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Full text of "Du dromadaire comme bête de somme et comme animal de guerre"

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ARMÉE D'ALGÉRIE. 


DROMADAIRE 


BÊTE DE SOMME ET COMME ANIMAL DE GUERRE , 


PAR 


Le Général J.-L. CARBUCCIA. 
y 


LE RÉGIMENT DES DROMADAIRES 


A l'Armée d'Orient (1798-1801). 


Le plus difficile n'est souvent pas de prouver 
une vérité mais de la faire admettre. 


PARIS _ 


© LIBRAIRIE MILITAIRE DE J. DUMAINE, 
ANCIENNE MAISON ANSELIN, dure. 
Rue et Passage Dauphine , 30. ., 


1853 


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M LE GÉNÉRAL DE DIVISION 


MAREY-MONGE, 


COMMANDANT LA D° DIVISION MILITAIRE; 


Grand-officier de l'ordre de la Légion d'honneur, 
Grand cordon de l’ordre de Saint-Michel de Bavière, e 
Commandeur de l’ordre de Saint-Maurice et Saint-Lazare de Piémont, 
Ancien commandant supérieur de la subdivision de Médéah, 


Aucien Gouverneur général de l'Algérie par intérim, 


“ 


Hommage de mon respect, de ma reconnaissance et de mon dévouement, 


Le Général J.-L. CARBUCCIA, 


Chargé à Médéab, comme Chef de Bataillon au 33° de ligne, de 
l'organisation et du commandement du corps des Dromadaires, 


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Lors de l’expédition de 1798, on organisa en Égypte 
un service de dromadaires qui fut très-utile, selon les 
rapports officiels de l’époque. — Mais il n’en reste 
plus que le souvenir, et les archives mêmes du Gou- 
vernement ne renferment, à ce sujet, aucun détail 
ni aucun renseignement profitable. 

Depuis notre conquête d'Afrique, on s’est souvent 
préoccupé des avantages qu'on pourrait obtenir de 
l’emploi du dromadaire, soit comme animal de guerre, 
soit comme bête de somme.—En 1843, je fus chargé, 
sous la direction de M. le général Marey-Monge, par 
l'illustre maréchal Bugeaud, duc d’Isly, de glorieuse 
et regrettable mémoire, de procéder à une or- 
ganisation de dromadaires en Algérie. — Je consta- 
tai les résultats de eette expérience dans une suite 
de rapports circonstanciés. 

Cependant, le chef de l’armée d'Afrique renonça à 


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poursuivre une organisation définitive, et je crois 
pouvoir affirmer qu’il le regretta vivement, lorsqu'il 
eut pris une connaissance détaillée de mes rapports. 
— Cet ajournement, du reste, n’a imfirmé en rien la 
certitude des faits acquis; loin de là, car, depuis cette 
époque, on a vu constamment donner aux colonnes 
qui ont manœuvré dans le Sahara un équipage de 
dromadaires pour le service de l'infanterie, des am- 
bulances et des arrière-gardes, sans qu'il en soit ré- 
sulté aucune difficulté. 

Enfin, on est en droit de dire que l'attention de 
tous les hommes qui s'occupent particulièrement de 
la situation militaire de l'Algérie, s’est fixée chaque 
jour davantage sur l'utilité de l'emploi du droma- 
daire- Parmi les opinions favorables que je pourrais 
citer, je me borneraï à reproduire, ici, celle de deux 
écrivains militaires dont, certes, on ne contestera pas 
la compétence, MM. les généraux Oudinot et Yusuf 
qui se sont,, on le verra, prononcés d’une manière 
décisive à cet égard. 

M. le général Oudinot, dans sa brochure intitulée, 
De la Question chevaline en Afrique, s exprime ainsi : 


« Le dromadaire (appelé par les Arabes du nom générique 
djimel), rend aussi des services importants et qui sont sus- 
ceptibles d'acquérir encore plus d'extension. 

« Si l’on consulte des faits historiques contemporains, on 
voit qu’en 1798, après la révolte dusCaire, Bonaparte consti- 
tua un corps de dromadaires qui, composé d'abord de 100 
animaux, fut successivement porté jusqu’à 700. — Deux fan- 
tassins placés dos à dos montaient le même dromadaire, dont 


— IX — 


la selle se trouvait placée au-dessus de la bosse. Il était con- 
duit au moyen d’un licol garni d’une muserolle avec des rênes, 
et lorsque les hommes mettaient pied à terre, ils menaient l’a- 
nimal au moyen d’une rêne fixée dans une narine, comme 
c’est l'usage dans toute PÉgypte, . , : : . : . 4 . 

«, . . ‘ . “se . . . ste + o CE » 

« Depuis la conquête de l'Algérie, des convois de droma- 
daires ont constamment fait partie de nos colonnes expédi- 
tionnaires , lorsqu'elles opéraient vers le sud. Mais ces ani- 
maux, mis en réquisition ou loués de 5 fr. 50 à 4 fr. par jour, 
étaient conduits exclusivement par des indigènes et semblaient 
ne pouvoir être utilisés que pour les transports du matériel. 

« En 1845, M. le gouverneur général, tant pour se sous- 
traire à la dépendance des conducteurs arabes, que pour bien 
se rendre compte du parti qu’on pourrait tirer d'animaux, 
trois fois plus nombreux, en Algérie, que les mulets, eut la pen- 
sée d'organiser un équipage de dromadaires soumis à des rè- 
gles d'administration et de discipline. Il confia l’application 
de cette pensée à M. le général. Marey, dont le.dévouement 
aux intérêts de l'Algérie est aussi éclairé que persévérant. 

« Cet officier général fit choix, pour diriger les expériences, 
de M. le chef de bataillon, aujourd'hui lieutenant-colonel, 
Carbuccia. | 

« Bientôt les essais prouvèrent queles soldats de bonne volonté 
n'étaient pas moins aptes que les Arabes à conduire et à sou- 


mettre le dromadaire assujetti au transport des bagages. II fut 


mème démontré à tous les esprits impartiaux que les fantas- 
sins de l’armée d'Afrique, comme leurs devanciers de l’armée : 


d'Egypte, sauraient, à l’occasion, monter le dromadaire dans 


des circonstances données. Cependant, il faut le reconnaitre, 
malgré le zèle infatigable et la haute intelligence du comman- 
dant Carbuccia, les expériences faites pendant Fexpédition du 
Djebel-Sahri ne donnèrent point de résultats concluants. Mais 
si l'on y perdit un assez grand nombre de dromadaires, si, 
l'épreuve ne fut pas entièrement satisfaisante, il faut l'attri- 
buer aux préventions des militaires de presque tous les gra- 


—  X — 


des pour le service de chameliers, et aux obstacles suscités 
par les Arabes qui ont intérêt à se réserver le monopole de la 
conduite des dromadaires. 

« Toutefois, de nouvelles épreuves devaient être faites et ne 
se firent pas attendre. L'année suivante, dans l’expédition de 
Lagouath, si habilement dirigée par M. le général Marey, un 
nouveau convoi de chameaux fut confié à la direction du com- 
mandant Carbuccia. Cette fois, il fut prouvé par des faits irré- 
cusables, qu'avec de la persévérance et de l’énergie, l'admanis- 
tration française pourrait, sans le secours des indigènes, tirer 
un grand parti du dromadaire, surtout dans les pays sablon- 
neux et peu accidentés. 

« M. Carbuccia, dont les convictions à cet égard sont aussi 
consciencieuses que profondes, a fait sur la question un remar- 
quable travail, qui mérite l’attention de l'autorité supérieure, 
et qui conclut à la formation d’un corps spécial de chame- 
liers. » 


Voici, maintenant, ce que M. le général Yusuf, 
dans sa brochure : De la guerre en Afrique, dit de 
l'emploi du dromadaire : 


« On a beaucoup critiqué le système du colonel Carbuccia, 
qui consistait à employer les chameaux comme moyen de 
transport dans une colonne. Pour moi, ce n’est qu’à l’aide de 
ce moyen que J'ai pu tenir si longtemps la campagne en 
toutes saisons, ménager mes soldats, et, au moment oppor- 
tun, réclamer le concours de toutes leurs forces. Si ce sys- 
tème n’a pas réussi dans les autres colonnes, je ne sais à 
quoi attribuer cet insuccès; mais personnellement, j'en ai 
toujours obtenu les meilleurs résultats. Au surplus, il n’est 
pas nouveau, car, lors de la campagne de Syrie, le général 
Bonaparte, avec près de quinze mille hommes, n’employa 
pas d'autres moyens de transport, pour franchir le désert du 
Caire à Saint-Jean-d’Acre. 


— XI — 


« Voici, d’après ma propre expérience, le meilleur mode de 
s’en servir utilement : » 


M. le général Yusuf, après avoir donné quel- 
ques détails sur le mode d'organisation des dro- 
madaires attachés à sa colonne d'expédition, poursuit 
ainsi : 


« En agissant ainsi, on verra que les chameaux rendront à 
l’armée d'immenses services ; c’est, en effet, le seul moyen 
de tenir une longue campagne, attendu qu'ils offrent le seul 
mode de transport possible. En employant les mulets, il faut 
commencer par les charger de leurs propres vivres, qui sont 
déjà un lourd fardeau, tandis qu'il n’y a pas à s’occuper des 
vivres du chameau, qui se nourrit partout en marchant. 
N’avons-nous pas été souvent dans l'impossibilité de faire 
une longue campagne, par le peu de facilité que nous avions 
de nous procurer des moyens de transport, sans compter les 
sommes énormes qu’ils coûtaient à l’État? Par l’emploi des 
chameaux, deux problèmes se trouvent résolus : le premier, 
c'est d’avoir une colonne très-allégée, parfaitement mobile, 
peu fatiguée, et dès lors pouvant faire une longue campagne 
en toutes saisons; le second, c’est que ce mode de transport 
est peu dispendieux. 

« Que l’on ne m’objecte pas que les montagnes sont impra- 
ticables pour les chameaux; dans les montagnes, on ne fait 
jamais une expédition de longue durée, mais seulement une 
Course; quinze Jours au plus y sont employés, puis l'on 
vient rejoindre le gros de la colonne; j’ajouterai même que, 
pendant la belle saison, les chameaux ne m'ont pas failli 
dans certaines montagnes. » 


J'ajouterai qu'au-dessus de ces considérations tou- 
tes spéciales, la question des dromadaires a une im- 
portance supérieure au point de vue de l’affermisse- 


— AN — 


ment de notre colonie d'Afrique. — Aujourd’hui; le 
point capital pour notre domination est le sud dé 
l'Algérie; c’est de là seulement que viendront les in- 
surrections futures, et pour les comprimer rapide- 
ment ou les prévenir, l'organisation d’un service de 
dromadaires est indispensable, comme je crois l'avoir 
établi dans le cours de mon travail. 

Telles sont les considérations qui m'ont déterminé 
à publier le résultat des expériences que j'ai élé ap- 
pelé à conduire, et j'espère, en le faisant, du moins 
c'est là mon but principal, être encore utile à cette 
brave armée d'Afrique, dont j'ai eu l'honneur de par- 
tager pendant vingt ans les travaux patriotiques et les 
fatigues. 

Je ne terminerai pas ces quelques observations 
sans adresser tous mes remerciements à l’illustre 
M. Jomard, de l'Institut d'Égypte, qui a bien voulu 
compléter cette brochure par un travail d’un haut 
intérêt, el que recommande trop bien le nom du 
savant conservateur de la Bibliothèque Impériale, 
pour que j'aie besoin d’y appeler l'attention des Lec- 
teurs. 


ARMÉE D’'ALGÉRIE. 


————— 


DU 


DROMADAIRE 


CONSIDÉRÉ COMME ANIMAL DE GUERRE ET COMVME 
BÊTE DE SOMME. 


PREMIER RAPPORT. 


RAPPORT 


À M. LE MARÉCHAL BUGEAUD, GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE. 
Maison-Carrée d'Alger, le 27 janvier 4844. 


Monsieur le Maréchal, 


1. M. le général Marey-Monge m’a prescrit de vous adres- 
ser directement le résultat des études faites, sous sa haute 
direction et par votre ordre, sur l’animal à une bosse que, dans 
l'Algérie, on appelle à tort chameau, et qui n'est autre, d’a- 
près les zoologistes, que le dromadaire proprement dit. 

Les chameaux constituent un genre de ruminants ayant 
non-seulement des canines aux deux mâchoires, mais encore 
des dents pointues implantées dans l’os incisif; portant six in- 
cisives inférieures, dix-huit ou vingt molaires. Ce genre se 
divise en deux sous-genres, dans l’un desquels les espèces 
n'ont point de bosse (les lamas). Mais si tel est dans le lan- 


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gage des naturalistes la signification du nom de chameau, 
pour le vulgaire ce nom désigne seulement un animal rumi- 
nant reconnaissable, 1° à une ou deux protubérances conte- 
nues dans une loupe remplie d’une graisse semblable à celle 
du suif; 2 à une semelle cornée, indépendante des ongles, 
qui lie les deux doigts de chaque pied l’un à l’autre; 3° à son 
habitude de dormir sur le ventre et non sur le côté comme les 
autres animaux. Quelques personnes ajoutent que cet animal 
a, de plus que les autres ruminants, un cinquième estomac qui 
_est, disent-elles, son réservoir d’eau. 

Le chameau à deux bosses, appelé par Aristote et Linné 
chameau de la Bactriane, et qu’on désigne aussi sous le nom 
de chameau ture, a conservé le nom générique de chameau dans 
Buffon, Cuvier, et dans tous les ouvrages des zoologistes : -il 
n'habite que le centre de l'Asie, le Thibet, le Turkestan, etc.; 
il est plus fort que le dromadaire, mais 1l est plus massif et 
moins propre à la fatigue ; il n’est pas né enfin pour le désert. 
Il peut porter jusqu'à sept quintaux métriques et marcher dans 
les terrains humides. Cette race de chameaux n’est pas sem- 
blable à celle qui existe en Afrique; en affirmant le contraire, 
M. Rozet, dans son ouvrage sur la régence d'Alger, et M. Moll, 
dans son livre sur la colonisation et l’agriculture de l’Algérie, 
ont été induits en erreur par l'opinion générale (104) (1). 

Le chameau à une bosse, appelé par Aristote chameau d’A- 
rabie, porte, dans Linné, le nom de Camelus-Dromedarius, déno- 
mination impropre, comme je le fais observer plus bas. Cet ani- 
mal s’est répandu d'Arabie dans tout le nord de l'Afrique, dans 
le Sénégal, dans la Svyrie,dans la Perse, dans la partie occiden- 
tale de l’Asie, dans la Grèce, et c’est de cette espèce que je vais 
avoir l'honneur de vous entretenir. 


(4) Voir au ne 104 de cetouvrage des détails concernant le même.point d'histoire nâturelle 
traité dans le deuxième rapport adressé à M. le Gouverneur général, le 28 juillet 1844, 


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J'ajoute subsidiarement que si l’Académie, dans son édition 
de 1798, s'était trompée dans la définition de ces deux espè- 
ces, l'erreur a été depuis rectifiée. On lit, en effet, dans l’édi- 
tion de 1855 : « Chameau. — Quadrupède ruminant, baut des 
« jambes, qui à le cou fort long, la tête petite, les oreilles 
« courtes et deux bosses sur le dos; on dit chameau mâle, 
« chameau femelle. » — « Dromadaire. — Espèce de chameau 
« à uné seule bosse sur le dos, et qui va fort vite ». 


Du dromadaire. — Division de ce rapport 


2. Les études que vous avez ordonnées, Monsieur le Maré- 
chal, devaient, pour être complètes, comprendre l’histoire de 
animal sous le rapport physiologique et relater son aptitude 
comme animal de guerre. 

Je vais successivement traiter de ces deux sujets. 


TITRE 1°. 


HISTOIRE NATURELLE. 


Observation première. 


5. Le nom de dromadaire, dérivé du mot grec dpoueus, signi- 
fiant coureur , a été d’abord appliqué aux chameaux de mon- 
ture. Or, comme on ne se sert pour monter que du chameau à 
une bosse, la lourdeur du chameau de Bactriane l'ayant fait 
exclusivement reléguer parmi les bêtes de somme, on a par 
abus étendu le nom de dromadaire à tous les chameaux à une 
bosse. Cette dénomination ayant prévalu aujourd’hui, je pense, 
Monsieur le Maréchal, qu'il faut distinguer parmi les droma- 
daires les deux races suivantes : 


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4° La race destinée au fardeau ; 

20 La race destinée à la course. 

La première est celle que nous rencontrons dans la régence 
d'Alger, proprement dite, où l’on ne s’en sert pas pour monture. 
C’est aussi celle d'Égypte, où les dromadaires sont cependant 
beaucoup plus légers qu’en Algérie; car il paraît positif que 
plus ces animaux s’éloignent du désert, plus ils dégénèrent; la 
seconde race est celle qui n’a jamais porté de charge, et qui 
a toujours servi de monture ; elle existe dans l’intérieur de lA- 
frique, où les chevaux, excessivement rares, sont des animaux 
de luxe. _ 

Cette espèce, à laquelle les Arabes donnent le nom de (105 
mhari, qu'ils disent être sans bosseet à laquelle Shaw attribue une 
bosse de petite dimension, peut faire 50 à 50 (107) lieues par jour, 
au dire de tous les voyageurs et des naturels du pays. Shaw 
raconte que, lors de son voyage au mont Sinaï, le chef de leur 
caravane se plaisait à les divertir par la légèreté de son mhari: 
« Il allait, dit-il, reconnaitre une caravane qui paraissait à l’ho- 
rizon, et il était de retour en un quart d'heure. » 

En 18927, l’aga Jahhya, fondateur de la Maison-Carrée (Bordj- 
el-harach), amena à Alger sept mharis dont le bey de Constan- 
tine venait de lui faire cadeau. Ces animaux furent logés à la 
Maison-Carrée, où ils moururent tous pendant l’hiver, qui fut 
fort rigoureux cette année. Ces dromadaires mangent des 
broussailles ; ils vivent, comme les autres animaux, d'orge et 
de paille, et logent dans des écuries. Cette espèce n’est mal- 


heureusement pas celle qui habite la partie de l'Algérie que 


nous occupons. ! 


Depuis sept mois que les expériences sont commencées, j'ai 
eu lieu de me convaincre de celte vérité : c’est que non-seule- 
ment les anciens, mais encore les modernes et les plus célèbres 
zoologistes ont accrédité certaines erreurs sur l'histoire natu- 


nu D 


relle du dromadaire. C’est, au reste, une question qui mérite un 
sérieux examen. Lorsque mon opinion sera bien fixée au sujet 
de ces erreurs, je me ferai un devoir de vous transmettre un 
rapport circonstancié pour être, si vous le jugez convenable, 
soumis à l’Académie des sciences. 

En attendant, voici quelques notions dont on peut, dès à 
présent, garantir l'exactitude, bien qu'elles aient été l’objet de 
controverses et bien qu’elles soient encore inconnues. 


Physiologie en général. 


4. Cet animal, appelé (103) dymel, c’est-à-dire richesse du ciel, 
est la plus utile et la plus précieuse des créatures soumises à 
l’homme. Les Arabes n’évaluent pas la richesse par un nombre 
de pièces de monnaie, mais par le nombre de dromadaires (121) 
qu'ils possèdent. On peut dire que le dromadaire est le plus 
domestique de tous les animaux. En Afrique, on ne le connait 
pas à l’état sauvage : on le conduit par la douceur (115) et la 
patience, et non, comme les autres animaux, avec brutalité et 
force. Il vit trente à quarante (156) ans. Sa gestation est d’un 
(109) an ; il marche dès sa naissance ; la naga (femelle), ne 
porte qu’un seul petit, ainsi que cela a lieu chez tous les animaux 
d’une taille plus élevée qué celle de l’homme. Le membre 
genital (201) du mâle n’a pas une direction en arrière; seule- 
ment le gland qui le termine est incliné par le fourreau qui, 
après l’avoir recouvert, se contracte en arrière ; voilà pourquoi 
les deux sexes urinent entre les deux jambes de derrière; le jet 
d'urine du mâle est presque toujours si petit, que le matin, en 
allant à l'exercice, on en voit souvent rester en arrière pendant 
vingt minutes pour satisfaire ce besoin. mA 


Chargement du dromadaire,. 


5. Dans quelques tribus du désert, on a l'habitude de ne 
charger les dromadaires qu'après l’âge de 5 ans; mais, parmi 


LR 

celles qui nous sont soumises, on dit qu’ils doivent teter pendant 
la première année, porter le bât pendant la seconde, travailler 
pendant la (128) troisième et s’accoupler pendant la (109) qua- 
trième. 

Il n’est pas exact de dire que, lorsque le dromadaire est trop 
chargé, il l'indique lui-même en refusant de se lever : cet ani- 
mal paie de bonne volonté comme tous les autres animaux ; il 
s'arrête eltombe comme eux, quand il estépuisé(117)de fatigue. 
Lorsqu'il doit marcher pendant longtemps, on le charge, sil 
est robuste, de 500 kilog. et plus, et, s'il est de moyenne force, 
de 200 kilog. - 

L'idée qu'on peut lui laisser sa charge pendant la nuit, sans 
lui faire de mal, est inexacte, attendu qu'il a besoin de se 
rouler sur les flancs pour se délasser, comme le font tous les 
animaux ; On la lui défait chaque jour en arrivant au bivouac; 
en dénouant les cordes du fardeau, les ballots glissent à terre 
de deux côtés et, l’animal ne bougeant pas beaucoup pendant la 
nuit, on les rattache le lendemain avec facilité : le Mémorial de 
Sainte Hélène se trompe donc à ce sujet. 


Age. 
A 0 : A per pur . u 
6. L'âge de cet animal se reconnait aux (157) dents, jusqu à 
l'âge de quinze ans, comme celui du cheval jusqu’à dix. Les 


signes sont différents pour les deux bêtes ; à vingt ans, la moitié 
: 2 ‘ . : 
des dents du dromadaire a disparu, par suite de la mastication. 


Rut. 


7. On reconnait le rut (114) à une sueur plus ou moins fétide 
qui suintc«de la tête. L'animal de quatre à cinq ans n'entre en 
rut qu’au printemps; celui de six ans et au-dessus entre en rut 
en janvier, et il fait alors sortir de sa bouche avec bruit son voile 
du palais, qui pend d’un décimètre et demi à deux décimètres. 

Le rut dure deux mois, le dromadaire, sous ce rapport, 


. Cu de 


f 


étant bien différent (109) du cheval et des autres animaux. 

Le dromadaire d'Algérie, comme la variété blanche dite ori- 
ginaire d'Afrique (1), entre en rut (104) en hiver, et ce rut dure 
deux mois; comme la variété brune dite d'Egypte, il fait 
sortir de sa bouche une vésicule rougeâtre. Il urine même sur 
sa queue pour s’en arroser les parties génitales. 

Les vieux dromadaires deviennent quelquefois dangereux 
pendant le (116)rut; mais on les calme promptement par une ou 
deux frictions sur la tête faites avec du goudron. 

Le dromadaire ne mange, pendant le rut, que lorsqu'il est 
méchant, et alorsilne maigrit pas. La (105) femelle(naga), après 
avoir mis bas, n’entre en rut ni pendant le reste de l’année, ni 
pendant l’année (115) suivante. 

L'accouplement a lieu, la naga ayant les jambes fléchies sous 
le ventre, le poitrail contre terre (position naturelle de ces ani- 
maux pour dormir ou recevoir la charge); le mâle se tient ac- 
croupi sur son derrière, embrassant avec ses jambes de devant 
le corps de la femelle. 

L'opération dure fort longtemps, la femelle, très-indolente, 
ayant besoin souvent de dix minutes pour se décider à recevoir 
le mâle. J’ai vu des mâles qui, lassés de poursuivre la naga ou 
de ses refus, se sont précipités sur elle, l’ont mordue à la gorge 
jusqu’à ce qu’elle eût obéi. L’accouplement a lieu pendant le 
jour comme pendant la nuit, et n’est pas gêné par la présence 
de l’homme. 


Castration. 


8. Presque tous les dromadaires sont hongres, parce que 
l’on veut les faire travailler en toutes saisons, et que la cas- 
tration leur conserve (145) leur force et leur embonpoint. 


(1) L'Encyclopédie distingue, sans beaucoup de fondement, trois variétés de dro- 
._madaires : 1° la blanche; 2° la brune; 3° la grise. 


LR. _ 
L'opération de la castration s'exécute, non par la pression 
des testicules, mais par le moyen d’un poinçon rougi avec lequel 
on les çerce (146) successivement. On sait que les musulmans 
ne coupent que les hommes et quelques chevaux. 
Cette opération peut se faire à tout âge : le printemps est la 
saison favorable. | 


Chair, 


9. Le dromadaire de vingt-cinq ans ne sert presque plus à 
la charge ; on l’engraisse, puis on le vend 35 à 40 francs pour 
en faire manger (142)la viande, qui est aussi bonne et aussi saine 
que celle du bœuf, d’après une instruction hygiénique mise à 
l’ordre du jour de l’armée d'Afrique. La bosse en est le meilleur 
morceau, mais elle exige plus de cuisson. La chair des jeunes 
dromadaires est tendre comme celle du veau. La peau de l’ani- 
mal abattu se vend (144) encore 20 francs à Alger. 


Pays qui leur est propre. 


10. Le dromadaire ne peut servir habituellement que dans un 
pays de plaines ou peu accidenté, sablonneux et sec. Ce pays lui 
convient essentiellement, à cause de ses pieds plats et élastiques. 
C’est la terre à laquelle sa nature peut mieux se conformer ; ce- 
pendant, on l’emploie accidentellement, et par exception, dans un 
pays de montagnes, et, lorsque le terrain est sec, il gravit sans 
s'arrêter des pentes rapides même à quarante-cinq degrés. 
S'il marche sur un sol humide ou glissant, il se casse prompte- 
ment les jambes, surtout celles de derrière : aussi les Maures 
n'ont-ils pu acclimater l'espèce du dromadaire en Espagne, 
malgré tous les essais qu’ils ont tentés à ce sujet. Lorsque le 
dromadaire doit voyager dans un pays rocailleux, on a l’ha- 


bitude de placer à ses picds des semelles en cuir de bœuf. 


ES 
Callosités. 


11. Le dromadaire a sept (202) callosités : quatre aux deux 
jambes de devant, deux aux jambes de derrière, etune au poitrail 
sur le sternum ; cette dernière est épaisse d'un pouce et aussi 
dure que de la corne. Ces callosités sont normales et ne pro- 
viennent pas de l’habitude qu'a le dromadaire de s’accroupir 
pour se mettre au niveau de l’homme et pour dormir. Je n’ai 
jamais observé que ces callosités se soient putréfiées. 

Il est à remarquer que, pour s’accroupir, l’animal a soin de 
se placer sur un plan incliné, la tête en bas; puis, il fait trois 
mouvements : le premier, pour tomber sur les genoux de de- 
vant; le deuxième, pour plier les deux genoux de derrière, et 
le troisième, pour appuyer son ventre à terre. Pour se rele- 
ver, il commence par les deux jambes de derrière, puis il se 
hausse entièrement. 

L'opinion qu’on force les jeunes dromadaires à s’accroupir 
dès leur naissance au moyen de tellis chargés de pierres, parait 
inexacte. 

Poil. 


12. Le poil, qu’on coupe tous les ans au printemps, même ce- 
lui de la bosse, ‘sert à confectionner la majeure partie des objets 
à l’usage des Arabes, et surtout leurs tentes, leurs vêtements, 
et même leurs récipients à eau. Si l’on coupait le poil après 
l’époque de la mue, ilfne pourrait servir à aucun usage. 


Fiente, 


13. La fiente du dromadaire, après être restée, non pas, 
comme on dit, deux ou trois jours, mais un jour seulement, 
exposée aux rayons brülants du soleil, est d’une grande utilité 
dans ce pays, presque entièrement déboisé, et où, maintenant, 
le combustible est devenu aussi rare que l’eau, souvent même 


— 140 — 


plus rare; elle s’allume aisément, produit une flamme inodore, 
qui est aussi vive que celle du charbon. ‘ 


Bosse. 


14. On juge infailliblement de la force ou de la faiblesse 
du dromadaire à sa (188) bosse, qui est formée de la surabon- 
dance de la nourriture de l'animal; la résorption de cette bosse 
compense, en temps et lieu, le peu de nourriture prise. Pen- 
dant de longues marches, on voit cette bosse diminuer suc- 
cessivement, et enfin devenir presque impalpable : puis c'est 
la graisse du ventre qui disparaît à son tour, et enfin celle des 
jambes; quand il a passé par ces différents degrés de maigreur, 
le dromadaire meurt infailliblement. 

L'idée qu’on ne saurait impunément presser la bosse du 
dromadaire, paraît inexacte. Si les Arabes encastrent cette 
bosse dans un bât, c’est afin de s’y tenir assis, et non pour 
garantir la bosse: s'ils ne se placent pas sur cette bosse, c'est 
à cause de l’incommodité qui en résulterait pour eux et non 
pour l’animal, lequel peut transporter trois hommes, sans que 
celui qui est placé sur la bosse paraisse le fatiguer plus que ceux 
qui sont placés en avant ou en arrière. 


Sobriété. s 

15. Les récits des voyageurs sur la sobriété du droma- 
daire sont unanimes: Pietro della Valle, Ogilby, Chardin, 
Thévenot, Philippe, Oléarius, Tavernier, Léon l’Africain et 
surtout Shaw, qui a voyagé en 1740 dans la province d'Alger, 
rapportent des faits extraordinaires et qui cependant sont sou- 
vent au-dessous de la vérité. 

J'ai présenté au général Marey-Monge, dans un de mes 
voyages à Médéah, des dromadaires qui n’avaient pas mangé 
depuis trois jours, ni bu depuis trois mois, et qui ne paraissaient 
pas souffrir de cette abstinence. Lorsque le dromadaire ne 


Loan à HT 


trouve plus de nourriture sur place, son conducteur lui donne 
par jour quelques petits morceaux d’une pâte faite avec de 
la fleur de farine ; et, soutenu par ce seul aliment, cet animal 
porte sept quintaux anglais au moins, dit Shaw, et marche 
quelquefois dix et quinze heures par jour, sans s'arrêter. 

Aucun voyageur n’a osé affirmer que le dromadaire ne boit 
jamais pendant les deux derniers mois del’automne, pendanttout 
l'hiver et pendant tout le printemps ; et cependant, tel est le fait 
extraordinaire dont chaque jour nousapporte une nouvelle preuve. 
Les Arabes affirment que si cet animal boit (159) si peu, il le 
doit à lanature particulière de son foie, qui ne secrète pas de bile. 

Au commencement de l’été, le dromadaire boit; puis il reste 
quinze jours sans boire. Après avoir bu de nouveau, il demeure 
encore quatorze jours sans boire, puis treize, puis douze, etc., 
et enfin sept jours, en diminuant d’une unité successivement 
le nombre des jours d'abstinence ; ensuite, il boit tous les sept 
jours, et rien que tous les sept jours, quelles que soient la fa- 
tigue et la chaleur de la marche. 

La quantité d’eau qu'il prend chaque fois varie de 30 à 40 litres. 

Il faut, dit-on, au dromadaire, l’herbe du désert pendant 
l'hiver et la broussaille pendant l’été; on ne lui donne ni orge 
ni paille ; il se nourrit de feuilles d'arbres, et il choisit de pré- 
férence les végétaux épineux, hormis l’aloès, auquel il ne 
touche jamais. 

Pour engraisser cet animal, on doit le faire changer souvent 
de pâturages et le conduire surtout dans des plaines où il puisse 
brouter beaucoup d'herbe. Dansun bon terrain, il mange(68)assez 
pendant deux heures pour les besoins d’un jour ; il peut paître 
depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, aussi bien au repos 
qu'en marchant, grâce à son cou qui, par sa longueur, lui sert 
de balancier, et au moyen duquel il soutient l'équilibre de son 
corps. Le dromadaire mange (158) le double du cheval. 


da TD. 
Réservoir d’eau. 


16. Le chameau supporte la faim et la soif avec une patience 
qui tiendrait du prodige, si l’on ignorait la structure de son 
(194) estomac, lequel est capable de contenir et même de pro- 
duire de l’eau, suivant l'opinion du célèbre Cuvier. En effet, non- 
seulement le chameau a quatre estomacs comme tous les ru- 
minants, mais 1l a, en outre, dans un de ces estomacs une sorte 
de réservoir formé par des augets ou cellules qui, dans leur en- 
semble, peuvent contenir plus de vingt litres d’eau; cette eau 
y séjourne sans se corrompre : à tel point qu’un célèbre voya- 
geur rapporte avoir vu éventrer un dromadaire mort depuis dix 
jours, dans le réservoir duquel on trouva trois litres d’eau en- 
core potable. C’est en comprimant ce réservoir par l’action des 
muscles abdominaux, que l’animal peut faire refluer le liquide, 
soit dans sa panse, soit dans son gosier. 

L'expérience pourra faire connaître si l’eau des cellules pro- 
vient d’une réserve faite par l'animal sur sa boisson, ou bien 
si elle n’est que le produit naturel d’une sécrétion alimen- 


taire. Le dire des Arabes et nosspropres observations sont en 


faveur de cette dernière opinion. Un dromadaire étant mort par 
accident, le 40 décembre, dans la Mitidja, l’ouverture en a été 
faite en présence de plusieurs officiers de Bordj-el-Arach; le ré- 
servoir d'eau présentait l’aspect d’un melon, dont il offrait 
toute la contexture. Il contenait plus de quinze litres d’eau ver- 
dâtre, mais sans mauvais goût. Les Arabes présents ayant af- 


firmé qu’après avoir déposé trois jours, cette eau devenait lim- 


pide et restait potable, l’expérience en fut faite et elle réussit. 
* Motifs de la préférence donnée au dromadaire sur le mulet. 


17. Loin du littoral de la Méditerranée, on préfère le droma- 
daire au mulet, pour les motifs suivants : 1° il vexiste mille fois 


s 2", PONS es 


ne 
plus de dromadaires que de mulets; 2° le mulet ne saurait se pas- 
ser d'orge; 5°si le mulet porte trois sacs, le dromadaire en porte 
quatre ; 4° le mulet doit boire tous les jours, et le dromadaire 
tous les sept au plus; 5° le mulet chaque jour perd de sa force, 
tandis que le dromadaire, grâce à la diminution de sa bosse, 
voyage longtemps avec la même force et la même vigueur; 6° le 
mulet a besoin de se reposer chaque soir, etle dromadaire, moins 
sensible à la fatigue, peut continuer sa route pendant plusieurs 
jours sans presque s’arrêter ; 7° le mulet, pendant les fortes cha- 
leurs et les grandes pluies, a besoin d’une écurie ; le dromadaire 
est toujours mieux en rase campagne qu'entre des murs ; l’odeur 
de la chaux lui est particulièrement funeste ; 8° le mulet a be- 
soin d’être pansé et étrillé ; le seul soin qu’on prend du droma- 
daire, c’est de le frotter avec un morceau de bois lorsqu'il est 
couvert de poussière ou de boue; 9c le dromadaire peut être 
discipliné plus facilement que le cheval et le mulet ; 10° le dro- 
madaire est monté, conduit et gardé plus facilement que le 
cheval ou le mulet qu’on laisserait en état de liberté comme lui; 
lorsqu'il est entravé aux deux genoux de devant, il ne peut se 
sauver, ce qui arrive souvent au cheval et au mulet; 11° le 
dromadaire se blesse plus difficilement sur le dos que le che- 
val etle mulet, mais, à la vérité, il se guérit moins vite qu’eux; 
12° le dromadaire ne rue presque jamais : ses ruades, du reste, 
ne peuvent faire de mal; il ne mord que pendant le rut : on ne 
peut en dire autant du mulet; 15° le dromadaire est moins su- 
jet à la maladie que le cheval et le mulet; il n’est point ex- 
posé à la morve, qui décime tous les ans ces derniers animaux ; 
14° le mulet transporté en Algérie ne dure que quatre ans, et 
le dromadaire dure vingt ans au moins; 15° le mulet coûte au 
bout d’un an 755 francs, et le dromadaire ne coûte que 90 fr. ; 
16° le mulet coûte chaque jour davantage à cause de la nour- 
riture ; le dromadaire ne coûte rien de plus que le prix d’achat,. 


ke 


Manière de le conduire, 


18. Le sifflement du maître fait coucher lé dromadaire, le fait 
marcher au pas ou au trot, le fait arrêter ou lever. On emploie 
aussi une baguette longue d’un mètre et demi, de la grosseur 
du petit doigt, avec laquelle on lui frappe légèrement les deux 
genoux, pour le faire coucher, et Le derrière, pour le faire lever 
et marcher. L'animal s’accroupit pour faciliter le chargement. 

Les Arabes de la régence d'Alger conduisent leurs droma- 
daires par le moyen d’une longue baguette et sans bride; en 
Égypte, on les guide par le moyen d’un anneau passé dans les 
parines et d’une corde attachée à l’anneau. 


Vitesse. 


19. On pense à tort que le dromadaire pourrait faire tou- 
jours vingt lieues par jour. Napoléon dit que c’était leur course 
habituelle en Égypte; d’où il faut conclure que la race de l’Al- 
gérie proprement dite, étant loin du véritable désert, a dégé- 
néré. Le dromadaire d'Algérie ne saurait faire, sans s’arrêter, 
plus de douze à quinze lieues par jour; la sonnette que j'ai fait 
adapter à son cou contribue à activer la marche de cet animal. 


Hygiène et maladies. 


20. Les deux principales maladies (147) du dromadaire dans 
la Mitidja, sont la toux et la gale. Il paraît que les vétérinares 
(tbib) de ces animaux n’en perdent qu’un seul sur trente atteints 
de ces maladies d’une manière grave. Le caïd de ces animaux 
en est en même temps le tbib ; on l'appelle le caÿd-el-bel et non 
caïd-el-djmel ; le mot (103) bel désigne la réunion d’un grand 
nombre de dromadaires. | | 

Pour maintenir le dromadaire en santé, après en avoir coupé 


LR LR dE ns € 


— 15 — 
le poil au printemps, même celui de la bosse, on frotte son 
corps entier avec du goudron et de l'huile; après cette friction, 
il est bon de ne pas mettre le bât sur l'animal pendant environ 
un mois. Tous les trois mois, on répète celle opération sur le 
poil seulement, mais d’une manière légère et sans toucher la 
partie du dos qu’occupe le bât : vingt-quatre heures après, on 
peut faire travailler le dromadaire. Ainsi, le nombre des fric- 
tions annuelles est de cinq: l'Arabe qui les opère ne choisit ja- 
mais le samedi ; il doit aller au bain auparavant et être sain de 
corps ; telles sont les coutumes àce sujet. L'opération n’a jamais 
lieu que par un temps sec, sous peine de voir l'animal trembler 
aussitôt de tous ses membres et souvent mourir en peu de 
temps. Lorsque le dromadaire a la (162) gale, ce qui se recon- 
nait à la chute du poil, on enduit la partie malade de goudron, 
en recommençant deux ou trois fois s’il y a lieu, et à deux jours 
d'intervalle. Lorsqu'il est blessé, on lave la blessure avec de 
l’eau, puis en la goudronne. Lorsqu'il est méchant, ou lorsque, 


“étant en rut, il entre en (7-116) fureur, on lui goudronne la tête, 


sauf à répéterlafriction toujours légèrement, sansquoiiltomberait 
hébété et ne mangerait pas de plusieurs jours. Le goudron, le 
sulfate de cuivre, l’ocre ou le vermillon et le feu sont les seuls 
ingrédients employés par les vétérinaires du dromadaire, pour 


. panser ses plaies ; l'huile, le beurre rance et l'ail sont les seuls 


médicaments qu’on lui administre à l’intérieur. 


Allure du dromadaire. 


21. L’allure du dromadaire ne donne pas de nausées sem- 
blables à celles que détermine le mal (154) de mer, ainsi que le dit 
Napoléon dans ses mémoires. On peut affirmer que le pas et le 
petit trot du dromadaire sont plus doux que le pas et le petit 
trot du cheval, à cause de l’élasticité (129) de ses pieds. 


— 16 — 

Le pas du dromadaire est, en plaine, de quatre-vingt-cinq 
à la minute et de 1" 95 : il se soutient ainsi pendant des jours 
entiers, et force le fantassin qui le suit à faire cent vingt-six pas 
de 0,86 à la minute. Son trot est moins long, mais il l’est assez 
pour qu’un cheval ne puisse le suivre que difficilement. Un che- 
val au galop est distancé par un dromadaire au galop en peu de 
temps : en descendant, le dromadaire trotte naturellement ; il 
marche l’amble, c'est-à-dire des deux jambes du même côté à 
la fois et non diagonalement comme le cheval. Ses jambes, sur- 
tout celles de derrière, sont d’une finesse remarquable et si lon- 
gues qu’elles en sont désagréables à l’æil, ce qui parait d’abord 
un vice de conformation; mais c’est, au contraire, un des avanta- 
ges les plus précieux de cet animal qui, dans les marches du dé- 
sert, enfonce ses jambes dans le sable à une profondeur d’un 
pied à un pied et demi, sans en être fatigué. 


— — 2 © —— ————— 


TITRE IT. 


PARTIE MILITAIRE. 


—— 


CHAPITRE Ier, 


DES CONVOIS MILITAIRES. 


Peut-on tirer une utilité de l'emploi du dromadaire, et quelle est cette utilité ? 


22. Dans la partie d'histoire naturelle du dromadaire ont 
dù naturellement prendre place des notions sur lesquelles s’ap- 
puie la partie militaire, qui est l’objet important de mon rap- 
port. 

Peut-on tirer une utilité de l’emploi du dromadaire et quelle 


os AY <= 
est cette utilité ? la réponse à cette question est bien simple. 

Les Arabes, chaque jour, sous nos yeux, s’en servent comme 
moyen de transport pour eux, pour leurs familles et leurs den- 
rées. Les Turcs s’en sont servis à la guerre pour transporter 
leurs convois, leurs blessés et leurs malades. 

IL y a donc lieu d’examiner : 1° si le dromadaire peut être 
utilisé pour les convois militaires avec des Français; 2 s’il peut 
être utilisé pour le transport de l'infanterie dans les expéditions 
lointaines. 

Ces deux questions, qui sont loin d’être les mêmes, méritent 
une discussion approfondie: chacune d’elles est d’une actualité 
que personne ne peut méconnaitre. | 


L'Algérie ne peut suffire à la fourniture des mulets de l’armée. 


23. Il est constaté que notre consommation de mulets pen- 
dant les années 1859, 1840, 1841, 1842 et 1845, a été de onze 
mille. Cette consommation augmente chaque jour. Or, il est 
malheureusement avéré que ce pays ne pourra, pendant cinq 
ans encore, suffire à une pareille consommation. On doit donc 
se demander comment on pourra suppléer à la pénurie de bè- 
tes de somme et de mulets. 

La première condition pour qu’un peuple conquérant conserve 
sa domination sur un peuple vaincu, c’est qu'il se suffise avec 
les ressources qu’il se procure dans le pays même. Le droma - 
daire étant la bête de somme de l'Algérie, doit done, si cela 
est possible, être employé par notre administration. 


Les Turcs se servaient de dromadaires. 


2%. Cet animal était le mode de transport employé par les 
Turcs pour envoyer à tous les détachements de la milice can- 
tonnée dans l’intérieur du pays, l'huile, le beurre et les figues 


qui entraient dans la composition de la ration du soldat. 
2 


Ces convois n’avaient lieu que pendant l'été. Les dromadai- 
res appartenaient au beylick, lequel, en 1830, en avait encore 
plus de 400 ; lorsque l'autorité turque voulait en expédier, elle 
mettait en réquisition un conducteur pour cinq bêtes, et les 
tribus qui fournissaient ces conducteurs répondaient du char- 
sement. Lors de notre débarquement, le caïd el bel de l’époque, 
Si-ben-Kaâl, mort en 1839, ayant manifesté des craintes au 
gendre du dey, l’aga Ibrahim, celui-ci, dans l'intérêt de la con- 
servation de ces animaux, prescrivit de les répartir entre tous 
les caïds de la Mitidja, lesquels se les sont appropriés. Un de ces 
animaux, marqué à la lettre du beylick, devenu aujourd’hui 
la propriété du Gouvernement, est à la Maison-Carrée dans nos 


rangs. 
Dépense du corps des équipages mihtaires en Algérie. 


25. Le nombre de mulets ou de chevaux de trait au service de 
l'administration dans toute l'Algérie est de plus de 6,000, et 
chaque année, ies transports auxiliaires coûtent près de deux 
millions. 

La nourriture de ces 6,000 bêtes coûte environ trois millions 
par an. 

En 1842, sur 6,000 mulets ou chevaux de bât, la perte a 
été de 1,850. : 3 

En 1845, sur un effectif un peu moindre, la mortalité a été 
de 2,000 environ. 

Le nombre des voitures est de 1,000, et la dépense qu’elles 
occasionnent peut s'élever par an et par voiture à 200 francs. 

Enfin, notre effectif de soldats du train est de 2,800. II est 
bon de dire qu’ils reçoivent de plus que le soldat d'infanterie : 


19 francs de première mise ; 
04 centimes de prime d'entretien par jour; 
26 centimes de solde journalière, 


SL E 
Et une masse d’habillement un peu plus forte que dans l’in- 
fanterie. 


Le ministre a plusieurs fois recommandé d’expérimenter ce moyen de convoi. 


26. L'idée d'employer dans l’armée française le dromadaire 
pour les convois n’est pas neuve : elle date de loccupation. Tan- 
tôt adoptée avec empressement, tantôt repoussée avec aveugle- 
ment et par suite de préjugés, ce moyen de convoi n'a jamais été 
expérimenté d’une manière suivie et précise, malgré les ordres 
formels du ministre de la guerre (Voy. pièce justificative A). Ja- 
mais le projet d’une organisation de soldats chameliers n’a été 
soumise à son approbation par le gouverneur général. Le ministre 
pressait en même temps l'organisation d'un service de trans- 
ports par les voitures bouvières ; et cc service, après être resté 
longtemps en souffrance, fonctionne maintenant de la manière 
la plus satisfaisante. 

Aussi les hommes consciencieux, mais timides, voyant que 
cette question n’a pas fait un pas en avant depuis si longtemps, 
sont-ils encore indécis sur la solution qu’elle est susceptible de 
recevoir. 


Des expériences ont été faites sur tous les points de l'Algérie. , 


27. Dans les provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine, en 
temps de paix comme en temps de guerre, l'autorité à em- 
ployé des dromadaires. Après des essais si nombreux, la vérité 
est que nous sommes encore divisés en deux camps, dont le 
plus nombreux est contraire à la mesure. 


Opinions favorables à la mesure. 


28. Après l'expédition de Mascara, où on s’est servi de dro- 
madaires pour la première fois, l’intendant de Guiroye (pièce 


justificative A 4°) déclara que l'emploi de ces animaux avait 
2. 


= DD 

été des plus utiles : «Ils firent, dit-il, -plusieurs marches de 
« nuit, sans que les caisses et les tonneaux qu’il portaient aient 
«été le moins du monde endommagés. Les expériences ont 
« été faites et refaites plusieurs fois, et elles ont parfaitement 
« TÉUSSI. » 

Cette opinion a été partagée par un grand nombre d'officiers 
du corps de l’intendance (pièce justificative A°, pièce B), d’of- 
ficiers du corps des équipages militaires, de vétérinaires (pièce 
justificative A‘), et enfin d'officiers comptables. Des officiers du 
train sont connus pour s’en être servis avec avantage. Je cite- 
rai en particulier l'opinion de M. le colonel Poiré, qui, dans un 
rapport très-détaillé ( pièce justificative A’), n’hésitait pas 
à émettre, sur ce moyen de convoi, des idées qui avaient fixé 
l'attention du ministre : 

« Je certifie, dit-il, en homme consciencieux et dévoué, que 
«les difficultés signalées jusqu’à ce jour ont été créées par 
« beaucoup de laisser-aller et présentées avec exagération. » 

Un des bons administrateurs de l'Algérie termine ainsi son 
rapport sur la même matière : | 

«C’est un trésor, dit-il, qu’on a négligé avec tant d’aveu- 
«glement, qu'on a peine à le croire, et qu’il est did de 
« s’en rendre compte. » 


Opinions défavorables. 


29. Voilà les opinions favorables. Je vais transcrire avec 
la même fidélité les opinions contraires émises aujourd’hui, ou 
telles qu’elles ont été formulées par des hommes consciencieux 
opposés à notre projet (pièce justificative A‘): 

1° Toutes les expériences ont jusqu’à présent échoué. Elles 
ont été dirigées souvent par des hommes consciencieux et éclai- 
rés, et tout porte à croire que les nouveaux essais LE seront 
pas plus heureux ; 


LE 


20 Les dromadaires du Sahara ne s’acclimateront pas dans la 
Mitidja : raison de plus pour que les nouveaux essais échouent 
encore une fois; 

3° Les conducteurs arabes voyagent pour le compte du 
maitre du dromadaire dont ils sont les domestiques : ils se 
prêtent avec peine à l'exécution d'un service dans lequel ils 
meurent de faim : aussi protitent-ils de l’indocilité réelle ou 
simulée de leurs bêtes pour s’écarter de la colonne ou pour 
s'enfuir avec leur charge ; 

4° Dans les terres argileuses , par suite de la conformation 
de ses pieds larges et plats, le dromadaire glisse facilement, et 
il compromet sa vie et son chargement ; 

5° Il a peur du bruit du tambour et de la fusillade ; il a peur 
du pantalon garance ; il a peur de tout’; 

6° Lorsqu'il sent l'eau, il court s’y précipiter avec sa charge : 
la charge se brise, et la colonne ne boit plus que de l’eau trou- 
blée ; ” 

7° Les Arabes l’envoient dans le désert pendant l'hiver ; 
qu'en ferait, pendant ce temps, l’administration française ? 

8° Pendant le rut, il est si terrible, qu’il blesse et tue même 
son conducteur : il se sauve souvent, et on ne peut plus le rat- 
traper ; | 
9° On na besoin de lui qu’à des époques éloignées : il est 
donc plus convenable de le louer avec son conducteur ; de cette 
manière, on évite la nécessité de le nourrir avec une ration 
qui doit être double de celle du mulet ; 

10° Si une colonne expéditionnaire ayant beaucoup de dro- 
madaires était attaquée, elle serait compromise, parce que ces 
animaux s’effraieraient ainsi que leurs conducteurs : on se- 
rait donc obligé de s'occuper d’eux, alors qu’on n'aurait pas 
trop de temps pour préparer la défense. 

110 Dans les colonnes expéditionnaires, l’arrière-garde esl 


im DD 
toujours retardée lorsqu'il y a des dromadaires au convoi. 


Discussion des opinions défavorables. 


30. Voilà toutes les objections, et je ne veux pas eh dimi- 
nuer la gravité. Disons tout de suite qu'à cette question se 
rattache une économie considérable, laquelle, si elle était ef- 
fectuée par l'administration, pourrait aider à faire conserver 
l'effectif de l’armée, pendant longtemps encore, sursle pied où 
il est en ce moment en Algérie. 

Un fait est au moins hors de doute : c’est qu'il ne faut ni 
adopter ni repousser légèrement ; qu’il faut étudier les expé- 
riences faites, en se mettant en garde contre l'esprit d’oppo- 
sition qui s'attaque toujours à chaque idée nouvelle. Il est in- 
dispensable de savoir si les expériences ont échoué par suite 
des défauts des condueéteurs ou de ces animaux ; ,si elles ont 
été conduites avec cet esprit ferme et résolu qui s’arrête de- 
vant les difficultés insurmontables, mais non devant le mauvais 
youloir ou le caprice d’un agent subalterne. 


Les expériences n’ônt pas été faites avec la ferme volonté de réussir. 


91. Toutes les difficultés mentionnées dans les opinions ci- 
dessus sont-elles insurmontables ? Les personnes chargées de 
suivre Ces essais en ont-elles voulu résolument la réussite ? 

À cette question, tous les hommes consciencieux répondent 
négativement ; et je pourrais dire les raisons particulières pour 
lesquelles on à échoué jusqu’à présent dans chaque essai. 

Les uns ont eu peur du ridicule ; les autres étaient convain- 
eus d'avance de la non-réussite des essais. 


Moyens employés sous M. le général Marey- Monge. 


52. Ce n’est pas ainsi que j’ai procédé sous M. le général Ma- 


as 9 ‘2: 
rey-Monge. Son expérience du pays lui avait prouvé depuis long- 
temps que c'était par la faute de l’homme, et non par celle de 
la bête, que ces essais avaient toujours échoué. Pénétré de 
cette idée, et doué d’une force de volonté bien connue, il ne 
s’est pas rebuté contre le mauvais vouloir de quelques person- 
nes ; les premiers moyens ayant été reconnus défectueux, il 
en a imaginé de nouveaux ; et, lorsqu'il fut bien prouvé que ces 
essais dureraient jusqu'à ce que le problème füt résolu, on 
s’appliqua à réussir, et l’on réussit en effet en peu de temps. 

Voici l’ordre des expériences : 

Le général choisit dans le 55e de ligne quarante ones 
de bonne volonté, qu’il plaça sous mes ordres et sous ceux 
de M. le lieutenant Vaissier, pour conduire quarante droma- 
daires de razzia ; puis il fit venir : 1° du pays des Raman, deux 
équipages de dromadaire, consistant en un bât à califourchon 
et un bât à cacolet; 2° du pays des Hadjoutes, un équipage de 
la Mitiaja. 

L'expérience ayant fait préférer le bât des Hadjoutes, ce bât 
et le licol qui en faisait partie furent bientôt perfectionnés et 
adaptés aux besoins de nos soldats, qui parvinrent à se faire 
connaitre, aimer et obéir de leurs bêtes, ét à les plier à toutes 
leurs volontés. 

Alors la compagnie des chameliers fut portée à quatre-vingts 
hommes et à quatre-vingts dromadaires, et elle fit le service 
du train dans l’expédition du Djebel Dira, où elle commença 
à prouver que réellement : 4° le soldat français peut remplacer 
l’Arabe dans la conduite du dromadaire ; 2° que cet animal, 
lorsqu'il est de seconde force, est loin de retarder la marche 
des colonnes. 

Enfin, Monsieur le Maréchal, vous avez voulu expérimenter 
définitivement si les soldats d'infanterie pouvaient seuls être 
chargés de transporter un convoi, et vous m'avez donné l’ordre 


1 


d'en conduire un à Médéah. La première nuit, j'ai campé à 
quatorze lieues d'Alger, dans la gorge de la Chiffa ; et le len- 
demain de bonne heure, je suis arrivé sans aucune perte à ma 
destination. Les bêtes ne portaient chacune que 150 kilogram- 
mes, parce que ce n'étaient que de bêtes de rebut; cependant, 
lorsque le conducteur était fatigue de faire une marche de 126 
pas de 0m,86 à la minute, il montait sur sa bête pour se reposer. 

Le retour à eu lieu pendant la pluie et en trente-six heures 
seulement : un Arabe seul, le caïd El-Bel, faisait partie du dé- 
tachement. 

Dans ce convoi, chaque bête avait son conducteur; dans 
celui qui va suivre, un homme conduira deux bêtes, ainsi que 
cela se pratique dans le corps des équipages militaires, où un 
homme est affecté à deux mulets. 

Ces convois continueront tant que la mauvaise saison ne s’y 
opposera pas; et déjà l'opinion publique est que nos hommes 
ont passablement profité des leçons des Arabes à ce sujet. 

Ainsi se trouve peut-être résolue la grande difficulté qui a 
fait échouer tous les essais : elle portait sur les conducteurs 


arabes ; si nous les eussions employés pour nos expériences, 


je suis persuadé que nous n’aurions jamais réussi. 


Le dromadaire peut servir dans un pays de montagnes. 


39. Reprenons les difficultés qu’on a fait valoir. 

Les Turcs faisaient conduire le dromadaire du beylick à 
Médéah et à Milianah : le général Marey-Monge l’a fait marcher, 
en automne, dans le Djebel Dira, où il a gravi souvent des 
pentes au huitième. Nous avons vu le dromadaire dans nos 
colonnes de ravitaillement, en 1840 et 1841, franchir les 
montagnes et marcher avec la pluie. 


. 
D, 


2 ue 


J] n’est pas peureux. 


94. Le dromadaire ne s’effraie pas du bruit du tambour et 
de la fusillade; et, s’il est bien tenu en main par le moyen du 
nœud coulant adopte, il se familiarise facilement avec toute es- 
pèce de bruit, même avec celui des voitures et du canon : au 
surplus, il serait en vain pressé par l’aiguillon de la faim ou de 
la soif ou par la fantasia des Arabes, le conducteur pourrait 
toujours l’arrêter tout court avec ses moyens. 


La comparaison entre le mulet et le dromadaire est loin d’être à l'avantage du mulet, 


55. La comparaison entre les deux bêtes de somme ne peut 
pas être soutenue d’après tout ce qui a été dit dans la première 
partie de ce rapport. Pour la nourrriture, il est à noter qu'à 
quelque époque ou en quelque lieu que l’on se trouve, en Al- 
gérie, on ne donne jamais au dromadaire ni orge, ni foin; cet 
animal se nourrit sur place, et, lorqu'il ne le peut, deux seule- 
ment sur dix touchent à l'orge qu’on leur présente, et tous 
mangent le foin et la paille. 


Il vaut mieux acheter le dromadaire que le louer. 


56. Le loyer est de 6 francs par jour ou de 12 francs au 
quintal, pour aller de Blidah à Médéah. Un fort dromadaire , 
portant deux quintaux, gagne 24 francs par voyage, c'est-à- 
dire en deux jours: donc, en dix voyages ou en trente jours, le 
prix de la bête est payé, et il sert encore longtemps gratis. 
Les 500 dromadaires provenant de la razzia des Rahman , en 
mars 1845, ont été vendus 25,000 francs, ce qui fait 50 francs 
par tête; et, quelques jours après, ils travaillaient pour le 
Gouvernement au prix de 6 fr. par Jour. 


— 96 Et 


Le dromadaire n’est pas un embarras dans lés circonstances de guerre critiques. 


57. Le désordre que cet animal pourrait susciter dans un 
moment difficile est nul : én deux minutes, l’éssai en a été fait 
publiquement ; le dromadaire s’accroupit et il est entravé aux 
deux genoux de devant ; dans cette position, il peut être tué, 
mais pour être enlevé, il faut qu’il soit désentravé, tandis que 
le cheval et le mulet coupent facilement leurs liens et peuvent 
être mis en déroute par suite d'une simple terreur panique. 


Le dromadaire fort et robuste ne retardé pas la marche des colonnes. 


98. ILest vrai que souvent, dans nos courses, les dromadai- 
res du convoi ont retardé la marche des colonnes; cela provient 
du mauvais choix qu’on fait de ces bêtes par suite de l’impos- 
sibilité où l’on est maintenant de s’en procurer de meilleures. 
Supposons que la cavalerie soit montée sur de mauvais che- 
vaux, elle retarderait de même la marche de l'infanterie ; mais 
le bon cheval, comme le bon dromadaire , marchant avec des 
troupes à pied, les fatigueront, parce que le fantassin devra 
faire une marche forcée pour les suivre. 


Les habitants des plaines conservent le dromadaire pendant l'hiver, 


99. Les habitants des paysfroids, des montagnes, par exemple, 
envoient à la vérité le dromadaire dans le désert pendant le fort 
de l’hiver : mais les habitants de la Mitidja le conservent tou- 
jours et ils s’en servent avec confiance, même pendant l'hiver. 
C’est pourquoi il serait important de surseoir de suite à la con- 
cession de quelques fermes qui appartiennent encore au beylick 
dans la Mitidja et de racheter celles qui, comme la Maison- 
Carrée, sont indispensables pour y établir de grands pares ; 
dans les écuries de la Maison-Carrée et de la Ras-Sautha, avec 


= 97 — 
peu de dépenses, on pourrait parquer mille dromadaires pen- 
dant le temps que l'administration ne s’en servirait pas. 

Rien n’empêcherait alors de créer un haras de deux ou trois 
cents nagas (femelles) et de régénérer la race, de manière à 
lui rendre la légèreté qu'elle a perdue. Le petit, arrivé à quatre 
ans, servirait aux transports ét n'aurait pas coûté 40 francs 
d'entretien. 


La mortalité du dromadaire employé actuellement ne prouverait rien. 


40. Il est possible, si l'hiver devenait très-rigoureux, que 
le dromadaire venu du Sahara périt à la Maison-Carrée ; dans 
ce cas, il faudrait acheter chez les Hadjoutes, par exemple, 
celui qui devrait servir dans la Mitidja ; et dans le désert 
d'Angad, celui qui devrait servir à l’infanterie dans le sud de 
l'Algérie. 

Certes, c’est jouer gros jeu que dé faire nos expériences en 
hiver et en prenant des animaux fatigués, presque tous de re- 
but et rongés de la gale : si les essais se terminent comme 
je l'espère, c’est que la cause que je soutiens ne pouvait être 
perdue. 


Le temps du rut n’est pas une difficulté, 


41. Le dromadaire peut devenir, à la vérité, terrible pen- 
dant l’époque du rut; mais s’il est acheté après le printemps, 
il est délivré du rut par le moyen d’une ou deux frictions de 
goudron sur la tête; et si c’est avant, il est châtré, quelque âge 
qu'il ait, sans aucun risque de perte. 


L'animal ne donne pas le mal de mer, 


42. Les expériences anciennes et celles qui ont été faites de- 
puis sept mois oht convaincu que pas un soldat n’a éprouvé le 
mal de mer sur un dromadaire: elles ont confirmé, au contraire, 


l'exactitude du raisonnement suivant: cet animal marchant à 
l’'amble, c’est-à-dire, des deux jambes du même côté à la fois, 
son pas est plus doux que celui du cheval, lequel marche de 
deux pieds diagonalement : par conséquent, il est très-propre 
au transport des malades et des blessés. C’est pourquoi les 
Turcs avaient fait construire des bâts de dromadaire à deux 
places ; le blessé ou le malade se placait sur le devant, et il 
était soutenu par un conducteur qui prenait place derrière lui. 


Poids porté par le dromadaire. 


45. D’après ce que chacun de nous a vu souvent, le gros dro- 
madaire porte cinq à six sacs d'orge de 60 kilog.; le moyen 4, et 
le faible 5, sans compter le poids du conducteur qui monte sur 
la bête, toutes les fois qu’il est fatigué. 

J'ai exposé consciencieusement et je crois avoir réfuté les 
objections qui ont été présentées à toutes les époques ; il en 
reste une seule qui est sérieuse, du moins dans certaines 


limites, et prouve que le dromadaire n’est pas parfait. 


Le dromadaire ne peut marcher par le temps de pluie et ne peut suivre les colonnes. 


44. Le dromadaire ne peut, dit-on, marcher avec la pluie : 
il ne peut donc jamais être employé dans les colonnes expé- 
ditionnaires. À 

Mon intention n’est pas actuellement de résoudre la question 
des convois d’une manière complète, en proposant une orga- 
nisation de compagnies de chameliers, en déterminant les pays 
où elles peuvent être employées, en envisageant enfin cette 
question sous toutes les faces. 

Pour moi, cette question n’est qu’accessoire, et si je suis entré 
dans quelques détails à ce sujet, c’est parce que M. l’intendant 
d'Alger m’a demandé un rapport sur un sujet si important; c’est 
enfin pour prouver que le corps des dromadaires, une’fois or- 


= 
ganisé, pourra S’approvisionner lui-même, et de plus être sou- 
vent chargé d’un convoi sur des places de l’intérieur, si c’était 
nécessaire. 

Je concède donc les deux propositions ci-dessus, tout en fai- 
sant observer qu’il y aurait autant d’imprudence à charger un 
convoi sur des dromadaires dans les pays montagneux qu’à ne 
pas le leur confier dans le désert d'Angad et au delà. La guerre 
est finie, pour longtemps peut-être, autour de nous ; l'intérêt 
du Gouvernementest de la porter au loin le plus vite possible ; 
el alors il ne faudra que des dromadaires ; la nature du sol le 
veul ainsi. | 


Proposition de supprimer les transports auxiliaires et de créer un bataillon 
avec 4,000 dromadaires. 


45. J'arrive à ma proposition d'utiliser les dromadaires dans 
l'Algérie, en tenant compte des difficultés que j'ai concédées, 
comme inévitables, et en ne comptant pour rien les autres, qui 
n’ont été mises en avant que par des hommes qui n’avaient 
point une énergie suffisante. | 


Les transports auxiliaires de l’armée coûtent maintenant par 
an une somme de deux millions: je propose d'organiser un 
bataillon avec mille dromadaires et je vais dire de quelle utilité 
il serait à l’armée. 


Dépense occasionnée par 4,000 dromadaires annuellement. 


46. Les plus beaux dromadaires coûtent dans la Mitidja 
300 fr. La dépense du premier achat serait donc de 300,000 fr. 


La dépense annuelle serait : 
1° Intérêt de l'argent à 5 pour 100. . . . 15,000 fr. 
À reporter. ‘. . . 15,000 fr. 


— 30 — 
Report. . . . 15,000 fr. 
4,000 cordes de 10m, en | 
laine, àdfr. . . . . 4,0001fr. 
1,000 bâis arabes, à 10 fr. 10,000 
1,000 tellis, à 8 fr. . . . 8,000 
. Goudronnage à 4 fr. la bête. 4,000  : 
Huile, indigo, sulfate de cui- 6,000 
vre, ocre, ele. 9,00 


292,000 


F. 
| 


5° 


Plus, les frais de gardiens ordinaires : 


1 caïd-el-bel par an. . . 1,500 


® kaïds, à 1,000 fr. par an. 2.000 | 
AA AIRE D 2 91,500 


50 raïa, ou 1 gardien pour 20 
bêtes, à 1 fr. par jour. . 18,000 
5°, Dépenses 1MpPrevUes #7. T0 UE APP TETE 


Toalerene) 0 80,000 fr. 


. Le chiffre de dépenses, quelque minime qu’il soit, eu égard 
à la grandeur du résultat qu'il procure, est établi sur des prix 
maximum et sur les prévisions les plus larges: en effet, le 
nombre des raïa pourra être réduit la seconde année, de un 
pour vingt à un pour quarante et même cinquante; il faut en 
conserver cependant pour quelques opérations qui, comme le 
soudronnage , humilieraient peut-être quelque temps encore 
l’amour-propre du soldat français. 

Je propose, dès la première année, après avoir fait la dé- 
pense n. 2 de 22,000 fr., d’intéresser le soldat à l'entretien de 
ce matériel, en augmentant de dix centimes sa solde de pré- 
sence ; il aura bientôt appris à tailler les bois, à faire les cordes, 
et cette dépense ne sera que de 20,000 fr. par an. 

Il me paraît inutile. de donner aux chamelfiers une solde plus 
élevée, ce service devant être fait par le corps des équipages, 


M — 
dont l’effectif paraît trop considérable en Algérie, eu égard au 
chiffre des animaux qu'il emploie : les soldats de ce corps re- 
çoivent déjà une solde double de celle de l'infanterie qui travaille 
autant qu'eux en ce pays. 


Résultat à obtenir par cette organisation. 


#7. Sur un troupeau de mille dromadaires, les Arabes disent 
qu'il n’y en a pas cinquante d’indisponibles: je suppose que ce 
chiffre s'élève à cent. Il resterait donc neuf cents bêtes prêtes 
à servir. 

Le temps des pluies, qui peut obliger les dromadaires de 
suspendre leurs voyages dans la Mitidja, n’est pas de quatre- 
vingts jours dans l’année; je le porte cependant à cent vingt- 
cinq ou à quatre mois. Les neuf cents bêtes ne devront donc 
travailler que deux cent quarante jours. Je choisis, comme base 
de mes calculs, le ravitaillement de Médéah et Milianah: les 
Arabes, du temps des Turcs, lopéraient avec des dromadaires 
du beylick, lorsque ces deux places n'étaient reliées à Alger 
que par des sentiers. L'opération sera bien plus facile, mainte- 
nant que de belles routes sont ouvertes avec des pentes tout au 
plus au 1%. 


Economie de À million au moins dans la province d’Alger sur l'exercice 4844. 


48. Dans les beaux jours, un dromadaire part de bon matin 
d'Alger pour Médéah et il y arrive la nuit; il fait de même la 
route d'Alger à Milianah en deux jours: voilà qui est inçon- 
testable ; mais je suppose, 1° quant à Médéah, deux jours pour 
l'aller, deux jours pour le retour, et même deux jours pour le 
CPR OR RON 0 MT RON PE" Gr IQRES 

2° Quant à Milianah, pour les mêmes causes . » 8 » 


Temps nécessaire pour ce double voyage. 14 jours. 


a 


 : ets 
Divisant 240 jours par 14, le nombre de doubles voyages 
que fera chaque dromadaire sera par an de 17: 
Jé porte. 4 1, 1 0 RNA INONa Ses, 
Le prix du transport du quintal métrique étant : 
d'Alger à Médéah: de 0 M0L 60 
et d'Alger à Milianah. . "1" 7"4197 80 


Total 56 f. 60 
Et un dromadaire pouvant porter deux quintaux, chaque 
double voyage rapportera . . . . . . 75 tr. 20 
les TNDyAaSeS tie LE AN Eee 1,244 40 


et les 900 bêtes, en un'aniabrsvih 046 409 8601108 
Diminuant la dépense annuelle. . . . 80,000 00 


Le boni, en somme ronde, est de 1 ,000,000 00 


RE ET EE 9 QE 
Transport de 64,000 quintaux. 


49. Une bête, dans son double voyage, porte. 4 q. ti. 
Et dans ses 17 voyages . . . 65:34" 
Le poids total porté par les 900 bôtes est " 61,000  d° 


Ce poids correspond précisément au chiffre probable des 
transports à effectuer sur ces deux places, eu égard à l'effectif 
des troupes et surtout aux deux ravitaillements de 3 millions 
de rations de vivres, ou la subsistance de 8,000 hommes en 
AN 2 0 PI HU En DORE Barr x ANNE ne PS 
750,000 rations d’orge ou l’orge nécessaire à 

2,000 chevaux en un an, à quatre kilog. . . 28,000 d° 
Subsitances, autres denrées! 4%209%. 7078 0 ER 000 0m 
Hôpitäax.. +. 2: 0. CU RSR 
Camypement. "00" 0 0 ASIN 0 A OST 


Total éco OA0NPR 


CS Ai 
De ce caleul, il résulte clairement que les 1,000 dromadaires 
pourraient remplacer le service auxiliaire des transports, et la 


suppression de ce dernier service serait un bienfait pour le trésor 
et pour la colonie. 


Le dromadaire peut faire, pour l'administration militaire, diminuer le nombre 
| des mulets en Algérie. 


50. Mais là ne s'arrête pas l’économie possible : car, si les 
principes qui peuvent'la faire admettre sont vrais, on doit en 
étendre l'application au corps des équipages militaires, en rem- 
plaçant, dès que les circonstances le permettront, un certain 
nombre de mulets par des dromadaires. 

Ce corps est chargé de trois services bien distincts : 

1° D’approvisionner les places éloignées ; et, en général, il 
importe peu que cette opération ait lieu deux ou trois mois plus 
tôt que plus tard ; 

2% D’assurer le service courant de ces mêmes places; 

3° De suivre les expéditions. 

Je propose de conserver le nombre de mulets nécessaires 
pour les deux derniers services, et, à dater de cette année, 
d’approvisionner Médéah, Coléah, Blidah, Milianah, parle moyen 
de 1,000 autres dromadaires. 

L'économie qui pourrait être faite serait de 1,500 mulets, 
puisqu'un dromadaire peut porter plus qu'un mulet. Je sup- 
pose qu’on n’en réduise que 1,200; avec des pertes de 120 bè- 
tes par mois, bientôt l'effectif du corps des équipages descen- 
drait au chiffre voulu par ce projet, si la remonte de France ne 
venait continuellement combler les vides. 


Économie produite par 4,000 dromadaires remplaçant 4,200 mulets ou chevaux de bât 
dans la province d'Alger. 


51. Une raison décisive pourrait porter à adopter ce parti: sion , 
3 


3 — 


achète les dromadaires au printemps et qu’on les fasse travail- 
ler de suite, ils auront gagné en deux mois la dépense d'achat, 
et viendraient-ils tous à crever pendant l’année, il n’y au- 
rait aucune perte pour l'Etat. Mais un dromadaire finira par 
durer entre nos mains, comme dans celles des Arabes, près de 
vingt ans, et avec d'autant plus de raison, que nous avons de 
nos animaux beaucoup plus de soin qu'eux. Voici des calculs 
positifs qui justifieront ma proposition : 
: 


Coût de 1,000 dromadaires par an pour remplacer 4,200 mulets. 


52. Le coût d’un dromadaire est de 500 fr., ci..  SOOfr. 
Supposons que sa durée ne soit que de douze 

ans, à raison de 80 francs par an, il aura coûté après 

doté ansu ss ch edit ie ete Ne di 960 
Prix de revient en douze ans. . . . . . . 1,260 
EL Dar ant AUDE ere ot el ENAIEE A 105 


Les 1,000 bêtes en un an coûteront. . . . . 105,000 


PRESENT 


Coût de 4,200 mulets. | 
55. Un mulet, tous frais payés, rendu à Alger, revient à 
900 francs; je suppose seulement 800 francs. 
_ Il y a, à Alger, 5,168 bêtes de transport, et le chiffre des pertes 
dans le dernier mois de 1845, s’est élevé à 68 : je prends ce 
chiffre pour base, quoiqu'il soit le moins élevé des pertes des 
autres mois de l’année : 68 par mois font 816 par an, le pro- 
duit de la division de 3,168 par 816 donne au quotient 5,88 : 
ua.mulet ou cheval de irait ne dure donc pas même quatre 
ans en Algérie; supposons cette deruière durée : en douze 
ans, un mulet aura élé remplacé deux fois et aura coûté, en 


— 35 — | 
SONATA NET 4 MSIE TS LUI Bouste 0178 2400.00 
La nourriture journalière revient à 1 fr. 50 
cent. ; je suppose avec le budget 1 fr. 20 c. : la 
dépense sera par an de 458 fr., et en douze ans, 
DR TER OR el RRQ gd de 8,200 ::00 
Le ferrage fixé à 50 fr. par an reviendra, en | 
douser ans, Rue’ .2 Ua MAUR Fr ANS Dai 560 00 
Le harnachement, en douze ans, reviendra à 


plus. de 200 fr.) melon; | 41,4. 180 00 
Prix de revient en douze ans. . . . . . 8,196 00 
: 1 à CCE 1 SENS A die NET Ps 683 00 


Ainsi, les 1,200 mulets en un an coûtent. . 819,600 00 
Et les 1,000 dromadaires qui remplaceraient 
peut-être avec avantage les 1,200 mulets. . . 105,000 00 


Economie annuelle, . . . . . . . . 114,000 00 


v 


Et je ne crains pas d’exagérer, en affirmant, que si je n’eusse 
à dessein diminué considérablement les dépenses réelles du 
mulet, tout en augmentant celles relatives aux dromadaires, 
cette économie se serait élevée à 1,000,000 fr. au moins. 


Économie possible sur le chapitre du budget des transports en Algérie pour la seule 
province d'Alger. 


| 

54. Ainsi, l’économie générale qui pourrait être faite sur 
le chapitre du budget de l’Algérie relatif aux transports, pour 
la seule province d'Alger, en 1844, serait de 2,000,000 fr. 

IL est probable qu’une économie pareille pourrait avoir lieu 
dans les autrés provinces de l'Algérie sur le même chapitre; 


mais je n'ose rien spécifier à ce sujet. 
| 3. 


BE Mb 


. Conclusion. 


55. La question de la possibilité des convois par le moyen 
des Français et par des Français est donc résolue affirmative- 
ment : les expériences déjà faites, celles que je suis encore ap- 
pelé à faire devant telle commission qui sera nommée, prouve- 
ront l’utilité que l’Etat peut en retirer immédiatement. 

La réussite appartiendra au premier homme de cœur qui 
osera entreprendre cette tâche; on le trouvera certainement dans 
le corps des équipages militaires. Précisément, l'ordonnance du 
11 janvier 1842, qui le réorganise, l’autorise, en temps de 
guerre, à s'adjoindre des compagnies provisoires avec les res- 
sources en hommes et bêtes que présente le pays occupé par 
l’armée. 3e 

Si, par suite de difficultés dont je ne veux pas expliquer d’a- 
vance la nature, les officiers du corps des équipages venaient 
à décliner la mission si honorable pour tout citoyen, et entore 
plus pour un militaire, de travailler pour la patrie; ou si, en 
d'autres termes, ils ne répondaient pas du succès, je connais un 
officier d'infanterie qui, heureux et fier de pouvoir être utile à 
l'Algérie, dont il ne sera jamais l’un des enfants gâtés, ose- 
rait entreprendre cette tâche et il réussirait. 

Mais n'est-ce pas une utopie que des hommes ont rêvée ? 
Serait-il réellement possible de diminuer tout d’un coup le bud- 
get de l'Algérie d'une somme aussi considérable? peut-on sup+ 
poser que, depuis quatorze ans, l’autorité française eût négligé 
ce trésor avec un si grand aveuglement ? 

Je pense que oui; mais, pour être juste envers tous, il faut 
convenir : 

1° Que les affaires courantes et pressées sont tellement con- 
sidérables en Algérie, qu’un administrateur est obligé de leur 


FR FR 


consacrer tout le jour et mème une partie de la nuit, sans pou- 
voir songer à l'avenir; on vit ici au jour le jour; 

20 L'état de paix armée, ou de guerre, dans lequel nous vi- 
vons depuis si longtemps, s’est loujours opposé à ce que des 
essais fussent entrepris avec de grandes chances de succès. En 
chargeant le corps du train de cette mission, on s’exposait tou- 
jours à échouer, attendu que le service de ce corps est telle- 
ment pénible, qu’il n'a pas le temps de s’occuper d’autres ob- 
jets; | 

5° L'époque actuelle est la première qui ait permis de penser 
sérieusement à cette affaire, d'étudier les mœurs et le carac- 
tère de l'animal. Ce n'est que maintenant que nous pourrons 
faire une bonne remonte, puisque tout le pays est soumis de- 
puis Maroc jusqu’à Tunis, depuis le littoral jusqu’au Djebel- 
Amour ; 

4 Enfin, si jusqu'ici une organisation de ce genre eût été 
utile, ce n'est qu'après la pacification complète du pays, c’est-à- 
dire depuis quelques mois seulement, qu’elle est devenue in- 
dispensable. | 

Prononcez-vous donc, Monsieur le Maréchal; tout dépend 
de vous, et vous aurez la gloire d'entrer dans la voie des éco- 
nomies possibles qui doivent enfin récompenser la France des 
nombreux sacrifices qu’elle s'impose depuis longtemps pour 
l'Algérie. 


v— 36 — , 


CHAPITRE IL. 


DU TRANSPORT DE L’'INFANTERIE. 


. 
Le dromadaire peut-il être utilisé pour le transport de l'infanterie ? 


56. Me voici, enfin, arrivé à la partie importante de mon rap- 
port. 

Le dromadaire peut-il être utilisé pour le ranspork de l’in- 
fanterie dans les expéditions lontaines ? 


Régiment de dromadaires d'Égypte. 


57. L'idée de faire transporter l'infanterie sur des dromadaires 
a déjà été mise en exécution en Égypte par le général Bo- 
naparte, qui fait, dans ses mémoires, un grand éloge du corps 
qu'il organisa à ce sujet. L'histoire rapporte, qu'après la ré- 
volte du Caire (1798), Napoléon forma, sous les ordres d’un 
colonel, un corps d'infanterie composé d’un bataillon auquel il 


donna le dromadaire pour monture : deux hommes placés dos 


à dos, dit la France militaire, montaient le même dromadaire 
qu'on chargeait, en outre, de munitions et de vivres pour plu- 
sieurs jours. Le nombre de ces animaux, d’abord de 100, fut 
ensuite porté à 700, lorsque le général Desaix fit fondre dans 
le régiment du Caire le corps de dromadaires de la Haute- 
Égypte, qui avait si inutilement poursuivi Mourad-Bey sous 
les ordres de l’adjudant général Pierre Boyer. 

Les traditions orales rapportent que chaque dromadaire avait 


une selle avec étriers, encastrant la bosse, et que c’était sur le « 


panneau, au-dessus de cette, bosse, que les deux hommes se pla- 
çaient. L'animal était conduit par le guide, lequel dirigeait, 
lorsqu'il était en selle, au moyen d’un licou ordinaire muni d’une 


LS. 


& = 
muserolle, et de deux rênes, et, lorsqu'il était à pied, au moyen 
d’une rène fixée à l’anneau passé dans une narine, ainsi qu'il 
est en usage dans toute l'Egypte. Il est bien à regretter que 
les anciens officiers de ce corps se soient refusés à me donner 
les renseignements que je leur avais demandés à ce sujet. 

Il serait à désirer aussi que le ministre de la guerre voulüt 
bien donner communication des archives de son ministère rela- 
tives aux corps des dromadaires d'Egypte; on y puiserait des 
renseignements bien utiles pour la création d’un corps sembla- 
ble, qui tôt ou tard doit avoir lieu en Algérie. Il n’est pas pos- 
sible que toutes ces pièces soient égarées, comme on le prétend. 
Les Turcs n’ont jamais pensé à une organisation définitive de 
celte espèce. 


Emploi des dromadaires par les Turcs, 


58. Un vieillard qui était employé à la garde des droma- 
daires du beylick, qui a fait en cette qualité bien des expédi- 
tions, et notamment celle des Beni-Mzab en 1804, et celle de 
Boüssada en 1850, rapporte ainsi qu'il suit l'usage que les 
Turcs faisaient du dromadaire dans ces deux courses : 

La milice partait au point du jour, ne portant que ses armes, 
et elle s’arrêtait à l'asser (prière faite à trois heures et demie 
du soir); elle ne voyageait jamais qu’à pied. Les hommes mala- 
des ou blessés montaient sur les dromadaires du beylick, qui 
avaient chacun un conducteur requis gratuitement. Ces bêtes 
portaient les tentes à vingt-cinq hommes, les rations de vivres, . 
consistant en bérouel (blé concassé) et en busmat (biscuit), ainsi 
que des peaux de bouc remplies d’eau, dont on pouvait boire 
à volonté. 

Les dromadaires portaient aussi de petites pièces d'artillerie 
sur des bâts particuliers. Je me rappelle en avoir vu en 1850 
au fort Babazoun, lors de la prise d'Alger. 


— #0 — 


Emploi des dromadaires par Abd-el-Khader. 


59. Abd-el-Khader, dans la dernière guerre, a fait souvent 
transporter son infanterie, soit par des mulets, soit par des dro- 
madaires, requis dans les tribus. Avant la destruction de son 
infanterie régulière, c'était à dos de dromadaires qu'il lui fai- 
sait traverser rapidement les Chott, pour porter la guerre dans 
la province de Tlemcen. On sait que c’est par une marche de 
trente-six heures, faite de cette manière, qu’il s’est emparé de 
Médéah, avänt le traité de 1857. 


Expédition de M. le colonel Jusuf exécutée avec de l'infanterie montée. 


60. Les Français n’ont fait qu'un seul essai de ce genre; mais 
il doit être très-sérieusement étudié, comme point de départ 
des opérations nouvelles qui pourront avoir lieu dans la suite. 

Au mois de juillet de l’année 1845, on a voulu transpor- 
ter rapidement un corps d'infanterie jusqu'à Tiaret; douze 
cents mulets furent réunis à Boghar pour monter deux batail- 
lons d'infanterie, l’un du 55° de ligne, l’autre des zouaves. En 
confiant le commandement de cette colonne à M. le colonel 
Jusuf, on était assuré d'avance d’un succès complet; en effet, 
quarante-huit heures après notre arrivée à Boghar, nous tra- 
versions ces immenses plaines que l’on peut comparer à la 
mer. 

L'effet produit par la seule annonce de cette colonne a été 
tellement prodigieux, qu’il en a été question jusqu’au delà du 
Djebel-Amour ; et lorsque deux marches forcées nous eurent 
conduits jusqu'au Nar-Ouassel, à trente-six lieues en avant, il 
devint évident que l’on avait trouvé le véritable moyen pour 
faire trembler les tribus du Sahara, et pour les empêcher de 


4 


prêter aucun appui à Ahbd-el-Khader. 


_—— teste stunt 


CR ES 

Je commandais alors le bataillon d’élite du 33°, et j'ai fait 
à mon colonel, sur cette expédition, un rapport dont je vais 
extraire les détails utiles pour arriver à mon but actuel. 

Il est humainement impossible de faire faire à une colonne 
d'infanterie à pied la course que nous avons faite étant montés ; 
il pourrait même y avoir un grand danger à le tenter. MM. les 
colonels Pélissier et Eynard ont aussi commandé des colonnes 
dans ce pays : les troupes, auxquelles ils avaient communiqué 
leur patriotisme, ont beaucoup souffert, soit par la chaleur, soit 
par le manque d’eau, tandis que nos soldats montés y ont fait 
un véritable voyage d'agrément. 

En quarante-huit heures, l'infanterie s’est assez familiari- 
sée avec les chevaux et les mulets pour pouvoir s’en servir dans 
une course lointaine et rester sur ces animaux pendant dix-huit 
heures sans se blesser. On à manœuvré; nos pelotons étaient 
alignés comme ceux de la cavalerie, et on a plusieurs fois dé- 
filé devant des goums de 2,000 cavaliers avec un ordre admi- 
rable ; il y a eu très-peu d'accidents. Les hommes ont eu le 
plus grand soin de leurs bêtes et ne pensaient à leur propre sub- 
sistance qu'après avoir pourvu, par des corvées souvent péni- 
bles, à la nourriture des animaux. 


Le mulet a fait un bon service dans cette expédition, 


61. Les chevaux et les juments, et surtout ces dernières, 
ne conviennent point à ce genre de transport; nous les avons 
rendus à leurs propriétaires dans un état déplorable. Le ba- 
taillon du 35° a perdu, dans la course de vingt jours, 10 che- 
vaux sur 110, et 14 juments sur 150; les pelotons composés 
de ces dernières bêtes marchaient fort mal, la ration de 2 kilog. 
d’orge qui était allouée ne pouvant leur suffire. 

Les mulets, au contraire, ne dépérissent pas sensiblement 
avec cette ration; nous en avons blessé fort peu dans cette 


Æ ÿ = 
longue course, et Somme toute, lorsque nous les avons réndus, 
ils étaient en bon état. Les pelotons de mulets ont toujours fait 
le meilleur service; leur perte n’a été que de deux dans le ba- 
taillon. du 33e. 


Une expédition semblable ne peut avoir lieu que dans des circonstances extraordinaires. 
Lt 


‘62. M. le colonel Jusuf avait tout prévu : contrôles, numé- 
rotage des bêtes, manœuvres devant l'ennemi, harnachement, 
päquetage, campément: il à réussi dans son entreprise, mais 
mon idéé n'a pas changé, et je le dis à présent, comme dans 
mon premier rapport, cet essai n'aura plus lieu dans le sud 
de la province d'Alger, à moins de circonstances urgentes. [Il 
faut abandonner l’idée du transport de l'infanterie à dos de mu- 
lets; c'est impraticable pour plusieurs raisons : 1° le mulet 
esk très-rare dans le sud de la province d'Alger, et on n’en 
trouve presque plus au delà de Boghar. Aïnsi, dans la province 
de Tittery, sur 15,000 bêtes qui ont servi de base à la réparti- 
tion de l'impôt en 1845, il y a plus de 1,000 dromadaires ; et, 
à cette époque, les Ouled-Nayl, qui n’ont que des dromadaires, 
et qui en ont par milliers, n’avaient pas encore fait leur sou- 
mission à M. le colonel Jusuf; 2 il faut pour le mulet un ap- 
provisionnement d'orge ; 3° il faut que cet animal boive tous 
les jours, et souvent il est impossible, dans le Sahara, d’abreaver 
les hommes; 4° avant un mois de course, le mulet est hors de 
service; 5° le prix du loyer des 1,200 bêtes, à 4 fr. par jour, 
Ed; : 6-0 5 5 4 STI MMA CRE ENT CSODMEN 

Loyer de 800 dromadaires à 5 fr. par jour 
pour le transport de l'orge destinée aux 1,200 
mulèts et à 500-chévaut : runs: mi 4,000 

PDA DA NQUE. + PDU Ve 8,800 


RENE PRE RP PEER 


É h3 EE 
Ët par mois . . ue « 264,000 fr. 
Perte à raison de 10 pour 100. ou de 120 bé- | 
tes au prix de 200 fr. . . . . . . . . + 24,000 
Total général. .1. 4". . Et a) 288000 
Il faut donc se servir de dromadaires, dans le sud de la pro- 
vince d'Alger, si l’on veut monter l'infanterie de manière qu’elle 
puisse se porter rapidement à de grandes distances, soit pour 
atteindre les tribus en fuite, soit pour porter secours à des tri- 
bus amies, soit pour le recouvrement des contributions et des 
amendes. 


Proposition de monter l’infanterie à dromadaire. 


63. Ces considérations avaient aussi frappé depuis longtemps 
l'esprit observateur du général Marey-Monge, lorsqu'il prit pos- 
session du commandement de la province de Tiltery, en juillet 
1845 : il vous proposa, Monsieur le Maréchal, un nouvel essai 
de monter l'infanterie à dromadaire ; et dès qu’il eut connu, par 
votre lettre du 19 octobre 1845, qu'il rendrait au pays un grand 
et véritable service en organisant une colonne de 600 droma- 
daires, portant 1,200 hommes avec leurs vivres pour douze 
jours, il entreprit hardiment une tâche aussi difficile. 

Bientôt, ainsi que je l’ai fait connaître à la seconde partie de 
ce rappôrt, la question des convois par des Français seuls fut 
résolue affirmativement. Il ne restait donc plus qu’à s'occuper 
de celle du transport des troupes. 

Cent hommes d'infanterie pris dans le 35° de ligne et dans 
le 3° bataillon de chasseurs d'Orléans, commandés par M. le 
capitaine Janod, par les licutenants Même et Esmieu et le sous 
lieutenant Simonet, furent chargés du dressage de cent droma- 
_daires, réunis sous mes ordres à la Maison-Carrée. C’est à ces 


+ 
officiers, pleins de zèle et de bein qu'est due la réussite 
de l’expérience actuelle. | 


i : 
Des expériences faites pour monter le soldat d'infanterie à dromadaire, — 4° Dressage 
des bëtes. 


64. Mais il faut entrer dans le cœur de la question, décrire 
les expériences qui ont eu lieu, É résultats qui en ‘ont été la 
suite, leur application, de manière à prouver la possibilité dé 
cette entreprise ; et d’abord on ne doit pas perdre de vue que 
nous ayons opéré sur des bêtes de rebut, presque toutes du 
sexe féminin; et si le résultat n’a pas été douteux, c’est que 
l’idée ne présente, en effet, aucune difficulté d'exécution insur- 
montable. Commençons par le dressage des bêtes. 


La patience est nécessaire. 


+ 65. Un soldat fut affecté à chaque dromadaire pour le dres- 
ser; il a commencé par les battre à tel point, que deux de ces 
animaux ont perdu un œil, et, malgré ces mauvais traitements, 
ila dû renoncer à s’en faire obéir; alors, et de lui-même, ayant 
essayé les moyens de douceur, il a été tout étonné de l’extrême 
docilité de cet animal, que maintenant il se garde bien de bat- 
tre, et qu'il ne désigne plus que comme un animal bienfaisant 
ou domestique. 


Du dressage. 


66. Toutes les peines prises pour conduire en ordre ces 
animaux avec une baguette ayant été en pure perte, on a 
pensé à essayer, non une bride qui serait impraticable, mais un 
simple licou. Après bien des essais, le licou à nœud coulant sur 
le nez fut adopté comme rendant le dromadaire l’esclave du 
soldat, Muni de ce licou, le soldat s’est appliqué à faire coucher 
l'animal, à le faire lever et enfin à s’en faire suivre dañs toutes 


er eu 

les directions. Pour cela, il marchait devant lui et le condui- 
sait avec les rênes; dans les premiers jours , l’animal est de- 
venu furieux ; mais ensuite il a pris l'habitude d’obéir, et main- 
tenant il ne laisse plus rien à désirer à ce sujet. Lorsque nous 
aurons de nouveaux dromadaires, leur dressage pourra néces- 
siter l'emploi de quatre jours au plus. 


De l’attache. 


67. Tous les matins, lorsqu'il fallait mettre le licou, on per- 
dait du temps, et cette difficulté, en expédition, serait devenue 
sérieuse. On a essayé : 4° d’attacher l'animal pendant la nuit à 
ün anneau par le licou ; 2° de l’entraver à des cordes de bivouac, 
comme les chevaux ou mulets. Ces moyens ont réussi, et ils 
l'ont tellement habitué au soldat quil a presque cessé à son 
approche ces cris plaintifs qui proviennent de sa peur de 
l’homme. | 


| 


Des entraves de jambes, 


68. Comme le dromadaire nereçoit pas de rations et qu’il doit 
paître pendant au moins deux heures (15) chaque jour, 
il eût été difficile à saisir au premier signal. On a obvié à ce 
défaut, comme le font les Arabes, par le moyen d’une corde qui, 
liant les deux jambes du même côté, porte légèrement en ar- 
rière la jambe de devant, et empêche ainsi l’animal de se 
sauver. 


Des entraves du genou. 


69. Dans des moments difficiles, soit de jour pendant l’he re 
du pâturage, soit de nuit, on devait s'assurer que le drom ire 
ne serait ni enlevé par un coup de main, ni mis en fui: par 
une terreur panique. Il a été prouvé qu’en l’entravant aux 4x 
genoux de devant lorsqu'il est accroupi, aucune force humaine 


— k6 — 
ne peut le faire échapper, et que cela ne l'empêche ni‘de cher- 
cher sa nourriture à quelques pas de lui, en marchant sur ses 
genoux, ni de dormir. Chaque soldat peus donc sur son dro-- 
madaire des entraves en corde préparées à ce sujet : les rênes 
du licol peuvent en tenir lieu au besoin. 


Des étriers. 


70. Les Arabes, pour monter à dromadaire, le font accrou- 
pir ; nous n’avons pu faire le même mouvement qu'avec dés- 
ordre jusqu’à présent, à cause de quelques soldats peu adroits. 
On a obvié à cet inconvénient par un long étrier à deux éche- 
lons, et maintenant on monte à dromadaire comme à cheval ; 
pour descendre, on ne fait pas accroupir, mais on saute leste- 
ment à terre sur le côté. F | 


Fin du dressage. 


71... Lôrsque le soldat a pu répondre de la docilité de sa bête, 
on lui a donné celle d’un de ses camarades, ét lorsque toutes 
ont été ‘reconnues dressées, alors ont commencé les exer- 
cices. | 
… L'école de peloton a été faite à pied. L'animal a suivi son 
maître sans bruit et sans peine ; il a montré la même docilité 
dans toùs les mouvements de l’école de bataillon. Dans les car- 
rés, après avoir été entravé aux deux genoux, il a servi de 
rempart pour le feu de deux rangs, sans s CHtayer de la fu- 
sillade. | ; 


Déroute des Espagnols sur la plage de Babazoun, — Ordre du jour de l'armée 
du 8 juin 4830. 


72. L'histoire de ce pays paraît dire vrai lorsqu'elle rapporte 
que les Espagnols, dans leur débarquement à Babazoun, ont 
été attaqués par des Arabes qui, chassant devant eux üne mul- 


titude d'animaux, sont arrivés sans essuyer. aucune perle jus- 
que sur leur camp qui prit la fuite. L'animal dont la seule vue 
glaça de terreur ces vieilles bandes qui avaient vaincu l’Europe, 
cet animal, c’élait le dromadaire. Un ordre du jour du lieute- 
nant-général Bourmont, donné en rade de Palma le 8 juin 1850, 
prévint les troupes de l’expédition que les Arabes devaient 
employer le même moyen pour nous jeter dans la mer. Mal- 
heureusement pour nous, l’aga Ibrahim n’eut pas recours à ce 
stralagème à Sidi-Feruch. 


4 soldat peut conduire 4 dromadaires. 


73. Enfin il a fallu reconnaître combien de dromadaires un 
soldat peut conduire par la bride. On a arrêté ce nombre à 
quatre, et on pourrait le porter à cinq et même à six, s’il était 
nécessaire. Ainsi tenus en main, Ces animaux peuvent conti- 
nuer à marcher pendant qu’une colonne mobile, formée de tous 
les hommes montés et de trois guides sur quatre, est disponi- 


ble pour être portée au loin. 


.: 


Expériences faites par les hommes montés. 


74. Ces expériences faites par un soldat à pied ayant réussi, 
on a essayé de faire diriger ces animaux par des hommes 
montés. Les Arabes ont pour cela des chevaux ou des droma- 
daires bien dressés qui ouvrent la marche, et qui servent à 
faire suivre le troupeau dans toutes les directions. Ce moyen 
nous, à réussi ; mais Jusqu'à présent nous n’avons pu obtenir 
ni ordre ni rang. La bête est cependant à la disposition du sol- 
dat monté qui peut larrêter tout court, la faire marcher, la 
faire tourner à droite ou à gauche, la faire coucher et lever. 
Je suis persuadé que plus tard nous viendrons à bout d’exé- 
cuter tous ces mouvements avec ensemble. J'ajoute que cet 
inconvénient, qui serait majeur, si on voulait organiser les 


— 48 — 
dromadaires en régiment de cavalerie, est tout à fait insigni- 
fiant, lorsqu'on ne veut les dresser que pour les transports de 
troupes ou de matériel ; pourvu qu’ils marchent, qu’ils se cou- 


chent, qu’ils se relèvent, c’est tout ce qu’il faut, et ce but est 
atteint. 


2° Expériences sur le harnachement. 


75. Après ces expériences, on a procédé à des essais relà- 
üifs au harnachement. Ces essais ont porté 1° sur le bât, 2° sur 
la bride. 


Du bât et de son prix. 


76. 10 Quant au système de bât, le parc de réparation d’Al- 
ger ayant reçu des ordres à ce sujet de M. l’intendant de la 
division, j'ai fait construtre, pour deux hommes, un bât qui 


excite l'admiration des Arabes. La dépense en était bien mi- 
nime : | 


Charronnage 1 1100 
dopog 72 AU STRESS 
Bourrelier 2. % 0... 1489 


Total . . . . 26fr.94c. 


Ce bât, pour la solidité et la bonté, peut être comparé aux 
bâts de l'artillerie et du train, qui coûtent près de 90 francs; 1l 
est certes bien préférable aux trois bâts dits de chameau, exé- 
cutés dans les mêmes ateliers en 1836, 1840 et 1845, lesquels 
ont coûté : le premier, 76 fr. 84 c.; le second, 95 fr. 75 c., et 
le troisième, 50 fr. 10 c. 


Adoption du bât arabe modifié. 


77. Il a été décidé qu’on ne construirait plus de ces bâts, 


vu que l'équipement en usage chez les Arabes, légèrement mo- 
difié, peut suffire. J’eusse dû, dès le principe, reconnaitre la 
justesse et la portée de cette observation. 

Voici une description succincte de notre bât : un saucisson 
en laine ou en poil de dromadaire, de 0 m.55 c. sur 2 m.20c., 
est bourré fortement de 10 kilogrammes de paille ; il est replié 
en deux, cousu à l'extrémité et placé autour de la bosse, qui le 
consolide sur l'animal. L’Arabe se place sur le derrière de 
ce saucisson, qui est maintenu par deux cordes, l’une sur le 
devant et l’autre sur le derrière de la bosse; la corde de de- 
vant peut être très-avantageusement remplacée par une sangle ; 
celle du derrière doit être en laine ou en poil de dromadaire , 
sous peine de blesser la partie très-délicate sur laquelle elle 
frotte. 

Le dromadaire étant un animal de somme, sur le saucisson 
en avant de la bosse on place deux demi-chevalets, larges de 
0 m. 06 c. au moins, reliés l’un à l’autre par deux traverses 
horizontales et attachés au saucisson avec de la ficelle ; c’est 
sur cet assemblage que porte le poids de la charge. Il n’entre 
donc dans cette confection, dont la solidité est réellement re- 
marquable, ni cuir ni fer. 


Le tarif de ce bât est celui-ci : 


MONS in ne a nd papy 4 fr OU) G. 
Dane ses LL en Qu ce as 
Mn st /9 ii ST 2 +00 
Ces aus ES 20 a: OÙ 
RAT 06 Re nr. AE 


Total . 0 MIO 


Si l’on ajoute le prix de deux sacs à vivres et de deux peaux 


de bouc, la dépense pour équiper complétement un dromadaire 
4 


D 
sera de 45 francs, et pour les 650 bêtes de 9,750 franes au 
plus. 


Modifications adoptées. 


“78. Ce bât, auquel les Arabes n’attachent que 8 mètres 
de cordes en guise de sangles, peut servir au soldat pour les 
plus grandes courses ; il suffit de lui délivrer 24 mètres de cor- 
des, dont 14 pour le chargement et 10 pour le harnachement. 
Le soldat placera d’abord sa couverture sur la corde de der- 
rière, pour ne pas se blesser; ensuite il se confectionnera 
un siége rembourré qu’il adaptera au bât ; 1l se servira de deux 
morceaux de bois pour étriers, en fixant les cordes qui les sou- 
tiennent aux travérses horizontales ; l’étrier de gauche descen- 
dra à trois pieds de terre, pour pouvoir faciliter de monter à 
dromadaire, si l'animal tarde à s’accroupir, ou si, s’étant ac- 
croupi, il se lève trop vite ; il mettra ensuite cet étrier à la hau- 
teur voulue par le moyen d’un ou de plusieurs tours faits autour 
des bois: il attachera à son bât un poitrail, un avaloir, une 
entrave de jambes et deux de genoux ; puis ces préparatifs 
étant faits dans une heure au plus, il sera prêt à partir. 


Avantages de ce hât. 


79. Le bois, les tissus en laine, la corde et la paille ne man- | 


quant pas chez les Arabes, on peut, en tout pays, acheter, répa- 
rer, Corriger ou confectionner ce bât : c’est un immense avan- 
age, qu'il est impossible de ne pas reconnaitre, et qui est d’une 
utilité incontestable. 


Du licou. 


80. Plusieurs genres de licou ont été essayés, et l’un d’eux 
formant un nœud coulant à pression sur le nez a réussi à 
mettre l'animal à la disposition du soldat à pied où à droma- 
daire. Il a été déjà dit que, par ee moyen, la bête $’arrêté, 


Lot — 


tourne à droite ou à gauche et obéit comme à la voix. La corde 
doit avoir 5 mètres de long environ, pour former deux rênes. 


Du percement des narines. « 


81. Bien des expériences ont eu lieu pour le percement des 
_narines et le placement de l'anneau au moyen duquel on con- 
duira, comme on le fait en Egypte, les bêtes sans avoir besoin 
de licou, ce qui sera plus simple ; ce procédé n’a jamais été 
employé en Algérie: aussi les Arabes ne l’approuvent-ils pas 
et disent-ils que cette sévérité doit être réservée pour les tau- 
reaux: il est convenable de faire usage d’anneaux brisés, 
lesquels peuvent être plus facilement placés et enlevés en cas 
de besoin: le fil de fer à employer doit avoir sept millimètres 
de diamètre, pour ne pas déchirer la peau, et étre long de vingt 
centimètres environ. Les anneaux ont été placés de bien des 
manières; on altend, avant: d'adopter une règle générale, que 
les bêtes opérées soient guéries : je m'arrêterai probablement 
au percement de la narine droite. 

L'opération a lieu en deux minutes, l'animal n'étant qu'en- 
travé aux deux genoux, et sa tête étant solidement tirée en 
avant et tenue contre terre par le moyen de la corde. 


Doit-on monter À ou 2 hommes sur le dromadaire ? 


82. La possibilité de monter l'infanterie à dromadaire étant 
bien reconnue, il a été nécessaire d'adopter les bases d’une 
organisation : deux dispositions de principe ont été proposées ; 
l’une consiste à monter deux soldats et leurs sacs sur chaque 
dromadaire, en faisant porter les vivres de ces deux soldats 
par d’autres dromadaires ; et l’autre, à faire porter les sacs et 
les vivres par un dromadaire, sur leguel les deux, hommes 
ne monteraient que l’un après l’autre: le premier moyen, évi- 


demment le meilleur, ne peut être adopté à cause du manque 
k. 


Éthe 
de pâturages nécessaires à un si grand troupeau dans beau- 
coup de localités : il a donc fallu se décider pour le second. 
Or, les dromadaires de moyenne force, même ceux que nous 
avons en ce moment, pouvant porter en plaine deux quintaux, 
avec le poids de cent soixante-douze kilogrammes, pourront 
quelquefois recevoir en surcharge le soldat à pied pendant les 
heures de la plus forte chaleur, sans en être sensiblement 
fatigués. 


Poids porté par un dromadaire. | 


85. Un dromadaire portera donc le poids ci après : 


Poids du bât æt cordes... 2% 46H! 000 
Id. d'un homme ordinaire. . . 67 ,000 
Fu "de Son Fushes  P re eee DDR 
Id. de sa cartouchière et des 

cartouches ‘qu'elle contient. , , . . 2 ,790 


Hotals ss Lis RD AL EDR 


Poids d’un sachet de vivres com- 
prenant : 
Biscuit à 64518. 1, , 19Kt 990 
50 Riz RP OQNE AT, HET LUS 12600 
rations( Sel es TER UE E LAN SET 
de siFiStore Da bah je NO 360 
à 


Café 12 CSS TR OS 560 

FOR RC C2 590 

Viande du lendemain. . . ". . Or: 300 
Peau de bouc de 5 Litres. . . . 65,500 


Vivres particuliers,  ognons, 
IPN US eee UN 0 LU 
Poids des sacs et: sachets. . . 1 ,000 


Total. , . 32kil. 946 


— 93 — 


Ajoutons 1 havresac complet, com- 
prenant : 
La couverture, la tente, la 
NON EUR dE ut un UE te me IS OOÙ 


Le poids total porté par homme est 
derudltasras us a cad <duste 44.195 


Et pour les 2 hommes, il sera de. . . . ,  82kil. 250 


Poids porté-par: 1:dromadaire:, ::,. , + . 172 000 


EE 


Conservera-t-on toujours les dromadaires, ou les mettra-t-on en pension ? 


84. S'il est décidé que des dromadaires seront employés 
à monter l'infanterie, il resterait encore à prendre un de ces 
deux partis: ou de les conserver constamment; ou de les 
placer en pension chez les tribus, à charge par elles, sous 
certaines indemnités, d’en mettre à notre disposition un certain 
nombre pour le transport de l'infanterie, toutes les fois qu’il en 
sera besoin. 

Ces deux moyens sont également praticables. Le second 
présenterait l'avantage, aux yeux des gens timides, en fait d’in- 
novations, de débarrasser l'autorité de toute espèce de difficultés. 
On pourrait lever un tribut en dromadaires ; il produirait, dès 
ja première année, la quantité d'animaux suffisante. Remarquons 
à ce sujet que les Turcs en avaient établi un sur les chevaux 
et sur toutes les bêtes de somme; qu’ils avaient soin de choisir 
ce qu’ils trouvaient de plus beau, et qu'Abd-el-Khader n’y re- 
nonça que parce qu'il avait plus besoin d'argent que de hêtes 
de sommes. Le nombre de dromadaires fournis par ce tribut 
s’élèverait bientôt, dans chacune des trois grandes divisions 
de l'Algérie, par les razzias et par les amendes, à plus de six 
cents. Le dépôt en serait confié à une tribu, par exemple, dans 


DR — 


Fil: — 


la province de Titery, à celle des Raman, à condition que celte 


tribu en fournirait cinq cent avec cinquante conducteurs, 


toutes les fois qu’elle en serait requise. Il ne lui serait alloué, 
pour pertes annuelles, à moins de cas de force majeure, que 
le déchet d’un dixième. Le goudronnage ainsi que les autres 
frais resteraient à sa charge. Pour indemnité, les tribus res- 
ponsables seraient exemptes d'impôts: elles disposeraient des 
produits, consistant en poil , crues, lait, etc. 

Je pense qu’il faudrait les empêcher de se servir des droma- 
daires pour leur usage, et que l'Etat devrait se charger de la- 
chat et de la conservation du matériel. 

Dans cette supposition, on peut être assuré que lorsque le 
corps chargé de ce service devra faire une course à dromadaire, 
il suffira qu’il parte quatre jours avant l'infanterie, pour se fa- 
miliariser avec les animaux : ce temps suffit. 


On doit conserver les dromadaires. 


83. Ce moyen est évidemment praticable; mais il me semble 
que les tribus ne nous fourniraient, pour ces opérations, que 
des bêtes épuisées ; et cependant, 1l ne faut cesser de le répéter, 
nous ne pouvons espérer la réussite dans une entreprise aussi 
épineuse, que sous la condition d'employer des bêtes de pre- 
mière force. Il existe encore cette difficulte, c'est qu’il suffirait 
d’un chef de corps de mauvaise volonté pour faire manquer 
une entreprise, et pour remettre encore la question à l'étude: 
il vaut donc mieux conserver toujours les dromadaires. Le corps 
qui en sera chargé s’habituera promptement à ce genre de 
service, et ne tardera pas à être de la plus grande utilité. | 


À quel corps doit-on confier les dromadaires ? 


86. Mais à quel corps confiera-t-on les dromadaires? Orga- 
nisera-t-on pour cela un corps spécial ? 


PPT ET 


— 55 — 


Les grandes choses s’exécutent mal avec des organisations 
qui ne servent qu'à un seul homme: c’est pour ces raisons que 
je les repousse; il faut du temps pour qu’un corps nouveau 
ait pris un seul et même esprit: or, il convient que, dans la po- 
sition exceptionnelle réservée au corps de dromadaires, il ait 
une organisation déjà faite, déjà éprouvée. 


: 


Avantage qu'offre un régiment pour cet objet. 


87. Je le dis avec confiance: un régiment peut seul remplir 
convenablement la grande tâche que s'imposent ceux qui pren- 
dront ce service. Il faut en charger un colonel, si l’on veut être 
sûr de la réussite. 

Un régiment est commandé par un chef qui a déjà une po- 
sition élevée, si nécessaire au bien-être et à l’avenir de ses sol- 
dais. 

Un régiment est une grande famille qui présente loutes les 
spécialités, toutes les capacités possibles ; il possède des tail- 
leurs, des cordonniers, des charrons, menuisiers, etc. 

. Un régiment possède un esprit dé corps qui, dans les mains 
d’un chef capable, assure la réussite des grandes choses et qui, 
une fois formé, se conserve intact, en grandissant même, les 
nouveau-venus prenant le même esprit que leurs devanciers. 

Un régiment fournira toujours facilement les douze cent vingt 
hommes à affecter au service des dromadaires d’une manière 
permanente : c’est le minimum de force nécessaire pour faire 
respecter l'autorité française sur les frontières du désert. 

Je ne me dissimule pas les difficultés de cette entreprise ; 
mais ces difficultés ne tiennent qu’au choix du chef dont la 
_ bonne volonté entraïnerait celle de ses subordornés, si l'auto- 
rité supérieure se montrait disposée à récompenser leurs nou- 
veaux services. Une fois l'habitude établie, le pli serait pris. 


= 56 | | 


Création d’une masse de remonte. 


88. Il serait formé une masse de remonte qui supporterait 
les frais : 1° de la garde du troupeau par un caïd-el-hel, deux 


caïds et un raï pour vingt-quatre bêtes; 2 de la haute paie 


accordée au corps ; 5° du remplacement des dromadaires ; 4° de 
l’entrelien et du renouvellement du harnachement; 5° du gou- 
dronnage et autres frais hygiéniques ; 6° des pertes d’habille- 
ment, d'armement et de petit équipement; 7° de l’achat des 
blouses et pantalons de toiles; 8° de l'indemnité sur le pied 
de rassemblement qui serait accordée aux officiers. 

Cette masse rentrerait dans ses avances par suite des dispo- 
sitions d’un règlement qui fixerait sa part : 1° sur le bénéfice 
du 40° accordé au percepteur desamendes et des contributions ; 
20 sur les razzias que le corps ferait souvent seul; 3° sur le 
prix des transports qu'il effectuerait, soit pour s’approvision- 
ner, soit pour approvisionner des places ou postes avancés ; 
4° sur la vente des laines, etc. 

On peut compter que, si cette masse dépensait 60,000 fr. 
annuellement, elle en encaisserait plus de 100,000. 


Propositions particulières pour l'armement du corps, son artillerie, etc. 


89. Le corps serait armé de carabines de munition des chas- 


seurs d'Orléans. 

Il lui serait attaché un peloton de cavalerie. 

Il aurait une section d'artillerie armée de vingt-quatre fu- 
sits de rempart et de deux obusiers de montagne, portés, ainsi 
que leurs affûts, par des dromadaires, sur des bâts particuliers 
dont le modèle existe déjà dans les ateliers de l'artillerie à 
Alger. ; 

Il comprendrait une compagnie du bataillon de tirailleurs 


| — 01 — 


indigènes, dans laquelle on engagerait les familles les plus 
influentes du pays à faire entrer leurs parents avec un grade 
proportionné à leur influence. Ce recrutement, impraticable 
maintenant, deviendrait facile du jour où un corps, croisant 
dans le désert, ferait la police de la plaine; et les Arabes eux- 
mêmes ne tarderaient pas à reconnaitre la nécessité de cette 
mesure, aussi utile à leurs intérêts qu'à ceux de la France. 
Les gardiens arabes du troupeau, dans un but d'économie et 
de discipline, seraient incorporés dans cette compagnie. 

Chaque peloton aurait un certain nombre de dromadaires te- 
nus en main ou montés par un seul homme. Les uns porteraient 
les bagages des officiers, les tentes et les autres effets de cam- 
pement ; d’autres seraient entièrement disponibles. 

Le poids porté par les dromadaires ne dépasserait pas 180 kil. 
Ces animaux ne seraient astreints qu'à faire dix lieues par jour 
habituellement, en marchant huit heures. Les hommes se re- 
lèveraient de deux heures en deux heures; de cetle manière, 
ni les hommes, ni les bêtes, ne seraient fatigués de la route. 


Marques des dromadaires du beylick, 


90. Les dromadaires du beylick devraient tous porter pour 
marques indélébiles, sur le côté gauche de l’encolure, la lettre 
de la province et un numéro matricule sur le côté droit. Les tri- 
bus seraient prévenues qu’une amende serait encourue par ceux 
qui auraient volé ou recélé une bête marquée de cette manière ; 
cela avait lieu ainsi du temps des Tures et d’Abd-el-Khader. 


Place des dromadaires en bataille. 


91. Il me reste à vous soumettre quelques idées concernant 
le mode d’affecter les dromadaires à un bataillon ; il a été opéré 
à la Maison-Carrée de la manière suivante : 


Les dromadaires sont placés sur un rang, afin que le corps 


qui les monte, étant en bataille, couvre son front. Cette dispo- 
sition est utile aussi pour continuer à isoler les bêtes le plus 
possible les unes des autres: Les sous-officiers sont dans les 
rangs ; les officiers seuls sont en serre-file et montés sur des 
chevaux ou mulets de gada ou de razzia, qui leur sont prêtés 
pour faire leur service, et auquel l'Etat accorde la ration de 
fourrages ; l’adjudant est dans le même cas. 

Le plan ci-contre donne une idée de la formation d’une com- 
pagnie ; 


À cause des 2 tambours et de leurs bêtes, l'effectif de la com- 


pagnie sera de 122 hommes et de 65 bêtes. 


Un bataillon de 5 compagnies sera donc composé de 600 hom- 


mes et de 325 bêtes, et les deux” bataillons ou le corps entier 
aura un effectif de 1,220 honimes et de 650 bêtes. 

En prenant les armes, les hommes se numérotent par 4 dans 
les 2 rangs; les soldats du 1% rang montent à dromadaire, ce 


sont les mobiles ; les soldats du 2° rang sont à pied, ce sont les 


guides. Le n° 5 des hommes montés étant destiné à conduire 
les quatre bêtes, lorsque les n* 1, 2 et 4 sortent du rang, 
s'appelle seul conducteur. 


Des dromadaires haut-le-pied. 
L] 


92. Deux hommes sont attachés à chaque bête ; il existe ce- 
pendant dans chaque escouade un dromadaire baut-le-pied qui 
ne porte qu’un homme. Ces bêtes, au nombre de huit par com- 
pagnie, sont destinées au transport des bagages des officiers, 
de la compagnie ou de l'état-major, des quatre piquets et des 
deux cordes à entraves, ou à rester disponibles. 


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2 tambours. 


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Caporal, soldat. 
2 soldats. . , 
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Subdivision, 30 hommes. 


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Fourrier, caporal. 
2 soldats. , . . . 
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Caporal, soldat, . 
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Caporal, soldat, . 
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Escouade. 
. Section, 60 hommes. 


Subdivision, 30 hommes. 


Escouade. 


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e, veu op 4retre bee 


16 bêtes, 
Compagnie 120 hommes et 64 bêtes. 


8 bêtes, . 


Sergent-major, caporal. . 
2 soldats. . . : . - 
ANA NES Le ei 
2 id. n2 datée 


. 


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POLE ME AC 


8 beles, 


2 id. 
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Caporal, soldat. . 
2 soldats. « .!: 
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Di S Nate 
SAT ER CEE 
22 sergent, soldat 


4 


= "60 


A défaut d’un régiment, deux bataillons peuvent être chargés des dromadaires, 


95. S'il ne se présente pas un colonel de bonne volonté pour 
entreprendre cette tâche, il y aurait lieu alors de réunir deux 
bataillons d'infanterie, par exemple, deux bataillons de chas- 
seurs d'Orléans, ou de créer un corps nouveau composé d’offi- 
ciers et de soldats de bonne volonté. | 

Il faut le dire franchement : c’est dans le choix du corps, 
c’est dans la question du personnel, que git toute la difficulté 
de cette entreprise. L'expérience du dressage, la possibilité de 
faire conduire ces bêtes par des Français, n’ont jamais embar- 
rassé; mais on à à craindre une force d'inertie qui pourrait 
ruiner de légitimes espérances. Du reste, si j'ai donné la pré- 
férence à un régiment d'infanterie, pour l’accomplissement de 
cette mission, c’est pour obéir à ma conviclion; et j'ajoute qu’il 
y aurait encore des chances de réussite, si la nécessité faisait 
avoir recours aux autres modes d'organisation ci-dessus dé- 
signés. 

Les bataillons de chasseurs d'Orléans sont composés d’offi- 
ciers qui, jeunes encore, saisiront toujours avec empressement 
les occasions pour se placer dans une position spéciale, afin 
d'acquérir par leurs services plus de droits à la bienveillance 
du Gouvernement; quant aux officiers de bonne volonté, il 
n’en a jamais manqué pour aucune organisation pénible ou 
difficile. 

Les sous-officiers et caporaux sont toujours ce que sont 
leurs chefs. 


Le soldat a pris goût à cette organisation. 


94. Les soldats ont déjà prédit depuis longtemps que l'affaire 
des dromadaires réussirait, et, en cette circonstance, leur voix 


Sr dE 

| ' 
a élé la voix de Dieu. Ils considèrent comme un avantage de ne 
pas porter un sac des plus pesants, qui mine leur santé; ils se- 
raient heureux de servir dans ce corps, quand même les dro- 
madaires ne porteraient que le havresac et les vivres. D’après 
les médecins, la mortalité d’un millier d'hommes annuellement 
provient de la fatigue; aussi la réalisation de notre projet se- 
rait-il un bonheur pour l'humanité J'ajoute que le soldat est 
ami du merveilleux, qu’il préfère une vie errante et vagabonde 
à la vie de garnison, et que la seule espérance de visiter Sétif 
ou Tlemcen, de livrer quelques combats de plus et de faire des 
razzias, déterminerait plus de bons soldats qu'on n’en vou- 
drait à quitter leurs corps pour passer dans celui des droma- 
daires. 


Ü n’y à pas lieu de proposer de projet d'organisation. — Annonce d’une théorie 


sur le dromadaire, 
: 


95. Il ne doit pas entrer dans les cadres de ce rapport de pré- 
senter le projet d'organisation d’une troupe d'infanterie montée 
‘sur les dromadaires, car j'ignore la base de laquelle on voudra 
partir; mais il est un point dont je dois parler et dont je vais 
m'occuper immédiatement ; c’est de faire connaître le résultat 
de mes études : 1° sur la nature, les dimensions et la forme 
du bât à adopter; 2 sur les modes de chargement; 5° sur 
les modes à employer pour le dressage en peu de temps; 4 sur 
les manœuvres qu’on peut exécuter à la guerre; 5° sur le pa- 
quetage ; 6° sur la manière de camper, etc. Un grand nombre 
d'observations faites dans le corps ont été recueillies avec soin 
par MM. les officiers et elles trouveront place dans une théorie 
du dromadaire dont la lecture intéressera, je l’espère, tous les 
officiers. 


Vu s 
Où pourra-t-on placer les dromadaires ? 
£ 


96. Où pourrait-on placer le dépôt des dromadaires ? Sous la 
tente, à douze lieues en avant de Boghar: Tous les mois, ce 
Corps S’approvisionnerait à trente jours de vivres, dans la place 
de l’intérieur près de laquelle il camperait. De Seneg, de Ta- 
guin, on peut en dix jours arriver facilement soit à Sétif, soit à 

Tlemcen. 5 


Colonnes mobiles. 


97. Trois corps de 1,200 hommes placés à Sétif, à Taguin et à 
Tlemcen, pourraient croiser à soixante lieues en arrière du lit- 
toral; lorsque ces trois colonnes mobiles se réuniraient, elles 
seraient assez fortes pour pénétrer même dans le désert de 
Sahara, dont les peuplades n’ont jamais été gucrrières. Prenant 
à revers la chaîne de montagnes du Tell, ces colonnes assure- 
raient la tranquille possession de tous les points occupés jus- 
qu’à ce jour ; elles forceraient à l’obéissance les nombreuses tri- 
bus nomades du petit désert, dont la soumission est importante, 

“car les grandes insurrections que l’on doit craindre doivent 
partir de là. | 


A 


Du mode à employer pour confier les dromadaires au corps qui en sera chargé. 


98. De quelle manière confiera-t-on, provisoirement du moins, 
les dromadaires à un corps ? 

Je ne suis pas d'avis que ce soit au même titre que les ché- 
vaux sont confiés aux régiments de cavalerie et les mulets aux 
corps des équipages militaires. Il faudrait éviter que l’mfanterie 

 céssât d'être ce qu'elle est, une bonne infanterie, pour dévenir 
une mauvaise cavalerie. Je désirerais que les dromadaires fus- 
sent donnés en dépôt à un corps, sans que l’Etat intervint dans 
celte affaire, afin que celui-ci ne fût soumis à aucune chance 


BR MR PP nd ler 
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à = @3 — 

de perte; qu'il ne prît part ni aux frais d'achat de matériel, ni 
aux frais d'entretien ; que le conseil d'administration du corps 
pourvût à ses dépenses par le moyen des ressources indiquées 
plus haut, et qu’il fit, tous les six mois, la répartition des ex- 
cédants de bonis entre tous les militaires du corps, d’après les 
règles prescrites par l’ordonnance du 3 mai 1832, modifiée en 
Algérie par les décisions ministérielles de 1841 et 1842. Un an 
après, il y aurait lieu de profiter des leçons de l’expérience pour 
créer un corps régulier. 


Les dromadaires ne coûteront rien. à l'Etat. 


99. Soit 650 dromadaires : si la dépense pour 1,000 dromä- 
daires ‘en un anaété de 80,000 fr., elle sera, pour 650, de 
52,000 francs. 

Le corps de dromadaires de 1,220 hommes venant prendre 
lui-même les vivres à Médéah, par exemple, pour les transpor- 
ter en avant de Boghar, sur le point qui serait choisi, aurait 
donc droit, en un an, au paiement de 52,665 quintaux métri- 
‘ques, que l'administration serait très-aise de ne payer qu'à rai- 
son de 16 fr. le quintal. Le produit s’élèverait, par conséquent, 
pour cette seule raison, à plus de 52,000 fr., et il suffirait à 
lui seul pour assurer l'Etat contre toutes sortes de pertes. 


Conclusion, 


100. Me voici, Monsieur le Maréchal, arrivé à la fin de ma 
tâche, et jamais je n’ai eu, plus que dans ce jour, le sentiment 
de ma faiblesse. Un pareil sujet, traité par une plume habile, 
aurait grandi encore, si cela était possible, êt, après avoir été 
considéré longtemps comme ridiculé, il serait presque devenu 
sublime. 

. Elle est bien grande, en effet, l’idée que vous avez adoptée 
de monter l'infanterie sur des dromadaires! et son exécution 


— 64 — : 
doit apporter de nombreux changements à l’état actuel du pays, 
et surtout à son état futur. 

Après la paix, qui sera prochainement affermie, la France 
voudra diminuer ses dépenses en Algérie; elle réduirait même 
volontiers aujourd’hui l'effectif des troupes, si elle ne trou- 
vait aucun autre moyen d’opérer des économies, quelque in- 
sensée que serait cette mesure. Mais l’organisation des droma- 
daires permettra d'augmenter rapidement les revenus du bud- 
get colonial, en diminuant d'autant celui du ministère de la 
guerre. 

En effet, les contributions arabes pourront rentrer aussi 
exactement que sous Abd-el-Khader. Le zekkat, par exemple, 
sera perçu au mois de mars prochain, jusque dans le, Djebel- 
Amour. Et malheur aux tribus lointaines qui n’obéiront pas 
comme celles du Tell! Pour échapper à un juste châtiment, 
il ne leur suffirait plus de s'éloigner à trente lieues de nous. 

Le dromadaire, employé par l'administration, produira une 
éeenomie annuelle de 2,000,000 de fr., et, mis au service des 
_fantassins, il sauvera chaque année la vie à mille de vos soldats. 
= Les chances de Ja guerre vont immédiatement tourner de 
notre COLE. En” : 

En effet, à nous la mobilité, et aux Arabes les embarras de 
la conduite des femmes, des enfants et des troupeaux. 

Les dromadaires répondront immédiatement de la jouissance 
de l'Algérie, jusqu’au petit désert inclusivement. Cette jouis- 
sance ne sera pas illusoire. On s’en convaincra par limpôt et 
le recrutement; deux preuves de soumission du peuple vaincu 
au peuple vainqueur. Les tribus récalcitrantes devront donc ou 
combattre dans leur propre pays les colonnes françaises, ou 
tomber, pendant leur fuite, dans la main des troupes montées 
à dromadaire, auxquelles elles ne sauraient échapper. 

Ce sont encore les dromadaires qui assureront la tranquil- 


nn Etain à tt à 


|; a 
lité intérieure du pays : paf leur action, la France régnera sur 
les tribus les plus lointaines, qui maintenant échappent à tout 
contrôle ; ainsi se continuera l’œuvre de civilisation si glorieu- 
sement commencée en 1850. 

Il est bien prouvé maintenant que l’intérieur de l'Afrique 
est très-peuplé; que le mot désert est vide de sens, et que ce 
que l’on appelle Sahara est plus peuplé que le Tell. Notre com- 
merce nous attachera cette immense population, et prendra 
dans quelques années un essor prodigieux. 

La France commence à se convaincre qu'il lui serait plus 
facile d'abandonner sa conquête que de n’en conserver qu’une 
partie; elle doit régner sur l’Algérie tout entière. Eh bien ! 
c’est le dromadaire qui lui permettra de faire acte de posses- 
sion la première, sur la zone de pays profonde de 150 lieues en- 
viron qui sépare Alger du commencement des sables, et qui 
soumettra à sa domination les millions d’âmes qui l'habitent. 

Lorsque le Gouvernement croira qu’il en est temps, 1l pourra 
intercepter plusieurs des caravanes qui parcourent et traversent 
habituellement le désert, dans neuf directions différentes, et à 
des époques invariables. On peut espérer qu’un jour, au lieu de 
se diriger sur Tripoli, sur l'Egypte ou sur le Maroc, les cara- 
vanes viendront à Alger, attirées par la justice de nos lois et 
surtout par la sécurité et la bonté de nos routes. Pourquoi la 
France ne rêverait-elle pas le monopole de tout le commerce 
de ce pays ? Qui peut prévoir au juste l'influence qu’exercera 
la première reconnaissance à force armée, exécutée par le 
moyen des dromadaires, dans les régions centrales du vaste 
continent de l'Afrique ? 

Tous ces avantages présents ou futurs vous seront dus, Mon- 
sieur le Maréchal; et, après avoir eu la gloire de terminer en 
si peu de temps un guerre qui paraissait interminable, vous 
aurez acquis celle bien plus grande encore d’avoir deviné le 


ù 


SG — 
brillant avenir de la France en Algérie, et de lui en avoir pré- 
paré les voies. 


Je suis avec respect, 
Monsieur le Maréchal, 
Votre très-humble serviteur, 


Le chef de bataillon du 55° de ligne, 
J.-L. CARBUCCIA. 


Nora. Le 98 janvier 1844,-M. le maréchal gouvérneur ayant 
passé en revue la compagnie de dromadaires organisée à la 
Maison-Carrée, reconnut que notre essai avait parfaitement 
réussi. — Le journal officiel de l'Algérie rendit compte de ce ré- 
sultat (pièce jusüficative C), et, le 31 janvier 1844, l'orga- 
nisalion provisoire fut décidée (pièce justificaüve D). 


#07 — 


DEUXIÈME RAPPORT. 


SCC 


AYAUWL-PROPOS, 


Boghar (en avant de Médéah), le 28 juillet 1844. 


101. Six mois se sont écoulés depuis la remise de notre premier 
rapport concernant la question des dromadaires. Nous venons 
compléter la tâche qu'a daigné nous confier M. le Gouverneur 
général. Les expériences nombreuses et concluantes faites sous 
la direction du général Marey-Monge ont eu lieu publiquement. 
La question sous toutes ses faces à été examinée par lui. Nous 
allons essayer de décrire ce qui a été fait sous nos yeux ; trop 
heureux si nous pouvons porter, chez quelques-uns des adver- 
saires du projet, la conviction que nous possédons nous- 
même. 


Division, 


102. Il convient de diviser ce rapport, comme le précédent, 
en trois parties. 

La première partie, destinée à la suite de l'histoire naturelle 
du dromadaire, sera encore loin d’être complète. Mais, ainsi 
que nous ne cessons de le répéter, la base de l'instruction con- 
sistant surtout dans la connaissance des mœurs et de l'hygiène 
du dromadaire, on ne saurait trop étudier cette question prin- 
cipale. | 

La deuxième partie traitera des convois, et la troisième de 
l’organisation des corps montés. | 


_ de — © 


_— 68 — 


| PREMIERE PARTIE. 
DE L'HISTOIRE NATURELLE DU DROMADAIRE. 


Ce ——— 


#UTRE I”. 


PHYSIOLOGIE ET QUALITÉS DU DROMADAIRE. 


CHAPITRE Ie. 


(DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE DROMADAIRES. 


Dénominations diverses. 
4 


105. Chez les Arabes, le mot djmel (4) désigne le dromadaire 
sans distinction de genre ; beir désigne le mâle, naga (T) la fe- 
melle, ef bel (20) la réunion d’une centaine environ de droma- 
daires.!  ! | 


Ex À Il n’en existe qu’une seule race en Algérie. 


| 104. Dans toute l'Algérie, on n’en connaît qu’une (1) seule 
race. Son poil mue tous les ans, aux mois d'avril et mai. Son 
rul (7) a lieu à la fin de l'hiver ; etles formes de cette espèce 
sont moins massives que celles de la race d'Egypte. 


Du mhari. 


105. Nous avons parlé, dans notre premier (3) rapport, du 
mhari, comme d’un animal presque fabuleux ; pendant l’expédi- 
tion de Lagouath, M. le général Marey-Monge est enfin parvenu, 


PT 9 


après bien des efforts, à s’en procurer trois, qui ont été attachés 
au corps des dromadaires. 


Comparaison du mhari et du dromadaire. 


106. Le mhari est plus grand que le dromadaire ; on pré- 
tend qu’il est, par rapport à ce dernier, ce que le cheval de 
course est au cheval de trait. Sa bosse est petite : elle ne dé 
passe presque pas le garot. L’extrème maigreur du corps et 


les fortes proportions des cuisses sont le Signe de sa prit PP 


vigueur à la course. 
Re Ju mhari. 


107. Les Arabes disent que le mhari, Ya commé Je-vent ; 
mais c'est là certainement/une grande efagération, Cet añinfal 
pe marche qu’au trot; mais’son trot, ét allongé’, et 1l peut le 
maintenir pendant douze heures. II Lpércourt d dé fa sorte quarante 
et même soixante (5) lieues par joûr, et cela pendañt plusieurs 
jours de suite. Il mange de l'hérbe ou dW bois, comme tous les 
dromadaires. On/est en oufe dans l'u age dé lui donner une 
ration de blé, de’dattes, dÉrge, ou de noyaux de dattes, sui- 
vant les cantois. Cette ration supplémentaire contribue beau- 
Coup à accroifre son agilité. 


Harnachement du mhari. 


108. L'Arabe, monté sur le mhari, est assis sur une selle 
particulière placée entre la bosse et le garot, pour rendre le 
trot moins dur ; il n’a pas d’étrier ; il croise ses jambes sur l’en- 
colure, et dirige sa monture au moyen d'une bride sans mors 
et d’une corde passée dans l’aile de la narine droite; il presse 
l'allure en frappant sur l’épaule, 


D Le 


CHAPITRE II. 


DE LA GÉNÉRATION DU DROMADAIRE. 


Époque de la génération du dromadaire. 


109. À quatre (5) ans, le dromadaire mâle commence à en- 
gendrer, et la femelle peut concevoir. L’accouplement a toujours 
lieu à la fin (7) de l'hiver. Un an (4) après, Jour pour jour, di- 
sent les Arabes, la femelle met bas un seul petit; le nombre des 
mâles est à celui des femelles à peu près dans la proportion 
d’un à quatre. | 


Saisons favorables et défavorables à la génération. 


110. Le dromadaire qui voit le jour dans le premier mois du 
printemps peut vivre. Celui qui naît après ce délai, ou bien en 
été ou en automne, meurt infailliblement; mais ces cas, du 
reste, sont aussi rares que l'existence, chez le même animal, 
des imperfections physiques. Les principales de ces imperfec- 
tions sont dans la conformation de la bosse ou du slernum, 
et dans la marche de travers, par suite des épaules ou des 
pieds de derrière. 

La femelle (naga), lorsqu'elle est pleine, porte le nom de legéa. 
On la charge toujours comme le mâle, quand cela est néces- 
saire, même le jour où elle met bas et celui où elle avorte ; tou- 
tefois, dans ce cas, on la charge moins. 


Avortements,. 


111. Les avortements sont assez nombreux, toutes les fois que 
la legâa est piquée par les mouches. À Tiaret, l'équipage de 
Tittery en a compté quinze en vingt jours. La charge, à moins 


De. 


I 


d’être trop forte, ne produit jamais ces accidents. Les avortons 
de deux à trois mois sont déjà parfaitement conformés ; quelques- 
uns, provenant de mères bien constituées, avaient une bosse 


reconnaissable. 
Stérilité. 


112. Les femelles stériles sont nombreuses ; cela provient 
presque toujours des fardeaux énormes dont les Arabes les ac- 
cablent, même dans l’état de gestation avancée. 


Part. 


113. La femelle qui a mis bas à la fin d’un hiver se repose 
jusqu’à l'hiver (7) suivant, époque où elle conçoit de nouveau, 
pour mettre bas l'hiver d’après. Il y a des exemples, rares à 
la vérité, de femelles qui ont mis bas deux années de suite. 
L'accouchement a lieu la femelle étant couchée à terre. 

Après sa délivrance, la mère commence à appeler le petit 
d’une voix rauque et lugubre ; on le lui montre, elle le mécon- 
naît et ne cesse de crier; ce n’est qu'après l'avoir promené long- 
temps autour d'elle et le lui avoir présenté souvent, qu'elle le 
laisse approcher de sa mamelle. Le petit tette debout dès Le pre- 
mier jour; il ne marche que vers le septième. À partir du se- 
cond mois, il cesse de teter à volonté; on l’en empêche par le 
moyen d’un filet qui enveloppe les mamelles. Personne n’ignore 
que l’Arabe vit, en grande partie, du lait de naga, qui est très- 


nutritif. 
Rut et suintement. 


114. On pense généralement et à tort que le temps du (7) rut 
seul est signalé par un suintement à la nuque et par la sortie 
du voile du palais avee grand bruit ; ce phénomène a lieu toutes 
les fois que l'animal est fortement impressionné. En effet, on le 
remarque sur un dromadaire qui est en colère, et pendant le 


— 72 — 
temps des fortes chaleurs, on voit aussi l’eau suinter entre les 
deux oreilles, à l’endroit appelé langr4. Quant au suintement 
dont parlent nos grands naturalistes, il est dü, je pense, au 
goudron absorbé par les frictions antérieures, et il n’a aucune 
fétidité. 


CHAPITRE HI 


DU CARACTÈRE DU DROMADAIRE. 


Douceur du dromadaire, 


115. Le dromadaire est l'animal le plus doux (4) qui existe ; 
sa bouche, toujours ouverte et menaçante, ne fait aucun mal; 
les cris qu’il jette proviennent de la peur qu’il a de l’homme, et 
ils diminuent à mesure qu'il s’habitue davantage aux soins de 
son maitre. Il est têtu, à la vérité, mais ce défaut n’est pas 
aussi prononcé que chez le mulet, et on l'en corrige facilement 
en ne le brusquant pas. Il est peu de dromadaires méchants, et 
quoique, dans le commencement, ils aient, par suite de mau- 
vais traitements, mordu une cinquantaine d'hommes et donné 
des coups de pied à un grand nombre, ils n’ont occasionné au- 
cun mal. 


Dromadaire vicieux. 


116. Nous avons dit dans notre premier rapport, qu’à l’é- 
poque du (7, 116) rut, leur humeur changeait ; passé ce temps, 
s'ils deviennent furieux, on les abat. 

En 1845, les Zenakra (tribu du Tittery) ont été obligés d’en 


tuer un magnifique qui avait déjà blessé un homme et un 
cheval. 


ve 


— "13 — 


CHAPITRE IV. 3 


DU COURAGE DU DROMADAIRE. 


Le dromadaire est courageux. 


117. On se plait à représenter, parmi nous, le dromadaire 
comme lâche et craignant la fatigue; chez les Arabes, il a une 
tout autre réputation. En effet, cet animal marche jusqu à ce 
qu'il soit (5) épuisé, et alors il tombe pour ne plus se relever. 
Dans l'expédition du mois d'avril dernier, ôn a été étonné d’en 
voir qui, réduits à l’état de vrais squelettes, faisaient néanmoins 
des marches forcées avec leurs charges. Il est certain que des 
mulets, dans le même état, n’auraient pu même porter leur 
pat. 


Du dromadaire dans les mauvais passages, 


118. Il arrive souvent qu'en gravissant une pente rapide 
ou un chemin détrempé, le dromadaire glisse sur les pieds de 
devant, qui sont dépourvus de pinces, et qu’il tombe sur les ge- 
noux; il n’essaie pas de se relever alors, mais il continue de 
marcher dans cette position, et il ne se redresse que lorsqu'il 
est sorti du mauvais pas. 


Conduite à tenir par le chamelier dans ces mauvais passages. 


119. Si l’animal tombe, surtout par suite de fatigue, il faut 
bien se garder, pour le faire lever, d'employer les coups, car 
un moment de répit, un léger sifflement, suffisent d'habitude. 
Au commencement de nos expériences, des soldats venaient à 
chaque instant se plaindre de ce que l’on ne pouvait faire avan- 
cer leurs bêtes ; alors un instructeur suivait et montrait la ma- 


DS, en 
nière de s’y prendre. Pendant la dernière course, nos hommes 
avaient été si bien mis au courant de la façon de conduire leurs 
dromadaires, que les officiers n'avaient plus à s’occuper de ce 
détail. 


Preuve de instruction acquise par nos soldats. 


120. Dans le principe, lorsqu'un dromadaire tombait, on 
croyait devoir le frapper jusqu’à ce qu’il se relevât, et souvent 
l’on ne réussissait pas; aujourd'hui, on laisse l’animal respi- 
rer, et on lui donne un chardon ou quelque autre plante de 
son goût. Après quoi, à un léger sifflement, il se lève et con- 
tinue sa marche, Enfin, s’il est nécessaire, on le frappe forte- 
ment deux ou trois fois, mais seulement sur les cuisses ; on 
doit éviter soigneusement de le battre sur la tête, le ventre et 
le dos. 

Si le dromadaire n’a jamais réussi entre les mains des Fran- 
çais, c’est que les Français n'ont jamais su les conduire; si, 
pendant longtemps, nos essais n’ont point été couronnés de 
succès, c'était un effet de la même ignorance. La question n’est 
résolue, aujourd'hui, que parce que notre instruction a consi- 
dérablement gagné. Ainsi, il ne faut point accuser le droma- 
daire de nos premières déceplions. 


CR 


CHAPITRE V. 


DU TRAVAIL DU DROMADAIRE. 


Le nombre des dromadaires est chez l’Arabe le terme de comparaison pour les fortunes. 


191. En Europe, c’est par la quantité de numéraire qu’on 
juge de la fortune d’un homme; dans le sud de l’Afrique, on l’ap- 
précie par le nombre (4) de dromadaires, On dit, par exemple, 


— 75 — 


que tel Arabe a cent dromadaires, que tel autre en a quatre- 
vingts, et cette définition suffit pour donner une idée complète 
de la fortune d’un particulier. Cela se conçoit, car c’est là le 
bétail principal, puisqu’au delà du Tell le mulet est presque 
inconnu ; on n’y voit que des dromadaires. Pour les Arabes, 
cet animal est indispensable, habitués qu'ils sont à changer 
de camp tous les trois à quatre jours; mais ces courses sont 
peu pénibles, elles ne durent guère que quelques jours. 


Habitude de travail du dromadaire dans les diverses saisons. 


122. Pendant le printemps, où l'herbe manque, les droma- 
daires ne sauraient, sans dépérir beaucoup, fournir à de lon- 
gues marches; toutefois, s’il y a nécessité de le faire, on ne doit 
employer que ceux qui sont gras, forts el bien reposés. 

Pendant deux mois de l’été, les dromadaires ne doivent pas _ 
travailler, le premier mois à cause de la piqüre de la mouche 
dite debab, et le deuxième parce que le poil ayant été coupé, 
la peau s’écorche vite, et que les vers se mettent de suite dans 
les plaies. 

Pendant l’automne et l'hiver, au contraire, les dromadaires 
travaillent chaque fois pendant environ trente jours, sauf en- 
suite à se reposer quelque temps. 


Crainte des Arabes au sujet des réquisitions faites dans toutes les saisons. 


125. La réquisition que nous faisons, en toute saison, de dro- 
madaires, pour accompagner nos colonnes, excite fortement le 
mécontentement de l’Arabe. Il regarde cette obligation auquel 
on le soumet comme une vexation et une injustice, et c’est là 
une raison qui doit engager l’autorité française à avoir à soi ses 
dromadaires. Alors les règles suivies aujourd’hui, et que nous 
allons exposer, cesseront d’être nécessaires. 


2-0 


Règles générales à consulter sur le travail par l'administration française. 


124. Il est bon de laisser reposer les dromadaires pendant 
les mois d'avril, de juin et de juillet. A la rigueur cependant, 
cela n’est indispensable que pour le mois de juin, à cause de 
la piqûre des mouches. En cas d'urgence, on peut faire tra- 
vailler les animaux dans ce dernier mois, mais on s’expose alors 
à des pertes au moins égales au quart des bêtes employées. 


Précautions à prendre pendant le printemps et l’élé. 


125. Si l’on fait travailler les dromadaires pendant le mois 
d'avril, il faut, comme nous l'avons dit, choisir les individus 
les plus forts et les plus robustes, et les laisser reposer au retour 
pendant un mois. Il est nécessaire aussi d’en avoir au moins un 
dixième de non chargés. Si le travail a lieu pendant le mois de 
juillet, on doit redoubler de surveillance dans le pansage des 
plaies, administrant force goudron et sulfate de cuivre. L’ex- 
périence constate, au surplus, que lorsqu'ils sont déchargés, 
leurs blessures se guérissent plus facilement en été que dans 
les autres saisons. 


Danger de la marche pendant la pluie sur des terres argileuses. 


126. Le dromadaire n’ayant pas le pied armé de pinces, 
glisse facilement sur un terrain argileux; aussi, quelques heu- 
res après la pluie, faut-il qu’il s'arrête, sinon il se casse les 
jambes. Dans les terrains sablonneux ou pierreux, tels que 
ceux qui ont été parcourus dans l’expédition du Djebel-Sahari 
et dans celle de Lagouath, dans le Sahara en général, le même 
danger ne se présente pas. 


TL — 
Poids porté, 


127. Un fort dromadaire porte facilement en plaine 350 ki- 
log. Dans les pays accidentés, la charge ne doit pas dépasser 
260 kilog. tout compris. Lorsque la nécessité le veut, on peut 
le charger de 200 kilog. même en pays de montagne ; c’est ce 
qui à été fait dans l’expédition contre les Koraïch et les Hal- 
louià, mais on s'expose ainsi à des pertes. 


Age auquel le dromadaire peut porter. 


128. À quatre (5) ans au plus tard, le dromadaire porte; à 
cinq ans,1l est dans la force de l’âge, et la conserve jusqu’à 
neuf ans; de neuf à treize, il perd de sa vigueur ; à dix-sept 
ans, il a atteint la vieillesse. À partir de cette époque, l’Arabe 
cherche l’occasion de s’en défaire de la manière la plus avanta- 
geuse pour ses intérêts, sinon il le mange. : 


CHAPITRE VI. 


DE L’ALLURE DU DROMADAIRE. 


Allure générale. 


129. Les dromadaires ont pour allure (21) générale le pas en 
plaine et le trot dans les descentes. En plaine, ils trottent éga- 
lement, lorsque leurs conducteurs les y excitent ; enfin, ils ga- 
lopent bien, et il n’est pas un soldat qui n'ait vu des cavaliers 
courir à fond de train sur eux sans pouvoir les atteindre. 


Les dromadaires peuvent être divisés en deux classes. 


150. La nature, du reste, nous montre deux classes de droma- 
daires, l’une aux formes massives, l’autre aux formes sveltes ; 
elle nous fait connaître par là que nous pouvons employer la pre- 
mière à la charge, et la seconde au transport de l’homme. Aussi, 
pour ce dernier cas, chaque tribu a-t-elle plusieurs de ces dro- 
madaires, que les Arabes appellent mhari; ceux-ci portent 
comme les autres, lorsqu'il en est besoin, mais ils servent sur- 
tout de montures. 


Allure du dromadairé en temps ordinaire. 


151. Le dromadaire marche depuis la pointe du jour jusqu'à 
trois heures du soir au plus. 11 mange chemin faisant. En arri- 
vant au bivouac, on le décharge, on désangle légèrement la 
corde du derrière du bàt, puis on le laisse paître en liberté. 
Pendant la marche, on ralentit l'allure, lorsque le terrain offre 
un bon pâturage, et on la presse dans le cas contraire. Pendant 
un voyage de trente jours, il n’a besoin de faire ni les petites 
haltes, ni les grandes, ni les séjours de l'infanterie. Si le convoi 
ne peut se séparer de la colonne à la grande halte, on ne doit 
pas décharger, à moins que le repos ne soit de trois heures au 
moins. 


Comparaison de la vitesse du dromadaire et de celle de l’infanterie. 


152. Le dromadaire marche moins vite que Finfanterie, 
mais il arrive à sa hauteur à chaque petite halte; puis à la 
grande halte, il prend les devants sur elle pour arriver long- 


temps avant au bivouac, 


Allure pressée du dromadaire. . 


153. S'il en.est besoin, le dromadaire peut, pendant trois à 


UT) 2. 


quatre jours de suite, marcher jusqu’au coucher du soleil ; puis 
il lui faut deux jours de repos. 

Il est encore en état de marcher pendant vingt-quatre heures 
de suite sans s’arrêter. ‘ 

Il peut toujours recevoir en surcharge, pendant une partie 
de la journée, des havresacs ou des hommes, sans en être 
fatigué sensiblement. 

Ainsi, si son allure ordinaire est moins vive que celle de 
l'infanterie, son allure pressée est plus rapide que celle de 
cette dernière. 

On peut presser son allure tout en le laissant encore man- 
ger chemin faisant, mais presque à la dérobée, ou bien sans 
lui permettre de manger; dans ce dernier cas, il fait dans le 
même temps le double de chemin de plus que l'infanterie. 

Nous: reviendrons sur d’autres expériences faites sur les 
dromadaires déchargés, pour prouver qu'avec un peu de pa- 
tience et d'étude, on pourra organiser un corps de cavalerie 
nouvelle, au moyen de dromadaires choisis. 


L’allure du dromadaire ne donne ni nausées ni mal de mer. - 


154. Il est important de constater ici, ce que j'ai déjà fait 
observer, que le soldat n’a ni nausées, ni mal de mer (21) sur 
les dromadaires. 


A  — 


CHAPITRE VIL 
+ DE LA LONGÉVITÉ DU DROMADAIRE. 


: ‘ 


. Age du dromadaire. 


155: L'âge que peut atteindre le dromadaire est bien loin 


LE 


LR 


‘encore d'être connu; on à fait, je crois, une chose très utile, 


en marquant tous ceux qui naissent à l’équipage, du millé- 
sime de l’année : les nombres 43 et 44, appliqués avec le fer 
rouge sur le côté droit du cou, serviraient dans la suite à éta- 
blir des données exactes qui résoudront cette question intéres- 
sante. 


Il n’en existe pas de trente ans. 


156. On sait que les Arabes n’ont pas l'habitude de compter 
leur âge; ils connaissent cependant qu'ils ont quinze ans, lors- 
que leurs parents commencent à leur faire faire le jeüne appelé 
Rhamadan ; nous avons interrogé sur la vie moyenne (4) des 
dromadaires des Arabes sachant ainsi qu'ils ont trente ans, 
et ils nous ont répondu qu'il n’en existait pas un seul né à la 
même époque qu'eux, c'est-à-dire quinze ans avant la prise 
d'Alger par les Français. Le dromadaire, à vingt ans au plus, 
est vendu pour faire un dernier voyage dans le pays des Beni- 
Mzal ; là 1l ne vaut plus que trente à quarante francs ; sa chair 
est alors mangée. 


CHAPITRE VIIL 


DES DENTS DU DROMADAIRE. 


L'âge se connaît à la dent. 


157. Le dromadaire de deux à trois ans n’a pas de dents: à 
quaire, il en a deux incisives : à einq, 4; à six, 6; et’ enfin à 
huit ans, il en a 8; son âge se connaît cependant jusqu'à quinze 


ans (6) : — IL à en outre des canines, des molaires et des cro- 
chets, 


dan dE HET 
NA 4 * 

= * 

r À 


nm, 


5-08 


CHAPITRE IX. ” 


” DU PRIX DU DROMADAIRE, 


Prix du dromadaire selon l’âge. 


158. Le prix du dromadaire de trois à six mois est de vingt 
à quarante francs ; à deux ans ce prix devient plus élevé, et 
reste le même jusqu’à quatre ans; il varie bien peu de cinq 
à neuf ans; depuis treize jusqu’à dix-sept, il diminue; après 
vingt ans, il est dans les conditions déjà rapportées. 


Différence de prix dans les trois provinces de l'Algérie. 


139. Ces prix ne sont pas les mêmes dans les trois provinces 
de l'Algérie; dans celle de Constantine, le prix moyen ne dé- 
passe pas cent francs ; dans celle d'Alger, au contraire, il atteint 
cent trente, et dans celle d'Oran cent dix : de sorte qu’on peut 
assurer que la dépense serait pour l'Etat de cent cinq, taux 


moyen, par dromadaire et pendant longtemps. 
L \ 
Le dromadaire mâle se paie comme la femelle. 


: 


140. Un dromadaire mâle se paie comme une femelle. Les 
Arabes préfèrent cependant ces dernières et leur nombre est 
toujours plus considérable; on peut représenter cette différence 
par la proportion 4 : 4. 


Vices rédhibitoires 


141. Le dromadaire se vend à l'essai; on peut le garder 
pendant un mois et le renvoyer après; dans le cas cependant 
où il aurait travaillé, on ne peut plus résilier le marché. 


Depuis l'été jusqu’à l'hiver, le vendeur garantit dela piqûre 
6 


— 82 — 


des mouches du mois de juin précédent; et si, après la vente, 
sans causes connues, le dromadaire vient à dépérir, cette 
vente est nulle de plein droit, attendu que le dépérissement et* 


la mort qui doit s’ensuivre ne sont attribués qu’au debab. 


CHAPITRE X. 


” DE LA VIANDE DU DROMADAIRE. 


Graisse du dromadaire. 


142. Tout dromadaire qui, étant malingre, ne se rétablit pas, 
ou qui se casse la jambe par accident, ce qui n'est pas rare, 
est immédiatement abattu pour être vendu (9) en détail dans 
les marchés; sa graisse n’a aucune valeur, car elle est mau- 
vaise au goût: mais elle peut servir à faire des chandelles de 
bonne qualité, qui durent longtemps et éclairent parfaite- 
ment, sans répandre de mauvaise odeur. La viande du dro- 
madaire mâle ne diffère pas de celle de la femelle. ‘ 


# 


Préférence des Arabes au sujet des différentes viandes. F 


145. Les Arabes préfèrent la viande du mouton à celle du 
bœuf et celle du bœuf à celle du dromadaire. Cette dernière 
ressemble tellement à celle du bœuf, qu'il est difficile de ne 
pas s'y tromper. Dans la dernière expédition, bon nombre 
d'officiers ont mangé du dromadaire sans s’en douter; la 
viande de cet animal est cependant plus courte et moins serrée 
que celle du bœuf: l’Arabe mange tous les dromadaires abat- 
tus, à l’exception de ceux qui sont crevés par suite de gale 
invétérée. 


. 


RS = 
De la peau du dromadaire, 


144. Les Arabes estiment moins leur peau (9) que celle du 
bœuf, mais les Européens la préfèrent de beaucoup. 


CHAPITRE XI. 


DE LA CASTRATION DU DROMADAIRE. 


Du dromadaire châtré. 


145. Le dromadaire châtré est plus fort et plus robuste que 
le dromadaire entier. Après les courses très-fatigantes du 
printemps et de l’été 1844, nos dromadaires chàtrés (8) étaient 
encore gras et capables de recommencer un service actif; 
quant à la femelle, elle est plus faible que le dromadaire entier. 


Avantage de la castration. 


146. Toutes les fois que les Arabes destinent des droma- 
daires au commerce , et qu’ils veulent s’en servir en tous temps 
et en tous lieux, ils ne manquent pas de les châtrer; cette 
opération se pratique au commencement du printemps, et de 
plusieurs manières, soit en perçant les testicules avec un (8) fer 
rouge, soit en ouvrant la peau avec un couteau, et en détachant 
les testicules de leur enveloppe; ce dernier mode est très- 
usité; du reste, la bête peut porter sa charge le jour même de 
l'opération, et être châtrée jusqu'à l’âge de douze ans. 


— “CG 2 a 


G. 


= 4 — 


TITRE IL. 


DES MALADIES DU DROMADAIRE. 


147. Le nombre des maladies du dromadaire n’est pas con- 
sidérable ; il peut se réduire à trois (20) principales, que nous 
allons examiner successivement. 


D 


CHAPITRE Ier. 


19 DE LA PIQURE DE LA MOUCHE APPELÉE DEBAB. 


Des suites de la piqûre. 


148. D’après les Arabes, c’est la piqüre de la mouche que 
nous nommons taon, et qu’ils appellent debab, qui occasionne 
toutes les maladies mortelles du dromadaire : aussi, lorsque 
cet animal meurt de dépérissement, on n’accuse jamais que la 
piqüre du debab, et on attend que la volonté de Dieu soit faite. 


Pertes de dromadaires en 4843. * 


149. En 1845, les Bou-aïch, tribu de Titter y, n'ayant pu 
émigrer dans le désert par crainte de l’Emir, furent forcés de 
rester dans le Tell, pendant le temps où le debab sévit si 
cruellement. Ils ne perdirent que la moitié de leurs troupeaux; 
cette perte, quoique sensible, fut loin d'être aussi considérable 
qu'ils le craignaient. Et si le fatalisme ne les eùt empêchés de 
prendre les précautions naturelles en pareil cas, il est probable 
qu’elle aurait été moins sensible encore. 


0 


= 99 — 


Émigration des dromadaires au mois de jun. 


150. Du premier au quinze juin, dès que le debab parait, 
on conduit tous les dromadaires du Tittery à deux ou trois 
journées de marche vers le sud, loin des eaux stagnantes et 
de la verdure, qui donnent naissance au debah ; on reste dans 
cette position jusqu’à ce que la moisson soit finie, car il naït 
trois générations de debab dans le même mois; elles vont 
se nicher sur la paille et y sont dévorées par une autre 
espèce de mouches, longue, effilée, qui en mange par jour, 
disent les chroniques du pays, 3,120, ni plus, ni moins; cette 
mouche, qui s’appelle aï-sug-debab, est elle-même dévorée à la 
fin de juillet par le ñnarrah, espèce de demoiselle. 


Nécesité de cette émigration. 


151. Il est certain qu’à l’époque où le debab parait, il faut 
faire émigrer le dromadaire et le mener dans une contrée où 
il y a du bois à manger et de l’eau à boire; les Arabes com- 
prennent dans cette dénomination de bois, trois arbustes dont 
le nom français ne nous est pas connu, qu'ils appellent quettaf, 
djel, isserif. Les dromadaires recherchent ces arbustes dont 
ils font leur nourriture habituelle dans tous les pays et qui sont 
aussi communs près de Boghar que dans le grand désert ; seu- 
lement, dans ce dernier lieu, leurs racines enfoncées dans le 
sable sont d’une grosseur plus considérable que dans les bonnes 
terres des environs de Boghar. 

Lorsque l'administration française ne pourra suivre l’usage 
des Arabes à ce sujet, elle pourra consulter ce que nous avons 
fait en pareille occurrence cette année. 


— 86 — 


Historique de l'expédition de Lagouath par le général Marey-Monge pendant le temps 
du debab. 


152. Le 11 juin, M. le général Marey, après sa remarquable 
expédition à Lagouath, arrivait à Tiaret avec une colonne, dont 
le convoi composé de six cents dromadaires devait être conservé, 
puisqu'il n'aurait pu être remplacé que par des ânes ou même 
des bœufs porteurs : il y avait donc urgence à aborder de front 
la plus grande de toutes les difficultés que présente la question. 
Le général aurait pu cependant l’éluder en partie; mais il te- 
nait à pouvoir affirmer, avec cette conscience que l’armée en- 
lière lui connaît, qu'il avait traversé toutes les phases défavo- 
rables : il voulait constater les pertes éprouvées dans ces diverses 
expériences, afin d'amener M. le maréchal-gouverneur à 
former son jugement"sans aucune cause d'erreur. 


Épouvantable effet du debab. 


155. Au pied de Tiaret, en traversant la rivière, les droma- 
daires furent assaillis, pour la première fois, par le debab : 
chaque animal avait sous le ventre des milliers de ces mouches, 
dont il cherchait vainement à se débarrasser, soit par des sauts, 
soit avec les pieds, soit même en se précipitant à terre. À quatre 
heures du soir, le debab disparut et permit enfin à nos dro- 
madaires de prendre la nourriture et le repos dont ils avaient 
un si grand besoin. 

Les Arabes nous assurèrent que, pour préserver nos bêtes des 
attaques du debab, il fallait les conduire près d’un grand arbre, 
sur un terrain rocailleux, dépouillé de toute verdure, situé en 
face du camp. Là, ajoutaient-ils, les dromadaires pouvaient 
passer le moment de la journée où le debab sévit; nous suivimes 
leur avis, mais nous fûmes cruellement abusés. Le spectacle 


207 — 
dont nous fûmes témoins, huit heures durant, fut réellement 
affreux: tantôt Jes bêtes paraissaient ivres, tantôt furieuses, 
parfois sans vie, toutes avaient la tête, les jambes et le ventre 
couverts de debab ; nous dûmes donc renoncer à, ce prétendu 
abri et nous eùmes recours plus tard à un expédient qui nous 
réussit mieux. 


Moyen préservatif contre le debab. 


154. Le lendemain, les dromadaires partirent à trois heures 
du matin pour le pâturage et furent de retour avant huit 
heures. On les fit parquer pêle-mêle sur un mamelon élevé, 
où ils se groupèrent en tournoyant: de cette manière ceux qui 
étaient à la circonférence furent les seuls exposés à la piqûre, 
et, pour les en préserver autant que possible, on acheta du 
goudron, au prix exorbitant de douze francs la peau de bouc 
de huit à dix litres, et on les goudronna. Le debab disparut 
pendant trois jours, chassé par l’odeur; lorsqu'il revint, on 
imagina de l’éloigner encore au moyen d'une fumée épaisse, 
provenant du feu mis à de la paille mouiilée et à de l'herbe 
verte; ce procédé ayant eu quelques succès, le reste de la 
mauvaise saison s’écoula sans autre accident. Si la malheu- 
reuse circonstance dont nous avons parlé plus haut et qui 
devint, après l’automne, la cause d’une perte assez grave, ne 
se füt point produite, nous croyons que la perte éprouvée par 
notre équipage dans cette épreuve la plus à craindre de toutes 
eût été d’un quart des bêtes. 


Le debab s'attache à tous les animaux. 


155. Il ne faudrait pas s’imaginer que* le debab ne pique 
que les dromadaires, il s'attache avec autant de furie aux che- 
vaux et aux mulets. Aussi les Arabes disent indistinctement 


D Me 


d’une de ces trois bêtes, lorsqu'elle est piquée de la mouche et 
qu’elle est en danger de périr, medbouba. En plusieurs cir- 
constances, nous avons vu des mulets et des chevaux tellement 
couverts de, piqüres, qu'ils étaient dans un état réellement dé- 
plorable; nous citerons entre autres un mulet des spahis, fai- 
sant partie d’un convoi arrivé à Tiaret sous les ordres d’un 
officier de ce corps. Ce mulet avait eu tellement à souffrir du 
debab, qu’il creva au bivouac de Tiaret le même jour. 


Effet du debab dans une colonne, 
2 


156. Si une colonne, ayant des dromadaires au convoi, 
était obligée de manœuvrer pendant le temps où le debab 
sévit, elle devrait au moins s'arrêter depuis huit heures du 
matin jusqu'à trois heures du soir. Pendant la chaleur, nous 
pensons que la marche ne pourrait durer plus de trois jours, 
sans que la perte ne devint, en peu de temps, considérable. 


CHAPITRE II, 


20 DE LA FAIM CHEZ LE DROMADAIRE. 


C’est une maladie mortelle. 


157. Après le debab, la deuxième cause de maladie con- 
siste dans la faim; c’est à elle que nous devons les pertes 
éprouvées dans l’expédition du mois d'avril de cette année. 


Appétit du dromadaire. | 
t 


158. Le dromadaire est un animal qui mange tout ce que 
la terre produit, mais qui a besoin de consommer (15) beaucoup: 


1 > 
25 kilogrammes d'herbes ou de broussailles par jour lui suf- 
fisent à peine. Il aime à arracher sa nourriture avec ses dents, 
et ne prend de ce qu’on lui présente que des chardons ou des 
herbes tendres. 


Son alimentation varie suivant les saisons. 


159. Son alimentation hygiénique varie suivant les saisons, 
suivant les pays et même suivant certaines localités. 

Voici les règles généralement suivies à cet égard: 

En été, l'animal mange du bois (quettaf, djel, 1sserif) : le 
guettaf a la propriété médicale de rendre moins à craindre la 
piqüre du debab. 

En hiver, il mange du bois le matin et le soir certaines 
plantes appelées cha, alpha et senag. 

Au printemps et à l’automne, il mange indistinctement du 
bois et de l'herbe. 

Le dromadaire ne (15) boit, au printemps, en aucun pays, 
sans doute parce qu'il mange beaucoup d'herbe; ce n’est que 
durant l’été qu’il boit. Ce fait semble incroyable, lorsqu'on 
réfléchit que certains cantons, comme la Mitidja, ne contien- 
pent pas de guettaf. Mais partout où l’animal broute cet arbuste 
salé, il peut boire tous les jours depuis le quinze juin jus- 
qu’à la fin de l’hiver, d’après de nouveaux renseignements qui 
paraissent certains : s’il y a disette d’eau, il peut jeùner sept 
jours. 

Dans la partie du désert que nous avons traversée derniè- 
rement, on rencontre des espaces de quinze à vingt lieues 
sans eau. Le dromadaire les parcourt sans difficulté. On as- 
sure que plus loin, dans le sud, il peut rester jusqu'à quinze 
jours sans boire: et il y a lieu de croire là-dessus les Arabes, 
car leurs dires sont unanimes sur ce point. 

Pendant la route, les Arabes s'opposent à ce que ces animaux 


— 90 — 


boivent, quelle que soit la chaleur; ils prennent quelquefois 
bien de la peine à les empêcher; ce n’est que pendant l'hiver 
qu'ils leur permettent l’usage de l’eau de pluie. 

Les heures du pâturage varient aussi à l'infini, même 
entre les douars d’une tribu; voici la règle commune: 

Au printemps, on part de nuit, et on rentre au lever du 
soleil, en ayant grand soin d'éviter la rosée. On repart à midi 
et on reste jusqu'à six heures du soir et même jusqu’à dix 
heures, si la lune est levée. | 

En été, le départ est à trois heures du matin et le retour à 
huit heures, Après la disparition du debab, le départ est de 
deux à quatre heures, suivant la nature et la force du vent, et 
le retour à huit heures; on le recule même à dix heures, sil 
fait clair de lune. Pendant cette saison, on fait boire le matin, 
en rentrant à la tribu. 

En automne, le départ est après le lever, et le retour après 
le coucher du soleil; les bêtes boivent en partant, 

En hiver, on part et on rentre comme en automne; mais l’on 
ne fait boire que lorsque l’eau est réchauffée par le soleil. 

Les dromadaires, après avoir été déchargés en arrivant au 
bivouac, ont l'habitude de se coucher pour ruminer, On doit 
les faire lever, et alors ils mangent; la nuit, ils ont le temps 
de ruminer, car ils ne dorment pas quatre heures, 

Ces animaux ont l'habitude de toujours mâcher du même 


côté ; lorsqu'ils ruminent, ils font jouer la mâchoire inférieure | 


tantôt à droite, tantôt à gauche, et très-uniformément. 


L'alimentation varie surtout suivant les pays. 


160. Nous avons dit que la partie si importante de l’hy- 
giène du dromadaire n’était pas bien connue; les Arabes eux- 
mêmes ne s'entendent pas à ce sujet. Nous en avons eu la 


ANS”: QE 

preuve durant notre séjour à Tiaret, Voulant éviter les pertes 
imminentes, nous nous entourâmes de tous les conseils de 
l'expérience, nous consultâmes les plus capables bib de la 
tribu des Harars. Cette tribu est en effet renommée par son 
habileté en chamelerie. Elle considère la rosée de l’été comme 
plus dangereuse que le debab : aussi n’envoie-t-elle les dro- 
madaires au pâturage que longtemps après le lever du soleil. 
Au contraire, les Rhaman, les Bou-aïch, tribus du Tittery, qui 
possèdent des milliers de dromadaires, et qui en avaient un 
grand nombre au convoi, les envoyaient paitre à trois heures 
du matin, sans se préoccuper de la rosée. Ils rejetaient sur les 
Harars le reproche d’ignorance que ces derniers leur appli- 
quaient; de quel côté est l’erreur? Pour nous, nous devons 
déclarer que des deux parts les pertes ont été grandes et qu’il 
nous est impossible, du moins pour le moment, de nous pro- 
noncer sur la préférence à accorder aux habitudes de l’une ou 
de l’autre province ; nous craignons cependant plus la rosée que 
le debad. 

En résumé et comme complément, lorsqu'on sera obligé de 
se servir de dromadaires pendant le mois d'avril, il importe 
suivant nous, de ne pas perdre de vue les observations men- 
tionnées au chapitre, Du travail, art. 121. Pour éviter que ces 
animaux ne meurent de faim, on doit choisir les plus gras et les 
plus forts; veiller à ce que l'allure soit ralentie toutes les fois que 
l’on traverse un terrain à bonnes herbes; la presser ensuite 
pour rattraper la distance perdue, lorsqu'il n’y a rien à manger; 
arriver au bivouac de midi à une heure: voilà ce que doit avoir 
toujours présent à l'esprit le chef responsable. 


Instruction acquise par nos soldats dans la dernière expédition. 


161. Pendant l’expédition d'avril, qui dura vingt-huit jours, 


Sp 


nous avons été obligés d'abandonner soixante-dix dromadaires. 
Les Arabes, qui en avaient trois fois plus que nous, n’en ont 
perdu que onze. Cette différence s’explique 1° par la supério- 
rité réelle des dromadaires amenés par les Arabes ; 20 par le 
soin que ces derniers ont eu constamment de faire manger 
leurs bêtes à propos; toutefois, à la fin de la course, le ba- 
taillon comptait un grand nombre de bons chameliers, qui 
avaient profité de l’exemple des Arabes, et dont l'instruction 
s'était développée heureusement assez à temps pour que les 
plus grands malheurs aient été évités. 


CHAPITRE II. 


3° DE LA GALE CHEZ LE DROMADAIRE, 


Cas où la gale est mortelle. 


162. La (20) gale constitue la troisième maladie; elle n’est 
mortelle que lorsque la bête n’est pas encore guérie à l’arrivée 
des froids de l’hiver; alors son corps, privé de poil, ne peut 
résister aux rigueurs de la saison. 


Précaution contre la gale. 


163. Tout dromadaire, atteint de cette affection, doit être 
mis à part : car, en peu de jours, il aurait infecté un troupeau 
tout entier. Les grara (besaces), son aouïa (bât) et ses cordes 
doivent être soigneusement lavés à l’eau claire, avant d’être 
remis en usage. On frotte de goudron la partie malade, en 
ayant, si la chaleur le permet, soin de couper d’abord le poil 
qui l’environne; en hiver, cette dernière mesure serait funeste. 


JUS 
Il est rare qu’une seule friction suffise. Au bout de quinze jours, 
la peau étant sèche, on peut reconnaître si la gale est passée ; 
dans ce cas seulement, le poil commence à repousser. 


Surveillance spéciale du chef de corps. 


164. Le chef du corps des dromadaires ne saurait apporter 
trop d'attention à empêcher la gale d'entrer dans le troupeau, 
et trop de soin à faire mettre à part l’animal atteint. Chaque 
jour, il doit faire passer une revue dans ce but, et tenir tou- 
jours du goudron prêt, pour faire frictionner les parties atteintes 
ou même suspectes. 


Cas où la friction doit être générale, 


165. Si la gale est ancienne et invétérée, ce qui aura 
lieu souvent après les expéditions d’un mois de durée, il 
est nécessaire de faire goudronner tous les dromadaires, 
même dans les parties de leur corps qui paraissent en avoir 
le moins besoin , telles que les dents , la bouche et les ongles 
des pieds. Pour cette opération, on passe une corde à leur mä- 
choire inférieure, et on les abat sur le flanc, la tête attachée à 
la naissance de la queue; dans cette position, on n’a pas be- 
soin d'appliquer beaucoup de goudron. Cette substance, em- 
ployée en trop grande abondance, les EE el pourrait 
amener souvent leur mort. 

La qualité du goudron est, à raison de l'utilité hygiénique 
de cette matière, un des points sur lesquels il faut porter le 
plus d'attention. De sa bonne composition dépend la santé du 
dromadaire. 


Mauvaise volonté des Arabes à l’égard de notre équipage. 


166. À ce sujet, il est à remarquer que les Arabes, soit 


8% = 


dans la plaine de la Mitidja et des Aribs, soit à Boghar et dans 
le Sersou, n’ont vu qu'avec la plus grande peine commencer 
ces expériences ; que toujours ils ont essayé de nous én dé- 
goûter par les pertes qu’ils nous causaient, soit par la mauvaise 
qualité du goudron que nous étions obligés de leur acheter, soit 
par le mauvais usage qu’ils en faisaient en l’employant à trop 
fortes doses. À la Maison-Carrée, ils nous ont d’abord livré 
du goudron de pin, qui n’a aucune vertu contre la gale ; puis 
ils nous ont vendu du goudron de marine composé de poix noire, 
d'huile de poisson, de suif et d’étoupes, qui a littéralement brûlé 
nos bêtes, et c’est à cette cause que nous devons attribuer la 
mortalité qui régna alors. Depuis cette époque, Les Arabes conti- 
nuant à profiter de notre ignorance, ont toujours mêlé du gou- 
dron de pin à celui qui provient des arbres qu'ils appellent 
arar où tâga. De cette manière, ils ont épargné plus de la moi- 
tié de la main-d'œuvre et ont empêché toute espèce de gué- 
rison. Enfin, en ce moment, ils viennent de surprendre notre 
confiance dans une livraison de goudron qui avait été cepen- 
dant reconnu bon par des experts arabes; ils l’ont ensuite 
employé sous nos yeux avec tant de profusion sur deux cents 
dromadaires, qu’une grande partie de ces animaux à péri. 


Prix et qualité du goudron. 


167. Le goudron se vend par peaux de bouc de vingt 
litres environ, au prix de #4 à 5 francs. Soixante litres, en 
trois jours, peuvent être faits par deux ouvriers. Le meilleur 
goudron provient de la tribu des Ouled-Anteur, de celle des Ou- 
led-Tbrahim, dans le Djebel-Sahari, et de celle des Sahari, dans 
les environs de Berouaquia; 1l se conserve longtemps dans les 
tonneaux, dans les jarres, et même dans les peaux de boue, si 
toutefois celles-ci sont bien fermées et mises en un lieu frais, 


PME + ee 


On peut reconnaître, dans un récipient, si le goudron con- 
lient du mélange : en le laissag{ reposer, l’urine et l’eau re- 
montent. 

Le goudron durei doit être jeté; en hiver, on peut se servir 
du goudron épais; en été, on ne peut l’employer que liquide ; 
du reste, il ne faut aucun mélange d’eau ni de lait. 


De l’onguent sulfureux substitué au goudron pour la guérison de la gale. 


168. Nous avons eu l’idée de faire essayer l’onguent sou- 
fré sur les dromadaires. Cet essai paraît avoir réussi; au reste, 
les expériences se poursuivent encore. Dans le cas où l’onguent 
ne pourrait remplacer le goudron, on a déjà décidé que quatre 
ouvriers du magasin seraient employés toute l’année, aux envi- 
rons de Boghar, à faire du goudron. Les Turcs et Abd-el-Khader 
avaient aussi un certain nombre d'ouvriers, exempts de tout 
impôt, qui faisaient constamment ce métier. De cette manière, 
une peau de bouc de 20 litres né coûterait que 3 francs; il en 
faudrait deux par tête et par an. Cette quantité est nécessaire, 
non-seulement pour guérir la gale, mais encore pour entre- 
tenir la santé; on sait déjà que les dromadaires doivent être 
goudronnés entièrement cinq fois par an, surtout s'ils doivent 
travailler. 


Le 


Précaulions des Arabes contre la gale dans leurs bivouaes, 


169. Il est bon de faire ici une remarque assez importante. 
La gale provient souvent de la malpropreté. Aussi les Arabes 
changent-ils souvent de bivouacs, tous les deux ou trois jours 
au moins, afin que leurs dromadaires ne couchent pas dans des 
endroits remplis d’ordures. Ils regardent ce changement con- 
tinuel de bivouac comme la précaution hygiénique la plus 
importante pour eux et leurs bêtes. 


UN NN 


CHAPITRE IV. 


DES AUTRES MALADIES DU DROMADAIRE. 


ne + + en 


: 170. En dehors de ces maladies, il en existe plusieurs au- 
tres dont les Arabes ne parlent presque pas. 


0 da slemma, 


171. 1° La slemma ou colique n’est jamais une maladie 
grave; elle provient généralement de ce que l’animal a bu de 
l’eau stagnante l'été, et elle disparaît d'elle-même. | 


Le magoub. 


172. 2° Le magoub est une maladie qui provient de la san- 
ele lorsque celle-ci est placée en avant du fourreau, au lieu de 
l'être entre la verge cet Les testicules ; alors une tumeur se dé- 
clare et l'animal ne peut uriner. Le remède des Arabes est tout 
simple : ils ouvrent la peau près de la verge qu'ils saisissent et 
qu'ils-tirent ‘en nié de manière à détendre le nerf; cela 

eg 


Le moroos. 


175. 9° Le moroos est une fissure qui se manifeste dans la 
corne de la plante du pied ; elle amène un boitement assez fort, 
mais qui disparait assez vite, sans l'application d'aucun sa 
mède. 
HAE Le metla. 


| 174. 4° Le metla est une maladie particulière de la femelle, ù 
quand celle-ci est trop chargée; il consiste dans la chute du 


em Qù 
vagin, lequel rentre à sa place après quelques jours de repos. 
Ajoutons en terminant que, quand, après le printemps, on 
voit des bêtes qui ne sont pas remises par le vert, on les purge 
avec du blé bouilli dans de l’huile. 


CHAPITRE V. 


DES BLESSURES DU DROMADAIRE. 


Du feu. 


175. Lorsqu'un dromadaire boite, par suite d’une chute, 
on applique de suite le feu à la partie blessée : cette opéra- 
tion s'appelle béda. 


Principaux médicaments. 


176. Les blessures se guérissent ordinairement par l’emploi 
du goudron bouilli avec de la graisse non salée de bœuf et de 
mouton ; ou bien, par le goudron seul, ou encore par la graisse 
seule. Les pansages se font tous les deux jours; on se sert 
aussi de debagar, de tan, de cendres de tabac et de la feuille 
d’arar sèche et pilée. On emploie enfin le sulfate de cuivre (tu- 
ha) toutes les fois que la plaie contient des vers. Dans le dé- 
sert, on fait usage d’une plante appelée dugust pour guérir 
toutes les blessures. 


Leur efficacité. 


177. Tous ces médicaments et surtout le premier guéris- 
sent une forte blessure, dans le laps de vingt jours. On ne doit 
pas se servir du futia aussi longtemps que le font les Arabes, 


ce sel ayant la propriété de brüler les chairs trop vives de la 
7 


plaie, loin d'avancer, retarde au contraire la guérison, laquelle 
doit s'achever par des compresses d’eau-de-vie, de teinture 
d’aloès, ou par le charbon pilé. 


Précautions à prendre pendant l'été. 


178. Pendant l’été, un dromadaire blessé doit être immédia- 
tement décharg'. Sans cette précaution, les vers se mettent 
dans les plaies et font crever l'animal : aussi les Arabes ne 
se servent-ils presque jamais de leurs dromadaires pendant le 
second mois de l'été. 

Pour éviter ces accidents, on doit, lorsque les circonstances 
obligent à faire travailler la bête durant cette troisième et 
dernière époque critique, laisser disponible un sixième au moins 
des dromadaires. Du reste, les blessures se guérissent plus 
facilement dans cette saison que dans le reste de l’année; huit 
jours suffisent généralement. | de 


TITRE OL. 


DE L'ANATOMIE DU DROMADAIRE. 


Nécessité d’un travail spécial à faire par un homme de l’art, 


179. L'anatomie du dromadaire mériterait d’être sérieu- 
sement étudiée par un artiste vétérinaire habile. Un rapport fait 
par un homme d’une compétence spéciale serait d'un grand 1 in- 
térêt pour la science. 

Nous nous bornerons ici à consigner les observations que 
nous avons pu faire à la suite de plusieurs autopsies. qu 


4 


mn 99 Le ce) 
Comparaison du dromadaire avec le cheval el le bœuf, 


180. Pour donner une idée exacte de l’organisation anato- 
mique du dromadaire, nous le comparons tantôt au cheval, 
tantôt au bœuf, et même, parfois, à ces deux animaux à la fois, 
car il tient beaucoup de l’un et de l’autre. 


Peau du dromadaire. 


181. La peau du dromadaire est d’un tiers plus épaisse que 
celle du bœuf. 


Lèvre. 
, Li 


182. Sa lèvre supérieure est renflée et fendue de 34 milli- 
mètres, disposition nécessaire à son alimentation. 


Larynx. 


183. Son larynx renferme, d’ordinaire, des vers blancs, longs 
de deux centimètres et épais de cinq millimètres. 


Cerveau. 


184. Son cerveau est plus grand que celui du bœuf; mais 
il est plus petit que celui du cheval. 


Muqueuse buccale. 


185. La muqueuse buccale du dromadaire pend dans le pha- 
rynx ; lorsque la bête est en rut ou lorsqu'elle est violemment 
agitée, celte muqueuse est chassée de la bouche avecun grand 
bruit produit par l’air ; elle présente des rides et des plis assez 
- considérables pour former une poche où les aliments séjournent 
pendant l'acte de la rumination ; à la surface, cette poche est 


recouverte de papilles plus longues que celles du bœuf. La mu- 
ï 


queuse de la langue contient aussi des papilles nerveuses à 
dessins irréguliers remarquables. | 


Cou. 


186. Le cou du dromadaire a des deux côtés deux veines et 
une artère, comme cela se voit chez tous les ruminants ; il est 
d’une longueur diflorme. 


Trachée-artère. 


LI 


187. La trachée-artère est formée d’un canal plus long, 
mais moins large que celui de tous les autres janimaux ; les 
narines étant aussi très-étroites, il en résulte que l’air a peu de 
passage pour arriver dans les poumons, principal organe de la 
respiration. | 


Tissu de la bosse. 


188. Le tissu de la bosse (14) du dromadaire est so 
el Peut être ? DRpATe à la tétine de la vache. 


Paroi antérieure de l’abdomen. 


189. La paroi antérieure de l’abdomen du dromadaire est bien 
plus forte que celle des autres animaux; la ligne blanche qui 
la partage en deux par le milieu, est très-prononcée. Les muscles 
de cette région se croisent entreeux de la manière la plus solidé. 


Compartiments de l'estomac. 


190. Le bœuf a son appareil stomacal composé de quatre 
estomacs ; il en est de même du dromadaire : ceux de ce der- 
nier, quoique ayant des formes différentes et plus prononcées, 
pourraient recevoir les mêmes noms. Nous nous contenterons 
néanmoins de les désigner par léurs numéros d'ordre," 


— 101 — 


Panse ou 1°" estomac. 


191. Chez tous les dromadaires crevés de la veille, nous 
avons remarqué que la panse, premier estomac des ruminants, 


contenait 50 à 60 livres d'herbe noyée dans une quantité plus 


ou moins considérable d’eau verdâtre ; cette panse renferme une 
multitude de pochettes fermées par des filets, ou brides longi- 
tudinales, qui ne communiquent pas les unes avec les autres : 
ces pochettes ou augets, qui donnent à l’intérieur de cette par- 
tie de la panse l’apparence d’un melon à tranches très-pronon- 
cées, étaient, noûs le répétons à dessein, remplis d’eau et 


d'aliments et plus développés dans la panse du dromadaire que 


dans celle du bœuf. 
2e estomac. 


192. Le 2° estomac du dromadaire se compose d’une quan- 
tité de brides tendineuses, formant un grand nombre de pe- 
tites cellules, divisées entre elles par la membrane de l’esto- 
mac. Le passage du 2° au 5° estomac est une ouverture de 
50 millimètres de diamètre pratiquée dans une bride musculeuse 
très-forte. | 


3e et 4e estomacs. 


195. Ces deux estomacs présentent des cloisons membra- 
neuses établissant de très-nombreux compartiments; dans le 
3° estomac, ces cloisons sont maintenues par de fortes brides 
de nature musculeuse, dont les parois sont garnies de lames 
rapprochées ou parallèles entre elles; tandis que, dans le 4° es- 
tomac, l’entrelacement des vaisseaux sanguins a lieu par de 


simples membranes. 


Doutes sur l'existence du cinquième estomac. 


194. L’appendice à la panse, désigné. sous le nom de ré- 
servoir d’eau par les naturalistes, et qui occupe la position du 


— 102 — 
bonnet dans le bœuf, chez lequel il offre d’ailleurs une struc- 
ture intérieure différente, a longtemps été considéré par quel- 
ques-uns d’entre eux comme formant le cinquième estomac. 
Cette distinction, établie à à tort entre les deux parties composant 
le premier estomac, a été abandonnée. D’autres naturalistes, 
renonçant à faire un estomac spécial de l’appendice au pre- 
mier estomac, mais préoccupés aussi de cette pensée qu’il de- 
vait y avoir cinq estomacs dans le dromadaire, ont compté 
pour un estomac un rénflement du canal digestif placé au 
commencement du duodenum : nous croyons que c’est éga- 
lement à tort. 
En résumé, compardison altentive faite entre l'appareil 
stomacal du bœuf et celui du dromadaire, il semble qu’on ne 
peut admettre le cinquième estomac. 


Poumons du dromadaire, 


195. Les poumons du dromadaire ont la forme de ceux du 
cheval ; ils ne sont pas plus volumineux que ceux de ce der- 
nier; ils sont un peu plus forts que ceux du bœuf. Ce viscère 
spongieux ne peut donc contenir, eu égard à la masse du 
corps, qu’une petite quantité d'air; d’où il faut conclure que 
le dromadaire est un animal destiné à supporter une fatigue 
continue, mais non violente ; quil ne pourrait, par exemple, 
que difficilement trainer la voiture, et enfin qu’il n’est pas or- 


ganisé pour travailler dans les pays accidentés. 
Côtes. 


196. Les côtes du dromadaire sont au nombre de douze, 
comme chez le bœuf. 


Reins. 


197. Les deux reins, composés d’une multitude de petits 


reins, si l’on peut S’exprirher ainsi, sont plus volurhineux que 


En a GS de DE 


Es = 

ceux du cheval; toutefois, ils n’offrent pas la même confor- 
mation que chez cet animal et chez le bœuf; ils ressemblent 
à une grande boucle d'oreille ronde et non fermée. Ils sont 
composés de trois substances différentes. Chaque rein pèse une 
livre et demie; l’un est ordinairement plus grand que l’autre. 


Cœur. 


198. Le cœur du dromadaire ressemble à celui du cheval ; 
les oreilleites sont deux fois plus grandes que celles du cœur 
de ce dernier. 


Foie. 


199. Le foie se compose d’un grand nombre de lobules, en 
forme de losanges, qui peuvent être soulevés isolément, et qui 
sont plus prononcés d’un côté que de l’autre. La substance en 
est plus consistante, plus granuleuse que celle des autres ani- 
maux. Le foie du dromadaire est divisé en deux, comme celui 
du cheval, tandis que celui du bœuf ne se compose que d’une 


seule pièce. 


Doutes sur l’existencé dé la liqueur biliarre. 


E 


200. Toutes les recherches faites pour trouver «la liqueur jau- 
« nâtre qu’on nomme bile dans le viscère du bas-ventre appelé 
« foie, lequel est composé de différentes glandes propres à sé- 
« parer cette liqueur de Ia masse du sang » (Lavoisier, Diction- 
naire de médecine), ont été infructueuses. On sait généralement 
que la vésicule biliaire, qui se rencontre toujours chez les ani- 
maux carnivores, manque quelquefois, souvent même, chez les 
herbivores : aussi n’a-t-on pas été étonné de reconnaitre l'absence 
de cette vésicule chez le dromadaire. Mais ce qui a surpris, c’est 
- que les bêtes crevées; même après une longue abstinence, ne 
présentassent dans les canaux du foie aucun indice de bile. 


sb Pal # n 7 AA VX PEN te af AP AT\VT'-e À . 
d v . 'J 2 A ! 


— 104; 


Des parties génitales du dromadaire. 


201. La conformation des parties génitales du dromadaire 
mâle est en tout semblable à celle du. bœuf, hormis que le: 
fourreau (4) portant en arrière, attire à lui. le bout de la verge, 
qui change de direction pour Paccouplement. Le vagin de la 
femelle est le même que celui de la vache; le conduit urinaire 
dans le vagin est cependant plus étroit dans la première. 
Les mamelles sont placées entre les cuisses, commé dans tout 
l’ordre des ruminants. 


Callosités. 


202. La callosité du sternum, partie osseuse du devant de 
la poitrine, est formée d’une corne molle ou tumeur sans poil, 


en tout semblable à l’ergot du cheval; elle est naturelle, puis- | 
qu'elle apparaît sur les avortons aussi bien que la bosse; 


au-dessous du sternum se trouve un tissu graisseux de 15 
millimètres d'épaisseur; quant aux six (11)autres callosités, elles 
ne sont que le résultat de l'épaississement de la peau, produit 
par le frottement de ces parties : car au-dessous pousse la chair. 


_ Semelle des pieds. 


205. La semelle des pieds est une véritable corne polie, mais 
peu dure ; au-dessous se trouve aussi un coussinet graisseux plus 
dense et plus volumineux que celui qui existe chez les autres 


animaux ; cette semelle réunit jusque près de leur pointe les 


deux doigts du pied : c’est surtout par suite de la disproportion 


entre ses jambes et ses pieds que le dromadaire parait si: 


difforme. 


FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. 


—#où0 


DEUXIÈME PARTIE. 


DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES DE DROMADAIRES. 


TITRE [°. 


DU. DROMADAIRE COMME MOYEN DE CONVOI. 


CHAPITRE Ier. 
UTILITÉ, INDISPENSABILITÉ DU DROMADAIRE. 


204. Dans la partie de l’histoire naturelle du dromadaire, 
nous avons essayé de donner des notions qui sont d’autant 
plus utiles à la question d’une ‘organisation militaire, que ces 
notions en forment souvent le point de départ. En effet, tant 
que nos soldats n’ont point connu les mœurs et lhygiène du 
dromadaire, ils n'ont pas su en tirer parti, et ia fallu léxpé- : 
rience récemment acquise pour prouver l'utilité de cet animal. 


Rareté du mulet. 


205. Le mulet commence déjà à devenir rare dans certaines 
parties du Tell. Dans la province d'Oran, on est obligé, pour 
le service des colonnes expéditionnaires, d'employer des ânes 
et même des bœufs porteurs, aussi bien que pour le ravitaille- 
ment des postes avancés. 


Des réquisitions dans la province de Tittery. 


206. Depuis moins d’un an, dans la province de Tittery, il a 


= jé = 

été fait, en cinq fois différentes, une réquisition de 3,000 dro- 
madaires, dont l'administration a payé la location pendant un 
mois environ, au prix moyen de 4 fr. par jour chaque bête, ce 
qui forme un montant de 360,000 fr. Ces dépenses augmente- 
ront naturellement chaque année; car, du jour où la France ne 
voudrait plus avancer, elle se trouverait forcée de faire un pas 
rétrograde dont les conséquences seraient certainement fu- 
nesies. 


Le dromadaire est mdispensable pour opérer dans Je sud de Tittery. 


207. Dans la dernière expédition, les dromadaires ont gagné 
leur naturalisation comme moyen de convoi; tout le monde en 
convient. Aujourd’hui, cependant, ces animaux n’ont pas encore 
été appelés à rendre tous les services qu’on devait en attendre et 
à prouver leur utilité absolue pour l'infanterie. En 1845, lors 
du glorieux fait d’armes de la Smala, il n’y avait dans la plaine 
de Taguin ni eau ni fourrage. Si S. A. R. le duc d’Aumale eût 
dû pousser plus loin dans le sud, c’est alors qu’un équipage de 
dromadaires aurait paru tellement nécessaire, qu’on se serait 
certainement empressé dé l’organiser immédiatement. En 1844, 
au contraire, un an après, jour pour jour, la plaine de Taguin 
était encore inondée, et nous avons trouvé de l’eau et du vert 
jusqu’au delà de Lagouath. IT en résulte que chevaux et mu- 
lets firent cette course sans dépérir ; aussi la colonne était-elle 
de retour à à Taguin le 7 juin, sans compter de malades. Mais 
il faut penser à 1845 et aux années qui suivront : à celte 
époque, le triomphe du dromadaire sera probablement complet 
et l’on se convaincra que : 

1° Un équipage de ces animaux est HER UE à l’infan- 
terie, qu’il serait inhumain de faire voyager dans de pareilles 
plaines, sans offrir au moins aux hommes fatigués le secours 
d’une monture; 


EN — 


$e L’artillerie, l’'ambulance, tous les aütres services, se- 


raient heureux eux-mêmes de ne plus se servir dé mulets, 
pour ne pas les voir périr dé faim et de soif dans ces contrées, 
où ils n’apparaissent jamais que comme objets de luxe. 


Doit-on organiser un équipage de dromadarres 


208. Ainsi, le dromadaire est indispensable à l’armée au 


delà du Tell ; mais l’administration française doit-elle en orga- 
niser un TENTE Et, dans le cas où elle le voudrait, le 
pourrait-elle ? 


A la question, le doit-elle? nous répondons : « Si l’admi- 
< nistration de la guerre est souvent forcée de louer des dro- 
madaires de réquisition, il serait plus 6 économique pour elle 
d’en avoir à son compte. » 

À la question, le peut-elle ? nous disons : « Les imperfections 
du dromadaire sont bien connues ; mais jusqu’à présent, on a 
prétendu qu’elles le rendaient impropre à être employé dans 
l’armée, tandis qu'il peut lui rendre des services dans cer- 
taines saisons et dans un grand nombre de lieux soumis à la 
domination de la France. Enfin, jusqu’à présent, si tous les 
essais ont été infructueux, on ne doit point l’attribuer à l'in- 
capacité des Français à ce sujet; et, dans quelques mois, la 
subdivision de Médéah présentera une organisation en offi- 
ciers, sous-officiers et soldats de bonne volonté, instruits et 
capables, ainsi qu’un nombreux matériel qui n’aura rien coùté 
à l'État. » 


£::$ Ne 
But des expériences ordonnées. 


209. Voilà le point de départ de cette question, qui s’est en- 


Suite tellement compliquée, que les détails ont fait perdre de vue 


lé but que l’on se proposait d'atteindre. Du reste, nous devons 


= "408 — 
noter ici que, dans notre tentative, il \ avait, de l'aveu de 
tous, deux idées nouvelles : R 
10 La conduite des bêtes par nos lge ce que les se 
riences précédentes déclaraient impossible: "1 
2 Le transport de l'infanterie, transport que les Turcs 
eux-mêmes n ‘avaient ie dre d’une manière RE 


nente. 
Utilité ' expériences. 


210. Nous allons-maintenant suivre de mA EH de 
cette question. 

Le raisonnement avait démontré l'utilité d’un équipage de 
dromadaires. Les faits nombreux, patents et avérés qui ont eu 
lieu dans les expéditions du printemps et de l’été, ont prouvé 
‘enfin que M. le Maréchal gouvernéur, en organisant ce corps 
auxiliaire de transport, maigré une opposition presque géné- 
rale, a rendu un grand service au pays et à l’armée. 


Première preuve de l'utilité d’un -équipage. 


211. En effet, les expéditions du Djebel-Sahari et de La- 
gouath, dans lesquelles on-s’est-servi des dromadaires durant 
six mois consécutifs, ont prouvé un fait qui, lui seul, démon- 
tre l’utilité de l'équipage ; ce fait, le voici : 

En achetant les dromadaires au lieu de les louer, il en se- 
rait résulté : 1° non-seulement que l’on aurait dépensé moins, 
mais encore que l’on aurait économisé plus de 210 p. 100; 
20 que toutes ces bètes, au nombre de plus de 1,000, seraient 
en ce moment notre propriété. Ceci est incontestable, incon- 
testé : or, c’est là qu'est toute la question. En effet, chaque 
dromädaire à été loué au prix de 3 fr. 50 c. par jour; nous 
avons été, en deux fois, cent dix jours, dehors, c’est donc 385 fr. 
qu'a coûté chaque dromadaire : or le prix de commercé du 
dromadaire est de 200 à 230 fr. Ainsi, si nous’ eussions 


— 109 — 

acheté ces animaux, chaque dromadaire, dans cet espace de 
cent dix jours, eût gagné plus d’une fois et demi sa valeur ; et 
notre raisonnement serait bien plus décisif si nous avions voulu 
prendre pour base le prix du dromadaire de razzia, qui est, à 
Alger, de. 150 à 150 fr., et qui, à Oran et à Constantine, descend 
même à 105 fr.; dans ce cas, c’est deux fois et demi et trois 
fois sa valeur qu eùt gagné le dromadaire. 


Deuxième preuve. 


912. Un second fait est le complément indispensable du 
précédent. 

Le prix de transport du quintal métrique payé par l’État, 
d'Alger à Médéah, est de 18 fr. 80 cent. ; l'aller et le retour 
ont lieu en quatre jours. Un dromadaire portant deux quintaux 
gagne donc par voyage 37 fr. 60 c.; en conséquence, en un 
mois, il aura gagné au moins 250 fr. Le prix d'achat est, 
dans les conditions les plus défavorables, de 250 fr, au maxi- 
mum. Donc l'administration, en louant des dromadaires pen- 
dant un mois seulement, en paie plus que la valeur. 


sh © — 


CHAPITRE II, 


DES OBJECTIONS CONTRE L'ORGANISATION D'UN ÉQUIPAGE, 


Énoncé des objections principales. 


213. Après ce qui précède, les objections que l’on fait encore 
valoir, quoique timidement, contre la formation d’un équipage 
de dromadaires, ne peuvent être de grande portée. Toutefois, 
examinons les principales : 
1° La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des 
chances de pertes excédant celles des bénéfices? | 


— 110 — 

20 La mortalité ne pourrait-elle pas réduire les bénéfices à 
néant et même être une cause de pertes plutôt qu'un moyen 
d'économie ? | 

3° L’administration a-t-elle besoin de louer des dromadaires, 
et, dans ce cas, ne pourrait-elle pas suivre un mode d'opérer 
moins ruineux que celui de la réquisition sans courir les dan- 
gers de l’entreprise directe ? 

4° Les soldats qui ont fait toutes les expériences avec zèle et 
bonne volonté, parce que, sans doute, leur mission ne devait 
être que de courte durée, pourraient-ils se plier à un service 
auquel leurs devanciers ne se sont jamais habitués ? Enfin, 
serait-il possible d'organiser un corps dans ce but ? 

La réponse à chacune de ces objections est simple. 


D RE ————— 


CHAPITRE HI. : 


RÉFUTATION DES OBJECTIONS. 


4° La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des chances de pertes dépassant 
celles des bénéfices. 


214. La dépense qui résulterait de l’organisation d’une com- 
pagnie de dromadaires entraînerait, par année, aux déboursés 
suivants : 


Soit 100 dromadaires, du prix de 108 fr. chacun, et pouvant 
servir 10 ans environ; leur entretien annuel s’élèvera cha- 
que année à la somme de (m) . . . . . . 1,050 f. 


Le goudronnage à 6 fr. par bête et PAFAD - : : 600 


Graisse et sulfate de cuivre, id. . . . . . . 100 
Licou de 5 fr. Di PO CE 


À reporter. . . . 2,250 f. 


ARS SOIENT 


— 111 — 
Reports : . .". 9,280. 
Bât de 4 fr., Ÿ Mr rer dé ee PE di 
Sangle en cuir de 4 fr., MASERATI 
Corde de 1 fr. 50 c., Li Dabe HOTTE UN 
200 besaces à charger, de 5 fr. dadines d'ube durée 
PRO ANS, FODÉ HO Ps BAL ST 58e 


Frais pour 10 bêtes disparues et ramenées au moyen 
de la prime d’encouragement de 10 fr. par bête, 


ON TO PR ONNEXPAPDR AANS, AUD SERRE NUE 400 
Dépenses diverses et imprévues, par an. . . : 1,000 
Un chef de cardiens à5 fr. par’jodr SEPSUS 1,095 
Cinq gardiens arabes (4 pour 20 bêtes), à 1 fr. 50 c. c: 

PAP DRE | 3809 & SEH002 787 
Indemnité aux trois officiers d h compagnie, ac- 

cordée d’après l'arrêté du 51 janvier . . . . 1,200 


FetAih) .:. . :. 9,065, 


Nous ne parlerons pas de la dépense de la troupe, parce que 
ce service serait livré au corps du train. 

Nous avons dit que le dromadaire pouvait travailler pendant 
neuf mois; en réduisant ce chiffre à huit seulement, compa- 
rons cette dépense à celle qu'occasionneraient 100 mulets. 


Le prix d'achat, à raison de 1,000 fr. par mulet rendu en 
Algérie, pour une durée de trois ans, serait, pour huit mois, 


He. : en ere O0 E 
Les frais de nourriture, à raison de 1 fr. 40 c. par 

Jour et par bête, RAS ee + + + 56,000 
Ceux d'entretien, de Ts 0e AA PONT t 4 D: UDD 


Total de la dépense pour huit mois té). 65,000 


L'Etat, pour avoir en propriété 100 NÉE devra Re 
le sacrifice suivant dans la première année : 


12 — 
Achat à 105 fr. chaque dromadaire. . à pre 10,500 fr. 
Entretien : 9,600 (n) — 1000 = 8,600, ci . 8,600 


Total:,.68 einas ah atsesé + ete SOON 


Maintenant, on aura à choisir entre ces deux moyens : 1° ou 
diminuer l'effectif des mulets; 2° ou louer aux Arabes 100 
dromadaires de moins par an. Ainsi donc, 1° si l’on licencie 
100 mulets, ou, ce qui est la même chose, si on ne les remplace 
pas, L'économie sera de (0): 2... . 1. "Dove 

Plus la moitié de 65,000 fr. pour les quatre 
QUAPES VIS. eine D + D dl: : DR 


Total par an . . . 97,500 f. 


2’ Si l’on s’abstient de louer 100 dromadaires, il résulte de 
ce qui a. été dit plus haut, que l’on aura économisé, en huit 
mois, la somme énorme de 127,000 fr. 

L'État n’est donc exposé à aucune perte en organisant ce 
nouveau corps d’équipages militaires. 


2° La mortalité ne peut même occasionner des pertes à l’État. 


215. La mortalité pourra diminuer les bénéfices déjà réalisés, 
mais elle ne constituera jamais l’État en perte. En effet, quand 
tous les dromadaires crèveraient après un mois de service, par 
l’incurie des gardiens ou par suite de maladie, supposition plus 
qu’exagéréé , l'État opèrerait encore un bénéfice. On répète 
de toutes parts, et peu charitablement, que l'expédition de Djebel- 
Sahri, dans laquelle 70 bêtes furent laissées en arrière, a été 
désastreuse. Eh bien ! si l’État eût été obligé de payer à l’équi- 
page le prix de ses transports, il aurait dû lui tenir compte 


d’un dixième en sus du chiffre des pertes éprouvées. Il n’en 


est pas ainsi du mulet qui, plus il reste au service, plus'il coûte, 


_… 


= (18 — 


cause du prix élevé des rations de fourrage qu'il con- 


-S 


30: L'administration a besoin de louer des dromadaires, surtout à cause de nos relations 
avec l’intérieur. 

216. La troisième objection renferme deux distinctions qui 
nécessitent deux réponses. D'abord l'administration est seule 
juge de ses besoins ; elle seule peut savoir si, avec l'effectif 
des animaux entretenus au budget, son service n’exigera pas 
des réquisitions nouvelles en 1845. 

Jusqu'à présent, elle a été obligée d’avoir recours à ces der- 
niers moyens, surtout pour ravitailler des places qui ne sont 
pas encore rie par des routes carrossables ; quel que soit 
le zèle apporté par le corps du train des équipages dans ses pé- 
nibles fonctions , il n’a pu suffire à tout, et le double de l’ef- 
fectif en hommes et en bêtes n’en viendrait pas à bout, telle- 
ment notre système d'occupation, déjà si étendu, prend con- 
stamment, et même malgré nous, une plus grande exten- 
Et FOR | | 

Jusqu'à ce jour, les dromadaires ont été requis cinq fois 
dans la province de Tittery; c’est là une preuve concluante; 
tout indique qu'à l'avenir on les emploiera plus souvent én- 
core. 

- En.effet, la soumission du désert jusqu’au Beni-Mzab, ainsi 
que l'installation d’un kalifa à Lagouath, exigent impérieuse- 
ment que la France se tienne toujours prête à porter des forces 
de ce côté; et on ne doit pas cesser de répéter qu'il pourrait 
arriver, malheur à une colonne qui oserait s’aventurer dans ce 
pays, sans être accompagnée d’un équipage complet de droma- 
daires destinés spécialement à transporter de l'infanterie, l'usage 
de la cavalerie étant impossible dans ces‘contrées. Trois journées 


de simoun ou d'une température de 64degrés centigrades, circon- 
8 


— A1k — 

stances qui sont loin d’être rares, suffiraient pour amener une 
catastrophe que l’humanité et la politique prescrivent d'éviter. 
Nous dirons plus : une colonne dont le convoi de dromadaires 
ne serait commandé que par les Arabes, qui seuls aujourd’hui 
savent les conduire, s’exposerait, par la trahison du seul chef 
de ce convoi, à cent lieues de la base d'opération, à voir son 
existence et ses opérations gravement compromises. 


L'entreprise directe est le mode le plus rationnel à adopter par l'administration. 


217. La question de savoir si l’administration, au lieu de 
procéder par location, ne ferait pas mieux d’acheter des droma- 
daires pour les confier à la garde des Arabes, à la charge par 
ceux-ci de les représenter à la première réquisition; cette 
question, disons-nous, à été longtemps débattue avant l’adop- 
tion du mode actuel. Nôus nous prononcerions pour l’affirma- 
tive, si l’on pouvait lever les difficultés majeures qui se pré- 
senteront sans cesse dans l'exécution : mais l’entreprise directe 
semble plus rationnelle, plus économique ct surtout plus digne 
d’une grande nation; si ce projet est repoussé, nous désirerions 
que le mode actuel fût, du moins, abandonné, et que dans les 
convois, les dromadaires loués aux tribus fussent conduits par 
des soldats français. | 


4 Le soldat peut se plier au service du dromadaire. 


218. Il est juste de convenir que les anciennes expériences 
pour plier le soldat au service du dromadaire avaient échoué 
complétement; que le dégoût avait fini par atteindre nos hom- 
mes, et qu'ainsi l’on pouvait soutenir que jamais la pétulance 
de nos soldats ne s’accommoderait d’une pareille mission ; mais 
pour être juste encore , il faut dire aussi que depuis que nous 
avons entrepris cette tâche, les choses ont changé d’aspect. 
Voilà neuf mois que les essais ont été commencés et six mois 


qu'ils continuent sous la direction des soldats du 1° bataillon 
du 35° de ligne, que j'ai l'honneur de commander, et les ré- 
sultats ne sont plus contestables, 


Bonnes dispositions des soldats chargés des expériences. 


219. Nos braves soldats ont pris Ja question fortement à 
cœur, et bien loin de se rebuter par leurs nombreux échecs, ils 
y ont puisé le courage nécessaire pour continuer la lutte; ils 
veulent prêter à leurs chefs le secours de leur zèle, de leur dé- 
vouement et continuer leurs efforts jusqu'à ce que toute l’armée 
soit obligée de convenir que la victoire leur est restée. Or, ce 
qu'ils auront fait avec tant de peine, d’autres pourront faci- 
lement le faire après eux, car la route sera tracée. 

Nous disons plus : si l’administration avait besoin d'eux 
pour former le corps à organiser, elle pourrait compter sur 
leurs services ; quoique résolus en grande partie à ne pas chan- 
ger d'arme > ils resteraient provisoirement à leur poste pour 
voir la France retirer de leur bonne volonté les fruits qu’elle 
doit en obtenir. 

En voyant les préventions avec lesquelles on a accueilli la 
reprise des expériences qui étaient confiées à leur dévouement, 
les soldats du corps provisoire de dromadaires ont résolu de 
lutter contre toutes les chances contraires et de réussir à force 
de zèle, de patience, de persévérance et même d’abnégalion : 
aujourd'hui, à la face de l’armée, ils croient qu’ils ont enfin 
gagné leur cause malgré une opposition qui croyait de bonne 
foi à l'impossibilité de cette entreprise. 


Cause de la non-réussite jusqu’à ce jour. 


220. La voix publique a proclamé enfin cette vérité; si 
celte affaire qui traine depuis dix ans, nonobstant les instances 


réitérées du ministre de la guerre, est arrivée jusqu’à 1844, 
8. 


— 116 — 

sans avoir obtenu une solution favorable, on ne doit l’attribuer 
ni aux défauts du dromadaire, ni à la mauvaise volonté du 
conducteur, mais au peu de confiance des chefs persuadés d’a- 
vance de l’inutilité de. leurs efforts : telle est la cause pour la- 
quelle l'administration supérieure a toujours échoué dans les 
nombreuses tentatives qu'elle a faites pour arriver à un but 
aussi désirable. : 

En effet, Le corps du train des équipages, auquel cette mission 
revient naturellement, n'a jamais cru à la réussite; et l’infan- 
terie, lorsqu'elle en a été chargée, à reculé devant la tâche, 
parce que, jusques en 1845, elle n'avait pas compris combien 
une organisation d’équipages destinés à mobiliser ses bataillons 
serait utile à son avenir. j 


L'histoire de l'expérience actuelle rappelle le sort de toutes les innovations. 


291. L'histoire du présent rappelle l’histoire du passé; en ef- 
fet ne voyons nous pas, à toutes les époques, l’opinion publique 
soulevée contre les novateurs à cause des difficultés inhérentes 
à toute innovation? Dans l'espèce, il faut en convenir franche- 
ment, les difficultés ont été grandes ; on ne peut s’en dissimu- 
ler la gravité, mais on l’exagérait. Malheureusement pour 
nous, le souvenir de ces exagérations était encore présent à 


tous les esprits, lorsque M. le maréchal gouverneur a prescrit 


de reprendre les expériences depuis si longtemps abandon- 
nées. 


= ALT — 


CHAPITRE [IV. 


REPRISE, PAR ORDRE DE M. LE GOUVERNEUR, DES EXPÉRIENCES 
ABANDONNÉES DEPUIS 1840. 


Dispositions hostiles de l'opinion publique. 


229, La reprise des expériences constituait une mission dif- 
ficile ; il fallait, pour réussir, une force de caractère peu com- 
mune de la part du chef et une confiance illimitée chez les 
subordonnés. Le passé prouvait qu'un succès immédiat était 
impossible ; que des échecs, au moins partiels, étaient inévita- 
bles; que le découragement parmi le plus grand nombre des 
soldats devait être le résultat du ridicule qui, à toutes les épo- 
ques, avait forcé d'abandonner les essais; enfin, que l’oppo- 
sition générale deviendrait d'autant plus menaçante que l’on 
approcherait davantage d’une organisation régulière. 


Une organisation provisoire était nécessaire. 


293. Il fallait vaincre l’une après l’autre toutes les difficultés 
par des expériences publiques ; pour cela, il était nécessaire de 
créer un corps provisoire et de le faire fonctionner longtemps. 
Afin d'atteindre ce but, M. le gouverneur général, après la re- 
vue mémorable du 28 janvier 1844, dans la plaine de Mustapha, 
rendit l’arrêté du 51 janvier sur les équipages ; et peu après, 
M. le général Marey-Monge fut autorisé à faire des expériences 
en grand dans l'expédition dirigée contre les fractions dissidentes 
de la tribu des Ouled-Nayl. 


Expédition des Ouled-Nayl ou du Djebel-Sahri avec le 4er bataillon du 33° et ses effets. 


224. À son départ de Médéah, M. le général Marey-Monge 


— 118 — 

organisa en bataillon de chameliers le 1* bataillon du 35° sous 
nos ordres.—Ces braves soldats fürént malheureux de recevoir 
une telle destination qui couvrait, disaient-ils, de ridicule notre 
excellent régiment; mais ils y firent toujours preuve d’une abné- 
gation remarquable. Malheureusement, nos dromadaires avaient 
travaillé tout l’hiver, ou étaient venus de chez les Arabes par une 
neige très-forte et par des chemins impraticables. L'opération 
cependant s’annonçait encore sous de belles espérances, lorsque 
la neige tomba de nouveau, et priva, pendant quatre jours, les 
dromadaires de pâturage.—Puis un temps affreux vint, contre 
toute attente, assaillir l’expédition et se maintint pendant la 
course entière. Aussi nos bêtes exténuées, maigres, dévorées 
par la faim, ne purent-elles supporter ces fatigues; 70 sur 250 
périrent ou furent abandonnées dans l’espace d’un mois. Nous 
constatons ici que nous leur avons fait souvent distribuér de 
l'orge, et que peu en ont mangé malgré la faim ! | 

Tel a été le résultat de la première expérience, et ses tristes 
conséquénces furent prévues dès le commencement. L'État, 
dans cette circonstance, a fait une perte qui, réunie à celle 
éprouvée antérieurement, s’est élevée à un chiffre à constater. 
Nous ne chercherons pas à la dissimuler. 

La situation du corps, à la date du 28 juillet, présente les 


résultats officiels suivants pour l'effectif des dromadaires : 
Recu. Perdu. 


Avant l’organisation de M. le | 
maréchal . . . . . . . 22% 161 dont 98 réformés vendus. 
Et après cette organisation. . 619 204 
Totaux, y 0 O0 900 


D st 


Il restait, au 28 juillet 1844, 478 
La perte, qui s'élève à 365, doit être diminuée : 1° parce que 
on y comprend 98 dromadaires qui ont été vendus ‘par le do- 


| 


—.119 — 


maine, en décembre 1845, dans la Métidjah; 2° parce que, sur 
les 29 laissés en arrière et sur les 89 abandonnés, il en rentrera 
plus de la moitié. Mais supposons que le chiffre 365 repré- 
sente la perte, elle équivaut à une somme de 47,000 fr. 

Ce n’est pas éluder les difficultés que de les faire ressortir ainsi. 


Economie finale produite par les expériences. 


225. Voyons maintenant l’économie produite par les dro- 
madaires depuis le début, afin de savoir si les ordres donnés 
par M. le maréchal, pour que les frais de transport couvrissent 
tous les frais des expériences, ont élé exécutés. : 


Dans l’expédition du Djebel-Dirah, l’économie constatée est 


de (pièce justificative H)..., . . rente NUM T. 
Dans l’expédition des Ouled-Nayl biboë Bt MO, 
Dans l'expédition du désert, et celle de Tiaret 

(piété 27.1 Pate af role Sohtomite ds 1m den 07180 

; Fotal.51, 60 Js1l1eûr, ol 51580940" fr. 


Ainsi, la perte eüt-elle été de 700 dromadaires, l’État n’au- 
rait encore rien à débourser pour les essais; et puisqu'elle ne 
s'élève qu’à la moitié, il y a eu bénéfice réalisé, 


Continuation des expériences avec des hommes de bonne volonté. 


226. Mais n’anticipons pas sur le cours de notre histoire. 
À la suite de cette expédition, on s’attendait généralement au li- 
cenciement de l’équipage; mais M. le gouverneur général, tout 
en donnant l'ordre de rendre le 1° bataillon du 55° à son colonel 
qui le réclamait, repoussa hautement l’idée d'abandonner les 
expériences et autorisa M. le général Marey-Monge à les conti- 
nuer avec des hommes de bonne volonté, s’il s’en trouvait. 

En présence d’oppositions qui n'avaient jamais été aussi 
vives et qui justifient la résolution prise par le 1° bataillon 


= 490 — 

du 55° de cesser ce service si maltraité, quoiqu'il lui en coutât 
de se séparer de son chef; au milieu de difficultés qui renais- 
saient chaque jour, et dont le spectacle attristait les témoins de 
cettelutte; après un échec qui nous couvrait personnellement d'un 
ridicule immérité, 84 hommes sur 562 de notre bataillon du 
55° répondirent cependant encore à notre appel, ainsi que 36 
soldats du 3° bataillon de chasseurs d'Orléans. Nous devons 
ajouter que, de nos 25 officiers et 48 sous-officiers, M:: Huet, 
sous-lieutenant, et Poulain, sergent-fourrier, furent les seuls 
qui ne voulurent pas nous abandonner lorsqu'ils nous virent 
décidé à braver l’opinion publique. Un second officier, M. Sil- 
vain, lieutenant, demanda à nous suivre au moment de partir 
en expédition. C’est avec cette poignée d'hommes dévoués, 
pleins d’abnégation et d'énergie, qui ont suppléé au nombre 
par leur bonne volonté, et dont l'exemple ne sera pas perdu 
pour l’armée, que nous avons pu prendre une revanche écla- 
tante; aussi notre reconnaissance leur est-elle à jamais acquise. 
Coniposition de l'équipage après quatre-vingts jours d’expédilion au retour à Médéah, 

997. Dans le courant de l'expédition, le nombre des dro- 
madaires ayant augmenté, M. le capitaine des voltigeurs An- 
sermain et M. le sous-lieutenant des grenadiers Simonet, accep- 
térent le commandement de 100 hommes d'élite qui vinrent 
renforcer l’équipage, dont voici la composition à notre retour 
à Médéab, après l'expédition de Tiaret. 

Officiers. 70 eee re si 
Troupe,: ler RE 0 220 


Dromadaires de l’Etat. . . 246 
— requis. +... 1900 


Nous pouvons affirmer de plus, d’après les demandes qui 
nous ont été faites, que si un nouvel accroissement dans le 
chiffre des dromadaires eût exigé le service d’un plus grand 


— 121 — 


nombre d'officiers et de soldats de bonne volonté, nous n’au- 
rions eu d’autres difficultés à ce sujet que l'embarras du choix. 
Revenons maintenant à l'historique de la question. 


L'expédition de Lagouath ne paraissait pas devoir être heureuse pour la solution 
de la question. 


228. L'expédition de Lagouath s’annonçait sous de plus tris- 
tes auspices que celle du Djebel-Sahri. Le départ, qui devait 
avoir lieu le 27 avril, fut successivement retardé par les pluies 
jusqu’au 12 mai. Le général Marey-Monge, prévoyant qu’en 
différant davantage de se mettre en route, il S'exposait à ne pas 
pouvoir remplir la mission qui lui était confiée, profita du pre- 
mier jour de soleil pour partir; son convoi de 1,300 dromadai- 
res marcha difficilement jusqu'à Taguin, à cause de la nature 
du pays; mais une fois entré dans les terres sablonneuses, le 
froid et la pluie, qui n'avaient pas cessé, furent plutôt favorables 
que défavorables à sa marche, ainsi qu’il l'avait prévu. 

Si l’ôn eûtattendu le beau temps à Boghar, cinq jours après 
nous eussions été surpris par les dernières neiges ; l’expédition 
n’aurait pu avoir lieu cette année, l’État aurait fait de grandes 
pertes et la question des dromadaires aurait sans doute été aban- 
donnée pour toujours. 


Pertes en dromadaires pendant l'expédition de Lagouath, 


229. Les mêmes dromadaires qui allaient, au mois d'avril, au 
Djebel-Sahri ont composé le convoi de Lagouath ; alors ils trou- 
vèrent des pâturages abondants sur toute la route, et les soldats, 
devenus bons chameliers, ne perdirent pas une occasion de les 
faire manger. Aussi, lorsqu’après trente-sept jours d'expédition, 
on fut, le 7 juin, de retour à Taguin, la perte n’était que de 
deux dromadaires. L’un s’élait cassé la jambe et l’autre s'était 
égaré. Pas un seul n'était resté en. arrière, el cependant ils 


—…— 122 — 


s'étaient bieñ peu reposés etse trouvaient dans un triste état de 
maigreur. 


Expédition de Tiaret. 


250. De Taguin, M. le général Marey-Monge s’est dirigé 
sur Tiaret avec son convoi de dromadaires; les Arabes ju- 
raient que pas un de ces animaux n’échapperait à la piqüre du 
debab. Mais , en usant de la prévoyance et des Soins dont noûs 
avons parlé dans là première partie de cette note, nous avons 
traversé cette terrible épreuve sans de grandes pertes. En outre, 
quelques jours après notre arrivée à Tiaret, il a fallu suivre le 
général dans son expédition contre les Koraïch et les Hallouïas, 
tribus qui habitent lés montagnes escarpées de l’Ouenseris. 
Chaque dromadaire reçut la charge énorme de 200 kilogram- 
mes; cette mission, quoique excessivement difficile, a été rem- 
plie avec succès. 


Pertes en dromadaires pendant l’expédition de Lagouath et celle de Tiaret. 


231. Au retour à Médéah, le 20 juillet, après cette nou- 
velle course de quarante-trois jours succédant sans intérruption 
à celle de trente-sept jours qui l'avait précédée, l'équipage comp- 
tait encore au convoi 227 bêtes; la perte s’établissait ainsi : 


Dromadaires morts, : . . : . 6 
Id. laissés en arrière. . . 8 
Id. s'étant cassé la jambe. 2 
Id. ÉDAPES 2 EN EE 


Total: 54 13. 49 
Report des pertes à Lagouath. 2 


Total genéral. . . . . . 21 pendant 80jours. 


nn à à 2 RS —— — —— 


| 


— 1923 — 


CHAPITRE V. 


RÉSULTAT DÉFINITIF DES EXPÉRIENCES, 


Les avantages d’un corps auxiliaire des équipages sont unanimement reconnus. 


232. Malgré les doutes et les injustes préventions qui exis- 
taient avant l'expédition de Lagouath, il-est peu de personnes, 
dans notre subdivision de Médéah, qui n’en soient venues à re- 
connaître aujourd’hui : 

1° Que nos soldats peuvent devenir de bons chauèliére 

2° Qu'il ne serait pas prudent de confier le commandement 
de nos convois à des Arabes ; 

5° Qu'il y aura économie pour l’État à avoir des dromadai- 
res en propriété : une seule question est restée à résoudre, 
celle des corps montés à dromadaire. 


Opposition au projet d'organisation des troupes montées. 


253. Des personnes opposées au projet d'organisation des 
troupes montées déclarent, après notre réussite, qu'elles n’a- 
vaient jamais douté de la possibilité d'organiser un équipage, 
lorsque le chef lé voudrait sérieusement, fermement, et sans 
s'inquiéter des oppositions secondaires ; mais que le difficile, 
l'impossible même, c'est le transport de l’infanterie : nous 
acceptons le premier aveu, nous l’acceptons avec reconnais- 
sance; quant à l'opposition faite au système des troupes mon- 
tées, nous en traiterons spécialement plus tard: Espérons que 
la vérité finira par triomphér aussi sur ce point le plus im- 
portant de tous. 

Voilà le véritable état de la question, au retour de trois 
courses, après cent dix jours d'expédition; nous le constatons 


— 124 — 


en ce moment, car nous n'en doutons pas, nos détracteurs 
voudront reprendre, plus tard, les concessions qu’ils sont obli- 
gés de nous faire aujourd’hui. 


— “tr DES 
CHAPITRE VI... 


RÉCAPITULATION. 


Progression des expériences. 


254. Les expériences ont été faites publiquement, d’abord 
en pelit et ensuite sur la plus grande échelle, pendant neuf 
mois consécutifs; elles ont conduit à la constatation des faits 
énoncés dans la première partie de cette notice, où il est traité 
des mœurs et de l’hygiène de l’animal, de ses défauts et aussi 
de ses qualités : elles ont fini par former un corps dont le per- 
sonnel n'attend plus qu’une ordonnance pour devenir un auxi- 
laire précieux de celui du train des équipages. 

| Les expériences ont été faites aux époques les plus critiques. 

235. Les expériences ont été faites aux trois époques de 
l’année où les Arabes font reposer leurs bêtes, et où, par consé- 
quent, il y.a le plus de chances de pertes. Le maximum de ces 
pertes étant connu, la religion de M. le maréchal gouverneur 
ne peut plus être surprise : il a par devers lui les documents 
nécessaires pour décider en toute connaissance de cause. 

Il ne serait pas juste de juger les difficultés futures par les 
difficultés passées; l’expérience est acquise, les doutes ont dis- 
paru en grande partie : jadis, enfin, il fallait trouver un chef 
qui voulüt fermement le succès de l'affaire, des subordonnés qui 
le voulussent aussi. On les a trouvés, ils ont fait leur devoir; 
c’est à l'autorité à décider maintenant s’ils ont atteint le but 
qu'elle se proposait. ° 


— 125 — 


CHAPITRE VII. 


DES DIFFICULTÉS QUI ONT ÉTÉ VAINCUES. 


Le dromadaire était si peu connu que l'expérience seule pouvait nous révéler 
ses qualités et ses défauts. 


256. On doit comparer les études faites sur les dromadai- 
res à celles qui auraient pu être faites sur les chevaux en Afri- 
que, si l’on eût ignoré en France l'usage de ces animeux. 

Faisons un appel aux hommes de bonne foi! cette deuxième 
expérience n'aurail-elle pas présenté des difficultés bien plus 
grandes que la première? Ces chevaux, que les Arabes au- 
raient vendu de mauvaise espèce, n’auraient pas duré six mois; 
l’inexpérience, après elle la mauvaise volonté qui suit toutes 
les déceptions, tous les échecs, auraient amené la mortalité ; 
une prompte désorganisation aurait atteint le corps d’infante- 
rie que l’on aurait voulu monter ainsi; d’un autre côté, les 
morsures, les coups de pieds des chevaux, les chutes auraient 
envoyé un dixième des hommes à l'hôpital ; et si, dans ces con- 
ditions, ce corps eût été engagé contre les Arabes, les pertes 
eussent été bien plus considérables encore; le dégoût aurait 
été universel, et on eùt abandonné les essais en couvrant de 
ridicule le malheureux novateur. 

N’aurait-on pas eu tort, cependant, de s’arrèter là, et de sa- 
crifier les immenses avantages de l'avenir aux difficultés iné- 
vitables du présent? 

On n’improvise pas plus un chamelier qu’un cavalier; et il 
faut, pour ces deux services, une aptitude qui n’est pas com- 
muné à tous, car la patience en est la base. 

On a pris des soldats et on leur a confié des dromadaires : 
M. le maréchal s’attendait aux pertes qui ont eu lieu. Ces per- 


ÉPER, 
dt 


— 196 
tes ont ensuite diminué, et maintenant elles sont presque nul- 
les, comme le prouvent les quatre-vingts jours de l’expédition 
que l’on vient de terminer. 
On a commis bien des fautes ; déjà, on en commet moins, et, 
dans un temps peu éloigné, les fautes seront plus rares encore. 


Le dromadaire a été étudié dans les grands convois de 4844. 


257. Il fallait observer les habitudes des Arabes; les grands 
convois auxquels nous avons élé mêlés, ont'initié nos soldats 
aux secrets de ces bons instructeurs dans uné partie aussi dif- 
ficile. Nous pouvons déjà constater que les divers services de 
l’armée préfèrent les dromadaires de l'État conduits par des 
Français, aux dromadaires deréquisition conduits par des Arabes. 

Il est juste de tenir compte à l'équipage de Tittery des difficultés qu'il a su vaincre 
et de ses sacrifices personnels. 

258. IL ne suit pas de ce qui précède que notre instruction 
soit parfaite, que nous n’ayons plus besoin des Arabes; non, 
sans doute ; mais les hommes qui se sont dévoués à cette cause 
croient avoir droit à une grande indulgence, 1° parce qu'ils ont 
réparé, à la sueur de leur front, les pertes provenant de leur 
inexpérience; 2 parce qu'ils ont déjà fait obtenir à l'État un 
bénéfice certain, au lieu de lui être à charge; 3° parce qu'ils 
sont persuadés qu'ils économiseront plus d’un million par an 
en frais généraux de transports. N'est-ce pas un fait curieux à 
enregistrer, que celui d’un essai qui paraît avoir été onéreux, 
et qui, en définitive, n’aura cependant rien coûté à l'État? Quel 
est l’essai d'organisation dont on a pu dire la même chose ? 

Enfin, si les échecs passés doivent être attribués à l’igno- 
rance des mœurs du dromadaire, notre réussite estévidemment 
la conséquence des études sérieuses qui ont été faites; et ona 
droit d’en conclure que notre corps est, aujourd'hui, une pépi- 
nière de bons instructeurs. ; 


— 127 — 


Proposition d’organisalion dé compagnies de chameliers. 


259. Aussi, désirons-nous voir l'État profiter d’une expé- 
rience acquise si laborieusement, en organisant définitivement 
des compagnies auxiliaires du corps du train des équipages 
militaires. L’atilité de ces compagnies ne tarderait pas à êie 
prouvée par les services nombreux qu’elles rendraient à l’ad- 
ministration de la guerre. Cette organisation est d’autant plus 
facile qu’elle se ferait avec un matériel déjà payé, et avec un 
personnel expérimenté et plein de bonne volonté ? 


D 


TITRE IL. 


BASES DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES. 


CHAPITRE Ier. 


DES OBSERVATIONS RELATIVES AUX DROMADAIRES. 


240. Il est probable, d’après une lettre de M. le Gouverneur 
général, que l’organisation des équipages aura.lieu; aussi 
croyons-nous devoir entrer dans quelques détails d'exécution. 


Choix et prix du dromadaire. 


241. Le dromadaire peut être chois indistinctement dans 
les trois provinces de l'Algérie ; les razzias en fourniraient 
encore longtemps, dont le prix ne serait pas fort élevé, surtout 
si l’on en juge d’après la vente des 50,000 qui a eu lieu après 
les razzias de MM. les lieutenants généraux duc d'Aumale, de 


— 1928 — 

Lamoricière, Changarnier, Baraguey-d’Hilliers. En effet, dans 
la Métidja, le dromadaire a été donné gratuitement; dans le 
Tittery, il a été vendu 50 fr., à Mascara, 25 fr., et à Constantine, 
70 fr. De plus, l'habitude étant de payer le zekkat en nature, 
l’État pourrait entretenir ses équipages à bon marché pendant 
de longues années, au prix moyen de 105 fr. environ. Il n’y à 
presque plus de chevaux, presque plus de mulets en Algérie, 
comparativement à ce qui existait en 1830, et même en 1839 ; 
mais 11 y a un nombre incalculable de dromadaires. 


Des indisponibles. 


249. Dans les troupeaux des Arabes, vingt jours après la 
rentrée d’une colonne, il n'y a pas 8 pour 100 de dromadaires 
indisponibles. L'État ne pouvant laisser reposer les siens aussi 
longtemps, on pourra élever le chiffre des indisponibles à 15 
pour 100. Heureusement que les frais de nourriture sont toujours 
nuls ; tandis que le mulet et le cheval coûtent d'autant plus 
qu'ils sont à l’infirmerie. 


Des réformés. 


243. La vente des dromadaires incapables de faire un ser“ 
vice actif n’est pas, chez les Arabes, annuellement de plus de 
8 pour 100. Par les mêmes raisons, il sera nécessaire de porter 
le chiffre à 16 pour 100, pour l'équipage de l’État, annuelle- 
ment. 


On ne doit compter, pour une organisation définitive, que sur une remonte nouvelle. 


244. Dans les troupeaux des Arabes, un dromadaire sert 
jusqu’à 17 ans; pourquoi n'obtiendrions-nous pas le même 
service de l'animal? Dans les commencements, il est certain 
que nous serons loin d'y arriver, et il y a bien des raisons pour 
le faire craindre. N'ayant jamais eu un avenir assuré, nous 


De 

nous sommes contentés de vivre au jour le jour, nous n’avons 
été difficiles ni sur le choix des bêtes, ni sur le sexe, ni sur 
l’âge, nous n'avons pas même encore songé à faire châtrer les 
males ; aussi devons-nous nous attendre à un déchet consi- 
dérable, égal au moins aux deux tiers de notre effectif, et ne 
compter, pour une organisation régulière et durable, que sur 
une remonte nouvelle. 


Perte annuelle de bestiaux en Algérie. 


245. Il ne faut pas manquer de noter ici que le mulet, en 
Algérie, n'a pas duré un an en 1840 et 1841, qu’en 18#4, malgré 
tous les soins pris, sa durée moyenne n’a été que de 5 ans et 
demi environ. Ajoutons que, dans certains corps de cavalerie 
d'Afrique, la perte des chevaux a été de moitié dans les mau- 
vaises années, et, enfin, que la perte sur les bestiaux de 
l'administration est annuellement de deux millions, terme 


moyen. 
Idées à consulter lors de l’organisation définitive. 


246. Dès qu'une organisation sera définitive, on devra agir 
en prévision de l'avenir. Les dromadaires bien choisis n’auront 
que # à 5 ans ; ils seront châtrés ; 1l y sera attaché un artiste 
vétérinaire et, en outre, un tebib arabe ; on choisira un caïd- 
el-bel (chef) très-entendu, ayant quelque avoir, qui, suivant 
l'usage, sera responsable des bêtes égarées, volées ou crevées 
par la faute des gardiens, et qui sera investi du burnous rouge, 
comme les autres caïds ; alors l’État pourra se féliciter de son 
organisation, car il ne perdra pas six dromadaires pour un 
mulet, qui représente la même valeur. 


— M0 — 


” 


: CHAPITRE II. 


DES OBSERVATIONS RELATIVES AU HARNACHEMENT. 


Du bât.— Le bourrelet (aouïa). 


247. Le bât du dromadaire se compose de trois parties : un 
bourrelet en toile, le bois et ses cordes. 

Le bourrelet (aouïa) doit avoir de 2 mètres à 2°,35 de lon- 
gueur, sur 0®,28 à 0®,55 de largeur. Lorsque l’étoffe a été cou- 
pée en forme de cylindre, on la bourre avec de la paille, et en- 
core mieux avec des plantes du pays, appelées alpha et sennag, 
ce qui rend le bât moins pesant ; le bourrelet, sans le bois, pèse 
7 kilogr., avec le bois et les cordes, 12 kilogr. Tous les Arabes 
confectionnent dans leurs douairs des aouïas ; ils les vendent 
au prix de 1 fr. 50 à 2 fr. : la tribu des Larbah, du Djebel-Amour, 
se chargerait de cette fabrication à 1 fr. 50. Le magasin du corps 
est riche en aouïas neufs qu’il a payés à ce prix d’après une 
commande faite avant notre départ pour Lagouath. La durée 
du bourrelet esi d’un an au moins ; il est fait en laine de mou- 
ion à chaine et à trame non serrées. 


Le bois du bât (kteb). 


248. Le bois du bât (kteb), change de forme suivant les pays; 
ceux de l’équipage ont été confectionnés dans les montagnes 
des Beni-Moussa et chez les Ouled-Anter, tribu près de Boghar. 
ils reviennent de 1 fr. 50 à 2 fr. l'assemblage : du reste, tous 
les montasnards en fabriquent avec des racines de bois dur. 

Lorsque le dromadaire sert à porter des femmes, des enfants 
ou des malades en palanquin, la manière de placer le kteb ou 
bois est la même en Algérie qu'en Égypte; le bois, composé de 


— 131 — 


deux pièces, formant deux V renversés réunis près de leur 
sommet par deux traverses horizontales, porte à cheval sur 
le bourrelet, les deux V étant l’un en avant et l’autre en arrière 
de la bosse. En Egypte, dit-on, cette position du kteb est in- 
variable. En Algérie, au contraire, lorsque le dromadaire porte 
la charge, les deux V sont placés en avant de la bosse qui est 
toujours encadrée par le bourrelet, le premier V étant séparé du 
dernier par un intervalle de 0®,20 à Ow,95 ; les traverses hori- 
zontales doivent être ‘éloignées l’une de Pautre de 0w,10 à 
0®,15; les bois qui portent sur les flancs doivent avoir 0",05 à 
008 d'équarrissage; enfin, le kteb ne peut pas dépasser la toile 
du bât, et son sommet inférieur doit toujours s’élever à 0,05 
au-dessus du garrot: son poids n’excède pas 3 kilogrammes. 

Le modèle de kteb a été perfectionné par l'équipage, qui en a 
même imaginé un nouveau plus solide et moins sujet à 
blesser. Nous possédons 320 kteb qui auront une durée de deux 


ans au moins. 
Des cordes. 


249. Le bât est attaché au corps par une corde pliée en deux 
et fixée par le milieu à la traverse droite du bât; la première 
moitié de la corde (corde du devant du bât), sanglant en arrière 
du sternum, peut être avantageusement remplacée par une bande 
en cuir, large de 4 à 5 centimètres, bordée de toile ou de peau 
de mouton du côté du sternum : la deuxième moitié (corde 
de derrière du bât) se place suivant le sexe, soit en avant des 
mamelles, soit entre les testicules et la verge; cette dernière 
corde blessant facilement les dromadaires aux parties génitales 
ou à laine, doit être tenue avec soin, souvent lavée, et être 
faite de laine de mouton : on doit cesser de la placer lorsqu'elle 
blesse et la remplacer par une croupière en corde attachée au 
derrière du bât, garni d’un gros bourrelet pour éviter de blesser 


la queue : tous les Arabes font des cordes qui ont habituelle- 
9. 


— 132 — 
ment 10 mètres de long et coûtent 1 fr. 50 c. : elles se com- 
posent de laine de mouton et de poil de chèvre ou de laine de 
mouton seulement; la corde en poil de dromadaire est plus 
chère : elle ne sert qu’à orner les turbans à l’usage des hommes 
de ce pays. : | 


Des graras (besaces). 


250. Le corps du train des équipages se sert, pour charger, 
de deux cordes en chanvre, de 7 mètres, qui ne durent qu'un 
an et coûtent 2 fr. 40 c. chacune. Les Arabes, au contraire, 
ne se servent de cordes que lorsqu'ils n’ont point de grara 
(grandes besaces), lesquelles coûtent chacune 5 francs, et durent 
deux à trois ans. | 

Les graras sont faites d’un tissu dont la chaîne est en poil de 
chèvre blanc, mélangé de poil de dromadaire, tramé avec de la 
laine de mouton. Cette étoffe fabriquée par les femmes arabes 
est d’une solidité à toute épreuve; elle sert indistinctement 
pour charger les mulets ou les dromadaires; mais lorsqu'on 
l’emploie pour les premiers, elle porte le nom de tels. 

Les graras doivent avoir de 2m à 2" ,40 de long, sur 0°,70 à 
0®,80 de large. Il en faut deux pour un chargement; le poids 
des deux est environ de 8 kilog : on en fabrique beaucoup dans 
la tribu des Larbah et dans l’aghalik de l’est de Médéah ; le 
magasin en contient 800 pour 400 chargements. 


Du lhicou. 


251. Le licou n’est pas usité chez les Arabes ; il a été em-. 
ployé par l'équipage pour dresser les dromadaires, et cet em- 
ploi à réussi complétement : en effet, le licou met la bête dans 
la dépendance absolue de d'homme, le familiarise avec lui, 
eUcela en peu de jours. Un licou en cuir sorti des ateliers du 
parc de réparations coûte 1 fr. 50 c. Le licou peut être avanta- 


Me 


— 133 — 


geusement remplacé par l'anneau placé dans l’aile d’une des 
narines. C’est ce que font, pour leurs mébaris, les Arabes de 
Tugurt : c’est aussi ce qui se pratique en Egyte. Par le moyen 
de l'anneau placé dans la narine, le dromadaire est l’esclave 
de l’homme, absolument comme le cheval lorsqu'il est bridé. 

Il n'entre point dans le cadre de cette notice, de faire ici le 
manuel du chamelier ; cette tâche mènerait trop loin : les offi- 
ciers des compagnies quiseraient organisées sont déjà instruits ; 
nous nous bornons donc à rapporter ici les faits principaux. 


CHAPITRE IT. 


DE L'ORGANISATION PROYISOIRE ADOPTÉE PAR M. LE GÉNÉRAL MAREY- 
MONGE. 


Simplicité de cette organisation, 


252. L'organisation provisoire adoptée par M. le général 
Maxey-Monge, pour le dépôt de l’équipage, devait trouver 
place ‘dans notre travail, car sa simplicité laisse peu à désirer ; 
elle pourra même servir de base à l’ordonnance qui règlera ec 
point. 


Division en deux bandes, 


253% Les dromadaires du corps sont divisés en deux bandes, 
celle des disponibles et celle des indisponibles; ils sont placés 
en avant de Boghar au milieu de riches pâturages sous la pro- 
tection et la responsabilité de tribus intéressées à éviler les 
razzias et les vols,, aussi bien pour leurs nedj (grandes réu- 
nions de bôles de toute espèce d’une tribu), que pour notre 
faible troupeau. Là, ces Arabes sont surveillés par le caïd 


— 134 — 


el-bel (chef), ayant sous ses ordres, par vingt bêtes, un rai 
(gardien). Pendant ce temps-là, le matériel est déposé en ma- 
gasin sous la garde d'un sergent et de dix hommes, composant 
la section hors rang ; un officier est chargé à Boghar de l’ad- 
ministration du personnel français-arabe et du matériel : voilà 
pour le temps des repos. On le voit, le nombre d'hommes dis- 
traits des rangs de l’infanterie, n’est pas considérable. 

Quand un convoi est nécessaire pour le Tittery, ou si, dans 
une course, il est besoin d’un certain nombre de dromadaires, 
un détachement, calculé à raison d’un soldat pour deux bêtes, 
part pour Boghar où le caïd dirige de son côté le nombre d’a- 
nimaux et de raïen demandés : là, on procède au harnache- 
ment ; et, quand l'opération est terminée, les hommes rentrent 
à Médéah pour y continuer leur service d'infanterie, et les bêtes 
retournent au parc. 


Emploi d’un bataillon entier. 


254. Ordonne-t-on une expédition qui nécessite le départ de 
tout l’équipage ? Le bataillon entier part de Médéah pour 
Boghar, précédant la colonne de deux jours seulement : il se 
répartit, par compagnies de dromadaires, les vivres de la colonne ; 
il se sert, en outre, des bêtes disponibles pour transporter ses 
havre-sacs, dans lesquels il place 20 à 25 jours de vivres ; les 
vivres sont plus à l’abri de la pluie dans les grara que dans 
la caisse de biscuit la mieux fermée. 


Marche des soldats et des dromadaires en expédition. — Avantages qui en résultent. 


255. En route, les dromadaires marchent en colonne par 
compagnie, le plus librement et sur le plus grand front pos- 
sible, de manière à manger ce qui se rençpnire sur leur pas- 
sage. 

Derrière chaque compagnie sont placés une garde d’un ca- 


n'"R 
4 


* 


— 135 — 


poral et de quatre hommes, et les raïens. Le reste de la 
troupe, formée en colonne, occupe une place au convoi, sur un 
des flancs ou à tout autre point désigné. 

Pendant les expéditions du printemps et de l'été, cette infan- 
terie a couvert le convoi militaire et a permis au général de ne 
pas affecter à ce service le bataillon qu’il est d'usage d'y placer 
chaque jour. Ce serait une erreur de croire que le corps du train 
présente les mêmes avantages, car le soldat du train, lui, est 
obligé de veiller constamment sur ses mulets et de rester avec 
eux pour les tenir en main, au besoin; tandis qu'il suffit de 
quatre soldats et d’un caporal pour garder 100 dromadaires. De 
plus, si un bataillon devait continuer sa marche après l’arrivée 
au bivouac, il est probable que le général préfèrerait les trou- 
pes les moins fatiguées, c’est-à-dire, les soldats de dromadaires 
qui marchent sans sacs. Par la même raison, il est évident que 
ce Corps fournirait bien moins dé malates que les autres ; car, 
en campagne, le havre-sac est le premier ennemi du soldat : les 
dernières expéditions l'ont bien prouvé. 

Au retour de la course, les dromadaires restent à Boghar, 
le harnachement est emmagasiné, et le bataillon, redevenu 
libre, reprend son service d'infanterie. Cette organisation est 
tellement simple, qu’elle mériterait d’être définitive. 


CHAPITRE IV. 


CONCLUSION. 


L'équipage est prêt à continuer les expériences. 


e 
256. Si, malheureusement pour la chose publique el pour 
nous, si, malgré des expériences aussi concluantes, les chefs 


— 136 — ” 
pensaient que nous n’avons pas encore atteint le but désiré, 
nous déclarons, au nom de l'équipage que, malgré les difficultés 
de la tâche qui nous fut imposée, malgré tout ce qu’elle a eu 
de pénible, nous sommes prêts à la continuer. M. le maréchal 
gouverneur a eu dans notre dévouement une confiance que nous 
sommes jaloux de justifier : aussi longtemps qu'il persévèrera 
dans les essais, nous serons à sa disposition. De même, nous 
pensons pouvoir compter sur la bienveillance de nos chefs, et 
pour l’objet de notre mission, et pour nous tous qui avons un 
si grand intérêt à sortir d’un provisoire si funeste. 


Probabilité de l’organisation de trois compagnies de chamehers. 


257. L'organisation, soit dans la Métidjah, soit à Boghar, de 
trois compagnies auxiliaires de corps du train, avec notre per- 
sonnel, notre matériel et notre équipage actuel, n'offre plus 
guère de doute à l’esprit, même des personnes qui, par suite de 
leurs convictions, étaient les moins portées à reconnaître que 
les difficultés de cette entreprise pouvaient être enfin vaincues. 

Il faudrait que l’on fût bien mal renseigné pour ne pas profiter 
des sacrifices de toutes sortes faits par de braves soldats pour 
arriver à un but que M. le Ministre de la guerre poursuit depuis 
si longtemps, sans pouvoir l’atteindre. 


FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE. 


— 137 — 


TROISIEME PARTIE. 


DE L'ORGANISATION DES CORPS MONTÉS A DROMADAIRES. 


CHAPITRE 1er, 


DES EXPÉRIENCES AU SUJET DES CORPS MONTÉS. 


258. L’utilité du dromadaire doit toujours être envisagée 
sous deux aspects : d’une part, il devient, entre les mains de 
nos soldats, le moyen le plus économique de transport; c’est 
ce qui à fait l’objet de la deuxième partie de ce rapport; de 
l’autre, il se présente comme moyen de transport de l'infanterie 
dans les courses lointaines: c’est ce que nous allons examiner 
dans notre troisième partie. 


s Expérience du mois de mars 1844. 


259. Une seule expérience en grand a été faite à ce sujet : 
c'est en partant pour l'expédition des Ouled-Nayl. Deux hom- 
mes avaient été attachés à chaque dromadaire; la place des 
havre-sacs, de la couverture et de la tente-abri avait été dé- 
terminée de la manière la plus convenable ; les fonctions de 
chaque grade pour le pansage, le paquetage, le pâturage en re- 
pos comme en marche, avaient été assignées. Les soldats étaient 
satisfaits de ce service : une organisation devenait certaine 


au retour de la course. 
Abandon des expériences. 


260. Malheureusement, au bout de cinq jours de marche, 
il fallut renoncer à cette expérience en grand : nous avons dit 
par quel cas de force majeure. Les bêtes pouvaient à peine se 


— 138 — 
traîner ; celles qui restaient disponibles pour porter des hommes 
furent employées à porter des denrées. L’équipage était obligé 
de recourir à ce service, seul payé, sous pefne de cesser d'exister 
puisqu'il avait accepté l'obligation de subvenir par lui-même 
à tous les frais d'entretien. 

L'expédition de Lagouath aurait été favorable à l’essai; mais 
pour conduire de front les deux expériences, d’abord le nombre 
d'hommes de bonne volonté ne fut pas assez considérable; en- 
suite, la caisse du corps présentait un déficit qu'il fallüt, avant 
tout, songer à combler par les transports soldés. | 


Le soldat parvenu à bien se servir du dromadaire comme moyen de convoi saura s’en 
servir habilement pour monture. 

261. De ce qui précède, il faut se garder de conclure que 
la question des troupes montées soit restée au même point 
qu'elle était lors de notre premier rapport : il est positif, au 
contraire, que les convois, en perfectionnant l'instruction des 
chameliers, ont hâté la solution d’une question aussi impor- 
tante. Si l’ôn convient que notre instruction est déjà bonne, on 
reconnaitra bientôt aussi qu'il n'y a plus de difficultés pour 
l’organisation des troupes montées. 

En effet, qui doute qu’un soldat du train, qui sait bâter, 
charger et conduire un mulet, ne puisse se servir du même 
mulet pour monture ? 

Les mêmes observations s'appliquent aux chameliers, avec 
d'autant plus de raison, que le dromadaire exige de la part de 
son maître plus de soins que de travail de corps. Le mulet est 
fort et robuste ; on peut à la rigueur se borner à lé traiter quand 
il est malade, et ne s’en occuper que légèrement lorsqu'il est 
bien portant. Quant au dromadaire, il faut savoir l’entretenir 
dans l’état de santé; jusqu'ici l’art du vétérinaire lui a été inu- 
üle : si une fois il devient bien st il ne tarde pas à crever. 


Mrim.i 202 


— 139 — 

Ceci explique l'intérêt que nous avons mis à perfectionner 
l'instruction des chameliers et la persistance à continuer les 
convois. Du jour où nos soldats auront acquis l'intelligence du 
nouveau service, le problème des troupes montées sera résolu : 
toute expérience deviendra, dès lors, inutile. 

N'est-il pas évident, en effet, que le dromadaire se blessera 
moins lorsqu'il portera un soldat ne pesant que 65 kilog., et 
obligé sans'cesse de garder l'équilibre, que lorsqu'il est chargé 
d’une matière inerte, perdant à chaque instant son centre de 
gravité, et du poids de 120 kilog. au moins, sans les surchar- 
ges? Il faut conclure de là, nous le répétons, que le soldat, par- 
venu à bien se servir du dromadaire comme moyen de convoi, 
saura aussi s’en servir habilement comme moyen de monture. 


Comparaison entre le cheval et le dromadaire considérés comme montures. 


262. Ajoutons que le cheval est difficile quand il se défend ; 
que ses réactions sont vives, que ses défenses sont redoutables; 
aussi exige-t-on beaucoup du cavalier. Le dromadaire, au con- 
traire, est doux; ses réactions sont lentes, ses défenses peu à 
craindre; on ne peut donc exiger de lui que de marcher droit 
devant lui. L'art de le commander est donc facile, lorsqu'on a 
appris à le soigner et à le connaitre. 


CHAPITRE IT. 


DU DROMADAIRE COMME ANIMAL DE GUERRE. 


265. L'important est de savoir si le dromadaire peut deve- 
nir un animal de guerre, et quelle utilité le Gouvernement 
pourrait en retirer en Algérie. 

Expériences à ce sujet. 


264. Pendant que nous perfectionnions l'instruction des cha- 


— 140 — 


meliers, M. le général Marey-Monge prescrivait de temps en 
temps, pour l'étude de la question des corps montés, des expé- 
riencés publiques qui ont été faites en présence de toute la 
colonne, et dont les résultats étaient constatés par des procès- 
verbaux du sous-intendant militaire; ces expériences ne pou- 
valent manquer de produire leur effet sur les hommes de bonne 
foi; celles qui ont eu lieu les 6, 11 et 26 juin, et auxquelles 
ont pris part les armes de l’infanterie et de. la cavalerie, ont 
établi que le dromadaire est doué de facultés de guerre que les 
Arabes eux-mêmes ne leur supposaient pas, quoiqu’ils en .eus- 
sent profité bien souvent (pièce F). | 


Utilité du dromadaire chez les Arabes pour éviter nos razzias. 


265. Une razzia est-elle dirigée par une colonne contre les 
tribus de la plaine? Celle-ci, si elle est avertie deux heures 
avant notre arrivée, prend la fuite et on la poursuit inutilement 
quelquefois. pendant deux jours; hommes, femmes, enfants, 
tout a disparu sur des dromadaires que chassent, devant eux, 
des cavaliers à une allure très-pressée, au trot même, jusqu'à 
ce qu'en peu de temps une distance de vingt lieues au moins les 
sépare de nous. 

La conduite des Arabes, dans ces circonstances de guerre, 
et avec des bêtes chargées, ne prouve-t-elle pas, plus que toutes 
les expériences de la dernière expédition, l'utilité que nous pou- 
vons tirer .du dromadaire pour combattre nos ennemis avec 
leurs propres armes? 


Qualités du dromadaire comme animal de guerre. 


266. Il est donc prouvé, depuis longtemps, 1° que le dro- 
madaire, surtout lorsqu'il ne porte qu’un soldat et son havre- 
sac, peut trotter et galoper longtemps en plaine, s’il est pour- 
suivi par des cavaliers ; 


L 


— 11 + 


20 (Jue, dans les courses rapides, il deviendrait un puissant 
auxiliaire pour la cavalerie qui n’hésiterait pas à se lancer plus 
au loin à la poursuite de l’ennemi, si elle se savait appuyée par 
une infanterie faisant une lieue et demie, sans halte, et arrivant 
toute fraiche à l’endroit du combat ; 

9° Qu'il remplacerait avec avantage la cavalerie, dans le cas 
où le but serait éloigné de trois à quatre jours de distance, car, 
alors, il y arriverait certainement avant elle ; 

4° Que le maximum de vitesse du dromadaire, poursuivi 
par un cavalier, est de deux lieues et quart par heure, à lallure 
du grand pas et du trot, pendant cinq lieues de suite : notre 
course du 26 juin le prouve; 

5° Que si l’on faisait, dans le nombre immense de droma- 
daires qui peuplent le sud d'Alger, un triage convenable, on au- 
rait un corps composé de bons coureurs, et que, si on achétait 
des élèves de deux à trois ans, châtrés et non encore usés, abà- 
tardis par la charge, on aurait des bêtes plus légères encore, 
et plus aptes à monter de l'infanterie ; 

Go Que ces derniers moyens employés par le général Bona- 
parte, en Egypte, pour l’organisation du corps qui fit un si 
grand honneur au général Pierre Boyer, et qu’il recruta parmi 
les hussards et les matelots de la flotte d’Aboukir, pourraient 
servir de base à M. le gouverneur général, s’il voulait organiser 
les dromadaires ; ce qui lui serait bien plus facile encore qu’à Na- 
poléon, par les raisons citées à la première partie de cette note ; 

7° Que, depuis l'occupation de Biskara, le pays de Tugurt 
n'étant plus si loin de nous, on pourrait en faire venir des mé- 
haris en quantité suffisante pour monter le corps de nouvelle 
formation. 


Le cheyal et le dromadaire sont utiles chacun dans la contrée qui lui est propre, 


267. On doit donc admettre que le dromadaire peut devenir 


— 19 — 

un animal de guerre dans la plaine et les pays peu acciden- 
tés. Il pourrait moins utilement, il est vrai, servir dans le 
Tell. Par une raison inverse, le cheval ne peut rendre que 
peu de services dans la plaine sablonneuse du sud de l’Algé- 
rie : il sert dans le pays de montagne; le dromadaire, lui, dans 
l’espace déjà immense qui, partant de Boghar, conduit jus- 
qu'à Lagouath et conduira bientôt jusqu’au delà des Beni- 
Mzab. Le pays du cheval n’est que de vingt-cinq lieues de large; 
le pays du dromadaire en a plus de cent et doit s'augmenter 
encore chaque année... 


CHAPITRE IIL 


UTILITÉ DES CORPS A DROMADAIRE. 


Dépendance du Tell envers le désert et vice versä. 


268. Enfin, il y a entre le désert et le Tell, et entre le 
Tell et le désert, une dépendance réciproque; de sorte, que 
l’on peut affirmer que c’est par la possession du désert, que 
commencera la jouissance tranquilie et paisible du Tell. 


On ne peut posséder le Tell qu’en occupant le désert. 


269. L'expérience de la guerre actuelle prouve que vouloir 
soumettre seulement la moitié d’un peuple vaincu, c’est s’ex- 
poser à rendre la guerre interminable, et par conséquent à 
prolonger indéfiniment les charges qu’elle impose. Si on veut 
voir là fin des sacrifices de l'Algérie, il faut conquérir les 
plaines qui sont au delà du Tell, du côté du’ Sahara et les 
occuper; car, de cette manière, on tiendra le Tell en échec. 
Cette vérité est devenue de la dernière évidence depuis l’expé- 


— 143 — 


dition si remarquable qui vient de s’accomplir dans le sud. 


Pour occuper le désert il faut des corps montés à dromadaires. 


270. Or, pour occuper ces plaines, il faut des corps montés 
à dromadaires; car on peut dire, sans exagération, que le che- 
val etle mulet y sont d’un usage impossible : « Si nous avions 
« de l'orge, disait le kalifa de Lagouath, nous la mangerions et 
« ne la donnerions pas à nos bêtes. » G 

Ainsi, si l’on veut l'Algérie, il faut la vouloir tout entière. 

Pour l’avoir tout entière, il faut occuper les plaines qui la 
limitent au sud. 

Pour occuper ces plaines, il faut des corps montés à dro- 
madaires. 


Utilité des corps montés à dromadaires pour posséder le Tell. 


271. Lorsque ces régiments seraient créés, et qu’ils station- 
neraient entre le Tell et le désert, aux endroits de passage in- 
variablement fixés par les eaux, il n’y a pas de doute que les 
tribus placées entre ces points et la mer ne pourraient alors se 
sousiraire à la poursuite des colonnes du Tell, sans tomber 
entre les mains des colonnes de dromadaires. Ainsi, il est clair 
que ces corps assureraient la paisible possession du Tell. 


Utilité pour monopoliser le commerce de l'intérieur de l'Afrique. 


279. Mais là ne s’arrêterait pas l'utilité du dromadaire; son 
ulilité capitale consisterait dans le monopole du commerce de 
l'intérieur de l'Afrique, qu’il ferait passer entre les mains de la 
France. Les suppositions avancées à ce sujet, dans notre pre- 
mier rapport, sont déjà presque converties en certitude. Si le 
gouverneur général à adopté avec un si grand empressement 
l'idée de la reprise des expériences actuelles, c’est que des mé- 
ditations sérieuses lui avaient fait entrevoir la grande utilité 


— 14 — 
des corps montés, dans l'intérêt de notre avenir commercial. 
L'expédition de Lagouath a eu pour premier effet de rappro- 
cher les distances, en nous les représentant telles qu'elles sont, 
et de nous inilier au secret du commerce d'importation et d’ex- 
portation de l’intérieur de l'Afrique. 


Route commerciale d’Alger à Timboktou. 


975. Leshabitants de Lagouath rapportent que, chaque année, 
leur territoire est visité par des caravanes qui, arrivées là, 
suivent toutes la même route pour aller dans le sud du Sahara ; 
que, sur cette route très fréquentée, des caravanes de 200 dro- 
madaires au moins voyagent chaque jour sans le moindre dan - 
ger. Du temps des deys, ajoutent-ils, le nombre de celles qui 
parlaient d'Alger était considérable. Elles furent interceptées 
en 1805, et ne se rétablirent, en 1804, qu’à la suite d'une 
expédition faite par le dey chez les Beni-Mzab. Ceux-ci une 
fois soumis, disent les vieillards du pays, les Turcs laissèrent 
à Gradeïa une garnison de 25 hommes. Alors les caravanes 
qui avaient abandonné cette route, par suite des vexations 
qu'elles y éprouvaient, la reprirent peu à peu, et, en 1830 seu- 
lement, elles ont cessé de la suivre. Depuis cette époque, le 
commerce de Lagouath et celui de tout l’intérieur de l'Afrique 
sont alimentés par le Maroc et par Tunis. Les denrées anglaises 
couvrent le sol africain ; les ksours de Lagouath, ainsi que 
les sept principales villes des Mzabites, en sont encombrés 
pour plusieurs années. 

La ligne commerciale d'Alger à Timboktou est celle-ci : 


1° D’Alger à Lagouat il ya . . 10 jours à dromadaire. 
2° De Lagouath à Gradeïa, capitale 
des MPanites . "1. OM Ze — 


À reporter. . . 14 jours à dromadaire. 


= 145 — 
Report. + . 14 jours à dromadaire. 
3° Enfin de Gradeïa à Tuat, centre 
du commerce de l’Afrique avec 
l'Europe (et vice versd). . . . 10 — — 


Total . . 2% jours à dromadaire. 


Les voyageurs la parcourent déjà en grande partie. 


974. La France cherche de tous côtés des débouchés à son 
commerce, qui ne demande qu’à produire et qui trouve partout 
une concurrence ruineuse. Comment négligcrait-elle un mo- 
nopole assuré et dont les avantages sont incalculables? Déjà 
les Arabes voyagent isolément de Médéah à Lagouath, sous la 
protection et la responsabilité des chefs arabes : tout porte à 
croire que , si le Gouvernement le veut, dans six mois, les 
Européens voyageront librement sur cette route de 100 lieues 
de parcours. | 

Le kalifa de Lagouath jouit déjà d’une assez grande auto- 
rité pour gouverner le pays des Mzabites, si l'autorité supé- 
rieure jugeait politique de les placer sous son commandement. 
Nous croyons également qu’en ce moment (juillet 1844), la créa- 
tion d’un kalifa à Tuat ne présenterait pas plus de difficultés que 
celle qu’offrait l'établissement du kalifa de Lagouath, au mois 
d'avril dernier , alors que M. le général Marey-Monge proposa 
une entreprise si difficile. 


Facilité de cette entreprise. 


275. Pour parvenir à cette importante organisation il suffi- 
rait, disent les chefs arabes, que, par les soins du kalifa de 
Lagouath, un ravitaillement de deux mois pour une colonne 
expéditionnaire de 2,500 hommes d'infanterie fût transporté à 


Gradeïa au 15 février de l’année où l'opération devrait avoir 
10 


hé 
lieu : le Djebel-Amour pourrait lui seul assurer ce service , 
sans aucun souci pour l’administration, et fournir à la colonne 
les 3,500 dromadaires dont elle aurait besoin. 


L'Algérie, sans le désert, sera toujours pour la France une cause de dépenses sans 
compensation. 


276. Alger était, ayant la guerre de 1839, un gouffre où 
la France jetait inutilement ses millions et ses hommes, sans 
espérance de retirer pendant bien des années aucun fruit de ses 
sacrifices. En 1839, notre gouvernement est sorti de cette 
léthargie, et,en 1844, il s’occupa sérieusement du gouver- 
nement de l'Algérie, mais sans compensation aucune encore 
pour ses intérêts. : | 

Le monopole du commerce de l'Afrique, tel était le rêve de 
Louis XIV pour nos possessions du Sénégal. Ce rêve, qui a été 
de courte durée, l'Algérie peut le réaliser, et alors la France 
s’applaudira de sa persistance à conserver une conquête des- 
tinée, dans l'avenir, à assurer à son commerce une prospérité 
toujours croissante. : sc: 

Il y à quatorze ans, il y a un an encore, de semblables idées 
eussent paru folles et absurdes. Mais on peut affirmer que, 
depuis la réussite des expériences sur les dromadaires, une ère 
commerciale toute nouvelle s'ouvre pour notre pays. 


Ces avantages ne peuvent être obtenus sans le concours du dromadaire. 


277. Ces avantages ne seraient pas réalisables, si l’on parve- 
nait à prouver que nos soldats ne sont pas capables de plier 
leur caractère pétulant aux exigences du service de chamelier ; 
car il est évident que ce résultat ne peut être obtenu sans 
la création d'un corps chargé de protéger le commerce et 
de réprimer les crimes commis, à deux cents lieues’ d'Alger, 


— 447 — . 


par les tmbus limitrophes de la route? Et ce corps peut-il être 
autre qu'un corps à dromadaires ? Mais l'expérience a démontré 
que nos soldats pouvaient être formés à ce service. 


CHAPITRE 1Y. 


DE L’EFFECTIF DES CORPS DE DROMADAIRES. 
» ‘ i : | 


Quelle est la force nécessaire pour dominer le désert jusqu’à Lagouath et au delà ? 


278. La question doit être posée en ces termes : 1° La 
plaine de Taguin est déjà aussi sûre que celle de Boghar, que 
celle de la Métidjah ; quel est l'effectif de troupes nécessaires 
pour que, après la soumission du pays, un corps puisse se mon- 
trer en tout temps sur la route de Taguin à Lagouath et de La- 
gouath à Gradeïa, non-seulement sans courir aucun danger, 
mais même avec assez de force pour réprimer les vols, les as- 
sassinats et faire la police de cette route? À cette question, et 
quand même la guerre avec Abd-el-Kader devrait durer, dix 
ans, les chefs du pays répondent unanimement : «1000 hommes 
« d'infanterie montés sur 500 dromadaires avec 50 chevaux 
« et deux pièces de montagne suffisent pour l'accomplisse - 
« ment de cette mission. » Et cela est d’autant plus croyable, 
qu'en supposant une levée de boucliers dans ces conirées, le 
corps de dromadaires monté, pouvant mettre facilement 750 
hommes à pied, ne craindrait pas une attaque générale. 


La France doit-elle faire le sacrifice de l’organisation de cette force ? 


2° La France doit-elle faire les sacrifices nécessaires à l’éla- 
“blissement d’un de ces corps dans chacune des provinces de 
l'Algérie ? 

: 40. 


— 118 — 


Quelle est l’organisation qui aura été justifiée par des consi- 
dérations aussi importantes et décidée par des motifs d'utilité 
plus réels, plus incontestables? Jusqu'iei nous n’avons travaillé 
que pour la guerre : quel honneur n'y aurait-il pas à commen- 
cer de travailler pour la paix ? 


Emplacement de ces corps 


279. La place de ce corps dans la province d'Alger est déjà 
trouvée : c’est Souagui, dans la plaine de Taguin, à vingt lieues 
de Boghar, au milieu d’une contrée où l’eau, le bois, la pierre, 
les pâturages, ne manqueraient pas plus que les terres excel- 
lentes propres à la culture des céréales. 

Le poste qui serait placé à Souagui pourrait, au moyen de ses 
dromadaires, labourer ses terres, transporter ses vivres, bâtir 
une ville dont la prospérité deviendrait bientôt considérable, 
et à côté de laquelle uné autre ville arabe s’élèverait avec une 
rapidité plus grande encore, par suité de considérations locales 
tout à fait étrangères à ce sujet. 

Voilà le poste que l’avenir réserve aux dromadaires de 
Tittery. 


Y a-{-il lieu à une organisation entièrement nouvelle ? 


280. Il est nécessaire d'expliquer le sens du mot organisa- 
tion qui reparait si souvent dans cette note, car nous persistons 
à dire qu'une organisation entièrement nouvelle n’est pas né- 
cessaire. 

Qu'un régiment se charge de cette mission : elle ne sera ni 
sans gloire pour son nom, ni sans intérêt pour son pays, ni 
sans honneur pour son chef. L'esprit de l’armée d'Afrique a 
étonnamment grandi depuis la guerre de 1839. Naguère on se 
croyait exilé à Dely-Tbrahim, puis à Douèra, puis à Blidah et 
enfin à Médéab ou à Milianah: maintenant, des troupes oceu- 


— 149 — 


pent tout naturellement. les postes permanents établis à l’avan- 
cée entre le Sahara et Alger, et on passe facilement d’une pro- 
vince à l’autre en quinze jours de marche, sans éprouver au- 
cun étonnement et même avec joie. 

Le chef du régiment qui serait chargé des dromadaires diri- 
serait l'esprit de ce corps dans la voie que lui ouvrirait un 
avenir aussi beau. Une fois les officiers éclairés et décidés à 
accepter cette tâche, il n’y aurait plus de difficultés; enfin, si 
le Gouvernement ne pouvait trouver un régiment qui acceptât 
cette mission, et s’il reculait devant l’idée d’en commander un 
d'office, alors il faudrait créer un corps nouveau. 


On peut créer un corps régulier. 


281. Nous avons fait à plusieurs reprises des expériences 
sur vingt dromadaires pris au hasard, en les faisant monter 
par des soldats qui les dirigeaient au moyen de la baguette et 
du licou. Après trois jours d'essais, ces animaux indisciplinés 
et habitués à voyager en goum étaient à l’école d’escadron, 
marchaient de front ou par le flanc, tournaient à droite et à 
gauche et exécutaient, à l'étonnement général, les évolutions 
qu’on ne demande aux chevaux qu'après un mois de manége. 
Il est donc positif qu’on peut organiser un corps d’une manière 
toute régulière, en affectant un ou deux hommes à chaque dro- 
madaire. Pendant le temps de station, cet animal n'aurait pas 
besoin d'orge ; en voyage, il serait peut-être quelquefois utile 
de lui en distribuer, car, si les herbes du désert suffisent pour 
soutenir sa force, l’orge seule peut lui donner l’agilité néces- 
saire. ” 

Le défaut de pâturage obligerait à restreindre le plus possi- 
ble l'effectif des animaux et à affecter ainsi deux hommes à 
chaque dromadaire ; cependant, le soldat qui sera à pied se 
fatiguera beaucoup lorsque la bête allongera le pas dans les 


2: 1 = 
sablés, le pied $'énfonçant de manière à rendre là marche très 
pénible. | FAR 


Le corps pourrait utiliser dans les vingt-quatre heures le harnachement arabe, 


289. Il est inutile, en ce moment du moins, d'entrer dans 
de plus grands détails, d’autant plus qu'ils n’ont aucune im- 
portance pour le parti que l’on prendra. Il suffit de dire qu'avec 
l'équipement arabe actuel on peut monter en vingt-quatre heu- 
res un régiment tout entier à dromadaires, si ce régiment a 
reçu antérieurement l'instruction nécessaire. Les graras don- 
nent le moyen de garantir le havre-sac, les vivres et les car- 
touches, des atteintes de l'humidité; deux morceaux de bois 
pour étriers et un coussinet complètent les modifications que le 
soldat effectuerait en peu de temps. Enfin, le percement de 
l'aile d’une des narines du dromadaire est une opération aussi 
facile que courte. Plus tard, on étudierait le mode de bât à 
adopter, de manière à diminuer les fatigues du soldat monté; 
on expérimenterait un cacolet pour les malades; on rédigerail 
enfin, pour cette nouvelle arme, une théorie complète dont les 
matériaux sont déjà prêts. 


Recommandation expresse pour les marches. 


285. Une recommandation essentielle devrait être faite au 
corps à dromadaire de voyager sans assujellir à sa marche la 
marche des autres armes ; car, tantôt la sienne doit être ralen- 
tie et tantôt elle doit être poussée. Or, dans ces deux cas, il 
faut que ce corps marche seul ; autrement, de graves inconvé- 
nients en résulteraient pour l'infanterie, à laquelle, pour cette 
raison surtout, les dromadaires sont devenus si antipathiques. 


= 151 — 


CHAPITRE V. F 


CONCLUSION. 


Fin de notre tâche. 


284. Nous avons enfin terminé notre tâche; puissions-nous 
voir rendre justice à l’esprit de franchise et de modération qui 
a constamment guidé notre plume, même dans le récit des faits 
où, peut-être, l’opinion publique nous aurait autorisé à appor- 
ter un peu de passion. 

Nous n’avons pas sollicité la mission difficile qui nous fut 
confiée : elle nous a été proposée par le colonel du 33° de li- 
gne, régiment dont nous faisions partie et nous ne l’avons ac- 
ceptée que lorsque nous la vimes refusée par tout le monde ; 
et cela malgré les conseils unanimes de nos camarades, et uni- 
quement dans le but d’ê tre utile et de donner à M. le général 
Marey-Monge une preuve de notre respectueux dévouement. 
Aussi nous avons fait tous nos efforts pour réussir, en luttant 
contre les difficultés qu’on devait s'attendre à rencontrer dans 
une entreprise qui avait toujours échoué antérieurement et jeté 
même quelque ridicule sur les novateurs : retour bien injuste 
de leurs efforts ! 

Nous le dirons en finissant : dans notre conviction, le jour 
n’est pas loin où une bonne politique aura fait comprendre au 
Gouvernement français la nécessité de faire un appel au ser- 
vice des dromadaires : aussi, sommes-nous fiers d’avoir, dans 
ces essais, fidèlement suivi les ordres du chef de l’armée. 
I n'y a plus de discussion possible sur l'utilité des équi- 
pages destinés à mobiliser l'infanterie, ni sur la possibilité 
de cette organisation, Ce sont des faits maintenant acquis; il 


— 192 — 
ne reste qu'à attendre l’époque où, en vertu des ordrés du Gou- 
vernement, on devra procéder, à cette organisation, destinée à 
assurer la conquête commerciale de l’Afrique. 


Boghar, près de Médéah, le 28 juillet 4844. 


J.-L. CARBUCCIA. 
FIN DU DEUXIÈME RAPPORT. 
"60516560 


PREMIER APPENDICE. 


285. Le licenciement du personnel de l'équipage, ordonné 
par M. le gouverneur général, tout en conservant les bêtes et 
le matériel à Boghar, soit parce que les expériences sont dé- 
sormais inutiles, soit en vue de l'inspection générale du 33° 
de ligne, nous force de rentrer dans notre régiment et d’aban- 
donner nos expériences. Avant d'exécuter cet ordre, nous 
croyons devoir rédiger un appendice très-bref, suivi de plu- 
sieurs pièces officielles ou authentiques destinées à éclairer en- 


core davantage la question qui occupe depuis si longtemps 


l’opinion de l’armée. La lecture de ces pièces prouvera qu'en 


tout temps la question des dromadaires a trouvé des gens de 


cœur pour la défendre. 
1° Pour avoir 1,000 bêtes disponibles, la dépense pour les 


dromadaires, comparée à celle pour les mulets, est dans la 


proportion de un à cinq (pièce G). 
2% Il a été reçu, depuis le 22 septembre 18%5 jusqu'au. 5 
août 1844, 845 bêtes, dont 98 ayant été Vendues par le do- 


— 153 — 


maine à Bouffarick, il reste à justifier de . . . 745-bêtes. 
Or, au 5 août, le chiffre des absents, dont la 


moitié au moins rentrera, est de. . . . 118 bêtes. 
Et le chiffre des morts est de. . . . 175 
Total 292 45/08 29312093 


Partant, 1l doit rester et.il reste en effet an parc, 

le 5 août 1844 (pièce: K)a. 4.4 .4140 4, 2, 4 459 bêtes. 
Les 293 bêtes, au prix de la province d'Alger, qui est, terme 

moyen, de 150 fr., représentent une perte de. . 38,000 fr. 
Ajoutant le prix d'achat du matériel, son entre- 

tien, les hautes paies et les dépenses diverses du 


22 septembre 1845 au 5 août 1844 . . . . . 30,900 
Total général des frais. . . . . (68,900fr. 
Mais l'équipage laisse un matériel de .: + . 10,000 fr. 


Et il a économisé à l'Etat (pièces H, I, J), en 

frais de transport qu’on eût été obligé de payer 
aux Arabes de réquisition. . . . . . . . 80,800 . 
RO ET es eu. Le JUDO. 


Partant, au jour du licenciement, l’économie fi- 
ngle est des it ét list tt iddiiout at vas @000fr: 


3° Les pertes en dromadaires ont été grandes par suite de 
l’inexpérience : elles étaient indubitables, elles diminueront 
graduellement, et le bénéfice de l'Etat augmentera d'autant. 

4 Sans nul doute un équipage de dromadaires peut fonc- 
tionner avec des Français, soit que les bêtes appartiennent à 
VPEtat, soit qu'il les loue pour le temps d’une expédition. Il y 
aurait peu de prudence de la part d’un chef de colonne à con- 
fier son convoi à des Arabes seuls. | 


= 154 = 

Be Notre équipage, au 5 août 1844, j jour dé son licenciement, 
ne se compose que de 5 officiers et de 228 hommes, parcequ’il 
a été déjà renouvelé trois fois. 

6° Ces renouvellements ont eu pour résultat de familiariser 
à un tel point les soldats avec les dromadaires, que, lorsque na- 
guère M. le général Marey-Monge mettait un dromadaire à la 
disposition d’un officier pour le transport de ses “bagages, cet 
officier faisait. charger et conduire l’animal pat son ordonnance 
comme s'il se fût agi d’un cheval ou d’un mulet. 

7° Le personnel est composé d'officiers, de sous-officiers et 
de soldats dévoués et capables. 

8° Ce personnel suffit, soit : 1° pour l’organisation complète 
de trois compagnies de chameliers auxiliaires du corps du train 
des équipages, autorisée par! ordonnance du 11 janvier 1842, et 
si vivement pressée par M. le Ministre de la guerre dans ses dé- 
pêches des 22 janvier, 20 mai et 16 septembre 1840 (pièce A); 
soit 2 pour former le noyau d’une organisation de troupes 
montées à dromadaire, laquelle peut être considérée comme le 
complément nécessaire de la création du kalifa de Lagouath et 
de la soumission du Sahara algérien. 

9° L'organisation de troupes montées ne pouvait avoir lieu 
avant que l'instruction des soldats, comme chameliers, ne fût 
complète. Maintenant, elle est aussi facile que, jusqu’à présént, 
elle avait été difficile. 

10° Le temps des essais est passé : ces essais ont réussi après 
des chances diverses et après une lutie où les opposants nous 
ont obligé à déployer, pour défendre notre cause, encore plus 
d’ardeur qu'ils n’en mettaient à l’attaquer (pièce E). 

11° Le moment d'une organisation définitive estarrivé parce 
que les essais ont appris tout ce que l’on pouvait en attendre, 
et parce que le personnel, craignant, s’il était réorganisé provi- 
soirement, un autre licenciement, n'aurait plus la confiance 


= 155 — 
nécessaire pour lutter contre les difficultés sans nombre d’une 
semblable mission. 

190 M. le maréchal gouverneur avait voulu s'assurer qu'on 
pouvait utiliser les dromadaires par des soldats français : ses 
intentions ont été suivies. Chacun a apporté le plus grand zèle 
dans ces fonctions. Les difficultés sans nombre ont été vaincues 
successivement : un service important a été rendu à l'Etat : si 
des doutes existent encore, ils tiennent à ce que, malheureuse- 
ment, cette mission n'a pas été remplie par un chef de corps ; 
ce n’est plus qu'une question de personne. 

15° La tâche de l'équipage de Tittery est remplie, et le gou- 
vernement du Roi en sait les résultats, qu’il a publiés dans le 
Moniteur universel du 15 août 1844,dans les termes suivants : 

« Connaissance acquise de l'hygiène et de l'emploi du droma- 
daire : expériences qui out été pendant longtemps coûteuses, 
mais qui, à la suite d’une seule expédition, ont fini par être une 
occasion de bénéfice pour l'Etat, au lieu de lui être à charge ; 

- « Dromadaires dressés et en état ; 

« Matériel prêt pour charger 400 dromadaires ; 

« Personnel prêt à fonctionner de bonne volonté. » 

14° IL importe de sortir le plus vite possible du provisoire 
dans lequel restent les dromadaires, dont la garde se trouvé 
confiée aux Arabes, qui sont intéressés, sous tous les rapports, 
à leur disparition, et d'éviter les malheurs prévus par le gé- 
néral Marey dans sa lettre du 27 juillet (pièce E, 50). 

15° Après avoir vaincu toutes les difficultés de sa mission 
et en rentrant dans les rangs des corps, l'équipage reste per- 
suadé qu'il a fait honorablement son devoir ; que ses efforts 
ont été utiles, et qu’il à bien mérité de M. le gouverneur géné- 
ral en le mettant à même de poursuivre l'organisation qui était 
dans ses projets, ou de s'arrêter sans que les expériences aient 
rien coûté à l'Etat. 


— 156 — 

160 Un jour viendra où la vérité tout entière sur l’histo- 
rique des dromadaires de Titiery sera connue : alors on remer- 
ciera M. le général Marey-Monge et le 35° de ligne d’un dé- 
vouement dont l’exemple ne sera pas perdu pour l’armée. 


Boghar, près de Médéah, le 25 août 1844. 


J.-L. CARBUCCIA. 


DEUXIÈME ET DERNIER APPENDICE. 


Licenciement. 


286. L’officier chargé d’une mission doit adresser à son che 
un rapport sur la manière dont il s’en est acquitté : tel est 
le devoir que nous avons rempli en rédigeant, au bivouac.et 


sous la tente, notre deuxième rapport et le premier appendice. 


remis à M. le général Marey Monge le 98 juillet et le 25 août 
dernier. 

Depuis la fin de notre mission, le gouverneur avait préparé 
un projet d'organisation définitive de trois compagnies auxi- 
Jiaires du train, et il allait le soumettre au ministre lorsque l’é- 
pizootie ayant enlevé un grand nombre de dromadaires à Boghar, 
il renonça à ce projet et prescrivit de vendre ceux que le fléau 
avait épargnés, en conservant toutefois le matériel. La ques- 
lion étant ainsi définitivement tranchée, nous devons terminer 
par les observations suivantes : 

Le parc de l’équipage, par suite du licenciement, s’est trouvé 
sans surveillants responsables précisément au moment où il 


en aurait eu le plus besoin. Livrés à la garde de chefs arabes 
intéressés sous bien des rapports à leur disparition, les droma-. 


daires n’ont été ni coudronnés ni pansés ; ils ont élé tenus 


Le 


— 157 — 

enfin sous Boghar lorsque déjà toutes les nedjas des tribus de 
la province avaient émigré dans le sud à la recherche de pâtu- 
rages que le Tell ne pouvait plus leur offrir. Là, ces animaux 
sont morts de faim en grande partie, par suite, non pas du dé- 
faut de surveillance de l'autorité française de Boghar, mais 
bien du manque de connaissances spéciales , indispensables 
dans une partie si difficile et si généralement inconnue. 

Certes, nous nous attendions à avoir un déchet considérable, 
par suite, soit des piqüres du debab, soit du goudronnage qui 
avait été opéré avec une si méchante profusion au mois de 
juillet dernier. Mais le chiffre des morts ne se serait jamais 
élevé à 260, si, comme le disent les Arabes, la faim n’eüt 
pas tué nos animaux. Nous croyons consciencieusement que, si 
un officier désigné par nous eût continué à résider à Boghar, 
un si grand malheur eût été probablement évité. | 

La situation générale, au 12 novembre 1844, par suite de 
la disposition du parc, s'établit ainsi : 


Dromadaires reçus pendant tout le cours de l’expérience : 843 
Dromadaires vendus dans la Métidjah (1845) et 


dhoghas: (SA) 4h usb motiroainseso 204 
Dromadaires morts (455), égarés (52), aban- 
dannéss (80 hbaurent ab dudans Bienne BB 
TOtah 4 17 IT 99 8401843 
HN OO Iles a die ee. Nes ee (0 


Il y a lieu de placer ici quelques observations qui feront 
apprécier la véritable portée de la situation ci-dessus. 

1° Si 500 mulets ou chevaux étaient abandonnés pendant 
deux mois et privés de la surveillance d'officiers capables et de 
gardiens dévoués, on aurait certes bien des pertes à regretter : 
eh bien! dès le licenciement du personnel, les pertes de droma- 


— 158 — 
daires ont été prévues et annoncées à l'autorité supérieure 
d'Alger (pièce E, 5°) ; 

2 On se récriera avec raison contre la perte de 556 droma- 
daires survenue dans treize mois d'expériences, quelques dif- 
ficultés qu'elles aient présentées : aussi devons- nous consi- 
gner ici, dans l'intérêt de la vérité, que la perte de 556 dro- 
madaires équivaut à peine à celle de 90 mulets, et que le corps 
du train serait trop heureux si, sur 845 mulets, il n'en per- 
dait que 90 en 15 mois : ajoutons que la perte « de 90 mulets 
forme un vide difficile à combler, tandis que celle de 556 dro- 
madaires est tout à fait insignifiante, vu le nombre immense 
de ces animaux dans le sud de l'Algérie. 

5° Constatons enfin que, d'après des pièces officielles : 

Les dépenses de l’équipage s'élèvent ou s’élève- 
ront, somme: toute} M, af ae tot nee Der (6) 

Le magasin laissé par le corps et réuni avec 
tant de peine représente. . . . 10,000 fr. 

Les créances du corps, ou au 
moins l’économie qu'il a procurée, 

EURE AMOR AIMER NE SRISEONS 
Tojal. :. .< 220520 HEOD ODA) 


Enfin la vente de 287 dromadaires 
a produit la somme de. .,.. . 17,000 (a) 


4° Le coùt de l'expérience a varié suivant les époques : 
voici des chiffres officiels, en supposant, ce qui est loin d’être 
exact, 1° que la valeur vénale d'un dromadaire, versé,! à 
l'Etat, soit entre ses mains de 150 fr.; 2 que l'État ait acheté 
les 845 dromadaires, tandis qu’il n’en a payé que 15, tout le 
surplus provenant de contributions de guerre ou d'amendes, qui 
n'auraient pas été payées en argent, si nous ne les eussions 
acceplées en animaux. | | 


._— 159 — 


Le 25 février 1844, après l’organisation de M. le maré- 


chal, la perte était de (pièce L). . . . . . 10,000 fr. 
Le 10 avril, après l’expédition des Ouled-Nayl, 

la perte était de. Môgs h 2jdut vs H9,..10E.1134 000 
Le 7 juin 1844, après l'expédition de Du 

la perte était de. . . . 12,000 
Le 18 juillet 1844, après expédition de l'Ouen- 

seris; le bénéfice était de.:1 1.111011. 3171951000 
Le 5 août 1844, après le licenciement ; per- 

sonneliclé bénéhcelétaihide. 910002 6 407: 24,000 


Il reste à constater le coût de l’expérience au 12 novembre, 
d’une manière définitive, et nous allons y procéder en con- 
tinuant d'adopter les bases les plus défavorables à l’opération. 


La solde et le matériel auront coûté. . . . 352,000 (b) 
La perte de 556 dromadaires, à 150 fr., repré- 
SRE UM dede du uni der ol le CUUIRD 


Dotakats teurs E 20 409 000 


Opérant la soustraction du matériel laissé et 
destéconomies. he. 48. Ua ee ps eut 6 00e 09.7 00,0006c) 


Lapertotpénérale est- de..." "free 1."12,000 


5° Ilest de notre devoir d'ajouter que cette perte n’est que 
fictive, et qu'aux yeux de l’homme entendu dans les affaires, 
l'expérience ordonnée par M. le maréchal a produit une éco- 
nomie à l’État : nous allons établir par des chiffres que nous 
sommes fondé dans.notre opinion. 

Supposons, en effet, que M. le gouverneur eût ordonné la 
vente des dromadaires reçus par M. le colonel Jusuf et par 
M. le général Marey-Monge : nous affirmons, ayec les hommes 
de bonne foi, en nous appuyant sur les prix de toutes les 
ventes faites par le Gouvernement, que le domaine n’aurait 


— 160 — 


pas atteint la moyenne de 80 fr. et n’aurait pas encaissé, pour 

843 dromadaires, la somme de 67,000 fr. . . 67,000fr. 
L’Etal ne peut donc avoir le droit de nous de- 

mander compte que de cette somme. 
Reportons les dépenses qu'il a faites pour sub- 

venir aux frais de l'expérience (b). D ue 4e HO CU 

Total général des frais et pertes. . 99,000 

Si l’on tient compte du produit des ventes 

(17,000 fr.) (a) et de la somme de 90,000 fr. ci- 


AÉRSUSr Pr 2e Te ds ani pat de : 107,000 
12 novembre, :l reste de bénéfice net. . 8,000 


eme ee ee me mt see 


6° La question d'organisation d’un équipage de dromadaires 
se trouve renvoyée de fait au printémps de 1845, à la première 
expédition dirigée dans le sud : alors l'administration militaire 
se décidera, dans un intérêt d'économie, à profiter de notre 
instruction et d’un matériel précieux, en achetant des droma- 
daires plutôt que de les louer, sauf à décider, après la course, 
si on doit les vendre ou les conserver : en effet, l’expérience 
nous prouve qu'en achetant dans la province d'Oran les 400 
dromadaires dont nous avons déjà le harnachement tout prêt 
et pour lesquels le personnel français ne manque pas, on les 
paierait, terme moyen, 80 fr. l’un : la dépense serait donc au 


pins oder Héliosqe else ie di HR)ET 368, 000 
La dépense d'un mois, pour le personnel fran- 
cais-prabe,. élailide :... tuus ‘t4télh 220 
L'intérêt de 54,000 fr., à 10 p. 100, est pour 

un:motshidel. cit el ME AGE Anne enr 283 

L'État ferait donc des frais pour. . . 34,285. 


Mais l'administration paie pour le lover, par jour et par dro- 


— 161 — 


madaire 3 fr. 50 : les 400 dromadaires lui coûtent donc, par 
mois, 42,000 fr. 
Done, le bénéfice d’un mois est de . . . . ‘7,717 fr 
Si l’on vend, au retour, les dromadaires réduits 
même au chiffre de 500, et seulement au prix de 
ADAM, SOIT 2, 4 PRE NE ES UOÙ 


Partant, le bénéfice d’un mois serait de . . 19,717 fr. 


7° Dans cette question, l'opinion personnels de l'illustre chef 
de l’armée nous est favorable et, grâce à Sa persévérance, il 
finira par réussir en cela comme en; tant: d’autres choses plus 
difficiles. Déjà il a beaucoup avancé la question, puisque nous 
pouvons fournir pour Porganisatiôn future, ün personnel de 509 
hommes, tous de bonne, Rdfonté, expérimentés el capablés : ce 
fait incontestable nê proûve-til pas que l'expérience“ a réussi ? 

8 Il ne resté plus” que Les difficuftés inhérenteS à toute or- 
ganisation, Ales diffeultés des personnes, et elles ont cessé heu- 
reusement d’ exerter une influence assez 7 puissante pour troubler 
le cours des opérations. 

9° Nous droyons qu ’un-ehéf de Corps rendra à l’armée le 
service de %e charger de cette mission et nous serons le pre- 
mier à applaudir à son courage, en lui offrant même nos ser- 
vices : sinon, et quelles qué soient les difficultés d’une pareille 
tâche, nous nous tenons prêt à répondre à l’appel de M. le gou- 
verneur et de M. le‘général Marey--Monge. 

10° Avant de déposer la plume, nous adjurons nos chefs de 
nous permettre de leur faire entendre pour la dernière fois les 
observations suivantes : 

1° Quañt aux convois : 

L'entreprise directe ne présenterait plus de difficultés du 
jour où elle aurait été décidée. Admettons cependant, avec nos 


adversaires, que cette question n’ait pas encore recu la sanction 
11 


— 162 — 


de l'expérience, nous dirons avec ces mêmes adversaires que 
le mode actuel de réquisition des dromadaires est le plus mau- 
vais de tous et que l’État, par suite de notre instruction si la- 
borieusement acquise et du matériel que nous lui avons donné, 
est libre de choisir un autre mode moins ruineux. 

Le corps de chameliers d’une colonne opérant au loin dans 
le Sud doit être aussi entendu dans la conduite de ces animaux 
que fidèle à notre cause; son chef doit être consulté pour les 
marches, les haltes, les bivouacs et les séjours ; la moindre faute 
commise par lui, qu’elle fût volontaire ou non volontaire, pour- 
rait entrainer l’enlèvement du convoi et avoir des suites les 
plus fâcheuses : une confiance aussi grande ne peut être accor- 
dée qu'à des Français. 

La création de quelques compagnies d'infanterie ou auxi- 
liaires du train pouvant être utilisée : 1° pendant le temps des 
repos de l’armée, avec des dromadaires de réquisition, ou avec 
des mulets de l’État, ou comme troupe d'infanterie; 2° pen- 
dant le temps des expéditions, avec le convoi militaire, cette 
création, disons-nous, est reconnue économique, nécéssaire, 
urgente, facile et politique même par les adversaires les plus 
opposés à la formation d’un corps régulier de cette nature avec 
des animaux appartenant à l’État. Elle serait le premier pas 
fait vers l’organisation des troupes montées, question qui inté- 
resse à un si haut point l'Algérie et la France. 

2% Quant aux troupes montées : 

La mobilisation de notre infanterie pour opérer dans le sud 
de l'Algérie est indispensable ; 

Elle est impossible avec des mulets ou des chevaux; 

Elle est possible dès à présent avec des dromädairés, soit 
que l'État les achète, soit qu’il se borne à les louer à chaque 
expédition : dans tous les cas, une expédition dans le Sud doit 
être accompagnée d’un équipage de dromadaires; la troupe 


> l 
… ob 
D.” 


l'a PE LMTETRIR 0, 81 
LE Der. ic Pare 
TRS UNE 
: à 


spécialement destinée à ces opérations doit avoir reçu l’instruc- 
lion nécessaire. 


Enfin la reprise des relations commerciales avec l'intérieur 
de l'Afrique, sans la création d'un équipage de dromadaires, 
est une utopie, un rêve impossible à réaliser. 

En résumé, dans l'appréciation de cette grave question, 1l 

est nécessaire d’avoir toujours présent cette vérité importante : 

Le cheval doit commander dans le Tell et le dromadaire dans 

“Je Sahara. 

Sans le Sahara, l'Algérie ne serait jamais pour la France 
qu’une cause de dépense sans compensation. 

Les insurrections futures nous viendront dorénavant du 
Sahara ! 


Au camp de la Chiffa, ce 42 novembre 4844. 


J.-L. CARBUCCIA. 


FIN. 


41, 


— db — 


PIÈCES JUSTIFICATIVES. 


Pièce A. 


288. Lettre adressée par le Ministre de la querre à M. l’in- 
tendant militaire de l'Algérie, par laquelle il demande un tra- 
vail complet sur le parti que l’on pourrait tirer des on 4 
pour les transports militaires en Algérie. 


Paris, le 22 janvier 4840. 


Monsieur l’intendant, lors des expéditions de Mascara, de 
Tlemcen et de la Tafna, on à eu recours, pour le service des 
transports auxiliaires, à l’emploi des chameaux qu’on a pris à 
loyer dans la province d'Oran, où ces animaux se lrouvent, à ce 
qu'il paraît, en plus grand nombre que dans les autres parties 
de l'Algérie. L’emploi de cette bête de somme, sous cette con- 
dition, avec des conducteurs arabes à gages, a été très-coûteux 
el l’on a paru généralement peu satisfait de ce service. 

Cependant j'ai eu occasion de reconnaître, par les différents 
rapports qui ont été alors présentés sur l'emploi du chameau, 
combien pour des expéditions partielles, et surtout dans un sys- 
ième d'occupation bien arrêté, ces animaux pourraient être 
utiles. J'ai surtout été frappé du rapport présenté par M. le 
colonel Poiré, qui, avec une longue expérience du service des 
équipages, et paraissant avoir fait une étude particulière des 
habitudes et des facultés du chameau, n’a pas hésitéà proposer 
d’en attacher une brigade aux détachements réunis du train et 
de mulets de bât. 

En général, ce service auxiliaire de transport a été peu 
expérimenté et l’on ne paraît pas s'être assez rendu compte 

de tous les avantages qu’il peut offrir, soit dans les expéditions 


— 165 —- 


éventuelles, soit pour lé service ordinaire des camps et des 
villes. 

Je pense’ que le moment est venu d'examiner très-sérieu- 
sement la question sous ses différents point de vue. 

Je vous prie en conséquence, monsieur l’intendant, de vouloir 
bien, après avoir consulté les extraits ci-joints, A! A? A5 Af, 
des rapports qui me sont successivement parvenus sur l’emploi 
des chameaux, et après y avoir réuni toutes les indications 
que vous vous serez vous-même procurées, me présenter sur ce 
moyen de transport un travail complet, comprenant, s’il y a lieu, 
un projet d'organisation de brigades de chameliers adjointes 
aux compagnies du train, ou de détachements de chameliers 
s’administrant séparément ; votre rapport contiendra tous les 
renseignements nécessaires pour fixer mon opinion sur les 
avantages ou les inconvénients de l’emploi des chameaux et 
notamment ceux-ci : 

1° Le point de l'Algérie et des pays limitrophes où l’on 
pourrait plus facilement se procurer de ces animaux, en quel 
nombre et par quelle voie on pourrait en acheter ; 

20 Les prix d'achat suivant leur âge et leur force ; 

5° Les poids qu'ils peuvent porter dans une marche longue 
et soutenue, et dans une marche de peu de durée ; 

4° Leur harnachement sous le double rapport de la compo- 
sition et de la dépense ; 

5° La nourriture habituelle, la dépense journalière qu’elle 
occasionne quand le chameau a cessé de paitre dans la cam- 
pagne ; 

6° Les soins que cette animal exige de jour et de nuit, la 
manière dont il doit être abrité, etc. 

Vous vous entourerez au surplus, pour donner à ces rensei- 
gnements tous les développements qu’ils comportent, de l’expé- 
rience acquise dans chacune des localités, de manière que, 
éclairé d’ailleurs par votre opinion personnelle, je puisse pro- 
noncer sur le travail résultant de ce concours avec une pleine 
eb entière connaissance de cause. 


Rien ne doit être négligé par l'administration pour assurer 


pt 


— 166 — 


l'exécution des transports le plus complétement et avee le plus 


d'économie possible : des essais peuvent être faits et l’expé-. 


rience fera en résumé rejeter les moyens reconnus défectueux. 


et adopter définitivement les meilleurs. 


Recevez, etc., 


Pour le ministre et par son autorisation, 
Signé : Évranp. 


Nota. Par d’autres dépêches postérieures à la présente, et 
notamment par celles du 20 mai et du 16 septembre 1840, 


M. le ministre de la guerre poursuit l’idée de l’organisation 


des compagnies de chameliers, et, enfin, 1l donne l’ordre d'établir 
un projet d'ordonnance à ce sujet et de le lui envoyer revêtu de 
l'approbation de M. le gouverneur général. 


Pièce A*. 


289. Rapport sur les avantages qu’on peut oblemir de l'emploi 
des chameaux pour le service des transports. 


Le chameau est l’animal le plus propre aux transports pour 
faire la guerre aux peuplades nomades. Aussi ne le trouve- 
t-on généralement que dans les plaines désertes qu'il faut 
traverser. Sa sobriété, quand il y a manque de nourriture, 
et sa force, sont remarquables ; les robustes portent 600 kilogr.., 
et on peut établir que le terme moyen de transport par de bons 
animaux de sette espèce serait de 400 kilogr.; mais il convient 
de faire remarquer que tous les chameaux ne portent pas avec 
la même facilité ; que les indigènes sont dans l'habitude d'y 
amener les jeunes graduellement et qu il conviendrait as ne 
faire achat que de ceux qui seraient éprouvés. 

Le mauvais vouloir des Arabes qui louèrent leurs chameaux 
pour les expéditions de Mascara et de Tlemcen a faussement établi 


— 107! — 


que ces animaux ne peuvent porter que 150 kilog.; je certifie 
que le plus fort d’un détachement dirigé par M. le sous-lieu- 
tenant Petit, du corps, a porté de Stora à Censtantine trois 
balles de foin pressé du poids chacune de 209 kilogrammes ; je 
conviens qu’on ne peut raisonnablement espérer la même force 
de tous les animaux de cette espèce; cependant il en existe 
sept à la 4° compagnie, provenant de prise, qui portent jour - 
nellement de 4 à 500 kilogrammes, service parfaitement ré- 
gulier. | 

Les chameaux voyageant en plaine se nourrissent ordinai- 
rement de feuillages, d'herbes, et surtout de chardons qu'ils 
aiment beaucoup ; ce qui fait qu'ils ne marchent pas avec plus 
de vitesse que les mulets par le temps qu’ils perdent pour pren- 
dre leur nourriture : mais, quand ils sont pressés vivement, 
les autres animaux de trait et de somme ne peuvent les suivre 
au pas; ils marchent habituellement à la suite les uns des au- 
tres quand ils sont en libertés mais leurs conducteurs peuvent 
les diriger avec un licou et un bâton d’un mètre de long pour 
les faire changer de direction à volonté; ce qui permet d'en 
faire marcher plusieurs de front. 

Ils se nourrissent habituellement dans les plaines non culti- 
vées, et, quand ils n’y trouvent plus de quoi satisfaire à leurs 
besoins, les indigènes y pourvoient au moyen de mauvaise 
paille, ou bien même avec du son; ils ne mangent de l’orge 
que très-rarement; cependant j'ai reconnu la nécessité d’en 
faire donner aux sept de prise qui existent à la 4e compagnie, 
vu leur peu de repos. 

Ces animaux présentent l'avantage de faire magasin de li- 
quide au moyen de leur cinquième estomac qui leur permet de 
rester plusieurs jours sans boire. 

Pour parvenir à obtenir un service bien régulier avec les 
chameaux, il faut employer, à leur conduite et aux soins qu’il 
convient de leur donner, des hommes doux et laborieux, ainsi 
que de bons sous-officiers, lesquels recevraient une prime d’en- 
couragement. 


J'ai remarqué que ces animaux sont au début inquiets de 


— 1168 — 


notre tenue militaire : je crois qu'il convient que nos conduc- 
teurs soient coiffés de calottes grecques et portent par-dessus la 
veste d’écurie une blouse en toile grise, comme:en font usage 
les chasseurs d'Afrique pour le service intérieur du quartier, 
elle serait pour les détachements la tenue de travail qui s’ap- 
procherait de celle des Arabes. 

Pour habituer nos soldats aux expressions et moyens qu’em- 
ploient les Arabes pour faire coucher les chameaux afin d’ef- 
fectuer les chargements, il serait employé un certain nombre de 
ces derniers au début de ce service. 

Répondant aux objections présentées, il n’a pas été exact de 
dire que les chameaux s’effraient au feu de la mousqueterie ; 
j'étais chargé d’en diriger 500 au moment de l'affaire de la 
Sikak : le passage de ce ruisseau était tellement étroit que 
deux au plus passaient à la fois; l'ennemi nous serrait de très- 
yrès; les balles se croisaient en tous sens, au moment où M. le 
cénéral Bugeaud, non loin de ce passage, prescrivait les dispo- 
silions qui devaient accabler l'ennemi; pas un chameau n’a 
cherché à fuir. 

Si la guerre devait se ierminer en une seule campagne 
comme en Europe, il serait convenable de prendre des cha- 
meaux à louage, quoique ce service laisse beaucoup à désirer ; 
les Arabes étant presque toujours, je le répète, de mauvaise foi 
envers nous, soit pour ce que peuvent porter les animaux em- 
ployés, soit pour la direction à leur donner; se faisant un jeu 
de créer du désordre, en feignant de ne pas comprendre ce qui 
leur est ordonné; obligé, pendant le cours de plusieurs expédi- 
lions, d’avoir recours aux chameaux pour le transport des ma- 
lades, j'étais obligé d'employer les plus grandes rigueurs pour 
obtenir des chameliers bédouins de faire coucher leurs cha- 
meaux pour recevoir nos soldats sur les charges ; il est vrai 
qu'un très-grand nombre de soldats de régiments nouvelle- 
ment débarqués se faisaient transporter sur des chameaux 
sans être arrêtés par le mouvement d'avant-arrière plus pro: 
noncé chez eux que chez les autres quadrupèdes et présenté 
comme devant occasionner le mal de mer, mais qui ne peut 


— 169 —- 


tout au plus gêner que ceux qui, transportés mollement, pour- 
raient sentir le besoin dé se livrer au sommeil. 

Des animaux sans frein pour les guider, marchant en trou- 
peau et souvent maltraités, provoqués par la malignité de leurs 
conducteurs, ont pu paraître indociles, même méchants; mais 
ceux qui, comme moi, ont été appelés par la nature de leur ser- 
vice à examiner les avantages que peut présenter ce moyen de 
transport, ont été à même de se convaincre que ces animaux 
sont généralement doux. 

J’ai également remarqué que les conducteurs bédouins n’a- 
valent, les sept huitièmes du temps, rien à manger ainsi que 
leurs animaux et qu'ils n’existaient que de ce qu'ils obtenaient 
de notre commisération; cet état de choses a existé pendant 
les expéditions de Mascara, Tlemcen et la Tafna, les chefs 
arabes les laissant continuellement languir de besoin, quelque 
bien rétribué qu'était ce service par l’administration; cepen- 
dant, la plus grande partie des animaux employés est rentrée 
aux tribus. 

Je certifie, en homme consciencieux et dévoué aux intérêts 
de l’État et du service qui m'est confié, que les difficultés pré- 
sentées jusqu’à ce jour ont été créées par beaucoup de laisser- 
aller et présentées avec exagération. 

J'affirme aussi que les chameaux peuvent être employés à 
franchir et traverser les plus grandes aspérités ; j'ai examiné 
avec soin la marche de ceux d'un cantinier pendant le cours de 
l'expédition sur Milianah, où nous avons été obligés de gravir 
des côtes à quarante-cinq degrés de pente, chargés de 250 kil.: 
is ont constamment suivi les mulets du corps. 

Je termine en faisant remarquer que les meilleurs chameaux 
ne sont que du prix de 500 fr.; qu’ils ne sont pas comme les 
mulets sujets à être atteints de la morve, fatale maladie qui 
exerce de constants ravages parmi ces derniers, et qu’il ne faut 
s’oceuper que de les traiter de la gale, affection qu’ils essuient 
fréquemment. 

‘Le louage des chameaux qui va avoir lieu dans la province 
d'Oran, au prix de 6 francs l’un par jour, occasionnera à l'État 


— 170 — 


une dépense égale au moins au prix d’achat en les conservant 
deux mois; il y aurait un avantage considérable à acheter les 
animaux , puisque nous avons des pâturages pour leur faire 
prendre leur principale nourriture. 

Il n’y aurait que des hangars à préparer pour les abriter dans 
les voisinages des pâturages ; la Maison-Carrée et autres lieux 
semblables recevraient les détachements qui seraient formés. 

Ci-contre le tableau de l’organisation qu'il conviendrait de 
donner à chaque détachement à la suite des compagnies du 
Corps. 


(Voir ci-contre Le tableau sus-indique.) 


Composition d’un détachement de chameaux à la suite du train des équipages. 


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SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS. 


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OFFICIERS. 


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Le l'ieutenant-colonel, commandant le train des équipages 


Mustapha, le 40 mars 1840. 


gérie, 


militaires de l’Al 


PorRE. 


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Signé : 


— 172 — 


Pièce À ?. 
Des avantages du chameau sur le mulet comme bête de somme. 


290. Le chameau convient mieux à l’usage du bât en Afri- 
que que le mulet, en ce qu'il est plus robuste et plus fort, plus 
sobre, moins maladif; malgré sa conformation massive, il court 
quelquefois très-vite. 

Quoique cet animal mange plus que le mulet, il se contente 
d'une nourriture plus grossière, et, tout en travaillant il peut 
vivre d'herbes fraîches et se passe facilement de grain. 

1° Deux chameaux ne coûtent pas plus qu’un mulet; l’avan- 
tage de ce dernier est d’aller plus vite; 

2 L'économie pour le fourrage ; 

5° L'économie. dans les soins : ainsi un soldat intelligent 
pourrait soigner trois chameaux. 

Cet animal est moins intelligent que le mulet, mais il est, 
comme lui, susceptible d'éducation, et s’attache à son maitre 
quand 1l le caresse ; la. patience et la douceur sont les meilleurs 
moyens d'obtenir de bons résultats de ces animaux. | 

Pour éviter les maladies occasionnées par une transition brus- 
que de température, il serait essentiel d'établir des hangars ca- 
pables d’en abriter un grand nombre et de les soustraire ainsi 
à l’action du mauvais temps. 

On fera un bon choix de ces animaux ; on verra s'ils ne tour- 
nent pas les pieds, si leurs articulations sont libres et souples, 
siles membres ne frappent pas les uns contre les autres ; on 
pourrait, jusqu’à un certain point, juger de leur force ler 
éprouvant. 

Pour preuve à l’appui de ce que je viens d'avancer, il suffit 
de parler des chameaux qui existaient dans la 4° compagnie du 
train. 

Ces animaux ont constamment travaillé; on en avait confié 
la conduite à des hommes peu soigneux et peu intelligents, qui 
s’inquiétaient fort peu si leurs animaux étaient dans les condi- 


— 173 — 


tions voulues pour être soumis au travail ; ces animaux ont éga- 
lement supporté, faute de hangars, toutes les vicissitudes atmos- 
phériques. 


Le vétérinaire de la 4° compagnie du train, 


Signé : GAURE. 


Vétérinaire en 4er du 3° escadron des équipages à Alger. 


..L 


Pièce A °. 
Rapport sur l'emploi du chameau comme moyen de transport. 
Bât : ses avantages. 


291. Le bât proposé pour chameau par MM. Largilière et 
Bayard est une heureuse application des deux idées qui ont 
inspiré les cacolets Pezerat et Le bât que l'artillerie, dans une 
ancienne expédition, a adapté à cet animal pour transporter des 
caisses de munitions. Comme, dans ces deux cacolets, les deux 
siéges destinés à recueillir les hommes se replient contre les 
deux panneaux, le bât devient dès lors très-propre au Char- 
gement des sacs et autres ballots de vivres. Les panneaux ou 
coussinets peuvent, au moyen de courroies et boucles, se rap- 
procher et se façonner tout au long du dos à la contexture 
de l’animal, suivant sa grosseur et son état de maigreur; sa 
bosse trouve à s'y loger de manière à consolider presque seule 
toute la charge, au point qu'avec des sangles presque lâches, 
et malgré un grand ballottement, le bât n’a jamais fait mine 
de tourner, et les hommes qui sont perchés n'éprouvent au- 
cune crainte à cet égard. Malgré la hauteur du bât et des sié- 
ges, le chameau, s’agenouillant à volonté, permet qu’on s’y 
place ou qu’on en descende à volonté. On y est immédiatement 
assis, deux à droite, deux à gauche, dos à dos et les pieds ap- 
puyés sur une planche suspendue à la hauteur désirable; tel 
qu'il a été exécuté du premier jet, il offre assez de facilité 


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pour y placer, outre quatre militaires , leurs sacs el autres 
objets. 


Ses inconvénients légers. 


Le bât pèse cinquante-huit kilogrammes : c’est énorme, mais 
il peut être allégé en remplaçant par du cuir plusieurs chaï- 
nettes et pièces en fer. 

Les armes, placées comme on le voit en ce moment, se- 
raient difficiles à débarrasser de leurs entraves, en même temps 
qu’elles sont exposées à se détériorer. Il y a facilité à les char- 
ser de manière à éviter ces inconvénients. 


Le chameau comme moyen de transport en général. 


Quelques personnes repoussent jusqu’à l’idée de l’emploi du 
chameau comme moyen de transport : c’est, disent-elles, un 
animal têtu, dangereux, qui ne marche que dans le pays de 
plaine, sur des terrains secs, et qui, dans les temps de pluie, ne 
peut se tirer des boues. 

Voici la vérité : 

Le chameau est plus docile et moins facile à s’épouvanter 
que la mule; il marche mieux et plus vite dans les plaines que 
dans les montagnes, et même que dans les passages et sentiers 
difficiles : c’est l’opinion de tous les Arabes consultés, et un 
fait avéré par les courses qu’ont faites quatre fois les chameaux 
éprouvés ; il marche aussi dans des terrains mouillés et même 
boueux plus difficilement, il est vrai, et plus lentement que les 
mulets ; 1l peut même ne pas pouvoir s’en tirer, mais c’est l’in- 
convénient de toutes les bêtes de somme à un petit degré de 
moins peut-être. Au reste, dans ce pays, pour les hommes 
mêmes, la saison des pluies est tellement funeste, que les ex- 
péditions ne se font que dans celles où il est rare d’en éprou- 
ver, de longues du moins : ces objections sont donc sans va- 
a n'ayant que celle de prouver que, comme toutes choses, 
le chameau n’est pas parfait. 


— 175 — 
Le chameau comme moyen de transport des hommes. 


C’est encoré une opinion controversée que la possibilité de 
fairé porter au chameau quatre militaires avec leurs armes et 
leurs sacs pendant une longué route; l’un deux, assez beau, 
“l’a fait deux jours de suite, et le second jour, il a marché miéux 
que le premier, accoutumé sans doute à sa charge et mieux 
nourri; mais cette expérience, füt-elle répétée dix fois de suite 
avec succès, ne trancherait point cette question. En effet, il 
ne faisait pas chaud, bien au contraire ; les soins avec lesquels 
tout a été fait ne seraient cértainement pas toujours obtenus 
dans une expédition; ce qui a été possible avec un chameau 
formé peut né pas l’être avec beaucoup d’autres. 

D'ailleurs, le poids d’une pareille charge est d'environ qua- 
tre cents kilogrammes (quatre hommes à soixante-cinq kilog., 
quatre sacs et armes, quatre-vingt kilog.; un bât, cinquante 
kilog.; vivres, dix kilog. Total général égal, quatre cents ki- 
logrammes.) 

Or, je crois qu'il n’y a que très-peu de chameaux qui puissent 
là porter, du moins d’une manière un peu certaine; aussi, Je me 
déclare pour la négative. 

Mäis, alors même que ce serait positif et qu'il faudrait re- 
noncer à lui faire porter d'habitude quatre militaires et leurs 
bagages, son emploi n'en est pas moins des plus précieux. Dès 
à présent, il est facile de voir quel grand service ces animaux 
rendraient dans une expédition, ne fussent-ils employés qu’à 
porter les sacs et les armes des hommes qui, accablés de fati- 
gues et de chaleur, ne pouvant plus suivre avec leur charge, 
retardent une colonne et quelquefois la compromettent. Une 
dixaine harnachés avec ledit bât, et mis à la suite de chaque 
régiment d'infanterie, suffisent à cette destination; ils porte- 
raient successivement, non-seulement les armes, les sacs d’hom- 
mes harassés, mais ceux des hommes qui auraient besoin 
d’être soulagés pendant quelques lieues; sûr de n’être point 
laissé en arrière, chaque soldat fatigué marcherait avec con- 


— 176 —- 


fiance et courage, et cette ressource serait d’un grand effet 
moral. 

C'est à cet usage et aux transports des vivres qu’il faudrait 
particulièrement les employer ; n y mettant des blessés qu’à la 
dernière extrémité, à cause du grand ballottement qu’on y 
éprouve, et des fortes secousses qui ont lieu, quand pour char- 
cher et décharger le chameau se met à genoux. , 

Je me résume donc : | 

Le bât est, bien entendu, d’une exécution et d’un emploi fa- 
ciles et commodes.—Le chameau, sans pouvoir porter habituel- 
lement quatre hommes et leurs bagages, sera toujours avec ce 
bât un des moyens de transport les plus avantageux, et l’on 
peut dire un élément de succès dans toutes les expéditions. 

Cette question ne peut plus en faire une : elle est résolue ; 
elle a fait tous les progrès dont elle est susceptible sur une pe- 
tite échelle; il est temps de lui donner la sanction de l’expé- 
rience et d'arriver à la découverte des inconvénients et de leurs 
remèdes, qui ne se révèleront que pendant une expédition, 
dans des essais en grand. 

L'occasion est belle, les opérations prochaines ; il faut se hà- 
ter de les saisir, se décider sur-le-champ, courrier par cour- 
rier. 

Ce sont 15 à 16,000 fr. à dépenser pour la confection du 
matériel et l’achat de 56 à 40 chameaux, qui auraient toujours, 
dans tous les cas, à peu près leur valeur. Qu'est-ce donc qu’une 
pareille dépense pour des essais qui doteront l’armée, très-cer- 
tainement, d’un des plus économiques et des plus précieux 
movens de transport qu’on puisse mettre en usage ? 


Le sous-intendant militaire, 


Signé : DE SAINT-BRICE. 
Oran, le 31 mars 4840. 


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Pièce A. 
Opinions diverses sur la question des chameaux. 


4°. M. Hondurand, intendant (1832). 


299. Ces animaux veulent être conduits par des hommes pa- 
tients; ils s’accoutumeraient difficilement à la pétulance de nos 
soldats, la plupart du temps pris de vin. 


20 M. Mélcion-d’Are, mtendant (4835). — 4er avis. 


Sans avoir la certitude de lefficacité du chameau comme 
moyen de transport, c’est un mode à expérimenter promple- 
ment, et qu'il ne faut ni repousser ni adopter légèrement. Le 
chameau, conduit par un Arabe à tant par jour, pourrait nous 
rendre des services; à Alger, on pourrait en organiser de 100 
à 150. L’habitude ferait le reste, et le pli, une fois pris, res- 
terait ; il faudra de la volonté. Le chameau vit plus facilement 
que le mulet, se nourrit sur place, et supporte mieux que Île 
mulet la faim et la soif. 


3° M. Mélcion d'Arc, intendant (4836). — 2e avis. 


Les Arabes s’aident souvent de l’indocilité, prétendue ou 
réelle, de leurs chameaux, pour s’écarter de la route et s’é- 
chapper avec leur chargement. 

Le soldat n’a ni la patience, ni l'habitude nécessaires pour 
pouvoir les diriger convenablement ; et si, à Mascara, cet em- 
ploi a été utile, cela a tenu à une foule de soins et de précau- 
tions, à des circonstances et à une organisation particulières, 
qu’il serait difficile de reproduire toujours avec succès. 

Le moyen de transport par chameaux ne doit être qu’auxi- 
liaire, instantané ; ces animaux sont encore nombreux à Oran, 
mais il ÿ en à peu à Alger, et point à Bone. 

42 


— 1178 — 


4e M. Guiroyè intendänñt (1835). 


M. Guiroye a vu 800 à 1,000 chameaux au pâturage; le 
bruit des caisses de biscuit ou des tambours, la vue du pan- 
talon rouge, n’ont point effrayé ces animaux. 

Les essais de transports ont été répétés, et ont complétement 
réussi; les chameaux chargés ont fait une marche dé nüit, au 
iilieü de nos troupes, et ils sont revenus sans que les cdisses 
ou les biscuits aient été le moins du monde étidommagés. 


5° M. Rothé, sous-intendant (1837). 


On n’a besoin de ces animaux qu’à des époques éloignées ; 
il ést plus économique de les louer et de les faire conduire par 
leurs propriétaires, plutôt que de les garder et de les nourrir 
indéfiniment. Il serait d’ailleurs très-difficile de dresser nos 
soldats à ce genre de service. 


6° M. Berlié, sous-lieutenant (1836). 


Cet animal est indocile ; il obéit avec peine à la voix des con- 
ducteurs arabes ; il trouble l’eau, et le soldat haletant, arrivant 
près de l’eau pour étancher sa soif, ne trouve plus que de la 
boûe plus où moins liquide. Si une colonne est attaquée ayant 
beaucoup de chameaux, ces animaux s’effraient, ainsi que leurs 
conducteurs, et forcent à s’occuper d'eux, lorsqu'on n’a pas trop 
de tout son monde pour repousser une attaque souvent impré- 
vüe. Mais ce n’est pas tout. 

Les Arabes seuls peuvent conduire les chameaux; seuls ils 
savent les faire obéir et souvent les charger. 

Les inconvénients de la route d’une part et, de l’autre, la 
mauvaise foi des chameliers font qu’en général on ne peut 
compter sur les deux tiers de l’approvisionnement porté. 

Pour porter des malades, il faut peu compter sur ce moyen 


— 179 — 


de transport : les Européens ne sont pas habitués à l'allure des 
chameaux, que l’Arabe de mauvaise volonté rend plus irrégu- 
lière encore. Ils coûtent par jour 6 fr. de loyer, et 1 fr. pour le 
conducteur ; total, 7 fr. 

Leur force n’est pas plus grande que celle de nos chevaux et 
mulets : pour une longue route, on ne peut les’ charger de plus 
de 150 à 180 kilog. 

Acheter des M RARS les donner à conduire à des soldats 
du train, qui recevraient une organisation particulière, est une 
mesure, sinon impraticable, du moins tellement difficile, qu’on 
ne pourrait en espérer de bons résultats que dans un avenir 
très-éloigné: Ces animaux sont indociles. Les Arabes les con- 
duisent à la voix : il faudrait faire l'instruction de chaque cha- 
meau en particulier, l'habituer à souffrir un frein, le plier à nos 
usages et à notre langage. Pour cela, il faudrait prendre de 
jeunes chameaux, les donner à conduire à des hommes qui eus- 
sent assez d'intelligence pour étudier leurs mœurs, qui nous 
sont inconnues. Ce ne serait qu’à la longue qu’on pourrait or- 
ganiser un service à ce sujet. 

Ÿ aurait-il économie à organiser des compagnies de chame- 
liers ? 

Le chameau coûte de 160 à 240 fr.; c’est à peu près le prix 
d'achat d’un cheval ou mulet ordinaire; donc il n’y a pas avan- 
tage sous ce rapport. Il ne porte pas plus qu’un mulet. Pour lui, 
il faut 4 kilog. d’orge et 4 kilog. de foin; pour ce dernier, il 
faudrait presque le Aube 

Au résumé, ce moyen de transport ne peut être qu’auxiliaire 
et instantané; il ne pourrait servir pour une expédition. 


12. 


nu | | eut 


Pièce B. 


. En réponse à la pièce A. 

295. Parmi les réponses faites à la pièce À communiquée par 
M. l’intendant aux divers sous-intendants en Algérie, nous 
sommes heureux de pouvoir faire connaitre la suivante : 


Oran, le 25 mars 1840 


Monsieur l’intendant, 


Après l'examen de toutes les questions contenues dans la 
lettre du 1° février de M. l’intendant de l'Algérie, ayant pour 
objet l’organisation de moyens de transport dans la division 
d'Oran, et après m'être éclairé auprès de quelques chefs arabes 
qui, employant les chameaux, en connaissent les habitudes, 
je m’empresse de porter à votre appréciation le résultat de 
“mon expérience et de mes informations. 

Je procède par ordre de questions : 

10 Combien de chameaux existe-t-il dans la province d'Oran P 

Les Douairs et les Smalas, seules tribus avec lesquelles nous 
soyons en rapport aujourd'hui, en possèdent à peu près 500. 

«2 Combien l'administration pourrait-elle s’en procurer à loyer, 
et combien faudrait-il pour cela par jour et par mois, y compris 
des gages d’un chamelier arabe P 

Sur les 500 dont ces alliés sont en possession, on peut comp- 
ter environ sur 200 qui pourraient être loués à l'administration ; 
le reste leur est indispensable pour leurs transports particuliers. 
Leur loyer est de 6 fr. par jour, 1 fr. par conducteur. 

Bien que les Arabes se soient engagés, en 1857, à les mettre 
à la disposiuüon de l’administration pendant see mois, 
ils ne veulent les louer qu’au jour, et par jour de travail; ils 


TEA 


— 181 — 


tiennent le nombre de bêtes pour lequel ils se sont engagés à 
la disposition de Padministfation, et ne marchent que sur ré- 
quisition. Le transport effectué, ils rentrent dans leurs tribus; ils 
ne veulent jamais, du reste, s'engager pour un laps de temps 
plus considérable : ils croient plus de leur intérêt de louer au 
jour le jour, un engagement d’un mois devant nécessairement 
leur être payé moins cher. 
* Serait-il possible de tirer ces animaux des points limi- 

trophes de la province d'Oran P 

Les tribus qui sont hors de notre territoire possèdent des cha- 
meaux en plus grandnombre; mais, dans l’étatactuel des choses, 
on ne peut traiter avec aucune d'elles ; il aurait été à désirer 
qu’on profitât des deux années de paix qui viennent de s’écouler 
pour se créer ces moyens de transport, afin de connaître par 
l'usage jusqu’à quel point ils peuvent servir. 


40 Quel serait le prix d'achat du chameau suivant sa force et 
son âge P | 

A quel âge les Arabes commencent-ils à s’en servir P 

Les Arabes entre eux vendent les chameaux 190 boudjoux, 
c’est-à-dire un peu moins de 200 fr. Si on en achetait un grand 
nombre, ce prix serait la moyenne, disent les chefs arabes; 
mais j’ai tout lieu de croire que si le Gouvernement faisait cette 
opération; il les paierait au moins 250 fr., si ce n’est 300 fr. 

Avant trois ans, on habitue le jeune chameau à porter de 
légers fardeaux; à cet âge, les Arabes disent qu’ils l'emploient 
comme celui de sept à huit ans; il est dans sa force comme le 
cheval est dans la sienne à cinq ans. Il est susceptible d’un bon 
service jusqu'à vingt ans. 

9° Combien de chameaux un ehamelier peut-il conduire et 
panser P . 

Lorsque ces animaux sont chargés et qu’ils marchent en ca- 
ravane, 15 à 20 hommes suffisent pour conduire 50 chameaux. 
En petit nombre, un conducteur peut servir à deux chameaux : 
deux chameaux seuls exigent deux chameliers 


6° Quels sont les soins à lui donner de jour et de nuit P 


put: Je. 


Le chameau n’est jamais pansé par les mb: ils se dis- 
pensent de soins. Dans le cas où il est atteint de gale, on se 
contente de recouvrir de goudron les parles attaquées. 

On doit préserver les chameaux, autant que possible, de l'hu- 
midité, et, en hiver, ils y sont plus spécialement sensibles ; les 
soins des Arabes se bornent à les mener paitre chaque jour 
dans les pâturages les plus convenables pour eux et à les me- 
ner boire journellement, quoiqu'ils puissent se passer d’eau 
pendant plusieurs jours sans dépérir. 


7° Quelle charge peut porter cet animal dans un service jour- 
nalier ou dans une marche lonque et soutenue 

Quelle dans un service de peu de durée? 

Dans une caravane, le poids moyen à être réparti peut être 
estimé à 180 kilog., si le service peut être de longue durée. 

Dans les marches de trois à quatre jours, on peut compter 
sur 200 kilos. ou 320 kilog. pour les chameaux de choix : 
ces poids sont ceux qu’ils portent en orge et en blé, au dire des 
chefs Arabes. 


8° Quel est le harnachement propre à cet animal, sous le rap 
port de la composition et de la dépense ? 

Le genre de bât dont se servent les Arabes paraît parfaite- 
ment adapté à la structure du chameau et ne semble pas devoir 
être changé; l’expérience, du reste, pourrait seule faire propo- 
ser des modifications. Chez les Arabes, un bât coûtait autrefois 
4 fr., mais aujourd’hui, il faut compter 40 francs tout compris. 

9 Quelle est sa nourriture habituelle P 

Quelle dépense cette nourriture occasionne, quand l'animal a 
cessé de paître dans la campagne ? 

Pour les Arabes qui sont nomades, les chameaux sont faciles 
à nourrir : ils mangent les chardons, l’herbe , le palmier, les 
cactus, etc. 

Leur consommation en orge et en foin, si on les gardait 
en ville, ou si on les parquait, serait le double de celle d'un 
cheval, c'est-à-dire 8 kilogrammes d'orge et 8 kilogrammes de 
foin. 


— 183 — 


Il est rare que les Arabes donnent de l'orge à leurs chameaux, 
ce n'est guère que dans les longues journées de marche du dé- 
sert. 

Dans tous les endroits où il y a quelque peu de végétation, 
ils les font paître, et il en est de même dans leur marche pour 
venir à Oran, et, pendant tout le temps que dura l’expédition 
de M. le général Bugeaud (mai 1857), on a remarqué qu’ils ne 
leur en ont pas donné; néanmoins, les chefs arabes qui ont 
soin de leurs animaux domestiques leur en donnent quelque- 
fois. 


10° De quelle manière doit-1l être abrité P 
Où conviendrait-il de placer un détachement de chameaux qui 
pourrait être organisé dans la province d'Oran P 


Les chameaux sont laissés en plein air par les Arabes, comme 
presque tous leurs animaux domestiques; cependant, comme 
ces animaux craignent l'humidité, 1l faut, en général, les par- 
quer dans un endroit sec; sous de vastes hangars, seulement 
couverts, ils s’entretiendraient en meilleur état que dehors. Un 
parc serait très-bien placé dans les environs de la mosquée ou 
du ravin Blanc (Est d'Oran). 


11° Doit-on avoir des brigades ou des détachements de cha- 
meliers auxiliaires destinés à un service éventuel, et les licencier 
lorsque les besoins auraient cessé; ou bien des délachements de cha- 
meliers réguliers? | 

Je crois qu'il est préférable d’avoir des brigades de chame- 
liers avec un nombre permanent de chameaux , auxquels on 
adjoindrait des brigades auxiliaires plus ou moins nombreuses, 
suivant les éventualités. | 

Il aurait été bien utile, depuis dix ans, de suivre ce système 
(ou un analogue), et je suis à concevoir que l'on ne l'ait pas 
encore mis en pratique. 

12 Quelle serait l’organisation la plus convenable à ces bri- 
gades dans la province d'Oran P 
 Serait-il préférable de les adjoindre aux compagnies du train, 


FN 
"HI VA a 


— 184 — 


ou bien d’en former un détachement séparè s'administrant par lui- 
même P 

Les premières années au moins, il conviendrait, en organi- 
sant les brigades, d'y admettre environ moitié d’Arabes, afin 
d'apprendre aux Européens les habitudes du chameau. 

Ces brigades, quant à l’administration, ressortiraient de la 
compagnie régulière du train; elles seraient spécialement com- 
mandées par un lieutenant qui serait, du reste, sous les ordres 
supérieurs du capitaine commandant. 


15° Quels sont les inconvénients auxquels les chameaux sont 
sujets, dans un service de plaine, pendant l'été et pendant l’hiver P 
Sont-ils propres à un service de montagne P 


Il n’y a aucun inconvénient à les faire marcher dans les 
plaines ou les petites montagnes en été. 

En hiver, lorsque les terrains sont mouillés, ils ont une allure 
plus ralentie, et, lorsqu'ils cheminent dans les montagnes, on 
doit prendre beaucoup de précautions, car ils glissent très-faci- 
lement, et, quand ils s’abattent, on ne peut que difficilement les 
relever ; il n’y a que les chameaux vigoureux qui résistent, soit 
à leur chute, soit aux moyens que l’on emploie pour les remettre 
sur pied; dans cette saison surtout, on doit éviter de les faire 
-marcher trop près les uns des autres, parce qu’ils se poussent 
et peuvent se faire tomber. 


14° Peuvent-ils être utilisés pour le service des ambulances, 
et principalement pour le service des amputés et des hommes gra- 
vement blessés P 
Les chameaux ne peuvent convenir pour les blessés que lors- 
qu’on les fait marcher très-doucement; autrement, leurs réac- 
tions sont trop rudes, conséquemment douloureuses ; quand ils 
vont doucement, ils valent mieux que les mulets, et cependant 
les chefs arabes eut qu'ils préfèrent et se servent plus volon- 
tiers des mulets pour leurs blessés. 13 
= J’ajouterai qu'en général les femelles ne sont pas d’un aussi 
bon service que les mâles; lorsqu'elles sont pleines, ce qui ar- 


— 185 — 


rive en<hiver, on ne doit pas s’en servir, parce que si elles 
glissent, elles se blessent facilement. Les Arabes ne les em- 
ploient pas en décembre, janvier et février, c’est-à-dire un 
mois avant de mettre bas, et deux mois après. 

Il n’y à aucun inconvénient de laisser ensemble les mâles avec 
les femelles, et il serait de l'intérêt de l'administration d’avoir 
des femelles à cause de la reproduction. 


Veuillez agréer, etc., 
Le sous-intendant militaire, 


Signé : THOMAS. 


Pièce C. 


294. Le Moniteur algérien, journal officiel de la colome, 
contenait, dans son n° 591, à la date du 50 janvier 1844, 
l’article suivant sur la revue passée par M. le maréchal Bugeaud, 
le 98 janvier 1844 (cet article a été reproduit dans tous les 
journaux français et étrangers). 

« Dimanche, 928 janvier, M. le maréchal gouverneur général, 
accompagné de son état-major, de MM. les généraux de Bar, 
Gentil et Korte, et d’un très-grand nombre d'officiers, s’est 
rendu à deux heures de l’après-midi, sur le champ de manœuvres 
de Mustapha-Pacha, pour y passer en revue les corps réunis 


de la gendarmerie, de l'artillerie et du génie, sous les ordres 
: du général Lechesne, commandant l'artillerie de l’armée ; une 


foule considérable de spectateurs, de brillants équipages et de 
gracieuses amazones formaient une haie parallèle à la ligne 


-de nos troupes : sa mobilité, son excessive variété contrastaient 


singulièrement avec l'attitude sévère de nos soldats. Mais 
l'attention des curieux était particulièrement fixée sur un 


— 186 — 


groupe de cavaliers d’une espèce toute nouvelle, rangés à 
l'extrémité de la plaine, dominant toute la scène du haut dé 
leurs montures africaines et élevant dans les äirs leurs longs 
fusils ; cette imposante cavalerie n’était autre chose que notre 
brave infanterie montée sur des chameaux. M. le maréchal 
avait désiré connaitre les résultats des expériences confiées à 
M. le commandant Carbuccia, tendant à exercer des hommes à 
monter et à conduire ces animaux, afin d’arriver à instituer des 
équipages pour mobiliser nos bataillons. 

«M. le maréchal, après avoir passé en revue les corps spéciaux 
de l’armée d'Afrique, dont la tenue était irréprochable, s’est 
dirigé vers l'infanterie montée pour examiner tous les détails 
de cette nouvelle organisation. Il y avait là 100 chameaux 
montés par 400 hommes du 35° de ligne et du 3° bataillon de 
chasseurs d'Orléans. À la demande de M. le maréchal, ils ont 
exécuté diverses manœuvres avec une extrême précision, 
marchant tantôt en colonne, tantôt en bataille, tantôt au pas, 
tantôt au trot ; bientôt, au cornmandement de M. le chef de 
bataillon Carbuccia, tous ces hommes sautèrent lestement à 
terre et se portèrent en ayant avec une réserve, exécutant des 
feux de tirailleurs ; tandis qu'une part d'entre eux suivaient ce 
mouvement offensif, chaque homme conduisait quatre cha- 
meaux par les rênes. | 

« La promptitude de tous ces mouvements, la facilité avec 
laquelle nos braves fantassins ont appris à manier leurs cha- 
meaux. mettant pied à terre et remontant tour à tour, soit 
directement à l’aide d’étriers à deux échelons, soit en faisant 
accroupir ces animaux à la manière des Arabes, ont vivement 
frappé toute l’assistance; chacun a pu juger que l'on pouvait 
tirer de cette inslitution un très-grand avantage pour atteindre 
et frapper au loin les tribus nomades du petit désert, si elles se 
montraient récalcitrantes ; on peut étouffer dans la belle Saison, 
par des marches extraordinaires, les insurrections qui pourraient 
éclater dans le Tell. 

« En effet, quelles populations assez rapides pourront désor- 
mais trouver leur salut dans l’émigration toujours retardée 


= — 


par les emharras inévitables de la conduite des troupeaux, 
des femmes, des enfants et des vieillards, lorsqu'elles seront 
poursuivies à outrance par notre cavalerie, soutenue par une 
colonne ainsi constituée, pouvant faire de 12 à 15 lieues par 
jour, transportant pour un mois de vivres et munie de tous 
les accessoires nécessaires pour supporter une longue cam- 


pagne. » 


Pièce D. 


295. Décision de M. le maréchal, en date du 31 janvier 1844, 
qui organise deux équipages de dromadaires, l'un à Médéak, 
l'autre à Mascara. 


L'organisation provisoire d’un corps de transport par le 

moyen des dromadaires ayant parfaitement réussi, et M. le 
commandant Carbuccia, que j'avais chargé de cette organisation, 
ayant obtenu les résultats les plus satisfaisants, j'ai décidé, 
après une revue que je viens de passer, qu'il y serait donné 
plus d’extension. 
- En conséquence, j'ai arrêté les dispositions suivantes, savoir : 
1° il sera organisé, dans les provinces de Tittery et de Mascara, 
deux détachements de dromadaires ; 2 le détachement de 
chaque province se composera de tous les chameaux existants 
et de ceux que par la suite les circonstances permettront d'y 
incorporer ; 5° le détachement de Tittery sera placé sous la 
direction et la surveillance spéciale de M. Carbuccia, chef de 
bataillon au 55°; 4° les officiers, sous-officiers et soldats en 
nombre suffisant seront placés sous ses ordres, pour conçourir 
à l'organisation et au service du détachement ; à° si tous kes 
officiers ou soldais n'appartiennent pas au 556, ceux d’autres 
corps seront placés en subsistance au 35°. 


Pour aticindre le but que je me propose et retirer de cette 


— 188 — 


organisation tous les avantages qu’elle offre, j’ai décidé qu’un 
emprunt de 20,000 fr. serait fait aux fonds coloniaux sur le 
crédit que M. le ministre de la guerre m’a ouvert au titre du 
transport de troupes : 10,000 fr. seront affectés à la division 
d'Alger, et je donne des ordres pour qu’une délégation soit faite 
par M. le directeur de l’intérieur à M. l’intendant de cette 
division ; ces 10,000 fr. seront employés à l’achat des bâts 
licols, longes, etc. ; en un mot, à pourvoir les dromadaires 
d’un harnachement complet adopié dans le détachement de la 
Maison-Carrée, et dont un modèle sera envoyé, par l'officier 
qui le commande, à Mascara : on ajoutera à ce harnachement 
une peau de bouc arabe de la contenance d’environ 10 litres 
par dromadaire ; le prix en sera prélevé sur les 10,000 fr. 
énoncés ci-dessus : je pense qu'une peau de bouc de 5 à 6 litres 
pour chaque homme serait préférable pour diviser le poids des 
deux côtés ; il y en aurait ainsi deux par dromadaire. 

Aussitôt l’organisation terminée et les conducteurs mis au 
fait du service, les dromadaires seront employés au transport 
des denrées de l’administration, sur tous les points de ;a divi- 
sion où les besoins le nécessiteront. 

Les 10,000 francs empruntés à la caisse coloniale seront 
remboursés sur le produit des transports : pour effectuer ce 
remboursement dans le plus bref délai, l'administration paiera 
les premiers transports qui seront faits à son service, avec un 
sixième. de rabais seulement sur le prix qu’elle paie mainte- 
nant aux Arabes; c’est-à-dire, que ce qui coùte 18 francs en 
ce moment, sera payé 15 francs aux dromadaires,; à la suite du 
règlement de compte des frais de transport de chaque convoi, 
la somme revenant au détachement sera immédiatement rever- 
sée dans la caisse du trésor, et récépissé en sera donné au chef 
de détachement. 

La caisse coloniale sera remboursée par reversement; le 
remboursement des 10,000 francs une fois complet, les frais 
de transport ne seront plus payés que sur le prix ci-après : 


D’Alger à Médéah. . . .. 5 fr. par quintal métrique. 


ET - 


— 189 — 
D'Alger à Blidah. . . . 4 fr. par quintal métrique. 
De Milianah à Teniet-el-Had: 5 id. 
De Médéah à Boghar. . . 35 id. 
De Milianah à Orléansville.. 4 id. 
D'Orléansville à Tenès. . . 9 id. 


Les fonds provenant de ces transports seront immédiate- 
ment versés (après que les comptes de chaque convoi auront 
été réglés et soldés), dans la caisse du 33° de ligne qui en tien- 
dra un compte spécial tout à fait séparé de ses écritures inté- 
rieures. 

Ces fonds seront inscrits sur un registre à part qui sera ou- 
vert, à cet effet, et qui sera coté et parafé par le sous-inten- 
dant militaire; ils formeront une masse dite d’entretien de 
harnachement ; ils seront employés à l’achat et aux réparations 
des bâts et harnais, ainsi qu’à l’achat des dromadaires destinés 
à augmenter le détachement et à remplacer ceux qu’on per- 
dra. 

Récépissé de chaque versement sera délivré au chef de dé- 
tachement, et une copie m’en sera envoyée avec un bordereau 
des sommes versées pendant le mois écoulé; ce bordereau 
énoncera sommairement la dépense du mois en deux articles 
(Harnachement et achat de dromadaires); ainsi que le restant 
en caisse au 1° de chaque mois ; toutes opérations administra- 
tives seront soumises au visa du sous-intendant, de même que 
le bordereau qui me sera envoyé. 

Afin d'exciter le zèle et l’émulation de chacun, et indemni- 
ser les conducteurs des fatigues et de la détérioration de leurs 
effets qu’un service extraordinaire leur occasionne, j'ai dé- 
cidé, jusqu’à ce qu il en soit autrement ordonné, que les allo- 
cations suivantes auront lieu du jour de l’organisation 


Savoir. : 


Pour les officiers : 
Indemnité extraordinaire de rassemblement, telle qu’elle est 
fixée au tarif n° 44, du 5 décembre 1840. 


= 19 = 


60 fr. par mois pour l'officier Supérieur ; 
40 pour les capitaines. 
50 pour les lieutenants et sbte-Hiéutertatits, 


Pendant le temps qu’elle restera en station avec les droma- 
däires, où en marche dans üne colonne expéditionnaire; 


Sous-officiers. . . : . 15 cent. par jour. 
Gaporauki tt 01 AEGE HULSS F8 id. 
Soldats, 2 “1 06 SUOMYON 108 id. 


Pendant la durée des convois, y compris le jour de départ 
et de l’arrivée, 


Sous-officiers.  :  : . . 30 centimes. 
Gaporatx: :  :-2JPATHUIES 0 1 
SUIS: 000 SO LE NAN RTE 


Ces indemnités ne seront point imputées sur les fonds de Ia 
solde, afih de ne pas augmenter les dépenses du département 
de la guerre; mais elles seront prélevées, après chaque convoi; 
sur le produit des frais de transport, et la somme qui restera 
nette après le prélèvement, Sera seule versée dans les caisses 
du trésor, ou déposée dans celle du 35°, selon que lune où 
l’autre devra recevoir cette destination, d’après ce qui a été dit 
précédemment. | 

L'organisation du détachement sera constatée par un pro- 
cès-verbal que dressera le sous-intendant militaire, et dont 
vous m'adresserez expédition: — Un contrôle particulièr des 
chameaux sera dressé, et portera les indications des noms et 
numéros devant servir à les reconnaitre en cas de perte. 

Vous me ferez connaître, aussitôt qu’il vous sera possible, 
la formation de ce service auxiliaire de transports, et vous me 
soumettrez les observations que l'expérience pourra vous. sug- 
gérer. : / 


7 


Toutes les fois que le service du génie féclamera le concours 
des dromädaires pour sës transports, ous donnerez l’ordre de 
déférer à ses dernandes ; les prix seront Ceux fixés par l’admi- 
nistration. 


Le maréchal de France gouverneur général, 


S igné : BUGEAUD. 


Nota. Par décision du 22 juin 1844, le ministre de la guerre 
a approuvé l’organisation provisoire de M. le maréchal gon- 
verneur, et a décidé que les dromadäires seraient considérés en 
totalité comme propriété de la caisse coloniale qui : 4° sup- 
porterait les frais d'entretien des corps organisés; 2 béné- 
ficiérait des transports effectués par ces corps hors le temps des 
expéditions. Les indemnités et hautes paies accordées aux of- 
ficiers et à la troupe sont confirmées. 


Pièce E,. 


LL 


Opinions diverses du général Maréy-Monge sur la question des chameaux. 


296. 10 Extrait du rapport adressé par M. le général Marey- 
Monge, de Tiaret, le 24 juin 1844, sur son expédition de La- 
gouath, n° 120. (Cet extrait n’a pas été inséré en entier dans 
le Moniteur universel du 15 août 1844.) 


QUÉSTION DES CHAMEAUX. 


Péu après mon arrivée à Médéah, je fü$ chargé d'organiser 
une éolonné à l'instar de celle qu'avait dirigée M. le colonel 
Jussuf. 

Je fus frappé des inconvénients de l'emploi du mulet dans le 


— 192 — 


désert pour-une expédition de trente jours; çar la simple, ration 
d'orge de 4 kilog. constituait, pour chaque mulet, une. charge 
de 120 kilog:, qui le rendait impropre à rien porter d’ail- 
leurs. 


Je pensai que le chameau était préférable, dès que gs pou. 


vait opérer dans le désert ; la bête de somme du désert devait 


être utilisée, parce qu'elle n'a pas besoin d'orge, parce que, 
l'herbe du désert lui suffit, parce que le, prix en est le quart de,, 


celui du mulet, et parce que les mulets commencent à devenir 


rares, tandis qu’il y a un nombre immense de chameaux. Je: 


fus autorisé à tenter des essais. 


On pouvait désirer se servir du chameau comme bête FA 


somme, ou pour transporter rapidement de l'infanterie; «mais, 


la it indispensable était de connaître le chameau, ses mœurs, 


son hygiène, la manière,de, le bâter et de le Res C'était . 


par là qu'il fallait commencer, d'autant plus que les essais de- 


vaient coùter cher, .et qu'il fallait mettre ce service à même de. 


se défrayer lui-même par la seule ressource des transports. . 
Par suite, une seule des deux questions a été résolue, celle. 


des transports ; l’autre question reste entière, mais ne présente 


aucune difficulté. 


Si la cavalerie eût été inconnue en France, et que, voyant 


le parti qu’en tirent les Arabes, nous eussions voulu ici faire 
de la cavalerie, on aurait eu mille difficultés à vaincre : les 
coups de pied, les morsures, le mauvais choix des selles et des 
brides ; on aurait mal sellé ; les chevaux auraient été blessés ; 


le plus grand nombre seraient devenus malades par mauvaise. 


hygiène ; il y aurait eu de grandes pertes. Dans les premiers. 
engagements, nos cavaliers eussent été emportés ou jetés ày 


terre; ils se seraient mal servis de leurs armes; ils eussent. 
probablement été maltraités par les cavaliers arabes. Les par-, 
ts se seraient formés contre les novateurs ; le dégoùt aurait 

pris. Peut-être aurait-on renoncé à faire de la cavalerie; mais. 


certainement, si, on eüt persévéré, après des pertes, des-dé-. 


faites ei un très-mauvais service dû à l’inexpérience, on.au-: 


rait fini par avoir notre excellente cavalerie d'Afrique, . 


— 193 —. 


Toutes ees vicissitudes devaient se présenter à l'égard des 
chameaux. 

La question, assez compliquée par elle-même, l’est devenue 
encore davantage par les passions de ceux qui n’en étaient pas 
chargés : il y a eu autant d’ardeur pour nuire à ce service, que 
parmi ceux qui l’avaient embrassé pour le faire réussir. On 
peut dire que le succès a eu lieu malgré une opposition pres- 
que générale, qui serait à peine croyable, si on ne savait que 
pareïlle chose a lieu à chaque novation : par exemple, dans 
l'artillerie, lors de lPétablissement du système Gribeauval et 
de l’organisation du maréchal Vallée, en 1827; lors de la for- 
mation des chasseurs d'Orléans ; lors de Pintroduction de læ va- 
peur dans la marine royale, ete. Il fallait donc, pour réussir, 
ne pas céder devant des attaques inévitables, compter, non 
sur un succès immédiat, mais sur l’effet de la tenacité et de la 
persévérance, ne pas se décourager d’insuccès très-probables 
dans l’origine, commencer en petit et grandir successivement 
la proportion des essais, enfin, charger de celte affaire quel- 
qu'un qui la prit fortement à cœur; c’est ce qui a eu lieu. 

Je choisis, pour remplir cette mission, M. le commandant 
Carbuecia, qui la prit fortement à cœur. Il aurait subi un échec 
très-grave, s’il eût échoué ; en réussissant, après huit mois seu- 
lement d'essais, il s’est constitué un mérite réel, car il a com- 
battu des difficultés sans nombre, et il a rendu un service im- 
portant. 

Dans l’expédition du Djebel-Derah, j’employai 40 chameaux 
conduits par nos soldats, qui, à la fin, étaient devenus des cha- 
meliers médiocres. Les essais continuèrent à Médéah, puis à la 
Maison-Carrée, avec deux compagnies, qui, en peu de temps, 
étaient devenues passables. Quand nous allâmes au Djebel-Sa- 
hari, cette année, un bataillon entier fut affecté à ce service, 
quelques jours seulement avant le départ. Il allait passable- 
ment aussi à la fin, mais les chameaux avaient été malades. La 
course fut longue et rapide; des tempêtes très-fortes, la neige, 
la pluie, la glace, sévirent continuellement. Il y eut une assez 


grande perte. 
43 


— 194 — 


En partant pour Lagouath, nous eùmes 277 chameaux em- 
ployés par des soldats exercés précédemment, qui déjà mainte- 
nant sont assez bons chameliers. Si l’on continue, ils seront 
bons dans six mois, et très-bons dans un an. Dans deux ans, ils 
feront tout ce que l’on peut attendre des Arabes. 

Les résultats obtenus dans cette expédition sont ceux-ci : 

1° Nos chameaux étaient mieux chargés et en meilleur état 
que ceux des Arabes ; 

20 Notre équipage a perdu moins de chameaux que 1 réqui- 
sition (2 chameaux); 

5° Chaque dromadaire a économisé à l'État une fois et demie 
sa valeur ; 

4 Le convoi de chameaux, dans la marche habituelle, a 
une allure moins vive que celle de l'infanterie, parce qu’ils 
mangent chemin faisant ; mais ils ne font pas de haltes , et ils 
arrivent aussitôt qu’elle au bivouac : si on veut les presser et 
ne pas les laisser manger en route, ils feront, dans le même 
temps, un tiers plus de chemin que l'infanterie ; 

5° On peut compter sur notre équipage dans son état actuel 
pour tout service de transports ; 

Go Pour qu'il n’y ait pas de retard au départ le matin, il faut 
un homme pour charger deux chameaux ; mais un homme 
suffit pour en conduire plus de douze. Par suite, presque tous 
les soldats de l’équipage forment une troupe sans sac marchant 
en dehors du convoi, et le protégeant ; cet avantage est très- 
précieux ; | 

7° Il est très-facile de se tenir sur les chameaux ; ceux qui 
étaient déchargés servaient à monter les soldats fatigués ; 

IL y a eu ainsi jusqu’à 60 soldats montés qui s’en trouvaient 
assez bien. 

8 Le chameau ne donne à celui qui le conduit ni nausées, 
ni mal de mer. 

D'après cela je crois : 4° qu’il y a lieu de faire constater cet 
élat de choses ; 2° que, s’il est reconnu réel, on devra se décider 
ou à renoncer aux chameaux, même bien employés par nos sol- 
dats, ou à faire une organisation qui ôte aux officiers et aux 


NT K PET 


— 195 — 


soldats employés à ce service la position fausse où ils se trou- 
vent comme détachés d’autres corps qui ne peuvent qu’en être 
mécontents. 

Je crois devoir ajouter que si l’organisation à faire n’est 
pas confiée au commandant Carbuccia, il y a de grandes chan- 
ces pour qu’elle ne réussisse pas : mais avec cet officier supé- 
rieur, elle doit réussir : j'en prendrais la responsabilité sans 
aucune crainte. 


Résumé. Notre équipage de dromadaires a complétement et 
notoirement réussi dans cette course. [la mieux fait le service 
que la réquisition ; ses chameaux étaient en meilleur état. Il 
peut, dès à présent, assurer un service régulier de transport ; 
une organisation ne présenterait plus de chances d’insuccès ; je 
m'en chargerais avec confiance. 


20 La lettre suivante, non destinée à la publicité, fait con- 
paître, encore mieux que le rapport officiel, la nature des diffi- 
cultés que M. le général Marey a dü vaincre pour accomplir sa 
mission. 


Extrait d'une lettre adressée par M. le général Marey, le 
97 juin 184%, n° 127, à M. le général de Bar, commandant la 
division d'Alger. 


Parmi les propositions que j'ai l'honneur de vous soumettre, 
il en est une dont je crois devoir vous entretenir: c’est celle 
de M. le commandant Carbuceia (pour le grade de lieutenant- 
colonel). 

Cet officier supérieur a déployé dans le service des droma- 
daires le zèle, l’activité, l'énergie, l’intelligence, la tenacité les 
plus remarquables : Personne ne voudrait faire ce qu’il a fait. 
Le travail immense qu’il a eu, les difficultés sans nombrê qu’il 


a combattues avec persévérance lui constituent un droit réel à 
13. 


= 196 — 


votre bienveillance. Mais ce qui lui en dénneun plus grand'en- 
core, c’est qu'il a fini par réussir : sur mon âme el ma conscienre, 
il est très-méritant par les services qu’il à rendus depuis huit 
mois, et en outre ilest Le plus ancien chef de bataillon de ma 
colonne. 

Je regarde comme un devoir de vous prier de vous intéresser 
à lui, et je vous le recommande avec la plus vive instance. 


Je suis, etc., etc. 
Signé : MAREY -MONGE. 


3° Preuve que M. le général Marey-Monge a prévu et an- 
noncé les malheurs résultant du licenciement du personnel. 


Lettre de M. le général Marey-Monge à M. le lieutenant 
général de Bar, commandant la division d'Alger et gouverneur 
général par intérim. 


Médéah, le 27 juillet 4844, 


J'ai l’honneur de faire à votre lettre du 23 juillet uneréponse 
spéciale quant aux chameaux. 

Par ma lettre du 20 juillet, je vous mandais que j'avais main- 
tenu provisoirement le personnel de l'équipage en attendant vos 
ordres : d’après votre réponse, je dois licencier ledit équipage, 
si telles sont les instructions du gouverneur. Je crois alors devoir 
vous soumettre les renseignements, observations et propositions 
suivantes : 

1° M. le gouverneur ne m'a jamais écrit, ni ditque pans 
serait licencié après l’expédition ; 

2 Au contraire, par sa lettre du 17 avril, il me mande qu il 
veut faire un aouvel essai dans l'expédition de Lagouath, et 
qu’il ne fera pas de proposition au Ministre avant d'avoir connu 


ERA ES 


— 197 — 


le résultat de notre expérience, et de celle de M. le lieutenant 
général de Lamoricière ; 

5° Il m'a écrit de la province d'Oran pour me demander 
avec intérêt comment s'étaient comportés nos chameaux ; 

4 Il est évident que l’expérience des chameaux a réussi 
dans cette expédition ; 

5° Nous avons dans ce moment 3550 chameaux en bon état; 
les attirails seront incessamment réparés et en bon état : d'ici 
à quelques jours vous aurez là 350 chameaux prêts à fonction- 
ner ; les-hommes étant prêts au premier ordre, l'équipage pour- 
rait se mettre en route : c’est une ressource qui peut ne pas 
être à dédaigner, si, après la récolte, les tribus remuent; il ya 
de quoi porter les vivres de 200 hommes pendant douze jours ; 

6° Les hommes de l’équipage font leurs réparations et reçoi- 
vent leur instruction comme les autres ; 

1° Si vous licenciez l'équipage, je vous prie de vouloir bien 
me dire ce qui devra être fait des chameaux et du matériel con- 
sidérable qui s’y rattache, le tout représentant au moins cent 
mille francs. On ne peut laisser cette valeur sans la surveillance 
d'officiers qui en répondent : le licenciement me semble entrai- 
ner la vente des chameaux et du matériel qui autrement péricli- 
teraient évidemment, personne n’en étant plus responsable ; 

8° En maintenant l'équipage, rien ne périclite : vous con- 
servez une ressource de transports qui peut être précieuse; vous 
ne préjugez rien des intentions du gouverneur : en le licen- 
ciant, au contraire, vous tranchez la question des chameaux ; 
vous annulez la ressource des transports existants ; vous entrai- 
nez la vente des chameaux ei du matériel ; 

9° Mon opinion personnelle très-prononcée est qu'il y a 
avantage à conserver l'équipage qui peut fonctionner au pre- 
mier ordre et que lelicenciement ne doit être ordonné que dans 
le cas où l’on voudrait renoncer définitivement à ce système, 
même après qu'il a réussi. 

En résumé, je n’ai reçu aucun ordre de dissolution : le gou- 
verneur paraissait vouloir proposer une organisation si notre 
dernier essai réussissait : l’essai a réussi, Vous avez un équi- 


— 198 — 
page provisoire tout prêt qui, au premier jour, peut portér des 
vivres pour douze jours. Le personnel de l'équipage n’est en 
souffrance ni pour l'habillement, ni pour l'instruction. Le licen- 
ciement de l'équipage entraîne la vente des chameaux et du ma- 
tériel. ; | 
Mon opinion personnelle est qu’il y a lieu de maintenir une 
organisation existante qui peut être utile d’un jour à l’autre, 
dont la déstruction pourra donner des regrets, qui existe d’a- 
près les ordres du gouverneur, et dont le succès évident peut 
amener une organisation définitive. 


Je suis, etc. 


Signé : MAREY-MONGE. 


— 199 — 


Pièce F. 


297. Opinions diverses de MM. les chefs de service de la colonne de Lagouath sur la 
question des dromadaires. 


Le capitaine, faisant fonctions de sous-intendant militaire 
dans la colonne de M. le général Marey, certifie véritables les 
différentes réponses ci-dessous à des questions posées à des 
chefs de service de la colonne, par M. le commandant Car- 
buccia. 


Officiers aux- 
uels elles ont 2 i 
Demandes. T° £e Réponses des chefs de service. 


adressées. 


À servi au transport des malades, des éclo- 
pés, d’une partie du matériel de l’ambulance, 
de la réserve d’artillerie et d’une partie du 

Sous-in- } convoi de vivres. Les divers services le pré- 
fèrent évidemment dans les circonstances si- 
onalées. Les chameaux de la réquisition de 
Tittery marchent du reste très-bien et ne font 
éprouver aucune perte au Convoi. 
LechameauË M. Au- | Il ya avantage à faire porter les cartouches 
du Beylik a- bac, ca-\}par les bêtes du beylik, les chameliers fran- 
tilrendu des Ÿ hitaine )çais comprenant mieux les consignes de pru- 
services à la | d’artill. Rure et les exécutant avec plus de soin. 


colonne : RCE IA AA 
RE Y/M. de Si- Oui, beaucoup même à la cavalerie. On les 

est-il préféré\ gny, chef] .." + + : L AURA 
préfère généralement à ceux de la réquisition, 


à celui pro- d’escad. | 
venant de la de caval. | quelque bons que soient ces derniers. 


tendant. 


réquisition ? AV Oui; on les préfère, parce que la colonne 
É ; Ne ù & 
lieuten: {2 voyagé dans un pays où le chameau est ap 
du train. | pelé à rendre de grands services. 
M. Beau-\ | 
Camp, Les chameaux du beylik sont mieux bâtés 
chirurg.-{ que ceux de la réquisition. 
major, 


Officiers aux- 


els elles ont $ Hague) 
Demandes, , |" 4-9 Réponses des chefs de service. 
adressées, . 
(Suite). 
Le chameau 


compla- | [Il ne m’appartient-pas d'émettre mon avis sur 
ble d’am- | les services rendus à Ja cos par les cha- 
bulance. |! meaux. : 
M. Fou- Les conducteurs de RAA AE de réquisi- 
ché, | tion remboursent-les dénrécs perdues ‘ou vo- 
cOMpP, de ées parleur faute ls ont cet avantage qué 
subsist. pe du beylik ne pourraient donner. : 


a ps Je préfère les chameaux de là réquisition. 
du bevlik a-t- 
il! rendu des 
services à Ja 
colonne ? _Y 
est-i! préféré 
à celuiprove 
nant de la ré- 
quisition ? 
Plusieurs éhamélers sont déjà très-adroits. 
[ Sous-in-| Je crois cependant que se priver du-secours : 
tendant. La Arabes serait une faute ; ils seront encore 
longtemps d’une grande utilité. 
Les chameliers avaient été choisis parmi 
{les premiers et les plus adroits. 
Oui, ils ne paraissent pas embarrassés, 
même daus les circonstances difficiles. .La-ca- 
Cavalerie { valerie ayant été souvent à l’arrière-garde,: 


Artillerie | 


Les chame- 
liers français 
paraissent-ils 
déjà" habiles 


“4 J'ai vu plus de chameaux de la réquisition se 
po décharger que ceux du bevylik. 
dE Train Je me déclare incompétent, n’ayant pu sur- 
+ veiller ces hommes. 
Wu Oui, et pleins de bonne volonté. 
rs . 
lances, Oui. 
Sabsis- ; pas à 
tances. Je ne puis apprécier leurs services. 

Dans cles La première distance était de 30,000 mètres, 
DES es la deuxième était de 28,000 mètres. Les cha- 
L et 11 juin meaux ont gagné, le6, quatre heures un quart, 

US si le 11, trois heures seulement. La troupe était 
à nitasse dus n° 0US-IN fatiguée, la journée chaude ; les chameliers 
chameau, tendant. |se trouvaient dans le même état que les jours: 
PR nc précédents, quoique n’ayant fait que trois pe 
Mis Vin tites haltes et point de grande halte, Tis'ne 
ra paraissaient pas fatigués de lallure de leurs 
fauterie ? l 


bêtes, quoique ayant trotté et même galopé. 


"90? = 


CCE - 1 = near 


Demandes. 


(Suile). 


Dans les 
journées des 
6 et 11 juin, 
quelle a été 
la vitesse du 
chameau, 
comparée à 
celle de l’in- 
fanterie ? 


Dans Îles 
courses des 6 
et 11 juin, 
leschameaux 
chargés ont- 
ils pu trotter 
et même ga- 
loper ? Pour- 
raient-ils 
donc trans- 
porter rapi- 
dement une 
troupe d’in- 
fanterie au 
besoin ? 


La question 
de l’organisa- 
tion deséqui- 
pages est-elle 
enfin mûre ? 


© 


Officiers aux- 
quels-elles. ont 
été 


adressées, 


Subsis- 
tances. 


Sous-in - 


tendant. 
Cavalerie 


| 
= 
à 


Subsis- 
tances. 


Sous-in - 
tendant. 


avalerie | 


Train. 


Réponses des chefs de service. 


Les chameaux ont gagné, le 6, quatre heu- 
res un quart, et, le 11, seulement trois heures. 
L’infanterie, à cause de la chaleur, n’aurait 
pas pu doubler Pétape. Les chameliers ne pa- 
raissaient pas fatigués et auraient pu la dou- 
b'er. Les chameaux du convoi étaient chargés, 
dans ces deux courses rapides, de deux sacs 
d’orge pesant 120 kilos, d’un havre-sac, d’un 
agot de bois et même d’une peau de bouc 
| remplie d’eau. 

Le chameau, étant pressé, peut gagner un 
quart d’heure sur une marche d’une heure. 
Il peut, en marchant librement, voyager long- 
temps, au moins dix heures par jour, sans 
faire de séjour. 


Les chameaux ont souvent pris le trot et 
même le galop, ce qui, du reste, occasionnait 
un peu de désordre. Ils pourront transporter 
rapidement l'infanterie en pays de plaine et 
avec un corps de chameliers bien organisé. 

Les chameaux déchargés suivaient de près 
la cavalerie. 

Le chameau peut trotter en cas de razzia 
et même galoper sil en est besoin, mais il 
ne pourrait supporter cette allure s’il est char- 
gé pendant deux jours de suite. C’est un ani- 
mal fort à la fatigue. 


Oui, pour un service cn pays de plaine. 


Oui ; les expériences qui durent depuis le 
mois de septembre éclaircissent tous les points. 
Le pour et le contre sont connus. 

L'organisation d’un corps de chameaux 
pourrait être avantageuse pour l'Etat, si cet 
janimal était utilisable dans tous les pays et 
ja toutes les saisons. 


PEER 


(Suite). 


La question 
de lorgani- 
sation des é— 
quipages est- 

elle enfin 
müre ? 

Le possibi- 
lité de faire 
conduire les 
chameauxpar 
des français 
est-elle dé - 
montrée ? 


Est-il vrai 
que si l’admi- 
nistration eût 
acheté les six 
cents droma- 
daires dont 
elle avait be- 
soin , elle 
n'aurait pas 
plus dépensé 
que le prix 
de louage. 


= 902 — 


Officiers aux- 
quels ne ont. 


Réponses des chefs de service. 
Me, 


Non. L'Etat ne retirerait pas un grand avan- 
tage de l’organisation d’un bataillon de dro- 
madaires , si la mesure proposée ci-dessous 
{ pouvait recevoir application (Système de met- 
jure les chameaux du beylik en subsistance 
| 4ans les tribus, en payant les Arabes pour 
\conduire les bêtes en convoi). 


Subsis- 
tances. 


Du moment que lautorité militaire le vou- 
dra et le voudra bien, elle lèvera toutes les 
difficultés à ce sujet. Un Français peut faire 
da ce que fait un Arabe. 

Oui. 


Cavalerie 


=E 


Train. 


Sous-in - 
tendant. 
Cavalerie 
Train. 
Subsis- 
tances. 


Oui, en raison de la durée de l’expédition. 


S'il est vrai, comme le porte la note du 
comptable qui m’a été communiquée, {° qu’il 
y à eu 783 chameaux employés à la colonne ; 
2° qu’il y a, ce jour, 22,703 journées à payer 
au prix de 3 fr. 50 c.; 3° que le prix moyen 
des chameaux employés n’est que de 90 fr. 
seulement. Dans ce cas, l’administration au- 
rait mieux fait d’acheter les 783 bêtes, puis- 
que déjà elles sont payées. Au moins, ces cha- 
meaux seraient aujourd’hui la propriété de 
l'Etat. 

Il en serait de même de toutes les bêtes de 
somme, mulets, chevaux et ânes. 

Cette question est subordonnée à la valeur 
des chameaux, qui varie selon les ressources, 
les besoins, les éventualités, et d’après le prix 
de location de la réquisition. Dans cette co- 
lonne, un chameau, après un mois et demi, 
a gagné 150 fr. à son maitre. 

Le chiffre maximum des bêtes de la réqui- 
sition s’est élevé à 723. Le prix moyen des 
bêtes à l’estimation a été de 50 boudjous 
(90 fr.) ; le nombre des journées de chameaux 


— 903 — 


EC HTC 


Demandes. 


(Suite). 


Est-il vrai 
quesil’admi- 
nistration eût 
acheté les six 
cents droma- 
daires dont 
elle avait be- 
soin , elle 
n'aurait pas 
plus dépensé 
que le prix 
de louage ? 


Le chameau 


quels rs ont 


up 


a — 


Subsis- | 
tances. 


| Artillerie 


Officiers KA x 


Réponses des chefs de service, 


de réquisition est de 22,703, et de chameaux 
du beylik de 13,711, à l'époque du 24 juin 
1844. Le comptable pense que l'Etat ne reti- 
rerait pas un grand avantage dé l’organisation 
d’un bataillon de dromadaires, si la mesure 
portée ci-dessous pouvait recevoir application. 

Comme moyen de transport, l'été, et dans 
un pays de plaine, le chameau est excellent ; 
l'hiver, il est incapable de rendre le moindre 
service ; d’où il résulte qu’en cas de mouve- 

ta militaires pendant cette saison, on se- 
rait obligé d’avoir recours aux mulets de ré- 
‘quisition. Que cette organisation qui occupe- 
rait bon nombre d'hommes des plus valides 
et des plus intelligents pendant la guerre, in- 
dépendamment des Arabes qu’il faut conser- 
ver pour garder les chameaux aux pâturages, 
\ ne serait utile que pendant un certain temps 
de l’année et toujours en pays de plaine. Le 
système le plus convenable serait peut-être 
de mettre en subsistance dans les tribus, sous 
la responsabilité des caïds, tous les chameaux 
:du beylik qui, lorsqu'on aurait besoin de leurs 
| services, seraient amenés par les Arabes de 
| ces tribus pour les conduire et les charger 
} pendant qu’il serait utile. Ces Arabes qui se- 
raient pris dans la proportion d’un pour trois 
chameaux, seraient payés 1 fr. 50 c. et même 
2 fr. par jour de marche. Celte mesure ne 
donnerait lieu à aucune dépense d’entretien, 
sion autorisait les tribus à s’en servir pour 
leurs besoins. La dépense serait donc exces- 
| sivement faible et n’enlèverait pas un seul 
homme au service militaire. 

Le petit convoi de chameaux, portant des 
cartouches, marchait sur le flanc de la co- 
lonne, à hauteur de Partillerie; il arrivait 
{avec elle au bivouac. 


Demandes. 


a-t-il toujours 
suivi le con- 
voi des mu- 
lets de l’ad- 
ministration? 


Le chameau 

même chargé 
par l’admi- 
nistration, a- 
{-il porté un 
homme en 
surcharge ? 


Le chameau 

peut-il mon- 
ter et des- 
cendrée les 
pentes rapi- 
des? 

Le chameau 
entravé peul- 
il disparaître 
facilement ? 


Les cha- 
meaux ont-il 
bu pendant 
les # mois 
d'expédition? 
Le chameau 
a-t-il reçu de 
l’orge en 
route ? 


Offciers aux- 
quels HE ont 


a. 


Train. 


Ambu- 
lance. 


Subsi- 
stances. 

SOUS-in - 

tendant. 


Subsis- 
lances. 


| tances. 
/ 
\ 


Subsis- 
tances. 


— 


Subsis- 
tances. 


Subsis- 
tances. 


Artillerie 


= 4 


té 


Réponses des chefs de service. 
Oui, dans les pays plats, mais dans les défi- 


lés ils laissent à désirer; les chameaux, dans 
les défilés, ont plus cmbarrassé la colonne que 
ne l’auraient fait les mulets, vu leur manière 
de marcher en troupeau. | 

Oui, mais toutefois à une distance-qui ne lui 
permettait pas d’avoir les yeux sur le matériel 
porté par les chameaux, et sur celui porté par 
les mulets. 

Il n’a jamais obligé la colonne à 
pour l’attendre. 

Oui, 
éclopés. 

Oui, un grand nombre de chameliers profi- 
tent de la possibilité de monter sur les bêtes. 

Oui, il pourrait le porter longtemps danses 
conditions d’un terrain plat; le chameau n’est 
chargé par l’administration que de 120 kilog. 
et il peut porter 200 kilog. sur un terrain plat 
et sablonneux. En le laissant aller librement 
il peut marcher toute la journée et pendant 
plusieurs jours de suite. 


s'arrêter 


le chameau peut servir à porter les 


ordinaires lorsque le sol est sec; il. descend 
plus facilement. Dans les deux cas, lorsque le 


LJ Il monte difficilementet lentement les pentes 
(terrain est humide, il ne peut se tenir debout. 


Non, si la corde qui l’entrave aux deux ge- 
noux passe sur le cou ; le dromadaire ne pour- 
rait s'échapper, ni par suite d’une terreur pa- 

os ni par suite d’une attaque véritable. 


Non, même par les plus fortes chaleurs (de- 
puis février jusqu’au mois de mai). 


place presque complétement et pendant plu- 


| Non, même lorsque l'herbe a manqué sur 
sieurs jours de suite, 


Pa ie. - 


— 205 — 


Demandes: 


L’allure 
du: chameau 
donne-t-elle 
lemalde mer 
et les nau- 
sées ? 


L’allure 
du chameau 
peut-elle de- 
venir dange- 
réuse pour la 
santé des ma- 
lades. qu’il 
transporte ? 


Tiaret, le 24 juin 1844. 


| 
» 


Officiers aux- 
:} quels elles ont 


été 
adressées. 


Chirur- 


gien 


Chirur- 
gien, 


L 


Réponses des chefs de service. 


Beaucoup de chirurgiens ont été témoins de 
ces phénomènes produits par l'allure des cha- 
meaux ; moi-même, dans l’expédition de Cons- 
tantine, j'ai pu les observer. Dans cette expé- 
dition, 200 hommes ont été placés sur les 
chameaux, beaucoup interrogés ont répondu : 
ni vomissements, ni nausées. Je dois ajouter 
que ces hommes n’étaient que fatigués. 

Oui, dans la plupart des maladies et pour 


toutes les blessures, Installés comme ils le sont 


à cette heure, les chameaux ne pourront ren- 
dre aucun service aux malades en les trans- 
portant; si on peut les instruire et organiser 
un bât, la réponse pourra changer. Ce ne sera 


Jjamais un bon moyen de transport, surtout 


pour les blessés, mais il a été et sera encore 
utile pour les hommes fatigués. 


Le capitaine, faisant fonction de sous-intendant militaire, 


Signé : Aupac. 


— 206 — 


Re rend à da 7 nie IRAQ = z DT ge À IAE US AGLLE EEE SRE 


"HONON-A TUVIN : QUBIS ‘ YVPPI MH 9P UOISLQLPQNS DJ Ju 


DPUVUUWOI ‘d'UDI 2P 1DYI940U 27 : 9AnOïddY 
Et "VIDDAIIVI ï AS ‘u0771030q a 1949 ?T d “SJa[uu so] onb ospurow s107 buro osuodop aun 8 nou jueuuop st 
JOUE L 8 ‘Fy8} umf gg ®] 3039 Juas910 0[ 951199 “Sole pemOip xne So[{U1OA8JEP Snjd so] sn9je9 so[ suep ‘ISUtY 
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Re 


— 207 — 


Pièce H, 


Expériences sur les chameaux ordonnées par M. le maréchal gou- 
verneur (Etats H, I, J suivants). 


4° Expédition du Djebel-Dira. 


299. Extrait du rapport fait à M. le général Marey-Monge, 
le 25 octobre 1845, jour de la rentrée de la colonne, sur les résul- 
tats financiers de l'expédition. 


D'après les ordres donnés, 42 hommes ont été détachés du 
53° de ligne, pour suivre les expériences ordonnées sur les 
chameaux. 
= Dans le principe, leur ignorance de la bête a été telle, qu’ils 
en ont fait crever plusieurs par suite de mauvais traitements : 
l’impassibilité de la bête est telle, que plusieurs hommes, re- 
nonçant à s’en faire obéir, ont reculé devant la tâche qu'ils 
avaient acceptée. 

Les perles de ces expéditions sont de 14 chameaux, dont 2 
se sont égarés, et 12 ont été abandonnés ; avant le départ, la 
perte avait été ie 17.—Total : 51. 

Il y a lieu de faire entrer en ligne de compte le léger béné- 
fice que l'Etat a retiré de l'emploi des chameaux, en épar- 
gnant des frais de transport qu’il n’a pas payés aux Arabes ; 
ce bénéfice, quelque léger qu’il soit, obtenu dès le premier 
début dans les expériences, et sans nulle peine, prouve que, 
dans peu de temps , les chameaux ne coûteront plus rien à 
l'Etat. 


État général des charges d'orge transportées pour le service de 
l'administration militaire sur les chameaux de l'Etat. 


SAVOIR : 


4° Du 27 septembre au 14 octobre inclus : 15 jours 


= Qfé <= pe 


à 22 charges. .. . , . . . . . . . . . . 330 journées. . 
2° Du 12 octobre au 20 dudit, par suite du verse- 

ment de l’achour du kalifat de Sebaou : 9 jours à 60 

LE CPP OUR POV DT QT ACTA PIQ - DEU 2 
3° Du 21 octobre au 25 inclus, il a été rapporté 29 

chatées à -Méréah.. Lt: CNRS EME EE PERS 145 


940 
Total. . ,. . 1,015 journées. 
EE EEE D DE PT 
Or, en faisant ce service, les chameaux ont épargné à l'État, soit de 


louer des mulets, soit d’en conserver de déchargés : il les paye, par 
jour L] e e e L] LL . e. e . . s . . . CL] L] 3 fr. 50 ER 


L'économie réelle, évidente, est de. . . . . . 3,525 fr. 50 
Médéab, le 25 octobre 1843. 


Le chef de bataillon, 
Approuvé, J. L. CARBUCCIA. 


Le maréchal de camp, commandant 
la subdivision de Médéah, 


Signé : MAREY-MONGE. 


Pièce I. 


Dromadaires de Tittery. 
2° Expédition des Ouled-Nayl. 


300. Le soussigné , chef de bataillon, commandant ledit 
corps, a l’honneur de soumettre à la haute approbation de M. le 
général Marey-Monge, commandant la colonne expéditionnaire 
le relevé suivant des ordres de réquisition qu’il a reçus pendant 
l'expédition qui vient de finir. 


. + a 
: : « F 
t — 209 — P 
(T1UEM 6 3 é / ‘ , : 
SAVOIR : 
N°s D & Ai ] ET 
d'ordre. Dates. ! Journées. 


1. 12 mars. Ordre du départ pour le lendemain 13 mars, . 
| avec 190 dromadaires chargés, lant par l’ad- 
ministration militaire que par les divers ser- : 
: vices, .de. camper sur le chélif sous Boghar, 
"eue 28 au soin (OR 19). 70 0 0. 570. 
9, 15 mars. Ordre de départ pour le lendemain 16, de con- 
| server les denrées de” l'administration jus- 
qu'au 48 au soir pour 180 chameaux, et d’al- 
ler prendre des vivres à Boghar pour la co- 
1 CSG, E lonne (16, 17,,48L nnshirà «He FA 540 
3. 18 mars. Ordre de départ pour le lendemain 19. avec 
122 chameaux, tenus à la disposition des di- 
vers services de l’armée, formant l’arrière- 
garde de manière à relever les charges que 
‘pourraient-abandonner les PRE pourvus de , 
mauvaises cordes (19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 
BOPLUES mars). -". --". … . Aer À 1,220 
& 98 mars. Ordre de renvoyer au dépôt 25 chameaux fatigués 
et de les rayer du.-clulire des chameaux mis. à 
la disposition des divers, services de l'armée 
(29, 30, 31 mars, 1°, 2, 3, 4 avril; 98 bêtes) 686 
5 Aavril. Ordre de réduire le chiffre des chameaux mis 
à la disposition des divers services de Par- 
mée (86 bêtes ; 5, 6, 7 avril) . . . . . 258 
6. 7 avril Ordre d'arriver à Boghar, le lendemain, avec 
AD Len Cire ETES A. MEN Le. 40 


Total général. . . . 3,314 


Diminuant le transport de Médéah à Boghar déjà payé. . . 910 


Reste à payer postérieurement, journées à 3f.50 . . . . 2.744 


L’économie.est donc de. . . . . + . “. .. : .. 96,004 fr. 


Certifié le présent état constatant que le COrps a droit à ré- 


.clamer:le paiement de deux mille sept cent quarante-quatre 
: journées de convoi, attendu que, si l'équipage n’eût pas fait te 


service, l'administration cüt été obligée de conserver les bêtes 
spas . se = Lie 44 = 


— 210 — 


des Arabes, après les avoir déchargées, où d'en requérir un plus 
erand nombre. , 


- 


Médéab, le 15 avril 48%4. 
Le chef de bataillon, 


Approuvé : J.-L. CARBUCCIA. 


Le maréchal de camp, commandant 
la subdivision de Médéah, 


Signé : MAREY-MONGE. 


Pièce J. 
Corps de dromadaires de Tittery. 


30 Expédition de Lagouath et de L’Ouarenséris. 


9501. Le chef de bataillon, soussigné, à l'honneur de sou- 
mettre à la haute approbation de M. le général Marey-Monge, 
commandant la colonne expéditionnaire, le relevé suivant des 
ordres de réquisition qu’il a reçus pendant la course qui vient 
de finir, 

SAVOIR : 


N°S 
d'ordre. Dates. Journées. 


4. 17 mars. Ordre de réunir à Boghar 277 chameaux qui se- 
ront payés comme ceux des Arabes, avec la 
réduction du sixième établie en principe par 
l’arrêté de M. le maréchal gouverneur, en date 
du 31 janvier 484%, jusqu’après paiement de 
l'avance des 10,000 fr. faite par la caisse colo- 
niale (à payer du 3 seulement jusqu’au 16in- 
Aus ite e ts 7 s BTE 
2, 16 mai. Ordre de ne conserver Ge 209 dromadaires à 
dater du 17 (jusqu’au 30 inclus). . . + + . 2,996 
3. 30 mai. Ordre d’incorporer dans l’équipige 30 droma- 
daires en sus des 209 provenant des meilleurs 
choisis dans la contribution des Larba, et à 
payer à dater du 31 (jusqu’au 7 juin inclus). - 1,912 


Ÿ ENT 


EX [1e 


4, 7 juin. Ordre de ne conserver, au départ de Taguin pour 

Tiaret, que 231 dromadaires à dater du 8 1e 

(jusqu’au 10 juin inclus). . . . 693 
5. 10 juin. Ordre de conserver à l’équipage, à Fr de 

11 juin, 15 dromadaires venus de Boghar à 

Tiaret pour y transporter des effets pour la 

troupe, ce qui porte l'effectif de l’équipage 

payé à 246 (jusqu’au 16 juillet inclus). . . . 8,856 
6. 16 juill. Ordre de ne conserver, à dater du lendemain 17, 

que 60 dromadaires pour aller à Médéah avec 

la colonne (ont cessé d’être payés le 19 inclus). 180 


Le soussigné à aussi l'honneur de relater 
les ordres suivants reçus pendant la route, 
Savoir : 


7. 16 mai. Ordre de faire partir le 17 au matin, sous l’es- 
corte du caïd Jahïa et de raïens nouveaux à 
payer par l’équipage, 52 drémadaires chargés de 
couvertures et autres effets à la destination de 
Boghar où ils doivent être arrivés le 21 mai. 260 
8. 7 juin. Ordrede faire parur, le 8 au matin, sous les ordres 
de M. le capitaine Durieu, 81 dromadaires 


chargés de denrées de ceutribation pour r Mé- 

déah oùils doivent être arrivés le 46 juin (con- 

duits par des raïens payés par | CHAR S 44 648 
Total des journées de convoi dues à Péquipage. . . 19,353 


Certifié le présent état constatant que le corps a droit de ré- 
clamer le paiement de dix-neuf mille trois cent cinquante-irois 
journées, attendu que, si l'équipage n’eut pas fait ce service. 
l'administration eût été obligée de conserver les bêtes des Arabes 
après les avoir déchargées ou d’en réquérir un plus grand 
nombre : l’économie est donc de 67,756 fr. 


Médéah, le 49 juillet 1844. 
Le chef de bataillon, 


Approuvé : J.-L. CARBUCCIA. 
Le maréchal de camp, 
commandant la subdivision de Médéah, 
Signé : MAREY-MONGE. 
44. 


— 92 — 


PIÈCES KR ET SUIVANTES. 


NOTE. 


Les quatre états suivants ont été dressés par ordre de M. le 
général Marey-Monge en exécution de la décision ministérielle 
du 22 juin 1844, pour connaître les charges que cette décision 
imposait à la caisse coloniale et présenter la situation finan- 
_cière du détachement depuis les expériences. La décision du 
22 juin ayant reçu un commencement d'exécution, nous croyons 
ulile de faire connaître ces états à nos lecteurs pour leur prou- 
ver qu'au jour du licenciement du personnel, le 5 août 1844, 
nous avions réellement fait à l’État un bénéfice de 21,900 fr. 


RE tes = “ PRIE TERRE ER EL ETN Cr rC eme 


*HONON-ATUVI : QUELS ‘duuva ap jpyoptvu 277 : ganoaddy 
*NIVATIS : Qu8is ‘una Cd tain/lo rt 


“YID9NHUV) : QU$EIS ‘uoyyoI0q op Jayo a 


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86 CLT | 68 68 16£ | £r8 
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"NIVATIS : Qu8ls VID9NHUVI : QU8IS ‘uoyj10q ap Joy oT |À 


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"AYALIIL A4 SAHIVAVKOUA 


’ 


‘saouortpdxo sop oswdos 07 smdop soumpououp sop DAQU96 UONDNNS “TOE 
"H HG 


e 


UT 


Pièce L. 


Dromadaires de Tittery. 


Situation financière de l'expérience des dromadaires lors de l’organisation ordonnée 
par M. le maréchäl gouverneur. 


503. De la pièce officielle K, il résulte que la perte des dro- 
madaires du 22 septembre 1845 au 26 févr. 1844 s’est élevée 
à 65 dromadaires, qui, s’ils eussent été payés par l'Etat au prix 
de 150 fr. représenterent .#-: LS482 1829047. 

Pendant le même temps, le général Marey- 

Monge, soit de ses deniers, soit sur ses fonds 
secrets, et l'administration pour un convoi de bis- 
buis, DD BAVE. : . 5e de Le L Li mtcet. Eau LORS 


26 février 1844. Total des pertes . . . 10,109 fr. 


L'officier payeur, 
Signé : SILVAIN. 
Certifié véritable : 
Le chef de bataillon, 
Signé : CARBUCCIA. 


Médéah, le 5 août 4844. 


en LT LÉ LS AN 4 TEL. Sr: IS ES CPE ET = ‘ 


“VIDDNaUV : Qu#ISU0r1070Q 2p Jayo à "NIVATIS : ou8is unafind 4929ÿ/J0, 


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D. 


LL H6— 


L 


Pièce N. 


Dromadaires de Tittery. | 


. 
” D 


De l’avôir et des créances de l'équipage. 
4° de l’avoir. 


305. Il existe, au 5 août 1844, dans le parc de l'équipage , 452 dro- 
madaires qui, au prix de 130 fr., valent . . . . . . 58,760 fr. 

Il existe en magasin un harnachement pour 409 dro- 
madaires et du prix au moins de . : . . . . . . 10,000 | 000 

Total de lavoir . . 7 68,760 
2 des créances. | | 

Après expédition des Onled- -Nayl, le corps a présenté 
un relevé des ordres de réquisition, donnés par M. le gé- 
néral Marey-Monge , constatant qu’il avait droit au paie- 
ment de 2,744 journées de convoi; l'administration a re- 
fusé le paiement, en se fondant sur une décision de M. le 
gouverneur, en date du 42 mars 1844. 

Pour qu'aucune difficulté relative au paiement ne püût 
être faite après l'expédition de Lagouath, M. le général 
Marey-Monge a fait connaître d’avance que les droma- 
daires ne serviraient encore, pendant crtte expédition, 
qu’à transporter les denrées de l’administration (ordre du 
3 imai);, mais l'administration, en se basant sur la décision 
du 12 mars, a continué de refuser le paiement. 

Le corps a droit, pour la course des Ouled-Nayl, d’après 
les ordres signés du général (pièce J), à 2,744 journées. 

Et pour celles de Lagouath et de Tiaret, 
d’après les ordres signés du général 
OT ES: NL Nan RES AR du | M 1 


Total . . 22,097 journées. 


Qui, au prix, non de 3 fr. 50, mais de 3 fr. (*), consti- 
tuent une créance assurée de 66,291 fr., ci. . . . . 66,291 


Au jour du licenciement, total de lavoir et des créances 135,051 fr. 


NE Médéah, le 5 août 1844. 
L'officver payeur, 


Signé : SILVAIN. Le chef de bataillon, 
J.-L. CARBUCCIA. 


(”) Les dromadaires de réquisition sont payés 3 fr. 50 c. par jour. 


— 217 — 


, Pièce 0. 


Dromadaires de Tittery. 


_ 


Résumé. — Balance, 


306. Le total de l'avoir ou des créances légitimes est 
DV os 8 à 5) v00s SUB UE, 20 

Il est à remarquer que, chaque jour, des dromadaires 
sont réintégrés à l’équipage qui, en définitive, ne perdra 
que la moitié des bêtes déjà rayées du contrôle : l’agha 
Ben-Ouada à répondu de ce résultat. 

Le total des dépenses est ou sera de . . . . . . 


Partant iv a Dénélice des 2 ti: A Die. e. 


Mais l'Etat, en payant même les 66,991 fr. provenant 
des frais de transport qu’il a réellement économisés en 
se servant des dromadaires du corps, aura encore fait 
le bénéfice du 6° qui lui est réservé par l’arrêté du gou- 
verneur (a): <£S0t EN 9pD One D SHisehosie 

Enfin, dans l’expédition du Djebel-Dira, où M. le gé- 
néral Marey-Monge à commencé les expériences, il y a 
déjà eu économie de frais de transport, d’après une 
pièce officielle (pièce H), de (b} . . . . . . . . 


Partant le total général du bénéfice produit par les 
expériences ordonnées sur les dromadaires, ou au moins 
de l’économie qu’elles auront procurée à l'Etat, est, au 
jour du licenciement du personnel . . . . . . . 


Mais il faut présenter cette question sous un autre 
point de vue, le seul véritable. 

Dans les calculs ci-dessus , on admet que lEtat ait 
payé les 83 dromadaires qui ont servi aux expériences, 
ce qui est loin d’être exact, car on n’en a acheté que 13, 
tout le reste, provenant de razzias ou de contributions, 
n’a été payé à personne. La décision ministérielle du 
22 juin 1844 n’ayant pas été mise à exécution, exami- 
nons d’après cette base, la seule véritable, le montant 
de l’économie procurée par les dromadaires à l’admi- 
nistration de la guerre. 


135,051 fr. 00 


127,677 * 74 
7,373 fr. 26 


11,048 00 


21,916 00 


MONT ges 


Au 5 août 184%, jour du licenciement, l’avoir et les 
créances sont de Ge N).".# JUSTE 1433 000 
Ajoutons les économies constatées (6) () | Lee" AA OORNSENE 


Total de l'avoir, des créances et des économies . . 149,000 fr. 00 
Diminuons les dépenses faites pendant toute l’expé- 
rience, savoir (pièces L et M):{ 247000 À : + : : 32,000 00 


Le bénefice net est de. Dre AT ee Ne TT ONE 


Médéah, le 25 août 4844. 
L'officier payeur, 
Signé * SILYAIN. 
Le chef de bataillon , 


J.-L. CARBUCCIA. 


FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES. 


LE RÉGIMENT 


DES 


DROMADAIRES 


A L'ARMÉE D'ORIENT (1798-1801). 


PAR M. JOMARD, 


Membre de l'Institut de France, ancien ingénieur à l’armée d'Orient, et commissaire du Gouvernement 
pour la publication de la Description de l'Egypte. 


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NOTICE 


SUR LE 


RÉGIMENT DES DROMADAIRES 


A L'ARMÉE D'ORIENT. 


(1798-1801.) 


L'armée d'Orient a tiré un parti avantageux en Egypte de la 
création d’un corps spécial, composé de soldats montés sur des 
dromadaires; mais on a négligé de publier ou même de rassembler 
des détails sur l’origine , l’organisation et le service de ce régi- 
ment, détails qui pouvaient, un jour ou l’autre, guider les 
chefs de nos armées dans la formation de corps semblables ; 
l’on aurait dû le faire, même au seul point de vue historique, 
et sans prévoir qu'un jour la France ferait encore occuper par 
ses troupes un autre territoire africain. Nul ne pouvait rem- 
plir cette lacune aussi bien que le général Cavalier, qui fut 
en Egypte le commandant du corps des dromadaires, qui l'or- 
ganisa dès le principe et en obtint d'excellents résultats. 
Malheureusement il n’a rien, que je sache, publié sur ce 
sujet; rien pourtant ne devait l'en empêcher ; c'était là une 
question purement stratégique et militaire; la politique n'avait 
rien à y voir; s’il eût fait part au public de ses remarques, 


expliqué ses moyens, exposé des résultats acquis pendant plu- 
sieurs années d'expérience , il aurait certainement rendu un 
grand service, 1l eùt même accompli une sorte de devoir. 

Le général Cavalier est mort, il y a peu d'années, à Alen- 
çon (le 27 septembre 1846) (1), sans l’avoir fait, et l’on ne 
peut guère, à son défaut, que donner des indications, rappeler 
quelques faits bien constatés, el rapporter les résultats de plu- 
sieurs observations personnelles confirmées Fi des témoigna- 
ges dignes de foi. 


Ayant été deux: fois en rapport en Egypte avec le chef de 
brigade Cavalier, je donnerai ici un petit nombre de remar- 
ques, tant d’après mon journal de voyage que d’après des pièces 
peu connues et des souvenirs encore présents; je neles publierais 
pas si ce n’était pour obéir à la demande expresse qu'a bien voulu 
m'en faire, à plusieurs reprises , M. le général Carbuccia , en 
s'appuyant de l’opinion de M. le général Marey-Monge (2). 

Une circonstance peut excuser le général Cavalier pour le 
silence qu’il a gardé, et venir, à certains égards, à sa dé- 
charge. Il avait été jugé très-sévèrement par Napoléon, et tenu 
presque en disgrâce, non pas pour la manière dont il avait 
organisé et commandé le régiment des dromadaires, mais pour 
sa capitulation avec le major anglais Wilson, en l’an 1x (1801). 
L'Empereur comme le premier consul, tout en lui rendant 
justice, comme à un brave homme, à un officier très-distinqué 
(ce sont ses termes), lui a reproché de s’être rendu à l'ennemi 
sans coup férir, sans résistance; il est plus que probable que 
c’est le général Menou qui a formé l'opinion du premier consul 


(4) Jacques Cavalier était né à St-André de Valborgne, diocèse d’Alais, le 2 mars 4772. 

(2) On sait qu’en 4842-1843, cet habile général, chargé d’un commandement i im- 
portant en Algérie , proposa le premier d'organiser un corps de soldats à dromadaire 
et confia le soin de cet essai à M. le général Carbuccia. Le général Bugeaud avait donné 
son assentiment à cette innovation. 


he ‘ausé | Léon + 


4 
sur les circonstances de ce fait regrettable : or, l'opinion de ce 
général était entachée de partialité; peut-on oublier que la 
plupart des corps étaient démoralisés à la fin de l'expédition, 
et que le général Menou en était lui-même la cause par les 
fausses mesures quil avait prises lors du débarquement de 
Parmée anglaise? Il semble que Fhonneur du colonel des dro- 
mädairés est resté intact : ses militaires l’ont malheureusement 
abandonné, toute résistance lui devenait impossible. Il lui 
restait à obtenir les meilleures conditions et il les a obtenues. 

Mais il ne m’appartient pas d'entreprendre ici sa justifica- 
tion; les militaires seuls peuvent prononcer, après avoir pesé, 
dans une balance équitable, les circonstances dans lesquelles le 
colonel a négocié avec le général anglais (1). 

Eé dromadaire , appelé en Egypte héquin , en Algérie, 
mehari (2), est de taille svelte ; il diffère des autres cha- 
meaux , mais non pas , Comme on le croit, en ce qu'il n’a 
qu'une seule bosse, et ceux-ci, deux; il se distingue par son en- 
colure, sa légèreté plus grande, la finesse de sa tête, de sa 
jambe et de son poil, par un pied fin et sec et une sorte d’élé- 
gance dans tout son individu, surtout par lextrème légèreté de 
sa course et encore par sa docilité (3). Son allure est l’amble ette 
trot. Cette race est à celle du chameau vulgaire des caravanes 
(Guemel où Djemel) (4), l'animal portefaix, ce que le cheval de 
course est au Cheval de trait, au cheval de roulier, à la bête 
de somme lourde ét massive. Cette distinction n’ôte rien à la 


(4) Au relour d'Égypte, le colonel Cavalier a été colonel de gendarmerie jusqu’à sa 
retraite, et fait général en 4828, puis commandant du département de l'Orne. Il des- 
cendait du célèbre protestant de son nom. (Voir l'Appendice.) 

(2) V. l’ouyrage du docteur Shaw, et la Relation du général Marey-Monge sur 
son expédition à Lagouath. 

(3) Le mot héguin, dans l’un des sens qu'on lui donne en arabe, signifie distingué, 
excellent, el aussi nobilis camelus ; hegän signifie albus et præstans camelus (Golius). 

(4) On sait que ce mot, ainsi que xæwnAos, camelus, et leurs dérivés, appartiennent 
à toutes les langues sémitiques. 


— 92% — 


valeur du chameau commun, qui rend tant de services dans la 
traversée du désert, animal si fort, si sobre et si patient, et 
dont M. Denon a pu dire, mais non sans quelque affectation, 
que la nature, après avoir créé le désert, a réparé son erreur 


en créant le chameau. 
Le dromadaire, héquin, est élevé avec le plus grand soin et 


une sorte de tendre affection par l’Arabe errant. Que de fois, 
chez les Oulad-Aly, la grande tribu des. déserts de l’Ouest, 
j'ai vu les soins, je dirai presque les égards prodigués par l’A- 
rabe à son héquin ! Avec quelle attention, à l'issue d’une lon- 
gue course, il le choie, il le frotte, il le nettoie et le caresse, 
il choisit sa pâture et sa boisson! Mais aussi, dans le désert, quelle 
nourriture? l’a’qoul, végétal épineux qui vient dansles sables(1); 
l’alfé, sur la limite; des feuilles, quelquefois de la paille, rare- 
ment de l’orge. Ce que j'ai vu dans l'Ouest du Fayoum, je l'ai 
observé de même dans le désert plus au sud, à l’ouest de 
Monfalout, etc., chez les Arabes. EU 

L'héquin est facilement disciplinable , au moins autant que 
le cheval. On le dirige tout aussi aisément. Les Arabes se 
tiennent assis sur le dos de l’animal, les jambes croisées sur 
son cou ’eten avant de la bosse. 

Personne n’ignore que le dromadaire des déserts d'Egypte 
peut facilement faire de quinze à trente lieues par journéeet 
même beaucoup plus, au grand trot, et cela, pendant plusieurs 
jours de suite, sans en être incommodé, sans boire pendant ce 
même temps, mangeant d'ailleurs assez modérément. 

Quand a été conçue la première idée de faire monter des sol- 
dats français sur des dromadaires(ce fut par le général Bonaparte 
lui-même), on pouvait craindre que l’animal ne s’habituât pas 
au bruit des détonations, à celui de la trompette et du tam- 


(1) Hedysarum al-hagi, le sainfoin des pèlerins; cette plante, qu’on à comparée à la 
manne, est tout épineuse, mais sucrée, 


ET CR ce 


— 225 — 


bour; mais on avait l'exemple des tribus arabes dont une partie 
fait un continuel usage des armes à feu; l’expérience eut bien- 
tôt fait disparaître toute crainte à cet égard. Un inconvénient 
plus réel peut-être consistait dans le mouvement alternatif que 
l'animal en marche donne au cavalier , secousse d’autant plus 
forte que le pas du dromaire est plus long. J'ai éprouvé, plus 
d'une fois, pour mon compte, cette incommodité, qu'on peut 
comparer assez bien à l'effet du tangage en mer; le long cou 
de l’animal, se portant de haut en bas et de bas en haut, pro- 
duit l'effet du beaupré qui se hausse et s’abaisse alternative- 
ment. Ce balancement ne laisse pas de fatiguer jusqu’à donner 
des nausées ; mais je pense aussi que l’habitude doit bientôt 
diminuer cet effet ; nos soldats à dromadaire ont d’ailleurs pris 
assez promptement l'attitude convenable. en raison de l'allure 
de l’animal, de façon à ne pas en être incommodés. 

C'est en nivôse an vi (décembre 1798) » au retour du 
voyage à Suez (1), que le général en chef de l’armée d’O- 
rient conçut le projet de faire monter des soldats à dos de dro- 
madaire, afin de poursuivre dans le désert et d'atteindre les 
Arabes, leurs chevaux et leurs troupeaux, de les frapper dans 
leurs biens, et de les amener ainsi à reconnaitre l’autorité .de 
l’armée française. On avait remarqué, depuis longtemps, le se- 
cours qu'apportaient aux tribus arabes leurs messagers ainsi 
montés , l’extraordinaire vitesse de leurs courses, la sobriété 
et la docilité de l’animal; mais personne n’avait songé à faire 
un corps militaire, une cavalerie régulière de soldats montés 


de cette façon ; la conception était hardie, l'exécution difficile : 


comment former les dromadaires à la manœuvre, les habituer 
à la fusillade, au son de la trompette , et surtout comment ac-. 
coutumer des Français à ce nouveau genre d’équitation ? Com- 


(4) L'ordre du jour qui crée le régiment est du 20 nivôse. Voyez l'arrêté à la suite 
de cette notice. 


45 


— 996 — 

ment composer le harnachement de Fahimal, comment le gui- 
der en marche, comment le faire obéir à lous les commande 
ments militaires ? Comment le seller, comment équiper pour 
le chargement de ses vivres, de ceux de son cavalier et dés 
munitions nécessaires ? Bien d’autres questions de détail étaient 
à résoudre avant de parvenir à former un semblable régiment, 
comptant quatre à cinq cents hommes, par exemple : c’est pour- 
tant ce à quoi on est arrivé en ässéz peu de temps : cette œuvre 
toute nouvelle fut vite accomplie, grâce au zèle, à Phabileté, à 
l'intelligence que déploya le chef de brigade Cavalier, à qui 
le général en chef Bonaparte en donna la mission. 

Il faut faire observer ici que vers la fin de septembre 1799, 
neuf mois après l’organisation effectuée, le général Desaix , 
sentant Île besoin d'accélérer à marche de son infanterie, et 
voulant éviter à ses troupes la fatigue des marches par les 
chaleurs excessives de la Haute- Égypte, envoyà, à la poursuite 
de la cavalerie de Mourad-Bey, un certain nombre de soldats 
montés à dromadaire. I! en avait formé deux colonnés mobiles, 
jointes à de la cavalerie et à de l’arüllerie. I en commandait 
une lui-même; l’adjudant général Pierre Boyer avait été chargé 
de conduire l'autre. Celui-ci partit de Syout le 1‘ octobre, at- 
tergnit Mourad-Bey et ses mamelouks, et les mit en fuite dans le 
désert, entre Sediman et les Oasis. Les soldats descéndaïent 
de chameau, sé formaient en carré, attendant et repoussant 
l'ennemi ; puis, remontant sur leurs dromadaires, ils lé 
poursuivaient à outrance. C'est ainsi que Mourad, forcé 
et épuisé, dut répasser le Nil et s’enfoncer dans le désert ara- 
bique. Boyer avait eu auparavant le commandement du Fayoum:; 
c'est dans celle dernière circonstance que je connus pour la 
première fois ce général, qui eñsuite s’est fait remarquer dans 
toutes les campagnes ; il retourna en 1824 en Egypte et fut em- 
ployé en Algérie en 1851. 


been is do. 


SONT 


Voici comme état harnaché le dromadaire de guerre. La 
bosse servait de noyau à une large selle, armée d’étriers. Dans 
le principe, on y fit asseoir deux hommes se tournant le dos. 
L'un des deux servait de guide, l’autre était plus libre de ses mou- 
vements; mais on vit bientôt les inconvénients de ce mode et on 
ÿ renonça.Ce fait, mal connu, explique la contradiction qui existe 
entre les différents rapports qu’on a faits sur ce nouveau genre 
de cavalerie. M. Martin, dans son histoire de l’expédition, est 
de ceux qui ont avancé que Fanimal portait toujours deux 
hommes adossés, regardant, l’un devant, l’autre derrière ; sans 
faire remarquer que ce système fut abandonné promptement, au 
reste, il avait été mis en pratique chez les anciens : Vide infra. 

Une des deux narinés, la droite, était percée et l’on y pas- 
sait un anneau (1), auquel s’attachait une cordelette simple ou 
double servant à arrêter, à avertir l’animal ; un licou ser- 
vait à le diriger. Une partie des bagages en armes et vivres 
élait placée dans les poches de la selle, sur les flancs de la 
bête; le fusil attaché à la selle du côté droit comme d’ordi- 
naire; lout le harnachement était parfaitement combiné comme 
équipement. Il y avait aussi des chameaux et dromadaires 
non montés, chargés des bagages: tentes, entraves, outres d'eau, 
munitions, vivres, tels que fèves, orge, etc. 

Pour dresser le dromadaire, il suffisait d’une semaine : il fal- 
lait quelquefois plus, suivant son âge; d’abord, le militaire se 
faisait suivre à pied par l’animal, en faisant toutes sortes d’évo- 
lutions, et sans le tenir ; ensuite , il montait le quadrupède ; 
puis, il l'accoutumait à se laisser diriger avec les guides. 

On sait que le chameau, chargé ou non, s’agenouille et s’ac- 
croupit à certain cri des chameliers. Ce cri est analogue à ce- 
lui que pousse ordinairement l'animal lui-même ; avec un autre 


cri on le fait relever; nos soldats , en imitant ces cris, sont 


(1) Cet usage est très-ancien, (Voy. Bochart, Hierozoïcon, t. 4, p. A7, Lipsiæ, 4798.) 
45. 


— 228 — 


venus facilement à bout de faire accroupir leurs dromadaires , 
chose nécessaire pour les monter commodément ; Où pour en 
descendre ; les étriers n’auraient pas suffi pour cela. Quelque- 
fois l’animal se relève très-vite , ce qui cause une rude se- 
cousse au cavalier ; mais on peut encore le dresser à se lever 
plus lentement, car il est plus docile et plus intelligent qu’on 
ne le pense d'ordinaire ; c’est faute de patience qu’on a cru 
trouver de l’obstination et même de la férocité dans l'animal ; 
il ne demande, pour obéir, que de bons traitements et des 
soins de la part de celui qui le dresse. | | 
C’est en revenant de son voyage à Suez , ainsi que je l'ai 
dit, que le général en chef entretint Berthier, pour la première 
fois, de l'avantage qu'il y aurait d'employer les dromadaires 
pour l'usage à la guerre; non pas seulement pour la correspon- 
dance ou pour le transport des fardeaux (depuis longtemps on 
les appliquait à ces deux usages), mais pour transporter à une 
grande distance des hommes armés, pour mener rapidement 
de l'infanterie jusqu’au cœur du désert. Les objections ne man- 
quèrent pas; mais le général Bonaparte tint. bon; il alla plus 
loin et dit qu’il voulait créer un corps régulier, former un vrai 
régiment, organisé seulement d’une manière spéciale pour ce 
nouveau service. « Vous choisirez, dit-il à son chef d’état- 
« major, des hommes d'élite dans l’infanterie, non dans la ca- 
« valerie, qu’il ne faut pas affaiblir ; on prendra les hommes les 
« plus résolus et les plus intelligents ; il y aura deux esca- 
« drons, de quatre compagnies chaque, etc. (1). » L’empres- 


(1) Voy. plus loin Parrêté. « Le général en chef a ordonné la formation d’un régiment 
d'hommes montés sur des dromadaires. Cet animal est très-leste à la course... il sup- 
porte facilement la fatigue, Ja faim et la soif, de sorte qu'il est très-propre à faire les 
marches dans le désert, et la troupe qui vient d’être organisée est le vrai moyen qu’il 
fallait employer pour contenir les Arabes. 11 y a eu parmi les militaires un grand em- 
pressement à entrer dans ce corps. » (Courrier de l'Égypte, ne 27; 9 pluviôse an wi 
(40 fév..1799.) Fi F 

Je ferai ici une courte mention d'une autre application (faite par Larrey) du chameau 
aux besoins de la guerre, Il s’agit des ambulances légères qu'il créa pendant lexpé- 


— 929 — 

sement fut grand de la part des fantassins, mais on réjeta plus 
de la moitié de ceux qui se présentèrent, afin de n'avoir que les 
meilleurs soldats (1). Le chef de brigade Cavalier, une fois mis 
à la tête du corps et chargé de l'organisation, vint à bout de dis- 
ciplinér ces hommes parfaitement, quoique la plupart fussent des 
hommes assez turbulents. C’est bien postérieurement à cette épo- 
que, ainsi qu'on l’a vu, que l’adjudant général Boyer, à la tête 
d’un certain nombre d'hommes montés sur des chameaux, se mit 
à la poursuite de Mourad ét réussit à le rejoindre. Ces hommes 
ne faisaient pas partie du régiment des dromadaires ; ainsi s’ex- 
pliquent, et la contradiction qui existe entre les divers rap- 
ports, et l’opinion de ceux qui ont dit que ce corps avait été com- 
mandé par Boyer. 

À peine créé, le régiment rendit immédiatement de grands 
services. Les tribus hostiles, et c’était le grand nombre, gê- 
naient la marche de nos petits détachements, enlevaient les 
convois , pillaient les récoltes, infestaient la campagne, puis 
emportaient au loin dans le désert leur butin, et quelquefois des 
prisonniers auxquels ils faisaient un mauvais parti. Mais les 
chevaux les plus légers sont atteints à la longue par l’héguin, 
qui, lancé au grand trot, suit presque le cheval au galop et 
finit par le Joindre. 


Quand un détachement de ce corps était attaqué par des forces 


dition de Syrie. Deux paniers étaient attachés aux flancs d’un chameau ; chacun portaitun 
malade ou un blessé , mollement couché sur des matelas. IL y avait par division 24 cha- 
meaux pareils, en outre de ceux qui portaient les équipages. Les chirurgiens étaient 
“également montés sur des dromadaires. Les ambulances étaient assujetlies à un règle- 
ment, et les fonctions de tous bien déterminées. (Descript. de l'Égypte, in-8°, t.13, 
p. 204; Et. Mod., Arts et Métiers, pl. xxx.) 


(4) Je tiens ce fait du colonel Pretot, qui a servi lui-même dans le corps des droma- 
daires. Il ajoute que, du cominencement à la fin, plus de 4,500 hommes ont fait partie 
du régiment. Il dit encore que plusieurs militaires ne pouvaient supporter la fatigue de 
ce service, à cause du mouvement saccadé imprimé par l’animal, ce qui causait à plu- 
sieurs le crachement de sang; c’est pourquoi il fallait souvent les remplacer par des 
hommes plus robustes, 


: "500 


supérieures, il se mettait en défense de la manière suivante : 
chaque soldat faisait agenouiller son dromadaire, en descendait 
et se retranchait par derrière ; ainsi protégé, il faisait usage de 
ses armes. Dans d’autres eirconstances, l’escadron, la compagnie 
ou le détachement se rangeait en bataille, manœuvrait avec 
précision selon des règles particulières, différentes des manœu- 
vres et des exercices de la cavalerie. Une fois la tribu hostile 
atteinte par les dromadaires, on faisait descendre les soldats ; 
ils se formaient en bataillon et les Arabes étaient facilement 
soumis. Ce corps, tout composé de fantassins, tenait à la fois de 
l'infanterie et de la cavalerie ; mais il faut surtout l’envisager 
comme une troupe de fantassins, ayant la faculté de se trans- 
porter très-vite à sa destination. 

Il est sensible que tout l'avantage qu'a eu le régiment des 
dromadaires à l’armée d'Orient venait de la nature du sol qu’il 
avait à parcourir ; un pays plat, un terrain sablonneux, sont en 
effet des conditions de succès qu’on ne trouverait pas partout. 
Ainsi, l'on a éprouvé, en Syrie, que dans les parties maréca- 
geuses, et là où le terrain est détrempé par les pluies, l’animal 
glissait souvent sous le poids de sa charge , et ne faisait plus 
un bon service. 

Par son ordre du jour du 27 vendémiaire an vur, Kléber or- 
donna de compléter le régiment par des cavaliers non montés et 
les plus propres à ce service. Il s’écartait ainsi un peu du prin- 
cipe posé par son prédécesseur, mais il était indispensable de 
remplir les vides dans un corps qui rendait de grands services. 

On à beaucoup parlé du brillant uniforme rouge que portaient 
les soldats-dromadaires (après l'avoir d’abord porté de couleur 
grise), et même de la multiplicité de leurs costumes à plusieurs 
couleurs, imaginés, disait-on, pour faire croire aux Arabes que 
cette troupe était infiniment plus nombreuse; ce bruit, qui à 
couru, ainsi que plusieurs autres semblables, était dépourvu de 


| 
. 
| 


— 0 — 


fondement : l'uniforme de hussards qu'ils portaient (ou analo- 
gue du moins) a pu seul donner naissance à cette supposition. 
I est vrai que ce corps privilégié, qui a eu souvent l'occasion 
de faire de riches captures, excilait l'envie d’une partie de 
l'armée ; mais il a dignement répondu aux bruits divers répan- 
dus sur son compte en faisant don, aux aveugles de l’armée, 
des sommes provenant des prises qu'il avait faites sur les 
Bédouins (1). 

Leur selle était recouverte d’une grande chabraque; la 
coiffure était une sorte de schako large et élevé: ils portaient 
une courbaque à la main pour presser l’animal, et avaient au- 
tour des reins une forte ceinture (2). 

Au total, cette nouvelle troupe avait un aspect imposant et 
produisait un grand effet, dont dépose le major anglais Wilson 
lui-même dans sa relation , quand il dit que ces hommes, 
arrivés dans le camp anglais, excitèrent la surprise et l’admira- 
tion générales. On les voyait figurer avec avantage dans nos 
cérémonies militaires. Ils défilaient dans les revues.et les pa- 
rades, aussi bien alignés que la cavalerie, ce qui prouve assez, 


par parenthèse, la docilité du dromadaire. 


Le régiment de dromadaires a fait des excursionsdignes d’être 
citées, c'est la meilleure preuve des services que peut rendre 
un pareil corps dans des circonstances semblables. En huit 
jours , un détachement du corps est allé du Caire à El-Arich, 
d’El-Arich à Suez, de Suez au Caire, du Caire à Peluse, et enfin 


(4)Je citerai ici : 4° une lettre du chef de brigade Cavalier du 8 ventôse au général en 
chef (ordre du jour du 9 ventôse), annonçant que le régiment faisait don aux invalides 
de l’armée du produit de la dernière caravane qu'il avait prise, et qui était chargée de 
grains destinés à l'ennemi ; 2° l’ordre du jour du 5 floréal an 1x (25 avril 4804), par le- 
quel-le général en chef distribua mille piastres fortes données par le régiment des dro- 
madairesaux sous-officiers et soldats de la brigade des invalides aveugles. (Courrier de 
l'Égypte, n° M3.) Les invalides sortis du régiment ont {toujours eu part à la distribu- 
tion des prises. 

(2 Voyez la figure représentant ces militaires dans la Relation militaire et scien- 
tifique de l'expédition d'Égypte, dernière planche. : 


— 932 — 

est revenu de Peluse au Caire : je tiens ce fait de M. le colonel 
Prétot. Habituellement ils faisaient trente lieues tout d’une 
traite. Cette rapidité d’évolutions les faisait craindre extrême- 
ment des tribus ennemies ; ils étaient en quelque sorte la déso- 
lation des Arabes; un petit nombre de ces militaires procu- 
raient des résultats qui auraient exigé plusieurs bataillons d’in- 
fanterie. M. le colonel Prétot m’a raconté qu’une fois une dizaine 
au plus de ces soldats furent envoyés au camp des Billis, tribu. 
des déserts de l’Est, qui comptait huit mille cavaliers ; par une: 
visite en forme, faite sans obstacle, ils s’assurèrent qu’on ne 
transportait pas des denrées prohibées , des marchandises de 
contrebande; tous les sacs furent ouverts, et personne ne 
bougea. 

Les ris don dune ont fait la campagne de Syrie, au 
moins la moitié du corps (1); le général Bonaparte en avait 
plusieurs dans son escorte. Le général lui-même se servait assez 
souvent de cette monture quand il voyageait dans le désert (2); 
il en avait reconnu l’avantage pour son propre compte, et1l 
avait même constaté qu'on peut en faire usage pour l'artillerie, 
c’est-à-dire, atteler l’animal au canon. Conté avait eu l’idée de 
faire passer ainsi l’artillerie entière en Syrie par le désert, au 
lieu de l’envoyer par mer (3). 

Le régiment a donné dans la bataille du 50 ventôse devant 
Alexandrie ; chargé de faire, pendant la nuit, une fausse atta- 
que le long du lac Madiéh, il déboucha sur la digue et fit met- 
tre pied à terre à ses cent hommes, attaqua la redoute qui cou- 


(4) Les guides et les dromadaires, ensemble, y étaient au nombre de 488. 

(2) Pendant le séjour du général en chef à Caliéh, le 47 et le 48 prairial an, vu, il 
visita à dos de dromadaire la partie orientale du lac Menzaléh , en compagnie des géné 
raux Menou, Berthier, Andréossy, Letureq, montés comme jui, (Courrier de l'Égypte, 
n° 34.) 

(3) Les roues des pièces auraient eu des jantes et des bandes très-larges pour s ’enfon- 
cer moins dans le sable. (Voyez la Biographie de Conté, 2 édition, in-12; page 50:) 
Qui peut dire les suites qu’aurait eues la prise de Saint-Jean-d’Acre, si l'artillerie. n’a- 
vait pas été enlevée par la flotte anglaise ? 


— 933 — 
vrait l'aile gauche des Anglais, y pénétra sans tirer un coup de 
fusil, par l’embrasure des canons, s’en empara ainsi que de 
l'artillerie, malgré le feu des barques canonnières du lac qui 
le prenaient en flanc, et il détruisit ou fit prisonnier tout un régi- 
ment qui défendait la redoute : action d’éclat qui fitle plus grand 
honneur au régiment des dromadaires et surtout à son chef. 

Pendant toute l'expédition, le corps a été éminemment utile 
à l’armée. Il assurait les communications, portait les dépèches 
avec rapidité, allait à la découverte, empêchait les incursions 
des tribus hostiles. 

Ici se place naturellement le récit d’une aventure qui fait 
honneur au colonel Cavalier: c’est l'une des deux occasions où 
j'ai dit que j'avais été. en rapport avec lui ; je raconterai le fait 
comme un exemple de plus des services qu’a rendus le corps 
des dromadaires. Peu après la funeste bataille du 30 ventôse, 
quarante membres de la commission des sciences furent autori- 
sés à se rendre du Caire à Alexandrie, par le général Belliard qui 
commandait en chef dans la première de ces villes ; un grand 
nombre d'individus dont beaucoup de malades , et plusieurs 
même attaqués de la peste, se joignirent à eux; le tout, com- 
posait un convoi de cent vingt barques. On naviguait par un 
affreux temps de khamsyn.-Les membres de la commission, qui 
se trouvaient à bord, arrivèrent sur les quatre heures à Rah- 
manyéh ; c'était le 21 germinal ; là, on sut qu’une partie de 
l'armée anglo-turque était déjà arrivée à Berembal, au nombre 
de quatre mille hommes. Le commandant de la place, homme 
brutal autant qu’ignorant, déclara tout haut qu’il s’opposait au 
départ des membres de la commission des sciences pour 
Alexandrie, qu'il les renverrait au Caire , pieds et poings 
liés, plutôt que de les laisser aller à Alexandrie, accom- 
pagnant ces menaces de force injures et mauvais traite- 
ments; le tout sous prétexte que ces quarante nouvelles 
bouches allaient affamer la place d'Alexandrie. Le secrétaire 


— 9234 — 


perpétuel de l’Institut, Fourier, fut reçu indignement par cet 
officier, dont les grossières paroles furent le signal d’une sorte 
de révolte parmi ses soldats ; plusieurs d’entre eux, excités par 
son langage, méditant le pillage et la spoliation, se crurent auto- 
risés à ouvrir les caisses qu’on venait de débarquer sur la rive; la 
nuit venue, ils en enfoncèrent plusieurs, et, n’y trouvant que des 
objets d'histoire naturelle, apparemment pour eux sans valeur, 
tels que des minéraux et des fossiles, les jetèrent par la place, 
en poussant mille cris confus. Ainsi ces malheureux allaient dé- 
truire à.plaisir des collections qui avaient coûté aux natura- 
Histes, aux ingénieurs, aux artistes, tant de fatigues, et ils fai- 
saient voler dans la campagne de précieux échantillons, pour 
se venger des savants , auteurs, disaient-ils, de toutes leurs 
misères : un pareil scandale ne s'était jamais vu pendant tout le 
cours de l'expédition. 

Par fortune, le colonel Cavalier venait d'arriver d'Alexandrie 
à Rahmanyéh, se rendant au Caire avec son corps. Quand il 
sut ce qui se passait, il en fut étonné, indigné même, d’autant 
plus qu'ilavait plusieurs fois fait servir ses dromadaires à 'es- 
corter les membres de la commission des sciences, à protéger 
leurs travaux. J'avais moi-même eu recours au colonel Cava- 
lier pendant mes opérations dans l’Heptanomide, attendu qu'il 
mesfallait pénétrer dans le désert, en présence de tribus plus ou 
moins hostiles ou amies. (Voir mes Observations sur les Arabes 
de l'Egypte moyenne, description de l'Egypte.) Le colonel nous 
dit alors : « Eh bien! puisque le commandant du fort refuse de 
« vous faire escorter jusqu'à Alexandrie , moi , je m'en 
« charge, et je réponds de tout. Je vous accompagnerai moi- 
« même avec une escorte suffisante; le reste de ma troupe ira 
« au Caire et je la rejoindrai à temps. » Dans la nuit, le dés- 
ordre ayant cessé, on fit tous les préparatifs ; avant le jour, la 
caravane était rassemblée devant le fort, et formée d’une mul- 
ütude de personnes qui s'étaient jointes à la commission. On se 


mt x« 
ex 


be ss tr 


— 995 — 


mit en marche, avec trois cents chameaux chargés , précédé 
par une partie du régiment des dromadaires et suivi par une 
autre. On traversa péniblement des terrains inondés par suite 
de la coupure faite par les Anglais : on marchait au fond du lac 
Maréotis, lac encore à sec peu de jours auparavant, actuellement 
détrempé de manière à rendre le sol horriblement glissant, et la 
marche excessivement difficile pour les chameaux, non moins 
que pour les piétons. Les soldats et les officiers du régiment, 
pendant cette marche qui dura trois jours et deux nuits cruelles, 
s'empressèrent de venir au secours des plus malades. Ÿ/ 

C’est ainsi que le colonel Cavalier, par sa généreuse démar- 
che, contribua à sauver les collections de tout genre, formées, 
à travers mille périls, par la commission des sciences d'Egypte, 
qui lui en a témoigné plus d’une fois sa reconnaissance ; au- 
jourd'hui qu'il n’est plus, il est juste de payer encore une fois 
ce tribut à sa mémoire. M 

Le général Menou, approuvant la conduite du commandant 
de Rahmanyéh, voulut d’abord nous faire repartir sur-le-champ 
pour le Caire, puis, se ravisant , il nous défendit seulement 
d'entrer en ville et ordonna de nous mettre en quarantaine. 

Le nombre de quatre cents hommes environ pour leffectif du 
régiment, et non pas, comme on l’a dit, de sept cents et de huit 
cents à la fois, est confirmé par le détail des individus de ce corps 
gui ont été recensés lors de l'évacuation de l'Egypte. Dans la ca- 
pitulation du Caire, on voit figurer 177 hommes du régiment 
des dromadaires ; 85 hommes se trouvaient dans le déta- 
chement du colonel Cavalier, qui capitula devant Al-Cam ; 
enfin, lors de la capitulation d'Alexandrie, on compta 278 
hommes du corps des dromadaires , des Syriens et des gui- 
des (1); en admettant, pour les premiers, la moitié de ce 


(1) History of the british expedition to Egypt, by R. Th. Wilson, Appendix, 
p.310, 


= 936 — 


dernier nombre, on n’a que 401 hommes en tout; L'An= 


nuaire du Kaire pour l’an var (4800), qui place ce régiment à 
la suite de la cavalerie, fait seulement mention d’un chef de bri- 
gade et de deux chefs d’escadron. L'arrêté de création du 20 
nivôse an vi supposait 495 hommes ; maïs je doute que le 
corps ait jamais compté ce nombre au complet. Les archives 
militaires contiennent un registre matricule de 589 hommes, 
non compris ceux qui étaient officiers à la formation du régi- 
ment : ce registre a servi pour leur incorporation dans la gen- 
darmerie nationale, ordonné par l’arrêté du 18 fructidor an 1x. 
Au retour en France, l'effectif présentait 540 hommes dont 25 
officiers, et, d’après un autre état, 320 hommes dont 2% offi- 
ciers, répartis en trois escadrons de 2 compagnies chacun. 

Les registres et la correspondance font aussi mention d’un 
certain nombre de canonniers. 
= Les inspecteurs généraux qui ont été chargés de l'inspection 
du corps à son arrivée s’accordent à faire l'éloge des qualités 
militaires des hommes de ce régiment, et les qualifient d’hom- 
mes d'élite. 
Le ministre de la guerre Berthier reçut l’ordre du Premier 
Consul d'accéder à leurs demandes ; la correspondance n’offre 
aucune trace de l'impression qu'aurait pu produire la capitu- 
lation d’Al-Cam. Par arrêté des Consuls du 18 fructidor an 1x, 
ils ont été incorporés dans plusieurs légions de la gendarmerie, 
à l’exception des Maltais et des Italiens qui ont été licenciés. 


EMPLOI DES CHAMEAUX A LA GUERRE CHEZ LES ANCIENS. 


J'ignore si, lors de la création du régiment de dromadaires, 
le général Bonaparte se souvint des essais faits chez les'an- 


| 


— 231 — 
ciens , où bien, ce qui est plus probable, si ce fut une inspira- 
tion spontanée. Quoi qu'il en soit, il ne sera pas déplacé de 
dire un mot de ce sujet, en citant les passages que l'antiquité 
nous à transmis (1). Un des plus directs et en même temps 
celui qui a le plus d'autorité, c'est celui d’'Hérodote, qui se 
rapporte à la bataille devant Sardes gagnée par l’armée des 
Perses contre celle des Lydiens. « Cyrus, dit le père de l’his- 
toire, craignant la cavalerie des Lydiens , rassembla tous les 
chameaux de son armée, et, en place de leur charge, il y fit 
monter des soldats en quise de cavaliers, vêtus et équipés comme 
tels ; il les plaça en tête,.en face de la cavalerie de Crésus , et 
sa cavalerie proprement dite en arrière. Il en usait ainsi parce 
que le cheval craint le chameau, à ce point qu'il ne peut l’en- 
visager m1 en sentir l'odeur. Aussi, dès que l’action fut enga- 
gée, et que les chevaux des Lydiens eurent vu et senti les 
chameaux, ils tournèrent bride, et l’armée de Crésus prit la 
fuite (L. 1, 80). » Hérodote, dans un autre passage, répète que 
les chevaux ne supportent point les chameaux (L. vir, 87). 

C'est aussi ce que dit Pline des chameaux : Odium adversus 
equos gerunt naturale (L. vx, c. 18) (2); mais , en outre, il 
nous apprend qu'en Orient on s’en sert à la guerre, et qu’on 
les monte comme des chevaux. Camelos inter jumenta pascit 


e 


Oriens, quorum duo genera, bactriani et arabici.…. Omnes autem 


(4) Je n’abstiens de citer tous ceux qui ne parlent que de la vélocité bien connue de 
l'animal et qui ne traitent point de son usage à la guerre, Par une raison analogue, je 
ne citerai pas les médailles romaines , où le chameau est représenté , et qui ont été 
frappées à la suite de la conquête de l'Arabie : ARABIÆ ACQUISITÆ, ARABIA AUGUST! 
PROVINCIA, elc. : le chameau n’y est pas figuré comme animal de guerre, (Voy. Span- 
heim, De præstantia et usu numismatum antiquorum, tom. 4°", p. 484, dissertat. [V, 
Londin., 1706.) Ilen est de même des chameaux qui étaient employés dans les courses, 
dans les jeux du cirque, de ceux qu’on entretenait aux frais du trésor, des quadriges 
de chameaux, etc. (Voir à ce sujet Suétone, Procope, Lampride et autres.) 

(2) Sonnini relève Pline à cette occasion ; il n’admet pas que le chameau ne peut 
souffrir le cheval. En effet, j'ai yu cent fois ces deux espèces d'animaux paître en- 


“semble. Cependant trois passages de Xénophon (Cyrop., L VI, e, 2, et 1. VII, c. 4) 
ajoutent dé l'autorité à l'opinion de Pline : ils seront cités plus loin, 


'ONR 

jumentorum in üs terris dorso funguntur, atque etiam equitan 
tur in præliis.… odium adversus equos gerunt naturale.… Cas- 
trandr genus etiam fœminas quæ bello præparantur inventum est : 
fortiores ita frunt coitu negato. 

« L'Orient nourrit, entre autres animaux domestiques , des 
chameaux de deux espèces, ceux de la Bactriane et ceux de 
l'Arabie. Tout le monde en use comme de chevaux, et, dans les 
combats, on en forme une cavalerie... On a imaginé de châtrer 
les femelles qui sont destinées pour la querre, afin de les ren- 
dre plus robustes. » 

Tite-Live n’est pas mois positif, lorsqu'il raconte la bataille 
livrée par Lucius-Cornelius Scipion au roi Antiochus : l’armée 
royale , outre ses chevaux et ses éléphants, avait des chameaux 
de guerre, des dromadaires montés par des archers arabes, por- 
tant des épées longues de quatre coudées, afin que , placés à 
une si grande hauteur, ils pussent atteindre l’ennemi. 

« Ante hunc equitatum falcatæ quadrigæ et cameli quos appel- 
lant dromadas: his insidebant Arabes sagittarii, gladios haben- 
tes tenues, longos quaterna cubita, ut ex tantà altitudine con- 
tingere hostem possent (L. XXXVIL, ec. 40). » 

On peut remarquer ici qu'Antiochus plaça ces hommes en 
tête de son armée comme avait fait Cyrus, mais que l'issue 
fut différente. Voici comment s'explique Hygin sur l'emploi 
des chameaux dans l’armée romaine : Camelis cum suis epibats 
singulhs, pedes quinque adsignabimus : tendere debebunt, si in 
hostem exiturierunt, in prœtentura juxta classicos: si ad prædam 
portandam præsto erunt, secundum quæstorium tendere debe- 
bunt. (Hygin. Gromatic. De Castrametatione, p. 10, Amstelod, 
1660, curante R. N. S.) Le mot d’epibates s’entend ici de ceux 
qui montent les chameaux : voilà bien lusage des chameaux à 
la guerre. Le passage de Tacite (Annal. XV) ne laisse pas plus de 
doute : Comitabantur exercitum præter alia assueta bello magna 


r— 939 — 
vis camelorum onusta frumento, ut Simul hostem famemqué 
depellerent. 

Diodore parle aussi de l’emploi des chameaux à la guerre, 
et de plus il distingue les chameaux destinés à la course par le 
nom de dromadaires. « On y trouve encore (en Arabie), dit-il, 
des races nombreuses et distinguées de chameaux... les uns, 
soit par le lait qu’ils donnent, soit par leur chair bonne à man- 
ser, pourvoient abondamment à la nourriture des habitants, 
les autres, que l’on exerce à recevoir sur le dos des fardeaux 
considérables , portant de cette manière jusqu’à dix médimnes 
dé blé (4 à 5 hectolitres), avec cinq hommes placés sur un bât. 
Il en est aussi qui, ayant les jambes fines et le corps grêle, 
sont plus propres à la course... Enfin ces animaux servent 
même à la guerre. Es sont alors ordinairement montés par deux 
‘archers qui se placent dos à dos, et dont l’un combat de face, 
tandis que l’autre, en cas de retraite, écarte l'ennemi qui est 
à leur poursuite (Diodore, L. IE, c. 54, traduction de Miot). 

Le même auteur parle encore des chameaux dans le livre rt, 
soit pour citer seulement les chameaux sauvages (c. 45), soit 
pour vanter leur utilité. « Les Arabes Dèbes.. élèvent de nom- 
breux troupeaux de chameaux, et tirent de cet animal tout 
ce qui peut être utile aux besoins de la vie. Fls s’en servent à 
la querre pour combattre leurs ennemis, transportent sur son 
dos les plus lourdes charges... Montés sur les chameaux droma- 
“aires, ils parcourent rapidement toute lacontrée (L. u1,c. 45). » 

Enfin, au livre xx, ec. 37, Diodore revient sur les chameaux 
dromadaiïres employés aux courses rapides. « Cette espèce de 
monture peut parcourir de suite, à très-peu de chose près, 
iille cing cents stades (plus de 60 lieues). » 

Xénophon nous apprend (Cyrop. L. vr, e. 2) que Cyrus, sur 
le point de combattre l’armée de Crésus, avait chosi des ar- 
chers dans ses troupes et les avait fait monter à chameau, deux 


— 2h40 — 


par deux, sur chaque animal. « Les chevaux, dit-il, ne peuvent « 
pas soutenir la vue d’un chameau; » et, L. vir, €. 4, racontant la 
bataille livrée aux Lydiens, l'historien explique la déroute 
de ceux-ci de la manière suivante. : « On attaqua l’aile gauche 
de l'ennemi, les chameaux en avant, comme l’avait ordonné 
Cyrus. La cavalerie, tenue en arrière à une grande distance, 
ne pouvait les apercevoir, tandis que les chevaux de l'ennemi, 
tout effrayés à leur aspect, prenaient la fuite, ou se cabraïent, 
ou se ruaient l’un sur l’autre. » Puis, Xénophon ajoute une cir- 
constance assez digne de remarque : c’est que les archers de 
Cyrus, tout en portant ainsi la terreur dans la cavalerie de l’en- 
nemi, ne tuèrent pourtant aucun des cavaliers , ni ceux-ci 
aucun des archers, par la raison qu’ils ne s’approchaient pas 
assez les uns des autres. Le judicieux auteur termine par une 
“réflexion qui nemérite pas moins d’être remarquée : « cet emploi 
des chameaux, dit-il, a paru avantageux ; mais personne, par- 
mi les braves, ne veut se servir des chameaux pour les monter, 
ni pour combattre... » (Cyrop., I. vu, ec. 1, ad finem). 

Deux passages de la Bible, l’un de Jérémie, l’autre d’Isaïe, 
font mention du chameau comme bête de somme et comme 
animal de course, mais non comme animal de guerre... Dans 
le premier, le prophète, apostrophant la cité infidèle, la com- 
pare à une femelle de dromadaire : « Sache ce que tu as fait, 
dromadaire légère , courant ça et là (Jérémie, c. 11, v. 23). » 
Les commentateurs font remarquer à cette occasion que la fe- 
melle a une course encore plus rapide que le mâle; c’est en effet 
ce que nos soldats ont observé en Egypte. Dans le second pas- 
sage, Isaïe dit : « Les dromadaires de Midiane et d’Epha vien- 
nent tous de Scheba (Saba) ; ils portent de l’or et de l’encens.…» 
(Isaïe , c. 1x, v. 6.) Je ne cite pas le savant commentaire de 
Bochart (Haierozoic., t. 1°, p. 17), parce qu'il ne dit presque 
rien de l’usage des dromadaires à la guerre. 


14 


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L 


— 241 — 


On voit les chameaux mentionnés une seule fois dans les 
Commentaires de César; c’est à l’occasion de la capture des 
chameaux du roi Juba (Hirtius, De bello Afric., Lxvun). Mais 
faut-il en conclure que ces chameaux servaient à la guerre? 

Je ne dois pas négliger deux passages d’'Hérodien: au li- 
vre xiv de son histoire, il raconte que Macrin avait devant lui 
l’armée d’Artaban, roi des Perses, composée d’une immense 
cavalerie, d’une multitude d’archers, et en outre de soldats ca- 
taphracti (1) montés sur des chameaux, tous combattant avec 
de très-longues lances. (Herod. historiar..…., Lipsiæ 1805, &. 1v, 
p. 81.) Puis l'historien raconte la bataille livrée aux barbares. 
Les soldats montés à chameau combattirent et se conduisirent 
absolument comme les cavaliers. Les barbares, dit-il, lorsqu'ils 
sont montés sur leurs chevaux ou sur leurs chameaux, se bat- 
tent avec intrépidité ; mais, une fois démontés, ils n’osent plus 
combattre, et, S'il faut poursuivre l'ennemi, ils en sont empé- 
chés par leurs habits. 

Deux passages de l’ Histoire de la querre des Vandales, par 
Procope, sont encore à citer par extrait. L'auteur raconte que, 
dans une bataille entre les Romains et les Maures, la cavalerie 
romaine, effrayée par les chameaux de l’armée ennemie, fut 
repoussée. Des fantassins maures, armés de javelots et d'épées, 
combattaient retranchés entre les jambes des chameaux. » 
(L. 1, c. 8, et L. n1, c. x1, De bello Vandal.)(2). C'est ainsi qu’en 
usaient nos soldats du régiment des dromadaires d'Égypte, 
comme nous l’avons dit plus haut. 

Il me reste à citer la Notice de l’Empire; les cavaliers dro- 
madaires y figurent plusieurs fois : « Ala tertia dromedario- 
rum, Maximianopoli; ala secunda Herculis dromedariorum, 


(1) Ge nom se donnait à des cavaliers armés de toutes pièces. 
(2) Voy. aussi Recherches sur la régence d'Alger, par une commission de l'Aca- 
démie des inseriptions et belles-lettres, rapporteur M. Dureau de la Malle. 
46 


zx ie 
Psinaula ; ala prima Valeria dromedariorum , Prectéos. Ainsi 
voilà trois escadrons de dromadaires postés dans l'Egypte seule. 
On voyait aussi en Palestine un détachement de ces troupes : 
Ala Antana dromedariorum, Admathæ (1), 
Tous ces passages mettent hors de doute l’usagé des dro- 


pi 


madaires à la guerre du temps de l'antiquité. Ce ne fut donc pas 


absolument une innovation que la création d’un régiment pa- 
reil au temps de l’expédition française d'Orient. Cela étant, 
on à lieu de s'étonner qu'après de pareils exemples, surtout 
après l’expérience faite en Egypte, après les résultats obtenus, 
on ait hésité à organiser, en Algérie, un corps semblable; non 
pas qu’on puisse le faire servir dans toutes les parties du terri- 
toire indistinctement; mais combien il est de localités où il 
rendrait d’éminents services ! On connaît d’ailleurs l'essai qu'a 
tenté avec succès le général Marey-Monge dans l’expédition 
d'El-Aghouat, ei je ne puis que renvoyer à sa relation : c'en 
devait être assez d’une tentative aussi heureuse pour décider 
la question administrative. 


AU QUARTIER GÉNÉRAL DU CAIRE, LE 20 NIVOSE, AN 7 DE LA 
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 


Ordre du jour du 20 mivôse an 7. 


BONAPARTE, GÉNÉRAL EN CHEF, ordonne : 
ARTICLE PREMIER. 


Il sera créé un régiment de dromadaires, qui sera composé 
de deux escadrons ; chaque escadron, de quatre compagnies: 


(4) Nofitia dignitatum utriusque imperit, Venetiis 4602, p. 90, 9. 


[} 


Ko 2 
"2 à 


— 2943 — 
chaque compagnie, d’un capitaine, d’un lieutenant, d’un ma- 
réchal des logis chef, de deux maréchaux des logis, d’un bri- 
gadier-fourrier, de quaire brigadiers, d’un trompette et de cin- 
quante dromadaires. 
Arr. 2. 


Chaque escadron sera commandé par un chef d’escadron ; le 
régiment par un chef de brigade, un adjudant-major, un 
quartier-maitre, et des chefs d'ouvriers nécessaires. 


ART. 8. 


Les hommes seront montés sur un dromadaire , armés de 
fusil, baïonnette, giberne, comme l'infanterie, et d’une très- 
longue lance. Ils seront habillés de gris, avec un turban etun 
manteau arabe, conformément au modèle qui sera fait. 


ART. 4. 


L'ordonnateur en chef, les chefs de brigade Bessières , De- 
trée, Duvivier, se concerteront pour faire confectionner un mo- 
dèle d’harnachement et d’habillement complet, qui sera remis 
à l'état-major général, le 25 nivôse au plus tard. 


Signé : BONAPARTE. 


Par arrêté du 28 nivôse, le chef de brigade Cavalier, de la 
12° demi-brigade légère, est nommé commandant du 1* es- 
cadron du régiment des dromadaires. L'arrêté de nomination 
est ainsi conçu : « Le général en chef, connaissant la bravoure, 
la capacité et l’activité du chef de brigade Cavalier, ordonne 
qu'il prendra le commandement du 1° escadron du régiment 


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TABLE DES MATIÈRES. 


Pages. 


PREMIER RAPPORT. 


RAPPORT A M. LE MARÉCHAL BUGEAUD, GOUVERNEUR] GÉNÉRAL DB L'ALGÉRIE (4). À 
Du dromadaire. — Division de ce rapport (2). 
RER Er. tre HISTOIRE NATURELLE, ma ereniaremrerceonéné ares de 
Obseryation première (3). — Physiologie en général (4). — Chargement 
_ du dromadaire (5). — Age (6). — Rut (7). — Castration (8). — 
Chair (9). — Pays qui leur est propre (40), — Callosités (44). — 
Poil (12). — Fiente (43). — Bosse (44). — Sobriété (15). — Réser- 
voir d’eau (16). — Motifs de la préférence donnée au dromadaire 
sur le mulet (17). — Manière de le conduire (18). — Vitesse (19). 
— Hygiène et maladies (20). — Allure du dromadaire (M). 
TITRE Il. — PARTIE MILITAIRE. — CHAPITRE Îer. — Des convois militaires. . A6 


Peut-on tirer une utilité de l'emploi du dromadaire, et quelle est 
cette utilité ? (22). — L'Algérie ne peut suflire à la fourniture des 
mulets de l’armée (23). — Les Turcs se servaient de dromadaires 
(24). — Dépense du corps des équipages militaires en Algérie (25). 
— Le ministre a plusieurs fois recommandé d’expérimenter ce moÂue 
de convoi (26).— Des expériences ont été faites sur tous les points de 
l'Algérie (27). — Opinions favorables à la mesure (28). — Opinions 
défavorables (29). — Discussion des opinions défavorables (30). — 
Les expériences n’ont pas été faites avec la ferme volonté de réussir 
(31). — Moyens employés sous M. le général Marey-Monge (32) — 
Le dromadaire peut servir dans un pays de montagnes (33). — I] 
n'est pas peureux (34). — La comparaison entre le mulet et le dro- 
madaire est loin d’être à l’avantage du mulet (35). — Il vaut mieux 
acheter le dromadaire que le louer (36). — Le dromadaire n’est pas 
un embarras dans les circonstances de guerre critiques (37). — Le 
dromadaire fortet robuste ne retarde pas la marche des colonnes (38). 
— Les habitants des plaines conservent le dromadaire pendant l'hi- 
ver (39). — La mortalité du dromadaire employé actuellement ne 
prouverait rien (40). — Le temps du rut n’est pas une difficulté (44). 
— L'animal ne donne pas le mal de mer (42), — Poids porté par le 
dromadaire (43).— Le dromadaire ne peut marcher par le temps de 
pluie et ne peut suivre les colonnes (44). — Proposition de suppri- 
mer les transports auxiliaires et de créer un bataillon avec 4,000 dro- 


— 946 — | 
Pages. 
_“madaires (45). — Dépense occasionnée par 4,000 ‘dromadaires an- | 

nuellement (46). — Résultat à obtenir par cette organisation (47). 
— Economie de 4 million au moins dans la province d’Alger sur 
l'exercice 4844 (48). — Transport de 64,000 quintaux (49). — Le 
dromadaire peut faire, pour l'administration militaire, diminuer le 
nombre des mulets en Algérie (50). — Économie produite par 4,000 
dromadaires remplaçant 4,200 mulets ou chevaux de bât dans la pro- 
vince d'Alger (51). — Coût de 4,000 dromadaires par an pour rem- 
placer 4,200 mulets (52). — Coût de 1,200 mulets (53). — Économie 
possible sur le chapitre du budget des transports en Algérie pour 
la seule province d’Alger (54). — Conclusion (53). 


CHAPITRE ÎE. — Du transport de Pinfanteries . . : . . . . 1, . 38 


Le dromadaire peut-il être utilisé pour le transport de l'infanterie (56) ? 
— Régiment de dromadaires d'Égypte (57). — Emploi des droma= 
daires par les Tures (58). — Emploi des dromadairés par Abd- 
el-Kader (59). — Expédition de M. le colonel Jusuf exécutée avec 
de l’infanterie montée (60). — Le mulet a fait un bon service dans 
cette expédition (64). — Une expédition semblable ne peut avoir lieu 
que dans des circonstances extraordinaires (62). — Proposition de 
monter l’mfanterie à dromadaire (63). — Des expériences faites pour 
monter le soldat d'infanterie à dromadaire, — 4° Dressage des bêtes 
(64). — La patience est nécessaire (65). — Du dressage (66). — 
De l’attache (67). — Dés entraves de jambes (68). — Des entraves 
du genou (69). — Des étriers (170). — Fin du dressage (74). — Dé- 

* route des Espagnols sur la plage de Babazoun. — Ordre du jour de 
l’armée du 8 juin 4830 (72). — 4 soldat peut conduire 4 droma-— 
daires (73). — Expériences faites par les hommes montés (74). — 
2° Expériences sur le harnachement (75). — Du bât et de son prix 
(76), — Adoption du bât arabe modifié (77).— Modifications adoptées 
(78). — Avantages de ce bât (79). — Du licou (80). — Du perce- 
ment des narines (34). — Doit-on monter 4 ou 2 hommes sur le 
dromadaire (82)? — Poids porté par un dromadaire (83). — Con- 
servera-{-on toujours les dromadaires, ou les mettra-t-on en pen- 
sion (84)? — On doit conserver les dromadaires (85). — A quel 
corps doit-on confier les dromadaires (86) ? — Avantage qu'offre un 
régiment pour cet objet (87). — Création d’une masse de remonte 
(83). — Propositions particulières pour l'armement du corps, son ar- 
tillerie, etc. (89). — Marques des dromadaires du beylick (90). — 
Place des dromadaires en bataille (91). — Des dromadaires haut- 
le-pied (92). — A défaut d’un régiment, deux bataillons peuvent être 
chargés des dromadaires (93). — Le soldat a pris goût à cette orga- 
pisation (94). — Il n’y à pas lieu de proposer de projet d’organi- 
sation. — Annonce d’une théorie sur le dromadaire (95). — Où 
pourra=t-on placer les dromadaires (96)? — Colonnes mobiles (97). 
— Du mode à employer pour confier les dromadaires au corps qui 
en sera chargé (98). — Les dromadaires ne coûteront rien à l’utat 
(99). — Conclusion (100). 


U— 


= 241 -- 


DEUXIÈME RAPPORT. 


Avant-propos (104), . . . . . . . . . . 
Division (102). 


“= 
PREMIERE PARTIE. 
DE L'HISTOIRE NATURELLE DU DROMADAIRE, 


TITRE fer, — PHystoLOGIE &T QUALITÉS DU DROMADAIRE, — CHAPITRE Îer, — 
Des différentes espèces de dromadaires, , : 4 . . : 4 , , . . . 
Dénominations diverses (103). — Il n’en existe qu’une seule race en AI- 
gérie (404). — Du mhari (405). — Comparaison du mhari et du dro- 
madaire (406). — Allure du mhari (407).— Harnachement du mhari 
(408). 
CHariTRE IL — De la génération du dromadaire. , ; 
Époque de la génération du dromadaire (409). — ARE ph el 
défavorables à la génération (440). — Ayortements (4414). — Stéri- 
_lité (442). — Part (143). — Rut et suintement (114). 


CHaPiTRE I, — Du caractère du dromadaire. . . . . , 
= Douceur du dromadaire (445). — Dromadaire vicieux (4 16). 
CHapiTRE IV. — Du courage du dromadaire. \ 

Le dromadaire est courageux (447). — Du indie dans lès 0 mauvais 
passages (118), — Conduite à tenir par le chamelier dans ces mauvais 
passages (149). — Preuve de Pinstruction acquise par nos soldats 
(420). 

CuaPiTRE V. — Du travail du dromadaire, . . 

Le nombre des dromadaires est chez l’Arabe le ter de sbléraison 
pour les fortunes (424). — Habitude de travail du dromadaire dans 
les diverses saisons(122). — Crainte des Arabes au sujet des réquis 
tions faites dans toutes les saisons (123). — Règles générales à con- 
sulter sur le travail par l'administration française (424). — Précau- 
tions à prendre pendanf le printemps et l’élé (125). — Danger de la 
marche pendant la pluie sur des terres argileuses (426). — Poids 
porté (427). — Age auquel le dromadaire peut porter (4 ef 

CuapitRe VE. — De l’allure du dromadaire. . 

Allure générale (429). — Les dromadaires pédvèiit étre Gris en deux 
élasses (130). — Allure du dromadaire en temps ordinaire (43). — 
Comparaison de la vitesse du dromadaire et de celle de Pinfanterie 
(432). — Allure pressée du dromadaire (433). — L’alluré du dro- 
madaire ne donne ni nausées ni mal de mer (444). 

CHAPITRE VIE — De la longévité du dromadare. : : . é 
Age du dromadaire (435). — Il n’en existe pas de trente ans (4 36). 


CHAPITRE VIII, — Des dents du dromadaire, . . à: . se 


L'âge se connaît à la dent (157). 
CHAPITRE IX. — Du prix du dromadaire. 
Prix du dromadaire selon Pâge (438), — Différence de iris dus les 


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— 248 — 


trois provinces de l'Algérie (438). — Le dromadaire mâle se paié 
comme la femelle (440). — Vices rédhibitoires (4 FE 
CHAPITRE X. — De la viande du dromadaire. . . . 


Graisse du dromadaire (442). — Préférence des Arabes au | she des dif. 
férentes viandes (4 43). — De la peau du dromadaire (444), 


CHaPiTRE XI. — De la castration du dromadaire. . 
Du dromadaire châtré (145). — Avantage de la cc iton ({ 16). 


TITRE IL. — DES MALADIES DU DROMADAIRE (447). . « . . . . . . . 


Cuapitre [e'. — 1° De la piqûre de la mouche appelée debab. . . . 
Des suites de la piqûre (148). — Pertés de dromadaires en à 1843 (4 19). 
. Émigration des dromadaires au mois de juin (450). — Nécessité de 
cette émigration (454). — Historique de l'expédition de Lagouath par 
le général Marey-Monge pendant le temps du debab, (152) — Épou- 
* vantable effet du debab (153). — Moyen préservatif contre le debab 
(454). — Le debab s'attache à tous les animaux (455). — Effet du 
debab dans une colonne. 
CHAPITRE II. — 2° De la faim chez le dromadaire. . . s 
C'est une maladie mortelle (457). — Appétit du EL (188). — 
Son alimentation varie suivant les saisons (459). -— L'alimentation 
varie surtout suivant les pays (160). — Instruction acquise par nos 
soldats dans la dernière expédition (461). 
Chapitre IIL — 3° De la gale chez le dromadaire . . . : à 
Cas où la gale est mortelle (462). — Précaution te je de (4 63). 
— Surveillance spéciale du chef de corps (464). — Cas où la friction 
doit être générale (465). — Mauvaise volonté des Arabes à l’égard 
de notre équipage (166). — Prix et qualité du goudron (467). — 
De l’onguent sulfureux substitué au goudron pour la guérison de la 
gale (468). — Précautions des Arabes contre la gale dans leurs bi- 
vouacs (169). 
CuariTRE IV. — Des autres maladies du dromadaire (470). . 


La slemma (474). — Le magoub (472). — Le moroos (73). _ Le 
metla (474). 


CaapiTRE V. — Des blessures du dromadaire. ! 
Du feu (475).— Principaux médicaments (4 16). — De efficacité (4 77). 
—— Précautions à prendre pendant l'été (178). 


TITRE III. — DE L’ANATOMIE DU DROMADAIRE. M tar 
Nécessité d’un travail à faire par un homme de l'art (1 19). — Compa- 
raison du dromadaire avec le cheval et le bœuf (480). — Peau du 
dromadaire (181). — Lèvre (482).— Larynx (183).— Cerveau (184). 
— Muqueuse buccale (185). — Cou (186). — Trachée-artère (187). 
— Tissu de la bosse (488). — Paroi antérieure de l’abdomen (489). 
— Compartiments de l’estomac (490). — Panse ou premier esto- 
. mac (491). — Deuxième estomac (192). — Troisième et quatrième 
estomacs (193). — Doutes sur l'existence du cinquième estomac 
(194) — Poumons du dromadaire. (495). — Côtes (496). — Reins 
(197). — Cœur (198). — Foie (199). — Doutes sur l'existence de 
- Ja liqueur biliaire (200).—Des parties génitales du dromadaire (204). 
Callosités (202). — Semelle des pieds (203). 


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Id. 


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#90. 


DEUXIÈME PARTIE. 
DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES DE DROMADAIRES. 


TITRE ler. — Du DROMADAIRE COMME MOYEN DE CONVOI. — CHAPITRE [°. — 
Utilité, indispensabilité du dromadaire (204). 

Rarelé du mulet (205). — Des réquisitions dans la provincé de Tittery 
(206). — Le dromadaire est indispensable pour opérer dans le sud 
de Tittery (207).— Doit-on organiser un équipage de dromadaires 
(208). — But des expériences ordonnées (209): — Utilité des expé- 
riences (210). — Première preuve de l'utilité d'un équipage (244). 
— Deuxième preuve (212). 

Cuapirre I. — Des objections contre l’organisation d’un équipage. 

Énoncé des objections principales (213). 

Cnavrrre I, — Réfutation des objections. 

Ao La dépense ne pourrait-elle pas exposer l'État à des ces de 
pertes dépassant celle des bénéfices (244). — 2° La mortalité ne 
peut même occasionner des pertes à l'Etat (245). — 3° L’adminis- 
tration a besoin de louer des dromadaires, surtout à cause de nos 
relations avec l’intérieur (246). — L'entreprise directe est le mode 
le plus rationnel à adopter par l'administration (217.) — 4° Le sol- 
dat peut se plier au service du dromadaire (218). — Bonnes disposi- 
lions des soldats chargés des expériences (219). — Cause de la non- 
réussite jusqu’à ce jour (220). — L'histoire de l'expérience actuelle 
rappelle le sort de toutes les innovations (224). 

CHAPITRE IV, — Reprise, par ordre de M. le gouverneur général, des expé- 
riences abandonnées depuis 4840. 

Dispositions hostiles de l’opinion publique (22). — Une or ca lien 
provisoire était nécessaire (223). — Expédition des Ouled-Nayl ou 
du Djebel=Sahri avec le 4° bataillon du 33° et ses effets (224). — 
Economi@Mfinale produite par les expériences (225). — Continuation 
des expériences avec des hommes de bonne volonté (226). — Compo- 
sition de l'équipage après quatre-vingts jours d'expédition au retour 
à Médéah (227). — L'expédition de Lagouath ne paraissait pas devoir 
être heureuse pour la solution de la question (228). — Pertes en dro- 
madaires pendant l’expédition de Lagouath (229). — Expédition de 

+ Tiaret (230). — Pertes en dromadaires pendant l’expédition de La- 
gouath et celle de Tiaret (234). 


CuariTRe V.— Résultat définitif des expériences. : 
Les avantages d’un corps auxiliaire des nee sont M nentent 
reconnus (232). — Opposition au projet d'organisation des troupes 
montées (233). 
CuaAPitRe VI. — Récapitulation. OPEN ER OR DR + Le |: 
Progression des expériences (234 D. — Les expériences ont été faites aux 
époques les plus critiques (238). à. 
CHAPITRE VIL — Des difficultés qui ont élé vaincues. .… sh. 
Le dromadaire était si peu connu que l'expérience seule a alt nous ré— 


véler ses qualités et ses défauts (236), — Le dromadaire a été étudié 
47 


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— 250 — 


dans les grands convois de 4844 (237).—1] est juste de tenir compte 
à l'équipage de Tittery des difficultés qu'il a su vaincre et de ses sa 
crifices personnels (238). — Proposition d'organisation de chame- 
liers (239). 
TITRE I, — BASES DE L'ORGANISATION DES ÉQUIPAGES. — CHAPITRE Ier, — Des 
observations relatives aux dromadaires (240). . . . . 

Choix et prix du dromadaire (241), — Des indisponibles (242). - Des 
réformés (243). — On ne doit compter, pour une organisation dé- 
finitive, que sur une remonte nouvelle (244). — Perte annuelle de 
bestiaux en Algérie (245), — Idées à consulter lors de l’organisation 
définitive (246). 

CHAPITRE IL. — Des observations relatives au harnachement. . 

Du-bât(aouïa) (247).— Du bois de bât (kteb) (248). —Des coude (249). 
— Des graras (besaces) (2560). — Du licou (254), 

CHAPiTRE I. — De l’organisation provisoire adoptée pe M. le général Ma- 
rey-Monge. . . . 

Simplicité de te MANTEAU (259). Spin en se Dites (253). 
— Emploi d’un bataillon entier (254).— Marche des soldats et des 
dromadaires en Sr ni 1 en résultent (255). 

CuaPiTRE IV. — Conclusion. ù 

L’équipage est prêt à Ce les épéieites (256). — Prübabilité de 

l’organisation de trois compagnies de chameliers (257). 


TROISIÈME PARTIE. 
DE L'ORGANISATION DES CORPS IMONTÉS A DROMADAIRES, 


CHAPITRE er. — Des expériences au sujet des corps montés (258). ‘ 
Expérience du mois de mars 1844 (259). — Abandon des expériences 
(260). — Le soldat parvenu à bien se servir du dromadaire comme 
moyen de convoi saura s’en servir habilement pour monture (261).— 
Comparaison entre le cheval et le dromadaire considéfés comme mon- 
tures (262). 
CuaritTREe fl. — Du dromadaire comme animal de guerre (263). : 
Expériences à ce sujet (264). — Utilité du dromadaire chez les Arabes 
pour éviter nos razzias (265).—Qualités du dromadaire comme animal 
de guerre (266).—Le cheval et le dromadaire sont utiles chacun dans 
la contrée qui lui est propre (267). - *. 
CHAPITRE II. — Utilité des corps à dromadaire. . . i 4e OUR, 
Dépendance du Tell envers le désert et vice versd (268). — On ne peut 
posséder le Tell qu’en occupant le désert (269). — Pour occuper le 
désert, il faut des corps montés à dromadaires (270). — Utilité des 
corps montés à dromadaires : A° Pour posséder le Tell (271).— 2e 
Utilité pour monopoliser le commerce de l'intérieur de l'Afrique (272). 
— Roule commerciale d’Alger à Timboktou (273).— Les voyageurs la 
parcourent déjà en grande partie (27#).— Facilité de cette entreprise 
(275). — L'Algérie, sans le désert, sera toujours pour la France une 
cause de dépenses sans compensation (276). — Ces avantages n€ peu- 
vent être obtenus sans le concours dusdromadaire (277). 
CHapitRE IV, — De l'effectif des corps de dromadaires, 


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4o Quelle est la force nécessaire pour dominer le désert?—2° La France 
doit-elle faire ce sacrifice (278) ?—Emplacement de ces corps (279). 
— Yat-il lieu à organisation entièrement nouvelle (280) %=— On 
peut créer un corps régulier (284). — Le corps pourrait utiliser dans 
les 24 heures le harnachement arabe (282). — Recommandation 
expresse pour les marches (283). 
CHAPITRE V.— Conclusion. . 
Fin de notre tâche Ex 
PREMIER APPENDICE (285). . 
DEUXIÈME ET DERNIER APPENDICE (286). 


PIÈCES JUSTIFICATIVES. 


Pièce À. — Le ministre demande un travail complet sur la question des cha- 
meaux (288). 
AT Rapport de M. le colonel Poiré (289). 
A? Rapport de M. Gaube vétérinaire (290). 
A% Rapport de M. Saint-Brice, sous-intendant (294). 
A* DD de plusieurs hauts fonctionnaires du corps de l'intendance 
PrÆce B. — Réponse à la lettre À, de M. Thomas, sous-intendant (293). 
Pièce C. — Article du Moniteur PRE A sur la revue où l’organisation a été 
décidée (294). 
Pièce D. — Organisation provisoire de M. le Gouverneur (295). 
Pièce E. — Rap port de M. le général Marey-Monge sur la réussite complète des 
expériences, 4 ses diverses opinions (296). 
Pièce F. — Opinions diverses des chefs de la colonne de M. le général Marey- 
Monge sur la question des dromadaires (297). 
Pièce G. — Comparaison financière entre le dromadaire et le mulet {298). 
Pièce H. — Expédition du Djebel-Dira (299). 
Pièce . — Expédition des Ouled-Nayl (300). 
Pièce J. — Expédition de Lagouath (304). 
Pièce K. — Situation générale des dromadaires (302). 
Pièce L. — Dépenses avant l’organisation (303) 
Pièce M. — Dépenses jusqu’au licenciement (304). 
Pièce N.—De l'avoir et des créances de l'équipage au jour du licenciement (305). 
Pièce O. — Résumé. — Balance (306). 


EF RÉGIMENT DES DROMADAIRES À L'ARMÉE D'ORIENT, pat M. Jomard. 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 


Paris, — Imprimerie de Cosse et J, Dumaine; rue Christine, 2. 


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