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Full text of "Du régime colonial. Par Milscent, créole."

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COLONIAL, 


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A  PARIS, 

Pe   llmpriraerie  du  C  E  R  c  L  E    S  o  Ci  AL,   rue  d» 
Théâtre-François,  n°.  4. 


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1752" 

l'an  4  DE  LA  LIBERTÉ 


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HOTES   ET  REMARQUES 


SUR    LE     RÉGIME 


DES     COLONIES^ 

^t  particulièrement  sur  celle  de  S,  Dommgu^^^ 


X 


Al  étoitsi  aisé  de  prévoir  les  funestes  évènemens  delà 
province  du  nord  de  St.  Domingue  parle  régime  des  colo- 
nies ,  que  je  suis  dans   la  ferme  persuasion  qia'il  n'est  pas 
un  seul  de  ces  colons   mêmes  qui  témoignent  le  plus  de 
répugnance  pour  voir  anéantir  le  préjugé  colonial ,  qui  n© 
Tait  senti  comme  moi.    Mais  ,  soit  crainte  de  se  compro- 
mettre ,    dans  un  lieu  où  l'on   est  suspecté    du  crime  de, 
lèse-nation  ,  sur  cela  seul  qu  on  est  d'une  opinion  contraire 
à  ce  fatal  préjugé  ,  soit  insouciance  ,  soit  orgueil,  personne 
n  en  a  voulu  convenir.  Ceux  que  cette  pusillanime  crainte 
arrête ,  disent  :  que  fose  manifester  ce  que  je  sens  ,  ce  que  js 
vois  ^  ma  vie  ^  ou  tout  au  moins  mes  biens  sont  exposés  au  plus 
grand   danger  ;  en  me  taisant  ,  je  suivrai  le   torrent ,  et  fen 
passerai  par  ce  que  des  âmes  vertueuses  et  humaines  ne  peuvent 
manquer  d'opérer  dans  tasscmUéè  nationale  ,  qui  ne  marche  ou 
ne  doit  marcher  que  sur  les  principes  de  la  constitution  ^fondée 
sur  les  droits  sacrés  et  imperturbables  de  Phomme.  Au  reste  ^  les 
£hoses  en  iront  comme  par  le  passé  ,  et  fen  profiterai  à  fabri  de 
mon  sihnce  et  de  f ignorance  où    l'on  sera  de  ma  manière  de. 
penser. 

Voilà  le  langage  des  esprits  foibles.  Ceux  dont  rinsou* 
ciance  est  la  maladie  ,  disent  ;  que  m'importe  un  régime  ou 
Wï  autre?  tel  que  l'on  décidera  ,  f  m  profiterai  d^  '^'^^^^  ^^^ 


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ne  frouhler  le  repos  peur  une  chose  qui  ti  aboutît  à  rien  dans  1^ 
réalité  ,  soit  pour  ou  contre. 

Ceux  que  le    seul  orgueil  et  Fambition  guident ,  tien- 
nent un    tout  autre    langage  ;    leurs  vues   de   domination 
s'étendent  autant  sur  les  mœurs  que  surFintérêt  pécuniaire. 
Nous  ne  souffrirons  jamais  ,  disent-ils  ,  que  nos  affranchis  ou 
leurs  descendans  s^égalent  à  nous  ;  nous  les  exterminerons  tous 
plutôt ,  s'il  le  faut.  S'il  en  survient  du  trouble  ,  s'il  en   coûte 
eu  sang,    c'est    égal  ;  tout  rentrera  dans  tordre   ensuite.   On 
triera  un  peu  contre  nous  ,   nous  aurons   toujours  triomphé, 
l^ous  crierons  aussi   contre    ceux  qui    se  seront  opposés  à  nos 
vœux  ,  et  nous  les  traiterons    de  philantropes    odieux  ,  de  fac- 
tieux infâmes  ;  nous  publierons  quils  veulent  nous  faire  égorger 
par  nos  esclaves.  Nous  mettrons  de  notre  côté  tous  ceux'  qui  ss 
plaigent  du  nouveau  régime ,  et  parmi  ceux-là  ,  le  pouvoir  exé- 
cutif sera  pour  nous  ,   arrêtera  nos  adversaires   ,  renversera 
leurs  mesures  ,  ou  les  entravera,  et  nous  serons  maintenus  dans 
notre  régime  dominateur. 

Voilà  ce  qu'on  n'a  pas  craint  de  dire  en  ma  présence, 
dans  la  colonie  de  St.  Domingue  ,  dans  toutes  les  sociétés. 
Si  les  journalistes  du  lieu  eussent  osé  ,  ils  eussent  dénoncé 
cette  doctrine  affreuse  ;  ils  n'ont  pu  l'indiquer  qu'amphi- 
bologiquement  ,  et  Gatereau  ,  auteur  du  courier  littéraire 
du  Cap  ,  pour  avoir  manifesté  plus  clairement  son  senti- 
ment là-dessus ,  a  été  enlevé  de  chez  lui  ,  mis  au  cachot , 
d'où  il  a  été  conduit  lié  et  garrotté  à  bord  cFun  navire 
provençal  qui  faisoit  voile  pour  Marseille. 

Cependant,  les  colons  ,  dans  leur  délire  ,  oubliant  leur 
foiblesse  et  les  forces  de  la  nation  ,  ont  osé  répondre 
que  le  décret  rendu  en  faveur  des  hommes  de  couleur  , 
|)eut  non-seulement  occasionner  des  troubles  dans  les 
colonies  ,  mais  même  causer  sa  subversion  et  leur  scission 
fivec  la  Fraiicc.  On  a  vu  quelques  places  de  commerce  ^ 
dominées  sans  doute  par  l'esprit  colonial  ,  répéter  ces 
absurdités.  Il  faut  n'avoir  aucune  notion  de  la  disposition 
de  la  majeure  parde  des  colons ,  ou  être  de  mauvaise  foi» 


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('5   ) 

|,ouï  oser  donner  ces  rêves  pour  des  vérités  politiques: 
Il  est  aujourd'hui  inutile  de  s'attacher  à  démontrer  com- 
bien au  contraire  le  décret  du  i5  mai  est  nécessaire  à  la 
sûreté  et  à  la  splendeur  des  colonies  :  malheureusement 
les  désastres  de  la  province  du  nord  de  St.  Domingue  ne  le 
prouvent  que  trop  bien.  Si  l'on  n'avoit  pas  eu  l'impoliti- 
que  d'y  désarmer  les  hommes  de  couleur  et  de  les  traitei 
aussi  injustement  ,  jamais  les  esclaves  n'eussent  pensé  à  se 

soulever.  "  ^  ^ 

J'ai  les  papiers  publics  du  Cap  ,  et  notamment  le  Moni- 
ieur  colonial;  en  le  parcourant  avec  attention,  on  est  con- 
vaincu par  tous  les  écrits  des  assemblées  ,  des  municipa-  ^ 
îités  ,  du   gouverneur  général,   des    corps  de  troupes  de                        ^ 
ligne  ,  de  cent  particuhers  de  St.  Domingue  ;  qu'à  la  fin 
d'avril  ,  un  peu    avant  la  mort   de   M.  Mauduit ,  le  bruit 
s'étant  répandu  ,  à  l'occasion  des  commissaires  ,  que  l'as- 
semblée   nationale    énvoyoit   pour  pacifier  les    colonies  , 
qu'elle  avoit  rendu  ,  le   17   décembre  ,  un  décret  qui  ren- 
'doit  aux  hommes  de   couleur  libres  tous  leurs  droits  ;  on 
se   convaincra  de  la  joie    qu'en  eut  le  pubHc   en  général; 
on  verra  encore  que  le  gouverneur  Blanchelande  et  ras- 
semblée provinciale  du  nord  se  plaignirent  publiquement 
de  la  satisfaction  de  la  plupart  des  habitans  et  des  troupes 
de  ligne,  à  qui  l'un  et  l'autre  reprochèrent   d'avoir  em- 
brassé les  hommes  de  couleur  dans  les  rues  ,  pour  les  féli- 
citer de  la  justice  que  l'on  venoit,  soi-disant,  de  leurrendre. 
On  (i)  verra  encore  par  l'entortillement  des  expressions 
de  plus  de  vingt  lettres  consignées  dans  le  même  journal , 
et  par  le  sens  amphibologique   des  articles   du  rédacteur 


(ï)  Qu'on  compulse  les  registres  des  municipalités  des  cam- 
pagnes ,  011  verra  que  lors  des  premières  assemblées  primai- 
res ,  les  hommes  de  coideur  y  furent  reçns  sans  difficulté; 
il  en  a  été  de  même  de  plusieurs  districts  du  Cap.  C'est  que  ^ 

les    instructions   Barnavieniies  ^n'étoient  pas    encore   reçues  et  ^ 


adoptées  dans  ce  pays. 


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tnême,  que  le  sentiment  de  la  presque  totalité  est  faf)- 
probation  de  ce  décret  ,  qui  ne  fut  cependant  rendu  que 
ie  i5  mai  suivant;  mais  une  funeste  incertitude  imposoit 
un  silence  qu'on  ne  gardoit  qu  avec  autant  de  contrainte 
que  de  douleur  ,  et  qu'il  n'eut  fallu  qu'un  mot  de  rassem- 
blée nationale  ,  pour  rendre  à  tous  les  cœurs  justes,  le 
courage  que  la  fureur  et  la  licence  des  autres  retenoit 
dans  l'inaction.  Cette  vérité  est  sensible  ;  pourr©it  on  se 
persuader  qu'il  n'y  eût  de  bons  Français  qu'en  Europe'? 

Si  donc  l'assemblée  constituante  eût  profité  de  la  dis- 
position des  esprits  ,  et  n'eût  pas  attendu  les  longueurs 
^t  les  trames  perfides  des  malveili'ans  ,  elle  eût  préservé 
St.  Domingue  des  maux  qu'il  vient  d'éprouver.  Pourquoi 
séparer  les  colonies  de  la  France,  par  un  régime  différent, 
régime  qui  y  laisse  le  despotisme  à  la  place  de  la  justice 
et  de  l'humanité  ? 

Voilà  mes  preuves  pour  St.  Domingue  ;  elles  ne  sont 
pas  moins  évidentes  pour  la  Martinique ,  qui  n'a  cessé  de 
ge  plaindre  que  les  habitans ,  d'accord  avec  M.  de  Damas , 
avoient  rendu  aux  hommes  de  couleur  tous  leurs  droits. 
On  sait  qu'il  n'y  avoit  que  quelques  négocians  de  St. 
Pierre  qui  se  plaignissent  de  cette  justice. 

A  l'appui  de  ces  vérités  incontestables  ,  je  puis  attester 
ici  ,  sans  craindre  d'être  démenti  par  personne  de  bonne 
foi  ,  et  autrement  que  par  une  simple  négative  dénuée  de 
cause  ,  que  ,  à  ma  pleine  connoissance  ,  plus  des  deux  tiers 
des  blancs  de  St.  Domingue  desiroient  ce  décret  consti- 
tutionnel et  avantageux  ,  mais  qu'ils  n'osoient  manifester 
leur  vœu  aux  yeux  de  ces  hommes  qu'on  appelle  sur  les 
lieux  ,  les  petits  hlanchets  (i)  ,  qui  ne  désirent  le  contraire 
que  dans  l'espoir  de  trouver  de  bonnes  occasions  de  se  jetter 
sur  lés  propriétés  des  hommes  de  couleur  ,  dont  un  grand 
nombre  est  fort  riche.' 

Qu'on  demande  à  voirie  fond  de  la  procédure  d'Ogé, 


(i)  Ce  qui  veut  dire  geas  sans  aveu  et  mal  famés. 


(r) 

qu'on  n'a  jamais  osé  interroger  en  public  ;  procédure  qiioii 
a  pris  un  si  grand  soin  de  rendre  oculte  à  toute  la  colo- 
nie ;  on  y  verra ,  si  Von  a  tout  écrit ,  qu'une  foule  de  blancs 
y  ont  été  compliqués  ,  non  pour  avoir  trempé  dans  la 
révolte  ,  mais  seulement  pour  avoir  professé  Téquité  envers 
cette  classe  infortunée  contre  laquelle  la  tyrannie  vouloit 
conserver  le  droit  de  se  déchaîner  arbitrairement.  L'accu- 
sation des  compagnons  d'Ogé  rcmontoit  si  loin  au-delà  de 
^'époque  de  son  arrivée  dans  la  colonie  ,  qu'on  n'a  osé 
toucher  à  cette  corde  ,  qui  eut  délié  la  langue  de  la  jus^ 
tice  dans  toute  l'île.  De  tels  faits  ne  peuvent  se  détruire , 
quoiqu'en  ait  dit  dans  les  affiches  de  Bordeaux  le  très* 
jeune  député  de  la  municipalité  de  la  Grande  Kivière  à 
l'assemblée  du  Cap  ,  M.  Maxnres, 

De  quelle  autre  part  donc  ,  que  de  celle  des  nègres  ^ 
eussent  pu  venir  les  insurrections  et  les  guerres  dans  les 
colonies  ?  Seroit-ce  de  quelques  orgueilleux  impuissans  ? 
Ils  s'en  garderoient  bien  !  On  vient  de  voir  leur  empresse- 
ornent  à  recourir  à  ces  hommes  de  couleur  dont  ils  faisoient 
tant  de  mépris  ,  et  dont  ,  disoient-ils  ,  ils  pouvoient  si 
bien  se  passer  ;  on  vient  de  les  voir  envoyer  à  toute  hât© 
des  lettres  de  réhabilitation  aux  frères  d'Ogé  et  de  Cha- 
vanne  ,  parce  qu'ils  ont  défendu  les  blancs  ;  et  ils  avoient 
été  condamnés  à  mort  pour  les  avoir  voulu  préserver  de 
tout  trouble  et  de  toute  attaque. 

J'ose  l'affirmer  hautement,  la  révolution  tst  entièrcmeng 
faite  dans  les  colonies  ;  le  dessous  des  cartes  est  connu 
€t  le  mot  de  l'énigme  est  trouvé  :  le  premier  est  que  si 
les  blancs  pouvoient  se  passer  des  hommes  de  couleur 
libres,  ils  les  fouleroient  aux  pieds  ,  s'ils  ne  les  extermi- 
noientpas  :  le  second,  c'est  qu'ils  ne  peuvent  s'en  passer, 
et  que  ,  du  moment  que  l'esclave  n'auroit  plus  à  craindre 
les  hommes  de  couleur  libres  ,  il  n'y  auroit  plus  d'escla-^ 
vage.  Le  nombre  des  nègres  est  à  un  tel  point ,  c,\ii\ 
faudroit  des  armées  formidables  pour  les  maintenir  dans 
l'ordre ,  sans  les  gens,  libres.  Ces  armées  coûteroient  à  la 


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(  8  ) 

"France  dix  fois  plus  en  hommes  et  en  argent ,  qtîc  les 
colonies  ne  lui  produisent.  Les  colons  se  cotiseront -ils 
pour  faire  cette  énorme  dépense  ?  alors  point  de  richesses 
pour  eux  ;  et  que  sert-il  d'aller*se  livrer  à  un  climat  dévo- 
rant ,  si  Ton  ne  risque  pas  de  pouvoir  au  moins  s'en- 
richir dans  dix  ans?  Que  Ton  compare  les  recrues  des  troupes 
d'outremer  avec  ceux  des  troupes  qui  restent  en  France, 
et  Ton  verra  ce  que  coûteroit  la  conservation  des  colonies 
en  hommes  ,  si  ceux  de  couleur  ne  discontinuoient  pas 
d'y  en   envoyer. 

Mais  les  esprits  sont  mieux  disposés  que  jamais  à  remé- 
dier à  cet  effroyable  inconvénient,  depuis  les  désastres 
dont  la  Martinique  et  Saint-Domingue  ont  été  frappés.  On 
a  fait  urie  malheureuse  expérience  du  danger  d'un  préjugé 
insensé ,  qui  n'attaque  pas  même  le  plus  léger  amour- 
propre.  Si  l'assemblée  nationale  manque  cet  instant  fava- 
ïable  de  rétablir,  ou  plutôt  de  faire  agir  le  décret  du 
i5  de  mai ,  qui  n'a  pu  être  révoqué  par  l'assemblée  ,  lors- 
qu'elle n'étoit  plus  que  législative  ,  les  maux  ne  son:Ê 
point  finis  dans  les  colonies:  le  feu  couve  sous  la  cendre; 
il  ne  faut  qu'un  peu  du  vent  du  désespoir  pour  l'allumer 
de  nouveau.  Les  bons  esprits  du  Cap  le  sentent  ;  ils  n'at- 
tendent plus  qu'un  décret  de  l'assemblée  nationale  pour 
se  livrer  ouvertement  à  la  satisfaction  d'être  justes  envers 
une  ckisse  à  laquelle  on  est  plus  ôbhgé  que  jamais ,  puia^ 
qu'on  lui  doit  le  salut  de  la  colonie.  Combien  d'aijncs 
sensibles  et  vraies  béniroient  nos  législateurs  humains  et 
sages  ,  si  elles  leur  dévoient  une  loi  qui  ,  en  rétablissant 
le  câime  ,  et  ramenant  la  splendeur  des  colonies  par  l'exer- 
cice de  la  justice,  pcrmettroit  aux  cœurs  droits  de  se  livrer 
sans  contrainte  à  la  douceur  de  la  reconnoissance  et  de 
i'épanc],iement  de   Testîme. 

Voici  une  remarque  importante.  Avant  que  rassemblée 
coloniale  se  fût  formée  à  Léogane  ,  on  vit  celle  de  la 
yjroviiîce  du  Nord  ,  à  l'exemple  de  toutes  les  municipalités 
au^pays  ,  déclarer,  par  un  serment   authentique,   quelU 

acceptcroh 


(9) 

accepteroit  a-vec  respect  ^  obéissance  et  reconnoissanct^  tous  leS 
décrets  possibles,  du  corps  législatif  de  rempire  françois.  On 
Voit  que  c'est  un  détour  adroit  pour  prévenir  les  murmues 
de  quelques-uns  de  ces  petites  ^^^725  mal-intentionnés ,  et  de 
seconderles  désirs  des  autres  sur  le  décret  en  faveur  des  honi' 
-mes  de  couleur,  que  Ton  sentoit  ne  pouvoir  éviter  d'après 
les  bases  constitutionnelles  de  la  régénération  Françoise  , 
et  d'après  les  vues  d'une  sage  politique  coloniale. 

Telles  étoient  les  dispositions  de  toute  la  colonie  alors, 
et  toutes  ces  pièces  sont  consignées  dans  le  Moniteur  colo- 
nial. Ce  n'est  que  lorsque  rassemblée  coloniale  àLéogane 
s'est  déclarée  telle  ,  à  la  majorité  de  67  voix  sur  46 ,  qu'oiz 
a  commencé  à  sentir  rinfluence  de  cinq  ou  six  ci  devant 
chicaneurs,  sur  les  esprits  de  la  colonie.  Alors  les  autres 
(les  46  sans  doute)  n'ayant  pas  voulu  s  écarter  des  prin- 
cipes, tout  à-coup  rassemblée  accourt  auprès  du  boa 
général   qui  avoit  juré  la  rejection  du  décret. 

N'y  a--t-il  pas  dans  tout  cela  un  mystère  dont  l'explica- 
tion nous  apprendroit  les  choses  les  plus  importantes  dansi 
la  conduite  du  général ,  comme  de  ses  dévoués  ?  On  avoit; 
vu  comment  l'assemblée  de  St.  Marc  avoit  été  poursui- 
vie ,  recommandée  ,  puis  jugée  par  les  Barnaviens  ;  l'as- 
semblée de  Léogane  ,  convoquée  légalement  ,  d'après  la 
proclamation  de  ce  gouverneur  ,  toujours  commode  aux: 
colons  despotes ,  devant  y  tenir  ses  séances  revient  au  Gap  , 
au  centre  des  ennemis  des  décrets  de  l'assemblée  nationale» 

Il  y  a  une  autre  remarque  intéressante  à  faire  ;  c'est  que 
dans  le  même  tems  que  l'assemblée  coloniale  étoit  séante 
à  Léogane  ,  il  paroît  ,  par  le  concordat  du  Port-au-Prince  , 
qu'ilya  eu  unmouvementchezlesgens  de  couleur  du  lieu; 
qu'ils  ont  pris  les  armes  ,  etc.  ;  et  on  n'est  instruit  ni  du 
sujet,  ni  des  vraies  circoastances.  Or,  je  le  demande  aux 
colons  les  plus  de  mauvaise  foi  même  ,  si  les  gens  de  cou- 
couleur  libres  n'avoient  pas  été  nécessité  à  prendre  les  ar- 
mes ,  le  gouverneur  même  ne  s'en  seroit-il  pas  plaint  ?  N'en 
g\iroit-on  pag  rendu  compte  au  ministre  ou  à  l'assemblé^ 


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(    10    ) 

nationale  ?  Mais   nullement  :  le  concordat  a  lieu  ,   on  rie 
dit  pas  un  mot  des  circonstances  qui  Font  précédé  et  qui  y 
ont  donné  lieu  (i).  N'es-il  pas  facile  de  voir  que  les  blancs  , 
et  sans  doute  l'assemblée  coloniale  la  première  ,  avoicnt 
voulu  faire   aux  hommes   de  couleur  du  Port-au-Prince  , 
tout  au  moins  ce  qu'ils  avoient  fait  à  ceux  du  Cap  ? 
'   M.  Blanchelande  a  rendu  compte  au  ministre  des  trou- 
bles de  la  province  du  nord  ,  mais  il  ne  dit  pas  un  mot 
de    la   formation    ni  de    la  translation    de  l'assemblée   de 
Léogane  ,  au  Cap.   Ce  qu'il  dit  du  concordat  n'est  encore 
qu'une  réticence  ;   à  moins  que  le  ministre  n'ait  pas  tout 
dit  à  l'assemblée  nationale. 

M.  Blanchelande  ,  dont  les  principes  deviennent  trop 
faciles  à  pénétrer  en  voulant  les  rendre  trop  équivoques  , 
se  plaint  des  régimens  d'Artois  et  de  Normandie  ;  et  nous 
avons  des  lettres  qui  élèvent  aux  nues  la  conduite  et  les 
services  de  ces  deux  corps  ,  qui*  ont  si  bien  secondé  l'in- 
trépidité des  hommes  de  couleur  contre  les  nègres  rebelles. 
D'après  les  remarques  fondées  sur  des  idées  authentiques, 
il  est  visible  que  St.  Demingue  étoit  disposé  à  obéir  aux 
décrets  de  l'assemblée  nationale  ,  mais  qu'on  a  induit  les 
colons  en  erreur.  Il  ne  faut  que  se  ressouvenir  de  la  lettre 
de  M.  Blanchelande  au  ministre  ,  par  laquelle  il  assure 
qu'il  versera  plutôt  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  son  sang, 
que  de  souffrir  que  les  habitans  confiés  à  ses  soins  , 
tournent  leurs  armes  les  uns  contre  les  autres  ;il  ne  faut  que 
se  rappeîler  encore  la  retraite  des  députés  coloniaux  de  l'as- 
semblée constituante  après  le  décret  du  i5  mai  ,pour  saisir  le 
fil  de  la  trame  affreuse  'que  les  mal  -  intentionnés  ont 
ourdis  contre  les  colonies.  La  déclaration  de  Barnave  contre 
ce  décret  auquel  ,  disoit-il  ,  il  n'avoit  en  rien  participé, 
est  une  nuance  de  plus  pour  éclairer  les  traits  de  ce  tableau 
représentatif  de  tous  les  maux  de  la  Martinique  et  de  St. 
Domingue. 

Un  des  traits  les  plus  saillans  de  cette  affligeante  image, 

O  C^  c-iWQii  m  gAÎt  ii'iiislruit  pas  sur  cette  affaire, 

i,ii,JOHEff  """'  fis  )„ 


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c"'est  la  basse  flatterie  de  quelques  négoclans  égoïstes  qui, 
dans  Fespoir  de  s'attirer  à  eux  seuls  toutes  les  correspon- 
dances coloniales  ,  ont  présenté  des  adresses  à  rassemblée 
nationale,  selon  les  vues  des  colons  Barnaviens.  Cette 
aveugle  croyance  fait  pitié.  Se  peut-il  qu  ils  n  ayent  pas 
senti°que  les  colons  qui  pourroicnt  y  être  sensible  ,  sont 
non-seulement  encore  plus  égoïstes  queux,  mais  encore 
qu  il  n'y  a  qu  une  très-petite  partie  qui  soit  contre  lé 
décret  du  iS  mai  ,  sans  savoir  ni  pourquoi ,  ni  comment! 
Or  ,  de  quelle  importance  peut  être  le  vœu  de  gens  qui 
ne  peuvent  s'en  rendre  compte  à  eux-mêmes  ?  faute  de 
raisons  ,  ils  ont  fait  de  vaines  menaces  :  ils  ont  fait  com- 
mencer les  enfans  ,  qui  crient  et  font  tapage  dans  Tobscu- 
rité  par  la  peur  qu'ils  ont  des  phantômes. 

Ou  on  cesse  donc  de  répandre  qu'une  loi  qui  ne  fera 
naîtTe  que  Tordre  ,  la  paix,  le  bonheur  ,  la  prospérité  ,  la 
reconnoissance  et  assure  à  jamais  les  colonies  à  la  France  , 
puisse  pjroduire  Teffet  contraire  ;  cette  vérité  vient  d'être 
prouvée  aussi  malheureusement  qu'irrévocablement  ,  e£ 
que  ces  négocians  que  la  cupidité  égare,  cessent  aussi 
de  spéculer  sur  leurs  fades  jérémiades  :  les  habitans  des 
colonies  ne  leur  en  iront  ni  plus  ni  moins.  Le  cours  des 
affaires  est  déjà  déterminé  comme  celui  des  grands  fleuves  s 
rien  ne  sauroit  désormais  le  détourner  qu'un  bouleverse- 
ment général.  La  jusdce  des  gens  sensés  des  colonies  , 
jointe  à  la  loyauté  et  à  la  reconnoissance  des  hommes  de 
couleur  ,  qui  reconnoîtront  mieux  que  jamais  ,  et  avec 
raison  ,  la  France  pour  leur  mère-patrie  ,  affermit  à  jamais 
le  pacte  qui  les  lioit  à  Tempire  ,  et  assure  les  droits  des 
négocians  dans  le  nouveau  monde  françois. 

Ceux  de  Bordeaux  en  auront  d'éternels  monumens  de 
gloire  dans  les  fastes  de  la  révoludon.  Qiiel  est  l'homme , 
s'il  n'est  tyran  par  goût  et  par  tempéramment ,  qui  n'élève 
pas.  dans  son  cœur  un  autel  de  reconi-^oissance  à  l'assem- 
blée nationale  ,  pour  ce  bienfait  rendu  à  l'humanité  ?  E£ 
vous  amis  des  noirs  ,  âmes  vraimens  humaines  ,   qui  n'avez 

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cessé  de  tonfier  contre  la  tyrannie  des  colons  ,  ne  méritez- 
Vous  pas  des  courounes  civiques  pour  toutes   les  vérités^ 
que  vous  avez    publiées  avec  tant   d"énergie    et   de  cons- 
tance ?  Ah  !  croyez,  hommes  vraiment  dignes  de  ce  titre, 
croyez  que  par-tout  où  Thumanité  sera  connue  ,  les  noms 
des  Brîssot  ,   des  Grégoire  ,   des  Pétion,   des"  Con- 
.DORCET  ,   des    Clavière  ,    des  Robespierre  ,   des   Fau- 
CHET  ,   etc.  ,  seront  révérés  et  chéris.  En  vain  Faristocratie 
coloniale  voudra-t-elle  ternir  l'éclat  de  votre  gloire,  toute 
la  France  ,  ou  plutôt   tout  Funivcrs  vous  vengera  de  leurs 
infâmes  calomnies  par  son  assentiment,  et  l'hommaîre    le 
plus    pur  ,    puisque   nulle    considération    particulière   ne 
l'aura  arraché.  La  honte   et  le  déshonneur  de  yos  détrac- 
teurs seront  vos  éternels  triomphes  ,  et  le  bonheur  de  tout 
un  peuple  votre  récompense.  Eh  pourroit-on  en  offrir  une 
plus  flatteuse  aux  amis  de  l'humanité  ! 

Et  toi,  Cercle  Social ,  qui  as  commencé  la  confédération 
universelle  des  Amis  de  la  Vérité  ,  ta  récompense  est 
dans  les  numéros  de  la  Bouche  de  Fer  ,  ton  organe  incor- 
ruptible et  fidèle  ;  on  les  lira  dans  tous  les  siècles,  comme 
autant  de  monumens  de  vengeance  contre  la  tyrannie  , 
comme  autant  d'hommages  à  la  justice  et  à  l'humanité  , 
comme  un  doux  délassement  contre  les  vexations  des  des- 
potes ,  comme  une  consolation  contre  les  vices  humains  ; 
et  si  des  hommes  ,  que  je  ne  veux  point  nommer  ici  , 
après  ceux  dont  je  viens  de  tracer  les  noms  glorieux  , 
ont  pu  consacrer  leur  tems  ,  leur  plume  ,  leîir  intelligence 
à  la  proscription  de  la  liberté  et  de  l'égalité  ;  on  pourra 
au  moins  se  dire  avec  un  soupir  soulageant  :  quelques 
hommes  intègres ,  amis  de  la  vérité ,  etc.  ,  se  voueront  dans 
le  même  tems  à  leur  défense. 

Continuation  sur  In  principes  des  colons  ,  et  comment   ils 
cherchent  à  les  justifier. 

/ 
Déclarer  ouvertement  que  le  préjugé  colonial  ne  tenoit 


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{  i3  ) 
qu'à  la  volonté  capricieuse  et  qu  à  Famour-propre  ,  qtfâtï 
goût    de  domination   et  de    distinction  des  colons ,   ç^eût 
été    demander    soi-même     quon     Tabolît    promptement. 
rorgueil,    embarrassé  de  raisons  pour  justifier  son  despo- 
tisme ,  a  recouru  aux  mensonges  et  aux  chimères.  Ceux  qui 
vouloient  conserver  le  droit  arbitraire  et   si  chéri  de  maî- 
triser impunément  les   hommes  de    couleur,    et  dVutres 
pour  flatter  ceux-ci  ,  ont  imaginé  de  lier  leur  cause  à  celle 
des  esclaves,  afin  d'embarrasser  le  jugement  de  l'assemblée 
nationale.  C'étoit  en   effet  le  moyen  le  plus^  perfide  qu  ils 
pussent  présenter  ,    puisqu'il  pouvoit ,    à   l'aide  du  parti 
colonial,  qui   dominoit   dans  le  côté  droit,  paroître  spé- 
cieux et  égarer  les    esprits  peu  clairvoyant  ,  intimider  les 
âmes  craintives  et  opposer  un  air  de  vérité  aux  bons  esprits 
<iu   côté    gauche.    Cette    invention    ,    que  l'on    doit   aux 
Laborie,  aux  Moreau  dit  St.  Méry ,  aux  Blin  ,  aux  Gouy ,  etc. 
maniée  par  les  Barnave  ,  les  Malhouet  ,  appuyée  par   les 
Maury ,  les  Lameth  ,  les  Cazalès ,  etc.  ,  a  tellement  masqué 
la  vérité  ,  qu'il  n'a  plus  été  possible  de  la  faire  voir  dans 
toute  son  étendue  à  l'assemblée.  Voici  comme  on  s'y  prit 

d'abord. 

Un  savant  naturaliste  ,  M.  Beauvois  ,  qui  se  trouvoit  au 
Cap  au  moment  où  il  étoit  le  plus  fortement  question   de 
poser  à  jamais  une  ligne  de  démarcation  entre  les  hommes 
de    couleur    libres    et    les    blancs    ;    M.    Beauvois    ,    qui 
s'étoit  nourri  l'esprit  du   système  de  Linnée  ,  imagina  de 
composer  un  ouvrage  par  lequel   il  s'attacha  à  démontrer 
que  le  nègre  n'etoit  qu'une  nuance  de  la  bête  à  l'homme  ; 
voici  comme  il  graduoit  ses  nuances  :  entre  l'homme  blanc 
et  le  nègre  ,  se  trouve  le  rouge  ;  entre  le  rouge  et  FOrang- 
Outangle  trouve  le  nègre  ,  entre  le  nègre  et  le   Gibon  se 
trouvel"Orang-Outang  ,  etc.  :  le  blanc  ,  ajoute-t-il ,  espèce 
pure  d'hom.me  ,  est  susceptible    de  toute  la    perfectibihté 
humaine  ;  le  rouge  qui  vient  après  ,   doué  d'une  portion 
bien  moindre   d'intelligence  ,  n  est  pour  ainsi-di,re  qu'une 
esquisse  de  l'espèce  humaine  ,  qu'une  de  ces  foibles  nuan- 


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cel  ;  le  noir  qui  vient  après  le  rouge  ,  est  autant  inférieur 
an  rouge  ,  que  celui-ci  au  blanc  ,  et  TOran-g-Outang  au 
noir,  que. celui-ci  au  rouge  ,  etc.  La  conclusion  de  Fin- 
génieux  naturaliste  ,  est  que  le  nègre  ,  pas  même  le 
Caraïbe  ou  le  Morisque  ou  Tlndien  ,  n'est  de  l'espèce  des 
blancs,  ni  même  d'une  espèce  parfaitement  humaine. 

Il  est  aisé    de   remarquer   dans   ce    système  ,    le    double 
dessein   de  justifier  le  préjugé  colonial,  et  les   traitemens 
exercés  contre    les    esclaves.    Traiter    tyranniquement   des 
hommes,  seroit  une  barbarie  repréhensive  ;  traiter  dure- 
ment des  animaux  qui  n  ont  que  la   figure  d'humain  ,   ce 
-  n'est  pas  un  plus  grand  mal  que  d'aiguillonner  les  bœufs , 
que  de  fouetter  les  chevaux.  Ainsi  ,  pour  justifier  d'injus- 
tes cruautés  ,  un   préjugé    insensé ,   on   n'a   pas    hésité    à 
mettre  l'homme  au  rang  de  la  brute.   Or  ,  je  le  demande 
aux  hommes  justes  ,    est-ce    sur  une   supposition    aussi 
gratuite  que   l'on  jugera  la  cause    des  hommes    de   cou- 
leur ?  Sera-ce  un  tel  sarcasme  qui  sera  la  donnée  sur  la- 
quelle on  devra  asseoir  un  système  législatif?  Ne  regarder 
le  nègre  que  comme  une  nuance  de  la   brute  à  l'hommie 
éloignée  du  blanc  ,  et  lui  refuser  une  intelligence  et  une 
perfectibilité  qu'il  ne  nous  prouve  que  trop  chaque  jour  à 
travers  les  traits  grossiers  de  son  éducation  ,  c'est  renverser 
l'ordre  de  la  nature  pour    y  subsdtuer  une  chimère,  dont 
on  veut  faire   ensuite  une  règle   de  conduite  ;  c'est  étein- 
dre le  lîam.beau  de  la  raison  ,  pour  marcher  à  tâton  dans 
les    ombres   de  la  nuit  des  préjugés    ;    en  un  mot,  c'est 
bnser  la  boussole  pour  ne  suivre  que  la  o^irouette. 

De  ce  système  idéal  ,  M.  Beauvois  a  tiré  une  consé- 
quence qui  en  ctoit  la  suite  nécessaire,  et  à  laquelle  il 
vouloit  venir;  la  voici:  si  entre  les  blancs  et  les  nèiires, 
11  y  a  encore  une  nuance  avant  d  être  parfaitement  homme, 
les  Métis  des  premiers  et  des  derniers  ,  ne  sont  qu'une 
espèce  mixte  qui  pardcipe  à  la  vérité  des  deux  ,  mais  par 
cela  même  ,  sont  d'autant  abâtardis  ei  incapables  de  se 
jamais  laver  de  ce  mélange  dégénérant.  Cette  conséquence 


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{   15  ) 

é  paru    à  St.  Domingue   ,  une  découverte  d^autant  plus 

heureuse  ,    qu  elle   étoit    plus    inextricable  ,   et  favorisoit 

davantage  le  système   de  distinction  et  de  domination  que 

Taristocratie  coloniale  a    ouvertement  adopté. 

La  conclusion  de  M.  Beauvois  fut  que  les  hommes  de 
couleur  dévoient  être  regardés  comme  inhabiles  à  possé- 
der ,  et  qu  ils  ne  dévoient  pas  mêmes  jouir  illimitément 
de  la  liberté  ;  qu  elle  devoit  être  astreinte  ,  et  que  tous  les 
gens  libres  dévoient  être  incorporés  dans  des  troupes  sol- 
dées en  les  affranchissant  ,  ou  dès  Tâge  de  seize  ans  quand 
ils  étoient  nés  de  pères  et  mères  affranchis. 
*  Il  étoit  impossible  que  cette  opinion  n  excitât  pas  Fin- 
dio-nadon  des  hommes  de  coule^ir  ;  ils  la  manifestèrent 
dès  lors  d'une  manière  inquiétante  ,  et  l'assemblée  du 
nord  se  vit  comme  forcée  d'improuver  et  de  proscrire 
Feuvrage  de  M.    Beauvois  ,    et  elle   le   fit  par  un  arrêté 

formel. 

'    Le  système  de  ce  naturaliste  étant  trop  exagéré  [  et  dé- 
voilant trop  celui  des  colonies  ,  on  en  imagina  un  autre 
non  moins  funeste  ,  mais  bien  plus  perfide  en  ce    qu'on 
eut  la  finesse  d'en  faire  un  principe  d'ordre  et  de  richesses 
pour  les    colonies  :  ce  fut  d'avancer  ,  de  soutenir   et  dQ 
publier  comme  un  axiome  certain  ,  que  Tes c lave  n  est  obéis- 
sant que  parée  qu'il  voit  le  hlanc  d'une  espèce  supérieure  à  la 
sienne.  Comme  s'il  est  possible  d'interdire  à  des  êtres  intel- 
iio-ens  la  connoissance  de  ces  vérités  premières  ,  de  ces  tra- 
ces ineffaçables  de  la  main  de  la  nature  ,   dans  le  cœur   de 
îhomme  ,  ses  plus  chers  intérêts.  Comme  s'il  y  a  un  être 
intelligent  capable  de  croire  le  nègre  assez  borné  pour  avoir 
une  telle  croyance.  Cependant  voilà  Tunique  base  sur  la- 
quelle   s'appuyent  aujourd'hui  les    colons   pour  rejetter  le 
décret  du  i5  mai.  Mais  comment  s'appuyer  de  cette  hypo- 
tèse  pour  affirmer  que  le  préjugé  colonial  est  nécessaire  au 
régime  des  colonies  ?  C'est   cç  que  nous  allons  voir. 

On  n'ose  plus  dire  que  les  hommes  de  couleur  ne  soient 
pas  faits  pour  participer  aux  droits  de  l'homme  ;  les  amis 


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■  (  i6  ) 

de  rhumanité  ont  détruit  cette  grossière  absurdité  ;  on  a 
vu  que  l'assemblée  nationale  ne  vouloit  pas ,  ou  ne  devoifr 
pas  toucher  à  la  propriété  des  colons  sur  les  esclaves  ,  on 
s'est  repris  à  cette  corde  étrangère  à  la  cause  des. hommes 
de  couleur  libres  ,  parce  qu'on  a  reconnu  la  nécessité  de 
nombreux  atteliers  pour  cultiver  les  colonies  et  en  tirer  les 
richesses  immenses  ;  parce  qu'on  ne  peut  de  long-tems 
remplacer  les  bras  de  la  servitude  ;  parce  que  les  esclaves  , 
tout-à-coup  affranchis  ,  le  cœur  encore  ulcérés  contre  leurs 
maîtres  ,  ne  voudroient  peut-être  pas  travailler  pour  eux, 
même  en  les  payant  ;  parce  qu  enfin  ,  on  ne  peut  priver 
le  maître  de  son  esclave  sans  lui  en  rembourser  la  valeur. 
Ces  vérités  bien  senties  des  colons  ,  et  bien  reconnues  des 
hommes  justes  en  France  ,  les  premiers  ont  espéré  qu'en 
assimilant  la  cause  des  esclaves  avec  celles  des  libres  ,  ce 
seroit  le  moyen  de  maintenir  les  derniers  sous  le  joug  du 
préjugé  qui  les  tient  courbés  sous  le  pouvoir  des  blancs , 
parce  que  rassemblée  nationale  égarée  ,  confondroit  les 
deux  castes  ,  et  rendroit ,  par  le  moyen  des  Barnaviens  , 
un  décret  sur  lequel  il  ne  seroit  plus  possible  de  revenir  au 
moins  de  quelques  annnées. 

Ainsi  ,  sousprétexte  d'une  poHtique  locale  ,  on  sacri- 
fieroit  toute  une  classe  d'hommes  aux  vues  de  l'ambition  et 
de  l'orgueil;  ainsi,  pour  arrêter  la  main  bienfaisante  -des 
législateurs  ,  on  leur  a  présenté  la  cause  des  hommes  de 
couleur  libres  ,  comme  inséparable  de  celle  des  esclaves, 
comme  essentiel  au  maintien  de  la  subordinadon  parmi 
ceux-ci ,  et  l'on  a  eu  soin  de  la  Her  au  bonheur  et  à  la 
splendeur  dçs  colonies. 

C'est  ainsi  que  le  despotisme  cherche  toujours  à  mettre 
le  bandeau  sur  les  yeux  des  hommes  ,  pour  pouvoir 
mieux  les  conduire  où  bon  lui  semble  ;  c'est  ainsi 
que  l'aristocratie  cherche  toujours  à  sacrifier  à  son  or- 
gueilleuse noblesse  ,  le  tems  ,  les  services  et  la  volonté 
des  hommes. 

Mais  il  failoit  une  apparence   plausible  pour  persuader 

la'sscmblée 


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(17) 

l'assemblée  nationale  ,  et  dévoyer  les  amis  de  rhumanlté 
et  de  la  justice  ;  on  a  encore  imaginé  de  donner  pour 
principe  certain  ,  que  si  Tesclave  ,  qui  n'est  soumis  que 
parce  qu'il  croit  le  blanc  d'une  espèce  presque  divine  , 
voyoit  les  affranchis  ou  leurs  descendans  s'élever  à  l'égalité 
des  blancs ,  il  diroit  :  Quoi  ?  les  sang-melés  ,  les  nègres  libns 
sont  autant  que  les  blancs  ,  occupent  des  places  ,  des  emplois 
comme  eux  ?  Les  blancs  ne  sont  donc  pas  si  supérieurs  à  nous? 
J{ous  sommes  en  bien  plus  grand  nombre  queux  ,  secouons  donc 
le  JQug  de  l'esclavage.  Après  cette  supposition  ridicule,  les 
colons  infèrent  qu'il  seroit  de  la  dernière  inconséquence 
d'accorder  la  citoyenneté  aux  hommes  de  couleur   libres. 

Voilà  l'unique  but  des  colons  qui  se  sont  montrés  con- 
tre le  décret  du  i5  mai.  Il  en  est  d'autres  qui,  profitant 
de  la  fermentation  des  premiers  ,  ont  cru  pouvoir  fonder 
de  plus  grandes  espérances  :  obérés  au-delà  de  tout  ce 
qu'ils  possèdent  ,  ils  ont  cru  qu'en  aidant  aux  esprits 
mus  par  le  préjugé  ,  ils  pourroient  payer  leurs  dettes  en 
passant  sous  la  puissance  angloise.  Frappés  de  cet  espoir, 
il  n'est  sortes  de  manœuvres  qu'ils  n'ayent  fait  jouer  pour 
parvenir  à  leurs  fins  :  faux  bruits  sur  les  hommes  de  cou^ 
leiar  libres ,  fausses  inculpations  à  la  partie  saine  de  l'as- 
semblée national©  ;  inculpations,  calomnies  atroces  contre 
tous  les  amis  de  l'humanité  ;  rien  ne  leur  a  coûté.  Ils  ont 
été  merveilleusement  secondés  par  les  ennemis  de  la  cons- 
titution ,  par  tous  les  ci- devant  ,  et  même  par  des  puissan- 
ces étrangères  ,  et  sur-tout  par  des  journalistes  salariés  par 
le  parti  colonialn^.  Les  clameurs  réunies  de  tant  de  mau- 
vaises gens  ,  ont  fait  l'effet  qu'ils  en  attendoient  ;  c'est-à-^ 
dire  ,  ont  embrouillé  la  matière  ,  ont  intimidé  les  négo- 
cians  de  bonne  foi  et  peu  instruits  ,  ont  attiédi  quelques 
amis  de  l'humanité  ,  ont  suspendu  ,  ont  égaré  le  jugement 
public  et  ont  fourni  au  parti  colonial,  secondé  de  la  len-< 
teur  ministérielle  ,  tout  le  tems  de  dresser  ses  batteries 
et  de  faire  tout  le  mal  avant  que  l'on  pût  s'en  défendre.    >, 

Ne  cherchons  pas  ailleurs  la  cause  de  la  prétendue  révo- 


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t  is  ) 

«atîon  du  décret  du  i5  mai,  par  le  corps  même  qui  avoît 
décrété  qu'on  ne  pouvoit  plus  toucher  à  la  constitution; 
révocation  qui  remettroit  le  germe  de  tous  les  maux  dans 
^e  sein  des  colonies  en  y  propageant  une  haine  d'autani 
plus  implacable  ,  qu'on  auroit  en  même-tems  trompé  les 
espérances  des  deux  partis  en  rendant  et  en  retirant  le 
liécret.  Mais  les  désastres  de  St.  Domingue  ont  prononcé, 
en  prouvant  le  besoin  indispensable  des  hommes  de  cou^ 
leur  contre  les  esclaves. 

Ils  en  est  donc  encore  tems  ;  l'assemblée  nationale  peut 
tarir  la  source  de  nos  malheurs  en  fixant  les  loix  des  colo- 
nies. Elle  fixera  aussi  par-là  l'incertitude  des  esprits  des 
deux  mondes  ,  et  dissipera  leurs  inquiétudes  respectives. 
Jusqu'à  ce  moment  on  n'a  vu  dans  les  colonies  que  vascil- 
1er  d'une  opinion  à  une  autre ,  heurter  tous  les  principes 
sans  s'arrêter  à  aucun  ,  recourir  à  des  hypothèses  ,  à  des 
systèmes  assez  spécieux,  tant  pour  justifier  ou  voiler  ses 
vrais  motifs  aux  yeux  des  autres  ,  que  pour  s'en  imposer 
è  soi-même.  De-là  cette  étonnante  versatiUté  de  volonté 
dans  les  colonies  ;  tantôt  une  assemblée  ,  tantôt  une  autre; 
et  tels  que  les  enfans  ,  on  a  vu  les  colons  briser  le  jour 
suivant  tout  ce  qui  les  avoit  enthousiasmés  la  veille.  Il 
faut  être  à  St.  Domingue  pour  ne  pas  sentir  le  ridicule  et 
le  danger  de  varier  ainsi  dans  les  choses  les  plus  graves  et  les 
plus  importantes.  N'est-ce  pas  ,  par  exemple  ,  un  vrai  scan- 
dale et  un  bien  grand  malheur,  que  le  désir  avec  lequel 
on  formas  l'assemblée  de  St  Marc  ,  et  la  fureur  avec  la^- 
quelle  on  la  poursuivit  ?  Et  c'est  des  assemblées  coloniales 
dont  l'intrigue  ,  la  cabale  ,  et  la  malveillance  se  jouent 
ainsi?  Remarquez  en  passant,  que  rassemblée  séante  à 
Léogane  avoit  déclaré  à  sa  première  séance  ocelle  prenoit 
les  créances  des  négocians  de  France  sous  la  protection  de  la 
foi  publique  de  la  colonie  ;  que  la  colonie  Jaisoit  partie  inté- 
grante de  la  France ^  quelle  suivroit  tous  les  décrets  de  ras- 
semblée nationale.  Ne  seroit-ce  pas  cette  déclaration  qui 
l'aura  fait  rappeller  au  Cap  ?  Payer  ses  dettes  et  rester  à 
la  France!....  Qixe  de  projets  renversés  i 


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(  '9  5 

Tout  cela  est  aussî  en  partie  Touvrage  de  F^goïsmei 
enfant  du  despotisme:  chacun  prétend  aux  premières  pla- 
ces ,  imprimer  aux  autres  son  unique  volonté  ,  les  fair^ 
penser  comme  soi  et  n'agir  que  pour  soi.  Il  sufEt  à( 
.St.  Domingue  d'avoir  individuellement  le  suffrage  de  ses 
concitoyens ,  pour  en  être  haï  ,  jalousé  ,  persécuté  collec- 
tivement. Cette  affreuse  anarchie  est  la  source  de  tout  gou- 
vernement arbitraire  ,  et  la  mère  de  tous  les  désastres. 
'  Tout  semble  s'être  conjuré  pour  égarer  les  colons  de 
bonne  foi  ,  dans  le  dédale  de  leurs  puérils  et  monstrueux 
préjugés  ;  ils  ont  perdu  de  vue  tous  leurs  intérêts  les  plus 
jréels  ,  avec  les  principes  de  la  raison  et  de  l'humanité  , 
pour  courir  après  tout  ce  qui  pouvoit  plus  sûrement  les 
perde.  C'est  le  papillon  qui  quitte  le  reverà  de  la  feuille 
où  il  étoit  en  sûreté  ,  pour  venir  se  brûler  à  la  chandelle. 
Les  gens  de  couleur ,  se  sont  dit  les  colons ,  veulent  s'égaler 
à  nous  !  Nos  affranchis  ,  leurs  descendans  ,  ceux  qui  étoient 
hier  nos  esclaves  ^  viendroient  demain  se  mettre  à  nos  côtés  ^ 
à  notre  table  ,  partager  nos  emplois  ,  demander  nos  filles  en 
mariage  .'....  Nonl  nous  nous  enterrerons  plutôt  sous  les  ruines 
de  la  colonie  /.... 

Ce  raisonnement  posé  ,  embrassé  avec  une  avide  fureur, 
il  n'a  plus  été  possible  de  faire  entendre  la  voix  de  la  jus- 
tice et  de  la  raison  ,  pas  même  celle  de  l'intérêt  personnel., 
ce  puissant  et  premier  mobile  des  colons.  Ils  an t  fait  couler 
lin  fleuve  d'or  où  sont  venus  s'abreuver  des  membres  per- 
fides de  l'assemblée  constituante  ,  et  les  plus  sages  des 
décrets  ,  ceux  des  8  et  28  mars  et  i5  mai  sur-tout,  si 
combattu  ,  n'ont  point  été  envoyés  officiellement  ;  ce 
fleuve  corrupteur  a  barré  le  passage  à  tout  ce  qui  pouvoit 
blesser  la  vanité  des  colons,  mais  eût  assuré  leurs  fortunes 
et  leurs  propres  jours.  Après  un  long  silence  sur  l'envoi 
de  ce  dernier  décret ,  on  suppose  des  troubles  que  Ton  dit 
en  découler;  la  coalition  démasquée  augmenta  son  parti, 
le  fleuve  enchanteur  ,  ce  nouveau  pactole  ,  se  divisa  ,  se 
se  subdivisa  ,    se  ramifia    dans   toutes  les  places  les  plus 


y 


-''^"tMMiMiaiai 


(    20    ) 

importantes  ;  on  séduit  le  public  par  des  écrits  menson 
gers  ,  par  de  perfides  agens  ,  par  des  nouvelles  controu- 
vées  ;  Famour  de  riiumanité  s'affoiblit,  les  cœurs  se  dessè- 
chent ,  et  après  que  les  blancs  eurent  désarmés  les  hommes 
de  couleur  libres  dans  la  partie  du  nord  ,  le  parti  colonial, 
île  craignant  plus  rien  ,  redoubla  ouvertement  ses  efforts , 
remporta  sur  les  patriotes  ,  et  ces  décrets  furent  réyoquéi 
par  un  corps  qui  n'en  avoit  pas  le  droit  ,  et  qui  violoit 
là  loi  expressément  pour  signer  la  ruine  et  la  désolation, 
de  la  plus  riche  colonie.  Les  colons  avoient  sacrifié  des 
années  de  leurs  revenus  pour  obtenir  ce  triomphe,  qui 
devoit  leur  coûter  encore  une  partie  de  leur  capital  :  les 
es^claves  les  ont  pris  au  dépourvu ,  et  la  partie  du  nord  , 
foyer  de  ce  principe  infernal ,  a  été  une  vaste  province  de 
ruines  ,  jonchée  de  morts  ,  baignée  de  sang. 

Voilà  ce  que  j'avois  prévu  ,  voilà  ce  qu'il  étoit  aisé  de 
prévoir  et  de  prévenir  ;  pour  Favoir  dit ,  la  haine  du  parti 
colonial  m'en  a  fait  un  crime  énorme  ,  et  a  cherché  à  me 
porter  les  plus  funestes  coups  par  Finfâme  calomnie. 

Toujours  attentif  à  poursuivre  son  objet,  ce  parti  odieux 
a  cherché  jusque  dans  le  soulèvement  même  des  esclaves 
auquel  lui  seul  avoit  donné  lieu  ,  à  inculper  les  hommes 
de  couleur  libres  :  au  moment  de  Finsurrection  ,  on  s'écria 
qu'il  n'y  avoit  qu'eux  qui  eussent  pu  la  fomenter  par  ven- 
geance contre  les  blancs.  Ce  soupçon  devient  un  bruît 
général  ,  Fon  se  jette  dans  les  rues  sur  les  premiers  qui 
se  présentent ,  et  ils  sont  indignement  massacrés.  La  peur 
s'empare  d'un  homme  estimable  ;  il  veut  échapper  à  ses 
assassins  ,  il  monte  sur  le  toit  de  sa  maison  ,  on  Fen  fait 
descendre  d'un  coup  de  fusil  !.... 

Cependant ,  le  lendemain  ,  les  autres  ne  perdent  point 
courage  ;  au  risque  d'éprouver  le  même  sort  ,  ils  vont  à 
rassemblée  coloniale  offrir  les  plus  chers  otages  pour 
ravoir  leurs  armes  et  défendre  leur  ingrate  patrie.  Ils 
volent  ensuite  au  camp  des  rebelles  ,  et  ils  les  arrêtent 
l   aux  portes  de  la  ville.  C'est  ainsi  que  ces  Métis  de  brutes 


xr 


Mi     AC 


(  «I  ) 
«  sont  vengés  de  ces  êtres  si  parfaits  !  Les  blancs  qui  eilSî 
sent  rougi  de  les  voir  à  leurs  côtés  à  table  ,  les  ont  vuS 
toujours'  devant  eux  dans  le  chemin  de  la  victoire  ,  >  ■ 
sant  dans  un  jour  u  que  nom  divine  espèce  ne  pouvait  fatra 
dans  huit,  soutenant  constamment  lesfatigues  de  laguerre, 
tandis  que   la  race  pure    des    hl^na   succemboit  ! . .  .  ■    a 

iustice  !  ,     .   •      j        « 

Dans  l'enthousiasme,  dans  U  délire  de  la  joie  de  s6 
Vir  préservés  si  généreusement  par  des  hommes  qu  oa 
s^étoit  pia  àravaller  au-dessous  de  Tesclave  même  ,  onieuï 
a  promis  bien  au-delà  du  décret  du  i5  mai  :  puisse  cette, 
promesse  être  bien  sincère  !...  ' 

Mais,  pourroiton  me  demander,  quelle  est  donc  1^ 
cause  p®ur  laquelle  les  colons  s'obstinent  à  vouloir  con^ 
server  un  préjugé  si  contraire  à  leurs  vrais  intérêts  ?  Jo 
réponds  à  cela  ,  que  sans  le  préjugé  qui  donne  tant  d  em- 
pire aux  blancs  sur  les  hommes  de  couleur  ,  les  premier^: 
ne  pourroient  plus  prendre  impunément  les  filles  de  ceux- 
ci  ,  leur  enlever  leurs  femmes  ,  leurs  biens  par  d  mfidèles  et 
arbitraires  arpentages-,  les  gens  libres  pourroient  occupper 
des  places,  etc.  En  outre  on voitpar  les  efforts  desnobles  et 

des  prêtres,  combien  Faristocratie  est  chère  aux  hommes 
qui  se  sont  unefois  habitués  à  dominer  sur  les  autres  :  ils  ris- 
quent tout  pour  recouvrer  ce  droit  barbare.  Tels  sont  aussi 
en  partie  les  motifs  des  colons  dans  leurs  efforts  pour 
maintenir  le  préjugé  colonial  si  préjudiciable  à  leur  bon- 
heur et  à  leur  sûreté. 

Il  ne  faut  pas  que  je  termine  ces  notes  ,  sans  y  ajou- 
ter une  remarque  très  importante,  et  qui  pourra  peut-être 
servir  à  découvrir  le  bout  du  fil  de  la  trame  ourdie  contre 
les  gens  de  couleur  libres  ,  et  peut-être  contre  la  consti- 
tution en  général  ,  de  Tun  à  l'autre  monde. 

Tandis  que  les  colons  répandoient  que  les  sang-mêUs 
n'accepteroient  point  le  décret  du  i5  mai,  parce  que  , 
ajoutoient-ils  ,  il  n'avantageoit  que  les  nègres  liferes, 
M.  Blanchelande  marquoit  en  France  qu  il  n'y  auroit  tout 


^\ 


\ 

^ 


Vj-, 


^u  plus  que  quatre  cent  hommes  de  couleur  au  Port-au- 
Frince  ,  au  moment  où  il  étoit  sûr  que  ce  décret  étoit 
rendu  ,  qu'il  employeroit  toutes  les  forces  qui  lui  étoient 
confiées,  pour  faire  observer  les  décrets  sanctionnés  ,  nec 
flm  ultra.  On  n  a  pas  oublié  qu'il  avoit  marqué  au  minis- 
^e  ,  qu'il  verseroit  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  son  sang , 
plutôt  que  de  souffrir  que  les  hommes  congés  à  ses  soins  i 
tournassent  leurs  armes  les  uns  contre  les  autres. 

!<>.  Comment  se  figurer  un  moyen  de  verser  son 
sang,  carc'est  au  collectif  dont  parle  ce  général,  sans  tourner 
Ses  armes  contre  quelqu'un  ? 

2°.  Il  est  visible  que  M.  Blanchelandeentendoit  parler 
tîer  troupes  de  ligne  et  des  colons  aristocrates  ,  en  par- 
îant  en  son  propre  nom  ,  et  qu'en  disant  qu'il  ne  souffri- 
ïoiÊ  pas  que  les  hommes  confiés  à  ses  soins  tournassent 
leurs  armes  les  uns  contre  les  autres  ,  il  entendoit  que  les 
%ons  patriotes  et  les  sang-mêîcs  n'étoient  pas  ces  hommes 
tonfiés  à  ses  soins. 

3°.  Il  est  clair  encore  qu'en  écrivant  de  la  sorte  au  Port- 
auL-Prmce  ,  il  étoit  en  même-tems  bien  informé  que  le 
décret  n'auroit  jamais  été  ni  sanctionné  ni  envoyé  officiel- 
lement ,  et  qu'il  auroit^  été  révoqué  ,  si  le  roi  avoit  ac- 
cepté la  constitution  qui  sanctionnoit  tous  les  décrets 
antérieurs. 

4°-  Pourquoi ,  au  lieu  d'envoyer  de  suite   des  avisos  en 
France  ,  ne  s'est-on  adressé  qu'à  la  Jamaïque  ?  Comment 
s'y   est-on    pris  ?    Quels  secours  lui    a-t-on    demandés   ? 
Quels  sont  ceux  qui  ont  été  accordés  ?  Pourquoi  de  suite 
mne  frégate  angloise  dans  notre  rade  ?  Pourquoi  des  aller, 
des  venir   à  la  Jamaïque  ,  par  des  députés  qui  ne  portent 
Tien  par  écrit  de  la  part  de  l'assemblée  du  Cap  ,    ou  qui 
ne  portent  que  des  discours  vagues  ?  Pourquoi  cette  lettre 
de  l'assemblée   coloniale  au   ministre   d'Angleterre  ,  por- 
tant que  Vanglois  avoit  recueilli    les  débris  de  la  colonie  ? 

5*^  Le  refus-  des  Espagnols  et  leur  réponse  mérite  un© 
grande  attention  de  la  part  des  François. 


f^ 


M^ 


fa    «rr 


(«S) 

6<*.  Les  calomnies  des  colons  contre  tous  les^  bons  paf 
triotes  de  France  ,  la  cocarde  noire  portée  par  presque 
toute  rassemblée  coloniale  ;  ajoutez  à  cela  la  déclaratioti 
de  rassemblée  de  Léogane ,  de  se  regarder  comme  partie 
intégrante  delà  France,  de  prendre  les  dettes  delà  co- 
lonie sous  sa  responsabilité  ;  puis  la  subite  traiislatiam 
d'une  assemblée  qui  manifeste  de  tels  principes  en  ce  lieu 
et  change  au  Cap  aussi  extraordinairement. 

Si  Ton  ne  cherchoit  qu  à  rendre  justice  aijix  ko;mineft 
de  couleur  libres  ;  si  Ton  ne  cherchoit  qu'à  se  mettre  en 
force  contre  les  esclaves,  sans  chercher  à  adoucir  leur  5;0rt , 
non  seulement  cet  oubli  seroitinhumain,  mais  encore  liseroit 
très -impolitique  .  ce  ne  seroit  que  pallier  le  mal  pour  u^ 
tems  ;  ce  seroit  se  tenir  en  un  état  perpétuel  de  guerre  , 
tenir  en  haleine  un  ennemi  toujours  redoutable  ,  et  qui  ne 
peut  manquer  de  saisir  la  moindre  occasion  de  s'agiter. 
L'assemblée  nationale  ne  dédaignera  pas  d'étendre  ses 
tendres  sollicitudes  ,  ses  vues  de  bienfaisance  et  de  justice 
jusque  sur  cette  classe  si  misérable  ,  à  laquelle  cependant 
on  est  redevable  de  richesses  immenses  du  nouveau  mon- 
de ,  et  que  le  seul  désespoir  égare  le  plus  souvent.  On 
apprendra  dans  peu  ,  malgré  tous  les  soins  des  colons  du 
Cap  ,  qu'il  y  a  eu  beaucoup  d'habitations ,  telles  que  celles 
de  Walsh  ,  Deparoy  ,  Duplaa  ,  Lachevalerie  ,  etc. ,  où  les 
nègres  ,  toujours  bien  traités,  bien  nourris  et  bien  habillés, 
se  sont  défendus  à  toute  outrance  contre. les  rebelles  qui 
vouloient  incendier  ces  biens  ,  et  sont  parvenus  à  les  pré- 
server de  l'incendie  après  avoir  éteint  le  feu  à  plusieurs 
reprises.  ^ 

Les  colons  n'ont  assurément  pas  plus  de  droits  sur  les 
hommes  de  couleur  libres  ,  qu'ils  n'en  ont  eux-mêmes 
les  uns  sur  les  autres  ;  on  ne  peut  aussi  leur  disputer  celui 
de  propriété  sur  leurs  esclaves  ;  c'est  leur  bien  ,  c'est  le 
nerf  des  fortunes  et  du  commerce  du  nouveau  monde  , 
et  les  colons  ne  peuvent  en  être  privés  impunément.  Mais 
il  n'en  est  pas  moins  Y^^ai  que  l'assemblée  législative  de 


•   N 


A 


iCîfiriÀt  Vt  *  ;-»  i  -•  tistm 


% 


'-  '         ^  (24) 

'France  ,  deVant  donner  des  loix  à  tout  ce  qui  tient  à  Verni 
pire  François  ,  elle  doit  également  régler  celles  par  les- 
quelles les  esclaves  ,  qui  sont  des  hommes  ,  doivent  être 
traités.  En  augmentant  nos  forces  contre  le  nombre  consi- 
dérable de  nos  nègres  par  Tétat  civil  accordé  ,  ou  rendu  , 
aux  hommes  de  couleur  libres  ,  et  en  améliorant  le  sort 
ides  premiers  ,  nous  doublerions  ces  forces  encore  en  di- 
minuant le  besoin  d'en  faire  usagé.  L'assemblée  nationale 
devant  s'occuper  de  cet  objet ,  je  joins  ici  un  projet  relatif, 
dans  lequel  peut-être  on  trouvera  des^  choses  importantes 
à  l'ordre  ,  au  calme  et  à  la  prospérité  des  colonies. 

Voilà  ce  que  j'ai  remarqué  sur  les  colonies  ;  je  répond* 
'de  tous  les  faits  que  j'avance  ici.  On  m'a  fait  au  Cap  un 
grand  crime  d'avoir  manifesté  mon  opinion  sur  le  régime 
colonial  ,  d'avoir  pardcipé  au  décret  du  i5  mai  :  que  diront 
donc  les  colons  démasqués ,  si  ces  notes  sont  publiées  ? 
Mais  la  partie  saine  du  public  me  jugera.  Quand  on  est 
sm  de  travailler  sincèrement  pour  le  bien  de  sa  patrie  , 
on  porte  sa  consolation  dans  son  cœur  si  Ton  en  est  mal 
jugé.  Au  reste  ,  ma  patrie  ne  sauroit  être  mon  juge  ;  c'est 
aux  vrais  François  à  prononcer  entre  les  colons  qui  me  blà- 
rnient  et  moi. 


ESSAI 


■X-^^r^ 


ir 


^m  éF' 


Uti-SCL 


S  S  A  I 


S    tJ    R 


L*  AMÉLIORATION    DU    SORT 
DES     ESCLAVES. 


o 


N  a  divers emeîît  écrit  sur  le  sort  des  esclaves  de  TAmé" 
rlque  ,  parce  qu'on  n'a  écrit  que  sur  parole  ,  ou  sur  des 
des  mémoires  faux.  On  convient  assez  généralement  que 
leur  sort  est  très-à  plaindre  ,  et  c'est  le  seul  point  auquel 
tous  les  écrivains  se  rencontrent  ^  parce  que  la  vérité  se 
touche  toujours  \  mais  aucun  n'a  encore  proposé  des 
moyens  efficaces  pour  améliorer  l'état  des  misérables  qui 
arrachent  de  la  terre  de  TAmérique  ces  richesses  immen- 
ses dont  se  targuent  tant  leurs  maîtres  ^  qui  font  pencher 
la  balance  de  l'Europe  du  côté  de  la  France. 

Les  moyens,  que  propose  Fabbé  Raynal  sont  insuffisans 
bu  impraticables  ;  Montesquieu  n'indique  que  l'abolition 
de  l'esclavage  par  une  réticence  absolue  sur  le  sort  deâ 
nègres  ;  le  moyen  est  non-seulement  dangereux  à  l'or- 
dre et  à  la  prospérité  des  colonies  ,  mais  encore  contre 
toute  équité  ,  contre  le  droit  de  propriété  dont  on  ne 
pourroit  impunément  dépouiller  le  maître  de  l'esclave.  Il 
n'est  cependant  aucun  mal  qui  n'ait  son  remède  ;  il  ne  faut 
que  le  trouver.  Celui-ci  intéresse  à  la  fois  Ihumanité  et 
la  prospérité  d'un  des  premiers  empires  du  monde  ;  tout 
bon  françois  doit  à  sa  patrie  le  tribut  de  tout  ce  qu'il  peut 
savoir  de  propre  à  y  remédier. 

P 


Jf*MliàSySA-LJk  rv. 


i^ 


\ 


-  (  26  )  ' 

Ceux  qui  iiabitués  à  ne  regarder  leurs  esclaves  que 
comme  une  espèce  brute ,  inférieure  à  la  leur  ;  que  comme 
une  race  d'hommes  créée  tout  exprès  pour  leurs  besoins 
et  la  satisfaction  de  leurs  caprices  :  que  comme  des 
êtres  privés  de  toute  intelligence  ,  de  toute  sensibilité  ; 
que  comme  des  bêtes  de  somme  ;  enfin  que  comme  des 
lïiisérables  cannibales  qu'on  a  tirés  du  sol  le  plus  disgracié 
de  la  nature  ,  de  la  vie  la  plus  dure  et  la  plus  précaire  , 
pour  les  transplanter  dans  une  terre  de  promission  où  ils 
sont  mille  fois  plus  heureux  que  dans  leur  climat  naturel, 
qu'au  milieu  de  leurs  familles;  ceux-là,  dis-je  ,  qui  affir- 
ment que  ks  noirs  ,  au  milieu  des  traitemens  arbitraires 
de  leurs  maîtres  ,  sont  moins  à  plaindre  que  les  paysans 
françois ,  trouvent  extraordinairement  étrange  qu'on  puisse 
s'occuper  de  leur  sort  ,  et  le  trouver  mauvais.  L'ami  de  la 
vérité,  et  de  l'humanité  qui  n'est  jamais  l'esclave  de  Fliabî- 
tude  ,  voit  et  raisonne  tout  différemment  :  il  ne  dit  que 
ce  qu'il  a  vu  ,    que  comme  il  a  vu. 

Consultez  le  marin  qui  va  à  la  cate  chercher  des  nèo-res, 
41  vous  dira  qu'ils  sont  en  peine  de  pourvoir  à  leur  iiour- 
riture,  qu'ils  se  déchirent  tellement  entr'eux,  qu'il  est  étonné 
que  l'espèce  subsiste  eucore.  Ce  langage  est  celui  de  ceux 
qui  veulent  justifier  la  traite  et  tous  les  maux  qui  en  sont 
la  suite.  Le  nombre  prodigieux  de  nègres  amenés  depuis 
deux  siècles  et  demi  dans  les  colonies  ,  répond  à  ces  con- 
tes puérils.  De  même ,  si  le  nègre  étoit  si  malheureux  dans 
sa  patrie  ,  s'il  y  étoit  soumis  à  l'esclavage  ,  s'il  avoit  tant 
de  peine  à  pourvoir,  à  sa  nourriture  ,  pourquoi  est-il  si 
bien  proportionné  ,  si  fort  ,  si  robuste,  doué  d'une  santé 
si  vigoureuse  en  arrivant  dans  les  colonies  ?  D'où  vient 
qu'au  b,our  d'un  an  qu'il  y  est,  il  tombe  dans  un  état  de 
foiblesse  ,  de  maigreur  ,  de  langueur  qui  le  rend  mécon- 
noissable  ,  et  dont  il  ne  se  relève  jamais  parfaitement, 
quand  il  n'en  meurt  pas  ?D'où  vient  soupire-t-il  tant  après 
U  iiberic  ,  î;:usc  des  fréqucns  maronages  ?  Quel  est  le 
c©io»  de  bonne  foi  '"^n  ne. convienne  que  ppur_ avoir- cent 


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nègres ,  îî  en  fautenterreraw  moi?is  qnatre  cent  ?  de  même  ; 
si  le  nègre  étoit  si  malheureux  dans  son  pays  ,  s'il  étoit 
sans  sentiment  ,  pourquoi  voit-on  le  désespoir  les  porter 
si  souvent  au  suicide,  une  des  premières  causes  pour' 
lesquelles  on  les  tient  si  fort  à  la  gêne  dans  les  navires? 
Pourquoi  ceux  qui  sont  nés  dans  les  eo^lonies  ne  se  por-' 
tentrils  pas  aussi  au  suicide  ?  En  attendant  que  quelqu'un 
réponde  à  ces  questions  ,.  tâchons  de  rechercher  ies^  maux 
des  esclaves,  et  les  moyens   d'y  remédier.. 

Pour. bien  faire  ces  recherches  ,  tâchons  de  nous  isoler 
entièrement  de  imtérêt  pour  ou  contre  Tesclavage.  Il  seroit 
impossible  de  juger  avec  rimpartialité  du  vrai  philosophe, 
si  Ton  prenoit   pour  règle  ces  deux  mots  mis  en  opposi- 
tion :  ^2k7te  et  ac/tz^y*^^^.   Il  ne   faut  cependant   pas   aussi 
perdre    de     vue    l'idée    que    d^an    côté     les    esclaves    y 
mettent  ,  et  que  de  l'autre  leur  maîtres  y  attachent.  Ces 
deux  états. ,  pris  à  la  rigueur  ,  impliquent  un  si  grand  con-' 
traste  à  l'esprit,  qu'il  semble  qu'on  ne   puisse  en  aucune' 
manière  les  rapprocher  ,  encore  moins  les  concilier;  mais 
ils  existent  dgins  un  même  lieu  ,  il  n'est  peut-être  pas  facile 
de  les  séparer  ^il  est  du  bien  de  la  nation  entière  ée  cher- 
cher à  assurer  la  propriété  de  l'un  pour  le  bien  de  TempiFe  , 
et.adouçir  le  sort  de  celui  qui  doit  souffrir  de  la  seule  vue 
de  l'autre  ^   de   celui  qui  éprouve  encore   de  l'autre    des 
traitemens  propres  aie  lui  ren^dre  plus  insupportable.  C'est 
aux  sages  législateurs  à  mitiger  d'un  côté  le  pouvoir  du 
maître    sur  l'esclave  ,  et    à   procurer  à    celui-ci  quelques 
objets  de  consoia^tion ,    et  mêm«  d'espérance,  La  funeste' 
boëte   de  Pandore    se   seroit-clle    toute   vidée  pour  une 
classe  d'hommes  qui  a  plus  besoin  d^espoir  pour  la  sou- 
tenir daiis  ses  maux  et  dans  ses  fatigues  perpétuelles  ?....      > 

Il  y  a  bien  peu  de  colons  qui  ne  pensent  pas  que  leur 
honneur  et  leur  gloire  dépendent  de  Fétat  actuel  des 
esclaves,  et  qu'ils  sont  plus  intéressés  à  Fagraver  qu'à 
radoucir.  Leur  proposer  une  réforme  indispensable  dans 
ee  régime  ,  c'est  comme  si  on  leur  proposoit  de  se  de- 


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sîstef  de  lenr  droit  de  propriété.  Cependant  cette  réfornïô 
devient  plus  nécessaire   que  jamais,,. 

L'esclave  ,  dites-vous  ,  a  tous  les  vices  ,  sans  une  seule 
vertu.  Je  conviens  que  ne  pouvant  supporter  la  vue  de 
telui  qui  le  prive  de  tout,  jusqu^à  sa  volonté  morale 
même  ,  s'abandonne  à  tous  les  écarts.  Eh  !  n'est-ce  pas  vous 
qui  les  lui  inspirez  ?  Quelle  récompense  âttcnd-il  de  vous? 
Hélas  !  c'est  d'être  abandonné  dans  un  mauvais  ajoupa  , 
au  fond  de  votre  jardin  ,  loin  de  vos  yeux ,  lorsqu'il  peut 
à  peine  se  traîner  pour  se  procurer  un  peu  d'eau  et  de 
bois  pour  faire  cuire  ce  que  ses  pauvres  camarades  veu- 
lent bien  ou  peuvent  lui  donner  ,  quand  à  la  nuit  close 
il  va  quêter  sa  subsistance  dans  leurs  cases,...  Car  il  ne  lui 
est  pas  même  permis  de  quitter  son  exil....  Ah  !  quel 
tableau  ,  si  je  voulois  ici  le  tracer  !....  Vous  en  frémissez 
vous-mêmes.,..  Car  vous  ne  pouvez  tout-à-fait  arracher 
Thumanité  de  vos  ccex^rs  ,  quand  l'habitude  les  auroit  en^ 
tièrement  blasés. 

On  ne  peut  se  dissimuler  que  Tesclave  ,  privé  des  lumiè* 
res  de  l'éducation  ,  doit  être  contenu  par  des  loix  parti- 
culières de  police;  mais  elles  doivent  être  pesées  par  la 
sagesse  ,  et  rédigées  par  la  justice  et  l'humanité,  d'accord 
avec  les  intérêts  du  maître,  La  loi  qui  n'est  que  répressive 
et  qui  ne  protège  pas  le  sujet ,  n'est  pas  une  loi;  mais  est 
une  oppression  absolue  et  sanctionnée.  L'esclave  est  la 
propriété  du  maître  ,  nulle  loi  ne  peut  le  priver  d'en  jouir 
tant  qu'il  ne  s'en  est  pas  désisté  ;  mais  cette  propriété  ne 
peut  pas  non  plus  détruire  la  protection  de  çûreté  et  de 
jouisance  que  la  loi  doit  à  tout  homme. 

Louis  XVI  avoit  rendu  un  édit  en  décembre  1784, 
qui  tendoit  au  but  que  je  propose  ;  mais  cette  loi  , 
fruit  d'un  faux  apperçu  ,  sembloit  avoir  moins  eu  en  vue 
d'adoucir  le  joug  de  l'esclavage,  que  de  détruire  le  blanc 
par  le  noir  ,  et  le  noir  par  le  blanc  ,  en  les  aigrissant  luu 
contre  l'autre  par  mille  occasions  qu'on  leur  présentoit. 

Si  le  sort  des  esclaves  est  si  à  plaindre  au  physiqiac  , 


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lî  Test  bien  plus  au  moral.  C'est  dans  son  cctm  ,  c'est  dani 
sa  propre  opinion  que  sont  ses  plus  grands  tourmens.  C'est 
donc  là  qu'il  faut  chercher  le  plus  radoucissement  de  son 
sort  ,  le  moyen  en  est  simple  et  aisé  :  c'est  de  Fattacher 
à  lui-même  ,  c'est  de  lui  accorder  une  sorte  de  propriété  réelle. 
Par-là  seul  on  lui  donnera  une    existence  réelle  ,    on  l'y 
attachera,  et  on  l'attachera  aux    intérêts    de   son   maître. 
Déjà  on  accorde   à  chacun  une   certaine  portion  de  terre 
en  jouissance  pour  vivre  ;  s'il  peut  du  produit  se  nourrir, 
se  vêtir  ,  pourquoi   ne  peut-il  pas  avoir  authentiquement 
la  propriété  de  ce  fruit  de   son  travail ,  et  la  faculté  de  le 
fixer  sur  d'autres  objets  dont  il  pourroit  encore    disposer 
librement  ?  L'esclave  ne  peut  rien  posséder  qui   n'appar- 
tienne à  son  maître  ;  en  vain  cpargneroit-il  ,  en  vain  sc- 
roit-il  laborieux   et  industrieux  ,    il   ne  peut    rien    trans- 
mettre à  ses  enfans.   De  là  cette  insouciance  ,    cette  pré-  ' 
tendue  imprévoyance  que  l'on  reproche  au  nègre  ,  et  qui 
sont  au  contraire  précisément  la  preuve  de  sa  prudence. 
Puisque  ,  se  dit-il  ,  je  n'ai  riei;i  à  moi ,  puisqu'après  avoit 
travaillé  au  jardin  de  mon  maître  à  ses  heures  et  pour  son 
compte  ,  ce    que  je   puis    gagner  aux  miennes   par   mes 
sueurs  lui  appartiendroit  encore,    pourquoi  me    fatigue- 
rois  je  ,  sans  pouvoir  goûter    la  consolation   de  laisser  à 
mes  parens  le  fruit  de  mes  travaux  ? 

Après  ce  raisonnement  naturel  ,  l'esclave  ne  travaille 
qu'autant  qu'il  lui  en  faut  pou^ne  pas  aller  nud  et  mourir 
de  faim.  Plus  de  la  moidé  ne  daigne  seulement  pas  tra- 
vailler pour  se  nourrir  ni  se  vêtir.  De  là  le  vol  commun 
aux  esclaves  de  tous  les  tems  et  de  toutes  les  couleurs.  Si 
jïion  maître  n'est  pas  content ,  disent-ils  ,  que  nous  lui 
voilions  de  quoi  manger  ,  il  a  besoin  de  nous  ,  qu'il  nous 
nourrisse  comm^   ses  chevaux  et  ses  bceuts. 

La  loi  qui  défend  la  propriété  à  l'esclave ,  est  non- 
leulement  plus  injuste  et  plus  cruelle  que  l'esclavage 
même  ,  mais  encore  elle  implique  une  telle  contradiction 
avec  elle-même  ,  qu'il  est  inconcevable  qu'elle  ait  puav^ir 


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îiçu  cKez  des  peuples  policés.  Car  ,  si  un  homme-a  p«  ^ 
veodre  ,  ne  peut41pas  encore  mieux  ,  ne  doit-if  pas  dis-je 
disposer  du  prix    de    sa   liberté  ,  et  par    la  même  raiso^ 
îa    conserver   ?    Si    le    prix    de     sa  liberté    ne    peut   lui 
rester  ,    n'est-il  pas  évident    qu'il    n'a  pu    l'aliéner?  Un 
des  axiomes  invariables  de  droit  et  de  raison  ,  est  quon  ne 
peut  donner  et  retenir  :  ici  ,  on  donne  pour  avoir  le  don  et  le 
donnataire.  Ce  n'est  donc  point  un  contrat  valide  ,  ce  n'est 
qu'un  acte  de  surprise,   de  force  et  de  violence,  et  V^i- 
clave  n'est  qu  un  prisonnier  éternel.  S'il  s'est  vendu  lui-même, 
il  doit  jouir  du  prix  de  sa  liberté  ,  jamais  propriété  ne  fut 
mieux  acquise  et  plus  sacrée  ,  s'il  a  pu  se  vendre  :  autre- 
ment son  maître  n'auroit  fait  que  lui  présenter  un   hame- 
çon ,  sûr  quilétoit  de  ravoir  et.l'appas  et  le  prisounier: 
c'est  une  perfidie.  Si  l'esclave  a  été  vendu  par  un  voleur.., 
Ce  n'est  qu  un  prisonnier,  et  les  prisonniers  se  rançonnent. 
Pourquoi  donc  l'esclave  ne  pourroit-il  pas  jouir  du  même 
bénéfice  ?  On  lui  a  ôté  le  droit  de  propriété  expressément 

pour  le  priver  de   rcxercice  de   ce   bénéfice Cest   le 

comble  ,  c'est  le  dernier  rafincment  de  l'inhumanité. 

En  accordant  à  Fesciave  la  propriété  absolue  de  son 
pécule  ,  ce  ne  seroit  qu  ébaucher  son  sort  ;  il  faudroit  pouK 
Taméhorer  réellement  et  entièrement,  qu'il  pût  sortir  de 
la  servitude  quand  il  auroit  épargné  de  quoi  remboursej; 
sa  valeur  à  son  maître  ,  et  cette  valeur  peut  être  fixée  , 
avec  des  précautions  contre  les  fraudes  de  la  tyrannie  eç 
de  l'avarice,  sur  les  rôles  des  récensemens  annuels  ,  selon 
les  talens  et  la  bonne  ou  la  mauvaise  constitution  de 
Tindividu. 

Il  est  fort  aisé  de  prouver  que  le  maître  gagneroit  de 
toutes  les  manières  à  cette  loi  de  justjce.  Si  l'esclave  pou- 
voit  espérer  de  rom^prc  sa  chaîne  par  son  travail ,  par  son 
industrie  ,  par  sa  conduite  ,  combien  ne  se  soigneroit-il  pr.s 
lui-même  ,  combien  ne  s'empresseroit-il  pas  lui-même  à 
remplir  sa  tâche  pour  ne  l'avoir  plus  un  jour  î  le  maître, 
auroit   aussi  des  ouvriers  plus  adroits  pour   ses    travaux  ^ 


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ses  manufactures  ;  Tcsdave  seroit  intéressé  à  s  mstruîfe  de 
quelque  métier  pour  s'aider  dans  son   projet  de    gagner 
de  quoi  s'afFranchir.   Que  risque  son  maître  d  ailleurs  ?  Un 
esclave  ne  commence  à  être  en  âge  de  gagner  de  Fargent 
pour  son  compte  ,  que  vers  trente  ou  quarante  ans  ;  il  ne 
faut  en  excepter  que  fort  peu  ;  et  alors  il  s'est  déjà  payé 
par  son  travail.  Il  lui  faut ,   en  bien  travaillant  ,  s'il  a  un 
métier,  plus  de  quinze  ans  pour  gagner  sa  valeur,  vivre 
et  se  vêtir  ;  et  s'il  n'a  aucun  talent  ,   il  lui   faut  plus   de 
vingt  ans,  s"il  est  bien  sobre    et  bien  économe.  Il  auroit 
donc  de  60  à  70   ans  lorsqu'il  dcmanderoit  à  sortir  de  la 
servitude  :  or,    n'est-il    pas    alors    arrivé  à  l'âge    où  il  va 
bientôt  être  hors  d'état  de  rendre  service  à  son  maître  ? 
Pendant  le  tems  qu'il  se  seroit  occupé  à  amasser  dé  quoi 
se  racheter  de  l'esclavage  ,  il  auroit  prêché  d'exemple  aux 
jeunes  esclaves  par  une    bonne   conduite  ,  l'exactitude    à 
s^n  devoir  ,  et  n'auroit  pensé  qu'à  l'heureux  moment  où 
il  auroit    enfin  brisé   ses  fers.  5on   maître    aura  donc  été 
celui  qui  auroit  réellement  gagnée  à  cela  ,  puisqu'après  les 
Bons  services  du  âujet  ,  il  n'auroit  été  rembourse    de  sa 
Valeur,  au  moment  où  il  devoit  perdac  l'un  et  l'aurre.  Par 
une-espérance  ,  presque  fictive  de   son  esclave  ,  il  mjroit 
;doublement^  gagné  sur  son  travail  et  sa  fidélité  :   Fesclave 
anroit  été  heureux  long-tems  d'une  perspective  éloignée 
et  souvent  imaginaire. 

On  pense  bien  que  dans  le  cas  où  il  parviendroit  à  la 
réaliser,  il  devroit  être  exempté  de  cette  ta^i  excessive 
qu^il^^t  donner  poUr  affranchir  un  bon  sujet  que  l'on 
veut  récompenser  par  le  don  de  la  liberté.     ' 

Au  surplus  ,  on  pourroit  encore  établir  que  le  maître 
d-eviendroit,  comme  par  aubaine  ,  rhéritier  de  son  esclave  , 
SI  celui-ci  meurt  sans  enfans  ou  parens  légitimes. 
'  La  propriété  absolue  du  pécule  de  l'esclave  produiroit 
encore  ce  bien  ,  de  diminuer  les  désertions  en  fixant  une 
sorte  d'amende  sur  son  avoir  au  profit  du  maître  ,  dans  le 
cas  de  maroBage  ,  ^ainsi   que  dans  le  cas  de  délit,   pro- 


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Jé 


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|i6rtioîiné  à  la  gravité  du  crime.  Personne  ,  je  pense ,  ne 
Contestera  que  ce  sont-là  de  puissans  ressorts  pouc 
contenir  Tesclavé  et  épurer  ses  mœurs.  Mais  les  colons 
n'imitent-ils  pas  un  peu  les  Esftagnols  qui  firent  passer  les 
Caraïbes  pour  des  brutes  afin  de  justifier  leurs  cruautés  ? 
En  épurant  les  moeurs  des  esclaves  ,  ne  crâint-ôn  pas  un 
peu  de  faire  contraster  trdp  leur  sort  avec  leur  manière 
d'être  et  d'agir  ?....  et  le  goût  des  maîtres  pour  ces  Africai- 
nes ,  si  viles  à  leurs  yeux  ,  ne  sêroit-il  pas  trop  contrarié 
par  une  loi  qui  rameneroit  la  chasteté  dans  leur  ame  ? 

Si  l'esclave  avoit  la  consolante  perspective  de  pouvoir 
un  jour  se  racheter  par  ses  épargnes ,  la  servitude  ne  seroit 
pas  plus  dure  à  supporter  pour  lui  ^  que  le  service  pour  le 
soldat  ,  qui  se  console  de  son  engagement  par  la  certitude 
où  il  est  d'en  voir  arriver  la  fin.  Ajoutez  à  cela  un  peu 
plus  de  douceur  dans  les  châtimiens  auxquels  il  seroit  sou- 
mis ,  on  ne  perdroit  pas  tant  de  nègres  chaque  année  , 
les  nécrrillons  ne  périroient  plus  tant  au  berceau  ,  bien 
moins  encore  au  sein  de  leurs  mères.  Une  expérience  aussi 
constante  que  peu  sentie  des  colons  ,  prouve  que  les 
nègres  et  sang-mêlés  libres  ,  vivent  bien  plus  long-tems 
que  les  esclaves  et  multiplient  infiniment  davantage  ,  en 
exceptant  quelques  domestiques  de  maisons  ,  et  ceux  qui 
ont  le  bonheur  d'appartenir  à  des  maîtres  d'une  douce 
administration.  L'homme  satisfait  de  son  sort  est  toujours 
mieux  portant ,  et  plus  porté  au  bien  qu'au  mal.  C'est  tout 
le  contraire  de  celui  que  l'ennui  tourmente  ,  que  le  dégoût 
accable  ,  et  c'est  bien  pire  de  celui  qui  a  le  désespoir 
dans   l'ame  ! 

Ce  qui  afflige  le  plus  les  âmes  sensibles  ,  c'est  de  ne 
pouvoir  douter  qu'en  améliorant  le  sort  des  esclaves  ,  les 
colons  en  seroient  plus  riches  ,  plus  tranquilles  et  plus 
heureux.  Traitez  humainement  votre  esclave  ,  ayez-en  soin, 
récompensez-le  quand  il  remplit  ses  devoirs  avec  zèle ,  il 
sera  mieux  portant  ,  moins  méchant ,  vivra  plus  long- 
tems  ,  et    vous  rendra   conséquemment  plus  de    service. 

Combien 


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Combien  de  colons  ,  pour  ménager  tine  Centaine  dû 
livres  par  art,  en  nourriture^  pendant  la  maladie  dun 
esclave  ,  perdent  trois  rftille  livres  et  pliis  par  sa  mort  î 
combien  de  journées  de  travail  perdues  potir  vouloir  en 
gagner  Une  du  deux  de  plus  ? 

Epurant  les  moeurs  des  esclaves  ^  les  maîtres  ^âcnâ-* 
toicnt  encore  :  Tesclave  ne  penseroit  qu'à  travailler,  qu'à 
thésauriser  au  lieu  d'enterrer  son  argent  ^  ou  de  le  mangef 
en  débauche  ^  oU  de  s'en  soûler  pour  s'étourdir  sUr  son 
éternel  malheUr*  Avec  le  droit  de  propriété  sur  soa 
pécule  ,  s'il  avoit  celui  de  transmettre  à  ses  enfans  et  à 
ses  parens  légitimes  ,  oh  verrôit  naître  le  mariage  dans  lea 
habitations  ,  On  env^rroit  disparoître  ce  libertinage  affreuse 
qui  achève  de  dégrader  l'esclave  ,  et  en  fait  périr  tant  de 
inilliers. 

Il  y  a  des  Colons  qUi  pensent  ^  ou  feignent  dëpensef 
que  le  mariage  n'est  pas  nécessaire  aux  esclaves  ,  qu'il 
peut  même  leur  être  nuisible  :  ou  ils  ne  sont  pas  sincères-, 
ou  ils  n'y  ont  pas  réfléchis.  Le  nègre  à  une  singulière 
vénération  pour  cet  état;  il  regarde  ses  enfans  îégitim.es 
comme  étant  bien  plus  particulièrement  à  lui  ;  et  ceux-ci 
les  aiment  et  les  respectent  bien  davantage.  Si  Ton  voie 
moins  de  mariages  parmi  les  esclaves  ,  il  n'en  faut  cher-* 
cher  la  cause  que  dans  l'e^xtrême  crainte  de  faire  trop 
d'enfans  misérables  î  c'est  aussi  par  cette  raison  ,  et  un 
peu  par  le  pouvoir  qu'à  son  maître  sur  ses  négresses  que 
les  esclaves  aiment  mieux  aller  se  chercher  une  femme  hors 
de  son  habitation  :  du  moins  ,  se  dit-il  ,  si  mon  maître  la 
séduit,  je  n'en  saurai  rien;  si  mes  enfans  sont  maltraités, 
je   n'aurai   pas  la  douleur  d'en  être  le    témoin. 

Cette  crainte  feroit  place  au  désir,  s'il  avoit  une  soite 
de  propriété  ,  s'il  pouvôit  en  disposer  en  faveur  de  ses 
enfans  légitimes  ,  et  s'il  étoit  traité  avec  plus  deî  douceur  ^- 
parce  que  ,  s'il  n  a  pu  les  tirer  de  l'esclavage  ,  il  mourrois 
avec  T'espoir  consolant  de  leur  laisser  de  quoi  en  sortir 
plutôt.  Il  est  de  fait  que  depuis  que  le  mariage  banni  parmi 


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les  esclaves  à  force  de  les  ridiculiser  ,  ou  d'abuser  de  leurs 
femmes  ,  depuis  que  la  paternité  n'est  plus  qu'une  chimère 
douloureuse  à  leurs  yeux  ;  on  ne  les  voit  plus  s'attacher 
à  rien  de  suivi,  et  on  les  voit  se  livrer  à  tous  les  désordres. 

Le  droit  de  propriété  ,  d'hérédité  ,  et  de  retrait  sur  la 
liberté  feroit  donc  naître  des  mœurs  pures  parmi  les  escla- 
ves ;  pour  assurer  leur  héritage  à  leurs  descendans ,  ils  re- 
courroient  au  mariage  ,  ce  lien  de  la  société  qui ,  en  unis- 
sant les  hommes  par  des  égards  sacrés  à  leurs  yeux,  adou- 
cit leur  caractère  ,  épure  leurs  sentimens.  Les  esclaves 
n'étant  contenus  par  aucune  de  ces  chaînes  morales  et 
volontaires  ne  tiennent  à  rien  ,  désertent  sans  sujet  ,  ou 
pour  peu  de  chose  ,  ne  craignent  pas  même  les  plus  rudes 
châtimens  ,  regardent  la  mort  comme  le  terme  à  leurs 
maux  ,  et  ne  cherchent  qu'à  éviter  la  vue  de  leurs  maî- 
tres. Qui  les  retiendroit  ?  leurs  femmes  ,  elles  peuvent  être 
celles  du  premier  venu  ,  ou  tout  au  moins  celles  de  leurs 
maîtres  si  le  caprice  lui  en  prend  ,  comme  cela  n'est  que 
trop  ordinaire;l€urs  enfans?  ne  sont'-ils  pas  condamnés  aux 
mêmes  maux,  ne  sont-ce'pas  même  des  souffrances  de  plus 
pour  eux  ?  Peuvent-ils  les  regarder  comme  étant  vérita- 
blemient  les  leurs  ?  Leur  ^avoir  ?  en  quoi  consiste- 1  il  .* 
la  reconnoissance  ?  de  quel   bienfait  ? 

Toute  la  consolation  de  Fesclave  est  dans  sa  chatison, 
dans  sa  danse  ,  et  on  lui  défend  de  danser  plus  d'une  fois 
par  an.  Il  voit  les  blancs  et  les  gens  de  couleur  libres 
s'assembler  ,  s'amuser,  goûter  le  plaisir  de  la  danse  dont  il 
est  passionné  ,  et  il  lui  est  défendu  de  se  rapprocher 
quelquefois  de  ses  semblables  ,  de  s'étourdir  un  instant 
sur  son  sort  par  le  bruit  enchanteur  de  son  tambour. 
Désespéré  de  se  voir  tout  ôter  ,  jusqu'à  ses  plaisirs  les 
plus  innocens  mêmes,  il  se  soûle  en  secret,  s'épuise  en 
veilles  et  en  débauches  ,  va  dans  les  bois  danser  la  nuit, 
gagne  des  maladies ,  périt  ou  devient  caduc  avant  Tâge. 
il  me  semble  entendre  son  maître  répondra  à  ces  vérités 
notoires  :  ''  Je  suis  dans  un  pays  où  Xon  ne  vient  qu© 


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(55) 

pour  faire   fortune  ,  où  la  dur^e  de  la  vie  est  incertaine  et 
précaire  ;  il  faut  que  je    tire  de  mes   nègres  le  plus  grand 
et  le  plus  r.ron.pt  parti  :  ils  vivront  peu  ;  peu  m  importe 
j'en  aurai  ilré  la  quintescence.  CeuK  qui  me  succéderont 
s'en  procureront  d'autres  s'ils  veulent  ),.  ^ 

T'ai  entendu  nombre  de  colons  dire  que  pourvu  qu.ls 
comervassent  le  quart  des  nègres  qu'ils  avoient  achetés  au 
bout   de  dix  ans ,  c'étoit  tout  ce  qu'ils  demandoient. 

Si  l'esclave  avoit  quelquefois  la  consolation  de  s  amu- 
ser, il  s'attacheroit  davantage  à  travailler  pour  lui-même, 
indépendamment  de  la  perspective  de  la  liberté  ,  afin  de 
pouvoir  s'habiller  proprement  pour  aller  danser.  On  eu 
a  la  preuve  :  à  l'approche   du  premier   de  l'an  ,    époque 
si  chère   et  si    mémorable   pour  les  esclaves  ,  parce  que 
c'est  le  seul  jour  qu'ils  sont  assurés  de  danser  sans  empê- 
chement ;  ils  font  tous  leurs  efforts  pour  se  donner  un 
rechange  propre.  Ils    se    priveroient   de   nourriture    pour 
paroîtr;  bien  habillés  ce  jour-là  :  rien  n'est  plus  honteux 
à  leurs  yeux  que  de  ne  l'être  pas  ce  grand  jour  de  lete. 
S'il  y  en  a  dans  Tattelier  qui  ne  soient  pas  bien  mis    les 
autres  leur  prêtent  de  quoi  figurer  au  calinàa.  C'est  alors 
qu'ils    goûtent     ce    doux   plaisir   de   répéter  une   chan- 
son nouvelle.  Le  lendemain  ,  ils  la  répètent  encore  ,  ils 
racontent  avec  une  nouvelle  joie  la  manière  dont  un  tel 
a  battu  le  hahouU  ,  dont  un   autre   a  danse  ,   a  chante  ; 
comment  tels  et   tels  étoient  habillés  ,  etc.   c'est   le  sujet 
d'un  mois  des  entretiens  les  plus  intéressans  ;  c'est  ce  qui 
bannit  pendant  tout  ce   tems   tout  souvenir   désagréable 
de  leu.  esprit;  heureux  s'ils  n'en  avoient  jamais  deleuretat. 
Pendant  ce  mois  de  déHces  pour  eux  ,  ils  sont  plus  gais  , 
plus  courageux  à  l'ouvrage.  Leurs  instrumens  aratoires  se 
•    lèvent  et  retombent  tous  en  mêrae-tems  en  cadence,   et 
l'ouvrage  en  avance  d'autant.  Ge  sont   autant  de  moyens 
qui  s'offrent  d'eux-mêmes  aux  colons  pour  adoucir  le  sort 
des  esclaves  et  qui  servent  leurs  propres  intérêts. 
.     Mais  ilscraiguent  que  dans  les  assemblées  des  esclaves  , 

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lis  ne  coacertent  la  perte  de  leurs  maîtres  ;  u  les  tyrans  sont 
toujours  tremblans  „.  Eh  !  nesen.em-ils  donc  pas  qu'en  les 
tra.tant  plus  humainemeut,  ils  n'auroient  plus  en  eux  d'aussi 
dangereux  ennemas  ?  Ne  sentent  ils  donc  pas  que  ,  traités 
comme  ils  le  sont  actuellement,  les  esclaves  peuvent  trop 
aisément  fomenter  leur  perte  sans  des  assemblées  publi- 
ques ,  où  il  n'est  jamais  prudent  de  s'ouvrir  d'un  secret 
important  ?  Est-ce  au  sein  des  plaisirs  où  l'on  pense   aux 
cnmes  ?  non...    C'est  sous   le   poids    de  l'injustice.    Eh  ! 
soyonsjastes  et  humains   envers  nos   esclaves,   et  envers 
nos  affranchis  ,  tous  nos  sujets  de  crainte  seront  anéantis  , 
et  nous  ne  serons  plus  environnés  que  de  cœurs  reconnois- 
sans  ,  que  d'amis.  Q.uel  échange  ,  cependant  ! 

Parcourons   l'histoire  de    toute  la  terre  ,   nous  verrons 
que  cheî  tous  les   peuples,   policés  ou   barbares  ,  pour 
etourau  les   hommes  de   la  classe  malheureuse  sur  leur 
«»sere  ,  et  peut  être  pour  les  contenir  en  détournant  leurs 
pensées   du  sentiment  de  leur   sort  ,  on  leur   donne  des 
spectacles     on  leur  permet  des  jeux,  des  fêtes,  des  amu- 
semens  puWics  ;  on  a  vu  le  peuple  romain  souffrir  pa- 
tiemment les  cruautés  de  Néron  ,  et  se  soulever  quand  on 
voulut  lut  oter  son  Bouffon.  Les  seuls  esclaves  des  colo- 
nies ne  peuvent  avoir  aucune  sorte  d'amusement.  Tout  est 
Clandestin  pour    eux  ;  sous-prétexte  que   leurs  asemblées 
«e  peuvent  être  qu'illicites ,  tumultueuses  .  ou  leur  défen4 
de  goûter  lé  seul  plaisir  qu'ils   peuvent  avoir.   Comme  si 
i  on  pouvoit  les  empêcher  de  s'assembler  en  secret,  comme 
s.  leurs  assemblées  publiques   pourroient  être  aussi  dan- 
gereures  que   celles  qu'ils   tiennent  la  nuit  ;  comme  si  la 
.ianse     dont  ils  sont  si  passionnés  ,  ne  les  écartoit  pas  des 
»dees  de  complot  qu'on  redoute  tant  de  leur  part  !  tandis" 
qu  en  leur  permettant  de   danser   en  présence   d'un    éco- 
nome ,  ils  s'amuseroieat  assez  pour  ne  plus  chercher  à  la 

laue    de  nuit  et    dnn«    u.  k„- 

''"''   ^ss  DOIS   comm  e  on  ne   sauroit 

lempêcher.Etl'on  peut  préférer  une  vie  ausstri  oublée 

«ne  tache  aussi  rude  et    aussi  inhumaine  ,  à  la   douceui 


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(  37  ) 

d'une  vie  paisible  ,  juste  et  bienfaisante  l  oh ,  que  les 
tyrans  sont  aveugles  et  malheureux  ! 

Mais  croira- 1- on  par  quelle  politique  véritable  on  s'op- 
pose ainsi  aux  danses  des  nègres  ?  par  jalousie....  Oui  , 
les  blancs  ,  qui  veulent  avoir  le  droit  exclusif  et  arbitraire 
sur  leurs  négresses  ,  craignent  que  s'ils  les  laissoient  aller 
dans  des  assemblées  ,  des  nègres  partageroient  leurs  plai- 
sirs Pauvres  colons  !  ignorent-ils  qu'avec  toutes  leurs  pré- 
cautions leurs  négresses  préfèrent  toujours  un  nègre  ? 

Loin  donc  de  rien  risquer  en  adoucissant  le  sort  de  leurs 
esclaves^  ils  y  gagneroient  de  toutes  les  façons.  L'esclave 
le  plus  entendu  ne  pouvant  amasser  son  prix  que  sur  la 
fin  de  sa  carrière  ,  il  ne^  feroit  qu'éviter  sa  perte  ou  les 
charges  de  sa  veillesse  à  son  maître  ;  et  «oute  sa  vie  ,  le 
seul  espoir  de  devenir  un  jour  libre  ,  lui  aura  été  un 
stimulant  ,  01;  plutôt  un  frein  puissant  et  tout  à  l'avan- 
tage  du  propriétaire. 

Mais  diront  sans  doute  les  maîtres  qu'une  ignorante  cu- 
pidité guide  ,  si  l'esclave  avoit  le  droit  de  propriété  réélis. 
sur  son  pécule  ,  il  nous  piileroit  pour  assurer  plutôt  son 
sort.  A  cela  je  réponds,  1°.  que  toujours  l'esclave  esÊ 
voleur  ,  de  quelque  couleur  quil  soit  ;  S°.  qu'il  le  seroit  inr 
finiment  moins  s'il  avoit  de  quoi  répondre  de  ses  vols  et 
ménager  davantage  les  bontés  de  son  maître  ;  3°.  qu'en 
établissant  pour  une  de  ses  loix  réglementaires  que  ses 
vols  l'éloigneroient  d'autant  de  la  liberté  ;  4°.  en  établis- 
sant une  sorte  d'amende  sur  son  avoir. 

Mais  tel  qu'est  actuellement  le  sort  de  l'esclave  ,  qui 
peut  le  détourner  du  vol  et  le  porter  au  bien  ,  au  tra- 
vail ,  à  la  fidélité  et  à  la  sobriété  ?  qu'il  fasse  bien  ou 
mal  à  ses  yeux  ,  et  dans  le  fait ,  c'est  tout  un  ,  n'ayant 
aucune  sorte  de  récompense  à  en  attendre.  S'il  pèche  ,  il 
est  sûr,  à  la  vérité  ,  d'être  rudement  châtié  ;  mais  s'il  fait 
son  devoir  ,  41  est  aussi  sûr  de  n'en  être  point  récompensé. 
Car  quand  bien  même  son  maître  le  voudroit ,  se  résou- 
droit-il  à  sacrifier  sa  valeur ,  si   chère   aujourd'hui,  puis 


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encore  à  donner  la  somme  extraordinaire  qu'il  en  coûte 
pour  obtenir  son  affranchissement  ?  les  bons  maîtres^ 
étoient  empêchés  par-là  de  récompenser  leurs  fidèles 
sujets  ,  et  les  mauvais  trouvoient  le  prétexte  de  rnanquer 
à  la  justice  et  à  la  bienfaisance.  Le  gouvernement  con- 
couroit  donc  ,  ou  plutôt  aggravoit  ,  appesantissoit  encore 
le  sort  des  esclaves  en  rendant  leur  affranchissement  pres- 
qu'impossibie  ;  tout  ce  que  ceux-ci  peuvent  attendre  de 
leurs  maîtres  ,  pour  leurs  bons  services  ,  c'est  de  n'être  pas 
châtiés  quand  ils  méritent  des  récompenses  !... 

On  ne  peut  lire  ,  sans  une  amère  douleur  ,  sans  de 
cruels  déchiremens ,  dans  le  rapport  des  députés  de  l'Amé- 
rique à  l'assemblée  nationale  ,  que  les  nègres  qui  avoient 
le  plus  à  se  louer  des  bontés  de  leurs  maîtres  ,  ont  été 
les  premiers  ,  pendant  leur  révolte  ,  à  les  trahir  et  à  le* 
égorger....  Eh  !  ne  sont-ils  donc  pas  déjà  assez  à  plaindre! 
faut-il  encore  chercher  à  les  rendre  plvis  misérables  !  et 
n'êtes- vous  pas  assez  entourés  de  danger  ;  faut-il  réduire 
les  esclaves  à  un  état  plus  désespérant  encore  !  Quoi?  des^ 
hommes  ont  pu  se  flatter  de  persuader  à  une  assemblée 
composée  des  hommes  les  plus  savans  de  tout  l'em- 
pire françois ,  que  plus  on  fait  de  bien  aux  esclaves,  et 
plus  ils  sont  méchans  î  que  ceux  qui  avoient  été  les  plus 
maltraités  sont  ceux  qui  se  sont  montrés  les  plus  fidèles  , 
et  les  plus  attachés  à  leurs  maîtres,  qui  les  ont  défendus, 
qui  les  ont  sauvés  ?....  Ainsi  ,  votre  conclusion  barbare  est 
que  vous  les  traitiés  encore  plus  cruellement  pour  en  être 
mieux  servis  ,  plus  aimés  ,  et  plus  sûrement  préservés  !... 
Oh  !   quelle  maxime....  et  l'on  a  pu  la  mettre  au  jour  !...» 

Les  Espagnols  avoient  une  loi  fort  sage  qu'en  se  poli- 
çant  ils  ont  abolie  :  un  esclave  pouvoit  forcer  son  maître 
de  lui  dçnner  la  liberté  moyennant  la  somme  de  1200  liv. 
tournois.  L'édit  de  1784  accorde  la  liberté  de  Savanne  à 
toute  négresse  qui  pourra  présenter  à  son  maître  six  en- 
fans.  Mais  qu'est-ce  pour  elle  que  cette  vaine  image  de 
la  liberté  après  laquelle  le  cœur  de  TesclaYe  soupire  tant  ? 


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(39) 

Ne  sait-elle  pas  bien  que  si  elle  vient  à  faire  d'autres  ei*;^ 
fans  ,  ils  n'en  appartiendront  pas  moins  à  son  maître  ? 
Ne  sait-elle  pas  bien  qu  elle  ne  peut  sortir  de  cette  Savamie 
sans  un  billet  de  fon  maître  ,  et  que  ce  n'est-là  qu  une  li- 
berté absolue  à  toute  mère  de  huit  enfans  vivans  ?  On  eut 
par-là  donné  naissance  à  de  milliers  de  négrillons  de  plus , 
on  eut  rendu  leurs  mères  plus  soigneuses  à  les  nourrir  ,  à 
les  préserver  des  vers ,  à  les  échiquer.  Eh  bien  ,  cette  liberté 
imaginaire  ,  dont  très-peu  de  négresses  auroient  pu  jouir 
parle  pur  hasard  ,  croira-t-on  qu'elle  a  été  rejettée  d'une 
grande  partie  des    colons  ? 

C'est*  quelque  chose  de  frappant  que  la  chaleur  avec 
laquelle  les  esclaves  poursuivent  la  liberté  ,  et  l'enthou- 
siasme avec  lequel  ils  la  reçoivent  :  peut-on  ne  pas  ap- 
percevoir  que  c'est  -  là  le  moyen  le  plus  efficace  que 
Ton  puisse  employer  pour  les  porter  à  tout  ce  qu'on 
doit  en  exiger  ,  s'ils  étoient  sûrs  d'en  obtenir  cette  récom- 
pense si  chère  à  leurs  cœurs  ?  mais  il  semble  que  ,  pour 
servir  le  goût  des  colons ,  le  gouvernement  soit  fâché  de 
voir  sordr  un  esclave  de  son  état.  Et  cependant  on  ne 
peut  plus  douter  aujourd'hui  que  le  salut  des  colonies  dé- 
pende   absolument  du  nombre  des    hommes   de  couleur 

libres. 

Voilà  ce  qu'une  longue  expérience  m'a  appris.  Mon 
projet,  et  bien  mieux  encçre  mes  réflexions,  trouveront 
peu  de  partisans  parmi  certains  colons  ;  mais  dans  des  vues 
d'utilité  générale  ,  le  bon  citoyen  s'élève  sans  crainte  au- 
dessus  des  considérations  pardculières  ;  et  quand  son 
examen  a  été  fait  par  l'œil  impartial  de  la  raison  et  de 
l'humanité  ,  s'il  n'a  point  les  suffrages  de  tous  ses  conci- 
toyens ,  il  a  la  douceur  du  témoignage  de  sa  véracité  pour 
se  consoler. 


M  I  L  S  G  E  N  T  ,  créole. 


Fms ,  cê  i8  dsambn  1791. 


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