Skip to main content

Full text of "Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois"

See other formats







J ^ 



BULLETIN 



hK I.A 



SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 

^ SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 

Di: 

VEI^DOMOIS 



r 






TOME XIX 
i^^ TRIMESTRE 1880 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 1 

Rapport sut- la proposition de porter la cotisa- 
tion de 5 à 6tV 2 

Comptes de 1879 et Budget de 1880 5 

Description sommaire des objets offerts ou sxo- 

quis depuis In séance du 15 janvier 1880 . . 9 

Chronique , l^ 

Notice sur la chapelle de N.-D. de Fierhoi^s, \^^ iaa^,-,_ 

par- M. G. Launay 'iSUlw^ 

Perche et Percherons, Tpav M. de Maricomt. . 26 

Essai d'onomastique. Les noms de famille de 

Vendôme aa XVI' siècle, par M. Rigollot. . '46 

Compte de la Recette de Vendôme pour l'année 

i.5<9.î, par M. Joseph Thillier (5* partie) . . ">1 



VENDOME 
Typographtk Lemercier & Fils 

i88o 




'Jo 



y^ 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LIÏTÉRAmE 



DU VENDOMOIS 



19e ANNÉE — l"^'- TRIMESTRE 



JANVIER 1880 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois s'est réunie en assemblée générale le jeudi 15 jan- 
vier 1880, à deux heures. 

Etaient présents au Bureau: 

MM, de Sachy, président; G. Launay, vice - président ; Sou- 
dée, secrétaire; G. de Trémault, trésorier; L. Martellière, con- 
servateur; Nouel, bibliothécaire - archiviste; L. Martellière, 
conservateur; Ch. Bouchet^ bibliothécaire honoraire; Robin, 
l'abbé de Préville, Isnard, de Maricourt et Ch. Chautard ; tous 
membres, le premier sortan-t, les deux derniers entrants; 

Et MM. Louis Buffereau ; Delaunay; Deniau; Dunoyer; 
Duvau ; Duriez; Henry; Lacordaire ; de Lamarlier; de La 
Serre..; .'P. Lemercier;. l'abbé Maillet ; l'abbé Renou; Rigollot ;: 
Roger; l'abbé Roulet ; Thillîer; Raoul de Saint- Venant. 

XIX 1 



- 1* 



M. le Président déclare la séance ouverte. 

H est procédé à l'installation des membres du Bureau nommés 
à la réunion générale du 16 octobre 1879, conformément aux 
statuts. 

Le Bureau pour l'année 1880est ainsi composé : 

MM. de Sachy, président; 

G. Launay, vice-président ; 

Soudée, secrétaire ; 

G. de TvémauU, trésorier : 

L. Mai'tellière, consercateur ; 

Nouel, hibliothécairc-architiste ; 

de Déservillers ; 

Isnard ; 

l'abbé de Préville ; , ,^ , 

, -, . / Membres. 

de Maricourt ; 

Ch. Cliautard ; 

Aug. de Trémault ; 



M, le Président donne la parole ù M. Nouel, qui expose en ces 
termes les motifs sur lesquels s'appuie la majorité du Bureau 
pour proposer de porter de 5 à 6 fr. par an, à partir du 1" janvier 
1880, la cotisation de chaque sociétaire: 

Dans la séance da jeudi 6 novembre 1879, deux membres 
(MM. Robin et Nouel) ont soumis à l'examen du Bureau de la 
Société Archéologique la proposition de porter de 5 fr. à 6 fr. la 
cotisation annuelle des membres de la Société, à partir de l'an- 
née 1880, dans le but d'assurer l'équilibre de nos budgets, qui 
se soldent en déficit depuis quelques années. 

La cause de cet état tiiiancier est dans la dépense toujours 
croissante due ù l'impression de notre Bulletin, dont le déve- 
loppement, tant en texte qu'en planches, est d'ailleurs le signe 
de l'activité de la Société. 

Au début (1804), l'impression du Bulletin n'était que de 
70) fr., et les cotisations s'élevaient à 9J0 francs. En 1872. le 
Bulletin revient à 12Gt)fr., et les cotisations s'élèvent à 1520 fr. 
En 1874, le Bulletin coûte 44;i7 fr. ; les cotisations n'atteignent 
que 14 fr. ; le déficit commence. 



— :i — 

En 1877, pour 1500 fr. de cotisation, nous imprimons un 
Bulletin de 18G5 t'r., dont 370 fr. pour les planches. 

A partir de 1878, nous adoptons un nouveau format plus 
grand ; le Bulletin est imprimé en caractères neufs. La dépense 
atteint 2,000 fr., dont 244 fr. de planches; les cotisations ne 
produisent que 1G00 fr. ; déficit, 400 fr. 

Pour 1879, nous arrivons à 1990 fr. de Bulletin pour lOnO fr. 
de cotisations. 

Il résulte clairement de ces chiflres que l'équilibre financier 
de notre Société est rompu, les dépenses augmentant beau- 
coup plus rapidement que les recettes. 

Deux solutions se présentent pour rétablir cet équilibre : di- 
minuer les dépenses ou augmenter les recettes. 

Diminuer les dépenses, c'est réduire le Bulletin, refuser 
l'impression de certains travaux, supprimer les planches, dé- 
courager les recherches de nos membres, et nous mettre en in- 
fériorité d'échange vis-à vis les nombreuses Sociétés qui nous 
envoient leurs belles publications contre la nôtre. Le Bureau a 
repoussé cette solution, qui serait un véritable suicide de notre 
part. 

Il faut donc augmenter les recettes, et cela en augmentant 
le taux des cotisations. Il serait, en effet, imprudent de comp- 
ter uniquement sur l'accroissement du nombre des sociétaires 
pour accroître nos recettes: malgré les adhésions nouvelles 
qui sont proclamées à chacune de nos séances, la mort ({ui fau- 
che sans cesse derrière nous maintient notre chiffre total à peu 
près au même point, 320 environ. Avec le taux de 5 fr., la re- 
cette s'é!ève à 1600 fr., somme insuffisante pour payer le Bul- 
letin. En portant la cotisation à 6 f r , la recette atteindrait 
1920 fr., et permettrait de maintenir nos publications au ni- 
veau honorable qui leur a déjà valu tant de propositions flat- 
teuses d'échange. 

Le Bureau propose donc de porter àOfr. le taux de la cotisa- 
tion annuelle, à partir du 1er janvier 1880, et de modifier ainsi 
qu'il suit l'article !" de notre règlement: 

« Article i**'" : Chaque membre de la Société verse annuel- 
« lement entre les mains du trésorier une cotisation fixée à six 
a francs (au lieu de cinq francs). » 

Cette modification en entraînerait une autre, relativement au 
prix de vente des Bulletins, fixé jusqu'à présent à 5 fr. pour 



— 4 — 

les membres de la Société. Le prix des volumes de la nouvelle 
série (grand format), année 1878 et suivantes, serait porté à 
6fr., les volumes antérieurs pouvant toujours s'acquérir au 
prix de 5 fr. 



M. le Président consulte l'assemblée poui' avoir son avis. 

L'un des membres fait observer que la réunion est peu nom- 
breuse pour décider une question qui intéresse tous les socié- 
taires, et il demande s'il ne vaudrait pas mieux en renvoyer le 
vote à une autre séance. 11 lui est répondu que la convocation gé- 
nérale à la présente séance indiquait que cette question serait 
posée, et que rien ne peut faire supposer qu'un plus grand nom- 
bre de membres viendraient un autre jour. 

M. le Président, après avis du Bureau, déclare qu'on va passer 
au vote. Il demande alors que tous ceux qui sont d'avis d'adopter 
les conclusions du rapport se lèvent, ce qui a lieu de la part de 
tous les membres présents, moins un, sur trente, 

A la contre-épreuve, un seul membre s'est levé. 

En conséquence, M. le Président a déclaré : 

1' Que le règlement de la Société, article 1", est modifié en ces 
termes : « Chaque membre de la Société verse annuellement en- 
tre les mains du trésorier une cotisation fixée à six francs. » 

2° Que chaque année du Bulletin dont l'acquisition sera de- 
mandée, sera payée, jusques et y compris 1877, 5 fr. par an ; et 
depuis cette époque 6 fr. 



— o — 



M. le Président invite M. le Trésorier à présenter les comptes 
de la Société. 

COMPTES DE L'ANNÉE 1879. 



RECETTES ORDINAIRES 

Avoir en caisse au 1" janvier 1879 150' » 

Produit des cotisations antérieures 586 >• 

Produit des cotisations de l'année 1879 1010 » 

Produit des diplômes 8 » 

Vente de Bulletins 114 25 



Total des Recettes ordinaires . . 1868 25 



RECETTES EXTRAORDINAIRES 

Subvention du Ministre des Beaux-Arts 300 » 

— du département. 300 » 

Allocation delà ville de Vendôme pour achat d'une 

vitrine 300 » 

Allocation de la ville de Vendôme, pour l'entretien 

du Musée (Pour mémoire, 300 fr.) » » 

Intérêts de fonds placés 33 75 



Total des Recettes extraordinaires . . 933 75 



RECETTES ACCIDENTELLES, non prèoucs ttu htidgct. 

Subvention de la Société Française pour travaux 

à Lavardin 200 » 

Retiré sur les fond^ placés 437 60* 

Rentrée sur une dépense payée 9 » 

Total des Recettes accidentelles . . 646 60 



' Cette somme a été employée en grande partie |iour parfaire l'acquisition de la 
nouvelle vitrine. 



— 6 — 

Recettes ordinaires . . . 1868 25 

Recettes extraordinaires. 933 75 

Recettes accidentelles. . 646 60 



Total soiiéral des Recettes. 3448 60 



DEPENSES ORDINAIRES 

Parais d'administration 365 79 

Entretien du Musée. Allocation do la Ville. (Pour 

mémoire, 300 fr. ) » » 

Entr-ctien du Musée. Part do la Société 74 95 

Fouilles et recherches 49 75 

Impression et Brochage du Bulletin 1903 95 

Frais de planches pour le Bulletin ........ 87 70 

Ahonnoinonts et acliats pour la bibliothèque . . . 175 85 



TofaI (les Dépenses orcUnnires. . 355(5 99 



DEPENSES EXTRAORDINAIRES 



IMa([ue commémoralivc 30 » 

Vitrine pour le Musée 601 65 

Arpentage dudolmon do La Chapelle-Vendômoise. 31 90 



Total des Dépenses extraordinaires. . ()53 



Dépenses ordinaires . . . 3556 99 
Dépenses extraordinaires. 653 55 



Total général des Dépenses . . 3310 54 



BALANCE 

Recettes 3448 60 

Dépenses 3310 54 



Excédant des Recettes en caisse . . 338 06 

A la suite de cette lecture, M. lo Président demande si quel- 
qu'un a des obsorvations à faire sur les comptes do 1879. L'assem- 
blée adopte CCS cnmptos, et en donne (juittance définitive;! M. le 
Trésorier. Celui-ri dniiiir ensuite lecture du burln-et de 1880. 



BUDGET DE 1880 

RECETTES 

Première Section 

Cotisations arriérées ù recevoir (Pour mémoire, 

710 fr.) » « 

Avoir en caisse au 1" janvier 1880 238 06 



Deuxième Section 

Recettes ordinaires 

Cotisations de l'exercice 1880 1900 

Allocation de la ville de Vendôme pour le Musée 



(Pour mémoire, 300 fr.)- 



« » 



» » 



Total des Recettes ordinaires . . 1900 « 



Troisième Section 

Recettes extraordinaires 

Subvention du Ministre des Beaux-Arts 300 

Subvention du Conseil général 300 

Intérêts de fonds placés 15 

"Vente de bulletins 50 



Total des Recettes extraordinaires. 665 



Avoir en caisse 238 06 

Recettes ordinaires . . . 1900 » 
Recettes extraordinaires. 665 » 



Total général des Recettes . . 2803 06 



DÉPENSES 

Première Section 

Dépenses ordinaires. 
Fi-ais d'administration 3(K) 



.\ reporter. . 300 



8 — 



Report. . 300 » 
FiiM-oticn fies collections. Allocation de la Ville 

(Pour mémoire, 300 fr.) . . » » 

— Allocation de la Société. 100 « 

Fouilles et recherches .... 100 » 

Bibliothèque de la Société, achats, reliures, abon- 
nements 150 » 

Impression du Bulletin, planches et brochage. . . 1800 » 



Total des Dépenses ordinaires . . 2450 » 



Deuxième Section 

Dépenses extraordinaires 

Travaux de consolidation à Lavardin (emploi de 
l'allocation de la Société Française d'Archéo- 
logie 200 

Dépenses imprévues 100 



Total des Dépenses extraordinaires. . 300 



-»- 



Dépenses ordinaires. . . . 2450 
Dépenses extraordinaires . 300 



« 



Total général des Dépenses. . 2750 » 



BALANCE 

Recettes 2803 06 

Dépenses 2750 » 



Excédant des Recettes du budget de 1880. . 53 06 



Le budget de 1880 est voté à l'unanimité. 



— 9 — 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 
: DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 
depuis la séance du 16 octobre 1879 



I. — ART & ANTIQUITÉS 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Paulin Ferrant, de Mondoubleau: 

Deux belles GRAVURES d'après les peintures de Raphaël (jui 
se trouvent au-dessus des portes de l'une des salles du Vatican, à 
Rome, de chaque côté de la grande bataille de Maxence. Elles 
représentent la Justice et la Douceur (Comitas). — Œuvre du 
graveur R. Strange, commencée en 1761, terminée en 1765 et for- 
tement empreinte du style du xviii" siècle. 

Une autre GRAVURE représentant Charles xii, roi de Suède. 
Ce prince avait défendu, sous peine de mort, que l'on fit son por- 
trait ; mais un peintre anglais, nommé Crtift, parvint à éluder la 
défense, et les gravures faites d'après cette peinture empruntent 
à ces circonstances romanesques un certain intérêt. 

De M. MoussiNE, entrepreneur de maçonnerie îWendome : 

Une grande PLAQUE DE CHEMINÉE en fonte, de l",Or) 
de largeur sur 0™,80 de hauteur. Deux guerriers, couverts de 
pesantes armures, chevauchent vers un château-fort qu'on aper- 
çoit dans le fond à gaucho ; l'un d'eux se retourne complètement 
sur son cheval, qui tombe ù genoux. Entre les deux chevaliers, 
se trouve un écusson portant, au-dessus de deux croissants, un 
arbrisseau (un saule?) surmonté d'une étoile et entouré par la 
légende: BOYS f GAYf ME f REVIENT. Dans une bande- 
rolio, sortant d'un nuage, ces mots: SAVLE f SAV(LE) se li- 
sent en allant de droite à gauche. Faut-il voir là un sujet em- 
prunté .'i quelque ancien roman de chevalerie ? Est-ce une allé 



_ 10 — 

gorie politique ou religieuse dont le sens échappe, mais que 
fait entrevoir l'emblème du saule qui se couvre de rameaux d'au- 
tant plus touffus qu'on les coupe davantage? Sont-ce simplement 
des armoiries de quelque famille qui aui-ait saint Paul pour pa- 
tron ? Car il nous semble que le sujet de la scène n'est autre 
chose que la vocation de saint Paul sur le chemin de Damas. 

Une autre plaque pareille à celle-ci .existe à notre connais- 
sance à Vendôme. Elles proviennent originairement de l'ancien 
couvent des Calvairiennes, aujourd'hui le Saint-Cœur. Première 
moitié du xvii" siècle. 

De M. Oct. Robin, notre regretté collègue: 
Une AGRAFE en bronze, trouvée dans les travaux de la nou- 
velle salle d'asile (ancien hôtel Frincambault, dont le nom est 
resté à la rue adjacente). Cet objet, qu'on pourrait prendre au 
premier aspect pour une boucle de ceinture, semble être plutôt 
un crochet destiné à suspendre une bourse ou tout autre acces- 
soire du costume. Il porte d'un côté des ornements gravés et le 
mot AVE en caractères du xvi' siècle. L'autre face est ^outà fait 
lisse. 

Par ACQUISITION : 

Vn petit MORTIER en bronze avec son pilon ; la surface ex- 
térieure est divisée par des filets rehaussés de perles saillantes, 
en six compartiments décorés de figures imitant celles des pote- 
ries romaines, xvi' ou xvii* siècle. Provenance inconnue. 

Une HACHE TAILLÉE en silex gris, trouvée au lieu dit la 
Michetterie, commune de Villerable : longueur, O",!?; largeur^ 
0'",07. Bonne conservation. 

(Voir à la ChroniqHo le cuiiipfe rendu de l'envoi du Ministère 
des Beaux-Arts.) 

IL — NUMISMATIQUE 

NOLS AVONS REÇU : 

Do M. DE Grétry, rocovour des finances à Vendôme: 

Une impériale romaine en argent, de Salonin, fils de Gallien 
et de Sfilonino, qui fut tué très pou de temps après avoir été 



— 11 — 

nommé César. DIVO . VALERIANO . CAES. Buste radié à 
droite. R. : CONSACRATIO. Aigle enlevant au ciel le jeune 

Salonin. 

« 

LMi jeton frappé à Nuremberg à l'occasion du mariage de 
Louis xiH et d'Anne d'Autriche. Conservation médiocre. (V. au 
Bulletin de 1876, 4' trimestre. 

Un jeton de Louis xiv jeune: NIL NISI CONSILIO. 

Un assez joli jeton de Louis XV. Buste du roi jeune à gauche. 
R. : Apollon terrassant l'hydre ; VIS ANIMICORVM (sic). 
CORPORE CRESCIT. 

De M Oct. Robin : 

Une impériale romaine en argent de Faustine mère, qui pré- 
senterait, bien conservée, un certain intérêt. Malheureusement, 
elle a subi, de la part de l'ouvrier (jui l'a ti'ouvée, un nettoyage 
énergique qui lui ôte presque toute sa valeur : DIVA AVGVSTA 
FAVSTINA. — R. : CONCORDIAE. Antonin debout donnant 
la main à Faustine. Trouvée dans les fouilles de la salle d'asile. 

Par ACQUISITION : 

Une monnaie gauloise en or, imitation déjà dégénérée quoique 
très reconnaissable encore, des beaux statères d'or de Philippe 
de Macédoine. Elle porte au droit la tète d'Apollon couronné de 
laurier; mais les détails de la coiffure, qui pourraient servir à 
déterminer la provenance, sont peu apparents. Au revers, mieux 
conservé à cause de sa concavité, on voit un aurige conduisant 
un char à un seul cheval, au-dessous duquel est une lyre debout. 
Cette pièce, croyons-nous, est une variété inédite des monnaies 
du nord-ouest de la Gaule et d'une fabrication assez ancienne, si 
nous en jugeons par son poids considérable (8 grammes) relati- 
vement à son diamètre (0°',017). Elle a été trouvée à La Cha- 
pelle-Enchérie, au milieu d'une masse énorme d'autres pièces de 
bronze tellement oxydées qu'il a été impossible d'en rien con- 
server. Elles étaient renfermées dans un vase en terre de grande 
dimension et couvert d'ornements, dont on ne peut que re- 
gretter la perte ; car il fut brisé par la pioche du terrassier, et les 
fi-agments n'ont même pas pu être roti'ouvés. 

L. M. 



— 12 



III. —BIBLIOGRAPHIE 

1. —Dons des Auteurs ou autres : 

Département de Loir-et-Cher. Conseil général. Session d'août. 
1879. 

Les anciennes Orgues de la cathédrale d'Angoulême, par P. de 
Fleury, archiviste de la Charente. 

Notice sur les Chartes originales relatives à la Touraine, an- 
térieures à l'an mil, par J. Delaville le Roulx. Tours, 1879. 

n. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues, — 
Dons et échanges : 

Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 

1877-78. 

Société des Sciences et Arts agricoles et horticoles du Hàcre. 
15« Bulletin. 1879. N' spécimen.) 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Novem- 
bre 1879 (Mémoires) et décembre 1879. (Procès-verbaux.) 

Comité Archéologique de Senlis. Comptes rendus et Mémoires. 
Tome IV, année 1878, 

Bulletin de la Société de Borda, à Dax. — 4° trimestre 
1879. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. 1" et 2' trimestres de 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. 1" et 2' 
trimestres de 1879. 

Mémoires et Bulletin de la Société des Antiquaires de France. 

1878. 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture d'Eure- 
et-Loir. Plusieurs numéros. 

Rapport sur l'activité de la commission impériale archéologi- 
que, pour l'année 1876. Publié par ordre suprême. Saint-Pé- 
tersbourg, 1879. 

Bulletin (le la Société des Antiquaires de l'Ouest. 3' trimestre 
de 1879. 



— 13 — 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. 2' fascicule 1879. 

Bulletin de la Société d'Emulation du département de l'Allier. 
Ton\p IV, 4* livraison. 1879. 

Bulletin de la Société Dunoise. Octobre 1879. 

Bulletin de la Société des Archices historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. N" d'octobre 1879. 

III.— Par ENVOI du Ministère de rinsti'uction publique : 

Revue des Sociétés savantes des Départements. Mai-Juin 1878. 

Journal des Savants (Suite). 

Romania (Suite). 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 

IV. — Abonnements : 

Polyhihlion, (Suite.) 

Revue Archéologique. (Suite.) 

Bulletin Monumental. ( Suite. ) 

Matériaux pour l'histoire de l'homme. (Suite.) 

E. N. 



Remerciements sincères é\ tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



CHRONIOUE 



PROSPER BLANCHEMAIN 

Notre Société a perdu un de ses membres les plus distingués : 
M. Prosper Blanchemain est mort le 25 décembre dernier, au 
château de Longefont (Indre). Les lecteurs du Bulletin savent 
quel poète charmant, quel consciencieux érudit était l'éditeur 
de notre Ronsard ; les vifs regrets de celui qui, dans cette no- 
tice, essaye de rendre un sympathique hommage à un collègue, 
à un ami, seront plus douloureusement partagés par ceux qui 
purent, comme lui, apprécier les rares qualités de son cœur. 

Jean-Baptiste-Prosper Blanchemain était né à Roueft le 16 
juillet 4816, d'une mère rejnarquable par son esprit et sa piété, 
et dont il disait que l'heureuse influence s'était fait sentir pen- 
dant sa vie entière. Il fit, avec succès, la plus grande partie de 
ses études au collège Henri iv, où il eut pour condisciples les 
princes d'Orléans, dont la bienveillance, celle surtout du duc 
d'Aumale, lui fut acquise pour toujours. Elève externe, il de- 
meurait chez une grand'tante. Madame Victoire Babois, amie 
de Ducis qui avait surpris le secret de ses touchantes élégies 
maternelles, publiées en 1810 et rééditées en 1828. Mais, avant 
même d'habiter cet asile ouvert à la poésie, Prosper Blanche- 
main avait célébré, dans ses premiers vers, les joies du foyer 
domestique. Il fut l'un des plus ardents admirateurs et disciples 
de Lamartine, qui encouragea ses heureux débuts. 

Il suivit les cours de droit à Paris, où sa famille était venue 
s'établir; son père y fut, pendant quinze ans, administrateur 
du Bureau de bienfaisance. Plus tard, lors des émeutes de 
1848, P. Blanchemain remplit son devoir de citoyen avec un 
dévouement et un courage tels qu'on lui offrit la décoration ; 
jnais son père, comme lui, avait payé de sa personne, et l'on ne 
pouvait disposer que d'une croix ; il la voulait pour son père 
qui l'obtint, et la refusa pour lui. — P. Blanchemain se fit avo- 



— i:» — 

cat ; mais il plaida peu, et entra bientôt comme rédacteur au 
ministère de l'Intérieur. En 1842, il avait épousé la fille de 
M. Boissel, député de la Seine, la Marie-Désirée que ses vers 
avaient déjà chantée, la compagne tendrement aimée de toute 
sa vie. Sa position resta trop longtemps la même au ministère ; 
sans ambition, le bonheur du foyer lui suffisaitprès de sa femme 
et de son jeune fils. 

Il publia en 1845 un premier recueil de poésies, qui eut du 
succès ; le rédacteur, oublié jusqu'ici, fut nommé bibliothé- 
caire du ministère de l'Intérieur. Cette fois P. Blanchemain 
était à sa place, car à l'amour de la poésie il joignait celui des 
livres. Dès sa jeunesse, le bibliophile, épris de nos vieux poètes, 
si négligés alors, avait consacré ses économies d'étudiant au ra- 
chat de leurs œuvres, et commencé, sur les quais, à former la 
rare et curieuse bibliothèque qu'il n'a cessé d'enrichir. Il se ré- 
véla bientôt dans le monde des bibliophiles et des amis des Let- 
tres par des publications savantes et des études très judicieuses 
sur les œuvres poétiques et les hommes du xvi« siècle. 

Ami de la campagne et de sa liberté, P. Blanchemain quitta 
Paris en 1856 pour se fixer sur les bords de la Creuse, où il 
acheta l'ancienne abbaye de Longefont, qu'il transforma en un 
riant château ; et de cette retraite paisible, heureux et entouré 
des siens, au milieu de ses livres, de ses poètes favoris, il 
livrait au public lettré tantôt un volume de poésie ; tantôt un 
court et fin article de critique littéraire que publiait le Bulletin 
du Bouquiniste, dont il fut l'un des premiers collaborateurs, 
et qui, dans son numéro du 15 décembre 1879, conte- 
nait encore un travail, le dernier, hélas ! sur les Contes de 
Moncrif; tantôt de nouvelles études sur quelques anciens 
poètes qu'il rééditait avec tous les soins du bibliophile, et qu'il 
annotait avec son goût pur et sa connaissance des écrivains de 
leur temps. Nul, en effet, ne les pouvait juger mieux que lui ; il 
avait surtout étudié avec amour Ronsard, dont un illustre poète, 
Auguste Barbier, le sollicitait d'écrire le lexique, « M. Blan- 
chemain étant le seul, nous disait-il, qui pût bien faire ce tra- 
vail. » On n'oubliera point ici les beaux vers que, pour l'inaugu- 
ration de sa statue, lui avait inspirés notre poète vendômois, 
« par qui, nous écrivait-il, il était devenu lui-même Vendômois 
a de cœur, ayant consacré douze années au monument qu'il a 
<i élevé à la gloire du grand Ronsard ; » et le jour où Vendôme 
lui élevait un autre monument, P. Blanchemain avait le droit 
de prendre sa part «Ju triomphe. 



— 16 — 

Couronné plusieurs fois par l'Académie de Toulouse, il devint 
maître ès-jeux-floraux le 8 mai 1853; la ville de Rouen lui 
avait décerné en 1844 une médaille de vermeil pour une 
ode sur Casimir Delavigne ; en 1837, pour son poème 
sur l'Arc de triomphe de l'Etoile, et, en 1843, pour ce- 
lui sur le Momiment de Molière, il avait obtenu une mention 
aux concours de l'Académie française, qui, en 1878, accorda 
un prix à ses œuvres poétiques; ses éditions de nos an- 
ciens poètes étaient, à cause de leurs commentaires, recher- 
chées des lettrés ; et cependant, comme autrefois on avait ou- 
blié, dans ses modestes fonctions, le rédacteur au ministère de 
l'Intérieur, on oublia de donner à notre collègue cette croix 
qu'il avait refusée pour qu'elle fût accordée à son père, et que, 
poète et érudit^ il avait deux fois méritée : « Vanitas vanita - 
tum, écrivait-il dernièrement à un ami, je mourrai indécoré. » 
Il est mort estimé, regretté de tous, ce qui vaut mieux que cette 
croix trop lente à lui venir. 

Ce qui distinguait surtout le talent littéraire de P. Blanche- 
main, c'était une élévation de pensées et de spiritualisme qui 
semblait une protestation contre certaines tendances de l'école 
moderne. Avons-nous besoin de rappeler les charmants re- 
cueils qu'il a publiés sous les titres poétiques : Foi, Espérance 
et Charité; Idéal; Fleurs de France, etc.? Et pourquoi ne 
pas rappeler aussi, ne fût-ce que pour éviter aux bibliophiles 
de l'avenir cette recherche, que ce poète aimable, cet écrivain 
laborieux, amoureux du beau langage, cet homme bon, loyal, 
spirituel, dissimula, dans quelques plaquettes, son esprit gau- 
lois et rabelaisien, sous le pseudonyme d'Epiphane Sidredoulx, 
président de l'académie de Sottenville-lès-Rouen ? 

P. Blanchemain était membre de l'Athénée des Arts de Paris 
depuis 1846 ; de la Société Philotechnique, depuis 1847 ; de la 
Société des Bibliophiles français, depuis 1856 ; de la Société des 
Bibliophiles normands et de la Société rouennaise des Biblio- 
philes, depuis leur fondation ; enfin de la Société des Biblio- 
philes de Guyenne, et notre collègue depuis 1867. 

Il a succombé à une maladie dont il avait ressenti les attein- 
tes il y a plusieurs années ; dans ses souffrances, le travail fut 
la distraction de son esprit toujours actif, comme sa consolation 
suprême fut un ardent élan de foi vers Dieu. Sur le recueil 
définitif de ses poésies, qu'il venait d'achever et dont il put of- . 
frir le premier exemplaire à celle qui fut l'unique amour de sa , 



— 17 — 

vie, il a tracé d'une main restée ferme^ malgré la douleur, 
l'espérance de la revoir dans un monde meilleur. Sans doute, 
ce lui fut aussi un adoucissement aux regrets de quitter ceux 
qu'il aiftiait, en pensant que son fils, dont notre Bulletin a pu- 
blié de gracieuses poésies, hériterait de ses goûts littéraires en 
même temps que de ses pieuses et chrétiennes croyances. S'il 
laisse un vide immense dans le cœur de tous les siens, ses 
amis aussi le pleurent, et les Lettres perdent en Prosper Blan- 
chemain un de leurs plus dignes représentants. 

Gh. Chajtard. 



P. -S. — Au moment où nous corrigeons les épreuves de 
cette notice, une nouvelle bien touchante nous arrive, et nous 
sommes heureux de la publier : « Le nom du poète, resté trop 
« modeste parmi nous, environné de l'unique auréole de son 
« œuvre, a traversé l'Océan. Les littérateurs du Canada le con- 
n sidéraient comme un de nos meilleurs poètes et l'une des 
« plus sympathigues figures de la France moderne. Or, ironie 
« singulière des événements, ce jour de Noël où mourait Pros- 
« per Blanchemain, était le jour même où la ville de Montréal 
« donnait à son seul cercle littéraire le nom de Cercle Blan- 
« chemain. 

« Sir A. Doiron, le juge en chef de la cour d'appel, quilepré- 
sidait, proposait la santé du patron du cercle. On ne se dou- 
« tait pas qu'il aurait fallu plutôt jeter une fleur sur sa 
€ tombe. » 



\i%. 



18 



CEu.vres de P. Bla.n.ch.em.a.in 

Poésies. Paris, Masgana, 1845, 1 vol. in-18. — 2' éd. 1853. — 
3' éd. Paris, Aubry, 18G6. 3 vol. in-lG. T. l" : Poèmes et Poésies. 
T. 2: Foi, Espérance et Charité. T. 3: Idéal. — Paris, Aubry, 
1875.2 vol. in-16. T. 4 (des Poésies) : Fleurs de France. T. 5: 
Sonnets et Fantaisies. 

Poètes et Amoureuses, profils littéraires du xvi° siècle. (Réu- 
nion d'articles publiés çà et là). Paris. Willem. 1877. 2 vol. in-S", 
ornés de portraits. 



OUVRAGES PUBLIES ET ANNOTES. 

Œuvres inédites de Vauquelin des Yveteanx. 1854. In-8". 

Œuvres inédites de P. de Ronsard. Paris. Aubry, 1855. In-8°. 

Œuvres de P. de Ronsard, avec les variantes et des notes. 
(Bibliothèque elzéviricnne.) Paris. Janet, 1857. — Franck, 1868. 
8 vol. in-16. (1,200 exemplaires.) 

Œuvres poétiques de François de Magnard. Paris. Gay, 3 vol. 
in-18.1864-1867. (lOOex.) 

Les Priapées deMaynard. Freetown, imprimerie de la Biblio- 
maniac Society. (Paris, Gay.) 1 vol.in-12. 1864. 

Les Gaijctez et les épigrammcs de Pierre de Ronsard, gentil- 
homme vandomois, dédiées à Jean Anthoine de Baïf. Turin. J.- 
Fr. Pico. In-16. 1573. (Bruxelles. Gay. 1865.) 

Poésies de Jacques Tahureau, du Mans. Genève. Gay. 2 vol. 
in-18. 1868-1869. (100 ex.)— Réimprimées dans le Cabinet du Bi- 
bliophile. Paris. Jouaust. 1870. 2 vol. in-16. (333 ex.) 

Elégies de Jean Doublet, publiées par la Société des Biblio- 
philes normands, avec une préface et des notes. Rouen. 1869 
Petit in-4°. (100 ex.) 

Le Plaisir des Champs, poème de Gauchet. (Bibliothèque elzé- 
viricnne.) Paris. Daflis. 1869. 0,-00 ex.) 

Amours, garjetés et souspirs d'Olivier de Magny. Petit in-4'. 
(Turin). Gay, 1869. (100 ex.) 

Les Œuvres complètes de Melin de Sainct-Gclais. Paris. Daffis. 
(Bibliothèque elzévirienne.) 3 vol. in-16. 1873. (1,200 ex.) 



— 19 — 

Rondcaulx et cers d'amour de J. Marion. Paris. Willem. In-8*. 
1873. (100 ex.) 

La Vi^ de R. Aiigot de l'Esperonnière, ses bouquets poétiques 
et son c^ief-d'œuore poétique, publiés par la Société rouennaise 
des Bibliophiles. Rouen. 3 vol. in-^i». 1872-1873 (55 ex.) 

Les Œuvres de Louise Labé. Paris. Jouaust. I11-I6. 1875. (350 ex.). 

Œuvres poétiques de Malherbes, avec une notice et des notes. 
Paris. Jouaust. In-16 et in-8». 1877. 

Les Poésies de Courrai Sonnet. Paris. .Jouaust. 3 vol. in-lU. 
1876-1877. 

Satires nouveaux et exercices de ce temps, par R. Angot de 
l'Esperonniére. Paris. Lemerre. In-16 elzévirien. 1877. 

Poésies d'Antoine Corneille, frère aîné de Pierre et Thomas 
Corneille, publiées avec notes et notice par la Société rouen- 
naise des Bibliophiles. Petit in-4M877. 

Œuvres poétiques de Marie de Romieu. Paris. Jouaust. In-16. 
1878. 

Les Madrigaux de la Sablière. Paris. Jouaust. In-16, 1879. 
Les Œuvres de Guy de Tours. Paris. Willem. 4879. 
Les Œuvres poétiques d'Amadis Jamyn. Paris. Willem. 1879. 
La Pancharis de Jean Bonncfons. Paris. Liseux. 1879. 



P. Blanchemain a laissé inachevées les éditions des Œuvres 
poétiques de Bertaut, de Dalibrag, de Passerai, les Satires de 
Du Lorens, les Mimes de Baïf; et un travail sur Les Dames ga- 
lantes de Brantôme pour l'édition de Jouaust. 



- 20 - 



Un de nos sociétaires, M. Bonnin, instituteur à Fréteval, 
vient d'obtenir un témoignage très flatteur de la Commission 
chargée, lors de la dernière Exposition universelle, de juger les 
travaux des instituteurs de France, auxquels on avait demandé 
la description historique et géographique de leurs communes. 

Nous sommes d'autant plus heureux de mettre sous les yeux de 
nos lecteurs la lettre adressée à M. Bonnin, qu'il est le seul in- 
stituteur de notre arrondissement dont le travail ait été cou- 
ronné. 

« Paris, le 14 décembre 1879. 
« Monsieur, 

« Vous avez bien voulu prendre part au concours géographi- 
que ouvert par le Manuel général, en vue de l'Exposition uni- 
verselle de 1878, et votre mémoire a été couronné par notre 
Commission. 

« Conformément aux conditions du concours, la collection des 
mémoires récompensés, reliée en cinq volumes, a figuré à l'Ex- 
position universelle. * 

Nous avons l'honneur de vous informer que nous déposons ces 
volumes au Musée pédagogique du Ministère de l'Instruction pu- 
blique, où ils seront placés dans la section française de la Bi- 
bliothèque centrale de l'instruction primaire. 

« Agréez, Monsieur, l'assurance de nos sentiments 
très distingués. 

« Le Rédacteur en chef. 
Signé: Ch. Delafon. » 

Ajoutons que la Commission était composée de : MM. Berger, 
inspecteur primaire à Paris, aujourd'hui inspecteur général ; 
Brouard, inspecteur général ; Buisson, inspecteur général ; Co- 
cheris, inspecteur général ; Richard Cortnmbert, géographe ; 
Coûtant, agrégé d'histoire, professeur d'histoire et de géogra- 
phie ; Chat'los Defodon, rédacteur en chef du Manuel général de 
l'Instruction primaire; Gustave Ducoudray, agrégé d'histoire, 
professeur d'histoire et de géographie; Grimon, inspecteur pri- 
maire à Paris; Louis d'Henriet, ingénieur; Adolphe Jeanne; 
Jost, inspecteur primaire à Paris ; Gaston Meissas, géographe ; 
Pichard, inspecteur primaire à Paris ; et Armand Templier, 

G. L. 



- 21 - 



Notre collègue M. Nonce Rocca, ancien élève et lauréat du Ly- 
cée de Vendôme, aujourd'hui membre de la Commission financière 
à Tunis *(Afrique), vient d'être nommé par S. M. le roi de Portu- 
gal chevalier de l'Ordre royal religieux et militaire portugais du 
Christ, pour s'être distingué comme attaché au Consulat de Por- 
tugal à Tunis (depuis supprimé) de 1863 à 1867, récompense d'au- 
tant mieux méritée qu'elle est plus tardive. 

Ch.B. 



Nos lecteurs ont pu voir, dans notre dernière Chronique (oc- 
tobre 1879), que, sur la demande de MM. Bozérian, sénateur, et 
de Sonnier, député, un nouveau tableau avait été accordé au 
Musée de Vendôme par le ministère de l'Instruction publique et 
des Beaux-Arts. L'envoi nous en ayant été fait depuis notre 
séance du 15 janvier 1880, nous n'avons pu en rendre compte dans 
la liste des dons faits au Musée; d'ailleurs, en raison de son im- 
portance et de ses qualités, cette toile mérite une mention à 
part. 

Ainsi qu'il a été dit, elle est l'œuvre de M"' Marie Lebrun, de 
Toulon, et est intitulée par l'auteur: Un coin de cour d'assises • 
la table des pièces à conmction. Elle figurait à l'exposition de 
1879 sous le n° 1624, et mesure en hauteur l'",60 sur l-jOO de lar- 
geur. 

Au premier plan, se trouvent étalés d'un côté le b;\ton noueux 
la pipe, le couteau, la blouse et les gros souliers de l'assassin, 
ainsi qu'une bouteille et un verre brisés et souillés de sang ; 
de l'autre, les "vêtements de bal et les bijoux dont était parée la 
victime au moment de sa mort. Le contraste de ces objets est en" 
core accentué par la façon dont ils sont traités ; la touche sombre 
et énergique des uns a pour ainsi dire quelque chose de sinistre, 
tandis que la note claire et presque gaie des autres rend une im- 
pression de jeunesse et de beauté. Au fond, les fauteuils de ve- 
lours rouge sont vides encore; les représentants de la justice ne 
sont pas là, mais la justice elle-même est présente, symbolisée 
par cette toque noire restée sur le tapis vert. Enfin, on aperçoit 
au dernier plan l'image du Crucifix, emblème de la justice di- 
vine qui ne se trompe jamais et qui, tôt ou tard, atteindra le cou- 
pable. 



- 22 - 

Dans quelques familles où la culture de l'intelligence est res- 
tée en honneur, il existe un jeu d'esprit qui consiste à faire pas- 
ser sous les yeux des assistants des gravures dont aucun titre 
n'indique le sujet, et l'on invite chacun d'eux à dire quelle lui 
paraît être la scène représentée sur l'estampe. Notre tableau se 
prêterait merveilleusement à ce genre de divertissement. Mais, 
j)onr interpréter cette peinture et raconter le drame que fait 
pressentir la réunion des objets exposés devant la justice, il nous 
faudrait la plume ingénieuse et élégante qui écrivit, pour accom- 
pagner les dessins du Magasin Pittoresque, tant de charmants 
articles (1). Pour nous, dans l'ignorance où nous sommes des 
véi-itnbles intentions de l'artiste, nous n'essaierons pas de bâtir 
quelque sombre histoire, pleine de circonstances romanesques et 
de détails horribles. Les amateurs pourront, pour deux sous, en 
acheter la complainte en cinquante couplets sur l'air àeFualdès. 
Gardons-nous, d'ailleurs, des illusions de Proudhon, qui décou- 
vrait dans les tableaux de Courbet toutes sortes de systèmes et 
de leçons plus étranges les uns que les autres, et voyons seule- 
ment dans lu pointure de M"' Lebrun ce qui s'y trouve réelle- 
ment, c'est-à-dire un sujet dramatique mis en scène d'une façon 
habile et rendu d'une façon plus habile encore. 

L. M. 



(1) Noss faisons allusion à notre compalriote M. J. Girardin, professeur au Lyce'e de 
Versailles, et auteur de livres que nous n'avons pas à louer ici, et dont l'Académie a 
d'ailleurs reconnu le mérite en lui décernant un de ses prix. Voyez notamment le joli 
article intitulé : hs Confitures, écrit à propos d'un tableau de Ph. Rousseau (salon de 
1872). — Magasin Pittoresque, tome 41. année 1873, page 25. 



NOTICE 



SUR LA 



CHAPELLE DE N.-D. DE FIERBOYS 

Par M. G. Launay. 



Messieurs, 

Dans une notice sur la Chapelle Notre-Dame de Fier- 
boys en Touraine, publiée en 1858 par AI. l'abbé Bou- 
rassé, président de la Société Archéologique d'Indre-et- 
Loire, et qui nous a été communiquée par notre zélé 
collègue M. Henri de la Vallière, on trouve un fait his- 
torique concernant Vendôme. 

Nous avons pensé qu'une simple analyse méritait au 
moins de prendre place dans le Bulletin delà Société. 

Voici ce fait : 

« Un certain Jehan du Cliastel Genevois tenait pour le 
roi Charles vu en la ville de Vendosme. Un jour de l'an- 
née 1427, Q-wec Regnault Guillaume fr^ère cleLahireet 
plusieurs autres gens d'armes, il rit une sortie tout 
armé à environ trois trez d'arc loing de la ville à ren- 
contre des Anglois qui de la ville de la Chartre où ils 
étoient en garnison étoient venuz courre àe\£iu{ la ville 
de Vendosme. 

« Il advint que Jehan du Chastel fut presque aussitôt 
arrêté par Jehan le Pampre Anglois d'Angleterre qui à 
plusieurs reprises lui cria de se rendre. 

» Se voyant seul et éloigné de ses compagnons le dit 



- 24 - 

du Chastel dit : Je me rends sans rien ajouter et sans 
la foy ni à\re. rescoux ou non rescouœ. 

« Délivré presque immédiatement par les siens qui le 
rescoussirent et le ramenèrent à Vendosme. 

« Trois ou quatre jours après le dit Anglais Le 
Paintre manda de laChartreau dit d'à Chastel de venir 
se constituer prisonnier, disant qu'il avait le serment 
baillé et la foy . 

« Du Chastel répondit qu'il n'en étoit rien, que onc- 
ques nelui avoit baillé la foy. 

« Après un échange de provocations, dans lesquelles 
Jehan du Chastel continua d'affirmer qu'il ne s'étoit 
point rendu rescoux ou non rescoux, et Jehan le 
Paintre jura la mort au dit du Chastel, un combat sin- 
gulier fut décidé et furent faictes les lices à Ven- 
dosme. 

« Avant le combat Jehan du Chastel se voua à Ma- 
dame Ste Katherine de Fierboys. " 

i(. Si combattirent ensemble le Jour de l'Assomption 
j^tre j^me MCCCCXX VII ct cut k victoirc ledit Jehan 
du Chastel et se rendit à lui le dit Anglais ^ disant que 
faulsement il avoit maintenu la querelle et que du 
Chastel ne lui avoit baillé la foy ni rendu à lui res- 
coux ou non rescoux, 

« Le 6 juin 1428, Jehan du Chastel arriva tout armé du 
harnois de son ennemi en la chapelle de N'""® D™® de 
Fierboys pour exécuter le vœu qu'il avait formé et y dé- 
poser le dit harnois pour en faire mémoire perpétuel. 

« Ces faits sont attestés par plusieurs gentilshommes, 
savoir : Mgr le Bastard d'Orléans, le Bastard de la 
Marche, Lahire et plusieurs autres. » 

Ces noms, ces dates et cette chapelle appellent en 
même temps le souvenir de Jeanne d'Arc. En effet, 
on lit dans Henri Martin, tome vi, pp. 149 et 158, que 
« Jeanne s'arrêta en 1429 au village de Fierbois en Tou- 
« raine, où s'élevait une église très fréquentée des pèle- 



9K 

« rins et dédiée à Ste Catherine, une des deux saintes 
« qui figuraient sans cesse dans ses visions. » 

Nous trouvons aussi dans son Procès, tome i, p. 75, 
publié par le savant M. Quicherat, que « Jeanne, dans 
« son interrogatoire du 27 février 1431, dit que ses voix 
« lui avaient appris qu'une épée portant cinq croix gra- 
« vées sur la lame était enterrée dans la terre près de 
« l'autel de Ste Catherine de Fierboys, église qu'elle 
« avait visitée avant d'arriver à Chinon. Elle envoya à 
« Fierboys, on fouilla la terre et l'on trouva l'épée à l'en- 
« droit désigné. Jeanne ceignit cette arme mystérieuse, 
« dont elle se servit toujours. » 



PERCHE & PERCHERONS 

Par M. L. de Maricourt. 



Ils deviennent plus rares de jour en jour, les petits 
coins du pays de France où s'est conservée la couleur 
locale, si chère aux artistes. 

Si le passant a la bonne fortune d'en rencontrer en- 
core un, qu'il se hâte d'en profiter, car déjà des poteaux 
barriolés se dressent de toutes parts ; bientôt les che- 
minaux cosmopolites viendront pousser leur sape in- 
flexible et droite comme la trace d'un formidable oura- 
gan, renversant tout sur leur passage : arbres cente- 
naires, pittoresques ruines du passé, jolies chaumières 
cachées comme des nids sous la feuillée. 

Encore quelques jours, et la locomotive sifflera sur 
les chemins ombreux, menant on ne sait où, creusés, 
on se sait comment, par le passage des générations ; et 
les derniers parfums de terroir, déjà bien affaiblis, 
s'évaporeront dans la fumée de la houille. 

Tel est le sort prochain réservé à notre Perche ven- 

clômois, ce joli petit coin de terre administrativement 

rattaché à la Sologne, à la Beauce, à la vallée du Loir, 

mais essentiellement séparé de ces contrées par sa 

physionomie, sa culture, ses souvenirs, son langage 
même. 

Trois chemins de fer doivent, dit -on, s'en arra- 
cher bientôt les lambeaux ; longtemps encore on dési- 
gnera sous le nom du Perche le territoire encadré par 
ces lignes; mais le vrai Perche, \e par/s haut, n'existera 
plus. 



- 27 - 

Notre Société s'occupaiit spécialement de ce qui n'est 
plus, ce qui s'en va peut l'intéresser aussi ; c'est là ce 
qui m'ancourage à la distraire un instant de ses graves 
études," pour lui proposer une rapide excursion au pays 
des haies et des trognes, à travers ses souvenirs et ses 
croyances naïves, presque enfantines, et près de dispa- 
raître pour jamais dans l'oubli. Qu'elle ne se scandalise 
pas trop, d'ailleurs, de la frivolité du sujet; cette flâne- 
rie espère n'être que la préface d'un travail plus sérieux 
sur les fiefs du Perche. 

Je voudrais, Messieurs, vous conduire en un point 
culminant d'où le Perche vendômois tout entier est vi- 
sible d'un seul coupd'œil; ce merveilleux observatoire 
existe, mais il n'est pas facile à atteindre ! Heureuse- 
ment que le voyage lui-même est des plus pittoresques, 
et le récit en pourra intéresser les lecteurs du Bulletin 
dans vingt ans. 

Une singulière animation règne chaque matin, vers 
cinq heures, devant notre Musée; des véhicules archéo- 
logiques stationnent dans les ténèbres, des grelots ré- 
sonnent, des casquettes galonnées promènent des 
sacs de cuir et s'interpellent des noms de Drouê, Mon- 
doubleau, Saint-Ccdais ; puis, les fouets claquent, les 
chevaux démarrent, les voitures s'ébranlent et s'éloi- 
gnent cahin-caha, et notre vieux Ronsard de bronze 
semble prêter l'oreille au bruit de ferrailles qui va 
s'éteignant au lointain, et méditer aux progrès accom- 
plis depuis trois siècles dans l'art de la locomotion. 

Après un moment d'hésitation, c'est la voiture de 
Droué que nous avons choisie, car elle doit, par corres- 
pondance, nous amener plus près de notre observa- 
toire. 

Le jour nous trouve à La Ville-aux-Clercs ; les Ven- 
dômois s'y croient dans le Perche, mais les Percherons 
renient La Ville-aux-Clercs. Le pays des haies com- 
mence franchement à Chauvigny ; <à La Chai)cllc-^^i- 
comtesse, nous y sommes tout à fait. 



— 28 — 

C'était un joli bourg, quand un marronnier séculaiife 
ombrageait sa petite place irrégulière ! 

Depuis deux ans, le marronnier est abattu, et les 
habitants trouvent que c'est plus propre ; pas de discus- 
sion, et passons. Les haies se multiplient, découpant 
en tigures géométriques un pays plat, assez ordinaire, 
que quelques petits bois égaient. 

Vers neuf heures, un vaste horizon se découvre sou- 
dain ; à un kilomètre, et dans un fond, les toits du châ- 
teau de Droué surgissent des hautes futaies de son beau 
parc. 

Le sieur de Raynier, chevalier, le fit bâtir dans les 
premières années du xvii^ siècle; mais il ne fut jamais 
achevé. 

Nous quittons, un peu moulus, la voiture qui nous 
rattachait encore à Vendôme, et nous prévenons le cour- 
rier du Gault que nous partirons avec lui. 

Bâtie en même temps que le château, l'église de Droué 
n'a guère de remarquable que le beau tableau de Jouve- 
net, où M. de Raynier est représenté à genoux avec 
toute sa famille, offrant l'église aux patrons du bourg. 

Cependant le courrier a attaché nos valises derrière 
le petit coffre jaune, monté sur deux roues, qui lui 
sert de voiture ; il n'y a que deux places, et il en occupe 
une. 

Montez, Messieurs, nous dit-il sans nous demander 
combien nous sommes. Que lui importe, au brave 
homme ! Que nous soyons deux, trois, quatre ou plus, 
il trouvera bien à nous caser. Des paniers, des ballots, 
des commissions de toutes sortes arrivent : Donnez 
toujours, il faut bien se gêner un peu, pas vrai f 

Et si nous rattrapons le facteur, il y aura bien en- 
core une petite place pour lui: faut-il pas obliger tout 
un chacun, n'est-ce pas? 

J'ai vu un de nos collègues de la Société descendre 
lui septième du petit coffre jaune, et je ne compte ni les 



9Q _ 

chiens ni les enfants à la mamelle ! Un vrai corricolo 
napolitain naturalisé percheron ! 

Nous» partons au grand trot : trois kilomètres à 
l'heure/ donnant des bandes de tangage et de roulis à 
droite et à gauche de la route. Mais quel excellent 
homme que ce courrier ! Avec quel entrain, quelle bon- 
homie pleine de finesse, il raconte les aventures de sa 
longue vie et de ses longs voyages ! Il avait parcouru 
trois fois et demi la longueur du tour du monde.... entre 
Drouéet Le Gault, quand, à soixante-treize ans, il vint 
pour la première fois à Vendôme. Eh bien, il m'a fran- 
chement avoué que les splendeurs de la grande ville 
l'avaient laissé froid. Ses récits font passer les heures 
plus vite que les lieues. 

Voici La Fontenelle, avec son petit château soutenu 
par les lierres, et étayé de grands poteaux comme un 
navire en chantier, entouré de ses grandes douves plei- 
nes d'eau, et de quatre tourelles, restes d'un château 
plus féodal. 

Saluons de loin, en passant, le vieux donjon de Bois- 
Rufïîn, dont la masse imposante surgit à notre droite 
dans un horizon de verdure; hélas! il n'appartient pas 
à notre département. 

Enfin, voici Le Gault. 

Plus ou moins courbaturés, nous descendons de voi- 
ture devant la jolie église romane, aux baies et aux 
contreforts en grisou d'un beau brun rougeàtre. 

Et maintenant il nous reste sept kilomètres à faire à 
pied, car nous quittons définitivement toutes les voies 
battues ; mais le pays est charmant, et les trouées dans 
les haies livrent aux regards des vues admirables. 

Nous sommes arrivés à notre observatoire. Il est à 
peu près une heure. Partis à cinq heures, nous avons 
voyagé sans un instant d'arrêt pendant huit heures, et 
nous sommes à dix lieues de Vendôme. Dix lieues en 
huit heures ! N'est-ce pas là de l'archéologie pure ? 

Une jolie légende, toute parfumée de pieuse mélan- 
colie, poétise l'endroit où nous sommes. 



— 30 — 

Au vu" siècle, deux ainis, renonçant au monde et à 
ses biens qui passent, pour rechercher phis sûrement 
ceux qui ont l'éternité pour durée, se retirèrent ensemble 
dans la forêt du Perche, dit la légende, sans mieux dé- 
signer leur retraite. Longtemps ils partagèrent en- 
semble tous les travaux d'une vie saintement laborieuse, 
s'aimant de tout leur cœur, comme les saints savent ai- 
mer en Dieu, Ils croyaient, les pauvres solitaires, s'être 
détachés de tout ici-bas, et cependant ils reconnurent 
enfin qu'un dernier sacrifice, le plus pénible de tous, 
leur était encore demandé. Alors, sans hésiter, ils se 
levèrent, et, le bâton de voyage à la main, ils marchè- 
rent ensemble vers le midi. 

Un jour, ils s'arrêtèrent au sommet d'une colline ; les 
arbres de la forêt, devenus plus rares, leur permettaient 
de contempler un immense horizon, un de ces specta- 
cles magnifiques où Dieu se révèle plus évidemment par 
la splendeur de ses œuvres. L'heure était venue; les 
deux saints se dirent « D/ea^ ce rendez-vous en l'éter- 
nité de ceux qui ne doivent plus se revoir sur la terre. 

Et chacun d'eux, désormais seul et vraiment déta- 
ché de tout, se remit en marche, Avit à gauche. Calais 
à droite. 

Le premier bâtit, au bord du Loir, non loin de la 
colline où plus tard s'éleva Châteaudun, la grande ab- 
baye de Saint-Avit, si florissante pendant onze siècles; 
le second fonda l'abbaye de Saint-Calais, berceau de la 
ville qui prit son nom, dans la Sarthe. 

Les abbesses de Saint-Avit-en-Dunois, voulant per- 
pétuer le souvenir du grand sacrifice de leur saint fon- 
dateur, bâtirent un prieuré près de l'endroit où il s'ac- 
complit; la tourmente révolutionnaire a emporté le 
petit prieuré avec la grande abbaye, mais le village de 
Saint-Avit-au-Perche demeure comme témoin de l'a- 
dieu des deux saints. 

C'est à quelques cents mètres de là que nous sommes 



— 31 — 

arrêtés, au point où le chemin de Saint-Avit au Plessis 
s'infléchit à gauche pour descendre dans la vallée par 
un véritable casse-cou. 

Touf le Perche vendômois s'étend devant nous comme 
une immense carte perspective du xvii^ siècle. 

Adossés à la limite du département, nous voyons à 
gauche le grand frêne de Cormon, ou Mai de St-Jacques ; 
au delà, c'est l'Eure-et-Loir ; à droite, notre vue est 
bornée par la forêt de Vibraye, dans la Sarthe. De- 
vant nous, trois plans distincts, dont le dernier n'est 
qu'une bande bleuâtre légèrement estompée, nous in- 
diquent les bassins de la Graisne, du Cointron, de la 
Brave et du Loir, ou, pour parler plus percheron, des 
ruisseaux d'Arville, de Mondoubleau et d'Azé. 

On dirait une immense forêt, ondulant au gré des mou- 
vements du terrain, disparaissant dans les fonds, pour 
reparaître plus loin, variée par quelques clairières, 
quelques bouquets de futaies élevées, par la grande 
nappe d'argent de Bois-Vinet, notre lac percheron, qui 
scintille entre les sapins noirs. 

Les clochers des villages situés sur les hauteurs 
émergent de cet océan de verdure : c'est la flèche aiguë 
de Boursay, près des ruines du Grand-Bouchet, le lourd 
clocher de Choue, le campanile de la vieille commande- 
rie d'Arville, la modeste petite flèche d'Oignies, le joli 
clocher de Souday, bâti, dit- on, par Rabelais. La 
masse imposante du château de Glatigny, dont les 
boiseries portent encore le nom de du Bellay, se pro- 
file au loin ; mais Saint-Agil se cache derrière sa futaie 
séculaire. 

A peine si l'on aperçoit quelques toits sous la feuil- 
lée; mais des groupes de peupliers élancés, ou de lé- 
gères fumées courant sur les arbres, indiquent les ha- 
meaux, les fermes, les maisons disséminées. 

C'est un pays charmant, qui supporte vaillamment 
d'être comparé aux plus jolis de ceux qu'on va cher- 
cher au loin. Rien de bien grandiose peut-être, mais 



- 32 - 

tout est harmonieux et doux. Quand, au mois de mai, 
toutes les haies ont revêtu leur éblouissante parure 
blanche d'aubépines et d'églantiers ; quand, aux pre- 
mières gelées d'automne, chaque arbre, chaque plante 
a pris une teinte particulière et donné sa note dans la 
grande gamme des couleurs du noir absolu au jaune 
pâle, en passant par tous lestons du rouge, alors notre 
Perche ignoré a des beautés que les touristes iraient 
admirer en foule s'il était seulement à cent cinquante 
lieues.... Mais il est bien près! 

Les anciens se rappellent encore le temps où les habi- 
tants de ce beau pays avaient une physionomie toute 
particulière. J'ai vu s'éteindre, il y a quelques années, 
le dernier fidèle de l'ancien costume traditionnel. C'é- 
tait un beau vieillard, à longs cheveux blancs, en culot- 
tes courtes, coiffé d'un chapeau noir à vastes bords ho- 
rizontaux qui couvraient ses épaules voûtées. Cette 
coiffure des vieux âges, fabriquée exprès po\ir lui à la 
chapellerie de La Bazoche, avait valu au bonhomme le 
surnom de Maître grand chapiau. 

Il y a dix ans, toutes les fem^mes^ même les plus jeu- 
nes, portaient encore la coiffe, ce beau manteau à agrafe 
d'argent qui leur seyait si bien et paraissait si confor- 
table ; les grand'mères seules osent s'en vêtir encore; 
leurs filles abandonnent rapidement le bonnet perche- 
ron, qui, à vrai dire, n'était pas joli ni gracieux, pour 
arborer d'élégants chapeaux franchement épouvan- 
tables. 

Avec les vieux costumes s'en vont les vieux souve- 
nirs ; il serait assez difficile de trouver l'occasion de se 
faire raconter les splendeurs de cette ville immense qui 
s'étendait jadis d'Arvilleà Oignies. Tout le monde sait 
bien qu'elle a existé, mais les détails manquent. 

Cette singulière croyance doit avoir pris naissance 
des traces assez nombreuses de constructions romaines 
qui existent le long de la voie antique qui passe non 
loin de ces deux villages. Elle m'a été révélée d'abord 



— .»o — 

par un braconnier de ma connaissance, affreux gredin, 
du reste, avec lequel je suivais la voie romaine. 

« — Puisque Monsieur aime tant la vieatare, je vais 
lui montrer la trogne de la Justice », m'avait-il dit. 

Chemin faisant, il me raconta la construction de la 
route pavée, à peu près en ces termes : 

« Le diable cheminait avec le bon saint Romain, tout 
en devisant comme nous. 

« — Voilà, s'écria le saint, un chemin bien malaisé 
et bien maccabre ! 

« — Je l'arrangerais, dit le diable, et ce ne serait 
pas long, si je voulais m'y mettre. 

« — Combien de lieues en ferais-tu bien par mois ? 

« — Vous plaisantez, je crois ! s'écria le diable ; j'en 
ferais bien cinquante lieues, et plus par nuit ! 

« — Prouve-le-moi donc. » 

Le diable réfléchit, fit un rapide calcul sur ses doigts 
crochus, et dit: 

« Ce soir, nous ferons une course sur cette route; 
vous partirez une heure d'avance ; je vous suivrai en 
pavant tout mon chemin sur une largeur de vingt pieds. 
Si je vous attrape avant le chant du coq, votre âme m'ap- 
partiendra, sinon, eh bien, j'aurai travaillé pour rien, 
et vous aurez un bon chemin pour aller voir vos pau- 
vres. » 

Le saint réfléchit à son tour : « Accepté ! » dit-il. 

A l'heure convenue, le bon saint Romain s'élança au 
pas de course dans le chemin fangeux et défoncé par 
les pluies récentes. 

Le diable, beau joueur et sur de lui, ne prit même pas 
la peine d'assister au départ. Il arriva sur le terrain, 
comme le bon saint était déjà loin; sa femme l'accom- 
pagnait, avec des pierres plein .sa devantière. II exa- 
mina l'empreinte des pas de son adversaire, marqués 

XIX 3 



- 34 - 

dans la boue, pour s'assurer de la direction qu'il avait 
prise, et il attendit loyalement que l'heure fût écoulée. 
Alors le couple infernal partit comme un ouragan ! A 
chacune de ses formidables enjambées, le diable pui- 
sait à pleines mains dans le tablier de sa femme, et 
lançait les pierres à droite et à gauche. 

La nuit s'avançait. Satan courait toujours, et le 
chemin pavé s'allongeait indéfiniment, et le bon saint 
n'était pas encore signalé. 

Tout étonné, le diable finit par s'arrêter, et regarda 
par terre. Dans la boue molle, aucune trace n'était 
visible; évidemment le bon saint n'était pas devant lui ! 
Le diable et sa femme se retournèrent en jurant comme 
des païens, et repartirent au galop, dans la direction 
qu'ils venaient de suivre. 

Le bon saint, cependant, courait aussi de toutes ses 
forces, en riant sous cape du succès de son stratagème, 
car il avait chaussé ses souliers à rebours pgur tromper 
le diable, ce qui devait, d'ailleurs, le bien gêner aux 
allures rapides ! Mais il ne ralentissait pas sa course 
car on ne sait ce qui peut arriver, quand on joue avec 
le diable. Et bien lui en prrt, car au moment où, 
voyant l'Orient pâlir, il allait s'arrêter tout essoufflé, il 
entendit un bruit singulier au lointain, qui le fit repartir 
de plus belle. Le bruit se rapprochait. Malgré le temps 
calme et serein, cela ressemblait au mugissement 
d'un grand vent, mêlé de sourdes et perpétuelles déto- 
nations. 

Le bon saint, presque hors d'haleine, se prit à fuir 
comme s'il avait eu le feu à ses trousses. 

Le bruit formidable grandissait d'instant en instant. 
C'était comme une avalanche de rochers roulant les 
uns sur les autres, poussés par une tempête endia- 
blée ! 

Les arbres, les haies, le sol lui-même, tout tremblait. 

Et le bon saint, haletant, éperdu, courait toujours 

Mais déjà les blocs lui roulaient aux talons, déjà il 



— m — 

sentait la grifte du diable s'abaisser sur lui, quand une 
petite voix claire et perçante s'éleva d'une ferme... 

« Le Jioq ! » s'écria-t-il en tombant épuisé. 

Et le diable et sa femme, poussant un grand cri, dis- 
parurent. Le fond du tablier de la diablesse fournit le 
dolmen de Lôtrebiard. 

(( Et comme c'était l'œuvre du bon saint Romain, 
ajoutait mon braconnier, la route s'appelle route ro- 
maine; mais tout ça c'est des contes de bonnes femmes. 
Moi je suis plus curieux et plus tiseuœ, je crois bien 
ceux qui disent que c'est le roi César, quand il demeu- 
rait à Courtalain, qui a fait paver la route pour aller 
voir sa bonne amie qui était deBois-Vinet. Et la preuve, 
c'est qu'on l'appelle aussi le chemin de César ! Mais 
voilà la trogne de la Justice. » 

C'était une trogne de chêne ordinaire, étendant ses 
rameaux au-dessus du chemin romain, naguère le plus 
fréquenté de notre Perche, et portant vers le haut deux 
entailles où s'appuyaient jadis les traverses des four- 
ches patibulaires. 

Elle a disparu depuis quelques années, sans laisser 
de regrets à personne, cette trogne sinistre, dont le 
feuillage avait dû frisonner mainte fois sous des spas- 
mes d'agonie. 

La trogne de chêne est l'arbre typique du Perche ; 
c'est elle qui donne au pays son aspect caractéristique, 
qui couvre d'ombres épaisses ses chemins creux, et 
qui les remplit, la nuit, de mystérieuses terreurs. 

Les ténèbres sont opaques dans le fond du bî'ni qui 
s'allonge entre deux vieilles haies, le vent d'hiver passe 
avec d'étranges clameurs dans les rameaux dépouil- 
lés, les nuées fuient, de grandes ombres succèdent aux 
vives lueurs de la pleine lune, des formes étranges s'ali- 
gnent à perte de vue, et se profilent nettement sur la 
vague clarté du ciel. 

L'imagination la plus rebelle ne saurait se refuser à 



- 36 — 

ivcunnaître ces contours hizarres, ces géants trapus 
accroupis au bord du chemin, ces monstres, le jarret 
tendu, prêts à bondir; ces hommes, ces femmes éche- 
velées, le corps rejeté en arrière, élevant leurs bras 
vers le ciel avec un geste d'appel désespéré ; ces énor- 
mes têtes aux profils hideusement grotesques, les che- 
veux hérissés d'effroi, et tous ces êtres indéfinissables 
qui se penchent, le cou allongé ; et tous ces fantasti- 
ques démons à l'affût dans l'ombre, tous ces bras qui 
se tordent, ces mains qui s'avancent prêtes à saisir, 
toutes ces attitudes forcées, tous ces gestes violents 
comme immobilisés par l'attente : ce sont les trognes. 

Et l'épouvante serre le cœur du brave Percheron qui 
regagne son habitation isolée. Il a pris deux ou trois 
cafés avec ses amis^ c'est-à-dire deux ou trois tasses et 
autant de soucoupes pleines d'alcool frelaté mais brû- 
lant, avec du sucre et quelques gouttes de teinture 
brune; il a fait l'esprit fort et blagué la superstition go- 
thique ; mais, à cette heure, il voit bien qu'il y a quelque 
chose, et ce quelque chose lui donne la fièvre; il croit 
rêver d'abord, puis ses pupilles dilatées par la terreur 
voient ensuite réellement des choses étonnantes, dont 
le récit fera le bonheur des veillées. 

C'est la poule noire qui couve au pied de la croix des 
deux chemins ; c'est le fantastique curé qui passe lisant 
son bréviaire, et qui répond au salut en dardant sur 
vous un regard qui flambloie sur son visage noir comme 
sa soutane ; c'est ce grand homme maigre à tête de 
mouton, qui se tient tout nu au bord delà haie, et qui 
vous regarde passer, immobile et les bras croisés, avec 
un air si triste, si triste, qu'on en a envie de pleurer ; 
c'est la limousine qu'on retrouve oubliée dans le che- 
min, et sous laquelle reluisent les deux yeux d'un être 
invisible ; c'est cet animal (jui accompagne les couples 
d'amoureux au retour des veillées, petit chien d'abord, 
porc ensuite, vache quelques pas plus loin, et enfin 
monstre énorme et bizarre qui s'accroupit sur l'échalier 
que doivent franchir les jeunes gens. 



— 37 — 

Tout cela, apparaît partout ; mais il y a, en outre, des 
endroits redoutés où il revient. Tels sont, par exemple, 
autour iiu Gault, la croix du chemin d'Arrou, le bas 
de la ct)te de la Jelousière, la planche sur le ruisseau 
du chemin de Saint-Avit, et bien d'autres. Mais, chose 
bizarre, aucune de ces nombreuses histoires d'appa- 
ritions, que j'ai recueillies avec soin, n'a pour théâtre 
ces endroits mal famés ; il y revient, chacun le sait. 
Mais qu'y revient-il ? Nul ne le dit. 

Cependant ces récits trouvent quelques sceptiques 
qui en rient, quand le soleil éclaire largement les haies 
et les trognes ; d'ailleurs ces apparitions sont inof- 
fensives. Ce qui est plus grave, ce sont les sorciers et 
les sorts, sorciers qui pullulent, sorts plus étranges les 
uns que les autres. 

Je ne parle que pour mémoire des maléfices, bien 
connus partout, jetés sur les animaux, qui périssent 
atteints de maux bizarres, contre lesquels vient échouer 
toute la science du jugeux d'iau affranchisseux, 
comme par exemple cette ferme dont toute la volaille, 
jusqu'alors d'une tenue parfaite et de mœurs irrépro- 
chables, fut saisie de vertige, se livra aux exercices les 
plus désordonnés, et finit par le plus honteux suicide ; 
tandis que les gallinacées, coqs en tète, allaient se 
jeter dans la marre, sans qu'il y eût poulette si modeste 
ni poussin si ingénu qui échappât au sort commun, les 
oies et les canards, dont le bec rond et les pattes pal- 
mées se prêtent mal aux exercices accrobatiques, s'a- 
charnaient à grimper sur les arbres, et mouraient de 
soif à quelques pas de l'eau. 

Plus étrange encore fut le sort jeté sur cette autre 
ferme, où la fabrication du boudin devint impossible. 

C'est pourtant une grande liesse que présage la mort 
dCnngorin (parlant par respect pour la compagnie), et 
les parents, les voisins, les amis, suivent avec un intérêt 
ému les préi)aratifs de la confection du mets favori. 

Le sang de la victime, mêlé d'oignons hachés menu 
et soigneusement ficelé dans sa longue enveloppe, est 



— 38 — 

mis dans un grand cliaudron, sur un feu doux ; une 
petite vapeur s'élève mêlée d'arômes pleines de promes- 
ses.... Soudain un sifflement retentit, comme celui d'un 
fer rouge tombant dans l'eau, et le chaudron est vide! 

Sang, oignons, envelopi)e, espérance de boudin, tout 
a disparu, sauf, amcre ironie ! les ficelles qui liaient 
les deux bouts du héros de la fête ! Et cela dura ainsi 
des années. 

Et cette pauvre bonne femme qui se grattait avec 
une énergie si convaincue, et si motivée ! car, sur elle, 
tout vivait, tout grouillait; c'était à en donner le frisson ! 
Comme elle se repentait d'avoir éconduit un trainicr de 
mauvaise mine ! Heureusement qu'elle connaissait un 
plus malin que lui, et elle fut le trouver, après avoir tout 
essayé en vain. La nuit d'après, elle sentit un redou- 
blement de supplice; ayant allumé un oribus, elle se 
vit couverte d'une armée innombrable de petites fourmis 
noires, qui livraient une bataille formidablQ aux pre- 
miers occupants. Vers l'aube, ceux-ci furent vaincus 
et dévorés sans façon par les vainqueurs, qui, récon- 
fortés par ce copieux repas, battirent gaillardement en 
retraite. 

Mais arrêtons-nous discrètement sur la pente dange- 
reuse du naturalisme, où nous entrainerait fatalement 
l'histoire des tours loués parles sorciers du Perche. 

Chacun est exposé à faire la rencontre désagréable 
d'un de ces messieurs ou d'une de ces dames; si vous 
en apercevez, il sera sage de jeter quelques grains de 
sel dans le pot de lait le plus proche, et surtout n'ayez 
jamais l'imprudence de vous laisser manquer d'eau de 
la Saint-Jean; il est si facile de puiser de l'eau n'im- 
porte où pendant l'heure qui précède le lever du soleil 
du 24 juin ! 

Non-seulement cette eau merveilleuse vous préser- 
vera des sorts, mais encore elle cicatrisera vos bles- 
sures, sera un précieux collyre pour vos yeux, guérira 
bien d'autres maux, et chassera de chez vous tous les 
vermeniers (rats ou souris). Vous pourrez en faire 



- 39 - 

une bonne provision, car elle est incorruptible. Mais, 
si vous n'en avez pas assez pour asperger vos gre- 
niers, if est un autre moyen de vous préserver des 
rongeurs : dans votre écurie pendez par la queue une 
pie tuée pendant les avents de Noël. 

Si votre jument a des tranchées, mettez-lui autour des 
reins un lien de paille de seigle, récolté le jour de la 
Saint-Jean, et menez-la à la croix formée par quatre 
chemins. Le remède est toujours bon ; il est infaillible 
si les quatre chemins séparent les territoires de quatre 
communes. 

Enfin il est une circonstance, mais une seule, dans la- 
quelle il est permis d'être sorcier soi-même : c'est quand 
on vous a volé vos abeilles. Contre ces bandits sans 
cœur qui viennent nuitamment dérober les bienfaisants 
petits génies du foyer, logés dehors sous la seule 
sauvegarde de la probité publique, tous les moyens 
sont bons. 11 n'y a pas à hésiter. Enlevez la ruche, 
veuve de son essaim, et arrosez d'eau bouillante le 
billot de bois sur lequel elle reposait. A l'heure même 
le voleur, fût-il à cent lieues, perdra ses cheveux, ses 
sourcils et sa barbe. Faites mieux encore, n'aspergez 
que la moitié du billot, et le misérable, mi-parti chauve 
et barbu, chevelu et imberbe comme un bizarre écus- 
son du moyen âge, traînera désormais une odieuse exis- 
tence vouée au mépris et à la risée de tous. 

Un jour, un foudre^ c'est-à-dire un vent violent, 
s'élèvera soudain si brusquement et si impétueusement, 
que chacun sera bien forcé de convenir qu'il doit y avoir 
un pendu dans les environs ; peut-être est-ce votre 
voleur d'abeilles que le vent se sera mis en tête de 
balancer sous une branche de chêne. 

Parmi toutes ces croyances baroques, il en est une 
dont les résujtats sont palpables. 

Un pauvre malade touche à ses derniers moments. 
Toutes ses affaires sont réglées ici-bas, et il espère 
être prêt pour l'éternité ; il ne se sent point vésoud, à 



— 40 — 

charge aux siens; la vie, qui lui a été dure, ne le tente 
plus ; il appelle la mort, mais elle ne vient pas. 

Pourquoi tarde-t-elle donc? Eh ! c'est bien simple! 
Comment ne l'a-t-il pas deviné plus tôt? C'est que son 
lit est dans une direction parallèle à celle de la poutre 
qui soutient son humble toit. Il le fait remarquer à sa 
famille avec le calme stoïque qu'a presque toujours le 
paysan du Perche en face de la mort. Et la famille en 
pleurs prépare aussitôt le cierge que le mourant doit 
tenir à l'agonie, et choisit, dans le linge de la maison, 
le drap le plus cAt'^i pour l'ensevelir. Pendant ce temps, 
les voisins, ,des gars bon feurieux, ben rjvoussiers, 
empoignent le lit de chêne massif; l'un tire, l'autre 
pousse, un troisième soulève avec un levier la lourde 
masse, tous la secouent rudement sur le sol rabotteux 
pour la mettre en croix avec la poutre, ainsi qu'il con- 
vient à un lit de mort. 

Ces horribles cahots aidant, l'opération, a pleine- 
ment réussi, le pauvre malade a cessé de souffrir ; vite, 
qu'on se hâte d'aller attacher un morceau d'étoffe de 
deuil aux ruches du jardin, sinon les abeilles, très mor- 
tifiées, vont fuir une maison où elle ne sont plus con- 
sidérées comme membres de la famille. 

Si, sortant du domaine de l'imagination, nous entrons 
dans celui des souvenirs, notre récolte sera bien moins 
abondante. Les traditions historiques sont presque 
absolument effacées du souvenir des habitants du 
Perche. 

Les vieux n'osant plus raconter, parce que les jeunes 
se moquent d'eux, ils ont fini par oublier eux-mêmes ; 
ou bien ils se défient tellement de leur interlocuteur, 
qu'il est presque impossible d'obtenir leurs récits. 

Mon vieux voisin avait vingt ans quand il perdit son 
père, âgé de quatre-vingt-dix ans; lui-même a plus de 
quatre-vingts ans, ce qui donne à ses souvenirs Viv^o. 
respectable de cent cinquante ans. J'ai tout fait pour 
obtenir sa confiance ; je l'ai condamné à me raconter des 



_ 41 — 

histoires, en expiation des petits délits forestiers dont 
il est très friand, et je n'ai réussi qu'à moitié, bien 
que ngus soyons très grands amis. 

Mais, si le fonds manque à ses longs récits, la forme 
en est charmante. La jolie langue percheronne pure, 
que les jeunes ne parlent plus guère, se prête mer- 
veilleusement, par ses expressions vives et justes, aux 
manifestations de cet esprit joyeusement gouailleur, 
plein de finesse et d'entrain, qui devait autrefois ca- 
ractériser notre bon Perche. Les jeunes ne racontent 
plus, ne rient plus guère, et, sous l'intiuence d'énor- 
mes libations d'eau-de-vie, se contentent de débiter 
lourdement et lugubrement les plaisanteries bêtes la- 
borieusement apprises dans le journal. 

Notre vieux cidre bien amoureux à boire devait pro- 
duire de plus joyeux effets, du temps de mon vieux 
voisin^ et c'est l'écho de ces jours lointains qu'il me 
semble entendre en ces récits, quand je suis assis près 
de lui sur le fagot de bois prétendu mort, mais dont les 
rameaux verts jaillissent insolemment sous une couche 
de brindilles sèches. 

Les grandes guerres tiennent la place d'honneur 
dans ses souvenirs historiques. 

Qu'est-ce que ces grandes guerres dont parlent en- 
core ceux qui ont oublié tout le reste f Elles ont dû 
terriblement fouler le pauvre Perche.... Le château de 
La Thierraye, près de Saint-Avit, a été détruit par les 
grandes guerres ; or, comme le petit pan de muraille 
et la cheminée qui en restent seuls sont de la Renais- 
sance, sa ruine ne peut être attribuée qu'aux guerres 
de religion. . 

Mais, d'autre part, il existe à la Thierraye même un 
champ dit des Quatre Nations, ainsi appelé parce 
qu'au temps des grandes guerres il y eut là un accord 
fait par les Français, les Anglais, les Boiu'guignons et 
les Flamands. Cette association de nationalités, dont 
deux ont disparu, nous reporte bien évidemment à la 
guerre de cent ans. 



- 42 - 

L'accord du Champ des Quatre Nations a été fait à la 
suite de la sanglante rencontre du Champ du Débat, à 
deux kilomètres de là. 

Mais ce qui excite surtout la verve de mon vieux con- 
teur, c'est le souvenir de tous les propriétaires des nom- 
breux petits fiefs de Saint-Avit : Arras, Le Verger, La 
Noue, La Thierraye, Carcassonne, Chéraulnay, Les 
Proustières, La Guétrye, La Rothasière et autres. 

Plusieurs de ces modestes manoirs subsistent encore. 
Ce sont, pour la plupart, de petites fermes, assurément 
des moins confortables : une grande cheminée, un pi- 
gnon de pierre, un meneau aune fenêtre, voilà tout au 
plus ce qui les distingue des autres masures du pays. 

Là vivaient de l'existence simple et dure des paysans 
d'autrefois : les de Girondeau, les de Pheline, les de Ne- 
veu, les de Brossard, les de Bongars, les de Savignac, 
les du Boulay et autres ; simples travailleurs 4© la terre 
qualifiés d'escuyers, dont les noms figurent comme par- 
rains et marraines dans presque tous les actes de bap- 
tême pendant des siècles, n'ayant souvent, comme le 
disait la chanson de saint Avit, « qu'une épée à trois, » 
mais jaloux du privilège de se transmettre cette épée de 
père en fils pour la consacrer au service de la France. 

Des papiers très complets m'ont permis de suivre 
pendant quatre siècles la vie d'une de ces familles de 
gentilshommes percherons, laborieusement occupés, 
loin du bruit des cours, à cultiver leur petit fief, dont la 
guerre seule les faisait sortir, et, de 1481 à 1870, j'ai 
trouvé treize générations de soldats de la France, dont 
le dernier commandait la compagnie d'avant-garde à 
l'assaut de Baccon, qui décida la victoire de Coul- 
miers. 

La Révolution a passé sur les fiefs que trois ou 
quatre poiriers et quelques trognes cachaient à tous les 
yeux, comme sur les grands châteaux dont les tours 
dominaient de vastes domaines ; mais mon vieux voi- 
sin, dernier témoin du passé, se souvient encore, et il 



— 43 — 

me raconte avec une éloquence attendrie, ces vaillantes 
et fortes existences d'autrefois. 

Des *ëvénements plus récents resteront longtemps 
gravés dans la mémoire du pays ; d'abord l'invasion al- 
lemande, puis l'horrible série de meurtres qui ensan- 
glanta tout dernièrement ce coin du Perche, et le tint 
quelques années sous le coup d'une véritable terreur. 

La marquise de Créquy, en ses charmants Mémoires, 
malheureusement apocryphes, parle quelque part des 
« Percherons à tous crins, Mondoubleautiers curieux à 
mal faire. » Le spirituel auteur s'est montré là un peu 
bien sévère pour cette vieille race typique, aujourd'hui à 
peu près complètement fondue déjà dans l'uniformité 
banale produite par la facilité des communications. Elle 
valait mieux que ces épithètes. 

Un jour, un des rares survivants des vrais perche- 
rons à tous crins me dit : 

« Vous, Monsieur, qu'avez très ben voyagé, c'est y 
vrai qu'I'iau elle est tout à l'entour de la terre ? 

— Très vrai, lui dis-je. 

— Ben, comment donc qu'y fait, l'Juif Errant 'f » 
J'eus la sottise de rire; mon homme me regarda de 

travers : « J'en ai pourtant ésew l'cantique ! » murmura- 
t-il après un silence. 

Tout le vrai percheron d'autrefois est là : désir de 
s'instruire, avidité de saisir une idée neuve, si saugre- 
nue soit-elle, entêtement féroce à la garder ensuite, 
croyance presque religieuse à tout ce qui est imprimé, 
défiance à l'égard de plus instruit que lui. 

Il faut ajouter un charme et une vertu qui, certes, ne 
manquaient pas à mon interlocuteur : beaucoup d'es- 
prit naturel et une grande générosité. Tout malheureux, 
dans le vrai Perche, trouve moyen de donner à plus 
malheureux que lui. — « Que le monde est dur, par 
ici! » disaient, en 1870, les pauvres moblots perche- 
rons, en sortant affamés des grandes fermes de Beauce; 



- 44 - 

et je me rappelais avec éiiiutiuii les morceaux, de pain 
et les potées de cidre que j'avais vu distribuer, là-bas, 
dans les haies, à la porte de chaumières où le pain était 
rare et l'eau plus abondante que le cidre. 

Tout en vagabondant à travers les haies et les naïves 
croyances, nous faisons du chemin. Hàtons-nous, car 
il faut être à Mondoubleau à quatre heures pour profi- 
ter de la voiture. L'histoire spéciale de capitale ayant 
été faite par M. Beauvais de Saint-Paul, nous n'en 
dirons rien. 

Nous traversons Le Temple, Épuisay, enfin la char- 
mante vallée d'Azé, bien digne de servir de frontière à 
deux jolis pays ; nous franchissons le pont de Galette, 
et nous rentrons en Vendômois, après avoir parcouru, 
entre deux soleils, la plus grande partie de notre 
Perche. 

Il ne me reste plus, Messieurs, qu'avons demander 
pardon d'avoir enfreint nos usages sédentarres, pour 
vous faire faire une trop longue tournée en un pays 
que j'aime sincèrement et qui disparaît. 

Dans quelques années, quand les haies et les trognes 
ne seront plus, quand tout village du Perche aura sa 
station et tout hameau son omnibus du chemin de fer, 
quand les souricières auront remplacé l'eau de la Saint- 
Jean, quand la confection du boudin sera partout nor- 
male, et quand les poules auront définitivement renoncé 
au suicide, alors notre promenade deviendra vraiment 
archéologique. 

Permettez-moi d'espérer qu'alors, lorsqu'on vous par- 
lera du vieux Perche complètement disparu, vous vous 
dii'ez, vous souvenant de mes petits contes d'aujour- 
d'hui : « J'en ai éseii V cantique. » 



ESSAT D'ONOMASTIQUE 






LES 



NOMS DE FAMILLE DE VENDOME 



AU XVP SIECLE 



Par M. G. Rigollot 



La connaissance des noms propices, et celle, en parti- 
culier, des noms de famille, peuvent contribuer aux pro- 
grès de la linguistique, et éclairer les origines de notre ■ 
langue. Les noms des individus et des familles ont été 
primitivement (les appellatifs) des noms communs. 
La formation des mots n'est pas arbitraire, et ils sup- 
posent des idées générales ; c'est du moins l'opinion 
de Leibnitz, de M. Muller, de E. Renan, etc. Une 
fois appropriés à leur nouvel emploi, ils sont res- 
tés immuables. Ils représentent donc les vocables usi- 
tés au moment où ils ont été enlevés à la langue 
générale, la prononciation qui régnait, à cette époque, 
dans telle province et dans tel dialecte. Restes du 
temps passé, ils en sont les témoins ; par eux on con- 
state mieux la marche et les vicissitudes de la langue 
commune, des idées et des choses dont celle-ci a été 
l'expression. 

En attendant qu'un travail ap{)rofondi ])uisse être 
fait sur ce sujet, en ce qui concerne Vendôme et leVen- 
domois, j'ai essayé de frayer la voie, encore inexplorée, 
en exposant le résultat de quelques recherches per- 
sonnelles. J'ai compulsé les registres de baptême des 
paroisses de la ville (S'-Martin, la Madeleine, S'-Lubiii) 
de L536 à l.">98 : j'en ai extrait environ douze cents noms, 



— 46 - 

et leur examen m'a suggéré les observations que je vais 
noter ici. 

Au préalable, il faut remarquer qu'on ne peut guère 
remonter au delà du xvi^ siècle pour recueillir ces listes. 
C'est à partir de l'édit de Villers-Cotterets (1539) que 
les paroisses ont dû conserver les noms des nouveau- 
nés et de leurs parents. Les noms antérieurs sont clair- 
semés, et souvent voilés sous le latin plus ou moins 
fidèle des chartes, des donations et autres documents 
ecclésiastiques ou profanes, etc; mais, quoique l'usage 
des noms en question remonte à cinq siècles plus haut, 
comme ils n'ont pas dû plus changer avant qu'après, 
ils permettent de remonter jusqu'à leur point de dé- 
part, ce qui est l'essentiel puisqu'on atteint ainsi les 
origines et qu'on suit la formation de l'idiome. 

Pour que l'on comprenne mieux les changements 
qui se sont opérés, pendant le moyen âge, dans les 
appellations des individus, il est nécessaire de rappeler 
qu'au onzième et au douzième siècle, les noms en usage 
sont presque tous d'origine germanique. Cela ne veut 
pas dire que ceux qui les portaient étaient tous issus 
des premiers Francs ; mais on tenait à honneur de 
ressembler à la race des conquérants (au moins par ce 
côté ) ; que l'on cherchait, pour ainsi dire, à s'anoblir 
en leur empruntant une partie de ce qui les distinguait. 
Seulement, comme le nombre de ce vocabulaire était 
limité, pour éviter la confusion qui résultait de l'identité 
des noms chez des individus différents, on eut recours 
à des sobriquets, empruntés, les uns à des qualités 
physiques ou morales, d'autres à des noms de lieux 
devenus des apanages, des bénéfices, des propriétés, 
quelques-uns à certaines particularités individuelles ou 
circonstances accidentelles. (Ex. : Geoffroy MarteL 

^ «.7 

Hugues le Loup, Landry Malesherbes, Odon le Double ^ 
Foulques l'Oison, Hugues Païen, Pierre Chotard, An- 
celin de Beaumont, Hugues du Plessis, etc. ) Alors les 
noms sont personnels, tudesques ou germaniques, sauf 
des exceptions rares. La nécessité de distinguer des 



— 47 — 

individus portant le même nom a produit déjà les sar- 
noms. Seulement, ceux-ci sont individuels et ne se 
transmettent pas. 

L'apî^arition des noms de familles, c'est-à-dire de 
ceux qui sont communs aux membres de chaque fa- 
mille et se transmettent des pères aux fils, a coïncidé 
avec le mouvement d'émancipation qui^ à partir du 
XII* siècle, a changé les conditions sociales en Oc- 
cident, surtout avec l'établissement des communes, 
premier avènement de la bourgoisie. L'affranchisse- 
ment des villes ayant précédé celui des campagnes, 
c'est là qu'il faut chercher les premiers noms hérédi- 
taires ; et naturellement les préoccupations des cita- 
dins ont eu la plus forte part dans ces appellations 
nouvelles. 

Il y a à distinguer dans les noms de famille ce que 
j'appellerai la matière et Xqh formes, c'est-à-dire: 
1° les radicaux d'où ils sont formés ; 2° les modifica- 
tions qui ceux-ci ont subies, particulièrement dans leurs 
terminaisons, en vertu de l'état de la langue, du dia- 
lecte ou du patois dont ils étaient les éléments. 

§ I. — Ces noms ont été puisés à des sources diffé- 
rentes ; les principales sont : 

1" Les noms propres, lesquels ont été tirés, soit du 
latin^ soit du tudesque. Les premiers sont ceux de 
saints ou de personnages sacrés plus ou moins célè- 
bres et populaires (1); les seconds sont les noms trans- 
mis depuis l'invasion par les Francs, et adoptés, on 
l'a dit, par les vaincus (2). Ces derniers sont évidem- 
ment restés en grande faveur. Leur proportion est 
plus du double de celle des noms chrétiens. Il faut 
croire que la vanité et l'intérêt unis l'emportent sur les 
sentiments religieux. L'usage de donner, au baptême, 
le nom d'un patron tiré du calendrier, paraît n'avoir 

(1) Adam, Georges, Laurent, Quentin, etc. 

(2) AUard, GeoflVoy, Richard, Thiéry, etc. 



— 48 — 

été définitivement consacré qu'au xvii'' siècle, contre 
l'opinion généralement acceptée. Qu'on se rappelle seu- 
lement les noms païens (tels que César, Diane) de 
la Renaissance. 

2" Le plus grand nombre de noms a été, au début, 
des sobj'iquets, c'est-à-dire des qualifications tirées 
d'une qualité, an physique, et plus rarement du moral 
d'un individu devenu le chef d'une famille (1). Ce genre 
de noms est triple des précédents. C'est la méthode la 
plus habituelle à' appellation. 

3° D'autres noms ont été tirés d'objets extérieurs, 
d'animaux, de plantes, de cultures (2), etc. ; ils ne s'élè- 
vent qu'à la moitié des sobriquets. 

4° Il y a des noms de professions, de métiers (3), 
d'états ; leur nombre est à peu de chose près celui des 
précédents. 

5° Certains noms sont composés de diveuses ma- 
nières. Ils sont assez peu nombreux, comme on peut 
le prévoir^ car ils n'ont dû être qu'un pis-aller, une 
dernière ressource, quand les noms simples faisaient 
défaut (4). 

6° Enfin il existe des noms empruntés à des localités, 
les uns en petit nombre, sans la particule, les autres 
avec celle-ci séparée du nom et qui, par conséquent, 
représentait des familles nobles. 



(1) Belin, Besson, Bigot, Chauveau, Cornu, Doulcin, Doré, 
Fouquet, Fleury, Grimaud, Jaunet, Le Large, Picheray, etc. 

(2) Bordeau, Bailleul, Brosse, Dubois, Chêne, Cormier, Du- 
cloux, Dufour, Després, Goron, Garanne, Housseau, Taveau, 
Goupy, Salmon, etc. 

(3) Barbier, Buffereau, Boyer, Cordillier, Grangier, Lefevre, 
Lesueur, Mosnicr, Maréchal, Texier, Le Mareux, Le Faucheux, 
etc. 

(4) Bonhomme, Belletante, Gagnebien, Maupetit, Porteseille, 
Tournemiche, Guilloyson, Pardessus, etc. 



\ 



— 49 — 

NatLUM.'llouieut ils ne :st)iii (|iriiiie exception (1). 

7° Ajoutons r|uelques noms étrangers on indiquant un 
pays éti^nger (2). 

En résumé, on peut dire que les noms de famille ont 
été, à l'origine, ou des noms propj^es ou des sobriquets 
ou des noms d'objets, de uirticrs ou de l'wuj:. Ceux 
qui échappent à cette règle sont en nombre insigniHant, 
ou, mieux, ces exceptions n'existent que par l'ignorance 
où l'ouest des étvmoloiiies. 

§ IL — Les noms ont subi des modifications dans 
le corps même des mots ou dans les désinences de ces 
mots. Les modifications les plus frappantes dans l'in- 
térieur des mots sont : 

1° l'adoucissement de al, el, ol, al, en au, e, ou. La 
tendance vers la contraction des consonnes s'est pro- 
duite, vers le xii^ siècle, dans la langue d'oil, et elle s'ap- 
plique aux noms d'origine tudesque comme à ceux d'o- 
rigine latine (3). 

2° U assourdissement de o en otf (4). 

3° L'emploi de la diphthongue oi (prononcée oère) 
particulière aux dialectes du centre ( Ile-de-France, 
Bourguignon) (5). 

4° Le déplacement de VR par transposition (méta- 
thèse) (6). 



{1) du Vignau, Dupont, de Boaugé, du Chesno, des Marais, de 
Lisle, de Mousseaux, de Lamljalle, de Laborde, du Toi-tre, de 
Launay, de Morée, de Crotelle, etc. 

(2) Hervé, Alain, l'Espagneau, Bei'ryei-, Angina, de Poggo, 
de Rubby, etc. 

(3) Oury, Mauchastré, Fouquct, pour Ulrich, Malchatré, Foul- 
ques. 

(4) Moulinier, de Latour, Courtaut, Le Court, etc. 

(5) Leroi, Gallois, Boisson, Renvoisé, etc. 
((^) Pourmarin, Parpaillon, etc. 

X.IX 4 



— 50 — 

5" L'introduction de 1'/ avant l'c^ (procédé qui se re- 
trouve dans les désinences) (1). 

6° L'abus des lettres étymolocjiques. Cet abus est 
propre au xvi^ siècle ; il ne tient pas à l'orthographe 
antérieure, il n'intliie pas sur la prononciation (2). 

Les remarques qui portent sur les terminaisons sont 
plus importantes. Les désinences les plus en vogue 
sont : 

l'' Celle en er et ier, qui a servi à former des noms de 
métiers, des noms do plantes, (\q réceptacles (3) ; le ier 
primitif (à cause du latin arius, son origine) a perdu 
1'/^ après un ch ou un // (4). Quelques-uns sont des 
dérivés allemands, le plus grand nombre français, 
par conséquent latins, et c'est par analogie que les noms 
allemands ont pris cet iotacisme (5), 

2° Les suffixes en eau plus nombreux que les pré- 
cédents (6), surtout si on y joint ceux en ot, qui ne 
paraissent différer généralement que par l'écriture). 
Ce suffixe est diminutif {^Wl\{ ]}Owv les noms ethniques 
venus de désinences latinisées); son origine est le 
latin ellus. Il faisait el à l'origine, et cet el est resté 
dans la langue d'oc et subsiste encore dans des déri- 
A'és. Parfois, il s'ajoute à d'autres diminutifs en in ou 
en ou ou en et (7), ce qui l'a naturellement multi- 
plié. Il ne s'applique pas seulement à des noms, propres, 
mais à des noms d'état (8), à des sobriquets. Beaucoup 



(1) Bouchiep, Gagnebien, Ligniei', Boulliei', Malliei-, etc. 

(2) de Beaulgé, de Chesnes, de Lisle, Chasteaii^ Beausomy, etc. 

(3) Bai'bier, Boissier, Crosnier, Couturier, etc.,' etc. 

(4) Boucher, Bellanger, Vacher, etc. 

(5) Garnier, Régnier, Gautier, etc. 

(6) Buffei'eau, Chemyueau, Chemerean, Denyau, Gastiiieau, 
Buissot, Bigot, etc. 

(7) Robineau, Cornillau, Vincendeau, Simonneau, etc. 

(8) Tafforeau, Couporcni, Tnhouroan. etc. 



— r»i — 

(leiiDins, dans le centre, affectent cette terniinaison, qui 
indique à la fois la prédominance des diminutifs latins 
en ellfiiet un goût particulier pour le sono dansées 
régions. Il s'est quelquefois mouillé en iau simultané- 
ment avec eau (1). 

Les autres désinences sont généralement des dimi- 
nutifs. On trouve des finales, en art, in, et, on (2). Ce 
dernier vient du latin oneni, accusatif qui a fourni le 
cas réfléchi, sans être diminutif. Le suffixe ard est 
d'origine allemande ; ain vient du latin anus, inus. Il 
a fourni des substantifs. Ou est parfois aurjnientatif. 
Quelques noms, de la même racine, ont pris des ter- 
minaisons différentes. Exemple en eau, en in, ou en 
et, au et eux (3). Il résulte de là que les diminutifs 
ont été très-usités à l'origine de la langue, et c'était 
une imitation du latin. Le besoin de distinguer les in- 
dividus du même nom, les habitudes de familiarité dans 
la famille, la nécessité d'appuyer sur des mots plus 
étendus, i)\us résistants, expliquent cette singularité. 

Une deuxième innovation importante a été celle des 
noms composés. Ces noms sont formés : 1° d'un ad- 
jectif et d'un substantif, le premiier précédant le se- 
cond d'habitude ; 2° de deux adjectifs, dont l'un sans 
doute était devenu nom propre; 3" d'un verbe et d'un 
substantif, quelques-uns de deux substantifs ou de 
simples particules (4). Le procédé qui désigna les gens 
par l'action du verbe et son objet est très naturel au 
peuple : il y a recours dès qu'il ne trouve pas d'expres- 
sions dans son vocabulaire. Notre langue a perdu cette 
facilité de former des mots par composition. 

Les noms précédés de particules, habituellement si- 
gne de la noblesse, sont à Vendôme plus nombreux 



(1) Buffercau, Bufferiaii, Peltereau, Pclteriau, etc. 

(2) Buissart, Beliii, Pinain, Baron, Biguoii, 

(3) Moreau, Morin, Marais, Le Mareux. 

(4) Bonhomme, Maupetit, Tournemîche, etc. 



— 52 - 

que ceux d'aujourd'hui. Les gentilshommes restaient 
chez eux, et, de plus, la plupart étaient des fonction- 
naires retenus dans le pays. Quelques noms sont ceux 
de communes des environs ; les autres sont ceux de 
simples^ïc^s désignés par des noms de lieu, mais com- 
muns (1) à l'origine. 

J'ai cité quelques noms étrangers (trois noms qui pa- 
raissent italiens) (2) et ornés de la particule; ils ne 
doivent pas remonter au delà du xvi^ siècle. Les autres 
indiquent les individus par les noms de leur pays, 
espagnol, bourguignon, etc. ; usage que le peuple a 
conservé, surtout pour les ouvriers et les compa- 
gnons. 

Un certain nombre de noms d'état n'ont plus aujour- 
d'hui de signification (3) ; ils ont été remplacés, ou les 
états n'existent plus depuis longtemps (ainsi sueur 
remplacé par cordonnier, tburnier par boulanger). 
On peut suivre par eux les changements que le progrès 
amène dans les professions et les situations d'une 
localité moyenne. 

Si l'on compare les noms du passé avec les noms ac- 
tuels de Vendôme, on trouve qu'il reste encore un assez 
grand nombre de noms semblables. Il n'en résulte pas 
qu'ils appartiennent aux mômes familles, mais que 
Vendôme a toujours été habité par des personnes origi- 
naires des pays voisins, ce qui est naturel pour une 
ville qui n'est pas industrielle, par conséquent n'attire 
])as les étrangers, et qui n'a subi aucun accroissement 
réel depuis trois siècles. La population paraît même 
avoir été plus considérable avant le siège de 1589 par 
Henri iv. 



(1) de Lunay, de Meslay, de Morée, de Lisle, du Chesue, du 
Tertre, de la Prairie, deMoustier, de la Noue, etc. 

(2) de Rubby, de Pogge, de Bal ban i. 

(3) Texier, Bonganior, Sergent, etc. 



— 53 — 

On s'étonnera peut-être qu'il n'y ait pas, entre la 
langue du xi% du xv^ siècle et la nôtre, plus de diffé- 
rence. €ela tient à ce que le parler du ^'endc)mois a été, 
dès le xiii*" siècle, celui de l'Ile-de-France, de la Tou- 
raine, c'est-à-dire des provinces qui ont parlé toujours 
français, et ont le plus contribué à la formation de la 
langue actuelle. 



G. R. 



COMPTE 

DE LA 

RECETTE DE VENDOME 

POUR L'ANNÉE 1583 

( Suite ' ) 

Par M. Joseph Thillier. 



Despense faicte sur ladicte recepte. 

Et PREMIEREMENT. , 

Rentes assignées. 

Aux chevecier et chappitre de l'église collégial Sainct 
Georges de Vendosme Ausquelz est deu sur les tailles 
deues par chacun an au jour et feste de Toussai nctz 
Pour ce cy par quictance signée Le Danseur receveur 
desdictz chevecier et chappitre de ladicte église en 
datte du seizeiesmejour de décembre l'an mil cinq cens 
quatre ^ ingtz troys cy rendue servant tant pour le pré- 
sent article que pour aultres ensuivans. 

Pour ce cy ladicte somme de LXs. tj;. 

Par quictance cy rendue montant ù la somme de XXXVUI éc. 
1 tiers III d. tz. qui servira tant pour cest article que autres 
articles ensuyvant soubz le nom desd. de chappitre (2). 

A M^Theodoi'o Chrestien chaj)pellaindc hi chappt^lle 



(1) V. les Bulletins (||. jaiiN ier, avril, juillet et ocIoIm-iï 1^(79. 

(2) Des mentions nunlo^^uo niisos (Mi niai-ge des aiurcs .-irti- 



— 55 - 

du Crucitix fondée en l'église Sainct Georges de Ven- 
dosme La somme de six solz tournois à luy assignée 
sur les cens deubz au jour et feste Sainct Leobin en sep- 
tembre Par quictance cy rendue. 

Pour ce Cl/ ladictc somme de VI 5. tz. 

Aux chanoines sepmainiers de ladicte église Sainct 
Georges de Vendosme La somme de treize deniers tour- 
nois deue ausdictz chanoines sur les tailles deues à la 
recepte ordinaire de Vendosme au jour du dimanche de 
Reminiscere en caresme Pour cy par quictance de M" 
Loys Godart et aultres chanoines en ladicte église en 
date du quatorzeiesme jour d'Avril mil cinq cens qua- 
tre vingtz troys an de ce compte cy rendue servant tant 
pour le présent article que pour aultres ensuivans de- 
clairez ci après. 

Pour ce cy ladicte somme de XIII d. t^. 

Ausdictz chanoines sepmainiers La somme de dix 
solz tournois assignée sur les cens deubz le dimanche 
de la micaresme Ladicte somme à eulx payée comme il 
appert par leur quictance rendue cy devant. 

Pour ce cij ladicte somme de VI d. ts. 

Aux religieuses abbesse et couvent de la Virginité la 
somme de sept livres dix solz tournois à elles deue par 
chacun (an) le dimanche de Reminiscere deuxiesme di- 
manche de caresme Poin* ce cy par quictance de dame 
Urbane de la Chappelle abbesse dudict lieu en datte... 

Pour ce c[i ladicte somme de VII /. X s. ?!^. 

Ausdicles i-eli'iieuses abbesse et couvent La soniuie 



'n' 



dus de eu ehapiU'e ei>iisL;ileiil rexaiiieii par la cliaiiibre des eoiiip- 
tes de toutes les quittances produites par le comptable à l'appui 
de ses di'pt'iiscs. Nous uéyligoroiis à ravenii- ces meiitinii.s. 



- 56 — 

deceiitsolz tournois qu'elles ont droietde praiidre par 
chacun an sur ladicte recepte sur les cens deubz au 
Grand bourg Robert au jour de la dedication de l'église 
Sainct Georges de Vondosme le seizeiesme jour d'oc- 
tobre. 

Pour ce cij par quictance rendue ci/ devant 
ladicte somme de C 5. î!-?. 

Ausdictes religieuses abbesse et couvent de la Virgi- 
nité Pareille somme de cent solz tournois qu'elles ont 
pareillement droict deprandre et parcevoir par chacun 
an à ladicte recepte le dimanche Letaré Jherusalem qui 
est le dimanche delà micaresme. 

Pour ce cy par quictance cy devant rendue 
ladicte somme de C s. t^. 

Au trésorier de l'église collégial Sainct Georges de 
Vendosme La somme de cinquante solz tournois <à luy 
ordonnée estre payée par cedict receveur par le feu 
comte Francoys Et pourdemy muy deble de rente qu'il 
prenoit par chacun an sur la Challopiniere Pour ce cy 
par quictance de M® Marin Cormier trésorier de ladicte 
église en date du cinquiesme jour de décembre l'an mil 
cinq cens quatre vingtz troys cy rendue. 

Pour ce cy ladicte somme de L 5. t^. 

Ausdictz chanoines sepmainiers de ladicte église 
Sainct Georges de Vendosme La somme de troys solz 
quatre deniers tournois qu'ilz ont droict de prandre par 
chacun an à ladicte recepte sur les cens deubz au jour et 
terme Sainct Jehan Baptiste pour raison d'une pièce de 
terre acquise pai* les prédécesseurs dudict seigneur Roy 
des vefve et héritiers feu Jehan Girard située et assise 
derrière le chastol de Vendosme joignant d'un costé 
aux garennes dudict chastel. 

Pour ce Cl/ pur i/iiictaiiri- cy dctant rcinhic 

ladicte soninw de IIJ y. IIII d. /.-. 

Somme de ce chappitrc XXIIII f. V d. 



,^( — ■ 



AULTRli» DISPENSE FAIGTE SUR CE PRESENT COMPTE 
SUR L*A RECEPTE DES FERMES MUABLES ET AULTRES 
GROS DENIERS DE GESTE CHASTELLENYE. 

Au cliappitre de l'eglise collégial Sainct Georges de 
VendosmeLa somme de dix huict livres tournois qu'il 
a droict d'avoir et prandre par chacun an sur la ferme 
de la prevosté et voirye de ceste ville de Vendosme Pour 
l'anniversaire que jadis fonda feu monseigneur le comte 
en ladicte église Payable au jour et feste de 
Toussainctz Pour cecy par quictance dudictM* Marin 
Le Danseur receveur dudict cliappitre rendue cy de- 
vant. 

Pour ceci/ ladicte somme de XVIII l. tz. 

Audict chappitre- la somme de douze livres tournois 
qu'il a aussi droict de prandre Et parcevoir par chacun 
an sur ladicte ferme delà prevosté payable aux jours 
termes et festes de Pasques et Toussainctz par moictié 
pour la messe de feu monseigneur le comte Bouchard 
Laquelle somme auroict esté payée.... 

Pour ce cy ladicte somme de XII l. t^. 

Aicelluy chappitre La somme de vingt solz tournois 
qu'il a pareillement droict de prandre et parcevoir par 
chacun an sur ladicte recepte Pour estre distril)uée et 
despartie à ceulx qui sont à matines le premier diman- 
che des adveiits de Noël Pour ce cy.... 

Cf/ ladicte somme de XX s. /xr. 

Audict chappitre Pareille somme de vingt solz tour- 
noysiju'ila semblabl(;ment droict de prandre et parce- 
voii- j>;U' chacun an sur ladicte ferme de la prevosté le 
.b'iidi .ibsolut pour disii-ibiu^' à ceulx qui sont Icdict 



— 58 — 

jour au Meudé Ainsi que [nxi' ladictc quictance cy de- 
vant rendue appert. 

Pour ce Cl/ ladictc somme de XX s. t~. 

Audictchappitre La somme de soixante solz tournois 
qu'il adroict d'avoir et prandre par chacun an au jour 
et feste de Toussainctz sur le moulin à than de Ven- 
dosme Laquelle.... 

Pour' ce cy ladictc somme de hlLs.t^. 

A icelluy cliaj)pitre La somme de vingt solz tournois 
qu'il a oïdtre de rente par chacun an au jour et feste de 
Toussainctz sur ledict moulin à than pour l'anniver- 
saire de feu monseii?neur le comte Jehan. 



'O' 



Pour ce cy par quictance cy decant rendue 
ladictc somme de XX s. t^. 



A luy semblable somme de vingt solz tournois qu'il a 
droict de prandre par chacun an de rente au jour et feste 
de Noël sur le revenu de la forest de Vendosme Pour 
l'anniversaire de feu Geoffroy de Lavardin. 

Pour ce cy.... ladtrte somme de XXs.ts. 

Audict chappiti-e la somme de trente solz tournois de 
rente qu'il a droict de prandre par chacun an sur toute 
ladicte rocepte de cedict ressveur aux jours et festes de 
Pasques et Noël par moictié Pour l'anniversaire de 
feu monseigneur le comte Bouchard Laquelle... 

Poicr ce cy XXX s. ts. 

Audict ckappitre La somme de quatre livres tournoys 
qu'ilz ont pareillement droict d'avoyr par chacun an de 
rente aux jours termes et festes de Saincte Croix en Mav 
Et Toussainctz par moictié ainsi.... 

Pour ce rji luiliçtc ■•^d/iinir de JIII /. tz. 



- 59 — 

A ioelluy cliappitre La ^.uiiiiiie de vingt solz tournois 
qu'il a aussi droict d'avoir et prandre par chacun an de 
rente au:^ jours termes et festes de Sainct Lambert et 
des brandons par moictié Laquelle somme.... 

Pour ce cy ladicte somme de XX s. t.s, 

Audict chappitre La somme de quarente huict livres 
tournois audict chappitre ordonnée par mandement de 
feu monseigneur le comte Francoys donné à Rains le 
huictiesme jour de Janvier l'an mil quatre cens quatre 
vingtz quatre C'est assavoir la somme de vingt livres 
tournois pour la messe matinalle fondée en ladicte 
église iSainct Georges par feu Monseigueur le comte 
Jehan Cent solz tournois pour la recommandation qui se 
faict chacun jour de l'an sur la sépulture dudict def- 
funct mondict seigneur le comte Jehan en icelle église Et 
lasomme de dix huict livres pour quatre anniversaires 
fondez en ladicte église payable ladicte somme de dix 
huict livres tournois savoir est le septiesme jour de Jan- 
vier soixante solz tournovs Le lendemain de la Nativité 
Sainct Jehan Baptiste quatre livres tournois Le vingt 
quatreiesme jour de Septembre huict livres tournois 
et soixante solz tournois le dix septiesme jour d'octobre 
Par lequel mandement... 

Pour ce cy ladicte somme de XLVIII Iz. 

Aux chanoines sepmainiers de ladicte église Sainct 
Georges de Vendosme La somme de quatre livres tour- 
nois qu'ilz ont droict d'avoyr et prandre par chacun an 
de rente au jour et feste de Toussainctz sur la ferme de 
la prevosté de Vendosme Laquelle somme de quatre li- 
vres tournoys a esté payée... 

Pour ce cij ladicte somme de IIII U. 

Ausdictz chanoines sepmainiers La somme de qua- 
rente solz tournois (pi'ilz (ont) aussi droict de prandre 
etparcpvoir par chactui an au jour de Pasques sur la- 
dicte fi'i-mo de la prevosté de Veudosme à cause de 



- 60 - 

leurs heuetices uulti'c la somme de quatre livres tour- 
nois dont en l'article précèdent est faict mention La- 
quelle... 

Cy XL s. tz. 

Ausdictz chanoines La somme de cinquante deux 
solz tournois qu'ilz ont pareillement droict de prandre 
et parcevoir par chacun an de rente au jour et feste de 
Pasques sur ladicte prevosté Ausquelz.... 

Pour ce cij ladicte somme de LU *". u. 

Aux marguilliers de ladicte église Sainct Georges de 
Vendosme La somme de vingt solz tournois qu'ilz ont 
droict de prandre par chacun an sur la prevosté de Ven- 
dosme Pour fournir d'huille à la lampe qui est devant 
le Crucifix en ladicte église Sainct Georges Laquelle.... 

Cy *X s. 

Par quictance de la somme de X s. cy rendue est cy allouée 
ladicte somme et le surplus rayé. 

A jVP Remy Doulcin chanoine et chancellier en ladicte 
église Sainct Georges de Vendosme N'a esté aulcune 
chose payé de la somme de cinquante solz tz de rente 
qu'il soulloit avoyr par chacun an sur ceste recepte à 
cause dudict office de chancellier au jour et feste des 
morts Pour et au lieu de six septiers de blé de rente que 
ses i)redecesseurs chancelliers soulloient avoyr en et 
sur la Chalopinierc en la parroisse d'Azé Pour ce que 
le vingt troys""" jour de Novembre l'an mil cinq cens 
seize Les prédécesseurs dudict seigneur Roy transi- 
gèrent avecques ledict chancellier tant pour le contenu 
du présent article que pour douze deniers tournois 
qu'il prenoit pour livre sur tous et chacuns les bois de 
ce duché tant possons que vente desdictz bois Auquel 
chancellier pour le recompenser baillèrent les mestai- 
ryes de Nyoches eu la parroisse de Sainct Berthelemy 



— Gl — 

lez Vendosmd, la Fouquaiidiere assize es parroisses de 
Villierset Naveil en tournée, Lesquelz seigneurs réser- 
vèrent la foy et hommaige les cens et rentes avec une 
paire de^gandz de service a mutation de chancellier 
Comme il appert par le pappier et registre dudict con- 
seil tenu le neufiesme jour de Janvier oudict an mil 
cinq cens seize. 

Pour ce CI/ Néant 

A M^ Pierre Venier presbtre soubz chantre en la- 
dicte église Sainct Georges La somme de cinquante solz 
tournois de rente assignez sur ceste recepte au jour de 
la teste des morts Pour et au lieu desixseptiers de blé 
de rente que ses prédécesseurs soubz chantres de ladicte 
église soulloient avoyr sur les grandz moullins de Sa- 
vigny sur Brave par fondation de feu monseigneur le 
comte Loys soubz telle condition de grâce retenue par 
mondict seigneur que en baillant audict soubz chantre 
ses successeurs soubz chantres en ladicte église sem- 
blable somme de cinquante solz tournoys de rente au 
dedans du duché de Vendosmoys sur quelques heritai- 
ges que ce soient lesdicts soubz chantres ne ses succes- 
seurs ne le pourront reffuscr Et en ce faisant ceste pré- 
sente recepte en demeurera chargée à perpétuité. Le 
tout ainsi qu'il appert par les lectres de ladicte assigna- 
tion ainsi faicte Le vidimus desquelles est rendu sur le 
compte de feu Edin Brossier précèdent receveur.... 

Pour ce. cij.... Ladicte somme de L s. ts. 

Audict Venier soubz chantre susdict Pareille somme 
de cinquante solz tournois Pour une année de ladicte 
rente...,, finye et escheue le dernier jour de Décembre 
l'an mil cinq cens quatre vingtz deux. 

Pour ce cy ladicte somme de L s. t.*. 

A M* Jaques Gentilz chappellain de la chappelle Sainct 
Pierre que jadis fonda feu monseigneur le comte Jehan 



— (J2 — 

en ladicte église Saiiict Georges La somme de dix li- 
vres tournois qu'il a droict de prandre par chacun an 
aux termes et festes de Saincte Croix en May et 
Toussainctz par moictié sur la ferme de la voirye 
de Vendosme Pour dire et célébrer chacune sepmaine 
en ladicte église troys messes pour feu mondict sei- 
gneur le comte. 

Pour ce cy.... ladicte somme de X l^. 

A. M^ Christofle Laboureau chappellain de la chap- 
pclle Sainct Pierre que jadis fonda defïunct monsei- 
gneur le comte Bouchard en ladicte église Sainct Geor- 
ges de Vendosme La somme de douze livres tournois 
que ledict chappellain a droict d'avoir et prandre par 
chacun an au jour et feste de Toussainctz sur la ferme 
de la prevosté de Vendosme pour dire et célébrer en la- 
dicte chappelle chacune sepmaine de l'an quatre messes 
pour mondict seigneur le comte Boucharrl Adquel La- 
boureau.... 

Pour ce cy ladicte somme de XII h. 

A l'abbé de la Saincte Trinité de Vendosme N'a esté 
aulcime chose payé par cedict receveur de la somme de 
cent solz tournois que par cy devant il auroict droict 
d'avoir et prandre par chacun an, sur le tabellionné de 
Vendosme Parce que par appoinctement a esté faict en- 
tre mondict seigneur Et les religieux de ladicte abbaye 
touchant les dismes des bledz et vins des parroisses de 
Savigny et Monthodon Lesquelles mondict seigneur a 
transportées ausdictz religieux Et en ont quicté par ce 
moyen mondict seigneur de ladicte somme de cent solz 
tournois de quarente solz tournois deubz au secretain 
de ladicte abbaye à prandre icclle somme sur la bou- 
cherye de VfMidosme Et de cinquante solz tournois au 
couvent d'icellc abbaye pour la procession du vendredi 
du Lazare Par lequel appoinctement lesdictz religieux 
sont tenuz faire auparavant ledict appoinctement Le- 



— C3 — 

t|Liel est signé de Garnay scribe diidict couvent En 
datte duneiifiesme jour de Novembre Tan mil cinq cens 
douze. » 

Povf ce cy Néant. 

Au secretaiu de ladicte abbaye n'a esté aulcune chose 
payé de la somme de quarente solz tournois que par cy 
devant il auroict droict de prandre par chacun an sur 
ladicte boucherye de Vendosme aux jours et termes de 
Nostre dame de Mars etdeNostre dame en Septembre 
par moictié Pour les causes contenues es comptes pre- 
cedens. 

Pour ce cij Néant. 

Aux M® et frères de la maison Dieu de Vendosme La 
somme de soixante six solz six deniers tournois à eulx 
payée par cedict receveur suyvant l'ordonnance du con- 
seil pour ledict seigneur Roy à Vendosme en datte du 
vin.o;t septiesme jour d'avril l'an mil cinq cens soixante 
(puitre Par laquelle a esté ordonné qu'il sera payé par 
chacun an par cedict receveur ausdictz j\P et frères de 
l'hostel Dieu de Vendosme ladicte somme de soixante 
six solz six deniers tournois. 

. Rayé ù l'aulte de quictance ensemble l'article cnsuyvant (1). 

A l'abbé et couvent de l'Estoille La somme de cin- 
quante solz tournois moictié de cent solz tournoys qu'ilz 
ont droict de prandre par chacun an sur le four à ban de 
Vendosme aux termes et festes de Pasques et Noël par 
moictié Et dont a présent ne leur a esté payé que ladicte 
somme de cinquante solz tournois. 

Aux religieuses abbesse et couvent de la Virginité La 



(1) Ces deux articles sont, en effet, bâtonnés dans l'original. 
La même observation s'tipplique aux. autres articles (ju'oii trou- 
vera plus loin acr'()ui|iau'n<''s d<; montions identiques, c.'ost-à-dire 
l'cjetés par la (diambre des comptes. 



— G4 — 

somme de vingt solz tournois qu'elles ont droict de 
prandre et parcevoir par chacun an sur ladicte recepte 
au jour et teste Sainct Jehan Baptiste.... 

Pour ce aj ladicte somme de XX .?. :'/. 

Ausdictes religieuses La somme de quinze livres 
tournois à elles deue au jour et teste Sainct Jehan Bap- 
tiste sur la ferme du minaige deceste ville de Vendosme 
delaquelle somme leur a esté payé par cedict receveur 
la somme de sept livres quinze solz sept deniers obole 
pite tournois Eu esgard à la valleur de ladicte terme du- 
dict minaige sur laquelle est assignée ladicte rente, 
Comme il appert par la quictance de ladicte abbesse 
rendue cy devant es articles precedens. 

Pour ce cy ladicte somme de VIH. XV .«. VII d. ob. p" 

Ausdictes religieuses La somme de cinq solz tournois 
qu'elles ont droict d'avoir et prandre par chacun an sur 
ladicte recepte au jour Sainct Jehan Baptiste Comme 
contenu est.... 

Pour ce cy ladicte somme de Y s. t.:?. 

Au prieur de la Hubaudiere La somme de dix sept li- 
vres tournois qu'il a droict d'avoir et prandre par cha- 
cun an sur la ferme du minaige de Vendosme si ladicte 
ferme le peut porter eu esgard aux assignez suricelle 
Laquelle somme luy a esté entièrement payée par cedict 
receveur pour l'année de ce compte nonobstant la val- 
leur de la ferme dudict minaige Parce que par ordon- 
nance du conseil des prédécesseurs dudict seigneur Roy 
tenu en la chambre à Vendosme le vendredi sixiesme 
jour de Mars mil cinq cens cinquante cinq A esté or- 
donné que les religieux prieur et couvent de Grandmont 
e:i Bercé et la Hubaudiere seront payez par chacun an de 
la somme de trente huict livres treize solz quatre de- 



— Hf) — 

niers touriiûis (I) En hujiielle est comprinse ladicte 
somme de dix sept livres tournois nonobstant que la- 
dicte ferme du minaige selon le bail qui en a esté faict 
ne puisse porter les assignez sur icelle Et sauf a repe- 
ter le trop payé de ladicte somme de dix sept livres 
tournois ou cas qu'elle se trouve cy après qu'elle se 
doibve réduire selon le bail et valleur de ladicte ferme 
dudict minaige eu esgardaux assignez sur icelle Et ce 
par provision et jusques à ce que plus amplement il y 
ait esté veu Le tout comme appert par l'extraict de la 
dicte ordonnance rendu es comptes precedens Et quic- 
tance de Nicolas Soûlas demourant à Montoire fermier 
et receveur dudict prieuré de la Hubaudiere Ainsi qu'il 
appert.... 

Pour ce cy ladicte somme de XVII U. 

Audict prieur de la Hubaudiere La somme de six li- 
vres treize (solz) quatre deniers tournois faisant la tierce 
partie de la somme de vingt livres tournois de rente 
qu'il adroict d'avoir etprandre par chacun an au jour 
et feste de Toussainctz sur la voirye dont à présent ne 
luy a esté payé que la tierce partie. 

Pour ce cy par qnlctance ... ladicte somme 
de VI l. XIII s. IV d. t^. 

Audict prieur de la Hubaudiere La somme de dix 
livres tournois qu'il a pareillement droict de prandre et 
parcevoir par chacun an de rente sur ladicte recepte aux 
termes de la Chandeleur et Saincte Croix par moictie. 

Pour ce cy par quictance.... X 1. 1^. 

A luy la somme de cent solz tournois faisant la tierce 
partie de quinze livres tournois qu'il a aussi droict de 



(1) Voir dans l'article de M. de Trémault sur les archives de 
Vendôme (Bulletin de 1879, p. 567) l'indication do deux très an- 
ciens titres relatifs à cette fondation. 

XIX 5 



— 66 — 

prandre et parcevoir par chacun an au jour et feste de 
Pasques sur le moulin à draps de Vendosme de laquelle 
sonnne ne luy a esté payé que ladicte tierce partie 
Ainsi qu'il estamplomcnt contenu.... 

Pour ce ctj ladicte somme de C s. ts. 

A l'abbé et couvent deCisteaux La somme de trente 
solz tournois faisant moictié de soixante solz tournois 
qu'il/, ontdroict de prandre et parcevoir par chacun an 
de rente au jour et feste de Pasques sur la ferme du mi- 
naige de Vendosme de laquelle rente de soixante solz 
tournois ne leur a esté payé que ladicte somme de trente 
solz tournois attendu la valleur dudict minaige et assi- 
gnez sur icelle Ausquelz a esté payé ladicte somme... 

Au prieur de la Hubaudiere La somme de dix solz 
tournois dont ne luy est payé aulcune chose pour les 
causes contenues es comptes precedens. 

Pour ce cy Néant. 

Au secretain de la Charité sur Loire La somme de 
dix livres tournois qu'il a de rente par chacun an aux 
jours termes et festes de Pasques et Toussainctz par 
moictié sur la ferme du minaige de Vendosme dont par 
aulcunes années ne luy a esté payé que au pro rata 
de la valleur de ladicte ferme eu esgard aux assignez 
sur icelle. 

Rayé à faulte de quictance. 

A la j)rieure et couvent de Moussay près Amboise 
La somme de cent solz tournois que lesdictes prieure 
et couvent ont droict d'avoir et prandre par chacun an 
sur ladicte recepte au jour et feste Sainct André et de 
laquelle somme de dix livres tournois ne luy est à pré- 
sent payé que la moictié comme appert par quictance 
de leur receveur cy rendue. 

Pour ce ctj C s, tz. 



— 67 - 

Ausdictes prieure et couvent de Moussay La somme 
de vingt cinq solz tournois moictié de la somme de 
cinquante solz tournois qu'elles ont droict de prandre 
par chajcun an le dimanche de quasimodo sur la pre- 
vosté et peaige de Vendosme desquelz cinquante solz 
tournois comme contenu est es comptes precedens ne 
leur a esté à présent payé que la moictié Ainsi qu'il 
appert par la quictance de leur dict receveur. 

Ponr ce aj XXV s. tz. 

Au M* de la Alalladerye de Vendosme la somme de 
douze solz un denier tournois faisant partie de vingt 
cinq solz tournois que ledict jVP a droict d'avoir et pran- 
dre par chacun nn au jour du dimanche de la mi 
caresme de laquelle somme de vingt cinq solz tournois 
ne luy a esté payé que ladicte somme de douze solz un 
denier tournois attendu la valleur dudict minaige et 
assignez sur icelle comme il appert par quictance cy 
rendue. 

Rayé à faulte de quictance. 

Aux chevecier et chappitre de l'église collégial Sainct 
Georges de Vendosme Pour la procession faicte par eulx 
en l'an de ce compte en l'egHse et monastaire de la Trini- 
té de Vendosme le jour du vendredi du Lazare Laquelle 
procession feu monseigneur le comte Loys a ordonné 
estre faicte par le colleige Sainct Georges Et aussi 
ordonna en icelle procession les M® et frères de l'hostel 
Dieu de Vendosme Et les frères mineurs dudict Ven- 
dosme Et que au jour du vendredi du Lazare en icelle 
procession seroit porté un cierge par un homme loué 
la somme de vingt solz tournois ou à un malfaicteur qui 
pourroict estre es prisons dudict seigneur Roy ayant 
deservy mort par ses démérites Lequel pour ce faire 
aura grâce et remission Et si doibt porter ledict cierge 
devani le grand hostcl (sic) de l'église de ladicte alj- 
baye poisant trente deux libvres de cire Et doibt ledict 
homme estre tout nud portant ledict cierge durant la 



— 68 — 

procession faicte par lesdictz religieux de ladicte ab- 
baye à l'cntour de leurs cloistres En laquelle proces- 
sion ral)bé d'icelle abbaye portera ]a Saincte Larme 
Et après ladicte procession faicte par lesdictz religieux 
ledict cierge doibt estre mis et assis devant le grand 
hostel (sic) de ladicte abbaye Et continuellement ardre 
depuis l'heure qu'il y sera premièrement allumé jusques 
après matines le jour des grandz Pasques Et seront 
tenuz les fermiers de la boucherye de Vendosme faire 
faire ledict cierge Icelluy bailler et délivrer aux gens et 
officiers dudict seigneur Roy Ainsi qu'il appert.... 

Pour laquelle procession a esté payé la somme 

de cinquante solz tournois pour l'année de ce compte. 

Pour ce cy ladicte somme de L s. tz. 

Aux religieux abbé et couvent de ladicte abbaye de 
Vendosme Pareille somme de cinquante solz tournois 
pour la procession dont en l'article précèdent est faicte 
mention Néant pour les causes cy devant declairées sur 
aultres parties contenans pareille somme. 

Pour ce cy Néant. 

Aux frères mineurs de ladicte ville de Vendosme pour 
avoyr assisté à la procession susdicte La somme de 
vingt solz tournois à eulx payée par cedict receveur... 

Pour ce cy ladicte somme de XX s. tz. 

Ce receveur ne faictcy despense de semblable somme 
de vingt solz tournois pour la procession du vendredi 
du Lazare soubz les noms des JNP et frères de l'hostel 
Dieu de Vendosme Pour les causes contenues et am- 
plement declairées par ordonnance du conseil dudict 
seigneur Roy à Vendosme couchée es comptes prece- 
dens. 

Pour ce cji Néant. 

Et pour le regard du cierge II a esté payé par les 



- 69 - 

fermiers de la grande boacherye de ceste ville de Ven- 
dosme sans diminution de ladicte ferme. 

Pour ce cy Néant. 

Somme de ce chappitre IX '» V /. XI d. oh. p". 



AULTRE FONDATION FAICTE PAR FEU MONDICT SEIGNEUR 

LE COMTE LOYS 

Au prevost de Sainct Georges avec entre aultres 
droictz et fondations précédentes II a ordonné et octroyé 
audict prevost qu'il ayt et prenne chacun an sur les 
amendes montants la somme de dix livres dix solz tour- 
nois et sur toutes les aultres amendes non excedans la 
somme de dix solz tournois douze deniers tournois 
pour chacune livre qui est à présent M^ de la 

Barde Pour lesquelles amendes il prend douze deniers 
pour livre au feur de la ferme de la voirye et amendes 
montans la somme de Laquelle ferme de la 

voirye a esté baillée à la charge d'en payer audict pre- 
vost douze deniers pour livre. 

Pour ce cy Néant. 

Audict prevost pour son droict de grosses amendes 
montans à la somme de dont recepte est 

faicte cy devant. 



AuLTRE FONDATION FAICTE PAR FEU MONDICT SEIGNEUR 

LE COMTE LoYS 

Entre aultres fondations faictes en ladicte église Sainct 
Georges de Vendosme II fonda une dignité de Trésorier 
auquel entre aultres choses il donna la somme de dix 
huict livres tournois sur vingt fermes cy après declai- 
rées desquelles fermes les fermiers d'icelles sont tcnuz 
luy en payer par chacun an sur icclles C'est assavoir 



- 70 - 

à Vendosme sur la boucherye sur le grand four sur le 
moulin à draps la prevosté la geolle le pressouer les 
combres le merc des registres de-Lavardin la voirye 
la prevosté et tabcllioné En ensuivant lacpielle fondation 
feu monseigneur le comte Francoys par ses lectres don- 
nées à Paris le dix huictiesme jour de juillet l'an mil 
cinq cens vingt quatre Le vidisse desquelles est rendu 
sur l'un des comptes de feu Mathurin Petit aultreffois 
receveur mande aux officiers desdictes terres en son 
regard bailler doresennavant lesdictes fermes à la 
charge que si aucun tenoit ou faisoit tenir en sa maison 
aucunes desd. fermes que led. trésorier doresennavant 
feust ou soit payé par chacune desdictes fermes baillées 
à ceste charge Sauf les fossez qui furent aultreffois 
baillez aux manans et habitans de la ville de Ven- 
dosme par feu monseigneur le comte Jehan à un gros 
d'or fin Et pour ce cy pour lesdicts fossez a esté payé 
audict trésorier par cedit receveur la somme de dix solz 
tournois comme par sa quictance cy devant rendue 
appert. 

Pour ce cy ladicte somme de Us. ts. 

Plus faict despense cedict receveur de la somme de 
dix solz tournois payée par icelluy receveur audict 
Cormier trésorier susdict à prandre ladicte somme sur 
la ferme de la geolle Laquelle auroict esté baillée par 
ladeffuncte Rovne de Navarre à Jehan Robert fermier 
sa vye durant en recompense de ses services Ainsi que 
par la quictance dudict trésorier rendue cy devant 
appert. 

Pour ce Cl/ ladicte somme de X s. t.?. 

Somme de ce chappitre XX s. 



AULTRE FONDATION FAICTE AUX CHANOINES SEPMAINIERS 
DE l'egLISE SAINCT GEORGES DE VENDOSME 

Ausdictz ch;ui')iu('s sopniaiiiici-s de ladicte église 
Sainct Georges Parles lectres patentes de feu mondict 



- 71 — 

seierneur le comte Francovs données au conseil tenu à 

O t, 

Vendosme le premier jour de février l'an mil quatre 
cens qtiatre vingtz douze addressans aux receveurs de 
Vendosme et INIontdoubleau Par lesquelles entre aultres 
choses est mandé au receveur de Vendosme leur payer 
par chacun an la somme de quinze livres un solz quatre 
deniers tournois aux jours termes et testes de Pasques 
et Toussainctz par moictié pour distribuer aux huict 
chanoines hebdomadiers pour leur chappitre tantgene- 
raulx que particulliers aux jours qu'ilz assisteront en 
chappitre Ainsi que les aultres prennent et reçoivent 
leur dict chappitre Et ainsi que souloient avoyr les aul- 
tres chanoines de l'antienne fondation en ladicte église 
Et en ce faisant ne leur doibt estre payé àulcune chose 
par le trésorier de ladicte église sur ceste recepte de 
trente sept solz huict deniers tournois qui de n'agueres 
avoit esté appoincté par monseigneur à cause de sa pré- 
bende hebdomadiere pour sa cotte portion de ladicte 
somme de quinze livres un solz quatre deniers tournoie 
pour lesdictz doubles chappitres Et tout ainsi qu'il est 
amplement declairé par lesdictes lectres Le vidisse des- 
quelles coppyes collationnées aux originaulx sont ren- 
dues sur l'un des comptes de feu M^ Mathurin Petit 
Ausquelz chanoines ladicte somme de quinze livres un 
solz quatre deniers tournois auroict esté payée 

Pour ce cij.... ladicte so/ainc de XV /. 1 *■. IllI d. U. 

Ausdictz chevecier et chappitre Sainct Georges de 
Vendosme la somme de soixante dix solz tournois 
Pour une année fînye et escheue ledict dernier joui' de 
Décembre lan mil cinq cens quatre vingtz troys an de 
ce compte à eulx assignée sur ladicte recepte au lion du 
droict cy devant par eulx prétendu en la rivière du I.oir 
depuis les moulins de Varennes jusques aux moulins 
du Guedu Loir. 

Pour ce cil ladicte somme de LXX .s. t^-. 

Somme de ce chappitre XVIII Iz. XI s. IIII d. tz. 



— 72 — 

Somme totalle defief^ {\)ct auinosnes II c. XXVIII h. 

'Xlls. VIII d. ob.p'H^. 



Œuvres et réparations qui ont esté payées par 

CEDICT receveur EN l'aN DE CE COMPTE TANT PAR 
ORDONNANCE DE MESSIEURS DU CONSEIL ET DES COM- 
PTES POUR LEDICT SEIGNEUR ROY A VENDOSME QUE 
AULTRES AYANS POUVOIR DE CE FAIRE. 

A Jaques Gigou Michel Laye Pierre le Breton et Ma- 
thuriii Cruchet m®^ maçons demourant à Vendosme la 
somme de quarente solz tournois qui est à chacun dix 
solz tournois à eulx (taxée) et ordonnée par messieurs 
du conseil pour le Roy de Navarre à Vendosme Pour 
avoyr en la présence de M® Michel Longuet advocat 
fiscal de ce duché Et cedict receveur veu et visité le 
pinacle et pan de muraille de l'auditoire de ,ceste ville 
de Vendosme du costé de la rue au Blé nagueres basty 
et refaict de neuf de maconnerye par Edouard Guesdon 
maçon Lequel auroict esté trouvé en ce qui en avoict 
esté encommancé bien etdeuement faict et suivy comme 
il appartient Etausd. Longuet et Thouart pour leur sa- 
laire d'avoir assisté à lad. Visitation leur a esté taxé la 
somme de quarente solz tz qui est à chacun vingt solz 
Ainsi que par ladicte ordonnance taxe et procès verbal 
d'icelle Visitation Le tout cy rendu appert. 

Pour ce cy lad. somme de quatre livres iz, cy IIII Iz 

A Pierre Legaigneux m^ maçon demourant à Laver- 
din La somme de quarente solz tournois Pour ses 
peines salaires et vaccations d'avoir suyvant l'ordon- 
nance de mcsd. sieurs du conseil et en la |)resence du 
procureur gênerai do Vendosmois faict ^isitation des 



(1) Le mot fioT csi pris i.-i, bien ciiIcikIii, dans son iu-rL'ption 
originaire etgénérale, et Wvgm?t& gratification,. 



— 73 — 

réparations nécessaires à faire es ponts dudict Laver- 
din et de tout dressé procès verbal et pourtraict pour 
le faict «le la construction d'icelluy En aultre endroict Et 
oultre d'estre venu exprès en ceste ville pour cest effet 
comme 

Pour ce cy ladicte somme de XL s. ts. 

A Simon de Nouvilliers concierge du chastel de ceste 
ville de Vendosme Et cedict receveur La somme de 
quarente solz tournois à eulx taxée et ordonnée par 
mesdictz sieurs pour leurs salaires et vacations d'avoir 
faict travailler plusieurs maneuvres à rellever les fossez 
des garennes du chastel de Vendosme durant le temps 
qu'ilz y ont besongné Ainsi.... 

Pour ce cjj ladicte somme de XL s. ^^. 

Ausdictz advocat et receveur susdictz la somme de 
dix huict livres tournois à eulx taxée et ordonnée par 
mesdictz sieurs pour leurs salaires journées et vacca- 
tions d'avoir faict besongner aux réparations qui es- 
toient nécessaires à faire tant à la réfection d'un des 
pinacles de l'auditoire de ceste ville que à la couverture 
d'icolluy marchandé avecques des couvreurs et aultres 
et achapté les estoffes qui y ont esté employées comme 
plus amplement.... 

Pour ce CI] ladicte somme de XVIII l;. 

Somme de ce chappitre XXVI U. 



Deniers baillez a cour par cedict receveur de 
l'année de ce compte 

A M* Biaise Buthicr receveur gênerai })uui' ledict sei- 
gneur Roy de Navarre de tout son domaine ressortis- 
sant en la chambre des comptes de Vendosme La somme 
de deux mil six cens quatre vingtz dix livres deux solz 



— 74 — 

six deniers tournois qu'il luy a fournye des deniers de 
sa charge et recepte de l'année mil cinq cens quatre 
vinp:tz IroYs comme par quictance dudict Buthier en 
datte du quatreiesme jour de septembre l'an mil cinq 
cens quati'e vingtz quatre cy rendue appert. 

Pour ce cy lacUcte somme de II»' Vie HII'» X /. II 8. VI d. t^. 

Les trois autres articles de ce chapitre constatent des remises 
analogues faites au même receveui* général. 

Somme de deniers bailler à cour VIII mIIII "^ IIII '^'^ 
XIX L-. XIX. <?. Id t^. 



AULTRES DENIERS BAILLEZ ET PAYEZ EN l'aN DE CE 

compte tant par ordonnance de messieurs du 
Conseil et des comptes a vendome que des juges 
et officiers dudict lieu pour les fraiz de jus- 
tice voyaiges et tauxations achapt 4)e pappier 
et bois de chauffaige pour ladicte chambre. 

A Thomas Bouet et Jehan Salmon clercs de messieurs 
des grandz jours de Vendosmois La somme de douze 
livres tournois à eulx taxée et ordonnée par mesdictz 
sieurs des grandz jours pour leurs salaires etvacca- 
tions d'avoir durant les séances desdictz grandz jours 
tenues es mois de septembre mv*' quatre vingtz deux 
et avril ensuivant mil cinq cens quatre vingtz troys 
an de ce compte porté et rapporté les sacs en la chambre 
du conseil pour vuider les procès fourny d'ancre jDap- 
pier pouldre et plumes A icelle somme prandre sur les 
deniers provenans des amendes desdictz grandz jours 
Ainsi que par requeste sentence de mesdictz s" des 
grandz jours Et quictance des dessus dictz Le tout cy 
rendu appert. 

Ctj XII U.. 

A Guillaume Gobinet sommelier d'eschanconnerve 
de la maison dudict seigneur Rov La somme de Trovs 



- 75 — 

escLiz sol vallans la somme de neuf livres tournois à 
luy taxée et ordonnée par mesdictz sieurs du conseil 
pour le^ict seigneur Roy à Vendosme Pour ses sa- 
laires journées et vaccations d'avoir esté par plusieurs 
jours et à diverses fois esté à Prepastour veoir et vi- 
siter les vignes dudict lieu suyvant le mandement du- 
dict seigneur Roy à luy addressant pour ce faire comme 
par requeste 

Pour ce cf/ IX h. 

A ce receveur la somme de vingt six livres trois solz 
tournois à luy ordonnée par le lieutenant gênerai de 
Vendosmois pour se rembourser de pareille somme 
qu'il auroict payée et desboursée pour la despense 
faicte en la maison de Jehan Regnard demeurant à 
Varennes par ledict lieutenant gênerai advocat et pro- 
cureur fiscaulx generaulx de ce duché et receveur de 
ceste chastellenye greffier du bailliaige de Vendosme 
et aultres en faisant la Visitation de l'estangde Berge 
Et ce suyvant un appoinctement donné par ledict lieu- 
tenant Entre ledict procureur demandeur et Michel 
Lorieux et René Chauffournais défendeurs nagueres 
fermiers dudict estang Ainsi que par Testât des parties 
de ladicte despense et ordonnance Le tout cy rendu 
appert. 

Pour ce cy XXVI /. III s. txr. 

A AP Michel Buffereau greffier du bailliaige de Ven- 
dosme La somme de sept livres tournois à luy taxée 
et ordonnée par mesdictz s""^ du conseil Pour son paye- 
ment d'avoyr faict plusieurs procès verbaulx pour le 
faict du domaine de ceste chastellenye Et y avoir vacqué 
par plusieurs ot divers jours suivant les parties par le 

menu taxées et arrestées par le s'" de la Vcrreryc 

commis et dep})uté par ledict conseil 

Pour ce cy VII U. 

A Messieurs les }>resident et auditeurs des comptes 



- 76 - 

à Vendosme La somme de neuf livres quinze solz tour- 
nois Pour leurs salaires et vaccations d'avoyr faict 
Testât de la charge de cedict receveur de l'année de ce 
compte.... Et comprins la journée et vaccation de ce- 
dict receveur Ainsi que.... 

Pour ce cy IX /. XV s. ts. 

A cedict receveur La somme de quarente solz tour- 
nois à luy ordonnée pour se rembourser de pareille 
somme qu'il auroict payée en l'achapt d'une rame de 
pappier moyen pour servir à ladicte chambre comme 
parcertifïîcation.... 

Pour ce cy XL s. ts, 

A Jehan Bougasnier sergent ou bailliaige de Ven- 
dosme La somme de quarente solz tournois à luy taxée 
et ordonnée par mesdictz sieurs du conseii Pour ses 
peines journées et vaccations d'avoyr faict plusieurs 
exploictz et adjournemens à plusieurs personnes pour 
le service dudict seigneur Roy à la requeste du procu- 
reur fiscal gênerai de Vendosmois Ainsi que 

Pour ce cy XL s. tz. 

A cedict receveur la somme de unze livres tournois 
six deniers tournois à luy ordonnée jiour se rembourser 
de pareille somme qu'il auroict fournye et desboursée 
aux bailly de Vendosmois advocat et procureur fîscaulx 
generaulx de ce duché receveur ordinaire de ceste chas- 
tellenye de Vendosme greffier du bailliaige dudict lieu 
Jehan Berthe Et Francoys Duchesne m®"" charpentiers... 
Pour leurs salaires journées et vacations d'avoir esté 
exprès au moulin antien à draps situé es faulxbourgs 
de la porte Sainct Michel de ceste ville de Vendosme 
pour visiter ledict moulin et veoir les réparations qu'il 
y convient faire oultre la première visitalion comme... 

Pour ce cy XI /. VI d. tz. 



— 77 — 

A Jehan Courson sergent domanial et ordinaire du 
duché de Vendosmois La somme de trente solz tournois 
à luy tatKée et ordonnée par le bailly de Vendosmois 
Pour s(5n salaire d'avoir esté exprès au bourg de Vil- 

liers faire commandement à Daniel Marifineau de 

comparoir par devant vous pour estre interrogé sur 
aulcuns poincts rosultans du procès criminel d'entre 
Gervais Croté dict Pellerin et Jaques et Pierre les Ri- 
vières demandeurs Ainsi que 

Pour ce cjj XXX s. tz. 

A l'advocat fiscal du duché de Vendosmois Et à ce- 
dict receveur La somme de cent dix solz tournois à 
aulx taxée et ordonnée par mesdictz sieurs du conseil 
pour leurs salaires journées et vaccations de deux jour- 
nées qu'ilz ont vacqué à aller visiter le moulin à draps 
antien pour veoir lesdictes réparations nouvelles à faire 
audict moulin Et scavoyr les moyens qu'il y fauldroict 
tenir afîin de poursuivre Georges Guilloiseau nagueres 
fermier de ladicte chasteilenye Lesquelz en auroient 
faict procès verbal pour augmenter à l'ethicquette qui 
en auroict esté faicte pour bailler lesd, réparations au 
rabais et moins offrant en jugement en l'auditoire de 
Vendosme comme 

Pour ce cy CX s. ts. 

A M^ Jehan Courson sergent du domaine de Ven- 
dosmois La somme de soixante solz tournois A luy 
taxée et ordonnée par le bailly de Vendosmois pour ses 
peines sallaires et vaccations d'avoyr à la requeste du 
procureur fiscal gênerai de Vendosmois adjourné plu- 
sieurs personnes à comparoir pardevant ledict bailly 
pour estre oyz et interrogez au procès criminel faict 
contre Pierre Sallier et aultres Ainsi 

Pour ce cij LX .s. ^xr. 

A cedict receveur la somme de quatre livres dix solz 



— 78 — 

tournoys à luy ordonnée pour se rembourser de sem- 
blable somme qu'il auroict fournye et payée pour une 
amende en laquelle ledict seigneur Roy auroict esté 
condamné par arrest de la cour de parlement à Paris 
en la cause d'entre ledict seigneur Roy et le vicomte 
de Dreux Assavoir lxxv s. tz. pour ladicte amende et 
X s. tz au sergent et à son recordz pour sa quictanceet 
V s. tz à Pierre Got notaire à Vendosme pour la som- 
mation faicte audict sergent de recevoir ladicte amende 
et de l'offre de deux escnz pour ses fraiz salaires et 
vaccations des commandemens faictz à cedict receveur 
pour le payement d'iccelle amende Ainsi que 

Pour ce cy IIII /. X s. tz. 

Cedict receveur requiert luy estre taxé la somme de 
pour ses peines salaires et vaccations d'estre 
venu en la chambre dudict conseil pour scavoyr ce qu'il 
debvoit faire pour respondre audict sergent tant pour 
ladicte amende que pour six escuz qu'il demalidoit pour 
son voyaige Auquel pour faire les offres cy dessus au- 
roict cherché un notaire pour luy faire ladicte somma- 
tion et luy faire le payement de ladicte amende et en re- 
tirer quictance Et pour ce faire auroict vacqué un jour 
entier. 

Rayé par ce comptable. 

A Thomas Bouet et Jehan Salmon clercs de mes- 
sieurs des grandz jours de Vendosmois La somme de 
six livres tournois à eulx taxée et ordonnée par mesdictz 
sieurs des grandz jours pour leurs salaires et vacca- 
tions d'avoir durant la séance tenue au mois de sep- 
tembre mil cinq cens quatre vingtz troys porté et rap- 
porté les sacs 

Pour ce crj VI l. tz. 

A Joseph Jaques sergent à Vendosme Et Phelippe 
Delespine messaigier ordinaire à Paris La somme de 
trente solz tournois à eulx taxée assavoir xii s. tz. 



— 79 — 

audict Jaques sergent pour une coppie collationnée à 
l'original du procès verbal de la recherche par luy faicte 
des corps et biens d'un nommé Noël Soyer condamné 
par le blilly de Vendosmois ou son lieutenant à Ven- 
dosme à aller aux gallaires Et en six escuz d'amende 
vers la cour pour avoyr payement de ladicte amende 
d'aultant qu'il avoit évadé les prisons de ceste ville 
laquelle a esté mise en la liasse 

Et xviii s. tz. audict Delespine pour une douzaine de 
grandz almanach achaptez à Paris mis en ladicte cham- 
bre pour servir en icelle Ainsi que 

Pour ce cy XXX s. U. 

A cedict receveur La somme de quarente solz tour- 
nois à luy ordonnée pour se rembourser de pareille 
somme qu'il auroict fournye et payée pour l'achapt 
d'une rame de i)appier moyen de Phelippes Delespine 
messaigier ordinaire à Paris pour servir en ladicte 
chambre Ainsi que 

Pour ce cy XL s. U. 

A AP^ Jehan Guerin et Guillaume le Comte m^^ chi- 
rurgiens et barbiers demourans à Vendosme La somme 
de cinquante solz tournois à eulx taxée et ordonnée par 
le bailly de Vendosmois ou son lieutenant à Vendosme 
Pour leur sallaire et vaccation d'avoyr veu et visité le 
corps mort de Mathurin Chevalier de la Jousselinière 
nagueres meurdry et occis par Pierre Sueur le jeune 
comme 

Pour ce cy L s. h. 

A Jehan Robert geollier et garde des prisons de ceste 
ville de Vendosme La somme de seize livres dix solz 
tournois à luy taxée et ordonnée par mesdictz sieurs du 
conseil pour la nourriture de Pierre Sallier et Michel 
Mou prisonniers esdictes prisons condamnez par arrest 



— so- 
dé la cour l'un ù estre pendu et l'aultre banny de Ven- 
dosmois pour un certain temps Ainsi que.... 

Pour ce cy XVI /. X s. U. 

A ccdict receveur la somme de quatorze livres cinq 
solz tournois à luy ordonnée pour se rembourser de 
semblable somme qu'il auroict fournye et payée à mes- 
sieurs les président et auditeurs des comptes greffier 
et huissier desdictz comptes Et cedict receveur pour 
leur salaire d'avoyr durant un jour entier vacqué à 
faire Testât de cedict receveur pour une année com- 
mancée le premier jour de janvier mil cinq cens quatre 
vingtz quatre 

Cy XIIII l. V s. tz. 

A Pierre Thillier homme de braz demourant à Ven- 
dosme La somme de soixante solz tournois à luy taxée 
'et ordonnée Pour son salaire d'avoir porté le cierge le 
jour du vendredi du Lazare mil cinq cens quatre vingtz 
quatre en procession depuis la geolle de ceste ville de 
Vendosme jusques en l'abbaye dudict lieu et ce à faulte 
qu'il ne s'est présenté un malftucteur ayant gaingné la 
mort Ainsi que par ladicte ordonnance et quictance 
dudict Thillier en datte du seizeiesme de Mars l'an mil 
cinq cens quatre vingtz quatre cy rendues (appert) 

Pour ce cy LX s. tz. 

Aux sergens ordinaires de Vendosme la somme de 
soixante solz tournois à eulx taxée et ordonnée par le 
bailly de Vendosmois ou son lieutenant gênerai à Ven- 
dosme pour leur salaire d'avoir assisté à messieurs les 
officiers de la justice qui conduisoient le prisonnier à 
la procession ledict jour comme 

Pour cecy LX s. tz. 

(La fin au prochain Bulletin.) 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils. 



«1 



» ■ 



éixthahs 



f>ls 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de 1 fr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée <"i l'avance. 



Les manuscrits, ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsobilif<'' incombe loujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et su)- récépissé. 



La Société reprond les volumes cU; la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ort< ncquisitinns, ^ 





BULLETINf 



DE LA 



/» /♦ 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 

TOME XIX 
2« TRIMESTRE 1880 



SOMMAIRE: 

Liste des membres présents Page 81 

Liste des membres admis depuis la séance 

du 15 janvier 1880 . 82 

Allocution du Président 82 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 15 janvier 1880 . . 83 

Chronique 91 

Ze8 Miracles de la Sainte-Larme et le Bailli 

de Vendôme, par M. Lsnard 96 

Etude sitr le Cariulairc inédit de la Trinité de 

Vendôme, par M. G Rigollot 120 

Note sur l'Hiver de Î880, par M. E. Renou . . 131 

Compte de la Recette de Vendôme pour l'année 

i5r9.?, par M. Joseph Thillier (6« partie) . . 138 



^ 



lX::Ai^ 






VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

i88o 






SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



19« ANNÉE — 2" TRIMESTRE 



AVRIL 1880 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 15 avril 
1.880, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau : 

MM. de Sachy, président; G. Launay, vice- président ; Sou- 
dée, secrétaire; G. de Trémault, trésorier; L. Martellière, con- 
servateur; Nouel, bibliothécaire - archiviste; l'abbé de Pré- 
ville, Lsnard, de Maricourt et Ch. Chautard ; tous membres; 

Et MM. Bonnin, Louis Bufforeau ; de Chaban ; l'abbé 
Charnier; G. Delaiinay; Deniau; Dunoyer; Duvau ; Hèmcv, 
P. Jourdain; de Laage ; de Lamarlier; P. Lemercier; l'abbé 
Maillet; Martellière-Bourgogne ; l'abbé Renou; Emilien Rcnou; 

XIX 6 



- 82 - 

Rigollot; Roger; l'abbé Roulet ; de Vallabrègue; delà Vallière ; 
Thillier père. 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

M. le secrétaire fait connaître les noms des membres admis 
par le Bureau depuis la séance du 15 janvier 1880 ; ce sont: 

MM. Legrand, banquier à Vendôme; 

André de Chénemoireau, à Cahors (Lot) ; 
Anatole Basseville, avocat à Orléans. 

M. le Président s'exprime en ces termes : 

Messieurs, 

L'année 1880 s'annonce pour nous sous de fâcheux auspices. 
Au commencement de janvier dernier, M. Gh. Ghautard nous 
faisait part de la mort d'un de nos collègues les plus distin- 
gués, M. Prosper Blanchemain. 

Un mois s'était à peine écoulé, qu'une nouvells perte nous 
atteignait dans la personne de M. Robin, enlevé d'une manière 
foudroyante à l'affection des siens et à l'estime de tous ceux 
qui ont eu l'honneur de le connaître. G'est une perte cruelle 
pour notre Société, à laquelle M. Ilobin était fort attaché. Je 
me contenterai de rappeler ici qu'il s'était volontairement 
chargé des travaux de consolidation des ruines de Lavardin, 
travaux que nous poursuivons à l'aide de la subvention que 
nous accorde la Société Française d'Archéologie. A Montoire, il 
avait entrepris pour nous des fouilles dans la chapelle Saint- 
Gilles. Ge travail, qui pouvait amener des découvertes intéres- 
santes, dut être interrompu devant l'opposition systématique 
du propriétaire. Enfin, il y a quelques mois à peine, il nous 
donnait lecture d'une notice sur les travaux de restauration 
dont le clocher de l'église de la Trinité a été autrefois et est 
encore en ce moment l'objet. Gette notice, la dernière de no- 
tre regretté collègue, fait ressortir sa compétence en architec- 
ture et son talent d'écrivain. 



— 83 — 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 
DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 15 janctcr 1880 



I. — ART & ANTIQUITÉS 

Nous devons une mention spéciale au don important de 
M. l'Amiral du Petit-Thouars, qui nous envoie du Pérou une 
MOMIE trouvée dans la vallée d'Ancon, à une vingtaine de 
kilomètres de Lima^ où la division du Pacifique se trouvait en 
octobre 1879. 

Les terrains de cette vallée d'Ancon ont la vertu de conserver 
les corps et les objets qu'on y dépose, et cette propriété natu- 
relle faisait amener les morts de fort loin dans cette vaste nécro- 
pole, aujourd'hui bouleversée par un chemin de fer. La tradi- 
tion veut que ces sépultui'es soient antérieures à la domination 
des Incas, ce qui en placerait la date vers le huitième siècle de 
notre ère. 

Notre Momie était enveloppée de filets de pêche de diver- 
ses grosseurs et d'une étoffe semblable à nos toiles à voile, ce 
qui indiquerait que ce personnage était de son vivant un pè 
cheur qu'on a enseveli avec les attributs de sa profession. Peut- 
être d'autres armes et ustensiles se trouvaient-ils près du corps 
et n'ont-ils pas été recueillis. La tête, très-bien conservée et 
fortement prognate, est entourée d'une sorte de bandelette for- 
mant diadème à jour, qui laisse voir les cheveux. Trois tubes de 
roseaux se trouvent dans la main droite; les membres sont re- 
pliés le long du tronc, la tête sur les genoux. Le corps est revêtu 
d'une sorte de chemise de diverses couleurs. Des peaux de gua- 
nacos, sorte de lamas d'un très grand usage au Pérou, envelop- 
paient le tout, et étaient entièrement recouvertes de cordelettes 
tressées avec les feuilles du tortora. * 



— 84 — 

Une fausse tête ou masque en étoffe, bourrée d'herbes aroma- 
tiques et ornée de pendants d'oreilles, était placée sur la momie 
accroupie et simulait grossièrement la tête cachée sous les en- 
veloppes. 

Les Indiens Aymaras, qui occupaient le pays avant les Incas, 
embaumaient leurs principaux morts, et les plaçaient, repliés sur 
eux-mêmes de façon à occuper le moins d'espace possible, dans 
des tombeaux en briques nommés chulpas ; d'autres, comme les 
Indiens Coroados, les enfermaient dans de grands vases en terre 
assez semblables aux ollœ gauloises. Près du corps on plaçait 
des gamelles, des cuillers, des poteries diverses, des épis de 
mais ; a côté des hommes, on mettait de plus leurs armes, leurs 
instruments de chasse ou de pêche; à côté des femmes, des cor- 
beilles, de la laine, des fuseaux, etc. 

Nous AVONS reçu: 
De M. Palamède de Salmon, ancien officier de dragons : 
Un SABRE JAPONAIS, d'une longueur d'environ 0"'80. 
Lame légèrement courbée ; fourreau en bois laqué. 

D'un ANONYME : 

Un BOL CHINOIS, en cuivre émaillé, avec couvercle ou 
présentoir. Décor assez brillant, fleur et fruits sur fond blanc. 

Par ACQUISITION ; 
Un GROUPE en bois peint et doré, représentant sainte Anne, 
la Vierge et l'enfant Jésus. Malgré quelques détériorations, cette 
sculpture se recommande par la vérité des gestes et le naturel 
des attitudes. Provient d'un ancien rétable de l'église de Saint- 
Jean-Froidmentel. Hauteur, 0"',35. xvii° siècle. 



IL — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. le Docteur E. Chautard, à Vendôme : 

Un douzain du pape Clément viii, frappé à Avignon. CLE- 
MENS VIII PONT. MAX. Ecusson aux clefs, surmonté de 
la tiare et accosté de deux G. R: SARELLVS. VICELEG. 
AVENU). Croix pattée. La date manque, mais Clément viii fut 
pape de 1592 à 1605. 



— 85 — 

De M. Poirier, professeur au Lycée, par l'intermédiaire de 
M. Rigollot : 

Un quattrino du pape Urbain vni. VRBANVS VIII PONT. 
MAX.^Buste du pontife à droite avec toute sa barbe. R : ANT. 
CAR. BARB. LE. AVE. 3 abeilles simulant des fleurs de lys. 
Avignon, 1637. 

Par ACQUISITION : 

Une pièce gauloise en or, sur laquelle une notice détaillée, due 

à l'érudition de notre collègue M. Bouchet, sera donnée à la fin 

de ce compte rendu. 

L. M. 

m. —BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

Recueil de Mémoires de la Société Archéologique du départe- 
ment de Constantine, 1878, avec planches. Offert par M. U. Hin- 
glais, principal du collège de Constantine. 

De l'Education des Filles, conférence publique faite à Con- 
stantine le 28 décembre 1879 pour l'inauguration d'une école se- 
condaire de filles, par Ulysse Hinglais. Hommage do l'auteur. 
— Eloquent et spirituel plaidoyer en faveur de l'instruction des 
femmes. 

Les Suites de la Fronde ; la Guerre des Sabotiers de Sologne 
et les Assemblées de la Noblesse, 1653-1660, par L. Jarry. Hom- 
mage de l'auteur. — Cet opuscule est un tirage à part des Mé- 
moires delà Société Archéologique de l'Orléanais, tome xvn. 

Outre son intérêt général, ce travail offre un intérêt spécial 
pour nos contrées; aussi nous en donnons à la Chronique une 
analyse que M. L. Martellière a eu la complaisance de rédiger. 

III.- Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 

Revue des Sociétés savantes des Départements. 

Septième série. — Tome i, 3" livraison 1879 ; 4' livraison 1880. 
P. 436, on trouve une courte analyse du travail de notre collègue 
M. Rigollot, intitulé : Recherches sur roNoinnstif/ffc du Vendô- 
niois au XVI' sièch;. — Tome ii, 1" livraison, 1880. P. 40 à 48, on 
trouvera un compte rendu détaillé du Bulhnin de notre Société, 
tome XVII, i)ai- M. L. Bellaguet. 



— 86 — 

Journal des Savants (Suite). 

Romania (Suite). 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 

III. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et échanges : 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 
25 mai\s - 4 août 1879. 

Bulletin de la Société Académique de Brest. Tome vi, 1" fas- 
cicule. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Février 
1880. 

Reçue Historique et Archéologique du Maine. — Cette So- 
ciété, fondée en 1876, nous a offert d'échanger ses publications 
avec les nôtres. Cette proposition a été acceptée avec empres- 
sement par le Bureau de la Société, et nous avons reçu tout ce 
qui a paru, savoir : Tome i, 1876; tome ii, 1877; tomes m et iv, 
1878; tomes v etvi, 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique de Nantes. 3 et 4" tri- 
mestres de 1878. 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles- 
Lettres de Toulouse. Huitième série, 1879, on deux parties. 

Bulletin de la Société Dunoise. Janvier 1880. 

Histoire du Comté de Dunois, par l'abbé Bordas. 3° fascicule, 
mars 1880. Ce fascicule complète le tome i" de cette importante 
publication. 

Bulletin do la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. Tome XVII, avec atlas. 1880. 

Bulletin de la Société Archéologique, Scientifique et Litté- 
raire de Béliers. Tome x, 1" livraison 1879. 

Mémoires de la Société d'Agriculture^ Sciences et Arts d'An- 
gers. Nouvelle période. Tome xix, 1876; tome xx, 1877-1878. 

Bulletin de l'Académie du Var. Tome ix, 1879-1880. ' 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 4° trimestre 
de 1879. 



— 87 — 

Société des Sciences et Arts agricoles et horticoles du Havre 
16° Bulletin. 1879. 

Congrus Archéologique de France, 45° session. Séances gé- 
nérales tfbnues au Mans et à Laval en 1878 par la Société Fran- 
çaise d'Archéologie. — Tours, 1879. 1 vol. de 647 pages. 

J'y relève (p. 400), parmi le>< noms des personnes auxquelles la 
Société Française d'Archéologie a accordé des médailles à l'oc- 
casion du Congrès du Mans : 

II. Grandes médailles d'argent, offertes par M"" de Caumont : 

1° M. Alexandre de Salies, pour ses nombreuses publications 
historiques et archéologiques : Histoire de Foulques Nerra; 
Le Cliâteau de Lavardin ; Le Château de Vendôme; Monogra- 
phie do Trôo. 

Toutes ces publications ayant pour ol>jet notre Vendômois, 
l'honneur décerné. si justement à notre savant collègue rejaillit 
sur le pays dont il a si bien fouillé l'histoire. 

IV. — Abonnements : 

Polgbiblion. (Suite.) 

Revue Archéologique. (Suite.) 

Bulletin Monumental. ( Suite. ) 

Matériaux pour l'histoire de l'Jiommc. (Suite.) 

IV. — HISTOIRE NATURELLE 

Nous .WONS REÇU : 

De M. DuvAU, juge de paix à Vendôme : 

Unfragmentde tronc de BOIS SILICIFIÉ (conifère), trouvé 
récemment dans les carrières de Thoré (terrain crétacé). Ce mor- 
ceau remarquable mesure 0"',42 de longueur et présente un dia- 
mètre de 0°,20. La tige est aplatie, comme écrasée. 

Un é.-hautillon de grand volume de GRÈS MAMELONNÉ, 
trouvé dans une ancienne carrière de grès à Torfou, près Ar- 
pajon. La masse offre l'aspect de ces ci'istallisations en choux- 
fleurs que l'on rencontre dans les grottes calcaires. Ici, c'est une 
agglomération de petits grains de silice par un ciment calcaire 
résultant de l'infiltration d'eaux calcaires à travers la carrière 
de grès. C'estle même phénomène qui donne naissance au pscudo 



— 88 - 

grès cristallise que l'on rencontre à Fontainebleau dans cer- 
taines grottes naturelles. 

Du Comité d'Administration de la Société d'Assurances de 
Loir-et-Cher, par l'entremise de M. de la Vallière : 

Un CARREAU EN BRIQUE de 2 centimètres d'épaisseur, 
qui a été traversé par un coup de tonnerre tombé le 9 février 
1880, vers trois heures de l'après-midi, sur une maison à Autain- 
ville, canton de Marchenoir. 

Le tonnerre a touché la cheminée, traversé le toit, et percé un 
des carreaux du sol du grenier, en vitrifiant l'argile sur une lar- 
geur d'environ 2 centimètres, et en produisant à la face infé- 
rieure une bavure de même vitrification. La perforation de la 
brique a eu lieu à 4 centimètres seulement d'un des bords du 
carreau. 

Il est curieux de voir que l'étincelle a préféré traverser cette 
brique de 2 centimètres d'épaisseur, plutôt que de profiter de 
l'intervalle entre les carreaux, qui, à première vue, semblerait 
devoir lui offrir une moindre résistance. 

De MM. DE Massol frères, par l'entremise de M. de Sachy : 
Une grande AMMONITE, de0'",80de diamètre environ, pro- 
venant des carrières du Brcuil, commune de Lunay. La décou- 
verte de cette belle pièce remonte à une époque déjà éloignée. 

■ E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



MÉDAILLE GAULOISE 



# 
* 



La pièce gauloise, ou statère, dont nous avons parlé dans le 
compte rendu, -a été trouvée, vers le milieu de l'année der- 
nière, à Véretz en Touraine, par un cultivateur. Acquise par 
le frère de M. Hardillier, instituteur communal à Vendôme, 
elle a été confiée à ce dernier, qui a proposé à notre Société 
d'en faire l'acquisition, et s'est entremis de la façon la plus obli- 
geante pour nous en rendre possesseurs. Nous le prions d'en 
recevoir ici, au nom de la Société, tous nos remerciements. 

La pièce en question est d'un haut intérêt et inédite. Légère- 
ment convexe au droit, et concave au revers, elle porte d'un 
côté une tête à droite, d'assez bon style, à chevelure flam- 
boyante (l'Apollon gaulois) ; au revers, un cheval cornu en 
course, accompagné d'accessoires qu'il serait difflcile de dé- 
crire en détail. Disons seulement que ce revers, en général, est 
une dégénérescence du bige avec son conducteur. Mais la par- 
tie la plus curieuse de ce côté de la pièce est une petite figure 
placée sous le ventre du cheval, et représentant la partie infé- 
rieure du corps d'un homme, depuis la ceinture. Il est de pro- 
fil et marche vers la droite. Il est bien vrai que ce type est tout 
à fait inusité dans le monnayage gaulois ; aussi MM. de Saulcy 
et Bertrand, à qui M. de Rochambeau a bien voulu montrer la 
pièce, se sont-ils refusés à y voir une pareille représentation. 
Ils prétendent que ce n'est qu'un accident de la frappe, une 
boursoufflure du métal. Mais, avec tout le respect que nous de- 
vons à ces maîtres, nous devons dire que la petite figure en 
question est d'un dessin trop accusé pour n'être qu'un effet du 
hasard dû au monnayage. Toutes les personnes qui l'ont vue 
s'accordent à y reconnaître ce que nous y voyons nous-môme. 

Nous croyons donc, pour tout concilier, que c'est bien, en 
elTet, la partie inférieure d'un homme, mais qu'elle n'existe là 
que par dégénérescence. Dans le principe, c'est-à-dire sur des 
exemplaires antérieurs, l'objet aura été l'un de ceux qui se ren- 
contrent ordinairement sur les monnaies gauloises ; mais, par 
la suite, il s'est altéré au point de ne plus représenter rien de 



— 90 — 

raisonnable. C'est alors qu'un graveur, cherchant à le rattacher 
à quelque forme connue, en aura fait ce que nous voyons au- 
jourd'hui. C'est un procédé qui s'est présenté plus d'une fois 
dans diverses branches de la numismatique, et qui peut d'au- 
tant mieux être invoqué ici, que tout le revers de la pièce, 
comme nous l'avons dit, offre un caractère dégénéré. Le 
cheval a quatre pieds par derrière et l'on peut dire au- 
tant par devant. Ce sont les restes d'un second cheval qui 
a disparu. Le bige s'est réduit à un seul coursier ; de même, 
le conducteur et le fouet ne sont plus que de minces filets. 

En somme, de l'avis des deux savants que nous citions tout 
à l'heure, la pièce est inédite et curieuse. Elle appartien!, nous 
dit M. deSaulcy, au pays des Carnutes. Le poids est de 7 gr. 3; 
le diamètre, de 0™,02. L'or parait comporter un certain al- 
liage d'argent. 



Ch. B. 



CHRONIQUE 



La Guerre des Sabotiers de Sologne. 

L'existence éphémère d'un atelier monétaire à Meung-sur- 
Loire, la guerre des Sabotiers de Sologne et les turbulentes 
assemblées de la noblesse, tels sont les trois actes étroitement 
connexes d'une trilogie que l'auteur, M. Jarry, d'Orléans, appelle 
Les Suites de la Fronde dans l'Orléanais ; nous pourrions pres- 
que ajouter et dans le Vendômois. La nouveauté des faits, 
leur intérêt pour l'histoire générale ainsi qu'au point de vue plus 
restreint de la chronique locale, nous ont engagé à revenir 
sur l'étude de cet ouvrage, dont la valeur a déjà été signalée au 
chapitre de la Bibliographie. 

Le point de départ du livre est la découverte d'un atelier de 
liards royaux à Meung-sur-Loire en 1655. Par lettres royales du 
12 juin 1649, Louis xiv avait ordonné que des liards de cuivre de 
la valeur de trois deniers seraient fabriqués dans huit endroits 
de son royaume, et la petite ville de Meung fut choisie pour 
siège d'un de ces ateliers. Les liards frappés à Meung ^e recon- 
naissent à ce qu'ils portent la lettre E, marque de la ville de 
Tours, chef-lieu de la circonscription monétaire dont Meung dé- 
pendait, ainsi qu'à des dijjfcrenis qui sont: un croissant, une 
merlette ou une hermine ; une quatrième variété porte la let- 
tre E sans autre différent. Du reste, cette fabrication fut de 
courte durée : on n'en trouve pas de traces avant 1655 ni après 
1657. 

L'application du nouveau système monétaire rencontra en 
Sologne une vive résistance; les ordonnances de Mazarin y sou- 
levèrent des troubles connus sous le nom de Guerre des Sabo- 
tiers de Sologne. Cette insurrection est racontée dans la se- 
conde partie de l'ouvrage. L'émotion populaire, entretenue par 
les mécontents de tous étages, s'étendit bientôt jusqu'en Nor- 
mandie à travers la Beauce et le Perche, sous le commande- 
ment de Gabriel de Jaucourt, seigneur de Bonnesson. Les sabo- 
tiers de Sologne, d'al)Ord victorieux, puis arrêtés longtemps de- 
vant Sully-sur-Loire, furent définitivement vaincus en 1658. La 
répression fut rude pour le pays épuisé d'avance: un certain 
vice-bailli de Chartres aciieva de le ruiner, sous prétexte de faire 



— 92 — 

rentrer les impôts arriérés. Il en est resté dans la Beauce épou- 
vantée un proverbe significatif: Celui qui fait payer la taille aux 
Solognots ! pour désigner un homme dur et violent, devant le- 
quel tout doit céder. 

Comme pendant la première période de la Fronde, la noblesse, 
que les édits royaux frappaient à la fois dans ses privilèges et 
dans ses intérêts, tenta de former une nouvelle union et d'or- 
ganiser de nouvelles assemblées. Mais ces assemblées, dont 
l'étude forme la troisième partie du livre, furent vivement pour- 
suivies par Mazarin, secondéde Letellier etde Colbert. Elles se 
terminèrent en 1659 par le procès et le supplice de Gabriel de 
Jaucourt, le chef des Sabotiers, qui paya de sa tète son rôle trop 
actif dans ces événements. Du reste, Mazarin, en habile poli- 
tique, savait pardonner aux vaincus; nous le voyons, par exem- 
ple, à la sollicitation de Gaston d'Orléans, arrêter les pour- 
suites dirigées contre MM. d'Aupuy et de Rochambault (sic), 
gravement compromis dans ces affaires. 

Un autre épisode qui nous touche de près, c'est le courage de 
Catherine de Peray, femme de Jean Guichard, seigneur de Peray 
etde Renay, qui, par sa résistance énergique, sut empêcher la 
maréchaussée de lui enlever trois pièces de canon et d'établir 
garnison dans sou château de Peray (1). Le *Vendômois, la 
Beauce et le Perche furent le théâtre d'une partie des événe- 
ments racontés par l'auteur, auxquels nous trouvons mêlés les 
noms de beaucoup de gentilshommes de nos contrées. A propos 
des hobereaux de Beauce, qui n'avaient pas une grande réputa- 
tion de Vichesse et de générosité, M. Jarry rappelle les deux 
proverbes connus : Gentilhomme de Beauce, qui se met au lit 
pour qu'on r' habille ses chausses, Qi Genfilhommes de Beauce, qui 
sont deux à checal pour aller par pays. Il y joint ce troisième, 
dont il donne une explication ingénieuse : Comme ches Mes- 
sieurs de Beauce, une èpèe pour trois. 

En dehors de l'intérêt local que présentent pour nous ces con- 
sciencieuses études, nous sommes heureux de louer sans réserve 
le travail de l'auteur, dont les recherches et la sagacité ont mis 
au jour d'intéressantes particularités et comblé de regrettables 
lacunes. 



(1) Ce cliàlcau, aujourd'hui converli eu ferme, a donné son nom à la commune de 
Pray, eanlDU de Selommes. 



— 93 — 



* Encore la Cloche de Marray 

* 

& Jehan de Ronsard. 



La note parue dans notre Bulletin d'octobre 1879, au sujet de 
l'inscription de la cloche de Marray (Indre-et-Loire) et de la fa- 
mille de Ronsard, nous a valu quelques lettres rectificatives dont 
nous remercions les auteurs, et dont nous ne pouvons que résu- 
mer les principaux points. 

M. Froger, professeur à Saint-Calais, essaye de faire du Je- 
han de Ronsard dont il a été question un quatrième enfant de 
Loys de Ronsard et d'Anne du Bueil, se fondant sur une généa- 
logie manuscrite dressée au siècle dernier et encore inédite. Ce 
fils, dont M. de Rochambeau n'a pas connu l'existence, serait 
né près d'Argentré, dans le Bas-Maine, où M. Froger espère re- 
trouver son acte de baptême. Nous pensons qu'il s'agit plutôt du 
seigneur de Beaumont-la-Ronce. 

En effet, non loin du château de Beaumont-la-Ronce et de la 
paroisse de Marray se trouve le manoir de la Roche-d'Allais, 
propriété de ce Martin Fumée qui avait épousé Marie de Louet 
en 1573, et qui s'intitulait seigneur de la Roche-d'Allais^ Mar- 
ray, Baratoire et autres lieux. Devenue veuve, Marie de Louet 
épousait en secondes noces, vers 1605, c'est-à-dire à l'âge d'en- 
viron 50 ans, son voisin Jehan de Ronsard, prenant le titre de 
seigneur de la Poissonnière et veuf lui-même en premières no- 
ces de Claude Letexier. C'est après ce mariage, en 1607, qu'eut 
lieu le baptême de la cloche de Marray, et le choix du parrain et 
de la marraine s'explique tout naturellement. La date inscrite 
sur la cloche peut se lire aussi bien 1607 que 1601, le dernier 
chiffre pouvant être pris indifféremment pour uni ou pour un 7. 
Le Jehan de Ronsard dont l'existence nous est révélée pour la 
première fois, n'ayant d'ailleurs pu naître qu'après l'année 1571, 
aurait été d'autant moins vingt ans plus jeune que sa femme. Il 
serait mort d'assez bonne heure; car nous savons que la dame 
de la Poissonnière devint veuve une seconde fois peu de temps 
après sa nouvelle union. 

Quant au corps môme de l'inscription, une juste observation 
rectifie le nom du curé, qui est bien Meliand, et non Menant. 
Mais nous ne saurions accepter, pour les mots et lettres de la 
fin^ l'interprétation : Jehan Caclcr et Charles Chaoel, procu- 
re ars, c'est-à-dire fabriciers. Une nouvelle copie, relevée avec la 
plus minutieuse exactitude, confirme le texte que nous avons 
reproduit. Ce n'est pas un E qui se trouve entre le mot Chav. et 



— 94 — 

la lettre L, mais une croix de Malte bien caractérisée ; l'expli- 
cation des majuscules CHAV. L. P. P. est donc encore à trouver. 

Nous n'attachons pas^ d'ailleurs, à ces questions de détail plus 
d'importance qu'elles n'en méritent. M. Froger, chercheur éru- 
dit et travailleur infatigable, possède sur Ronsard et les diverses 
branches de sa famille un nombre considérable de documents 
inédits, et prépare sur ce sujet toujours nouveau une étude com- 
plète pour laquelle nous réservons tout notre intérêt. 

L. M. 



Nous trouvons dans la Revue du Maine, T. vi (1879, 2* se- 
mestre, pp. 95-99), la liste des sceaux qui ont été délivrés, sous 
forme de moulages, par les Archives nationales, à la Société 
Historique et Archéologique du Maine. — Dans le nombre figure 
un sceau, avec son contre-sceau, de l'abbaye de Saint-Georges- 
des-Bois (N°' 8373 et 8373 bis de l'Inventaire de M. Douet-d'Arcq), 
dont l'original est appendu à une charte de l'an 1293. Ce sceau 
manque à notre collection. Nous l'avons signalé à M. de Ro- 
chambeaii, en le priant de s'en procurer une empreinte, et même, 
s'il est possible, une copie de la charte correspondante. 

Au reste, ce sceau ne doit point différer de celui qui se trouve 
sur l'ancienne cloche de Saint-Georges, aujourd'hui à Saint- 
Martin-des-Bois, avec la date de 1515, et qui a été décrit par 
par M. de Rochambeau dans le volume du Congrès de Ven- 
dôme en 1872, p. 540. 

L'abbaye de Saint-Georges, située près de Montoire, intéresse 
àlafois leVendômois et le Maine. 



Notre confrère et collaborateur, M. Nonce Rocca, membre de 
la Commission financière pour la garantie dos intérêts français 
à'Tunis, a été nommé, vers la fin de février dernier, membre 
correspondant du Comité des Travaux historiques et des So- 
ciétés savantes, près le ministère de l'Instruction publique. 
« C'est un lien de plus, nous écrit M. Rocca, qui me rattache à 
la France, un nouveau motif d'encouragement à m'efforcer d'être 
de mon mieux digne d'elle par le patriotisme et le travail. » 



Dans la notice que nous avons donnée à notre avant-dernier 
Bulletin sur le peintre Vialy, nous avons oublié de mentionner 



— 95 — 

Ig comte do Chaban, petit-fils de Jean et fils de François-Phi. 
lippe-Amédée Mouchard de Chaban. Il était le grand-père du do- 
nateur des deux portraits, dont l'un a donné lieu ;'i la notice en 
question. -^ Le comte de Chaban avait d'abord servi, depuis 
1778 jusqu'en 1789, en qualité d'officier au régiment des Gardes- 
françaises ; puis, entrant dans l'administration, il était devenu, 
sous le premier Empire, sous-préfet de Vendôme, où il a laissé 
de très honorables souvenirs. C'est cette circonstance qui nous 
a valu de la part de son petit-fils la préférence sur La Rochelle, 
son pays d'origine, dans le don qu'il a bien voulu nous faire. 

Nous serons toujours prêts à accueillir les revendications de 
la piété filiale. 

Les armes de cette famille sont : d'azur au chevron d'or, à 3 
mouches de même(?). — Armes parlantes, allusion au nom pri- 
mitif. 

Le don de M. de Chaban nous en rappelle un autre, offert par 
lui à la Bibliothèque de Vendôme, au mois d'avril 1854. C'est 
une superbe charte, peut-être la plus belle de nos archives, con- 
cernant l'église de Ruan, — original sur parchemin, daté de 1133. 
Malgré l'étendue de cette pièce, d'ailleurs inédite, nous croyons 
devoir la donner textuellement, si le Bureau veut bien l'admet- 
tre, soit à la fin de ce Bulletin, soit dans le N" suivant. 

Ch. B. 



LES 

MIRACLES DE LA SAINTE-LARME 

& 

LE BAILLI DE VENDOME 

Par M. IsNARD. 



Scrihitur ad narrandum. 

Tous ceux qui suivent les travaux de la Société Ar- 
chéologique, tous les lecteurs de son Bulletin se rap- 
pellent certainement le mémoire publié, il y a quelques 
années, par M. leM'^ de Rochambeau sous le titre de 
« Voyage à la Sainte-Larme de Vendôme (1). » 

Beaucoup ont appris ce qu'ils ignoraient entièrement ; 
tous ont lu avec un vif intérêt ce récit d'un pèlerinage si 
célèbre jadis, si oublié des générations actuelles, dé- 
votion huit fois séculaire, connue seulement aujourd'hui 
des archéologues qui aiment à fouiller dans le passé et 
à creuser l'histoire de ce qui n'est plus. Combien de 
Vendômois peut-être n'auraient jamais su, sans M. de 
Rochambeau, qu'à certains jours, leur ville était en- 
vahie par des pèlerins venus souvent de fort loin ; com- 
bien sauraient à peine que leur admirable église a eu, 
pendant des siècles, la prétention de garder une larme 
divine versée sur le Lazare (comme on disait à Ven- 
dôme), miraculeusement confiée à Marie-Madeleine par 

(1) Bulletin de l^^nnée 1873, p. 155. 



— '.)7 — 

un ange et presque aussi miraculeusement conservée et 
transmise pour être donnée par Geoffroy Martel à l'ab- 
baye qu'il venait de fonder, comme le plus riche joyau 
dont il ait pu l'enrichir. 

L'objet de ce culte fervent et populaire a disparu ; on 
n'est pas fixé sur son sort (1). La Sainte-Larme de 
Vendôme vit à peine parle souvenir dans le lieu même 
où elle attirait les foules ; quelques pierres de la Trinité 
portent encore pourtant son image, on la retrouve sur 
un beau bénitier qui figure dans notre Musée ; mais, pour 
la plupart, ce sont des témoignages bien muets, bien 
effacés, pauvres restes d'une splendeur trop oubliée. 



(1) Duchemin de la Chesnaye rapporte, sur la foi de l'ancien 
procureur-syndic de la ville de Vendôme (M. Marganne), qu'en 
1792, malgré « la précaution de ce même procureur-syndic, (|ni 
« s'était emparé de la Sainte-Larme pour la rendre un jour à 
« l'église où elle avait été si longtemps déposée, elle n'en est pas 
« moins perdue pour la ville de Vendôme, au grand regret de ce 
« zélé citoyen. Celui-ci, revenant de l'Abbaye à son bureau, où 
« il se pressa delà déposer pour donner quelques signatures, eut 
« la douleur devoir un particulier, habitant aujourd'hui un autre 
« département, non-seulement porter, comme un autre Oza, une 
« main téméraire sur le vase précieux, mais encore s'en saisir, 
« le fouler à ses pieds et le briser en plusieurs morceaux, de ma- 
« niùre qu'on ne pût rien sauver de la liqueur qui y était enfer- 
« mée. » — Mcinoircs historiques et chronologiques sur la ville 
de Vendôme et sur l'ancien paijs du Vendô mois faisant partie du 
département de Loi r-d-C lier (Manuscrit de la Bibliothèque de 
Vendôme), tome i, livre iv, chap. i", p. 273. 

Il reproduit encore ce récit, mais plus abrégé, tome ii, livre vi, 
p. 54. 

La destruction de la Sainte-Larme semblerait donc ]icu dou- 
teuse. Pourtant M. de Pétigny atteste, au contraire, que cette re- 
lique fut sauvée et conservée par le sieur Morin, employé du dis- 
trict, puis, d'après une note de la main de M. Gallois, cui-é de 
la cathédrale de Blois, remise en 1803, chez M. Hersent, curé de 
la Trinité de Vendôme, à Mgr Dernier, évoque d'< )i'l(''ans (dont 
le diocèse comprenait alors le département de Loir-et-Cher), qui 
la remit lui-même à Paris au cardinal Caprara, légat du saint 
Siège (Histoire Archéologique du Vendômois, p. 189). 

Toujours est-il ((u'nn n'en a |)lu< en tendu ii.iilcr. 

XIX 7 



— 98 — 

Il m'a été donné de secouer la poussière qui recou- 
vrait des documents destinés à perpétuer la gloire de la 
Sainte-Larme ; ils ont près de deux cents ans d'exis- 
tence. • Oubliés depuis longtemps, le hasard me les a 
fait découvrir. Au j)oiat de vue de la simple curiosité, 
ils me paraissent avoii- un intérêt non contestable; 
c'est à ce titre surtout que je crois devoir les publier. 

Ce sont des procès-verbaux dressés de 1700 à 1702 par 
le bailli de Vendôme (1), pour constater judiciairement, 
en quelque sorte, des miracles attribués à la Sainte- 
Larme. Ces pièces se trouvaient parmi les actes du bail- 
liage, ensevelies dans « la poudre du greffe » du Tri- 
bunal civil ; ma main devait avoir, plus aisément que 
toute autre, la bonne fortune de les en tirer. 

Ces documents sont au nombre de dix (2) ; c'est le 
même ofticier de justice qui les a rédigés ; ils ont à peu 
près la même forme, bien que les premiers d'enti'e eux 
soient dressés avec plus de soin et de solennité. 

Reçus tous par Jean de Remilly, qui fut bailli de 
Vendôme pendant plus d'un demi-siècle (de 1652 à 
1708), le premier, qui est daté du 26 mars 1700 (3), 
porte seul tout au long l'en-tête des actes judiciaires: 
« Par devant nous Jean de Remillv, écuver, sieur de la 
« Cliampinière et du Coudre, conseiller du Roi et de son 
« Altesse, bailli et juge ordinaire civil, criminel et de po- 
« lice du pays et duché de Vendosmois. » Les autres 
se bornent à laisser après les mots « Pardevant nous 
Jean de Remilly » un blanc, qu'on a ensuite omis de 
remplir par la mention un peu longue, il est vrai, des 
titres et qualités du l)ailli. 



(1) Lo bailliage roj/al de Vendôme ne fut érigé qu'en 1713. Le 
premier magistrat des bailliages royaux portait le titre de lieu- 
tenant g ènèi^al ; celui des justices seigneuriales avait simple- 
ment le titre de bailli. 

(2) Deux d'entre eux, rédigés le même jour, sont à la suite 
l'un de l'autre sur la même feuille de papier. Voir ci-après Pro- 
cès-verbal n° .5. 

(.3) Voir Procès-verbal n° 1". 



— 99 — 

Le procès-verbal du 29 mars 1700 est, de plus, dressé 
en présence du lieutenant particulier du bailli, des avo- 
cat et prcjiureur du Roi de la juridiction ; il est dans 
une forme tout à fait solennelle, que nous ne trouvons 
plus employée pour les autres. 

Ce sont bien de véritables actes, car cinq de ces pièces 
sont sur du papier au timbre de la généralité d'Orléans 
(1 sol et 4 deniers), les autres sont sur papier non 
timbré. 

Parmi ces derniers, un seul est signé (1) ; le surplus 
n'est revêtu d'aucune signature. Ils semblent n'être que 
des minutes ou brouillons qu'on comptait probablement 
refaire à loisir, ce qui eût été facile, les comparants ne 
sachant pas signer. Il paraît que, dans ces temps recu- 
lés, on se permettait d'en agir ainsi pour aller plus vite, 
et qu'il arrivait d'oublier démettre au net; tenons pour 
certain que de pareilles négligences ne se produiraient 
plus aujourd'hui. 

J'ai parlé de comparants, c'est, en effet, sous forme 
de déclarations volontaires que les miracles sont attes- 
tés au bailli de Vendôme par les intéressés ; le bailli 
prend soin de leur faire affirmer sous serment la sincé- 
rité de leurs dires ; souvent un voisin, un ami ou un pa- 
rent les accompagne, et jure avec eux. 

C'était principalement pour les maux d'yeux que, par 
suite d'un rapprochement assez naturel, la Sainte- 
Larme avait la plus grande réputation. Ce sont exclu- 
sivement des maux de cette nature qui font l'objet des 
procès-verbaux du bailli. 

Mais comment se fait-il que ce soit devant un magis- 
trat, assisté de son lieutenant et des gens du Roi, avec 
tout le cérémonial des actes judiciaires, qu'ait lieu la 
constatation de ces guôrisons merveilleuses ? La com- 
pétence et les attributions des ofticiers de justice étaient 



(1) C'est le dernier. V. Procè.s-vei'bal n" 1). 



— 100 — 

moins rigoureusement délimitées, sous l'ancien régime, 
qu'elles ne le sont actuellement ; mais il n'y a rien là 
qui, de près ou de loin, touche aux fonctions judiciaires, 
et ce qui nous a paru le plus curieux dans les vieux do- 
cuments que nous mettons au jour, c'est assurément 
leur forme et l'intervention du bailli de Vendôme. Je 
ne craindrai pas d'avancer qu'en pareille occurrence, 
l'idée de suivre l'exemple de Jean de Remilly ne vien- 
drait pas à celui qui peut se considérer comme occupant 
son siège. 

Il y avait pourtant un précédent consigné dansl'i//^- 
toire véritable de la Sainte-Larme, que les religieux Bé- 
nédictins avaient fait imprimer, vers 1665, chez Sébas- 
tien Hyp, imprimeur du Roi et de S. A. à Vendôme (1) ; 
mais il s'agissait du bailli de l'Abbaye, qui, comme 
on sait, avait sa justice propre, et cet officier se trou- 
vait intervenir d'une manière un peu plus explicable. 

Faut-il donc voir dans cette sorte d'ingérence de la 
justice dans des constatations qui auraient semblé de- 
voir être réservées à l'autorité ecclésiastique, une ma- 
nifestation du zèle des officiers du bailliage pour l'hon- 
neur d'une relique en grand renom dans tout le Ven- 
dômois f 

Oui, assurément; mais ce zèle avait alors un motif 
tout particulier de s'affirmer. Un incident fort grave ve- 
nait de se produire; nous allons le faire connaître, et 
c'est à lui, présumons-nous, que sont dus les procès- 
verbaux de Jean deKemillv. 

t. 

Nous avons dit qu'ils portaient la date des années 
1700, 1701 et 170^; or, en 1699, J.-B. Thiers, docteur 
en théologie, curé de Vibraye (2), avait publié une Dis- 



(1) Yo'w hi Dis.-^crtation sur la Sainte-Larme de Vendôme, ^i\v 
J.-li. Tliioi-s, ].. ni. 

(2) Au (lioc("'so <lii M;ins. arrnndissemont do Sniiit - Cnlais 
(Sai-tlie). 



— 101 — 

sertation sur la Sainte-Larme de Vendôme j dans la- 
quelle, avec un savoir incontestable et une extrême vi- 
vacité, i^ attaquait non-seulement l'authenticité de la 
relique, mais aussi les agissements des Bénédictins de 
Vendôme, qu'il accusait nettement d'encourager la su- 
perstition et d'avoir trouvé l'art de s'en faire quatre ou 
cinq mille livres de rente (1). 

J.-B. Thiers appartenait à l'école naissante des dé/ic- 
cheurs de saints, dont l'ardeur, quelquefois inconsidé- 
rée, à renverser des dévotions respectables par leur an- 
tiquité et à fouler aux pieds les traditions populaires, n'a 
pas toujours été justifiée, ni surtout exempte de pré- 
somption. 

La critique du curé de Vibraye est acerbe ; il mal- 
mène rudement les bons Pères ; parlant de l'origine de 
la dévotion à la Sainte-Larme: « Les moines, dit-il, fi- 
« rent fête entière le vendredy qu'ils appellent du La- 
« ^arc, carillonnèrent fortement, parèrent magnifique- 
« ment leur église et leurs autels, prirent leurs plus 
(( riches ornements, composèrent une messe, firent un 
(( bel office, choisirent un prédicateur pour célébrer la 
« Sainte-Larme et en expliquer l'histoire, la vertu et les 
« merveilles (2). Mais tout cela ne tend à autre chose 



(1) « Aussi l'historien de la Larme de Vendôme ne s'avance- 
« t-il que sur l'autorité de quelques auteurs modernes qui n'en 
« ont guère, et qui se sont copiez les uns les autres, et que, sur 
« une tradition populaire, qui n'a ])0ur fondement que l'intérêt 
» particulier des anciens moines de Vendôme, qui ne l'ont établi 
« qu'alln d'achalander leur église et de se faire (juatrc ou cinq 
« mille livres derente. » J.-B. Tliiers, Dissertation sur la Saiiitc- 
Lariiie de Vendôme, cliap. vu, \).'[\). et encore Ibid., cliap. xii, 
p. 110. 

Addo Réponse à lu Lettre du P. Mabillon, par J.-B. Thiers, où 
il s'indigne « devoir que ces moines, (jui sont les plus riches de 
« leur congrégation, tiennent un bassin à la droite de celui qui 
« fait baiser la Larme, \n>\w y recevoir les oblatious des peuples 
« superstiti(Mi\. » (Art. xi, p. ViS).) 

{i) Dissertation, etc. (Chap. vu, p. 50.) 



— 102 - 

« qu'à établir la fable de cette relique dans l'esprit des 
« simples, que l'on abuse honteusement par un pur mo- 
« tif d'intérêt, couvert d'un faux prétexte de dévo- 
« tion (1). )) 

Quant aux miracles, c'est bien autre chose : « Les 
(( miracles ne sont guère de saison dans ces derniers 
« temps, (2) » dit J.-B. Tliiers, qui reconnaît pourtant à 
Dieu le droit d'en faire ; mais à l'égard de ceux de la 
Sainte-Larme, « recueillis avec grand soin par les re- 
ligieux de l'Abbaye, » disait Y Histoire véritable déjà 
citée, « on a lieu de se défier de ce qui vient de la part 
(( des moines, quand il s'agit de leur intérêt particulier, 
« et l'historien de la Larme de Vendôme se seroit bien 
« passé de dire que tous ces miracles ont été recueillis 
« avec grand soin par les Bénédictins de Ven- 
« dôme (3). » 

Puis il discute ou, pour mieux dire, rejette en masse 
tous ces miracles « qui sont plutôt des nwnstres de 
miracles (4), » et qui n'avaient jamais, du reste, été re- 
connus canoniquement. 

L'homme le plus éminent de la congrégation de 
Saint-Maur, dont faisaient partie les Bénédictins de 
Vendôme, le célèbre Mabillon, répondit à l'abbé Thiers, 
sous la forme d'une lettre à l'évêque de Blois, dans la- 
quelle il se bornait presque à soutenir que le culte de 
la Sainte-Larme « ne seroit pas moins légitime quand 
l'objet immédiat ne seroit qu'une représentation et non 
la chose même (5) . » 



(1) Dissertation, etc. (Cliap. xi, p. 102.) 

(2) Ibid. (Chap. xv, p. 140.) 

(3) Ibid.(Cliap. xv, ]>. 111.) 

4) J.-B. Tliiers. Réponse à la Letti-e du P. Mabillon, art. xii, 
p. 151. 

(5) Lettre d'an Bcnèrlictin. à Monsci(jnc(ir l'Evêrjue de Blois, 
foucliant le discernemc/i/ des anciennes reliques, au sujet d'une 
dissertation de M. Thiers contre la Sainte-Larnic de Vendôme 
(1700) p. 35. 



— 103 — 

La réponse du P. Mabillon est émue, cuunne ()n])eul 
facilement le penser ; toutefois elle est plus modérée 
que Tatliique. C'est surtout dans le ton de la plainte 
qu'elle e%t écrite, sans que l'authenticité de la relique y 
soit bien vigoureusement défendue: « Il est difiicile, 
« je l'avoue, disait le savant Bénédictin, de croire que 
(( la Sainte-Larme de Notre-Seigneur se soit conservée 
«jusqu'à nos jours et qu'elle se garde véritablement, 
<( comme on le dit, dans l'abbaye de ^^endôme (1), » et 
il invoquait, en faveur du culte de la relique, les sept 
siècles pendant lesquels elle avait été vénérée sans con- 
teste, et, en faveur des religieux, leur entière bonne 
foi. 

Mais la querelle n'en était i)as restée là ; l'irascible 
curé Thiers répliqua, et, prenant à partie le P. Mabil- 
lon, qu'il menace du titre « d'avocat des fausses reli- 
ques (2), )) il le secoue vertement, l'accusant de cher- 
cher à « endormir le peuple et à amuser les idiots (3) ; » 
puis, s'échauffant dans le feu de la discussion, il va jus- 
qu'à soutenir qu'il n'y arien dans le reliquaire qui res- 
semble à une larme, et que les moines doivent bien le 
savoir : « Ils se piquent, écrit-il, d'érudition et de cri- 
« tique; ils ont bien dû s'apercevoir qu'il n'y a pas de 
« larme de N.-S. dans leur monastère. Si.... ils ont 
« voulu s'en éclaircir par leur propre expérience et vi- 
ce siter soigneusement la fiole dans laquelle ils font ac- 
« croire aux idiots qu'elle est renfermée, je suis d'au- 
« tant plus certain qu'ils n'y en ont trouvé an(!un vcs- 
(( tige, que cent personnes dignes de foi qui ont tenu 
« cette fiole entre leurs mains, qui l'ont vue et visitée 
(( à loisir et au grand jour, m'ont protesté qu'elles n'y 
« avoient rien aperçu de liquide, et, sur leur parole, je 
(( défie les moines de Vendôme d'y montrer quoi que ce 



(1) Lettre d'un Bénétlictin, etc., p. 41. 

(2) Réponse à la Lettre du P. Mabillon toiir/iKiii la /ii-rtcni/nc 
Sainte-Larme de Vendôme (Cologne, mdcc), art. vi, }>. 17. 

(}\) ]bid,, art. xu, p. 151. 



-- iU4 — 

« soit qui approche de la figure cl' mie larme (1). » En 
cela l'abbé Thiers allait bien loin. Belleforest attes- 
tait le contraire : d'après cet auteur, le reliquaire, formé 
de ce cristal admirable qu'on croyait lui-même surna- 
turel (2), n'était pas vide, et il faisait ainsi ladescription 
de son contenu : « La Sainte-Larme, qui toujours trem- 
« ble dans ce petit vaisseau, est de couleur d'eau et 
« azurée (3). » 

Et pourtant Ducliemin de la Chesnaye, en rappor- 
tant, sur la foi de l'ancien prociu^eur-syndic de la ville 
de Vendôme, M. Marganne, la destruction des reliques 
et notamment celle de la Sainte-Larme, sous la Révo- 
lution, semble bien donner un peu raison à l'abbé 
Thiers ; il rapporte, en effet, « qu'elle étoit renfermée 
« dans un dernier vase fort petit, d'une espèce de cris- 
ce tal ayant la forme d'un hochet d'enfant, qu'on y aper- 
ce cevait un peu de matière semblable à quelques grains 
« de poussière qu'on jugeait être une liqueur ou larme 
« qui a pu se pulvériser ^ et qui remuait dans le vase en 
(( l'agitant (4). » 

Que devint et comment finit la dispute? nous l'igno- 
rons. J.-B, Thiers se disait soutenu par l'évêque du 
Mans, tandis que Mabillon portait ses plaintes de- 



(1) J.-B. Thiers. Iljid., ai't. vu. p. 71. 

(2) « Le premier vase qui parait aux yeux de ceux qui ado- 
« rcnt ce divin reliquaire, semble être de couleur de corne, et 
« le second, qui est renfermé dans celui-ci, parait de couleur 
« bleue; mais tous deux sont d'une nature si exquise que les la- 
« pidaires les plus experts ont avoué qu'ils ne connaissoient point 
« la matière dont ils étoient faits et qu'elle avoit été prise dans 
» le Ciel et non sur la terre. » Histoire de la Sainte-Larme, im- 
primée à Ven-bimc, chez la veuve Morard et fils, 1778, p. 8. 

(3) La Cos/itographie unioerselle de tout le monde, par Fimu- 
<;ois de Belleforest, citée par M. de Pétigny et M. de Rochani- 
beau. 

(4) Ducliemin do la Cin'Miayo, (. i, livre iv, chapitre i''', p. 273. 
Cependant le niL-nic auteur parle à un autre endroit de (a li'jaenr 
qui était renfermé:,; dans le vase. Voir ri-dessus, p. 97, note 1. 



— 105 — 

vaut Mgr de Bertiet-, premier évècjae de Blois. Tou- 
jours est-il que ce prélat ue supprima pas, comme l'y 
conviait ^le curé deA'ibraye, le culte de la relique, qui 
subsista'jusqu'à la Révolution (1). 

En 1702, un curé de Aloisy (diocèse de Blois) adressa 
aux maire et échevins de Vendôme une réponse à la dis- 
sertation de l'abbé Thiers ; mais cet ouvrage resta ma- 
nuscrit, et nous ne pouvons savoir quelles lumières il 
avait apportées dans le débat (2). 

Peut-être nous reprochera-t-on d'avoir trop insisté 
sur cette discussion, dont l'intérêt est aujourd'hui pure- 
ment historique; mais c'est précisément à ce dernier 
point de vue qu'elle nous a paru mériter l'attention, et 
nous avons pensé qu'on ne nous saurait pas mauvais 
gré de raviver le souvenir de querelles qui ont pas- 
sionné les contemporains. 

On comprend, en effet, le retentissement qu'avait dû 
avoir, à Vendôme et dans tout le pays, un débat aussi 
animé au sujet d'une dévotion populaire : le vendredi 
du Lazare (4® semaine de carême), le dimanche de la 
Trinité et les dimanches suivants jusqu'à la Saint-Jean, 



(1) Les opuscules de J.-B. Thiers furent réimprimés. La Bi- 
bliothèque puljliquede Vendôme en possède une assez jolie édi- 
tion (1 volume relié, doré sur tranches, Amsterdam, 1700-1701). 
On y trouve la Dissertation, la Réponse à la Lettre de Mabillon, 
et, à la fin, la Lettre d'un Bénédictin (Mabillon) à l'Evèque de 
Blois, avec les Mémoires pour servir à l'éclaircissement de 
l'Histoire de la Sainte-Larme de Vendôme, mais sans les plan- 
ches représentant le monument et les reli(iuaires de la Sainte- 
Larme. En tète du volume est une lettre dédicatoire de J.-B. 
Thiers à Mgr de la Vergue Montenard de Tressan, évéque du 
Mans. 

(2) Cité par M. de Rochambeau dans son Voyage à la Sainte- 
Larme de Vendôme. 

Depuis l'étude de M. de Rochambeau, M. l'abbé de Prévillo, 
curé d'Kspéreuse (depuis Rahart), et actuellement aumônier des 
Carmélites à Blois, a publié, en 1875, un intéressant plaidoyer 
sur la Sainte-Larme, sous le titre do Note historique et critique 
sur (a Sainte-Larme de l'Abbaye de Vendôme. 



— 106 — 

les paroisses d'alentour étaient désertées par les fidèles, 
qui s'en allaient « à Vendôme, à Madame la Sainte- 
Larme, » comme ils le disaient encore à cette épo- 
que (1). 

Sans prendre part à ladiscussion, on ne peut se re- 
fuser à reconnaître que l'amour-propre local, l'intérêt 
môme se trouvaient d'accord avec le sentiment plus 
élevé d'une dévotion, de la bonne foi de laquelle nous ne 
pouvons douter. 

On reprochait aux moines de recueillir avec grand 
soin leurs miracles; il est bien probable que le bailli 
aura voulu protester à sa manière contre les attaques 
du curéde Vibraye, au risque d'être compris à son tour 
dans le nombre des « idiots superstitieux (2). » Il aura 
tenu à recueillir, lui aussi, les miracles de la Sainte- 
Larme. Les faits acquéraient ainsi le prestige qui n'a 
pas encore cessé d'entourer toute constatation judi- 
ciaire. Hâtons-nous de faire remarquer pourtant que 
c'est à peu près uniquement au point de vue de la forme 
qu'intervenaient les magistrats; ils se bornaient à re- 
cevoir les déclarations qui leur étaient faites, sans pro- 
céder à aucune investigation ni à aucune enquête. 

Evidemment, rien n'était de nature à mieux soutenir 
l'autorité du culte de la Sainte-Larme et à le venger de 
ses détracteurs, que de montrer qu'elle faisait encore 
des miracles, et que ces miracles n'étaient pas attestés 
par les moines seuls de l'Abbaye, dont la bonne foi venait 
d'être si vivement mise en suspicion. 

On ne se borna pas, du reste, à constater les guéri- 
sons récentes; on recueillit volontiers celles qui da- 
taient d'un certain nombre d'années. C'est ainsi que le 
premici- des procès-verbaux relate un fait qui s'est passé 
vingt-un ans aui)aravant (3). 



(1) J.-B. Th\cv^. Rêponi^ej art. xi, p. 129. 

(2) Ibid., art. x, p. 103. 

(3) Voir ci-aprc.s. 



— 107 - 

Ce n'est pas seulement des environs de Vendôme que 
proviennent les malades qui se déclarent guéris, mais 
bien de^l'Anjou, de Sully-sur-Loire, de la Ferté-Fres- 
nay, « pays de Normandie, distant de 40 lieues, > di- 
sait le procès-verbal, du diocèse d'Auxerre, de celui de 
Séez. Tous étaient affligés de maux d'yeux, et, ce qui 
mérite d'être signalé, plusieurs étaient devenus aveu- 
gles à la suite de la petite vérole qui fit, en France, de 
si grands ravages. 

La plupart des guérisons constatées par les procès- 
verbaux qui sont sous nos yeux, ont été plus ou moins 
lentes et progressives ; elles n'ont pas ce caractère ex- 
tra-naturel, qui oblige à reconnaître une intervention 
spéciale de la Providence. Il en est d'autres, au con- 
traire, qu'Userait difficile d'expliquer autrement que par 
un véritable miracle, si la véracité des déclarants doit 
être admise. 

Ainsi la femme Dynes-Jouet, de Choue, près Mondou- 
bleau, aveugle depuis six années à la suite de la pe- 
tite vérole, déclare qu'ayant été vouée à la Sainte- 
Larme et faisant une neuvaine à Vendôme pour obtenir 
sa guérison, à la fin de la neuvaine, pendant la messe, 
« lorsque le prestre... fit l'eslévation de la sainte Hostie, 
« elle commença à voir et distinguer non seulement le 
« prestre, mais encore les assistants, en sorte que dès 
(' le même moment elle recouvra la veue. » Aussi 
ajoute-t-elle que, tous les ans, elle vient à Vendôme re- 
mercier Dieu le jour de la fête du Lazare. 

Un autre, Pierre Menaud, journalier à Saint-Cyr, 
dans le Perche, rapporte qu'il avait perdu l'œil gau- 
che depuis neuf ans, et le droit au commencement du 
carême de 1702 ; il vint vers la mi-carême et fit deux 
neuvaines. A latin de la dernière, le samedi saint, « se 
« faisant dire une évangille, ne voyant encore goutte, 
« la veue lui revint et il commença à voir les choses qui 



(1) Procès-verbal du 26 mars 1700, N° 1. 



— 108 — 

étaient autour de lui. » Sa déclaration est reçue le 6 juin 
de la môme année (1). 

Comme attestation de l'état réel des malades, avant et 
après leur guérison, nos documents ne donnent autre 
chose que les affirmations des comparants et de ceux 
qui les accompagnent. Un des procès-verbaux, relatif à 
Simon Vernier, de Saint-Saturnin d'AUigny, diocèse 
d'Auxerre, « distant de 50 lieues et plus de cette ville, » 
mentionne pourtant que ce malheureux avait été reçu 
frère aveugle à l'hôpital des Quinze-Vingts, ce qui éta- 
blit suffisamment sa triste situation, et il résulte des 
énonciations de l'acte qu'il avait justifié au bailli de son 
admission à ce célèbre hospice (2). 

Dans luie auti-c circonstance, il s'agit d'une enfant de 
quatre ans, Louise Foucquaut, d'Arrou, dans le Perche, 
à qui la petite vérole avait fait perdre la vue depuis huit 
mois. Ayant été vouée à la Sainte-Larme par ses pa- 
rents, elle avait recouvré la vue; mais elle avait eu en- 
suite une fluxion et une taie sur un œil, qu'un nouveau 
vœu à la Sainte-Larme avait guéries. Jean de Remilly 
donne acte « mesme de ce que nous avons reconnu que 
lad. fille Foucquaut a les yeux clairs et beaux (3). » La 
guérison était donc, cette fois, bien complète. 

N'insistons pas davantage à cet égard. Nous avons 
accepté la mission de raconter, mais non de discuter ou 
de chercher à prouver l'authenticité des miracles que 
nous rapportons. 

Le dernier des procès-verbaux que nous ayons re- 
trouvé porte la date du 6 juin 170,2; nous ne pouvons 
répondre qu'il n'y en ait pas de postérieur, pas plus que 
nous n'oserions affirmer qu'il n'en a été dressé aucun 
avant le 26 mars 170f). Los recherches sont peu faciles 
et l'isquent d'être incomplètes, dans des liasses pou- 
dreuses, dont le classement laisse trop à désirer. 

(1) Pi'ocès-verbfil N'O. 

(2) Pi-oc.ùs-vcrbal N° 6. 

(3) Procc.s-verbal N° 3. 



— 109 — 

Une main plus habile ou plus heureuse pourrait peut- 
être mettre au jour de nouveaux documents. Toutefois, 
il est intéressant de faire remarquer la série des pro- 
cès-verb'aux groupés dans une courte période, et sa 
coïncidence avec l'ardente polémique soulevée par J.-B. 
T hier s. 

Une seconde remarque à faire, c'est que le premier 
des procès-verbaux est de tous le plus solennel. Dans 
les suivants n'apparaissent plus les officiers de justice 
autres que le bailli ; bientôt les formes sont négligées, 
le papier timbré, peu coûteux pourtant, n'est plus em- 
ployé, les signatures, celle même de Jean de Remilly, 
font défaut, l'écriture est tracée sans aucun soin. 

Le zèle du bailli de Vendôme pour la Sainte-Larme 
s'était-il ralenti ? D'où vient le laisser-aller qui rempla- 
çait l'ardeur première ? 

Serait-ce que les orages soulevés par le curé de Vi- 
braye étaient restés sans effets L'Evêque de Blois n'a- 
vait point interdit le culte de la Relique insigne, détruite 
ou tout ou moins supprimée pendant la Révolution. 
Peut-être Jean de Remilly pensa-t-il qu'il était devenu 
inutile de faire intervenir plus longtemps la justice 
dans des constatations qui n'étaient guère de sa com- 
pétence. 

Je livre cette question à la sagacité de nos collègues 
plus aptes que moi à la résoudre. 

Il suffit à ma tâche d'avoir rappelé aux Vendômois 
quelques pages oubliées de l'histoire d'une dévotion ja- 
dis chère à leur ville, dans laquelle elle attira si long- 
temps la foule des pèlerins. 



PROCÈS -VERBAUX 



N° 1. 

(Timbre : Généralité d'Orléans, 1 s. 4 d.) 

Du Vandredy vingt-six^ jour de Mars mil sept cens, Parde- 
vant nous Jean de Remilly, escer, sieur de la Ghamp^e (l)et du 
Coudre, Cons^'" du Roy et de son Altesse, Bailly et Juge ord""" 
civil, criminel et de police du pays et duché de Vandomois, 

En nostre hostel à Vandome, à midy attendant une heure de 
relevée^, issue de la Grand Messe dicte et cellébrée en l'église 
de l'Abbaye cardinalle de cette ville, 

Est comparue en personne Julienne Madère fe^me Dynes 
Jouet, demeurant au bourg de Choue près Montdoubleau au 
dedans de ced. bailliage, assistée de Jean Madaire, son frère, de 
Jean Gauteau, son voisin, de Barbe Haslouin, femme de Jac- 
ques Pontillon, laquelle nous a dit et déclaré, en présence de 
notre lieutenant par", des avocats et procureur du Roy de ce 
bailliage, qu'en l'année mil six cens soixante dix neuf, au mois 
d'Aoust, ayant été vouée par ses defîunts père et mère à la 
Sainte Larme quy repose dans l'église de lad. abbaye, à cause 
qi'" étoit devenue aveugle par la vérolles, il y avoit six ans, 
elle fui amenée en cette ville par sa deffunte mère et ledit Ma- 
daire, son frère, et la laissèrent dans la maison de Gatherine 
ep. du Loymeau, demeurant au fau- 
bourg S' Bienheuré de cette ville, pour faire sa neufvaine à la 
S'o Larme, A la fm de la q"e neuvaine faisant dire une messe à 
son intention, lorsque le prestre qui était un religieux de lad. 
abi)aye fist l'eslévation de la 8'= hostie, elle commença à voir et 
distinguer non seuUement le prestre, mais encore les assistans, 
En sorte que dès le mesme moment elle recouvra la veue et a 
tousjours veu depuis comme elle f' encore à presens et pour 



(1) Cliampinière. 



— 111 — 

remercier Dieu du miracle qu'yl a opéré en sa faveur, elle est 
revenue en cette ville tous les ans à pareil jour que cejour- 
d'huy que ce t'ait la cérémonie solennelle du Lazare, dans la- 
quelle il se (jfeslivre tous les ans un criminel, ce quy a été at- 
testé véritable par led. Jean Madaire, led. Gauteau et lad. 
Haslouin et encore par lad. ep. Loymeau, le serment d'eux pris 
au cas requis et accoustumé, ainsy que de lad. Julienne Ma- 
daire. 

Dont et de tout ce q. dessus avons donné acte, f et dressé le 
présent procés-verbal pour servir et valloir ce que de rayson 
les dessus et fors led. Gauteau ont dit et déclaré ne s"" signer 
interpellés. 

J. Gauteau. 
De Remilly. Olivier. Fabre. 



N° 2. 

(Timbre : Géncralitô d'Orléans, 1 s.4d.) 

Du Vendredy six^ jour d'Aoust mil sept cens pardevant nous 
Jean de Remilly 
En nostre à Vand«s du matin, 

Est comparu en personne Jean Jalot, âgé de vingt ans, fils 
de Jean Jalot^ serger, demeurant à Monaseau païs d'Anjou, 

Lequel nous a remonstré que dès son bas âge il a été affligé 
de la veûe en sorte qu'yl ne voioit que très peu jusqu'à l'âge de 
dix-huit ans. Qu'ayant fait veu de venir en cette ville pour y 
adorer la Sainte Larme de Notre Seigneur Jésus Christ qu'yl a 
versée sur le Lazare et repose dans l'église de l'abbaye cardi- 
nalle de cette ville, ordre de S' Benoist, congrégation de S' 
Matir, il a dès ce temps commencé à recevoir du soulagement 
des yeux et à voir mieux qu'il n'avoit fait auparavant. E\\ sorte 
qu'ayant entièrement recouvré la veue, il est venu en celte 
ville pour accomplir et executter le veu qu'il en avoit fait et en 
rendre grâces à Dieu ; ayant fait ses dévotions en l'Eglise par 
la communion sacramentelle et ensuite adoré la S'° Larme. 
Dont et de laq"" comparution, remonstrance et déclaration cy 
dessus avons donné acte et de l'affirmation faite par le d. Jalot 



— 112 — 

qu'elle contient vérité, pour servir et valoir ce q. de rayson et a 
ledit Jalot dit et déclaré ne savoir signer de ce requis et inter- 
pellé. 

De Remilly. 



N° 3. 

(Timbre: Généralité d'Orléans, 1 s. 4d.) 

Du Vandredy vingt^ jour de mars mil sept cens un par de- 
vant nous Jean de Remilly 

En nostre hostel à Vand" huit h*', du matin, 

Sont comparus en personne Jean Baptiste Foucquaut, mar- 
chant hostelier, demeurant au bourg d'Arrou, pais du perche, 
en l'hostellerie où pend pour enseigne les Trois Croissants, Et 
Catherine Bureau, sa femme, lesquels nous ont remonstré que 
Louise, leur fille, âgée de quatre ans estant tombée malade 
vers la feste S' Jean Baptiste de l'année dernière de la pelitte 
vérolle quy luy fit perdre la veù, à cause de quoy ils la vouè- 
rent à la S'° Larme qui repose dans l'Eglise de l'abbaye cardi - 
nalle de cette ville ordre S' Benoist, congrégation S' Maur, 
dans le dessein de la mener en cette ville pour executter leur 
veu, en conséquence de quoy elle recouvra la veu, mais quel- 
que temps après s'estant formé une fluxion et une tais sur un 
de ses yeux, ils la vouèrent de rechef à la S'« Larme. Depuis 
quoy elle a entièrement recouvré la veue. 

Ensuite ylz sont venus en cette ville cejourd'hui au soir et 
ont amené avec eux lad. Louise, leur fille, pour exécuter leur 
vœu et ce matin esté dans lad. église de l'abbaye y faire leurs 
dévotions, faire dire la' messe et adorer la S'° Larme et donné 
ordre d'y faire une neufvaine, le tout en reconnaissance de la 
grâce q. ont reçue de Dieu en la personne de leur fille par la 
vertu et les mérites de la S'' Larme. 

Desquelles comparutions, remonstrances, dires, déclarations 
cy dessus avons donné acte et de l'affirmation que led. Fouc- 
quaut et sa femme ont f' et q"« contient vérité, mesine de ce 
que nous avons reconneu que lad. fille Foucquaut a les yeux 
clairs et beaux et de tout ce que dessus fait et dressé le pré- 



— 113 — 

sent pour servir et valloir en temps et lieu ce q. de rayson et 
ont signé. 

Foucault. Catherine Bureau. 

De Remilly. 



N° 4. 

(Timbre : Généralité d'Orléans, 1 s. 4 d.) 

Du Vandredy vingt" jour de may mil sept cens un, pardevant 
nous Jean de Remilly. 

En noslre hostel à Vand^ neuf h. du matin, 

Sont comparues Jeanne Barry, fille, âgée de quarante un an, 
demeurant au fauxbourg St Germain de la ville de Sully sur 
Loire, Et Jeanne Boudon, fille âgée de 19 ans, demeurant audit 
fauxbourg Carré. 

Lesquelles nous ontremonstré scavoir : Lad. Barry qu'ayant 
perdu un œil dès sa jeunesse et, la veille du dimanche des ra- 
meaux de l'année présente, perdu l'autre dont elle voioit, parfai- 
tement bien auparavant, elle fist vœu à la S'" Larme qui repose 
dans l'église de l'abbaye cardinalle de cette ville et d'y venir 
faire ses dévotions à cause qu'elle étoit entièrement privée de 
la veue, elle reconneut cinq semaines après le veu qu'elle 
avait formé qu'elle voioit d'un œil et apercent dans l'église de 
sa paroisse le prestre à l'hostel disant la messe et sa veue aug- 
mentant toujours, elle est partie de chez elle le lundi en la com- 
pagnie de lad. Boudon, pour venir en cette ville executter son 
veu, où elle est arrivée du jour d'hier sur les deux heures de re- 
levée et ce matin a f' les dévotions dans lad. abbaye, a enten- 
du la messe et a adoré la S'' Larme et donné ordre de f. une 
neufvaine, le tout pour rendre grâce à Dieu du rétablissement 
de son œil et recouvrement de la veue d'yceluy, ce que lad. 
Boudon a certiftié véritable comme se connaissant depuis 
longtemps et demeurant en mesme lieu. Laquelle Boudon nous 
a aussi remonstré qu'ayant été affligée de la veue qu'elle avoit 
presque entièrement perdeiie, elle fist veu à la S'° Larme qui 
repose en ladite abbaye, il y a quinze mois ou environ, depuis 
leq' temps sa veue fust rétablie, en sorte qu'elle a tousjours 
XIX 8 



— 114 — 

veu de mieux en mieux. Dont pour remercier Dieu et s'acquit- 
ter du veu qu'elle avoit f', elle partit lundy dernier avec lad. 
Barry, sa voisine, pour venir ensemble en cette ville executter 
son veu, ainsi que lad. Barry faisoil le sien, où ils arrivèrent 
hier après midy et ont f' ce matin leurs dévotions en lad. 
église, ont entendu la messe et adoré la S'= Larme et laissé 
ordre pour y faire une neufvaine afin d'accomplir entièrement 
son veu et de remercier Dieu de la grâce q"»^ a reçue par la 
vertu de la S'° Larme, ce quy a été aussy certiffié véritable par 
lad. Barry. Dont et de tout ce q. dessus avons donné acte et 
desafrs(l) fcs par lesd. Barry et Boudon que leurs remons- 
trance, dires et déclarations cy-dessus sont véritables et de tout 
ce q. dessus f' et dressé le présent procès verbal pour servir 
et valloir cq. de raison et ont l'une et l'autre dit et déclaré ne 
savoir signer enquis et interpellées. 

De Remilly. 



N° 5. 

(Timbre: Généi*alité d'Orléans, 1 s. 4d.) 

Du Vandredy premier jour de juillet mil sept cens un parde- 
vant nous Jean de Remilly. 

En nostre hostel à Vand^ de relevée, 

Est comparu en personne Charles Drapier joure^ dem' à Gau- 
ville, près la Ferté Fresnay, pais de Normandie, distant de qua- 
rante lieues, âgé de 50 ans, ou environ, lequel nous a remons- 
tré que quatre ans sont luy étant tombé une fluxion sur les 
yeux, sa veue luy devint sy faible q' ne voioit presque plus, à 
cause dequoy ayant consulté plusieurs personnes pour parvenir 
à sa guérison n'y ayant donné aucun soulagement, on luy donna 
avis quinze mois sont ou environ de se vouer à la S'° Larme de 
Notre Seigneur Jésus-Christ qui repose dans l'église de l'abbaye 
cardinalle de cette ville et d'y venir f. ses dévotions ce q' en- 
treprit et vint en cette ville la veille de la feste de pentecoste 
de l'année dernière où ayant fait ses dévotions, fait dire une 

(1) Affirmations. 



— 115 — 

messe, il fist veu que s'il recouvroit la veue, il reviendroit en 
cette ville y adorer la S'" Larme et remercier Dieu de la grâce 
q' lui auroitfaite, après quoy s'en estant relourné en son païs 
sa veue s'éclaircit de jour à autre ; ensuite se rendit claire entiè- 
rement quatre mois après son veu, ce q. l'a engagé de venir 
en cette ville pour executter le veu qu'il avoit fait et y adorer 
la S" Larme et remercier Dieu des grâces q^ luy a faites du res- 
tablissement de sa veue. Dont et de tout ce q. dessus avons 
donné acte, fait et dressé le présent procès verbal pour servir 
ce que de raison après l'avoir aussi affirmé véritable par led. 
Drapier q. a dit et déclaré ne s'" signer de ce requis et inter- 
pellé. 

De Remilly. 



Et lesd. jour et an que dessus pardevant nous bailly et 
juge. 

En nostre hostel à Vand^ de relevée, 

Est comparu en personne Noël Bucaille, fils de Michel Bu- 
caille, marchand, dem' en la p^se de Gauville en Gauvillois près 
la Ferté Fresné, distant de quarante lieues de cette ville, âgé 
de seize ans, leq^ nous a remonstré qu'ayant été malade de la 
petite vérolle en la saison de l'aoust de l'année dernière qui lui 
fist presque perdre la veue, son père le voua à la S" Larme 
quy repose en lad. abbaye de cette ville depuis leq' temps il a 
de jour à autre recouvré la veue, en sorte que s'estant trouvé en 
estai de f. le voiage de cette ville pour accomplir le veu, yl est 
parti de chez luy avec led. Drapier, désigné en l'acte cy-dessus, 
où il a adoré la S'" Larme, fait ses dévotions et remercié Dieu 
de la grâce q' luy a faite du rétablissement de sa veue, ce q' a 
par serment juré véritable et a été certiffié par led. Drapier 
comme estant son voisin et avoir donné avis de faire led. veu. 
Dont et de tout ce que dessus, nous avons donné acte f' et 
dressé le présent procès verbal pour servir et valloir ce q. de 
raison et a led. Drapier dit et déclaré ne s'', signer enq. et 
interpellé. 

De Remilly. Noël Bucaille. 



— 116 



N° 6. 

{Pas de timbre.) 

Du dimanche 3^ juillet 1701, pardevant nous Jean de Re- 
milly etc. 

En nostre hostel à Vandosme, 

Est comparu en personne Simon Vernier, âgé de 38 à 39 ans, 
natif de la paroisse de S' Saturnin d'Alligny, diocèse d'Au- 
xerre, y demeuran', lequel nousa remonstré, dictet déclaré que 
la veûe lui estant diminuée il y a deux ans et plus il se seroit 
fait esquiller sans que cela lui ait produit aucun advantage, au 
contraire voyant qu'il la perdoit entièrement il s'est voué il y a 
un an à la S'e Larme qui repose en l'Eglise de l'abaye car- 
dinalle de cette ville où il avoit apris qu'il s'estoit fait plusieurs 
miracles pour le rétablissement delà veue, depuis lequel temps 
sa veiie s'est toujours augmentée, en sorte que sitôt qu'il s'est 
veii en état de pouvoir venir en cette ville pour exécuter son 
vœii, il est parti de son pais distant de 55 lieues et plus de cette 
ville, où il est arrivé ce matin, a fait ses dévotions dans lad. 
Eglise et adoré la S" Larme et remercié Dieu des grâces qu'il 
luy avoit faictes du rétablissement de sa veùe, à cause de la 
perte de laquelle il avoit obtenu des lettres de M"" le vicaire gé- 
néral de Monseig"" le Cardinal de Bourbon, grand aumosnier de 
France, pour entrer en la maison de l'hospital royal des quinze 
vingts auveusles de Paris, dattées du 23 aoust de l'année der- 

oc? 7 

nière, signées Maulnory, et scellées, en marge desquelles est 
l'enregistrement qui en a été fait sur le registre des délibéra- 
tions dud. hospital royal et par le greffier du chapitre d'iceluy 
suivant l'ordonnance rendue audit chapitre tenu aud. hospital 
le 3 Vbi'e aussi dernier, par laquelle a été donné rang aud. Ver- 
nier de frère auveugle audit hospital. Lesquelles lettres led. 
Vernier nous a représentées avec le certificat de son baptesme, 
signé Poncé, curé d'Alligny. Dont et de tout ce que dessus 
avons donné acte et de l'affirmation faite par led. Vernier 
que sa remonstrance, dire et déclaration cy-dessus est vérita- 
ble pour servir en temps et lieu ce que de rayson et a led. Ver- 
nier déclaré ne savoir signer de ce requis. 

(Pas de signature.) 



— 117 



N° 7. 
* (Pas de timbre.) 

Du 12 juillet 1701. 

Pardevant nous etc. en nostre hostel à Vand" li""" du 
matin, 

Est comparu en personne Edmée Pierre, fille majeure âgée 
de 30 ans, demeurant à Doûans, diocèse d'Auxerre, suivant le 
certificat qu'elle nous a représenté signé Pussot, curé de lad. 
paroisse, laquelle nous a remonstré quil y a 3 ans et plus qu'é- 
tant tombée malade, savei!ie se couvrit tellement qu'elle la per- 
dit, accause de quoi elle fit veue de venir en cette ville pour y 
adorer la S'' Larme qui repose en l'Eglise de l'Abaye cardinalle 
de cette ville, ce qu'elle exécuté quelque temps après et a reçu 
du soulagement à sa veïie. Estant encore venue en ceste ville 
une seconde fois adorer la S'° Larme et y faire ses dévotions, sa 
veûe s'étoit encore davantage éclaircie. Après s'en être re- 
tournée chez elle, sa veûe s'est enfin restablie entier', ce qui 
l'a obligée de venir il y a 2 jours une troisième fois pour re- 
mercier Dieu des grâces qu'il lui avoit faictes de sa guérison y 
adorer la S" Lerme et fait aussi ses dévotions, dont de laquelle 
déclaration et affirmation faictes par lad. Pierre qu'elles étoient 
véritables avons donné avons donné acte pour servir en temps 
et lieu ce que de raison et a déclaré ne savoir signer enquise. 



{Pas de signature.) 



N» 8. 

(Pas de timbre.) 

Du sabmedy 17 7bra 1701 . 

Par devant nous Jean de Remilly en nostre hostel h Vandos« 
de relevée, 

Est comparue en personne Mag" Aug°"= fem. de Jacques Si- 
rau, homme de peinnes, demeurant au pont grandbois de la 
paroisse de S' Loup d'illiers en beause, assistée de Michelle 



— 118 — 

Brière veuf. Michel Milet du même lieu, laquel nous a remons- 
tré que françoise, sa fille âgé de 9 ans, s'étant trouvée incom- 
modée de la veûe et perdu entier' un œil, elle la voua à la 
S" Larme qui repose dans l'église de l'abaye cardinalle de cette 
ville, vers la feste de S' Jean dernière et comme elle ne peut ve- 
nir lors en cette vi le pour exécuter son vœu, elle pria Dieu 
pendant neuf jours consécutifs, dit-elle, qu'il luy plust par les 
mérites de la S" Larme qui repose en cette ville de lui redon- 
ner la veue ce qui luy ayant été accordé et la veiie de sa fille 
s'estant entier' restablie, elle est arrivée en cette ville cejour- 
d'huy en la compagnie de lad. veuf. Milet pour exécuter son 
vœu et remercier Dieu de la grâce qu'il luy avoit faite par les 
mérites de la S'' Larme de la guérison de la veïie de sad. fille 
et fait ses dévotions pour ce subjet et fera encore demain 
matin dire une messe en lad. abaye aux mêmes fins, ce qui a 
été certifié par lad. veuf. Milet qui a et lad. f« Sinrau affirmé le 
faict cy dessus véritable dont avons donné acte pour servir ce 
que de raison et ont lesd. fem. Sinrau et veuf. Milet d t et dé- 
claré ne scavoir signer enquises et interpellées. 

{Pas de signature.) 



N° 9. 

(Pas de timbre.) 

Du mardy six juin mil sept cent deux, 

Pardevant nous Jean de Remilly, 

En nostre hostel à Vandosme, une heure de relevée. 

Est comparu en personne Pierre .vienaud, journalier, demeu- 
rant en la paroisse de S' Sir, pais du perche, diocèse de Séez, 
lequel nous a remonstré qu'ayant perdu la veiie, notamment 
l'œil gauche deux ans sont, et le droit au commencement du 
caresine dernier, ayant apris qu'il se faisoit des miracles en 
cette ville sur co subjel accause de la S'^ Larme de Nostre Sei- 
gneur Jésus-Christ qui y repose dans l'EgUse de l'abaye cardi- 
nalle de cette ville, ordre de S' Benoit, il s'y voïia et s'y fist 
amener vers le temps de la mi-caresine et fist ses dévotions et 



— 119 — 

deux neufvaines à la fin de la dernière desquelles, qui fut le sab- 
medy s', se faisant dire unne evangille ne voyant encore 
goutte, la veûe lui revint et commença à voir les choses qui 
estoient aiftour de luy, de quoy il remercia Dieu et a continué 
de le faire jusqu'à ce jour. 

De laquelle remonstrance et déclaration avons donné acte et 
de ce que ledit Menaud par serment de lui pris a juré et affir- 
mé qu'elle contient vérité et pareille' donné acte de ce que 
Claude Charpentier, tailleur de pierres, demeurant en la pa- 
roisse de s' Gaubourge, voisinne de celle de s' Sir a dict et cer- 
tifié aussi par serment qu'il a cognu led. Menaud auveugle et 
apris que par les mérites de la S" Larme et le vœu qu'il y avoit 
faict, il avoit recouvert la veûe et a led. Menaud déclaré ne sa- 
voir signer enquis. 

De Remilly. Claude Charpentier. 



ÉTUDE 

SUR 

LE CARTULAIRE INÉDIT 

DE LA TRINITÉ DE VENDOME 
Par M. G. Rigollot. 



On sait de quelle utilité sont pour l'histoire de notre 
pays, au moyen âge, les cartulaires des anciennes ab- 
bayes. L'Etat et les Sociétés savantes e^ii ont fait pu- 
blier un certain nombre. Parmi ceux qui sont encore 
inédits est celui de la Trinité de Vendôme : je vais 
essayer d'en donner une idée. Après avoir rattaché 
historiquement notre document à sa source originale, je 
passerai rapidement en revue les motifs des donations, 
leurs conditions et formalités, les contestations aux- 
quelles elles donnaient lieu, l'état des personnes, la 
nature des biens, les principales chartes, certaines cou- 
tumes, et je demanderai la permission de conclure. 

La Bibliothèque de Vendôme possède un manuscrit 
intitulé: Cartulaire de la Trinité de Vendôme. Il a été 
copié parles soins du bibliothécaire M. Bouchet en 1857, 
sur une copie de M. Marchegay d'Angers, faite, en 
1850, sur celle que M. Salmon de Tours (1) avait écrite 



(1) M. Marchegay a copié M. Salmou, en y ajoutaiiL plusicui's 
lartes. De 1 
de Vendôme. 



chartes. De là lu différence entre les 111 d'Angleterre et les IGO 



— 121 — 

en Angleterre, à Middle - Hill, d'après le manuscrit 
original appartenant à sir Thomas Philippe Baro. Ce- 
lui-ci l'avait acquis, vers 1825, de Roger, libraire à 
Paris, pour la somme de 2,500 francs. L'original et la 
première copie renferment 111 chartes, dont 109 en- 
tières et 2 incomplètes. M. Marchegay et le manuscrit 
de Vendôme y ont joint d'autres chartes recueillies çà 
et là, ce qui porte le nombre total de ces documents à 
160. Elles comprennent environ cinquante ans, la se- 
conde moitié du XI'' siècle, sauf quelques pièces qui vont 
jusqu'au commencement du xii® siècle. Le cartulaire 
complet contenait environ 570 pièces ; il en reste donc 
moins d'un cinquième dans le manuscrit de Vendôme, 
l'objet de ce travail. 

Le cartulaire de la Trinité paraît avoir été célèbre 
autrefois. En tous cas, il a été souvent cité avant et 
même depuis la Révolution. Du Cange y renvoie à 
chaque instant dans son Glossaire de la basse latinité. 
Launoy a essayé de démontrer la fausseté de quelques 
chartes, en quoi il a été contredit par D. Mabillon. 
D. Housseau, dans sa Collection manuscrite, a colla- 
tionné le cartulaire, et cet inventaire donne 570 pièces ; 
Beslv, dans son Histoire des Comtes de Poitou ; Gai- 
land, dans son Traité de Franc-Alleu ; D, Martène, 
dans son Thésaurus novus anecdotorum, en ont parlé. 
Les historiens de Vendôme, l'abbé Simon et M. de Pé- 
tigny s'en sont servis dans leurs recherches. 

II a disparu à l'époque de la Révolution. « Cette perte, 
dit de Pétigny, est irréparable pour notre histoire lo- 
cale.» On peut cependant consulter, à défaut des chartes 
complètes, un inventaire de ces pièces, fait en 1511, 
qui a été donné à la Bibliothèque de Vendôme, en 1836, 
par M. Leroy, à qui appartenait ce manuscrit. Une 
note jointe à ce dernier ouvrage, et datée du 24 mai 
1836, fait savoir qu'uiio collection des chartes, proposée 
inutilcni:'nt au bildiothécaire de Blois, M. delà Saus- 
saye, était, en 1821, aux mains d'un M. Dangin, em- 
ployé au ministère de l'intérieur. N'est-on pas fondé 



- 122 — 

à penser que c'est ce manuscrit qui a passé en Angle- 
terre, et qui a été copié heureusement par le savant 
architecte tourangeau ? 

Le moyen âge a été une époque de foi. Celle-ci n'a 
jamais été plus profonde, plus ardente qu'au xi^ siècle. 
Il n'est pas étonnant que les donations religieuses aient 
été nombreuses et immenses : les seigneurs féodaux 
possédaient tout, et l'Eglise encourageait ce genre de 
bonnes œuvres. On peut seulement se demander pour- 
quoi ces donations ont été faites surtout aux monas- 
tères, plutôt qu'au clergé séculier, aux hôpitaux, aux 
écoles. C'est que le premier avait déjà sa part. Le ser- 
vage rendait la charité peu utile ; quant à l'instruction 
populaire, personne n'y songeait. Les esprits étaient, 
en outre, fortement frappés de l'idée de la mort et du ju- 
gement de Dieu, de la crainte de l'enfer. Ces senti- 
ments se font jour dans les préambules des actes de 
donation : les bienfaiteurs espèrent effacer leurs péchés 
ou ceux de leurs proches. En vertu delà réversibilité 
des mérites, ils avaient confiance dans les prières, les 
mortifications des personnes qui embrassaient une vie 
plus austère et méritante. Déplus, il était nécessaire de 
perpétuer cette bonne œuvre. Afin d'augmenter l'effica- 
cité de cette expiation, on fonde donc des maisons 
saintes, où des religieux recevront le vivre et le cou- 
vert, seront à l'abri des soucis de l'existence et des agi- 
tations mondaines, à charge de prier pour autrui, et 
d'assurer le salut des âmes charitables par leur inter- 
cession auprès de Dieu et des saints. 

A ce motif principal et permanent, il s'y est joint 
quelques raisons secondaires, accidentelles, qui ont ou 
fortilié l'impulsion commune ou l'ont parfois modifiée. 
Quand une communauté est devenue plus nombreuse, 
il faut augmenter ses ressources. Des parents privés, par 
la moi't, de leurs enfants, font Dieu leur liéritier dans la 
personne de ses serviteui-s. Un meurtre a été commis ; 
la comj)ensation exigée par le juge est une expro- 
priation au profit d'un couvent. Comme certains biens 



— 123 — 

sont en friche, les nouveaux maîtres devront les culti- 
ver ou faire construire des bâtiments nécessaires à 
la culture.. Une succursale est créée pour servir de re- 
fuge en cas de guerre. Notons que, pour la Trinité, le 
fondateur fnt d'autant plus généreux qu'il prenait sur 
les propriétés de son pupille ou de sa femme, ce qui ne 
lui coûtait guère. D'ailleurs, tout n'a pas été simple 
don : beaucoup de biens provenaient d'échanges, d'a- 
chats, que rendaient faciles l'habileté, la ténacité, l'éco- 
nomie, parfois, il faut l'avouer, l'avidité et les ruses des 
nouveaux propriétaires. 

Il va de soi que les donations, quelles qu'elles fus- 
sent, n'étaient pas purement gratuites. En dehors delà 
condition première, sous-entendue ou non, qui était 
de prier pour le salut des donateurs, les uns ne don- 
nent leurs biens qu'après leur mort, d'autres s'en ré- 
servent le revenu leur vie durant ou percevront la moi- 
tié des récoltes. Le seigneur qui autorise son vassal 
à se dessaisir, la femme ou les enfants qui consentent 
à sacrifier leurs droits, demandent et obtiennent une 
compensation plus ou moins large. D'ordinaire, elle 
se fait en argent ; mais elle est aussi faite en nature • 
Une mère amenant son enfant aux moines, le leur 
donne lui et ses biens ; mais, s'il veut rentrer dans le 
monde, ils devront lui rendre son héritage. Les hom- 
mes d'armes troquent les terres qu'ils ne cultivent pas 
pour un cheval et quelques écus, pour pouvoir guer- 
royer à leur aise. Il y a de bonnes âmes qui se con- 
tentent d'avantages spirituels : ceux-là seront admis 
dans la communauté, ou enterrés dans le cimetière de 
l'abbaye, ou simplement associés à l'ordre. Quand il y a 
don ou échange avec des ecclésiastiques, l'autorisation 
du supérieur est nécessaire; c'est ainsi qu'intervien- 
nent l'archevêque de Tours et l'évèque de Chartres. 
La i)ap;uit(' accoi-d.' à la Trinité des privilèges, et la 
garantit contre toute violence; pour cela, l'abbé doit en- 
voyer douze sous à lÀouie chaque année, signe de sa 
vassalité à l'égard de Saint Pierre. Certains voisin^ 



— 124 — 

sont dangereux ; ce sont le comte de Blois, Thibaut m, 
et le seigneur de Château-Regnault. Des conventions 
interviennent pour garantir les droits de passage avec 
celui-ci, et avec celui-là, pour obtenir la restitution des 
vols faits par ses soudards. Les conditions accep- 
tées ou imposées par les moines sont naturellement 
favorables à leurs intérêts ; mais, si on v découvre des 
finasseries blâmables, on y chercherait en vain les 
excès de la force brutale. 

Il importait de constater ces donations et d'en conser- 
ver la trace. Le premier moyen a été la charte ; mais 
il était naturel de multiplier les preuves dans une époque 
de trouble et de mauvaise foi. On entourait les actes 
de formalités : l'écrit était déposé sur l'autel ; il avait 
été dressé dans le parloir ou le chapitre ; l'un est fait 
à Tours, chez le chantre de la cathédrale. Pour une 
terre, la verge symbolique était placée sur l'autel, et le 
serf qui la donne dépose 4 deniers, « parce qu'il est de 
condition servile. » Enfin, les témoins sont appelés; 
ils signent ou mettent une croix. Ces précautions 
ont empêché la destruction des chartes, mais pas 
toujours leurs falsifications ; celles-ci, toutefois, pro- 
viennent plus de la négligence que du mensonge (au 
moins pour les chartes de la Trinité). Malgré ces garan- 
ties, le doute, la mauvaise foi, les résistances se pro- 
duisaient. De là, selon le langage du temps, « des ca- 
lomnies, )) c'est-à-dire des réclamations, des contesta- 
tions, des procès. Un suzerain prétend qu'il est lésé, et 
se fait payer son acquiescement. Les obstacles viennent 
plus fréquemment des membres de la famille : un sacri- 
fice, des promesses parviennent à les désintéresser. 
Il arrivait parfois que les plaideurs se désistaient pu- 
rement et simplement, parce que « la grâce visitait 
leurcœur^ » ou qu'ils étaient admis aux bienfaits de l'as- 
sociation avec le monastère. Le moyen le plus efficace 
était la patience. En temporisant, les moines avaient 
toute chance d'être débarrassés de leurs adversaires. 
Malgré ces concessions, cette longanimité, il fallait plai- 
der parfois. Les procès étaient portés aux « plaids du 



- 125 - 

comte » et en « cour de justice. » On en voit de si bonne 
composition, qu'ils se font les « hommes » de ceux qui 
les ont fait condamner. Ainsi tout finissait toujours au 
profit dé la communauté. 

Essayons de passer en revue les personnages qui ap- 
paraissent dans ces transactions. Ce sont d'abord, natu- 
rellement, le fondateur, Geoiïroy Martel, et sa femme, 
la comtesse Agnès, celle-ci avec son mari, on à part 
comme intermédiaire bénévole. Le nom du roi Henri I*"" 
ne vient que pour dater le titre. Le rôle du pape est plus 
important: c'est déjà le juge universel, le dispensateur 
suprême de l'Eglise. L'évêque diocésain accorde des 
concessions; un voisin, celui du Mans, fait le métier 
d'envahisseur. Déjà se montre le chapitre de Saint- 
Georges, futur rival de l'abbaye. Un pauvre curé de 
campagne reçoit des moines fixation de son casuel. 
Les voisins de Geoffroy, ses vassaux surtout, inter- 
viennent pour donner ou protester ; des chevaliers ou 
soldats pour faire des ventes réservées. Il n'est pas jus- 
qu'à des ouvriers de la ville, de pauvres paysans, des 
colliberts, sorte de demi-sorfs, qui ne se présentent pour 
chercher un abri contre les violences des domestiques du 
maître, ou se donner eux et leur petit avoir, se « faisant 
esclaves sur terre pour acquérir la liberté spirituelle, » 
au dire de ceux qui les acceptent. Je trouve un « curia- 
lis, » juge peut-être; plusieurs « Hierosolymitani » 
(pèlerins, sans doute, en Terre sainte). En un mot, 
toutes les classes fournissent quelques représentants. 
J'ai relevé plus de 40 professions chez les témoins, de- 
puis les fonctions de vicomte, sénéchal, maréchal 
maieur, jusqu'aux états de vigneron, maçon, farinier, 
jardinier, cuisinier, valet d'étable, porcher, bouvier, en 
passant par les écuyers, notaires et usuriers. 

Il nous reste à connaître la nature des donations, 
c'est-à-dire les différentes espèces de propriétés dont 
elles furent la source. Les biens de la Trinité se trou- 
vèrent répandus dans le Vendômois d'abord, ce qui est 



— 126 — 

naturel, dans le Poitou et la Saintonge, apanage d'A- 
gnès, f]uel(|ues-uns seulement dans l'Anjou, domaine 
de Geoffroy Martel, et le diocèse de Chartres, d'où dé- 
pendait Vendôme. Ils consistaient en terres de divers 
produits : champs, vignes, blés, prés, étangs, marais, 
réunis sous les noms de manses, fermes, maisons, 
rues, villas, courtils, masures, jardins, plessis, com- 
bres. Les moulins sont assez nombreux ; c'était un 
revenu assuré, puisque le public était forcé d'y moudre. 
Des éghses, des autels appartenaient également à l'ab- 
baye, qui nomme les curés et vicaires, en partage les re- 
venus et pourvoit à l'entretien du culte. Tantôt elle pos- 
sède ces biens en «y^s proprlum, » phis rarement elle 
n'en a qu'une moitié « medietas. » Il y a encore des 
droits de justice, de prison, etc., appartenant aux fiefs, 
de vicariat, de commande, de pacage, de cire dans les 
forêts, de pèche dans les cours d'eau. On trouve ces 
biens classés selon les différentes formes ,qu'affectait 
alors la propriété sous le régime féodal, en alleux, bé- 
néfices, terres libres, casamenta ou fiefs. 

Le plus curieux et le plus triste en même temps est la 
présence de l'esclavage dans cette société chrétienne, 
et au profit de religieux qui ont dû renoncer à tout 
pour Dieu. Ces esclaves provenaient d'hommes libres 
qui se sont donnés eux-mêmes pour leur salut, di- 
sent-ils, ou pour une légère avance, de «serfs » donnés 
par leurs maîtres : hommes, femmes sont cédés avec 
leur (( fruit, » c'est-à-dire leurs enfants. Ils sont des- 
tinés à aider les moines « in opus cœiiobti, » soit à 
l'intérieur, soit au dehors. Ces trocs de chair humaine 
se font parfois à prix d'argent, et les vendeurs récla- 
ment en plus les « prières )> des acheteurs. 

Constatons, chemin faisant, les mesures et les mon- 
naies usitées alors. Pour la terre, il est question d'ar- 
pents, de mesures, de charrois (carruca), de quartiers 
pour les produits, de setiers, de muids. Les monnaies 
sont : l'once d'or, la livre d'argent, les sous, les deniers. 
Il y a la livre danoise, les deniers poitevins, la mon- 



— 127 — 

naie « vendômoise. » Les terres rapportent des cens, des 
revenus. Les époques de paiement sont: la Saint-Jean, 
la Saint-Martin d'hiver, la Purification (2 février), la fête 
de Saint-(jeorges, les foires de Blois, fixées en sep- 
tembre. Veut-on un exemple du prix des choses ? un 
cheval, avec son harnais, coûte 100 sous ; le terrain 
sur lequel a été bâtie la Trinité a été payé xv livres d'or. 
Une maison rapporte xii deniers. Celui qui violera les 
privilèges du monastère sera condamné à 5 livres d'or 
et 100 d'argent. 

Sur les 160 chartes du cartulaire actuel, il en est quel- 
ques-unes plus importantes que le reste par leur con- 
tenu ou leur longueur. Notons : 1° la 2^ sur la fonda- 
tion du monastère, dont la dédicace eut lieu le 31 mai 
1040; Launoy a attaqué l'authenticité de cette charte 
pour certains anachronismes, l'abbé Simon la défend 
en renvoyant aux chartriers et aux originaux ; elle a été 
sans doute rédigée vers 1050; 2° la T, contenant les 
privilèges accordés par le Saint Siège dans une bulle 
de Clément II, 1047; 3° la 9% sur la fondation du mo- 
nastère de l'Evières à Angers, reconnue fausse, mais du 
temps ; 4° la 11% sur le droit de péage de Saint-Forent ; 
5° la 13^, intéressante par les détails, sur les droits de 
passage dans la terre de Château-Regnault ; 6° la 1G% 
touchant la paix accordée par Thibaut m, comte de 
Blois; 7° la 108% qui expose le traité du comte Geof- 
froy Martel avec Gervais, évèque du Mans ; 8° la 111^, 
qui énumôre les coutumes du vieux Bouchard, comte 
de Vendôme ; 9° la 125° raconte les guerres du comte 
Geoffrov Martel avec Gervais; 10° la 150% contient une 
convention avec Thibaut. 

On peut recueillir cà et là quelques renseignements 
sur les choses et les hommes du temps, touchant l'iiis- 
toire locale et même l'histoire de notre pays. La fonda- 
tion même de la Trinité rappelle le séjour de Geoffroy 
Martel à Vendôme, et explique les rapports postérieurs 
du Vendômois et de l'Anjou. L'existence de l'abbaye, 



— 128 — 

indépendante du seigneur, enrichie à ses dépens, pré- 
pare les conflits à venir entre les comtes et les abbés. 
Les meurtriers du batailleur Thibaut, la guerre avec 
l'évêque du Mans, montrent les inconvénients de la féo- 
dalité et les goûts étranges du haut clergé. Les sei- 
gneurs forestiers s'expliquent par l'étendue des forêts 
à surveiller; les ruses de certains vassaux par leur si- 
tuation entre les plus forts qu'ils redoutent. Les al- 
lusions aux événements généraux sont presque nul- 
les ; l'intervention constante de la papauté atteste déjà 
sa puissance et son habileté. Le nom du souverain ré- 
duit kser^vir de date est une preuve de l'effacement du 
pouvoir central sous les premiers Capétiens. Certaines 
omissions sont à signaler. On chercherait en vain une 
trace de l'usurpation de Geoffroy sur les droits de son 
neveu, de son alliance illégitime avec Agnès, de ses 
luttes avec son père, le redoutable Foulques Nefra. 
Ce qui étonne plus encore, l'apparition de langues de 
feu à laquelle serait due, selon la tradition^, la pensée 
de la fondation, le dépôt de la fameuse Sainte-Larme 
dans l'église de la Trinité, sont passés sous silence, 
d'où il me paraît que ces légendes n'ont dû naitre que 
dans le siècle suivant. 

Ce cartulaire, tout mutilé qu'il soit, concorde avec 
les monuments de la même époque pour témoigner du 
caractère du xi^ siècle. La royauté n'existe que de nom. 
La féodalité achève de s'asseoir, de s'organiser. L'E- 
glise s'incorpore à ce régime aristocratique et tyran- 
nique, pour avoir sa part de biens terrestres; mais elle 
tempère ses iniquités par son contact. La papauté 
étend son pouvoir pour se faire des clients et des dé- 
fenseurs, avant d'imposer les lois de Grégoire vu au 
profit des mœurs ; les moines s'augmentent, se ré- 
pandant dans chaque domaine féodal. Enfin, les pe- 
tits, le peuple, bourgeois ou serfs, sacrifient leur liberté 
pour conserver leur repos ou leur vie. Les guerres 
civiles éclatent partout, malgré la trêve de Dieu, qui 
vient d'être décrétée ; maïs avant la fin du siècle les 



— 129 — 

croisades et les communes commenceront à miner les 
abus et les excès du régime féodal. 

Terminonis par une courte énumération d'idées ou 
d'usages qui attirent l'attention par leur singularité. 
Trois frères donnent leur bien; il est dit que l'un demeu- 
rait en France ! Ainsi Paris et ses environs semblaient 
au bout du monde, un autre pays! On fait cadeau d'une 
peau de martre ; les fourrures étaient donc à la mode ? 
Une dame reçoit deux ornements d'or (fibules ou brace- 
lets), prime prélevée sur l'éternelle coquetterie fémi- 
nine ; une autre, un palefroi de voyage : c'est qu'il fal- 
lait que tout le monde chevauchât, faute de routes et de 
sécurité. Les moines devaient se saigner souvent ; 
ils s'attachent à l'année un phlébotomiseur chargé, 
entre temps, de raccommoder les galoches et le reste, 
et cela pour la vie et le couvert. Les livres n'abon- 
daient guère; on note le don à l'abbaye d'un manu- 
scrit qui coûte un sou à la communauté, de deux psau- 
tiers et d'un antiphonaire. On voit de quoi était formé 
le douaire d'une veuve, quelles sont les vertus requises 
d'un desservant ; celui-ci est obligé de vivre chaste- 
ment; il lui est interdit de revoir sa femme, dont il avait 
été « séquestré, » et il est à remarquer que cela se 
passe avant les sévérités de Grégoire vn contre les 
prêtres en puissance de femme. 

Il y aurait certainement des renseignements intéres- 
sants et nombreux à tirer au profit de l'histoire des 
mœurs, de la géographie locale, de la lexicographie et 
de la syntaxe de notre langue, en parcourant, à ces 
points de vue, les documents que nous avons analysés. 
On verrait, par exemple, que presque tous les noms, 
même ceux des manants, sont d'origine germaine; que 
la plupart sont suivis de sobriquets, dont quelques-uns 
sont déjà en français vulgaire ; que les noms des villes, 
des paroisses, etc., des cultures, sont restés à peine 
transformés et très reconnaissables dans les noms ac- 
tuels, ce qui permet de rétablir la géographie ancienne 
de notre pays ; que beaucoup de termes de la basse la- 

XIX i> 



- 130 — 

tinité touchant les lois, les coutumes, ont passé dans 
la langue actuelle, y compris les tours de phrases qui 
les renferment, et fournissent la raison de bien des cho- 
ses inexplicables, bizarres sans cela dans notre langue. 
Mais c'est là un sujet de recherches sui gêner is minu- 
tieuses, qui demandent un travail particulier, et sur 
lequel j'espère revenir. 

La conclusion et l'excuse de cet essai est qu'il est 
fâcheux que le cartulaire de la Trinité, même dans son 
état actuel, reste à l'état de simple manuscrit, confiné 
dans une seule bibliothèque ; qu'il serait à désirer que 
la Société Archéologique duVendômois le fit imprimer 
soit dans son Bulletin, soit dans une publication spé- 
ciale. Ce serait mettre en lumière l'un des titres les plus 
anciens, le plus important, sur le passé de Vendôme, 
et ajouter un nouveau trésor à la mine si riche^ et ex- 
ploitée en beaucoup d'endroits, de l'histoire dumoven 
âge en France, histoire sur laquelle on dispute beau- 
coup, mais que si peu de personnes ont a'pprofondie. 



NOTE 

SUR 



L'HIVER DE i88(» 

Par M. E. Renou, 

Directeur de l'Observatoire Météorologique de Saint - Maur 

près Paris. 



L'hiver de 1880 est un des plus rigoureux qu'on ait 
jamais éprouvés en France ; mais ce qui est exception- 
nel dans la vie d'un homme est un fait normal dans la 
série des siècles. Nous retrouvons dans l'histoire, sur- 
tout dans certaines chroniques, le récit d'hivers tout pa- 
reils, caractérisés par des faits qu'on peut exagérer, 
mais sur lesquels on ne peut se méprendre : tels sont 
la congélation des rivières et les dégâts produits sur 
les végétaux. 

Si nous trouvons dans le passé des hivers tout aussi 
rigoureux que celui de 1880, il n'y a, d'un autre côté, 
aucune raison de croire que ceux qu'on signale comme 
les plus rudes l'aient été beaucoup plus que le dernier 
hiver. Il y a évidemment des limites qui ne sauraient 
être franchies, tant pour les moyennes de la saison 
froide que pour les minima de la température. 

L'hiver de 1880 a commencé par sévir sur une grande 
étendue, et d'abord sur les pays du Nord. A Upsal, les 
dix premiers jours de décembre ont été fort rudes. Ce 
froid s'est étendu rapidement sur toute la France: une 
grande quantité de neige est tombée, surtout du 4 au 5, 
de manière à couvrir le sol d'une couche de 0'",40 au 



— 132 — 

moins. Elle s'est étendue jusqu'à la Méditerranée, 
même en Algérie. Il y en avait près de 0"^,10 sur les 
montagnes du cap Croisette, au sud de Marseille, et 
0™,02 au cap Sicié, près de Toulon. Puis le froid a 
cessé tout à coup dans le nord et dans le sud, pour se 
localiser sur la France, au nord des Cévennes, et y sé- 
vir jusqu'aux derniers jours de décembre sans inter- 
ruption. 

Cette chute de neige considérable est le commence- 
ment obligé de tous les grands hivers : sans neige, le 
thermomètre, au centre de la France, ne peut guère des- 
cendre au-dessous de — 11°, ainsi que je l'ai reconnu 
depuis longtemps. C'est pour cela qu'en janvier, le froid 
ayant repris après un dégel court, mais qui avait suffi 
pour fondre la neige et amener la débâcle des rivières, 
le froid n'a atteint, au Parc de Saint-Maur, que 11° 5 au- 
dessous de zéro. 

La grande chute de neige avait eu lieu, en 1788-89, 
dans la nuit du 5 au 6 décembre ; autour de Vendôme, 
elle était tombée par un temps calme, et formait une 
couche de 0™,32 d'épaisseur. En décembre 1879, c'est le 
4 qu'elle a commencé pendant un grand abaissement du 
baromètre, pendant un cyclone qui affectait surtout le 
centre et l'ouest de la France. AFoix, où j'étais alors, 
il faisait un temps magnifique et 18° de chaleur à deux 
heures du soir à l'Ecole normale, qui domine la ville du 
côté du sud. Cette grande intempérie a été suivie d'o- 
rage dans le bas de la vallée du Rhône et dans les 
Alpes. 

Immédiatement après, le froid a atteint une grande 
intensité : le 10 décembre, nous avions au Parc de 
Saint-Maur — 25°6 à une heure du matin. Dans toute 
la moitié nord de la France, le froid a été aussi rude. 
A Marseille, à l'Observatoire, situé à 75"" environ au- 
dessus de la mer, on a eu — 10°5 ; à Cette et à Mont- 
pellier, — 10°; ù Perpignan, — 5°, tandis que, le 9 dé- 
cembre 1871, on y avait noté — 10° ; à Nice, — 4° à 
l'Ecole normale. A Ajaccio, le docteur Sauty a vu son 



— 133 — 

thermomètre à sa fenêtre sur le port à — 4°, qui doit 
correspondre à — 6° dans la campagne. Après cette 
époque et pendant un mois, le ciel a été magnifique sur 
toute la Méditerranée ; la température à -j- 10° ou 12° 
dans le jour, avec de la gelée blanche la nuit. 

En même temps que le midi retrouvait le beau temps 
et une douce température, la saison rigoureuse cessait 
tout à coup en Norwège, et, pendant trois semaines, 
celles pendant lesquelles la Seine était prise à Paris, le 
froid se maintenait, à 8 heures du matin, dans les en- 
virons de cette ville, 18° plus bas qu'à Christiansund, 
petit poste sémaphorique dans une île, à 63° de latitude, 
c'est-à-dire qu'on avait en moyenne 5° de chaleur à 
Christiansund et 13° au-dessous de zéro au Parc de 
Saint-Maur. 

Dans la verticale, la distribution de la température 
n'était pas moins remarquable. Ordinairement, ou 
pour mieux dire, en moyenne, la température décroît à 
mesure qu'on s'élève dans l'atmosphère; ce décroisse- 
ment est différent suivant les saisons : en hiver, la 
température décroît moins rapidement qu'en été, et il 
n'est pas rare qu'il fasse plus froid près du sol des 
plaines qu'à 1,000"^ ou 2,000"" de hauteur. Cette année, 
la température a été extraordinairement douce au haut 
des montagnes ; il n'y avait pas de neige sur le Pic du 
Midi, où le général de Nansouty cueillait, dès le com- 
mencement de janvier, quelques fleurs printanières. 
Au sommet du Puy-de-Dôme, il arrivait de temps en 
temps que la chaleur était plus forte de 20° qu'à Cler- 
mont, qu'il domine de 1,100 mètres. 

Cette interversion de la température dans la verticale 
pendant les hivers rigoureux a déjà été remarquée par 
Fournet en 1838. Les observations s'appliquaient aux 
montagnes des environs de Lyon et de l'Ardèche. II est 
fort probable que c'est un effet qu'on retrouvera con- 
stamment dans tous les grands hivers, et que la rudesse 
de ces hivers n'a lieu que pour les contrées basses, de 
manière que la température moyenne de l'atmosphère 



- 134 — 

entière ne soit pas changée. Cette anomalie apparente 
tient tout simplement à ce que le courant équatorial ar- 
rive chez nous avec une fréquence moindre et une 
moindre intensité que d'habitude, en atteignant d'au- 
tres contrées voisines. Mais la cause première de ces 
grands phénomènes est cosmique, c'est-à-dire qu'elle 
dépend de corps situés en dehors de la Terre; ils se 
reproduisent par groupe de quatre ou cinq hivers tons 
les quarante-un ans, ainsi que je l'ai fait voir il y a 
vingt ans. Il est probable que cette période de qua- 
rante-un ans environ ramène à la même saison la fré- 
quence plus ou moins grande des taches solaires qui se 
reproduisent, en effet, suivant une période de dix à 
onze ans de durée. 

Nous avons dit que le froid a atteint — 25°, 6 au Parc 
de Saint-Maur, et qu'il a été aussi rude dans toute la 
moitié nord de la France. Il serait très intéressant de 
savoir précisément le degré de froid le^Jolus bas pour 
tous les points de la France. Malheureusement, les ther- 
momètres à alcool qu'on emploie pour obtenir le mini- 
mum nocturne ne s'accordent pas avec le thermomètre 
à mercure dans ces degrés inférieurs, et cette différence 
est relativement considérable : elle peut atteindre un de- 
gré et demi ou deux degrés. La température — 25°6 a 
été lue au Parc de Saint-Maur sur le thermomètre à 
mercure. Le thermomètre à alcool, mais convenable- 
ment corrigé, n'amarqué, à Vendôme, dans le jardin de 
M. Nouel, près et au sud de l'hôpital, que — 24° 1 ; en 
pleine campagne, il aurait marqué certainement 1° ou 
2" plus bas. M. Coquelin, à Picolet, en pleine campa- 
gne, a trouvé — 24" 5 au thermomètre alcool à minima, 
ce qui reviendrait probablement à — 26° au moins, d'a- 
près les évaluations que nous en faisons M. Nouel et 
moi. A Villiers, M. Fortier, maire de la commune, a vu 
l'alcool de son thermomètre, bien isolé dans son 
jardin, atteindre la IxMile, le bas do l'échelle étant à 
— 23° ; on peut évahicr le chiffre à — 2&'. 

Il faut i-emarqu ';• (juc le froid que Ton constate sur le 



- 135 — 

thermomètre est relatif à la position qu'on lui donne : 
il doit être isolé en pleine campagne pour indiquer une 
température qui ait une valeur scientifique. Indépen- 
damment de cela, par un temps clair et calme, la tem- 
pérature est notablement différente de mètre en mètre 
suivant la verticale. C'est immédiatement au contact de 
la neige que l'air est le plus froid. Au Parc de Saint- 
Maur, le 10 décembre au point du jour, le thermomètre 
à mercure placé sur la neige marquait — 28°, alors que 
le froid était moindre qu'à une heure du matin. Sous la 
neige, il faisait très peu froid ; la neige est une sub- 
stance feutrée contenant les 0,9 d'air. Mais le froid de 
— 28° de l'air reposant sur la neige a produit tous les 
dégâts. Un grand nombre d'arbres montrent d'une 
manière très nette cette distribution de la température : 
par exemple, le Washingtonia gigantea présente par- 
tout des branches basses intactes, celles qui étaient 
sous la neige ; puis à 0™,50 des branches mortes d'un 
brun rougeàtre intense; cette couleur va en diminuant 
avec la hauteur, et, au-dessus de 3 ou 4™, l'arbre est 
intact, à une hauteur où il ne faisait plus que — 24° 
ou — 25°. 

Les dégâts dans les environs de Vendôme sont grands 
et absolument pareils à ce qu'on voit autour de Paris, 
ce qui prouve que les températures et leur distribution 
ont été absolument les mêmes. C'est dans les vallées 
que les ravages sont le plus grands. Dans la vallée 
d'Huchigny, que.j'ai étudiée autrefois, et où j'ai vu, dans 
un hiver ordinaire, le 20 janvier 1855, le thermomètre 
à — 18" dans ma main et à — 23° sur la neige, on ne 
peut constater le froid qui y a sévi, parce que le rude 
climat de cette vallée n'y a jamais permis aucune cul- 
ture d'arbres autres que des arbres forestiers, et encore 
de certains arbres forestiers. Mais à Galettejà8 kilo- 
mètres au N.-W. de Vendôme, sur le bord de la route 
du Mans, j'ai constaté que tous les arbres ù fruits sont 
morts, cerisiers, pommiers, poiriers, noyers, etc. Il a dû 
y faire — 30° certainement. 



— 136 — 

La vigne a gelé partout jusqu'à la neige, c'est-à-dire 
jusqu'à 0"\30 au-dessus du sol. Les figuiers sont 
morts partout ; un magnifique grenadier situé à Thoré, 
chez M. Hème, dans une exposition S.-W. qui lui per- 
mettait de mûrir ses fruits dans les années chaudes, 
est mort jusque près du sol, mais repart déjà du pied. 
Le laurier noble, le laurier du Portugal et quelques au- 
tres sont généralement morts; le cyprès pyramidal, le 
fusain du Japon, l'alisier glabre de la Chine ont telle- 
ment souffert qu'on ne sait s'ils survivront. 

Ce n'est que dans quelque temps qu'on saura exacte- 
ment l'étendue et la nature du dégât. M. Nouel en fera 
le relevé pour notre pays. Le Bureau Météorologique 
central à Paris les résumera pour toute la France, en 
traçant des courbes qui indiqueront les limites des con- 
gélations de la vigne, des noyers, etc., etc. 

En 1789, les dégâts ont été tout pareils, et la tempé- 
rature a été la même, car à l'Observatoire 'lie Paris on a 
obtenu — 21° 8 le 10 décembre 1879 comme le 31 dé- 
cembre 1788. En 1788-89, la vigne a gelé comme cette 
année ; les noyers ont presque tous péri ; dans ma 
jeunesse, mon père (né en 1770) me montrait, dans la 
pente du coteau entre la Borde et le moulin de Baume, 
à 2 kilomètres de Vendôme, deux énormes novers, et 
me disait que c'étaient les seuls qui eussent résisté dans 
les environs. Ces deux arbres ont été abattus et débités 
vers 1850 par M. Aubert, scieur de long; ils mesu- 
raient un mètre d'équarrissage. Dans le Bas-Vendô- 
mois, Trôo, très abrité par les escarpements du pla- 
teau, avait conservé un certain nombre de noyers, dont 
un doit s'y trouver encore au bord de la grande route. 

L'hiver de 1880, avons-nous dit, ressemble beaucoup 
à l'hiver de 1789, dans sa partie principale, c'est-à-dire 
au commencement. En 1789, le froid, qui n'a eu qu'une 
interruption insignifiante le jour de Noël, n'avait cessé 
qu'au milieu de janvier, dont le reste a été doux ainsi 
que février; mais mars a été fort rude, non pas qu'il 
ait offert des fi'oids comparables à ceux de décembre : 



— 137 — 

le thermomètre est descendu dans ce mois à — 8° 5, 
froid qui n'a jamais été dépassé en mars à l'Observa- 
toire de Paris. C'est d'autant plus remarquable que 
j'ai observé à Vendôme un froid de — 18° le 12 mars 
1847. A l'Observatoire de Paris, le froid n'avait pas at- 
teint — 8°, et, quoique le thermomètre de cet établisse- 
ment ne puisse pas donner la température de la cam- 
pagne, il n'est pas probable qu'il ait fait ce jour-là plus 
de 12° de froid aux environs de Paris. 

En 1880, le mois de mars est, au contraire, le plus 
chaud qu'on connaisse. Sa moyenne au Parc de Saint- 
Maur a été 9° 7 (moyenne vraie de 24 heures) ; le plus 
chaud que l'on connaisse ensuite est mars 1822, venu 
à la suite d'un hiver très doux. On voit quelle compli- 
cation préside à tous ces phénomènes. 

Après un hiver d'une rigueur exceptionnelle, il est 
sans exemple qu'il y ait un autre hiver rigoureux avant 
six ou huit ans. Mais la reproduction d'un hiver d'une 
égale rigueur n'est probable qu'après un intervalle de 
près d'un siècle. 

On se demande de tous côtés quelle pourra être la 
suite de ce grand hiver, et surtout quel été nous de- 
vrons avoir. Si nous consultons les documents anciens, 
nous trouvons qu'après un hiver rigoureux l'été n'est 
jamais beau ; il n'est pas toujours nécessairement mau- 
vais. Il y a souvent de grandes chaleurs, mais de peu 
de durée et généralement tardives ; il sera probable- 
ment pluvieux; Devant cette éventualité, nous n'avons 
qu'à nous rappeler le proverbe, et à prendre le temps 
comme il vient. 

Vendôme, 23 avril 1880. 

E. Renou. 



COMPTE 



DE LA 



RECETTE DE VENDOME 

POUR L'ANNÉE 1583 

(Suite M 

Par M. Joseph Thillier. 



A Jaques Renoucet huissier sergeut à cheval du 
Roy nostre sire ou chastellet de Paris La soînme de six 
livres tournois à luy taxée et ordonnée par mesdictz 
sieurs du conseil pour ses salaires d'avoir à la requeste 
du procureur fiscal gênerai de Vendosmois esté exprès 
jusques en la ville de Bloys et aultres lieux faict des ad- 
journemens à plusieurs personnes à comparoir en la 
cour de parlement à Paris Ainsi que.... 

Pour ce cij VI l. t^. 

A ]\'P Henrv Le Roy receveur de la chastellenve de 
Savigny La somme de cent escuz sol. vallans la somme 
de trois cens livres tournois à luy ordonnée par mes- 
dictz sieurs du conseil pour convertir et employer sca- 
voyr est la moictié de ladicte somme à mons'' de la Me- 
ziere sur ce qu'il luy est deu de sa rente assignée sur le 
revenu de la chastellenye de Savigny pour le terme es- 
cheu au jour et teste Sainct Jehan mil cinq cens quatre 



(1) V. les Bulletins de janvier, avril, juillet, octobre 1879 et 
janvier 1880. 



— 139 — 

vingtz trois Et l'aultre moictiéd'icelle somme pour les 
réparations des moulins d'icelle chastellenye de Savi- 
gny Laqi>elle somme de cent escuz a esté fournye par 
Georges Guilloiseau nagueres fermier de la chastelle- 
nye de Vendosme suivant la condemnation contre luy 
donnée p:ir le bailly de Vendosmois ou son lieutenant 
à Vendosme et confirmée par messieurs des grandz 
jours de Vendosmois pour les réparations du moulin 
an tien à draps.... 

Pour ce cy III ". /. tz. 

A Olivier Betin demourant à Vendosme la somme de 
douze livres tournois à luy ordonnée et taxée par mes- 
dictz sieurs pour avoir faict un voyaige à Paris pour 
porter des pacquetz et pièces concernans le service et af- 
faires dudict seigneur Roy contre Drouyn Le comte et 
]\'P Besnard nagueres receveur gênerai de Beau- 
mont Ainsi que.... 

Pour ce cy ladicto somme de XII l. tz. 

A Jehan Bougosnier sergent de Vendosmois La 
somme de six solz huict deniers tournois à luy payée par 
cedict receveur pour son salaire d'avoir faict comman- 
dement à Jaques Rivière notaire demourant à Villiers 
de luy payer la somme de dix escuz d'amende en la- 
quelle il estoict condamné par sentence du bailly de 
Vendosmois ou son lieutenant à Vendosme Et pour le 
reffuz qui {sic) luy en faisoit le voulloit mettre prison- 
nier Lequel pour éviter la prison avoit consigné la dicte 
somme es mains du greffier du bailliaige de Vendosme 
Ainsi.... 

Pour ce cy VI s. VIII d. tz. 

A René Le TellierLa somme de six livres tournois à 
luy taxée et ordonnée par mesdictz sieurs pour avoir 
esté exprès par leiu' commandement jusques en la ville 
de Chasteaudun trouver la Rovne de Navarre lors v 



— 140 — 

estant et qu'elle s'en retournoit en Gascongne savoir si 
Sa Majesté passeroit par ceste ville Comme.... 

Pour ce cy "VI Is. 

A Nicolas Chereau fermier du greffe des grandz 
jours de Vendosmois La somme de douze livres tour- 
nois à luy ordonnée par mesdictz sieurs pour se rem- 
bourser de pareille somme qu'il auroict fournye etad- 
vancée à messieurs des grandz jours pour leurs espices 
de deux procès qu'ilz auroient vuidez au proffîct dudict 
seigneur Roy l'un contre Jehan Rabot de Martigny Et 
l'aultre contre Georges Guilloiseau Ainsi que.... 

Pour ce cy ladicte somme de XII l. t^. 

Cedict receveur faict cy despense de la somme de dix 
sept livres quatre solz tz faisant partie de la somme de 
trente deux livres quatre solz tournois. A "T^noy monte 
les douze cens gettons de cuivre qu'il avoit faict faire à 
Paris par ordonnance de vous mesdictz sieurs et mis 
en ladicte chambre pour le service d'icelle Lesquelz val- 
lent à raison de XLV s. tz pour chacun cent la somme 
de XXVII Iz XL s. tz pour la voicture Et LXIIII s. tz 
pour une douzaine de bourses de cuyr où ont esté mis 
chacun cent desdictz gettons Lesquelles sommes mon- 
tent et reviennent à ladicte somme de trente deux livres 
quatre solz tz Sur laquelle somme cedict receveur au- 
roict cousché en son compte de l'année mil cinq cens 
soixante treize cloz et arresté en icelle chambre le vingt 
deuxiesme jour de juin MVC soixante quatorze la somme 
de quinze livres tournois Pour employer à l'achapt des- 
dictz gettons Et reste deu seullement à cedict receveur 
ladicte somme de dix sept livres quatre solz tz. 

Cy XVII l.UlIs. tz. 

Somme de ce chappitre IIIP IIII" XV h. XIIII 5. II dz. 



— 141 — 



AULTRES DENIERS PAYEZ PAR CEDICT RECEVEUR PAR 
MANDEMENS DUDICT SEIGNEUR RoY SUR LES DENIERS 
PROVENANS DE SA CHARGE ET RECEPTE. 

A Messire Joseph de Cochefillet sieur de Sainct 
Martin chevalier de l'ordre du Roy gentilhomme ordi- 
naire de sa chambre et chamberlan ordinaire du Roy 
de Navarre La somme de quatre cens escuz sol. val- 
lans la somme de douze cens livres tz A luy payée par 
cedict receveur suyvant le mandement dudict seigneur 
Roy de Navarre En datte du premier jour de Juin l'an 
mil cinq cens quatre vingtz un Et par ordonnance de 
mesdictz sieurs du conseil aussi en datte du neufiesme 
jour de Novembre l'an mil cinq cens quatre vingtz troys 
Pour son payement de quatre courtaulx fournyz et li- 
vrez audict seigneur Roy par ledict s"" de Sainct Mar- 
tin Ainsi que par ledict mandement rescription de M® 
Jullian Malet trésorier gênerai de la maison dudict sei- 
gneur Roy. Et aultres pièces appert. 

Rayé par ce comptable. 

A cedict receveur la somme de dix escuz sol. vallans 
la somme de trente livres tournois à luy taxée et or- 
donnée par chacun an par mesdictz sieurs du conseil 
suyvant le mandement dudict seigneur Roy à eulx 
addressant en datte du quinzeiesme jour de Décembre 
l'an mil cinq cens quatre vingtz troys pour augmenter 
les gaiges de cedict receveur attendu que ceulx qu'il 
avoitcy devant n'estoient suftisans pour satisfaire aux 
fraiz qu'il luy convient faire en sa charge etrecepte de 
laquelle somme de trente livres tournois cedict receveur 
en faict despense en cedict chappitre pour l'année de ce 
compte mil cinq cens.... 

(Le feuillet contenant la suite est enlevé dans 
le manuscrit.) 



— 142 — 



AULTRES DENIERS PAYEZ ET BAILLEZ PAR ORDONNANCE 
DUDICT SEIGNEUR ROY ET DE SES PREDECESSEURS 
PAR FORME d'aULMOSNE. 

A Marye Jaquet vefve de feu Michel Burget luy vi- 
vant varlet de chambre dudict seigneur Roy La somme 
de soixante dix solz tournois pour une année.... A 
cause de pareille somme de soixante dix solz tz à elle 
ordonnée par ledict seigneur Roy luy estre payée par 
chacun an pour ses gaiges de garde des garennes du 
chastel de Vendosme ainsi qu'en avoit jouy la vefve de 
deff'unct Phelippes Martin luy vivant garde desdictes 
garennes Laquelle somme luy auroict esté payée 
comme par quittance 

Rayé par ce comptable. 
Despense DES plaidz censifz tenuz EN l'auditoire 

DE GESTE VILLE DE VeNDOSME DURANT l'aNNÉE DE 
GE COMPTE. 

A Paoul de Constance escuyer s'' de la Fredonniere 

Bailly du pays et duché de Vendosmois la somme de 

Pour avoyr tenu et exercé la jurisdic- 

tion desdictz plaiez censifz en ladicte année de ce 

compte.... 

Rayé à faulte de veriffier. 

A M" Robert Hardouin lieutenant gênerai du bailly 
de Vendosmois La somme de soixante solz tournois 
Pour ses salaires journées et vaccations d'avoyr tenu 
et exercé ladicte jurisdiction durant ladicte année.... à 
raison de XX s. tz par jour comme par quictance de la 
vefve dudict deffunct cy rendue appert. 

Pour ce eu LX s. ts. 



— 143 — 

AM^ Thibault Bautru lieutenant gênerai du bailly de 
Vendosmois ou lieu de deffunct iVP Robert Hardouin La 
somme de soixante solz tournois pour ses salaires et 
vaccations^ d'avoyr tenu et exercé la jurisdiction des- 
dictz plaidz censifz.... à ladicte raison de XX s. tz par 
jour. 

Cij.... ladicte somme de LX s. tz. 

A IV'P Michel Longuet advocat fiscal de Vendosmois 
La somme de neuf livres tournois Pour ses salaires 
journées et vaccations d'avoir assisté ausdictz plaidz 
censifz durant ladicte année de ce compte à raison de 
quinze solz tournois par jour. 

Pour cccy.... ladicte somme de IX /. ts, 

A ]VP Pierre Rabot procureur fiscal gênerai du Ven- 
dosmois Pareille somme de neuf livres tournoys Pour 
ses salaires d'avoyr vacqué et assisté ausdictz plaidz 
censifz.... 

Par quictance cy rendue de la somme de XLVII Iz. qui ser- 
vira cy après de la somme de XXXVIII Iz. aux chappitres des 
gaiges et plectz segreaulx est cy allouée la somme de VII Iz. X s. 
seullement veue la remenbrance et le surplus rayé. 

A M^ Pierre Girard substitut du procureur gênerai de 
Vendosmois La somme de quarente cinq solz tournois 
Pour ses salaires journées et vaccations d'avoyr assisté 
ausdictz plaidz censifz durant ladicte année de ce 
compte. 

Pour ce cy.... ladicte somme de XLV s. t:s. 

A cedict receveur La somme de six livres tournoys 
Pour ses salaires journées et vaccations d'avoir pareil- 
lement assisté ausdictz plaidz censifz durant ladicte 
année 

Pour ce cy par ses mains ladicte somme de VI U. 
Somme de Plectz censifz XXX l. XV s. 



— 144 — 

Despense des plaidz segreaux tenuz en l'auditoire 
DE Vendosme en ladicte année de ce compte. 

A Raphaël de Taillevis escuyer sieur de la Meziere 
M® des eaues et forestz du pays et duché de Vendos- 
moys La somme de Pour ses salaires 

journées et vaccations d'avoir tenu et exercé la juris- 
diction desdictz plaidz segreaulx durant l'année de ce 
compte.... 

Rayé à faulte de veriffîer. 

A M^ Claude Baranger s"" de la Verrerye lieutenant 
gênerai .desdictes eaues et forestz La somme de douze 
livres tournois pour avoyr aussi tenu et exercé ladicte 
jurisdiction desdictz plaidz segreaux durant ladicte an- 
née à raison de XX s. tz par jour. 

Pour ce C1J. .. Ladicte somme de XM Is. 

A M® Michel Longuet advocat fiscal de Vendosmois 
La somme de six livres tournois Pour ses journées sa- 
laires et vaccations d'avoir assisté ausdictz plaidz se- 
greaux durant ladicte année.... à raison de dix solz 
tournois par jour. 

Pour ce C1J.... Ladicte somme de VI U. 

A M^ Pierre Rabot procureur fiscal gênerai de Ven- 
dosmois Pareille somme de six livres tournois pour ses 
salaires journées et vaccations d'avoyr aussi assisté 
ausdictz plaidz segreaux.... 

Par quictancecy devant rendue et veue la remenbrance estcy 
allouée la somme de CX ' seullement et le surplus rayé. 

Pour ce crj .... ladicte somme de CX s. 

A M^ Pierre Girard substitut dudict procureur gêne- 
rai de Vendosmois La somme de dix solz tournois Pour 



— 145 — 

ses salaires journées et vaccations d'avoir paroillomcnt 
assisté ausdictz plaidz segreaux.... 

Poth' ce cij.... ladicte somme de X s. t^. 

A cedict receveur la somme de quatre livres cinq 
solz tournoys Pour ses salaires journées et vaccations 
d'avoyr pareillemedt assisté ausdictz plaidz segreaux 
durant ladicte année a raison de VII s. VI d. tz par 
jour. 

Pour ce cij et par ses mains ladicte somme de IIII /. X s. t:;. 
Somme de plect:; segreaulx XXVIII l. X .s. 



AULTRES DENIERS PAYEZ PAR CEDICT RECEVEUR PAR 
ORDONNANCES DU M' DES EAUES ET FORESTZ DE 
VeNDOSMOIS ET DE SON LIEUTENANT GENERAL. 

A cedict receveur la somme de treize escuz un tiers 
deux solz tournoys vàllans la somme de quarente li- 
vres deux solz tournois à luy ordonnée pour son paye- 
ment de pareille somme qu'il auroict fournye et des- 
boursée par ordonnance du M® des eaues et forestz de 
Vendosmois tant pour la despense qui auroict esté 
faicte en faisant la Visitation de la forest de Vendosme 
Ensemble du carreau de bois tailliz estant en couppe 
affin d'en faire vente })0ur l'année prochaine Que pour 
le salaire journées et vaccations dudict M° des eaues 
et aultres officiers qui luy auroient assisté comme.... 

Pour ce cij XL /. II s. t:;. 

A cedict comptable la somme de dix neuf escuz et 
demy six deniers tournois vallans la somme de cin- 
quante huict livres dix solz six deniers tournoys à luy 
aussi ordonnée pour se rembourser de pareille somme 
qu'il auroict fournye et desboursée par ordonnance 
dudict M° des eaues et forestz Tant pour la despense 
faicte au lieu et bourg d'Espies et aultres lieux en fai- 
sant la Visitation de la forest de Boisbreton Que pour 
les journées et vaccations dudict JVP des eaues et forestz 
XIX 10 



— 146 — 

et aultres officiers qui hiy ont assisté à faire icelle Visi- 
tation Ainsi que.... 

Pour ce ctj LVIII /. X s. VI d. ts. 

Somme de ce chappitre IIIIxx XVIII h. XII s. VI d. ts. 



Gaiges d'officiers. 

A Paoul de Constance escuyer sieur de la Fredon- 
niere Bailly du pays et duché de Vendosmois La somme 
de vingt livres tournois pour une année de ses gaiges 
de sondict estât de bailly fînye et escheue le dernier 
jour de Décembre l'an mil cinq cens quatre vingtz troys 
Laquelle.... 

Rayé à faulte de quictance. 

A A'P Robert Hardouin sieur, du Mas lieutenant gê- 
nerai du baillv de Vendosmois semblable somme de 
vingt livres tournois Pour une année de ses gaiges de 
lieutenant gênerai.... 

Rayé à faulte de quictance. 

A M* Thibault Bautru ù présent lieutenant gênerai 
du bailly de Vendosmois au lieu et place et par la mort 
de deffunct M^ Robert Hardouin La somme de neuf 
livres tournois pour ses gaiges de cinq mois huict jours 
commanceans le vingt troysiesme jour de Juillet an de 
ce compte à raison de vingt livres qu'il a par cha- 
cun an de gaiges.... 

Pour ce cfj ladicte somme de IX Is. 

Par le vidimus des lectrcs de provision dudict Bautru regis- 
trées es registres du conseil et quictance cy rendue. 

A M® Robert Le Breton licentié es loix chastellain à 
Vendosme La somme de trente livres tournois Pour 
une année et demyede ses gaiges de chastellain.... 

Pour cecy ladicte somme de XXX U. ts. 



— 147 — 

A M® Michel Longuet advocat fiscal de Vendosmois 
La somme de douze livres tournois Pour une année 
de ses gaigps d'advocat fiscal.... 

Pour ce ctj ladictc somme de XII h. 

A M*' Pierre Rabot procureur fiscal gênerai de Ven- 
dosmois La somme de trente deux livres tournois Pour 
une année de ses gaiges de procureur.... 

Pour cccrj ladicte somme de XXXII h. 

A Raphaël de Taillevis escuyer sieur de la Meziere 
M^ des eaues et forestz du pays et duché de Vendos- 
mois La somme de soixante-quinze livres tournois pour 
une année et demye de ses gaiges de AP des eaues et 
forestz 

Pour ce cy ladicte somme de LXXV h. 

A M® Claude Baranger s'" de la Verrerye lieutenant 
gênerai des eaues et forestz de Vendosmoys La somme 
de trente livres tournois Pour une année de ses gaiges 
de lieutenant gênerai desdictes eaues et forestz.... 

Pour ce cy ladicte somme de XXX h. 

A Simon de Nouvilliers concierge du chastel de ceste 
ville de Vendosme La somme de vingt cinq livres tour- 
nois Pour une année de ses gaiges de concierge fînye.... 

Pour ce cy ladictc somme de XXV /,?. 

Audict de Nouvilliers La somme de vingt deux livres 
dix solz tournois Pour une année tinyo et escheue ledict 
dernier jour de Décembre l'an mil cinq cens quatre 
vingtz troys Pour ses gaiges de resvontement et net- 
tovement des meubles du chastel de ^^endosme.... 

Pour ce cy ledicte sodudc de XXII l. X s. t^. 
A icelluy de Nouvilliers La somme de six livres tour- 



— 148 — 

iiois Pour une aiiiiéo d'aiigmeiitatiuii de ses gaiges 
finye.... 

Pour ce cy ladicie somme de VI U. 

A M® Pierre Girard substitut du procureur fiscal gê- 
nerai de Vendosmois La somme de quinze livres tour- 
nois Pour une année de ses gaiges de substitut finye.... 

Pour ce cy ladicte somme de XV l. ts. 

A Pierre Got l'un des verdiers et garde de la forest 
de Vendosme La somme de cinquante solz tournois 
Pour un mois dix jours de ses gaiges de verdier et garde 
de ladicte forest commanceans le premier jour de jan- 
vier l'an mil cinq cens quatre vingtz troys.... 

Pour ce cy ladicte somme de h s. ts. 

A Jehan Husson aussi verdier et garde de ladicte fo- 
rest de Vendosme la somme de vingt deux» livres dix 
solz tournois Pour dix mois dix huict jours comman- 
ceans le dixiesme jour de février Tan mil cinq cens 
quatre vingtz troys.... Pour ses gaiges dudict estât de 
verdier d'icelle forest. ... 

Pour ce cij ladicte somme de XXII l. X s. ts. 

A Francoys de Gudin aussi verdier et garde de ladicte 
forest de Vendosme La somme de vingt cinq livres 
tournois Pour une année de ses gaiges de verdier.... 

Pour ce cy XXV L t^. 

A Phelippes Gousset verdier et garde de ladicte 
forest de Vendosme La somme de trente sept livres dix 

solz tournois Pour une année et demye Pour ses 

gaiges de sondict estât de verdier.... 

Pour ce cy hnllrtc snmmr de XXXVII /. X s. /,-. 

A Jclian Al(\\;iii(lr(^ verdier et gardi; de la forest de 
Bois breton La >onunc de quinze livres seize solz huict 



— 149 — 

deniers tournois Pour demye année de ses gaiges de 
verdier fînye.... 

Poitr ce eu XV l. XVI ,s. VIII d. Lr. 

A Jaques Belot à présent verdier et garde de ladicte 
forest de Bois breton Et pu lieu de Jehan Alexandre.... 
Pareille somme.... 

Pour ce cy ladicte somme de XV /. XVI s. VIII d. t.~. 

A Jehan Cherrier aussi verdier en icelle forest de Bois 
breton La somme de trente une livres treize solz quatre 
deniers tournois Pour une année de ses gaiges de ver- 
dier.... 

Pour ce C1J ladicte somme de XXXI l. XIII s. IV d. t.^. 

A Loys De Morées aussi verdier et garde de ladicte 
forest de Bois breton Pareille somme de trente une 
livres treize solz quatre deniers.... 

Cl/ XXXI l. XIII s. IV d. t^. (1). 

A Jehan de Guischart escuyer s"" de René et de Peré 
cappitaine du chastel de Vendosme La somme de vingt 
cinq livres tournois Pour une année de ses gaiges de 
cappitaine finye.... 

Pour ce cy ladicte somme de XXV /^. 

A lieutenant de ladicte cappitainerye 

dudict chastel La somme de cent solz tournois pour 
une année de ses gaiges.... 

Rayé à fanlte de vcriffier. 



(1) Les Ycrdicrs de la foret de Boisbi'eton étalent, comme ou 
le voit, les mieux rémunérés ; l'éloignement des bois confiés à 
leur garde rendait, en effet, plus pénibles les voyages ù Vendôme 
que leur service nécessitait. 



— 150 — 

A cedict receveur la somme de cinquante livres tour- 
nois Pour ladicte année.... Pour ses gaiges de sondict 
estât de receveur. . . . 

Pour ce cij et par ses mains ladicte somme de L h. 

Audict receveur La somme de six livres tournoys 
Pour une année de ses gaiges qui luy ont esté ordonnez 
pour ses salaires et vaccations d'avoir prins la charge 
de faire fermer et ouvrir les portes des halles de l'au- 
ditoire de ceste ville de Vendosme. . . . 

Pour ce cy et par ses mains ladicte somme de VI h. 

Somme de gaiges d' officiers V °. XX Iz. 



AULTRES GAIGES d'oFFICIERS. 

A M^ Claude Baranger sieur de la Verrerye président 
des comptes pour ledict seigneur Roy à Vendosme La 
somme de cinquante cinq livres tournois Pour une 
année de ses gaiges.... A cause de sondict estât de pré- 
sident.... 

Pour ce cg ladicte somme de LV U. 

A M" Henry Delaunay auditeur des comptes pour 
ledict seigneur Roy à Vendosme La somme de dix livres 
tournois Pour une année de ses gaiges d'auditeur en 
ladicte chambre.... 

Pour ce cy ladicte somme de X U. 

Les quatre articles suivants contiennent des sommes sembla- 
bles allouées à M" Jehan Delavau, Claude Marbault, Florent 
Chrestien et Germain Dargouges, également auditeurs en la 
chambre des comptes de Vendôme. 

A M® Albert Matras greffier du conseil et des comp- 
tes pour ledict seigneur Roy à Vendosme La somme 
de cinquante cinq livres tournois Pour une année de 



— 151 — 

ses gaiges de greffier de ladicte chambre des comp- 
tes.... 

Pouf ce cy ladicte somme de LV l.^. 

A. Denis Guiboust huissier du conseil et des comptes 
pour ledict seigneur Roy à Vendosme La somme de 
huict hvres tournois Pour une année de ses gaiges 
d'huissier dudict conseil et des comptes.... 

Pour ce cy ladicte somme de VIII /;r. 

A Léon de Haricourt portier du chastel de Vendosme 
La somme de six livres tournoys Pour une année de 
ses gaiges de portier.... 

Pour ce cy ladicte somme de VI h. 

A M^ Florent Chrestien trésorier et garde des Char- 
tres dudict seigneur Roy en son chastel de Vendosme 
La somme de cent livres tournois Pour une année de 
ses gaiges de trésorier et garde des Chartres dudict 
chastel finye.... 

Pour ce cy ladicte somme de C /-. 

A Jehan Rendoyneau messaigier ordinaire de Ven- 
dosme à Paris La somme de dix livres tournoys à luy 
taxée et ordonnée par messieurs du conseil pour ledict 
seigneur Roy à Vendosme Pour ses gaiges de deux 
années de sondict estât de messaigier ordinaire en la 
ville de Paris.... , 

Pour ce cy ladicte somme de X Lr. 

A M^ Gaillard Gallant conseiller et surintendanUdes 
tinances du Roy de Navarre monseigneur sieur de Val- 
lieres La somme de troys cens livres tournois Pour 
ses gaiges de sondict estât de surintendant de ladicte 
année.... 

Pour ce cy III " L-. 

Aux paouvres de l'église refformée de Vendosme La 



— 152 — 

somme de soixante livres tournois Pour une année 
d'arreraiges escheue ledict dernier jour de décembre 
mil cinq cens quatre vingtz troys Pour pareille somme 
de rente que ledict seigneur Roy a ordonnée estre payée 
par chacun an ausdictz paouvres de ladicte église 
Ainsi que par les mandemens tant de la deffuncte Royne 
de Navarre que dudict seigneur Roy renduz cy devant 
es comptes de feu M® Claude Poulain et aultres La- 
quelle somme de soixante livres cedict receveur auroict 
payée à Odin Deslandes marchant appothicaire demou- 
rant à Vendosme diacre en ladicte église par sa quic- 
tance en datte du vingtiesme jour de février L'an mil 
cinq cens quatre vingtz troys cy rendue appert. 

Pour ce cy ladicte somme de LX y. 

Somme d'autres gaiges d'officiers VI c. XLIIII h. 



AuLTRES GAIGES PAYEZ PAR CEDICT RECEVEUlt AUX GENS 
QUI ONT VACQUÉ AU CONSEIL DUDICT SEIGNEUR RoY 

TENU A Vendosme durant l'année finye le der- 
nier JOUR de DECEMBRE l'aN MIL CINQ GENS QUATRE 
VINGTZ TROYS AN DE CE COMPTE. 

Au sieur de la Meziere M® des eaues et forestz du 
pays et duché de Vendosmois La somme de douze li- 
vres tournois Pour son sallaire d'avoir vacqué à l'expé- 
dition dudict conseil durant ladicte année. 

Pour ce c g.... ladicte somme de XII U. 

Au sieur de la Verrerye La somme de soixante seize 
livres tournoys Pour ses salaires journées et vacca- 
tions d'avoir vacqué à l'expédition dudict conseil par 
soixante seize journées.... 

Pour ce cy LXXVI L-. 

A M^ Florent Chrestien La somme de quarente huict 



^ 



- 153 — 

livres tournois Pour ses salaires d'avoir vacqué audict 
conseil par quarentehuict journées durant l'année.... 

Voir ce cy XLVIIII L-. 

A M° Germain Dargonges La somme de soixante six 
livres tournoys Pour ses salaires d'avoir vacqué audict 
conseil durant soixante six journées.... 

Pour ce cy ladicte somme de LXVI Iz. 

Au sieur du Lehon (1) La somme de huict livres tour- 
nois Pour ses salaires d'avoyr aussi vacqué à l'expé- 
dition dudict conseil durant huict jours.... 

Pour ce cy ladicte somme de VIII Is. 

A l'advocat fiscal de ce duché La somme de soixante 
neuf livres tournois Pour ses salaires journées et vac- 
cations d'avoir vacqué audict conseil durant soixante 
neuf jours. 

Potir ce cy ladicte somme de LXIX h. 

A M® Pierre Rabot procureur gênerai de Vendosmois 
La somme de soixante seize livres tournois Pour ses 
salaires et vaccations d'avoir vacqué audict conseil 
durant soixante seize journées.... 

Poîcr ce cy ladicte somme de LXXVI h. 



(1) La .seigneurie du Grand et du Petit Lehon, située à Savi- 
gny-sur-Braye, appartenait au xvi" siècle à la famille de Salmon, 
dont une autre branche possédait dans la même paroisse le fief 
du Châtellier. En 1531, on trouve Alexandre Salmon écuyer, 
seigneur du Lehon, et Claude Salmon écuyer, seigneur du Châ- 
tellier. Le premier vivait encore en 1537: on ignore s'il laissa 
postérité et si le seigneur du Lehon dont il est ici question est 
un de ses descendants, ou ijien si. au contraire, le fief du Lehon 
était en 1583 en la possession de la brandie du Châtellier, qui 
siMnl)!(' ('t. •(• devenue Ijranche ainée. Dans ce cas, le personnage 
iiniuiiié ici serait Frani;ois de Salmon, écuyer, seigneur du Châ- 
tellier, iiiuirc-d'hotel de hi duchesse de Longueville et petit-fils 
de Chuidc. (Note due â l'obligeance de M. A. de Tr(''inaiilt.) 



— 154 — 

Au greffier de ladicte chambre La somme de quatre 
vingtz huict livres tournois Pour ses salaires journées 
et vaccations d'avoyr vacqué audict conseil et faict les 
expéditions soubz mesdicts sieurs durant quatre vingtz 
huict journées.... 

Pour ce cy ladicte somme de IIII xx VIII h. 

A M®^ Henry Delaunay Jehan Delavau et Claude 
Marbault auditeurs en ladicte chambre des comptes et 
Pierre Girard substitut du procureur en icelle La 
somme de soixante une livres tournovs Pour leurs 
salaires et vaccations d'avoir assisté audict conseil 
dupant l'année de ce compte.... pour le service dudict 
seigneur Roy Assavoir leclict Delaunay par vingt deux 
journées, ledict Delavau par dix journées ledict Mar- 
bault par vingt troys journées et ledict Girard par six 
journées.... 

Cl/ LXI /^ 

Somme de ce chappitre V " IIII l 



AULTRES DENIERS PAYEZ PAR CEDICT RECEVEUR 
SUR LES DENIERS PROVENANS DES AMENDES. 

A M° Pierre Rabot procureur gênerai de ce duché 
La somme de cent cinquante livres tz à luy payée par 
cedict receveur sur les deniers provenans des amendes 
Pour son entier remboursement de la somme de quatre 
cens cinquante livres tournois par luy payée au procu- 
reur du Roy à Bloys suivant l'accord par luy faict avec- 
ques luy pour Testât de procureur à la prevosté des 
mareschaulx de cedict duché et justice d'icelle prevosté 
Ainsi que par les lectres de déclaration du Roy du der- 
nier jour de février mil cinq cens quatre vingtz troys 
Et par ordonnance du conseil du premier jour d'Avril 
oudict an Et quictance Le tout cy rendu appert. 

Pour ce nj ladicte somme de CL /-. 

Somme par soi/ 



— 155 — 

Par les lectres de déclaration du Roy ordonnance du conseil 
du premier jour d'avi-il an de ce compte registrée é« registres 
dudict conseil et par quictance cy rendue. 

# 



AULTRES DENIERS PAYEZ PAR CEDICT RECEVEUR AUX 
GENS TENANS LES GRANDZ JOURS DE VeNDOSMOIS 
POUR LEURS GAIGES DE l'aNNÉE DE CE COMPTE 
FINYE LE DERNIER JOUR DE DECEMBRE l'aN MIL 
CINQ CENS QUATRE VINGTZ TROYS. 

A M* Germain Dargouges président desdictz grandz 
jours La somme de cent livres tournois Pour une an- 
née de ses gaiges de sondict estât de président desdictz 
grandz jours.... 

Pour ce cy ladicte somme de C Is. 

A Charles Malon escuyer conseiller desdictz grandz 
jours de Vendosmois La somme de cinquante livres 
tournois Pour une année de ses gaiges de conseiller 
esdictz grandz jours.... 

Pour ce cy ladicte somme de L U. 

A W Melliand aussi conseiller esdictz grandz 

jours de Vendosmois Pareille somme.... 

Pour ce cy ladicte somme de L U. 

A M^ Foelix Champion aussi conseiller esdictz grandz 
jours de Vendosmois semblable somme de cinquante 
livres tournois.... 

Pour ce cy ladicte somme de L U. 

A M" Thibault Bautru aussi conseiller esdictz grandz 
jours La somme de vingtz six livres dix [solz] sept 
deniers tournois pour six [mois] unze jours com- 
manceans [le preniiei'] jour de janvier l'an mil |cin(| 



— 156 — 

cens] quatre vingtztroys et finissant le unzeiesme jour 
de Juillet ensuivant oudict an Pour ses gaiges.... 

Pour ce cy ladicte somme de XXVI l. X 8. VII d t.:;. 

A M*" Alexis Garrault à présent conseilleir esdictz 
grand/ jours de Vendosmois au lieu de M*" Thibault 
Bautru declairé en l'article précèdent La somme de 
vingt trois livres neuf solz cinq deniers tournois pour 
ses gaiges de sondict estât de conseiller commanceans 
le douzeiesme jour de Juillet Tan mil cinq cens quatre 
vingtz troys.... 

Le surplus des feuillets du manuscrit manque ; ces feuillets 
manquants semblent être au nombre de quatre. 



{Les Notes au prochain Bulletin.) 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils. 



p 
» ■ 



EXTRAITS 



DES 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
annpe, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de 1 fr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Lr niblic pourra être admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Le» manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'auforisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprimé un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 






BULLETIN 

* DE LA 

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 

DU 

VENDOMOIS 



TOME XIX 
3« TRIMESTRE 1880 



SOMMAIRE : 

Liste des mem lires présents * Page 157 

Liste des membres admis depuis la séance 

du 15 avril 1880 158 

Description sommaire dos objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 15 avril 1880 . . . " 158 

Chronique 170 

Une petite église et deux grandes abbayes, par 
M. Ch. Bouchet ' . . . . 172 

Nouceaux documents sur l'Imprimerie vendo- 
moise, par M. de Rochambeau 189 

Les Artistes de Loir-et-Cher au Salon de 1880, 

par M. Ch. Bouchet 205 

Rimes détachées, par M. R. de LaHautière. . '213 



VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

i88o 







, SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



19« ANNÉE — 3*^ TRIMESTRE 



JUILLET 1880 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 8 juillet 
1880, à deux heures. 

Cette séance était publique, et plusieurs personnes étrangères 
à la Société y assistaient. 

Étaient présents au Bureau: 

MM.de Sachy, président; G. Launay, vice-président; G. de 
Trémault, trésorier; L. Martellière, conservateur; Nouel, bi- 
l>liothécaire-archiviste; Cli. Chautard, Isnard et de Maricourt. 

Et MM. Ch. Bouchot; l'abbé C Bourgogne; l'abbé L. Bour- 
gogne; Louis Buffcreau ; Dunoyer; Feuillâtre; L. Fournier; 
Hème; de Lamarlier; A. de Lavau ; P. Lemercier; l'abbé Li- 
xi\ * 11 



— 158 — 

zot; Malardior; Martellière - Bourgogne ; Jean Martellière ; 
Micard père; Micard fils; le général Paulze d'Ivoy ; l'abbé Re- 
nou; Rigollot; Sinion ; Thillior; Thf)raux. 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

M. le secrétaire fait connaître les nonas des membres admis 
par le Bureau depuis la séance du 15 janvier 1880 ; ce sont: 

MM. Bournon, archiviste du département de Loir-et-Clier, 
à Blois ; 
le docteur Daniel Martellière, médecin à Vendôme; 
Jean Martellière, avocat à Vendôme. 



M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 

DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 15 avril 1880 
I. _ ART Se ANTIQUITÉS 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Paul BoucHET, architecte du département de la Sar- 
the, au Mans : 

Une ASSIETTE en faïence deMoustiers. Léger décor bleu; 
sur le marli, armes accolées du duc de Richelieu et de Made- 
moiselle de Guise, princesse de Lorraine, sa seconde femme, po- 
sées sur un manteau de pair et entourées des cordons de l'ordre 
du roi. Couronne de duc. Diamètre: O^jâS 

Le duc de Richelieu était donc déj;'i remarié; mais il n'était 
pas encore maréchal de France lorsqu'il fit faire le service de 



— 159 — 

Mousticrs dont notre assiette est une épave. Cette double cii'- 
constance en fait connaitre approximativement la date, comprise 
entre les années 1733 et 1748. Notons eu passant que, malgré sa 
trop juste iréputation de galanterie, Richelieu était sincèrement 
attaché à sa seconde femme, et que celle-ci conserva jusqu'à sa 
mort une grande influence sur son volage époux 

De M"' Lattron, ù Vendôme : 

Une PLAQUE en cuivre repoussé et doré, représentant un 
Saint nimbé, drapé d'un manteau aux plis élégants et tenant un 
rouleau dans la main gauche. — Fermoir- arraché d'une reliure 
du xiv" siècle. — Provient de l'ancien château de Vendôme et 
très probablement faisait partie de quchpie missel de la collégiale 
Saint-Georges. 

Une VUE de l'Hôtel de ville de Vendôme et de l'ancien pont 
Saint-Georges avant la construction du pont actuel, c'est-à-dire 
vers 1835. — Dessiné et lithographie par le comte Turpin de 
Crissé. 

Une paire de MULES, jolies petites chaussures à hauts talons 
et san squartiers, très bien conservées, et curieuses surtout pour 
nous, en ce qu'elles sont l'œuvre d'un ouvrier vendômois (le père 
de la donatrice), et qu'elles ont servi à une élégante de la fin du 
siècle dernier pour danser aux bals de la Redoute. 

Voir à la Numismatique, à la Bibliographie et à l'Histoire na- 
turelle, le complément de ce don important, pour lequel nous de- 
vons des remerciements spéciaux à M"" Pauline Latti'on, ainsi 
que pour ceux qu'elles nous a faits précédemment. 

De M. G. Launay, notre vice-président: 
La CARTE d'un électeur de Paris pour l'élection d'un député 
à la Convention nationale, en 1792. — Vignette coloriée dans un 
cadre en cuivre poli. 

De M. le D' Faton, médecin à Vendôme : 

Une PLAQUE DE CHEMINÉE en fonte. Armoiries indé- 
terminées, d'un relief peu ordinaire ; le cimier et les lambre- 
quins sont à peu près en ronde-bosse. Hauteur, 0'",G5 ; lai-geur : 
0°',80. xviii° siècle. — Trouvée à Montoii-e. 

Un VERRE en forme de buire, à réseaux opaques, alternant 
avec des bandes bleues. Hauteur : O™,^^. Imitation française des 
verreries de Venise, xvii' siècle. 



— 160 — 

De M. N.... 

Une HACHE en silex brun, taillée à larges éclats. Longueur: 
O^jlS ; largeur : O^fiQ. 

De M. Laroche, par l'intermédiaire de M. l'abbé Bourgogne, 
curé de Villavard : 

Un VASE en terre noire, d'une forme élégante. Dépres- 
sions régulières à la panse en guise d'ornements ; hauteur : O^^IS. 
Et un fragment d'une grande ASSIETTE en terre vernissée. 
— Epoque gallo-romaine. — Ces poteries ont été trouvées près 
de Villavard, à un demi-kilomètre du Loir environ, dans une sé- 
pulture découverte dans le sable, à peu de distance de l'endroit 
où le môme M. Laroche avait déjà trouvé, vers 1875, plusieurs 
vases et différents autres objets de fer et de bronze. 

De M. Latouche, jardinier à Vendôme : 

Une COUPE en porcelaine de Sèvres, peinte parM""Esther 
Crosson, et représentant Jeanne d'Arc, d'après un portrait du 
XVI' siècle conservé au Musée d'Orléans. Cette charmante pein- 
ture a mérité à notre compatriote un des prix de Sèvres en 1870. 

Ce don est pour notre Musée d'une grande valeur, non-seule- 
ment à cause du mérite de l'œuvre elle-même, mais à cause de 
la personnalité et du talent de l'artiste, dont nous regrettions de 
ne posséder aucune œuvre. Il rappelle de plus aux Vendômois la 
mémoire d'un homme qui a laissé parmi eux les souvenirs les 
plus honorables et les regrets les plus sincères. M. Crosson s'é- 
tait acquis, par ses vertus modestes, l'estime de tous ceux qui 
l'avaient connu dans la vie privée, de morne qu'il avait su con- 
quérir l'amitié de ses élèves par son inaltérable douceur et ses 
substantielles leçons. C'était, en un mot, l'homme de bien en 
môme temps que le professeur consciencieux et dévoué. 

Nous sommes heureux d'avoir ù féliciter M. Latouche de son 
intelligente et patriotique générosité, et de lui adresser une fois 
de plus nos bien sincères remerciements pour tous les dons qu'il 
a déjà faits à notre Musée. 



— 161 — 
IL — NUMISMATIQUE 

NoîfjS AVONS REÇU : 

De M"° Pauline Lattron : 

Un lot important de pièces variées, toutes intéressantes et 
dans un bon état de conservation. Elles ont été, en général, trou- 
vées dans le pays même ; un assez grand nombre proviennent 
des fouilles nécessitées par la reconstruction du pont de l'Hôtel 
de ville ; quelques-unes viennent aussi des ruines de l'ancien 
Château. 

En voici le détail succinct : 

1° Impériales romaines. — 2 P. B. de Gallien, portant au revers 
un cerf: DIANAE CONS. AVG., et une panthère: LIBERO 
CONS. AVG. 

Un Postume arg. bill. assez beau. R. : MONETA AVG. La 
Monnaie tenant une balance et une corne d'abondance. 

2° Royales françaises. — Charles vi. Grand blanc dit Guénar 
à l'O rond de 1385. Ecu incouronné. 

Charles VIII. Grand blanc à la molette, de 1456. Ecu couronné 
et accosté de deux couronnes. Notables irrégularités dans la 
frappe. 

Louis XIV. Liard de France. Buste juvénile à la couronne fer- 
mée. 1656. Frappé à Meung-sur-Loire. 

Napoléon. Monnaie obsidionale d'Anvers (le général Carnot 
gouverneur). 10 centimes. 1814. 

Napoléon. Un décime du blocus de Strasbourg. 1814. 

Louis xviii. Un décime de Strasbourg, 1815. 

Charles x. Colonies françaises. 10 centimes. 1828, 

3° Diverses. — Jérôme, roi de Westphalie. H. N. en mono- 
gramme. R. : HIERONYMVS NAPOLEON KOEN. 1810. 
(Coin de Tiolier.). Billon. 

Marie-Louise, duchesse de Parme, Plaisance et Guastala. M. 
LVIGIA PRINC. LMP. ARCHID. D'AVSTR., etc. 1815. Ar- 
gent. 

Une grande médaille de dévotion en cuivre jaune, représen- 
tant les saints corporaux de Roxa et Notre-Dam(> dol Pilar de 
Sarragosse. 



- 162 -3 

Une médaille de confiance de 6 blancs (de Montagny). Caisse 
de Bonnefoy établie à Paris. 1791, l'an m' de la Liberté. Buste 
de Minerve. 

Une médaille de Bonaparte 1" consul; 25 messidor an viii (14 
juillet 1800). Anniversaire d'une des deux fêtes républicaines 
conservées par Bonaparte, et pose de la première pierre d'une 
colonne nationale dédiée par le peuple français à ses défen- 
seurs. 

Unegrandeet belle pièce en bronze de la République de l'Uru- 
guay. 4 centesimos. 18G9. 

4° Jetons. — Enfin 22 jetons, que nous ne pouvons décrire tous, 
mais dont voici les plus remarquables: 

Un jeton du Dauphiné. Légendes illisibles. Argent. 

Jeton à compter du xvi' siècle, montrant un négociant calculant 
à l'aide de jetons et ayant à sa droite, sur une table, un livre, et 
à sa gauche un sac. 

Un jeton avec la légende : Vite le bon roi de France ! xv" 
siècle. 

Henri iv et Marie de Médicis. Signé H. Krauwinkel. 

Louis XIV. L'entrée du légat à Paris. 1664. 

— La chasse royale. 1671. 

— La Flandre vaincue. 1674. 

Louis XV. Jeton des Etats d'Artois. 

Richard Fleury, seigneur de Villetrun, maire de Tours. 

Lsaac Touchelée, maire de Tours. 1653. 
Jérôme Le Féron, prévôt de Paris. 1650. 
J. B. Delamare, maii'e de Beaune. 1677. Etc., etc. 

De M. Octave Parisot, propriétaire à Bierné, près Chàteau- 
Gontier : 

Un lot de 107 pièces de monnaies françaises et étrangères mal- 
heureusement fort mal conservées pour la plupart, et assez diffi- 
ciles à reconnaître. Il se compose ainsi : 

1° 23 royales françaises, parmi lesquelles: 
Henri ii. Gros de Nesle, 1551. 
Henri iv. Quart d'é(;u, 1606. 



— 163 — 

Louis XIV. Un douzain du Dauphiné, 1693. 

— Un douzain aux huit L, fi'ajipé à Lyon. 
Louis XV* Colonies françaises, 1722. 

— Isles de France et de Bourbon. — 3 sous. 
Louis XVI. Colonie de Cayenne. — 2 sous. 

Louis XVIII. Siège d'Anvers, 1814. — 10 centimes. 

— Décime de Strasbourg, 1815. 
Charles x. Colonies françaiscî^, 1829. — 5 centimes. 

2° 27 étrangères, parmi lesquelles: 

Angleterre. Georges m, 1799. 

— Compagnie des Indes orientales. 1803. 

Suède. Frédéric ii. 1733. 

Espagne. Charles iv, 1805. 

Portugal. Jean vi, 1819. 

Suisse. Cantons de Lucerne. de Fribourg, de Zug, de So- 
leure, de Berne et de Neufchâtel. Cette dernière pièce mérite 
d'être signalée, malgré sa conservation défectueuse, car elle est 
au nom d'Henri ii de Longueville, comme prince souverain de 
Neufchâtel. 

3° 8 jetons, parmi lesquels nous ne trouvons à mentionner 
qu'un jeton des échcvinsde Nantes : Calcul;/, nobiliss. œdiliian. 
civtt. Nanncteii., 1631 ; et la médaille bien connue frappée à l'oc- 
casion du rétablissement delà statue d'Henri iv sur le Pont- 
Neuf. 

4° Enftn 49 pièces, presque absolument frustes. 

De M. DuvAU, juge de paix à Vendôme : 
Un jeton de César Cotereau, conseiller du roi, président au 
bailliage et siège présidial de Tor.i's, maire de cette ville, 1628- 
1629. La famillt^ des Coteronn on Cotterenu, ipii ;i donné à la 
Toni'ninc de nombi'oux fonctionnaires et dignitaires ecclésias- 
tiques, portait d'argent à trois lézards de siuople, 2 et 1. César 
Cottereau brisait ces armes (l'un l.unbel à trois pondants de 
gueules (1). 



(1) Nmis prnsnns (\\\"\\ n'ist pas sans inh'nM do donner iri la listo dos niaiiT< do 
Tours diml noire Muséo possê le les jetons, tpiniipie eeile lislo soit loin d't'lre coinplèle : 

1590-1591. Claude CoUercau, conseiller du roi, Irésorier de France à Tours. 



— 164 — 

Un autre jeton de Jean Scarron, conseillera lagrand'chambre 
du Parlement, et élu prcvost de la ville de Paris en 1544. 

Ces deux pièces ont été trouvées par le donateur dans le jardin 
de l'ancien prieuré de Morée. 

De M. Saint-Martin, employé des postes à Vendôme : 
Un double tournois de Louis xiii, 1624. 

De M. Latouche, à Vendôme. 

Une impériale romaine P. B. de Gallien. Tête radiée: GAL- 
LIENVS AVG. — R. : AETERNITAS AVG. 

Une petite maille du xiv' siècle, que son mauvais état de con- 
servation rend difficile à préciser, mais qui semble être une des 
nombreuses imitations féodales des monnaies royales du roi 
Jean. Pièce intéressante, sur laquelle nous aurons occasion de 
revenir. 

Et quelques autres pièces d'un moindre intérêt. — Trouvées à 
Vendôme. 

De M. DE Bouille, officier au 10' régiment de chasseurs : 
Une monnaie de Hollande à l'usage des colonies de ce pays 
dans l'Inde (1826) et un sol de billon de Louis xv. 



1593-1594. César Forget, seigneur de Baudry, trésorier général de France, capi- 
taine-gouverneur de Tours. 

1600. Jean Tardif de Cliéniers. 

1609-1610. Jean Rogier, seigneur de Bouchillon, lieutenant particulier en Tou- 
raine. 

1619. Jean delà Baume-Leblanc, seigneur de la Vallière, président, trésorier de 
France à Tours. 

1622-1623. Ricliard Fleury, seigneur de Villetrun, conseiller du roi, trésorier gé- 
néral de France en Touraine 

1624. Claude Dumoulin, escuyer, seigneur de la Souche, conseiller du roi. 

1627. Nicolas Joubert, seigneur des Touches, conseiller du roi et trésorier général 
des iinances au bailliage de Tours. 

1628-1629. César Cottereau, président au bailliage et siège présidial de Tours. 
1530. Etienne Fallu, conseiller et avocat du roi au siège présidial de Tours. 
1633-1634. Georges Catinat, conseiller du roi, juge et lieutenant général au siège 
présidial de Tours. 

1646. Jacques Bonel, escuyer, seigneur de la Noue, receveur des dîmes au diocèse 
de Tours. 

1653. Isaac Touchelée, seigneur de la Gasserie, conseiller du roi, président au bail- 
liage de Tours. 

1663. Charles Matlié, lieutenant général en Touraine. 



— 165 — 

De M. l'abbé C Bourgogne, curé de Villavard : 

Un denier de Châteaudun de l'époque carlovingienne. — 
Monogi'arrrtne de Charles -le -Chauve au milieu d'un cercle 
perlé, entouré par la légende : GRATIA D — I REX. — 
R. : Croix pattée. DVNISCASTLLOI ; O cruciforme. Voir Car- 
tier, Monnaies au type chavtrain, qui décrit une obole semblable 
et ajoute: « Il est singulier qu'on n'ait pas découvert de denier 
de Châteaudun au type si commun de Charles-le-Chauve. » La 
lacune est comblée, grâce à M. l'abbé Bourgogne. Cette rare et 
curieuse pièce d'argent a été trouvée par un maçon dans la démo- 
lition d'une vieille cave à la Pointe, près Montoire. 

L. M. 



III. —BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

L'Origine de la Vie, par M. de Nadaillac. — Extrait du Cor- 
respondant. 1880. 

Cet intéressant travail est une réfutation des théories darwi- 
niennes sur l'origine de l'homme ; le pouvoir de progresser, 
celui d'exprimer sa pensée par le langage, et surtout son carac- 
tère d'être moral et religieux, différencient profondément l'homme 
de toutes les autres espèces ; telle est la conclusion de cette sa- 
vante étude. 

Congrès Archéologique de France. 38° session, tenue à An- 
gers, en 1871. Don de M. Chautard. Ce volume vient combler une 
lacune dans notre collection. 

Un nouveau cachet d'oculiste romain, découvert à Foutai ne-en- 
Sologne (Loir-et-Cher), par M. de Rochambeau. — Extrait de la 
Revue Archéologique. Mars 1880. 

Ce trop court opuscule décrit non-seulement la pierre sagil- 
laire à l'aide de laquelle le médecin-oculiste M. C.Rectus es- 
tampillait ses collyres, mais il donne encore sur ce genre de ca- 
chets, longlemps pris pour de simples amulettes, des détails peu 
connus et d'un grand intéi'èt. 

Mémoire sur les Ejj'ets du roulement dans la théorie du pendule 
à réversion, par A.-J. Yvon-Villarceau, membre de l'Institut. 
Brochure in-4°. 



— 166 — 

Histoire de la Sainte-Larme de Vendôme. A Vendôme, chez la 
veuve Morard et fils. 1778. L'approbation est du 16 juin 16o6. 
— Don de M"" Latron, ainsi que le volume suivant. 

Annuaire du département de Loir-et-Cher pour l'an 1806, avec 
une carte du département, rédigé par M. P. (Petitain), secrétaire 
du préfet. — A Blois, de l'imprimerie de P.-D. Verdier. 

On sait que l'ère républicaine finit le ii nivôse an xiv, et que le 
retour au calendrier grégorien, déjà accompli de fait, eut lieu of- 
ficiellement le 1" janvier 1806. Notre annuaire est le premier de 
cette nouvelle série. 

Contrairement à la plupart des ouvrages de ce genre, ce vo- 
lume tient beaucoup plus que ne promet son titre modeste. Il ne 
se borne pas, en effet, à une nomenclature plus ou moins exacte 
des localités et des fonctionnaires; il présente un tableau com- 
plet do l'état du département en 1806. La topographie, la popu- 
lation, l'agricultui-e, le commerce, l'instruction (1), les mœurs, 
etc., sont successivement passés en revue; l'histoire même des 
principales villes, des monuments importants et (îes particula- 
rités intéressantes du pays, y est traitée d'une façon succincte, 
mais presque toujours remarquablement juste, eu égard au temps 
où écrivait l'auteur. D'ailleurs, malgré ses attaches administra- 
tives, l'écrivain fait preuve dans ses études d'un certain esprit 
d'indépendance, et ne se borne pas au rôle de panégyriste officiel. 
Il donne, en outre, sur chaque branche de l'administration, son 
fonctionnement et ses attributions, des notions claires et in- 
structives, et sait rendre pi'esquo attrayante la statistiijue elle- 



(1) 11 nous a [laru intéressant de noter l'étal de rinstruction à Vendôme à celte 
é|)o(|ue. L'institution de MM. Marcschal et Dessaignes, qui remplaçait l'Ecole cen- 
ti-ale, supprimée le !«'■ nivôse an xii, contenait alors plus de 200 pensionnaires. L'étude 
des études grecques venait d'y être inaugurée; cet é'tal)lissenient était aussi le seul où 
on vit un cabinet de physique et de cliimie, lii's collections d'iiistoire naturelle, ini jar- 
din des plantes, où des prix fussent distribués aux élèves dans toutes les parties des 
sciences nulurelles. Outre les huit professeurs dits d'hinnanilés, le personnel ensei- 
gnant comprenait deux professeurs de grec, un de langue allemande et un de langue an- 
glaise, deux professeurs de inathé mat iques et deux de sciences naturelles. Au collège 
étaient, enoulre, attachés deux maîtres d' écriture, trois professeurs de dessin, quatre 
maîtres de musique, un maître de danse, un maître d'escrime et de natation, etc. 

Indépendamment de son collège, Vendom;; avait trois autres écoles secondaires, di- 
rigées par M^L Beau, Ghanteloujt et Bouzy, dont les élèves étaient admis au grand 
collège et y recevaient des leçons comme externes. 



— 167 — 

même. A l'occasion, il ne dédaigne pas l'anecdote, ainsi qu'on 
pourra en juger par l'histoire de la grandeur et de la décadence 
des eaux d^Saint-Mandé, et par le récit d'une cause célèbre qui 
passionnait les Vendômois au mois de février 1806. 

Les artistes manceaux de l'église de Saint-Pierre-de-la-Cour 
au Mans, d'après des documents inédits (1471-1574), par l'abbé 
Robert Charles. — Extrait du Bulletin monumental. 1880. 

Conseil général du département de Loir-et-Cher. Session d'a- 
vril 1880, 

II. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et échanges : 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome v, 3° et 4° fas- 
cicules, 1880. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, tome vu, 
1878. 

Mémoires do la Société des Antiquaires de Normandie, 3^ série, 
d-- volume) — Caen, 1877. In-4°. 

La plus grande partie de ce volume est consacrée à l'étude et à 
la publication in extenso d'une œuvre connue depuis longtemps 
des érudits et intitulée : Le manuscrit des curieuses recherches 
du Mont Saint-Michel. L'auteur, Thomas Leroy, était originaire 
duBerry, et vint prendre à Vendôme, en 1631, l'habit des reli- 
gieux Bénédictins, malgré l'opposition de sa famille. Il fut en- 
suite envoyé à l'abbaye du Mont Saint-Michel, et écrivit jour par 
jour l'histoire de ce célèbre monastère. Nous trouvons dans ses 
notes de nombreux passages relatifs à Vendôme. Ainsi la réforme 
de Saint-Maur, introduite à la Trinité en 1621, fut négociée en 
1622, pour le Mont Saint-Michel, par D. Martin Tcsnièrc, prieur 
de l'abbaye de Vendôme et visiteur général de la congrégation de 
Saint-Maur-en-France. Plusieurs chapitres généraux de l'ordre 
de Saint-Benoist furent aussi tenus à Vendôme, tant pour la no- 
mination des prieurs que pour le règlement de divers points 
d'administration intérieure, fondations des messes, ordre des 
processions, etc., dans l'abbaye du Mont Saint-Michel. 

Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 
1878-1870. 



— 168 — 

Antiquités et Monuments du département de l'Aisne, par 
Edouard Fleury. 3' partie, acompagnée de 144 gravures par 
Edouard Fleury. Gr. in-4°. 1879. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe, Années 1879 et 1880, 2' fascicule. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. 3' et 4° 
trimestres de 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. 3° trimestre de 1879. 

Bulletin de la. Société des Sciences historiques et naturelles 
de l'Yonne. Année 1879. 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Saintonge 
et de l'Aunis, fondée en mai 1874. N°^ 1, 2, 3 de 1877, et N°^ 1, 2 de 
1880. 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 

Séances du 25 novembre 1879 au 23 mars 1880. Toulouse. 

■♦ 

Recueil des Notices et Mémoires de la Société Archéologique 
du département de Constantine. Année 1878. Envoi de M. Hin- 
glais. 

Mémoires de la Société Eduenne. Tome viii, Autun, 1879. 

III.— Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 

Journal des Savants (Suite). 

Comptes rendus des séances de l'Académie de§ Sciences (Suite). 

Reçue des Sociétés savantes des départements. Tome ii, 2° li- 
vraison, 1880. 

IV. — Abonnements : 
Polghiblion. (Suite.) 

Matériaux pour l'histoire de l'homme. ( Suite.) 

V. — Nouvelles publications & Numéros-spécimens. 

Reçue des Arts décoratifs. N" de mai 1880. 

L'Exploration, Revue des conquêtes de la civilisation sur tous 
les points du globe. Recueil hebdomadaire. N" du 2 juin 1880. 



— 169 — 
IV. — HISTOIRE NATURELLE 

NorfJS AVONS REÇU : 

Par ACQUISITION d'un ouvrier du chemin de fer : 

Une COQUILLE fossile, du genre ostreaj bien conser\ée. 
Forme contournée ; la charnière est à une des extrémités. 

Ce fossile a été trouvé à 9™ de profondeur, dans la tranchée 
d'Huchigny, près Vendôme. , 

De M. HÉME, de Thoré: 

Une DENT machelière supérieure de rhinocéros; trouvée à 
Thoré dans une carrière de sable, à un mètre au-dessous du 
sol. — Cette dent est le germe d'une grosse molaire, qui faisait 
son apparition hors de l'alvéole; elle appartenait donc à un jeune 
individu qui a dû périr victime des grands courants diluviens 
qui ont creusé la vallée du Loir. 

Cette pièce est extrêmement précieuse pour notre Musée. C'est 
le premier débris fossile trouvé à ma connaissance dans les gra- 
viers qui forment le fond de la vallée du Loir. Il doit appartenir au 
rhinocéros tichorinus, espèce qui, avec Velephas priinigenius (le 
mammouth), caractérise la période quaternaire. Ce fossile vient 
donner une date géologique précise à nos dépôts de silex de la 
vallée du Loir et augmenter l'intérêt des silex travaillés par 
l'homme, que l'abbé Bourgeois a le premier su trouver au milieu 
•de ces dépôts. 

De M"° Lattron : 
Un lot de COQUILLES vivantes en bon état de conservation^ 
parmi lesquelles il faut citer un très bel exemplaire du Tridacne 
bénitier ; et divers FOSSILES des carrières de ce pays-ci^ 
qu'elle a successivement recueillis depuis de longues années. 
Ces objets ont un intérêt local véritable pour notre Musée. 

E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous vouons 
de nommer. 



CHRONIQUE 



Notre excellent confrère et collaborateur, M. Ch. 
Chautard, vient d'obtenir une distinction bien flatteuse : 
l'Académie française, dans sa séance publique du 5 
août dernier, lui a décerné une mention très honorable 
pour sa traduction en vers des Œuvres complètes 
d'Horace, qu'il a publiée à Paris, chez Jouaust^ en 
1877. Tout le monde connaît à Vendôme ces deux char- 
mants volumes, fruit de dix-huit ans de travail, dont 
l'élégance typographique n'est que le moindre mérite. 

Voici comment s'exprime le Rapport de l'Aca- 
démie : 

« Jusqu'ici, l'Académie n'avait qu'un prix de traduc- 
« tion, le prix Langlois, à décerner tous les ans. Tous 
« les trois ans, et à partir d'aujourd'hui, elle y ajoutera 
« désormais un prix de 3,000 francs dont M™®J. Janin 
« a doté les lettres, en souvenir de l'aimable et spirituel 
« écrivain dont elle portait le nom et dont elle a voulu 
« perpétuer la mémoire en l'honorant par un bienfait. 

« Destiné à la meilleure traduction d'un auteur 
« latin, ce prix a été convoité (1) par de nombreux candi- 
(( dats. J. Janin, vous le savez, était l'intime ami d'Ho- 
« race qu'il avait même traduit à sa manière, avec beau- 
« coup de grâce et d'esprit. Provoquées par son appel 
« posthume, les traductions d'Horace ont abondé dans 
(( ce concours ; l'Académie en a distingué plusieurs, 
(' deux NOTAMMENT, d'uuc corrcctiou élégante et agréa- 



(1) Ici c'est nous qui soulignons. 



- 171 — 

« ble, que je commence par mentionner ici en son nom : 
« l'œuvre entière d'Horace, traduite en vers par M. Ch. 
« Chautard, et les satires, également traduites en vers 
« par M. Gustave Asse, conseiller honoraire à la Cour 
« d'appel de Rouen. » 

Ce n'est pas néanmoins une traduction d'Horace 
que l'Académie a couronnée, c'est une traduction en 
prose de Perse et de Ju vénal, par M. Cass-Robino, 
œuvre conçue dans ce système de littéralité absolue qui 
avait été tentée déjà par Chateaubriand dans le Paradis 
perdu et par un traducteur plus récent deV Iliade. On 
se rappelle \q Péleïade AJdlleus ; c'était Achille tils de 
Pelée. Nous n'insisterons pas ; nous respecterons les 
raisons très particulières de l'Académie. — Seulement 
nous regrettons de n'avoir pas entre les mains la tra- 
duction de M. Cass-Robine. Quelques rapprochements 
avec M. Chautard auraient été, croyons-nous, très pi- 
quants et très instructifs. Bornons-nous donc à féliciter 
notre confrère du beau succès qu'il vient d'obtenir. C'est 
un nouveau titre d'estime qu'il ajoute à tous ceux qu'il 
avait su s'acquérir déjà auprès de ses concitoyens. 



UNE PETITE EGLISE 
ET DEUX GRANDES ABBAYES 

A propos d'une charte du XIP siècle, 

Par M. Cii. BoucHET. 



RuAN est une modeste commune de l'arrondissement 
de Vendôme et du canton de Droué. Elle compte à 
peine 320 habitants. Son nom latin est Rotomagus ou 
Rotomagum (on trouve l'un et l'autre) {1)^ ni plus ni 
moins que celui de la capitale de la Normandie. Au 
reste ce nom n'est pas rare en France, car nous 
trouvons dans le Loiret, canton d'Arthenay, un Ruan; 
un Rouans dans l'arrondissement de Paimbœuf, can- 
ton de Le Pellerin ; enfin dans la Touraine un Pont-de- 
Ruan, « vieux bourg gallo-romain, nous dit l'abbé 
Chevalier dans son Guide en Touraine, page 207, 
placé sur la voie romaine de Tours à Poitiers, comme 
l'indique son nom latin de Rotomagus, c'est-à-dire 
bourg de la route, même signification que Strass- 
bourg (2). )) Le même nom révèle un fait semblable 



(1) V. sur ce nom M. J. Quicherat : De la formation française 
des anciens noms de lieux. (Paris^ Franck, 1867, in-12, p. 49.) 

(2) Nous devons dire toutefois que mag, en celtique, ne si- 
gnifie point un l)0upg ou un burg ; il signifie champ, plaine. 
V. Gluck: Noms celtiques qui se trouvent dans César {en alle- 
mand), pp. 122-124. — Ajoutons que la ville de Rennes en bas- 
breton s'appelle Ruan, singulière coïncidence du nom français 
dérivé du latin, et du nom purement celtique. 



^ i>l '^^ ' ^'^^ -^ 






■■ '"^m^xz 








]^hin ^c/Éo'/r^cck7]ir<7n. 



— 173 — 

pour notre Ruan. En effet, assure M. de Pétigny, ar- 
rivée à la Fontenelle, la voie romaine qui allait du 
Mans à Chartres formait un embranchement qui se 
dirigeait s«r Cloyes par Droué et Ruan (1). 

Mais ce qui recommande aujourd'hui notre humble 
bourg, c'est son église. Elevée au xi'' siècle, comme tant 
d'autres dans nos campagnes, elle n'a qu'une simple 
nef, terminée par une abside en rotonde, autrefois per- 
cée de trois étroites fenêtres (2). L'unique porte en 
plein cintre, avec archivolte sans ornements, s'ouvrait 
d'abord dans le pignon ouest selon l'usage, mais elle 
fat par la suite condamnée pour faire place au clo- 
cher en pierre qui vint s'appliquer contre cette môme 
façade, à partir de l'angle sud-ouest, et empiéter sur la 
porte, dont il dévora, pour ainsi dire, le jambage de 
droite. On fut donc contraint de la reporter ailleurs. On 
l'ouvrit alors dans la paroi nord de l'édifice. Ceci eut 
lieu, selon nous, lorsque Ruan passa à l'abbaye de 
Tiron (3) ou à la Madeleine de Chàteaudun, comme on 
le verra plus bas, et que l'une ou l'autre voulut doter 
son nouveau prieuré d'an clocher. Comme l'architecture 
avait fait de nouveaux progrès (on était soit à la fin du 
xi^, soit dans la première moitié du XIP siècle) et que 
l'église se trouvait entre des mains plus riches, la nou- 
velle porte s'en ressentit et devint l'une des plus belles 
du roman secondaire dans notre pays. 

On objectera peut-être contre l'explication que nous 
donnons ici que le clocher, par son toit en bâtière et 
surtout par ses épais contreforts, à cheval sur les an- 



Ci) V. pour les détails rautcui' : Histoire du Vendômois, 
p. 50. 

(2) Elles ont été depuis obstruées par la construction de trois 
nouveaux contreforts, qui, venant s'ajouter aux trois qui exis- 
taient déjà, ont produit un effet peut-être plus utile que gra- 
cieux. 

" (3) Nous écrivons Tiron et non Thiron, orthographe aussi 
contraire à l'étymologie qu'à tous les bons auteurs. 

XIX 12 



— 174 — 

gles, atteste une construction du XV*" siècle. Cela est 
vrai, mais il faut en conclure simplement qu'il a été 
refait à cette époque, car il est absolument certain que 
c'est lui qui a fait déplacer la porte, et celle-ci offre 
les caractères évidents du xi*" siècle, ou plutôt de la 
première moitié du XII'-' (1). Au reste, ceux qui vou- 
dront bien connaître tous les éléments de la ques- 
tion n'ont qu'à examiner les dessins de M. Launay 
qui accompagnent ce travail. Ceux-là pourront dire 
qu'ils voient les choses mômes (2). 

Or cette modeste église est l'héroïne de notre récit. 
Elle est comme une de ces dames du moyen âge, que se 
disputaient deux nobles chevaliers. Elle a donné lieu 
non à un poème, mais à une charte assez importante, 
surtout par la qualité des acteiu's -qui y sont en jeu. 
Cette pièce, émanée de Geoffroi de Lèves, évèque de 
Chartres, est de l'an 1133, mais dès avant cette épo- 
que, l'église était abandonnée et déserte. Quelle était 
la cause de ce délaissement? On peut afîîrmer, sans 
crainte d'erreur, que c'étaient les guerres, les pillages 
continuels qui existaient alors. Nous sommes en effet 
en plein règne de Louis-le-Gros, de ce roi dont la vie 
se passa à réprimer les brigandages féodaux. Ces faits 
sont dans tous les livres et dans toutes les mémoires. 
Nous n'y insisterons pas. Rappelons seulement qu'à 
Vendôme, pour nous borner à notre pays, la comtesse 
Euphronie, une simple femme, enlevait aux Bénédictins 
leur obédience de Savigny, (pie Jean fils du comte 
Geoffroi- Grisegonelle, à la tète d'une troupe armée, 



(1) Il est vrai qu'il y a eu quelquefois des constructions ro- 
manes élevées à des époques où ce style semblait complètement 
oiiliiié ; mais ce sont là des exceptions si rares qu'on n'en peut 
taire la liaso d'une ai-gumentation ordinaire, et l'hypothèse d'une 
reconstruction du cloclier est une solution beaucoup plus natu- 
relle. 

(2) Telles du moins qu'elles existaient autrefois, car l'ar- 
tiste a cru devoir rétablir les trois fenêtres de l'abside. 



ro — 

envahissait tous leurs prieurés et les mettait au pil- 
lage; que. Ursion de Fréteval leur enlevait quatorze 
bœufs et mille brebis, tandis que son oncle Payen in- 
cendiait les moulins de Pezou. « Dans votre diocèse, 
s'écriait l'abbé Geoffroi à son homonyme l'évoque 
de Chartres, de votre temps et malgré nos plaintes 
auprès de vous, nous avons perdu deux cents li- 
vrées (1) de terre, sans compter nos autres possessions 
perdues et les coutumes imposées par la violence à 
nos biens et nous n'avons pu en recouvrer la valeur 
de soixante sous. (2) » Quoique Ruan ne fût pas un 
prieuré de la Trinité, il ne dut pas échapper aux rava- 
ges soit d'un côté, soit de l'autre. 

Disons, pour être juste, que ce n'étaient pas seule- 
ment les seigneurs qui pillaient ainsi. Les paysans 
s'en mêlaient quelquefois. On sait quel secours le roi 
avait puisé dans le clergé et les campagnes. C'est un 
des faits considérables de ce règne et même de toute 
notre histoire, mais ce n'est point ici le lieu d'en ftiire 
ressortir les conséquences. Nous voulons seulement 
arriver à ceci : Après le combat de Brenneville où 
Louis fut défait (1119) il fit encore appel à ses anciens 
alliés. Il frappa du pied la terre, pour ainsi dire, et la 
terre répondit. Mais cette fois le frein était lâché. Les 
paysans s'élancèrent comme des loups, plutôt à la proie 
qu'à la défense. A peine sortis de chez eux, ils se mi- 
rent à piller tout ce qu'ils i)urent, même dans leur pro- 
pre pays, églises, monastères (3). 



(1) Sur cette expression obscure de livrée (libraéa), (jui pavait 
désigner plutôt la valeur que la contenance, V. Ducange. 

(2) L'abbô Geoffroy. Lettres, L. II, 21, 23, 24, 2(), 30; L. III, 15, 
21. — L'abbé Simon, T. 1", pp. 92 et 104. — De Pétiguy, 240 et 
249. 

(3) Burgundiones ergo et Bituricenses, Alvernici et SeMoucu- 
ses, Parisiaci ai Aurelianenses, Veromandi et Bclvaceu.scs, I,,ui- 
duncnses et Stam penses, aliiqun pluros, ut lupiad pruMlam avide 
peri'excrunt et inox, ut de domibus suis cgres.si sunt, in sui.s 



— 176 — 

En tout ceci il faut être impartial et, du côté des sei- 
gneurs comme des paysans, faire la part de la fatalité 
des circonstances, d'un état social excessivement mau- 
vais, de la nécessité continuelle des luttes et des armes, 
de l'abus facile d'un pouvoir sans limites chez des natu- 
res grossières, et, d'autre part, des souffrances endu- 
rées, d'une oppression presque égale à celle de l'es- 
clave antique. 

Ce fut alors que Guillaume, abbé de Tiron, voyant 
l'église de Ruan dans cet état de désolation, vint 
prier l'évèque de Chartres, Geoffroi de Lèves, de la 
lui abandonner (1); Tiron était alors en voie d'accrois- 
sement, et jamais extension ne fut plus rapide et plus 
considérable. Fondée en 1113, près de Nogent-le-Ro- 
trou, par le bienheureux Bernard d'Abbeville, — du vi- 
vant même du fondateur, elle réunissait 500 religieux, 
dont 300 furent retenus dans la maison-mère et 200 
répartis en divers lieux de nouvelle créafion. Avant 
même que la vie de Bernard n'ait été écrite par l'un de 
ses disciples, l'abbaye comptait 100 prieurés. Elle de- 
vint chef d'ordre, comme Cluny et Citeaux, et mère 
de sept abbayes. Au reste, ceux qui voudraient se faire 
une idée de ce prodigieux agrandissement n'ont qu'à 
lire la bulle qu'Eugène III donna précisément à l'abbé 
Guillaume, en 1147. La simple énumération des prieu- 
rés et des biens que possédait l'abbaye, même en An- 



etiam regionibiis, rapei'e quicquid poterant cœperunt. Indomlta 
gens rapinis insatiabiliter inhiabat et irreverenter ecclesias per 
iter spoliabat, inonachos et clericos sibi collimitaneos ut hostes 
affligebKt. Principalis justitia inter facinorosos iiulla erat. (Or- 
deric Vital, Lil). XII, ad ann. 1119.) 

(1) Ce délaissement des églises était quelquefois de longue du- 
rée. Lorsque Amaury de Montfort disputa le conaté d'Evreux à 
Henri I" d'Angleterre, Amaury s'empara de la ville (1118); l'évè- 
que et tout le clergé furent obligés de fuir, et les habitants de- 
meurèrent privés de l'office divin pendant un an. « Et fugatis 
indè clericis, perunum annum ibidem divinum officium cessa- 
vit. » (Urderic Vital, L. XII, ad ann. 1118.) 



— 177 — 

gleterre, même en Ecosse, remplit une colonne grand 
in-folio en petit texte (1). Il n'y avait guère que trente- 
quatre ans qu'elle existait (2). 

A tou^ ces prieurés il faut ajouter celui de Croixval, 
près de Ternay en Vendômois, fondé vers 1190 (3). On 
sait que Ronsard qui en fut titulaire eut un instant l'idée 
d'y aller mourir. — Mais revenons à l'abbé Guillaume : 
Il fonda de nombreux prieurés, nous dit-on, et l'un 
d'eux fut Ruan, car l'évoque de Chartres lui accorda 
sa demande, et la petite église passa à la grande abbaye 
percheronne. Ce fut alors que l'abbé songea sans doute 
à restaurer le malheureux édifice et à le munir d'un clo- 
cher, ce qui entraîna, nous l'avons dit, la reconstruc- 
tion de la ]:)ortedans le mur du nord. Et ce qui témoi- 
gne bien que Ruan avait été ravagé par une solda- 
tesque, c'est qu'en 1132, l'abbé Guillaume se fit don- 
ner un privilège par le pape Innocent II, afin d'assurer 
ses possessions contre les invasions des soldats (4). 

L'évêque et l'abbé, néanmoins, avaient compté sans 
un tiers fort important : l'église, comme bien tempo- 
rel, était possédée par un laïque, chose assez commune 

(1) Gallia christiana. T. VIII. Instrum. coll. 328-330. 

(2) Tii'on était de l'ordre de saint Benoit. Citons parmi les ab- 
bés qui peuvent nous intéresser: Louis de Crevant (1198-1501), 
qui, déjà abbé de Vendôme, avait entrepris de reconstruire son 
église de la Trinité; mais comme il ne pouvait suffire à une pa- 
reille dépense, il se fit pourvoir de l'abbaye de Tiron et d'une 
foule d'autres dignités, pensions, etc. Les papes rècrascrent de 
bénc'Jices, selon l'expression de l'abbé Simon, pour le mettre à 
même de relever son église. Nommons encore, parmi les abbés 
de Tiron : Jean du Bellay (1551), Charles de Ronsard, frère du 
poète (1564-1575), etc. 

(3) De Pétigny. Histoire du Vendômois, p. 281. 

(\) «Ne quid turbaretur a militilnis aut ecclcsiarum pi'a'fe<;- 
tis, » dit le Gallia, qui reproduit sans doute les termes de la i)ulle. 
Ecclesiara/H prœfectis, ce sont les évéquos (?) dont Tiron se pn'-- 
tendait indépendjint. Par nillilHuK, il faut entendre peut-étr(> non- 
seulement les soldats en général, mais encore les chevaliers, les 
seigneurs, en tant que chefs de bandes armées. 



— 178 — 

au moyen âge. Ici le possesseur était un chevalier 
nommé Geoffroi d'Arrou (1). Or voici ce qui arriva: il 
existait à Châteaudun une autre grande institution re- 
ligieuse, qui se vantait d'avoir pour fondateur Cliarle- 
magne. C'était la Madeleine (2). Mais nous brùlej^ons 
cette question douteuse d'origine, pour dire simplement 
que, dans le principe, la congrégation ne se composait 
que de clianoines séculiers, c'est-cà-dire non assujettis à 
une règle monastique. Vers 1130, Thibaut IV comte de 
Champagne et seigneur de Châteaudun, leur substitua 
des chanoines réguliers, et en 1131 le pape Innocent II, 
à la prière même de l'évêque de Chartres, confirma 
l'institution par une bulle (3). La Maison se rattacha 
plus tard à l'ordre des Augustins. 

Geoffroi d'Arrou "s'éprit d'un grand amour et d'une 
grande vénération pour le nouvel institut. Il était alors 
régi par.Archembaud, qui en est le l*"" abbé connu et 
qui reçut la bulle dont nous venons de parlet*. Geoffroi 
donna d'abord à la collégiale une terre de trois char- 
rouées (4) située autour de l'église de Ruan. Lors de la 
concession faite si imprudemment à l'abbaye deTiron, 
le propriétaire temporel n'avait pas paru fort empressé 
de faire valoir ses droits sur une propriété à demi rui- 
née, mais il s'en souvint, peut-être en la voyant en 



(1) Arrou, avijourd'lmi commune du canton de Cloycs, arron- 
dissement de Châteaudun. L'abbé Bordas, dans son Histoire de 
Châteaudun, tome II, pp. 7-17, cite un Geoffroi d'Arrou, qui vi- 
vait en lOOS. Il ajoute plusieurs détails concernant Ruan et le 
Vendômois, mais nous sommes forcé d'abréger. 

(2) M. L. Me\-\et, dans son Dicttonnaire topographique d'Eure- 
et-Loir, prétend qu'elle fut fondée vers le VP siècle, et dans la 
Table topographique de son Cartulaire de Notre-Dame de Char- 
tres, il attribue cette môme fondation au VIII". V. Gallia chris- 
tiana,t. VIII, coll. 1317-18. 

(3) Gallia cln-istiann. T. VIII. Instrum. col. 326. 

(4) Carrucaia, autrefois carnée ou cliaruùe, aulnui de terre 
qu'on en peut labonrcM- avec une seule charrue en un an. 



— 179 — 

meilleur état^ et d'ailleurs voulaut donner un nouveau 
gage de soii affection à la Madeleine. Le bon chevalier 
vint donc *prier l'évèque d'accorder aux chanoines 
l'église' de Ruan. Le prélat se trouvait dans une posi- 
tion embarrassante. Il était clair qu'en cédant l'église 
aux Tironiens, même s])irituellement, sans l'aveu du 
seigneur temporel, il avait excédé son droit. La grande 
question du temporel et du spirituel se représentait ici, 
comme elle existait entre le pape et l'empereur. Elle 
était partout (1). 

D'un autre côté, c'était lui qui avait fait introduire les 
nouveaux chanoines dans la collégiale de la Madeleine. 
Il devait éprouver pour eux une certaine tendresse. 
D'autre part, Tiron était déjà une très puissante abbaye. 
Elle avait reçu, en 1120, le roi de France, qui pensait 
avoir recouvré la santé par les prières de saint Bernard 
son fondateur, et Louis ne l'avait point quittée sans 
la comljler de faveurs, amplissinio diplomate muncra- 
vlt. — Tous ces motifs se combattaient sans doute 
dans l'esprit de l'évèque. Son embarras semble même 
se trahir dans les expressions de sa charte : « Notre 
vénérable frère Guillaume, abbé de Tiron, dit-il, avait 
mérité par ses saintes prières d'obtenir ce qui était ma 
part (quod meum crat) dans cette église. » C'est pres- 
que une excuse. Et plus bas: « Pour moi, craignant 
de donner deux fois la même église..., ayant en vue la 
})aix entre les deux parties, songeant à leur utilité com- 
mune, j'ai disposé avec le plus de justice que j'ai pu de 
cette même église. » On voit combien ce langage est 
conciliant. L'évèque revient donc sur sa première 



(1) Toutefois cotto qacrclle des Iiivostitui'os avait été terminée 
On plutôt suspondue en 1122 |):irun eoncor.lat enti-c le pape Ca- 
lixtu II et l'empereur Henri V. Ajoutons que celle qui aurait pu 
surgir entre G3ofïroi d'Arrou et Ttivèque était moins une querelle 
d'invcsliluri! ou de tividilinii (|u'iiiic qnoi'cllc de donation nu'inc. 
11 yavail une diriÏMN.MiiM; ti-ès i-/'i'||i' entre les chartes ([ui (-ousa- 
i-i-aient ces deux ordres de l'ails. La charte d'investiture s'appe- 
lait spécialement chavta traditioni.<. 



■A,-' 



— 180 — 

décision. Il attribue définitivement le corps de l'église 
aux chanoines de Châteaudun avec les dîmes et omnia 
parrochialia, c'est-à-dire l'administration de tous les 
sacrements. Les moines de Tiron, de leur côté, conser- 
veront la terre qu'ils possèdent dans la paroisse dô 
Ruan et qu'ils cultivent par eux-mêmes ou par leurs 
métayers. Ils la posséderont exempte de tout droit pa- 
roissial, (dû à la paroisse ou au curé) tant de leur 
part que de celle de leurs métayers. Cette terre, ainsi 
qu'une autre qu'ils ont à Fontaine-Raoul et à la Gua- 
the (1), ils pourront la distribuer à leur gré, sans être 
inquiétés, à leurs hôtes ou mansionnalres (2) et à leurs 
métayers, à ceux et en aussi grand nombre qu'ils vou- 
dront, pour ladite terre être possédée et cultivée. De 
tous ces habitants le baptême, les confessions, les épou- 
sailles, les dîmes, grosses et menues (3), et tous les re- 



(1) Fontaine-Raoul, prieuré simple de Tiron, uni au séminaire 
de Blois dans le siècle dernier. (^Dupré. Statistique des paroisses 
de l'arrondissement de Vendôme. Bulletin de notre Société, 1865, 
p. 148.) Aujourd'hui commune du canton de Droué. — Nous ne 
connaissons pas La Guathe. 

(2) On appelait Hospites ou Mansionarii des gens qui habitaient 
une maison sous un cens annuel, dit hostisia ou stagium, d'où on 
les appelait encore stagiarii. Ils sont appelés hôtes dans la cou- 
tume de Senlis (H2etl20). Différents des serfs ou attachés à la 
glèbe, ils sont rangés parmi les colons dans une charte de 
Louis VII (1179). Leurs privilèges étaient en effet plus nombreux. 
Cependant quelques-uns étaient astreints aux services de la ser- 
vitude; d'autres, entièrement exempts, excepté du droit d'hô- 
tise. (Ducange, Hospcs.) 

(3) Les grosses dîmes étaient celles qui se levaient sur les gros 
fruits (le blé, le vin); les menues dîmes, celles qui se levaient sur 
les menus grains et le menu bétail. — La charte de communauté, 
dont nous allons parler tout à l'heure, donne une définition des 
menues dîmes qui mérite d'être rappelée ici, ainsi que tout le pas- 
sage, à cause du rapport qu'il offre avec celui-ci : « Hospites nos- 
tri omnes, dit cette charte, de F'onte-Radulphi et de Foetellis par- 
rochiani erunt predicte ecclesie (de Bofcri) et il)i j)ari'ochialia 
jura exsolvent, hoc excepte quod décime omnes eorumdcm hos- 



— 181 — 

venus de paroisse appartiendront à l'église de Bouf- 
fry (1). De même, pour les sépultures, les corps des 






pitam et tocius nostre terre tam minute que (*) primitie vocanttir, 
quam alie nostre proprie erunt, sicut modo suiit. Si quis vero 
parrochianorum apud nos sepeliri voluerit, salvo jure siii prcsby- 
teri et ecclesie, liceat. » — Et dans la charte de fondation du 
prieuré de Celle en Bas-Vendômois (856-800) : « Décimas et primi- 
cias ex integro percipiant. » (L'abbé Froger, Reçue du Maine, 
T.l", nos, 1876.) 

(1) De Bouffry, prieuré de Tiron, et non de Ruan, comme l'on 
voit. — De Castro Bofferici, dit la charte, ce qui signifie simple- 
ment Bouffry, comme castrum Vinclocini signifiait Vendôme. 
Toutefois l'expression démontre, comme l'avait déjà remarqué 
l'abbé Bordas, que Bouffry, à cette époque, avait un château. 
C'est aujourd'hui une modeste commune du canton de Droué, 
avec une petite église de quatre époques différentes, dont la par- 
tie la plus ancienne est du XP siècle. V. les dessins de M. Lau- 
nay. 

V. sur Bouffry, Fontaine-Raoul et les Fouteaux, une curieuse 
charte de N.-Dame de Chartres : « De communitate ecclesie de 
Boferi et reddituum in ecclesia carnotensi. » (Cartulaire, T. 1", 
2° partie, ch. xl.) Tout ce qui concerne les hôtes ou mansionnaircs 
de Fontaine-Raoul et des Fouteaux y est rappelé. Par cette 
charte, l'abbé Guillaume, au nom de l'abbaye de Tiron, met l'é- 
glise de Bouffry en commun avec le chapitre de Chartres. — Les 
éditeurs du Cartulaire ont placé cette pièce entre les années 1119 
etll47, c'est-à-dire entre les limites connues du gouvernement 
de l'abbé Guillaume (**); mais la charte que nous publions four- 
nit une limite inférieure plus rapprochée. On y remarque, en 
effet, que les droits du chapitre en ce qui concerne l'église de 
Bouffry n'y sont pas réservés. Donc le chapitre n'était pas encore 
copropriétaire. Ainsi la charte de communauté est postérieure 
à 1133. Elle est donc comprise entre 1133 et 1147. Il y a plus, 
c'est que l'établissement d'hôtes sur la terre de Fontaine-Raoul 
et des Fouteaux n'est pas antérieur à la charte de l'évcquc Gcof- 
froi, et que c'est même cette charte qui consacre ce droit. Par 
conséquent, la charte de communauté ne peut être que posté- 
rieure à celle de l'évoque, c'est-à-dire à 1133. 

(■) Le texte dit quam, mais par erreur. 

(") Les éditeurs du Cartulaire donnent en note l'abbé Guillaume comme successeur 
du bienheureux Bernard. C'est une erreur. Entre le fondateur de Tiron, mort en 
IIK), et l'avènement de l'abbé Guillaume, qui est de 1119, il y a en le gouvernement 
de Hugues, disciple de saint Bernard. {Gallia chrisliana.) 



— 182 - 

défunts seront portés à ladite église. Ces divers lieux, 
les Fouteaux (1), Fontaine-Raoul et la Guathe, seront 
libres et exempts de tout droit paroissial, absolument 
comme l'est le monastère même de Tiron, qui est situé 
dans la paroisse de la Gardais (2). De plus, dans la 
charmée de terre que lesdits religieux possèdent auprès 
de Villeboutetà la Bussière (3), ils établiront tous les 
métayers ou habitants qu'ils voudront, en raison de Té- 
tendue de la terre, comme ils l'entendront, et de tous ces 
gens lesdits religieux de Tiron toucheront les dîmes, 
grosses et menues en leur entier, mais les habitants et 
tous les droits })aroissiaux iront à l'église de la pa- 
roisse à laquelle ils appartiendront. En outre et entin, 
tout ce que les moines de Tiron posséderont au delà 
du Loir et cultiveront par eux-mêmes avec leurs pro- 
pres charrues (4) sans l'emploi de métayers, ils le pos- 



(1) FootelU, et non ForteUi, comme on lit dans l'abbé Bordas. 
V. aussi la bulle d'Eugène III, dont nous avons pai'lé {ecclesiani 
S. Nicolai de Foetcllls), et la charte de communajuté mentionnée 
ci-dessus. — Hameau à 3 kilomèti*es N.-E. de Bonffry. Elle avait 
une chapelle du XP siècle, fortifiée. On y voit encore les restes 
d'une enceinte flanquée de tours, au pied desquelles coule la jte- 
ti te rivière de Droué (?), fait curieux, qui vient à l'appui de ce 
que nous disions en commençant de ces pillages des églises dont 
Ruan fut certainement victime. 

(2) Aujourd'hui hameau, commune de Tiron. 

(3) Villebout, aujourd'hui commune du canton de Droué. La 
Bussière (?) {Buxeria). Il y a une localité de ce nom (simple 
écart) commune de Jouy, canton de Chartres (Dictionn. topogr. 
d'Eure-et-Loir), mais il est douteux ((u'clle soit désignée ici. 

(4) On ne s'étonnera pas de voir les religieux conduire eux- 
mêmes la charrue lorsqu'on saura que Tiron était un immense 
atelier où s'exerçaient toutes les industries : « Erant inter eos 
plurcs artifices qui singuhis artcs cum silentio oxei'cebant, iiui- 
bus semper custodes ordinis pncerant. » (Vita Bernard! Tiron., 
cil. 49). « Illuc multitudo fidelium... coufluxit, et singulis artcs 
quas noverant légitimas in monasterio exercere prcecepit (pater) 
unde libentcîr convenerunt ad cum tam l'aigri lignarii quaui fer- 
rarii, sculptores et auiMfabi'i^ pictores et cœmentarii, vinitorcs et 



— 183 — 

séderont exempt de dîmes et de tout droit parois- 
sial (1). 

Telle est "bette cm-ieuse charte dont nous avons tra- 
duit la seconde moitié presque littéralement. Suivent 
les noms des témoins, parmi lesquels nous relevons 
un Geofifroi cuisinier de l'abbé de Vendôme {coccus ab- 
batis Vindocincnsis). La pièce fut dressée en charte- 
partie et remise à chacun des contendants. Nous possé- 
dons l'exemplaire de la Madeleine. 

Cette sentence fait honneur à l'évêque de Chartres 
et témoigne à la fois de son caractère modéré, et de son 
habileté politique et administrative (2). 

Un mot sur cet homme éminent ne terminera pas 
mal cà propos, nous l'espérons, ce travail pourtant déjà 
bien long. Mais nous ne toucherons guère que les points 
relatifs au Vendômois : 

Geoffroi de Lèves, d'abord archidiacre de notre cir- 
conscription, succéda à Ives sur le siège de Chartres, 
en 1116. 

En 1121, par son influence et ses conseils, il se fait, 
pour ainsi dire, le fondateur moral de l'abbaye du Petit- 
Citeaux, ou de l'Aumône, que Thibaut IV, comte de 
Blois et de Champagne, édifia dans la forêt de Marche- 
noir (3) et à laquelle les comtes de Vendôme firent tant 
de bien. 



agricolœ, multorumque officiorum firtificesperitissimi,etc. » (Or- 
dcric Vital, lil). VIII. — Gallia christiaim, t. VIII, col. 1260.) 

(1) On peut remarquer, dans tout ce qui précède, un grand 
esprit de douceur envers les serfs ou colons. Le Nécrologe de 
Chartres nous dépeint en effet Geoffroi comme soucieux de li- 
hertate.... hominum tàm qui ad cpiscopuni quàni qui ad nos per- 
tinent, etc. (Souchet, Histoire de Chartres, t. II, p. 446.) 

(2) Sccularium qiioqnc ncgotiorum dispositor et tractator fa- 
r))o<t(Sj dit (Ml parlant do lui la chronique de Morigny. A plus 
foi'le raison quand il s'agissait d'affaires ecclésiastiques. 

(3) Anjnnrd'liui coniinunc de La Colombe, canton d'Ouzoucr- 
Ic-Marché, département de Loir-et-Cher. 



- 184 — 

En 1122, il attribue à l'abbave de Marmoutier les 
églises de Crucheray et de Nourray en Vendômois 
(de Cuschereio et de Nucareio) (1). 

Entre les années 1119 et 1124, le pape Calixte II lui 
adresse une lettre lui mandant qu'il a reçu une plainte 
de Geoffroi, abbé de Vendôme, au sujet des ravages 
qui se commettaient sur les possessions de l'abbaye 
de la Trinité. Le pape invite l'évêque à réprimer ces 
désordres et, au besoin, à lancer l'interdit sur les terres 
des coupables et sur celles mêmes du comte de Ven- 
dôme (2). 

Vers 1130, légat du siège apostolique, il restitue à 
Saint-Laumer de Blois Villeromain, que lui avait enlevé 
Geoffroi-Grisegonelle, comte de Vendôme (3). 

En 1132, il confirme à l'abbaye de l'Etoile le lieu de 
Monthalam. — La même année il bénit Fromond, 
abbé de Vendôme. 

En 1135, il concilie les religieux de St-Laumer de 
Blois avec Barthélémy de Vendôme, seigneur de ce 
pays, probablement de la famille des comtes, au sujet 
de quelques terres dépendant du prieuré du Breuil. 
(Noël Mars et Dupré. Histoire de Saint - Laumei\ 
p. 149.) 

En 1139, il bénit Hubert, successeur de Fromond, 
et reconnaît que l'abbé de Vendôme a le droit de faire 
ordonner ses religieux par tel évèque qu'il lui plaira. — 
Il meurt en 1148, laissant après lui une grande re- 
nommée. — 11 entretint avec Geoffroi, abbé de Ven- 
dôme, une correspondance dont il nous reste encore 



(1) La hil)liothèque de Vendôme possède la cof)ic de cette 
charte. 

(2) Cette lettre, que nous avons découverte dans un manuscrit 
de cette ville, nous parait inédite. Nous la publierons dans un 
prochain Bulletin. Elle no figure pas parmi celles de Calixte 
qu'a données Dom Bouquet, t. XV, pp. 228 et suivv. 

(3) Il y a une charte, charta traditionis ^vécinémon t. — Inves- 
titure par les deniers (Noël Mars et Dupré. Histoire do Saint-' 
Laumor, p. 148). 



— 185 — 

douze lettres de ce dernier (Livre II, Epp. 21-32) ex- 
trêmement curieuses et importantes, non-seulement 
pour notre*histoire locale, mais encore pour celle des 
mœurs du temps et du caractère de l'abbé Geoffroi. 

Le Gallia Christiana, auquel nous empruntons une 
partie de ces détails termine en citant deux vers louan- 
geurs adressés, dit-il, à l'évèque de Chartres par Ma- 
thieu, abbé de Vendôme, ou par quelque autre. En 
quoi le Gallia se trompe, attendu qu'il n'y a jamais eu 
d'abbé de Vendôme du nom de Mathieu (1). 

Voici maintenant la charte donnée par Geoffroi sur 
Ruan. Elle nous servira, pour ainsi dire, de pièce justi- 
licative. 



(1) Selon Souchet {Histoire de Chartres, t. II, p. 445), ce dis- 
tique serait d'un anonyme, qui aurait dédié à Geoffroi sa vei'sion 
on vers du 1" livre des Rois. Elle commencerait ainsi : 

Maxime Pontificum, Romanœ signifer auhe (') 
Carnotensis apex, et pater urbis, ave. 

(■) Allusion à son titre de légat apostolique. 



Les faits relatés dans cette pièce n'étaient pas incon- 
nus. Le Gallia en dit un mot, mais en faisant une er- 
reur que l'abbé Bordas a relevée (t. II, article Ruan ). 
Cet auteur lui-même en donne un sommaire. Ajoutons 
qu'il existe aux Archives d'Eure-et-Loir un Cartulaire 
de Tiron manuscrit, de la tin du xu^ siècle. Nous igno- 
rons si notre charte s'y trouve. Nous espérions le sa- 
voir par l'obligeance de M. l'Archiviste. On ne nous a 
pas répondu. 



— 186 — 

Entête, coupé par la moitié horizontalement : 
CIROGRAPHVM 

luste pastoralitatis officium esse cognoscitur(l). cum is qui 
curam habet regiminis in administratione pacis & concordie 
plebibus a domino sibi commissis sollicite prouidet uniuersis. 
Cum (2) uero omnibus qui christi nomine insigniti sunt neces- 
sarium sit concordie bonum illorum precipue concors & una- 
nimis esse débet intentio. qui ex mutue dilectionis exhibitione 
discipuli ueritatis ab omnibus agnoscuntur. Ne igitur inter 
homines pie deuotionis & sane opinionis aliqua in posterum 
retractetur discordia ; ad dirimendam controuersiam que inter 
karissimos filios nostros tyronenses monachos & canonicos 
castridunenses super quadam ecclesia parrochiali cui nomen 
Rotomagum emerserat ; Ego gaufridus carnotensis episcopus 
apostolice sedis legatus (3) efficaciter elaboraui ; & de modo 
concordie hanc nostre inscriptionis paginam auctoritatis nostre 
munimine roboratam ad agnitionem tam presentium quam futu- 
rorum reliqui. Siquidem in rotomagensi ecclesia supradicta que 
in episcopatu nostro sita erat. déserta tamen Se solitaria quod 
meum erat uenerabilis frater noster Guillelmus abbas tyronen- 



(1) On sait que nous avons l'habitude de reproduire intégrale- 
ment l'orthographe des anciens titres. Cette fois nous essaierons 
d'aller plus loin et de reproduire, autant que possible, la ponc- 
tuation, le point au lieu de la virgule, etc. Nous prions nos maî- 
tres de nous pardonner. L'intelligence du lecteur ne s'y laissera 
pas tromper^ et nous aurons un degré de fidélité de plus. 

Malheureusement, l'e avec cédille n'existant pas généralement 
en imprimerie, nous sommes obligé de dire ici simplement que 
la plupaT't des mots qui, dans notre charte, se terminent par un e 
et quelques-nus de ceux qui commencent par cette lettre (eccle- 
sia....) ont la cédille sous l'e. Nous ne parlons pas, bien entendu 
de l'infinitif des verbes. 

(2) Le C, dans l'original, est formé d'une double panse, reste 
de l'écriture carolingienne. 

(3) Il fut légat, paraît-il, dès l'an 1130, pour les provinces de 
Bourges, Bordeaux, Tours et Dôle. (Souchet. Htst. de Chartres, 
T. II, pp. 418 et 446.) 



— 1<S7 — 

sis ecclesie per nostre manus dationem & concessionem sanctis 
precibus meraerat obtinere. Sequenter curn eccleaia beato ina 
rie caslriduncnsis (1) auctore deo regalaribus canonicis tradita 
fuisset. & iij ea Archenbaudus uir uenerabilis in abbateni fuis- 
set ordinatus. idem abbas Archenbaudus & fratres qui cum eo 
erant canonicam uitam professi a quodam milite gaufrido de 
arrou possessore memorate ecclesie Rotomagi in tanta reue- 
rentia & amore sunt habiti ; ut eis circa Rotomagi ecclesiam 
terram trium carrucarum dederit. ipsam quoque ecclesiam ut 
eis concederem postulauit. Verum ego eandem ecclesiam bis 
dare reueritus quoniam eani iam monachis tyronensibus con- 
cesseram ; utriusque partis qaieti prouidens. utilitati onsu- 
lens. pro ut rectius potui de eadem ecclesia disposai hoc 
modo. Habebunt a modo canonici castridunenses & obtiaebunt 
in pace & concessione tyronensium fratrum corpus ecclesie 
Jlotomagi décimas & omnia parrochialia. Tyronenses vero mo- 
nachi terram quam in rotomagi parrochia possident per se & 
per mediterios suos cullam & de se & de mediteriis suis ab 
omni parrochiali iure quietam habebunt. & tam eam quam 
aliam terrain quam habent ad fontem radulfi & ad guathe ; 
hospitibus Se mansionariis Se mediteriis suis quibus & quotquot 
uoluerint ad libitum suum quiète distribuent possidendam & 
excolendam. Quorum omnium baptismus. confessiones. spon- 
salia. décime maiores Se minute & omne-; reditus parrochiales. 
sépulture etiam & corpora defunctorum ad ecclesiam de Castro 
bolîerici deferentur. Sciendum est etiam quod hec loca. foelelli. 
fons radultii Se guathe. ita libéra Se quieta erunt ; quemadmo- 
dum monasterium tyronii quod situm est in parrochia sancte 
marie degarzeis (2) quietum et liberumest ab omni iure parro- 
chiali. Statutum est etiam ut in carrucata terre quam prefati 
monachi habent iuxta uilerboul c't in buxeria mediterios uel ha- 
b tatores omnes quos uoluerint &. pro capacitate terre poterint. 
ad libitum suum ponent ; quorum décimas maiores et minu- 

(1) L'église de A'^o^/x'-Da/zit' de Chûteaudun au lieu de : la Ma- 
deleine. Il ne reste que très peu de traces de cette première dé- 
nomination dans les monuments écrits. Notre passage, sous ce 
rajjport, mérite d'être noté. 

{2) De Gc</v('/s. Cette forme miinque dans le Dictionnaire topo- 
grapliique d'Eure-ct-Loir^ par M. L. Merlet, à l'ai-licle La Gar- 
dais, xnaXa l'ancienne forme française Gar^cês([vJi\ donne en est, 
comme l'on voit, une traduction. 



— 188 — 

tas ipsi eidem monachi tyronenses intègre possidebunt ; sed 
habitatores cum orani iure parrochiali ad ecclesiam ibunt ; ad 
cuius parrocbiam pertinebunt. Porro prêter bec ; omne quod 
monacbi tyronenses ultra ledam (1) possessuri sunt. & per se 
cum propriis carrucis absque mediteriis elaboraturi ; quietum 
a decimis 8c. omni parrocbiali iure possidebunt. 

Huius rei testes affuere. Bernardus capicerius carnotensis 
ecclesie. Gaufridus decanus nouigenti. Herbertus presbiter 
sancti hilarii. Magister Odo piszat. Magister Guillelmus de mo- 
dalibus. Robertus presbiter. Prêter bos ; Rainaudus & luo. & 
Rogerius. Famuli (2) abbatis tyronii. Gosbertus de aula. Gaufri- 
duscoccus abbatis uindocinensis. Gaufridus ballargent. Ernau- 
dus de chenio. Paganus. Ansebuus famulus archiepiscopi turo- 
nensis. 

Acta sunt bec ; anno ab incarnatione domini. M" C° XXX. III. 
Indictione. XI. Epacta. XII. Régnante Lodouico in gallia ; 

(1) Leda, le Loir; cette forme manque également dans le Dic- 
tionnaire de M. Merlet. Elle se trouve cependant, non-seule- 
ment dans notre charte, mais encore dans les Lettres de l'abbé 
Geoffroi de Vendôme, C as tr um Ledœ, Chêiteau-àu-hoiv, L. 111,13. 

(2) Famuli doit se rapporter aux trois noms qui précèdent. 



Original sur parchemin, de 0"%345 carrés; repli por- 
tant un scel sur double queue, aujourd'hui perdu. — 
Le présent exemplaire appartenait aux chanoines de 
Châteaudun, comme l'indique la suscription qui est au 
revers, en écriture du treizième siècle : « Carta Gaufridi 
episcopi super compositione inter nos. & monachos de 
Tyronio. » 



Offert à la bibliothèque de Vendôme par M. le 
C'« de Chaban, alors conseiller de préfecture 
à Tours. Avril 1854. 



^,,,,,..i^,,...,..v,. 






^a^M» -..., ;.- 



" V-,... • 




C . Lniinay- r/'l 




F tan et nvrfr de l'E^J/.-'e dcBii.m m"'^c " »f 



J? êt/ilh cIcJ.i Porf c ■ 




fane nrtmtiivc <i ] Olie.il dc IKo'i l ^' 

o 

<ii,i/il f,iifioiirliu/i rit, C/Ofhcr MiriAiil Ot 

V 




I 

l 

S- 



• NOUVEAUX DOCUMENTS 



SUR 



L'IMPRIMERIE VENDOMOISE 

LATHERON - ROUSSET — GRYNE 

Par M. A. de Roghambeau. 



En publiant notre étude sur les imprimeurs vendô- 
mois, nous avons voulu surtout attirer l'attention des 
travailleurs sur cette branche de l'industrie locale qui a 
rendu, à Vendôme comme ailleurs, de si grands ser- 
vices à la science. 

Nous avons tenu à ouvrir la marche, persuadé que 
notre Notice provoquerait et nous amènerait de nou- 
veaux renseignements. Nous n'avons pas été déçu dans 
nos espérances: nous venons de découvrir plusieurs 
documents, d'une très haute importance, qui reculent 
de plus d'un siècle l'origine de l'imprimerie à Ven- 
dôme. 

Il est évident pour nous, aujourd'hui, que les Béné- 
dictins imprimaient dans leur abbaye delà Trinité vers 
la fin du XV siècle, ou au moins tout au commence- 
ment du XVP. Ils employèrent d'abord des imprimeurs 
nomades, qui allaient de ville en ville, transportant avec 
eux leur matériel typographique ; aussi trouvons-nous 
dans les monastères une grande partie des premiers 
monuments de l'art de l'imprimerie en France et à 
l'étranger. 

XIX 13 



— 190 — 

Robert de Sorbon, chapelain de saint Louis, avait 
fondé à Paris une société d'ecclésiastiques séculiers qui 
devaient enseigner gratuitement. Cette Société, légale- 
ment constituée en 1255 sous le nom de Congrégation 
des pauvres Maîtres de la Sorhonne, fonctionna jus- 
qu'en 1790 ; son but principal était de porter à leur plus 
haut point d'importance les études théologiques. La 
Sorbonne établit dans ses bâtiments les premiers ate- 
liers de l'imprimerie parisienne. 

Le plus ancien livre imprimé à Paris et en France, 
le Livre des E pitres de Gasparin de Bergame, est sorti 
en 1470 des presses de Gering, Crantz et Friburger, 
établies à la Sorbonne par les soins de Jean de La 
Pierre, prieur, et de Guillaume Fichet, bibliothécaire de 
la Congrégation. La Bibliothèque Nationale possède 
seize volumes sortis des presses de la Sorbonne. Vers 
1473, Gering et ses associés quittèrent la Sorbonne, et 
transportèrent leur imprimerie rue Saint-Jacques, puis 
rue de la Sorbonne. 

En 1493, Michel Wensler, de Bàle, imprimait dans le 
monastère de Cluny \e Missel de Cluny, 1 vol. in-f*^ ; le 
même Michel Wensler imprimait aussi en 1493, à Ma- 
çon, le Diurnal à l'usage de Màcon, in-8° sur vélin. En 
Suisse, dans la fameuse abbaye bénédictine de Notre- 
Dame-des-Ermites (Einsiedeln, canton de Schwitz), une 
imprimerie fonctionnait dans la première moitié du 
XVIP siècle. 

Du reste, ces industries portatives étaient assez fré- 
quentes au moyen âge ; quelques-unes même se sont 
conservées jusqu'à nos jours, et, il y a quelques années 
à peine, nous voyions les fondeurs de cloches procéder 
exactement de la même manière. 

Mathieu Latheron le Tourangeau imprimait à TourSj 
en 1496, La Vie et les Miracles de Monseigneur Saint 
Martin. — Imprimé par Mathieu Latheron pour Je- 
han de Liège. In-folio sur vélin. La Bibliothèque Na- 



— 191 — 

tionale possède l'exemplaire qui a appartenu à Char- 
les VIII (1). 

En 151*4, le môme Mathieu Latheron imprimait à 
Vendôme, dans le monastère des Bénédictins, le Bre- 
viariuin monasteril Vindocinense, 1 vol. in-8° gothi- 
que. Ce bréviaire est le plus ancien monument daté de 
l'imprimerie vendomoise; il se trouve à la bibliothèque 
du Mans, Théologie, ancien numéro 6,514, nouveau 
numéro 1,835. 

Il y en avait un exemplaire dans la bibliothèque de 
l'abbaye de la Trinité de Vendôme ; l'abbé Simon l'y a 
vu de son temps. 

(( Avant Louis de Crevant, dit-il (2), l'abbaye de la 
« Trinité de Vendôme avait toujours eu un bréviaire 
« particulier; mais comme il n'était que manuscrit et 
« que l'imprimerie venait d'être inventée, il fit faire un 
« nouveau bréviaire, qu'il fit imprimer par N,.., impri- 
« meur à Tours, l'an 15... Il eut soin que les manuscrits 
« anciens qui étaient dans la bibliothèque fussent con- 
« serves précieusement, il yen ajouta de nouveaux des 
« plus rares et fit fleurir les études dans son mona- 
« stère. )) Ce bréviaire est l'œuvre d'André du Val, 
prieur delà Trinité ; ce détail nous est révélé par Jean 
Rousset, qui imprimait à Vendôme vingt-deux ans plus 
tard le Missel de la Trinité. 

Le bréviaire de Mathieu Latheron n'a aucune gravure, 
et l'exemplaire du Mans n'a plus sa page de titre. Le 
texte a 0'",13 de hauteur sur 0'",082 de largeur ; il est 
disposé sur deux colonnes ayant chacune 44 lignes, et 
les lignes chacune 0'",01 de long. Les lettres sont rou- 
ges et noires. Il se compose d'abord d'un cahier de dix 
feuillets -j- I + V pour le calendrier, 56 feuillets pour le 
psalterium et l'office de la Vierge. 

(1) Quatre ou cinq ans plus tard, nous voyons Joliaii do Li^ge 
imprimer à Vjilcnciennes un volume in- 1° d'Olivier de laMarflic. 

(2) L'abbà Simon, //jù-2!ot>c'rfe Vendôme et de ses e/wirons. T. Il, 
p. 347. 



- 192 — 

Le psautier va de l'A I au C III ; les autres cahiers 
ont 8 feuillets ; ce dernier^ 6 seulement. 

Le petit office a 8 feuillets rouges, de 1 à 4, ensuite 
une première section folio 1 à 152 inclusivement, signée 
a h. t, inclusivement, par cahiers de 8 fï. (le commun 
des Dimanches et Fériés). Ensuite, une deuxième sec- 
tion de 160 ff., 1 à 160 inclusivement, signés au bas de 
aalk tt 4: (le propre des Saints). Le feuillet qui vient 
après porte une note explicative dont voici le sens * : 

« Enfin paraissent, avec l'aide de Dieu, ces remarqua- 
bles abrégés de l'office divin : les fautes et les difficul- 
tés n'y fourmillent plus comme jadis au nombre de 
plus de deux mille, mais améliorés avec le plus grand 
soin et scrupuleusement corrigés. Toutes les obscuri- 
tés en ont disparu, et leur clarté (dans la disposition) 
leur donne un lustre tout nouveau. Il y a bien quelques 
inversions et changements par rapport aux anciens bré- 
viaires, mais notre sire l'abbé Louis de Crevant et tout 
le chapitre en ont ainsi décidé. C'est à eux qu'ils doi- 
vent et d'avoir obtenu par un travail assidu cet éclat re- 
marquable et d'avoir été imprimés, l'an mil cinq cent 
quatorze, en splendides caractères (comme on peut le 
voir) en notre monastère de Vendôme par les soins et 
le grand labeur de maître Mathieu Latheron de Tours, 

' Prodeunt tandem, Deo dace, preclara hec diviiii obsequii 
bre/viaria: non ut olim mendis supra bis mille difficultatibus- 
que sca/tentia, sec tersa diligenter et ita accurate emendata, 
ut enodatis dabiis sua jam facilitate jocunda elucescant : inver- 
sis sanequibusdam / et immutatis a vetustis breviariis : sed ta- 
men doinno abbate nostro Ludovico de Crevant et toto Capitule 
ita precipientibus. Quibus / authoribus prêter decorem illum 
egregium quem ex studiosa lima / assumpserunt etiam hoc nos- 
tré salulis auno quingentesimo decimo / quarto supra millesi- 
mum splendidissirnis (ut videre est) caracteribus impressa sunt 
in hoc nostro vindocinensi cenobio, opéra quidem, ac grand j 
labore magislri Matthei Latheronis Turonensis bibliopole et / 
chalcographi peritissimi. Felici compléta fine tercio nonas octo- 
bres. 



— 193 — 

libraire et chalcographe (1) très expert, et furent heu- 
reusement terminés le 3'' jour des nones d'octobre. Ces 
bréviaire^qui, languissants, fourmillaient de fautes, les 
voici, bon lecteur, corrigés en tout point. L'abbé Louis 
donna l'ordre de les mettre sous presse; il ne s'y 
trouve plus d'erreur. Tout a été vérifié. Le couvent a 
fourni les deniers, l'abbé ses conseils ; le style c'est 
André qui le lima; la main-d'œuvre est de Latheron 
l'imprimeur. 

(( Grâces à Dieu ! » 

Ensuite vient un feuillet blanc. Enfin, du folio 1 à 24 
inclusivement, de AI à C IIII, commun des Saints, 
total404ff. 

On lit, au folio 110 de la 2° série l'office de saint Ar- 
noul. La rubrique porte : In festo beati Arnulphi pres- 
byteri et confessons. Totum officium fit de communi 
unius confessons ponfificis exceptis orafionibus etlec- 
tionibus. 

« Douze leçons sur la légende de saint Arnoul. Saint 
Arnoul fut emmené à Rome par l'abbé Oderic auprès du 
pape Alexandre; il était entré fort jeune encore au mo- 
nastère. Le pape avait accordé au couvent de Vendôme 
<( mansionem suam in ecclesia S. Prisce in monte Aven- 
tino, » où il habita à la prière du pape. Venant un jour à 



Languida quae multisstabant breviaria mendis 
Omni tersa loco nunc, bone lector, habes 
Jussit et in prellum mitti hec abbas Lodoicus 
Nil erroris inest : cuncta probata manent, 
Conventus nummos, antisles consilium dat 
Andrée lima est, et Latheronis opus. 
Deo gratias ! 

(1) Chalcographe, imprimeur en caractères d'étain. — Chalco- 
graphia seu slanneis calamis excudcndi libros artcm : Cf. Pa- 
négyrique de Charles Qtdni (1521), par Jéi'ôme Gelwiller, cité par 
Firmin Didot dans son Essai sur la Typographie. Extrait du t. 20 
de l'Encyclopédie moderne, p. 593. 



- 194 — 

Vendôme, il ressuscita avec son pallium un enfant qui 
s'était noyé dans le Loir. Ce pallium fut donné au cou- 
vent, qui en fit une chape. Cette chape existe encore 
maintenant (1), et l'endroit fut appelé La Chape. » 

En 1517, trois ans plus tard, nous retrouvons Ma- 
thieu Latheron à Tours, où il imprime le Missale Turo- 
nense (2). 

Après Mathieu Latheron, un nouvel imprimeur vient 
s'installer dans le monastère de la Trinité, c'est Jehan 
Rousset, Tourangeau comme le précédent. Il y imprime : 
La Messe de la Saincte Lerme de Vendosme, suivie du 
Mistere de la Saincte Lerme. Pièce in-8°, qui appartient 
à M. l'abbé Offenloch. Elle est imprimée en caractères de 
forme ou caractères de missel, rouges et noirs ; elle a 
0"',12 sur 0™,085 et 20 lignes à la page; l'exemplaire a 
été fortement rogné. Elle paraît être au moins du début 
du XVP siècle. 

Elle se compose de la messe de la Sainte-Larme, sui- 
vie du mystère. La messe de la Sainte-Larme com- 
prend l'introït, l'épître, la prose, l'évangile, l'offertoire, 
la préface, la secrète, la communion et la postcommu- 
nion, le tout en latin. 

Puis l'oraison de la Sainte-Larme, en français, ainsi 
conçue : 

Oraison de la Saincte Lerme. 

Saincte Lerme glorieuse 
De Jesuschrist nostre père, 
Du ciel pierre précieuse. 
Des yeulx santé et lumière, 
Sus le Lazare fuz plorée 

(1) Ne pas perdre de vue que ce passage est extrait de la leçon 
de saint Arnoul. « Maintenant » veut donc dire en 4514, époque 
de la publication du Bréviaire. 

(2) On lit dans V Essai sur la Typographie de Firmin Didot, 
p. S96, art. Tours : « L'imprimerie a pris dans cette ville un dé- 
veloppement qui eût semblé fabuleux à Matthias Lateron, qui, en 
1517, y imprimait le Missale Turoncnse. 



« 



- 195 - 

Par compassion humaine 

De lange prinse et donnée 

A Marie Magdaleine. 

Sainct Maximin te garda 

Et en son temps te tinst chère, 

Puis après te posséda 

De Constantin l'emperiere. 

A Vendosme te feist estre 

Geofîroi Daniou (1) noble comte, 

Tu vins du cueur nostre maistre 

Comme Sainct Jehan nous raconte. 

belle doulce et bénigne 
Qui tousiours es saine et clere 
Noz cueurs de grâce enlumine 
Et dona aux yeulx veue entière : 
Fay nous gémir et plorer 
Tous noz péchez tellement 
Que nous puissons demeurer 
Es cieulx pardurablement. Amen. 

« Cy fmist la messe de la Saincte Lerme auec loraison di- 
celle Imprimée à Vendosme en L'abbaie de la saincte Tri- 
nité par Jehan Rousset, imprimeur. » 

Le mystère se compose de 275 vers français, et est 
suivi du récit, aussi en français, d'un miracle opéré par 
la Sainte-Larme (10 vers). Il a été publié par M. de 
Montaiglon dans son Recueil de poésies françaises des 
XV" et XVI^ siècles, tome I, p. 43, et par nous-mème 
dans notre Voyage à la Sainte-Larme de Vendôme, 
p. 89. Ces deux éditions sont la reproduction de l'édition 
princeps que possède la Bibliothèque Nationale dans la 
réserve Y. Cette édition est imprimée en caractères de 
somme, beaucoup j)lus petits et moins nets que dans 
celle de M. l'abbé Offenloch, et nous paraît postérieure. 

Elle a été évidemment faite, comme celle qui nous oc- 
cupe, pour être vendue, sur le lieu môme, aux pèlerins 

(l) Geoffi'oy d'Anjou. 



— 196 — 

et aux fidèles que la dévotion y amenait. Les prières la- 
tines qui la terminent en sont une preuve. 

Au titre se trouve un vaisseau sur la mer : ce vaisseau 
semble être une allusion à la tradition de la Sainte- 
Larme. En effet, cette tradition rapporte qu'un ange 
recueillit la larme versée par Notre-Seigneur sur le tom- 
beau de Lazare, qu'il la mit dans une ampoule et la 
donna à Marie-Magdcleine. Celle-ci l'avait avec elle lors- 
que, abandonnée par les Juifs sur un bateau sans rames, 
elle aborda à Marseille. 

Sur le recto du dernier feuillet, un Christ en croix entre 
la Vierge et saint Jean, et sur le verso une Notre-Dame- 
de-Pitié. 

Les feuillets de titre et de fin manquant à la plaquette 
de M. l'abbé Offenloch, nous ne pouvons savoir s'il con- 
tenait aussi ces illustrations et s'il était daté; en tout 
cas nous ne croyons pas être téméraire en plaçant son 
impression au début du XVP siècle, vers 1515 ou 1520. 

Nous avons un second ouvrage imprimé par Jean 
Rousset, celui-là bien plus important que le précédent; 
c'est le Missale secundum usumsacrl Monasterii sanc- 
tissimae Trinitatls de Vindocino ordinis sancti Bene- 
dicti sacrosancte Romane ecclesie immédiate subjecti. 
Sancta Trinitas unus Deus miserere nobis. 1536. Fort 
volume in-folio de 276 folios, imprimé sur magnifique 
papier, en lettres gothiques ou de forme, avec initiales 
ornementées. Les pages sont encadrées de charmantes 
vignettes historiées, et le texte est accompagné de figu- 
res, remarquables par un sentiment naïf et vrai, qui con- 
stitue le style français de cette époque. On y compte 
43 gravures sur bois, dont deux sur peau de vélin. 

Beaucoup de vignettes reproduisent des types connus, 
et paraissent tirées avec d'anciens bois utilisés pour la 
circonstance (1). 



{Vi II existe A Vendôme deux exemplaires de ce missel: l'un à 
la bibliothèque de la ville, et l'autre dans la bibliothèque do la 



— 197 — 

Le livre commence par une première partie non pa- 
ginée (10 folios), qui comprend le calendrier, les rubri- 
ques et le^ cérémonies de l'eau bénite. Ce calendrier est 
fort curieux, et mériterait à lui seul un article spécial. 
Puis viennent 142 folios pour le propre du temps, 82 
pour le propre des Saints et 42 pour le commun des 
Saints. Dans le bréviaire de Latheron, comme dans le 
missel de Rousset, le texte comporte toutes les abrévia- 
tions des manuscrits du XV^ siècle. 

Le frontispice du missel est formé par une belle gra- 
vure sur l)ois représentant la sainte Trinité. Dieu le 
Père, coiffé de la tiare, est assis sur un trône, et tient 
devant lui la croix, sur laquelle est attaché Dieu le Fils. 
La tête de Dieu le Père est fort belle. Sur la partie supé- 
rieure de la croix, on voit la colombe, qui représente le 
Saint-Esprit. En bas, la date de 1536 en chiffres arabes ; 
dans la bordure du bas, un écusson destiné à contenir 
des armoiries. Quant à la composition de cette gravure, 
elle est très connue, et se retrouve souvent dans les mis- 
sels manuscrits du moyen âge. Un vitrail de la Trinité 
de Vendôme est conçu tout à fait dans les mêmes don- 
nées ; seulement la tête de Dieu le Père y est complète- 
ment de face, et la croix repose sur le globe terrestre, 
soutenu par deux anges. 

Le folio suivant contient une prière préparatoire pour 
la messe, une instruction pour l'usage du calendrier, 
puis la rubrique de la sainte Messe et la manière de la 
dire et de la chanter dans le monastère, puis la messe 
des quatre dimanches de l'Avent. 

Suit une très belle gravure représentant la messe dite 
de saint Grégoire. L'autel laisse voir Notre-Seigueur 
Jésus-Christ sortant du tombeau après la Passion. La 
Messe étant une représentation symbolique du drame 
de la Passion, l'artiste a entouré l'autel de tous les 



cure, à la Trinité. Ils sont tous deux dans un état remarquable do 
conservation. 



— 198 — 

objets qui rappellent ses différents actes ; aux quatre 
coins on remarque les attributs des quatre évangélistes. 

La messe de Noël est ornée d'une gravure représen- 
tant la Nativité avec le bœuf et l'âne, les genoux plies, 
dans l'attitude de l'adoration. On remarque encore l'Epi- 
phanie, avec une gravure représentant l'Adoration des 
Mages, la messe des dimanches après l'Epiphanie, de 
la Passion et des Rameaux, avec l'image du Crucifie- 
ment ; celle de Notre-Seigneur au jardin des Oliviers, 
de la Cène avec saint Jean sur le cœur de Jésus, le bai- 
ser de Judas et Jésus devant Pilate. 

Puis vient la messe du jour de Pâques, avec une 
grande et belle composition représentant la Résurrec- 
tion. Sur le premier plan, le tombeau ouvert, et Notre- 
Seigneur qui en sort, tenant de la main gauche une 
grande croix avec oriflamme, et bénissant de la main 
droite les soldats à qui l'on avait confié sa garde. Ces 
trois soldats, armés de hallebardes et de larges sabres, 
sont bardés de fer. Dans le lointain, la ville de Jérusa- 
lem et les saintes femmes qui s'avancent. 

Ensuite, la messe de l'Ascension, celle de la Pente- 
côte et celle de la Trinité, avec une petite vignette à cha- 
que fête. Celle de l'Ascension est empruntée, au moins 
eh partie, au Missel manuscrit de 1457, qui est encore à 
la bibliothèque de Vendôme. Dans la gravure de notre 
Missel imprimé, on distingue, sur le rocher d'où vient de 
s'élever Notre-Seigneur, l'empreinte de ses deux pieds. 
Cette empreinte existe encore à Jérusalem dans l'église 
de l'Ascension, élevée en 325, sur le mont des Oliviers, 
par sainte Hélène, mère de Constantin. Une tradition 
constante rapporte que la place où Notre-Seigneur s'est 
élevé n'a jamais pu être recouverte parles toitures qu'on 
a essayé d'y mettre. 

Les messes des dimanches après la Pentecôte sont 
notées en plain-chant. 

Cette partie est terminée par deux magnifiques gra- 
vures, sur bois comme les précédentes, mais tirées sur 



— 199 — 

peau de vélin. L'une représente le Crucifiement, avec la 
sainte Vierge et saint Jean au pied de la croix ; l'autre, 
le Père éterifel avec, aux quatre coins, les attributs des 
quatre évangélistes ; c'est le même sujet que celle du 
frontispice. 

A en juger par les blancs qu'on y a ménagés, ces 
gravures paraissent avoir été destinées à être coloriées, 
comme' l'écusson du frontispice. 

Ces deux gravures sont fort remarquables par la 
beauté du dessin et l'ampleur des draperies; la pre- 
mière, le Crucifiement, a beaucoup de rapports avec la 
miniature consacrée au même sujet dans le Bénédic- 
tional de la collection de manuscrits de Vendôme. Par- 
mi les préfaces propres, nous remarquons celle de la 
Sainte-Larme. Le canon de la messe est en caractères 
beaucoup plusgros, faits pour être lus de loin; les ini- 
tiales sont rouges et très ornées. Ici finissent les 142 
feuillets qui contiennent l'office des fêtes, et commence 
le propre des Saints, qui comprend 82 feuillets. On y 
voit un grand nombre de figures de saints, dont plu- 
sieurs fort cui'ieuses. Nous citerons saint Etienne, saint 
Martin, sainte Marie-Madeleine, saint Jacques, sainte 
Anne, saint Maurice, saint Michel-Archange, sainte 
Catherine et saint André ; puis vient le commun des 
Apôtres, l'office de la sainte Vierge, la Visitation, la 
Transfigurafion, un saint Sébastien d'un dessin fort 
naïf, et une sainte Barbe. A la suite, se trouvent quel- 
ques offices partrculiers, celui de la Sainte-Larme, les 
prières pour la rémission des péchés, contre la peste, 
pour la paix, pour demander la pluie, pour obtenir le beau 
temps, pour les amis, les voyageurs, etc. 

Enfin, le missel se termine par une épître adressée 
par l'imprimeur aux religieux du monastère; en voici 
le texte et la traducfion aussi exacts que possible : 

« Voici, très religieux pères et frères, notre Missel au- 
jourd'hui imprimé pour la première fois par l'ordre et 
sous les auspices du révérend père en Jésus-Christ et 



— 200 - 

seigneur Antoine de Crevant, notre très digne abbé et 
professeur de tliéologie. On y a apporté beaucoup de 
soin et d'intelligence (ceci dit sans vaine gloire), afin 
que rien ou presque rien ne puisse laisser à désirer, et 
qu'il sorte de la presse épuré et parfait de tous points. 
Car, outre que pour l'orthographe il n'y ait rien que nous 
n'ayons contrôlé (si ce n'est quelques lettres qui au- 
ront échappé ù la vigilance du correcteur), tout a été 
arrangé très convenablement pour la disposition des 
messes ; on a tout fidèlement transcrit selon la véri- 
table leçon des saintes Écritures; enfin, ce n'a pas été 
une entreprise téméraire, mais un travail sincère et sé- 
rieux. Du reste, la plupart des religieux de ce mo- 
nastère le savent bien, car ils n'ont pas été simple- 
ment spectateurs du travail (1), mais ils y ont mis la 
main en préparant le modèle manuscrit, en le comparant 
avec d'anciens missels écrits à la main (2) et avec 

Peroratio 

Hahetis Religiosissimi Patres et fratres imperio atque aus- 
picio Reverendi in Ghristo patris et domini Anthonii a Cre- 
vante, sacri Théologie professoris Abbatis nostri dignissimi 
Missale nostrum nunc primum typis excusum. In quo tanta 
cura et solertia advigilatum est (absit omnis cenodoxia) ut nihil 
aut parum adraodum in eo desyderari possit, quin numeris 
omnibus probatum exeat et absolutissimum. Nam, prêter id 
quod de orthographia'' nihil est quod queramini (nisi forsan 11- 
terei aliquot i (ut fierifsolet) , inter emendandum censoris suffa- 
gerint oculos) Habetis quecumque pro missarum ordinatione 
necessaria sunt, ' concinnata omnia, appositissime Sacram 
scripturam ad veram germanamque lectionem fideliter reduc- 
tatn (ne dicam) restitutam : Ipsamque non lenierario ausu in- 



(1) Ce dire de Jean Rousset a une grande importance pour 
prouver que le missel a été imprime à Vendôme. Lorsque l'im- 
primeur affirme que les Bénédictins ont été spectateurs du tra- 
vail, il ne peut rester aucun doute sur le lieu de l'impression. 

(2) Un graiidinombre de ces missels manuscrits existent en- 
core à la Bibliothèque de Vendôme. 



— 201 — 

une bible récemment et assez heureusement imprimée 
(particulièrement en ce qui concerne les saintes Ecri- 
tures), et awssi en puisant quelques indications dans les 
livres gi*ecs et hébreux. Si donc quelqu'un tombe sur 
un passage où il ne retrouve pas les vieux errements 
des anciens missels, qu'il ne vienne pas crier : Erreur ! 
Errreur ! Mauvais ! Mauvais ! et que, s'armant du scal- 
pel, il n'aille pas gratter nos pages et égorger notre 
texte, mais qu'il les compare avec les vieilles bibles et 
missels de ce monastère qui ont le mieux conservé la 
pureté de la source primitive, et il verra qu'il y avait ici 
autrefois des hommes fort instruits, connaissant le grec 
et l'hébreu. Qu'il les compare de même avec les bibles 
corrigées qui ont paru depuis peu de temps, que, si cela 
ne suffit pas, il consulte, s'il le peut, les vieux manu- 
scrits grecs et hébreux qui aujourd'hui se trouvent entre 
les mains de tout le monde. Et comme nous ne voulons 
pas offrir à la malveillance quelque prise à la chicane, si 
parfois nous avons rencontré une double leçon, l'une et 
l'autre appuyée sur une autorité respectable, nous avons 
introduit dans le contexte celle qui nous a paru la plus 

versam aut rhathymia quadam conspurcatam : sed veram, sin- 
ceram, integram. Id quod probe norunt plerique hujusce ce- 
nobii fratres, qui non spectatores tantum sed adjutatores fue- 
runt, cum adornarentur exemplar: cumque conferrentur ve- 
tusta Missalia manibus descripta (in his prseserdmque ad sa- 
cram scripturam pertinent) cum Bibliis nuperrimè satis félici- 
ter excusis : necnon cum peterentur indicia a Grecis et He- 
braïcis voluminibus. Quare si quis in locum quempiam incide- 
nt, alienum a saliva quam forsitan imbiberit ex bibliis supe- 
rioribus annis vitiatis et corruptis, non statim acclamet: 
menda, menda, vitium, vitium : nec arrepto scalpello erodat 
et jugulet chartas : sed oblatum locum conférât cum vetustis 
Bibliis et missalibus nostris, que maxime redolent nalivum 
fontem ; unde suspicari licet fuisse olim in hoc cenobio viros 
apprime doclos, qui et Grèce et Ilebraïcc scirent. Conférât item 
cum emendatis Bibliis paucis ab hinc diebus excusis. Quod 
si non satis sit, consulat, si potest, Grecos et Hebreos codices, 



— 202 — 

vraie, la plus opportune et la plus généralement reçue. 
Nous avons inscrit l'autre en marge. On y trouvera bien 
des passages qui auraient pu être d'un latin plus correct, 
mais qui ont cependant paru trop en usage dans l'église 
pour qu'il y eût là matière à offenser des oreilles pieuses. 
Du reste, tout le soin de cette œuvre est dû à Frère André 
du Val, grand-prieur de ce monastère. C'est lui qui, il 
y a vingt-deux ans, pendant qu'il remplissait les fonc- 
tions de quatrième prieur, avait fait imprimer, avec le 
même talent, votre bréviaire. Ce livre est désormais la 
règle à laquelle vous devrez ramener tout ce qui pa- 
raîtra s'en éloigner. C'est qu'en effet nous n'avions pas 
alors autant de manuscrits et de caractères. Adieu, ac- 
cueillez avec bienveillance et faveur ce travail, quel qu'il 
soit, prenant tous ensemble en considération les soins 
que nous y avons dépensés et qui l'ont mené jusqu'au 
bout. Fait par Jehan Rousset, de Tours, en 1536. » 



qui hodie nusquam non omnium habentur in manibus. Et 
quum consultum non fuit malevolis ansam calumniandi prœ- 
bere, si quando varia occurrit lectio, utraque tamen, non 
contemnendo fuîta praesidio ; que verior, commodior et recep- 
tior visa est, eam in contextu locavimus : margini ascipsimus 
alteram, Insunt (fateor) loci non pauci^, qui magno latinorum 
consensu potuissent reddi latiniores: verumtamen visi sunt ab 
ecclesia receptiores, quam ut aliquid fieret, quod esset pia- 
rum aurium (ut aiunt) offensivum. Quicquid autem id est 
opère, praestitit vobis frater Andréas du Val major Prior hu- 
jusce cenobii; per queniante annos duos et vigenti, cum fun- 
geretur magistratu quarti Prioris, eadem arte habuistis brevia- 
ria. In quibus que videbuntur ob hoc Missali dissidere, id que 
in sacris potissimum, vestrum erit omnia illa ad regulam hanc 
et amussim reducere. Tune etenim non tôt suppetebant nec 
Codices nec Litere. Valete. El quicquid est in commun em 
gratiam insumpti et exhausti laboris, boni equique consu- 
Mte. 

JOHANNES PiOSSETUS TURONENSIS TyPOGRAPHUS 
EXGUDEBAT. i536. 



* 



— 203 



Quelques années après, Jean Rousset imprimait à 
Tours : * 

Lactance Firmian. De l'œuvrage de Dieu ou de la 
formation de l'homme, traduict de latin par Jean 
Brèche. — A Tours, Jean Rousset, 1544. 1 vol. 
in-16 (1). 

Gain. Vincent. Le convoy de Pallas, déesse de 
science, au roy de France II (2) pour faire son en- 
trée en sa noble ville de Tours. — A Tours. Jean 
Rousset (3). 

Jean Berche:^. Le promptuaire des lois munici- 
pales et coustumes des bailliages séneschaus- 
sées et pais du royaume de France, concordées 
et parangonées aux coustumes du pais et duché 
de Touraine. — A Tours. Jean Rousset, 1553. 
In-8°(4). 

N.B. — En 1677, nous trouvons à Vendôme un im- 
primeur-libraire dont nous n'avonsjamais rencontré les 
œuvres; il se nommait Claude Gryne, et figure comme 
bourgeois de Vendôme dans les assemblées de ville 
(Registres municipaux de la ville de Vendôme, regis- 
tre 2, f° 57 v° ; 29 septembre 1677 . 

On nous signale une Histoire de Provence, en deux 



(1) Bibliotliecaclassica sive Catalogus officinalis, in quo, etc.. 
autliore M. Georgio Draudio. Francoi'iirti, anno M.DCXXV. 
Tome II. Libri gallici^ Theologorum pontificiorum, p. 37. 

(1) Sans doute Henri II, en 1551. 

(3) Bibliotheca classica, etc., authore M. Georgio Draudio. 
Francofurti,. anno MDCXXV, tome II, libi-i gallici, poetici et 
metrici, p. 200. 

(4) Bibliotheca classica, etc.. autliore M. Georgio Draudio. 
Francofurti, anno M.DCXXV. Tome II, libri gallici, juridici, 
p. 54. 



— 204 — 

vol. in-12, qui aurait été imprimée par Sébastien Hyp 
vers 1653, à l'époque où Louis II, cinquième duc de 
Vendôme et fils de César, était gouverneur de Provence. 
Cet ouvrage aurait passé dans une vente faite par Ba- 
chelin-Defiorenne, à la fin de 1872 ou au commencement 
de 1873. Nous n'avons pu en retrouver la trace. 



LES 

ARTISTES DE LOIR-&-CHER 

AU SALON DE 1880 (1) 



Nous n'entreprenons point ici de donner une appré- 
ciation des œuvres de nos compatriotes de Loir-et- 
Cher au dernier Salon. Nous ne les avons pas vues, 
malheureusement, et nous ne sommes point d'ailleurs 
un critique d'art. Nous nous bornons à publier la liste de 
leurs noms et de leurs ouvrages, d'après le catalogue of- 
ficiel, en la faisant suivre de quelques réflexions pour 
lesquelles il n'était point nécessaire d'être artiste. 



I. — PEINTURE 

MM. 

BUSSON (Charles), né à Montoire, élève de MM. Lau- 
nay, Rémond et Français. — Hors concours. 

561. — L abreuvoir du vieux pont de Lavardin. 
H.-l",45. — L.2",10. 

DILIGEON (Charles-Alfred), né à Saint-Georges, 
élève de MM. Morin et Daubigny. 

1197. — Église d'Étretat. 

H. 4"',20. — L. l^.ôO. 

1198. — Falaise du Pollet, à Dieppe. 

H. i",30. — L. 0",95. 

(1) "V. Les Artistes Vcndàmols au Salon de 1878 j par M. de Ro- 
chambeau. Bulletin de notre Société, 1878, p. 208. 

XIX 14 



— 206 - 

FERRY (Jean-Georges), né à Paris, domicilié à La 
Ville-aux-Clercs, élève de MM. Hillemacher et Ca- 
banel. 

1405. — Ufie sérénade espagnole. 

H. 1",20. - L. 0"',78. 

1406. — Double attrait! souvenir du bon vieux temps. 

H. 0™,38. — L. 0"',24. 

FORGET (M"« Marie-Thèrèse), née à Blois, élève de 
MM. Carolus Duran et Henner. 

1465. — Portrait de Af"^^ P. 

H. 1™,19. — L.0'",73. 

1466. — Portrait de M''" O. L. 

H.0"',41. — L. 0",32. 

GRILLON (Albert-Fulgence), né à Blois. 

1701. — Trois études. 

H.0",30. — L. 0^65. '^ 

LE NAIL (Marie-Ernest-Joseph), né à Blois, élève 
de Corot. 

.2281. — La fin dune chasse au chevreuil. 
H.0",86. — L. 1°',20. 

MAIGREAU (M™*^ Gabrielle), née à Blois, élève de 
M. Mura ton. 

2419. — Après le lunch.. 

H. 1",25. — L. 1",80. 

MARCEUIL (Marie-Louis), né à Blois, élève de M. Ed. 
Gotorbe. 

2461. — Nature morte. 

H.0",46. — L.0",55. 

PICHOT (Emile -Jules), né à La Chapelle- Vendô- 
moise, élève de M. Cabanel et J. Bertrand (1). 

(1) V. sur cet artiste le Bulletin de notre Société, 1879, p. 355. 



- 207 - 

3012. — Idylle. 

H. 4'",28. — L. 1",65. 

3013. — Portrait de la petite Jane L. 

H. 0",55. — L. 0",46. 

PITARD (Ferdinand), né à Mondoubleau, élève de 
MM. Lobiii et A. Deschamps. 

3052. — Portrait de la petite Juliette. 
H. 0",46. — L.0",38. 

PORNIN (Charles-Alexandre-Jules), né à Vendôme, 
élève de MM. Feulard etLhuillier. 

3083. — Un coin de la ferme de M. le Maire, à Fon- 
taine-la- Mallet (Seine-Inférieure). 

H. 1",60.— L.2". 

3084. — L'enclos des douaniers à S^^-Adresse (Seine- 
Inférieure). 

H. O-^.OO. — L. 1"',25 

RENOUARD (Antony-Eugène), né à Cour-Cheverny, 
élève d'Horace Vernet et de M. Barrias. 

3197. — Petit benedicite. 

H. 0^,d'o. — L. l-^^O. 

RENOUARD (Paul), né à Cour-Cheverny, élève de 
Pils. 

3198. — La laitière. 

H.2",10. -L.IVO. 

RIBBROL (Hippolyte), néàBlois, élève de Couture. 

3216. — Le moulin de Béchets, environs d'Orléans. 

H. 0",90. — L.0^62, 

3217. — Vue de Grey (Seine-et-Marne). 

H. 0",90. — L. 0™,62. 

SAUVAGE (Henri), né à Blois, élève de M. Bonnat et 
de F. Humbert. 

3437. — Mort de Lycoris. 



- 208 — 

Des bergers, un matin, la trouvent morte sur le tombeau 
de son amant le poète Gallus. 
H. S^OS. — L. 2",05. 



II: — DESSINS, AQUARELLES, MINIATURES, 

faïences, etc. 

BESNARD (Ulysse-Jean-Jude), né à Blois, élève de 
M. Chavet. 

4124. — Charles-Quint à Insprûck(i 552) ; — faïence. 

BURAT {W^ Fanny), née à Blois, élève de M. Ja- 
cobber. 

4281. — Roses ; — aquarelle. 

4282. — Roses de Noël ; — aquarelle. 

CROSSON (M""^ Esther), née à Vendômq, élève de 
]yjmes Leguay et Villeneuve et de M. P. Flandrin. 

4464. — Portraits de M^^ la comtesse de M... et de sa 
famille ; — de M"^^ la marquise de... ; — de M*** ; 
et deM^^" F. D. ; — miniaiures. 

GENOUILLE (M''« Noémi), née à Vendôme, élève de 
MM. Chaillard et Chaplin. 

4815. — Parc de Tavers (1). 

LAF ARGUE (Arsène-Pierre), né à Blois, élève de 
MM. de la Morandière et Coquart. 

5064. — Les Roches-Noires ^ à Trouville. 

5065. — Les bords de la Loire, à Blois. 

MALHERBE (Mn^« Pauline), née à Blois. 

5309. — Les petites paresseuses ; — fusain. 

5310. — La petite tnoissonneuse. 



(1) Le procédé artistique n'est pas indiqué, non plus que pour 
plusieurs N" à la suite. 



— 209 — 

MASSÉ (Pierre-Auguste), né à Blois, élève de MM. 
Lehmann et Lecomte-du-Nouy. 

5360. — Jaana ; — fantaisie. 

QUEYROY (Louis-Armand), né à Vendôme. 

5665. — Intérieur de la cathédrale^ à Moulins ; 
aquarelle. 

5666. — Che:2 un amateur ; — aquarelle. 

RENOUARD (Paul). — (V. à la Peinture.) 

5705. — Dames artistes (N° 1) : 

Premiers éléments ; — A Watteau ; — Dernière touche, 
etc., etc. En tout 43 sujets. (V. le Catalogue.) 

5706. — Dames artistes ( N° 2) : 

A l'amateur; — A Fragonard; — M"' ***, etc., etc. En 
tout 12 sujets. (V. le Catalogue.) 

THIBAULT (Adrien), né à Villebarou. 
5892. — Portrait d'enfant ; — faïence. 

III.— SCULPTURE, GRAVURE EN MÉDAILLES, 

GRAVURE. 

LOISON (Pierre), né à Mer, élève de David d'An- 
gers. — Hors concours. 

6493. — Bas-reliefs pour le tombeau de la famille 
H auto y. 

H. 2^60. — L. l'",50. 

6494. — Portrait de M. Hème ; — buste, marbre. 

DUPUIS (Daniel), né à Blois, élève de Farochon et 
de M. Cavelier. — Hors concours. 

6751. — Cadre de douze médaillons, bronze: 

La Postérité couronne le Génie des Arts (commande de 
l'Etat);— Union do la ville de Paris et de la République sur 
l'autel de la Patrie (Projet primé); etc., etc (V. le Cata- 
logue.) — H. O^jTS. — L. l-'.lb. 



— 210 — 

6752. — Cadre de douze médaillons ; bronze : 

Le Génie de l'Architecture présente le plan de l'église 
Saint-Joseph à la ville de Paris (Commandé par la Ville) , 
— Intérieur de l'église; etc., etc. (V. le Catalogue.) 
H.0",75. — L. 1", 15. 

QUEYROY (Louis-Armand).— V. aux Dessins, Aqua- 
relles, etc. 

7136. Deux gravures : 

Paysans du Bourbonnais (Eaux-fortes). 

RENOUARD (Paul). — V. à la Peinture et aux 
Dessins, etc. 

7144. — Trois gravures : 
Opéra. 

En somme, 26 noms, dont 13 appartiennent à Blois et 
4 à Vendôme (1), et 42 ouvrages dans presc|\ie toutes les 
branches de l'art, telle est la part de notre départe- 
ment à l'Exposition de 1880. Certes c'est peu, si l'on 
songe aux 7289 N°' du catalogue et à la multitude des 
artistes ; mais il convient d'abord de considérer le 
chiffre de la population, si l'on veut établir une pro- 
portion équitable. Or notre département est l'un des 
moins peuplés de France; il l'est moins qu'aucun des 
six qui l'entourent, et de plus il ne possède pas une 
grande ville, avantage si important dans la question 
qui nous occupe. Néanmoins, si chaque département 
voulait faire comme nous son examen de conscience, on 
verrait que nous ne sommes pas des derniers, et que 
nous tenons même, proportion gardée, un rang assez 
honorable. 

11 serait bien désirable, en effet, qu'une pareille sta- 



(1) Il manquait cette année ;i l'Exposition deux noms vendô- 
mois (jui y figuraient en 1878 : M"° Bei-thc d'Aguilaret M. Aimé 
Irvoy, l'auteur de notre statue de Ronsard et de la Sentinelle 
gauloise. 



— 211 — 

tistique fût faite par toute la France, ou plutôt qu'elle se 
fît au Ministère des Beaux-Arts. On ne saura jamais 
assez quell^ lumière est la statistique; elle devrait être 
la base de toute administration. — En 1875, M. E. Cor- 
tambert publia dans le Bulletin de la Société de Géo- 
graphie, N° d'août, un article intitulé: Densité des for- 
ces intellectuelles des diverses parties de la France. 
— Distribution géographique des personnages cé- 
lèbres. L'article était accompagné d'une carte plus ou 
moins teintée; « les teintes les plus foncées indiquant 
les parties les plus fécondes en célébrités ; on arrivait 
ainsi à des espaces presque blancs pour les pays les 
moins riches. » Ce travail, aussi curieux qu'instructif, 
ne comprenait pas néanmoins les artistes. Nous vou- 
drions qu'un travail analogue et tout spécial vînt com- 
bler cette lacune. On reprendrait les relevés à dix années 
en arrière, et on les continuerait tous les ans. On ver- 
rait ainsi, par des chiffres, quelles parties de la France 
produisent le plus d'artistes. Paris serait mis hors 
concours, comme on dit aux Beaux-Arts, et même après 
lui, les quatre grandes villes : Lyon, Marseille, Bor- 
deaux et Toulouse, qui seraient comparées entre elles. 
De pareils résultats n'iraient point seulement à satis- 
faire une vaine curiosité. Les régions qui seraient le 
moins favorisées, voyant leur infériorité mise au jour, 
rivaliseraient sans doute pour se relever. 

En attendant, nous avons fait une légère ébauche de 
ce travail sur la sculpture de la dernière Exposition, et 
voici ce qu'il nous a révélé : 

Nombre total des sculpteurs, 522 

Sculpteurs des départements 288 

— nés à Paris 142 

(Environ moitié.) 

Sculpteurs étrangers 90 

Lieux de naissance non indiqués .... 2 

522 

On nous dira peut-être que ce n'est point le lieu de 



- 212 - 

naissance qui fait l'artiste, que c'est l'éducation, le mi- 
lieu où il est plongé, et bien d'autres influences indéfi- 
nissables ; que les sculpteurs, par exemple, ont beau 
être nés dans les départements, tous ou presque tous 
ont reçu leur éducation artistique à Paris, et sont par là 
enfants de Paris. — Jusqu'à un certain point, répon- 
drons-nous ; Paris les développe, il ne les crée pas. Il 
est le terrain généreux qui fait germer la semence qu'on 
lui confie, il la fait croître et s'épanouir ; souvent il ré- 
vèle à lui-môme un génie qui s'ignore, mais la semence 
avait en elle-même la force cachée qui la disposait à de- 
venir ce qu'elle est devenue, A quoi tient cette vertu 
originelle, cette donnée première de la nature?.... Ici 
nous entrons dans les mystères de la génération, de la 
physiologie et de toutes les influences du monde ex- 
térieur. Voilà pourquoi il est légitime de tenir compte 
du climat et du lieu de naissance. Mais bornons ici ces 
réflexions peut-être un peu trop ambitieuse^ ; que le lec- 
teur nous les pardonne en faveur du motif qui nous in- 
spire, — l'amour de la vérité et le désir de voir une des 
plus belles gloires de la France, celle de l'Art, éclairée 
d'une plus vive lumière. 



Ch. Bouchet. 



2Q septembre 1880. 



* 



RIMES DÉTACHÉES 

Par M. R. de la Hautière. 



A M. Ch. Ghautard. 



RONDEAU. 



De Catulle et d'Horace aimable traducteur, 
Vous dont le vers facile, avec chaque lecteur, 
Gomme le vers d'Horace et badine et converse, 
Aimez ces beaux esprits, vivez dans leur commerce, 
Qui vous reporte, hélas ! vers un siècle meilleur ! 

Aux chants doux et polis notre âge tient rigueur ; 
Hors vous, qui prend souci, dans cet âge en rumeur, 
Des maîtres sur lesquels votre lyre s'exerce, 
De Catulle et d'Horace ? 

Ce qui plaît aujourd'hui, c'est le mètre insulteur 
D'Archiloque, l'iambe imprimant la rougeur ; 
C'est le vers âpre et dur de Juvénal, de Perse ! 
Au poète indigné d'une époque perverse, 
Allez donc demander l'élégante douceur 
De Catulle et d'Horace ! 



— 214 — 



A M'nc Bonnard 

(Mlle Demerson, Sociétaire retraitée du Théâtre-Français)i 

qui avait lu^ dans un salon, 

des vers de M. de La Hautière. 

Dorino, Marton ou Lisette, 
D'Angélique ou d'Agnès agaçante soubrette, 

Incomparable Demerson ! 
Vous qui, dans tout l'éclat d'une gloire vivante, 
De Regnard, de Molière avez fui la maison 
Pour venir humblement, en chrétienne fervente. 
Des pauvres, à Villiers, vous faire la servante ! 
Vous daignâtes, un soir, à mes vers imparfaits 
Accorder le secours de votre voix puissante, 
De cette diction pure, nette, émou"vante. 
Qui transportait jadis le peuple des Erançais, 
Par vous ces vers ont plu ; le succès m'encourage 
A vous les dédier ; j'ose trop, j'en ai peur î 
Mais quoi ! l'objet créé se doit à son aaiterr : 
Vous les avez fait vivre, acceptez-en l'hommage. 

Juillet 1839. 



SONNET 
d'un vieil Avocat à sa Robe & à son Bonnet. 

Cher petit bonnet d'avocat, 
Et toi, robe d'un noir sévère 
D'où se détache un blanc raibgtt 
Bien plissé par ma ménagère! 

Quarante ans, sans beaucoup d'éclat. 
Mais dans une obscurité fière. 
Je vous portai, comme un soldat 
Porte son armure guerrière. 



• 



— 215 — 

Avec courage et dignité, 
Pour le droit et pour l'équité 
Toujours prêt à rompre une lance. 

Vous ne mîtes, dans ma maison, 
Ni bien, ni chevance à foison ; 
Mais j'eus par vous l'indépendance ! 



Sur le portrait d'un jeune garçon 
er\ costurr\e de marir\. 

Beau petit rieur, quel doux songe 
Amuse ton esprit distrait? 
Dans l'azur vague ton œil plonge 
Et suit quelque invisible attrait.... 

Derrière toi la mer profonde 
Soulève ton fragile esquif ; 
Le flot t'appelle, écume, gronde, 
Et toi, tu l'écoutés, pensif! 

Crois- tu que ce soit une fête, 
Ce voyage tant espéré : 
Voguer dans l'ombre et la tempête 
Vers un but de tous ignoré I... 



Envoi à MU" Mallierbe (M^e Tippel), 
artiste-peintre à Blois. 

Ton pinceau chaste et sympathique, 
Peintre ! nous fait aussi rêver, 
Et, sous la forme symbolique, 
Cherche l'àme et sait la trouver ! 



216 — 



Dédicace à mes enfants 

cL'ur\ Recueil 

qui ne paraîtra jamais et qui serait intitulé : 

PETITES FLEURS. 

RONDEAU. 

Ces petites fleurs, ces fleurs de ma vie^ 
Sont pour vous, enfants, je vous les dédie ! 
Partout, sur ma route^ à la ville, aux champs. 
Au creux des vallons, sur les monts géants, 
La modeste gerbe en fut recueillie. 

Chacune a sa date, et, fraîche ou flétrie. 
Rappelle un élan, une sympathie, 
Une joie, un deuil, vrais témoins parlants, 
Ces petites fleurs ! 

Plus de fleurs pour moi, — soixante-sept ans ! 
Ma course en ce monde est bientôt finie ! 
vous, de mon cœur guirlande bénie. 
Quand j'aurai quitté le sol des vivants, 
Comme souvenir, gardez, chers enfants, 
Ces petites fleurs ! 

1880. 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils. 



EXTRAITS 

DES 

RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de 1 fr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 




BULLF 



• 





S^ 



^^V^^^^ 1.ITTÉRAIRE 



v-^ 


4e 




►MO 




TOME XIX 
TRIMESTRE 1880 



SOMMAIRE : 

Liste dos membres présents Page 

Liste des membres admis depuis la séance 
du 8 juillet 1880 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 8 juillet 1880 . . . 

Renouvellement du Bureau pour 1881. . . . 

ÇfKronique 

Notes sûr l'Hiçer 1879-1880 (1" partie), par 
M. Nouel . ' 

Notice sur la découverte d'une Sépulture gallo- 
romaine à F osse-Darde, par M. G. Launay. 

Compte de la Recette de Vendôme pour l'an- 

"^nèe 1583, par M. Joseph Tliillier (Notes). . 

Essais sur l'origine des noms locaux dans la 
Touraine et le Vendômois, par M. de Cliaban. 



217 

218 

218 
223 



22(i 
24C 



25Ô 



273 




VENDOME 

Typographie Lemercier & Fils 

i88o 




C^^K 



SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



19« ANNÉE — 4« TRIMESTRE 



OCTOBRE 1880 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 14 octobre 
1880, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau : 

MM.de Sachy, président; G. Launay, vice-président; Sou- 
dée, secrétaire ; G. de Trémault, trésorier; Nouel, bibliothé- 
caire-archiviste; L. Martellière, conservateur; de Maricourt. 
membre ; Ch. Bouchet, bibliothécaire honoraire ; 

Et MM. l'abbé C Bourgogne; l'abbé L.Bourgogne; Louis 
Buffereau ; de Chaban ; Chanteaud ; Charron ; Démanche 
père ; Georges Démanche ; Duvau ; Hème ; de La Serre ; G. de 
Lavau ; A. de Lavau ; P. Lemercier ; Malardier; Mayer ; 

XIX 15 



- 218 — 

Proust; l'abbé Renou; Emilien Renou; Rigollot; l'abbé Rou- 
let; Thillier père; R. de Saint- Venant. 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

Un nouveau membre s'est fait inscrire depuis la dernière 
séance; M. Victor Bergeot, directeur de l'usine à gaz. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 
depuis la séance du 8 juillet 1880 

I. — ART & ANTIQUITÉS 

Nous AVONS reçu: 

De M. Gaston de Lavau, au château de Moncé : 

Une série nombreuse d'OBJETS en terre, bronze, fer, etc., dé- 
couverts dans une sépulture gallo-romaine à Fosse -Darde 
(commune de Saint-Firmin). Nous n'entrerons pas dans le détail 
de cette intéressante trouvaille ; on enverra la description com- 
plète et raisonnée dans le travail que notre collègue M. Launay 
s'est chargé de faire sur ce sujet. 

De M. A. QuEYROY, conservateur du Musée, à Moulins : 
Une BAGUE EN ARGENT, avec chaton ciselé et doré, 
trouvée à Vendôme dans les terrains de l'ancien cimetière (xv* 
siècle). 

De M. Pierre Mahoudeau : 
Deux fragments de PAVAGE, sorte de mosaïque grossière, 
composée de petits cubes de pierre blanche, d'un centimètre de 
côté, fixés dans le ciment; 



* 



^ 219 — 

Une grande BRIQUE carrée, dans le genre de celles em- 
ployées poi^r la construction des hypocaustes ; 

Un MORCEAU DE DALLAGE en pierre de liais ; 
Et quelques autres fragments d'un moindre intérêt. 

Ces divers objets, d'origine gallo-romaine, proviennent de 
fouilles faites à Pezou par le donateur. 

IT. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. DuvAU, juge de paix à Vendôme: 

Une pièce en cuivre de Philippe iv, roi d'Espagne (1656), en 
très mauvais état ; 

Une pièce de l'évéché de Liège (1751) ; 

Un denier tournois de la principauté d'Arches, au nom de 
Charles ii de Nevers, duc de Gonzague-Mantoue (1654). 

Du MÊME, par un autre don: 
Une médaille en bronze, gravée par Gayrard, et frappée par les 
soins de M. de Puymaurin, en l'honneur du duc de Berry, assas- 
siné le 11 février 1820. — Bel état de conservation. 

Une autre médaille plus petite, frappée à l'occasion du mariage 
du duc de Brabant, fils du roi Léopold i" (21-22 août 1853). 

Un jeton aux armes de France. Femme assise, tenant de la 
main droite un rameau d'olivier, de la gauche des balances. — 
JVSTITIA ET PAX OSCVLATAE St. Sans date, xvii" siècle. 

Un jeton de Louis xiv. Soleil éclairant le globe: NEC PLU- 
RIBVS IMPAR. 1664. 

De M. Latouche, jardinier à Vendôme : 

Une bulle en plomb du pape Eugène iv (1431-1447), portant 
au revers les tètes de saint Pierre et saint Paul, bien conservée. 
— Trouvée à Vendôme. 

Une petite obole ou maille du xv" siècle, assez difficile à dé- 
terminer, à cause de sa mauvaise conservation. Malgré l'appa- 
rence, ce n'est certainement pas une monnaie royale. Nous y 
lisons Johannes ou Johcinna autour d'une llcur de lys duis un 
cercle trilobé ; le reste de l.'i légende est rongé. — R. : Croix 



— 220 — 

pattée, Moneta nova....'? Nous attendons qu'une nouvelle trou- 
vaille ou quelque officieuse communication nous apporte la so- 
lution de ce petit problème. 

L. M. 



III. —BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

Les Fouilles de Trugnrj (Aisne). 4869. Envoi de M. F. Moreau. 
— 8 magnifiques planches en chromolithographie, accompagnées 
d'un cahier de texte. 

Application de la tJiéorie des sinus des ordres supérieurs à l'in- 
tégration des équations linéaires, par M. Yvon-Villarceau. — Ex- 
trait des Mémoires de la Société des ingénieurs civils. Juillet 
1880. Hommage de l'auteur. 

Peinture sur verre. Décoration des châteaux, villas, etc. Di- 
recteur : M. Hucher, au Mans. — Prospectus. 

Discours prononcé à la distribution des prix du collège Sadiki, 
à Tunis, le 22 juillet dernier, par M. Nonce Rocca, notre collègue, 
membre de la Commission financière de Tunis. — Renseigne- 
ments curieux, idées élevées, 

IL— Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 

Journal des Savants (Suite). 
Romania. Avril 1880. 

Revue des Sociétés savantes des départements. Septième série, 
Tome II, 3° livraison. 

Rapport sur l'activité de la Commission impériale archéolo- 
gique pour l'atméo 1877. Saint-Pétersbourg. 1879. 

III. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues,— 
Dons et échanges: 

Mémoires de la Société Académique de Maine-et-Loire Tome 
XXXV. Sciences, Angers. 1880. 

Bulletin de la Société PoUjmathique du Morbihan. Année 
1878 et année 1879. 



- 221 — 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles- 
Lettres de Toulouse. Huitième série, tome ii, 1" semestre 1880. 

Table aplhabétique des Matières contenues dans les dix vo- 
lumes de Pa septième série des Mémoires de l'Académie des 
Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, suivie de la 
Table générale des auteurs. 1880. 

Reoue Historique et Archéologique du Maine. Tome viii, 1880, 
1" semestre. 

Mémoires de l'Académie de Nimes. vii° série, tome i, année 
1880. 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome vi, 1" fasci- 
cule, 1880. 

Bulletin de la Société d'Émulation du département de l'Al- 
lier. Tome xvï, 1" livraison, 1880. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limou- 
sin. Tome XXVII, 1879. 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. 1880. 

Bulletin de la- Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Août 
1880. Procès-verbaux. 

IV. — Abonnements : 

Polybiblion (Suite). 
Bulletin monumental (Suite). 



IV. — HISTOIRE NATURELLE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. DuNOYER, juge à Vendôme : 

Un lot de FOSSILES, trouvés dans la tranchée faite par les 
travaux du chemin de fer à la Crépi neric, commune de Coulom- 
miers. Ce lot comprend: un ostrea carinata f un pecten, 2 téré- 
bratules ; une petite vertèbre en forme de poulie, qui a dû ap- 
partenir soit à un poisson, soit à un saurieii, et deux dents coni- 



009 

ques, creuses à l'intérieur, qui ont dû appartenir à une espèce de 
saurien de grande dimension. 

La couche où ces fossiles intéressants ont été rencontrés appar- 
tient au terrain^crétacé. 

De M. DE Sachy, président de la Société: 

Un magnifique échantillon de GUI DE CHENE, tenant à la 
branche nourricière. C'est un individu femelle portant des fruits. 
Ce rare et curieux spécimen, qui évoque des souvenirs druidi- 
ques, a été rencontré par M. de Sachy à la Rondelière, pro- 
priété de M. de Bodard, commune de Lisle. 

E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. ^ 



— 22S - 



• 



RenouYellement du Bureau pour 1881 



Le Président rappelle à la Société qu'il y a lieu de procéder ù 
l'élection de quatre membres du Bureau, en remplacement de 
MM. Nouel (rééligible), L. Martellière (rééligible), G. Launay et 
l'abbé de Préville, dont les fonctions expirent le l^janvier 1881. 

32 membres présents prennent part au vote. 

Le dépouillement du scrutin donne le résultat suivant: 
MM. Nouel (26 voix). 

L. Martellière {2ij voix), 
l'abbé C Bourgogne (21 voix), 
de Bodard (18 voix). 

Ces Messieurs sont élus membres du Bureau pour trois ans à 
partir du 1" janvier 1881. 



CHRONIQUE 



A l'occasion de l'Inventaire des richesses d'art de la France, 
le Bureau de la Société Archéologique fut informé que l'église de 
Danzé possédait d'anciennes tapisseries très intéressantes pour 
le pays. Elles provenaient, disait-on, de l'ancienne abbaye de la 
Trinité, et représentaient l'histoire et les miracles de la Sainte- 
Larme. Dans sa séance du 13 mai 1880, le Bureau chargea deux 
de ses membres, MM. G. Launay et L. Martellière, d'examiner 
les tapisseries en question, avec mission, s'il y avait lieu, d'en 
proposer l'échange ou l'acquisition. 

Ces deux Messieurs se rendirent à Danzé, en Compagnie de 
leur collègue M. Bouchet, et du rapport qu'ils présentèrent au 
Bureau à la suite de leur excursion, nous extrayons les passages 
suivants : 

« Nous vîmes un morceau de tapisserie d'environ 3 mètres de 
largeur actuelle, mais dont il est impossible de préciser les di- 
mensions anciennes. L'usure générale et les tentatives de rac- 
commodage empêchent également de reconnaître quel pouvait en 
être le sujet. Le milieu de la composition est occupé par une 
sorte d'autel ou de tombeau, décoré de colonnettes et d'écussons, 
où nous avons distingué les armes de France et de Suède ; au 
devant est un personnage à genoux; derrière apparaissent plu- 
sieurs figures debout. De chaque côté sont groupés d'autres gens, 
vêtus de grandes robes artistement drapées. Le style général des 
figures et du costume, ainsi que quelques traces d'inscriptions, 
nous paraissent indiquer la fin du xv' siècle ou les premières an- 
nées du XVI'. 

« Un autre morceau, à peu près de même dimension que le 
précédent et ayant, de plus, conservé quelques parties de sa bor- 
dure, semble représenter u n palais avec colonnades et portiques, 
dans le goût italien de la Renaissance. De nombreuses figures 
s'y dessinent encore, mais on ne reconnaît à peu près distincte- 
ment qu'un personnage assis tenant une quenouille et un fu- 
seau. 



- 22b - 

« De cette tapisserie, comme de la précédente, il ne reste pour 
ainsi dire que des lambeaux ; elles conservent pourtant un 
grand caractère, et ce qui reste suffit pour faire juger de ce qu'el- 
les ont éfé. De l'aveu de M. le curé Guillebaud lui-même, que 
nous remercions ici de sa complaisance et de sa bonne récep- 
tion, elles proviennent de l'ancienne abbaye de la Trinité. A 
cause de cette origine, ainsi qu'en raison de leur mérite artis- 
tique, elles auraient été pour notre Musée du plus haut intérêt, 
et il est profondément regrettable de les voir tombées dans un 
pareil état de délabrement. 

« Nous passons sous silence quelques autres morceaux plus 
petits, restes de tapisseries de même provenance, où, pas plus 
que dans les premières, nous n'avons rien vu de relatif au culte 
de la Sainte-Larme. Nous ne parlons pas non plus d'une assez 
médiocre tapisserie du xvii* siècle, représentant l'une des ba- 
tailles de Constantin, d'après Lebrun. C'est un don particulière- 
ment fait au curé, sans intérêt à notre point de vue. 

« Quelque vifs qu'aient pu être nos regrets, nous avons été una- 
nimement d'avis qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à la né- 
gociation projetée. Quand même un habile restalirateur par- 
viendrait à tirer de ces débris un parti satisfaisant, cette opéra- 
tion nous rendrait-elle réellement les vieilles tentures abbatia- 
les ? Nos modestes ressources ne nous permettent pas, d'ail- 
leurs, de songer à une semblable tentative. » 

Toutes négatives que soient les conclusions de ce rapport, 
elles prouvent le zèle de notre Société pour tout ce qui touche à 
notre vieux Vendôme' et ses efforts pour conserver les monu- 
ments qui s'y rattachent. 



NOTE 



SUR 



L'HIVER 1879- 1880 

Par M. NouEL, 
Professeur de Physique au Lycée de Vendôme. 

1" Partie (*) 



A la séance publique du mois de juillet 1874^ j'ai donné 
communication d'un travail sur le grand hiver de 1709 
et sur ses effets dans nos pays. Le document principal 
dont je me suis servi était une note manuscrite sur cet 
hiver, qui se trouve à la fin du registre de la paroisse 
de Saint-Bienheuré de Vendôme pour 1709. Cette note 
se terminait ainsi : « Laquelle relation a été laissée 
pour instruire le temps à venir de ce qui s'est passé à 
cet égard, par nous curé de céans soussigné. Maignan, 
curé. » 

C'est pour obéir à un sentiment semblable, qui nous 
porte à vouloir transmettre à nos descendants (nos ne- 
veux, comme disent les poètes) le souvenir des grands 
événements dont nous avons été les témoins, senti- 
ment honorable et élevé que j'ai retrouvé dans toutes les 
classes de la société, et pour correspondre au désir 
d'un grand nombre de personnes, que j'ai entrepris de 



(*) Cette note a été communiquée ù la séance publique de la 
Société Archéologique du 8 juillet 1880. 



— 221 — 

mettre au net, poLir le Bulletin de la Société Archéolo- 
gique du Vendômois, les notes et les renseignements 
que j'ai Réunis sur l'hiver mémorable que nous venons 
de traverser. 

Je rappelle d'abord que l'hiver des météorologistes 
comprend les trois mois les plus froids de l'année, sa- 
voir : décembre, janvier et février, de sorte que nous 
rapporterons à l'hiver 1880 les froids terribles du mois 
de décembre 1879. 

M. E. Renou ayant tracé devant vous à grands traits 
et d'une main magistrale l'histoire de ce grand hiver 
pour toute l'Europe (1), je localiserai mon travail au 
Vendômois. 

Ce travail sera divisé en deux parties : 

I. Description de l'hiver dans notre région ; 

II. Ses effets sur les animaux et les végétaux. 



PREMIERE PARTIE 

Description de l'Hiver 1880 daus le Vendômois 

Cet hiver a présenté trois périodes bien distinctes : 

1° Décembre 1879, qui a été le mois le plus froid en- 
registré jusqu'à présent. Sa moyenne a été — 7^ à mon 
observatoire à Vendôme (2), et a dû atteindre —8° au 



(1) Séance du 15 avril 1880. V. le présent volume, p. 131. 

(2) L'abri de mes thermomètres est placé dans un grand jar- 
din, près de la place de la Madeleine; ce jardin, ouvert du côté 
du sud, est garanti des trois autres côtés par des bâtiments ; on 
conçoit que, dans ces conditions, la température doive y être 
plus élevée qu'à la campagne. 

Je rappellerai que le signe - (moinsj, placé devant un chil'iVe 
de température, signifie que cette température est au-dessous de 
0% c'est-à-dire correspond à la gelée. Le signe + (plu^) exprime 
que la température est afi-(le-^s{(^ dcO". 



— 22S — 

moins en rase campagne, dans la vallée du Loir notam- 
ment, 

2° Janvier 1880. Après un court dégel, le froid a re- 
pris, beaucoup moins intense, il est vrai, mais presque 
sans interruption, pendant le mois de janvier, dont la 
moyenne a été, au même observatoire, — 0°,6. 

3° Février. Le dégel a pris enfin au 6 février, et ce 
mois a été très beau. Sa moyenne a été de -|- 6° (1). 

La moyenne des trois mois d'hiver a été, à Ven- 
dôme, — b°,67. C'est l'hiver le plus froid depuis 1830. 
La moyenne de l'hiver 1830 a été — 1°,6 à l'Observa- 
toire de Paris, et reste la plus basse du siècle. 

On jugerait mal d'un hiver si l'on n'en connaissait 
■que la moyenne ; il faut surtout connaître les extrêmes 
de température, qui en caractérisent ce qu'on pourrait 
appeler Vintensité. Ainsi le minimum de température 
constaté a l'Observatoire de Paris, en 1830, a été de 
— 17°; tandis que cet hiver il a atteint — 2^°, c'est-à- 
dire 5° plus bas. Il en est résulté que l'hiver 1830, 
quoique plus froid en moyenne que celui de 1880, n'a 
pas eu à beaucoup près les effets désastreux de celui- 
ci. Tel arbre, en effet, qui ne souffre pas jusqu'à — 20°, 
périt radicalement à — 25°. 

Or, ce qui caractérise l'hiver dernier, ce sont précisé- 
ment les températures extrêmes observées en décem- 
bre 1879. 

Je passe maintenant à la description détaillée des 
phases du grand hiver à Vendôme (2). 

Décembre 1879. 
Le froid a commencé dès la fin de novembre. Depuis 

(1) La moyenne habituelle de lévrier, dans la ville de Ven- 
dôme, d'après vingt ans d'observations de M. G. Boutrais, est 
de 4%7. 

(2) Voir à la suite de ce travail une note (A) sur la manière 
d'observer les températures. 



-. 229 — 

le 26 novembre au matin jusqu'au 28 décembre, à 1 heure 
de l'aprçs-midi, il a gelé sans interruption, c'est-à-dire 
pendant plus de 32 jours. 

Le 28 novembre, j'observais déjà — 7°, 3, chiffre le 
plus bas connu pour novembre, à Vendôme, depuis 
1852, époque oi^i l'on y observe. C'était un premier aver- 
tissement. 

Dans la nuit du 3 au 4 décembre, tempête de neige 
qui couvrit le sol d'une couche inégale de0'",20 d'épais- 
seur en moyenne; le 4, pluie de verglas, qui recouvrit 
cette neige d'une croûte de glace blanche. Le baromètre 
était descendu successivement jusqu'à 726""", 7^ chiffre 
lu le 4, à 10 heures du soir (1). 

Pendant la nuit du 4 au 5, nouvelle chute de neige, 
encore plus considérable que la précédente, et dont j'ai 
évalué l'épaisseur à 0'",25. En tout, 0'",45 de neige en 
deux couches séparées par une couche de verglas. J'ai 
estimé à 60 millimètres la quantité d'eau résultant de la 
fonte de toute cette glace tombée en 30 heures. 

On peut dire que le grand hiver date de cette neige ; 
les grands froids vont prendre presque aussitôt. 

Le 7, au matin, le minimum est de — 16°, 8, un des 
plus bas connus à Vendôme jusqu'alors (2). Un ther- 
momètre minima, placé à la surface de la neige, dans 
l'endroit le moins garanti de mon jardin, avait atteint 
— 25°, 6, ce qui constitne un écart de près de 9°, chiffre 
bien remarquable déjà (3). Le 7 au soir, à 10 heures, je 
lisaisdéjà — 17°,1 ; le minimum a été de — 19°, 2 vers 



(1) C'est un des chiffres les plus bas observés à Vendôme. 

(2) 11 faudra se rappeler que — 15° est déjà un très grand tVoid 
pour nos pays. 

(3) Un thermomètre placé sur le sol, dans un endroit dr'cou- 
vert, marque toujours, lors(iue le ciel est pur, plusieurs degrés 
plus bas qu'un thermomètre al)rité à 2 mètres et demi au-dessus 
du sol. Cet écart, dû au rayonnement nocturne, atteint en 
moyenne \ à 5°. 



— 230 — 

minuit, puis le ciel s'est couvert et le thermomètre a re- 
monté. 

Le 9 décembre, au matin, par un ciel d'une clarté par- 
faite, vent N.-E. nul, le minimum a atteint — 17°, 7 (1). 
La journée fut véritablement une journée de Sibérie : 
temps calme, soleil vif, air sec. Lemnximum de tempé- 
rature ne fut que — 9°, 2, chiffre très rare. Le soir, à 
9 h. 45, je lisais déjà — 18°, 4 (thermomètre abrité) et 

— 25°, 8 sur la neige. Il fallait évidemment s'attendre à 
quelque chose de tout à fait exceptionnel. Aussi, cène 
fut pas sans une véritable émotion que le 10 au matin, 
à 7 heures et quart, je me rendis à mon petit observa- 
toire, sentant ma respiration se geler à l'entrée de mes 
narines. Je lus au thermomètre à mercure — 23°, 2. Le 
thermomètre minima corrigé me donna — 24°, 25, et le 
thermomètre sur la neige — 29°. On n'oubliera pas que 
ces chiffres sont lus dans un jardin garanti ,de divers 
côtés. 

J'estime que ce grand minimum a dû avoir lieu ici 
vers 6 heures du matin. Aussitôt le thermomètre re- 
monta rapidement, puisqu'il ne marquait plus que 

— 8°, 3 vers 2 heures de l'après-midi, et — 7°, 5 le soir, 
à 7 heures. 

C'était donc comme une coulée de froid polaire déta- 
chée des régions glaciales du N.-E., et qui est venu tra- 
verser nos régions en semant la mort derrière elle. 

Cette nuit du 9 au 10 décembre a, en effet, coûté cher 
à la France. C'est par millions qu'il faut compter les dé- 
gâts qu'elle a occasionnés sur les arbres. Les gens de 
la campagne, autour de Vendôme, l'ont bien pressenti, 
et dans leur langage expressif ont immédiatement mar- 
qué cette nuit terrible du nom de la grande nuit. 



(1) Par un ciel pur, c'est au lever du soleil qu'a lieu le mini- 
mum de température, et non pas dans la nuit, comme on le sup- 
pose généralement. Ainsi^ en décembre, c'est à 7 h. 1/2 du ma- 
tin qu'on litle chiffre le plus bas. 



— 231 — 

Ce fut, en effet, le \)\us gi-and effort de l'hiver. Un 
adouciss.ement relatif suivit. Mais le 16 et le 17, le froid 
reprend «avec intensité: le 16, — 16°, 4 minimum, et 
— 18°, minimum le. 17, avec — 23°, 1 sur la neige. Puis 
la gelée continue avec des alternatives de — 15° et — 16° 
jusqu'au samedi 27. Ce jour-là fut le dernier effort du 
grand hiver. A midi, le ciel se découvre avec l'aspect 
vif des grandes gelées. Le maximum resta à — 9°, 7 
et fut le plus bas de l'hiver. A 7 heures du soir, — 14°, 8, 
presque aussi bas que le 9 décembre; mais le mini- 
mum n'atteignit que — 17°, 7 vers minuit peut-être, et 
le thermomètre remonta successivement, i)Our atteindre 
0°,0, à midi et demi, le lendemain, dimanche 28 dé- 
cembre. 

C'était bien la fin de cette rude période. Le vent de 
S.-W. revient de la mer, et sa chaude haleine fond ra- 
pidement la neige. 

Le l*"" janvier, avait lieu la débâcle du Loir à Ven- 
dôme. A 3 heures de l'après-midi, les dernières glaces 
avaient franchi les derniers ponts et moulins de la ville, 
et, grâce à quelques précautions, aucun accident n'eut 
lieu (1). 

La fusion de la grande masse de neige qui recouvrait 
le sol ne fut pas suivie d'inondations, comme le préjugé 
populaire le voulait. Cette fusion se fit progressive- 
ment, presque sans pluie, et le Loir ne monta que de 
1 mètre à l'échelle du pont des Planches (2). 

Janvier 1880. 

Dès le 7, le froid reprenait, sans neige cette fois, et se 
prolongeait jusqu'à la fin du mois, mais sans dépasser 

— 10° à mon observatoire. Le 28 janvier, j'observais 

— 10° comme minimum, et — 15°, 5 à la surface du 
sol. 

(1) Voir, à la suite, note B, sur l'ôpaissour de la glace formée. 

(2) Voir, à la .suite, note C, sur- la fonte des neiges. 



— 232 — 

Fév7ne7\ 

Le vrai dégel ne prit que le 6 février par l'arrivée du 
vent chaud et humide du S.-W. Le bulletin interna- 
tional du 7 février saluait ainsi la fin du grand hiver : 
« La France revoit enfin aujourd'hui te courant marin 
« chaud et humide, absent depuis plus de deux mois, et 
« dont le retour sera accompagné du régime doux et 
« pluvieux ordinaire à nos contrées. » 

C'était pour la France, en effet, comme une rentrée 
chez elle après une rude campagne dans un climat po- 
laire. 



DISCUSSION DU FROID DE DÉCEMBRE 1879 

Les chiffres que j'ai indiqués plus haut, quoique ayant 
le grand mérite d'être absolument exacts, se rappor- 
tent à un jardin situé dans la ville de Vendôme, et ne 
donnent malheureusement qu'une idée incomplète du 
vrai froid qui a eu lieu en rase campagne. C'est ce froid 
que nous allons maintenant chercher à établir. 

D'excellentes observations ont été faites par M. Co- 
quelin à Picolet (commune de Naveil), à environ 3 kilo- 
mètres à l'ouest de Vendôm.e, dans un grand jardin bien 
découvert et situé à gauche de la ligne du chemin de fer 
de Vendôme à Tours. Sous les inspirations de M. Re- 
nou, un abri-modèle a été installé près de la charmille 
et garni de thermomètres vérifiés. Nous trouvons donc 
là tout réuni : position en plein air et loin des habita- 
tions, bonne installation, bons instruments et observa- 
teur habile. J'ai pu étudier le thermomètre à alcool à 
minima, et par suite en corriger les indications d'après 
ma table, pour les faire concorder avec celles du ther- 
momètre à mercure. C'est la première fois qu'un grand 
hiver est réellement observé à la campagne, et avec des 
instruments exacts. 

En comparant les minima lus à Picolet avec ceux que 



- 233 - 

j'ai observés à Vendôme, j'ai constaté un écart moyen 
de 2°,7, dont il faut augmenter les chiffres de froid pu- 
bliés plusîiaut pour avoir ceux de la campagne. 

Le minima du 10 décembre, en particulier, a atteint 
— 27°,0 à Picolet, au lieu de — 24°,25 à Vendôme. 

Je vais m'attaclter uniquement à la discussion de ce 
minima de la grande nuit. 

Je n'ai pas d'autres chiffres exacts que les deux mi- 
nima que je viens de citer, savoir: — 24°,25 pour Ven- 
dôme et — 27°, pour Picolet. Un bon thermomètre à 
minima, placé dans le jardin de M. Peltereau, notaire à 
Vendôme, n'a pu malheureusement donner la limite du 
grand froid, son échelle s'étant trouvée insuffisante. 

Aucun autre thermomètre à minima n'a été observé, 
à ma connaissance, dans nos environs. L'usage de cet 
instrument est généralement ignoré ici. J'ai réuni, ce- 
pendant, avec soin toutes les indications thermométri- 
ques que j'ai pu me procurer, et, autant que possible, 
je suis allé visiter les appareils et leur position. J'ai con- 
staté avec regret que plusieurs thermomètres n'avaient 
pas eu une étendue d'échelle suffisante, que d'autres 
étaient placés dans de mauvaises conditions, Q{VLaucun^ 
enfin, n'ofîrait de garantie d'exactitude pour ces tempé- 
ratures insolites. 

Voici, pourtant, quelques chiffres choisis parmi les 
moins incertains : 

Vendôme. M'"'' Vallée, pépiniériste, avait placé un 
thermomètre à alcool ordinaire dans son jardin bien 
exposé, mais presque au niveau de la neige. On y a lu 

— 2T à 7 heures du matin. Si le thermomètre est bon, 
ce serait — 30° du thermomètre à mercure. On n'ou- 
bliera pas que j'ai lu — 29° en ville, à la surface de la 
neige. 

VnxiERS. M. Portier a lu sur un thermomètre à al- 
cool bien placé, au-dessous de — 23", limite de l'échelle. 
Il a dû faire chez lui la môme température qu'à Picolet, 

— 27° environ. 

XIX 1^ 



— 234 - 

MoNTOiRE. M. Malardier, juge de paix, a lu, le 10 dé- 
cembre, à 9 heures du matin, — 25° sur un thermomètre 
à mercure, dans un jardin bien découvert, situé dans un 
faubourg. Le minimum, à 6 heures du matin, a pu être 
d'après cela — 28°. 

On m'a cité — 29°, lu à Fargot, aux environs de Mon- 
toire. 

A Roc-en-Tuf, commune de Ternay, chez M. Biaise, 
le jardinier a lu — 28° sur un thermomètre à mercure, 
à 4 heures du matin. J'ai pu comparer ce thermomètre 
avec un des miens, et l'épreuve ne lui a pas été favo- 
rable. 

Saint-Amand. J'ai su, par un employé de la gare, 
qu'on avait lu — 26°, le 10 décembre au matin, sur un 
thermomètre à mercure appartenant au chef de gare, et 
placé sur la face extérieure du bâtiment. Le chef de gare 
était changé lors de ma visite à Saint- Amajid, et avait 
emporté son thermomètre. 

MoNDouBLEAU. M. Richard, horloger, observait un 
thermomètre à mercure placé dehors devant la mairie. 
Il a lu — 24° le 10, à 7 heures du matin. 

A Baillou, M. Pilon, jardinier du château, a suivi pen- 
dant tout l'hiver la marche d'un thermomètre à mer- 
cure, placé dans le parc dans de bonnes conditions, et 
dont j'ai pu vérifier l'exactitude au-dessus de 0°. Il a lu 

— 25° le 10, à 7 heures du matin. 

On voit qu'il est bien constaté thermométriquement 
qu'un froid de 25° à 28° a été éprouvé, dans le Vendô- 
mois, le 10 décembre 1879, vers 7 heures du matin. 

Mais, à défaut d'instruments de physique, nous avons 
d'autres thermomètres naturels; ce sont les arbres. 
Chaque espèce a une limite de résistance au froid qui 
paraît assez précise, au moins pour les arbres non 
greffés. C'est ainsi que le figuier meurt au-dessous de 

— 16° ; cet arbre gelé indique donc que le froid a été de 

— 16° au moins. 



- 235 — 

Il faut bien le reconnaître cependant, les thermo- 
mètres-cuibres sont des instruments peu précis, et qui 
exigent uîie grande critique dans leur interprétation. 
Ainsi les arbres fruitiers, taillés, greffés, offrant mille 
variétés qui ne sont que des états pathologiques de ty- 
pes sauvages, sont de très mauvais thermomètres. Tels 
sont les pommiers, la vigne, etc. 

Le noyer, qui vient de graine, et qui n'est réellement 
pas cultivé, est un des meilleurs thermomètres natu- 
rels. Cependant il offre encore bien des difficultés. Cette 
espèce offre d'abord des variétés^ dont la résistance 
au froid peut différer. Pour le même type, il y a ensuite 
la question d'âge. Il est reconnu depuis longtemps (1) 
que les jeunes noyers résistent mieux au froid que les 
adultes et surtout que les vieux. Il y a enfin, toutes cho- 
ses égales d'ailleurs, des différences individuelles te- 
nant à l'état de santé et de vigueur de l'arbre. 

Néanmoins, en considérant un ensemble nombreux 
d'individus d'une même espèce dans une même région, 
on pe'ut arriver par comparaison à apprécier la tempé- 
rature limite avec une certaine précision. 

Ainsi, j'observe qu'à Picolet, aux environs del'ob ser- 
vatoire de M. Coquelin, oi^i le thermomètre a atteint 
— 27°, les noyers ne sont pas tous ni totalement gelés. 
Plus bas, à Villaria, à Naveil, dans le val même du 
Loir, les noyers comparables sont tous et entièrement 
morts. Il a donc fait un peu plus froid dans le val qu'à 
Picolet. En adoptant — 28°, je n'exagère pas. Ce chif- 
fre — 28° devient en même temps la limite de résis- 
tance des noyers adultes ; mais les jeunes noyers, sur- 
tout ceux dont la tige est blanche, ont résisté là où pé- 



(1) J'emprunte au registre archéologique de M. Neilz le pas- 
sage suivant d'une note sur l'hivci- de 1709, laissée par un curé 
deNourray : « Pour les noyers, plus ils étaient gros, mieux ils 
étaient gelés ; il n'y a que quelques petits, gros comme des ba- 
guettes, qui ont résisté à la gelée. » 



- 236 - 

rissaient les adultes. Or je trouve des points où ont suc- 
combé de jeunes noyers : exemple, dans la plaine sa- 
blonneuse qui s'étend de Varenne à la Foucaudière 
(commune de Naveil). On doit admettre sans hésiter 
que, dans cette région, la température est descendue à 

— 30°. 

Il y a eu plus froid encore! Dans les vallons étroits, 
à Huchigny, aux Fontaines, à Azé, on observe un en- 
semble d'efïets sur les arbres plus intense qu'à Va- 
renne. Dans ces points on peut voir des chênes adul- 
tes gelés. Je n'hésite pas à adopter — 32° pour le mini- 
mum du 10 décembre dans ces points. 

Telle aurait été la limite atteinte dans nos pays ; elle 
surpasse de beaucoup ce qu'on osait supposer comme 
chiffre des grands hivers antérieurs. 

Il y a eu, par contre, des points moins froids que 
Picolet, notre point de départ. Nous avons d'abord les 
jardins de l'intérieur de la ville de Vendôme. Je leur at- 
tribue le chiffre — 24°, observé dans le mien avec certi- 
tude. J'ai étudié avec le plus grand soin les effets de ce 
froid de — 24° sur un ensemble d'arbres peu cultivés, 
comme le lierre, la glycine, etc. J'ai admis que, le long 
des murs de ces jardins, le froid n'avait atteint que 

— '^%°, et j'ai pu me mettre dans l'œil les effets de — '^'^''^ 
de manière à transporter ensuite ailleurs ce thermo- 
mètre de souvenir. 

Le noyer m'a également permis de prolonger mon 
thermomètre à! estime jusqu'à — 22°. Ainsi, nous avons 
vu qu'à Picolet, à — 27°, il n'a pas entièrement gelé. 
Au-dessus de Picolet, au Bois-aux-Moines par exem- 
ple, les grands noyers ont résisté ; mais ils ont eu 
tous leurs extrémités de branches gelées, et, par suite, 
n'ont pas fleuri. On peut admettre — 25° pour cet effet. 
Enfin, j'ai rencontré quelques points privilégiés oix des 
noyers ont fleuri q[ fructijîé. J'ai adopté — 22° pour 
ces points. 

La limite — 24° à — 25° paraît devoir être admise pour 



— 237 — 

le bord des plateaux qui entourent la ville, La Garde, 
Belair, le Bois-aux-Moines, etc. 

Quelqujfes-uns de ces points môme n'ont pas dû dépas- 
ser — 22°. Ainsi, au Bois-1 a-Barbe (Vendôme), on pou- 
vait voir cet été plusieurs noyers chargés de fruits. Le 
parc de l'Épau (commune de Lisle) offrait également un 
exemple de partie épargnée ; un houx en arbre n'était 
pas gelé; des lierres n'avaient pas perdu leurs feuilles 
et repoussaient ; des pins maritimes ont résisté. Je sup- 
pose que le minimum n'a pas dépassé — 22° dans cette 
région. 

Nous arrivons donc à établir avec certitude que, sur 
certains points, le minimum de cet hiver n'a pas dé- 
passé — 22°, tandis que dans d'autres il a atteint — 32° ! 
Il me reste à expliquer de pareilles différences. 

Parles nuits calmes et claires, sur une région horizon- 
tale de grande étendue, comme les plaines de la Beauce 
par exemple, il s'établit un îvo'xà uniforme, qui, le 10 dé- 
cembre 1879 au matin, a dû atteindre — 26° à 27° dans 
nos environs, exemple Saint-Amand, où le chiffre 

— 26° a été lu à la gare sur un thermomètre à mercure. 
Cette température est celle qu'eût donnée un thermo- 
mètre abrité, à environ 2 mètres au-dessus du sol. Mais 
un thermomètre placé à la surface du sol (ici à la sur- 
face de la neige) aurait indiqué 5° de moins, comme je 
l'ai indiqué plus haut, c'est-à-dire — 30° à — 32°. 

Si cette plaine offre des coupures ou plis de terrain al- 
lant s'aboucher avec une vallée principale, qui la tra- 
verse ou qui la limite, comme ici le val du Loir, la cou- 
che d'air d'environ 0"\50 d'épaisseur et sur-refroidie à 

— 30° en moyenne, devenue plus dense que l'air am- 
biant par la différence de température, s'écoulera par 
ces vallons pour se rendre au point le plus bas, qui est le 
thalweg de la grande vallée, en suivant la même mar- 
che que les cours d'eau lors des grandes pluies. 

Il en résulte immédiatement que les petites vallées se 
remplissent presque entièrement de cet afflux d'air froid, 



- 238 — 

et offrent pendant les nuits calmes et claires un écart 
moyen de température de 5° avec les plateaux (1). On 
voit donc pourquoi le thermomètre a dû descendre à 
— 30°, et même — 32", dans le fond des vallées étroi- 
tes (2). 

Dans les larges vallées, l'air froid à — 30°, qui débou- 
chait ainsi des coupures des plateaux, ayant dû s'éten- 
dre sur une grande surface et se mêler avec l'air re- 
froidi sur place à — 26°, il en est résulté une tempéra- 
ture d'environ — 28° pour ces plaines basses. 

Enfin, le bord des plateaux, c'est-à-dire le sommet 
des collines, surtout de celles qui bordent les vallées 
étroites, doit présenter une température moins basse 
que les plateaux eux-mêmes, à cause du déplacement 
de l'air des vallons par l'air plus froid qui s'y écoule 
des plateaux; cet air froid, qui descend, détermine for- 
cément l'ascension d'une quantité égale d'air moins 
froid, qui se trouve successivement soulevé par l'afflux 
de l'air plus dense qui arrive au fond. Ceci explique ces 
températures de — 22° seulement, qui ont eu lieu en cer- 
tains points. Ces points sont précisément situés dans les 
conditions que je viens d'indiquer, c'est-à-dire au bord 
supérieur des collines, de telle sorte qu'on pouvait ob- 
server souvent d'un seul coup d'œil, et dans le voisinage 
immédiat, les effets des deux extrêmes de température, 
savoir : — 22° pour la crête d'un plateau, et — 3,2° pour le 
fond du vallon. Ces deux masses d'air mélangées eus- 

(1) Cet effet peut être observé par tout le monde, sans thermo- 
mètres. En traversant les vallées étroites, entre le coucher et le 
lever du soleil, on se sent plongé dans un bain d'air froid. M. Re- 
nou a particulièrement étudié ces effets dans le vallon de la Hou- 
zée, à Huchigny, près Vendôme. V. le présent Bulletin, p. 135. 

(2) A la surface de la neige dans ces fonds, le thermomètre au- 
rait encore marqué plus bas qu'à 2 mètres en l'air, à cause du 
rayonnement noct].irne. On est donc conduit à admettre qu'à Hu- 
chigny, par exemple, un thermomètre à miuima exposé sur la 
neige aurait pu marquer — 35"! On hésite vraiment en présence 
de pareils chiffres, dont l'observation directe fait malheureuse- 
ment défaut. 



* 



— â39 — 

sent refait de l'air à — 27", qui paraît être la température 
minimum^atteinte sur les plateaux. 

Telle était, par exemple, la situation du petit hameau 
de Bois-la-Barbe, que j'ai cité plus haut, et qui occupe 
le sommet d'un mamelon entouré de tous côtés par des 
vallons ou des plis de terrain. On y pouvait voir quelques 
noyers chargés de noix, et, en descendant au Pont-aux- 
Chevaux, on assistait, au contraire, au maximum des 
effets du froid dans nos pays, savoir de grands chênes 
gelés. Même observation pour le parc de l'Épau. 

On comprend encore les inégalités de froid qu'on ob- 
serve par exemple dans les grandes vallées. Les par- 
ties qui se trouvaient vis-à-vis une coupure de terrain 
descendant du plateau, recevaient directement l'afflux de 
l'air froid qui en descendait à — 30° ou — 32°, et par- 
ticipaient, par suite, dans une certaine mesure à ce 
froid extrême. Il devait se former en face de ces cou- 
pures une espèce d'épanouissement de froid décrois- 
sant, comparable au delta des fleuves, et là les tempé- 
ratures variaient de — 30° à — 28° dans une petite éten- 
due. 

Je citerai par exemple, à Vendôme, la gare et l'entrée 
du Grand-Faubourg (lieu dit les Capucins), qui se trou- 
vent vis-à-vis le pli de terrain descendant de la forêt de 
Vendôme et longeant le cimetière. Le froid a pu y at- 
teindre — 29° à — 30°. Des paulownias y ont été entière- 
ment gelés. 

Si on ajoute à ces courants, dus à l'écoulement dans 
les vallées de l'air froid des plateaux, ceux résultant du 
mouvement de l'air, par suite d'un vent deN.-E. sensible 
quoique très faible, et qui, par suite des mille obstacles 
naturels ou artificiels accumulés dans les lieux habités, 
devaient affecter les dispositions les plus capricieuses 
en apparence; si on réfléchit que le pouvoir refroidis- 
sant de l'air sur les objets dépend tout à la fois de sa 
température et de la vitesse de son mouvement, on aura, 
je crois, l'explication complète des singularités, au pre- 



- 240 - 

mier abord inexplicables, que l'on a pu observer, sur- 
tout dans les jardins et près des maisons ; comme un 
arbre atteint à quelques mètres d'un autre de même es- 
pèce et de même âge, épargné. 

Lorsqu'au début de mes études sur les effets du grand 
hiver, étonné moi-même de ces bizarreries apparentes, 
j'en demandais la cause àdes jardiniers ou à des cultiva- 
teurs intelligents, plusieurs m'ont répondu : « Ce sont 
des courants d'air. » Cette réponse quoique bien vague 
contenait, comme on le voit, la vérité en germe. Les dif- 
férences d'effets, pour des points très voisins, étaient 
réellement dus à des courants d'air plus ou moins froids 
et plus ou moins rapides, dont je crois avoir établi la 
cause. 

Il me reste maintenant à étudier les effets sur les ani- 
maux et les végétaux d'un froid aussi anormal pour nos 
pays que celui de décembre 1879. La publication de cette 
seconde partie, qui a fait l'objet d'une communication à 
la séance du 14 octobre dernier, sera remise au prochain 
Bulletin. 



E. N. 



— 241 — 






NOTES EXPLICATIVES. 



A. — Sur la manière d'observer les températures. 

Je crois devoir dire un mot sur la nature des thermomètres 
employés et la manière de les observer. 

Le thermomère type est le thermomètre à mercure, échelle 
centigrade ; c'est le seul que les météorologistes consultent 
pour les observations journalières. Mais il a paru intéressant 
d'avoir un thermomètre à minima; c'est-à-dire qui conserve 
l'indication du plus grand froid atteint pendant une certaine 
période. Tous les météorologistes se servent aujourd'hui du 
thermomètre à minima de Rutherford (1794*). C'est un ther- 
momètre à alcool incolore, dans l'intérieur duquel on a intro- 
duit un index en verre, qui est noyé dans le Uquide. Pour met- 
tre l'instrument en observation, on fait arriver l'index à l'extré- 
mité de la colonne d'alcool, en renversant le thermomètre; 
puis on le place horizontalement. Quand la température dé- 
croît, le ménisque qui termine la colonne de l'alcool entraîne 
l'index en arrière ; quand la température augmente, l'index 
reste à la place qu'il occupait au moment du minimum, lequel 
est ainsi marqué par l'extrémité de l'index la plus éloignée du 
réservoir. 

Ce thermomètre n'a qu'un défaut, c'est d'être à alcool et non 
à mercure ; or, on gradue tous les thermomères à alcool par 
comparaison avec le thermomètre à mercure, en déterminant 
C° dans la glace fondante et le point +20° dans de l'eau tiède où 
plonge un thermomètre à mercure, servant d'étalon. Ces de- 
grés sont prolongés en (dessous de 0". Malheureusement la loi de 
dilatation de l'alcool n'est pas la môme que celle du mercure, de 



(■) Conf. Histoire du thermomètre, par M. E. Renou, p. 43. 



- 242 - 

sorte que le thermomètre à alcool, d'accord avec le mercure 
de 0° à + 20*, cesse de l'être au-dessous de 0°. Il retarde de 
plus en plus sur l'étalon. Par des comparaisons minutieuses 
faites au-dessous de 0°, j'ai établi une table de correction du 
thermomètre à alcool de 0^ à — 25» ; en mettant à profit les 
résultats de ce travail, encore inédit, j'ai pu transformer toutes 
mes observations de mininia à alcool en chiffres du thermo- 
mètre à mercure, et faire subir la même réduction aux thermo- 
mètres d'autres observateurs. 

Un autre point important est la manière de placer les ther- 
momètres. Les personnes qui ne s'occupent pas de météoro- 
logie suspendent un thermomètre en dehors, sur le côté d'une 
fenêtre, de manière à pouvoir le lire à travers les vitres, ou en 
entr'ouvrant la fenêtre ; heureux encore si la fenêtre regarde 
le Nord, c'est-à-dire ne reçoit pas le soleil. Dans ces condi- 
tions, les chiffres observés sont très en retard sur ceux que l'on 
observerait à l'air hbre. Les météorologistes placent leurs in- 
struments sous un léger abri construit dans un terrain suffisam- 
ment éloigné des habitations et de tout obstacle pou,vant garan- 
tir. La différence des extrêmes surtout, observés dans ces con- 
ditions, peut s'élever à 5 ou 6° ! 

J'en citerai un exemple curieux pour Vendôme. M. Renou a 
trouvé dans les notes du P. Cotte, qui observait à Montmo- 
rency à la fin du dernier siècle, la mention du chiffre — 16» 
pour le plus grand froid observé fin décembre 1788 à Ven- 
dôme. M. Renou suppose, avec beaucoup de vraisemblance, 
que ce chiffre a été communiqué au P. Cotte par un des pro- 
fesseurs du collège de Vendôme, tenu alors par les Oratoriens. 
Ce chiffre a été lu sur un thermomètre à alcool, placé à une fe- 
nêtre du collège. L'échelle alors usitée étant celle de Réaumur, 
il faut ajouter 4° pour la réduire en centigrades, ce qui fait 
— 20** d'aujourd'hui. Il faut augmenter le chiffre de l°,5, d'a- 
près ma table pour le réduire en mercure; soit — 21", 5 vrai. 
Or le froid de décembre 1788 paraît avoir été à peu près égal à 
celui de décembre 1879; on doit donc supposer — 24<* dans la 
ville de Vendôme, et — 27° ou — 28° dans le val du Loir. On 
voit quelle idée insuffisante de la température en rase cam- 
pagne, peut donner un thermomètre à alcool placé à une fe- 
nêtre, et dans une ville. Malheureusement, toutes les anciennes 
observations en sont là. C'est la première fois, en 1880, que 
nous avons quelques chiffres exacts sur un grand hiver ; on 



- 243 — 

comprend donc toute l'importance de ces observations, non- 
seulement pour l'hiver dernier, mais aussi pour les hivers des 
siècles précédents qu'on peut comparer à celui-là. 



B. — Sur l'épaisseur de la glace formée. 



Il n'est pas sans intérêt de consigner ici l'épaisseur de la 
glace qui s'est formée pendant cette période de froid si extra- 
ordinaire. 

Sur les étangs et les fossés, il se fit une première glace, du 27 
novembre au 4 décembre, à peine assez forte pour porter une 
personne. Puis cette glace fut recouverte de 40 à 5i) centi- 
mètres de neige, ce qui la protégea presque complètement du 
froid subséquent, de sorte que les eaux tranquilles ont moins 
gelé, pendant ce mois de décembre 1879, que pendant beau- 
coup d'hivers ordinaires. Dans tous les cas, il a été impossible 
aux patine\irs d'aborder cette glace, et ils auraient été condam- 
nés au supplice de Tantale sans les rivières. 

Le Loir ne -prit qu'après les grandes neiges du 5, et presque 
instantanément, puisque, dès le dimanche 7, on pouvait voir 
sur le Mail, à Lislette, les premiers patineurs commencer leurs 
ébats. Le 25 décembre, j'ai vu briser la glace à quelques la- 
voirs, du côté des Coulis ; elle avait atteint de 30 à 35 centi- 
mètres. M. Malardier a vu, au pont de Montoire, des officiers 
patineurs faire mesurer la glace le 27 décembre, dernier jour 
du grand froid : elle avait 38 centimètres. 

Les sources un peu abondantes ont résisté à cette gelée, ce 
qui se comprend facilement, si on sait que l'eau des s urces de 
nos pays sort du sol avec une température toujours voisine de 
4-41° (*). Cette eau, se renouvelant sans cesse, n'a pas le 
temps d'atteindre le point de congélation dans le bassin qu'elle 
alimente. 



(*) Voir Température des sources des environs de Vendôme, par M. E. Renou. 



— 244 — 

Ce qui est plus remarquable, c'est l'existence, dans les cours 
d'eau, de sources assez abondantes pour empêcher la glace de 
se former en certains points. On a pu observer ce phénomène 
au lavoir des Prés-aux-Chats. Par une circonstance fort heu- 
reuse, il y a là, dans cette eau peu profonde, des sources assez 
actives pour n'avoir pas permis à la glace de se fermer com- 
plètement en ce point, même le 27 décembre au soir. 

Pendant le mois dejanvier, le Loir n'a pas gelé, l'intensité du 
froid ayant été insuffisante. C'a été le tour des étangs. La 
glace nouvelle, se superposant à l'ancienne, que le dégel in- 
complet de la neige avait conservée, il en est résulté une épais- 
seur très grande, mais difficile à préciser. 

Les patineurs ont pu passer du Loir sur les fosses, et prolon- 
ger ainsi jusqu'à la fin de janvier leurs exercices hygiéni- 
ques. 

Le sol, protégé par la neige, n'a presque pas gelé pendant le 
froid de décembre. Pendant le mois de janvier, au coniraire, 
le froid a pénétré profondément, jusqu'à 0"\60 à 0™,70, pa- 
raît-il. ^ 



C. — Sur la fonte des neiges. 



On a l'habitude, dans nos pays, d'attribuer les crues des ri- 
vières à la fonte des neiges. Or la fonte des neiges, seule, ne 
donne jamais de crues, à cause de la lenteur du phénomène ; 
exemple, la fonte des grandes neiges de décembre 1880. 

Ce sont toujours les grandes pluies qui occasionnent les dé- 
bordements de nos rivières. Cependant, lorsque des pluies 
abondantes surviennent à la fin d'une longue période de froid, 
et tombent sur une couche de neige, dont la fusion s'ajoute à 
l'eau de cette pluie, et que cette masse d'eau, ne pouvant être 
absorbée par un sol gfeié, arrive tout entière et rapidement à la 
rivière, c'est alors que l'on observe les plus grandes crues dans 
nos pays. C'est dans ces conditions que se produisit la célèbre 



— 245 — 

crue du 22 février 1665, dont la marque se voit sur le mur de 
l'église delà Madeleine, rue Sa nt-Jacques, et qui est restée 
la plus haute connue jusqu'à présent. 

Mais la neige, dans ces circonstances, ne constitue réelle- 
ment qu'un appoint, qui n'a pas l'importance qu'on lui attribue 
généralement. 



NOTICE 

SUR LA 

DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE 

GALLO-ROMAINE 

A FOSSE-DARDE, COMMUNE DE SAINT-FIRMIN 
Arrondissement de Vendôme. 

Par M. G. Launay 



Messieurs, 

Le mercredi 18 août dernier, M. Gaston de Lavau, 
notre zélé collègue, vint me donner avis de la décou- 
verte, faite dans sa commune, de différents objets gallo- 
romains, déposés au château de Moncé, et qu'il m'en- 
gageait à visiter. 

Le gallo-romain a pour moi un tel attrait, que je 
n'hésitai pas à profiter de l'offre obligeante de M. G. 
de Lavau, qui me conduisit immédiatement chez lui, 
où je pus en effet constater l'importance de cette décou- 
verte, en voyant exposés ces objets qui sont mainte- 
nant sous vos veux. 

Je me propose ici de les décrire, après avoir fait le 
petit historique indispensable des travaux qui les ont 
fait sortir de la terre dans laquelle il étaient enfouis. 

Du château de Moncé nous nous transportâmes, avec 
M. G. de Lavau, sur le lieu de la découverte, que nous 
avons examiné ensemble. 

A 500 mètres environ au S.-O. de Saint-Firmin, et à 



— 247 — 

100 mètres du moulin de Fosse-Darde, sur la rive gau- 
che du Loir, on rencontre une vaste sablière, exploi- 
tée déjà depuis longtemps, et appartenant à M. G. de 
Lavau ; c'est là que, dans une coupe presque verticale 
du terrain de trois mètres d'élévation, se présentait 
une excavation pratiquée à un mètre en contre-bas du 
sol, et facile à reconnaître par la terre végétale qui 
remplissait l'espace entouré de tous côtés par le gra- 
vier. 

A la première inspection, il était facile de voir que 
l'on se trouvait en présence d'une sépulture gallo-ro- 
maine, présentant absolument la même disposition que 
les sépultures fouillées en 1864 à Pezou, lors de la 
construction du chemin de fer, et en 1874 à Villavard, 
dans des terrains analogues. 

Voici comment on avait dû procéder à Fosse-Darde : 
L'excavation en forme d'entonnoir renversé avait 
été pratiquée à 1 mètre de profondeur, avec un dia- 
mètre à peu près égal au fond. Là, sur une sorte de 
plate-forme, les objets en question avaient été dépo- 
sés et recouverts après l'enfouissement de terre vé- 
gétale avec gravier au-dessus. 

Malheureusement, la fouille du mois d'août à Fosse- 
Darde avait été faite hors de la présence d'une personne 
compétente, ce qui permet très difficilement de déter- 
miner la position exacte qu'occupaient ces différents 
objets ; mais elle nous fut indiquée, aussi bien que 
possible, par l'intelligent terrassier qui avait fait ce tra- 
vail. Il raconta même, très naïvement, à M. G. de La- 
vau, lorsqu'il vint lui annoncer cette découverte, le 
saisisement qu'il éprouva en rencontrant quelque chose 
d'insolite sous sa pioche, et son émotion, en y por- 
tant la main, de sentir l'entrée d'un vase. « Ma fortune 
« est faite, se dit-il, car je vais probablement le trou- 
« ver plein d'or. Allons-y donc maintenant avec la plus 
« grande précaution. » Il fut ainsi fait, mais, ô décep- 
tion ! ce vase, ainsi que ceux qui l'accompagnaient, ne 
contenait que de la cendre mêlée do terre. 



— 248 — 

Toujours est-il qu'en continuant très prudemment 
ses recherches, il parvint à extraire les différents ob- 
jets qui sont sous vos yeux ; les uns présentant un 
certain volume, et les autres d'une ténuité qui pouvait 
très bien échapper à un œil peu familiarisé avec ces 
sortes de fouilles. 

Voici maintenant la description sommaire de ces 
produits d'un autre âge. 

1° Une grande coupe en terre rouge de 0™,33 de dia- 
mètre extérieur et de 0'",08 de hauteur, y compris le 
pied. Forme gracieuse. Bords relevés et peu saillants. 
Intérieur et extérieur lisses, sans marque de potier. 
Trouvé en plusieurs morceaux dont aucun ne man- 
quait. (Voir la planche fig. 1.) 

2° Petit vase en terre noire, de 0™,08 de diamètre 
sur O'^^OT de hauteur, en plusieurs morceaux, auquel 
il manque un des fragments du bord. (Fig. 2.) 

Nous avons pu reconstituer ces deux vases. 

3° Un troisième, en terre noire, d'une forme élé- 
gante, mesurant 0™,20 de hauteur et 0'",12àla panse, 
se terminant par un col évasé, dont le bord a été 
brisé. (Fig. 3.; 

4° Un vase, aussi en terre noire, de 0'",12 de hau- 
teur sur0™,13 à la panse, se rétrécissant subitement au 
col très évasé et présentant une ouverture de O^^jOSS de 
diamètre. Nous avons là le vrai type de l'urne ciné- 
raire. (Fig 4.) 

5° Voici venir maintenant un vase en cuivre à parois 
très minces, tombé en morceaux par suite de l'oxyda- 
tion, et mesurant en son entier 0™,20 de diamètre, O'^jOSô 
de profondeur, avec bords très légèrement évasés, ra- 
battus à angles droits. (Fig. 5.) 

Le cimetière gallo-romain de Pezou en contenait un 
identique. (Voir le Bulletin de la Société de 1864, page 
174, et le n° 10 de la planche.) 

Ces sortes de vases offrent le type de coupes ou 



4- 







.,.r::s5s»i,;SBi&ài9». 




C-^afiU. 



5 











/^ • 



:<a*i^ 







P 3^24.9 



P 3* 2.50 










|'p*i««^^^i* 



7 



5 \i:\ I 




Xi/Hf '■ Par/ot* à yeruio/ne 



S'Maràit. 



OBJETS trouvés dans les Sépultures de Forsk-Dardk, 
Commune de Saint - B'irmin. 



— 249 — 

Paiera, de formes et de matières assez variées. M. de 
la Sauss^'e les considère comme ayant servi aux fu- 
nérailles.^ 

Voir l'art. Paiera dans le Dictionnaire des Antiqui- 
tés romaines, page 461 (1). 

G" Après les vases nous citerons les menus objets, 
parmi lesquels un anneau de femme, avec chaton rec- 
tangulaire, sans signes particuliers, et dont il manque 
un fragment. C'est un composé de cuivre et d'étain. 
— Un fragment d'anneau avec stries. 

7° Plusieurs débris de fibules de formes et de di- 
mensions diverses. 

8° Trois rondelles en os retenus par deux petites 
rondelles en bronze striées et vissées, dont nous n'a- 
vons pu déterminer l'emploi. 

9° Deux fragments de dents n'ayant conservé que 
l'émail extérieur, coloré en vert par le contact des 
objets en bronze vert-de-grisés qui les avoisinaient. 

10° Parcelles d'écorce de branches d'arbre, assez 
bien conservées. 

11° Lamelles en fer pouvant être les restes d'un 
Scramasax, ou long couteau. 

12° Enfin, une petite médaille en argent de l'empe- 
reur Maxime {Magnas Maximus) servant à détermi- 
ner à peu près l'époque de la sépulture de Fosse- 
Darde, qui, vu- la présence de cette petite médaille, ne 
pourrait remonter plus loin qu'au IV^ siècle de notre 
ère. 



(1) Patera, vaisseau de foi'me circulaire et peu profond, ser- 
vant à contenir des li(iuidos et non des solides, mais employé 
plus particulièrement pour faire dos lil)ations. 

Les Patera3 de qualité inférieure étaient en terre ; les plus pré- 
cieuses, en bronze, en argent et quelquefois en or, richement 
ornées et d'un beau travail. Quelquefois elles avaient une poi- 
gnée; le plus ordinairement elles en manquaient. 

XIX 17 



— S50 — 

En effet, l'empereur Maxime, dit le Tyran des Gau- 
les, vaincu par Théodose P'", fut mis à mort en 388, 
ou, selon certains historiens, en 383. 

Voici la description d'après M. Bouchet : 
Buste diadème à droite. Au revers : l'empereur cas- 
qué, assis sur une chaise curule, tenant de la main 
droite un globe, et de la gauche s'appuyant sur un 
long sceptre. Légende : virtvs romanorvm. A l'exer- 
gue : T R P S. Cet empereur avait pris Trêves pour 
capitale. 

Telle est, Messieurs, la série des objets découverts 
dans la sépulture de Fosse-Darde, ou de ceux du moins 
remis à M. G. de Lavau. 

Nous avons été surpris de n'y pas trouver trace d'un 
coffret quelconque, soit en bois ou autre matière, des- 
tiné à contenir les quelques objets d'un ^ussi petit 
volume, tels que l'anneau, les dents, la médaille, etc., 
qui n'ont pas dû être déposés en pleine terre. Le bois, 
dira-t-on, a pu ne pas se conserver. Nous avons la 
preuve du contraire dans les quelques fragments d'é- 
corce d'arbre. 

Nous avons aussi pu constater l'absence de toute 
espèce d'ossements, absence faisant remonter la sépul- 
ture de Fosse-Darde à l'époque de l'incinération, qui 
s'est prolongée jusqu'à la fin du IV® siècle, conjointe- 
ment avec celle de l'inhumation. 

En examinant les lieux déjà largement fouillés, nous 
nous sommes demandé si, comme à Pezou, nous étions 
sur l'emplacement d'un cimetière gallo-romain, ou bien, 
comme à ^^illavard, avions-nous rencontré une sé- 
pulture isolée. Nous serions porté à le croire, d'autant 
qu'aux environs, rien n'indiquait, comme à Pezou, 
qu'il y eut là autrefois un centre important de popu- 
lation. 

Nous avons, du reste, plus d'un exemple de sépul- 
tures isolées. On en rencontre assez souvent auprès 




Xi /h' • Pa T^OL i à yrn/iome 



S ' Miirhn- 



OBJETS trouvés dans les Sépultures de Fossk-Dardk, 
Commiine df Saint - Firniin. 



- 251 - 

de villas, dont les propriétaires tenaient à ne pas être 
éloignés,* môme après leur mort. La position pittores- 
que de Fosse-Darde, sur les bords du Loir, convenait 
parfaitement à l'établissement d'une importante pro- 
priété gallo-romaine, ce qui expliquerait très bien la pré- 
sence de la sépulture en question. En tout cas^ M. G. 
de Lavau a recommandé expressément à ses ouvriers 
de prendre les plus grandes précautions dans la con- 
tinuation de leurs travaux, qui peuvent amener de nou- 
velles découvertes. Celle qui vient d'avoir lieu va, il 
faut l'espérer, attirer l'attention du propriétaire du 
moulin même de Fosse-Darde, qui fait aussi exploiter 
une sablière dans le voisinage. 

Disons, en terminant, que AL G. de Lavau veut bien 
faire don de ces différents objets à notre Musée, en ne 
se réservant qu'un seul petit vase. Nous croyons être 
ici l'interprète de l'assemblée en lui adressant nos sin- 
cères remerciments. 



Vendôme, le 14 octobre 1880. 



— 2b2 — 

2« SÉPULTURE GALLO-ROMAINE 
Découverte à Fosse-Darde, commune de Saint-Firmin 



L'article qu'on vient de lire n'était pas livré à l'im- 
pression, quand nous avons reçu de M. G. de Lavau 
l'avis de la découverte d'une nouvelle sépulture gallo- 
romaine faite le 19 octobre à Fosse-Darde, à peu de dis- 
tance delà première et dans les mêmes conditions. 

Les objets trouvés sont analogues à ceux qu'avait 
fournis la première fouille. Ils se composent : 

1° D'une grande coupe en terre rouge, de môme dimen- 
sion à peu près que celle qui a passé sous vos veux. 
(Fig. 6.) 

2° D'un vase en terre grise, de0'",13 de hauteur, avec 
son anse. (Fig. 7.) 

3° D'une sorte de coupe en terre noire, de forme peu 
usitée, mesurant 0'", 08 de hauteur et présentant une ou- 
verture de O'^jllS de diamètre intérieur. (Fig. 8.) 

4° D'un vase presque sphérique, de 0'",10 de dia- 
mètre à la panse et de 0"^,10 de hauteur, reposant sur 
une base de 0"\02 de diamètre. Col brisé, laissant voir 
une ouverture de 0"',033 de diamètre. (Fig. 9.) 

Si, dans cette nouvelle sépulture, nous n'avons pas à 
signaler de bague ni de médaille, en revanche il en est 
sorti deux vases en verre parfaitement intacts, quoique 
avec des parois d'une extrême ténuité ; leur teinte est 
légèrement verte. Le premier est une sorte de coupe, 
déforme demi-sphérique, mesurant 0'", 06 de hauteur et 
0'",08 d'ouverture. (Fig. 10.) 

Le second a la forme d'une petite bouteille, de 0"',11 
de hauteur, avec une panse presque sphérique de 0"\065 
de diamètre, terminée subitement par un col allongé 
et à rebords. Ce dernier rentre dans la catégorie des 
fioles dites lacrymatoircs. (Fig. 11.) 



— 253 — 

Plusieurs fibules, dont l'une est représentée par la 
fig. 12. 

Un i^ètit couteau en fer. (Fig. 13.) 

Sans tirer de la découverte de cette nouvelle sépul- 
ture la conséquence qu'elle doit provenir d'un cime- 
tière gallo-romain, nous ne pouvons encore être aussi 
affirmatif, par la raison toute simple que, si une villa 
importante s'élevait dans le voisinage, on peut encore 
découvrir d'autres sépultures. Ce qu'il y a de certain, 
c'est que celle-ci vient apporter une preuve de plus au 
séjour des Romains dans notre pittoresque vallée du 
Loir. 

Sans parler de Pezou, qui n'est plus à citer, la com- 
mune de Saint-Firmin vient à son tour produire son 
contingent de découvertes d'objets de cette époque. 

En effet, dans cette même commune, M. G. de Lavau, 
sur sa propriété sise rive droite du Loir, avaitj en 
fouillant il y a quelques années, rencontré d'anciennes 
fondations gallo-romaines, de nombreuses briques à 
rebords, des médailles d'empereurs, etc. 

En 1875, M. de Bodard, propriétaire dans la même 
commune et sur la même rive du Loir, en faisant ni- 
veler la cour de son habitation, mit à découvert des fon- 
dations d'une certaine importance, interrompues en plu- 
sieurs endroits. Un escalier en pierre de 4 marches le 
conduisit à une salle de 2"\47 de largeur sur 4'" de lon- 
gueur, remplie de terres noires, cendres et charbon. 
Les mortiers et les pierres des murs complètement cal- 
cinés indiquaient qu'un incendie avait dû détruire cette 
habitation, autrefois villa gallo-romaine. En effet, le 
doute sur son ancienneté n'était plus permis, en voyant 
les divers objets qui sortirent des terres, telles que bri- 
ques à rebord en grand nombre, poteries ordinaires mê- 
lées à des fragments de belles })oteries rouges dites sa- 
miennes, couvertes d'ornements en relief représentant 
des personnages, des animaux, des guirlandes de feuil- 
lage, etc., etc. Ces fragments devaient provenir de va- 



— 254 — 

ses ou coupes d'assez grandes dimensions, de formes 
élégantes et d'une terre très fine, recouverte d'un vernis 
qui a conservé tout son éclat. 

Notons encore l'extrémité d'une petite lampe en forme 
de pied, une élégante fibule argentée autrefois, et une 
belle médaille en bronze d'Antonin-le-Pieux, bien con- 
servée et recouverte d'une patine très brillante ; enfin, 
des épingles à cheveux en bronze et en os. 

Tels sont les objets trouvés dans ce que nous avons 
avec raison qualifié de villa gallo-romaine, située sur 
la pente du coteau descendant au Loir, dans une posi- 
tion des plus pittoresques que le moyen âge avait su s'ap- 
proprier, en y construisant plus tard un fief du nom de 
la Rodie, oij l'on remarquait encore, il y a quelques 
années, des restes de bâtiments de la fin du xv^ siècle. 

Devons-nous clore ici la liste des découvertes dans 
la commune de Saint-Firmin ? L'avenir nousJedira. 



COMPTE 



DK LA 



RECETTE DE VENDOME 

POUR L'ANNÉE 1583 

(Suite 1) 

Par M. Joseph Thillier. 



NOTES 



Le texte du manuscrit que nous venons de publier se 
réfère à trop d'objets divers pour que nous entrepre- 
nions d'en donner ici un commentaire, tâche qui deman- 
derait d'ailleurs une connaissance approibndie des in- 
stitutions religieuses, féodales, judiciaires et adminis- 
tratives delà France à la fhi du seizième siècle. 

Dans les quelques notes qui vont suivre, nous essaie- 
rons simplement de compléter sur plusieurs points les 
renseignements locaux qui abondent dans notre docu- 
ment, et surtout dans sa première partie relative aux 
fiefs. Les sources où nous avons puisé sont : en pre- 
mière ligne, les liasses relatives au duché de Vendôme, 
qui se trouvent en assez grand nomljre aux ai'chives du 
Loiret, dont le savant archiviste de ce département, 
M. J. Doinel, {)ublie en ce moment l'inventaire ; puis les 



(1) V. les BiiUetius de jjuivioi", avi-il, juiUol, uctubru hSTi», 
janvier et avril 1880. 



— 256 — 

pièces manuscrites de la bibliothèque de Vendôme, et 
surtout l'inventaire des chartes de la Trinité et celui des 
titres de l'Oratoire. 

Nous observerons pour ces notes la disposition même 
du manuscrit, c'est-à-dire, autant que possible, l'ordre 
des passages du texte auxquels elles se réfèrent. 



FIEFS. 

Le fiefBiCHOTOu Bouchet-Rougemont était situé pa- 
roisses dePezou et de Lignières; il consistait en quel- 
ques quartiers de pré, un four à ban avec la maison et 
les banniers, et certaines rentes, corvées et autres droits 
féodaux. Il avait été acquis vers 1370 par Tabbaye de la 
Trinité de Simon de Rougemont chevalier, d\t\e Bic/iot, 
et de Jeanne de Beaugency, sa mère ; il relevait alors 
du fief du Boisbreton, appartenant à Raoul sire de 
Merle, et n'était qu'un arrière-fief du comté de Vendôme. 
L'abbaye obtint sur cette acquisition, en 1370 et 1371, 
des lettres d'amortissement de Bouchard, comte de Ven- 
dôme, et de Louis, duc d'Anjou. Le comte retient par ces 
lettres la grosse voirie et ce qui en dépend, et accorde 
à l'abbaye et au titulaire delà chapellenie à laquelle sont 
assignés les revenus de ce fief, d'en jouir en franche au- 
mône et comme de chose amortie môme de la foi et hom- 
mage, moyennant la célébration d'une messe par an 
pour le comte, et le paiement à son argentier d'un marc 
d'argent à chaque mutation d'abbé. 

Ce fief appartenait encore à l'abbaye au dix-huitième 
siècle, et s'appelait alors la Secrétainerie. 

CouRTiRAs. — Cette seigneurie, fort importante par 
son étendue et le grand nombre des fiefs et arrière-fiefs 
qui en relevaient, appartenait, au commencement du 
onzième siècle, à Hilgald ou Hilgod, prévôt de Ven- 



— 257 — 

clômo, fils de Hugues et d'Adélaïde ; il mourut sans en- 
fants, et son frère Archembaud fut après lui prévôt de 
Vendôme*et seigneur de Courtiras. Ce personnage pa- 
raît avoir tenu un rang élevé dans le pays, si l'on en 
juge par le grand nombre des chartes où son nom figure, 
et par les donations considérables qu'il fit à l'abbaye de 
Marmoutier et à celle de la Trinité de Vendôme, où il 
se fit moine sur la fin de sa vie. Il avait eu de sa femme 
Pétronille deux fils, Hugues et Geoffroy, dont le premier 
lui succéda comme seigneur de Courtiras. 

A la fin du onzième siècle, nous retrouvons Courti- 
ras érigé en baronie et devenu l'un des quatre grands 
fiefs du comté. En 1090, un baron de Poncé et de Cour- 
tiras assiste à la prise de possession par Geoffroy de 
Preuilly du comté de Vendôme. 

Pendant près de deux siècles, les deux baronies de 
Poncé' et de Courtiras appartiennent à la maison de 
Poncé. Parmi les membres de cette famille, nous trou- 
vons en 1187 les quatre frères Hugues, Geoffroy, Guil- 
laume et Payen, fils de Hugues de Poncé. L'aîné, Hu- 
gues, eut un fils nommé Philippe de Poncé, chevalier, 
qui vivait en 1230 (1). En 1222, Geoffroy de Poncé as- 
siste aux obsèques du sénéchal Guillaume des Roches. 
En 1293, nous voyons un seigneur de Poncé du nom de 
Gilles. Enfin, en 1329 et en 1347, les deux baronies de 
Poncé et de Courtiras appartiennent à Philippe de 
Poncé; ce Philippe est mentionné dans les échanges 
faits, à ces deux dates, entre les comtes de Blois et de 
Vendôme, avec le titre de prévôt de cette dernière ville, 
titre qu'avaient déjà porté au onzième siècle les deux 
premiers seigneurs connus de Courfiras. Peut-être n'y 
a-t-il là qu'une coïncidence fortuite ; peut-être aussi 
faudrait-il en conclure que la dignité de prévôt était hé- 
réditaire dans la famille des seigneurs de Courtiras. 



(1) V. l'article do M. de Tromault. Bulletin de la Société Ar- 
chéologii|uc du Veudômois, 1874, p. 30 et suiv. 



— 258 - 

Philippe de Poncé eut trois fils. L'aîné d'entre eux, 
Jean, fut seigneur du Bois en Touraine, et mourut avant 
son père; il laissa postérité. Le second, Guillaume, fut 
seigneur de Poncé et de Courtiras. Le troisième, Hu- 
gues ouHuet, dit la Loupe, qui vivait en 1362, eut de sa 
femme Isabeau deux filles, Alix et Epiphanie. 

En 1361, Guillaume de Poncé fit donation à la Mai- 
son-Dieu de Vendôme de la baronie de Courtiras. Cette 
donation, qui figure dans l'inventaire des titres de l'Ora- 
toire de Vendôme (auquel furent transférés plus tard la 
plupart des biens de la Maison-Dieu)_, donne des détails 
très précis siu' le fief de Courtiras et sur les fiefs et ar- 
rière-liefs de son ressort. 

Mazangé. — La seigneurie de paroisse de Mazangé 
appartenait très anciennement au chapitre de Notre- 
Dame de Chartres. Nous trouvons dans le cartulaire 
de cette église, publié par MM. de Lépinois et Merlet, 
qu'en 1213, le comte de Vendôme fit abandon au cha- 
pitre des coutumes qu'il prétendait avoir le droit de le- 
ver sur la terre et les hommes de Mazangé, en se réser- 
vant le droit d'obliger ces derniers à l'accompagner une 
journée dans ses expéditions militaires. 

Cette terre portait le titre de prévôté, et le chanoine 
qui la régissait, celui de prévôt. Le grand hôtel de Ma- 
zangé, situé à Vendôme, à l'entrée du Bourg-Neuf, était 
celui où le prévôt faisait tenir ses assises et rendre sa 
justice. Cet hôtel relevait de Mazangé et était sans doute 
l'une des trois maisons delà paroisse Saint-Martin qui 
étaient régies par la coutume de Chartres, tandis que le 
surplus de la ville et de la chàtellenie était soumis à la 
coutume d'Anjou. 

— Le fief de La Jousselinière était situé en la pa- 
roisse de Saint-Ouen; — celui de Buissay, en la pa- 
roisse d'Azé. 

— La seigneurie de La Noue-Pellegruau était si- 
tuée en la paroisse de Selommes ; il faut l'identifier 



* 



— ^50 — 

sans aucun doute avec le fief du Bouchet-Pellegreau, 
qui appartenait en 1329 à Huet Pellegreau, et en 1347 
à Jean de*Vendôme, ainsi qu'il est énoncé dans l'é- 
change déjà cité, intervenu entre les comtes de Vendôme 
et de Blois. 

En 1530, la Noue-Pcllegreau appartenait à Louis du 
Bellay. 

— Les moulins le Comte ou Grands-Moulins, qui 
portent encore aujourd'hui ce dernier nom, et la sei- 
gneurie de Saint-Venant, étaient situés sur la paroisse 
Saint-Lubin de Vendôme. Cette seigneurie, qui s'éten- 
dait sur la rive du Loir, portait aussi le nom de la Grève, 
que la rue qui traverse ce quartier a conservé. 

— La seigneurie de La Roche-Turpin, située à Artins 
dans le Bas-Vendômois, appartenait en 1283 à Guil- 
laume Turpin, et en 1308 à Herbert Turpin, son fils 
aîné. Elle passa plus tard dans les maisons de Cour- 
tramblay et d'Angennes, et de là à la famille de Cham- 
bray. En 1445, la liaute justice fut concédée à Jean de 
Chambray, seigneur de Poncé et de La Roche-Turpin 
pour ce dernier fief. En 1462, on trouve un aveu rendu 
à Jean de Bourbon, comte de Vendôme, par Gillette 
Cholet, veuve de Jean de Chambray. Dans cet aveu est 
relaté le droit qu'avait le seigneur de La Roche-Turpin 
de conduire la haquenée de la comtesse de Vendôme à 
sa première entrée dans la ville. Enfin la seigneurie de 
La Roche-Turpin passa dans la maison Fillet de la Cu- 
rée par le mariage de Jeanne de Chambray, fille de 
Jean de Chambi'av et de Jeanne de Tillav, avec Pierre 
Fillet de la Curée. 

On trouvera l'histoire et la généalogie des Fillet de 
la Curée dans la notice publiée par M. de Fleury dans le 
Bulletin Archéologique du Vendômois (1872, p. 276). 

— La seigneurie de Montault était située en la pa- 
roisse de Selommes; elle appartenait en 1375 à Geof- 
froy de Vendôme, écuyer, en 143S à Pierre deTibivil- 
liers, et en 1484 à Jean de Tibivilliers. 



- 260 - 

— La seigneurie de paroisse de Pray appartenait en 
1364 à Geoffroy de Pray, écuyer, en 1372 à Hervé de 
Pray, en 1476 à Guy Peigné, et en 1507 à Jean de Pei- 
gné, seigneur de Pray et de Fontenailles (à Nourray). 

— La seigneurie de paroisse de Villeromain resta 
pendant plusieurs siècles en possession de la famille de 
Maillé. Guv ou Giivon de Maillé en était seigneur en 
1347. Le Père Anselme donne la descendance des sei- 
gneurs de Villeromain depuis Juhez de Maillé, second 
fils d'Hardouin viii, baron de Maillé, et de Pernelle 
d'Amboise, qui vivait en 1430 et qui épousa Isabeau de 
Chateaubriand. Leur fils Jean eut de sa femme, Anne du 
Puy du Fou, un fils, nommé Hardouin, qui vivait en 
1464, et qui épousa Agnès de la Roche-Rabasté. Ils eu- 
rent pour fils Abel de Maillé, seigneur de Villeromain, 
qui épousa Marguerite de Refuge ; leur fils René, mort 
en 1531, épousa Françoise le Roy; et le second fils de 
ce dernier, nommé Charles, fut seigneur de Villeromain, 
et épousa Anne de Hommes ; c'est celui qui est nommé 
dans notre texte. Son fils François épousa Claude de 
Plusquellec de Carman, et ses descendants possédèrent 
Villeromain jusqu'à la fin du xvii^ siècle. A cette époque 
Joseph Lenoir de Chantelou acquit Villeromain des 
créanciers de Henri de Maillé, grand banneret de Bre- 
tagne, et de Donatien, son fils. 

— La terre du Plessis, paroisse de Saint-Amand, 
appartenait en 1407 à JeanMannoyre, écuyer. Elle passa 
dans la maison de Fromentières par le mariage d'Isa- 
beau Mannoyre avec Guy de Fromenfières. La maison 
de Champagne en devint plus tard propriétaire, Pierre 
de Champagne ayant épousé en 1504 Anne de Fromen- 
tières, fille unique de Guy de Fromentières et de Fran- 
çoise de Laval. Leur fils, Jean de Champagne, seigneur 
du Plessis, épousa en 1538 Anne de Laval de Bois-Dau- 
phin ; il en eut une fille, nommée Hardouine, qui épousa 
en 1559 Philippe de Chateaubriand. 

— La seigneurie de paroisse de Perrigny et les 



— 261 — 

fiefs de ViLLARCEAU et de Bertault qui y étaient réu- 
nis appartenaient très anciennement à la maison du 
Plessis. Un seigneur de cette famille, Barthélémy du 
Plessis, qui vivait en 1203, est cité dans les titres de 
l'Oratoire de Vendôme ; on y trouve encore en 1341 
Jean du Plessis, écuyer, etenl352, Guillaume du Ples- 
sis. Macé du Plessis en 1392, et Jean du Plessis en 
1485, étaient seigneurs de Perrigny. 

— Les seigneuries de paroisse de Meslay et de Faye 
appartenaient, au seizième siècle, à la famille de Fro- 
mentières ; on voit dans l'église de Meslay la tombe de 
Jean de Fromentières, seigneur de Meslay, Faye et la 
Grapperie, mort en 1571. 

Quant à la seigneurie du Chatel de l'Isle, paroisse 
de Saint-Firmin-des-Prés, qui était également réunie 
au fief de Meslay, elle avait appartenu en 1466 à Jean 
de l'Epine, chevalier. 

— La seigneurie de paroisse de Villiersfault ap- 
partenait en 1526 à Abel de Courcelles. 

— La seigneurie de Noyers, ainsi que les fiefs réu- 
nis de Beaulieu et de Cheverny, étaient situés sur la 
paroisse de Sainte-Gemme. Les seigneurs connus sont : 
en 1277, Geoffroy de Noyers, écuyer; en 1278, Philippe 
de Noyers, chevalier, et en 1329 un autre Philippe de 
Noyers. 

— Le fief de la Berthelotière ou Vaulevrier 
était situé à Villiers ; on trouve en 1364 le nom de Pas- 
quier de Vaulevrier, et en 1524 celui de Jeanne de Vau- 
levrier. 

— Les fiefs de la Pierre et de Villesus étaient si- 
tués en la paroisse de Coulonnniers, et appartenaient, 
ainsi que la seigneurie d'Huchigny, à la maison de 
Malherbe. René de Malherbe, dont il est question dans 
notre manuscrit, avait été gouverneur du duché de \'en- 
dôme; il était fils d'un autre René de Malherbe, sei- 



— 262 — 

gneur des mômes terres et aussi gouverneur du duché 
de Vendôme, et de Jacquette Hurault. 

— La seigneurie de la Boissière était située pa- 
roisse de Villiers. 

— La seigneurie de Montrieux était située en la pa- 
roisse de Naveil, et appartenait à l'une des branches de 
l'antique famille vendômoise des Malon ; Guillaume 
Malon en était seigneur en 1532, et Charles Malon, son 
fils, en 1583. 

Un Père de l'Oratoire de Vendôme, en célébrant dans 
un distique latin le coteau de Montrieux, avait traduit 
ce nom par Mous rldens : 

Sum bene Mons Ridens quem Bacchus pampinat avis. 
In medio Ceres est ; aluit ima Thetis. 

Si la description est toujours vraie, l'étyoïologie ne 
Ta jamais été ; il faut voir dans Montrieux Mons 
Riulfi, et le scribe de notre manuscrit a raison quand il 
l'écrit Montrieul. 

— Le fief de la Bezardière était situé à Lunay. 

— Celui de la Boissière, à Faye et à Rocé. 

— La seigneurie du Chastel de la Galoche ou 
du Chatelet se trouvait en la paroisse de Sainte- 
Anne. Elle appartenait en 1334 à Robert de la Galoche, 
en 1511 à Hardouine de Fontenais, veuve de Bertrand 
de la Boissière, en 1540 à la même, en 1571 à Charles 
Gault, et en 1584 à Jean Tuault. 

De ce fief dépendait le droit de bureau de change des 
monnaies, situé à Vendôme, dans la rue qui a conservé 
le nom de rue du Change. 

Le droit d'affranchissement des mégissiers et bau- 
droyers de Vendôme dépendait aussi de ce fief c pour- 
« quoy ils doivent, lit-on dans un ancien aveu, pourle- 
« dit atîranchissement cinq sols payables au jour Sainct 
« Jean Baptiste pour le cuirage, de sorte que nul ta- 



— 263 — 

« neur et autres ne doivent acheter en ladite ville de 
« Vendosme aucun cuir de bestes, chevalines au asi- 
« nés, pour taner à moins que lesdits mégissiers n'en 
« soient les premiers refusants ; au moyen de quoy 
« lesdits mégissiers sont francs de toutes coutumes au 
« dedans et hors ladite ville et marchez de Vendosme. 
« Et pour ce faire, ils doivent la garnison et fournitures 
« de cuirs blancs nécessaires pour faire mon harnais 
« de guerre ou de mon serviteur quand j'envoie en la 
« guerre pour mondit seigneur si mestier estoit pour la 
« deffense de son pays et du royaume. » On retrouve 
une fois de plus dans la fin de ce passage le cachet d'o- 
rigine essentiellement militaire qui distingue toutes les 
institutions féodales. 

— La seigneurie de la Roche-Turbault était située 
à Pezou. 

— Les seigneuries de Teillay et de la Henrière 
étaient à Espéreuse: Pierre de Noré, écuyer, rendait 
aveu pour le Teillay en 1472. 

— La seigneurie du Gué-de-la-Ville ou de Conan 
était comprise en la paroisse de Saint-Martin à Ven- 
dôme. 

— Le Coudray-Héron était à Tourailles. 

— Le fief de la Gouabellière était à Epiais. 

— La seigneurie de Villeluisant et celle des Or- 
meaux étaient à Selommes. 

— La Touche-Chenard était près du Bois de Mes- 
lay, en la paroisse de Rocé. 

— Le fief du Mas était à Huisseau-en-Bcauce. 

— Le fief de la Ripopière était à Mazangé; il ap- 
partenait en 151Gà Jean de Bouthemie, seigneur de la 
Grandière. 

— Le ficf RoRTEAU, dont il est souvent question dans 
notre document, était aussi ù Mazangé ; son nom lui 



— 264 — 

venait de ses anciens seigneurs. On trouve, en effet, des 
aveux rendus : en 1378, par Guillaume Rorteau, écuyer; 
en 1400, par Guyard Rorteau ; en 1439, par Julien Ror- 
teau, écuyer, fils de Jean Rorteau ; en 1505, par Per- 
rine, tille de Julien Rorteau ; puis par Perrin Guigne- 
bault, mari de cette dernière ; on a vu que ce fief avait 
été enfin réuni au duché de Vendôme. 

— La métairie de Villebrème était située à Ville- 
mardi. 

— La seigneurie de la Chesnaie était située à Gom- 
bergean. 

— La seigneurie d'ANSEYs était au hameau de la 
Grapperie, paroisse de Saint-Firmin-des-Prés. Il y a des 
aveux rendus pour cette seigneurie à Louis de Bour- 
bon, comte de Vendôme, par Jean d'Artigalobe, et à 
Jean de Bourbon par Alexandre Aberry, homme d'ar- 
mes de la garde du corps du roi Charles vu. 

— La seigneurie de Flameray était située à Vil- 
etrun. 

— Le fief de la Quesmière était en la paroisse de 
Villeromain. 

— Il y a dans le Vendômois plusieurs localités du 
nom de Chanteloup. Celle que notre texte mentionne 
parmi les fiefs du duché était très probablement le ha- 
meau de la paroisse de Renay, qui porte encore aujour- 
d'hui ce nom. Jean Daguyer, licencié ès-lois, seigneur 
en 1583 de Chanteloup et de Maugué (à la Chapelle-En- 
chéri), était en outre vicomte de Vendôme, et il convient 
de dire ici un mot au sujet de ce dernier titre. Si on le 
prenait à la lettre^ on pourrait croire que celui qui en 
était revêtu avait dans le pays une situation prépondé- 
rante, et qu'étant le vassal le plus qualifié du duché, il 
en devait être le premier personnage après le duc lui- 
même. Il n'en était rien, et, en se formant une telle opi- 
nion, on commettrait tout au moins un anachronisme 
de plusieurs siècles. 



— 2iib — 

A l'origine, en effet, des institutions féodales, le vi- 
comte était effectivement l'un des premiers barons du 
comté. Uitô charte de la Trinité, relative aux coutumes 
du Vendômois au temps de Bouchard-le-Vieux, pre- 
mier comte de Vendôme, c'est-à-dire sur la fin du 
dixième siècle, mentionne le vicomte Hubert comme pos- 
sesseur d'un grand fief et comme l'un des sept princi- 
paux vassaux du comté chargés tour à tour de fournir 
le guet pour la défense du château (1). Plus tard, vers le 
milieu du onzième siècle, Ingelbaud-le-Breton, vicomte 
de Vendôme, nous apparaît également comme l'un des 
principaux personnages de l'époque : ses vastes do- 
maines sont souvent énumérés dans les chartes de la 
Trinité, et le fait, cité par M. dePétigny, que les plaids 
du comté, au lieu de se tenir régulièrement en la cour 
du comte, avaient lieu parfois en la demeure d'Ingel- 
baud, suffirait pour démontrer l'importance des fonc- 
tions de ce dernier. Le vicomte était bien réellement 
alors le vice-comes, le lieutenant du comte; quand ce 
dernier quittait ses États pour quelque expédition d'ou- 
tre-mer (comme cela arriva si fréquemment aux sei- 
gneurs de Vendôme), le vicomte le suppléait pour le gou- 
vernement du comté, la police et le commandement des 
gens de guerre. En revanche, son domaine était consi- 
dérable; son fief s'étendait sur une partie de la ville et 
sur plusieurs paroisses voisines, et il partageait même 
avec le comte le produit de certaines amendes et de cer- 
tains impôts. 

Si l'on recherche à qui passèrent plus tard les fonc- 
tions importantes que nous venons d'énumérer, et qui 
étaient originairement le privilège des vicomtes, on verra 
que le bailli de Vendômois hérita presque entièrement 
des attributions de ces derniers. Au lieu d'une fonction 
inféodée à titre héréditaire, il y eut un office de judicature 



(1) Cet Hubert eut pour lils Hubert, évèque d'Angers en 1030, 
(lui fit reconstruire l'église Saint-Maurice d'Angers. 

XIX 1^ 



— ^()G — 

à la nomination du comte, et l'autorité d'un légiste 
remplaça le pouvoir d'un chevalier. Nous ne nous éten- 
drons pas sur ce changement, amené par la création du 
bailliage, et dont aucun document vendômois ne nous 
révèle d'ailleurs ni la date ni les particularités. Qu'il 
nous suffise de dire qu'au seizième siècle, les vicomtes 
de Vendôme étaient depuis fort longtemps dénués de 
toutes fonctions, ou plutôt qu'ils n'étaient plus en réa- 
lité des vicomtes, mais seulement les possesseurs d'un 
fief, auquel l'esprit traditionnel de l'époque avait con- 
servé la pompeuse appellation de vicomte, bien qu'il ne 
différât plus en rien des tiefs ordinaires non titrés. 

Ce fief, qui appartenait en 151G à François Daguyer, 
en 1583 à Jean Daguyer, et en 1(308 aussi à un Jean 
Daguyer, avait dans son ressort un certain nombre de 
maisons de Vendôme, et comprenait entre autres biens 
un moulin situé à la Chappe : ce moulin s'appelle encore 
aujourd'hui le moulin de la Vicomte; c'est^ évidemment 
le même que notre texte désigne sous le nom de moulin 
de Chanteloup. 

— La seigneurie de la Nourraye était située à Na- 
veil, au sommet du coteau de Montrieux ; les bâtiments 
en existent encore, et l'on y distingue les vestiges d'une 
ancienne chapelle dédiée à saint Faustin ; le musée de 
Vendôme possède un buste de Vierge en provenant. Le 
fief de la Nourraye s'étendait sur plusieurs maisons de 
Vendôme, notamment entre la rue des Béguines et la 
rue Saint-Jacques. Thibaud Denizot en était seigneur 
en 1521. 

— Les fiefs de Villebadin et de Mihardouin étaient 
situés à Villeromain. 

— La seigneurie du Boile était en la paroisse de 
Pezou ; elle appartenait en 1460 à Michel Guignebault, 
et en 1530 à Michel et à Bertrand Guignebault. 

— La seigneurie de la Vacherie était située à Sainte- 
Anne. 



— '^i\l — 

— Les métairies des Grand et Prtit-Deffais étaient 
eu la paroisse de Selommes. 

— Les fiefs de Poiriers et de la Rochette étaient 
situés à Saint-Ouen ; Poiriers a])partenait en 141;:^ à 
Jean Malon, bourgeois de ^'en(lôme. 

— La métairie des Bordes était à Vilierable. 

— Celle du Verger, à Villemardi. 

— La seigneurie de la Cunaille, à Thoré, apparte- 
nait en 1521 à Thibaud Vallée. 

— La seigneurie de la Jollinière était située à 
Epiais, ainsi que le Vignau ; on trouve des aveux 
rendus pour ces fiefs : en 1405 par Jean de Vifiebresme, 
en 1435 et en 1455 par François et Guillaume Faron, et 
un aveu rendu à François de Bourbon par Alathurin 
Jorres. 

— La seigneurie de paroisse de Villetrun apparte- 
nait de longue date à la famille Fleury. L'inventaire des 
chartes de la Trinité mentionne en 1475 Michel Fleurv, 
seigneur de Villetrun. 

— Les seigneuries de Beaulieu, Bellatour, Mo- 
rillon et la Roche-Landault, étaient en la paroisse 
d'Azé. 

— Les fiefs de Champiart, de Boulon et de ^'ille- 
NEUVE, étaient situés à Mazangé. 

— Le fief de l'Aubouère était en la paroisse de 
Lunay, ainsi que ceux de la Marquerie et de Chemi- 

RON. 

— La seigneurie du Pas-de-Chien était à \\\\c- 
mardi. 

— Le fief de la Pointe ou \'illem archets était 
situé à Vil li ers. 

— Le fief du Brouard était à Rhodoii. 



— 268 — 



DROITS FÉODAUX 

On a pu remarquer, dans le texte du compte de la 
recette de Vendôme, le grand nombre des annotations 
faites par les membres de la cbambre des comptes 
pour prescrire des poursuites contre les vassaux qui 
négligeaient de remplir leurs obligations féodales. 

Voici quelques éclaircissements sur les divers points 
visés dans ces annotations. 

Le fief était, selon Dumoulin et selon Pothier, auquel 
nous empruntons la })lupart des explications qui sui- 
vent, la concession gratuite que quelqu'un faisait à 
perpétuité à une autre personne d'un immeuble ou 
d'une chose réputée immeuble, à la charge de la foi et 
hommage et du service militaire, et soiis la réserve 
de la seigneurie directe. 

Par extension, le nom de fief s'appliquait à l'héritage 
concédé, et au droit de seigneurie directe du concé- 
dant, lequel droit restait en général attaché au corps 
d'héritage retenu par celui-ci, et qui s'appelait fief do- 
minant, tandis que la partie qu'il en avait détachée 
pour la donner en fief s'appelait fief servant. Les pro- 
priétaires de ces deux fiefs se nommaient le seigneur 
et le vassal. 

L'essence du fief consistait dans la foi, car on ne 
pouvait concevoir de fief qui n'obligeât son possesseur 
aux devoirs de fidélité et de gratitude envers le sei- 
gneur de qui ce fief relevait. Le principal devoir du 
vassal était donc la prestation de la foi et hommage, 
qui renfermait la reconnaissance solennelle de la sei- 
gneurie directe et de la supériorité féodale du sei- 
gneur ; cette foi étant personnelle au vassal qui l'avait 
portée et au seigneur qui l'avait reçue, elle était due 
chaque fois qu'il y avait mutation, soit de seigneur, 
soit de vassal. La réception de cette foi s'appelait in- 



— 269 — 

vestiture, et tant que le seigneur n'avait pas reçu son 
Amassai en foi, celui-ci n'était pas censé saisi, ni en 
quelque so»te vêtu de son tîef. Le seigneur n'était point 
obligé de le reconnaître pour propriétaire du fief ser- 
vant, et il pouvait, si la foi ne lui était pas portée dans 
les délais voulus par la coutume, se mettre en pos- 
session du tîef servant par un acte solennel nommé 
« saisie féodale. » C'est à cette saisie que les gens 
des comptes font allusion quand ils ordonnent que 
les choses soient saisies faute d'homme, c'est-à-dire 
quand le fief est ouvert, soit parce que le vassal a 
laissé une succession vacante, soit simplement parce 
qu'il n'est pas en foi du seigneur. 

Le dénombrement était la description détaiUée que le 
vassal devait donner à son seigneur de tous les héri- 
tages et droits qu'il tenait en fief de lui ; le but de cet 
acte, dû à chaque mutation de vassal, était de conserver 
au seigneur, tant contre son vassal que contre les sei- 
gneurs voisins, la preuve de tout ce qui relevait de lui, 
soit immédiatement, soit médiatement. Le vassal pou- 
vait être contraint à donner ce dénombrement par 
amendes et, après quatre sommations inutiles, par la 
saisie de son fief. 

C'est l'accomplissement de cette formalité que la 
chambre des comptes réclame quand elle ordonne, en 
plusieurs endroits de notre manuscrit, de poursuivre 
des vassaux pour bailler par aveu. 

— Le profit àe, quint ou de re/ii^e consistait, comme 
son nom l'indique, dans la cinquième partie du prix 
de la vente, qui était due au seigneur lorsqu'un fief 
mouvant de sa seigneurie était vendu. Autrefois, en effet^ 
les vassaux ne pouvaient vendre leurs fiefs qu'avec 
le consentement du seigneur; l'usage s'était introduit 
d'obtenir ce consentement en payant une certaine//- 
nance, et peu à peu les vassaux devinrent libres, 
moyennant le paiement de ce [jrofit, de vendre leurs 
fiefs sans le consentement du seigncui". Puis, au moyen 
de la clause de franc-denicr au ociidcur, ce dernier 



- 27(3 — 

chargea l'acquéreur de payer le droit de vente, et enfin 
les coutumes admirent que ce droit incombait à l'ac- 
quéreur. 

Le requint, usité dans quelques coutumes, était un 
supplément de droit, qui s'élevait à la cinquième par- 
tie du quint. 

— Le rachat était le droit pour le seigneur de perce- 
voir le revenu de l'année du fief relevant de lui, toutes 
les fois que ce fief changeait de main autrement que 
par une vente ou un contrat équipollent à vente, c'est- 
à-dire, par exemple, par donation ou par héritage, et 
en général toutes les fois qu'il y avait un nouvel homme 
de fief, bien qu'il n'en fût pas à proprement parler le 
propriétaire, ainsi lors du mariage d'une femme pro- 
priétaire d'un fief, ou par les mutations de titulaire de 
bénéfice ou d'homme vivant et mourant des commu- 
nautés. ^ 

— Le cheval de service, dû par certains vassaux qui 
y avaient été assujettis par des conventions particuliè- 
res, était exigible à mutation de vassal et de seigneur, 
c'est-à-dire que la double mutation et du vassal et du 
seigneur était nécessaire pour en motiver la percep- 
tion; en d'autres termes, le seigneur ne pouvait l'exiger 
qu'une fois dans sa vie, et la mutation du vassal n'y 
donnait point lieu seule jusqu'cà ce qu'il y eût aussi 
changement de seigneur. Sauf cette restriction, et à 
moins que les titres ne portassent le contraire, cette 
redevance était due dans les mêmes cas que le rachat ; 
dans la coutume d'Anjou la valeur du cheval de ser- 
vice était taxée à cent sols tournois. 

— Pour exiger ces divers droits et en déterminer le 
montant, la chambre des comptes avait besoin de con- 
naître le détail de chaque mutation survenue dans la 
propriété des fiefs; c'est dans ce but qu'elle rt'clame en 
divers endroits l'exhibition des contrats. 



* 



— 271 — 



; ARCHIVES DU DUCHÉ 

Un inventaire sommaire et tableau méthodique des 
fonds des Archives nationales a été pubhé, en 1871, par 
la Direction générale de cet établissement. 

Parmi les pièces de la section judiciaire, on trouve 
dans cet inventaire l'indication des papiers terriers 
provenus des chambres des comptes particulières des 
diverses provinces, et déposés à la chambre des com- 
ptes de Paris. 

Nous transcrivons ici ce qui a trait au duché de 
Vendôme : 

— Hommages et aveux : 14'' = 18^ siècle. — P. 599 
= 714. 

— Déclarations d'héritages et reconnaissances de 
cens pour Vendôme, Montoire, Trôo, Nauvay (?) Bou- 
lave, Lavardin, Savignv, Mondoubleaii, Roches l'Evè- 
que. - P. 952 = 972,983. 

— Pa})iers censifs de Vendôme, Marcilly, Rorteau, 
Prépatour, S^'^-Anne, la Gravière, Savignv, Montoire, 
Bonneval. — P. 974 = 983. 

— Estimation des domaines échus à M""^ d'Alençon 
de la part du comte de ^^endôme, 1356. — P. 973. 

— Titres do domaines. — Q^ 422 = 444. 

— Bailliage de Vendôme. — Sentences criminolles 
1531 — 1534. - Z' 4438. 

Eaux et forêts. — 1540 — 1593. — Û 4510 = 4515. 
Baux et fermes, 1582. — Z' — 4512. 
Teires vagues, 1565. — Z^ 4513. 
Plaids et remembranccs de fiefs, 1.521 = 1.599. — 
Z' 4439, 4509. 

— Mondoublcau : bailliage, assises, amendes et rc- 



— 272 — 

membrances, 1451 = 1590. — P. 984. Z^ 1336 = 1364. 

Amendes et remembrances des plaids segreaux, 1580 
= 1583. — Z^ 1365 = 1366. 

Arpentage des terres vagues, 1565. — Z^ 2554 = 

— Les Motteux : remembrances de plaids, 1478 = 
1545. — Z' 2554 = 2555\ 

— Saint-Calais : bailliage, procès et amendes, — 
Z* 3987 = 3989. 

— Plaids censifs et féodaux du Bas-Vendômois, 1490 
= 1625. — Z' 4514 — 4575. 

Eaux et forêts, plaids segreaux du Bas-Vendômois, 
1527 = 1594. — Z' 4576 = 4592. 

— Terres vagues. — 1562 — 4593. 

— Arpentages, 1566. — 4594 = 4595. , 

— Répertoire des titres apportés en la chambre des 
comptes de Paris après le décès du dernier duc de 
Vendôme en 1714. — P. 985 = 986. 



* ESSAIS 



SUR 



L'ORIGINE DES NOMS LOCAUX 

DANS LA TOURAINE & LE VENDOMOIS 

Par M. DE ClIABAN 



Si, désirant rechercher les origines des noms locaux 
en France, on vient à se demander quel peut être le 
point de départ de ceux qui désignent aujourd'hui le 
plus grand nombre de nos villes, de nos bourgs et 
même de nos plus modestes villages, on se trouve tout 
d'abord comme enveloppé par l'opinion généralement 
admise qui les rattache à la langue apportée dans la 
Gaule par les Romains, ses envahisseurs, et qu'ont 
employés, pour les mentionner, les écrivains des pre- 
miers temps. 

Cette opinion, qu'on me permette de le dire, ne me 
paraît pas reposer sur des bases suffisamment solides, 
et contredit même, selon moi, la loi fondamentale de 
formation des noms de cette espèce, car les dénomina- 
tions sorties de la plume de ces auteurs n'ont, dans la 
plupart des cas, aucune signification latine, et n'appor- 
tent à l'esprit de celui qui les interroge aucun indice ré- 
vélateur de l'impression qui leur a donné naissance. 

(Jr, c'est évidemment pai' impression que les races hu- 
maines procèdent en matière de désignations locales, 
et l'observation démontre que, par suite de cette prédis- 
position naturelle à l'homme, un nom n'est jamais, 



— 274 — 

pourrait-on dire, le résultat d'un assemblage accidentel 
de syllabes échappées à des lèvres inconscientes, mais 
une qualification du lieu qui l'a reçu, d'après sa situa- 
tion, son usage, le nom ou la fonction de son posses- 
seur, d'après les circonstances, enfin, qui l'individuali- 
sent en quelque sorte, et dont renonciation vient lui at- 
tribuer pour l'avenir une existence distincte et particu- 
lière (1). J'ajouterai, pour compléter ma pensée, que, 
sauf quelques exceptions dues à l'orgueil des conqué- 
rants, qui ont imposé leurs noms aux cités ou aux pays 
conquis, et sauf aussi quelques autres, nées de la fan- 
taisie personnelle, les désignations dont il s'agit ne sont 
ordinairement pas réservées aux grands ni aux let- 
trés. 

Les bonnes gens des villes et des campagnes, aussi 
peu soucieux du pouvoir des uns que du savoir des au- 
tres, baptisent un lieu, dans leur langue imagée, d'a- 
près ce qu'ils en voient, ce qu'ils en font, ctî qu'ils en 
pensent ; le premier jour, c'est un sobriquet, l'iiabitudc 
en aura bientôt fait un nom. 

Ce nom pourra suljir avec le temps des transforma- 
tions, résultant tantôt d'un remplacement d'un idiome 
par son dérivé, Villanova, Villeneuve^ tantôt de la mo- 
dification de certaines syllabes dans la langue qui l'a 
enfanté: Castel-Reynold, Chàteaurenault ; Montai- 
gne, Montagne. Toujours est-il qu'à juger des origines 
inconnues d'après celles que Ton connaît, on peut, ce 
me semble, admettre en principe que l'appellation de 
chaque lieu emprunte presque toujours sa raison aux 
circonstances de sa naissance ou de sa manière d'être. 

On ne saurait donc mieux faire, sauf meilleur avis, 
pour approcher le plus possible de la vérité en ma- 



(1) Exemple : Beaulieu, Les Tuileries, La Guérinière, La 
Prévôté, etc., etc.; Whitehall, Portmouth, Civita-Vecchia, etc. 

Il en est de même pour les noms d'hommes et de peuples : 
Breun, Kaisar, Le Grand, Bihan, Wolf, Fox, le Grand-Serpent, 
les Pieds-Noirs^ etc. 



* 



— 275 — 

tière d'étymologie nominale, que de régler son pas sur 
la marche naturelle de l'esprit humain, et de n'accep- 
ter comnjje générateurs d'un nom de lieu que les mots 
qui, parleur racine sinon par leur ensemble, possèdent 
une signification conforme aux conditions de son 
existence. 

C'est sous l'empire de ces idées que, frappé à la fois 
de la complète insignifiance des noms prétendus latins 
dont on a fait le plus ordinairement descendre les noms 
français, et du rapport étroit qui relie, au contraire, 
beaucoup de ces derniers au breton armoricain, tant 
par la forme que par le sens des mots, j'ai i)ensé à de- 
mander à ce vénérable débri du langage de nos pre- 
miers pères l'origine des appellations assignées à nos 
localités. Beaucoup d'entre elles auraient, si je ne me 
trompe, traversé sans altération sensible la période 
gallo-romaine, ainsi que la période romane, et seraient à 
peu près aujourd'hui ce qu'elles étaient aux âges cel- 
tiques, si l'on vient à les dégager des travestissements 
dont les écrivains latinisants les ont recouvertes soit 
par obéissance cà la loi du vainqueur, soit pour les ha- 
biller à la mode de leur temps, comme ces gens des 
xvi^et XVII® siècles qui vètissaient à la grecque jusqu'à 
leurs propres noms. 

J'ai donc cru pouvoir, en conséquence de ce qui pré- 
cède, appliquer aux recherches étymologiques qui font 
l'objet de cet opuscule la méthode suivante : 

Examen fait du nom d'une localité, quand je suis resté 
convaincu qu'il n'avait aucun sens dans sa f^rme la- 
tine, ou que ce sens appartenait évidemment au do- 
maine de la fantaisie, j'ai eu recours aux racines et 
autres formes ceUiques conservées, me paraît-il, en 
grand nombre dans la langue armoricaine, et, chose 
étrange, avant même de connaître les particularités 
d'existence de C(»tte localité, la composition de son nom, 
au moyen des éléments bretons, mêles a bien souvent 
rt'V(''lées. 



- 276 - 

Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la commune 
de Betz (1), en Toui'aine, laissant de côté les mots la- 
tins Beciusis viens, dont le sens prol^lématique n'ap- 
portait à mon esprit aucun indice de qualification pour 
le lieu qu'ils représentent, j'ai consulté le breton, qui 
m'a fourni beZj tombe, et en me renseignant plus tard 
sur les causes qui auraient pu déterminer pour la com- 
mune de Betz l'application de ce nom funèbre, j'ai ap- 
pris que des fouilles récentes, pratiquées dans un tii- 
mulus regardé jusqu'ici comme une motte féodale, y 
avaient mis à découvert un assez grand nombre de sé- 
pultures remontant aux époques les plus reculées. Je 
pourrais citer bien d'autres cas de cet accord entre la 
signification des mots et le caractère des lieux ; mais 
cela viendra plus à propos dans le corps de l'ouvrage. 

Certes, toutes les étymologies que je présente dans 
mes Essais n'ont pas une somme de probabilités égale 
à celles qui paraissent entourer le nom de Bfetz ; mais 
j'ai mis tous mes soins à n'en admettre que de possi- 
bles, et, à ce sujet, qu'on me permette encore une expli- 
cation. 

Le nom de la commune de Panzoult, abstraction faite 
du t final, Pansoul (àepanj ou boHj pays, contrée, etc., 
et de soûl, chaume), signifierait en breton le lieu du 
chaume^ comme on dirait en français : la Chaumerie, 
la Chaumine, Chaumineau, etc. Du moins, peut-on sans 
témérité l'interpréter ainsi. J'accorde que cela ne suffit 
pas à établir une relation ineontestable entre les deux 
mots, car il est évident qu'un fait aussi mobile que l'em- 
ploi du chaume à un usage non précisé, dans un lieu 
qui n'a pas d'histoire, ne saurait se constater après 
tant de siècles écoulés; et enfin décompte, l'étymologie 
dont il est question repose sur une simple conjecture ; 



(1) Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que la pronon- 
ciation tourangelle de ce nom c^iBèe ; le dialecte de Vannes dit 
également Br, toiTil)e, et non Bez. 



— -rn — 

cependant, je le demande, n'est-il pas conforme à la rai- 
son de <îhoisir comme élément générateur de Pan- 
zoult (1) ''la forme Pan-Zoul, qui possède en breton un 
sens applicable à un endroit habité, de préférence à celle 
de Pensotum, qui n'en a aucun en latin ? S'il faut re- 
connaître, à tout prendre, qu'à part quelques cas indis- 
cutables, une étymologie nominale n'a d'autre valeur 
que celle d'une hypothèse, ne doit-on pas admettre 
aussi que certaines de ces dernières, sans atteindre 
la certitude, offrent pourtant en l'esprit un degré de 
probabilité qui ne permet pas de les repousser abso- 
lument? C'est, du moins, ma pensée, et je me suis 
attaché,' je le repète, à n'en présenter que de cette 
espèce. 

Ces explications données sur la méthode que j'ai cru 
devoir suivre, j'arrête ici ces préliminaires, trop longs 
peut-être, mais qui m'ont paru indispensables à l'édifi- 
cation de ceux qui pourront prendre la peine d'ouvrir 
mon livre ; je tiens toutefois à ajouter, avant de finir, 
que ces Essais sont bien un essai, que je sens tout ce 
qui me manque pour élever aucune prétention à la pos- 
session de la vérité, et que mon but a été de chercher, 
non d'enseigner. 

Heureux si mes recherches pouvaient, un jour, par 
l'entremise de plus savants que moi, servir, dans une 
proportion si modeste soit-elle, à établir, sur des bases 
désormais mieux fixées, l'origine des noms de lieux 
français, et à prouver peut-être que la plupart d'entre 
eux, laissant passer sur leur tête le fiot des langues 
d'invasion, sont restés inébranlables à leur poste, 
comme la race gauloise qui les a créés, et qui, en dé- 



(1) Pris séparément, le nKjt (|ui correspond ;'i cliannic est, en 
hreton^ so((lj et non pas ^oul ; mais, dans les noms composés, 
cette langue transforme assez souvent les consonnes dures en 
douces : Pan^oid deviendrait Pansoul, comme Kcsgrist devient 
Kargrist, et tant d'autres. 



— 27^ — 

pit des vicissitudes qu'elles a subies, forment encore à 
l'heure présente le noyau principal de la nation fran- 
çaise ! 

Si ma manière de procéder paraît bonne, d'autres 
pourront l'appliquer aux noms de lieux d'une grande 
partie de la France. Quant à moi, en raison de mon 
inexpérience dans l'art d'écrire et de l'âge qui me gagne, 
je bornerai mon travail au Veiidômois, où je suis né, et 
àlaTouraine, que j'habite depuis longtemps : question 
de respect filial pour l'un et de bon souvenir pour les 
deux, où j'ai rencontré, à différentes époques de ma 
vie, mes meilleures affections. 

Je joins, à l'appui des opinions exprimées dans ces 
préliminaires, quelques exemples d'étymologies de noms 
locaux, formés à l'aide d'éléments celtiques. 



27*^ - 



"VENDOME, alictfi VExNDOSME. 
Latin : Vindocinum, sans signification. 

Celto-Breton : — 1" Vcn pour Men, pierre, pour Ben, 
le fait de tailler la pierre, ou Ven pour Pemi, Pcn, 
tète, bout, extrémité (1) : 2° Tun, Dun, Tiichen, Dtc- 
chcn, en breton gallois Tom, Doni, coteau, dune, forte- 
resse ; Ven-dan, Ven-duchen, Ven~dom, le coteau de 
])ierre, de la taille de pierre (2) (pour Men-dtin ou Men- 
duchen) ; ou la tête, le bout, l'extrémité du coteau, ou 
encore la forteresse du coteau, le coteau de la forteresse 
(pour Pen-dtui, Pcn-duchen ou Pen-dom). 

Composition : — Vendun = Veiidom = Vendôme. 
(Je parlerai plus loin de Venduchen.) 

Il faut remarquer que Ven^ dont la prononciation est 
la même en breton qu'en latin (vène), a donné en fran- 
çais le son van, comme ven de vendere a donné van 
dans vendre. 

Circonstance caractéristique : — La ville de Ven- 
dôme doit, comme tant d'autres, son origine au châ- 
teau fort sous la protection duquel sont venus se réfu- 



(1) V est la consonne muable correspondante de M dans la lan- 
gue bretonne armoricaine actuelle. Il ne correspond plus à P ; 
mais il en était encore ainsi au siècle dernier (Voir le Diction- 
naire breton-français de Dom Lepelletier, au mot Peiin, Pcn). — 
Dans les noms composés, il existe en breton plus d'un exemple 
<le jtareil adoucissement pour la consonne initiale du premier 
mot. Ainsi on trouve Gaermorcan pour Ker ou Quer/norvan, le 
manoir, le village, la ville de Morvan, Benodet pour Penodct, 
l'extrémité, l'embouchure de l'Odct. 

(2) En breton, le substantif (]ui désigne d'une manière déter- 
minée ne prend pas l'article. On dit : Jili^ Landevnc, l'église de 
Landerneau, au lieu de aiinJili-, (a église, etc., si le mot est en- 
visagé au point de vue général. 



— ^80 — 

gier ses premiers habitants (1) ; or, si l'on considère 
les conditions d'existence de cette forteresse, on doit 
remarquer que le coteau (le Dun) qui la supporte, est 
formé d'un massif de pierres à bâtir, ainsi qu'on peut en 
juger par les importantes galeries souterraines qu'on y 
a pratiquées, soit pour servir de refuge dans les âges 
celtiques, soit pour ménager un moyen de retraite à la 
garnison dans des temps plus modernes, soit, enfin, 
pour en tirer les matériaux nécessaires à la construc- 
tion des défenses érigées en ce lieu. 

D'un autre côté, le château occupe la tète du Dun qui 
domine la ville, et dont les contre-forts viennent se per- 
dre à rintersection de la vallée du Loir et du ravin de 
Saint-Lubin. On voit donc que le nom de Vendôme, 
qu'il vienne de Men-Diin, Men-Dom, le Dun de la 
pierre, ou de Pen-Dun^ Pen-Dom, la tète, l'extrémité 
du coteau, le coteau de la forteresse, la forteresse du 
coteau, est en complet rapport de sens avecle caractère 
du lieu que la langue celtique l'aurait chargé de repré- 
senter. 

Qu'on me permette de mentionner ici une particula- 
rité qui peut, jusqu'à un certain point, tenir sa place 
dans la question. 

Partout où il existe, à ma connaissance, d'anciens 
édifices militaires, on les désigne sous le nom de châ- 
teau. On dit: Je vais au château; je demeure près du 
château. Un bon vendômois n'emploiera jamais cette 
expression ; on dit généralement à Vendôme : La Mon- 
tagne (le Dun) ; comme si les populations avaient, par 
une habitude traditionnelle, conservé aux défenses qui 



(1) Aux temps de troubles et d'invasions, suites inévitables du 
choc des différentes races se disputant le sol de la vieille Gaule, 
les châteaux féodaux étaient un refuge pour les laboureurs^ les 
artisans et les gens de commerce des alentours ; les châtelains 
étaient, pour ainsi dire, leurs défenseurs nés. On l'oublie trop 
quand on en fait uniquement des voleurs de grands chemins, 
sans cesse occupés de rapines et de pillage. 



— .-^.si — 

protégeaient leurs ancêtres le nom suus lequel elles 
étaient connues dès les premiers temps, et dont la 
forme seuîe aurait varié en passant d'une langue dans 
l'autre, la signification restant la môme. 

Quelques explications ma paraissent indispensables 
à ajouter en terminant. 

Le savant M. Quicliei'at d<jnne comme origine du 
mot Vciidufitnc le latin Vindocinum, qui se serait mo- 
difié ainsi : Vindocinuni, Vindocin, Vindoçn, Ven- 
dosme, Vendôme. En supposant qu'il en soit ainsi, de- 
vrait-on regarder Viiidocinum comme la forme pre- 
mière et par conséquent comme le véritable père de 
Vendosme^ comme son légitime auteur étymologique f 
Je ne le pense pas, car, ne possédant aucun sens dans 
la langue latine, échappant dès lors à la règle de forma- 
tion des noms de lieu observés chez tous les peuples, il 
n'est, selon toute probabilité, que la latinisation d'un 
nom antérieur, et ce nom, il semble possible de le re- 
trouver, en se reportant au mot Duchen, cité plus haut 
comme synonyme de D/ni et Doni. 

En effet, si l'on veut bien se rendre compte du son 
de la lettre C dans certaines svllabes de la langue ita- 
lienne qui se prononçaient probablement d'une manière 
analogue en latin {c/i, tc/t), on sentira combien le Ven- 
duclieii gaulois serait facilement devenu Vindocin = 
Vindochin dans l'idiome des conquérants. On voit que 
si Vendosme peut venir de Vindocinuni, il est permis 
de croire, sans aller trop loin, que Vindocinuni juiisse 
à son tour venir de Venduchen, puisqu'ils sont si près 
l'un de l'autre dans la prononciation, et que le premier 
ne signifie rien, tandis que le second |)assède une signi- 
fication en rapport avec le lieu qu'il rej)résente. 

Ce n'est pas sans hésiter que j'ai donné comme un 
des éléments celtiques générateurs de Vendôme une 
forme particulière au breton-gallois, Tom. = Dont 
équivalant aux Dun et Duchen armoricains. On nie 
reprochera sans doute ma hardiesse; on m'opposera 

XIX 1!) 



— ^8^ — 

le peu de probabilités de l'existence de cette forme 
dans le dialecte gaulois parlé autrefois à Vendôme. 
Je le veux bien ; mais cependant qui pourrait affirmer 
qu'aux époques reculées où la voix populaire a baptisé 
Vendôme, la langue non écrite et conséquemment indé- 
terminée de ses parrains n'employât pas concurrem- 
ment, dans notre pays, des mots dont certains se trou- 
vent exclusivement réservés aujourd'hui à tel ou tel dia- 
lecte étranger? Ce qu'il y a de certain, c'est que Z>w/i 
et Dom appartiennent l'un et l'autre à l'idiome cel- 
tique, et que, annexés à Ven, ils sont aptes à qualifier 
le castrum vendômois, origine de la ville, autrement dit 
à former son nom. 



TROO. 

Latin: Truji^, Trouga ; sans signification. 

Celto-Breton : — Trôo^ pluriel légèrement modifié 
de Trô, tour, circuit, qui donne aujourd'hui Tro ion, 
Tro io, suivant les dialectes. On comprend qu'entre 
ces différentes formes, la différence est peu sensible, et 
que l'altération Trô o ait pu facilement se produire au 
courant des siècles. 

Composition: Troiou, Tro io = Trôo 

Circonstances caractéristiques : — Situé sur un 
escarpement rapide des coteaux du Loir, Trôo n'est 
abordable du côté de la vallée qu'au moyen de che- 
mins formant nécessairement des détours; déplus, en 
cet endroit, la colline renferme un véritable lacis de sou- 
terrains^ bien fait pour attirer à la localité le nom qu'elle 
porte. 



# 



— t^'6 — 

LAVARDIN. 

Latin: Lcœardmum; sans signification. 

Celto-Breton : — Lcœar, parole; Din, forteresse. 
Lavar din, la forteresse de /«parole. 

Composition : Lavar din = Lavardin. 

Circonstances caractéristiques : — On ne saurait, 
selon moi, mieux désigner le lieu fortifié qui semble 
avoir commandé, en les temps les plus reculés, la val- 
lée du Loir, disant en quelque sorte aux gens disposés 
à passer outre: Parle-moi! Cette dernière interpréta- 
tion est également possible, car, dans la langue bre- 
tonne, un très grand nombre de substantifs sont iden- 
tiquement semblables à la seconde personne du singu- 
lier de l'impératif. Dans ce second cas, Lavardin se 
composerait ainsi : Lavar, parle; d'in pour da in, à 
moi; parle-moi. 

Nous avons, en français, des noms composés de la 
même manière, avec un verbe comme point de départ: 
Montrctout, par exemple. 



LOCHES. 

Latin : — Lacca viens, Liicacense caaÉ/'iuu, Loccis, 
Lochiœ, Lucas, Leuchœ ; sans signification latine. 

Celto-Breton : — Loc, Lof/, Loc'/i, Loch (prononcez ce 
dernier Loche), cabane, cellule, loge; en breton-gallois, 
Llochcs, refuge. 

Composition: — Loc'k = Loch ^^ Loche = Lochlis. 



— â84 — 

Circonstance caractéristique : — La ville de Loches 
me paraît devoir son nom h la demeure de saint Ours, 
sanctus Ursiis (1), qui vint, en 480, s'établir dans les 
flancs delà colline couronnée par le château. 

Grégoire de Tours, auquel nous devons la connais- 
sance de ce fait, désigne l'habitation du saint sous le 
nom de Loccis (2), et nous apprend que, de son temps, 
cette appellation avait passé du monastère au cliàteau, 
autour duquel la ville n'est évidemment venue se grou- 
per que plus tard. 

Ainsi, dans ma pensée, Loccis ne serait autre chose 
que la latinisation de loch ou loche^ et voici mes rai- 
sons: ce mot loc, qui se prononce ou s'est prononcé 
loc, iof) , loc h et loche, se retrouve à chaque pas en 
Bretagne dans les noms de lieux, et désigne i)rincipa- 
lement ceux qui furent jadis habités par de saints per- 
sonnages qui venaient y oubliei' le monde g(3) : exem- 
ple, Loc Malo, Loc Rouan, etc. Or, c'est bien dans ces 
conditions que saint Ours ou saint Urz est venu se fixer 
à l'endroit cité, dont le nom se trouve, dès lors, justifié 
par l'événement principal qui a signalé son existence et 
déterminé pour lui une appellation spéciale. 



(1) En breton armoricain, xir? et vr:, on hrcton gallois, nrtUl 
(prononcez urz), signifient commandement, ordre. Le nom pro- 
pre Ursns n'en est peut-être qu'une foi-me latinisée: je suis porte 
à le croire, en raison de la composition de très anciens noms 
bretons, qui a lieu, non pas comme d'habitude, au moyen de l'ap- 
plication à un homme de l'adjectif qui le qualifie, mais du suli- 
stantif donnant lieu à la qualification. Ainsi, lurjevn, éclat, au 
lieu de lugernuz jh\-\\\-Ani; so k hoii, ^oupe, au lieu de souboincr, 
mangeur de soupe, etc., etc., constituent en breton des noms de 
famille. Le nom de ui-z, commandement, aj)pliqué au fondateur 
d'un monastère, rentrerait dans cette catégorie. Cela s'explique 
d'a\itant mieux que urz signifie aussi règle monastique. 

(2) Sanctus Ursns tUdiKififcrium institnit aliuni (480) qriod tiuur 
Loccis vocant, sitn/n scillcct, super /Iitn'inji A'/ucrri)) , in i-eccssu 
montis ctii nunc casti-uni suin'reniiiiA't, ijiso nomiiio. ai /no/ius/r- 
rit/in cocitatuin. (Greg. Tur. llist., lib. x, ci]), xxxi.) 

(3) Voir /o7i- ou loc, cl /07. Din. brct()ii-fr;m(;ais de \.r (lonidcc 



— 285 — 

Je n'ignore pas qu'en ce qui touche la signification 
celtique du mot Loches, je suis en contradiction avec de 
savants étfv'mologistes, qui, tout en le faisant, ainsi que 
moi, dériver de la langue gauloise, lui donnent pour gé- 
nérateur le mot Luc'h ou Louc'h (1), marais, sans doute 
à cause d'un autre passage de Grégoire de Tours, attri- 
buant à saint Eustoche, son prédécesseur dans l'épis- 
copat, l'établissement de })lusieurs églises per Viccos 
Liiccas (2), trente ans avant l'arrivée de saint Ours 
dans ces parages. 

Quoique Luccas meseml)le, comme à ces écrivains, 
un produit adultéré de Luch, je ne saurais cependant 
partager leui* opinion sur le'rapport qu'ils établissent 
entre Ltœcas, les Manùs, et le nom de Loches. 

En eftet, on ne i)eut douter que saint Ours n'ait choisi 
comme emplacement de sa demeure, non pas les Vic- 
cos Luccas, les Vies, les bourgs, les villages maréca- 
geux de saint Eustoche, mais le Loccis de Grégoire de 
Tours, qui détermine formellement sa position dans la 
montagne, sur laquelle s'élève le château^ in recessu 
montis. Ce simple énoncé suffit, je pense, à repousser 
pour le nom primitif de Loclies toute idée en rapport avec 
celle de marécage. Les formes Loccis et Luccas ne 
s'appliqueraient pas, selon moi, au même lieu; le pre- 
mier représenterait le Loc de saint Ours, dans le coteau 
où la ville a pris naissance; le second, certains cen- 
tres de i)opulation agglomérée dans l'humide vallée de 
riiuh'e, et conséquemment dans les lueh, le marais (3). 



(1) Le mot Luc'li ou Louc'h contient \\x\ C,et non pas un E; 
le C est séparé de l'H par une apostrophe qui annonce sa pronon- 
ciation guttui-ale ; ce n'est point un accent. 

(2) Eustorhiuiii l'cvunl infiliiiiissQ Gcclesias per Vlceos Lnccna. 
(Greg. Tur. Hist., lih. x, cap. xxxi.) 

(.S) !)(> nos jours cnci)r(>, r/iric hièli (en constructiDU rleow rir- 
luc'li) signilicrait hourg, village du marais. La racine oie est, 
il est vrai, commune au latin cHaux dialectes celti(|ues ; uiais vie- 
cos, Luc-ed.'^, me parait néanmoins une latinisation de ric-lae'Ii ; 



— ^86 



LE PERCHE-GOUET. 



J'appellerai, en finissant, l'attention du lecteur sur la 
dénomination, non plus d'une localité particulière, 
mais d'un pays entier, compris pour une de ses parties 
dans le Vendômois. Il s'agit du Perche-Gouët, qui se 
trouve désigné en latin sous la forme Perticus salttis. 

En breton armoricain, Pers, et dans le dialecte de 
Vannes Perc'h ou PercJi, signitîe part, portion, contrée, 
et coëton couat a le sens de bois, forêt; Persoii Perch 
Coët veut donc dire bien évidemment Pays-bois^ ou 
plutôt le Pays du bois, comme je l'ai expliqué dans la 
note qui suit l'article Vendôme. Si l'on ajotite à ce qui 
précède qu'en raison des règles relatives à la permuta- 
tion des consonnes bretonnes, dans un nom composé de 
deux substantifs, le second, quand il est régi par le 
premier, change sa consonne initiale de forte en douce, 
on verra que le mot Perche-Gouët est tellement sem- 
blable à Perch-Goët, qu'il est pour ainsi dire impos- 
sible de refuser au nom breton la paternité du nom fran- 
çais. Je n'ai pas besoin d'appuyer sur l'accord existant 
entre la signification du mot et le caractère des lieux, 
car, malgré la marche progressive du déboisement et la 
disparition incessante des clôtures plantées d'arbres, 
le pays percheron, vu des hauteurs, présente encore à 
l'œil l'aspect d'une vaste tbrét. 

Le nom latin du Perche-Gouët, Saltus Perticus, est 
un exemple frappant du dédain ou de l'ignorance avec 
lesquels les écrivains latinisants traitaient les noms 



la secondo pai'tio du nom (Luccas), dont la racine Luc n'est cei'- 
tainement pas latine avec le sens de maivcage, tendrait à prou- 
ver cette opinion). 



* 



— 287 — 

gaulois tombés sous leur i)lume. L'auteur de celui-ci, 
sachant encore que coH signifiait bois, forêt dans la lan- 
gue celtique, l'a interprété pur saltus, dont le sens est 
à peu près le même. Quant à Pers ou Perch, dont il 
ignorait probablement l'origine^ il s'est contenté de l'af- 
fubler à la romaine, et lui a tourné les talons (1). 



(1) M. Quicherat, dans son excellent ouvrage sur la formation 
des anciens noms de lieux français, ridiculise les clercs du moyen 
âge à ce propos, et il cite Bonneuil, qu'ils nommaient Bo;i?<s ocu- 
lus, Sannois, dont ils faisaient centam nuges, cent noix. — Pour 
ma part, comme je l'ai dit dans mes Préliminaires, je crois qu'il 
en est ainsi depuis les premiers siècles, et, à mes yeux, Loccis 
et Vindocmum courent grand risque d'être à Loches et à Ven- 
dôme ce que bonus oculus et ccntuin nuges sont à Bonneuil et à 
Sannois, c'est-à-dire des interprétations exemptes, il est vrai, de 
ridicule, mais néanmoins des interprétations d'un nom gaulois 
préexistant. 



ERRATA 



Page 161, ligne 18, au lieu de Charles viii, lises Charles vu. 
Même page, ligne 22, au lieu de 1656, lises 1655. 
Page 164, ligne 33, au lieu de 1530, lises 1630. 

Page 213, au lieu de 

Ce qui plaît aujourd'hui, c'est le mètre insulteur 

D'Archiloque, l'iambe imprimant la rougeui'. 

lises : 

c'e.st le mètre insulteur, 

L'iambe d'Archiloque imprimant la rougeur. 

Page 215, au lieu de: 

Beau petit rieur, 

lisez : 

Beau petit rêveur. 

Page 252. — La coupe indiquée ligne 12 ne figure pas sur la 
planche, par .suite de sa similitude avec la coupe Fig. 1. 

Dans la même planche, la médaille et l'anneau ne portent pas 
de numéro spécial, et sont indiqués par les pages correspon- 
dantes du texte. — C'est par erreur que le buste de la médaille, 
indiqué à gauche dans le texte, est reproduit à droite. 



* 



* 



TABLE 



Séance du 15 janvier 1880. 

Liste des membres présents Pa^e 1 

Rapport sur la proposition de porter la cotisation de 

5 à 6 fr 2 

Comptes du Trésorier (1879) et budget de 1880 . . . 5 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 16 octobre 1879 9 

Chronique 44 

Notice sur la chapelle de N.-D. de Fierhoys, par 

M. G. Launay 23 

Perche et Percherons, par M. de Maricourt. ... 26 
Essai d'onomastique. Les noms de famille de Ven- 
dôme au XVI» siècle, par M. Rigollot 46 

Compte de la Recette de Vendôme pour l'année 1583, 
par M. Joseph Thillier (5° partie) 54 



Séance du 15 avril 1880. 

Liste des membres présents 81 

Liste des membres admis depuis la séance du 15 jan- 
vier 1880 82 

Allocution du Président 8-2 

XIX 20 



— 290 — 

Description sommaire des objets offerts ou acquis depuis 

la séance du 15 janvier 1880 83 

Chronique 91 

Les Miracles de la Sainte-Larme et le Bailli de Ven- 
dôme, par M. Isnard 96 

Etude sur le Cartidaire inédit de la Trinité de Ven- 
dôme, par M. G. Rigollot 120 

Note sur l'Hiver de i880, par M. E. Renou .... 131 
Compte de la Recette de Vendôme pour l'année 1583, 
par M. Joseph Tiiillier (6^ partie) 74 



Séance du 8 juillet 1880. 

Liste des membres présents 157 

Liste des membres admis depuis la séance du 1 5 avril 

1880 158 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 15 avril 1880 158 

Chronique 170 

Une petite église et deux grandes ahhayes, par M. Ch. 

Bouchet 172 

Nouveaux documents sur l'Imprimerie vendômoise, 

par M. de Rochambeau , • • 189 

Les Artistes de Loir-et-Cher au Salon de i880, par 

M. Gh. Bouchet 2U5 

Rimes détachées, par M. de La Hautière 213 



Séance du 14 octobre 1880. 

Liste des membres présents. . 217 

Liste des membres admis depuis la séance du 8 juillet 
1880 218 



— 291 - 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la»séance du 8 juillet -1880 218 

Renouvellement du Bureau pour 1881 223 

Chronique 224 

Notes sur l'hiver iS'lO-lSSO {\''' pa-Tiie), parM. Nouel. 226 
Notice sur la découverte d'une sépulture gallo-ro- 
maine à Fosse-Barde, par M. G. Launay .... 246 
Compta de la Recette de Vendôme pour l'année i583, 

par M. Joseph Thillier (Notes) 255 

Essais sur l'origine des noms locaux dans la Touraine 
et le Vendômois, par M. de Ghaban 273 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils, 



EXTRAITS 

DÉS 

RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit êti'e versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de Ifr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à Tune de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'î^utorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autoi'isation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 



BULLETIN 



DE LA 



y» /♦ 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XX 



1881 




VENDOME 

Typographie Lemercier & Fils 

1881 



• 



BULLETIN 



DELA 



SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE k LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



.B^" 



.-«■i* 






.^■^ 



^^€?S^^ 






\e 



(\' 



w^ • -es 



c\\ 



•.c^' 



ve^^l.c^ ^.-nN^ 



o.^' 






\V 



cc\^' 



^^' ::x-^^:;v^ 



A^^^^.^"r:^-^!.,ov>^ 



^^r:^î^^^' 



^ 



0^ 



.-^ V' 



r-e'^ Vf\C" 












^o^^ 



V 



V^^^'%v^^^^' 



,xvAlRE 



iVDOMOIS 



TOME XX 
1er TRIMESTRE 1881 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 1 

Liste des membres admis depuis la séance 

du 14 octobre 1880 2 

Comptes du Trésorier (1880) et budget de 1881. 3 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 44 octobre 1880 . . 6 

Chronique 15 

Sceaux de l'Oratoire de Vendôme, Y>^r M. Ch. 

Bouchet 19 

Un beau et bon liore, compte-rendu, parM. Ch. 

Bouchet 24 

Biographie vendômoise (Jacques Adam, le Père 
Agathange, Louis Alhoy), par M. de Ro- 
chambeau 31 

Notes sur l'Hioer 1879-1880 (2° partie), par 

M. Nouel 56 

Errata 83 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

i88i 



:€ 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



20e ANNÉE — l'^'- TRIMESTRE 



JANVIER 1881 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Veii- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 13 janvier 
1881, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau: 

MM. de Sachy, président; G. Launay, vice-président, mem- 
bre sortant; Soudée, secrétaire ; G. de Trémault, trésorier; 
Nouel, bibliothécaire-archiviste;; Ch. Bouchet, bibliothécaire 
honoraire ; de Déservillers, Ch. Chautard, membres ; l'abbé de 
Préville, membre sortant; l'abbé C. Bourgogne, de Bodard, 
tous deux membres entrants; 

Et MM. Beaumetz ; Bonnin ; Octave Dessaignes; Dunoyer ; 
Duvau; Jacquet; P. Lemercier ; l'abbé Maillet ; Jean Martel- 

XX 1 



o 



liùrc; l'abbé Mutais; le général Paulzc - d'Ivoy ; RigoUot ; 
Camille Roger ; l'abbé Roulet; de la Serre ; Thillier père; de 
Valabrègue marquis deLavœstine. 

M. le Pi'ésident déclare la séance ouverte. 

Il est procédé à l'installation des membres du Bureau nommés 
à la réunion générale du 14 octobre 1880, conformément aux 
statuts. 

Le Bureau pour Tannée 1881, est ainsi composé : 

MM. de Sachy, pf^èsident ; 
Soudée, secrétaire; 
G. d'C Trémault, trésorier ; 
L. Martellière, conserviateur ; 
Nouel, bibliothécaire-archiviste ; 
de Déservillers ; 
Isnard ; 

de Maricourt; > 

Ch. Chautard ; 
Aug. de Trémault ; 
l'abbé C. Bourgogne ; 
de Bodard. 

M. le secrétaire fait connaître les noms des membres admis 
par le Bureau depuis la séance du 14 octobre 1880 ; ce sont: 

MM. Delpon, sous-préfet de Vendôme; 
Hector Pilon, notaire à Blois ; 
l'abbé Métais, vicaire de la Trinité de Vendôme ; 
Jacquet, professeur d'allemand au Lycée de Vendôme. 



- 3 — 






M. le Président invite M. le Trésoriei'ù préscuiei* les comptes 
de la Société. 

COMPTES DE L'ANNÉE 1880. 



RECETTES ORDINAIRES 

Avoir en caisse au 1"' janvier 1880 238' Oô 

Recouvrements des cotisations 1162 05 

Produit des diplômes 2 » 

Vente de Bulletins 59 50 



Total des Recettes ordinaires. . 1461 61 



RECETTES EXTRAORDINAIRES 

Subvention du Ministre des Beaux-Arts 400 » 

— du département 300 » 

Allocation de la ville de Vendôme, pour l'entretien 

du Musée (Pour mémoire, 300 fr.) » » 

Intérêts de fonds placés 12 25 



Total des Recettes extraordinaires . . 712 25 



Recettes ordinaires . . . 1461 61 
Recettes extraordinaires. 712 25 



Total général des Recettes. 2173 86 



DEPENSES 

* 

Frais d'administration 225 02 

Entretien du Musée (Part de la Société) 114 90 

Impression et Brochage du Bulletin 1728 GO 

Abonnements et achats poui- la l)il)Iiotlièf|uc . . . 75 75 



Total des Dépenses . . 2144 27 



— 4 — 

BALANCE 

Recettes 2173 86 

Dépenses 2144 27 



Excédant des Recettes en caisse . . 29 59 



A la suite de cette lecture, M. le Président demande si quel- 
qu'un a des observations^ à faire sur les comptes de 1880. L'assem- 
blée adopte ces comptes, et en donne quittance définitive à M. le 
Trésorier. Celui-ci donne ensuite lecture du budget de 1881. 



BUDGET DE 1881 

RECETTES 

Première Section 

Avoir en caisse au l" janvier 1881 29 59 



Deuxième Section 

Recettes ordinaires 

Cotisations de l'exercice 1881 1900 

Allocation de la ville de Vendôme pour le Musée » 

(Pour mémoire, 300 fr.) » 



» 



Total des Recettes ordinaires . . 1900 » 



• • 



Troisième Section 

Recettes extraordinaires 

Subvention du Ministre des Beaux-Arts. . . 

Subvention du Conseil général 

Intérêts de fonds placés 

Vente de bulletins , 

Total des Recettes extraordinaires. 



400 


N 


300 


M 


15 


» 


30 


» 


745 


» 



o — 



Avoir en caisse 29 59 

f Recettes ordinaires . . . 1900 » 

Recettes extraordinaires. 745 « 



« 



Total vénérai des Recettes . . 2674 59 



DEPENSES 

Première Section 

Dépenses ordinaires. 

Frais d'administration • 250 

Entretien des collections. Allocation de la Ville 

(Pour mémoire, 300 fr.) . . 
- Allocation de la Société. 100 

Fouilles et recherches 100 

Bibliothèque de la Société, achats, reliui-es, abon- 
nements 100 

Impression du Bulletin, planches et brochage. . . 1800 



)i » 



Total des Dépenses ordinaires . . 2350 



Deuxième Section 

Dépenses extraordinaires 

Travaux de consolidation à Lavardin (emploi de 
l'allocation de la Société Française d'Archéo- 
logie 200 

Dépenses imprévues 100 



l'oTAL gcniéral des D(;pensos. . 2().")() 



*i 



Total des Dépenses extraordinaires. . 300 « 



Dépenses ordinaires. . . . 2350 >• 
Dépenses extraordinaires . 300 » 



6 - 



BALANCE 



Recettes 2674 59 

Dépenses 2650 » 



Excédant des Recettes du budget de 1881. . 24 59 



Le budget de 1881 est voté à l'unanimité. 



M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 
DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance cfa 14 octobre 1880 
I. — ART & ANTIQUITÉS 

Nous AVONS REÇU : 

De notre collègue M. Aug. de Trémault: 
Le PORTRAIT de Françoise de Lorraine, duchesse de Ven- 
dôme, d'Étampes, de Beaufort, de Mercœur et de Penthièvre^ etc. 
Cette princesse, née au château de Nantes en 1593, épousa en 
1609 César de Vendôme, fils du roi Henri iv et de Gabrielle d'Es- 
trées. — Gravure du temps, assez fine d'exécution et Ijicn con- 
servée. 

De M. P. Martellière, juge àPithiviers : 
Une LITHOGRAPHIE représentant le duc de Chartres, qui fut 



depuis le roi Louis-Philippe, sauvant la vie à deux prêtres. La 
scène .se passe à Vendôme, quoique le paysage soit tout à fait de 
fantaisie. Mais le fait est constaté dans les registres delà muni- 
cipalité pour l'année 1791, ainsi que dans les Mémoires d'un ou- 
vrier rendômois publiés par notre Bulletin (V. 8' année, 1809, 
page 187). Le tableau original, peint par Horace Vernet, et appar- 
tenant au duc d'Aumale, figurait en 1874 à l'Exposition des Al- 
saciens-Lorrains. La reproduction, lithographiéc par C. Motte, 
porte le chifre du duc d'Orléans, avec cette légende : Galerie li- 
tliographiée de Mgr le duc d'Orléans. 

Un exemplaire de la même œuvre, offert à la ville de Vendôme 
par les éditeurs, se trouve dans les bureaux de la Mairie ; il est 
absolument semblable au nôtre, et l'on y voit parfaitement les 
deux prêtres, quoi qu'en dise la note publiée par le Bulletin de 
1874, page 216. 

Un Fer de hallebarde ou PERTULSANE, de 0"-,o5 de lon- 
gueur environ. 

De M. DE Maricourt : 
Un lotde SILEX travaillés, trouvés par lui-même en Algérie. 

De M. NouEL : 
Une belle HACHE TAILLÉE, en silex d'eau douce, de 0™,10 de 
longueur sur 0'",07 de largeur. Trouvée par le donateur à La 
Chapelle-Enchérie. 

De M. Morand, ancien instituteur : 
Une HACHE TAILLÉE à larges éclats, en silex gris. Trouvée 
à Rocé. 

M°" V' Bourgogne, à laquelle nous devions une belle collec- 
tion d'armes de la Nouvelle-Calédonie, nous a laissé par son tes- 
tament les armes de son beau-frére, ancien officier de marine. La 
plus belle pièce est une ÉPÉE à j)oignée de nacre et à gai-de ci- 
selée. 

De plus, le Musée a fait les acquisitions suivantes: 
Un instrument en fer ayant servi do TIMBRE à l'usage d(> 
l'ancien Oratoire de Vendôme, et dont la description est donnée 
plus loin dans l'article spécial publié n ce sujet par M. Cli. Bou- 
chot. 

Une PElNTUREsnrbois, iT|u'(;-('Ulaiil niir jiMine lill.' l.-u--imt 



— 8 — 

échapper un oiseau. Il est difficile de donner une attribution sé- 
rieuse à cette peinture, qui remonte au moins à la première moi- 
tié dn XVII' siècle; tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'elle ne 
manque pas de largeur dans l'exécution et d'éclat dans le coloris, 
malgré des retouches innombrables. 

Un lot de SILEX TAILLÉS, tous remarquables par leur belle 
conservation et la régularité de leur taille, provenant des envi- 
rons de Saint-Amand (Loir-et-Cher), et tous en silex d'eau douce 
plus ou moins patiné: 

1. Une hache ou ciseau, en forme de coin. Longueur, 0°, 15; 
largeur au tranchant, 0°',07. 

2. Une hache taillée à larges éclats. Longueur, 0°',18 ; lar- 
geur, 0°',10, 

3. Trois haches au type dit de Saint-Acheul, de diverses gran- 
deurs. 

4. Trois haches en forme d'olive, très élégantes de forme. 
Grandeurs variées, depuis 0°,12 de longueur sur 0",07 de lar- 
geur. ^ 

5. Hache ou outil de forme allongée. Longueur, 0"°, 09; largeur, 
0",03. 

6. Deux instruments en forme de coin effilé, pointus par un 
bout et se terminant de l'autre par un tranchant. Longueur, 
0",11 et 0-",10. 

En tout, 11 pièces intéressantes non moins par leur état que 
par leur provenance. 



Nous apprenons au dernier moment que le Musée vient de s'en- 
richir d'une nouvelle toile d'un artiste vendômois. Ce tableau, 
une des plus heureuses inspirations de M. P. Mussou, représente 
les bords du Loir, vus de la promenade des Prés-aux-Chats, par 
un temps d'hiver. Les ruines pittoresques du vieux château do- 
minent la composition, et complètent l'harmonieux ensemble de 
ce joli site ; l'effet de givre surtout est traité avec une grande ha- 
bileté. 

M. Mussou avait génércuscunMit abandonné ù la ville li's bil- 
lets non réclamés d'une loterie organisée pour le placement de 
cette œuvre, et le iiasard, cette fois intelligent, a favurisé le niu- 



— 9 - 

sée. Nous ne pouvons que le féliciter de la façon dont le sort l'a 
servi et remercier M. Musson de son désintéressement. 

• L. M. 

II. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Saint-Martin, employé des postes à Vendôme : 
Un centime de la République française, an vi. — Tète coiffée 

du bonnet phrygien. Coin de Dupré. Bel état de conservation. 
Un centime de la République française, 1849. — Pièce identique 

à la précédente: la date seule diffère. 

Du même, de la part de M. C. Deniau : 
Un denier tournois de Louis xiv, 1G49. 

De notre collègue M. de Maricourt : 
Un jeton delà mairie de Tours, au nom de Nicolas Joubert, 
sieur des Grimillières (1617-1618). — Armes de la famille Joubert, 
une grue sur des joubarljes, surmontée de deux croissants en- 
trelacés. R. : LUia . per . tarres . stahunt . per . mœiiia . iurris. 
Armes de la ville de Tours. 

De M. Foulon, rue des Quatre-Huys, à Vendame : 
La décoration dite Médaille de Sainte -Hélène, donnée par 
l'Empereur Napoléon m aux anciens soldats du premier Empire, 
et trop connue pour être décrite ici.-— Trouvée à Vendôme, dans 
les jardins de la rue Bretonnerie. 

Un insigne de franc-maçon. Soleil rayonnant entre les bran- 
ches d'un compas dont les pointes reposent sur un cercle gradué. 
Au-dessus, une couronne fermée. Bronze. — Provenance in- 
connue. 

De M. Lefebvre, ancien greffier : 
Une petite médaille frappée à l'occasion de l'inauguration do la 
statue de Marceau à Chartres. Statue du général, telle iju'clle 
existe sur la place des Epars. — R. : Au général Marceau la ville 
de Chartres. 1851. Bron/o. 

D'un Anonyme : 
Un loi d»; •")_' impériales romaines, en bronze, argent et l)illon. 



— 10 — 

parmi lestjuelles nous nous bornions ;i citer les pièces suivantes, 
qui viennent comblci' quelques lacunes de notre collection : 

Auguste. MB. — Cœsai' pont. max. Autel de Lyon. 

Tibère. MB. — Même revers. 

Claude. — Médaille de restitution de Titus. 

Trajan. MB. — S.P.Q.R. Optimo principi. 

L. ^lius Ca^sar. GB. — 2' consulat. 

Faustine jeune. GB. — Fecunditas Augustœ. 

Id. — Veneri Genetrici. 

Gordien m. GB. — Liotitia Aug. N. 

Id. Argent. — 2' consulat. 

Id. id. — Jovi Statori. 

Id. id. — Romee aîternœ. 

Pliilippe père. Argent. — Lictitia fundata. 

Id. id. — Romœ seternœ. 

Trajan-Dèce. Argent. — Abundantia. 
Trébonien-Galle. Argent. — Félicitas publica. 
Valorien. Argent. — Securitas perpet. 
Postume. GB. — Fides militum. ^ 

Id. Billon. — 3' consulat. 
Saloninc. Argent. — Venus felix. 
Quintillo. PB. — Victoi-ia aug. 
Aurélien. PB. — Oi-iens aug. 
Probus. MB. — Mars victor. 

Id. — Tempor. félicitas. 

Dioclétien. Billon. — Jovi augg. 
Maximien-Hercule. Billon. — Même revers. 

Id. id. — Pax augg. 

Gratien. MB. — Réparât. Reipublicfe. 
Maxime. MB. — Même revers. 
Etc., etc. 

Une série de 34 poids anciens en cuivi-e, de grandeurs et défor- 
mes variées, ayant servi au pesage des monnaies françaises et 
étrangères, depuis le xv' jusqu'au xvin' siècle. 

Et 28 jetons^ dont les plus intéressants pour nous sont deux Je- 
tons de la mairie de Tours : l'un de F. Morin, conseiller du roy 
au présidial et maire de Tours (1631) ; et l'autre de R. Chauvet, 
trésorier général de France et maire de Tours (1636-1637). Tous 
deux portent au revers les armes de la ville, avec la légende or- 
dinaire : Spei Gall. fiducia, 



— 11 — 

Nous citerons aussi des jetons de la prévoté de M" Macé Le- 
boulanger, 1643 ; d'Alexandre de Sève, 1656 ; d'Auguste de Pont- 
freu, 1678» et de l'échevinage de M" Vincent Tliéron , 1659. 

Des jetons mythologiques du temps d'Henri iv : Jupiter et Ga- 
nymède, Céphale et Procris, Romulus et Remus (1601), etc. 

Un jeton d'Henri iv, avec légende en patois : A Fransua, a 
Dofin, a Navara, 1605. 

Et divers jetons ou pièces de confiance d'origine anglaise, as- 
sez bien conservées. 

Enfin, le Musée a t'ait l'acquisition d'une pièce d'or de l'em- 
pereur Tibère. TI. C^SAR DIVI AVGVSTI F. AVGVSTVS. 
Tête laurée de l'empereur .i droite. — R. : PONT. MAX. Figure 
assise à droite, tenant un sceptre et une fleur. 

Cette pièce, dans un bel état de conservation, a été trouvée aux 
environs de Selommes (Loir-et-Cher). 



IV. — HISTOIRE NATURELLE 

Nous AVONS REÇU : 

De Madame Youf, au nom de M. Georges Youf, son fils : 
Un lot considérable d'échantillons de FOSSILES et MINÉ- 
RAUX de notre pays, dont plusieurs sont intéressants et remar- 
quables à divers titres. Quelques silex taillés se trouvaient aussi 
faire partie de cet envoi. 

De M. Thuault, journalier à Baume: 

Divers fragments d'Os2!rea carmato^ trouvés dans la tranchée 
du chemin de fer, à Huchigny. 

D'un Anonyme : 

Une TARENTULE, conservée dans l'alcool, provenant de la 
Guyane française. 

L. M. 

m. —BIBLIOGRAPHIE 

I. — Di)\s des Ailleurs on autres : 
ConHeil f/r/irrii/ iIc Loir-ef-Cher. Session d'août 1880. 



— 1'^ — 

Notes archéologiques sur la paroisse de Maoes (Loir-et-Cher). 
2 exemplaires. — Envoi de M. de la Vallière. 

L'Église de Lacardin, par M. de Rochambeau. (Extrait du 
Bulletin Monumental.) 1880. 

La Science et la Politique, par M. de Nadaillac. (Extrait du 
Correspondant.) 1880. 

Le Mouvement démocratique en Angleterre, par M. de Nadail- 
lac. (Extrait du Correspondant^ 1881. 

Les premiers Hommes et les Temps préhistoriques, par M. le 
marquis de Nadaillac. — Paris, 1881. 2 vol. in-8°, avec planches. 

L'époque tardive de la réception de cet important ouvrage nous 
force à remettre à la Chronique du prochain Bulletin une ana- 
lyse et une appréciation de ce travail considérable, qui a déjà reçu 
de la part de la critique l'accueil le plus flatteur et le plus hono- 
rable. 

Un Evêque au douzième siècle, Hildebert et son temps, par le 
comte P. de Déservillers, avec une préface par M. Amédée de 
Margerie. —Paris, 1 vol. in-8% 187G. ■• 

Les neuf premiers chapitres de ce long et important travail 
(Hildebert évèque du Mans) ont paru aux Bulletins de la Société 
Archéologique du Vendômois, de 1863 à 1873. Les trois derniers 
chapitres (Hildebert archevêque do Tours) ont été publiés dans 
le Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, années 
1874 et 1875. 

Les lecteurs de notre Bulletin ayant pu apprécier par eux-mê- 
mes la valeur de la partie la plus considérable de cet ouvrage, 
il me suffira d'ajouter que les derniers chapitres ne le cèdent en 
rien aux premiers pour l'intérêt et la manière élevée dont l'au- 
teur a traité son sujet. 

Les grands Italiens au XIX' siècle. Le comte Frédéric Sclopis 
de Salerano (1798-1878), sa oie, ses travaux et son temps, par 
Nonce Rocca. — Paris, 1880, 1 \ol. in-8°. 

n. — Par KNVOi du Ministèi-e de l'Instruction publique : 
Romania (Suite). 
Journal des Savants (Suite). 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 
Comité dos Travaux historiques et des Sociétés savantes. Liste 



— 13 — 

dos membres et liste des Sociétés savantes correspondant avec 
le Ministère, 1880. 

III.-*- Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et échanges: 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles 
de l'Yonne. 1880. 

Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 
1879-1880. 
Musée Guimet. Catalogue des objets exposés (Extrême Orient). 
Annales du Musée Guimet. Tome l", 1880. Lyon. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. 1" trimestre 1880. 

Bulletin de la Sociétédes Antiquaires de l'Ouest. 2° et 3' trimes- 
tres 1880. 

Bulletin de la. Société des Archives historiques de la Suin- 
tonge et de l'Aunis. Octobre 1880. 

Bulletin de la Société Dunoise. Octobre 1880. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'Archéologie religieuse 
des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers. 1" année, li- 
vraisons! et 2. 1880. 

(La Société Archéologique du Vcndômois a accepté l'échange 
de Bulletins avec cette nouvelle Société.) 

Société des Sciences et Arts agricoles du Havre. 2 Numéros. 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture d'Eure- 
et-Loir. 2 Numéros. 

Congrès archéologique de France. 47' session, tenue à Vienne 
(Daupliiiio) on 1879. Tours, 1880. 

IV. — Abonnements : 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme (Suite). 

Polybiblion (Suite). 

Revue Archéologique (Suite). 

V. — Prospectus. 

Ln Nécropole d'Ancon (l'i Pérou. RccuimI do matériaux pour 



— 14 - 

.servii'.i l'histoire de la civilisation et de rindusti'ie dans l'empire 
des Incas, par W. Reiss et A. Stûbel. — A. Asher, de Berlin. 

L'ouvrage se composera de 10 livraisons, au prix de 37 fr. 50 
l'une. 

Nous rappellerons que c'est de cette nécropole que provien- 
nent une momie et plusieurs crânes très curieux qui nous ont été 
envoyés par l'amiral du Petit-Thouars (V. Bulletin 1880, p. 83). 
L'importance de la publication ci-dessus montre tout l'intérêt que 
notre Musée doit attacher à la possession de ces objets rares et 
recherchés. 

E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 






CHRONIOUË 



Les deux Mathieu de Vendôme. 

Les historiographes vendômois^ depuis l'abbé Simon jusqu'à 
M. de Pétigny, sont successivement tombés dans la même er- 
reur, en confondant en une même figure deux personnalités bien 
distinctes, et en attribuant au célèbre abbé de Saint-Denis, mi- 
nistre de saint Louis et de ses successeurs, les écrits de son ho- 
monyme Mathieu de Vendôme, littérateur et poète. Comme il 
arrive en pareil cas, l'individualité la plus glorieuse a absorbé la 
plus modeste, et l'astre principal a grossi son éclat des faibles 
rayons de l'étoile subalterne. 

Cette confusion, d'ailleurs, s'explique jusqu'à un certain point 
par la ressemblance des noms, la communauté d'origine et une 
certaine analogie dans l'obscurité des premières années. Cepen- 
dant, si l'erreur est excusable chez l'abbé Simon, elle se com- 
prend moins de la part d'un écrivain érudit et consciencieux 
comme M. de Pétigny. En effet, la distinction entre les deux 
Mathieu de Vendôme avait été établie avant lui par Daunou 
(Hist. Litt. de la France, xx, i) ; les auteurs de la Biographie 
Universelle de Michaud l'avaient également signalée ; les ou- 
vrages du poète vendômois du xii' siècle avaient été étudiés avec 
soin et toujours cités avec éloge par des écrivains d'un goût sûr 
et d'une critique judicieuse, tels que Victor Leclerc. Le plus ré- 
cent travail sur ce sujet est une thèse pour le doctorat ès-lettres, 
soutenue avec éclat, en 1880, par M. Bougain d'Oi'léans, sous 
ce titre : Mat/iœt vindoci/iensis ans GCi-siJicatoria. 

L'oubli profond dans lequel était tombé le gramnuiirien-poètc 
Mathieu de Vendôme est vraiment extraordinaire, lorsqu'on voit 
de quelle faveur il jouissait au Moyen âge et à la Renaissance. 
On lit dans Faliricius (Bi.bliot/i . inediœ o.t Infunœ latlnif.) une 
longue liste des auteurs du teiniis, (|ui ne parlent de notre auteur 
qu'avec les louanges les plus pompeuses. Le plus célèbre de ses 
ouvrages et son |ii"iiicip,il tllt-c de gloire csl le poènic de Tobit', 



— 1() — 

paraphrase métrique du récit biljlique, dans la préface duquel se 
trouvent quelques renseignements biographiques, les seuls qu'on 
possède sur son compte. Il paraît en résulter que Mathieu de 
Vendôme, après avoir fait ses premières études à Paris et à Or- 
léans, se retira à Tours, près l'un de ses oncles, et que la géné- 
rosité du prélat Barthélémy de Vendôme le mita môme de se li- 
vrer tout entier à son goût pour l'étude et la poésie. Mais ce qui 
le préoccupait surtout, comme presque tous les écrivains de son 
époque, c'était l'instruction de la jeunesse, à l'usage de laquelle 
il composa divers traités, entre autres VArs ccrsificatoria, sorte 
de prosodie ou de Gradus adParnassumjCormplétée par des trai- 
tés sur Les Synonymes ei Les Equivoques, le tout en vers latins. 

Nous ne pouvons ni ne voulons entreprendre l'étude des œuvres 
du poète; nous ne faisons que signaler un écueil, et si nous 
sommes entrés dans quelques détails, c'est afin qu'on ne nous 
accuse pas d'avoir voulu grossir la liste de nos illustres compa- 
triotes par un procédé analogue à celui de cet amateur naïf qui 
sciait des médailles précieuses pour en montrer séparément la 
face et le revers, et d'avoir cherché à dédoubler un Mathieu de 
Vendôme, à la fois homme d'Etat et poète pour en faire deux. 



M. YvoN-ViLLARCEAU, membre de l'Académie des Sciences, 
notre compatriote et notre sociétaire, a remporté un beau succès 
au Congrès géodésique international qui s'est tenu à Munich, au 
mois de septembre dernier. Il a présenté à la savante assemblée 
plusieurs propositions relatives à la mesure de l'intensité de la 
pesanteur, lesquelles énergiquement appuyées par M. Helmholz, 
l'illustre physicien allemand, ont été adoptées par le Congrès. 

On sait que M. Yvon-Villarceau avait été nommé officier de la 
Légion d'honneur au mois d'août dernier. 



Notre confrère et collaborateur M. Nonce Rocca, membre de 
la Commission financière à Tunis, vient de recevoir du roi d'Ita- 
lie la croix de chevalier de l'ordre de la Couronne de ce royaume, 
en récompense de ses travaux littéraires sur l'Italie, que les let- 
trés de ce pays apprécient beaucoup, lui écrit-on, — et ceux de 



— 17 — 

France aussi, nous l'espérons. En outre, M. Rocea a i-eçu, au 
i^ujet de son dernier ouvrage sur le comte Sclopis (1), une lettre 
très lionorable de M. Bai'thôleniy Saint-Hilairc. 

Ch. B. 



AVIS A NOS CULLABORATELRS. 

Nous lisons dans \a Revne Ar^chcologique du mois de novembre 
dernier la lettre suivante, que nous croyons utile de repro- 
duire : 

« Monsieur, 

« Nous avons l'honneur de vous annoncer que nous venons 
d'adjoindre à noti'e comptoir un bureau spécial où nous recevrons 
en commission^ en dépôt, toutes les publications, livres, bro- 
chures, cartes, plans, etc., ayant l'apport aux sciences préhisto- 
rique, archéologique et ethnologique. Nous comptons déjà sur le 
bienveillant concours des principaux auteurs français et étran- 
gers, et c'est d'après leur conseil, et croyantétre utile à la science, 
que nous nous efforcerons de réunir, de concentrer toute cette 
bibliographie, publiée tant en province qu'à l'étranger, et qui, 
presque toujours, est impossible à retrouver en librairie. 

« De cette manière, MM. les auteurs pourront faire des ti- 
rages plus importants, puisque le placement en sera à peu près 
certain ; car la plupart de ces brochures n'étant pas destinées à 
être vendues (ce qui est très regrettable), elles sont distribuées 
dans un rayon relativement restreint, et, par conséquent, res- 
tent ignorées, perdues, n'existant pas de point fixe pour pouvoir 
les retrouver ; c'était bien là un j)réjudicc pour les savants et les 
chercheurs. 

» Pour faciliter les recherches, nous publierons tous les trois 
mois un bulletin avec la liste et les prix des ouvrages qu'on aura 
bien voulu nous confier. Ce bulletin sera expédié franco dans 
toute la France et à l'étranger. 



(1) Frédéric Sclopis était un des lioinmes d'Etat et des jurisconsultes les plus éiiii- 
nents de l'Italie. Il est mort au mi»is de uiars 1878, âgé de 80 ans. 



— 18 — 

'< Les conditions du dépôt seront 25 pour 100 de commission, 
plus 1 franc pour l'insertion du titre de la publication, et pour les 
notes en plus, 50 centimes la ligne. 

« Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations empressées. 

« E. BOBAN, 

« Antiquaire, 35, rue du Sommerard. » 






SCEAUX DE L^ORATOIRE 

DE VENDOME 

Par M. Cn. Bouc h et. 



Le 6 novembre dernier, M. Cléret, ouvrier serrurier à 
Vendôme, nous remit un objet en fer qui venait d'être 
découvert dans les fouilles de la maison n''48desQua- 
tre-Huis, objet que le Musée s'est empressé d'acquérir. 
C'est une masse polyédrique à huit faces, d'une lon- 
gueur de 0'",13, qui va en se rétrécissant à l'une de ses 
extrémités, et se termine à l'autre par une surface ovale, 
polie, de 0"\04 environ sur 0™,035. Elle porte gravée en ' 
creux, et en sens inverse: collegivm . vindocinvm . 
CONGRE. (gationis) ORAT.(orii) dom.(us) iesv. Cette lé- 
gende, dont plusieurs lettres sont détruites, est com- 
pl:*ise dans un double filet, compris lui-même dans un 
cordon de demi-oves. Au centre se trouvaient des ar- 
moiries, dont il ne reste d'autre trace qu'une grosse 
couronne d'épines, cernée également d'un double filet. 
— Il s'agit, comme l'on voit, d'un objet qui appartenait 
à la Maison de l'Oratoire de Vendôme, et, d'après l'as- 
pect général, jirobablement du xv!!*" siècle. 

La forme ovale de la surface gravée exclut l'idée que 
ce soit l'un des coins destinés à frapper des pièces ou 
mereaux pour la Maison, et la gravure en creux ne per- 
met pas d'admettre que ce soit une estam})ille pour 
frapper à l'encre. Il ne reste donc que riiypotlièsed'un 
sceau ou cachet pour empreindre à la cire d'Espagne, 
ou d'un timbre sec. La forme lourde et peu maniable 
de l'instrument éloigne la première supposition. C'était 
donc un timbre sec, en entendant par là un timbre à la 
cire sous papier, seule manière aloi-s usitée poui' cette 



— 20 — 

sorte de timbre, dont l'empreinte s'obtenait au moyen 
d'un COU}) vigoureux frappé sur l'autre extrémité. De là 
la nécessité d'une forme massive et résistante pour l'in- 
strument. 

Notre déduction se trouve vérifiée par un exemple : il 
existe, en effet, à la bibliothèque de Vendôme, un livre 
offert en [)rix par le collège de l'Oratoire, en 173G, au 
futur Maréchal de Rochambeau. C'est une Vie de l'em- 
pereur Julien (par La Bletterie). (Paris, Prault, 1735, 
in-12.) Il porte au revers de la première garde le té- 
moignage écrit de sa destination, de la main du Préfet 
des études (1), et au-dessous, le timbre en placard, sous 
papier, de la Maison, entièrement conforme à celui que 
nous avons décrit plus haut. Toutefois, il ne provient 
pas de la même matrice. L'empreinte du livre est de 
0™,01 plus petite dans les deux sens. Cette dernière 
permettrait de rétablir les armes enlevées sur notre 
sceaUj si on ne les connaissait d'ailleur.n. Les voici, 
avec les émaux que ne donne pas le livre, telles que 
nous les avons copiées, il va bien longues années, à la 
Bibliothèque nationale, département des Manuscrits, 
dans l'Armoriai général de d'Hozier, volume intitulé 
Orléans et Tours (2) : « La Congrégation de l'Oratoire 
« de Vendôme : D'aj^ar à ces deux mots : Jésus Maria 
« d'o/'j écrits l'un sur l'autre. Vécu avec une bordure 
« d'argent^ chargée dune couronne d'épines de sino- 
« pie, avec cette inscription autour : Sigillum Oratorii 
(( Du. N. Jesu C. domus vindocinensis. » 

La légende, comme on voit, n'est pas entièrement con- 
forme à celle de notre sceau; mais il faut songer que 
celui-ci n'est qu'à l'usage du collège. La Maison avait, 
en outre, im sceau particulier [)our ses transactions pri- 
vées. 

Ses armes se trouvaient également énoncées dans 



(1) V. la Note à l;i fin de cet •■u-ticle. 

(2) L'.-u-ticle Vendomo comprend les pages de 234 à 255. 



— 21 — 

un registre manuscrit que possédait le ministère des 
Finances, avant l'incendie de la Commune, et dont 
M. Aug. â^ Trémault avait pris copie en ce qui nous 
concerne. Ce n'était d'ailleurs qu'une répétition de l'Ar- 
moriai général. 

On remarquera que dans la légende du sceau de 
leurs transactions, les Oratoriens ont employé le mot 
vindocincnsis, et dans celle du sceau de leur collège le 
mot vindocinwn comme adjectif, qui nous semble, dans 
cette acception, d'une latinité fort équivoque, n'en dé- 
plaise à de si savants humanistes. Nous ne l'avions ja- 
mais vu. Si rmf/ocmé'/z.se leur semblait trop long, rien 
n'était plus simple que de l'abréger, comme ils ont fait 
pour plusieurs autres mots (1). 

Quoi qu'il en soit, nous devons nous féliciter de voir 
entrer au Musée un objet — le premier — qui nous rap- 
j)elle un étalilissement si fameux, dont le renom s'éten- 
dait non-seulement par toute la France, mais encore jus- 
que dans les colonies, jusqu'aux Indes et chez les na- 
tions étrangères. Ceux qui ont aujourd'hui le triste pri- 
vilège d'avoii' suivi les cours de l'Institution de Ven- 
dôme, il v a un demi-siècle, ont vu les derniers ravons 
de cette gloire, peut-être unique dans les annales de 
l'enseignement, et se souviennent encore de leurs cama- 
rades de Bayonne, de Dunkerque, de la Martinique, 
d'Angleterre, de la Nouvelle-Orléans, du Sénégal, de 
Chandernagor et de tant d'autres pays. 



(1) L'écusson de l'Oratoire se trouve également àlal)iblio- 
tlièque de Vendôme, frappé en donii-e, de grande dimension, 
mais sans la légende circulaire, sur un volume in-folio (|ui lui, ja- 
dis un livre de luxe, et ijui contient les Vies de PIulan|nc, tra- 
duites en latin par plusieurs érudits. Imprimé à Paris, ciiez Mi- 
chel Vascosan, en 1558, antérieur ]iar c'()us(''(pH'nt à la traduction 
d'Amyot, qui n'est que de 1550. 



99 



NOTE 



L'attestation inscrite au-devant du livre dont nous avons 
parlé est ainsi conçue : c( Ego infra scriptus testor ingenuum 
adolesceniern Joannem Baptistam Donatianurn Vimeur de 
Rochamheaii 2um in 3a solntœ orationis latinœ jyrœmiuyn 
meritum ac consecutuni fuisse, simid et laureâ coronâ dona- 
tum fuisse i)i solemni prœtniorum distrihutione habita die 20a 
Augusti anniilSG ht collegio Cœsareo vindocinensi in cujus 
reifidem subscripsi etapposui sigillum prœdicti collegii. » 

Martin Orat. Dni Jesu 
studiorum prœfectus. 

Locus 
sigilli. 

Rochambeau étant né le !<='■ juillet 1725, n'avait par consé- 
quent guère plus de 11 ans le 20 août 1736. Il était donc entré 
à l'âge d'un peu plus de 10 ans en troisième, où il remportait 
le second prix de discours latin. Quelle que fôt la précocité 
d'intelligence du futur héros, il y a là un fait bien extraordi- 
naire. Ce qui est certain, d'après ses propres Mémoires, c'est 
qu'à 15 ans, après avoir achevé ses études dans le même col- 
lège, il s'en allait à l'Académie de Paris. On voit aussi que chez 
les Oratoriens, les élèves étaient exercés dès la troisième à 
écrire en latin. 

Le livre donné en prix au jeune lauréat était à ce moment 
une nouveauté (1735). C'était, d'ailleurs, l'œuvre d'un confrère 
(La Bletterie appartenait à l'Oratoire), mais une œuvre alors 
anonyme. L'auteur s'y montre plus éclairé et plus impartial 
qu'on ne l'avait été jusqu'ici pour l'empereur Julien. Malgré 
certaines préoccupations, qui tiennent encore à l'état religieux, 
il n'en est plus à accepter la fable du sang lancé vers le ciel 
contre le Christ, et du fameux : Tu as vaincu, Galiléen ! Ajou- 
tons que plus tard La Bletterie fut repoussé de l'Académie 
française comme Janséniste, absolument comme un illustre sa- 
vant de nos jours, par un motif religieux d'une autre nature. 



— 23 — 

Telle était la forme du libéralisme à cette époque, où la société 
n'était pas encore entièrement laïque (1). 

• 

Qu'on nous pardonne cette digression. Il ne nous a point 
paru qu'il fût hors de propos de rechercher quelle nature d'ou- 
vrages les Oratoriens de Vendôme donnaient en prix à leurs 
élèves. On comprendra mieux qu'à l'époque de la Révolution, 
Rochambeau formé par eux ait montré des idées libérales. 



(1) L'évèque de Blois, M. de Criissol, ami de la famille de Ro- 
cliambeau, apprenant que le jeune Donatien avait été mis chez 
les Oi-atoriens, était venu l'aiTacher à cette maison pestiférée 
(c'étaient ses propres expressions), et l'avait emmené à Blois, 
où il lo faisait conduire tous les jours chez les Jésuites. Le jeune 
Rochambeau était alors destiné à l'Église; mais, son frère aine 
étant mort, Donatien fut voué à l'état militaire, et M. de Crussol 
le rendit à sa famille, qui le rendit à l'Oratoire, où il acheva ses 
études, comme nous l'avons dit. {Mémoires de Rochambeau, 
pp. 1 et suiv.) 



UN BEAU & BON LIVRE 

COMPTE-RENDU 

Par M. Cii. BoucHET. 



Il existe un petit livre — des plus intéressants, des plus 
purs, des plus nobles, des plus modestes. Il nous re- 
trace une existence vouée à de hautes études littéraires, 
aux soins d'un professorat éminent, aux pensées d'une 
piété fervente, et bi'isée dans la force de l'âge, lorsque 
déjà la Renommée s'emparait d'elle. — Aimtole Feu- 
gère, sa vie, ses œuvres, son enseignement (1), tel est le 
titre de l'ouvrage. L'auteur, nous le connaissons tous. 
Il est des nôtres. C'est M. Paul Blanchemain, le fils du 
célèbre éditeur de Ronsard. Le héros du livre, M. An. 
Feugère, était l'un des maîtres les plus brillants de 
l'Université, en dernier lieu suppléant, au Collège de 
France, de M. de Loménie, dans la chaire de littérature 
française. Il est mort à la peine, au mois d'août 1877, 
à l'âge de 34 ans. Uni par les liens du sang au jeune 
professeur, et plus encore par cette parenté des âmes, la 
plus étroite de toutes, M. Blanchemain entreprit de ra- 
conter cette vie si courte et si pleine, accomplie dans 
une sphère morale si élevée. Il y consacra trois ans, re- 
cueillant d'un soin pieux toutes les traces de cette exis- 
tence disparue, la reconstruisant pièce à pièce", érigeant 
ainsi à son ami un monument qui ne sera point une 
tombe, mais un vivant souvenir. 



(1) Paris. Putois-Cretté. 188U. Gr. in-18. Avec une eau-forte de 
Lalauze (Portrait de Feugère). 



— 25 — 

Ainsi est né ce livre, où les épisodes intimes se mê- 
lent aux^incidents publics, où nous passons du foyer 
domestique à l'amphithéâtre du professeur, où nous sen- 
tons naître tour à tour l'émotion et les hautes pensées. 
L'auteur y déploie une élévation morale, une maturité 
de jugement, une science du style bien rares chez un 
homme encore si jeune. Le style! cette monture si re- 
belle que les plus forts ont eu tant de peine à dompter, 
M. Blanchemain en est maître. Elle est docile et souple 
sous sa main. Il a des tours et des manières exquises 
pour exprimer les choses les plus délicates. S'il veut 
peindre, par exemple, la pureté primitive de son héros : 
(( Il respecta sa jeunesse, dit-il, comme une fleur que 
« nul souffle ne devait ternir avant de la donner à celle 
« que Dieu lui destinait pour sa compagne. » Char- 
mante phrase, qui ressemble à une rose du ciel. 11 règne, 
d'ailleurs, d'un bout du livre à l'autre, un souffle reli- 
gieux, une foi commune aux deux amis, à laquelle, en 
aucun cas, on ne saurait refuser toute son estime. 

A ceux qui s'attachent avant tout aux choses de sen- 
timent, nous l'ecommandons les premières amours de 
Feugère et la mort de sa jeune femme, M"^ Demante, 
fllle de l'honorable professeur de droit. Mais elle avait 
une sœur, qui elle aussi gardait peut-être un chaste et 
secret amour. Il y eut là, dans la douleur commune, de 
ces longs regards qui entraînent un cœur et changent le 
cours d'une destinée. Feugère épousa sa belle-sœur, 
sans que cette union diminuât rien du culte que tous les 
deux portaient à la morte bien-aimée. Enfln, qu'on lise 
le récit de la mort de F'eugère lui-même: « Elle espé- 
« raitet elle })riait (la jeune femme). — Tout à coup, vers 
« minuit, le malade s'éveille. Puis doucement, bien dou- 
« cément, il lui dit: Ma chère femme, il faut J a ire ton 
« saci'iflce, je vais mourir.... vite, envoie chercher le 
((prêtre.... Et il désigna l'ami qu'il fallait appelei-. Vx 

« SOS dernières paroles : Je crois, j'aime, f espère ! 

« Quand je ne sais plus ])rier, disait un jour la pauvre 
« veuve à M. Blanchemain, je pense à l'accent avec le- 



« quel il a dit ces trois mots. Ce seul souvenir ranime 
« en moi la vie de l'àme anéantie par la douleur. » 

A ceux qui se plaisent surtout dans le domaine sévère 
des idées, le livre offre tout l'enseignement public de 
Feugère, vaste ensemble d'études littéraires. Pendant 
les trois ans, en effet, que le jeune professeur occupa sa 
chaire du Collège de France, il passa en revue la plupart 
des Mémoires et des })ersonnagesdu siècle de Louis xiv, 
Mi^^de Sévigné, Anne d'Autriche et Mazarin, Retz, La 
Rochefoucault, la grande Mademoiselle, Fléchier, 
M"^''de Caylus, le Grand Roi lui-même. Déjà antérieu- 
rement, il avait présenté à l'Académie Française un 
Eloge de Bourdaloue^ qui avait été couronné, et depuis 
était devenu un livre. Dans toutes ces études, le critique 
s'attache moins aux côtés littéraires qu'au point de vue 
philosophique et social; ce qu'il cherche avant tout 
dans ce monde d'écrivains et de politiques, c'est l'ex- 
pression de leur temps et l'image de la société d'a- 
lors (1). 

Il nous est impossible, on le conçoit, de suivre le 
maître jusqu'au bout de cette galerie. Contentons-nous 
de nous arrêter devant deux ou trois figures, en nous 
permettant quelques réttexions personnelles. Nous 
avions eu d'abord l'intention de choisir M"'® de Sévi- 
gné ; mais elle nous eût entraîné trop loin, car, malgré 
tout ce qui a été dit sur elle, il reste encore, selon nous, 
beaucoup à dire. Peut-être sera-ce la matière d'un au- 
tre article. 

Prenons donc un écrivain bien différent, Bourdaloue, 
(pli a donné lieu à l'œuvre principale de Feugère, et 
La Rochefoucault, comme l'un des peintres directs pré- 
cisément de cette Société. 

Ce qui distingue singulièrement Bourdaloue, à notre 



(1) Un M. Beliii ;i lait iiin' tliùsi; où Bourdaloue est envisas^é 
précisément sous le même aspect : « La société française au 
xvii" siècle, d'ai»rùs les sermons de Bourdaloue. » Paris, 187ô, 
in-8°. Mais le livre de Feugère est, croyons-nous, antérieur. 



î>7 

avis, c'est le contraste qu'il forme avec les procédés 
oratoires habituels à son Ordre. La célèbre Compagnie, 
en ef!efe, ne pèche point, dit-on, j)ar l'absence de ména- 
gements. Ce n'est point d'elle qu'est sorti le paysan du 
Danube. On sait, au contraire, quelle huile conciliante 
elle verse sur les joints trop criards de la Morale. Tel 
n'est pas Bourdaloue ; il a des rudesses, des coups 
de boutoir, qui durent plus d'une fois faire froncer le 
sourcil du grand Roi : « Je m'en vais en Bourdaloue, 
« écrivait M'"'' de Sévi gué de ce style inimitable, on dit 
« qu'il s'est misa dépeindre les gens, et que l'autre jour 
« il fit trois points de la retraite de Tréville (1). II n'y 
<( manquait que les noms, mais il n'en était pas besoin. 
« Avec tout cela on dit qu'il passe toutes les merveilles 
« passées et que personne n'a prêché jusqu'ici (2). » Et 
ailleurs: « Nous entendîmes, après dîné, le sermon de 
« Bourdaloue, qui frappe toujours comme un sourd, di- 
« sant des vérités à bride abattue, parlant à tort et à 
(( travers contre l'adultère. Sauve qui peut ! Il va tou- 
« jours son chemin. Nous revînmes avec beaucoup de 
(( plaisir (3). » Ces citations, ajoutées à celles que donne 
M. Blanchemain (p. 107), et où le prédicateur menace 
de refuser la communion, même à Louis xiv, achève- 
ront de peindre le sévère Jésuite. 

Voici maintenant un homme qui pratique une autre 
sorte de franchise. Il ne se contente pas de nous dire 
nos vérités, il nous calomnie, ou du moins nous mé- 
connaît. C'est La Rochefoucault. Pour lui la vertu 
n'existe pas : « Toutes les vertus se perdent dans l'inté- 
« rèt, comme les fleuves dans la mer. » L'essence de 
notre nature, le mobile de tous nos actes, le Protée qui 
se retrouve sous mille formes au fond du cœur liumain. 



(1) Coui-tisaij qui avait iiuittc la cour par suite du clia^n-iu t|uo 
lui avait causé la mort do Madame. 

(2) Lettre ;'i .sa fille, du jour de Noël 1G71. 
{■i) A la même, du 29 mars lOSd 



— 28 — 

c'est r Amour-propre (1). La Rochetbucault n'a pas 
compris deux grands côtés de ce cœur humain, le senti- 
ment du devoir et le sentiment religieux ; mais il n'a pas 
compris surtout le plus beau de tous, le plus contraire 
à l'amour de soi, nous voulons dire ce besoin d'abnéga- 
tion, ce rejet, ce mépris de soi-même, cette soif du sa- 
crifice, ces aspirations, môme à la souffrance, qui nais- 
sent dans certaines âmes exaltées, si l'on veut, mais su- 
blimes. La Rochefoucault nous dira-t-il que si ces dévoû- 
ments excitent en nous de pareilles joies, nous obéis- 
sons donc à notre plaisir, à l'amour-propre? Nous ré- 
pondrons que ce plaisir peut être un effet du sacrifice, et 
n'en est point la cause et le mobile. D'ailleurs, le sacri- 
fice peut être enfièrement douloureux. — II y a à ce sujet 
une page éloquente de Feugère, où il oppose au système 
égoïste de La Rochefoucault le dévoùment de ces sol- 
dats de la première République et de l'Empire, qui se 
faisaient tuer si gaillardement pour la Patrie, ou pour 
leur idole, et le courage des mères, des femmes, des 
sœurs qui les « avaient encouragés à partir, et qui 
« avaient attendu qu ils fussent partis pour les pleu- 
« rcr. )> Que ne pouvons-nous citer en entier cette page 
superbe ! mais il faut abréger, nous nous sommes déjà 
trop étendu. 

Tel est ce livre si recommandable. Peut-être, en nous 
plaçant à un autre point de vue que celui de l'au- 
teur, en analysant de sang-froid cette destinée qu'il 
nous décrit si chaleureusement, v trouverions-nous une 
victime d'un développement intellectuel trop hàtif et 
forcé. Il y eut un peu de serre chaude dans le fait de 
Feugère et les efforts prodigieux d'un esprit qui veut at- 
teindre trop tôt les plus haut sommets. Combien sont 
tombés sur la pente ! Mais n'accusons pas ces no- 
bles ambitions, lorsqu'elles ne sont suscitées ni par 
l'orgueil ni par la vanité, mais seulement par l'ardeur 
de connaître et pai' le sentiment du devoir. — Revenons 

(i) V. iaNote à la fin. 



— 29 - 

donc aux ai)préciation8 de M. Blanchemain. Il nous fait 
aimer son héros ; il nous inspire une estime et une pitié 
profonfles pour ce juste qui eût été une des gloires de la 
France, et qui succomba sous le faix avant le soir de sa 
journée ; mais ce livre a une plus haute portée : il s'a- 
dresse, comme on Ta vu, à toutes les parties de la nature 
humahie et les fortifie toutes. C'est par là qu'il franchit 
l'individualité de son sujet, c'est par là, nous l'espérons, 
qu'il vivra, car un beau et bon livre est une belle action 
indéfiniment renouvelée. 



NOTE 

FeugèrS' critique ce qu'il appelle la définition de La Roche - 
foucault : '< Le mobile de tous les actes humains, c'est l'amour- 
« propre. » Il trouve que cette définition n'est pas claire, at- 
tendu que ce terme d' amour-propre est, selon lui, susceptible 
de plusieurs acceptions. Mais il nous semble que ce n'est point 
une définition que donne La Rochefoucault ; c'est une simple 
proposition, une pensée, fausse il est vrai, mais là n'est point 
la question pour le moment. Le terme d'amour-propre est clair 
par lui-même, selon nous; chacun l'entend très bien. C'est La 
Rochefoucault qui y introduit de l'équivoque par les diverses 
acceptions qu'il lui prête pour le besoin de sa thèse, mais la 
faute n'en est pas au mot. Le moraliste aurait mieux fait de dire 
l'amour de soi. Sa pensée n'en aurait pas été plus juste au 
fond, mais elle aurait été moins fausse. L'expression, d'une 
compréhension plus large, plus philosophique, aurait compris 
l'amour-propre comme une de ses variétés, et embrassé sans 
violence un plus grand nombre de cas, par exemple l'instinct 
de conservation qui est un amour de soi et non un cllet de 
l'amour-propre, à moins (^u'on n'abuse des mots (1). Cet amour 



(1) On i)eut dn-e (m'en gùiiéntl, ramoui-in-opro est ro|iiui(>u 
avantageuse (|Uo nous avons des qualités do notre esprit, l'or- 
guoil, celle ipu' lions concevons de ikiIi-c valeur |)er<oiinclle (dul 



— so- 
dé soi aurait pu être présenté comme une vue de la Nature pour 
l'entretien et le développement des êtres. Sans faire là-dessus 
un traité ex professa, l'auteur aurait pu débiter sa pensée par 
le menu, comme il l'a fait, mais cette idée plus philosophique, 
cette vue providentielle^ si l'on veut, aurait imprimé à tout l'en- 
semble un caractère plus élevé, moins bourgeois que celui des 
Maximes. Ce qui a manqué à La Rochefoucault, soit comme 
homme, soit comme écrivain, c'est la grandeur. 11 l'a remplacée, 
comme homme — jeune, par la bravoure, et plus tard, par la 
constance du sage, comme écrivain, par une pénétration d'es- 
prit subtile et souvent profonde. — Nous ne pouvons pourtant 
nous empêcher de finir par un trait, c'est qu'en vieillissant, à 
mesure que l'on connaît mieux les hommes, on se réconcilie 
beaucoup avec lui, — je ne dis pas avec eux. 



entière, la vunité, celle qui se rapporte à notre position .sociale. 
L'amour exclusif de noti-e bien-être et de nos intérêts est l'é- 
goisme ; nos mouvements irréfléchis en vue de notre préser- 
vation corporelle appartiennent à l'instinct de conservation. 
L'amour de soi résume toutes ces différentes dispositions mo- 
rales. Au reste, La Rochefoucault a fort bien distingué l'orgueil 
de la vanité : « L'orgueil se dédommage toujours et n'y perd rien, 
a-t-il dit, non sans profondeur, lors même qu'il renonce à la va- 
nité. » 



BIOGRAPHIE VENDO-MOISE 

Par M. A. de Rochambeau. 



AVANT - PKOPOS 

Un i^ecueil de biographies a-t-il besoin d'une pré- 
face? Nous ne le pensons pas. Nous nous bornerions 
donc à quelques mois d'explication sur le plan que 
nous avons suivi. 

On décrit, on dessine ^ on grave les monuments pour 
en conserver le souvenir et y trouver des modèles; 
nous essayons de faire pour les individus ce que l'on 
fait pour les monuments, de perpétuer la mémoire des 
hommes utiles, afin de lesdontier comme exemples aux 
générations futures . 

Cette Biograpliie est purement vendomoisEj c'est-à- 
dire qu'on y verra figurer tous les personnages remar- 
quables nés dans le Vendômois, ainsi que tous ceux 
qui l'ont habité longtemps et s'y sont signalés par leurs 
services et leurs travaux. 

Pour ce qui est des auteurs j nous n.ous bornerons à 
donner la liste de leurs ouvrages, nous réservant de les 
analyser et de les apprécier dans ^Histoire litté- 
raire DU Vendômois, que nous préparons en collabo- 
ration avec notre ami M. Ch. Bouchet. 

Nous avons adopté l'ordre alph(d)étiquc, comme étant 
le plus commode pour les recherclies ; nous donne/'ons 
une classification dans la seconde table qui terminera 
l'ouvrage, la première étant consacrée à l'ordre alpha- 
bétique pur et simple. 



32 



ADAM ( Jacques ) 




Signature d'Adam, calquée sur le livre de présence 
de rAcadémie française. 

Adam (Jacques), littérateur français, est né en 1653 
et mort en 1735. Les auteurs qui en ont parlé le font 
naître à Vendôme ; mais nous sommes porté à croire 
qu'il vit le jour dans un des villages voisins, car les re- 
gistres de baptême des différentes paroisses dç Vendôme 
sont muets à son endroit. En revanche, nous y avons vu 
que les Adam étaient de gros bourgeois et notables com- 
merçants de cette ville. Dans le courant du xvii^ siècle, 
nous trouvons six individus du même nom, qui forment 
souche à Vendôme : 

1° Georges Adam, mari de Charlotte Pasquier ; 
2° Pierre Adam, marié à Marie Gaillard ; 
3° Michel Adam, marié à Marguerite Leroy ; 
4° René Adam, marié à Bienheurée Leroy ; 
5° Jean Adam, marié à Marie Landrin ; 
6° Un autre Pierre Adam, qui avait éi)0usé Marie 
Landrin, veuve de Jean. 

En rapprochant leur âge et celui de leurs enfants, nous 
pouvons supposer que ces six Adam étaient frères; 
ils eurent tous une nombreuse lignée. 

Jean, fils de Pierre Adam, était marchand à Vendôme 
et procureur-fabricier de l'église Saint-Martin ; Marie, 
fille de René, était mariée à Jacques de Chapuiset. Une 
descendante, Françoise-Elisabeth Adam, (Hait, en 1557, 



— 33 — 

femme de Jacques-Guillaume Beaussier, lieutenant du 
premier rçgiment du roi. 

Une fille de ce Guillaume Beaussier, Jeanne ou Anne 
Beaussier, avait épousé Barthélémy Adam, bourgeois 
de Vendôme et marchand gantier ; ils eurent dix en- 
fants. Une fille, Marguerite-Eulalie Adam, bourgeoise 
de Vendôme, épousait, le 2 septembre 1791, François- 
Olivier Logre de Francourt, lieutenant au 1^"" régiment 
de cavalerie, ci-devant Royal - Cravate. Nous avons 
connu, il y a une trentaine d'années, Madame de Fran- 
court, qui habitait avec deux de ses sœurs une petite 
maison àVilliers, près Vendôme. 

Jacques Adam, qui fait l'objet de cet article, était sans 
doute issu d'un des six que nous avons nommés plus 
haut. Comme il était le plus jeune de huit enfants, ses 
parents le destinèrent à l'état ecclésiastique. Les pre- 
miers maîtres qu'on lui donna n'eurent bientôt plus 
rien à lui apprendre, et le remirent aux PP. Oratoriens 
qui dirigeaient le collège de sa ville natale. Il y fit les 
études les plus brillantes, et comme il n'avait aucune 
fortune, on songea à utiliser de bonne heure sa précoce 
maturité; les Oratoriens l'envoyèrent à Paris avec une 
lettre pour le célèbre Rollin, qu'ils priaient de le placer. 

En voyant un enfant à peine âge de 14 ans, et qui pa- 
raissait encore plus jeune, Rollin ne pouvait croire qu'il 
avait sous les yeux le sujet qui lui était recommandé, et 
lui demanda où, était le jeune homme que lui envoyaient 
les Pères. « C'est moi, Monsieur», répondit avec mo- 
destie le jeune Adam. Charmé de cette simplicité, Rollin 
lui fit plusieurs questions, et vit bientôt, par ses répon- 
ses, combien Adam était digne de l'intérêt qu'on cher- 
chait à inspirer en sa faveur. Après l'avoir essayé dans 
une première place, il n'hésita pas à le })résenter à l'abbé 
Fleuri, qui cherchait un homme instruit pour l'aider 
dans ses recherches sur l'histoire ecclésiastique. Les 
prévisions de Rollin se réalisèrent, et l'abbé Fleuri, en- 
chanté de son jeune collaborateur, finit par se l'associer 
XX 3 



- 34 — 

dans l'éducation du prince de Conti (1), dont il était 
chargé. Les talents qu'il montra dans ce premier essai 
d'éducation engagèrent son élève à le charger plus tard 
de diriger l'éducation de son propre fils ; mais une rai- 
son puissante y mettait obstacle. Adam n'était pas gen- 
tilhomme, et le prince de Conti, pour concilier ce qu'il 
croyait devoir aux préjugés avec le désir de lui donner 
le titre de gouverneur de son fils, lui proposa de pren- 
dre momentanément l'habit ecclésiastique. Mais Adam 
s'y refusa, ne voulant pas adopter un habit qui lui im- 
poserait des devoirs qu'il ne pourrait pas remplir. 
Après quelques jours de réflexion, le prince rendit jus- 
tice à sa délicatesse, et le nomma sans conditions. Il 
s'attacha tellement à lui, qu'il en fit le secrétaire de ses 
commandements et le chef de son conseil. 

Après la mort de l'abbé Fleuri, Adam fut élu son 
successeur à l'Académie française : il vint occuper le 
fauteuil dit de La Bruyère, où s'étaient assis succes- 
sivement Racan, La Chambre, La Bruyère et l'abbé 
Fleuri. 

On a discuté la véracité de la nomination d'Adam 
comme gouverneur du jeune prince de Conti, que 
nous venons de rapporter suivant d'Alembert et tous 
les historiens qui l'ont répété après lui. Villenave, 
contestant le dire de Weiss dans la Biographie Mi- 
chaud (article Adam Jacques), prétend qu'il ne serait 
pas exact. Selon lui, un laïque seul pouvait avoir l'em- 
ploi et le titre de gouverneur; un abbé n'était jamais 
que précepteur. Ne serait-ce pas, ajoute-t-il, le contraire 
qu'il faudrait lire ? Puisque Adam fut nommé gouver- 
neur, ne céda-t-il pas aux instances du prince, et ne 



(1) François-Louis de Conti, d'abord prince de La Roche-sur- 
Yon, deuxième fils d'Armand de Bourbon, prince de Conti, le- 
quel était frère cadet du grand Condé. Il tut élu roi de Pologne 
après Sobieski : mais il fut supplanté sur ce trône par l'Électeur 
de Saxe, avant même d'avoir pu en prendre possession. 



— 35 — 

qiiitta-t-il pas l'habit ecclésiastique pour prendre l'habit 
séculier? ^ 

Cette hyfîothèsede Villenave n'est pas vraisemblable, 
et ne s'accorde pas avec la délicatesse de sentiments de 
Jacques Adam. Quoi qu'en aient écrit quelques auteurs, 
et entre autres Quérard dans la France Littéraire 
(t. I, p. 8), qui l'appelle l'abbé Jacques Adam, Adam 
n'a jamais été prêtre. 

Les registres des procès-verbaux des séances de 
l'Académie française tranchent très nettement la ques- 
tion. En voici des extraits_, qui ne laissei-oiit aucun 
doute sur ce chapitre : 

« Jeudi 30 septembre 1723. — On a procédé à la pro- 
« position du sujet qui devait succéder à Monsieur 
(( l'abbé de Fleur i, et Monsieur Adam, secrétaire des 
(( commandements de Monsieur le prince de Conti, aïant 
(( esté nommé à la pluralité des suffrages, ce choix a 
« esté confirmé par les boules blanches et noires.... 

« Jeudi 2 décembre 1723. — Monsieur Adam est venu 
« prendre sa séance, et Monsieur l'abbé de Roquette 
« a répondu à son discours.... » 

« Adam, dit d'Alembert, était un de ces académiciens 
(( peu faits pour décorer la compagnie aux yeux du pu- 
(( blic dans nos assemblées solennelles, mais qui n'en 
« sont que plus nécessaires à nos séances intérieures 
« pour soutenir et fortifier notre travail par l'étendue et 
« la variété de leurs connaissances. » Il appartient à 
cette catégorie très peu nombreuse d'académiciens sans 
haute naissance et sans grandes dignités, n'ayant jus- 
qu'alors rien écrit, et pourtant fort estimables et estimés 
par leur savoir et leurs lumières. Adam avait un grand 
fonds d'érudition, une mémoire prodigieuse, qui lui fai- 
sait donner par ses collègues de l'Académie le nom de 
dictionnaire vivant, un goût sûr, un jugement sain. Il 
avait fait une étude particulière de notre langue, et avait 
une connaissance f)rofonde des règles et des finesses 
delà grammaire, il possédait à fond le grec, savait ()ar- 



— 36 — 

faitement l'hébreu, et avait des notions étendues sur la 
plupart des langues de l'Europe. 

Aussi modeste que savant, il n'aurait jamais eu la 
hardiesse d'ambitionner un fauteuil à l'Académie, si le 
prince de Conti ne l'y avait poussé ; celui-ci se fit un plai- 
sir d'assister, le 2 décembre 1723, à sa réception, avec la 
princesse de Conti et M^'® de LaRoche-sur-Yon. Le dis- 
cours d'Adam, médiocrement écrit, ressemble à tous 
les discours de réception de cette époque ; il en a la 
banalité. Remerciements et reconnaissance du réci- 
piendaire, éloge de l'abbé Fleuri, son prédécesseur, 
éloge du roi Louis xv et recommandations au dauphin, 
auquel il conseille de préférer la douceur de l'olive à 
l'éclat des lauriers. 

L'abbé Roquette, qui le recevait, put lui dire sans être 
taxé de flatterie: « Pour peu que vous vous prêtiez au 
« commerce de la Société, on découvre bientôt une éten- 
« due, une plénitude de connaissances utiles, agréables 
« et tellement diversifiées, que l'on trouve toujours en 
« vous l'agrément de la nouveauté. La fable, l'histoire, 
« les orateurs, les poètes, sont rangés dans votre mé- 
« moire avec tant de netteté, d'ordre, de précision, que 
u vos conversations pourraient tenir lieu de lecture. 
« Les langues mortes et vivantes vous sont connues et 
« familières. » 

Plus l'Académie le connut, plus elle eut lieu de s'ap- 
plaudir de son choix. Adam, jaloux de payer aux let- 
tres son contingent d'académicien, entreprit une traduc- 
tion d'Athénée, et, comme de tous les auteurs de l'anti- 
quité, celui-ci nous est arrivé le plus tronqué et le plus 
corrompu, il se proposa d'en donner en même temps 
une édition grecque, dans laquelle il avait rétabli avec 
une merveilleuse sagacité plus de 6,000 passages. 

(( Quoique un si grand nombre de restitutions semble 
« presque incroyable, disait l'abbé de Rothelin au suc- 
« cesseur d'Adam, ceux qui l'ont connu savent qu'il 
« portait jusqu'au scrupule la crainte d'en trop dire lors- 



« qu'il parlait de lui, et de n'en pas dire assez lorsqu'il 
« parlait des autres. » 

Au rest^, si cette correction donnait une preuve de sa 
connaissance approfondie de la langue grecque, elle ne 
pouvait avoir la prétention de rétablir le texte original 
d'Athénée, qu'Adam n'avait jamais vu. C'est ce que rap- 
porte Lefebvre de Villebrume dans la traduction du pre- 
mier volume du Banquet des Savants (Avertissement, 
p. 6), à la date du 15 avril 1788 : « Un homme de mé- 
« rite, Adam de Vendôme ( il n'y a plus à Vendôme 
« qu'un marchand de sa famille et d'une fortune assez 
« médiocre), avait consacré une grande partie de son 
« temps à la gloire d'Athénée, et entrepris d'en donner 
« une traduction française faite sur le texte même, qu'il 
« voulait aussi publier avec de nombreuses corrections; 
« mais il ne consulta aucun manuscrit. Cette version, 
« ébauchée en totalité et portée, dans les deux premiers 
« livres, au degré de perfection dont elle était susceptible 
« sous la plume de cet écrivain, me fut remise par 
« M. Desaunays, garde des livres de la Bibliothèque du 
<( roi. Comme il l'avait achetée pour lui-môme, il lui 
« était libre d'en disposer envers qui lui semblerait bon. 
« Je lui avais parlé, il y a plusieurs années, du projet 
« que j'avais de continuer une version française d'Athé- 
« née, dont l'étude de la médecine m'avait engagé à 
(( faire des extraits. Ce fut à cette occasion qu'il me re- 
« mit, quelque temps après, son manuscrit ,par le seul 
« désir de m'ètre utile et d'obliger les littérateurs. 

« J'appris alors par d'autres personnes qu'Adam 
« avait aclievé tout son travail et fait un recueil de plu- 
« sieurs milliers de corrections (1). Sur cet avis, je fis 
« toutes les recherches nécessaires, mais sans succès, 
« et depuis, un avocat de Paris, faisant l'an dernier un 
« voyage à Vendôme, n'y a rien découvert chez le seul 



(1) Adam a laissù une ti-aduction française d'Athùni;c en état 
de voir le jour. (Extrait des procès-verbaux des séances de l'Aca- 
démie française, séance du V* novcmhre 1735.) 



— 38 — 

« parent qui reste de la famille du traducteur. Une let- 
(( tre originale d'Adam me fit voir que le bruit relatif à 
« ces milliers de corrections n'était pas mal fondé, car 
« Adam en parle aux savants anglais, à qui il écrivait 
« cette lettre, consignée parmi les manuscrits du roi. 
« Elle m'a été communiquée par M. Caussin, garde des 
« manuscrits. » 

En général, la traduction d'Adam est inexacte, non 
qu'il ignorât la langue grecque, mais parce que le livre 
d'Athénée est plein de termes techniques relatifs à la 
physique et à l'histoire naturelle, et qu'Adam n'enten- 
dait absolument rien à ces sciences. Après avoir pu- 
blié, en partie refondus, les deux premiers livres de la 
traduction d'Adam, Lefebvre de Villebrune renonça à 
utiliser le reste du manuscrit. 

Adam a traduit de l'italien en français les Mémoires 
de Montecucalli. Il a dédié sa traduction à son élève le 
prince deConti. Les meilleures éditions dç cet ouvrage 
sont celles de Strasbourg, 1735, et de Paris, 1746. 

Il a encore traduit de l'italien la Relation du cardinal 
de Tournon, insérée dans le tome premier du Recueil 
des Anecdotes sur l'état de la religion en Chine, par 
l'abbé Michel Villermaules. Paris, 1733, 7 vol. in-12. 

Enfin, il a eu part à la traduction de V Histoire uni- 
verselle de J. A. de Thou, Londres (Paris), 1734, 16 vol. 
in-4°, qu'il entreprit de concert avec Ch. Le Beau, les 
abbés Le Mascrier, Leduc des Fontaines, Prévost et 
le Père Fabre. 

Adam devint directeur de l'Académie ; c'est comme 
tel que, le jeudi 25 août 1727, il répondit au discours pro- 
noncé par M. Amelot de Chaillou, qui venait d'être élu 
académicien à la place de M. de Nesmond, archevêque 
de Toulouse. Il fut chargé aussi, comme directeur, 
d'adresser, au nom de l'Académie, un compliment à 
M. Chauvelin, garde des sceaux de France, le 11 sep- 
tembre 1727. 

Ces discours sont tous empreints du même cachet de 
banalité. 



— 39 — 

En 1734, le prince de Conti (1), âgé de 17 ans, désira 
et obtint de faire la campagne, que le siège de Philis- 
bourg et «des pluies continuelles rendirent si pénible 
pour les soldats. Il voulut les encourager par son exem- 
ple à souffrir les incommodités d'un sol humide et ma- 
récageux, et prit le parti de coucher sur des chariots. 
Adam, qui l'accompagnait, ne crut pas, malgré son âge 
et sa faible santé, devoir être mieux couché que son 
élève ; il partagea avec lui le même lit, mais les fati- 
gues de la campagne épuisèrent ses forces. Dès lors, il 
ne fit que languir, et fut pris de coliques néphrétiques, 
qui ne tardèrent pas à le conduire au tombeau. Il con- 
serva jusqu'au dernier moment sa présence d'esprit et 
toute la douceur de son caractère. Quelques instants 
avant d'expirer, il montra les scrupules d'un bon père 
sur le peu qu'il avait fait pour sa famille : <« Je crains, 
(( disait-il, d'avoir trop sacrifié aux occupations de mon 
« état les soins que je devais à ces infortunés, que je 
(( laisse en bas âge et dans l'indigence. » 

Il les recommanda au prince son élève, que d'autres 
soins empêchèrent sans doute de se rappeler une recom- 
mandation si juste et si intéressante. ^ 

On lit dans les procès-verbaux des séances de l'Aca- 
démie : « Du Samedy douzième novembre 1735. — 
L'Académie apprend avec douleur la mort de Mon- 
sieur Adam, qui était généralement estimé et aimé de 
tout le monde, à cause de son érudition et de la douceur 
de ses mœurs.. » 

Il eut pour successeur à l'Académie française l'abbé 
Seguy, qui fut reçu le 15 mars 1736, et fit son éloge en 
termes émus et sympathiques. 

Parmi les nombreux enfants qu'avait laissés Adam, 
un se trouvait dans le plus complet dénùment (février 
1781), et eut recours aux anciens collègues de son père. 



(.1) Louis-François de Coati, «^ointc de la Marclif, (u'li(-lils de 
celui dont nous avons parlé précédemment. 



— 40 — 

Ceux-ci s'empressèrent de lui venir en aide, avec une gé- 
nérosité qui prouve combien était chère sa mémoire 
parmi ceux qui l'avaient connu et fréquenté. 

SOURCES : 

Registres de baptêmes des paroisses de Saint-Martin, de la 
Madeleine, de Saint-Lubin et de Saint-Bienheuré de Ven- 
dôme. 

Registres de présence et de procès-verbaux des séances de 

l'Académie française. 
Recueil des harangues prononcées par MM. de l'Académie 

française. 

Histoire des membres de l'Académie française morts depuis 
1700 jusqu'en 1771, par d'Alembert. 

Œuvres d'Athénée, traduites par M. Lefebvre de Villebrune, 
— Banquet des Savants. 

Histoire des quarante fauteuils de l'Académie française depuis 
sa fondation jusqu'à nos jours (1635-1844), par TyrtéeTastel. 



AGATHANGE (Le Père) 

Le Père Agathange s'appelait Noury avant d'entrer 
en religion. Il était né à Vendôme vers 1599, et sa fa- 
mille était des plus honorables. Lorsque les Capucins 
furent étabhs dans cette ville, à l'extrémité du Faubourg 
Chartrain (1), Noury père fut nommé leur père syn- 
dic ou père temporel. Son jeune fils l'accompagnait sou- 
vent dans ses visites au monastère, et y puisa les ger- 
mes d'une vocation des plus marquées et des plus vraies. 
Il demanda avec instance à être reçu capucin, et, à 
l'âge de 20 ans environ, il fut admis au Mans, où se trou- 
Ci) Cette partie du Faubourg-Chartrain s'appelle encore au- 
jourd'hui Les Cap/iciini, et la chapelle de l'ancien couvent, deve- 
nue habitation particulière, appartient ;"i M. Douchement. 



__ 41 — 

vait le noviciat de l'ordre pour la province de Pari:>. Il 
reçut en môme temps le nom d'Agathange, en mémoire 
d'un saitit martyr mort pour la foi à Ancyre, en Gala- 
tie, sous la présidence de Lucius. Il fît ses études philo- 
sophiques et ihéologiques dans la maison de Poitiers, 
puis à celle de Rennes, et se fit remarquer tout particu- 
lièrement par ses dispositions pour l'étude des langues. 

En 1625, il fut ordonné prêtre, et donna une mis- 
sion dans le Poitou. L'année suivante, il prêchait la 
station du carême à Vendôme, sa ville natale. Bien- 
tôt, emporté par son zèle, il sollicita de ses supé- 
rieurs la faveur d'être envoyé dans les missions étran- 
gères, et fut désigné pour aller en Palestine. Arrivé à 
Alep avec un autre jeune capucin, il se mit à l'œuvre 
avec tant d'animation, qu'il ne tarda pas ù attirer l'at- 
tention des musulmans et des schismatiques, qui lui 
vouèrent une haine mortelle. Sa position devint même 
assez dangereuse pour exiger son départ; il obéit à 
l'injonction de ses supérieurs, et se mit à étudier avec 
ardeur la langue arabe, qui était d'une absolue nécessité 
pourévangéliser ces contrées. 

En 1631, on l'envoya à la mission d'Egypte, et il sé- 
journa plusieurs années au Caire. 

Sur ces entrefaites, de graves événements se pas- 
saient en Abyssinie. Susnès, empereur des Abyssins, 
avait beaucoup favorisé les missionnaires catholiques ; 
mais son fils Basilidès se conduisit d'une manière tout 
opposée, et le3 poursuivit cruellement. Il proscrivit ab- 
solument la religion catholique, et publia un édit des 
plus sévères contre ses ministres. Cette persécution 
commença l'an 1632. Le père Agathange était alors su- 
périeur de la mission des capucins en Egypte ; dès 
qu'il fut informé du déplorable état de la religion en 
Ethiopie, il alla trouver le patriarche d'Alexandrie, et le 
conjura d'avoir pitié des chrétiens de ce pays, et de leur 
donner un évêque doux et humain qui pût, par sa pru- 
dence et sa charité, apaiser les esprits. Le patriarche 
promit tout. Il écrivit à Basilidès de traiter les catholi- 



~ 42 — 

quGs romains avec moins de dureté et de s'abstenir de 
répandre le sang humain. L'évêque d'Abyssinie était 
toujours clioisi parmi les moines coplites, et les mis- 
sionnaires comprirent que, pour obtenir quelque chose 
d'efficace, les ordres du patriarche ne suffisaient pas. 
Le point le plus important était de gagner les bonnes 
grâces de ces moines ignorants, très répandus dans le 
pays, et qui y exerçaient une certaine influence. La con- 
duite des missionnaires fut telle, qu'ils furent reçus à 
bras ouverts dans tous les monastères du pays, et par- 
vinrent à instruire et à convertir plusieurs de ces schis- 
matiques. Un entre autres, nommé Ariminius ou Marc, 
abjura entre les mains d'Agathange, et sut gagner toute 
sa confiance. Le bon Père appréciait beaucoup l'intelli- 
gence d'Ariminius, et crut avoir fait faire un grand pas 
à l'évangélisation de l'Abyssinie en le faisant nommer 
évèque métropolitain de ce pays. Il en parle en ces ter- 
mes dans une lettre qu'il lui donna pour lej^atriarche 
Alphonse M endez : 

<( L'abbé Marc, qui vous rendra ces lettres, a été 
« nommé et sacré archevêque d'Ethiopie ; j'ai souvent 
(( conféré avec lui sur plusieurs articles de la foi, et j'ai 
(( trouvé, par la grâce de Dieu, qu'il était persuadé que 
« tous les dogmes de la religion que nous professons 
(( sont véritables. Je n'ose pas néanmoins assurer qu'il 
« est catholique, ce que je désirerais fort : mais je puis 
« dire qu'il est bien intentionné pour l'église romaine, 
« et qu'il m'a protesté qu'il croit tout ce que nous croyons 
« touchant Jésus-Christ, touchant le Saint-Esprit, tou- 
« chant la primauté du Souverain Pontife, et qu'il trai- 
« tera ceux de notre communauté comme orthodoxes. 
« Je voudrais, de tout mon cœur, pouvoir l'entretenir 
« plus longtemps; mais il part, et je ne peux le suivre. 
« Il faut que je retourne au Caire, où des atïaires im- 
« portantes qui regardent notre mission d'Egypte me 
(( rappellent. J'ai cru qu'il était bon que je fisse savoir 
(( toutes ces choses à Votre Charité, en lui offrant tout 
« ce qui peut dépendre de moi. Si je n'ai pas l'honneur 



— 43 - 

« d'être connu personnellement de Votre Charité, au 
« moins lui suis-je connu dans le Seigneur. Non-sen- 
(( lemen^Je vous prie très humblement, et au nom de Jé- 
« sus-Christ, de rendre à cet archovesque tous les bons 
(( offices que saint Paid nous ordonne de nous rendre 
« les uns aux autres, mais je vous conjure de l'honorer 
(( d'une affection particulière et de vouloir bien le recom- 
« mander au général de votre flotte. Il mène avec lui un 
(( luthérien, Allemand d'oi'igine, qui me donne de vrais 
(( sujets de crainte. Je sais ses mauvais desseins, et il 
« a été ici un grand obstacle à la propagation de la foi. 
« J'espère que Dieu dissipera ses conseils, et que tous 
« les ef!brts que le démon fait contre nous tourneront à 
(( sa confusion et à notre avantage. Je salue votre Révé- 
« rence et tous les enfants de l'Eglise notre sainte Mère 
« qui sont avec vous. » 

Le patriarcjie Alphonse Mendez était à Suaquem, où 
l'abuna Ariminius et Pierre Heybing, ce jeune luthérien 
allemand, lui portèrent cette lettre. Il eut plusieurs en- 
tretiens avec eux, et jugea ces deux hommes tout autre- 
ment que le Père Agathange. Il trouva que l'abuna avait 
trompé ce bon capucin, que c'était un franc jacobite, 
qu'il n'était rien moins que simple, et que, bien loin de 
favoriser les catholiques, il serait un de leurs plus cruels 
persécuteurs. Le Père Agathange l'éprouva lui-même, 
comme on le verra dans la suite. Pour Pierre Heybing, 
le patriarche dit que c'était un esprit doux et insinuant, 
qui savait fort bien le latin et l'arabe, fort peu l'hébreu 
et le grec ; qu'il ne devait pas appréhender qu'il ne fît 
de grands progrès en Abyssinie, s'il prétendait y ré- 
pandre le luthéranisme; que les Abyssins étaient fort 
attachés à leur religion, et qu'il n'était pas aisé de leur 
en inspirer une autre. Il se tiatte même qu'il aui-ail pu 
convertir Heybing, s'il avait encore pu avoir quelques 
conférences avec lui. Il dit qu'ils étaient convenus pres- 
que de tout, et qu'ils n'étaient plus en discussion que 
sur la sixième session du concile de Trente, sur le point 
de la Jastrfication ; que Heybing lui avait pnmiis de 



— 44 — 

l'aller voir aux Indes, mais qu'il était toujours demeuré 
en Abyssinie, où il professait la médecine. 

Tout ceci est rapporté par Alphonse Mendez, qui 
ajoute que leurs conférences ne furent interrompues 
que parce que le pacha le renferma dans une prison plus 
étroite, afin d'en tirer une plus grosse somme. Le comte 
de Linarès, vice-roi des Indes, informé de leurs souf- 
frances, fit agir des marchands pour traiter de leur ran- 
çon. Ils offrirent 4,000 crusades (1), et le pacha en de- 
mandait 6,000 pour le patriarche seul. Il fallut les don- 
ner. Plusieurs missionnaires jésuites furent arrêtés et 
martyrisés en 1638. Il ne resta plus de jésuites en 
Abyssinie. 

Le Pape et les cardinaux, prévenus contre les Pères 
de la compagnie de Jésus, chargèrent les capucins 
français de la mission d' Abyssinie, et six religieux de 
cet ordre, à la tête desquels était le P. Agathange, ten- 
tèrent de pénétrer dans le pays. Le Père Agtîthange et 
le Frère Cassien de Nantes s'embarquèrent avec un 
pacha que le grand seigneur envoyait à Maçua. Le pa- 
cha les traita avec bonté tant qu'ils furent dans sa com- 
pagnie, et la traversée fut heureuse; mais, dès qu'ils 
furent entrés en Abyssinie, ils furent reconnus, quoique 
déguisés en marchands arméniens. On comprend quel 
futl'étonnement du Père Agathange, qui, comptant sur 
le secours d'Ariminius, arrivait presque sans défiance 
dans ce pays, qu'il pensait ramener facilement au catho- 
licisme, grâce aux semences que i'évêque schismatique 
devait avoir répandues avant son arrivée : mais il avait 
compté sans l'influence néfaste de Pierre Heybi ng et la 
faiblesse de caractère de son néophyte. 

Quand, au commencement de 1638, ils arrivèrent à 
Dombée, ils se virent arrêtés et jetés en prison. L'évoque 
Arimiuius refusa obstinément de les voir, et opina 

(1) Crusade, monnaie de Portugal, ainsi nommée de la croix 
et des feuilles de palmier disposées en croix i|ui en ornent l'ef- 
figie. Lu crusade de cette époque valait 40{)reis [2 fr. 7D). 



- 45 — 

même dans le conseil pour qu'on les traitât avec la der- 
nière rigueur, disant hautement que c'étaient des prêtres 
romains, ennemis de l'Eglise d'Alexandrie, et qu'ils ve- 
naient pour la combattre et la détruire. L'empereur Ba- 
silidès voulait les faire reconduire en Egypte ; mais 
l'évêque et surtout Pierre Heybing insistèrent pour la 
peine de mort. Ils furent condamnés à être pendus sur la 
place publique. 

On raconte qu'au moment de l'exécution, qui suivit de 
près la sentence, un retard se produisit, et le Père Aga- 
thange en demanda la cause: On manque de corde, 
lui fut-il répondu. — En voici, et des meilleures, répli- 
qua le Père, en montrant celle qui avait servi de ceinture 
à lui et à son compagnon. On les prit, et elles devinrent 
les instruments de leur supplice. Avant qu'ils eussent 
exhalé leur dernier soupir, ils furent lapidés par le 
peuple et périrent dans d'atroces souffrances. 

Tous ces détails sont consignés dans une notice ma- 
nuscrite laissée par dom Liron. 

L'abbé Legrand, ajoute le savant bénédictin, a donné 
la lettre latine que le Père Agathange écrivit aux très 
Révérends Pères qui étaient dans les vaisseaux portu- 
gais. Elle est datée de la ville deMansoure, en Egypte, 
du 15 octobre 1634, et digne d'un missionnaire aposto- 
lique, pleine de foi et d'un grand zèle pour le salut des 
âmes. Nous en avons vu plus haut le contenu, et nous 
en donnons à la tin de cette notice le texte complet. 

Les capucins affectent un si grand silence sur les faits 
glorieux des Pères de leur ordre, que les circonstances 
du martyre du Père Agathange et du Frère Cassien nous 
seraient peut-être restées inconnues, si des religieux de 
trois ordres différents du leur n'avaient pris la j)eino d'en 
informer la sainte congrégation par des relations non 
suspectes. Ce sont le Père Michel de Saxe, dominicain, 
les PP. Antoine de Virgoletta et Antoin,e de Petra Pa- 
gana, de l'observance de Saint-François, oA h; 1». P. Al- 
phonse Mendès, jésuite, i)atriarche d'Ethiopie. On u 



— 4G — 

imprimé à Vendôme, en 1702, une plaquette in-4° de 46 
pages intitulée : 

MÉMOIRES 

DU MARTYRE 

DU P. AGATHANGE NOURY 

DE VENDOME 

& DU P. CASSIEN DE NANTES 

CAPUCINS 

MISSIONNAIRES APOSTOLIQUES 

DANS l'ÉGYPTE ET DANS l'ÉTHIOPIE 

ARRIVÉ A DOMBÉE LE 15 AOUT 1638. 

A VEND0SME 

Chez Henry Hyp, imprimeur du Roy & de U Ville. 
Avec permission des Supérieurs. 

M. D. ce. II. 

Comme marque de librairie, on remarque sur le titre 
une corbeille de fleurs et de fruits avec deux papillons 
qui y butinent. La pagel commence par un frontispice 
formé de fleurs et de fruits, avec deux anges soutenant 
l'écu de Bourbon- Vendôme. Cette relation est adressée 
à Madame A., nièce du P. Agathange. Le livre est assez 
bien imprimé, et fait honneur aux presses vendo- 
moises. 

Nous n'en connaissons que deux exemplaires, un qui 
appartient à M. l'abbé Raymond de Préville, ancien curé 
de Rahart, et l'autre à la Bibliothèque de Vendôme. La 
cause de béatification des deux missionnaires martyrs 
a été introduite à Rome, et un décret du pape Inno- 
cent X, du 17 février 1648, en autorisa l'examen ; mais, 
par un retard dont nous ignorons la cause, ils n'ont pas 
encore été canonisés. 



— 47 



Lettre du R. P. Agathange de Vendôme. 
* 
Reverendissimis patribus, qui in navibus Lusitanis 
vei'santur, salutem })lurimam dicit Fr. Agathangelus 
capucinus. 

Tristis triste accepi nuntium de defectione Abassino- 
riim a sancta matre Ecclesia. Vidi Legatum missum a 
Rege Abassinorum, qui Abassinis prœesset, Alexan- 
drini patriarchaB nomiue. Atque insuper narratum est 
mihi, quas turbas excitarit pseudoarchiepiscopus ille, 
qui ex ^gypto in ^thiopiam perveniens, cum ne qui- 
dem clericus esset, mentitus est se esse Archiepisco- 
pum, missum a Patriarcha Alexandrino, hocque no- 
mine multos ex populo se duxisse, alios ab Ecclesia ar- 
cere, alios regno ausum deturbare. Ego igitur tantis, 
tanique gravibus malis succurrere quoquo modo cu- 
piens, ipsum Patriarcham conveni, hortatusquesum in 
Domino ut huic regno opem ferret, eligeretque homi- 
nem concordiœ et unitatis Ecclesiae amantem, qui non 
iterum discordias excitaret, sed excitatas sopire stude- 
ret, quantum fleri possit cum prudentia et charitate. 
Scripsit igitur Patriarcha ad Regem Al)assinorum, ut 
omnino abstineat a sanguine Catholicorum Romano- 
rum, nec quidquam in illos durius agat. Prueterea elec- 
tus est et consecratus in Archiepiscopum ^thiopiœ 
Abba Marcos, lator prœsentium, cum quo stepius de 
fidei articuliscontuli ; Deiquegratiafactum est, utom- 
nia fidei nostrae dogniata vera esse perceperit ; et licet 
non possim de eo ferre testimonium illud, quod desi- 
dero, hoc est, dicere eum esse plane Catholicum ; pos- 
sum tamen dicere erga Romanam ecclesiam esse bene 
affectum ; mihique protestatum esse se credere omnia, 
quae nos credimus de Christo, de Spiritu sancto, et de 
Primatu summi Pontilicis ; seque cum nostris acturum 
tanquam cum orthodoxis. Atque utinam potuisseni pri- 
vatim cum ipsodiutiiis convcrsari ; sperabani euirn il- 
lum, cum Dei auxilio, sanct.e Ecclesi.e recon(;iliandum. 



— 48 — . 

Verum proficisci cogitur, nec possum ego illum sequi 
ulteriiis; cum enim mihi sit demandata cura Missio- 
nis ^gypti, ob qaœdam gra\da negotia, Memphim re- 
dire compellor. Hœc autem judicavi conveniens nota fa- 
cere charitati vestrse, ac si forte vos in aliquo juvare 
possum, vobis opem meam toto corde offerre. 

Prœterea charitatem vestram convenio, et incognitus 
quidem corpore, cognitus autem in Domino, supplex a 
vobis postulo in nomine Jesu-Christi, ut prœsenti ar- 
chiepiscopo exhibeatis, non solumillam, quam sanctus 
Paulus jussit haberi ad omnes benevolentiam ; sed rogo 
et obtestor ut eum omnibus charitatisoffîciis prosequa- 
mini, ipsumque navium vestrarum Duci commendetis. 

Profîciscitur cum ipsis quidam Germanus natione, 
secta Lutheranus, aquomultum timeo. Scioenimejus 
perversum esse propositum, et hic experti sumus ab eo 
multum impedimenti in propagatione fidei,. Dissipet 
Deus consilium ejus et faxit ut omnes illœ tentationes, 
quas dsemon suscitât, nobis vertanturinbonum. Iterum 
vestram Reverentiam, omnesque qui vobiscum sunt 
sanctœ matris Ecclesiœ fîlios, salutat plurimum in Do- 
mino, etdivinae Majestati commendatos multum habere 
desiderat, observantissimus vester servus in Christo, 
Frater Agathangelus capucinus, Missionarius Aposto- 
licus. 

Ex oppido Manssouro in ^gypto, die octobris 15. 
An no salutis mundi 1634. 



(Extrait de la Relation historique d'Abyssinie du R. P. 
Jérôme Lobo, de la compagnie de Jésus^ traduite du por- 
tugais, continuée et augmentée de plusieurs dissertations, 
lettres et mémoires, par M. Le Grand, prieur de Neuville- 
les-Damcs et de Prevessin. Paris, in-4°, 1728. — L'abbé Le 
Grand l'avait prise lui-même dans la Relaçao da sua en- 
trada na Ethiopia e varias carias frAltbnso Mondes, 
lib. 3, c. 31, de VHlstoria gérai de Ethiopia a alta, ou 
Preste Joam, e do que nella obrara/n os Padres da cornpa- 
nhia de Jésus, tirada deque mas largamente compas na In- 



— 49 — 

(lia o P. Manoel d'Alineyda, abrcviada connova relaycam, 
pcto P. Barth. Telles. Coimbra, Dias, 1660. lu-folio, avec 
un frontispice gravé et une cai'te, par Balthazar Tellez. 

SOURCES : 

Matériaux pour l'Histoire littéraire de la province du Maine, 
manuscrit attribui'îù dom Liron. Biblioth. nat. F. fr., 17,005. 

Relation historique d'Abyssinie du R. P. Jérôme Lobo, de la 
compagnie de Jésus, traduite du portugais, continuée et aug- 
mentée de plusieurs dissertations, lettres et mémoires par 
M. Le Grand, prieur de Neuville-les-Dames et de Prévessin. 
Paris, in-4», 1728. 

L'abbé Simon. Histoire de Vendôme et de ses environs, t. HI, 
p. 332 et suivantes. 

Godescard. Vie des Saints. 

Un martyr vendômois au xvii° siècle, par l'abbé Raymond de 
Préville, curé de Rahart. Blois. 187... 

Mémoires du martyre du P. Agathange Noury de Vendôme et 
du P. Cassien de Nantes, capucins, missionnaires apostoli- 
ques dans l'Egypte et dans l'Ethiopie^ arrivé à Dombée le 
15 août 1638. A Vendosme, chez Henry Hyp, imprimeur du 
Roy et de la Ville. Avec permission des supérieurs. — 

M.D.CC.II. 



ALHOY (Louis -François -Joseph) 




Bien que la famille Alhoy ne soit pas originaire de 
Vendôme, elle a habité .si longtemps notre pays, que 
nous avons cru devoir revendiquer ceux de ses mem- 

4 



XX 



— 50 — 

bres qui se sont acquis un certain renom dans les let- 
tres. De ce nombre nous citerons Louis - François- 
Joseph Alhoy. Il était issu d'une ancienne famille de 
l'Artois, et né, non pas à Angers, en 1755, comme le 
dit la Biographie Michaud, mais le 7 novembre 1756 
à Aire-su r-1 a-Lys (Pas-de-Calais), du mariage de Lau- 
rent-Louis Alhoy, maitre-phnrmacien, et de Marie-Ma- 
deleine Ledez (1). Il a appartenu à l'Oratoire, et a pro- 
fessé les humanités dans divers collèges de sa congré- 
gation, mais il n'est jamais entré dans les ordres. 

Le 28 avril 1792, sur la présentation du premier insti- 
tuteur des sourds et muets, le Directoire, en exécution 
d'un décret du 21 juillet 1791, le nomma àla place d'insti- 
tuteur adjoint de cet établissement. Il était installé dans 
les bâtiments des ci-devant Célestins, rue des Célestins. 
Le 18 fructidor an v (4 septembre 1797), l'abbé Sicard 
ayant été arrêté et proscrit comme aristocrate, Alhoy le 
remplaça dans la direction de l'institution jusqu'en 1800. 
Puis, par décision de Lucien Bonaparte, alors ministre 
de l'intérieur, du 13 janvier 1800, et sur la recomman- 
dotion de M. de Planois, il fut nommé administrateur 

(1) Extrait du registre des baptêmes, mariages et sépultures de 
la paroisse de Notre-Dame pendant l'année mil sept cent cin- 
quante-six (Aire, Pas-de-Calais) : 

« L'an mil sept cent cinquante-six, le sept du mois de novem- 
« bre, est né et le même jour a été batisé par moi, vice-curé de 
« cette paroisse soussigné, Louis-François-Joseph, fils légitime 
« du sieur Laurent-Louis Alhoy, maître pharmacien, et de de- 
« moiselle Marie-Madeleine Ledez, son épouse. Le parrain a été 
« le sieur Jacques-Joseph Ledez, jeune homme^ manufacturier en 
« drap à Saint-Omer, et la marraine demoiselle Pétronille-Fran- 
« çoise Alhoy, jeune fille, cousine germaine au père de l'enfant, et 
« ledit Ledez, oncle maternel au même enfant, qui ont signé les 
« jour, mois et an que dessus. 

«Signé: L.-L. Alhoy, Jacques-Joseph Ledez, Pétronille- 
Françoise Alhoy, et J.-B. Legay, vicaire. « 

Pour extrait conforme. Aire, le 10 juin 1879. 

Le maire d'Aire, 
P. Graux, adjoint. 



— 51 — 

des hospices de Paris et spécialement de l' Hôtel-Dieu, 
de la Charité, de Beaujon, de la Maternité et de la 
Bourbe (nfiaison d'allaitement). 

Alhoy remplit ces fonctions avec beaucoup de con- 
science et de dévouement; on n'a, ponr en être con- 
vaincu, qu'à lire le poème qu'il eut l'idée d'écrire sur ces 
asiles de la souffrance. 

Peu de temps après sa nomination, le conseil, dont il 
faisait partie, arrêta que désormais on ne placerait plus, 
comme cela se faisait avant, deux et trois malades dans 
le même lit. Au moyen âge les malades étaient encore 
plus entassés, et souvent les infirmiers trouvaient un 
cadavre parmi les occupants. Sous la République, on 
en mettait encore quatre ensemble, deux à la tête et deux 
aux pieds. A partir du décret dont Alhoy fut un des plus 
ardents promoteurs, chaque malade eut sa couche spé- 
ciale. 

Alhoy fut aussi l'un des plus grands propagateurs de 
la vaccine; c'est sous son inspiration qu'on fît l'expé- 
rience suivante à l'hospice de la Pitié. On mit coucher 
cent enfants vaccinés dans les lits de cent enfants ma- 
lades de la petite vérole, et on donna aux vaccinés les 
chemises des petits malades ; les cent vaccinés ne ga- 
gnèrent pas le mal, et l'épreuve fut décisive. 

Comme administrateur, il avait six mille francs d'ap- 
pointements. Il était en rapports fréquents avec MM. Du- 
chanois, Desportes, Royer et Lemagnan, ses collègues, 
et aussi avec MM. Lemercier, sénateur, d'Hauterive, 
conseiller d'Etat, et Foucher, ducd'Otrante, ministre de 
la police. Ce dernier avait été, avec lui, professeur à l'O- 
ratoire ; mais il était engagé dans les ordres, ce qu' Alhoy 
n'avait jamais voulu faire. Il était aussi très lié avec 
Madame Campan, dont il était l'hôte assidu à Saint- 
Germain. Alhoy était très réputé à Paris pour sa par- 
faite connaissance de l'art d'exprimer sa pensée par des 
signes, art inventé par l'abbé de l'Épée et perfectionné 
par l'abbé Sicard, son disciple. 



— 52 — 

Un jour, vers l'an ix (1801), Alhoy, logé rue de 
Tournon, près du Luxembourg, reçut une députation 
des sociétaires du Théâtre-Français, ayant à sa tète le 
célèbre acteur Fleury. Ces messieurs venaient le prier 
d'apprendre le langage des sourds et muets à M"® Bour- 
goin, qui devait remplir ce rôle dans une pièce intitu- 
lée L'Abbé de VEpée. Alhoy consentit, et son élève pro- 
fita si bien de ses leçons que la pièce eut un vrai succès, 
et que l'administration du théâtre, voulant lui témoigner 
sa reconnaissance, lui donna, sa vie durant, ses gran- 
des entrées, lien usa souvent, et fréquenta non-seule- 
ment la salle, mais le foyer des artistes et les coulisses. 
Il s'y lia surtout avec le journaliste Fréron. 

En 1803, les membres du Conseil municipal de Bru- 
ges ayant désiré posséder, dans leur ville, une chambre 
de commerce, se souvinrent qu'Alhoy était né dans leur 
département, et le prièrent de seconder leurs démar- 
ches. Il réussit à leur obtenir ce qu'ils demandaient, et, 
dans une lettre que nous avons entre les mains, et qui 
est signée par tout le conseil de Bruges, ils disent 
qu'ils n'avaient, pour solliciter ses bons offices, d'au- 
tres titres que les services mêmes qu'il leur avait déjà 
rendus. Ce n'était donc pas la première fois qu'ils y 
avaient recours, et ils lui en témoignent une profonde 
reconnaissance. 

Alhoy avait épousé, vers 1793, M^'® Marie Métoyen, 
une des trois filles de Jean-Baptiste Métoyen, musicien 
basson de la chapelle de Louis XVI et secrétaire de 
Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, tantes du roi. 
Il en avait eu deux filles, Rosa-Henriette, filleule de Ma- 
dame Campan, etEucharis, graveuse de musique, morte 
à Paris en 1845, et un fils, Maurice, qui est aussi 
mort à Paris en 1856. Sa fille aînée, M"^ Rose-Hen- 
riette, avait été dame surnuméraire pour le piano dans 
l'établissement des filles de la Légion d'honneur d'E- 
couen, dont Madame Campan était surintendante. Elle 
a longtemps habité Vendôme, où l'on se souvient des 
aimables qualités de son esprit et de son cœur. 



— 53 — 

Alhoy conserva ses fonctions d'administrateur des 
hospices jusqu'en 1815, époque à laquelle il obtint la di- 
rection du collège de Saint-Germain-en-Laye. Cet éta- 
blissement fut loin de prospérer entre ses mains ; au 
bout de deux ans, il dut l'abandonner, et se trouvait sans 
emploi, lorsqu'il eut l'idée de se recommander à ses an- 
ciens collègues de l'Oratoire, directeurs du collège de 
Vendôme, MM. Mareschal père et Dessaignes. 

Ceux-ci l'accueillirent avec empressement, et lui con- 
fièrent la classe de seconde, qu'il professa avec succès ; 
c'était un vieillard aimable et spirituel, et qui était adoré 
de ses élèves. Nous en connaissons plusieurs qui ne 
peuvent parler de leur ancien professeur sans se sentir 
émus d'un souvenir affectueux et reconnaissant. 

En 1824, une mission qui fut prêchée à Vendôme 
fut malheureusement exploitée par des fonctionnaires 
trop zélés, et donna lieu à de fâcheuses rigueurs. 
AlhoVj qui, bien que religieux, n'était pas pratiquant, 
fut victime de cet état de choses, et dut, ainsi que le pro- 
fesseur de physique, M. Delaunay, quitter le collège de 
Vendôme. Il rentra à Paris, oi!i il demeura à la charge 
de sa fille aînée, qui donnait des leçons de musique, 

Au bout de deux ans, il mourait d'une ossification du 
cœur. Tous ses élèves de Vendôme qui se trouvaient à 
Paris l'accompagnèrent au Père-Lachaise, et, comme 
oraison funèbre, promirent à leur vieux maître de ne pas 
le laisser dans la fosse commune où on avait déposé 
son cercueil. En effet, une souscription, à la tête de la- 
quelle s'étaient placés deux de ses anciens élèves, 
MM. Victor Dessaignes et Goubault, fut immédiatement 
couverte de signatures, et une concession à perpétuité 
fut acquise par les anciens élèves d' Alhoy, pour y dé- 
poser sa dépouille mortelle. Cette tombe, entourée d'une 
grille, est située près le mausolée de Denon, vers le mi- 
lieu du cimetière à droite. On lit sur la pierre tumu- 
laire qui la recouvre cette inscription : 



- 54 - 

CONCESSION A PERPÉTUITÉ. 

CY GIT LOUIS -FRANÇOIS -JOSEPH ALHOY. 

TOMBE ÉRIGÉE PAR SES ANCIENS ÉLÈVES 

DE VENDOME 

On a de Louis-François-Joseph Alhoy : 

1° De l'Éducation des sourds et muets de naissance, 
considérée dans ses rapports avec Vidéologie et la 
grammaire. — Sujet du discours prononcé à la rentrée 
de l'École nationale des sourds et muets, le 15 brumaire 
an VIII (6 novembre 1799), par le citoyen Alhoy, pre- 
mier instituteur de cette école. — Paris, de l'imprimerie 
des Associés, rue Saint-Jacques, n° 182, an viii (1799)^ 
in-8° de 31 pages. 

2° Les Hospices, poème. 1 volume in-8°, de l'impri- 
merie des hospices civils de Saint-Christophe. — Cet 
ouvrage devait avoir au moins quatre chants ; le pre- 
mier seulement a paru. 

30 Promenades poétiques dans les Hospices et Hô- 
pitaux de Paris. Paris, Trouvé, 1826, in-8°. — Ce livre 
est une nouvelle édition refondue et augmentée du pré- 
cédent. 

En général, le vers d'Alhoy est correct, et l'auteur a 
souvent rendu avec un rare bonheur d'expression des 
scènes naturellement peu poétiques ; à côté de ces qua- 
lités éminentes, nous devons constater des longueurs et 
un excès de sentimentalisme qui fatiguent souvent le 
lecteur. 



SOURCES : 

Biographie Michaud, article signé Philhcrt. 

Biographie des hommes vivants^ rédigée par une société de 
gens de lettres et de savants. — Paris. 1816, t. i, p. 46. 

Sonvenirs du Pensionnat de Saint-Germain et de la Maison 



DO 

impériale delà Légion d'honneur d'Ecouen, dirigés par Ma- 
dame Çampan, rédigés par M. l'abbé Landau, sous la dic- 
tée de !^I"' Rose-Henriette Alhoy, filleule de Madame Çam- 
pan. 1 fort volume manuscrit in-4'' de plus de 400 pages, il- 
lustré de vues et de costumes peints à l'aquarelle. — Ce ma- 
nuscrit appartenait à notre regretté ami M. l'abbé Landau, 
qui, peu de jours avant sa mort, avait bien voulu nous le 
communiquer et le compléter par de nombreux renseigne- 
ments. 



NOTE 



SUR 



L'HIVER 1879-1880 

Par M. NouEL, 

Professeur de Physique au Lycée de Vendôme. 
2' Partie (*) 



Dans un premier travail (**), j'ai tracé l'histoire du 
grand hiver 1879-80 dans nos pays. J'ai fait connaître 
que, dans l'intérieur de la ville de Vendôme, la moyenne 
de décembre 1879 était descendue à — 7", chiffre inouï 
jusqu'alors, et avait dû atteindre — 8° et peut-être au- 
dessous dans la campagne. Je crois encore avoir dé- 
montré que, dans la nuit du 9 au 10 décembre 1879, la 
température s'est abaissée, dans nos environs, jusqu'à 
— 26° sur les plateaux, pour atteindre — 28° dans les 
vallées, et même — 30° et peut-être — 32° dans quel- 
ques vallons. 

Il me reste maintenant à résumer les effets d'une 
pareille température sur les êtres vivants. C'est cette 
étude qui fera l'objet de ce second travail. 



(•) Cette note a été communiquée à la séance de la Société Ar- 
chéologique du 14 octobre 1880. 

(••) V. le Bulletin do 1880, p. 226. 



57 - 



♦ DEUXIEME PARTIE 



Effets de l'hiver 1880 sur les êtres vivants. 

I. Effets sur les animaux. 

Parlons de l'homme d'abord. Ce froid inaccoutumé 
s'est très bien supporté au point de vue de la santé gé- 
nérale. Les médecins n'ont jamais eu moins de mala- 
des que pendant ce mois de décembre 1879. Un air vif 
et sec, un ciel sans nuages, sont des conditions essen- 
tiellement hygiéniques, et l'homme possède aujourd'hui 
des moyens efficaces de se préserver du froid. Grâce 
aux progrès de la civilisation^ au bien-être général, à 
la charité publique, si on a souffert du froid, il n'y a pas 
eu de misère proprement dite, rappelant celles dont 
l'histoire nous a conservé le douloureux souvenir, et 
qui caractérisent les grands hivers d'autrefois, comme 
ceux de 1788-89 ou de 1709. 

Animaux quadrupèdes sauvages. — Ils ont beau- 
coup souffert, surtout de la persistance des grandes 
neiges, qui les mettaient dans l'impossibilité de trouver 
leur nourriture. 

J'ai eu quelques détails sur le gros gibier de la forêt 
de Marchenoir par M. Goussard, instituteur à Saint- 
Léonard. <( Vingt chevreuils, m'écrit-il, ont été trouvés 
morts, dans la forêt, par les gardes seulement ; puis 
deux sangliers sur la lisière de la forêt... » 

Il n'a pas été question de loups ni à Marchenoir ni à 
La Ville-aux-Clercs. Leur disparition de nos forêts pa- 
raît donc presque complète aujourd'liui. Leurs san- 
glantes prouesses étaient autrefois un des cortèges obli- 
gés des grands hivers. 

Les lapins ont souffert, m'a-t-on dit; les lièvres 
paraissent avoir vécu. 



— 58 - 

Oiseaux. — Les chasseurs s'accordent tous pour 
dire que les perdrix ont jDresque disparu cette année. 
On les voyait venir autour des fermes et des meules pour 
y chercher leur vie, et le plus souvent, elles y rencon- 
traient une mort tragique du fait des fermiers bar- 
bares. 

Les alouettes paraissent avoir émigré vers le Sud 
pendant les grandes neiges. Quant aux autres petits oi- 
seaux sédentaires, ils ont dû beaucoup souffrir. 

M. Hardillier me dit qu'on a noté en Beauce la dispa- 
rition presque totale des chardonnerets, des mésanges, 
des pinsons, etc. M. Neilz a fait la môme observation à 
Lubidé. Les gros oiseaux carnassiers (corbeaux, pies, 
geais, etc.) ont pu vivre aux dépens des autres ani- 
maux (1). 

Reptiles. — Les reptiles de nos pays (lézards, ser- 
pents), et les batraciens (grenouilles, crapauds, sala- 
mandres), sont tous hibernants , c'est-à-dire passent la 
saison froide dans un état d'engourdissement léthargi- 
que plus ou moins complet ; ils supportent donc le 
froid sans dommage, au moins dans une certaine li- 
mite. 

Aucun fait, à ma connaissance, ne semble indiquer 
une diminution, en 1880, dans le nombre des individus 
appartenant à ces diverses espèces (2). 

Poissons. — Dans nos pays, les cours d'eau seuls 

(1) On n'oubliera pas que la majorité des espèces d'oiseaux qui 
peuplent et égaient nos loois et nos campagnes pendant la belle 
saison ne possent pas l'hiver dans nos pays. La nature les a 
doués de cet instinct admirable qui les fait émigrer en temps op- 
portun vers les régions chaudes, pour y passer les mois de la sai- 
son rigoureuse. Pour ceux-là il n'y a pas de grands hivers. 

J'estime aux trois cinquièmes le nombre des espèces qui nous 
quittent ainsi pendant l'hiver. Le nombre des espèces séden- 
taires s'élèverait au plus à 60 dans le Vendômois, 

(2) V. Note A sur la congélation des reptiles. 



— 59 — 

renferment des poissons à l'état de nature. Pour eux, il 
n'y a pas» d'hiver à redouter. La température de l'eau 
descend 'jusqu'à 0° dans les grands froids, et encore 
reste-t-il toujours des parties contenant des sources et 
qui se maintiennent au-dessus de 0°. 

Les eaux stagnantes iiaturelles se réduisent à des 
mares ou fosses, qu'on rencontre dans les bois, et que 
l'on trouve souvent complètement desséchées à la fin 
de l'été. Elles ne contiennent jamais de poissons. 

Les étangs sont tous artificiels, et ont été créés dans 
un but de pisciculture. Un très petit nombre subsiste en- 
core dans le Vendômois. L'hiver 1880 a été fatal aux 
carpes qu'on y élevait; on pouvait voir ces poissons 
pris dans la glace, ou entre deux glaces, pendant le mois 
de janvier. J'ai pu observer le fait à l'étang de la Va- 
cherie, à Sainte-Anne, ainsi qu'à l'étang du Souci, com- 
mune de Rahart. 

Voici l'exphcation qui m'a été fournie à ce sujet par 
AL Boisseau, propriétaire du Souci. Le dégel de la fin 
de décembre a déterminé la fonte presque totale de 40 
centimètres de neige qui couvrait le sol. Cette eau a 
formé, à la surface des étangs gelés, une couche liquide 
nouvelle, dans laquelle sont venus respirer les pois- 
sons qui avaient passé un mois sous la glace. Le dégel 
avait déterminé des passages sur les bords de la vieille 
glace. Le froid ayant repris aussitôt, ces poissons n'ont 
pas pu repasser sous la vieille glace dans la grande eau, 
et se sont trouvés ainsi gelés entre deux glaces. 

Le même phénomène a eu lieu en Sologne, et a ajouté 
au désastre des sapinières la perte du produit des 
étangs. 

Il y a donc eu là un phénomène exceptionnel, et d'habi- 
tude, môme dans les étangs, les poissons ne meurent 
pas pendant les longs hivers. 

Insectes. — Les vignerons espéraient qu'un grand lii- 
ver pourrait les débarrasser à\x pliylloxcra ; mais cet 



- 60 - 

insecte fatal n'en a presque aucunement souffert. D'a- 
bord, pendant le mois de décembre, le sol, couvert de 
40 centimètres de neige, n'a presque pas gelé, et, dès les 
premiers jours de janvier, M. Morand, directeur du 
service contre le phylloxéra à Vendôme, constatait à 
peu de profondeur l'existence de l'insecte engourdi mais 
bien vivant sur les racines des vignes. 

La gelée du mois de janvier 1880, en l'absence de la 
neige, a pénétré jusqu'à 0"',60 en terre, et a pu en at- 
teindre quelques colonies ; mais la majeure partie se 
trouvait à une profondeur suffisante pour résister au 
froid. Ses ravages se sont poursuivis pendant l'année 
1880 comme d'habitude. 

Pour les insectes indigènes en général, je n'ai pas de 
renseignements à consigner ici ; mais rien n'annonce 
qu'ils aient beaucoup souffert. 

En résumé, sauf quelques espèces de mammifères et 
d'oiseaux, dont la vie ne peut supporter d'interruption, 
même passagère, on peut dire d'une manière générale 
que le règne animal a peu souffert du grand hiver 
1880. 

II. — Effets sur les végétaux. 

1° VÉGÉTAUX HERBACÉS. — Les végétaux herbacés vi- 
vaces, ou bisannuels, ou qui lèvent à l'automne pour se 
développer au printemps suivant^ comme nos céréales, 
ont été parfaitement protégés par la grande neige du 
commencement de décembre 1879. Sous cette couche, 
qui mesurait plus de 40 centimètres, c'est à peine si la 
terre a gelé, après plus de trois semaines de froids ex- 
ceptionnels. 

Les blés, quoique à peine levés, n'ont pas souffert. 

La destruction des céréales par le froid est un acci- 
dent heureusement rare dans nos pays, et qui est tou- 
jours produit par un dégel qui survient entre deux ge- 
lées, de façon que la plante soit surprise par le froid en 



— 61 — 

pleine végétation. C'est ce qui est arrivé en décembre 
1870, par suite de froids qui n'avaient rien d'excessif. 

Quelques végétaux herbacés qui poussent sur les mu- 
railles, sur les rochers, et que la neige n'avait pu recou- 
vrir, ont été gelés. Je citerai comme exemple la linaire 
cymbalaire, qui est commune à Vendôme le long des 
vieux murs humides. Cette plante périt, d'ailleurs, dans 
tous les hivers un peu froids qui dépassent — 12° ; c'est 
une plante introduite dans nos pays. 

'Lq, giroflée des murailles a péri presque entièrement, 
surtout les pieds qui se tenaient en dehors du dessus du 
mur. Cette plante doit résister jusqu'à — 20°. 

J'ai vu à Rochambeau quelques brins de perveiidie 
pendant aux rochers hors la neige, gelés. 

V ellébore fétide a péri partout où la neige ne la re- 
couvrait pas. 

U euphorbia sylvaticŒj qui porte une rosette de feuil- 
les persistantes sur une tige élevée, a gelé dans quel- 
ques points 01^1 la plante dépassait le niveau de la neige. 

En résumé, sauf ces quelques faits isolés, on doit 
conclure que, grâce à la neige (qui est la préface obli- 
gée des grands hivers), les végétaux herbacés n'ont 
pas souffert de l'hiver 1880. 

2° Végétaux ligneux ( Arbres, arbustes, arbris- 
seaux). — Ces végétaux, à cause de leur taille élevée, 
qui les faisait dominer la neige, ont réellement sup- 
porté les grands froids de décembre 1879, et même, 
dans tous les endroits découverts, ils ont subi le froid 
exagéré de la couche d'air qui surmontait la neige, et 
qui, sur une épaisseur de 50 centimètres environ, était 
de 4° ou 5° plus froide que l'air situé au-dessus, dans 
lequel des thermomètres ont accusé — 26°, c'est-à- 
dire que certaines portions des tiges de ces végétaux ont 
été exposées à des températures de — 30° au moins. 

L'étude des effets d'un pareil froid sur les arbres \wé- 
scntc un double intérêt: d'abord celui do nous faire 



— 62 - 

connaître la limite de résistance au froid d'un grand 
nombre d'espèces, question presque entièrement neuve 
encore ; puis elle nous donnera des termes de compa- 
raison précieux pour apprécier thermométriquement les 
températures des grands hivers précédents, s^ir lesquels 
nous n'avons pas d'autres renseignements que le récit 
de leurs effets sur quelques arbres. Ainsi, en établis- 
sant (V. plus loin) que les gros noyers périssent à 
— 28°, j'aurai démontré du même coup que cette tem- 
pérature a été atteinte ou dépassée dans tous les hivers 
qui ontgelé les noyers, comme décembre 1788, janvier 
1709, etc. 

Les arbres, en un mot, sont nos seuls thermomètres 
naturels comparables d'un siècle à l'autre, et les obser- 
vations de l'hiver dernier vont nous permettre d'établir 
la correspondance de ces instruments avec nos ther- 
momètres actuels. 

Je diviserai cette étude en deux chapitres : , les arbres 
indigènes et les arbres cultivés. 

I. — Arbres & Arbustes indigènes. 

Je dirai d'abord un mot d'un végétal parasite bien 
singulier, le gui, qui est à feuilles persistantes et est 
le moins abrité de tous les végétaux, puisque sa souche 
même ne peut être protégée par la neige comme celle 
des végétaux terrestres. Son existence seule prouve 
qu'il peut supporter tous les froids de nos pays sans 
périr. Cependant, on pouvait en voir beaucoup de fié- 
tris dès le mois de mars 1880 : mais il fut bientôt facile 
de voir que c'était le porte-sujet (pommier surtout), qui 
était gelé ; circonstance qui entraînait fatalement la 
mort du parasite. 

Je n'ai pas constaté dans le Vendômois d'exemple de 
gui mort par la gelée sur un arbre sain lui-même, 
comme les peupliers. Mais dans le val d'Orléans, où le 
froid paraît avoir été un peu plus intense, j'ai constaté 
quelques touffes de gui flétries sur des peupliers, à côté 



— ()3 — 

d'autres touffes vivantes. Ceci est-il dû à une différence 
d âge des sujets ? 

Toujoui;s est-il que le gui nous offre un exemple pres- 
que unique d'un végétal demi-herbacé et toujours vert 
résistant à 30° de froid. 

Serait-ce cette immunité singulière qui a paru mer- 
veilleuse aux anciens habitants de la Gaule, et qui les a 
conduits à attribuer à ce parasite un caractère sacré ? 

Arrivant aux arbres ou arbustes proprement dits, je 
noterai que ce sont les espèces à feuilles persistantes 
qui ont le plus souffert. Il n'existe dans nos pays que 
très peu d'espèces de cette catégorie et aucun arbre vé- 
ritable. 

La grande famille des conifères ou arbres verts n'est 
représentée ici que par le genévrier. Cet arbuste a ré- 
sisté partout sans aucune altération ; il supporte donc 
facilement 30" de froid. 

Le Daphne Laureola Lin., arbuste del"' environ, qui 
vient toujours dans les endroits fortement ombragés, a 
résisté partout où la température n'a pas dépassé 22°. 
J'ai vu des pieds gelés çà et là qui ont dû subir 25°. 

Le houx est un exemple curieux d'une espèce bien 
indigène qui a gelé presque partout. On peut à peine 
citer quelques pieds indemnes. J'ai observé, près du 
château de l'Épau (commune deLisle), un houx en ar- 
bre quia conservé ses feuilles. J'estime que la tempéra- 
ture n'a pas dépassé — 22"" en ce point (1). Au Cou- 
dray (commune de Périgny), j'ai vu un houx en arbre 
dont toutes les feuilles étaient tombées et les jeunes 
branches gelées ; mais des bourgeons apparaissaient 
(mai) sur le gros bois. J'estime à — 24° la température 
de ce point. 

Un cas plus singulier est celui d'un pied de 4 mètres 
de hauteur qui a conservé toutes ses feuilles, et qu'on 

(1) V. ni;i l.ivmi.'TO Not(>, Bulletin ISSO, p. 2'M . 



- 64 — 

peut voir près du chemin de fer de Vendôme à Tours, 
en passant à la Boucliardière. A 4 mètres plus bas, 
dans le bois, on trouve un magnifique pied de 6™ de hau- 
teur entièrement gelé. Il y aurait donc quelques cas de 
résistances individuelles au-dessus de la moyenne. 

Je crois pouvoir conclure des faits qui précèdent que 
le houx supporte jusqu'à — 22° sans perdre ses feuil- 
les; qu'à — 24° le gros bois résiste encore et peut re- 
pousser ; qu'au-dessous de — 24° l'arbre est bien mort. 
Dans ce dernier cas, il repousse vigoureusement du 
pied et a bientôt réparé ses pertes. 

Ceci explique encore comment le houx, qui dans le 
midi de la France, la Corse et l'Algérie, atteint les di- 
mensions d'un arbre (8 et 10 mètres), ne forme plus qu'un 
arbuste dans nos pays, et même se réduit à un buisson 
bas et traînant dans la forêt de Haguenau (Mathieu, fî. 
forestière). 

Le liei^re constitue un thermomètre naturel assez 
précis. Il a gelé à peu près partout. J'ai pu, par des ob- 
servations faites dans mon jardin, à peu de distance de 
mes thermomètres, et dans d'autres points bien étudiés, 
établir qu'au-dessous de — 20°, il perd ses feuilles, mais 
repousse sur ses tiges au printemps. Le bois gèle au- 
dessous de — 24°. 

On pouvait voir sur la face Nord d'une des vieilles 
tours du château, en rive de la rampe, des portions de 
lierre intactes qui ont conservé leurs feuilles ; ce qui 
fait bien voir le défaut d'équilibre entre la température 
le long d'un mur épais et celle à l'air libre, et par suite 
la nécessité d'observer des thermomètres isolés de 
toute masse un peu considérable. 

Le buis ne forme dans nos contrées qu'un arbuste en 
buisson peu élevé ou à rameaux pendants en dehors 
des rochers. Ce n'est que dans les parcs qu'on ren- 
contre des individus en arbres de plusieurs mètres de 
hauteur, analogues à ceux des montagnes du midi. 

Le buis sauvage, presque entièrement protégé par la 



— 65 — 

neige, a peu souffert dans nos pays. Cependant, j'ai 
constaté à Rochambeau des branches de buis gelées, 
hors la jieige. Ces rameaux avaient eu à supporter 
— 28° au moins. 

Dans les parcs, les grands buis en arbre, non proté- 
gés, ont été beaucoup plus atteints. A Huchigny, près 
du château, deux grands pieds non taillés étaient entiè- 
rement morts ; il a fait plus de 30° de froid en ce point. 
Aux Fontaines, où la température a dû atteindre le 
même chiffre, on pouvait également voir des buis gelés. 
Dans le parc des Coulis (Vendôme), les grands buis 
sont nombreux. Plusieurs ont péri ; d'autres ont ré- 
sisté ; on paraît être à la limite. 

J'en conclurai que le buis ne souffre pas du froid 
jusqu'à 25°, et que depuis 28° il meurt. 

Le seul représentant ligneux de l'embranchement des 
Dicotylées dans nos pays, le petit houx (Ruscus aculea- 
tus Lin.), dont les rameaux aplatis et piquants simulent 
des feuilles, et qui constitue un très petit arbuste en- 
tièrement vert, a été en partie préservé par la neige ; 
mais toutes les tiges qui dépassaient la couche protec- 
trice ont été gelées et sont devenues entièrement blan- 
ches. 

1^0, genêt à balai (Genista scoparia Lam.), qui carac- 
térise nos landes siliceuses, a gelé partout au-dessus 
de la neige, même dans les points les moins froids. J'es- 
timCj d'après des observations faites du côté de Tours, 
que le genêt ne résiste pas au delà de — 20° (1). 

Nos landes, surtout du côté du Perche, sont en partie 
formées par Vulex nanus ou petit ajonc. Cet arbrisseau 
minuscule a été réellement protégé par la neige et n'a 



(4) Il en est de mémo du gcnôt d'Espagne (Spartium junceum 
Lin.), plante méridionale récemmont amenée le long des talus 
du chemin de fer de Tours à Vendôme, et qui s'y développait vi- 
goureusement. Il est vraisemblable que sa limite de résistance au 
froid n'atteint même pas — 20°. 



— 66 — 

pas souffert ; mais je me suis assuré que tous les 
brins qui ont émergé ont été gelés. 

Le grand ajonc (Ulex europêeus Lin.), au contraire, 
que sa haute taille exposait sans défense à la morsure 
du froid, a gelé partout. 

Les bruyères de nos bois ont échappé au froid sous 
la neige. 

Il n'en a pas été de même de la grande bruyère à 
balai (Erica scoparia Lin.) que l'on rencontre déjà dans 
iin petit bois, sur les confins de la commune de Ville- 
chauve, vers Chàteaurenault, et qui devient plus com- 
mune en Indre-et-Loire, et est surtout abondante en So- 
logne. M. Peltereau l'a vue gelée à Autrèche, entre Chà- 
teaurenault et Amboise, dans des bois où le froid n'a 
peut-être pas dépassé — 20°. 

On peut admettre dans la catégorie des végétaux à 
'feuilles persistantes la ronce des haies (Rubus frutico- 
sus Lin.), dont les jeunes rameaux conservent bien 
leurs feuilles l'hiver en temps ordinaire. Cette plante 
sarmenteuse, qui ne forme pas de vieux bois, a gelé 
partout sans exception. J'ai pu m'assurer qu'elle était 
gelée même du côté de Tours, et dans des points où le 
froid n'avait pas dépassé — 20°. 

Tels sont les végétaux à feuilles persistantes qui sont 
indigènes dans nos climats. On voit que, ^Qx\î\e gui ei 
le genévrier, ils ont souffert du grand froid de décem- 
bre 1879. 

Passons aux arbustes et aux arbres indigènes à feuil- 
les caduques, qui forment la grande masse de la végé- 
tation ligneuse de nos régions. 

Je citerai d'abord une plante sarmenteuse, la cléma- 
tite des haies (Clematis Vitalba Lin.), qui agelé d'une 
manière à peu près générale (1). Cette plante, d'un as- 

(1) J'ai cependant noté, au mois de juillet, un hi'in de cléma- 
tite en fleui;, dont la tige avait résisté à l'hiver, du côté de Vil- 
lammoy (Rahart). Des pins maritimes ayant échappé dans le voi- 



— (37 — 

pect ordinairement herbacé, acqniertquel(|uefois do» di- 
mensions, qui rappellent les lianes des pays chauds. 
Ainsi, d^nslacour des Coulis (Vendôme), derrière la 
maison, j'ai mesuré des troncs de clématite atteignant 
5 centimètres de diamètre ; ces vieux pieds étaient bien 
morts. 

Le sureau en arbre (Sambucus nigra Lin.) a souffert, 
les vieux pieds surtout. Beaucoup de ceux-là sont 
morts dans les jardins, dans les parcs, auprès des mai- 
sons. J'ai vu, au contraire, déjeunes pieds en fleur au 
mois de juin, auprès de noyers gelés et dans des 
points où le froid avait atteint — 28°. Il y a lieu de se 
demander si cet arbuste est bien indigène, vu qu'on ne 
le rencontre guère loin des habitations ; dans tous les 
cas, il pousse plutôt en buisson à l'état de nature qu'en 
arbre. 

Les diverses espèces de rosiers sauvages ont résisté 
à peu près partout. Il faut chercher dans les régions les 
plus froides, à Huchigny, à laFoucaudière (Naveil), où 
la température a atteint certainement — 30°, pour ren- 
contrer quelques buissons de rosiers gelés. Ailleurs, on 
rencontre quelques scions ou pousses de l'aunéequi ont 
péri. 

Les divers arbustes plus ou moins épineux qui for- 
ment les haies ou qui se rencontrent à la lisière des bois 
ont partout résisté. 

Je citerai : 

L'aubépine (Crattegus oxyacantha Lin.) ; 
L'épine noire (Prunus spinosaLin.) ; 
Le cornouillier (Cornus sanguinea Lin. ) ; 
Le troène (Ligustrum vulgare Lin.); 
Le fusain (Evonymus europœus Lin.); 
La bourdaine (Rhamnusfrangula Lin.) 



sinage, on peut admettre que la tempéi'ature n'a pas dépassé 
24° dans ce point, et conclure que l;i clénnatite résiste jusqu'à 
— 25». 



— 68 — 

Le nerprun (Rhamniis cathartica Lin.) ; 

Le chèvrefeuille des bois (Lonicera Periclyme- 
num Lin.) ; 

Le Viburnuni Lantana Lin ; 

Le Viburnum Opulus Lin., dont une variété de cul- 
ture constitue la boule de neige des jardins. 

On citerait à grand'peine quelques pieds de ces divers 
arbustes ayant souffert çà et là, et toujours dans des 
conditions particulières qui prédisposaient la plante à la 
mort. 

Ce résultat n'a, d'ailleurs, rien qui puisse surprendre, 
ces végétaux bien spontanés étant destinés à traverser 
successivement tous les grands hivers. 

On peut y ajouter deux plantes naturalisées dans nos 
haies; l'épine-vinette (Berberis vulgaris Lin.) ei\eLt/- 
cium barbarum Lam. 

lien est àevixèïnQdM groseillier rouge (Ribesrubrum 
Lin.), que l'on trouve spontané dans les talles d'aunes 
ou de saules, le long de nos ruisseaux. 

Le néflier sauvage (Mespilus germanica Lin.) n'a 
pas gelé dans les bois. 

Si des arbustes nous passons aux vrais arbres indi- 
gènes, nous verrons que la plus grande masse a peu 
souffert. Quelques individus ont péri, par suite de leur 
état de vieillesse ou de maladie ; d'autres ont peu poussé 
ou ont perdu des rameaux. 

En commençant par les essences qui ne forment que 
des individus isolés au milieu des bois, nous rencon- 
trons : 

Le merisier (Cerasus avium Mœnch), dont les indi- 
vidus réellement sauvages n'ont pas gelé. Il en a été tout 
autrement des variétés cultivées sous le nom de gui- 
gniers, et dont beaucoup d'arbres ont péri. 

'Lq poirier sauvage (Pyrus communis Lin.) n'a pas 
souffert dans les bois. 



— 69 — 

UaUsier des bois (Sorbus torminalis Crantz) résiste 
même à — 30°. 

he pommier sauvage (Malus acerba Mérat) a résisté. 
On le plante sous le nom de pommier d'aigre ; ces in- 
dividus n'ont pas gelé, môme dans les points les plus 
froids, comme la Foucaudière(Naveil), où il a fait — 30° 
probablement. 

Le tilleul des bois (Tilia sylvestris Desf.) est in- 
demne. 

Arrivant aux arbres plus importants, nous trouvons : 

Le peuplier tremble (Populus tremula Lin.), parfai- 
tement intact. 

\^Q frêne (Fraxinus excelsior Lin.), qui, venant dans 
les endroits bas, a eu à subir les plus grands froids. Il 
n'en a pas souffert. 

Il en a été de môme des saules en générai. Le saule 
vraiment spontané de nos pays est le salix cinerea 
Lin., vulgairement appelé r)iarsaule, qui peuple les 
bords des ruisseaux (1). Il a fleuri partout au premier 
printemps^ comme à l'ordinaire. J'ai noté, cependant, à 
Pluchigny, ce mois de juin, le long du ruisseau après le 
potager, une talle de ce saule, dont les brins avaient 
4 mètres de longueur, et qui, après avoir jeté ses cha- 
tons, avait séché. Les individus voisins poussaient vi- 
goureusement. Le froid a \)\\ atteindre — 32° en ce 
point. 

On plante partout le saule blanc (Salix alba Lin.), 
qui vient en arbre, qu'on a l'habitude de convertir en té- 
tard \)<xv la taille (2). Ce saule, venant spontanément 



(1) Les botanistes distinguent sous le nom de salix caprœa 
une seconde espèce phis forte, qui vient dans les lieux secs, dans 
les bois, et qui est généralement confondue avec la précédente 
sous le nom de marsaule. Ce salix n'a souffert nulle part. 

(2) On plante également le salix fragilis Lin., qui n'en dillV're 
que par son feuilingc jjIus vert et non recouvert de poils soyeux.. 
Le port est le même. 



— 70 — 

le long des cours d'eau, est capable de supporter les 
plus grands froids des grands hivers ; mais, à l'état 
anormal de têtard, il a payé un tribut assez important 
aux désastres du mois de décembre 1879. On pouvait 
voir, dans les points les plus froids de nos vallons, des 
séries de saules de cette forme desséchés au printemps. 
J'ai noté, sur la route de Montoire, à 7 kilomètres de 
Vendôme, la coulée dite de Berger^ le long de la Brisse, 
où j'ai compté onze gros saules desséchés. On en pou- 
vait voir quelques-uns à Huchigny également, etc. 

Il faut au moins — 30° pour atteindre le saule blanc 
taillé. 

Uaune (Alnus glutinosa Gaertn.) m'a paru d'une ré- 
sistance absolue aux plus grands froids. Il a fleuri 
comme à l'ordinaire au premier printemps. 

Le coudrier-noisetier (Corylus Avellana Lin.) n'a pas 
été absolument indemne dans les coulées les plus froi- 
des des petits vallons. Sur les coteaux, dans la ville, 
ils ont fleuri au mois de février ; mais, par exemple, 
dans le vallon des Fontaines, à Courtiras, aucun n'a 
donné fleur; tous les chatons ont été gelés. Ils ont 
poussé en feuilles, d'ailleurs. J'ai pu enfin noter, dans 
quelques points exceptionnellement froids, des branches 
de coudrier qui avaient bien gelé. 

'L'érable (Acer campestris Lin.) a souffert dans les 
points oîile froid a atteint — 30°. Cependant, je dois dire 
que tous les érables que j'ai vus gelés, en tout ou en 
partie, étaient des pieds dénaturés par la taille, dans 
des haies notamment, ou en trognes, ou en cépées, cir- 
constances qui affaiblissent la vigueur de l'arbre et di- 
minuent sa résistance au froid. 

La région qui m'a offert le plus d'érables atteints dans 
ces conditions est le vallon qui descend de Morillon à la 
vallée d'Azé. 

L'orme (Ulmus campestris Smith et sa variété mon- 
tana), rare dans les bois, est surtout planté le long des 
routes. Il a généralement résisté partout, et a fleuri 



— 71 — 

abondamment à la fin de mars. Dans des points excep- 
tionnellenaent froids (— 30° au moins), j'ai noté quelques 
individus ^plus ou moins atteints, mais tous ou très 
vieux, ou taillés en têtards, ou de jeunes cépées (1). 

Le hêti^e (Fagus sylvatica Lin.) est un arbre rare 
dans les bois du Vendômois, et au contraire, formant 
le fonds de beaucoup de forêts aux environs de Paris 
et dans le Nord de la France ; c'est dire qu'il doit résis- 
ter aux plus grands froids de nos pays. Je n'ai observé 
en effet aucune atteinte subie par cette espèce, môme 
dans les points les plus froids. 

Le bouleau (Betula alba Lin.) ne m'a fourni aucune 
victime à inscrire. 

Le charme (CarpinusBetulus Lin.) a une réputation 
dosante et de vigueur (se porter comme un charme), 
qu'il a bien .soutenue dans cette circonstance. J'ai ob- 
servé quelques brins de taillis gelés, ainsi que des ra- 
meaux poussant sur trogne, dans une haie, dans le val- 
lon de Morillon (Azé), où le froid a été remarquable. 

J'arrive enfin au chêne (Quercus Robur Lin.), qui 
fait véritablement le fonds de nos forêts. Cette espèce, 
qui occupe en Europe une aire immense, présente beau- 
coup de variétés, qui peuvent se grouper autour de deux 
formes principales, admises comme espèces disfinctes 
dans toutes les flores : 1° Le Quercus pedunculata 
Ehrh., dont les glands sont longuement pédoncules et 
les feuilles toutàfait sessiles. C'est le plus commun des 
chênes ; il préfère les terrains siliceux. 2° Le Quercus 
scssilijlora Sm. à fruits sessiles et feuilles un peu pé- 



(1) M. Renou me signale à Saint-Maur, près Paris, sm- le boi'd 
(le la Marne, au-dessous de l'observatoire iju'il dirige, une rangée 
d'ormes sains non taillés, qui ont gelé en décembre 1875) et ont 
dû être abattus en 188U. 

On trouve le long des routes, mêlés aux ormes communs, des 
pieds d'ormes /36VZo/ic«/t'S (Ulmus cifusaWilId). Cette espèce, ori- 
ginaire de l'Allemagne et de la Russie, n'a aucuncuii'iil suiilTci-( 
ici. 



tiolées. Il a une taille moins élevée que le précédent, et 
se plaît dans les sols calcaires. 

Le chêne ayant bravé successivement tous les grands 
hivers de nos climats, on aurait pu croire qu'il n'en 
souffrait pas; mais, si la nature respecte ses espèces, 
elle fait moins de cas des individus. On peut dire d'une 
manière générale que le chêne souffre dans les grands 
hivers. Les gardes-forestiers et les sylviculteurs ne me 
contrediront pas si j'affirme que l'année 1880 a été une 
mauvaise année pour la croissance des bois ; la végéta- 
tion des chênes a été languissante, et certainement la 
couche annuelle d'aubier formée cette année se fera re- 
marquer parmi les précédentes et les suivantes par son 
peu d'importance, et plus tard (comme autrefois) on 
pourra retrouver à ce signe, sur un tronc de chêne 
abattu, la marque du grand hiver 1880. 

J'ai observé, au mois de juin, une différence très mar- 
quée, pour l'aspect de la végétation, entre les deux es- 
pèces de chêne que j'ai indiquées plus haut. Les pieds 
de Q. sessilijlora tranchaient par leur feuillage vert et 
bien développé, au milieu des Q. pedunculata, dont la 
végétation était languissante. Ce fait intéressant milite- 
rait en faveur de la distinction des deux espèces. 

Non-seulement les chênes ont souffert de ce grand 
froid, mais il y en a qui ont péri. Dans les taillis on pou- 
vait voir, au mois de juin, un grand nombre de brins 
gelés. Une région remarquable sous ce rapport était la 
plaine de Varennes (Naveil), dont tous les sapins gelés 
et abattus laissaient voir un taillis de chêne gelé pour 
plus de la moitié. 

Le taillis est un état de végétation anormal qui ex- 
pliquerait ces atteintes; mais un certain nombre de 
grands chênes bien venus naturellement dans les bois 
ont péri. Ces chênes occupaient tous des fonds de val- 
lons où l'intensité du froid a été exceptionnelle. Je citerai 
notamment la coulée qui s'étend des deux côtés du 
Pont-aux-chevaux , en dessous du Bois-la-Barbe. Le 



— 73 — 

nombre des grands chênes gelés y est considérable. 
D'ailleurs^ presque tous les arbres y ont souffert. 

M. Char]Dentier m'a fait visiter une coulée de ses bois, 
au lieu dit la Chcœmois, le long du vallon qui de Danzé 
descend à Azé. J'y ai vu de très beaux chênes gelés ; 
j'en ai mesuré dont le tronc avait 2 mètres de circonfé- 
rence. 

Le vallon si froid qui descend de Morillon à la vallée 
d'Azé, m'a offert un nombre considérable de chênes ge- 
lés dans le bas. 

Pour tous ces points, je crois pouvoir fixer le mini- 
mum de température du 10 décembre 1879 à — 32°. Il 
faudrait conclure de là que le chêne ordinaire de nos 
pays (Q. pedunculata) ne résiste pas au-dessous de 
30°, et par conséquent que cette limite n'est jamais at- 
teinte sur les i)lateauxqui constituent le sol naturel de 
cette essence ; les vallons humides étant réservés aux 
prairies et aux saules, aux aunes, aux charmes, etc., 
qui bravent ces températures extrêmes. 



Je passe aux arbres et arbustes cultivés en grand, 
soit pour leur bois, soit pour leurs fruits. Ici les dégâts 
deviennent considérables et, pour plusieurs espèces, 
désastreux. 

Parmi les conifères, nous ne trouvons que deux es- 
pèces qui soient de grande culture dans le Vendômois : 
\e pin sylvestre on pin d'Ecosse (Pinus sylvestris Lin.) 
et le pin maritime (Pinus maritima Lam.). 

Le pin sylvestre a résisté partout; cet arbre est, en 
effet, indigène dans les montagnes de toute l'Europe, et 
se retrouve jusqu'en Sibérie. Sa culture doit être vive- 
ment recommandée, surtout depuis le désastre qui a at- 
teint son congénère le pin maritime. Cette dernière es- 
pèce, originaire du sud-ouest de la France, des landes 
de Bordeaux notamment, n'a pu supporter le froid ex- 
trême du mois de décembre i87'J. Tout le monde sait 



— 74 — 

que les immenses plantations de cette essence faites de- 
puis cinquante ans, et qui avaient transformé la So- 
logne, ont été. détruites par le grand hiver 1880. 

Dans nos pays, les dégâts sont peu importants, vu le 
peu d'extension de ces plantations; mais on peut dire 
que le pin maritime a été détruit dans nos environs. Ci- 
tons la plaine de Varenne ; une sapinière près l'étang du 
Grand-Mât, à gauche de la route de Tours ; les co- 
teaux de la Houzée, vers Huchigny, etc. 

Quelques pieds, cependant, ont résisté çà et là, dans 
des points où la température a été moins extrême. J'ai 
étudié ces points avec le plus grand soin, afin de pou- 
voir fixer la Hmite de résistance au froid de cette espèce, 
qui n'avait jamais gelé avant 1879. En 1789, en effet, la 
culture ne l'avait pas encore répandue dans le centre de 
la France. On comprend donc l'intérêt scientifique de 
cette étude. Il résulte pour moi d'une dis^cussion ap- 
profondie des faits que cet arbre peut résister jusqu'à 

— 24'' environ ; au-dessous de — 25° il succombe. J'en 
ai vu d'intacts à l'Épau, où le froid n'a pas dû dépasser 

— 22°. Trois pieds peuvent se voir à droite de la route 
du Mans, au sommet d'une petite descente qui précède 
celle de Galette ; ces pieds ont donné Jleur en mai 
1880. Un massif important épargné s'observe au-des- 
sus delà Vallée (commune de Villiers), etc. 

On voit, par l'exemple du pin maritime, combien est 
difficile l'acclimatation d'une espèce, surtout forestière, 
dans un pays. Il faut souvent un siècle d'épreuves avant 
que la planie ait subi toutes les intempéries possibles du 
climat. On pouvait croire, après cinquante ans d'expé- 
rience, que le pin des Landes était acquis définitivement 
pour le centre de la France. Les grands verglas de jan- 
vier 1879 et le grand froid de décembre de la même an- 
née ont à peu près complètement anéanti cette essence, 
et tout remis en question. 

Il en sera peut-être du pin marifime comme du «o^<?r, 
qui périt plus ou moins complètement dans nos pays 



— 75 — 

une fois par siècle, et dont la culture se perpétue néan- 
moins avec avantage. 

Le noyer (Juglans Regia Lin.), originaire de Perse, 
est cultivé dans nos pays de temps immémorial. Cepen- 
dant il périt presque entièrement à tous les grands hi- 
vers, lesquels sont précisément caractérisés, dans les 
anciennes chroniques, par ce fait important ; témoins 
les vers suivants, souvent cités, du journal de P. de 
l'Estoile (1576-1611) : 

L'an mil cinq cents soixante et quatre, 
La veille de la Saint-Thomas (20 décembre), 
Le grand hiver nous vint combattre 
Tuant les vieux noyers à tas; 
Cent ans a qu'on ne vit tel cas ; 



La dernière gelée des noyers dans nos pays remonte 
à décembre 1788, qui paraît avoir ofïert les mêmes tem- 
pératures extrêmes que décembre 1879. Cet arbre a 
donc eu 91 ans de bon temps, période suffisante pour 
maintenir sa culture. 

J'ai établi, dans la première partie de ce travail (1), 
qu'il faut un froid de .28" environ pour tuer les vieux 
noyers et 30° pour faire périr les jeunes ; qu'à — 25*^ 
ils vivent, mais ont leurs jeunes pousses gelées et ne 
fructifient pas ; qu'au-dessus, depuis — 22°, leurs cha- 
tons sont eux-mêmes épargnés. 

Les gros noyers ont été gelés dans tout le val du Loir, 
oi^i le froid a atteint — 28°, et plus par endroits. Sur les 
plateaux, beaucoup sont épargnés, comme à Saint- 
Amand par exemple, où la température ne paraît pas 
avoir dépassé — 26° ; mais il n'y a pas eu de noix. 
L'existence de ces tihiioins jierpétuera la marque des 
points les moins froids de nos environs. 



(1) V. BuUoliu 1880, p. 235. 



— 76 — 

En résumé, la gelée des noyers a été un grand dé- 
sastre pour une partie de la France. • 

Le châtaignier (Castanea vulgaris Lam.). Cette es- 
pèce, indigène dans le centre et le midi de la France, en 
Corse, en Algérie, est limitée au nord précisément par 
les grands hivers. Sa limite de résistance ne diffère 
guère de celle du noyer; cependant elle m'a paru, en 
moyenne, un peu plus basse. Il faut, d'ailleurs, dis- 
tinguer : 1° le châtaignier semé et adulte, qui résiste 
jusqu'à 28° et 30° ; 2° la variété comestible (vulg. mar- 
ronnier), greffée sur le châtaignier et plus sensible au 
froid; elle ne me paraît pas pouvoir supporter au delà 
de —25°. 

Il faut enfin tenir compte du mode de culture. Ainsi 
le taillis de châtaignier, composé d'une cépée déjeunes 
brins, s'est montré plus sensible que les arbres adultes, 
d'autant mieux que ces jeunes tiges, en v^rtu de leur 
petite masse, se mettent plus complètement d'équilibre 
de température que les troncs plus âgés. Sur la plupart 
des brins en question, on pouvait lire avec netteté l'effet 
de la couche d'air froid du niveau de la neige. A la base, 
une première section, représentant la hauteur de la cou- 
che de neige, avait son écorce saine, d'un vert olivâtre. 
Immédiatement au-dessus, une zone apparaissait, d'un 
brun rougeâtre et entièrement gelé. A hauteur d'homme, 
enfin, l'écorce reparaissait verte. 

Le châtaignier, qui ne pousse que dans les terrains 
siliceux, est peu cultivé dans nos environs, surtout en 
arbre. Une région intéressante à visiter était celle qui 
avoisine le Coudray (commune de Périgny), et où le 
châtaignier est planté en rangées sur les coteaux sili- 
ceux d'un vallon qui aboutit à la Houzée. Les arbres du 
sommet de ces coteaux étaient épargnés : on peut même 
en voir d'énormes mourant de vieillesse et qui ont tra- 
versé l'hiver de 1789. Les rangées du bas sont gelées. 
Il n'a pas fait moins de 30° dans ces fonds. Il résulterait 
de là que, sur les i)lateaux et sur le bord des coteaux, la 



— 77 — 

culture de cet arbre pour son bois (forme sauvage) est 
assurée contre les grands hivers. 

Le marronnier d'Inde (yEsculus hippocastanum Lin.) 
qui n'a de commun avec l'arbre précédent que l'aspect 
de sa graine, est originaire de Perse, et a été introduit 
en France au commencement du xvn® siècle. Ce bel ar- 
bre, qui orne les promenades de nos villes, résiste aux 
plus grands froids de nos hivers. Ses bourgeons ne sont 
même pas atteints ; il a fleuri en 1880 comme à l'ordi- 
naire. J'ai pu cependant observer quelques individus 
déjà souffrants, soit de vieillesse, soit de la taille, soit 
étouffés dans des massifs, et qui ont péri. Je citerai no- 
tamment un très vieux sujet à Roc-en-Tuf (Ternay), au 
pied du coteau, et dont le tronc mesurait 2™, 20 de cir- 
conférence à 1"" du sol, qui était entièrement mort en 
juin 1880. J'estime le froid qu'il a supporté à — 30°. 

Le tilleul des promenades (Tilia platyphylla Scop.), 
qui paraît originaire de l'est de la France et de l'Eu- 
rope, n'a souffert nulle part. 

U érahle-syconiore (Acer Pseudo-Platanus Lin., non 
moins que son congénère l'érable plane (Acer plata- 
noïdes Lin.), qui peuplent les promenades et les parcs, 
ne m'ont pas offert de sujets atteints par le froid. J'ai 
noté cependant à Varenne (— 30°) de jeunes sycomo- 
res, dont les bourgeons à fleur avaient gelé, et qui re- 
poussaient sur vieux bois. 

heplatane (Platanus occidentalis Lin.), qui vient si 
vigoureusement dans le fond humide de nos vallées, sup- 
porte sans périr les plus grands froids de, nos hivers. 
Il me suffira de citer l'allée de platanes qui conduit au 
château d'Huchigny, et dont les arbres ont supporté un 
froid de — 32° probablement. J'ai étudié plus particu- 
lièrement ces individus, dans l'espoir de saisir la limite 
de résistance au froid de cette es])èce. Or, il est indis- 
cutable qu'ils ont souffert; beaucoup de bourgeons 
ont gelé aux extrémités des branches, et au mois de 
juin il était visible que ces arbres étaient beaucoup 



— 78 — 

moins feuilles qu'à l'ordinaire, notamment que les pla- 
tanes de l'intérieur de la ville de Vendôme à la môme 
époque. J'ai pu faire la môme observation sur une al- 
lée de platanes plantée à Roc-en-Tuf (Ternay). Les pe- 
tites branches étaient gelées et le feuillu beaucoup moins 
intense que les autres années, au dire de M. Biaise. 

Enfin, à Huchigny, je me suis assuré que quelques 
branches basses, qui devaient se trouver au niveau de 
la neige dans la prairie, étaient bien mortes de froid. Je 
ne doute pas qu'elles n'aient supporté — 35°, chiffre qui 
serait la limite de résistance du platane, originaire de 
l'Amérique septentrionale. 

Les diverses espèces de peupliers plantés dans tous 
les lieux humides ont complètement résisté aux plus 
grands froids de cet hiver. Ces espèces sont : 

Populus pyramidalis Rozier, dit peuplier d'Italie; 
Populus nigra L., vulg. bouillard, autrefois le plus ré- 
pandu (1) ; Populus virginiana Desf., vulg. peuplier 
suisse, qui tend à remplacer le précédent ; Populus alba 
L., vulg. blanc de Hollande. 

Il en a été de même des diverses espèces de saules 
cultivés comme osiers, et cela malgré les mutilations 
continuelles que ces végétaux ont à subir. La seule es- 
pèce réellement étrangère à nos climats est le Salix ba- 
bylonica Lin., ou saule pleureur, qui paraît originaire de 
l'Orient. Les pieds jeunes et vigoureux ont bien résisté, 
quoique exposés aux plus grands froids ; mais quelques 
individus âgés ont péri. Je citerai notamment un bel in- 
dividu au Lycée sur le bord du petit bras du Loir, et qui 
faisait un effet très pittoresque du pont de la Chévrie ; 
le tronc mesurait 0'",30 de diamètre. Un autre pied très 
vieux est mort le long de la rivière dans le parc des 
Murs, appartenant à M. Baillet. 



(1) J'ai noté, dans la prairie sous Huchigny, quelques pieds de 
Populus nigra, déjà souffrants et mal venus, et que le froid si 
intense de ce vallon avait achevés. 



— 79 — 

L'acacia (Robi nia pseudo-acacia Lin.), de l'Amérique 
du Nord, brave nos plus grands froids, et doit être re- 
gardé comme bien acclimaté (1). 

Si nous passons aux arbres cultivéspour leurs fruits, 
nous trouvons d'abord les groseilliers ^ dont aucune des 
trois espèces n'a souffert. Ce sont : Ribes rubrum L. ou 
groseillier rouge; Ribes Uoa-crispi L., groseillier à 
maquereau, et Ribes nigrum L., vulg. cassis. 

Un autre arbuste, le/ramboisier (Rubus Idaeus Lin.), 
originaire des montagnes de nos latitudes, est égale- 
ment indemne. 

L'arbre le plus atteint, au contraire, est le figuier 
(Ficus Carica Lin.), du midi de l'Europe, et qui suc- 
combe à partir de — 15°. 

La limite de résistance de la vigne est plus difficile à 
préciser, à cause des nombreuses variétés qu'elle pré- 
sente. C'est ainsi que les vignerons ont reconnu que les 
caJiors étaient plus sensibles que d'autres espèces. 
Comme fait général, on doit inscrire que, dans leVen- 
dômois, toutes les parties de la vigne qui ressortaient de 
la neige ont gelé. Ces brins avaient à subir le froid ex- 
trême de la surface de la neige qui a atteint — 30° dans 
beaucoup d'endroits. Il est résulté de là qu'un très petit 
nombre de bourgeons à fruits, protégés par la neige, ont 
pu se développer, et que, malgré l'absence de gelées 
printanières et nonobstant des circonstancec estivales 
favorables, puisque la vendange s'est faite dans les der- 
niers jours de septembre, la récolte de 1880 n'a repré- 
senté qu'un tiers de récolte moyenne. Ce résultat est 
d'ailleurs habituel après tous les grands hivers. 

Les treilles m'ont permis de serrer de plus près le 
chiffre limite de résistance moyenne de la vigne. Il 

(1) Au lieu dit le Pont-aux-Checaux , sous le hameau du Bois- 
la-Barbe, j'ai noté des rejets d'acacia qui, après avoir un peu 
poussé, étaient desséchés au mois de juin. Ces brins étaient dans 
de mauvaises conditions de végétation et dans un des y)oints les 
plus froids que j'aie constatés. 



— 80 — 

m'est démontré que jusqu'à — 20° les vignes ne souf- 
frent pas ; à partir de ce chiffre, les bourgeons à fruit 
ne se développent pas, mais le bois pousse ; c'est ce que 
j'ai observé dans mon jardin et ailleurs. Depuis — 25°, 
le bois lui-même est gelé. Au Grand -Faubourg, même 
le long des murs, les treilles étaient mortes; il a fallu 
les couper au pied. Cette plante sarmenteuse répare, 
du reste, ses pertes bien rapidement. 

Parmi les arbres à pépins de grande culture, il faut ci- 
ter en tête le pommier, qui est planté partout dans le 
Vendômois en pleins champs, mais surtout dans le Per- 
che, où il remplace la vigne Un grand nombre ont suc- 
combé. Il me serait impossible de hasarder un coefti- 
cient relatif à la proportion qui a été atteinte. Il m'a 
semblé que les pommiers, en général, suivaient la for- 
tune des noyers ; c'est-à-dire qu'ils ont péri dans les 
vallées et résisté sur les hauteurs. Ce qu'il y a de parti- 
culier, c'est que ceux qui n'étaient pas morts n'avaient 
pas souffert, et se sont couverts de fleurs et de fruits (1). 

Dans les jardins, j'ai vu beaucoup de pommiers cul- 
tivés en cordon ou en coupe, qui ont péri. J'estime 
qu'ils avaient supporté au-dessous de — 25°. 

Les poiriers en arbre plantés dans les champs ont of- 
fert une résistance presque absolue. Il n'en a pas été de 
même de nos poiriers de jardins taillés en quenouilles. 
Ici les dégâts sont considérables. Les effets varient 
d'ailleurs avec les variétés de poires, et il m'a été im- 
possible d'établir un classement de résistance, vu le 
nombre des cas et la difficulté de tout observer. 

Il me semble établi, d'après mon propre jardin, qu'il 
faut eu froid d'au moins 2Q° pour faire périr les poiriers 
greffés. 



(1) J'ai cependant vu plusieurs exemples de pommiers qui, 
après avoir fleuri on avril, se sont dessécliés et sont morts, ce 
qui indiquerait que le bourgeon d'hiver de cet arbre est la par- 
tie la plus résistante du sujet. 



* 



— 81 — 

Dans la même catégorie de fruits, nous trouvons le 
coignass^er (Cydonia vulgaris L.), qui a souffert pres- 
que part(5Ût. Un sujet de mon jardin qui a subi — 24°, 
n'est pas mort ; il a fructifié en 1880 et repousse en 1881, 
mais il a changé de peau. L'ancienne écorce a été ge- 
lée et tombe ; une autre s'est formée en dessous. Il a 
]^erdu des branches. La limite de résistance de cet arbre 
me paraît être — 28°. On n'oubliera pas que cet arbre 
vient partout y)rmc de pied et n'est pas taillé. 

Le cormier (Sorbus domesticaL.) m'a paru indemne, 
sauf quelques très vieux sujets. 

Le groupe des fruits à noyau : cerisiers, pruniers, 
abricotiers, pêchers, amandiers, me paraissent pouvoir 
être ainsi classés au point de vue de la gelée : les aman- 
diers sont les plus atteints (limite, environ —25°) ; puis 
viendraient les cerisiers et guigiiiers greffés; les pê- 
cherSj, les abricotiers^ dont j'ai vu des pieds ayant ré- 
sisté certainement à — 28° (quelques-uns ont gelé ce- 
pendant) ; et enfin les pruniers, qui ont résisté presque 
sans exception dans les points les plus froids. 

Il me resterait, pour compléter ce travail déjà long, 
à passer en revue un nombre considérable d'arbres et 
d'arbustes d'ornement, et à étudier la manière dont le 
froid agit sur les végétaux. Pour ne par prolonger ou- 
tre mesure le présent Bulletin, je suis obligé de re- 
mettre au suivant la dernière partie de ce travail. 



Note A. — Congélation des Reptiles. 

La suspension de la vie peut être complète chez certains rep- 
tiles. D'anciennes expériences, faites au Muséum de Paris par 
M. C. Duméril, ont démontré que des crapauds soumis à un re- 
froidissement très vif dans des mélanges réfrigérants, etyayant 
</c/6' complètement, de façon que le scalpel pouvait constater la 
présence de la glace dans les vaisseaux, ont pu, après avoir été 
XX 6 



— 82 — 

réchauffés lentement, reprendre tous leurs mouvements et vivre 
parfaitement. 

Des faits analogues ont été observés à Vendôme pendant le 
mois de décembre 1879. Ainsi M. L. Buffercau a vu chez lui une 
grenouille verte ou graisset complètement prise dans la glace 
du bocal où elle était enfermée. Ayant mis le bocal dans la cui- 
sine près d'un fourneau, il a vu, aussitôt la glace fondue, la rai- 
nette )-eprendre ses mouvements. Le même incident s'est produit 
à deux reprises différentes, et la rainette n'en a aucunement 
souffert. Nul doute que dans la nature les choses ne se passent 
de même. 

Un fait plus curieux encore a été observé à Vendôme par 
M. de Maricourt. Notre collègue avait rappoi'té, eu 1879, d'un 
voyage en Algérie trois tortues d'eau douce, qui vivaient chez lui 
dans un aquarium. Pendant les grands froids de décembre, ces 
tortues se sont trouvées prises dans la glace, et leur propriétaire 
les croyait bien mortes, lorsqu'en faisant fondre le bloc qui les 
renfermait, il fut fort surpris de les voir remuer leurs pattes et 
reprendre vie. C'est probablement une épreuve à laquelle leur 
espèce n'avait jamais été soumise. 



E. NOUEL 



— 83 — 






ERRATA 



Page 274 du Bulletin de 1880, note (1), au lieu de Breun, lise;s 

Brenn. 
Page 275, au lieu rfc débi'i, lises àéhvïs. 

Page 276, au lieu de Beciusis, lises Becinsis. 
— au lieu de Pansoul, lises Panzoul. 

Page 277. note (1), lises : Pansoul deviendrait Panzoul comme 
Kerkrist devient Kergdst. 

Page 278, lises : qu'elle a subies, forme. 

Page 279, note (2), au lieu de iUiz, lises Uiz. 

Page 281, au lieu de observés, lises observée. 

Page 282, au lieu de Trusl/E, lises Truji^. 

Page 283, au lieu de en les temps, lises dès les temps. 

Page 385, supprimer la note (1), qui n'est qu'une explication 
donnée au correcteur. 

Page 285, note (3), au lieu de Vie ou Vie luc'h, lises Wic ou Vie 
luc'h ; — au lieu de viccos, lises vicos. 

Page 287, au lieu de nuges, lises nuces. 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils. 



I ■ 






EXTRAITS 



DES 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de Ifr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. " '"" 




BULLETIN 




DE LA 



/ /♦ 



SOCIETE ARCHEOLOGIliUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



YENDOMOIS 



TOME XX 
a» TRIMESTRE 1881 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 85 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 13 janvier 1881 . . 86 

Chronique 96 

Les Écoles de Saint-Cyr de Sargè, par M. l'abbé 

Froger : 98 

Le comte Frèd. Sclopis, par M. Nonce Rocca. 

— Compte rendu, par M. Ch. Bouchet . . . 113 

Nouvelles découvertes de sépultures à Fosse- 

Dnrde, par M. G. Launay 122 

Les Bouchers de Vendôme et le prix de la viande 

en 1754 et Î76Ï, par M. Isnavd 128 

Notes sur l'Hiver 1879-1880 (3" partie), par 

M. Nouel 141 

Errata 189 



VENDOME 

Typographie Lemercier & Fils 

i88i 







SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



20« ANNÉE — 2-^ TRIMESTRE 



AVRIL 1881 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 7 avril 
1881, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau: 

MM. de Sachy, président; Isnard, vice-président; Soudée, 
secrétaire ; G. de Trémault, trésorier; NoucI, bibliothécaire- 
archiviste;; L. Martellière, conservateur; de Maricourt; Ch. 
Chautard, A. de Trémault, de Bodard, membres ; Ch. Bou- 
chot, bibliothécaire honoraire ; 

Et MM. l'abbé L Bourgogne; L. Buffereau; do Chaban ; 
Charpentier; Deniau ; Lacordairc ; do La Serre; G. Launay; 
A. de Lavau ; P. Lemercier; l'abbé Lizot ; Malardicr; l'abbé 

XX 7 



— 86 — 

Renou ; Rigollot; Camille Roger; Thillier père; Raoul de 
Saint-Venant. 

M. le Président déclare la séance ouverte, et donne la parole 
à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 
depuis la séance du 13 janvier 1881 

I. — ETHNOGRAPHIE 

Deux dons importants sont venus, pendant ce trimestre, enri- 
chir les collections ethnographiques du Musée. , 

On n'a pas oublié que M. l'amiral du Petit-Thouars nous avait 
envoyé, l'an dernier, une momie d'une remarquable conserva- 
tion, provenant des fouilles de la vallée d'Ancon, près de Lima 
(Pérou). Madame du Petit-Thouars complète aujourd'hui l'envoi 
de son mari par le don de différents objets trouvés dans la même 
localité. Ce sont des POTERIES décorées de peintures, des 
échantillons d'ÉTOFFES de laine et de coton, des USTEN- 
SILES et OUTILS d'usage journalier, etc. Parmi les plus re- 
marquables, nous citerons les suivants : 

Un large vase ou MARMITE en terre noire, de 0°',24 de hau- 
teur. Col peu développé; panse ronde garnie de deux petites 
anses. Diam. : 0'°,25. 

Autre VASE en terre, décoré de peintures altérées par le feu; 
panse aplatie et munie d'une seule anse. Ce vase, dont le fond 
est ovoïde, devait être placé sur un trépied. Hauteur, 0"',25 ; plus 
grand diamètre, 0'",19. 

VASE rond, déforme plus élancée; col décoré d'ornements 
en dents de scie. Haut., 0'",21. 

Un ÉPI DE MAIS, bien conservé ; un petit SAC en étoffe 
de laine, contenant une grande quantité de maïs en grain ; une 



— 87 — 

CALEBASSE, des fragments de FUSEAUX et de QUENOUIL- 
LES^ un PEIGNE formé d'épines longues et effilées, etc., etc. 

Les découvertes faites, depuis quelques années, dans la nécro- 
pole d'Ancon, sont devenues assez importantes et assez nom- 
breuses pour motiver la publication d'un grand ouvrage spécia- 
lement destiné à leur reproduction. En raison de l'intérêt que 
présentent ces échantillons de l'art et de l'industrie au temps des 
Incas, nous croyons être agréables à nos lecteurs en reprodui- 
sant la note suivante, extraite de la Revue Archéologique du 
mois de juin 187G : on y retrouvera mentionnés presque tous les 
objets possédés par le Musée. 

« En quittant Callao, la frégate cuirassée L<x Gcdisson- 

nière alla mouiller dans une crique peu éloignée, où se trouve 
Ancon, petite ville de bains. En y jetant l'ancre, notre but était 
de faire des fouilles dans une immense nécropole indienne, si- 
tuée à quelques centaines de mètres du invage, sur la lisière de 
la pampa. Pendant les dix premiers jours, les travaux furent ha- 
bilement dirigés par M. Wiener, jeune professeur français. 
Après son départ, M. le docteur Manceau, qui avait été son intel- 
ligent collaborateur, fut chargé de continuer les travaux et de 
diriger les vingt-cinq hommes de corvée, terrassiers improvisés, 
débarqués de la frégate. 

« Leur peine fut couronnée d'un plein succès ; ils découvrirent 
successivement plus de cent momies, dont quelques-unes dans un 
état parfait de conservation. 

« Voici une énumération succincte des objets trouvés en grande 
quantité : des étoffes de coton et de laine, admirablement tis- 
sées, avec des nuances vives et fraîches et des dessins très pit- 
toresques ; des coiffures en paille, des ornements en plumes de 
perroquet et en coquillages travaillés ; des colliers de graines 
ou de boules de cuivre, d'argent et même d'or; des fuseaux gar- 
nis de fil de coton, des quenouilles en roseau entourées de laine 
de lama, des aiguilles faites avec des épines de bois dur, des na- 
vettes^ des paniers en roseau; une très grande quantité de po- 
tiches en terre cuite, noires, blanches ou rouges, avec des fi- 
gurines très originales: peu d'armes, à part quelques massues et 
sabres grossiers en bois de fer, des frondes en coton et des 
étendards de guerre. 



— 88 — 

« Auprès do plusieurs de ces momies, qui avaient la tête en- 
tourée d'une corde de fronde habilement tressée, se trouvaient de 
petits sacs remplis de pierres rondes et dures. Toutes étaient en- 
tourées de filets fabriqués comme ceux dont nous nous servons 
aujourd'hui. Dans plusieurs de ces sépultures étaient des épis 
de maïs très bien conservés. Enfin, dans un grand tombeau carré, 
entouré de maçonnerie, on a découvert trois vases d'or, très bien 
travaillés et pesant à eux trois 450 grammes (valeur 1^500 francs), 
et deux grands vases d'argent, qui auraient une grande valeur 
s'ils n'avaient été réduits à l'état d'oxyde et de chlorure. En ré- 
sumé, le La Galissonnicre, au retour de sa campagne, pourra of- 
frir au Musée du Louvre plus de trois cents objets, dont plu- 
sieurs d'une grande valeur. » 



De son côté, M. de Villers, gouverneur de la Cochinchine, a 
bien voulu nous envoyer, sur la demande de n^tre président 
M. de Sachy, divers échantillons d'un art encore peu connu, 
qu'on désigne sous le nom de l'art Khmer. 

Il existe, dans la partie méridionale de l'Indo-Chine, et surtout 
dans le Cambodge, plusieurs groupes de constructions impo- 
santes par leurs masses énormes, et remarquables par la profu- 
sion et la délicatesse de leur ornementation. Le principal centre 
de ces ruines est la ville d'Ankor, autour de laquelle sont grou- 
pés plus de quarante monuments immenses, notamment Ankor- 
Wat, ou pagode d'Ankor, un des spécimens les mieux conservés 
et les plus caractéristiques de l'art des anciens Khmers. C'est de 
ce sanctuaire grandiose, construit tout entier en blocs énormes 
de grès posés sans ciment, par simple juxtaposition, à la façon 
des anciens Égyptiens, que proviennent les objets suivants : 

Une STATUETTE de Préa-Put (Boudha), assis dans l'attitude 
consacrée de l'anéantissement intérieur (Nirvana). Elle est cou- 
verte d'ornements d'une grande finesse, appliqués au moyen d'un 
vernis ou laque noire et épaisse, fort dure et entièrement dorée. 
La tète manque. 

La partie supérieure d'une STATUETTE en bois laqué, peint 
et doré, enlevée avec une regrettable précipitation. 

Une TÊTE en granit assez mutilée. 



- 89 — 

Une MAIN de grandeur naturelle, en bois recouvert du même 
vernis noir et doré. Sur la paume se trouve gravée une empreinte 
dont la sig|iifîcation symbolique nous est inconnue. 

Un TORSE en grès, d'un ton gris légèrement rosé, remarqua- 
ble morceau de sculptufej dont le style dénote un sentiment ar- 
tistique très délicat. 

Ces témoins irrécusables d'une civilisation puissante et d'un art 
avancé ne sont connus que depuis les voyages d'exploration des 
Français Henri Mouchot et Francis Garnier, et surtout depuis la 
création du Musée de Compiègne. On se demande ce qu'était ce 
grand peuple Khmer, qui avait su créer tant de magnificences, 
quand il s'était développé, et comment il a pu disparaître si com- 
plètement, qu'il y a vingt-cinq ans à peine on ignorait tout à fait 
son existence. 

(V. au chapitre de I'Histoire naturelle le complément de 
l'envoi de M. de Villers.) 



II. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Henry, notaire à La Chapelle-Vicomtesse, par l'inter- 
médiaire de M. Emilien Renou : 

Un denier de Gaston d'Orléans, 1651. 

De M. l'abbé Delaunay : 
Un lot de 23 pièces, dont quelques-unes offrent un certain in- 
térêt, malgré leur état de conservation généralement médiocre. 
Il se compose de : 

1° Une pièce gauloise en potin . — Tète très barbare, qui pa- 
rait casquée, à droite. R. : Type de l'animal aux jambes repliées. 
Attribuée aux Éduens (Besançon). 

2° Royales françaises : 

Un denier de billon presque fruste, lequel appartient peut- 
être à Philippe-Auguste, et provient de l'abbaye de Saint-Martin 
de Tours (?). 

Quatre deniers tournois de Louis ix ou Louis x. 



— 90 — 

Un grand blanc à la couronne de Charles vu. 
Un double .solde Charles ix. Trois lys sous une couronne. — 
R. : Croix évidée et fleurdelysée. 1571. 
Un double tournois de Louis xiii. 1635. 
Un douzain de Louis xiv. Pièce surfrappée. Date illisible. 

Du même. 10 sols. 1702. 

Jérôme Napoléon, roi de Westphalie. 3 centimes. 1810. 

3" Féodales : 

Un liard de François de Montpensier, prince des Dombes. 1580. 

Un liard de Bôarn. M et F en monogramme. Au-dessous, une 
petite vache. Appartient à Henri ii de Béarn (Henri iv de France) 
et à Marguerite de Valois. Malheureusement en très mauvais 
état. 

Quatre liards, imitations serviles des liards au Saint-Esprit de 
Henri III, que nous ne savons encore à qui attribuer, les légen- 
des étant peu lisibles. 

4" Jetons : ^ 

Un beau jeton de François d'Alençon, frère de Henri m. 1587. 
Un jeton de Maestre Lois de Ponchie, conseiller (probablement 

à la Chambre des Comptes). R. : Semis de fleurs de lys : Gardes 

vous bien de mécopt. Sans date. 
Autre jeton de Charles de Rochechouart, s' de Saint-Amand et 

de Barbazan. Sans date. 

Louis XIII. Gallorum lilium. 1634. R. : Protegit ultra Rhenum. 
Louis XIV. Ponts et chaussées. Fruste. 

D'un Anonyme : 

1° 155 pièces étrangères, en argent, cuivre et billon, presque 
toutes d'une belle conservation. 
Nous y remarquons notamment : 

Angleterre : Georges ii, 1757. 
Georges m, 1772. 

— Hébrides, 1781. 

— Hibernia, 1805. 
Victoria, Ncw-Brun.swick, 1861. 

— Canada, 1858. 
Danemark: Chi-istian vu, 1771. 



— 91 — 

Suède et Nonvège : Adolphe-Frédéric, 1760. 
— Gusta^ c-Adolphe, 1806. 

Russie: Elisabeth, llôl. 

— Alexandre, 1811. 

Suisse : Helvetica republica, 1799. 

Allemagne : Munster, 1760. 

— Liège, 1750. 

— Utrecht, 1791. 

— Clèves, 1753. 

— Clèves et Juliers, 1753. 

Presque tous les petits États de l'Allemagne avant 1866 sont 
représentés, Bavière, Wurtemberg, Saxe, Hanovre, Nassau, 
Hesse-Cassel, Bade, etc. 

La Prusse figure pour 20 pièces, à partir de Frédéric ii, 1783. 

L'Autriche, pour llpièces^ depuis Marie-Thérèse, 1745. 

Espagne : Charles in, 1786. 

— Charles iv, 1798. 

— Isabelle ii, 1840. 

— Gouvernement provisoire, 1870. 

Portugal : Dona Maria, 1795. 

Italie : Naples. Ferdinand ii, 1789. 

— Sardaigne. Victor-Amédée, 1794. 

— Royaume d'Étrurie. Charles - Louis, roi ; Marie - 

Louise, régente; 1804. 

— Rome : Benoît xiii, Pie vi. Pie vu. etc. 

La Grèce, la Turquie, l'Egypte, la Perse, les Indes, sont aussi 
représentées, de même que le Brésil, les États-Unis, le Mcxi(|ne, 
etc. Citons enfin la République d'Haïti : Boyer, président, 1826. 

2° 19 médailles modernes, comprenant : 

Louis XIII. Buste du roi. R. : De la prèoôtè de M'" N. de Bail- 
/CM^. Vaisseau de Paris. 1628. — Cette pièce n'est pas un simple 
jeton comme ceux des prévôtsdes marchands, mais une médaille 
de O^jOl de diamètre. 

Stanislas 1", roi de Pologne, duc de Lorraine. Busteà gauche. 



— 92 — 

R. : UTRIUSQUE IMMORTALITATI. Statue sur un piédestal. 
Ex. : Civitas Nanciana. 1704. 

Napoléon I". — Proclamation de l'Empire. L'empereur élevé 
sur un pavois par le Sénat et le peuple. An xii. Argent. 

Mariage de l'Empereur. Tête de Napoléon et de Marie-Louise. 
Petite médaille d'argent remarquable par la délicatesse du mo- 
delé. 

Louis XVIII. Rétablissement de la statue de Louis xiv — 
Louis XVIII à son aïeul Louis-le-Grand. 
— Louis XVIII et Henri iv. Argent. 

Académie agricole et commerciale. — Le soleil éclairant le 
monde. 1837. 

Inauguration de la statue de Napoléon I"à Boulogne. 1841. 

Mort du duc d'Orléans. 31 juillet 1842. 

Autre du même : Aux regrets de la France. 

Casimir Delavigne. Tombeau. — Encore une étoile qui tombe. 
— 1843. 

Général Bertrand. Hommage au dévouement et àJa fidélité. 
1844. 

Mariage de la reine Victoria et du prince Albert. 1840. 

Napoléon m. Exposition universelle de 1855. — La France 
couronne l'art et l'industrie. 

Enfin 5 imitations plus ou moins réussies de médailles ro- 
maines : 

Agrippine. — VOTVM. 
Vespasien. — JVD^A CAPTA. 
Cicéron. - LIBERTAS. 
Tibère. — ROM. ET AVG. Autel de Lyon. 
Ours plantant une colonne : SALV.S PATRIE — 
R. : Senaius p. q. r. concordia, en trois lignes dans 
une couronne. 

L. M. 



* 



93 — 



m. —BIBLIOGRAPHIE • 

I. —Dons des Auteurs ou autres : 

Le Mouvement démocratique en Angleterre, par le marquis de 
Nadaillac. (Extrait du Correspondant.) 1881. 

L'Église de Lavardin, par le marquis de Rochambeau. (Extrait 
du Bulletin monumental.) 1880. 

Les Imprimeurs vendomois et leurs Œuvres (1514-1881), par 
le marquis de Rochambeau. Nouvelle éditiou, précédée d'une let- 
tre de M. Paul Lacroix (Bibliophile Jacob). 1881. Vendôme, typ. 
Lemercier. 

IL— Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 
Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite) 

IIL — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et échanges: 

Bulletin de la Société Danoise. Janvier 1881. 

Bulletin de la Société Archéologique d' Eure-et-Loir. Décem- 
bre 1880 et février 1881. Procès-verbaux. 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 
Séances du 6 avril au 6 août 1880. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. 3° trimestre 1880. 

Revue Historique et Archéologique du Maine. Tome vu. An- 
née 1880. Second semestre. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'Archéologie religieuse 
des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers. 1" année, 
3' livraison. Janvier et février 1881. 

Bulletin de la Sociétédes Antiquaires do France. Tome quaran- 
tième. 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique de Bé::iers (Hérault). 
Tome X, 2" livraison, 1880. 

Bulletin de la Société Archéologique de Nantes. Tome xviii, 
1879. 



— 94 — 

Recueil des Publications de la Société hâoraise d'Etudes di- 
verses. 1877-1878. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 4" trimestre 
1880. 

Bulletin de l'Académie du Var. Tome ix. 1879-1880. 

Comité Archéologique de Senlis. Comptes-rendus etMémoires, 
Tome V, 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin. 
Tome xxviii% 1880. 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Let- 
tres de Toulouse. Tome ii, 2' semestre, 1880. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. \" et 2' tri- 
mestres 1880. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de 
Semur (Côte d'Or). 10« année, 1879. 

Société des Sciences et Arts agricoles et horticoles du Havre. 
1880, 2' trimestre. -♦ 

IV. — Abonnements : 
Revue Archéologique (Suite). 
Matériaux pour l'Histoire de l'Homme (Suite). 
Bulletin monumental (Suite). 
Polybiblion (Suite). 

Comptes-rendus de la Société Française de Numismatique et 
d'Archéologie. 2" série, tome I, 3' partie. 1879. 

Annuaire de la Société Française de Numismatique et d'Ar- 
chéologie. Première année, 1866; tome m, 1" partie, 1868. 



IV. — HISTOIRE NATURELLE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. DE Sachy, président ce la Société: 

Un échantillon de LAVE NOIRE qu'il a pris lui-même, au 

mois de mars dernier, près du cratère du Vésuve en éruption. La 

surface de cet échantillon est recouverte d'un côté d'une matière 

jaune pâle qui pouvait faire penser à l'existence du soufre : mais 



— 95 — 

une analyse chimique m'a montré qu.'il s'agissait d'un protochlo- 
rure de fer, produit sans aucun doute par l'action de l'acide chlo- 
rhydriquè gazeux sur les composés de fer que renferme cette 
lave. 

L'existence de ce composé soluble dans l'eau sur un échantillon 
de minéralogie est fort rai^e, et sa présence ici est duc à cette 
circonstance que l'échantillon a été ramassé tout chaud sortant 
du cratère et n'ayant pas encore subi l'action de la pluie. 

De M. DE ViLLERs, gonverneurde la Cochinchine. 

Un CRANE D'ÉLÉPHANT femelle; hauteur, 0",70. Elle 
porte deux très courtes défenses qui faisaient à peine saillie hors 
de la gencive. 

Une collection de COQUILLES fluviatiles et terrestres du 
Tonly-Sap et de ses rives. — Mission du grand lac. 

E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



CHRONIQUE 



Deux Artisans vendomois au XVI^ siècle 

Presque toutes les paroisses de notre pays ont perdu leurs ar- 
chives et leurs registres de fabrique. Par une heureuse excep- 
tion, réglise de Sargé possède les siens à peu près complets. 
En y faisant les recherches nécessaires au grand travail qu'on 
lira plus loin sur les écoles de ce bourg, M. l'abbé Froger décou- 
vrit plusieurs documents intéressant spécialement le Vendo- 
mois, et voulut bien nous autoriser aies reproduire. Il retrouva 
notamment les traces de deux artisans qui vivaient à Vendôme 
au xvi" siècle, et dont les noms ainsi que les ouvra'^es étaient 
complètement inconnus jusqu'ici. Nous sommes heureux de pou- 
voir attirer l'attention sur ces artistes locaux, souvent doués 
d'un talent original et réel, mais dont la renommée ne dépassait 
pas les limites étroites du pays. Nous regrettons qu'il ne nous 
reste rien de Louis Petit, orfèvre, et de Guillaume, marchant. 
Ce dernier, désigné simplement sous le titre de marchant, n'é- 
tait peut-être qu'un intermédiaire entre les acheteurs et le sculp- 
teur qui tailla l'image de Notre-Dame dont il est question plus 
loin. En tout cas, nous voyous les habitants de Sargé ne pas re- 
culer devant la dépense pour acquérir et installer convenable- 
ment les ouvrages des ouvriers de Vendôme, ce qui nous porte à 
croire que ces ouvrages avaient un certain mérite. 

En l'absence de tout autre document, nous avons pensé que 
l'extrait littéral des comptes de fabrique pour l'année 1517 vau- 
drait mieux que tout commentaire. 

« Item, avons acheté une croix de Louis Petit orfebvre 

« demeurant à Vendôme, laquelle croix avons portée à l'église 
« de Sargé et nous a coûté en principal achat trente-neuf livres 
« dix sols et pour la dépense de l'orfebvre quant il nous livra la 
« dite croix XVIII den., et reste cinq " VI ' IIII \ 

« Item, quant nous deux procureurs allâmes à Vendôme 

« acheter l'ymaige de N" Dame de Guillaume marchant demeurant 
« à Vendôme, ès-prôscnce de partie des paroissiens de Sargé, 



* 



— 97 — 

« nous cousta en principal sept livres '' et en despence pour 
« eulx, le marchant et leurs deux chevaux VI ' III ■*. 

« Jtem, quant l'ymaige N" Dame fut amené de Vendôme à 

« Sargôp, en despense tant à Vendôme que à Sargé et la despense 
« de deux chevaulx qui ont amené ledit ymaige, pource XIII ' 
« IIIP'. 

« Item, pour la pierre blanche à faire la réparation pour 

« meptre led. ymaige de N" Dame prinse aux Roches-lévesque, 
« en principal et pour les despens de cinq chartiers qui ont amené 
« la pierre, pour ce XXXIII ^ II *. » 

L. M. 



II a été trouvé à Pezou, au mois d'avril dernier, une superbe 
pièce en or de Théodose-le-Grand. Elle est, on peut le dire, à 
fleur de coin. D'un côté : DN THEODOSIVS PF AVG. Buste 
diadème de l'Empereur, à droite. Au revers : VICTORIA AVGG. 
Théodose et son collègue Valentinien II, assis de face sur le 
môme trône et tenant un globe. Entre eux, en haut, la Victoire 
de face, vue à mi-corps ; en bas, une petite palme. Dans le champ 
un T et un petit monogramme, ou peut-être un R. A l'exergue : 
CONOB— (Cohen, 19). Poids, 4gr. 5; valeur intrinsèque, 13 fr. 50. 
Il est évident que cette pièce a été frappée entre le meurtre de 
Gratien (383) et celui de Valentinien (390), sans quoi la légende du 
revers indiquerait un ou trois Augustes (AVG ou AVGGG). 

Nous avons fait une vaine tentative pour assurer cette belle 
médaille à notre Musée. La pareille ou à peu près a été vendue 
39 francs à la vente de Moustier, en 1872, et acquise par M. Hoff- 
mann. Toutefois elle n'est cotée que 20 fr. par Cohen (1862). 

Ch. B. 



LES ÉCOLES 

DE SAINT - CYR DE SARGÉ 

Par M. l'Abbé Froger 



Sargé, bourg du canton de Mondoublean, arrondis- 
sement de Vendôme, a été formé, en 1790, des deux pa- 
roisses réunies de Saint-Martin et de Saint-Cyr; de 
cette dernière seule nous aurons à parler. Elle renfer- 
mait, à la lin du xviii'' siècle, deux cent soixante-qua- 
torze feux, et le dictionnaire de Le Paige (1) lui donne, 
â la même époque, 700 communiants. La population 
était probablement la même au moment où nous trou- 
vons les habitants s'occupant de la fondation d'un éta- 
blissement d'instruction pour les garçons. 

En 1675, il existait déjà une école de filles, créée et en- 
tretenue par M'"^ la marquise de la Poupelinière (2). 
Sur cette première maison nous ne savons rien, si ce 
n'est qu'elle était tenue par les Sœurs de la Charité de 
Montoire, et encore ne leur avait-elle été confiée que 
d'une manière transitoire. Une note, que Madame la Su- 
périeure de cette congrégation a bien voulu nous com- 
muniquer, établit que les sœurs Marie Lahoreau et Ma- 
deleine Souvret, 3" et 4® professes de Tlnstitut, l'une et 
l'autre nées à Montoire, sont décédées en l'établisse- 
ment de Sargé, « qui ne subsiste plus, n'étant fait que 

(1) Le Paigc, Dictionnaire. T. I, p. 212. 
{2) Cf. Pièce justificative. 



— 99 — 

pour le vivant desdites sœurs. » Une de leurs compa- 
gnes habitait encore Sargé en 1724 (1). 

Ce fut* très probablement vers cette époque que les 
enfants furent confiés à une maîtresse laïque, Louise 
Mary, dont nous reparlerons plus loin. 

Cette fondation ne trouva pas les habitants insensi- 
bles. Par acte du 17 novembre 1675 (2), ils permirent à 
la fondatrice de prendre, sur la place publique du bourg, 
un emplacement de quatorze pieds de large sur vingt- 
cinq de long, pour agrandir la cour de la maison par elle 
achetée de la veuve Baltazar Fassot, oi!i elle avait installé 
ses protégées. 

Trois ans plus tard, ils se déterminèrent à créer une 
école de garçons. Ce n'est pas que jamais à Sargé on 
n'eût encore songé à instruire ces enfants. Dans cette 
paroisse, nous avons en effet constaté, dès le milieu du 
XVI® siècle, la présence d'un maître d'école (3), mais il 
enseignait sans rétribution de la commune. 

Comprenant les inconvénients de cette situation, les 
notables se réunirent le dimanche 18 décembre 1678, 
« à l'issue de vespres au devant de la principale en- 



(1) « Nous sœur do la Charité de Montoiro établie dans la pa- 
roisse de S' Cir de Sargé rcconnoissotis avoir rocou de maistro 
Chauvin fabrisier de la ditte paroisse la somme de quinze livres 
pour le blanchissage du linge de l'église pandans l'anée mil sept 
cens vingt trois sans préjudice de l'année courante et vingt soubs 
pour de la dantelle pour des tours d'estolle donc quittance fait a 
Sarge le neuf avril mil sept cent vingt quatres. » 

(Archives de la fabrique de Sargé.) 

(2) Acte de consentement des habitants, conservé aux archives 
de la fabrique de Sargé. 

(3) « Donne au maistro descolle qui assistra à chacun jour de 
l'obyt septime a chacun jour vingt deniers et à chacun des escol- 
liers qui assisteront audit service a chacun quatre deniers. » 

Testament de « discret messire Jacques Saulin pbrc demeurant 
ou bourg de Sergé » passé « le second jour de décembre l'an mil 
cinq cent quarante huit.»— (Archives de la fabrique do Sargé.) 



— 100 — 

trée de l'église dudit Sargé, » et « conformément à l'in- 
tention de Monseigneur l'illustrissime et révérendissime 
evesque du Mans et pour leurs propres intérêts (1), » 
jugèrent à propos de faire prélever sur les revenus de la 
fabrique de l'église paroissiale telle somme que nécessi- 
terait l'acquisition d'une maison où s'établirait l'institu- 
teur. Provisoirement il dut se contenter d'un immeuble 
pris à loyer. Ce fut en 1689 que fut acheté le corps de lo- 
gis où il s'installa d'une manière définitive (2). 

Ce n'était pas assez de lui donner un logement. Pour 
lui assurer le vivre et le couvert, il fallut aviser à d'au- 
tres moyens. On s'expliquera plus facilement les me- 
sures prises à cet effet, quand nous aurons dit briève- 



(1) Cf. Pièce justificative. 

(2) « L'an mil six cent quatre vingt neuf avant midy par de- 
vant nous Pierre Nivault nottaire royal au Maii^e résidant à 
Sarge sur Braye Fut présente Noëlle Roger veuve de deffunct 
michel fisseau demeurant au bourg dudit Sargé laquelle a recog- 
neu avoir faict bail a tiltre de rente foncière annuelle et perpé- 
tuelle promis et s'est obligée garantir délivrer et deffendre de 
tous troubles.... et Olivier Chasselou particulier habitant dud. 
Sarge y demeurant au nom et comme procureur fabricier de l'e- 
glisedud. Sarge ace présent preneur acceptant audit nom pour la- 
dite fabrique coniointement de concert avecq M' Jacques Moussu 
presbtre curé dudit Sargé... (suivent les noms des principaux ha- 
bitants)... C'est assavoir un corps de logis composé de deux 
chambres à cheminée cave sous l'une d'icelle a une desdites che- 
minées un celier une grange et une petite chambre sans chemi- 
née sur le four, un toit à porcs y joignant et un petit jardin le tout 

s'entretenant situé au bourg dudit Sargé à elle appartenant 

a la charge d'en payer à la baronnie de Montdoubleau tous les 
cens et rentes par chacun an a ladvenir comme les dites choses 
en estant tenues qui se consistent en cinq sols de cens au jour de 
toussaints.... La présente baillée faitte ausd. charges et outre 
moiennant la somme de quatorse livres de rente que Icd preneur 
audit nom de procureur fabricier s'est obligé de payer pour ladite 
fabricque.... a ladite bailleresse.... Et lesquelles choses ci dessus 
baillées sont pour logement d'un presbtre qui enseignera les 
escolliers ctenfans de la paroisse conformément au désir des ha- 
bitans de ladite paroisse. » — (Archives de la fabrique de Saint- 
Cyr de Sargé.) 



— 101 — 

ment de quelles ressources pouvaient disposer les ha- 
bitants. 

Par son testament en date du 30 novembre 1655, 
Marguerite d'Illiers, dame des Radrets, avait légué à la 
fabrique une rente annuelle de 200 livres « à la charge 
et condition de faire dire et célébrer quatre messes par 
semaine » à son intention. Et, ajoutait-elle, : « En cas 
quelesd. procureurs etfabriciers ne s'acquittent de faire 
dire lesd. quatre messes par semaine, je veux et or- 
donne que les deux cens livres soient mises entre les 
mains d'un prestre tel que le voudra choisir et nom- 
mer mon principal héritier et seigneur de la Berruere 
sans qu'après il en puisse déposséder led. prestre ou 
chapelain, leqiœl montrera à lire aux enfants et aux 
orphelins et dira les quatre messes (1). » 

Par la suite, le 8 décembre 1676, Madame Thérèse 
Charron, veuve de M""^ Renée-Élisée d'Arrot, seigneur 
delà Pouplinière, fils de la testatrice, conclut avec les 
notables de Sargé un arrangement aux termes duquel, 
sur les 200 livres de revenu, 150 livres demeurant con- 
sacrées à l'acquit des messes, restait disponible une 
somme de 50 livres dont devait bénéficier la fabrique (2). 

Les fabriciers furent autorisés à en distraire 30 li- 
vres pour les appliquer au traitement du maître d'école. 
De plus, il fut arrêté que, chaque année, une quête se- 
rait faite à domicile dans toute la paroisse, parle procu- 
reur en exercice, et, au cas où le produit de la collecte 
n'atteindrait pas 40 livres, la fabrique devrait prendre sur 
ses revenus de quoi compléter cette somme. On stipula 
toutefois que deux messes seraient 'célébrées chaque 
semaine parle prêtre qui recevrait cette rétribution (3). 

(1) Testament de Marguerite d'Illiers, dame des Radrets. — 
(Archives de la fabrique de Saint-Cyr de Sargé.) 

(2) Mémoire de M. Desvault, curé de Sargé. — (Archives de la 
fabrique.) 

(3) Cf. Pièce justificative. 

XX 8 



- 102 — 

Cette dernière clause indique quel instituteur les no- 
tables avaient choisi. Ils s'étaient en effet réservé le droit 
d'élire, de concert avec leur curé, tel ecclésiastique 
qu'ils auraient jugé apte à remplir les fonctions qu'ils 
voulaient lui confier. D'accord avec les descendants de 
Marguerite d'Illiers, ils le chargèrent aussi d'acquitter 
les messes fondées par celle-ci, ce qui lui procura tout 
de suite un revenu fixe de 150 livres. Ce traitement 
s'accrut plus tard du produit de deux legs faits, l'un par 
M'' Jacques Moussu, curé de Saint-Cyr de Sargé (1), 
l'autre par un curé du Temple, M® François Potier. 

Aucun document ne nous a fait connaître quel fut le 
programme indiqué au nouveau maître d'école. M. Es- 
nault (2), le premier qui nous soit connu, fut remplacé 
par M. Chaillou (3), auquel succéda, en 1692, M. Ch. 
Prenant (4), qui res^aen fonctions jusqu'à sa mort. 



(1) « J'entends et ordonne que lesdits procureurs fabriciers 
donnent par chacun an au prestre qui continuera de faire tous les 
soirs la prière dans leglize dudit Sargé ainsi qu'elle se fait a pré- 
sent la somme de dix livres et que ce soit au prestre qui tiendra 
l'Ecolle et dira les quatre messes léguées par feu madame de la 
Poupeliniere. 

« Fait et arresté dans ma chambre du presbitaire, â Sargè. ce 
hnitiesme jour du mois d'aoust mil six cent quatre vingt douze. 

« Moussu. » 

(Archives de la fabrique.) 

(2) Mémoire de M. Desvault, curé de Sargé. (Archives de la fa- 
brique.) 

(3) « Plus requerent leur estre aloué la somme de quarante li- 
vres payée audit sieur Chaillou.... savoir trente livres pour avoir 
tenu l'escole aux enfants pendant une année commencée au mois 
de juin 1691 et finie le premier de juillet 1692 et dix livres pour la 
rétribution do la messe de S' Sébastien.... » — Comptes de fabri- 
que rendus aux habitants de Sargé (Archives de la fabrique.) 

(4) « Plus requerent leur estre aloue la somme de soixante et 
quinze livres payée a M"" Prenant prestre pour la rétribution des 
messes du legs de madame de la Pouplinière depuis le mois de 
juillet 1692 jusques au premier de janvier 1693. » — Comptes de 
fabri(iue rendus aux habitants (Archives de la fabrique.) 



* 



— 103 — 

Dès 1733 (1), on trouve un laïque chargé du même em- 
ploi. Les habitants avaient jugé bon de répartir la somme 
de 301ivi»es, que l'ecclésiastique avait perçue intégrale- 
ment, entre le nouvel instituteur et la maîtresse d'école 
qui avait pris la place des Sœurs de Montoire (2). 

Telles restèrent les écoles de Saint-Cyr de Sargé pen- 
dant la première moitié du xvui^ siècle. Manquant de 
ressources, on ne songeait pas aies améliorer, quand, 
en 1752, l'entrée en jouissance d'un legs, dont il nous 
reste à faire connaître les conditions, vint permettre de 
les réorganiser dans de meilleures conditions. 

Par son testament en date du 17 novembre 1733, 
M. le Boults, lieutenant au régiment du roi Dragons, 
avait laissé à sa sœur M™® de Coutances tous ses biens 
meubles et immeubles, spécifiant toutefois que si elle- 
même mourait sans laisser d'enfants, une somme de 
30,000 livres serait répartie entre les paroisses de Saint- 
Cyr, du Temple, d'Épuisayet deChoue(3), pour fonder 
telles œuvres de charité que les seigneurs de ces lieux et 
le général des habitants jugeraient utiles. Le testateur 
étant mort en 1733, la donataire en 1749, sans héritiers 
directs, on dut procéder à la répartition de la somme 
précitée. Le Parlement, appelé à se prononcer, attribua 



(1) « Je soussigné reconnois avoir receu de maistre Noury fa- 
bricier de l'église de S' Cyr de Sargé la somme de vingt deux 
livres douze solz six deniers pour la moitié du legs de feu mon- 
sieur le curé du Temple dont je le quitte fait audit Sargé ce 
dixiesme jour de février rail sept cent trente trois. 

« Le Noir. » 
(Archives de la fabrique.) 

(2) « Nous soussignez maistre et maîtresse d'école de Sargé re- 
connaissons avoir reçu d'Estienne Deniaii fabricier la somme de 
dix livres pour la prière eschue a la toussaint dernier dont quitte 
fait ce seize novembre mil sept cent quarante neuf. 

« Le Noir. Louise Mary. » 
(Archives de la fabrique.) 

(3) Copie du testament de M. Le Boults, conservée aux archi- 
ves de la fabrique. 



— 104 — 

9,000 livres à la paroisse de Saint~Cyr, et ordonna que 
les rentes seraient employées à l'entretien de deux 
écoles, l'une dirigée par deux religieuses, chargées 
aussi de secourir les malades, auxquelles on donnerait 
300 livres de revenu, l'autre par un maître laïque, 
pourvu d'un traitement de 100 livres. Restait encore une 
rente de 60 livres; on la destina aux réparations delà 
maison des sœurs et à l'achat des remèdes pour les pau- 
vres (1). 

Les décisions de la cour furent signifiées, le 7 novem- 
pre 1756, aux habitants, qui, réunis en la forme accoutu- 
mée, le 21 du même mois, déclarèrent par devant M° 
Devaux, notaire à Sargé, accepter l'arrêt en son en- 
tier (2). Seul, M. de Laugeois, seigneur du lieu, appelé, 
par une clause du testament, à émettre son avis, guidé 
par son intérêt privé, crut de son devoir de protester (3). 
Cette opposition retarda de quatre ans l'exécution du 
premier jugement. Un second arrêt du Parlement inter- 
vint le 5 septembre 1760, confirmant la délibération des 



(1) « La Cour ordonne que la dite somme de vingt sept mille 
livres, léguée par le testament dudit Le Boults, sera partagée 
ainsi qu'il suit:sçavoir que sur la dite somme il sera donné celle 
de neuf mille livres à la paroisse de Clioue, et pareille somme de 
neuf mille livres à la paroisse de Saint Cyr de Sargé, que sur les 
dites sommes de neuf mille livres, il en sera employé six mille li- 
vres, produisant trois cens livres de rente à l'entretien de deux 
sœurs, deux mille livres, produisant cent livres de rente, à l'en- 
tretien d'un maître d'école laïc, et mille livres, produisant cin- 
quante livres de rente, pour les réparations annuelles des mai- 
sons des sœurs, lorsqu'il y en aura à faire, et le surplus à ache- 
ter des remèdes pour les pauvres.... » — (Arrêt de la cour du Par- 
lement, en date du 2 juin 1756. Imprimé, il forme une plaquette de 
12 pages in-4°, conservée aux archives de la fabrique.) 

(2) Mémoire de M. Desvault, curé de Sargé. — (Archives de la 
fabrique.) 

(3) Acte d'opposition en date du 18 novembre 1756, cité dans le 
mémoire de M. Desvault. D'après l'acte d'acceptation des habi- 
tants, M. de Laugeois aurait déclaré vouloir une maîtresse d'é- 
cole laïque. 



— 105 - 

notables (1) de Satiit-Cyr, et dès lors on put procéder à 
la réorganisation des écoles. 

Dans tout ce différend, le curé de la paroisse, M. Des- 
vault, s'était employé avec le zèle le plus vif à hâter la 
conclusion de l'affaire. Il avait été aidé et conseillé par 
M. Angran, conseiller à la cour du Parlement, qui, en 
qualité de seigneur de Saint-Agil et de Clioue, se trou- 
vait plus à même que tous ses confrères de juger de l'u- 
tilité des nouvelles fondations. 

La correspondance de ces personnages, conservée en 
partie, montre quel intérêt on portait alors à la diffusion 
de l'instruction dans les campagnes ; mais, disons-le 
aussi, on se préoccupait beaucoup plus de l'éducation 
religieuse qu'on ne le fait actuellement. 

Dès 1755, M. Desvault, se tenant assuré des conclu- 
sions de l'arrêté rendu l'année suivante^ avait acheté 
dans le bourg « pour lui ou telles autres personnes qu'il 
déclarera un corps de bâtiment nommé l'Abbaye. » Cette 
demeure, renfermant trois chambres et toutes les dépen- 
dances attenantes aux maisons de la campagne, lui 
avait coûté « quatre cent livres de principal achap et cin- 
quante livres de pot de vin (2) » Il déclara, le 21 avril 
1756, que l'acquisition faite par lui, un an auparavant, 
avait pour but « l'établissement de charité d'un maître 
ou maîtresse d'écolles ou tous autres établissemens que 
nos seigneurs de la cour du Parlement jugeront conve- 
nable (3). » 

Ces dispositions prises, il chercha d'abord à obtenir 
des filles de la Charité de Montoire deux sujets capables 



(1) Arrêt de la coiirdu Parlement.— (Archives de la fabrique.) 

(2) Contrat d'acquêt, passé le 23 avril 1755, devant Louis-Ma- 
rin Lucas, notaire royal au Maine, résidant à Sargô-sur-Braye, 
— (Archives de la fabrique.) 

(.3) Rétrocession de l'immeuble acheté par M. Desvault, trans- 
crite à la suite du contrat d'acquêt ci-dessus cité. — (Archives de 
la fabrique.) 



— 106 — 

de se cliarger et de l'éducation des entants et du soin 
des malades pauvres. On ignore quel obstacle arrêta la 
réalisation de ce projet. Déçu de ce côté, il écrivit à 
M. l'abbé Chabrun, principal du collège de Mayenne, 
pour se procurer des renseignements sur les religieuses 
de la Charité de Sillé-le-Guillaume, plus connues depuis 
sous le nom de Sœurs d'Évron. L'ecclésiastique auquel 
était envoyée cette lettre la transmit au directeur de la 
congrégation, M. Barbeu-Dubourg, dont la réponse (1) 
satisfit les désirs du curé de Sargé. Celui-ci s'adressa 
directement à la supérieure générale de la commu- 
nauté (2), M™* AnneBisson, qui vintelle-mème installer, 
le 24 janvier 1761, deux de ses compagnes. Ce même 
jour était conclu le traité qui fut observé jusqu'à la Ré- 
volution. 

Les habitants, représentés par leur pasteur, M. Des- 
vault, le syndic et l'un des marguilliers, promirent de 
payer chaque année, par quartier, « la sommée de deux 
cent quarante livres francs deniers, sans aucune ré- 
tention de dixiesme et autres droits royaux (3). « En 
outre, ils donnèrent « un fonds de livres nécessaires et 
d'uzage de valleur de cinquante livres. » Ces volumes, 
consistant en abéc(îdaires, syllabaires, pensées chré- 
tiennes, catéchismes, devaient être distribués « aux 
pauvres filles seullement de la ditte paroisse sur les 



(1) Lettres de M. Chabrun, en date du 19 mars 1755, et de 
M. Barbeu-Dubourg, en date du 18 mars 1755, conservées aux 
archives de la fabrique. La seconde indique les conditions aux- 
quelles les sœurs consentaient à desservir un établissement. 

(2) La lettre de M. Desvault est du 22 octobre 1760 ; la réponse 
de sœur Anne Bisson, conservée aux archives de la fabrique, est 
du 3 novembre 1760. 

(3) Traité passé le 24 janvier 4761, devant M' Michel Archan- 
ger, notaire royal, demeurant à Saint-Cyr de Sargé, entre Fran- 
çois-Julien Desvault, curé de Sargé, Mathurin Gautier, syndic, 
Paul Deniau, margiiillier, et sœur Marie-Anne Bisson. — (Ar. 
chives de la fabrique de Sargé.) 



— 107 — 

certificats des sieurs curé syndic et marguillier (1). » 
Ceux-ci allouèrent enfin une somme de deux cents li- 
vres, devinée à l'acquisition de remèdes, formant une 
petite pharmacie mise à la disposition des religieuses. 

Leur supérieure, stipulant de son côté au nom delà 
communauté, prit l'engagement d'envoyer deux sœurs, 
dont l'une s'occuperait plus spécialement de l'instruc- 
tion, l'autre de la visite des malades. Si quelque motif 
venait à les empêcher de remplir ces fonctions, elles re- 
tomberaient à la charge de leur congrégation, laquelle, 
dans ce cas, serait tenue de les remplacer par d'autres 
sujets aptes aux mêmes travaux. 

Mme Anne Bisson fit ratifier cet accord (2) dans l'as- 
semblée générale de sa société, le 22 juillet 1761. Le 25 
janvier de la même année, les habitants avaient ap- 
prouvé la conduite de leurs délégués (3). On est heureux 
de constater quelle était à cette époque la sollicitude 
d'une population rurale pour cette pauvre femme, Louise 
Mary, qui, pendant longtemps, était restée seule char- 
gée de l'éducation des filles. 

Le Parlement, avons-nous dit, concédait trois cents 
livres de revenu au nouvel établissement. Le traitement 
des deux religieuses n'exigeant que 240 livres, restait 
disponible encore une somme de 40 livres ; on la laissa, 
sa vie durant, à cette ancienne maîtresse « pour lui pro- 
curer et faciliter sa nourriture et entretien pour forme de 
récom[)ense, attendu qu'elle a passé sa vie à faire l'é- 
colle dans la ditte paroisse et que son grand âge et sa 
santé épuisée au service et à la satisfaction des dits ha- 
bitants la mettent hors d'état de travailler et de se procu- 
rer sa subsistance (4). » 

(1) Même traité. 

(2) Extrait du registre des df'^Iihérations de la Société des Filles 
de Charité de Sillélc-Guillaumc. (Archives de la fabrique.) 

(3) Acte d'assemblée des habitants, en date du 25 janvier ITfVl. 
(Archives de la fabrique.) 

(4) Même acte d'assemblée. 



- 108 - 

La vieille institutrice ne jouit pas longtemps de sa 
pension. Son décès (20 juin 1763) laissa la libre disposi- 
tion de cette rente aux habitants, qui la réunirent à leurs 
autres revenus, et les utilisèrent en établissant sur de 
nouvelles bases l'école des garçons. 

On a vu déjà quelles modifications avaient été précé- 
demment apportées à l'organisation primitive. Le maître 
laïque, auquel la paroisse n'avait pu tout d'abord assu- 
rer une rétribution assez élevée, contraint de demander 
à des travaux extérieurs un supplément de traitement 
qui lui permît de vivre, se trouvait ainsi distrait de sa 
principale occupation. Le legs de M. Le Boults vint très 
à propos réaliser les souhaits des habitants de Sargé, 
qui n'avaient rien tant à cœur que la bonne tenue de 
leur « collège. » 

La rétribution annuelle des Sœurs étant soldée, ils 
pouvaient encore disposer d'un revenu de 160 livres^ le- 
quel devint la base de la nouvelle fondation. îls y adjoi- 
gnirent les rentes laissées par M"^® de la Poupelinière 
et MM. Pottier et Moussu. Les arrérages, que l'opposi- 
tion de M. de Laugeois avait empêché d'utiliser, for- 
maient, en 1763, un capital de 1,200 livres, sur lequel 
on préleva 700 livres pour les placer à intérêt (1). 

Le maître d'école fut tenu d'enseigner gratuitement les 
premiers éléments de la langue française et de montrer 
à lire et à écrire ; mais il reçut l'autorisation de deman- 
der « un écu par an « aux élèves qui désirèrent acquérir 
des connaissances plus étendues. Liberté lui fut égale- 
ment donnée de prendre en qualité de pensionnaires les 
enfants des bourgs voisins. Grâce à tous ces expédients, 
ses appointements s'élevèrent à 300 livres (2). 

Ce n'était pas assez d'avoir assuré des moyens d'exis- 



(1) Acte d'assemblée des habitants, en date du 24 juillet 1763. 
— (Archives de la fabrique) 

(2) Même acte d'assemblée. 



— 109 — 

tence à celui qui allait être chargé d'instruire la jeune po- 
pulation de Sargé; on tenait à ce qu'il en fût digne. 
Comment's'en assurer ? 

A cette époque, il ne fût venu à la pensée de personne 
de laisser à un étranger, si bien préparé fùt-il, la sur- 
veillance d'un établissement dont on était fondateur, et 
les habitants, qui payaient les honoraires de l'institu- 
teur, entendaient bien aussi surveiller sa conduite, et se 
rendre compte des progrès plus ou moins sérieux que 
pourraient faire les enfants confiés à ses soins. 

Parfois l'élection avait lieu à haute voix dans l'assem- 
blée des notables ; on préféra laisser au curé, au syndic 
et à l'un des marguilliers, la responsabilité de ce choix, 
mais en se réservant d'établir un comité de surveillance, 
chargé de rechercher si le maître s'acquittait dignement 
des fonctions qui lui étaient commises (1). 

Ces inspecteurs, au nombre de quatre, dont deux du- 
rent être pris parmi les habitants du bourg et les deux 
autres parmi ceux de la campagne, se réunirent aux 
trois personnages dont il vient d'être fait mention pour 
former un bureau. Ce bureau reçut tous les deux ans 
les comptes d'un procureur élu de la même manière. 
Celui-ci était chargé d'assurer la perception des revenus 
qui servaient à la subvention des deux maisons d'école, 
de la répartir selon les traités dont il a été question, et 
de faire exécuter les réparations nécessaires aux im- 
meubles dans lesquels se faisait la classe. 

Les quatre commissaires élus, pour la première fois, 
dans l'assemblée générale du 24 juillet 1763, le furent 
ensuite par le bureau. 

Ces règlements restèrent en vigueur jusqu'à la Révo- 
lution. Pendant les troubles de cette époque, les écoles 
disparurent, et il fallut un temps plus calme pour les 
rétablir. Nous ne dirons pas comment s'élevèrent cel- 



(1) Acte d'assemblée des habitants, en date du 24 juillet 1763. 
— (Archives de lu fabrique.) 



— 110 — 

les qui existent actuellement; ce n'est point notre but. 
Nous avons voulu exposer quelles étaient, sur l'utilité 
de ces maisons, les idées de nos aïeux, et montrer, 
après bien d'autres, combien fausse est cette idée que, 
sous l'ancien régime, on ne se préoccupait pas de l'in- 
struction. La preuve est-elle faite pour le modeste bourg 
de Sargé ? Le lecteur appréciera. 



PIÈGE JUSTIFICATIVE 



Dn dimanche dixhuitieme jour de décembre* mil six cent 
soixante et dix huit a l'issue de vespres dites en l'église de 
Saint Gir de Sargé sur braie par devant nous Pierre Nivault, 
notaire royal au Maine résidant au bourg dudit Sargé. 

Ont comparuz et se sont assembles au devant de la princi- 
pale entrée de l'Eglise dudit Sargé après le son de la cloche en 
la manière acoutumée maistre Jacques Moussu prestre curé de 
la dite paroisse Julien Dahuron procureur fabricier de la dite 
église et René Leroy... (etc. suivent les noms de 19 habitants) 
qui composent la plus grande et considérable partie des habi- 
tants de la dite paroisse pour délibérer ensemble ce jourd'huy 
et aviser de concert aux moiens les plus commodes destablir 
dans la dite paroisse un maistre d'école pour instruire et former 
les enfans dans leur jeunesse conformément à l'intention de 
monseigneur l'illustrissime et reverendissime evesque du Mans 
et pour leurs propres interrets ont tous esté d'avis et jugé à 
propos, attendu l'impossibiUté de faire autrement, a cause de 
la nécessité de partye des particuliers habitans de ladite pa- 
roisse qu'il fust pris des deniers deubz à ladite fabrice dudit 
Sargé, par des procureurs fabriciers cy devant en charge, par 
la permission et consentement de mondit seigneur l'Evesque, 
de quoy achepter une maison ou en attendant de quoy payer le 
louage et rente d'un logement qui sera et soit asseure a un 



— 111 — 

maistre d'écolle pour les garsons ainsy qu'il y a des] a dans la- 
dite paroisse un logement par les soins et aux dépens de ma- 
dame la maf quise de la Poupelinière assigné et occupé par des 
sœurs de la' charité qui instruisent les filles avec beaucoup d'u- 
tilité, les deniers cy devant deubz à ladite fabrice parles procu- 
reurs cy devant en charge consistans scavoir en la somme de 
cent trente livres trois sols sept deniers deûe par Dominique 
Leguay.... (suit l'énumération des différentes dettes qui for- 
ment la somme)... de cinq cent quarante cinq livres huit sols 
trois deniers sans y comprendre ce que peut debvoir ledit Jul- 
lian Dahuron procureur fabricier à présent en charge, ont aussi 
esté d'avis les dits habitants, que pour aider et faire un fond 
assuré pour ledict maistre d'écolle ecclésiastique, qu'il fut pris 
sur les cinquante livres qui reviennent en bon par chacun an a 
ladite fabrice du legs de deffunte madame de la Poupelinière 
la somme de trente livres pour ledit maistre d'écolle, et ont en 
outre esté d'avis et consenty tous lesdits habitans que pour faire 
une condition plus honneste et fournir de quoy aider a subsis- 
ter aud. maistre d'écolle ecclésiastique il se fist par chacun an 
pour le soulagement de ladite fabrice une queste dans la pa- 
roisse par les soins du procureur fabricier de ladite éghse qui 
sera en charge auquel lesdits habitans donnent pouvoir et pro- 
curation de poursuivre en justice les dits débiteurs desdites 
sommes et de passer tel acte qui sera nécessaire tant pour le 
louage que pour laquisition du logement susdit, et ce par l'ad- 
vis dudit sieur curé et de deux autres habitans et non autre- 
ment. A laquelle dite queste chaque particulier habitant contri- 
buera à proportion de ses facultés et selon sa commodité pour 
faire jusques àla somme de quarante livres, moïennant laquelle 
somme ledit ecclésiastique sera obligé de dire deux messes par 
semenne l'une des deffuncts à haute voix et l'autre de saint Sé- 
bastien basse à l'autel qui luy est dédié en ladite église suivant 
la coustume estabhe presque en tout ce diocèse aux jours qui 
luy seront marquez et assignez par ledit sieur curé et habitans 

comme aussy s'il arrivoit par l'indigence et nécesité 

desdits habitans que l'on ne trouvait pas en ladite queste de 
quoy parfaire ladite somme de quarante livres, ce qu'il en man- 
quera sera suppléé et fourny par le procureur fabricier dudit 
Sargé, dont il fera aussi estât et luy sera alloué à la redition de 
son compte après l'avoir fait apparoir audit sieur curé et habi- 
tans. Dont et de tout ce que dessus après avoir esté stipulé par 
lesdits habitans et leur procureur, les en avons ce requérant 



— 112 — 

jugez, fait etarresté au devant de la dite église lieu ou d'ordi- 
naire on délibère des affaires de la paroisse en présence de Jul- 
lian Dahuron laboureur demeurant paroisse de Savigny et Jean 
Jouet laboureur demeurant à saint Martin tesmoins a ce requis 
et appelles. 

(Suivent les signatures du curé et des habitants.) 

Nous avons lu et examine l'acte cy dessus que nous louons et 
approuvons dans la veûe d'establir un maistre d'école ecclésias- 
tique dans la dite paroisse de Saint Gir de Sargé lequel sera 
amovible toutefois et quantes et sera choisi par les s"" curé et 
habitans dudit Sargé pour estre approuvé de nous au moyen de 
quoy nous consentons que des cinquante livres spécifiées dans 
le présent acte il en soit employé trente pour aider à la subsis- 
tance dudit maistre d'école deffendons à toute autre personne 
soit ecclésiastique soit laïque de s'ingérer d'instruire la jeu- 
nesse dans ladite paroisse sans notre consentement et permis- 
sion Donné au Mans dans notre palais le treizième décembre 
mil six cent soixante et dix neuf. 



f LOUIS evesque du Mans. 
Par monseigneur 
De Poix. 



LE COMTE FRÉD. SCLOPIS 

Par M. Nonce Rocca(I). 



COMPTE-RENDU, par M. Ch. Bouchet 



Au mois de juillet 1863, un jeune homme d'une intel- 
ligence vive et d'un naturel ouvert prenait les eaux de 
Vichy. En même temps s'y trouvait un vieillard de 65 
ans, de race italienne, paraissant appartenir à un monde 
élevé. Le jeune homme, néanmoins osa l'aborder et 
tenta de lier conversation. L'étranger s'y prêta avec une 
extrême courtoisie. Les entretiens se renouvelèrent, la 
connaissance se fit, mais l'étranger gardant toujours 
son incognito. Ce ne fut qu'au moment de se séparer 
que le jeune homme apprit enfin le nom de son interlo- 
cuteur : c'était le comte Sclopis, président du sénat pié- 
montais et l'une des gloires de son pays. Que l'on juge 
de la confusion, des excuses de notre charmant étourdi ! 
Le comte et la comtesse Sclopis (car elle accompagnait 
son mari) sourirent avec bonté, et ne voulurent point en- 
tendre parler d'excuses. Le comte déclara qu'il n'avait 
point voulu se faire connaître pour ne pas gêner « le 
confiant élan de son jeune compagnon, le naturel et 
l'abandon de leurs causeries. » Avec une distinction 
rare, il l'invita même à continuer avec lui ces entretiens 



(1) Paris, Félix Salmon, rue Cujas-Sorbonnc, 12, in-8'. 



— 114 - 

par correspondance. Celui-ci n'y manqua point, on peut 
le croire, et durant quinze ans, c'est-à-dire jusqu'à la 
mort de Sclopis, il eut l'honneur d'entretenir des rela- 
tions épistolaires aveclui. — Lorsque Sclopis mourut, 
au mois de mars 1878, son jeune ami, plein de dou- 
leur et de reconnaissance, entreprit d'élever un mo- 
nument à sa mémoire, d'écrire Sa vie, ses travaux et 
son temps, et voilà comment M. Rocca, car on devine 
que c'est de lui qu'il s'agit, devint l'auteur du livre que 
nous allons examiner (1). 

Faisons d'abord connaître le personnage. Né à Turin 
en 1798, d'une famille noble, Sclopis fut l'un des juris- 
consultes, l'un des magistrats, l'un des écrivains, l'un 
des hommes politiques les plus éminents de l'Italie. Il 
fut successivement attaché comme secrétaire d'État au 
ministère de l'Intérieur, en Piémont, substitut de l'avo- 
cat général (2), membre de l'Académie des sciences de 
Turin, l'une des plus considérables de l'Europe (classe 
des sciences morales, historiques et philologiques), 
sénateur, membre de la commission chargée de l'une 
des œuvres les plus considérables qu'un gouvernement 
puisse se proposer, nous voulons parler de la refonte 
complète des cinq codes de la législation piémontaise, 
entreprise par le roi Charles-Albert au début de son 



(1) On sait que M. Rocca, aujourd'hui membre de la commis- 
sion financière à Tunis (Afrique), est ancien élève lauréat du Ly- 
cée de Vendôme, et membre collaborateur de notre Société Ar- 
chéologique. Nous sommes heureux de rattacher par là notre tra- 
vail au Vendômois. 

(2) Les fonctions d'avocat général correspondaient alors en 
Piémont à celles de procureur général des cours d'appel de 
France, au point de vue de l'administration judiciaire, mais avec 
des attributions politiques analogues à celles de Vattoruey gêne- 
rai en Angleterre, qui, comme l'on sait, est choisi parmi les som- 
mités du barreau siégeant au Parlement, prend l'ang parmi les 
ministres et assiste à leur conseil. Une des grandes préroga- 
tives do l'avocat général piémontais était de « travaillei' direc- 
« tement avec le roi pour lui rendre compte de la marche de la 
« justice dans ses États. » (Ch. Giraud.) — Note de M. Rocca. 



— 115 — 

règne (1831) — Sclopis devint ensuite avocat général, — 
membre correspondant de l'Institut de Fra ice, — pré- 
sident delà commission qui créa la nouvelle loi sur la 
presse, loi aujourd'hui italienne et l'une des plus libé- 
rales de l'Europe, — l'un des vaillants ouvriers de la 
nouvelle Constitution piémontaise {IlStatato), qui fut 
plus tard celle de l'Italie (1), — ministre de la justice et 
des affaires ecclésiastiques dans le premier ministère 
chargé d'appliquer cette constitution, — négociateur, à 
ce titre, d'un concordat avec Rome, qui pourtant ne put 
aboutir, — principal auteur de la proclamation que 
Charles-Albert adressa aux Lombards lors de la rup- 
ture avec l'Autriche, — député de Turin, — spectateur 
et conseiller plutôt qu'acteur dans le mouvement de l'u- 
nification italienne, approuvant le but, sans admettre 
tous les moyens, — premier président de la cour su- 
prême, — ministre d'État, président du contentieux di- 
plomatique, — sénateur, — président du Sénat, — pré- 
sident de cette commission d'histoire nationale, qui, 
sous le titre de Momunenta hlstoriœ patrlœ, enfanta, 
si nous ne nous trompons, 17 vol. in-fol. et autant 
d'in-8°, remplaçant ainsi ou complétant Muratori et don- 
nant à l'Italie le pendant de notre grand Recueil des 
historiens des Gaules et de France, — président de 
l'Académie des sciences de Turin, à la mort de Plana, 
le grand astronome mathématicien, — membre étran- 
ger de l'Institut de France, — enfin président de la 
commission d'arbitrage entre l'Angleterre et les États- 
Unis, dans la grande querelle de VAlahama (2), ce qui 
fut le moment le plus glorieux et le digne couronnement 



(1) Il faut lire dans M. Rocca ces pages instructives et émou- 
vantes pp. 106 et suivv. 

(2) Pendant la guerre de sécession, en Amérique, les États 
contedérôs du Sud firent armer à Livcrpoo! un navire corsaiiv, 
VAlabaina, qui fit un mal effroyable à la marine des États fédé- 
raux. Le cabinet de Washington accusa hautement l'Angleterre 
d'avoir violé à son égard la neutralité, et réclama des indemnités 
énormes. Les discussions, les passions s'enflammèrent. Les deux 



— 116 — 

de sa vie. — Et toutes ces fonctions, Sclopis les remplis- 
sait avec le même zèle, avec le même dévouement. 

Voilà, il faut en convenir, une carrière bien remplie et 
capable de défrayer dix existences humaines. Et nous ne 
parlons pas de ses voyages, surtout en France^ de ses 
relations étendues par toute l'Europe ; nous ne parlons 
pas de ses ouvrages, dont le nombre ne s'élève pas à 
moins de 109, volumes ou brochures, approfondissant 
ou abordant la plupart des connaissances humaines. 
Rappelons seulement les deux principaux : son His- 
toire de la Législation piémontaise et surtout son His- 
toire de la Législation italienne (1), véritable monu- 
ment, Esprit des Lois de cette nation, où domine cette 
idée philosophique, qu'à travers les siècles et les mor- 
cellements de l'Italie se dessine cependant une sorte d'u- 
nité intellectuelle dans sa législation, unité qui prépa- 
rait l'unité réelle et politique (2). M. Rocca donne une 

puissances allaient peut-être en venir aux mains, lorsque, par un 
noble exemple qui devrait être toujours suivi, elles résolurent 
de remettre le différend à la décision d'un arbitrage. C'est de 
cette commission, composée de cinq membres, que Sclopis fut 
nommé président, et jamais tribunal, on peut le dire, ne fut ap- 
pelé à prononcer entre deux plus grands adversaires. M. Rocca 
a tracé de ces événements un tableau qui est une véritable page 
historique. 

(1) Turin. 1840-1857. 3 vol. in-8°. (Nouvelle édition en 1863. 
3 vol. en 5 tomes.) 

(2) Cette unité, selon Sclopis, avait son principe dans le droit 
romain, qui, au milieu de la décomposition générale de l'Em- 
pire, subsista toujours et resta, pour ainsi dire, au fond de l'Ita- 
lie morcelée, comme un dernier souffle et en quelque sorte 
comme l'âme qui devait tôt ou tard réunir tous ces membres 
dépecés. On sait, en effet, quelle fut la persistance de ce droit 
pendant le moyen âge^ non-seulement en Italie, mais dans la plus 
grande partie de l'Europe. C'est une vérité que l'illustre Savigny 
a mise dans tout son jour. Mais ce ne fut pas seulement le droit 
romain qui maintint cette antique unité dans la Péninsule ; bien 
d'autres éléments s'y ajoutèrent. Ce fut d'abord sa langue, malgré 
le grand nombre des dialectes, et sa littérature, surtout à partir 
du XIV' siècle. On peut dire que Dante, le poète national par ex- 



— 117 — 

longue et excellente analyse de cet ouvrage, en l'accom- 
pagnant d'extraits étendus. Citons encore deux Notices 
de Sclopis, l'une sur Thiers, l'autre sur Cavour, toutes 
deux da»s un sens très favorable, mais d'une justice 
insuffisante, selon nous, à l'égard de Cavour. Peut-être 
l'avait-il trop vu et de trop près pour le bien com- 
prendre. Ceci a l'air d'un paradoxe, nous le savons, 
et ce n'est pourtant qu'une vérité. Nous apprécions mal 
les grands hommes qui vivent à nos côtés ; nous ne 
sommes pas au vrai point de vue ; ils ne prennent pas 
à nos yeux cet idéal dont l'Histoire les revêt à distance. 

Tel fut Sclopis, telle fut cette existence remplie de 
tant et de si divers travaux et d'une telle honorabilité 
qu'on n'y surprendrait pas une seule défaillance. Et 
pourtant Sclopis n'est point parvenu à une gloire écla- 
tante, à une célébrité populaire, du moins en France. 
Il s'est arrêté, pour ainsi dire, à mi-côte, dans une 
douce clarté et un renom aristocratique. A quoi cela 
tient-il ? Comment une activité si multiple, si extraor- 
dinaire, n'a-t-elle produit qu'un rayonnement si res- 
treint? C'est que Sclopis n'a joué dans les grands évé- 
nements de son pays qu'un rôle secondaire. Il n'avait 
d'ailleurs aucune de ces qualités qui saisissent la foule, 
ni la haute ambition et le génie de Cavour, ni la force 
expansive et tribunitienne de Gioberti, ni le brillant et 
chevaleresque caractère de d'Azeglio, ni l'héroïsme et 
le sublime désespoir de Santa-Rosa, qui allait se faire 
tuer pour l'indépendance de la Grèce. Sclopis était une 
nature calme, pure, une conscience droite, inflexible, 
une intelligence vaste et élevée, un homme plutôt fait 
pour siéger sur le fauteuil du magistrat que pour se je- 
ter dans les tempêtes publiques. Il y avait en lui ces tem- 

cellence, est l'un des fondateurs de l'unité italienne, comme 
Homère fut un des liens de la nationalité hellénique. Ce fut en- 
suite la religion, toujours orthodoxe, enfin et surtout la papauté, 
avec sa puissance morale universelle et son Droit canonique plus 
universel encore que n'avait été le droit romain, et toujours vi- 
vant. 

XX 9 



— 118 — 

pla serena dont parle magnifiquement le poète. Il ap- 
partenait à cette école catholique-libérale dont Gioberti 
était le chef en philosophie et Canti^i en histoire; mais 
il n'allait pas aussi loin qu'eux. Il s'arrêtait plutôt dans 
ce petit groupe intermédiaire de Manzoni et de Silvio 
Pellico. In mecUo vlrtas semble avoir été sa devise en 
toutes choses. Au reste, ce que Manzoni fut en littéra- 
ture, Sclopis le fut en politique, le type de l'élévation et 
delà pureté. Plein d'amour pour sa patrie, mais plein 
de scrupules sur les moyens qui pouvaient en faire l'u- 
nité, il la veut cependant, il est heureux qu'elle se fasse, 
qu'elle soit faite, mais en politique, hélas ! il faut avoir 
la conscience large, sous peine de ne rien faire. Deman- 
dez à tous les grands hommes. Quant aux écrits de 
Sclopis, ils sont d'une nature trop élevée, trop spécula- 
tive pour descendre jusqu'au commun des mortels. 
Sclopis s'est ainsi condamné à être un des grands hom- 
mes de la vertu, mais non un de ceux de l'histoire. 
C'est le chemin du ciel, mais ce n'est point le^s/c itur ad 
astîYi. Honneur pourtant à ceux qui inclinent la gloire 
devant la conscience ! — A ce triple point de vue de haute 
moralité et de sentiments à la fois patriotiques et reli- 
gieux, on peut dire que M. Rocca, lorsqu'il rencontra 
Sclopis pour la première fois, reconnut instinctivement 
en lui un modèle de sa propre nature et comme un idéal 
de sa chère Italie. En racontant la vie de son héros, l'au- 
eur n'a donc pas obéi seulement à une impulsion delà 
treconnaissance, mais à cette affinité secrète des âmes 
qui les porte à contempler leur image dans un miroir 
qui la leur rend agrandie. 

Ceci nous conduit à parler du livre. Par une heureuse 
fortune, ou plutôt par la nature même du sujet, un au- 
tre héros s'est rencontré pour l'auteur, plus grand, plus 
intéressant que Sclopis. C'est l'Italie elle-même. Nous 
avons là, du moins dans la première partie, l'histoire de 
cette noble nation (1), depuis les soixante dernières an- 

(1) Ceci était écrii avant les affaires actuelles do Tunisie : nous 



- 119 — 

nées. Nous souffrons de ses souffrances sous le jotig 
étranger; nous aspirons avec elle, nous sentons qu'elle 
n'est point la terre des morts, nous songeons à ce vers 
désespéré d'Alfieri : 

Schiavi siam, si, ma schiavi ognor frementi. 

C'est là, pour ainsi dire, l'àme du livre ou plutôt 
celle de l'auteur, la palpitation continue qui atteste la 
vie et annonce la résurrection. De là aussi, comme l'on 
pense, une plus grande largeur d'horizon, qui, jointe à 
l'esprit philosophique qui ouvre des jours sur tout l'ou- 
vrage, nous élève au-dessus de la contemplation d'une 
simple individualité, si importante qu'elle soit. Quant 
aux opinions religieuses du livre, nous dirons en un 
mot que l'orthodoxie catholique y «règne mais n'y gou- 
verne pas,» ou du moins bien peu. Tous les événements 
d'ailleurs sont compris, exposés, jugés avec un coup 
d'œii, une maturité d'esprit, une modération, une viri- 
lité sérieuse, bien rares chez un homme qui n'a point 
passé par la vie publique. Mais, en général, c'est l'élé- 
vation qui domine, cette qualité qui est comme le son 
que rend une grande àme, quand elle est frappée par un 
grand sujet. 

Le style répond aux choses. Plein de dignité, nourri 
d'idées, relevé d'une érudition qui semble ne rien igno- 
rer et d'une connaissance de la langue italienne qui s'at- 
teste dans la traduction de nombreux passages politi- 
ques, ce style, d'ordinaire abondant et périodique, dans 
son extrême facilité, et néanmoins d'une précision tech- 
nique lorsqu'il le faut, est parfois brillant et imagé, semé 
parfois de traits à la Tacite ; ainsi, en parlant de la 
mère de Sclopis, l'auteur nous dira que c'était une de 
ces mères dignes de former les grands hommes. Ail- 
leurs il nous dit que l'évangélique résignation de Silvio 
Pellico dans ses prisons a fait plus de mal à l'Autriche 
qu'une bataille perdue. 

n'avons pas cru devoir néanmoins rien clianger à l'appréciation 
d'un passé fort honorable. 



- 120 - 

En résumé, ce livre nous paraît bien supérieur à tout 
ce que M. Rocca avait produit jusqu'ici. Qu'on le rap- 
proche, par exemple, de l'étude sur Manzoni, et l'on 
pourra juger de tout le chemin parcouru par l'auteur. 
Son nouvel ouvrage fera même, croyons-nous, valoir 
le héros, car le piédestal nous semble pour le moins 
aussi grand que la statue. Que M. Rocca persévère dans 
cette voie, et nous osons lui prédire qu'il prendra rang 
parmi nos meilleurs historiens. Sans doute il ne trou- 
vera pas toujours des Sclopis, mais l'inconvénient sera 
bien balancé s'il met la main sur quelque sujet plus po- 
pulaire, car ces héros si purs, sorte de Grandisons po- 
litiques qui n'offrent pas même à la pauvre humanité 
l'intérêt d'une faute, ne sont pas toujours ceux qui in- 
spirent le plus de sympathie, à moins qu'ils n'aient 
joué un très grand rôle, comme Washington par exem- 
ple, ou, dans l'antiquité, Épaminondas et Philopœmen. 
— Que l'auteur se défie aussi du beau style, c'est 
notre ennemi en France ; qu'il ne prenne pas toujours 
pour modèle ces notices ou éloges officiels lus au sein 
des académies ; un peu d'abandon, une certaine dé- 
tente par instants font grand bien au lecteur. Nous sa- 
vons qu'ici la gravité du sujet imposait le ton ; nous 
ne parlons donc qu'en général, et pour prémunir. 
Une extrême habileté de style est un écueil. Au reste, 
nous allons donner textuellement une page du livre. 
Elle fera voir si nous avons exagéré l'éloge et connaître 
en même temps la manière de l'historien. Ecoutez ce 
portrait du Piémont et des Piémontais : 

« Parla nature du territoire, qui généralement appar- 
« tient aux terrains primitifs ; par celle du climat, qu'a- 
« doucissent en hiver les effluves orientales de la Lom- 
« bardieetque tempèrent en été les fraîches réverbéra- 
« tions des grands sommets ; par les diverses formes 
« que la configuration du sol imprime à l'activité des ha- 
« bitants; par l'origine de ses peuples, mélange vigou- 
« reusement fusionné d'éléments celto-ligures, germa- 
« niques et romains , cette région célèbre est, par ex- 



- 121 - 

« cellence, le pays du travail persévérant, de l'énergie 
« patiente, de la simplicité austère des mœurs, du patrio- 
« tisme siélevant de l'amour ardent du sol et du foyer à 
« celui dès institutions, de l'intelligence moins impé- 
« tueuse que pondérée, de la vaillance voulue autant 
« qu'instinctive, de la fermeté de l'âme accessible à 
« l'enthousiasme et ennoblie par la bonté, mais se sau- 
« vant par la raison d'en subir trop aisément les surpri- 
(( ses et d'en expier les faiblesses. 

« Voilà pourquoi les Piémontais ont pu maintenir, à 
« travers les siècles et les désastres, leur personnalité 
« persistante, et ont réussi, dans la plénitude des temps, 
« à réunir dans leurs mains viriles toutes les forces 
« vives des autres puissances italiennes, quelques-unes 
« plus brillantes, plus poétiques, plus illustres, mais 
« moins robustes^ moins tenaces et moins guerrières ; 
« voilà pourquoi ils ont pu cimenter par leur sang-froid 
« et par leur sagesse politique cette union, cette unité de 
« l'Italie, où ils ont disparu pour s'agrandir, après l'avoir 
« fondée surtout par leur pensée et par leur glaive (1). » 
(pp. 13 et 14.) 

Montesquieu n 'aurai tt pas mieux dit. 



(1) « Ils ont disparu pour s'agrandir » est encore un de ces 
traits dignes de Tacite dont nous parlions tout à l'heure. 



NOUVELLES 

DÉCOUVERTES DE SÉPULTURES 

A Fosse-Darde, commune de Saint-Firmin 

Par M. G. Launay 



Troisième Sépulture 

Le jeudi 3 mars dernier, le terrassier travaillant à la 
sablière de M. Gaston de Lavau est venu le prévenir 
qu'il croyait avoir découvert une nouvelle^ sépulture, 
renseigné qu'il était par une certaine quantité de terre 
végétale remplissant une ouverture creusée dans le sa- 
ble et laissant apparaître la forme d'un vase. 

On se mit immédiatement en train de continuer les 
recherches, qui donnèrent pour résultat les objets que 
vous avez sous les yeux, et qui formaient, à n'en pas 
douter, la sépulture d'un homme de guerre, si l'on en 
juge par le caractère des objets enfouis; ce sont: 

1° Le vase qui se trouvait à l'entrée de l'ouverture. 
Poterie en terre avec une seule anse. Enduit noir, de- 
venu gris à l'intérieur. Forme gracieuse, mesurant 
O'^jlô à la panse etO"'10 de hauteur. 

2° Une agrafe et une attache de ceinturon en bronze^ 
très bien conservées. On distingue encore le cuir venant 
relier ensemble ces deux objets. 

3" Une plaque circulaire en bronze un peu concave, 
mesurant 45 millimètres de diamètre, avec deux sortes 
de boutons de même métal, en saillie de 8 millimètres 



— 123 - 

sur le fond. Nous sommes porté à croire que ces boutons 
servaient à agrafer la tunique ou le ceinturon. 

4° Unepince épilatoire avec le petit anneau servant à 
la suspendre. Elle mesure 0°\05 de longueur sans l'an- 
neau. Nous trouvons dans La Normandie souterraine 
de M. l'abbé Cochet, dont les appréciations font loi en 
ces sortes de matières, la description de la pince épila- 
toire : 

« La pince épilatoire m'a toujours paru l'attribut du 
« guerrier éprouvé par les années comme par les com- 
« bats. Les raisons que je puis donner de ma croyance, 
« c'est que partout où j'en ai rencontré, elles étaient tou- 
« jours sur des squelettes âgés et chargés d'armes de 
« guerre, telles que la hache, la lance ou le sabre. L'u- 
« sage même de cet instrument fait supposer un homme 
« âgé; nourrissant une forte barbe. La plupart des hom- 
« mes de cette époque en faisaient usage. Elle était ha- 
« bituellement suspendue à la ceinture par l'anneau. )> 
La pince épilatoire a toujours ses deux branches ter- 
minées par une partie carrée permettant de saisir plus 
facilement les poils. Dans la nôtre, les deux extrémités 
sont devenues aiguës, par suite d'une cassure très visi- 
ble. Nous trouvons une pince épilatoire semblable dans 
l'album deCaranda. 

Viennent ensuite deux couteaux : 

L'un, n° 5, dont la lame mesure 0"\17 de longueur sur 
0™,02 de largeur, avec tranchant d'un seul côté, avait 
autrefois un manche en bois. La lame ne fermait pas, et 
devait être constamment dans un étui de cuir. Il devait 
se rattacher au ceinturon au moyen d'une courroie. 
L'album de Caranda en contient de semblables. 

6° Le second couteau, plus petit, mesure 0™,10 de 
longueur pour la lame sur 0'",04 de largeur. Sa forme 
est plus accentuée que celle du précédent. Le tranchant 
est également d'un seul côté, et affecte une courbure ré- 
gulière et prononcée, tandis qu'à l'opposé le dos est 
formé par deux courbes en sens inverse. 



— 124 - 

M. l'abbé Cochet dit que ces couteaux sont très com- 
muns dans les sépultures de ces époques, et qu'il a pres- 
que toujours rencontré cet instrument dans les nom- 
breuses fouilles qu'il a faites. 

7° Un fer de lance, mesurant 0™,28 de longueur sur 
0'",06 dans sa plus grande largeur, terminé en pointe 
aiguë, avec une côte anguleuse en relief au milieu delà 
lame, qui elle-même a une certaine épaisseur. Le man- 
che, habituellement en chêne, a disparu ; mais on a re- 
trouvé la douille inférieure, de 0'", 04 de longueur sur 
0™,03 de diamètre extérieur, terminée à son extrémité 
par une pointe en fer pouvant se ficher en terre. 

Cette douille est d'une exécution toute particulière. 
Elle se compose d'un ruban en fer de 0"',012 de largeur 
sur 0^,002 d'épaisseur, s'enroulant en spirale cylin- 
drique. 

8° Vient ensuite un dernier objet en fer, ^e 0™,11 de 
longueur, composé d'une lame de 0™,02 de largeur sur 
0™,002 d'épaisseur, se recourbant sur elle-même enfer 
rond, en laissant un vide dans le bas avant de venir re- 
joindre la lame à peu près au milieu. Nous avouons, en 
toute humilité, ne pouvoir déterminer l'emploi de cet in- 
strument, dont nous n'avons pu trouver l'analogue 
nulle part. 

Tels sont les différents objets trouvés dans la troi- 
sième sépulture de Fosse-Darde, et qui vont probable- 
ment modifier, jusqu'à un certain point, l'impression 
éprouvée lors delà première découverte, en août 1880, 
qui nous avait fait supposer que nous venions de ren- 
contrer une sépulture isolée. 

Maintenant que ces sépultures continuent à se pro- 
duire, et à fournir des objets indiquant des positions di- 
verses dans les individus sépultures, nous ne serions 
pas éloigné de nous croire en face d'un cimetière gallo- 
romain ou franc, pouvant, par de nouvelles découvertes^ 
confirmer notre impression actuelle. 

Le cimetière de Fosse-Darde, si (Mmetièreil y a, était- 



- 125 — 

il gallo-romain ou franco-mérovingien ? La réponse 
est assez difficile. L'absence complète d'ossements dans 
les trois sépultures, la présence de vases pouvant conte- 
nir des cendres, viennent plaider en faveur du système 
de l'incinération, et par conséquent du cimetière gallo- 
romain. D'un autre côté, les objets provenant de la dé- 
couverte dernière semblent plutôt appartenir à l'époque 
franque qu'à l'époque gallo-romaine. 

Rien de surprenant s'il en était ainsi, car on a dû 
continuer à se servir des mêmes lieux de sépulture 
longtemps après l'époque de l'incinération. Attendons^ 
pour avoir le dernier mot, que de nouvelles découvertes 
viennent nous fixer à ce sujet. 



Quatrième Sépulture 

Nous avions à peine terminé ce rapport, quand on 
est venu nous annoncer la découverte d'une quatrième 
sépulture à Fosse-Darde, qui ne doit plus maintenant 
laisser aucun doute sur la présence d'un cimetière 
gallo-romain dans cette sablière, dont le propriétaire 
M. G. de Lavau surveille attentivement l'exploitation. 

Cette quatrième sépulture était éloignée d'environ 3 
ou 4 mètres de celles précédemment découvertes. 

Elle a fourni les objets suivants, calqués en quelque 
sorte par M. de Lavau fils : 

1° Deux petits vases de terre brisés, dont un en terre 
rouge dite samienne. 

2" Un vase entier de terre rouge, de 0"\11 de hauteur 
et0'",07 à l'ouverture, sémillant par sa conservation sor- 
tir de l'atelier du potier. 



- 126 - 

3° Un petit vase en verre, de O'njOôS de hauteur et 
0"\07 à l'ouverture évasée; fond arrondi. 

4° Une perle de collier en ambre, quatre en verre, 
dont deux émaillées en couleur, 

5° Deux fibules, dont une brisée, un anneau sans 
ornements, une épingle, les fragments d'un bracelet, le 
tout en bronze. 

6** Une très curieuse paire de ciseaux en fer, de gran- 
deur ordinaire. Cet objet, brisé en trois morceaux, a été 
très adroitement reconstitué par M. Bernard deLavau. 

M. l'abbé Cochet, dans La Normandie souterraine 
(pp. 207-208), dit que « les ciseaux sont plus rares que 
« les couteaux, mais que cependant ils se retrouvent 
« partout dans les sépultures des dix premiers siècles 
(( de notre ère, aussi bien chez les Romains que chez 
« les barbares. » 

Un autre auteur, M. Frédéric Troyon, dit1|ue ce sont 
des ciseaux à ressort dont l'usage s'est conservé, dans 
les bergeries de la Suisse, pour la tonte des moutons. 

La paire dont nous donnons ici la description dif- 
fère des ciseaux que nous avons vus reproduits, en ce que 
les deux branches, au lieu de s'arrondir tout simple- 
ment à la partie inférieure, se prolongent entre ces 
deux dernières par une courbe gracieuse, et font évidem- 
ment ressort. C'est, croyons-nous, un type très rare. 

7° Enfin, une médaille en argent, petit module, de 
Gratien. DN. Gratianvs PF. AVG. 

Voici la description d'après M. Ch. Bouchet : Buste 
diadème à droite. — R. : L'empereur casqué, assis sur 
une chaise curule, vêtu du paludamentum et tourné à 
gauche. Il tient de la main droite un globe et de la gau- 
che s'appuie sur une haste. — Légende : VIRTUS 
ROMANORVM. — A l'exergue: AQPS (Aquilée). 

Cette médaille offre une coïncidence particulière avec 
celle qui a été découverte dans une précédente sépul- 
ture. Toutes les deux sont du iv" siècle. La première, 



- 127 - 

de Maxime empereur et tyran des Gaules, en même 
temps que Gratien, le véritable empereur d'Occident, 
qu'il fit assassiner en 383. Maxime fut à son tour mis à 
mort en 3S8, ou, selon certains historiens, en 382. 

Cette date du iv® siècle prouve qu'à cette époque, dans 
notre pays, les sépultures se faisaient encore sous l'in- 
fluence des idées païennes, comme l'indique l'absence 
complète d'ossements, et par conséquent le mode d'in- 
cinération alors adopté. 

Nous avons précédemment signalé une certaine va- 
riété dans les sépultures, qui nous avait fait considérer 
la dernière comme étant celle d'un homme de guerre. 
Nous serions disposé à croire que celle-ci doit être 
attribuée à une femme, vu la présence des débris de 
collier, de bracelet, d'épingles, etc. 



\J.L 



LES BOUCHERS DE VENDOME 



ET 



LE PRIX DE LA VIANDE EN 1754 & 1761 

Par M. IsNARD. 



Ce n'est pas d'hier que les bouchers assurent qu'ils 
se ruinent, et manifestent une déplorable tendance à éle- 
ver périodiquement le prix de leur marchandise. 

De nos jours, lorsque ce désir de surenchérissement 
est universel dans la corporation, il leur est facile de 
s'entendre, entre confrères d'une même ville, et un beau 
matin le public apprend que la viande a augmenté de 10 
ou 20 centimes par kilogramme. Grand émoi parmi les 
ménagères : celles d'humeur calme se plaignent hum- 
blement et paient le prix demandé, celles d'un carac- 
tère plus vif ou plus difficile protestent, s'emportent, ré- 
criminent et, s'exécutant bientôt à leur tour, finissent 
par où les autres avaient commencé. 

Il n'en a pas toujours été ainsi^ et ce sera peut-être une 
satisfaction pour les consommateurs, archéologues ou 
autres, que d'apprendre ce qui se passa dans la bonne 
ville de Vendôme vers le milieu du siècle dernier, com- 
ment le bailliage et l'assemblée de ville surent mettre à 
la raison les bouchers du pays, et aussi ce qu'il en coû- 
tait pour faire la mauvaise tête. 

A cette époque, le commerce de la boucherie, non plus 
que tout autre commerce, n'était pas libre : le nombre 
des bouchers était déterminé, et le premier venu n'avait 



- 129 - 

point le droit d'ouvrir ni de tenir un étal. De plus, ce qui 
n'avait lieu que pour un certain nombre de marchandi- 
ses destink3es à l'alimentation, le prix de la viande était 
soumis à la taxe. 

Sur ce dernier point, le droit n'a pas changé (1) ; mais 
la pratique s'est profondément modifiée. La taxe de la 
viande est tellement tombée en désuétude, qu'il n'est 
peut-être pas une commune de France où elle ait encore 
lieu; c'est à peine si on en trouve quelques-unes où ait 
été conservée la taxe du pain, si générale encore il y a 
une quinzaine d'années. 

Dans tous les cas, ce n'est plus jamais aux membres 
de l'ordre judiciaire qu'incombe cette réglementation, 
mais bien à l'autorité municipale, et la magistrature ne 
regrette pas beaucoup qu'on lui ait enlevé cette attribu- 
tion (2). 



(1) La taxe de la viande est permise pat» l'art. 30 du titi*e I de la 
loi des 19-22 juillet 1791. Voir aussi l'art. 479 n" 6 du code pénal. 

(2) La compétence, en matière de police, des officiers du bail- 
liage mêlait les magistrats à des questions où on serait étrange- 
ment surpris de nos jours de voir intervenir l'autorité judi- 
ciaire. 

Puisque nous nous occupons de boucherie, on ne nous saura 
pas mauvais gré, pensons-nous, de révéler comment, d'après un 
ancien usage, était choisi, à Vendôme, le bœuf gras, qu'on appe- 
lait alors le bœuf ville. Ce choix rentrait dans les attributions du 
lieutenant général, et il y procédait, en présence du procureur 
du Roi, comme s'il se fût agi d'un véritable acte de juridiction. 

Au cours du mois de février, peu avant le carnaval, les bou- 
chers de la ville présentaient requête au lieutenant-général pour 
qu'il lui plût faire le choix du bœuf cillé ; le procureur du Roi 
entendu, les bouchers prêtaient serment de désigner, en leur 
honneur et conscience, l'animal le plus gras de ceux qui étaient 
exposés devant les grandes boucheries, et leur choix, sanctionné 
par une ordonnance du lieutenant-général, rendue sur les con- 
clusions du procureur du Roi, valait à l'heureux propriétaire une 
prérogative importante. On sait que, pendant le earcmo, les bou- 
chers ne pouvaient vendre de la viande, un seul d'entre eux 
avait le droit d'ouvrir son étal et de vendre sa marchandise dans 



- 130 — 

Arrivons aux faits que nous avons entrepris de ra- 
conter. 

Un règlement du 13 avril 1754 taxait à Vendôme 



l'intérêt des malades de la ville et de l'Hôtel-Dieu. C'était au pro- 
priétaire du bœuf ville qu'était conféré ce privilège ; mais le prix 
de vente était taxé. 

Nous voyons qu'en 1739, la taxe avait été fixée à 4 sols pour les 
bourgeois, et à 3 sols 6 deniers pour les malades de l'Hôtel-Dieu. 
A partir de 1745, nous ne trouvons plus de mention relative à la 
taxe dans les procès-verbaux du bœuf mile, ce qui ne veut certai- 
nement pas dire que la taxe fût abandonnée; il est plus proba- 
ble qu'elle était prononcée par une ordonnance .spéciale, ou 
qu'elle restait la même que celle en vigueur au moment du car- 
naval. 

La désignation par le lieutenant-général du bœuf ville n'avait 
d'autre intérêt que celui d'attribuer au boucher qui l'avait fourni 
la fourniture de la viande pendant le carême ; mais, en 1759, les 
bouchers demandèrent eux-mêmes qu'on supprimât « cet ancien 
usage, » qui était l'occasion de « dépenses ruineuses, » chacun 
cherchant à obtenir le privilège de vendre pendant le carême, en 
achetant des bœufs « d'un prix excessif » pour l'emporter sur les 
autres. Ils proposaient de tirer au sort celui d'entre eux qui au- 
rait, chaque année, la fourniture de la viande de carême. 

Le procureur du Roi fit remarquer que « le privilège exclusif 
« de vendre la viande pendant le caresme appartenoit de droit 
« aux hôpitaux et Hôtel-Dieu des villes où il y en a d'établis, 
« qu'ainsy en changeant l'ancien usage, » il y avait lieu « de faire 
« une adjudication auproffitde l'hôpital et de l'Hôtel-Dieu de cette 
« ville. « Les bouchers firent alors de nouvelles propositions, qui 
furent acceptée.s. On décida, en conséquence (procès-verbal du 
17 février 1759), que les grands bouchers rachèteraient le privi- 
lège de l'hôpital par une redevance annuelle de 100 livres « par 
forme d'abonnement, » et qu'on tirerait au sort celui d'entre eux 
qui aurait la fourniture, à charge de payer 50 livres à celui des 
petits bouchers qui serait également désigné par le sort. Mais, 
quand il s'agit d'exécuter cet arrangement, les bouchers s'y re- 
fusèrent, et le lieutenant-général mit en adjudication au rabais, 
au profit de l'Hôtel-Dieu, la fourniture de la viande pendant le 
carême. René Corbin fut le premier adjudicataire « à raison de 
« 4 sols 9 deniers pour le public et 4 sols 3 deniers à l'Hôtel-Dieu 
« et cent livres une fois payés » pour l'Hôtel-Dieu. (Procès-verbal 
du 22 février 1759.) 
Ce mode d'adjudication fut continué les années suivantes, et 



— 131 — 

la viande à 4 sols 6 deniers la livre. Les bouchers 
trouvaient que c'était trop bon marché; aussi, trois 
mois après, le 4 juillet, se présentaient-ils à l'hôtel de 
M. Gilles-François de Trémault, seigneur de Bella- 
tour, lieutenant civil et de police (2), dont le nom est si 
honorablement connu dans la magistrature vendômoise, 
pour lui représenter « qu'ils ne pouvoient plus donner 
« la viande » à ce prix, « qu'elle étoit augmentée dans 
« toutes les villes voisines, » et « que les veaux et mou- 
ce tons étoient plus chers qu'ils n'avoient jamais été » 
jusqu'alors. 

Le lieutenant - général répondit qu'il allait vérifier 
leurs allégations, et notamment écrire à son collègue de 
Tours pour s'informer de ce qui avait été fait dans cette 
ville. 

Dès le lendemain, les bouchers reviennent. L'un 
d'eux, René Corbin, qui semble avoir été le meneur 
dans cette affaire, demanda à M. de Trémault s'il avait 
écrit à Tours, et, sur sa réponse affirmative, il s'écria 
qu'il ne relevait pas de Tours, puis ils se retirèrent tous, 
« en murmurant bien haut le long de la rue. » 

Les bouchers — de l'ancien régime — s'étaient fait la 
réputation de n'être pas toujours très polis en paroles ; 
il fallait même qu'à une certaine époque leur intempé- 
rance de langage allât bien loin, car le Parlement avait 
cru devoir s'en mêler, et, par arrêt du 4 mai 1540, « il 
« fut fait défense à tous maîtres bouchers, détailleurs, 



s'il y eut encore à Vendôme un bœufmllé, il n'eut phis l'honneur 
d'être désigné, en grande cérémonie, par M. le lieutenant-géné- 
ral, en présence du procureur du Roi près le bailliage. 

En 1791, le droit de vendre pendant le carême était affermé par 
les administrateurs de l'Hôtel-Dieu, et le prix de vente soumis à 
la taxe de la municipalité; c'est ce qui résulte d'une ordonnance 
du 4 mars 1791. (Registre des sentences de police de la munici- 
palité de Vendôme déposé à la l)iI)liothêque publique.) 

(1) On sait que le lieutenant-général était le premier magistrat 
des bailliages royaux. 



— 132 — 

« leurs serviteurs et autres, vendant ou débitant cliairs, 
« d'injurier, outrager, dire aucun blâme aux personnes 
« qui d'iceulx achèteront, soit hommes^ femmes, filles, 
« serviteurs ou chambrières ou autres personnes quel- 
ce conques (1). » S'il en était ainsi à l'égard de leurs 
clients, que pouvaient attendre les autres ? Au bout de 
deux siècles, l'urbanité de Messieurs les bouchers lais- 
sait encore à désirer. 

Le 12 juillet, nouvelle démarche. La réponse de 
Tours était arrivée, et il est donné lecture aux récla- 
mants d'une lettre de M. le lieutenant de police « par la- 
ce quelle il nous marque, rapporte M. de Trémault, qu'il 
(' auroit fixé le prix de la viande à raison de 5 sols 6 de- 
(( niers depuis le samedy de Pasques dernier jusqu'au 
« 5 juin, où il l'auroit diminuée de 6 deniers. » 

La viande, qui valait 4 sols et demi à Vendôme, n'é- 
tait taxée que 5 sols à Tours, ville importante. Cela ne 
faisait pas l'affaire des bouchers. René Corbin, s'em- 
portant aussitôt, menaça le lieutenant-général, si l'aug- 
mentation n'était pas accordée^ d'aller à Orléans se 
plaindre à M^"" l'intendant, ajoutant qu'il lui ferait don- 
ner un curateur^ (c'était le traiter de fou), et que c'était 
par avarice qu'il refusait de faire droit à leurs réclama- 
tions. Les autres bouchers, qui étaient restés assez cal- 
mes jusque-là, s'en allèrent avec Corbin, en déclarant 
qu'ils ne tueraient plus jusqu'à ce que satisfaction leur 
eût été donnée. 

Le cas devenait grave ; le lieutenant-général en référa 
le jour même à ses collègues du bailliage, et incontinent 
on manda les bouchers « en la chambre du conseil du 
Palais royal de Vendôme. » Sur cette intimation, arri- 
vèrent aussitôt René Corbin, François Dehargne, Bailly 
et Loiseau (2), accompagnés de leurs femmes, ce qui 



(1) Code de la police par M. D..., conseiller du Roi, lieutenant- 
général de police (1758), verbo Bouchers. 

(2) Nous n'avons pas retrouvé les procès-verbaux relatifs au 



— 133 — 

n'était peut-être pas de nature à faciliter l'apaisement. 
Aux représentations de Messieurs, dont l'un se bornait 
pourtant «à demander qu'on attendît au moins la ré- 
ponse à une lettre qu'il avait écrite à Blois, toute la cor- 
poration persista à dire qu'ils ne tueraient plus, si on 
n'accordait pas une augmentation de 6 deniers. 

Décidément l'afîaire se gâtait, et les bouchers per- 
daient toute chance d'être écoutés. 

Il en fut délibéré de suite, et, sur les conclusions du 
procureur du Roi, M. Godineau, le bailliage rendit le ju- 
gement suivant : 

« Enjoignons auxdicts bouchers de tuer et garnir leurs 
« étaux de viande à l'ordinaire, demain six heures du 
« matin, à peine de soixante livres d'amende, au paye- 
ce ment de laquelle chacun d'eux sera contraint par vente 
« de leurs meubles et effets, même par emprisonnement 
« de leurs personnes, et à défaut par lesdits bouchers de 
« tuer et garnir leurs étaux, permettons à touttes per- 
ce sonnes de tuer, vendre et distribuer touttes sortes de 
« viande, ordonnons que dénombrement sera fait pré- 
« sentement des bestiaux de touttes espèces, étant en la 
« possession desdits bouchers, destinés à l'aprovision- 
« nement de laditte ville, qui seront délivrés aux particu- 
« liers qui se chargeront de tuer et vendre lesdittes 
« viandes à la charge d'en rendre compte à qui il appar- 
« tiendra. Et cependant ordonnons que pour les insolen- 
« ces et manque de respect commises par ledit René 
« Corbin, qu'il sera présentement conduit dans les pri- 
ée sons de cette ville et écroué sur le registre d'icelles à 
ee la requeste dudit procureur du Roy. » 

Voilà donc Corbin en prison. Le lendemain on l'inter- 



choix du bœuf ville de 1754 et e^es années précédentes ; celui du 
6 février 1755 fait figurer six bouchers: Frane^ois Dchargne, 
René Corbin, Pierre Lecomte, Pierre Loiseau, Jean Dui-and et 
Philibert Bailly; c'est deux de plus qu'il n'en était comparu de- 
vant le bailliage l'année précédente. 

XX 10 



— 134 — 

rogeait ; il était naturellement plus calme, très repen- 
tant, et offrait de faire des excuses au lieutenant-géné- 
néral. 

Les correspondances entre Blois et Vendôme met- 
taient un certain temps à s'échanger. C'est le 12 juillet 
qu'un de Messieurs du bailliage annonçait avoir écrit à 
Blois ; c'est seulement le 16 que la réponse put être 
communiquée au Tribunal, convoqué extraordinaire- 
ment pour en prendre connaissance. Cette réponse n'é- 
tait pas favorable aux bouchers, qui furent de nouveau 
mandés à la chambre du Conseil. Ils persistèrent à dire, 
mais poliment cette fois, « qu'ils pei'doientconsidérable- 
« ment sur le prix de la viande et qu'ils ne pouvoient 
<( continuer de la donner sur le même prix sans être 
« ruinés.... Sur quoi (dit le procès-verbal) nous leur 
(( avons démontré que le prix de la viande n'étant aug- 
(( mente dans aucune des villes voisines, leur exposé 
« n'avoit aucun fondement, pourquoy leur avons enjoint 
« de garnir leurs étaux à l'ordinaire aux peines portées 
« par notre ordonnance du douze du présent mois, saut 
« à faire telles moditications qu'il appartiendra dans la 
« suite, à quoy ils se sont soumis pendant quinze jours 
« pour satisfaire à la justice. » 

Le même jour fut réglée la situation de l'infortuné 
Corbin : dès le lendemain de son interrogatoire, il avait 
adressé au lieutenant-général une requête pour obtenir 
sa mise en liberté. 

Il le « supplie humblement » selon la formule usitée, 
s'excusant sur le vin qu'il avait bu plus qu'à son ordi- 
naire, et faisant valoir qu'il étoit « chargé d'une femme 
« et de six enfants qui ont besoin de sa présence et de 
« son commerce. » 

Comme tout magistrat personnellement mêlé de près 
ou de loin à une affaire, M. de Trémault crut devoir 
s'abstenir ; ce fut donc hors sa présence et sans son 
concours que, le 16 juillet, le bailliage examina la re- 
quête du malheureux René Corbin. 



— 135 — 

Snr les conclusions du procureur du Roi, l'ut rendue 
la décision suivante : 

« Tout veu et considéré, nous ordonnons que ledit 
« Corbin sera relaxé des prisons de cette ville à la charge 
« de s'y représenter vendredy prochain pour le lende- 
« main sabmedy estre conduit à notre audience de po- 
« lice, et là, teste nïie, y déclarer qu'imprudemment et 
« comme mal avisé il a manqué de respect à M. le 
« lieutenant-général et proféré les paroles indiscrètes et 
« injurieuses mentionnées au procès, dont il lui demande 
« pardon, et aussi à la charge de se soumettre à vendre 
« la viande au prix fixé par nos ord'^^* de police sous 
« plus grande peine et de payer les frais d'emprisonne- 
« ment et six livres au profit des prisonniers. » 

L'emprisonnement de René Corbin avait duré quatre 
jours, sans compter la réintégration, qui devait se faire 
du vendredi au samedi suivant, et il n'avait été d'aucune 
utilité pour sa cause ; la viande était restée au même 
prix. 

Le bailliage n'avait pourtant pas voulu enlever tout 
espoir d'augmentation aux bouchers ; il n'avait main- 
tenu la taxe de la viande à 4 sols l'a que « sauf à faire 
« telles modifications qu'il appartiendrait dans la suite, » 
et les bouchers eux-mêmes s'étaient soumis « seule- 
« ment pendant quinze jours pour satisfaire à la jus- 
« tice. » 

Ce délai expiré, y eut-il de nouvelles réclamations ? 
Nous ne savons; mais nous voyons, sept ans après, 
les mêmes difficultés se reproduire (1), non plus devant 
le bailliage, mais cette fois devant l'assemblée de ville, 
à laquelle trois bouchers avaient présenté une requête 
« tendant à une augmentation d'un liard par livre sur le 



(1) Nous devons à l'obligeance de M. A. de Trémault, ancien 
maire de Vendôme, membre de la Société Archéologique, la com- 
munication des pièces dont il est parlé ci-après. 



— 136 — 

« prix de la viande, ou qu'il leur fût permis de quitter 
« leur commerce (1). « 

Les noms des signataires de la requête nous sont con- 
nus. Ce sont Bailly, Dehargne (2) et la veuve de l'infor- 
tuné Corbin, qui, sans doute, avait succombé à la peine 
et aux effets de sa mauvaise tète. 

Le prix de la viande avait peu varié depuis 1754 ; l'aug- 
mentation n'avait été que d'un liard ou trois deniers; elle 
valait, en 1761, au moment où se passent ces nouveaux 
faits, 4 sols 9 deniers. 

L'assemblée des corps et communauté de Vendôme 
se réunit, le 12 avril 1761, sous la présidence du lieute- 
nant-général, et on décide que les requérants devront 
avant tout faire connaître s'ils consentent « à se confor- 
« mer à ce qu'il seroit délibéré par l'assemblée et à la 
« taxe de MM. de police, leur déclarant qu'à défaut de ce 
« ils demeureroient exclus à perpétuité du commerce de 
« la boucherie (3). » ^ 

Dehargne répondit aussitôt qu'il aimerait mieux quit- 
ter son commerce ; Bailly et la veuve Corbin se mon- 
trèrent plus traitables et acceptèrent les conditions po- 
sées, en déclarant toutefois « qu'ils n'étoient pas en état 
« de fournir la ville en entier, n'ayant point d'avances 
« suffisantes (4). » 

(1) Registres municipaux de la ville de Vendôme (Registre 16, 
^ 42 — 12 avril 1761). 

(2) Ce Dehargne ne doit pas être le même que celui que nous 
avons vu en 1754; ce dernier était appelé François, tandis que 
le Dehargne de 1761 doit se nommer Pierre^ d'après le procès- 
verbal d'adjudication de la viande pendant le carême, du 29 jan- 
vier 1761. C'était, probablement, le fils du précédent. 

(3) Registres municipaux (loco citato). 

(4) Il nous serait difficile d'expliquer comment il se fait que 
trois bouchers seulement avaient signé la requête présentée à 
l'assemblée de ville, et surtout comment Bailly et la veuve Cor- 
bin déclarent n'être pas en état de fournir la ville en entier, 
comme s'ils devaient rester seuls après le départ de Dehargne. 

Le procés-vcrlial d'adjudication de la viande pendant le carême, 



— 137 — 

« Sur quoi l'Assemblée ayant délibéré, a autorisé 
« Messieurs les Echevins à faire des avances de la 
« somme, de deux mille livres, soit aux bouchers ac- 
« tuels, s^it à ceux qui se présenteront, au cas qu'ils 
« n'aient pas de fonds suffisants, d'emprunter jusqu'à 
« concurrence, au moyen de ce que la viande restera 
« taxée sur le pied de quatre sols neuf deniers la livre... 
« Comme aussi ladite Assemblée a statué que ledit De- 
(( hargne demeureroit exclus à perpétuité du commerce 
« de la boucherie pour sa désobéissance et avoir été 
« soupçonné de complot. » 

Dehargne, à qui l'exemple de René Corbin n'avait pas 
servi, paraît-il, devait cependant l'imiter dans son re- 
pentir. Quatre jours après, il exposait à son tour « qu'il 
« avoit eu l'imprudence de déclarer en pleine assemblée 
« des corps et communauté de cette ville, le dimanche 12 
« présent mois, sa résolution de quitter la boucherie, et 
« de dire que désormais il ne tueroit plus.... que ré- 
« flexion faite et désirant continuer son métier de bou- 
« cher pour élever sa grosse famille, il avait supplié 
« M. le Heutenant-général de cette ville de le relever de 
« son exclusion, aux offres de sa part de se conformer 
» à la taxe faite de quatre sols neuf deniers par li- 
« vre (1) . » 

Un cœur contrit et humilié a toujours désarmé le cour- 
roux le plus légitime, et on sait que l'intérêt de la fa- 
mille du coupable pèse encore souvent dans la balance 



du 29 janvier 1761, énumère six boncliers : la veuve Corbin 
Pierre Lecomte, Pierre Loiseau, Jean Durand, Philbert Bailly et 
Pierre Deliargne. Nous retrouvons les mêmes noms sur le pro- 
cès-verbal du 29 férrier 17G2, moins celui de P. Loiseau. Il y 
avait donc au moins cinq bouchers et vraisemblablement encore 
six, aumois d'avril 1761, lors des faits qui nous occupent. 

Peut-être la distinction dc>> grands et petits bouchers que nous 
avons vu faire plus haut (p. 130, note) explique-t-elle cette diffi- 
culté, loH petits bouchers n'étant pas comptés. 

(1) Même registre, f* 43 v' (16 avril 1761). 



— 138 - 

de lajustice. L'assemblée des corps et communauté de 
Vendôme, réunie de nouveau à l'hôtel-de-ville, ne pou- 
vait se soustraire à ces miséricordieuses influences : 
« Toutes les voix recueillies, ladite assemblée a unani- 
« mement dit être d'avis que par grâce et en faveur de 
« la grosse famille dud. Debargne, il soit relevé de son 
« exclusion, aux soumissions par lui faites de se con- 
(( former à la taxe susdite et à toutes autres que Mes- 
« sieurs les officiers de police feroient à la suite. » 

Debargne fut donc solennellement remis à la tête de 
son étal, et la viande resta bien et dûment vendue par 
tous les boucbers 5 sols moins un liard. Pourquoi faut- 
il qu'on les ait laissés tant l'augmenter depuis (1)! 



(1) L'élévation du prix de la viande ne paraît pas avoir suivi, 
comme on pourrait le penser, un cours lentement progressif ; elle 
s'est surtout manifestée depuis une époque relativement ré- 
cente. ^ 

Nous venons de voir la viande taxée 5 sols moins un liard en 
1761; trente ans plus tard, elle n'avait augmenté que d'un sol et 
3 liards. On trouve sur le Registre des sentences de police de la 
municipalité de Vendôme, déposé à la bibliothèque publique, une 
ordonnance du Corps municipal, rendue, le 17 juin 1790, sur le ré- 
quisitoire du procureur de la commune, taxant la viande de boeuf, 
de veau et de mouton, à 6 sols 6 deniers la livre « sans que les 
« bouchers puissent y mêler ce qu'on appelle vulgairement ré- 
jouie, » et la viande de vache ou petite et basse viande à 4 sols 
6 deniers. 

Diverses ordonnances municipales élevèrent successivement 
le prix de la viande; le 22 avril 1791, le maximum fut fixé à 9 
sols pour le bœuf, et à 4 sols 6 deniers pour le veau, la vache et le 
monton. 

Enfin, le 2.3 juillet de la même année, le Corps municipal sup- 
prima la taxe, en ordonnant que la viande serait dorénavant ven- 
due librement et à « prix débattu..., à charge par ceux qui en fe- 
« raient commerce de payer patente et d'être soumis à des in- 
« spections municipales ou do police. » 

Cette date, représent.uit pour la boucherie vendômoise l'ère de 
la liberté, a donc son intérêt ; il est à remarquer que cette sup- 
pression intervenait précisément au moment même où une loi de 
l'Assemblée nationale (,16-22 juillet 1791) autorisait la taxe sur le 



— 139 — 

Ces deux épisodes de l'histoire du commerce local 
nous ont paru offrir un modeste mais réel intérêt ; on y 
voit au vif les usages et procédés du temps. Tout en nous 
gardant fjien d'enlever à ce récit la saveur qu'il peut 
avoir par de fastidieux commentaires, nous nous per- 
mettrons de faire remarquer ce cumul exercé par le 
bailliage du soin de rendre la justice et de faire des ar- 
rêtés de police, comme aussi ce qu'il y a d'étrange et 
de paternel dans cette juridiction qui ordonne l'empri- 
sonnement d'un délinquant pour injure à l'un des ma- 
gistrats, et qui le relaxe ensuite parce que le condamné 
témoigne de son repentir. Ce n'est pourtant pas un ren- 
voi pur et simple, car Corbin rentrera en prison tout ex- 
près pour venir faire amende honorable à l'audience, et 
de plus il paiera 6 livres pour les pauvres prisonniers. 

Comment se fait-il qu'en 1761, ce soit devant l'assem- 
blée de ville que les difficultés se reproduisent ? Nous 
aurions peine à l'expliquer, et nous nous bornerons à 
saluer sur son fauteuil M. le lieutenant-général, qui pré- 
sidait alors aussi bien le bailliage que l'assemblée des 



pain et la viande de boucherie, « sans qu'il soit permis, en au- 
« cun cas, de l'étendre sur le vin, sur le l)l(j et les autres grains^ 
« ni autres espèces de denrées. » Cette loi est toujours en vi- 
gueur, comme nous l'avons dit plus haut (p. 129, note 1). 

L'ordonnance du 23 juillet 1791 est le dernier document que 
nous ayons eu sous les yeux. Peut-être en trouverait-on d'au- 
tres dans les archives delà mairie de Vendôme. 

Nous ignorons si la taxe de la viande a jamais été rétablie en 
fait dans cette ville, et s'il intervint d'autres ordonnances ou 
règlements sur cette matière. 

Quoi qu'il en soit, d'après les souvenirs des Vendômois, le prix 
de la viande, en 1812, variait de 7 sols 1/2 à 8 sols 1/2, pour reve- 
nir à 8 sols en 1815 ; vers 1840, elle ne valait encore que 9 sols. 
L'accroissement du bien-être général^ qui a fait augmenter par- 
tout la consommation, et la facilité des communications, notam- 
ment les chemins de fer, qui favorisent l'approvisionnement des 
grands centres, ont été les causes principales d'une augmenta- 
tion rapide et considérable, dont il serait difficile de prévoir le 
terme. 



— 140 — 

corps et communauté de la bonne ville de Vendôme. La 
séparation absolue des pouvoirs judiciaires et munici- 
paux était alors ignorée. 

Nous ne céderons pas à la tentation de nous livrer à 
une dissertation approfondie sur les avantages et les 
inconvénients de la taxe. Le régime de la liberté du 
commerce, si prédominant de nos jours, était entière- 
ment méconnu il y a un siècle; cette liberté suppose 
nécessairement d'ailleurs celle de la concurrence, qui 
n'était pas possible avec le système des maîtrises (1). 

Une dernière réflexion nous permettra de remarquer, 
en terminant, quels ont été, en moins d'un siècle et demi, 
les progrès du bien-être. Il n'y avait, en 1754, que 4 ou 
peut-être 6 bouchers à Vendôme, tandis qu'il y en a ac- 
tuellement 9; la viande valait 4 sols et demi la livre, 
et le peuple ne pouvait en manger; elle vaut quatre fois 
de plus aujourd'hui (Of. 90 le demi-kilogramme), et il 
est bien peu d'indigents qui n'aient leur pl<^t de viande 
plusieurs fois par semaine. 



(1) Il semble résulter d'une déclaration faite, le 20 avril 1740, 
par les bouchers de Vendôme à l'assemblée de ville (Registres 
municipaux, reg. 12, f" 89 v°), qu'il n'y avait pas à Vendôme de 
maîtrises de bouchers. Il est assez difficile de comprendre sous 
quel régime se trouvait placé le commerce de la boucherie ; ce ne 
pouvait être cependant celui de la liberté, puisque nous avons vu 
ci-dessus (p. 133) le bailliage déclarer que, faute par les bouchers 
de tuer et garnir leurs étaux, i\ permettait à toutes personnes de 
tuer, vendre et distribuer toutes sortes de viande. Il n'est pas 
probable que ôiQ?< maîtrises he bouchers aient été créées de 1740 à 
1754. Nous avons feuilleté les minutes du bailliage, pendant vingt 
années, à partir de 1735, sans trouver de procès-verbaux de ré- 
ceptions de maîtres bouchers, iànà\?< qu'il en existe un grand nom- 
bre de joâ.it?siers-fcoMian^er,Sj traiteurs-rôtisseurs, tonneliers, tail- 
landiers, maréchaux , cordonniers, drapiers, gantiers, ciriers, 
harhiers-perrnquiers, etc. 



♦ NOTE 

SUR 



L'HIVER 1879- 1880 

Par M. NouEL, 
Professeur de Physique au Lycée de Vendôme. 

3' & dernière Partie (1) 



Après avoir, dans un premier chapitre, fait l'histoire 
du grand hiver 1879-1880, j'ai étudié dans une deuxième 
partie ses effets sur les animaux et les végétaux. Pour 
ces derniers, j'ai passé en revue : 1° les arbres et ar- 
bustes indigènes ; 2° les arbres et arbustes cultivés en 
grand. 

Il me reste, pour compléter ce travail, à examiner les 
effets du grand froid de décembre 1879 sur les plantes 
et arbres d'ornement. 

Il s'agit ici .d'espèces à peu près toutes étrangères à 
nos pays, et dont l'acclimatation pour beaucoup reste 
incertaine. Un grand nombre d'entre elles, d'introduc- 
tion récente, n'avaient jamais eu à subir l'épreuve d'un 
grand hiver (2). Il y avait donc là une riche moisson de 

(1) V. le Bulletin de 1880, p. 226, et le Bulletin de 1881, p. 56 

(2) On n'oubliera pas, en effet, que le dernier hiver comparable 
à celui-ci remonte à décembre 1788, époque à laquelle la majeure 
partie des arbres d'ornement qui peuplent aujourd'hui nos jar- 
dins et nos parcs étaient inconnus des horticulteurs. 



— 142 — 

faits nouveaux à recueillir. On trouve bien ça et là, dans 
le Bon Jardinier, quelques appréciations vagues sur la 
sensibilité au froid des arbustes d'ornement, telles que : 
sensible au froid, — craignant les hivers rigoureux 
sous le climat de Paris (laurier-cerise), etc.; mais nulle 
part aucun chifïre. — L'épithète rustique du même ou- 
vrage était, au contraire, comme un bill d'indemnité ac- 
cordé à certaines espèces relativement aux hivers de 
nos pays. Mais à plusieurs on aurait pu appliquer le 
mot prophétique du Roseau de la fable au Chêne or- 
gueilleux : 

... Vous avez jusqu'ici 

Contre leurs coups épouvantables 

Résisté sans courber le dos ; 

Mais attendons la fin.... 

Plusieurs de ces rustiques ont^ en effet, succombé 
sous les froids du mois de décembre 1879. 

J'espère pouvoir, comme pour les arbres '♦précédents, 
fixer avec une certaine précision la limite de tempéra- 
ture à laquelle les diverses espèces peuvent résister, et 
remplacer par des chiffres les appréciations vagues en- 
registrées jusqu'à présent. 

J'ai suivi, pour réunir les nombreux matériaux de ce 
travail, le même procédé qui m'a réussi pour les arbres 
indigènes, et que j'ai exposé dans la première partie de 
ce travail (1). J'ai visité avec le plus grand soin un cer- 
tain nombre de jardins et de parcs dont la température 
m'était bien connue, soit par des observations thermo- 
métriques, soit par dos comparaisons d'effets sur cer- 
taines espèces d'arbres, etj'ai pu arriver ainsi à compo- 
ser un dossier où chaque espèce a sa feuille spéciale, 
avec les documents qui tixentsa limite de résistance au 
froid entre deux chiffres voisins, compris dans la 
gamme de — 20° à — 30°. 

Presque tous ces documents ont été pris par moi- 
(1) V. Bulletin de 1880 p. 234 et suiv. 



— 143 — 

même et inscrits sur place en présence des phénomènes. 
J'espère donc avoir atteint tout le degré d'exactitude 
que comj^ortent ces observations, et je puis assurer le 
lecteur q«e chaque chiffre inscrit dans la suite de ce 
travail est le résultat d'une discussion approfondie de 
faits bien caractérisés, qu'il me sera impossible de pu- 
blier ici en détail, mais dont je possède et dont je con- 
serve la minute. 

Parmi les jardins ou parcs qui m'ont fourni la plus 
riche moisson de faits, je dois citer: à Vendôme, le 
jardin de M. Dessaignes, rue Poterie, et le parc du Ly- 
cée; le jardin de M. deTrémault, au Grand-Faubourg, 
la gare, l'hospice et mon propre jardin; le parc des 
Murs à M. Baillet, celui de Saint-Marc à M. Lange, le 
jardin de M. Weber à Courtiras ; — aux environs de 
Vendôme, le parc de Rochambeau (Thoré) ; Picolet (Na- 
veil) ; la propriété de M. Portier à Villiers ; le Coudray 
(Périgny); le château de l'Épau (Lisle), à M. de Sa- 
chy; Roc-en-Tuf (Ternay), à M. Biaise; le parc de 
Baillou, Saint-Amand, etc. ; — Tours et son jardin 
des plantes ; — à Orléans, plusieurs belles propriétés et 
le jardin des plantes. 

Je ne terminerai pas cette petite préface sans ajouter 
que partout où je me suis présenté, au nom de la science, 
pour procédera ma modeste enquête, j'ai reçu l'accueil 
le plus empressé et le plus aimable, et que non-seule- 
ment on m'a permis de visiter les propriétés, mais qu'on 
s'est mis à ma disposition pour me donner tous les ren- 
seignements possibles sur des arbres souvent morts et 
dont la connaissance aurait pu m'échapper, les parcs 
n'étant pas étiquetés comme les jardins botaniques. 

Aux noms des propriétaires que j'ai désignés ci-des- 
sus, je dois ajouter ceux de MM. Peltereau, notaire à 
Vendôme; Pilon, le jardinier - botaniste de Baillou; 
Bruneau, du Saint-Amand, et Duneau, le jardinier en 
chef du jardin des plantes d'Orléans, qui m'ont fourni 
de précieux renseignements. 



— 144 — 

Que toutes ces personnes, et en général toutes celles 
dont l'obligeance m'a été utile veuillent bien accepter ici 
l'expression de mes sincères remercîments (1). 

Pour faciliter les recherches à mes lecteurs, je suivrai 
dans tout ce qui va suivre, la nomenclature du Bon 
Jardinier, dernière édition, 1881. 

Je commencerai par les Conifères (vulgairement 
dits Arbres verts). 

ESPÈCES SPONTANÉES EN FRANCE. 

Abies excelsa, vulgairement épicéa, n'a souffert nulle 
partj même à 30° (2). 

Abies pectinata, sapin commun, des basses monta- 
gnes. La plupart ont résisté; j'en ai vu qui ont souffert 
à Rochambeau, à Vendôme dans l'îlot au-dessus du 
pont Saint-Georges, et aux Murs. Ces arbnes n'étaient 
pas dans leur milieu naturel. Ils doivent résister à — 28° 
dans les montagnes? 

Larix europœa, le mélèze, à feuilles caduques des 
hautes montagnes, a parfaitement résisté partout. 

Plnus Laricio, pin de Corse, a un peu souffert dans le 
val d'Orléans, — 28°. 



(1) Il a paru, dans la /Jcumc horticole, année 1880 et premiers 
numéros de 1881, une série d'articles de divers horticulteurs sur 
les effets de l'hiver 1879-1880. Plusieurs ont donné, d'une parties 
chiffres de température minima observés dans leur jardin, et, 
d'autre part, la liste des végétaux atteints ou indemnes. Je n'ai 
tenu compte dans ce travail que d'un seul de ces articles, rédigé 
par M. Dauves.8e, grand pépiniériste à Orléans (V. la Reoue pour 
1880, p. 366), dont les cultures occupent une région que j'ai étu- 
diée avec soin, et qui rentre dans le cercledemes observations. 

(2) M. de Rochambeau me prévient (mai 1881) que plusieurs 
grands épicéa isolés dans ses vastes pelouses perdent leurs feuil- 
les et paraissent devoir succomber. Leur aspect était irrépro- 
chable en 1880. Ces arbres ont dû supporter — 30°. 



— 145 — 

Le Pinus pyrenaica Lapey., qui n'est peut-être qu'une 
variété du précédent, n'a pas souffert dans les mêmes 
pépinières à Orléans. 

Le Pinus austriaca, pin noir d'Autriche, espèce voi- 
sine de la précédente, n'a souffert nulle part. Ex. à Hu- 
chigny. 

Pinus Pinea, pin pignon de la région méditerra- 
néenne. « Il souffre quelquefois du froid sous le climat 
de Paris. » Bon Jard. — Il a gelé partout à l'hiver 1880; 
à Orléans et même au parc de Renay (Peltereau), où le 
froid n'a pas dépassé — 24°. J'estime à — 22° environ 
la limite de résistance de cet arbre. 

Taxus baccata, if. Cet arbre, cultivé partout et sou- 
mis aux tailles les plus fantaisistes, a offert des diffé- 
rences très grandes quant à la résistance au froid. Je 
crois être arrivé à m'expliquer ces différences d'effets 
en classant les sujets en deux catégories : 1° ceux qui ne 
sont pas taillés et à longs rameaux écartés ; ceux qui 
sont taillés en formes massives impénétrables. 

Les premiers ont gelé dans beaucoup d'endroits, et ne 
me paraissent pas pouvoir supporter plus de 25° de 
froid ; les autres ont beaucoup mieux résisté, et sup- 
portent peut-être jusqu'à 28°. Ces derniers ont dû être 
préservés en partie du froid par le massif lui-même et par 
la neige qui a dû s'y maintenir; circonstance qui n'a- 
vait pas lieu pour les premiers. Ceci expliquerait com- 
ment les individus taillés étaient souvent grillés à la sur- 
face du côté du soleil, qui a dû fondre la neige de ce 
côté. A l'appui de cette explication, je citerai quelques 
pieds que j'ai observés à Vendôme qui étaient taillés en 
cône serré en bas et surmontés d'une gerbe de branches 
naturelles. Ces branches étaient gelées, tandis que le 
cône inférieur était encore vert, ce qui faisait un con- 
traste singulier avec les autres arbres verts, roussis 
dans la partie inférieure et verts au sommet. 

On peut voir au jardin de l'hospice de Vendôme de 



— 146 — 



vieux ifs taillés, certainement séculaires, et qui ont 
échappé au froid de décembre 1788 et de décembre 1879. 
Ils ont supporté 25° de froid. 



ESPECES ETRANGERES A LA FRANCE. 

Commençons par les cèdres orgueilleux, ab Jove 
prlncipium. On en cultive trois espèces : 

Le cèdre du Liban, à feuillage sombres et à branches 
étalées horizontalement, le plus anciennement connu ; 

Le cèdre de l'Atlas ou cèdre argenté, abondant en Al- 
gérie et introduit en France depuis 1842 ; pour la plu- 
part des botanistes, ce cèdre n'est qu'une variété ou une 
race du cèdre du Liban ; 

Enfin le cèdre Deodara (1) ou de l'Hymalaya, à ra- 
meaux grêles et pendants. 

Ces trois espèces ou races peuvent être classées dans 
l'ordre suivant quant à la résistance au froid : 

1° Le cèdre du Liban, qui, adulte, supporte — 25 
sans autre dommage que la perte d'une partie de ses 
feuilles. A partir de — 28°, il me paraît perdu. Ex. Or- 
léans ; à Vendôme, le cèdre de Saint-Marc, etc. 

2° La variété Atlantica, qui serait un peu plus sen- 
sible que le précédent. Ex. à Champigny, chez M. Des- 
saignes : des cèdres de l'Atlas, venus de graines rap- 
portées d'Algérie en 1843 par M. Victor Renou, frère du 
savant météorologiste, sont morts (renseignement de 
M. E. Renou). C'est à cette variété que je rapporte le 
cèdre de la propriété de M. Baillet aux Murs, et qui est 
également mort. 

3** Le Deodara. Celui-là est bien plus sensible au 



o 



(1) On l'entend nommer partout Deodora, et ce nom est môme 
imprimé dans la Flore des environs de Paris, par MM. Cosson 
et Germain. Son vrai nom est Deodara, nom sanscrit qui signi- 
fie arbre divin. — V. Spach, Histoire naturelle des végétaux, 
tome II, p. 430 ; et le Bon Jardinier. 



— 147 — 

froid que les précédents. Il a gelé partout dans notre 
pays et à Orléans au-dessous de — 25°. A Tours ( — 20° 
à — 22°, les Deodara ont résisté, quoique ayant un peu 
souffert. A Autrèche (Indre-et-Loire) ( — 22° ?) quelques 
pieds résistent (Peltereau). Enfin, à l'Épau, chez M. de 
Sachy, on peut voir (mai 1881) deux cèdres Deodara qui 
ont résisté quoique ayant souffert. — 22° me paraissent 
la limite que cet arbre peut supporter sans périr. 

Après les cèdres, disons un mot des Séquoia, ces 
géants du monde végétal. 

Séquoia gigantea Endl. {Bon Jardinier) , plus 
connu des horticulteurs sous le nom de Wellingtonia 
Lindl. (1). 

Ce bel arbre, introduit à Paris vers 1857, est mainte- 
nant fort répandu dans les parcs. L'hiver 1880 lui a été 
fatal presque partout dans nos pays. 

Il résulte pour moi de la discussion d'un grand nom- 
bre de faits qu'à — 28° il est gelé, sauf quelques cas de 
résistance individuelle. 

Les grands individus résistent à — 25° ; les jeunes pé- 
rissent. 

A — 22°, ils sont tout à fait intacts. Ex. à la Tuilerie, 
près de la maison de M. Mac-Léod; à Tours, au jardin 
des plantes. Sur beaucoup de sujets les branches basses 
au-dessus de la neige ont péri, à cause du froid plus 
grand de cette couche, tandis que la tête a résisté. 

Séquoia sempervirens Endl. Plus sensible au froid 



(1) Une rivalité d'orgueil national s'est établie autour du nom 
à imposer à ce géant de la Californie. Les indigènes l'avaient 
nommé Séquoia, du nom d'un chef indien de la tribu des Chéro- 
kees, et ce nom a été adopté par Endlicher dans son Gênera. 
Postérieurement, Lindley, botaniste anglais, l'a baptisé Welling- 
tonia; l'orgueil américain a protesté et a adopté Washincjtonia. 
Il est au moins singulier (lue les amateurs français semblent 
vouloir confirmer l'usurpation anglaise et consacrer une gloire 
acquise à nos dépens. 



— 148 — 

que le précédent, a gelé môme au parc des Haies à Au- 
trèche (Indre-et-Loire) (Peltereau), où la température ne 
me paraît pas avoir dû dépasser — 22°. Dans cette loca- 
lité, l'arbre n'est pas entièrement mort ; il repousse du 
tronc. — 24° serait sans doute sa limite définitive. 

Abies Pinsapo. Ce bel arbre des montagnes de l'An- 
dalousie fait l'orgueil des grandes pelouses. Plusieurs 
ont été gravement endommagés, surtout dans une zone 
de0™,50 au-dessus de la neige; quelques-uns ont péri 
dans les points les plus froids. J'estime que jusqu'à 

— 25° il n'a pas souffert: ex. de beaux individus du parc 
de Baillou, plantés en 1862. Dans les points où il a fait 

— 28°, il a été gravement atteint. 

Abies Smithiana, plus connu sous le nom de Mo- 
rm(i<^, nom qu'il porte dans l'Hymalaya, sa patrie. En- 
tièrement gelé à — 28° (Orléans) ; a résisté à — 22° (Au- 
trèche, Indre-et-Loire). 

Abies bracteata de la Californie. Gelé rnême à Au- 
trèche, — 22°. 

Araucaria imbricata du Chili. Ce bel arbre, dont la 
naturalisation n'était qu'un essai, a péri partout où il a 
gelé au delà de — 22°. On peut en voir au jardin des 
plantes de Tours un bel individu de 4 mètres, qui n'est 
qu'un peu roussi dans la couche basse et qui végète vi- 
goureusement (avril 1881). — 20° me paraît être sa li- 
mite de résistance. 

Cliamœcyparis Lawsoniana ou Cupressus Lawso- 
niana, bel arbre de Californie, d'introduction récente et 
des plus rustiques, dit le Bon Jardinier. 

Un jeune sujet a gelé complètement hors la neige 
dans le Grand-Faubourg, — 28°. Un magnifique indi- 
vidu a bien résisté chez M. Lemercier, sauf quelques 
branches basses ; un pied bien intact existe à la sous- 
préfecture, — 24°. Cet arl)re résiste donc bien jusqu'à 
— 26° au moins ; sa dernière limite serait — 28°. 

Cryptomcria japonica. Intact jusqu'à — 22° (Tours); 



— 14*) — 

souffre sans périr à — 25° (Bâillon) ; entièrement gelé 
à — 28° (Orléans). 

Capr^essus sempcrvirens Lin., vulgairement cyprès. 
Cet arbre, dont l'aspect sombre convient si bien à la ma- 
jesté des cimetières, a gelé partout dans nos pays. Sa 
limite de résistance au froid ne dépasse certainement 
pas — 20°. C'est dire qu'aucun cyprès, dans le nord de 
la France, ne traverse deux grands hivers. Un sujet 
énorme, dont le tronc avait la grosseur du corps, se 
voyait au milieu du jardin de l'hospice de Vendôme ; il 
a été arraché et scié. J'ai pu compter les couches annuel- 
les du bois et m'assurer qu'il avait au plus 75 ans. Dans 
cet intervalle il a eu à supporter — 17° à — 18°; mais il 
n'avait pas vu — 20°. 

Juniperus Virginiana, vulgairement cèdre de Virgi- 
nie. Cet arbre très rustique a résisté complètement dans 
des lieux où la température est descendue à — 28°. J'en 
ai vu dans les massifs de Roc-en-Tuf qui étaient plus 
ou moins atteints ; ils ont dû subir — 30°. 

Pinus Coulteri, des montagnes du sud de la Califor- 
nie. Gelé complètement au-dessous de — 25° ; a beau- 
coup souffert à Autrèche, Indre-et-Loire, — 22° (Pelte- 
reau). 

Thuia occidentalis, Thuia commun (Amérique du 
Nord). A généralement résisté partout jusqu'à — 28°. 
J'ai noté un gros thuia gelé à Orléans dans un point ex- 
ceptionnellement froid, qui a dû voir — 30°. Ce serait sa 
limite. 

Biota orientalis Endl., Thuia de la Chine, et sa va- 
riété naine, Biota aurea. D'une manière générale, on 
peut dire que cet arbre a résisté jusqu'à — 28°. Quelques 
pieds ont souffert dans des circonstances exception- 
nelles. 

Thuia cjigantea de la Californie. Cet arbre, d'iuii»)!*- 
tation récente, a mal supporté le grand hiver. Au-des- 

XX 11 



— 150 — 

sous de — 25", il est mort ; mais à — 22° (L'Èpau et Au- 
trèche), il n'a pas souffert. 

Je terminerai ce premier chapitre par une liste, trop 
courte, hélas! des espèces d'arbres verts d'ornement 
qui ont supporté sans faiblir les températures les plus 
basses de l'hiver 1880, c'est-à-dire — 30°. 

Abies alba et nigra des États-Unis; 

A hies Nordmanniana de la Géorgie : 

Pinus Strobus ou Pin du Lord (Canada) ; 

Salisburia adiantifolia ; ginko bilobaLin., à feuilles 
caduques (Japon) ; 

Taxodium distichum, cyprès chauve. 

Heureux les arbres qui n'ont pas d'histoire ! 

Amentacés ou Arbres à chatons. 



> 



Parmi le très petit nombre d'espèces cultivées dans 
les parcs, je citerai : 

Broussonetia papyrljera, mûrier à papier (Chine et 
Japon). Gelé à — ,28° (Orléans). 

Morus alba^ mûrier des vers à soie. De très vieux su- 
jets plantés àMeslayet à Saint-Firmin en plein champ 
n'ont pas gelé. Ils ont dû supporter — 28°. 

Près du château d'Huchigny, le jardinier m'a montré 
un mûrier blanc qui était bien mort ; il a fait peut-être 

— 32° en ce point. La limite du mûrier serait donc 

— 30°? 

Morus nigra, cultivé pour ses fruits : originaire de 
Perse. Plus sensible au froid que le précédent; a péri 
partout au-dessous de — 25°. 

Populus angulata, peuplier de la Caroline, Cet arbre 
majestueux supporte mal les grands froids. A Roc-en- 
Tuf, — 30°, j'en ai vu d'entièrement morts ; ils n'ont 
pas souffert 'à l'Épau, —22°. 



* 



— 151 — 

Querciis Ilex, chêne vert, à feuilles de houx, persis- 
tantes. Midi et sud-ouest de la France. Je n'en connais 
pas qui aient résisté. Sa limite ne doit pas dépasser 
— 20°. 

Qnercus Suber, chène-liège. A la propriété de l'Épau, 
il existait un certain nombre de beaux sujets de cette 
espèce, plantés il y a environ quarante ans. Plusieurs 
pieds ont essayé de végéter en 1880, et ont développé 
quelques feuilles nouvelles pour remplacer les ancien- 
nes, toutes gelées; mais, au printemps de 1881, cet 
essai de vie n'a pu se renouveler, et on a dû les abattre. 
On voit que la température de — 22°, que je suppose 
avoir été le minimum en ce point, dépasse un peu la li- 
mite de résistance de cet arbre essentiellement méridio- 
nal, et qui ne doit pas pouvoir supporter sans dommage 
au-dessous de — 18°. 



Classe des Légumineuses. 

Acacia JulibiHsin, mimosa J. Lin. Un très beau su- 
jet a péri chez M. Ch. Chautard, place du Bourg-Neuf, à 
Vendôme, — 25°. Cet arbre est regardé comme sensible 
au froid. 

Cercis Siliqaastrunij arbre de Judée. Région médi- 
terranéenne. A gelé partout où le froid a atteint 25°. Ici, 
comme pour les noyers, les jeunes sujets sont les plus 
résistants. A Tours, j'en ai vu en pleine iieur (avril 
1881) au Jardin botanique, où le minimum n'a pas dû 
atteindre plus de — 22°. D'après mes observations, cet 
arbre, jeune, peut supporter — 25° ; vieux, il périt à 
— 23°. 

Ces faits sont pleinement confirmés par le suivant : 
on pouvait voir, en août 1880, au Jai'din des Plantes de 
Paris, dans une allée du côté delà gare d'Orléans, une 
dizaine de sujets de cette espèce, mourant de vieillesse 
et d'infirmités ; l'un d'eux portait une pancarte où l'on 
lisait : Arbres de Judée plantés en 1775 sous Buffon, 



— 152 — 

endommarjé^ par le froid de — 23° du 9 décembre 
1871 et par le froid du 10 décembre 1879, — 25°. On 
voit donc que ces arbres, Jeunes^ ont traversé le froid 
de décembre 1788, qui a été équivalent à celui de dé- 
cembre 1879, c'est-à-dire de 25° ; mais que, vieux, ils 
ont succombé. 

Colutea arborescens Lin. Baguenaudier. Je l'ai vu 
gelé dans un point où. il a dû faire — 24 : à l'Épau, 

— 22°, j'en ai vu d'indemnes. 

Cytisus Laburnum Lin. Faux-ébénier. Résistance 
assez variable, suivant l'âge; il faut aussi tenir compte 
de l'influence pernicieuse des massifs. Cependant, j'ai 
la preuve que sa limite de résistance extrême serait 

— 28°. AHuchignyet à Roc-en-Tuf (— 30°), aucun n'a 
survécu. A — 25°, aucun n'a fleuri. J'en ai vu, enfin, en 
fleur, qui n'avaient pas dû subir plus de — 23°. 

Gleditschia sinensis oujerox, de la Chine. Je n'en ai 
vu que d'indemnes, notamment un pied à Strtnt-Amand, 
arbre de 60 ans, m'a-t-on dit, et qui a supporté — 26°. 
Arbre très rustique par conséquent. 

Glycine sinensis Lin. Glycine. Gelé presque partout. 
Limite variant avec l'âge. Des observations faites dans 
mon jardin m'ont prouvé que les vieux brins ne suppor- 
tent pas plus de — 22°; les brins plus jeunes résistent 
jusqu'à — 25°; mais dans ces conditions aucune n'a 
fleuri. J'estime qu'à partir de — 20°, les bourgeons à 
fleur sont gelés. 

Robinia viscosa et Robinia hispida (acacias roses). 
Ces deux arbres de la Caroline paraissent très rusti- 
ques. J'en ai vu en fleur (juin 1880) à la gare de Ven- 
dôme, où il a fait — 28°. 

Styphnolobium Japonicum, sophora du Japon. Es- 
pèce très rustique, a résisté à — 28°. 

Classe des Rosacées, 

Cerasus Lauro-cerasus Juss., viilg. laurier-cerise^ 
des provinces caucasiennes. Cet arbre à grandes feuil- 



— 153 — 

les persistantes a gelé partout. Le Bon Jardinier met : 
« Craignant les hivers rigoureux sous le climat de Pa- 
ris. » Au Jardin des Plantes de Tours, quelques lau- 
riers-cerfses ont conservé des branches; ouest donc à 
la limite, que j'estime à — 20". Je crois que cette plante 
ne souffre pas jusqu'à — 18". 

Cerasus Lasitanica, vulg. laurier de Portugal, quoique 
originaire de l'Amérique, Feuilles persistantes. A gelé 
presque partout. Sa résistance au froid est un peu plus 
grande que celle de l'espèce précédente. Ainsi, à l'Épau 
(mai 1881), j'en ai vu plusieurs grands pieds de 4 à 5 
mètres, dont les grosses tiges ont repoussé l'année 
dernière et continuent à' vivre cette année. La plupart 
des jeunes rameaux sont morts, et toutes les feuilles 
étaient tombées en 1880. On touche donc là à sa limite 
extrême, qui serait environ — 22°. 

Cerasus Mahaleb, bois de Sainte-Lucie, presque in- 
digène, a résisté partout, môme à — 30°. J'ai surpris ce- 
pendant un sujet atteint dans un petit bois, prèslaFou- 
caudière (Villiers), où le froid a été de — 30° au moins. 

Cerasus Padus, merisier à grappes. Cet arbuste, in- 
digène à l'est de la France, était en fleur dans les parcs 
dès le commencement d'avril 1880. 

Chœnomeles Japonica, coignassier du Jabon. Étalait 
partout ses grandes fleurs rouges dès la fin de mars 
1880. Résiste à plus de 28° de froid. 

Cratœgus oxyacantlia, ya,r. roseaplena; épine rose 
double. Des sujets ont souffert à —28° (Orléans). J'en 
ai vu un individu gelé à Roc-en-Tuf ( — 30°). 

Cratœgus pyracantlia, buisson ardent, du midi de la 
France. Cet arbuste, à feuilles généralement persistan- 
tes, a succombé partout à — 28°. Je n'ai pas assez d'ob- 
servations pour fixer sa limite exacte. 

Kerria Japonica, vulg. corchorus. ,1c l'ai vu gelé 
complètement chez M. Coquelin à Picolet (—27°), et dans 



- 154 - 

mon jardin en partie, à — 24°. Sa limite serait donc 
— 25° environ. 

Rosières cultivés. On pourra voir dans la Revue hor- 
ticole, année 1880, des listes très complètes des variétés 
de rosiers et des effets du froid sur elles. 

Sorbus aucuparia , sorbier des oiseaux, indigène au 
nord de la France. A résisté même à — 28°. 

Le Sorbus hy brida de laLaponie est intact partout. 

J'ai peu de renseignements sur les Spirœa^ dont la 
plupart des espèces ont bien résisté. 

Pour tous les autres arbres ou arbustes distribués 
dans un grand nombre de familles, je les partagerai en 
deux groupes :\ 1° ceux qui perdent leurs feuilles l'hi- 
ver ; 2° ceux qui ont les feuilles persistantes. Pour cha- 
que groupe, je suivrai l'ordre alphabétique comme dans 
le Bon Jardinier. 



Arbres & Arbustes à feuilles caduques. 

yEsculus rubicunda^ marronnier rose, de l'Amé- 
rique boréale. N'a aucunement souffert au Lycée, — 24°. 
Je le regarde comme très résistant. 

Ailantus glandulosus Desf., vulgairement mais faus- 
sement, vernis du Japon ; est originaire de la Chine. 
Je n'en ai pas vu de gelé; doit supporter au delà de 

— 30°. 

Althœafrutex Hort., du Levant. A Huchigny, àRoc- 
en-Tuf, où il a fait — 30°, cet arbuste est complètement 
mort. Il est parfaitement intact au Temple (Vendôme), 
où il n'a pas fait plus de — 22^. J'établirai sa limite vers 

— 25°; elle varie, d'ailleurs, avec l'âge du sujet et son 
état de vigueni'. 

Catalpa birjnoaioides de la Caroline. Très résistant. 
On en peut voii- un pi(3d vivant aux Fontaines, à Cour- 



* 



— 155 — 

tiras, qui a certainement supporté — 30". J'en ai vu 
un vieux pied mort à Roc-en-Tuf, où la température a 

été la même. 

• 

Cissus quinquefolia, vigne vierge, de l'Amérique du 
Nord. A résisté partout. 

Deutzia crenata Sieb., du Japon. Ceux du Musée à 
Vendôme n'ont pas souffert à — 24° ; mais à Roc-en- 
Tuf, à — 30°, ils ont gelé. Ils ont beaucoup souffert à 
Orléans à — 28°. On peut admettre que cette espèce 
reste indemne jusqu'à — 26°. 

Forsythia viridissima, de la Chine. A fleuri presque 
partout au printemps 1880, même à Orléans ( — 28°). Je 
l'ai vu gelé chez M. Biaise à Roc-en-Tuf. —30° serait 
sa limite. 

Jasminum fruticans. Jasmin jaune, de la région mé- 
diterranéenne. Je l'ai vu gelé dans mon jardin à — 23°, 
J'estime qu'il périt à partir de — 20°. 

Jasminum officinale. Jasmin blanc d'Orient. Même 
limite que le précédent. 

Ligtistrum Japonicum. Troène du Japon. Gèle faci- 
lement, ex. au Musée de Vendôme, le long d'un grand 
mur exposé au sud, où la température n'a pas pu des- 
cendre au-dessous de — 22°. Sa limite pourrait être en- 
tre — 18° et — 20°. 

Liriodendron tulipifera ; le tulipier, spontané delà 
Virginie jusqu'au Canada. A complètement résisté par- 
tout, même à — 30°. 

Lonicera. Les divers chèvrefeuilles ont bien résisté 
partout. J'ai noté cependant le Lonicera chinensis (Bon 
Jardinier j 1868), gelé à Roc-en-Tuf à — 30°. 

Negundo aceroides Mœnch., vulg. negundo, de l'Amé- 
rique du Nord. A résisté et a fleuri partout. 

Ornus Europœa Pers. Frêne à fleurs. Intact à Or- 
léans ( — 28°), aurait gelé à Roc-en-Tuf ( — 30°). 



— 156 — 

Ornas rotandifoiia Pers. Frêne à la manne, de la ré- 
gion méditerranéenne, n'a pas gelé, allée de Rocham- 
beau (— 28°). 

Paulownia imperialis Sieb., du Japon. Introduit au 
Muséum de Paris en 1834. « Les boutons à fleurs se 
montrent en automne, ce qui les expose à être atteints 
par les froids très rigoureux. )> {Bon Jardinier.) Aucun 
n'a fleuri, en eff'et, dans nos pays ; mais la plupart ont 
résisté au froid et fleurissent en 1881. Je n'en ai vu de 
tout à fait gelés qu'en des points où la température est 
descendue à — 28° ou — 30°, comme à la gare de Ven- 
dôme, auxFontaines à Courtiras. 

Les Pâma macrostachya Qijlava, de la famille du 
marronnier d'Inde, me paraissent aussi résistants que 
lui. Je n'en ai pas vu qui aient souffert. 

Punica Granatum Lin., grenadier, originaire d'O- 
rient et naturalisé dans la région méditerranéenne. 
Gelé partout. Il en existe, dans mon jardin, lîn très vieux 
sujet à fleurs doubles dont j'ai pu connaître l'histoire. 
Il avait gelé en 1789 et avait été coupé au pied ; il vient de 
périr une seconde fois, et je crains que ce vieux phœnix 
ne puisse pas de nouveau renaître de ses cendres. La li- 
mite de cet arbre serait pour moi 18 à 20° de froid. 

Philadelphus coronarius , vulg. seringat, de l'Europe 
orientale méridionale. A. fleuri partout au mois de mai 
1880. Très rustique, 

Rhus Cotinus, sumac fustet, du midi de la France. 
J'en ai vu d'intacts dans les points les plus froids, à Roc- 
en-Tuf par exemple. Un vieux sujet avait succombé à 
Morillon (Azé), où le froid a dû être de — 30°. En ré- 
sumé, très résistant : les jeunes pieds peuvent suppor- 
ter — 30°. 

Rhus Typhina, sumac de Virginie. A résisté aux 
plus grands froids, — 28° et — 30°. 

Ribes sanguineum, cassis rose. Ce joli arbuste, qui 
fleurit au premier printemps^ indiquait dès le mois de 






— 157 — 

mars les points les plus froids ou les moins froids, 
suivant qu'il était atteint ou qu'il avait résisté. Je fixe 

sa limite vers — 25°. 

* 

Staphylea pinnata Lin., faux pistachier. Spontané 
dans les forêts des bords du Rhin ; n'a gelé nulle part, 
môme à — 30°. 

Symphoricarpus racemosa Mich. Symphorine, du 
Canada ; n'a pas souffert à ma connaissance. 

Si/ringa ou Lllas. Les diverses espèces : Lilas com- 
mun, Lilas de Perse, Lilas Varin, n'ont aucun mal. 

Tamarix gallica L. Littoral de la Méditerranée. 
(( Quelquefois le grand froid fait périr sa tige, mais il 
repousse du pied. » {Bon Jardinier.) J'attribue à cette 
espèce un sujet coupé au pied, gare de Saint-Amand, 

— 26°. 

Tamarix indica ou elegans. C'est à cette espèce que 
je rapporte les grands tamarix, à longues panicules ro- 
ses, que je vois à Vendôme. Ils ont résisté, en perdant 
quelques rameaux, jusqu'à — 28°. A Roc- en -Tuf 
( — 30°), j'en ai vu d'entièrement gelés. 

Tecoma radicans, famille des Bignoniacées, de Vir- 
ginie. A succombé à Roc-en-Tuf et à Orléans à — 28 ; 
a vécu dans mon jardin à — 24°. 



Arbres & Arbustes à feuilles persistantes. 

C'est dans ce groupe, qui faisait l'ornement des mas- 
sifs en hiver, que les dégâts sont le plus considéra- 
bles; presque aucune espèce n'a résisté. 

Arbutus Unedo, arbousier, des Pyrénées et du litto- 
ral de l'Océan. Gelé partout, même à l'Épau (22''). Il n'a- 
vait pas gelé à Roc-en-Tuf en janvier 1876 ; or le ther- 
momètre, qui a atteint — 16° à cette époque dans la ville 
de Vendôme, n'était-il i)as descendu à — 20° n Roc-cn- 
Tuf? Ce serait vraisemblablement sa limite. 



— 158 - 

Aucuba Japonica. Cet arbuste, d'introduction assez 
récente, a gelé partout hors la neige. Sa limite de résis- 
tance doit être entre — 16", qu'il a supportés antérieure- 
ment, et — 20°. 

Buxus Balearlca, buis de Mahon. Plus sensible au 
froid que le buis ordniaire. .Je n'en ai vu que de gelés ; 
à Bâillon, il a gelé à — 25°. 

Cerasus Lauro - cerasus. Laurier - cerise. Limite, 

— 18°. 

Cer^asus Lusitanica, Laurier de Portugal. Limite, 

— 20°. 

(Pour ces deux espèces, voir plus haut à Rosacées.) 

Evonymus Japonicus. Fusain du Japon, Var. à feuil- 
les panachées. « Il n'est pas entièrement rustique à Pa- 
ris. » (Bon Jardinier.) lia gelé partout, même à Tours, 
dans un grand square dont le froid a au plus atteint 

— 22°. Sa limite devra être cherchée entre — 16° et 

— 20°. 

Laurus nohilis Lin., dont les feuilles du front des 
guerriers et des poètes sont prosaïquement descendue s 
dans les sauces ! Delà région méditen-anéenne. Gelé 
partout. Limite entre — 15° et — 20° 

Magnolia (jrandiflora, de la Caroline. Ce bel arbre, 
qui faisait l'orgueil des jardins et des ])arcs, a entière- 
ment disparu de nos pays en 1880. Le plus beau sujet 
connu à Vendôme était celui qui remplissait la cour de 
la maison G. Boutrais, rue Poterie, 43. Il a disparu 
hélas ! comme son propriétaire. Cet arbre avait supporté 

— 16°, 7, température observée à côté par M. G. Bou- 
trais, en janvier 1876. A Tours, on peut voir dans les 
jardins le long du Alail, au midi, des magnolia qui n'ont 
perdu que leurs feuilles et ont repoussé ; — 20° peut- 
être. Au Jardin des Plantes (— 22;''), les pieds sont à 
peu près morts (1881). Je crois donc que le magnolia 
résiste avec ses feuilles jusqu'à — 18° ; vit en perdant 
ses feuilles jusqu'à — 20°, et meurt définitivement au- 
dessous de —22°. 



— 159 — 

Le Magnolia Yulan à feuilles caduques, de la Chine, 
a résisté aux plus grands froids. 

Mahonig. Aquifoliiun, du territoire de l'Orégon. Le 
Mahonia à' feuilles de houx est certainement, de tous les 
arbustes à feuilles persistantes, celui qui a le mieux 
supporté le grand froid. Dans des points très froids 
(Roc-en-Tuf, Orléans, etc.), j'ai vu les branches gelées, 
feuilles et bois ; mais, en général, il a résisté et a même 
conservé ses feuilles. Je le regarde comme indemne avec 
ses feuilles jusqu'à — 25° ; il faut — 28° pour atteindre 
le bois. 

Phlllyrca angafitifoUa, région des oliviers. Sensible 
au froid, vu gelé à Baillou, — 25°. Limite incertaine. 

Quercus Ilex, chêne vert. Limite, — 20°. 
Quercus suber, chêne-liège. Limite, — 20°. 
(Pour ces deux arbres, voir plus haut aux Ameuta- 
cées.) , 

Viburntim-Tinus Lin. Laurier-Tin, delà région des 
oliviers. Gelé partout. Avait supporté antérieurement 

— 16° sans dommage. Sa limite doit être entre — 16° 
et — 20°. 

En résumé, sauf le Mahonia^ qui résiste jusqu'à 

— 25°, les arbres et arbustes à feuilles persistantes (les 
arbres verts mis de côté) ne supportent pas en moyenne 
plus de — 20", et sont destinés à être détruits pendant 
les grands hivers. Beaucoup cependant repartent du 
pied, et pourront rapidement réparer leurs pertes. 

En dehors des arbustes, je mentionnerai, pour finir, 
les Yucca, appartenant aux Monocotylées, famille des 
Liliacées, et à végétation persistante. 

On cultive principalement les trois espèces suivantes : 
Yucca f]loriosa, dont la tige peut atteindre 1 mètre; 
Y. (/lauccsccns, le plus répandu, à tige courte; et 
Y.^filaiiientosa, qui reste ai^plifjué sur le sol. Ces es- 
pèces sont toutes de l'Amérique du Nord. 



— 160 - 

Le Yucca filamentosa a échappé, grâce à sa petite 
taille, qui lui a permis de rester sous la neige. Le 
Y . gloriosa a gelé à Orléans (Dauvesse). Quant au 
Y. glaucescens, que j'ai pu observer chez moi et dans 
bien d'autres points, j'estime à — 25° le froid nécessaire 
pour tuer ses feuilles. Les jeunes pieds ont pu échapper 
à cause delà neige, n'ayant que les extrémités des feuil- 
les gelées et devenues blanches (1). 



Comme conclusion de ce long travail, je chercherai 
dans un dernier chapitre de quelle manière le froid agit 
sur les êtres vivants et spécialement sur les végétaux. 
Je suis arrivé, par ces études toutes personnelles et 
dont les occasions ne se représentent pas deux fois 
dans la vie d'un homme, à des résultats en contradic- 
tion avec les idées généralement admises sur ce sujet : 
aussi est-ce à ce dernier chapitre que j'attache le plus 
d'importance, et j'ose le recommander à l'attention de 
mes lecteurs. 

Sur la manière dont le Froid agit 
sur les êtres vivants. 

L — Animaux. 

La question a été étudiée pour les animaux, et je 
crois pouvoir la résumer ainsi qu'il suit : 

1° Pour les mammifères et les oiseaux, nommés ani- 
maux à sang chaud, et qui sont réellement à tempéra- 



it) On trouvera à la fin de cet article une table générale des 
matières et une liste par ordre alphabétique des végétaux cités 
dans ce mémoire. 



* 



- 161 — 

turcjixe pour chaque espèce, dans les limites de 35" à 
43°, aucun refroidissement important affectant les orga- 
nes essentiels (cœur, poumons, intestins, etc.) ne peut 
être supporté sans accidents graves et promptement 
mortels. Pour des portions d'organes superficiels (oreil- 
les, nez, mains, pieds et la peau en général), un refroi- 
dissement local et momentané peut être subi, pourvu 
qu'il n'aille pas jusqu'à suspendre la circulation du sang 
dans cette partie ; sinon l'organe blanchit, et la vie 
l'ayant abandonné, il peut tomber même au-dessous de 
0° et geler; c'est-à-dire que les humeurs s'y trouvent so- 
lidifiées. Il est rare, dans ce cas, que l'on puisse réta- 
blir la circulation du sang, et alors la partie d'organe 
gelé est réellement frappée de mort. En un mot, dans les 
animaux dits supérieurs, aucune suspension de la vie 
n'est possible sans accident, même dans une portion 
d'organe. 

2° Il n'en est pas de même chez les animaux dits 
à sang froid ., c'est-à-dire dont la température est con- 
stamment variable et suit, avec une avance de quelques 
degrés, la température extérieure. Chez ceux-là (reptiles, 
poissons, insectes, mollusques, etc.), une suspension 
même complète de la vie est possible, et la congélation 
des humeurs n'est pas toujours fatale aux sujets qui la 
supportent (1). Cependant, pour chaque espèce, il y a 
une limite de froid qui ne peut être dépassée impuné- 
ment ; mais ce n'est pas le fait de la congélation qui 
détermine la mort; cette congélation n'amène aucun 
désordre ou désorganisation dans des tissus souples et 
élastiques qui varient constamment de volume sous 
mille causes. 

IL — Végétaux. 

Je ne connais pas de travail spécial fait par des bota- 
nistes sur la résistance au froid des diverses espèces 



(1) V. Noto sur la congélation dos reptiles, p. 81 du mrmo Bul- 
letin. 



- 162 - 

végétales (1). En revanche, on trouve dans tous les 
traités de Physique une phrase néghgemmentjetéeàla 
fin de l'article surfusion, et qui attribue au retard de 
la congélaticn de l'eau dans les tubes capillaires la ré- 
sistance au froid des végétaux. Ainsi : « On peut en- 
core maintenir l'eau au-dessous de 0° en la renfermant 
dans des tubes capillaires. Despretzapu maintenir ainsi 
de l'eau à — 20° dans des tubes thermométriques ordi- 
naires. Ce phénomène explique comment les corps or- 
ganisés résistent à la gelée, les fluides étant chez eux 
renfermés dans des vaisseaux très capillaires. » Da- 
guin, Traité de Physique. — On lit dans un autre traité : 
« M. Sorby a constaté, en faisant usage de tubes de 
verres de 1/10 de millimètre de diamètre, que l'eau peut 
être conservée à l'étatliquide jusqu'à — 17°. Ce résultat 
explique la résistance qu'opposent à l'action du froid 
certaines plantes dont les tissus sont traversés par des 
canaux très étroits. Les liquides que ces canaux ren- 
ferm^ent ne se congèlent pas, quoiqu'ils descendent au- 
dessous de 0°. 



(1) Je ne prétends pas dire qu'il n'en ait pas été publié dans 
quelque recueil que mes faibles ressources bibliographiques ne 
m'ont pas permis de consulter ; mais, dans les traités de bota- 
nique les plus connus, je n'ai presque rien trouvé sur ce sujet. 

Je dois cependant citer: Les nouveaux Eléments de Botanique, 
par A. Richard, T édition, 1846, p. 512, où, dans un court cha- 
pitre intitulé De la caloricitè dans les Plantes, se trouve déve- 
loppée une théorie curieuse sur la cause qui protège nos arbres 
contre les gelées d'hiver. J'en parlerai plus loin pour la réfuter 
(V. note B). 

On trouve encore dans les Eléments de Botanique de M. Du- 
chartre, au chapitre graines, l'analyse d'un mémoire d'Edwards 
et Colin (1834) sur l'influence de la température sur la germina- 
tion. On y voit que les grains de céréales mûrs et bien secs peu- 
vent subir impunément des températures de — 40° à -f- 75° sans 
perdre leur faculté germinativc;. 

Je trouve enfin dans Les Éléments de Physiologie végétale et de 
Botanique, par Mirbel, Paris, 1815, tome i, pp. 209 et 363, quel- 
ques passages relatifs à ce sujet. (V. Note plus loin ) 



— 103 — 

Les mômes traités de Physique expliquent l'action 
funeste des grandes gelées sur les végétaux par la dila- 
tation qu't^prouve l'eau en se gelant, dilatation qui dés- 
organiserait les tissus comme elle rompt les pierres gé- 
lives. 

Je dois le dire tout de suite, ces théories faites à 
priori ne reposent sur aucune observation, les physi- 
ciens qui les ont imaginées n'ayant jamais étudié les 
végétaux par eux-mêmes, ni fait aucune expérience à 
ce sujet. Pour déblayer le terrain, je dois donc com- 
mencer par réfuter ces prétendues explications physi- 
ques de l'action du froid sur les végétaux, explications 
qui se réduisent à admettre : 1° que la surfusion protège 
les plantes contre la gelée jusqu'à une certaine limite ; 
2° que lorsque la congélation les atteint, c'est à la dés- 
organisatian des tissus qu'est due la mort du végétal. 

Il me suffira d'établir qu'un grand nombre de végé- 
taux de nos pays gèlent et dégèlent sans en souffrir au- 
cunement. Il y a d'abord les plantes d'eau, qui sont très 
souvent prises dans la glace et qui gèlent par consé- 
quent; car les physiciens ont établi ce fait fondamen- 
tal qu'il n'y a jamais de surfasion au contact de la 
glace. Ces plantes n'en souffrent pas par les petites ge- 
lées. 

Les rhizomes ou souches de plantes vivaces herba- 
cées, qui passent l'hiver à une petite profondeur sous le 
sol pour végéter au printemps, sont souvent atteintes 
par la gelée sans en souffrir ; par exemple en janvier 
1880, où la terre a gelé jusqu'à une profondeur de 0™,78. 
La surfusion est encore ici impossible. 

Les végétaux terrestres qui lèvent à l'automne et pas- 
sent l'hiver en première végétation, comme nos céréales 
et beaucoup de plantes sauvages, gèlent et dégèlent un 
grand nombre de fois en hiver et au printem|is. 11 n'y a 
aucun doute que par un froid même modéré, sur le sol 
nu, les feuilles de blé ou d'autres espèces, couvertes de 
gicre, ne ^oni pas en surfusion, mais juirfaitement ge- 
lées et croquantes. Les feuilles persistantes de certains 



— 164 — 

arbrisseaux sont dans le môme cas. Je me suis assuré 
cet hiver (1881), dans mon jardin, que les feuilles d'un 
jeune laurier-cerise étaient parfaitement dures et cro- 
quantes par la gelée, et reprenaient leur souplesse lors- 
que la température remontait au-dessus de 0° (1). 

Ceci doit s'étendre sans aucun doute aux tiges de nos 
arbres et arbustes. Comment admettre, en effet, que les 
extrémités des rameaux des saules et des peupliers, qui 
en décembre 1879 ont supporté dans beaucoup de points 
— 30° certainement, aient résisté par surfusion à la con- 
gélation ; surtout si l'on réfléchit que ces jeunes tiges, 
dont l'écorce tendre est verte et humide jusqu'à la sur- 
face, ont été couvertes de givre et de glace sous toutes 
les formes, et que dans ces conditions la surfusion est 
impossible. On sait encore que la congélation une fois 
commencée en un point d'une masse humide se propage 
exactement dans toutes les parties au-dessous de 0°, de 
sorte qu'il suffit qu'un seul point d'un arbre au-dessous 
de 0° soit touché par la glace pour amener la congéla- 
tion générale de l'eau dans tous les tissus. On est donc 
bien forcé d'admettre que les tissus végétaux ne sont 
pas plus à l'abri de la congélation en hiver que ne le sont 
les pierres poreuses dites gélives, imbibées d'eau et dont 
le tissu serré est certainement capillaire au même degré 
que celui des tiges ligneuses des végétaux. 

Que devient d'ailleurs cette résistance des tissus vé- 
gétaux à la congélation, lorsqu'on voit, sur les mêmes 
plantes qui ont supporté le froid d'hiver sans dommage, 
les bourgeons développés au printemps geler à des tem- 
pératures de — 2° à — 3°, comme les pousses de la 



(1) On n'a pas oublié les célèbres verglas de janvier 1879, où, 
pendant plusieurs jours, toutes les feuilles persistantes des ar- 
bustes, les herbes à terre, les chatons de coudrier déjà fleuris, 
etc., ont été emprisonnés dans un moule de glace et exposés à 
une température inférieure a 0° ; aucune de ces parties en sève 
n'a souffert. Quel est le physicien qui oserait parler de surfusion 
dans de semblables conditions ? 



— 1G5 — 

vigne, du noyer, de l'acacia, du chêne, etc., ces tissus 
ne sont-ils pas capillaires ? 

J'arrête, ici cette réfutation d'une hypothèse jetée trop 
légèremeîit dans la science, et qu'il serait temps de voir 
disparaître des cours classiques. 

Puisque les végétaux peuvent geler sans en souffrir, 
il devient inutile de réfuter la théorie des physiciens, 
qui supposent que la dilatation de l'eau en se gelant 
désorganise les tissus vivants et les fait périr. Com- 
nnent, d'ailleurs, ne pas être frappé de la puérilité d'une 
pareille théorie, qui assimile les cellules, les fibres et 
les vaisseaux à parois élastiques et extensibles des 
plantes, aux vases de verre, aux tubes d'acier ou aux 
pierres dures que la glace fait éclater en se formant, pré- 
cisément parce qu'ici l'enveloppe ne peut se prêter à une 
dilatation, même très minime ? Se figure-t-on un tube de 
caoutchouc plein d'eau et se rompant par la gelée ! 
C'est ainsi qu'une hypothèse fausse entraîne une expli- 
cation vaine, et réciproquement (1). 

Conclusion : 1° les végétaux gèlent par la gelée comme 
tous les corps imbibés d'eau et exposés à l'air, où le 
contact de la glace qui s'y dépose supprime pour eux 
tout le bénéfice de la surfusion. 



(1) M. Daguin, dans son excellent Traité de Physique (tome i, 
p. 894, 1" édition), a déjà pressenti l'inanité de cette explication. 
« La destruction des plantes, quand elles gèlent, est attribuée à 
la désorganisation produite dans les tissus par l'expansion de la 
sève qui se congèle; cependant M. Dunnal a vu des plantes 
aquatiques geler et dégeler plusieurs fois sans périr, et le micro- 
scope ne lui a montré aucun indice de désorganisation dans les 
tissus d'une plante morte par le froid. — (V. Note B, la réfuta- 
tion d'une autre théorie de la résistance des arbres au froid.) 

On m'objectera sans doute le fait bien connu d'arbres dont la 
tige se fend avec fracas pendant les très grands froids, phénomène 
dû incontestablement à l'expansion de la sève qui se gèle, et qui 
est peut-être l'origine de la théorie de la désorganisation des tis- 
sus végétauxpar la gelée. Je crois être arrivé à l'explication de 
ce fait exceptionnel. — V. Note A A la fin de ce travail. 

XX 12 



— 166 — 

2** Cette congélation de la sève dans les tissus n'en- 
traîne'aucune désorganisation de ces tissus élastiques. 

La physique n'a donc rien à voir dans cette question 
de la mort des végétaux par le froid. C'est une pure 
question de Physiologie (1). 

On oublie trop souvent, lorsqu'on parle des végétaux 
et des animaux, que ce sont des êtres vivants, c'est-à- 
dire qui renferment en eux-mêmes quelque chose de 
particulier bien distinct de toutes nos forces physiques 
et chimiques, lesquelles régissent seules la matière 
inerte, en un mot le principe de vie. — Qu'est-ce que 
la vie ? demandera peut-être le physicien ou le chi- 
miste. — Qu'est-ce que l'afhnité , qu'est-ce que la pe- 
santeur, la capillarité, etc. ? pourra répondre le natura- 
liste. 

Ces mots expriment qu'il y a des causes, des agents 
particuliers qui produisent les effets dont nous sommes 
témoins, et que nous classons par chapitre^. La vie est 
le grand agent qui produit les phénomènes vitaux, et il y 
a autant de variétés de vie qu'il y a d'espèces distinctes. 
Cet agent merveilleux qui anime l'être vivant lui donne 
la faculté de résister dans une certaine mesure aux au- 
tres agents naturels qui le menacent sans cesse de des- 
truction. 

Dans les végétaux, la vie résiste à la trop grande hu- 
midité, à la sécheresse, et enfin au/t^oid. Il y a pour cha- 
que espèce une limite de température inférieure qu'elle 
ne peut supporter sans périr (2). 



(1) L'expression de gelé appliqué à un être vivant (animal ou 
végétal) doit donc se comprendre maintenant comme synonyme 
de mort de froid; le fait de la congélation des liquides dans les 
tissus n'étant pas la cause de la mort, due seulement soit à la sus- 
pension de la Vie qui résulte de cette congélation, soit à un abais- 
sement de température trop grand. Je continuerai à employer le 
mot gelé dans ce sens pour abréger et afin de me faire mieux com- 
prendre. 

{2) Je reti^ouve cette idée suffisamment indiquée dans un pas- 



— IG7 — 

En un mot, les plantes meurent de froid tout simple- 
ment, sans qu'il y ait aucune circonstance physique 
de désorganisation des tissus à invoquer ni aucune dif- 
férence essentielle d'organisation intime à rechercher 
d'une espèce à l'autre. On doit cependant remarquer 
que ce sont précisément les arbres à tissu lâche (sau- 
les, peuplier) qui, dans nos pays, résistent le plus loin 
au froid, tandis qu'il semblerait, d'après la théorie ca- 
pillaire, qu'ils devraient succomber les premiers (1). 

La question de la résistance au froid étant ramenée à 
une question de physiologie n'est plus un problème à 
résoudre ; c'est une simple propriété de la vie, dont 
l'explication nous échappe comme celle des phéno- 
mènes en général, qu'il nous suffit de savoir rapporter 
à leur cause première. 

Il me reste maintenant à essayer de classer tous les 
faits que j'ai observés relativement aux effets du froid sur 
les arbres, de façon à en faire ressortir les lois, si c'est 
possible. 

Je ferai observer d'abord qu'un végétal en général, et 

sage des Éléments de Physiologie végétale, par Mirbel, 1815, 
tome I,. pp 208 et 209, où l'auteur, après s'être élevé avec beau- 
coup de force contre l'insuffisance des théories capillaires et au- 
tres tirées des lois générales de la physique pour l'explication des 
phénomènes de la végétation, et en avoir rappelé à \a. for ce vitale, 
fait observer que « chaque espèce est douée d'une force particu- 
lière, au moyen de laquelle elle supporte, sans risque de la vie, 
un abaissement de température plus ou moins considérable. » 
Plus loin, il est vrai, p. 363, il attribue les dégâts du froid sur les 
arbres à la désorganisation des tissus par la gelée, opinion qui 
exclue la première, savoir la résistance vitale à la gelée. 

(1) Il est intéressant de noter que la chaleur tue également les 
plantes sans les désorganiser en aucune façon. Les botanistes 
font mourir les plantes grasses, les orchidées, etc., en les trem- 
pant quelques minutes dans de l'eau chaude; 75° à 80° suffisent 
toujours. La plante une fois morte, ses tissus obéissent aux lois 
de la physique, et l'eau s'évapore rapidement : tandis que les 
mêmes tissus vivants retiennent cette eau pendant des mois et 
même plus d'un an en herbi(!r, (| unique exposés aux causes les 
plus actives de dessication. 



— 168 — 

particulièrement un arbre, n'est pas un être ayant une 
individualité précise comme les animaux supérieurs; 
c'est une espèce de colonie de parties similaires qui vi- 
vent toutes sur un tronc commun et concourent à son 
accroissement. Chaque bourgeon au printemps se dé- 
veloppe à part, et se présente comme l'être élémentaire 
de ce vaste polypier; la vie est disséminée dans cet en- 
semble à des degrés divers; chaque organe a sa vie 
propre, et présente des limites de résistance déterminées 
aux agents extérieurs. Il y a plus: chaque cellule végé- 
tale contient une dose de force vitale, et peut périr sans 
réagir sur l'ensemble ; on voit des feuilles sécher en 
partie, geler en partie, et le reste delà feuille continuée 
vivre. La plante, en un mot, nous offre un exemple par- 
fait de décentralisation. Il résulte de là qu'il faudra 
s'attendre à des effets très divers du froid sur le même 
végétal, d'abord suivant qu'il sera ou qu'il ne sera pas 
en végétation, suivant son âge, suivant son état de 
santé; ensuite sur ses divers organes, boiç, feuilles, 
bourgeons ; c'est précisément l'influence de ces diver- 
ses circonstances que je veux indiquer. 

Les arbres de nos pays parcourent chaque année deux 
phases bien distinctes : 1° la période de végétation, 
qui s'ouvre au printemps pour se clore à la fin de l'au- 
tomne; 2° \â période d'hiver, pendant laquelle la sève 
cesse de monter, et se retire en partie des tissus par 
évaporation, de façon qu'au printemps il faut une pre- 
mière absorption considérable par les racines pour les 
remplir de nouveau. C'est pendant cette période dévie 
latente que les arbres offrent la plus grande résistance 
au froid, et c'est cette limite moyenne que j'ai cherché 
à préciser pour chaque espèce dans la partie précédente 
de ce travail. 

Pendant la période active de la végétation, les tissus 
deviennent, au contraire, plus sensibles à la gelée; 
ainsi il suffit de quelques degrés de froid pour faire périr 
les jeunes pousses des acacias, des noyers, des chênes, 
etc., dont les bourgeons en tenue d'hiver peuvent bra- 



— 169 — 

ver jusqu'à 2b° de froid. Mais ici encore il n'y a pas de 
loi; ce sont des résistances vitales individuelles. Les 
premières pousses des peupliers, des saules, des au- 
nes, des coudriers, arbres qui habitent les fonds des 
vallons, où il gèle presque tous les printemps, suppor- 
tent sans dommage les congélations qui font périr les 
jennes rameaux des espèces citées plus haut. Il en est 
de même pour les fleurs de beaucoup d'arbres. Les cha- 
tons de coudrier, d'aune, de saule, de peuplier suppor- 
tent des froids considérables sans en être affectés, tan- 
dis que les fleurs de nos arbres fruitiers (amandiers, 
abricotiers, pêchers, etc.) périssent aux moindres ge- 
lées. 

Il m'a semblé qu'on pouvait ramener tous ces faits à 
une formule simple. Dans les végétaux en hibernation, 
la vie étant suspendue, on conçoit que la congélation de 
l'eau dans les tissus n'amène aucun désordre, puisque 
l'état du végétal reste le même. Il y a simplement une 
température limite, incompatible avec la vie. Dans les 
plantes en végétation, la congélation introduit un trou- 
ble manifeste, savoir la suspension de la circulation de 
la sève, c'est-à-dire de la végétation elle-même; et il faut 
reconnaître que certaines plantes ou certains organes 
de plantes ne peuvent pas supporter d'arrêt dans la 
végétation (la vigne, le noyer, les fleurs des arbres frui- 
tiers), tandis que d'autres le peuvent, mais dans une li- 
mite de température toujours moindre que celle qui ré- 
pond à leur état de vie latente. 

Telle serait au fond l'action de la gelée, qui serait es- 
sentiellement physiologique. 

Dans les pays chauds, où la végétation n'est jamais 
interrompue, aucune interruption n'est possible, et la 
moindre gelée est fatale aux plantes. Si on remonte vers 
le Nord, la résistance apparaît même pour les arbres ou 
arbustes à feuilles persistantes (en dehors des coni- 
fères) ; mais le nombre en diminue rapidement avec la 
rigueur du climat, la résistance à cet état étant toujours 
faible, — 20" au plus. 



— 170 — 

Sous le climat de Paris ou de Vendôme par exemple, 
il n'y a plus d'arbr^es à feuilles persistantes, mais seu- 
lement quelques arbustes, le houx, le lierre par exem- 
ple, dont la destruction par un grand hiver n'exige que 
quelques années pour être réparée. 

Les arbres verts forment une exception bien remar- 
quable ; ils restent constamment en tenue de végéta- 
tion, et supportent sans dommage des interruptions pro- 
longées ou fréquentes d'activité vitale. Ces végétaux ca- 
ractérisent les régions des montagnes ou des hautes la- 
titudes, où la gelée est un phénomène qui se repré- 
sente dans toutes les saisons. 

Dans tout cela il n'y a pas de loi; la nature n'a suivi 
qu'un plan, c'est de rendre la vie possible dans les cir- 
constances les plus variées et les plus extrêmes, en 
créant des espèces dont chacune soit appropriée aux 
conditions moyennes du milieu où elle doit v^vre. 

La limite de résistance au froid d'un arbre en tenue 
d'hiver varie avec son âge. 

D'une manière générale on doit dire que les arbres 
très vieux, et malades par suite, résistent moins que 
les mêmes adultes et bien portants; mais il y a des 
faits très curieux relatifs à l'âge pour des sujets sainâ 
d'ailleurs. Dans la plupart des cas, les très jeunes ar- 
bres sont plus susceptibles que les adultes ; la force 
vitale serait moins intense. Ceci est général par exem- 
ple pour les arbres verts. Mais ici encore il n'y a pas de 
lois; certaines espèces résistent mieux^'e^f/ies qu'adul- 
tes. J'ai déjà cité le noyer; je puis ajouter l'arbre de 
Judée, dont tous les gros sujets ont péri à Vendôme, 
tandis qu'on en peut voir de jeunes qui ont supporté 
— 25° sans souffrir. La vigne en treille m'a offert des 
exemples intéressants. Des brins jeunes partant d'un 
vieux pied étaient épargnés, tandis que le pied-mère 
était atteint. La glycine dans mon jardin m'a montré le 
même phénomène d'une manière bien frapj)ante. Sur 
deux sujets j'ai observé le fait de deux moitiés du même 



— 171 — 

individu entrelacées, dont l'une était morte et l'autre vi- 
vante. Le brin mort était le plus âgé. Même observation 
pour les'althœa en arbre; des jeunes ont vécu dans 
mon jardin à côté déplus âgés qui sont morts. 

Il y a encore à tenir compte dans l'appréciation des ef- 
fets dn froid sur une espèce, de l'état de santé des indi- 
vidus. 

Comme je l'ai dit plus haut, les sujets très-vieux, in- 
firmes, dont le tronc est creusé par la décomposition, 
attaqué par les insectes, etc., sont voués les premiers à 
la mort. Les arbres défigurés par la taille, amenés à 
l'état de têtards ou de trognes, sont atteints avant les in- 
dividus sains de la même espèce ; ex. le saule blanc, le 
chêne, etc. Tout le monde a constaté lapins grande sen- 
sibilité au froid du taillis de chêne, de châtaignier, dont 
les brins jeunes et repoussant sur vieille souche sont 
dans un état anormal. Pendant cet hiver 1881, un froid 
qui n'a pas dépassé — 12° a gelé, dans les jardins et 
dans les parcs, beaucoup de jeunes repousses d'arbres 
à feuilles persistantes qu'on avait dû couper au pied en 
1880 (Lauriers-Tins, arbousiers, lauriers-cerise, etc.), 
tandis que les pieds jeunes mais venus naturellement 
des mêmes espèces ont résisté. 

L'influence des massifs a été fatale à beaucoup d'ar- 
bres; les plantes étouffées par la végétation exubérante 
de leurs voisines sont souffrantes, atteintes de chlo- 
rose ;e\\es ont succombé à des froids qui n'atteignaient 
pas leurs congénères venues librement; c'est ainsi que 
j'ai vu des coudriers et des genévriers gelés dans des 
massifs. 

Les divers organes d'un même végétal peuvent offrir 
des différences de susceptibilité au froid. Pour les ar- 
bres en état d'hibernation complète, j'ai seulement noté 
que les bouts de branches étaient souvent plus atteints 
que les grosses tiges, le noyer par exemple; ce qui se 
conçoit, môme en admettant une résistance uniforme de 
toutes les parties, parce que les grosses branches ne se 



— 172 — 



mettent pas d'équilibre de température avec l'air am- 
biant, et ne subissent réellement qu'une moyenne moin- 
dre que les extrêmes, tandis que les menues branches se 
rapprochent davantage de ces extrêmes. 

Cette remarque ne fait que rendre plus intéressante 
l'observation, que dans plusieurs espèces ce sont les 
bourgeons terminaux qui ont le mieux résisté au froid. 
Ex. les cerisiers, les pommiers et autres espèces de la 
classe des Rosacées, dont certains sujets ont fleuri en 
avril 1880 pour sécher ensuite, ce qui démontre que le 
tronc avait été atteint, tandis que les bourgeons même 
à fleur avaient résisté. 

L'inverse se voyait sur plusieurs arbres de la classe 
des Légumineuses, tels que l'arbre de Judée, lefaux-ébé- 
nier et la glycine, dont les bourgeons floraux ont gelé 
sur certains sujets, tandis que le bois résistait et re- 
poussait. 

Les organes qui se développent avant l'hiver et qui 
restent en végétation intermittente sont la partie la plus 
susceptible de l'arbre ; tels sont les chatons de coudrier, 
qui ont gelé dans beaucoup de points ; ou encore les 
grappes de boutons du paulownia, qui sont préparées 
dès l'automne à l'extrémité des branches. 

Les feuilles persistantes des houx, des Herres, etc., 
ont gelé sur des sujets dont les tiges ont repoussé. 
Même observation pour le magnolia et beaucoup d'au- 
tres arbres de culture. Il y a pour ces végétaux une li- 
mite pour la feuille et une autre pour le bois ; j'ai eu 
soin de les indiquer précédemment pour chaque 
espèce. 

Chez les arbres verts, les feuilles sont également les 
premières atteintes, le bois et les bourgeons les derniers. 
J'ai observé sur le pin maritime que c'est le bourgeon ter- 
minal qui périt le dernier; sur beaucoup de sujets dont 
toutes les feuilles étaient mortes et le bois également, on 
voyait la verdeur et la vie se concentrer peu à peu vers 
les extrémités des branches dont le bourgeon était en- 



— 173 — 

core sain et vivant, et qui ne périssait enfin que faute 
d'alimentation par la tige mère. 

Dans toiit cela il n'y a pas de lois physiques ; ce sont 
des phénomènes physiologiques et vitaux qui diffèrent 
pour chaque espèce ou par groupes d'espèces. 

Comme observation générale on doit encore noter que 
les végétaux, surtout en sève, souffrent beaucoup plus 
d'un froid entrecoupé de réchauffements que d'un froid 
uniforme et continu. On sait, par exemple, que nos cé- 
réales périssent lorsqu'un dégel survient entre deux pé- 
riodes d'un froid rigoureux, qui, s'il eût été continu, ne 
les eût pas détruites. Les mêmes récoltes souffrent au 
printemps, lorsque, par un temps clair, elles gèlent tou- 
tes les nuits pour dégeler pendant le jour. 

Plusieurs personnes ont observé comme moi que pen- 
dant le mois de décembre 1879, les alternatives du 
grand froid de la nuit et d'un soleil vif pendant le jour 
étaient fatales à beaucoup de végétaux ; c'est ce qui 
expliquerait comment beaucoup d'arbres verts étaient 
grillés, c'est-à-dire avaient leurs feuilles tuées, du côté 
du soleil, tandis que la face opposée restait verte (1). 

Comme dernière question physiologique, je recher- 
. cherai de quelle manière un arbre meurt de froid et à 
quels symptômes on peut reconnaître qu'il est atteint, 
avant l'épreuve décisive du temps. 

Je rappellerai que la partie réellement vivante des ti- 



(1) Les vignerons affirment que c'est le soleil paraissant im- 
médiatement après une gelée blanche qui roussit les bourgeons 
de leurs vignes. Les physiciens pensent que le bourgeon étant 
gelé et mort, le soleil n'a pas d'autre effet que de le dessécher ra- 
pidement et défaire apercevoir le désastre. Cependant il ne se- 
rait pas impossible qu'un brusque réchauffement des bourgeons 
gelés ne déterminât leur mort, qui pourrait ne pas résulter do 
la congélation même. Ainsi on a démontré que des crapauds ge- 
lés périssaient infailliblement si on les plongeait dans de l'eau 
chaude pour les réchauffer, tandis qu'ils pouvaient i'(>vivi'c si on 
les laissait revenir lentement à une température modérée. 



— 174 — 

ges est la couche interne d'écorce que l'on désigne en 
botanique sous le nom de liber, couche qui reste verte, 
même pendant l'hiver. Entre l'écorce et le bois est une 
mince couche d'un tissu en voie de formation, le cam- 
bium, qui au printemps entre en végétation; tant 
qu'une tige possède intacts le liber pour l'écorce, le cam- 
bium et les premières couches de bois pour le tronc, elle 
peut végéter. Tout le monde a observé la vie de ces ar- 
bres creux qui ne possèdent qu'une certaine épaisseur 
de bois jeune recouvert de son écorce. Il ne faut donc 
pas aller chercher des symptômes de mort par le froid 
dans l'aspect de la moelle des tiges, comme je l'ai vu 
faire à plusieurs personnes. C'est V écorce qu'il faut tâter, 
et c'est ce que l'on faisait généralement. Le liber tué par 
le froid ou par toute autre cause perd sa couleur verte 
caractéristique; les granules àQ chlorophylle (matière 
verte) s'altèrent et brunissent. Ce symptôme est déci- 
sif. On pouvait, sur des tiges jeunes, apercevoir immé- 
diatement de l'extérieur ce changement fatal de teinte ; 
pour d'autres plus âgées il était nécessaire d'entamer 
avec un couteau l'écorce jusqu'au bois. On pouvait trou- 
ver à la base de l'arbre, dans la partie protégée par la 
neige, un échantillon de l'écorce saine, ce qui rendait 
la comparaison très facile. Pour les gros arbres, noyers, 
châtaigniers, etc., cette épreuve devenait difficile, quoi- 
que toujours possible avec un outil convenable. 

Même symptôme pour les bourgeons et enfin pour les 
feuilles persistantes. Les feuilles mortes perdent leur 
couleur verte et deviennent généralement brunes, et cela 
de quelque manière qu'elles soient mortes, soit de vieil- 
lesse, soit de sécheresse^ soit de froid, soit de chaud ; 
delà l'expression assez singulière de grillé, qu'on em- 
ployait pour exprimer l'aspect roussi que présentaient 
les arbustes à feuilles persistantes et les arbres verts 
après les grandes gelées de décembre 1879. 

Sur quelques végétaux:, j'ai observé que la chloro- 
phylle, au lieu de roussir, se décolorait entièrement, 



— 175 — 

ex. les Yucca, dont beaucoup de sujets montraient 
après l'hiver leur partie inférieure, protégée par la neige, 
d'un vert ^sombre, surmontée de parties entièrement 
blanches. Le petit houx (Ruscus aculeatus) était de 
même entièrement décoloré, et apparaissait comme un 
spectre blanc au sortir de l'hiver. Ce symptôme de dé- 
coloration complète serait-il plus spécial aux végétaux 
monocotylés (1) ? 

En résumé, c'est le liber et le cambium qui sont les 
parties vivantes de l'arbre, et lorsque ces couches sont 
tuées, la végétation est supprimée pour tout le reste du 
végétal. On voit par là que les arbres sont exposés réel- 
lement presque sans défense aux efïets du froid, puis- 
qu'il suffit que la couche superficielle, savoir l'écorce, 
soit atteinte, pour que l'arbre tout entier soit mort. L'é- 
paisseur de la partie cellulaire de cette écorce sur les 
vieux troncs est cependant un moyen de protection qui 
s'oppose à ce que le cambium subisse les extrêmes ab- 
solus de la température. Ceci expliquerait comment 
pour la plupart des espèces les gros sujets sont moins 
atteints que les jeunes, ex. les pins maritimes, etc. ; 
mais ce même fait rend d'autant moins explicable /)%sï- 
quement Q,é[m de la plus grande résistance au froid des 
jeunes noyers, et prouve bien que nous sommes ici en 
présence de phénomènes vitaux. 

Le bois enfin ne subit aucune altération de la part du 
froid. Un arbre mort de froid et abattu sèche beaucoup 
plus vite que le même coupé vivant, et dont la sève est 
encore retenue par la force vitale. Il n'y a là qu'un avan- 
tage dans l'emploi plus prompt de l'arbre comme bois 
d'œuvre. 

Les marchands de bois, intéressés à déprécier la mar- 

(1) J'ai observé, à la fin de janvier 1880, que des feuilles de blé 
ou de seigle qui avaient supporté à lasui-face du sol, sans protec- 
tion de neige, — 15» au moins, par l'effet du rayonnement noc- 
turne avaient blanchi ai non roussi. Cela vient à l'appui de la re- 
marque précédente. 



— 176 — 

chandise qu'ils voalaient acheter, ont immédiatement 
décidé, au sortir de l'hiver 1880, que les bois gelés 
étaient à peine bons comme chauffage; beaucoup de 
propriétaires l'ont craint et l'ont cru, et presque tout le 
monde l'a répété de confiance. Je me suis opposé de 
mon mieux au préjugé nouveau, qui ne peut tenir long- 
temps en présence des faits. 

Dès les premiers mois de 1880, les ingénieurs des 
chemins.de fer en construction, appliquant à un phéno- 
mène nouveau la grande méthode expérimentale qui 
caractérise l'esprit moderne, ont comparé, sous le rap- 
port de la résistance à la flexion, les traverses de bois 
faites avec des pins maritimes de Sologne morts par la 
gelée avec les anciennes, et n'y ont vu aucune diffé- 
rence ; de sorte qu'actuellement tous les arbres de cette 
catégorie dont les dimensions s'y prêtent sont en train 
d'être transformés en traverses pour nos lignes nou- 
velles. Les sabotiers, après avoir fait provision de 
noyers gelés en 1880, jurent maintenant en 1881 que 
ce bois est excellent, et ne parlent pas d'abaisser le prix 
de leurs chaussures. 

On m'a même démontré que le bois gelé doit être 
meilleur que le bois abattu vivant, parce que, dans ce 
dernier, les vers peuvent se développer pendant la lon- 
gue période de dessication, tandis qu'ils n'ont pu le faire 
dans les tiges mortes et promptement desséchées des 
arbres gelés. C'est réellement vraisemblable. La seule 
dépréciation qui reste sur ces bois est l'excès de l'offre 
sur la demande, par suite de la coupe forcée qui a suivi 
le grand hiver. 



Terminons par quelques considérations sur le rôle 



des grands hivers. 



Plusieurs personnes, partant de ce principe, que la 
Nature ne peut se détruire elle-même, ni môme faire 
du mal à ses enfants (aima mater), ont paru étonnées des 



— 177 — 

effets fâcheux d'un grand hiver sur la faune et la flore 
indigènes. 

Votre compassion, lui répondit l'arbuste, 
Payt d'un bon naturel; mais quittez ce souci. 

La Nature ne partage pas nos sentiments, même les 
plus respectables; elle est sans pitié pour les indivi- 
dus, dont chacun est exposé à mille chances de destruc- 
tion et peut servir de proie à un autre. La lutte pour 
l'existence^ qui caractérise si bien la vie, fait bien des 
victimes et engendre bien des souffrances , mais c'est 
un mal nécessaire. 

La pitié est un sentiment essentiellement humain, 
qui a sa raison d'être dans une protection mutuelle que 
nous exerçons les uns sur les autres ; puis nous ap- 
pliquons ce sentiment aux autres êtres vivants, par suite 
d'une assimilation involontaire que nous faisons entre 
nous-mêmes et eux. On humanise tout. Mais, trans- 
porté à la Nature, ce sentiment devient absurde. La pitié 
pour les uns serait la destruction pour les autres. Les 
végétaux, en se développant sans obstacles, s'étouffent 
réciproquement ; l'extension des forêts est la destruc- 
tion des prairies et des landes, etc. Le développement 
des animaux ne se fait qu'aux dépens des végétaux, et 
chaque espèce, en se multipliant, fait concurrence aune 
autre. La Nature a donc dû poser des bornes au dévelop- 
pement des individus dans chaque espèce, son plan gé- 
néral étant évidemment la conservation des espèces (1). 

Les grands hivers ne sont qu'un des moyens qu'elle 
emploie pour arrêter la croissance trop considérable 

(1) La conservation des espèces n'est même pas le dernier 
terme du plan général de la Création, car la géologie nous ap- 
prend que les espèces elles-mêmes ont une existence limitée et 
se sont constamment renouvelées depuis l'apparition de la vie à 
la surface du globe. 

La Nature, dans sa puissance infinie, ne respecte rien de ce 
qu'elle fait, détruisant sans cesse poui' renouveler sans effort et 
rester toujours jeune. 



— 178 — 

des individus, comme le font d'autre part pour les ar- 
bres, les chenilles qui les dévorent, les sécheresses qui 
arrêtent leur croissance, les tempêtes qui les déraci- 
nent, les verglas qui les brisent. 

Un grand hiver donne un peu d'air dans les massifs, 
repousse du bord des ruisseaux réservés aux prairies 
les chênes trop envahissants, achève les vieux arbres 
pour faire place aux jeunes, en un mot renouvelle la vé- 
gétation. 

Le froid des grands hivers joue un rôle important 
dans la distribution des végétaux suivant la latitude; 
c'est en grande partie la cause de leurs limites naturel- 
les; c'est ainsi que nous avons en France la région des 
orangers, bien restreinte à Hyères, Cannes et Nice ; puis 
celle des oliviers ; la limite du chêne vert est donnée par 
la ligne que ne dépassent jamais les froids de — 20°. 
Ne trouverait-on pas là la raison dernière de cette ré- 
sistance au froid variant avec les espèces ? C'est un des 
moyens employés par la Nature pour limiter leur exten- 
sion en latitude. 

L'extension en longitude est soumise à d'autres cau- 
ses, dont une des plus fréquentes est la distribution des 
mers et des montagnes qui forment des barrières natu- 
relles en dehors du climat. Ceci explique les acclimata- 
tions d'Amérique en Europe, et réciproquement ; ou en- 
core celles qui se font si facilement en passant d'un hé- 
misphère à l'autre, en Australie par exemple, etc. 

L'homme est le seul ennemi véritable de la Nature; 
ce roi de la création en est bien plutôt le tyran. Dieu, en 
créant un être intelligent, s'est donné un rival; mais il 
a dû poser des limites à notre puissance, et il sait quel- 
quefois arrêter le développement de nos cultures. 

Comme moralité, concluons avec La Fontaine : 

Bienfait bien ce qu'il fait.... 

E. NOUEL. 
Juin 1881. 



— 179 - 



Note A. — Sur les arbres qui éclatent par le froid. 



# 



Un des effets du froid, cité dans tous les grands hi- 
vers, est celui de troncs d'arbres éclatant par la gelée. 
Le fait est devenu classique, et se trouve dans les traités 
de Physique : « Les arbres éclatent par les grands 
froids avec des détonations comparables à celles d'une 
arme à feu, par l'expansion de la glace que forme la 
sève. » — DaguiiJ. 

Le terrible hiver de 1709 a offert cet etïet au plus haut 
degré. Voici la description qu'en a donnée Duval, savant 
lorrain, dans des Mémoires sur sa vie. Il raconte qu'au 
début du froid de janvier 1709, ayant 14 ans, renvoyé 
d'une ferme où il gardait les bestiaux, sans ressources, 
atteint de la petite vérole, il fut recueilli par pitié dans 
une étableà moutons, où il put braver la rigueur de la 
température, enterré dans le fumier, « Pendant que j'é- 
« tais comme inhumé dans l'infection et la pourriture, 
« dit Duval, l'hiver continuait à désoler les campagnes 
« par les plus terribles dévastations: Derrière la ber- 
« gerie où je triomphais de ses rigueurs, il y avait plu- 
« sieurs touffes de noyers et de chênes fort élevés qui 
« étendaient leurs branches sur le toit qui me couvrait. 
« Je passais peu de nuits sans être éveillé par des bruits 
« subits et impétueux pareils à ceux du tonnerre ou de 
« l'artillerie ; et quand, au matin, je m'informais delà 
« cause d'un pareil fracas, on m'apprenait que l'âpreté 
« de la gelée avait été si véhémente, que des pierres 
« d'une grosseur énorme en avaient été brisées en pièces 
« et que plusieurs chênes, noyers et autres arbres, s'é- 
« talent éclatés et fendus jusqu'aux racines.... » 

Je m'attendais, en décembre 1879, à entendre parler 
de faits semblables dans nos environs; or j'ai pu, à 
grand'peine, recueillir quelques indices çà et là. M. A. 
Pilon, le jardinier de Baillou, m'a cité quelques trognes 
de chênes qui ont éclaté, et surtout un noyer dont le 



— 180 — 

tronc avait 4 mètres de circonférence sur 3 mètres de 
hauteur, et qui présentait sur toute sa longueur une 
fente à y mettre la main. Je n'ai rien pu constater par 
moi-même, ni trouver de témoins ayant entendu ces ex- 
plosions terribles dont parlent les chroniques du temps 
passé (1). 

Je trouve cependant dans le Bulletin de la Société de 
Semur pour 1879, une note, datée d'Avallon, 20 mars 
1880, intitulée : Note climatérique sur l'hiver 1879-80, 
par F. Cuvier, qui contient ce passage: « Beaucoup de 
noyers et d'arbres forestiers ont eu leurs branches ge- 
lées et leur tronc fendu. » Il faut ajouter que le mini- 
mum du 10 décembre 1879 a atteint — 29° à Avallon, 
tandis qu'à Villaria (Vendôme), chez M. Coquelin, le 
thermomètre à minima n'a marqué que — 24°,5 (sans 
correction). 

Le froid de décembre 1879 a-t-il donc été beaucoup 
dépassé dans certains grands hivers antérieurs, comme 
1709 par exemple? C'est peu probable ; ily a là une li- 
mite aux phénomènes, et — 30^ paraît être celle du froid 
possible dans nos contrées ; mais en 1709 un froid pa- 
reil à celui de décembre 1879 aurait persisté deux jours 
de suite les 13 et 14 janvier, d'après les études de M. E. 
Renou, de sorte que, dans cette période fatale, à l'in- 
tensité se serait jointe la durée, d'où est résultée une 
plus grande pénétration du /roi<i partout, et notamment 
dans le tronc des grands arbres (2). C'est dans la péné- 
tration de la gelée que j'ai donc dû chercher la solution 



(1) M. Peltereau, notaire à Vendôme, m'apprend qu'il a vu plu- 
sieurs habitants delà campagne qui lui ont cité des arbres fen- 
dus par le froid, et qui ont entendu la nuit ces bruits accompa- 
gnant l'accident. 

(2) Des témoins du grand hiver de 1829-30 m'avaient cité le 
fait d'arbres qu'ils avaient entendu éclater de froid avec bruit 
dans la vallée du Loir, et cependant le froid n'y a pas dépassé 
— 20° probablement; il devait dohc y entrer un coefficient de 
durée et par suite de pénétration. 



— 181 — 

de cette question : Pourquoi, parles troids intenses et 
soutenus, les troncs d'arbres se fendent-ils comme se 
fendent les pierres gélives? 

On remarquera que le fait était tout expliqué avec 
l'ancienne théorie des physiciens. Les arbres résistaient 
à toute congélation par le bénéfice de la surfusion jus- 
qu'à une certaine limite ( — 20°, je suppose) ; puis, lors- 
que, par un froid suffisant, cette limite était dépassée, 
la sève gelait subitement dans tous les tissus, et l'expan- 
sion de la glace provoquait la rupture des troncs avec 
détonation. 

Comment accorder, au contraire, ce phénomène avec 
ma nouvelle théorie, qui admet que la congélation des 
tissus se fait progressivement à mesure que le froid pé- 
nètre, et cela sans dommage pour ces tissus souples et 
élastiques ? Comme on le voit, le cas était embarrassant 
pour moi. Je crois être arrivé à l'expliquer complète- 
ment par la pénétration très grande du froid. 

Son premier effet est de geler l'écorce, dont la consti- 
tution fibreuse et souple se prête, sans le moindre acci- 
dent, à une petite expansion de 1/11 de la sève ; mais 
cette écorce gelée devient alors rigide, et le bois se trouve 
dès lors enveloppé d'un étui solidifié qui ne se prête plus 
à aucune dilatation (une véritable camisole de force). La 
gelée, continuante pénétrer, atteint les premières cou- 
ches de bois tendre ou. à.' aubier, dont le tissu, non en- 
tièrement compacte ni entièrement rempli de sève, peut 
encore se comprimer sur lui-même, mais en resserrant 
d'autant le tissu interne. Lorsque ce dernier, compacte 
comme le cœur du noyer ou du chêne, est lui-même at- 
teint par la congélation, aucune dilatation ne peut plus 
se produire sans amener une rupture du tissu, comme 
si on enfonçait un coin dans ce bois dur, et cette rupture 
doit amener celle de l'enveloppe externe, gelée et deve- 
nue inflexible comme les pierres gélives. Il y a donc là 
comme un ressort qui se tend progressivement jusqu'à 
ce qu'il atteigne sa limite d'élasticité, auquel cas il éclate 

XX 13 



— 182 - 

subitement, et avec d'autant plus de violence, qu'il a ré- 
sisté plus longtemps. 

Si cette explication est vraie, il en résulterait que la 
rupture des troncs d'arbres par les grands froids de- 
vrait affecter de préférence les gros arbres sains (c'est- 
à-dire dont l'intérieur n'est pas décomposé ou creusé 
par l'âge), et dont le bois se transforme en cœur ou du- 
ramen à partir d'un certain âge, comaie celui du chêne, 
de Vorme et au noyer ; or c'est précisément ce qui me 
paraît résulter du peu défaits que j'ai pu réunir (1). 

Je lègue à mes successeurs cette question à élucider, 
n'espérant ni ne désirant même revoir un grand hiver, 
malgré tout l'intérêt que m'offriraient ces phénomènes 
à étudier. 



Note B. — Discussion d'une théorie de A. Richard sur la 
Résistance des arbres à la congélation. 



Le fait de la congélation des tissus végétaux sans 
dommage pour la plante ne paraît pas plus admis par 
les botanistes que par les physiciens. Je trouve, en 
effet, dans les Nouveaux éléments de Botanique de A. 
Richard, 7^ édition, 1846, p. 512, au chapitre Caloricité 
dans les plantes, la théorie suivante sur la prétendue 
résistance des arbres à la congélation : 

« Au premier abord, il semble que la caloricité soit de 
u toute évidence dans les végétaux et surtout dans ceux 
« qui sont ligneux. En effet, comment les sucs nutritifs 



(1) On m'a cité cependant des peupliers fendus par le froid. Les 
arbres verts (conifères) qui remontent le plus au Nord, et dont 
certaines espèces affrontent les froids de la Sibérie, sont tous à 
bois tendre sans cœur, de façon à ne pas craindre raccident de 
la rupture par le froid. 



* 



— 183 — 

« contenus dans l'intérieur des tiges ligneuses résis- 
« tent-ils à l'action de nos hivers les plus rigoureux? 
« Pourqupi ne se congèlent-ils pas, quand l'abaissement 
« de la température amène la solidification de tous les 
« autres liquides?.... On aurait tort de penser que ce 
« phénomène est dû à la propriété que possèdent les vé- 
« gétaux de produire de la chaleur. En effet, ce phéno- 
« mène a une cause bien plus évidente et bien plus réelle. 
« Les racines dans les végétaux ligneux plongent dans 
« le sol à une profondeur plus ou moins considérable. 
« Là elles se trouvent placées dans un milieu soustrait 
« aux influences de l'atmosphère. Les sucs qu'elles y 
« absorbent par l'extrémité de leurs fibres sont à une 
« température uniforme^ toujours supérieure dans les 
« temps froids à celle de l'atmosphère. Ces sucs, en pé- 
« nétrant dans la tige, y constituent la sève, qui en se 
« répandant dans tous les organes leur communique une 
« partie de leur température; c'est ainsi que lorsque 
« celle de l'air est froide, la température des tiges li- 
« gneuses est plus élevée que celle de l'atmosphère. 
« Ainsi ce n'est donc pas par suite delà propriété qu'ils 
« auraient de créer de la chaleur que les arbres sous- 
« traient leurs fluides à la congélation, mais seulement 
« en vertu d'une température accidentelle, que les liqui- 
« des pompés par leurs racines leur communiquent. « 

Il résulte de ce passage intéressant : 1° que M. Ri- 
chard admettait comme un axiome la non congélation 
des arbres en hiver, probablement parce que, dans le 
langage ordinaire, on dit d'un arbre mort de /roirf qu'il 
est qelé, et peut-être aussi à cause de la fameuse théo- 
rie de la désorganisation des tissus par la glace, d'où 
résulterait la non congélation d'un végétal qui n'a pas 
souffert du froid; 2° qu'à l'époque où il a écrit ce cha- 
pitre (lai'** édition de l'ouvrage est de 1819), la surfu- 
sion n'était pas encore à la mode et qu'on n'avait pas 
imaginé d'attribuer à cette cause la résistance des tissus 
capillaires à la gelée. 

On ne peut qu'admirer l'idée ingénieuse de l'auteur 



— 184 — 

de faire participer les arbres à la température intérieure 
du sol par la circulation de la sève absorbée par les ra- 
cines ; mais, si cette cause agit sans aucun doute pen- 
dant la période de végétation, elle est complètement sans 
efïet pendant l'hiver et surtout pendant les grands froids, 
oi^i la végétation et la circulation de la sève sont absolu- 
ment nulles. 

Il faut donc s'y résigner ; les végétaux ligneux n'ont 
aucun moyen de défense contre la congélation, ni phy- 
sique par lasurfnsion, ni physiologique par la circula- 
tion de la sève, et ils gèlent tout simplement comme le 
font tous les corps humides exposés à l'air au-dessous 
de 0°. La mauvaise conductibilité de leurs tissus peut 
seule retarder l'équilibre de température entre l'air et les 
parties profondes des fortes tiges. 



Au moment de mettre sous presse, M. Peltereau me 
donne communication de l'article Congélation du Dic- 
tionnaire de Botanique j par M. Bâillon, en cours de pu- 
blication. J'y retrouve avec plaisir une grande partie des 
théories que j'ai développées dans la dernière partie de 
mon travail. 

L'auteur ne parle plus de la résistance des plantes à 
la gelée, et prouve qu'elles gèlent parfaitement, et cela 
sans désorganisation des tissus ; mais il ne paraît pas 
avoir connu les limites de résistance au froid des diver- 
ses espèces, et il attribue plutôt à la mort des plantes la 
manière dont se fait le dégel qu'au froid lui-même. J'ai 
admis cette circonstance covciTCiQ coefficient dans le phé- 
nomène; mais l'effet principal est dû à la température 
elle-même, qui atteint irrévocablenent le principe vital 
immatériel. 

E. NOUEL. 
4 juillet 1881. 



185 — 



* TABLE GÉNÉRALE 



• 



DES MATIÈRES DES TROIS ARTICLES SUR l'hIVER 1879-80. 



V Partie, tome xix, année 1880, p. 226. 

Description de l'hiver 1880 dans le Vendômois P. 227 

Discussion du froid de décembre 1879 232 

Notes explicatives. — A. Sur la manière d'observer 

les températures 241 

B. Sur l'épaisseur de la glace formée 243 

C. Sur la fonte des neiges 244 

2' Partie, tome xx, année 1881, p. 56. 

Effets de l'hiver 1880 sur les êtres vivants : 

L Effets sur les animaux 57 

IL Effets sur les végétaux 60 

Arbres et arbustes indigènes 62 

Arbres et arbustes cultivés en grand 73 

Note A. — Congélation des reptiles 81 

3' Partie, tome xx, année 1881, p. 141. 

Effets de l'hiver 1880 sur les plantes et arbres d'or- 
nement 141 

Sur la manière dont le froid agit sur les êtres vivants : 

L Animaux 160 

IL Végétaux 161 

Examen des diverses circonstances qui influent sur 

leur limite de résistance au froid 167 

Symptômes de la congélation des arbres 173 

Considérations sur le rôle des grands hivers 176 

Note A.— Sur les arbres qui éclatent par le froid 179 

NotoB. —Discussion d'une théorie de A. Richard 

sur la résistance des arbres é la congélation 182 



- 186 — 

TABLE ALPHABÉTIQUE 

des Espèces végétales citées dans ce traoail. 
Tome XX. Année 1881. 



Page 

Abies alba 150 

— bracteata 448 

— excelsa 144 

— nigra 150 

— Nordmanniana . . . 150 

— pectinata 144 

— Pinsapo 148 

— Smithiana 148 

Abricotier 81 

Acacia vulgaire 79 

— Julibrizin 154 

Acer campestre 70 

— platanoides 77 

— pseudo-platanus ... 77 
.lEsculus Hippocastanum. 77 

— rubicLinda 154 

Ailantus glandulosus 4.54 

Ajonc (grand) 66 

Ajonc (petit) 65 

Alisier des bois 69 

Alnus glutinosa 70 

Althœa frutex 154 

Amandier 81 

Araucaria imbricata 148 

Arbousier 157 

Arbre de Judée 151 

Arbutus Unedo 157 

Aubépine 67 

Aucuba Japonica 158 

Aune 70 

B 

Baguenaudier 152 

Berberis vulgaris 68 

Betula alba 71 

Biota aurea 149 

Biota orientalis 149 

Bois de Sainte-Lucie.... 153 

Bouleau 71 

Bourdaine 67 

Broussonetia papyrifera. 150 

Bruyère à balai 66 



Buis 64 

Buis de Mahon 158 

Buisson ardent 153 

Buxns Balearica 158 

Buxus sempervirens 64 

C 

Carpinus Betulus 71 

Cassis rose 156 

Castanea vulgaris 76 

Catalpa bignonioides 154 

Cèdre de l'Atlas 146 

Cèdre Deodara 146 

Cèdre du Liban 146 

Cèdre de Virginie 149 

Cerasus avium ^ 68 

— Lauro-cerasus. . 152 

— Lusitanica 153 

— Mahaleb 153 

— Padus 153 

Cercis Siliquastrum 451 

Cerisier cultivé 81 

Chœnomeles Japonica . . 153 
ChamtBcyparis Lawso - 

niana 148 

Charme 71 

Châtaignier 76 

Cheiranthus Cheiri 61 

Chêne ordinaire 71 

Chèvre-feuille des bois.. 68 

Chèvre-feuilles cultivés . 155 

Cissus quinquefolia 155 

Clematis Vitalba 66 

Coignassier 81 

Coignassier du Japon. . . . 153 

Colutea arborescens 452 

Corchorus 153 

Cormier 81 

Cornouillier 67 

Cornus sanguinea 67 

Corylus Avellana 70 

Coudrier-noisetier 70 

Crataegus oxyacantha ... 67 

— var. rosea 153 



- 187 



Cratœgus pyracantha . . . 153 

Cryptomeria Japonica... 148 

Cupressus Lawsoniana. . 148 

^sempervirens. 149 

Cydonia vèilgaris 81 

Cyprès 149 

Cytisus Laburnum Iô2 

D 

Daphne Laureola 63 

Deutzia crenata 155 

Epicéa 144 

Epine noire 67 

Épine rose double "153 

Epine-vinette 68 

Erable 70 

Erable plane ,. . 77 

— sycomore 77 

Erica scoparia 66 

Euphorbia silvatica 61 

Evonymus Europœus 67 

— Japonicus 158 

F 

Fagus silvatica 71 

Faux-Ebénier 152 

Faux-Pistachier 157 

Ficus Carica 79 

Figuier 79 

Forsythia viridissima. . . . 155 

Framboisier 79 

Fraxinus excelsior 69 

Frêne 69 

Frêne à fleur 155 

Frêne à la manne 155 

Fusain 67 

Fusain du Japon 158 

G 

Genêt à balai 65 

Genévrier 63 

Genista scoparia 65 

Ginko biloba 150 

Giroflée de murailles .... 61 

Gleditschia Sinensis.... 152 

Glycine Sinensis 152 

Grenadier 156 

Groseilliers 79 

Groseillier rouge 68 

Gui 62 

Guigniers 68 et 81 



H 

Hedera Hélix 64 

Helleborus fœtidus 61 

Hêtre 71 

Houx 63 

Houx (petit) 65 

I. J. K. 

Ilex Aquifolium 63 

If 145 

Jasmins 155 

Juglans Regia 75 

Juniperus communis 63 

— Virginiana . . . 149 
Kerria Japonica 153 

L 

Larix Europeea 144 

Laurier à sauce 158 

— Cerise 152 

— de Portugal .... 153 

— Tin 159 

Laurus nobilis 158 

Lierre 64 

Ligustrum Japonicum . . . 155 

— vulgare 67 

Lilas 157 

Linaire cymbalaire 61 

Liriodendron tulipifera.. 155 

Lonicera 155 

Lonicera Periclymenum. 68 

Lycium barbarum 68 

Magnolia grandiflora. . . . 158 

— Yulan 159 

Mahonia Aquifolium 159 

Malus acerba 69 

Marronnier-châtaignier. . 76 

Marronnier d'Inde 77 

— rose 154 

Marsaules 69 

Mélèze 144 

Merisier 68 

Merisier ù grappe 153 

Mespilus Germanica .... 68 

Morinda 148 

Morus alba 150 

— nigra 150 

Mûrier 150 

Mûrier à papier 1^0 



— 188 



N 



Néflier sauvage 

Neffundo aceroides 



68 
155 

68 



Nerprun "° 

Noyer '^ 



O 



Orme 

Ornus Europoea. . . 
— rotundifolia 



70 
155 
155 



Paulownia imperialis ... lo6 
Pavia macrostachya Ipb 

— flava 

Pécher 

Pervenche 

Peuplier de la Caroline. . loU 

Peupliers cultivés '^ 

Peuplier-Tremble 

Philadelphus coronarius. 
Phyllyrea angustifolia. . . 
Pin d'Ecosse 

— du Lord 

— maritime 

— noir d'Autriche 145 

— Pignon |4o 

Pinus Austriaca 14d 

— Coulteri ^^y 

— Laricio 1^4 

— maritima ^2 

— Pinça 14e) 

— Pvrenaica 14o 



156 
81 
61 

150 
78 
69 

156 

159 
73 

150 
73 



silvestris . 



73 



— -Strobus 1^2 



Pjatanus occidentalis 

Poiriers cultivés 

Poirier sauvage 

Pommiers cultivés... 

Pommier sauvage 

Populus alba '" 

78 



Quercus pedunculata 71 

— Robur 71 

— sessiliflora '1 

_ Suber 151 



77 
80 
68 
80 
69 
78 



angulata 



pyramidalis . 
Tremula .... 



Virgin lana 



R 

Rhamnus cathartica. 
— Frangula . 

Rhus Cotinus 

— Typhlna 

Ribes nigrum 



78 
69 
78 
81 
67 



Prunier 

Prunus spinosa "' 

Punica Granatum loo 

Pyrus communis o" 

Q 

Quercus Ilex 1^1 



. 68 

. 67 

. 156 

. 156 

. 79 

— rubrum 68 et 79 

— sanguineum 156 

— u va-cri spa ^^ 

Robinia hispida l^^ 

— Pseudo-Acacia . ty 

— viscosa 1^2 

Ronce ^. 

Rosiers cultivés l^^ 

— sauvages «^ 

Rubus fruticosus w 

— IdcTBUS ^^ 

Ruscus aculeatus o5 



Salisburia adiantifolia 
Salix alba 

— Babylonica 

— Càpraea (note). . 

— cinerea 

— fragilis(note)... 

Sambucus nigra 

Sapin commun 144 

Saule blanc 



150 

69 
78 
69 
69 
69 
67 



69 



Séquoia gigantea 147 



147 
156 



— sempervirens 

Seringat 

Sophora du Japon l^^ 

Sorbier des oiseleurs... lo4 

Sorbus aucuparia 154 

— domestica ^l 

_ hybrida. 154 

— torminalis "9 

Spirœa 154 

Staphylea pinnata . . iO' 

Styphnolobium Japoni 

cum 

Sumac Fustet 

— de Virginie 

Sureau „ 

Symplioricarpus racemosa lo/ 

S'ymphorine ^ 

Syringa 1^' 



152 
156 

156 

67 



189 



T 

Tani;>fi\ ,L;alli'';i 1">" 

— fiidicii l-')" 

'l'axodiiurt distifhmn. . . . 1")U 

'l'.'ixns liai^cat.-i 

l'(M'i)inn radicans 

Tliiiia iiigautou 

— i)ccid(MilaIis 

Tilin |tlal,\ pliylla 

— sil\('sti-is 

Tilleul 

Tilloul des liois 

Troène 

Ti-oriie du Japon !•")") 

Tiilijiicr 1-V) 



lir. 
i:)7 

MU 

/ I 
()9 
(i!) 
<i9 
()7 



r 

Ulex EuropaMis . 
— naniis . . . , 



m 



lniii~^ rani[)Ost.ris . . 

— clTusa (note). 

— montana . . . . 



71) 
71 
70 



V 



Vei'iiis du Japon 1">1 

Vil)nrniini Lantaua B?^ 

— Opulus ()8 

— Tinus 159 

Vi-iie 70 

Vigne viei'ge 1 •").") 

Vinca minor Hl 

ViscniTi album (i"^* 

Wasingtonia 1 17 

^^^dlin^■^onia 1 17 



Y 



Yu. 



i:.!) 



ERRATA des Trois Articles. 



Tome XIX, p. 2:^7, ligiu' S, au lieu tle : des lierres n'avaient pas 
perdu leurs l'euilles, lisez: des lierres n'avaient perdu (/ne 
leurs l'euilles. 

Même tome, p.:.*41, noteC, Hliik' i, .au lieu de: d(''ccinlu"(' IXSO 
lise/ : dér-emlM-e 1S70. 

Tome XX, p. <)."), liuiic 17, .-ni lieu de: DicotyliVs, lisez: Mono- 

cotylée-. 
P. 70, ;iu lieu de : Arcr eanipestri-^, lisez: Acer eanipesti-i!. 

P. 79, ligne 7, .lU lieu de : Rih(:< (Jrrf-ri-i.</)i, lisez Rili('.-< Ura- 
cri^pa. 

P. 1')!, ligueO, ;iu lien de : sorltier des oiso.iux, lisez: soi-liier 
des oiseleurs. 



Vendôme. Typ. Lemercier & Fils. 



9 
» ■ 



EXTRAITS 



DES 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de 1 fr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 




BDLLETIHf 




DE LA 



/ /» 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XX 
3« TRIMESTRE 1881 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 191 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 7 avril 1881. ... 192 

Chronique 198 

Notice sur les circonstances qui ont amené la 
décadence et la ruine du château de Ven- 
dôme, par M. Aug. de Trémault 207 

Sur l'Etymologie du nom de Vendôme, par 

M. Paul Martellière 231 

Réponse aux objections de M. Martellière sur 
l'Etymologie de Vendôme, par M. de Cha- 

ban 244 

Nécrologie, par M. Ch. Bouchet 257 

De la transcription des chartes et des manu- 
scrits, "ps^riA . Ch. Bouchet 264 

Errata 285 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

i88i 




* SOCIÉTÉ 



« 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU ^' 




k. 



20'^ ANNÉE — 3^ TRIMESTRE 



JUILLET 1881 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Veu- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 7 juillet 
1881, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau : 

MM. de Sachy, président; Isnard, vice-président; G. de Tré- 
mault, trésorier; L. Martellière, conservateur; Nouel, biblio- 
thécaire-archiviste; Ch. Bouchet, bibliothécaire honoraire; de 
Maricourt; l'abbé C. Bourgogne; 

Et MM. deChaban; Dunoyer ; Duriez; Duvau ; Jacquet; G. 
Launay ; P. Lemercier ; l'abbé Maillet; l'abbé Métais ; le curé 
Monsabré ; l'abbé Renou ; RigoUot; de Rochambeau ; Simon; 
Yvon-Villarceau . 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

XX 14 



— 192 — 

M. le secrétaire t'ait connaître les noms des membres admis 
|jai- le Bureau depuis la séance du 7 avril 1H81 ; ce sont: 

MM. de Gatbois, au Fief-Corbin, commune de Sargé ; 
Louis Lefebvre, négociant à Vendôme. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuiff la séance du 7 avril 1881 



I. _ ART & ANTIQUITES 

Nous AVONS REÇl' : 

De M. Girard, cultivateur à Cruchera\ , par l'intermédiaire 
de M. A. de Trémault, un olijet du plus liant intérêt, qui est, à 
coup sûr, le jo/au de notre collection préhistorique. Trouvé à 
Crucheray par M. Girard, qui l'offre généreusement au Musée, 
cet objet est tellement rare, que nous ne savons quel nom lui 
donner; nous ne lui connaissons, à vrai dire, qu'un seul ana- 
logue, moulage d'une pièce trouvée en Italie, et dont l'original 
est, croyons-nous, au musée de Bologne. 

C'est une PIERRE DE GRÈS, grossièrement polie, très 
plate, longue de 0"',234, large au milieu de 0",085, épaisse de 
O^jOSô, et percée, vers le centre, d'un trou rond de 0"',03 de dia- 
mètre. La forme générale est celle d'un fuseau très aplati, dont 
les deux extrémités se terminent en pointes. 

Notre département, si riche en objets de l'âge de pierre, et si 
soigneusement exploré déjà par les collectionneurs, n'a encore 
fourni qu'une seule hache percée, appartenant à M. l'abbé Sé- 
journé, à Blois. Le marteau-hache de M. l'abbé Séjourné est cer- 
tainement une fort belle pièce ; mais elle appartient à un type 
bien connu. (|ui commence à se n'pandre dans les collections. 






— 193 — 

Notre Musée en possède deux déjù, jn'ovenaut de IV-irnuger. 
Notre pierre percée de Crucheray, au conti-aire, sorte de pioche 
primitive, peut passer pour un type absolument exceptionnel, et 
représente la plus intéressante trouvaille qui ait été faite encore 
dans notre pays. 

Nous devons encore à M. de Trémault le don fait par M. Le- 
coMTE d'une très belle HACHE polie de 0'",17 de long sur 0'°,06 de 
large au tranchant, d'une conservation parfaite, et d'un frag- 
ment de HACHETTE en jadeïte, malheureusement brisée lors de 
sa trouvaille, et appartenant à un type très rare, mais déjà ren- 
contré dans notre pays. Les faces latérales, presque planes, cou- 
pent les côtés à angle droit, de façon à ce que toute section per- 
pendiculaire à l'axe soit un rectangle. — (Note de M. L. de M.\- 

RICOURT.) 

• * 

De M. Vétillart, sénateur de la Sarthe, en souvenir de 
M. Mareschal-Duplessis, ancien directeur du collège de Ven- 
dôme : 

Un TABLEAU représentant Un grec blessé défendant un 
canon, épisode de la guerre de l'indépendance de la Grèce mo- 
derne. Cette toile, due au talent de M. G. Launay, avait été of- 
ferte par lui à M. Mareschal comme témoignage de reconnais- 
sanre des bonnes leçons et des encouragements qu'il en avait 
reçus. Elle a donc pour le Musée une double valeur, en raison de 
son mérite intrinsèque et des souvenirs qu'elle rappelle. 

De M. Neilz, à Montrieux : 

Une TASSE en porcelaine blanche dorée, portant cette in- 
scription : A Monsieur le conseiller d'État, intendant des Jl- 
nances comte de Chaban. M. de Chaban avait été d'abord sous- 
préfet de Vendôme. Epoque du premier Empire. — Laisse beau- 
coup à désirer comme conservation. 

De M. Martelliére, juge à Pithiviers : 
Un PLAT oblong en faïence de Rouen. Riche décor bleu. — 
Longueur, 0'°,40. Commencement duxvm' siècle. 

Un FER DE HALLEBARDE assez élégant, de l'époque de 
la Renaissance. Longueur, 0°',57. 

Deux FERS DE PIQUE plus modernes, (xvii' siècle?) 

Le PORTRAIT d'un centenaire vendômois du xvi' siècle: 



— 194 — 

« Ger vais Beau m ont, sgr de Mondésir, natif de Vendôme, 1" pré- 
sident au parlement d'Aix, mort en 1529 à Cage de plus de 100 
ans. » Gravé par Cundier, on 1724, d'après un ancien portrait. 



II. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Delpon, sous-pi-éfet de Vendôme : 
Un teston du Daiiphiné à l'effigie du roi François I". FRAN- 
CISCVS. DEI. GRA. FRANC. REX. — Buste du roi couronné 
à droite. R.: NO : NOBIS : DNE : SED : NOI : TVO : DA : 
GLO. Écu écartelé de France et de Dauphiné. Frappé à Cré- 
mieu. Bien conservç. 

D'un ANONYME : 

Un lot de 43 pièces françaises, dont 38 royales et 5 seigneu- 
riales, en argent, cuivre et billon, qui, malgré leur bonne conser- 
vation, paraissent bien peu intéressantes par .38 (îegrés de cha- 
leur ! 

Du MÊME : 

Un écu d'or au soleil de Louis xi. LVDOVICVS. DEI. GRA. 
FRANC. REX. Écu de France, timbré d'un soleil. — R. : XPS. 
VINCIT. XPS. REGNAT. XPS. IMPERAT. - Croix fleurde- 
lisée. 

Par ACQUISITION : 
Une bulle en plomb du pape Clément vi (1342-1352). CLE- 
MENS PPVI, en trois lignes. R. : SPASPE {Sanctus Paulus, 
Sanctus Petrus). Têtes de saint Pierre et saint Paul séparées 
par une croix. — Trouvée au Bois-aux-Moines, près Vendôme. 

L. M. 



m. —BIBLIOGRAPHIE 
L — Dons des Auteurs ou autres : 

De M. Louis-LucAs : 
La Table do },ron;:e d'Aljusfrel, étude sur l'administration des 



— 195 — 

mines au i" siècle de notre ère, par M. Jacques Flach, profes- 
seur au Collège de France. — Rapport de M. Louis-Lucas. 

De M JPeltereau, notaire à Vendôme : 

Deux Pièces sur parchemin intéressant le Vendômois, 
La première, qui remplit une feuille d'une dimension considé- 
rable, est un aveu rendu en 1497 à Marie de Luxembourg, com- 
tesse de Vendôme, comme tutrice de ses enfants mineurs, pour 
diverses terres et et maisons sises à Nourray. — La seconde est 
un contrat qui nous apprend qu'en 1243 un sire de Fontenaille 
possédait le fief de La Ville-aux-Clercs. 

Une lettre imprimée, datée: Vendôme, ce 23 nivôse an m' de 
la République, adressée par la municipalité de Vendôme au ci- 
toyen Villariat, rue Brutus, à Vendôme. 

De M. Paul Martelliére, juge ù Pithiviers: 

L'intérieur de l'église de la Trinité de Vendôme en 1791.— 
Paris, Wievey, 1880. 

Cette brochure, signée P. H., est consacrée à la reproduction 
et à l'étude d'un curieux plan dressé en 1791, avec notes explica- 
tives, par un membre du clergé constitutionnel qui remplaça les 
Bénédictins dans l'église érigée en paroisse. 

Le Bulletin Archéologique, année 1842, n" 4. Ce fascicule con- 
tient une savante dissertation de M. Didron au sujet d'un vitrail 
provenant de l'église de Villiers et actuellement au Musée de Ven- 
dôme. L'auteur fait justice du préjugé qui croyait voir Robert 
d'Arbrissel dans la représentation d'un des miracles attribués à 
saint Jacques. 

Lit de Justice tenu à Vendôme en 1428. — Paris, Curmer, édit. 
1867. Texte in-4°, tiréen couleur, avec encadrements, pour ac- 
compagner la miniature de Jean Fouquet, Le Jugement du duc 
d'Alençon. Incomplet. 

Tableau de la Nature, bro. par J.-D.-M. Blois, 1829. 

IL— Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 
Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 
Journal des Savants (Suite). 



— 196 — 

Revue des Sociétés savantes des départements, tome m, 2* li- 
vraison. 

Revue des Travaux scientifiques, publiée sous la direction du 
Comité des Travaux historiques et scientifiques. Vannée, n" de 
janvier à juin 1881. 

III. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et échanges: 

Mémoires de la Société Éduenne. Tome ix, 1880. 

Bulletin de la Société Dunoise. Avril 1881. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Mars et 
mai 1881. Lettres de saint Yves. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Orléa- 
nais. 4' trimestre 1880. 

Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'An- 
gers. 1879. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 1" trimestre 
1881. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'Archéologie religieuse 
des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers. 1" année, 
3' livraison. Mars et juin 1881. 

Mémoires de la Société de Géographie de Vienne (Autriche). 
1880. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe. Années 1879-1880. 3» fascicule. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de 
l'Yonne. Année 1880. 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Saintonge 
et de l'Aunis. N« d'avril 1881. 

Bulletin de la Société d'Émulation du département de l'Allier. 
Tome XVI, 2' livraison, 1880. # 

Annuaire de la Société Française de Numismatique et d'Ar- 
chéologie (Suite). 

IV. — Abonnements : 
Polgbiblion (Suite). 



— 197 — 

Matériaux pour l'Histoire de l'Hotaine (Suite). 
Bulletin monumental (Suite). 

V. — Acquisitions. 
Pai" échange avec notre Bulletin : 

De M, l'abbé Chevalier: 
Ordonnances des rois de France et autres princes souverains 
relatives au Dauphiné. 4 vol. in-8°. 1871. 

Inventaire des archives des Dauphins de Viennois a Saint- 
André de Grenoble en 1346. 1 vol. in-8°, 1871. 

Visites pastorales et ordinations des évêques de Grenoble do 
la maison de Chisso,xiv' et xV siècles. 1874. 1 vol. in-8°. 

Plusieurs brochures bibliographiques et autres. 

Par souscription : les cinq premières livraisons de La Flore 
de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. Blois, 1784. 



E. N. 



Remerciements sincèl*esà tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



CHRONIQUE 



La Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau avait ouvert, 
en 1880, un concours pour les ouvrages imprimés ou manu- 
scrits, quel qu'en fût le sujet, pourvu qu'ils intéressassent spécia- 
lement la région du sud-ouest de la France. M. le marquis de Ro- 
chambeau présenta à ce concours sa Biographie d'Antoine de 
Bourbon et de Jehanne d'Albret. 

Nous nous empressons d'annoncer que le comité d'examen 
vient de lui décerner le premier prix, consistant en une mé- 
daille d'or de 150 francs. > 

Notre Bulletin a eu la primeur de cet important et remar- 
quable travail. La Société Archéologique du Vendômois est donc 
honorée, elle aussi, de la distinction flatteuse dont M. de Ro- 
chambeau vient d'être l'objet. 

Nous extrayon s du rapport de M. le secrétaire général les quel- 
ques lignes suivantes, qui font ressortir le mérite et l'intérêt du 
livre, et justifient la récompense accordée : 

« Dans sou volume, le savant correspondant du ministère de 
l'instruction publique s'est efforcé, comme il le dit dans sa pré- 
face, « de contrôler le verdict de l'histoire par des témoignages 
« écrits et contemporains de la vie d'Antoine de Bourbon et de 
« celle de sa femme, la fameuse Jehanne d'Albret. » 

« Nul mieux que M. de Rochambeau n'était à même de mener 
à bonne fin cette entreprise, car vous savez qu'il a publié, sous 
les auspices de la Société de l'Histoire de France, les lettres de 
Jehanne d'Albret et d'Antoine de Bourbon, qui lui ont permis, 
d'étudier ces personnages d'après nature, dans les différentes 
phases de leur vie. Il n'a pas, nous le croyons, failli à sa tâche, 
et pour nous, habitants de la patrie d'Henri iv, son livre aune 
saveur particulière, car nous y retrouvons le récit tant de fois ré- 
pété de la naissance et de l'éducation virile de celui que nos pères 
appelaient Lo'/ Nouste Henric. 



— 199 — 

'< Pour revenir a INeiivre de M. de Rochambeau, elle possède 
des qualités sérieuses, et rentre dans le cadre de notre pro- 
gramme, bien qu'elle vise particulièrement le Vendômois et ne 
se rattachfe au sud-ouest que par le mariage de Jehanne d'Albret 
avec Antoine de Bourbon. 



L'ez-Baron de Courtiras & ses Poésies. 



Dans notre numéro de janvier 1878, nous recommandions au 
zèle et à l'attention des chercheurs un petit recueil intitulé Le 
Carillon de Vendôme^ œuvre encore inconnue de M. Fr. Mo- 
nyer, le dernier des Oratoriens envoyés de Paris à l'Ecole mi- 
litaire de Vendôme. Sans avoir obtenu un succès complet, notre 
appel n'est pourtant pas resté sans écho. M. Alph. Coupa a bien 
voulu nous donner communication d'un manuscrit du même 
auteur, dont quelques pièces semblent avoir avec celles du Ca- 
rillon une grande analogie. 

Cet opuscule écrit, un peu trop facilement peut-être, à l'occa- 
sion d'une visite faite par M. Monyer à Vendôme et à Courtiras 
en 1843, nous a paru contenir quelques particularités curieuses, 
et mériter au moins par là de ne pas tomber dans un complet 
oubli. 

Rapsodies historiques, tel est le titre donné par l'ex-baron de 
Courtiras à ses faciles improvisations. Elles sont en forme de 
pot-po(irri, et, destinées à être chantées, elles justifient bien la 
qualification de troubadour égaré au xix° siècle, donnée par 
M. Roy à l'auteur. Ces souvenirs respirent une sensibilité vraie 
et un vif attachement pour le pays où M. Monyer passa une par- 
tie de sa jeunesse : 

Te reverrais-je, 
Vendôme, si cher .•"i mon cœur? 
Ah I dans ton illustre collège 
Je coulais des jours de bonheur ! 

Te reverrais-je ? 



- 200 — 

Noble Vendôme ! 
Saint- Vallier me donna son nom (1), 
Et moi, qui ne suis qu'un atome, 
Je grandissais par ton renom. 

Noble Vendôme ! 

D'ailleurs, le poëte fait lui-même assez bon marché de ses 
élucubrations, et n'a pas l'air d'y attacher plus d'importance 
qu'elles n'en méritent. 

Mes amis, si ces vers 
Coulent un peu de travers, 
Qu'y faire? 
Excusez folle humeur 
De l'ex-baron, cultiveur 
Des Muses ! 

La partie vraiment intéressante pour nous est la première rap- 
sodie, intitulée : U ex-Baron de Courtiras à l'Ecole militaire de 
Vendôme. 

Dans l'Oratoire 
Simple et modeste l'on était : ^ 

Les hochets d'une vaine gloire 
Au père sixième on laissait. 

Et voilà pourquoi le petit père Monyer, professeur de sixième 
et le plus jeune des Oratoriens, eut le droit de porter le nom de 
baron de Courtiras, avec tous les honneurs et les privilèges at- 
tachés à ce titre. 

El quant au fief de Courtiras, 
De l'Oratoire le chapitre 
Dans son grand conseil décida 
Que de baron j'aurais le titre. 

Entre Vendôme et notre baronnie, 
On cite encore une humide maison 
Portant le sceau de notre confrérie, 
Sceau respecté de ce jeune baron (2). 



(1) Auxvacancfts de 1790, l'auteur alla dans son pays, et pour le distinguer de son 
frère, qui était maire de la ville, on l'appela Monyer-Vendôme et ensuite Vendôme toul 
court. Les anciens l'appellent encore de ce nom. — (Note de l'auteur.) 

(2) La baronnie de Courtiras avait le droit de moyenne et basse justice, laquelle 



y' 

* 



— 201 — 

Que si parfois braconnier peu traitable 
Par notre garde était pris en défaut, 
Le gibier seul payait pour le coupable. 

*A Berry on avait affaire ; 
Point de procès judiciaire. 
Vendôme aimait ce baron. 
Il était bon ! 

Mais le triomphe du baron de Courtiras, c'était la chasse aux 
loups : 

Contre les loups 
Le baron était fort sévère ; 
Il voulait les détruire tous ! 

Aussi, tous les ans, à l'époque des vacances, il se faisait dans 
les bois de la baronnie une battue générale sous les ordres du 
baron, dont la gloire brillait ce jour-là de tout son éclat. Maîtres 
et élèves, assistés des gardes et des paysans du voisinage, se ré- 
pandaient dans la forêt, et la chasse commençait à grand ren- 
fort de trompes et aux cris joyeux de toute la troupe. 

Bientôt la foudre éclate; 

Coups résonnants fatiguent les échos ; 

Cris du succès désopilent la rate ; 

Et les vainqueurs, ce sont là des héros ! 

Chers Vendômois, je me rappelle encore 

Ces jours sanglants, gloire de Courtiras. 

De ces exploits l'humanité s'honore. 

Paix aux humains ! Guerre aux loups ! Tout ira ! 

Après la chasse, un festin pantagruélique réunissait les chas- 
seurs; le glorieux baron en faisait les honneurs, et veillait à ce 
que la lésinerie du dépensier ne vînt pas ternir une journée si 
bien commencée. 

A la santé du noble titulaire 
Le vin léger du crû de Courtiras, 



s'exerçait au bout du faubourg des Quatre-Huys, sur le chemin de Vendôme à Cour- 
tiras. L'auteur se rappelle parl'ailcinent cette maison de très peu d'apparence. Au-des- 
sus de la porte d'entrée était le sceau de la congrégation de l'Oratoire, dont l'auteur 
s'honore d'avoir fait partie ; c'était h Jésus Maria dans une couronne d'épines. An 
bas, et hors du scnau, on lisait : Justice de Courtiras. — (Note de l'auteur.) 



— 202 — 

Le beaugency se buvaient à plein verre. 

Café, liqueurs, signalaient le gala. 

Oh ! le bon temps, ma foi! quoi qu'on en dise, 

Pour les Barons ! Là, dans mes jeunes ans, 

Ne songeais guère n l'imminente crise 

Qui détruisit tant d'heureux passe-temps ! 

La 2* rapsodie est une sorte defacttinij dans lequel l'ex-baron 
raconte ses grandeurs et sa décadence : 

D'un ex-baron 
De moyenne et basse justice 
On ne peut me priver du nom, 
ma ci-devant baronnie ! 
De ce titre je ne suis vain ; 
Mais si quelqu'un mêle dénie, 
Je le taxe de félonie. 

Le verre en main ! 

Enfin la 3' rapsodie, tout entière sur l'air du carillon, raconte 
le voyage de l'ex-baron à Vendôme, son isolement, sa tristesse, 
ses souvenirs, ses adieux au Loir et ses regrets en quittant le 
Vendômois, mais principalement sa visite à son ancien fîef. 
Grâce à la courtoisie du nouveau maître, grâce surtout à l'obli- 
geance de M"° Julie, qui lui sert de guide et dont il sait appré- 
cier le mérite (et aussi la fameuse crème), l'ex-baron retrouve et 
admire 

Ce charmant Courtiras, 
De César autrefois l'apanage (1) 



(1) Le petit bouquet de bois qui est au-dessus de la maison n'était pas la limite de la 
baronnie. Le nommé Berry, qui était le garde-chasse, a conduit souvent l'auteur avec 
d'autres Oratoriens, et particulièrement son collègue et ami M. Roy, professeur de se- 
conde à cettt; époque, dans les bois de la baronnie, loin de la maison. Le garde-chasse 
les plaçait le soir dans les Clairières, au Rôt-des-Bécasses. Si le bois de la baronnie 
n'eût consisté qu'en ce petit bouquet de bois, comme M"'' .Julie paraît le croire, cette 
baronnie eût été bien restreinte. Elle n'aurait eu Itesoin ni d'un garde-chasse ad hoc, 
ni de la maison de justice. — (Note de l'auteur.) 

Tout en reproduisant la note ci-dessus, nous croyons devoir y joindre quelques ob- 
servations. Lorsqu'il qualilie Courtiras d'apanage de César de Vendôme, M. Monyer se 
trompe sur la provenance de son ancien (^lief. Rappelons en quelques mots que la ba- 
ronnie de Courtiras avait été donnée, en 1361, à l'hôpital de la Maison-Dieu par Guil- 
laume de Poncé. En 1618, lorsqu'il voulut établir son collège, César traita avec les 
Irères condonnés, et se (it remettre par eux les biens de l'hôpital en même temps que 
les bâtiments de la communauté, en échange de rentes équivalentes. Il en lit donation 



— 203 — 

M. Monyer donne seulement les noms des autres pièces com- 
posées pendant son séjour à Vendôme : Description de Vendôme 
et du Vendômois ; Visite à l'institution, autre/ois École Royale 
Militaire, sens la direction des Pérès de l'Oratoire ; L'auteur au 
tombeau de ses anciens collègues et amis, etc. Le manuscrit se 
termine par quelques morceaux d'un ton plus relevé (il y a même 
des vers latins), sans intérêt pour nous. 

En résumé, le recueil imprimé du Carillon de Vendôme est 
encore à chercher. Bien que l'on puisse à peu près, à l'aide de 
ce qui précède, se faire idée de ce qu'était ce petit opuscule, la 
perte de ces souvenirs du Vendôme d'il y a cent ans n'en serait 
pas mois regrettable. 

L. M. 



Les Séances de la Sorbonne en 1882. 



La circulaire suivante vient d'être adressée à M. le Président 
de la Société Archéologique du Vendômois : 

« Paris, le 18 juillet 1881. 

« Monsieur le Président, 

« Les délégués des sociétés savantes des départements ont été, 
cette année-ci, réunis à la Sorbonne, avec les sociétés de Paris, 
pour leur 19' réunion annuelle, et l'on a pu constater l'ampleur 
et l'élan qu'ont gagnés à cette fusion les séances de la Sorbonne. 

« J'ai pensé cependant qu'il suffirait d'introduire encore quel- 



à la congrégation de l'Oratoire, à la charge de donner à la jeunesse l'instruction gra- 
tuite. 

11 nous semble aussi que M"« Julie était dans le vrai au sujet des limites de la baron- 
nic de Courtyraie, selon l'ancienne ortliograplie. En deliors du domaine proprement 
dit, elle ne comprenait, croyons-nous, ([uc les terres de la Faichaye et d'Huciiepie. Les 
bois dépendant de l'Oratoire venaient d'autres donations ou acquisitions ; les Oralo- 
riens avaient d'ailleurs le droit de cliasse dans des bois voisins, dont ils n'étaient pas 
propriétaires. Nous laissons la solution de la question à quelque confrère plus érudit. 



— 204 — 

ques modifications pour donner plus d'éclat à ces solennités et 
pour en tirer plus d'avantage. Les présidents de vos diverses 
sections vous ont fait connaître une réforme que, de mon côté, 
j'ai annoncée dans mon discours aux délégués assemblés à la 
Sorbonne. Désormais vos réunions auront le caractère d'un con- 
grès des savants de France. Vos commissions ont déterminé un 
certain nombre de questions qui seront discutées en 1882, et je 
n'ai eu qu'à faire compléter ce programme par le Comité des 
Travaux historiques et scientifiques ; on est, dès lors, assuré qu'il 
donnera lieu à des discussions approfondies. J'ai l'honneur de 
vous le transmettre ci-joint. 

« Ne ci^oyez pas, toutefois, que ces séances générales doivent 
exclure les communications relatives à des travaux personnels 
et indépendants. Jusqu'ici un grand nombre de ces communica- 
tions ont présenté un réel intérêt. J'ai voulu, pour les favoriser, 
qu'à l'avenir des commissions spéciales fussent formées par des 
délégués. Ils en constitueraient Le.s bureaux à l'élection. C'est de- 
vant elles que seront présentés les travaux étrangers ou pro- 
gramme annuel. Les Commissions pourront proposer que ces 
travaux soient repris dans les séances générales. Il me semble. 
Monsieur le Président, qu'ainsi organisées et distribuées, vos 
réunions à la Sorbonne seront plus utiles que parle? passé. Elles 
resserreront les liens de confraternité entre des savants dont le 
but commun est d'enrichir le trésor d'érudition qui fait notre 
honneur. Tous les hommes d'étude, convoqués annuellement, se 
sentiront encouragés et soutenus dans leurs efforts laborieux et 
dans leur dévouement à la science. Ils redoubleront, j'en suis 
sûr, de zèle et d'ardeur pour les recherches curieuses, intéres- 
santes et ardues' auxquelles' ils consacrent le meilleur de leur 
temps. 

« Du reste, je suis loin d'estimer qu'il y ait lieu de s'arrêter 
dans cette voie d'améliorations, et je continuerai à chercher 
avec vous les modifications nouvelles qui pourraient assurer 
davantage les résultats excellents que l'on est en droit d'atten- 
dre des réunions périodiques des sociétés savantes de France à 
la Sorbonne. 

« Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
ration très distinguée. 

« Le Président du Conseil, 
Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. 

« Jules Ferry. >< 



- 205 



PROGRAMME 



1° Faire ccMiiiaiti-e les récentes découvertes de monnaies gau- 
loises; 

2° Étudier les questions relatives aux camps à mui's vitrifiés; 
s'attacher principalement à en déterminer la date; 

3° Déterminer, en s'appuyant sur les inscriptions, les caractères 
de la sculpture de figures et d'ornements dans les monu- 
ments romains du midi de la Gaule ; 

4° Signaler et expliquer les inscriptions de l'antiquité trouvées 
en France dans ces dernières années; 

5° Signaler et expliquer les inscriptions du moyen âge trouvées 
en France dans ces dernières années ; 

6" Quels sont les raonumente et les produits de l'art ou de l'in- 
dustrie^ principalement ceux dont la date est certaine, qui 
peuvent servir à fixer les caractères de l'art mérovingien 
et de l'art carlovingien ; 

7" Signaler les caractères de l'architecture française du xi' siè- 
cle, d'après les monuments dont la date peut être fixée à 
l'aide de textes contemporains ; 

8" Faire connaître les systèmes d'après lesquels a été fixé le 
commencement de l'année, au moyen âge, dans les diffé- 
rentes régions de la France; 

9° Faire connaître, d'après des documents authentiques, l'ori- 
gine, l'objet et le développement des pèlerinages anté- 
rieurs au xvi° siècle ; 

10" Faire connaître l'oi^ganisation des corporations de métiers 
en France, avant le xvi° siècle; 

11° Etudier les procès-verbaux des réformateurs des coutumes 
au xv° et au xvi" siècles; y rechercher l'état de la législa- 
tion et les progrès déjà réalisés à l'époque où ont pi-is fin 
les guerres aves les Anglais. — Dresser d'après ces pro- 
cès-verbaux la statistique des bénéfices ecclésiastiques et 
des seigneurs laïques existant au xvi" siècle; 

12° Mettre en lumière les documents historiques (jui font con- 
naître l'état de l'instiniction primaire en France avant 
1789; 

13° Signaler et apprécier les documents relatifs aux assemblées 
provinciales du temps de Louis XVI, qui n'ont pas encore 
été mis en œuvre par les historiens; 



l0(o 

— 306 — 

14' Exposer, d'après les textes et les monuments, l'état de l'ima- 
gerie populaire en France, antérieurement à la fin du 
XVIII' siècle ; 

15* États des bibliothèques publiques et des musées d'antiquités 
dans les départements. — Mesures prises p'our que ces 
établissements contribuent aussi efficacement que possi- 
ble au développement des travaux historiques et archéolo- 
giques. 



: NOTICE 



SUR 



Les Circonslances qui ont amené la décadence & la rnine 



DU 



CHATEAU DE VENDOME 

• Par M. AuG. de Trémault. 



Le château de Vendôme est le plus ancien des mo- 
numents du pays, et assurément l'un des plus intéres- 
sants, car il a été, pendant de longs siècles, le témoin 
et souvent le théâtre des principaux événements de no- 
tre histoire locale. 

Forteresse d'abord^ sous la protection de laquelle la 
ville était venue s'asseoir, les comtes de Vendôme en 
firent, par la suite des temps une résidence princière. 
Mais de ces années de puissance et de splendeur éva- 
nouies, il ne reste plus d'autres témoins que les ruines, 
importantes encore, qui couronnent le coteau, sur la 
crête duquel elles semblent se dresser, pour lancer, de 
plus haut et plus loin, une vaine protestation contre les 
outrages que leur ont fait subir le temps et les hommes. 

Le visiteur qui parcourt ces ruines, s'étonne de voir 
réduites à un si misérable état des constructions qui, 
par leur masse et leur solidité, semblaient devoir être 
impérissables. Il se demande quels sont les événements 
et les circonstances qui les ont amenées à l'état de dé- 
périssement où elles sont aujourd'hui. 



- 20S — 

Ld présente note a pour objet de répondre, au moins 
en partie, à cette question, et défaire connaître, d'après 
les registres municipaux, les différentes phases qui ont 
successivement produit la décadence , puis la ruine 
totale du château de Vendôme. 

Sans revenir sur son origine, qui se perd dans l'ob- 
scurité la plus épaisse du moyen âge (1), ni sur son his- 
toire que l'on trouve dans les auteurs qui ont écrit sur 
le Vendômois, il faut cependant dire un mot des con- 
structions que César de Vendôme y fit élever au com- 
mencement du xvii" siècle. 

Henri iv avait formé de son duché de Vendôme un 
apanage pour le fils qu'il avait eu de la belle duchesse 
de Beaufort. Soit que la résidence fût au gré du jeune 
prince, soit pour un autre motif inconnu aujourd'hui, il y 
faisait de fréquents séjours. Mais il ne tarda pas à trou- 
ver que les dispositions des appartements, disséminés 
en quelque sorte dans plusieurs pavillons, mal reliés 
entre eux par ces corps de logis, et composant la par- 
tie du château qui regarde la ville, étaient incommodes, 
et nullement en rapport avec les exigences du genre de 
vie que menait, au xvii" siècle, un prince placé comme 
lui si près du trône, et toujours accompagné d'une 
suite nombreuse. Alors, pour remédier à ces inconvé- 
nients, il fit construire, pour son habitation person- 



(1) Une charte de la Trinité, sans date, mais que l'on s'accorde 
à attribuer à Bouchard-le-Vieux, et qu'il faut placer par consé- 
quent à la fin du x" siècle, nous apprend qu'à cette époque le 
château comprenait deux parties distinctes, que la charte appelle, 
l'une le vêtus castrum, l'autre le castellum. La première était 
donc considérée comme étant déjà fort ancienne. Deux portes, 
dont l'une placée sous le castellum, donnaient accès au château. 
La garde de l'ensemble était faite par cinq guets ou escouades 
de gardiens. Il ^ en avait un placé sur chacune des portes, le 
troisième était sur les murailles, et les deux derniers circulaient 
pendant toute la nuit dans l'enceinte pour y faire bonne garde. La 
chai-te fait connaître, en outre, les vassaux qui étaient obligés à 
ce service, et les mois de l'année pendant lesquels chacun d'eux 
V était astreint. 



— 20*) — 

iielle, un gros pavillon coiuposé de trois étages élevés 
sur un rez-de-chaussée, et couvert d'un grand comble 
en ardoise. Il le plaça au f Mid de la cour, adossé aux 
corps de logis compris entre la tour de Poitiers et celle 
dite des Quatre- Vents (1). La principale façade, toiu*- 
née vers l'ouest, était percée à chaque étage de six fe- 
nêtres, ayant vue sur la motte Saint-Léonard, le coteau 
et la vallée des Coulis. Mais, pour se procurer un aspect 
suffisamment libre et dégagé dans cette direction, César 
avait fait raser l'église paroissiale de Saint-Léobin, qui 
était dans la cour même du château, et qu'il fit transfé- 
rer dans le faubourg Saint-Lubin, auprès de la chapelle 
du prieuré de Saint-Léonard. 

Il semble que ses successeurs n'habitèrent que bien 
rarement le château de Vendôme. Du moins l'on ne 
connaît rien des séjours qu'ils purent y faire, et dont 
on n'a pas trouvé de trace. Il est certain que, dès lors, 
il fut fort négligé, et que l'abandon dans lequel il fut 
laissé ouvrit pour lui l'ère de la décadence, qui alla 
s'accentuant d'année en année. 

Après la mort du dernier duc (1712), le château fit 
retour, avec le duché tout entier, au domaine de la cou- 
ronne. Mais il ne fut pas pour cela mieux entretenu. 
On ne le comprit pas sur l'état des maisons royales, et 
il semble dès lors être tombé dans un abandon plus 
grand encore. Les dégradations qui se produisaient et 
s'augmentaient chaque année n'étaient point réparées. 
L'argent manquait pour cela, et le ministre n'en voulait 
pas donner. L'abbé Simon rapporte que le cardinal de 
Fleury refusa la modique somme de cent livres, deman- 
dée pour faire quelques réparations urgentes aux toitu- 
res. Il est facile de se rendre compte des fâcheux résul- 
tats produits à la longue par un pareil système d'ad- 
ministration. Les habitants de la ville en déjiloraient 
les effets, mais n'avaient aucun moyen d'y porter re- 

(1) Cette toui-, formant l'angle N.-E. du château, dominait le 
faubourg Saint-Bienheun';. 



— .^10 — 

mède. La situation devenait cependant de plus en plus 
grave, et le maire (1) et les échevins finirent par s'en 
émouvoir. 

Ils l'exposèrent aux habitants, réunis en assemblée 
générale le 2 février 1768. Ils dirent : « qu'ils voyaient 
« avec peine le château de cette ville qui en fait le prin- 
« cipal ornement, autrefois le séjour de la maison ré- 
<( gnante, tomber en ruine, et les matériaux volés et 
u emportés, tandis qu'on en pourrait faire un usage 
« avantageux à la ville, en lui procurant des greniers 
« d'abondance, s'il plaisait au roi d'abandonner à ladite 
« ville les matériaux de démolition du pavillon qui est 
« sur la cour, prêt à tomber dans une ruine totale, à la 
« charge de réparer la partie de l'ancien château ayant 
« son aspect sur la ville; les matériaux de laquelle dé- 
« molition seroient suffisants pour ladite réparation, 
« ainsi qu'il est constaté par le procès-verbal des ou- 
(( vriers qui ont fait la visite et estimatio^i en date du 
« 15 janvier dernier (1768) (2). 

L'assemblée accueillit favorablement la proposition 
qui lui était faite, et invita le maire et les échevins « à se 
« pourvoir devant le roi pour être autorisés à disposer 
« des matériaux de démolition du pavillon^ pour en ap- 
« pliquerle produit à la réfection et à la réparation de la 
« partie du château ayant aspect sur la ville (3). » 

Une demande dans ce sens fut adressée à qui de 
droit, mais le projet reçut quelques modifications de dé- 
tail. L'idée de créer un grenier d'abondance fut aban- 
donnée, et le produit des matériaux de démolition reçut 
une autre affectation. 

De tout temps, le logement des gens de guerre avait 
été une grosse charge pour les habitants de Vendôme. 
Elle était devenue plus lourde encore au cours du xvni^ 



(1) Gilles - François de Trémault, ancien lieutenant-général 
civil. 

(2) Registre 17. 

(3) Id. 



- 211 - 

siècle, attendu que, presque chaque année, des déta- 
chements plus ou moins nombreux de troupes, le plus 
souvent dé cavalerie, venaient y prendre leurs quartiers 
d'hiver, et que le logement devait leur être fourni par les 
habitants. Le caractère de périodicité et de quasi-per- 
manence que cette charge avait prise^ avait fini pai* la 
rendre excessive et intolérable. Pour atïranchir les ha- 
bitants sinon des frais qu'elle leur occasionnait, tout au 
moins des graves inconvénients résultant de la pré- 
sence des soldats dans l'intérieur des maisons des par- 
ticuliers, la ville avait demandé que les troupes fussent 
logées dans des casernes, et un édit du 26 avril 1768 
l'avait autorisée à en construire. 

Elle acquit alors successivement plusieurs maisons, 
pour leur donner cette destination. La première qui fut 
achetée était située à l'extrémité du faubourg Saint- 
Lubin, au-dessous de la tour d'angle S.-O. des rem- 
parts du château. Elle portait le nom de maison du 
Grand-Pressoir. Une autre, nommée maison de l'Écu, 
se trouvait à l'entrée du Faubourg-Chartrain, non loin 
du pont^ puis une troisième, dite caserne Saint-Michel, 
était placée en face de l'abreuvoir, au-dessous du pont 
de ce nom. Ces maisons étaient toutes très vieilles et 
fort délabrées. 

Les choses étaient en cet état, ou tout au moins l'ac- 
quisition de la maison du Grand-Pressoir était déjà faite, 
lorsque le maire et les échevins reçurent du comte de 
Saint-Florentin, ministre delà maison du roi Louis xv 
une lettre datée du o novembre 1768, qui leur permet- 
tait « de prendre la pierre et moellon nécessaires pour 
« la construction et l'augmentation des casernes, dans le 
« pavillon vis-à-vis l'escalier pour monter à l'église, et 
« les trois tours au-dessus (1). » En conséquence, l'as- 
semblée générale, à qui il en fut donné commimication, 
« autorisa lesdits maire et échevins à faire faire la dé- 
(' molition pendant l'hiver. » Dès lors la destruction et 

(1) Appelées les Trois-Piliers. 



la ruine du vieux château étaient autorisées et organi- 
sées administrativement, pour fournir les matériaux 
nécessaires à la mise en état des casernes. C'était pra- 
tiquer de nouveau le triste système que l'on avait em- 
ployé déjà pour le rétablissement des ponts après la 
crue de 1658. On n'avait pas alors trouvé de meilleur 
moyen pour les remettre en état que de démolir les vieil- 
les poissonneries (1), afin d'en prendre les bois et de les 
employer aux réparations. C'était, comme ledit M. de 
Pétigny (page 375), réparer des ruines avec d'autres 
ruines. 

Il semble, néanmoins, qu'il ne fut pas fait usage im- 
médiatement de la permission donnée par M. de Saint- 
Florentin, et qu'elle avait dû être préalablement con- 
firmée par le Conseil du roi, à qui la requête de la ville 
avait dû être également soumise. 

C'est du moins ce qui paraît résulter du procès-ver- 
bal de l'assemblée générale des habitants, Henue le 25 
juin 1769 (2). Il leur fut représenté que le Conseil « n'ac- 
« corderait la demande de la ville de lui abandonner la 
(( jouissance du château dans les parties subsistantes, 
« et les matériaux de démolition de celles tombées en 
« ruine, à la charge de réparer les autres, qu'à la condi- 
« tion de se charger à l'avenir, non-seulement de l'en- 
« tretien du château, mais encore de celui du palais et 
« des prisons (3) [qui étaient] à la charge du domaine, 
« mesme de la reconstruction desdits bâtiments, ainsi 
« qu'il est plus au long expliqué dans une lettre de M*" 
« l'intendant du 30 mai dernier (4). » 

Lecture de cette lettre avait été donnée dans une as- 



(1) Elles étaient auprès du pont de laCheverie. 

(2) Registre 17, f° 92. 

(3) Elles étaient situées <laus la i-ue Fei'me, dans des bâtiments 
contigus à l'ancienne porte mettant le château en communica- 
tion avec la ville par le pont Nouf. 

(4) Tettc lettre n'existe pas. 



— ei3 — 

semblée générale, à la suite de laquelle il fut délibéré 
« que la ville se chai'geroit de l'entretien du château, du 
« palais •et des prisons, et non de la reconstruction, 
« qu'après la décision du Conseil d'État, il seroit fait 
« un procès-verbal pour constater les parties du ch;\teau 
« qui seroient à la charge de la ville et celles dont elle ne 
« seroit pas chargée. 

« Mais^ comme les conditions auxquelles la ville peut 
« accepter cet abandon n'y sont pas exprimées, que 
« d'ailleurs, comme il est survenu des changements 
« considérables depuis le procès-verbal du 15 janvier 
« 1768 qui désignait les parties du château à conserver, 
)) et dans le prix des matériaux de démolition de celles 
« tombées en ruine, qu'il y a eu mesme dans ce procès- 
ce verbal différents objets omis nécessaires à conserver, 
« lesdits s""" maire et échevins ont cru qu'il étoit plus à 
« propos, pour mettre le Conseil en état de statuer sur 
« la demande de la ville, de joindre à la délibération le 
« nouveau procès-verbal qu'ils ont fait rédiger en leur 
« présence, présentement représenté à l'assemblée, à 
« laquelle lecture en a été faite. 

« Sur quoi délibérant, l'assemblée après avoir de nou- 
« veau considéré que la charge des reconstructions aux- 
« quelles les rivières (1), incendies, vétusté et autres cas 
« fortuits pouvoient donner lieu, seroit capable d'absor- 
(( ber dans certains temps la totalité des revenus de la 
« ville, qui ne sont pas mesme suffisants pour suppléer 
« aux dépenses de l'entretien seul, a consenti de se 
« charger de l'entretien et des réparations usufruitières 
« du palais, des prisons et des parties du château sub- 
« sistantes, énoncées dans le procès-verbal du 20 du 
« présent mois, qu'ils ont approuvé et confirmé, dans 
« lesquelles ne seront compris ny les murs de la rampe, 
« ny les murs de clôture, attendu leur inutilité, (pi'au- 
(( tant qu'il en sera nécessaire pour empêcher l'entrée du 
« château, sans être sujets aux reconstructions. 

(1) Les crues, sans doute. 



— 2U — 

« A pareillement consenti à sa charge des réfections 
« et réparations et restablissement des parties du dit 
« château subsistantes nécessaires à conserver, telles 
(^ qu'elles sont énoncées audit procès-verbal, montant à 
« 5,998 livres. 

« A la charge que la ville pourra disposer des mate- 
«' riaux de démolition des parties tombées en ruine, qui 
« se fera à ses frais, ensemble des vieilles truisses d'or- 
« meau qui se trouvent dans la cour du dit château, 
« sous la condition de planter de jeunes ormes à la 
« place, pour en employer le prix en provenant, réduit, 
« y compris les dites truisses, eu égard au retranche- 
« ment des matériaux de la tour de Poitiers, et dupavil- 
« Ion à pans joignant l'église à conserver, et au dépéris- 
(' sèment survenu depuis le procès-verbal du 15 janvier 
« 1768, à cinq mille cinq cents livres, les frais de dé- 
« molition déduits, auxdits restablissements, reffections 
« et réparations, comme aussi qu'il plaira à s^i Majesté, 
« abandonner à la dite ville, le dessous des salles d'au- 
(( diencedu palais, compris dans le bail des fermes gé- 
« nérales affermé avant la réunion d'icelles à la ferme 
« du mesurage moyennant trente livres, attendu qu'ils 
« demeureront chargés de l'entretien, pour en jouir 
« après l'expiration du bail actuel des fermes. 

« Comme aussi la jouissance des dehors du château 
(c mentionnés au dit procès-verbal, pour en jouir cepen- 
« dant par la dite ville, après l'expiration de la jouis- 
« sance du S'' de la Chapelle, concierge par brevet du 
« roi (1). 

« Et comme ces objets et le loyer qu'on retirera des 
« appartements du château, sont si modiques qu'ils ne 



(1) Dey de la Chapelle, qui fut maii-e de Vendôme. En même 
temps que le contrôleur-général arrêtait la démolition du châ 
teau, il proposait au roi do supi)rimer l'emploi de concierge du 
S'' de la Chapelle à partir du !"■ janvier 1773, et de lui allouer, en 
compensation de ses 100 livres de gages et de la jouissance des 
dciiors du chàtctiu, uni' pension de 170 livres, 



— 215 — 

<( peuvent suffii-e qu'à une minime partie de l'entretien, 
« et que les revenus de la ville ne peuvent y suppléer 
«■ par leui»insuffisance pour les dépenses ordinaires, A 
« été arresté que pour subvenir, tant à l'entretien des 
« objets ci-dessus désignés qu'aux charges ordinaires 
« de la ville, il sera demandé au roy un octroy de deux 
« sols six deniers par poinson de vin, d'entrée, deux 
« sols par poinson de bière ou de cidre, et trente sols 
c par poinson d'eau de vie, qui seront payés par toutes 
u personnes exemptes et non exemptes, ecclésiastiques 
« et autres, à l'exception de l'hôtel-Dieu, lequel octroy 
<( pourra produire au plus quatre à cinq cents livres 
« par an. » 

Les intérêts qu'avaient à défendre contradictoirement 
le conseil et la ville étaient trop opposés, pour que l'ac- 
cord pût facilement se faire entre eux. Cette dernière 
veillait prudemment à ne pas se laisser imposer de trop 
lourdes charges, et, par une nouvelle délibération du 11 
juillet 1769, elle avait refusé de s'obliger à faire des re- 
constructions neuves, et insisté pour que l'on ne comprît 
pas au nombre des objets dont l'entretien lui incombe- 
rait les murs de la rampe et de clôture, pas plus « que 
(( la salle de spectacle, totalement tombée en ruine de- 
« puis le procès-verbal de janvier 1758. » 

Le temps, continuant ainsi son œuvre de destruction 
pendant que l'on négociait, rendait plus difficile encore 
la possibilité d'un accord, et augmentait les craintes 
trop fondées qu'éprouvait la ville de prendre de trop 
lourds engagements. Elle cherchait à les restreindre, 
et, le 2 mars 1770, elle arrêtait de proposer au Conseil 
« de ne se charger des réparations à faire aux parties 
u du château à conserver que jusqu'à concurrence de la 
<» valeur des matériaux de démolition, dont il sera fait 
u une nouvelle estimation, que la A^lle se chargera de 
« toutes les réparations quelconques du palais et des 
« prisons, même des couvertures entières, à l'exception 
« des poutres, voûtes, quatre gros murs, aux conditions 
'( portées par l'acte d'assemblée du 25 juin dernier. » 



— 216 — 

Le caractère restrictif de cette nouvelle proposition 
n'avait pu amener, comme il est facile de le compren- 
dre, l'entente recherchée depuis longtemps déjà, quand 
sur ces entrefaites l'intendant d'Orléans fit connaître à 
son subdélégué, par une lettre du 24 août 1771, que 
l'intention de M. le contrôleur-général (1) était qu'il ne 
fût fait « aucune réparation aux frais du domaine à l'au- 
« ditoire et aux prisons de Vendôme, mais que les of- 
« ficiers municipaux, en acceptant la cession du châ- 
« teau, se chargeassent de faire à ces bâtiments les ré- 
« parafions qu'ils pouvaient exiger alors. « 

C'était bien là que gisait la véritable difficulté. Le do- 
maine cherchait à rejeter la charge de l'entretien sur la 
ville,, qui s'efforçait de s'y dérober. Du reste, sa résis- 
tance dut céder, dix-huit mois plus tard, devant un arrêt 
du Conseil (du 27 mars 1773), qui, réglementant d'une 
manière générale cette matière, mit à la charge des villes 
l'entretien des palais de justice et des prison'S, construc- 
tions et mobilier. 

Mais les habitants, à qui il fut donné communication 
de la lettre de l'intendant dans une assemblée géné- 
rale tenue à cet effet, le 29 septembre 1771, n'entrèrent 
pas dans les vues du contrôleur-général. Le procès- 
verbal dit « que le château est tombé dans un tel état de 
« dépérissement, que les matériaux qui proviendront de 
« la partie désignée pour être supprimée, ne pourront 
« jamais suffire pour réparer seulement la sixième par- 
« tie de celle qui est à conserver. » 

L'assemblée fait remarquer « qu'il ne seroit pas juste 
« que la ville s'exposât à voir absorber ses revenus, qui 
(( ne sont pas même suffisants pour ses charges ordi- 
« naires, pour subvenir tant à l'entretien du dit château 



(1) L'abbé Ten-ai. Il était alors aux prises avec les difficultés 
d'une situation financière des plus obérée, et avec les embarras 
que lui suscitaient ces refus du Parlement d'enregistrer ses édits 
bursaux. On était en pleine crise du parlement Maupou. 



— 217 - 

« que de celui du palais et des prisons demandé par le 
« conseil, sans retirer aucun avantage, que celui de la 
« conser\iation du château, 

« Qu'il ne le seroit pas plus qu'elle s'imposât de nou- 
« velles charges pour subvenir à l'entretien de tous ces 
« objets, sy Sa Majesté n'avoit la bonté d'accorder à la 
« dite ville la concession des dehors du dit château, des 
« halles du palais, et du tiers de la moitié des octroys, 
« distraits et destinés de tout temps pour les répara- 
« tions et entretien du dit château,.... 

« Indépendamment desquels objets, la ville seroit 

« encore obligée de demander un octroy de deux sols, 
« par entrée de chaque poinson de vin et de cidre qui se 
« débitera dans la ville et banlieue d'icelle, conditions 
« sans lesquelles la dite ville ne peut, sans s'exposer à 
« une ruine entière, accepter la cession du dit château, 
« avec la charge de son entretien et de celui du palais 
« et des prisons, ne s'obligeant d'ailleurs à la répara- 
« tion de la partie du dit château à conserver que jus- 
« qu'à concurrence du prix des matériaux de démoli- 
« tion de celle à conserver. Et dans le cas où Sa Majesté 
« ne se détermineroit pas aux conditions ci-dessus et se 
« décideroit â la destruction totale du château, elle se- 
« rait suppliée de l'abandonner à la ville pour en dispo- 
« ser ainsi qu'elle jugeroit à propos, avec les dehors 
« qui en dépendent, de même fjue les halles du palais 
« (qui dans la ferme générale forment un objet de onze 
« livres), pour l'aider, avec les deux sols d'octroi àper- 
« cevoir sur chaque poinson de vin et cidre qui se debi- 
« tera dans la ville et banlieue d'icelle, à soutenir les 
<( charges tant de l'entretien de ces dites halles, palais et 
« prisons qui sont des bâtiments considérables et dont 
« elle se chargeroit, qu'à l'aire l'augmentation des ca- 
« zernes que la ville est autorisée à construire par arrêt 
« d^.•^.5 avril 1768. » 

Ce procès-verbal fait voir clairement les liésitattons 
delà ville, et sa répugnance à prendre une charge qu'elle 
craignait de voir devenir écrasante pour elle. En l'accep- 



— 218 — 

tant, elle désirait obtenir au moins quelques compen- 
tions qui pussent en alléger le poids, et c'est pour cela 
qu'elle demandait la concession des dehors du châ- 
teau (1), des halles du palais et du tiers de la moitié des 
octrois. 

Ce que l'on appelait alors les halles du palais était le 
rez-de-chaussée de l'édifice que Marie de Luxembourg 
avait fait construire, à la fin du xv® siècle, pour le ser- 
vice de la justice, entre la Grande-Rue et la rue de l'Ai- 
guillerie, qui dès lors changea son nom contre celui de 
rue au Blé, parce que le marché aux grains avait alors 
été établi dans ce local. L'étage supérieur contenait le 
prétoire delà justice (2). 

La ville réclamait aussi le tiers de la moitié des droits 
d'octroi, qui de temps immémorial était affecté aux be- 
soins de l'entretien du château. Il y avait plusieurs siè- 



(1) Ils comprenaient une superficie de 13 arpents et demi. — 
Extrait d'un dossier relatif au château de Vendôme, appartenant 
aux archives du Loiret. Communication due à l'obligeance de 
M. Thillier. 

(2) Un rapport du maire, en date du 10 pluviôse an x, adressé 
au sous-préfet, fournit quelques détails curieux sur cet édifice. 
On y lit : « Le haut n'est composé que d'un g-rand vestibule et de 
« la salle d'audience. A côté de cette dernière est la chambre du 
« conseil et cabinet à côté. Cette chambre n'est devenue domaine 
« national que depuis la Révolution. Elle était propriété particu- 
« lière de tous les membres du bailliage, qui en avaient fait l'ac- 
« quisition en 1728, en leurs noms particuliers, moyennant une 
« somme de dix-huit livres de rente foncière, à la prestation de 
« laquelle tous les nouveaux pourvus s'obligeaient. » 

Depuis quelques années, la régie du domaine nalional, qui dis- 
posait de ce bâtiment, en vertu de la loi qui avait attribué à la 
nation tous les édifices appartenant à des corps et communautés, 
« avoit de son propre mouvement, et sans consulter les corps ad- 
« ministratif et judiciaire, disposé d'une partie du bas du palais 
« de justice pour en faire un objet de location à un cabareticr de 
« cette ville, qui contre toute décence y loge tous les jours de 
« foires et marchés une partie des ânes et mulets des environs, 
« pour une simple et modique redevance de 15 livi-es par an. » 



— 219 — ' 

clés que la ville avait été autorisée pour la première fois 
à percevoir des droits d'octroi, et si l'on ne connaît pas 
l'époque^de la première concession qui en fut faite, on 
voit cependant qu'elle ne fut certainement pas de beau- 
coup postérieure à la moitié du xv^ siècle. Ces conces- 
sions n'étaient faites alors, ainsi du reste qu'elles le sont 
encore aujourd'hui, que pour un temps limité, et l'on 
connaît les dates d'un certain nombre de lettres patentes 
qui les accordèrent à Vendôme pendant les xv® et xvi" 
siècles. Quant au prélèvement affecté à l'entretien du 
château, il avait été accordé au comte Jean vin, par let- 
tres patentes du roi Louis xi, en date du 8 novembre 
1480 (1), et de tout temps il avait été vu d'un fort mau- 
vais œil par les Vendômois. 

Les demandes nouvelles que formulait la ville com- 
pliquaient l'affaire du château et en retardaient la solu- 
tion, bien qu'elle nefùt point abandonnée. Elle fut même 
reprise au commencement de 1773, comme l'indique une 
correspondance (2) activement échangée, pendant la pre- 
mière moitié de cette année, entre le contrôleur-géné- 
ral, ou ses bureaux, l'intendant d'Orléans, M. de Cy- 
piêre, et le lieutenant-général criminel au bailliage de 
Vendôme, M. Neilz de Bréviande (3) (qui était aussi son 
subdélégué). 

Dès l'année 1769, le contrôleur-général s'était arrêté 
au parti de faire démolir le château, et d'en affermer 



(1) Louis XI séjourna au château de Vendôme au mois de sep- 
tembre 1480, et c'est peut-être en considération de l'iiospitalité 
qu'il y reçut qu'il accorda les lettres patentes du 8 novembre 
1480. ' 

(2) Dossier des Archives du Loiret, dont nous devons la com- 
munication à notre collègue M. Tliillicr, qui a eu l'obligeance de 
nous en donner un extrait analytifjue. 

(3) André-Léonard Neilz, seigneur de Bréviande, des Tou- 
relles^ etc., lieutenant -général au bailliage royal de Vendôme, 
doyen de MM. les conseillers du dit siège (1777), subdélégué 
de l'intendance d'Orléans au département de cette ville et élec- 
tion. 



— 22i) — 

J'emplacemeiit et les terrains qui en formaient les dépen- 
dances. Un projet d'arrêt à prendre en ce sens par le 
conseil du roi avait été préparé. L'un des considérants 
est même à remarquer, attendu qu'il caractérise le dé- 
plorable état des choses. En effet, il est basé sur la 
nécessité de mettre un terme aux déprédations com- 
mises par des gens qui s'introduisaient la nuit dans le 
château et en enlevaient les ferrures et les plombs des 
gouttières. Ces vols étaient devenus, en effet, si fré- 
quents et si scandaleux, que, pour assurer la conserva- 
tion de ce qui restait de ces matériaux, les officiers mu- 
nicipaux avaient fait enlever et mettre en sûreté, dans le 
caveau de l'hôtel de ville, 4 à 5 milliers de plombs et 
1580 de ferrures, ce dont ils avaient dressé procès-ver- 
bal à la date du 18 février 1772. 

Un pareil délabrement justifiait en quelque sorte la ré- 
solution de raser le château et les dispositions déjà pri- 
ses à ce sujet. Dans cebut, en effet, on avait fait dresser, 
au printemps de 1773, par M. de Remillat, employé des 
ponts et chaussées sous les ordres de M. Roger, un 
plan du château et un devis de la démolition. Ces piè- 
ces avaient été transmises le 14 avril (1773) par M. de 
Bréviande à M. l'intendant. 

Pendant que l'on procédait à ces travaux prépara- 
toires, les chanoines de Saint-Georges, sous les yeux 
desquels ils s'exécutaient, se préoccupaient vivement des 
inconvénients qui résulteraient pour leur église de l'iso- 
lement dans lequel elle serait après que le château serait 
démoli. Ils demandèrent alors, pour remédier au peu de 
sécurité qu'elle offrirait, qu'on voulût bien leur concé- 
per la tour carrée à l'antique ^ avec un bâtiment qui était 
placé entre celle-ci et l'église, pour pouvoir déposer 
dans la tour leurs titres et les vases sacrés qui ne se 
trouvaient plus en sûreté après l'exécution de la démo- 
lition. Ils demandaient encore que des réparations fus- 
sentiViites à la rampe, attendu que la collégiale de Saint- 
Georges étant la principale église, les autres paroisses 



- 22^ - 

et le peuple étaient obligés de s'y rendre pour toutes les 
cérémonies et processions. 

Les magistrats de Vendôme, à qui l'intendant avait 
communiqué ces demandes, avec invitation de lui en 
donner leur avis, s'y étaient montrés favorables. Un pro- 
jet d'arrêt du Conseil d'État, préparé par M. de Bré- 
viande, concédait la tour demandée, mais proposait, 
pour les réparations de la rampe, d'allouer une somme 
ferme de 1200 livres aux. chanoines, qui se chargeraient 
de les faire exécuter eux-mêmes (17 avril 1773). 

Il était clair que tout se préparait pour la prochaine 
exécution de la démolition. Elle était regardée comme si 
certaine, qu'un sieur Ballyer, conti'ôleur des actes à 
Vendôme, avait proposé 7000 livres des matériaux et 100 
livres pour la concession des terrains. Mais l'inten- 
dant, à qui ces offres semblaient insuffisantes, avait 
consulté sur ce point M. de Bréviande, et celui-ci les 
trouvait d'autant moins acceptables, que le sieur Ballyer 
se refusait à indemniser les propriétaires des jardins 
inférieurs des dommages que pourrait leur faire éprou- 
ver la chute des décombres. Il conseillait (10 juin 1773) 
de mettre ce travail en adjudication, attendu que, dans 
cette attente, il s'était formé à Vendôme plusieurs com- 
pagnies qui étaient prêtes à soumissionner. 

L'intendant, adoptant la manière de voir de M. de 
Bréviande, écrivait à Paris (à M. Cochin), le 22 juin, 
que les offres de Ballyer étaient inacceptables, et trans- 
mettait en même temps un devis de la démolition dont 
les matériaux étaient estimés 10,000 livres, en respec- 
tant la tour carrée. 

Ainsi, toutes les mesures semblaient prises et con- 
certées pour livrer les antiques murailles à la ])ioche du 
démolisseur. A ce moment il dut se produire quelque 
événement que l'on ne peut discerner, mais qui certai- 
nement fît suspendre toute exécution. Ce fut peut-être 
parce que le château était récemment passé en de nou- 
velles mains. 



En effet, il avait été compris, avec tout le duché de 
Vendôme, dans l'apanage que Louis xv avait consti- 
tué (par édit d'avril 1771) au puîné de ses petits-fils, 
que l'on appelait alors Monsieur, et qui fut plus tard le 
comte de Provence puis le roi Louis xviii. 

Les habitants de Vendôme espérèrent pouvoir inté- 
resser le jeune prince au sort de leur château et obtenir 
de lui qu'il fût entretenu et conservé. Des démarches 
furent faites à cet effet auprès de son conseil, et le maire 
entama une correspondance avec M. Racine, intendant 
de sa maison et de ses finances. 

Ces négociations furent aussi lentes et aussi peu dé- 
cisives que celles antérieurement engagées. Elles se 
prolongèrent jusqu'à l'année 1780, sans qu'aucune réso- 
lution eût été prise. 

L'ingénieur du prince, M. Leroy, avait été envoyé à 
Vendôme pour faire la visite du château et son rapport 
de l'état où il l'avait trouvé. Il avait dressé un devis s'é- 
levant à 13,073 livres, en se bornant « au rétablissement 
« des murs, poutres, planchers et couvertures, et à en- 
« viron 40,000 livres si l'on voulait perfectionner l'ou- 
« vrage. » 

L'importance des sommes demandées rendait très 
difficile et fort improbable une solution dans le sens dé- 
siré depuis si longtemps. Aussi M. Racine voulut-il 
communiquer de suite le devis de M. Leroy au maire, 
M. deTrémault, « avec invitation d'indiquer les moyens 
« de le simplifier, parce que l'inutilité de la dépense au 
« premier cas, et son excès au second, ne pourroient 
« qu'en faire échouer la proposition. » 

Le maire s'empressa de faire dresser un nouvel état, 
comprenant des suppressions et des changements qui 
réduisaient la dépense à 17,000 livres, et le transmit 
sans retard à M. Racine. Rien ne peut faire mieux con- 
naître l'état de la question qu'une lettre, en date du 30 
mars, que celui-ci adressait à M. de Trémault. Aussi 
allons-nous la citer, bien qu'elle soit un peu longue. 



«•J'ai rapporté, Monsieur, au conseil du prince vos 
« représentations pour la conservation d'une partie du 
4 château de Vendôme. J'ai mis sous ses yeux les ré- 
« sultats du devis de M. Leroy, la lettre par laquelle je 
« vous en avois donné communication, et votre réponse 
« qui réduit la dépense à 17,000 livres. Aucun des motifs 
« qui portent les habitants de Vendôme à désirer que ce 
« monument respectable ne soit pas entièrement détruit 
« n'a été oublié. Monsieur en a été frappé, et quoique en 
« général l'esprit de son administration ne soit pas de 
« faire de la dépense à des bâtiments qui lui sont inu- 
« tiles, tout le Conseil a été d'accord que celui-là méri- 
« toit une exception. Mais on a craint l'effet ordinaire 
« des devis, qui sont presque toujours surpassés de 
« moitié par la dépense réelle, et on ne s'est déterminé 
« à autoriser celle-ci que par une confiance particulière 
« dans vos connaissances en ce genre, dans votre exac- 
« titude et dans votre amour pour le bien public, ou 
« plutôt on n'y a consenti qu'autant que vous voudriez 
« bien vous-même diriger les ouvrages et vous en char- 
« ger pour la somme à laquelle votre estimation est por- 
« tée. On a même remarqué dans votre lettre que vous 
« aimeriez davantage que Monsieur abandonnât à la 
« ville le tiers des octroys, qui a une destination spéciale 
« pour l'entretien du château. Comme ce parti, que vous 
« paraissez préférer, a paru aussi le plus simple et le 
« moins à charge aux finances du prince, j'ai été chargé 
« de vous l'offrir. Si donc, au lieu de 17,000 livres, 
« vous voulez. Monsieur, vous engager à faire pour le 
« compte de Monsieur les réparations et reconstructions 
« portées dans votre dernier état, et à entretenir ensuite 
« la partie conservée, au moyen de la cession que Mon- 
« sieur fera à la ville de ce tiers des octrois, Monsieur et 
« son conseil sont très disposés à y consentir. J'atten- 
« drai votre réponse pour lui en rendre compte et termi- 
« ner définitivement cette affaire » 

A la suite d'un exposé completde la situation fait par le 
maire, dans ime assemblée générale des quatre parois- 

XX 16 



— 224 — 

ses de la ville le 9 avril 1780, il fut pris une délibération 
où il est dit « que l'assemblée, pénétrée de la plus vive 
« reconnaissance des bontés de Monsieur, et de nos sei- 
« gneurs de son Conseil, a arrêté que S. A. R. sero très 
« humblement suppliée de faire à la communauté de cette 
« ville la concession offerte du tiers de la seconde moi- 
« tié des octroys appartenant à la ville, aux offres et sou- 
« missions que fait la dite communauté de faire les ré- 
« parations conformément au dernier état envoyé par 
« M. le maire au conseil de Monsieur, et de se charger 
< ensuite de l'entretien, à l'effet de quoi Monsieur sera 
« pareillement supplié d'obtenir toutes lettres patentes 
« nécessaires pour assurera ladite communauté <:?/>e/"- 
« pétuité le dit octroy^ avec la faculté de démolir les par- 
« ties inutiles du ditchàteau spécifiées au dit état, et de 
« disposer de tous les matériaux de démolition, ainsi 
« que d'emprunter à rente perpétuelle ou viagère Jusqu'à 
« la somme de 12;000 livres. — En conséquence, l'as- 
<i semblée a autorisé les dits sieurs maire et échevinsà 
« emprunter soit à constitution de rente perpétuelle, soit 
« viagère, jusqu'à concurrence de 12,000 livres de capi- 
« tal,sous l'affectation spéciale et privilégiée de la dite 
« partie d'octroys etsubsidiairement des autres biens et 
« revenus de la ville, et ce pour frayer aux dépenses né- 
« cessaires au premier établissement » 

Cette délibération est la dernière, relative au château, 
que nous ayons trouvée sur les registres de la ville. 
Nous ne savons donc pas d'une manière précise quelles 
conséquences elle a pu produire. Mais il est possible de 
les supposer. 

Il est probable que rien ne fut encore définitivement 
réglé, et les années s'écoulant, conduisirent ainsi jus- 
qu'à la veille de 89, sans qii'aucim travail ait pu être en- 
core entrepris. L'attention publifjue fut sans doute dis- 
traite de cette question purement locale, pour se porter 
sur bien d'autres plus graves qui s'agitaient déjà et pré- 
paraient les événements d'où allait sortir la société mo- 
derne. 



- 25>r> — 

Les traiisfoniiaiiuiis profondes et rapides que les c[ia- 
noines de Saint-Georges voyaient s'accomplir autour 
d'eux, les remplirent d'inquiétude sur le sort de leur 
église. Dans leur ardent désir d'en assurer le maintien, 
ils formèrent à cet effet une requête que le corps muni- 
cipal n'hésita pas à appuyer, dans sa séance du 30 
janvier 1791, dans le but d'obtenir, avec la conservation 
de l'édifice, « l'établissement d'un chapelain dans cette 
« église où reposent les cendres des princes aveux delà 
« maison régnante (1). 

Cette tentative resta sans résultat, et une année s'é- 
tait à peine écoulée, que la conservation de l'édifice était 
regardée comme impossible, et le 2 avril 1792, on voit 
le corps municipal, saisi de nouveau de la question, ar- 
rêter « qu'il sera présenté une pétition à l'assemblée na- 
« tionale, tendant à la suppression de l'oratoire du châ- 
« teau, qui nécessite des dépenses énormes, et n'est déjà 
« plus en état décent et (à 1') autorisation de construire 
« un caveau dans l'église de la Trinité pour y recevoir 
« les cendres des Bourbons, qui sont sépultures en 
« grand nombre dans l'église du château (2). 

On ignore si cette pétition fut rédigée et transmise. 
Cela semble fort douteux. Le sentiment de respect pour 
les morts qu'elle devait refléter disparut bientôt, effacé 
et confondu au milieu de tous ceux qu'inspiraient les évé- 
nements qui s'accumulaient. Bientôtvint le moment où 
l'administration de la guerre, manquant de ressources 
pour approvisionner les armées qui défendaient les fron- 
tières, fit rechercher de tous les côtés du plomb pour la 
confection des munitions de guerre. L'assemblée ad- 
ministrative du département, pour lui venir en aide, 
réclama, le 12 septembre 1792, les plombs des cercueils 
enfermés dans les tombeaux du château (3). Elle réitéra 



(1) Reg. 21,f 27. 

(2) Reg. 21,P90. 
i.'i) Id.. f"124. 



— 22^ — 

sa demande au bout de très peu de jours, et d'une façon 
si pressante, que le 20 septembre il fut arrêté « que les 
« plombs contenus dans le caveau de la collégiale, dont 
a a été fait bris, seroient envoyés au département, qu'à 
« cet effet, il seroit (à bref délai) procédé à la translation 
n des ossements que contiennent les dits plombs, dans 
« une grande caisse de bois, ou deux s'il est nécessaire, 
« laquelle sera laissée dans ce caveau, et ledit caveau 
« sera muré. » 

Mais avant que la décision eût pu recevoir son exécu- 
tion, des voleurs, profitant de ce que l'église était aban- 
donnée depuis la suppression du chapitre, s'y introdui- 
sirent et cherchèrent à enlever les plombs. Leur entre- 
prise échoua, et donna lieu à l'ouverture d'une action 
criminelle contre eux, qui nécessita le maintien des 
plombs sur place, comme pièce de conviction. 

Les choses étaient encore en cet état^ lorsque, le 
28 mai 1793, le 3® bataillon des volontaires de Paris, de 
passage à Vendôme pour se rendre en Vendée, monta 
à l'église Saint-Georges et la saccagea d'une manière af- 
freuse. Les vitraux, les boiseries, les monuments des 
tombeaux, dont plusieurs étaient des œuvres d'art re- 
marquables, furent brisés et mutilés. Les cercueils que 
renfermaient ceux-ci en furent arrachés, traînés sur le 
pavé du chœur, puis ouverts. Les ossements qu'ils con- 
tenaient furent jetés sur le sol, dispersés et foulés aux 
pieds. Après quoi les volontaires requirent une voiture 
pour enlever des plombs, dont ils voulaient faire des 
balles. Mais ils consentirent aies laisser, sur les repré- 
sentations que leur firent les officiers municipaux, qu'ils 
étaient la propriété de l'État (1). 

En effet, ils appartenaient à lanation, aussi bien que 
l'église Saint-Georges elle-même qui les renfermait. 

(1) Reg. 21, f" 178 et suiv. Les officiers municipaux s'étaient en 
vain efforcés de calmer la fureur de destruction qui animait les 
volontaires. Ils avaient été de la part de ceux-ci l'objet de violen- 
ces et de menaces épouvantables, et n'avaient pu rien empêcher. 



— 227 — 

Alors celle-ci était encore propriété nationale, car elle 
n'avait pas été comprise dans l'adjudication que le dis- 
trict de Vendôme avait faite le 11 juin 1792, au profit 
d'un citoyen François-Jean Pasquier, de la majeure 
partie des logis, tours, remparts et murailles du châ- 
teau. Mais son tour d'être aliénée ne tarda guère de 
venir. 

Ce fut le 24 août 1793 que le district adjugea l'église et 
toutes ses dépendances, mais en faisant réserve néan- 
moins des cercueils, tombeaux, mausolées, grilles et au- 
tres objets enlevés ou à enlever par la municipalité (en 
exécution des décrets et lois sur la vente des biens na- 
tionaux), pour la somme de 10,500 livres, en outre de di- 
verses charges, aux citoyens François Bosset, tailleur 
fripier, Jean Roques, serrurier, Pierre Rolland, cor- 
donnier, Louis Morinet, tailleur, et Julien Robin, poè- 
lier (1). 

L'antique église oùGeoffroi Martel avait établi les cha- 
noines de Saint-Georges fut aussitôt livrée à la pioche 
et au marteau des démolisseurs, qui en vendirent les 
matériaux, ainsi qu'il avait été fait déjà de ceux sortis 
du pavillon de César et des logis du château. 

Après que l'édifice fut rasé, les adjudicataires res- 
taient possesseurs chacun pour une part, d'un terrain 



(1) Le procès-verbal d'adjudication contient les énonciations 
suivantes : 

« L'église de la ci-devant collégiale de Vendôme, connue de- 
M puis trois ans sous le nom de Oratoire du Château, avr-c les 
« chapelles, tour au clocher, sacristie, ensemble l'emplacement 
« des archives du ci-devant chapitre, les chambres basses et hau- 
« tes servant autrefois de logement au sacristain^ le jardin qui 
« est devant les chambres vers le nord, adjacent audit jardin, 
« escalier ou degré conduisant de la grande rampe <"i la dite 
« église, et général(;ment tout ce i|ui dépend de la dite église, à 
« l'exception cependant des cercueils, tombes, tombeaux, mauso- 
« lées, grilles et autres objets enlevés ou à enlever par la muni- 
« cipalité de cette ville comme réservés de droits par les décrets 
« et loix relatifs à la vente des domaines nation.iux.... » 



— 22S — 

que ramoiicellement des débris qui le recouvraient ren- 
dait à peu j)rès sans valeur. Ils ne tardèrent pas à s'en 
défaire, et Pasquier les réunit successivement à la por- 
tion plus importante dont il était déjà propriétaire. 

Il avait fixé son habitation dans les bâtiments dits de 
la Capitainerie, assis sur le rocher formant l'angle 
N.-O. de l'enceinte du château et dominant le faubourg 
Saint-Lubin (1) et le pont de l'Hôtel-de-Ville. Bientôtdes 
habitants de ce faubourg creusèrent imprudemment et 
sans précaution des caves (2) dans la base de ce rocher, 
qui ne tarda pas à montrer des signes d'affaissement. 

Le mouvement qu'il subit se transmit aux bâtiments 
dont il formait l'assiette, et qui étaient vieux et en mau- 
état. Il s'y produisit des lézardes si menaçantes pour 
leur solidité, qu'ils devinrent un péril imminent pour les 
maisons du faubourg, qu'ils menaçaient d'écraser dans 
leur chute. L'autorité s'émut de cette situation. Elle fit 
faire une visite des lieux, à la suite de laquelle un arrêté 
du département du 15 frimaire an viii ordonna que, 
dans l'intérêt delà sécurité publique, les bâtiments se- 
raient démolis. Le propriétaire chercha à s'opposer par 
tous les moyens possibles à l'exécution de cette déci- 
sion, et, pour avoir raison de sa résistance, il fallut 
mettre administrativement en adjudication, le 19 plu- 
vioso an vin, le travail de la démolition, qui fut exécuté 
à ses frais. 

C'était le dernier des bâtiments encore debout qui ve- 
nait de tomber. Dès lors l'œuvre de destruction était 
complète, et si, pour l'achever, il avait suffi de quel- 
ques années, il fallait un plus long temps pour effacer 
les souvenirs que les siècles avaient accumulés autour 
de ces antiques murailles. Ils étaient nombreux et vi- 
vaces encore au commencement de la Restauration. 



(1) En l'an viii, il portait encore le nom de faubourg d'Arcole, 
qui lui avait été donné. 

(2) Registre 30, N" ;U1 et m7. 



* 



— w^ — ■ 

M. le comte de Beaumont, qui était alors sous-préfet de 
l'arrondissement de Vendôme, en fut si vivement frappé, 
qu'ils lui firent concevoir l'heureuse pensée de sous- 
traire à la spéculation des démolisseurs ce qui restait 
de ces vénérables débris. Il jugea que, pour en assurer 
la conservation, il fallait en remettre la garde entre des 
mains que le temps ne fit pas disparaître, et que nul- 
les autres que celles de la ville elle-même ne pouvaient 
mieux remplir cette condition. 

C'est pourquoi il acquit, par contrat (1) du 16 mai 
1819, deJeiianne Proust veuve de Jean Pasquier, moyen- 
nant la somme de 1521 livres, les tours, murailles 
et murs extérieurs encore existants, avec les fossés 
et les terrains qui étaient encore entre les mains de 
celle-ci, et qui composent aujourd'hui la promenade 
de la Montagne ; puis il les offrit à la ville. Une ordon- 
nance royale (2) du 12 novembre suivant autorisa le 
maire à accepter cetie donation au nom de la ville, qui 
depuis ce jour a contracté une dette de reconnaissance 
envers la mémoire de M. de Beaumont. 

La générosité de celui-ci a écarté de nos ruines la 
pioche du démolisseur qui les menaçait ; elles n'ont plus 
à redouter que l'action du temps et des saisons, qui, 
pour être plus lente, n'en est pas moins certaine. Cette 
action funeste pourrait être efficacement combattue par 
quelques travaux de consolidation, dont la dépense se- 
rait amplement justifiée par l'intérêt historique et ar- 
chéologique qu'offrent ces antiques murailles. Le Co- 
mité des monuments historiques, dont elles ont attiré 
l'attention, les a jugées dignes d'être comprises au nom- 
bre des monuments classés (3), et dt^à le ministre des 
Beaux-Arts a alloué^ un secours à la ville, pour l'aider 



(1) Devant Ronou, notaire. — Titres de la ville. 

(2) Titres de la ville. 

(3) Lettre du sous-préfet de Vendôme au maire, du 30 novem- 
bre 1874, faisant connaître que le château, l'église de la Trinité et 
h otcl de ville, sont compris au nombre des monuments classés 



— .230 — 

à relever dans de bonnes conditions un mur de soutè- 
nement des terres, écroulé il y a deux ans, dans le pas- 
sage de la Porte de Beauce. 

Quelle meilleure preuve pourrait-on fournir de la va- 
leur qu'accordent à ces ruines les hommes les plus com- 
pétents et les plus éclairés ? Sans exagérer les consé- 
quences de leur classement parmi les monuments his- 
toriques, on ne peut douter que si la ville pouvait té- 
moigner l'intérêt qu'elle doit leur porter, puisqu'elles 
sont sa propriété, en allouant sur son budget, quelque 
argent pour exécuter des consolidations qui deviennent 
de jour en jour plus nécessaires, elle trouverait auprès 
de l'État un concours bienveillant et efficace. C'est un 
vœu qu'il convient de former, dans l'espoir qu'un jour 
viendra où il pourra être 'entendu et exaucé. 



SUR L'ETYMOLOGIE 

DU 

NOM DE VENDOME 

Par M. Paul Martellière 



Dans son intéressante étude sur les noms de lieux du 
Vendômois, l'honorable M. de Chaban fait venir le mot 
Vendôme : 1° de Ven pour Men, pen^ hen, etc. ; %'^ de 
Dun, Tarn, dom, Tuchen, Duchen; ce qui voudrait 
dire : coteau de la pierre, extrémité du coteau, monta- 
gne du fort, ou forteresse de la montagne. 

Je crois que ces diverses étymologies, quoique fort 
possibles, ont le tort aussi d'être fort arbitraires, et 
qu'on peut faire à ce système les objections les plus sé- 
rieuses. 

Il n'est pas inutile de rappeler que les Romains, en 
s'établissantdans la Gaule, ont essayé de changer au- 
tant que possible les dénominations du pays conquis, 
obéissant en cela à un travers commun aux conquérants 
et aux gens arrivés au pouvoir. Après la conquête de 
l'Algérie, n'avons-nous pas donné à certaines localités 
des noms français? Sans sortir de France, ne voyons- 
nous pas La Roche-sur- Yon se nommer successive- 
ment Napoléon- Vendée, Bourbon- Vendée, et redevenir 
La Roche-sur- Yon ? Le conseil municipal de Paris ne 
change-t-il pas tous les jours les noms des rues pou- 



— 232 — 

vant rappeler quelques souvenirs de la royauté ou de 
l'empire, estimant avec juste raison qu'avant un demi- 
siècle la nouvelle génération aura complètement oublié 
que quelque chose a précédé la République. 

Les conquérants romains, fidèles à leur politique, 
s'empressèrent de donner des noms latins à toutes 
les localités importantes. Quant aux lieux qui ne pré- 
sentaient qu'un médiocre intérêt politique ou géogra- 
phique, ils se contentèrent de leur donner une forme 
romaine, en y ajoutant un suffixe latin, lorsque le mot 
pouvait se prononcer facilement. Mais lorsque la pro- 
nonciation gauloise, un peu rude et gutturale, comme 
toutes les langues primitives, éprouvait quelques diffi- 
cultés à passer par un gosier italien, le romain écorchait 
le nom en le prononçant, et le dénaturait encore bien da- 
vantage en l'écrivant. En efïet, l'écriture romaine se 
prêtait peu à la représentation des sons gaulois, qu'il 
eût fallu rendre avec un luxe inoui de K, d'H aspirées, 
de G gutturaux, de W, comme nous sommes encore 
obligés de le faire lorsque nous voulons écrire en ca- 
ractères français un mot d'une langue dérivée du celti- 
que, tel que le bas-breton moderne. Mais le plus souvent 
nous ne nous donnons pas tant de peine, et nous ac- 
commodons le mot à la française. Exemple : Kœln, 
que nous prononçons et que nous écrivons Cologne; 
Regensburg , dont nous faisons Ratisbonne. 

C'est ce qui explique comment un grand nombre de 
noms de lieux nous sont parvenus seulement avec leur 
forme latine, et comment il est aujourd'hui tellement 
difficile de distinguer la forme primitive. Ajoutez à cela 
les erreurs de copiste, et vous arriverez à des mots qui 
non-seulement ne présentent aucune trace originelle, 
mais qui de plus paraissent n'avoir aucun sens. 

Lorsqu'il s'agissait de villes importantes, le nom 
connu de tous pouvait se conserver à peu près intact ; 
mais, s'il était question de localités à peu près incon- 
nues, les rédacteurs des titres, n'ayant rien pour se 
guider, déformaient ù plaisir. C'est un fait qu'on peut ob- 



— 233 — 

server encore de nos jours, où il n'est pas rare de trou- 
ver, dans des titres rédigés pendant une période très 
courte, ^es noms bien différents, suivant que le vendeur 
a prononcé d'une manière, l'acheteur d'une autre, le ca- 
dastre d'une troisième, la carte de l'État-Major d'une 
quatrième; puis un expéditionaire, venant brocher sur 
le tout, finit par écrire un mot qui ne ressemble plus du 
tout au premier. J'ai sous les yeux un titre rédigé il y 
a quelques jours, et dans lequel un champ est désigné 
sous le nom de Verger-du-RoL Or, dans des titres an- 
térieurs de quelques années, le même mot est écrit 
Mcrçjer, Merget du roy^ du rouet. Dans un titre du 
commencement du siècle, on trouve Murgcr des rouet- 
tes, ce qui doit être le vrai nom, attendu que dans ce 
champ inculte est un véritable murger, c'est-à-dire un 
amas de pierres. Le clerc de notaire, auquel ce mot ne 
disait rien, a voulu comprendre, et en a fait verger. 

Étonnez-vous donc qu'à une époque fort peu lettrée et 
avec le mélange des idiomes gaulois primitif, romain, 
franc, etc., les noms de lieux soient devenus mécon- 
naissables? 

Il est bien certain que, malgré la puissance d'absorp- 
tion delà civilisation romaine, il se manifesta pendant 
un certain temps, et surtout dans les campagnes, une 
opposition sourde à la conquête, opposition qui se tra- 
duisait par la persistance à garder les anciennes croyan- 
ces, les vieilles coutumes, et l'antique prononciation. 
Mais, en définitive, les conquérants apportaient la ci- 
vilisation, et le Gaulois, au dire de tous les écrivains 
anciens, avait une merveilleuse facilité d'assimilation ; 
il prenait volontiers la langue, les usages romains, et 
même les modes romaines. 

A la suite des armées romaines, venait d'ailleurs une 
autre puissance, le christianisme, dont les ministres 
agirent avec encore plus d'énergie que les conqué- 
rants j)Our faire disparaître les souvenirs du passé. Il 



— 234 — 

est donc étonnant que les anciens noms aient même 
pu persister si longtemps, jusqu'au vu'' ou viii® siècle, 
époque à laquelle l'idiome primitif disparut pour tou- 
jours, devant la langue française qui s'imposait irrévo- 
cablement. Il ne s'en est conservé de traces que dans 
la Grande-Bretagne et l'Armorique actuelle; mais ce 
langage proto-celtique a subi lui-même les lois de la 
transformation, etc'està peine si nous pouvons y re- 
connaître un fort petit nombre de mots originaires. 

A l'aide de données aussi peu certaines, est-il aujour- 
d'hui possible de retrouver le sens du mot Vindoci- 
num ? Ce nom ne se trouve pas toujours écrit de la 
même manière. La première fois qu'on le rencontre, 
c'est dans l'histoire de saint Bienheuré, que l'on dit 
avoir été écrite vers la fin du v® siècle. Je crois inté- 
ressant de citer en entier le passage relatif à l'établisse- 
ment de saint Beatus à Vendôme. On y remarquera que 
cette localité était qualifiée d'oppidum, et qu^ le Loir 
était alors navigable. 

« Cumque curiose a navigantibus investifjaret hu- 
« jus modi negotium^ audivit anaucleris de Vindoci- 
« nense oppido carum sibi nuntium, esse videlicet ca- 
« vernam excisant in lapide remotiore quodam non 
« longe (et audito prope Vindocinum esse antrurn ido- 
« neum sibi)^ a casti^o Ledo, ad radiées montiSj desu- 
« per nemore contecto. » 

Des monnaies mérovingiennes portent les noms de 
Vidocino, Vendis et Vende ni s castro, puis nous re- 
trouvons Yindocinum dans la charte de 833, donation 
par le comte Troannus à l'abbaye de Saint-Père de 
Chartres. Dans une charte de Louis-le-Débonnaire, on 
trouve les mots in Vindosnense. Un capitulaire de 
Charles-le-Chauve de 853 parle du Pagus Vindusnisus. 
Plus tard on retrouve constamment Vindocinum. 

Il n'est pas impossible que ce mot vienne, comme le 
dit M. de Chaban, d'un radical, Men ou Pen, qui au- 



— :^35 — 

rait pu se prononcer Ven, quoique rien ne nons le 
prouve ? On pourrait tout aussi bien dire que ce radical 
est Berfn, Venn, banne, manne d'osier, chariot, en ir- 
landais Ben ou Feti. Ducange donne à ces naots Beri- 
naj Venna, Vinna, le sens de pêcherie. 

Mais il est à remarquer que Vindocinum s'écrit par 
un I et non par un E, bien que l'E ait souvent la valeur 
de ri. Ne devrions-nous pas chercher dans les Vinci F 

Nous trouvons dans les langues néo-celtiques : 
1° Le Kymrique Gioin^ le Comique Gwin, l'Armo- 
ricain Gioen^ blanc; 

2° Le Kymr. Gioint, Le Corn. Gwinz, L'Arm. Gwentj 
vent ; 

Et aussi l'Armoricain Gwint, élévation. 

Quant à la finale docinum, il est fort difficile d'v voir 
la traduction latine du Dan celtique. Ce mot s'est tou- 
jours traduit par Dunum ou Douniini, et ne s'est jamais 
transformé en Docinum. Le mot Duchen est un mot 
celto-breton, c'est-à-dire un terme transformé, et non 
une forme primifive. Dun, dans le centre de la France, 
ne paraît pas s'être prononcé autrement que Dunum 
ou Dounos. 

Si nous recherchons dans les idiomes dérivés du 
celtique, nous trouvons encore quelques mots ayant 
une certaine analogie avec le Docinum. Ainsi le cor- 
nique Duon, douleur ; l'armoricain Tonnen, écorce ; 
l'irlandais Tonn, peau, D:inah, méchant ; le gaélique 
Dana, méchant. On peut encore en rapprociier le mot 
gaulois Duscii, démons, incubes, fantômes. Nous trou- 
vons aussi dans les mêmes langues : Dumn, Down, 
Domhcdn, profond, haut ; Tonn, Jo/i«rt^ onde, vague, 
OnnOj fleuve. 

En combinant ces divers éléments, nous pouvons 
arriver aux résultats suivants: 

Pen Duon, Montagne de la douleur; 
Pen Dascii, Pierre des lutins ; 



~ 236 - 

Pen Dumrij Montagne ou Pierre élevée ; 
Venn Dascii, Pêcherie des fantômes ; 
Venn Dun, Pêcherie du coteau ; 
Gwin Torin, Blanche vague, Blanche onde ; 
Gwin Damn, Blanche hauteur ; 

Gwent Onno, Vent, fleuve, on fleuve agité par 
le vent ; 

Gwint OnnOj Élévation et rivière, 

Si je cite tous ces exemples, qu'on pourrait multiplier 
à l'infini, et qui ne sont pas beaucoup plus ridicules 
que le célèbre Ventorum Domus, c'est pour établir 
qu'en opérant sur des langues perdues, avec un peu d'i- 
magination, on peut arriver aux résultats les plus étran- 
ges et, disons-le, les plus fantaisistes. 

Un savant, M. Jeantin^ dans son excellent ouvrage 
sur l'arrondissement de Montmédy, ne s'est-il pas avisé 
de décomposer tous les noms géographiques, lettre par 
lettre, et de prouver que tous ces mots venaient incon- 
testablement de l'hébreu ! 

Que conclure de tout cela? C'est que le mot Vindoci- 
num est composé : l** d'un radical qui paraît celtique, 
Vinclo, qui se retrouve fréquemment dans les noms 
d'origine gauloise, et que les celtistes traduisent ordi- 
nairement par Blanc. Exemple : 

Vindo-Nissa (Windisch ; 
Vindo-Bona (Vienne) ; 
Vindo-Magus (Le Vigan) ; 
Vindo-Cladiaj, etc. ; 

2° Et d'un suffixe latin, Cinus ou Cmtfm, dont le sens 
nous échappe, mais qui se trouve dans plusieurs noms 
anciens et qu'on peut rapprocher de l'armoricain Cyn, 
sommet, faîte. 

Cau-cinus, La Causse (Hérault) ; 
Barri-cinum, Barrine (Meurthe); 



— 2:i: — 

Lavar-cimun, Lavardin ; 
Labri-cÀnuiHj Saint-Calais. 

Puisque nous sommes sur les cinus, et que l'hoiio- 
rablê M. de Chaban m'a gracieusement accordé l'auto- 
risation de le critiquer, je me permettrai une simple ob- 
servation sur l'origine qu'il donne de Lavardin. Il faut 
remarquer que les anciennes formes de ce nom sont 
Lavar^inum et Lavarcinum, et non Laoardinum, ce 
qui exclurait l'explication au moyen de Dan ou Din, 
forteresse ou montagne. 

Je passe maintenant à l'origine du Perche-Gouet. 

Selon M. de Chaban, ces deux mots seraient pure- 
ment celtiques, et se seraient conservés à travers les 
âges, malgré la dénomination latine de Perticus saltus. 
Ces mots, dit-il, se retrouvent dans l'armoricain mo- 
derne, dans le dialecte de Vannes^ Pers ou Pcrch, et 
dans le cambrien Partli, partie, contrée, et Coet ou 
Coat, bois. Ce qui voudrait dire Pays du bois, contrée 
boisée. 

Jamais, il est vrai, dénomination ne fut plus exacte. 
Les mots Percli, Coët auraient été rendus par les Ro- 
mains en Perticus saltus, le mot Perch étant latinisé, 
et le mot Coct traduit par le mot latin correspondant, 
Saltas, bois. 

Telle n'est pas, selon moi, l'étymologie de Perche- 
Gouet. Il est à remarquer que, dans les écrivains du 
moyen âge, le Perche tout entier est désigné sans dis- 
tinction par Perticus saltus, et le mot de saltus n'est 
pas spécialement appliqué à ce que nous appelons au- 
jourd'hui le Perche-Gouet. 

Il est utile d'examiner les anciens textes et de voir 
dans quel sens sont pris les mots Pei-ticus saltas. Sou- 
vent le mot Perticus est seul, d'autres fois pris adjec- 
tivement et accompagné d'un nom qu'il paraît quaiilier, 
Locus Perthicus, Perthicus ou Pertirus Saltus. 



— 238 - 

Cherchons un texte qui se rapporte spécialement au 
Perche - Gouet : nous ne pourrons rien trouver de 
mieux que les vies des trois grands saints du pays, saint 
Lubin, saintCalais et saint Avit. On sait que saint Avit, 
après avoir quitté le monastère de Micy (Saint-Mes- 
min), dont il était abbé, se retira dans une solitude du 
Perche, au lieu dit Picy, qui par la suite prit le nom de 
Saint-Avit. SaintLubin et saint Calais vinrent plusieurs 
fois visiter leur ami dans son ermitage. Or voici com- 
ment s'expriment les auteurs des vies de ces saints, qui 
ont été rédigées vers la fin du vi^ siècle. Il est même 
à remarquer que pour l'époque la vie de saint Avit est 
écrite avec une rare élégance de style; on croirait lire 
du latin de la bonne époque. Or le moine anonyme de 
Micy s'exprime ainsi : Carilepho comitante vastas loci 
Perthici solitudlnes expetlerunt. 

Dans la vie de saint Lubin : Avitum qui morabatur 
eremita in Pertico. Leobinus.... adivit iter'um Avitum, 
in vaséâ Pertici solitudine commorantem. 

Dans la vie de saint Calais: Vastas Perthici saltus 
solitudines expetunt. 

Dans une autre vie, celle de saint Laumer, le Perche 
est désigné ainsi: Abditissima solitudo sylvœ quœ 
Perticus dicitur. 

Au XI® siècle, Gannelon de Montigny, trésorier de 
Saint-Martin de Tours, abbé de Saint-Avit près Châ- 
teaudun, accorde aux religieuses de ce lieu le droit de 
pacage pour cent porcs dans sa forêt : Quœ dicitur 
Perticus. 

Jusqu'à cette époque, il n'est pas encore question de 
Perche-Gouet, et le mot saltus n'est employé qu'acci- 
dentellement, ce qui n'aurait pas eu lieu s'il avait eu 
réellement le sens de Gouet. 

Saltus, dans la basse latinité, veut dire bois, mais 
aussi contrée, grande région, et il est souvent employé 
comme synonyme de Pagus : Perticus saltus, Brie- 
gius ou Briocensis saltus, la Brie, indiquant alors une 



division territoriale. Si Perticus voulait dire région, 
on ne lui eût pas accolé les noms de Saltus et PagiiSj 
qui ont lai même signification ; de sorte qu'on pourrait 
traduire ]Dar « région régionante. » Il est fort proba- 
ble que les écrivains de l'époque entendaient parler de 
la forêt ou région Pertique^ de même qu'en parlant de 
la forêt actuelle d'Orléans, ils la désignaient sous le 
nom de Sylva Leodica (forêt des Leudes). 

Les anciens noms du Perche sont Pe/'^me/zcïs saltus j, 
Perticuli saltus, Perticus sylva, Perticus foresta, 
Pagus PertensiSj, Pagus Perticus, Saltus Particus, 
Pertica. Seulement nous ignorons complètement le 
sens du nom ou de l'adjectif Perticus ; il faut donc le 
prendre pour ce qu'il est, ne pas procéder de l'inconnu 
au connu, et reconnaître que le mot Perche n'en est que 
la transformation parfaitement régulière, suivant les 
lois du changement du latin en français. Perticus, par 
la chute de Vi bref, s'est contracté en Pert'cus, le C dur 
s'est transformé en CH français, d'où Perche. Exem- 
pies : Pertica, perche mesure ; Perça, perche pois- 
son. 

Un exemple analogue se remarque dans le mot Leo- 
dica, que je citais tout à l'heure," et dont la permutation 
régulière donne Loge, mot qui paraît tellement éloigné 
de sa signification première, que tous les géographes 
modernes écrivent Vitry-aWcr-Loges, Fay-a«c2?-Loges, 
croyant naturellement que ce nom venait des nombreu- 
ses loges de bûcherons établies dans toute exploitation 
forestière. Cependant, jusqu'au xvi'' siècle, on écrivait 
Vitry o loge, Vitry eu loge, c'est-à-dire Vitry dans la 
forêt du Loge. 

Mais je m'écarte de mon sujet, et j'y rentre en disant 
qu'on pourra peut-être soutenir que Perticus est la la- 
tinisation de Pers ou Perck ; mais si le mot Koat est 
incontestablement celtique, il n'est pas prouvé qu'il en 
soit de même pour Pers, part, partie, contrée, qui est un 
mot bas-breton moderne qui pourrait parfaitement ve- 
nir du latin Pars. 

XX 17 



— 'Mi) — 

Si l'on voulait retrouver le sens de Pertldcas, ne 
vaudrait-il pas mieux le rapprocher de Perthes, des 
nombreux Perthes, Puerthes, Pers et du comté de 
Perth, et en rechercher les anciennes dénominations 
de ces localités, ce que je ne suis pas à même de faire? 
Peut-être même y trouverait-on la contirmation de l'opi- 
nion de M. de Chaban. 

Quant au mot Gouet, nous sommes plus lieureux, 
car le sens nous enest expliqué par des documents cer- 
tains. 

A inie époque fort éloignée, cette partie du Perche 
appartenait à l'abbaye de Saint-Père de Chartres, Après 
les invasions des Normands, l'abbaye ayant été pillée 
et ruinée, les religieux dispersés, les possessions du 
Perche furent abandonnées et usurpées, nous ne savons 
de quelle manière. Toujours est-il qu'au x° siècle, nous 
voyons en possession des cinq baronnies du Perche un 
seigneur du nom de Guillaume Goeth, premier du nom. 
Les successeurs portent également et sans interruption 
le même nom jusqu'à Guillaume Goeth iv, qui mourut 
vers la tin du xii® siècle, lors d'un voyage en Terre- 
Sainte, et le nom de Goeth disparut, à défaut d'héritiers 
mâles. En effet, à cette époque, Hervé de Gien, qui 
avait épousé la fille aînée de Guillaume, se mit en pos- 
session des baronnies (1). 

Mais si la famille avait disparu, le nom de Goeth 
était resté à la partie du Perche formant ces cinq ba- 
ronnies, pour la distinguer du reste du pays, c'est-à- 
dire du comté du Perche et des terres françaises faisant 
partie du gouvernement du Maine, et des terres démem- 
brées avec le Thimerais faisant partie du gouvernomeut 



(1) Les cinq baronnies du Perche iHaient : Alliiyes, Aoallo- 
ciuin (pays des pommes) Alogia, Aleija ; — Authon, Augusta- 
num ou Atiçjiistoclnnnin, suivant M. Qiiiclierat ; — Brou, Bi'o- 
vium, Broicrim, Braiocum, Brajoluin (lieux marécageux); — 
La Bazoche-Goeth, Basilica, Bazochia Goeti ; — Montmirail, 
Mons mirahilis. 



- .-.^41 — 

de risle-de-France, tandis que le Perche- Gouet déjieii- 
dait de l'Orléanais. Ce qui prouve bien que Goeth était 
un nom d'homme, et non de pays, c'est que La Bazoche 
est désignée dans d'anciens titres par Bazochia Goeti, 
au génitif, Bazoche de Goèt, pour le distinguer des au- 
tres Bazoches, Bazoches-en-Dunois, Bazoches-les- 
Hautes, etc. 

Maintenant, si on tient absolument à placer le mot 
celtique Koat, je ne ferai nulle difficulté d'admettre que 
Guillaume Goeth signifie Guillaume Du Bois, malgré la 
saveur fortement germanique de ce nom. 

Je n'ai nullement la prétention d'imposer ma manière 
de voir; ce que je voulais établir^ c'est qu'en matière 
d'étymologies des mots usuels de la langue française, il 
existe une loi fixe et fatale qui a présidé à la transforma- 
tion du langage. 

Cette même loi existe quand il s'agit de noms de 
lieux, mais elle est plus difficile à saisir, parce que les 
anciens noms ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Si 
les termes de comparaison existaient, nous verrions 
sans doute que les transformations qui nous parais- 
sent les plus étranges se sont en réalité produites très 
régulièrement. 

Il ne faut donc pas trop s'arrêter à la prononciation 
et à l'orthographe actuelle, mais autant que possible se 
reporter aux textes les plus anciens dans lesquels la dé- 
formation est moins accentuée. Quant aux textes posté- 
rieurs aux XI® et xn® siècles, on peut n'en plus tenir au- 
cun compte; alors, en effet, les noms français déjà 
formés étaient retraduits en latin par des scribes, qui, 
pour le plaisir de faire de l'érudition ou simplement par 
ignorance, s'ingéniaient à leur trouver un sens fort éloi- 
gné de la signification })rimitive, et arrivaient ainsi, 
comme le disent fort bien MM. Heuzé et Cocheris, à 
faire de véritables calembours. 

Je crois pouvoir, à l'ajjpui de mon opinion, citer quel- 
ques exemples du profond changc^ment survenu dans 



— 242 — 

les noms de lieux. Ainsi, qui pourrait, si nous n'avions 
pas les anciens noms, reconnaître Oratorium dans 
Ouzouer; Basilica dans Bazocheet Baroche, Letidardi 
villa dans Outarville; Leoderjarius dans Saint-Léger ; 
Brollum, qui fournit ordinairement Breuil, dans Briou 
(Loiret) ; Ledits ou Lidus, dans le Loir? Sans sortir du 
Perche, nous trouvons deux exemples frappants : Aoal- 
lociiim (de Avallo, pomme), mot incontestablement 
celtique, s'est transformé en Alluyes. Rotomagus, 
terme non moins gaulois, s'est changé en Ruan (Loir- 
et-Cher), Ruan (Loiret), Pont-de-Ruan (Indre-et-Loire) 
et Rouen (Seine-Inférieure). Rotomagus signifie lieu ou 
ville du chemin ou du passage, Mag, lieu, ville. Rot, 
chemin, passage, gué(l). Ces localités, en effet, se trou- 
vent toutes sur d'anciennes voies probablement anté- 
rieures à la domination romaine, mais reconstruites ou 
réparées parles empereurs, ce qui leur a fait donner le 
nom de chemins de César. Je dois ajouteçque, par une 
coïncidence des plus singulières, qui m'est signalée 
par M. de Chaban, en armoricain moderne Ra-ann 
veut dire aussi lieu du chemin. 

En résumé, nous pouvons dire avec certitude que le 
mot Vendôme n'est que la transformation régulière de 
Vindocinam latin, et de Vendosme roman, comme Per- 
che est celle de Perticus. Quant aux mots gaulois qui 
ont donné naissance à ces formes latines, il se peut que 
M. de Chaban ait raison, mais nous ne pouvons rien af- 
firmer. Quand bien même, ce qui paraît peu probable, 
les noms de lieux n'auraient pas été latinisés, ils ont cer- 
tainement, pour passer du gaulois au roman et du ro- 
man au français moderne, subi la loi dont j'ai parlé, et 
pu devenir complètement méconnaissables. 



(1) Pour faire plaisir à ceux qui veulent qu'au certain nombre 
de mots gaulois se soient conservés intacts, on peut dire que le 
Rot celtique est i-esté dans le Vendômois ; en effet, une Rote si- 
gnifie un sentier, chemin, passage à ti-avers les champs. A 
moins que i?o?!e ne vienne tout simplement du \sii\nRupta,vouiQ. 



— 243 — 

Je termine en livrant humblement mes hypothèses 
aux méditations des membres de la Société Archéolo- 
gique, et en souhaitant ardemment qu'un savant plus 
versé que-^moi dans la langue de nos ancêtres vienne 
nous dire d'une manière péremptoire comment les Car- 
nutes prononçaient le mot Vendôme. 



RÉPONSE aux Objections de M. .^larlellière 

SUR 

L'ÉTYMOLOGIE DE VENDOME 

ET AUTRES 

Par M. DE Chaban. 



J'ai eu riionneur de communiquer à la Société Ar- 
chéologique, dans sa séance du 14 octobre 1880, l'in- 
troduction d'un travail que je me propose de faire pa- 
raître sur l'origine des noms de lieux de la Touraine et 
du Vendômois, et, ainsi qu'on s'en souvient peut-être, 
cette introduction est suivie, à titre d'éclaircissements, 
de quelques exemples, et entre autres, des articles rela- 
tifs à Vendôme, Lavardin et au Perche-Gouet. 

Depuis lors, un de nos honorables collègues, M. P. 
Martellière, m'a demandé s'il me serait agréable de lui 
voir présenter quelques objections au sujet des noms 
dont il s'agit, et comme, à mon avis, le contrôle appar- 
tient à tous, et qu'en pareille matière il ne peut être que 
très utile à la solution des questions engagées, je me 
suis empressé d'accéder à sa proposition, me réservant 
toutefois le droit de lui répondre, ce qui m'a paru indis- 
pensable après la lecture de son manuscrit. 

Ce n'est pas que je tienne à mon opinion par un sen- 
timent d'amour-propre d'auteur; mais, je le dis sans 
détour quoique non sans crainte d'être vertement cri- 
tiqué, la méthode employée jusqu'ici par la plupart des 
étymologistes dans la recherche des origines oiiomas- 
tiques concernant nos localités, me paraît défectueuse, 
et comme mon honorable contradicteur s'en est, je le 



— ^^45 — 

crois, inspiré, j'ai pensé qu'il était utile de réagir, quoi 
qu'il puisse en résulter pour moi. 

On saitique cette méthode consiste à rechercher, dans 
les plus anciens textes connus, les noms latins ou soi- 
disant tels qui s'y rencontrent, et à en extraire directe- 
ment le nom français, au moyen du remplacement régu- 
lièrement effectué des syllabes latines par les syllabes 
françaises correspondantes ou parla rescission de cer- 
taines portions du mot latin : ainsi Vindocinum devien- 
dra Vindocin, Vendoçn, Vendosne et Vendosme, et Per- 
ticus deviendra Pertcus, Perçus et Perche, et ainsi des 
autres. 

Cette manière d'opérer, excellente pour les mots de 
la langue usuelle, presque tous sortis du latin, comme 
rose, de rosa, nez de nasus, esprit de spiritus, etc., ne 
saurait s'appliquer convenablement, selon moi, aux 
noms de lieux. 

En effet, l'observation démontre qu'à l'exception des 
exclamations ou interjections, qui ne sont en réalité que 
des cris, tous les mots d'une langue, quelle que soit 
leur fonction, ont charge d'y exjH'imer une idée ou d'y 
représenter un objet, et les noms propres, pas plus que 
les autres, ne sont dispensés de cette obligation. 

Or, la plupart des prétendus générateurs latins ne 
renfermant aucun sens, ne peuvent désigner aucun ob- 
jet, ni par conséquent aucun lieu. 

Si l'on doutait de cette assertion, tous les temps et 
toutes les langues en fourniraient la preuve, et j'ose dire 
que, depuis les âges les plus reculés jusqu'à nos jours, il 
n'existe pas un nom qui contredise cette doctrine (1). Ce 
phénomène de linguistique ne se produit pas en raison 
d'une règle émanée de la science ; c'est une loi imposée 
à l'intelligence humaine, qui n'en comporte pas d'au- 
tre, et dire qu'un nom propre est nécessairement un 



(1) Voir pai- exemple la Bible. Ge/tèsa, c. m, v. 20; c. xvii,v..5 ; 
f. XXIV, V. 02 , c. XXVI, V. 33; c. xxix, v. 33, 34 ot 35; c. xxx, 
V. Il et 13; c. XXXI, V. 48. 



- 246 — 

surnom, ou, pour employer le mot exact, un sobriquet, 
c'est énoncer non pas une opinion, mais un véritable 
axiome. 

Il ressort de ce qui précède qu'en dehors des noms 
latins comme Aurelianum, ou gallo-romains comme 
Cassarodanum et Augustodnnum , et à l'exception de 
ceux qui, sans remonter peut-être jusqu'à l'époque de 
la domination romaine, n'en possèdent pas moins un 
sens latin comme Romana villa, Romainville, vallis, la 
vallée, etc., tous les autres, du moins dans nos pays du 
centre, ne sont évidemment que les transformations 
pseudo-latines d'un nom préexistant, puisque, loin de 
posséder, conformément à la loi, un sens relatif au lieu 
qu'ils prétendent désigner, ils n'en renferment absolu- 
ment aucun. 

Tels sont, dans laTouraine, Ambillium pour Ambil- 
lou, Balatedo pour Ballan, Esvia pour Esves ; tels sont, 
dans le cadre de la discussion, Vindocinui^, Lavardi- 
num et Perticus, formes souverainement arbitraires et 
insignifiantes, employées par de dédaigneux vainqueurs 
ou par des écrivains latinisants auxquels répugnait 
l'aspect barbare, à leurs yeux, du nom primitif; et, 
qu'on veuille bien le remarquer, cette manie latinisante 
a persisté si longtemps chez nous, qu'au cours du der- 
nier siècle, les théologiens qui écrivaient encore en latin 
désignaient Bossuet sous le nom de Bossuetius ; j'en 
pourrais citer bien d'autres exemples. 

On voit qu'en matière onomastique, il y a peu de fond 
à faire sur celles des formes latines, qui, n'étant pas des 
mots, ne peuvent être des noms. 

C'est pour cela que, m'éloignant des sentiers battus, 
j'ai eu la pensée de faire pour les noms de lieux ce que 
d'autres ont fait pour les noms d'hommes, et de cher- 
cher,sous l'apparence pseudo-latine des textes, la réalité 
originelle dont elle a pu s'inspirer. 

Je sais ma tâche plus ingrate que celle des étyniolo- 
gistes dont je tente de suivre la route, car ils ont pu, \o 
plus souvent, retrouver sans trop de difficultés, sous le 



— 247 — 

latin barbare des anciens temps, les vieux noms ger- 
maniques connus d'où sont venus bon nombre des nô- 
tres, ave(?leursignitication primitive, véritable certificat 
d'origine (1); il m'a paru toutefois que, puisque les dé- 
nominations locales de source vraiment latine, vallis, 
vallée, mons, mont, etc., sont hors de cause, puisque 
l'allemand ne nous fournit rien pour nos contrées du 
centre, c'était dans le breton armoricain ou insulaire 
que j'avais le plus de chance de retrouver les autres 
sous le soi-disant latin qui les dissimule, l'idiome cel- 
tique ayant été le seul employé sur notre sol avec ceux 
que je viens de mentionner ; et je me suis mis à l'œu- 
vre. Je me tromperai sans doute, et bien souvent peut- 
être, dans l'application de ce système; mais qu'im- 
porte, si le principe sur lequel il repose est vrai ? D'au- 
tres, plus versés que moi, dans la connaissance des 
différents dialectes celtiques, sauront en faire meilleur 
usage. Ce qu'il faut avant tout, c'est échapper à la pres- 
sion des mots latins improvisés. 

On m'a présenté plusieurs objections ; on m'a dit que 
l'armoricain moderne où je puise les racines des noms 
français contenait fort peu de gaulois, et que je mettais 
en avant des mots qui n'existaient pas à l'époque où les 
noms se sont formés. 

A ceci je réponds qu'il ne s'agit pas seulement, selon 
moi, de constater l'absence de certains mots dans les 
très rares inscriptions et les glossaires fort incomplets 
du breton primitif, pour en conclure qu'ils n'en faisaient 
pas partie, lorsque, quoique absents des documents du 
passé, ces mots se retrouvent dans la langue actuelle, 
soit en deçà soit au delà du détroit, et qu'ils sont d'ail- 
leurs restés comme gravés sur le sol par le burin de 

(1) Ainsi Guillaume viendrait de Guill helm, casque volonté 
(au figuré protection), et non du pseudo-latin Guillelmus ; Lubin 
de Leubin, chéri, et non de Lcobinus ; Léger, de Lugerou Lé- 
ger, javelot du peuple, et non de Leodegarius, cité par M. Mar- 
tellière ; tous ces prétendus noms latins n'ayant pas de signifi- 
cation, no sauraient être que des pastiches. (Dict. des Noms de 
Lorédan Larchey.) 



— 248 — 

la voix populaire; dans ces conditions, l'exclusion abso- 
lue de leur emploi me semble exagérée, leur existence 
d'aujourd'hui témoiguant de celle d'autrefois. 

C'est pourquoi j'ai cru pouvoir, sans me préocuper 
de l'observation qui précède, tirer du thème armoricain 
avon, source, eau courante, le nom de la commune 
à' Aoon en Touraine, dont le territoire est sillonné de 
cours d'eau, au lieu d'adopter pour générateurs avum 
ou cœonium, vides de toute signification latine. Je dirai 
de même pour Reugny, si clairement dérivé de Reugnac 
ou Reugnec, l'endroit du coteau qui se trouve effecti- 
vement situé sur le penchant ainsi qu'au pied d'une 
colline, et qu'on fait descendre de Rtiigneium, forme 
insignifiante s'il en fut ; de même encore pour Trôo en 
Vendômois (les détours, les circuits), désignation si 
bien en rapport avec les chemins tournants par lesquels 
on y monte, ou le labyrinthe de galeries souterraines 
fouillées dans les rochers sur lesquels il réponse, et dont 
le nom latin Trujœ ne comporte aucun sens. 

Mais on ne s'est pas arrêté là, et certains m'ont re- 
proché de donner arbitrairement des noms gaulois à 
des localités dont l'existence ne se révèle que bien pos- 
térieurement à la disparition complète de cette langue. 

Cette seconde objection est moins grave qu'elle ne 
paraît. 

Il est, en effet, difficile, je dirais presque impossible, 
de déterminer avec certitude le temps précis où le der- 
nier mot celtique est sorti des lèvres du dernier Gau- 
lois, si l'on en juge par la persistance avec laquelle nos 
gens de campagne conservent encore aujourd'hui tant 
de vieux mots français oubliés depuis longtemps es 
savants etdesgens du monde. La voix populaire, qui 
crée le plus habituellement les noms, a donc pu les em- 
prunter à l'ancien idiome national, sans que les écri- 
vains qui en avaient perdu l'usage nous aient laissé 
trace de ce fait. Il faut remarquer, d'autre part, que les 
lieux revêtus de noms latins forment deux catégories 
distinctes : 



— 249 - 

1° Ceux qui portent un nom de saint, comme sanctus 
Martinus, sanctus Benignus ; 

2° Ceux qui ont été dénommés par des causes étran- 
gères à la question du patronage, comme Vindocinum, 
Perticus et les autres. 

Quant aux premiers, l'objection porterait juste s'il 
s'agissait d'eux dans mon travail, car évidemment leur 
nom ne ]ieut remonter plus haut que l'apparition de l'é- 
glise et du centre aggloméré qui sont leur raison d'être. 
Toutefois, il n'en est pas de même des seconds, et nos 
noms français La Côte, La Rivière, La Noue, qui ne 
s'appliquent certes pas, originairement, aux habitations 
en elles-mêmes, mais à des circonstances de voisinage, 
nous fournissent la preuve de la façon dont ces der- 
niers se sont formés, c'est-à-dire, en général, d'après 
les accidents topographiques particuliers à leur terri- 
toire; or, comme ces accidents^ les coteaux, les plaines, 
les cours d'eau, etc., sont pour la plupart aussi vieux 
que le sol, le nom qu'ils ont produit peut remonter très 
loin dans la langue parlée, et par conséquent à l'époque 
où le latin n'avait pas encore complètement fait dispa- 
raître l'usage de certaines locutions nationales. 

Il n'est donc pas absolument indispensable de savoir 
historiquement, par exemple, l'époque où Avon etReu- 
gny se trouvent une première fois relatés dans les textes 
pour leur prêter raisonnablement une origine gauloise, 
puisque les éléments dont ils se composent sont en con- 
formité de sens avec les circonstances du lieu qu'ils oc- 
cupent. 

Après ces observations, qui me paraissaient néces- 
saires pour éclairer démon mieux renseml)le de la dis- 
cussion, j'arrive aux points de détail, et j'aborde la ques- 
tion relative à Vendôme. 

(' En résumé, dit M. Martcllière dans son étude, 
« MOUS pouvons (if'fii'iner que le nom de Vendôme n'est 
" que la transformation régulière de Vindocinum, latin, 
<' et de Vendosme, roman, comme Perche est celle de 



— 250 - 

« Perticus, » L'affirmation est positive ; mais j'avoue 
que je n'aperçois pas la raison pour laquelle mon ho- 
norable contradicteur se montrerait plus absolu que 
moi dans ses préférences. 

Je parlerai plus loin de Perticus ; quant à Vindoci- 
num, qui n'a aucun sens en latin, il ne peut, je crois l'a- 
voir démontré plus haut, être regardé comme un point 
de départ étymologique ; que ce soit un intermédiaire, 
je le veux bien, mais cela même ne m'est pas prouvé; 
et ici j'en appelle à M. Martellière, et je prends la liberté 
de lui emprunter ses propres armes. 

S'il est, comme il le reconnaît, dans l'habitude des 
peuples de défigurer les noms des pays conquis, pour- 
quoi le Vindocinum latin ne dériverait-il pas du ven 
dom celtique f Puisqu'il admet (ce qui est exact) que 
Ratisbonne vient de Regensburg, pourquoi interdirait- 
il à vin de sortir àeven, comme Ratis est sorti de Re- 
gens, et à docinum de procéder de dom, conrme Bonne 
est procédé de Biirg ? 

Cet exemple preuve suffisamment, selon moi, qu'en 
fait d'étymologies onomastiques, il ne faut pas exagé- 
rer la valeur des transformations obligatoires exigées 
pour les mots usuels, et qu'il peut être dangereux de 
nier ou d'affirmer absolument en invoquant cette obli- 
gation. 

M. Martellière continue et dit que la mutation de P 
en V n'est pas justifiée. 

Je lui demande pardon ; mais j'ai déjà expliqué, et il 
auraitpu voir dans l'article relatif à Vendôme, que cette 
mutation est signalée par Dom Le Pelletier dans son 
Dictionnaire breton-français au mot Penn, et ce savant 
fait autorité. 

J'ai eu soin d'ajouter qu'au commencement des noms 
composés, les consonnes dures devenaient parfois dou- 
ces, sans autre motif à moi connu que le capric^e de l'o- 
reille ou des lèvres, et j'en ai donné pour preuve le nom 
du village de Benodet, situé à l'embouchure de la rivière 



— 251 — 

rOdet, dont le nom devrait grammaticalement se pro- 
noncer Penodet, tête de l'Odet. 

J'ai ajt)Lité de plus que, dans ces mêmes noms com- 
posés, l'adoucissement s'effectuait souvent sur la pre- 
mière consonne du second mot : Den-Fleiz pour Den- 
^leiz, homme-loup, loup-garou. Je suis donc fondé à 
prétendre que Ve/i dom représente régulièrement Pen 
dom sous le rapport des transformations de consonne, 
puisque Ven équivaut à Pen, et que Dom est une trans- 
formation régulière de Tom. 

En ce qui regarde les voyelles, je n'avance rien non 
plus sans exemples à l'appui, et M. Martellière pourra 
également s'assurer que si je me permets d'affirmer 
que, dans la prononciation de Vendôme, ven puisse 
remplacer le ven du Ven Dom breton, qui donne le son 
véne, c'est que vendere a, par la môme opération, 
donné vendre, prehendere prendre, et bien d'autres de 
même. 

M. Martellière oppose à Ven-dom une quantité consi- 
dérable de noms possibles au moyen de combinaisons 
celtiques. Le sens qu'il leur donne prouve qu'elles sont 
purement fantaisistes, car, n'indiquant aucun rapport 
précis entre le nom et les caractères du lieu, elles échap- 
pent à la loi de formation absolue des mots de cette 
espèce; or il n'en est pas ainsi de Ven-dom, dont la si- 
gnification la plus probable, tète de coteau, indique un 
état de choses qui n'a vraisemblablement pas changé 
depuis le déluge. 

Un éminent celtiste, que je ne nommerai pas parce que 
je n'y suis point autorisé, et dont j'ai fait connaître l'o- 
pinion à mon honorable adversaire, m'a signalé comme 
origine plus probable de Vendôme le composé celti- 
que Vindo-Cwn ou Cyn, (coteau blanc), d'où serait venu 
le pseudo - latin Vindocinum ; je me hâte de recon- 
naître que ce nom peut également lui convenir ; mais 
il faut admettre, dans ce cas, qu'on a désigné la monta- 
gne par l'expression d'un de ses caractères les moins 
franchement accusés, carie massif calcaire dont elle se 



- 2^2 — 

compose se i)résente à rextérieur, sauf les fractures ac- 
cidentelles, sous lacouleur du gris foncé, mélangé, par 
places, de brun-roux. 

J'accorde, si l'on veut, que ces deux étymologies 
soient discutables, puisque le rapport entre le nom du 
lieu et les circonstances quil'ontdéterminé, n'est pas de 
certitude absolue ; cependant, je persiste à penser 
que l'insignifiant Vindocinum n'est évidemment que la 
forme pseudo-latine et arbitraire d'un nom significatif 
préexistant; c'est donc, ainsi que pour beaucoup d'au- 
tres, le visage inconnu sur lequel il a été appliqué 
comme un masque, qu'il s'agit aujourd'hui de découvrir. 

J'y ai travaillé de mon mieux ; si je n'ai pas réussi, 
je n'en conserve pas moins l'espoir qu'en prenant la 
voie que j'ai suivie, d'autres, plus \'ersés que moi dans 
les études celtiques, seront un jour plus heureux. Si je 
ne puis construire l'édifice, j'aurai du moins la satisfac- 
tion d'y avoir apporté quelques pierres. 

Je dirai peu de chose de Lavardin ; tout ce qui pré- 
cède m'en dispense. 

Lavardinum n'a pas de sens latin ; c'est donc une fan- 
taisie comme Vindocinum, quoique le rapport du mot 
Lavar-din (forteresse de la parole), avec le caractère 
principal du lieu, laisse le champ libre aux conjectures ; 
du moins m'accprdera-t-on que cette désignation peut 
lui être appliquée avec quelque raison, et sans cho- 
quer la vraisemblance, si l'on se reporte aux motifs que 
j'en ai donnés dans mon premier article. En ce qui tou- 
che l'orthographe Lavarcinum ou Lavarzinum, la ré- 
ponse : est facile la prononciation du D et du Z s'étant 
anciennement confondue et se confondant encore en 
breton, Lavarc/in et Lavardin ne sont certainement qu'un 
seul et même mot. 

Je passe à l'objection principale, à laquelle, je l'avoue, 
j'étais loin de m'attendre ; mais, quoique très savam- 
ment et très ingénieusement présentée, j'espère cepen- 
dant la relever à mon avantage, toujours en m'ap- 



— ^5;-i — 

puyantsurleseul principe qui me paraisse inattaquable 
dans les questions d'onomastique locale, l'obligation 
de concoBdance entre l'état des lieux et la signifi(^ation 
du mot appelé à les désigner. 

A ce point de vue, j'interroge Perticus, étymologie 
certaine de Perche, suivant notre honorable collègue, 
mais que je continue à regarder comme la transforma- 
tion pseudo-latine de Pers ou Perch, et, quelle que soit 
la forme orthographique du mot, quel que soit le temps 
qui l'ait vu naître, quelles que soient la valeur et l'an- 
cienneté des textes où on le trouve, je dis que j'ai le 
droit de lui demander, et je lui demande qui il est. 

Perticus est-il un mot latin 'f Non, car il n'a aucun 
sens dans la langue latine. Est-il un nom latin ? Pas 
davantage, pour la même raison. Qu'est-il donc? Il faut 
bien l'avouer, ce me semble, sur les lèvres pas autre 
chose qu'un vain son, et sur les parchemins des vieux 
âges une goutte d'encre échappée à la plume ignorante 
ou prétentieuse des écrivains. En un mot, Perticus 
est à Perche ce que Leodegarius, dont je parlais tout 
à l'heure, est à Léger, une étymologie fantaisiste au 
premier chef. 

Qu'on veuille bien le remarquer au surplus, faire sor- 
tir les Pers, Perz, Perch armoricain et le Partli gal- 
lois de Perticus, c'est, du môme coup, vouloir faire des- 
cendre Brenn de Brennw.s^ Gall ou Gaël de Galh'ews, etc. 
Est-ce admissible, je le demande ? 

M. Martellière ne s'étonnerait pas, dit-il, que Pers 
et ses similaires vinssent du latin pars ; cela peut être, 
mais rien de plus, car ici encore, où est la preuve ? 

Les savants sont aujourd'hui d'accord, au conti-aire, 
pour reconnaître que le celte, le latin, l'allemand et plu- 
sieurs autres idiomes européens, sont les descendants 
congénères de la langue aryoune parlée il y a six mille 
ans sur les bords de l'Oxus (l) ; je suis donc frmdt' à 



(1) Gramm. hist. de Brachet. 



- 254 - 

croire que bien des racines doivent leur être communes, 
et dès lors à prétendre qu'il n'y a pas plus de raison 
pour que pers vienne de pars que pars de pers. D'un 
autre côté, ce substantif, qui appartient à tous les dia- 
lectes armoricains, se retrouve, comme je l'ai dit, en 
Grande-Bretagne, dans celui du pays de Galles ; les 
documents nécessaires pour le rechercher dans les au- 
tres m'ont manqué jusqu'ici ; mais existàt-il seulement 
en Galles, que cette existence serait déjà une forte pré- 
somption en faveur de son origine celtique. 

Quant au mot Gouet, pour Goët, bois, auquel M. Mar- 
tellière suppose une origine germanique, et qui, au lieu 
de désigner le pays par une appellation due à son ca- 
ractère, le tirerait d'une succession de barons nommés 
Goeth, possesseurs du Perche du x* au xii® siècle, voici 
ma réponse : 

Pour peu qu'on étudie les noms d'homme de cette épo- 
que, il est facile de constater que, dans toas les rangs 
du corps social, ils sont fréquemment tirés du lieu de 
naissance,, de la résidence habituelle, des possessions 
territoriales de ceux qui les portent. De là est sortie 
cette multitude de Duchamp, Duval, Duchesne, Delarue, 
dont j'ai rencontré les deux derniers dans des chartes 
relatives au Perche sous les formes latinisées de de 
Chenio, du Chêne, de Rua, de Ruan. Il n'est donc pas 
surprenant que les premiers seigneurs du Perche- 
Gouet aient été désignés, selon les habitudes de leur 
temps, parle nom de leurs possessions féodales; il en 
a été d'eux comme de tous les Bouchard ou Burghart 
de la Touraine, du Vendomois et de l'Ile-en-France 
n'appartenant pas à la même race et portant tous néan- 
moins le nom de la forteresse, du burg qu'ils possé- 
daient, sans y adjoindre, plus que les Goeth du Perche, 
la particule attributive. 

J'ajouterai, à titre de renseignement, que cette habi- 
tude s'est perpétuée en Armorique, où la langue popu- 
laire n'a pas cessé de procéder de la même façon, et où 
(pour en donner un exemple tiré d'un vieux nom breton 



* 



— .^55 - 

honorai (lemeiit connu dans iioti'e Vendômois), on dit 
aussi souvent Gouvello Forges que Le Gouvello ou de 
Gouvello^^e Forges, de Forges. 

Si, après avoir étudié séparément les deux parties du 
Perche-Gouét, l'on en vient aie considérer dans son en- 
semble, combien ne serait-il pas étonnant que, par 
le seul effet de causes fortuites, il se soit formé de mots 
appartenant je ne dis pas seulement à l'armoricain, 
mais au breton, que ces mots se trouvent joints l'un 
à l'autre suivant des règles de composition et de pronon- 
ciation particulières à cette langue, et que, de plus, 
suivant d'autres causes non moins fortuites, il ait été ap- 
pelé à désigner le Perche par renonciation de son ca- 
ractère particulier Perch-Goét, pays du Bois, énoncia- 
tion reproduite par une portion du nom latin saltus, 
forêt? 

Certes, en fait de hasard, tout est possible; mais il 
faut convenir que celui-ci serait des plus extraordi- 
naire. 

En terminant, je suis prêt à reconnaître, comme mon 
honort^Dle contradicteur et collègue, que trop souvent, 
sans doute, les étymologies d'onomastique locale repo- 
sent sur des conjectures; mais je leur accorde cepen- 
dant plus de probabilités aux unes qu'aux autres, et 
j'espère que les travaux de l'avenir permettront à ceux 
qui s'en occupent d'approcher de plus en plus de la certi- 
tude. 

Avec une modestie que je respecte, et que je devrais 
peut-être imiter, mon honorable collègue semble crain- 
dre les railleries de certains lecteurs. J'avoue que cette 
préoccupation ne m'atteint pas. Il trouve que, braves 
gens comme nous sommes, nous ferions mieux d'a- 
vouer tous deux que nous marchons en aveugles dans 
les chemins de la fantaisie; je ne suis pas bon juge 
dans la question, puisque j'y suis partie; mais, juscju'à 
preuve contraire, je reste très consciencieusement per- 
suadé de l'utilité des principes que je propose en matière 
de recherches étymologir(uesan sujet des noms de lieu, 
XX i.s 



— 2b() — 

à savoir l'obligation rigoureuse pour les mots de re- 
présenter, dans la langue où on les puise, les caractères 
O'i l'un dos c:\racteres de la localité qui les porte. 

J'emploierai donc, à mes risques et périls, la méthode 
que j'ai choisie; si je me trompe dans son application 
à tel ou tel cas particulier, je n'en continuerai pas 
moins à penser, comme je l'ai déjà dit, qu'avant tout il 
faut redouter l'influence exagérée de ces mots prétendus 
latins, revêtus seulement d'une apparence de vie, et 
qui, ne la possédant pas réellement eu eux-mêmes, ne 
sauraient la transmettre à d'autres. 

Chercher pour trouver, c'est la loi du monde ; cher- 
chons donc et laissons rire. 

Je n'ai pas, on peut m'en croire, la plus petite préten- 
tion de me comparer à Galilée ni à Denis Papin ; mais 
je ne les en imiterai pas moins sur ce point. 

Si ces éminents chercheurs avaient régulé devant 
l'ironie des savants de leur époque, on en serait encore 
à croire que le soleil tourne autour de la terre, et quant à 
nous, bonnes gens de Vendôme, après avoir, l'œil at- 
tendri, (lit adieu à nos amis, et déposé notre testament 
chez le notaire, ainsi qu'on le faisait au siècle dernier, 
nous mettrions huit fois vingt-quatre heures pour nous 
transporter à Paris. 

Aimable temps où, en dépit du monstrueux pavé d'un 
chemin dit de César et des effroyables cahots qui en 
étaient la suite, le coche et son contenu arrivaient le soir 
du premier jour à La Ville-aux-Clercs, pour l'heure de 
la couchée, qui s'y effectuait tant bien que mal ! Long 
mais parfois joyeux voyage, dont les vieillards, dans 
mon enfance, faisaient encore de bons contes ! 



î NÉCROLOGIE 



Notre Société a perdu dans le premier semestre de cette an- 
née deux de ses membres, auxquels elle vient, selon l'usage, 
rendre l'hommage qu'elle leur doit. Ce sont MM. Paulin Fer- 
rant et Nonce Rocca. 

M. P. Ferrant, né à Amboise, en 1795^ d'une famille ho- 
norable (1), avait été d'abord employé à la Caisse d'amortisse- 
ment, puis avait exercé successivement les fonctions de con- 
cierge du Louvre^ d'employé de nouveau à l'amortissement, et 
de juge de paix à Mondoubleau, en 1838 ; mais, vers la fin de 
1840, il donna sa démission. — On voulait faire de lui un homme 
de police politique. 

Il fut élu à diverses reprises membre du conseil municipal de 
Mondoubleau, adjoint au maire, etc., etc. ; mais il se démit 
successivement de toutes ces fonctions et vécut indépendant. 
Il avait beaucoup voyagé, en France, en Italie, en Allemagne, 
en Angleterre. Au retour d'un de ces voyages, il inscrivit sur 
le journal de sa vie ces mots mystérieux : Affreux malheur — 
Bonheur extrême. 

Nous n'avons jamais rencontré un homme qui ait autant 
donné dans sa vie. En 1840, il donna à l'église de Beauchène 
(Loir-et-Cher) un beau Christ en terre cuite qu il avait fait mon- 
ter sur ébène (200 fr.). En 1866, il donna à l'église de Mondou- 
bleau 500 francs pour un vitrail de l'Annonciation, dans la cha- 
pelle de la Vierge qui venait d'être reconstruite. 

Il fit beaucoup d'autres dons à plusieurs églises, au Musée 
de Cluny, au Musée Carnavalet, à Paris, à la Bibliothèque de 
Vendôme. Le jour qu'il atteignit ses 70 ans, il donna 70 francs 
aux pauvres et 70 quarts de pain. 

(1) Elle avait ses armoiries : D'azur ;'i .") hesaiits d'or, 2, 2, 1. — 
En 1659, iiii Gabriel Ferrant de la Bastric, ocayer, était maître 
pai'ticLilier des Eaux et Forêts de l'électioa d'Amboise. (iNote 
de M. Gédéon de Trémault.) 



— ^58 — 

Il avait donné à une pieuse dame de notre pays une image 
de saint Vincent-de-Paul, tenant un cœur qui était peint du 
véritable sang de ce saint. On doit bien penser que notre So- 
ciété ne fut point oubliée dans ses générosités. Après la mort 
de son frère en 1866, M. P. Ferrant offrit à notre Musée, au 
nom de ce frère regretté, 2 à 3 )0 médailles ou jetons et plusieurs 
livres, dont un Psautier manuscrit. — Nous en avons rendu 
compte dans notre Bulletin. 

Depuis cette époque, M. Ferrant n'avait cessé de s'intéresser 
plus vivement encore à notre Société. Les offrandes se succé- 
dèrent à des intervalles rapprochés, jusqu'au jour où nous re- 
çûmes plusieurs gravures, deux belles entre' autres d'après 
Raphaël, avec cette triste inscription : Dernier envoi. Il sen- 
tait sa fin prochaine, et nous faisait ses adieux. Il s'est éteint le 
8 mai dernier dans sa 86^ année, dans toute la plénitude de ses 
facultés et le calme de la conscience la plus honnête. 



M. ROCCA (1) 

M. Nonce Rogga était né à Tunis, en 1837, d'une famille 
française, originaire de Gênes, mais fixée en Corse depuis plus 
d'un siècle. Elle se rattachait à des personnages du pays qui ont 
laissé un nom historique. Son père était un tel honnête 
homme, que, joaillier du Bey et de sa coiîr, expert des consu- 
lats français et autres, il est mort sans fortune, tandis que son 
collègue à Tunis décédait, il y a deux ou trois ans, laissant une 
fortune de 40 millions. 

Après de brillantes études au Lycée de Vendôme, le jeune 
Nonce fut pendant cinq ans, soit professeur au collège Saint- 
Louis à Tunis, ou à l'institution de Saint-Louis à Paris (2), soit 
précepteur dans de riches maisons particulières. 



(1) Nous devons la plupart de ces renseignements ù la r.imille, 
dont nous no, faisons souvent ([ue transcrire les correspondan- 
ces. Nous la prions d'agréer ici nos sincères remerciements. 

(2) Créée par l'abljé Bourgade, son maitre et son ami, dans un 
but de civilisation du monde musulman, au moyen de joui'naux, 
etc., en langues orientales, au point de vue chrétien et français. 



- 259 — 

En 1862, il devint secrétoire du général Hussein, directeur du 
Ministère d'État à Tunis, et raccompagna dans ses missions en 
Suède, ^n Danemark, etc. Le roi de Suède le prit en amitié et 
lui propesa d'être son consul général en Egypte ; mais pareille 
charge étant incompatible avec la qualité de citoyen français, 
M. Rocca, plutôt que de renoncer à sa nationalité, déclina l'of- 
fre royale. 

En 1867, nous le trouvons simple professeur libre et homme 
de lettres à Paris. 

En 1870, il se marie, il épouse une charmante jeune fille, 
d'une honorable famille de notre pays ; mais bientôt survien- 
nent les terribles événements. Nonce travaillait alors dans une 
célèbre banque allemande à Paris, où il s'était formé aux gran- 
des affaires. Le chef partit, confiant sa maison à M. Rocca. 
Tous les employés allemands avaient également disparu. Il ne 
restait plus que 52 employés français, qui ne manquèrent pas 
de traiter M. Rocca de prussien, parce qu'il empêchait la ruine 
de cette maison et protégeait leurs intérêts communs. La guerre 
finie, le patron revint, mais renonça à l'intenLion qu'il avait au- 
paravant de se faire naturaliser français. Aussitôt M. Rocca 
l'alla trouver et lui déclara qu'il ne pouvait rester le secrétaire 
d'une maison allemande, et ne voulut recevoir de traitement 
que jusqu'au, jour de la déclaration de guerre, tandis que les 52 
autres employés français, si patriotes pendant le siège, consen- 
taient à recevoir le double traitement que leur allouait le chef 
pour toute la durée de la guerre. Rien ne put vaincre la résis- 
tance de M. Rocca, et cependant il était dans une cruelle gêne. 

Dès les premiers jours du siège, il s'était inscrit à sa mairie 
comme garde national volontaire, et fit toujours vaillamment 
son service. Durant la Commune, réfractaire à ses ordres, il 
s'était réfugié à Orléans. 

Enfin l'on s'émut de voir un tel homme dans une pareille po- 
sition, et, en 1873, il fut nommé l'un des membres français du 
contrôle de la Commission internationale financière tuni- 
sienne (4). 

Il partit donc, et fut bientôt rejoint par sa jeune épouse, sa 

(1) Commis.sion composée de 2 français, 2 anglais, 2 allemands 
et 2 italiens, sous la présidence du premier ministre du Bey et la 
vice-présidence d'un inspecteur général des finances de France, 
et chargée de vcillei- aux intérêts de ses nationaux dans la dette? 
tunisienne. 



— ^60 - 

digne compagne, naguère par le dévouement, aujourd'hui par 
le courage. Hélas ! il ne devait plus revenir. Il se trouvait du 
moins sur la terre maternelle, au sein de sa famille. Il ne tarda 
pas à conquérir la bienveillance du Bey, qui le décora de l'un 
de ses ordres (1) et le nomma inspecteur du collège Sadiki, col- 
lège arabe-français où l'éducation se donne à l'européenne et 
fait des progrès remarquables, auxquels M. Rocca n'a pas été 
étranger. 

Mais bientôt il fut surpris par une étrange maladie, que la 
science ne put définir et qui ébranla profondément sa santé. Il 
vint inutilement consulter en France, traîna encore plusieurs 
années sur le sol africain une vie languissante, puis, les événe- 
ments de Tunisie survenant, il en reçut un contre-coup fu- 
neste. Voir les plus chers objets de ses affections entrer en 
lutte les uns contre les autres, c'était voir son cœur se déchi- 
rer. Sa fin en fut probablement hâtée. Il était digne d'une 
grande âme comme la sienne de quitter la vie sous de pareilles 
atteintes. Il succomba le 24 juin dernier, dans toute la force de 
l'âge, dans toute la lumière de son intelligence, plein de rési- 
gnation dans la volonté divine et de foi dans une aufre et meil- 
leure existence. 

Il était membre de plusieurs sociétés savantes, françaises et 
étrangères, membre correspondant du Comité des Travaux 
historiques près le ministère de l'Instruction publique ; — dé- 
coré de 5 ou 6 ordres nationaux ou étrangers (Ordres de Wasa 
de Suéde, du Christ de Portugal, de la couronne d'Italie, etc.). 

Avant de partir pour Tunis, il avait déjà publié plusieurs 
brochures, plus ou moins importantes, dont le nombre s'aug- 
menta beaucoup sur le sol étranger. Ce n'est pas sans une pro- 
fonde émotion que nous repassons aujourd'hui sur ces pages si 
variées, et que nous revoyons dans ces dédicaces qui nous sont 
bien chères cette grande et hardie écriture, symbole de sa vi- 
rile expansion. 

Nous donnons à la fin de cet article la hste de ses principales 
productions. 

Le caractère littéraire de M. Rocca, ce qui le distinguait par- 
ticulièrement, c'était une étendue et une variété de connaissan- 



(1) Commandeur du Nichâiie-Iftikhai- en 1870, — grand-olti- 
cier en 1879. 



— 2(i\ — 

ces singulière: histoire, littérature^, critique littéraire, politique, 
philosophie, il rayonnait loin dans toutes ces directions. Ajou- 
tez la posàession complète des langues italienne et arabe, entin 
des notions plus que classiques sur les sciences physiques et na- 
turelles. Revêtez tout cela d'une faculté de style extraordinaire, 
dont la note dominante était l'élévation et la noblesse, et vous 
aurez l'un des côtés, et non encore le plus beau, de M. Rocca. 
Le plus beau, c'était cette hauteur de sentiments, cette mora- 
lité supérieure qui s'élevait autant au-dessus des moralités vul- 
gaires que la grandeur d'âme s'élève au-dessus de la simple 
honnêteté. Nous en avons donné plusieurs exemples dans sa 
vie et dans sa mort, mais on ne sait pas tout. Dans ces pays 
d'Orient qu'il habitait en dernier lieu, il faut une grande fer- 
meté d'âme et de caractère pour résister aux pièges que l'on 
tend à votre conscience. Le gaspillage des finances y est sans 
frein ; on nous cite des faits qu'il ne serait peut-être pas sûr de 
rapporter. Nonce, mieux placé, plus influent que tant d'au- 
tres qui se sont enrichis, pouvait obtenir tout ce qu'il eût voulu 
comme concessions, faveurs, etc. Il n'a jamais rien voulu ac- 
cepter, et mourut comme son père, sans fortune, mais léguant 
à sa femme et à ses soeurs un nom des plus respectés. Et en- 
core ici, pour ménager d'honorables pudeurs, nous gardons le 
silence sur tout un long dévouement. Au reste, qu'on lise la 
page suivante, que nous extrayons de ses Quelques notes sur 
l'Histoire littéraire de l'Italie^ et l'on trouvera dans les der- 
nières lignes l'idéal qu'il s'était tracé et qu'il a rempli jusqu'au 
bout. Il s'agit d'un jugement sur le Tasse et sur le Dante : 

« Le Tasse est, à tout prendre, avec un magnifique talent et 
« de nobles qualités de cœur, une de ces âmes molles et plain- 
« tives, naturellement endolories pour ainsi dire, et qui, même 
« sans avoir reçu- d'atteintes profondes, ne peuvent se replier et 
« se concentrer sans gémissement. A propos de douleurs, je ne 
« dirai pas vulgaires, mais communes à la plupart des hommes 
« d'élite, — et il faut ajouter en partie imaginaires, — le Tasse 
<i se soulage par des soupirs élégiaques, modulés en des son- 
« nets élégants et en des lettres confidentielles, où se trahit 
« cette sensibilité efféminée et maladive ({ui devait aboutir à 
« l'hallucination et à la folie. 

i< Le Dante, sous le coup d'événements plus saisissants et de 
« malheurs bien autrement cruels, épanche son indignation et 
'< sa haine, expressions plus viriles de la soulTrance, d;uis une 
«i langue hautaine et puissante comme son génie et son iune. 



— 2fy2 — 

« Mais ni l'un ni l'autre n'ont réalisé cet idéal, ancien comme 
« l'humanité, mais plus lumineux et plus accessible depuis le 
» christianisme : l'idéal de la grandeur et de la beauté morale, 
« qui consiste à vivre sa vie, quelle qu'elle puisse être, sans 
« maudire et sans larmoyer, sans haine et sans lâcheté, dans la 
« fermeté calme et digne de son devoir compris, accepté, accom- 
« pli toujours et partout, quel que l'on soit et quoi qu'il arrive ; 
'( à s'élever enfm par le sacrifice, la résignation et le pardon, aux 
« régions sereines de la philosophie et de la foi, à travers tou- 
1 tes les vicissitudes de l'épreuve et de la douleur, depuis la 
« déception jusqu'au martyre! » 

Nous le répétons, pour tracer cet idéal. M, Rocca n'avait eu 
besoin que de regarder en lui-même. 



LISTE SOMMAIRE 
DES PRINCIPALES PRODUCTIONS DE M. ROCCA. 

Avant son départ pour Tunis : ^ 

Quelques Notes sur l'Histoire littéraire de l'Italie et la Géo- 
graphie ancienne de l'Afrique (Extr. 1868). Bro. gr. in-8. — 
Solide rectification à l'adresse de plusieurs écrivains ou savants. 

Lettre à M. Léon Gambetta. Avril 1870. Bro. in-8. 

La part des Corses dans la défense nationale (1870-71) Bro. gr. 
in-8. — Magnifique revendication de l'auteur en faveur de ses 
compatriotes méconnus. Deux capitaines du nom de Rocca ont 
été décorés ; un troisième homonyme a été promu à ce même 
grade. 

Manzoni. Etude littéraire. 1873. Bro. in-8. 

A Tunis, M. Rocca a publié : 

Les Grands Italiens au xix' siècle, 1" série. Ugo Foscolo. — 
Manzoni. 1875. 1 vol. gr in-l8. 

La France en Orient, depuis les rois francs jusqu'à nos jours. 
1876. 1 vol. gr. in-18. 

Impressions et Pensées (Fragments détachés). Paris, 1877. Bro. 
in-18. 

Lueurs et Reflets. Poésies 1878. 1 vol. in-8. — Nous y remar- 
quons une pièce sur Vendôme, une autre intitulée Sidéra, à 
M. Leverrier, publiée dans notre Bulletin, une autre enfin, — 
qu'if nous soit permis de le dire ici, non par vanité, mais par re- 
connaissance, — qu'il voulut bien nous adresser. 



— 263 — 

Toast cl ]i\ Franco, poésie, prononcée dans une réunion offi- 
cielle. 1879. Bro. in-8. 

Le comte Fréd. Sclopis, sa vie, ses travaux et son temps. Pa- 
ris, F. Saimon, 1880. 1 vol. gr. iii-8°. — Chant du cygne et chef- 
d'œuvre de Fauteur, qui s'y révole vraiment historien. Nous en 
avons rendu compte dans notre dernier Bulletin. 

Enfin plusieurs Discours, dont un prononcé à la distribution 
des prix du collège Sadiki en 1880, et contenant des renseigne- 
ments fort curieux. 

Il laisse plusieurs ouvrages achevés (?) ou inachevés, entre 
autres une Histoire de la Littérature italienne, dont la série de 
ses Grands Italiens n'était qu'autant de chapitres détachés. 
C'est là une perte très regrettable, car la littérature italienne 
était ce que M. Rocca connaissait le mieux, son domaine spécial, 
et après les excellents ouvrages que nous possédons déjà sur la 
matière, il nous aurait certainement encore beaucoup appris. 



Ch. Bouchet. 



DE LA TRANSCRIPTION 

DES CHARTES & DES MANUSCRITS 
Par M. Ch. Bouchet. 



I. 

Nous abordons ici un sujet délicat. Nous venons 
combattre une ancienne doctrine, ou plutôt une ancienne 
coutume, qui n'a pas seulement pour elle l'autorité du 
tempSj mais encore celle d'hommes que nous recon- 
naissons volontiers pour nos maîtres ; enfin nous 
osons demander sinon une réforme complet^ du moins 
l'achèvement d'une réforme commencée. Nous sup- 
phons donc qu'on ne voie point dans notre tentative 
l'effet d'une ])résomption téméraire, mais bien plutôt l'a- 
mour sincère delà vérité et le courage qu'elle inspire. 
Nous n'aurions môme pas osé courir cette aventure, si 
nous n'avions rencontré un renfort inattendu et considé- 
rable, ce qui nous donne l'espoir qu'on voudra bien du 
moins nous écouter. 

Nous voulons parler de la transcription des chartes 
et des manuscrits, mais de ces derniers en tant qu'il s'a- 
git seulement de passages isolés ou d'extraits, la copie 
intégrale des manuscrits étant soumise à des lois par- 
ticulières qui dérivent du plus ou moins grand nombre 
d'exemplaires qui existent généralement d'un même ou- 
vrage (1). 

(1) Nous sommes forcé d'abréger beaucoup et de supprimer 
plus d'un développement explicatif^ en raison de la longueur de 
cet arti(île et de la place dont nous pouvons disposer dans ce Bul- 
letin. Nous espérons qu'on voudra l)ien nous comprendre à 
demi-mot. 



— 265 - 

Les personnes instruites, nnais étrangères à la paléo- 
graphie, qui voient dans un livre la transcription d'une 
charte ou^d'un passage de manuscrit, s'imaginent que, 
sauf les al^réviations qui ont été résolues, elles ont sous 
les yeux la reproduction exacte de l'original, — Or ceci 
n'est vrai que jusqu'à un certain point. Ces personnes 
ne se trompent pas s'il s'agit des mots en eux-mêmes, 
— nous supposons des leçons toujours exactes, — elles 
se font illusion s'il s'agit de la manière de les écrire et 
de la disposition matérielle du texte. 

En effet, elles voient |)resque partout des va la place 
des anciens u, des j à la place des i, de grandes lettres 
au commencement des noms propres ou des noms de 
dignités : « Rex, Papa, Dominus » ; des accents sur 
les mots latins et français : « à Deo, tàm, quùd.... pitié, 
exprès » ; souvent des œ aux cas des substantifs de la 
première déclinaison latine, qui se terminent ordinaire- 
ment ainsi : « ecclesiae, publicae » ; elles voient en 
outre les différentes parties d'une charte, préambule, 
corps du texte, formules finales, séparées par des ali- 
néas, enfin l'emploi de notre ponctuation moderne, tou- 
tes choses qui très souvent n'existent pas dans les origi- 
naux. Ceux-ci, en effet, offrent presque partout des u 
et non des v, excepté au commencement des mots, des i 
et non des j, les noms propres ou ceux de dignités écrits 
très souvent par une petite initiale, excepté en tête des 
actes ou dans les souscriptions, mais non toujours. Par 
contre, souvent de grandes lettres surgissent au milieu 
des phrases, tantôt sans raison appréciable^ tantôt pour 
marquer une nouvelle période, et tiennent ainsi lieu 
de ponctuation ; ajoutez une absence à peu près com- 
plète d'accents, tant dans les mots latins que dans les 
mots français, exceptésurles i (1). « Ecclesiœ, publicae » 



(1) L'accent ne commence à paraître plus pu moins systéma- 
tiquement iju'aa XVI'- siècle. — L'i était souvent accentué et non 
ponctué ; le point ne (commence au plus tôt que vers la lin du 
xiv°. 



— 266 — 

sont écrits souvent « ecclesiae, publicae » ou « ecclesie, 
publiée », avec ou sans cédille sous le dernier e (1). En 
outre, dans les documents les plus anciens, à l'époque 
mérovingienne, par exemple, le texte ne forme à peu 
près qu'un corps continu, une seule teneur avec de ra- 
res coupures ou divisions ; enfin la ponctuation, quand 
elle existe, offre un système particulier et très variable; 
le point y est souvent employé comme virgule. 

Il semble, au premier abord, que rien ne soit pour- 
tant plus simple et plus facile que de transcrire rigou- 
reusement un ancien texte qu'on a sous les yeux. L'ex- 
périence démontre qu'il n'en est point ainsi. Bien des 
raisons y contribuent : 1° Le peu d'importance qu'on 
attachait autrefois et qu'on attache encore souvent au- 
jourd'hui à une transcription rigoureuse. 2° La différence 
d'orthographe entre le texte ancien et celle qui a cours au 
moment de la transcription, en sorte que l'ancienne est 
souvent sacrifiée à la moderne. 3° Les dissentiments 
sur la manière de résoudre orthographiquement cer- 
taines abréviations : preceptum, prœceptum, saint, 
sainct, seint. 4° Enfin les idées théoriques que se font 
les transcripteurs sur l'ancienne forme des lettres, sur 
la manière dont elles se prononçaient, etc. (2). 

Au xv^ siècle, à l'origine de l'imprimerie, l'orthogra- 
phe usuelle étant issue directement de celle des manu- 
scrits, lorsqu'on voulait transcrire ceux-ci, on n'avait 
qu'à suivre d'anciennes habitudes, et l'on se rappro- 
chait beaucoup plus de la réalité qu'on ne l'a fait de- 
puis. C'est ainsi que les premiers livres imprimés sem- 
blent être encore des manuscrits. Mais cette conformité 



(1) Cette règle est aujourd'hui généralement observée dans les 
transcriptions. De même, les accents ne sont pas employés par 
les éditeurs actuels partout où nous les mettons, mais seulement 
sur la syllabe finale, lorsqu'il y a lieu {mérité, procès). 

(2) Telle lettre leur paraissait être une majuscule et n'était 
qu'une lettre ordinaire. Ils transcrivaient Saincte L^rine pour 
5" Larme. 



— 267 — 

ne dura pas longtemps. Dès le xvi" siècle, les réforma- 
teurs de l'orthographe abondent, et bientôt elle fut mo- 
difiée sel©n bien des fantaisies diverses (1). Les trans- 
criptions s'en ressentirent; toutefois plusieui's carac- 
tères de l'orthographe primitive subsistèrent, par exem- 
ple les i et les u consonnes {pouuoir, ieter, riuus, iain), 
etc. Mais les noms propres et ceux de dignité prirent 
partout de grandes initiales, on multiplia les alinéas... 

Dans la seconde moitié du xvii® siècle, l'orthographe 
se réforme en même temps que la I-angue se perfec- 
tionne. Ce sont les Hollandais, en Europe, qui les pre- 
miers entrèrent dans cette voie, en distinguant les i et 
les u consonnes d'avec ces mêmes lettres voyelles, en 
introduisant le j et le v pour les premières et réservant 
l'i etl'u pour les secondes (2). Le grand Corneille, en 
France, les suivit et pass« plus avant. Dans la grande 
édition qu'il donna de ses œuvres, à Rouen, en 1664, 
2 vol. in-f°, trente ans avant la première édition du Dic- 
tionnaire de l'Académie, il inséra un remarquable Avis 
aa lecteur, où il lève le drapeau de la réforme et l'ap- 
plique à sa propre édition. C'est même un rôle où ce 
grand homme n'est pas assez connu. Bien que cette ré- 
forme ne fût pas complète, elle fut néanmoins le point de 
départ d'une nouvelle manière d'écrire, qui fut plus tard 
sanctionnée et complétée successivement par l'Aca- 
démie, et qui de la langue française passa, autant que 
cela était applicable, à la langue latine. Les Bénédic- 
tins, comme toi-it le monde, adoptèrent ces innovations. 



(1) V, Ambr. Firmin-Didot. Observ. sur l'orthographe franc., 
2» éd., 1868. Gi-. in-8». 

(2) Avant les Hollandais, un français, Jacques Sylvius (Du- 
bois), un des hommes les plus érudits de son temps (xvi° siècle), 
nous (lit M. Ambr. Firmin-Didot, amiucl nous ompi-untons ce 
détail, avait déjà distingué le y consonne de VI voyelle, et le r do 
do r«, « ce qui n'est pas un faible mérite, puisque cette confusion 
a duré près de deux siècles après lui et n'a cessé qu'après avoir 
été adoptée parles Hollandais. » (V. Amljr. Firnun-Didot, ouvr. 
cité, p. 181. 



— ;e6« — 

et de là vint dans la transcj'iption des chartes et des ma- 
nuscrits cette orthographe moderne qui n'a cessé de ré- 
gner depuis (1). De nos jours seulement, certaines mo- 
difications se sont introduites dans le sens d'un retour 
vers les originaux. Nous en parlons plus bas. 

C'est surtout quand il s'agit des plus anciens mo- 
numents de notre langue que cette divergence entre 
les modèles et les copies devient sensible. Nous al- 
lons en donner un exemple d'après une charte méro- 
vingienne, reproduite par Mabillon, en considérant, il 
est vrai, son fac - simile comme un original. Nous 
choisissons une pièce célèbre dans les annales de la 
diplomatique, qui va nous fournir un curieux spé- 
cimen de l'histoire des transcriptions. C'est uu diplôme 
de Clovis II, de l'an 653, confirmant les possessions et 
les privilèges du monastère de Saint-Denys et souscrite 
par un grand nombre d'évèques et de dignitaires. Elle 
n'a pas été éditée moins de treize fois, à notï'e connais- 
sance. Donnée d'abord par Jacques Doublet, dans ses 
Antiquités de Saint-Denys, en 1625, elle fat reproduite 
par le P. Sirmond dans le tome II de ses Anciens con- 
ciles de la Gaule, en 1629. Il corrigea plusieurs sous- 
criptions mal lues, ce qui était bien ; mais, ce qui était 
plus grave, il corrigea tous les barbarismes du texte; 
ainsi ce dernier offre partout des i pour des e et réci- 
proquement : oportit, nomEnis, des o pour des u : pos- 
tolatw'j etc.. Le scrupuleux jésuite a eu soin de réta- 
blir oportet, nominis, etc. Il n'a pas rectifié moins de 79 
mots de la sorte. Son svstème a fait école ; sa version 
a été adoptée par un assez grand nombre d'éditeurs, 



(1) On a un curieux exemple de ce passage de l'orthographe 
ancienne à la nouvelle dans la première édition du Spicilège de 
D'Achery. Commencée dans le premier système en 1655, elle se 
continue et s'achève dans le second. Dès le tome v (1661), on 
trouve déjà un mélange des deux, des u pour des v, mais en 
même temps jàm, cujus, etc. Dans le tome vi (1661, époque de 
la réforme de Corneille), le nouveau système triomphe, mais en 
gardant encore quelqaes traces de l'ancien ; Euangelio, p. 92. 



— 2œ — 

taudis que d'autres suivaient Mabillon, dont nous al- 
lons parler. Celui qui a donné peut-être le plus de relief 
au système de Sirmond estCh. Lecointe, de l'Oratoire, 
qui a reproduit le diplôme dans ses Annales ecclésias- 
tiques (1), en adoptant toutes les correcti-ons du trop sa- 
vant éditeur, persuadé que Doublet avait altéré le texte 
à dessein pour lui donner une couleur plus antique et 
plus digne de foi. Il était pourtant bien simple de con- 
sulter l'original. Voilà comment de très savants hom- 
mes entendaient autrefois la transcription des chartes. 
C'est ce qu'ils appelaieni pi^istino nitori suo restituere. 
C'étaient non plus des transcriptions, mais des éditions ; 
ils appliquaient, en partie etfaussement, la méthode pro- 
pre aux manuscrits, c'est-à-dire celle des textes épurés 
et rectifiés, telle que les érudits la pratiquaient pour les 
ouvrages de l'antiquité. « Enfin Mabillon vint « et n'eut 
pas de peine à démontrer que ces barbarismes prove- 
naient non d'une fraude de Doublet, mais de l'igno- 
rance du temps, et, pour dissiper tous les doutes, il ré- 
solut de donner le fac-similé en entier. L'importance de 
la pièce l'y engageait d'ailleurs (2). C'est cette pièce 
ainsi remise sur l'enclume, comme il dit {recadimus) , 
que nous allons examiner brièvement, en faisant ressor- 
tir les particularités qu'il a omises ou mal rendues dans 
la transcription. 

Au commencement de l'original, est une sorte de 
chrisme de forme très compliquée. — La première ligne 
est en écriture allongée (3). Le nom du roi, en écriture 
plus grande que tout le reste, est divisé en quatre par- 



(1) T. III (1008), pp. 375 etsuiv. 

(2) Hoc diploma Dionysianiim tanti nobis visum est, ut id in 
integi'iim exhibere siili ipsa autographi forma statuerimus. Exa- 
ratum nst in cortice seu in papyro /Egyptiaca. (De re Diploma- 
tica, 1()81, Tab. xvii, entre les pp. 370 et .377, et |>our la ti-ans- 
cription pp. 466 et 467.) 

(3) Dans la transcription le premier mot seul est en petites ca- 
pitales. 



— 270 — 

ties : CHLO — do— ui — us. — Le premier motde la charte, 
oportit, est à la ligne, et ne commence point par une 
plus grande lettre que les autres, toutes choses qui 
n'ont pas été observées dans la transcription. 

Quant à l'orthographe proprement dite, hàtons-nous 
de dire qu'elle est aussi tidèle que le comportaient les 
idées qui régnaient alors en pareille matière. Tous les 
barbarismes ont été respectés, mais les v remplacent 
les u^ et lesj lesi ; les grandes lettres dominent en tête 
des noms propres et de ceux de dignités. Les noms du 
père et de la mère du roi sont même tout entiers en pe- 
tites capitales, bien que dans l'original ils ne diffèrent 
en rien des autres mots, impertitur est écrit par un m, 
au lieu d'un 7i...., etc. (1). 

IL 

La grande autorité qui s'attachait avec raison à tout 
ce qui venait des Bénédictins a perpétué leur système 
jusqu'à nos jours, sauf néanmoins d'importantes modi- 
fications dont nous parlerons ci-après. 

Lorsque, sous la Restauration, l'Ecole des Chartes 
fut instituée (1821 et 1829), elle ne crut pouvoir mieux 
faire que de se rattacher à cette ancienne et vénérable 
tradition. Elle s'y trouvait, d'ailleurs, engagée avant que 
de naître, pour ainsi dire, et d'une manière officielle, car 
le rapport présenté au roi en vue de sa constitution expo- 
sait la nécessité « de remplacer ces hommes qui par de 
longs efforts d'application et de patience avaient acquis 
la connaissance des manuscrits et savaient traduire tous 
le dialectes du moyen âge (2). » 



(1) Ici nous avions donné la liste chronologique des treize édi- 
tions à nous connues du diplôme en question, en rattachant cha- 
que éditeur à son chef d'école ; nous supprimons tout ce passage 
pour abréger. 

(2) Rapport du comte Siméon, alors ministre de l'intérieur, 
1821. 



y 

* 



— â71 — 

Un homme cependant qui a été un instant à la tèto du 
nouvel Institut, une sommité de la science, aurait pu y in- 
troduire LMie réforme dans la voie que nous indiquons. 
C'est Letronne, qui joignait toute la sagacité de l'archéo- 
logue au génie de l'érudition et le sens critique le plus ai- 
guisé aune rare indépendance d'esprit. Letronne néan- 
moins, tout en se rapprochant davantage des originaux, 
suivit au fond la méthode des Bénédictins. Nous en 
avons la preuve dans la publication qu'il entreprit, de 
1844 à 1848, des diplômes et chartes de l'époque méro- 
vingienne, conservés aux Archives nationales, dont il 
était alors directeur. Il en a donné tout à la fois les 
fac-similés lithographies et la transcription. Malheureu- 
sement, la surveillance du travail avait été confiée à un 
employé qui laissa s'y glisser beaucoup d'incorrec- 
tions (1). La mort de Letronne d'ailleurs interrompit 
son œuvre. Toutefois nous croyons que les transcrip- 
tions, malgré les fautes qui les déparent, rendent assez 
bien la pensée de l'illustre éditeur, et en général, celle 
de l'époque en pareille matière. Or nous y voyons, 
comme améliorations, les majuscules beaucoup moins 
prodiguées, les ee toujours séparés, et les e remplaçant 
lesœ, lorsqu'il y a lieu (aecclesie). La division des lignes 
de l'original est indiquée, précaution excellente, quand 
il s'agit de textes mérovingiens, mais les v et les j sont 
conservés (privilegium, cujus). Si Letronne n'écrit plus 
« Ecclesia, Episcopus, » par des majuscules, il écrit en- 
core «Domini nostri, Omnipotens Pater » et tous les 
noms propres sans exception. — Nous savons que 
plusieurs des améliorations signalées sont antérieures 
à Letronne (2), mais nous l'avons introduit ici pour 
deux raisons, d'abord parce qu'à cette époque, direc- 
teur à la fois des Archives et de l'Ecole des Chartes, 
il était comme le représentant officiel de la paléogra- 



(1) V. Les Archwes de la France, par M. H. Bordicr (F. Du- 
moulin. 1855). In-8% pp. 188 et suiv. 
C2) Les iB sont, presque partout séparés dans Maliillon. 
XX 19 



•^7V 



phie ; puis, parce que dans sa publication mérovin- 
gienne, se retrouve, au moins pour la 11® fois et non la 
dernière, le diplôme de Clovis II. — Nous avions d'a- 
bord dressé un tableau partiel des divergences qui 
existent entre Mabillon et Letronne, soit dans les fac- 
similés, soit dans les transcriptions, mais, d'après ce 
que nous avons dit })lus haut du travail imjjarfait de ce 
dernier, nous croyons devoir supprimer ici ce parallèle, 
qui d'ailleurs n'offre pas un grand intérêt. Il suffira de 
dire d'une manière générale que le mode de transcrip- 
tion est à peu près le même chez les deux célèbres 
éditeurs, plus correct cependant chez Letronne. 

Son successeur à l'Ecole des Chartes fut Guérard, 
homme d'un génie tout différent, et le plus profond 
peut-être dans l'érudition du moyen âge qui ait paru 
depuis Mabillon. Nous n'insisterons pas; son nom 
seul renferme son éloge. Sous le rapport de la tran- 
scription néanmoins, le seul qui nous intéçesse ici, la 
méthode est toujours à peu près identique. Voici ce 
que nous écrivait à ce sujet un excellent juge en cette 
matière (1), qui a bien voulu examiner pour nous le 
manuscrit original du Cartulaire de Notre-Dame de 
Paris : « Comme vous l'aviez prévu, le texte du Cartu- 
« laire a été publié par Guérard d'après le système des 
« Bénédictins et des éditeurs modernes. Nulle part il 
<( n'est tenu compte des u et des v, des i et des j, des 
H majuscules et des minuscules qui se trouvent dans 
« le manuscrit; mais le texte est ramené à l'orthogra- 
« phe moderne. La ponctuation du manuscrit n'est pas 
« non plus reproduite, et les accents (le manuscrit 
« n'en contient que quelques-uns sur les i pour les dis- 
« tinguer) ont toujours été ajoutés par l'éditeur, qui a 
« aussi résolu toutes les abréviations (2). » 

(1) M. Henri Omont, l'un des employés les plus distingués de 
la Bibliothèque nationale, aux Manuscrits. Nous lui exprimons 
ici nos sincères remerciements, ainsi que des justes observations 
qu'il a bien voulu nous faire. 

(2) On lit dans les Prolégomènes du Cartulaire de Saint-Père 



* 



— Ti^ — 

Depuis, l'Ecole des Chartes, appuyée sur une si lon- 
gue et si imposante tradition, s'y est toujours montrée 
fidèle. Téus, ou presque tous ses anciens élèves, s'y 
conforment avec un ensemble parfait, comme on le peut 
voir en particulier dans le Recueil périodique qui est 
leur organe spécial. Au reste, une publication qui est 
comme l'expression officielle et la profession de foi de 
l'Institut va nous en donner le dernier mot. C'est un re- 
cueil de fac-similés d'anciennes chartes publiés pour les 
études de l'Ecole, en dépôt chez M. Alph. Picard, son li- 
braire en titre. Chaque pièce, — et plusieurs sont em- 
pruntées aux collections mêmes des professeurs — porte 
au bas quelques lignes de transcription. — Nous allons 
donner quelques exemples^ d'autant plus certains 
que ces reproductions ont été obtenues par la photo- 
gravure Dujardin, avec une incroyable perfection, en 
sorte qu'on peut dire avoir sous les yeux les origi- 



de Chartres par Guérard, p. cclxxix, le curieux passage que 
voici : 

Orthographe des noms de lieux. — Il est inutile d'avertir que 
nous nous sommes fait une loi de publier les textes dans toute 
leur ingénuité, on pourrait quelquefois dire dans toute leur bar- 
barie (*). Nous avons suivi, même dans la reproduction des noms 
propres, la variété d'orthographe donnée par les manuscrits. 
Mais nousi devons faire observer à l'égard des mots Pt7/a^ cillarCj 
curtis, nions et autres semblables, écrits isolément, que nous 
avons pris pour règle d'imprimer par une majuscule le mot qui 
faisait partie intégrante du nom, tandis que, dans les cas con- 
traires, ou douteux, le mot a été écrit par une minuscule. 

Ainsi, par exemple, nous avons écrit Manus Villare, Mainvil- 
liers ; Fracta Vallis, Fréteval ; Campus Fauni, Champhol....; 
parce que les mots Villare, Vallis, Campus.... entrent dans la 
composition du nom. Au contraire, nous avons imprimé Cru- 
ciacum villa, Crucé ; villa Lereti, Léry ; Gesiaci cella, iusiers..., 
parce que les mots villa et cella sont restés hors du nom. 

Ainsi Guérard se déterminait par des raisons logiques et gram- 
maticales, et non par la raison paléographique. 



(') 11 est bien entendu que Guérard ne fait ici allusion qu'au style et à rorthographe 
dans une certaine mesure. 



— 274 — 

iiaux mêmes. Nous donnerons entre parenthèses les 
variantes de la copie qui s'écartent de l'original. 

N° 3 DES FAC-SIMILÉS. 
Paris. 1275-1,276. Janvier. 

Donation à la boucherie de Paris par Jean Faroue et 
sa famille à titre de droit d'entrée dans la corpora- 
tion d'une bove sise à la poulailler ie. , 

Uniuersis (unicersis) présentes litteras inspetturis 
unspecturis) (1), Offîcialis Curie parisiensis (officialis 
curie Parisiensis) salutem in domino (Z)omino), (.) 
Notum facimus quod coram nobis constituti Johannes 
dictus faroue (i^aroue), sancelina (2) eius (5ancelina 
ejus) mater, petrus genciani (Petrus Genciani) dictus 
pingot (Pingot)(,) (3) et maria eius (Maria e/"us) uxor (,) 
soror predicti Johannis (,) filia dicte sanceline (-Sance- 
line), etc. 

A la fin, signé: s paganus {S. Paganus). 

iN'' 33. 
Paris, 988, 20 juin. 

Diplôme d'Hugues Capet donnant à l'abbaye de Saint- 
Maur-des-Fossés le domaine de Maisons (4). 

Unchrisme. Innomine (in nomine en 2 mots (5)) sauç- 



ai) Le t n'est pas douteux, 

(2) Petit s dans l'original, bien qu'il dépasse le niveau de la 
ligne, mais il en est partout ainsi dans cette charte. 

(3) Les virgules mises entre parenthèses n'existent pas dans 
texte. Il n'y a aucun signe de ponctuation. 

(4) Maisons-Alfort (Seine), canton de Charenton-le-Pont. 

(5) « Innomine » d'un seul mot, comme il arrive souvent dans 
les diplômes de cette époque. V. plus bas « adaeternam. » On 
trouve encore « inperpetuum, aduicem », etc. 



* 



— 275 — 

tae et indiuidue (e cédille) (indii^idue — e cédille) trini- 
tatis (rrinitatis). (,) hugo (i/iigo) gratia dei (/)ei) rex. 
quicquid*(Quicquid) locis diuino (difino) cultu manci 
patis largieiido conferimus profuturum iiobis adaeter- 
nam(ad aeternam) beatitudinem optinendam et ad pre- 
sentem uitam (uitam) felicius transigendam omnino 
confidimus, etc. 

On le voit, le système n'a guère varié. C'est toujours, 
au fond, celui des Bénédictins, avec une innovation im- 
portante toutefois, la plus importante même qu'ait in- 
troduite l'école moderne. Les éditeurs, en effets ont 
rendu en lettres italiques toutes celles que suppri- 
maient les abréviations, méthode avantageuse pour les 
érudits, qui lisent ainsi le texte contracté à travers 
le texte explicite, mais peu commode, il est vrai, pour 
le lecteur ordinaire, dont l'œil est troublé par ce mé- 
lange continuel d'italique et de romain. 

III. 

Lorsque nous commençâmes à nous occuper de pa- 
léographie^ il y a bien longues années, nous fûmes très 
surpris de voir que l'on ne se conformait pas rigoureu- 
sement, dans les transcriptions, à la graphie des 
originaux, et ne voyant pas pourquoi, nous résolûmes 
de la suivre. — En 1863 nous eûmes occasion de con- 
sulter M. Victor Le Clerc sur un des manuscrits de la 
bibliothèque de Vendôme, dont nous lui citions les 
premiers vers. M. Le Clerc voulut bien nous répondre 
que ces vers « soigneusement transcrits » lui avaient 
fait reconnaître tout d'abord l'ouvrage. Cette haute ap- 
probation nous confirma dans notre manière de voir. 
Depuis cette époque, nous n'avons cessé, sauf bien des 
interruptions forcées, de rédiger de nombreuses notices, 
encore inédites, sur les manuscrits de la bibliothèque 
qui nous était confiée, avec des extraits quelquefois très 
étendus ; nous avons publié dans le Bulletin de la So- 
ciété Archéologique du Vendômois, à partir de IXO"), 



— 27ii — 

un grand nombre de documents (1), et toujours dans le 
même système de transcription (2). 

En donnant celle d'une pièce de la première moitié du 
xvi^ siècle, en français, nous disions: « Quoiqu'il en 
« soit, nous l'avons reproduite rigoureusement, avec 
« son orthographe et son absence de toute accentuation 
« et ponctuation. Il est bon en effet, que le public s'ac- 
« coutume à cette physionomie authentique des choses, 
(( d'autant qu'ici le bon sens de chacun suppléera faci- 
« lement ce qui manque (3). » 

Plus tard, en publiant une charte de Philippe VI de 
Valois (1329), nous poussions le scrupule jusqu'à la 
donner en caractères gothiques (4). Dans le même vo- 
lume que ci-dessus, page 77, nous donnions une charte 
de Geoffroi, vicomte de Chàteaudun, de 1134, reproduite 
non-seulement avec l'orthographe, mais encore avec la 



(1) En voir la liste à la fin de cet article. 

(2) Une fois seulement, nous nous en sommes départi pour des 
raisons que nous expliquons dans l'appendice en question. 

(3) Bulletin de la Société Archéologique du Vendômois, 1873, 
p. 296. 

M. Sickel, dont nous parlerons tout à l'heure, a exprimé de- 
puis à peu près la même pensée: « Je ne me dissimule pas, dit-il, 
que d'abord il paraîtra choquant à plus d'un de trouver dans les 

textes archiepcapeUani , {et autres mots semblables), mais 

bientôt on s'y accoutumera, et c'est le Imt que je me propose, de 
même que nous diplomatistcs, nous nous sommes accoutumés à 
la rencontre de ces négligences dans les originaux. Une correc- 
tion m'a semblé dans tous ces cas superflue. » — Monumenta 
Germaniœ, 2" série, T. I", l'' partie. Préface, en allemand, 

pp. VI-VII. 

(4) (Ibid., 1874, p. 74.) — V. l'erratum à la fin. 

Ceci sans doute ne serait pas toujours possible, mais ce qui 
le serait et devrait, selon nous, toujours se faire, ce serait de re- 
produire au moins les écritures cursives en caractères italiques, 
comme se rapprochant plus des originaux. Mabillon l'a fait 
dans sa Diplomatique, pour toutes les chartes sans exception, et 
bien d'autres auteurs. Nous regrettons de n'avoir pas suivi leur 
exemple. 



* 



'Zll 



ponctuation originale. Entin, en donnant un ciro- 
graphe émané de Geoffroy de Lèves, évêque de Char- 
tres, de*1133, nous revenions encore sur cette ques- 
tion de l'orthographe et de la ponctuation : « Nous 
prions nos maîtres de nous pardonner, disions-nous, 
l'intelligence du lecteur ne s'y laissera pas tromper, et 
nous aurons un degré de fidélité de plus (1). » 

Nous marchions seul peut-être dans cette voie, lorsque, 
vers le mois d'octobre dernier, un article de la Bibliothè- 
que de l'École des Chartes attira vivement notre atten- 
tion, et nous donna l'espérance d'un haut appui. C'é- 
tait un compte-rendu par M. A. Giry du grand ouvrage 
qui se publie en ce moment en Allemagne sous le titre de 
Monumenta Germaniœ historica. Cette très importante 
collection, entreprise autrefois par Pertz, et qui, paraît- 
il, laissait à désirer, est aujourd'hui, en ce qui concerne 
les diplômes et chartes, entre les mains de M. Th. 
Sickel, l'un des plus éminents diplomatistes de son 
pays. La première partie du tome V de la nouvelle sé- 
rie a paru à Hanovre en 1879, gr. in 4°. Elle comprend 
les diplômes de Conrad P"" et de Henri P"" (l'Oiseleur), 
(911-935). 

Ce fascicule, dit le compte-rendu, « annonce un soin 
« des plus scrupuleux, et cette fois l'édition des Diplo- 
(( mata ne peut manquer de faire honneur à ceux qui 
« l'ont entreprise. Dans la préface, M. Sickel a exposé 
« en détail la méthode et les procédés de publication 
« qu'ont suivis les éditeurs. Cette préface pourrait en 
« quelque sorte servir de manuel, au moins pour l'é- 
« poque ancienne, aux éditeurs de diplômes. Pour les 
« textes originaux, M. Sickel pose en principe que l'é- 
<( diteur doit, autant que cela est possible, sans tomber 
« dans le raffinement (2), reproduii'c les caractères 
« extrinsèques du diplôme original. » 



(1) (Ibid., 1880, p. 18G.) 

(2) Il faudrait s'entendre sur ce qu'on appelle io raffinomeiit. 
Cela dépend beaucoup des personnes et des époques. Les Béué- 



— 278 — 

Persuadé que, cette fois, nous avions rencontré notre 
idéal et la justification de notre méthode, nous finies 
venir d'Allemagne cette précieuse livraison et nous 
l'étudiâmes avec soin. Or, voici quelle est notre im- 
pression sincère: nous rendons hommage au profond 
esprit scientifique et à l'admirable conscience de l'au- 
teur. Il est peut-être impossible de pousser plus loin 
les connaissances diplomatiques. 11 a donné le premier, 
croyons-nous, une théorie de la transcription, au moins 
pour cette époque reculée. 

Nous ne pouvons en donner ici une longue analyse. 
Bornons-nous à quelques principes essentiels. Or voici 
son grand principe, — nous traduisons littéralement: 
« Autant que cela est praticable, sans tomber dans les 
raffinements, l'imprimé d'après les diplômes originaux 
doit en rendre les membres extérieurs, les sortes d'é- 
critures et les signes de l'écriture (1). « — Par ces 
membres extérieurs — la membrure^ comiire dit l'alle- 
mand, — il entend les divisions matérielles du texte, les 
alinéas. Par les sortes d'écritures, il fait allusion sur- 
tout à l'écriture allongée qui se trouve souvent en tête 
et à la fin des plus anciens diplômes. Par les signes de 
l'écriture, il a en vue les chrismes, les monogrammes, 
les notes tironiennes, etc., toutes choses qu'il a cher- 
ché à rendre par des signes conventionnels. L'a-t-il tou- 
jours fait heureusement? nous n'entrerons pas dans cette 



dictins auraient regardé comme un raffinement de respecter les 
petites initiales des mots dexis, irinitas, etc. Ce n'est plus un 
raffinement pour M. Sickel, mais il croirait raffiner sans doute en 
conservant ces mêmes minuscules en tète des noms propres, et 
les u à la place des v. Tel n'est pas l'avis, paraît-il, ni la ma- 
nière de M. Mommsen. Le seul moyen d'éviter toutes ces dis- 
tinctions et ces variations, n'est-ce pas de tout reproduire exac- 
tement ? 

(1) Soweit es tluinlich war ohne in Kûnsteleien zu verfallcn, 
soll der Abdruck aus Originaldiplomen deron aeussere 
Gliederung, Schriftarten und Schriltzeichen wiedcrgeben. 
(Préface, p. v.) 



— 279 — 

discussion. 2° — « Quant à la manière d'écrire des ori- 
ginaux,, continue M. Sickel, il n'a pas été changé la 
moindre chose (1)... S'il était douteux comment un nom 
devait être lu, on a accueilli une forme dans le texte et 
remarqué les autres dans les notes... Toutes les fautes 
mêmes des archétypes ont été reproduites dans l'im- 
pression, car je trouve que l'usage qui prédomine jus- 
qu'ici de corriger les textes des documents mène à plus 
d'une inconséquence et donne au lecteur des idées 
inexactes de*la constitution des originaux (2). 

Excellents principes qui ont toujours été les nôtres. 
M. Sickel s'y est-il montré toujours fidèle? Nous ne 
pûmes d'abord nous prononcer qu'avec réserve, n'ayant 
point vu les originaux; pourtant, nous ne supposions 
pas que la graphie des diplômes allemands du x° siècle 
différât de celle de nos derniers carolingiens, qui 
étaient du même temps et de la même race. Enfin nous 
avions pour nous l'autorité de Mabillon (3). 

Mais nous pouvons nous appuyer sur un fondement 
encore plus réel. La Nouvelle Diplomatique des Béné- 
dictins, en efïet, a donné sur sa planche 69 (4), le fac- 
similé de plusieurs fragments de chartes allemandes 
du x® siècle, et en particulier, par une heureuse for- 
tune pour nous, de deux des diplômes édités par 



(1) An dem Wortlaut und an der Schreibweise ist nicht das 
geringste geaendert worden. (Ibid., p. vi.) 

(2) Ibid., p. VI. 

(3) Apiid Germanos et Alamannos eadem scripturaî forma tem- 
poribus Carolinis siibscquentibiisque servabatui' atque apud 
Francos, quippe qui eodeni impcrio continobantur. Hanc scrip- 
turœformam exhibent diplomata quorum nonnulla hic exhibebi- 
mus {a). Tremula porrô scripturain majoribus saltem littcris in- 
vecta est, imperantibus Ottonibus sœculo X {h). {De re diploni., 
p. 52, § XVI.) 

(4) Tome III, pp. 680-681. 

(a) Nous n'en avons pas vu néanmoins. 

(6) Cela est exact, pourtant nous n'en avons trouvé aucune mention dans M. Sickel. 



— 280 — 

M. Sickel, le 5' et le 20" de Conrad l^% pp. 5 et 19 de 
l'auteur (1). 

Or, sans recommencer ici l'épreuve synoptique que 
nous avons faite sur les transcriptions de l'Ecole des 
Chartes, nous donnerons simplement, quant à M. Sic- 
kel, le résultat général de nos observations : et d'abord, 
à notre grande surprise, nous avons rencontré partout 
chez lui le v à la place de l'u consonne, absolument 
comme autrefois (indiî;iduae, difina fa{;ente), (2), bien 
qu'il ait remplacé l'ancien j par 1'/ (iam, iussimus). 
Pourquoi cette distinction et comment concilier cela 
avec son assertion qu'il n'a absolument rien changé 
à la manière d'écrire des originaux? M. Sickel l'a fait 
sans doute par une raison de prononciation, mais c'est, 
selon nous, une confusion fâcheuse que d'identifier 
ainsi la phonétique avec la transcription. Ce sont 
deux éléments distincts, quoique intimement unis. La 
transcription n'a point pour objet de peindre les sons, 
elle ne vise que la forme. En Allemagne, nous dit-on, 
une certaine école, dont M. Mommsen semble être le 
chef, rejette ces accommodements avec le lecteur, ban- 
nit complètement des textes lej et le v, et revient aux 
formes anciennes. 

2° M. Sickel maintient les majuscules en tête de tous 
les noms propres et même des adjectifs ethniques : 
« uir uenerabilis salomon constantiensis, » écrit l'ori- 
ginal (3). Dans le fac-similé que nous avons sous les 

(1) MM. de SyVjel et Sickel publient en ce moment à Berlin 
les fac-similés d'environ 300 documents, diplômes, lettres, etc., 
depuis Pépin jusqu'à Maximilien 1", splendide publication d'un 
prix fort élevé, qui d'ailleurs ne comprend jusqu'ici aucun des di- 
plômes publiés dans les Moniimenta Germaniœ. 

(2) M. Sickel dit, il est vrai, p. vi de sa Préface, qu'il a con- 
servé dans les noms les u ronds et les u aigus, comme dans les 
archétypes, mais il s'agit ici de noms propres dont les uns affec- 
tent, en effet, la première forme, et les autres la seconde: Ulmae, 
p. 4 ; Viti, p. 14, etc. 

(3) Comp. l'auteur, p. 6. 



— 281 — 

yeux, le nom même de l'empereur est écrit par un 
petit c chuonradas (1). 

3° L'aUteur introduit une ponctuation, non pas, il est 
vrai, aussi fréquente qu'on l'emploierait aujourd'hui, 
mais encore trop, selon nous, dans ces écritures qui 
en sont presque dépourvues et ne connaissent guère 
que le point, lequel pouvait très bien être employé en 
guise de virgule. M. Sickel dit lui-même dans sa Pré- 
face (p. vu) que tout autre signe que le point doit être em- 
ployé rarement; « c'est ce qui paraît répondre le mieux 
au style des diplômes de ce temps. » Il remarque encore 
avec beaucoup de justesse que l'un des caractères de 
ces anciens styles est une disposition assez constante 
qui détermine une certaine construction (architecture) 
des phrases et des périodes (2). » Il a cherché à en ren- 
dre compte par la ponctuation. N'était-ce pas au con- 
traire une raison pour l'économiser? 

4° Enfin, l'auteur emploie un petit texte fort menu 
pour les parties qui ne font que reproduire des parties 
correspondantes de diplômes antérieurs. L'intention 
est sans doute excellente, mais il en résulte une bigar- 
rure de textes qui est tout à fait contraire à la physio- 
nomie extérieure des modèles et une grande fatigue de 
lecture (3). 

Nous arrêterons là ces observations. M. Sickel, 
comme l'on voit, a encore un pied dans l'ancienne mé- 
thode. Mais si l'on a bientôt fait de poser ces réserves 
dans un travail si considérable et si ardu, il serait plus 
long d'en détailler tous les mérites. Disons en un mot 
que rien de semblable n'avait été fait jusqu'ici, que les 



(1) Ce c ne peut être considéré comme grande lettre, bien qu'il 
s'élève beaucoup au-dessus de la ligne. C'est la forme diplomati- 
que ordinaire du temps. M. Sickel lésait mieux que nous; il ;i 
seulement obéi à un principe général. 

(2) Préface, p. vu. 

(3) V. en particulier le 15' diplôme de Henri I", p. 51. 



— 182 — 

soins apportés à cette œuvre ont été infinis, et que si 
l'auteur a été quelquefois moins voisin de la perfection 
qu'il aurait pu l'être, c'est encore par excès de science 
et de conscience. « Il y a là (dans ce travail), continue 
« M. Giry dans l'article dont nous avons parlé, matière 
(( à réflexion pour tous ceux qui publient des textes. 
« Avec les progrès de la critique les devoirs des éditeurs 
« augmentent; les éditions anciennes ne peuvent plus 
(( servir, sans révision, aux études de diplomatique; 
« les nouvelles, même les plus soignées, manquent 
« d'une méthode commune; chaque école ou même cha- 

« que érudit publie à sa guise, se crée sa doctrine 

« Il serait bien à désirer que les savants pussent s'en- 
(( tendre dans toute l'Europe pour adopter des règles 
« à peu près uniformes. » 

Voilà ce que nous avions à dire sur la transcription. 
Sans doute cet article, malgré son étendue, est bien 
incomplet, mais traiter la matière à fond eût été une 
grosse tâche, et trop disproportionnée à nos forces et 
à la nature de ce Bulletin. 

On nous accusera peut-être d'un littéralisme étroit, 
d'un esprit judaïque. Nous répondrons que sortir de 
cette ligne rigoureuse, c'est entrer dans la voie de l'in- 
terprétation, et alors quelle sera la règle et la limite? 
Tout est livré au sens individuel. On tombe dans l'ar- 
bitraire; le seul moyen de l'éviter, c'est de tout repro- 
duire. 

Pourtant, nous ne voulons point nous montrer d'un 
rigorisme absolu, et nous admettrons, si l'on veut, que 
dans les textes qui sont en dehors de l'érudition et s'a- 
dressent à la grande généralité du public, on lui fasse 
certaines concessions dans une certaine mesure (1), par 
exemple, la ponctuation et l'accentuation les plus in- 



(1) Nous-même, comme nous l'avons dit plus haut, nous l'a- 
vons fait une fois, en publiantnos Miracles de la Vierge dans le 
Bulletin de la Société Vendômoise (juillet 1870). 



* 



— 2>83 — 

dispensables. Ce sera affaire de tact et de discrétion ; 
mais partout oîi domine le point de vue philologique ou 
paléograjîhique, nous tenons que l'extrême rigueur est 
préférable. Et encore avec tous ces moyens termes, au- 
rait-on l'inconvénient d'un double mode de transcription, 
ou plutôt d'une infinité, et la crainte que le mode à l'u- 
sage des gens du monde ne l'emportât sur celui des 
érudits. 

On nous dira peut-être encore que ce sont là de bien 
petites choses, indignes d'arrêter l'attention d'un esprit 
sérieux. Il est vrai, nous avons eu quelquefois regret 
de la petitesse de notre sujet; pourtant ces minuties ont 
leur importance; elles peuvent servir à fixer une leçon 
douteuse, et d'ailleurs, répétées un très grand nombre 
de fois, répandues sur tout un texte, elles contribuent à 
en conserver, ou à en déformer la physionomie géné- 
rale, selon qu'elles-mêmes sont ou ne sont pas obser- 
vées. Chaque science a ses infiniment petits avec les- 
quels elle est obligée de compter. 

Résumons en deux mots notre travail : On voit que 
l'histoire de la transcription se divise en 3 périodes : 
1° Depuis le xvi^ siècle, jusqu'à la réforme de l'ortho- 
graphe sous Louis XIV. 2° Depuis cette dernière épo- 
que jusqu'à nos jours; c'est celle qu'on peut appeler 
la période bénédictine. 3° Enfin l'époque actuelle, dont 
M. Sickel nous paraît être l'un des plus hauts repré- 
sentants. 

Nos conclusions, c'est-à-dire ce que nous demandons, 
sont à peu près celles de l'illustre savant. Nous les ren- 
fermerons toutes dans un seul principe que nous avons 
ainsi formulé depuis longtemps à notre usage : 

Faire semblable de tous points aux originaux, 
autant que cela est possible par les procédés 
typographiques ordinaires , et autant que le 

PERMET l'intelligence DU PLUS GRAND NOMBRE DES 

LECTEURS. — Renvoyer en note les corrections, 

VARIANTES, CONJECTURES, ETC. 



— 2Si - 

C'est ce que nous pratiquons nous-même depuis 
seize ans et plus, et nous sommes peut-être le premier 
qui l'ayons fait avec cette logique. 

Quant au vœu qu'émet M. Giry d'un Congrès in- 
ternational pour établir des règles à peu près uniformes 
en ces matières, nous y applaudissons de tout cœur. 
Nous avions même dressé un plan — peut-être deux — 
qui exprimaient nos idées sur l'organisation d'une pa- 
reille assemblée ; mais comme, selon toute vraisem- 
blance'j elle n'aura point lieu — pour des raisons que 
nous laissons à chacun le loisir de chercher, et que, 
dans tous les cas, nous ne serions point consultés, 
ce que nous admettons très bien, nous resserrons pro- 
visoirement nos plans et nous nous en remettons au 
temps et aux progrès insensibles mais certains de la 
critique, qui à la longue finissent par devenir un cou- 
rant général et par entraîner tout le monde (1). 

(1) La longueur de cet article nous oblige à supprimer pres- 
que entièrement la liste des chartes et documents que nous 
avons publiés dans le Bulletin de la Société Archéologique du 
Vendômois : 

Au mois d'avril 1865, 7 pièces originales du xvi" siècle (1515- 
1594) en français, relatives à l'histoire de Vendôme. 

Au mois de janvier 1866, une charte latine de 1217. 

Au mois d'avril 1869, la transcription ou l'analyse de 6 pièces 
relatives à l'abbaye de Vendôme, une en latin, les autres en 
français (1285-1703). 

Au mois de juillet 1871, deux Privilèges du pape Urbain iv, en 
faveur de l'abbaye de Vendôme (1261-1262). 

Etc., etc. 

Toutes ces pièces étaient inédites, une exceptée, et ont été pu- 
bliées d'après les originaux, sauf 2 articles. 



* 



— ^85 — 






ERRATA. 



Au bas de la première page du présent article, après ces mots : 
« d'un même ouvrage », ajouter : « et de l'usage auquel il est 
destiné. » 

P. 266, 2' alinéa, après : « Au xv' siècle l'orthographe 

usuelle », ajouter : (était-ce bien une orthographe ?) 

P. 276, note, après : « Ceci.... ne serait pas toujours possible », 
ajouter : « Et encore pourquoi non ? Sans parler des anciennes 
éditions gothiques, on a imprimé de nos jours des romans du 
moyen âge en pareils caractères. 



Vandôme. Typ. Lemercier & Fils. 



I' 






EXTRAITS 



DES 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de Ifr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra êti'e admis à l'une de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 







BULLETO 



DE LA 



/y» 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 

DU 

VENDOMOIS 



TOME XX 
4» TRIMESTRE 1881 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page ^87 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 14 juillet 1881. . . 288 

Renouvellement du Bureau pour 1882 296 

Jeanne d'Albret et la spoliation de l'église Saint- 
Georges de Vendôme le 19 mai 1562; Inven- 
taire des bijoux et reliquaires spoliés par 
Jeanne d'Albret à la collégiale, par M. l'abbé 
Métais (1" partie) 297 

Notice sur les jetons des galères frappés au nom 
et aux armes de Louis-Joseph, duc de Ven- 
dôme, par M. Jules Chautard (Planches) . . 329 

Les premiers hommes et les temps préhistoriques, 
par M. le M'' de Nadaillac — Compte rendu 
par M. de Maricourt 348 

Chansons de métiers et chansons de village. — 
Le Bûcheron; Mon Ane, par M. Ch. Chau- 
' tard 352 

Note sur un silex découvert à Crucheray (Plan- 
che), par M. Louis Martellière 359 



VENDOME 
Typographie Lemergier & Fils 

i88i 




* 



SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE k LITTÉRAIRE 

DU VENDOMOIS 



20« ANNÉE — ^^ TRIMESTRE 



OCTOBRE 1881 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Veu- 
domois, s'est réunie, en assemblée générale le jeudi 13 octobre 
1881, à deux heures. 

Etaient présents au Bureau: 
MM. de Sachy, président; Isnard, vice-président; Soudée, 
secrétaire; G. de Trémault, trésorier; Nouel, bibliothécaire- 
archiviste; Ch. Bouchot, bibliothécaire honoraire; l'abbé C. 
Bourgogne; deBodard; 

Et MM. L. Buffereau ; Duvau ; Jacquet ; P. Leniercier ; 
l'abbé Maillet; Jean Martelliùre ; l'abljé Métais ; l'abbé Mo- 
reau ; l'abbé Renou ; RigoUot; l'abbé Roulet ; Thillier père; 
Louis Thofaux. 

XX 20 



- 588 — 



M. le Président déclare la séance ouverte. 



Un nouveau membre s'est fait inscrire depuis la dernière 
séance : M. Fernand Peltier, avoué à Vendôme. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 14 juillet 1881 



I. — ART & ANTIQUITÉS 

Nous AVONS reçu: 

De M. Jules Chautard, doyen de la Faculté libre de Lille: 
Un PORTRAIT gravé, format in-4% de François de Vendôme, 
duc de Beaufort, plus connu sous le nom de Roi des Halles. — 
Buste cuirassé à droite, dans un encadrement ovale. Au-des- 
sous, les armes du prince entourées des cordons des ordres du 
Roi et posées sur une ancre en pal. Gravé par N. de Larmessin, 
16b2. Épreuve un peu fatiguée; mais la tète est belle et la phy- 
sionomie expressive. 

De M. Barbin, maire de Droué: 

Une HACHE en silex brun poli; assez bel échantillon, quoique 
endommagé à la pointe. — Longueur, O",!! ; largeur au tran- 
chant, 0"°, 06. Trouvée à Droué; 

Et deux fragments de POTERIES gallo-romaines provenant 
des environs de Bonneval (Eure-et-Loir). 

De M. Renvoizé, propriétaire à Vendôme: 
La TÈTE de la statue en pierre de la sainte Vierge qui se 
trouvait dans l'église Saint-Bienheuré avant la Révolution. Le 
principal mérite de' ce fragment peint et repeint consiste dans 
l'authenticité de sa provenance. • 



De notre collègue M. de Bodard : 
Sept HACHES ou ébauches de haches taillées à larges éclats, 
* échantilloiff? à divers états de dégrossissement de l'atelier du 
Breuil. 



IT. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Jules Chautard: 
45 jetons français, pour lesquels nous regrettons d'être forcés 
parle manque d'espace de nous bornera une simple nomencla- 
ture, au lieu de reproduire les excellentes notes jointes par le 
donateur à son envoi. 

1" Reines de France. 

Anne d'autriche: Et spes et guadia portât, 1641. 

Uterque utriusque levarnen, 1642. 

Buste de Louis xiiii. 

Regni moderairix. 

Nullos passura labores, 1654. 

Marie-Thérèse: Entrée de la reine à Paris, 26 août 1660. 
Splendorem et gaudia reddet, 1665. 
Splendescit in nmhris, 1666. 
Hinc splendor et ardor, 1669. 
Cœlestes sequitur' motus, 1677. 

2" Administrations diverses. 
GRAND CONSEIL : Hœc requios mea hic habita, 16.50. 
chambre aux DENjtRs: Prœhet utramque tibi, 1625. 

Nec ohscurant, nec inorantur, 1678. 
Hœc meta laborum, 1679. 
BATIMENTS ROYAUX : Idemrcrum. ii\odcratnr Jiabenas, 17.']8. 
ORDINAIRE DES GUERRES : In certamen utrumque, ll^'.i. 
artillerie: Si vis pacem, para bellum, 175^1. 

3" Jetons historiques. 

La Fronde : Quod fuit honos criminis est cindcx. — Armes de 
Mazarin altérées. — R. : Sunt certa hœc fata t g r a nuis. — 
Fronde suspendue. 1651. 



— 290 — 

L'Entrée du légat à Paris: Card. Chisiusnep. Alex. VU p. lega- 
tus alatere in Fr. — Buste de face du cardinal. — 9 aug. 
1664. 

Ouverture du canal du Languedoc: Apcrit coinmercia inundo, 
1678. 

Prise de Montmédy: Mons médius capt. 

4" Villes & Provinces. 

Etats du Languedoc: Cornitia Occitaniœ,\&h'è. 

— — Fidelissemperque paratus. 

Parlement de Dijon : Ferme reges régnant, 1645. 
Ville de Dijon: B. Euvrard, mayeur, 'iô29. 
Beaune : Pierre Texier, maire, 1695. 

Riom : Ducalis Aroernorum cimtas. — M" Decombe, prévostde 
la Monnoye, 1607. 

Nancy: Ject. delachambre de ville de Nancy. — Buste de Char- 
les IV, duc de Lorraine, 1669. 
— Jeton de la chambre de ville. — Vue de la ville de 
Nancy, 1723. 
Bar-le-Duc: Jetons delachambre de ville, aux dates de 1646, 

1682, 1709. — Trois pensées : Plus penser que dire. 
Nevers: Cioitas Nivernensis. — Auspicata sub rege unitas. 
Angers : Nicolas Cupif, maire, 167i. 

— René Lé si ne au, maire, 1681. 

Orléans: Pour la comm[anauté] des marcA[ands] /réy[uentant] 
la i?[ivière] de Loyre. — Vue de la ville, 1625 
et 1553. 

— Même pièce avec le buste de Louis xiv. 

5° Jetons personnels. 

Cas.Aiii. L. G. Met-:: de Caumartin. 1704. — Cette pièce] a été 
frappée à l'occasion du baptême d'un fils de M. de Caumar- 
tin, gouverneur de Metz. Cet enfant s'appela Casimir, du 
nom de sa marraine, Madame la maréchale de Belle-Isle, et 
Metz, du nom de la ville qui fut son parrain. 

Duc et duchesse de Nevers, 1651. — Ce jeton, au type connu de 
Louis de Gonzague et de Henriette de Clèves, rappelle la 



— 291 — 

pieuse fondation faite par eux pour marier et doter, chaque 
année, soixante jeunes filles pauvres. De Là les nombreux 
jetons uniformes de type et de légende frappés de 1579 à 
1722. • 

Marquis d'Entragues. — Armoiries sans nom ni date. — Deux 
pièces identiques pour le type, l'une ronde, l'autre octogo- 
nale. Elles se rapportent à Louis-César de Prémeaux, mar- 
quis d'Entragues, mort en 1747. 

Michel Phèlipeaxtx , archevêque de Bourges, 1680. 

Lèonde Gèvres, id., 1694. 

Frédéric-Jérôme de la Rochcfoucault, id., 1729. 

Georges-Louis Phélypeaux, id., 1757. 

A ce nombreux et intéressant envoi était joint un liard de 
Louis XV, à la date de 1774, dernière année du règne. 

De M. G. DE Trémault, notre trésorier: 
Un jeton des Provinces-Unies. — xvii' siècle. 
Un autre de Louis xiv pour les bâtiments royaux. — Decusad- 
jicit hospes. Le soleil au milieu du zodiaque. 
Plus deux jetons de Nuremberg. 

De M. Peltier, avoué à Vendôme : 
Une pièce de 15 sols de Louis xvi, 1791. — Génie écrivant la 
Constitution. — L'An III de la liberté. Frappée à La Rochelle. 
Bien conservée. 

De M, SouRiAU, conseiller municipal : 
Un jeton, ou plus exactement un bouton d'uniforme en métal, 
dont la boucle a été coupée de façon à figurer une sorte de pièce 
sans revers. District de Nismes. — LA LOI — LE ROI dans 
une couronne de chêne. 

De M. G. DE Lavau, à Moncé : 

Un grand blanc à la couronne de Charles viii. Pièce commune, 
qui offre cependant quelques particularités dignes de remarque. 
Ainsi la légende de la face et celle du revers commencent par une 
hermine, ce qui indiquerait que la pièce a été frappée^ pour l;i 
Bretagne, quoique la croix du revers soitcantonnéc de deux lys 



- 292 — 

et deux couronnes. Notons aussi la forme insolite de la légende: 
KAROLVS REX FRANCORVM, au lieu de FRANCORVM 
REX. Trouvée à Moncé. 

De M. le curé du Gault^ par l'intermédiaire de M. de Mari- 
court: 

Un P. B. de Gallien, au revers de la panthère: LIBERO P 
CONS AVG. ; 

Ethuit autres pièces françaises et étrangères en mauvais état, 
dont la seule à citer appartient au gouvernement provisoire de 
l'Espagne en 1870: Cinco centesimos ; cinco gramos ; doscientas 
piezas enkilog., sans nom de pays ni de souverain. 

De M. Galotti. officier d'état-major: 

Un gros blanc aux lys du roi Jean : 10- HES-DEI - GRA. 
Croix coupant la légende et cantonnée de quatre couronnes. — 
R. : FRANCORVM REX. Champ semé de fleurs de lys; 43 lys 
en bordure extérieure. 

Par ACQUISITION : 

Trois de ces bulles en plomb qui servaient de sceaux aux di- 
plômes des papes. Elles se rapportent aux papes Grégoire viii 
(1227-1243); Léon x (1513-1522), et Urbain viii (1623-1644). Inu- 
tile de décrire ces pièces bien connues ; observons cependant 
qu'on suit le progrès de l'art dans l'interprétation d'un type uni- 
forme. La bulle de Léon x surtout est remarquable, et présente 
les besans des Médicis au-dessous de la croix qui sépare les 
têtes des apôtres. 

L. M. 



m. —BIBLIOGRAPHIE 



I. — Dons des Auteurs ou autres : 

27 titressur parchemin, provenant de la succession de Madame 
Mareschal-Duplessis, et offertes à la Société Archéologique du 
Vendûmois par M. Pki.tereau, notaii-e, au nom du légataire imi- 
ver.<^el (août 1881). 



— 293 — 

De M. Barbin, maire de Droué: 
Epitomc du théâtre du monde d'Abraham Ortelius, avec cartes. 
Anvers, 1588». 

9 

De M. P. Martellière, juge à Pithiviers : 
Une plaquette imprimée de 12 pages petit in-4'', intitulée : 
Contract de mariage de Monsieur le duc de Vandosme. 

Il s'agit du futur mariage de César, duc de Vendôme, fils na- 
turel de Henri iv, et légitimé, avec demoiselle Françoise de 
Lorraine, fille des duc et duchesse de Mercœur. — Le contrat 
est fait et passé au château de la ville d'Angers, le dimanche 5 
avril 1598. César, né en 1594, avait 4 ans lors de ce contrat. Le 
mariage fut réalisé plus tard. 

De l'auteur : 

Les instruments en pierre à l'époque des métaux, parle baron 
J. de Baye. Brochure, 1881. 

De M. F. MoREAU: 
Un nouveau fascicule de son splendide Album Caranda, com- 
prenant les fouilles de Breny (Aisne), 1880. 11 planches en 
chromo-lithographie et texte explicatif. 

IL— Par ENVOI du Ministère de l'Instruction publique : 

Journal des Savants (Suite). 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences (Suite). 

Romania. Janvier-avril 1881 . 

Reoue des Travaux scientifiques. Juillet, août et septembre 
1881. 

m. — Par ENVOI des Sociétés savantes ou des Revues. - 
Dons et Échanges: 

Bulletin de la Société Dunoise. Juillet 1881. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Juin 
1881. — Procès-verbaux. Juillet et août. — Lettres de saint 
Yves (suite). 

Bulletin de la Société des Archices historiques de la Saintonyc 
et de l'A unis. 



— 294 — 

Mémoires de l'Académie de Nimes. Année 1879. 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 
Séances du 30 novembre 1880 au 15 mars 1881. 

Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France. 
Tome XII, 3° livraison. Touloure, 1881. 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles- 
Lettres de Toulouse. Tome m, 1" semestre 1881. 

Bulletin delà Société Archéologique de Tour aine -^ Tome v, 
3" et 4' trimestres 1880. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe. Tome xx, 1" fascicule 1881. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 2° trimestre 
1881. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'Archéologie religieuse 
des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vioiers. 1" année, 
Juillet-août 1881. 

Revue Historique et Archéologique du Maine. Tome ix, 
1881. 1" semestre en 3 livraisons. 

De la Société d'Émulation des Côtes-du-Nord, un n" spécimen 
de I'Arbum en chromo-lithographie, avec texte^ des Trésors ar- 
chéologiques de l'Armorique occidentale et spécialement des 
cinq départements de la Bretagne, avec les conditions de la 
souscription. 

IV. — Abonnements : 
Polybiblion (Suite). 
Bulletin monumental (Suite). 
Matériaux pour l'Histoire de l'Homme (Suite). 

Flore de Loir-et-Cher, par M. Franchet (Suite). 



IV. — HISTOIRE NATURELLE 

Nous AVO.N^ REÇU : 

De M. l'Aniirul ou Petit-Thouars: 
Une PEAU D'ALBATROS ( Diomedea exulans Lin. ), ré- 



- 195 — 

gions du cap Horn. — Très bel exemplaire mesurant 1",64, de 
l'extrémité du bec à l'extrémité des pattes. 

Chaque aile déployée atteignant l", 55 de longueur, on voit 
que r^vergurede ce grand palmipède est de 3°',50 environ. 



E. N. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



- 296 — 



Renouvellement du Bureau pour 1882 



Le Président rappelle ;'i la Société qu'il y a lieu de procéder à 
l'élection de quatre membres du Bureau, en remplacement de 
MM. de Sachy, G. de Trémault (rééligible), de Déservillers et 
Isnard, dont les fonctions expirent le 1" janvier 1882. 

21 membres sont présents: 19 prennent part au vote. 
Le dépouillement du scrutin donne le résultat suivant: 

MM. G. Launay, président (17 voix); ^ 

G. de Trémault, trésorier (19 voix) ; 
G. Simon (16 voix); 
A. de Lavau (15 voix). 

Ces Messieurs sont élus membres du Bureau pour trois ans à 
partir du 1" janvier 1882. 



: JEANNE. D'ALBRET 

ET LA 

SPOLIATION DE L'ÉGLISE SAINT - GEORGES 

DE VENDOME 

Le 19 mai 1562; 

INVENTAIRE DES BIJOUX & RELIQUAIRES 
Spoliés par Jeanne d'Albret a la Collégiale 

Par M. l'Abbé Métais 
Vicaire à la Trinité de Vendôme. 



Une des époques de l'histoire de Vendôme les plus 
intéressantes et aussi les plus dignes d'attention, est 
sans contredit le règne d'Antoine de Bourbon, 2* duc de 
Vendôme, roi de Navarre, et de Jeanne d'Albret, son 
épouse. 

Nous devons à l'un des membres les plus méritants 
de cette Société, M. le marquis de Rochambeau, l'histo- 
rique détaillé,- complet, de toute cette époque (1). Je suis 
heureux aujourd'hui de pouvoir apporter un document 
nouveau du plus haut intérêt pour l'histoire de ce temps. 
Après de nombreuses recherches des érudits, on pou- 
vait le croire perdu pour toujours, et regretter l'obscurité 
complète où son absence laissait cette partie de notre 
histoire. 



(1) Bulletin de la Société Archéologique du Vendômois, 1878, 
p. '^4. 



— 298 — 

C'estrinventaire ou récépissé détaillé des bijoux, re- 
liquaires, etc., enlevés à l'église collégiale de Saint- 
Georges de Vendôme par Jeanne d'Albret, le 19 mai 
1562. 

Cet inventaire était conservé dans le trésor de la col- 
légiale. Le chanoine Du Bellay en fait mention (1). 
Après avoir raconté la sacrilège profanation, il ajoute : 
« Il est vrai qu'Elle (Jeanne d'Albret) donna un récé- 
« pissé de ces reliques au pied de l'inventaire qui lui fut 
« présenté, qu'elle signa et ûi signer par un de ses se- 
« crétaireSj mais ça été jusqu'ici une fort mauvaise 
« caution, qui n'a pas fait revenir nos reliquaires. » 

L'abbé Simon le cite aussi sans avoir eu malheureu- 
sement la pensée de nous en donner la copie, tâche 
pourtant facile, puisque, dit-il, « la pièce se trouve en 
« original dans les titres delà collégiale de Saint-Geor- 
« ges (2). » 

Après eux, M. de Pétigny (3) et M. de^ Rocham- 
beau (4) ne font que le mentionner. 

Voilà tout ce que l'on savait. On connaissait sans 
doute le poids total de l'or et de l'argent des bijoux bri- 
sés, 16 marcs d'or et 129 d'argent ; mais n'était-ce 
pas trop vague pour se rendre un compte approximatif, 
sinon exact, des richesses enlevées à la collégiale? 
Les diamants n'avaient pas été estimés, et ils ne de- 
vaient pas être la partie intime du trésor. 

Où retrouver cet inventaire ? L'original sans doute 
avait disparu dans le sac du château, commis, le 29 
mai 1793, par le 3^ bataillon de Parisiens, de passage 
à Vendôme pour l'expédition contre l'héroïque Ven- 
dée (5). '' 

(1) Histoire manuscrite delà collégiale Saint-Georges (Exem- 
plaire de la Bibliothc>|ue de Vendôme), p. 138. 

(2) Histoire de Vendôme, par l'abbé Simon, tome I, p, 384. 

(3) Histoire Archéologique du Vendômois, p. 348. 

(4) Loc. cit., p. 133. 

(5) A cette hypothèse l'on pourrait peut-être objecter que Je 



— 299 — 

Nous avons fait, mais en vain, des fouilles aux Ar- 
chives départementales. Un espoir restait encore : met- 
tre la liiain sur une copie authentique. 

Des recherches furent faites sans doute, mais sans 
résultat définitif. Toutefois, M. Charles Bouchet^ auquel 
l'archéologie vendômoise doit tant de reconnaissance, 
avait eu le bonheur de trouver une feuille manuscrite de 
la fin du dernier siècle, insérée par un hasard singulier 
dans un acte notarié. Ce fragment malheureusement 
mutilé contenait seulement le titre et les sept premiers 
articles sur trente-cinq (ou trente-quatre) qui composent 
l'Inventaire. Et cependant M. Bouchet pouvait se croire 
en possession d'une pièce du plus grand prix. Je m'es- 
time donc très heureux d'avoir pu lui mettre sous les 
yeux cet inventaire entier, de le livrer à la connaissance 
de cette Société, et de lui payer ainsi mon tribut de 
bienvenue dans son sein. 

En fouillant dans la bibliothèque du presbytère de la 
Trinité, il me tomba sous la main un cahier petit in- 
quarto, recouvert d'un léger carton marbré rouge, jaune 
et bleu. A latin se trouve le document en question,, ap- 
porté là sans doute comme conjivmatar à une autre 
pièce du plus haut intérêt aussi, et qui regarde l'abbaye 
de la Trinité et à la fois la collégiale de Saint-Georges. 
Je ne rentrerai pas dans de plus grands détails sur ce 
dernier document, car je prépare un autre travail plus 
étendu sur le sujet qui y est traité. 

L'Inventaire, comme la pièce qui le précède, a été im- 



chapitre ayant été déjà supprimé, les archives avaient dû être 
transportées ailleurs. Mais l'on doit reniar([UL'r aussi (luo la 
collégiale était devenue l'oratoire du château, ([ui, d'après 
une délibération du conseil municipal, nécessitait encore, au 2 
avril 1792, « des dépenses énor-mes. » (Reg. 21, fol. 90, cité par 
M. de Trémault. Bulletin 1881, p. 225. ) Aucun document 
ne nous autorise à penser que cet oratoire, conservant toutes 
ses autres richesses, aurait été seulement dépouillé de ses ar- 
chives. 



— 300 — 

primé vers 1780, sans nom d'éditeur. D'après l'article de 
M. le marquis de Rochambeau sur les imprimeurs ven- 
dômois, il n'aurait pas été ])ublié à Vendôme, car il n'y 
aurait pas eu alors d'imprimerie dans cette ville. Il fut 
donc probablement édité à Paris ; aussi sommes-nous 
plus surpris encore que ce document n'ait jamais été 
signalé, et soit resté absolument inconnu. Serions-nous 
donc en présence du seul exemplaire survivant ? 

L'authenticité et l'exactitude de cette pièce ne peuvent 
paraître douteuses; car tout me porte àcroii-e qu'elle a 
été publiée par les soins et sous la surveillance des cha- 
noines de St-Georges. En effet, le document qui la pré- 
cède ayant pour but d'enrichir la collégiale par une fa- 
veur sollicitée de Sa Majesté Louis xvi, et de Monsieur, 
frère du roi, Louis, ducd'Anjou, d'Alençon et de Ven- 
dôme, etc., plus tard Louis xvin, se fondait, entre au- 
tres motifs, sur la dette contractée par Jeanne d'Albret. 
On en fait une dette d'honneur, comme ui^ prêt, un 
sacrifice libre et zélé des chanoines pour la cause 
d'Henri iv. C'était sans doute voiler la vérité, mais aussi 
c'était flatter la vanité du prince et le prendre par le 
point d'honneur. 

« La médiocrité des revenus et le dénuement de l'é- 
« glise (Saint-Georges)^ dit cette pièce, prend sa source 
« dans une circonstance si touchante qu'on ne peut la 
(( rappeler sans attendrissement. » 

« La piété des Bourbons s'étoit plue à embellir cette 
« église, à l'enrichir des dons les plus précieux. La mère 
« d'Henri expose aux chanoines de Vendôme les be- 
« soins de son fils, qui venoit de perdre Antoine de 
« Bourbon^ son père, tué au siège de Rouen (1) ; ils lui 
« livrent aussitôt leurs ornements, leurs vases sacrés^ 
« toutes les richesses de leur église ; ils se seroient 



(1) C'est là une erreur. Antoine mourut le 17 novembre 1562, 
juste sept mois après le sac de la collégiale, qui est du 19 mai 
de la même année. 



— 301 — 

« donnés eux-mêmes pour secourir un héros si digne 
« d'être le souverain des François. » 

« La^reconnaissance que leur eu donna cette prin- 
<( cessé fait le détail du poids de l'or et de l'argent, 
<( ainsi que du nombre des diamants et pierres précieu- 
<( ses dont étoient ornés tous les vases sacrés de cette 
« église. » 

« Ce zèle si respectable, ce sacrifice si imj)ortant n'a 
« jamais été récompensé, mais la dette est constante ; 
« la reconnaissance de Jehanne d'Albret est en original 
« dans le trésor de cette église, et ce monument de l'a- 
« mour du chapitre de Vendôme pour Henri est sans 
« doute un titre puissant à la protection des augustes hé- 
« ritiers du nom et des vertus de ce prince. » 

Un autre document manuscrit ajoute que le détail dans 
lequel entre cette reconnaissance de Jeanne d'Albret, 
« ne peut avoir d'autre motif que celui de rendre en na- 
« tureà l'église de Vend(3me, dès que l'état des affaires 
« du jeune prince son fils le lui permettroit, les mêmes 
« choses que ses malheurs et la nécessité l'obligeoient 
« d'en emprunter : mais elle mourut avant d'en avoir eu 
« le tems, et cette dette, que le prince, monté sur le 
u trône, oublia, ou qu'il fut dans l'impuissance d'ac- 
(( quitter, est aujourd'hui, sire, permettez-nous de vous 
« le représenter, la dette du trône et de votre Majesté. » 

On le voit, c'était pour donner une preuve solide à 
leurs réclamations que les solliciteurs firent imprimer 
cette reconnaissance de Jeanne dans toute son éten- 
due ; ils devaient donc veiller à sa parfaite conformité et 
a son absolue intégrité. 

Une seconde preuve non moins convaincante est la 
feuille manuscrite de M. Bouchet. La simihtude est ab- 
solue en tous points. Cette conformité d'un quart au 
moins de tout le document ne peut nous laisser aucun 
doute sur l'authenticité du tout. 

Le troisième argument serait tiré de la signature de 
Pelletier, le même secrétaire de Jeanne, qui a signé 



— 302 - 

aussi le récépissé des armes et munitions délivré aux 
syndics de la ville. 

La pièce est donc authentique ; mais, avant de la don- 
ner, il ne sera pas sans utilité, je crois, de rappeler l'his- 
torique delà sacrilège profanation. 

Jeanne d'Albret, toute dévouée au calvinisme, se sen- 
tait de plus en plus animée contre le catholicisme par 
la conversion de son mari, la menace d'une répudia- 
tion ou d'un divorce. Elle entreprit donc avec énergie la 
défense du parti réformé, qu'Antoine combattait avec 
succès. Elle s'empara du château de Vendôme, laissa 
ses soldats exercer leur fureur dans la collégiale Saint- 
Georges, interrompre l'office divin, profaner les tom- 
beaux, briser les statues et les autels, se fit remettre 
les armes de la ville (1), et n'ayant plus à craindre les 
ressentiments du peuple désarmé, disent les chroni- 
queurs et historiens, et aussi « pour obliger les soldats 
« à ne la point quitter, et sachant que pour cela il les 
« falloit bien payer, et d'autre part n'ayant pas assez 
« d'argent pour cela, car trois cent mille écus et plus 
« qu'elle avoit de revenu ne suffisoient que pourl'entre- 
« tien de sa maison, et non pas d'une armée ; pour donc 
« trouver de l'argent, elle s'avisa de piller les églises de 
« Béarn dont elle étoit souveraine, et même la nôtre, et 
« de faire monnoye de toute l'argenterie qu'elle y 
« trouve (2). » 

« Ce fut au mois de mai 1562, dit du Bellay (3), qu'elle 
(( trouva le moyen, par la lâcheté de quelques bénéfîciers 
« ou chanoines gagnés par elle, de se faire apporter 
« toutes les reliques de cette église — avec leurs reliquai- 
« res, avec des chandeliers, des croix, des ligures mas- 
« sives, des vases sacrés, enfin presque tout le tré- 



(1) Voir le récit émouvant de ces faits dans l'abbé Simon, t. i, 
p. 382; M. de Pétigny, p. 347, ; et M. de Rochambeau, p. 133. 

(2) Du Bellay, p. 138. 

(3) Loc. cit., p. 138, 



* 



\ 



— 303 — 

(c sor (1), — non pas pour les respecter, mais pour se 
« saisir et s'emparer de toutes ces richesses. Par cette 
« impiété, tout ce que notre pauvre église possédoit de 
« précieux par la libéralité de Geoffroy-Martel et d'Agnès 
« de Poitiers et par la piété de Jean vi et des autres bien- 
« faiteurs, et ce qui avoit été donné pendant cinq cents 
« ans fut pillé en un seul jour et perdu sans aucune res- 
« source.... En un mot tout fut monnoyé et donné à des 
(( soldats hérétiques en récompense de leur rébellion. Il 
« est vrai qu'elle donna un récépissé.... » 

Tel est, en général, le récit des chroniqueurs et des 
historiens. 

Mais quelle est la date précise de ce pillage des reli- 
quaires et bijoux de Saint-Georges, l'ordre chronolo- 
gique des faits qui s'y sont passés, les causes qui les 
ont motivés ? Les différents historiens sont assez ob- 
scurs sur ces points, et, par défaut de documents, ont 
laissé échapper certaines erreurs. Nous allons sou- 
mettre nos observations, dans l'espoir d'apporter un peu 
.de lumière. 

L'abbé Simon le fait arriver après la mort d'Antoine 
de Bourbon. « Tous ces désordres avaient commencé du 
« vivant même d'Antoine de Bourbon, dit-il. Mais, apt'è^ 
« sa moiH, Jeanne d'Albret ne garda plus aucune me- 
(( sure... » Et il raconte le sac des reliquaires. Loin 
d'être mort lors de ce sac, Antoine guerroyait avec cou- 
rage. Blessé mortellement au siège de Rouen le 14 no- 
vembre 1562, il succomba bientôt. Mais la collégiale 
avait été dépouillée de ses richesses le 19 mai précédent, 
six mois avant sa mort. 

M. de Passac est tombé dans la même faute, et a l'a- 
vantage de se contredire en moins de deux pages (2). 



(1) Simon, p. 384, 

(2) Vendôme et le Vendômois, etc., par M. Pli.-J.-G. de Pas- 
sac. Vendôme, 1823, pp. 173 et 174. 

XX 21 



— 3(14 — 

Déplus, M. de Pétigny, suivi d'ailleurs en cela par 
M. de Rochambeau, me semble avoir commis une 
faute plus légère, il est vrai, et pour ainsi dire impos- 
sible à éviter sans notre document, mais qui a cependant 
une certaine importance. 

Ces deux historiens font arriver le sac des reliques de 
Saint-Georges après le désarmement de la ville ; le 
contraire seul est la vérité. 

Sans doute la date de la signature du récépissé de 
l'Inventaire seule connue, le 27 mai, fut cause de l'er- 
reur; c'est la seule, en effet, que j'ai vue citée dans 
MM. de Passac, dePétigny et de Rochambeau. Du Bel- 
lay indique le mois de mai, sans donner le quantième ; 
l'abbé Simon ne s'est point embarrassé d'une date. De 
là l'ordre des faits établi par M. de Pétigny et M. de Ro- 
chambeau, car l'on pouvait se croire fondé, étant con- 
nue la politique machiavélique de Jeanne, à prétendre 
qu'elle n'avait désarmé la ville que pour s'emparer avec 
plus de sécurité des richesses de la collégiale, et faire 
disparaître ces précieuses reliques, si chères à la piété 
vive des Vendômois. Cette argumentation est évidente 
dans ces paroles des auteurs cités, quand ils disent, 
après avoir raconté la désarmement de la ville : « Dès 
« lors n'ayant plus à craindre les ressentiments du peu- 
(( pie, elle se livra sans réserve aux inspirations de son 
u fanatisme (1). » 

Mais le véritable ordre des faits est tout différent. Le 
sac de l'église Saint-Georges eut lieu tout d'abord, sans 
doute dans un accès de fureur de Jeanne soulevé par 
les nouvelles défavorables du dehors. Le titre de notre 
inventaire en est la preuve convaincante : « Etat de tous 
et chacuns les bijoux et reliquaires qui se sont trouvés 
en l'église de Saint-Georges de Vendôme le 19^ jour de 
mai 1562, etc. » Encore la spoliation dut-elle précéder 
de quelques jours peut-être la rédaction de l'inventaire. 



(1) De Pétigny, p. 347 ; de Rochambeau, 133. 



* 



— 'M\:^ — 

Après quoi la reine, effrayée par rémotion, naissante 
déjà peut-être ou du moins à craindre, de cette popula- 
tion si catholique, disent MM. de Pétignyetde Rocham- 
beau, qu'Inné opposait au mouvement progressif de la 
réforme, soutenu « pai tous les efforts de la duchesse, 
« une force d'inertie ({ue rien ne pouvait vaincre (1) ; » 
ainsi effrayée, dis-je, elle se résolut aussitôt à désar- 
mer la ville, soi-disant « pour la garde d'icelluy (châ- 
« teau) duquel despend la conservacion et garde de la 
« ville, )) mais plutôt pour se mettre à l'abri d'un coup 
de main, assez facile à prévoir dans ces temps de trou- 
ble. Le 20 mai, elle fit donc envoyer par lettre l'ordre of- 
ficiel du désarmement, avec l'énumération des armes à 
transporter à la forteresse, « lesquelles armes et muni- 
« tions furent remises à ses commissaires le jour sui- 
« vant 21 mai (2), » et le 25 Jeanne en signait le récé- 
pissé, contresigné par son secrétaire Pelletier (3). 

Les chanoines avaient été pris au dépourvu ; pour les 
calmer, la duchesse leur permit de dresser par eux- 
mêmes, de concert avec les orfèvres de Vendôme, un 
inventaire de tous les objets précieux enlevés à leur 
église. 

Il ne peut y avoir de doute, les dates sont précises. 

Il est aussi une autre erreur, qu'il est de mon devoir 
de relever. Quelques auteurs osent avancer que Jeanne 
d'Albret fut poussée à piller les églises du Béarn et 
celles de Vendôme par l'attitude du souverain Pontife à 
sou égard, pour se venger de la spoliation de ses États, 
dont Pie iv aurait donné l'investiture au roi d'Espagne. 

(1) De Pétigny, p. 347 ; de Rochambeau, p. 132. 

(2) M. de Pétigiiy, p. 347. 

(3) M. de Rochainlieau, p. 132, dit que Ui décharge fut donnée 
aux échevins le 21 mai ; et cependant cette décharge, (ju'il cite 
en entier, est datée du 25. Ne serait-ce pas h'i un lapsus calaini 
évident, et ne faut-il pas lire avec M. de Pétigny que le jour sui- 
vant 21 les armes furent remises^ et l'inventaire signé le 25 avec 
le texte de la décharge citée ? 



— 306 - 

Ainsi le chanoine du Bellay dit: « Voilà le bien qu'elle 
« a oté à cette église, bien loin de l'avoir fait, ce qui 
« étoit en partie un efïetde la rage qu'elle avoit conçue 
« contre le pape depuis qu'il eut exposé son royaume 
« de Navarre en proye au premier occupant à cause de 
« son hérésie (1). » 

(( Sa haine contre l'Église, nous dit l'abbé Simon, 
« alla jusqu'à la fureur. Irritée contre les papes, qui, 
« disposant d'un bien qui ne leur appartenoit pas, 
« avoient donné l'investiture de son royaume de Na- 
« varre aux Espagnols, elle n'entendit qu'avec hor- 
<( reur prononcer le nom de catholiques romains. » 
Puis il raconte le pillage des églises de Béarn et de Ven- 
dôme. 

Il conclut en ces termes : « Ce ne fut pas tout ce que 
« la reine de Navarre fit pour se venger des prétentions 
« injustes delà courde Rome (2). » L'abbé Simon était 
trop heureux de tirer de ces faits un argument favora- 
ble à ses idées par trop gallicanes, pour c^iercher à ze 
détromper en vérifiant les dates. 

De Passac prétend « que Jeanne voulutainsi se ven- 
« ger de son excommunication, » qu'il met plus loin à 
la date de 1564. Comment se venger en 1562 d'une bulle 
fulminée deux ans plus tard (3) ? 

La bulle de Pie iv est en réalité du 28 septembre 
1563, seize mois après le pillage de la collégiale. Selon 
Baronius, en effet, ce fut le 4des calendes d'octobre, ou 
28 septembre (1563), que Pie iv lança son excommuni- 
cation contre « la reine de Navarre, qui professoit publi- 
(( quement l'hérésie et persécutoit les catholiques sur 
« ses terres; il la fit ajourner à comparoitre dans six 
« mois en personne en cette mesme ville (de Rome) 



(1) P. 142. 

(2) Tome I, p. 384 et 385. 

(3) Cf. l.c, pp. 173 et 174. 



— 307 — 

« pour se purger des crimes et de l'hérésie qu'on lui ob- 
« jectoit, et à faute de ce faire, elle seroit tenue comme 
« coavain|îue, son royaume, sa principauté et ses sei- 
« gneuries mis en proye, et elle privée de toute dignité 
« et sujette aux autres peines portées contre les héréti- 
« ques dans les sacrés canons (1). » Noël Alexandre 
donne la même date, et cite une partie du décret (2). 



(1) Baronius. Annales Ecclesiast., ad annura 1563, n° xlviii, 
traduction de Pierre Coppin. 

Pour ceux qui trouveraient ce fait exorbitant, nous pourrions 
leur rappeler l'usage de tous les princes de faire hommage de 
leur royaume au souverain Pontife, en déclarant qu'ils le te- 
naient de sa main. La Navarre était dans les mêmes conditions, 
car, au témoignage de Fleury *, « Pie iv avait reçu Pierre d'Al- 
bret, évêque de Comminges, pour lui rendre obéissance du 
royaume de Navarre, au nom d'Antoine de Bourbon et de Jeanne 
d'Albret, sa femme, qui craignaient, sur les bruits qu'on répan- 
dait de la faveur qu'ils accordaient aux hérétiques, qu'on ne les 
excommuniât à Rome, et qu'on ne [es privât du droit réel qu'ils 
avaient sur ce royaume. » Et il cite Pallavicini, Hist. conc. Trid. 
1. 15, c. 1, n° 1. — * Fleury, Hist. Eccl., liv. 156, n» 178. 

(2) Annol56.3, quarto Calendas octobris, Pivs iv valvis basili- 
cae S. Pétri aliisque locispublicis libellum affigi Jussit quo Joanna 
ReginaNavarrae in jus vocabatur ob crimen haereseos, sex men- 
sium spatio ad se purgandam conces.so, infrà quod tcmporis in- 
tervallum Romœ per seipsam sistere se deberet « sub pa^na ex- 
communicationis latae sententiae, et privationiis Regni Navar- 
rse et principatus etcujuslibet status et Dominii vel Dominiorum 
directorum vel utiliura vel quovis modo ad ipsam alias spectan- 
tium et pertinentium, et servitiorum a vassalis alias sibi debitis, 
et quarumcumque gratiarum et conflscationis omnium juriuui 
actionum privilegiorum quœvel quas in pmefatis Regno et Prin- 
cipatu et Dominiis et vassallis habuit, habet seu habcro quomo- 
libet prietendit, omnium et singulorum foudorum ad se quomo- 
dolibet pertinentium et spectantium, oraniumquo et singulorum 
bonoruni .suorum feudialium seu allodialium, etc. Ita quod in 
contraventionis, quod Deus avci'tat, et contumacitc casu Reg- 
num, Principatus ac alla Dominia hujusccmofii dentur et dari 
possint cuilibet occupanti, vel illi aut illis, ijuibus sanctitati suiC 
et successoribus dare et concedere magis placucrit. » 

Monitorii et citationis exemplum légère est apud Bochclliim, 



— 308 — 

Comme on le voit, loin de provoquer, Pie iv ne veut 
que châtier ou punir non-seulement l'hérésie publique, 
mais aussi la persécution exercée ouvertement par 
Jeanne contre les catholiques ; et cela, seize mois après 
cet attentat déjà jugé inexcusable par Théodore de 
Bèze lui-même, et condamné par le Parlement de Paris 
le 27 juillet 1562(1). 

M. Henri Martin, qui ne peut être suspect, nous donne 
la même date : « La reine de Navarre fut citée à com- 
« paraître avant six mois, le 28 septembre 1563 (2). » Ft 
il apporte à l'appui les mémoires de Condé (3), de De 
Thou(4), de Pallavicini (5), et les mémoires d'État de 
Villeroi (6). 

L'abbé Fleurv l'inscrit aussi à la même année 
1563 (7) ; Daniel le range parmi les événements de 
1564(8). M. de Rochambeau cite aussi la date du 28 sep- 
tembre 1563 (9). Il n'y a donc aucun doute, Jeanne 
d'Albret ne fut point excitée par cette raison que l'inves- 
titure de ses États avait été donnée aux Espagnols. 

D'ailleurs, un document précieux, une lettre de Jeanne 
d'Albret à Georges, cardinal d'Armagnac, nous fournit 
un argument d'une force décisive. Jeanne, parmi tous 



lib. VIII Decretorum Ecclesise Gallicanee, tit. v, cap. x, p. 44, 

col. 2. 

(Natalis Alexander, Historiaî Ecclesiasticae sœc. xv 

et XVI, tora. 9, cap. i, art xix de Pio iv.) 

(1) Cf. de Pétigny, p. 348. 

(2) Martin. Hist. de France, t. ix, p. 169. 

(3) Tome iv, p. 669. 

(4) L. xxxv-xxxvi. 

(5) Histoire du concile de Trente, 1. xxiii, cap. 6. Il l'appelle 
« fiera persécutrice délia cattolica Religione. » 

(6) Pièces justificatives. 

(7) Histoire Ecclésiastique, liv. 166, n° lxii. 

(8) Hist. de France, tome vi, p. 360, édit. Paris, 1722. 

(9) Bulletin, année 1H7H, j). 146. 



— 309 — 

les griefs et les reproches qu'elle jette à la face du car- 
dinal, ne fait pas la moindre allusion à son excommuni- 
cation, et ne se plaint nullement d'avoir été dépouillée 
de ses États par le pape. Et certes elle n'eût pas manqué 
de saisir une occasion si favoral)le pour se disculper; 
or cette lettre suit la mort de son mari, qu'elle déplore, 
et qu'elle cite comme « un et principal (exemple) à mon 
« grand regret du feu roi mon mary (1). » Or, nous le 
savons, cette mort arriva six mois après les attentats de 
Jeanne à la collégiale. 

Cette même lettre de Jeanne ne fait aussi aucune allu- 
sion à une certaine conspiration contre sa vie et celle 
de ses enfants. Cette conjuration^ si toutefois elle est 
véritable, est donc postérieure aux événements de Ven- 
dôme, et ne saurait expliquer ni excuser en aucune fa- 
çon la conduite de la reine de Navarre. 

Il est vrai que Régnier de la Planche (1) parle d'une 
conspiration ourdie « par le roy d'Espaigne.... pour 
« surprendre la roine à l'improviste, la mettre à mort 
« avec ses enfants, » et la fait coïncider avec la mort de 
François ii en 1560; mais il est contredit par tous les 
autres auteurs. De Thou, historien presque contempo- 
rain, la fait découvrir en 1564 (cio lo lxiui), et en donne 
les détails dans le 35'' livre (3). Il la place après la mort 
d'Antoine de Bourbon (novembre 1562), et l'assassinat 
de François duc de Guise par Poltrot deMéré, dans les 
premiers mois de 1563, et le meurtre de Philibert de 
la Curée, le 16 août 1564 (4). 

Or tous les auteurs suivent l'historien de Thou, et 



(1) Cf. le Bulletin. Ibid., p. 338. 

(2) Hi.stoirc de l'Estat de Franco .sous le règne de François ii. 
Cf. le Panthéon littéraire, choix de chroniques et mémoirc.s sur 
l'Histoire de France, xvi' siècle, p. 419. 

(3) Thuani historiarum sui temporis, tome ii, lib. xxxv. — Pa- 
risiis, 1606, p. 226 et 227. 

(4) De Pétigny, p. 351. 



— 310 — 

s'appuient sur son autorité. Baronius parle de cette con- 
juration à la môme date (1564, n. xni). DePassac la 
donne sans la discuter (1), ainsi que l'abbé Simon (2). 
Enfin M. Henri Martin en fait une conséquence de l'ex- 
communication de la reine de Navarre. Cet auteur ne 
peut être suspect de partialité envers l'Église; or il est 
du plus haut intérêt de voir comment il parle de ces 
faits : (( La conduite de la reine de Navarre, dit-il, fo- 
« mentait l'irritation des catholiques. Jeanne d'Albret 
« avait depuis quelques mois planté violemment le cal- 
ce vinisme en Béarn ; les prêtres étaient chassés.... La 
(( cour de Rome résolut de frapper un coup d'État : le 
« tribunal suprême de l'inquisition romaine cita devant 
« lui tous les prélats français convaincus ou suspects 
« d'hérésie.... puis la reine de Navarre elle-même fut 
« citée à comparaître avant six mois, 18 septembre 
« 1563. Ce délai passé, Jeanne d'Albret devait être 
« par le seul fait de sa contumace déchue de ses 
(( royaume, principautés, droits et possession^ quelcon- 
« ques, et ses domaines dévolus au premier occupant 
« catholique, sans préjudice des peines plus graves 
(( qu'elle aurait pu encourir. En même temps, on assure 
(( qu'un complot fut ourdi entre les agents de Philippe ii 
(( et les chefs de la faction ultra-catholique française, 
(( pour asswer l' exécution du mandat inquisitorial. 
« Des troupes espagnoles, secondées par les catholi- 
« ques de Gascogne, devaient descendre brusquement 
« des Pyrénées, et surprendre dans Pau la reine de Na- 
« varre, son fils et sa fille. Le bûcher attendait Jeanne; 
« ses enfants Henri et Catherine auraient eu pour par- 
ce tage une éternelle captivité. La conspiration, si le 
« FAIT EST VRAI, u'aboutitpas (3). » 

La conjuration est donc postérieure à l'excommunica- 



(1) P. 174. 

(2) P. 386. 

(3) Histoire de France, teme iv, livre liv, p. 169. 



— 311 — 

tion, si le fait est vrai. Ce n'est pas sans raison, en effet, 
qu'Henri Martin exprime ce doute. Les auteurs contem- 
porains favorables au protestantisme ont seuls parlé de 
cecomprot. DeThouen est le principal et le plus autorisé 
historien ; mais son récit est très obscur, et il n'ose pas 
en prendre la responsabilité; il ne parle pas scientia 
propria, et renvoie à ses auteurs : « Haec ut ex Rullo 
« ipso et ex Hesperii indicis (judicis) tiliis accepi, ita 
« scriptis eademjide mandavi. » 

Baronius, cet historien si autorisé et si impartial, ne 
craint pas, à la vue des difficultés, des impossibilités 
mêmes dont le récit de ce grand homme (De Thou) est 
rempli, de regarder son récit comme très incertain, et 
de ranger cette conjuration au nombre des faux bruits 
répandus à plaisir dans ces temps de troubles (1). 

De plus, Montluc, qui aurait été chargé de surprendre 
et d'enlever Jeanne et ses enfants, s'est toujours défendu 
de cette accusation, au témoignage même de l'historien 
de Thou : « Certe Montlucius, ab ea conjuratione, 
« quam minime tamen explicat, alienum se fuisse in 
« commentariis testatur (2). » 

Je n'invoquerai pas le silence absolu gardé par le plus 
grand nombre des historiens même les plus sérieux ; 
nous ne voulons pas trop urger les choses ; les autori- 
tés que nous avons citées sont grandement suffisantes 
pour justifier le doute exprimé par M. Henri Martin. 

M. le marquis de Rochambeau, dans son travail sur 



(1) Interserit hic vir magnus (Tuamis_, 1. 3G) suis historiis nar- 
rationem valde incertain cajusdam secretœ conjurationis.... 
contra Joaiinam reginam Navarra^.... scd qiioiiiam multis vepri- 
bus et dii'ficLiltatibus vcl potius impossibilitatiljiis iiuploxa est 
ejusmodi narratio, adeo nt vir ille magnas fidemejus pcncs auc- 
tores a (|iiiljns eani a(îcepit esse velit, equidcm illam potius inter 
nugas ut coinmeuta bici-eticorum contra Principes ac procercs 
catholicos sibi advei-santes cxcogitari consueta collocandam 
censuerim. — Adannunri 1564, n" viii. 

(2) De Thou, 1. c, p. 227. 



— 312 — 

Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, nous parle de 
deux conspirations : la seconde est celle dont nous 
avons parlé; elle n'est qu'indiquée (1); la première me 
semble historiquement inexplicable (2). 

« Le traité d'Amboise était signé, nous dit-il; mais le 
Pape et Philippe ii furent très mécontents en apprenant 
cette trêve. Le cardinal de Lorraine, cherchant à ven- 
ger la mort de son frère et son échec, trouva le pontife 
disposé à servir ses projets. Il réussit à organiser un 
vaste complot, dont le but était un immense massacre 
des réformés, dans lequel étaient enfermées les mai- 
sons d'Albret, etc.... Jeanne d'Albret découvrit le com- 
plot.... Les desseins des conjurés avortés, on eut re- 
cours à la ruse.... Philippe ir, le pape et le duc de Sa- 
voie envoyèrent à Charles ix un ambassadeur chargé 
de lui demander la mort de tous ceux qui avaient ren- 
versé les autels, etc.... et la révocation de l'Édit de paci- 
fication.... Charles ix répondit avec dignités... Encore 
battu de ce côté, le saint Siège résolut de frapper un 
grand coup; à la sollicitation de Philippe ii^ Pie iv 
donna, par une bulle du 7 avril 1562, l'ordre à ses in- 
quisiteurs d'excommunier tous les hérétiques. Cette 
bulle visait surtout la reine de Navarre (3). Toute- 
fois, voulant donner à ses actes une apparence de mo- 
dération, il chargea le cardinal G. d'Armagnac de ten- 
ter un dernier effort pour ramener la reine dans le gi- 
ron de l'Église. Le cardinal lui adressa une lettre, à la- 
quelle Jeanne répondit par une longue etamère diatribe, 
qu'elle savait devoir être lue par Pie iv, et qu'elle avait 
écrite dans ce but.... La bulle pontihcale ne se fit pas 
attendre ; le 28 septembre 1563, Pie iv cita la reine à 
comparaître à Rome, etc. » Nous connaissons le reste. 

(1) Bulletin 1878, p. 148. 

(2) Ibid., pp. 144 et suiv. 

(3) Cette assertion ne nous parait pas certaine; car Jeanne au- 
rait dû en faire d'amers reproches au Pape dans sa réponse au 
cardinal d'Armagnac, et elle n'y fait aucune allusion. 



— 313 — 

Cette page est grosse d'accusations bien graves 
contre le souverain Pontife Pie iv, accusations peu con- 
nues jl crois, et qui, à tous égards, méritaient d'être 
appuyées par les plus sérieuses autorités. Et cepen- 
dant elles me semblent en être dépourvues. Il n'est 
point encore de preuves solides que Pie tv se soit ja- 
mais départi delà mansuétude et de la dignité de son 
auguste caractère. 

D'ailleurs, toute cette charpente de faits pèche par la 
base. Le traité d'Amboise aurait donc soulevé le mécon- 
tentement du Pape ; de là complot, bulle en avril 1562, 
nouvelle bulle en septembre 1563. C'est renverser l'ordre 
des chroniqueurs ; tous ne voudraient voir dans la 
conjuration qu'un moyen de mettre à exécution l'ex- 
communication pontificale. On n'a pas pris garde, 
sans doute, que le traité d'Amboise a pour date cer- 
taine le 19 mars 1563, et n'a pu donner naissance à 
un mécontentement aboutissant à une bulle datée du 7 
avril 1562. Jeanne d'Albret, dans la réponse au cardinal 
d'Armagnac, qui aurait suivi cette bulle, ne fait aucune 
allusion à ce prétendu complot. Ce silence, inexplicable 
si les faits sont vrais, n'est-il pas un argument des plus 
forts contre leur réalité (1) ? 

Sans doute, il y eut des torts dans les deux partis; 
mais cela ne peut nous faire admettre à la charge des 
catholiques des faits plus que douteux. Et l'opinion de 
Baronius, qui les condamne comme faux bruits, me 
paraît la plus probable. Ne fallait-il pas jeter dans l'o- 
pinion un contrepoids à la conjuration d'Amboise contre 
François ii (1560), aux attentats de Vendôme, de Tours, 
etc., etc. (1562), à l'assassinat du duc de Guise 
(1563), etc ? 

Quoi qu'il en soit, il est pour nous chose certaine, et 



(1) Nous ne pensons pas non plus que la bulle d'excommuni- 
cation du 28 septemliro 15().'} fût destinée à vengei' le traité d'Am- 
boise, car alors elle aurait dû atteindre tous les signataires, et 
non pas la seule Jeanne d'Albret, (|i!i prol>ablement no l'a pas 
signé. 



— 314 — 

cela seul nous importe, que tous ces faits, excommuni- 
cation, conspiration, si elle a eu lieu, etc., furent posté- 
rieurs à l'attentat commis à Vendôme, et, par suite, ne 
purent en être la cause morale. 

L'affaire de Vassy ne fut que l'occasion et le signal, 
que les protestants furent heureux de saisir, pour re- 
prendre la lutte, tout en se donnant les apparences de la 
justice. Tout était préparé depuis longtemps par eux. 
Jeanne d'Albret attendait dans son château de Vendôme, 
dit M. de Pétigny(l), « la prise d'armes générale que les 
« Huguenots avaient projetée pour les premiers mois 
« de l'année 1562. » Et tous ces pillages d'égHses, 
Tours (2), Vendôme, leBéarn, etc., avaient été prévus 
et décidés d'avance, pour se procurer ainsi les ressour- 
ces nécessaires. Et certes, ce n'était pas là une raison 
suffisante pour autoriser une violation aussi flagrante 
de la justice et de la propriété. A ce motif on peut en 
ajouter un autre non moins certain, c'est la liaine sec- 
taire de Jeanne contre le culte des saints et des images ; 
or la haine et la spoliation méritent dans tous les siè- 
cles la réprobation de tout homme de bien. 

Ceci posé, voici le document dans toute son intégrité. 
Je place entre deux crochets [ j un numéro d'ordre en 
tête de chacun des articles, pour plus de clarté dans les 
notes historiques que j'ai pu recueillir, aux sources les 
plus certaines, sur quelques-uns des objets qui y sont 
mentionnés. 

(1) P. 347. 

(2) Au mois d'avril (1562), les protestants pillaient les églises 
de Tours. Le 5 avril, ils pénétrèrent dnns les cloîtres de Saint- 
« Martin, s'emparèrent de la collégiale, et les restes vénérés fu- 
« rent livrés aux flammes. » Marmoutiersfut aussi saccagé. Louis 
de Bourbon, prince de Condé, envoyait à Tours MM. de la Ro- 
chefoucauld, de Genlis et duVigean, pour procéder à l'inventaire. 
Cette opération commença le 15 mai, et le duc de la Rochefou- 
cauld dut prendre d'assautla collégiale St-Martin, pour en inven- 
torier les trésors, évalués ù 1,200,000 livres. — Hist. de la ville 
de Tours, par le D' E. Giraudet, tome ii, pp. 10 à 12 (Tours, 1873). 



— 315 — 



ETA T^ de tous et chacun les Bijoux et Reliquaires 
qui" se sont trouvés en l'Eglise de S. Georges de 
Vendôme le dix-neuvième jour de Mai mil cinq cent 
soixante-deux j dont Madame Jeanne d'Albret, 
Reine de Navarre,, Dame souveraine de Béarn, 
Duchesse de Vendomois, a donné son Récépissé le 
vingt septième jour de Mai de ladite année, ainsi 
qu'il suit : ledit Inventaire par nous André Che- 
valierj Chantre et Chanoine, et Lucas Tessier^ 
Prêtre en ladite Eglise; à ce faire ^ commis par 
M. les Chevecier et Chapitre d'icelle appelles avec 
nouSj Pierre A llardj Prêtre^ Chanoine, Semainier 
de ladite Eglise, Scribe et Notaire d'icelle ; les- 
quels Joyaux ont été pesés et estimés chacune pièce 
par Guillaume Labbaye et le Petit, Marchands 
Orfèvres à Vendôme 



[1] X REMIEREMENT, une Croix d'or sur pied, au- 
quel pied il y a deux Anges & une petite image, & en 
ladite Croix, il y a du bois de la vraie Croix ; le tout pe- 
sant vingt-un marcs, ci 21 



m 



[2] Item, deux petites Croix d'or, 
l'une desquelles a un petit rondeau 
d'or au derrière d'icelle, en laquelle 
Croix se trouvent dix-neuf diamants 
environnés de grosses perles, avec l'i- 
mage du Crucifix, cinq saphirs et trois 
balants. 

En l'autre petite Croix, il y a trois 
autres diamants, dont l'un aux pieds, 
les deux autres aux deux bras ; les 
quatre coins sont environnés de gros- 



— 316 — 

ses perles & pierres précieuses, balants 
& saphirs : scavoir, cinq balants & 
deux saphirs ; le tout pesé quatre 
marcs, deux onces, sept gros, ci . . 4 "" 2 ° 7 

[3] Item, les deux pieds desdites 
deux Croix à deux branches, où sont 
deux images détaillées à feuillages & à 
chacun six lions ; le tout pesant neuf 
marcs, quatre onces et demie, ci . . 9 4 4 

[4] Item, une Croix d'or à quinze 
fermailles, toutes environnées de gros- 
ses perles, avec dix saphirs & huit ba- 
lants, au derrière de laquelle il y a 
place pour mettre quelques Reliques; 
le tout pesant deux marcs, six onces, 
quatre gros, ci 2 6 4 

[5] Item, le pied de ladite Croix en- ^ 

vironné de l'image de Notre-Dame, 
deux Anges et une image de Sainte 
Catherine emprisonnée k un Vessel de 
cristal au-dessous, trois Agnus Dei, 
trois Papes, & sous ledit pied trois 
petits lions ; le tout d'argent doré, pe- 
sant cinq marcs, deux gros, ci . . 5 2 

[6] Item, l'Ange qui tient le bras de 
S.Georges, du poids de soixante-qua- 
tre marcs, y compris les ailes & les 
sous-battements, ci 64 

[7] Item, le Chef de Sainte Oppor- 
tune, au haut duquel sont quantité d'é- 
meraudes & rubis ; autour du sous- 
battement il y a un Vessel en façon 
d'Agnus Dei, où il y a des Reliques ; le 
tout pesant six marcs, cinq onces, 
quatre gros, ci 6 5 4 



— 317 — 

[8j Itein, une image de S. Georges 
monté sur un cheval émaillé & envi- 
ronné de plusieurs écussons ; le tout 
d'argent*doré, pesant quatorze marcs, 
quatre onces, ci 14 ni 4 o « 

[9] Item, l'image de Notre-Dame, 
portant l'image de Notre-Seigneur en 
sa main senestre & en l'autre un petit 
Vessel avec une Couronne sur la tête, 
environnée de perles et de pierreries; 
pesant six marcs, six onces, six gros, 
ci 6 6 6 

[10] Item, une autre image de Notre- 
Dame, sur un piédestal ; le tout d'ar- 
gent, pesant quatre marcs, sept onces, 
six gros, ci 4 7 6 

[11] Item, une autre image de No- 
tre-Dame, assise en une chaise émail- 
lée, avec deux Anges tenants chacun 
un chandelier ; le tout d'argent, & pe- 
sant quinze marcs, trois onces, qvatre 
gros, ci 15 3 4 

[12] Item, une autre image de Notre- 
Dame, tenant en sa main l'image de 
Notre-Seigneur avec une Couronne; le 
tout d'argent, »Sc pesant quinze marcs 
justes, ci 15 

[13] Item, une Chasse d'argent doré, 
à jour k émaillé ; le tout pesantquatre 
marcs, six onces et demie, ci. . . 4 6 4 

[14] Item, l'imagé de S. Sébastien, 
tenant un Vessel en sa main senestre, 
dans lequel il va des Reliques dudit S. 
Sébastien; pesant deux marcs, quatre 
onces, ci .2 4 



— 318 — 

[15] Itenij une autre image de S. Sé- 
bastien, tenant un vasequarréau bras 
droit, assis sur un piédestal d'argent 
sur lequel il y a un Vessel d'argent à 
quatre pilliers, dans lequel il y a plu- 
sieurs Reliques de S. Georges, S. 
Etienne, S. Biaise & S. Laurent ; le 
tout pesant cinq marcs, six onces, ci . 5 ™ 6 ° 

[16] Item^ le Chef de Sainte Ursule, 
garni de pierres précieuses ; pesant 
neuf marcs, sept onces, deux gros, ci. 9 7 2 

[17] Item, un Ange d'argent doré, te- 
nant en ses deux mains un vaisseau de 
cristal dans lequel il y a des Reliques 
de S. Laurent ; pesant douze marcs, 
six gros, ci 12 6 

[18] Item, une petite Châsse d'ar- ■* 
gent, dans laquelle il y a plusieurs Re- 
liques ; pesant cinq marcs, quatre on- 
ces, deux gros, ci 5 4 2 

[19] Item, deux Anges d'argent à 
pieds émaillés, tenant chacun un écus- 
son, dans chacun desquels il y a des 
Reliques renfermées en cristal ; le tout 
pesant vingt-un marcs, deux onces, ci. 21 2 

[20] Item, un autre Ange d'argent 
doré, sur un piédestal de cuivre, tenant 
un Vessel d'argent doré & des Reli- 
ques ; il pesé huit marcs, deux onces, 
ci 8 2 

[21] Item, un autre Ange d'argent 
doré, sur un piédestal, tenant un Ves- 
sel d'argent doré; il pesé seize marcs, 
deux onces, ci. .-.-.. . . . 16 2 



m 



— 319 — 

[22] Item, l'image de S. Denis, sur 
un pied émaillé, tenant aussi un Vessel 
où il y a? des reliques du Saint ; pesant 
sept marcs, ci 7 

[23] Item, l'image de S, Philippe 
d'argent doré, avec un Vessel de cristal 
garni d'argent doré & porté sur quatre 
lions ; le tout pesant vingt marcs, ci . 20 

[24] Item, l'image deN. S. J. C, dit 
Ecce HomOj le tout d'argent doré ; 
pesant trente - quatre marcs, sans 
compter les joyaux & pierreries dont il 
est orné, ci ....'.... 34 

[25] Item, l'image de S. Jean-Bap- 
tiste, tenant en sa main un Agneau, le 
tout d'argent doré; pesant dix marcs, 
six onces, ci 10 6 

[26[ Item, le bras de S. Georges 
d'argent doré, pesant sept marcs, avec 
un Vessel de cristal garni d'argent 
doré, porté par quatre lions ; le tout pe- 
sant treize marcs, ci 13 

[27] Ite m un Calice d'or avec sa Pa- 
tenne; pesant trois marcSj sept onces, 
deux gros . ' 3 7 

[28] Item, une Couronne d'argent 
doré garnie de perles et pierres pré- 
cieuses, laquelle on met sur la tête de 
l'image de Notre-Dame, qui est sur le 
grand Autel, aux Fêtes solemnelles, 
•Scelle pesé deux marcs, sept onces, ci. 2 7 

[29] Item, trois Encensoirs d'argent, 
deux navettes & deux cuillers ; pe- 

XX 22 



— 320 — 

sant vingt-un marcs, trois onces ci. 21 "' 3 " 

[30] Item, sept autres Calices d'ar- 
gent doré & leurs Patennes. 

[31] Item, la Croix qu'on porte en 
Procession; pesant cinq marcs, sept 



onces. Cl 



[32] Item, trois couvertures de li- 
vres, servant au grand Autel ; pesant 
six marcs, ci 6 

[33] Item, quatre Chandeliers d'ar- 
gent qui n'ont été pesés. 

[34] Item, deux plats d'argent; pe- 
sant quatre marcs, cinq onces, ci. . 4 

[35] Item, une Custode d'argent 
doré, qui n'a été pesée. 



NOUS, Jeanne d'Albret, par la grâce de Dieu, 
Roy ne de Navarre, Dame souveraine de Béarn, Du- 
chesse du Vendomois, certifions à tous qu'il appartien- 
dra avoir reçu desdits Chanoines k. Chapitre de Saint 
Georges de Vendôme les Reliquaires & Bijoux ci-des- 
sus vérifiés & déclarés en trente-quatre articles, des- 
quels nous leur avons donné pour ce la Présente signée 
de notre main, audit Vendôme le vingt-septième jour de 
Mai l'an mil cinq cens soixante-deux. Ainsi signée 
Jeanne, et plus bas Pelletier. 



• 



- 321 



Dès la première lecture de cette pièce si précieuse, 
l'on peufvoir, sans coup férir, que cet inventaire n'était 
qu'une satisfaction illusoire donnée par Jeanne aux cha- 
noines ainsi dépouillés par violence, les autres disent 
par la trahison de quelques membres du chapitre, favo- 
rables à la réforme (L'abbé Simon, chanoine du Bel- 
lay). D'ailleurs, cet état fut fait avec la plus grande 
précipitation : les articles 30, 33 et 35, c'est-à-dire 7 ca- 
lices et leurs patènes, 4 chandeliers et une custode, le 
tout d'argent doré, n'ont point été pesés. La fureur de 
Jeanne, la crainte et le trouble des chanoines devaient 
malheureusement nbus priver de détails précieux ; 
aussi, loin de nous donner le prix, même approximatif, 
des diamants, perles, saphirs, balants, émeraudes, ru- 
bis, pierres précieuses, joyaux, pierreries, émaux de 
toutes sortes qui enrichissaient les reliquaires, à peine 
en a-t-on donné quelques-uns. Les articles 2 et 4 
nous donnent 22 diamants, 17 saphirs, 16 balants; mais 
tout le reste n'est que mentionné. Telle chose est envi- 
ronnée de grosses perles ; là se trouvent quantité d'é- 
meraudes, rubis (1) ; mais aucune appréciation. Et la 
valeur de l'objet au point de vue de l'art est laissée dans 
l'ombre la plus complète. Les spoliateurs de Saint-Mar- 
tin de Tours n'eurent pas une autre ligne de conduite, 
et cette dévastation, décidée à l'avance, faite de sang- 
froid, avec ensemble, à l'heure dite, dans tout le 
royaume, doit, ce nous semble, être frappée de répro- 
bation et de flétrissure par tout historien impartial. 

A ces objets d'art, à ces richesses, il faudrait sans 
doute en ajouter un grand nombre que le trouble et la 
précipitation aui-ont fait oublier, comme, par exemple, 
les tuyaux de la montre du magnifique buffet d'orgue 
que l'on disait être d'argent massif. Cet orgue avait été 
construit par les soins de Marie de Luxembourg, ma- 



(1) Cf. N°' 2, 4, 7, 9, 16, 22, 28. 



— 322 — 

née à François de Bourbon en 1487, et, si l'on en croit 
la tradition, ces tuyaux d'argent furent emportés par les 
calvinistes du temps des guerres civiles (1). Or, avant 
Jeanne d'Albret, jamais la réforme n'avait triomphé à 
Vendôme, et le château n'était point tombé en leur pou- 
voir; ils durent donc y rester jusqu'à son règne, et l'on 
ne pourrait croire que cette princesse ait pu laisser in- 
tact un si riche trésor. Après elle, la collégiale fut tou- 
jours préservée ; Henri iv la sauva du pillage, et elle 
n'ent point à souffrir de nouvelles déprédations jusqu'en 
1789, que nous sachions du moins. On ne peut donc 
vraisemblablement attribuer leur disparition à un autre 
personnage. 

Jeanne d'Albret, mise en possession de ces richesses, 
les fit monnayer ; elles lui produisirent 16 marcs d'or et 
129 marcs d'argent, estimés la somme d'environ trente 
mille livres (2), sans compter les diamants et les pier- 
res précieuses. Du Bellay l'estime de 8 à t),000 écus 
d'or. 

De tous les objets de prix et d'art réunis à la collé- 
giale, l'histoire n'en mentionne qu'un seul échappé au 
pillage de 1562 ; c'est un caHce en or que le chapitre 
fut obligé de vendre dans la suite pour réparer en par- 
tie ses pertes. Les autres vases sacrés ne furent respec- 
tés parla fureur iconoclaste qu'en raison de leur peu de 
valeur. Le chanoine de Bellay fut indigné de la perte de 
ce dernier monument de l'ancienne splendeur de la col- 
légiale. Ce calice d'or massif fut vendu à Paris par or- 
dre du chapitre la somme de 490 livres 10 sols 9 de- 
niers : « C'est là, dit-il, une nouvelle façon de mon- 
(' noyer les vases sacrez que nos prédécesseurs ont in- 
« ventée, et qu'à peine personne ne sauroit se persua- 
« der si on n'en trouvoit les preuves indubitables dans 
« nos registres (3). » 

(1) Voir l'abbé Simon, tome I, p. 282. 

(2) Simon, p. 385. 

(3) Cf. p. 146. 



* 



— 323 — 

Dépouillés de toutes ces richesses, les chanoines ne 
durent laisser échapper aucune occasion pour tenter de 
les recouvrer. Du Bellay a le soin de nous l'apprendre : 
« Depujs cette perte derehquaires, nous dit-il, le chapi- 
« tre se pourvut pour les retrouver par le récépissé qu'il 
*< en avoit de Jeanne d'Albret après sa mort, mais tous 
« les biens de cette princesse ayant été vendus par dé- 
« cret au Parlement, il ne s'en trouva pas de quoi sa- 
(( tisfaire à tous les créanciers, et le chapitre ne put ve- 
(( nir en ordre pour être payé, tant étoient excessives 
« les dettes qu'elle avoit contractées pendant les 
« guerres. » 

En 1780, les chanoines n'avaient pas encore perdu 
tout espoir, j'en ai en main les preuves les plus con- 
cluantes, que je livrerai bientôt, j'espère, à la publi- 
cité. 

La reine de Navarre put-elle étendre ses ravages sur 
les autres églises de Vendôme, c'est un point assez ob- 
scur. Cependant, bien que M. de Pétigny affirme que 
Jeanne « quoique la population fût désarmée, n'osa pas 
« étendre ses violences hors de l'enceinte du château, » 
je serai plutôt porté à dire avec M. de Rochambeau 
(( que l'abbaye de la Triniré fut seule préservée du pil- 
« lage, par respect pour son abbé commendataire, Char- 
(( les de Bourbon, frère d'Antoine de Navarre. » Encore 
ce cardinal fit-il transporter ses reliques les plus pré- 
cieuses à l'abbaye de Chelles, près Paris, pour les 
(( mettre à l'abri des attentats de sa belle-sœur {i) . » 

Or, comment expliquer cette conduite défiante du car- 
dinal si les attentats notoires, nombreux de sa belle- 
sœur ne se fussent répandus au dehors et ne lui eus- 
sent fait craindre pour son monastère. Et si, à cette épo- 
que, celle qui écrivait à son chancelier Montgomraery 
« que l'ire règne, » ne gardait aucune mesure en Béarn, 



(1) M. do Pétigny,!. c, p. 348. — M. de Rochambeau, p. 134. 



— 324 — 

qui pourrait croire à sa réserve et à sa modération à 
Vendôme ? 

D'ailleurs, le journal de Brulart cité par M. de Péti- 
gny(l) l'affirme carrément: « Le jeudi 21 mai, dit-il, 
« vindrent nouvelles au roi de Navarre que en la ville de 
« Vendosme, oii estoit sa femme, toutes les églises 
« avoient été pillées, mesme l'église du chasteau^ en 
« laquelle estoient les ancêtres, ayeul et père du roy de 
<( Navarre, desquels ils avoient en desdain de luy, des- 
« truit, brisé et rompu les monuments. » Si cette nou- 
velle parvenait à Antoine le 21 mai, il esta croire que le 
pillage des églises de la ville avait eu lieu en même 
temps que celui de Saint-Georges, le 19 mai, et cela 
nous explique pourquoi la duchesse, effrayée du mé- 
contentement du peuple, désarma aussitôt la ville. Le 
soin que l'on mit à faire avertir Antoine, son mari, est 
une nouvelle preuve de la culpabilité de Jeanne dans ces 
profanations : l'on espérait sans doute une interven- 
tion de l'époux irrité, mais cette espérances fut dé- 
çue (2). 

Ce qui est certain^ c'est que « ses soldats se jetèrent 
« de tous côtés sur les campagnes, saccageant les tem- 
« pies et les monastères. L'abbaye de Saint-Sauveur 
« de l'Étoile, paroisse d'Authon, fut pillée (3). Le prieuré 

(1) P. 340. 

(2) M. E. Nouel, dont tout le monde apprécie la science, dit 
que « pendant la domination des protestants dans le Vendômois, 
« sous le règne de Jeanne d'Albret, qui, en 1562, fait (/éi^as^er la 
« collégiale Saint-Georges, et la transforme en prêche pro- 
« testant, le pillage des églises fut général dans le pags. » 
— « M. Duchemin de la Chenaye, ajoute-t-il, dans son manu- 
« scrit sur le Vendômois, conservé à la Bibliothèque de la ville, 
écrit, tome ii, p. 146 : « En 1502, les huguenots pillèrent l'église 
« de Trôo. » Notons aussi en passant, dit-il encore, le massacre 
des moines de Saint-Calais par les huguenots. — (Notes sur la 
chronique du chanoine Garault, Bulletin 1808, p. 248.) 

(3) Extrait de l'article Abbaye de l'Étoile, tome i d'un ouvrage 
manuscrit en 3 vol. intitulé : Mémoires sur les abbayes des dio- 
cèses d'Orléans, de Chartres et de Blois, par Dom Verninac, bé- 



— 325 — 

« de Notre-Dame-de-Villethioii se ressentit par contre- 
« coup de ces violentes commotions. Laissons parler les 
« docur^ents authentiques. » 

« Les*guerres civiles estant survenues, plusieurs pre- 
(( nant advantage de l'oppression que recepvoit l'église 
« par le remuement de ceulx de la religion prétendue 
« réformée s'emparèrent du dict lieu de Villetiou et de 
« ses dépendances et duquel ils ont joy comme s'il leur 
« eust appartenu (1). » 

Cène fut point là un fait isolé. Aussi le peuple, déjà 
excité par l'arrêt du parlement de Paris du 21 jnillet sui- 
vant (2), qui prononçait la. sentence la plus sévère con- 
tre les pillards ; le peuple, irrité par les profanations 
multipliées, se souleva enfin : (( La noblesse vendô- 
« moise elle-même prit les armes, et choisit pour chef 
« le célèbre poète Ronsard, qui, à la tête d'une troupe 
« nombreuse de gentilshommes, parcourut la province, 
« poursuivant et châtiant avec rigueur les pilleurs d'é- 
« glise (3). » 

Ces résistances eurent pour résultat de protéger un 
peu notre contrée. Aussi, dit le chanoine du Bellay, dans 
le Béarn les églises furent encore plus maltraitées qu'en 
ce pays. 

Mais « il ne faut pas passer sous silence en ce rap- 
<( port, dirais-je avec Du Bellay, le beau respect dont 
« Jeanne d'Albret traita nos reliques après qu'elle les 
« eût ôtées de leurs reliquaires. Nous avons appris de 
« père en fils qu'elle les donna à un suisse de sa garde 
« pour les porter dans la rivière (du Loir). Le suisse 
(( (allait exécuter cet ordre impie, quand il) fut rencontré 

nédictin de la congrégation de Saint-Maur (Bibliothèque d'Or- 
léans, sous le n° 391). — Cité par M. l'abbé Landau, Notre-Dame 
de Villcthion, p. 40. 

(1) Archives de Loir-et-Cher, liasse de Villethiou. — Cf. No- 
tre-Dame de Villethiou, etc., p. 40, 

(2) Cf. de Pétigny, p, .348. 

(3) De Pétigny, p. .349. 



— 326 — 

« dans la descente du château par le sieur Dupont, 
« pour lors lieutenant particulier du bailliage de Ven- 
« dôme, et qui interrogea ce garde de ce qu'il portoit et 
« duquel il apprit que c'étoit les reliques de l'église 
« Saint-Georges, qu'il avoit été chargé de les jeter dans 
« la rivière par ordre de sa maîtresse, sur quoy ce bon 
« lieutenant luy donna un teston moyennant quoy il les 
« retira et les rendit à l'église, où elles sont encore tou- 
« tes ensemble dans un sac (1). » 

L'abbé Simon ajoute « que les chanoines les renfer- 
« mèrent dans un sac et les placèrent dans une châsse 
« de bois, qu'ils cachetèrent et renfermèrent dans une 
« armoire qui est proche le grand autel du côté de l'épitre 
(( où elle est encore aujourd'hui (2). » Malgré tout, cène 
fut sans doute que la plus petite partie qui fut sauvée, car 
le chanoine Du Bellay déplore le malheur de son église : 
« C'est une tradition certaine, dit-il, confirmée par l'épi- 
« taphe, que le corps de Jeanne d'Albret est auprès de 
« celui de son mary, et qu'ainsi cette miséralMe relique 
« nous tient lieu de toutes les saintes et adorables que 

« nous avions auparavant, toutes et si beaux reli- 

« quaires (3). » 

Ces quelques reliques, sauvées si providentiellement 
en 1562, faillirent de nouveau être dispersées, profa- 
nées et perdues dans le sac auquel Henri iv abandonna 
la ville les 20 et 21 novembre 1589. L'église Saint-Geor- 
ges seule et probablement l'abbaye de la Trinité furent 
préservées du pillage. Pour Saint-Georges le fait nous 
est attesté par Du Bellay, et, après lui, par tous les his- 
toriens (4). 

La collégiale et ses reliques n'eurent donc rien à souf- 
frir ; mais il n'en fut pas ainsi des autres églises. Des 



(1) Du Bellay, p. 138. 

(2) P. 385. 

(3) P. 145. 

(4) Du Bellay, p. 152. — De Pétigny, p, 359. 



— 327 — 

preuves matérielles démentent l'assertion de quelques 
auteurs. «Toutes les églises de la ville, nous dit M. de 
« Pétigiw, portent l'empreinte des balles calvinistes (S).» 
Le Père'^Cliessé aurait attiré surtout les fureurs des sol- 
dats sur Saint-Martin, où il prêchait pour la Ligue, et 
sur le couvent des CordélierSj aujourd'hui le Calvaire, 
dont il était religieux (2). 

Échappée à ce péril, l'église de Saint-Georges dut 
avoir une période florissante sous le règne des rois de 
la branche de Vendôme, et dès 1672 elle put se montrer 
prodigue. La chapelle d'Aresnes recevait les reliques de 
saint Lubin et de sainte Victoyre; l'Oratoire, celles de 
saint Boniface; les Cordeliers, celles de saint Donat; 
la Magdeleine, celles de saint Benoist ; Saint-Martin, 
celles de saint Didier. La collégiale se réservait encore 
les reliques des saints Candide, Mérat, Agille, Joudry, 
Oj)portune, Godegran et Théophile (3). 



(1) P. 359. 

(2) L'abbé Simon, trop partial peut-être pour ne pas déguiser 
un peu la vérité, prétend que « les églises furent ménagées, ex- 
« cepté le couvent des Cordeliers (tome i, p. 420"). Tout fut mis au 
« pillage, excepté les églises (t. m, p. 104). » Mais ne contredit- 
il pas ce qu'il avait dit précédemment, que « les troupes victo- 
« rieuses parcoururent toutes les rues, entrèrent dans les égli- 
«ses" ') (T. I, p. 427.) Pourra-t-on jamais se persuader que les hor- 
des indisciplinées de ce temps, surtout celles d'Henri iv, compo- 
sées en plus grande partie de protestants, d'anglais et aussi 
d'aventuriers faisant la guerre pour le pillage, soient ainsi en- 
trées et sorties avec le plus grand respect de ces églises, où leur 
cupidité pouvait si facilement trouver de quoi s'assouvir ? Au- 
jourd'hui le doute ne nous est plus permis après le travail plein 
d'érudition de M. de Salies, qui a traité la question à fond, et 
conclut jusqu'à l'évidence «qu'il faut reconnaître nettement le 
« pillage de toutes les églises de Vendôme. » (Bulletin 1872. pp. 
19 et suiv.) 

(3) Bulletin 1862, p, 5.5. Procès-verbal de cette translation. — 
Les Bénédictins furent, oubliés dans, le partage ; aussi leui-s 
cloches restèrent muettes (|uand toutes celles de la ville « son- 
« naient d'une manière surprenante. » 



— 328 — 

Mais la paix ne devait pas être éternelle. Une époque 
plus regrettable, la grande Révolution, devait ruiner les 
trésors de la collégiale, ainsi que de bien d'autres 
églises. A peine quelques reliques saintes sont-elles 
parvenues jusqu'à nous, mutilées, souillées par l'im- 
piété. Nous espérons entreprendre un jour le récit de la 
sacrilège profanation commise alors et de la providen- 
tielle conservation de quelques reliques de Saint-Geor- 
ges et de la Trinité. 

Suivent les notes sur quelques objets désignés dans 
l'Inventaire. 



ERRATUM 



P. 315, ligne 8, au lieu de : ledit Inventaire par nous, lire 
ledit Inventaire/atï par nous. 



NOTICE 



SUR 



« 



LES JETONS DES GALÈRES 

FRAPPÉS AU NOM ET AUX ARMES 



DE 



LOUIS - JOSEPH DUC DE VENDOME 
Par M. Jules Chautard. 



Louis - Joseph, duc de Vendôme, de Mercœur, 
d'Étampes et de Penthièvre, prince de Martigues, sei- 
gneur d'Anet, pair de France, chevalier des ordres du 
roi et de la Toison d'or, grand sénéchal et gouverneur 
de Provence, naquit à Paris le l®*" juillet 1654 de Louis, 
duc de Vendôme, et de Laure Mancini. Comme sol- 
dat et comme capitaine, il fut l'une des gloires de la mai- 
son de Bourbon, et son nom est resté populaire dans 
les fastes militaires de la France (1). Aux titres que 

(1) Bellerive, Histoire des campagnes de Louis-Joseph de Ven- 
dôme, 1 vol. in-12, Paris, 1714. 

Biographie universelle (art. Vendôme), 20 voL in-S", 1810- 
1812. 

Abbè Simon, Histoire de Vendôme, 3 voL in-8°, Vendôme, 1831. 

De PÉTiGî<Y, Histoire archéologique du Vendômois,\ voL in-l", 
Vendôme, 1849. 

Am. Renée, Les Princes militaires de la Maison de France, 
1 vol. in-4°, Paris, sans date. 

Ch. Chautard, Des relations de La Fontaine avec Louis-Joseph 
de Vendôme (Bulletin de la Société Archéologique du Veudo- 
mois, 1863). 



— 330 — 

nous venons de mentionner, ainsi qu'à la qualité de 
prince du sang et de général des armées du Roi, le duc 
de Vendôme joignit, en 1694, une autre dignité, celle 
de général des galères, qui lui donna rang parmi les 
grands officiers de la couronne. C'est à l'occasion de 
cette charge que furent frappés, au nom et aux armes 
de Louis-Joseph, une série de jetons très intéressants, 
dont nous nous proposons de donner la description. 

Nous ferons précéder cette étude de quelques détails 
utiles à connaître et relatifs aux fonctions de général des 
galères. 

I. — Les galères (de galea^ casque), étaient des na- 
vires de guerre, longs, ras d'eau, de peu de calaison, 
allant à la voile et à la rame (1). L'insuffisance du pont 
faisait qu'au moindre coup de mer, elles s'emplissaient 
d'eau ; aussi ne pouvait-on pas s'en servir pour des en- 
treprises de long cours. Très en vogue chez les an- 
ciens, les galères modernes ont servi spécialement dans 
la Méditerranée, pour escorter les navires qui faisaient 
le commerce du Levant et poursuivre les pirates qui dé- 
solaient ces parages. Elles constituaient à l'origine la 
principale force maritime de la France. 

Sous Charles IV le Bel, le nombre des galères entre- 
tenues dans le port de Marseille n'était que de quatre, 
nombre successivement augmenté sous Charles VIII, 



(1) La longueur de ces navires variait de 30 à 60 mètres, et on y 
comptait de chaque côté jusqu'à 30 avirons, mis eu mouvement 
chacun par uu ou plusieurs hommes. Cette manœuvre fort péni- 
ble devint, sous François I", la punition des grands criminels; 
de là le nom de galériens donnés à ces derniers. Après avoir été 
marqués au fer rouge, les galériens étaient attachés à leur banc, 
et y passaient la nuit. L'ensemble des condamnés que portait 
une galère se nommait chiourmc. Sous Louis XIV, la peine fut 
sensiblement adoucie; on construisit à terre des bagnes où les 
galériens étaient appliqués à divers travaux publics. L'Assemblée 
constituante de 1789 abolit la peine des galères, et la remplaça 
par celle des travaux forcés. 



— 331 — 

Louis XII, François P*", à l'occasion des campagnes en- 
treprises en ItaliCj et pour lesquelles les galères rendi- 
rent de grands services (1). Leur commandant prenait 
le WivQ àQ Capitaine-général des galères ou à' Admirai 
de Provence, ou bien encore à' Admirai du Levant (2). 
Cette fonction devint surtout importante après la réu- 
nion de la Provence à la couronne, en 148G, époque à 
laquelle le titulaire de la charge avait le commandement 
de tous, les vaisseaux du Roi dans la Méditerranée. Il 
s'intitulait simplement alors Général des galères. 

Comme insigne de leur dignité, les généraux des ga- 
lères portaient une double ancre posée en pal derrière 
l'écu de leurs armes. 

Dans son Histoire de Marseille, Ruffi mentionne des 
intendants, des trésoriers, des contrôleurs et des 
commissaires des galères, dont les fonctions étaient su- 
bordonnées à celles de général des galères. 

Nous donnons en note la liste des généraux des ga- 
lères avec leurs armoiries depuis la réunion de la Pro- 
vence à la couronne (*). 



(l)Consulter: le Père Anselme, Histoire généalogique etchro- 
nologique, etc. {t. vu, pp. 921 et suiv.) ; — Ruffi, Histoire de 
Marseille, 1 vol. in-fol., 1696 (chap. ii, liv. xiv, p. 346) ; — Mo- 
RERi, Dictionnaire historique, t. v, édition de 1759, 11vol. in-lbl. 

(2) Il tant distinguer cette charge de général des galères de 
France de celle de général des galères de la Religion, qui dépen- 
dait de l'ordre des chevaliers de Malte. 



(*) Avant cette époque, Ruffi ne cite que quatre noms de ca- 
pitaines généraux des galères. 

Voici la liste des généraux des galères à dater de la fin du xv" 
siècle : 

1° Prégent DE BiDOUX, natif dc Gascogne, chevalier de l'ordre 
de Saint-Jean de Jérusalem et grand-prieur de Saint-Gilles, 
nommé en 1497, se démit en 1518. 

2. Bernardin de Baux, chevalier de l'ordre dc Saint-Jean de 



— 332 — 

IL — Les jetons employés dans le principe comme 
instruments de calcid devinrent, sous le règne de 



Jérusalem, commandeur de Saint-Vincent-de-Lorgnes, n'exerça 
sa charge que pendant une année, de 1518 à 1519. 

3. Le successeur de Bernardin de Baux n'est pas nommé ; il 
prit possession de son commandement en 1520, et ne le retint 
que quelques mois. 

4. Bertrand d'Ornesan, chevalier, seigneur d'Astarac, baron 
de Saint-Blancard, etc., nommé général des galères en 1521. 

Armes : à' azur au lion d'or. 

5. André Doria, noble génois, prince de Melfe, nommé en 
1525 amiral des mers du Levant, avec le titre de général des ga- 
lères. 

Armes : Coupé d'or et d'argent à l'aigle d'azur, languée et 
membrée de gueules. 

6. Antoine de la Rochefoucauld, seigneur de Barbesieux, 
etc., pourvu de la charge de général des galères à la place d'An- 
dré Doria en 1528 (*). 

Armes : écartelé au 1" et au 4° de la Rochefoucauld^ au 2' et 
au 3' d'or à un écusson d'azur qui est Barbesieux, et sur le tout 
d'or à deux vaches passantes de gueules, accolées et clarinées 
d'azur. 

7. François de bourbon, comte d'Enghien, 3" flls de Charles 
de Bourbon duc de Vendôme et de Françoise d'Alençon. Ce 
prince, né en 1519, mourut en 1546 des suites d'un accident, après 
s'être signalé en Italie dans plusieurs combats importants, no- 
tamment à la bataille de Cérizolles, dont il fut le héros. Il avait 
été établi général des galères en 1543. 

Armes: écartelé au 1 et 4 de Bourbon-Vendôme, au 2 et 3 
d'Alençon. 

8. Antoine Escalin des Aimars, dit le capitaine Poulain ou 
Polain, baron de la Garde, etc., d'abord lieutenant du comte 
d'Enghien, puis pourvu de la charge de général des galères par 
lettres de 1544. 

9. Léon Strozzi, prieur de Capoue, chevalier de l'ordre de 

On trouve, dans les Annales de Paris que le capitaine Jonas, général des galè- 
res de France, fut décapité à Paris en 1530. Il doit y avoir erreur de date ou de 
fonctions, car à cette époque la charge était occupée par un personnage connu. 






— 333 — 

Louis XIV, de véritables monuments, et n'eurent plus 
dans les comptes qu'une utilité secondaire. On employa 



S'-Jean de Jérusalem, nommé en 1547, après la disgrâce et l'em- 
prisonnement du baron de la Garde. 

Armes: d'or à lafasce de gueules, chargée de trois croissants 
d'argent, au chef de gueules chargé d'une croix d'argent qui est 
de Malte. 

10. François de Lorraine, 3' fils de Claude, duc de Guise, fut 
chevalier de Malte et grand-prieur de France ; il succéda comme 
général des galères en 1557 au prieur de Capoue, et mourut en 
1562. 

Armes : de Lorraine, au lamhel à trois pendants de gueules 
en chef, le tout surmonté de Vécu do Malte. 

11. René de Lorraine, marquis d'Elbeuf, et tige de la branche 
de ce nom, 6° fils de Claude premier duc de Guise ; il succéda à 
son frère en 1562 comme général des galères et mourut en 1566. 

Armes: de Lorraine, au lambelà trois pendants de gueules. 

12. Henri d'Angouléme, grand prieur de France et gouver- 
neur de Provence, fils naturel du roi Henri H, fut nommé géné- 
ral des galères en 1578 et décéda en 1586. 

Armes: de France au bâton d'or péri en barre, au chef de 
Malte. 

13. Charles de Gondy, seigneur de la Tour, général des ga- 
lères en 1578, frère puîné d'Alljert de Gondy, duc de Retz ; il 
mourut la même année. 

Armes : d'or à deux masses de sable passées en sautoir et liées 
de gueules. 

14. Charles de Gondy, marquis de Belle-Ile, général des ga- 
lères en 1579 et démissionnaire en 1593. 

Albert de Gondy, duc et maréchal de Retz, père et tuteur du 
précédent, exerça les fonctions de général des galères pendant 
la minorité de .son fils. 

15. Philippe-Emmanuel de Gondy, frère de Charles, général 
des galères en 1593. 

16. Pierre de Gondy, fils de Piiilippe-Eminanuel, nommé en 
1626, démissionnaire en 1635. 

17. François de Vignerod, nommé en 1635 après la démission 
du précédent, était neveu de Richelieu; son père René de Vigne- 



— 334 — 

pour la confection de leurs coins les plus habiles gra- 
veurs (1). Le Roi décida l'établissement d'une académie 

(1) La fabrication des jetons et médailles, distincte de celle des 
monnaies, était installée, depuis 1639, dans une dépendance du 
Louvre. La direction en fut toujours confiée à des hommes de ta- 
lent. C'est ainsi que sous le règne de Louis XIV, on vit succes- 
sivement à la tête de cet établissement, Varin, si connu comme 
graveur; Osalin, orfèvre du Roi, dont les ouvrages sont admirés 
de toute la France ; l'abbé Bizot, très versé dans la science des 
médailles et auteur de l'histoire métallique de Hollande. Un 
nommé Petit fut nommé par Louvois en remplacement de 
l'abbé Bizot, mais il n'occupa le poste que peu de temps, et eut 
pour successeur de Launay, conseiller et secrétaire du Roi, 
homme d'un mérite reconnu et sous lequel fut frappée la magni- 
fique et nombreuse suite des médailles de Louis-le-Grand. 



rod, seigneur de Pont-Courlay, ayant épousé la sœur ainée dn 
cardinal, Françoise Duplessis, veuve en 1" noces de Jean de 
Beauvau. 
Armes : d'argent à trois cheorons de gueules. 

18. Armand-Jean de Vignerod Duplessis, duc de Richelieu 
fils de François de Vignerod et petit-neveu du cardinal, suc- 
céda à son père en 1643. 

19. François de Créquy, prêta serment entre les mains du 
roi en 1661 et se démit en 1668, en faveur du suivant. 

Armes: d'or au créquier de gueules. 

20. Louis-VicTOR de Rochechouart, comte, puis duc de Vi- 
vonne-Mortemart, nommé en 1669 ; il prêta serment en 1670. 

Armes: Parti de trois traits, coupé d'un, qui font huit quar- 
tiers: au 1" de gueules au croissant monté de vair qui est de 
Maure, au 2 de Bourbon, au 3 de Rohan, au 4 de La Rochefou- 
cauld, au 5 et 1 de la pointe de Milan, au 6 de Nainarre, au 7 de 
gueules au pal de vair, qui est d'Escars, au 8 de Bretagne et sur 
le tout de Rochechouart. 

Louis DE Rochechouart, duc de Mortemart, obtint la survi- 
vance de la charge de son père, qu'il n'exerça point, étant mort 
peu de mois avant ce dernier, en 1688. 

21. Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine et d'Aiimale, 
fils légitimé de Louis xiv et de Madame de Montespan, né en 
1670, mort en 1736, fut nommé général des galères le 21 septem- 
bre 1688 et se démit en 1694. 

Armes: de France, au bâton de gueules péri en barre. 



JETONS 



PLI 



♦de LOUIS JOSEPH, DUC DE VENDOME 
Général des Galères. 













./. (h ileL 



JETONS 



PL. II. 



Pe louis JOSEPH, duc de VENDOME 
Général des Galères. 




./ 17, , M 



— 335 — 

qui travaillerait aux inscriptions, aux devises, au choix 
des sujets représentés sur les jetons et sur les médail- 
les, de n^anière à constituer ainsi une histoire suivie 
des principaux événements du règne (1). Les princes, 
les grands du royaume, les officiers delà couronne, les 

(1) De Boze, Histoire de l'Académie des inscriptions et belles 
lettres. 

P. Menestrier, Histoire du Roy Louis-le-Grand par les mé- 
dailles, etc., 1 vol. petit in-folio, Paris, 1693. 

Médailles sur les principaux événements du règne de Louis XIV, 
1 vol. in-4°. Paris, 1702. 

Van-Loon, Histoire métallique des dix-sept prooinces des Pays- 
Bas, 5 vol. in-fol. La Haye, 1732 à 1737. 

Le Mercure galant, volume paraissant chaque année et cor- 
respondant à peu près à nos Revues périodiques actuelles. Com- 
mencé en 1672, le Mercure ne s'occupe de descriptions de je- 
tons que de 1680 à 1758. 



22. Louis - Joseph duc de Vendôme, arrière- petit-fils de 
Henri IV, occupa les fonctions de 1694 à 1712, époque de sa 
mort. 

Armes : de France, au bâton de gueules péri en bande, chargé 
de trois lionceaux d'argent. 

23. René de Froulay, 3° du nom, comte de Tessé, maréchal 
de France, né en 1650, fut pourvu de la charge de général des 
galères au mois d'octobre 1712. Il se démit en 1716 pour se reti- 
rer chez les Camaldules, où il mourut en 1725. 

Armes : d'argent au sautoir de gueules, endenté de sable. 

24. Jean-Philippe, dit le Chevalier d'Orléans, fils naturel 
du Régent et de Louise de Sery, comtesse d'Argenton, naquit 
en 1702. Il fut nommé général des galères le 29 août 1716, installé 
dans sa charge seulement l'année suivante, et resta titulaire 
jusqu'à sa mort, en 1748, époque à laquelle ces fonctions, depuis 
longtemps purement honorifiques, furent supprimées par suite 
de la réunion du corps des galères à celui de la marine. A partir 
de cette date il n'y eut plus de jetons distincts pour les galères. 

Le chevalier d'Orléans fut grand prieur de France et char- 
gea son écu de celui de Malte. Ses armes étaient: de France au 
bâton d'argent péri en barre, chargé en chef d'un lambel d'ar- 
gent à trois pendants. 

XX 23 



— 336 - 

dignitaires et fonctionnaires de tout rang, subirent l'in- 
fluence royale, et c'est à cette impulsion que nous de- 
vons les séries si nombreuses et si remarquables de je- 
tons qui caractérisent cette époque. 

Quatre métaux différents étaient employés pour la 
frappe des jetons : l'or, l'argent, le cuivre rouge ou 
bronze, le cuivre jaune ou laiton. La cupidité ou l'igno- 
rance a fait engloutir dans le creuset du fondeur la 
plupart des jetons d'or et d'argent ; il ne reste plus que 
les pièces de cuivre et quelques-unes assez rares d'ar- 
gent. Quant à celles en or, nous n'en connaissons pas 
du type étudié en ce moment. 

Des bourses de jetons en métal précieux étaient offer- 
tes au Roi et aux Princes, parfois aussi aux principaux 
dignitaires de leur maison, au commencement de l'an- 
née, à l'époque d'une naissance, d'un mariage, ou en- 
core à certains anniversaires. Les jetons en cuivre ser- 
vaient seuls aux comptes, ou étaient dj^stribués au 
peuple. 

Le Cabinet de France possède la série à peu près 
complètedes jetons des galères, en argent et en cuivre; 
nous en avons réuni nous-même un grand nombre dans 
notre collection, et c'est à l'aide de ces originaux que 
nous avons pu dessiner toutes les pièces, généralement 
peu communes, qui seront ici décrites. Une certaine 
quantité de coins conservés au musée monétaire de 
l'Hôtel des monnaies à Paris, a permis de frapper de 
nouveaux exemplaires et de compléter ainsi les collec- 
tions des bibliothèques et musées dépendant du mi- 
nistère de la Marine, ainsi que des arsenaux de Brest et 
de Toulon. Cette initiative est due à M. Guichon de 
Grandpont, commissaire général de la marine, auquel 
je suis heureux de témoigner ma reconnaissance pour 
les renseignements qu'il a bien voulu me transmettre (1). 

(1) Guichon de Grandpont, iVo?!ïC6' sur les jetons de ta Marine 
et des Galères, 1 broch. in-8% 1854. (Extr. des Nouvelles Annales 
de la Marine et des Colonies.) 



— 337 — 

III. — J'arrive actuellement au sujet qui doit plus 
spécialement nous occuper, c'est-à-dire à l'étude des 
jetons friippés au nom et aux armes du duc de Ven- 
dôme, eif sa qualité de général des galères. 

Louis-Joseph fut pourvu des fonctions de général des 
galères par lettres du 14 septembre 1694, à la suite de la 
démission du duc du Maine. Il prêta serment au Roi le 
24 avril 1595, et prit possession de sa charge au mois de 
mai suivant. 

Généralement, dans chacune des grandes adminis- 
trations du royaume, il était frappé tous les ans deux 
jetons, l'un avec la tète du Roi, l'autre aux armes ou à 
l'effigie du titulaire de l'emploi, et chacun avec le même 
revers (1). C'est ce que nous retrouvons, sauf quelques 
rares exceptions, pour les jetons des galères de cette 
époque. Je dois signaler en outre d'autres jetons à la 
tête du Roi, de même dessin et de même légende que 
ceux des administrations royales, mais sur lesquels le 
nom de cette dernière était supprimé. L'usage de ces 
jetons était probablement banal. On en rencontre assez 
fréquemment au type des N"** 6 et 8, Pl. I, mais sans la 
mention du mot <7«/ères et quelquefois sans date; l'exer- 
gue est alors occupée par un petit rinceau. Pour le clas- 
sement, je propose de ranger ces jetons auprès de ceux 
des administrations dont ils portent l'empreinte. 

a. — Les pièces à la tête du Roi nous offrent le buste 
sénile de Louis XIV, tourné à droite, cou nu, chevelure 
longue et flottante, la tête quelquefois ceinte d'une cou- 
ronne de laurier ; le tout enveloppé de la légende : 
LVDOVICVS MAGNVS REX. (Pl. I, fig.l.) 



(1) Les administrations, sous le règne de Louis XIV, pour 
lesquelles chaque année des jetons furent régulièi-oment frappés 
étaient: le Trésor royal, les Parties casuelle.<j la Chanibre aux 
deniers, lo^ Bâtiments du Roi, la Marine, les Galères, l'Ordinaire 
des guerres, l' Extraordinaire des guerres, l'Artillerie, quelque- 
fois les Ponts et chaussées, la Maison de la Reine, etc. 



- 338 — 

b. — Les jetons au nom de Louis-Joseph portent 
seulement les armes du duc dans un cartouche légère- 
ment ovale (1), entouré du collier de l'ordre de Saint- 
Michel et de celui de l'ordre du Saint-Esprit (2), le tout 
reposant sur un manteau d'hermine, semé extérieure- 
ment de fleurs de lys et surmonté de la couronne ducale. 
En pal derrière l'écu se trouve la double ancre, insigne 
de la dignité ; puis, en légende, LOVIS . DVC . DE . 
VENDOSME . GENERAL . DES . GALERES. (Pl. I, 
fig. 2.) 

Les revers varient tous les ans, et sont très remar- 
quables de dessin et de gravure. L'émission des jetons 
ayant lieu ordinairement au commencement de l'année, 
l'emblème et la devise ne pouvaient se rapporter qu'aux 
événements de l'année précédente; aussi, sur un grand 
nombre de pièces, les dates sont-elles postérieures aux 
faits auxquels le graveur fait allusion. 

Le jeton se termine, extérieurement et des» deux côtés, 
par un grénetis ; la face, c'est-à-dire le côté des armoi- 
ries, ne porte jamais de filet intérieur à la légende, 
tandis que celle-ci, au revers, est assez souvent renfer- 
mée entre un grénetis et un filet. Enfin, pour éviter des 
répétitions inutiles, nous dirons, une fois pour toutes, 
que du côté du dessin se trouve toujours, en exergue, 
le mot GALÈRES en petites capitales, et au-dessous, la 
date de fabrication en chiffres arabes, sauf une seule 
exception sur le jeton de 1695, où la date est indiquée 
en chiffres romains. 

La série des jetons de Louis-Joseph, comme général 
des galères (3), commence en 1695, et se continue sans 

(1) Cetôcu offre, sui' quelques pièces, de très légères différen- 
ces d'ornementation sur lesquelles nous n'avons pas cru devoir 
insister. 

(2) Le duc de Vendôme était entré dans les ordres du Roi, lors 
de la création du 1" janvier 1689. 

(3) Nous ignorons s'il existe d'autre jetons de notre Duc; mais 
il est bien probable qu'il a dû en être frappé tant en son nom 
qu'au nom des officiers do sa maison. 



— 339 — 

interruption jusqu'en 1712, année de sa mort. C'est de 
]a première de ces deux années que date également 
l'élévatiop de Louis-Joseph au titre de généralissime 
des armées en Espagne, à la place du duc de Noail- 
les (1). 

1695. — Armes et légende du duc de Vendôme 
(Pl. I, fîg. 2). — ^ : ET DECVS ET TERROR PE- 
LAGI, entre un filet et un grénetis; nymphe à queue 
de poisson au milieu des eaux; date, mdcxcv. 

(Pl. I, fig. 3.) 
Cabinet de France. 

— Buste du Roi. — ^ : Môme revers. 

(Pl. I, fig. 1.) 
Cabinet de France. 

La légende de cette pièce est un hommage flatteur 
rendu aux talents du nouveau général, tant sur terre 
que sur mer. 

1696. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: DAT SPERNERE FVLMINA ; olivier chargé de 
fruits avec une pousse au bas, au milieu d'une campa- 
gne où apparaissent des villages au fond et à droite. 

(Pl. I, fig. 4.) 
Cabinet de France, 



(1) Vendôme, parti d'abord comme simple soldat, passa par tous 
les grades avant d'arriver an commandement des armées. La 
campagne de Hollande de 1672 fut son début ; mais, caché sous 
les grades subalternes, il y échappe à l'attention de l'histoire. 
En 1676, il sauva l'armée au comliat d'Altcnheim, et y fut blessé 
à la tète de son régiment. En 1677, on le retrouve à la prise de 
Condé et à celle de Cambray. Nommé maréchal de camp en 
1678, il fît la campagne de Flandre sous le maréchal de Créqui, 
et ])rit une part active, en 1684, aux sièges de Fribourg ot de 
Luxembourg. Nous le retrouvons en 1691 devant Mons on «lualité 
de lieutenant du maréchal de Luxembourg, puis en 1692 devant 
Namui-, aucombatde Leuze et à celui de Steinkercjue, dont il fut 
un des héros. L'année suivante, 1693, Louis passa à l'armée d'I- 
talie sous Catinat, et dirigea l'aile gauche à la bataille de la 
Marsaille. Tant d'actions d'éclat devaient désigner ce grand capi- 



— 340 — 

— Même pièce avec la tète du Roi. 

Ma collection. 

Les pi'emiers succès de Louis en Espagne donnent 
lieu d'espérer une paix complète et féconde, ligurée par 
l'olivier au milieu de champs verdoyants. 

1697. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
1^: PR^STAT SECVRA QVIETEM, entre un filet et 
un grénetis ; alcyon dans un nid voguant sur une mer 
tranquille. (Pl. I, fîg. 5.) 

Cabinet de France. 

Cette pièce a été gravée par Le Breton. 

— La même avec la tête du Roi. 

Cabinet de France. 

Les hostilités se ralentissent, et semblent devoir se 
terminer à la suite du traité d'alliance conclu avec Vic- 
tor-Amédée, duc de Savoie. Les principales affaires 
auxquelles Vendôme prit part personnellement durant 
cette campagne sont : en 1695, la prise d'Ostalric, la 
délivrance de Palamos ; en 1696, le combat de Rio- 
d'Arenas ; en 1697, le siège et la prise de Barcelone (1). 



taine à l'attention du Roi pour un commandement en chef, en 
même temps qu'à celle du graveur pour transmettre à la posté- 
rité le souvenir durable de sa vaillance. 

Les différentes phases de la vie militaire de Louis-Joseph, 
comme général en chef des armées du Roi, peuvent se résumer 
ainsi : 

Campagne d'Espagne, de 1695 à 1701 ; 

— d'Italie, de 1702 à 1706 : 

— de Flandre, de 1706 à 1708 ; 

— d'Espagne, de 1710 à 1712. 

(1) Le souvenir de cette brillante conquête est conservé sur 
une belle médaille du Roi dont le dessin représente Hercule ap- 
puyé sur sa massue, ayant à ses pieds un bouclier aux armes de 
Barcelone, avec la légende BINIS CASTRIS DELETIS et à 
l'exergue BARCINO CAPTA MDCXCVII, rappelant ainsi que la 
ville fut prise en 1697, après que l'on eut forcé les deux camps 



— 341 — 

La gravure du jeton de 1698 est une allusion aux vic- 
toires et à la double charge de Louis-Joseph^ général 
des galères et vice-roi de Catalogne. 

1698. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^ : DAT TERRIS NEPTVXVS OPEM; Neptune 
présentant un trident renversé à un cheval sortant des 
eaux. 

(Pl. I, fig. 6.) 

Cabinet de France, ma collection. 
La gravure est due au burin de Mauger. 

— Même pièce avec la tète du Roi. 

— Autre pièce fort commune avec la tète du Roi, mais 
sans date et sans le nom galères à l'exergue qui ren- 
ferme, à la place, deux branches de palmier entrela- 
cées. 

1699. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
% : TERRORI SVCCEDIT AMOR, entre un grénetis 
extérieur et un filet intérieur; galères incendiées ran- 
gées sur deux rangs, trois d'un côté, trois de l'autre 
et au milieu des syrènes à mi-corps dans la mer; sur 
la proue de la première galère de gauche on voit une 
tête de monstre marin. Sous la date de l'exergue se 
trouve la lettre R initiale du nom du graveur. 

(Pl. I, fig. 6.) 
Cabinet de France, ma collection. 

Ce jeton a été gravé par Rostier. 

L'affection des populations, la crainte de nouveaux 
malheurs causés par la guerre, succèdent, au milieu 
d'une période de calme, à la terreur inspirée par le 
succès des armes de Louis-Joseph. Ces sentiments se 
trouvent exprimés sur la pièce précédente ainsi que sur 
les suivantes. 

qui la défendaient. (Médailles sur les princii>aux cocneinonis du 
règne de LouU-lc-Grand, page 267.) 



— 342 — 

11 00. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
% : AEQUORA LUSTRANDO PACAT ; Neptune 
brandissant son trident à gauche et conduisant triom- 
phalement son char à travers les mers. 

(Pl. I, hg. 8.) 

Cabinet de France, ma collection. 

— Même pièce avec la tète du Roi. 

— Autre pièce à la tête du Roi, sans date et sur le re- 
vers de laquelle, à l'exergue, le mot galères est 
remplacé par deux branches entrelacées. 

1101. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
%\ ALARVM FREMITV FVGAT, aigle s'élançant 
du haut d'un rocher et mettant en fuite de petits oi- 
seaux. 

(Pl. I, fig. 9.) 

Cabinet de France, ma collection. 

1102. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
%\ VOTIS ASSVESCO VOCARI, entre un filet et un 
grénetis ; un phare au bord de la mer. 

(Pl. II, fig. 10.) 
Cabinet de France. 

1103. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
1^: HINC PAVOR ET FUGA; dans le champ est re- 
présentée une tête de Méduse au-dessus de montagnes 
et de rochers. 

(Pl. II, fig. 11.) 
Cabinet de France. 

En 1702, Vendôme reçut le commandement en chef 
des troupes en Italie (1). Vainqueur dans tous les com- 



(1) Nous indiquons, avec leurs dates, les victoires du duc de 
Vendôme et les batailles auxquelles il assista en personne du 
rant cette glorieuse campagne : 

1702. — Débuts de la campagne d'Italie, combat de la Vitto- 



* 



— 343 — 

bats qu'il livra, dit l'abbé Simon, conquérant de toutes 
les places qu'il assiégea, il sut, pendant cinq campa- 
gnes consécutives, acquérir et conserver l'ascendant 
le plus'visible et le plus insurmontable, en tenant tète 
au plus habile des généraux de l'Empereur, le prince 
Eugène de Savoie, la terreur des généraux français. 
Ce sont ces succès qui ont inspiré la gravure du jeton 
qui précède et de quelques-uns des suivants. 

1704. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: TEMNIT TRANQ VILLA FREMENTES, entre 
un grénetis et un filet; le soleil dardant ses rayons 
sur un rocher battu par la mer et soumis à l'action 
des vents, représentés par quatre figures d'Eole, deux 
de chaque côté. 

(Pl. II, fig. 12.) 

Cabinet de France, ma collection. 

1705. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: NON FLUCTUS IGNESQUE MORANTUR; Am- 
phytrite dirigeant à gauche son char attelé de deux 
chevaux marins. 

(Pl. II, fig. 13.) 

Cabinet de France, ma collection. 

On trouve, pour la même année, un autre jeton ayant 
le dessin et la légende du revers de la pièce précédente, 
mais sur lequel, au lieu des armes de Louis ou de la 



ria, bataille de Luzzara, prise de Guastalla, délivrance de Man- 
toue, combat de Serraglio. 

1703. — Prise de plusieurs places dans le Treiitiii, siège de 
Trente, campagne de Piémont, combat de cavalerie le 28 octo- 
bre, combat près l'Orba, prise d'Asti. 

1704. — Défaite de l'arrière-garde du duc de Savoie près de 
Turin, prise de Verceil, d'Ivrèe, de Vèrue. 

1705. — Siège de Chivas, bataille de Cassano, pendant la- 
quelle Vendôme eut un cheval tué sous lui. 

1706. — Bataille de Calcinato. 



— 344 - 

tête du Roi, se trouvent des joueurs d'instruments avec 
la légende : REX NOBIS HAEC OTIA FECIT (1). 

Cabinet de France. 

Il est probable que ce revers est celui d'un jeton des 
Menus plaisirs du Roi, dont le coin se sera trouvé as- 
socié, par mégarde ou par une fantaisie du monnayeur, 
à celui des jetons des galères. 

1706. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^ : EXITIUM SI QUISQUAM ADEAT, entre un gré- 
netis et un filet; trois syrènes au sein des eaux et 
dans le voisinage de rochers. 

(Pl. 11, fig. 14.) 

Cabinet de France, Musée de Vendôme, ma collection. 

C'est au milieu de ses victoires en Italie que Louis- 
Joseph est appelé en Flandre, pour arrêter les progrès 
de Marlborough victorieux. Un immense cri de joie 
s'éleva dans le camp des Français, à la nouvelle de l'ar- 
rivée du duc de Vendôme, en même temps qu'une pa- 
nique se répandit dans l'armée ennemie. Celle-ci, supé- 
rieure en nombre, confiante en ses succès, demandait 
à se battre; Vendôme, en tacticien habile, sut tempo- 
riser, prendre de fortes positions, et telle fut sa pru- 
dence, que Marlborough n'osa rien entreprendre sur 
nos troupes pendant toute une campagne. Cette fière 
contenance du général français provoqua probablement 
la légende et le dessin du jeton que voici : 

1707. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: VRGET AMOR PUGN^; deux aigles perchés 
au-dessus de la mer avec une aigrette sur la tête^ se 
regardant et disposés à prendre leur vol. 

(Pl. II, fig. 15.) 
Cabinet de France, ma collection. 



(1) Réminiscence du 6' vers de la I" églogue de Virgile. Le 
mot REX est ici substitué au mo'. DEUS du poète latin. 



— 345 — 

L'année suivante, en 1708, Vendôme continua la cam- 
pagne, de concert avec le duc de Bourgogne. Mais les 
deux pfinces ne s'entendirent pas. La défaite d'Oude- 
narde, où l'armée, prise en défaut, combattit sans ordre 
et sans direction, fut le fruit de ces divisions. Le pas- 
sage de l'Escaut par Marlborough, ainsi que la perte 
de Lille, entraînèrent la disgrâce de Vendôme, qui vécut 
retiré, pendant trois ans^ à son château d'Anet. 

Les jetons de 1708 et de 1709 portent encore malgré 
tout, l'empreinte des qualités guerrières de notre héros. 

1708. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: ARDENT DUM REDDAT HABENAS; Neptune 
monté sur son char, tenant de la main droite son tri- 
dent et de la gauche retenant les rênes de ses chevaux. 

(Pl. II, fig. 16.) 

Cabinet de France, Musée de Vendôme, ma collection. 

1709. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
4 : SERVAT TERRETQUE VICISSIM, entre un 
grénetiset un filet intérieni'; arbre chargé de fruits, en- 
touré à ses pieds par un dragon ailé. 

(Pl. Il, tig. 17.) 
Cabinet de France, ma collection. 

— La même pièce avec la tête de Louis XIV rempla- 
çant les armes du duc de Vendôme. 

Cabinet de France, ma collection, 

1710. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 

% : NIL PERIT DECORIS ; la mer avec des nuages 

au-dessus; sur le rivage une coquille entr'ouverte et 

contenant des perles. 

(Pl. II, lig. 18.) 

Cabinet de France. 

La gravure de cette pièce fait sans nul doute allusion 
au mariage du duc avec Mahie-Anne de BouiiiiON, pe- 



— 346 — 

tite-fille du grand Condé, née le 24 février 1678, et morte 
le 11 avril 1710. Les fiançailles eurent lieu dès 1709, 
mais le mariage ne fut célébré qu'au commencement de 
1710, à Sceaux. Louis avait 56 ans lorsqu'il se décida à 
se marier j^our perpétuer sa race. Malgré les espéran- 
ces que laissent entrevoir les perles renfermées dans la 
coquille, cette union ne donna pas de rejetons. 

1711. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^ : AD JUSSA PARAT^, entre un grénetis exté- 
rieur et un filet ; carquois incliné, chargé de flèches, 
couché sur une terre accidentée et où pousse la ver- 
dure. 

(Pl. II, fig. 19.) 

Cabinet de France, Musée de Vendôme. 

' Ce fut en 1710 que Philippe V, aux abois, chassé de 
sa capitale, demanda à Louis XIV de lui envojjer le duc 
de Vendôme pour prendre la direction de ses armées. 
Grande et bonne fortune pour tous les deux, dit un his- 
torien : Philippe V y regagna son trône, et Vendôme 
y retrouva sa gloire. Toujours prêt pour la guerre, 
même au milieu des douceurs de l'hyménée, Louis- 
Joseph partit sans délai. La prise de Brihuega, la victoire 
de Villa- Viciosa et le triomphe de Vendôme à Madrid, 
couronnèrent les débuts de la campagne. Les hosfilités 
se ralentirent vers la fin de 1711 ; le duc en profita 
pour se livrer à de nouveaux préparatifs, qui semèrent 
la terreur dans le camp ennemi, ainsi que l'attestent la 
légende et la gravure du jeton suivant. 

1712. — Armes et légende du duc de Vendôme. — 
^: ETIAM TRANQVILLA TIMETVR, entre un 
filet intérieur et un grénefis extérieur ; femme à demi 
couchée sur le bord de la mer, et appuyée du bras droit 
sur un fragment de rocher. 

(Pl. II, fig. 20.) 
Cabinet de France, ma collection. 



— 347 - 

Même jeton, avec la tête du Roi. 

Van Loon., t. V, page 177. 

Cettd pièce termine la série des jetons des galères au 
nom et aux armes du duc de Vendôme. Ce prince ache- 
vait de sourhettre et de pacifier la Catalogne, quand une 
mort imprévue, suite d'une indigestion, l'enleva dans la 
petite ville de Vinaros, le 11 juin 1712. 

Mon but n'était point de retracer intégralement la vie 
de ce grand capitaine, dont toute la carrière se passa au 
milieu des camps, et qui ne légua au Vcndômois que la 
gloire de son nom. Je tenais simplement, dans le cours 
de ma description, à dégager quelques faits dont le sou- 
venir est rendu vivant sur les pièces que j'ai mention- 
nées, et à compléter ainsi l'histoire de notre dernier duc, 
par l'indication de monuments métalliques longtemps 
dédaignés, ou restés jusqu'ici enfouis dans le tiroir des 
collectionneurs. 



LES PREMIERS HOMMES 

ET 

LES TEMPS PRÉHISTORIQUES 
Par M. le M'^ de Nadaillac 



Compte - rendu, par M. de Maricourt. 



Nous sommes bien en retard pour parler, après tant 
d'autres, du grand ouvrage que M. le M'^ de Nadaillac 
a publié sous ce titre. C'est que le beau livre de 
notre savant collègue n'est pas de ceux qu'on puisse 
parcourir rapidement et apprécier ensuite en quelques 
phrases banales. Chacune de ces pages substantielles 
demande à être étudiée, relue, méditée avec soin. 

Facta, non verha, telle est l'épigraphe choisie par 
l'auteur, et, certes, jamais choix ne fut mieux justifié. 
Le nombre des faits cités par M. de Nadaillac est véri- 
tablement immense. Entraîné par le charme du style 
et l'attrait d'incessantes découvertes en un passé mys- 
térieux, le lecteur se laisse involontairement emporter 
d'alinéa en alinéa, mais bientôt il est obligé de s'arrê- 
ter et de reprendre sa lecture de plus haut^ pour coor- 
donner un peu toutes ces images du vieux monde su- 
bitement évoquées et qui finissent par l'éblouir. 

Cette abondance est la seule critique que nous puis- 
sions nous permettre ; on se prend k regretter que 



— 34V» — 

M. le M'^ de Nadaillac, avec les matériaux qu'il a con- 
densés en deux volumes, n'en ait pas rempli quatre, ce 
qui lui eût permis d'introduire quelques explications à 
l'usage «des nouveaux adeptes de la jeune science, et de 
diminuer le nombre considérable de notes au bas de 
chaque page. 

Dès le premier chapitre, l'auteur expose nettement 
le plan général de son œuvre : a Nous nous préoccupe- 
« rons surtout des faits, nous n'accepterons aucune 
« théorie préconçue. Peut-être même n'arriverons-nous 
« à aucune conclusion ; l'état actuel des études pré- 
(( historiques ne saurait en comporter. » D'un bout à 
l'autre de son ouvrage, M. de Nadaillac se conforme 
loyalement à la règle si prudente qu'il s'est imposée. — 
Quand une théorie se présente à propos d'un fait quel- 
conque, il l'expose nettement, la défend avec science, 
l'impose presque au lecteur; mais vite il se hâte d'ex- 
poser, avec autant de netteté et de conviction, avec au- 
tant de faits à l'appui, la théorie opposée, laissant à 
chacun le soin d'opter pour une des deux conclu- 
sions, ou, plutôt, le forçant d'avouer avec lui que « l'é- 
« tat actuel des études préhistoriques n'en comporte 
« aucune. » 

L'auteur adopte la succession des trois âges, de la 
pierre, du bronze, du fer, chantés par Lucrèce il y a 
vingt siècles; il reconnaît, dans l'âge de la pierre, les 
deux périodes paléolithique et néolithique, si distinc- 
tes ; remercions-le de s'en tenir à ces divisions natu- 
relles, et de nous épargner^ ai)rès les avoir savamment 
discutées, ces subdivisions aux noms barbares d'A- 
cheuléerij Magdalénien^ Robenhausien, etc., etc., qui 
tendent à s'introduire aujourd'lmi dans l'archéologie 
préhistorique. « Nous repoussons les subdivisions trop 
« multiples, et nous nous contentons des deux gran- 
« des divisions qu'on trouve nettement caractérisées. » 

Peut-être M. de Nadaillac a-t-il appliqué un peu l'i- 
goureusement ce principe, en mettant complètement de 
côté, dans la succession des chapitres, la chi'onologie, 



— 350 — 

plus ou moins conventionnelle^ adoptée dans tous les 
ouvrages consacrés jusqu'ici à la préhistoire. On est 
tout surpris de voir, après les chapitres relatifs aux 
îles Santorin et à la Troade, confinant à l'histoire, 
après l'archéologie américaine, presque contemporaine, 
l'auteur revenir aux âges quaternaires, déjà étudiés 
dans le premier volume, à un point de vue différent, 
et terminer par cet homme tertiaire, encore discutable, 
et dont l'existence reporterait l'origine de notre race 
dans un lointain que notre imagination n'ose évaluer. 

Mais, en lisant ces chapitres, on oublie bien vite 
l'ordre dans lequel ils sont placés. Pas une trouvaille, 
en quelque partie du monde qu'elle ait été faite, n'é- 
chappe à l'auteur ; pas vni livre n'a paru sur cette ma- 
tière, en aucune langue, sans qu'il l'ait étudié. Il faut 
s'être occupé soi-même de ces questions, pour apprécier 
l'immense travail dont ces deux volumes sont le beau 
résultat. Connaître l'ouvrage de M. de Nadaillac, serait 
posséder tout ce que la science actuelle a découvert 
sur ce passé lointain. Ne nous enorgueillissons pas 
trop, du reste, de ces découvertes : « A chaque question 
« qui se pose, nous sommes forcés de reconnaître 
« combien les voiles qui couvrent le passé de notre 
« race sont encore épais, et combien la science hu- 
(( maine est impuissante à résoudre les questions si 
« multiples qui la couvrent. » Aveu bien modeste, 
venant d'un des hommes connaissant le mieux ce 
passé, et qui devrait être médité par tous ceux qui, de 
la trouvaille fortuite d'un grattoir ou d'un fragment de 
hachette, font la base de systèmes sapant hardiment la 
science et les croyances des siècles. Volontiers nous 
renverrions ceux-là aux belles pages où M. de Nadail- 
lac parle de l'antiquité de l'homme au point de vue bi- 
blique. 

Quant à nos lecteurs^ nous ne saurions vraiment 
quelle partie de l'ouvrage leur indiquer plus spéciale- 
ment; est-ce les trouvailles françaises, plus familières 
aux adeptes de la préhistoire? ou l'archéologie améri- 



— 351 — 

caine, si savamment traitée ? ou bien encore ces ta- 
bleaux saisissants de l'époque tertiaire, où, par la ma- 
gie de sQn style, l'auteur nous fait vivre en un monde 
qui tienf du fantastique? Nous préférons leur dire: 
Faites comme nous, commencez la lecture de ce livre, 
et vous le lirez, si étrangers que vous puissiez être à 
l'archéologie, depuis la première ligne de l'introduction 
jusqu'à la dernière ligne des deux belles pages de la 
conclusion. 

« Cecy est wu] livre de bonne foyy>, dit l'auteur en 
commençant. Ajoutons : Ceci est un beau et bon livre, 
le plus complet qui ait encore été écrit sur la science 
nouvelle du vieux monde, et qui fait honneur au dé- 
partement qui vient de perdre l'abbé Bourgeois et le 
marquis de Vibraye. 



XX 



■H 



CHANSONS DE MÉTIERS 



ET 



CHANSONS DU VILLAGE 
Par M. Cil Ciiautard. 

( Extrait d'un Recueil inédit. ) 



LE BUCHERON 

(Musique de Darcier. — Vieillot, éditeur.) 

Dieu met cent ans à faire un chêne. 

AUTRAN. 

Sans amasser un sou qui vaille, 
Loin des hommes et loin du bruit, 
Dans les bois, le jour, je travaille. 
J'y vis tout seul, j y dors la nuit. 
Des taillis j'émonde les haies. 
Je mets les branches en fagots, 
Et je coupe, dans les futaies, 
Les grands mâts pour les matelots. 

Sois sans pitié, hardi ! ma hache ; 
Il faut du pain à la maison. 
Frappe, coupe, abats ! c'est la tâche 

Que Dieu fit au bûcheron. 



C'est dans le décours de la lune 
Que les arbres sont abattus ; 
Si j'avais assez de fortune, 
Ma hache n'en abattrait plus. 



— 353 — 

Je suis toujours pris de tristesse 
Quand tombe un chêne de cent ans ; 
J'ai le respect d'une vieillesse 
Qu'il faut attendre si longtemps ! 

Sois sans pitié, etc. 



Souvent, lorsque j'abats un arbre, 
Je lui dis Que deviendras-tu ? 
Feras-tu d'un palais de marbre 
Les lambris ou le toit pointu ? 
Ou de quelque pauvre chaumière 
Seras-tu le pauvre chevron ? 
D'un roi deviendras-tu la bière 
Ou le berceau d'un bûcheron? 



Sois sans pitié, etc. 



Qu'importe au chêne séculaire 
Ou la hache du charpentier. 
Ou le ciseau du statuaire. 
Quand il va mourir tout entier ? 
Qu'il soit de sapin ou d'ébène 
Qu'importe, après tout, le tombeau?. 
Sur les branches d'un autre chêne 
J'entends déjà chanter l'oiseau. 



Sois sans pitié, etc. 



Le bûcheron seul a des fêtes 
Qu'on ne trouve qu'au fond des bois. 
Leurs silences, et leurs tempêtes, 
Et leurs mystérieuses voix. 
Il faut y vivre, il faut y naître 
Pour surprendre tous leurs secrets ; 



- 354 - 

Heureux, s'il a pu les connaître, 
L'humble bûcheron des forêts ! 

Sois sans pitié, etc. 



Quand sur les bois l'orage passe, 
Une cabane est mon abri ; 
Du sapin qui plie et qui casse 
Je comprends seul le dernier cri ; 
Je vois de mes vieux arbres chauves 
Les feuilles renaître en été ; 
Et les amours des bêtes fauves 
Ne m'ont jamais épouvanté. 

Sois sans pitié, etc. 



Les grandes forêts disparaissent. 
L'homme les détruit sans remord ; 
A leurs places les cités naissent ; 
La vie a surgi de la mort. 
Puis, à leur tour, les cités meurent, 
Leurs débris mêmes passeront... 
Mais les œuvres de Dieu demeurent : 
D'autres forêts reverdiront ! 

Sois sans pitié, hardi ! ma hache ; 
Il faut du pain à la maison. 
Frappe, coupe, abats ! c'est la tâche 

Que Dieu fit au bûcheron. 



355 — 






MON ANE 



Mon âne est né dans l'écurie ; 
C'est un enfant de la maison. 
Qu'il était joli, mon ânon, 
Quand sur le foin de la prairie, 

Jeunes tous deux, 
Nous prenions nos ébats joyeux! 
Il n'a jamais d'une ruade 
Puni le gourmand qui volait, 
Le soir, une part de son lait, 
Tant il était bon camarade ! 



J'aime mon âne, 
Et j'aime aussi ma Jeanne ; 

Quand sur mon âne 
Je trotte chez ma Jeanne, 

Le roi, le roi 
N'est pas si fier que moi ! 
Hue! hue! huho ! mon âne! 



Il m'est toujours resté fidèle, 

Et Cadet me connaît si bien, 

Qu'il me suit partout, comme un chien. 

On peut le prendre pour modèle ; 

Pourtant je crois 
Qu'il est entêté quelquefois ; 
C'est là son défaut ; mais, en somme, 
Qui n'en a pas, et qui ne sait 
Que si mon âne était parfait, 
Mon âne vaudrait mieux que l'homme ? 

J'aime mon âne, etc. 



— 356 - 

Par les sentiers lorsqu'il chemine, 
Il a le pied solide et sûr, 
Le jarret fort, le sabot dur, 
Le nez au vent, l'oreille fine. 

Et sans broncher 
Sur la montagne il sait marcher. 
Il rentre ma moisson en grange, 
Porte la mouture au moulin, 
Et gagne double picotin 
Quand il amène ma vendange. 

J'aime mon àne, etc. 

On rit de sa trop longue oreille. 
De son poil roux et de son cri ; 
Moi, j'en suis parfois attendri, 
Et quand, le matin, il m'éveille, 

Ce cri me plaît : 
Il est si content quand il brait ! 
Modeste, il porte bas sa tête, 
Il est si bon à tout venant, 
Qu'on dit : Bon comme l'âne à Jean. 
Et notez bien qu'il n'est point bête. 

J'aime mon âne, etc. 

Or, dans ce monde, c'est l'usage 
De rire au nez des bonnes gens ; 
Si les ânes étaient méchants. 
Ah ! qu'on les choierait davantage ! 

D'un beau chardon 
Si Cadet broute le bouton. 
Et qu'un manant grossier et lâche 
L'insulte de son coup de pied. 
Mon âne prend l'homme en pitié 
Et va tristement à sa tâche. 

J'aime mon âne, etc. 



- 857 — 

Souvent d'un fagot de bruyère 
Pour régal il s'est contenté, 
Çt, dans sa robuste santé, 
n épluche encor sa litière. 

Pourquoi changer 
Un serviteur si ménager ? 
Du pauvre le Ciel le condamne 
A rester le pauvre animal ; 
Si Dieu n'eût créé le cheval. 
Se moquerait-on de mon âne? 

J'aime mon âne, etc. 



Je me souviens que, sur la foire. 
Un âne battait du tambour 
Et gauchement faisait maint tour 
Qui réjouissait l'auditoire ; 

Aux dominos 
Il gagnait tous les numéros, 
Même il forçait un peu la chance ; 
On dit qu'il venait de Paris... 
Mon âne, à moi, n'a rien appris, 
Tout ce qu'il sait, c'est de naissance. 

J'aime mon âne, etc. 



Pour lui, philosophe pratique. 
Le monde n'a guère changé. 
Et, de son bât toujours chargé. 
Que lui fait toute politique 

Qui sur son dos 
Laisse toujours mêmes fardeaux ? 
Sous l'humble toit qui l'a vu naître 
Il mourra ; ne comprend-il pas 



— 358 — 

Que l'âne et le pauvre ici-bas 

Ne changent jamais que de maître ? 



J'aime mon âne, 
Et j'aime aussi ma Jeanne ; 

Quand sur mon âne 
Je trotte chez ma Jeanne, 

Le roi, le roi 
N'est pas si fier que moi ! 
Hue ! hue ! huho I mon âne ! 



0, 085 




■ 0, 03 - * 




ï 1 

i! Mm 

i % 

la 



tf 



^^ 



V .M 



%^t'\i 



m. 



,iM«ii 



m 
iÊ 






M 



Êik 



m :um 



4 



PIERRE DE GRÈS PERCÉE Trouvée à CRUCHERAY \; 






Voir à la page 192, toni. XX du Bulletin. 



Dans notre précédent Bulletin, notre collègue M. de Maricourt 
appelait l'attention d'une façon toute spéciale sur un curieux 
instrument en grès trouvé à Crucheray (Loir-et-Cher), et offert 
au Musée par M. Aug. de Trémault. Le haut intérêt de cette 
pièce exceptionnelle, dont on ne connaît jusqu'à présent que 
deux analogues en silex et pas une en grès, nous engage à en 
donner un dessin très-fidèle dû encore à M. de Maricourt, en 
l'accompagnant de quelques observations. 

Nous ne possédons malheureusement aucun renseignement 
qui nous permette d'assigner à l'instrument une date précise, 
car il n'a pas été trouvé in situ, comme disent les savants, et 
n'était accompagné, à notre connaissance, d'aucun autre objet 
qui pût le dater. Tout ce que nous savons, c'est qu'il était placé 
verticalement dans le sol à une profondeur d'environ 20 à 25 cen- 
timètres, et que sa découverte est due à un heureux hasard qui a 
placé la pointe d'une charrue précisément en face du trou cen- 
tral de la pierre et l'a ramenée ainsi à la surface du sol. Rappe- 
lons d'ailleurs que toute cette partie du Vendômois est très-ri- 
che en reliques de l'âge de pierre et fort explorée par les collec- 
tionneurs. 

Notre collègue M. de Nadaillac, dont le zèle pour notre Mu- 
sée égale le profond savoir et la haute autorité en ces matières, 
a soumis notre instrument à l'examen de la Société d'Anthro- 
pologie. Deux avis se sont trouvés en présence. Pour les uns, 
ce serait un casse-tête de l'époque néolithique; à aucune autre 
période, en effet, on n'a fabriqué des instruments semblables, et 
le trou circulaire paraît bien avoir été fait avec des outils en 
silex à l'époque même de la fabrication. Il semble aussi avoir été 
frotté sur une pierre plate, avec interposition d'un sable dur. 
Quelques partisans encore plus convaincus de l'origine néoli- 
thique pensent que les rainures qu'on y voit ont dû servir de 
polissoir pour façonner des pointes de flèches ou autres petits 
objets. 

Les autres au contraire reportent l'objet en question à l'épo- 
que du fer, et y voient les marques évidentes de l'usage qui en au- 
rait été fait pour appuyer et repasser des outils en fer; il est 
juste alors d'ajouter que cet emploi a pu être postérieur à la fa- 
brication. Ajoutons enfin que les sillons de la surface ne sont, à 
leurs yeux, que les traces du passage de la charrue, et que la 
forme très-évasée du trou central, ainsi que le peu d'épaisseur 



XX 



25 



— 360 — 

de la pierre à cet endroit, répugnent à l'idée d'un emmanche- 
ment sérieux ; mais quel a pu être l'usage d'un pareil instru- 
ment? 

Sans oser nous prononcer sur ces questions délicates, nous 
faisons appel à la bienveillante érudition de tous nos collègues; 
car il n'est possible d'arriver à quelque conclusion que par la 
comparaison avec d'autres objets dont l'origine et l'emploi soient 
bien connus. 

20 décembre 1881. L. M. 



P. S. — Au moment où la note ci-dessus allait être tirée, 
nous recevons de M. de Nadaillac la communication suivante, 
qui nous a paru assez intéressante pour être reproduite immé- 
diatement : 

« J'ai reçu diverses communications relatives à la pierre 

« qui vient de s'ajouter aux richesses du Musée. D'après des des- 
« sins qui m'ont été montrés, des comparaisons qui ont été fai- 
« tes, on croit, et je suis disposé à me rallier à cet avis^ que 
« cette pierre représente l'origine ou le commenceTnent des bâ- 
« tons de commandement dont j'ai reproduit plusieurs dans le 
« tome I" des Premiers hommes. Le T (tau) des Egyptiens et 
« même la crosse de nos évêques sont la suite de ces premiers 
« insignes du rang. La pierre daterait dans ce cas de la fin de 
« l'époque paléolithique ou du commencement de l'époque néo- 
« lithique. » 

5 janvier 1882. 






TABLE 



Séance du 13 janvier 1881. 

Liste des membres présents Page 1 

Liste des membres admis depuis la séance du 14 octo- 
bre 1880 2 

Comptes du Trésorier (1880) et budget de 1881 ... 3 
Description sommaire des objets ofîerts ou acquis 

depuis la séance du 14 octobre 1880 6 

Chronique 15 

Sceaux de l'Oratoire de Vendôme, par M. Gh. Bouchet. 19 
Un beau et bon livre ^ compte rendu, par M. Gh. Bou- 
chet 24 

Biographie vendômoise (Jacques Adam, le Père Aga- 

THANGE, Louis Alhoy), par M. de Rochambeau . . 31 

Notes sur l'Hiver 1879-1880 (2^ partie), par M. Nouel. . 50 

Errata 83 



Séance du 7 avril 1881. 

Liste des membres présents 85 

Description sommaire des objets offerts ou acquis depuis 

la séance du 13 janvier 1881 86 

Chronique 96 

Les Écoles de Saint-Cyr de Sargé, par M. l'abbé 

Froger 98 



— 362 — 

Le Comte Fr éd. Sclopis, par M. Nonce Rocca. — Compte 
rendu, par M. Gh, Bouchet 113 

Nouvelles découvertes de sépultures à Fosse-Darde, par 

M. G. Launay 122 

Les Bouchers de Vendôme ei le prix de la viande en 
i754et i76f, par M. Isnard 128 

Notes sur l'Hiver 1879-1880 (3^ partie), par M. Nouel. . 141 

Errata 189 



Séance du 7 juillet 1881. 

Liste des membres présents 191 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 7 avril 1881 192 

Chronique 198 

Notice sur les circonstances qui ont amené la décadence 
et la ruine du château de Vendôme, par M. Aug. de 

Trémault 207 

Sur l'étymologie du nom de Vendôme, par M. Paul 

Martellière 231 

Réponse aux objections de M. Martellière sur l'étymo- 
logie de Vendôme, pdiv M. àe Chaban 244 

Nécrologie, par M. Gh. Bouchet 257 

De la transcription des chartes et des manuscrits, par 

M. Ch. Bouchet ."•>/-. . 264 

Errata . 285 



Séance du 13 octobre 1881. 

Liste des membres présents. . 287 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 7 juillet 1881 288 

Renouvellement du Bureau pour 1882 296 

Jeanne d'Albret et la spoliation de l'église Saint-Geor- 



- 363 — 

ges de Vendôme le i9 mai i56Q ; Inventaire des bi- 
joux et reliquaires spoliés par Jeanne d'Alhret à la 
collégitiXe, par M. l'abbé Métais (1>"« partie) . . . 297 

Notice sur les jetons des galères frappés au nom et aux 
armes de Louis-Joseph duc de Vendôme, par M. Ju- 
les Chautard (Planches) 329 

Les premiers hommes et les temps préhistoriques, par 
M. le M'' de Nadaillac. — Compte rendu par M. de 
Maricourt 348 

Chansons de métiers et chansons de village. — Le Bû- 
cheron; Mon Ane, par M. Ch. Chautard 352 

Note sur un silex découvert à Crucheray (Planche), par 
M. Louis Martellière 359 



Le Gérant, Lemercier. 



Vendôme. Typ. Lemercier. 



• 



2' TABLE DÉCENNALE 

* PAR ORDRE DK MATIÈRES 



DU BULLETIN 

DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE, SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 

DU VENDOMOIS 
(1872-1881) 

(Voir le TonieX pour la Table de 1862-1871.) 



HISTOIRE 

Document nouveau sur le sac de Vendôme en 1589, avec des 
observations critiques et quelques notes inédites à l'appui, par 
M. A. DE Salies, XI, 19. 

Excommunication d'un comte de Vendôme au XIP siècle, par 
M. A. DupRÉ, XI, 54. 

Vie d'Hildebert, par M. de Déservillers, XI, 255; XII, 14. 

(F. Table décennale du Tome X.) 

Notice sur les seigneurs de La Curée et de La Roche-Tur- 
pin, parM. P. de Fleury, XI, 276. 

Note sur quelques confréries paroissiales du Bas-Vendômois, 
par M. l'abbé C. Bourgogne. Rapport par M. l'abbé de Fré- 
VILLE, XII, 32. 

Voyage à la Sainte-Larme do Vendôme, par M. A. do Ro- 
chambcau, XII, 157; Pièces justificatives, 250. 

Le jugement du duc d'Alen(;on, 1458, par M. A. Diivau, XIII, 
132. 

L'invasion allemande à Mondoubleau et la bastonnade d'Épui- 
say, par M. G. Gohior, XIII, 328. 

Aperçu historique sur le séjour du duc de Mercœur dans la 
ville d'Aix, par M. Sabatier, XIV, 24. 



— II — 

Histoire de la Mobile de Vendôme, par M. de Maricourt, XIV, 
225. 

Charles IX à Vendôme, par M. de Rochambeau, XIX, 313. 

Blanche de Castille à Vendôme, par M. A. Duvau, XV, 22. 

Souvenirs de l'invasion allemande dans les environs de Mon- 
toire, par M. l'abbé C. Bourgogne, XV, 36. 

Notes sur l'invasion allemande à Saint-Ouen, par M. Poirier, 
XV, 144. 

Vente par Henri IV de deux fours à ban, à Vendôme, par M. J. 
Thillier,.XV, 286. 

Journal des événements survenus à Montoire pendant l'inva- 
sion allemande, par M. Malardier, XVI, 50, 113. 

Les deux anciennes paroisses d'Espéreuse et du Rouillis, par 
M. l'abbé de Préville, XVI, 197, 270. 

Histoire de La Ferté-Bernard, par M. l'abbé R.Charles; 
compte rendu par M. A. de S., XVI, 255. 

Note sur la présence de l'armée allemande dans la commune 
de Lancé, par M. Renou-Menier, XVI, 307. 

Antoine de Bourbon et Jehanne d'Albret, par M. A. de Ro- 
chambeau, XVII, 24, 100, 257, 295. 

Chronique de Michel Garvault, chanoine de Troô ; Notes, par 
M. NouEL, XVII, 222, 394. 

L'hospice et les écoles de Morée auXVIP siècle, par M. l'abbé 
DE Préville, XVII, 385. 

Une question de voirie au XVIP siècle, par M. A. de Tré- 
MAULT, XVIII, 27. 

Les noms de famille de Vendôme au XVP siècle, par M. Ri- 
GOLLOT, XIX, 46. 

Les miracles de la Sainte-Larme et le Bailli de Vendôme, par 
M. Isnard, XIX, 96. 

Étude sur le cartulaire inédit de la Trinité de Vendôme, par 
M. RiGOLLOT, XIX, 120. 

Une petite église et deux grandes abbayes, par M. Ch. Bou- 
CHET, XIX, 172. 

Étude sur l'origine des noms locaux dans la Touraine et le 
Vendômois, par M. de Chaban, XIX, 273. 

Biographie vendômoise : J. Adam ; Agathange \ L. Alhoy ; par 
M. de Rochambeau, XX, 31. 



• \ 



— m — 

Les écoles de Saint-Cyr de Sargé, par M. l'abbé Froger, 
XX, 98. 

Le coi^te FrcW. Sclopis, par M. Nonce Rocca ; compte rendu 
par M. Oh. Bouchet, XX, 113. 

Les bouchers de Vendôme et le prix de la viande en 17r>l et 
1751, par M. Isnard, XX, 128. 

Notice sur les circonstances qui ont amené la ruine du châ- 
teau de Vendôme, par M. A. de Trémault, XX, .307. 

Sur l'étymologie du nom de Vendôme, par M. P. Martellière, 
XX, 231 ; Réponse de M. de Chaban, XX, 244. 

Jeanne d'Albret et la spoliation de l'église Saint-Georges de 
Vendôme, par M. l'abbé Métais (l" partie), XX, 297. 



ARCHÉOLOGIE 



Antiquités du Pont-du-Cher^ par M. Bourgoin, XI, 102, 165 ; 

XII, 100. 

Rapport sur les fouilles au château de Lavardin^ par M. A. de 
Salies, XI, 231. 

Sur le triptyque et la gravure représentant Jeanne de Bour- 
bon-Vendôme, par M. Ch. Bouchet, XII, 74. 

Le château et la chapelle de Mondoubleau, par M. Ch. Bou- 
chet, XII, 78. 

Note sur la découverte d'une caverne à silex taillés dans la 
vallée de l'Essonne, par M. P. Martellière, XII, 154. 

Mémoire sur l'église et les chapelles de la paroisse de Lunay, 
par M. A. de Trémault, XIII, 34, 111. 

La butte de Pouline, par M. L. de Maricourt, XVIII, 58. 

Fouilles et trouvailles à Pezou, etc., par M. de Rochambeau, 

XIII, 217, 286. 

Restauration de l'église de Nourray; Notes, XIII, 20, 224. — 
Lettre de M. l'abbé Brisacieu, XV, 97. 

Rapport sur le congres de Stockholm, par M. Dureau, Xlll, 
288. 

Le prieuré de Courtozé et ses peintures murales, par M. de 
Rochambeau, XIII, 298. 



— IV — 

Invention des restes de Bouchard-le-Vénérable, par M. de 
Salies, XIII, 317. 

Rapport sur la découverte d'un polissoir, commune de Ville- 
rable, par M. G. Launay, XIV, 20. 

Documents sur l'église Saint-Laurent de Montoire, par M. A. 
DupRÉ, XIV, 154. — Supplément aux documents, par M. l'abbé 
Dupont, XV, 60. 

Rapport sur la découverte d'une ancienne sépulture à Villa- 
vard, par M. G. Launay, XIV, 219. 

Les prieurés de Marmoutiers dans le Vendômois, par M. de 
Salies, XV, 99, 200, 269; XVI, 24, 148; XVII, 78. 

Note sur la seigneurie de Savigny, par M. de la Vallière, 

XV, 119. 

La chapelle de saint Louis à Carthage, par le général de Vala- 
BRÈGUE, XV, 241. 

Remarque héraldique sur la famille Rohertet, par M. H. de la 
Vallière, XV, 305. 

Note sur l'église et la commanderie d'Artins, par M. G. Lau- 
nay, XVI, 43. 

Les pierres tombales du Vendômois, par M. de Rochambeau, 

XVI, 80. 

La légende des peintures du prieuré de Courtozé, par M. l'abbé 
L. Bourgogne, XVI, 197. 

Note sur l'horloge de Saint-Martin de Vendôme, par M. A. de 
Trémault, XVI, 229. 

Note archéologique sur Marchenoir, par M. G. Launay, 

XVI, 245. 

Note sur la porte de la rue Ferme à Vendôme, par M. L. 
Martellière, XVI, 301. 

Note sur l'ancienne chapelle Saint-Denis, par M. G. Launay, 

XVII, 70. 

Dolmens^ pierres levées et polissoirs du Vendômois, par M. G. 
Launay, XVII, 166. 

Une maison du XV° siècle à Vendôme, par M. L. Martel- 
lière, XVII, 216. 

De la présence du lambda sur certains objets d'art des temps 
modernes, par M. Ch. Bouchet, XVIII, 148. 

Note sur la réparation du clocher de la Trinité, par M. Robin^ 

XVIII, 156. 



— V — 

Delà photographie comme complément des études archéologi- 
ques, par M. P. Martelliére, XVIII, 215. 

Découvet'te d'un nouveau polissoir; Rapport par M. G. Lau- 
NAY, XVifl, 291. 

Notice sur la cluapelle de Notre-Dame de Fierboys, par 
M. G. Launay, XIX, 23. 

Notice sur la découverte d'une sépulture gallo-romaine, ù 
Fosse-Darde, par M. G. Launay, XIX, 24G ; XX, 122. 

De la transcription des chartes et des manuscrits, par M. CIi. 
BoucHET, XX, 264. 

Les premiers hommes et les temps préhistoriques, par M. de 
Nadaillac ; compte rendu par M. de Maricourt, XX, 348. 

Note sur un silex découvert à Crucheray, par M. L. Martel- 
liére, XX, 359. 



Annales & Chroniques Archéologiques 
du Vendômois 



XI, 222; XII, 130; XIII, 19, 96, 211 ; XIV, 117, 216, 311 ; XV, 
195, 260 ; XVI, 22, 188 ; XVII, 13, 94, 208, 293; XVIII, 24, 66, 
154,253; XIX, 20, 91, 170, 224; XX, 15, 96, 198. 



NUMISMATIQUE 



Description des médailles dont les moulages ont été offerts 
par M. le V" de Nadaillac, par M. Cli. Bouchet, XIII, 195. 

Sceaux de l'Oratoire de Vendôme, par M. Ch. Bouchet, 
XX, 19. 

Notice sur les jetons des galères frappés au nom et aux ar- 
mes de Louis-Joseiih, duc de Vendôme, par M. J. Chautard, 
XX, 329. 



— VI 



CHARTES 
& DOCUMENTS ORIGINAUX 



Concession d'indulgences de Pierre, évêque de Cliartres, en 
faveur de la reconstruction de l'église de Huisseau-en-Beauce, 
avec traduction, par M. Ch. Bouchet, XI, G5. 

Note critique sur la rivière du Boislc, par M. Ch. Bouchet, 
XI, 70. (V. Tome X, p. 126.) 

Cahier du tiers-état vendômois aux états-généraux de 1614, 
précédé d'une note critique, par M. Ch. Bouchet, XI, 80, 145. 

Le prieuré de Morée au XVP siècle, document inédit, par 
M. Ch. Bouchet, XII, 293. 

Remise par Philippe IV à Macé Bertrand d'une rente (1329), 

XIII, 74. Geoffroy, vicomte de Châteaudun et seigneur de Mon- 
doubleau, confirme aux religieux de la Trinité la j^ossession de 
l'église de Cormenon (Documents publiés par M. Ch. Bouchet), 

77. 

Lettres diverses, offertes par M"' Bozérian, publiées par 
M. Ch. Bouchet, XIII, 279. 

Lettres de rois de France aux habitants de Vendôme, publiées 
par M. Ch. Bouchet, XIV, 34, 138. 

L'invasion allemande dans le Perche; extrait du registre des 
délibérations du conseil municipal de Saint-Agil ; 19 novembre 
1873, XIV, 127. 

Journal d'un vigneron vendômois; Notes par M. Nouel, 

XIV, 321. 

Compte de la recette de Vendôme pour l'année 1563, avec no- 
tes, par M. J. Thillier, XVIII, 36, 74, 172, 311; XIX, 54, 74, 
255. 

Procc.s-verbaux de 1687, constatant les examens et la réception 
de Ch. BrcCj comme maître en l'art de chirurgie à Montoire — 
(Communication de M. Malardier), XVIII, 294. 



— vu 



» SCIENCES 

• 

Note sur la trombe des Hayes, par M. Nouel, XI, 190. 

Notice sur le bolide de Lancé, par M. Nouel, XI, 304. 

Les plantes de la guerre de 1870-1871, par M. Nouel, XII^ 36. 

Résumés de l'année météorologiriuc, par M. G. Boutrais, XII, 
57; XIII, 73; XIV, 109 ; XV, 88; XVI, 180. 

Recherche élémentaire de l'expression algébrique du rayon 
vecteur de l'ellipse, par M. Bezier, XII, 109. 

Étude sur les verbascum de la France et de l'Europe centrale, 
par M. Franchet, XIII, 158 ; XIV, 69, 171 ; XV, 65, 157. 

L'hiver de 1709 à Vendôme, par M. Nouel, XIII, 227. 

Note sur la déclinaison de l'aiguille magnétique à Vendôme, 
par M. Em. Renou, XV, 20. 

Note sur les verglas de janvier 1879 à Vendôme, par M, Nouel^ 
XVIII, 113. 

Note sur l'hiver de 1880, par M. Em. Renou, XIX, 131. 

Note sur l'hiver de 1879-1880, par M. Nouel, XIX, 226 ; XX, 
56, 141. 



BEAUX - ARTS 



Les artistes de Loir-et-Cher aux salons de 1872, XI, 222 ; — 
de 1874, XIII, 214 ; - de 1877, XVI, 111 ; — de 1878, XVII, 208. 

Les portraits de Louis, duc de Vendôme et le graveur Ant. 
Masson, parM.Ch. Bouchet, XII, 213. 

Un atelier de peintres verriers à Montoire au XVI' siècle, par 
M. l'abbé R. Charles, XVI, 297. 

Notice sur le mouvement artistique aux XVP et XVII' siècles, 
par le général de Valabrégue, XVIII, 1.30. 

Le peintre Vialy, par M. Ch. Bouchet, XVIII, 248. 



vm 



BELLES - LETTRES 
§ I. — Linguistique. — Études littéraires. 

Lettres inédites de Balzac, communiquées par M. Fonté- 
MOING, XI, 59. 

Notice sur un recueil de chansons de Ronsard, Desportes et 
autres, publié par M. de Rochambeau, XII, 122, 230, 243. 

• Relations du Tasse avec Ronsard, par M. A. Dupré, XIII, 21. 
Une lettre de recommandation pour M. de Ronsard, Note 
par M. DE Rochambeau, XIII, 82. 

Note sur un volume ayant appartenu à Ronsard, et vers iné- 
dits de lui, par M. Pr. Blanchemain, XIV, 58. 

Note sur les lettres de saint Yves, évêque de Chartres, par 
M. RiGOLLOT, XV, 219. 

Les imprimeurs vondômois et leurs œuvres, par M. de Ro- 
chambeau, XVIII, 261 ; XIX, 189. 

Perche et Percherons, par M. de Maricourt, XIX, 26. 

Un beau et bon livre {Anatole Feugère, sa vie^ son œuvre, son 
enseignement) ; par M. Paul Blanchemain ; compte rendu par 
M. Ch. BoucHET, XX, 24. > 

§ II. — Poésies. 

Le Plateau d'Avron, par M. Gindre de Mancy, XI, 63. 

Épitre d'Horace à l'intendant de son domaine, traduction de 
M. Ch. Chautard, XI, 130. 

Les Cuirassiers de Reichsoffen, par M. Ch. Bouchet, XI, 238. 

La Chanson d'autrefois, par M. Pr. Blanchemain, XI, 288. 

La Science, par M. Tanquerel des Planches, XII, 59. 

Alsace et Lorraine, par M. Ch. Bouchet, XII, 134. 

Le roi Childebert, saint Calais et son âne, légende, par M. Ch. 
Chautard, XII, 225. 

Nostalgie, par M. UI. Hinglais, XII, 309. 

A un Mourant, par M. Ch. Bouchet, XII, .311. 

L'Espagne et l'Amérique espagnole, par M. L. Bouchet, 
XIII, 85. 

Sainte Alpète, ou Alpaix, légende, par M. l'abbé Guiot, XIII, 
259. 

Le Jugement dernier des animaux, par M. Ch. Bouchet, XIV, 
185. 

Un Libéré de Fontevrault, par M. Ch. Chautard, XIV, 292. 



IX 



La CayeiMiG du Carnute, par M. Paul Blaxchemaix, XIV, 390. 

Saint Bienheurf' et Alessia, par M. Paul Blanchemain, XV, 
319. 

Les Enfants, par. M- Ch. Bouchet, XVI, 84. 

Lo Pi'ieuré de Fontevrault, par M. Paul Blanchemain, XVII, 
192. 

Une vieille Dame et une vieille Maison, par M. Ch. Bouchet, 
XVII, 279. 

Deux rondeaux et deux élégies de Tihulle, traduction par 
M. DE LA Hautière, XVII, 397. 

Sidcra, par M. Nonce Rocca, XVIII, 135. 

Les Paysans, par M. Cli. Bouchet, XVIII, 224. 

Rimes détachées, par M. de la Hautière, XIX, 213. 

Chansons de métiers et chansons de village. — Le Bûcheron ; 
Mon Ane, par M. Ch. Chaitard, XX, 352. 



Notices nécrologiques 

M. de Martonne, par M. Ch. Bouchet, XIII, 19. 

M. Arrondeau, Étienne-Théophilo, par M. Ch. Bouchet, XIII, 
96. 
M. l'abbé Bourgeois, par M. Nouel, XVII, 206. 
M. l'abbé Guiot, Louis, par M. Ch. Chautard, XVII, 292. 
M. Blanchemain, Prospcr, par M. Ch. Chautard, XIX, 14. 
M. Ferrant, Paulin, par M. Ch. Bouchet, XX, 257. 
M. Xonre Roccn, pni'M. Ch. Bouchet, XX, 2ôS. 



ERRATA tic 1(1 /" Table décennale de 1862-Î87Î. 

BELLES - LETTRES. — >! I. Linguistique. — Etudes littéraires. 

Causerie sur Ronsard. — Un sonnet de Ronsard et une chan- 
son de B(!'ranger, par M. de la Hautière, H, 31. 



Vendôme. Typ. Lemercier. 



EXTRAITS 



DES 



RÈGLEMENTS DE LA SOCIÉTÉ 



La Cotisation est de six francs, qui doit être versée, chaque 
année, entre les mains du Trésorier. Le coût du diplôme d'ad- 
mission est de 1 fr., à verser, contre remise, au même. 



Les assemblées générales ordinaires de la Société ont lieu tous 
les trimestres, les deuxièmes jeudis de janvier, avril, juillet et 
octobre. Le public pourra être admis à Tune de ces réunions gé- 
nérales, qui sera annoncée à l'avance. 



Les manuscrits ne pourront être lus qu'avec l'autorisation du 
Bureau, qui désignera ceux à publier au Bulletin. 



La Société n'est pas responsable des articles lus et publiés ; 
cette responsabilité incombe toujours aux auteurs. 



Les personnes qui voudraient faire des dons à la Société sont 
priées de les déposer chez le concierge du Musée. 



Le nom du donateur sera inscrit sur tout objet offert à la So- 
ciété, à moins que le donateur n'exprime un désir contraire. 



Tout membre a droit de visiter les collections et de consulter 
les archives sans déplacement, si ce n'est avec autorisation du 
Président de la Société et sur récépissé. 



La Société reprend les volumes de la collection du Bulletin, 
au prix qui sera convenu avec le Concierge du Musée, chargé 
de ces acquisitions. 






^ETTY RESEARCH INSTITUTE 



3 3125 01042 



887