été suivies. Chacun a apporté le plus grand zèle
dans ces fonctions. Les difficultés sans nombre ont été vaincues
successivement : un service important a été rendu à l'Etat : si
des doutes existent encore, ils tiennent à ce que, malheureuse-
ment, cette mission n'a pas été remplie par un chef de corps ;
ce n’est plus qu'une question de personne.
15° La tâche de l'équipage de Tittery est remplie, et le gou-
vernement du Roi en sait les résultats, qu’il a publiés dans le
Moniteur universel du 15 août 1844,dans les termes suivants :
« Connaissance acquise de l'hygiène et de l'emploi du droma-
daire : expériences qui out été pendant longtemps coûteuses,
mais qui, à la suite d’une seule expédition, ont fini par être une
occasion de bénéfice pour l'Etat, au lieu de lui être à charge ;
- « Dromadaires dressés et en état ;
« Matériel prêt pour charger 400 dromadaires ;
« Personnel prêt à fonctionner de bonne volonté. »
14° IL importe de sortir le plus vite possible du provisoire
dans lequel restent les dromadaires, dont la garde se trouvé
confiée aux Arabes, qui sont intéressés, sous tous les rapports,
à leur disparition, et d'éviter les malheurs prévus par le gé-
néral Marey dans sa lettre du 27 juillet (pièce E, 50).
15° Après avoir vaincu toutes les difficultés de sa mission
et en rentrant dans les rangs des corps, l'équipage reste per-
suadé qu'il a fait honorablement son devoir ; que ses efforts
ont été utiles, et qu’il à bien mérité de M. le gouverneur géné-
ral en le mettant à même de poursuivre l'organisation qui était
dans ses projets, ou de s'arrêter sans que les expériences aient
rien coûté à l'Etat.
— 156 —
160 Un jour viendra où la vérité tout entière sur l’histo-
rique des dromadaires de Titiery sera connue : alors on remer-
ciera M. le général Marey-Monge et le 35° de ligne d’un dé-
vouement dont l’exemple ne sera pas perdu pour l’armée.
Boghar, près de Médéah, le 25 août 1844.
J.-L. CARBUCCIA.
DEUXIÈME ET DERNIER APPENDICE.
Licenciement.
286. L’officier chargé d’une mission doit adresser à son che
un rapport sur la manière dont il s’en est acquitté : tel est
le devoir que nous avons rempli en rédigeant, au bivouac.et
sous la tente, notre deuxième rapport et le premier appendice.
remis à M. le général Marey Monge le 98 juillet et le 25 août
dernier.
Depuis la fin de notre mission, le gouverneur avait préparé
un projet d'organisation définitive de trois compagnies auxi-
Jiaires du train, et il allait le soumettre au ministre lorsque l’é-
pizootie ayant enlevé un grand nombre de dromadaires à Boghar,
il renonça à ce projet et prescrivit de vendre ceux que le fléau
avait épargnés, en conservant toutefois le matériel. La ques-
lion étant ainsi définitivement tranchée, nous devons terminer
par les observations suivantes :
Le parc de l’équipage, par suite du licenciement, s’est trouvé
sans surveillants responsables précisément au moment où il
en aurait eu le plus besoin. Livrés à la garde de chefs arabes
intéressés sous bien des rapports à leur disparition, les droma-.
daires n’ont été ni coudronnés ni pansés ; ils ont élé tenus
Le
— 157 —
enfin sous Boghar lorsque déjà toutes les nedjas des tribus de
la province avaient émigré dans le sud à la recherche de pâtu-
rages que le Tell ne pouvait plus leur offrir. Là, ces animaux
sont morts de faim en grande partie, par suite, non pas du dé-
faut de surveillance de l'autorité française de Boghar, mais
bien du manque de connaissances spéciales , indispensables
dans une partie si difficile et si généralement inconnue.
Certes, nous nous attendions à avoir un déchet considérable,
par suite, soit des piqüres du debab, soit du goudronnage qui
avait été opéré avec une si méchante profusion au mois de
juillet dernier. Mais le chiffre des morts ne se serait jamais
élevé à 260, si, comme le disent les Arabes, la faim n’eüt
pas tué nos animaux. Nous croyons consciencieusement que, si
un officier désigné par nous eût continué à résider à Boghar,
un si grand malheur eût été probablement évité. |
La situation générale, au 12 novembre 1844, par suite de
la disposition du parc, s'établit ainsi :
Dromadaires reçus pendant tout le cours de l’expérience : 843
Dromadaires vendus dans la Métidjah (1845) et
dhoghas: (SA) 4h usb motiroainseso 204
Dromadaires morts (455), égarés (52), aban-
dannéss (80 hbaurent ab dudans Bienne BB
TOtah 4 17 IT 99 8401843
HN OO Iles a die ee. Nes ee (0
Il y a lieu de placer ici quelques observations qui feront
apprécier la véritable portée de la situation ci-dessus.
1° Si 500 mulets ou chevaux étaient abandonnés pendant
deux mois et privés de la surveillance d'officiers capables et de
gardiens dévoués, on aurait certes bien des pertes à regretter :
eh bien! dès le licenciement du personnel, les pertes de droma-
— 158 —
daires ont été prévues et annoncées à l'autorité supérieure
d'Alger (pièce E, 5°) ;
2 On se récriera avec raison contre la perte de 556 droma-
daires survenue dans treize mois d'expériences, quelques dif-
ficultés qu'elles aient présentées : aussi devons- nous consi-
gner ici, dans l'intérêt de la vérité, que la perte de 556 dro-
madaires équivaut à peine à celle de 90 mulets, et que le corps
du train serait trop heureux si, sur 845 mulets, il n'en per-
dait que 90 en 15 mois : ajoutons que la perte « de 90 mulets
forme un vide difficile à combler, tandis que celle de 556 dro-
madaires est tout à fait insignifiante, vu le nombre immense
de ces animaux dans le sud de l'Algérie.
5° Constatons enfin que, d'après des pièces officielles :
Les dépenses de l’équipage s'élèvent ou s’élève-
ront, somme: toute} M, af ae tot nee Der (6)
Le magasin laissé par le corps et réuni avec
tant de peine représente. . . . 10,000 fr.
Les créances du corps, ou au
moins l’économie qu'il a procurée,
EURE AMOR AIMER NE SRISEONS
Tojal. :. .< 220520 HEOD ODA)
Enfin la vente de 287 dromadaires
a produit la somme de. .,.. . 17,000 (a)
4° Le coùt de l'expérience a varié suivant les époques :
voici des chiffres officiels, en supposant, ce qui est loin d’être
exact, 1° que la valeur vénale d'un dromadaire, versé,! à
l'Etat, soit entre ses mains de 150 fr.; 2 que l'État ait acheté
les 845 dromadaires, tandis qu’il n’en a payé que 15, tout le
surplus provenant de contributions de guerre ou d'amendes, qui
n'auraient pas été payées en argent, si nous ne les eussions
acceplées en animaux. | |
._— 159 —
Le 25 février 1844, après l’organisation de M. le maré-
chal, la perte était de (pièce L). . . . . . 10,000 fr.
Le 10 avril, après l’expédition des Ouled-Nayl,
la perte était de. Môgs h 2jdut vs H9,..10E.1134 000
Le 7 juin 1844, après l'expédition de Du
la perte était de. . . . 12,000
Le 18 juillet 1844, après expédition de l'Ouen-
seris; le bénéfice était de.:1 1.111011. 3171951000
Le 5 août 1844, après le licenciement ; per-
sonneliclé bénéhcelétaihide. 910002 6 407: 24,000
Il reste à constater le coût de l’expérience au 12 novembre,
d’une manière définitive, et nous allons y procéder en con-
tinuant d'adopter les bases les plus défavorables à l’opération.
La solde et le matériel auront coûté. . . . 352,000 (b)
La perte de 556 dromadaires, à 150 fr., repré-
SRE UM dede du uni der ol le CUUIRD
Dotakats teurs E 20 409 000
Opérant la soustraction du matériel laissé et
destéconomies. he. 48. Ua ee ps eut 6 00e 09.7 00,0006c)
Lapertotpénérale est- de..." "free 1."12,000
5° Ilest de notre devoir d'ajouter que cette perte n’est que
fictive, et qu'aux yeux de l’homme entendu dans les affaires,
l'expérience ordonnée par M. le maréchal a produit une éco-
nomie à l’État : nous allons établir par des chiffres que nous
sommes fondé dans.notre opinion.
Supposons, en effet, que M. le gouverneur eût ordonné la
vente des dromadaires reçus par M. le colonel Jusuf et par
M. le général Marey-Monge : nous affirmons, ayec les hommes
de bonne foi, en nous appuyant sur les prix de toutes les
ventes faites par le Gouvernement, que le domaine n’aurait
— 160 —
pas atteint la moyenne de 80 fr. et n’aurait pas encaissé, pour
843 dromadaires, la somme de 67,000 fr. . . 67,000fr.
L’Etal ne peut donc avoir le droit de nous de-
mander compte que de cette somme.
Reportons les dépenses qu'il a faites pour sub-
venir aux frais de l'expérience (b). D ue 4e HO CU
Total général des frais et pertes. . 99,000
Si l’on tient compte du produit des ventes
(17,000 fr.) (a) et de la somme de 90,000 fr. ci-
AÉRSUSr Pr 2e Te ds ani pat de : 107,000
12 novembre, :l reste de bénéfice net. . 8,000
eme ee ee me mt see
6° La question d'organisation d’un équipage de dromadaires
se trouve renvoyée de fait au printémps de 1845, à la première
expédition dirigée dans le sud : alors l'administration militaire
se décidera, dans un intérêt d'économie, à profiter de notre
instruction et d’un matériel précieux, en achetant des droma-
daires plutôt que de les louer, sauf à décider, après la course,
si on doit les vendre ou les conserver : en effet, l’expérience
nous prouve qu'en achetant dans la province d'Oran les 400
dromadaires dont nous avons déjà le harnachement tout prêt
et pour lesquels le personnel français ne manque pas, on les
paierait, terme moyen, 80 fr. l’un : la dépense serait donc au
pins oder Héliosqe else ie di HR)ET 368, 000
La dépense d'un mois, pour le personnel fran-
cais-prabe,. élailide :... tuus ‘t4télh 220
L'intérêt de 54,000 fr., à 10 p. 100, est pour
un:motshidel. cit el ME AGE Anne enr 283
L'État ferait donc des frais pour. . . 34,285.
Mais l'administration paie pour le lover, par jour et par dro-
— 161 —
madaire 3 fr. 50 : les 400 dromadaires lui coûtent donc, par
mois, 42,000 fr.
Done, le bénéfice d’un mois est de . . . . ‘7,717 fr
Si l’on vend, au retour, les dromadaires réduits
même au chiffre de 500, et seulement au prix de
ADAM, SOIT 2, 4 PRE NE ES UOÙ
Partant, le bénéfice d’un mois serait de . . 19,717 fr.
7° Dans cette question, l'opinion personnels de l'illustre chef
de l’armée nous est favorable et, grâce à Sa persévérance, il
finira par réussir en cela comme en; tant: d’autres choses plus
difficiles. Déjà il a beaucoup avancé la question, puisque nous
pouvons fournir pour Porganisatiôn future, ün personnel de 509
hommes, tous de bonne, Rdfonté, expérimentés el capablés : ce
fait incontestable nê proûve-til pas que l'expérience“ a réussi ?
8 Il ne resté plus” que Les difficuftés inhérenteS à toute or-
ganisation, Ales diffeultés des personnes, et elles ont cessé heu-
reusement d’ exerter une influence assez 7 puissante pour troubler
le cours des opérations.
9° Nous droyons qu ’un-ehéf de Corps rendra à l’armée le
service de %e charger de cette mission et nous serons le pre-
mier à applaudir à son courage, en lui offrant même nos ser-
vices : sinon, et quelles qué soient les difficultés d’une pareille
tâche, nous nous tenons prêt à répondre à l’appel de M. le gou-
verneur et de M. le‘général Marey--Monge.
10° Avant de déposer la plume, nous adjurons nos chefs de
nous permettre de leur faire entendre pour la dernière fois les
observations suivantes :
1° Quañt aux convois :
L'entreprise directe ne présenterait plus de difficultés du
jour où elle aurait été décidée. Admettons cependant, avec nos
adversaires, que cette question n’ait pas encore recu la sanction
11
— 162 —
de l'expérience, nous dirons avec ces mêmes adversaires que
le mode actuel de réquisition des dromadaires est le plus mau-
vais de tous et que l’État, par suite de notre instruction si la-
borieusement acquise et du matériel que nous lui avons donné,
est libre de choisir un autre mode moins ruineux.
Le corps de chameliers d’une colonne opérant au loin dans
le Sud doit être aussi entendu dans la conduite de ces animaux
que fidèle à notre cause; son chef doit être consulté pour les
marches, les haltes, les bivouacs et les séjours ; la moindre faute
commise par lui, qu’elle fût volontaire ou non volontaire, pour-
rait entrainer l’enlèvement du convoi et avoir des suites les
plus fâcheuses : une confiance aussi grande ne peut être accor-
dée qu'à des Français.
La création de quelques compagnies d'infanterie ou auxi-
liaires du train pouvant être utilisée : 1° pendant le temps des
repos de l’armée, avec des dromadaires de réquisition, ou avec
des mulets de l’État, ou comme troupe d'infanterie; 2° pen-
dant le temps des expéditions, avec le convoi militaire, cette
création, disons-nous, est reconnue économique, nécéssaire,
urgente, facile et politique même par les adversaires les plus
opposés à la formation d’un corps régulier de cette nature avec
des animaux appartenant à l’État. Elle serait le premier pas
fait vers l’organisation des troupes montées, question qui inté-
resse à un si haut point l'Algérie et la France.
2% Quant aux troupes montées :
La mobilisation de notre infanterie pour opérer dans le sud
de l'Algérie est indispensable ;
Elle est impossible avec des mulets ou des chevaux;
Elle est possible dès à présent avec des dromädairés, soit
que l'État les achète, soit qu’il se borne à les louer à chaque
expédition : dans tous les cas, une expédition dans le Sud doit
être accompagnée d’un équipage de dromadaires; la troupe
> l
… ob
D.”
l'a PE LMTETRIR 0, 81
LE Der. ic Pare
TRS UNE
: à
spécialement destinée à ces opérations doit avoir reçu l’instruc-
lion nécessaire.
Enfin la reprise des relations commerciales avec l'intérieur
de l'Afrique, sans la création d'un équipage de dromadaires,
est une utopie, un rêve impossible à réaliser.
En résumé, dans l'appréciation de cette grave question, 1l
est nécessaire d’avoir toujours présent cette vérité importante :
Le cheval doit commander dans le Tell et le dromadaire dans
“Je Sahara.
Sans le Sahara, l'Algérie ne serait jamais pour la France
qu’une cause de dépense sans compensation.
Les insurrections futures nous viendront dorénavant du
Sahara !
Au camp de la Chiffa, ce 42 novembre 4844.
J.-L. CARBUCCIA.
FIN.
41,
— db —
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Pièce A.
288. Lettre adressée par le Ministre de la querre à M. l’in-
tendant militaire de l'Algérie, par laquelle il demande un tra-
vail complet sur le parti que l’on pourrait tirer des on 4
pour les transports militaires en Algérie.
Paris, le 22 janvier 4840.
Monsieur l’intendant, lors des expéditions de Mascara, de
Tlemcen et de la Tafna, on à eu recours, pour le service des
transports auxiliaires, à l’emploi des chameaux qu’on a pris à
loyer dans la province d'Oran, où ces animaux se lrouvent, à ce
qu'il paraît, en plus grand nombre que dans les autres parties
de l'Algérie. L’emploi de cette bête de somme, sous cette con-
dition, avec des conducteurs arabes à gages, a été très-coûteux
el l’on a paru généralement peu satisfait de ce service.
Cependant j'ai eu occasion de reconnaître, par les différents
rapports qui ont été alors présentés sur l'emploi du chameau,
combien pour des expéditions partielles, et surtout dans un sys-
ième d'occupation bien arrêté, ces animaux pourraient être
utiles. J'ai surtout été frappé du rapport présenté par M. le
colonel Poiré, qui, avec une longue expérience du service des
équipages, et paraissant avoir fait une étude particulière des
habitudes et des facultés du chameau, n’a pas hésitéà proposer
d’en attacher une brigade aux détachements réunis du train et
de mulets de bât.
En général, ce service auxiliaire de transport a été peu
expérimenté et l’on ne paraît pas s'être assez rendu compte
de tous les avantages qu’il peut offrir, soit dans les expéditions
— 165 —-
éventuelles, soit pour lé service ordinaire des camps et des
villes.
Je pense’ que le moment est venu d'examiner très-sérieu-
sement la question sous ses différents point de vue.
Je vous prie en conséquence, monsieur l’intendant, de vouloir
bien, après avoir consulté les extraits ci-joints, A! A? A5 Af,
des rapports qui me sont successivement parvenus sur l’emploi
des chameaux, et après y avoir réuni toutes les indications
que vous vous serez vous-même procurées, me présenter sur ce
moyen de transport un travail complet, comprenant, s’il y a lieu,
un projet d'organisation de brigades de chameliers adjointes
aux compagnies du train, ou de détachements de chameliers
s’administrant séparément ; votre rapport contiendra tous les
renseignements nécessaires pour fixer mon opinion sur les
avantages ou les inconvénients de l’emploi des chameaux et
notamment ceux-ci :
1° Le point de l'Algérie et des pays limitrophes où l’on
pourrait plus facilement se procurer de ces animaux, en quel
nombre et par quelle voie on pourrait en acheter ;
20 Les prix d'achat suivant leur âge et leur force ;
5° Les poids qu'ils peuvent porter dans une marche longue
et soutenue, et dans une marche de peu de durée ;
4° Leur harnachement sous le double rapport de la compo-
sition et de la dépense ;
5° La nourriture habituelle, la dépense journalière qu’elle
occasionne quand le chameau a cessé de paitre dans la cam-
pagne ;
6° Les soins que cette animal exige de jour et de nuit, la
manière dont il doit être abrité, etc.
Vous vous entourerez au surplus, pour donner à ces rensei-
gnements tous les développements qu’ils comportent, de l’expé-
rience acquise dans chacune des localités, de manière que,
éclairé d’ailleurs par votre opinion personnelle, je puisse pro-
noncer sur le travail résultant de ce concours avec une pleine
eb entière connaissance de cause.
Rien ne doit être négligé par l'administration pour assurer
pt
— 166 —
l'exécution des transports le plus complétement et avee le plus
d'économie possible : des essais peuvent être faits et l’expé-.
rience fera en résumé rejeter les moyens reconnus défectueux.
et adopter définitivement les meilleurs.
Recevez, etc.,
Pour le ministre et par son autorisation,
Signé : Évranp.
Nota. Par d’autres dépêches postérieures à la présente, et
notamment par celles du 20 mai et du 16 septembre 1840,
M. le ministre de la guerre poursuit l’idée de l’organisation
des compagnies de chameliers, et, enfin, 1l donne l’ordre d'établir
un projet d'ordonnance à ce sujet et de le lui envoyer revêtu de
l'approbation de M. le gouverneur général.
Pièce A*.
289. Rapport sur les avantages qu’on peut oblemir de l'emploi
des chameaux pour le service des transports.
Le chameau est l’animal le plus propre aux transports pour
faire la guerre aux peuplades nomades. Aussi ne le trouve-
t-on généralement que dans les plaines désertes qu'il faut
traverser. Sa sobriété, quand il y a manque de nourriture,
et sa force, sont remarquables ; les robustes portent 600 kilogr..,
et on peut établir que le terme moyen de transport par de bons
animaux de sette espèce serait de 400 kilogr.; mais il convient
de faire remarquer que tous les chameaux ne portent pas avec
la même facilité ; que les indigènes sont dans l'habitude d'y
amener les jeunes graduellement et qu il conviendrait as ne
faire achat que de ceux qui seraient éprouvés.
Le mauvais vouloir des Arabes qui louèrent leurs chameaux
pour les expéditions de Mascara et de Tlemcen a faussement établi
— 107! —
que ces animaux ne peuvent porter que 150 kilog.; je certifie
que le plus fort d’un détachement dirigé par M. le sous-lieu-
tenant Petit, du corps, a porté de Stora à Censtantine trois
balles de foin pressé du poids chacune de 209 kilogrammes ; je
conviens qu’on ne peut raisonnablement espérer la même force
de tous les animaux de cette espèce; cependant il en existe
sept à la 4° compagnie, provenant de prise, qui portent jour -
nellement de 4 à 500 kilogrammes, service parfaitement ré-
gulier. |
Les chameaux voyageant en plaine se nourrissent ordinai-
rement de feuillages, d'herbes, et surtout de chardons qu'ils
aiment beaucoup ; ce qui fait qu'ils ne marchent pas avec plus
de vitesse que les mulets par le temps qu’ils perdent pour pren-
dre leur nourriture : mais, quand ils sont pressés vivement,
les autres animaux de trait et de somme ne peuvent les suivre
au pas; ils marchent habituellement à la suite les uns des au-
tres quand ils sont en libertés mais leurs conducteurs peuvent
les diriger avec un licou et un bâton d’un mètre de long pour
les faire changer de direction à volonté; ce qui permet d'en
faire marcher plusieurs de front.
Ils se nourrissent habituellement dans les plaines non culti-
vées, et, quand ils n’y trouvent plus de quoi satisfaire à leurs
besoins, les indigènes y pourvoient au moyen de mauvaise
paille, ou bien même avec du son; ils ne mangent de l’orge
que très-rarement; cependant j'ai reconnu la nécessité d’en
faire donner aux sept de prise qui existent à la 4e compagnie,
vu leur peu de repos.
Ces animaux présentent l'avantage de faire magasin de li-
quide au moyen de leur cinquième estomac qui leur permet de
rester plusieurs jours sans boire.
Pour parvenir à obtenir un service bien régulier avec les
chameaux, il faut employer, à leur conduite et aux soins qu’il
convient de leur donner, des hommes doux et laborieux, ainsi
que de bons sous-officiers, lesquels recevraient une prime d’en-
couragement.
J'ai remarqué que ces animaux sont au début inquiets de
— 1168 —
notre tenue militaire : je crois qu'il convient que nos conduc-
teurs soient coiffés de calottes grecques et portent par-dessus la
veste d’écurie une blouse en toile grise, comme:en font usage
les chasseurs d'Afrique pour le service intérieur du quartier,
elle serait pour les détachements la tenue de travail qui s’ap-
procherait de celle des Arabes.
Pour habituer nos soldats aux expressions et moyens qu’em-
ploient les Arabes pour faire coucher les chameaux afin d’ef-
fectuer les chargements, il serait employé un certain nombre de
ces derniers au début de ce service.
Répondant aux objections présentées, il n’a pas été exact de
dire que les chameaux s’effraient au feu de la mousqueterie ;
j'étais chargé d’en diriger 500 au moment de l'affaire de la
Sikak : le passage de ce ruisseau était tellement étroit que
deux au plus passaient à la fois; l'ennemi nous serrait de très-
yrès; les balles se croisaient en tous sens, au moment où M. le
cénéral Bugeaud, non loin de ce passage, prescrivait les dispo-
silions qui devaient accabler l'ennemi; pas un chameau n’a
cherché à fuir.
Si la guerre devait se ierminer en une seule campagne
comme en Europe, il serait convenable de prendre des cha-
meaux à louage, quoique ce service laisse beaucoup à désirer ;
les Arabes étant presque toujours, je le répète, de mauvaise foi
envers nous, soit pour ce que peuvent porter les animaux em-
ployés, soit pour la direction à leur donner; se faisant un jeu
de créer du désordre, en feignant de ne pas comprendre ce qui
leur est ordonné; obligé, pendant le cours de plusieurs expédi-
lions, d’avoir recours aux chameaux pour le transport des ma-
lades, j'étais obligé d'employer les plus grandes rigueurs pour
obtenir des chameliers bédouins de faire coucher leurs cha-
meaux pour recevoir nos soldats sur les charges ; il est vrai
qu'un très-grand nombre de soldats de régiments nouvelle-
ment débarqués se faisaient transporter sur des chameaux
sans être arrêtés par le mouvement d'avant-arrière plus pro:
noncé chez eux que chez les autres quadrupèdes et présenté
comme devant occasionner le mal de mer, mais qui ne peut
— 169 —-
tout au plus gêner que ceux qui, transportés mollement, pour-
raient sentir le besoin dé se livrer au sommeil.
Des animaux sans frein pour les guider, marchant en trou-
peau et souvent maltraités, provoqués par la malignité de leurs
conducteurs, ont pu paraître indociles, même méchants; mais
ceux qui, comme moi, ont été appelés par la nature de leur ser-
vice à examiner les avantages que peut présenter ce moyen de
transport, ont été à même de se convaincre que ces animaux
sont généralement doux.
J’ai également remarqué que les conducteurs bédouins n’a-
valent, les sept huitièmes du temps, rien à manger ainsi que
leurs animaux et qu'ils n’existaient que de ce qu'ils obtenaient
de notre commisération; cet état de choses a existé pendant
les expéditions de Mascara, Tlemcen et la Tafna, les chefs
arabes les laissant continuellement languir de besoin, quelque
bien rétribué qu'était ce service par l’administration; cepen-
dant, la plus grande partie des animaux employés est rentrée
aux tribus.
Je certifie, en homme consciencieux et dévoué aux intérêts
de l’État et du service qui m'est confié, que les difficultés pré-
sentées jusqu’à ce jour ont été créées par beaucoup de laisser-
aller et présentées avec exagération.
J'affirme aussi que les chameaux peuvent être employés à
franchir et traverser les plus grandes aspérités ; j'ai examiné
avec soin la marche de ceux d'un cantinier pendant le cours de
l'expédition sur Milianah, où nous avons été obligés de gravir
des côtes à quarante-cinq degrés de pente, chargés de 250 kil.:
is ont constamment suivi les mulets du corps.
Je termine en faisant remarquer que les meilleurs chameaux
ne sont que du prix de 500 fr.; qu’ils ne sont pas comme les
mulets sujets à être atteints de la morve, fatale maladie qui
exerce de constants ravages parmi ces derniers, et qu’il ne faut
s’oceuper que de les traiter de la gale, affection qu’ils essuient
fréquemment.
‘Le louage des chameaux qui va avoir lieu dans la province
d'Oran, au prix de 6 francs l’un par jour, occasionnera à l'État
— 170 —
une dépense égale au moins au prix d’achat en les conservant
deux mois; il y aurait un avantage considérable à acheter les
animaux , puisque nous avons des pâturages pour leur faire
prendre leur principale nourriture.
Il n’y aurait que des hangars à préparer pour les abriter dans
les voisinages des pâturages ; la Maison-Carrée et autres lieux
semblables recevraient les détachements qui seraient formés.
Ci-contre le tableau de l’organisation qu'il conviendrait de
donner à chaque détachement à la suite des compagnies du
Corps.
(Voir ci-contre Le tableau sus-indique.)
Composition d’un détachement de chameaux à la suite du train des équipages.
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Le l'ieutenant-colonel, commandant le train des équipages
Mustapha, le 40 mars 1840.
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PorRE.
r
Signé :
— 172 —
Pièce À ?.
Des avantages du chameau sur le mulet comme bête de somme.
290. Le chameau convient mieux à l’usage du bât en Afri-
que que le mulet, en ce qu'il est plus robuste et plus fort, plus
sobre, moins maladif; malgré sa conformation massive, il court
quelquefois très-vite.
Quoique cet animal mange plus que le mulet, il se contente
d'une nourriture plus grossière, et, tout en travaillant il peut
vivre d'herbes fraîches et se passe facilement de grain.
1° Deux chameaux ne coûtent pas plus qu’un mulet; l’avan-
tage de ce dernier est d’aller plus vite;
2 L'économie pour le fourrage ;
5° L'économie. dans les soins : ainsi un soldat intelligent
pourrait soigner trois chameaux.
Cet animal est moins intelligent que le mulet, mais il est,
comme lui, susceptible d'éducation, et s’attache à son maitre
quand 1l le caresse ; la. patience et la douceur sont les meilleurs
moyens d'obtenir de bons résultats de ces animaux. |
Pour éviter les maladies occasionnées par une transition brus-
que de température, il serait essentiel d'établir des hangars ca-
pables d’en abriter un grand nombre et de les soustraire ainsi
à l’action du mauvais temps.
On fera un bon choix de ces animaux ; on verra s'ils ne tour-
nent pas les pieds, si leurs articulations sont libres et souples,
siles membres ne frappent pas les uns contre les autres ; on
pourrait, jusqu’à un certain point, juger de leur force ler
éprouvant.
Pour preuve à l’appui de ce que je viens d'avancer, il suffit
de parler des chameaux qui existaient dans la 4° compagnie du
train.
Ces animaux ont constamment travaillé; on en avait confié
la conduite à des hommes peu soigneux et peu intelligents, qui
s’inquiétaient fort peu si leurs animaux étaient dans les condi-
— 173 —
tions voulues pour être soumis au travail ; ces animaux ont éga-
lement supporté, faute de hangars, toutes les vicissitudes atmos-
phériques.
Le vétérinaire de la 4° compagnie du train,
Signé : GAURE.
Vétérinaire en 4er du 3° escadron des équipages à Alger.
..L
Pièce A °.
Rapport sur l'emploi du chameau comme moyen de transport.
Bât : ses avantages.
291. Le bât proposé pour chameau par MM. Largilière et
Bayard est une heureuse application des deux idées qui ont
inspiré les cacolets Pezerat et Le bât que l'artillerie, dans une
ancienne expédition, a adapté à cet animal pour transporter des
caisses de munitions. Comme, dans ces deux cacolets, les deux
siéges destinés à recueillir les hommes se replient contre les
deux panneaux, le bât devient dès lors très-propre au Char-
gement des sacs et autres ballots de vivres. Les panneaux ou
coussinets peuvent, au moyen de courroies et boucles, se rap-
procher et se façonner tout au long du dos à la contexture
de l’animal, suivant sa grosseur et son état de maigreur; sa
bosse trouve à s'y loger de manière à consolider presque seule
toute la charge, au point qu'avec des sangles presque lâches,
et malgré un grand ballottement, le bât n’a jamais fait mine
de tourner, et les hommes qui sont perchés n'éprouvent au-
cune crainte à cet égard. Malgré la hauteur du bât et des sié-
ges, le chameau, s’agenouillant à volonté, permet qu’on s’y
place ou qu’on en descende à volonté. On y est immédiatement
assis, deux à droite, deux à gauche, dos à dos et les pieds ap-
puyés sur une planche suspendue à la hauteur désirable; tel
qu'il a été exécuté du premier jet, il offre assez de facilité
{l fie 5 »-FTA
PAPA,
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pour y placer, outre quatre militaires , leurs sacs el autres
objets.
Ses inconvénients légers.
Le bât pèse cinquante-huit kilogrammes : c’est énorme, mais
il peut être allégé en remplaçant par du cuir plusieurs chaï-
nettes et pièces en fer.
Les armes, placées comme on le voit en ce moment, se-
raient difficiles à débarrasser de leurs entraves, en même temps
qu’elles sont exposées à se détériorer. Il y a facilité à les char-
ser de manière à éviter ces inconvénients.
Le chameau comme moyen de transport en général.
Quelques personnes repoussent jusqu’à l’idée de l’emploi du
chameau comme moyen de transport : c’est, disent-elles, un
animal têtu, dangereux, qui ne marche que dans le pays de
plaine, sur des terrains secs, et qui, dans les temps de pluie, ne
peut se tirer des boues.
Voici la vérité :
Le chameau est plus docile et moins facile à s’épouvanter
que la mule; il marche mieux et plus vite dans les plaines que
dans les montagnes, et même que dans les passages et sentiers
difficiles : c’est l’opinion de tous les Arabes consultés, et un
fait avéré par les courses qu’ont faites quatre fois les chameaux
éprouvés ; il marche aussi dans des terrains mouillés et même
boueux plus difficilement, il est vrai, et plus lentement que les
mulets ; 1l peut même ne pas pouvoir s’en tirer, mais c’est l’in-
convénient de toutes les bêtes de somme à un petit degré de
moins peut-être. Au reste, dans ce pays, pour les hommes
mêmes, la saison des pluies est tellement funeste, que les ex-
péditions ne se font que dans celles où il est rare d’en éprou-
ver, de longues du moins : ces objections sont donc sans va-
a n'ayant que celle de prouver que, comme toutes choses,
le chameau n’est pas parfait.
— 175 —
Le chameau comme moyen de transport des hommes.
C’est encoré une opinion controversée que la possibilité de
fairé porter au chameau quatre militaires avec leurs armes et
leurs sacs pendant une longué route; l’un deux, assez beau,
“l’a fait deux jours de suite, et le second jour, il a marché miéux
que le premier, accoutumé sans doute à sa charge et mieux
nourri; mais cette expérience, füt-elle répétée dix fois de suite
avec succès, ne trancherait point cette question. En effet, il
ne faisait pas chaud, bien au contraire ; les soins avec lesquels
tout a été fait ne seraient cértainement pas toujours obtenus
dans une expédition; ce qui a été possible avec un chameau
formé peut né pas l’être avec beaucoup d’autres.
D'ailleurs, le poids d’une pareille charge est d'environ qua-
tre cents kilogrammes (quatre hommes à soixante-cinq kilog.,
quatre sacs et armes, quatre-vingt kilog.; un bât, cinquante
kilog.; vivres, dix kilog. Total général égal, quatre cents ki-
logrammes.)
Or, je crois qu'il n’y a que très-peu de chameaux qui puissent
là porter, du moins d’une manière un peu certaine; aussi, Je me
déclare pour la négative.
Mäis, alors même que ce serait positif et qu'il faudrait re-
noncer à lui faire porter d'habitude quatre militaires et leurs
bagages, son emploi n'en est pas moins des plus précieux. Dès
à présent, il est facile de voir quel grand service ces animaux
rendraient dans une expédition, ne fussent-ils employés qu’à
porter les sacs et les armes des hommes qui, accablés de fati-
gues et de chaleur, ne pouvant plus suivre avec leur charge,
retardent une colonne et quelquefois la compromettent. Une
dixaine harnachés avec ledit bât, et mis à la suite de chaque
régiment d'infanterie, suffisent à cette destination; ils porte-
raient successivement, non-seulement les armes, les sacs d’hom-
mes harassés, mais ceux des hommes qui auraient besoin
d’être soulagés pendant quelques lieues; sûr de n’être point
laissé en arrière, chaque soldat fatigué marcherait avec con-
— 176 —-
fiance et courage, et cette ressource serait d’un grand effet
moral.
C'est à cet usage et aux transports des vivres qu’il faudrait
particulièrement les employer ; n y mettant des blessés qu’à la
dernière extrémité, à cause du grand ballottement qu’on y
éprouve, et des fortes secousses qui ont lieu, quand pour char-
cher et décharger le chameau se met à genoux. ,
Je me résume donc : |
Le bât est, bien entendu, d’une exécution et d’un emploi fa-
ciles et commodes.—Le chameau, sans pouvoir porter habituel-
lement quatre hommes et leurs bagages, sera toujours avec ce
bât un des moyens de transport les plus avantageux, et l’on
peut dire un élément de succès dans toutes les expéditions.
Cette question ne peut plus en faire une : elle est résolue ;
elle a fait tous les progrès dont elle est susceptible sur une pe-
tite échelle; il est temps de lui donner la sanction de l’expé-
rience et d'arriver à la découverte des inconvénients et de leurs
remèdes, qui ne se révèleront que pendant une expédition,
dans des essais en grand.
L'occasion est belle, les opérations prochaines ; il faut se hà-
ter de les saisir, se décider sur-le-champ, courrier par cour-
rier.
Ce sont 15 à 16,000 fr. à dépenser pour la confection du
matériel et l’achat de 56 à 40 chameaux, qui auraient toujours,
dans tous les cas, à peu près leur valeur. Qu'est-ce donc qu’une
pareille dépense pour des essais qui doteront l’armée, très-cer-
tainement, d’un des plus économiques et des plus précieux
movens de transport qu’on puisse mettre en usage ?
Le sous-intendant militaire,
Signé : DE SAINT-BRICE.
Oran, le 31 mars 4840.
LA PAR
AT =
Pièce A.
Opinions diverses sur la question des chameaux.
4°. M. Hondurand, intendant (1832).
299. Ces animaux veulent être conduits par des hommes pa-
tients; ils s’accoutumeraient difficilement à la pétulance de nos
soldats, la plupart du temps pris de vin.
20 M. Mélcion-d’Are, mtendant (4835). — 4er avis.
Sans avoir la certitude de lefficacité du chameau comme
moyen de transport, c’est un mode à expérimenter promple-
ment, et qu'il ne faut ni repousser ni adopter légèrement. Le
chameau, conduit par un Arabe à tant par jour, pourrait nous
rendre des services; à Alger, on pourrait en organiser de 100
à 150. L’habitude ferait le reste, et le pli, une fois pris, res-
terait ; il faudra de la volonté. Le chameau vit plus facilement
que le mulet, se nourrit sur place, et supporte mieux que Île
mulet la faim et la soif.
3° M. Mélcion d'Arc, intendant (4836). — 2e avis.
Les Arabes s’aident souvent de l’indocilité, prétendue ou
réelle, de leurs chameaux, pour s’écarter de la route et s’é-
chapper avec leur chargement.
Le soldat n’a ni la patience, ni l'habitude nécessaires pour
pouvoir les diriger convenablement ; et si, à Mascara, cet em-
ploi a été utile, cela a tenu à une foule de soins et de précau-
tions, à des circonstances et à une organisation particulières,
qu’il serait difficile de reproduire toujours avec succès.
Le moyen de transport par chameaux ne doit être qu’auxi-
liaire, instantané ; ces animaux sont encore nombreux à Oran,
mais il ÿ en à peu à Alger, et point à Bone.
42
— 1178 —
4e M. Guiroyè intendänñt (1835).
M. Guiroye a vu 800 à 1,000 chameaux au pâturage; le
bruit des caisses de biscuit ou des tambours, la vue du pan-
talon rouge, n’ont point effrayé ces animaux.
Les essais de transports ont été répétés, et ont complétement
réussi; les chameaux chargés ont fait une marche dé nüit, au
iilieü de nos troupes, et ils sont revenus sans que les cdisses
ou les biscuits aient été le moins du monde étidommagés.
5° M. Rothé, sous-intendant (1837).
On n’a besoin de ces animaux qu’à des époques éloignées ;
il ést plus économique de les louer et de les faire conduire par
leurs propriétaires, plutôt que de les garder et de les nourrir
indéfiniment. Il serait d’ailleurs très-difficile de dresser nos
soldats à ce genre de service.
6° M. Berlié, sous-lieutenant (1836).
Cet animal est indocile ; il obéit avec peine à la voix des con-
ducteurs arabes ; il trouble l’eau, et le soldat haletant, arrivant
près de l’eau pour étancher sa soif, ne trouve plus que de la
boûe plus où moins liquide. Si une colonne est attaquée ayant
beaucoup de chameaux, ces animaux s’effraient, ainsi que leurs
conducteurs, et forcent à s’occuper d'eux, lorsqu'on n’a pas trop
de tout son monde pour repousser une attaque souvent impré-
vüe. Mais ce n’est pas tout.
Les Arabes seuls peuvent conduire les chameaux; seuls ils
savent les faire obéir et souvent les charger.
Les inconvénients de la route d’une part et, de l’autre, la
mauvaise foi des chameliers font qu’en général on ne peut
compter sur les deux tiers de l’approvisionnement porté.
Pour porter des malades, il faut peu compter sur ce moyen
— 179 —
de transport : les Européens ne sont pas habitués à l'allure des
chameaux, que l’Arabe de mauvaise volonté rend plus irrégu-
lière encore. Ils coûtent par jour 6 fr. de loyer, et 1 fr. pour le
conducteur ; total, 7 fr.
Leur force n’est pas plus grande que celle de nos chevaux et
mulets : pour une longue route, on ne peut les’ charger de plus
de 150 à 180 kilog.
Acheter des M RARS les donner à conduire à des soldats
du train, qui recevraient une organisation particulière, est une
mesure, sinon impraticable, du moins tellement difficile, qu’on
ne pourrait en espérer de bons résultats que dans un avenir
très-éloigné: Ces animaux sont indociles. Les Arabes les con-
duisent à la voix : il faudrait faire l'instruction de chaque cha-
meau en particulier, l'habituer à souffrir un frein, le plier à nos
usages et à notre langage. Pour cela, il faudrait prendre de
jeunes chameaux, les donner à conduire à des hommes qui eus-
sent assez d'intelligence pour étudier leurs mœurs, qui nous
sont inconnues. Ce ne serait qu’à la longue qu’on pourrait or-
ganiser un service à ce sujet.
Ÿ aurait-il économie à organiser des compagnies de chame-
liers ?
Le chameau coûte de 160 à 240 fr.; c’est à peu près le prix
d'achat d’un cheval ou mulet ordinaire; donc il n’y a pas avan-
tage sous ce rapport. Il ne porte pas plus qu’un mulet. Pour lui,
il faut 4 kilog. d’orge et 4 kilog. de foin; pour ce dernier, il
faudrait presque le Aube
Au résumé, ce moyen de transport ne peut être qu’auxiliaire
et instantané; il ne pourrait servir pour une expédition.
12.
nu | | eut
Pièce B.
. En réponse à la pièce A.
295. Parmi les réponses faites à la pièce À communiquée par
M. l’intendant aux divers sous-intendants en Algérie, nous
sommes heureux de pouvoir faire connaitre la suivante :
Oran, le 25 mars 1840
Monsieur l’intendant,
Après l'examen de toutes les questions contenues dans la
lettre du 1° février de M. l’intendant de l'Algérie, ayant pour
objet l’organisation de moyens de transport dans la division
d'Oran, et après m'être éclairé auprès de quelques chefs arabes
qui, employant les chameaux, en connaissent les habitudes,
je m’empresse de porter à votre appréciation le résultat de
“mon expérience et de mes informations.
Je procède par ordre de questions :
10 Combien de chameaux existe-t-il dans la province d'Oran P
Les Douairs et les Smalas, seules tribus avec lesquelles nous
soyons en rapport aujourd'hui, en possèdent à peu près 500.
«2 Combien l'administration pourrait-elle s’en procurer à loyer,
et combien faudrait-il pour cela par jour et par mois, y compris
des gages d’un chamelier arabe P
Sur les 500 dont ces alliés sont en possession, on peut comp-
ter environ sur 200 qui pourraient être loués à l'administration ;
le reste leur est indispensable pour leurs transports particuliers.
Leur loyer est de 6 fr. par jour, 1 fr. par conducteur.
Bien que les Arabes se soient engagés, en 1857, à les mettre
à la disposiuüon de l’administration pendant see mois,
ils ne veulent les louer qu’au jour, et par jour de travail; ils
TEA
— 181 —
tiennent le nombre de bêtes pour lequel ils se sont engagés à
la disposition de Padministfation, et ne marchent que sur ré-
quisition. Le transport effectué, ils rentrent dans leurs tribus; ils
ne veulent jamais, du reste, s'engager pour un laps de temps
plus considérable : ils croient plus de leur intérêt de louer au
jour le jour, un engagement d’un mois devant nécessairement
leur être payé moins cher.
* Serait-il possible de tirer ces animaux des points limi-
trophes de la province d'Oran P
Les tribus qui sont hors de notre territoire possèdent des cha-
meaux en plus grandnombre; mais, dans l’étatactuel des choses,
on ne peut traiter avec aucune d'elles ; il aurait été à désirer
qu’on profitât des deux années de paix qui viennent de s’écouler
pour se créer ces moyens de transport, afin de connaître par
l'usage jusqu’à quel point ils peuvent servir.
40 Quel serait le prix d'achat du chameau suivant sa force et
son âge P |
A quel âge les Arabes commencent-ils à s’en servir P
Les Arabes entre eux vendent les chameaux 190 boudjoux,
c’est-à-dire un peu moins de 200 fr. Si on en achetait un grand
nombre, ce prix serait la moyenne, disent les chefs arabes;
mais j’ai tout lieu de croire que si le Gouvernement faisait cette
opération; il les paierait au moins 250 fr., si ce n’est 300 fr.
Avant trois ans, on habitue le jeune chameau à porter de
légers fardeaux; à cet âge, les Arabes disent qu’ils l'emploient
comme celui de sept à huit ans; il est dans sa force comme le
cheval est dans la sienne à cinq ans. Il est susceptible d’un bon
service jusqu'à vingt ans.
9° Combien de chameaux un ehamelier peut-il conduire et
panser P .
Lorsque ces animaux sont chargés et qu’ils marchent en ca-
ravane, 15 à 20 hommes suffisent pour conduire 50 chameaux.
En petit nombre, un conducteur peut servir à deux chameaux :
deux chameaux seuls exigent deux chameliers
6° Quels sont les soins à lui donner de jour et de nuit P
put: Je.
Le chameau n’est jamais pansé par les mb: ils se dis-
pensent de soins. Dans le cas où il est atteint de gale, on se
contente de recouvrir de goudron les parles attaquées.
On doit préserver les chameaux, autant que possible, de l'hu-
midité, et, en hiver, ils y sont plus spécialement sensibles ; les
soins des Arabes se bornent à les mener paitre chaque jour
dans les pâturages les plus convenables pour eux et à les me-
ner boire journellement, quoiqu'ils puissent se passer d’eau
pendant plusieurs jours sans dépérir.
7° Quelle charge peut porter cet animal dans un service jour-
nalier ou dans une marche lonque et soutenue
Quelle dans un service de peu de durée?
Dans une caravane, le poids moyen à être réparti peut être
estimé à 180 kilog., si le service peut être de longue durée.
Dans les marches de trois à quatre jours, on peut compter
sur 200 kilos. ou 320 kilog. pour les chameaux de choix :
ces poids sont ceux qu’ils portent en orge et en blé, au dire des
chefs Arabes.
8° Quel est le harnachement propre à cet animal, sous le rap
port de la composition et de la dépense ?
Le genre de bât dont se servent les Arabes paraît parfaite-
ment adapté à la structure du chameau et ne semble pas devoir
être changé; l’expérience, du reste, pourrait seule faire propo-
ser des modifications. Chez les Arabes, un bât coûtait autrefois
4 fr., mais aujourd’hui, il faut compter 40 francs tout compris.
9 Quelle est sa nourriture habituelle P
Quelle dépense cette nourriture occasionne, quand l'animal a
cessé de paître dans la campagne ?
Pour les Arabes qui sont nomades, les chameaux sont faciles
à nourrir : ils mangent les chardons, l’herbe , le palmier, les
cactus, etc.
Leur consommation en orge et en foin, si on les gardait
en ville, ou si on les parquait, serait le double de celle d'un
cheval, c'est-à-dire 8 kilogrammes d'orge et 8 kilogrammes de
foin.
— 183 —
Il est rare que les Arabes donnent de l'orge à leurs chameaux,
ce n'est guère que dans les longues journées de marche du dé-
sert.
Dans tous les endroits où il y a quelque peu de végétation,
ils les font paître, et il en est de même dans leur marche pour
venir à Oran, et, pendant tout le temps que dura l’expédition
de M. le général Bugeaud (mai 1857), on a remarqué qu’ils ne
leur en ont pas donné; néanmoins, les chefs arabes qui ont
soin de leurs animaux domestiques leur en donnent quelque-
fois.
10° De quelle manière doit-1l être abrité P
Où conviendrait-il de placer un détachement de chameaux qui
pourrait être organisé dans la province d'Oran P
Les chameaux sont laissés en plein air par les Arabes, comme
presque tous leurs animaux domestiques; cependant, comme
ces animaux craignent l'humidité, 1l faut, en général, les par-
quer dans un endroit sec; sous de vastes hangars, seulement
couverts, ils s’entretiendraient en meilleur état que dehors. Un
parc serait très-bien placé dans les environs de la mosquée ou
du ravin Blanc (Est d'Oran).
11° Doit-on avoir des brigades ou des détachements de cha-
meliers auxiliaires destinés à un service éventuel, et les licencier
lorsque les besoins auraient cessé; ou bien des délachements de cha-
meliers réguliers? |
Je crois qu'il est préférable d’avoir des brigades de chame-
liers avec un nombre permanent de chameaux , auxquels on
adjoindrait des brigades auxiliaires plus ou moins nombreuses,
suivant les éventualités. |
Il aurait été bien utile, depuis dix ans, de suivre ce système
(ou un analogue), et je suis à concevoir que l'on ne l'ait pas
encore mis en pratique.
12 Quelle serait l’organisation la plus convenable à ces bri-
gades dans la province d'Oran P
Serait-il préférable de les adjoindre aux compagnies du train,
FN
"HI VA a
— 184 —
ou bien d’en former un détachement séparè s'administrant par lui-
même P
Les premières années au moins, il conviendrait, en organi-
sant les brigades, d'y admettre environ moitié d’Arabes, afin
d'apprendre aux Européens les habitudes du chameau.
Ces brigades, quant à l’administration, ressortiraient de la
compagnie régulière du train; elles seraient spécialement com-
mandées par un lieutenant qui serait, du reste, sous les ordres
supérieurs du capitaine commandant.
15° Quels sont les inconvénients auxquels les chameaux sont
sujets, dans un service de plaine, pendant l'été et pendant l’hiver P
Sont-ils propres à un service de montagne P
Il n’y a aucun inconvénient à les faire marcher dans les
plaines ou les petites montagnes en été.
En hiver, lorsque les terrains sont mouillés, ils ont une allure
plus ralentie, et, lorsqu'ils cheminent dans les montagnes, on
doit prendre beaucoup de précautions, car ils glissent très-faci-
lement, et, quand ils s’abattent, on ne peut que difficilement les
relever ; il n’y a que les chameaux vigoureux qui résistent, soit
à leur chute, soit aux moyens que l’on emploie pour les remettre
sur pied; dans cette saison surtout, on doit éviter de les faire
-marcher trop près les uns des autres, parce qu’ils se poussent
et peuvent se faire tomber.
14° Peuvent-ils être utilisés pour le service des ambulances,
et principalement pour le service des amputés et des hommes gra-
vement blessés P
Les chameaux ne peuvent convenir pour les blessés que lors-
qu’on les fait marcher très-doucement; autrement, leurs réac-
tions sont trop rudes, conséquemment douloureuses ; quand ils
vont doucement, ils valent mieux que les mulets, et cependant
les chefs arabes eut qu'ils préfèrent et se servent plus volon-
tiers des mulets pour leurs blessés. 13
= J’ajouterai qu'en général les femelles ne sont pas d’un aussi
bon service que les mâles; lorsqu'elles sont pleines, ce qui ar-
— 185 —
rive en<hiver, on ne doit pas s’en servir, parce que si elles
glissent, elles se blessent facilement. Les Arabes ne les em-
ploient pas en décembre, janvier et février, c’est-à-dire un
mois avant de mettre bas, et deux mois après.
Il n’y à aucun inconvénient de laisser ensemble les mâles avec
les femelles, et il serait de l'intérêt de l'administration d’avoir
des femelles à cause de la reproduction.
Veuillez agréer, etc.,
Le sous-intendant militaire,
Signé : THOMAS.
Pièce C.
294. Le Moniteur algérien, journal officiel de la colome,
contenait, dans son n° 591, à la date du 50 janvier 1844,
l’article suivant sur la revue passée par M. le maréchal Bugeaud,
le 98 janvier 1844 (cet article a été reproduit dans tous les
journaux français et étrangers).
« Dimanche, 928 janvier, M. le maréchal gouverneur général,
accompagné de son état-major, de MM. les généraux de Bar,
Gentil et Korte, et d’un très-grand nombre d'officiers, s’est
rendu à deux heures de l’après-midi, sur le champ de manœuvres
de Mustapha-Pacha, pour y passer en revue les corps réunis
de la gendarmerie, de l'artillerie et du génie, sous les ordres
: du général Lechesne, commandant l'artillerie de l’armée ; une
foule considérable de spectateurs, de brillants équipages et de
gracieuses amazones formaient une haie parallèle à la ligne
-de nos troupes : sa mobilité, son excessive variété contrastaient
singulièrement avec l'attitude sévère de nos soldats. Mais
l'attention des curieux était particulièrement fixée sur un
— 186 —
groupe de cavaliers d’une espèce toute nouvelle, rangés à
l'extrémité de la plaine, dominant toute la scène du haut dé
leurs montures africaines et élevant dans les äirs leurs longs
fusils ; cette imposante cavalerie n’était autre chose que notre
brave infanterie montée sur des chameaux. M. le maréchal
avait désiré connaitre les résultats des expériences confiées à
M. le commandant Carbuccia, tendant à exercer des hommes à
monter et à conduire ces animaux, afin d’arriver à instituer des
équipages pour mobiliser nos bataillons.
«M. le maréchal, après avoir passé en revue les corps spéciaux
de l’armée d'Afrique, dont la tenue était irréprochable, s’est
dirigé vers l'infanterie montée pour examiner tous les détails
de cette nouvelle organisation. Il y avait là 100 chameaux
montés par 400 hommes du 35° de ligne et du 3° bataillon de
chasseurs d'Orléans. À la demande de M. le maréchal, ils ont
exécuté diverses manœuvres avec une extrême précision,
marchant tantôt en colonne, tantôt en bataille, tantôt au pas,
tantôt au trot ; bientôt, au cornmandement de M. le chef de
bataillon Carbuccia, tous ces hommes sautèrent lestement à
terre et se portèrent en ayant avec une réserve, exécutant des
feux de tirailleurs ; tandis qu'une part d'entre eux suivaient ce
mouvement offensif, chaque homme conduisait quatre cha-
meaux par les rênes. |
« La promptitude de tous ces mouvements, la facilité avec
laquelle nos braves fantassins ont appris à manier leurs cha-
meaux. mettant pied à terre et remontant tour à tour, soit
directement à l’aide d’étriers à deux échelons, soit en faisant
accroupir ces animaux à la manière des Arabes, ont vivement
frappé toute l’assistance; chacun a pu juger que l'on pouvait
tirer de cette inslitution un très-grand avantage pour atteindre
et frapper au loin les tribus nomades du petit désert, si elles se
montraient récalcitrantes ; on peut étouffer dans la belle Saison,
par des marches extraordinaires, les insurrections qui pourraient
éclater dans le Tell.
« En effet, quelles populations assez rapides pourront désor-
mais trouver leur salut dans l’émigration toujours retardée
= —
par les emharras inévitables de la conduite des troupeaux,
des femmes, des enfants et des vieillards, lorsqu'elles seront
poursuivies à outrance par notre cavalerie, soutenue par une
colonne ainsi constituée, pouvant faire de 12 à 15 lieues par
jour, transportant pour un mois de vivres et munie de tous
les accessoires nécessaires pour supporter une longue cam-
pagne. »
Pièce D.
295. Décision de M. le maréchal, en date du 31 janvier 1844,
qui organise deux équipages de dromadaires, l'un à Médéak,
l'autre à Mascara.
L'organisation provisoire d’un corps de transport par le
moyen des dromadaires ayant parfaitement réussi, et M. le
commandant Carbuccia, que j'avais chargé de cette organisation,
ayant obtenu les résultats les plus satisfaisants, j'ai décidé,
après une revue que je viens de passer, qu'il y serait donné
plus d’extension.
- En conséquence, j'ai arrêté les dispositions suivantes, savoir :
1° il sera organisé, dans les provinces de Tittery et de Mascara,
deux détachements de dromadaires ; 2 le détachement de
chaque province se composera de tous les chameaux existants
et de ceux que par la suite les circonstances permettront d'y
incorporer ; 5° le détachement de Tittery sera placé sous la
direction et la surveillance spéciale de M. Carbuccia, chef de
bataillon au 55°; 4° les officiers, sous-officiers et soldats en
nombre suffisant seront placés sous ses ordres, pour conçourir
à l'organisation et au service du détachement ; à° si tous kes
officiers ou soldais n'appartiennent pas au 556, ceux d’autres
corps seront placés en subsistance au 35°.
Pour aticindre le but que je me propose et retirer de cette
— 188 —
organisation tous les avantages qu’elle offre, j’ai décidé qu’un
emprunt de 20,000 fr. serait fait aux fonds coloniaux sur le
crédit que M. le ministre de la guerre m’a ouvert au titre du
transport de troupes : 10,000 fr. seront affectés à la division
d'Alger, et je donne des ordres pour qu’une délégation soit faite
par M. le directeur de l’intérieur à M. l’intendant de cette
division ; ces 10,000 fr. seront employés à l’achat des bâts
licols, longes, etc. ; en un mot, à pourvoir les dromadaires
d’un harnachement complet adopié dans le détachement de la
Maison-Carrée, et dont un modèle sera envoyé, par l'officier
qui le commande, à Mascara : on ajoutera à ce harnachement
une peau de bouc arabe de la contenance d’environ 10 litres
par dromadaire ; le prix en sera prélevé sur les 10,000 fr.
énoncés ci-dessus : je pense qu'une peau de bouc de 5 à 6 litres
pour chaque homme serait préférable pour diviser le poids des
deux côtés ; il y en aurait ainsi deux par dromadaire.
Aussitôt l’organisation terminée et les conducteurs mis au
fait du service, les dromadaires seront employés au transport
des denrées de l’administration, sur tous les points de ;a divi-
sion où les besoins le nécessiteront.
Les 10,000 francs empruntés à la caisse coloniale seront
remboursés sur le produit des transports : pour effectuer ce
remboursement dans le plus bref délai, l'administration paiera
les premiers transports qui seront faits à son service, avec un
sixième. de rabais seulement sur le prix qu’elle paie mainte-
nant aux Arabes; c’est-à-dire, que ce qui coùte 18 francs en
ce moment, sera payé 15 francs aux dromadaires,; à la suite du
règlement de compte des frais de transport de chaque convoi,
la somme revenant au détachement sera immédiatement rever-
sée dans la caisse du trésor, et récépissé en sera donné au chef
de détachement.
La caisse coloniale sera remboursée par reversement; le
remboursement des 10,000 francs une fois complet, les frais
de transport ne seront plus payés que sur le prix ci-après :
D’Alger à Médéah. . . .. 5 fr. par quintal métrique.
ET -
— 189 —
D'Alger à Blidah. . . . 4 fr. par quintal métrique.
De Milianah à Teniet-el-Had: 5 id.
De Médéah à Boghar. . . 35 id.
De Milianah à Orléansville.. 4 id.
D'Orléansville à Tenès. . . 9 id.
Les fonds provenant de ces transports seront immédiate-
ment versés (après que les comptes de chaque convoi auront
été réglés et soldés), dans la caisse du 33° de ligne qui en tien-
dra un compte spécial tout à fait séparé de ses écritures inté-
rieures.
Ces fonds seront inscrits sur un registre à part qui sera ou-
vert, à cet effet, et qui sera coté et parafé par le sous-inten-
dant militaire; ils formeront une masse dite d’entretien de
harnachement ; ils seront employés à l’achat et aux réparations
des bâts et harnais, ainsi qu’à l’achat des dromadaires destinés
à augmenter le détachement et à remplacer ceux qu’on per-
dra.
Récépissé de chaque versement sera délivré au chef de dé-
tachement, et une copie m’en sera envoyée avec un bordereau
des sommes versées pendant le mois écoulé; ce bordereau
énoncera sommairement la dépense du mois en deux articles
(Harnachement et achat de dromadaires); ainsi que le restant
en caisse au 1° de chaque mois ; toutes opérations administra-
tives seront soumises au visa du sous-intendant, de même que
le bordereau qui me sera envoyé.
Afin d'exciter le zèle et l’émulation de chacun, et indemni-
ser les conducteurs des fatigues et de la détérioration de leurs
effets qu’un service extraordinaire leur occasionne, j'ai dé-
cidé, jusqu’à ce qu il en soit autrement ordonné, que les allo-
cations suivantes auront lieu du jour de l’organisation
Savoir. :
Pour les officiers :
Indemnité extraordinaire de rassemblement, telle qu’elle est
fixée au tarif n° 44, du 5 décembre 1840.
= 19 =
60 fr. par mois pour l'officier Supérieur ;
40 pour les capitaines.
50 pour les lieutenants et sbte-Hiéutertatits,
Pendant le temps qu’elle restera en station avec les droma-
däires, où en marche dans üne colonne expéditionnaire;
Sous-officiers. . . : . 15 cent. par jour.
Gaporauki tt 01 AEGE HULSS F8 id.
Soldats, 2 “1 06 SUOMYON 108 id.
Pendant la durée des convois, y compris le jour de départ
et de l’arrivée,
Sous-officiers. : : . . 30 centimes.
Gaporatx: : :-2JPATHUIES 0 1
SUIS: 000 SO LE NAN RTE
Ces indemnités ne seront point imputées sur les fonds de Ia
solde, afih de ne pas augmenter les dépenses du département
de la guerre; mais elles seront prélevées, après chaque convoi;
sur le produit des frais de transport, et la somme qui restera
nette après le prélèvement, Sera seule versée dans les caisses
du trésor, ou déposée dans celle du 35°, selon que lune où
l’autre devra recevoir cette destination, d’après ce qui a été dit
précédemment. |
L'organisation du détachement sera constatée par un pro-
cès-verbal que dressera le sous-intendant militaire, et dont
vous m'adresserez expédition: — Un contrôle particulièr des
chameaux sera dressé, et portera les indications des noms et
numéros devant servir à les reconnaitre en cas de perte.
Vous me ferez connaître, aussitôt qu’il vous sera possible,
la formation de ce service auxiliaire de transports, et vous me
soumettrez les observations que l'expérience pourra vous. sug-
gérer. : /
7
Toutes les fois que le service du génie féclamera le concours
des dromädaires pour sës transports, ous donnerez l’ordre de
déférer à ses dernandes ; les prix seront Ceux fixés par l’admi-
nistration.
Le maréchal de France gouverneur général,
S igné : BUGEAUD.
Nota. Par décision du 22 juin 1844, le ministre de la guerre
a approuvé l’organisation provisoire de M. le maréchal gon-
verneur, et a décidé que les dromadäires seraient considérés en
totalité comme propriété de la caisse coloniale qui : 4° sup-
porterait les frais d'entretien des corps organisés; 2 béné-
ficiérait des transports effectués par ces corps hors le temps des
expéditions. Les indemnités et hautes paies accordées aux of-
ficiers et à la troupe sont confirmées.
Pièce E,.
LL
Opinions diverses du général Maréy-Monge sur la question des chameaux.
296. 10 Extrait du rapport adressé par M. le général Marey-
Monge, de Tiaret, le 24 juin 1844, sur son expédition de La-
gouath, n° 120. (Cet extrait n’a pas été inséré en entier dans
le Moniteur universel du 15 août 1844.)
QUÉSTION DES CHAMEAUX.
Péu après mon arrivée à Médéah, je fü$ chargé d'organiser
une éolonné à l'instar de celle qu'avait dirigée M. le colonel
Jussuf.
Je fus frappé des inconvénients de l'emploi du mulet dans le
— 192 —
désert pour-une expédition de trente jours; çar la simple, ration
d'orge de 4 kilog. constituait, pour chaque mulet, une. charge
de 120 kilog:, qui le rendait impropre à rien porter d’ail-
leurs.
Je pensai que le chameau était préférable, dès que gs pou.
vait opérer dans le désert ; la bête de somme du désert devait
être utilisée, parce qu'elle n'a pas besoin d'orge, parce que,
l'herbe du désert lui suffit, parce que le, prix en est le quart de,,
celui du mulet, et parce que les mulets commencent à devenir
rares, tandis qu’il y a un nombre immense de chameaux. Je:
fus autorisé à tenter des essais.
On pouvait désirer se servir du chameau comme bête FA
somme, ou pour transporter rapidement de l'infanterie; «mais,
la it indispensable était de connaître le chameau, ses mœurs,
son hygiène, la manière,de, le bâter et de le Res C'était .
par là qu'il fallait commencer, d'autant plus que les essais de-
vaient coùter cher, .et qu'il fallait mettre ce service à même de.
se défrayer lui-même par la seule ressource des transports. .
Par suite, une seule des deux questions a été résolue, celle.
des transports ; l’autre question reste entière, mais ne présente
aucune difficulté.
Si la cavalerie eût été inconnue en France, et que, voyant
le parti qu’en tirent les Arabes, nous eussions voulu ici faire
de la cavalerie, on aurait eu mille difficultés à vaincre : les
coups de pied, les morsures, le mauvais choix des selles et des
brides ; on aurait mal sellé ; les chevaux auraient été blessés ;
le plus grand nombre seraient devenus malades par mauvaise.
hygiène ; il y aurait eu de grandes pertes. Dans les premiers.
engagements, nos cavaliers eussent été emportés ou jetés ày
terre; ils se seraient mal servis de leurs armes; ils eussent.
probablement été maltraités par les cavaliers arabes. Les par-,
ts se seraient formés contre les novateurs ; le dégoùt aurait
pris. Peut-être aurait-on renoncé à faire de la cavalerie; mais.
certainement, si, on eüt persévéré, après des pertes, des-dé-.
faites ei un très-mauvais service dû à l’inexpérience, on.au-:
rait fini par avoir notre excellente cavalerie d'Afrique, .
— 193 —.
Toutes ees vicissitudes devaient se présenter à l'égard des
chameaux.
La question, assez compliquée par elle-même, l’est devenue
encore davantage par les passions de ceux qui n’en étaient pas
chargés : il y a eu autant d’ardeur pour nuire à ce service, que
parmi ceux qui l’avaient embrassé pour le faire réussir. On
peut dire que le succès a eu lieu malgré une opposition pres-
que générale, qui serait à peine croyable, si on ne savait que
pareïlle chose a lieu à chaque novation : par exemple, dans
l'artillerie, lors de lPétablissement du système Gribeauval et
de l’organisation du maréchal Vallée, en 1827; lors de la for-
mation des chasseurs d'Orléans ; lors de Pintroduction de læ va-
peur dans la marine royale, ete. Il fallait donc, pour réussir,
ne pas céder devant des attaques inévitables, compter, non
sur un succès immédiat, mais sur l’effet de la tenacité et de la
persévérance, ne pas se décourager d’insuccès très-probables
dans l’origine, commencer en petit et grandir successivement
la proportion des essais, enfin, charger de celte affaire quel-
qu'un qui la prit fortement à cœur; c’est ce qui a eu lieu.
Je choisis, pour remplir cette mission, M. le commandant
Carbuecia, qui la prit fortement à cœur. Il aurait subi un échec
très-grave, s’il eût échoué ; en réussissant, après huit mois seu-
lement d'essais, il s’est constitué un mérite réel, car il a com-
battu des difficultés sans nombre, et il a rendu un service im-
portant.
Dans l’expédition du Djebel-Derah, j’employai 40 chameaux
conduits par nos soldats, qui, à la fin, étaient devenus des cha-
meliers médiocres. Les essais continuèrent à Médéah, puis à la
Maison-Carrée, avec deux compagnies, qui, en peu de temps,
étaient devenues passables. Quand nous allâmes au Djebel-Sa-
hari, cette année, un bataillon entier fut affecté à ce service,
quelques jours seulement avant le départ. Il allait passable-
ment aussi à la fin, mais les chameaux avaient été malades. La
course fut longue et rapide; des tempêtes très-fortes, la neige,
la pluie, la glace, sévirent continuellement. Il y eut une assez
grande perte.
43
— 194 —
En partant pour Lagouath, nous eùmes 277 chameaux em-
ployés par des soldats exercés précédemment, qui déjà mainte-
nant sont assez bons chameliers. Si l’on continue, ils seront
bons dans six mois, et très-bons dans un an. Dans deux ans, ils
feront tout ce que l’on peut attendre des Arabes.
Les résultats obtenus dans cette expédition sont ceux-ci :
1° Nos chameaux étaient mieux chargés et en meilleur état
que ceux des Arabes ;
20 Notre équipage a perdu moins de chameaux que 1 réqui-
sition (2 chameaux);
5° Chaque dromadaire a économisé à l'État une fois et demie
sa valeur ;
4 Le convoi de chameaux, dans la marche habituelle, a
une allure moins vive que celle de l'infanterie, parce qu’ils
mangent chemin faisant ; mais ils ne font pas de haltes , et ils
arrivent aussitôt qu’elle au bivouac : si on veut les presser et
ne pas les laisser manger en route, ils feront, dans le même
temps, un tiers plus de chemin que l'infanterie ;
5° On peut compter sur notre équipage dans son état actuel
pour tout service de transports ;
Go Pour qu'il n’y ait pas de retard au départ le matin, il faut
un homme pour charger deux chameaux ; mais un homme
suffit pour en conduire plus de douze. Par suite, presque tous
les soldats de l’équipage forment une troupe sans sac marchant
en dehors du convoi, et le protégeant ; cet avantage est très-
précieux ; |
7° Il est très-facile de se tenir sur les chameaux ; ceux qui
étaient déchargés servaient à monter les soldats fatigués ;
IL y a eu ainsi jusqu’à 60 soldats montés qui s’en trouvaient
assez bien.
8 Le chameau ne donne à celui qui le conduit ni nausées,
ni mal de mer.
D'après cela je crois : 4° qu’il y a lieu de faire constater cet
élat de choses ; 2° que, s’il est reconnu réel, on devra se décider
ou à renoncer aux chameaux, même bien employés par nos sol-
dats, ou à faire une organisation qui ôte aux officiers et aux
NT K PET
— 195 —
soldats employés à ce service la position fausse où ils se trou-
vent comme détachés d’autres corps qui ne peuvent qu’en être
mécontents.
Je crois devoir ajouter que si l’organisation à faire n’est
pas confiée au commandant Carbuccia, il y a de grandes chan-
ces pour qu’elle ne réussisse pas : mais avec cet officier supé-
rieur, elle doit réussir : j'en prendrais la responsabilité sans
aucune crainte.
Résumé. Notre équipage de dromadaires a complétement et
notoirement réussi dans cette course. [la mieux fait le service
que la réquisition ; ses chameaux étaient en meilleur état. Il
peut, dès à présent, assurer un service régulier de transport ;
une organisation ne présenterait plus de chances d’insuccès ; je
m'en chargerais avec confiance.
20 La lettre suivante, non destinée à la publicité, fait con-
paître, encore mieux que le rapport officiel, la nature des diffi-
cultés que M. le général Marey a dü vaincre pour accomplir sa
mission.
Extrait d'une lettre adressée par M. le général Marey, le
97 juin 184%, n° 127, à M. le général de Bar, commandant la
division d'Alger.
Parmi les propositions que j'ai l'honneur de vous soumettre,
il en est une dont je crois devoir vous entretenir: c’est celle
de M. le commandant Carbuceia (pour le grade de lieutenant-
colonel).
Cet officier supérieur a déployé dans le service des droma-
daires le zèle, l’activité, l'énergie, l’intelligence, la tenacité les
plus remarquables : Personne ne voudrait faire ce qu’il a fait.
Le travail immense qu’il a eu, les difficultés sans nombrê qu’il
a combattues avec persévérance lui constituent un droit réel à
13.
= 196 —
votre bienveillance. Mais ce qui lui en dénneun plus grand'en-
core, c’est qu'il a fini par réussir : sur mon âme el ma conscienre,
il est très-méritant par les services qu’il à rendus depuis huit
mois, et en outre ilest Le plus ancien chef de bataillon de ma
colonne.
Je regarde comme un devoir de vous prier de vous intéresser
à lui, et je vous le recommande avec la plus vive instance.
Je suis, etc., etc.
Signé : MAREY -MONGE.
3° Preuve que M. le général Marey-Monge a prévu et an-
noncé les malheurs résultant du licenciement du personnel.
Lettre de M. le général Marey-Monge à M. le lieutenant
général de Bar, commandant la division d'Alger et gouverneur
général par intérim.
Médéah, le 27 juillet 4844,
J'ai l’honneur de faire à votre lettre du 23 juillet uneréponse
spéciale quant aux chameaux.
Par ma lettre du 20 juillet, je vous mandais que j'avais main-
tenu provisoirement le personnel de l'équipage en attendant vos
ordres : d’après votre réponse, je dois licencier ledit équipage,
si telles sont les instructions du gouverneur. Je crois alors devoir
vous soumettre les renseignements, observations et propositions
suivantes :
1° M. le gouverneur ne m'a jamais écrit, ni ditque pans
serait licencié après l’expédition ;
2 Au contraire, par sa lettre du 17 avril, il me mande qu il
veut faire un aouvel essai dans l'expédition de Lagouath, et
qu’il ne fera pas de proposition au Ministre avant d'avoir connu
ERA ES
— 197 —
le résultat de notre expérience, et de celle de M. le lieutenant
général de Lamoricière ;
5° Il m'a écrit de la province d'Oran pour me demander
avec intérêt comment s'étaient comportés nos chameaux ;
4 Il est évident que l’expérience des chameaux a réussi
dans cette expédition ;
5° Nous avons dans ce moment 3550 chameaux en bon état;
les attirails seront incessamment réparés et en bon état : d'ici
à quelques jours vous aurez là 350 chameaux prêts à fonction-
ner ; les-hommes étant prêts au premier ordre, l'équipage pour-
rait se mettre en route : c’est une ressource qui peut ne pas
être à dédaigner, si, après la récolte, les tribus remuent; il ya
de quoi porter les vivres de 200 hommes pendant douze jours ;
6° Les hommes de l’équipage font leurs réparations et reçoi-
vent leur instruction comme les autres ;
1° Si vous licenciez l'équipage, je vous prie de vouloir bien
me dire ce qui devra être fait des chameaux et du matériel con-
sidérable qui s’y rattache, le tout représentant au moins cent
mille francs. On ne peut laisser cette valeur sans la surveillance
d'officiers qui en répondent : le licenciement me semble entrai-
ner la vente des chameaux et du matériel qui autrement péricli-
teraient évidemment, personne n’en étant plus responsable ;
8° En maintenant l'équipage, rien ne périclite : vous con-
servez une ressource de transports qui peut être précieuse; vous
ne préjugez rien des intentions du gouverneur : en le licen-
ciant, au contraire, vous tranchez la question des chameaux ;
vous annulez la ressource des transports existants ; vous entrai-
nez la vente des chameaux ei du matériel ;
9° Mon opinion personnelle très-prononcée est qu'il y a
avantage à conserver l'équipage qui peut fonctionner au pre-
mier ordre et que lelicenciement ne doit être ordonné que dans
le cas où l’on voudrait renoncer définitivement à ce système,
même après qu'il a réussi.
En résumé, je n’ai reçu aucun ordre de dissolution : le gou-
verneur paraissait vouloir proposer une organisation si notre
dernier essai réussissait : l’essai a réussi, Vous avez un équi-
— 198 —
page provisoire tout prêt qui, au premier jour, peut portér des
vivres pour douze jours. Le personnel de l'équipage n’est en
souffrance ni pour l'habillement, ni pour l'instruction. Le licen-
ciement de l'équipage entraîne la vente des chameaux et du ma-
tériel. ; |
Mon opinion personnelle est qu’il y a lieu de maintenir une
organisation existante qui peut être utile d’un jour à l’autre,
dont la déstruction pourra donner des regrets, qui existe d’a-
près les ordres du gouverneur, et dont le succès évident peut
amener une organisation définitive.
Je suis, etc.
Signé : MAREY-MONGE.
— 199 —
Pièce F.
297. Opinions diverses de MM. les chefs de service de la colonne de Lagouath sur la
question des dromadaires.
Le capitaine, faisant fonctions de sous-intendant militaire
dans la colonne de M. le général Marey, certifie véritables les
différentes réponses ci-dessous à des questions posées à des
chefs de service de la colonne, par M. le commandant Car-
buccia.
Officiers aux-
uels elles ont 2 i
Demandes. T° £e Réponses des chefs de service.
adressées.
À servi au transport des malades, des éclo-
pés, d’une partie du matériel de l’ambulance,
de la réserve d’artillerie et d’une partie du
Sous-in- } convoi de vivres. Les divers services le pré-
fèrent évidemment dans les circonstances si-
onalées. Les chameaux de la réquisition de
Tittery marchent du reste très-bien et ne font
éprouver aucune perte au Convoi.
LechameauË M. Au- | Il ya avantage à faire porter les cartouches
du Beylik a- bac, ca-\}par les bêtes du beylik, les chameliers fran-
tilrendu des Ÿ hitaine )çais comprenant mieux les consignes de pru-
services à la | d’artill. Rure et les exécutant avec plus de soin.
colonne : RCE IA AA
RE Y/M. de Si- Oui, beaucoup même à la cavalerie. On les
est-il préféré\ gny, chef] .." + + : L AURA
préfère généralement à ceux de la réquisition,
à celui pro- d’escad. |
venant de la de caval. | quelque bons que soient ces derniers.
tendant.
réquisition ? AV Oui; on les préfère, parce que la colonne
É ; Ne ù &
lieuten: {2 voyagé dans un pays où le chameau est ap
du train. | pelé à rendre de grands services.
M. Beau-\ |
Camp, Les chameaux du beylik sont mieux bâtés
chirurg.-{ que ceux de la réquisition.
major,
Officiers aux-
els elles ont $ Hague)
Demandes, , |" 4-9 Réponses des chefs de service.
adressées, .
(Suite).
Le chameau
compla- | [Il ne m’appartient-pas d'émettre mon avis sur
ble d’am- | les services rendus à Ja cos par les cha-
bulance. |! meaux. :
M. Fou- Les conducteurs de RAA AE de réquisi-
ché, | tion remboursent-les dénrécs perdues ‘ou vo-
cOMpP, de ées parleur faute ls ont cet avantage qué
subsist. pe du beylik ne pourraient donner. :
a ps Je préfère les chameaux de là réquisition.
du bevlik a-t-
il! rendu des
services à Ja
colonne ? _Y
est-i! préféré
à celuiprove
nant de la ré-
quisition ?
Plusieurs éhamélers sont déjà très-adroits.
[ Sous-in-| Je crois cependant que se priver du-secours :
tendant. La Arabes serait une faute ; ils seront encore
longtemps d’une grande utilité.
Les chameliers avaient été choisis parmi
{les premiers et les plus adroits.
Oui, ils ne paraissent pas embarrassés,
même daus les circonstances difficiles. .La-ca-
Cavalerie { valerie ayant été souvent à l’arrière-garde,:
Artillerie |
Les chame-
liers français
paraissent-ils
déjà" habiles
“4 J'ai vu plus de chameaux de la réquisition se
po décharger que ceux du bevylik.
dE Train Je me déclare incompétent, n’ayant pu sur-
+ veiller ces hommes.
Wu Oui, et pleins de bonne volonté.
rs .
lances, Oui.
Sabsis- ; pas à
tances. Je ne puis apprécier leurs services.
Dans cles La première distance était de 30,000 mètres,
DES es la deuxième était de 28,000 mètres. Les cha-
L et 11 juin meaux ont gagné, le6, quatre heures un quart,
US si le 11, trois heures seulement. La troupe était
à nitasse dus n° 0US-IN fatiguée, la journée chaude ; les chameliers
chameau, tendant. |se trouvaient dans le même état que les jours:
PR nc précédents, quoique n’ayant fait que trois pe
Mis Vin tites haltes et point de grande halte, Tis'ne
ra paraissaient pas fatigués de lallure de leurs
fauterie ? l
bêtes, quoique ayant trotté et même galopé.
"90? =
CCE - 1 = near
Demandes.
(Suile).
Dans les
journées des
6 et 11 juin,
quelle a été
la vitesse du
chameau,
comparée à
celle de l’in-
fanterie ?
Dans Îles
courses des 6
et 11 juin,
leschameaux
chargés ont-
ils pu trotter
et même ga-
loper ? Pour-
raient-ils
donc trans-
porter rapi-
dement une
troupe d’in-
fanterie au
besoin ?
La question
de l’organisa-
tion deséqui-
pages est-elle
enfin mûre ?
©
Officiers aux-
quels-elles. ont
été
adressées,
Subsis-
tances.
Sous-in -
tendant.
Cavalerie
|
=
à
Subsis-
tances.
Sous-in -
tendant.
avalerie |
Train.
Réponses des chefs de service.
Les chameaux ont gagné, le 6, quatre heu-
res un quart, et, le 11, seulement trois heures.
L’infanterie, à cause de la chaleur, n’aurait
pas pu doubler Pétape. Les chameliers ne pa-
raissaient pas fatigués et auraient pu la dou-
b'er. Les chameaux du convoi étaient chargés,
dans ces deux courses rapides, de deux sacs
d’orge pesant 120 kilos, d’un havre-sac, d’un
agot de bois et même d’une peau de bouc
| remplie d’eau.
Le chameau, étant pressé, peut gagner un
quart d’heure sur une marche d’une heure.
Il peut, en marchant librement, voyager long-
temps, au moins dix heures par jour, sans
faire de séjour.
Les chameaux ont souvent pris le trot et
même le galop, ce qui, du reste, occasionnait
un peu de désordre. Ils pourront transporter
rapidement l'infanterie en pays de plaine et
avec un corps de chameliers bien organisé.
Les chameaux déchargés suivaient de près
la cavalerie.
Le chameau peut trotter en cas de razzia
et même galoper sil en est besoin, mais il
ne pourrait supporter cette allure s’il est char-
gé pendant deux jours de suite. C’est un ani-
mal fort à la fatigue.
Oui, pour un service cn pays de plaine.
Oui ; les expériences qui durent depuis le
mois de septembre éclaircissent tous les points.
Le pour et le contre sont connus.
L'organisation d’un corps de chameaux
pourrait être avantageuse pour l'Etat, si cet
janimal était utilisable dans tous les pays et
ja toutes les saisons.
PEER
(Suite).
La question
de lorgani-
sation des é—
quipages est-
elle enfin
müre ?
Le possibi-
lité de faire
conduire les
chameauxpar
des français
est-elle dé -
montrée ?
Est-il vrai
que si l’admi-
nistration eût
acheté les six
cents droma-
daires dont
elle avait be-
soin , elle
n'aurait pas
plus dépensé
que le prix
de louage.
= 902 —
Officiers aux-
quels ne ont.
Réponses des chefs de service.
Me,
Non. L'Etat ne retirerait pas un grand avan-
tage de l’organisation d’un bataillon de dro-
madaires , si la mesure proposée ci-dessous
{ pouvait recevoir application (Système de met-
jure les chameaux du beylik en subsistance
| 4ans les tribus, en payant les Arabes pour
\conduire les bêtes en convoi).
Subsis-
tances.
Du moment que lautorité militaire le vou-
dra et le voudra bien, elle lèvera toutes les
difficultés à ce sujet. Un Français peut faire
da ce que fait un Arabe.
Oui.
Cavalerie
=E
Train.
Sous-in -
tendant.
Cavalerie
Train.
Subsis-
tances.
Oui, en raison de la durée de l’expédition.
S'il est vrai, comme le porte la note du
comptable qui m’a été communiquée, {° qu’il
y à eu 783 chameaux employés à la colonne ;
2° qu’il y a, ce jour, 22,703 journées à payer
au prix de 3 fr. 50 c.; 3° que le prix moyen
des chameaux employés n’est que de 90 fr.
seulement. Dans ce cas, l’administration au-
rait mieux fait d’acheter les 783 bêtes, puis-
que déjà elles sont payées. Au moins, ces cha-
meaux seraient aujourd’hui la propriété de
l'Etat.
Il en serait de même de toutes les bêtes de
somme, mulets, chevaux et ânes.
Cette question est subordonnée à la valeur
des chameaux, qui varie selon les ressources,
les besoins, les éventualités, et d’après le prix
de location de la réquisition. Dans cette co-
lonne, un chameau, après un mois et demi,
a gagné 150 fr. à son maitre.
Le chiffre maximum des bêtes de la réqui-
sition s’est élevé à 723. Le prix moyen des
bêtes à l’estimation a été de 50 boudjous
(90 fr.) ; le nombre des journées de chameaux
— 903 —
EC HTC
Demandes.
(Suite).
Est-il vrai
quesil’admi-
nistration eût
acheté les six
cents droma-
daires dont
elle avait be-
soin , elle
n'aurait pas
plus dépensé
que le prix
de louage ?
Le chameau
quels rs ont
up
a —
Subsis- |
tances.
| Artillerie
Officiers KA x
Réponses des chefs de service,
de réquisition est de 22,703, et de chameaux
du beylik de 13,711, à l'époque du 24 juin
1844. Le comptable pense que l'Etat ne reti-
rerait pas un grand avantage dé l’organisation
d’un bataillon de dromadaires, si la mesure
portée ci-dessous pouvait recevoir application.
Comme moyen de transport, l'été, et dans
un pays de plaine, le chameau est excellent ;
l'hiver, il est incapable de rendre le moindre
service ; d’où il résulte qu’en cas de mouve-
ta militaires pendant cette saison, on se-
rait obligé d’avoir recours aux mulets de ré-
‘quisition. Que cette organisation qui occupe-
rait bon nombre d'hommes des plus valides
et des plus intelligents pendant la guerre, in-
dépendamment des Arabes qu’il faut conser-
ver pour garder les chameaux aux pâturages,
\ ne serait utile que pendant un certain temps
de l’année et toujours en pays de plaine. Le
système le plus convenable serait peut-être
de mettre en subsistance dans les tribus, sous
la responsabilité des caïds, tous les chameaux
:du beylik qui, lorsqu'on aurait besoin de leurs
| services, seraient amenés par les Arabes de
| ces tribus pour les conduire et les charger
} pendant qu’il serait utile. Ces Arabes qui se-
raient pris dans la proportion d’un pour trois
chameaux, seraient payés 1 fr. 50 c. et même
2 fr. par jour de marche. Celte mesure ne
donnerait lieu à aucune dépense d’entretien,
sion autorisait les tribus à s’en servir pour
leurs besoins. La dépense serait donc exces-
| sivement faible et n’enlèverait pas un seul
homme au service militaire.
Le petit convoi de chameaux, portant des
cartouches, marchait sur le flanc de la co-
lonne, à hauteur de Partillerie; il arrivait
{avec elle au bivouac.
Demandes.
a-t-il toujours
suivi le con-
voi des mu-
lets de l’ad-
ministration?
Le chameau
même chargé
par l’admi-
nistration, a-
{-il porté un
homme en
surcharge ?
Le chameau
peut-il mon-
ter et des-
cendrée les
pentes rapi-
des?
Le chameau
entravé peul-
il disparaître
facilement ?
Les cha-
meaux ont-il
bu pendant
les # mois
d'expédition?
Le chameau
a-t-il reçu de
l’orge en
route ?
Offciers aux-
quels HE ont
a.
Train.
Ambu-
lance.
Subsi-
stances.
SOUS-in -
tendant.
Subsis-
lances.
| tances.
/
\
Subsis-
tances.
—
Subsis-
tances.
Subsis-
tances.
Artillerie
= 4
té
Réponses des chefs de service.
Oui, dans les pays plats, mais dans les défi-
lés ils laissent à désirer; les chameaux, dans
les défilés, ont plus cmbarrassé la colonne que
ne l’auraient fait les mulets, vu leur manière
de marcher en troupeau. |
Oui, mais toutefois à une distance-qui ne lui
permettait pas d’avoir les yeux sur le matériel
porté par les chameaux, et sur celui porté par
les mulets.
Il n’a jamais obligé la colonne à
pour l’attendre.
Oui,
éclopés.
Oui, un grand nombre de chameliers profi-
tent de la possibilité de monter sur les bêtes.
Oui, il pourrait le porter longtemps danses
conditions d’un terrain plat; le chameau n’est
chargé par l’administration que de 120 kilog.
et il peut porter 200 kilog. sur un terrain plat
et sablonneux. En le laissant aller librement
il peut marcher toute la journée et pendant
plusieurs jours de suite.
s'arrêter
le chameau peut servir à porter les
ordinaires lorsque le sol est sec; il. descend
plus facilement. Dans les deux cas, lorsque le
LJ Il monte difficilementet lentement les pentes
(terrain est humide, il ne peut se tenir debout.
Non, si la corde qui l’entrave aux deux ge-
noux passe sur le cou ; le dromadaire ne pour-
rait s'échapper, ni par suite d’une terreur pa-
os ni par suite d’une attaque véritable.
Non, même par les plus fortes chaleurs (de-
puis février jusqu’au mois de mai).
place presque complétement et pendant plu-
| Non, même lorsque l'herbe a manqué sur
sieurs jours de suite,
Pa ie. -
— 205 —
Demandes:
L’allure
du: chameau
donne-t-elle
lemalde mer
et les nau-
sées ?
L’allure
du chameau
peut-elle de-
venir dange-
réuse pour la
santé des ma-
lades. qu’il
transporte ?
Tiaret, le 24 juin 1844.
|
»
Officiers aux-
:} quels elles ont
été
adressées.
Chirur-
gien
Chirur-
gien,
L
Réponses des chefs de service.
Beaucoup de chirurgiens ont été témoins de
ces phénomènes produits par l'allure des cha-
meaux ; moi-même, dans l’expédition de Cons-
tantine, j'ai pu les observer. Dans cette expé-
dition, 200 hommes ont été placés sur les
chameaux, beaucoup interrogés ont répondu :
ni vomissements, ni nausées. Je dois ajouter
que ces hommes n’étaient que fatigués.
Oui, dans la plupart des maladies et pour
toutes les blessures, Installés comme ils le sont
à cette heure, les chameaux ne pourront ren-
dre aucun service aux malades en les trans-
portant; si on peut les instruire et organiser
un bât, la réponse pourra changer. Ce ne sera
Jjamais un bon moyen de transport, surtout
pour les blessés, mais il a été et sera encore
utile pour les hommes fatigués.
Le capitaine, faisant fonction de sous-intendant militaire,
Signé : Aupac.
— 206 —
Re rend à da 7 nie IRAQ = z DT ge À IAE US AGLLE EEE SRE
"HONON-A TUVIN : QUBIS ‘ YVPPI MH 9P UOISLQLPQNS DJ Ju
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“IJ JR SUOIJUI CO ‘Joqnw 9] NO 4 eJos osu9d9p e] ‘ue 1ed ‘17 00 JU83009 Jepjos uf} ÿ
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Re
— 207 —
Pièce H,
Expériences sur les chameaux ordonnées par M. le maréchal gou-
verneur (Etats H, I, J suivants).
4° Expédition du Djebel-Dira.
299. Extrait du rapport fait à M. le général Marey-Monge,
le 25 octobre 1845, jour de la rentrée de la colonne, sur les résul-
tats financiers de l'expédition.
D'après les ordres donnés, 42 hommes ont été détachés du
53° de ligne, pour suivre les expériences ordonnées sur les
chameaux.
= Dans le principe, leur ignorance de la bête a été telle, qu’ils
en ont fait crever plusieurs par suite de mauvais traitements :
l’impassibilité de la bête est telle, que plusieurs hommes, re-
nonçant à s’en faire obéir, ont reculé devant la tâche qu'ils
avaient acceptée.
Les perles de ces expéditions sont de 14 chameaux, dont 2
se sont égarés, et 12 ont été abandonnés ; avant le départ, la
perte avait été ie 17.—Total : 51.
Il y a lieu de faire entrer en ligne de compte le léger béné-
fice que l'Etat a retiré de l'emploi des chameaux, en épar-
gnant des frais de transport qu’il n’a pas payés aux Arabes ;
ce bénéfice, quelque léger qu’il soit, obtenu dès le premier
début dans les expériences, et sans nulle peine, prouve que,
dans peu de temps , les chameaux ne coûteront plus rien à
l'Etat.
État général des charges d'orge transportées pour le service de
l'administration militaire sur les chameaux de l'Etat.
SAVOIR :
4° Du 27 septembre au 14 octobre inclus : 15 jours
= Qfé <= pe
à 22 charges. .. . , . . . . . . . . . . 330 journées. .
2° Du 12 octobre au 20 dudit, par suite du verse-
ment de l’achour du kalifat de Sebaou : 9 jours à 60
LE CPP OUR POV DT QT ACTA PIQ - DEU 2
3° Du 21 octobre au 25 inclus, il a été rapporté 29
chatées à -Méréah.. Lt: CNRS EME EE PERS 145
940
Total. . ,. . 1,015 journées.
EE EEE D DE PT
Or, en faisant ce service, les chameaux ont épargné à l'État, soit de
louer des mulets, soit d’en conserver de déchargés : il les paye, par
jour L] e e e L] LL . e. e . . s . . . CL] L] 3 fr. 50 ER
L'économie réelle, évidente, est de. . . . . . 3,525 fr. 50
Médéab, le 25 octobre 1843.
Le chef de bataillon,
Approuvé, J. L. CARBUCCIA.
Le maréchal de camp, commandant
la subdivision de Médéah,
Signé : MAREY-MONGE.
Pièce I.
Dromadaires de Tittery.
2° Expédition des Ouled-Nayl.
300. Le soussigné , chef de bataillon, commandant ledit
corps, a l’honneur de soumettre à la haute approbation de M. le
général Marey-Monge, commandant la colonne expéditionnaire
le relevé suivant des ordres de réquisition qu’il a reçus pendant
l'expédition qui vient de finir.
. + a
: : « F
t — 209 — P
(T1UEM 6 3 é / ‘ , :
SAVOIR :
N°s D & Ai ] ET
d'ordre. Dates. ! Journées.
1. 12 mars. Ordre du départ pour le lendemain 13 mars, .
| avec 190 dromadaires chargés, lant par l’ad-
ministration militaire que par les divers ser- :
: vices, .de. camper sur le chélif sous Boghar,
"eue 28 au soin (OR 19). 70 0 0. 570.
9, 15 mars. Ordre de départ pour le lendemain 16, de con-
| server les denrées de” l'administration jus-
qu'au 48 au soir pour 180 chameaux, et d’al-
ler prendre des vivres à Boghar pour la co-
1 CSG, E lonne (16, 17,,48L nnshirà «He FA 540
3. 18 mars. Ordre de départ pour le lendemain 19. avec
122 chameaux, tenus à la disposition des di-
vers services de l’armée, formant l’arrière-
garde de manière à relever les charges que
‘pourraient-abandonner les PRE pourvus de ,
mauvaises cordes (19, 20, 21, 22, 23, 24, 25,
BOPLUES mars). -". --". … . Aer À 1,220
& 98 mars. Ordre de renvoyer au dépôt 25 chameaux fatigués
et de les rayer du.-clulire des chameaux mis. à
la disposition des divers, services de l'armée
(29, 30, 31 mars, 1°, 2, 3, 4 avril; 98 bêtes) 686
5 Aavril. Ordre de réduire le chiffre des chameaux mis
à la disposition des divers services de Par-
mée (86 bêtes ; 5, 6, 7 avril) . . . . . 258
6. 7 avril Ordre d'arriver à Boghar, le lendemain, avec
AD Len Cire ETES A. MEN Le. 40
Total général. . . . 3,314
Diminuant le transport de Médéah à Boghar déjà payé. . . 910
Reste à payer postérieurement, journées à 3f.50 . . . . 2.744
L’économie.est donc de. . . . . + . “. .. : .. 96,004 fr.
Certifié le présent état constatant que le COrps a droit à ré-
.clamer:le paiement de deux mille sept cent quarante-quatre
: journées de convoi, attendu que, si l'équipage n’eût pas fait te
service, l'administration cüt été obligée de conserver les bêtes
spas . se = Lie 44 =
— 210 —
des Arabes, après les avoir déchargées, où d'en requérir un plus
erand nombre. ,
-
Médéab, le 15 avril 48%4.
Le chef de bataillon,
Approuvé : J.-L. CARBUCCIA.
Le maréchal de camp, commandant
la subdivision de Médéah,
Signé : MAREY-MONGE.
Pièce J.
Corps de dromadaires de Tittery.
30 Expédition de Lagouath et de L’Ouarenséris.
9501. Le chef de bataillon, soussigné, à l'honneur de sou-
mettre à la haute approbation de M. le général Marey-Monge,
commandant la colonne expéditionnaire, le relevé suivant des
ordres de réquisition qu’il a reçus pendant la course qui vient
de finir,
SAVOIR :
N°S
d'ordre. Dates. Journées.
4. 17 mars. Ordre de réunir à Boghar 277 chameaux qui se-
ront payés comme ceux des Arabes, avec la
réduction du sixième établie en principe par
l’arrêté de M. le maréchal gouverneur, en date
du 31 janvier 484%, jusqu’après paiement de
l'avance des 10,000 fr. faite par la caisse colo-
niale (à payer du 3 seulement jusqu’au 16in-
Aus ite e ts 7 s BTE
2, 16 mai. Ordre de ne conserver Ge 209 dromadaires à
dater du 17 (jusqu’au 30 inclus). . . + + . 2,996
3. 30 mai. Ordre d’incorporer dans l’équipige 30 droma-
daires en sus des 209 provenant des meilleurs
choisis dans la contribution des Larba, et à
payer à dater du 31 (jusqu’au 7 juin inclus). - 1,912
Ÿ ENT
EX [1e
4, 7 juin. Ordre de ne conserver, au départ de Taguin pour
Tiaret, que 231 dromadaires à dater du 8 1e
(jusqu’au 10 juin inclus). . . . 693
5. 10 juin. Ordre de conserver à l’équipage, à Fr de
11 juin, 15 dromadaires venus de Boghar à
Tiaret pour y transporter des effets pour la
troupe, ce qui porte l'effectif de l’équipage
payé à 246 (jusqu’au 16 juillet inclus). . . . 8,856
6. 16 juill. Ordre de ne conserver, à dater du lendemain 17,
que 60 dromadaires pour aller à Médéah avec
la colonne (ont cessé d’être payés le 19 inclus). 180
Le soussigné à aussi l'honneur de relater
les ordres suivants reçus pendant la route,
Savoir :
7. 16 mai. Ordre de faire partir le 17 au matin, sous l’es-
corte du caïd Jahïa et de raïens nouveaux à
payer par l’équipage, 52 drémadaires chargés de
couvertures et autres effets à la destination de
Boghar où ils doivent être arrivés le 21 mai. 260
8. 7 juin. Ordrede faire parur, le 8 au matin, sous les ordres
de M. le capitaine Durieu, 81 dromadaires
chargés de denrées de ceutribation pour r Mé-
déah oùils doivent être arrivés le 46 juin (con-
duits par des raïens payés par | CHAR S 44 648
Total des journées de convoi dues à Péquipage. . . 19,353
Certifié le présent état constatant que le corps a droit de ré-
clamer le paiement de dix-neuf mille trois cent cinquante-irois
journées, attendu que, si l'équipage n’eut pas fait ce service.
l'administration eût été obligée de conserver les bêtes des Arabes
après les avoir déchargées ou d’en réquérir un plus grand
nombre : l’économie est donc de 67,756 fr.
Médéah, le 49 juillet 1844.
Le chef de bataillon,
Approuvé : J.-L. CARBUCCIA.
Le maréchal de camp,
commandant la subdivision de Médéah,
Signé : MAREY-MONGE.
44.
— 92 —
PIÈCES KR ET SUIVANTES.
NOTE.
Les quatre états suivants ont été dressés par ordre de M. le
général Marey-Monge en exécution de la décision ministérielle
du 22 juin 1844, pour connaître les charges que cette décision
imposait à la caisse coloniale et présenter la situation finan-
_cière du détachement depuis les expériences. La décision du
22 juin ayant reçu un commencement d'exécution, nous croyons
ulile de faire connaître ces états à nos lecteurs pour leur prou-
ver qu'au jour du licenciement du personnel, le 5 août 1844,
nous avions réellement fait à l’État un bénéfice de 21,900 fr.
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Pièce L.
Dromadaires de Tittery.
Situation financière de l'expérience des dromadaires lors de l’organisation ordonnée
par M. le maréchäl gouverneur.
503. De la pièce officielle K, il résulte que la perte des dro-
madaires du 22 septembre 1845 au 26 févr. 1844 s’est élevée
à 65 dromadaires, qui, s’ils eussent été payés par l'Etat au prix
de 150 fr. représenterent .#-: LS482 1829047.
Pendant le même temps, le général Marey-
Monge, soit de ses deniers, soit sur ses fonds
secrets, et l'administration pour un convoi de bis-
buis, DD BAVE. : . 5e de Le L Li mtcet. Eau LORS
26 février 1844. Total des pertes . . . 10,109 fr.
L'officier payeur,
Signé : SILVAIN.
Certifié véritable :
Le chef de bataillon,
Signé : CARBUCCIA.
Médéah, le 5 août 4844.
en LT LÉ LS AN 4 TEL. Sr: IS ES CPE ET = ‘
“VIDDNaUV : Qu#ISU0r1070Q 2p Jayo à "NIVATIS : ou8is unafind 4929ÿ/J0,
"FyS] 1008 € o] ‘YLOPON *HONOJN- AUUVIN : QU2IS UO2S202PQNS 07 fUDPUDUWUOI ‘dWUVI 9P 1022400 97 : gAnoïddy
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D.
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Pièce N.
Dromadaires de Tittery. |
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” D
De l’avôir et des créances de l'équipage.
4° de l’avoir.
305. Il existe, au 5 août 1844, dans le parc de l'équipage , 452 dro-
madaires qui, au prix de 130 fr., valent . . . . . . 58,760 fr.
Il existe en magasin un harnachement pour 409 dro-
madaires et du prix au moins de . : . . . . . . 10,000 | 000
Total de lavoir . . 7 68,760
2 des créances. | |
Après expédition des Onled- -Nayl, le corps a présenté
un relevé des ordres de réquisition, donnés par M. le gé-
néral Marey-Monge , constatant qu’il avait droit au paie-
ment de 2,744 journées de convoi; l'administration a re-
fusé le paiement, en se fondant sur une décision de M. le
gouverneur, en date du 42 mars 1844.
Pour qu'aucune difficulté relative au paiement ne püût
être faite après l'expédition de Lagouath, M. le général
Marey-Monge a fait connaître d’avance que les droma-
daires ne serviraient encore, pendant crtte expédition,
qu’à transporter les denrées de l’administration (ordre du
3 imai);, mais l'administration, en se basant sur la décision
du 12 mars, a continué de refuser le paiement.
Le corps a droit, pour la course des Ouled-Nayl, d’après
les ordres signés du général (pièce J), à 2,744 journées.
Et pour celles de Lagouath et de Tiaret,
d’après les ordres signés du général
OT ES: NL Nan RES AR du | M 1
Total . . 22,097 journées.
Qui, au prix, non de 3 fr. 50, mais de 3 fr. (*), consti-
tuent une créance assurée de 66,291 fr., ci. . . . . 66,291
Au jour du licenciement, total de lavoir et des créances 135,051 fr.
NE Médéah, le 5 août 1844.
L'officver payeur,
Signé : SILVAIN. Le chef de bataillon,
J.-L. CARBUCCIA.
(”) Les dromadaires de réquisition sont payés 3 fr. 50 c. par jour.
— 217 —
, Pièce 0.
Dromadaires de Tittery.
_
Résumé. — Balance,
306. Le total de l'avoir ou des créances légitimes est
DV os 8 à 5) v00s SUB UE, 20
Il est à remarquer que, chaque jour, des dromadaires
sont réintégrés à l’équipage qui, en définitive, ne perdra
que la moitié des bêtes déjà rayées du contrôle : l’agha
Ben-Ouada à répondu de ce résultat.
Le total des dépenses est ou sera de . . . . . .
Partant iv a Dénélice des 2 ti: A Die. e.
Mais l'Etat, en payant même les 66,991 fr. provenant
des frais de transport qu’il a réellement économisés en
se servant des dromadaires du corps, aura encore fait
le bénéfice du 6° qui lui est réservé par l’arrêté du gou-
verneur (a): <£S0t EN 9pD One D SHisehosie
Enfin, dans l’expédition du Djebel-Dira, où M. le gé-
néral Marey-Monge à commencé les expériences, il y a
déjà eu économie de frais de transport, d’après une
pièce officielle (pièce H), de (b} . . . . . . . .
Partant le total général du bénéfice produit par les
expériences ordonnées sur les dromadaires, ou au moins
de l’économie qu’elles auront procurée à l'Etat, est, au
jour du licenciement du personnel . . . . . . .
Mais il faut présenter cette question sous un autre
point de vue, le seul véritable.
Dans les calculs ci-dessus , on admet que lEtat ait
payé les 83 dromadaires qui ont servi aux expériences,
ce qui est loin d’être exact, car on n’en a acheté que 13,
tout le reste, provenant de razzias ou de contributions,
n’a été payé à personne. La décision ministérielle du
22 juin 1844 n’ayant pas été mise à exécution, exami-
nons d’après cette base, la seule véritable, le montant
de l’économie procurée par les dromadaires à l’admi-
nistration de la guerre.
135,051 fr. 00
127,677 * 74
7,373 fr. 26
11,048 00
21,916 00
MONT ges
Au 5 août 184%, jour du licenciement, l’avoir et les
créances sont de Ge N).".# JUSTE 1433 000
Ajoutons les économies constatées (6) () | Lee" AA OORNSENE
Total de l'avoir, des créances et des économies . . 149,000 fr. 00
Diminuons les dépenses faites pendant toute l’expé-
rience, savoir (pièces L et M):{ 247000 À : + : : 32,000 00
Le bénefice net est de. Dre AT ee Ne TT ONE
Médéah, le 25 août 4844.
L'officier payeur,
Signé * SILYAIN.
Le chef de bataillon ,
J.-L. CARBUCCIA.
FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES.
LE RÉGIMENT
DES
DROMADAIRES
A L'ARMÉE D'ORIENT (1798-1801).
PAR M. JOMARD,
Membre de l'Institut de France, ancien ingénieur à l’armée d'Orient, et commissaire du Gouvernement
pour la publication de la Description de l'Egypte.
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NOTICE
SUR LE
RÉGIMENT DES DROMADAIRES
A L'ARMÉE D'ORIENT.
(1798-1801.)
L'armée d'Orient a tiré un parti avantageux en Egypte de la
création d’un corps spécial, composé de soldats montés sur des
dromadaires; mais on a négligé de publier ou même de rassembler
des détails sur l’origine , l’organisation et le service de ce régi-
ment, détails qui pouvaient, un jour ou l’autre, guider les
chefs de nos armées dans la formation de corps semblables ;
l’on aurait dû le faire, même au seul point de vue historique,
et sans prévoir qu'un jour la France ferait encore occuper par
ses troupes un autre territoire africain. Nul ne pouvait rem-
plir cette lacune aussi bien que le général Cavalier, qui fut
en Egypte le commandant du corps des dromadaires, qui l'or-
ganisa dès le principe et en obtint d'excellents résultats.
Malheureusement il n’a rien, que je sache, publié sur ce
sujet; rien pourtant ne devait l'en empêcher ; c'était là une
question purement stratégique et militaire; la politique n'avait
rien à y voir; s’il eût fait part au public de ses remarques,
expliqué ses moyens, exposé des résultats acquis pendant plu-
sieurs années d'expérience , il aurait certainement rendu un
grand service, 1l eùt même accompli une sorte de devoir.
Le général Cavalier est mort, il y a peu d'années, à Alen-
çon (le 27 septembre 1846) (1), sans l’avoir fait, et l’on ne
peut guère, à son défaut, que donner des indications, rappeler
quelques faits bien constatés, el rapporter les résultats de plu-
sieurs observations personnelles confirmées Fi des témoigna-
ges dignes de foi.
Ayant été deux: fois en rapport en Egypte avec le chef de
brigade Cavalier, je donnerai ici un petit nombre de remar-
ques, tant d’après mon journal de voyage que d’après des pièces
peu connues et des souvenirs encore présents; je neles publierais
pas si ce n’était pour obéir à la demande expresse qu'a bien voulu
m'en faire, à plusieurs reprises , M. le général Carbuccia , en
s'appuyant de l’opinion de M. le général Marey-Monge (2).
Une circonstance peut excuser le général Cavalier pour le
silence qu’il a gardé, et venir, à certains égards, à sa dé-
charge. Il avait été jugé très-sévèrement par Napoléon, et tenu
presque en disgrâce, non pas pour la manière dont il avait
organisé et commandé le régiment des dromadaires, mais pour
sa capitulation avec le major anglais Wilson, en l’an 1x (1801).
L'Empereur comme le premier consul, tout en lui rendant
justice, comme à un brave homme, à un officier très-distinqué
(ce sont ses termes), lui a reproché de s’être rendu à l'ennemi
sans coup férir, sans résistance; il est plus que probable que
c’est le général Menou qui a formé l'opinion du premier consul
(4) Jacques Cavalier était né à St-André de Valborgne, diocèse d’Alais, le 2 mars 4772.
(2) On sait qu’en 4842-1843, cet habile général, chargé d’un commandement i im-
portant en Algérie , proposa le premier d'organiser un corps de soldats à dromadaire
et confia le soin de cet essai à M. le général Carbuccia. Le général Bugeaud avait donné
son assentiment à cette innovation.
he ‘ausé | Léon +
4
sur les circonstances de ce fait regrettable : or, l'opinion de ce
général était entachée de partialité; peut-on oublier que la
plupart des corps étaient démoralisés à la fin de l'expédition,
et que le général Menou en était lui-même la cause par les
fausses mesures quil avait prises lors du débarquement de
Parmée anglaise? Il semble que Fhonneur du colonel des dro-
mädairés est resté intact : ses militaires l’ont malheureusement
abandonné, toute résistance lui devenait impossible. Il lui
restait à obtenir les meilleures conditions et il les a obtenues.
Mais il ne m’appartient pas d'entreprendre ici sa justifica-
tion; les militaires seuls peuvent prononcer, après avoir pesé,
dans une balance équitable, les circonstances dans lesquelles le
colonel a négocié avec le général anglais (1).
Eé dromadaire , appelé en Egypte héquin , en Algérie,
mehari (2), est de taille svelte ; il diffère des autres cha-
meaux , mais non pas , Comme on le croit, en ce qu'il n’a
qu'une seule bosse, et ceux-ci, deux; il se distingue par son en-
colure, sa légèreté plus grande, la finesse de sa tête, de sa
jambe et de son poil, par un pied fin et sec et une sorte d’élé-
gance dans tout son individu, surtout par lextrème légèreté de
sa course et encore par sa docilité (3). Son allure est l’amble ette
trot. Cette race est à celle du chameau vulgaire des caravanes
(Guemel où Djemel) (4), l'animal portefaix, ce que le cheval de
course est au Cheval de trait, au cheval de roulier, à la bête
de somme lourde ét massive. Cette distinction n’ôte rien à la
(4) Au relour d'Égypte, le colonel Cavalier a été colonel de gendarmerie jusqu’à sa
retraite, et fait général en 4828, puis commandant du département de l'Orne. Il des-
cendait du célèbre protestant de son nom. (Voir l'Appendice.)
(2) V. l’ouyrage du docteur Shaw, et la Relation du général Marey-Monge sur
son expédition à Lagouath.
(3) Le mot héguin, dans l’un des sens qu'on lui donne en arabe, signifie distingué,
excellent, el aussi nobilis camelus ; hegän signifie albus et præstans camelus (Golius).
(4) On sait que ce mot, ainsi que xæwnAos, camelus, et leurs dérivés, appartiennent
à toutes les langues sémitiques.
— 92% —
valeur du chameau commun, qui rend tant de services dans la
traversée du désert, animal si fort, si sobre et si patient, et
dont M. Denon a pu dire, mais non sans quelque affectation,
que la nature, après avoir créé le désert, a réparé son erreur
en créant le chameau.
Le dromadaire, héquin, est élevé avec le plus grand soin et
une sorte de tendre affection par l’Arabe errant. Que de fois,
chez les Oulad-Aly, la grande tribu des. déserts de l’Ouest,
j'ai vu les soins, je dirai presque les égards prodigués par l’A-
rabe à son héquin ! Avec quelle attention, à l'issue d’une lon-
gue course, il le choie, il le frotte, il le nettoie et le caresse,
il choisit sa pâture et sa boisson! Mais aussi, dans le désert, quelle
nourriture? l’a’qoul, végétal épineux qui vient dansles sables(1);
l’alfé, sur la limite; des feuilles, quelquefois de la paille, rare-
ment de l’orge. Ce que j'ai vu dans l'Ouest du Fayoum, je l'ai
observé de même dans le désert plus au sud, à l’ouest de
Monfalout, etc., chez les Arabes. EU
L'héquin est facilement disciplinable , au moins autant que
le cheval. On le dirige tout aussi aisément. Les Arabes se
tiennent assis sur le dos de l’animal, les jambes croisées sur
son cou ’eten avant de la bosse.
Personne n’ignore que le dromadaire des déserts d'Egypte
peut facilement faire de quinze à trente lieues par journéeet
même beaucoup plus, au grand trot, et cela, pendant plusieurs
jours de suite, sans en être incommodé, sans boire pendant ce
même temps, mangeant d'ailleurs assez modérément.
Quand a été conçue la première idée de faire monter des sol-
dats français sur des dromadaires(ce fut par le général Bonaparte
lui-même), on pouvait craindre que l’animal ne s’habituât pas
au bruit des détonations, à celui de la trompette et du tam-
(1) Hedysarum al-hagi, le sainfoin des pèlerins; cette plante, qu’on à comparée à la
manne, est tout épineuse, mais sucrée,
ET CR ce
— 225 —
bour; mais on avait l'exemple des tribus arabes dont une partie
fait un continuel usage des armes à feu; l’expérience eut bien-
tôt fait disparaître toute crainte à cet égard. Un inconvénient
plus réel peut-être consistait dans le mouvement alternatif que
l'animal en marche donne au cavalier , secousse d’autant plus
forte que le pas du dromaire est plus long. J'ai éprouvé, plus
d'une fois, pour mon compte, cette incommodité, qu'on peut
comparer assez bien à l'effet du tangage en mer; le long cou
de l’animal, se portant de haut en bas et de bas en haut, pro-
duit l'effet du beaupré qui se hausse et s’abaisse alternative-
ment. Ce balancement ne laisse pas de fatiguer jusqu’à donner
des nausées ; mais je pense aussi que l’habitude doit bientôt
diminuer cet effet ; nos soldats à dromadaire ont d’ailleurs pris
assez promptement l'attitude convenable. en raison de l'allure
de l’animal, de façon à ne pas en être incommodés.
C'est en nivôse an vi (décembre 1798) » au retour du
voyage à Suez (1), que le général en chef de l’armée d’O-
rient conçut le projet de faire monter des soldats à dos de dro-
madaire, afin de poursuivre dans le désert et d'atteindre les
Arabes, leurs chevaux et leurs troupeaux, de les frapper dans
leurs biens, et de les amener ainsi à reconnaitre l’autorité .de
l’armée française. On avait remarqué, depuis longtemps, le se-
cours qu'apportaient aux tribus arabes leurs messagers ainsi
montés , l’extraordinaire vitesse de leurs courses, la sobriété
et la docilité de l’animal; mais personne n’avait songé à faire
un corps militaire, une cavalerie régulière de soldats montés
de cette façon ; la conception était hardie, l'exécution difficile :
comment former les dromadaires à la manœuvre, les habituer
à la fusillade, au son de la trompette , et surtout comment ac-.
coutumer des Français à ce nouveau genre d’équitation ? Com-
(4) L'ordre du jour qui crée le régiment est du 20 nivôse. Voyez l'arrêté à la suite
de cette notice.
45
— 996 —
ment composer le harnachement de Fahimal, comment le gui-
der en marche, comment le faire obéir à lous les commande
ments militaires ? Comment le seller, comment équiper pour
le chargement de ses vivres, de ceux de son cavalier et dés
munitions nécessaires ? Bien d’autres questions de détail étaient
à résoudre avant de parvenir à former un semblable régiment,
comptant quatre à cinq cents hommes, par exemple : c’est pour-
tant ce à quoi on est arrivé en ässéz peu de temps : cette œuvre
toute nouvelle fut vite accomplie, grâce au zèle, à Phabileté, à
l'intelligence que déploya le chef de brigade Cavalier, à qui
le général en chef Bonaparte en donna la mission.
Il faut faire observer ici que vers la fin de septembre 1799,
neuf mois après l’organisation effectuée, le général Desaix ,
sentant Île besoin d'accélérer à marche de son infanterie, et
voulant éviter à ses troupes la fatigue des marches par les
chaleurs excessives de la Haute- Égypte, envoyà, à la poursuite
de la cavalerie de Mourad-Bey, un certain nombre de soldats
montés à dromadaire. I! en avait formé deux colonnés mobiles,
jointes à de la cavalerie et à de l’arüllerie. I en commandait
une lui-même; l’adjudant général Pierre Boyer avait été chargé
de conduire l'autre. Celui-ci partit de Syout le 1‘ octobre, at-
tergnit Mourad-Bey et ses mamelouks, et les mit en fuite dans le
désert, entre Sediman et les Oasis. Les soldats descéndaïent
de chameau, sé formaient en carré, attendant et repoussant
l'ennemi ; puis, remontant sur leurs dromadaires, ils lé
poursuivaient à outrance. C'est ainsi que Mourad, forcé
et épuisé, dut répasser le Nil et s’enfoncer dans le désert ara-
bique. Boyer avait eu auparavant le commandement du Fayoum:;
c'est dans celle dernière circonstance que je connus pour la
première fois ce général, qui eñsuite s’est fait remarquer dans
toutes les campagnes ; il retourna en 1824 en Egypte et fut em-
ployé en Algérie en 1851.
been is do.
SONT
Voici comme état harnaché le dromadaire de guerre. La
bosse servait de noyau à une large selle, armée d’étriers. Dans
le principe, on y fit asseoir deux hommes se tournant le dos.
L'un des deux servait de guide, l’autre était plus libre de ses mou-
vements; mais on vit bientôt les inconvénients de ce mode et on
ÿ renonça.Ce fait, mal connu, explique la contradiction qui existe
entre les différents rapports qu’on a faits sur ce nouveau genre
de cavalerie. M. Martin, dans son histoire de l’expédition, est
de ceux qui ont avancé que Fanimal portait toujours deux
hommes adossés, regardant, l’un devant, l’autre derrière ; sans
faire remarquer que ce système fut abandonné promptement, au
reste, il avait été mis en pratique chez les anciens : Vide infra.
Une des deux narinés, la droite, était percée et l’on y pas-
sait un anneau (1), auquel s’attachait une cordelette simple ou
double servant à arrêter, à avertir l’animal ; un licou ser-
vait à le diriger. Une partie des bagages en armes et vivres
élait placée dans les poches de la selle, sur les flancs de la
bête; le fusil attaché à la selle du côté droit comme d’ordi-
naire; lout le harnachement était parfaitement combiné comme
équipement. Il y avait aussi des chameaux et dromadaires
non montés, chargés des bagages: tentes, entraves, outres d'eau,
munitions, vivres, tels que fèves, orge, etc.
Pour dresser le dromadaire, il suffisait d’une semaine : il fal-
lait quelquefois plus, suivant son âge; d’abord, le militaire se
faisait suivre à pied par l’animal, en faisant toutes sortes d’évo-
lutions, et sans le tenir ; ensuite , il montait le quadrupède ;
puis, il l'accoutumait à se laisser diriger avec les guides.
On sait que le chameau, chargé ou non, s’agenouille et s’ac-
croupit à certain cri des chameliers. Ce cri est analogue à ce-
lui que pousse ordinairement l'animal lui-même ; avec un autre
cri on le fait relever; nos soldats , en imitant ces cris, sont
(1) Cet usage est très-ancien, (Voy. Bochart, Hierozoïcon, t. 4, p. A7, Lipsiæ, 4798.)
45.
— 228 —
venus facilement à bout de faire accroupir leurs dromadaires ,
chose nécessaire pour les monter commodément ; Où pour en
descendre ; les étriers n’auraient pas suffi pour cela. Quelque-
fois l’animal se relève très-vite , ce qui cause une rude se-
cousse au cavalier ; mais on peut encore le dresser à se lever
plus lentement, car il est plus docile et plus intelligent qu’on
ne le pense d'ordinaire ; c’est faute de patience qu’on a cru
trouver de l’obstination et même de la férocité dans l'animal ;
il ne demande, pour obéir, que de bons traitements et des
soins de la part de celui qui le dresse. | |
C’est en revenant de son voyage à Suez , ainsi que je l'ai
dit, que le général en chef entretint Berthier, pour la première
fois, de l'avantage qu'il y aurait d'employer les dromadaires
pour l'usage à la guerre; non pas seulement pour la correspon-
dance ou pour le transport des fardeaux (depuis longtemps on
les appliquait à ces deux usages), mais pour transporter à une
grande distance des hommes armés, pour mener rapidement
de l'infanterie jusqu’au cœur du désert. Les objections ne man-
quèrent pas; mais le général Bonaparte tint. bon; il alla plus
loin et dit qu’il voulait créer un corps régulier, former un vrai
régiment, organisé seulement d’une manière spéciale pour ce
nouveau service. « Vous choisirez, dit-il à son chef d’état-
« major, des hommes d'élite dans l’infanterie, non dans la ca-
« valerie, qu’il ne faut pas affaiblir ; on prendra les hommes les
« plus résolus et les plus intelligents ; il y aura deux esca-
« drons, de quatre compagnies chaque, etc. (1). » L’empres-
(1) Voy. plus loin Parrêté. « Le général en chef a ordonné la formation d’un régiment
d'hommes montés sur des dromadaires. Cet animal est très-leste à la course... il sup-
porte facilement la fatigue, Ja faim et la soif, de sorte qu'il est très-propre à faire les
marches dans le désert, et la troupe qui vient d’être organisée est le vrai moyen qu’il
fallait employer pour contenir les Arabes. 11 y a eu parmi les militaires un grand em-
pressement à entrer dans ce corps. » (Courrier de l'Égypte, ne 27; 9 pluviôse an wi
(40 fév..1799.) Fi F
Je ferai ici une courte mention d'une autre application (faite par Larrey) du chameau
aux besoins de la guerre, Il s’agit des ambulances légères qu'il créa pendant lexpé-
— 929 —
sement fut grand de la part des fantassins, mais on réjeta plus
de la moitié de ceux qui se présentèrent, afin de n'avoir que les
meilleurs soldats (1). Le chef de brigade Cavalier, une fois mis
à la tête du corps et chargé de l'organisation, vint à bout de dis-
ciplinér ces hommes parfaitement, quoique la plupart fussent des
hommes assez turbulents. C’est bien postérieurement à cette épo-
que, ainsi qu'on l’a vu, que l’adjudant général Boyer, à la tête
d’un certain nombre d'hommes montés sur des chameaux, se mit
à la poursuite de Mourad ét réussit à le rejoindre. Ces hommes
ne faisaient pas partie du régiment des dromadaires ; ainsi s’ex-
pliquent, et la contradiction qui existe entre les divers rap-
ports, et l’opinion de ceux qui ont dit que ce corps avait été com-
mandé par Boyer.
À peine créé, le régiment rendit immédiatement de grands
services. Les tribus hostiles, et c’était le grand nombre, gê-
naient la marche de nos petits détachements, enlevaient les
convois , pillaient les récoltes, infestaient la campagne, puis
emportaient au loin dans le désert leur butin, et quelquefois des
prisonniers auxquels ils faisaient un mauvais parti. Mais les
chevaux les plus légers sont atteints à la longue par l’héguin,
qui, lancé au grand trot, suit presque le cheval au galop et
finit par le Joindre.
Quand un détachement de ce corps était attaqué par des forces
dition de Syrie. Deux paniers étaient attachés aux flancs d’un chameau ; chacun portaitun
malade ou un blessé , mollement couché sur des matelas. IL y avait par division 24 cha-
meaux pareils, en outre de ceux qui portaient les équipages. Les chirurgiens étaient
“également montés sur des dromadaires. Les ambulances étaient assujetlies à un règle-
ment, et les fonctions de tous bien déterminées. (Descript. de l'Égypte, in-8°, t.13,
p. 204; Et. Mod., Arts et Métiers, pl. xxx.)
(4) Je tiens ce fait du colonel Pretot, qui a servi lui-même dans le corps des droma-
daires. Il ajoute que, du cominencement à la fin, plus de 4,500 hommes ont fait partie
du régiment. Il dit encore que plusieurs militaires ne pouvaient supporter la fatigue de
ce service, à cause du mouvement saccadé imprimé par l’animal, ce qui causait à plu-
sieurs le crachement de sang; c’est pourquoi il fallait souvent les remplacer par des
hommes plus robustes,
: "500
supérieures, il se mettait en défense de la manière suivante :
chaque soldat faisait agenouiller son dromadaire, en descendait
et se retranchait par derrière ; ainsi protégé, il faisait usage de
ses armes. Dans d’autres eirconstances, l’escadron, la compagnie
ou le détachement se rangeait en bataille, manœuvrait avec
précision selon des règles particulières, différentes des manœu-
vres et des exercices de la cavalerie. Une fois la tribu hostile
atteinte par les dromadaires, on faisait descendre les soldats ;
ils se formaient en bataillon et les Arabes étaient facilement
soumis. Ce corps, tout composé de fantassins, tenait à la fois de
l'infanterie et de la cavalerie ; mais il faut surtout l’envisager
comme une troupe de fantassins, ayant la faculté de se trans-
porter très-vite à sa destination.
Il est sensible que tout l'avantage qu'a eu le régiment des
dromadaires à l’armée d'Orient venait de la nature du sol qu’il
avait à parcourir ; un pays plat, un terrain sablonneux, sont en
effet des conditions de succès qu’on ne trouverait pas partout.
Ainsi, l'on a éprouvé, en Syrie, que dans les parties maréca-
geuses, et là où le terrain est détrempé par les pluies, l’animal
glissait souvent sous le poids de sa charge , et ne faisait plus
un bon service.
Par son ordre du jour du 27 vendémiaire an vur, Kléber or-
donna de compléter le régiment par des cavaliers non montés et
les plus propres à ce service. Il s’écartait ainsi un peu du prin-
cipe posé par son prédécesseur, mais il était indispensable de
remplir les vides dans un corps qui rendait de grands services.
On à beaucoup parlé du brillant uniforme rouge que portaient
les soldats-dromadaires (après l'avoir d’abord porté de couleur
grise), et même de la multiplicité de leurs costumes à plusieurs
couleurs, imaginés, disait-on, pour faire croire aux Arabes que
cette troupe était infiniment plus nombreuse; ce bruit, qui à
couru, ainsi que plusieurs autres semblables, était dépourvu de
|
.
|
— 0 —
fondement : l'uniforme de hussards qu'ils portaient (ou analo-
gue du moins) a pu seul donner naissance à cette supposition.
I est vrai que ce corps privilégié, qui a eu souvent l'occasion
de faire de riches captures, excilait l'envie d’une partie de
l'armée ; mais il a dignement répondu aux bruits divers répan-
dus sur son compte en faisant don, aux aveugles de l’armée,
des sommes provenant des prises qu'il avait faites sur les
Bédouins (1).
Leur selle était recouverte d’une grande chabraque; la
coiffure était une sorte de schako large et élevé: ils portaient
une courbaque à la main pour presser l’animal, et avaient au-
tour des reins une forte ceinture (2).
Au total, cette nouvelle troupe avait un aspect imposant et
produisait un grand effet, dont dépose le major anglais Wilson
lui-même dans sa relation , quand il dit que ces hommes,
arrivés dans le camp anglais, excitèrent la surprise et l’admira-
tion générales. On les voyait figurer avec avantage dans nos
cérémonies militaires. Ils défilaient dans les revues.et les pa-
rades, aussi bien alignés que la cavalerie, ce qui prouve assez,
par parenthèse, la docilité du dromadaire.
Le régiment de dromadaires a fait des excursionsdignes d’être
citées, c'est la meilleure preuve des services que peut rendre
un pareil corps dans des circonstances semblables. En huit
jours , un détachement du corps est allé du Caire à El-Arich,
d’El-Arich à Suez, de Suez au Caire, du Caire à Peluse, et enfin
(4)Je citerai ici : 4° une lettre du chef de brigade Cavalier du 8 ventôse au général en
chef (ordre du jour du 9 ventôse), annonçant que le régiment faisait don aux invalides
de l’armée du produit de la dernière caravane qu'il avait prise, et qui était chargée de
grains destinés à l'ennemi ; 2° l’ordre du jour du 5 floréal an 1x (25 avril 4804), par le-
quel-le général en chef distribua mille piastres fortes données par le régiment des dro-
madairesaux sous-officiers et soldats de la brigade des invalides aveugles. (Courrier de
l'Égypte, n° M3.) Les invalides sortis du régiment ont {toujours eu part à la distribu-
tion des prises.
(2 Voyez la figure représentant ces militaires dans la Relation militaire et scien-
tifique de l'expédition d'Égypte, dernière planche. :
— 932 —
est revenu de Peluse au Caire : je tiens ce fait de M. le colonel
Prétot. Habituellement ils faisaient trente lieues tout d’une
traite. Cette rapidité d’évolutions les faisait craindre extrême-
ment des tribus ennemies ; ils étaient en quelque sorte la déso-
lation des Arabes; un petit nombre de ces militaires procu-
raient des résultats qui auraient exigé plusieurs bataillons d’in-
fanterie. M. le colonel Prétot m’a raconté qu’une fois une dizaine
au plus de ces soldats furent envoyés au camp des Billis, tribu.
des déserts de l’Est, qui comptait huit mille cavaliers ; par une:
visite en forme, faite sans obstacle, ils s’assurèrent qu’on ne
transportait pas des denrées prohibées , des marchandises de
contrebande; tous les sacs furent ouverts, et personne ne
bougea.
Les ris don dune ont fait la campagne de Syrie, au
moins la moitié du corps (1); le général Bonaparte en avait
plusieurs dans son escorte. Le général lui-même se servait assez
souvent de cette monture quand il voyageait dans le désert (2);
il en avait reconnu l’avantage pour son propre compte, et1l
avait même constaté qu'on peut en faire usage pour l'artillerie,
c’est-à-dire, atteler l’animal au canon. Conté avait eu l’idée de
faire passer ainsi l’artillerie entière en Syrie par le désert, au
lieu de l’envoyer par mer (3).
Le régiment a donné dans la bataille du 50 ventôse devant
Alexandrie ; chargé de faire, pendant la nuit, une fausse atta-
que le long du lac Madiéh, il déboucha sur la digue et fit met-
tre pied à terre à ses cent hommes, attaqua la redoute qui cou-
(4) Les guides et les dromadaires, ensemble, y étaient au nombre de 488.
(2) Pendant le séjour du général en chef à Caliéh, le 47 et le 48 prairial an, vu, il
visita à dos de dromadaire la partie orientale du lac Menzaléh , en compagnie des géné
raux Menou, Berthier, Andréossy, Letureq, montés comme jui, (Courrier de l'Égypte,
n° 34.)
(3) Les roues des pièces auraient eu des jantes et des bandes très-larges pour s ’enfon-
cer moins dans le sable. (Voyez la Biographie de Conté, 2 édition, in-12; page 50:)
Qui peut dire les suites qu’aurait eues la prise de Saint-Jean-d’Acre, si l'artillerie. n’a-
vait pas été enlevée par la flotte anglaise ?
— 933 —
vrait l'aile gauche des Anglais, y pénétra sans tirer un coup de
fusil, par l’embrasure des canons, s’en empara ainsi que de
l'artillerie, malgré le feu des barques canonnières du lac qui
le prenaient en flanc, et il détruisit ou fit prisonnier tout un régi-
ment qui défendait la redoute : action d’éclat qui fitle plus grand
honneur au régiment des dromadaires et surtout à son chef.
Pendant toute l'expédition, le corps a été éminemment utile
à l’armée. Il assurait les communications, portait les dépèches
avec rapidité, allait à la découverte, empêchait les incursions
des tribus hostiles.
Ici se place naturellement le récit d’une aventure qui fait
honneur au colonel Cavalier: c’est l'une des deux occasions où
j'ai dit que j'avais été. en rapport avec lui ; je raconterai le fait
comme un exemple de plus des services qu’a rendus le corps
des dromadaires. Peu après la funeste bataille du 30 ventôse,
quarante membres de la commission des sciences furent autori-
sés à se rendre du Caire à Alexandrie, par le général Belliard qui
commandait en chef dans la première de ces villes ; un grand
nombre d'individus dont beaucoup de malades , et plusieurs
même attaqués de la peste, se joignirent à eux; le tout, com-
posait un convoi de cent vingt barques. On naviguait par un
affreux temps de khamsyn.-Les membres de la commission, qui
se trouvaient à bord, arrivèrent sur les quatre heures à Rah-
manyéh ; c'était le 21 germinal ; là, on sut qu’une partie de
l'armée anglo-turque était déjà arrivée à Berembal, au nombre
de quatre mille hommes. Le commandant de la place, homme
brutal autant qu’ignorant, déclara tout haut qu’il s’opposait au
départ des membres de la commission des sciences pour
Alexandrie, qu'il les renverrait au Caire , pieds et poings
liés, plutôt que de les laisser aller à Alexandrie, accom-
pagnant ces menaces de force injures et mauvais traite-
ments; le tout sous prétexte que ces quarante nouvelles
bouches allaient affamer la place d'Alexandrie. Le secrétaire
— 9234 —
perpétuel de l’Institut, Fourier, fut reçu indignement par cet
officier, dont les grossières paroles furent le signal d’une sorte
de révolte parmi ses soldats ; plusieurs d’entre eux, excités par
son langage, méditant le pillage et la spoliation, se crurent auto-
risés à ouvrir les caisses qu’on venait de débarquer sur la rive; la
nuit venue, ils en enfoncèrent plusieurs, et, n’y trouvant que des
objets d'histoire naturelle, apparemment pour eux sans valeur,
tels que des minéraux et des fossiles, les jetèrent par la place,
en poussant mille cris confus. Ainsi ces malheureux allaient dé-
truire à.plaisir des collections qui avaient coûté aux natura-
Histes, aux ingénieurs, aux artistes, tant de fatigues, et ils fai-
saient voler dans la campagne de précieux échantillons, pour
se venger des savants , auteurs, disaient-ils, de toutes leurs
misères : un pareil scandale ne s'était jamais vu pendant tout le
cours de l'expédition.
Par fortune, le colonel Cavalier venait d'arriver d'Alexandrie
à Rahmanyéh, se rendant au Caire avec son corps. Quand il
sut ce qui se passait, il en fut étonné, indigné même, d’autant
plus qu'ilavait plusieurs fois fait servir ses dromadaires à 'es-
corter les membres de la commission des sciences, à protéger
leurs travaux. J'avais moi-même eu recours au colonel Cava-
lier pendant mes opérations dans l’Heptanomide, attendu qu'il
mesfallait pénétrer dans le désert, en présence de tribus plus ou
moins hostiles ou amies. (Voir mes Observations sur les Arabes
de l'Egypte moyenne, description de l'Egypte.) Le colonel nous
dit alors : « Eh bien! puisque le commandant du fort refuse de
« vous faire escorter jusqu'à Alexandrie , moi , je m'en
« charge, et je réponds de tout. Je vous accompagnerai moi-
« même avec une escorte suffisante; le reste de ma troupe ira
« au Caire et je la rejoindrai à temps. » Dans la nuit, le dés-
ordre ayant cessé, on fit tous les préparatifs ; avant le jour, la
caravane était rassemblée devant le fort, et formée d’une mul-
ütude de personnes qui s'étaient jointes à la commission. On se
mt x«
ex
be ss tr
— 995 —
mit en marche, avec trois cents chameaux chargés , précédé
par une partie du régiment des dromadaires et suivi par une
autre. On traversa péniblement des terrains inondés par suite
de la coupure faite par les Anglais : on marchait au fond du lac
Maréotis, lac encore à sec peu de jours auparavant, actuellement
détrempé de manière à rendre le sol horriblement glissant, et la
marche excessivement difficile pour les chameaux, non moins
que pour les piétons. Les soldats et les officiers du régiment,
pendant cette marche qui dura trois jours et deux nuits cruelles,
s'empressèrent de venir au secours des plus malades. Ÿ/
C’est ainsi que le colonel Cavalier, par sa généreuse démar-
che, contribua à sauver les collections de tout genre, formées,
à travers mille périls, par la commission des sciences d'Egypte,
qui lui en a témoigné plus d’une fois sa reconnaissance ; au-
jourd'hui qu'il n’est plus, il est juste de payer encore une fois
ce tribut à sa mémoire. M
Le général Menou, approuvant la conduite du commandant
de Rahmanyéh, voulut d’abord nous faire repartir sur-le-champ
pour le Caire, puis, se ravisant , il nous défendit seulement
d'entrer en ville et ordonna de nous mettre en quarantaine.
Le nombre de quatre cents hommes environ pour leffectif du
régiment, et non pas, comme on l’a dit, de sept cents et de huit
cents à la fois, est confirmé par le détail des individus de ce corps
gui ont été recensés lors de l'évacuation de l'Egypte. Dans la ca-
pitulation du Caire, on voit figurer 177 hommes du régiment
des dromadaires ; 85 hommes se trouvaient dans le déta-
chement du colonel Cavalier, qui capitula devant Al-Cam ;
enfin, lors de la capitulation d'Alexandrie, on compta 278
hommes du corps des dromadaires , des Syriens et des gui-
des (1); en admettant, pour les premiers, la moitié de ce
(1) History of the british expedition to Egypt, by R. Th. Wilson, Appendix,
p.310,
= 936 —
dernier nombre, on n’a que 401 hommes en tout; L'An=
nuaire du Kaire pour l’an var (4800), qui place ce régiment à
la suite de la cavalerie, fait seulement mention d’un chef de bri-
gade et de deux chefs d’escadron. L'arrêté de création du 20
nivôse an vi supposait 495 hommes ; maïs je doute que le
corps ait jamais compté ce nombre au complet. Les archives
militaires contiennent un registre matricule de 589 hommes,
non compris ceux qui étaient officiers à la formation du régi-
ment : ce registre a servi pour leur incorporation dans la gen-
darmerie nationale, ordonné par l’arrêté du 18 fructidor an 1x.
Au retour en France, l'effectif présentait 540 hommes dont 25
officiers, et, d’après un autre état, 320 hommes dont 2% offi-
ciers, répartis en trois escadrons de 2 compagnies chacun.
Les registres et la correspondance font aussi mention d’un
certain nombre de canonniers.
= Les inspecteurs généraux qui ont été chargés de l'inspection
du corps à son arrivée s’accordent à faire l'éloge des qualités
militaires des hommes de ce régiment, et les qualifient d’hom-
mes d'élite.
Le ministre de la guerre Berthier reçut l’ordre du Premier
Consul d'accéder à leurs demandes ; la correspondance n’offre
aucune trace de l'impression qu'aurait pu produire la capitu-
lation d’Al-Cam. Par arrêté des Consuls du 18 fructidor an 1x,
ils ont été incorporés dans plusieurs légions de la gendarmerie,
à l’exception des Maltais et des Italiens qui ont été licenciés.
EMPLOI DES CHAMEAUX A LA GUERRE CHEZ LES ANCIENS.
J'ignore si, lors de la création du régiment de dromadaires,
le général Bonaparte se souvint des essais faits chez les'an-
|
— 231 —
ciens , où bien, ce qui est plus probable, si ce fut une inspira-
tion spontanée. Quoi qu'il en soit, il ne sera pas déplacé de
dire un mot de ce sujet, en citant les passages que l'antiquité
nous à transmis (1). Un des plus directs et en même temps
celui qui a le plus d'autorité, c'est celui d’'Hérodote, qui se
rapporte à la bataille devant Sardes gagnée par l’armée des
Perses contre celle des Lydiens. « Cyrus, dit le père de l’his-
toire, craignant la cavalerie des Lydiens , rassembla tous les
chameaux de son armée, et, en place de leur charge, il y fit
monter des soldats en quise de cavaliers, vêtus et équipés comme
tels ; il les plaça en tête,.en face de la cavalerie de Crésus , et
sa cavalerie proprement dite en arrière. Il en usait ainsi parce
que le cheval craint le chameau, à ce point qu'il ne peut l’en-
visager m1 en sentir l'odeur. Aussi, dès que l’action fut enga-
gée, et que les chevaux des Lydiens eurent vu et senti les
chameaux, ils tournèrent bride, et l’armée de Crésus prit la
fuite (L. 1, 80). » Hérodote, dans un autre passage, répète que
les chevaux ne supportent point les chameaux (L. vir, 87).
C'est aussi ce que dit Pline des chameaux : Odium adversus
equos gerunt naturale (L. vx, c. 18) (2); mais , en outre, il
nous apprend qu'en Orient on s’en sert à la guerre, et qu’on
les monte comme des chevaux. Camelos inter jumenta pascit
e
Oriens, quorum duo genera, bactriani et arabici.…. Omnes autem
(4) Je n’abstiens de citer tous ceux qui ne parlent que de la vélocité bien connue de
l'animal et qui ne traitent point de son usage à la guerre, Par une raison analogue, je
ne citerai pas les médailles romaines , où le chameau est représenté , et qui ont été
frappées à la suite de la conquête de l'Arabie : ARABIÆ ACQUISITÆ, ARABIA AUGUST!
PROVINCIA, elc. : le chameau n’y est pas figuré comme animal de guerre, (Voy. Span-
heim, De præstantia et usu numismatum antiquorum, tom. 4°", p. 484, dissertat. [V,
Londin., 1706.) Ilen est de même des chameaux qui étaient employés dans les courses,
dans les jeux du cirque, de ceux qu’on entretenait aux frais du trésor, des quadriges
de chameaux, etc. (Voir à ce sujet Suétone, Procope, Lampride et autres.)
(2) Sonnini relève Pline à cette occasion ; il n’admet pas que le chameau ne peut
souffrir le cheval. En effet, j'ai yu cent fois ces deux espèces d'animaux paître en-
“semble. Cependant trois passages de Xénophon (Cyrop., L VI, e, 2, et 1. VII, c. 4)
ajoutent dé l'autorité à l'opinion de Pline : ils seront cités plus loin,
'ONR
jumentorum in üs terris dorso funguntur, atque etiam equitan
tur in præliis.… odium adversus equos gerunt naturale.… Cas-
trandr genus etiam fœminas quæ bello præparantur inventum est :
fortiores ita frunt coitu negato.
« L'Orient nourrit, entre autres animaux domestiques , des
chameaux de deux espèces, ceux de la Bactriane et ceux de
l'Arabie. Tout le monde en use comme de chevaux, et, dans les
combats, on en forme une cavalerie... On a imaginé de châtrer
les femelles qui sont destinées pour la querre, afin de les ren-
dre plus robustes. »
Tite-Live n’est pas mois positif, lorsqu'il raconte la bataille
livrée par Lucius-Cornelius Scipion au roi Antiochus : l’armée
royale , outre ses chevaux et ses éléphants, avait des chameaux
de guerre, des dromadaires montés par des archers arabes, por-
tant des épées longues de quatre coudées, afin que , placés à
une si grande hauteur, ils pussent atteindre l’ennemi.
« Ante hunc equitatum falcatæ quadrigæ et cameli quos appel-
lant dromadas: his insidebant Arabes sagittarii, gladios haben-
tes tenues, longos quaterna cubita, ut ex tantà altitudine con-
tingere hostem possent (L. XXXVIL, ec. 40). »
On peut remarquer ici qu'Antiochus plaça ces hommes en
tête de son armée comme avait fait Cyrus, mais que l'issue
fut différente. Voici comment s'explique Hygin sur l'emploi
des chameaux dans l’armée romaine : Camelis cum suis epibats
singulhs, pedes quinque adsignabimus : tendere debebunt, si in
hostem exiturierunt, in prœtentura juxta classicos: si ad prædam
portandam præsto erunt, secundum quæstorium tendere debe-
bunt. (Hygin. Gromatic. De Castrametatione, p. 10, Amstelod,
1660, curante R. N. S.) Le mot d’epibates s’entend ici de ceux
qui montent les chameaux : voilà bien lusage des chameaux à
la guerre. Le passage de Tacite (Annal. XV) ne laisse pas plus de
doute : Comitabantur exercitum præter alia assueta bello magna
r— 939 —
vis camelorum onusta frumento, ut Simul hostem famemqué
depellerent.
Diodore parle aussi de l’emploi des chameaux à la guerre,
et de plus il distingue les chameaux destinés à la course par le
nom de dromadaires. « On y trouve encore (en Arabie), dit-il,
des races nombreuses et distinguées de chameaux... les uns,
soit par le lait qu’ils donnent, soit par leur chair bonne à man-
ser, pourvoient abondamment à la nourriture des habitants,
les autres, que l’on exerce à recevoir sur le dos des fardeaux
considérables , portant de cette manière jusqu’à dix médimnes
dé blé (4 à 5 hectolitres), avec cinq hommes placés sur un bât.
Il en est aussi qui, ayant les jambes fines et le corps grêle,
sont plus propres à la course... Enfin ces animaux servent
même à la guerre. Es sont alors ordinairement montés par deux
‘archers qui se placent dos à dos, et dont l’un combat de face,
tandis que l’autre, en cas de retraite, écarte l'ennemi qui est
à leur poursuite (Diodore, L. IE, c. 54, traduction de Miot).
Le même auteur parle encore des chameaux dans le livre rt,
soit pour citer seulement les chameaux sauvages (c. 45), soit
pour vanter leur utilité. « Les Arabes Dèbes.. élèvent de nom-
breux troupeaux de chameaux, et tirent de cet animal tout
ce qui peut être utile aux besoins de la vie. Fls s’en servent à
la querre pour combattre leurs ennemis, transportent sur son
dos les plus lourdes charges... Montés sur les chameaux droma-
“aires, ils parcourent rapidement toute lacontrée (L. u1,c. 45). »
Enfin, au livre xx, ec. 37, Diodore revient sur les chameaux
dromadaiïres employés aux courses rapides. « Cette espèce de
monture peut parcourir de suite, à très-peu de chose près,
iille cing cents stades (plus de 60 lieues). »
Xénophon nous apprend (Cyrop. L. vr, e. 2) que Cyrus, sur
le point de combattre l’armée de Crésus, avait chosi des ar-
chers dans ses troupes et les avait fait monter à chameau, deux
— 2h40 —
par deux, sur chaque animal. « Les chevaux, dit-il, ne peuvent «
pas soutenir la vue d’un chameau; » et, L. vir, €. 4, racontant la
bataille livrée aux Lydiens, l'historien explique la déroute
de ceux-ci de la manière suivante. : « On attaqua l’aile gauche
de l'ennemi, les chameaux en avant, comme l’avait ordonné
Cyrus. La cavalerie, tenue en arrière à une grande distance,
ne pouvait les apercevoir, tandis que les chevaux de l'ennemi,
tout effrayés à leur aspect, prenaient la fuite, ou se cabraïent,
ou se ruaient l’un sur l’autre. » Puis, Xénophon ajoute une cir-
constance assez digne de remarque : c’est que les archers de
Cyrus, tout en portant ainsi la terreur dans la cavalerie de l’en-
nemi, ne tuèrent pourtant aucun des cavaliers , ni ceux-ci
aucun des archers, par la raison qu’ils ne s’approchaient pas
assez les uns des autres. Le judicieux auteur termine par une
“réflexion qui nemérite pas moins d’être remarquée : « cet emploi
des chameaux, dit-il, a paru avantageux ; mais personne, par-
mi les braves, ne veut se servir des chameaux pour les monter,
ni pour combattre... » (Cyrop., I. vu, ec. 1, ad finem).
Deux passages de la Bible, l’un de Jérémie, l’autre d’Isaïe,
font mention du chameau comme bête de somme et comme
animal de course, mais non comme animal de guerre... Dans
le premier, le prophète, apostrophant la cité infidèle, la com-
pare à une femelle de dromadaire : « Sache ce que tu as fait,
dromadaire légère , courant ça et là (Jérémie, c. 11, v. 23). »
Les commentateurs font remarquer à cette occasion que la fe-
melle a une course encore plus rapide que le mâle; c’est en effet
ce que nos soldats ont observé en Egypte. Dans le second pas-
sage, Isaïe dit : « Les dromadaires de Midiane et d’Epha vien-
nent tous de Scheba (Saba) ; ils portent de l’or et de l’encens.…»
(Isaïe , c. 1x, v. 6.) Je ne cite pas le savant commentaire de
Bochart (Haierozoic., t. 1°, p. 17), parce qu'il ne dit presque
rien de l’usage des dromadaires à la guerre.
14
C$
L
— 241 —
On voit les chameaux mentionnés une seule fois dans les
Commentaires de César; c’est à l’occasion de la capture des
chameaux du roi Juba (Hirtius, De bello Afric., Lxvun). Mais
faut-il en conclure que ces chameaux servaient à la guerre?
Je ne dois pas négliger deux passages d’'Hérodien: au li-
vre xiv de son histoire, il raconte que Macrin avait devant lui
l’armée d’Artaban, roi des Perses, composée d’une immense
cavalerie, d’une multitude d’archers, et en outre de soldats ca-
taphracti (1) montés sur des chameaux, tous combattant avec
de très-longues lances. (Herod. historiar..…., Lipsiæ 1805, &. 1v,
p. 81.) Puis l'historien raconte la bataille livrée aux barbares.
Les soldats montés à chameau combattirent et se conduisirent
absolument comme les cavaliers. Les barbares, dit-il, lorsqu'ils
sont montés sur leurs chevaux ou sur leurs chameaux, se bat-
tent avec intrépidité ; mais, une fois démontés, ils n’osent plus
combattre, et, S'il faut poursuivre l'ennemi, ils en sont empé-
chés par leurs habits.
Deux passages de l’ Histoire de la querre des Vandales, par
Procope, sont encore à citer par extrait. L'auteur raconte que,
dans une bataille entre les Romains et les Maures, la cavalerie
romaine, effrayée par les chameaux de l’armée ennemie, fut
repoussée. Des fantassins maures, armés de javelots et d'épées,
combattaient retranchés entre les jambes des chameaux. »
(L. 1, c. 8, et L. n1, c. x1, De bello Vandal.)(2). C'est ainsi qu’en
usaient nos soldats du régiment des dromadaires d'Égypte,
comme nous l’avons dit plus haut.
Il me reste à citer la Notice de l’Empire; les cavaliers dro-
madaires y figurent plusieurs fois : « Ala tertia dromedario-
rum, Maximianopoli; ala secunda Herculis dromedariorum,
(1) Ge nom se donnait à des cavaliers armés de toutes pièces.
(2) Voy. aussi Recherches sur la régence d'Alger, par une commission de l'Aca-
démie des inseriptions et belles-lettres, rapporteur M. Dureau de la Malle.
46
zx ie
Psinaula ; ala prima Valeria dromedariorum , Prectéos. Ainsi
voilà trois escadrons de dromadaires postés dans l'Egypte seule.
On voyait aussi en Palestine un détachement de ces troupes :
Ala Antana dromedariorum, Admathæ (1),
Tous ces passages mettent hors de doute l’usagé des dro-
pi
madaires à la guerre du temps de l'antiquité. Ce ne fut donc pas
absolument une innovation que la création d’un régiment pa-
reil au temps de l’expédition française d'Orient. Cela étant,
on à lieu de s'étonner qu'après de pareils exemples, surtout
après l’expérience faite en Egypte, après les résultats obtenus,
on ait hésité à organiser, en Algérie, un corps semblable; non
pas qu’on puisse le faire servir dans toutes les parties du terri-
toire indistinctement; mais combien il est de localités où il
rendrait d’éminents services ! On connaît d’ailleurs l'essai qu'a
tenté avec succès le général Marey-Monge dans l’expédition
d'El-Aghouat, ei je ne puis que renvoyer à sa relation : c'en
devait être assez d’une tentative aussi heureuse pour décider
la question administrative.
AU QUARTIER GÉNÉRAL DU CAIRE, LE 20 NIVOSE, AN 7 DE LA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Ordre du jour du 20 mivôse an 7.
BONAPARTE, GÉNÉRAL EN CHEF, ordonne :
ARTICLE PREMIER.
Il sera créé un régiment de dromadaires, qui sera composé
de deux escadrons ; chaque escadron, de quatre compagnies:
(4) Nofitia dignitatum utriusque imperit, Venetiis 4602, p. 90, 9.
[}
Ko 2
"2 à
— 2943 —
chaque compagnie, d’un capitaine, d’un lieutenant, d’un ma-
réchal des logis chef, de deux maréchaux des logis, d’un bri-
gadier-fourrier, de quaire brigadiers, d’un trompette et de cin-
quante dromadaires.
Arr. 2.
Chaque escadron sera commandé par un chef d’escadron ; le
régiment par un chef de brigade, un adjudant-major, un
quartier-maitre, et des chefs d'ouvriers nécessaires.
ART. 8.
Les hommes seront montés sur un dromadaire , armés de
fusil, baïonnette, giberne, comme l'infanterie, et d’une très-
longue lance. Ils seront habillés de gris, avec un turban etun
manteau arabe, conformément au modèle qui sera fait.
ART. 4.
L'ordonnateur en chef, les chefs de brigade Bessières , De-
trée, Duvivier, se concerteront pour faire confectionner un mo-
dèle d’harnachement et d’habillement complet, qui sera remis
à l'état-major général, le 25 nivôse au plus tard.
Signé : BONAPARTE.
Par arrêté du 28 nivôse, le chef de brigade Cavalier, de la
12° demi-brigade légère, est nommé commandant du 1* es-
cadron du régiment des dromadaires. L'arrêté de nomination
est ainsi conçu : « Le général en chef, connaissant la bravoure,
la capacité et l’activité du chef de brigade Cavalier, ordonne
qu'il prendra le commandement du 1° escadron du régiment
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TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
PREMIER RAPPORT.
RAPPORT A M. LE MARÉCHAL BUGEAUD, GOUVERNEUR] GÉNÉRAL DB L'ALGÉRIE (4). À
Du dromadaire. — Division de ce rapport (2).
RER Er. tre HISTOIRE NATURELLE, ma ereniaremrerceonéné ares de
Obseryation première (3). — Physiologie en général (4). — Chargement
_ du dromadaire (5). — Age (6). — Rut (7). — Castration (8). —
Chair (9). — Pays qui leur est propre (40), — Callosités (44). —
Poil (12). — Fiente (43). — Bosse (44). — Sobriété (15). — Réser-
voir d’eau (16). — Motifs de la préférence donnée au dromadaire
sur le mulet (17). — Manière de le conduire (18). — Vitesse (19).
— Hygiène et maladies (20). — Allure du dromadaire (M).
TITRE Il. — PARTIE MILITAIRE. — CHAPITRE Îer. — Des convois militaires. . A6
Peut-on tirer une utilité de l'emploi du dromadaire, et quelle est
cette utilité ? (22). — L'Algérie ne peut suflire à la fourniture des
mulets de l’armée (23). — Les Turcs se servaient de dromadaires
(24). — Dépense du corps des équipages militaires en Algérie (25).
— Le ministre a plusieurs fois recommandé d’expérimenter ce moÂue
de convoi (26).— Des expériences ont été faites sur tous les points de
l'Algérie (27). — Opinions favorables à la mesure (28). — Opinions
défavorables (29). — Discussion des opinions défavorables (30). —
Les expériences n’ont pas été faites avec la ferme volonté de réussir
(31). — Moyens employés sous M. le général Marey-Monge (32) —
Le dromadaire peut servir dans un pays de montagnes (33). — I]
n'est pas peureux (34). — La comparaison entre le mulet et le dro-
madaire est loin d’être à l’avantage du mulet (35). — Il vaut mieux
acheter le dromadaire que le louer (36). — Le dromadaire n’est pas
un embarras dans les circonstances de guerre critiques (37). — Le
dromadaire fortet robuste ne retarde pas la marche des colonnes (38).
— Les habitants des plaines conservent le dromadaire pendant l'hi-
ver (39). — La mortalité du dromadaire employé actuellement ne
prouverait rien (40). — Le temps du rut n’est pas une difficulté (44).
— L'animal ne donne pas le mal de mer (42), — Poids porté par le
dromadaire (43).— Le dromadaire ne peut marcher par le temps de
pluie et ne peut suivre les colonnes (44). — Proposition de suppri-
mer les transports auxiliaires et de créer un bataillon avec 4,000 dro-
— 946 — |
Pages.
_“madaires (45). — Dépense occasionnée par 4,000 ‘dromadaires an- |
nuellement (46). — Résultat à obtenir par cette organisation (47).
— Economie de 4 million au moins dans la province d’Alger sur
l'exercice 4844 (48). — Transport de 64,000 quintaux (49). — Le
dromadaire peut faire, pour l'administration militaire, diminuer le
nombre des mulets en Algérie (50). — Économie produite par 4,000
dromadaires remplaçant 4,200 mulets ou chevaux de bât dans la pro-
vince d'Alger (51). — Coût de 4,000 dromadaires par an pour rem-
placer 4,200 mulets (52). — Coût de 1,200 mulets (53). — Économie
possible sur le chapitre du budget des transports en Algérie pour
la seule province d’Alger (54). — Conclusion (53).
CHAPITRE ÎE. — Du transport de Pinfanteries . . : . . . . 1, . 38
Le dromadaire peut-il être utilisé pour le transport de l'infanterie (56) ?
— Régiment de dromadaires d'Égypte (57). — Emploi des droma=
daires par les Tures (58). — Emploi des dromadairés par Abd-
el-Kader (59). — Expédition de M. le colonel Jusuf exécutée avec
de l’infanterie montée (60). — Le mulet a fait un bon service dans
cette expédition (64). — Une expédition semblable ne peut avoir lieu
que dans des circonstances extraordinaires (62). — Proposition de
monter l’mfanterie à dromadaire (63). — Des expériences faites pour
monter le soldat d'infanterie à dromadaire, — 4° Dressage des bêtes
(64). — La patience est nécessaire (65). — Du dressage (66). —
De l’attache (67). — Dés entraves de jambes (68). — Des entraves
du genou (69). — Des étriers (170). — Fin du dressage (74). — Dé-
* route des Espagnols sur la plage de Babazoun. — Ordre du jour de
l’armée du 8 juin 4830 (72). — 4 soldat peut conduire 4 droma-—
daires (73). — Expériences faites par les hommes montés (74). —
2° Expériences sur le harnachement (75). — Du bât et de son prix
(76), — Adoption du bât arabe modifié (77).— Modifications adoptées
(78). — Avantages de ce bât (79). — Du licou (80). — Du perce-
ment des narines (34). — Doit-on monter 4 ou 2 hommes sur le
dromadaire (82)? — Poids porté par un dromadaire (83). — Con-
servera-{-on toujours les dromadaires, ou les mettra-t-on en pen-
sion (84)? — On doit conserver les dromadaires (85). — A quel
corps doit-on confier les dromadaires (86) ? — Avantage qu'offre un
régiment pour cet objet (87). — Création d’une masse de remonte
(83). — Propositions particulières pour l'armement du corps, son ar-
tillerie, etc. (89). — Marques des dromadaires du beylick (90). —
Place des dromadaires en bataille (91). — Des dromadaires haut-
le-pied (92). — A défaut d’un régiment, deux bataillons peuvent être
chargés des dromadaires (93). — Le soldat a pris goût à cette orga-
pisation (94). — Il n’y à pas lieu de proposer de projet d’organi-
sation. — Annonce d’une théorie sur le dromadaire (95). — Où
pourra=t-on placer les dromadaires (96)? — Colonnes mobiles (97).
— Du mode à employer pour confier les dromadaires au corps qui
en sera chargé (98). — Les dromadaires ne coûteront rien à l’utat
(99). — Conclusion (100).
U—
= 241 --
DEUXIÈME RAPPORT.
Avant-propos (104), . . . . . . . . . .
Division (102).
“=
PREMIERE PARTIE.
DE L'HISTOIRE NATURELLE DU DROMADAIRE,
TITRE fer, — PHystoLOGIE &T QUALITÉS DU DROMADAIRE, — CHAPITRE Îer, —
Des différentes espèces de dromadaires, , : 4 . . : 4 , , . . .
Dénominations diverses (103). — Il n’en existe qu’une seule race en AI-
gérie (404). — Du mhari (405). — Comparaison du mhari et du dro-
madaire (406). — Allure du mhari (407).— Harnachement du mhari
(408).
CHariTRE IL — De la génération du dromadaire. , ;
Époque de la génération du dromadaire (409). — ARE ph el
défavorables à la génération (440). — Ayortements (4414). — Stéri-
_lité (442). — Part (143). — Rut et suintement (114).
CHaPiTRE I, — Du caractère du dromadaire. . . . . ,
= Douceur du dromadaire (445). — Dromadaire vicieux (4 16).
CHapiTRE IV. — Du courage du dromadaire. \
Le dromadaire est courageux (447). — Du indie dans lès 0 mauvais
passages (118), — Conduite à tenir par le chamelier dans ces mauvais
passages (149). — Preuve de Pinstruction acquise par nos soldats
(420).
CuaPiTRE V. — Du travail du dromadaire, . .
Le nombre des dromadaires est chez l’Arabe le ter de sbléraison
pour les fortunes (424). — Habitude de travail du dromadaire dans
les diverses saisons(122). — Crainte des Arabes au sujet des réquis
tions faites dans toutes les saisons (123). — Règles générales à con-
sulter sur le travail par l'administration française (424). — Précau-
tions à prendre pendanf le printemps et l’élé (125). — Danger de la
marche pendant la pluie sur des terres argileuses (426). — Poids
porté (427). — Age auquel le dromadaire peut porter (4 ef
CuapitRe VE. — De l’allure du dromadaire. .
Allure générale (429). — Les dromadaires pédvèiit étre Gris en deux
élasses (130). — Allure du dromadaire en temps ordinaire (43). —
Comparaison de la vitesse du dromadaire et de celle de Pinfanterie
(432). — Allure pressée du dromadaire (433). — L’alluré du dro-
madaire ne donne ni nausées ni mal de mer (444).
CHAPITRE VIE — De la longévité du dromadare. : : . é
Age du dromadaire (435). — Il n’en existe pas de trente ans (4 36).
CHAPITRE VIII, — Des dents du dromadaire, . . à: . se
L'âge se connaît à la dent (157).
CHAPITRE IX. — Du prix du dromadaire.
Prix du dromadaire selon Pâge (438), — Différence de iris dus les
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— 248 —
trois provinces de l'Algérie (438). — Le dromadaire mâle se paié
comme la femelle (440). — Vices rédhibitoires (4 FE
CHAPITRE X. — De la viande du dromadaire. . . .
Graisse du dromadaire (442). — Préférence des Arabes au | she des dif.
férentes viandes (4 43). — De la peau du dromadaire (444),
CHaPiTRE XI. — De la castration du dromadaire. .
Du dromadaire châtré (145). — Avantage de la cc iton ({ 16).
TITRE IL. — DES MALADIES DU DROMADAIRE (447). . « . . . . . . .
Cuapitre [e'. — 1° De la piqûre de la mouche appelée debab. . . .
Des suites de la piqûre (148). — Pertés de dromadaires en à 1843 (4 19).
. Émigration des dromadaires au mois de juin (450). — Nécessité de
cette émigration (454). — Historique de l'expédition de Lagouath par
le général Marey-Monge pendant le temps du debab, (152) — Épou-
* vantable effet du debab (153). — Moyen préservatif contre le debab
(454). — Le debab s'attache à tous les animaux (455). — Effet du
debab dans une colonne.
CHAPITRE II. — 2° De la faim chez le dromadaire. . . s
C'est une maladie mortelle (457). — Appétit du EL (188). —
Son alimentation varie suivant les saisons (459). -— L'alimentation
varie surtout suivant les pays (160). — Instruction acquise par nos
soldats dans la dernière expédition (461).
Chapitre IIL — 3° De la gale chez le dromadaire . . . : à
Cas où la gale est mortelle (462). — Précaution te je de (4 63).
— Surveillance spéciale du chef de corps (464). — Cas où la friction
doit être générale (465). — Mauvaise volonté des Arabes à l’égard
de notre équipage (166). — Prix et qualité du goudron (467). —
De l’onguent sulfureux substitué au goudron pour la guérison de la
gale (468). — Précautions des Arabes contre la gale dans leurs bi-
vouacs (169).
CuariTRE IV. — Des autres maladies du dromadaire (470). .
La slemma (474). — Le magoub (472). — Le moroos (73). _ Le
metla (474).
CaapiTRE V. — Des blessures du dromadaire. !
Du feu (475).— Principaux médicaments (4 16). — De efficacité (4 77).
—— Précautions à prendre pendant l'été (178).
TITRE III. — DE L’ANATOMIE DU DROMADAIRE. M tar
Nécessité d’un travail à faire par un homme de l'art (1 19). — Compa-
raison du dromadaire avec le cheval et le bœuf (480). — Peau du
dromadaire (181). — Lèvre (482).— Larynx (183).— Cerveau (184).
— Muqueuse buccale (185). — Cou (186). — Trachée-artère (187).
— Tissu de la bosse (488). — Paroi antérieure de l’abdomen (489).
— Compartiments de l’estomac (490). — Panse ou premier esto-
. mac (491). — Deuxième estomac (192). — Troisième et quatrième
estomacs (193). — Doutes sur l'existence du cinquième estomac
(194) — Poumons du dromadaire. (495). — Côtes (496). — Reins
(197). — Cœur (198). — Foie (199). — Doutes sur l'existence de
- Ja liqueur biliaire (200).—Des parties génitales du dromadaire (204).
Callosités (202). — Semelle des pieds (203).
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Id.
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#90.
DEUXIÈME PARTIE.
DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES DE DROMADAIRES.
TITRE ler. — Du DROMADAIRE COMME MOYEN DE CONVOI. — CHAPITRE [°. —
Utilité, indispensabilité du dromadaire (204).
Rarelé du mulet (205). — Des réquisitions dans la provincé de Tittery
(206). — Le dromadaire est indispensable pour opérer dans le sud
de Tittery (207).— Doit-on organiser un équipage de dromadaires
(208). — But des expériences ordonnées (209): — Utilité des expé-
riences (210). — Première preuve de l'utilité d'un équipage (244).
— Deuxième preuve (212).
Cuapirre I. — Des objections contre l’organisation d’un équipage.
Énoncé des objections principales (213).
Cnavrrre I, — Réfutation des objections.
Ao La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des ces de
pertes dépassant celle des bénéfices (244). — 2° La mortalité ne
peut même occasionner des pertes à l'Etat (245). — 3° L’adminis-
tration a besoin de louer des dromadaires, surtout à cause de nos
relations avec l’intérieur (246). — L'entreprise directe est le mode
le plus rationnel à adopter par l'administration (217.) — 4° Le sol-
dat peut se plier au service du dromadaire (218). — Bonnes disposi-
lions des soldats chargés des expériences (219). — Cause de la non-
réussite jusqu’à ce jour (220). — L'histoire de l'expérience actuelle
rappelle le sort de toutes les innovations (224).
CHAPITRE IV, — Reprise, par ordre de M. le gouverneur général, des expé-
riences abandonnées depuis 4840.
Dispositions hostiles de l’opinion publique (22). — Une or ca lien
provisoire était nécessaire (223). — Expédition des Ouled-Nayl ou
du Djebel=Sahri avec le 4° bataillon du 33° et ses effets (224). —
Economi@Mfinale produite par les expériences (225). — Continuation
des expériences avec des hommes de bonne volonté (226). — Compo-
sition de l'équipage après quatre-vingts jours d'expédition au retour
à Médéah (227). — L'expédition de Lagouath ne paraissait pas devoir
être heureuse pour la solution de la question (228). — Pertes en dro-
madaires pendant l’expédition de Lagouath (229). — Expédition de
+ Tiaret (230). — Pertes en dromadaires pendant l’expédition de La-
gouath et celle de Tiaret (234).
CuariTRe V.— Résultat définitif des expériences. :
Les avantages d’un corps auxiliaire des nee sont M nentent
reconnus (232). — Opposition au projet d'organisation des troupes
montées (233).
CuaAPitRe VI. — Récapitulation. OPEN ER OR DR + Le |:
Progression des expériences (234 D. — Les expériences ont été faites aux
époques les plus critiques (238). à.
CHAPITRE VIL — Des difficultés qui ont élé vaincues. .… sh.
Le dromadaire était si peu connu que l'expérience seule a alt nous ré—
véler ses qualités et ses défauts (236), — Le dromadaire a été étudié
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. 409
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VOA TEL SR , MALE
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— 250 —
dans les grands convois de 4844 (237).—1] est juste de tenir compte
à l'équipage de Tittery des difficultés qu'il a su vaincre et de ses sa
crifices personnels (238). — Proposition d'organisation de chame-
liers (239).
TITRE I, — BASES DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES. — CHAPITRE Ier, — Des
observations relatives aux dromadaires (240). . . . .
Choix et prix du dromadaire (241), — Des indisponibles (242). - Des
réformés (243). — On ne doit compter, pour une organisation dé-
finitive, que sur une remonte nouvelle (244). — Perte annuelle de
bestiaux en Algérie (245), — Idées à consulter lors de l’organisation
définitive (246).
CHAPITRE IL. — Des observations relatives au harnachement. .
Du-bât(aouïa) (247).— Du bois de bât (kteb) (248). —Des coude (249).
— Des graras (besaces) (2560). — Du licou (254),
CHAPiTRE I. — De l’organisation provisoire adoptée pe M. le général Ma-
rey-Monge. . . .
Simplicité de te MANTEAU (259). Spin en se Dites (253).
— Emploi d’un bataillon entier (254).— Marche des soldats et des
dromadaires en Sr ni 1 en résultent (255).
CuaPiTRE IV. — Conclusion. ù
L’équipage est prêt à Ce les épéieites (256). — Prübabilité de
l’organisation de trois compagnies de chameliers (257).
TROISIÈME PARTIE.
DE L'ORGANISATION DES CORPS IMONTÉS A DROMADAIRES,
CHAPITRE er. — Des expériences au sujet des corps montés (258). ‘
Expérience du mois de mars 1844 (259). — Abandon des expériences
(260). — Le soldat parvenu à bien se servir du dromadaire comme
moyen de convoi saura s’en servir habilement pour monture (261).—
Comparaison entre le cheval et le dromadaire considéfés comme mon-
tures (262).
CuaritTREe fl. — Du dromadaire comme animal de guerre (263). :
Expériences à ce sujet (264). — Utilité du dromadaire chez les Arabes
pour éviter nos razzias (265).—Qualités du dromadaire comme animal
de guerre (266).—Le cheval et le dromadaire sont utiles chacun dans
la contrée qui lui est propre (267). - *.
CHAPITRE II. — Utilité des corps à dromadaire. . . i 4e OUR,
Dépendance du Tell envers le désert et vice versd (268). — On ne peut
posséder le Tell qu’en occupant le désert (269). — Pour occuper le
désert, il faut des corps montés à dromadaires (270). — Utilité des
corps montés à dromadaires : A° Pour posséder le Tell (271).— 2e
Utilité pour monopoliser le commerce de l'intérieur de l'Afrique (272).
— Roule commerciale d’Alger à Timboktou (273).— Les voyageurs la
parcourent déjà en grande partie (27#).— Facilité de cette entreprise
(275). — L'Algérie, sans le désert, sera toujours pour la France une
cause de dépenses sans compensation (276). — Ces avantages n€ peu-
vent être obtenus sans le concours dusdromadaire (277).
CHapitRE IV, — De l'effectif des corps de dromadaires,
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4o Quelle est la force nécessaire pour dominer le désert?—2° La France
doit-elle faire ce sacrifice (278) ?—Emplacement de ces corps (279).
— Yat-il lieu à organisation entièrement nouvelle (280) %=— On
peut créer un corps régulier (284). — Le corps pourrait utiliser dans
les 24 heures le harnachement arabe (282). — Recommandation
expresse pour les marches (283).
CHAPITRE V.— Conclusion. .
Fin de notre tâche Ex
PREMIER APPENDICE (285). .
DEUXIÈME ET DERNIER APPENDICE (286).
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Pièce À. — Le ministre demande un travail complet sur la question des cha-
meaux (288).
AT Rapport de M. le colonel Poiré (289).
A? Rapport de M. Gaube vétérinaire (290).
A% Rapport de M. Saint-Brice, sous-intendant (294).
A* DD de plusieurs hauts fonctionnaires du corps de l'intendance
PrÆce B. — Réponse à la lettre À, de M. Thomas, sous-intendant (293).
Pièce C. — Article du Moniteur PRE A sur la revue où l’organisation a été
décidée (294).
Pièce D. — Organisation provisoire de M. le Gouverneur (295).
Pièce E. — Rap port de M. le général Marey-Monge sur la réussite complète des
expériences, 4 ses diverses opinions (296).
Pièce F. — Opinions diverses des chefs de la colonne de M. le général Marey-
Monge sur la question des dromadaires (297).
Pièce G. — Comparaison financière entre le dromadaire et le mulet {298).
Pièce H. — Expédition du Djebel-Dira (299).
Pièce . — Expédition des Ouled-Nayl (300).
Pièce J. — Expédition de Lagouath (304).
Pièce K. — Situation générale des dromadaires (302).
Pièce L. — Dépenses avant l’organisation (303)
Pièce M. — Dépenses jusqu’au licenciement (304).
Pièce N.—De l'avoir et des créances de l'équipage au jour du licenciement (305).
Pièce O. — Résumé. — Balance (306).
EF RÉGIMENT DES DROMADAIRES À L'ARMÉE D'ORIENT, pat M. Jomard.
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
Paris, — Imprimerie de Cosse et J, Dumaine; rue Christine, 2.
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