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Full text of "Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois"

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BULLETIN 






DE LA 



A /♦ 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIII 
1 er TRIMESTRE 1884 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 5 

Liste des membres admis depuis la séance du 

11 octobre 1883 6 

Comptes de l'année 1883 et Budget de 1884 . 7 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 11 otobre 1883 . 11 

Note sur le dolmen récemment découvert à 

Fréteval, par M. G. Launay ....;.. 20 

Sur une découverte d'ossements fossiles faite 

à Sargè, par M. E. Nouel 23 

Une lettre inédite du pape Calixte II, par 

M. Ch. Bouchet (l ro partie) 29 

Lettres patentes relatives à la terre de Mon- 

toire, avec une Notice par M. Isnard. . . 41 

Chronique 51 




VENDOME 
Typographie Lemergier & Fils 
' 1884 




fe, 



SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



23 e ANNEE — 1 er TRIMESTRE 



JANVIER 1884 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 10 jan- 
vier 1884, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau : 

MM. Gervais Launay, président; Isnard, vice-président; Sou- 
dée, secrétaire ; G. de Trémault, trésorier ; Nouel, bibliothé- 
caire-archiviste; L. Martellière, conservateur, Cl). Bou- 
chet, bibliothécaire honoraire; 

Et MM. le D'Brocheton; L. Buffereau ; de Chaban ; Delpon: 
Deniau; Dunoyer; Duvau ; D r Hèmc, P. Lemcrcicr; Malar- 
dier ; l'abbé Métais ; Thillier. 

xxni 1 



— 6 — 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

Il est procédé à l'installation des membres du Bureau nommés 
à la réunion générale du 11 octobre 1883, conformément aux 
statuts. 

Le Bureau pour l'année 1884 est ainsi composé : 

MM. G. Launay , président ; 
Isnard, vice-président ; 
Soudée, secrétaire ; 
G. de Trémault, trésorier ; 
L. Martellière, conservateur ; 
Nouel, bibliothécaire-archiviste; 
A. de Lavau ; 
de Rochambeau ; 
Charpentier; 
Chanteaud. 
l'abbé Roulet ;' 
Ch. Chautard. > 

M. le secrétaire fait connaître les noms des membres admis 
par le Bureau depuis la séance du 11 octobre 1883; ce sont : 

MM. Godin, notaire é Pezou ; 
Capval, juge à Vendôme ; 
G. Pineau, avocat à Paris. 



M. le Président invite M. le Trésorier à présenter les comptes 
de la Société. 

COMPTES DE L'ANNÉE 1883. 



RECETTES ORDINAIRES 

Avoir en caisse au 1 er janvier 1883 443 ' 42 

Cotisations recouvrées pendant l'année 1883 . . . 1G68 » 

Prix de diplômes délivrés 6 » 

Vente de Bulletins 4 50 

Intérêts de fonds placés 15 » 

Boni sur frais de recouvrements de cotisations . . 2 85 



Total des Recettes ordinaires . . 2139 77 



RECETTES EXTRAORDINAIRES 



Subvention du Conseil général 300 » 

Allocation de la ville de Vendôme, pour l'entretien 
du Musée (Pour mémoire, 300 fr.) » » 



Total des Recettes extraordinaires . . 300 » 



Recettes ordinaires . . . 2139 77 
Recettes extraordinaires. 300 » 



Total général des Recettes. 2439 77 



DEPENSES ORDINAIRES 

Restes à payer. sur 1882 36 10 

Frais d'administration 247 13 

Entretien du Musée. Allocation de la Ville (Pour 

mémoire, 300 fr.) ,, » 

Abonnements et achats pour la bibliothèque. ... 50 » 

Impression et brochage du Bulletin 1592 70 

Frais de planches 86 15 

Fouilles et recherches » » 

Dépenses imprévues (Souscription à la statue de 

Chanzy) 25 25 



Total des Dépenses ordinaires. . 2037 33 



- 8 — 

DÉPENSES EXTRAORDINAIRES 

Versement de fonds déposés à la Caisse d'épargne. 400 » 



Dépenses ordinaires 2037 33 

Dépenses extraordinaires . . 400 » 



Total des Dépenses . . 2437 33 



BALANCE 

Recettes 2439 77 

Dépenses 2437 33 



Excédant des Recettes en caisse . . 2 44 



A la suite de cette lecture, M. le Président demande si quel- 
qu'un a des observations à faire sur les comptes de 1883. L'assem- 
blée adopte ces comptes, et en donne quittance défiaitive à M. le 
Trésorier. Celui-ci donne ensuite lecture du budget de 1884. 



BUDGET DE 1884 

RECETTES 

Première Section 
Avoir en caisse au 1" janvier 1882 2 44 



Deuxième Section 

Recettes ordinaires 

Cotisations de l'exercice 1884 et arriérées 2245 80 

Allocation de la ville de Vendôme pour le Musée » » 

(Pour mémoire, 300 fr.) » » 

Intérêts de fonds placés 15 » 

Vente de bulletins et diplômes 10 » 



Total des Recettes ordinaires . . 2270 80 



9 



Troisième Section 

Recettes extraordinaires 



Subvention du Conseil général 300 



Total des Recettes extraordinaires. 300 



Avoir en caisse 2 44 

Recettes ordinaires . . . 2270 80 
Recettes extraordinaires. 300 » 



Total général des Recettes . . 2573 24 



DÉPENSES 

Première Section 

Dépenses ordinaires. 

Restes à payer sur 1H84 209 60 

Frais d'administration 250 » 

Bibliothèque de la Société, achats, reliures, abon- 
nements 100 » 

Impression du Bulletin, planches et brochage. . . 1700 » 

Fouilles et recherches 100 »> 

Dépenses imprévues 50 » 

Entretien des collections. Allocation de la Ville 

(Pour mémoire, 300 fr.) . . » » 



Total des Dépenses ordinaires . . 2409 60 



Deuxième Section 

Dépenses extraordinaires 
Travaux de consolidation à Lavardin 200 » 



Dépenses ordinaires. . . . 2409 60 
Dépenses extraordinaires . 200 » 



Total général des Dépenses. . 2609 60 



10 



BALANCE 



Dépenses 2609 60 

Recettes 2573 24 



Excédant des Dépenses du budget de 1884 . 36 36 



Le budget de 1884 est voté à l'unanimité. 



A la suite de cette lecture, le Trésorier fait connaître à l'as- 
semblée que le Bureau a reconnu qu'avec nos ressources ordi- 
naires nous pourrons marcher cette année encore, mais qu'il 
faudra, en octobre prochain, au moment des élections du Bu- 
reau, proposer à la réunion générale une augmentation de coti- 
sation. 

Un rapport détaillé sera présenté pour justifier cette mesure 
inévitable. Nous espérons que les membres qui ont bien voulu 
soutenir jusqu'à présent la Société Archéologique du Vendô- 
mois ne reculeront pas devant un petit sacrifice, pour ne pas 
perdre le fruit de vingt années de travail. 



— 11 — 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 
* DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 
depuis la séance du 11 octobre 1883 



I. — ART & ANTIQUITE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. le Marquis de Nadaillac : 

Un lot d'échantillons de POTERIES PRÉHISTORIQUES, 
trouvées dans des pueblos de l'Utah (Etats-Unis de l'Amérique 
du Nord), récemment fouillés par M. Barker. On s'accorde gé- 
néralement à les regarder comme très anciens, mais on n'a sili- 
ces gisements aucune donnée précise. Le territoire de l'Utah, 
avant d'être occupé par les Mormons en 1847, n'avait jamais été 
conquis par les Européens. Nous renvoyons pour plus de dé- 
tails au beau livre du Marquis de Nadaillac lui-même sur L'Amé- 
rique PRÉHISTORIQUE. 

L'ornementation de ces poteries consiste en bandes noires 
sur fond blanc, disposées en lignes presque toujours horizon- 
tales, quelquefois obliques ou croisées, et seulement à l'inté- 
rieur. L'extérieur est lisse; un échantillon porte cependant, à 
la surface extérieure une sorte de rayure en relief; un autre 
présente aussi une série d'écaillés d'une faible saillie. La terre 
en est fine, et la fabrication régulière dénote un art assez 
avancé. Un morceau de v;ise rouge rappelle même un peu les 
poteries dites samiennes. Tous les fragments sont de trop faible 
dimension pour qu'on puisse reconnaître sûrement la forme 
primitive de ces vases ; ils semblent pourtant avoir appartenu à 
des coupes plus j ou moins évasées. 



— 12 — 

De M. le Vicomte de Nadaillac, capitaine adjudant-major 
au 101* de ligne : 

Une collection de SILEX TAILLES recueillis aux environs 
de l'Oued-Gabès et de l'Oued-Alouba, deux rivières voisines du 
camp de Raz-el-Oued (Tunisie). 

Tous ces silex, trouvés par le donateur lui-même, et dont l'au- 
thenticité ne peut être suspectée., sont extrêmement intéressants 
comme points de comparaison avec nos instruments européens. 
Nous y retrouvons, en effet, les types usités dans les diverses 
contrées et surtout en France, la pointe de Moustier, les grat- 
toirs et perçoirs de la Madeleine, les lames avec et sans re- 
touches, les petits éclats retouchés au dos seulement, les pointes 
de flèches amygdaloïdes et à ailerons, etc. Cette dernière série 
est digne d'attention, bien que quelques pièces en soient incom- 
plètes ; les spécimens en sont de très petite dimension et d'une 
remarquable perfection de travail. Un, entre autres, offre cm 
type assez rare, croyons-nous: les ailettes, au lieu de s'écarter 
latéralement ou de retomber vers le pédoncule, remontent dans 
le sens de la pointe, et offrent la disposition d'uiWer de halle- 
barde du XVI siècle. Plusieurs ébauches à divers états d'avan- 
cement sont curieuses à examiner, au point de vue des procédés 
employés dans le travail de la taille. La pierre mise en œuvre 
est toujours le silex avec ses variétés de nuances, dont cer- 
taines rappellent celle de l'onyx. 

Cette jolie collection formera un appoint précieux aux silex 
d'origine africaine, dons de MM. Bourgeois et de Maricourt, que 
possédait déjà notre Musée. 

De M. Ch. Chautard, notre collègue : 

Une longue bande autographiée représentant une grande 
CAVALCADE qui eut lieu à Vendôme le 4 mars 1875, jour de 
la mi-carème, et dont les Vendômois conservent encore le sou- 
venir. Elle avait été organisée par le 10 e chasseurs, encore au- 
jourd'hui en garnison à Vendôme, et le colonel du régiment, 
M. Alleaume, en dessina et autographia lui-même les scènes va- 
riées, dont la double file offre un développement total de 5 m ,40. 
— Les dessins de M. Alleaume ne manquent ni de verve ni de 
vérité, et dénotent surtout une étude approfondie du cheval. 

Le PROGRAMME, illustré de fines gravures à l'eau-forte, 



— .13 — 

d'une représentation dramatique donnée à Vendôme le 15 avril 
1877, encore par le 10° régiment de chasseurs. Les gravures 
sont aussi dues au burin délicat de M. le colonel Alleaume. 

L. M. 



II. —BIBLIOGRAPHIE 

1. — Dons des Auteurs ou autres : 

Conseil général de Loir-et-Cher, session d'août 1883. 

P. 80, on lit, au chapitre X du budget pour 1884 : Subven- 
tion à la Société Archéologique du Vendômois, 300 fr. 

Vers la fin du volume, on trouve, au Rapport sur les Archives 
de Loir-et-Cher, pour 1883, par M. Fernand Bournon, archi- 
viste, des renseignements intéressants sur l'inventaire des ti- 
tres de la collégiale Saint-Georges de Vendôme. L'archiviste 
constate que, malheureusement, « les documents les plus pré- 
cieux pour l'histoire de l'établissement ont été détruits. La sé- 
rie L contient un inventaire dressé au mois d'août 1790, qui 
donne une idée des richesses perdues pour notre dépôt. » Suif 
la liste des principales pièces. 

De M. le marquis de Nadaillac : 
L'Art Préhistorique en Amérique (Extrait de la Reçue des 
Deux-Mondes, livraison du 1 er novembre 1883). 

Du même : 

Nouvelles Découvertes préhistoriques aux Etats-Unis (Extrait 
du Bulletin de la Société d'Anthropologie (sé:ince du 17 mai 
1883). 

En 1882, les fouilles aux Etats-Unis ont été importantes et 
fructueuses ; une souscription montant à près de 20,000 francs, 
en grande partie couverte par les dames de Boston, a permis 
d'entreprendre des recherches sous des mounds et des kjokken- 
moddings encore inexplorés. Les découvertes les plus intéres- 
santes ont eu lieu dans l'état d'Ohio, où l'on a exploré un grand 
nombre d 3 puits remplis de cendres (ash-pits), dont on ne con 
nait pas encore l'usage d'une façon certaine. Mais la plus cu- 
rieuse de toutes est celle du district d'Anderson, où l'on a fouillé 



— 14 — 

des mounds contenant un autel central et des millions d'orne- 
ments d'un travail jusqu'alors inconnu, en pierre, en métal, en 
os, coquilles, etc. 

De M. l'abbé Robert Charles : 

Horloges ou cadrans solaires du Maine. Le Mans, 1883. Broch. 
de G pages. 

Dès l'année 1378, la ville d'Argentan avait une horloge pu- 
blique. Dans la cathédrale du Mans, une horloge donnée par le 
cardinal de Luxembourg à la fin du XV* siècle, marquait à la 
fois l'heure, le jour, la semaine, le mois, l'année, la saison, le 
lever et le coucher du soleil et de la lune, le nom des planètes, 
etc., et de petits personnages venaient aux heures sonner un 
joyeux carillon. Elle fut détruite au XVI 8 siècle, sous prétexte 
qu'elle amusait trop les populations. Saint-Calais et d'autres 
petites villes avaient au XVII e siècle leurs horloges; mais les 
cadrans solaires, plus faciles à établir, étaient plus nombreux, 
aussi bien sur les monuments publics que dans les maisons 
particulières. 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 

Journal des Savants. Cahiers de septembre à décembre 1883. 

Comptes - rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Reçue des Travaux scientifiques. Travaux publiés en 1882. 
Tome m, N os 5, 6 et 7. 

Répertoire des Travaux historiques pour l'année 1882. Tome 
deuxième, N° 2. 

III. — Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et Échanges: 

Rapport annuel de l'Institution Smithsoniennc pour 1881. — 
Washington, 1883. 

Annuaire de la Société Française de Numismatique et d'Ar- 
chéologie. Tome iv, 2° livraison, 1874. 

Bulletin, de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 2 e et 3 e tri- 
mestres 1883. 



— 15 — 

Au 3 e trimestre, on trouve une étude de la bataille de Poitiers- 
Maupertuis (1356), par le colonel Babinet. Etude attentive et 
nouvelle de la trop fameuse défaite où le roi Jean fut fait pri- 
sonnier avec son jeune fils Philippe, appuyée sur l'examen des 
lieux eux-mêmes et les documents écrits. 

Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre. 1883. Table 
des dix premiers volumes. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles 
de l'Yonne. Année 1883, 37 e volume. — Anecdotes sur les ducs 
de Bourgogne dans la seconde moitié du XIV e siècle, par Max- 
Quantin ; extraits des registres des comptes de recettes et dé- 
penses déposés aux archives de la Côte-d'Or, etc. 

Bulletin de la Société d'Emulation du département de l'Al- 
lier. Tome xvn, l re livraison, 1883. — Etablissement du régime 
municipal en Bourbonnais ; Matériaux pour la Flore de l'Al- 
lier; Etudes et découvertes numismatiques, etc. 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. iv e volume, 4 e livraison, octobre 1883. 

Le plus important travail de ce trimestre est L'Epoque néoli- 
thique dans le bassin de la Charente, par M. E. Maupas, pages 
200 à 222. Un autre article, signé M. A., met spirituellement 
en garde les collectionneurs contre les ruses dos faussaires et 
les produits de l'atelier néolithique d'Etray. 

Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris. Tome v 
(3 e série), 1882, 5 fascicules. 

Tome vi, 1883, 1 er , 2 a et 3 e fascicules. 

Séance du 2 février 1882 : De l'époque moustèrienne dans le 
Drouais (Eure-et-Loir). 

A la séance du 16 mars 1882, M. de Ujfalvy donne communi- 
cation d'un voyage entrepris par lui dans l'Himalaya occidental. 
Ses récits donnent lieu à une intéressante discussion sur la po- 
lyandrie au Thibet et spécialement chez les Koulous. Cette ques- 
tion est reprise à l'une des séances suivantes par M. de Beaure- 
gard, auteur d'un voyage dans l'Asie centrale, Kaclnnir et, Thi- 
bet, ainsi ijue celles d'autres pratiques singulières pour nos 
yeux délicats d'Européens trop civilisés. A la séance du 18 jau- 



— 16 — 

vier 1883, M. de Ujfalvy reprend l'exposé des faits relatifs à la 
polyandrie, en signalant cette particularité étrange, que dans 
certains villages du Thibet la polyandrie existe concurremment 
avec la polygamie, particularité qu'il faut attribuer à des raisons 
purement économiques. 

M. de Mortillet (18 mai 1882) donne communication de l'état 
des travaux de la commission formée pour la conservation des 
monuments mégalithiques. Elle a pu, avec de faibles ressour- 
ces, préserver de la ruine les groupes les plus remarquables du 
Finistère, entre autres à Lokmariaquer le grand dolmen désigné 
sous le nom de table des marchands, et le fameux menhir, le 
plus grand monolithe connu, malheureusement renversé par la 
foudre et brisé en trois morceaux. 

AI. le marquis de Nadaillac, à la séance du 7 décembre 1882, 
dépose sur le bureau son ouvrage sur V Amérique préhistorique, 
dont nous avons déjà signalé l'importance et l'intérêt. 

A la séance du 19 octobre 1882, les observations faites sur 
les individus de la tribu des Galibis amenés au Jardin d'Accli- 
matation de Paris, font naître la discussion sur la pratique de la 
contade, c'est-à-dire l'usage d'après lequel le mari, après l'ac- 
couchement de sa femme, se met au lit pendant plusieurs jours 
pour recevoir les félicitations de ses amis (p. 634). Dans plu- 
sieurs des séances suivantes, la discussion s'est continuée sur le 
point de savoir si cette singulière pratique avait été réellement 
imitée en Europe et notamment chez les Basques. Nous penche- 
rions volontiers pour l'affirmative ; c'était pour l'homme une 
sorte de reconnaissance officielle de sa paternité. Un dicton, po- 
pulaire autrefois dans nos pays du Centre, et qu'on appliquait 
ironiquement à l'individu se dorlottant sans motif, faisait allu- 
sion à cet usage, sans doute fort ancien et depuis longtemps 
disparu: « Servez Godard, sa femme est en couches. » 

Signalons enfin (séance du 4 janvier 1883) les sortilèges et 
maléfices dans l'Italie méridionale, par M. de Maricourt. La 
croyance aux sortilèges des jeteurs de sort et à l'influence du 
mauvais œil tend, en Italie aussi bien qu'en France, à s'effacer 
de plus en plus, et il est intéressant de recueillir les derniers 
vestiges de ces superstitions. On voit aussi que la crédulité 
populaire esl à peu près la même en tous pays. 

L. M. 



— 17 — 

Annales de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes- 
Maritimes. Tome vin, 1882. 

Parnii les articles qui n'intéressent pas spécialement la ré- 
gion, signalons l'amusant article de M. Brun, intitulé Le Bi- 
belot (p. 23), pour prouver l'utilité des recherches archéologi- 
ques, et le mémoire sur les Insectes comestibles, traduit de l 'ita- 
lien (p. 84). 

Bulletin de la Société des Etudes littéraires, scientifiques et ar- 
tistiques du Lot. Tome vin, 1 er et 2 e fascicules 1883. 

Savant mémoire de M. J. Iudycki, ingénieur des mines, sur 
l'Origine inorganique des combustibles minéraux avec plan- 
ches. 

Bulletin de la Société Dunoise. N° 58, octobre 1883. 

M. Ch. Cuissard, dans un article intitulé Lorrez-lc-Bocage , 
démontre que le nom de Lorrey, cité dans l'Histoire de l'abbaye 
de Bonnevalj doit s'écrire Lorrez, et qu'il ne peut appartenir à 
Lorris-en-Gàtinais, localité célèbre par la coutume de ce nom, 
mais bien à Lorrez-le-Bocage (Seine-et-Marne), près de Clià- 
teau-Landon. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. N° 164, 
novembre 1883. — (Lettres de saint Yves, cevi à ccxxxi.) 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. Tome vi, 
1 er et 2 e trimestres de 1883. 

Mémoire de Mgr Barbier de Montault sur le Râteau à trois 
cierges de la cathédrale de Tours, pièce unique en France, qui 
ne remonte qu'au XVIII e siècle, mais qui en remplaçait une au- 
tre du moyen âge. Communications de M. Palustre au sujet du 
beau château de Montgauger, détruit en mars 1883 par l'incen- 
die et sur les manuscrits volés à la bibliothèque de Tours. No- 
tice nécrologique sur M. Ernest Marne. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du 
Limousin. Tome xxx, 2" livraison (1883). 

Cette livraison est consacrée à la publication de documents 
historiques concernant la Marche et le Limousin. 

Bulletin de la Société Philomatique de Paris. 7* série, tome vu, 



— 18 — 

1882-1883. — Etudes de haute érudition sur divers points des 
sciences mathématiques et naturelles. 



IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. Livraisons 16 
et 17. 

Bulletin Monumental. 5 e série, tome n, N ' 5, 6 et 7, 1883. 

N° 5. — Reprise des recherches du baron de Rivières sur les 
Inscriptions et devises horaires. — Le Camée antique de la bi- 
bliothèque de Nancy, par M. L. Germain. — La Tour centrale 
de la cathédrale de Bayeux, par M. A. de Dion. 

N" 6. — La Vierge de la Saucetat (Puy-de-Dôme), par M. Léon 
Palustre (Planches). Cette œuvre précieuse de l'art des émail- 
leurs de Limoges au XIV 9 siècle, exécutée en 1319 par l'or- 
dre d'Eudes de Montaigut, prieur de l'Hôpital pour la langue 
d'Auvergne, est arrivée jusqu'à nous presque sans restaurations ; 
quoiqu'elle ne soit pas un produit unique, son existence n'a- 
vait pas été signalée jusqu'ici. 

N° 7. — Le Trésor de la basilique de Mouza (suite), par Mgr 
Barbier de Montault. — L'ancienne cathédrale de Rennes au 
XVIII e siècle (fin), par M. L. Palustre. — Restauration des vi- 
traux de l'église de Sobre-le-Château (Nord), par M. E. Hucher. 
Ces belles verrières ont été restaurées à la fabrique du Carmel, 
au Mans, par MM. Hucher père et fils. Elles représentent deux 
scènes distinctes, la Passion du Christ et le Jugement dernier. 
Elles sont d'une superbe exécution, et portent la date de 1532. 
Une planche à une grande échelle montre la disposition primi- 
tive du vitrail de la Passion, disposition qu'il n'a pas été mal- 
heureusement possible de rétablir dans l'église de Sobre-le- 
Chàteau. 

Reçue Archéologique. 1883, juillet, août et septembre. 

Voir, dans le Numéro d'août, un article de M. A. F. Lièvre 
(Les Huîtres nourries en eau douce dans l'ancienne Aquitaine), 
ainsi qu'une lettre de M. Breuillat, qui prouve que les Romains 
étaient plus forts que nous en pisciculture. 

Voir aussi, dans le Numéro de septembre, l'Exploration des 



— 19 — 

terrains tertiaires de Thenay, par M. Abel Maître. Tout en res- 
pectant les conclusions de ce rapport, nous ferons observer 
pourtant qu'il date du 1 er juillet 1873, et que l'auteur n'avait pas 
vu les découvertes postérieures de l'abbé Bourgeois, exposées 
en 1878, et acquises depuis par la Société d'Anthropologie. 
Quelques-unes de ces pièces sont reproduites dans la planche 
jointe à l'article de M. Ch. Bouchet, dans notre dernier Bul- 
letin. 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. 1882, 7«-ll e livraisons. 

E. N. & L.M. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



NOTE 



SUR LE 



DOLMEN RÉCEMMENT DECOUVERT 

A FRÉTEVAL 

Par M. G. Launay. 



Messieurs, 

Au mois de janvier 1883, nous fûmes prévenus par 
l'un de nos plus zélés sociétaires, M. Bonnin, ^institu- 
teur à Fréteval, de la découverte d'un nouveau dolmen, 
situé à la limite des communes de Pezou et de Fré- 
teval. 

Ce dolmen est distant de 23 mètres à l'est du ruis- 
seau de Fontaines, de 50 mètres au nord de la rivière 
du Loir, et entre cette dernière et le chemin de fer de 
Vendôme à Paris, près du passage à niveau de Fon- 
taines. Il longe un chemin bas très peu fréquenté, ve- 
nant de Pezou (1), et dépend de la commune de Fré- 
teval. A 300 mètres au N.-E., on en rencontre un au- 
tre, dont la table et les supports sont renversés. M. de 
Pétigny, dans V Histoire Archéologique du Vendô- 
mois, en donne la description, sur laquelle nous re- 
viendrons plus loin. 

M. Bonnin, se trouvant pour la première fois en pré- 
sence d'une réunion de pierres presque entièrement re- 



(1) Ce chemin, avant l'établissement de la route nationale ac- 
tuelle, était le seul suivi entre Pezou et Fréteval. 



- 21 - 

couvertes de broussailles, qui jusque là les avaient com- 
plètement soustraites à la vue, ne tarda pas, après les 
en avoir débarrassées, à juger de l'importance de sa 
découverte. 

A l'aspect de rigoles assez profondes se dirigeant 
vers une cavité située à l'extrémité de la pierre princi- 
pale, M. Bonnin avait subi l'influence de la descrip- 
tion du dolmen voisin faite par M. de Pétigny. 

Il s'était demandé, à première vue, s'il ne se trouvait 
pas en présence de l'une de ces prétendues pierres à 
sacrifices, dont la croyance était admise à l'époque déjà 
éloignée où ces questions n'avaient pas encore été suf- 
fisamment étudiées. 

M. de Pétigny, en effet, avait cru voir dans le dol- 
men de Fréteval un autel à sacrifices, « sur lequel, dit- 
« il, on égorgeait les victimes à la partie la plus haute 
« de la table, sensiblement inclinée, et dont le sang 
« coulait vers la partie inférieure dans une excavation 
« en forme de bassin destinée à le recevoir. Une rigole 
« y conduisait directement le sang, où les prêtres le pui- 
« saient pour s'en frotter les mains et le visage. » 

On a abandonné depuis longtemps cette étrange in- 
terprétation^ que l'examen attentif de nombreux dol- 
mens n'a pu justifier en aucune façon, et contre laquelle 
nous n'avons cessé de protester. 

Lors d'une visite faite sur les lieux, le 21 juin 1883, 
assisté de MM. A. de Trémault, Nouel et Bonnin, il 
nous a été possible de déterminer exactement la nature 
de ce dolmen, dont nous donnons ci-après le dessin. 
La table de ce monument mégalithique mesure 2 m 50 de 
long sur l m ,50 de large, et m ,45 d'épaisseur. Elle est 
orientée de l'E. à l'O., avec une légère inclinaison vers 
ce dernier point, et montée sur deux rangées de sup- 
ports CC et DD, excédant la table, qu'une cavité natu- 
relle en A traverse comp lètement, et ne permet pas de 
croire à un bassin susceptible de contenir un li- 
quide quelconque. 

xxni 2 



K& 



Une dépression sensible et irrégulière vient aboutir 
à cette table en partant du point G. Une autre dépres- 
sion se termine en I, dans une cavité large et profonde, 
que la mousse remplissait entièrement, y 



Se 



Nord . 




La nature de cette pierre est une sorte de poudin- 
gue des plus durs, présentant à la surface des inégali- 
tés prononcées. A l'Ouest, un fragment semble avoir 
été détaché du bloc principal, qui formait alors une lon- 
gueur de 4 m , 50, avec un certain nombre de pierres dis- 
persées autour (1). 

Quoi qu'il en soit, le dolmen deFréteval, qui vient 
grossir la liste des monuments mégalithiques de la val- 
lée du Loir, mérite d'attirer l'attention. Sachons gréa 
notre zélé collègue M. Bonnin de nous l'avoir signalé. 



(1) Le climat s'appelle les Loueties, et dépend de la ferme de 
Lormoxs, ancien fief et propriété de M. le duc de La Rocliefou- 
cauld. 



• 



SUR UNE DECOUVERTE 

D'OSSEMENTS FOSSILES 

DE LA PÉRIODE QUATERNAIRE 
Faite à SARGÉ ( Loir - & - Cher ) 

Par M. E. Nouel, 
Professeur de Physique au Lycée. 



Etant à Mondoubleau au mois de septembre 1881, 
j'appris de M. L. Légué, membre de notre Société, 
qu'il avait été trouvé des ossements fossiles dans des 
sables à Sargé. Cette découverte résultait de l'ouver- 
ture d'une carrière faite en haut de la côte qui fait face à 
Montmarin, et près de la route de Saint-Calais, par 
M. Michon, entrepreneur, dans le but de fournir du 
sable pour les travaux de construction de la nouvelle 
ligne du chemin de fer de Brou à Bessé par Mondou- 
bleau ; je ne pus en savoir davantage à ce moment. 

Au mois d'avril suivant (1882), étant à Orléans, je 
lus au Bulleten de la Société Géologique de .Finance, 
3 e série, tome x, p. 47 (séance du 21 novembre 1881), la 
note suivante : 

« M. Meugy présente à la Société, de la part de son 
fils, ingénieur des ponts et chaussées à Chartres, un 
fragment de dent à! éléphant, trouvé dans une carrière 
de sable ouverte à peu de distance au sud-est de Mon- 
doubleau (Loir-et-Cher), à proximité du chemin de fer 
en construction de Brou à Bessé. 

« Ce fossile a été remis par un ouvrier à un conduc- 



- 24 — 

teurdes travaux. — La carrière de sable est à l'altitude 
de 155 m , la cote du fond de la vallée étant de 100 m . 

<( M. Vasseur fait remarquer que cette dent est in- 
contestablement une dent d'elephas primigenius. » 

Ceci devenait plus positif; on avait donc trouvé à 
Sargé des restes du célèbre mammouth de Sibérie, le 
grand éléphant de la période quaternaire. 

Les relations avec Mondoubleau étant rares et diffi- 
ciles, je n'eus pas d'autres nouvelles de cette décou- 
verte jusqu'aux premiers mois de 1883., époque à la- 
quelle M. Bouchet me mit en main leN° du 15 décem- 
bre 1882 du Bulletin des Agriculteurs de France, que 
venait de lui prêter M. Thillier, et où se trouve (p. 480) 
une note intitulée Paléontologie, par M. G. Gsell. 

Ce M. Gsell, vétérinaire à Mondoubleau, avait 
adressé à la Société, dont il fait partie, une relation 
des découvertes paléontologiques faites à £argé, et le 
comité de rédaction, ne voulant pas décourager son zélé 
correspondant, déclare insérer sa communication, quoi- 
que traitant un sujet en dehors de ses études, en ajou- 
tant qu'il lui laisse la responsabilité des opinions scien- 
tifiques émises dans son article. 

J'en extrais les renseignements suivants : « Des 
fouilles faites à Sargé ont permis à M. l'ingénieur Vi- 
not de découvrir des vestiges de grands mammifères : 
mammouth, grand hippopotame, grand bœuf, élan 
(faux), hyène des cavernes, cheval, renne, ours gigan- 
tesque.... 

Les ossements trouvés sont : 

Pour le mammouth: plusieurs dents molaires, un 
fragment d'os iliaque, et deux tibias mesurant m ,32 de 
circonférence à la partie moyenne (environ m ,10 de 
diamètre). 

Hippopotamus major : de massives vertèbres cer- 
vicales (atlas et axis). 

Bos primigenius : mâchoire brisée, vertèbres dor- 
sales, un fémur, etc. 



- 25 — 

Elan (cervus megaceros) [sic] (1) : 2 os frontaux sur- 
montés de fortes chevilles osseuses, servant de sup- 
ports à d£S bois gigantesques. 

Hyenâ spelœa : deux mâchoires, avec molaires tran- 
chantes. 

Cheval actuel (equus caballus) : extrémité du maxil- 
laire inférieur, garni de ses incisives. (Sujet d'environ 
18 ans, d'après l'usure des dents, ajoute M. Gsell, dont 
la compétence ici est indiscutable). 

Renne : nombreux ossements. 

Ursus spelœus : l'extrémité d'une patte complète- 
ment pétrifiée (!) (2). 

Enfin l'auteur de l'article ajoute que ces ossements 
ont été reconnus par les professeurs du Muséum de 
Paris. 

Cela devenait tout à fait grave ; la découverte de Sargé 
prenait des proportions gigantesques,, comme celles des 
animaux dont on avait exhumé les débris. Aussi, 
M. Bouchet, avec l'émotion communicative que nous 
connaissons tous, m'adjura de faire une enquête et un 
rapport sur cet événement géologique qui intéressait le 
Vendômois. Il me poussait du côté où je penchais. 

Le 1 er avril 1883, j'étais à Mondoubleau, et M. Légué 
me conduisait chez M. Vinot, chef de section du che- 
min de fer, qui était le détenteur de presque toutes les 
pièces trouvées dans la sablonnière de Sargé. Nous 
trouvâmes bien M. Vinot, en chair, mais sans os ! Il 
avait emporté toutes les richesses dont M. Gsell avait 



(1) M. Gsell a fait ici confusion. Le cerf aux bois gigantesques 
est une espèce disparue, qui n'a aucun rapport avec Yèlan, grand 
cerf qui habite encore le nord de notre hémisphère (Europe, 
Asie, Amérique). 

(2) Les géologues sont obligés ici d'user largement de la ré- 
serve du Comité de rédaction, qui laisse à l'auteur toute la res- 
ponsabilité de ses opinions scientifiques. 



— 26 — 

fait l'inventaire, à Paris d'abord, où il les avait mon- 
trées aux professeurs du Muséum, qui les avaient dé- 
terminées. Il avait noblement résisté aux demandes sé- 
ductrices desdits professeurs, qui l'avaient sollicité, au 
nom de la science et de la France, de leur laisser quel- 
ques pièces pour la grande collection du Muséum, et 
il avait tout emporté chez lui (à Saumur, paraît-il). 

Le désappointement fut grand. J'avais espéré voir 
d'abord , et peut-être obtenir quelque chose pour notre 
Musée; je n'avais pas même le supplice de Tantale. 

M. Vinot me confirma par ses récits l'exactitude de 
la liste précédente, publiée dans le Bulletin des Agri- 
culteurs ; après m'avoir fait venir dix fois l'eau à la 
bouche, il me fit monter dans une chambre haute, pour 
me faire voir (à titre de réjouissance, sans doute) quel- 
ques os peu importants qui y étaient restés. Je pus donc 
manier quelques-uns de ces restes d'animaux, disparus 
pour la plupart, et l'intérêt de ce qui m'étail présenté 
comme rebut me fit d'autant plus regretter de n'être 
pas venu plus tôt, lorsque les belles pièces y étaient 
encore. 

Je me rappelle avoir vu le maxillaire de cheval cité 
plus haut ; les 2 bases des bois d'un cervus mcgace- 
?*os, de la grosseur du poignet; quelques vertèbres 

de ; des fragments d'os longs, indéterminables 

comme espèces. 

M. Vinot me fit voir enfin sa fameuse patte d'ours 
pétrifiée. C'était simplement un échantillon de grès, à 
formes arrondies et sillonnées, simulant assez bien une 
griffe gigantesque. 

Les personnes peu au fait de la question des fossiles 
se laissent souvent prendre à ces échantillons soit de 
grès, soit de silex noir, blond ou blanc, dont les for- 
mes capricieuses simulent soit des ossements, soit 
des parties animales. Je ne parle même pas de ces 
silex qui figurent à s'y méprendre des poires et surtout 
des figues ; ce sont des polypiers silicitiés qui sont 



— 27 



réellement des fossiles. Il faut se persuader que la fos- 
silisation des débris végétaux: et animaux ne peut se 
faire que idans l'eau. A l'air, tout se décompose et re- 
tourne en poussière. Par conséquent, ne peuvent se 
trouver à l'état fossile que les parties organiques qui 
résistent longtemps à l'action de l'eau. Pour les végé- 
taux, ce sont les bois qui peuvent se silicifîer complète- 
ment dans les eaux convenables ; pour les animaux, ce 
sont les os des squelettes, les mâchoires et surtout leurs 
dents, qui se conservent ; ce sont les coquilles calcaires 
des mollusques, les polypiers, etc. ; mais aucune trace 
départie molle ne peut subsister dans l'eau, ni, par 
conséquent, être conservée. 

Et cependant le fameux éléphant de la période qua- 
ternaire, le mammouth, nous a laissé quelques-uns de 
ses monstrueux représentants entièrement conservés 
en chair et en os, dans les glaces de la Sibérie. Déjà, 
à plusieurs reprises, sur les bords des grands fleuves 
qui traversent ces régions désolées, on a vu, détachées 
par les crues, des blocs de terre gelée qui, en fondant, 
ont amené à jour un éléphant entier, couvert de sa 
peau, et dont la chair a été dévorée par les carnassiers 
du lieu. Cette espèce, plus grande que l'éléphant des 
Indes, avait le corps couvert d'une laine brune très 
épaisse, et portait sur le cou et d'autres parties du corps 
de longs crins. Elle a habité toute la région Nord de 
l'ancien continent, et la découverte dont je viens de 
vous entretenir prouve que ce gigantesque pachyderme 
se promenait dans les forets qui occupaient la place où 
est aujourd'hui Sargé ! 

Le savant, dont l'imagination est toujours tenue en 
bride par l'exacte raison, aime, après avoir étudié ses 
fossiles et les avoir déterminés, à les ressusciter pour 
un instant et à se les représenter vivant dans le milieu 
sauvage qui leur servait de cadre. On s'engage, parla 
pensée, dans les sombres forêts capables de servir d'a- 
sile au grand éléphant, à ce magnifique cerf aux bois 
gigantesques, dont l'envergure atteignait 2 m ,50 ! On 



— 28 - 

voit dans les prairies bondir les chevaux sauvages, er- 
rer des troupeaux de rennes ou de grands bœufs ; on 
tressaille en entendant sortir d'une caverne les rugisse- 
ments d'un lion de l'époque, ou le cri lugubre et étrange 
de la hyène, ou les sourds grognements de l'ours d'a- 
lors ; et l'on se réveille près de la carrière de Sargé, en 
voyant passser sur la grand' route la voiture de Mon- 
doubleau, en entendant siffler la locomotive qui traîne les 
wagons de ballast sur le nouveau chemin de fer, dont 
la construction est venue troubler le repos séculaire 
des débris de ces âges lointains. 



UNE LETTRE INEDITE 

DU PAPE CALIXTE II 

Par M. Ch. Bouchet. 



Le manuscrit N° 44 de la bibliothèque de Vendôme, 
l'un des plus précieux de notre collection, renferme, en- 
tre autres pièces remarquables, une lettre certainement 
inédite du pape Calixtell. Elle avait été déjà signalée 
et analysée dans le premier catalogue qui ait été fait 
de nos manuscrits, en l'an IV (1). Nous nous étions 
promis, il y a longues années, de la tirer de son ob- 
scurité, mais toujours d'incessantes occupations ve- 
naient nous divertir de cette pensée. Nous pouvons 
enfin aujourd'hui la réaliser, et, après nous être as- 
suré, autant qu'il nous a été possible, que cette lettre 
n'avait jamais vu le jour, nous la donnons dans le 
présent travail. Mais décrivons d'abord le manuscrit 
qui la contient. 

C'est un petit in-folio, sur parchemin, du XI e au XII e 
siècle, de 117 feuillets, de bonne conservation, tant in- 
térieure qu'extérieure ; la minuscule est régulière, 
plus serrée par endroits et comme d'une époque rela- 
tivement plus récente. Il est réglé à la pointe sèche. 
Les initiales de chapitres sont simples, à l'encre rouge, 
ainsi que les titres. — Il contient quantité de matières 
diverses, mais toutes religieuses, dont voici l'énumé- 
ration : 



(1) C'est donc par oubli que nous avons dit dans notre Bulle- 
tin de 1880, p. 184, que nous l'avions découverte. 



— 30 — 

I. — FF os 1—5 v°. — Epistola S. Augustini ad Evo- 
diumepiscopum: «Questio quammihi proposuisti (1). » 

Augustinus ad Profuturum : « Secundum spiritum 
quando domino placet (2). » 

IL — FF ,S 5 v°— 7 v*. — Six hymnes ou plutôt six 
proses en l'honneur de la Vierge ou du Christ, dont 
voici les incipit : 

1. salutatrix (3) uirgo Stella maris.... (16 vers.) 

2. Messia demaria nate semper uirgine.... (18 vers.) 

3. Virgo splendens que transcendens electorum ordines 

(80 vers.) 

4. Laus fidelis israelis uirgo plena gracia.... (72 vers.) 

5. Stella maris singularis mater excellencie.... (60 vers.) 

6. Mater dei per quamrei consequuntur ueniam... (54 vers.) 

Ces hymnes sont en rythmes du moyen âge comme 
un grand nombre de celles de l'Église (les Proses) ; elles 
sont rimées, soit dans l'intérieur de chaque vers, soit 
en même temps dans l'intérieur et à la fin avec le 
vers suivant. Il ne faut donc pas y chercher les mètres 
de l'antiquité classique (4). Ces mètres avaient été rem- 
placés depuis longtemps par de nouveaux éléments, 
savoir, par le nombre des syllabes, l'accent, la césure 
après un mot entier, et la rime (5). Il ne restait plus 
des anciens mètres que le cadre (6). 

(1) Autrefois la 99 e des Epîtres, comme l'indique notre manu- 
scrit, mais d'après l'édition des Bénédictins, où elles sont ran- 
gées selon l'ordre des temps, la 164° (an 415). 

(2) Autrefois la 149% aujourd'hui la 38 e (an 397). — Nous nous 
abstiendrons pour les suivantes de donner les N°" de séries. 

(3) Sic pro: Salutaris. 

(4) Le rythme repose essentiellement sur l'accentuation, c'est- 
i-dire sur l'élévation et l'abaissement alternatifs de la voix sur 
les diverses syllabes, Le mètre repose sur la quantité prosodi- 
que des syllabes ; or ces deux éléments ne concordent pas tou- 
jours. 

(5) Toutefois les anciens mètres classiques reposant sur la 
combinaison de longues et de brèves dominent encore dans les 
chants de l'Eglise. 

(6) Donnons un exemple : La première hymne se compose 



— 31 — 

De qui sont ces hymnes ? Sont-elles inédites ? Par 
aucun moyen nous n'avons pu nous en assurer. Si nous 



* 



de 16 vers ou plutôt de 16 lignes toutes semblables à celle-ci : 

O salutaris Virgo, Stella maris, generans prolem, equitatis 
solem, lucis actorem, generans pudorem, suscipe laudem. 

Or chacune de ces lignes représente une strophe de l'ancienne 
strophe saphique, et doit être divisée, comme celle-ci, en 4 vers, 
de la manière suivante: 

O salutaris Virgo, stella maris, 
Generans prolem, equitatis solem, 
Lucis actorem, generans pudorem, 
Suscipe laudem. 

On pourra, pour se guider, consulter la 2' ode du I er livre 
d'Horace : 

Jam satis terris nivis atque dirœ. 

On voit que dans la strophe saphique du moyen cage le der- 
nier vers seul de la strophe antique (l'adonique) a été conservé. 
Toutefois, dit un savant allemand, si l'une des sortes de vers imi- 
tés de l'antique (et presque tous les types rythmiques en étaient 
alors imités — du VI e au XII e siècle) comptait plus de 8 syllabes, 
il arrivait que, par la transformation de la césure en une pause 
formelle, ce vers se scindait en deux vers plus petits. Ainsi les 
trochaïques de 15 syllabes (ce sont ceux des hymnes suivan- 
tes : O Messia, de Maria nate semper virgine), sont toujours 
formés de deux parties, l'une de 8, l'autre de 7 syllabes...., les 
saphiques, de 5 plus 6 syllabes (1). Ainsi notre strophe doit se dé- 
composer ainsi : 

O salutaris 
Virgo, stella maris, 

Etc. 

Les autres proses appartiennent au mètre connu dans la proso- 
die ancienne sous le nom barbare de trochaïque tétramètre ca- 
talectique (2), mais également transformé. Toutefois, suivant 
une autre opinionsoutenue par un savant fort distingué (3), tous 

(1) Wilh.Meyer : Ludus de Antichristo. Et Ueber die latdnischen Rythmen, p. 19. 
Munich. 1882. ln-8». 

(2) Ou septenarius (vers de 15 syllabes). 

(3) M. Gaston Paris. V. sa Lettre à M. Léon Gautier sur la versification latine 
rythmique. 18GG, en particulier pp. 27 et suivv. 



- 32 - 

étions sûr qu'elles n'eussent point encore vu le jour, 
nous aurions plaisir à les publier. 

III. — FF 0S 8— 11 v°. —Deux lettres de S. Augus- 
tin et une à lui adressée : 

1° A Donat prêtre : « Si possis videre dolorem cor- 
dis mei. » 

2° Nectaire à S. Augustin : « Quanta sit caritas pa- 
trise. » 

3° Réponse de S. Augustin : « Jam senio frigescen- 
tibus membris. » 

IV. — F 11 v°. — Lettre de Calixte II à Geoffroi, 
évêque de Chartres. — C'est la lettre qui fait l'objet 
principal de ce travail. 

V. — FF os 12—13. Sermon ou Discours (Sermo) de 
Robert d'Arbrissel à une comtesse de Bretagne (Er- 
mengarde, fille de Foulques-le-Réchin, comte d'An- 
jou et femme d'Alain Fergent). — C'est le Discpurs que 
nous avons signalé vers 1853 à M. de Pétigny, qui l'a 
publié avec un savant travail dans la « Bibliothèque de 
l'Ecole des Chartes. » Nous-mème, antérieurement, 
nous en avions traduit plusieurs fragments dans le 
journal le Loir. Cette pièce est la seule que l'on con- 
naisse de Robert d'Arbrissel. 

VI. — FF 0S 13—14 v°. — Sermon sur l'Assomption 
de la Vierge. Attribué à S. Anselme. Archiepisco- 
pus a été effacé : « Intravit Jésus in quocldam castel- 
lum. » Ecriture différente (XII e siècle). 

VII. — FF 0S 15 — 82 v°. — Nombreuses lettres de S. 
Augustin ou à lui adressées, dont le détail nous entraî- 
nerait trop loin. Nous nous bornerons à citer ici ses 



ces rythmes du moyen âge ne seraient point des déformations 
des anciens mètres classiques ; ils seraient nés, dès les temps 
les plus anciens, de la spontanéité populaire. On les rencontre 
dès le temps de César. Mais ce n'est point ici le lieu d'entrer 
dans un pareil débat, pour lequel d'ailleurs nous nous ré- 
cusons. 



— 33 — 

correspondants : Le comte Macédonius et réponse de 
S. Augustin. — Nouvelle lettre de Macédonius et ré- 
plique^' Augustin.— S. Augustin à Volusien et réponse 
de Volusien. Réplique d'Augustin : « De virginitate sce 
Marie. » — Marcellin à Augustin et réponse de ce der- 
nier. — S. Augustin à Italica. — Le même à Marcellin. 

— Le môme à Longinien. Réponse de ce dernier. Ré- 
plique d'Augustin. — Le même à Boniface évoque 
(coepiscopo) . — S. Paulin à Augustin et réponse. — 
Nouvelle lettre de S. Paulin et Therasia à Augustin 
et réponse. — S. Paulin et Therapia à Alipius. — 
S. Paulin à Romanien. Se termine par une longue 
pièce en distiques latins : 

Quare âge, rumpe moras et uincla tenatia (sic) secli. 
Explicit: Viue, precor, sed uiue deo.... 
.... uiua est uiuere uita deo. 

(F 51, v°.) 

— Sévère à S. Augustin. — Le même à Licentius. 
Licentius à S. Augustin. Longue épître en vers hexa- 
mètres : 

Archanum uarronis iter scrutando profundi. 

3 pages et demie, et peut-être incomplète. — S. Au- 
gustin à Vincent ; plus de 22 pages, ff os 56-67. — Le 
même à Dardanus. — Une sans désignation, f° 74. — 
Une autre idem au verso. 

VIII. — FF 0S 82 v°— 85 v°. — Vie et passion de S te 
Foi d'Agen. 

Incipit prologus: « Magnorum atque inclitorum mar- 
tyr um. » 

Incipit vita : « Sancta igitur fides agennensium ciui- 
tate oriunda. » 

IX. — FF 0S 86— 107 (1). — Les deux livres de S. 
Augustin : « De ordine rerum (2). » 



(1) Ce dernier feuillet est incomplet, mais le traité est com- 
plet. 

(2) Ce manuscrit a été collationné par les Bénédictins pour 
leur grande édition de S. Augustin. 



— 34 - 

X. — FF oï 108 — 115. — Vie de S te Marie Egyp- 
tienne. En rubrique : « Vitam et penitentie magnum vi- 
rileque eertamen venerabilis marie egyptiace qualiter 
inheremo expleuerit tempora uite de greco transtulit in 
latinum paulus uenerabilis diaconus sce neapolis ec- 
clesie (1). » 

Incipit Prologus : « Secretum régis celare bonum 
est. » — Vita : « In quodam monasterio palestinorum 
fuit uir uite moribus et uerbo ornatus (2). » 

(1) Presque tous les e sont cédilles. 

(2) M. Gaston de Lavau a bien voulu faire pour nous, dans son 
exemplaire des Bollandistes, de consciencieuses recherches sur 
S le Foi et S le Marie Egyptienne. Nous sommes obligé malheu- 
reusement de n'en donner ici qu'un résumé: 

Notre légende de S" Foi se trouve dans le grand Recueil, 
au 20 octobre. Il y a en outre deux poésies latines sur le même 
sujet. Le prologue est le même. La Vie proprement dite offre 
quelques variantes au commencement et à la fin. Les Bollan- 
distes disent avoir tiré cette Passio du manuscrit de Grimberg, 
collationné avec les exemplaires de Labbe, etc. 

S" Marie Egyptienne (2 avril). — Il y a une Vie en prose 
latine, un poème latin, et à la fin du volume le texte grec d'où 
la vie latine a été traduite. — Le prologue commence comme 
celui de Vendôme, mais finit un peu différemment, différences 
qui se reproduisent dans la Vie proprement dite. 

Un dernier paragraphe explique comment l'auteur, qui écrivait 
d'après la tradition, ne pense pas que la Vie ait été écrite 
avant lui. 

Dans leurs commentaires, les Bollandistes font connaître que 
la traduction du diacre Paul existe en de nombreux manuscrits. 

« Il me reste, ajoute M. G. de Lavau, à vous livrer pour ce 
qu'elle vaut une conjecture qui m'est venue en parcourant les 
observations des Bollandistes sur ces deux Vies. Ils présentent 
comme une hypothèse probable, en ce qui concerne S te Foi, 
comme un fait acquis en ce qui concerne S te Marie Egyp- 
tienne., que Hildebert du Mans est l'auteur des deux poèmes (en 
'vers léonins) à la louange de ces deux saintes. Ce nom de Hil- 
debert, joint à cette circonstance que les deux Vies sont rappro- 
chées dans le manuscrit de Vendôme, m'a frappé. Auriez-vous 
par hasard mis la main sur le manuscrit môme qui a pu inspi- 
rer à notre Hildebert la pensée d'écrire ses deux poèmes, sur le 
manuscrit qui lui a peut-être servi et qu'il a dû garder sous les 
yeux pendant son double travail ? Si cela était, le manuscrit de 



— 35 — 

XI. — F 115. — Une douzaine de vers mystiques 
(hexamètres latins) non alignés. 

XII. w- FF os 115— 117 v°. — Prologue et commence- 
ment du traité de Paschase-Radbert : De corpore et 
sanguine Christi. Dédié à l'abbé de Corbie. 

Tel est le manuscrit. Maintenant abordons la lettre 
de Calixte qui fait l'objet de ce travail : 



Calixte écrit à Geoffroi (de Lèves) évêque de Chartres qu'il a 
reçu une plainte de Geoffroi, abbé de Vendôme, au sujet 
de plusieurs seigneurs qui avaient pillé les possessions 
de l'abbaye. Le pape ordonne à l'évêque de faire res- 
tituer les biens enlevés, etc.... En cas de résistance, que 
l'évêque ait recours aux derniers moyens. Ces menaces s'é- 
tendent même au comte de Vendôme, s'il ose porter la 
main sur tout ce qui appartient au monastère. Ce monastère 
en effet est du domaine de S. -Pierre, et le S. -Siège ne 
peut ni ne doit l'abandonner dans ses nécessités. A Rome, 
le vin des kal. de janvier. 

Calixtus episcopus seruus seruorum dei uenerabili 
fratri. G.carnotensi episcopo salutem et apostolicam 
benedictionem. Karissimijîlii nostri gaufridi uindoci- 
nensis abbatis querelam accepimus qnod quidam par- 
rochiani tui. Rainaldus uidelicet deturre Wulgrinus 
f rater bar tholomei et Gqffridus burrellus possessiones 
ad eius nionasteria (1) pertinentes depredati sunt. 



Vendôme en tirerait assurément, à tous les points de vue, une 
importance particulière et des titres très spéciaux à l'intérêt des 
érudits et à la vénération des Vendômois. Et, pour finir, je vous 
copie dans les commentaires des Bollandistes cette remarque : 

« Usus est autem Hildebertus vel antiquiori vcrsione et Jldc- 
liori, si que extabat, vel ipso grœco textu originali, uti colligi- 
mus ex die l a aprilis in fine notato ubi Pauline versionis cxcm- 
plaria omnia habent diem ix. » 

(1) Monasteria peut-il signifier ici les prieurés ? Nous ne le 



— 36 — 

Vnde fraternitatem tuam monemus atque precipimus. 

ut eos et ablata restituere et deinceps amonasterii 
persecutione (1) omnino compellas . Quod si contemp- 
tores extiterint. de eis et eorum complicibus plenam 
iusticiam prosequaris. Rogamus prêter ea dilectionem 
tuam et precipimus ut sicomes uindocinensis res eius- 
dem monasterii au ferre uelperturbare presumpserit. 
et canonice commonitus obedire contempserit. tu exac- 
toritate nostra inipsum et infractores ipsius ecclesias- 
tice ulcionis sentenciam proferas atque in terris ip- 
sius donec satisfecerit. diuina officia interdicas. Siqui- 
dem monasterium ipsum ad beati pétri ius specialiter 
pertinet. et nos ei insuis oportunitatibus déesse nec 
possumus nec debemus. Datum Rome Apud scm Pe- 
trum XVIII KL lanuarii. 
Ecriture du XII e siècle. 

La première question qui se pose est celle de l'au- 
thenticité. — Cette lettre est-elle authentique ? Nous en 
sommes persuadé. Mais il faut convenir qu'elle prête 
à bien des objections que nous allons passer en revue 
et essayer de résoudre : 

1° Extrinsèquement, elle ne porte pas les caractères 
de l'authenticité. Ce n'est ni un original ni une copie de 
source authentique ou autorisée. Tout ce qu'on peut 
dire, c'est que c'est une pièce contemporaine, d'une écri- 

pensons pas. Ce mot a bien désigné dans les premiers siècles du 
christianisme les retraites ou cellules qu'habitaient des reli- 
gieux seuls, par opposition à cœnobia, maisons où ils vivaient 
en commun. (Monos-koinos) V. Ducange; mais nous ne con- 
naissons pas monasterium dans le sens de prieuré. Nous croyons 
plutôt ici à une simple faute de copiste. L'original portait sans 
doute monasteriu avec un trait abréviatif sur l'u, ce qui lui don- 
nait l'apparence d'un a. De là l'erreur. L'ensemble de la phrase : 
ad eius monaster. {eius, id est abbatis Gqffridi) plaide pour le 
sens que nous soutenons. 

(1) Il y a sans doute ici un infinitif passé, comme abstinere. 



- 37 — 

ture soignée, qu'on n'aurait eu aucun intérêt à enfouir 
au sein d'un manuscrit. On peut donc croire que c'est 
la copie anonyme d'un original perdu. Bien des pièces 
réputées authentiques n'ont pas une meilleure origine. 

2° Cette lettre ne figure pas parmi les lettres de Ca- 
lixte, publiées parD. Bouquet (1) et par M. Ulysse Ro- 
bert. — Ceci prouve tout simplement que la nôtre est 
inédite. 

3° Parmi les lettres de l'abbé Geoffroi à Calixte, il ne 
s'en trouve pas une qui contienne la plainte adressée 
par lui au pape, quoiqu'il y en ait une où Geoffroi prie 
Calixte de faire confirmer par l'évêque de Chartres 
l'excommunication lancée contre Nivelon de Fréteval 
et Archembauld, qui ne cessaient de faire mille maux 
à son monastère. 

Ceci ne prouve rien, car il existait également une let- 
tre du pape Pascal II, prédécesseur de Calixte, lettre 
aujourd'hui perdue, adressée à l'évoque et au chapitre 
de Chartres, pour leur enjoindre de réprimer les vexa- 
tions que Nivelon et Ursion son fils faisaient souffrir 
à l'abbaye de Vendôme (2). (Ceci est à noter comme 
précédent de la lettre de Calixte), et cependant les let- 
tres de l'abbé Geoffroi à Pascal ne font nulle part men- 
tion de cette plainte ni de ces personnages. Cela prouve 
seulement que nous n'avons pas toutes les lettres de 



(1) Tome XV, pp. 228 et suivv. — Nous n'avons pu consulter 
le Regesta ponti/icum de Jaffé. 

(2) Nous en donnons ici l'analyse, d'après l'Inventaire manu- 
scrit des chartes de la Trinité de Vendôme, f° vi, r° et v° (com- 
mencementdu XVI e siècle), à la Bibliothèque de Vendôme : 

Rescriptum eiusdem (t. e. Pascalis II papcé) Episcopo et capitu- 
lo camoteiisi directum ut injuriant et molestiam per Jarsoneni (*) 
et hitieloriem patrem eius illatas faciant reparare alios et asede 
apostolica exconununicatos, ut suut omîtes molenciam monastcrio 
eiiidocinciisi inferentes denuncient et excommunnicaeionl etiam 
subiciant. Datum laterani IIII non. mardi. 

(') Sic pro: Ursionem. 

xxin .'i 



— 38 — 

Geoffroi à ces deux papes. Nous n'eu avons que 4 adres- 
sées à Calixte, qui, il est vrai, n'a régné que cinq ans 
(1119-1124), mais avec qui Geoifroi fut dans les rela- 
tionsles plus étroites (1). Et nous n'en avons que 8 
adressées à Pascal, bien qu'il ait régné dix-neuf ans 
(1099-1118). 

Peut-être aussi Geoffroi, dans un de ses nombreux 
voyages à Rome, avait-il déposé lui-même sa plainte 
entre les mains du pape, car il lui annonce, dans une 
de ses lettres, qu'il ira le voir prochainement, et qu'il lui 
confiera tous les tourments et les spoliations de biens 
qu'il a éprouvés : « Quot et quantos labores et timo- 
rés nostrarumque rerum distractiones, dilectissimum 
patrem et dominum videre desiderans, anno prseteritb 
passus surn, in eius prsesentia non tacebo (2). » — Tou- 
tefois, il convient de dire qu'en pareil cas, le pape, 
dans ses lettres de répression, mentionnait d'ordinaire 
cette circonstance de la présence même du» plaignant. 
C'est ainsi qu'en 1122, ce même Calixte écrit à Béren- 
ger, évèque de Fréjus, contre les dévastateurs d'une 
villa (cujusdam villœ) qui appartenait à l'abbaye de Lé- 
rins, fait semblable à celui qui nous occupe. L'abbé 
avait déposé sa plainte en présence du pape: In con- 
spectu nostrOj dit la lettre pontificale (3). 

4° Mais au moins, dira-t-on, si Geoffroi ne parle pas 
dans ses lettres à Pascal de Nivelon et d'Ursion, il en 
parle dans ses lettres à Ives de Chartres, et lui déclare 
dans une lettre éloquente, que nous voudrions pouvoir 
citer ici, qu'il va se plaindre au pape : « Romanam ec- 
clesiam appellamus.... petentibus auxilium non nega- 
bit. » C'est à cette déclaration que répond la lettre de 
Pascal que nous avons citée, tandis que parmi les let- 

(1) V. la lettre de ee pontife à notre abbé. Sirm. Goffr. epist. 
Prolegom. Il faut dire aussi qu'il existe 3 opuscules de Geof- 
froi dédiés à Calixte. Ibid.. pp. 281 et suiv. 

(2) Sirm. L, I, 13. 

(3) D. Bouquet. Lettres de Calixte, T. XV. lettre xxxvi. 



— 39 — 

très de Geoffroi à son homonyme, évêque de Chartres, 
au nombre de 12, on n'en voit pas une qui fasse men- 
tion des seigneurs dénoncés dans la lettre de Calixte, 
quoiqu'il y en ait une où l'abbé se plaint longuement de 
tout ce qu'il a souffert de la part du même Nivelon et 
qu'il rappelle l'excommunication que le pape a enjoint à 
l'évèque de lancer contre lui (1). C'est cependant à l'é- 
vèque que Geoffroi devait s'adresser d'abord. 

Il y a néanmoins dans l'abbé Geoffroi une lettre la- 
mentable à l'évèque, où l'abbé déclare encore qu'il va se 
jeter entre les bras du S. Père. C'est la 32 e et dernière 
du second livre, où il raconte comment Jean, fils du 
comte de Vendôme, « et cum eo quidam vavassores mi- 
lites de Castro Vindocini », ont tellement ravagé et dé- 
pouillé une des plus riches obédiences de l'abbaye, que 
les moines et les cultivateurs ont été obligés de l'aban- 
donner j et qu'elle n'est plus qu'une solitude. Le comte 
de Vendôme, à qui Geoffroi en a fait parler, est resté 
indifférent : « Vndè humiliter supplicamus, ajoute 
Geoffroi, vt quod contra nos actum est et quotidiè pes- 
simè agitur sic corrigatis quatenus malefactores nostri, 
parrochiani vestri (2), et ablata nobis restituant (3) et 
quietos deinceps nos esse permittant.... Tôt et tantas 
pressuras tribulationes et angustias a Vindocinensibus 
hominibus (4) nobis illatas, quarum etiam partem, 
prœsentibus comité et hominibus (5) eius vobis clixi- 
mus, vitra sustinere vlla ratione non possumus. » Il 
déclare qu'il va en appeler de nouveau au pape: « Do- 
minus Papa a nobis requirendus est. » 

Il y a dans cette lettre divers points qui pourraient 



(1) L. II, 30, pp. 95-97. 

(2) Le mot se retrouve dans la lettre de Calixte. 

(3) De même dans la lettre de Calixte. 

(4) Ces mots assez méprisants nous paraissent désigner pré- 
cisément ici des seigneurs d'un rang inférieur. 

(5) Le mot nous parait avoir ici un autre sens que ci-dessus. 
Il signifie: ses vassaux. 



— 40 — 

se rapporter à la lettre de Calixte, et d'autres qui s'en 
éloignent. Ainsi Jean, le principal coupable, n'est point 
nommé dans la lettre pontificale, et ceci est une objec- 
tion capitale. D'un autre côté, ces expressions de « va- 
vassores milites de Castro Vindocini » semblent conve- 
nir, en partie du moins, aux seigneurs qui accompa- 
gnaient Jean ; mais nous examinerons ceci plus à fond, 
en traitant plus loin de la qualité de ces personnages. 
Mais le comte de Vendôme, contre lequel Geoffroi n'ar- 
ticule aucun grief positif, si ce n'est celui de son indif- 
férence, laquelle, il est vrai, ressemblait bien à de la 
complicité, le comte est menacé par le pape éventuelle- 
ment. Il est encore vrai que Calixte pouvait se rappe- 
ler que ce comte avait encouru déjà les sévérités de 
l'Eglise, et que l'interdit avait été lancé contre son châ- 
teau et sa ville, mais cela n'avait point suffi : « Ipse 
verù, dit l'abbé Geofiroi à Ives de Chartres, malis ad- 
dere pejora minatur et vobis inobediens nss et nostra 
violenter adhùc persequitur. » — Bien que ceci se soit 
passé plusieurs années auparavant, on n'en doit pas 
moins admettre comme légitime la clause commina- 
toire de Calixte. Mais reste toujours l'absence du nom 
de Jean, qui forme une difficulté des plus sérieuses. 

On est porté à en conclure que, malgré les coïnci- 
dences qui existent entre la lettre de Calixte et celle de 
Geoffroi, ce n'est point à cette dernière que répond la 
missive pontificale. Comment l'affaire exposée avec 
tant d'amertume par Geoffroi s'est-elle terminée? Nous 
l'ignorons, mais il est à croire que d'autres dévastations 
auront eu lieu, soit avant, soit après, par le fait des trois 
personnages incriminés, et que nous n'avons plus la 
lettre de Geoffroi qui les dénonce. 

{La fin au prochain Bulletin.) 



ERRATU M 

P. 273 du Bulletin de 1883, 4 e ligne, au lieu de: septembre 188.2, 
lisez: septembre 1883. 



."LETTRES PATENTES 

Portant changement du nom de la terre de Montoire 
et son érection en marquisat sous la dénomination 
de Querhoent, en faveur du 5 r Jean-Sébastien de 
Querhoent, 

Avec une Notice, par M. Isnard. 



Nous publions ci-après les lettres patentes qui ont 
érigé la terre de Montoire en marquisat, en y réunis- 
sant la seigneurie de Savigny, et changé le nom de 
Montoire en celui de Querhoent. 

Nous ne pensons pas que ces lettres patentes aient 
déjà été livrées à la publicité: elles ont un intérêt réel 
pour l'histoire d'une des principales villes du Vendô- 
mois, et on nous saura gré, nous l'espérons, de leur 
faire les honneurs du Bulletin. 

D'après M. de Pétigny (1), Montoire, petite ville peu 
importante, ne se composait originairement que de la 
paroisse de S te -Oustrille, située sur la rive gauche du 
Loir, au pied du château. Ce serait Jean V, comte de 
Vendôme, qui, vers la fin du XIII e siècle, aurait sé- 
paré le comté en deux parties, Haut et Bas Vcndô- 
mois. Il affectionnait Montoire, dont sa famille était 
originaire, et la ville devint une place importante et la 
capitale du Bas-Vendômois. 

Elle eut depuis des seigneurs particuliers, qui por- 
tèrent le titre de baron, puis de comte. 

(1) Histoire Archéologique du Vendomois, p. 317. 



— 42 — 

En 1718, le Régent échangea la baronnie de Mon- 
toire avec Belle-Ile-en-Mer, au profit du maréchal 
Charles-Louis-Auguste, duo de Belle-Isle, petit-fils de 
Fouquet (1). 

Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Isle, vendit la 
seigneurie de Montoire à Jehan-Amédée Desnoyers de 
Lorme, premier président de la Chambre des Comptes 
de Blois. 

C'était, paraît-il, un singulier seigneur que le sieur 
de Lorme (2); au bout de quelques années, il fut obligé 
de vendre sa nouvelle seigneurie pour se procurer des 
ressources. 

Le nouvel acquéreur était le maréchal duc de Tallard, 
ministre d'Etat, sous Louis XV. 

C'est des mains de ce dernier que, par suite d'une 
nouvelle vente, la terre de Montoire passa, le 10 avril 
1743, à Jehan-Sébastien de Querhoent Kergournadech, 
marquis de Coetanfao, auquel nos lettres patentes con- 
fèrent le titre de marquis de Querhoent, en changeant 
le nom de la terre et de la ville de Montoire. 

La seigneurie de Savigny, qui fut en même temps 
réunie à Montoire, faisait originairement partie du 



(1) Paty de la Hillais, p. 8. — Le Bas-Vendômois historique 
et monumental, par l'autour do l'Inventaire des trois ordres do 
l'ancienne châtellenie de Saint-Calais. 

(2) Il était fils d'un aubergiste de Blois, à l'enseigne des 
T rois-Marchands ; échappé de la maison paternelle, devenu 
laquais, puis clerc de procureur, il dut, prétend-on, sa fortune 
au fait suivant: il serait allé offrir de l'argent, fruit do ses épar- 
gnes, sans en vouloir de reconnaissance, au duc d'Orléans, 
alors disgracié, et auquel un arrètdu Parlement avait défendu de 
prêter. Devenu régent du royaume, le duc d'Orléans se souvint 
de la généreuse action de Desnoyers de Lorme envers lui, et lui 
conféra la charge dont le revenu lui permit d'acquérir la sei- 
gneurie de Montoire. On ajoute, pour compléter cette histoire, 
que Desnoyers do Lorme avait épousé une des maîtresses du 
régent. — (Duchemin de la Chesnaye. Mémoire* historiques et 
chronologiques sur ht cille de Vendôme.... t. n, p. 62.) 



— 43 — 

comté de Vendôme (1), et passa avec lui à la maison de 
Bourbon, puis à des seigneurs particuliers. 

Elle arriva, au XVIII e siècle, à Jehan-Amédée Des- 
noyers de Lorme, acquéreur de la terre de Montoire, 
et se trouva transmise avec elle à la famille de 
Querhoent. 

Le changement de nom ordonné ne put être imposé 
que difficilement aux populations ; ce n'est pas aisé- 
ment, en effet, qu'on peut modifier les habitudes prises, 
surtout en matière d'appellations. 

Dès le mois de décembre 1743, le bailli du comté de 
Montoire prenait dans tous les actes le titre de bailli, 
juge ordinaire civil, criminel et de police, et maître par- 
ticulier des eaux et forêts du bailliage du marquisat 
de Querhoent, et il continua ainsi jusqu'à la suppres- 
sion des juridictions seigneuriales. 

Mais Montoire ne fut guère appelé Querhoent par le 
peuple; chose plus étrange, et qui montre le peu d'in- 
fluence du langage officiel, le nom de Querhoent ne 
figure qu'une seule année, en 1744, en tête des Regis- 
tres de baptêmes, mariages et sépultures de l'église 
de Saint-Laurent, la principale paroisse de la ville. En 
1744, on écrit Saint-Laurent de Querhoent ; mais, dès 
l'année suivante, le nom de Montoire revient, et il n'est 
plus question de Querhoent. 

Ce dernier nom devient toutefois assez vulgaire 
pour prendre place dans un dicton, que nous nous 
permettons de reproduire précisément parce qu'il est 
tout à fait tombé en désuétude : 

De Montoire ou Querhoent, 

Il ne vient bonnes gens, ni bon vent. 

Si le vent d'ouest arrive toujours à Vendôme de 
Montoire, les habitants ne sont plus aussi mal vus au 
chef-lieu, et on n'entend personne traiter de Busse- 

(1) Le Bas-Vcndômois historique et monumental, p. 78. 



— 44 — 

Judée, — comme cela arrivait, paraît-il, autrefois, — 
le pays de Montoire et du Bas-Vendomois. 

Le nom de Querhoent ne resta guère que cinquante 
ans à Montoire. 

Un décret des 20-23 juin 1790 (1) autorisa les villes, 
bourgs, villages et paroisses à qui les ci-devants sei- 
gneurs avaient donné leurs noms de famille, à repren- 
dre les noms anciens. 

On retrouve un décret rendu quelques mois après 
(19-24 novembre 1790), établissant un juge de paix dans 
la ville de Montoire, et non de Querhoent. 

Mais YAlmanach Royal de 1792 portait encore, 
au chapitre des Postes aux lettres, Querohent (sans 
indication de département), et non Montoire. 

Le 23 novembre 1791, était intervenue une décision 
du Conseil Général de Loir - et - Cher (2) que nous 
croyons devoir reproduire : 

« Un membre a réclamé contre le nom de Quer- 
« hoent, que la vanité des ci-devant seigneurs asubsti- 
« tué à celui de Montoire. Il a en conséquence de- 
ce mandé l'exécution de la loi du 23 juin 1790, sur le 
« décret du 29 du même mois, qui autorise les villes, 
« bourgs et villages à prendre leur ancien nom. 

« Ouï le P. -G. -S. (3), il a été arrêté que la ville de 
« Montoire quittera le nom de Querhoent, pour repren- 
« dre celui de Montoire, qu'elle portait avant de passer 
<( à la famille de Querhoent ; et que, pour l'exécution 
« du présent arrêté, il sera adressé au pouvoir exécu- 
« tif, avec réquisition de prendre des mesures, et de 
« donner des ordres à V administration des postes, 



(1) Une grande partie des indications* qui suivent sont dues 
aux recherches de M. Jean Martellière. 

(2) Procès-verbal du Conseil général de Loir-et-Cher, du 23 
novembre 1791. 

(3) Le Procureur Général Syndic. 



— 45 — 

« pour qu'à l'avenir toutes les lettres mises à la poste 
« de Moutoire, soient timbrées du véritable nom de 
« cette 'ville. » 

U Almanach national de 1793 fait figurer, aux Pos- 
tes aux Lettres, Montoire (L.-et-Ch.) et Querhoent 
(Aude). 

Voici le texte des lettres patentes, qui font l'objet de 
cette notice (1) : 



Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à 
tous présens et à venir, salut: Nous ne pouvons donner de 
plus solide témoignage de notre estime à ceux de nos sujets 
qui sont issus des anciennes maisons de notre Royaume et qui 
se rendent recommandables par leurs services et par les 
exemples qu'ils donnent de leurs vertus et de leur fidélité, 
qu'en les conservant dans l'éclat de leur naissance. Ces vertus 
se trouvent dans la personne de notre amé et féal le sieur 
Jean Sébastien de Querhoent K/gournadech, marquis de 
Goetanfao, brigadier de nos armées, gouverneur de nos ville et 
château de Morlaix, notre conseiller secrétaire, maison et cou- 
ronne de France et de nos finances, issu d'une des plus an- 
ciennes maisons de notre province de Bretagne, dont il se 
trouve aujourd'huy le chef par le décès de ses ainez, dont les 
ayeux se sont distingués par une valeur qui leur a fait mériter, 
dès Tan 600, le titre de chevalier et le nom de K/gournadech, 
qui signifie, en la langue du pays, homme de courage ou d'in- 
trépidité, et qui leur a fait de même mériter la mention hono- 
rable qu'en fait chaque année l'Eglise cathédralle de Léon dans 
ses solennitez et dans les prières publiques. La maison de 
Querhoent attentive à s'allier aux premières maisons, connue 
à celle d< i Dinan, de Rohan et autres, n'a jamais altéré la pu- 
reté de son sang par des alliances communes, le marquis de 
Goetanfao a suivi l'exemple de ses ancêtres en épousant Inno- 
cente Catherine de Rougé du Plessis Bellière, dont les ancê- 

(1) Ces lettres patentes sont extraites des Registres pour scr- 

rir à l'Enregistrement des Ordonnances, Edits, Déclarations du 

Rog et Lettres patentes au Bailliage royal principal etprèoosiè 

unis de Vendôme, déposés au greffe du tribunal civil. (Registre de 

1731 à 1758, P 103 v'.) 



— 46 — 

très se sont distingués par les services qu'ils nous ont rendu 
dans nos armées ; le feu roy, de glorieuse mémoire notre ho- 
noré seigneur et bisayeul, toujours juste dans le choix de ses 
sujets qu'il voulait honorer de sa confiance, a donné des 
preuves éclatantes au feu 4 Pr marquis de Coetanfao, frère du 
s r Jean Sébastien de Querhoent, en le nommant chevalier 
d'honneur de notre très chère et très amée tante Madame, fille 
de France, duchesse de Berry, avec les plus grands éloges, 
en le qualifiant de sujet distingué par sa personne et par sa 
naissance des plus illustres de la province de Bretagne, et dont 
il connaissoit particulièrement les rares qualités et le mérite. 
Pendant que ledit feu 1 er marquis de Coetanfao avoit le grade 
de lieutenant général qu'il méritoit par les services qu'il ren- 
doit dans les armées ou il s'étoit tant de fois distingué notam- 
ment en battant les ennemis commandant les chevau légers de 
notre garde, son frère, évoque d'Avranches, remplissoit les de- 
voirs de l'épiscopat avec autant de zèle que d'érudition et de 
piété, un autre frère nommé le comte de Coetanfao, capitaine 
de cavalerie dans le régiment de Toulouse, mourut de blessures 
qu'il avoit reçues à la bataille de Bamilly (1), où il avoit signalé 
sa bravoure, ledit s r Jean Sébastien de Querhoent, marquis de 
Coetanfao, s'est toujours montré digne de son sang et du nom 
qu'il porte et a donné des marques de sa fidélité, de sa valeur 
et de son attachement à notre service tant sur mer que sur 
terre ; il s'est trouvé à la prise de Palennos et autres actions 
de guerre, n'étant encore que capitaine de cavalerie, alors ca- 
det de sa maison, il a commandé un détachement et battu les 
ennemis près de Zéler, en Allemagne et ammené plusieurs pri- 
sonniers, il s'est trouvé à la bataille de Fridelingue (2 , au combat 
de Nouderkinque où il a commandé un détachement et battu 
les ennemis, sans que quatre blessures considérables ayent été 
capables de le faire retirer du combat, à peine a-t-il été guéry 
de ses blessures qu'il s'est empressé de nous donner de nou- 
velles preuves de son zèle en se trouvant à la bataille d'Hoch- 
tek (3), où le régiment d'Heudicourt, danslequelil étoit, chargea 
cinq fois les ennemis et les culbuta. Il eut ensuite un régiment 
d'infanterie ; étant devenu guidon et enseigne de notre gen- 
darmerie, il s'est trouvé à la bataille d'Oudenarde et a reçu 
plusieurs blessures, à celle de Malplaqué (4) ou après avoir reçu 

(1) Ramillies.— (2) Friedlingen. — (3) Hochstœdt. -(4) Mal- 
plaquet. 



— 47 - 

nombre de grièves blessures et enlr'autres un coup de sabre 
au front dont il a été trépané, il y a été fait prisonnier de 
guerre /,. étant ayde major de la gendarmerie, le feu roy, notre 
bisayeuî, l'a honoré du rang de sous lieutenant, qui n'avait 
jusqu'alors été accordé à aucun ayde major de la gendarmerie 
et l'année suivante, il a été fait brigadier de nos armées et de- 
puis major de notre gendarmerie; voulant lui continuer les 
marques de notre bienveillance affin qu'une maison aussy 
ancienne et aussy illustre que la sienne demeure toujours 
dans l'éclat et dans la considération dont elle est en posses- 
sion depuis tant de siècles, nous avons résolu non seulement 
d'ériger en titre de marquisat la terre et seigneurie de Mon- 
toire, sittuée au pays du bas Vendomois et cy-devant par nous 
échangée entre le s r maréchal, duc de Belle-lsle, et qui appar- 
tient aujourd'hui audit s r de Querhoent, marquis de Goetanfao, 
au moyen de l'acquisition qu'il en a faitte par contrat du 
10 avril dernier, mois encore de changer le nom de Montoire 
en celuy de Querhoent et de rendre par ce moyen les témoi- 
gnages de notre estime plus authentiques et plus durables ; à 
ces causes et de notre grâce spécialle, pleine puissance et 
autorité royalle, nous avons commué et changé et par ces pré- 
sentes signées de notre main, commuons et changeons le nom 
de lad. ville, terre et seigneurie de Montoire, en celui de 
Querhoent, à laquelle terre nous avons joint, uny et incorporé, 
joignons, unissons et incorporons celle de Savigny pour ne 
faire et composer à l'avenir, avec les paroisses, justices, fiefs, 
domaines, droits, (erres et héritages qui en dépendent, qu'une 
seule et même terre, seigneurie et justice, laquelle nous avons 
des mêmes grâce, pouvoir et autorité que dessus créé, érigé 
et élevé, créons, érigeons et élevons en titre, nom, préémi- 
nence et dignité de marquisat sous la dénomination de marqui- 
sat de Querhoent, pour être à l'avenir tenue et possédée aud. 
nom, titre et dignité, par led. Jean Sébastien de Querhoent 
K/gournadech, marquis de Coetanfao et ses enfants, postérité 
et descendans mâles nés et à naître en légitime mariage, pro- 
priétaires de lad. terre, seigneurie et marquisat, voulons et 
nous plais qu'ils jouissent de lad. terre aux droits et facultés 
portés par l'échange qui en a été fait et qu'ils puissent se dire, 
nommer et qualifier et qu'ils soient nommés et qualifiés mar- 
quis de Querhoent en tous actes, tant en jugement que dehors 
et qu'ils jouissent des mêmes honneurs, armes, blasons, droits, 
prérogatives, autorités, prééminences au fait de guerre, assem- 



- 48 — 

blées d'état et de noblesse et autres avantages et privilèges 
dont jouissent ou doivent jouir les autres marquis de notre 
royaume, encore qu'ils ne soient cy particulièrement expri- 
més, que tous vassaux, arrière-vassaux, justiciables et autres 
tenants, noblement ou en roture des biens mouvants et dépen- 
dans dudit marquisat de Querhoent les reconnaissent pour 
marquis, qu'ils fassent les foy et hommages, fournissent leurs 
aveus, déclarations et dénombrement, le cas y échéant, sous 
led. nom, titre et qualité de marquis de Querhoent, et que les 
officiers exerçant la justice dud marquisat intitulent à l'avenir 
leurs sentences et autres actes et jugemens aud. nom, titre et 
qualité de marquis, sans toutefois aucun changement ny mu- 
tation de ressort et de mouvance, augmentation de justice et 
connaissance des cas royaux qui appartient à nos baillys et sé- 
néchaux et sans que pour raison de la présente création, led. 
s r de Querhoent K/gournadech de Coetanfao, marquis de 
Querhoent, et ses enfans ou descendans soient tenus de nous 
payer ny aux rois nos successeurs aucune finance, ny indem- 
nité, ny assujetis envers nous, ny leurs vassaux et tenanciers 
envers eux à autres et plus grands devoirs que ceux* dont ils 
sont actuellement tenus, ny qu'au défaut d'hoirs mâles nez en 
légitime mariage, nous puissions ou les rois nos successeurs 
prétendre lesd. terre, seigneurie et marquisat et leurs circon- 
stances et dépendances être réunies à notre couronne, nonobs- 
tant tous édits, déclarations, ordonnances et règlements sur ce 
intervenus et notamment l'édit du mois de juillet 1566, aux- 
quels nous avons dérogé et dérogeons par ces présentes pour 
ce regard seulement et sans rien innover aux droits, ny devoirs 
qui pourroient être dus à d'autres, que nous si aucuns y a, à la 
charge toutefois par led, s r de Querhoent K/gournadech de 
Coetanfao, marquis de Querhoent, ses enfans et descendans, 
seigneurs et propriétaires desdites terres, seigneurie et mar- 
quisat de relever de nous en une seule foy et hommage et de 
nous payer et aux rois nos successeurs les droits ordinaires et 
accoutumez, si aucuns sont dûs, pour raison de la dignité de 
marquisat tant que lesd. terres, et seigneuries s'en trouveront 
di'corées et qu'au défaut d'hoirs mâles, lesd. terres et seigneu- 
ries retourneront aux mêmes et semblables état et titre qu'elles 
étaient avant ces présentes, et à condition que le changement 
de nom ordonné par ces présentes ne pourra préjudicier à nos 
droits et à ceux d'autruy, ni aux aveux, déclarations, contrats 
et autres actes cy devant faits, signés, consentis et approuvez 



— 49 — 

et aux arrêts, sentence et autres jugements rendus sous le 
nom de Montoire, lesquels demeureront en leur force et vertu 
et seront exécutés de même que les actes qui pourront être 
faits à Favenir ou les jugements qui pourront être rendus sous 
le nom de Querhoent ; Sy donnons en mandement à nos amés 
et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement et 
chambre de nos comptes à Paris, gens de nos comptes à 
Blois, présidens, trésoriers de France et généraux de nos fi- 
nances à Orléans, et à tous autres nos officiers et justiciers 
qu'il apartiendra, que ces présentes ils ayent à faire registrer 
et de leur contenu jouir et user led. s r de Querhoent, marquis 
de Goetanfao et de Querhoent et ses successeurs maies pleine- 
ment, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser 
tous troubles et empèchemens et nonobstant lous édi s, décla- 
rations, ordonnances, arrêts et réglemens à ce contraires aux- 
quels nous avons dérogé et dérogeons par cesd. présentes pour 
ce regard seulement et sans tirer à conséquence, sauf toute- 
fois notre droit en autres choses et l'autruy en tout, Car tel est 
notre plaisir et afin que ce soit chose ferme et stable à tou- 
jours, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, Donné 
à Versailles au mois de juin de l'an de grâce 1743 et de notre 
règne le 28 e . Signé: Louis, et plus bas: par le Roy, Phelypeaux, 
visa Daguesseau pour érection de la terre de Montoire en 
marquisat sous le nom de Querhoent, à Jean Sébastien Quer- 
hoent de Goetanfao. 



Le registre porte ensuite les mentions d'enregis- 
trement : 

Au parlement de Paris, du 2 septembre 1743 ; 

A la chambre des comptes, du 23 octobre 1743; 

Au bureau des finances de la généralité d'Orléans, 
du 25 novembre 1743 ; 

La mention d'insinuation au bureau de Querhoent, 
du 24 novembre 1743 ; 

Et la copie d'un arrêt du Parlement de Paris du 

3 septembre 1743, ordonnant l'enregistrement desdites 

lettres patentes, après enquête ordonnée par arrêt du 

1 er juillet 1743, «de la commodité ou incommodité que 



— 50 - 

pouvait apporter la commutation et changement de 
nom, etc. » 

On trouve enfin sur le même registre (1) la copie de 
Lettres patentes, du mois de janvier 1755, portant con- 
firmation en faveur de Louis-Joseph de Querhoent, ne- 
veu et légataire universel de Jean-Sébastien de Quer- 
hoent Kergournadech de Coetanfao, décédé sans en- 
fants mâles, du titre de marquisat, dontla terre de Quer- 
hoent a été décorée par les lettres patentes du mois de 
juin 1743, et d'un arrêt du Parlement de Paris du 30 
mars 1756, ordonnant l'enregistrement desdites lettres 
patentes. 



(1) F 185, v°. 



CHRONIQUE 



La Restauration de l'église de la Trinité. 

Etat des travaux en mars 1884. 

Au mois de décembre dernier, on a replacé à l'église de la 
Trinité la belle verrière à trois travées qui garnit la fenêtre à 
droite de l'autel, dans la chapelle dite aujourd'hui du Sacré- 
Cœur, autrefois chapelle de la Madeleine. Toute son ornemen- 
tation, peintures et vitraux, était en effet empruntée à l'histoire 
de sainte Madeleine. 

La verrière dont nous parlons représente la Madeleine en ri- 
che costume, assise et entourée d'un groupe nombreux écou- 
tant la prédication du Christ. Par une heureuse combinaison du 
plan de l'édifice, elle se trouve précisément dans l'axe du bas- 
côté gauche, qu'elle termine de la façon la plus décorative. Dès 
le bas de l'église, on peut apprécier la richesse de l'exécution 
alliée à la science de la composition, bien qu'on puisse repro- 
cher un peu de confusion dans certaines parties. Elle appartient, 
ainsi que le montrent les détails de l'architecture, les costumes 
et le style général de l'exécution, aux beaux temps de la Re- 
naissance, au premier quart du XVI e siècle. Elle fut donnée 
sans doute par l'abbé Louis de Crèvent, ou au moins placée par 
ses soins. Aussi voulait-on retrouver ics traits de ce prélat 
dans le personnage assis à droite de la Madeleine. M. de Péti- 
gny a accepté, nous ne savons d'après quelles données, la vé- 
rité de cette légende. Voici ce qu'il dit, en note de la page 334, à 
propos de Louis de Crèvent: « Son portrait en soutane violette 
se voit sur un vitrail delà chapelle de la Madeleine, représen- 
tant la prédication de J.-C. » Sans chicaner sur ce mot de sou- 
tiine donné au vêtement du personnage en question, lequel n'est 
autre chose que la chamarre ou robe des gentilshommes vers 
1525, le costume nous semble trop mondain, trop riche pour être 
celuid'un ecclésiastique et d'un donateur pieux. Nous ferons ob- 
server aussi que l'abbé Simon dit qu'on voyait de son temps « son 
portrait [de Louis de Crèvent] sur \n\ des vitraux des bas-côtés 



— 52 - 

de la nef de l'abbaye de Vendôme », et non dans une chapelle ab- 
sidale. Quoi qu'il en soit, la funeste explosion du pont de l'Ab- 
baye, le 16 décembre 1870, a emporté, avec bien d'autres mor- 
ceaux précieux, une partie de la tète du personnage. La figure 
restaurée rappelle beaucoup le profil accentué du roi Fran- 
çois I er , et la torjue ou bonnet de la coiffure est devenue un cha- 
peau. 

En 1872, M. J. Simon, ministre de l'instruction publique et 
des cultes, accordait un secours de 10,000 fr. pour la réparation 
des vitraux endommagés au moment de l'entrée des armées al- 
lemandes à Vendôme. La restauration, retardée par suite de 
diverses circonstances, a été confiée à M. Leprévost, peintre- 
verrier à Paris, qui s'est acquitté de sa tâche en véritable ar- 
tiste. Il a reproduit le style de la Renaissance avec tant de vé- 
rité et reconstitué les parties détruites avec tant de talent, 
qu'il est difficile de distinguer les morceaux récents des an- 
ciens. 

Les travaux de restauration se poursuivent en ce moment, par 
les soins du même artiste, pour les vitraux situés au-dessus de 
l'autel, lesquels sont d'une toute autre époque, et proviennent 
des fenêtres hautes de la nef. Puis viendra le tour de la verrière 
de gauche, dont le sujet est la Madeleine aux pieds du Christ. 

Les travaux de restauration du clocher, commencés le 21 
mars 1872 par M. Mimey, repris à la suite de quelques interrup- 
tions par M. Baîswisvald, touchent aujourd'hui ù leur terme. 
Ils ont été conduits d'abord par M. Godineau, puis par M. Oct. 
Robin, enfin par M. G. Chautard, avec autant de zèle que d'in- 
telligence, et exécutés d'une façon irréprochable par M. L. Cri- 
nière, entrepreneur. 

On a lu avec intérêt, dans notre Bulletin de 1879, pp. 156 et 
suiv.j l'étude consacrée par notre regretté collègue Robin à la 
première partie de ces travaux, comprenant la réparation des 
membres d'architecture au-dessous de la flèche et la réfection 
totale du beffroi. La reconstruction de la pointe de la flèche, 
la restauration de la grande salle du rez-de-chaussée, celle 
de la tourelle de l'escalier, etc., sont encore des points sur 
lesquels on voudrait être renseigné. Nous espérons que M. G. 
Chautard voudra bien compléter le travail de son prédécesseur, 
et nous faire l'histoire de cette seconde partie, plus importante, 
plus difficile et aussi plus coûteuse que la première. 

Le magnifique clocher de l'abbaye cardinale des Bénédictins 
de Vendôme, cette œuvre hors ligne de l'architecture de transi- 
tion du XII 1 ' siècle, semblait définitivement rendue à sa pureté 
et à sa solidité primitives, quand la tempête du 26 janvier 1884 
vint encore rendre nécessaire la présence des ouvriers. La vio- 



- 53 - 

lencc du vent fut toile, qu'elle tordît la tige de fer qui constitue 
la croix, fv.au point où elle se raccorde avec la pierre du couron- 
nement,*et la fit notablement dévier de la verticale. Il nous sem- 
ble urgent de remédier à cotte situation ; car l'inclinaison delà 
lourde barre de i'er menace de s'aggraver de jour en jour et de 
produire des oscillations très préjudiciables à la stabilité de la 
flèche. 

La toiture de l'église a été l'objet d'une réparation générale il 
y a deux ans. Le petit clocher qui s'élève au-dessus delà croi- 
sée, et dont la couverture en ardoises avait été réparée en 
morne temps, vient de recevoir son couronnement définitif. Une 
belle croix en fer, de 2°',60 de hauteur, entourée à sa base d'une 
couronne de plomb à jour, le termine très heureusement. Les 
quatre clochetons placés au pied de la flèche sont aussi surmon- 
tés d'épis en plomb bien harmonisés au style du monument. Ces 
plombs repoussés sont l'œuvre de MM. Mesureur et Mondait, 
de Pnris. 

Enfin d'importants travaux de consolidation sont en cours 
d'exécution à la partie sud de notre vieille basilique, notamment 
aux contre-forts de l'abside. Ils étaient absolument indispensa- 
bles de ce côté, exposé sans abri à l'action corrosive de la pluie 
et du vent. Nous formons des vœux bien sincères pour que le 
manque de fonds ne les arrête pas avant que la solidité du gran- 
diose vnisseau ne soit complètement assurée. 



L. M. 



Le Gérant. LEMERCIER. 



Vendôme. Typ. Lemercier. 



En rente chez M. FOUCHER, libraire - éditeur, 
& chez tous les libraires du département. 



GUIDE DU TOURISTE 

DANS LE VENDOMOIS 

Géographie, Histoire, Biographie, Archéologie 4 Excursions, 

Publié sous les auspices 
de la Société Archéologique du Vendomois. 



CARTE du Vendômols & PLAN de Vendôme. 



Un volume format in-18, de 452 pages. 
Prix : 3 fr 50. 





ULLETIN 



DE LA 



A A 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIII 
2« TRIMESTRE 1884 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 10 janvier 1884 . 

Note sur les archives de la collégiale de Saint- 
Georges de Vendôme et sur leur destruction, 
par M. Aug. de Trémault 

Le Temple Saint-Jean-des-Aizes et ses tom- 
beaux, par M. l'Abbé Ch. Métais 

Une lettre inédite du pape Calixte II, par 
M. Ch. Bouchet (2° partie) 

Biographie vendômoise, par M. A. de Rocham- 
beau. — Compte rendu par M. Ch Bouchet. 

Artistes de Loir-et-Cher figurant au Salon de 
1884 

Chronique 



55 



56 



69 

75 

89 

104 

110 
115 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1884 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



23 e ANNÉE — 2 e TRIMESTRE 



AVRIL 1884 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 4 avril 
1884, à deux heures. 

Étaient présents au Bureau: 

MM. Gervais Launay, président; Isnard, vice-président; Sou- 
dée, secrétaire ; G. de Trémault, trésorier ; Nouel, bibliothé- 
caire-archiviste ; l'abbé Roulet , Ch. Bouchet, bibliothécaire 
honoraire; 

Et MM. le D r Brocheton; H. deBrunier; L. Bufferemi ; de 
Chaban ; Deniau ; Dunoyer; Duvau ; de Laage de Mcux ; P. Le- 
mercier ; Malardier ; Martelliùre-Bourgogne ; l'abbé Métuis ; 
Roger; Thillier. 

xxin 1 



— 56 — 

M. le Président déclare la séance ouverte et donne la pa- 
role à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 10 janvier 1884 



I. — ART & ANTIQUITÉ 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Dunoyer, ancien magistrat a Vendôme : 

Deux petits OBJETS EN TERRE CUITE recueillis par 
lui dans les ruines de Sanxay, près Poitiers (Vienne). Le pre- 
mier est un fragment de moulure ou membre d'architecture, 
sans grand intérêt. Le second semble au premier abord être la 
partie supérieure d'un vase à goulot étroit. Un examen plus at- 
tentif montre que l'objet est entier et complet par lui-même. 
Nous ignorons quel en pouvait être l'usage. 

Les fouilles si heureusement faites ù Sanxay, il y a environ 
quatre ans, ont été un événement archéologique assez impor- 
tant, et ont fait assez de bruit dans le monde savant, pour qu'il 
soit inutile d'y revenir ici. Une souscription est ouverte pour la 
conservation de ces précieuses ruines, si intéressantes pour 
l'histoire de la civilisation gallo-romaine. Quel qu'en soit le ré- 
sultat, le don de notre confrère rappellera les magnifiques dé- 
couvertes du Père de la Croix. 

IL — NUMISMATIQUE 

M. Duvau, juge de paix, à Vendôme, nous offre un petit denier 
du XV* siècle, d'origine portugaise, malheureusement trop 



— 57 - 

fruste pour qu'on puisse préciser davantage. Trouvé par le do- 
nateur dans le jardin de sa maison, rue de la Mare. 

L. M. 



III. —BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

De M. le marquis de Rochambeau : 

Biographie vendômoise, ornée de portraits et de fac-similé. 
Tome premier, A - D. Grand in-8. Imprimé à Vendôme, par 
M. Lemercier. — L'ouvrage est dédié à M. Ch. Bouchet, biblio- 
thécaire honoraire de la ville de Vendôme. 

Un compte rendu de cet important ouvrage, qui intéresse si 
particulièrement notre pays, est inséré plus loin. 

De M. H. de la Vallière : 

Notice sur la Motte-Maindrai. Bro. in-8 e de 36 pages, avec 
carte. Blois, Lecesne, 1883. 

Sur la rive gauche de la Loire, presque au confluent de ce 
fleuve avec le Beuvron et non loin du bourg de Candé, le plateau 
se termine brusquement par une sorte de promontoire à pentes 
rapides. Ce sommet élevé, d'où l'on jouit d'une vue aussi éten- 
due que pittoresque, c'est la Motte-Maindrai. 

L'intérêt qui s'attache à cette position inconnue nous est ré- 
vélé par M. H. de la Vallière. Dès le temps des Gaulois et des 
Gallo-Romains, une position si favorablement située ne fut cer- 
tainement pas négligée; mais la première fois que l'histoire 
parle de la Motte-Maindrai, c'est le lundi de la Pentecôte de 
l'année 1072, lors du passage de la célèbre Bertradc de Mont- 
fort., qui quittait son mari Foulques-le-Réchin pour aller à Or- 
léans épouser le roi de France Philippe I er . Sans entrer dans le 
détail des combats dont la Motte fut le théâtre au temps de Sul- 
pice, d'Amboise et de Thibault de Blois, signalons l'impor- 
tance de ce point pendant la longue et cruelle occupation 
anglaise. La mémoire populaire lui donne encore le nom signi- 
ficatif de Fort-aux-Anglais. 



— 58 — 

Aujourd'hui que les taillis couvrent la Motte-Maindrai et la 
cachent aux regards, il faut savoir gré à M. H. de la Vallière de 
l'avoir tirée pour nous de l'oubli, et de nous avoir pour ainsi 
dire révélé l'existence de cette position, signalée par les anciens 
géographes jusqu'au xvii' siècle. 

De M. le marquis de NadaillaC : 

La Période glaciaire et l'existence de l'Homme durant cette 
période en Amérique. — Extrait des Matériaux pour l'Histoire 
de l'Homme. 

L'existence de l'homme dès les temps désignés par les géolo- 
gues sous le nom de quaternaires, est un fait irrévocablement 
acquis à la science. Mais de tous les ennemis contre lesquels 
nos ancêtres ont eu à lutter, le plus terrible fut peut-être le 
froid. D'énormes glaciers ont couvert à diverses reprises une 
grande partie de l'Europe, de l'Asie et du nord de l'Afrique. 
Leur extension dans tout le continent américain n'est pas moins 
indubitable ; on y constate même la succession de deux pério- 
des glaciaires bien distinctes. Jusqu'à présent aucun chro- 
nomètre ne peut nous servir à mesurer d'une façon satisfaisante 
les temps incalculables qui nous séparent de ces époques recu- 
lées. M. de Nadaillac, avec son remarquable talent d'exposition 
et une érudition sûre d'elle-même, nous présente aujourd'hui 
l'état de la question, laissante l'avenir le soin de l'éclairer da- 
vantage. 

Les Monnaies féodales françaises, par E. Caron, vice-prési- 
dent de la Société Française de Numismatique, etc., etc. — 
Deuxième fascicule. In-4°, Paris, 1883. 

M. E. Caron offre gracieusement à ses confrères de la Société 
Archéologique de Vendôme la seconde partie de son livre sur 
les Monnaies féodales de France. Le nouveau fascicule, com- 
posé des feuilles 1G à 30 et des planches IX ;i XVII, correspond 
au tome II de l'ouvrage de Poëy-d' Avant, qu'il complète et cor- 
rige en bien des endroits. Il comprend le Poitou, le Périgord, 
l'Aquitaine, la Navarre, le Languedoc et la Provence. L'auteur 
ne se borne pas à la description des pièces découvertes depuis 
vingt-cinq ans, il donne sur plusieurs points obscurs de la nu- 
mismatique féodale des vues d'ensemble et des notices spéciales, 
fruits de savantes études et de patientes recherches. Faut-il 



— 59 — 

avoir à dire qu'il n'a pas toujours trouvé chez les collectionneurs 
méridionaux toute la complaisance et les facilités de travail dé- 
sirables ? 

Les monnaies publiées par M. Caron sont généralement inté- 
ressantes pour la numismatique locale ; quelques-unes offrent 
aussi une importance réelle pour l'histoire générale. Il faut lui 
savoir gré d'avoir négligé les variétés insignifiantes, sans va- 
leur au point de vue de la science, et qui ne prouvent que l'i- 
gnorance et la maladresse de l'ouvrier. 

Nous ne pouvons entrer dans l'examen de toutes les régions 
étudiées avec tant de soin par l'auteur. Nous voulons pourtant 
dire quelques mots de la Navarre, dont le monnayage remonte 
à Charlemagne, qui ne nous intéresse particulièrement, en tant 
que Vendômois, qu'à partir du moment où Antoine de Bour- 
bou épousa Jehanne d'Albret. La première monnaie datée est 
un douzain d'Henri d'Albret, faisant partie de la collection Ga- 
riel. Il porte la date de 1555, dernière année du règne d'Henri 
(N° 293, page 183, pi. XII, 16). Les monnaies émises par Antoine, 
sa femme et son fils, sont nombreuses, et presque toujours d'une 
fabrication soignée. Parmi les pièces nouvellement décrites, 
nous signalerons surtout le remarquable pied-fort d'un teston 
aux effigies de Jehanne d'Albret et d'Henri II (N° 298, p. 184, 
pi. XII, 18). Ce bel essai d'une monnaie non encore retrouvée 
appartient à la bibliothèque de Rouen. Notons aussi le franc 
d'Henri II (IV e de France), portant le buste du roi lauré et cui- 
rassé, avec une tète de lion comme épaulière; l'imitation par le 
même roi du gros de Nesle, où les trois fleurs de lis sont rem- 
placées par trois vaches, etc., etc. 

Le troisième et dernier fascicule de l'ouvrage est sous presse. 
Il paraîtra dans le courant de l'année, et complétera la revue des 
connaissances acquises dans l'étude de la numismatique féodale, 
tant par la découverte des nouvelles pièces que par les progrès 
de la critique historique. 

De M. Gab. Dunoyer, ancien magistrat à Vendôme : 

Mémoire sur les déconcertes d'Herbord, dites de Sanxaij, par 
le Père Camille de la Croix. — Lu à la Sorbonne, dans la réunion 
des Sociétés savantes, le jeudi 29 mars 1883. 

Gr. in-8°, avec 5 planches. Niort, 1883. 



— 60 — 

Dans ce mémoire, le Père de la Croix décrit brièvement mais 
clairement le temple, les thermes, les hôtelleries et le théâtre 
mis an jour parses soins, ainsi qu'un certain nombre de sub- 
structions secondaires et accessoires. Les planches, exécutées 
par l'auteur lui-même, donnent les plans généraux et particu- 
liers de ces édifices, dont l'ensemble couvrait une superficie de 
plus de sept hectares. n 

(Voir ci-dessus ce que nous avons déjà eu occasion de dire 
sur l'importance historique des fouilles de Sanxay, à propos des 
objets en provenant et offerts aussi par M. Dunoyer.) 



II.- Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 

Reçue des Travaux scientifiques. Travaux publiés en 1882. 
Tome m, N os 8 à 11. — Tome iv, N os 1 et 2. 

Au N° 2, p. 92, on lit une note de M. E. Renou sur la date de 
l'apparition des premières hirondelles au centre de la France. 
C'est la reproduction, avec additions, de l'intéressante note qui 
a paru dans notre Bulletin (année 1883, p. 180). 

P. 125 du même numéro, on trouve une analyse par M. Renou 
de la note sur la grêle du 15 juillet 1882, aux environs de Ven- 
dôme, par M. Nouel. (Bulletin de la Société Archéologique du 
Vendômois,1882.) 

Bulletin du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. 
Année 1883. 

Même Bulletin. — Section d'Histoire et de Philologie. An- 
née 1883, n° 1. 

Voici les passages qui intéressent notre Société : 
1° Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départe- 
ments à la Sorbonne eu 1883. — Section d'Histoire et de Philo- 
logie. — Le mardi 27 mars, p. 3, sur la première question (ori- 
gine des noms propres), M. de Chaban, membre de la Société 
Archéologique du Vendùmois, établit que les noms propres sont 
presque toujours des sobriquets, et qu'il faut chercher l'origine 
des noms de lieu dans le langage populaire ; ils ont un parrain 
mystérieux qui s'appelle tout le inonde. 

Mercredi 28 mars, p. '.), M. Rigollot, membre de la Société Ar. 
chéologique du Vendômots, lit un mémoire sur l'instruction pu- 



— 61 - 

blique à Vendôme avant la Révolution. 11 établit que ni l'Etat 
ni l'Eglise n'intervenaient directement dans l'enseignement pri- 
maire; que c'est surtout à dater de la Renaissance qu'on a 
songé à donner aux enfants l'instruction primaire ou secon- 
daire ; que les particuliers surtout ont fondé des écoles ; que 
l'on songeait principalement à l'instruction morale des enfants, 
et que l'instruction était plus répandue qu'on ne le croit. 

2" Compte rendu des travaux publiés par les Sociétés sa- 
vantes. 

Analyse critique d'articles de notre Bulletin de 1882 : 

Les Trophées et les Disgrâces de la Maison de Vendôme, par le 
S' Stnart de Bonair. Compte rendu par M. L. Martellière. 

L'abbé Simon, historien du Ve/ulômois,piw M. Cil. Bouchet. 

Le Drame d'Aller ay, par M. L. de Maricourt 

(Voir pages 52 et 53 les lignes consacrées à ces trois articles.) 

Bulletin du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. 
— Section d'Archéologie. — Année 1883, N" 2. — Année 1884, 
N°l. 

Même Bulletin. — Section des Sciences économiques et so- 
ciales. Année 1883. 

Répertoire des Travaux historiques pour l'année 1882. Tome 
deuxième, N° 3. 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Journal des Savants. Numéros de janvier et février 1881. 
Au cahier de janvier : 

J. Bertrand. — Modes de transport de la force. 

Etude comparée des principaux modes de transmission des 
forces à distance: l'air comprimé, l'eau sous pression, les ca- 
illes télédynamiques, et enfin l'électricité, tout nouvellement 
appliquée à cet usage. 

Signalons aussi aux diplomatistes la reproduction héliotypi- 
que du 1 e ' registre de Philippe-Auguste. On sait que ce précieux 
manuscrit, qui manque à la collection de notre trésor des Char- 
tres, est conservé dans la bibliothèque du Vatican. Le far- 



— 62 — 

simile entrepris par les soins de M. L. Delisle ne diffère de l'ori- 
ginal que par la matière, et comble une lacune regrettable, bien 
que la plupart des pièces qu'il renferme aient été déjà publiées. 



III. — Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et Échanges : 

Annales du Musée Guimet, tome vi. 

Ce volume, enrichi de planches, contient la traduction fran- 
çaise d'un des livres boudhiques qui furent connus les premiers 
des savants européens. C'est le Lalita Vistara, ou l'histoire du 
boudha Çakya-Mouni, depuis sa naissance jusqu'à sa prédication, 
traduit sur le texte sanscrit par M. Foucaux, professeur au col- 
lège de France. 

Revue de l'Histoire des Religions. N os 2 et 3 du tome vu (1" 
semestre de 1883). — N 08 l, 2 et 3 du tome vm (2 e semestre de 
1883. 

M. Maurice Vernes, dont on a pu lire une série de remarqua- 
bles articles sur les débuts de la nation juive, annonce qu'à par- 
tir de 1884 il abandonne la direction de la Revue. 

Que les lecteurs ne se laissent pas effrayer par le titre de la 
publication. Son cadre est bien plus large qu'on ne le pense gé- 
néralement. Tout en se bornant aux questions purement histo- 
riques, elle contient d'excellents articles de critique et d'érudi- 
tion, et remonte môme aux temps préhistoriques. 

Bulletin de la Société des Etudes littéraires, scientifiques et ar- 
tistiques du Lot. Tome vm, 3 e et 4 e fascicules 1883. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. 

N° 164, novembre 1883. — Lettres de saint Ives. 

N° 165, février 1884. — Consacré aux procès-verbaux des séan- 
ces des mois de février, mars, avril 1883. Le 8 février, M. le 
président annonçait à l'assemblée que le ministre de l'instruc- 
tion publique accordait une subvention de 800 francs pour aider 
la Société dans la publication du cartulaire de Tiron. Cette an- 
nonce nous parait de bon augure pour la publication de notre 



— 63 — 

cartulaire vendômois de Marmoutier. Le travail, interrompu par 
la mort de M. de Salies, ne tardera pas à être mené à bonne fin 
par les sbins de M. A. de Trémault, et nous espérons qu'il sera 
l'objet d'une faveur semblable de la part du ministère. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles 
de Semur (Côte-d'Or). 1881-82. 

Articles à signaler : 

Suite de l'Armoriai de l'Auxois. 

Catalogue de la collection géologique du musée de Semur, re- 
cueillie dans le bassin septentrional de l'Auxois, sur les plateaux 
oolithiques qui en forment l'enceinte du N.-O. au S.-E.., en pas- 
sant par le N. et sur les parties du Morvan qui limitent le bas- 
sin précité au S. et au S.-O. Il ne s'agit pas simplement d'une 
simple nomenclature des échantillons exposés ; un aperçu géo- 
génique, précédé d'une description sommaire du massif du Mor- 
van, les explique et les complète. 

Examen de quelques monnaies des Arvennes et autres peu- 
plades de la Gaule. Etude savante d'un certain nombre de mé- 
dailles rares ou inédites de la collection de l'auteur, M. Chan- 
garnier-Moissenet (de Beaune). Nous y remarquons notamment 
la belle pièce de Vercingétorix à la tête casquée. 

Bulletin, de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. Livraison de janvier 1884. 

Bulletin de la Société Archéologique de l'Orléanais. 2 e tri- 
mestre de 1883. 

Intéressantes communications de l'abbé Desnoyers, entre au- 
tres une note relative à un poids, ou plus exactement contre- 
poids, en terre cuite, portant sur un des côtés le mot UR- 
BANUS. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe. 3 e fascicule. Années 1883 et 1884. 

A noter : Les dessèchements subits de la Sarthe au Mans ci à 
Frcsnay, ans 820 et 1168, par M. R. Triger. — Le fait regardé 
comme miraculeux à l'époque de leur arrivée avait été traité en- 
suite de fabuleux. M. Triger l'admet comme authentique, et 



— 64 — 

comme un phénomène naturel, qu'il attribue à un tremblement 
de terre. 

Bulletin de la Société Dunoise. N° de janvier 1884. 

M. L.-D. Coudray étudie une précieuse coupe du musée de 
Chartres, appelée vulgairement le verre de Charlemagne. Cette 
rare et curieuse pièce avait été conservée jusqu'à la Révolution 
dans le trésor de l'abbaye de la Madeleine de Châteaudun, dont 
la tradition veut que Charlemagne ait été le fondateur, ou au 
moins le restaurateur. Elle aurait fait partie des présents en- 
voyés par le kalife Haroun-al-Raschild à l'empereur, et aurait été 
donnée par ce dernier à l'abbaye. Bien que les recherches des 
savants et l'inscription même du verre ne contredisent pas ab- 
solument la légende, il parait pourtant plus probable que le 
verre de Charlemagne vient d'Egypte, et aura été rapporté par 
quelque croisé lors de l'expédition de saint Louis au XIII 
siècde. 

Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre. Bourges, 
1883. — Armoriai général, xii* volume, l' r fascicule. 

A lire, en tète de la reproduction de l'Armoriai général rela- 
tif à la généralité de Bourges, une substantielle introduction de 
M. des Gosis. Elle rectifie une foule d'idées fausses ou inexactes 
sur la noblesse et les blasons, et fait connaître l'origine, la na- 
ture et la vraie importance de l'immense recueil dont la Société 
publie quelques registres. 

Bulletin de la. Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 
1882, - 83, n e série, tome xn. 

A côté d'un important travail de philosophie intitulé De 
l'intention morale, par M. Vallier, des recherches historiques 
sur Pau et le parlement de Navarre en 1788, par M. Rivarès, 
et sur Jean I er comte de Foix, par M. Flourac, nous signalons un 
rapport de M. lsaac sur la conservation des petits oiseaux, aux 
conclusions duquel nous nous associons complètement. 

Annales de la Société Archéologit/ue du Gâtinais. 3" et 1 tri- 
mestres 1883. 

Lu 3 e trimestre contient la biographie du baron de Girardot, 
archéologue, par M. Edm. Michel, président de la Société; la 



- 65 - 

première partie d'une étude sur Odet de Coligny, cardinal do 
Chastillon, par M. Léon Maret, élève de l'Ecole dos Chartres ; et 
la suite des Chroniques Gàtinaises. Les anciens registres des 
paroisses de La Cliapelle-la-Reino, Fromont et Ury en fournis- 
sent la matière. La série de 1781-1791, écrite par le curé Corpe- 
chot, relate, outre l'état des récoltes, la température, les dîmes, 
etc., les principaux événements de la Révolution, jusqu'au jour 
où la tenue de l'état civil fut enlevée au clergé par le décrei 
des 20-25 septembre 1791. 

Le cardinal de Châtillon (suite et fin), par M. Léon Maret. 

La fin de cette remarquable étude historique nous intéresse 
spécialement. Elle est consacrée aux relations de Ronsard avec 
Odet de Châtillon. Un certain nombre de pièces du poëte ven- 
dômois, adressées au cardinal, montrent ce dernier comme un 
ami des savants et un protecteur des lettres. (Voir notamment 
l'Hymne à la philosophie, l'Hercule chrétien, le Temple des 
Châtillon, etc.) La disgrâce et l'exil ne portent aucune atteinte 
à l'amitié qui les unissait et qui honore également ces deux 
grands esprits. 

Suite des Chroniques Gâtinaises. 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles- 
Lettres de Toulouse. Tome v, 1 er et 2 e semestres 1883. 

Dans le volume correspondant au 1 er trimestre, pp. 263 et suiv., 
nous trouvons le compte rendu des noces d'or académiques de 
notre compatriote M. Gatien-Arnoult. Les membres de l'Aca- 
démie, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la vie 
académique de leur doyen, lui ont décerné une médaille commé- 
morative en or. Elle lui est offerte par M. Lavocat, président, 
qui rappelle en excellents termes les travaux et les services do 
M. Gatien-Arnoult. 

Celui-ci répond que les termes lui manquent pour dire com- 
bien il est touché do cette démonstration do ses confrères ;'i l'oc- 
casion do sa cinquantaine académique, et des paroles trop affec- 
tueuses pour ne pas être flatteuses dont le cher présidenl a bien 
voulu l'accompagner. De tous les honneurs qu'il a reçus pendani 
ce demi-siècle passé â Toulouse, aucun no lui laissera un meil- 
leur souvenir, et seul il suffit à le dédommager de bien des mé- 
comptes. Il prie ses confrères de croire à sa vive reconnais- 



— 66 - 

sance, qu'il est fâché de ne pouvoir mieux exprimer, et dont il 
désire avoir l'occasion de donner des preuves à tous en général 
et à chacun en particulier. 

Ces paroles sont accueillies par les applaudissements de l'A- 
cadémie. Sur l'invitation de M. le président, M. le recteur re- 
met à M. Gatien-Arnoult la médaille d'or, hommage respectueux 
de ses confrères. 

Cette médaille a été frappée à la Monnaie de Paris. Elle pré- 
sente d'un côté l'effigie de Fermât, gravée par Ganot, de Tou- 
louse ; de l'autre, une couronne de feuillage avec l'inscription : 
Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Tou- 
louse à A. -F. Gatien-Arnoult (1832- 1882), hommage de respec- 
tueuse sympathie. 

Dans le même volume, se trouve un travail extrêmement in- 
téressant sur un procès criminel jugé à Toulouse au commence- 
ment du XVII e siècle, qui montre avec quelle facilité les juges de 
ce temps-là condamnaient les accusés, et avec quelle sérénité ils 
traitaient la vie humaine. On ne peut s'abstenir de comparai- 
sons involontaires avec l'excès contraire de nos jurys actuels. 

Le volume suivant contient la première partie d'une étude dé- 
taillée sur la vie et les ouvrages de Louis-Gabriel Guilhard, per- 
sonnage qui jouit d'une certaine notoriété sous le nom de 
Léonce de Lavergne, par M. Gatien-Arnoult. 

Annuaire de la Société Française de Numismatique et d'Ar- 
chéologie. Fin du tome v de la collection ; troisième partie 1879 ; 
4 e partie 1880; 5% 6 e et T parties 1881. 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 
Toulouse. Séances du 3 avril au 24 juillet 1883. 

Reoue de la Société des Etudes Historiques, faisant suite 
à Y Investigateur. 4* série. Tome I", 1883. 

Société de Secours des Amis des Sciences. Compte rendu de 
l'année 1882-83. 



— 67 



IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. 
Fin du tome xvm, 13" de la 2' série : 

Le camp néolithique de Peurichard (Charente-Inférieure), 
par le baron Essachériaux, avec planches et plan. Ce dernier 
montre bien tout l'intérêt de cette curieuse découverte d'une 
station préhistorique fortifiée par une double enceinte, des fos- 
sés et des murailles. On y a recueilli un nombre considérable 
d'instruments en pierre et en os, de poteries, d'ossements, mais 
aucun objet de métal. 

3* série, tome i, janvier 1884 : 

Mémoire de M. Ernest Chantre sur quelques nécropoles de 
l'âge du bronze et du fer en Autriche et en Italie, avec 31 figu- 
res dans le texte par M. Gab. de Mortillet. 

Dans une étude intitulée Georges Cuvier et l'ancienneté de 
l'Homme, M. E. Cartailhac justifie l'illustre savant du repro- 
che d'avoir fait à la doctrine de l'ancienneté de l'homme une op- 
position systématique, et prouve qu'à l'époque où écrivait Cu- 
vier, l'état de la science préhistorique ne pouvait permettre que 
le doute. 

Bulletin Monumental. (Suite.) 

Revue Archéologique. (Suite.) 
A signaler : 

Fouilles à Watsch et Sanct-Margarethen en Carniole, par 
M. Salomon Reinach. — Découverte et description d'objets 
d'un haut intérêt, de l'époque dite Hallstattienne, caractérisée 
par l'emploi simultané du fer et du bronze. 

Des projectiles cijlindro-coniques ou en olive, depuis l'antiquité 
jusqu'à nos jours. L'auteur, M. René Kerviler, ingénieur en 
chef des ponts et chaussées, compare les pierres de fronde gau- 
loises, les balles en terre cuite et en plomb employées par les 
Carthaginois et les Romains, ainsi que celles encore en usage 
chez les Kanaques, aux projectiles perfectionnés de l'artillerie 
modernes, et arrive à cette conclusion que les anciens étaient 



— 68 — 

arrivés par l'expérience au même résultat que nos savants mo- 
dernes par leurs calculs et leurs raisonnements. 

Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. (Suite.) 



E. N. & L. M. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



NOTE 

SUR 

LES ARCHIVES DE LA COLLÉGIALE 

DE SAINT-GEORGES DE VENDOME 

k SUR LEUR DESTRUCTION, 

Par M. Auguste de Trémault. 



La liste des ouvrages reçus par notre Société, insé- 
rée dans le Bulletin d'octobre 1883, comprend les rap- 
ports et les délibérations du Conseil général de Loir- 
et-Cher pour la session d'août 1883. M. Nouel, notre 
bibliothécaire, en parcourant ce volume, avant de le 
réunir à ceux des années précédentes que la préfecture 
veut bien nous adresser chaque année, y a remarqué 
un rapport sur les archives et les bibliothèques admi- 
nistratives du département, présenté à M. le préfet de 
Loir-et-Cher par M. F. Bournon, archiviste du dépar- 
tement. 

Ce document est intéressant pour nous à plus d'un 
titre: à un point de vue un peu général d'abord, parce 
qu'il fait connaître le degré d'avancement du grand tra- 
vail de la confection et de la publication de l'inventaire 
des archives départementales, puis ensuite à un autre, 
plus particulièrement vendômois, parce qu'il donne des 
renseignements très précieux sur le nombre et l'im- 
portance de documents du plus haut intérêt pour l'his- 
toire de notre ville et de notre pays, et qui sont mal- 



— 70 — 

heureusement perdus pour toujours. Nous voulons 
parler de ceux des titres et papiers de la collégiale de 
Saint-Georges du château de Vendôme, qui ont été dé- 
truits en 1793. 

Voici comment M. l'archiviste en parle à la page 4 
de son rapporta M. le Préfet : 

« Malheureusement le triage fait en 1790 (des 

« titres de la collégiale de Saint-Georges) n'a laissé 
« subsister que des actes qui paraissaient avoir alors 
« un caractère d'utilité, c'est-à-dire les fermages,, les 
« contrats de rentes, les baux, en un mot tout ce qui a 
« trait à la propriété foncière. 

« Beaucoup offrent encore pour nous un grand inté- 
« rêt, et peuvent en outre servira l'histoire topographi- 
« que de la ville et de l'arrondissement de Vendôme. 
« Mais les documents les plus précieux pour l'histoire 
« sont détruits. 

« La série L (des archives départementales) contient 
« un inventaire dressé au mois d'août 1790, qui donne 
« une idée des richesses perdues pour notre dépôt. 

« 82 pièces relatives aux fondations de l'église collé- 
« giale. 

« Un paquet de lettres des ducs, comtes et princes de 
« Vendôme. 

« 120 pièces relatives aux fondations religieuses et 
« privilèges du chapitre. 
« 3 cartulaires reliés en vélin. 

« 17 registres capitulaires et un répertoire de testa- 
« ments. 

« 44 registres d'actes capitulaires. 

« 11 plans, tant en papier qu'en parchemin. 

« 2 bulles d'Alexandre III. 

« 126 registres de comptes. 

« 16 pièces relatives à l'établissement des foires. 

« 4 autres concernant la dédicace de Saint-Geor- 
« ges, etc. 



— 71 — 

La seule énumération des titres de ces différents ar- 
ticles suffit dans sa brièveté pour indiquer l'importance 
et la valeur pour l'histoire, non seulement de la collé- 
giale, mais aussi de la ville de Vendôme et du Vendô- 
mois, de tous ces documents si malheureusement dé- 
truits. Parleur ancienneté, leur nombre et leur variété, 
ils formaient une source précieuse de renseignements 
authentiques sur les faits et les personnes, sur les cou- 
tumes, les mœurs, l'agriculture, le commerce, le prix 
des denrées. 

On ne peut lire cet inventaire, si bref et si sommaire, 
sans déplorer amèrement l'ignorance et l'aveuglement 
de passions excitées par la haine d'un passé qu'elles 
auraient voulu supprimer de la mémoire des hommes, 
et qui se flattaient d'atteindre ce but, en livrant aux 
flammes, sans hésitation et sans scrupule, les docu- 
ments les plus anciens et les plus vénérables témoigna- 
ges écrits du passage sur terre de tant de générations 
disparues. 

Si, tout en appréciant la valeur de la perte que nous 
avons faite, nous n'en pouvons déterminer exactement 
l'étendue, nous connaissons du moins les circonstances 
et les conditions dans lesquelles elle a été consommée. 

C'est en exécution de décrets de l'autorité législative, 
que ces précieuses archives furent administrativement 
et révolutionnairement détruites. 

L'assemblée législative, incapable de résister au vent 
de destruction qui commençait à souffler de toutes 
parts, avait eu la faiblesse de laisser brûler, le 12 mars 
1792, sur la place Vendôme, en présence des autorités 
constituées, une volumiueuse collection de documents 
originaux, provenant des plus grandes familles histo- 
riques de France (1). Ce fait regrettable devint aussitôt, 



(1) Los Archives de la France, par le marquis de Laborde, 
directeur général des archives, pp. 21 et 22. 

xxni 5 



- 72 

pour les hommes ardents de la province, préoccupés 
sans cesse d'imiter Paris, un précédent et un exemple à 
suivre. Toute faculté de se livrer, à leur tour, à l'en- 
traînement destructif qui régnait dans la capitale, leur 
fut alors donné par l'assemblée législative. 

Sur la proposition que, dans la séance du 19 juin 
1792, lui en fit Condorcef, que l'on regrette et s'étonne 
de voir le promoteur d'une pareille mesure, elle vota, 
le 24 du même mois, une loi dont l'article premier or- 
donne le brûlement de tous les titres généalogiques 
existants dans les dépôts publics, greffes des chambres 
décomptes, archives des chapitres à preuves, etc., que, 
dit le préambule de la loi, il serait dispendieux de con- 
server, et qu'il est utile d'anéantir. — L'article 2 contiait 
aux directoiresde département l'exécution du décret etla 
nomination des commissions chargées de séparer ces 
papiers inutiles des titres de propriétés et papiers s'y 
rapportant, qui devaient être conservés. — » L'article 6 
fixait le jour de l'exécution : «Les titres, dit-il, qui se- 
« ront déposés avant le 10 août prochain seront brûlés 
« ledit jour, en présence du conseil général de la com- 
« mime et des citoyens, et le surplus sera brûlé à l'ex- 
« piration de trois mois (1). » 

Cette date du 10 août, anniversaire de la prise des 
Tuileries par le peuple, fut choisie pour la fête ordonnée 
pour célébrer l'acceptation de la constitution de 1793 
par les assemblées primaires, et dont le brûlement 
de toutes ces liasses et tous ces registres déclarés inu- 
tiles devait être un des principaux éléments. 

Les prescriptions législatives ordonnant la destruc- 
tion de tous ces documents furent exactement exécutées 
à Vendôme. Le 10 août 1793, une masse considérable 
de pièces du plus haut intérêt pour l'histoire du pays 
fut ainsi livrée aux flammes, en la présence et sous la 



(1) Les Archives de la France, notes 2 et 3 de la page 23. — 
Voir pp. 230 à 233. 



73 

direction des autorités constituées,, comme l'établit le 
procès-veçbaî qui suit, et que l'on trouve au f° 192 du 
Registre municipal de la ville de Vendôme, N°22. 



Aujourdhui 10 août 1793, l'an II de la République française, 
dix heures du matin ; En conséquence des invitations faites au 
nom du Conseil gênerai de la Commune de cette ville, les ci- 
toyens composant l'administration du district de cette ville, Ju- 
ges du tribunal du district, Juge de paix et ses assesseurs, 
membres du bureau de conciliation, les deputations des So- 
ciétés populaires de cette ville, se sont assemblés en la maison 
commune, d'où avec les membres dudit conseil général, il s'est 
rendu sur la place d'Armes, où il a trouvé sous les armes: la 
garde nationale de cette ville, le dépôt du seizième régiment de 
dragons, le dépôt "de cavalerie de la ci-devant légion du Nord à 
cheval, le dépôt d'infanterie de la dite légion, les élevés de l'é- 
cole militaire nationale de cette ville, précédés de leur musi- 
que, d'où il est parvenu au Mail de l'Union (1), sur lequel il 
avait été dressé un autel à la patrie. 

Ce cortège était précédé d'une charette contenant toutes les 
remembrances des ci-devant fiefs, des ci-devant communautés, 
abbaïes et chapitre S'-Georges, maison de l'Oratoire, et du ci- 
devant Duché de Vendôme, surplus de ces papiers sera brûlé 
dans le délai prescrit par la loy, aussitôt la recherche qui en 
aura été faite et la remise par le district à la municipalité, et 
des titres de la ci-devant noblesse de plusieurs citoyens de 
cette ville, lesquels étaient portés au bout d'une pique. Le ci- 
toyen maire a prononcé un discours civique. Le serment a été 
prêté par les autorités constituées, la force armée et les ci- 
toyens, par lequel ils se sont engagés en présence du ciel, de 
maintenir la liberté, l'égalité, le respect aux personnes et aux 
propriétés, et de mourir, s'il le faut, pour en les défendant 
(sic). 

Des salves d'artillerie se sont mêlées aux cris réitérés de Vivo 
la republique, Vive la liberté et l'égalité, Vive l'union et l'in- 
divisibilité. 



(1) Le mail de l'Union était l'ancien mail de Tiron, situé à 
l'extrémité du Grand-Faubourg. Il n'existe plus aujourd'hui. 



__ 74 ~ 

L'hymne de la republique a été chanté, et chaque strophe a 
été suivie des cris de Vive la Republique. 

Les censifs et autres pièces féodales apportées sur le Mail de 
la Reunion, mis en monceau, au sommet duquel les dites 
pièces nobiliaires ont été posées, ont été brûlés aux cris réi- 
térés de Vive la Republique. 

A. la strophe du dit hymne intitulée des Enfants, les élevés 
du collège national se sont présentés devant l'autel de la pa- 
trie, et ont prêté le serment républicain et chanté ladite stro- 
phe. 

Ce dont acte tait et arrête les jour et an que de dessus, deux 
heures après midi. 



(Soixante-cinq signatures, y compris celle du maire, 
A. Buscheron, sont au bas de ce proces-verbal.) 



LE 

TEMPLE SAINT-JEAN-DES-AIZES 

& SES TOMBEAUX 

COMMUNE DE VILLAVARD 

Par M. l'Abbé Ch. Métais. 



Souvent déjà l'on avait parlé de tombeaux trouvés 
dans le hameau du Temple, commune de Villavard. 
Des vases funéraires avaient été déposés dans notre 
Musée (1), et faisaient regretter l'absence d'indications 
plus précises. Des découvertes récentes méritent d'atti- 
rer l'attention de notre Société ; mais, avant de les dé- 
crire, je crois utile de donner un rapide aperçu géogra- 
phique et historique du hameau du Temple. 

Le Temple-Saint-Jean est placé au sommet d'un 
plateau au sud de la petite commune de Villavard, à 
2,500 mètres du bourg, sur les confins mêmes de cette 
commune et de celles de Lavardin et de Sasnières. 

C'était le siège d'un prieuré ou commanderie de 
Templiers ; son véritable nom était alors le Temple des 
Aùes{2), il s'appela plus tard, sous les chevaliers de 
Malte, Saint-Jean-des-Aizes ; il se nomme aujourd'hui 
tout simplement Le Temple, d'après sa première desti- 
nation. 

Nous avons peu de données sur cet établissement. 

(1) Bulletin, 1864, p. 136. 

(2) Dom Piolin. Histoire de l'Eglise du Mans, tom. iv, p. 24. 



76 - 

Toutefois, sa fondation remonte certainement au XII" 
siècle. Les restes assez importants de la chapelle en 
sont une preuve. On sait que les Templiers se propa- 
gèrent avec une étonnante rapidité en France, et en par- 
ticulier dans notre Vendômois. L'on ne compte pas 
moins de 21 maisons pour l'ancien diocèse du Mans, 
et, pour le Bas- Vendômois, nous voyons Le Temple, 
près Mondoubleau, Saint-Arnoul, Lavardin, Sargé- 
sur-Braye(l) et Le Temple deVillavard (2), auxquels il 
faut ajouter Le Temple de Vendôme et le prieuré d'Ar- 
ville (3) ; et Le Temple-les-Chàteau du Loir (4), qui nous 
touche. 

Ces divers établissements s'élevèrent en un petit nom- 
bre d'années, nous dit Dom Piolin: celui de Mondou- 
bleau existait déjà en 1134 ; celui de Vendôme fut 
fondé par la comtesse Mathilde, vers 1150 (5). Nous 
nous arrêterons à ces dates approximatives. 

Comme nous l'avons déjà dit, les ruines de la cha- 
pelle du Temple-des-Aizes remontent certainement au 



(1) M. Launay, notre président, a visité lui-même les restes 
du Temple de Sargé. 

(2) Voir Cauvin, Géographie ancienne du diocèse du Mans, 
p. 243. — Dom Piolin, loc. cit., p. 24. — Voici la liste des prieu- 
rés de Templiers cités par ces deux auteurs: « Saint-Arnoul, 
Aubigné, Avoise, la Baroche-Gondouin, le Breil-aux-Francs, 
Chûteau-du-Loir, Cherbé, Saint-Dcnys-du-Maine, Epinay-le- 
Comte, Gennes, Saint-Julien en Champagne, Lavardin-en-Ven- 
domois, Saint-Maixent, Le Mans, Moitron, Préaux, Sargé-sur- 
Braye, Sceaux, Vallon, Villavard, Voutré, et autres lieux. » 
Châtcaudun possédait aussi un temple du nom de N.-D. de la 
Boissière, paroisse Saint- Valérien, fondé par Thibaut V, dit le 
Bon, au XII e siècle. (L'abbé Bordas, Hist. du Comté de Danois, 
p. .'59.) 

Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ne se propagèrent 
pas avec moins de rapidité ; le diocèse du Mans en comptait 
plus de vingt maisons. 

(•i) De Pétigny, uouv. édit., p. 455 et 460. 

(4) Dom Piolin et Cauvin, 1. c 

(5) De Pétigny, p. f55. 



— 77 — 

XII e siècle. Elles en ont tous les caractères. Les murs 
n'ont pas moins de 1 m. 20 d'épaisseur, et sont con- 
struits eln pierres taillées, uniformes pour l'extérieur, 
mais, à l'intérieur, en moellons noyés dans un mortier 
plus dur que la pierre. 

La chapelle, avec abside semi-circulaire très régu- 
lière, a 7 mètres de largeur sur 20 mètres environ de 
longueur. Le chœur, un peu plus étroit, était éclairé 
de trois fenêtres romanes de lm;50 de haut, et de 
m ,60 d'ouverture, avec un évasement intérieur delm. 
80. Les murs latéraux, percés aussi de trois fenêtres, 
supportaient une voûte cintrée, terminée en cul-de-four 
et étaient soutenus à l'extérieur par d'énormes con- 
tre-forts de 1 in. 10 sur m ,80. La voûte du chœur était 
encore intacte au commencement du siècle ; bien des 
personnes de 50 à 60 ans se rappellent l'avoir vue. 

Tout autour de l'abside régnait un cordon saillant de 
m ,35 de hauteur, composé d'un filet et d'une gorge, se 
répétant à l'intérieur, et portant sur ce dernier une ran- 
gée de dents de scie, dans la gorge. 

« Le sanctuaire était orné de peintures assez bien 
« conservées encore en 1852, nous écrit M. l'abbé Met, 
« aujourd'hui curé de la cathédrale deBlois, alors curé 
« de Villavard. Les personnages, vêtus de manteaux 
« très amples, représentaient des évèques, des cheva- 
« liers et des saints. » En dessous étaient des médail- 
lons, dont un est encore visible : « On distinguait 
« aussi plusieurs croix de Malte ; une entra autres plus 
« grande que les autres, qui ressemblait à une croix de 
« consécration, était placée à l'entrée du chœur. » 

D'après cette note, ces peintures pourraient remon- 
ter du XIII e .air XIV e siècle, et avoir peut-être pour 
auteur l'artiste;'des belles fresques d'Artins, dont dé- 
pendait Saint-Jean-des-Aizes. 

Cette chapelle, d'une seule nef, carrelée, parfaitement 
orientée, s'élevait dans un clos vaste de deux à trois 
hectares, entouré de toutes parts de murs très épais, 



— 78 — 

dont on aperçoit partout des restes. Les habitations 
sont à l'occident, sur le chemin de Villavard àPrunay; 
plusieurs détruites, les autres remaniées, elles ne peu- 
vent nous donner la moindre idée de l'importance de 
cet établissement. 

Après l'extinction de l'ordre des Templiers (1312), Le 
Temple-des-Aizes fut donné avec tous ses biens à l'or- 
dre Saint-Jean de Jérusalem ; il devint dès lors Saint- 
Jean-des-Aizes, et fut placé sous la dépendance de la 
commanderie d'Artîns (1). Peu à peu, l'ordre étant 
tombé en décadence, et le titre de chevalier de Malte 
devenu purement honorifique, les anciens établisse- 
ments ne furent plus que des bénéfices privilégiés af- 
fermés par les titulaires. La commanderie d'Artins, 
estimée, avec tous les membres en dépendant, la 
somme de 3,000 livres, eut pour dernier titulaire : 
« Messire Léon-Hyacinthe Lingier de Saint-Sulpice, 
« chevalier de l'ordre de Jérusalem, commandeur de 
« la commanderie d'Artins et membres en dépen- 
« dants (2). » 

Saint-Jean-des-Aizes dut prendre toutefois une nou- 
velle importance sous cette dernière administration. De 
nouvelles constructions furent élevées. Les fouilles ré- 
centes nous ont montré de nombreux débris d'archi- 
tecture gothique flamboyante, provenant sans aucun 
doute de grandes fenêtres ogivales. Ces débris furent 
trouvés au midi de le chapelle. Les terrassements mi- 
rent aussi à jour de nombreux fondements qu'on eut 
la plus grande peine à détruire. C'était peut-être, atte- 
nant à la chapelle^ soit une maison d'habitation, comme 
feraient supposer les restes de cheminée ; soit une salle 
capitulaire, une immense sacristie, où l'on pénétrait de 
l'église par une petite porte que l'on aperçoit encore. 



(1) Ctuivin. — Dom Piolin, loc. cit. 

(2) Arch. de Loir-et-Cli., série H. Supplément .-m Terrier de 
la commanderie d'Artins. 



— 79 - 

Le château de la Cochetière,, dépendant aussi du 
Temple, doit dater de cette époque, (''est une belle et 
immense cave, large de 8 à 9 mètres, d'une égale élé- 
vation, creusée dans le roc, en voûte cintrée, dans une 
profondeur de plus de 20 mètres, sur le chemin de 
Villavard au Temple, à proximité d'une carrière abon- 
dante, et dont proviennent évidemment toutes les pier- 
res de construction du Temple. Cette cave, pompeuse- 
ment décorée du nom de château, est close par un 
mur percé d'une large porte et d'une immense fenêtre 
gothique, avec meneaux, du XVI e siècle. 

C'est aussi à l'époque de l'introduction des chevaliers 
de Malte qu'il faut attribuer une vieille statue en bois 
de saint Jean-Baptiste, qui a été recueillie dans les rui- 
nes de la chapelle au commencement du siècle (1). Le 
style général de cette statue, le manteau relativement 
ample dont elle est couverte, les traits assez réguliers, 
ne nous laissent aucun doute. 

Certains vieillards affirmaient, il y a encore quelques 
années, avoir entendu la messe dans ce sanctuaire, et 
on avait l'habitude jusqu'à ces derniers temps d'y al- 
ler en procession un jour des Rogations. 

La chapelle dépendait au spirituel de l'abbé de Saint- 
Georges-du-Bois, qui devait payer pour cela, au com- 
mandeur d'Artins, un septier de blé; mais, par un acte 
passé du 23 avril 1530, entre « le sieur abbé de ladite 
abbaye Pierre de Verelle et vénérable prestre Mathieu 
Joubert, prieur curé de Saint-Rimé, » cette charge est 
transportée sur ledit prieur-curé, et l'abbé Simon, futur 



(1) Elle fut précieusement enlevée par la domestique du fer- 
mier, dans l'espoir de contracter mariage dans l'année. Malheu- 
reusement la tête vint à se séparer du tronc pendant le pieux 
sauvetage, de là, mauvais augure pour la pauvre fille inconso- 
lable. Mais le fermier, plein de commisération, réussil tant 
bien que mal ;ï fixer la tête sur les épaules du précurseur, el 
l'heureuse servante eut le bonheur d'être bientôt la joyeuse 
épousée d'un mari modèle. 



— 80 — 

historien du Vendômois, alors prieur-curé de Saint- 
Rimay, la reconnaissait et la payait encore en 1753 (1); 
ce qui nous fait supposer que la chapelle devait être 
sous la juridiction du môme prieur: Qui habet onuSj 
habei et munus. 

Outre ces données historiques, il nous faut, pour 
être complet, remonter plus haut. Pour nous, les Tem- 
pliers n'ont pas choisi le lieu de leurs temples dans 
des pays déserts, écartés, ni à l'aventure. D'où nous 
concluons que le hameau du Temple devait exister 
avant eux, soit comme station romaine ou mérovin- 
gienne, soit comme point stratégique important. C'est 
ce qui nous reste à démontrer. 

Sans prétendre ici que tous les établissements de 
Templiers aient été fondés sur des points stratégiques, 
ce qui nous entraînerait trop loin, nous devons cepen- 
dant constater que le fait est ici de toute évidence. 

Le Temple-des-Aizes s'élève sur un plateau qui com- 
mande tout le pays. On y jouit d'une perspective des 
plus grandioses. Au sud-ouest, on aperçoit la tour de 
Lavardin, distante d'un kilomètre au plus ; puis le re- 
gard s'élance dans cette magnifique vallée du Loir, et 
découvre en droite ligne, avec la tour de Lavardin, le 
donjon de Montoire et Trôo, antique forteresse. A l'op- 
posé, le val de Sasnières, le plateau d'Houssay, et au 
loin se déroule la route de Vendôme à Saint-Amand 
et à Tours. Ce qui m'a frappé surtout, c'est cet aligne- 
ment si parfait de ces quatre forteresses, Trôo, Mon- 
toire,, Lavardin et Le Temple ! Personne n'ignore que 
les lieux fortifiés des Celtes, et plus tard des Romains, 



(1) Acte passé le 13 février 1753, en la maison abbatiale de 
Saint-Georges-du-Bois, par devant Michel Gousse, notaire et 
tabellion de la haute justice de ladite abbaye royale de Saint- 
Georges-du-Bois, entre Michel Simon, prieur-curé de Saint- 
Rimé, etFr. Parfait prieur, Fr. H. Frondemiche, Fr. Anquetil, 
Fr. G. Arondel, Fr. Ph. Huet, cellerier, tous religieux de ladite 
abbaye. (Archives de Loir-et-Cher, série G.) 



- 81 - 

recherchaient le plus possible et cette altitude et cette 
position relative. Le camp de César à Sougé se trouve 
précisément sur cette voie stratégique. 

D'ailleurs, l'occupation romaine n'est-elle pas évi- 
dente dans nos pays ? Trôo n'en conserve-t-il pas en- 
core les vestiges vivants? Lavardin, pour tout homme 
sérieux, n'est-ce pas cette Turrls Dominica dont parle 
l'historien attitré de Saint-Richmer ou Rimay, lieu 
fortifié, peu distant delà demeure du B. ermite (1). 

Les traces de la domination romaine se rencontrent à 
chaque pas dans notre vallée du Loir; et puisqu'il s'a- 
git ici du Temple, un indice matériel, si faible qu'il 
soit, nous vient en aide. Deux fragments de tuiles con- 
vexes, avec forte saillie sur le dos, trouvés auprès de 
la chapelle dudit lieu, offertes au Musée par M. l'abbé 
Bourgogne, étaient attribuées à l'époque romaine par 
notre savant conservateur M. Nouel (2). 

Les tombeaux gallo-romains et mérovingiens décrits, 
en 1869 et 1875, par notre vénérable président, dont 
l'autorité est grande en cette matière, sont une preuve 
frappante de l'antique civilisation de notre contrée. 

Les noms mêmes des hameaux voisins viennent con- 
firmer ce fait historique. L'un surtout, situé sur le che- 
min de Villavard au Temple, un peu avant Vaupian, 
nous paraît remonter à cette époque ; c'est le hameau 
de Saint-HianuSj d'une origine évidemment romaine. 

Mais une preuve plus palpable encore se trouve dans 



(1) « Pervenit ad ultimum super iiiivium Lidi, in loco quod 
dicitur modo Turris Dominica, qui tune incultus erat locus, et 

densisimis frutetis occupatus Demum vero Dei nutu invenit 

alterum locum, non tamen longe ab eodem loco, super fluvio- 
lum qui vocatur Gundridus (le Gondré, ruisseau de Saint-Ri- 
may). D'après ce texte des Bollandistes, M. de Pétigny juge 
avec raison, que la Turris Dominica. n'est autre que Lavardin. 
(N. éd., p. 145.) 

(2) Bull. 180!), p. 7!). 



— 82 - 

les voies romaines qui sillonnaient en tous sens tout 
notre Bas-Vendômois, et ici cette preuve est décisive. 

La carte des voies anciennes dressée par le regretté 
M. de Salies, dans son Histoire de Foulques Nerra, 
retrace d'une manière très précise les antiques voies 
de Montoire à Blois, et de Saint-Arnoul à Vendôme. 
Or, le clos du Temple se trouve précisément au point 
de jonction de ces deux voies. J'en ai retrouvé l'indi- 
cation exacte dans les titres de propriété qu'on a bien 
voulu me communiquer, sous ces noms : le grand 
chemin de Montoire à Blois ; le Chemin de Saint-Ar- 
noul à Vendôme. Enfin, un troisième, moins impor- 
tant, coupe les deux autres au même point, c'est le 
chemin de Villavard à Prunay ; et tout près, dans la 
vallée de Sasnières, serpente le grand chemin de Mon- 
doubleau à Chàteaurenault, coupant le Loir aux Ro- 
ches, auprès de l'ancienne léproserie de Saint-Nicolas. 

On conçoit de suite l'importance stratégique de ce 
point de jonction. A notre avis, il y eut là jadis une 
station romaine ou carlovingienne, située sur les mar- 
ches de Labricin, commandant la vallée du Loir, et 
que les Templiers continuèrent de défendre. 

Ces considérations ne seront pas inutiles pour fixer 
la date des tombeaux récemment découverts. 

A la Révolution, Le Temple-Saint-Jean-des-Aizes fut 
vendu, comme bien national, le 14 messidor an III. Les 
différents lots furent réunis, en 1853, dans les mains de 
feu Paul Hervé, dont les enfants sont les propriétaires 
actuels. 

C'est à cette époque (1853) que remontent les pre- 
« mières fouilles. « Le sieur Paul Hervé, voulant con- 
« struire une grange dans l'emplacement de cette cha- 
« pelle, abattit tout un mur, celui qui est au nord, et 
« mit à découvert plusieurs tombeaux de pierres en 
« forme de cercueil. Immédiatement au bas de la mar- 
« chcdu sanctuaire, et au milieu de la chapelle, un cer- 
« cueil, taillé avec plus de soin, conservait le squelette 



— 83 — 

« entier. Les pieds tournés du côté de la nef indiquent 
« la sépulture d'un prêtre, et le tombeau était entouré 
« de v^ses de terre remplis de charbon. Une particu- 
« larité distinguait encore ce tombeau des autres. Ou- 
« tre la position opposée, la tète du cercueil formait 
« comme un cadre autour de la tète du squelette, tan- 
ce dis que les autres avaient simplement la forme d'un 
« cercueil. » 

« Deux de ces tombeaux étaient aussi bien conservés; 
c mais il n'y avait autour que six vases de terre, éga- 
« lement remplis de charbon. Je n'ai vu dans ces deux 
« tombeaux que quelques ossements, et je ne sais pas 
« si l'on avait trouvé quelques médailles ou quelques 
« pièces qui auraient indiqué l'époque de la sépulture. 

« Quelques années auparavant, on avait trouvé, dans 
« la vigne qui est au midi de la chapelle, deux petits 
« chandeliers d'argent, à pied carré et peu élevés (1). » 

J'ai entendu parler aussi d'un trésor découvert en 
creusant une fosse à l'extrémité sud-est du clos, au 
bout de ce que l'on appelle encore les Trognes, terrain 
spacieux planté de gros chênes. 

Le souvenir de ces faits est encore très vivace dans 
le pays. 

Or, les fils Hervé, remarquant que la vigne, au midi 
de la chapelle, n'avait aucune vigueur, ayant d'ail- 
leurs entendu dire par leur mère que tout le sol avoi- 
sinant recouvrait des décombres, se résolurent à dé- 
foncer le terrain. Bientôt sont mis à jour de nombreux 
débris de construction, tels que pierres sculptées du 
style ogival, colonnettes, petits chapiteaux, une pierre 
portant la croix pattée de Malte. 

Puis un soir, à la tombée du jour, de grosses et 
énormes pierres se font sentir sous la pioche ; on en 
soulève une, un vide apparaît; avec avidité., bien qu'a- 



(1) Lettre de M. l'abbé Met, déjà citée. 



- 84 - 

vec crainte, on enlève les autres, et l'on extrait un 
vase, puis un second, remplis de terre et de charbon. 
La nuit suivante, nos jeunes violateurs de tombeaux 
ne dormirent pas tranquilles : des spectres avaient trou- 
blé leur repos. Cependant, le lendemain on reprend la 
tâche ; un second tombeau se présente,, il est démoli ; 
là, il y avait une pierre entaillée pour recevoir la tète 
du mort; le tombeau est tout petit, et il y a deux corps 
(bijouettés, selon leur expression, l'un ayant la tète 
aux pieds de l'autre). Nos ouvriers perdent presque 
entièrement l'appétit. Ce n'était pas tout pourtant, car 
un troisième tombeau, engagé sous les fondations 
mêmes de la chapelle, est de nouveau violé, et on y 
trouve deux autres urnes. Le courage de nos héros est 
à bout. Les travaux de l'agriculture les appelèrent ail- 
leurs; mais le terrain à défoncer est encore spacieux, 
et nous ménage peut-être d'autres surprises, plus com- 
plètes, surtout après les recommandations que nous 
leur avions faites. 

Quand nous fûmes avertis, les tombeaux étaient dé- 
molis, et leur emplacement recouvert. Ce fut pour nous 
une grande déception; il fallait cependant tirer le meil- 
leur parti de ce qui était fait. 

A notre prière, on reconstruisit de la manière la 
plus fidèle le premier tombeau, qui contenait deux va- 
ses, et dont toutes les pierres avaient été mises de côté. 
Ce tombeau a 2 m. de long sur m ,60 à m ,65 de large. 
Les parois et le couvercle étaient construits de pierres 
inégales, plus longues toutefois à la tète qu'aux pieds. 
Ces pierres étaient reliées entre elles par du mortier. 
Frustes à l'extérieur, elles sont au contraire bien polies 
et travaillées à l'intérieur. Le corps était donc étendu 
là sous ces pierres, et avait les deux vases placés à 
côté de la tète. Une entaille, grossièrement faite dans 
la paroi latérale, nous préserve de toute erreur sur ce 
point, et nous prouve de plus que le corps n'était point 
renfermé dans un cercueil en bois. Un autre tombeau 
fut adapté plus tard à côté de celui-ci, et l'on aperçoit 



— 85 

la rainure faite pour recevoir les pierres qui recou- 
vraient cette dernière sépulture. 

Cette disposition nous révèle le mode d'ensevelisse- 
ment d'alors. La fosse est très peu profonde (1) ; le 
corps était descendu dans la tombe, probablement le 
jour même de la mort, comme cela se pratiquait encore 
au siècle dernier, puis il était entouré et recouvert des 
pierres sépulcrales, et reposait immédiatement sur le 
sol, car on n'a pas retrouvé la moindre pierre dans 
le fond. 

Cherchons à déterminer maintenant l'époque de la 
sépulture. 

Il ne peut s'agir ici évidemment d'un tombeau ro- 
main; car le corps n'a pas été réduit en cendres. 

Le corps est parfaitement orienté à la façon chré- 
tienne, la face tournée vers le ciel, les pieds au soleil 
levant, la tête au couchant, mais prête à regarder l'o- 
rient, quand sonnera l'heure du réveil et que le so- 
leil de justice se lèvera pour le monde. 

Dans deux de ces tombeaux se trouvaient deux va- 
ses, et en particulier dans celui qui nous occupe. Deux 
vases seulement, et d'une forme identique, commune, 
sans beauté, fait d'une terre grossière, d'un vernis sale 
et qui ne tient pas. Ils ont m , 11 de largeur et m 20 de 
hauteur; le col est à peine formé ; l'ouverture et le pied, 
presque aussi larges que la panse, les font paraître 
massifs et sans élégance. Ce n'est pas ce luxe de cuil- 
lers, de vases aux libations, etc., etc., des sépultures 
païennes ; — on ne croit plus à Caron ni aux besoins 
matériels des morts. 

Sans doute, ces vases dérivent d'une coutume 
païenne, mais christianisée. Ces vases, en effet, desti- 
nés d'après leur forme aux usages domestiques (l'un 



(1) Elle est aujourd'hui d'un mètre environ ; mais il y a plus 
de 50 centimètres de terre rapportée. 



86 



porte encore les traces du feu, ils avaient tous une anse 
qu'un seul a conservée intacte), étaient remplis de char- 
bon, encore très apparent dans l'un d'eux. Au moment 
de fermer la tombe, on devait jeter sur ce charbon ar- 
dent de l'encens pour embaumer le corps. Les vases 
sont percés tout autour de trous irrégulierSj évidem- 
ment faits après coup, pour faciliter l'ustion du char- 
bon. Mais laissons ici la parole à l'abbé Cochet : 

« Aux pieds des morts, étaient placés des vases en 
« terre, parfois vides, parfois remplis de terre infiltrée 

« avec le temps Tous les corps n'avaient pas de 

« vases, la moyenne proportionnelle est d'un sur trois 
« ou quatre. Le vase était là contre les possessions et 
« les obsessions démoniaques.... » — « Deinde (cor- 
« pus) ponitur in speluncâ, in quà, in quibusdam locis, 
« ponitur aqua benedicta et prunœ cum thure; aqua 
« benedicta ne dœmones qui multum eam timent, ad 
« corpus accédant. » ( Durandus , Ratioiïale divin. 
Offic. lib. vu, c. 35 (1). 

Le vase funéraire est ordinairement placé aux pieds, 
nous dit l'abbé Cochet. Cependant tous nos tombeaux 
font ici exception à cette règle, les vases se trouvent 
placés à la tête. Peut-être les usages variaient-ils sur 
ce point dans chaque pays. 

Dans les fouilles de 1853, un tombeau en contenait 
quatre, un autre deux; celui décrit par M. l'abbé Met, 
un bien plus grand nombre; mais il est certainement 
d'une date plus récente. 

Plusieurs tombeaux ne contenaient pas de vases. Un 
de ces derniers a ceci de particulier, que la tête, par- 
tie la plus précieuse du corps, est enfermée avec soin 
dans une entaille circulaire faite dans la pierre, et 



(1) Consultez l'abbé Cochet, La Normandie souterraine : 
1° sur la différence entre les sépultures romaines et mérovin- 
giennes ; p. 19 et suiv.; 2" sur les vases du cimetière de Lon- 
dinières, p. 199 et suiv. 



— 87 - 

a l'avantage de ne point reposer sur le sol. Une 
pierre semblable, relevée en 1853, a été placée dans 
le mur de la grange construite dans l'enceinte de 
l'ancienne chapelle. Ce qui est plus étrange, c'est 
(jne ce mode de conservation a été employé par les 
Templiers eux-mêmes. On peut remarquer, en effet, 
dans la partie extérieure du mur, près de la petite porte, 
à fleur de terre, une pierre taillée avec pareille excava- 
tion; ce qui prouve que les Templiers, en creusant les 
fondations de leur chapelle, se sont vus dans la néces- 
sité de détruire quelques tombeaux et en auront em- 
ployé les pierres. Or, cette sorte de sépulture est 
ordinairement attribuée aux temps mérovingiens et 
carlovingiens. 

Ce point admis, il faudrait donc faire remonter ces 
sépultures avant la venue des Templiers. Le dernier 
tombeau découvert le prouve d'une façon plus com- 
plète encore, puisqu'il est placé sous les fondations 
mêmes de la chapelle. Pour les Templiers, ils devaient 
avoir leurs tombeaux dans l'intérieur môme du sanc- 
tuaire. 

Les ossements contenus dans ces tombeaux, et dont 
on aurait pu tirer des indications précises, ont été en- 
sevelis immédiatement par nos jeunes explorateurs; il 
nous est par conséquent impossible d'en tirer aucun 
argument. 

Nous ne pouvons croire toutefois à des sépultures 
de chevaliers du Temple. N'auraient-ils pas été ense- 
velis avec leurs armures et leurs armes, et comment 
n'en serait-il resté aucun débris? Et cependant aucun 
métal n'a été trouvé dans les tombeaux. 

D'où il faut conclure que ces tombes sont des sépul- 
tures chrétiennes de l'époque mérovingienne ou carlo- 
vingienne. Déjà, notre savant collègue, M. Charles 
Bouchet, après M. Launay (1), avait classé, dans sa 

(1) Bullet. 1869, p. 115. 
xxni. » 



- 88 — 

chronique du mois d'octobre 1879 (1), Villavard parmi 
les localités à sépultures mérovingiennes. 

On nous a remis dernièrement trois pièces en cuivre, 
entièrement identiques, trouvées hors des tombeaux ; 
mais, trop récentes, elles n'apportent aucune lumière 
sur la question présente. 

Ne serait-il pas à désirer que ces fouilles fussent con- 
tinuées, et surtout reprises dans l'intérieur même de 
la chapelle? Peut-être y trouverait-on des indications 
précieuses pour l'histoire si peu connue de ce Temple, 
les seules qui puissent déchirer l'obscurité qui nous ar- 
rête, puisque tous les autres documents sont perdus 
à jamais. 



(1) Bullet. 1879, p. 252. 



I \E« LETTRE INEDITE 

DU PAPE GALIXTE II 

Par M. Ch. Bouchet. 

i Suite & fin *) 



5° Reste une dernière objection qui se tire de la date, 
non pas de la brièveté de cette date, qui n'exprime ni 
l'an du Seigneur ou de l'incarnation, ni l'indiction, ni 
l'année du pontificat, mais qui donne simplement le 
lieu et le jour du mois. Les petites bulles et les lettres 
de Calixte, pour la plupart, ne sont pas datées autre- 
ment ; quelques-unes, mais assez rarement, ajoutent 
l'indiction. Des lettres adressées môme an roi de 
France sont datées avec cette concision (1). Mais ici la 
difficulté est autre. Notre lettre de Calixte est datée de 
Rome, « apud S. Petrum. » Or, dans le Recueil de Dom 
Bouquet, il n'y en a qu'une seule qui soit datée de Rome 
et sans l'addition de « apud S. Petrum ». C'est une 
lettre intime adressée précisément à l'abbé Geoffroi que 
le P. Sirmond a donnée dans les prolégomènes de son 
édition, sans dire d'où il l'a tirée, et que D. Bouquet a 
acceptée (2) et reproduite (3). Toutes les autres lettres 

(•) V. le précédent Bulletin, p. 29. 

(1) Dom Bouquet: Lettr. de Calixte, T. xv, et Nouv. Diplom. 
des BB., T. v, p. 263. 

(2) Nous disons D. Bouquet pour nous conformer à l'usage 
qui met sous son nom le Recueil entier des Scriptorcs, mais c'est 
en réalité D. Brial qui a édité le T. xv et même les TT. xiv- 

XVIII. 

(3) Lettre xix. 



— 90 - 

de Calixte sont données à Latran « Laterani », ou « in 
territorio Tiburtino » ou en dehors des Etats de l'E- 
glise, surtout en France. Mais enfin il s'en trouve une 
réputée authentique qui porte la date de Rome. Ajou- 
tons que Calixte avait rendu deux Rescripts en faveur 
de Vendôme, qui tous deux sont datés de Rome (1). 

Ainsi nous pouvons citer trois pièces authentiques de 
Calixte datées de Rome, et nous ne saurions citer que 
celles-là, et toutes les trois, chose singulière, relatives 
à Vendôme. — Nous ne connaissons point d'ailleurs par 
D. Bouquet toutes les lettres de Calixte. Les auteurs 
des Scriptorcs ne donnent ni les lettres décrétales ni 
les bulles portant concession de privilèges aux églises. 
« Nous n'avons pris pour nous, disent-ils, que les brefs 
apostoliques dans lesquels ils donnent des décisions ou 
de leur propre mouvement ou sur des plaintes à eux 
portées, lorsqu'il est question d'établir de nouveaux 
évèchés, de rejeter ou de confirmer les élections aux 
prélatures, de rappeler à leur devoir les personnes 
constituées en dignités, etc. (2)» En tout, 45 lettres, 
sur lesquelles nous en avons 3 datées de Rome. Cela 
suffirait à la rigueur pour établir l'authenticité de la 
date de celle qui nous occupe. 

Mais nous pouvons citer encore plusieurs bulles 

(1) Rescriptum eiusdem calixti abbati vindocinensi directum 
per quod- quicquid iuris et libertatum concessum est a suis pre- 
decessoribus confirmât. Datum Rome vin Idus aprilis. 

Rescriptum eiusdem abbati et toti congregacioni vindocinensi 
//no confirmât quicquid eidem monasterio datum et maxime sub 
tricennali possessione habuisse noscitur ut inde anullo quicquam 
distrahatur, quicquid etiam libertatum aut immunitatum, con- 
cessum est confirmât prohibent ne quis Archiepiscopus rel epi- 
scopus super quemvis monachorutn ipsius monasterii potestatem 
exercerc présumât, datum Rome vm Idus aprilis. 

Invent. ms. de* chartes de la Trinité, f°vi, v". 

Ces deux bulles sont différentes de celle du même Calixte pu- 
bliée par le P. Sirmond dans ses Lettres de l'abbé Geoffroi, 
p. 42 des notes. Cette dernière, en effet, est datée de Paris, vin 
des ides d'octobre. Elle a été reproduite par Launoi dans son 
Inquisitio inpr'wil. cindoc. monast., eb. xxvn. 

(2) T. xiv, Préface, p. cix. 



- 91 — 

d'Urbain II et de Pascal II en laveur de Vendôme et 
toutes datées également de Rome. On en trouvera 3 du 
premier îdans l'Inventaire manuscrit des chartes de la 
Trinité, toi. v, r°etv°, et 2 du second, fol. vi. Le P. 
Sirmond, dans ses Lettres de Geoffroi, en cite égale- 
ment 4 du premier pape et 2 du second (1). Cela suffit 
et au delà, nous l'espérons, pour dissiper tous les dou- 
tes au sujet de ce nom de Rome dans notre Lettre de 
Calixte. Nous remarquerons seulement, comme chose 
singulière., que, dans l'Inventaire des chartes, on trouve 
toujours « Datum Romae » et jamais « Laterani », et 
que c'est le contraire dans les Lettres de Calixte don- 
nées par Dom Bouquet, une seule exceptée, celle à Geof- 
froi . 

Quant à la formule « apud S. Petrum », qui se 
trouve jointe dans notre Lettre au « Datum Roma3 », 
elle ne saurait infirmer l'authenticité de la date, bien 
que nous ne l'ayons rencontrée dans aucune autre de 
Calixte ni des deux papes que nous venons de citer ; 
mais cette formule est connue, bien authentique, et se 
trouvait sur d'autres pièces, entre autres fréquemment 
sur celles relatives aux suppliques. « Datum Romae 
apud S., etc. » exprimait le nom du lieu où se trouvait 
le pape, avec la date de l'année et du jour (2). 

Mais enfin si notre lettre était fausse, de qui vou- 
drait-on qu'elle fût? De l'abbé Geoffroi? De cet ami 
pour ainsi dire intime de Calixte, et dont la loyauté était 
poussée en quelque sorte jusqu'à la rudesse? Cela est 
absolument inadmissible. Il s'en peut dire autant de 
l'évèque de Chartres. Geoffroi de Lèves est un des plus 
irréprochables prélats qui aient occupé ce siège. Un 
peu de réflexion d'ailleurs fera voir qu'il w^n est pas 
d'une sentence ou d'une menace d'excommunication 



(1) Pp. 87 et 88 du texte, et 11-42, 52-53, et 91-92 des notes. 
Quelques-unes, il est vrai, font double emploi avec celles de L'In- 
ventaire. 

(2) Nouv. Diploin. des BB., T. v, p. 336. - « Apud S. Petrum » 
désignait le Vatican, à cause de La proximité de la basilique. 



92 

comme d'un titre constitutif d'un droit ou d'une pro- 
priété. Ce dernier peut se falsifier ou se supposer, mais 
non l'autre, et nous doutons qu'on en puisse citer des 
exemples. 

Reste une dernière ressource qui consisterait à dire 
«pie notre pièce est l'œuvre d'un moine obscur de Ven- 
dôme, qui, par manière de jeu, se serait exercé à cette 
contrefaçon. — Nous répondrons que la pièce, dans 
tout son ensemble, offre un caractère de sincérité et, 
pour ainsi dire, de probité qui exclut cette supposition. 
On n'y remarque pas de ces développements superflus, 
de*ces expressions un peu recherchées qui sont le dé- 
faut et l'indice des imitations. Tout y est simple, pré- 
cis, en vrai style de chancellerie. Nous allons donner 
un exemple qui achèvera, nous l'espérons, de porter la 
conviction dans tous les esprits. C'est une autre lettre 
deCalixte, d'une authenticité incontestée, celle-là, ayant 
le même objet que la nôtre, c'est-à-dire défaire ranger 
au devoir certains dévastateurs de biens religieux. 
Voici cette lettre : 

Ad Umbaldum Lugdunensem archiepiscopum 

Ut vastatores villœ de Monte-Godino cominoneat et coerceat 
(ante'1120, 10 februarii). 

Calixtus episcopus, servus servorum Dei, carissimo 
et venerabili fratri [Jmbaldo Lugdunensi archiepiscopo 
salutem et apostolicam benedictionem. Venerabilis fra- 
tris nostri B(erardi) episcopi et ecclesise Matiscensis 
ad nos querela pervenit, quùd parochiani tui videlicet 
Wichardusc/e Auton etGuido Incatenatus Matisconensi 
ecclesiœ in villa de Monte-Godino, gravamen et inju- 
rias inferre non desinunt, locum ipsum pravis exactio- 
nibus aftligentes. Unde fraternitati tuae injungimus, ut 
eosdiligentercommoneas quatenus aut res ecclesiasque 
libéras dimittant, aut in tua vel ipsius Matiscensis epi- 
scopi curia, inde justitiam faciaut ; quod si contemp- 
serint, tu de eis tanquam de sacrilegis, plenam pro tui 



— 93 - 

offieii debito, jiistitiam exsequaris. Data Vièniïae, iv 
idus februarii (1). 

L'analogie est frappante et, selon nous, décisive, en- 
tre cette lettre et celle que nous discutons. Plusieurs ex- 
pressions se retrouvent identiques ou à peu près, dans 
l'une et l'autre : « Parochiani tui — plenam jiistitiam 
exsequaris. » Cette dernière formule se reproduit en- 
core dans une autre lettre de Calixte adressée à l'ar- 
chevêque de Reims, vers 1120 environ, et donnée par 
Mabillon : « De vitanda simonia, etc., » et se terminant 
par : « Quôd si contra mandatum nostrum factum 
fuerit, plenariam de presumptoribus justitiam, praes- 
tante Domino, exsequaris (2). » Mais cette formule n'é- 
tait pas tellement banale qu'il n'y eût qu'à la copier. D'au- 
tres bulles ayant le même objet s'expriment autrement. 
Tout cela devait dépendre du chef de la chancellerie (.'^). 
Concluons donc que notre lettre n'a point été copiée ou 
imitée par un religieux de Vendôme, et qu'elle est par- 
faitement authentique. 

Nous allons passer maintenant à l'examen des per- 
sonnages qui y sont dénommés, et nous trouverons là 
sans doute encore une nouvelle preuve de ce que nous 
avançons. Ces personnages sont au nombre de trois, 
sans y comprendre le comte de Vendôme : 

Rainauldde la Tour; 

Wulgrin, frère de Barthélémy; 

et Geoffroi Burrel. 
Ce que nous avons à en dire, nous le devons prin- 
cipalement à l'obligeance et à l'érudition de M. Au- 
guste de Trémault, si versé dans la connaissance de 
nos plus anciennes familles vendômoises et des chartes 
de notre pays. Il a bien voulu nous communiquer les 
pièces qui nous servent de base. 

(1) Dom Bouquet, T. xv, p. 231. Recueil des Lettres de Ca- 
lixte, Lettre xn. 

(2) De i-e diplom., pp. 598-99. 

Ci) Ou remarquera qu'eu effet la date des deux pièces de 
Dom Bouquet et de Mabillou esta peu près la même. 



- 94 — 

1° Rainauld de la Tour était un puîné de la Maison 

des seigneurs de Lisle en Vendômois (1), connue dès la 
fin du XI* siècle (2). A l'époque où nous sommes, le 
chef de cette famille était Robert, fils de Rainauld de 
Lisle et de Berte sa femme. Il avait pour frère Rainauld 
de la Tour qui nous occupe, de plus trois oncles, etc. 
Tous ces personnages figurent dans une charte de 
1152, par laquelle Robert fait don aux religieux de Ven- 
dôme de 6 deniers de cens que le segrétain lui devait 
tous les ans sur une certaine vigne située à la Chappe. 
Ce don est fait en reconnaissance de ce que Rainauld, 
père de Robert, étant mort à Lisle, les religieux l'a- 
vaient fait transporter à Vendôme et ensevelir avec 
honneur (3). — Robert de Lisle et Rainauld de la Tour 
figurent également dans une autre charte sans date, par 
laquelle on voit que Robert, après avoir commis une 
spoliation envers l'abbaye de Vendôme, ce qui lui avait 
valu l'excommunication, fit enfin sa paix avec les reli- 
gieux par suite de cette circonstance: Foucïïerde Lisle, 
oncle de Robert, étant mort, G. (4) abbé de Vendôme le 
fit ensevelir honorablement dans son abbaye comme le 
père de Robert ; celui-ci, touché d'un pareil procédé, 
abandonna ses prétentions sur la dime dont il s'était 
emparé : « Hoc idem concessit Rainaldus de Turre 
f rater su us (5). » 
Une troisième charte, également sans date précise, 



(1) Lisle, autrefois Insida, puis Insula Jeremiœ, canton de Mo- 
rue, arrondissement de Vendôme. 

(2) Le premier que l'on trouve qualifié de seigneur de Lisle 
est Robert IV, vicomte de Blois, qui avait épousé Mahaut, fille 
de Hugues III de Châteaudun et d'Agnès de Fréteval (d'après 
une note de M. de Trémault). —On sait que Mahaut épousa en 
secondes noces Geoffroi Grisegonnelle, comte de Vendôme. 

(3) V. Pièces justifie, N° I. 

(4) L'initiale G doit, désigner, dans culte charte et la suivante, 
l'abbé Girard, qui gouverna dell61àll87. La première charte 
ne porte aucune mention d'abbé. 

u>) V. Pièces justifie. N°II. 



— 95 

nous apprend que ce même Rainauld étant mort, le 
môme abbé le fit également ensevelir dans le cloître 
de l'abbaye, et que Robert son frère, par reconnais- 
sance, fft don aux religieux de 3 setters de méteil sur 
sa dime de Lignières (1), payables tous les ans. La 
concession fut confirmée par Rainârd et Philippe, fils de 
Robert, et par Mathilde, sa femme : « Hoc vid. et aud. 
doms. abbas G. totusque conventus (2). » 

Cette pièce démontre que Rainauld de la Tour s'était 
réconcilié, lui aussi, avec l'abbaye, et que les plaintes 
qui avaient suscité la lettre de Calixte avaient reçu sa- 
tisfaction. Malheureusement nous n'avons pas de date 
précise. 

Nous trouvons encore ce personnage comme témoin 
dans une charte, sans date, du cartulaire vendômois de 
Marmoutieiy la lxxii*, par laquelle Frodon de Vendôme 
accorde aux religieux de la grande abbaye « unam 
mansuram terrae apud villam quœ appellatur Ulme- 
tum. » Rainauld de la Tour figure entête des témoins 
avec Engelbauld le Breton et plusieurs autres. 

Enfin une cinquième charte, extraite du Cartulaire de 
Vendôme, et datée de 1124, nous offre encore Rai- 
nauld de la Tour comme témoin, à côté de Geoffroi 
Grisegonnelle, comte de Vendôme, et de plusieurs au- 
tres personnes de marque (3). On en peut conclure 
que Rainauld occupait un rang assez élevé dans la 
hiérarchie féodale du XII e siècle. 

II. Vulgrin, frère de Barthélémy. — La généalogie 
de ce personnage est fort embrouillée. Une charte du 
Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois, lal83 e , nous 
présente Barthélémy, Vulgrin et Engebaud, archevêque 

(1) Lignières, près de Liste, canton de Mo rée, arrondissement 
de Vendôme. 

(2) V. Pièces justifie, N° III. 

(.!) Ex cartul. vindoc, f 222V. Dom Housseau, T. iv, N° 1433. 
Copie de M. A. de Trémault. — Cette charte fort, curieuse con- 
tient une déclaration du comte Geoffroi Grisegonclle qui recon- 
naît le droit qu'avait, l'abbé de la Trinité d'affranchir ses serfs. 



- 96 - 

de Tours (1147-1156) comme trois frères (1). D'autre 
part, on peut démontrer que Eugebaud était fils de 
Geoffroi de Preuilly,, comte de Vendôme (2). Donc Bar- 
thélémy et Vulgrin étaient également fils de ce comte. 
Mais voici qu'une autre charte du Cartulaire vendômois 
de Marmoutier, la 87 e , datée de 1101, nous fait connaître 
un Geoffroi Payen, personnage important dans le Ven- 
dômois, à cette époque, comme témoin, avec ses trois 
Mis Barthélémy, Eugebaud (sans qualification) et Vul- 
grin (3). Ainsi le nom du père et ceux des enfants se- 

(1) Barthélémy de Vendôme y confirme la fondation du 
prieuré de Chauvigny en Vendômois, créé par lui entre les 
années 1116 et 1136 (*). Cette charte se termine ainsi : « Et quo- 
niam pramominatus Bartolomeus in proximo Jérusalem profec- 
turus eratet prae acceleratione itineris sui votum suum tam fes- 
tinanter explere non poterat, dominum Engebaldum venerabilem 
Turonensem archiepiscopum et Vulgrinum fratres suos, domi- 
namque Mariam sororem suam, necnon et dominum Gosber- 
tum generum suum qui ei in dominio terne suae succassurus erat 
amicabiliter conveniendo rogavit.... (cœtcra dosant). — Original 
aux Archives d'Eure-et-Loir. Cartulaire de Marmoutier pour le 
Dunois, publié par M. Em. Mabille. 1874, p. 74. 

(2) Cette démonstration est indirecte, mais elle parait néan- 
moins certaine. En effet Barthélémy, archevêque de Tours (1174- 
1206), différent du Barthélémy ci-dessus, était fils de Geoffroi 
Grisegonelle, comtedeVendôme (ceci est incontestable), qui lui- 
même était fils de Geoffroi de Preuilly. Or Barthélémy l'arche- 
vêque se dit lui-même neveu de l'archevêque Engebaud, dans 
nue charte par laquelle il confirme les donations faites à S l - 
Pierre de Preuilly, et qui déjà, dit-il, avaient été précédem- 
ment confirmées a « borne memoriae Engebaldo avunculo et pre- 
decesore nostro. » (1). Rousseau, T. V, N° 1982) ("). Or, pour 
que Engebaud lut l'oncle de Barthélémy, il fallait que Eugebaud 
fût également fils de Geoffroi de Preuilly, car on ne voit aucune 
alliance par les femmes qui aurait pu rendre Barthélémy son 
neveu. Donc Vulgrin qui nous occupe, ainsi que le premier 
Barthélémy, tous deux frères de Engebaud, étaient également 
fils de Geoffroi de Preuilly. Mais tout cela ne va point sans diffi- 
cultés, outre celle dont nous allons parler tout à l'heure. Nous 
passons pour ne pas allonger encore cette discussion. 

(3) Don uni Hcrberti Barbe et Agnete de Vindocino de Pere- 

C) MêmcCartul., ch. 170. 

('*) Communication de M. de Trëmault. 



- 97 — 

raient identiques à ceux du premier groupe. Voilà, il 
faut en convenir, une coïncidence bien extraordinaire ! 
Les deux chartes sont bien authentiques et ont une égale 
autorité. Nous ne nous chargeons pas d'expliquer cette 
difficulté. Il nous suffit de l'avoir exposée. 

Il résulte de ceci, dans tous les cas, que Vulgrin était 
un personnage important dans notre pays au XII e siè- 
cle. Seulement, s'il était fils de Geoffroi de Preuilly et 
frère de Geoffroi Grisegonelle, on se demande pourquoi 
Calixte, dans sa lettre, l'appelle simplement frère de 
Barthélémy. Il y a là quelque chose qui n'est pas natu- 
rel et nous force à penser qu'il s'agit de celui qui était 
fils de Geoffroi Payen (1). 

III. Geoffroi Burrel. — La généalogie de ce person- 
nage est plus claire. M. Lucien Merlet va nous la faire 
connaître dans cette note que nous empruntons à son 
Cartulaire de Tiron : «La famille Borrel ou Bourreau 
joua un très grand rôle dans le Dunois pendant tout le 
XIII e siècle (2). En 1101, Geoffroi Bourreau, fils d'As- 



diaco {') (1101). — Parmi les témoins « ex parte Beati Martini et 

nostra Gaufredus paganus et filii sui Bartholomeus, Ingel- 

baldus, Wlgrinus, Gaufredus fulcherius frater GautVedi pagani, 
Arnulfus crassus, etc. (Copie du Cartulaire original, laquelle 
appartient à la Société Archéologique du Vendômois. L'original 
est à la Bibliothèque Nationale à Paris. Fonds latin, 5442.) 

(1) Une charte qui nous est communiquée au dernier moment 
nous donne la filiation du groupe de Geoffroi Payen. Toutefois, 
nous n'entrerons point dans de nouveaux détails qui complique- 
raient encore un sujet déjà fort embrouillé. Nous renverrons 
simplennent à notre pièce justificative N"IV, où chacun pourra 
s'édifier par soi-même, en observant, ce que d'autres chartes 
indiquent, que dans cette brandie même il y a eu deux Vulgrin : 
L'un, qui se fit moine à Marmoutier, était fils d'Ingelbaud le 
Breton, et avait pour frère Geoffroi Payen. C'est le Vulgrin de 
notre pièce N° IV. L'autre était fils de ce même Geoffroi Payen 
et neveu par conséquent du précédent. C'est le Vulgrin de la 
Lettre de Calixte, notre Vulgrin, selon nous. 

(2) Lire sans doute : XII'. 

C) Pray (".') on Vendômois canton de St-Aïuand. 



- 98 - 

thon, partit pour la. Terre sainte, à la suite du comte 
Henri-Estienne : il était accompagné de sa femme 
Corbe d'Amboise, veuve d'Acard de Saintes, qui lui fut 
enlevée par les Sarrasins. En 1111, s'étant emparé de 
biens appartenant à l'abbaye de Bonne-Nouvelle d'Or- 
léans, il fut excommunié par l'évèque S 1 Ives. Nous 
le retrouvons encore en 1121, témoin, avec Asthon, son 
frère, d'une donation faite par l'abbaye de Saint-Ca- 
lais aux religieux de Bourg-Moyen de Blois. — En 
1132, Geoffroi Bourreau, fils de Geoffroi, avec Ursion 
de Fréteval, Simon de Beaugency et autres, tenait la 
campagne pour Sulpice de Chaumont, seigneur d'Am- 
boise, contre Geoffroi Grisegonelle, comte de Ven- 
dôme, etc. » 

On rencontre Geoffroi Burrel : 

1° Comme témoin, dans une charte du Cartulaire de 
Marmoutier pour le Dunois: « Donum Stephani comi- 
tis Blesensis de silva lonnia. » (1096) (1) 

2° Dans une charte dont il est l'auteur, contenant un 
« Don fait par lui à l'abbaye de Tiron d'une terre à 
Chouzy et d'un moulin nouvellement construit sur la 
Cisse. » (1121 circa) (2) 

3° Dans une autre charte stipulant un échange des 
religieux de Tiron avec les chanoines de Saint-Calais 
de la dîme de la terre donnée par Geoffroi Bourreau. » 
(1121circa.) On rappelle le don qu'il a fait et lui-même 
signe comme témoin avec Nivelon de Fréteval et plu- 
sieurs autres (3). 

Tels sont tous les renseignements que nous avons pu 
réunir sur les trois personnages inculpés par Calixte. 
Leur position nous semble suffisamment éclaircie. Es- 



(1) V. ce Cartulaire publié par M. Em. Mabille, 1874, ch. 92, 
p. 79. 

(2) Cartqlaire de ladite abbaye, publié par M. Luc. Merlet, 
T. I er . 1882, ch. 17, p. 67. 

(3) Même Cartulaire, T. 1 er , ch. 48, p. 08. 



- 99 — 

savons de la rapprocher des termes employés par 
l'abbé Geoffroi, dans la lettre dont nous avons parlé 
plus hajrt : « Quidam vavassores milites de Cas- 
tro Vindocini », en tenant compte du dédain sans doute 
affecté des expressions. Vavassores désigne des ar- 
rière-vassaux, les vassaux d'un vassal. Ceci convient 
à nos trois personnages, qui n'étaient en effet sei- 
gneurs d'aucun fief connu, mais simplement vassaux 
de leurs aînés. (Toutefois nous n'osons rien garantir en 
ce qui concerne Geoffroi Burrel.) — Milites sont de 
simples chevaliers, des hommes appartenant à la no- 
blesse, mais sans aucun titre féodal, pas même châte- 
lains ni sires, mais revêtus d'une simple dignité, la 
seule à laquelle ils pussent aspirer comme vavasseurs. 
Ceci peut encore s'appliquer à nos personnages (tou- 
jours avec la réserve que nous avons faite touchant 
Geoffroi Burrel). 

De Castro Vindocini signifie Vendôme même. C'est 
ainsi qu'il est désigné dans une foule de chartes et sur 
les monnaies du temps : Vindocino Castro. Or ceci 
ne saurait convenir ni à Rainauldde la Tour (1) ni à G. 
Burrel. 

L'expression de « Vindocinensibus hominibus » em- 
ployée un peu plus loin pour désigner les mêmes per- 
sonnages et d'autres semblables nous semble éloigner 
encore davantage l'idée de nos trois individus. 

Toutes ces raisons, jointes à ce que nous avons dit 
plus haut de l'absence du nom de Jean, le principal 
coupable, de la lettre pontificale, nous déterminent à 
écarter définitivement celle de l'abbé Geoffroi comme 
élément de la question, et nous tenons que toute cette 
affaire, en dehors du document de Calixte, nous est 
restée inconnue. 

Quant au comte de Vendôme, qui est également rae- 

(1) Sans doute Liste n'est qu'à 9 kilomètres de Vendôme, niais 
il portait un nom trop bien défini pour que l'abbé (ieoiïroi ue 
l'eût pas employé. C'est un usage auquel il ne manque jamais. 



— 100 — 

nacé, c'était alors Geoffroi-Grisegonnelie (1102—1136) 
dont nous avons parlé. Il est trop connu pour que nous 
insistions. 

La date delà lettre, écrite de Rome,, se place entre le 
3 juin 1120, époque de l'arrivée de Calixte dans cette 
ville, plus d'un an après son élection, et le 12 ou 13dé- 
cembre 1124, époque de sa mort (1). 

Peut-être néanmoins serait-il possible d'assigner des 
limites plus rapprochées. On a vu en effet que les deux 
bulles de Calixte citées plus haut portent, dans leur 
passage essentiel, une formule qu'on peut dire identi- 
que : « Plenam justitiam exsequaris », et que ces 
deux pièces sont à peu près de la même époque, avant 
1120 (2) — vers 1120, et que, d'autre part, la lettre qui 
nous occupe offre précisément la même formule. N'en 
pourrait-on pas conclure que la date aussi doit être à 
peu près la même, c'est-à-dire osciller autour de 1120 ? 
D'autant, comme nous l'avons dit, que cette formule 
n'a point un caractère banal, mais nous a paru limitée 
à cette période. 

Telle est cette lettre, qui, à vrai dire, ne nous livre 
rien de bien important au point de vue historique et 
moins encore au point de vue delà diplomatique ponti- 
ficale, mais qui pourtant ne laisse pas d'avoir son in- 
térêt pour l'histoire du Vendômois et en particulier de 
notre abbaye. Elle ajoute d'ailleurs une page à la cor- 
respondance d'un grand pape. A ces divers titres, elle 
méritait d'être publiée. 



(1) Art de vérifier les dates. 

(2) Mais ne peut être antérieure au 9 février 1119, date du cou- 
ronnement, de Calixte. 



- 101 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



Les quatre pièces que nous donnons ici sont inédites. Elles 
nous proviennent de copies faites par M. A., de Trémault à la 
Bibliothèque nationale, et qu'il a bien voulu nous communi- 
quer en nous autorisant à les publier. Nous lui en exprimons 
ici nos sincères remerciements. 



I. 

Omnibus notum sit hominibus quod Robertus de 
Insula dédit deo et vindocinensibus monachis VI de- 
narios census quos segrestarius ei annuatim reddebat 
proquadam vinea que erat ad, Cappam. Hoc autem fe- 
cit pro anima Bartholomeifratris Rainaldi patris suij 
quem apud Insulam defunctum vindocin. illatum mo- 
nachi honorijice susceperunt et sepelierunt. Hoc do- 
nam concessit Rainaldusf rater ipsius Roberti et ma- 
ter eorum Berta et duo patrui eoruni Hugo et Ha- 
melinus. 

Actum in domo Gojfredi Trôner ii, anno ab incarn. 
domini MCLII. 

(Fonds Baluze. — Armoire II, Paquet 2. — N° 3. — 
T. II, fol. 262, v». 



IL 

Noverint tam présentes quam futur i quod décima (1) 
de Chamove (?) quam abbatia vindoc. diu juste possi- 

(1) Lisez decimam. 



- 102 — 

dcbat et habiterai Robertus de Insula oi abstulit. Hac 
ea causa in caria ecclesiastica sepissime vocatu s, tan- 
dem justicia dictante, excommunicatusfuit. Hujus rei 
controoersia taliter pacijicata est. Contigit enim deo 
volente quod Fulcherius de Insula, patritus sitpra- 
dicti Roberti viam unioersœ carnis ingrcderetur, quem 
defunctum abbas oindocin. et alii fratres in abbatia 
vindoc. honorifice sepelierunt. Videns autem supra- 
dictus Robertus quod prece non precio, domnus G. et 
alii fratres tantum honorem ac talem (sic) beneficium 
defuncto gratis impenderant querelam decimœ quam 
adoersus abbatem habebat dimisit. Hoc idem concessit 
Rainaldus de Turre frater suus. 

(Ibidem.) 

III. 

Rubertus (sic) de Insula dédit nobis monachisadobi- 
tum Rainaldi fratris stti quem in claustro sepelivi- 
mus ni sestarios de mesteil (sic) in décima de Lineriis 
annuatimreddendos. Donum istud obtulit R. de Insula 
superaltarej, deinde cum régula elemosinam istam 
concesserunt Rainardus et Philippus filii Roberti et 
Matildis uxor ejus. Hoc uid. et aud. doms abbas G. 
totusq/te conventus. 

(Ibidem, fol. 264. — CCLXXI.) 

IV. 

Notum sit omnibus présent, et fut. quod quando 
Wigrinus miles (1) monachusfu.it> dédit deo et ecclesiœ 
vindocine/tsi pro scdute animœ suœ omniumque pa- 
rentam sitorum et pro Petro filio suo, quem mona- 
chum fecimuSj molendinum de Beto et omnia quœ 
in eo habebat, superiits et inferius, in stagno et in ma- 

(1) En marge: Fuitjilius Ingclbaldi Brilonis. 



— 103 - 

resio. Hoc concesserunt et confirmaverunt Maria 
uxor ejus et V ' filli ejus, Gojfridus, Herueus, Ingel- 
baldus, MàurcciuSj Petrus et Agnes et Domitilla fi- 
Uœ ipsius. Hoc vider ant et audierunt istij domnus ab- 
bas Girardus totusque convcntus, Joannes cornes vin- 
docini et Richildis uxor ejus neptis Wlr/ri/ii, Buc- 
cardus prepositus, Philippus de PlesseiOj Gervasius 
filius ejus, Buccardus de Malenoa. 

(Ibid., fol. 263, ch. CCXLVIII, v\) 



N. — Parmi les ouvrages qui peuvent aider à faire connaître 
la Poésie rythmique du Moyen âge, nous avons oublié de citer, 
dans notre premier article, p. 31, l'excellent travail de M. Eug 
Misset sur les Œuvres poétiques d'Adam de St-Victor. Paris, 
H. Champion. 1881-82. 2 bro. in-8. 



xxni 



BIOGRAPHIE VENDOMOISE 

Par M. A. de Rochambeau (i). 



Il est un préjugé que nous entendons répéter quel- 
quefois autour de nous, c'est que les enfants du Ven- 
dômois, ou du moins ceux de Vendôme en particulier, 
sont d'une intelligence plus bornée, d'une nature plus 
lente et plus apathique que ceux des pays voisins. — 
Ce jugement, selon nous, n'est pas exact, et si chacun 
veut bien faire, dans son for intérieur, l'expérience que 
nous avons faite nous-même, c'est-à-dire passer la re- 
vue des personnes de sa connaissance qui sont issues 
de Vendôme, il se convaincra, nous en sommes per- 
suadé, que nos compatriotes ne sont pas plus déshéri- 
tés sous ce rapport, que les Manceaux, par exemple, 
ou les Blésois. 

Mais voici un livre qui va nous en fournir la preuve 
irrécusable. C'est la « Biographie vendômoise, de M. 
de Rochambeau, ou Histoire par ordre alphabétique 
de la vie publique et privée de tous les personnages 
remarquables nés dans le Vendômois et de tous ceux 
qui s'y sont signalés par leurs services et leurs travaux, 
ornée de portraits et de fac-similés. » — L'idée est 
vraiment heureuse. Nous n'avions rien de semblable 
jusqu'ici dans l'histoire de notre pays. Les notices de 
l'abbé Simon et celles du Guide dans le Vendômois ne 
sont que des parties accessoires de l'ouvrage principal, 
et le plus souvent de simples esquisses. Le livre de 
M. de Rochambeau, au contraire, qui dans son 1 er vo- 



(1) T. I ,r , în-8. Paris, H. Champion. — Vendôme, Typographie 
Lemercier. 



— 105 - 

lume ne renferme pas moins de 81 biographies et ne 
va que jusqu'à la fin de la lettre D, nous promet, dans 
tout l'épuisement alphabétique, une vaste et complète 
galerie. Tout s'y trouve ou s'y trouvera, depuis S* 
Bienheuré, notre plus ancienne illustration qui re- 
monte sans doute au V e siècle, jusqu'à Y von Villar- 
ceau, l'illustre savant, que nous avons vu mourir, 
pour ainsi dire, sous nos yeux, au mois de novembre 
dernier. Religieux, capitaines, poètes, hommes d'état, 
hommes de science, magistrats, femmes célèbres, y 
forment, dans un pêle-mêle amusant, comme une image 
de la société elle-même, et beaucoup sont originaires 
de Vendôme même. 

Quel système a suivi l'auteur dans ces récits? Le plus 
simple et le plus naturel. « Scribitur ad narrandum, 
non ad probandum, » semble être sa devise. Discuter, 
en effet, l'eût entraîné trop loin, et le plus souvent eût 
été stérile. Il se borne donc à reproduire les principaux 
traits de chacun de ses héros, sans rien omettre d'es- 
sentiel, laissant aux faits eux-mêmes le soin de l'ap- 
préciation. Pour les individualités les plus remarqua- 
bles seulement, ou les moins connues, il intervient per- 
sonnellement et trace un portrait aussi sobre que 
juste. En général, il règne dans ce livre une bienveil- 
lance qui n'exclut pas l'impartialité, et qui en rend la 
lecture très sympathique. — Au point de vue de l'art, on 
peut dire que tous les procédés s'y trouvent réunis, 
depuis la simple esquisse et le léger profil jusqu'au por- 
trait en pied de grandeur naturelle. Ceci s'applique 
particulièrement à la double image d'Antoine de Bour- 
bon et de Jeanne d'Albret. C'est le morceau capital du 
livre; il ne comprend pas moins de 107 pages. C'est 
plus qu'une simple biographie, c'est un vrai chapitre 
d'histoire, où ces deux figures sont tracées de main 
de maitre. Celle d'Antoine, tout en conservant cette 
quasi-nullité que lui reconnaît l'Histoire, est pourtant 
relevée, sous le rapport militaire, sinon comme grand 
général, du moins comme brave capitaine, et c'était jus- 



- 106 — 

tice. Sa fin est longuement racontée, d'une façon très 
intéressante, et le tout se termine par un excellent por- 
trait moral. Mais c'est surtout Jeanne d'Albret que 
l'auteur a peinte avec une prédilection particulière. Il 
l'a étudiée comme béarnaise et comme vendômoise (1), 
et jamais peut-être nous n'avons vu d'elle une meil- 
leure peinture. Nous n'en voudrions adoucir que deux 
ou trois touches, un peu forcées, à notre avis ; du reste 
toutes ses grandes qualités sont parfaitement mises 
en relief. C'est bien là cette femme dont nous disions 
nous-mème, ailleurs, qu'elle eût été le plus grand 
homme de son siècle, si ce n'eût été son fils. 

Après cette double étude, vient comme importance 
celle de Louis de Bourbon-Condé, 1 er du nom, la vic- 
time de Jarnac, qui a laissé, ajouterons-nous, des Mé- 
moires historiques importants, — celle de Guillaume du 
Bellay, cet homme illustre, que l'on n'apprécie pas assez, 
— celle de Louis de Crevant, 3.2 e abbé de la Trinité, que 
M. de Rochambeau a su, mieux que personne, élever 
à son rang: « Louis de Crevant, dit-il, fut un des plus 
grands abbés de la Trinité; il a laissé des traces nom- 
breuses de son génie et de sa haute intelligence ; sa 
mémoire mériterait une statue aussi bien que Marie de 
Luxembourg, la grande comtesse... » — Citons encore 
l'article de S* Bienheuré, qui a besoin d'être révisé, 
celui de Bouchard-le- Vieux, notre I e1 ' comte, dont les 
ossements ont été retrouvés en 1861, sur l'emplace- 
ment de l'ancienne abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, 
sans qu'on ait songé à prendre ni moulage, ni figure, 
ni mesure du crâne (?) — celui de René Chartier, le 
médecin érudit qui publia une édition complète des Œu- 
vres d'Hippocrate et de Galien en 13 vol. in-f° (2), — 



(1) L'auteur se rattache au Béarn par les plus chers liens de 
famille. 

(2) Pour cette édition grecque-latine, faite avec le plus grand 
soin sur les manuscrits, Chartier a dépensé 50,000écus, c'est-à- 
dire presque toute sa fortune. Magnifique dévouement à la 



— 107 — 

celui de Ch. Bouvard, son contemporain et son ami, 
le célèbre médecin de Louis XIII, qui régentait la Fa- 
culté et -épuisait le roi de médecines, de clystères et 
de saignées, — celui de Baudot de Jully (sic), dont 
l'auteur rectifie à la fois le nom (1), le lieu et la date 
de la naissance, travail fait d'après des sources ori- 
ginales et des renseignements de famille (2). 

Les morts contemporains ne sont pas oubliés. Là 
revivent le bon Alhoy, le philanthrope, M me Bonnard, 
l'actrice bienfaisante, réminent abbé Bourgeois, dont 
nous ne pouvons écrire le nom sans émotion, qui 
a laissé en mourant, lui le bon abbé, une pomme de 
discorde dans le camp géologique, celle do l'homme 
tertiaire, qu'il était convaincu d'avoir découvert. — 
Jean-Philibert Dessaignes, non moins remarquable 
physicien et chimiste que profond philosophe, l'un 
des esprits supérieurs de son temps, l'une des gloi- 
res de Vendôme, qui devrait avoir au moins son 
buste au Musée (3). — Dorgoni, le brave et l'aventureux, 
dont l'article se termine par un portrait fort bien tracé. 
— Duchemin de la Chesnaye, recommandable par les 
précieux Mémoires manuscrits qu'il nous a laissés. — 
Enfin Duchesne, l'admirable professeur de mathémati- 
ques, dont tous les élèves ont gardé un si profond sou- 



science ! Du reste, il n'a pu donner que les dix premiers vo- 
lumes. Les trois derniers n'ont paru que longtemps après lui. 

(1) Ce nom avait été déjà rectifié par Bouillct dans son Dic- 
tionnaire d'Histoire et de Géographie. 

(2) Le portrait de Baudot existe encore chez un de ses des- 
cendants, « magnifique toile, d'un maître assurément, mais non 
signée. » Il serait ;'i désirer que notre Musée en possédât une 
copie, au moins au crayon ou en photographie. 

(3) Il existe un portrait peint de J. Ph. Dessaignes au parloir 
du Lycée. Quant au Musée, il ne possède qu'un petit portrait au 
physionotrace, très vivant d'ailleurs (*). 

(') On sait que le physionotrace était une invention mécanique de la fin du dernier 
siècle qui permettait de prendre avec une extrême précision le profil du modèle. On 
n'obtenait ainsi que le trait qui pouvait être achevé par le travail de lYau-l'oite. 



— 108 — 

venir. Cette biographie, entièrement originale et d'après 
des renseignements contemporains, est l'une des meil- 
leures du livre. Pour nous, s'il nous est permis d'y 
ajouter nos souvenirs personnels, nous dirons que 
nous n'avons jamais vu une plus haute aptitude pour 
l'enseignement, ni une verve plus inépuisable. Le feu 
dont le professeur était animé se communiquait à tous 
ses élèves ; c'était là surtout le grand ressort de ses 
cours et le secret de ses constants succès dans les 
examens. 

Et partout le style de l'auteur est si naturel, d'une 
élégance si simple, si appropriée au sujet, que l'on n'y 
songe même pas, et c'est le plus bel éloge que l'on en 
puisse faire. 

On nous demandera si son livre est sans défauts et 
sans erreurs. Nous ne le prétendons point. Dans un 
sujet aussi multiple, aussi varié, les défaillances étaient 
inévitables. Nous ne les relèverons pas néanmoins, 
par cette raison que l'auteur les connaît et se propose 
de les faire disparaître dans le prochain volume. Dès 
lors à quoi bon faire étalage d'une facile érudition 
aux dépens d'un bon livre? Dieu nous garde de ces 
petites vanités ! 

Nous aimons mieux, en finissant, dire un mot des por- 
traits qui accompagnent le texte : ils sont au nombre 
de quatorze. Tous sans doute ne sont pas également 
réussis, mais nous signalerons celui de Jean du Bellay, 
l'un des mieux modelés,, ceux de Bouchard VI, de 

Qu'il nous soit permis à ce propos de redresser une légère er- 
reur de M. G. Duplessis dans son Histoire de la Gravure en 
France (Rapilly, 1861), p. 392 et dans ses Merveilles de la Gra- 
vure (Hachette, 1871), p. 283. — M. Duplessis prétend que l'in- 
venteur est un nommé Quenedey, qui fut imité par Chrétien et 
par un autre. Or le portrait de Dessaignes dément cette asser- 
tion, car il porte en légende au bas : Dcss. et gr. par Chrestien 
inv. du physionotrace (Suit l'adresse). Un autre portrait que nous 
possédons est plus explicite encore, car on y lit : An 8, Dess. 
/>■ Q (Quenedey) av. le phy. inr. p. Ch. (Chrétien). Ainsi le doute 
n'est plus permis. Corifitentem habemus.... 



— 109 — 

Bouchard VII et de Jean VII de Bourbon, qui reprodui- 
sent, sous différents aspects, les caractères de dessin, 
de sentiment et de naïveté du moyen âge, celui d'An- 
toine de Bourbon, d'après l'émail de Léonard Limou- 
sin, gravé à l'eau-forte par Queyroy, l'un des mieux 
dessinés et des meilleurs. Le caractère d'Antoine est 
peint sur sa figure. Enfin, Louis de Crevant, d'après un 
vitrail de la Trinité de Vendôme (1). 

Nombre de biographies sont accompagnées de fac- 
similés de la signature des personnages. Ce n'est pas 
seulement un attrait pour la curiosité. Ces écritures 
peuvent offrir quelquefois un point de comparaison 
utile. 

En somme, M. de Rochambeau a bien mérité de sa 
patrie vendômoise. Il veut ajouter dans sa Maison la 
gloire des lettres à celle des armes. Il élève aux célé- 
brités de notre pays un petit panthéon historique, et 
l'on peut prédire 

Que l'architecte un jour entrera dans le temple. 

Tout est vendômois en ce livre. Sorti de presses 
déjà bien connues par leurs excellents produits typo- 
graphiques, il fait honneur à la Maison Lemercier. On 
n'eût pas mieux fait à Paris. 

(1) Le portrait est bien pour nous celui de Louis de Cre- 
vant, mais non absolument tel qu'il existait avant l'explosion qui 
en 1870 a détruit en partie ce vitrail. 

Ch. Bouchet. 
22 avril 1884. 



ARTISTES DE LOIR -&- CHER 
FIGURANT AU SALON DE 1884 (1) 



I. - PEINTURE 

Blanchecotte (Ferdinand), né à Villeromain, 
élève de M. Cabanel. 
N° 250. — Portrait de M. C.-D. 

Busson (Charles), né à Montoire, élève de MM. 
Rémon et Français. — H. C. 

408. — La fin d'un jour d'automne. 

409. — Le val de Lavardin. 

Dupuis (Daniel), né à Blois, élève de MM. Cave- 
lier et Farochon. 

854. —Portrait de M me L... 

Pichot (Emile-Jules), né à La Chapelle-Vendô- 
moise, élève de MM. Cabanel et J. Bertrand. 

1924. —Portrait de M. L. O. T.... 

Pitard (Ferdinand), né àMondoubleau, élève de 
MM. Lobin et A. Deschamps. 
1944. — Portrait de M. L.... 

Rouillé (Léon), né à Pont-Levoy, élève de MM. 
J. Lefebvre, G. Boulanger et Le Poittevin. 
2099. — Une ferme en Normandie. 



Nous avons ajouté les noms de quelques artistes qui, sans 
être nés dans Loir-et-Cher, y ont puisé le sujet de leurs ta- 
bleaux. 



— 111 — 

Sauvage (Henri), né à Blois, élève de MM. Bon- 
nat, Busson et Humbert. 

.2157. -T- Eglise Saint-Nicolas à Blois. 
2158. — Portrait. 

II. — DESSINS, CARTONS, &c. 

Besnard (Paul-François), né à Orléans, élève de 
M. Chouppe. — A Romorantin. 

2558. — L'étang Honoré, à Saint-Honoré (Nièvre). 
— Aquarelle. 

2559. — Six aquarelles. 

1. L'Océan au cap Forte. — 2. Une rue à Arcachon. — 3. La 
plage du Moulleau, à Arcachon. — 4. Le moulin des Pou- 
lies, à Arcachon. — 5. Troncs d'arbres dans le parc de S l - 
Honoré. — 6. L'étang Vlez àCourbaton. 

Porcher (Charles-Albert), né à Orléans. 
3090. — La Loire à Saèvres (Loir-et-Cher). — Aqua- 
relle. 

Queyroy (Louis-Armand), né à Vendôme. 

3097. — Etude d'arbres dans les landes. — Deux 
dessins. 

Renouard (Paul), né à Cour-Cheverny, élève de 
Pils. 

3112. — Les Mineurs. — 1. Le doyen ; 2. Lajindu 
poste. 

3113. — La messe Masas. 

III. — SCULPTURE 

Chassaigne (René), né à Orléans, élève de MM. 
Thomas et A. Péchiné. — A Blois. 
3371. — Star, chien de Saint-Germain. — Plâtre 
bronzé. 

Halou ( Alfred d'), né à Blois, élève de Husson, 
de Droling et de Duret. 



— 112 - 

3591. — Portrait de M. Mahoudeau. — Buste, 
terre cuite. 

3592. — Grégoire, évèquede Blois, en 1792. — Buste, 
terre cuite. 

Lemaitre (M lle Eglantine), à la Recette municipale 
à Blois. 
3691. — Tête de chien. — Plâtre. 

Ribemont - Dessaignes (Alban), né à Vendôme, 
élève de M. Leduc. 
3853. — Portrait de M. Victor Dessaignes. — 
Buste, terre cuite. 

IV. — GRAVURE 
en Médailles & sur pierres fines 

Berthault (Charles), né à Saint-Amand (Loir- 
et-Cher), élève de Lequien. 
3984. — Portrait de M. F. Barbedienne. — Mé- 
daille plâtre et médaille argent, face et revers. 

Dupuis (Daniel), né à Blois, élève de MM. Cave- 
lier et Farochon. — H. C. (1). 

3992. — Dans un cadre : Deux médailles et deux 
médaillons bronze. — Quatre médailles, face et revers, 
et a in. 

3993. — Dans un cadre : Deux médailles et deux 
médaillons bronze. — Deux médailles face étain. 

V. — ARCHITECTURE 

Breton (Auguste-Marie), né à Paris, élève de 
Lenormand et de M. Laisné. 
4040. — Vue intérieure du donjon de Lavardin, 
près Vendôme. 



(1) V. Peinture, N« 854. 



— 113 — 

Guicestre (Georges), né à Mer, élève de M. An- 
dré. 
4083. -£ Monument à la mémoire de M. Godebœuf, 
a rch itecte . — Un châssis . 

Parcq (Emile), né à Villiers (Loir-et-Cher), en 
collaboration avec M. Clément (Arthur), né à 
Olivet (Loiret). 
4049. — Projet d'école de garçons pour la ville de 
Châteaudun. — Quatre châssis. 

VI. - GRAVURE 

Chahuneau (Ferdinand), né à Averdon (Loir-et- 
Cher), élève de Gusman. 

4268. — Quatre gravures sur bois, d'après les des- 
sins de M. Andrioli, pour une édition de Fenimore 
Cooper. 

Chahuneau (Hippolyte), né à Averdon, élève de 
MM. Best et Hotelin. 

4269. — Trois gravures sur bois : 1 et 2 d'après les 
dessins de M. Andrioli, pour une édition de Fenimore 
Cooper;— 3. Apollon (groupe). 

Habert-Dys (Jules), né à Fresnes (Loir-et-Cher), 
élève de MM. Gérôme, Braequemond et Gau- 
cherel . 
4402. — Une panique, gravure. 

Massé (Pierre-Augustin), néàBlois. 
4516. — Deux gravures : Le saule, d'après Giaco- 
melli ; — L'histoire d'un merle blanc, d'après le 
même. 

Queyroy (Louis-Armand), né à Vendôme. 

r>.">79. — Deux gravures : Château de la Bonaven- 
ture au Gué. — Château de la Poissonnière. Pour Les 
Bords du Loir. (V. Dessins, N° 3097.) 



— 114 - 

Renouard (Paul), né à Cour-Cheverny, élève de 
Pils. 

4584. — Une gravure : A l'Opéra: le comparse,, 
la loge de M. le directeur. 

4585. — ■ Douze gravures pour l'illustration de Y En- 
fant, de M. Jules Vallès. (V. Dessins, N° 3112.). 

Vintraut (Frédéric), né au Havre, élève de M. A. 
Tauxier. 

4646. — Deux gravures sur bois : Les Anglais au 
Louvre, d'après M. Paul Renouard, (pour le journal 
I'Art). 



!.. 



CHRONIQUE 



Réunion annuelle des Délégués des Sociétés savantes 
à la Sorbonne, en 1884. 

Les réunions que les délégués des Sociétés savantes tiennent 
chaque année à la Sorbonne, ont eu lieu les 15, 16 et 17 avril 
dernier. Nous y étions représentés par notre collègue M. de 
Trémault, qui a suivi en partie les séances de la section d'ar- 
chéologie et de celle d'histoire et de philologie. 

Parmi les travaux dont il a entendu la lecture, il a remarqué, 
comme particulièrement intéressant, un mémoire de M. Bail- 
let, de la Société Archéologique de l'Orléanais, sur une inscrip- 
tion déjà connue de Saint-Benoît-sur-Loire, remontant peut- 
être au X e siècle, et pour laquelle il propose une nouvelle lec- 
ture. — Un membre de la même Société, M. Dumuys, a présenté 
un moule en pierre, trouvé sur un tas de cailloux ramassés 
dans un champ des environs de Coulmiers. Cet objet porte trace 
de figures qui ressortent très nettement sur un moulage qui en 
a été habilement exécuté, et leur examen a fait penser â M. Du- 
muys que ce moule a dû servir, à l'époque mérovingienne, à 
faire des vases sacrés en forme de poterie. — M Espérandieu, 
de la Société des Sciences et Lettres de Cholet, a lu un mémoire 
intéressant sur deux basiliques situées en Afrique. Les deux 
édifices d'origine païenne que ce jeune officiera visités sont en- 
core assez bien conservés. Il pense qu'à l'époque chrétienne ils 
ont été affectés au culte. Ce serait un fait d'un très grand intérêt, 
s'il pouvait être appuyé de quelque preuve. — M. Montfort, de la 
Société Archéologique de la Loire-Inférieure, a rendu compte 
des fouilles exécutées dans la crypte (XI e siècle) de la cathédrale 
de Nantes. Les plans et dessins présentés ont ajouté beaucoup 
à l'intérêt des communications faites à ce sujet ; et la section a 
émis le vœu que le ministère veuille bien intervenir pour que les 
travaux actuellement en cours dans la cathédrale comprennent 
la conservation et la restauration de cette curieuse crypte. — 
M. Dumuys, déjà nommé, a donné lecture d'un mémoire sur les 
restes du château féodal de Chantecoq, ayant appartenu à la mai- 
son de Courtenay. L'auteur constate l'existence de vastes sou- 



— 116 — 

terrains, et signale le mode de construction d'une portion des 
courtines, qui sont élevées sur une suite d'arcades cintrées. 
Cette particularité mérite d'attirer l'attention de la Société, parce 
qu'elle a une grande analogie avec la disposition remarquée 
dans les ruines du vieux château du Rouillis, dont notre musée 
possède un plan fidèle que nous devons à notre président M. Lau- 
nay. Il y a cependant cette différence que ces arcades sont 
aveugles à Chantecoq, tandis qu'elles sont à jour au Rouillis. 

Dans la section d'histoire et de philologie, M. Deloche a lu 
une savante dissertation sur le mode employé, aux XIII e et XIV e 
siècles, pour dater les actes dans le Quercy et le Limousin. — 
M. Castonnet des Fosses, de la Société Indo-Chinoise, a fait 
connaître l'existence d'une très volumineuse correspondance 
de Dupleix, alors qu'il était gouverneur de Chandernagor. — 
M. l'abbé Arbelot, de la Société Archéologique du Limousin, a 
lu des fragments d'un travail très intéressant et très développé 
sur les ermites et les reclus. Il y a eu dans le Limousin des er- 
mites de trois sortes : 1° les solitaires ; 2° ceux qui vivaient 
auprès d'un oratoire ou d'une chapelle ; 3° ceux que l'auteur 
appelle ermites municipaux, qui remplissaient une sorte d'office 
public, et recevaient certaines allocations delà ville, comme par 
exemple un vêtement. Il constate qu'il existait encore de ces der- 
niers au commencement du XVIII e siècle. 

Le Président de la section d'archéologie a constaté qu'il n'a 
pas été présenté de réponse pour plusieurs des questions du 
programme, qui cependant avaient été proposées par les So- 
ciétés elles-mêmes. Il regrette que celles-ci, avant de demander 
l'inscription d'une question au programme, ne s'assurent pas 
qu'elle sera traitée par quelqu'un de ses membres. 

Les délégués ont été avisés que, sur une autorisation du mi- 
nistre, ils seraient admis à visiter les arènes de la rue Monge. 
Ils ont été reçus par M. Duruy, vice-président de la section 
d'histoire, et M. l'architecte chargé de la direction des fouilles. 
Celui-ci leur a donné, tantôt sur place et tantôt au vu du plan, 
des explications pleines d'intérêt. Une discussion s'est élevée 
au sujet des restes d'une partie des constructions mises à jour. 
M. l'architecte y voit les vestiges d'un théâtre contigu à l'arène. 
Il pense que l'édifice avait une double destination, et qu'il com- 
prenait à la fois un amphithéâtre et un théâtre. Cette opinion a 
semblé difficilement admissible â un groupe de visiteurs, au 
nombre desquels était M. Léon Palustre. Des observations 
échangées il résulte que la détermination reste un problème 
soumis à l'étude et â la sagacité des recherches des anti- 
quaires. 



— 117 — 



Dans le Bulletin du Comité des Travaux historiques, qui nous 
parvient an moment de mettre sous presse, se trouve imprimé 
le mémoire de M. L. Dumuys sur le vase mérovingien en forme 
de poterie, trouvé sur le champ de bataille de Coulmiers, et dont 
il est fait mention ci-dessus. Nous y reviendrons dans le pro- 
chain article bibliographique, ainsi que sur divers autres travaux 
importants, notamment les ateliers de tapisseries de Tours au 
XVII 8 siècle. 



Dans sa séance du vendredi 23 mai 1884, l'Académie des In- 
scriptions et Belles-Lettres a décerné le Prix Duchalais, qui 
s'applique cette année à la numismatique du moyen âge. Ce 
prix a été partagé entre M. E. Caron, auteur d'un livre sur les 
Monnaies féodales françaises, et M. de Ponton d'Amécourt, qui 
a publié des Recherches sur les Monnaies rnèrooingiennes du 
Cenomanicum (province du Maine). 

Nous sommes heureux d'avoir à féliciter notre confrère 
M. Caron de ce succès mérité. Nous n'avons plus ù faire l'éloge 
de son beau travail ; nous ne pouvons que renvoyer nos lec- 
teurs à ce qui en a été dit plus haut (V. page 58), à propos de 
l'envoi fait par l'auteur à la bibliothèque de notre Société. 

Rappelons encore qne l'ouvrage de M. de Ponton d'Amécourt 
s'occupe d'une partie notable de notre pays; tout le Bas-Ven- 
dômois dépendait en effet de l'évéché du Maine, ancienne cir- 
conscription du Cenomanicum. La Revue Archéologique du 
Maine en avait eu la primeur, et nous y avions signalé les mon- 
naies déjà connues de Bonnevau (Matval), et quelques autres 
plus incertaines de Trôo, Le Gué-du-Loir, Bâillon, etc. 



Nous lisons dans le Carillon du 8 mai 1884 : 

M. de Sonnier, qui avait demandé au ministre de l'Instruc- 
tion publique et des Beaux-Arts un tableau pour le Musée de 
Vendôme, vient de recevoir la lettre suivante : 

» Monsieur le Député; 

« J'ai l'honneur de vous informer que, par un arrêté rendu sur 
ma proposition, M. le Ministre, tenant compte de votre recom- 



— 118 — 

mandation, a attribué, à titre de dépôt, au Musée de Vendôme 
le tableau de M. Hayon, « Le Retour du Marché », acquis par 
l'Etat au Salon de 1883. 

« M. le Préfet est chargé de faire connaître cette décision à 
M. le Maire de Vendôme, et de le prévenir que ce tableau ayant 
paru digne de figurer comme prêt de l'Etat aux expositions des 
départements et de l'étranger, il ne sera possible de l'expédier à 
destination qu'à la fin de l'année courante. 

« Agréez, Monsieur le Député, l'assurance de ma considéra- 
tion très distinguée. 

Le Directeur des Beaux-Arts, 

A. Kemphen. 



L'excellent article de notre collègue et ami M. Bouchet, qu'a 
publié notre Bulletin d'octobre dernier, et qui contient un ex- 
posé aussi clair que précis de l'état actuel de la question con- 
troversée des silex tertiaires de Thenay, a été remarqué comme 
il méritait de l'être. Des demandes de la brochure tirée à part 
sont arrivées à l'auteur de la part de savants qui avaient vu le 
travail recommandé dans diverses Revues. 

Dans le Numéro de mai des Matériaux, M. E. Chantre en fait 
notamment une fort bonne analyse, ainsi que de la discussion 
qui a suivi la lecture de M. Bouchet, discussion à laquelle pri- 
rent part MM. de Nadaillac, de Maricourt et Nouel. Dans le 
journal L'Homme, M. de Mortillet lui avait déjà consacré une 
note bienveillante. 

Un nouveau pas semble d'ailleurs avoir été fait dans la ques- 
tion. Dans le même recueil, M. de Mortillet signale la décou- 
verte faite à Puy-Courny, près d'Aurillac, d'un silex tertiaire 
portant tous les caractères de la taille intentionnelle. 

L. M. 



Un charmant poète bien connu de nos lecteurs, M. Charles 
Chautard, vient d'obtenir de la Société d'encouragement au 
bien une des médailles d'honneur pour son Recueil de Chansons 
de métiers et Chansons de village, justice un peu tardive mais 
encore insuffisante. — L'auteur avait été invité officiellement à 



— 119 — 

venir recevoir lui-même sa récompense ainsi que le diplôme qui 

la consacre, mais il en acte empêché. 

Une (|e ces chansons, l'Hirondelle, vient d'être mise on mu- 
sique, quoiqu'elle eût déjà son air, indiqué par l'auteur lui- 
même (air du Chancre, paroles et musique do M. Mahiet de la 
Chesneraye). Nous avions dit nous-même, en rendant compte, à 
l'époque, de ces chants gracieux : La musique s'en emparera, 
et leur donnera des ailes. 

Nous remarquons également dans le Bulletin officiel de la 
Société pour l'année 1884 les noms suivants : 

M. le D r Dujardin-Beaumetz, médecin des hôpitaux, mem- 
bre de l'Académie de Médecine, lauréat de l'Institut, auteur 
de ;'> volumes de clinique thérapeutique, de 40 mémoires 
sur la thérapeutique et la matière médicale de 17 sur la pa- 
thologie interne, etc., etc. — Médaille d'or. 

Richard (Jean-Baptiste), 70 ans, gardien depuis 46 ans au 
château de Rochambeau -Vendôme ; un de ces types de vieux, 
fidèles etdévoués serviteurs, aujourd'hui déplus en plus rares. 

- Mention honorable. 

(h. B. 



Le Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme. Typ. Lemercier. 



fc, 

• 



En vente chez M. FOUCHER, libraire - éditeur, 
& chez tous les libraires du département. 



GUIDE DU TOURISTE 

DANS LE VENDOMOIS 

Géographie, Histoire, Biographie, Archéologie & Excursions, 

Publié sous les auspices 
de la Société Archéologique du Vendomois. 



CARTE du Vendomois & PLAN de Vendôme. 



Un volume format in-18, de 452 pages. 
Prix : 3 fr 50. 




BULLETIN 



* 



DE LA 



/ A 




OC ETE ARCHEOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIII 



TRIMESTRE 1884 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 121 

Liste des membres admis depuis la séance du 

10 avril 1884 122 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 10 avril 1884 . . 122 

Bénédiction des drapeaux de la Milice bour- 
geoise de la ville de Vendôme en 1790, par 
M. Aug. de Trémault 135 

Une Miniature de manuscrit du XII" siècle, 

par M. Ch. Bouchet 146 

Un Vagabond, par M. Ch Chautard 159 

Chronique 165 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1884 




f». 



SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



23 e ANNÉE — 3 e TRIMESTRE 



JUILLET 1884 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 10 juillet 
1884, à deux heures. 

Etaient présents : 

MM. Gervais Launay, président; Isnard, vice-président; G. de 
Trémault, trésorier ; L. Martelliére, conservateur du Musée ; 
Ch. Chautard; de Rochambeau ; Cli. Bouchot, bibliothécaire 
honoraire, membres du Bureau ; 

Et MM. l'abbé Barbereau ; Beaumetz ; de Bodard, l'abbé 
Bourgogne; le D r Brocheton , L. Bufforeau ; Duvau ; Jour- 
dain; P. Lemerciei- ; Martelliére-Bourgogne; l'abbé Métais ; 

wiii H 



Micard ; de la Peyrière ; Romain-Cornut; de la Serre ; Aug. 
de Trémault; général de Vandeuvre, membres de la Société. 

Cette séance était publique, et un certain nombre de person- 
nes étrangères à la Société y assistaient. 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

M. le Secrétaire fait connaître les noms des nouveaux mem- 
bres admis par le Bureau ; ce sont : 

MM. Rabouin, notaire à Bonneval (Eure-et-Loir); 
Rasquier, pharmacien à Vendôme ; 
l'abbé Perrin, curé de Saint- Amand; 
l'abbé Bon temps. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 10 avril 1884 



I. — ART & ANTIQUITÉ 

Nous AVONS reçu : 

De M. le marquis de Nadaillac : 

Un petit lot de SILEX travaillés, de même nature et de môme 
origine que ceux envoyés de Tunisie par M. le vicomte de Na- 
daillac, il y a quelques mois. (Voir le Bulletin de janvier, p. 12.) 

Parmi un certain nombre de pointes et de fragments de la- 
mes, se trouve un type remarquable, sur lequel nous croyons de- 
voir appeler l'attention. C'est une sorte de segment de cercle, de 
croissant, si l'on aime mieux, dont la partie externe (l'arc) a une 



— 123 — 

assez grande épaisseur et est très finement retouchée, tandis 
que la partie interne (la corde) est restée tranchante, île sorte 
qu'on pourrait être tenté de le prendre pour l'extrémité éclatée 
d'un grattoir magdalénien. Pourtant c'est un instrument com- 
plet, et non un fragment. La grandeur des spécimens qui nous 
sont offerts varie entre deux et trois centimètres ; nous igno- 
rons s'il en existe de plus grands. Nous nous abstiendrons de 
toute conjecture sur l'usage présumé de ces petits objets, et 
nous accueillerons avec reconnaissance toutes communications 
à ce sujet. 

De M.Arm. Queyroy, conservateur du Musée archéologique 
de Moulins (Allier) : 

Une petite LAMPE en terre cuite, trouvée dans les Catacom- 
bes de Rome. 

Un fragment de FRISE de style ogival, en albâtre sculpté, 
qui devait faire partie d'un retable et couronner un sujet. Tra- 
vail français de la fin du XIV siècle. 

Un FLAMBEAU tourne - mèche en fer forgé. Bourgogne. 
XVP ou XVIP siècle. 

Six CLEFS en fer forgé, époques de Henri IV et Louis XIII. 
L'une d'elles, avec chiffre dans l'anneau, appartient à l'époque 
de Louis XV. 

TROUSSE dans sa gaine en bois, recouverte de corde rouge. 
Elle se compose du couteau, de la fourchette et de l'affût (fusil 
ou affiloir), montnre en bois de renne. On y a joint une cuiller 
en corne, d'un travail allemand, qui porte au-dessous d'un sujet 
gravé une inscription dont voici la traduction: 

La grâce do. Dieu, 

Un corps sain, 

Un lit chaud, 

Une belle femme, 

Une bonne conscience 

Et de l'argent comptant. 

Est la meilleure 

Chose du monde. 

Un COUTEAU avec manche en cuivre tourné (XVP siècle). 
Un COUTEAU de l'époque Louis XV. Monture en ivoire avec 
virole en argent. 



— 124 — 

La COPIE d'une FRESQUE de la chapelle Saint-Gilles à 
Montoire, aquarelle d'Emile Launay, élève de l'Ecole des Beaux- 
Arts (section d'architecture). Cette copie, exécutée avec une 
grande sûreté de main et un très juste sentiment du style, 
fait regretter que le jeune artiste vendômois, enlevé par une 
mort prématurée, n'ait pu tenir ce que promettaient ses heureux 
débuts. 

Une VUE du château de Lavardin. Sépia anonyme. 

La COPIE d'une MINIATURE du XII e siècle, appartenant à 
la bibliothèque du XII e siècle, dessin do M. A. Queyroy. M. Ch. 
Bouchet, dans un article qu'on trouvera plus loin, a bien voulu 
se charger d'étudier cette précieuse miniature, qui représente 
sans doute l'abbé Geoffroy reçu par N.-S. Jésus-Christ à la porte 
de la Jérusalem céleste. Nous lui laissons aussi la tâche plus 
facile d'apprécier le mérite de la copie et d'en remercier le do- 
nateur. 

De M. Guillochin, de Montoire, par l'intermédiaire de M. 
H. Pineau, avoué à Vendôme : 

Un COUTEAU trouvé, il y a quelques années, dans le Loir, 
près du pont de Montoire. Le mauvais état de conservation de 
cet objet ne permet pas d'en préciser l'époque; on peut dire seu- 
lement qu'il semble d'origine relativement récente. 

Acquisition : 

Au mois de mai dernier, M. Bonnin, instituteur à Fréteval et 
l'un de nos plus zélés sociétaires, nous prévenait qu'il existait à 
Fréteval un fragment de POLISSOIR portatif. Grâce â sou in- 
termédiaire obligeant, le Musée put faire l'acquisition de ce 
morceau intéressant et le sauver d'une destruction complète. 
Il consiste en un bloc de grès roussâtre, mesurant environ 
trente centimètres dans sa plus grande dimension. Quoique de 
nombreux éclats en aient été détachés, soit par accident, soit 
avec intention, il reste encore sur l'une des faces trois rainu- 
res ou coches bien apparentes et presque intactes qui caracté- 
risent parfaitement l'instrument. 



125 - 



IL — NUMISMATIQUE 



<-,. 



Noife AVONS reçu: 
De M. G. de Trémault, notre trésorier : 

Six. jetons ù l'effigie de Louis XIV, fabriqués à Nuremberg 
par Conrad et Lazare Lauffer; 

Une pièce de billon du canton de Berne, 1796 ; 

Et une petite médaille du mariage du prince Napoléon avec la 
princesse Clotilde. 

De M. Chardonneret, à Paris : 

Les clichés en métal fusible (face et revers séparément) de 
deux médailles modernes. 

l'LUDOVICUS MAGNUS REX CHRISTIANISSIMUS. — 

Tète du roi, non couronnée, longs cheveux flottants. Au-des- 
sous: A. Benoist, f. 1701. bT : IN OMNIBUS IDEM. Les douze 
signes du zodiaque; au centre, la terre qu'éclairent les rayons 
du soleil. 

2° CAROLUS X FRANC . ET . NAV . REX. Tète du roi à 
gauche, gravé par Depaulis. — rT : LVDOVICO . DECIMO . 
SEXTO - IMPIE. TRVCIDATO - - GALLIA . LIBERATA . 
REDIVIVA - MOERENS — HOC LVCTVS . MONVMENTVM 
— CONSECRAT - III . MAII . MDCCCXXVI. Médaille frap- 
pée pour l'inauguration du monument expiatoire. 

De M. Bonnin, instituteur à Fréteval : 

Une médaille byzantine, assez bien conservée, attribuée à 
l'empereur Jean Zimiscès (907-976), et dont nous avons déjà 
donné la description dans notre Bulletin. (V. tome xvn, p. 20;?.) 

Acquisition, par l'intermédiaire de M. Bonnin : 
Deux médailles romaines provenant d'une trouvaille faite à 
Fréteval, à une époque, et dans des circonstances qui n'ont pas 
été éclaircies. La première est un Antonin, d'une médiocre con- 
servation; le revers représente l'Italie, sous la figure d'une 
femme tourrelée, assise à gauche sur un bouclier et tenant une 
corne d'abondance et un sceptre. L'autre, de Trajan, porte au 
revers un pont avec une' tour à chaque extrémité, en souvenir 
du fameux pont, jeté par l'empereur sur le Danube. (Fruste.) 



— 126 — 

Acquisition : 

Un louis d'or de Louis XIV enfant, dit Louis à la mèche lon- 
gue. LVD. XIIII D. G. FR. ET NAV. REX. Tète enfantine 
aux longs cheveux ; dessous, 1651. — nf: CHRS. REG. VINC. 
IMP. Huit L adossés et couronnés, formant une croix canton- 
née de fleurs de lis ; A au centre. Trouvé aux environs de Pi- 
thiviers (Loiret). 

L. M. 

III. —BIBLIOGRAPHIE 

1. — Dons des Auteurs ou autres : 

Une petite épave d'un grand poète, supplément aux œuvres de 
Jean Racine.— Vendôme, C. Launay, imprimeur, 1883. Brochure 
gr. in-8 de 16 pages sur papier teinté, avec titre, lettres ornées et 
fleurons en rouge. 

Notre collègne M. Duvau, bibliophile érudit auîant qu'agréa- 
ble écrivain, a eu l'insigne honneur de découvrir une pièce de 
vers inédite de Jean Racine. Cette poésie assez gaillarde, inti- 
tulée: Réponse à la chanson de M"" de Longueval, parait être 
de la main même du grand poète. Retrouvée chez M. Géd. de 
Trémault, qui avait épousé une descendante de Racine, elle 
était tout à fait inconnue, et avait échappé par hasard à l'auto- 
dafé que Racine lui-même fit de ses œuvres galantes avant son 
mariage, et que Louis Racine, encore plus rigoriste, renouvela 
après la mort de son père. 

M. Duvau en a fait le sujet d'un travail plein d'aperçus ingé- 
nieux, qui fut publié d'abord par la revue Le Livre, et dont le ti- 
rage en brochure fait le plus grand honneur aux presses de 
M. C. Launay. 

Découverte d'un camp romain et d'un hameau gallo-romain à 
Chou.zg (Loir-et-Cher). 

Une excursion dans le vieux Blèsois. 

Ces deux brochures ont été offertes par l'auteur M. L. Gui- 
gnard, lors du séjour qu'il fit â Vendôme pour l'organisation 
du congrès de l'Association française pour l'avancement des 
sciences. 



— 127 — 

La première est le compte-rendu d'une excursion entreprise de 
concert avec M. de la Vallière dans la plaine de Chouzy, Laquelle 
amena la découverte d'un castrum rectangulaire et de nombreux 
vestiges de substruotions gallo-romaines et franques. 

Dans la seconde, une promenade à travers les vieilles rues de 
Blois, conduite avec le flair et l'érudition du vrai archéologue, 
signale une foule de monuments de tous les âges, des détails 
charmants et des souvenirs d'un haut intérêt, à peu prés inconnus 
des étrangers et même des Blésois. 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 

Romania. N° 5 46, 47, 48, 49. 
Journal des Savants. Mars, avril, mai 1881. 
Reçue des Travaux scientifiques. (Suite.) 
Répertoire des Travaux historiques. Tome n, N° 4. 

Bulletin du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. 
Section d'histoire et de philologie, année 1882, N° 2. - Section 
d'archéologie, année 1881, N° 2. 

Parmi les communications insérées dans ce Numéro, nous si- 
gnalerons principalement: les Ateliers de tapisserie de Tours, 
privilège octroyé à Comans et Delaplanche pour l'établisse- 
ment d'une manufacture de tapisserie à Tours (février 1613), par 1 
M. J. Guiffrey; — Note sur un moule à patènes de l'époque mé- 
rovingienne, par M. L. Dumuys, avec planche. (Voir à la chro- 
nique du dernier Bulletin.) 

Discours prononcé par M. Fallières, ministre de l'instruction 
publique, à la séance du congrès des Sociétés savantes, le sa- 
medi 19 avril 1884. 

III. — Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et Echanges : 

Annuaire de la Société Française de [Nu/uis/natiquc et d'Ar- 
chéologie. Années 1882 et 1883. 

Bulletin de la Société des Sciences .historiques et naturelles 
de l'Yonne. Année 1883, 38° volume, 2° semestre. 

Le catalogue du musée lapidaire d'Auxerre, publié dans ce vo- 
lume, peut être cité comme un modèle du genre. Les textes 
épigraphiques y sont interprétés d'après les plus récentes don- 



— 128 — 

nées de la science ; les monuments y sont clairement décrits et 
brièvement discutés au besoin, et de nombreuses vignettes, très 
habilement exécutées, reproduisent les principaux d'entre eux. 

Le travail de M. Richard, intitulé « Questions d'histoire et de 
géographie anciennes soulevées par les Commentaires de César,» 
nous semble mériter aussi une mention spéciale. 

Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et- 
Cher. Tome x, 1884. 

Ce 10" volume, qui contient des travaux vraiment remarqua- 
bles, nous fait regretter que la Société Blésoise mette un si long 
intervalle entre ses publications; le 9 e volume remonte à 1877. 

Signalons parmi les plus intéressants mémoires: 
Les anciennes Communautés d'arts et métiers à Blois, par 
M. Louis Belton. 

Quelques mots sur l'Architecture, par M. Heude, aux conclu- 
sions duquel nous nous associons complètement. 

Numismatique Blésoise, l re partie, Atelier primitif du château, 
par M. Anatole Badaire. Savante étude des monnaies frappées à 
Blois pendant les périodes mérovingiennes et carlovingiennes, 
ainsi que sous les premiers Capétiens. Ces dernières sont ano- 
nymes et sont au type improprement dit chartrain, lequel n'est 
qu'une dégénérescence de la tète des deniers de Chinon. Nous 
aurions aimé voir le travail de M. Badaire commencer par quel- 
ques mots sur les pièces gauloises portant le loup des BLE- 
SENSES. Nous aurions aussi voulu trouver les planches pro- 
mises par l'auteur. 

Etudes sur l'ancien château de Blois avant la Renaissance, par 
M. Fernand Bournon. 

La Science et l'Industrie chez les Grecs, par M. le comman- 
dant de Rochas. 

Reoue Historique et Archéologique du Mairie. Six livraisons, 
composant les deux volumes de l'année 1883. 

Parmi les nombreux articles publiés dans ce recueil, nous si- 
gnalerons : 

Les Couesmes, seigneurs de Lucé et de Pruillé, par M. V. 
Alouis ; 

La Légende de la reine Berthe, par M. Robert-Triger ; 



- 129 — 

Là Vie de Rotrou mieux connue, par M. Henri Chardon ; 
Le Trésor trouvé dans le jardin de la préfecture de Rennes 
en 1881, .par M. E. Hucher; 
La Procession des Rameaux au Mans, par M. Robert-Triger. 

Bulletin de la Sociale Archéologique de l'Orléanais. N° 18, 
3" trimestre de 1883. 

On y trouve un rapport de M. l'abbé Desnoyers sur la décou- 
verte, dans l'ancienne chapelle Saint-Jacques, d'un vase renfer- 
mant une feuille de papier en mauvais état, laquelle portait 
une inscription latine en deux lignes. On put y déchiffrer ces 
mots : insanuSj nantis ridiculusque labor pro nihilo. L'auteur y 
voit avec raison une mystification de queque écolier facétieux 
du XVIII" siècle à l'adresse des archéologues et chercheurs de 
trésors. Quel dommage que le mauvais plaisant ne soit plus là 
pour jouir du succès de son espièglerie! 

Bulletin de la Société Dunoisc. N° GO, avril 1884. 

M. Marquis, curé d'Illiers, publie dans ce fascicule un travail 
fortétudié sur l'Etat de l'abbaye de Bonneoal au milieu du XVI* 

siècle. Les documents sur la célèbre abbaye sont extrêmement 
rares, et tout ce qui peut éclairer son passé doit être recueilli 
avec soin. 

Signalons aussi la Liste des nobles de l'élection du Dunois en 
1668, par M. Ch. Cuissard. — La bibliothèque d'Orléans possède 
un manuscrit intitulé : Catalogue des nobles délégués d'Orléans 
copié sur l'original en l'étude du S r ChenudeaUj secrétaire de M. 
Machanet, intendant en 1668. Cette liste contient, pages 18 à 22, 
les nobles de l'élection du Dunois. M. Cuissard en donne la no- 
menclature, en y joignant d'utiles renseignements empruntés à 
un autre généalogiste Orléanais, Hubert, dont les manuscrits 
appartiennent aussi à la bibliothèque d'Orléans. 

Il serait ;i souhaiter que quelqu'un de nos confrères pût con- 
sulter ces sources, et nous donner, pour l'élection de Vendôme, 
un travail analogue à celui public'; par la Société Dunoisc, dans 
lequel nous retrouvons déjà un certain nombre de noms ven- 
dômois: de Taragon, do Saumery, Jean du Guichard, s r de Pe- 
rav (Pray) et de Renay, de Phelines, de Marcscot, de Salmon 
du Chatelier, etc., etc. 



— 130 — 

Bulletin de la Société Archéologique cl' Eure-et-Loir*. N° 166. 
mars 1884. Procès-verbaux. — Ce fascicule, consacré au compte 
rendu des séances de la Société du 24 mai au 8 novembre 1883, 
contient aussi une bonne appréciation, quoique un peu trop faite 
au point de vue religieux, des Essais historiques sur le Perche, 
de M. Gouverneur, par l'abbé Sainsot. 

Le N° 1G7 (avril 1881) contient la traduction des Lettres de 
saint Ives (suite). 

Annales de la Société Historique et Archéologique du Gàti- 
nais. Tome ii, 1 er trimestre de 1884. 

La numismatique tient une place importante dans ce fascicule- 
M. Dufour étudie d'abord les produits de l'atelier monétaire de 
Corbeil. Ouverte de 1651 à 16Ô8, cette succursale momentanée de 
*a Monnaie de Paris n'alaisséque des liards assez rares aujour- 
d'hui. (Voir Hoffmann, Monnaies françaises, p. 186.) — M. Du- 
hamel publie un mémoire sur'des monnaies gauloises et oarlovin- 
giennes trouvées à Méréville (Seine-et-Oise). L'une des premiè- 
res est fort remarquable et d'un type inconnu jusque présent. 
M. Duhamel la croit carnute, et y voit la représentation d'une 
branche de gui. Nous regrettons qu'il n'ait pas joint une figure 
à ses descriptions. — M. P. Martellière rend compte de la dé- 
couverte d'un cimetière antique à Briarres-sur-Essone (Loiret), 
et de monnaies diverses aux environs de Pithiviers. 

Bulletin de la Société des Arcliiccs historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. iv* volume, 6 e livraison (avril 1881); v° vol., 
l re livraison (juillet 1884). 

Des découvertes archéologiques faites dans diverses localités 
rentrant dans le domaine de la Société sont décrites dans ce 
Bulletin; mais l'article le plus intéressant est celui de M. Em- 
Maupas sur la Poterie préhistorique du camp do Peu-Richard. 

Nous y trouvons aussi la biographie d'un homme qui mérite- 
rait d'être plus connu. Pierre Toufaire, ingénieur en chef de la 
marine, qui bâtit le grand hôpital de Rochefort, etfonda les usines 
d'Indret, du Creuzot et de Ruelle, naquit a Chàteaudun en 1739' 
et mourut à Toulon en 1794, victime de son dévouement au ser- 
vice de la France Nous ne pouvons passer en revue cette vie si 
l'emplie, que les événements de la fin du dernier siècle ont fait 
oublier ; nous ne voulons y signaler qu'un point particulier, son 
séjour dans le Vendômois. 



— 131 — 

Pierre Toufaire avait acquis, près de Danzé, ;'i trois lieues de 
Vendôme environ, le domaine de la Croiserie, et d'un petit ren- 
dez-voué"de chasse, perdu au milieu des bois, il avait fait une ma- 
gnifique propriété. Il y venait chaque année passer un mois de 
congé, qu'il employait à augmenter les bâtiments, à créer des 
jardins, à percer des avenues, à transformer cette nature sauvage 
et à la marquer de son empreinte. Le mariage do la fille de Tou- 
faire avec le fils de son ami de la Forge fît entrer la Croiseric 
dans cette dernière famille, qui la possède encore. 

De 1774 à 1794, Pierre Toufaire écrivit jour par jour, sans in- 
terruption, le journal de sa vie laborieuse. Ce manuscrit, com- 
prenant 7 volumes in-12, a fourni de précieux renseignements à 
l'auteur de sa biographie, M. Phil. Rondeau, dont l'aïeul était 
l'ami du grand ingénieur, et qui tient lui-môme au Vcndômois, 
où ses parents résidèrent sous la Restauration. 

Enfin mentionnons, page 372, une rectification à la note bio- 
graphique de Marie-Joseph-Claude de Bourdeille, dernier abbé 
de Vendôme, publiée par M. l'abbé Métais dans notre Bulletin 
de 1883. 

Bulletin de la Société Archéologique, Scientifique et Litté- 
raire de Bèziers (Hérault), 2 e série, tome xn, 1" livraison 1883. 

Les recherches sur les anciennes pestes et contagions à BèzierSj 
par M. An t. Soucaille, ont, à l'heure où nous écrivons, une ac- 
tualité qui augmente malheureusement leur intérêt. Mais on lira 
sans tristes préoccupations l'étude sur le Préhistorique et le 
Protohistorique dans le Languedoc, par M. Sabattier-Desar- 
nauds, et le Plo-dc-bru, oppidum-refuge gaulois, par M. l'abbé 
Louriac. 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome ix, 1" fasci- 
cule 1881. -• Fin de l'étude de M. Judybki .sur l'origine inorga- 
nique des combustibles minéraux. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 

4 e trimestre de 1883. — Etude sur la bataille de Poitiers-Mau- 
pertuis, par le colonel Babinet, 2° partie. Analyse et extraits 
des documents tant anciens que. modernes ; carte du champ de 
bataille à l'échelle de 1 40,000. 

1 er trimestre de 1884. — Communication de M. deLonguemer, 



- 132 — 

relative à la découverte d'une tour et d'un caveau funéraire de 
l'époque gallo-romaine, près de l'ancienne abbaye de Saint-Cy- 
prien-lès-Poitiers, avec planches. Rapprochement de cette dé- 
couverte de celle d'un petit hypogée découvert au même lieu en 
1779. 

Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, 
5 e série, tome ni, 1882. 

Le même volume contient aussi le Bulletin de cette Société 
pour 1882. On y lira une notice très bien faite sur la vie et les 
travaux de M. Adrien de Longpérier, par M. Schlumberger, 
suivie de la bibliographie complète des publications de M. de 
Longpérier. 

Société Archéologique de Rambouillet. Mémoires et Docu- 
ments. Tome vu (1882-1883). — Presque entièrement rempli 
par l'ôpigraphie du canton de Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise), 
par l'abbé Loisel. 

Bulletin de l'Académie du Var. Tome xi, l re partie du 2 3 fas- 
cicule (avril 1883). Suite et fin du travail du D r H. Gre'goire sur 
les impôts en Provence avant la Révolution. — 2 e et 3 e parties 
(décembre 1883). M. Ch. Ginoux signale à l'attention des artis- 
tes une grande composition représentant l'Assomption, placée 
sous la coupole de la chapelle de Notre-Dame des Saintes Re- 
liques, dans la cathédrale de Toulon. Il l'attribue à Pierre 
Mignard, qui l'aurait peinte à son retour d'Italie, en 1657. Il en 
avait déjà fait l'objet d'une communication lue à la réunion des 
Sociétés savantes à la Sorbonne (section des Beaux-Arts). 

Bulletin de la Société Archéologique de Nantes. Année 1883. 

Société des Sciences et Arts agricoles et horticoles du Havre. 

1882. 

Mémoires de la Société d'Emulation d'Abbevillc. 3 e série, 3' vo- 
lume, 1877-1883. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique des diocèses de Valence, Di- 
gne, Gap, Grenoble et Viviers. Numéros de septembre, décembre 
1883, janvier et février 1884. 

Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'An- 
gers (ancienne Académie d'Angers). Tome 24 e , 1882; tome 25 e , 
1883. 



— 133 — 

Mémoires de la Société de Géographie de Vienne (Autriche). 
1883. 

F,. 

Annales du Musée Guimet. (Suite.) 

Revue de l'Histoire des Religions. N os de janvier et février 
1884. 



IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. (Suite.) 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. Tome i, février à juin 
1884. — Nous signalerons. 

N° de février. — Découverte de puits préhistoriques d'extrac- 
tion de silex, par Marcelin Boule (avec 7 figures). — Grottes sé- 
pulcrales artificielles dans le Finistère, par P. du Chastellier. 

N° de mars. — Nègres et civilisation égyptienne, par G. de 
Mortillet. — Etudes sur quelques nécropoles hallstattiennes de 
l'Autriche et de l'Italie, par E. Chantre (31 figures). — De la 
période glaciaire et de l'existence de l'homme durant cette pé- 
riode en Amérique, par le marquis de Nadaillac. Nous avons 
déjà rendu compte de ce travail, dont M. de Nadaillac a bien 
voulu offrir un tirage à part à ses confrères de la Société. 

N" d'avril. — L'Anthropologie de Linné, par le D r P. Topi- 
nard. — Essai sur les nuragues et les bronzes de Sardaigne, par 
MM. A. Baux et L. Gouin. (22 figures dans le texte). — Décou- 
verte d'un trésor de l'âge de bronze au Dévoc (Ardèche), par 
M. Ollier de Marichard (4 figures). 

N os de mai et juin. — Examen des sépultures préhistoriques 
dans le Finistère, par M. P. du Chatellier ; dans l'Aude, par 
M. G. Sicard; et en Sardaigne, par M. A. Baux. (Voira la der- 
nière Chronique le compte rendu de l'article de M. Bouchet sur 
les silex deThenay.) — Fin de l'Etude sur quelques nécropoles 
hallstattiennes de l'Italie et de l'Autriche, par M. E. Chantre. 

Bulletin Monumental. N os L 2 et 3 de 1881. A signaler : 

N os let2. — Etude relative aux signes de tâcherons sur les 
remparts d'Avignon, par M. A. Maire, avec planches représen- 
tant toutes les marques visibles sur ces curieux monuments de 
l'art militaire aux XIII", XIV' et XV» siècles. 



— 134 - 

N°3. — La Renaissance en France, par M. Anthyme Saint- 
Paul, à propos du récent ouvrage publié sous ce titre (par M. L. 
Palustre). 

E.N. & L.M. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



BÉNÉDICTION DES DRAPEAUX 



* DE LA 



Milice Bourgeoise de la Ville de Vendôme en 1790 

Par M. A.ug. de Trémault. 



La pièce que nous donnons ici est une page extraite 
des registres municipaux de la ville de Vendôme. 

Elle contient la relation officielle de la cérémonie de 
la bénédiction donnée en 1790 aux drapeaux de la mi- 
lice urbaine, qui, en échange de son nom, allait rece- 
voir celui de garde nationale. 

Nous demandons la permission de la faire précéder 
de l'exposé des circonstances locales dans lesquelles 
elle fut accomplie. 

La milice ou garde bourgeoise de la ville de Ven- 
dôme était une institution fort ancienne. Son origine 
doit être contemporaine de la construction des murail- 
les de ville, qui furent élevées au XIV e siècle (1357). 
La concession qu'un siècle plus tard (1467), le comte 
Jean VIII fit aux habitants de la propriété des fossés 
delà ville, depuis la tour des Cordeliers jusqu'à celle 
des Chereaux (du barrage du Dos-d'Ane à la maison de 
M me Sampayo), à la condition d'entretenir et de garder 
la partie de l'enceinte comprise entre ces deux tours, 
fut l'occasion de donnera la garde bourgeoise une con- 
stitution précise et certaine. 

De tout temps, elle fut composée de quatre compa- 
gnies. A chacune de celles-ci était confiée la garde de 
l'une des quatre portes de la ville. Depuis les troubles 
de la Fronde, elle n'avait plus eu à prendre les armes 
que pour accompagner les processions lorsqu'aux fêtes 



— 136 - 

solennelles celles-ci parcouraient la ville, et assister aux 
Te Deum que la Cour demandait au clergé de chanter 
lorsqu'il survenait quelque événement heureux pour la 
France,ainsi qu'aux feux de joie qu'en ces circonstan- 
ces le bailli, et plus tard le lieutenant-général civil, allu- 
mait en cérémonie,, comme signal des réjouissances 
publiques. 

Mais il paraît qu'en 1789, cette milice n'existait plus 
à Vendôme que de nom. Elle fut alors réorganisée à la 
suite d'une alerte qui, dans la nuit du 24 juillet 1789, 
mit toute la ville en émoi. 

Depuis le commencement de l'hiver, les grains, par 
suite de leur rareté, étaient montés à des prix excessifs. 
La cherté des subsistances et les difficultés des appro- 
visionnements avaient jeté une grande inquiétude 
parmi les populations. Le 9 mars, une émeute avait 
éclaté au marché de Vendôme. Sept maisons avaient 
été saccagées. Pour rétablir l'ordre, les échevins avaient 
dû s'adresser à Blois, et demander l'envoi à Vendôme 
d'un détachement de 150 hommes du régiment de Royal 
Comtois (Registre 20, f° 66). Grâce à ce secours, qui leur 
fut accordé, ils purent maintenir la tranquillité. Mais les 
difficultés d'approvisionner la ville s'accrurent telle- 
ment pendant les mois suivants, que le 20 juillet on 
forma un Comité permanent de 12 membres chargé 
d'aider les échevins dans tout ce qui était relatif à cette 
question pressante des subsistances (Ici., f° 76). Cha- 
que nuit un certain nombre de bourgeois veillaient avec 
une escouade de troupe à la tranquillité de la ville. 

C'est dans ces circonstances que le 24 juillet, à 2 
heures de la nuit, MM. de Quiezac et Debure, capitai- 
nes, le premier du Royal Comtois, et le second de la 
garde bourgeoise, firent éveiller les membres du corps 
municipal et le procureur du roi du bailliage ; lorsque 
ces magistrats furent réunis à l'hôtel de ville, ils leur 
donnèrent communication d'un billet que l'on venait 
d'apporter. Il était daté du 23 juillet, à 8 heures du soir, 
et émanait du curé de Mazangé. 



— 137 — 

Il donnait avis qu'une bande de 600 Bretons avait' en- 
vahi Saint-Calais, où elle commettait les plus grands 
désordre^, que Savigny était menacé, que le tocsin 
sonnait à Fortan, à Mazangé et dans toutes les com- 
munes voisines. La panique avait gagné jusqu'à Naveil, 
dont le capitaine Debure disait avoir entendu la cloche, 
en traversant le pont St-Michel. 

Le Conseil décida à l'instant que l'alarme serait 
donnée par les quatre tambours de ville, et que l'on 
enverrait prier MM. de l'Oratoire de donner les ca- 
nons (1) et les fusils de l'école militaire, ce qu'ils ti- 
rent. 

(1) Un mois plus tard, on réunit à ces canons les deux pièces 
que le Congrès des Etats-Unis d'Amérique avait données à 
M. le Comte de Rochambeau, en souvenir de sa glorieuse cam- 
pagne de 1781. — Voici lé procès-Verbal de remise qui se trouve 
au f" 911 du 20 e registre municipal de la ville de Vendôme. 

« L'an 1789, ce jourd'hui, trente-et-unième et dernier jour du 
« mois d'août, M D,e la Comtesse de Rochambeau, suivant sa mis- 
« sive du jour d'hier, a envoyé dans cette ville les deux pièces 
« de canon que le Congrès des Etats-Unis d'Amérique adonnées 
« à M. le C lu de Rochambeau son mari. Le corps municipal et le 
« comité permanent ont envoyé, pour les escorter, à une lieue 
« de la ville, un détachement de la milice nationale, commau- 
« dée par M. de Torquat, capitaine des chasseurs. Lcsdits ca- 
« nons parvenus sur le pont de l'Hôtel de ville, ont été reçus 
« par le corps municipal, et précédés de la musique de l'école 
« royale militaire, ont été conduits en présence d'une députation 
« du corps municipal et du comité, au collège royal et école mi- 
« litaire de cette ville, pour y rester en dépôt, suivant le désir 
« de M me la Comtesse de Rochambeau et être remis à M. le Comte 
« de Rochambeau à sa première réquisition. 

« Lesdits canons sont de métail, tirant six livres de balles, 
« montés sur leurs affûts et roues en bois, avec leurs avant- 
« trains, garnis de leur- seaux et de deux écouvillons, deux 
« porte-mèches, un refouloir, un tire-bourre, le moule à gar- 
« gousse. Les cuillers et épinglettes manquent. 

« Pris sur les Anglais le 1'.) octobre 1781, lorsque les places 
« d'Yorck et de Glbcester-en-Virginie ont capitulé, et présentés 
« à son excellence le Comte de Rochambeau, parle Congrès des 
« Etats-Unis d'Amérique, en considération de la pari glo- 
« rieuse qu'il a eue au succès de cette expédition! 

xxiii. 11 



- 138 — 

Des citoyens étaient bientôt accourus en grand nom- 
bre à l'Hôtel de Ville. 

Ils requirent qu'on leur délivrât les armes qui y étaient 
en dépôt, et il fut arrêté que pour éviter une surprise, 
il serait organisé, sans perdre de temps, une milice 
bourgeoise. 

« Ils sont marqués aux armes de mondit sieur de Rocham- 
« beau, autour desquelles est le cri de guerre de mondit sieur 
« de Rochambeau : « Vivre en preux, y mourir. » 

« Ce dont nous avons dressé le présent procès-verbal dont 
« sera délivré copie à mondit sieur de Rochambeau, et ont Mes- 
« sieurs le Supérieur de l'Oratoire et les officiers du détachement 
« signé avec nous. » — Signé: Olivier, pr. de l'Oratoire Sup r , 
de Flosville, lieutcn 1 de maire, de Torquat, et autres. 

L'issue glorieuse de la campagne de 1781 avait particulière- 
ment réjoui la ville de Ven lônae qui la célébra avec solemnité 
le 16 décembre 1781 comme le mentionne le f° 51. V" du regis- 
tre 19. 

On y lit: 
« Vu la lettre de Monseign 1- l'Intendant du 30 novembre der- 
« nier (1781). portant qu'il sera fait un fou de joie, le jour que le 
« Te Dcum sera chanté en l'église collégiale, en actions de grâ- 
« ces de la victoire remportée à Yorck, eu Amérique sur les 
« Anglais, par l'armée de France combinée avec celle des Etats- 
« Unis de ladite province, et comme M. le Comte de Rocham- 
« beau, lieutenant-général des armées du roi et gouverneur de 
« notre ville, est un des illustres généraux qui ont remporté 
« cette victoire, que nous avons à nous glorifier de l'avoir vu 
« naître dans l'enceinte de nos murs, et voulant lui marquer la 
« joie extrême que nous sentons de l'honneur qu'il vient d'ac- 
« quérir, nous invitons (quoique ce ne soit pas l'usage en pa- 
« reil cas), les bourgeois à être sous les armes, le jour dudit 
« feu de joie, et à se trouver le dimanche 16 du présent mois, 
« une heure de relevée, sur la place d'Armes, habillés décem- 
« ment et avec leur armes, et de reprendre leurs drapeau et ca- 
« pitaine pour assister au Te Deum et feu de joie qui se fera en- 
« suite, les engageant à ne tirer que lorsque les officiers les 
« commanderont. Et sera la présente publiée es places et car- 
« refours de cette ville. Donné à l'Hôtel de Ville par nous maire 
« et échevins le 13 décembre 1781. — Signé : de Flosville, lient 
« de maire. — Fournier. — Courtin. — Morard. — Couturier. 
« Beaunilr, proc r du roi. 



— 139 — 

Dès que la distribution des armes fut terminée, ceux 
qui les avaient reçues furent divisés en quatre déta- 
chements,l'qui allèrent occuper les approches des qua- 
tre portes de la ville. Ils restèrent dans leurs positions 
jusqu'après sept heures du matin, et comme l'arrivée 
des Bretons n'était pas signalée, les citoyens rentrè- 
rent alors clans leur domicile. 

Le même jour, on publia, à neuf heures du matin, 
que les habitants eussent à s'assembler, à deux heu- 
res de relevée, sur la place d'Armes, pour la forma- 
tion de la milice bourgeoise. Ils s'y trouvèrent en grand 
nombre. Les échevins s'y rendirent à l'heure indiquée, 
et là ils offrirent à M. de Pérignat, brigadier des ar- 
mées du roi, la cocarde blanche, bleue et rouge, et 
le commandement de la milice. Celui-ci accepta l'une 
et l'autre, « avec les marques du plus grand zèle, pour 
« la défense de la nation, de la ville et de l'ordre. (Ici., 
« f° 77.) » 

Sans tarder, M. de Pérignat se mit à préparer l'or- 
ganisation de la nouvelle troupe. Le 26, il proposa de 
créer un régiment bourgeois de Vendôme, et s'offrit 
de rédiger les instructions nécessaires, et en particu- 
lier le règlement de discipline qui y serait observé 
(id. f° 77. V°). Tous les citoyens, sans distinction, qui 
ne seraient pas incorporés dans le régiment, devaient 
participer au service de la garde de nuit. 

Le règlement, présenté le 2 août à la ratification des 
citoyens assemblés à cet effet, fut adopté par eux. Il 
en fut de même des autres détails de l'organisation, qui 
furent réglés clans une série de réunions qui se suc- 
cédèrent à bref délai. 

Dans celle du 20 août, des jeunes gens offrirent de 
former une compagnie séparée qui nommerait ses 
officiers, tout en restant soumise aux règlements gé- 
néraux et de discipline de la milice. (Id. f° 88.) 

L'assemblée du lendemain 21 décida d'abord et à 
l'unanimité que la milice conserverait son organisation 



— 140 — 

ancienne, puis que les jeunes gens seraient remerciés 
de leur offre, et que les enfants de la ville âgés de 18 
ans qui voudraient s'enrôler dans les quatre compa- 
gnies, y seraient admis avec plaisir. (Id., f° 89.) — En- 
suite, et le môme jour, des citoyens assemblés à l'Ab- 
baïe procédèrent à l'élection des officiers, tant de l'état- 
majorque des compagnies. (Id., f° 90.) 

L'organisation intérieure de celles-ci fut rapidement 
complétée, et le 27 suivant, elles escortaient le corps 
municipal, qui, sur l'invitation de M. de Pully, lieute- 
nant-colonel, commandant le régiment de Royal-Cra- 
vate, récemment arrivé pour tenir garnison à Ven- 
dôme, s'était rendu sur le champ-de-Mars, pour as- 
sister à la prestation, par ce régiment, du serment pres- 
crit par l'ordonnance du roi, du 10 du même mois. 
Après que les escadrons eurent défilé devant les com- 
pagnies, celles-ci défilèrent aussi devant la^troupe « avec 
« la démonstration de la plus intime union. » (Id., 
f° 9G.) 

Trois jours après, le 30 août, elles prêtèrent à leur 
tour le même serment, en présence du corps munici- 
pal et du Royal-Cravate. Dans cette même journée, 
elles admirent dans leurs rangs la cinquième compa- 
gnie formée de la jeunesse, sous le nom de Compa- 
gnie des Chasseurs. (Id., f° 93.) 

Mais un décret de l'assemblée nationale en date du 
7 avril (1790) prescrivit à toutes les gardes nationales 
de prêter de nouveau serment de fidélité à la nation, 
à la loi et au roi. Dès le 11 suivant, toutes les com- 
pagnies se réunirent, à cet effet, au Champ de la Na- 
tion, situé à Lislette, et là, en présence du corps mu- 
nicipal, après que le grenier de l'Hôtel de Ville eut 
donné lecture du décret et de la proclamation du roi, 
elles prêtèrent le serment requis, aux cris répétés de 
vive la Nation, vive le roi, vive la municipalité. (Id., 
f° 132.) 

Comme les quatre compagnies de district (c'est-à- 
dire de quartier) avaient chacune son drapeau particu- 



— 141 — 

lier, les chasseurs s'en étaient également choisi un, 
et même, sous la conduite de leurs officiers et du 
commandant en second de la milice (1), l'avaient pré- 
senté, le 27 décembre, au bureau municipal, auquel 
ils avaient demandé l'autorisation de le déposer à 
l'Hôtel de Ville. (Id., f° 105.) 

Mais les drapeaux particuliers qui devaient dispa- 
raître bientôt pour faire place aux trois couleurs, n'a- 
vaient point encore été consacrés par la religion, et 
l'on fixa au 30 mai (1790) le jour où le clergé les bé- 
nirait. 

La présence des délégations des gardes nationales 
des villes voisines, invitées à cette cérémonie, et l'af- 
fluence des populations accourues de tous les environs, 
la transformèrent en une fête civique, où l'on vit tou- 
tes les classes de la société s'unir et se confondre, sous 
l'impression d'un souffle généreux, qui, passant alors 
trop rapidement sur la Société française, allait empor- 
ter avec lui bien des illusions. 

L'enthousiasme et l'esprit de concorde que l'on sent 
encore transpirer au travers du texte des procès- ver- 
baux que nous venons d'analyser, tirent véritablement 
de cette journée une fête de la fédération anticipée et 
réduite. Ils montrent que notre province était alors 
animée, comme tant d'autres, du sentiment généreux 
d'où allait sortir, quelques semaines plus tard, la cé- 
rémonie solennelle de la grande fédération du Champ 
de Mars. 

(1) M. de Taillevis de Périgny. 



142 



Registre 20, f 136 v\ — 30 mai 1790. 



Aujourd'hui, 30 mai 1790, en conséquence de l'arrêté porté 
sur le registre de la municipalité étant en date du 13 du cou- 
rant, aprèsquela fête delà bénédiction des quatre drapeaux et 
de celui des chasseurs de cette ville a été annoncée le jour 
d'hier par une décharge d'artillerie et la sonnerie de tou- 
tes les cloches de la vihV, que les deputations ont été reçues 
par les ciioyens qui sont venus demander à les loger et nou- 
rir, le corps municipal s'est assemblé en l'hostel commun delà 
ville sur les dix heures du matin, es persones de M rs Busche- 
ron de Boisrichard maire, Dehargne, Mereaux, Marganne, 
Bourgogne, Morin, Boutrais, Benou, Baudichon et Perche- 
ron, procureur de la commune, assisté du greffier ordinaire 
de l'hôtel. 

M. Olivier, supérieur de l'Oratoire, délégué de*Monsieur l'E- 
vêque de Blois pour faire la dite bénédiction s'etant rendu en 
cet hôtel avec MM. les assistants, le corps municipal, accompa- 
gné d'un détachement de la garde nationale, s'est mis en mar- 
che avec les drapeaux. Parvenu au faubourg Chartrain de cette 
ville, il a trouvé la garde nationale de cette ville, une deputa- 
tion de chacune des villes de Chateaudun, Blois, Chateaureg- 
nault, Montdoubleau, Montoire et Saint-Galais, le régiment 
Boyal-Cravate, les cavaliers de maréchaussée et l'école mili- 
taire rangés en bataille ; et, marchant en tète de ces corps, 
s'est avancé jusqu'au grand Mail, sis sur la grande route de 
cette ville à Paris, vers les Capucins, paroisse de la Madeleine. 
Une salve d'artillerie a annoncé l'arrivée des corps. Sur ledit 
Mail étaient dressés un autel et des arcs de verdure; auprès 
était la place d'un orchestre, et devant un balustre qui sépa- 
rait l'autel du reste du Mail. Après que la municipalité a été 
placée clans le sanctuaire, les troupes se sont rangées en plu- 
sieurs files sur ledit Mail, et après l'hymne : Veni. Creator, 
chanté à la messe célébrée sur ledit autel, il a été procédé à la 
bénédiction des cinq drapeaux. 

Le 1 er aux armes de la ville. 

Le 2°, blanc, portant un dauphin d'or sur chacun de ses cô- 
tés et à ses angles une Heur de lys d'or. 



— 143 — 

Le 3 e , rouge cramoisi et bleu. 

Le 4 e , blanc et rouge. 

Le 5 e , qui est celui donné par MM. les Chasseurs, étant bleu, 
rose et blanc ; dans chaque panneau est un corde chasse dore, 
aux deux côtés ou giron un lion d'or et portant pour devise d'un 
côté laloyetle Roy et de l'autre Force et Loyauté. 

Le célébrant a prononcé un discours portant l'expression du 
plus vrai patriotisme et la majesté de la religion. 

Une décharge d'artillerie a été faite pendant cette bénédic- 
tion, et lesdits drapeaux ont été accompagnés d'un détache- 
ment au champ de mars. 

Sur les trois heures du soir, les détachements des gardes na- 
tionales des villes susdites, ledit régiment Royal-Cravate, la 
maréchaussée, la garde nationale de Vendôme et la municipa- 
lité, les élevés de l'Ecole royale militaire de cette ville, se sont 
divisés en bataillons marchant sous les devises portées dans 
chaque bataillon, de Liberté, Fraternité, Courage, Constance, 
Espérance, Union, Concorde et Paix et Centre (?), se sont ren- 
dus au champ de mars, sis à l'Islette, paroisse de la Made- 
leine. 

Les membres composant lesdits bataillons se sont mêlés de 
manière qu'il y eut un officier municipal dans chacun, que sui- 
vait un officier cravate, un bourgeois, un gentilhomme, un 
bourgeois, un élevé de l'Ecole militaire, un ecclésiastique, un 
cavalier cravate, un magistrat, un marchand, un officier de la 
garde nationale, un bourgeois, un garde national de Vendôme, 
et ainsi de suite. 

Aux quatre coins du champ de mars étaient quatre tentes, 
renfermant le vin et les provisions de bouche, au fond l'artil- 
lerie. 

Au milieu du champ, étaient attachés à un peuplier les cinq 
drapeaux de la ville, et au pied dudit peuplier avait été dres- 
sée une estrade pour la musique 

Huit tables décent vingt couverts faisaient face à chaque an- 
gle d'une octogone, qui a reçu le nom de table du centre. Elles 
étaient pourvues de vin et de mets pour les convives. Chaque 
table était intitulée d'une des devises sus établies. 

Après que chacun a eu pris sa place, et qu'aeec les mar- 
ques delà plus vive alléggesse, les santés de la Nation, du Roy. 



— 144 — 

de l'assemblée nationale, des habitants de Vendôme, des gar- 
des nationales, des cravates, de l'école militaire et de la muni- 
cipalité ont été portées au brait du canon, l'assemblée s'est le- 
Véedes tables, et elle a été à l'instant remplacée par un nombre 
Considérable de gens de la campagne et des villes voisines, atti- 
rés par la cérémonie, qui ont pris leur repas, et se sont ensuite 
mêlés aux groupes de danseurs et de chanteurs qui s'étaient 
placés entre les tables, dans les espaces ménagés exprès. 

Les pauvres secourus le matin par une distribution de pain, 
iaite par la garde nationale de Vendôme, de pain, vin et viande 
par Messieurs les maire et officiers municipaux, le premier en 
son hôtel, les autres en l'hôtel de ville, ont pris part à cette 
fête, et y ont été accueillis avec la plus grande cordialité. 

Le corps municipal croirait manquer à la reconnaissance 
qu'il doit à ses concitoyens s'il n'en consignait dans ce registre 
le témoignage authentique. 11 a vu Messieurs les commandants 
et officiers des différents corps, tous les membres du corps mu- 
nicipal portés l'un après l'autre sur les bras de ses concitoyens 
et sur les ailes de leur amour, autour du champ de mars et sur 
l'estrade au bas du peuplier. Il a vu avec la plus vive satisfac- 
tion les étrangers le remercier de l'ordre, de la tranquillité, de 
la bonne police qui régnait dans cette fête patriotique où l'u- 
nion la plus intime, les égards, la fraternité, ont été si forte- 
ment exprimés. 

On a vu avec autant de plaisir que d'étonnement un vieillard 
de quatre-vingt-seize ans assis au milieu de la jeunesse, M. Go- 
dineau, ancien procureur du roi au baillage, conseiller d'état, 
qui a vécu assez assez longtemps pour voir de si beaux jours. Il 
a semblé réunir les deux extrêmes et renouer les deux siècles. 

Messieurs de la garde nationale, de Royal cravate et plusieurs 
notables citoyens ayant témoigné au corps municiqrl qu'ils 
desiraient que le discours du père Supérieur de l'Oratoire fut 
imprimé, le corps municipal a arrêté que le père supérieur se- 
roit prié d'en donner copie, quil seroit imprimée par ordre de 
la municipalité, ce qui a été exécuté. A été arrêté que six 
exemplaires seroient envoyés à chacune des députations sus- 
établies. 



Fait et arrêté lesdits jours et an, en l'hôtel commun de cette 
ville, où se sont rendus MM. les officiers de la garde nationale, 



— 145 — 

perc supérieur de l'Oratoire qui ont signé avec nous et le gref- 
fier ordinaire de cet hôtel. 

* 

Signé Pully Perrignat Tremault de Bellatour 
commandant la Derure capitaine 

garde nationale. 

Beaudreville Vourgere Londiveau Le Maître 

du gliatellier parrain heret bonnard 

Boutrais le jeune Genti Dissaux Bardot 

V. Dehargne Le Sourd 

Bertaut Dedure le jeune 

Lecomte Nourry Marganne Marganne 

Deschamps 

Deronziere Buscheron de Boisrichard 

buscheron de boisrichard dehargne baudichon 

pr. del'O. 

Mereaux Morin Benou 

Marganne-Bouugogne Percheron le jeune Morard 

s r e greffier 



UNE MINIATURE 

DE MANUSCRIT DU XII e SIÈCLE 

Par M. Ch. Bougiiet. 



M.Armand Queyroy, l'artiste graveur bien connu, 
vient d'offrir au Musée de Vendôme une copie ex- 
trêmement fidèle de la miniature qui se trouve en tète 
du manuscrit 193 de la bibliothèque de cette ville. On 
nous invite à donner quelques explications au su- 
jet de cette peinture qui est en effet remarquable, ce 
que nous allons faire de notre mieux. — Nous ne 
donnerons point ici l'analyse du manuscrit; nous 
nous bornerons à dire que c'est un petit in-8, sur 
vélin, de m ,205 de hauteur sur m ,12 de largeur, ren- 
fermant dans 97 feuillets les opuscules et six lettres 
seulement de Geoffroi, abbé de Vendôme (1). Il est d'ail- 
leurs incomplet. L'écriture est celle du XII e siècle. Il 
a souvent été considéré comme un manuscrit original, 
mais il faut s'entendre à cet égard : si l'on veut dire 
qu'il a été entièrement écrit delà main de l'auteur, on 
se trompe, car il y a plusieurs variations dans l'écri- 
ture. Toutes même ne semblent pas exactement de la 
même époque. Certaines parties semblent avoir retenu 
la tradition graphique du XI e siècle, tandis que d'au- 
tres sont franchement dans celle du XII e . Mais laissons 
ce point délicat. 

C'est au verso du 2 e feuillet que se trouve la minia- 
ture en question (2). — Sous un portique en arc sur- 



(1) Plus un fragment inédit d'une lettre au pape Hono- 
rius II. 

(2) Ces deux feuillets forment comme un petit cahier à part 
qui a été rattaché après coup aux nerfs de la reliure. 



- 147 - 

baissé, soutenu par deux colonnes romanes un peu 
fantaisistes et surmonté par un ensemble d'édifices bi- 
zarres, F abbé Geoffroi, à gauche du spectateur et en ri- 
che costume ecclésiastique, fléchit un genou devant le 
Christ, une main tendue vers lui. La figure exprime la 
contrition. Il ne faut point voir là pourtant un portrait 
du personnage. Le portrait, à cette époque, n'existait 
pour ainsi dire pas. Les deux figures d'ailleurs ont été 
conçues sur le môme type. — Le Christ, couronné du 
nimbe crucifère, assis sur un double cercle concen- 
trique (1), saisit le bras du suppliant au-dessus de la 
main, à l'endroit du poignet, comme pour l'attirer à 
lui, tandis que l'autre main fermée, mais l'index en 
avant, semble dire : «Viens à moi! » L'expression du 
Christ est fi ère et dénote la supériorité du Dieu sur la 
créature, du juge sur le pénitent. 

Derrière la tête de l'abbé se lit en minuscule du 
temps: Goffridus peccator. Au-dessus de celle du 
Christ : Xpe (Christe) et plus bas, en 4 lignes, de 
manière à combler l'espace entre les deux person- 
nages : In te sperabo || occideris || si me || 
etiam (2). Cette pensée d'une confiance si absolue et 
si touchante est empruntée à Job, avec une légère va- 
riante. Job avait dit: Etiam si occiderit me in ipso 
sperabo (xiii, 15). 

On avait admis jusqu'ici que cette scène représentait 
le Christ introduisant Geoffroi dans la Cité bienheu- 
reuse ou la Jérusalem céleste, dont on voulait voir la 
figure dans les édicules qui se trouvent au-dessus du 
portique. C'était, selon nous, donner à la scène une si- 
gnification trop haute et trop étendue et aux édifices 
en question une interprétation peu fondée, comme nous 
le verrons plus bas. Cette miniature est en réalité la 
représentation figurée et comme la traduction en pein- 



(1) L'intérieur du petit cercle est rempli d'un quadrillé très 

fin. 

(2) Ces deux légendes sont à l'encre roug»> 



— 148 - 

ture de l'un ou do l'autre de deux opuscules de l'abbé 
Geoffroi, entre lesquels elle se trouve placée. Le pre- 
mier est intitulé : Invectio Domni Goffridi Vindoci- 
nensis abbatis contra se ipsum, et commence par : 
Peccator agnosce. Environ trois pages clans le manu- 
scrit (1). C'est en effet une série de reproches que Geof- 
froi s'adresse à lui-même comme pécheur, un de ces 
excès d'humilité comme il s'en rencontre au moven 
âge, et dont S fc Augustin nous offrirait peut-être le 
premier modèle dans ses Confessions (2). Cette In- 
vectio est suivie, dans le même morceau, d'une seconde 
partie intitulée en marge Consolatio. Là, en effet, le 
pécheur se relève, prend confiance et espère en la mi- 
séricorde de Dieu: Nec plus desperes de tua iniqui- 
tate... Miser um te quœrit (Christus) non abicit (abji- 
cit) (3). 

L'autre opuscule auquel pourrait se rapporter la mi- 
niature vient à la suite du premier, en regard même de 
l'image, et porte pour titre : Inuectio dei contra. 

PECCATOREM ET PECCATORIS CONFESSIO PRECANTIS Ml- 

sericordiam. Il commence par : Miser homo ego te 



(1) Fol. 1. 

(2) Liv. I, ch. VetX, 4, etc. 

(3) Ces titres Invecèïo... J Consolatio... ont été ajoutés après 
cou]), il est vrai, mais par une main contemporaine ( XII e 
siècle). L'opuscule est bien de l'abbé Geoffroi. On reconnaît 
facilement son style, et d'ailleurs plusieurs allusions qu'il fait 
à sa dignité d'abbé, à sa conduite envers ses religieux, ne lais- 
sent aucun doute n cet égard. Dans le manuscrit du Mans, qu'a 
suivi le P. Sirmond, cet opuscule est intitulé : « Inuectio contra 
peccatorcm et pœnitentis peccatoris consolatio (*). » Au reste, ce 
titre, comme celui de Vendôme, est évidemment fabriqué. L'ori- 

(') On sait que la bibliothèque du Mans possède un très précieux manuscrit des œu- 
vres de l'abbé Geoffroi, du XII e siècle, comme le nôtre, mais peut-être un peu posté- 
rieur. 11 ne contient pas de vignette. C'est d'après ce manuscrit que le P. Sirmond a 
publié les Lettres de notre abbé. L'opuscule en question, dans son édition, est le XIV 1 ". 
— C'est le savant M. Guérin, bibliothécaire du Mans, qui nous en a transmis le titre 
d'après son manuscrit. Nous le prions d'en agréer ici nos sincères remerciements. 



— 149 — 

feclde limo (1). Il ne remplit qu'une page, mais d'une 
écriture très serrée et très effacée. // ne se trouve 
pas dans fe manuscrit du Mans. — C'est un dialogue 
entre Dieu rappelant à l'homme tous les bienfaits dont 
il l'a comblé, et l'homme les reconnaissant, avouant ses 
torts et implorant son pardon. — L'homme ici, c'est en- 
core l'abbé Geoffroi lui-même, comme il est facile de 
s'en convaincre parles mêmes raisons que nous avons 
données ci-dessus. 

Enfin il y a un troisième opuscule intitulé: Lamen- 
tatio cuiusdam peccatoris accusantis se et fudican- 
ttSj à la suite du précédent et beaucoup plus déve- 
loppé (environ 7 pages dans le manuscrit) (2). Mais 
nous pensons qu'il a moins de rapport à la miniature 
que les deux premiers, et qu'il doit être écarté de la dis- 
cussion. Le débat est donc entre les deux premiers. 
La miniature, comme nous l'avons dit, est la traduction 
figurée, Y illustration,, comme on dirait aujourd'hui, de 
l'un ou de l'autre. Mais duquel ? On pourrait croire au 
premier abord que c'est du second, Invectio dei. La 
place respective du morceau et de l'enluminure en re- 
gard l'un de l'autre, et ces mots : Peccatoris precan- 
tis misericordiam, rapprochés de l'attitude du pénitent, 
plaident en faveur de cette opinion; mais, d'autre part, 
il n'y a rien dans ce morceau qui donne l'assurance 
de la miséricorde divine, tandis que la Consolatio, qui 
forme la seconde partie du premier opuscule est clai- 
rement exprimée par le geste du Christ qui attire le pé- 
cheur à lui. Nous reviendrons sur ce point. — Ajoutez 



ginal n'en portait sans doute aucun. C'était l'effusion intime 
d'une Ame attristée, une sorte de confession intérieure. Mais 
le titre de Vendôme est plus sincère et a l'avantage de nous 
révéler immédiatement la personnalité de l'auteur, que l'autre 
manuscrit a voulu dissimuler. Le titre du second opuscule don- 
nerait lieu à des réflexions analogues. 

(1) Le P. Sirmond: luto, par erreur. — Le titre est conforme. 
Opusc. XIII, p. 305. 

(2) P. Sirmond, Opusc. XV, p. 310. 



— 150 — 

comme nous l'avons dit, que 1' « Invectio Dei » ne se 
trouve point dans le manuscrit du Mans, ce qui lui ôte 
beaucoup de son importance, et que 1' « Invectio Gof- 
fridi » offre dans notre manuscrit un développement 
plus considérable que l'autre et qu'il est écrit matériel- 
lement avec beaucoup plus de soin. 

Nous avons donc simplement dans notre miniature 
l'abbé Geoffroi s'humiliant devant le Christ et implorant 
son pardon : Invectio contra se ipsum. Peccator ag- 
nosce.... et d'autre part le Christ l'accueillant avec 
bonté et l'attirant à lui : Consolatio... « Miserum te 
quœrit (Christus) non abjicit. » On ne saurait voir une 
traduction plus fidèle. 

Si maintenant nous passons à l'exécution, nous de- 
vons dire que le dessin est en général roide et gauche, 
comme il convient au temps. Le Christ se contourne 
comme un danseur, ses pieds sont trop longs ; l'abbé 
n'a pas la tète d'aplomb sur les épaules, sa robe, au 
lieu de retomber sur la jambe qui fléchit le genou, se 
tient en l'air, on ne sait comment. Les figures sont 
mal dessinées et peu gracieuses, les yeux grands, les 
bouches petites, les nez peu accentués. Et pourtant il 
v a encore un assez bon dessin dans l'ensemble, beau- 
coup de soin dans les détails. L'artiste s'est évidem- 
ment appliqué. Aussi tout cela n'a-t-il rien de trop cho- 
quant et offre même un air de sincérité qui vous atta- 
che, — bonne miniature, en somme, pour le temps (1). 



(1) On peut rapprocher de ce Christ celui qui se trouve ré- 
pété trois fois dans les fresques de la petite église St-Gilles de 
Montoire, contemporaines précisément de notre manuscrit (les 
fresques, mais non le monument). Beaucoup mieux dessiné que 
le notre, assis comme lui sur le cercle à plusieurs orbes concen- 
triques, quadrillé à l'intérieur, ce Christ offre, dans son carac- 
tère hautement byzantin, la plus ancienne et la plus intéres- 
sante figure du personnage qui se rencontre dans nos pays. 
Mais, pour le bien apprécier, il faut le voir tel qu'il était il y a 
trente-cinq ans, c'est-à-dire d'après la planche que M. Launay a 
donnée dans l'Histoire duVendômois de M. de Pétigny, 1" édit., 
PI. 10. 



— 151 — 

Le Christ est vêtu non point de la robe bleue tradi- 
tionnelle, mais d'une tunique verte à larges manches, 
garnie en pas d'une bande rouge avec un liseré blanc, 
ponctué de même. Des traits noirs, à l'encre, rendent les 
ondulations. La tunique est recouverte en partie d'un 
manteau rouge, bordé d'un double liseré garni de 
points, disposés à peu près comme ceux de la tunique. 
Des traits et des groupes de points également blancs 
forment les plis, servent d'ornements et enlèvent au 
ton rouge si largement réparti ce qu'il aurait de trop 
cru et de trop uniforme. Ils jouent le même rôle que 
les traits noirs de la tunique. Cet artifice ingénieux se 
retrouve dans le costume de l'abbé, que nous allons 
décrire, artifice d'autant plus nécessaire, que dans 
toute cette peinture il n'y a pas de modelé ; tout est à 
teintes plates. Le modelé, les demi-tons n'apparaissent 
que plus tard, dans ce qu'on a appelé le second âge 
de la miniature, vers le milieu du XIII e siècle (1). Pas 
de gouache non plus, même pour les points; tout est 
aquarelle proprement dite. 

Les pieds du Christ sont nus, et chargés, chose sin- 
gulière,, de traits verts, ainsi que les mains et le cou 
des deux personnages. 

Le costume de l'abbé est plus difficile à définir. 
Il porte en dessus une longue robe talaire verte, comme 
celle du Christ, avec un orfroi semblable, mais sans 
manches. On l'appelait Poderis. Par-dessus est une 
tunique beaucoup plus courte à larges manches et cein- 
ture, c'est la dalmatique, ici de couleur rouge (2). 
Enfin vient une sorte de manteau vert qui couvre 

(1) V. une série d'excellents articles de M. Lecoy de la Mar- 
che sur la Miniature en France du XIII e au XVI e siècles dans la 
Gazette des Beaux-Arts, 2 e période, T. XXX, pp. 64, 228 et 303. 

(2) Viollet-Le-Duc, dans son Dictionnaire du Mobilier, t. III, 
p. 329, cite dss dalmatiques de couleur pourpre et lilas. Il existe 
au musée de Cluny deux dalmatiques en velours rouge brodé 
d'or, etc. Beau travail italien du XVI e siècle, N os 6551 et 6552 du 
catalogue de 1883. 

La ceinture, symbole de continence, ne se mettait générale- 



— 152 — 

tout le dos et descend par devant jusqu'à mi - corps, 
où il se termine en pointe. C'est la chasuble (1). Elle est 
recouverte du pallium, large bande de laine blanche, se- 
mée de croix noires qui, embrassant le cou et couvrant 
les épaules, descend en deux longs pendants, l'un par 
devant et l'autre par derrière. Enfin l'abbé porte des 
chaussures vertes, de la couleur de la tunique et de la 
chasuble. Ces chaussures, en latin caligœ, embras- 
saient à la fois le pied et la jambe. G. Durand va nous 
rendre compte encore de cet usage: «Celebraturi igi- 
tur pontificis pedes interea dum dicuntur v psalmi... 
caligis et sandaliis calciantur... prius tamen quam 
sandalia pedibus imponantur, caligis induuntur, usque 
ad genua protensisibiqueconstitutis. » (Ration., L. ru, 
c. S.) (2) 

Or ce costume, dans son ensemble, représente 
non point celui de cardinal (3) (les cardinaux alors 
n'avaient point de costume particulier), mais seule- 
ment des insignes (4). Ces insignes avaient été impli- 
citement accordés à nos abbés par la bulle d'Alexan- 
dre II, mais ils furent spécialement attribués à l'abbé 
Geoffroi et à ses successeurs par une nouvelle bulle de 
Pascal II, de l'an 1103. Le pape y énon'ce entre autres 
la mitre, la dalmatique et les sandales (5). 

ment qu'autour de l'aube. (Durand, Ration., L. III, c. 3.) L'aube 
ici manquant, on a transporté la ceinture à la dalmatique. 

(1) V. dans Viollet-Le-Duc, même vol., p. 145, le dessin d'une 
chasuble absolument semblable. 

(2) Nous citons d'après un manuscrit de la bibliothèque de 
Vendôme du XIV e au XV e siècle. Nous n'avons pas de texte im- 
primé de Durand. 

(3) On sait que les abbés de Vendôme avaient été investis de 
cette dignité parle pape Alexandre II, la 4 e année de son ponti- 
ficat (1061-1073). (Invent, des chart. de la Trinité, fol. mi.) 

(4) Le costume, c'est-à-dire la robe et le chapeau rouges, ne 
leurfurent accordés, le chapeau qu'en 1243, au concile de Lyon, 
par le pape Innocent IV, et la robe vers la fin du XIII e siècle, par 
Boniface VIII. Paul II y ajouta en 1464 la barrette ou calotte 
rouge. 

(5) Privillegium (sic) Pàscalis pape secundi qui exemplosuo- 



— 153 — 

L'artiste ou plutôt les religieux de Vendôme, sous 
l'inspiration desquels s'est exécutée la miniature, ont 
tenu à représenter leur abbé dans toute sa gloire, avec 
toutes les marques de sa dignité. — La dalmatique, 
Geoffroi la porte ; les sandales sont remplacées, comme 
nous l'avons vu, par les calige, chaussure plus noble. 
Il ne lui manque donc que la mitre, mais si elle lui man- 
que, c'est que les religieux l'ont remplacée par quel- 
que chose déplus glorieux encore — le nimbe. Écou- 
tons à ce sujet Guillaume Durand. Dans son livre III, 
ch. 1 er , énumérant tous les vêtements ou ornements 
dont le pontife doit se revêtir à l'autel, il place la 
mitre « ut sic agat quod coronam percipere mereatur 
eternam. » Ici l'artiste a remplacé le symbole par la réa- 
lité, le signe par la chose signifiée. Il a mis sans hési- 
ter cette couronne éternelle sur la tète de son person- 
nage. Et ceci fait voir clairement que cette peinture n'a 
été exécutée qu'après la mort de Geoffroi, alors qu'un 
renom de sainteté s'attachait sans doute à sa mémoire, 
car jamais de son vivant le sévère abbé n'eût permis 
qu'on lui attribuât un semblable honneur. C'eût été trop 
d'ailleurs en contradiction avec les sentiments d'humi- 
litéqu'il professe dans ses opuscules. Ainsi la miniature 
a été exécutée après l'an 1132, où il mourut (1). 

Mais ici il y a une remarque importante à faire : c'est 
que le costume que nous venons de décrire ne contient 
pas seulement les insignes cardinalices plus ou moins 
modifiés, il implique encore un nouvel élément em- 
prunté au costume d'autel, nous voulons dire lachasu- 



rum predecessorum monasterium vindocinense sub speciali 
sedis apostolice protectione suscipit cum omnibus rébus ad ip- 
sum pertinentibus plures ecclesias nominans. 

Datetiam abbati mitram, dalmaticam, sandalia et alia queque 
dignitatis cardinalis, etc. Datum Rome. Anno domini M C° III" 
Pontifîcatus sui anno tercio. (Invent. ms. des chartes de la Tri- 
nité, fol. VI.) 

(1) V. Chronicon vindocinense. 

xxrii 1<> 



- 154 — 

ble, et ceci n'est point une disposition arbitraire. Il y a 
là, selon nous, une intention pieuse et ingénieuse tout 
à la fois. Les religieux ayant représenté Geoffroy aux 
pieds du Christ l'ont considéré comme au pied de l'au- 
tel et ont voulu consacrer, sanctifier, pour ainsi dire, 
son vêtement de cardinal par un symbole du vêtement 
de l'officiant. — Circonstance bizarre, la barbe et les che- 
veux des deux personnages sont verts ou tout au moins 
verdâtres. On a voulu expliquer la chose légèrement : 
c'est qu'il restait, a-t-on dit, un peu de vert au bout du 
pinceau de l'artiste et qu'il l'a employé là. Pour nous, 
nous ne croyons pas que notre manuscrit ait été traité 
avec ce sans-façon. D'ailleurs, l'argument est sans va- 
leur, car nous avons rencontré dans un autre manu- 
scrit de Vendôme, le 84 e (?), une chevelure verte, et 
c'est le seul vert qu'il y ait dans la miniature. A la bi- 
bliothèque publique de Tours, le manuscrit 91 (Psaum. 
format moyen, XII e siècle, même âge que l«e nôtre) con- 
tient un grand D oncial, dans l'intérieur duquel est un 
Christ, assis sur l'arc, pieds nus et bénissant. Les 
cheveux et la barbe sont verdâtres et même verts. C'est 
également le seul vert qu'il y ait dans la miniature. L'ex- 
plication de cette anomalie doit être cherchée sans doute 
dans l'emploi de quelque procédé pictural que nous ne 
connaissons pas, ou peut-être simplement dans l'insou- 
ciance où l'on était alors du ton local. Rien n'était plus 
commun en effet que ces offenses à la réalité des cho- 
ses. L'imitation stricte de la nature réelle ne commence 
guère que vers la fin du XIII e siècle, à ce second âge 
de la miniature dont nous avons parlé. Même à cette 
époque on trouve encore des restes de l'ancienne fan- 
taisie. M. Lecoy de la Marche cite des chasses où se 
trouvent des lièvres bleus et des lévriers roses. 

Il nous reste à rendre compte de l'ensemble de ces 
édicules qui surmontent le portique où se passe la 
scène : ce sont comme deux églises semblables et paral- 
lèles, chacune précédée d'une tour à trois étages qui 
vont en diminuant. Ces édifices sont reliés entre eux 



— 155 — 

par un bâtiment central terminé par un étage de moin- 
dre hauteur^ lequel est couronné par un toit bizarre en 
forme de chapeau chinois. — On a voulu voir là le sym- 
bole d'une ville, peut-être de la Jérusalem céleste, où le 
Christ serait censé introduire Geoffroi. Mais ces édifi- 
ces n'ont là qu'un caractère accessoire, marqué par de 
simples traits à l'encre, sans emploi de couleurs. Ils 
sont situés en dehors de la scène; aucun des person- 
nages ne porte son attention vers eux. Le Christ ne les 
montre point à son pénitent. Nous pouvons d'ailleurs 
citer une analogie qui va nous éclairer complètement. 
M. Edouard Aubert, membre résident de la Société des 
Antiquaires de France, a publié dans les Mémoires de 
cette Société (1) un savant article sur un manuscrit de 
la première moitié du XI e siècle, qui a appartenu autre- 
fois à l'abbaye de S* -Georges de Rennes. En regard 
de la page 18, l'auteur donne le dessin d'une miniature 
qui représente S b Mathieu sous un portique, écri- 
vant son Evangile. Or ce portique est surmonté de plu- 
sieurs édicules tout à fait analogues aux nôtres, et que 
nous ne nous arrêterons pas par conséquent à décrire. 
— On ne doit donc voir là qu'un ornement de conven- 
tion adopté aux XI e et XII e siècles. 

Telle est, dans son ensemble, cette miniature, d'un 
caractère nouveau, profondément original, qui frappe 
tous ceux qui l'examinent. Elle avait en particulier 
frappé Mabillon, qui pourtant en avait tant vu, car il l'a 
reproduite en gravure dans ses Annales bénédictines, 
T. VI, p. 218. Son imitation, de même dimension à 
peu près que le modèle, est généralement d'une grande 
tidélité, sauf peut-être dans la forme et l'expression 
des têtes et dans l'addition d'un encadrement fleuri 
avec fleurs de lis qui ne se trouve point dans l'origi- 
nal (2). L'auteur a inscrit au bas : ɜ end. ms. ejus (je- 
tât is. 

(1) T. 37 (4« série, t. 7), 1876. 

(2) Nous ne connaissons, il est vrai, la gravure de Mabillon 



— 156 — 

i 

Voici la description dont il l'accompagne : « In hac 
effigie depictus est Goffridus sacerdotali indutus veste, 
cœrulei coloris, non admodum longà et tunicâ rubrà 
et podere viridi cum limbo rubei coloris — qui colo- 
res fortasse arbitrio pictoris non admodum periti appo- 
siti sunt (1). » 

On voit combien cette description est vague et incom- 
plète. Quelle est cette « sacerdotali veste » ? Comment 
s'appelle-t-elle de son propre nom ? Indique-t-elle le vê- 
tement ordinaire du prêtre ou un vêtement d'autel ? — 
« Cœrulei coloris « est une expression équivoque. « Cœ- 
ruleus » signifie à la fois « de couleur azurée, et vert 
de mer ou même bleu foncé, noirâtre. » — Nous ferons 
la même question au sujet de la « tunica rubra», où 
nous reconnaissons d'une manière plus précise la dal- 
matique, qui avait été concédée par le pape Pascal II à 
l'abbé et à ses successeurs. Mabillon ne parle pas du 



que par une copie que nous devons à l'extrême obligeance de 
M. l'abbé E. F. Cesbron d'Angers, très habile dessinateur. Il a 
inscrit lui-même au bas : scrupuleusement conforme. Nous sai- 
sissons cette occasion de lui exprimer ici de nouveau toute notre 
reconnaissance. 

(1) Dans le même tome, p. 219, il ajoute : « Redeo ad Goffri- 
dum abbatem.... ad ejus scripta quod attinet.... (Suit la disposi- 
tion du P. Sirmond.) In vindocinensi codice Goffridi operum, 
eovivente(*) manu exarato, exhibetur ejus effigies, quam ta- 
metsi rudem pro setate hic exhibere lubet, ad illustris viri me- 
moriam. ) 

Ces renseignements nous ont été transmis par un jeune prê- 
tre fort érudit, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes d'An- 
gers, M. Alexis Crosnier, qui prépare justement une thèse sur 
l'abbé Geoffroi. Nous n'avions point à notre disposition les An- 
nales bénédictines, et il nous était impossiblede les aller consul- 
ter dans une bibliothèque étrangère. Nous adressons ici l'expres- 
sion de notre plus sincère gratitude à M. l'abbé Crosnier. C'est 
lui qui a bien voulu obtenir pour nous de son collègue M. Ces- 
bron le dessin de la miniature d'après Mabillon. 

(*) Nous avons vu que eo vivente n'est pas tout à fait exact. 



— 157 - 

pallium, ni des chaussures vertes si caractéristi- 
ques (1). 

Mais il y $ quelque chose de plus grave : ce sont ces 
couleurs quf, selon lui, ont été mises à peu près au ha- 
sard « arbitrio pictoris non admodum periti. » En pré- 
sence d'une pareille accusation venant de si haut, on se 
sent fort embarrassé. Il est vrai que cet emploi presque 
exclusif du vert et du rouge dans les deux costumes a 
quelque chose de fort suspect. 11 est encore vrai que G. 
Durand veut que la tunique à l'autel soit « hyacinthi- 
nam, id est celestem » (2) et que les « calige» soient 
également « hyacinthini, id est œrei (coloris) seu celes- 
tis (3). Or la tunique et les « calige » sont bien de la 
même couleur dans notre miniature, mais non delà cou- 
leur prescrite (violette?). Il est vrai que Durand parle 
du costume à l'autel. D'autre part, comment supposer 
que des religieux qui voulaient reproduire un vêtement 
qu'ils avaient journellement sous les yeux, vêtement 
sacré, d'un personnage qu'ils tenaient à honorer parti- 
culièrement, comment supposer, dis-je, qu'ils se se- 
raient avisés d'appliquer d'autres couleurs que celles 
qu'ils avaient pour ainsi dire dans les yeux ? Des en- 
fants mêmes, dans leurs coloriages de soldats, ne com- 
mettent pas de pareilles fautes. Ajoutez qu'il existait 
dans les couvents des miniatears, spécialement char- 
gés de la décoration des livres. C'est donc à un religieux 
de Vendôme revêtu de cette fonction que le soin de 
notre miniature aura été confié, et ce religieux certes 
devait connaître les formes et les couleurs du vêtement 



(1) Nous disons Mabillon, mais en">éalité c'est dom Martène 
qui a publié le T. VI des Annales, d'après les matériaux laissés 
par son prédécesseur. On sait d'ailleurs quelle était la compé- 
tence de Martène en fait d'antiquitésj ecclésiastiques et ses sa- 
vants ouvrages sur ces matières : ,« De antiquis ecclesiœ ri- 
tibus », etc. 

(2) Ration., L. III, cl. 

(3) Id., L. III, c. 8. Ce passage est altéré dans notre manu- 
scrit ; le mot coloris manque. 



— 158 — 

pontifical. La chose avait dû faire assez de bruit dans 
l'abbaye. Que l'on considère aussi avec quel soin la mi- 
niature a été traitée, ce que témoignent tous les menus 
détails qu'elle comporte, et qui excluent, à ce qu'il sem- 
ble, toute idée d'arbitraire. Remarquez d'ailleurs que 
nous ne plaidons point pour une signification symbo- 
lique des couleurs, mais seulement pour leur fidélité lo- 
cale. Cependant nous avons vu des personnes fort éru- 
dites se déclarer pour l'opinion de Mabillon, c'est-à- 
dire pour la pure fantaisie (1). Pour nous, nous deman- 
dons la permission délaisser la chose indécise, et nous 
en appelons aux érudits contemporains les plus compé- 
tents. 

La copie de M. Queyroyest, à notre avis, une des cho- 
ses les mieux réussies qui soient sorties de son pin- 
ceau. Non seulement il a, pour ainsi dire, atteint la 
dernière limite de la fidélité matérielle, mais encore il 
est entré profondément dans l'esprit de son modèle, 
c'est-à-dire dans le sentiment du moyen âge. Copier 
ainsi c'est se montrer original. Il a fallu beaucoup con- 
templer cette profonde époque pour en arriver là. 

Ajoutons que déjà M. Launay avait reproduit cette 
même miniature avec tout le talent que tout le monde 
lui connaît et qui nous dispense d'insister. 

(1) Si la fantaisie seule a présidé au choix des couleurs, on 
pourrait admettre qu'elle a pu présider également à celui du 
costume. Se reporter à ce que nous avons dit plus haut des liè- 
vres bleus et des lévriers roses. Telle était l'influence des idées 
mystiques, qu'elle faisait disparaître aux yeux l'aspect réel de la 
nature. Le monde intérieur était tout. 



Depuis que ces lignes sont écrites, le Bureau de 
notre Société a décidé qu'une reproduction en chromo- 
lithographie de la miniature en question, d'après la 
copie de M. Queyroy, serait demandée à Paris pour fi- 
gurer dans notre Bulletin. Toutefois la planche ne 
pourra paraître que dans le prochain Numéro. 



',■ 



UN VAGABOND 

Par M. Charles Chaut ard 



Le nom que nous venons d'inscrire nous rappelle un événement bien 
douloureux et l'une des pertes les plus sensibles que pût faire notre 
Société. M. Charles Chautard, notre fidèle collaborateur, le spirituel 
écrivain, le poète si distingué dont on va lire une pièce remarquable, 
son chant du cygne, M. Chautard est mort le 31 octobre dernier, et a 
été inhumé le surlendemain, accompagné de toute la population de Ven- 
dôme. 11 avait été Président de notre Société, et en dernier lieu était 
membre du Bureau ; dans cette double position, comme dans toutes cel- 
les qu'il avait occupées au sein de l'administration de cette ville, il avait 
su rendre d'importants services. Le Loir du 9 novembre dernier lui a 
consacré un article que nous essaierons de compléter dans notre prochain 
Bulletin, en considérant la personne à un point de vue plus spécialement 
biograpbique, et en donnant une appréciation littéraire de ses ou- 
vrages. 

Sa pièce du Vagabond n'avait été lue qu'à la séance d'octobre der- 
nier, et ne devait par conséquent figurer que dans le Bulletin de ce tri- 
mestre. Nous la donnons ici par anticipation, en remplacement de celle 
de M. Paul Blanchemain, qu'il ajourne lui-même à la prochaine livraison, 
pour qu'elle puisse être accompagnée d'une gravure à l'eau-forte. 

Cn. B. 



Prévenu, levez -vous. Votre nom'? — Jean Guignon. 
Et je fus bien nommé quand je reçus ce nom. 

— Votre âge? — Soixante ans. — Votre lieu de naissance'] 

— Paris, faubourg Marceau. — Vos moyens d'existence'? 

— Mendier. — Un métier qui mène sur ce banc. 
Vous êtes prévenu de rupture de ban. 

— Je le sais. — Vos moyens de défense dans l'affaire ? 

— Aucun. — Vous n'avez pas d'avocat'? — Pourquoi faire? 



1(5(1 



J'avoue ; il me faudrait le payer, je n'ai rien. 

— Je puis en nommer un d'office. — Merci bien, 
Monsieur le président ; ce serait inutile, 

Car, si mon défenseur était assez habile 

Pour me faire innocent, je serais acquitté ; 

Un beau service à rendre à la Société, 

Gomme à moi-même !... — Alors, vous n'avez rien à dire 

Pour vous défendre? — Rien. Ma vie est un martyre ; 

J'ai bien souffert ! Le fait qu'on me reproche est vrai, 

Condamnez-moi, pourtant je vous raconterai, 

Si vous voulez, ma vie, et vous allez comprendre 

Que le vieux vagabond, qui vingt fois s'est fait prendre, 

Ne pouvait ici-bas vivre qu'en vagabond. 

— Parlez. — J'abrégerai pour n'être pas trop long. 

Mon père était ivrogne et ma mère ivrognesse ; 
C'est mon plus ancien souvenir de jeunesse. , 
Il était chiffonnier et travaillait la nuit ; 
Enfant, j'avais grand'peur en m'éveillant au bruit 
De sa hotte vidée au milieu de la chambre, 
Où, comme on dit chez nous, ça ne sentait pas l'ambre; 
L'odeur asphyxiait; mais on se fait à tout, 
Et, né sur les chiffons, je dormais sans dégoût 
Sur des choses sans nom, grouillant dans les guenilles, 
Où couchaient pêle-mêle huit garçons et cinq filles ; 
Les gueux ne comptent pas; trois ou quatre sont morts. 
Mes sœurs ont fait, dit-on, commerce de leurs corps.... 
Ah ! ne vous montrez pas pour elles trop sévères, 
Vous qui ne savez pas où poussent les misères, 
Vous dont l'or les jeta peut-être en mauvais lieu ! 
Oh! ne les jugez pas... laissez ce soin à Dieu; 
Sa justice n'est point la même que sur terre, 
Il fit miséricorde à la femme adultère. 

Quand mon père rentrait, ma mère se levait, 
Allumait la chandelle au briquet, et buvait 
A même un pot d'étain toujours plein d'eau-de-vie, 



— 161 — 

Puis, ne pouvant plus boire et non pas assouvie, 

Sur la brique souillée elle tombait parfois. 

Son homme alors jurait de sa plus rude voix, 

La secouait du pied inerte et demi-morte, 

Et, s'armant d'un balai, la poussait à la porte ; 

Car ma mère, Messieurs, étant de son métier 

Balayeuse, devait nettoyer le quartier 

Et le long des trottoirs mettre en tas les ordures, 

Pour que l'on pût marcher sans crotter ses chaussures. 

C'est bien. Je n'ai jamais su lire et je ne sais 

Si je fus baptisé même, quand je naissais. 

Mon père un jour me dit : Va-t'en chercher ta vie ; 
Fais ce que tu voudras dehors, vole, ou mendie ; 
Mais ne rentre jamais sans m'apporter dix sous, 
Et compte bien ; autant de moins, autant de coups. 
Je sortis, et le soir je revins dans le gite 
Avec deux sous, pleurant et me cachant bien vite 
Dans un coin, sans chercher ma part du rogaton 
Qui pourtant ne m'avait jamais senti si bon : 
Je n'avais pas mangé de toute la journée. 
A jeun, le lendemainje refis ma tournée, 
Humant l'épaisse odeur du restaurant du coin, 
Et des gens qui dînaient je restai le témoin 
Affamé. Quelquefois, devant un étalage, 
Je chipais une pomme, un morceau de fromage 
Pour graisser le petit pain pris au boulanger; 
Je le croyais permis, car c'était pour manger, 
Et tous les jours étaient pour moi des jours de jeûne. 
Les marchands ne disaient rien, me voyant si jeune, 
Si pâle ; et tous les soirs de coups j'étais roué. 

Chez une mendiante alors je fus loué ; 
Sous une porte, au coin d'une borne, près d'elle 
Je devais des passants solliciter le zèle ; 
Pour mieux les attendrir quand je ne pleurais pas, 
La femme me pinçait et me tordait les bras. 
Demi-nu, grelottant de froid, n'osant rien dire, 



— 162 — 

Pendant toul un hiver je subis ce martyre. 

Je me sauvai quand j'eus à peu près mes dix ans, 

Et je n'entendis plus parler de mes parents. 

Comment ai-je vécu seul dans la grande ville, 
Cherchant clans le ruisseau mon repas, sans asile. 
Et pourtant, je ne sais par quel instinct du bien, 
Je le jure, Messieurs, ne volant jamais rien ? 
Un soir, en mendiant, puisqu'il faut que l'on vive, 
Je fus arrêté, puis repris en récidive, 
Et, toujours condamné pour la même raison, 
J'ai passé la moitié de ma vie en prison ; 
J'y pris goût; là du moins je trouvais ma pitance. 

Je voulus, une fois, changer cette existence : 
Aux champs, chez un fermier, je cherchai du travail ; 
Ne lui demandant rien que mon pain frotté d'ail, 
Il me prit pour garder les bœufs au pâturage.' 
C'était sain ; je me mis de bon cœur à l'ouvrage ; 
Je soignais bien mes bœufs, je connaissais leurs noms, 
Ils devinrent bientôt pour moi bons compagnons, 
Et je vivais heureux, caché dans cette ferme. 
Heureux!... ce n'était pas mon lot, j'en vis le terme. 
Des gendarmes, un jour, prévinrent le fermier ; 
Je ne dois pas m'en plaindre, ils faisaient leur métier, 
Et chez eux ce n'était pas de la malveillance ; 
Ils dirent que j'étais un homme en surveillance. 
On me mit à la porte, et je partis, le soir, 
Sans donner le fourrage aux bœufs, sans les revoir ; 
J'en ai pleuré... Tenez, au fond de la rivière 
J'ai failli me jeter la tète la première ! 
La loi qui m'a puni me mettait hors la loi, 
Et l'on n'osait plus même avoir pitié de moi ; 
J'étais proscrit, j'étais sous l'œil de la police, 
Sans jamais effacer la tache de justice. 

Je voulus m'engager quand la guerre éclata. 
Là, j'aurais pu mourir, mais on me rejeta; 
Par tant de jugements ma vie était flétrie, 



— 163 - 

Que je ne pouvais plus l'offrir à la patrie. 

Alors je redevins fainéant, vagabond: 

Je couche dans la rue ou sous l'arche d'un pont, 

Et, le matin, l'agent de police qui passe 

M éveille tout transi de froid, et me ramasse 

Pour achever mon somme et mon rhume en prison. 

Il reste en moi pourtant quelque chose de bon, 
Et quand de vos prisons je cesse d'être l'hôte, 
N'ayant jamais volé, j'en sors la tête haute; 
C'est là ma vanité, je ne puis m'en cacher. 
Où donc la vanité va-t-elle se nicher, 
Direz-vous? être honnête homme, le beau mérite! 
Quand on manque de pain, d'un trou qui vous abrite, 
Que l'on cache son corps sous les haillons du gueux, 
Que l'on marche pieds nus sur le pavé rugueux, 
Qu'on est chassé partout, qu'il reste pour ressource 
Le vol ; et quand, la nuit, on ramasse une bourse 
Pleine d'or, qu'on la tient, qu'on la sent dans sa main, 
Et qu'on crie à celui qui poursuit son chemin : 
Eh ! monsieur, vous perdez votre argent; puis, qu'on rentre 
Au taudis, ayant faim et se serrant le ventre 
Parce que l'on n'a pas mangé depuis hier, 
Je pense que l'on a le droit d'être un peu fier. 

Du récit de ma vie, où la faute est fatale, 
Vous pouvez cependant tirer une morale. 
Mendiant, paresseux, la loi doit me punir; 
Mais qu'avait-elle fait, la loi, pour prévenir, 
Corriger chez l'enfant cette pente du vice, 
Et du crime peut-être, où sa nature glisse '? 
Qui me tendit la main dans l'ignoble milieu 
Où le blasphème seul m'apprit le nom de Dieu? 
C'est ainsi qu'en naissant j'étais une victime. 
Le temps, selon vos lois, fait prescrire le crime ; 
Le repentir, jamais ! vous refusez le don 
Ou travail au coupable implorant son pardon. 



— 164 — 

Je fus bien malheureux, et je le suis encore ; 
Mais ce n'est plus pour moi, vieillard, qu'ici j'implore 
Votre miséricorde et votre charité : 
Hélas! je ne suis pas le seul déshérité 
Que, mystère profond, Dieu jette en ce bas-monde ; 
Il est d'autres enfants nés de la race immonde 
Où le vice croupit près de la pauvreté: 
Sauvez-les ! Enseignez, avec la chasteté, 
Aux filles le travail, aux garçons comme aux filles 
Le travail, la vertu, seuls liens des familles ! 

— Le tribunal veut être indulgent cette fois ; 
Lorsque vous sortirez de prison dans un mois, 
Que ferez-vous, vieillard? comment pour rez-vous vivre? 
— Je ne sais; mais je sais qu'à la fin Dieu délivre, 
Qu'il pardonne à tous ceux que ronge le remord ; 
Pour l'expiation j'espère dans la mort. 
En l'attendant, ayez pitié de ma misère , 

Pour le peu qui me reste à passer sur la terre ; 
Le Ciel peut-être est las de me voir tant souffrir.... 
Ah ! pour les malheureux que c'est long de mourir ! 



Vendôme, avril 1879. 



CHRONIQUE 



Congrès de la Sorbonne en 1885. 

M. le Ministre de l'Instruction publique vient d'adresser à 
M. le Président de la Société Archéologique, Scientifique et Lit- 
téraire du Vendômois, les instructions et le programme relatifs 
au Congrès de la Sorbonne en 1885. 

Voici la teneur de ce programme : 



I. — SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE 

V Mode d'élection et étendue des pouvoirs des députés aux 
Etats provinciaux. 

2' Les villes neuves, les bastides, les sauvetats et autres 
fondations analogues à partir du xn e siècle. 

3° Recherche des documents d'après lesquels on peut dé- 
terminer les modifications successives du servage. 

4° Origine, étendue, régime et formes d'aliénation des biens 
communaux au moyen âge. 

5° Origine et organisation des anciennes corporations d'arts 
et métiers. 

6° Origine, importance et durée des anciennes foires. 

7" Anciens livres de raison et de comptes et journaux de 
famille. 

8° État de l'instruction primaire et secondaire avant 1789. 

9* Liturgies locales antérieures au xvn' siècle. 

10° Origine et règlements des confréries et charités anté- 
rieures au xvi* siècle. 

11" Etude des anciens calendriers. 

12" Indiquer les modifications que les recherches les plus ré- 
centes permettent d'introduire dans le tableau des constitutions 
communales tracé par M. Augustin Thierry. 



— 166 — 

13° Des livres qui ont servi à renseignement du grec en France 
depuis la Renaissance jusqu'au xvin e siècle. 

14° Rôle des maîtres écrivains dans l'instruction populaire et 
la rédaction des actes. 

15° Étude des documents antérieurs à la Révolution pouvant 
fournir des renseignements sur le chiffre de la population dans 
une ancienne circonscription civile ou ecclésiastique. 



IL — SECTION D'ARCHEOLOGIE. 

1° Quelles sont les contrées de la Gaule où ont été signalés 
des cimetières à incinération remontant à une époque antérieure 
à la conquête romaine ? 

Quels sont les caractères distinctifs de ces cimetières ? 

2° Dresser la liste, faire la description et rechercher l'origine 
des œuvres d'art hellénique, des inscriptions et des marbres 
grecs, qui existent dans les collections publiques ou privées des 
divers départements. Distinguer ceux de ces monuments qui 
sont de provenance locale de ceux qui ont été importés dans 
les temps modernes. 

3° Etudier les plus récentes théories qui ont pu être émises 
sur l'origine des basiliques chrétiennes. Décrire les plus ancien- 
nes basiliques que l'on connaisse en dehors de l'Italie, en par- 
ticulier celles de l'Afrique romaine. 

4° Signaler les nouvelles découvertes de bornes miliaires ou 
les constatations de chaussées antiques qui peuvent servira dé- 
terminer le tracé des voies romaines en Gaule ou en Afrique. 

5° Grouper les renseignements que les noms de lieux-dits 
peuvent fournir à l'archéologie et à la géographie antique. 

6° Signaler les édifices antiques de l'Afrique tels que arcs de 
triomphe, temples, théâtres, cirques, portes de ville, tombeaux 
monumentaux, aqueducs, ponts, etc., et dresser le plan des rui- 
nes romaines les plus intéressantes. 

7° Etudier les caractères qui distinguent les diverses écoles 
d'architecture religieuse à l'époque romane, en s'attachant à met- 
tre en relief les éléments constitutifs des monuments (plans, 
voûtes, etc.). 

8° Rechercher, dans chaque département ou arrondissement, 
les monuments de l'architecture militaire en France aux diffé- 
rents siècles du moyen âge. En donner des statistiques, signa- 
ler les documents historiques qui peuvent servir ù en détermi- 
ner la date. 

9° Signaler les constructions rurales élevées parles abbayes, 



— 167 — 

telles que granges, moulins, étables, colombiers. En donner, 
autant que possible, les coupes et plans. 

10° Étudfer les tissus anciens, les tapisseries et les broderies 
qui existent dans les trésors des églises, dans les anciens hô- 
pitaux, dans les musées et dans les collections particulières. 

11° Signaler les actes notariés du xiv e au xvi° siècle, conte- 
nant des renseignements sur la biographie des artistes et par- 
ticulièrement les marchés relatifs aux peintures, sculptures et 
autres œuvres d'art commandées soit par des particuliers, soit 
par des municipalités ou des communautés. 

12° Étudier les produits des principaux centres de fabrication 
de l'orfèvrerie en France pendant le moyen âge et signaler les 
caractères qui permettent de les distinguer. 



NECROLOGIE 

Notre Société, si cruellement éprouvée depuis quelque temps, 
vient de perdre encore un de ses membres les plus distingués. 
M. Paul Bouchet, architecte du département de la Sarthe, vient 
de mourir au Mans dans sa 68 e année, enlevé par une courte 
maladie à l'estime et à l'affection de ses nombreux amis. 

Après avoir terminé ses études au collège de Vendôme, il était 
entré à l'Ecole des Beaux-Arts. Il s'était fixé ensuite au Mans, 
où il se fit vite apprécier par son talent, et aimer par la généro- 
sité de son cœuret la droiture de son caractère. Enfant de Ven- 
dôme et frère de M. Ch. Bouchet, notre savant et dévoué biblio- 
thécaire honoraire, il était resté toujours attaché à son pays, 
et par son testament il donna à sa ville natale les belles collec- 
tions qu'il avait formées avec le soin d'un amateur éclairé et le 
goût d'un véritable artiste. 

Les collections de M. Paul Bouchet étaient bien connues des 
amateurs, et certaines pièces ont leur place dans les annales de 
la curiosité. Elles comprennent des tableaux, des dessins de 
maîtres anciens et des faïences. Ces dernières surtout sont très 
remarquables. Quelques toiles et quelques échantillons de cé- 
ramique ont été légués par le testateur à la ville du Mans, sa 
patrie d'adoption, et, à quelques-uns de ses amis ; mais l'ensem- 
ble de la collection viendra prochainement enrichir notre Muser 



— 168 — 

Vendômois. L'acceptation de ce magnifique legs par le Conseil 
municipal ne peut faire l'objet d'un doute, en présence de l'im- 
portance et de la valeur artistique des objets légués. 

Tout en regrettant la perte de notre sympathique confrère, 
nous adressons nos hommages et nos remerciements à la mé- 
moire de cet homme de bien, au nom de la Société tout entière et 
de tous ceux qui s'intéressent à la prospérité du Musée de Ven- 
dôme. 



L. M, 



te Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme. — Typ. Lemercisr. 



■* 



En vente chez M. FOUCHER, libraire - éditeur, 
& chez tous les libraires du département. 



GUIDE DU TOURISTE 

DANS LE VENDOMOIS 

Géographie, Histoire, Biographie, Archéologie & Excursions, 

Publié sous les auspices 
de la Société Archéologique du Vendomois. 



CARTE du Vendomois & PLAN de Vendôme. 



Un volume format in-18, de 452 pages. 
Prix : 3 fr 50. 





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TOME XXIII 
4 e TRIMESTRE 1884 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page ltt9 

Liste des membres admis depuis la séance du 

10 juillet 1884 170 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 10 juillet 1884 . 170 
Renouvellement du Bureau pour 1885 183 

L'ancien Fort de Fontenailles, par M. G. 

Launay. , 184 

Historique du Po lissoir de Nourray^zv M. G. 

Launay 189 

Les dernières Restaurations du clocher de la 

Trinité, par M. L. Martellière 193 

Communication de M. de Nadaillac sur les 

Silex de Thcnay 205 

L'Hôtel du Bellay, par M. Paul Blanchemain . 209 

Chronique ;>16 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1884 




t.. 

* 



SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



23 e ANNÉE — 4 e TRIMESTRE 



OCTOBRE 1884 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
dômois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 9 octobre 
1884, à deux heures. 

Étaient présents : 

MM. Gervais Launay, président; Isnard, vice-président; Sou- 
dée, secrétaire; G. de Trémault, trésorier; L. Martellièrc, 
conservateur du Musée ; A. de Lavau ; de Rocbambeau ; Chan- 
teaud, membres du Bureau ; Bouchet, bibliothécaire hono- 
raire, 

Et MM. de Brisoult ; le D r Broclieton , L. Buffereau ; l'abbé 
Charles; Cornu (Romain); Démanche fils; de Déservillers ; 
\xm II 



— 170 — 

Dubois ; Duvau ; Fournier; Hardillier ; Hèmc ; G. de Lavau ; 
P. Lemercier ; Malardier ; Saint-Martin ; de Nadaillac; de la 
Peyrièrc ; de Possesse ; Queyroy ; Thillier père ; de Valla- 
brègue ; de la Vallière. 

Depuis la séance du 10 juillet, le Bureau a admis un nouveau 
membre : M. Foucher, libraire à Vendôme. 

M. le Président déclare la séance ouverte. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 10 juillet 1884 



I. — HISTOIRE NATURELLE 

Acquisition : 

Un petit OURSIN du genre Cidaris, en partie adhérent ù un 
rognon de silex qui l'a empâté et conservé en place plusieurs des 
baguettes articulées que d'habitude on trouve séparées du corps. 
Provient du coteau crayeux de Frète val. 

Don de M. l'abbé Lizot, curé de Thoré, par l'entremise de 
M. de Rochambeau : 

DEUX MOULAGES naturels en silex blond de la craie de 
coquilles bivalves ; l'une a ses deux valves en place, l'autre n'en 
présente qu'une. La matière siliceuse à l'état mou a rempli après 
coup la cavité dans la craie laissée parles coquilles. 

De M. le docteur Komorowski, médecin à Mondoubleau : 
Un lot très important (35 pièces) d'OSSEMENTS FOSSILES 
trouvés à Sargé dans les sables de Montmarin. 



— 171 — 

Ces ossements proviennent de la localité que j'ai décrite dans 
un précédent N° de ce Bulletin (l or trimestre 1884, p. 2'À). Il s'agit 
de débris d'animaux de l'époque quaternaire, époque à laquelle 
l'homme vivait déjà dans nos pays. Voici la liste des espèces ou 
des genres auxquels paraissent se rapporter les morceaux ou 
pièces que nous devons à la générosité de M. Komsrowski. 

Hyène. Moitié gauche du maxillaire inférieur, d'une conserva- 
tion remarquable. 

Eléphant. 1 er vertèbre (atlas , très endommagée ; un os du 
carpe ou du tarse. 

Cheval de petite taille. Fragment de maxillaire inférieur droit. 
Fragment d'humérus. Canon (os du métacarpe) ; dernière 
phalange (os du sabot). 

Grand cerf. Fragment de base de bois de cerf. Canon (os du 
métacarpe) ; longueur, m ,25. Extrémité inférieure du tibia 
gauche. Extrémité inférieure du fémur droit. Vertèbre cer- 
vicale. 

Grand bœuf (aurochs ?). 1" vertèbre (atlas) ; les apophyses 
sont brisées. Une vertèbre cervicale. Une molaire brisée 
longitudinalement. Fragment de gros tibia, partie supé- 
rieure. Partie inférieure d'un tibia de ruminant, très gros. 
Partie inférieure d'un gros radius. 

Rhinocéros tichorhinus. 2 astragales. Moitié supérieure de ra- 
dius. Autre fragment de radius roulé et usé par l'eau. Mé- 
tacarpien ou métatarsien médian. 

Neuf débris indéterminables. 

Oiseau. Moitié inférieure de l'humérus gauche d'un très gros 
oiseau (taille d'une oie ?). 

Reptile ? Cubitus et tibia que je pense appartenir à quelque 
reptile. 

Outre leur intérêt paléontologique pour la connaissance des 
espèces, aujourd'hui disparues, qui ont habité notre région, ces 
débris en offrent un autre non moins grand par leur état, non 
pas de conservation, mais de dégradation. La plupart sont bri- 
sés intentionnellement pour en extraire la moelle, ordinaire- 
ment en travers, non loin des tètes ou épiphyses, quelques-unes 
longitudinalement. L'un d'eux porte le travail évident de sciage. 
Ce travail n'a pu être fait que par l'homme sauvage prèhistori- 



— 172 - 

que qui a vécu à l'époque quaternaire. Nous sommes en présence 
de débris de cuisine. En outre, plusieurs de ces morceaux portent 
la marque évidente de l'action des dents de carnassiers, soit du 
chien, l'antique compagnon de l'homme, soit de la hyène, dont la 
présence estattestée par une mâchoire que nous possédons. Ces 
animaux venaient ronger les restes des repas de nos ancêtres, 
restes rejetés à quelque distance des cavernes qui leur servaient 
de refuge. Ajoutons enfin que tous ces déhris étaient finalement 
jetés à la rivière par mesure d'hygiène, ou emportés par des 
crues, ainsi que l'atteste leur présence dans un dépôt de sable 
fluviatile, circonstance qui a assuré leur conservation. Plusieurs 
pièces sont usées et roulées par l'action du courantd'eau. 

Tousces fragments, chauffés à la flamme d'une bougie ou sous 
le dard du chalumeau, noircissent en dégageant l'odeur carac- 
téristique de gélatine brûlée, caractère que l'on retrouve dans 
tous les débris quaternaires, qui, ;'i la. différence des fossiles plus 
anciens, ont encore conservé une forte proportion de matière ani- 
male azotée. 

E. Nouel. 



II. — BIBLIOGRAPHIE 

1. — Doxs des Auteurs ou autres : 

Recherches sur h' nom île Comeranum, par M. G. Simon, prési- 
dent du tribunal civil de Gien. Bro. in-8. Extraite des Annales 
de la Société du Gàtinais, Orléans, 1884. 

L'auteur explique, avec autant de clarté que dé logique, com- 
ment une erreur des éditeurs de Doin Morin a été reproduite 
successivement par tous les lexicographes, et a fini par faire 
son chemin dans le monde. Comerani ecclesiam, lu à la place de 
consccraci ecclesiam, a donné naissance à la légende de l'-anti-» 
que Cômerânum, à l'existence duquel il faut renoncer aujour- 
d'hui. 

Conseil général de Loir-et-Cher. Session d'avril 1884. Procès- 
verbaux. 

Association générale des Médecins de France — Société lo- 
cale de Loir-ct-C/ier. Bvo. in-8. Blois,188L— Séance tenue à Ven- 
dôme le 5 juin 1884, sous la présidence de M. le docteur Dufay, 



— 173 — 

sénateur. Dans le discours prononcé à l'ouverture de la séance, 
M. le président cite les médecins qui ont illustré le Blaisois et 
le Vendomfois. Nous y remarquons les noms des Gendron, des 
Bouvard, des Chartier, etc. 

Les Découvertes récentes en Amérique, par M', le marquis de 
Nadaillac. Bro. in-8. Paris 1884. Extrait de la Revue intiulée : 
Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. 

Les études préhistoriques ont pris en Amérique des dévelop- 
pements considérables, et, grâce au zèle des chercheurs, soute- 
nus par la libéralité de leurs concitoyens, les résultats obtenus 
sont importants. M. le professeur Putram, conservateur du Pea- 
body-Museum, est un des plus heureux et des plus intrépides 
explorateurs, et les rapports de ses travaux en 1882ctl883 abon- 
dent en faits curieux et nouveaux. C'est à la connaissance de 
ces découvertes que nous initie l'auteur dans la brochure ornée 
défigures qu'il offre à notre Société. 

Les Numéros des 10 février, 15 mars, 19 avril et 21 mai 1881 
de la Revue hebdomadaire intitulée La Nature, contenant une 
série d'articles consacrés à l'étude de l'Art préhistorique en 
Amérique. 

Déjà, l'auteur, M. de Nadaillac, avait traité ce sujet dans 
la Reçue des Deux-Mondes du 1 er novembre 1883. Ici de nom- 
breuses figures éclairent le texte en reproduisant les objets 
décrits. Les énigmatiques bas - reliefs appelés pictogra^ 
pbies, entaillés sur la surface des roebers dans tontes les 
régions des deux Amériques, sont, les premières manifes- 
tations d'un art dorît le Pérou et le Mexique offrent des spé- 
cimens d'un goût plus avancé et qui sont de véritables sculptu- 
res. Les Mexicains, comme les Péruviens, savaient aussi tra- 
vailler les métaux précieux ; mais il nous reste peu de preuves 
de leur habileté, la plupart de leurs œuvres ayant disparu dans 
le creuset du fondeur. Un grand nombre de leurs poteries, même 
d'un usage journalier, offrent des représentations d'hommes et 
d'animaux. L'usage des couleurs, pour la peinture propremenl 
dite comme pour la teinture des étoffes, ne leur était pas non 
plus inconnu. Enfin, dans le domaine de l'architecture, après 
les Cliffi-houseSj qu'on ne saurait mieux comparer qu'à des nids 
d'hirondelles, e( ces vastes phalanstères défendus par des tours 
élevées nommés pueblos, nous arrivons à des monuments déri- 



— 174 — 

vés certainement d'une influence étrangère. Les ruines des pa- 
lais et temples du Yucatan, du Pérou et du Mexique, se ratta- 
chent en effet par plus d'un point à l'art européen et surtout à 
l'art asiatique. On verra plus loin ce qu'en dit l'auteur en dépo- 
sant ses brochures sur le bureau. 

De l'auteur, M. G. de Mortillet, par l'intermédiaire de 
M. Bouchet : 

L'Homme, journal des Sciences anthropologiques, N° du 25 
septembre 1884. Ce Numéro contient, sous ce titre : Le précur- 
seur de l'homme à l'Association française, un compte rendu des 
séances de la section d'Anthropologie au congrès de Blois sur la 
question des silex de Thenay. On en trouvera plus loin une ana- 
lyse (§ iv, Abonnements). 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 
Romania. Avril- juillet 1884. 
Journal des Savants. Juin-septembre 1884. 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Répertoire des Travaux historiques. Tome m, N° 1. Paris, 
Imp. Nat., 1884. 

N os 947à955. Nomenclature des principaux articles publiés 
dans notre Bulletin de 1883 par MM. Ch. Bouchet, J. Chautard, 
Isnard, l'abbé Métais, de Rochambeau, Malardier, etc. 

Bulletin du Comité des Travaux Historiques. Section d'ar- 
chéologie, année 1884, N° 3. - Section d'histoire et de philolo- 
gie, année 1884, N° 1. 

Reçue des Travaux scientifiques. Tome iv, N os 5, 6, 7,1883. 

III. — Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et Echanges: 

Second animal Report of the United States Gcological Survcrj 
t'o the Secretarxj of the Interior, 1880-81. by J.-M. Powell, direc- 
tor. Washington. Government Printing Office, 1882. Splendide 
volume avec planches et cartes. (Envoi de la Smithonian Insti- 
tution.) 

Annales du Musée Guimet. Revue de l'Histoire des Religions, 
tome IX, N U5 2 et 3, mars-juin 1884. 



— 175 — 

Nous y remarquons un article par M. Henry Carnoy, intitulé : 
Les Acousmates et les Chasses fantastiques. Il discute les préju- 
gés populaires relatifs à des bruits mystérieux de l'air, désignés 
généralement sous le nom de chasses nocturnes, ou encore sons 
celui plus scientifique d' acousmates. Il paraît que c'est à l'épo- 
que de l'équinoxe d'automne que l'on observe le pins souvent 
le phénomène. 11 y a là peut-être, dit l'auteur, quelque problème 
de météorologie, sur lequel la science ne s'est pas encore pro- 
noncée. Nous avouons n'avoir jamais entendu d'autres bruits 
mystérieux, la nuit, que le bruit du vent et des tempêtes qui ca- 
ractérisent assez nettement l'époque de l'équinoxe d'automne. 
Quant au mot acousmate, qui manque au dictionnaire de Littré, 
nous ne l'avons jamais rencontré dans un ouvrage scientifique. 

E. N. 

Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et- 
Vilaine. Tome xiv, 2 e partie. 

Mémoires de l'Académie de Nîmes. Année 1882. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Li- 
mousin. Tome xxxi. 

Annales de la Société Historique et Archéologique du Gâti- 
nais. 2 e trimestre de 1884. 

Les Audran, peintres et graveurs, par M. Edmond Michel. La 
paroisse de Louzouer, arrondissement de Montargis (Loiret), 
contient en ses registres paroissiaux cinq actes relatifs à la fa- 
mille Audran, à l'aide desquels M. Ed. Michel reconstitue la gé- 
néalogie de cette nombreuse famille d'artistes. — La mort de 
Pliilippc-lc-Bcl à Fontainebleau, par M. Frantz-Junck-Brentano, 
d'après la chronique du moine de Saint-Denis Guillaume l'Ecos- 
sais ; avec une planche double reproduisant une page entière du 
manuscrit original; dont le texte latin est accompagné d'une 
traduction marginale en langue vulgaire.— Le nom de Comera- 
nus, par M. G. Simon. (Voir [«lus haut": Dons des Auteurs.) 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des 

diocèses de Valence, Digne, Gap, Grenoble ei Viviers. Livrai- 
sons 22-25, 1881. 



— 176 - 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe, 2 e trimestre 1884. 

Noter le travail intitulé : Erpétologie de la Sarthe, par M. A. 
Gentil, professeur au lycée du Mans. — L'auteur donne la des- 
cription de tous les reptiles ei batraciens qu'il a pu connaître 
dans le département de la Sarthe. Ce travail peut certainement 
s'appliquera notre arrondissement, et sera consulté avec fruit 
par les personnes qui voudront avoir des notions exactes sur 
desanimauxqui ne sont connus, le plus souvent, que par les pré- 
jugés qui régnent à leur égard. 

Bulletin de la Société Archéologique de Tour aine. Tome v, 
3 e et 4 e trimestres de 1882. Br. in-8. Tours, 1881. 

M. Lhuilliera eu l'heureuse idée défaire l'histoire de la So- 
ciété, de montrer quels résultats considérables elle avait obte- 
nus, et quelle influence elle avait eue sur le mouvement ar- 
tistique et intellectuel en Touraine depuis 40 ans. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. Tome vi, 
3 e et 4 e trimestres de 1883. Br. in-8, 1884. 

Bulletin de la Société Dunoise. N° 01, juillet 1884. 

Etude sur les seigneurs de la Bazoche-Gouct, par M. Thibault, 
instituteur à La Bazoche. — François I er à Châteaudun en 1545, 
par M. Marcel Poullin. L'auteur cherche, dans cette étude, à 
déterminer la route que suivit François I er pour se rendre de 
Blois à Châteaudun d'abord, puis de Châteaudun à Argentan. Il 
y aurait, croyons-nous, quelques restrictions à faire aux affirma- 
tions un peu hasardées de M. Poullin, et nous ne saurions par- 
tager son avis sur certains points. Nous ne pensons pas, par 
exemple, qu'il y ait lieu d'intervertir, comme il le fait, l'ordre des 
étapes du voyage royal données par Yltinéraire des rois de 
France. Comme l'indique fort bien ce document, le roi, pour 
aller de Blois â Châteaudun, a suivi directement la route ordi- 
naire tracée entre ces deux villes, qui avaient entre elles de fré- 
quentes relations, route passant par Marchenoir ou Oucques, et 
nullement par Pezou. L'itinéraire royal par Morée et Pezou, au- 
quel M. Poullin ajoute Cloyes avec juste raison, s'applique au 
voyage du roi quittant Châteaudun pour se rendre à Argentan. 
Il suivit la vallée du Loir jusqu'à Pezou (et peut-être jusqu'à 



— 177 — 

Vendôme), pour traverser ensuite le Perche et gagner la Nor- 
mandie par Nogent-le-Rotrou. Les raisons que donne L'auteur 
d'un itinéraire par la Bcauce ne nous semblent pas assez con- 
cluantes, pour permettre d'altérer un document qui s'explique 
très bien tel qu'il est, dont tout d'ailleurs affirme l'exactitude, 
et qu'on ne peut modifier, sous prétexte de rectifications, sans 
des raisons péremptoires. Nous nous proposons d'ailleurs de 
revenir sur ce sujet, qui touche de près à notre pays. 

Histoire du comté de Dunois, par l'abbé Bordas. 7 e et dernier 
fascicule, contenant les titres, cartes et préface. Br. gr. in-8. 
Châteaudun, 1884. — Envoi delà Société Dunoise. 

Bulletin de In Société Archéologique et historique de l'Or* 
lèanais. Tome vin, N° 119, 4 a trimestre de 1883 ; et N° 120, l or 
trimestre de 1881. 

Ce dernier fascicule contient l'institution définitive et le rè- 
glement du concours quinquennal organisé pour récompenser 
l'auteur du meilleur mémoire adressé à la Société sur l'histoire, 
l'archéologie, la numismatique, la géographie, la biographie, la 
bibliographie de l'ancienne province de l'Orléanais, correspon- 
dant approximativement aux trois départements du Loiret, de 
Loir-et-Cher et d'Eure-et-Loir. 

Mémoires de la Société Archéologique et Historique de l'Or- 
léanais. Tome xvni. Un vol. in-8 et atlas de 13 planches in-4°. 
Orléans, 1884. 

Nous retrouvons clans ce volume le mémoire lu par M. Du- 
muys à la réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne, au mois 
d'avril 1881, et contenant la description du château de Chante- 
coq et de ses vieux souterrains. Nous avions déjà signalé leur 
analogie avec ceux de l'ancien château du Roui Mis (Y. ci-dessus, 
j). 11b). Les plans et détails qui accompagnent le mémoire uni 
été relevés par M. Fournier, architecte. La paroisse de Clian- 
tecoq a été étudiée, au point de vue purement historique, par 
M. Bcrton. — Parmi les autres travaux contenus dans ci' vo- 
lume, et qui se rapportent spécialement à l'archéologie et à l'épi- 
graphie orléanaises, nous citerons, à cause de sou intérêt plus gé- 
néral, la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc el l'institution 
de la fête du 8 : mai, de M. Boucher de Molandon. 



— 178 — 

Mémoires de la Société Eduennc. Nouvelle série. Tome xv. 
Un vol. in-8 Autuii, 1883. 

La Notice archéologique sur Santhenay (Côte-d'Or), par 
M. Henri de Longuy, nous parait être la partie la plus remar- 
quable de ce volume, qui renferme pourtant nombre d'articles 
intéressants. Elle donne plus que son titre ne promet. C'est une 
monographie de cette localité, étudiée non seulement comme ar- 
chéologie et histoire depuis les temps quaternaires jusqu'au 
XVIII e siècle, mais encore au point de vue géologique et bota- 
nique. Elle mérite d'être citée comme modèle de ce genre de 
travail. De belles planches, dues au talent de M. Claude Sau- 
vageot, accompagnent la notice et ajoutent à l'intérêt des des- 
criptions, toujours un peu arides lorsqu'il s'agit de découvertes 
archéologiques. 

Bulletin de la Société Archéologique du. Midi de la France. 
Séances du 27 novembre 1883 au 27 mars 1884. 

IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Bulletin Monumental. 5 e série, tome xn, N os 4 et 5. Br. in-8. 
Tours, 1884. 

Notice de Mgr Barbier de Montault sur un curieux reli- 
quaire en forme de sabre, du XV e siècle, découvert au Pin-en- 
Manges (Maine-et-Loire), et contenant probablement des reli- 
ques de sainte Catherine (p. 317). — Numismatique gauloise, de 
la transformation des types monétaires et des résultats auxquels 
elle conduit. M. Max Werly signale l'image d'une fibule sur des 
monnaies gauloises trouvées à Ambleny (Oise), à la place même 
de l'aurige, dont le type anormal n'est qu'une dégénérescence 
(p. 397). — Moule à patène de l'époquemérovingienne, par M. L. 
Dumuys. Extrait du mémoire lu à la Sorbonne en avril 1 884 et 
dont nous avons déjà parlé (p. 405). — Inscriptions et devises 
horaires, parjM. de Rivière (p. 426). — Voir aussi, à la Biblio- 
graphie, les notes savantes de Mgr Barbier de Montault, à pro- 
pos du 2 e fascicule du Glossaire archéologique de Victor Gay. 

Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. Livraison 22. 
Par acquisition : 

Guide du Touriste dans la vallée du Loir, par MM. Emile De- 
launay et Léon Morancô. La Chartre-sur-lc-Loir, 1884. 



— 179 — 

Sous ce titre, les auteurs de ce petit volume publient un itiné- 
raire de la ligne de Chàteau-du-Loir à Vendôme. 

Ils n'ont efa qu'un but, disent-ils dans l'Introduction : rendre 
d'une façon vive et primesautière leurs impressions personnel- 
les. 

Ne voulant pas faire double emploi avec le Guide du Touriste 
dans le Vcndômois, leur docte aîné, ils se sont étendus longue- 
ment sur la partie de la vallée du Loir qui prolonge le Vendô- 
mois et appartient à la Sartbe, savoir : de Cbâteau-du-Loir à 
La Chartre, et de La Chartrc aux Ponts-de-Praye. Ils parcou- 
rent d'ailleurs la ligne à rebours, partant de Chàteau-du-Loir 
pour s'arrêtera Vendôme. 

Je regrette pour eux et pour leurs lecteurs qu'ils n'aient pas 
eu la curiosité de pousser, toujours en chemin de fer et daivs la 
vallée du Loir, jusqu'à Frèteoal, dont les ruines si imposantes et 
si pittoresques peuvent rivaliser d'intérêt avec toutes celles du 
Bas-Vendômois. Ils auraient pu raconter à leurs compagnons de 
route Y histoire de la bataille de Frèteoal, un des souvenirs im- 
portants de notre vallée du Loir; d'autant qu'ils aiment à racon- 
ter des histoires chemin faisant, et ils les racontent bien. 

Leur ouvrage pourrait s'intituler Le Compagnon du Touriste 
dans la vallée du Loir, plutôt que le Guide. 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. N os de juillet, août, 
septembre et octobre 1884. 

Parmi les articles contenus dans ces fascicules, nous signa- 
lerons spécialement la Géologie du Puy-Courny, par M. J. -B. 
Rames. Cette étude a une grande importance, à cause des éclats 
de silex qui gisent dans les alluvions miocènes tortoniennes 
(époque tertiaire) de cette localité, située dans le bassin d'Au- 
rillac (Cantal). — Les Découvertes récentes en Amériques parle 
marquis de Nadaillac (voir ci-dessus). — Bien d'autres mémoi- 
res contenant de curieuses découvertes mériteraient, aussi bien 
que la Revue des livres, une analyse détaillée, mais qui nous 
entraînerait beaucoup trop loin. 

Le Numéro d'octobre est presque entièrement consacré au 
compte rendu des travaux de la section d'Anthropologie du 
Congrès de l'Association française à Blois. Septembre 1884. 

Le chapitre le plus important est celui intitulé . L'Homme 
tertiaire ; fouilles et discussions à Thenag. 



— 180 — 

M. de Naâaillac, qui a assisté à cette excursion et suivi les 
discussions, en a "rendu compte à la séance d'octobre avec la 
compétence sur ces questions que chacun lui connaît ; on trou- 
vera plus loin le résumé de sa communication. 

J'extrais cependant quelques passages du compte rendu offi- 
ciel de cette enquête solennelle : 

Le lundi S septembre, quarante membres des sections d'an- 
thropologie et de géologie partaient de Blois et se rendaient à 
Thenay, où une tranchée avait été pratiquée à l'avance, aux frais 
de l'Association française, pour l'étude géologique du terrain. 
Après l'examen attentif des lieux, les membres ont tenu une 
séance à Pont-Levoy pour discuter les résultats de leur enquête 
scientifique. Le mercredi 10, à Blois ils ont continué cette dis- 
cussion. 

On a traité les trois points suivants : 

1° Age géologique des marnes à silex de Thenay. — M. Fuseh, 
ingénieur en chef des mines, fait remarquer que M. Douvilé, 
l'auteur de la carte géologique récemment publié* dans le ser- 
vice du ministère des travaux publics, n'hésite pas à les placer 
dans Vèocène (tertiaire inférieur). M. Bourgeois et d'autres géo- 
logues admettaient que ces marnes appartenaient au miocène 
inférieur. L'ahsence de fossiles ne paraît pas permettre de déci- 
der cette question ; tel est le résumé de la discussion entre 
géologues. 

2° Examen du craquelage de certains des silex trouvés en 
place. C'est certainement le point le plus intéresant des silex de 
Thenay. M. Bourgeois n'hésitait pas à y voir l'effet du /c», et en 
tirait son meilleur argument de la présence de l'homme à ces 
époques reculées. La dispersion de ces silex dans toute l'éten- 
due d'une couche géologique a fait supposer, à plusieurs mem- 
bres, que ce craquelage pouvait être attribué à. -des phénomènes 
naturels, comme variations de température, à la surface du sol, 
effet de sources thermales, etc. — En résumé, la question est 
restée aussi incertaine qu'elle l'était avant le Congrès de Blois, 
et on continuera a se demander : Le feu tertiaire a-t-il existé f 

• >" Taille intentionnelle de quelques silex tertiaires. — Dans 
l'exploration du 8 septembre, il n'a été trouvé aucune pièce con- 
vaincante et portanl traces certaines de l'action d'un être intel- 
ligent. On a reconnu que ce fait purement négatif ne prouvait 



— 181 — 

rien, des recherches plus longues pouvant amener des résul- 
tats différents. De ce cote donc, les travaux du Congrès n'ont rien 
appris de nouveau. 

On a fait observer d'ailleurs que les silex de Thenay conser- 
vés dans les collections n'étaient pas véritablement taillés, mais 
seulement retouchés en quelques points. 

Je remarque enfin que, d'après le procès-verbal, personne, pas 
même M. Adrien de Mortillet, délégué par son père pour le rem- 
placer au Congrès, n'a discuté la question du précurseur de 
l'homme ou de Vanthropopithèque, inventé comme on sait par 
M. G. de Mortillet (1). 

La question a été reprise par M. G. de Mortillet lui-même, qui, 
dans le N° du 25 septembre de la Revue intitulée L'Homme 
(voir ci-dessus), a l'ait le premier compte rendu de la discussion 
du Congrès de Blois relativement à Thenay. 

L'auteur dit d'abord que, retenu au Musée de Saint-Germain 
pour son service, il n'a pu, à son grand regret, assister à la vi- 
site de Thenay ni à la discussion qui a suivi ; mais que, grâce à 
son fils Adrien et à ses amis, il a été exactement informé de tout 
ce qui s'est dit et fait, ce qui le met parfaitement à même d'é- 
crire cet article. 

Il divise la discussion en quatre parties : 

1° Gisement géologique ; 2° existence du feu ; 3° travail in- 
tentionnel sur le silex ; 4° nature de l'être qui agissait. 

Sur la première question, M. G. de Mortillet maintient l'ap- 
préciation de M. Bourgeois, savoir que la couche inférieure de 
marne à silex appartient bien au miocène inférieur, et non à l'é- 
poque èocène. 

Sur la question de l'existence du feu, il est aussi affirmalif. 



(1) C'est avec le plus profond étonnement que j'ai lu, p. 487 : « A la suite de 
quelques observations de MM. Daleau et de Chasteigner, M. Nouel, naturaliste du 
Vendômois, déclare que l'abbé Bourgeois avait fait des fouilles ailleurs qu'à Thenay, 
et qu'il avait retrouvé ses silex cassés au Monti par exemple. » |11 s'agit probablement 
des Monlils (Loir-et-Cher)] et plus loin, p. 489, (il s'agit du craquelâge des silex) : 
« Une discussion s'engage entre MM. Bleicher, Nouel et Cartailhac, touchant l'action 
du soleil, etc. » — Après in'clre làté à plusieurs reprises pour m'assurer dénia per- 
sonnalité, je puis affirmer ici que je n'ai pas été à Thenay ai à Pont-Levoy le 8 sep- 
tembre (autrement qu'en imagination et en désir), et que je n'ai assisté à aucune des 
discussions dont je rends compte actuellement. 



— 182 — 

Pour 1g travail intentionnel du silex, il remarque que le mu- 
sée de Saint-Germain possède de la couche de Thenay plusieurs 
échantillons excellents portant des retouches régulières, et il en 
figure trois dans le texte. Voici comment il explique le travail 
de ces silex : « L'être intelligent de Thenay prenait des rognons 
de silex dans les argiles à silex ou dans la craie, et les chauffait 
au feu, puis probablement les trempait dans l'eau au bord du lac. 
Ces silex éclataient, et l'être intelligent choisissait les éclats 
qui pouvaient lui convenir. Tout ce qui s'était craquelé par 
suite d'une trop haute température, et tout ce qui, faute de cha- 
leur, ne s'était pas assez délité, restait dans l'eau, et a formé la 
couche pierreuse des marnes colorées de la base du dépôt. » 

Franchement, est-ce cela une discussion scientifique? Nous 
sommes en plein roman genre J. Verne. L'auteur oublie d'ail- 
leursun détail très grave ; avec quoi l'être intelligent retirait-il 
du feu ces marrons de pierre rougie, pour les porter dans l'eau 
du lac? 

4° Détermination de l'être intelligent. — Ici l'auteur oublie 
complètement qu'il n'assistait pas au Congrès de Blois, dont le 
compte rendu ne porte rien relativement à cette question, et 
qui est intitulée L'Homme tertiaire; tandis que M. G. de Mortil- 
let intitule son résumé : Le Précurseur de l'homme à l'Asso- 
ciation française; et il place sous le couvert de l'Association la 
démonstration qu'il aurait donnée au Congrès, s'il y eût assisté, 
de l'existence de cet être imaginaire qu'il a appelé l'anthropopi- 
thèque ou l'homme-singe. 

Je le répète, la question de la nature de cet être intelligent 

n'est pas traitée au compte rendu des séances de Blois, et on est 

resté sur ce point d'interrogation : Les silex de Thenay sont-ils 

travaillés ? 

E. Nouel. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



183 — 



F». 

• 



Renouvellement du Bureau pour 1885 



Le Président rappelle à la Société qu'il y a lieu de procéder à 
l'élection de quatre membres du Bureau. 

32 membres prennent part au vote. 

Le dépouillement du scrutin donne le résultat suivant : 

MM. de Rochambeau, président (30 voix) ; 
Aug. de Trémault secrétaire (30 voix) ; 
deMaricourt (29 voix); 
Saint-Martin (21 voix). 

Ces Messieurs sont élus membres du Bureau pour trois ans à 
partir du 1 er janvier 1885. 

L'élection à la présidence de M. de Rochambeau oblige à 
l'élection d'un membre du Bureau, pour le remplacer pendant le 
temps qu'il devait encore rester en fonctions. 

M. Mascarel est nommé à l'unanimité. 

Au nom du Bureau, M. le Président proposée l'assemblée de 
décerner ù M. G. de Trémault, en reconnaissance des services 
qu'il a rendus à la Société, le titre de trésorier honoraire, avec 
droit d'assister aux séances du Bureau. 

Cette proposition est adoptée à l'unanimité. 



L'ANCIEN 

FORT DE FONTENAILLES 

Commune de Nourray, canton de Saint-Amand 
Par M. G. Launay. 



Lorsque nous parcourions, il y a vingt-cinq ou 
trente ans, toutes les communes de l'arrondissement de 
Vendôme, pour en établir le répertoire archéologique, 
nous fûmes, déjà à cette époque, frappé par une dispo- 
sition toute particulière observée dans l'établissement 
d'un ancien fort situé à un kilomètre auN.-O. du bourg 
de Nourray, et portant le nom de château de Fonte- 
nailles. 

Nous nous étions bien promis de revenir faire plus 
plus tard une étude spéciale sur cette intéressante con- 
struction^ dont aucun des lieux fortifiés du pays ne 
nous avait rien présenté d'analogue; mais, toujours 
arrêté par une foule d'autres sujets à traiter, nous 
avions remis indéfiniment cette étude. 

La question ajournée vient tout récemment d'être re- 
prise à l'occasion de la découverte du polissoir de 
Nourray, situé à une courte distance de ce vieux 
château, et qui nous a obligé à plusieurs déplace- 
ments. 

Nous allons vous soumettre la description de ce 
fort. Un plan, que nous joignons au Bulletin, la rendra 
plus facile à comprendre. 

Une enceinte de douves ou fossés, d'une forme assez 



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— 185 - 

bizarre, aux contours arrondis, se termine par deux 
espèces de crochets faisant saillie sur la partie ouest du 
fossé. 

Lors de la première visite indiquée plus haut, une 
douve intérieure, comblée depuis, partageait l'espace 
en deux parties. Celle du S.-E. contenait encore des res- 
tes de constructions assez importants, paraissant être 
ceux d'un donjon, avec fondations dans le voisinage, of- 
frant l'aspect de l'entrée d'un souterrain ou four en bri- 
ques. 

Depuis cette époque, le terrain a été entièrement 
fouillé pour en extraire la pierre, assez rare dans la 
localité. 

Les fossés, d'inégales largeurs, mesurent depuis 6 m 
jusqu'à 12 m , avec 4" 1 de profondeur ; l'espace intérieur, 
de 100 m de longueur sur une largeur moyenne de 45 m , 
aune contenance d'un demi-hectare environ. 

Mais ce qui doit particulièrement attirer l'attention 
des archéologues, et ce que nous n'avons jusqu'ci 
trouvé mentionné dans aucune description d'enceintes 
fortifiées, c'est la nombreuse quantité de buttes en terre, 
disposées sur plusieurs rangs, comme l'indique le plan, 
à5ou6 m en avant des fossés au S.-E. et parallèlement 
à la direction de ces fossés, à des distances irrégu- 
lières, avec rangs alternant entre eux. 

Ces buttes rectangulaires, de 3 à 4 m de longueur 
sur 2 m environ d'épaisseur, et de hauteurs variables,, 
formant un cube de 10 à 12 m , renfermaient parfois des 
pierres à l'intérieur; mais le plus souvent elles étaient 
construites en terre seulement. 

Lors de notre première visite, un grand nombre 
étaient encore debout. Le vieillard qui nous accompa- 
gnait, le sieur Blanchecottc, maire de la commune, nous 
disait les avoir vues, dans son enfance, presque au 
complet. 

A l'opposé, à l'ouest, on non a pas trouvé trace. Le 
\ x 1 1 1 . 12 



— 186 - 

terrain plus bas, marécageux et couvert d'étangs à cette 
époque, défendait suffisamment l'approche de ce côté. 

En présence de cette disposition inusitée de buttes, 
notre première impression a été de rechercher quelle 
avait dû être leur destination. Nous n'avons pu, après ré- 
flexion, leur en supposer d'autre que celle d'avoir été 
établies là comme moyen de défense de l'enceinte sur 
son côté attaquable au S.-E. 

Peu versé dans l'étude des fortifications, il nous a 
paru convenable de faire appel aux lumières d'un 
homme très compétent en ces sortes de questions, M. le 
commandant du génie de Rochas, en résidence à Blois, 
qui a bien voulu nous transmettre d'utiles renseigne- 
ments dont nous vous de mandons la permission de 
vous citer quelques extraits. 

« .... Toute défense déposition doit être active, sous 
« peine de se voir bientôt anéantie; c'est-à-dire que le 
« défenseur ne doit pas se borner à repousser les as- 
« sauts de l'ennemi, mais doit aller l'inquiéter dans 
« son camp, de manière à le décourager, si c'est pos- 
ée sible, etàlui faire ab mdonner son entreprise. 

« C'est pour cela que toute fortification bien entendue 
« doit avoir des dispositions propres à pratiquer les 
« sorties.... Aujourd'hui nous avons des chemins cou- 
« verts, c'est-à-dire un rempart en terre bas placé au 
« delà du fossé, dans lesquels s'assemblent les défen- 
« seurs en secret, et d'où ils s'élancent ensuite au de- 
ce hors en franchissant le rempart.... 

« A Tyrinthe, en Grèce, les fortifications cyclopéen- 
« nés, composées de murs très épais et sans fossé, pré- 
ce sentent, du côté accessible, une galerie intérieure 
« communiquant avec l'extérieur par de nombreuses 
« ouvertures. Les défenseurs se rangeaient en bataille 
« dans la galerie, puis sortaient en masse par les ou- 
« vertures. Quand ils battaient en retraite, ils reculaient 
« également en bataille, et rentraient à la fois par tou- 
« tt j s les ouvertures ; puis, une fois dans la galerie, 



— 1S? 

« chaque soldat se mettait à l'abri derrière les piliers, 
« où il attendait l'ennemi 

« Vous voyez maintenant, Monsieur, l'explication de- 
ce la disposition des buttes qui existaient à Fontenailles. 
•« C'étaient des refuges derrière lesquels s'abritaient les 
<( défenseurs avant et après les sorties.... » 

Cette solution, émanant d'une plume autorisée, et ve- 
nant confirmer notre appréciation première, au moins 
quant à la destination des buttes, nous semble assez 
concluante pour être adoptée. 

Il reste maintenant un autre point à éclaircir, c'est 
celui de l'époque à assigner à un semblable établisse- 
ment. 

On vient de nous présenter une certaine analogie en- 
tre les moyens d'attaque et de défense employés dans 
notre forteresse, et ceux en usage dans l'antique ville de 
Tyrinthe, en Grèce. Sans avoir la prétention de faire re- 
monter aussi loin la construction du fort de Fontenailles, 
on peut au moins lui assigner une époque assez reculée 
dans le moyen âge. 

On en trouverait une preuve dans l'ancienneté de la 
localité elle-même, qui possède une église très intéres- 
sante, datant au moins du XI e siècle, et qui renferme 
une pierre tombale d'un de Fontenail, seigneur du 
lieu, vivant dans le XII e siècle. (Voir le dessin de la 
pierre tombale au tome XVII du Bulletin, p. 224.) 

Ce de Fontenail était-il le premier du nom ? Cela 
n'est pas facile à préciser, vu l'absence jusqu'ici de 
renseignements historiques. 

L'ancienneté de ce vieux manoir serait encore attes- 
tée par deux chartes du cartulaire de Marmoutier. 
L'une d'elles cite un fief dans IeVendôniOis apud Fon- 
tinetum , et l'antre un fief apud Fontenelhun. Ces deux 
chartes du XII e siècle se rapportent bien à la même 
terre. L'identification avec Fontenailles <>st d'autant 



— 188 — 

plus vraisemblable, qu'il est en môme temps question 
de Nourrav. 

La date précise de l'établissement de cet ancien fort 
n'était pas le principal but que nous nous proposions 
ici : il s'agissait surtout de mettre en relief une dispo- 
sition qui nous a semblé assez extraordinaire dans nos 
contrées pour être consignée dans notre Bulletin, c'est- 
à-dire la nature des moyens d'attaque et de défense em- 
ployés au fort de Fontenailles. Puissions-nous avoir 
rendu ce sujet intéressant pour vous ! 

En terminant, nous adresserons nos remerciements 
à ceux de nos collègues qui nous ont aidé dans ces 
constatations, et en particulier à l'instituteur de Nour- 
rav, M.Boissé, qui a dressé un plan bien exact des dou- 
ves du fort de Fontenailles. 



f,. 

• 



Ah 







HISTORIQUE 



DU 



POUSSOIR DE NOURRAV 

Par M. G. Launay. 



Les lecteurs du Bulletin peuvent se rappeler qu'en 
juillet 1879, un rapport leur fut présenté sur la décou- 
verte d'un polissoir dans la commune de Nourray; ce 
polissoir était enfoui au milieu d'un fossé d'une route 
nouvelle devant relier le bourg de Nourray à celui de 
Villerable. 

Les ouvriers avaient en partie déterré deux énormes 
blocs de pierre, dont l'administration des ponts et chaus- 
sées ne pouvait tolérer la présence en plein fossé, et 
ils avaient même tenté de briser ces blocs pour les faire 
servir à l'empierrement de la route. 

L'un de nos plus zélés correspondants, M. Bruneau, 
ancien instituteur à Saint-Amand, passant par hasard 
sur cette route, découvrit, avec son flair habituel, sur 
l'un des blocs, quelques entailles qui attirèrent son at- 
tention, et dont il nous donna immédiatement avis. 

Une commission de la Société se rendit aussitôt sur 
les lieux, où l'attendaient M. Bruneau et M. Minet, agent 
voyer, avec son cortège d'ouvriers, travaillant sili- 
ce point, .à un kilomètre environ au N.-O. de Nour- 
ray. Ils parvinrent, en notre présence, à faire sor- 
tir à moitié hors déterre l'un de ces blocs, sur lequel 
nous constatâmes une quinzaine d'entailles ou cuvettes. 



— l'.IO — 

la partie encore enfouie en dissimulant un certain 
nombre. 

Ce bloc, d'une superficie de 3 1U ,42 sur m ,75 d'épais- 
seur, avec un poids de 2,500 kil. le mètre cube, arri- 
vait à peser 5,985 kil. Malgré ce poids énorme, notre 
intention était, par un moyen quelconque, de faire con- 
duire dans la cour du Musée cet intéressant monument 
mégalithique, mis à notre disposition par les ponts et 
chaussées, surtout lorsque, débarrassé complètement 
des terres qui en recouvraient encore une partie, nous 
vîmes apparaître un complément d'entailles et de cuvet- 
tes merveilleusement polies, au nombre de treize, et 
qui en faisaient un des plus rares types découverts jus- 
qu'ici. 

Pour soulever et transporter une aussi lourde masse, 
il nous fallait des engins et des voitures peu on usage 
dans nos pays ; il nous fallait aussi compter sur la dé- 
pense nécessitée par un transport de trois* lieues au 
moins. 

Une autre difficulté se présentait : la route, était nou- 
vellement chargée jusqu'à Nourray, et nous nous 
voyions forcés d'ajourner l'opération indéfiniment. 

Nous ne pouvions pourtant pas laisser le fossé obstrue 
par ces deux énormes blocs, quelle quefùtla bonne vo- 
lonté des ponts et chaussées. On songea d'abord à 
faire remonter les deux; blocs sur la berge du champ, 
assez élevée en cet endroit, ce qui pouvait en gêner 
le labourage, et rendre difficile, de la route, l'inspec- 
tion du polissoir. 

Notre embarras devenait de plus en plus grand, en 
présence de ces deux énormes masses ; bien que l'une 
d'elles fût pour nous une gène sans profit, il fallait 
quand môme en débarrasser le fossé. 

Le 11 août 1883, se réunirent à Nourray MM. Nouel, 
L. Martellière, Launay et Crinière, entrepreneur, assis- 
tés du régisseur de M. de (iouvelln, propriétaire du 



— 191 — 

champ. Plusieurs combinaisons furent discutées ; 
mais, attendu les difficultés que présentait le trans- 
port jusqu'à Vendôme et les frais qu'il entraînerait, 
on dut renoncer au déplacement. 

Il fut enfin décidé que les deux blocs seraient trans- 
portés à quelques mètres de leur point d'enfouissement, 
et à l'entrée du chemin conduisant à la ferme du Petit- 
Fontenailles, sur un terrain plane et inculte, et en bor- 
dure de la route, ce qui allait permettre de les voir très 
facilement. 

Les ouvriers se mirent à l'œuvre quelques jours plus 
tard. En déplaçant, non sans peine, ces deux énor- 
mes pierres, on s'aperçut qu'elles n'étaient autrefois 
qu'un seul et même bloc; leurs brisures coïncidentes en 
ont rendu le rapprochement facile. On rencontre même 
sur la seconde moitié deux ou trois entailles; elles eus- 
sent été sans doute plus multipliées sans les nom- 
breuses profondes cavités existant à sa surface. 

Le 22 novembre 18S3, la commission de la Société 
s'est transportée de nouveau sur les lieux, pour se 
rendre compte du travail exécuté. Elle a reconnu que le 
polissoir ainsi placé se trouvait dans les meilleures 
conditions. Situé bien en vue sur le bord du chemin de 
Nourray à Villerable, à quelques mètres de la colonie, 
orienté du S.-E. au N.-O., ce monument mégalithique, 
d'un aspect imposant, présente une longueur de 4"', 20 
sur 2 m de largeur, ra ,75 d'épaisseur, ce qui, avec un 
poids de 2.500 kil. le mètre cube, lui constitue un poids 
total de 15,750 kilogrammes. 

On compte sur sa surface 33 rainures ou cuvettes, 
variant de longueurs depuis m ,50 jusqu'à 0"\20, et 
pour les cuvettes de ,n ,20 à n ,03. Il est même pro- 
bable que les parties détruites en A et en B devaient eu 
avoir contenu une certaine quantité'. 

En résumé, nous pouvons dire hardiment, sans 
crainte d'être démenti, que notre contrée, déjà si re- 
nommée pour ses nombreux monuments mégalithiques, 



— 192 - 

vient de s'enrichir d'un spécimen plus important que 
tous ceux qui ont été décrits jusqu'ici. Nous n'avons 
qu'un regret à exprimer, c'est de ne pas le voir in- 
stallé dans l'enceinte de notre Musée ; mais nos lec- 
teurs comprendront que nous avons dû reculer devant 
les difficultés du transport et devant les dépenses qu'il 
aurait occasionnées. 



le£ dernières restaurations 



DU 



CLOCHER DE LA TRINITE 

Par M. L. Martellière 



Nos lecteurs n'ont certainement pas oublié l'article 
publié dans notre bulletin de 1879 par notre regretté 
collègue Oct. Robin, au sujet des travaux de restau- 
ration du clocher de la Trinité. Son étude débutait 
par une sorte d'historique des réparations qui avaient 
précédé la restauration générale commencée le 22 mars 
1872. Elle était surtout consacrée à la description du 
nouveau beffroi destiné à supporter les cloches, et s'ar- 
rêtait à la reconstruction de la pointe de la flèche. 
Une mort prématurée ayant malheureusement empêché 
l'auteur de terminer son œuvre, nous avons essayé 
d'entreprendre à sa place l'examen de cette dernière et 
importante partie de la restauration entièrement termi- 
née aujourd'hui. Mais il nous a semblé qu'il n'était 
pas sans intérêt de revenir un peu en arrière, et de 
reprendre aussi, autant du moins qu'on peut le faire en 
l'absence de pièces et de documents, la recherche de 
l'ancien état du clocher et de quelques particularités 
qui s'y rapportent. 

Dans les mémoires manuscrits de Duchemin de la 
Chesnaie, conservés à la bibliothèque municipale de 
Vendôme, nous trouvons la mention d'un orage qui 
éclata sur la ville au mois de juillet 1762. Le tonnerre 
tomba sur le clocher, projeta au loin la croix de fer 
qui le surmontait, et causa de sérieuses dégradations 



— 194 - 

à la flèche et aux bâtiments environnants. Duchemin 
de la Chesnaie ne dit pas en quoi consistèrent les tra- 
vaux nécessités par cet accident; il constate seule- 
ment que la réparation des dommages s'éleva à la 
somme de 60 louis ou 1440 livres. Il tenait ce ren- 
seignement de l'ancien célérier des Bénédictins, dont 
il ne donne pas le nom, mais qu'il avait personnelle- 
ment connu et qui était en fonctions au moment du 
désastre. 

L'importance des dégâts occasionnés par l'orage 
de 110)2 ne paraît guère moindre que celle du fameux 
coup de foudre de 1818, le seul dont ait parlé M. Ro- 
bin et qui fut la cause première de la restauration nou- 
velle. Lors de la réfection de la grande corniche à la 
base de la flèche, nous avons eu occasion d'observer 
nous-même que, clans la couverture conique en pierrre 
de l'un des quatre pinacles (nous voulons parler de 
celui qui repose sur l'angle sud-ouest de laUour et est 
reconstruit en entier aujourd'hui), se trouvaient encas- 
trés un certain nombre de matériaux ayant appartenu 
à une construction antérieure. Ils portaient encore les 
traces de taille sans rapport avec leur emploi actuel, et 
bien visibles malgré le mortier dans lequel ces débris 
étaient noyés. Nous en avions tiré cette conséquence 
que ce clocheton, d'ailleurs plus succeptible de dété- 
rioration que les autres, à cause de son exposition à 
la pluie et aux vents dominants dans nos climats, avait 
déjà été remanié à une époque indéterminée, mais qui 
n'était peut-être pas fort ancienne. Un examen plus 
attentif aurait probablement amené, pour d'autres par- 
ties du clocher, une semblable constatation. 

Sans attacher à ce fait plus d'importance qu'il n'en mé- 
rite, nous sommes en droit de nous demander, en voyant 
le clocher deux fois frappé par le tonnerre en moins de 
60 ans, si vraiment il en avait été respecté pendant sept 
longs siècles, comme on le répète volontiers sans au- 
cune preuve? Il est vraisemblable au contraire que de- 
puis l'époque de sa fondation, c'est-à-dire depuis les 



i «.►:, - 

prmiëres années du XII e siècle, le monument a dû subir, 
pour une cause ou pour une autre, d'incessantes répa- 
rations (î); L'installation du beffroi en charpente néces- 
saire à la pose de la grosse cloche due à la libéralité 
d'Antoine de Crèvent n'a-t-elle pas été, par exemple, 
l'occasion de quelque travail de maçonnerie à l'inté- 
rieur du clocher? Certaines parties de la construction, 
notamment les petits murs formant arcs-boutants au- 
tour du pilier central qui repose sur le sommet de la 
voûte du rez-de-chaussée, et peut-être aussi cette voûte 
elle-même, présentent des anomalies qu'il semble diffi- 
cile de faire remonter à la construction primitive, et 
qui ne s'expliquent guère que par un remaniement ul- 
térieur. 

Nous savons encore qu'en 1700 Philippe de Ven- 
dôme, grand-prieur de France et abbé de la Trinité, 
fit refondre la cloche du XVI e siècle. Mais c'est tout 
ce que nous apprend l'inscription de la cloche actuelle. 
Pourquoi cette refonte? Quel événement l'avait rendue 
nécessaire? De quels travaux fut-elle l'occasion? La 



(1) Depuis que ces lignes ont été écrites, nous devons à l'obli- 
geance de M. Aug. de Trémault la communication d'un nou- 
veau document qui vient tout à t'ait à l'appui de notre manière 
de voir. Le Monasticon Benedictinurn, ras. conservé à la Bi- 
blioth. Nat. sous le n° 12.700, fonds latin, renferme entre autres 
renseignements curieux sur l'abbaye de Vendôme, et notam- 
ment les processions de la S ,e -Larme, un mémoire écrit certai- 
nement par un religieux de la Trinité et intitulé: Réforme de 
l'Abage (sic) de la Très Sainte Trinité do Vendôme par la Con- 
grégation de S^-Maur en France. 

On y lit à la date de 1621 : 

« 21 octobre 1621, jour de l'introduction de la règle de la Con- 
« grégatiou de S'-Maur. Cette même nuit de l'Introduction, s'éle- 
« vanne si furieuse tempête de vent, de tonnerre et d'éclairs que 
« l'on appréhendait que tout fut renversé par terre. Il n'y eut 
« pourtant point d'autre mal, Dieu merci, que celui que fit le ton- 
« nerre en tombant sur le grand clocher et abatit quelques pe- 
« tites pirainides et eu passant froissa une des grosses Hoches 
» dont il fit tomber quelque peu de mètaiL » 



— 196 — 

regrettable destruction des archives de l'abbaye rend 
impossible de répondre à ces questions, ainsi qu'à 
bien d'autres du môme genre. A moins d'admettre que 
le grand-prieur agit par pure vanité, pour substituer 
son nom à celai d'Antoine de Crèvent, il faut penser 
que cette opération coûteuse fut entreprise à la suite 
de quelque accident qui avait mis la vieille cloche hors 
de service. 

La hune, autrement dit le mouton, porte la date de 
1774 (1). Un nouveau travail avait donc été exécuté à ce 
moment. Nous voulons seulement montrer par là que si 
des parties intérieures, protégées contre les intempé- 
ries des saisons, étaient ainsi sujettes à des change- 
ments constants, les parties extérieures n'en pouvaient 
pas non plus être exemptes. 

Puisqu'il a été déjà tant question de la grosse clo- 
che de la Trinité, on voudra bien nous pardonner, 
nous l'espérons, un dernier souvenir. On sait que trois 
des quatre cloches qui sonnaient le Carillon de Ven- 
dôme furent brisées à la Révolution. Duchemin de la 
Chesnaie raconte combien il s'en fallut de peu que la 
quatrième n'eût aussi le même sort : « L'ordre avait été 
« donné à un serrurier de la ville de casser aussi la 
« grosse cloche, mais le sieur Marganne-Rullière, pro- 
« cureur-syndic du district, ayant représenté à ses col- 
« lègues que si l'ordre était exécuté, il ne resterait plus 
« de cloches pour annoncer non seulement les assem- 
« blées générales prescrites par l'assemblée nationale, 
« mais encore les incendies et autres événements pu- 
« blics et extraordinaires ; d'après ses observations, 
« que nous avons recueillies de sa propre bouche, 



(1) Nous parlons ici d'après Duchemin de lu Chesnaie et d'apl'ès 
un autre document sur lequel nous reviendrons plus loin. Nous 
n'avons pu personnellemant retrouver cette indication sur l'é- 
norme pièce de bois qui ne mesure pas moins de m , 80 d'équnr- 
rissage. 



— 197 — 

« [l'ordre fut révoqué (1);] il se transporta sur le 
« champ lui-même au clocher où il trouva le serru- 
<( rier ayant déjà la main levée pour frapper le coup 
« fatal. » 

Pour terminer le chapitre des cloches, rappelons que 
le petit clocher, lui aussi, contenait jadis quatre clo- 
ches. Elles ont été descendues à la Révolution. Il n'en 
a plus que deux aujourd'hui: l'une est toute moderne 
et sans intérêt pour nous ; l'autre, qui porte la 
date de 1584 et les armes des Sared de Moran, 
fut acquise par la fabrique quelque temps après le 
rétablissement du culte. C'était auparavant un timbre 
d'horloge qu'il a fallu forer entre les anses pour sus- 
pendre le battant. L'abbaye delà Trinité possédait donc 
huit cloches, sans compter celle du réfectoire, impor- 
tante non seulement en raison de sa fonction spéciale, 
mais aussi comme dimensions, et qui était peut-être 
celle que les moines entendaient le plus volontiers. En- 
fin, pour ne rien négliger, nous dirons qu'à droite de 
l'ancienne entrée du monastère, située entre l'église et 
le clocher, il existait autrefois une horloge ayant son 
timbre particulier. Les charpentes en étaient encore vi- 
sibles vers le commencement de ce siècle, près de la 
tourelle de l'escalier, ainsi que l'emplacement néces- 
saire à la marche des poids et du balancier qui la fai- 
saient mouvoir. 

Les indications relatives à la digression ci-dessus 
nous sont fournies par un registre qui nous a été fort obli- 
geamment communiqué par notre collègue M. le curé 
Roulet. Il contient l'inventaire des meubles et objets 
mobiliers appartenant à la paroisse de la Trinité, in- 
ventaire dressé de 1808 à 1814 par l'abbé Gaignot, 
alors vicaire de cette paroisse et qui fut plus tard 
curé de Villiers. Le rédacteur ne s'est pas borné à 
inventorier et cataloguer avec un soin minutieux tout 

(1) Ce membre de phrase ne se trouve pas dans le texte ma- 
nuscrit. 



— 198 - 

ce que possédait alors l'église eu fait de meubles, ta- 
bleaux, linge, ornements., etc. ; il entremêle encore ce 
travail de commissaire-priseur d'observations et de 
remarques qui, malgré l'incorrection du stylo et de l'or- 
thographe, annoncent un esprit éclairé et curieux, et 
dont plusieurs sont précieuses à présent pour nous (1) ; 
nous y avons fait plus d'un emprunt au cours de cette 
notice. 

La première opération des travaux de restauration 
du clocher avait été d'en débarrasser l'intérieur d'une 
foule de planchers et de cloisons enbois, qui l'encom- 
braient du haut en bas. La grande salle du rez-de- 
chaussée, aujourd'hui d'un aspect si monumental, était 
divisée en plusieurs étages desservis par un escalier 
spécial. Au temps de l'abbé Gaignot, le rez-de-chaus- 
sée servait de cellier au sacriste; au 1 er étage étaient 
deux belles chambres, et au-dessus, une grande pièce 
avec cheminée servait de lingerie. Ces dispositions fu- 
rent modifiées du temps de M. le Curé Caille. Le 1 er 
étage fut transformé en une seule chambre avec al- 
côve. Après avoir été le logement du sacristain, celle- 
ci devint l'atelier des menuisiers et sculpteurs qui tra- 
vaillèrent à la construction de la nouvelle chaire à prê- 
cher^). Aujourd'hui quetoutcela aheureusement dis- 
paru, on peut juger sans obstacle des belles propor- 
tions de ce magnifique vestibule. Une seule porte y 
donnait autrefois accès: c'est celle qui, du midi, s'ou- 
vre maintenant sur une des cours dépendant du quar- 
tier de cavalerie. Elle a dû être élargie dans sa par- 
tie inférieure pour donner passage à la grosse cloche. 

(1) Voir l'appendice ci-après. 

(2) D'après un renseignement extrait d'un ancien plan de la 
Trinité déposé aux Archives nationales, et qui nous est gra- 
cieusement communiqué par M. de Rochambeau, le rez-de- 
chaussée du clocher était occupé au XVI e siècle par une tein- 
turerie et le premier étage par un atelier de menuiserie. Il est 
assez curieux de revoir cet emplacement, au bout de trois siè- 
cles, rendue son nnrienne destination, 



— 199 - 

L'autre entrée, celle qui donne sur lé parvis et est seule 
utilisée pour le service journalier du clocher, a été per- 
cée après ^coup dans un massif de maçonnerie dont l'é- 
paisseur dépasse en cet endroit quatre mètres, à cause 
du voisinage de la tourelle de l'escalier. On l'appelait 
la porte des sonneurs. Remarquons en passant que la 
porte de l'escalier en pierre qui monte au beffroi est 
fermée par un panneau do menuiserie, coupé dans un 
grand tableau peint sur bois, représentant le Baptême 
du Christ. Ce tableau, à en juger par ce qui reste, 
devait être de grande dimension. On voit qu'il était 
divisé en trois parties formant une sorte de tripty- 
que; dans le motif de droite, on distingue un cheva- 
lier debout, de bien plus grandes proportions que les 
personnages du sujet principal; le motif de gauche a 
entièrement disparu. Quoique l'exécution de cette .pein- 
ture ne soit pas irréprochable, un pareil acte de van- 
dalisme est déplorable ; il ne remonte peut-être pas 
très loin, car l'abbé Gaignot dit positivement que de 
son temps « l'escalier en pierre n'avait pas encore de 
vanteau (sic). » 

Au-dessus de la voûte, près de la porte de l'escalier, 
on avait pratiqué une sorte de réduit ou cabine en co- 
lombage qu'on nommait le ckaujfoir des sonneurs. 
Dans les intervalles des sonneries, les sonneurs ve- 
naient s'y mettre à l'abri du froid et du vent ; une 
sorte de foyer avec tuyau pour le passage de la fu- 
mée y avait été disposé. La fumée d'ailleurs ne s'é- 
chappait pas à l'extérieur, mais se répandait dans le 
clocher même, et a laissé sur les murs des traces bien 
visibles encore. Nous pensons ne faire aucun tort à 
l'honorabilité de MM. les sonneurs, qui ne se piquent 
pas d'ailleurs d'être des modèles de sobriété, en sup- 
posant que cet endroit leur servait plus à se rafraî- 
chir qu'à se réchauffer. 

Un plancher en bois, déjà en fort mauvais état vers 
1814, séparait l'étage des cloches de la flèche propre- 
ment dite. 11 reposait sur un poteau central portant 



— 200 — 

lui-même sur la charpente du beffroi. Inutile de faire 
ressortir ce que cette disposition avait de vicieux : on 
voit de suite combien les oscillations du beffroi, à peu 
près nulles à la base, mais ayant au sommet une as- 
sez grande amplitude, devaient ébranler ce support et 
par suite le plancher qu'il était censé soutenir. Ce 
plancher fut refait en entier en 1831, mais sans le pi- 
lier central, parle sieur Irvoy, menuisier, moyennant 
une somme de 1.255 francs. Aujourd'hui il a été re- 
pris à nouveau avec une disposition qui permet d'em- 
ployer des bois d'une moindre portée. Il a été recou- 
vert d'un revêtement en feuille de cuivre, dans le but 
d'empêcher l'action destructive de la pluie tombant par 
les vastes baies ouvertes à cet étage. 

« Dans le cône de la flèche, sont placées de dis- 
« tance en distance dans le mur, des charpentes des- 
« tinées à faire plancher et à placer en zig-zag des 
« échelles afin que les couvreurs puissent 1 * ainsi, pour 
« les réparations, monter jusqu'à une lucarne qui se 
« trouve au sommet du cône. Là, par cette ouverture, 
<i peut se placer un échafaud d'où avec une échelle de 
« 22 pieds on parvient à la croix qui est en fer, à bou- 
» les plates aux deux bras et est surmontée d'un coq 
« en cuivre rouge. » 

Nous avons voulu citer textuellement ce passage, afin 
de montrer combien le rédacteur est exact et précis 
dans ses descriptions. Les planchers dont il est ques- 
tion ont disparu depuis longtemps, mais on en voit 
les traces. 

Dans sa notice sur la réfection du beffroi, M. Oct. 
Robin fait ressortir l'excellence du système de suspen- 
sion adopté aujourd'hui, en remplacement des vieilles 
charpentes du XVI e siècle dont, nous dit-il, le cube to- 
tal était de 76 m 523 décimètres cubes, tandis que le 
cube des bois employés n'est plus que de 12 m 744. 
Certes nous apprécions la valeur de l'ingénieux système 
de l'abbé Eguillon; nous reconnaissons qu'au point 
de vue théorique, il possède une incontestable supério- 



— 201 - 

rite, mais il semble mesquin et tronqué dans le gran- 
diose vaisseau où il est placé; son installation écono- 
mique jure avec l'ampleur, on peut même dire le luxe de 
son enveloppe. Parfait dans nos faibles clochers moder- 
nes, il est déplacé dans le clocher de la Trinité; il y est 
un anachronisme, presque une faute de goût. Il est 
vrai, cil-constance atténuante en faveur des architectes 
dont nous sommes les premiers à admirer le savoir et 
le talent, qu'ils ne disposaient pas des mêmes ressour- 
ces que Yiollet-le-Duc dans sa belle restauration du 
beffroi de Notre-Dame de Paris. Au point de vue pra- 
tique, le nouveau beffroi est d'un accès difficile, et les 
sonneurs n'approchent qu'avec peine de la cloche lors- 
qu'il s'agit de la sonner à grande volée. 

Nous ne pouvons nous empêcher de regretter l'an- 
cien beffroi. Il était regardé comme un chef-d'œuvre 
de charpenterie, non seulement par les Vendômois, un 
peu suspects à cet égard de patriotisme de clocher, 
mais par les étrangers et les gens du métier. Malgré 
son poids considérable, nous pensons qu'il eût été pos- 
sible de le conserver à peu de frais et sans danger pour 
le clocher, qui l'avait porté sans effort pendant de 
longs siècles. Bien qu'une seule de ses quatre cloches 
ait échappé à la destruction, nous nous figurions vo- 
lontiers entendre à travers ses vieilles poutres comme 
un dernier écho de l'antique refrain jadis si popu- 
laire et si oublié aujourd'hui. Les Cloches de Corne- 
ville ont remplacé le Carillon de Vendôme. 

Dans un prochain article, nous aborderons spécia- 
lement l'étude de la restauration de la flèche, et celle 
de l'échafaudage à la fois solide et hardi que néces- 
sita cette opération. 



wiii 13 



202 



APPENDICE 



Plusieurs faits consignés dans l'inventaire dressé par les 
soins de l'abbé Gaignot nous ont paru de nature à intéresser 
nos lecteurs et à mériter d'être reproduits dans ce bulletin, 
bien qu'ils ne se rapportent pas d'une façon positive, sauf un 
peut-être, au sujet traité ci -dessus. Nous y avons joint quel- 
ques noies nécessaires à l'intelligence du texte. 



I 



Dans les fouilles qu'on a laites afin de faire disparaître l'hu- 
midité (1), on a trouvé près la grille gauche du chœur, vis-à- 
vis la Chapelle S l -Eloy (2), la Marmite des ouvriers employés 
à la construction de l'Edifice. C'est un grand vaisseau en 
terre cuite d'un blanc gris, de 27 lignes d'épaisseur, haute de 
2 pieds et demi, de 3 pieds et demi de diamètre. Elle est ma- 
çonnée tout autour, excepté dans la partie du couchant où s'est 
trouvé le fourneau en pierres de taille sur lequel se mettait le 
bois ou charbon. A quatre pieds de la marmite était un rang de 
sièges aussi en pierres de taille, faisant demi-cercle et revenant 
joindre le fourneau. Ces pierres tendres sont tombées en mor- 
ceaux quand on a voulu les lever. Ces sièges pouvaient conte- 
nir quinze personnes. Il paraît que les ouvriers employés à la 

(1)11 s'agit d'un travail exécuté en 1811 pour combattre « l'hu- 
midité quiaoait tellement verri (verdi) les pavés qu'on n'osait plus 

s'y mettre à genoux On ouida à deux pieds de profondeur la 

terre qui fut remplacée par du jars (caillou); on fit fabriquer 
des carreaux de terre cuite qui furent deux fois au feu, » et qui 
serviront à recarreler le bas-côté nord et une partie de la nef. 
« L'expérience a tellement réussi que non seulement l'humidité a 
disparu, mais qu'on est obligé d'arroser même en hiver » 

'(2) Cette chapelle, qui avant la Révolution s'appelait Chapelle 
Saint-Michel, porte aujourd'hui le nom de Chapelle de la Com- 
passion. 



— 0Yâ 

bâtisse de la nouvelle église y faisaient leur pot-houille et. ne 
quittaient point l'atelier ; surtout si c'étaient des étrangers, us 
trouvaient sûrement plus d'économie à vivre en commun. 



II 



Vers le milieu de la grande nef et près la masse (1) des pi- 
liers, côté du midi, on a découvert plusieurs tombeaux : deux 
entres autres dont on n'a fait, pour le premier, que de lever 
une des pierres qui le couvraient ; il était en forme de voûte 
pointue: on l'a laissé tel qu'il était. L'autre était couvert d'une 
tombe (2) d'une seule pièce, de sept pieds de long sur quatre 
de large. Il étail sculpté en dessus et annonçait un personnage 
en robe ; mais tellement dégradé qu'il était impossible de dis- 
tinguer qui il représentait. Cette tombe a été enlevée et cou- 
pée de manière à former quatres belles marches. 



III 



Près les portes, au milieu de la seconde arcade de la grande 
nef, on a trouvé l'emplacement du Moule où a été fondue la 
grosse cloche en 1700, et à côté le fourneau où étaient encore 
restés des morceaux de bois charbonné. Cet emplacement peut 
avoir neuf pieds de diamètre, il est bâti en moellon et à ciment, 
le parquet est battu et a un massif aussi en ciment. Le four- 
neau peut avoir cinq pieds de long. Il paraîtrait que les Béné- 
dictins auraient compté se servir encore de cet emplacement 
pour le même usage, car le vide rempli des débris du moule 
de la cloche était couvert d'une quantité prodigieuse de mor- 
tier, dans lequel ont été comme noyées les pierres du pavage 
qu'il est très diffic le d'enlever. On n'a détruit de ce moule qu à 
la profondeur du caillou, le reste est intact. 



(1) Fondation. 

(2) Pierre tombale. 



204 — 



IV 



Au nord, dans la basse-nef, vis-à-vis la chapelle S l -.Tean (1), 
on a découvert le canal de la fontaine sur laquelle, dit l'histoire 
de Vendôme, fut bâti l'autel de l'Eglise de la Trinité (2). 

Il est construit en pierre et forme un petit carré, couvert de 
pierres de tailles ; ayant levé une de ces pierres, on s'est aperçu 
que le canal était rempli d'herbes ; on les a tirées avec la main 
et l'eau a coulé de la grosseur du tuyau. Mais où est son em- 
bouchure? Serait-ce à là fontaine de la place d'Armes 3 1 , ou, 
en faisant un détour, le tuyau irait-il dégorger ses eaux dans 
le canal des Gordeliers (4)? Ce qu'il y a de certain pour cette 
dernière hipotèse (sic), c'est que dans une espèce de placard 
carré pratiqué dans l'épaisseur du mur près la Chapelle St- 
Jean, en prêtant l'oreille, on croit entendre le bruit d'une eau 
courante. Quant à la source, le canal passant sous le maître- 
pilier du chœur, il parait qu'il joint l'autel. Quand on en- 
treprendra le cailloutage du chœur, on pourra en creusant 
un peu plus avant, suivre ce canal et si l'on trouvait la 
source derrière le grand-autel, il faudrait y former un puisard 
qui formerait une nouvelle curiosité pour le pays et pourrait 
exciter la curiosité des étrangers. 



(1) Aujourd'hui Chapelle des Fonts. 

(2) La tradition rapporte en effet que le maître-autel de la Tri- 
nité est situé précisément sur l'emplacement de la fontaine dans 
laquelle Geoffroy-Martel vît s'abîmer les trois lances de feu. Ce 
que rapporte l'abbé Gaignôt vient à l'appui delà légende. 

(3) L'abbé Gaignot veut parler de cours d'eau souterrain qui 
passe sous l'extrémité sud de la place d'Armes et qui était alors 
visible dans la traversée de la rue Guesnault, où se trouvait un 
abreuvoir. 

(4) Le bras du Loir qui longe l'ancien couvent des Gordeliers, 
aujourd'hui le Calvaire, et passe au pontParrin (Perrin). 



Après tes lectures, M. le Président donne la parole à M. le 
marquis de Nadaillac, qui a bien voulu se charger de rendre 
compte à l'assemblée du résultat de l'enquête ouverte par 
V Association Française pour l'avancement des Sciences, dans 
sa dernière session de Blois, sur la question des Silex de 
Thenay. 

La compétence si bien établie de notre savant collègue sur 
ces sujets donnait à cette communication un intérêt tout par- 
ticulier, ainsi que l'ont témoigné les applaudissements qui ont 
accueilli son improvisation. 

M. de Nadaillac a bien voulu résumer lui-même sa commu- 
nication verbale, pour en faire profiter les lecteurs du Bulle- 
tin. Voici ce résumé : 



J'ai l'honneur d'offrir à la Société une série d'articles 
que j'ai publiés dans le journal la Nature sur Y Art 
préhistorique en Amérique. Ce n'est ici ni le lieu ni le 
temps de traiter cette question. Je me contenterai d'ap- 
peler l'attention sur la figure qui représente le portique 
deKabah. Ceux: qui l'examineront peuvent se repré- 
senter l'étonnement des explorateurs en rencontrant, 
au milieu des déserts du Yucatan, au milieu des fo- 
rêts vierges où il fallait le plus souvent se frayer un 
passage la hachette à la main, un arc de triomphe que 
l'on croirait transporté de la campagne de Rome. Il se- 
rait facile de signaler d'autres points de ressemblance 
avec certains monuments de l'Assyrie et de l'Egypte. 
A-t-il existé entre les peuples de l'Amérique et ceux de 
l'ancien continent des rapports inconnus à l'histoire '. 
Ou devons-nous voir dans ces ressemblances une des 
conséquences de la similitude du génie de l'homme, 
toujours le même à travers le temps et à travers l'es- 
pace? C'est ce que nos connaissances actuelles ne per- 
mettent guère de décider. 



806 



LES SILEX DE THENAY (1) 

L'Association française pour l'avancement des 
Sciences, dans sa session de Blois, avait le désir de 
vérifier sur place la question des pierres taillées de 
Thenay, qui a soulevé de si longues et ardentes discus- 
sions, et dont l'importance est incontestable au point de 
vue du vieux passé de l'humanité. Par les soins des sec- 
tions réunies d'anthropologie et de géologie, des fouil- 
les considérables avaient été entreprises sous la sur- 
veillance de deux de nos collègues qui s'étaient chargés 
de cette mission. Le 8 septembre, une excursion eut 
lieu à Thenay. Un grand nombre de membres y pri- 
rent part, et les fouilles et les recherches les plus ac- 
tives se succédèrent durant toute la journée. La dis- 
cussion commença le soir même. Elle se continua à 
Blois le lendemain, et si aucune décision n'est interve- 
nue (les progrès de la science ne s'affirment pas par 
des votes), la question du moins a fait un grand pas. 

Les géologues ont été unanimes pour classer dans 
l'éocène ou tertiaire infériesr (2) les terrains où les si- 
lex que l'on nous dit taillés avaient été rencontrés, et 
qui avaient été regardés jusqu'ici comme miocènes. Ce 
point est important; car, s'il est vrai que nous sommes 
séparés des temps éocènes et miocènes par un nombre 
incalculable de siècles, et par des convulsions et des re- 
maniements dont les assises de la terre gardent l'impé- 
rissable témoignage, il faut ajouter qu'a l'éocène la 



(1) V. ù la Bibliographie de ce numéro les analyses de deux 
articles déjà publiés sur cette question dans les Matériaux 
pour l'Histoire do l'Homme et dans Y Homme, journal des scien- 
ces anthropologiques. 

(2) Les divisions des temps tertiaires, éocène, miocène et 
pliocène, imaginées par Sir C. Lyell, reposent sur la proportion 
des formes actuelles de coquilles que leur faune renferme. 



— 201 

faune mammalôgique, représentée soit par les animaux 
qui vivent encore actuellement, soit par leurs ancêtres 
immédiat^, commençait seulement à se montrer. Au 
début delà période, les mammifères se rapprochent en 
général de ceux qui ont paru à la fin de l'époque secon- 
daire; à côté des marsupiaux, on trouve des placen- 
taires dont l'organisation offre de nombreux points de 
contact avec celle des didelphes ; les pachydermes sont 
absolument étrangers aux espèces actuelles ; les rumi- 
nants apparaissent très peu nombreux, et seulement 
vers la fin de l'éocène ; les solipèdes se montrent en 
Amérique, on ne les a pas trouvés jusqu'à présent sur 
notre continent ; les proboscidiens sont inconnus ; les 
carnivores n'offrent guère que le genre cynodon ; si 
les quadrumanes ont existé, ce n'est que tout à fait à la 
fin de la période, et encore n'ont-ils été représentés que 
par des genres très inférieurs. Il est difficile, dans de 
semblables conditions, de concevoir l'existence de 
l'homme, et il faudrait, pour l'admettre, les preuves 
les plus positives. Les silex de Thenay nous apportent- 
ils cette preuve? En d'autres termes, ces silex ont-ils 
été intentionnellement taillés par un être intelligent, 
homme ou anthropoïde? La section d'anthropologie 
nous a paru à peu près unanime à répondre par la né- 
gative, bien qu'à coup sûr, je le répète, aucun verdict 
scientifique ne pouvait intervenir. De nombreuses pier- 
res avaient été rapportées; elles étaient déposées sur 
le bureau. Aucune ne montrait les traits caractéristi- 
ques du travail de l'homme, ni le plan de frappe, ni le 
bulbe conoïdal, ni les retouches. lien est de même des 
silex recueillis par l'abbé Bourgeois, et qui sont au- 
jourd'hui déposés au musée de Saint-Germain (1). Au- 
cun d'eux, selon moi, ne présente la tract 1 certaine 



(1) Je n'ai examiné <jue très superficiellement les silex du 
musée de Vendôme, qui proviennent également de la collection 
de l'abbé Bourgeois. Pas plus <|iie ceux de Saint-Germain, ils 
ne présentent de traces d'un travail humain. 



— 20$ — 

d'un travail dû soit à un homme, soit à un anthropoïde 
doué déjà des rudiments de l'intelligence. 

Ce résultat delà discussion était prévu. Au mois de 
décembre de l'année dernière, deux: de nos collègues de 
la Société d'Anthropologie s'étaient rendus à Thenay; 
un seul silex, parmi tous ceux qu'ils avaient maniés, 
portait quelques faibles traces, croyaient-ils, de travail 
humain. M. de Mortillet avait accepté de le décrire et a 
soutenu qu'il présentait tous les caractères de la taille 
intentionnelle; mais un autre membre des plus compé- 
tents, malheureusement mort depuis, M. Leguay, l'a 
victorieusement réfuté, et il était facile de voir qu'il était 
l'interprète de la grande majorité des membres présents, 
quand il disait que ce silex ne portait aucun des carac- 
tères rigoureusement exigés. Il repoussait également 
avec grande raison le feu comme un auxiliaire pour la 
taille des silex. Un silex brûlé ou éclaté par le feu est 
rendu pour toujours friable et impropre à tout usage. 

Quant à l'existence deThomme durant les temps mio- 
cènes ou pliocènes, rien dans les conditions physiques 
ou climatériques du globe, rien dans la faune ou dans 
la flore, ne s'oppose à priori à ce qu'un être semblable 
à nous ait vécu durant ces périodes ; mais, jusqu'à 
présent, sur aucun continent, dans aucune région, 
nous n'avons de preuve de cette existence. Toutes cel- 
les apportées jusqu'à ce jour n'ont pu supporter l'é- 
preuve de la discussion. Attendons donc d'autres 
faits ; nous sommes prêt à les étudier, à les discu- 
ter, à modifier nos impressions si l'évidence est en leur 
faveur. Mais, jusque-là, nous ne cesserons de répéter, 
et l'étude longue et patiente que nous avons faite de la 
question nous permet de le faire avec quelque autorité, 
qu'aucun fait actuellement connu ne permet d'affirmer 
que l'homme ait vécu durant l'époque tertiaire. 

M 1S de Nadaillac. 



I/'HOTEL DU BELLAY 

Par M. Paul Blanchemain. 



A LA MÉMOIRE 

DE MON GRAND-PÈRE M. OCTAVE DESSAIGNES. 



Sous ses platanes verts, la demeure imposante 
Mire au courant du flot sa beauté vieillissante ; 
Un parfum d'autrefois l'imprègne, et, rayons purs, 
Les soleils du passé réchauffent ses vieux murs. 
D'illustres souvenirs l'ont faite glorieuse ! 
Mais un charme plus doux me la rend précieuse, 
Sous ses voûtes m'attire un respect plus pieux, 
Je m'y suis reposé dans mon printemps joyeux! 
J'aime le toit immense aux vastes cheminées, 
La tourelle octogone, et, d'or enluminées 



(*) L'hôtel Langey de Vendôme, qu'on appelle aussi l'hôtel du 
Bellay, ou encore le Saillant, et qui appartient à la famille Des- 
saignes, était la résidence des Langey du Bellay. 

Les substructions de cette demeure, formées d'arcades à plein 
cintre roman, sont fort anciennes ; lu partie supérieure de l'é- 
difice fut remaniée, et date de François I er . C'est vers la moitié 
du XVI" siècle que prend place notre récit. Les Langey, bran- 
che glorieuse de la famille du Bellay, étaient, à cette époque, 
représentés par trois frères : Guillaume, l'ambassadeur et 
l'homme de guerre; Jean, le cardinal très puissant et très eu 
cour comme son frère aîné; et René du Bellay, le moins connu 
'dés trois, qui fut évèque du Mans. 

Un examen historique nous a permis de penser que René est 



— 210 — 

Par les feux du couchant qui rasent le pignon, 
Les chimères de pierre aux têtes de lion. 

Qui donc a, vers l'an mil, d'une main si certaine, 
Fondé de ce logis l'arcade souterraine? 
Le siècle de François premier l'a rajeuni. 
Mais pour qui, tout d'abord, l'onde, miroir uni, 
S'étendait-elle au pied de la muraille sombre? 
Quelque charmant visage écoutait-il dans l'ombre 
Le Troubadour caché sous le vieux pont de bois'? 
Etait-ce le séjour d'un de ces fiers bourgeois, 
Amant des libertés, prêt à venger ses hontes, 
L'œil sans cesse fixé sur le château des Comtes? 

En ces temps moins lointains, où, rêveur, je me plais 
A tourner un à un les merveilleux feuillets, 
Récit triste ou doré des âges de l'histoire, 
Cet asile reflète une aimable mémoire. 
Là, René du Rellay, le saint prélat du Mans, 
S'en vient au bord du Loir passer de doux moments. 
Il joint de simples goûts à sa tâche sacrée. 
D'arbrisseaux et de fleurs sa terrasse est parée, 
Et, comme vont chercher les abeilles du ciel 
Dans le calice ouvert une goutte de miel, 
Il emprunte aux parfums des plus fraîches corolles 



le seul qui ait habité l'hôtel de Vendôme. C'est un personnage 
distingué, ami des lettres et des fleurs. 

Vers 1550, Joachim du Bellay, neveu des Langey et l'un des 
poètes de la Pléiade, venant d'Italie, où il avait accompagné le 
cardinal, rencontra Ronsard à Poitiers, et se lia avec lui. Joa- 
chim fut donc attiré vers celui de ses oncles qui résidait de 
temps en temps dans le pays de Ronsard, et c'est ainsi que 
nous le retrouverons, dans l'hôtel de Vendôme, auprès de René. 

On l'accusa d'avoir ravi à Ronsard le secret d'un rhythme 
nouveau et gracieux, avant que le Prince des Poètes eût publié 
ses premières œuvres. Le poème y fait allusion. 



211 



Le baume guérisseur des suaves paroles. 
Langey par. la noblesse et Langey par le cœur, 
La tendresse du ciel mêle en lui la douceur. 
Ses frères soutenaient le fardeau du royaume ; 
René traitait la gloire ainsi qu'un vain fantôme. 
S'il se montrait parfoisjaloux des dons royaux, 
C'était pour soulager son peuple dans ses maux. 
Sous la robe des saints d'autres cachaient Tépée ; 
De ses pieux projets la pensée occupée, 
L'évêque s'efforçait, zèle heureux et nouveau, 
D'éterniser le bien par le culte du beau. 

Oh ! comment n'aurait-il pas eu l'âme saisie 
De tes sublimités, céleste poésie, 
Cet apôtre penché sur le vieux livre hébreu, 
Mystérieux écho du langage de Dieu ! 

Aussi, quand s'arrachant à sa mélancolie, 
Son neveu Joachim accourt de l'Italie, 
Quand il saisit le luth, quand des, chantres latins 
Il ose réveiller les rhylhmes trop lointains, 
Et, souhaitant pour nous un Virgile, un Horace, 
De la langue française il stimule l'audace, 
Le prélat tressaillit d'un généreux orgueil, 
Il ouvrit au poète et ses bras et son seuil ! 

Près de Vendôme alors l'ardente renommée 
De Ronsard grandissant disait la gloire aimée, 
Et Joachim, heureux de suivre les sentiers 
Où venait s'inspirer son ami de Poitiers, 
Cet émule géant que la muse en voyage 
Avait pour l'enhardir conduit sur son passage, 
S'empressa d'accourir près du pieux vieillard. 

Là, désertant la ville, il aimait au hasard 
S'égarer dans la plaine où les fraîches rosées 
Enivrent de leurs pleurs les moissons épuisées, 



— 212 - 

Lui-même y retrouvait la vigueur et l'espoir ; 

La campagne est si belle où serpente le Loir ! 

Les bois enguirlandaient l'épaule des collines, 

Les oiseaux caquetaient sur les vieilles ruines, 

Et le chant des bergers montait des grands prés verts. 

Sous le prestige un jour de ces tableaux divers, 
Du Bellay se repose, et las de quelque ouvrage, 
Il laisse sa pensée, en un léger voyage, 
S'abandonner au fil capricieux de l'eau, 
De Naveil la Romaine à l'ombreux Rocharnbeau, 
Courir de val en val au fond du paysage, 
S'élancer de Thoré, le caverneux village, 
Au front ensoleillé des tours de Lavardin, 
Du château de Montoire aux vignes en gradin 
De Trôo la gracieuse, et, d'une aile plus sûre, 
Traverser les champs blonds des plaines de, Couture, 
Jusqu'à toi, Poissonnière, émergeant des grands bois, 
Vieux castel où naquit le Cygne Vendômois! 

Mais, tandis que son rêve à l'horizon s'allonge, 
Quel souffle harmonieux le détourne du songe ? 

Use penche, il écoute et ne respire plus 

De l'autre bord du Loir jusqu'à lui sont venus 
Les chants divins éclos aux lèvres d'un poète. 
L'onde s'en est émue, et l'onde les répète. 
Un rhythme frémissant, mélodieux et doux, 
Révèle son mystère à l'auditeur jaloux. 
Chaque nouvelle strophe éclate et chasse un doute, 
C'est Ronsard, son ami !... son rival!... qu'il écoute, 
C'est son ombre élégante, et ce sont ses discours ! 

Il court à lui Mais non. Le cœur a des retours. 

D'un sentiment nouveau la puissance l'emporte ; 
L'amour cède... la soif de la gloire est plus forte, 
Et le voilà qui rampe, attentif et muet, 
Dévorant chaque vers de l'ode qu'il refait. 



213 



On eût dit un voleur cherchant un abri sombre ; 
Et sans cesse passait sur les eaux la grande ombre ! 

C'était l'heure où l'espoir attisait tous les feux 
Qui consumaient le sang de Ronsard amoureux. 
L'ivresse s'exhalait de son âme enflammée, 
Et les vers élevaient au ciel sa bien-aimée. 

Le poète s'est tu; mais, brûlant, inspiré 
Par le rhythme charmant que l'onde a soupiré, 
Joachim a saisi la forme enchanteresse 
De ces chants de l'amour, doux comme une caresse. 
Il va de son amante égaler la beauté, 
A Cassandre la fleur de la postérité. 
Et quand, plus tard, sentant, comme une frêle plante, 
Tarir en lui la sève,, à la gloire trop lente, 
Il aspire, et répand dans les cœurs attendris 
L'harmonieux écho des chants qu'il a surpris ; 
En vain le grand Ronsard se récrie, et l'accuse 
D'attenter au génie et de piller sa muse, 
Il voit, s'il est le maître et s'il peut s'irriter, 
Qu'il a trouvé son frère et qu'il doit l'adopter. 

Gracieux du Bellay, voix sympathique et tendre, 
Dans la vieille demeure il me semblait t'entendre 
Confier à 1 evêque, à demi courroucé, 
De tes folles amours le rêve cadencé. 
Ses murs m'en ont redit l'attendrissant mystère. 
Et près de ce doux Loir, sur cette aimable terre, 
Où l'onde m'apportait, ô poètes rivaux, 
Les rhythmes d'autrefois, charme des vers nouveaux, 
Votre âme m'entourait, caresse fugitive, 
Et j'accourais joyeux, à l'ombre de la rive, 
M'enivrer aux zéphirs qui vous ont enivrés, 
Respirer les senteurs des grands bois et des prés, 
Remplis de votre nom, émus de votre gloire. 
Mon cœur se retrouvait dans votre tendre, histoire, 



2U 



Car je sentais vibrer et palpiter en moi 
D'un poétique amour l'inénarrable émoi! 

C'est la sagesse aussi qui m'appelait vers elle, 
Et qui s'attendrissait à ma chanson nouvelle : 
Un vieillard bien-aimé m'attirait sur le seuil 
Où Joachim reçut un paternel accueil. 
De René du Bellay c'était la noble tête, 
C'était le même esprit dans la même retraite. 
Il peuplait ses jardins de rayonnantes fleurs, 
Il aimait contempler à l'aube leurs couleurs; 
Loin des conflits humains, jaloux de quiétude, 
Il n'avait qu'un désir et qu'une seule étude, 
Visiter les petits, adoucir la douleur, 
Et faire aux malheureux une part de bonheur. 

Aussi de quel respect entourait ma tendreâse 
Celui dont la science et l'aimable caresse 
Avait su modeler la séduisante enfant 
Qui devait m'inspirer un amour triomphant ! 
Pourquoi le cher témoin de nos jours d'allégresse, 
Ce vieillard qui voyait, dans une chaste ivresse, 
Comme fleurs au soleil nos cœurs s'épanouir, 
Du bonheur qu'il a fait ne peut-il plus jouir ! 
Œdipe trop heureux, grâce à lui, sur ma voie 
J'ai découvert l'énigme unique de la joie. 

Mes divins devanciers ne la connurent pas. 

Leur âme, en nous charmant, gémissait ici-bas. 

Us saisirent joyeux la coupe de la vie ; 

Ils burent... Mais leur lèvre était inassouvie. 

Leur imprudente hâte a tari sa douceur. 

Ils ne t'ont pas cueillie, ô tendre et chaste fleur, 

Lys qu'un dédain referme en sa splendeur native, 

Calice d'amour pur, sublime sensitive ! 

Mais c'est toi qu'ils chantaient, toi qu'ils voyaient toujours 

Leur sourire, au milieu de changeantes amours ! 



— 215 

Sacrifiant la gloire et sa veillée amere, 
Que n'as-tu, Joachim, préféré le mystère 
Des trésors ignorés que m'a donnés le ciel ! 
Les plaisirs enivrants ne t'ont versé que fiel ; 
Cœur déçu, dévoré par une soif étrange, 
Tu n'aimas que la femme, et tu n'as pas vu l'ange î 
Pourquoi n'écoutais-tu la voix du doux vieillard, 
Ses paternels conseils? La paix de son regard 
D'une lumière pure eût éclairé ta route, 

L'amour vrai t'eût ravi Tu meurs navré du doute. 

Le rêve de l'amour, ô poète, est fatal, 
S'il ne nous conduit pas à l'amour idéal ! 



Paul BLANCHEMAIN. 



CHRONIQUE 



Par décret inséré au Journal officiel du 5 décembre 1884, 
M. Emilien Renou a été promu au grade d'officier de la Légion 
d'honneur. 

Dans sa séance du 26 décembre, M. le marquis de Nadaillac a 
été élu membre correspondant de l'Académie des Inscriptions et 
Belles-Lettres. 

Par décret en date du 1 er janvier 1885, M. Charles Bouchet a 
été nommé officier de l'Instruction publique. 

Nous sommes heureux qu'un retard de ce Bulletin nous per- 
mette d'enregistrer les flatteuses distinctions dont nos confrères 
viennent d'être l'objet, etqni honorent la Société'tout entière.— 
M. Em. Renou, ancien membre de la Commission scientifique 
de l'Algérie, et actuellement directeur de l'Observatoire météo- 
rologique du Parc de Saint-Maur, fut en 1862 le premier prési- 
dent de notre Société naissante, et sut lui imprimer une impul- 
sion qui ne s'est pas ralentie depuis vingt-trois années d'exis- 
tence. — M. de Nadaillac fut aussi l'un des membres les plus 
zélés de notre association. Nos bulletins ont maintes fois reçu 
de lui d'intéressantes communications, et notre musée vendô- 
mois s'est enrichi de dons importants, grâce à sa générosité ou 
à son intermédiaire désintéressé. — Enfin, M. Charles Bouchet 
fut, avec MM. G. Launay, J. Chautard et Arm. Queyroy, l'un des 
fondateurs de la Société Archéologique du Vundomois, à la- 
quelle il n'acessé de collaborer activement par de remarquables 
travaux de haute érudition, en mémo temps que par de char- 
mantes poésies, et dont il fut jusqu'à ces dernières années le 



soigneux bibliothécaire-archiviste. 



L. M. 



VI 



La circulaire suivante a été adressée à M. le Président de la 
Société : 



« Paris, lr iç Décembre 1884. 

« Monsieur le Prksidfnt, 

« Vous n'ignorez pas que le Comité des travaux historiques 
et scientifiques comprend, depuis l'arrêté du 12 mars 1883, 
une section des sciences économiques et sociales. 

« Cette section, tenant à provoquer l'envoi de communications 
qui pourraient être insérées ou analysées dans son « Bulletin », 
a résolu de soumettre à l'attention des travailleurs plusieurs 
sujets d'étude que j'ai l'honneur de vous transmettre. 

« Je désire vivement, Monsieur le Président, que la publicité 
la plus grande soit donnée à ce document, et je vous serai 
reconnaissant de le faire connaître à votre Société, non seule- 
ment dans sa plus prochaine séance, mais par tous les moyens 
en votre pouvoir. 

« Recevez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
ration très distinguée. 

« Le Ministre de l'Instruction publique 
et des Beaux- Arts, 

« Signé : A FALLIÈRES. »> 



Voici quels sont les sujets d'étude recommandés parla section 
des sciences économiques et sociales : 

I. — Histoire d'un Domaine rural. 

1° On indiquerait le nom du domaine et celui de la localité 
où il est placé, son étendue et sa contenance actuelles, cultures 
bétail, bâtiments, etc. Cette première vue se bornerait à un 

x\\\ 1. Il 



— 218 — 

» 

état descriptif assez rapide de la nature et de la valeur des ter- 
res., de manière ù ne pas tomber dans des doubles emplois par 
les réponses plus détaillées adressées aux questions qui doivent 
suivre. 

2° On ferait connaître par quelles mains le domaine a passé 
depuis le point de départ de l'étude, quels morcellements il a 
subis, ce qu'il a pu gagner ou perdre pour la valeur et le re- 
venu sous ses propriétaires successifs, quelles transformations 
principales a subies la culture, quels propriétaires y ont résidé 
et quelle influence a pu avoir leur action personnelle ou leur 
absence. On donnera le prix de vente à chaque changement 
de propriétaire. 

3" On rappellera tout ce qui concerne les baux et les divers 
systèmes d'amodiation; on signalera la durée et les clauses 
principales de ces baux à la charge du bailleur ou du preneur, 
les obligations du fermier entrant à l'égard du fermier sortant, 
les usements locaux dignes de remarque. On recherchera si la 
location a eu lieu en bloc ou morcelée, si l'exploitation par le 
tenancier s'est faite au moyen de sous-locations ou à l'aide d'ou- 
vriers agricoles. On indiquera si le métayage a joué un rôle 
dans l'exploitation, sous quelles conditions il a été pratiqué et 
quels effets il parait avoir eus. Dans tous ces cas, on fera con- 
naître quelle a été la part en argent ou en nature afférente au 
propriétaire, aux fermiers et aux colons. 

1° Indications des charges réelles: taille ou impôt foncier, dî- 
mes, taxes diverses établies sur la propriété rurale. Indication 
des charges personnelles qui pesaient autrefois sur les tenan- 
ciers ou les colons: capitation, services de corps, etc. C'est ici, 
dans la supposition que le domaine aurait été possédé par le 
seigneur, qu'il y aurait lieu de faire connaître, outre les impôts 
qu'il aurait eu lui-même à payer, les diverses redevances féoda- 
les dont il aurait bénéficié, soit de la part des fiefs compris dans 
sa mouvance et payables en argent ou en denrées, soit de la 
part des paysans corvéables. On retournerait les termes de la 
question si ce domaine avait été lui-môme un de ces fiefs, c'est- 
à-dire qu'on établirait ce qu'il a dû payer sous diverses formes 
à l'État, à la seigneurie et au clergé. 

On constatera de même les diverses impositions à la charge 
du domaine depuis 1789. 

Enfin, soit sous l'ancien régime, soit sous celui qui lui a suc- 
cédé, on établira le montant des droits de mutation par décès ou 
entre vifs payés soit à l'État, soit à des seigneurs. 

5° Il serait intéressant de déterminer également la condition 
matérielle des familles de propriétaires, de tenanciers ou de co- 



— 219 - 

Ions qui, aux différentes époques, ont habité le domaine; leur 
genre de vie, leur alimentation, la disposition de leur demeure 
avec ses dépendances, la disposition des bâtiments de ferme, la 
consistance cfu mobilier. Les livres de raison ou de compte, les 
actes de vente ou de donation et surtout les inventaires après 
décès pourront fournir sur ces divers points des indications 
précises. 

II. — L'état & la valeur de la Propriété bâtie. 

La Commission appelle particulièrement l'attention sur les 
points suivants : 

1° La description aussi exacte que possible de la propriété, 
comprenant l'étendue des terrains non bâtis, cours, jardins, 
etc., et des constructions qui la composaient; la nature des bâ- 
timents, la distribution des locaux, les matériaux employés; 

2° L'examen des causes qui ont modifié cet état dans la suite 
des temps ; 

3° La série des transmissions de la propriété par vente, héri- 
tages, donation, etc.; 

4° La valeur de la propriété bâtie, constatée par des actes de 
vente, par des inventaires, etc. ; 

5" Les impôts, charges et servitudes que la propriété a eu à 
supporter; 

6° Le nombre des habitants de la maison ou des maisons à di- 
verses époques et leur état social ; 

7" Si les bâtiments n'étaient pas occupés par les propriétaires, 
le prix et les conditions de la location, particulièrement la du- 
rée des baux ; 

8° Les impôts et charges autres que le loyer, qui incombaient 
aux locataires, indépendamment des charges supportées par les 
propriétaires ; 

9° Les changements survenus dans l'état économique et so- 
cial de la localité, qui ont exercé une influence sur la valeur de 
la propriété et sur le taux des loyers; 

10° Parmi ces changements, la construction de maisons et 
l'agglomération de la population dans le voisinage, sur lesquel- 
les il convient d'insister, parce qu'elles sont au nombre des 
causes qui influent le plus sur la valeur des immeubles. 



2k>0 



III. — Effets économiques d'une nouvelle voie 
de communication. 



1° Décrire la voie nouvelle dont on se propose d'analyser les 
effets économiques. Dire par quelles initiatives et dans quelles 
conditions elle a été conçue, tracée, créée. Le montant de la dé- 
pense et la nature des ressources sont des données qu'il serait 
bon de mettre en regard des résultats obtenus. 

2° Expliquer quelle était la situation antérieure de la contrée 
desservie, et pourquoi le besoin d'un nouveau moyen de circula- 
tion se faisait sentir. 

3° Montrer l'influence directement exercée sur la rapidité» 
sur le prix, sur la sécurité des voyages ou des transports. 

4° Rechercher dans quelle mesure il peut y avoir eu déplace- 
ment, développement ou création de trafic. 

5° Passer de ces effets directs aux effets indirects; recher- 
cher la nature et l'importance des services rendus à l'agricul- 
ture, à l'industrie, au commerce. 

6° Indiquer, s'il y a lieu, les exploitations nouvelles qui ont 
pris naissance sur le parcours de la nouvelle voie et qu'elle a 
contribué à rendre possibles. 

7° Rechercher l'influence exercée, tant aux lieux de produc- 
tion qu'aux lieux de consommation, sur les prix des produits 
dont la voie nouvelle rend le transport plus prompt ou moins 
coûteux. 

Souvent ce ne sera point seulement dans l'ordre des faits éco- 
nomiques, mais aussi dans l'ordre des faits sociaux, que certai- 
nes transformations se seront produites. Les chemins de fer, 
partout où ils pénétrent, modifient les habitudes et les mœurs 
des populations. Il y a encore là matière à d'instructives obser- 
vations ; mais il conviendra d'y faire plus de place à la con- 
statation des faits qu'aux considérations personnelles. 

Ce qu'on ne saurait éviter avec trop de soin dans un tra- 
vail comme celui dont on vient d'esquisser le programme, 
c'est de confondre les effets et les causes, et d'attribuer à l'exé- 
cution d'un travail d'utilité publique d'autres résultats que ceux 
qu'il a réellement produits. 



221 — 



IV, — Etudier, pour une région déterminée, les modi- 
fications qui se sont introduites dans la pratique 
des régimes matrimoniaux depuis le Gode civil. 

1* Quel était le régime matrimonial en usage dans ia région 
avant le Code civil, soit sous la législation ancienne, soit sous 
la législation intermédiaire"? Quelles étaient les causes usitées 
dans la pratique pour déroger en certains points au régime 
établi par la coutume ? Quels traits distinctifs la jurisprudence 
locale avait-elle imprimés ;i tel régime type, spécialement s'il 
s'agit du régime dotal ? 

2° Quelles modifications se sont introduites en cette matière 
dans la région depuis le Code civil? Ces modications se sont- 
elles produites suivant une tendance à se rapprocher du régime 
de droit commun établi par ce Code ou au contraire dans un sens 
opposé? 

3° Quels changements se sont introduits dans la pratique 
d'un régime déterminé? Quels ont été les procédés employés 
pour amener ces changements et, en particulier, quelles sont 
les modifications qui ont été apportées à la formule des clauses 
du contrat de mariage ? 

4° Quelles sont les raisons d'ordre économique ou d'ordre 
moral qui expliquent soit la persistance de la tradition locale, 
soit les modifications apportées à la pratique antérieure au Code 
civil, ou encore à la formule des clauses usitées dans l'établis- 
sement d'un régime déterminé ? 

5° Quelles ont été, dans l'ordre économique ou dans l'ordre 
moral, les conséquences observées de la pratique d'un régime 
déterminé et des changements introduits dans les conventions 
matrimoniales en usage ? 

6° La pratique révèle-t-elle que la législation du Code civil 
en matière de conventions matrimoniales mette obstacle à la 
satisfaction de quelque intérêt ou de quelque besoin légitime, 
soit dans l'ordre économique, soit dans l'ordre moral ? 



TABLE 



Séance du 10 janvier 1884. 

Liste des membres présents Page 5 

Liste des membres admis depuis la séance du H octo- 
bre 1883 6 

Comptes du Trésorier (1883) et budget de 1884 ... 7 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 
depuis la séance du 11 octobre 1883 11 

Note sur le dolmen récemment découvert à Fréteval, 
par M. G. Launay 20 

Sur une découverte d'ossements fossiles faite à Sargé, 
par M. E. Nouel 23 

Une lettre inédite du pape Calixte II, par M. Ch. 
Bouchet (l re partie) 29 

Lettres patentes relatives à la terre de Montoire, avec 
une notice par M. Isnard 41 

Chronique , . . -. 51 



Séance du 4 avril 1884. 

Liste des membres présents 55 

Description sommaire des objets offerts ou acquis depuis 

la séance du 10 janvier 1884 56 

Note sur les archives de la collégiale de Saint-Georges 
de Vendôme et sur leur destruction, par M. Aug. de 
Trémault 69 



— 224 — 

Le Temple de Saint-Jean-des-Aizes et ses tombeaux, 
par M. l'abbé Ch. Métais 75 

Une lettre inédite du pope Calixte II, par M. Gh. Bou- 
chet. (2 e partie) 86 

Biographie vendômoise , par M. A de. Rochambeau. — 
Compte rendu par M. Ch. Bouchet 104 

Artistes de Loir-et-Cher figurant au Salon de 1884 . 110 

Chronique . 115 



Séance du 14 juillet 1884. 

Liste des membres présents 121 

Liste des membres admis depuis la séance du 10 avril 

1884 122 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 4 avril 1884 122 

Bénédiction des drapeaux de la Milice bourgeoise de 

la ville de Vendôme en il 90, par M. Àug. de Tré- 

mault 135 

Une Miniature de manuscrit du XII e siècle, par M. Ch. 

Bouchet 146 

Un Vagabond, par M. Charles Chautard 159 

Chro7iique 165 



Séance du 9 octobre 1884. 

Liste des membres présents 169 

Liste des membres admis depuis la séance du 10 juillet 

1884 no 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 10 juillet 1884 170 

Renouvellement du Bureau pour 1885 183 

L'ancien Fort de Fontenailles, par M. G. Launay. . 184 



» 






Historique <h< Polissoir de Nourray, par M. G. 
Launafc, 189 

Les dernières Restaurations du clocher de la Trinité, 
par M. L. Martellière 193 

Communication de M. de Nadaillac sur les Silex de The- 

nay 205 

L'Hôtel du Bellay, par M. Paul BJanchemain. . . . 209 

Chronique 216 



Le Gtrnnt. LEMERCIER. 



Vendôme. — Typ. Lemercier, 



* 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



BULLETIN! 



DE LA 



A * /» 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIV 



1 885 




VENDOME 



Typographie Lemercier & Fils 



1885 




BULLETIN 




• 



DE LA 





liin 



SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 

DU 

VENDOMOIS 



TOME XXIV 
1 er TRIMESTRE 1885 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents. . . . . Page 5 

Comptes de l'année 1884 et Budget de 1885 . . G 
Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 9 octobre 1884 . 9 
Discours de M. G. Launay, président sortant. . 23 

Installation des membres du Bureau 27 

Discours de M. le M is de Rochambeau, président. 28 
Epigraphie et Iconographie ocndomoises, par 

M. le M is de Rochambeau 31 

M. Charles Chautard, par M. Ch. Bouchet. — 

I. Biographie 57 

Biographie. — Victor Dessaignes, par M. E. 

Nouel 06 

Chronique 77 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1885 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



24 e ANNÉE — l et ' TRIMESTRE 



JANVIER 1885 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
domois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 9 janvier 
1885, à deux heures. 

Étaient présents : 

MM. Gervais Launay, président; Soudée, secrétaire ; Noucl, 
bibliothécaire - archiviste ; L. Martellière, conservateur; do 
Rochambeau, l'abbé Roulet, membres; A. de Trémault, tré- 
sorier; Mascarel ; Saint-Martin: ces trois derniers membres 
entrants ; 

Et MM. de Bodard ; Ch. Bouchet ; Boue; H. de Brunier; 
L. Buffereau ; Cazabonne ; Cornu (Romain); Dunoyer ; Duriez; 

xxiv 1 



— 6 — 

Duvau ; P. Lemercier ; Malardier ; l'abbé Métais ; l'abbé 
Monsabrc ; l'abbé Renou ; Emilien Renou ; Camille Roger; 
général de Vandeuvre. 

M. le Président déclare la séance ouverte, et invite M. le 
Trésorier à présenter les comptes de la Société. 



COMPTES DE L'ANNÉE 1884 



RECETTES ORDINAIRES 

Solde en caisse au l or janvier 1884 2 44 

Recouvrements d'avances faites par la Société . . 37 80 

Arrérages de 1884 de la rente 3 % 15 » 

Cotisations recouvrées en 1884 1484 » 

Boni sur frais de recouvrements par la poste ... 2 21 

Produit de la vente du Bulletin 27 50 



Total des Recettes ordinaires. . 1568 95 



RECETTES EXTRAORDINAIRES 

Subvention du Conseil général 300 



RECAPITULATION : 

Recettes ordinaires . . . 1568 95 

Recettes extraordinaires. 300 » 

Total général des Recettes. 1868 95 



DEPENSES 

Restes à payer de 1883 209 60 

Frais d'administration 202 83 

Bibliothèque 79 85 

Impression et brochage du Bulletin 1320 20 

Fouilles et recherches 12 » 

Dépenses imprévues 22 13 

(Travaux au château de Lavardin) 



Total des Dépenses . . 1857 21 



• 



BALANCE 

Recettes 1868 95 

Dépenses 1857 21 



Solde en caisse au 31 décembre 1884. . 11 71 

Nota. 11 reste encore à payer sur 1884, savoir : 

Un mémoire de brochage du Bulletin montant à . 49 10 

& la miniature de l'abbé Geoffroi 410 » 



Ensemble . . 459 10 



A la suite de cette lecture, M. le Président demande si quel- 
qu'un a des observations à faire sur les comptes de 1884. L'assem- 
blée adopte ces comptes, et en donne quittance définitive à M. le 
Trésorier. Celui-ci donne ensuite lecture du budget de 18X0. 



BUDGET DE 1885 



Avoir de la Société 



1° Titres de rente 3% produisant 15 fr. d'arrérages annuels. 
2° Fonds en dépôt à la Caisse d'Epargne. 400 » ) 
3° Intérêts capitalisés 20 07 ) 



RECETTES 

Recettes ordinaires 

Solde en caisse au 1" janvier 1885 11 71 

Avances à divers à recouvrer (miniature de l'abbé 

Geoffroi) 143 50 

Cotisations arriérées à recouvrer . 804 » 

de l'année 1885 1650 » 

Rente 3° „; arrérages de 1885 15 

Produit de la vente du Bulletin 5 

Produit des droits de diplômes 5 



2 15 1 



2634 24 



— 8 — 

Recettes extraordinaires 
Subvention du Conseil général 300 » 



Total général des Recettes . . 2934 24 



DEPENSES 

Dépenses ordinaires. 

Restes à payer sur 1884 459 10 

Frais d'administration 250 » 

Bibliothèque 150 » 

Bulletin 1630 » 

Fouilles et recherches 100 » 

Dépenses imprévues 100 » 



Total des Dépenses ordinaires . . 2689 10 
Dépenses extraordinaires 
Travaux de consolidation à Lavardin . . . . \ . 200 » 



Total général des Dépenses. . 2889 10 



BALANCE 

Recettes 2934 24 

Dépenses 2889 10 



Excédant de Recettes . 45 14 

Le budget de 1885 est voté à l'unanimité. 



— 9 — 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur 
DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 9 octobre 1884 



I. — ART & ANTIQUITÉ 

Nous AVONS reçu : 

De M. Léon Fournier, au Catelet (Aisne) : 

Un PORTRAIT DE RONSARD, gravé par Claude Mellan, 

extrait de la grande édition des Œuvres complètes dn poète, pu- 
bliée en 1623 par Cl. Garnier. Le buste de Ronsard encore jeune 
fait face à celui de Cassandre ; l'un et l'autre sont entourés de 
devises grecques et latines. Au-dessous se trouve un sonnet de 
Garnier. 

De M. Chardonneret, à Paris : 

Une VUE de l'hôtel de ville de Vendôme, tirage à part, sur 
chine volant, d'une gravure sur bois publiée par le Monde Il- 
lustre, d'après un croquis de M. L. Moullin, au moment des 
fêtes de Vendôme en 1872. L'aspect du monument lui-même est 
assez bien rendu ; la foule * j 1 1 1 se presse sur le pont est amu- 
sante ; mais il est regrettable que la perspective de la ville et 
des clochers soit absolument fantaisiste. 

De M. G. Marganne, à Vendôme : 

Un certain nombre de MOULAGES de sculptures du Moyen 
Age et de laRenaissance ; nous ne savons malheureusement pas 
d'après quels monuments ils ont été exécutés. La plus grande 



— 10 — 

partie de ces plâtres a été déposée à l'école municipale de des- 
sinât pourra faire d'excellents modèles pour les jeunes gens 
qui en suivent les cours. Dans le même envoi se trouvaient aussi 
quelques débris de vitraux de provenance inconnue. 

De M. Raymond Renou, officier au corps d'occupation en 
Tunisie : 

Divers OBJETS ANTIQUES trouvés dans les ruines de 
Carthage : lampes, balles de fronde en terre cuite très dure, 
monnaies frustes, etc. Le plus curieux est un petit scorpion en 
bronze, assez bien conservé. 

Acquisition : 

La CARTE HYPSOMÉTRIQUE, ou, plus simplement, le 
plan en relief des environs de Droué (Loir-et-Cher), par Al. 
Duval, agent voyer. Cette partie du Perche est une des régions 
les plus intéressantes de notre pays, au point de vue topogra- 
phique. C'est là que se trouve le chêne deCormon, le point le 
plus élevé du département. L'échelle des longueurs est de 
1/40,000% c'est-à-dire un millimètre pour 40 mètres, et celle des 
hauteurs est de 1/8,000% soit cinq fois plus forte que la première. 
Le Musée possédait déjà la carte en relief des environs de Ven- 
dôme, dans laquelle le rapport des mesures horizontales et ver- 
ticales est celui de 1 à 10, proportion trop considérable qui a le 
défaut de dénaturer tout à fait l'aspect de la contrée. 



IL — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. G. Launay, président sortant : 
Trois doubles tournois aux noms d'Henri IV, de Louis XIII 
et de Gaston d'Orléans, prince des Dombes, ainsi qu'une petite 
pièce en cuivre de l'empire ottoman. 

De MM. Renou-Soye, à Vendôme, & R. Renou: 
Plusieurs monnaies étrangères en argent et cuivre, parmi les- 
quelles nous ne trouvons guère à signaler qu'une pièce de la 
ville impériale de Hambourg, 17~i(; une pièce de 2 réaux delà 



__ 11 _ 

République Mexicaine, 1859, et une pièce de 10 centimes de la 
république d'Haïti : Geffrard, président, 1863. Cette dernière est 
à peu près dé la dimension de nos doubles centimes français. 

D'un anonyme : 

Un lot de jetons, dont quelques-uns offrent un certain intérêt, 
notamment : 

Un jeton lorrain frappé en l'honneur du duc Charles III, dit le 
grand Duc (1543-1608), et de Claude de France, sa femme, fille 
du roi Henri II. Deux écus sous une même couronne, l'un de 
Lorraine plein, l'autre mi-parti Lorraine et France ; à l'exer- 
gue : HOMO NON SEPARET. uf: Deux mains jointes au- 
dessus d'un autel, sur lequel on lit: FIDEI VICTRICI, 15-63; 

Un jeton de la ville d'Orléans, 1629 ; 

Un jeton de P.Leblanc, maire de Tours, 1638 ; 

Un jeton du prince de Condé. LVD. DVX BORBONVS 
PRINC. COND^VS. Buste à droite. rJ: NON OMNIS DEX- 
TERA SOLVAT. Faisceau d'armes entre deux palmiers 
S. D. ; 

Un jeton de Maximilien-François de Béthune, duc de Sully, 
petit-fils du grand ministre d'Henri IV (médiocre conserva- 
tion) ; 

Un jeton du comte de Vermândois, fils de Louis XIV et de 
M"' de la Vallière, grand-amiral de France, 1671 ; 

Un jeton de Jacques III, prétendant à la couronne d'Angle- 
terre : DOM1NVM COGNOSCITE VESTRVM. Buste à gau- 
che, i^: COGNOSCVNT ME ME.*. Brebis dans une prairie 
1710; 

Enfin un jeton américain de Washington, 1795. 



III. — BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

Une lettre autographe, datée et signée, de M. de Salvaudy, 
ministre de l'instruction publique sous Louis-Philippe (8 octo- 
bre 1841). — Don de M. Lefebvre, ancien greffier à Vendôme. 

Le N" du 11 octobre 1881 du Journal la Nature, contenant un 



— 12 — 

article très intéressant de M. le M is de Nadaillac relatif aux 
découvertes du docteur Le Plongeon dans le Yucatan (Mexique). 
Pendant un séjour de plus de 10 ans dans ces régions peu con- 
nues, le docteur Le Plongeon est arrivé à des résultats impor- 
tants, dont peut-être veut-il tirer des conclusions hasardées. 
Toujours est-il que le mausolée de Chaac-Mol (Le Léopard) et 
les curieuses sculptures qu'il contenait, et dont les dessins ac- 
compagnent l'article de M. de Nadaillac, témoignent du succès 
obtenu par le persévérant et énergique explorateur. — Envoi 
de M. le marquis de Nadaillac. 

Les Monnaies féodales françaises, par M. E. Caron, vice-pré- 
sident de la Société française de Numismatique, etc. Troisième 
et dernier fascicule (pages 241 à 408, planches XVIII à XXVII). 
Paris, 1884. — Ce fascicule complète l'ouvrage qui a valu à 
M. Caron le prix de Numismatique, partagé par l'Institut, en 
1884, entre lui et M. Ponton d'Améconrt. Cette troi sième partie 
ne le cède en rien aux deux premières pour l'importance des rec- 
tifications qu'elle apporte au 3 e volume de Poey-d'Âvant, ni pour 
les découvertes ou attributions nouvelles qu'elle enregistre. 
Fidèle au programme qu'il s'était tracé, l'auteur ne s'est pas 
occupé des villes ou fiefs appartenant à des princes étrangers, 
et s'est tenu strictement dans les limites du moyen âge. Il laisse 
ainsi de côté un certain nombre d'ateliers monétaires étudiés 
par son devancier, ou n'en parle que tant que le monnayage en 
fut exclusivement féodal et français. Des monnaies d'Avignon, 
par exemple, il ne considère que les pièces qui peuvent être 
regardées comme appartenant au pouvoir municipal de cette 
ville, avant qu'elle devint la propriété des Papes. 

Avec beaucoup de sagacité et d'érudition, M. Caron, mettant 
à profit les remarquables travaux de MM. Blancard, Vallier, 
Roman, etc., est parvenu à éclaireir, sinon à débrouiller tout à 
fait, bien des points obscurs de la numismatique du Midi. Ce 
n'est pas que tous les problèmes que soulève l'étude des mon- 
naies méridionales soient résolus; certaines questions n'ont 
pas encore reçu de réponse définitive. Les pièces portant le nom 
de Rolandus et au revers le mot Edne sont restées sans attri- 
bution certaine. Cadenet, proposé par MM. B. Fillon et Poey- 
d'Avant, ne paraît pas plus acceptable qu'Embrun, proposé par 
M. Blancard. Seyne (Sedenia, par apocope Edne), semble encore 



— 13 — 

préférable. C'était l'opinion do M. de Longpérier, qui attribuait 
aussi à Manosque les deniers à la légende Manu : esce. 

Mais des «résultats importants sont positivement acquis. L'exa- 
men plus attentif du monnayage de la principauté d'Orange, 
dont les seigneurs ont contrefait à peu près tous les types en 
vogue au moyen âge, a révélé de nouveaux exemples de leurs 
audacieux plagiats. Un denier d'Orange, appartenant au Musée 
de Marseille, offre la particularité très curieuse de porter l'indi- 
cation, non de la valeur, comme le croyaient MM. Duchalais et 
de Longpérier, mais celle de son titre, de son aloi (xx deniers 
m grains). De nouveaux travaux ont démontré que le monnayage 
des Dauphins de Viennois remonte plus haut que Humbert 1 er 
(1271), auquel Poey-d'Avant attribuait les premières pièces au 
Dauphin. Pourtant, si des titres très précis établissent l'exis- 
tence d'un atelier monétaire fondé avant cette époque par 
les Dauphins, les produits de cet atelier sont encore à trouver. 
11 en est de même pour les seigneurs des Dombes de la Maison 
de Bourbon. Les monnaies de Jean I er (1420) ont certainement 
existé, mais on ne connaît jusqu'à présent que celles de Jean II 
( 1 1:»9-1482). 

En Franche-Comté., notons en passant l'attribution à Lons- 
le-Sauluier des deniers donnés à tort à Blainville, et la décou- 
verte du franc-à-pied de Guillaume de Beauregard, abbé de S'- 
Oyer-de-Joux. Cette pièce unique, trouvée en 1882 dans l'im- 
mense dépôt de la rue Vieillc-du-Temple, a été adjugée en 
vente publique pour le prix de 1080 francs, plus les frais. La 
Bourgogne, la Champagne, la Picardie, l'Artois, etc., terminent 
le volume. L'espace nous manque pour citer autre chose qu'une 
monnaie commune aux villes de Troyes et de Meaux dès le X e 
siècle, ce qui est le plus ancien exemple connu de ces sortes 
d'alliances monétaires. 

Dans un supplément, M. Carou décrit brièvement les mon- 
naies inédites venues à sa connaissance depuis la publication de 
ses deux premiers fascicules, et signale les objections que 
ceux-ci ont soulevées, et auxquelles ii ne veut pas répondre. 11 
donne enfin un certain nombre de pièces indéterminées ou in- 
certaines, pour lesquelles il ne hasarde aucune. hypothèse, ne 
voulant pas engager ses lecteurs dans une fausse voie, ci s'en 
remettant à leur perspicacité. 



— 14 — 

Offert par M. E. Caron à ses collègues de la Société Archéolo- 
gique du Vendomois. 

Les anciens Elèves du collège de Vendôme. Discours prononcé 
;i la distribution des prix du Lycée le 5 août 1884 par le D r 
Dufay, sénateur de Loir-et-Cher. 3 exemplaires. 

Dans cette nombreuse galerie de portraits, peints d'une touche 
vive et spirituelle, nous citerons particulièrement ceux de 
Dufaure, de Balzac, etc., de Mareschal, l'ancien principal du 
collège, de Duchesne, le célèbre professeur de mathématiques 
de Vendôme, de savants comme V. Dessaignes, Yvon-Villar- 
ceau, Lescarbault, le médecin-astronome d'Orgères, camarade 
de l'auteur, E. Renou, le directeur de l'Observatoire météorolo- 
gique du parc Saint-Maur, etc. 

Album Caranda (suite). Les Fouilles de Chouy (Aisne) en 1883. 
Texte grand in-4° et 7 planches en couleur. — Nous sommes un 
peu en retard, à notre grand regret, pour annoncer à nos lec- 
teurs l'envoi de cete superbe publication. La nouvelle livraison 
de l'Album Caranda ne le cède en rien, ni pour l'intérêt ni pour 
l'exécution, à celles qui l'ont précédée. Elle contient la des- 
cription, extraite du journal des fouilles, et la reproduction en 
8 magnifiques planches litho-chromiques, des principales dé- 
couvertes faites pendant l'année 1883 à Chouy (Aisne). Plusieurs 
des objets trouvés dans cette nécropole gallo-romaine et méro- 
vingienne, ont une grande importance au point de vue archéolo- 
gique, et la beauté de leur conservation en fait d'ailleurs des 
pièces exceptionnelles. 

Don de M. Frédéric Moreau père, auquel des remerciements 
spéciaux ont été adressés en même temps que l'avis de réception 
de son généreux envoi. 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 

Journal des Savants. N° 5 d'octobre, novembre et décembre 
1884. 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. Section 
d'histoire et de philologie, année 1884, N° 2. 

Notons, pp. 128-134, un mémoire de M. Jolibois sur l'utilité 



— 15 — 

et l'importance des registres de notaires, et sur les mesures à 
prendre pour en assurer la conservation et en faciliter l'usage. 
Tous les Chercheurs s'associeront au vœu exprimé par l'auteur, 
qui voudrait que les minutes antérieures à 1791 fussent dépo- 
sées aux archives des départements, où il serait possible de les 
consulter. Pour Vendôme, il serait préférable de les placera la 
bibliothèque de la ville. 
Reçue des Travaux scientifiques. Tome iv, N° 8. 



III.— Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. — 
Dons et Échanges: 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis, v e volume, 2 e livraison, 1 er octobre 1884. — 
Nous trouvons dans ce fascicule le compte rendu et des cita- 
tions d'un article delà Revue Lyonnaise, intitulé le Congrès des 
Sociétés savantes et signé H. Stein. Nous en détachons quel- 
ques fragments, tout en laissant à l'auteur l'entière responsa- 
bilité de ses allégations: 

« Il y a des considérations fort justes sur le rôle des Sociétés 
savantes et des critiques non moins justes sur leurs travaux.. 11 
est certain que, malgré les services qu'elles rendent, elles sont 
loin de réaliser ce qu'on peut attendre d'elles. Souvent c'est l'or- 
ganisation qui est défectueuse, la direction qui manque ; c'est 
aussi la multiplicité trop grande ou la stérile abondance de 
leurs mémoires; souvent elles sont des coteries mesquines, où 
l'on s'occupe presque exclusivement à se gourmer et à gourmer 
ses adversaires (1). De temps en temps on imprime un certain 
nombre de phrases creuses où il est question de tout à propos 
de quelque chose, et qui vous classent d'emblée parmi les sa- 
vants du crû.... 

« Les Sociétés savantes peuvent se diviser en trois catégories. 
Les premières ont vécu ; nées au siècle dernier, elles voienl 
leur agonie prochaine, et leur passé plus ou moins glorieux les 
soutiendra jusqu'au dernier jour ; enfin, elles restent muettes 



(1) L'auteur aurait pu ajouter: Quand elles ne dégénèrent pas, défaut encore plus 
funeste, en petites sociétés d'admiration mutuelle : Disque je chante mieux que Vir- 
gile, cl jfl dirai que tu as plus d'esprit que Voltaire. 



— 16 — 

ou peu s'en faut. Les secondes ont trente ans, quarante ans 
d'existence; elles seraient dans leur pleine maturité si des in- 
firmités de tout genre n'étaient venues trop prématurément pa- 
ralyser leurs efforts ; vieilles avant l'âge, elles végètent sans trop 
songerau len demain, parce que le lendemain est trop voisin de 
la chute dernière. Cette classe est lapins nombreuse sans con- 
tredit. Enfin les troisièmes sont les jeunes recrues de la science 
historique; l'avenir esta elles, parce qu'elles seules compren- 
nent le rôle d'une Société savante dans le vrai sens du mot. Ici 
l'impuissance de la vieillesse ; là, l'insouciance de l'âge mûr ; 
enfin, l'enthousiasme de la jeunesse. » 

Tout en s'excusant défaire des personnalité pou r donner des 
preuves de ce qu'il avance, l'auteur cite comme exemple du pre- 
mier point les Mémoires de l'Académie d'Aix ; dans la seconde 
catégorie, il range la Société Archéologique d'Eure-et-Loir ; 
enfin la Société des Archives Historiques de la Saintonge et de 
l'Aunis lui parait remplir les meilleures conditions d'avenir et 
de prospérité. Nous nous associons bien volontiers à cette der- 
nière conclusion. 

Bulletin de la Société d'Emulation de l'Allier. Tome xvn, 
2 e livraison, 1884. — Parmi un certain nombre de documents 
d'intérêt tout local, deux Notices nous semblent mériter l'atten- 
tion : l'une de M. Croizier, sur la fabrique de faïence de J. 
Chambon â Moulins, au XVIII e siècle, avec planche photogra- 
phique , l'autre, de M. Bertrand, sur un anneau de bronze avec 
inscription votive, découvert dans un puits antique à Vichy. 
Nous sommes un peu surpris d'y rencontrer un article, fort inté- 
ressant d'ailleurs, sur l'état de l'instruction dans le diocèse de 
Rouen avant 1789. 

Bulletin delà Société d' Anthropologie de Bordeaux et du Sud- 
Ouest. Tome i, 1 er et 2 e fascicules (1 er et 2 e trimestres 1881). — 
Nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à la nouvelle 
Société, qui nous fait l'honneur de nous demander l'échange des 
Bulletins. L'examen de ses deux premières publications nous 
permet de lui prédire un prompt développement et un brillant 
avenir. Nous en avons pour garants des travaux remarquables 
comme le savant mémoire présenté par M. Espinas, professeur 
de philosophie à la faculté des lettres, dont la lecture donne lieu 
à des discussions d'une hauteur devant laquelle nous nous in- 



— 17 — 

dirions respectueusement. Il est intitulé: Du Sommeil provo- 
qué chez les hystériques ; essai d explication psycho-physiolo- 
gique denses causes et de ses effets. La partie archéologique et 
ethnographique offre également un grand intérêt, et est accom- 
pagnée de planches fort bien faites. 

Animal Report of the Smithsonian Institution for 1882. 1 fort 
vol. de 855 pages. Washington, 1884. 

Annales du Musée Guimet. Tome vu, 1884. Un vol. in-4° de 
510 pages, contenant des traductions d'ouvrages liturgiques et 
des mémoires relatifs aux religions de l'Orient, et 6 planches 
reproduisant des objets du Musée ou des dessins originaux de 
M. F. Régamey. — Le Musée fondé à Lyon par M. Guimet, et in- 
stallé par lui dans un vrai palais, doit devenir prochainement la 
propriété de l'Etat. M. Guimet consent à la cession des magnifi- 
ques collections qu'il a rapportées de ses voyages, et qui repré- 
sentent une valeur de plus de cinq millions. L'Etat s'engage à les 
loger dans un monument spécial qui sera construit sur la place 
d'iéna. 

Le Musée Guimet se compose de deux parties : une collec- 
tion d'objets servant au culte de tous les peuples anciens et mo- 
dernes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique, et une collection 
considérable de céramique orientale. Au Musée est associée une 
bibliothèque spéciale de manuscrits et imprimés relatifs aux re- 
ligions païennes. Il renferme aussi une sorte d'école, où des 
prêtres boudhistes, brahmanistes, etc., appelés du Japon, de 
Chine, de l'Inde, de Ceylan, etc., par M. Guimet, et entretenus à 
ses frais, passent leur temps à traduire en notre langue les rites 
sacrés de leurs cultes. 

Annales de la Société Historique et Archéologique du Gàti- 
nais. 3 e trimestre de 1884. — Nous signalerons l'article : Un 
Pèlerinage à Ferrières-Gâtinais en 1719, par M. D. B. Denizet. 
C'est la copie d'une page inscrite sur le registre de la paroisse 
de Chenou par le curé d'alors, où il raconte la grande proces- 
sion qui partit le lundi 19 juin au matin de Chàtean-Landon, et 
à laquelle il se joignit, pour aller à N.-D. de Fcrrières implorer 
de la pluie, et comment, à peine la messe finie, la pluie com- 
menta à tomber, au grand étonnement de tout le monde. Ce qui 
donne un intérêt local à ce récit, c'est que précisément, presque 



— 18 — 

le même jour (le 20 juin) à Vendôme, avait lieu une grande pro- 
cession de la Sainte-Larme pour le même objet, et suivie de 
pluie également. Ce renseignement m'est communiqué par 
M. A. de Trémault, qui l'a trouvé à la Bibliothèque nationale à 
Paris. 

Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, xi" volume, 
1884. — En tète du volume se trouve le compte rendu des travaux 
et des découvertes de la Société pendant le cours de l'année 
précédente. C'est là une excellente mesure, qu'il serait désirable 
de voir imiter. La Société des Antiquaires du Centre doit d'ail- 
leurs se féliciter des résultats obtenus par son activité en 1883 
et 1884. Le nombre et l'intérêt des objets de toute sorte, notam- 
ment des antiquités gauloises et gallo-romaines, qu'elle a sau- 
vés et recueillis, sont de nature à satisfaire les plus exigeants. 
Parmi les mémoires publiés, nous citerons l'étude sur le fer dans 
l'antiquité, par M. G. Vallois, et l'histoire de la médaille due 
par la ville de Bourges aux marquis de Châteauneuf-sur-Cher, 
par M. D. Mater. Dans le Bulletin numismatique, M. Buhot de 
Kersers donne des renseignements aussi précis que possible 
sur une découverte faite, en 1882, dans un tumulus gaulois, qui 
ne jouait là que le rôle de point de repère, de monnaies méro- 
vingiennes en argent ou saïgas. Quoiqu'elle n'ait pu être exa- 
minée qu'en partie et d'une façon très rapide par ce savant nu- 
mismatiste, la description sommaire qu'il en donne est des plus 
intéressantes, et fait vivement regretter que la trouvaille ait été 
dispersée avant d'avoir été étudiée en son intégrité par un 
homme compétent. Elle fixe pourtant certains points de la nu- 
mismatique mérovingienne ; ainsi l'existence des pièces d'ar- 
gent comme monnaie usuelle sous les Mérovingiens, niée il y a 
encore quelques années, devient de plus en plus certaine ; de 
même que l'identité des types sur les pièces d'or et d'argent ne 
peut plus faire de doute. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie. To- 
mes xi et xn. Nous signalerons, au tome xn, l'important travail 
de M. le comte de Bourmont : La Fondation de l'Université de 
Caen et son organisation au XV e siècle, pp. 393 à 611, avec pièces 
justificatives et table alphabétique. 

Bulletin des Procès - Verbaux de la Société d'Emulation 



19 



d'Abbeville, avec nue table analytique des séances. Années 
1881-82-83: 

F,. 

Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France. 
5 e série, tome iv (quarante-quatrième de la collection), 1883. — 
On comprendra que devant l'importance de mémoires tels que: 
la Sigillographie byzantine, de M. Schlumberger ; l'Enceinte 
de Mandeuvre, de M. Duvernoy ; le Camp de Taverny, de M. de 
Boislisle; la Vie et les Travaux de M. Ferdinand de Lasteyrie, de 
M. Nicard : devant le nombre et l'intérêt des communications 
de toute nature faites à la Société, et dont la description som- 
maire occupe près des deux tiers du volume, nous ne tentions 
aucune espèce de compte rendu. Nous voulons seulement citer 
une communication de M. de Barthélémy (page 240), au sujet de 
briques fort singulières trouvées, il y a quelques années, à Neu- 
vy-sur-Baragnon. Il annonce que M. de Cessac, associé cor- 
respondant, offre d'envoyer des briques analogues trouvées près 
d'Aubusson. Sur les unes on lit les légendes : TVRBATVS EST; 
PANEM ET CIRCENSES; CAESAR; SPARTACVS. — Ces 
briques ont été fabriquées au XVI e ou XVII e siècle, pour déco- 
rer le château de Mazeau, construit dans le goût italien. Ce 
renseignement pourrait nous mettre sur la voie pour découvrir 
l'origine de briques analogues que possède le Musée de Ven- 
dôme ; leur origine ne nous a été indiquée que d'une façon très 
vague , elles paraissent pourtant avoir été apportées de la même 
région. 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome ix, 2" fasci- 
cule. — Entre autres articles scientifiques ou littéraires, nous y 
trouvons des vers authentiques de la reine Marie Stuart, repro- 
duits par M. Malinowski, d'après un livre récemment publié par 
M. Gustave Pawlowski, conservateur de la bibliothèque de feu 
Ambroise-Firmin Didot. 11 ne s'agit plus d'une hardie super- 
cherie, du genre de celles que pouvait se permettre Meusnierde 
Querlon au XVIII' siècle; les trois pièces de vers vraiment 
dues à Marie Stuart ne répondront peut-être pas à l'idée poé- 
tique qu'on est habitué à s'en former, niais elles ont pourtant 
leur intérêt. 

Bulletin de la Société Danoise. N" 62, octobre 1881. — L'Ab- 
baye de l'Aumône ou le Petit-Citeaux, tel est le titre d'un rné- 



- 20 — 

moire où M. Ch. Cuissard examine brièvement l'histoire d'un 
monastère cistercien qui jeta un certain éclat pendant le moyen 
âge, dresse le catalogue de ses abbés et donne la liste de ses 
possessions. Le monastère de l'Aumône, qui dépendait autrefois 
du diocèse de Chartres, était situé dans la forêt de Marchenoir 
(Silealonga ou Siloalonia), aujourd'hui commune de la Colombe, 
arrondissement de Blois. Ce nom de V Aumône, que nous trou- 
vons déjà au XI e siècle dans le Cartulaire vendomois de Mar- 
moutier, était celui du lieu où l'abbaye fut bâtie plus tard; par la 
suite, l'importance qu'elle acquit lui fit donner le surnom du 
Petit-Citeaux. Elle avait dans le Vendûmois d'assez nombreu- 
ses possessions qui lui venaient de la libéralité des religieux de 
la Trinité, des comtes de Vendôme et d'autres personnages, tels 
que Payen de Mondoubleau, Ursion de Fréteval, Barthélémy de 
Vendôme, etc. 

Par une convention relatée dans une charte du mois de mars 
1261, conclue entre l'abbé de l'Aumône et Reginald (Regnauld), 
abbé de la Trinité, ce dernier est autorisé à extraire des car- 
rières de la Chappe les pierres dont il a besoin pour 4a construc- 
tion de son église ( ....Nobis concesserint ut possimus lapides 
extrahere ad fabricam ecclesiœ nostrae, de lapidicina sua juxta 
rupem suam de Cappa). Malheureusement M. Cuissard, qui cite 
l'origine de tous les autres documents qu'il reproduit, ne donne 
pas la provenance de cette charte, qui a pour nous un certain in- 
térêt ; elle pourrait en effet servir à fixer la chronologie des di- 
vers abbés du nom de Regnauld que l'abbé Simon cite d'après le 
Père Sirmond, sans oser affirmer l'époque où ils ont vécu. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. N° d'oc- 
lobre 1884. Procès-verbaux. 

Bulletin de la Société Archéologique et historique de l'Or- 
léanais. 2 a trimestre de 1884. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 2 e trimestre 
de 1884. 

Bulletin de la Société Archéologique de Nantes. Tome xxm 
(1881), 1 er semestre. — Très intéressant compte rendu des fouil- 
les faites par la ville de Nantes dans le chœur de la cathédrale. 
Elles ont mis à jour une curieuse crypte ou église basse, fort bien 



21 

décrite, arec planches à l'appui, par M. de Montfort, architecte, 
qui a fait de ce travail l'objet d'une lecture à la Sorbonne en 
1884. Cctte f -crypte, dont la construction ne peut être postérieure 
à la fin du*XP ou aux premières années du XII" siècle, offre un 
haut intérêt archéologique, et sa conservation serait extrême- 
ment désirable. — Etudes et discussions sur l'emplacement de 
Granone, Granonum ou Granona, et le Tractus armoricanus, 
par MM. Pierrion, Orieux et l'abbé Gallard. — Véritable ortho- 
graphe du nom du célèbre sculpteur Michel Colombe, ù propos 
d'un sonnet de M. Emile Grimaud. 

Comité Archéologique de Sealis. Tome vm, année 1882-83. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de 
l'Yonne. Année 1884. — Dans la première partie (Sciences histo- 
riques), pp. 65-256, la Société entreprend la publication des ca- 
hiers des paroisses du bailliage d'Auxerre pour les états géné- 
raux de 1789, avec une introduction par C. Demay. Dans la se- 
conde partie (Sciences naturelles), on trouvera un article inté- 
ressant : Les Explorations marines à de grandes profondeurs, 
par M. G. Cotteau. L'auteur adresse à la Société un compte 
rendu de ses visites à l'exposition si intéressante faite au Mu- 
séum de Paris des collections recueillies dans les explorations 
sous-marines du Traoaileur et du Talisman, sous la direc- 
tion de M. Alph. Milne-Edwards (1880-1883). 

Société de Secours des Amis des Sciences. Compte rendu des 
23 e et 24« exercices, le 10 avril 1884. 

Conseil général de Loir-et-Cher. Session d'août 1884. 

IV. — Abonnements et Acquisitions : 
Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchct. (Suite.) 

Bulletin Monumental. Tome xn, N " 6 et 7. — Mgr Barbier 
de Montault continue l'examen du trésor de la basilique de 
Monza, et décrit un curieux reliquaire du VII* siècle, en forme 
de molaire, destiné à contenir une dent de saint Jean-Baptiste. 
— M. Anthyme Saint-Paul donne un second article sur la Re- 
naissance en France, à propos du magnifique livre de Léon 
xxiv. 2 



Palustre. — La Chronique est consacrée au compte-rendu de la 
51 e session du Congrès Archéologique à Pamicrs, Foix et Saint- 
Girons, en 1884. 

Matériaux pour l'Histoire de l'Homme. Troisième série , 
tome i (novembre 1884). — Nous avons lu avec intérêt dans ce 
Numéro l'étude sur les chiens domestiques dans l'ancienne 
Egypte, par M. Zavorowski, ainsi que l'examen critique du livre 
de M. Alex. Bertrand : La Gaule avant les Gaulois, par M. Car- 
tailhac. 

Reçue Archéologique. (Suite.) 



E. N. & L. M. 



Remerciements sincères à tous les donateurs que nous venons 
de nommer. 



— 23 



M. G. Launày, président sortant, prononce le discours suivant: 

« Messieurs et chers Collègues, 

« Eu acceptant, il y a trois aus, à la môme époque, 
la Présidence de la Société Archéologique du Vetado- 
mois, j'émettais la crainte de me voir investi parvous 
de fonctions que mon âge allait rendre un peu lourdes 
à remplir. 

« J'ai failli, un an après, voir mes prévisions se 
réaliser, sans pourtant porter atteinte à la marche ré- 
gulière de la Société, grâce au choix du collègue bien- 
veillant et actif que l'on m'avait adjoint comme vice- 
président (1), et que je ne puis trop remercier de son 
dévouement et de son précieux concours. 

« Nous allons aujourd'hui quitter ensemble nos fonc- 
tions, avec l'intime conviction de les voir passer en 
bonnes mains, du moins quant au président nommé 
récemment par l'assemblée générale du mois d'octobre 
dernier. Nous avons d'avance pleine confiance dans le 
choix du vice-président que le Bureau est appelé à 
faire dans sa prochaine réunion. 

« La Société a déjà eu occasion de voir à l'œuvre 
notre collègue M. de Rochambeau dans les mêmes 
fonctions. Elle a pu apprécier son dévouement, qui 
date de la fondation, et son active participation aux 
travaux de notre Bulletin. 

« La Société, pendant les trois ans de ma présidence, 
a fait des pertes sensibles, qu'il faudra s'efforcer de 
combler. Tous nous avons pu apprécier le vide fait 
dans nos rangs par la mort de M. de Salies } donl te 
nom se trouve presque à chaque page de notre Bulle- 
tin. Une voix très autorisée {2) lui a consacré un ar- 

(1) M. I'snârd. 

(2) Voir le Bulletin d'avril 1883; page 71. 



— 24 — 

ticle nécrologique, appréciant à sa juste valeur le sa- 
vant distingué, l'écrivain fécond et l'homme privé, 
mort le 16 mars 1883, à l'âge de 67 ans. 

« A la fin de la même année, nous avons perdu un 
collègue dont la Société pouvait être fière, au double 
titre de savant et de compatriote, M. Yvon Villqr- 
ceau, membre de l'Institut, dont un éloge en quelques 
lignes n'est pas à faire, ici, après les nombreux et 
éloquents discours prononcés sur sa tombe par les 
membres de l'Académie des Sciences, si justes appré- 
ciateurs de ce regretté savant. Disons toutefois que 
nous perdons en lui un collègue qui, malgré ses nom- 
breux travaux, trouvait encore le temps d'enrichir 
notre Bulletin du fruit de ses recherches, et un com- 
patriote des plus bienveillants. 

« Ce n'est pas sans une certaine émotion que je vois 
arriver au bout de ma plume le nom d'un ancien col- 
lègue pour nous tous, et d'un bien vieil amf pour moi, 
M. Charles Chautard, dont la perte n'a pas seule- 
ment fait un vide dans notre Société, mais dans tou- 
tes les administrations dont il faisait partie, et où il 
apportait une grande droiture d'esprit et une intelli- 
gence prompte à saisir toutes les questions. 

« La Société perd en lui un poète charmant, dont 
la réputation avait pu franchir les limites de son pays, 
en lui faisant obtenir de l'Académie française une men- 
tion des plus honorables (1). 

« Nous ne passerons pas sans mentionner la perte 
d'un modeste collègue, M. Rabouin, d'Herbault, qui, 
retiré des affaires, avait su occuper ses loisirs à ré- 
colter des notes intéressantes sur les communes de 
Landes et d'Herbault, dont le Bulletin a fait mention. 

« Il nous reste encore à signaler la perte récente 
d'un compatriote éloigné depuis longtemps de sa ville 

(1) M. le Maire de Vendôme a prononcé sur sa tombe, le 2 no- 
vembre dernier, une oraison funèbre très appréciée. 



— 25 - 

natale, pour laquelle il avait toujours un véritable at- 
tachement: M. Paul Bouchet, frère de notre savant 
collègue M. Ch. Bouchet, vient de mourir au Mans, 
dans sa 68 e année, après avoir exercé pendant plus 
de trente ans les fonctions d'architecte du département 
de la Sarthe, où il avait su conquérir l'affection et 
l'estime de tous ceux qui l'approchaient, et qui savaient 
apprécier son rare mérite, sa modestie et sa loyauté. 

« Nous citions plus haut son attachement à sa ville 
natale. Il vient d'en donner une preuve bien convain- 
cante. 

« Par son testament, il lègue au Musée de Ven- 
dôme une collection qui ferait envie à un musée de 
premier ordre, en faïences, tableaux et dessins. La col- 
lection des faïences, à elle seule, comprend 116 piè- 
ces, dont plusieurs, d'après l'estimation d'experts, at- 
teignent des valeurs très élevées ; celle des tableaux 
et dessins compte 46 pièces, en tout 162 articles, ve- 
nant s'ajouter à notre Musée de récente création, dont 
l'importance est déjà fort appréciée, grâce à l'intelli- 
gence et au goût éclairé de notre zélé conservateur (1). 

a Malgré les pertes en sociétaires que nous venons 
d'énumérer, constatons, en même temps, que, par suite 
des admissions récentes, nous nous maintenons tou- 
jours à peu près au même chiffre. 

« Un travail important et qui n'attend plus que les 
ressources nécessaires à sa publication, savoir le Car- 
tulaire de Marmoutier pour le Vendomois, accompa- 
gné d'une introduction et de notes érudites, est actuel- 
lement terminé. 

« Nous le devons au zèle éclairé de M. Aug. de Tré- 
mault, et au concours de M. Louis Martellière, qui a 
bien voulu en collationner avec lui sur l'original, en- 
voyé gracieusement par M. le Ministre de l'Instruc- 
tion publique. 

(1) M. L. Martellièi-e. 



— 26 — 

« Ce que nous voudrions aussi pouvoir signaler, 
c'est un nombre suffisant de travailleurs se dévouant 
à la rédaction de notre Bulletin, qui seul fait connaî- 
tre et apprécier notre Société aux membres étrangers 
à notre localité, et ce sont les plus nombreux. 

« C'est encore la valeur de notre Bulletin, dont la 
réputation est répandue au loin, qui nous attire de la 
part de Sociétés de nouvelle création des demandes flat- 
teuses d'échange de nos publications. 

« En faisant appel à de nouveaux collaborateurs, 
il y a lieu, de les rassurer, en leur disant que les su- 
jets à traiter sont encore loin d'être épuisés. 

« Le titre lui-môme adopté par la Société ouvre une 
mine qui se prête à tous les genres de recherches. 

« L'archéologue et l'historien trouveront en outre 
une ample récolte à faire dans l'étude du passé' d'une 
foule de communes de notre arrondissement, méri- 
tant à elles seules une intéressante monographie, tant 
sous le rapport monumental que sous celui des cu- 
rieuses légendes que la plupart d'entre elles renfer- 
ment. 

« Est-ce que l'histoire des anciennes demeures féo- 
dales de nos contrées, et surtout celle de leurs sei- 
gneurs, ne serait pas un sujet attrayant à étudier? 

« Fréteval, Lavardin, Mondoubleau, Montoire, at- 
tendent toujours qu'on exhume leur passé historique. 

« Est-ce que, dans un autre ordre d'idées, le magis- 
trat n'aurait pas à nous faire connaître les annales 
judiciaires de notre pays, et les formes employées au 
moyen âge pour arrivera la découverte de la vérité? 

c Est-ce que quelque érudit en matières religieuses 
ne trouverait pas un certain intérêt à reproduire l'his- 
toire de nos anciennes communautés, et surtout celle 
d'une secte nombreuse dite des dissidents, qui a, eu 
quelque sorte, pris naissance dans notre ville, et dont 
les traces sont à peine disparues? 



— 27 — 

« C'est avec un sentiment bien naturel de curiosité 
que le public vendomois verrait retracer, devant lui, 
l'état du commerce et de l'industrie dans nos contrées, 
aux époques antérieures à la nôtre. 

« Nous n'en finirions pas si nous voulions épuiser 
la série des sujets restant encore à traiter, et qui au- 
raient un grand attrait pour les lecteurs du Bulletin. 

« Espérons que notre appel sera entendu, et que nos 
collègues éprouveront une sorte de fierté, en voyant 
qu'une Société comme la nôtre, fondée dans un sim- 
ple chef-lieu d'arrondissement, compte déjà vingt-trois 
ans d'existence, avec des succès qu'on n'osait espérer 
au début. » 



11 est procède à l'élection d'un membre du Bureau, en rempla- 
cement de M Ch. Chautard, décédé. 

M. Malardier, ancien juge de paix, a été élu à l'unanimité. 



Il est procédé à l'installation des membres du Bureau nommés 
à la réunion générale du i) octobre 1884, conformément aux. 
statuts. 

Le Bureau pour l'année 1885 est ainsi composé : 

MM. de Rochambeau, président ; 

de Maricourt, vice-président ; 

Soudée, secrétaire ; 

A. de Trémault, trésorier; 

L. Martellière, conservateur ; 

Nouel, bibliothècaire-archioiste ; 

Charpentier ; 

Chanteaud ; 

l'abbé Roulct ; 

Malardier. 

Mascarel ; 

Saint-Martin. 



28 



M. le Marquis de Rochambeau prend place au fauteuil de 
la présidence, et s'exprime en ces termes : 

« Messieurs, 

« En remplaçant à la Présidence de notre Société le 
maître que tous ici entourent de respect et d'affection, 
je me sens pénétré de reconnaissance pour l'honneur 
que vous me faites, et je vous en remercie. 

« Notre Société a déjà vingt-trois ans de vie, et, pour 
la troisième fois, vous me chargez de son existence; 
je ferai de mon mieux pour lui donner une santé pros- 
père, et, avec l'aide de mes collègues du Bureau, nous 
y arriverons. 

« Le passé est encourageant; faire de l'archéologie, 
de l'histoire et de la science, mais n'est-ce pas une 
agréable occupation dans notre Vendomois, où les ma- 
tériaux se rencontrent à chaque pas? 

« D'abord, les pierres taillées dont notre région est 
devenue la terre classique, des dolmens, des polissoirs, 
des haches... on en trouve un peu partout, et le champ 
est ouvert aux luttes scientifiques, luttes longues et 
difficiles, comme toutes celles qui dérivent d'induc- 
tions. 

« Après les Gaulois, les Romains ; après les Ro- 
mains, les Francs ; après les Francs, le moyen âge : 
parcourez notre ville, nos bourgs, nos hameaux, vous 
verrez partout des traces de leur passage; partout l'his- 
toire est écrite sur la pierre, sur le bois vermoulu, 
sur les jaunes et vénérables parchemins. 

« Que d'hommes éminents cette occupation n'a-t-elle 
pas tentés ! 

« Qui ne connaît et n'admire les travaux de cette lé- 
gion de grands abbés de Vendôme, dont les Cartu- 
laires sont pour nos annales de si précieux docu- 
ments; les mémoires des du Bellav et les travaux 



— 29 — 

de l'abbé Simon, qui a laissé notre première histoire 
du Vendomois, et de Passac, et, par-dessus tout, 
l'œuvre cki savant de Pétigny, dont le gendre, M. de 
Froberville, vient de donner une édition usuelle, appe- 
lée à rendre de si éminents services aux travailleurs? 
Savant modeste autant que laborieux, l'ermite deVil- 
lelouet est, pour notre Société, un précieux auxiliaire; 
qu'il me soit permis de signaler ici, en passant, la 
Table analytique des vingt premières années de notre 
Bulletin, qu'il vient d'offrir à notre bibliothèque; de 
semblables travaux sont des œuvres de bénédictins, 
et méritent la reconnaissance de tous. 

« La science trouve aussi chez nous plus d'un ali- 
ment, et le Vendomois a produit, entre autres, des 
médecins célèbres, tels que René Chartier, l'éditeur 
d'Hippocrate et de Gallien, Charles Bouvard, médecin 
de Louis XIII, que Molière a si spirituellement mis 
sur la scène dans le Malade imaginaire. Après les 
médecins, les géologues: l'abbé Bourgeois n'est-il 
pas l'une de nos gloires les moins contestées ? Après 
les géologues, les naturalistes et les météorologistes ; 
et, à ce propos, nous sommes heureux de complimen- 
ter ici M. Emilien Renou, l'éminent directeur de l'Ob- 
servatoire Saint-Maur, qui vient d'être fait officier de 
la Légion d'honneur. 

« Un autre de nos collègues les plus zélés et les 
plus érudits, M. le Marquis de Nadail lac, vient d'être 
nommé membre correspondant de l'Académie des In- 
scriptions et Belles-Lettres. Je crois être l'interprète 
de tous ici en lui adressant nos sincères félicitations. 

« Notre Société, Messieurs, n'est pas seulement ar- 
chéologique et scientifique, elle est aussi littéraire. 
De tous temps, le Vendomois a produit des littéra- 
teurs et des poètes. Depuis un Mathieu de Vendôme, 
qui versifiait en latin au XII'' siècle, jusqu'au poète 
spirituel et charmant dont notre Société portera long- 
temps le deuil, M. Charles Chautard, que d'hommes 



— 30 - 

éminents ont accordé leur luth au doux murmure des 
eaux du Loir ! 

« RenéMâcé, dit le Petit Moine ; notre immortel Ron- 
sard, qui aimait tant son pays natal, et lui adressait, 
il y a juste trois cents ans, ce touchant adieu: 

Terre, adieu, qui la première 
En tes bras m'a reçeu, 
Quand la belle lumière 
Du monde j'appcrçeu ! 
Et toi, Braye, qui roules 
En tes eaux fortement, 
Et iojj, mon Loir, qui coules 
Un peu plus lentement ! 

Adieu, fameux rivages 
De bel esmail couvers, 
Et vous, antres sauvages, 
Délices de mes vers ! 
Et vous, riches campagnes, 
Où presqu' enfant je vg 
Les neuf Muses compagnes 
M' enseigner à l'envg ! (1) 

« Parlerons-nous d'Adam l'académicien, de Baudot 
de Jully l'historien un peu fantaisiste, d'Adrien de 
Sarrazin l'ingénieux romancier, de François Rouget 
le poète ouvrier? Une revue de ce genre nous condui- 
rait trop loin. 

« Qu'il nous suffise de vous montrer, Messieurs, 
l'exemple que vous ont largement donné nos devan- 
ciers, et de vous engager à suivre leurs traces. 

« En avant la jeunesse vendomoise! Prouvons aux gé- 
nérations qui vont nous succéder que nous ne sommes 
ni moins intelligents ni moins studieux que nos pères, 
et que nous comprenons aussi bien qu'eux les mer- 
veilleux avantages dont la Providence a gratifié notre 
beau pays! » 

(1) Ronsard, les Odes, livre IV, ode; 3. Au pays Vendomois, 



ÉP1GRAPHIE & ICONOGRAPHIE 

VENDOMOISES 
Par M. le Marquis de Rochambeau. 



Messieurs, 

Ce titre Epigraphie & Iconographie vendo- 

moises n'est pas celui d'un article, c'est le titre d'un livre. 
En publiant ce livre, nous avons l'intention de sauver de 
l'oubli les pierres tombales, épitaphes, cloches, sceaux, in- 
scriptions et devises horaires, armoiries, vitraux, litres, por- 
traits, peintures, etc., qui existent ou ont existé dans le Ven- 
domois, et ont un intérêt historique quelconque. Que de noms, 
que de faits, ces inscriptions et ces images ne rappellent-elles 
pas? Généalogies, art héraldique, détails de costumes et 
d'armement, organisations communales et autres, dignités de 
tout ordre et de toutes sortes, on y trouve un petit peu de tout, 
c'est de l'histoire en action. Voilà plus de vingt ans que nous 
collectionnons ces notes : depuis cette époque, quelques-uns 
de ces monuments ont disparu, et nous sommes d'autant plus 
heureux d'en avoir conservé l'image ou la description. 

Nous passerons en revue toutes les parties intéressantes de 
l'arrondissement, et nous procéderons suivant les divisions ad- 
ministratives par cantons et par communes. Nous commence- 
rons naturellement par le chef-lieu d'arrondissement, par 
Vendôme, et nous parlerons de la collégiale de Saint-Georges, 
du monastère de la Trinité, des différentes paroisses, chapelles, 
monuments ci\ ils, etc. 

Nous comptons sur la gracieuseté de nos collègues pour 
nous aider à rendre notre travail aussi complet que possible, 



— 32 - 

en nous indiquant tout ce qui leur paraîtra susceptible de l'en- 
richir. Il est trop long pour que la Société puisse le publier 
in extenso; notre budget n'y suffirait pas, et le Bulletin y per- 
drait beaucoup de variété. Nous nous contenterons donc d'en 
donner quelques extraits, renvoyant, pour le reste, au volume 
qui paraîtra probablement dans le courant de l'année qui 
commence. 



ÉGLISE COLLÉGIALE DE SAINT-GEORGES 

Geoffroy Martel, comte de Vendôme, vers l'an 1032, 
s'était acquis, encore très jeune, une grande réputa- 
tion d'audace et de bravoure. 

Il avait épousé Agnès de Poitiers, sa parente, et ce 
mariage avait été contracté contre les lois de l'Eglise. 
Animés toutefois d'un esprit de foi profonde, les nou- 
veaux époux essayèrent cle se faire pardonner leur 
faute, et bâtirent dans ce but le monastère de la S te - 
Trinité de Vendôme. Puis Geoffroy, sentant en lui le 
besoin d'expiation, entreprit le voyage cle Rome. Mais 
sa réputation l'avait précédé dans la ville de saint 
Pierre ; sollicité par l'empereur Michel le Paphiago- 
nien de l'aider à chasser les Sarrazins de l'Italie et de 
la Sicile, il guerroya dans ce pays et s'y couvrit de 
gloire. 

Il avait laissé à Agnès le gouvernement de ses États; 
pendant l'absence de son mari, la comtesse de Ven- 
dôme habita continuellement le château qui domine la 
ville, et nos vieux historiens locaux disent qu'elle s'y 
plaisait beaucoup. Une. seule chose la fatiguait, c'était 
d'être obligée de descendre du sommet du coteau qu'elle 
habitait, pour aller entendre la messe à Saint-Martin, 
alors la seule paroisse de Vendôme ; afin de remé- 



— 33 — 

dier à cet inconvénient, elle fit bâtir, vers l'an 1035, 
une chapelle dans la cour même du château. 










Chapelle, puis Eglise collégiale de Saint-Georges, d'après un dessin 
du temps (inédit). 



De retour de son expédition, Geoffroy Martel agran- 
dit la chapelle, et y déposa un des plus précieux souve- 
nirs de son voyage, un reliquaire contenant un bras de 
saint Georges, patron des chevaliers. 

Puis, en 1047, il la fit consacrer et placer sous le vo- 
cable du saint dont elle possédait une si importante 
relique. Il institua un chapitre pour la desservir, et lui 
donna pour armoiries : « D'azur semé de fleur* de 



— 34 - 

lys d'or à un dextrochèrc de sable tenant un guidon 
d'argent, à une croix de gueules. 

En 1428, Louis I" 1 ' de Bourbon, 22 e comte de Ven- 
dôme, y forma plusieurs prébendes canonicales et qua- 
tre vicariats ou sous-prébeudes; puis, eu 1440, il y éta- 
blit les quatre dignités de prévôt, sous-chantre., tréso- 
rier et chancelier ; en sorte que le chapitre se trouva 
composé de 20 chanoines, 4 vicaires, 16 chapelains, 
2 clercs sacristains et 7 enfants de chœur ; ce qui faisait 
49 bénéficiaires à la nomination et à la collation des 
comtes et ducs de Vendôme, excepté le maître de musi- 
que, nommé par le chapitre. Il y avait 16 chapelles fon- 
dées, mais réunies par la suiteaux canonicats, et dont, 
par conséquent, les titulaires n'augmentaient pas le 
nombre des chanoines etbénéfieiers. 

En 1641, le chapitre de S'- Georges se composait 
d'un doyen, un chantre, douze prébendiers, trois vi- 
caires et un nombre illimité de chapelains \i). 

En 1662, c'était la troisième église collégiale du dio- 
cèse de Blois. Son chapitre était composé de six di- 
gnitaires, douze chanoines, huit prébendiers, et des 
chapelains. Tous les bénéfices étaient conférés par les 
princes de la Maison de Vendôme; toutefois, le chapi- 
tre avait droit de nommer quatre des vicaires et le maî- 
tre des enfants de chœur (2). 

En 1665, le chanoine du Bellay était chantre de St- 
Georges, et écrivait le Calendrier historique et chro- 
nologique de la collégiale. 

Au commencement de ce travail, il définit ses fonc- 
tions d'une manière intéressante. 

«Quand j'ai commencé ce calendrier, dit-il, mon uni- 
que pensée était de m'acquitter de la charge affectée 



(1) Pouilltj du diocèse de Chartres. 

(2) Mémoires des intendants des généralités provinciales 
adressés à Colbcrt, en 16(32. Manuscrit de la bibliothèque de 
l'Arsenal, ù Paris. 



- 35 — 

à la dignité de chantre que je possède, laquelle con- 
siste en trois points : 

« Le premier est de mettre par ordre les fêtes dont 
on doit taire l'office dans le chœur de cette église . . 

« Le second est de remarquer les devoirs et les obli- 
gations particulières des dignités des chanoines, des 
chapelains et des vicaires ; 

« Le troisième est défaire connaître au chœur les fon- 
dations des bienfaiteurs afin qu'il y soit satisfait. » 

En 1699, la communauté des religieux de S^Geor- 
ges portait : « Tiercé en bande dartjent, de vair et 
d'or. » 

La chapelle de S '-Georges avait été remaniée à dif- 
férentes époques. La nef et le portail, œuvre des pre- 
miers comtes, remontaient au XII e siècle; le reste, dû 
en grande partie à Marie de Luxembourg, datait du 
XV e . On v vovait ses armes et celles de son mari, tan- 
tôt à la clef, tantôt à la naissance des voûtes. Le 
sanctuaire et le chœur étaient surmontés d'un clocher 
de pierre assez élevé et recouvert d'ardoises ; la fou- 
dre le frappa en 1784 ; toute la partie en bois ayant 
été brûlée, on ne conserva que la tour en pierre, que 
l'on recouvrit d'un toit plat et disgracieux. 

En entrant dans la nef, on trouvait à droite la ma- 
trice en pierre de l'ancien boisseau de Vendôme, me- 
sure de capacité pour les grains, qui valait 19 livres 
et fut en usage à la halle de Vendôme jusqu'en 1789. 
Il y avait un autre étalon du même boisseau, en cui- 
vre rouge, déposé chez le fermier du chapitre, qui per- 
cevait un droit de poinçonnage sur les fabricants. 

S'-Georges jouissait, entre autres prérogatives, du 
titre d'insif/zie église, qui lui avait été confirmé par plu- 
sieurs rois, et qui lui donnait la préséance sur les au- 
tres corps ecclésiastiques dans les cérémonies publi- 



- 36 — 

ques de la ville. Comme conséquence, le chapitre était 
autorisé à exercer les droits curiaux dans l'enceinte 
du château; aussi voyait-on, à gauche en entrant dans 
l'église, des fonts baptismaux. 

Vers le milieu de la nef, à droite, était le tombeau 
d'un supérieur des Beghards ou Béguins, religieux du 
Tiers-Ordre de S'-François, qui avaient une maison 
dans la rue Renarderie, à Vendôme ; ils furent suppri- 
més par le Concile de Vienne,, en 1312. 

Marie de Luxembourg fit établir dans cette nef un 
lambris en bois, et y plaça un grand crucifix, qui pas- 
sait à cette époque pour un chef-d'œuvre de sculpture. 

A gauche, au-dessus de la sacristie des clercs, il y 
avait un grand buffet d'orgues, qui était fort ancien ; 
les tuyaux de la moitié du positif étaient en argent. 

La nef se terminait par un jubé en bois, dans lequel 
étaient pratiquées trois portes, une grande et deux pe- 
tites, qui conduisaient au chœur du chapitre. 

De chaque côté de l'autel, il y avait deux autres por- 
tes, l'une menant à la chapelle de la S te -Vierge, et 
l'autre à celle de S'-Jean. Les chapelles les plus re- 
marquables étaient celles de la S te -Vierge, de SVJean, 
de S'-Pierre et de S'-Blaise. 

Toutes les verrières portaient les armoiries des do- 
nateurs. 

La collégiale de St-Georges était surtout intéres- 
sante par la quantité et l'importance des tombeaux 
qu'elle renfermait. Les cercueils en plomb des comtes 
et ducs de Vendôme étaient dans des caveaux voûtés, 
sous l'église; sous l'abside on voyait les tombeaux des 
Bouchards, et sous le sanctuaire étaient ceux des Bour- 
bons. La principale entrée des caveaux était entre le 
sanctuaire et le chœur; ils étaient couverts de mau- 
solées, dont plusieurs étaient des monuments fort re- 
marquables, qui faisaient de cette nécropole une véri- 
table succursale de Saint-Denis. 



— 61 — 

Suivent la description des tombeaux et les épita- 
phes de : . 

Foulques Loison, 5 e comte de Vendôme ; 
Jean I er , 10 e comte — 

Pierre I er , 15 e comte — 




Tombeau de Pierre I", if* comte de Vendôme. ('Bibliotb. Nation., Gaigniéres, 

Tombeaux, t. XIV,f> 94.) 

xxiv .'{ 



Bouchard V, 
Bouchard VI, 
Bouchard VII, 

et sa fille ; 
Jean VII, 



— 38 - 

16 e comte de Vendôme; 

18 e comte 

20 e comte, avec sa femme Isabelle 

21 e comte, et Catherine sa femme; 




Tombeau de Jean VII de Bourbon, I er du nom, comte de la Marche et 21 e comte 
de Vendôme, et de Catherine sa femme. 
(Biblioth. Nation. Gaigmires, Tombeaux, t. I,J°S7-) 



- 39 — 

Louis de Bourbon, 22 e comte; 

Jehan de Bourbon, 23 e comte ; 

François I e1 ' de Bourbon, 24 e comte, et Marie de 

Luxembourg ; 
Charles de Bourbon, 1 er duc de Vendôme; 
Antoine de Bourbon, 2 e duc — 

Louis cardinal de Vendôme, etc. 

Nous avons copié dans le fonds Gaignières, à la Bi- 
bliothèque Nationale, tous les dessins des tombes que 
nous y avons trouvés, et les épitaphes dans les Epi- 
taphiers de la Bibliothèque Nationale et de la Bibliothè- 
que de l'Arsenal, complétés par le Père Anselme, 
l'abbé Simon, etc. 

Delà collégiale de S'-Georges dépendaient des pro- 
priétés rurales importantes, des fiefs, des droits et des 
prérogatives, qui constituaient des revenus considéra- 
bles. Duchemin delaChenaye, chroniqueur ou plutôt 
compilateur vendomois, a copié dans le cérémonial de 
la collégiale le récit des cérémonies pratiquées le jour 
de la S*-Georges et six mois, après, le 23 octobre, jour 
de la dédicace. 

Ce jour-là, le doyen montait à cheval, en soutane et 
manteau long, pour faire le tour de la ville. Le cortège se 
formait ainsi dans la cour du château : d'abord un 
niassier et un licteur qui ouvraient la marche, puis ve- 
nait le maire de Thoré ou un délégué de la collégiale 
pour le remplacer, et le receveur du chapitre; ensuite, 
on voyait s'avancer le maire de Cherchenoy, ci-devant 
fief du chapitre et de la paroisse de Saint-Rimay. Il 
avait l'épée nue à la main, et était vêtu d'un hoqueton 
de satin blanc. Enfin venait le doyen, accompagné d'un 
onde plusieurs chanoines. 

Pendant cette procession, la grosse cloche sonnait 
sans interruption. 

Le 23 avril, jour de la foire de S'-Georges, le cheve- 
cier percevait un denier (équivalent de la journée d'un 



— 40 — 

homme à cette époque) par chaque boutique, et un droit 
sur les denrées qui entraient dans la ville. 

Depuis longtemps, les chanoines ne percevaient pins 
ce droit; mais ils l'affermaient moyennant une rede- 
vance déterminée, et cet usage persista jusqu'à la révo- 
lution. Un chapelier de Vendôme, nommé Drouin, en 
fut le dernier fermier. 

La collégiale disposait d'un trésor considérable, que 
la piété des comtes et des ducs de Vendôme avait dès 
longtemps enrichi. Ce trésor fut dilapidé par Jehanne 
d'Albret. Manquant d'argent pour payer les soldats 
avec lesquels elle défendait et imposait la Réforme dans 
notre contrée, cette princesse s'installa au château de 
Vendôme, et en pilla la collégiale. En mai 1562, elle 
se fit apporter toutes les reliques de cette église avec 
leurs reliquaires, des chandeliers, des croix, des figu- 
res massives, des vases sacrés. Tout fut jeié au creuset, 
et des libéralités des comtes et ducs de Vendôme il ne 
resta plus que le souvenir. Jehanne en donna un récé- 
pissé le 27 mai 1562. Cette pièce curieuse a été retrou- 
vée par M. l'abbé Métais, qui l'a publiée dans le Bul- 
letin de la Société Archéologique, Scientifique et Lit- 
téraire du Vendomois (tome xx, année 1881, p. 297). 
En la lisant, on est émerveillé des richesses qui étaient 
entassées dans ce trésor, et des chefs-d'œuvre artisti- 
ques que la reine de Navarre ne craignit pas de sa- 
crifier à son fanatisme religieux. 

Il y avait seize chapelles dépendantes du chapitre 
de S^Georges. Toutes ces chapelles n'étaient pas dans 
l'église collégiale; l'une d'elles, celle de S-Sulpice, 
était bâtie au haut du faubourg S^Georges ou S l -Lu- 
bin, auprès d'une galerie creusée dans le roc et con- 
duisant au château. Elle fut détruite par les soldats 
d'Henri IV en 1589; mais l'église de S^Georges fut res- 
pectée, et la collégiale paraît s'être un peu relevée sous 
les rois de la branche de Vendôme. Nous avons publié, 
dans le Bulletin de la Société Archéologique du Ven- 



— 41 — 

domois (tome I er , année 1862, p. 55), le procès-verbal 
d'une cérémonie de translation de reliques, datée du 
30 août 168^, qui prouve l'importence que la collégiale 
de S'-Georges avait encore à cette époque. 

Mais cette période de relèvement ne devait pas être 
de longue durée : les propriétaires du château, occupés 
d'intérêts plus graves, abandonnèrent petit à petit cette 
résidence. Les chanoines, privés de leurs bienfaiteurs, 
virent chaque jour diminuer leurs ressources. Il leur 
fallut subvenir eux-mêmes aux frais du culte et à l'en- 
tretien de leur église ; c'était la misère. 

A cette époque, tous les tombeaux et mausolées 
étaient dans un état de délabrement qui faisaitpeu hon- 
neur au zèle des chanoines chargés de leur garde. On 
raconte qu'en 1748, le maréchal de Maillebois étant 
passé à Vendôme, désira les visiter, et ne fut pas peu 
surpris de les trouver presque tous ouverts et exposés 
aux déprédations les plus scandaleuses. Le maréchal 
en fit son rapport au roi, et ne tarda pas à venir de la 
Cour des recommandations formelles qui rappelèrent le 
chapitre à une plus stricte observation de ses devoirs. 
Mais les chanoines ne pouvaient plus vivre, et allaient 
être obligés d'abandonner leur poste d'honneur. 

L'autorité épiscopale s'émut de cet état de choses, et 
Monseigneur de Crussol, évèque de Blois, consentit à 
éteindre et à supprimer pour jamais les titres des seize 
chapelles de S l -Georges. Il unit, pourl'avenir, les reve- 
nus desdites chapelles supprimées aux recettes com- 
munes, afin qu'ils profitassent à tous les chanoines et 
vicaires présents à l'office divin. Mais cette augmenta- 
tion n'était que fictive, et ne sortait pas d'embarras les 
chanoines de S^Georges. Monseigneur de Thémines 
leur fournit un moyen plus efficace d'augmenter leurs 
revenus. Ce prélat avait formé le projet d'unir au cha- 
pitre de sa cathédrale et à son séminaire l'abbaye de 
la S le -Trinité de Vendôme, dont les domaines produi- 
saient 50,000 livres de rente environ. 



- 42 - 

Dès qu'ils apprirent les prétentions de l'évèque de 
Blois, les chanoines de S'-Georges firent une demande 
analogue. Leur requête, appuyée par l'évèque de Séez, 
et Monsieur frère du Roi, ayant accordé son consente- 
ment, leroi autorisa, par brevet du20 août 1786, « l'ex- 
<( tinction et suppression du titre de l'abbaye et réunion 
« d'icellepour moitié à la ditte église du chapitre. » 

Ce décret du roi de France fut confirmé par une bulle 
du pape Pie VI, donnée à Rome le 14 des calendes de 
juillet 1789. C'était, sinon l'ancienne splendeur de la 
collégiale de S^Georges, au moins la garantie d'émo- 
luments suffisants pour les chanoines et pour l'entre- 
tien de l'église. 

Le chapitre de S'-Georges se composait alors de onze 
chanoines, sept chanoines hebdomadaires et quatre 
vicaires chapelains. Voici les noms des onze cha- 
noines : 

MM. de Lesèche, doyen ; 

Chaponnet, chantre et syndic ; 

Le Brun, prévôt et fabricier ; 

Liger de la Tour, trésorier ; 

Beaussier, chancelier ; 

Marquet ; 

Jabre-Duplessis ; 

Bontault de Russi ; 

Courtin ; 

Saumairs ; 

Morillon. 

Les chanoines hebdomadaires étaient : 

MM. Moynerie, receveur du chapitre; 
Rouzet, secrétaire; 
Creté ; 

Gugellos, maître de musique ; 
Pinel; 
Noulin. 

Vicaires chapelains : MM. Cheron, Bidault, Bouzy 
et Bellanger. 



— 43 — 

La justice de S'-Georges avait pour dignitaires : 
MM. Godineau de l'Epau, bailli, Deschamps, procu- 
reur fiscal ;• et Breton, greffier. 

Tout ce clergé habitait la rue Ferme, qui était consi- 
dérée comme le cloître du chapitre ; on y voyait de 
très belles habitations, entre autres le Doyenné. Mais 
la révolution chassa pour toujours les religieux de la 
collégiale ; leurs salles de réunion devinrent le siège du 
district, et leurs cellules la première étape des cachots 
de la Conciergerie. On vendit nationalement les mai- 
sons des chanoines ; mais presque tous étaient des 
vieillards, et on mit pour conditions à la vente que les 
nouveaux propriétaires les y laisseraient mourir en 
paix. Ils y vécurent encore quelques années, et on les 
vit petit à petit s'éteindre, entourés de respect et de la 
vénération de tous. 

Monsieur de Lesèchc, le doyen, fut un des derniers 
survivants ; il mourut dans son doyenné âgé de plus 
de 81 ans. 



ABBAYE a- ÉGLISE DE LA TRINITÉ 



L'abbaye de la S te - Trinité de Vendôme a été, au 
moyen âge, un des plus célèbres et des plus riches mo- 
nastères de l'ordre de S'-Benoît. 

Fondé en 1034 par Geoffroy Martel, elle acquit rapi- 
dement une grande importance ; la piété de son fon- 
dateur et des comtes de Vendôme ses descendants, 
l'enrichit de biens et de privilèges considérai des. 
Geoffroy commença par construire le couvent, puis 
l'église et le clocher. On lit d'abord l'office dans une 
petite chapelle qui appartient aujourd'hui au quartier 
de cavalerie installé dans les bâtiments de l'abbaye, et 



— 44 - 

la partie des cloîtres qui est demeurée au génie mili- 
taire sert d'écuries et de cantines. On y voit l'ancienne 
salle capitulaire, communiquant d'un côté avec les cloî- 
tres et de l'autre avec la sacristie : cette salle, du XV e 
siècle, est divisée en trois grandes travées dans sa lon- 
gueur et en deux dans sa largeur; on peut se repré- 
senter l'effet magistral que devait produire une nom- 
breuse réunion de moines, vêtus de leur capuche noire, 
sous ces voûtes séculaires et sobrement éclairées par 
de sombres vitraux. 

On bâtit plus tard une autre chapelle, qui est au- 
jourd'hui la sacristie, après avoir servi d'église pen- 
dant plusieurs années. 

Les bâtiments de l'abbaye ont subi de fréquentes 
modifications: le Monasticon gallicanum de 1). Michel 
Germain, religieux bénédictin de la Congrégation de 
S'-Maur et collaborateur du P. Mabillon, en donne 
deux vues cavalières, dont la plus moderYie est datée 
de 1683 et signée du frère Guillaume de La Trem- 
blaye. Nous en donnons ci-contre la reproduction. 



LÉGENDE DE LA GRAVURE 



1. 


Grande cour de l'abbaye. 


15. 


Cloîtres. 


2. 


Parvis de l'église. 


16. 


Cour intérieure de l'abbaye. 


3. 


Eglise. 


17. 


Ecuries et greniers à fourrages 


4. 


Chapelle de N.-Dame de Pitié. 


18. 


Réfectoire des domestiques. 


5 


Grand clocher. 


19. 


Salle des aumônes. 


6. 


Maison des botes. 


20. 


Hôpital des pauvres. 


i . 


Cuisine. 


21. 


Canal. 


8. 


Bibliothèque au-dessus du réfectoire. 


22. 


Abbatiale. 


9. 


Grand dortoir. 


23. 


Jardin de l'abbé. 


10. 


Petit dortoir. 


24. 


Colombier de l'abbé. 


11. 


Salle commune. 


25. 


Ecuries de l'abbé. 


12. 


Infirmerie. 


26. 


Jardin de l'infirmerie. 


13. 


Lavabo. 


27. 


Grand jardin. 


14. 


Sacristie. 


28. 


Vivier. 



46 



Au commencement du XVIII e siècle, l'ancien prin- 
cipal corps de logis a fait place à celui que nous voyons 
aujourd'hui. Sa façade est encore ornée d'un cadran 
solaire, daté de 1772, avec cette inscription : Eheu, fu- 
gaces ! 

La construction de l'abbaye dura environ huit ans. 
L'enceinte était divisée en deux parties bien distinctes. 
Au sud de l'église abbatiale, dans l'emplacement oc- 
cupé par le quartier de cavalerie, étaient les lieux ré- 
guliers, les cloîtres, les salles de réfectoires et du cha- 
pitre, la bibliothèque, les archives, les logements des 
moines. 

Au nord, on voyait le parvis de l'église, auquel les 
vastes bâtiments des greniers servaient de clôture du 
côté de la ville, la cour de justice de l'abbé, les habi- 
tations des officiers laïques et des serfs domestiques 
du couvent, le cimetière des séculiers et les jardins 
qui s'étendaient jusqu'au Bourg-Neuf. Cette* partie de 
l'enceinte s'appelait la Galilée du monastère; elle ren- 




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pénètre des greniers de l'abbaye. 



- 47 — 

fermait toutes les constructions affectées à des usages 
profanes et aux besoins matériels de la communauté. 

Les greniers dont nous venons de parler formaient 
une ligne à peu près droite de hauts bâtiments, qui 
existent encore sur un des côtés de la place d'Armes; 
ils avaient ll m ,90 de large et 3 m ,30 sous poutres au 
premier et au second étage. Une grande porte était 
pratiquée à l'endroit même où commence la rue de 
l'Abbaye, actuellement entre la librairie Fouchcr et 
l'horloger Loyau. C'était la grande entrée de l'Ab- 
baye. 

En pénétrant par cette porte, on avait devant soi 
la grande place du parvis, la façade de l'église dans le 
fond, avec un mura gauche en regardant cette façade 
de manière à supprimer complètement le passage qu'on 
appelle aujourd'hui les cours de l'Abbaye; l'espace en- 
tre l'église et le clocher était également fermé. C'était 
sur cette place que se tenaient les grandes foires de 
S'-Lazare et de la Trinité. A gauche en entrant, la 
place formait une espèce de large rue qui conduisait 
au cimetière des Séculiers; à l'entrée de ce cimetière,, 
on construisit en 1060 la chapelle de SMYlichel ou No- 
tre-Dame de Pitié, spécialement destinée aux vassaux 
de l'abbaye. Elle fut rebâtie en 1070, et enfin complète- 
ment réédifiée vers 1848 par Madame la C tosse de Sour- 
dis. A côté était la case barbière, l'endroit où l'on fai- 
sait la barbe et les tonsures, et plus loin l'aumône- 
rie et différents services. 

A droite de l'entrée principale, entre les greniers et 
le clocher , l'espace était barré et formait l'entrée du 
monastère. A droite était la porterie, puis une longue 
cour représentée aujourd'hui par la rue qui conduit au 
quartier de cavalerie; au fonda gauche, un bâtiment 
circulaire et pyramidal, dont le toit était percé de dix 
cheminées cylindriques ; c'étaient les anciennes cuisines 
telles qu'on les retrouve dans tous les vieux monas- 
tères. A gauche était l'entrée du couvent. Cette pre- 
mière partie, a (Hé modifiée à la tin du XV e siècle; on 



— 48 — 

ouvrit la partie située entre le clocher et l'église, et 
on y fit la porte du monastère. 

L'ancienne entrée fut réservée aux pauvres gens 
secourus par l'abbaye ; le rez-de-chaussée des greniers 
fut consacré à des celliers pour serrer le vin et le 
bois, et à des écuries pour une vingtaine de chevaux. 
La cour était dite la Basse-Cour du monastère, et, à 
l'extrémité, à l'endroit où étaient les vieilles cuisines, 
il y avait un abreuvoir alimenté par une dérivation du 
Loir qui passait sous le bâtiment des greniers. Au 
rez-de-chaussée du clocher, il y avait uue teinturerie 
et, au premier étage, uue menuiserie; le côté de la 
cour opposé aux greniers appartenait au couvent, et, 
à une certaine distance des bâtiments, on avait établi 
une balustrade pour empêcher les pauvres d'approcher 
des fenêtres. Il paraît que les bons pères n'avaient 
pas une confiance absolue dans l'honnêteté de leurs 
clients; on voit, sur les vieux plans de l'abbaye, qu'il 
y avait au fond de cette même basse-cour une palis- 
sade pour mettre les poules à couvert durant les au- 
mônes générales. 

Mais entrons dans le couvent par la nouvelle entrée. 
A droite, voici la chambre du portier et la cousture- 
rie: l'usage des portiers tailleurs n'est donc pas nou- 
veau ; à gauche, Yoffîcine du dépositaire et un petit 
oratoire, en face la grande salle d'entrée, pour se ré- 
créer et se chauffer en hiver, puis la salle des hô- 
tes. Nous arrivons à une grande ligne de bâtiments 
parallèle aux cloîtres et à l'église, qui part des greniers 
et va jusqu'au jardin devant le dortier. On appelait 
ainsi, dans les couvents, une galerie divisée en cel- 
lules où les religieuxhabitaientetdormaient.il y avait, 
dans ces bâtiments, un poulailler, un fournil avec blu- 
terie au-dessus, la chambre du boulanger, la cham- 
bre du peintre-brodeur, une pièce pour laver et four- 
bir la vaisselle, la cordonnerie, une chambre pour les 
personnes de médiocre condition, une chambre et un 
réfectoire pour les serviteurs ; puis, après un passage 



— 49 — 

qui conduisait à la salle des hôtes dont nous avons 
déjà parlé, la cuisine de la communauté avec son 
puits eÇses décharges, et le grand réfectoire des reli- 
gieux avec sa chaire du lecteur, son petit réduit pour 
faire ses pénitences, et son servoir, par un tour, avec 
la cuisine. 

Ce réfectoire avait une porte donnant sur le cloître, 
au midi. Du côté opposé, était une cour, et de l'au- 
tre côté de cette cour, au midi, était la sellerie qui 
la séparait du grand jardin du monastère. Ce jardin 
était bordé à l'est par un grand vivier, et au midi par 
la rivière du Loir. Au-dessus du réfectoire, il y avait 
labluterie, l'apothicairerie, plusieurs chambres de ma- 
lades, une petite chapelle à leur usage, la cuisine et le 
réfectoire des malades, puis la grande bibliothèque, 
plusieurs chambres pour les hôtes et les officiers de 
l'abbaye. 

A angle droit sur le réfectoire, et, par conséquent, 
parallèle au côté oriental du cloître, il y avait un pro- 
menoir pour les jours de pluie, les lieux communs 
de la communauté, des bûchers, des celliers voûtés pour 
le vin et le beurre, des buanderies avec planchers sur 
le canal qui traversait l'abbaye, et des séchoirs pour 
laver et sécher les sergettes, vêtements de serge des 
bénédictins, des fruitiers et des serres pour les fleurs, 
puis la grande salle du chapitre et les sacristies. Au- 
dessus étaient le dortier dont nous avons parlé, les 39 
cellules des religieux, disposées sur deux rangs avec 
un couloir au milieu, et, à l'extrémité, la galerie du 
trésor. 

Au-dessus de la sacristie, étaient un grand vestiaire 
et le chartrier. 

A l'est de ces bâtiments était un petit jardin, dit jar- 
din de la sacristie, sur lequel donnait le petit dortoir, 
l'infirmerie, puis venait la maison de l'abbé avec tou- 
tes ses dépendances et son jardin particulier. Ce jar- 
din allait jusqu'aux grandes écuries qui se trouvaient 
dans l'endroit appelé aujourd'hui Cour de l'abbaye, à 



— 50 - 

gauche de l'abside de l'église. Il y avait, au même 
endroit, un grand bâtiment relié à l'église par la cha- 
pelle de S '-Michel, c'était la secretaineric ou maison 
d'habitation du sacristain. 

De tous ces édifices de la primitive abbaye, il no 
reste plus que le transept de l'église primitive et le 
clocher. 



Nous sommes obligés d'énumérer aussi rapidement 
que pour S'-Georges les tombeaux élevés dans l'église 
de la Trinité, renvoyant pour la description complète 
à la publication spéciale que nous annonçons dans 
l'avant-propos de ce travail. 

C'étaient celui de Geoffroy de Vendôme 3 e fils de 
Jean 10 e comte de Vendôme, de Jean de Buffa 23 e abbé 
de la Trinité; de Guy de Beauchamp fils de4rès noble 
et puissant homme Monseigneur Thomas de Beau- 
champ, comte de Warwick et maréchal d'Angleterre, 
mort le 28 avril 1360. 

Ce nom de Warwick a été illustré successivement 
par plusieurs personnages anglais qui n'appartiennent 
pas à la même famille, et à qui le comté de Warwick 
avait été transmis par alliance. Thomas de Beau- 
champ, comte de Warwick, dont il est question ici, 
est probablement le père de Richard Beauchamp, comte 
de Warwick, le favori d'Henri IV et d'Henri V d'An- 
gleterre, et l'un des bourreaux delà pucelle d'Orléans. 

La sépulture de ce seigneur anglais à Vendôme était 
faite pour nous surprendre, et nous nous sommes de- 
mandé quelles circonstances avaient amené cet étran- 
ger à reposer sur la terre de France. 

C'était, pour notre pays, un moment de dures épreu- 
ves ; les Anglais parcouraient nos provinces et les ra- 
vageaient sans cesse ; la bataille de Poitiers et la cap- 
tivité du roi Jean avaient mis le comble à nos désas- 
tres. Le 7 avril 1360, Edouard III était sous les murs 



- 51 



de Paris et tentait de s'en emparer; mais, voyant le 
duc Charles de Normandie, régent du royaume, dé- 
terminera se défendre vigoureusement, il ne jugea 





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Tombeau de Guy de Beauchamp 
(Bibllolb. Nation. Gaigniires, Tombeaux, t. XIV, f. ion.) 



- 52 - 

pas son armée assez solide pour en entreprendre 
le siège, et décampa le 12 avril pour entrer dans la 
Beauce et se rendre de là en Bretagne, où il comp- 
tait refaire son armée. Bonneval, Châteaudun, furent 
ses premières étapes, et les chroniqueurs rapportent 
que c'est aux environs de Vendôme que le trouvè- 
rent les courriers qui venaient lui annoncer l'heureuse 
issue des négociations entamées à Brétigny (1). A 
cette nouvelle, il retourne en arrière et revient le 8 



. 1:1ns ilnillin 1 fûTI? . r. t . r . . . ' 




Tombeau de Louis de Crevant, 32 e abbé de la Trinité. 
('Bibliot. nul. Gaignières, Tombeaux, t. XIV, f. yS.) 



(1) Chroniques de J. Froissart, édition de la Société de l'His- 
toire de France, publiée par Simon Luce, tome VI, p. iv. 



— 53 — 

mai à Brétigny, pour y confirmer le traité de paix 

conclu par ses plénipotentiaires. 

Evidemment Thomas de Beauchamp était un des 
huit barons qui accompagnaient le roi d'Angleterre; en 
voyant succomber son fils à Vendôme ou aux envi- 
rons, soit à quelque escarmouche, soit à une maladie 
ou à un accident, le maréchal anglais crut ne pouvoir 
mieux faire que de confier ses restes à notre grande 
abbaye. Edouard III s'intitulait déjà roi de France, et 
ses vassaux s'y regardaient comme chez eux, môme 
après leur mort. 



On voyait encore, à la Trinité, les tombeaux de 
Guillaume du Plessis 25 e abbé de Vendôme, de Pierre 
de Péruse 26 e abbé de Vendôme, d'Aymeric de Cou- 
dun 30 e abbé de Vendôme, de Louis de Crevant 32 e 
abbé de Vendôme, et d'Antoine de Crevant dernier 
abbé régulier. 

La seule pierre tombale qui ait été sauvée est au- 
jourd'hui encastrée dans le mur de la chapelle des 
fonts baptismaux, c'est celle du frère Octavian Galloys, 
cellerier de la Trinité. Son image est gravée en creux ; 
il est représenté en habit de chœur, les mains jointes. 
Autour de son portrait, on lit : 

« Ci gist le corps de frère Octavian Galloys en son vivant 
cellerier de céans qui décéda le 21 septembre 1510. » 

A ses pieds, ses armoiries: « D'or au fraisier de 
siaople, fruitté de gueules au croisant de sable ac- 
costé de deux molettes de même en chef. » 

La famille Galloys était originaire du comté de Blois 
et transplantée dans le Vendomois (1). 



(1) Cf. Bernier, Histoire de Blois, p. (522. 

XXIV. 



— 54 



CI GISTk E CORPS D E 

_ i I I l I ■■■III ■!■ m m, ,m ai *"**V i i-| 




Pierre tombale du frère Octavian Galloys 

On distingue aussi un fragment de pierre qui arc- 
couvert les dépouilles d'André, aumônier de la Trinité ; 



— oo — 

il n'eu reste qù'drié t'ête de mort avec ces mots : « Mé- 
mento mort respice jinem » et autour: « André, <t ti- 
monier de céans qui déc » 

Pour continuer notre tournée épigraphique clans l'é- 
glise de la Trinité, il nous faut monter au clocher. 

Hélas! notre vieux carillon de Vendôme a disparu; 
il n'en reste plus qu'une cloche, mais elle est fort belle, 
et sa note grave et sonore domine encore toutes les 
sonneries de la ville, comme le clocher en domine les 
monuments. 

Elle a 2"', 10 de diamètre à l'orifice et l ,n , 62 de hau- 
teur de la patte à l'extrémité du cerveau. 

L'inscription est écrite sur quatre lignes, et chaque 
ligne est séparée de la suivante par un double filet; les 
caractères sont des capitales romaines, ils ont 0,03 
de hauteur. Le commencement de l'inscription est mar- 
qué par une croix poteneée, et chaque mot est séparé 
du suivant par un fleuron encadré dans un cartou- 
che carré et représentant un vase de fleurs. 

Elle est ainsi conçue : 

« Anno dom. MDCC, sedem romaiiam tenente Innocen- 
tio XII, régnante Ludoolco XIIII, celsisslmo principi, 
Philippo de Yendosme melitensium in Galia supremo an- 
tistite, huius loti, abb., iterum conflata sum pond. XI M 
libri et Antonii decorata nomme, olim imposito ab An- 
tonio de Crevant abb. Fulgura compesco, vivos voco, 
plango sepultos, etsi défichant lumina, lingua, manus. 

noo. » 

« L'an du Seigneur 17i>0, sous le pontificat d'Innocent XII et 
le règne de Louis XIV, prince très puissant, Philippe de 
Vendôme étant chef suprême en France des chevaliers de 
Malte et abbé de ce lieu, j'ai été fondue de nouveau, do- 
tée du poids de onze mille livres et décorée du nom 
d'Antoine qui me fut donné jadis par Antoine de Crevant, 
abbé. J'arrête la foudre, j'appelle les vivants, je pleure les 
morts, quoique je sois dépourvue d'yeux, de langue et de 
mains. 1700. » 



— 56 - 

Au-dessous de l'inscription, se trouve une croix sur 
un socle élevé de quatre marches; sur ce socle, on lit 
cette inscription: « Jean Aubert de Lisieux m'a 
l 'aide. » Cette croix a m ,30 de hauteur totale. 

Jean Aubert de Lisieux, qui a fondu cette cloche, 
était le descendant d'une vraie dynastie de fondeurs, 
qui tous, de père en fils, portaient le môme nom, de- 
venu une sorte de raison sociale. Les églises de Nor- 
mandie possèdent encore beaucoup de cloches fondues 
par Jean Aubert, et depuis 1579 (cloche de Rugles) jus- 
qu'à 1723 (cloche de la Croutte), nous trouvons cette 
signature sur les cloches normandes. M. le docteur 
Billou a publié quelques pièces relatives à la famille 
Aubert de Lisieux; il y est question d'un Pierre Au- 
bert, fondeur canonnier qui vivait en 1562 et 1568. Il 
est probable que c'était le père du premier Jean Aubert. 
Dans le Vendomois, nous ne connaissons ^jue la clo- 
che de la Trinité et celle de Tréhet qui portent sa si- 
gnature 

La cloche du petit clocher porte cette inscription en 
beaux caractères gothiques : « Hector Lescot ma 
faict, 1584 », avec un écusson timbré d'un casque de 
profil blasonné : « D'azur à la fasce d'argent, accom- 
pagné de trois chandeliers d'or, 2 et 1 . « 

Ces armes sont sans doute celles du parrain de la 
cloche. Qui était-il ? Nous ne pouvons pas le dire 
d'une manière certaine; pourtant nous devons présu- 
mer que c'était Pierre Sared, seigneur de Moran, se- 
crétaire des finances de la chambre des comptes de 
Blois, qui portait ces armoiries, d'après un Mémoire 
pour les officiers de la chambre des comptes de Blois 
contre les officiers du Présidial de la même ville, 
mémoire rare et curieux qui appartient à M. Aug. de 
Trémault, et que ce dernier a bien voulu nous com- 
muniquer. 



M. CHARLES CHAUTARD 



Par M. Ch. BOUCHET 



* 



I. - BIOGRAPHIE. 

Nous venons ici, selon notre promesse, raconter 
simplement la vie et la mort d'un homme qui fut un de 
nos plus honorables citoyens, un de nos principaux 
sociétaires et collaborateurs, un administrateur habile, 
un poète éminent et un grand homme de bien. 

Nous terminerons par une analyse de ses ouvrages. 

Jacques -Charles Chautard naquit à Montoire 
(Loir-et-Cher), le 21 avril 1814. Il n'a jamais connu sa 
mère, qui sembla lui léguer en partant l'âme douce et 
bienveillante d'une femme. Son père était notaire dans 
cette petite ville ; c'était un homme simple et religieux, 
qui donna pour premier précepteur à son fils un ec- 
clésiastique fort distingué, M. l'abbé Garapin, plus tard 
vicaire général àBlois, et qui aurait été évoque s'il l'eût 
voulu. Partisan des doctrines gallicanes, esprit large et 
libéral, on eût dit que le maître s'était empreint sur son 
élève, si celui-ci n'eût été trop jeune pour subir une pa- 
reille influence. Il ne faut donc voir là qu'une analo- 
gie d'esprits et de sentiments; mais il est certain que 
cette alliance des idées religieuses et des idées libérales 
fut le rêve et l'idéal discret de M. Chautard. Pour qui 
regarde au fond des choses, c'est là sans contredit sa 
note dominante et comme la philosophie de cette exis- 
tence. 

En 1824, M. Chautard père vendit son étude, et vint 
se fixer à Vendôme. L'enfant fut mis dans une pension 
assez importante, située au fond du Bourg-Neuf, dans 
laquelle existait au XVI e siècle un jeu de paume (1). 

(1) Charte originale sur parchemin de 1522, de l u ' ) 02 de Ion- 



- 58 - 

D'une santé très délicate, le nouvel élève annonçait dès 
lors cette humeur pacifique et en même temps cet es- 
prit vif, enjoué, passablement satirique, qu'il montra 
toujours depuis. Simple spectateur des jeux de ses 
camarades, adossé contre un mur, au soleil, riant et se 
moquant des maladresses, on eût dit un petit philosophe 
grec, une sorte de Ménippe enfant (1). Il y avait ainsi en 
lui un mélange de raillerie inoffensive et de bienveil- 
lance, d'un caractère tout à fait original. — C'est là, sur 
ces premiers bancs^ que nous contractâmes cette ami- 
tié qui, à travers 60 ans d'âge et mille vicissitudes delà 
vie, ne devait s'éteindre qu'à la mort. En troisième, nous 
entrâmes au collège. Les externes n'y entraient qu'à 
ce moment de leurs études. C'était l'époque de sa 
plus haute prospérité. Les élèves y venaient en foule de 
tous les coins de la France et même des colonies et de 
l'étranger, de Dunkerque, de Bayonne, de l'Angleterre. 
Il y avait deux divisions en troisième, de chacune en- 
viron 30 élèves. Le système des études était sensible- 
ment différent de ce qu'il est aujourd'hui dans l'Univer- 
sité. Les exercices français y tenaient une beaucoup 
plus largo place. Nous faisions des vers au moins une 
fois par semaine, chose excellente pour former et assou- 
plir le style (2) ; il y avait des compositions et un prix 
en cette faculté (3). Chautard y excellait, et ce commerce 



gueur sur m ,58, en deux morceaux. Appartient à M. Mirault. — 
La pension est aujourd'hui l'une des écoles communales. 

(1) On se rappelle le rôle que joue ce mordant philosophe 
dans les dialogues de Lucien. 

(2) Nous regrettons que l'Université ne soit pas de cet avis, ;ï 
ce qu'il paraît, et que, imposant dans les lycées l'étude des 
grands poètes français, elle n'y enseigne même pas les règles 
de notre versification. 

(.'{) Il y avait égalementà Pâques une petite distribution où les 
premiers des hautes classes formaient une sorte d'académie, 
et lisaient dos morceaux littéraires, le plus souvent de leur 
composition. Ils décernaient ensuite des prix à leurs condisci- 
ples, d'après dus compositions qu'eux-mêmes, les académiciens, 
sous lu présidence du Directeur du collège, avaient jugées. — 



— 59 - 

avec fa Muse, comme on disait encore de notre temps, 
a dû contribuer à développer en lui ce penchant poétique 
qui plus tajrd devint si prononcé. Lèvent était d'ailleurs 
à la poésie. Déjà grondaient les orages de l'insurrection 
romantique, dont les échos arrivaient jusque dans nos 
classes. Notre professeur nous lisait quelquefois des 
fragments d'Hernanï ondes Orientales,, qu'il accablait 
de ses dédains ou de ses railleries, On juge d'ailleurs 
de l'effet que devaient produire des vers tels que 
ceux-ci : 

Serait-ce l'écurie où tu mets, d'aventure. 

Le manche du balai qui te sert de monture (1) ? 

sur de jeunes esprits accoutumés au songe d'Athalie et 
au récit de Théramène. Mais plus tard, hommes de cette 
génération de 1830 à 1840, nous nous sommes estimés 
heureux d'avoir vécu notre jeunesse au sein d'une pé- 
riode aussi profondément littéraire et enthousiaste. Elle 
a eu ses excès sans doute. Quelle révolution n'a les 
siens ? Mais les excès ont passé et le bienfait demeure. 

Chautard marchait avec la tète de la classe, et nous 
avons conservé toujours un souvenir reconnaissant de 
la plupart de nos maîtres. Nommons seulement MM. 
Aug. Dupré et Pornin père et fils. 

Ses études terminées, le jeune homme fut envoyé à 
Paris faire son droit. Il y porta ces habitudes régu- 
lières et tranquilles qui étaient dans sa nature, et ne 
chercha d'autres plaisirs que le spectacle, pour Lequel 
il eut toujours une passion singulière. Il avait pour voi- 
sin dans le même hôtel Sainte-Beuve, le célèbre cri- 
tique, qui était venu chercher flans le passage du Com- 
merce un logement séparé et un refuge contre les im- 

N'oublions pas non plus la salle de spectacle, avec un vrai 
théâtre, où se jouaieat parles Grands de petites pièces françai- 
ses très gaies. Nos camarades n'étaient point de mauvais ac- 
teurs. 

(1) Hernani, Act. I, se. 1 : Don Carlos è Josefa qui veut le ca 
cher dans une armoire trop étroite. 



— 60 — 

portuns. Il n'avait aucune relation avec ses coloca- 
taires. — Au bout de ses trois ans, muni de son diplôme 
de licencié endroit, M. Chautard revint à Vendôme, où 
il fut nommé, un certain temps après, juge suppléant au 
tribunal de cette ville. Jamais fonctions ne convinrent 
mieux à un homme. Le calme, l'impartialité de son 
caractère, la droiture de son esprit, l'honorabilité de sa 
conduite, le désignaient naturellement à un pareil poste. 
Ajoutez qu'il avait pour guide un homme qui était 
comme le type et l'idéal même du magistrat, qui rappe- 
lait ces vieux Parlementaires du XVI e et du XVII e siè- 
cles. Nous voulons parler de M. Ferdinand Boutrais, 
d'abord Procureur du Roi, puis Président du Tribunal 
de Vendôme, dont jamais, si nous ne nous trompons, 
aucun jugement ne fut infirmé parla Cour d'appel. Ami 
d'enfance de M. Chautard père, M. Boutrais ne deman- 
dait qu'à diriger le fils. Malheureusement notre jeune 
homme n'aimait guère le droit ni la procédure, et dé- 
laissait volontiers le code pour la littérature et la poé- 
sie. Il continua néanmoins ses fonctions, mais sans 
enthousiasme, sans aspiration à un avancement quel- 
conque, jusqu'au moment où il s'en démit en faveur de 
son beau-frère, M. Ern. Dattin. 

En 1841, M. Chautard se maria. Il épousa une femme 
aussi belle que distinguée, qui lui montra toujours le 
plus absolu dévouement. Il eut d'abord une fille, qu'il 
perdit toute jeune. Ce fut le premier grand chagrin de 
sa vie. C'est pour elle, pour sa petite Marie, qu'il avait 
composé cette si charmante pièce de son Recueil : 

Veille, ma lampe, veille encore, 
J'aime à voir mon enfant dormir. 

Peu de temps après, au mois de novembre 1844, lui 
naquit un fils, Henri, grande joie et grande consolation, 
qui devait plus tard devenir un si grand deuil ! 

En attendant, il jouissait de la vie. Il possédait, aux 
environs de Montoire, une tort agréable campagne, où 
il allait tous les ans passer deux mois d'automne et 



— 61 - 

faire ses vendanges. Entre temps, il taisait des vers. 
Le Tertre lui semblait un Paradis terrestre. C'est là 
qu'il eomjnença vers 1859 sa traduction d'Horace, sans 
but, sans dessein arrêté. Il débuta par la 2 e épode : 

Beatus ille qui procul negotiis, 

pensant se peindre lui-même. D'autres pièces suivirent, 
appelées par une analogie plus ou moins semblable, 
puis d'autres, puis d'autres encore, tant et si bien 
que l'idée d'une traduction complète commença de 
prendre corps dans son esprit, et qu'il s'y mit d'une 
façon sérieuse et continue. Il se partageait entre la poé- 
sie et les affaires, car il était membre à la fois du Con- 
seil municipal, de celui de l'Hospice, de la Fabrique de 
la Trinité, président de la Société des ouvriers, etc. 

En 1872 (?), il fut nommé maire de la ville de Ven- 
dôme. Au mois dejuinde cette année, eut lieu dans notre 
ville un concours de fêtes qui marquèrent dans son 
existence et dans celle de notre ami une époque mémo- 
rable. Vendôme, en effet, célébrait .à la fois l'inaugura- 
tion de la statue de Ronsard, œuvre d'un jeune artiste 
de notre pays, M. A. Irvoy, une exposition de tableaux 
et d'objets d'antiquités, un congrès de la Société fran- 
çaise d'Archéologiej sous la présidence de M. de Cou- 
gny, enfin le monument funèbre élevé sur la route de 
Blois, à la mémoire de nos soldats tombés à la bataille 
de Vendôme, le 15 décembre 1870. — Nous n'avons 
point à entrer dans tous ces détails, auxquels d'ailleurs 
un volume spécial a été consacré. Nous rappelle- 
rons seulement l'ardeur spontanée et intelligente que 
déploya la population de Vendôme dans cette circon- 
stance. Le jour où fut inaugurée la statue, toutes les 
rues de la ville se trouvèrent comme d'elles-mêmes 
plantées d'arbres et de feuillages, ; ornéos d'arcs de 
triomphe et de guirlandes, supportant des couronnes. 
Ce fut le plus beau moment de la vie de M. Chautard, 
son souvenir ineffaçable. Il appartenait, en effet, à ce 
charmant esprit de présider à un concert de fêtes. 



— 62 — 

Comme Maire, il avait eu l'honneur de recevoir chez 
lui M. Auguste Barbier, le célèbre auteur des ïambes, 
délégué par l'Académie française pour l'inauguration 
de la statue, aux pieds de laquelle il prononça un ex- 
cellent discours. Cette hospitalité, offerte par notre 
Maire poète au poète satirique, fut l'origine de relations 
qui se continuèrent depuis dans les termes les plus gra- 
cieux. 

A la chute de M. Thiers, en 1873, M. Chautard 
donna sa démission. Il retourna bien vite à son Horace; 
mais une terrible épreuve l'attendait. Au mois de jan- 
vier 1876, il perdit son fils unique, Henri, âgé de 31 ans. 
C'était un grand jeune homme, aux traits délicats, à 
la constitution maladive, mais admirablement doué mo- 
ralement, nature peu comprise en général, parce qu'on 
n'a vu d'elle que certains côtés extérieurs qui n'étaient 
que la réaction d'un idéal trompé, et qu'on n'a pas su 
lire dans cette conscience si secrète, dans ces pensées 
qu'il déversait la nuit sur le papier en rentrant de ses 
trop longues soirées. Mais nous abrégeons. Cette mé- 
lancolique figure ne nous appartient pas entièrement, 
et ne doit passer ici que comme une ombre. Ceux qui 
désireront la connaître plus à fond n'ont qu'à lire son 
Recueil de vers et la courte Préface que nous avons 
mise au devant. 11 était poète en effet, et, comme un 
arbre qui se dessèche avant le temps, il a laissé tom- 
ber ses feuilles que des mains pieuses ont ramassées. 
Son malheureux père a publié, dans le cours de la 
même année, ces confidences d'outre -tombe sous le 
titre de : « Les Ephémères (1). » Il faut parcourir ce 
petit volume de 160 pages, où toute une âme est con- 
densée, pour comprendre ce que 31 ans d'existence 
peuvent renfermer d'aspirations et de douleurs. « Je ne 
regrette la vie, disait-il en mourant à ses parents dé- 



fi) Paris. Joiuuist. 1870. I n -1 S carré. 



— 63 — 

soles, que pour le chagrin que ma mort va vous cau- 
ser. » Quelle parole à cet âge (1) ! 

M. Chautard fut longtemps à se relever de ce coup. 
Il abandonna la poésie et les affaires, et même lorsqu'il 
y revint, il garda toujours au fond du cœur une bles- 
sure saignante. 

Pour l'arracher à ces tristes pensées, ses amis et en 
particulier M. Aug. Barbier l'engagèrent à publier son 
Horace. Il s'y décida, et après dix-huit ans d'un labeur 
souvent pris et repris, parut, dans le cours de l'année 
1877, sa traduction en 2 gros volumes in-12, chez l'un 
des plus célèbres éditeurs de Paris, Jouaust, Librairie 
des Bibliophiles. L'ouvrage était précédé d'un travail 
de M. Laprade sur Horace, entrepris spécialement pour 
M. Chautard. Aussi toutes les poésies lyriques du 
poète latin étaient-elles dédiées au lyrique français, 
comme la traduction des satires, naturellement, à 
M. Aug. Barbier. M. Chautard nous avait fait l'honneur 
et l'amitié de mettre notre nom au devant des épîtres, 
et au devant de l'Art poétique celui de M. Geoffroi Bou- 
trais, un autre ami bien cher, qui a occupé une grande 
place dans sa vie, et que nous avons perdu en 1878 (2). 
Nous reviendrons tout à l'heure sur cet ouvrage. 



l o v 



(1) Déjà il avait dit en vers : 

Ne pleurez pas, ô ma mère chérie, 
Ne pleurez pas et laissez-moi mourir ! 
.le quitte en paix et sans regrets la vie, 
Où je n'ai su que passer et souffrir ! 
Sans y songer, j'avais donné mon âme 
A qui j'aimais, et lorsqu'un triste jour 
11 me fallut renoncer à ma flamme, 
Mon cœur navré mourut de son amour. 

(Ephémères, Adieu, p. 153 ) 

El plus loin, en parlant de lui : 

H songe à ses amours, à ses rêves de gloire, 
Mensonges décevants qui brisèrent son cœur. 

(Ibid., Dernier Adieu, p. 157.) 
Un idéal détruit hâtait sa fin. 

(2) 26 octobre. M. G. Bout rai s s'étail voué aux travaux scien- 



— 64 — 

A partir de ce moment semble s'ouvrir pour M. Chau- 
tard une période d'apaisement et de calme relatif. 
On sent dans cette âme si douce et si éprouvée comme 
cette sérénité d'un beau soir dont parle La Fon- 
taine. 

Quelques années après, le triomphe des idées radi- 
cales dans nos élections municipales évinça pour un 
temps notre ami du conseil, mais il y rentra plus tard, 
en 1884, et depuis n'a plus quitté ces fonctions. 

Dans cette même année, sentant l'âge s'accroître, 
bien qu'il fût encore vigoureux, il hésita s'il devait pu- 
blier un choix des Chansons qu'il avait composées de- 
puis sa jeunesse. Nous l'y engageâmes très vivement, et 
M. Aug. Barbier, à qui il avait soumis son manuscrit, 
ne l'y engagea pas moins. Alors, dans le cours même 
de l'année, parurent chez Dentu les « Chansons de 
métiers et Chansons du village », petit volume in-18, 
de 223 pages, qu'il voulut bien encore nous dédier, et 
que nous allons examiner également. Enfin M. Chau- 
tard avait entrepris, comme pendant naturel à sa tra- 
duction d'Horace, une traduction de Catulle. Elle était 
terminée, mais non achevée, nous voulons dire non con- 
duite à sa perfection. En même temps il avait eu l'idée 
de traduire de Phèdre toutes les fables que La Fon- 
taine n'avait pas imitées. Nous croyons que ce travail 
était assez avancé, mais encore ni terminé ni achevé, 
même partiellement. 

Ce fut le dernier effort de sa vie. Il est mort sur son 
œuvre. Au mois de novembre 1883, il fut atteint subi- 
tement d'un anthrax à la lèvre, qui prit en très peu de 
temps un caractère excessivement grave. On le crut 
perdu, et de fait il resta pendant deux mois entre la vie 
et la mort. Enfin, les soins extrêmes et le dévouement 
de sa femme et de son médecin, en même temps sou 
parent et son ami, l'arrachèrent de là; il se rétablit in- 

tifiques et particulièrement à la météorologie. 11 a laissé de nom- 
breux registres d'observations qui sont aujourd'hui à la biblio- 
thèque de la ville. 



- 65 — 

sensiblement durant de longs mois, et vers la fin d'août 
1884 il prenait le chemin de son Tertre bien-aimé. Hé- 
las, c'étaif pour la dernière fois ! Il emportait avec lui 
un germe perfide de sa maladie. Toutefois, dans les pre- 
miers temps, grâce à l'air vif des collines de sa campa- 
gne, il éprouva un mieux très sensible; ses jambes, qui 
s'étaient très affaiblies, lui revinrent; mais bientôt, par 
un effet contraire, il fut pris d'une sciatique violente, 
qui lui arrachait des cris et ne lui laissait de repos ni 
jour ni nuit. Elle se modéra, mais, à sa place, se 
forma une humeur de très mauvaise nature, qui, résor- 
bée par l'organisation, devait entraîner la mort. On le 
ramena du Tertre mourant. Il lutta encore pendant 48 
heures ; enfin il s'éteignit doucement, sans agonie, le 
31 octobre, entre 6 et 7 heures du soir. Il avait vécu 
70 ans 6 mois et 10 jours. Il fut inhumé le surlen- 
demain, jour des Morts, au milieu d'un immense con- 
cours de la population. — Nous avons raconté ail- 
leurs (1) ses obsèques et toutes les qualités de ce 
charmant caractère, dont la bienveillance, la candeur, 
La religiosité, le libéralisme, formaient le fond, comme 
les talents littéraires et administratifs formaient le fond 
de l'esprit, et une spirituelle amabilité l'enveloppe gé- 
nérale. 

Malgré bien des épreuves, il a vécu heureux:, grâce à 
cette nature facile et gaie, exempte de passions et fon- 
cièrement optimiste, grâce à cette conscience pure 
comme l'or, à cet esprit retranché dans ses croyances 
religieuses et qu'aucun problème n'a jamais tourmenté. 
Il a connu le chagrin, bien rarement la mélancolie. La 
paix morale, sous toutes ses formes, rayonnait en lui. 
Mais arrivons enfin à l'analyse de ses ouvrages. 



(1) Le Loir, N° du 9 novembre 1884, et broch. à part. 



BIOGRAPHIE 



VICTOR DESSAIGNES 



Le 4 janvier 1885, mourait à Vendôme un illustre 
chimiste connu de tous les savants de la France et de 
l'étranger, décoré de la Légion d'honneur pour ses 
travaux scientifiques, membre correspondant de l'Aca- 
démie des Sciences de Paris et de la Société Chimique 
de Londres, mais bien peu connu de la majorité de 
ses concitoyens, au milieu desquels il a vécu pendant 
84 ans. 

Les fonctions de receveur municipal, qu'il a exer- 
cées pendant 34 ans (de 1837 à 1871), ont seules révélé 
son existence à ses concitoyens, tandis que ses travaux 
de chimie faisaient connaître son nom aux savants du 
monde entier. Il semblait avoir adopté la devise du pen- 
seur Descartes, Bene vixit quibene latuit, comme lui 
enfermé dans une chambre et passant sa vie à méditer 
et à expérimenter. 

Il appartient au Bulletin de la Société Archéologique, 
Scientifique et Littéraire du Vendômois, de retracer 
l'histoire des travaux scientifiques de Victor Dessai- 
gnes, et d'en publier la liste complète. 

Déjà plusieurs notices nécrologiques ont paru sur 
son compte. 

A la séance du lundi 5 janvier, M. le secrétaire per- 
pétuel faisait part à l'Académie des Sciences de la perte 
qu'elle venait de faire de son correspondant de la sec- 
tion de chimie,, et aussitôt M. Berthelot, l'éminent chi- 
miste, retraçait de souvenir les principaux travaux de 



— 67 — 

Victor Dessaignes, en les accompagnant de l'appré- 
ciation la plus flatteuse. (C. R. de l'Acad. des Se, 
5 janvier<Tl885, tome C, p. 18.) 

Le N° du Loir du 11 janvier contient un article sur 
lui, rédigé par la plume autorisée de M. E. Renou. 

Le N° du Carillon du 15 janvier contient une notice 
plus détaillée, rédigée à l'aide de documents fournis par 
la famille (1). 

Je vais essayer de refondre en un seul ces divers 
articles, en complétant et en rectifiant ce que le man- 
que de temps a laissé passer de lacunes ou d'inexac- 
titudes dans chacun d'eux. 

Victor Dessaignes naquit le 30 décembre 1800 au 
collège de Vendôme, dont son père Jean-Philibert Des- 
saignes, ancien oratorien, était le directeur et l'un des 
fondateurs. Après y avoir fait ses études, il se rendit à 
Paris, où il étudia le droit. Licencié le 7 janvier 1822, 
il prêtait serment d'avocat le 24 août de la même année, 
et commençait son stage le 9 décembre suivant. 

Mais le jeune Dessaignes n'avait pas trouvé sa voie ; 
les subtilités de la chicane ne pouvaient convenir à son 
esprit scientifique. Il étudia alors la médecine, et sa pre- 
mière inscription date d'octobre 1824. Il fut nommé, au 
concours, externe des hôpitaux de Paris, et quelque 
temps après, le30 juillet 1835, il était reçu docteur. 

Sa thèse, très remarquable, était intitulée: Essai sur 
cette question : Les corps analogues par leurs proprié- 
tés chimiques se ressemblent-ils par les modifications 
qu'ils impriment aux organes des animaux vivants ? 

On y trouve déjà dévoilée la faculté maîtresse de Vic- 
tor Dessaignes, savoir les recherches chimiques. 



(1) Dans le discours prononcé à la distribution dos prix du 
lycée de Vendôme le 5 août 1881, M. Dufay, sénateur, a consacré 
quelques lignes à M. V. Dessaigucs, comme ancien et illustre 
élève du collège de Vendôme. — Ce discours ;i été publié en bro- 
chure sous le titre : Les anciens élèves <lu collège de Vendante. 



— 68 — 

Pendant son séjour à Paris, cédant à ses goûts, il 
écrivit dans le journal des Débats des articles scienti- 
fiques très remarqués. 

Revenu à Vendôme, avocat et médecin, mais n'ayant 
pas plus de goût pour le second état que pour le pre- 
mier, et obéissant à sa vocation de savant, il professa 
un an la physique et la chimie au collège de Vendôme 
(année 1835-36 vraisemblablement); mais ces fonctions 
ne lui laissaient pas assez de temps pour faire des re- 
cherches personnelles, et il les abandonna. 

En 1837, ayant demandé en mariage M lle Victorine- 
Sophie Renou, lepère mit pour condition que son gen- 
dre aurait une fonction autre que celle de propriétaire. 
C'est alors que M. Dessaignes sollicita et obtint la place 
modeste de receveur municipal de la ville de Ven- 
dôme, place peu occupante à cette époque, et qui lui 
laissait toute liberté pour se livrer à ses goûts de 
science pure. 

Son mariage eut lieu le 12 septembre 1837. Tout 
semblait enfin sourire au jeune savant, lorsque, après 
seize mois à peine de ménage, il eut la douleur de perdre 
sa jeune et charmante épouse, par suite d'un acci- 
dent. 

Ayant tout perdu du côté du cœur, il se rejeta tout 
entier dans sa passion scientifique, et vécut, pendant 
plus de trente ans, absolument enfermé dans le labo- 
ratoire qu'il se créa petit à petit dans les communs de 
l'hôtel Langey, connu à Vendôme sous le nom de mai- 
son du Saillant, situé rue Poterie, et où il habitait avec 
sa mère. C'est de ce modeste laboratoire que sont sor- 
tis, de 1845 à 1865, cette série de travaux remarqua- 
bles sur la chimie organique qui lui ont valu une répu- 
tation et des honneurs mérités (1). 

Dans la séance publique annuelle de l'Académie des 



(1) Ou trouvera la liste complète de ses mémoires à la suite 
de cet article. 



— 69 - 

Sciences tenue le 28 mars 1861, où furent proclamés 
les prix décernés en 1860 par l'Académie (Comptes 
rendus, tome lu, p. 597), on trouve: « Prix Jecker, 
« pour encourager les travaux de chimie organique. — 
« La Section de chimie a fait cette année deux parts du 
« prix Jecker ; elle a accordé un prix de 2,000 fr. à 
« M. Dessaignes, pour la reproduction, par voie de 
« transformation du sucre de gélatine, des acides suc- 
« cinique, aspartique, hippurique, aconitique, fuma- 
« rique et racémique. » 

L'annonce de ce prix était accompagnée de la men- 
tion suivante, qui en rehausse singulièrement la va- 
leur : 

« La Section de chimie, en décernant ce prix à M. Des- 
« saignes, donne un témoignage public de l'importance 
« qu'elle attache à des travaux exécutés hors de Pa- 
« ris (1), avec une grande persévérance, un talent des 
« plus distingués et le pur amour de la science ab- 
« straite. 

L'autre part du prix Jecker était décernée à M. Ber- 
thelot, pour ses travaux de synthèse en chimie orga- 
nique. 

Enfin la Section est obligée de réserver pour plus 
tard la récompense des travaux si remarquables de 
M. Pasteur relatifs à la chimie (2). 

(Section de chimie : Dumas, Pelouze, Regnault, Balard 
Frémy, Ghevreul rapporteur.) 

(1) Qu'auraient dit les membres de la Section de chimie s'ils 
avaient pu pénétrer dans l'humble local situé au-dessus de la 
loge du concierge de l'hôtel, et dépourvu absolument de toutes 
les ressources en appareils et en aides, qui facilitent aujour- 
d'hui les travaux de chimie, et permettent de faire en huit jours 
ce qui devait coûter des mois au chimiste isolé ? 

Je n'oublierai jamais le sentiment de stupéfaction que j'ai 
éprouvé en mettant les pieds dans ce laboratoire ; c'est alors que 
j'ai compris que le génie persévérant pouvait suppléer à tout, 
tandis que rien ne peut le remplacer. 

(2) L'année suivante, en effet, le prix Jecker étail décerné ù 

xxiv 5 



- 70 — 

Ainsi donc, c'est aux savants éminents Berthelot et 
Pasteur que le mérite de Victor Dessaignes est venu 
disputer un prix décerné par le jury le plus apte à ap- 
précier la valeur des travaux de chimie ! 

En juillet 1863, il était présenté parla Section de chi- 
mie comme un des candidats pour la place de Corres- 
pondant vacante par suite du décès de M. Desormes. 

Le 14 août 1863, il fut nommé chevalier de la Légion 
d'honneur, sur la demande de l'Académie. 

A l'étranger, ses travaux n'étaient pas moins appré- 
ciés, et la Société Chimique de Londres, au mois d'a- 
vril 1864, le nomma Membre étranger, distinction d'au- 
tant plus flatteuse que le nombre en est fort restreint. 

Enfin, dans la séance du 26 juillet 1869, l'Académie 
des Sciences le nommait, par 35 suffrages sur 38 vo- 
tants, Membre correspondant pour la section de chimie, 
en remplacement de feu M. Schœnbein, de Baie (1). 



M. Pasteurpour l'ensemble de ses recherches, qui ont eontrittué 
aux progrès de la chimie organique. 

(1) La vie retirée que menait M. Dessaignes dans une petite 
ville de province donna lieu à plusieurs inéprises assez plai- 
santes. 

C'est ainsi que le brevet de Membre étranger de la Société 
Cbimique de Londres lui fut adressé place Vendôme h Paris, et 
ne lui est jamais parvenu. La poste elle-même ne put le retrouver. 
C'est par une lettrede l'illustre chimiste anglais Franckland que 
V. Dessaignes apprit plus tard sa nomination. 

Lors de la réunion des Sociétés savantes des départements 
en 1861, à la soirée du ministre (le samedi G avril), M. H...., in- 
specteur d'académie à Blois, est abordé par M. Milne-Edwards, 
qui lui dit : « M. l'Inspecteur, vous avez dans votre département 
un fameux savant qui vient d'être couronné par l'Académie des 
Sciences. » — L'autre s'incline, en souriant d'un air embarrassé. 
— « Comment, vous ne connaissez pas M. Dessaignes, le célèbre 
chimiste de Vendôme? » Second salut aussi embarrassé. 

A son retour à Blois, l'inspecteur s'informe de ce savant qui 
lui a joué un si mauvais tour ; il était encore moins connu à 
Blois qu'à Vendôme. A sa première tournée d'inspection dans 
illë, il s'onquiert de nouveau du grand chimiste Dessai- 



— 71 - 

Pour donner une idée de sa persévérance et de son 
ardeur au travail, nous ajouterons que, voulant suivre 
les travau* de même ordre que les siens qui se pu- 
bliaient à l'étranger, il se mit, à l'âge de 60 ans, à 
apprendre à lire seul, et sans aucune leçon, l'anglais et 
l'allemand, et y parvint rapidement, tant était grande sa 
facilité dans tous les genres do travail. 

Il était en correspondance suivie avec les plus grands 
chimistes de son temps., Chevreul, Balard, Deville, Du- 
mas, Wurtz et Berthelot. 

M. Pasteur, dont les premiers travaux, portèrent sur 
les mêmes sujets de chimie organique que ceux traités 
par M. Dessaignes, tit le voyage de Vendôme pour s'en- 
tretenir avec lui de leurs communes recherches. 

Vers 1865, sentant le poids des années (il avait 66 
ans), et ne voulant pas rester inférieur à lui-même, il 
cessa ses travaux de laboratoire. 

Il remplit jusqu'en 1871 ses fonctions de receveur 
municipal, et adressa sa démission au maire de Ven- 
dôme avec ses comptes de 1870. Dans la séance du 8 juil- 
let 1871, le Conseil municipal, après avoir approuvé son 
dernier compte de gestion, lui vota, au nom de la ville 
de Vendôme, desremercîments pour ses trente-quatre 
années de bonne et intelligente gestion (1). 



gnes. On finit par lui répondre : « Nous avons, en effet, un 
M. Dessaignes, receveur municipal, qui s'amuse à faire de la 
chimie, même qu'il incommode bien souvent le quartier de ses 
odeurs ! » 

Ceci rappelle l'histoire du grand peintre Rubens, envoyé en 
ambassade à Madrid, et qui y fit un certain nombre de ses ta- 
bleaux. Un de ses collègues en diplomatie, scandalisé, dite un 
grand personnage de la Cour : « Cet ambassadeur s'amuse donc 
à peindre?» — « Non, lui répliqua celui-ci, le seigneur Rubens 
estun peintre qui s'amuse à être ambassadeur. » 

(1) Voici la délibération du Conseil, p. 475 du registre: 

« Le Conseil, considérant que M. Dessaignes, receveur muni- 
cipal delà ville de Vendôme, a rempli cette fonction pendant 



— 72 — 

En 1861, lors de la fondation de notre Société Ar- 
chéologique, il se fit inscrire au nombre des premiers 
adhérents, et en 18G5 il voulut bien accepter les fonc- 
tions de trésorier, en remplacement de M. G. Boutrais, 
fonctions qu'il remplit pendant trois ans. 

En octobre 1871, il abandonna son laboratoire de la 
rue Poterie, et vint se retirer dans la rue des Bé- 
guines. 

Là, un dernier hommage lui était réservé. Le 9 sep- 
tembre 1884, les chimistes français et étrangers, réunis 
en Congrès à Blois, lors de leur passage à Vendôme^ 
sont allés le visiter, et lui ont remis une adresse conçue 
dans les termes les plus flatteurs ; la parole a été por- 
tée au nom de tous par M. Friedel, de l'Académie des 
Sciences. 

Il devait peu survivre à cette démarche honorable ; 
il fut affecté, à la fin de décembre, d'une bronchite dont 
il parut se rétablir ; mais le 4 janvier 1885, à 9 heures 
du matin, il fut pris d'une syncope et mourut presque 
subitement. Il était âgé de 84 ans et 5 jours. 

Comme son père, auquel il ressemblait de bien des 
côtés, il avait un caractère droit, un cœur excellent, 
l'esprit vif et prompt. Le père et le fils furent l'objet des 
mêmes distinctions pour leurs travaux, et, aussi long- 
temps qu'il y aura des savants, le nom des Dessaignes 
survivra et honorera la ville de Vendôme. 



34 ans, que son zèle et sa capacité ne se sont jamais démentis 
pendant ce long espace de temps, qu'il a rendu les plus grands 
services à la ville de Vendôme et à l'administration municipale, 
surtout au moment si critique de l'invasion prussienne, 

« Vote des remerciments à M. Dessaignes, et exprime le regret 
sincère de le voir abandonner le poste qu'il a occupé d'une ma- 
nière si remarquable. » 



73 



t.. 



Voici*la liste complète des mémoires sur la chimie 
publiés par Victor Dessaignes aux Comptes rendus de 
r Académie des Sciences de Paris et dans quelques 
autres recueils (1). 



Comptes rendus 
de l'Académie des Sciences de Paris 



Tome XXI, p. 1224. — Nouvelles recherches sur l'acide hippu- 
rique, l'acide benzoïque et le sucre de gélatine. — 1 er dé- 
cembre 1845. (A). 

XXVIII, p. 16. — Transformation de l'acide malique en acide 
succinique. — 2 janvier 1849. (A). 

XXX, p. 50. — Formation de l'acide succinique par l'oxydation 
de l'acide butyrique. — 21 janvier 1850. 

P. 324. — Formation de l'acide aspartique avec le bimalate 
d'ammoniaque. - 18 mars 1850. 

XXXI, p. 432. — Nouvelles recherches sur la production de 
l'acide succinique au moyen de la fermentation. — 1G sep- 
tembre 1850. 

XXXIII, p. 104. — Note sur un acide nouveau dérivé de l'acide 
valérianique. — 11 août 1851. 

P. 308. — Recherches sur une matière particulière trouvée par 
M. Braconnot dans le gland du chêne (la Quercine). — 
15 septembre 1851. 

P. 358. — Présence de la propylamine dans le Chcnopodium. 
Vulcaria. — 29 septembre 1851. 

P. 462. — Régénération de la Mannite et do la Quercite aux 



(1) Cette liste a été dressée par les soins de M. E. Rcnou et du D r A. Riberaont- 
Dessaignes. Plusieurs de ces travaux ont été reproduits dans les Annales de Chimie 
et de Physique, 3 e série, tomes XVII à XL1. J'ai fait suivre delà lettre (A) les noies 
qui se trouvent dans ces Annales. 



- 74 — 

dépens de la Nitromannite et de la Nitroquercite. — 27 oc- 
tobre 1851. 

P. 71.2. — Note sur les combinaisons de quelques amides. — 
29 décembre 1851. (A). 

XXXIV, p. 731. — Note sur deux nouveaux acides résultant des 
réactions de l'acide nitrotartrique. — 10 mai 1852. 

XXXVII, p. 251. — Régénération de l'acide hippurique. — 9 août 
1853. 

P. 782. — Sur les acides contenus dans quelques champignons. 

— 21 novembre 1853. (A). 

XXXVIII, p 44. — Etudes sur les dérivés de l'acide nitrotar- 
trique. — 9 janvier 1854. 

P. 839. — Recherches sur quelques produits de la transfor- 
mation de la créatine. — 8 mai 1854. 

XLI, p. 1258. — Sur la méthyluramine et ses dérivés. —31 dé- 
cembre 1855. 

XLII, p. 491. — Transformation de divers acides organiques 
due à une action de présence — 18 mars 185(5. 

XLIII, p. 670. — Triméthylamine obtenue de l'urine humaine 

- 29 septembre 185G. 

XLVII, p. 76. — Note sur un acide obtenu par l'oxydation de 
l'acide malique. — 12 juillet 1858. 

L, p. 759. — Résultats d'une expérience entreprise dans le but 
de modifier l'acide tartrique par voie de réduction. — 1(5 
avril 1860. 

LI, p. 372. — Acide malique obtenu par la désoxydation de 
l'acide tartrique. — 3 septembre 1860. 

LV. p. 510. — Sur la transformation de l'acide aconitique par 
l'amalgame de sodium. — 22 septembre 1862. 

LV, p. 769. — Sur deux acides organiques nouveaux. — 17 no- 
vembre 1862. 

M. Berthelot, rappelant les principales découvertes de V. Des- 
saignes, le 5 janvier 1885, terminait ainsi : « Enfin il changea 
les acides tartrique et paratartrique en acide tartrique inactif, et 
réussit, en 1865, ;'i revenir de l'.-u-ide tartrique iuactif ù l'acide 
paratartrique » Ce travail importas t fait l'objet d'une courte 
note insérée dans le Bulletin de la Société Chimique, 1865» 
tome I, p. 34. 



75 — 



Journal de Pharmacie et de Chimie. — 3 e série. 

Tome XXV, p. 23. — Faits pour contribuer à l'étude de quel- 
ques corps organiques. 

XXVII, p. 37. — Notice pour contribuer à l'étude de quelques 
corps organiques. 

En collaboration acee M. Jules Chautard : 

Tome XIII, p. 241. — Observation de chimie organique — Es- 
sence de matricaire — Malate de chaux neutre — Valéramide. 
— Asparagine. 

XXI, p. 24. — Sur la Physaline. 

Enfin, dans les papiers de M. V, Dessaignes, on a trouvé les 
notes suivantes qui sont inédites : 

La Paracréatine ou fausse poudre blanche. 

Acide tartrique obtenu par l'action de l'acide nitrique 

sur la sorbine. 
Acide tagétique. 

L'acide mésotartrique et l'acide aposorbique. 
Analyse de l'eau des fontaines (près Vendôme). 



Il resterait à apprécier comme ils le méiitent ces tra- 
vaux si nombreux et si variés, mais il faudrait pour 
cela la plume d'un chimiste spécial ; je me contenterai 
de transcrire, en finissant, quelques-unes des paroles 
que M. Berthelota prononcées à la séance du 5 janvier 
1885, à l'annonce de la mort de V. Dessaignes. 

« Dessaignes occupe une place distinguée parmi 

les chimistes français.... Ses travaux laissent une trace 
modeste mais ineffaçable. » 

Après avoir rappelé ses principales découvertes, il 
continue ainsi : 

« On voit que les recherches de Dessaignes ont été 
principalement tournées vers l'étude des composés qui 
font partie des êtres vivants, et plus particulièrement 



— 76 — 

vers celle des acides organiques et de leurs dérivés.... 
Elles se distinguent par l'esprit de suite qui les a diri- 
gées, par la finesse et la simplicité des déductions, et 
par la précision des résultats. Les travaux de cet or- 
dre, s'ils ne sont pas tout dans la science, concourent 
cependant à lui fournir ses matériaux les plus dura- 
bles et ses fondements les plus solides. » 

On comprend la valeur de ces éloges dans la bouche 
du rival de gloire de Dessaignes en 1861 (Prix Jecker). 



E. Nouel, 

Professeur de Physique au Lycée. 






CHRONIQUE 



La double collection do tableaux et de faïences léguée par 
M. Paul Bouchot, à Vendôme, sa ville natale, vient d'être instal- 
lée par les soins do M. Louis Martellière, notre conservateur, 
dans les salles du Musée. On se demandait comment un si grand 
nombre d'objets nouveaux - 131 — pourraient être casés dans 
un local qui semblait déjà si rempli, mais l'intelligence et la 
fécondité d'un esprit plein de ressources y ont pourvu. Tout 
a trouvé sa place, sans que le goût ot à peine l'aisance en 
aient souffert. Loin de là, le nouveau classement est un chef- 
d'œuvre d'art et d'ingéniosité, en môme temps qu'un inconce- 
vable tour do force. Nous engageons vivement le public à se 
donner le plaisir de ce spectacle qui est une véritable fête pour 
les yeux. — Il remarquera parmi les tableaux: Un grand por- 
trait, de femme avec un enfant, école française; — Un tableau 
de fleurs de Van der Aelst ; — Plusieurs gouaches, dont nue 
est le portrait d'une princesse de la maison de Ligne, remar- 
quable de finesse et de distinction, l'une des pièces les plus pré- 
cieuses de la collection ; — Les bords do la Sarthe, par Des- 
jobert. Plein de lumière et de prestige. — Intérieur d'un tem- 
ple par Hubert-Robert, encore une des pièces capitales. 

Mais c'est surtout la grande vitrine qui offre au visiteur un 
merveilleux coup d'oeil. Là s'étalent deux grands plats armo- 
riés, faïence de Rouen, décor bleu, estimés chacun 500 francs ; 
— Un grand nombre d'assiettes, même provenance, dont une dite 
assiette jaune et une autre au décor rayonnant, rares et do haut 
prix; — Un petit plat de fabrique italienne, représentant le sup- 
plice de S 1 Jean l'Evangéliste dans la chaudière! ; au dos la 
date de 1541 ; — Un plat hispano-arabe à reflets métalliques. 
Mais c'est , assez ; laissons à une plume plus autorisée le soin de 
décrire ces richesses. Nous n'avons voulu qu'en donner un 
aperçu et attirer la reconnaissance de nos compatriotes et sur le 
donateur et sur celui qui a si bien su faire valoir le don. — 11 
nous semble que le Bureau, qui a sa part dans l'administration 



— 78 — 

du Musée, forait œuvre do justice en sollicitant de M. le Ministre 
des Beaux-Arts pour notre Conservateur une récompense si 
bien méritée, non pas seulement depuis hier, mais depuis neuf 
ans que, malgré une santé déplorable, il consacre au Musée et à 
la Société un talent et un dévouement que rehausse encore une 
rare modestie. 

Ch. B. 



Le Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme, — Typ. Lemercier. 



* 




BULLETIN! 




4, 



/ A 



DE LA 



SOCIETE ARCHEOLOG 



SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 




DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIV 
2 e TRIMESTRE 1885 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents. Page 79 

Liste des membres admis depuis la séance du 

9 janvier 1885 80 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 9 janvier 1885 . 80 

Les derniers Jours de la Collégiale Saint-Geor- 
ges (1" Partie), par M. l'abbé Métais. ... 91 

M. Charles Chautard, par M. Ch. Bouchet. — 

II. Les Œuvres 116 

Documents relatifs au Pèlerinage de la Sainte- 
Larme de Vendôme, par M. F. Bournon . . 127 

Les Artistes de Loir-et-Cher au Salon de 1885 . 135 

Chronique 141 




VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1885 




X 






SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



24 e ANNÉE — 2* TRIMESTRE 



AVRIL 1885 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
domois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 16 avril 
1885, à deux heures. 

Etaient présents : 

MM. de Rochambeau, président; de Maricourt, vice-prési- 
dent; Soudée, secrétaire; A. de Trémault, trésorier; Nouel, 
bibliothécaire - archiviste ; Charpentier; Malardier ; L'abbé 
Roulet ; Saint-Martin , 

Et MM. Ch. Bouchet; D r Brochard; Buifereau ; de Chaban ; 
Cornu (Romain); Duvau ; Hème ; Isnard ; l'abbé Lecomte; 
P. Lemercier ; l'abbé Lizot ; l'abbé Métais ; de la Perrière ; 
Rasquier; l'abbé Renou ; de Sachy ; 'Huilier. 

xxiv C, 



— 80 - 

M. le Secrétaire fait connaître les noms des nouveaux mem- 
bres admis par le Bureau ; ce sont : 

MM. Diet, notaire honoraire à Montoire ; 

de Bouille, lieutenant au 10 e chasseurs ; 

l'abbé Garenne, curé de Savigny-sur-Braye ; 

l'abbé Lecomte, directeur du Pensionnat à Montoire ; 

Grainville, au château de Sasnières; 

D r Komorowski, à Mondoubleau. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 9 janvier 1885. 

I. — ART & ANTIQUITÉ 

Pendant le trimestre qui vient de s'écouler, les collections si 
généreusement laissées par M. Paul Bouchet à sa ville natale 
ont été délivrées au Musée de Vendôme, qui s'est trouvé trop 
étroit pour les loger comme elles méritaient de l'être. Nous ne 
reviendrons pas sur l'importance de ce magnifique cadeau, dont 
nous avons déjà parlé à nos lecteurs ; nous n'entreprendrons 
pas non plus la description, même sommaire, des 116 pièces de 
faïence et des 46 tableaux ou dessins qu'il a fallu, tant bien que 
mal, entasser dans nos vitrines et sur nos murs. On comprendra 
que, devant tant de richesses, nous nous bornions à une vue gé- 
nérale et à une simple indication des principaux objets. 

Les faïences de Rouen avaient la prédilection de M. P. Bou- 
chet, et étaient l'objet des soins particuliers de ce fin connais- 
seur. Tous les types importants des produits rouennais, si variés 
et si nombreux, sont représentés par des spécimens choisis et 



— 81 — 

d'une superbe conservation, au nombre de 72. Les grands plais 
et les assiettes ù armoiries rappellentla funeste période de notre 
histoire où tes grands seigneurs, à l'exemple de Louis XIV, en- 
voyèrent a la Monnaie- leur vaisselle d'argent et se mirent en 
faïence. L'imitation de la porcelaine chinoise fut aussi quelque 
tempsàla mode; notre vitrine en offre quelques-uns des plus 
rares et des plus précieux exemples. Mais l'art ne tarda pas à 
s'affranchir et à créer des types vraiment français. Rouen garda 
le secret de ses inimitables faïences dites à dentelle, au décor 
bleu rehaussé de rouge de fer. Cette décoration comporte d'ail- 
leurs une grande variété, et nous avons des assiettes de cette sé- 
rie au décor dit à lambrequin et au décor dit rayonnant. Ces 
deux derniers genres, en bleu seul, sont aussi représentés d'une 
façon remarquable. Tout le monde connaît les faïences à la 
corne, celles au carquois, à la corbeille, à la guirlande. Bien 
plus rares et tout aussi caractéristiques de la fabrication rouen- 
naise, sont les assiettes au décor jaune ocreux réchampi de bleu, 
dites assiettes jaunes, celles au dragon avec bordure à l'ècre- 
cisse, celles à la grenade, etc. 

Nous avons à citer aussi deux brocs à cidre, datés de 1733 et 
1775; une très belle buire en forme de casque, décor bleu à 
lambrequin, et une autre avec décor bleu à fleurs; deux vases 
style Louis XIV, malheureusement privés de leurs couvercles; 
un charmant porte-bouquet ou pot-pourri, au décor rouge et 
bleu, d'une harmonie de ton incomparable ; et enfin deux le- 
vrettes assises, se faisant vis-à-vis, et justifiant bien l'expres- 
sion se regarder en chiens de faïence. 

La collection P. Bouchet n'avait que 12 pièces de Nevers ; les 
plus remarquables sont les pièces à fond gros bleu avec décor 
blanc et quelquefois jaune, imitation des faïences persanes ; 
telle est par exemple une très jolie petite cuvette avec son pot 
à l'eau, décorés de cette façon de fleurs et d'oiseaux. Un petit 
soulier de Noël est aussi assez amusant. 

Nous devons à la Hollande, et à Dclft en particulier, deux 
grands plats bleus ù armoiries, des plats et assiettes à décor po- 
lychrome et un petit coq d'une superbe coloration. Des cinq 
pièces d'origine italienne, la plus intéressante est, une faïence 
d'Urbino, datée de 1511, représentant le supplice de S 1 Jean, qui 
fut, comme on sait, plongé dans nu bain d'huile bouillante sans 



en ressentir aucun mal. L'Espagne a donné un petit plat his- 
pano-moresque à reflets métalliques. Un vase à fond blanc, 
avec fleurs polychromes en relief, appartient à la Suisse et a été 
fabriqué à Zurich. 

Pour finir, rentrons en France, où nous trouvons encore plu- 
sieurs pièces rares et intéressantes, tels qu'une fort jolie 
écuelle à bouillon, faïence de Moustiers, décor à médaillons et 
amours, avec sujet à l'intérieur ; un vase ajouré, style rocaille, 
qui nous parait venir de Marseille, quoique se rapprochant as- 
sez des produits de Strasbourg par la forme, mais non par la cou- 
leur ; un vase en faïence jaspée d'Orléans; deux assiettes de 
Sceaux, riche décor à fleurs et oiseaux, etc., etc. 

Nous ne pouvons pas davantage entrer ilans rémunération de 
tous les tableaux et dessins. Ce sont en général des toiles de 
moyennes dimensions, mais choisies par un amateur d'un goût 
sûr et éclairé. Parmi les peintures de l'Ecole française, on re- 
marquera un bon portrait de femme, figure à mi-corps, qui tient 
dans sa main droite un petit portrait d'enfant (fin du règne de 
Louis XIV) ; un autre portrait d'une dame en costume Louis 
XVI; une scène de la Comédie italienne, imitation de Wat- 
teau ; un petit paysage avec figures, attribué à Pillement ; la 
Lecture de la lettre, gracieuse scène signée F. Besson ; et 
surtout un tableau capital représentant l'intérieur d'un temple 
antique. Bien que nous n'ayons pu retrouver aucune signature, 
l'attribution de cette excellente toile au peintre Hubert Robert 
ne nous semble pas discutable. 

Nous attribuerions encore volontiers à l'Ecole classique du 
XVIII e siècle, peut-être à Francisque Mtlet, un paysage porté 
à l'inventaire comme italien, qui représente l'entrée d'un port 
avec ruines antiques à gauche. 11 en est de même d'un tableau 
qui nous paraîtrait tout à fait français, sans l'indication sui- 
vante, d'ailleurs assez difficile à lire, qui se trouve collée der- 
rière la toile: Portrait de Lady Augusta-Charlotto, fille de Char- 
les Villiers, duc de Buckingham, peint par sir Godpray Kna- 
wen. Nous avouons n'avoir pu retrouver nulle part le nom de 
cet artiste inconnu, peut-être mal lu ; nous croyons aussi que 
les ducs de Buckingham s'appelaient Georges. Nous recevrons 
avec plaisir les communications que nos confrères plus instruits 
voudront 'bien nous faire à ce sujet. 
A l'Ecole italienne appartient bien certainement un joli pay- 



— 83 — 

sage plein de poésie et d'une profondeur étonnante, bien qu'il 

ne mesure pas plus de m ,48 de hauteur. Il est attribué, et avec 
juste raisojj' selon nous, à Jean Van Bloemen, dit YOrrisonte, 
à cause de la perfection de ses perspectives aériennes. De 
l'Ecole espagnole est une S le Catherine d'Alexandrie; la palme 
et la roue, attributs de cette vierge-martyre, la font reconnaître 
malgré un costume assez excentrique. L'Ecole hollandaise a 
quelques paysages, un beau bouquet de fleurs dont la signature 
reste encore à déterminer; des Roses signées Guill ms Van Aelst, 
1663; une Rencontre de cavaliers, de J. V. Hugtenburg, etc. 

Notre École contemporaine a pour principal représentant un 
élève de l'ancien collège de Vendôme, Desjoberts, qui mourut 
trop tôt pour jouir du succès assuré à son beau talent. Ses 
Bords de la Sarihe sont une toile de premier ordre, lumineuse 
et colorée, où le fini du travail n'enlève rien à la justesse des 
tons et à la délicatesse de la touche. Parmi les œuvres estima- 
bles d'artistes modernes, on verra avec plaisir une Plage, de 
Lionel Rover, 1877 ; une petite Vue du Mans, de J. Vola ; une 
Etude de paysage, de Dugasseau, 1881 ; des Fleurs dans un 
rerre, de Leclair, 1867 ; un Chemin sur une colline, de Ch. Suan, 
1848, etc. 

Enfin, parmi les dessins, nous citerons deux grandes études 
de plafonds enlevées avec beaucoup de verve sur papier bleu et 
relevées de touches blanches ; une esquisse à la sépia pour un 
Christ couronné d'épines ; un lavis d'architecture, projet de dé- 
coration théâtrale : une aquarelle signée Scarlat ; deux goua- 
ches très finies, se faisant pendant et représentant en deux épi- 
sodes un même sujet : La Mort et le Négociant ; et le portrait 
d'une princessede la famille de Ligne, miniature d'une élégance 
un peu maniérée, mais d'une exquise délicatesse. 

Tel est en peu de lignes l'ensemble du legs de M. P. Bou- 
din : il eût certes mérité une description plus /'tendue, niais 
l'espace nous manque pour tout examiner en détail. Nous ne 
voulons pourtant pas finir sans un dernier remerciement et un 
dernier hommage à la mémoire du généreux donateur. 

Le Musée s'est encore enrichi d'un beau tableau, qui lui a été 
attribué par M. le ministre de l'instruction publique et des 
beaux-arts. Cette toile importante, due au talent d'un artiste 
bien connu, M. L. Hayon, avait paru avec honneur au salon (h; 



- 84 — 

1883, et a figuré depuis à diverses autres expositions. Elle est 
intitulée Le Retour du Marché. A la tombée du jour, un culti- 
vateur et sa famille, montés sur une barque, traversent une ri- 
vière pour rentrera leur ferme qu'on aperçoit dans le lointain. 
Le naturel des poses, la vérité des physionomies, le choix judi- 
cieux des accessoires, ne sont pas moins remarquables que l'har- 
monie du coloris et la sûreté de l'exécution. Il est regrettable 
que l'éclairage défectueux des salles du Musée ne permette pas 
d'apprôcierà leur juste valeur les qualités qui distinguent cette 
oeuvre de maître. 

L. M. 



III. — BIBLIOGRAPHIE 

I. — Dons des Auteurs ou autres : 

Par l'entremise de M. Launav : 

Vocabulaire des mots, termes, locutions et dictons populaires 
du Vendomois, par M. Ch. Chautard. 

De M. Fournier, propriétaire au Catelet (Aisne) : 

Biographie de Babœuf, Etudes révolutionnaires par Ed. 
Fleury. Laon, 1819. 

Notice sur Souday (Loir-et-Cher), par P. Moulard, ancien ar- 
chiviste adjoint de la Sarthe, 1884. 

The Caverns of Luray, par M. Elmer R. Reynolds, de Wash- 
ington. 

M. Elmer R. Reynolds, de Washington, qui, naguère, nous 
envoyait spontanément un don des plus précieux, nous adresse 
aujourd'hui un aimable souvenir, sous forme d'une charmante 
brochure illustrée, consacrée à la description des magnifiques 
cavernes de Luray, découvertes en 1878 dans la vallée du She- 
nandoah, et que l'auteur a explorées comme membre d'une com- 
mission scientifique déléguée par l'Institut Smithonicn. 

Ces merveilleuses grottes à stalactites, creusées par le pas- 
sage des eaux ù travers le terrain silurien, sont, vraiment féeri- 
ques ; mais le petit espace; réservé ù un simple compte rendu 



— 85 — 

nous empêche de conduire nos collègues à travers les splendeurs 
de ce monde souterrain. 

Les noms Jseuls donnés à quelques parties de cette immen- 
sité font 'rêver: le potager, le lac vaseux, la piste de l'ours, le 
théâtre, la halle aux poissons, la ronde des follets, l'abîme de 
Pluton, le spectre, la grotte d'Obéron, la chambre nuptiale, la 
cour des géants, la cathédrale, la tour de Babel, la cachette de 
Katc, l'amphithéâtre, le cabinet de toilette de Madame, Cen- 
drillon quittant le bal, les tombes des martyrs, le bain de Diane, 
le voile de Titania, le gouffre du squelette, où, à près de 300 
pieds au-dessous du sol, repose un squelette humain, empâté 
dans la stalagmite. 

Je passe les colonnes, les statues, les formes humaines, 
monde fantastique, blanc et immobile, groupé à la rive des 
lacs ou penché au bord des fontaines. 

Du reste, avec le sens pratique tout américain, on a consacré 
les cinq dernières pages de la brochure à tous les renseigne- 
ments propres à faciliter l'accès de ces grottes aux explora- 
teurs : itinéraires, chemins de fer, voitures, hôtels, horaire, ta- 
rifs, tout est soigneusement indiqué. Les touristes vendomois 
n'ont plus qu'à boucler leur valise. Malheureusement, nous de- 
vons l'avouer, malgré toutes les facilités offertes, Luray et ses 
splendeurs restent encore moins accessibles que Lavardin ou 
Fréteval. Notre gratitude est plus voyageuse que nous, et nous 
en envoyons l'assurance au généreux et aimable savant auquel 
la confraternité scientifique nous lie à travers l'Océan. 

L. de M. 

Les anciennes Populations de la Colombie, par M. le M is de 
Nadaillac. Broc, in-8, Paris, 1885. (Extrait des Matériaux pour 
l'Histoire de l'Homme.). — La nouvelle brochure que M. le M" 
de Nadaillac offre à la bibliothèque de la Société est pour nous 
une vraie révélation. Elle nous fait connaître, dans le pays 
qu'on appelle les Etats-Unis de Colombie, l'existence de tribus 
diverses, étrangères les unes aux autres, n'ayant ni le même 
langage, ni les mêmes usages, ni le même degré de civilisa- 
tion. Leur origine est d'ailleurs complètement inconnue, et le 
misérable état où elles sont réduites aujourd'hui l'ail pressen- 
tir leur disparition prochaine. 



— 86 — 

Les Premiers temps de l'Homme sur la Terre, par M. le M i8 de 
Nadaillac. Broc, in-8, extraite des Annales de la Société Scien- 
tifique de Bruxelles, 1884. —M. de Nadaillac, président de cette 
Société, a l'ait, à la séance du 22 avril 1884, une conférence très 
intéressante où il expose l'état de nos connaissances sur les ori- 
gines de l'homme. Autant l'existence des êtres humains est 
certaine aux temps quaternaires, autant elle est problématique 
à l'époque tertiaire, et, rejetant absolument la théorie de l'ori- 
gine simienne de l'homme, l'auteur conclut en disant que rien 
ne nous permet encore d'affirmer l'existence d'un être sembla- 
ble à nous durant les temps tertiaires. 

Le Martyrium de Poitiers. Compte rendu des fouilles et de 
l'ouvrage du R. P. de la Croix, par Mgr X. Barbier de Mon- 
tault, prélat de la Maison de Sa Sainteté. — (Extrait des Mé- 
moires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1884.) 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique : 
Romania, N" d'octobre 1884. 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Répertoire des Travaux historiques pour 1882, tome deuxième, 
supplément. Paris, Imp. Nat., 4884. — Contient (N os 5863 à 5870) 
l'analyse des principaux articles publiés dans le 21 e volume de 
notre Bulletin par MM. Ch. Bouchet, l'abbé Métais, A de Tré- 
mault, Chautard, Martellière, etc. 

Répertoire des Travaux historiques de l'année 1883, tome m, 
N°2. — Le N° 2506 contient l'annonce d'un petit opuscule de 
M. Gust. Rigollot, intitulé Vendôme et les Bord* du Loir. M. A. 
de Barthélémy, qui le signale, n'en fait ni éloge ni blâme. Ce 
savant était pourtant parfaitement à même de relever au moins 
une partie des innombrables erreurs dont fourmille cette mince 
brochure. 

Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. — Liste 
des membres titulaires, honoraires et non résidants du Comité 
des Correspondants du ministère de l'instruction publique. 
1885. 



— 87 - 

Bulletin du Comité des Travaux historiques et scientifiques. 
Section d'Archéologie. 1884, N° 4. 

Reçue des Travaux scientifiques. Tome iv, N os 9,1 0, 11. 

Journal des Savants. N" de janvier, février, mars 1885. 

N° de janvier, p. 52. — L'article de M. Daubrée sur la décou- 
verte de masses de fer natif an Groenland nous parait avoir une 
grande importance, au point de vue de l'unité de la constitution 
physique de l'univers. On croyait jusqu'à présent que le fer na- 
tif qui se rencontre quelquefois sur notre planète nous venait 
exclusivement des espaces célestes. L'existence positivement 
démontrée de ce métal dans les roches basaltiques du Groen- 
land, identique au fer natif apporté par les météorites, prouve 
que notre globe ne diffère pas des autres corps de l'univers, et 
confirme les similitudes que nous avait déjà révélées l'analyse 
spectrale. 

N° de février 1885. — A lire l'article de M. Gaston Boissier 
sur les dernières fouilles du Forum et la découverte de la maison 
des Vestales à Rome. M. J. Bertrand étudie aussi la correspon- 
dance de Denis Papin avec Leibnitz et Huygens, et rectifie 
quelques points trop facilement acceptés de la biographie de 
l'infatigable inventeur. 



III. — Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. - 
Dons et Échanges: 

Second animal Report of the Bureau ofEthnology to the secre- 
tary of the Smithsonian Institution, 1880-81 , by J. M. Povoell 
director. Washington, 1883. — Nous devons une mention spé- 
ciale à cette magnifique publication; chez nous l'ethnographie 
n'est pas habituée à être si bien traitée. Nous serions entraînés 
beaucoup trop loin si nous essayions de rendre compte de ce 
luxueux volume d'environ 500 pages, illustré d'innombrables 
planches et figures dans le texte. On ne peut s'empêcher de se 
demander ce qu'a dû coûter une pareille publication, et aussi 
d'admirer les ressources qui ont permis d'entreprendre les 
voyages, les recherches et les travaux dont, le livre ne l'ait que 
constater le résultat. 



- 88 - 

Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, Tome vi de 
la 2 e série (1883). Poitiers, 1884. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 3 e trimestre 

de 1884. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la 
Sarthe. 4 e trimestre 1884). 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. N° 1G9, 
janvier 1885. Mémoires. — Nous signalerons l'étude sur la val- 
lée de Saint-Léger-des-Aubées, par M. le D r Harreaux. C'est 
l'historique des travaux d'assainissement qui ont été entrepris 
dans la vallée où se trouve l'une des sources de la petite rivière 
de la Voise, et qui ont ramené la salubrité dans le village de 
Saint-Léger. Les fièvres intermittentes en ont disparu, tandis 
que les villages riverains de la Conie, où rien n'a été fait, sont 
restés des foyers de maladies paludéennes. 

Bulletin de la Société Danoise. N° G3, janvier 1885. — Un 
mot sur la Conie, tel est le titre d'une note de M. Barbier, in- 
génieur civil, sur la régularisation du cours marécageux de la 
Conie, laquelle est à rapprocher de l'article sur la Voise cité plus 
haut. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. Tome vi, 
1 er et 2 e trimestres de 1884. 

Bulletin de la Société Archéologique et historique de l'Or- 
léanais. 3 a et 4 e trimestres de 1884. 

Bulletin d' Histoire ecclésiastique des diocèses de Valence, Di- 
gne, Grenoble et Viviers. Septembre 1884 - mars 1885. 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome ix, 3 ,! fasci- 
cule. 

Société des Sciences agricoles et horticoles du Hacre. 1881. 

Bulletin, de la Société des Sciences historiques et naturelles de 
l'Yonne. Année 1884, 2' semestre. 

Bulletin delà Société Philomathique de Paris. Tome vin, 
1883-84. 

Bulletin de l Académie du Var. Tome xn, 1884. 



Kl) 



Bulletin de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et dé'i'Aunis, v e volume, 3 e livraison, 1 er janvier 1885. — 
4 e livraison, 1 er avril 1885. 

Annales de la Société Historique et Archéologique du Gâti- 
nais. 4 e trimestre de 1884. 

Comité Archéologique de Sentis. Année 1884. 

Revue de la Société des Etudes historiques, faisant suite à 
Y Investigateur. 1884. 

Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France. 
1 er avril au 32 juillet 1884. 

Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 
Tome xin, 2 e livraison. 

IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Reçue Archéologique. 3 e série, tome v. Janvier et février 1885. 
— Au milieu d'articles et de notes de haute érudition, qu'il se- 
rait trop long d'énumérer ici, nous distinguons l'étude do M. 
Ed. Flouert sur la stèle laraire de Montccau (Cùte-d'Ûr). Cette 
étude d'archéologie gauloise donne d'intéressants détails sur le 
Dieu porte-marteau, dont l'attribut caractéristique, en forme de 
massette claviforme, est analogue à la massue d'Hercule. 

A la séance de la Société Nationale des Antiquaires de 
France du 17 décembre 1881, M. Mowat dépose l'estampage de 
briques prétendues antiques du Musée de Vendôme, et eu con- 
state la fausseté. Nous ignorons qui a pu donner comme authen- 
tiques ces briques, dont la provenance exacte nous est incon- 
nue, mais dont la fausseté ne trompe aucun archéologue, comme 
le font très bien remarquer MM. de Villefossc, Bertrand, etc. 

Matériaux pour l'Histoire primitive et naturelle de l'Homme. 
19 e volume, 1885. N os de janvier, février et mars. — La question 
«les silex tertiaires de Thenay ne semble pas près d'être épuisée. 
Nous lisons dans le N° de janvier, page 11, une lettre de M. Doi- 
gneau de Nemours, qui contient de judicieuses observations 
sur [es retouches plus ou moins intentionnelles que présentent 
ces silex : d'après lui, elles auraient été faites, non pas après 



— 90 — 

l'éclatement par le feu, mais avant, car l'effet du feu est précisé- 
ment d'enlever à la pierre la qualité qui la faisait rechercher: 
la dureté. — Dans le N° de mars, M. A. de Quatrefages publie un 
important mémoire intitulé : L'Homme tertiaire, Thenay et les 
Iles Andamans. Les Iles Andamans forment, dans le golfe du 
Bengale, un archipel habité par des tribus appelées Minco- 
pies, dont l'état social actuel semble se rapprocher beaucoup de 
ce que pouvait être celui de nos plus lointains ancêtres. L'étude 
des mœurs et usages des Mincopies a permis à M. de Quatrefa- 
ges de répondre à quelques-unes des objections faites par les 
adversaires de l'homme tertiaire, notamment les trois sui- 
vantes : 1° le nombre et la dispersion des silex craquelés dis- 
séminés au milieu de ceux qui ne le sont pas ; 2° le nombre con- 
sidérable des éclats sans traces de travail intentionnel ; 3° le 
petit nombre de pièces portant ces retouches. Les conclusions 
de l'illustre membre de l'Institut ne manquent certes pas de va- 
leur; mais nous doutons qu'elles soient acceptées sans conteste. 
En tout cas, son travail est ingénieux et fort intéressant. — 
Lire aussi dans le N° de février l'article de M. le D r Lottin sur 
l'industrie actuelle des silex dans le département de Loir-et- 
Cher. 

Bulletin Monumental. vi c série, tome I er , N° 1, janvier-fé- 
vrier 1885. — A partir de 1885, M. Léon Palustre abandonne la 
direction du Bulletin monumental en même temps que celle de 
la Société Française d'Archéologie, Il a pour successeur M. le 
comte de Marsy, qui continuera dignement l'œuvre commencée 
il y a un demi-siècle par M. de Caumont. Le Bulletin ne s'im- 
prime plus à Tours, mais à Caen, chez Le Blanc-Hardel, et pa- 
rait avoir matériellement gagné à ce changement. 

Flore de Loir-et-Cher, par M. A. Franchet. 24 e livraison. 

E. N. & L. M. 



LES DERNIERS JOURS 



DE 



LA COLLÉGIALE SAINT- GEORGES 

Inventaire des titres & Objets précieux 

Dressé en 1790, 

Par M. l'abbé Ch. Métais, 
Curé de Saint-Rimay. 



L'histoire de nos institutions monastiques pendant la 
grande révolution, voilée encore par l'horreur de tant 
de sacrilèges et de profanations, obscurcie par la con- 
fusion universelle et le bouleversement général de ces 
jours à jamais célèbres, attire tout esprit curieux. Il 
est temps de retracer ces événements, qui ont com- 
mencé, pour nos cités comme pour le monde entier, 
une ère nouvelle. Les hommes qui en furent les ac- 
teurs, dignes de louange ou de blâme, ont disparu. 
Les esprits sont calmés. Tels et tels actes injustes ou 
peu justifiés ont revêtu une certaine légalité, surtout 
par le Concordat de 1801. 

Partout les historiens se livrent à d'activés investiga- 
tions; nous n'avons pu résister au courant. Après trois 
ans de recherches faites surtout aux archives départe- 
mentales, il nous estpossible de commencer aujourd'hui 
une suite d'études dont le titre pourrait être : Les Insti- 
tutions religieuses de Vendôme pendant la Révolution. 
Les événements dont elles ont été les témoins et le 
théâtre, l'inventaire de leurs titres, biens, objets pré- 



- 92 - 

cieux, etc., en seront le sujet. Nos preuves sont des 
monuments écrits: les inventaires dressés en 1790, 
sept énormes registres in-folio des délibérations du Di- 
rectoire du district de Vendôme, les registres munici- 
paux correspondants. Les premiers surtout contien- 
nent des indications nombreuses et du plus haut in- 
térêt, soit pour l'histoire de la ville, soit pour celle du 
Vendomois, et dont il n'est pas même fait mention 
dans ces derniers (1). 

A l'aurore de la Révolution, la collégiale de Saint- 
Georges de Vendôme avait encore une certaine splen- 
deur au milieu de son délaissement. Nous ne dirons 
rien sur le monument lui-même. Qu'il suffise de con- 
sulter les historiens (2). 

De vénérables prêtres, pour la plupart sexagénaires, 
s'efforçaient de rendre au culte, par leur grave attitude 
et leur pieux recueillement, toute la splendeur des 
jours plus fortunés, quand les princes venaient prier 
Dieu dans cet antique sanctuaire, et y déployaient 
un éclat presque royal; mais alors, hélas! l'antique 
église, « la première et la principale de Vendôme, la 
« plus noble sans contredit, après celle de Saint- 
« Denis, de toutes celles du royeaulme, » pleure sur 
son abandon; autour d'elle les ruines s'amoncellent 



(1) Les inventaires dressés en 1790 avaient été réunis en un 
carton par M. Dupré, archiviste. Egaré en attendant un classe- 
ment définitif, ce carton nous tomba sous la main en 1882. Notre 
premier soin fut de le montrer à l'archiviste actuel M. Bournon, 
qui en fit le sujet d'une note dans son rapport au Conseil gé- 
néral de 1883. De là, l'étude si intéressante de notre honoré 
collègue M. A. de Trémault sur la destruction des archives de 
la collégiale. (Bulletin 1884, p. 09.) 

(2) De Passac, Vendôme et Vendomois. p. 20. — L'abbé Si- 
mon, Histoire de Vendôme, tome I er , p. 53 et 282. — De Péti- 
gny, Hist. Archéol. du Vendomois, n° 3, p. 283. — Ms. de Du- 
chemin delà Chenaye, à la bibliothèque de Vendôme, tome I er , 
p. 20. — M. le Marquis de Rochambeau, Bulletin 1885. — Les 
Eaux-fortes de M. Queyroy, etc. 



— 93 - 

sur les ruines; ses murs se lézardent, sa flèche, ja- 
dis si altière, s'est courbée, la foudre l'a frappée deux 
fois(l). $es tombeaux: s'entrouvrent, et, du fond de leurs 
cercueils, les ancêtres de nos rois semblent vouloir 
se lever et protester contre leur ingratitude (2). 

Bientôt la pauvreté se fait sentir jusque dans le sanc- 
tuaire. Les chanoines désolés se voient obligés, « pour 
ne pas manquer de l'extrême nécessaire, » d'aller des- 
servir d'autres églises. « Presque toutes les fondations 
avaient été faites en rentes à argent », qui subissaient 
avec le temps une certaine dépréciation, et leur revenu 



(1) En 1787, de Passac, 1. c, et déjà le 24 décembre 1706, pen- 
dant que les chanoines étaient au chœur pour l'office de prime; 
fait assez extraordinaire. Ms. de Duchemin de la Chesnaye. 

(2) «Les tombeaux et mausolées étaient tellement négligés, 
nous dit Duchemin de la Chesnaye (1. c, p. 26), qu'en 1747 ou 
1748, le maréchal Maillebois, attiré par la curiosité d'aller voir 
ces monuments, lors de son passage à Vendôme, ne fut pas peu 
surpris de remarquer que la plupaart des tombeaux étaient ou- 
verts, et exposés, par conséquent, à toutes sortes de désordres. 
Sur ses représentations, il intervint peu de temps après un 
ordre du roi Louis XV, en exécution duquel tous les tombeaux 
furent fermés en maçonnerie, et par là à l'abri de toute insulte. » 

« Le cercueil de Jeanne d'Albret était rompu, ajoute l'abbé 
Simon, parce que la soudure ne tenait plus; plusieurs personnes 
l'ont vue et touchée, je l'ai vue moi-même, et elle était entière 
avec des cheveux frisés et d'une longueur énorme. » (Tome I er , 
p. 389.) 

En 1791, le duc de Chartres, colonel au 14 e régiment de dra- 
gons en garnison à Vendôme, accompagné de son secrétaire, 
M. Pieyres, voulut visiter le caveau sépulcral de l'église de 
Saint-Georges, et prit quelques cheveux de Jeanne d'Albret. Un 
vieux casque à visière était sur l'un des tombeaux ; il le prit, en 
disant : « Je ne mourrai toujours pas sans avoir porté le casque 
de mes aïeux, cela me portera bonheur au combat. » Mais on 
ne put le lui enlever qu'à grand'peine, et son front et sa figure 
en étaient rougeset sanglants. On était allé chercher un serru- 
rier pour limer les charnières, fait affirmé par M. le chanoine 
Galopin.— (Lettre de M. Beaussier-Bouchardière, du 20 décem- 
bre 1814. Bull. 1869, p. 243, et Ms. de Duchemin de la Ches- 
naye.) 



— 94 — 

actuel n'était plus en proportion avec l'augmentation 
survenue dans toutes les choses nécessaires à la vie. 
Comment alors prélever sur un revenu si minime un 
fonds suffisant à la décoration et à l'entretien de l'é- 
glise? 

Aussi la collégiale n'offrait plus, en 1780, dans ses 
solennités, que l'affligeant spectacle de son indigence. 
« Elle ne possède plus, ajoute l'abbé Pinel, que quatre 
« calices pour vingt-cinq prêtres; des chasubles et des 
« chapes d'étamine sont les seuls vêtements qu'elle 
« puisse étaler aux yeux du peuple (1). » 

Nous constaterons nous-même, dans notre inven- 
taire, le bien fondé de ces plaintes. 

Cependant les chanoines ne restèrent point inactifs 
devant cet état de dénuement. 

En 1742, ils obtiennent de M gr Crussol, évèque de 
Blois, l'union de seize chapelles, dont les revenus fu- 
rent affectés aux distributions journalières. La part des- 
tinée aux absents fut réservée pour les nécessités de 
l'église et du chapitre (2). 

Un jour ils apprennent que M gr de Thémines ré- 
clame la suppression du titre abbatial de la Trinité en 
faveur de son séminaire et de sa cathédrale. Aussitôt 
ils entrent en lice, se font appuyer par le conseil géné- 
ral de la commune, et gagnent en partie leur cause. La 
décision est rendue, le souverain pontife s'est pro- 
noncé, ils ont la moitié des revenus de la mense ab- 
batiale, quand tout à coup éclate la Révolution. 

Le tiers état de Vendôme, dans son cahier de doléan- 
ces, art. 43, émit le vœu que « les abbayes commenda- 
taires et autres bénéfices simples soient supprimés 
après la mort des titulaires, pour les fonds et revenus 
desdits abbaves et bénéfices être destinés à des établis- 



(1) Union du titre abbatial de la Trinité de Vendôme à la col- 
légiale de Saint-Georges. Pièces justificatives. N° 5. 

(2) Union, etc. Pièces justificatives, N° A. 



— 95 — 

sements utiles aux paroisses, aux constructions et ré- 
parations $' églises et presbytères, et aux villes tels 
que les hcfpitaux et liotels-Dieu (1). » Mais la Révolu- 
tion ne se tint pas dans des bornes aussi restreintes. 
Dans la nuit du 4 août 1789, les biens ecclésiastiques 
sont déclarés biens de la nation. Quand toute la portée 
de cette décision fut connue, l'émotion fut vive à Ven- 
dôme. Le décret du 2 novembre, qui mettait ces mê- 
mes biens à la disposition immédiate de la nation, à 
la charge de pourvoir à la subsistance des ministres, 
aux besoins des pauvres et du culte, enlevait toute il- 
lusion. Le vœu de la population vendômoise était dé- 
passé ; aussi sans retard, le 15 novembre, l'assemblée 
générale de la ville, présidée par M. de Flosville, déci- 
dait, timidement il est vrai,, mais à la pluralité des voix, 
« qu'il seroit écrit par MM. du Bureau municipal et 
criminel aux municipalités des principales villes voi- 
sines pour scavoir d'elles sy elles font des représen- 
tations contre la disposition prqjettée des biens ecclé- 
siastiques, et dans le cas ou les dittes villes feroient 
des représentations, que mesdits sieurs se joindroient 
à eux (2). » 

L'intention est évidente. Mais les décrets de l'Assem- 
blée nationale se succédaient avec rapidité. Le 13 no- 
vembre 1789, ordre est donné aux titulaires des béné- 
fices et supérieurs de maisons religieuses de faire la 
déclaration de leurs biens, sous peine d'être déchus 
de tout droit à ces bénéfices. 

Le 3 février 1790, on leur ordonne de déclarer le 
nombre des bénéfices et des pensions dont ils jouis- 
sent; — le 13, les ordres religieux sont supprimés; 
— le 19, on leur accorde un traitement, souvent rema- 
nié dans la suite; — le 17 mars, 400 millions de biens 
ecclésiastiques sont mis en vente; — la manière de pro- 



(1) Registres municipaux, N° xx, l' u 65. 

(2) lleg. municip., N° xx, f° 102. 

XXIV 



- 96 - 

céder à cette vente est tracée dans une ordonnance 
du 31 mai; —enfin, le 12 juillet, la Constitution civile 
du clergé est votée. 

Tous ces coups retentissaient douloureusement dans 
le cœur des hommes d'ordre (1). Vendôme avait aussi 
ses secousses. La municipalité avait été formée sur de 
nouvelles bases dès le commencement de 1790. Le 26 
mai, M. Buscheron de Boisrichard, nouveau maire, 
invitait la municipalité à délibérer sur l'achat des biens 
ecclésiastiques. « Il est intéressant, dit-il, de prendre 
en considération le décret de l'Assemblée nationale con- 
cernant l'aliénation des biens du clergé aux municipa- 
lités, à la charge de les revendre avec un certain béné- 
fice au profit des dittes municipalités. La ville étant 
très pauvre, il seroit très utile de faire en sorte d'aug- 
menter ses revenus en profitant de l'effet de cette loi... 
Le conseil a arrêté que la municipalité ,demeure au- 
thorisée par lui à se soumettre auprès de qui il appar- 
tiendra pour acquisition de biens du clergé jusqu'à la 
concurrence d'une somme de deux millions. » — Si- 
gné, etc. (2). 

Il fallut donc dresser les inventaires. Les commis- 
saires nommés à cet effet se présentent chez les Béné- 
dictins le 28 avril 1790, pour inventorier les biens meu- 
bles, et le G septembre, pour inventorier les titres et 
les chartes. 

Le 30 avril, ils se présentent chez les Cordeliers, le 3 



(1) Un ouvrier vendùmois, Jean Clément, rious donne l'ap- 
préciation exacte du peuple sur les excès de la révolution, sur- 
tout par rapport au clergé : 

« En 1791 commença, dit-il, la persécution des prêtres ; on 
leur fit prêter serment, et ceux qui ne voulurent pas se soumet- 
tre à ce règlement furent chassés de leurs églises. Plusieurs 
furent mis aux fers pour récompense de leurs travaux. Victimes 
de la vengeance des hommes, beaucoup gagnèrent la couronne 
du martyre en succombant à leurs peines, etc. » — Bulletin 
18G9, p. 188. 

(2) Reg. municip.j N°xx, P 136. 



— 97 - 

août au Calvaire, le 10 chez les Ursulines, le 16 à la col- 
légiale. £,e tout était confié à la garde des religieux. 

Le 26 septembre et le 28 octobre, MM. Gros-Jean, 
ancien contrôleur des vingtièmes, Maupetit, voyeur à 
Vendôme, Pierre Couty de Montoirc, et Arrondeau, 
notaire à Sougé, sont nommés experts par la munici- 
palité pour l'estimation des biens du clergé. Le 23 no- 
vembre, le Directoire de Vendôme prit un arrêté don- 
nant « commission à MM. les officiers municipaux, de 
« Vendôme, Moritoire, Troô et Autlion pour apposer 
« les scellés sur les églises collégiales et maisons re- 
« ligieuses (1). » 

Cet ordre fut transmis à la municipalité le 2 décem- 
bre 1790; mais de nouvelles élections avaient eu lieu 
dans un sens plus modéré, et M. de Trémault, qui plus 
tard fut arrêté sous la Terreur, était maire. Dans sa 
réunion du 3 décembre, le conseil voulut se décharger 
de cette besogne, prétextant ses nombreuses occupa- 
tions; mais, le lendemain, le Directoire réitéra son 
ordre, et désigna les deux premiers officiers de la mu- 
nicipalité. Il fallut se soumettre, et le 6, le conseil don- 
nait cette pénible commission à MM. François Dchar- 
gne et Pierre-Paul Mereaux (2). 

Nous avons entre les mains le procès-verbal de cette 
opération chez MM. les Bénédictins. Commencée le 
6 décembre, elle ne finit que le 13. Bonne et sûre garde 
des scellés fut confiée à un agent. Mais la population, 
peu accoutumée à ces profanations, ne put les voir 
avec calme. Le conseil municipal, effrayé, se réunit 
le 16 décembre, « sur l'avis qui lui avoit été donné 
« que des gens mal intentionnés cherchoient à soule- 
« ver le peuple à l'occasion des scellés apposés dans 
« les églises. » On résolut donc, pour maintenir 



(1) Délibérations du district de Vendôme, reg. I. — Archives 
départementales, série !.. 

(2) Registres cités, à ces dates 



— 98 — 

la tranquillité publique, qui n'avait pas encore été 
troublée, de lancer une proclamation pour éclairer 
le peuple sur l'existence de la loi en vertu de la- 
quelle le conseil municipal avait agi, avec menaces 
« que tous ceux qui par leurs propos ou mouvements 
« tenteroient de contrarier l'exécution des décrets, atti- 
« reroient sur eux la vengeance des lois et seroient pour- 
ce suivis comme perturbateurs du repos public (1). » 

Le 18 suivant, un nouvel arrêté retire des mains des 
chanoines « leurs sommiers de recettes et les gros des 
baux qu'ils peuvent avoir en mains, pour les remettre 
au district* (2). » 

Le 23 mai 1791,, le Directoire prescrit la remise au 
district de toutes les archives des biens nationaux, 
et nomme archiviste, avec traitement de 1000 livres, 
le sieur Louis -Pierre - Simon - François Bourgogne, 
chef de bureau du district. Nouvelle ordonnance est 
donnée, le 23 novembre, à MM. Girodon et Bordier, 
administrateurs, de se faire remettre tous les titres de 
propriété des communautés, cures et bénéfices sup- 
primés (3). 

Plus tard, sur l'invitation de l'administration du dis- 
trict, le conseil municipal désigna « pour trier les Char- 
tres et manuscripts qui appartenoient aux sciences et 
aux arts» les ce. Thomas, instituteur public au collège 
national, et Lefebvre,, ancien vicaire constitutionnel de 
la Trinité, bibliothécaire du district (4). 

Puis vinrent les mesures vexatoires du serment ci- 
vique, le 15 janvier 1791, et ensuite l'acceptation de la 
Constitution civile du clergé refusée énergiquement par 
M. Thoinier, curé de Saint-Mariin, et M. Chapeau, curé 
de la Madeleine. 



(1) Registres municipaux, N° 21, f 22. 

(2) Reg. municip., N° 21, f°. 22 v°. 

(3) Registres du Directoire, N° I. 

( i) Reg. munie, N° 22, 12 brumaire an III ou2 novembre 1794. 



— 99 - 

Cependant le château était mis en vente. Déjà un 
nommé Gabriel Pinson, marchand demeurant paroisse 
de la Madeleine, offrait 13,000 livres pour l'acquisition 
du château, avec la faculté d'enlever les pavés de la 
rampe (1). Le 12 janvier 1791, le Directoire délibère 
sur cette offre. Les habitants s'émurent à cette nouvelle. 
L'aliénation de la rampe enlevait le chemin ordinaire 
pour communiquer au hameau du Temple. Une péti- 
tion couverte de nombreuses signatures resta sans 
effet, et il fut décidé que le 15 du même mois l'on pro- 
céderait à l'adjudication définitive dudit château et de 
ses dépendances « sans avoir égard à la dite requête 
des habitants. » Réserve toutefois était faite « de la 
rampe qui conduit audit château à partir du pavé de la 
ville jusqueset autant qu'en emporte la rampe qui con- 
duit à l'église cy devant paroissiale et collégiale dudit 
château, soit à cause du préjudice qui pourroit résul- 
ter de la vente dicelle pour les propriétés inférieures, 
soit parce quelle doit nécessairement rester commune 
pour l'exploitation du château ainsi que pour l'usage de 
l'église et autres objets qui ne font pas partie du châ- 
teau (2). » 

En effet, le 15 janvier 1791, le château fut vendu au 
sieur Jean Fournieiv, demeurant à la ferme de Pinsay, 
paroisse de Crucheray, moyennant la somme de 

(1) Directoire, ô janvier 1791. 

(2) Reg. du Directoire, 12 janvier. Le titre de paroisse donne 
souvent à la collégiale, surtout dans les pièces plus récentes, 
s'explique parce fait que le doyen du chapitre exerçait les jonc- 
tions curiales sur tous ceux qui demeuraient dans l'enceinte du 
château, ainsi que sin v les membres du chapitre, et leur admi- 
nistrait les sacrements comme les autres curés de la ville. L'é- 
glise avait ses fonds baptismaux, et l'on conserve encore à la 
mairie de Vendôme les registres du chapitre. Cf. Ducliemin de 
la Chenaye, MS, 1. 1, p. 24. Los droits respectifs du chapitre et 
de Saint-Martin avaient été réglés solennellement par une tran- 
saction faite en 1506 entre les chanoines, l'alibi'' de Saint-Geor- 
Lirs-du-Bois et le prieur de Saint-Lubin au château. (M. de Mar- 
tonne, Notice historique sur Saint-Martin de Vendôme, p; 95.) 



— 100 — 

14,400 livres, selon l'acte de vente que nous donnons 
en note (1). 

Mais, d'après un renseignement que nous trouvons 
au 23 septembre 1791 dans les registres du Directoire^ 
ce laboureur, devenu propriétaire du château, était en 
état d'ivresse lors de cet achat. Désespéré, dans la pré- 



Ci) « Le château de Vendôme avec ses circonstances situé pa- 
roisse de S'-Georges de la ditte ville, dépendant de l'appânàge 
de Monsieur frère du roi, consistant suivant le rapport du sieur 
René Barbier expert nommé par le Directoire du District et du 
sieur Chevé, soumissionnaire, dans une cave on roc avec un ca- 
vereau situé au lias du château, un terrain devant ladite cave 
jusqu'à la rampe. Un petit bâtiment anciennement occupé par 
le portier du château composé parle bas de 2 chambres froides, 
de 2 chambres a cheminée au premier, petit jardin devant, ver- 
ger au-dessous donnant sur la rue Ferme complanté en mau- 
vais arbres fruitiers dans lequel sont les jeux de boule, au bout 
duquel verger se trouve un enclos de murs servant autrefois de 
jeu de paume dont un pignon sert actuellement de clôture au 
manège; un autre petit bâtiment servant autrefois de magasin 
â poudre, un petit bâtiment appelé la Capitainerie 

« 3 portails en pierres de taille dont un seul est garni de ses 
venteaux et ferrures, lesquels sont de distances en distances le 
long de la rampe dudit château dont il ne reste aujourd'hui qu'un 
seul pavillon y compris les murs du château et ceux du rempart, 
un clos de vignes de 4 quartiers, environ 30 boisselées de terre 
labourable — le terrain appelé la montagne, remplide fosses et 
de butes considérables d'environ 5 arpents compris une mau- 
vaise garenne et broussailles, et enfin les anciennes ferrures, 
plombs et ardoises dépendans du château déposé â l'hôtel com- 
mun de cette ville, avec les cours et les vieilles charpentes du 
château, estimés la somme de 10,824 livres.... sous l'observation 
qu'au désir des délibérations du Directoire du District de Ven- 
dôme, la rampe qui conduit, audit château a partir du pavé de la 
ville -jusque et autant qu'en emporte la rampe qui conduite l'é- 
glise cy devant paroissiale et collegialle dudit château, n'est 
point comprise dans la vente d'icelui, qu'elle en demeure au 
contraire exceptée tant pour demeurer commune â celui qui se 
rendra adjudicataire dudit château, que pour l'usage de ladite 
église, ainsi que pour l'exploitation de la maison et jardin du sa- 
cristain de la dite église, même le cimetière attenant audit jar- 
din... 



— 101 — 

vision qu'il ne pourrait jamais solder, il s'enfuit de sa 
ferme, et sa récolte fut saisie. Cet abandon de l'acqué- 
reur fut favorable aux déprédations sans nombre dont 
l'administration du district ne voulut pas être specta- 
trice impassible. 

Le 14 avril 1791, les Directeurs se réunissent (1): 

« Instruits, disent-ils, des brigandages et des dévastations 
journalières qui se commettent dans les bâtiments de la capi- 
tainerie de l'ancien château de cette ville adjugés au nommé 
Foumier, qui n'ayant point encore payé l'accompte de son ad- 
judication, semble fort tranquille sur ses intérêts personnels 
relatifs à ces dépérissements, et attendu que la perte totale qui 
en pourroit résulter jusqu'à l'époque de la revente desdits ob- 
jets sur folle enchère, soit au détriment dudit Fournier, soit de 
la nation en cas d'insolvabilité de sa part, a arrêté... pour la 
conservation de tous les objets restants dudit château et dé- 
pendances susceptibles de dépérissement et d'être volés, qu'ils 
seroient dans les vingt-quatre heures enlevés de quelque na- 
ture et espèce qu'ils soient pour être traduits et déposés dans 
un lieu sûr des bâtiments servant au logement de l'adminis- 
tration (2) ». 

Enfin l'acquéreur reconnu insolvable, le château fut 

« Vendu à Jean Fournier laboureur demeurant au lien de Pin- 
say, paroisse de Crucheray, moyennant la somme de 14,400 li- 
vres. » — (Archives départementales, série L.) 

L'ancien prêche avait été compris dans cette vente ; la mu- 
nicipalité en réclama la distraction, à laquelle ledit Fournier 
consentit le 18 janvier 1791. (Reg. municip.,N° xxi, f° 25.) 

Nota. Le dernier concierge du château fui un nommé Day de 
la Chapelle, un des chefs de la panneterie-bouché du roi, pro- 
priétaire du quelques terres el des petites garennes dites les 
garennes au Duc situées an delà des Capucins. Il habitait le 
palais abbatial de la Trinité. 

(1) Registre V :r , N° 742. 

(2) On sait que l'administration du districl fui placée dans le 
couvent des Bénédictins, dans le bâtiment qui joinl le clocher el 
l'église de la Trinité, plus tard emplacemenl de la sous-préfec- 
ture, après avoir servi de salle pour le fameux procès de Dar- 
thé et de Babeuf. 



— 102 — 

de nouveau mis en vente et adjugé le 11 juin de la môme 
année (1). 

Témoins de ces événements si graves, instruits de la 
fermeture et de la suppression prochaine d'un grand 
nombre d'églises, les chanoines réunirent tous leurs 
efforts pour sauver du naufrage leur chère collégiale. 

Ils présentèrent une requête à la municipalité, qui 
l'accueillit avec faveur le 31 janvier 1791. 

« Délibérant, dit-elle (2), sur le contenu de la requeste pré- 



(1) On fit six lots, qui furent vendus séparément à la folle-en- 
chère: 

Le l or , la cave au bas du château, 800 livres à Dehargnes. 

Le 2 e , la Capitainerie et le magasin à poudre, 1025 livres â 
Pasquier père. 

Le 3 e , le château de Vendôme, tours, souterrains, la rampe et 
ses 3 portails, etc.. Expressément réservés : 1° la rampe dans 
toute son étendue, à partir du pavé de la ville jnsques et com- 
pris le pont vulgairement appelé le pont de Beauce... pour l'usage 
du public ; 2° les murs le longde la rampe dans toute son éten- 
due â sa droite et à sa gauche; 3° le cimetière du cy -devant 
chapitre, la terrasse et le petit corps de bâtiments adjacent â 
l'église, logement du sacristain... ; 4° et enfin l'église. — Vendu 
5,000 livres à Jean-François Morinet, Lubin Drouin, perruquiers, 
Charles Brisset m d boisselicr, François-Jean Pasquier l'ainé, en- 
trepreneur de travaux publics demeurant à Vendôme, quartier 
de la Petite-Chapelle. 

Le 4% un clos de vigne au Temple, 1325 livres à Morinet. 

Le 5 e , les anciennes ferrures, plombs et ardoises du château, 
déposés à l'hôtel de ville..., et les vieilles charpentes déposées 
sur la terrasse de lacy-devant abbaye de la Trinité, 1250 livres â 
Nicolas Fontaine m d fripier, Mathurin Asseau pâtissier, et Char- 
les Brissé boisselier. 

Le 6 e , 30 boisselées de terre, ou le terrain appelé la Monta- 
gne, fosses, buttes, garennes et broussailles, 2,000 livres, à Mo- 
rinet, Drouin, Brissé et Pasquier. 

Total, 11,400 livres. 

(Registres des ventes des biens nationaux. Vendôme. — Ar 
chives départementales, série L, sous les N 0ï 1009, 1010, 1011, 
1012, 1013, 1014.) 

(2) Rcg. municip., N° xxi, fol. 27. 



— 103 — 

sentée par Messieurs les cy-devant chanoines de S'-Georges 
de Vendôme, tendant à la conservation de l'église du château 
et établissement d'un chapelain pour desservir ladite église, 
dans laquelle reposent les cendres des princes et ayeux de 
l'auguste maison régnante, ouï Monsieur Hostier, pour la va- 
cance de l'office de procureur de la commune, applaudissant 
au zèle, à l'amour et au respect des cy-devant chanoines pour 
les cendres de nos princes et à leur vénération pour les reliques 
authentiques et précieuses dont ils avaient décoré leur église, 
se réunit auxdits chanoines pour engager les corps administra- 
tifs à acquiescer aux demandes énoncées en ladite requeste 
qui sera remise et présentée auxdits corps administratifs par 
lesdits sieurs cy-devant chanoines, qui seuls sont parties ca- 
pables pour donner décision sur icelle. Dont acte » 

Le Directoire, consulté, rendit une décision qui est 
une page honorable pour notre cité. 

Le 10 février 1791, il applaudit à ce projet de conser- 
vation « conforme, dit-il, à ce qu'ont obtenu les églises 
de Givet, dépositaire des cendres de Bavard, et de S 1 - 
Denis, dépositaire de celles de nos rois; ce qui enfin 
seroit d'une grande utilité en ce que cette église servi- 
roit de succursale aux écarts nécessités par le nouvel 
arrondissement des paroisses. » 

Puis, élevant la voix plus haut: 

« Il suffiroit d'être français, dit-il avec enthousiasme, pour 
se sentir attendri au nom seul de Henri quatre et des auteurs 
de ses jours, et ce sentiment devient encore plus cher à 
ceux qui respirent le même air qu'ils ont respiré, et habitent 
les lieux qui furent jadis leurs héritages. Que s'il est entré dans 
les vues des législateurs de la nation de l'enrichir des dons faits 
par les princes a des corps aujourdhuy supprimés, on ne peut 
croire que leur intention ait été d'effacer ces fondations jus- 
qu'au dernier vestige et de chercher à nous faire oublier les 
noms de nos bienfaiteurs et le souvenir de leurs vertus, que 
dans ces jours de patriotisme où tous les cœurs doivent être 
exaltés par les mouvements les plus nobles, on ne peut trop 
respecter les précieux, monuments qui nous rappellent la mé- 
moire du grand Henri ce père de la Patrie qui semble aujour- 
dhuy revivre sur le trône; enfin que la gloire de la nation, la 



— 104 — 

religion, la reconnaissance et l'exemple de la faveur obtenue 
par les églises de Saint-Denis et de Gyvet, tout en un mot se 
réunit pour appuyer la demande des cy-devant chanoines de 
l'Eglise de S l -Georges, qui dépouillés de toute espèce d'inté- 
rêt à obtenir ce qu'ils sollicitent, mettent le comble au res- 
pect qu'ils ont toujours mérité comme prêtres et citoyens, et 
dont la suppression inspireroit des regrets, s'il étoit permis d'en 
avoir pour les sacrifices faits à la chose publique. » 

« Que par toutes ces considérations, le Directoire imitant 
l'exemple d'une municipalité ardente pour l'honneur de son 
pays, se réunit à elle ainsi qu'auxdits cy-devant chanoines pour 
inviter MM. les administrateurs du directoire du département 
à accueillir et protéger une demande, qui est devenue com- 
mune à tous les bons citoyens, et dont le succès les pénétrera 
de reconnaissance et pour ceux qui leur auront accordé la fa- 
veur inapréciable qu'ils désirent, et pour ceux qui leur au- 
ront rendu ce succès plus facile. 

Fait et arrêté lesdits jour et an que dessus 
Signé : Marganne-Rullière, Girodon, Arnoult, 

QUANTIN, MORIN. » 

Le 5 avril suivant, le Directoire, consulté sur la 
nouvelle circonscription à donner aux paroisses, émit 
le vœu de réunir les quatre paroisses de Vendôme en 
une seule, dont le siège serait la Trinité, desservie par 
un curé et cinq vicaires, avec deux oratoires, l'un dans 
l'église du château et l'autre dans la chapelle du grand 
cimetière, où serait célébrée une messe chaque jour de 
l'année. 

En effet, un décret rendu le 19 mai et sanctionne par 
le roi réalisait ce désir en y ajoutant la Madeleine 
comme desserte (1). Il fut publié le 19juin dans la ville. 
Mais le nouveau clergé constitutionnel ne put pas sans 
doute répondre à tant de besoins, l'oratoire du châ- 



(1) Le dimanche, la grand'mésse paroissiale avait lieu à la 
Trinité à 10 heures, et une messe basse n 11 heures à la Made- 
leine. 



— 105 — 

teau fut négligé ; aussi voyons-nous l'ancienne collé- 
giale dépouillée chaque jour soit par l'administration 
elle-mème(,- soit par des vols et des brigandages les 
plus indignes. 

Ainsi, sur une requête présentée par les curé etmar- 
guilliers de Saint-Nicolas de Blois, le Directoire con- 
sent, le 22 août 1792, à leur accorder « deux cloches 
« alors existantes dans le clocher de la collégiale pour 
« leur permettre de former une sonnerie convenable à 
« l'étendue de leur paroisse. » 

Le 8 juillet suivant, laspoliation n'était pas encore ac- 
complie (1), mais elle fut réalisée bientôt, et la plus 
célèbre de ces cloches, pesant 7,000 livres, nommée 
Opportune, fut longtemps la seule cloche de Saint-Ni- 
colas. « Elle demeura longtemps seule dans sa majes- 
tueuse sonorité qu'il nous semble entendre encore, 
écrit M. Du pré. Son métal est entré dans la fonte des 
trois nouvelles cloches qui furent bénites le 4 janvier 
1844 par Mgr deSauzin (2). » 

Deux autres furent données à l'église de Ma- 
zangé (3). 

(1) Reg. muriicip., N° xxi. 

(2) Semaine religieuse du diocèse de Blois, du 15 avril 1882. 

(:}) Archives de cette paroisse — M. Lecomte, curé constitu- 
tionnel de Mazangé, écrivait à la date du 11 janvier 1792: « Par 
suite démon obéissance, nous obtînmes dechanger deux calices 
et un soleil et un petit ciboire pour les malades, pour d'antres 
vases de la même sorte, mais beaucoup pins forts et plus pro- 
pres, et cela gratuitement. Nous avions trois cloches, dont nue 
était cassée, nous en avons obtenu deux pour nos deux secon- 
des, baucoup plus belles, el notre grosse devint notre troisième. 
Ces nouvelles cloches étaient du chapitre de Vendôme. La pre- 
mière porte ces mots: Franscia Alanconia Caroli primiconjunx 
suo nomine, cœtus vero mille octingentisque aeris ditarunt me 
fusain anno dornini 1536 mense Martio. » (Cf. Bulletin, 1870, pp. 
11!) et 120); et la seconde porte ces mots : « Sumptibus Capi- 
tuli fusa fui, et Ludovica nuncupata, agentibus Claudio Simon ci 
Michaele Chauvin anno domini 1702. » Le changement fui aussi 
gratuit. » 



— 106 — 

Bientôt la municipalité elle-même prit l'initiative d'un 
abandon complet. Dans sa réunion du 22 avril 1792, 
elle décide « qu'il sera présenté pétition à l'Assemblée 
nationale tendante à la suppression de l'oratoire du 
château, qui nécessite des dépenses énormes et n'est 
déjà plus en état décent et (à l')authorisation de con- 
struire un caveau dans l'église delà Trinité pour y re- 
cevoir les cendres des Bourbons qui sont sépultures 
en grand nombre en la ditte église du château (1). » 

Cette décision était prise sur une pétition des habi- 
tants de la Madeleine, du 10 avril, qui demandaient l'é- 
rection de leur église, simple succursale, en paroisse. 

Le Directoire fut saisi de cette question, et, le 1 er 
juin suivant, sur une nouvelle pétition des intéressés, 
s'appuyant sur les mêmes motifs (2), il ne s'oppose 
pas entièrement à la réalisation de ce vœu « d'autant 
plus utile, qu'il est à présumer, d'après la pétition 
du conseil général de cette commune du -*22 avril der- 
nier, et les moyens d'intérêt public qui y sont expri- 
més, que l'oratoire du château sera supprimé (3). » 

Mais des faits plus graves vinrent militer en fa- 
veur de cette demande. 

Le 18 août, le procureur syndic du district vint tout 
ému présenter dans cette assemblée un réquisitoire en 
forme (4) : 

« Malgré les précautions et la surveillance de la municipa- 
lité de cette ville tant pour constater que pour arrêter le cours 



.il) Reg., N° xxi, P 90. 

(2) « L'oratoire du château ne .sert de rien ; il est en très mau- 
vais état et nécessite des réparations considérables. » Ils de- 
mandaient de pins la suppression des paroisses de Saint-Ouen 
et d'Areines, et le démembrement de celle de Navcil. Voir un 
plan curieux avec toutes pièces à l'appui aux archives de la mu- 
nicipalité de Vendôme. 

(3) Reg. I, N° 792. 
(1) Re.u-. 1, N°898. 



— 107 — 

des vols et brigandages qui se commettent nuitamment dans 
l'église de l'ancien château de cette ville, et les poursuites di- 
rigées contre les prétendus coupables de ces délits, il existe 
cependant encore des particuliers inconnus et assez scélérats 
pour faire de nouvelles tentatives de s'introduire dans cette 
église isolée, faisant aujourd'hui un de ces oratoires dont on 
sollicite auprès de l'assemblée nationale la suppression, afin 
d'y voler les épitaphes, tombes en marbre, cuivre et autres ma- 
tières ainsy que les tombeaux de plomb dans lesquels reposent 
les cendres des cy-devant princes et seigneurs de ce château 
de la maison de Vendôme, dont une partie avait même desjà 
été volée ; qu'en conséquence il est intéressant de prendre 
toutes les mesures capables de conserver les restes de ces mo- 
numents anciens qui appartiennent à la nation et d'arrêter le 
cours et l'infamie de tels brigandages. Pourquoi ledit procu- 
reur syndic requiert, attendu l'urgence et l'évidence d'un 
complot formé pour détruire et enlever tout ce qui peut res- 
ter d'utile et de précieux dans cet oratoire, la translation de 
tous les objets ci-dessus désignés, et même de tous autres 
susceptibles de dépérissement et d'enlèvement, dans une des 
chapelles de l'église paroissiale de cette ville, pour y être dé- 
posés et mis en sûreté jusqu'à la destination qui en pourrait 
être faite et ordonnée, soit par le décret de suppression solli- 
cité, soit par une décision ultérieure du département qui sta- 
tueroit également sur les frais utiles et nécessaires de ce trans- 
port. » 

Marganne-Rullière, Bordier. 

Quelques jours plus tard, une tentative plus auda- 
cieuse encore vint jeter la consternation. Le Directoire 
prend aussitôt une décision : 

« Instruit, dit-il le 25 août (1), que nonobstant sa surveil- 
lance, il vient de se commettre clans l'intérieur de l'église du 
cy-devant château de cette ville de nouveaux délits, notamment 
qu'une grille de fer qui garnissoit l'une des croisées de cette 
église près la sacristie, a été enlevée nocturnement, que les 
brigands qui se sont introduits dans la même nuit, ont brisé les 
pièces de charpente qui fermaient l'entrée d'un caveau du 



0) Ibid., N u 908. 



— 108 - 

chœur qui renferme les cendres des cy-devant princes et sei- 
gneurs de Vendôme, qu'à l'aide de cette ouverture, ils sont en- 
trés dans le caveau pour y voler les cercueils de plomb qui y 
sont déposés, qu'ils en ont même sorti un qu'ils ont porté sous 
la fenêtre qu'ils avoient dégarni de ses grilles; 

Considérant qu'une dépense de plus de deux cents livres 
faites il y a peu de temps par l'administration à l'intérieur et à 
l'extérieur de cette église pour en défendre l'entrée par les 
croisées, n'a pu prévenir de nouveaux larcins, qu'il seroit très 
difficile de conserver les cercueils et monuments qui existent 
encore dans cette église sans faire une dépense au moins de 
1200 livres pour la sûreté de l'église qui se trouve isolée ; con- 
sidérant d'un autre côté que cette dépense seroit en pure 
perte puisque d'une part les tombeaux, cercueils et autres mo- 
numents de l'église du château peuvent être transférés dans 
celle de la Trinité, où ils seront en sûreté, que d'une autre part 
sa suppression est demandée par la ville de Vendôme qui a 
sollicité un décret à cet égard, qu'il ne se fait plus dans cette 
église aucun service du culte. 

Vu le réquisitoire du procureur syndic du 18 août pré- 
sent mois et la notoriété du complot formé et exécuté en partie 
de détruire et d'enlever tout ce qui peut rester d'utile et de 
précieux dans l'oratoire du château. 

Le Directoire estime qu'il est urgent d'enlever de cet ora- 
toire tous les tombeaux de marbre, cercueils de plomb et tous 
autres objets susceptibles de dépérissement et d'enlèvement 
pour le tout être déposé dans une ou plusieurs chapelles de 
la paroisse de la Trinité de cette ville, comme aussy que tou- 
tes les boiseries anciennes qui garnissent cette église, les fers 
et autres objets exposés à être volés, doivent être vendus, pour 
sur le prix de cette vente, le directoire être autorisé à payer 
les frais du déplacement et transport des cercueils, tombes et 
tombeaux, qu'enfin il n'est pas moins utile de faire descendre 
les deux cloches qui restent dans le clocher pour être de suite 
envoyées à la monnaye de Saumur, pour le tiers de valeur ré- 
duit en pièces de monnaye être délivré à la municipalité de cette 
ville, et qu'à l'effet de tout ce que dessus le département sera 
invité de donner sans retard son autorisation (1). » 



(1) Une lettre de M. Morard, témoin oculaire, datée du 25juin 
1818, nous apprend quels furent les tombeaux violés par ces 



— 109 — 

Enfin le gouvernement lui-même, à bout de res- 
sources, réclama les plombs de ces tombeaux, et le 20 
septembre, sur la demande réitérée du département, il 
fut arrêté « que les plombs contenus au caveau de la 
collégiale, dont a été fait bris, seroient envoyés au dé- 
partement, qu'à cet effet lundi prochain il sera procédé 
à la translation des ossements que contiennent lesdits 
plombs dans une grande boëte de bois ou deux., s'il est 
nécessaire, laquelle sera laissée dans le caveau et que 
ledit caveau sera muré (1). » 

L'extraction projetée, est-il dit dans une autre dé- 
libération du conseil municipal, « a été retardée par 
« la plainte rendue contre certains particuliers qui 
« avoient essayé de les voler, et par la poursuite cri- 
« minelle qui en avoit été la suite et qui exigeoit leur 
« séjour comme pièces de conviction (2). 

Ce délai fut la cause d'un désastre complet. En effet, 
le 28 mai 1793, le 3 e bataillon des volontaires de Paris, 
[de la section de l'Unité ou du faubourg Saint-Antoine, 
ou plus véridiquement de la section des Champs-Ely- 



mains sacrilèges : « Vous savez, dit-il, que pendant une nuit 
orageuse, au commencement de la Révolution, des voleurs s'in- 
troduisirent dans l'église collégiale ; ils en tirèrent les cer- 
cueils et les cendres des jeunes Henry duc de Beaumont et de 
Louis Charles de Bourbon, qu'ils déposèrent au bas d'une fe- 
nêtre de la chapelle Saint-Joseph, près la sacristie, par laquelle 
fenêtre, qu'ils avaient rompue, ils s'étaient introduits dans l'é- 
glise pour voler les plombs des tombeaux et des cercueils. Ils 
étaient parvenus à soulever le cercueil de Catherine de Bour- 
bon et à le porter sur les degrés du caveau, lorsqu'on s'aper- 
çut au corps-de-garde de la mairie qu'il se passait quelque chose 
d'extraordinaire dans l'église de la collégiale, qui était absolu- 
ment déserte. Je fus réveillé, je lis prévenir M. le main.' et h; 
lendemain, après que par Justice le crime eut été constaté, M. 
le maire fit reporter les trois cercueils dans le caveau. » Cf. Bul- 
letin, 1869. p. 245. 

(1) Reg. M, N» xxi, C 11(1. 

(2) Reg. municip., N» xxi. f 178. délibération du 29 mai. 



— 110 — 

sées (1)] forçait l'enceinte de la municipalité, obli- 
geait un de ses membres à l'accompagner dans la 
profanation affreuse de l'église de S fc -Georges et de ses 
tombeaux. Nous ne retracerons pas ces événements 
lugubres, déjà stigmatisés par M. Bouchet en 1869 (2). 
Qu'on se reporte à ces pages palpitantes d'horreur. 

A ces scènes lamentables devaient en succéder d'au- 
tres non moins tristes. La Terreur avait jeté sou voile 
lugubre et sanglant sur toute la France ; tout culte 
était prohibé, les églises étaient profanées et vendues. 
La chapelle du château, avec toutes ses dépendances, 
chapelles, clocher, sacristie, salle des arcbives, mai- 
son du sacristain, jardin, cimetière adjacent au jardin, 
escalier venant de la rampe, était livrée le 24 août 
1793 (3) pour la misérable somme de 10,500 livres 
payables en assignats (4) à de vils spéculateurs,, qui la 
firent tomber sous les coups de la pioche, pour tirer de 
ses matériaux le plus triste des gains (5). 



(1) Morard, Bull. 1869, p. 245, de la Chenaye (Les Prisons 
de Vendôme) et Reg. municip., N° xxi, fol. 178, 179, 180, 181, 
et fol. 191. Une lettre du président de la section des Champs- 
Elysées ( 18 juillet 1793 ), annonce à la municipalité de Ven- 
dôme la punition des coupables « voués à sa haine et ;i sa 
vengeance » ; celle-ci répondit, le 21, de leur « accorder le 
pardon s'il peut être utile à la République. » 

(2) Bull. 1869, p. 235 et suiv., 

(3) Bulletin 1881, p. 227. 

(4) Les assignats, le 4 nivôse an iv (24 décembre 1795) ne va- 
laientà Vendôme que 5 sols les 100 livres ; la municipalité 
rendit un arrêté pour en porter la valeur à 20 sols les 100 livres ; 
la monnaie républicaine elle-même n'était reçue qu'à moitié 
valeur, en comparaison de celle marquée au coin de la royauté. 

(5) « Les bâtiments du château ainsi que l'église collégiale ont 
été adjugés par le district de Vendôme à plusieurs particuliers 
qui ne cessent de les faire démolir et d'en vendre en partie les 
débris; mais la solidité extraordinaire de ces antiques édifices, 
bien supérieure à celle de nos bâtiments modernes, leur a rendu 
la démolition si difficile etsi coûteuse, que le bénéfice envisagé 
par les acquéreurs dans la vente de ces matériaux devient de 



— 111 — 

Il ne resta bientôt de la collégiale que des ruines. La 
voûte du chœur subsistait cependant encore, paraît-il, 
quand Vendôme fut occupé les 16, 17, 18 et 19 juin 
1814 par 5,500 cavaliers anglais et autres alliés. Ils 
en renversèrent les derniers débris pour dresser leurs 
tentes et dominer la ville (1). Pasquier, déjà acquéreur 
du château, les avait achetés à vil prix ; il en fit en- 
treprendre le défrichement. L'intérieur du château et 
toute la montagne allaient être livrés à la charrue (2), 
quand M. de Beaumont les racheta le 1G mai 1819 pour 
la minime somme de 1524 livres, et les donna gracieu- 
sement à la ville. 

D'après une tradition conservée par M. de Passac, on 
espéra longtemps voir s'élever au milieu de toutes ces 
ruines un monument expiatoire. La Restauration en 
avait été saisie, et l'aurait probablement exécuté sans 
le désastre des Cent jours. 

M. Morard, longtemps secrétaire de l'administra- 
tion, nous a conservé précieusement le plan grandiose 



jour en joui' plus modique pour eux et presque illusoire, ce qui 
t'ait qu'il existe encore de ce monument, jadis l'admiration des 
voyageurs, beaucoup plus de vestiges qu'on ne devait s'y atten- 
dre. La postérité pourra un jour faire aux administrateurs du dis- 
trict le même reproche qu'ils ont dû encourir de la part de leurs 
concitoyens, d'avoir laissé vendre sans réclamation un château 
et une église aussi célèbres par les souvenirs augustes qu'on en 
conservera éternellement, le tout pour une somme modique de 
14,000 livres environ, en'assignats qui ne valoient peut-être pas 
alors G,000 livres, tandis que la ville de Loches, entre autres, n'a 
pas souffert qu'on vendît son château et son église collégiale, où 
l'on voit encore le tombeau d'Agnès Sorel, maîtresse du roi 
Charles sept, morte en 1451. » (MS.dc Duchcmin delà Chenaye, 
tome I, p. 15.) 

(1) Le prince Frédéric-Charles, dans la dernière guerre, vou- 
lut monter sur la tour de Poitiers pour diriger son armée dans 
les combals de Vendôme. 

(2) De Passac, p. 19. Lesalliés occupèrent encore Vendôme en 

juillet 1815. Rcg. municip., xxxiv. 

xxiv 8 



— 112 — 

qu'on avait alors conçu dans une note insérée dans l'ou- 
vrage de M. de Passac (1). 

M. de Beaumont voulut du moins ériger un petit 
monument à la mémoire de Jeanne d'Albret, mais la 
malveillance, toujours inepte et imbécille, vint bientôt 
le faire disparaître. 

Les corps des princes, traînés dans la ville, mis en 
lambeaux, jetés dans la rivière, avaient été recueillis 
avec respect par M. de Boisrichard, maire, placés dans 
un double cercueil de chêne, et ensevelis clans le grand 
cimetière, derrière le pignon d'orientde l'église près de la 
sépulture de M. deRochambeau (2). M. Morard ajoute 
qu'ils auraient été enlevés dans la suite et déposés 
avec vénération dans un local dont M. et M me de Ros- 
taing avaient seuls connaissance (3). Il eut longtemps 
lui-même entre les mains le cœur de Marie de Luxem- 
bourg, avec l'intention de lui ériger un monument ; 
mais, les circonstances ne l'ayant pas permis, il les 
remit au sacristain de la Trinité, afin, qu'il l'inhumât. 
En 1833, après la mort du sacristain, on en avait perdu 
toute trace (4). 

La haine de l'ancien régime ne fut pas satisfaite de ces 
actes de vandalisme. D'autres documents précieux res- 
taient encore. Le Directoire, présidé par le fameux Ca- 
therinet, prit l'initiative du brûlement général des ar- 

(1) P. 29. 

(2) De Passac, p. 28. — M. Duchemin de la Chcsnaye donne 
une autre version : «Nous devons, dit-il, la conservation de 
ces ossements à la présence d'esprit du sieur Galopin, chape- 
lain de cette collégiale, lequel s'étant trouvé par pur hasard sur 
la terrasse, au moment où ces réquisitionnaires parisiens al- 
laient les disperser, feignit d'entrer dans leurs projets libertici- 
des, et les détermina à les jeter dans un trou qui était à leurs 
pieds. C'est alors que M. Buscheron de Boisrichard, maire de 
Vendôme, s'empressa de les faire déposer dans deux cercueils, 
etc. >» (T. I, p. 26.) 

(3) Bulletin 18G9, p. 246. 

(4) De Passac, p. 28. 



— 113 — 

chives. « Il est indispensable, dit-il, de faire disparaître 
jusqu'aux vestiges du régime monstrueux de la no- 
blesse eï de la féodalité. Les principes de liberté et d'é- 
galité qui viennent d'être consacrés par l'acte consti- 
tutionnel exigent de tous les citoyens la remise des ti- 
tres qui peuvent y porter atteinte.... » 

Sur cette considération, il arrête « qu'il sera fait sa- 
medy 10 août (1793), jour du renouvellement du ser- 
ment fédératif, un autodafé de tous les titres de no- 
blesse qui existent dans ce district, qu'en conséquence 
il est enjoint à toutes les municipalités indépendantes 
de requérir tous les cidevant nobles de leur arrondis- 
sement de les leur faire remettre, et, en cas de refus, 
de faire en leur maison toutes perquisitions nécessai- 
res et de faire passer le tout au Directoire, dans le jour, 
sous leur responsabilité (1). » 

M. de Trémault nous a donné le procès-verbal de 
cette exécution ; les archives de la collégiale furent spé- 
cialement comprises clans cette destruction. 

Mais cette destruction n'était pas complète. Une 
charretée seulement de ces papiers précieux avaient été 
brûlés le 10 août ; quelques jours plus tard, cinq voi- 
tures furent la proie des flammes. En effet., en exécu- 
tion du décret du 28 juillet 1793, les décorations de 
Saint-Louis et de tous les autres ordres royalistes, avec 
leurs brevets, avaient été remises aux municipalités, et 
par elles au Directoire de Vendôme. Celui-ci décida le 
19 brumaire (2) « qu'étant urgent et nécessaire de faire 
disparaître ces hochets de l'orgueil et de la vanité », ils 
allaient être envoyés à la Convention nationale chacun 
avec un numéro d'ordre indiquant le poids et l'ancien 
propriétaire, et les brevets remis de suite à l'archiviste, 
pour être compris dans le brùlement des titres féodaux, 
le lendemain (3). 

(1) Directoire, 3 e reg., N» 1224. 

(2) Directoire, 2 e reg. N°133(>, 9 novembre 1793. 

(3) Ces décorations lurent pesées par le c. Ledoux, fameux 
terroriste. Elles consistaient en : 



— 114 — 

Donc, 1g 20 brumaire : 

« En exécution du décret de la convention nationale du 17 
juillet dernier... le cortège (formé de toutes les administrations 
et autorités civiles et militaires à 11 h. du matin) s'est rendu 
dans la salle des séances de l'administration et de là au mail 
dit de la fédération, précédé de cinq voitures de titres féodaux 
provenant des dépôts faits tant aux archives dudit district qu'à 
la municipalité, ornée d'inscriptions relatives à la circonstance 
et propres à rappeler au peuple la liberté et la destruction du 
régime oppresseur de la féodalité. 

Le cortège arrivé sur ledit mail proche lequel avait été pré- 
paré un bûcher, s'est rangé autour d'icelui bûcher, et les voi- 
tures étant entrées dans l'enceinte aux cris de vive la Répu- 
blique, les divers titres, papiers, registres, censifs, cueillerets, 
ainsi que les brevets et lettres qui ont accompagne le dépôt 
des différentes décorations,.... ont été déchargés sur ledit bû- 
cher ; ce fait, le président du district a prononcé un discours 
sur les avantages de la constitution républicaine, sur le bonheur 
résultant de la liberté, et enfin sur l'objet qui en ce moment 
rassembloit les citoyens. 

Il a ensuite donné lecture puis le président du directoire 

et le maire ont allumé le feu au bûcher sur lequel étoientles- 
dits titres aux cris réitérés de vive la république, vive la li- 
berté, vive l'égalité, et après que les titres et monuments dont 
il s'agit ont été consumés par les flammes, chacun des fonc- 
tionnaires publics cy-dessus dénommés s'est retiré et rendu de 



« 1° Un colier du cidevant ordre du Saint-Esprit, composé 
d'une grande croix émaillée et sa chaîne, de 32 médailles émail- 
leés, le tout en or reconnu pezer 2 marcs, 2 onces, 5 gros. 

« 2° D'une croix en or émaillée du cidevant ordre, reconnu 
pezer 2 marcs. 

« 3° D'un bâton de maréchal de France, couvert de velours 
bleu brodé en fleurs de lis et garni de deux viroles en or à cha- 
que extrémité, la valeur de cette matière évaluée par approxi- 
mation 1 once, 4 gros, cotté N" 3. 

« Plus 28 croix en or et émaillècs du cidevant ordre de Saint- 
Louis, reconnus d'après le pezage séparé de chacune d'elles et 
indiqué par une étiquette numérotées depuis 4 jusqu'à 30, de la 
quantité de 1 marc 5 onces 5 gros, appartenant les ci-devant 
décorations, savoir.... » — (Reg. du Direct., ibid.) 



- 115 - 

nouveau dans la salle des séances du directoire ou le présent 
procès-verbal a été dressé, clos, arrêté et signé lesdits jour et 
an. 

Bûcheron maire, Josse, Baudichon, Parrain, 
Ghaibert, chef d'escadron comd 1 le 16 e régiment de 
dragons, Sauval, Morin, Gatherinet, Bordier, 
Lambron, Morin, etc., (1). 

Bientôt les fêtes de la République ne sont plus com- 
plètes sans quelque brùlement de cette espèce : tantôt 
ce sont les insignes de la royauté, de la féodalité et du 
fanatisme que l'on flambe à défaut de titres, comme le 
23 thermidor an II (10 août 1794), les 9 et 10 thermidor 
an IV (27 et 28 juillet 1796) ; tantôt les tapisseries se- 
mées de fleurs de lis, en particulier celles qui ornaient 
la salle du tribunal, le 2 pluviôse an VI (21 janvier 
1798) (2). 

(1) Directoire, 3 e reg., N°1337. 

(2) Reg. municip., à ces dates. 



( A suiore. ) 



M. CHARLES CHAUTARD 



Par M. Ch. BOUCHET 



IL — LES ŒUVRES. 

L'œuvre principale de M. Chautard est sa traduction 
complète, en vers, d'Horace. On a beaucoup discuté 
pour savoir s'il valait mieux traduire un poète en vers 
ou en prose. Nous ne ferons à ce sujet qu'une ré- 
flexion. Chez le poète, la forme du vers est une chose 
capitale. La lui enlever, c'est lui enlever \a moitié de 
lui-même. C'est le forcer à descendre de sa noble mon- 
ture pour le mettre à pied. Sans doute, en voulant le 
suivre achevai, vous traducteur, vous ne pourrez pas 
toujours le suivre exactement, côte à côte ; votre mon- 
ture restera parfois en arrière, et parfois fera des écarts. 
Mais, au moins d'une façon générale, vous emboîterez 
son allure; vous ne le ferez pas voyager comme un 
piéton, j'allais dire comme un pékin, pardon ! Vous 
serez moins exact quant à la lettre, vous le serez da- 
vantage quant à l'esprit. Pour Horace notamment, il 
y aune raison toute spéciale qui commande la traduc- 
tion en vers : Horace, en effet, est l'inventeur d'un genre 
particulier, nous voulons dire delà poésie familière (1), 
en sorte que supprimer chez lui le vers, c'est suppri- 
mer son originalité Ses Epîtres, par exemple, ne se- 
ront plus qu'une conversation ordinaire, ce ne sera 
plus la création neuve qu'il a voulu faire. 

Pourtant nous ne voulons point nier les grands avan- 

(1) Ceci demanderait quelques restrictions, mais ce n'est point 
ici le moment de nous y appesantir. 



— 117 — 

tages que présentent de leur côté les traductions en 
prose. Elles seront toujours préférées par ceux qui dé- 
sirent suivre l'original pas à pas, en même temps que 
la traduction. Elle est alors comme une échelle que 
l'on applique pour gravir le texte, et dont on tient peu 
de compte, une fois l'ascension faite. Ce genre de tra- 
duction répond mieux d'ailleurs à l'esprit positif de 
notre siècle. 

En somme, il nous semble qu'il faudrait pour chaque 
poète une double traduction, une en vers et une en 
prose; que là gît la véritable solution. 

Personne n'était plus propre que M. Chautard à 
l'œuvre qu'il a accomplie. Comme nous l'avons dit ail- 
leurs, on ne traduit bien que ceux à qui l'on ressem- 
ble. Or ce caractère aimable et modéré du poète latin, 
plein d'enjouement et d'esprit, ami de toutes les choses 
littéraires et des loisirs de la campagne, trouvait, sous 
bien des rapports, comme un miroir dans son inter- 
prète vendômois. 

Mais se rend-on bien compte des difficultés où l'on se 
heurte à traduire en vers un poète tel qu'Horace ? Il eu 
offre, en effet, de toutes particulières, sans parler de 
celles du sens, surtout au point de vue de l'art incom- 
parable du style. Horace est en effet un des plus grands 
artistes sous ce rapport, comme Aristophane chez les 
Grecs et La Fontaine chez nous. Ne les comprend pas 
qui veut, ni qui croit. L'un des caractères, en particu- 
lier, qui distinguent le poète latin, c'est d'avoir en- 
châssé dans une forme extrêmement précise, concise 
même, des qualités qu'elle semble exclure : l'aménité, 
l'enjouement, le pittoresque. Or M. Chautard a repro- 
duit, [dus qu'aucun de ses devanciers, cette qualité 
maîtresse. Les Odes ont été traduites vers pour vers. 
Le nombre total des vers dans les Odes est chez Ho- 
race de 3,656. Il n'y en a pas un de plus chez le tra- 
ducteur. Et que l'on ne s'imagine pas que cette rigueur 
ait nui à l'aisance. Voici pour preuve le début de la 
l re ode du 1 er livre: 



— 118 - 

« Mœcenas atavis édite regibus.... » 

Nous le choisissons, parce que tout le monde le sait 
par cœur, et que cela nous dispense de citer le texte. 

« Mécène, qui jadis eus des rois pour aïeux, 
mon illustre appui, ma gloire la plus chère, 
L'un aux jeux d'Olympie, inondé de poussière, 
Aime à lancer un char ; que ses brûlants essieux 
Ne heurtent pas la borne, et le prix qu'il remporte 
L'élève au rang des Dieux arbitres des humains. » 

Nous le demandons en conscience: est-il possible 
de mieux allier la fidélité du sens et la facilité du style 
avec la forme poétique ? 

Il est clair que cette condition n'était plus possible 
avec les Satires, les Épîtres et l'Art poétique. L'hexamè- 
tre latin, beaucoup plus long que notre alexandrin, fai- 
saitici laloi au traducteur. Aussi l'ensemble des grands 
poèmes latins, qui est de 4,081 vers, est-ihdans la tra- 
duction de 5,252, et cependant on peut dire que la pré- 
cision est toujours à peu près la même. Que l'on en 
juge encore par ce début de lal re satire : 

« Qui fît Msecenas.... », 

que tout le monde a également présent à la mémoire: 

Pourquoi de son état nul ne vit-il content, 
Cher Mécène, qu'il l'ait ou choisi librement, 
Ou reçu du hasard ? Pourquoi porter envie 
A la profession par les autres suivie ? 
« fortunés marchands» dit, sous l'âge affaissé, 
Le soldat par de longs travaux déjà cassé. » 

Nous ne nous étendrons pas davantage sur les qua- 
lités de cette traduction ; c'est assez d'en avoir con- 
staté la précision et l'élégance. Nous ne parlons pas de 
l'exactitude du sens; elle a été établie d'après les meil- 
leures autorités, principalement d'après Patin. 

L'ouvrage de M. Chautard a obtenu une mention au 
concours pour le prixJanin, près l'Académie française, 
en 1880. Voici comment le rapporteur, M. Camille 



— 119 — 

Doucet, s'exprime à ce sujet— nous abrégeons : «... Les 
traductions d'Horace ont abondé dans ce concours. 
L'Académie en a distingué plusieurs, deux notamment, 
d'une correction élégante et agréable, que je commence 
par mentionner ici en son nom : l'œuvre entière d'Ho- 
race traduite en vers par M. Charles Chautard et les 
satires également traduites en vers par M. Gustave 
Asse, conseiller honoraire à la cour d'appel de Rouen. » 
Malgré cette justice rendue, M. Chautard se vit préfé- 
rer une traduction de Perse et de Juvénal par M. Cass- 
Robine, traduction où l'auteur, nous dit le rapport, 
« s'est étudié à calquer, pour ainsi dire, le texte latin, à 
le suivre pas à pas, mot par mot, en respectant munie 
les inversions et en les reproduisant avec une rigou- 
reuse exactitude. » Nous avons regretté vivement cette 
décision de l'Académie. Il nous semblait que le travail 
deM. Cass-Robine ne devait pas valoir celui de M. Chau- 
tard ni par le temps et le soin qu'ont dû exiger l'un et 
l'autre, ni par les difficultés vaincues, ni surtout par 
les résultats littéraires. Il est vraiment trop commode de 
calquer ainsi mot à mot. Ces sortes de traductions de- 
vraient être reléguées dans les collèges. On se demande 
si c'est bien là traduire ou trahir par excès de fidélité. 
Enfin passons (1) ! 

Chansons de Métiers & Chansons du Village. — 
Il ne faut pas qu'ici l'étiquette nous trompe et nous dé- 
précie l'œuvre. Sous cette forme légère, il y a un fond 
sérieux, — artistique, moral, philosophique quelquefois. 
Si ce n'est point là le plus gros ouvrage de M. Chau- 



(t) Vout-on voir comment M. Cass -Robinc traduit Horace, 
car il l'a traduit autrefois. Voici le début de sa 1" ode du 1 er 
livre. On pourra comparer avec M. Chautard : « Mécène, des- 
cendant d'aïeux rois, ô mon appui ci ma douce gloire, il en est 
qui, sur leur char, de la poussière olympique se couvrent avec 
joie, et que pour nue borne évitée par ses roues brûlantes, lu 
noble palme transporte vers les Dieux maîtres du monde. Celui- 
ci veut que l'inconstante foule des Quirites s'empresse de l'éle- 
ver jusqu'aux trois honneurs.... etc. 



- 120 - 

tard, c'est du moins celui ou l'un de ceux qui expriment 
le plus fidèlement sa personnalité. Tout jeune homme 
il rimait des chansons, disons plutôt qu'il les chantait 
(à sa façon) comme chante l'oiseau sur la branche, dans 
un rayon de soleil. — Quand ce n'était pas une chanson, 
c'était une fable, une épitre ou un conte, car tels étaient 
également ses genres favoris ou d'un seul mot le genre 
gaulois. — Presque tous nos talents sont empreints de 
notre caractère. Nous avons dit dans sa Biographie 
qu'il y avait en M. Chautard un mélange de sympathie 
universelle et de raillerie inoffensive. Là est la clef de ses 
tendances poétiques, de ce double courant que nous ve- 
nons de signaler. La chanson de métier, certaines piè- 
ces sentimentales, certaines poésies sociales dont nous 
auronsà parler, donnaient jour à sa nature bienveillante, 
tandis que le conte, l'épître, etc., exprimaient cet esprit 
vif, moqueur, cette gaîté ironique, ce sel de notre race 
qui le caractérisaient peut-être d'une façon^encore plus 
typique(l). Avec l'âge et l'expérience de la vie, les na- 
tures mûrissent et s'améliorent, et les productions de 
l'esprit suivent ce progrès. Ainsi arriva-t-il à M. Chau- 
tard ; ainsi arriva-t-il à la chanson en général, en 
France. Jusqu'au commencement de ce siècle, tour à 
tour bachique, amoureuse, licencieuse, politique, sati- 
rique, mais toujours joyeuse et fredonnante, elle prit 
tout à coup, sous l'inspiration d'un homme de haut ta- 
lent, des accents plus sérieux, une allure plus hère ; 
elle chanta les sentiments généraux de la nation, nos 
gloires, nos malheurs, nos plaintes ; la gaie chanteuse 
devint une Muse, la chanson parfois presque une ode. 
Les grands souvenirs de la Révolution et de l'Empire 
avaient produit ce résultat. Pourtant la transformation 
n'était pas encore complète. Une autre évolution de- 
vait suivre, l'évolution ouvrière proprement dite, la 
glorification du travail et les revendications sociales 



(1) Cet esprit .se retrouve également dans plusieurs de ses 
chansons: l'Adjoint, le Facteur rural. 



— 121 — 

des classes laborieuses. Béranger ne représentait que 
la bourgeoisie libérale; il fallait que le peuple eût aussi 
ses poètes.» Il les eut, dans les rangs mômes du peu- 
ple : Pierre Dupont, Ch. Poney, l'ouvrier maçon, 
Magu le tisserand, François Rouget de Vendôme, le 
tailleur de Nevers. C'est à cette pléiade populaire qu'ap- 
partient M. Chautard, malgré son rang social; mais il 
ne lui appartient que par le chant du travail et de la 
souffrance; les aspirations politiques sont entièrement 
bannies, comme on pouvait s'y attendre (1). 

Ce n'est point une idée neuve que celle de la chanson 
de métier; nulle poésie, au contraire, n'a peut-être une fi- 
liation plus ancienne et de plus pur sang, car elle existait 
autrefois chez les Grecs, antérieurement même à leur 
poésie classique, comme on peut le conjecturer par quel- 
ques fragments populaires qui nous restent, véritables 
chansons de métiers, celles-là, nées du métier même, 
et qui se chantaient réellement à l'ouvrage. Il y avait 
ainsi la chanson des moissonneurs : « Envoie, disaient- 
ils à Cérès, envoie de nombreuses gerbes. » — Il y avait 
la chanson du moulin, avec harmonie imitative et allu- 
sions historiques : « Mouds, mouds, meule, mouds 
toujours, car Pittacus a moulu, Pittacus le souverain 
de la riche Mitylène. » La chanson qui conduisait les 
troupeaux: au pâturage avait été inventée par Diomos, 
bouvier de Sicile, etc., etc. Et chacune de ces chan- 
sons avait son nom particulier. Les unes se chantaient 
purement et simplement comme celles que nous ve- 
nons de citer ; d'autres avec danses et instruments. 
On trouvera clans Athénée (Deipnosophistes, liv. xiv) 
de curieux renseignements à ce sujet. 

Comment M. Chautard a-t-il compris la chanson de 
métier? De diverses manières: ou comme descrip- 
tion du métier même ou comme scène de mœurs, ou 



(1) Du moins dans son Recueil ; ailleurs il s'est montré plus 
hardi, et n'a pas craint de toucher à la question sociale, comme 
nous le verrons plus bas. 



— 122 — 

comme jouissances et humbles fêtes du travail, ou, au 
contraire, comme peinture des privations et des souf- 
frances, ou enfin comme rêverie et légende fantastique. 
— Dans la description du métier, l'auteur montre une 
justesse et une variété de connaissances techniques 
surprenantes, par exemple, dans les Batteurs en grange, 
le Vigneron, le Tonnelier, le Charron, etc. Comme scè- 
nes de mœurs, on peut citer Jeannette, le Meunier, où 
l'on trouve plus d'un joli tableau flamand, le Facteur 
rural, peinture ironique, pleine d'une verve malicieuse, 
le Colporteur, que M. Aug. Barbier trouvait « jolie, 
alerte et bien troussée (1) », la Veillée au village, un 
vrai chef-d'œuvre. — La peinture des privations et des 
souffrances est hélas ! la partie la plus féconde du li- 
vre, celle où M. Chautard déploie toute sa sensibilité, 
tout son cœur. Il faut lire le Mineur avec son ardente 
aspiration : 

« Soleil de Dieu, soleil, ardent soleil ! », 

le Pauvre, l'Aveugle, si mélancoliques : 

« Où sommes-nous? hélas ! je n'en sais rien! » 

le Bûcheron, le Fossoyeur, pièces philosophiques sans 
sortir du naturel. Mais c'est surtout la Dentellière et le 
Chant de la Chemise, que vous ne pourrez lire sans 
vous sentir les yeux pleins de larmes, car rien n'est 
plus navrant : 

« Elle a faim et n'a point d'ami. 
Qui l'aimerait la pauvre artiste, 
Aux doigts 'menus, au teint blêmi'.' 
« Ah ! dit-elle d'une voix triste, 
Ah ! je vivrai seule toujours ; 
Pour d'autres la vie est si douce !... 
Les oiseaux ont leurs nids de mousse, 
Les fleurs mêmes ont leurs amours ! 

(L.\ Dentellière, p. 1(J6.) 



(1) Lettre à M. Chautard, en tête de l'ouvrage. 



- 123 - 

Le Chant de la chemise, il est vrai, n'est qu'une 
imitation dt'uno pièce anglaise de Thomas Hood, mais 
une imitatîon qui vaut l'original. 

Si, par un contraste qui vous soulage, on passe aux 
jouissances et aux humbles fêtes du travail, on retrouve 
dans cette catégorie le Vigneron, le Charpentier, puis 
Ma bique, Mon àne^ la pièce peut-être la plus originale 
du recueil, et qu'il semble que M. Chautard seul pou- 
vait écrire : «Mon âne surtout, disait M. Barbier, est 
une pièce excellente. » 

Au point de vue légendaire, il faut rapporter la lé- 
gende du Forgeron, si bien appropriée au métier, l'une 
des plus riches créations de l'auteur (si elle est réelle- 
ment de lui pour le fond) la légende du sorcier dans « La 
Veillée au Village », d'une couleur locale saisissante: 

« Le sorcier traverse la plaine, 
Alouette et pinson 
Suspendent leur chanson, 
Le sorcier traverse la plaine, 
Aux branches du buisson 
Le troupeau perd sa laine. 
Allez au bois cueillir la marjolaine, 
Au bois se meurt la pâle marjolaine. » 

Ajoutons ici les chansons purement sentimentales : 
les Voix de la campagne qui semblent un écho de La- 
martine, qu'on n'eût pas attendu d'une nature aussi peu 
rêveuse que celle de M. Chautard, l'admirable Suzon, 
inspirée par un mot profond de Catulle: Odi et Amo, 
la non moins admirable romance de «Veille, ma lampe, 
veille encore », Geoffroi et Bérangère, etc. 

Au reste la classification que nous donnons ici n'a 
rien d'absolu et plus d'une chanson peut rentrer à la 
fois dans plusieurs catégories ; nous avons consulté 
le trait le plus saillant. 

Quels caractères, en général, M. Chautard a-t-il 
prêtés à ses personnages ? Les caractères les plus hon- 
nêtes et les plus heureux, gais, lorsque la situation le 
comporte, sinon résignés, pieux, confiants en Dieu, 



- 124 - 

en un mot, à l'image même de l'auteur, devenu pour 
l'instant ouvrier ou pauvre comme eux. Là point 
de mauvais garnement, un seul fréquente le cabaret, 
pour donner au poète l'occasion d'en tirer cette mo- 
rale : « L'ennemi c'est le cabaret », point d'ouvrier socia- 
liste, point d'envieux ou haineux du riche, point de 
rixe violente, point de ménagère acariâtre, point de 
fille séduite ou débauchée, ni vices, ni crimes, en un 
mot. Que ceci ne soit pas précisément conforme à la 
réalité, c'est certain, mais pourtant nous tenons que 
l'auteur a eu raison de peindre son monde ainsi. Il en 
a pris la fleur et l'essence. C'était le meilleur moyen 
de l'élever et de le moraliser. 

On lui a reproché également de leur avoir donné 
parfois un langage au-dessus de leur condition, de 
nous les montrer « un peu trop savants et philosophes. » 
L'auteur se fait trop voir, à mon sens, pensait M. Bar- 
bier sous le haillon et le bourgeron dit paysan (1). 
Au point de vue du réel, l'objection est sans doute 
fondée ; au point de vue de l'idéal, elle ne l'est pas, 
selon nous. Nous pourrions l'écarter parla même rai- 
son que tout à l'heure, le but de moral isation. On se 
rappelle le mot de Sophocle sur Euripide: « Il a peint 
les hommes tels qu'ils sont, je les ai peints tels qu'ils 
devraient être. » Et la postérité a toujours accordé la 
palme à Sophocle. C'est le triomphe de l'idéal sur le 
réel-. Que serait la vie sans un peu d'idéal? 

Il ne faut pas croire d'ailleurs que les pensées éle- 
vées ne se rencontrent jamais dans l'atelier. Croit- 
on, par exemple, que le fossoyeur ou le mineur ne 
raisonnent pas parfois de leur triste besogne, comme 
le ferait un philosophe, à la seule différence des ter- 
mes ? Ce qui n'empêche point pourtant que chez 
notre poète, le style, en général, ne soit simple, large, 
populaire. C'est peut-être la partie la plus remarqua- 
ble de l'œuvre: 

(1) Lettre à l'autciu-, en tète de l'édition. 



— 125 — 

« Bonjour, la mère aux compagnons, 
C'est moi qui suis Jean-la-Lorraine, 
Arrivant de Tours en Touraine, 
Ou je suis resté deux saisons. » 

(Le Charpentier, p. 20.) 

« Té, té, té, là-bas ! Capitaine, 
Amène, amène tes moutons ! 
Dans les avoines par centaines 

Us broutent les gloutons. 
Amène, amène, Capitaine ! 
Là, là, c'est bien. 
Tout beau, tout beau, mon chien ! » 

(Le Berger, p. 08.) 

Et le Batteur en grange à sa faux, après la mois- 
son : 

« Dors là, qu'on lui dit, la faucheuse. » 

Connaissez-vous rien de plus franc? 

Ce Recueil appelle naturellement des rapprochements 
et des comparaisons. Il serait intéressant de le mettre 
en regard de certaines chansons de Béranger, de Pierre 
Dupont, de Charles Poney (1). Mais toute comparaison 
exige des développements, et ce travail est déjà bien 
long. Nous le regrettons, car ces parallèles seraient 
fort instructifs. Disons donc seulement que M. Chau- 
tard ne craint pas les comparaisons, même avec les 
maîtres, que si Béranger a une envergure patriotique 
qui manque à M. Chautard, celui-ci en revanche a un 
souffio moderne que Béranger n'a plus aujourd'hui, et 
que sa Muse, tout ouvrière qu'elle fût, n'a jamais 
chanté de honteux couplets, que si chez Pierre Dupont 
l'inspiration est plus mâle, plus énergique, plus réelle, 
la forme est infiniment moins parfaite, et arrêtons- 
nous là. 

Tel est le recueil de M. Chautard, œuvre d'un homme 

(1) H a composé entre autres deux Recueils : « Le Chantier » 
(1844), et la « Chanson de ghaque métier » (1850), mis en musi- 
que par M. Eug. Ortolan. Poney était décor»'. 



— 126 — 

content de la vie, en somme, la prenant telle qu'elle est, 
en célébrant les biens., se moquant des ridicules et des 
travers, s'apitoyant sur les maux, mais ne rêvant pas 
d'autre idéal sur terre, se bornant à peindre ce qu'il 
voit, artiste et non philosophe; mais peindre fidèlement 
n'est-ce pas la meilleure manière de philosopher, celle 
qui, en nous mettant sous les yeux les réalités de la vie, 
nous donne le plus à réfléchir et nous incite le plus vi- 
vement au progrès ? 

M. Chautard n'avait pas composé seulement une tra- 
duction d'Horace et un Recueil de chansons. Il avait 
également publié, dans notre Bulletin même, un 
assez grand nombre de morceaux soit en prose, soit 
envers. On en trouvera la liste dans les tables géné- 
rales du Bulletin (1871 et 1881). Nous signalerons 
seulement deux pièces hors ligne, qui marquent la 
plus grande hauteur où se soit élevé le poète et la plus 
vive hardiesse de sa pensée. Ces deux pièces sont 
« Le Libéré de Fontevrault » et « Un Vagabond », pièces 
sociales pour dire le mot, mais de cette poésie inspirée 
par le cœur, où les âmes généreuses et non égarées 
revendiquent pour les déshérités au moins les soûl a- 
gements possibles et indiquent les dangers de l'état ac- 
tuel. Nous n'en dirons pas davantage, d'autant que les 
réclamations de l'auteur n'ont plus aujourd'hui la 
même raison d'être. La Société a beaucoup fait depuis 
dans ce sens. 

La pièce du Vagabond est la dernière et la plus belle 
qu'ait jamais publiée M. Chautard (1). Il aura terminé 
sa carrière par un cri d'appel en faveur des malheu- 
reux. 

Cu. B. 
(1) Publiée mais non écrite; elle remonte à 1879. 



* 



DOCUMENTS 



RELATIFS AU 



PELERINAGE de LA SAINTE LARME 

DE VENDOME 

(1574-1666) 

Par M. Fernand Bournon. 



La Sainte Larme de Vendôme a été pendant tout le 
moyen âge l'un des pèlerinages le plus assidûment 
suivis. Nous n'avons pas à rappeler ici la légende de 
son origine, non plus que la ferveur avec laquelle son 
culte fut célébré, et les controverses fameuses que 
J.-B. Thiers, curé de Vibraye, et Mabillon soutinrent 
à propos de son authenticité. Tous ces faits ont été ex- 
posés le mieux du monde et très complètement, d'abord 
par M. de Rochambeau, dans son étude si intéressante 
publiée par notre Société mème(l), puis par le nouvel 
éditeur de Y Histoire Archéologique du Vendômois 
de M. de Pétigny (2). Une bonne fortune nous a fait ren- 
contrer dans le fonds de l'abbave de la Trinité, aux ar- 
chives de Loir-et-Cher, quelques pièces relatives moins 

(1) Voyage à la Sainte Larme de Vendôme. Etude historique 
et critique sur cet antique pèlerinage, par M. A. de Rochambeau. 
Vendôme, 1874, in-8°. 

(2) V. notamment les pages 3G1-87, qui contiennent dans une 
excellente dissertation tout ce qui a trait aux origines de la 
Sainte Larme et aux controverses dont elle a été l'objet. 

xxiv. 



— 128 — 

à la Sainte Larme même qu'au pèlerinage dont elle était 
l'objet ; ce sont en effet des baux passés entre l'abbaye 
et diverses personnes de Vendôme, pour le commerce 
des menus objets de dévotion que les fidèles empor- 
taient en souvenir de leur pieux voyage; ils fournissent 
quelques renseignements intéressants pour l'histoire 
de l'abbaye, certains détails curieux des moeurs du 
passé ; nous avons pensé qu'ils mériteraient d'être 
accueillis comme pièces annexes des travaux que nous 
venons d'indiquer. 

De ces baux, le premier est daté de 1574, le dernier 
de 1666. Ils sont au nombre de six, ou plutôt il ne 
nous en est parvenu que six, car il est évident qu'il a dû 
y en avoir un bien plus grand nombre, et presque cer- 
tain que, dans la période même comprise entre ces deux 
dates, ces contrats de fermage ont dû être renouvelés 
plus de six fois,, malgré les» fortunes de peste, morta- 
lité ou guerre » qui ont pu survenir et que prévoyaient 
soigneusement les preneurs. Pour ceux qui nous res- 
tent, les clauses se reproduisent, à peu près identiques 
dans chaque; aussi, ayant à choisir celui dont il con- 
viendrait le mieux de donner le texte, nous avons na- 
turellement préféré le plus ancien, quitte à indiquer 
ce qui dans les autres apparaît comme une chose nou- 
velle et de quelque intérêt. 

Tout d'abord, on remarquera que ce n'est pas l'ab- 
baye même qui traite, mais bien deux religieux, le sa- 
cristain et l'infirmier; c'est là un bénéfice attaché à 
leur office. Les objets qui pourront être mis en vente 
sont « le saint vinaige de la sainte Larme, barrilletz et 
chandelle de cire.... ymages et binbelots. » Pour cer- 
tains, quelques mots d'explication sont nécessaires: le 
saint vinage était, sans aucun doute, un liquide quel- 
conque, probablement de l'eau et du vin mêlés, qui, dans 
le vase où il était contenu, avait été mis en contactavec 
la relique et béni; ce vase est ce que nos actes appel- 
lent un barrillet. Plusieurs nous ont été conservés, et 



— 129 — 

M. de Rochambeau (1) en donne la description détail- 
lée; c'étaient des sachets, ordinairement de plomb, 
portant sur leurs faces une ou plusieurs figures relati- 
ves au pèlerinage. Il est à remarquer qu'on n'en a si- 
gnalé aucun qui fût semblable à ceux que décrit le bail 
dont nous nous occupons, et qui doivent porter les ar- 
moiries de l'abbaye et le nom de l'abbé. Les chan- 
delles de cire sont, est-il besoin de l'expliquer, les cier- 
ges que les fidèles faisaient brûler autour du taberna- 
cle de la Sainte Larme. Tels sont les seuls objets qui 
peuvent être vendus dans l'intérieur de l'église ; les 
images et bibelots (on voudrait avoir quelques nomen- 
clatures de ces bibelots) étaient exposés au dehors, 
mais toujours dans l'enceinte de l'abbaye, entre la porte 
voûtée et le portail, c'est-à-dire dans l'espace repré- 
sente aujourd'hui par une rue qui vient de la grande 
place aboutir au pied du clocher. — Le chiffre du fer- 
mage, 120 livres par an, est considérable, et prouve une 
fois de plus l'importance du pèlerinage. 

Les clauses relatives au payement de cette somme, et 
surtout à un remboursement de 250 livres que le sacris- 
tain s'engage à faire à l'abbaye, sont particulièrement 
intéressantes, car elles précisent un fait relatif à l'his- 
toire même de la Sainte Larme. M. dePétigny, toujours 
si bien informé, nous apprend que les reliques de la 
Trinité avaient été, pendant les guerres de religion, mi- 
ses en sûreté à l'abbaye de Chelles, et qu'en 1574, l'abbé 
Louis de la Chambre les fit revenir dans son mona- 
stère (2). C'est là un fait dont nous avons en même 
temps l'explication et la confirmation par cette phrase 
de notre document : « .... convertie au remboursement 
de partie desfraiz qu'il a convenu faire pour le recou- 
vrement du joyau et relicaire de la dicte saincte Lerme. » 



(1) Loc. cit., pp. 7-23. 

(2) PP. 025-0 do la 2 e édition. V. aussi la note de ta page .'il 1 
où le nouvel éditeur cite un précieux passage, heureusement 
retrouvé par lui, de la Cosmographie de Belleforest. 



— 130 — 

Il devient évident maintenant qu'il s'agit de la transla- 
tion provisoire à Chelles, et que l'acte de 1574 dut sui- 
vre de très près la réintégration de la Sainte Larme à la 
Trinité. 

Après ces observations préliminaires, nous pouvons 
donner le texte du contrat lui-même. 

Le vingt deusyesme jour de May, l'an mil cinq cens soixante 
et quatorze, en nostre court de Vendosme, personnellement 
establiz vénérables et discrets frère Mathieu Renusson, prebs- 
tre religieux secretain et frère François Ligier aussi prebstre 
religieux enfermier de l'abbaye de la saincte Trinité dudict 
Vendosme et y demourans ; lesquels, es dietz noms de secre- 
tain et enfermier, ont reconnu et confessé avoir baillé et enco- 
res par ces présentes baillent à tiltre de ferme et pention d'ar- 
gent, à honnestes personnes Claude Dubrueil, gantier, et Ma- 
ihurin Chevé, marchant, clemourant au dict Vendosme, à ce 
presens preneurs et ce acceptans audict tiltre, c'Cst assavoir le 
dict Renusson, secretain, au dict Chevé du jourd'huy jusques à 
six ans prochains après ensuyvant consecutifz et l'un suyvant 
l'autre sans intervalle de temps, tout et tel droict que les dietz 
secretain et enfermier ont et leur compette et appartient à cause 
de leurs dietz offices, pour distribuer le sainctvinaige delà 
saincte Lerme, barrillets et chandelle de cire au dedans de la 
grande église de la dicte abbaye, et au dehors de la dicte église 
sur le pavé jusques à la pierre appellée bourne ou franchise 
près la porte voulte, où les dicts preneurs pourront mettre et 
establir tables pour vendre ymaiges et binbelotz selon et ainsi 
qu'il a esté acoustumé faire cy davant soubz et au nom des dicts 
bailleurs et leurs prédécesseurs secretains et enfermiers; et 
oultre, ont baillé ausdietz Dubrueil et Chevé les quatre bou- 
ticques estans soubz la porte voulte de la dicte abbaye, et la 
maison, cave et appartenances de la Caillebardière, accoustu- 
mée estre baillée à ceulz qui distribuent chandelle en la dicte 
église, appartenans au dict office de secretain et enfermier, et 
sans aucune chose en reserver ne retenir parles dietz bailleurs, 
pour en joyr pendant le présent bail par les dietz Dubrueil et 
Chevé selon et ainsi que dessus est dict. Lequel présent bail, 
prime et acceptation a esté et est faict pour et moyennant le 
pris et somme de douze vingtz livres tournois pour chacune 
des dictes six et neuf années, lors que pour la première année 



— 131 - 

les dictz Dubrueil et Ghevé, pour aucunes considérations qui à 
ce ont meu les dictz bailleurs ne paieront que chacun cent li- 
vres tournois, sçavoir est le dict Ghevé avec Renusson pareille 
somme de*cent livres qu'il sera tenu luy advencer pour la dicte 
première année dedans le jour et feste de Penthecoste pro- 
chainement venant, et, pour chacune des aultres cinq années, 
six vingtz livres tournois. Laquelle ferme, jusques à la concur- 
rancé et entier paiement de la somme de deux cens cinquante 
livres tournois pour les premiers paiemens des dictes cinq an- 
nées le dict Renusson, secretain, a affectée, obligée et ypo- 
thecquée au paiement et remboursement de pareille somme de 
deux cens cinquante livres tournois à luy baillée et prestée, 
ainsi qu'il a dict, par les vénérables religieux prieurs et cou- 
vent de la dicte abbaye et par luy convertie au remboursement 
de partie des fraiz qu'il a convenu faire pour le recouvrement du 
joyau et relicaire de la dicte Saincte-Lerme ; et a voullu et con- 
senty le dict Renusson la dicte somme de deux cens cinquante 
livres demourer es mains du dict Ghevé pour estre par luy con- 
vertie au paiement et remboursement de la dicte somme de 
deux cens cinquante livres deue par le dict Renusson aux dictz 
religieux prieurs et couvent de la dicte abbaye, et dont le dict 
Ghevé sera tenu retirer acquict pour et au nom du dict Re- 
nusson ; et, le dict remboursement faict, paiera icelluy Ghevé 
de là en avant la dicte ferme à la dicte raison de six vingts li- 
vres par chacun an au dix neufiesme jour de Juing. Et au re- 
gard du dict Dubrueil, sera aussi tenu payer au dict Ligier, en- 
fermier, ou à ses successeurs pareille somme de cent livres 
pour la première année aux jours et festes de Toussaincts et 
Pasques par moictié, et pour chacune des huict aultres années 
subséquentes six vingts livres ausdictz jours et termes sus- 
dictz : premier terme de paiement commencsant pour la dicte 
première année au dict jour et feste de Toussainctz prochain 
venant, et de là en avant. Et a esté dict et accordé entre les 
parties que, pour le paiement des fermes susdictes, les dicts 
Dubrueil et Ghevé ne pourront estre contraincts l'un pour 
l'autre par les dicts bailleurs ; ains paiera le dict Dubrueil la 
dicte ferme pour son dict regard avec Ligier, enfermier, et le 
dict Ghevé aussi pour son regard au dict Renusson, secretain. 
Davantaige a esté et est accord que les dictz preneurs ne pour- 
ront distribuer chandelle sinon qu'elle suit faicte de I tonne cire 
neufve sans poy, raisiné ou cire vieille ; aussi, que es barril- 
letz que iceulx preneurs feront cy après faire pour la distribu- 



— 132 — 

tion du dict vinaige, seront mises et apposées les armoiries et 
le nom de monseigneur le cardinal abbé de la dicte abbaye. Et 
cependant, les dicts Dubrueil et Ghevé pourront distribuer les 
barrilletz qu'ilz ont, dès long temps a, faictz attendant qu'ilz en 
feront faire de neufz. Pareillement a esté dict et accordé entre 
les dictes parties que si pendant et durant le temps du présent 
bail il advient quelque fortune de peste, mortalité ou guerre, et 
que le joyau et relicaire de la Saincte Lerme fust distraict et 
emporté de la dicte abbaye, que en ce cas sera faicte diminu- 
cion aus dictz preneurs de la dicte ferme, au dire de gens de 
bien à ce congnoissans, ausquelz les dictes parties s'en sont 
rapportées, mesmement à trois des religieux de la dicte ab- 
baye. Et moyennant le présent bail qui demoure en sa force et 
vertu, les baulx cy davant particullièrement faictz par le dict 
Lizier au dict Dubreuil et par icelluy Remusson au dict Chevé 
sont et demourent nulz. Dont et desquelles choses susdictes 
et chacune d'icelles les dictes parties sont venues à ung 
et d'accord par devant nous, tenues et tiennent à con- 
tentes, promettans les dictz bailleurs garantir et les dictz 
preneurs payer, etc. Obligeans l'une partie envers^l'autre, etc. 
Renonczans, etc. jugement, etc. Presens Gilles Girardin et 
Toussainctz Clergea, boullengers demeurants au dict Ven- 
dosme, tesmoings. Ainsi signé ou la minutte avec nous, notère: 
M. Renusson, Ligier, M. Chevé et G. Dubrueil. » 

Le bail suivant est daté du 18 novembre 1599. Il est 
passé entre Mathurin « de » Renusson, sacristain, et 
Pasquier Gaultray, infirmier de l'abbaye, d'une part, 
Mathurin Chevé « marchant demeurant au lieu et mai- 
son delà Cazebardière en l'enclos de la dicte abbaye », 
d'autre part. En voici les dispositions nouvelles, qui 
s'expliquent d'elles-mêmes : 

« Ce présent bail et prinse pour et moiennant le pris et 

somme de quarente escuz d'or sol. de ferme et pension pour 
chacun des dicts neuf ans.... Aussi, que le dict preneur ne 
pourra faire estât de vente des dictes chandelle, vin âge et bar- 
rilletz aubancqqui est en l'église, par femme ne fille, ains seu- 
lement par luy ou autres hommes et enfans masles, pour évi- 
ter à scandalle. En ce présent bail est compris le droit de ven- 
dre binbelotetïe es dictes bouticque et sur le pavé depuis l'en- 
trée de la porte-vouite jusques à l'église de la dicte abbaye, 



— 133 — 

sans ce que autre quel qui soit ayt droict que les dicts bail- 
leurs et duquel droict le dict preneur joira bien et deuement 
comme dictest.... etoultre tenu le dict preneur tendre à linge 
blanc ou autrement les dictes maison et bouticque susdictes 
ainsi que Ton a accoustumé aux jours de Feste-Dieu et autres 
que l'on fera procession et qu'il sera besoing tendre ; et en- 
cores tenu le dict preneur paier en déduction de la dicte ferme 
par chacun an à la descharge des dicts baillieurs, assavoir la 
somme de cinquante solz au couvent de la dicte abbaye que 
doibt le dict sieur enfermier à cause des dictes bouticques, et 
la somme de vingt solz que doibst le dict sieur secretain ou 
chancellier Nostre-Dame de Pitié, le tout de rente aux jours et 
termesaccoustumez,que le dict preneur a dictbiensçavoir.... » 

Le bail du 25 mai 16.20 n'offre aucune particularité 
nouvelle. Dans celui du 7 octobre 1631, le fermage n'est 
que de 80 livres, mais les religieux se réservent la mai- 
son de la Cazebardière, qu'ils ont louée à frère Mau- 
rice Roger, prêtre, ancien religieux de l'abbaye. On n'y 
trouve pas la clause d'interdiction de vente par les fem- 
mes; les chandelles seront « d'une bonne cire neufve, 
sans poirazine ne cire vieille, et ne pourront estre de 
moindre poids que de trente douzaines à la libvre. » 

Le bail du 5 juillet 1661 ne comporte que le droit de 
« vendre et débiter des chandelles de cire en et au de- 
dans de la dicte abbaye jusques à la pierre appellée 
borne estant au dedans de la grande porte voulte d'i- 
celle abbaye» moyennant huit livres par an, « sans que 
le dict preneur puisse tenir aulcun banc ne table eu la 
dicte église pour débiter la dicte chandelle. » 

Enfin, dans l'acte du 6 novembre 1666, le même droit 
de vendre des chandelles hors l'église est affermé à 
Claude Pasquier, veuve de Laurent Morin, demeurant à 
Vendôme, au prix de quinze livres par an. On voit qu'en 
cinq ans létaux du fermage avait presque doublé. 

A cette date s'arrête la série des baux relatifs au pè- 
lerinage, qui nous ont été transmis avec les archives de 
la Trinité. II ne paraît pas probable qu'à l'époque 
môme où leur valeur augmente si sensiblement, l'ait- 



- 134 — 

baye n'ait pas cru devoir les continuer. Nous regrettons 
surtout de n'en pas avoir pour le siècle dernier. On sait 
que dans leur polémique avecThiers, curé de Vibraye, 
les Bénédictins et leur illustre avocat Mabillon firent 
preuve de plus d'érudition que de persuasion ; la foi des 
fidèles envers la Sainte Larme fut fortement ébranlée : 
le contre-coup s'en serait fait sentir dans les baux de la 
nature de ceux qui nous ont occupé. C'est ainsi que des 
actes, presque indifférents par eux-mêmes, offrent 
souvent à l'historien un précieux renseignement qu'il 
ne saurait trouver ailleurs. 



Fernand BOURNON. 



LES ARTISTES DE LOIR-ft-CHER 

AU SALON DE 1885 (1) 



Jamais notre département, que nous sachions, n'avait 
été représenté plus largement à l'Exposition an- 
nuelle des Beaux-Arts. On en va juger par la liste 
suivante : 

I. - PEINTURE 

Barret (Olivier), né à Blois, élève de M. P.Dupuis. 
142 (2). Portrait de M. B... 

Blanciiecotte (Ferdinand), né à Villeromain, élève 
de MM. Cabanel, J. Lefebvre et Boulanger. 
276. Portrait de M. A. S... 

Busson (Charles), né à Montoire, élève de MM. Ré- 
mon et Français. H. C. 
423. — Dernière Journée d'été. 

Forget (M me Marie-Thérèse), née à Blois, élève de 
M. Ph. Parrot. 
996. — Sous Louis XV. 

Fournier (Louis), né à Paris, élève de MM. Simo- 
net et Lequien. — A Romorantin, au 6 e bataillon 
de chasseurs à pied. 
1007. — Les Moulins à Romorantin . 

(1) Nous avons ajouté quelques artistes, qui, sans être nés 
dans notre département, y ont puisé leurs sujets. 

(2) Les Numéros sont ceux du catalogue. 



— 136 — 

Pichot (Émile-Jules ), né à La Chapelle- Vendô- 
moise, élève de MM. Cabanel et J. Bertrand. 

1984. — Portrait de M me X... 

1985. — A la campagne. 

Renouard (Antony-Eugène), né à Cour-Cheverny, 
élève d'Horace Vernet et de MM. Lazerges et Bar- 
rias. — A Vendôme. 
2077. — Le Drapeau de la Mobile de Vendôme re- 
trouvé par le sergent Tanviray de Villiers; épi- 
sode de la bataille de Loigny. 

« Où est le drapeau de la compagnie ? demanda le sergent 
Tanviray de Villiers, en rentrant dans le bourg. — Héron 
est tué. » répondit une voix. — « Le drapeau de Vendôme 
ne restera pas aux mains des Prussiens ! » s'écria Tanviray. 
Et, seul, il repartit dans la plaine sillonnée d'ennemis, et 
labourée par les balles allemandes et françaises. Il suivit à 
la trace des morts la voie glorieuse parcourue par la com- 
pagnie, et trouva enfin le pauvreHéron, le cerveau traversé 
d'une balle et couché sur notre petit fanion. Tanviray le 
prit, et l'élevant fièrement au-dessus de sa tète, il rejoignit 
les siens, à travers une nuée de balles qui lui étaient adres- 
sées. » 

(de Maricourt, Histoire de la Mobile de Vendôme.) 

Rouillé (Léon), né à Pont-Levoy, élève de MM. J. 
Lefebvre, G. Boulanger et Le Poitevin. 
2139. — Le Chemin de l'Eglise. 

Sauvage (Henri), né à Blois, élève de MM. Bonnat, 
Busson et Humbert. 

2196. — Dans la vieille église. 

2197. — Saint-Gilles _, chapelle du XII e (sic) siècle à 
Montoire. 



II. — DESSINS, CARTONS 
AQUARELLES, &c 

Besnard ( Paul-François ), né à Orléans, élève de 
M. Chouppe. — A Romorantin. 



- 137 - 

2550. — Queue d'étang en Sologne, au mois d'avril ; 
aquarelle. 

2551. Deu.t aquarelles: 

1. Une allée de la saline (Belle-Isle-en-Mer) ; 

2. Coteau de Fondette, près Tours. 

Guicestre (Georges), né à Mer, élève de MM. Gal- 
land et Jacquemart. 
2868. — L'église du Tréport (Seine-Inférieure) (1). 

Liqueur (M lle Henriette), née à Trôo. 
2995. — Villageoise, pastel. 

Pitard (Ferdinand), né à Mondoubleau, élève de 
MM. LobinetA. Deschamps. 

3112. — Portrait de M. C..., dessin à la sanguine. 

Renouard (Antony-Eugène), né à Cour-Chevernv. — 
V. Peinture, N° 2077. 
3143. — Fantaisies sur le pupitre à crémaillère des 
salles de dessin. Extrait de la série. 

Renouard (Paul), né à Cour - Cheverny, élève de 
Pils. 

3144. — Le « Neptune »j cuirassé de ï ve classe, en con- 
struction à Brest. 
3145. — Les Invalides. 



III. — SCULPTURE 

Assy (Marie-Louis-Georges-Hubert d'), né au châ- 
teau de la Ravinière - Bracieux (Loir-et-Cher). — 
A ce même château. 
3303. — Un coup de collier, plâtre. 

Cougny (Louis-Edmond), né à Nevers, élève doJouf- 
frov. H. C 

(1) Ou n'indique pas le procédé, 



— 138 - 

3538. — Deux statuettes, terre cuite : 

1. L'abbé Grégoire (1) ; — 2. Lamennais. 

Delbauve (Louis-Emile), né à Contret (sic)] lisez 
Contres, Loir-et-Cher. 
3591. — Portrait de M Ue Emilie D..., médaillon, plâtre. 

Irvoy (Aimé), né à Vendôme, élève de Ramey et de 
A. Dumont. A Grenoble, rue des Dauphins, 1. 
3844. — Portrait de M. Vicat, buste, marbre. — Appar- 
tient à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. 

Ribemont-Dessaigxes (Alban), né à Vendôme, élève 
de M. Leduc. 

4152. — Portrait de M me D..., buste, terre cuite. 

4153. — Portrait de M. Léon Damas, médaillon, plâtre. 



IV. — GRAVURE * 
& MÉDAILLES SUR PIERRES FINES 

Bertault (Charles), né à Saint- Amand (Loir-et- 
Cher), élève de M. Lequien. 

4345. — Dans un cadre : 

1. Médailles, Portraits. — 2. La 6' te Famille, d'a- 
près Boticelli. 

Dupuis (Daniel), né à Blois, élève de MM. Cavelier 
etFarochon. H. C. 

4359. — Six médaillons, bronze. 

4360. — Neuf médaillons, bronze. 



(1) Il s'agit ici de l'ancien évoque constitutionnel de Loir-et- 
Cher. Tl appartiendrait à la ville de Blois de faire l'acquisition 
de cette œuvre intéressante, si elle était disponible et de quel- 
que mérite. 

L'inauguration de la statue de Grégoire ;i Lunéville doit avoir 
lieu le 12 juillet prochain. 



«h 



— 139 — 



V. — ARCHITECTURE 



Stevens (Prosper), né à Bruxelles. 
4572 bis. — Projet d'une salle de spectacle pour la ville 
de Vendôme ; trois châssis (1). 



VI. - GRAVURE 

Ackermann (James), né à New-York, élève de 
M. Monsanto. 
4579. Une gravure: Vue intérieure de la cour du châ- 
teau de Blois. 

Chahuneau (Hippolyte), né à Blois, élève de Best et 
Hotelin. 

4G51. — Six gravures sur bois, d'après MM. Andriolli 
et Godefroy Durant, pour une illustration deWal- 
ter Scott. 

Massé (Augustin-Pierre), né à Blois, élève de MM. 
Champollion et Boilvin. 

4885. Deux gravures : 

1. Les Taureaux dans la campagne de Rome,, 
d'après Paris ; 

2. Cabane de bûcheron dans les Vaux-de-Cernay , 
d'après Dameron. 

4886. — Une gravure : Une marée basse dans la M< ru- 
che, d'après Hagdberg. 

Queyroy (Louis-Armand), né à Vendôme. — A Mou- 
lins. 

49G2. — Deux gravures : 

1. Le Porc/ic/- ; — 2. Cou pense d'herbes ; — types 
du Bourbonnais. 



(1) Le Catalogue renvoie à Larabrie, qui ne s'y trouve pas. 



— 140 — 

Ensemble 26 artistes, savoir : 
6 à Blois ; 
3 à Vendôme ; 
12 en diverses localités dn département ; 
3 dans un autre département que le nôtre ; 
2 à l'étranger. 

Il serait à désirer, comme nous l'avons dit ailleurs, 
que chaque département fît une statistique semblable, 
qui, répétée pendant plusieurs années, donnerait des 
résultats instructifs. Le Ministère des Beaux-Arts, au 
besoin, devrait se charger de ce travail, qui devrait 
être accompagné d'ailleurs de commentaires. 

Ch. B. 



CHRONIQUE 



L'Inventaire des Archives de la ville 
de Vendôme 

M. Aug. de Trémault a reçu la lettre suivante : 

Blois, 15 avril 1885. 
« Monsieur et cher Confrère, 

« Permettez-moi de me servir de votre obligeant intermédiaire, 
et de vous prier de vouloir bien soumettre à la Société Archéo- 
logique du Vendomois une question qui, je l'espère, est de na- 
ture à l'intéresser. 

« Je suis chargé, vous le savez, de rédiger l'Inventaire som- 
maire des Archives de la ville de Vendôme antérieures à 1790. 
Ce travail, qui doit figurer dans la collection des inventaires 
d'Archives publiés sous les auspices du ministère de l'Instruc- 
tion publique et des Beaux-Arts, est nécessairement conçu sur 
un plan uniforme pour toute la collection, c'est-à-dire divisé en 
séries qui contiennent les pièces de toute nature qui peuvent 
nous avoir été transmises par les administrations municipales 
de l'ancien régime. Or, en examinant l'ensemble des documents 
de la mairie de Vendôme, j'ai été frappé des lacunes considéra- 
bles et très regrettables que présentait leur suite. 

« Si l'on retrouve une série assez complète des registres de dé- 
libérations municipales depuis le XVII e siècle, et des actes de 
baptêmes, mariages et sépultures, dressés par les curés des di- 
verses paroisses, il n'est rien resté des comptes de recettes et 
dépenses, toujours si précieux pour l'histoire des villes, ni de 
hi correspondance du pouvoir central, et c'est à peine si la ville 
possède quelques pièces isolées concernant les travaux publics, 
les affaires militaires, les procès soutenus par la commune, 
l'industrie, le commerce, etc. Encore ces documents relégués 
dans les greniers de l'Hôtel de Ville avaient-ils été, en 1874, 
réunis par erreur aux manuscrits de la Bibliothèque., où vous 
avez bien voulu m'en signaler la présence. 

« Je sais que, pendant, la période révolutionnaire, bien des des- 



- 142 - 

tractions déplorables d'actes anciens ont été faites, qu'un triage 
mal compris a supprimé beaucoup de documents qui n'avaient 
pas un caractère d'utilité pratique, et c'étaient par suite les 
plus utiles à l'historien ; mais il n'est pas douteux aussi qu'un 
grand nombre de ces pièces existe encore, dispersé entre les 
mains de personnes qui souvent peut-être en ignorent et l'ori- 
gine et l'intérêt. Je n'en citerai qu'un exemple : un de ces comp- 
tes municipaux dont je parlais plus haut a été analysé dans le 
Bulletin même de la Société; vous en savez toute la valeur 
pour les annales de Vendôme au XVI e siècle; si celui-là est 
tombé, par je ne sais quel hasard, entre les mains d'un érudit 
qui a bien voulu le faire connaître, combien d'autres restent 
dans l'oubli, dont l'histoire locale bénéficierait. Il est de mon 
devoir, avant d'entreprendre une rédaction définitive de l'inven- 
taire des Archives de Vendôme, d'en rechercher la trace, et si 
je ne peux obtenir toutes les restitutions que je désire au profit 
des collections municipales, du moins d'espérer avoir quelques 
renseignements et une communication temporaire des pièces 
qui méritent d'être analysées dans mon travail. C'est dans cette 
recherche que je viens vous prier, vous et vos savants collègues, 
de vouloir bien m'aider. En m'adressant ainsi à la fois au maire 
et à l'historien érudit de Vendôme, je suis sûr d'avance de trou- 
ver interprète aussi autorisé qu'éclairé. 

« Veuillez croire, Monsieur et cher Confrère, à l'assurance de 
mes sentiments tous dévoués. » 

Fernand Bourxon, 

Archiviste du Département. 



Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne 

Le congrès des Sociétés savantes a eu lieu cette année les 7, 
8, 9 et 10 avril. 

L'antique Sorbonne, qui commence à disparaître pour faire 
place à un monument plus grandiose et plus conforme à sa des- 
tination, réunissait un nombre considérable de délégués de tou- 
tes les Sociétés archéologiques, scientifiques et littéraires de la 
France. 

Plus de 200 délégués ont pris la parole sur toutes les questions 
du programme, dont quelques-unes ont été traitées à fond, et 
plus de T>0 mémoires ont été lus. L'auditeur assidu pouvait y 



— 143 — 

recueillir une gerbe précieuse; malheureusement le savant lui- 
même ne jouit pas du don d'ubiquité, et la division des sections 
le privait de bien des lectures intéressantes. 

Nos collègues peuvent se faire une faible idée de l'intérêt ma- 
jeur de ces communications par les comptes rendus trop courts 
des journaux. Il serait fastidieux de les reproduire ici. 
Un mot toutefois : 

A l'Archéologie, une suite nombreuse de tombeaux anciens 
nous révèlent la civilisation d'un autre âge sous la main de cher- 
cheurs infatigables, à la tête desquels il faut placer le célèbre 
P. de la Croix, dont les découvertes sont vraiment étonnantes. 

A la section d'Histoire, les livres de raison ou de comptes, et 
l'instruction primaire avant la révolution, furent le sujet d'études 
les plus intéressantes. 

Notons aussi, à la section des Sciences économiques et socia- 
les, un travail sérieux de M. Rameau sur la libération et l'af- 
franchissement des terres et des serfs aux xm e et xiv" siècles 
en France et à l'étranger. 

Mais il nous est impossible de signaler ici tout ce qui mérite 
une mention spéciale. 

L'abbé Métais, membre délégué de notre Société, assistait au 
Congrès, et lut à la séance du jeudi 9 avril une Etude sur les 
petites Ecoles de Vendôme et du Vendômois. 

En voici le compte rendu publié dans les journaux : 

« L'abbé Métais apprend que, dès l'année 1060, les Bénédictins 
de Vendôme établissaient les petites écoles publiques, où étaient 
admis, outre les domestiques et les serfs du monastère, les en- 
fants de la ville. A côté d'eux, les chanoines de Saint-Georges 
s'étaient empressés d'instituer et d'installer « ung aultre es- 
colle. » 

Les Calvairiennes en 1625, et surtout les Ursulines en 1634, 
ouvraient'des écoles spéciales pour les jeunes filles riches ou 
pauvres, des écoles gratuites où on leur enseignait même les 
travaux manuels, « afin que les pauvres apprennent à gagner 
leur vie, et les riches à éviter l'oisiveté. » 

Les curés eux-mêmes exerçaient les nobles fonctions de maî- 
tres, et un acte notarié de 1687 montre le curé de Sasnières te- 
nant une petite école. 

En résumé le clergé vendômois « poursuivait avec une noble 
« émulation l'éducation populaire. » 

Ce travail a été accueilli par de justes applaudissements, et le 
Bureau a vivement félicité notre collègue de l'étendue de ses re- 
cherches et de la justesse de ses appréciations. 

xxiv 10 



— 144 — 



NOTES CRITIQUES 

sur le Guide du Touriste dans la Vallée du Loir, 

Je MM. Delaunay et Morancé, édité chez Hausseray, 
à La Chartre-sur-Loir (1884), 

Par M. Henry, Instituteur à Montoire, 
Membre de la Société. 



Un ouvrage intitulé Guide du Touriste dans la vallée du 
Loir a été récemment publié à La Chartre-sur-Loir. Les auteurs 
semblent ne s'être proposé qu'un but: discréditer, dénigrer notre 
charmante contrée, et critiquer, on pourrait dire ridiculiser, les 
publications qui s'en sont occupées. MM.de Pétigny, de Caylus, 
de Salies et les auteurs du Guide du Touriste dans le Vendo- 
mois, ne sont point ménagés. On ne leur rend pasjustice. 

D'après MM. Delaunay et Morancé, l'Eldorado, le pays pit- 
toresque, riche, intéressant, digne d'une muse virgilienne, c'est 
la Sarthe, ce sont les environs de Château-du-Loir et de La 
Chartre-sur-Loir. Couture, Artins, Sougé, Trôo, Montoire, Ven- 
dôme, ont une réputation bien surfaite. 

Couture est « célèbre par ses oies.... », et aussi comme patrie 
de Ronsard, « dont la vanité fat à nulle autre pareille », et qui 
«finit par se gober. » Artins fournit, comme débris antiques, 
« des tuiles de Montchanin » et des « boucles de ceinturon de 
gendarme » ; son église « est démolie » (pourtant elle existe). Le 
Camp de César ù Sougé, « l'antique ville de Trôo », seraient des 
mythes ou ù peu près. Montoire consiste en « une place, une 
rue, un pont et un coteau. » A propos de Lavardin, les auteurs 
parlent longuement de Jeanne d'Arc et.... d'Agnès Sorel. Villa- 
vard, Saint-Rimay sont insignifiants. Thoré a « un clocher 
pointu entouré de chaumines. » Les clochers de « Varennes » et 
de Naveil se projettent ensuite. Vendôme « commence par une 
ennuyeuse rue » (le faubourg Chartrain), possède quelques mo- 
numents « plus ou moins intéressants », une « église récham- 
pie, peinturlurée '(la Madeleine), des ruines sans intérêt sur la 
Montagne. On g laboure le seuil des maisons, et l'herbe g rem- 
place le pavé des rues. » La Trinité a une petite note de deux 
lignes en renvoi. 

Voilà le résumé des notions géographiques et archéologiques 



— 145 — 

de l'ouvrage. Les erreurs s'y montrent fréquentes, à côté de 
railleries hors de propos. Les parties historiques y prennent 
plusieurs foi> des développements excessifs, et ce qu'elles eon- 
tiennent dje juste ne parait guère inédit. 

En somme, le livre de MM. Delaunay et Morancé n'apprend 
rien de nouveau sur la Vallée du Loir, à moins que ee ne soit 
une recette culinaire pour manger des carpes à La Chartre-sur- 
Loir. C'est une publication dont l'on peut dire que « le besoin 
ne s'en faisait pas sentir. » 



Montoire. janvier 1885. 



Le Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme. — Typ. Lemercier. 



fe, 
* 




BULLETIN 




DE LA 



A A 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



TOME XXIV 
3 e TRIMESTRE 1885 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents. Page 147 

Liste des membres admis depuis la séance du 

16 avril 1885 148 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 16 avril 1885. . 148 

De l'affaiblissement progressif de la natalité en 
France, ses causes et ses conséquences, par 
M. le M is de Nadaillac 160 

A propos des derniers travaux de restauration 
du clocher de la Trinité ( 2" Partie ), par 
M. Louis Martellière 186 

Les derniers Jours de la Collégiale Saint-Geor- 
ges (2° Partie), par M. l'abbé Métais . . . . 198 

Ce qu'on trouve dans les anciens registres d'une 

paroisse (Souday), par M. E. Nouel .... 219 

Un Sauveur, par M. Ch. Bouchet 235 

Chronique 237 




VENDOME 
Typographie Lemergier & Fils 

1885 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



24^ ANNÉE — 3" TRIMESTRE 



JUILLET 1885 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
domois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 16 juillet 
1885, à deux heures. 

Étaient présents : 

MM. de Rochambeau, président; A. de Trémault, trésorier; 
Nouel, bibliothécaire-archiviste; L. Martelliére, conservateur 
du Musée, Charpentier; Malardier ; l'abbé Roulet, membres 
du Bureau ; 

Et MM. de Bodard ; Ch. Bouchot ; Brocheton ; Bul'fercau ; 

Cornu (Romain); Duvau ; Isnard; G. Launay ; Ad. de Lavau ; 

P. Lemercicr ; l'abbé Lizot ; J. Martelliére ; l'abbé Métais ; 

l'abbé Monsabré ; Mùller; de Nadaillac ; Rabouin ; de Saint 

xxiv 11 



— 14S — 

Venant ; de la Serre ; Thillier ; Thoraux ; le général de Van- 
deuvre. 

Plusieurs personnes étrangères à la Société, parmi lesquelles 
quelques dames, assistaient à la séance. 

M. le Secrétaire fait connaître les noms des nouveaux mem- 
bres admis par le Bureau ; ce sont : 

MM. Delà Forge, receveur des domaines à Montoirc ; 
Cahen, sous-préfet de Vendôme ; 
Noury-Domette, à Villiers ; 

Ludovic Guignard, vice-président de la Société d'His- 
toire naturelle, à Chousy ; 
Lemoine, propriétaire à Villiers ; 

Louis Moreau, employé au contrôle des chemins de l\'r 
de l'Etat, à Paris. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION S( IMMAIRE 

nr.s 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la scance du 10 avril 1885. 

I. — ART & ANTIQUITÉ 

Notre bibliothécaire honoraire M. Ch. Bouchot offre au Musée 
un beau portrait de son frère, très habilement agrandi d'après 
un daguerréotype, par M. Rouiller, photographe à Vendôme. 
Nous n'avonspas à revenir ici sur ce que nous avons déjà dit au 
sujet du magnifique legs fait à la ville de Vendôme par M Paul 
Bouchet ; la Société, heureuse de voir se perpétuer ainsi lu 
mémoire d'un do ses plus généreux membres, vote des remer- 
ciements spéciaux au donateur. 

Le Musée a fait aussi l'acquisition d'un cadre contenant huit 



— 149 — 

dessins <lo M. Eug. Renouard, artiste peintre et professeur de 

dessin au Lycée. Ces dessins, réunis sous un titre commun, 
Types de poiaires en bâtiments, sont traités avec beaucoup de 
verve et de vérité; ils ont figuré au Salon de 1882. 

Nous avons reçu, en outre: 

De M. Chardonneret, à Paris : 

Une reproduction, sur papier du Japon, d'une miniature da- 
tée de 1151. C'est le plus ancien portrait de Jehanne d'Arc. Il 
est extrait du manuscrit 632-2 de la Bibliothèque nationale : Ex- 
plicit le V' et dernier livre du champion des dames,, escript au 
cloistre de l'Eglise de Nostre-Dame d'Arrascn l'an de l'Incarna- 
tiondc Nostre-Sciyneitr 1451. (Cette gravure, avec la notice de 
M. Lorédan-Larcher, a paru dans le Monde Illustré du 29 no- 
vembre 1873. 

De M m<! Choclette, à Vendôme: 
Une tabatière en ivoire sculpté, d'un travail assez original, 
auquel il est assez difficile d'assigner une époque précise, mais 
certainement d'origine allemande. 

II. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. Rabouin, à Vendôme : 
Un lot de monnaies trouvées au lieu dit Rondeau, aux envi- 
rons d'Herbault, et recueillies en 1880 par M. Rabouin père, 
avec un certain nombre d'autres qui ne nous sont pas parve- 
nues. Les impériales romaines y sont en majorité ; nous y avons 
reconnu un Domitien en argent, avec indication de la XI puis- 
sance tribunitienne et du XVI consulat; trois Postume, un 
Gallicn, un Valérien jeune, un Constantin jeune, etc. — Parmi 
les pièces modernes, signalons un double tournois de Louis 
XIII, une moitié de jeton de la maison commune de Bloys de la. 
même époque, une petite monnaie suisse du canton de Soleure, 
etc. 

De M. le D r Faton : 

Un petit poids monétaire marqué II d(eniers) XVIII g(rains), 
époque de Louis XIII. 



— 150 — 

III. — BIBLIOGRAPHIE 

1. — Dons des Auteurs ou autres : 

L'Homme tertiaire, par M. le M is de Nadaillac. Broch. in-8 de 
56 pages. Paris, Masson, 1885. — L'apparition de l'espèce hu- 
maine sur la terre est un problème qui excite vivement notre 
curiosité, mais dont la solution échappe encore aux efforts de 
la science. Aujourd'hui, on peut expqser seulement l'état des 
connaissances acquises, tout en réservante l'avenir les décou- 
vertes définitives. Si des études, commencées depuis vingt-cinq 
ans à peine, ont établi d'une façon irréfutable que l'homme a vécu 
pendant l'époque quaternaire, on est en droit de se demander 
s'il faut faire remonter son existence jusqu'à la période tertiaire. 
M. le M is de Nadaillac examine cette question intéressante en 
restant dans le domaine de la science pure et sans parti pris, 
avec la compétence d'un vrai savant et la lucidité d'un écrivain 
consommé. Après avoir examiné quelles étaient tes conditions 
biologiques et climatologiques de l'époque tertiaire, il reconnaît 
que l'homme a pu vivre sur la terre à cette époque; mais est-il 
permis de conclure de là qu'il y ait vécu? Toutes les découver- 
tes successivement invoquées par les partisans de l'homme ter- 
tiaire, ou du moins d'un ancêtre de l'homme doué d'aptitudes se 
rapprochant de l'homme, ne sont pas assez probantes pour per- 
mettre de formuler encore une affirmation absolue. L'auteur ter- 
mine en citant les judicieuses conclusions de MM. Chantre et 
Cartaillac, dont nous reproduisons plus loin une partie. (Voir 
ci-après le compte rendu des Matériaux pour l'Histoire de 
l'Homme.) 

Les [Indigènes de Timor - Laut. Australiens, Indous, An da- 
mans. In Anthropological bistitute of Great Britain and Ire- 
land. — Les Barrows dans les Iles Britanniques. — Doux bro- 
chures extraites de la Reçue d'Anthropologie (octobre 1884, 
janvier et avril 1885), offertes à la Société par l'auteur, M. le M is 
de Nadaillac. Dans la première, notre savant collègue nous ini- 
tie, avec son talent habituel d'exposition, aux travaux de l'In- 
stitut Anthropologique d'Angleterre, qui tient un rang distingué 
parmi les Sociétés de même nature. Dans la seconde, il nous 
décrit ces tumuli si nombreux dans la Grande-Bretagne sous 



— 151 — 

le nom de Barrows; leur usage comme sépulture, leur mobi- 
lier funéraire, leur âge probable, sont étudiés avec ardeur chez 
nos voisin*, et M. de Nadaillac nous fait connaître, avec autant 
de clarté que d'intérêt, le résultat de leurs plus récentes dé- 
couvertes. 

Etude sur le Clocher do la Trinité, par M. Louis Martellière, 
conservateur du Musée de Vendôme. Ce_travail a été lu à la 
séance du 5 septembre du Congrès tenu à Blois par l'Associa- 
tion française pour l'avancement des sciences. 

Cette étude, dans ses modestes proportions (11 pages), est de 
tous points excellente et digne du bel édifice auquel elle se rap- 
porte. L'auteur commence par une description magistrale du 
grand clocher, telle qu'un architecte seul peut la'faire. Il se de- 
mande ensuite à quelle époque fut bâti ce splendide monument. 
A défaut de documents écrits, il fait parler ses vieux murs et les 
probabilités historiques. Il nous prouve que l'illustre abbé 
Geoffroy, qui gouverna la célèbre abbaye de Vendôme de 109.Î à 
1132, a pu seul entreprendre et mener à fin cette œuvre gran- 
diose, et que c'est pendant le premier quart du XII e siècle qu'il 
fit élever cet orgueilleux clocher, dont la croix dominait le som- 
met de la tour seigneuriale. 

Dans un autre paragraphe, il cherche à deviner quel fut l'ha- 
bile architecte de ce chef-d'œuvre ; et avec une probabilité qui 
touche à la certitude, il le trouve dans un religieux de l'abbaye 
du nom de Jean, que Geoffroy avait consenti à prêter à Hildc- 
bert, évêque du Mans, et qu'il fut obligé ensuite de lui dispu- 
ter pour édifier son grand clocher. 

M. L. Martellière finit par quelques mots sur la restauration 
intelligente dont le monument vient d'être l'objet. 

La brochure se termine par une agréable surprise : c'est une 
excellente photographie du monument, prise de la tour Saint- 
Martin par M.Yvon. De ce point ('levé, le monument est saisi, 
pour ainsi dire, par son centre de gravité, et apparaît, de la base 
jusqu'au sommet, dans ses majestueuses proportions. 

Essais sur l'origine du no m des communes dans la Touraine, le 

Vendomoiset unepartiedu l)ni>oi>, par M. le comte de Chaban. 

Paris, Yieweg, 1885 (Imprimerie Lemercier, à Vendôme). — 

Hommage de l'auteur. 

Les lecteurs du Bulletin de notre Société n'ont certainement 



— 152 — 

pas oublié l'intéressant article de M. de Chaban inséré au tome 
XIX (1880) de nos Mémoires, p. 273, et intitulé : Essais sur 
l'origine des noms locaux. L'auteur y pose des principes très 
rationnels pour la recherch-e des noms de lieux, dont l'origine 
doit se trouver dans une qualité ou un caractère saillant de lu 
localité, exprimé dans la langue qui régnait à l'époque où le lieu 
était primitivement habité. Cette idée simple le conduit naturel- 
lement à chercher dans la langue armoricaine ou celtique, qu'il 
possède à fond, les racines d'un grand nombre de noms qui 
échappent au latin, lors même qu'ils ont été latinisés dans les 
vieilles chartes. On trouvera dans le volume que M. de Chaban 
offre à la Société l'application de ces règles à l'origine du nom 
d'un grand nombre de communes de nos pays. 

Dans l'impossibilité de discuter sciemment en celto-breton 
avec l'auteur, je me permettrai seulement de lui signaler une 
omission ; c'est celle de la commune nouvelle de Rahart, dont 
le nom anti-latin est éminemment gaulois. 

Je laisse aux membres de l'Académie des Inscriptions et Bel- 
les-Lettres, auxquels l'ouvrage a été présenté par M. Bréal 
dans la séance du 3 juillet dernier, la mission d'apprécier la va- 
leur scientifique des rapprochements toujours ingénieux que 
fait l'auteur des mots locaux avec des racines celtiques. 

François Miron et l'Administration municipale sous Henri IV, 
de 1604 à 1606, par A. Miron de l'Espinav. Un vol. in-8, Paris, 
1885" — Envoi de l'auteur. 

François Miron, lieutenant civil et prévôt des marchands à 
Paris, dans les premières années du XVIP siècle, fut pour 
Henri IV un sujet dévoué, en même temps qu'un conseiller sin- 
cère, et le roi dut à son zèle pour l'administration des intérêts 
populaires une bonne partie de la popularité dont il jouit encore. 
La reconnaissance publique décerna même à François Miron le 
surnom de père du peuple. Il appartenait à un membre de la fa- 
mille de ce grand magistrat municipal d'en retracer l'histoire. 
M. Miron de l'Espinay s'est acquitté de cette pieuse tâche avec 
autant de talent que de conscience, et a rendu vivante pour 
ainsi dire cette grande figure, dont on voit la statue à droite 
de la porte d'entrée du nouvel Hôtel de ville de Paris. 

Etude sur Vancien château, de Blois ; h: donjon et les oubliet- 



153 

tes ; les chapelles; par M. F. Bournon, archiviste de Loir-et- 
Cher.Blois, 1883. — Offert par l'auteur. 

Cette brochure est extraite du tome X des Mémoires de la So- 
ciété des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher (V. Bull, dejuillet 
488-1). M. Bournon y recherche avec beaucoup de sagacité ce que 
pouvait être l'ancien château de Blois avant la Renaissance ; du 
petit nombre de documents qu'il a pu recueillir, il tire des con- 
clusions extrêmement vraisemblables, sinon absolument dé- 
montrées. La comparaison avec d'autres constructions analo- 
gues et mieux conservées, notamment le château de Pierre- 
fonds, lui fournit aussi de précieuses indications. 

M. de Rochambeau a obtenu des héritiers de Salies, et offre 
aux archives de la Société la copie faite par notre regretté con- 
frère d'une partie du cartulaire de Marmoutier pour le Vendo- 
mois. Cette copie, chef-d'œuvre de patience et de calligraphie, 
reproduit le texte original, ligne pour ligne et page pour page. 
Elle comprend les 50 premières pages. 

IL— Par envoi du Ministère de l'Instruction publique: 

Journal des Savants. N os d'avril, mai et juin 1885. 

Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences. 
(Suite.) 

Roman tu, .V de janvier 1884. 

Discours prononcé par M. René Goblet, ministre de l'instruc- 
tion publique, le 11 avril 1880, à la séance de clôture du con- 
grès des Sociétés savantes, â la Sorbonne. 

Rente des Travaux scientifiques. Tome iv, X° 12 et dernier ; 
tome v, ,N 0S 1 et 2. 

Bulletin du Comité <!<■* Travaux historiques et scientifiques. 
Section d'Histoire et de Philologie, année 1884, N°s3 et 4. — 
Section des Sciences économiques el sociales. Année 1884. 

Bulletin Archéologique du Comité dès Traoaua Historiques 
et Scientifiques. Année 1885, »1. 

III. - Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. 
Nous avons reçu, par échange, de la Société d'Excursions 



— 154 — 

de Loir-et-Cher tout ce qui a paru en texte et dessins ou photo- 
graphies depuis sa fondation, en 1879. Grand format, m ,45 sur 
B ,35. 

La 1" livraison (1879) comprend : Blois (faubourg de Vienne); 
cimetière monumental du XVL siècle, 4 planches. — Eglise pa- 
roissiale de la Chaussée Saint-Victor (près Blois); La grande 
châsse de saint Victor; une photographie, — Eglise paroissiale 
de Saint-Aignan (Loir-et- Cher) ; chapiteau du XL siècle ; une 
photographie. — Montrichard; maison du XV" siècle ; litho- 
graphie. 

La 2 e livraison (1880) renferme : Commune de Lassay : le 
château du Moulin ; dessins et photographie. — Commune de 
Mur ; château de la Morinièrc, XVL siècle ; une photogra- 
phie. 

La 3 e livraison contient : Commune de Suèvres; église Saint- 
Lubin; deux lithographies. — Église de Trôo ; une lithographie. 
— Commune de Montrichard ; donjon du XL siècle ; une pho- 
tographie. — Commune de Mesland ; portail c^e V église, XIL 
siècle ; une photographie. — Ruines du château de Lavardin ; 
une photographie. — Commune de Lavardin ; maison du XVL 
siècle; une lithographie. — Mennetou-sur-Cher ; ses fortifica- 
tions du XIL siècle ; deux photographies. — Commune de Mon- 
trichard ; église de Nanteuil ; une photographie. 

La 4 e livraison (3° année) est entièrement consacrée à la cu- 
rieuse abbaye d'Aiguevive (XII e siècle), commune de Faverol- 
les. Cinq photographies et trois dessins ou plans nous font con- 
naître sous toutes leurs faces ces ruines intéressantes et peu 
connues des touristes. 

Une nouvelle série commence par un Bulletin N° 1, mars 
1882, contenant, avec le règlement et la liste des membres, un 
article intitulé : Le Progrès des arts dans le Blèsois, ses causes, 
ses manifestations, par Louis Belton, avocat, et se continue par 
les trois premières livraisons consacrées au château de Blois 
(1883). 

La plupart des photographies sont signées Mieusement ,ct 
sont réellement splendides. 

Nous attendons avec impatience la suite de cette belle publi- 
cation, digne de tous points du pays qui renferme les châteaux 
de Blois et de Chambord. 



— 155 — 

Reoue Historique et Archéologique du Maine. Tomes xv et 
xvi, 1 er et 2 e . semestres de 1881. 

Dans le premier de ces volumes, les Nouvelles Recherches sur 
la famille de Ronsard nous intéressent particulièrement. M. Kro- 
ger a mis à contribution les trésors des Archives nationales, 
ceux de la Bibliothèque nationale, les registres de l'état civil 
d'une foule de communes de notre région, ainsi que bien d'autres 
sources encore, et a recueilli un grand nombre de documents 
nouveaux et inédits relatifs à la famille du poète vendomois. Il 
la divise en trois branches: celles de la Poissonnière, celle de 
Glatigny et celle de Monchenon. Il essaie de reconstituer la 
généalogie de chacune d'elles, mais surtout de la branche qui 
eut l'honneur de donner le jour à Pierre de Ronsard ; il repro- 
duit notamment un tableau généalogique conservé à la biblio- 
thèque nationale, cabinet des titres, pièces originales au nom 
de Ronsard. 

Le second volume contient une Notice sur la commune de 
Souday (Loir-et-Cher), dont l'auteur, M. Moulard, nous avait 
déjà envoyé un tirage à part (Voir le dernier Bulletin). La prin- 
cipale source de ce travail est un mémoire manuscrit, rédigé par 
un des curés de Souday, et faisant partie des archives munici- 
pales du Mans; il avait été extrait des titres et papiers de la 
seigneurie et des registres de la paroisse par M. Brès, qui fut 
curé de Souday depuis le 2 janvier 1721 jusqu'au 17 septembre 
1744, époque de sa mort (1). 

Bulletin île la Société Archéologique de Nantes. 1881, 2' se- 
mestre. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 4 e trimestre 

de 1881. 

Annales de la Société Historique et Archéologique du Gà~ 
tinais. 1 er trimestre 1885. 

Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscription* et Belles- 



(\) Ces dates sont prises aux anciens registres delà paroisse de Souday, que nous 
avons eu occasion de compulser récemment. M. Moulard les a tout à l'ait ignorées 
puisqu'il dit en commençant : « Ce mémoire, rédigé vers 177") par M. lires, curé de 
Souday.... » 



156 - 

Lettres de Toulouse. Tome vi, 1" et 2 e semestres 1881. — Les 
météorologistes liront avec intérêt l'Etude sur les orages de 
Vannée 1882 dans le département de la Haute-Garonne, par 
M. Ed. Salles. Grâce à un réseau complet d'observations locales 
par les instituteurs du département, l'auteur a pu établir la 
marche et l'aire de 32 orages, et les tracer sur autant de cartes 
distinctes, qui donnent à son mémoire un grand intérêt et en font 
un modèle à suivre. 

Bulletin de la Société Danoise. N" d'avril 1885. 

Bulletin de la Société d'Anthropologie de Bordeaux. Tome i, 
3" fascicule. — Une excursion à Poreherioux (Loir-et-Cher), 
par F. Daleau. — Visite aux ateliers de pierres à fusil de la com- 
mune deMeusnes, et curieux détails techniques sur cette indus- 
trie presque fossile. 

Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. 
Tome xm, 1883-1884. 

Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre. 188L xn e 
volume, 2' fascicule. — Ce fascicule renferme la fin de l'Armo- 
riai général de France pour la généralité de Bourges. 

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Li- 
mousin. Tome xxxn, 1" et 2 e livraisons. 

Bulletin de la Société Archéologique, Scientijique et Litté- 
raire de Béliers (Hérault). Tome xn, 2 e livraison (1801). 

Bulletin et Procès-Verbaux de la Société d'Emulation d'Ab- 
berille pour 188 1. 

Bulletin de la Société des Eludes du Lot. Tome x, 1" fasci- 
cule, 1885. 

Ménioires de la Société de Géographie de Vienne (Autriche). 
1884. 

Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan . Année 
1883. 

Annuaire de la Société Française de Numismatique et d'Ar- 
chéologie. Année 1884, en quatre fascicules. 

Contribution, to North American Ethno/ogg, volume v, \Va- 



— 157 

shington. Government Pr in tin g Office, 1882, in-K —Ce volume, 

magnifiquement «'dite et orné de très nombreuses figures, con- 
tient trois njemoires distincts, avec pagination spéciale. Le pre- 
mier, de M. Charles Rau, est relatif à l'étude de ces curieuses 
excavations en forme de coupe, qu'on rencontre sur un grand 
nombre de monuments mégalithiques de l'Amérique et de l'An- 
cien Monde. — Le second, de M. Robert Fletcher, s'occupe de la 
question des trépanations préhistoriques, signalées pour la pre- 
mière fois en 1873 par E. Prunièrcs. — Enfin le troisième, con- 
sacré par M. Cyrus Thomson au manuscrit Troasso, est peut- 
être l'essai le plus important d'interprétation de ce fameux Codex 
découvert, en 1860, à la Bibliothèque de Madrid, par l'abbé Bras- 
seur de Bourbourg, et reproduit, en fac-similé par les soins de 
la Commissions cientifîque du Mexique. 

A vindication of the autheuticity of thé Eléphant pipes and in- 
scribed Mablets in the muséum of the Davenport Academy of 
Natural Sciences, from the accessions of the Bureau of Eth- 
nology ofthe Smithsonian Institution. By Charles E. Putnam., 
président ofthe Davenport Academy. — Davenport Iowa, 1885. 
Avec cette épigraphe : Fiat justitia, ruât cœlum. 



IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Bulletin, Monumental. VI e série, tome I er , N°2et 3, mars à 
juin 1885. — Au milieu d'un grand nombre d'articles d'érudition 
et d'archéologie, notre goût personnel nous fait signaler aux 
amateurs de verrerie la Lettre sur la Verrerie à lafaçon île Ve- 
nise, par M. de Schuermans. 

Matériaux pour l'Histoire primitive et naturelle de l'Homme. 
Tome xix, 1885, X 1 " d'avril, mai et juin. — Nous disions, dans mi- 
tre précédent Bulletin, que la question des silex tertiaires ne 
semblait pas près d'être épuisée. Elle se ranime, au contraire, 
plus vive que jamais. Dans leN° fin mois de mai, M. A. Arceliri 
publie un mémoire tendant à expliquer comment les signes ca- 
ractéristiques des silex intentionnellement taillés peuvent être 
attribués à des causes purement naturelles. Ces signes, d'après 
M. de Mortillet, sont au nombre de trois: le plan de frappe, le 
conchoïde de percussion et l'esquillcment, Les silex d'Otta(Por- 



— 158 — 

tugal), de Thenay et Puy-Corny (France), présentent ces carac- 
tères, auxquels se joignent, à Thenay, l'action du feu et les re- 
touches régulières. Les observations de M. Arcelin établissent 
qu'on trouve fréquemment des silex, répandus à tous les niveaux, 
portant les mêmes traces, auxquelles l'action de la volonté hu- 
maine est certainement étrangère. On pourrait donc expliquer 
très naturellement les faits observés à Thenay, à Otta ou au Puy- 
Corny, sans se mettre en grands frais d'imagination. Une belle 
planche en phototypie donne des exemples à l'appui de ce mé- 
moire intéressant. 

Dans le N° suivant, M. de Mortillet répond à M. Arcelin; 
mais ses réfutations ne nous semblent pas absolument concluan- 
tes. Il reproche, par exemple, à ce dernier d'avoir placé Thenay 
entre Otta et Puy-Corny, ce qui importe peu au fait de la taille 
intelligente ou non. En un mot, la question nous semble être 
restée absolument au même point qu'avant la discussion, c'est- 
à-dire que, d'une part, l'apparence de taille de certains silex 
peut parfaitement être expliquée par l'influencede forces ou d'a- 
gents naturels, sans que la volonté d'un être vivant y soit 
intervenue d'une façon quelconque ; tandis que, d'autre part, 
quelques silex des couches tertiaires paraissent offrir les carac- 
tères d'un travail intentionnel, sans que pourtant la certitude de 
ces caractères soit nettement établie. 

A la Société d'Anthropologie (séance du 19 février 1885, M. de 
Mortillet avait déjà parlé du précurseur de l'homme. A la séance 
du 5 mars, M. d'Acy avait cité les faits réunis par M. Arcelin, 
expliquant la pseudo-taille des silex de Thenay, ainsi que les 
observations de M. Doigneau (Voir notre précédent Bulletin). Il 
produisit une série de silex qui semblent taillés ou même retou- 
chés, en déclarant que la main de l'homme y a été absolument 
étrangère. M. Virchow avait déjà formé une]série analogue (Con- 
grès international de Lisbonne). M. de Mortillet répond à M. 
d'Acy. Il veut circonscrire la question aux seuls silex de The- 
nay. Quant aux grattoirs et pointes recueillis, ils ne pouvaient, 
à cause de leur petitesse, servir à préparer des peaux et à les 
coudre: l'animal de Thenay devait être beaucoup plus velu que 
l'homme ; il n'avait pas besoin de vêtements, puisque le climat 
était assez chaud. Mais le précurseur de l'homme ne devait pas 
être dépourvu de vermine, et ces instruments pouvaient lui ser- 
vir à se gratter ! Franchement, il est regrettable de voir des sa- 



— 159 — 

vants de la, valeur de M. Mortillet réduits à employer de pareils 
arguments, et cela donne une pauvre idée de la cause qu'ils dé- 
fendent. * 

Pour conclure, nous ne pouvons mieux faire que d'imiter M. de 
Nadaillac, et d'emprunter les propres paroles des deuxéminents 
directeurs des Matériaux, MM. E. Chantre et Cartaillac. Le 
premier s'exprime ainsi : « Accepter comme un fait acquis 
l'existence du précurseur de l'homme me semble prématuré. Il 
me parait plus prudent et plus scientifique d'attendre de nou- 
velles découvertes Au point de vue de l'âge des terrains, la 

question est incontestablement éclairée ; l'on est bien en face 
d'un terrain tertiaire inférieur, et quant à la question des silex, 
la discussion reste ouverte. » M. Cartaillac ajoute ; « Tous les 
faits remarqués à Thenay, à Puy-Corny, à Otta, s'expliquent ai- 
sément par l'action humaine. Certaines pierres de ces gisements 
offrent même les caractères convenus de la taille intentionnelle. 
Mais, dans tous les cas, il n'y a pas certitude suffisante : il n'est 
pas absolument prouvé qu'il faille écarter toutes les causes pu- 
rement matérielles. Les traces irrécusables de nos ancêtres ter- 
tiaires sont encore à trouver. » {Matériaux, N° d'avril, p. 188.) 

Dans le môme N° de juin, M. d'Ault-Duinénil rend compte des 
fouilles faites à Thenay, en septembre 1881, aux frais de l'Asso- 
ciation Française pour l'avancement des sciences. 

Reoue Archéologique. N os de mars, avril, mai 1885. — Nous 
signalerons parmi les principaux articles : Les trois Tombeaux 
archaïques de Phocée, par M.Weber; le Rempart-Limite des Ro- 
mains en Allemagne, par M. de la Noë, d'après le livre allemand 
de M. de Cohausen ; le Monument d'Eflatoum en Lycaonie, par 
M. G. Perrot, etc. L'Etude sur le dieu gaulois du Soleil et le 
symbolisme de la roue, par M. H. Gaidoz, est surtout intéres- 
sante. D'après lui, les rouelles gauloises (ou plutôt celtiques) ne 
sont que des amulettes, et non des monnaies ; pins tard, elles 
furent employées comme objets de parure ou de toilette, comme 
nous voyons la croix l'être aujourd'hui sans aucune idée desym- 



ooiisme religieux. 



E. N. &L.M. 



DE 

L'AFFAIBLISSEMENT PROGRESSIF 

DE LA NATALITÉ EN FRANCE 

SES CAUSES & SES CONSÉQUENCES 
Par M. le Marquis de Nadaillac. 



J'aurais quelques scrupules à appeler l'attention de 
la Société sur des faits qui s'éloignent de ses études 
habituelles, si la question que je désire traiter n'était 
pas d'un intérêt vital, si elle ne touchait pas à ce que 
nous avons de plus cher, à l'avenir de notre pays, à 
l'avenir des générations destinées à nous remplacer. 

Chaque nouveau dénombrement de la population 
française ajoute à nos légitimes appréhensions. La 
forte natalité des Anglais, des Allemands, de tous les 
autres peuples sans exception, contraste singulièrement 
avec la nôtre, et puisque le progrès nous a conduits à 
ce triste résultat, que les armées modernes sont des 
peuples entiers se ruant sur les peuples voisins, le 
sort d'une nation dépend de sa prépondérance mili- 
taire, et celle-ci à son tour du nombre des combat- 
tants et de l'accroissement plus ou moins rapide de 
sa population. Mais si, pendant la guerre, la puissance 
d'une nation est en rapport avec le nombre d'hommes 
qu'elle peut mettre sous les armes, sa puissance réelle 
et permanente réside dans le nombre de bras qu'elle 
emploie au travail; à ce point de vue aussi, une fai- 
ble natalité constitue un grave péril national. Les po- 
pulations rurales sont surtout atteintes ; une constante 



— 161 — 

émigration vers les villes alimente à leurs dépens la 
population urbaine; nous voyons là une des causes 
les plus sérieuses des souffrances de l'agriculture. A 
ce titre encore, la question présente un intérêt considé- 
rable. 

La population d'un pays peut s'accroître soit par l'im- 
migration, soit parla prolongation de la durée moyenne 
de la vie, soit enfin par l'excédent des naissances sur 
les décès. Ce dernier accroissement, on le conçoit sans 
peine, est le plus avantageux. Rien ne témoigne plus 
hautement de l'excellence des institutions sociales ou 
des conditions hygiéniques que la durée de la vie (1) ; 
l'immigration étrangère atteste le bien-être ou tout au 
moins la supériorité économique d'un peuple, et il 
convient d'applaudir saus réserve aux progrès con- 
statés en France. Mais si le nombre des vieillards 
est l'honneur d'un pays, si celui des immigrants (2) 
ajoute à sa puissance productive, par suite à sa ri- 
chesse, une forte natalité assure seule un développe- 
ment sérieux ; or, elle fait malheureusement défaut 
chez nous, répétons-le encore, et tous les documents 
officiels attestent une décroissance constante et pro- 
gressive dans le chiffre des naissances (3). 

(1) Au point de vue de la mortalité prise, en bloc, notre situa- 
tion est favorable. La Grande Bretagne compte annuellement un 
décès sur 500 habitants, la France un sur 450, l'Allemagne un 
sur 400, l'Italie un sur 340, l'Autriche-Hongrie un sm- 310. Ch. 
Richet, Reçue des Deux-Mondes, 15 avril 1882, p. 925. 

(2) Au recensement de 1881, le nombre des étrangers s'éle- 
vait à 1,001,000. En 1851, il n'était que de 393,814; en 1800, de 
035,195; en 1872, de 730,811. «Si le chiffre do la population se 
maintient, s'il s'accroît même dans une très faible proportion, 
disait récemment le D r Rochard à l'Académie de Médecine, cela 
tient à l'immigration étrangère, c'est l'étranger qui comble nos 
vides, et cette introduction parmi nous d'éléments le plus sou- 
vent hostiles est une menace pour l'avenir. » D'après les rap- 
ports de nos consuls, le nombre des Français établis à l'étran- 
ger serait seulement, de 316,550. 

(3) Ces documents, il faut le dire, présentent souvent des la- 



— 162 — 

MOYENNE DES NAISSANCES EN FRANCE 

POUR 10,000 HABITANTS 



1770-80 


380 


1841-50 

1851-60 


274 


1801-10 


325 


267 


1811-20 


316 


1861-68 


264 


1821-30 


309 

289 


1869-80 


245 


1831-40 







Observation. — Ce tableau, observe le D r Bertillon, à qui nous rempruntons, en le 
complétant, ne donne pas même l'affaiblissement réel, car le nombre des femmes 
pubères était relativement moindre autrefois qu'aujourd'hui. 

Cette faible natalité n'est pas un mal récent. Le plus 
ancien relevé des paroisses et des feux, dont il reste 
quelques traces fut exécuté, sous Philippe de Valois 
vers 1328. Il constate sur une étendue de territoire 
que l'on peut évaluer aux trois cinquièmes de la France 
telle qu'elle existait avant 1870, 2.943.763 feux repré- 
sentant une population d'environ onze millions d'âmes, 
soit pour la France entière de dix-huit millions. En 
cinq siècles et demi, notre population aurait donc seu- 
lement doublé. Non seulement le mal se maintient, 
mais il grandit, et, en ne citant que pour mémoire la 
période comprise entre 1770 et 1800, dont les chiffres 
ne présentent pas une exactitude rigoureuse, il faut bien 
reconnaître que depuis le commencement du siècle la 
moyenne des naissances annuelles pour dix mille ha- 
bitants est tombée de 325 à 245 ! 

Si nous comparons ces chiffres à ceux des autres 
peuples de l'Europe, la différence est sensible. Nous 



cunes et des erreurs. Ceux que la question intéresse trouve- 
ront des renseignements qui les complètent dans les Annales 
de Démographie internationale, que dirige depuis 18771e D r Cher- 
vin, dans les savants travaux du D r Bertillon et de son fils 
M. Jacques Bertillon, et dans deux articles du D r Cli. Richet pu- 
bliés dans la Reçue des Deux-Mondes, du 15 avril et du 1" juin 
1882. 



163 

voyons en Russie 507 naissances sur le même nombre 
d'habitants^ en Hongrie 416, en Wurtemberg, en Saxe 
400, en Pousse 385, en Espagne 384, en Autriche 381, 
en Italie 370, en Angleterre 337, en Belgique 322, en 
Danemark 312, en Suisse 297. Notre pays est abso- 
lument au dernier rang parmi les pays de l'Europe 
où la natalité annuelle est enregistrée. La Suisse, qui 
nous précède immédiatement, l'emporte encore d'une 
manière notable. Chez nos voisins belges, qui parlent 
la môme langue que nous, qui professent la même 
religion, qui possèdent la môme législation, qui, par 
leurs mœurs, leur industrie, leur genre de vie, par la 
fertilité de leur sol,, la salubrité de leur climat, se rap- 
prochent singulièrement de nos populations du Nord, 
la natalité, loin de s'affaiblir, est en progrès. En 
1866, elle était de 316, elle est aujourd'hui de 322. 
Dans la dernière période décennale, la moyenne des nais- 
sances en Angleterre a dépassé de 26.774 celle de la 
période décennale précédente, bien que ce dernier chif- 
fre fût déjà élevé. Chez tous les peuples de l'Europe, 
on relève les mêmes faits économiques que chez nous; 
partout l'aisance générale s'est accrue, partout, dans 
les campagnes, comme dans les villes, nous consta- 
tons l'élévation des salaires, un habillement plus con- 
fortable, une nourriture plus substantielle, un lo- 
gement plus sain et plus approprié aux besoins de 
la famille, des conditions hygiéniques mieux enten- 
dues ; partout, ces causes ont influé favorablement 
sur la natalité. Pourquoi faut-il qu'en France, par 
une loi fatale, elles aboutissent à des résultats aussi 
différents? 

Les tables dressées avec grand soin par Duvillard, 
confirmées d'ailleurs par les documents qui nous 
restent sur nos anciennes provinces, établissaient par 
mille âmes une moyenne de 312 enfants au-dessous 
de 15 ans. Dans la période décennale de 1840 à 1859, 
il ne s'en trouve plus que 284, en 1866, 277, et les 
derniers recensements prouvent que ce chiffre, déjà si 

xxiv 12 



— 16.4 — 

faible, s'est encore abaissé. Aux Etats-Unis, pour le 
môme nombre d'habitants on compte 377 enfants de 
race blanche, 338 de race noire, en Angleterre 354, 
en Prusse 353, en Espagne 348, en Autriche 321. Il 
est inutile de pousser plus loin cette comparaison, par- 
tout elle est à notre désavantage. 

Cette décroissance de la natalité est à la fois pro- 
gressive et régulière. Nous la voyons sous Napoléon 
I er , où elle pouvait s'expliquer par les longues et san- 
glantes guerres qui nous faisaient acheter bien chère- 
ment une gloire stérile, comme sous les gouvernements 
pacifiques qui se sont succédé de 1815 à 1848, sous 
les deux républiques de 1848 et de 1870, comme sous 
le règne de Napoléon III, qui voyait s'ouvrir de nou- 
veau l'ère des grandes guerres avec leur funèbre cor- 
tège. Les révolutions, les changements sociaux et éco- 
nomiques, les événements prodigieux que nous voyons 
s'accomplir, qui font et défont les fortunes particu- 
lières, et qui transforment le pays tout entier, par un 
hasard véritablement étrange, semblent n'exercer qu'une 
influence très limitée sur le nombre des naissances. 

Les conséquences de cette faible natalité sont saisis- 
santes. En 1700, la population de la France comptait 
pour 38 % parmi celles des grandes puissances de 
l'Europe; en 1780, cette proportion s'est abaissée a 
27 %; elle n'est plus aujourd'hui que de 13 % (1). 
Notre puissance absolue a pu augmenter, notre puis- 
sance relative s'est assurément amoindrie. 

A un autre point de vue, il est incontestable que 
notre situation économique bénéficie dans une large 
mesure, du faible mouvement des naissances. Peu 
de faits ont plus frappé l'étranger et ne nous ont plus 
frappé nous - mêmes, que la facilité avec laquelle 
la France s'était relevée après les défaites les plus 

(1) J. Bertillon, La Statistique humaine de la France. Les chif- 
fres qu'il donne sont empruntés aux travaux publiés en 1871*, 
dans les Annales de démographie, par un savant membre de 
l'Institut, M. Levasseur. 



- 165 - 

cruelles de son histoire. Nous avons vu noire terri- 
toire démembré, un tiers de nos départements en- 
vahis par* l'ennemi; nous avons dû payer une rançon 
accablante; aux: charges de l'invasion sont venues s'a- 
jouter celles de l'insurrection la plus odieuse et la plus 
criminelle; il a fallu construire de nouvelles forteres- 
ses, refaire tout le matériel de guerre si dispendieux 
exigé par le progrès moderne. L'intelligence de notre 
peuple, sa puissance de production et d'épargne ont 
suffi à tout. Dans un espace de temps incroyablement 
court, nous avons pu réparer, matériellement tout au 
moins, nos désastres, et trois ans à peine après le traité 
de 1871, notre prospérité égalait, si elle ne surpassait, 
celle des années les plus brillantes de l'Empire. Sans 
doute cette prospérité est due avant tout au travail et 
à l'épargne, au travail intelligent et à l'épargne fruc- 
tueuse; mais il existe une ombre au tableau que nous 
ne pouvons omettre. Si notre natalité était égale à 
celle de nos voisins (1), nous aurions chaque année 
près de 400,000 enfants déplus. Ces enfants, si long- 
temps consommateurs avant de devenir producteurs 
à leur tour, coûtent cher à la famille; on ne peut 
estimer cette dépense à moins d'un milliard par an. 
C'est donc cette économie considérable qui vient cha- 
que année alimenter le luxe ou accroître l'épargne. 
Nous achetons une partie de notre richesse au prix 
de notre chair et de notre sang, et nous payons les 
égoïstes jouissances du présent, au prix de l'inévitable 
affaiblissement de l'avenir. 



(1) Sur mille femmes de 15 à 50 ans le nombre annuel de 
naissances est : 

En Bavière, de 156; 
En Prusse, de 150; 
En Espagne, de 141 ; 
Aux Pays-Bas, de 137; 
En Angleterre, de 136; 
En Belgique, de 127; 
En Irlande, de 114; 
Ku France, de 102. 



— 160 — 

Il faut justifier ces faits. De 1872 à 1876, années de 
paix et de prospérité, l'accroissement de la population 
dû à l'excédent des naissances sur les décès avait été 
de 802,867, soit de 160,000 par an. Si nous prenons 
la dernière période quinquennale, celle de 1879 à 1883, 
l'accroissement n'est plus que de 483,127, soit une 
moyenne annuelle de 96,625 (1). A chaque période la 
décroissance s'accentue, on se demande avec une pro- 
fonde tristesse où elle s'arrêtera! 

Le chiffre le plus élevé que nous donnons est lui- 
même bien faible,, si nous le comparons à la natalité 
autrement vigoureuse de l'Empire allemand. Au mois 
de décembre 1880, la population atteignait 45,234,061 
âmes (2) ; dix ans auparavant, elle n'était que 40,816,240. 
Durant cette période l'accroissement a donc été de 
4,417,812, soit de 441,000 par an. L'excédent des nais- 
sances sur les décès donne un chiffre plus élevé en- 
core, et atteint annuellement 543,442; mais il faut te- 
nir compte de l'émigration qui enlève chaque année 
à l'Allemagne un grand nombre d'adultes des deux 
sexes (3). 



(1) En 1879 l'excédent était 96,647 



1880 


» 


(il ,840 


1881 


» 


108,220 


1882 


» 


07,02? 


1883 


» 


119,384 



483,127 

Les quatre premiers chiffres sont extraits de Y Annuaire du 
Bureau des Longitudes, le dernier d'une publication sommaire 
faite par les soins du Ministère du Commerce. 

(2) En 1881, la population de la France était de 37,672,818, in- 
férieurede plus de septmillions et demi ù celle de l'Empire d'Al- 
lemagne; mais en Allemagne il n'y a que 965 hommes pour 1000 
femmes; en France nous en trouvons 991. La population mas- 
culine allemande ne l'emporte donc guère sur la nôtre que de 
trois millions et demi. 

(3) Eu 1881, d'après un rapport officiel présenté au Reichsrath, 
\f nombre de* émigrants s'était élevé an chiffre de 184,369 indi- 



— 167 - 

Chaque ménage allemand est une famille nombreuse, 
chaque famille française est une famille peu nombreuse ; 
tel est le- fait clans sa brutale réalité. Cet accroisse- 
ment considérable uni à la force de son gouverne- 
ment, à l'ordre établi dans ses institutions, assure la 
prépondérance de l'Allemagne dans toute l'Europe 
centrale; c'est là un grave péril qu'il ne sert à rien de 
nous dissimuler (1). 

Nous relevons les mêmes faits en Angleterre, aux 
Etats-Unis. La population anglaise s'est élevée entre 
les années 1700 et 1880 de 8 millions à 35 millions 
d'âmes, et cela tout en peuplant de nombreuses colo- 
nies, dont l'aire totale n'est pas moindre de 7,917,000 
milles carrés, égale à peu de choses près à deux fois 
la superficie de l'Europe. La race anglo-saxonne, par 
les vigoureux essaims de ses familles fécondes, prend 
possession du globe que notre race stérile ne sait plus 
lui disputer. 

La grande République transatlantique comptait au 
commencement du siècle à peine quatre millions d'ha- 
bitants. Le recensement de 1850 en constatait 24 mil- 
lions, celui de 1880, 50,132,359. A une natalité excep- 
tionnelle vient se joindre une immigration considéra- 
ble, qui ajoute dans une large proportion à la puis- 
sance productive des Etats-Unis, puissance dont la 
vieille Europe commence à ressentir durement les ef- 
fets. 

La population française au Canada était de 60,000 
âmes en 1763; au recensement de 1881, le nombre des 
Français (ne leur refusons pas ce titre) était de 1,298,929. 
Cet accroissement si rapide est uniquement dû au 
nombre des naissances, car l'immigration est nulle; 
il contraste douloureusement avec la faible fécondité de 
la mère patrie. 

vidus des deux sexes. Depuis vingt ans la moyenne annuelle 

ne dépassait guère 80,000. 

(1) Ch. Grad. Population de l'Empire allemand. Revue des 
Deux-Mondes, 1" janvier 18s:.. 



! 8 



En 1776, la population du Brésil, d'après l'abbé Cor- 
rea da Serra, était de 1,900,000 âmes. Le dernier re- 
censement connu, celui de 1872, la porte à 10,123,054(1). 

En 1788, le capitaine Phillips fondait rétablissement 
de Botany Bay avec quelques centaines de soldats et 
de déportés (2). En 1880, la colonie comptait plus de 
trois millions d'habitants d'origine européenne, et la 
valeur totale de ses importations et de ses exporta- 
tions atteignait 2,373,306,250 francs (3). Il serait facile 
de multiplier de semblables exemples; il est plus fa- 
cile encore de prévoir les résultats de cette fécondité 
inconnue chez nous et que nous voyons tout autour 
de nous. 

Des calculs récents (4) montrent que si la même pro- 
gression se maintient, à la fin du XX e siècle, l'Italie 
comptera 56 millions d'habitants, la France 64, P Au- 
triche-Hongrie 76, l'Angleterre 142, l'Allemagne 164. 
Ces chiffres, qui portent de si pénibles enseignements, 
paraîtront faibles, si on les compare à l'accroissement 
que présentera à la môme époque la population des 
Etats-Unis ; en supposant que l'émigration se main- 
tienne au taux actuel, elle atteindra dès 1950 200 mil- 
lions ! 

Faut-il citer la race jaune, la plus prolifique du globe t 
Tout témoigne du rôle considérable qu'elle jouera dans 
l'avenir. 'Nous la savons déjà bien nombreuse, mais 
nous manquons de données sérieuses pour appuyer les 
calculs très différents que l'on avance. On ne peut se 

(1) Baron d'Ourem, Statistique du Brésil. Pau, 1885. 

(2) La colonie à ses débuts ne possédait en fait d'animaux qu'un 
taureau, quatre vaches et un veau, un étalon, quatre juments 
et trois poulains, un petit nombre de représentants enfin des 
races ovines et porcines. Le dernier recensement constate 
1,206,100 chevaux, 8,104,786 têtes de gros bétail, 72,239,324 mou- 
tons, 1,026,896 porcs. 

(3) A un taux semblable, le commerce de la France devrait dé- 
passer 31 milliards, tandis que le chiffre actuel n'atteint guère 
que 9 milliards. 

(4) Ils sont, dus an Directeur de la Statistique fédérale Suisse. 



— 169 — 

faire illusion sur l'intensité des luttes qui attendent les 
générations futures, ni sur les efforts qui incomberont à 
chaque nalion pour maintenir son importance politique 
et économique. La grandeur de la France, cet héritage 
sacré que nous avons reçu de nos pères et que nous 
devons, sous peine de forfaiture, transmettre à nos 
enfants, est en cause; elle paraît compromise au mi- 
lieu des progrès menaçants des races slaves et anglo- 
saxonnes. Nous faudrait-il donc baisser la tête devant 
d'orgueilleuses prédictions, qui montrent notre patrie 
réduite dans l'avenir au rôle effacé que joue de nos 
jours la Grèce, autrefois si glorieuse ! 

Examinons maintenant avec plus de détail les faits 
dont nous venons de déduire les conséquences. Unsa- 
vant démographe, bien connu de tous ceux qui s'oc- 
cupent de la question, appelait, il y a quelques mois, 
l'attention de l'Académie de Médecine et de la Société 
d'Anthropologie sur la dépopulation de certains de nos 
départements. Il prouvait, en s'appuyaut sur les chif- 
fres officiels, que, dans l'espace de 45 ans, de 18.3(5 à 
1881, 2(3 départements ont vu leur population dimi- 
nuer de 7 û (1). 

Ce mouvement tient à deux causes, à l'émigration 
des habitants des pays pauvres vers des régions plus 
riches, vers des villes industrielles, où la vie est ma- 
tériellement plus heureuse (2), le travail plus facile et 
mieux rétribué, puis à l'excédent des décès sur les 
naissances (3). C'est de cette dernière cause qu'il faut 
d'abord parler. Chaque recensement témoigne de la 
grandeur du mal, et le tableau que nous donnons des 
trois dernières années, dont les résultats ont été pu- 
bliés, l'atteste d'une manière irréfutable. 

(1) La proportion varie de 17,0.") pour les Basses-Alpes ;ï 0,33 
pour la Somme. 

(2) La moyenne par tète de la consommation do la viande est 
pour toute la France de 24 k"" •">, il s'élèveà55 k" pour les vil- 
les à 80 k- pour Paris. Sanson, Bul. Soc.Aitlh. 1883, p. ÔTÔ. 

(3) Statistique de la France, 2 e série, i. jcih. 



- 17(1 - 
COMPARAISON DES NAISSANCES & DES DÉCÈS 

Dans les départements où il y a un excédent de décès. 



Départements 

1. Ain 

2. Basses-Alpes 

3. Hautes-Alpes 

4. Alpes-Maritimes.... 

5. Aube 

6. Bouches-du-Rhône . 

7. Calvados 

8. Charente 

9. Côte-d'Or 

10. Drôme 

11. Eure 

12. Eure-et-Loir 

13. Gard 

14. Haute-Garonne .... 

15. Gers 

16. Gironde 

17. Hérault 

18. Indre-et-Loire 

19. Isère 

20. Lot 

21 . Lot-et-Garonne 

22. Maine-et-Loire 

23. Manche 

24. Mayenne 

25. Haute-Marne 

26. Meuse 

27. Oise 

28. Orne 

29. Puy-de-Dôme 

30. Rhône 

31. Sarthe 

32. Seine 

33. Seine-Inférieure.... 

34. Seine-et-Marne 

35. Seine-et-Oise 

36. Somme 

37. Tarn-et- Garonne . . . 

38. Var 

39. Vaucluse 

40. Yonne 



1880 


1881 


1882 


Naissances 


Décès 


Naissances 


Décès 


Naissances 


Décès 


» 


» 


» 


» 


7795 


7944 


3291 


3626 


» 


» 


3100 


3521 


3514 


3570 


» 


« 


3487 


3751 


» 


» 


» 


» 


6781 


6960 


4735 


6091 


4939 


5067 


5090 


5769 


15421 


17658 


» 


» 


15634 


16544 


8837 


9364 


9160 


9888 


8864 


9745 


7856 


8202 


» 


» 


» 


» 


» 


« 


7287 


7700 


7525 


7832 


» 


» 


7238 


8100 


7001 


8151 


6719 


8942 


6674 


8049 


6779 


7795 


6650 


6880 


6351 


6107 


» 


» 


11207 


11545 


» 


» 


» 


» 


9582 


9620 


9610 


9747 


9332 


9 186 


4805 


5923 


4866 


5900 


4867 


6008 


. 15232 


15861 


» 


» 


» 


» 


10018 


10668 


10275 


10948 


10049 


10739 


. 6446 


6615 


» 


» 


« 


» 


13316 


13893 


)) 


» 


» 


» 


5689 


6302 


6174 


6574 


5861 


6053 


5355 


7176 


5459 


6739 


5231 


6181 


10522 


11255 


10291 


10364 


» 


» 


11796 


11873 


11611 


11865 


» 


» 


8065 


8179 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


5210 


5305 


» 


» 


6236 


6510 


» 


» 


6071 


6073 


. 8690 


9909 


» 


» 


» 


» 


, 7632 


8654 


7570 


8640 


7087 


8255 


, 12234 


12288 


» 


» 


» 


» 


16302 


18160 


» 


» 


16746 


17703 


8654 


10187 


8869 


9231 


8744 


9069 


69946 


71080 


» 


» 


» 


» 


23517 


23592 


» 


» 


» 


» 


7620 


8151 


» 


» 


» 


» 


. 12660 


14414 


13031 


14119 


13339 


13787 


12681 


13920 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


4096 


1S11 


3666 


1766 


6291 


6822 


6113 


6501 


5815 


7196 


5583 


7248 


5621 


6101 


5372 


6019 


6591 


6903 


» 


» 


6748 


7304 



— 171 — 

Depuis le commencement du siècle, la natalité a di- 
minué dans tous nos départements, sauf trois, l'Avey- 
ron, la Ivoire-Inférieure et la Lozère, et le tableau que 
nous donnons montre que durant les trois années L880, 
1881 et 1882, les décès ont excédé les naissances dans 
40 départements, près de la moitié de ceux qui forment 
le territoire de la France. De 1872 à 1876, ces dépar- 
tements étaient au nombre de 17; en 1880, année ex- 
ceptionnellement mauvaise, sans que nous en puis- 
sions dire la cause, le chiffre s'est élevé à 34; il était 
de 20 en 1881, de 21 en 18^,2, de 29 en 1883 (1); le 
mal est évidemment en progrès. 13 départements fi- 
gurent trois fois, 12 deux fois sur notre liste et pour 
une proportion souvent considérable. L'excédent des 
décès dans ces trois années est de 1163 pour l'Aube, 
de 4614 pour l'Eure, de 4051 pour le Lot-et-Garonne, 
de 3313 pour le Gers, de 3360 pour l'Orne, de 2233 
pour la Sarthe,, de 3280 pour Seine-et-Oise, de 2792 pour 
le Vaucluse. Dans l'important département des Bou- 
ches-du-Rbône, ie déficit atteint seulement 2662, en 
tenant compte d'un faible excédent de 495 naissances 
que présente l'année 1881. 

Si nous poursuivons ces recherches, et si nous pre- 
nons une période de 50 ans, de 1826 à 1876 par exem- 
ple, nous trouverons que les décès ont excédé les 
naissances : 

de 56,899 dans l'Eure, 
» 49,042 » Calvados, 

Lot-et-Garonne, 

Yar, 

Seine-et-Oisc 

Gers, 

Orne, 

Tarn-ct-Garonne. 
Ce sont toujours les mêmes départements qui offrenl 

(1) Les résultats de 188:5 sont encore incomplets ; nous n'a- 
vons donc pu les comprendre dans le tableau que nous don- 
nons. 



» 35,099 


» 


» 26,407 


» 


» 12,131 


» 


» 10,181 


» 


» 7,197 


» 


» 6,266 


» 



- 172 - 

une pauvre natalité, et cela même dans les années 
les plus favorables. Si en 1881 l'Yonne et les Bas- 
ses-Alpes figurent pour un faible excédent l'un de 27, 
l'autre de 140 naissances, dès l'année suivante, il faut 
de nouveau les marquer en noir. De même si eu 1882 
nous effaçons l'Isère et l'Eure-et-Loir, ils ne présen- 
tent qu'un excédent le premier de 27, le second de 
101 naissances (1). 

Il est satisfaisant de remarquer qu'alors que les dé- 
partements limitrophes comme la Sarthe et l'Eure-et- 
Loir, témoignent chaque année d'une misérable nata- 
lité, le département de Loir-et-Cher jouit d'une si- 
tuation exceptionnelle. Ainsi, en 1880, les naissances 
l'emportent sur les décès de 610 ; en 1881, de 1354 ; 
en 1882, de 1330 (2). Pour ces deux dernières années 
la proportion est de plus de 25 ° ; si elle existait dans 
toute la France, nous n'aurions rien à envier aux Al- 
lemands ou aux Anglais. 

Il est difficile d'assigner une cause générale à un 

(1) Il existe une grande inégalité dans la fécondité des ma- 
riages. La moyenne générale pour la France est de 3,3 enfants 
nés vivants par mariage ; il ne s'en trouve que 2,5 dans l'Orne, 
la Gironde, l'Eure et la Sarthe, 2,45 dans la Charente, 2,23 dans 
le Lot-et-Garonne. On en trouve au contraire 3,93 dans le Pas- 
de-Calais et le Morbihan; 3,89 dans le Finistère et les Bouches- 
du-Rhônc, 4 dans le Gard, 4,2 dans les Hautes-Alpes, 4,3 dans 
la Lozère, 1,26 dans le Nord. La natalité de deux des départe- 
ments que le sort des armes nous a ravis, se rapproche de 
celle de l'Allemagne; elle est de 1,26 dans le Haut-Rhin, de 4,56 
dans le Bas-Rhin. 11 faut, on le voit, classer à la fois dans les 
extrêmes des départements agricoles et des départements in- 
dustriels, des départements où il existe des grandes villes et 
d'autres où la population est presque exclusivement rurale. 11 
est impossible de tirer de semblables faits une conclusion satis- 
faisante. 

(2) Département de Loir-et-Cher. 

Naissances Dires 

1880 6212 5602. 

1881 6402 5018. 

1882 6336 5006. 



— 173 — 

semblable état de choses. Nous voyons sur la même 
liste les départements les plus riches, comme ceux de 
la Normandie ou celui de Seine-et-Oise, et d'autres, au 
contraire, les Hautes et Basses-Alpes par exemple, 
qui sont des plus pauvres ; certains départements qui 
renferment des villes importantes, comme Lyon, Mar- 
seille, Toulouse, à côté de ceux où la population est 
presque exclusivement rurale; des pays de grande cul- 
ture et des pays où la propriété est morcelée et im- 
productive ; des départements situés au Nord et des dé- 
partements situé à l'extrême Sud. Les départements 
de l'Est paraissent plus atteints que ceux de l'Ouest, 
où la vigoureuse natalité de la Bretagne relève 1 dans 
une large mesure la moyenne de la France (1). 

Les progrès de l'aisance générale amènent des résul- 
tats assez inattendus. La grande enquête de 1862 a 
prouvé que, plus le nombre des propriétaires s'accroît 
dans un département, plus la natalité et la matrimo- 
nialité deviennent faibles, et, fait plus étrange encore, 
plus la mortalité est élevée ! 

Le nombre des mariages est également en décrois- 
sance en France, on en comptait: 

282,776 en 1879 ; 
279,046 » 1880 ; 
282,079 » 1881 ; 
280,460 » 1882 ; 
284,519 » 1883. 

La moyenne de ces cinq années (281,376) est infé- 
rieure à toutes les moyennes précédentes. Le mouve- 



(1) 














1 !ôtes-du-Nord . 


171)71 


11214 


18293 


13337 


18601 


1 1382 




23128 


18012 


235i i< i 


21924 


23955 


19903 


Ile-et-Vilaine . . 


n;s(js 


1 1533 


16990 


13648 


1705!) 


15303 


Loire-Inférieure 


15862 


13073 


15852 


11668 


15969 


12052 


Morbihan 


15194 


11.-):;:', 


16227 


11608 

713 


16482 


11534 


Excellent des naissances 1" 


'658 


IX 


18' 


792 



— 174 — 

ment décroissant s'est surtout fait sentir depuis 1875; 
les documents officiels en attribuent en partie la cause 
au déficit de la population adulte amené par les évé- 
nements de 1870-71. 

Si la volonté de l'homme joue un rôle prépondérant 
dans le faible accroissement de notre population, on 
ne saurait cependant méconnaître une autre cause dont 
l'importance est sérieuse. Cette cause est l'attraction 
exercée sur les habitants de nos campagnes par le sé- 
jour des villes, par celui de Paris en particulier. 
J'en ai déjà dit un mot, il faut y revenir avec des dé- 
tails plus complets. 

La population urbaine tend chaque année à s'ac- 
croître aux dépens de la population rurale (1). De 1836 
à 1861, cet accroissement a été de 2,221,162. Depuis 
ce moment, il a singulièrement progressé, et il est 
surtout marqué dans les départements où il existe des 
centres industriels importants. Or en général les gran- 
des villes sont des gouffres où la population ne se 
perpétue pas, et comme le disait, dans un langage plus 
énergique encore, un éminent écrivain libéral (2), c'est 
dans les grandes villes que s'amasse comme dans un 
abcès ce qu'il y a de moins sain dans le sang du pays. 
Si les naissances, proportionnellement au chiffre des 
adultes, sont moins nombreuses dans les villes, cette 
natalité est en outre plus fréquemment illégitime, et la 
natalité illégitime est suivie d'une mortalité infantile 
double de celle qui frappe les enfants nés en ma- 
riage (3). Le D 1 ' Lagneau, à qui nous empruntons ces 

(1) Toute population agglomérée au-dessus de 2,000 âmes est 
classée comme urbaine. En 1880 on comptait : 

Département de la Seine. . 2,721,633 

Population urbaine 10,186,5(5(î 

Population rurale 24,610,597 

37,518,790 

(2) Revue des Deux-Mondes, 15 mai 1885. 

Ci) Dans la semaine qui suit leur naissance, la mortalité des 



— 175 — 

faits., démontre aussi parles statistiques officielles les 
plus récentes que l'extinction plus ou moins rapide 
des familles urbaines est générale. Il est très rare qu'à 
Paris, par exemple, les familles dépassent la troi- 
sième ou la quatrième génération. En 1881, sur mille 
habitants, 322 seulement étaient nés dans la capitale. 
Le même fait est constaté, sur une moindre échelle il 
est vrai, dans toutes les villes où la population aug- 
mente rapidement par l'immigration (1). En 1871, 431 
habitants sur mille étaient nés à Berlin ; en 1875, ce 
chiffre était tombé à 413 (2). 

Paris offre à tous les points de vue l'étude la plus 
intéressante pour nous. Sa population s'accroît avec 
une rapidité que je ne puis m'empècher de regar- 
der comme très inquiétante pour l'avenir de la France; 
elle était, en 1675, de 540,000 âmes ; plus d'un siècle 
après, elle atteignait seulement 599,000; en 1877, elle 
ne dépassait guère 714,000. En 1846, les grands tra- 
vaux des chemins de fer, ceux des fortifications la por- 
taient à 1,053,000. Sous l'Empire, ces travaux ont con- 

enfants illégitimes, comparée à celle des enfants légitimes, est 
dans la proportion de 47 à 25. Dans la seconde semaine, elle es! 
comme 55,5 à 20. On explique ces faits par le manque de soins, 
par une nourriture insuffisante et par la fréquence des infanti- 
cides, pour lesquels le Jury montre une si déplorable indulgence. 
La mortalité des enfants illégitimes réagit sur la mortalité gé- 
nérale des enfants au-dessous de cinq ans. Celle-ci s'est accrue 
d'un dixième environ depuis trente ans. Aucun de nos dépar- 
tements n'y échappe; mais elle est surtout remarquable dans 
la région méditerranéenne. Bertillon, Atlas démographique de 
la France. — J. Bertillon, Statistique humaine de la France. 

(1) Le nombre d'étrangers établis à Paris est considérable. En 
1876, il était de 60 sur mille habitants et en 1881 de 75. C'est là 
une proportion qui n'est atteinte dans aucune autre capitale. A 
Berlin, la proportion est de 13, et à Budapest do 1 1 seulement. 
Sur mille étrangers recensés à Paris, 270 sont Belges, 190 Al- 
lemands, 132 Italiens, 127 Suisses, 66 Anglais. 

(2) L'acroissement de la population de Berlin a été très con- 
sidérable. En 1861, la ville comptait 500,000 Ames ; aujourd'hui, 
elle en compte 1,300,000 environ. 



— 170 — 

tinué .sur une échelle sans cesse grandissante, et les 
limites de la ville ont été portées jusqu'aux fortifica- 
tions, de là un accroissement considérable; en 1872, 
malgré la guerre et les émeutes, la population de Paris 
n'était pas moindre de 1,851,000 habitants, et le der- 
nier recensement la faisait monter à 2,239,928! 

Depuis cette époque la progression a continué; on 
estime à 56,000 l'accroissement annuel des habitants 
delà capitale, et, bien que pendant les deux dernières 
années (1883 et 1884), cette moyenne se soit faible- 
ment abaissée à raison de la dépression commerciale et 
industrielle due à l'exagération de la production et à 
la concurrence étrangère chaque jour plus mena- 
çante (1), nous croyons ne pas nous éloigner beau- 
coup de la vérité en portant la population actuelle de 
Paris à 2,400,000 âmes. Elle a donc presque quintu- 
plé depuis un siècle. 



(1) Nous ne sortirons guère de notre sujet, puisque la situa- 
tion économique doit influer, dans une certaine mesure, sur la 
natalité, en disant qu'aujourd'hui pour soutenir la lutte à la- 
quelle tous les peuples sont condamnés, il faut produire avant 
tout à bon marché. Or le Français est écrasé par les charges 
du service militaire et par l'exagération des impôts, qui, grâce 
à la faiblesse et ou à la complicité des corps électifs, pèsent sur 
lui. L'impôt foncier était en 1820 de 243 millions, il est aujour- 
d'hui de par les centimes additionnels de 357 millions. La contri- 
bution personnelle et mobilière est montée de 27 à 120 millions, 
celle des portes et fenêtres de 29 à 11 millions, celle des paten- 
tes de 40 à 163 millions. Ce budget immense ne suffit pas. D'em- 
prunts en emprunts, nous sommes arrivés, en y comprenant la 
dette flottante et les annuités à terme, à une dette de 24 à 25 
milliards. Cette dette était seulement de 7 milliards en 1848, de 
14 milliards en 1870. D'autres emprunts inévitables viendront 
encore grossir ces chiffres formidables. Le budget de 1884 se 
solde en déficit de 493 millions, et pour 1885 le déficit sera cer- 
tainement plus considérable encore. Comme point de compa- 
raison, il est bon de rappeler que la dette anglaise, en 1858, ap- 
prochait de 21 milliards., et qu'elle n'est plus aujourd'hui que de 
1 s, 700 ,000,000. L'amortissement de la dette des Etats-Unis est 
plus rapide encore. 



— 1 



/ t 



De 1877 à 1881, le nombre des nais- 
sances avait été de 284,625 

Celui des décès de 260,987 



L'excédent des naissances est donc de 23,638 

A première vue, ces chiffres comparés à ceux de 
la France entière paraissent satisfaisants ; ils le seront 
moins, si l'on considère que Paris, ville d'immigration, 
renferme un nombre considérable d'adultes et par con- 
tre un nombre relativement faible d'enfants ou de 
vieillards (1). Si l'on prend le relevé des naissances en 
le rapportant à la population adulte, il faudra consta- 
ter une fécondité peu favorable. Elle est surtout fai- 
ble dans les quartiers riches; ainsi sur mille femmes 
de 15 à 50 ans, elle descend à 86 dans le ix e arron- 
dissement (Opéra), à 73 dans le vm e (Elysée). En ré- 
sumé, la natalité parisienne est d'un cinquième au- 
dessous de la natalité moyenne du reste de la 
France (2). 

La mortalité prise en bloc ne saurait non plus four- 
nir des conclusions exactes. Il est évident, il faut le 
répéter, qu'une population qui comptera beaucoup d'a- 
dultes et peu de vieillards ou d'enfants, offrira une 
forte natalité et une faible mortalité. Aussi le vrai cri- 
térium est-il la mortalité analysée âge à âge, et celle-ci 
donne des résultats non moins affligeants que la na- 
talité. Le I) 1 ' Bei'tillon estime à 11,000 l'excédent an- 
nuel des décès à Paris comparativement au reste de 
la France. Les secousses morales, politiques, li nan- 



ti) Sur 10,000 individus, on compte en France 070 enfants au- 
dessous do 5 ans, à Paris 711 seulement; à l ? àge suivant, 807 
en France, 642 à Paris. Au contraire, pour les adultes de 20 à 
25 ;ius, la proportion est renversée ; au lieu de 874, moyenne de 
la France, il s'en trouve à Paris 117s. Au delà de 55 ans, la [•ru- 
portion .se modifie encore une fois; la moyenne de la France 
esl de .".17 vieillards de 65 à 70 ans; il ne s'en trouve à l'aris 
que 186 seulement. 

(?) Chervin, Bull. Soc. An th. 1882. p. 138. 



— 178 - 

cières, qui usent rapidement la vie, l'expliquent facile- 
ment. Encore faudrait-il pour arriver à une apprécia- 
tion complète, tenir compte des vingt-cinq ou trente 
mille nourrissons parisiens expédiés chaque année à 
la campagne et qui viennent artificiellement altérer les 
nombres. L'industrie des nourrices, si je puis me ser- 
vir de ce mot, est en honneur dans notre département, 
et il faut avoir visité, comme je l'ai fait pendant des 
années, ces misérables enfants scrofuleux, rachitiques, 
vénériens, pour comprendre ce que doivent être les 
parents dans certaines classes et dans certains quar- 
tiers de la grande ville ! Une effrayante mortalité frappe 
ces enfants ; or cette mortalité figure aux décès de nos 
communes rurales, tandis qu'elle devrait, pour rester 
dans la vérité, figurer aux décès de la capitale. 

En tenant compte des conditions que nous avons 
rappelées, il faut aussi reconnaître que le nombre des 
mariages est relativement faible à Paris. C'est là un 
résultat d'autant plus triste que les matrimoniali- 
tés anglaise, prussienne, hollandaise, autrichienne, 
sont plus élevées que la nôtre (1). Nous n'occupons 
que le onzième rang en Europe, et cela alors que les 
autres populations comptent un plus grand nombre 
d'impubères que nous. Sur mille célibataires ou veufs 
de 18 à 60 ans, la moyenne annuelle des mariages 
est de 66 pour la France, de 59 pour Paris. Sur mille 
femmes de 15 à 50 ans, nous voyons pour la France 
une moyenne de 66; elle tombe à 61 pour Paris. 

Le grand nombre d'unions illégitimes est une des 
causes de ces faits anormaux. C'est à ces unions qu'il 
faut attribuer la remarquable proportion d'enfants na- 
turels. Après avoir assez rapidement progressé en 
France jusqu'en 1825, cette proportion s'est maintenue 
à quelques variations près à 7,27 sur cent naissan- 



(1) Bcrtillon, Mouvement de la Population dans les divers Etats 
de l'Europe. Paris 1877. 



— 179 — 

ces; de 1850 à 1860, la moyenne a été de 7,40; de 
1861 à 1870, de 7,58; en 1880, de 7,41; la marche pa- 
raît faiblement ascendante. Il n'en est pas de même 
à Paris; le chiffre des naissances illégitimes, tend, de- 
puis le commencement du siècle, à s'accroître dans 
une proportion importante. On comptait dans le dé- 
partement de la Seine en 1881, 17,703, et, en 1882, 
18,136 enfants naturels, soit près de 25 % sur un to- 
tal respectif de 74,370 et de 77,213 naissances (1). 

Si le grand nombre des naissances illégitimes, l'in- 
salubrité des logements, le mépris des conditions hy- 
giéniques les plus élémentaires, les excès de tout 
genre, une misère souvent cruelle (2), influent large- 
ment à Paris sur la mortalité, ils n'influent pas d'une 
manière moins désastreuse sur la constitution physi- 



(1) En 1881, la proportion des naissances illégitimes était de 
24,51 dans le département de la Seine, de 10,16 parmi les popu- 
lations urbaines et de 4,26 seulement pour les populations ru- 
rales. En Angleterre, le nombre d'enfants naturels était en 1883 
de 5 %. 

(2) Le dernier rapport du Directeur de l'Assistance publique 
établissait que 123,324 personnes recevaient à Paris les secours 
des Bureaux de Bienfaisance ; le rapport précédent en constatait 
seulement 90,287. A Londres l'administration publie toutes les 
semaines le total des personnes secourues et la comparaison 
avec la semaine correspondante de trois années antérieures. 
Voici le résultat de la dernière semaine de mai pour une po- 
pulation de 3,815,000 au recensement de 1881 : 

Pauvres secourus : 1885 86224 

1884 86695 

1883 87247 

1882 87475 

On peut à la rigueur ajouter 619 vagabonds et 1523 malades 
soignés dans les hôpitaux spéciaux. Il ne faut pas oublier qu'en 
Angleterre l'assistance est obligatoire. Je ne puis que renvoyer 
ceux (pie la question intéresse aux excellentes études publiées 
dans la Revue des Deux-Mondes par le vicomte d'Haussonville. 

xxiv 13 



— 180 — 

que delà population. La meilleure preuve que l'on puisse 
en donner est le résultat annuel de la révision. En 1880, 
sur 14,097 conscrits, 5,701 seulement ont été déclarés 
propres au service armé; en 1881, 5,862 sur 14,030; en 
1882, 5,799 sur 14,365, et encore faut-il ajouter que le 
conseil de révision de la Seine passe pour accepter 
assez facilement des jeunes conscrits qui seraient cer- 
tainement rejetés, ou tout au moins ajournés, parles 
conseils de révision des autres départements (1). 

Les excitations malsaines de tout genre ne sont pas 
étrangères à ces déplorables résultats. Que l'on par- 
coure nos expositions, partout se montrent les nudités 
les plus licencieuses, seules elles attirent la foule et as- 
surent le succès; des titres scandaleux, des gravures 
plus scandaleuses encore, s'étalent sur les murs, 
aux vitrines des libraires. Les romans les plus dé- 
pravés, les descriptions les plus osées se vendent à 
des milliers d'exemplaires. Leurs heureux éditeurs an- 
noncent une vingtième, une cinquantième, une cen- 
tième édition (2) ! Une certaine presse s'enrichit en 

(1) Remarquons que la mortalité des jeunes gens de 20 à 25 
ans est exceptionnellement élevée. C'est là un fait anormal qui 
ne se voit chez aucune autre nation. Comme cette mortalité est 
constatée dans tous nos départements, il est difficile de ne pas 
l'attribuer aux exigences du service militaire. Dés 1877, le D r 
Bertillon signalait le même fait sous une autre forme; il portait 
à 9.276.720 le chiffre de la jeunesse des deux sexes entre 15 et 30 
ans, et il ajoutait que si elle était soumise à une mortalité 
moyenne qui, sans être aussi faible que celle de la Norwègc, de 
lu Suède ou de la Suisse, égalerait seulement celle de la Prusse, 
nous n'aurions chaque année qu'un tribut mortuaire de 64.900 
jeunes gens au lieu de 80.021, chiffre actuel. Le grand nombre 
de vieillards qui vivent en France prouve, je l'ai dit, avanta- 
geusement en faveur de nos conditions sociales; il ne saurait 
compenser la perte de ces jeunes gens dans la force de l'âge. 

(2) D'après le dernier rapport du Préfet de la Seine, il exis- 
tait, au 1 er octobre 1883, 12 bibliothèques municipales; au 30 
septembre 1881, ce nombre était encore augmenté. 699.762 vo- 
lumes ont été donnés en lecture, durant le cours de l'année ; 
400.631 étaient des romans ; 299.131 seulement se rapportaient à 



— 181 — 

multipliant les récits du scandale du jour. Le théâ- 
tre est la glorification des passions coupables; loin 
d'élever les cœurs, il les amollit et les corrompt. Des 
auteurs d'un vrai talent ne craignent pas de le prosti- 
tuer pour sacrifier au goût du jour. C'est l'éternelle 
loi de l'offre et de la demande, et, à défaut de gloire 
ou d'honneur, ils arrivent à la richesse, qu'ils ambi- 
tionnent avant tout. Tels sont les enseignements que 
reçoivent non seulement les jeunes Parisiens, mais 
encore les immigrants qui affluent de nos campagnes. 
Nulle société ne saurait longtemps résister à ce dé- 
vergondage sans limites. 

Ce que nous racontons pour la capitale peut se ré- 
péter pour toutes nos grandes villes, pour Lyon, 
Rouen, Lille, comme pour Nantes, Toulouse ou Mar- 
seille. Partout les mêmes causes aboutissent aux mê- 
mes effets. Partout il faut constater une natalité faible, 
une mortalité considérable, une population affaiblie et 
trop souvent dégradée. Il faut avoir présidé des con- 
seils de révision, il faut avoir vu les conscrits sortis 
des villes, pâles, chétifs, sans vigueur et sans vie, pour 
comprendre l'intensité du mal, et ce que l'exagération 
croissante des populations urbaines apporte d'appau- 
vrissement aux forces vitales du pays. 

En résumé, il est certain que la population de la 
France reste stationnai rc, qu'elle tend même à décroî- 
tre dans un trop grand nombre de nos départements. 
Nous avons exposé les causes matérielles qui contri- 
buent à ces résultats. Ils nous paraissent d'autant 
plus graves qu'ils concordent avec la natalité vigou- 
reuse des peuples voisins, nos ennemis ou nos ri- 
vaux. Tel n'est pas l'avis d'une certaine école. Un de 



la science, à l'histoire, à la géographie, ou aux voyages. Les ro- 
mans étaient donc, en les comparant aux ouvrages pouvant ai- 
der ;'i l'instruction du lecteur, dans la proportion de 4 à 3 ! Est-ce 
bien là le but poursuivi par le conseil municipal en établissant 
ces bibliothècpaes ? 



— 182 - 

nos économistes les plus éminents soutenait récem- 
ment, dans le Journal des Débats, que l'accroissement 
rapide d'une population était pour un pays une cause 
de faiblesse, par la pauvreté qui en était la suite iné- 
vitable. Dans une autre publication (1), il rattachait 
la question des subsistances à celle delà population; 
il faut vivre, disait-il, et la place est limitée. L'accrois- 
sement de la population en Angleterre ou en Allema- 
gne, loin d'être un bienfait, est une véritable calamité. 
Depuis longues années, le premier de ces pays ne 
peut produire le blé nécessaire à sa consommation, et 
depuis 1870 l'Allemagne est obligée d'entrer dans la 
môme voie. Ce n'est pas une extension extrême en po- 
pulation, en territoire, qu'il faut désirer, mais un pro- 
grès constant, régulier dans les mœurs, l'industrie, 
le commerce; c'est un accroissement continu de la ri- 
chesse, par conséquent de la puissance publique. Ce 
sont là des vérités incontestées et des biens fort dé- 
sirables ; mais, en dehors de ces vérités, les conclu- 
sions de M. Block sont spécieuses et ne peuvent sou- 
tenir la discussion. Une faible natalité est, nous l'avons 
reconnu, un avantage dont la génération vivante re- 
cueille les fruits; niais elle est destinée à amener les 
plus sérieux mécomptes dans l'avenir, mécomptes dans 
le nombre des soldats au jour des luttes terribles, mé- 
comptes dans le nombre des travailleurs pour les luttes 
non moins ardentes de la libre concurrence. Non, la 
richesse ne peut être le seul but d'une nation, et si 
même nous nous plaçons à l'unique point de vue du 
présent, au-dessous de 15 ans, il est vrai, l'enfant con- 
somme sans profit matériel ; mais prenez cet enfant à 
l'âge d'homme, il travaillera et augmentera par son 
travail la richesse commune. La valeur du travail de 
l'être humain dans tous les pays civilisés est supérieure 
à sa dépense; il y a donc dans l'existence de cet 
homme un profit matériel, et plus le nombre d'hom- 
mes sera grand, plus le profit sera considérable pour 

(1) Reçue des Deux-Mondes, 15 octobre 1882. 



— 183 — 

la Société. En France d'ailleurs notre population est en- 
core clair-semée sur un sol fertile (1), et il faudra as- 
surémentl'de longs temps avant que cette population 
ne constitue pour nous un embarras ou un danger (2). 

D'autres écrivains, tout en déplorant avec nous les 
faits que relèvent les statistiques officielles, y voient 
les conséquences nécessaires de la marche de la ci- 
vilisation, du progrès démocratique, de la division cha- 
que jour plus accusée de la propriété, du niveau so- 
cial qui s'affirme et qui fait disparaître toute distinc- 
tion de classe. A leurs veux, nous sommes en avance 
sur les autres nations; chez toutes, les mêmes causes 
ne tarderont pas à produire les mêmes effets et à ré- 
tablir l'équilibre. Je ne saurais partager cette manière 
de voir. Si le progrès pouvait aboutir à la dépopula- 
tion d'un pays, si la démocratie développait l'égoïsme 
individuel, la recherche exclusive de la richesse, si, 
par les enseignements de la nouvelle école, on conti- 
nuait à considérer les enfants comme une charge dont 
il convient avant tout de limiter le fardeau, je n'hési- 
terais pas a dire que le progrès dont nous sommes 
si fiers n'est qu'un vain mot, et que la démocratie 
est la perte assurée des peuples qui se laissent entraî- 
ner par ses séduisantes et fallacieuses promesses. 
Heureusement, il n'en est rien; le progrès ne saurait 
aboutir à la destruction d'une nation. Au risque de 
blesser notre incurable vanité, il faut bien reconnaî- 
tre que le progrès est aussi marqué chez les autres 
peuples que chez nous. Partout, depuis \\\\ demi-siè- 
cle, l'industrie est plus puissante, la culture plus avan- 



(1) La densité delà population en Egypte est de 201 par ki- 
lomètre carré, celle de la Belgique de 197, celle de l'Angleterre 
de 186, celle de l'Italie de 99, celle de l'Empire allemand de 
84, celle des Etats Cisleithans de l'Autriche de 71, celle de la 
Francejde 72 seulement. Ann. du Bureau des Longitudes, 1884. 

(2) Quel est l'agriculteur qui ne sait que partout dans nos cam- 
pagnes les bras manquent ! 



— 184 - 

cée, l'instruction plus répandue, le bien être plus ac- 
cusé, l'aisance plus générale, et cependant, chez au- 
cune des nations de l'Europe, ces progrès ne se tra- 
duisent par un affaiblissement de la natalité. C'est 
donc à des causes inhérentes à notre pays et à notre 
race qu'il convient de l'attribuer. 

Ces causes, si nombreuses qu'elles puissent paraî- 
tre, se réduisent à une seule, l'affaiblissement du sen- 
timent religieux et moral. Le développement immodéré 
du luxe, l'abus des jouissances matérielles, la volonté 
de tout subordonner à ces jouissances, le désir de les 
assurer avant tout à ses enfants, l'espérance d'augmen- 
ter la fortune de la famille, et d'en diminuer les char- 
ges, procèdent tous de cette cause. Le principe de l'au- 
torité est encore plus atteint dans la famille que dans 
l'État. Comment en serait-il autrement? Se figure-t-on 
la situation de l'enfant dans cette famille dont il est 
souvent l'unique rejeton? Le voit-on l'idole de ses pa- 
rents et suçant, pour ainsi dire, l'égoïsme avec 
le lait? Il est le tyran de la maison paternelle, et si la 
famille est riche et puissante, l'objet de la complai- 
sance et de l'adulation des serviteurs. Plus tard il 
faut aller au Lycée, y porter un corps efféminé et un 
cœur déjà flétri à l'âge des illusions généreuses. Là, 
l'enfant est emprisonné entre de hautes murailles ; ses 
récréations se passent dans des cours privées d'air et 
de lumière; sa distraction est de se promener en rangs 
serrés. Après quelques années d'une jeunesse, où la 
passion elle-même est calculée, et où l'amour, ce sen- 
timent qui élève et qui épure, se réduit à une jouis- 
sance matérielle et éphémère, il se marie avec une 
jeune fille non moins égoïste que lui, chez qui il cher- 
che avant tout la fortune, et avec qui il prétend limi- 
ter, comme ses parents l'ont fait avant lui, le nombre 
des enfants qui pourraient nuire aux agréments de 
sa vie, et déranger ses projets d'avenir. 

La volonté du ne pas avoir d'enfants est un mal qui 
grandit chaque jour; des classes riches il descend aux 



— 185 — 

classes moyennes, il atteint les petits propriétaires de 
nos campagnes, comme les ouvriers de nos villes. Que 
l'on parcoure nos villages, que l'on compare les re- 
censements dressés tous les cinq ans, à de rares ex- 
ceptions près, on ne verra de familles nombreuses que 
chez les plus misérables. La vieille formule « Là où 
pousse un épi, naît un homme » n'est plus de mise, 
et alors que la puissance productive de la France s'ac- 
croit chaque année dans des proportions considérables, 
sa puissance génératrice s'alanguit et .décroit. 

Ce ralentissement de la natalité est le danger qui 
nous menace. Le cri d'alarme qui retentit à l'Acadé- 
mie de Médecine, à l'Académie des Sciences Morales 
et Politiques, au sein de nos diverses Sociétés savan- 
tes, comme dans les journaux et les Revues, n'a rien 
d'exagéré. C'est la question qui appelle avant tout l'at- 
tention des philosophes et des économistes, l'atten- 
tion surtout des vrais patriotes qui ne veulent pas que 
la France puisse déchoir du rang que son glorieux 
passé lui assure parmi les nations. 



Rougornont. Juin 1885. 



A PROPOS DES DERNIERS 

TRAVAUX DE RESTAURATION 

DU CLOCHER DE LA TRINITÉ 

(2 e Partie*) 

Par M. Louis Martellière 



La restauration de la flèche nécessitait une opéra- 
tion préliminaire qui, malgré son importance, est trai- 
tée souvent avec trop de légèreté. Commue il n'en reste 
plus aucune trace une fois les travaux terminés,, les 
constructeurs ne lui accordent pas toujours l'attention 
qu'elle mérite. Il s'agissait d'établir autour de la pyra- 
mide un échafaudage dont la partie supérieure au moins 
fût indépendante de la maçonnerie, afin de permettre 
d'abord la démolition de toutes les parties reconnues 
défectueuses, et ensuite leur reconstruction. Une pa- 
reille œuvre de charpente, bien qu'essentiellement pro- 
visoire, demandait à être étudiée avec soin et combinée 
avec intelligence ; elle devait être faite avec économie, 
car c'est une dépense dont il ne doit rien rester ; elle 
devait être aussi légère que possible, afin de ne pas sur- 
charger les murs d'un poids inutile ; et pourtant elle de- 
vait être solide, afin de permettre le montage de lourds 
matériaux et inspirer confiance aux ouvriers. 

On peut dire que les architectes ont bien rempli les 
conditions de ce programme; instruits par l'exemple 
de leurs devanciers, qui, pour la première partie des 



Voir le Bulletin, année 1884, p. 193. 







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•.VVON.PHOT 



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— 187 — 

travaux, avaient employé des bois trop faibles, qu'on 
avait été obligé de renforcer à grands frais et au grand 
préjudice das murailles, ils adoptèrent une combinaison 
à la fois solide et légère, dont nous allons essayer de 
donner un rapide aperçu. 

En raison de la hauteur de la flèche, il ne pouvait être 
question d'un échafaudage montant de fond, et l'on prit 
pourpoint d'appui d'un échafaudage extérieur la grand'' 
corniche à la base de la pyramide. Observons d'abord 
que l'ensemble des fermes montantes de cet échafau- 
dage formait, en projection horizontale, les sommets 
d'un dodécagone (polygone à 12 côtés). Cela tenait à 
ce que, sur les quatre faces de la pyramide octogonale 
correspondant aux quatre côtés de la tour carrée (est, 
sud, ouest et nord), on avait posé deux de ces fermes, 
tandis qu'il n'y en avait qu'une seule sur les autres 
faces. Le polygone ainsi obtenu, bien que parfaitement 
symétrique, n'était pas ce que les géomètres appellent 
régulier, puisque quatre de ses côtés se trouvaient 
être plus petits que les huit autres. 

Pour plus de clarté dans nos explications, nous con- 
sidérerons l'échafaudage comme divisé dans son élé- 
vation totale en trois parties distinctes, bien que cette 
division soit tout arbitraire, et que chacune des parties 
soit la conséquence des autres. 

I. De la grande corniche au premier palier. — Un 
système de deux jambes de force assemblées à mi- 
bois, l'une presque verticale dont le pied portait sur des 
sablières horizontales posées sur la corniche même, 
l'autre plus inclinée et engagée par un de ses bouts 
dans la maçonnerie, servait de base à tout l'ensemble. 
L'extrémité supérieure de ces jambes de force était ser- 
rée par de fortes moïses passant à travers les faces de 
la flèche. Celles-ci étaient à leur tour reliées par des 
poutrelles qui formaient comme les côtés du dodéca- 
gone, et sur lesquelles étaient posées en travers des 
madriers faisant plancher. Ce palier ainsi constitué se 
trouvait élevéde4 m ,80 au-dessus des sablières basses; 



— 188 — 

il était entouré d'une balustrade, et n'avait pas moins 
de 2 rn ,15 do largeur. Sur la corniche, on avait aussi 
posé une sorte de chemin de ronde garni de balustra- 
des, afin de pouvoir surveiller le pied des jambes de 
force, et aussi plus tard réparer les assises basses de 
a flèche. 

IL Du premier palier jusqu'à une hauteur de 22 
mètres. — A partir du premier palier s'élevait une py- 
ramide en charpente également à douze pans ; les po- 
teaux montants des fermes, formant les arêtes de ces 
pyramides, suivaient l'inclinaison des arêtes de la flè- 
che. Ils étaient maintenus par des moises engagées 
d'un bout dans la maçonnerie, lesquelles servaient eu 
même temps à supporter les planchers de chaque étage 
intermédiaire, au nombre de six. Les douze fermes 
étaient en outre reliées entre elles par des moises en 
forme 'de croix de St-André. La distance entre elles 
et la pyramide de pierre était environ de l m ,20. Le 
dernier palier, situé à 22 mètres au-dessus du plus 
bas, était au niveau du dérasement probable de la 
pointe, autant du moins qu'on avait pu en juger, car il 
fallait évidemment qu'on examinât de près l'état des 
maçonneries pour se décider en parfaite connaissance 
de cause. 

III. Partie supérieure de l'échafaudage. — Au-des- 
sus du dernier palier, les fermes ne montaient plus que 
de deux en deux ; il n'y en avait donc plus que six, et 
le plan passait du dodécagone à l'hexagone. A partir 
de ce niveau les planchers ne pouvaient naturellement 
plus être appuyés sur des traverses engagées dans la 
maçonnerie, puisque toute la pointe du clocher devait 
être démolie. Ils étaient portés directement par des 
moises horizontales qui reliaient les poteaux montants; 
ceux-ci étaient en outre reliés par des croix de St-An- 
dré moisées. Il y avait trois planchers ainsi établis; 
enfin l'écartement du sommet était maintenu par une 
sorte de pyramide rectangulaire, que les charpentiers 
s'étaient donné le plaisir de surmonter d'un drapeau. 



— 189 — 

Lorsque la pose de l'échafaudage fut terminée, c'est- 
à-dire dans les premiers mois de l'année 1879, on com- 
mença la démolition de la partie supérieure du clocher, 
dont l'état de dégradation devenait de plus en plus in- 
quiétant. Après avoir enlevé la croix de fer et la boule 
en cuivre qui simulait un amortissement, on dérasa 
les vieilles constructions au-dessous des parties at- 
teintes et mal réparées après le coup de foudre de 1818. 
On enleva, outre la pierre de couronnement, qui avait 
m ,48 de hauteur, 19 assises d'une épaisseur uniforme 
de0' n ,30; ce qui donne., pour la partie supprimée, uwr. 
hauteur totale de 6 m ,18. Une belle photographie de 
M. Yvon, prise le 25 août 1879, et dont nous donnons 
une réduction phototypique présente, sous un aspect 
bien vrai mais bien triste, la vue du vieux clocher mu- 
tilé et entouré de son échafaudage comme un blessé de 
ses bandages. 

La réfection de la pointe ne fut pas une opération 
aussi simple qu'on l'avait pensé d'abord. Une fois le dé- 
rasement terminé, les architectes se trouvèrent en pré- 
sence d'une difficulté inattendue : ils s'aperçurent qu'à 
ce niveau le plan de la flèche ne formait plus un octogone 
régulier, mais un polygone sensiblement déprimé dans 
la direction du N.-E. au S.-W, et allongé par consé- 
quent du S.-E. au N.-W. L'écart entre les diagonales 
dépassait m ,20. L'axe avait aussi subi une déviation 
notable; mais, les arêtes conservant à peu près l'incli- 
naison voulue, ce défaut n'était pas sensible à l'exté- 
rieur. Les faces semblaient avoir éprouvé une torsion 
analogue à celle que présentent souvent les beffrois et 
flèches en charpente. Ce n'est là qu'un rapprochement 
tout fortuit; l'influence des vents dominants ne sau- 
rait être mise en cause, pas plus que l'ébranlemenl 
produit par la sonnerie des cloches ; la tante doit en 
être attribuée uniquement à la maladresse du construc- 
teur. Les architectes ont su, d'ailleurs, se tirer habile- 
ment de ce mauvais pas et ramener insensiblement le 



— 190 — 

polygone déformé à un octogone parfaitement régulier. 
La pose de la première des assises nouvelles, qu'il fal- 
lait raccorder avec les irrégularités de celles de des- 
sous, fut la plus délicate. Une fois celle-ci mise en place 
etlaprqjection de l'axe des assises supérieures bien dé- 
terminée, le travail devenait relativement facile, quoi- 
qu'il demandât encore beaucoup de soin, le plan de cha- 
que assise devant se modifier non seulement comme 
dimension, mais aussi comme forme. 

Seize assises seulement furent reconstruites, comme 
les anciennes, en pierre de petit appareil de m ,30 de 
hauteur. Un seul bloc de pierre de Poitiers fut placé au- 
dessus, à la place des trois dernières. Enfin l'amor- 
tissement fut formé de trois autres pierres^ dont la 
silhouette élégante se profile heureusement, et qui por- 
tent bien la haute croix terminant le clocher. La hau- 
teur des seize assises uniformes est de 4 m ,80 ; celle 
des quatre pierres du couronnement estde'ô mètres, ce 
qui donne une hauteur totale de 7 m ,80 pour les parties 
nouvelles. 

Pour la commodité des travaux, on avait posé à l'in- 
térieur du clocher, sur la corniche qui règne à la nais- 
sance de la flèche, à peu près au même niveau que la 
corniche extérieure, un plancher provisoire correspon- 
dent à la petite porte ouverte à la base de la pyramide, 
du côté du nord-est. On montait les matériaux intérieu- 
rement, à travers une ouverture de la voûte de la grande 
salle basse, comme on l'avait déjà fait pourles cloches. 
Une fois sur le plancher, on les amenait à l'extérieur 
au moyen d'un wagonnet roulant sur des rails ; de là, 
ils étaient enlevés par une plateforme soutenue par des 
chaînes et munie à son extrémité de galets qui por- 
taient aussi sur des rails. Ceux-ci étaient posés sur 
des traverses fixées aux poteaux montants de l'échafau- 
dage. Pour les lourdes pierres du couronnement, on 
avait dû remplacer la plate-forme, suffisante pour les 
matériaux de petite dimension, par un solide charriot, 
d'une construction spéciale, formé de pièces de char- 



— 191 — 

pente reliées entre elles par des équerres enfer et glis- 
sant sur les mêmes rails par quatre roues. 

Les travaux, bien conçus et bien dirigés, marchèrent 
rapidement, sans interruption et sans accident. Le 22 
juillet 1880, on posait la croix au sommet du clocher. 
Elle ne repose pas directement sur la pierre du cou- 
ronnement, mais elle en est séparée par un plateau en 
cuivre rouge; elle n'est pas non plus scellée dans cette 
pierre ; elle est maintenue en place par une tige de 
bronze vissée dans son embase. Cette tige, longue de 
5 m ,8G, traverse les trois pierres du couronnement, et 
vient se fixer dans une roue à six rayons, également en 
bronze, scellée dans la maçonnerie de la flèche. Un 
fortécrou en serre le pied. Cette disposition a pour but 
de prévenir les effets désastreux de l'oxydation du fer, 
dont la dilatation fait souvent éclater les pierres les plus 
résistantes; aussi eut-on soin de ne mettre la pierre 
en contact qu'avec le bronze. 

La hauteur de la partie visible de la croix, de la base 
à la pointe du paratonnerre, est de 4"\ 41. Le 26 jan- 
vier 1884, un ouragan d'une violence extraordinaire en- 
traîna la croix hors de la verticale ; la tige de fer n'avait 
pas été faussée, mais l'écrou inférieur n'avait pu ré- 
sister à la pression exercée par le vent, et la croix s'é- 
tait inclinée d'une façon notable vers le nord-est. Cette 
situation était choquante pour l'œil, et pouvait devenir 
dangereuse pour la stabilité de la flèche ; on y remédia 
seulement à la fin du mois de mars 1885. On constata 
que la pierre d'amortissement n'avait pas subi d'ava- 
ries; néanmoins on consolida au plomb sa jonction 
avec le plateau et la tige de bronze ; il suffit aussi de 
resserrer l'écrou inférieur pour ramener la tige de la 
croix à son aplomb normal. 

On vit en cette occasion l'utilité d'une disposition 
conservée au sommet du clocher. Au niveau de la pe- 
tite porte ouverte à quatre mètres environ au-dessous 
delà dernière assise, on a laissé subsister un plancher 
percé d'une trappe ; au moyen d'une banne ou panier 



— 192 — 

attaché à une corde sans fin fixée sur une poulie, les ou- 
vriers peuvent s'élever jusqu'à ce plancher et y monter 
les matériaux sans avoir besoin d'échafaudages ni d'é- 
chelles. De là, en établissant devant la porte, à l'exté- 
rieur, un petit échafaudage volant, on arrive facile- 
ment à la pointe de la flèche. 

Notons en passant que cette petite porte, de môme 
que celle située au bas de la naissance de la flèche, a 
été garnie d'un vantail en tôle renforcé de cornières, ou- 
vrant de l'intérieur à l'extérieur. Les derniers travaux 
de la flèche furent terminés en 1881; ils comprennent, 
outre la réfection totale de la pointe, dont nous venons 
déparier, le remplacement de toutes les pierres endom- 
magées, notamment les nervures, et la reprise de tous 
les joints. 

Il y aurait encore bien des détails intéressants à don- 
ner sur plusieurs points de la restauration générale, 
par exemple la pose du grand plancher au-dessus du 
beffroi, qu'il protège contre les intempéries des saisons. 
Il est supporté par une poutre armée très résistante, 
et recouvert d'un revêtement en cuivre, qui procure à 
la pluie un facile écoulement. Il est percé d'une trappe à 
laquelle on accède par un escalier droit montant le long 
des parois de la tour. On refit en outre la corniche et le 
fleuron du couronnement delà tourelle du petit escalier 
à vis; enfin le dallage et l'appropriation de la voûte et des 
murs à l'intérieur de lagrande salle du rez-de-chaussée 
furent les derniers travaux exécutés. Tout était fini au 
mois de mars 1884. 

Il nous est impossible dédire encore d'une façon po- 
sitive ce qu'aura coûté la restauration totale du clocher 
de la Trinité. Quelques derniers mémoires ne sont pas 
revenus entre les mains de l'architecte-inspecteur. Nous 
donnons seulement ci-dessous le montant des dépen- 
ses depuis 1879, telles que nous les trouvons dans un 
état de situation arrêté au 31 décembre 1883; depuis, 
quelques autres paiements ont été faits à M. Crinière, 



— 193 — 

mais ils sont pou importants et ne modifient pas le total 
d'une façon notable. 



Paiements faits ou à faire au 31 décembre 1883. 

Maçonnerie (M. Crinière) 24,444 f 13 

Charpente (Al. Vivet) 7,253 18 

(M. Deshayes) 3,966 23 

Plomberie (M. Duthier) 4,852 45 

Serrurerie (M. Aubert) 4,789 09 

Couverture (M. Benàtre) 1,532 54 

Peinture (M. Remeau) 597 54 

Honoraires de l'architecte 2,371 71 

de l'inspecteur 1,183 88 



Total 50,992 80 

Les fonds alloués pour l'ensemble des travaux s'éle- 
vaient à 56,485 fr. 60. Nous nous trouvons donc, fait 
bien rare en pareil cas, en face d'un excédent de crédit 
de 5,492 fr. 80, que seront loin d'absorber les quelques 
mémoires non encore réglés. La première partie des 
travaux, au contraire, dont le devis était de 23,560 fr., 
s'était élevée à 26,746 fr. 60. Puissent ces fonds sans em- 
ploi être attribués à la consolidation dont l'église même 
de la Trinité a le plus urgent besoin ! 

Il est encore un point auquel M. Robin, dans 1(3 tra- 
vail qu'il nous donna en 1879, consacre quelques li- 
gnes, et qu'il se proposait d'étudier avec soin ; nous 
voulons parler de la hauteur exacte du clocher de la 
Trinité, avant et après les travaux. Nous devons aussi 
en dire quelques mots. 

Un nivellement exécuté en 1879 par l'ingénieur des 
ponts et chaussées, qui était alors M. Pochet, donne les 
résultats suivants : 



— 194 — 

Altitude du clocher au-dessus du niveau de la mer : 

1" résultat 160 m ,65 

2 e résultat 160 a ,7î 

3' résultat 166 m ,66 

MOYENNE i60 m ,67 

A déduire, pour ramener cette cote au plan 

de comparaison du nivellement Bourdaloue O™,?? 

Reste pour la cote définitive 159 ,n ,90 

L'altitude du parvis étant de 81",25 

la hauteur de l'ancien clocher au-dessus du 
sol, non compris la boule de cuivre, était 

donc de 78 m ,65 

On comptait habituellement, pour la hauteur du clo- 
cher, 80 et même 82 mètres ; il est probable que les me- 
sures qui avaient servi de base à ces chiffres, notam- 
ment celles prises par M. Grandin avant 1830, tenaient 
compte de la hauteur de la boule et peut-être aussi de 
celle de la croix (1). * 

On peut aujourd'hui, sans nouvelles opérations trigo- 
nométriques toujours délicates, se rendre un compte 
à peu près exact de la hauteur actuelle du clocher. 
Nous avons dit que la maçonnerie avait été dérasée à 
5 m ,70 au-dessous de la pierre du couronnement. Si 
nous tenons compte de l'épaisseur de cette pierre, 
m ,48, pour l'ajouter à 5 m , 70, nous voyons que le déra- 
sement a été faità 6 m ,18 au-dessous de l'ancienne hau- 
teur totale, 78 m ,65, ou, autrement dit, à 72 m ,47 au-des- 
sus du sol. 

Nous savons encore qu'on a élevé la nouvelle flèche 
en pierre, jusqu'à la base de la croix, de 7 m ,80 au-des- 

(1) L'Annuaire du Bureau des Longitudes donne, d'après les 
travaux de l'Etat-Major, 84 m ,5 pour l'altitude du parvis au-des- 
sus du niveau de la mer, et pour hauteur de la flèche au-des- 
sus du sol, 78 m ,l. 

La Compagnie d'Orléans a trouvé, pour le parvis, 81°, 9. 

M. Tresca, ingénieur des ponts et chaussées en 1877, adoptait, 
pour altitude de la bordure en pierre de la grille de la Trinité, 
81™. 27. 



— 195 - 

sus du dérasement ; nous aurons donc, par une sim- 
ple addition, 80 m ,27, pour la hauteur totale du clocher 
restauré. La nouvelle flèche, jusqu'à la croix en fer, est 
donc plus haute que l'ancienne de l m ,G2, ou même de 
l m ,14 seulement, si nous prenons le même point de 
comparaison, c'est-à-dire le pied de la croix au-dessus 
de la boule, que cette boule soit de pierre ou de métal. 
Il y aurait ainsi, à la grande rigueur, quelque chose 
de fondé dans le préjugé vulgaire qui voulait qu'après 
l'événement de 1818, le clocher ait été raccourci d'une 
façon notable. On disait même que la différence dépas- 
sait 10 pieds (3 m ,33). On voit qu'elle se réduisait à un 
mètre environ, en admettant, ce qui n'est pas abso- 
lument prouvé, que le couronnement actuel se rappro- 
chât plus de la forme primitive que celle adoptée en 
1818, puisqu'il est démontré que la flèche même ne peut 
avoir subi de diminution. Une différence de quelques 
décimètres est tout à fait inappréciable à une pareille 
élévation, et si le clocher semble plus élancé aujour- 
d'hui, ce n'est pas qu'on lui ait donné une hauteur beau- 
coup plus forte, mais parce que la forme plus élégante 
de son couronnement le termine plus heureusement. 

Le nivellement cité plus haut nous donne aussi l'al- 
titude de la tour dite de Poitiers, prise au-dessus de la 
petite guérite qui en surmonte la plateforme. 

1" résultat 155 m ,07 

2 e résultat 155 m ,12 

3 e résultat lbb a ,1~ 

Moyenne 155™,12 

Altitude après correction .... 154™, 35 

Mais, d'un autre côté, un nivellement fait par M. 
Robin en 1879 fait correspondre la plateforme de la 
tour de Poitiers au niveau des fleurons qui terminent 
les nervures du milieu des faces de la pyramide, c'est- 
à-dire à 9 mètres au-dessous de la pointe de l'ancien 
clocher. Pour tâcher de concilier ces deux apprécia- 
tions, observons d'abord qu'il convient de diminuer la 
xxiv 14 



— 196 — 

cote 154 m ,35 de la hauteur de la guérite, soit 2 m ,60 en- 
viron ; ce qui donne pour le niveau de la plate-forme 
151 m ,75. D'autre part, en diminuant aussi de 9 mètres 
la cote 159 in ,90, on trouve le chiffre 150 m ,90, qui ne dif- 
fère du précédent que de m ,85. Cette légère différence 
s'explique facilement par ce fait que M. Robin ne dis- 
posait pas, en faisant son opération, des instruments de 
précision propres aux ingénieurs. 

Pour savoir aujourd'hui de combien la pointe du 
clocher, non compris la croix enfer, est plus élevée que 
la guérite delà tour de Poitiers, non compris la gi- 
rouette, cherchons l'altitude du sommet actuel, ce qui 
peut se faire facilement au moyen de celle du dérase- 
ment. Celui-ci, opéré à 5 m ,70, plusO m 48 ( ou 6 m ,18) au- 
dessous de 159 m ,90, est donc à 153 m ,72. En y ajoutant 
la hauteur des nouvelles constructions, 7 rn ,80, nous 
trouvons 161 m j5£ pour la cote définitive du sommet ac- 
tuel. En comparant ce chiffre avec celui de la tour, 
nous trouvons en faveur du clocher 11116* différence de 
7 m ,17. 

A vrai dire, les travaux exécutés au clocher de la 
Trinité ont constitué plutôt une réparation qu'une 
restauration, au sens étendu qu'on attache aujourd'hui 
à ce dernier mot, pour la définition duquel nous ren- 
voyons au Dictionnaire d'Architecture de Viollet-le- 
Duc. Le clocher avait été élevé d'un seul jet et terminé 
sans interruption ; pendant près de huit siècles, il n'a- 
vait subi aucun changement dans sa disposition primi- 
tive. A l'exception du seul couronnement, il était encore 
tel que le XII e siècle nous l'avait laissé, et rien n'était 
hypothétique ni comme forme ni comme structure. 
Loin de nous la pensée de rabaisser le mérite des habi- 
les architectes (1) qui ont mené à bien cette belle et né- 
cessaire opération. Au contraire, ayant été du métier 
nous-mème, nous admirons plus que qui ce soit la juste 
mesure avec laquelle ils ont allié la science du con- 
structeur et le goût de l'artiste ; nous les félicitons 

(1) M. Mimcy d'abord, et plus tard M. Bœswillwald. 



— 197 - 

surtout de la sobriété avec laquelle ils ont conçu etexé- 
cuté les travaux. En dehors des besoins réels, ils ne se 
sont laissés aller à aucune de ces coûteuses fantaisies, 
trop communes de notre temps. Le monument a con- 
servé son apparence d'ancienneté vénérable et de par- 
faite authenticité. Le vieux clocher que nous a légué 
l'abbé Geoffroy est tel aujourd'hui qu'il est sorti des 
mains deson constructeur, et semble avoir passé pour 
l'avenir un bail aussi long que celui déjà écoulé. 

En nous chargeant de continuer l'œuvre de M. 
Robin, nous comptions sur des documents qui nous 
ont fait défaut. L'architecte actuel, M. G. Chautard, a 
mis, avec une bienveillance dont nous lui sommes fort 
reconnaissant, tous ses dossiers à notre disposition. 
Malheureusement, presque toutes les pièces intéres- 
santes avaient été transportées à Paris, et c'est aux ar- 
chives des Monuments historiques seulement qu'on 
pourrait écrire l'historique de la restauration du clo- 
cher de la Trinité. Nos meilleurs renseignements nous 
ont été fournis par l'entrepreneur, M. Crinière, qui a 
exécuté tous les travaux de maçonnerie avec autant 
de soin que d'intelligence. Nous aurions voulu être 
exact et précis, ne donner que des faits, des chiffres 
et des dates; mais nous n'avons pu que réunir quel- 
ques observations et quelques souvenirs. Des planches 
aussi eussent été nécessaires pour l'intelligence de nos 
explications. Nous réclamons l'indulgence du lecteur si 
bien des points ont été tout à fait laissés de côté ou indi- 
qués seulement d'une façon sommaire, et si même dans 
nos développements nous n'avons pas su mettre plus 
d'ordre et de clarté. 



LES DERNIERS JOURS 



DE 



LA COLLÉGIALE SAINT-GEORGES 

Inventaire des titres & Objets précieux 

Dressé en 1790, 

Par M. l'abbé Ch. Métais, 

Curé de Saint - Rimay. 

( 2° partie * .) 



Nous allons aborder maintenant l'étude spéciale de 
l'inventaire dressé en 1790. 

L'acte de vente de la collégiale fait mention de « l'em- 
placement des archives du cy-devant chapitre ». Le 
chartrier devait être spacieux, puisque nous trouvons 
plusieurs titres placés « dans la 14 e fenêtre ». 

La belle bibliothèque, réunie au château par le car- 
dinal de Vendôme, augmentée par Henri IV, qui en 
avait confié la garde à son précepteur Florent Chré- 
tien (1), était dispersée depuis longtemps ; nous n'en 
trouvons nulle trace dans l'inventaire. 

Le premier point que nous avons à étudier est celui 
des charges et des revenus de la collégiale. 
Les charges sont ainsi énoncées : 



(•) V. Bull. 1885, p. 91. 

(1) De Passac, p. 19. — M' s de Rochambeau, Biographie Ven- 
domo-ise, p. 299. 



— 199 — 

« Les charges du chapitre consistent en 3 livres 16 sols de 
rente passive en argent; 

En 57 septiers 2 boisseaux de bled ditte mesure; 
37 — 6 — de bled meteil ; 

6 — 6 — de seigle ; 

8 — d'avoine ; 

15 — 6 — d'orge ; 

En 5 poinçons et demi de vin, le tout de rente due par ledit 
chapitre pour tenir lieu du gros à differens curés ; ces charges 
s'acquittent annuellement par les fermiers du chapitre. 

En outre de ces charges, il paie annuellement 24 septiers de 
bled à l'abbé de Gastines ; 66 livres 10 deniers en trois par- 
ties de rente foncière, dont 39 livres à M. le Curé de Périgny 
pour supplément de portion congrue, 25 livres pour décimes 
et dessertes de la chapelle Ste-Catherine de Savigny, enfin 4 
livres 10 deniers pour plusieurs petites redevances féodales. 

Leurs dettes mobiliaires consistent en 1313 livres 6 sols 8 
deniers pour arrérages de la rente constituée dont va être cy 
après parlé : 

96 livres à Maître Deschamps notaire en cette ville pour les 
coûts et déboursés du titre nouvel de la rente de 24 septiers de 
bled due au sieur abbé de Gastines ; 24 livres à la veuve Gouf- 
fault fermière de Crevesec pour paille par elle fournie pour ré- 
parations aux bâtiments de ladite ferme ; 

Et 22 livres au nommé , maréchal au Perche, paroisse du 

Rouilly, pour charbon par lui fourni audit chapitre. » 

La déclaration des revenus et charges faite le 29 jan- 
vier 1791 nous donne de nouveaux détails: 

« Frais du culte. 

1. Pour acquit de 413 messes que le chapitre devait acquit- 
ter ou faire acquitter dans l'église paroissiale de St-Mar- 
tin, 247» 46 » 

2. Pour cire, huile, encens et chandelles, 250 ' 

3. Aux clercs de la sacristie pour les gages et frais de son- 
nerie, 14 septiers de blé et 303 ' d'argent 

4. Aux bedeau et porte-masse, 4 septiers de blé et 6 ' 10 » 

5. Pour le pain employé à la célébration des 
messes, 31 1 



— 200 — 

6. Pour la célébration des messes, 2 poinçons et demi de 
vin. 

7. Pour blanchissage et raccommodage du linge de la sacris- 
tie, entretien des ornements, 192 ' 

8. Gage du maître de lecture et écriture des enfants de 
chœur 60 ' 

9. Réparations d'églises, 303 J 18 s 3 

10. Impositions, 279 ' 6 6 
Enfin le gage des enfants de chœur, sacristain, etc. 

Les revenus en grains se montaient à 19,903' 2 S 6 d 

Ceux en argent à 11,371 14 7 

31,334 17 1 

Les charges en blé à 2,010 4 

Celles en argent à 2,263 15 

Différence : 27,060' 18% qui se partageaient ainsi 
entre les chanoines, d'après un tableau dressé à la 
même époque: ■» 

D'Elisseche, doyen, âgé de 81 ans, titulaire 

du prieuré St-Marc (1027 15 9) 2082 1 15 9 

Chaponnel, chantre, 78 ans 1781 11 9 

Le Brun, prévost, décédé 1194 14 6 

Bouvier, sous-chantre, 66 ans 1197 14 6 

Liger, trésorier, 31 ans 1197 4 6 

Boutault, chanoine ancien, 80 ans 1194 14 6 

Marquet, 67 ans 1194 14 6 

Courtin, 64 ans 1194 14 6 

Jabre, 39 ans 1194 U 6 

Morillon, 68 ans 1194 14 6 

Sommers, 46 ans 1194 14 6 

Un canonicat vacant 1194 14 6 

Moynerie, chanoine hebdomadier, 77 ans. 1031 9 9 

Pinel, 46 ans Iu31 9 9 

Beaussier, 47 ans 1031 9 9 

Cretté, 62 ans 1031 9 9 

Guerrier, 50 ans 1031 9 9 . 

Rouzet, 67 ans 1031 9 9 

Gugelot, 39 ans 1031 9 9 

Baudichon (1 , 42 ans 1031 9 9 

(1) Membre de l'Oratoire, il avait, un canonicat, à cause de la 
chaire de théologie fondée au collège en 1G78. 



— 201 - 

Gheron, vicaire chapelain, 59 ans. 

Bidault, 45 ans 

Galopin, 31 ans 

Un vicariat vacant 



747 


19 


3 


747 


19 


3 


747 


19 


3 


747 


19 


3 



27,060 17 6 



Les revenus des chanoines pouvaient donc subir cer- 
taines variations, selon le produit annuel pins on moins 
élevé de leurs biens et l'élévation des dépenses commu- 
nes obligatoires. 

La Révolution leur payait tout d'abord une pension 
d'après leur revenu fixe. La loi leur donnait droit à 
1000 livres et à la moitié de l'excédent de leurs hono- 
raires primitifs sur cette somme, et aux trois dixiè- 
mes des pensions dont ils pouvaient jouir par ailleurs; 
mais ce traitement fut bientôt réduit, et cessa complè- 
tement pendant la Terreur (1). 



(1) Les chanoines, n'étant pas considérés comme fonctionnai- 
res publics, n'eurent pas à prêter serment à la constitution ci- 
vile dû clergé; mais on ne leur épargna pas, plus tard, les ser- 
ments réitérés d'attachement à la République et de haine à la 
Royauté. Le petit nombre toutefois voulut bien se prêter à tou- 
tes ces exigences, et obtenir ainsi pendant la Terreur le certifi- 
cat de civisme. 

Quelques-uns eurent le courage de refuser toute espèce de ju- 
rement. 

Le plus célèbre fut M. Sébastien Boutault de Russy, chanoine 
ancien. Porté sur la liste des insermentés le 9 ventôse an 11 
(27 février 1794), il fut déclaré d'arrestation par le district deVen- 
dôme, pour être conduit ;'i Blois (2 prairial an II, 21 mai 179 1). 
Jusqu'alors il avait été reclus, dans sa maison rue de Brutus 
(rue Poterie), comme sexagénaire. Son âge lui Ht éviter la dépor- 
tation. Le séquestre de ses biens fut levé le 6 vendémiaire an VI 
(27 septembre 1797) ; mais il mourut, plus qu'octogénaire, le 21 
prairial de la même année (9 juin 1798). 

Un autre Boutault de Russy, ex-noble, propriétaire à Rhodon, 
avait été déporté. 

Sa nièce, Marie-Henriette Boutault de Russy, épouse de Sal- 
mon, officier au régiment de Piémont, avait aussi émigré. 

Jean-Bapt tp -Marie Gugelot, ci-devant chanoine, âgé de 15 ans, 



— 202 — 

Les chanoines eurent soin de faire consigner dans 
leur déclaration un emprunt considérable. 

« Pour subvenir, disent-ils, aux frais de la réunion 
delà moitié delà manse abbatiale delà Trinité de Ven- 
dôme, réunie audit chapitre par brevet du roi du 21 
août 1786, confirmée par bulle de Rome du 14 des ca- 
lendes de juillet 1789, le chapitre a emprunté du clergé 
de Poitiers, avec l'autorisation du conseil, la somme 
de 21,000 livres, pour laquelle il a constitué une rente 
de 1050 livres (par acte passé devant Trutan et son 
collègue, notaire à Paris, le 9 mai 1789). » 

Le chapitre de l'église cathédrale deBlois, qui béné- 
ficiait pour moitié de cette union, payait pour la même 
cause, le 20 juin 1790, 6573 livres 18 sols 8 deniers à 
M. de Cressac, conseiller du roi, expéditionnaire en 
cour de Rome [rue Garancière, faubourg Saint-Ger- 
main, Paris (1)]. , 

Nous ne doutons pas que l'intention du chapitre était 
d'employer le surplus de cet emprunt à la réparation 
de l'église, pour se conformer aux désirs formels de 
Monsieur, Frère du roi, qui, « en consentant à la sup- 
pression du titre de l'abbaye de la S te -Trinité en faveur 
de la collégiale, voulait subvenir à son indigence et ré- 
pondre au besoin qu'elle avait de son secours. » 

La Révolution mit fin à toutes ces espérances, et 
vint amonceler ruines sur ruines. 

Maintenant nous allons donner les parties vraiment 

avait quitté Vendôme dès le principe de la Révolution, et ses 
biens avaient été mis sous séquestre, à cause de son refus du 
serment. 

Enfin, M. Cretté, chanoine, n'ayant prêté aucun serment, fut 
conduit à la maison d'arrêt de Blois. 

Sans vouloir justifier la conduite des autres chanoines, il faut 
cependant remarquer que jamais ils n'ont accepté, ni avant ni 
après la Terreur, le moindre office ecclésiastique. Cette réserve 
paraît inconciliable avec l'admission de la constitution civile 
et la communion d'idées avec Grégoire. 

(1) Reg. du chapitre de la cathédrale de Blois, conservé au 
grand séminaire. 



— 203 — 

intéressantes de notre inventaire, le détail des orne- 
ments pïécieux, reliquaires, registres, etc., et nous 
renverrons aux pièces justificatives le sommaire très 
bref de tout le reste. 

Voici l'incipit de ce document précieux: 

« Aujourd'hui seize août mil sept cent quatre-vingt-dix, 
neuf heures du matin, nous Antoine Buscheron, maire, De- 
hargne, Percheron, procureur de la Commune, assistés de notre 
greffier ordinaire, nous sommes transportés dans l'église de 
messieurs les chanoines de Saint-Georges de Vendôme, après 
leur office du matin, où étant nous avons invité messieurs les 
chanoines à se congréger en chapitre à l'effet de leur être par 
nous fait part de la commission à nous donnée par messieurs 
du Directoire de Vendôme (le 7 août 1790, à laquelle lesdits 
sieurs chanoines nous ont dit qu'ils étoient prêts à se rendre 
et de fait nos dits sieurs s'y sont rendus es personnes, etc. "» 

Nous nous permettrons de ne pas suivre le môme 
ordre que les agents municipaux, mais de procéder par 
ordre de matière. Nous donnerons ce qui regarde le 
monument lui-même, comme les tombeaux ; puis les 
objets précieux, les reliquaires, calices, etc., les orne- 
ments précieux, et enfin la partie spéciale des archives. 
Et, pour plus de clarté dans ce dernier chapitre, nous 
ferons remarquer que le chartrier était ainsi disposé: 
1° une grande armoire contenant 24 grandes cases; 
2° un grand coffre fermant à clef; 3° une cassette 
sous le bureau ; 4° une autre armoire, contenant 9 ca- 
ses; 5° l'ouverture de la 14 e fenêtre; et enfin 12 coffres, 
<i sur lesquels messieurs les chanoines s'asseyent». 

I 

TOMBEAUX 

« Passés dans la chapelle St-Jean, y avons remarqué le mau- 
solée de Jean de Bourbon, comte de la Marche, et de Cathe- 
rine de Vendôme, tige de l'auguste maison régnante (1). Les 

(1) Voir la description de ces tombeaux dans les historiens, 
M. l'abbé Simon, le M is de Rochambcau. 



- 204 - 

statues de ces deux personnages sont de marbre blanc, cou- 
chés sur une table de marbre noir antique. 

En ladite chapelle Saint-Jean est une belle statue de Saint- 
Jean en marbre blanc (4). 

Dans la chapelle de S'-Pierre, est un mausolée de Bouchard 
de Vendôme en pierre. 

Dans le chœur et autour sont 16 caveaux renfermant les 
cendres des Bouchards et Bourbons, comtes et ducs de Ven- 
dôme, roy et reine de Navarre, lesquels caveaux sont scellés en 
pierre, placqués de cuivre el de marbre noir. 

Dans la chapelle de la Vierge est le mausolée de François 
de Bourbon et de Marie de Luxembourg; il consiste dans les 
statues de ces deux personnages en albâtre, de grandeur plus 
qu'humaine, posées sur une table de pierre de Sienne, supportée 
par un bas-relief en marbre blanc, représentant les quatre ver- 
tus cardinales. 

Six chapelles sont autour de l'église, sans aucune décora- 
tion. * 

II 

BELIQUAIBES & VASES PRÉCIEUX 

RELIQUAIRES 

Dans le sanctuaire sont 

Le reliquaire de Sainte Opportune, couvert de lames d'ar- 
gent. Il représentait un temple grec à un seul étage, entouré 
de colonnes corinthiennes aussi d'argent, et pesait 31 marcs 
7 onces ; 

La châsse de Saint Théopiste, couverte de cuivre doré, avec 
des ornements en argent ; 

Quatre autres reliquaires en bois doré ; l'un contenant les 
reliques de Saint Mérald, l'autre de Saint Agis, le 3 e de Saint 
Joudry, le 4 e celles de Saint Candide. 

VASES & OBJETS PRÉCIEUX 

Dans la sacristie, dans une armoire (le Trésor), se sont trou- 
vés : 



(1) Cf. Jeanne d'Albret et la Spoliation. Bulletin, 1882, p. 35. 



— 205 — 

Une croix processionnelle dont le haut est en vermeil, le bâ- 
ton couver^ d'argent; 

Un bâtofi de chantre dont lalanterne en argent est ornée d'un 
Saint Georges de vermeil, le bâton couvert de lames d'argent ; 

Une masse de bedeau, dont la lanterne est également en ar- 
gent, ornée d'un Saint Georges en argent, le bâton couvert de 
lames d'argent ; 

2 chandeliers d'acolyte d'argent; 

2 burettes avec leur bassin d'argent ; 

1 ostensoir de vermeil ; 

2 encensoirs d'argent et leurs navettes ; 
1 bénitier et son goupillon d'argent ; 

1 lampe avec ses chaînes d'argent ; 

G calices d'argent avec leurs patènes, dont 2 en vermeil ; 

4 paix d'argent ; 

1 ciboire d'argent; 

1 vase pour les saintes huiles. 

Dans le chœur : 

Un aigle en cuivre jaune (donné par Marie de Luxembourg), 
2 banquettes. 

Quelques autres objets de peu de valeur, 1 croix et son pié- 
destal de cuivre, 1 cuvette en cuivre rouge, 6 paires de burettes 
d'étain. 

III 

ORNEMENTS PRÉCIEUX 

LINGE 

19 aubes à dentelles, 3 garnies en ninon ; 
5 aubes à dentelles, à l'usage des enfants de chœur; 
29 nappes d'autel fines. 
Linge ordinaire en petit nombre et sans valeur. 

ORNEMENTS 

Une chape très antique, de velours rouge, à fleurs d'or ; 

Une ancienne chape brodée par Marie de Luxembourg, 
donnée par elle au chapitre; 4 chapes, 1 chasuble, 2 tuni- 
ques avec leurs étoles, manipules, et voile de damas broché 
en or et en argent, avec une écharpe de même étotîe ; 

Un ornement en velours noir, orné d'écussons en or ; les 



— 206 — 

orfroys de moire d'argent, consistant en 1 chasuble, 2 tuni- 
ques, 4 chapes, 1 pavillon d'autel, 1 drap mortuaire, étoles, 
manipules et voiles, un tapis de pulpitre, lesdits ornements 
garnis de galons d'argent ; 

Une chape brodée en or ; 

Uu dais de velours rouge, avec son ciel garni des mêmes 
écussons et de panaches brodés en argent, frangé ledit dais 
en argent ; 

Un autre ornement d'étamine noire, composé d'une chasu- 
ble, 2 tuniques avec leur voile, manipule, 6 cha peset un drap 
mortuaire, orné le tout d'écussons en soye aux armes du car- 
dinal de Vendôme; 

Une chasuble en petits points en or, argent, laine et soye, 
avec son étole, manipule et voile ; 

1 tour de petit dais relevé en figures et bosses d'or ; 
1 tour de grand dais orné d'écussons d'or ; 
1 bannière bordée en or et en argent. 
Le reste de peu de valeur, dont voici le total, s'ans compter 
les voiles, étoles, manipules. 

Chasubles Tuniques Chapes 

Damas rouge 1 2 4 

blanc 1 2 2 

violet 1 2 2 

Velours rouge 1 2 4 

vert 12 2 

blanc 1 2 

Dauphine blanc 1 2 5 

toutes couleurs 12 4 

Laine de différentes couleurs 25 4 

Total.... 33 16 27 

De plus, dans le chœur, 2 banquettes, 4 tapis et 2 tabou- 
rets en velours d'Utrech cramoisi, 5 vieilles tapisseries servant 
à tendre le sanctuaire. 

IV 

REGISTRES 

1 sommier des rentes et fermes ; 

1 registre de la recette courante des fermes en argent ; 

1 registre des rentes en argent; 



- 207 - 

1 registre des recettes journalières des grains ; 

1 compte des revenus et dépenses du 24 juin 1780 au 31 dé- 
cembre ; 

1 compfe des revenus et dépenses du 1 er janvier 1790 jus- 
qu'à ce jour ; 

1 registre capitulaire commencé le 27 juin 1783, 130 feuil- 
lets écrits ; 

1 registre contenant les prises de possession et autres actes 
sujets au contrôle, du 14 janvier 1750 au 11 octobrel754; 

1 autre, du 18 novembre 1763 au 27 septembre 1773; 

1 autre, du 22 octobre 1773 au 27 octobre 1780 ; 

1 autre, du 14 septembre 1781 au 25 juin 1790; 

375 comptes des revenus du chapitre ; 

1 registre de la recette et des dépenses des 12 anciens cha- 
noines du jour de Pasques 1789 au jour de Pasques 1790 ; 

1 registre récépissé qu'a donné M. Deschamps, notaire en 
cette ville, des titres et censifs de différents fiefs du cha- 
pitre, dont la rénovation lui a été confiée ; 

(Le tout exhibé par MM. les chanoines) ; 

2 cartulaires reliés en vélin avec : 

4 aveu rendu par le chapitre à Antoine de Bourbon roy de 
Navarre, duc de Vendôme, père de Henry quatre (l ro ar- 
moire, 17 e case) ; 

1 calendrier historique du chapitre de Vendôme (1) (Ibid., 
18* case) ; 

48 censifs de différents fiefs appartenants au chapitre de 

Saint-Georges (Ibid., 19" case) ; 
51 registres et journaux de recettes et dépenses pour lesbé- 

néficiers (Ibid., 21 e case); 

17 registres capitulaires, et 

I répertoire des testaments (Ibid., 23 e case); 

44 registres d'actes capitulaires, et 

II plans tant en papier qu'en parchemin, renfermés dans un 
carton, lesquels contiennent la quantité de bois en réserve 
et coupes réglées dudit chapitre et les métairies de Villar- 
ceau et Crevesec (Ibid., 24 e case) ; 



(1) Par le chanoine du Bellay; l'original est à la bibliothèque 
de Blois; celle de Vendôme en a une copie. 



- 208 — 

126 registres de comptes (dans un grand coffre) ; 

15 anciens comptes de distributions et plusieurs originaux 

d'avocats (2 e armoire, 2' case) ; 
10 registres de remembrances de différents fiefs (Ibid., 5 e 

case) ; 
13 cahiers de plaids, assises et remembrances de plusieurs 

fiefs dépendants dudit chapitre (Ibid., 5 e case); 
6 registres de comptes anciens du chapitre (Ibid., 8 e case) ; 

32 journaux de recettes et dépenses et distributions de grains 
aux bénéficiers avec les pièces au soutien dont le détail 
nous a paru inutile à cause de leur ancienneté (7 e cof- 
fre); 

1 ancien sommier des revenus du chapitre que nous n'avons 
pas cru nécessaire d'arrêter à cause de son ancienneté 
(10 e coffre); 

2 registres concernant les revenus particuliers des hebdo- 
madiers (exhibés par MM. du chapitre). 

Total : 318 registres, 392 comptes, 48 censifs, 11 plans, 
Dont il n'existe plus que 7 registres aux arçh ves (1). 
De plus 37 livres de chœur, tant in-4° qu'in-8°, in-folio et 
in-12. 

V 

TITRES & PAPIERS IMPORTANTS 

l re ARMOIRE, 10 e CASE. 

31 pièces relatives aux 16 chapelles de l'église S*-Georges 
de Vendôme, réunies à la manse capitulaire; 

44- pièces relatives à la mesure étalonnage cy-devant appar- 
tenant au chapitre de Vendôme (2) ; 

82 pièces relatives aux fondations de l'église collégiale ; 

29 pièces relatives à différentes visites de grands vicaires de 
Chartres ; 

33 pièces relatives à la suppression desdittes 16 chapelles; 



(1) M. Dupré, Congrès archéol.de 1872, p. 322. 

(2) D'après M. Duchemin de la Chenaye, cette mesure se trou- 
vait encastrée dans le mur de l'église, à côté de la porte d'en- 
trée. 



- 209 - 

H 5 pièces de procédure entre le chapitre et le sieur abbé 
Pinel opposant à la réunion des différentes chapelles ; 

Une liasse contenant 25 pièces relatives à la fondation de 
quatre dignités dans l'église de Vendôme par Louis de Bour- 
bon ; — fondations de différentes chapelles et titres de pro- 
priété des métairies de la Foucaudière et Nioche, appartenan- 
tes particulièrement au chancellier du chapitre et attachées 
à sa dignité. 

11 e CASE 

Une liasse contenant 59 aveux, 24 pièces concernant les 
droits attribués aux dignités de prévost et de trésorier ; 

Un paquet de lettres des ducs, comtes et princes de 
Vendôme. 

120 pièces relatives aux fondations, reliques et privilèges du 
chapitre ; 

110 pièces concernant différents dons faits au chapitre de 
Vendôme. 

DANS UN GRAND COFFRE FERMANT A CLEF 

2 Bulles d'Alexandre III en datte des années 1164 et 1180 ; 
16 pièces relatives à l'établissement des foires ; 
4 autres concernant la Dédicace de S^Georges ; 
Une liasse de 11 pièces contenant les lettres patentes et con- 
firmations de la réunion des onze chapelles. 

CASSETTE SOUS LE BUREAU 

Un brevet donné par Monsieur frère du roy, le 16 avril 1780, 
qui supprime le titre de l'abbaye de la Trinité de Vendôme, 
et en fait union et application ainsi que des biens et droits qui 
en dépendent au chapitre royal et collégial de la ditte ville ; 

Autre brevet du roy du 20 août 1786 qui authorise l'extinc- 
tion et suppression du titre de l'abbaye et réunion d'icelle pour 
moitié à laditte église du chapitre ; 

Bulle du pape Pie VI, confirmative de la réunion cy-dessus 
ayant en tête le brevet du roy pareillement imprimé. Donné à 
Borne le 14 des calendes de juillet 1789 ; 

Une liasse contenant l'Inventaire des reliquaires de l'église 
collégiale, et de ceux que la reine Jeanne d'Albret a fait enle- 
ver du trésor delà ditte église en 1562, avec une décharge de 
la même année canonicale. 



— 210 — 

2 e ARMOIRE, 2 e CASE 

Une petite liasse relative aux fondations dudit chapitre et 
constestations qu'ils ont eues avec messieurs les curés et fabri- 
ciers de S l -Martin; 

Testament olographe de M. Mallet du 5 juin 1751, léguant 
aux pauvres de la ville une rente de 300 livres au principal de 
6000 livres, réduite en 1790 à 227 livres après différents rem- 
boursements dont les chanoines ont distribués les principaux ; 

Déclaration du chapitre certifiant qu'il n'y avait plus d'argent 
monnayé en caisse, le 20 août dernier jour de l'Inventaire. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



INVENTAIRE DES TITRES DE LA COLLÉGIALE 

Nota. — Ces archives contenaient plus de 484 liasses et plus 
de 12,000 pièces, dont il ne reste plus, d'après M. Dupré, que 
53 liasses aux archives départementales. 

Il y avait en outre 318 registres, 392 comptes, 48 censifs, 11 
plans, et nombre de papiers dont on ne donne pas l'inventaire 
parce qu'ils sont regardés comme inutiles « à cause de leur an- 
cienneté ». 

Nous ne donnerons pas l'énumération des titres article par 
article, ce qui serait fastidieux et sans profit; nous préférons 
classer les renseignements qu'ils nous fournissent sur les biens 
de la collégiale. 

1.— Fiefs, Seigneuries, etc. 

De Thoré, de la mairerie (métairie) de Thoré, du petit cime- 
tière de Thoré, 3000 pièces ; — Seigneurie et fief de Rocé, 84 p. ; 

— de la Frelonniôre à Tréhet, reportant foi et hommage au fief 
de S l -Georges, — de Patrix et de Langeron (Lavardin et Villa- 
vard), 383 p. ; — de Beine à Saint-Martin de Landes, 218 p. ; — 
de Villetrun, 223 p. ; — de Cherchenoix à Saint-Rimay, 764 p. ; 

— de Lunay, 51 p. ; — de S le -Radegonde à Lunay, 163 p.; —de 
la Hougaiseàla Chapelle-Enchérie, — de Beauchéne à Ambloy, 



— 211 — 

— de Villiersfaux, — do Villiers, — de Bourg-robert, — do Gros- 
chêne, — du Grand S'-Georges, 108 p.; — de la Vove, 175 p. ; 
du Pont-Neuf, échangé avec MM. de l'Oratoire, 50 p. ; - de 
Crevescc à S"-Gemme, avec foy et hommage sur la Courerle à 
Villemardy. 

2. — Propriétés, métairies, terres, etc. (titres et baux). 

Prés à Areines, — Terres à Baignaux, — LaHougaisc et Bois- 
Brissac, à la Chapelle-Enchérie, — terres à Clois, — La grange- 
rouge à Coulommiers, 70 p. ; — la Roche-Bourgogne à Cru- 
chéré, — Métairie de Cormaine, et de la Vallée-Bécher à Faye, 

— La Fortinière à Gombergean, — Moulin de Feubrun à La- 
vardin, — les Bordes à Marcilly, — La Vove et Villariat, terres 
à Varennes, Naveils, — la Chàteigniére à Périgny, — terres à 
Pezou, — La Béguignière, la Cour, la Boucherie et l'Ormeau à 
Rocé, — terres à Saint-Gourgon en Touraine, — terres à S 1 - 
Ouen, — Cherchenoix à S'-Rimay, 145 p. — Crevesec à S le -Gem- 
mes, — Villarceau, terres à Selommes, 46 p. ; — le moulin de la 
Fontaine et terres à Thoré, 00 p. ; — la Taisserie à Villerable, 

— moulins de la Vicomte., 317 p., de l'Ile, et plusieurs maisons 
à Vendôme. — La ratellerie et la soiverie à Villiersfaux. — La 
Guignardicre dépendant de Broche-Poisson. — Le petit Mar- 
chais S'-Georges. 

3. — Rentes. 

A Vendôme : sur les moulins le Comte ou Grands-Moulins,— 
sur le moulin de BezarcL — sur le moulin Signac, — sur le Plat 
d'Etain, — sur la fosse à l'Aumonier, et sur des maisons dans 
presque toutes les rues de Vendôme. 

AAzé, — à Coulommiers, sur Villesue etVillechatain ; — à Cru- 
cheray et à Nourray, sur les métairies de Pincé. Villemarchais 
et Villethierry; — à Espéreuse, sur les Grandes-Fougères con- 
testées par M. Godineau, — aux Hayes, — àHuisseau, G liv. 2 s. 
sur la paroisse; — à Lignières, — à Lunay, sur les moulins de 
Bessé et de la Bretonnerie ; 200 liv. sur les Nonais, — sur la 
ferme de Morée ; — 40 liv. à Mondoubleau ; — sur le Tremblay 
à Oucques, — à Périgny, sur la métairie de la Vassor; — 3 liv. 10s. 
sur la seigneurie de Pray. — à Savigny, sur la métairie de 
Vellaux, 6 liv.; et sur plusieurs terres; -- sur Villëluisant à Se- 
lommes; — 33 liv. sur la paroisse de Thoré, — à Villemardy, 

— à Villiersfaux, sur la métairie de la Coudre, sur la rue Chè- 
vre, sur la terre de la Chevallerie, — sur Villepoupin, — 22 liv. 
sur le Frône-Laroche, Usséré et Beaumanoir. 

XXiv 15 



— 212 — 

4. — Dîmes. 

Do Violet en Malignard, à Crucheray et S le -Anne, — des 
Hayes, — des beines à S'-Martin de Landes, — S'-Firmin, — 
de Villoloup à Ouzouer-le-Breuil, — de Selommes, — de la Ma- 
deleine, — de Rocé, la Ratellerie et la Grapperie, — de Thoré, 
— Villerable, — Villetrnn, — Villiers, — de la Roche-Bourgo- 
gne, — de l'aunée dite des Quarts-Berthault, — dime de Sorel- 
en-Méziére, — sur le Coudray-Turbault de Villebridin à Ville- 
romain. 

5. — Varia. 

Quantité de procédures : contre M. Godineau à cause de la 
terre des Grandes-Fougères (à Espéreuse); — Entre le chapitre 
et le sieur d'Arcourt, — entre le chapitre et les curés de S'- 
Martin et de la Madeleine, — contre M. de Flines, seigneur de 
Villiersfaux; 

Convocations du chapitre aux processions, — Transaction en- 
tre le prieur de S l -Georges et celui de S'-Lubin, relativement 
au rang que ledit prieur de S'-Lubin devait occupera l'église de 
S'-Georges et aux processions; 

Remboursement d'une rente de 142 liv. 10 s. à l'Hôtel-Dieu, 
et d'une autre de 25 liv. à M. Godineau; 

Une sentence des grands jours de Vendôme du 31 juillet 1677, 
qui condamne le seigneur de Renay à rendre foy et hommage 
pour 97 arpents de bois; 

Succession du chanoine Sorel, maître de psalette ; 

Testament olographe du s r Mallet, prêtre vicaire chapelain 
de cette église, du 5 juin 1751, qui lègue aux pauvres de la ville 
une somme de 300 liv. de rente, au principal de G, 000 liv. et 
charge les chanoines de les distribuer aux pauvres de la ville 
et des environs. 

II 

VENTE NATIONALE DES PRINCIPAUX BIENS DE LA COLLÉGIALE 
(Archives départementales, série L.) 

Nota. — Nous supprimons les noms _des acquéreurs. 

Numéros Date des 'Désignation des objtts aliénés. ^Contant de 

des ventes procès-verbaux — l'adjudication 

1° A Vendôme : 

140 21 mars 1791 La garenne de Saint-Lubin 2825 

437 30 mai 1791 Une maison rue Ferme, occupée 

par feu s r Courtemblay, en son 
vivant chanoine 2000 



- 213 - 

438 30 mai 1791 Une maison rue Ferme, occupée 

par le s r Jabre du Plcssis, à la 
charge de le laisser jouir pen- 
dant sa vie 920 

440 Id. Une maison rue Ferme, occupée 

par le s r Courtùi, à la charge 
de le laisser jouir pendant sa 

vie 4625 

476 11 juin 1791 Le moulin de la Vicomte et ses 

dépendances 5384 

524 25 juin 1791. Une maison rue Ferme, nommée 

la Psalette, occupée par le s r J.- 
B. Marie Gugelot, à charge de 
le laisser jouir pendant sa vie.. 1725 

567 2aoûtl791. Une maison rue Ferme, occupée 

par M. Pinel 4000 

568 Id. Une maison et un jardin rue Fer- 

me, occupée par M. d'Elisseche, 
à la charge de le laisser jouir 
pendant sa vie 6300 

Une maison rue Ferme, occupée 
par M. Michel Chapponel, gr d 
chantre 3000 

Le four bannal de la rue Saint- 
Jacques 3100 

Le moulin de l'Ile et 4 quartiers 
de prés 9175 

Une maison rue de la Poisson- 
nerie 2675 

Les grands greniers à bled, rue 
Ferme 2225 

Une maison rue Ferme, occupée 
par le s' Guerrier, à la charge de 
le laisser jouir pendant sa vie.. 2225 

Une maison rue Ferme, occupée 

par l'abbé Cheron 1400 

Une maison, rue Ferme, occupée 
par le s r Liger de la Tour, tou- 
chant la Psalette 5625 

Le château de Vendôme et ses 
dépendances, à Jean Fournier. 14400 

Cave au bas du château 800 

La Capitainerie, mag" à poudre. 1025 

Le château de Vendôme 5000 

Clos de vigne au Temple, dépen- 
dant du château 1325 



64* 


23' sept. 1791. 


709 


11 nov.1791. 


713 


Id. 


724 


23 nov.1791. 


777 


29déc.l791. 


857 


30janv. 1792. 


865 


Id. 


867 


Id. 


21 


15 janv. 1791 


1009 


11 juin 1792. 


1010 


Id. 


1011 


Id. 


1012 


Id. 



— 214 — 

1013 11 juin 1792. Les ferrures, plombs, etc., du 

château 1250 

1014 Id. La Montagne '2000 

La chapelle du château 10500 



2° En dehors de la ville. 

125 11 mars 1791. Métairies de la Foucaudière et 

Greladière à Naveils 26300 

134 Id. Métairie du Chapitre (Marsilly).. 5675 

157 24 mars 1791. Métairie du Coudray.Villiersfaux. 15700 
249 15 avril 1791. Moulin de Sembrun et dépendan- 

dances â Lavardin 4575 

267 22 avril 1791. Métairie de la Chataignière â Pé- 

rigny 7750 

271 Id. Métairie des Bordes à Marcilly. 9225 

276 4 mai 1791. Métairie de l'Ormeau à Rocé 15200 

332 7 mai 1791. Métairie de Nioche à Saint-Ouen. 10700 
338 9 mai 1791. Métairie de la Chauvinerie â Se- 

lommes 20000 

419 17 mai 1791. Métairie de Villiersfaux 24000 

420 Id. Métairie de la Rochelahaye'à Vil- 

lerable ■ 18100 

421 Id. Métairie de la Vove â Naveil 8675 

425 Id. Métairie de la Grange - Rouge à 

Coulommiers 14100 

431 20 mai 1791. Métairie de Crevesec, Ste-Gemme 36100 
498 20juinl791. Métairie de la Ratellerie à Vil- 
liersfaux 18800 

&c, &c. 

Total des ventes des biens de la collégiale dans le district 

de Vendôme 573,867 francs. 



NOMS DES RUES, PLACES & MONUMENTS DE VENDOME 
Pendant la Révolntion 

Nota. — Nous croyons ce tableau utile pour l'intelligence de 
faits relatés dans cette étude et les suivantes. 

Le changement du nom des rues fut décidé parla municipa- 
lité le 16 ventôse an II. 

La société populaire avait demandé qu'il fût imposé des noms 
révolutionnaires aux rues de cette commune qui portaient des 



— 215 - 

dénominations rappelant le fanatisme. Le conseil accepta les 
noms qui lui avaient été proposés ; lesquels devaient être gra- 
vés sur piç.rre ou écrits sur une planche peinte à l'huile. 

Ce premier changement fut de courte durée et l'on revint bien- 
tôt à l'ancienne dénomination. 

Mais l'an VI ramenait un gouvernement plus ombrageux; de 
nouveaux noms furent imposés aux rues, lesquels furent en 
usage jusqu'à l'an X. La ville était alors divisée en 2 sections 
et 4 arrondissements. 

La section nord comprenait l'étendue actuelle de la paroisse de 
la Madeleine, en y ajoutant la rue au Blé; la section sud, l'éten- 
due de la paroisse de la Trinité. 

Les maisons étaient numérotées, non par rue, mais par une 
suite ininterrompue d'une rue à l'autre. 



1° RUES 
Section Nord 

1 er Arrondissement 



Noms anciens. 

Rue Poterie 



Noms de l'an II. 

Rue Brutus 

Rue de l'Humanitc 



Noms de l'an VI. 

Rue du Peuple souve- 
rain, jusque et y 
compris le n° 118 

Rue de la Loi 

Rue Sidney 

Rue des Arts 



Rue au Blé 

Rue Frimcambault 

Rue S'-Jacques Rue des Arts 

Rue des Béguines Rue des Droits de Rue des Droits de 

l'homme l'homme 

Rue 4 huis Rue des 4 Saisons Rue des 4 Saisons 

Le Mail ou les Fos- 
sés Quai Lepelletier Quai Lepellctier 

Rue Bretonnerie ou 
des Ecuelles Rue de la Gamelle Rue de la Frugalité 

Rue de la Marre, ou 
du Bourg-Robert Rue de Pomone Rue de l'Agriculture 

Courtiras 



Rue du Change 



Ruedu Puits (du Cal- 
vaire) 

Faubourg Char- Faubourg Marat 
train 



2 e Arrondissement 

Rue des Sans-Cu- Rue des Hommes li- 
lottes bres (jusqu'au pont 

de l'Unité) 



Rue Ronsard 
Faubourg des Victoi- 
res 



- 216 - 

Rue des Jardins 
L'Islette 
La Garde 
Les Tuileries 

Section du Sud 

3 e Arrondissement 

Place S'-Martin Place de la Révolu- Placede la Révolution 

tipn 
Rue Renarderie Rue Charlier Rue de la Fraternité 

Grande Rue Rue Guillaume - Rue Voltaire 

Tell 
Place du Marché Place de laLiberté(*) Place de la Liberté 
Rue de la Volaille Rue Jean - Jacques Rue Jean - Jacques 

ou Saulnerie Rousseau Rousseau 

Rue Poissonnerie Rue Duphot 

Rue Poterie Rue Brutus Rue du Peuple souve- 

rain depuis le n"118 
Rue Basse Rue Basseville 

Rue de la Grève Rue de la Fontaine Rue du Père de fa- 

mille* 
Faubourg S'-Lubin Rue de la Monta- Faubourg d'Arcole 

gne 
Rue Ferme Rue du Rempart Rue de la Paix 



Le Temple 



4 e Arrond.issenn.ent 



Rue du Change Rue des Sans-Cu- Rue des Hommes li- 

lottes bres (depuis le pont 

de l'Unité) 

Rue Parisienne Rue Franklin 

Rue du Bourgneut' Rue Brutus 

Rue Notre-Dame Rue de la Constitu- 
tion 

Rue de l'Ecrevisse Rue Guillaume-Tell 

Rue S'-Martin Rue de la République 
Place de l'Abbaye Place de la Réu- 

(d'Armes) nion Place de la Réunion 

Rue Guesnault Rue Voltaire Rue Mably 

Rue du Pont S'-Bié Rue de l'Espérance Rue du Travail 



(') A cause de l'arbre de la Liberté qui y avait été planté, pour remplacer celui du 
pont Chartrain, planté le 6 mai 1792, renversé par les volontaires de Paris le 28 
mai 1793. 



— 217 — 

Faubourg S'-Bien- Faub. de l'Union Faubourg de l'Union 

heure 
La Haute ''& Basse 

Chappe 
Le Bois-la-Barbe 



2° MONUMENTS 

D'après un tableau dressé en vertu de l'arrêté du 28 thermi- 
dor an II : 

Pont S'-Georgcs Pont de Lodi 

Pont Chartrain Pont de Fleurus 

Pont S'-Bié Pont de Newied 

Pont S l -Michel Pont de Kell 

Pont Perrain Pont de l'Unité 

Pont Rondin Pont de l'Indivisibilité 

Porte S l -Georges Porte Brutus 

La 2 e à l'extrémité de la rue Brutus, Porte Michel. Ce monument 
ne contient au-dessus de la porte qu'un galetas loué à un menui- 
sier pour lui servir de magasin. 

La 3" à l'extrémité de la rue de l'Espérance, dite porte S l -Bié ; 
au-dessus de la voûte il existe un grenier affermé à un particu- 
lier pour lui servir de magasin. 

Le Collège national, — rue des Arts; 

La Trinité. — servant de temple à l'Etre suprême ; 

La Madeleine, — servant de magasin de bois de chauffage des 

militaires ; 
L'hospice de Charité, — rue Brutus; 
Municipalité, — porte Brutus (1); 

Tribunal, — rue de l'Humanité, au-dessus de la vieille halle ; 
Maison de justice et prisons, — rue du Rempart ; 
L'administration du district (le Directoire) ; — la cy-devant ab- 
baye de la Trinité, aile du couchant ; 
Le comité de surveillance révolutionnaire, — ibid., dans l'In- 
firmerie ; 
La maison de détention et de correction, — ibid., l'aile du le- 
vant ; 



(1) L'an 1407, par acte devant Grandbaut, Jean comte de Vendôme concéda à per- 
pétuité lesdits objets (la porte Sl-Georges et ses dépendances) à la ville, moyennant un 
gros d'or fin de redevance. 



— 218 — 

Bureau de conciliation, — à l'Abbaye ; 

Archives, — chez les Bénédictins ; 

Club, — Eglise de l'Oratoire; 

Halles, — place delà Révolution, cy devant église de S'-Martin ; 

Casernes, — 5 maisons (Caserne de l'Ecu, du Grand-Pressoir, 
S'-Michel., du faubourg Chartrain....) à la ville, et le Cal- 
vaire loué à des particuliers. 

Le cy-devant presbytère Martin, situé place de la Révolution, 
— destiné à l'instruction publique des Ecoles primaires ; et 

Le cy-devant presbytère Lubin, — destiné à faire un hôpital mi- 
litaire pour les galeux et les vénériens, actuellement ha- 
bités par les réfugiés de la Vendée. 

Le cimetière, — Champ du Repos, faubourg Marat. 



CE QU'ON TROUVE DANS LES ANCIENS 

REGISTRES D'UNE PAROISSE 

( SOUDAY ) 

Par M. E. Nouel, 
Professeur de Physique au Lycée. 



La tenue des registres des paroisses (baptêmes, ma- 
riages et sépultures) remonte au XVI e siècle. Elle était 
confiée aux curés. 

Au XVII e siècle (vers 1670), une ordonnance de 
Louis XIV obligea tous les desservants à tenir les re- 
gistres en double. La minute, avec les signatures des 
parrains, témoins, parents, etc., restait aux archives de 
la paroisse, tandis que la copie était, chaque année, dé- 
posée au greffe. 

En feuilletant ces anciens registres, on rencontre çà 
et là des notes intéressantes, relatives à de petits évé- 
nements locaux : baptêmes de cloches, réparations d'é- 
glises, faits météorologiques, incendies, assassinats, 
etc. Ces notes-, écrites sans apprêts, ont par leur sim- 
plicité même une saveur particulière de terroir ; on 
assiste, pour ainsi dire, comme caché derrière un ri- 
deau, à la vie simple et naïve de nos ancêtres ; on 
croit les voir agir, les entendre parler ! et on ou- 
blie le présent si souvent chargé de tracas ou d'ennuis. 

A partir de 1790, on enleva successivement la tenue 
de ces registres aux curés, pour la faire passer aux 
mairies. Depuis cette époque, les actes sont inscrits 
sur des imprimés, avec défense d'y inscrire autre chose 
que les actes eux-mêmes. L'archéologue n'a donc plus 



— 220 — 

rien à y chercher en dehors des renseignements d'état 
civil. 

Ayant obtenu, par voie administrative, communi- 
cation des registres de Souday (1580-1792), j'ai pu 
les feuilleter à loisir et en extraire un grand nombre de 
choses curieuses. 

La pièce principale est un Journal tenu de 1580-1631 
par un vicaire de Souday, et qui se trouve conservé 
avec les actes de l'état civil de cette époque. L'impor- 
tance de ce document m'engage à en faire l'objet d'une 
publication à part dans un des numéros suivants de no- 
tre Bulletin. 

Je me contenterai d'insérer dans celui-ci un certain 
nombre de notes diverses récoltées dans les registres 
eux-mêmes, et s'étendant de 1640 à 1757. La plupart 
sont dues à la plume intelligente de Pierre Brès, maître 
ès-arts de la Faculté de Paris, curé de Souday depuis 
le 2 janvier 1721 jusqu'au 17 septembre 1744, jour de 
sa mort. 11 n'avait que 49 ans, et fut enterré dans l'é- 
glise du lieu. 

Deux Centenaires. 

Au registre de 1705, on lit : « Le 9 janvier, fut en- 
terré Pierre Gaultier, aagé de cent deux ans, selon ce 

qu'il dit pendant sa vie , décédé le huictième jour de 

janvier, etc. » 

On a rajouté en marge, pour répondre au doute ex- 
primé sur son âge : « Il fut baptisé le 24 février 1603. » 
C'est donc un centenaire authentique. 

Plus loin : « L'an de grâce 1720, le 15 janvier, fut in- 
humé Louis Gaultier âgé de 105 ans ; ont assisté sa 
femme Jeanne Morand, etc. » 

Cette longévité remarquable est de famille ; on doit 
supposer que ce Louis Gaultier, né en 1615, était cousin 
de Pierre Gaultier, né en 1603. (V. ci dessus.) 

Quant à sa femme Jeanne Morand, nous admettrons 
que c'est sa deuxième femme, la longévité ne se parta- 
geant pas entre époux, môme les plus unis. 



— 221 — 

Mariages très jeunes & autres. 

« Le 23*iio vembre 1723, mariage de Vincent Bruslé, 
âgé de 26 ans, et Louise Clairet, âgée de 15 ans. » (C'est 
la limite légale actuelle pour les tilles.) 

J'ai trouvé plus jeune. 

« Le 20 novembre 1746, ont reçu la bénédiction nup- 
tiale à la messe des épousailles, Augustin Bessé, origi- 
naire de Saint Agil, âgé de 25 ans...., et Marie Villain, 
originaire d'Oigny, âgée de douze ans trois mois, » 

La limite canonique est 12 ans ; nous y touchons 
ici. 

Voici des mariages où c'est le mari qui est relati- 
vement un peu jeune : 

« Le 4 novembre 1723, mariage de René Travers, 
âgé de 20 ans,, et Marie Blanchelande, âgée de 36 ans, 
veuve de Morice, etc. » On peut dire avec double rai- 
son que c'est un mariage de travers. 

Voici un peu plus fort : 

« Le 6 juin 1724, mariage de Louis Launay, âgé de 
20 ans, garçon menuisier, natif de Beaumont-le-Char- 
tif (diocèse de Chartres), établi en ce lieu depuis six 
mois, et .Rose-Marguerite Filloreau, âgée de 36 ans, 
veuve en premières noces de.... Pignard, eten secondes 
noces de.... Louvet, marchande mercière de cette pa- 
roisse. » 

Voilà une mercière bien exigeante ! Je crains bien 
que ce pauvre garçon n'ait trouvé dans cette rose plus 
d'épines que de parfums. 

1696-97. Séjour de cavalerie française 
en quartier d'hiver. 

Au registre de 1696 : 

» Le 16 e jour de décembre, Jean Thibault, fils de Jean 
Lindre et de Catherine Chermoy, de la haulte Alsace, 
ca val lier dans la compagnie de Monsieur le baron de 



— 222 — 

Monjoie, logée en quartier d'hyver en cette paroisse, a 
été baptisé par nous curé soussigné. — Le parrin, Jean 
Thibault Foron (?) aussi cavallier dans ladite compa- 
gnie, etc. » 

Au registre de 1698 : 
« Le 23 e jour d'avril, festede S^Georges, la chapelle 
de S'-Georges sise en ce bourg ayant esté cy devant 
prophannée par la garnison de cavallerie logée en quar- 
tier d'hyver en cette paroisse pour s'en estre servi pour 
ramasser leurs foins, a esté rebénie et reconciliée par 
nous curé soussigné par commission de Monseigneur 
l'evesque du Mans, en date du 9 e jour du présent mois 
signée Louis evesque du Mans avec paraphe, en pré- 
sence de M e François Fontaine prêtre, chapelain de la 
chapelle des Peschard, vicaire de ce lieu, Louis Hupin 
et Michel Tourneux, procureurs fabriciers de l'église, 
M* Mathurin Tourtay cy devant notaire royal, Le 
Grand, sacriste, et autres habitans lesquels sont signez 
avec nous. » Suivent les signatures. 



La grande Sécheresse de 1723 & l'Incendie 
de Ghâteaudun. 

A la fin du registre de 1723, on trouve la note sui- 
vante du curé Brès : « Cette année 1723, il n'a point 
pieu icy depuis le 4 mars jour de la mi-carème jusqu'au 
9 octobre (!), excepté une pluie d'une heure vers la Pen- 
tecôte. Il n'y a eu même aucune rozée (1), et cette sé- 
cheresse a causé la perte entière des orges et avoines 
et de toutes les légumes ; il y a eu peu de bled, encore 



(1) Cela fait sept mois presque sans pluie, t'ait inouï dans nos 
pays. Comment ne pas se rappeler ces vers d'Athalie, acte I, 
se. 1, Joad : 

Elic aux éléments parlant en souverain, 
Les cieux par lui fermés et devenus d'airain, 
Et la terre trois ans sans pluie et sans rosée 



- 223 - 

est-il tout noir. Le bled avallu unécu à Montdoubleau. 
Cependant on ne voit point de pauvres parceque le 
fil vaut cinquante sols la livre, le beurre quinze sols et 
le reste à proportion. » 

C'est certainement à cette grande sécheresse qu'il 
faut attribuer l'extension terrible de l'incendie de Chà- 
teaudun, cité ainsi aux registres de Souday : « Le di- 
manche 20 juin 1723, à 2 heures après midi, le feu prit 
dans la ville de Chàteaudun, et consuma mille ménages, 
les églises paroissiales de S'-Valérien et S'-Pierre, avec 
la collégiale de S'-André. L'incendie fut si terrible qu'on 
voioit le feu de S'-Agil et dura jusqu'au mardi, c'est-à- 
dire un jour et demi. » Signé : Brès, curé de Souday. 



1731. Incendie de Connerré. 

Registre de 1731, f° 17 : 

« Le 21 avril 1731, sur les neuf heures du matin, le 
feu prit a Connaray : la chapelle de S te -Anne, l'église, 
le clocher, le Prieuré et soixante et quinze (75) maisons 
furent consommées (sic) en trois heures de temps. Dieu 
nous préserve d'un pareil malheur!» (Note du curé 
Brès.) 

Cet incendie concorde avec une sécheresse excep- 
tionnelle de printemps cette année. 



1725. Année mouillée. Grandes eaux 
en décembre. 

Au registre de 1725, on trouve la note suivante inter- 
calée entre deux actes, l'un du 4 juillet, l'autre du 10 : 
« Le 5 juillet audit an, a été faittc une procession so- 
lemnelle dans la ville de Paris, et on y a transporté les 
reliques de S t8 -Geneviève, pour demander à Dieu du 
beau temps par son intercession, parce qu'il ne s'est pas 



— 224 — 

passé un jour sans grandes pluies depuis le 25 avril 
dernier et que le bled froment vaut cent sols à Mont- 
doubleau et partout de môme, quoique la récolte pa- 
roisse devoir être abondante. » (Note du curé Brès.) 

L'été de 1725 a été semblable à celui de 1816 dans 
notre siècle. 

L'année finit d'ailleurs dans l'eau, comme le mon- 
trent les extraits suivants : « Le 19 décembre au dit an 
(1725) a été par la permission de nous curé soussigné 
(Brès) inhumé dans le cimetière de Glatigny, le corps 
de René Beguet.... à cause des grandes eaux qui em- 
pêchent de passer. » 

"Il s'agit du Coetron, ruisseau qui passe sous le châ- 
teau de Glatigny. Ces grandes eaux se prolongent plu- 
sieurs jours, car je trouve aux registres de Glati- 
gny (1) : « Le 23 décembre 1725 a été inhumé dans le 
cimetière de céans, François Tourteau.... pour l'abon- 
dance des eaux, à la requette et du consentement de 
M. le curé de Soudav. » 

*j 

Signé: E. Posté, curé de Glatigny. 



L'Aurore boréale du 19 octobre 1726. 

Le curé Brès écrit ceci au registre de Souday pour 
1726: 

« Hier dix-neuf octobre au dit an 1726, depuis six 
heures et demie du soir jusqu'à minuit, parurent en 
l'air des feux épouventables qui sembloient se battre et 
rendoient une clarté qui venoit du septentrion, en sorte 
que l'on voioit aussi clair comme si l'aurore eût du pa- 
roistreà l'instant. Cependant il devoit faire noir parce 
que la lune est dans son déclin et ne paroissoit point. 



(1) « La dite paroisse de Glatigny a été tirée et démembrée de 
celle de Souday en 1547 ; elle ne renferme que cinq feux, sa- 
voir : le château de Glatigny, etc. » (Note du curé Brôs au re- 
gistre de Souday pour 1722.) 



— 225 — 

Ces feux étoient comme des tourbillons et passoientles 
uns sur les autres et se mesloient souvent directement 
au-dessus- de notre clocher, ce qui épouventa tout le 
monde. 

« J'apprend que toutes les paroisses voisines ont 
veu les mêmes choses et en ont été effraiées. 

« Dieu veuille appaiser sa colère ! Les mêmes signes 
parurent en Provence avant la peste en 1720 (1). » 

Le même phénomène est décrit par le curé de Glati- 
gny d'une manière plus diffuse et plus naïve, et son ré- 
cit porte l'empreinte d'une frayeur qui fait sourire au- 
jourd'hui. 

Registre de Glatigny (en marge, violents fœno- 
mènes) : 

« L'an 1726, le 19 e octobre, à sept heures et demie 
du soir, commencèrent à paroitre des flammes de feu, 
qui partoientde l'orient et quisortoientde nuées épais- 
ses et bluatres, lesquelles flammes durèrent jusqu'à 
onze heures du même soir et s'étendirent si fortement 
qu'elles occupèrent tout le nort et s'en allèrent finir dans 
l'occident. Les dittes flammes étoient si violentes que 
sortant du septentrion elles sen voloient iusques au 
midy ; l'on ust cru aies voir que le ciel et la terre al- 
loient se consumer ; le temps étoit clair du costé du 
midy et les étoilles très claires et brilantes ; le temps 
étoit assésfroit; parmy ces nuées noires et bluatres il 
s'en levoit de rouges comme le sang, d'où sortoient 
pareillement des flammes épouventables. Il n'y ut au- 
cun tonnerre ni éclairs de tonnerre, et quoyque la lune 
fut au commencement de son dernier cartier, et non le- 
vée , il faisoit clair comme en pleine lune. 



(1) De Maii-an, Traité de l'Aurore boréale, Mém. Acad.. p. 
1731, dit de cette aurore du 19 octobre : « Elle passe pour la 
plus grande, la plus complète et la plus remarquable dont on ;iit 
connaissance. » 



« Ces flammes de feu partaient de nuées assez bas- 
ses et s'elevoient en haut en se dissipant sans bruit en 
mille flammes de feu ; l'œil humain ne pouvoit les re- 
garder sans en estre ébloui et mesme incommodé. 

« Je n'ay point vu d'homme qui dise avoir vu ny en- 
tendu parler de semblable chose. Tous les hommes 
etoient dans l'étonnement et la consternation et moy 
tout le premier qui croiois que ma maison alloit estre 
consumée par le feu, et je pensois que ce fust les signes 
du dernier jugement ; il est difficile de dépeindre un 
spectacle si epouventable, la peur étoit si fort dans ma 
maison que le sexe féminin fondoit en larmes sans que 
je pusse les consoler. 

« Dieu par la sainte grâce nous préserve de nos jours 
des flots (sic pour fléaux !) dont nous sommes advertis 
pour le dernier jugement. — Ce 21 octobre 1726. » 

Signé : Posté, curé de Glatigny. 

[Le curé était M e Etienne Posté, curé de 1722 à 1729, 
année qu'il mourut, âgé de 48 ans. V. l'enterrement de 
Et. Posté, 19 janvier 1729.) 



Hiver 1740. Grand froid. Permission de manger 
de la viande en carême. 

Note écrite le 14 mars sur les registres de la pa- 
roisse par le curé Brès : 

« Le six janvier de la présente année 1740 commença 
un froid aussi picquant qu'il avoit commencé à pareil 
jour en 1709. Toutes les rivières et autres eaux prirent 
dès le 7, et la glace a continué jusqu'au 14 mars, le 
froid n'aiant cessé que le neuf. La glace de l'étang de 
Bois-Vinet a été de 22 pouces (0 m ,57) ! 

« Beaucoup de bleds ont été endommagez^ tous les 
légumes des jardins ont péri, ainsi que les arbrisseaux. 



- 227 - 

« Comme il n'a pas été possible de pescher ni d'avoir 
aucune marée, les chemins étant impraticables à cause 
des glaces* et les œufs très rares, Monseigneur PEves- 
quedu Mans, touché devoir son diocèse réduit au seul 
pain, a permis l'usage de la viande pour un seul repas, 
les dimanches, mardis et jeudis pendant le carême, jus- 
qu'au 1 er avril (Pâques, 17 avril), ce qui n'avoit ja- 
mais été permis dans ce diocèse. 



Aumônes pendant la disette de 1741. 

« Le douze aoust 1741, nous avons cessé les distri- 
butions de pain et d'argent faittes aux pauvres depuis le 
premier mars dernier (1741), suivant l'arrêt du parle- 
ment du 30 décembre 1740. Les biens-fonds de la pa- 
roisse ont été taxés à 567 livres en argent, et les particu- 
liers habitans ont donné chaque semaine six cents li- 
vres de pain, Madame Brayer, dame de Souday, cent li- 
vres, et moy curé cinquante ; le nombre des pauvres 
a été de trois cent qui ont eu chacun quatre livres de 
pain par semaine. Le pain de mouture a coûté deux sols 
la livre et le pain de grenaille, qui nous venait du Bas- 
Maine, dix-huit deniers ; mais il étoit si mauvais qu'il 
n'y avoit que la faim qui pût le faire manger. 

« Les aumônes de funte Madame de Chenevières et 
de M 1 ' et M lle de Chenevières ses enfans et de Ma- 
dame Brayer surtout ont sauvé la vie à tous les pauvres 
qui n'ont pas souffert. 

« Cette famine a été causée par la gelée de 1740, qui 
perdit la moitié des bleds. Le froment a vallu 14 livres 
15 sols à Mondoubleau, et vaut encore aujourd'huy 3 
livres 5 sols. 

« Dieu veuille avoir pitié de nous et rendre au centu- 
ple ce qui a été donné! » 

[Cette note a été écrite à sa date au registre, au milieu 
des actes, par le curé Brès.] 

xxiv 16 



— 22S 



Bénédiction de cloches. 



On trouve dans ces registres la relation de plusieurs 
bénédictions de cloches, en 1640, en 1716 et en 1782. 

Nous publierons celle de 1640, à cause d'un incident 
qui en troubla l'harmonie, et qui lui donne un certain 
piquant. 

« Le 12 e jour d'aoust 1640 furent bénistes les cloches 
de Souday par nous René Godet doien rural de Saint- 
Calais, curé de Vy (Vie, Sarthe) par députation et com- 
mission de Monseigneur le révérendissime evesque du 
Mans au cours de sa visite; la dite bénédiction faicte 
en présence de discret messire Toussaint Moullay 
prestre curé duditlieu et messire Jehan d'Amilly cheva- 
lier des ordres du Roy, et dame Denise de Vandosmois, 
son épouze, seigneur fondateur dud. lieu et messire 
François d'Amilly chevallier des ordres» du Roy leur 
fils, damoiselle Marie Ourceau, dame de Bourcé, avec 
grande affluence de peuple,, sur laquelle députation et 
commission led. sieur curé a protesté de militer et se 
pourvoira l'encontre par les voies ne droict dont il nous 
a requis acte que luy avons octroyé ainsi que de rai- 
son. » (Suivent les signatures.) 

Allons-nous voir éclater une guerre de curés, comme 
celle du Lutrin : 

Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance 
De ces hommes sacrés rompit l'intelligence, 
Et troubla si longtemps deux célèbres rivaux. 
Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévots ! 

J'ai tout lieu de croire que la protestation de l'iras- 
cible curé de Souday contre la commission donnée par 
son évoque à son rival le curé de Vie ne plut pas en haut 
lieu, car je note la disparition presque immédiate de 
la signaturede T. Moullay sur les registres de Souday. 
C'est son frère P. Moullay qui paraphe les feuilles de 
baptême, d'enterrement et de mariage dès le mois de 



— 229 - 

septembre, et qui devient curé. Il est enterré avec ce 
titre le 1 er novembre 1646 dans l'église de Souday. 
Quant à l'f-nfortuné Toussaint, il fut déplacé et ne figure 
pas aux décès de Souday. Les cloches de Souday ne 
sonnèrent pas son trépas. 

1727. Bénédiction de la croix du grand cimetière. 

« Le vendredy saint onzième jour d'avril (1727), 
après l'office, nous Pierre Brès, prêtre curé de cette pa- 
roisse avons bénie la croix que nous y avons faitte éle- 
ver, dont le bois a été pris dans le verger de notre pres- 
bytère ; les gens de bien de ce lieu ont fourni la dé- 
pense des ouvriers.... Le tout pour satisfaire à la piété 
des paroissiens. » 

Cette croix en bois a dû vivre 27 ans, car je trouve à 
la date du 3 avril 1754 la bénédiction d'une croix du ci- 
metière, enfer, par Chaussé, curé. 

1734. Travaux dans l'église de Souday. 

En marge : Pavage de la nef et réduction des bancs. 

« Le dix-sept avril au dit an 1734, veille du dimanche 
des Rameaux, Mathurin Martin et ses enfans maçons 
ont achevé de paver tout à neuf la nef de cette église. 
Tous les bans ont été réduits à une même grandeur et 
placez de file des deux costez avec des sièges publics 
tout le long des murs par René Courtemanchc et Simon 
Menaud menuisiers. » 

1743. Reconstruction de l'église de Glatigny. 

Aux registres de Glatigny on lit : 

« Nota. En vertu de la commission à nous curé de 
Glatigny soussigné(l) adressée par Monseigneur l'E- 

(1) Mathurin-Joseph Coqucret. 



- 230 - 

vesque du Mans, nous avons béni la première pierre et 
les fondements de cette église de S te -Barbe deGlatigny, 
en présence de Messire Charles Laurent de Chene- 
vierre, écuier, seigneur et fondateur de la ditte église et 
premier président de la ville du Mans et de dame Mar- 
guerite-Marie-Françoise Choùet son épouse, et de 
sieur Jacques Husde la ville de Montmirail, architecte. 
Ce vingt trois avril mil sept cent quarante trois (23 avril 
1743. » (Suivent les signatures.) 

On trouve plus loin le procès-verbal de l'inauguration 
de la nouvelle église de Glatigny, faite le 3 juin 1744 par 
Pierre Brès, curé de Souday, avec une description dé- 
taillée de l'église. 



Février 1757. Assassinat 
du curé de La Chapelle- Guillaume. 

Aux registres de Souday pour 1757, f° 2, après des 
actes datés 25, 26 et 28 février, on trouve le récit sui- 
vant : 

« Dans le courant du présent mois, Monsieur le curé 
de Chapelle-Guillaume, diocèse de Chartre, a été as- 
sassiné dans sa maison. 

« Vers la minuit, des scélérats dont on ne scait point 
encore ni le nombre ni le nom sont allés bien armés 
fondre dans le presbitaire, ont gardé toutes les portes 
et croisées; ne pouvant trouver entrée ont tiré les 
marches du seuil de la porte, ont fait un trou, et en- 
suite sont entré deux, ont ouvert la porte aux autres. 
D'abord deux se sont jettes sur la domestique, l'ont 
prise à la gorge et l'ont laissée pour morte. Pendant ce 
temps-là, d'autres se jettèrent sur le curé âgé de soixante 
quatorze ans et réduit au lit depuis plus d'un an et demi, 
lui ont demandé où étoit son argent, et voyant qu'il leur 
disoit qu'il n'en avoit point excepté quarante cinq livres 
qui étoient en tel endroit, commodes enragés se jettè- 
rent sur lui, lui portèrent deux coups mortels à l'esto- 



— 231 - 

mac, ensuite lui rompirent les parties, et non contants 
lui firent brûler la plante des pieds, les jambes jusqu'à 
la ceinturé à petit feu ; dans ce cruel tourment il leur 
disoit qu'il n'avoit point d'argent, de lui passer un cou- 
teau à travers le corps sans tant le faire souffrir. 

« Pendant cela, les autres fouillèrent partout, prirent 
douze couverts, un goblet d'argent et ses boucles aussi 
d'argent, ensuite firent ripaille, burent du vin et deux 
bouteilles de liqueur, s'enfuirent après cela. — L'on 
n'a pas encore aucun indice de ce cruel forfait. » 

Signé : G. Goyet, ptre vicaire. 



Sépultures d'inconnus. 

L'inconnu nous attire, et l'imagination aime à se 
donner carrière sur des motifs incomplets mais réels. 
En voici quelques-uns : 

« Le 21 septembre au dit an 1747 par nous curé sous- 
signé a été inhumé dans le cimetière le corps d'un homme 
paraissant âgé de 60 ans, lequel fut trouvé mort hier 
dans le grand chemin de Souday à Montmirail, entre 
la Halbardière et la Bergerie, et a été cejourd'huy vi- 
sité par deux chirurgiens en présence de la justice de 
Souday, ainsi qu'il nous a pareu par le procès verbail 
qui en a été fait et l'ordonnance en date de ce jour de 
l'inhumer qui nous a été adressée par Monsieur Bou- 
don, batlly de la ditte justice. — ■ Et ont assisté François 
Hallier, Nicolas Fouquet et Jean Legrand sacriste et 
plusieurs autres témoins. » 

(Signatures) Le curé Chaussé. 

« Le 12 e jour de janvier 1700 a esté inhumé dans le 
cimetière le corps d'un garçon âgé d'environ 14 ans, 
dont on ne sait point le nom, que l'on croit être de la pa- 
roisse deFontainne Rous (Fontaine-Raoul) décédé au 



- 232 - 

prieuré. — Ont assisté à la sépulture les domestiques 
du dict prieuré Jean Souche, René Gallouin qui ont dé- 
claré ne scavoir signer. » 

Fontaine, curé. 

« Le 22 e jour de janvier 1713 a été inhumé dans le 

cimetière le corps d'un enfant dont on ne sait point le 

nom que l'on a trouvé mort dans un champ dit Beaux 

Chênes et que l'on croit estre de la paroisse de Bail- 

lou. » 

Fontaine, curé. 

Le cœur se serre en pensant à ce pauvre enfant, 
chassé du logis en plein hiver par quelque marâtre, 
abandonné de tous et venant mourir de faim, de froid 
et de misère, dans un champ! 



1714. Histoire de la petite Jeanne, l'enfant trouvé. 

Draine en deux actes. 

« L'an de grâce 1714, le 18 e jour d'avril, par nous 
curé soussigné a été baptisée sous condition une fille, 
laquelle a esté trouvée exposée à une porte d'une mai- 
son de ce bourg le dit jour dix huitième de grand matin 
sans que l'on sache jusqu'à présent de qui elle est is- 
sue, laquelle au jugement des femmes peut avoir un 
jour à peu près, à la teste de laquelle on a trouvé du 
sel ; cette enfant a été nommée Jeanne ; ses parrain 
et marraine ont esté Louis Deniau et Jeanne Cou- 
mice (?) qui ont déclaré ne scavoir signer. Et sont si- 
gnés les habitants ci-dessous. » 

(Suivent six signatures de notables.) 

Fontaine curé. 

Quel joli sujet de roman dans cet acte de baptême, 
pensai-je en continuant à feuilleter le registre. Je me 
représentais 

une femme inconnue 

Qui ne dit pas son nom et qu'on n'a point revue, 



- 233 — 

déposant furtivement, pendant la nuit, à la porte d'une 
des maisons du bourg de Soudav, le fruit de l'amour 
coupable*de quelques hauts personnages; elle mettait 
du sel près de la tète de cet enfant « en signe qu'il n'é- 
toit pas baptisé (1). » 

Les vagissements de la pauvre créature, appelant 
vainement sa mère dénaturée., sont entendus par un 
passant matinal ; les exclamations poussées par lui 
ameutent bientôt toutes les commères du quartier. 
Quelle scène ! Quels bavardages ! Que de paroles 
inutiles! Et cette discussion sur l'âge probable de la 
petite fille! Les matrones arrivent à décider gravement 
qu'elle peut avoir un jour à peu près (pas beaucoup 
moins, je suppose !) On finit par la porter au presby- 
tère ; le curé la baptise sous condition, dans le doute 
qu'elle l'ait déjà été (2), et la remet à une pauvre femme, 
bonne nourrice, en lui disant qu'il se charge de l'en- 
tretien de cette enfant. Il lui fait entrevoir que plus tard 
quelque grande dame viendra réclamer sa fille, et saura 
récompenser celle qui aura bien voulu lui servir de 
mère. 

Je voyais déjà ma petite Jeanne grandir dans cette 
pauvre chaumière, étonner les enfants du bourg pat- 
son intelligence précoce et ses manières distinguées, 
puis la grande dame arrivant en carrosse au presby- 
tère, et demander une audience à M. le curé Lors- 
que, en continuant à feuilleter le registre, mon cœur se 
serre ; au cahier de 1710 je vois en marge : Sépul- 
ture de Jeanne inconnue. C'est elle, bien sûr! Voici 
l'acte (le deuxième acte!) : 

(1) Dict. de Littré au motsel. Hist. xv e siècle. «Les expe-sans 
mirent l'enfant sur un estai au devant de la Maison-Dieu d'A- 
miens.... et assez près du dit enfant misdrent du sel, en signe 
qu'il n'estoitpas baptisié. » Du Cange, sal. 

(2) Ce doute est surprenant. Le sel déposé près de la tête de 
cet enfant signifiait qu'il n'était pas baptisé (teste Du Cange). 
Comment le curé de Souday en savait-il moins sur cet usage 
ancien que les parents de l'enfant ? 



— 234 — 

« L'an de grâce 17 16,, le 27 e jour de janvier est dé- 
cédée une petite tille aagée de 21 mois quelques jours, 
dont on n'a point connu les père et mère, ayant été bap- 
tisée dans cette église sous condition, et nommée 
Jeanne par ses parrain et marraine le 18 e jour d'avril 
1714, après avoir été trouvée exposée de grand matin 
à la porte d'une maison de ce jour lemesme jour; et 
son corps a été inhumé dans le cimetière par nous curé 
soussigné, le 28 e dud. mois en présence de François 
Gaultier et de Gervais Legrand, qui ont signé. » 

Fontaine, curé. 

C'est bien elle., n'est-ce pas? Eh bien, franchement, 
cela m'a fait de la peine ; je commençais à m'y atta- 
cher. 

Mais,, au fait, pourquoi est-elle morte en janvier 
1716? Je cours à mes notes météorologiques, où l'on 
trouve la raison de tout. Ce janvier 1716 a étp d'un froid 
terrible ; le 22, à Paris, le thermomètre est descendu 
aussi bas qu'en 1709 ! 25° de froid au moins, et le dégel 
n'est survenu que le 30. Ma pauvre petite Jeanne, mal 
soignée, mal nourrie, mal vêtue, mal couchée, mal lo- 
gée, est morte de froid. Sa nourrice n'est pas coupa- 
ble, elle a fait comme pour elle; mais honte et malé- 
diction à sa mère, qui l'a ainsi lâchement abandonnée ! 



UN SAUVEUR 

Par M. Ch. BOUCHET 



A la mer ! Un enfant à la mer ! Ah, Seigneur ! 
Il disparaît, se noie... Où donc le sauveteur ? 
Courez chez lui, courez ! Vous, relevez la mère 
Tombée évanouie, et vous, une prière 
A Notre-Dame ! Grâce au moins pour le petit ; 
C'est assez que le père en cet endroit maudil 
Ait péri l'an dernier. Sauveteur, venez vite, 
Encore un à sauver ! Le danger vous invite. 
Or, il sortait de table, — un critique moment, 
Où l'estomac chargé, d'un nouvel aliment, 
A tout vaillant exploit monlre un esprit rebelle, 
Et redoute le bain, chose pour lui mortelle. 

— « Pas un instant à perdre, il est sous l'eau. — J'irai, 
Dit-il avec sang-froid, oui, mais j'y resterai. » 

Il court, s'élance, plonge, au monstre qui l'emporte, 

11 arrache sa proie enfin, à demi morte, 

Tout le rivage pousse un long cri, bat des mains. 

— Cette fois vous voilà vaincus, flots inhumains ! 
Mais écoutez les flots : «Oh! murmurait l'abîme, 
Il nous faut, il nous faut, il faut une victime ! 

Si tu nous prends l'enfant, nous te reprendrons, toi ! 
La rançon delà vie est la mort, c'est la loi. » 
Bientôt il sent le froid se glisser dans ses veines ; 
Si ses forces pourtant allaient devenir vaines, 
S'il allait, sans atteindre à son sublime but, 
Succomber au milieu de l'œuvre desalut ! 
Son cerveau s'est troublé, le sang lui bat la tempe, 
A son jarret nerveux il sent mordre la crampe, 
xxiv 17 



— 236 — 

Son oreille qui tinte entend mugir ces mots : 
Non, tu ne l'auras pas! que lui jettent les flots. 
Il lutte cependant, il lutte avec courage, 
D'une vague après l'autre il surmonte la rage, 
Et dans ce grand duel contre l'abîme amer, 
Contre l'infini, l'homme est plus grand que la mer ; 
Il traîne cet enfant, sans triomphe, à la rive. 
On salue, on s'écrie : Il aborde, il arrive ! 
Oui, le voilà l'enfant, étendu sur le bord, 
Pâle, évanoui, beau comme un séraphin mort. 
Et la mère?.... Elle tombe à genoux, comme folle, 
Contemplant le sauveur sans dire une parole. 
Le cœur lui débordait de sentiments confus. 
Mais deux heures après le sauveur n'était plus ! 



18 mars 1881. 



Le fait, au fond, est historique. Il s'est passé à Bordeaux en 
1883, croyons-nous. Nous regrettons de n'avoir pas retenu le 
nom de ce héros. La ville, s'il nous en souvient, lui a fait des 
funérailles publiques el lui a érigé un tombeau. 



CHRONIQUE 



s 



Le Président de la Société Archéologique du Vendomois a reçu la circulaire sui- 
vante : 

Monsieur le Président, 

Par arrêté en date du 29 novembre 1834, il a été institué, au- 
près du Minstère de l'instruction publique et des beaux-arts, une 
commission ornithologique, cliargée de centraliser les docu- 
ments relatifs aux mœurs, au régime, à la nidification des oi- 
seaux delà France. Cette commission a rédigé un questionnaire 
dont j'ai l'honneur de vous transmettre plusieurs exemplaires, 
en vous priant de vouloir bien les distribuer aux membres de 
votre Société qui s'occupent d'ornithologie, et aux chasseurs, 
qui sont particulièrement à môme d'observer les passages d'oi- 
seaux à travers votre contrée. 

J'attache une importance particulière à ces renseignements, 
qui sont absolument nécessaires pour combler certaines lacu- 
nes existant dans l'histoire des oiseaux de notre pays, et pour 
établir le tracé des routes suivies par les espèces migratrices à 
travers la France. 

Je vous serais très obligé si vous vouliez bien réunir les feuil- 
les remplies suivant les indications du questionnaire, et me les 
retourner au plus tard dans le courant du mois de janvier de 
l'année prochaine. 

Recevez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
tion la plus distinguée. 

Pour le Ministre et par autorisation, 

Le Directeur du Secrétariat, 
Charuel. 

Les exemplaires du questionnaire en question ont été remis au bibliothécaire de 
la Société, M. Nouel, qui les tient à la disposition des personnes qui s'intéressent à cette 
étude. — E. N. 



Le Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme. Typ. Lemercier. 




BULLETIN 




DE LA 



A A 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE 



DU 



VENDOMOIS 



)X 



TOME XXIV 
4 e TRIMESTRE 1885 



SOMMAIRE : 

Liste des membres présents Page 

Liste des membres admis depuis la séance du 
16 juillet 1885 

Description sommaire des objets offerts ou ac- 
quis depuis la séance du 16 juillet 1885. . 

Renouvellement du Bureau pour 188G .... 

Quelques mots sur M. Gèdèon de Trèmault, par 
M. le M' 8 de Rochamljcau 

Le Grand-Breuil, commune de Saint-Gourgon, 
pai\M. Malardier 

Copie du Journal d'un vicaire de Soudât/, de 
1580 à 1631, avec notes, par MM. A. de 
Trèmault & Noue! 

Analyse de l'eau des Fontaines, /très Vendôme, 
par M. Victor Dessaignes 

Chronique . ... 



VENDOME 
Typographie Lemercier & Fils 

1885 



239 

240 

240 
250 

251 

253 

269 



325 
332 




SOCIÉTÉ 



ARCHÉOLOGIQUE 



SCIENTIFIQUE & LITTÉRAIRE 



DU VENDOMOIS 



24 e ANNÉE — 4° TRIMESTRE 



OCTOBRE 1885 



La Société Archéologique, Scientifique et Littéraire du Ven- 
domois, s'est réunie en assemblée générale le jeudi 15 octobre 
1885, à deux heures. 

Étaient présents : 

MM. de Rochambcau, président; Soudée, secrétaire ; A. de 
Trémault, trésorier; Noucl, bibliothécaire-archiviste; L. Mar- 
tellière, conservateur , Charpentier & Mascarel, membres du 
Bureau ; 

Et MM. de Bodard ; l'abbé C. Bourgogne ; L. Buffereau ; 

Dividis ; Duvau ; de la Forge ; Henry ; [snard ; P. Lcmer- 

cier ; l'abbé Lecomtc ; Lemoinc; L'abbé Lizot; L'abbé Métais ; 

de Nadaillac ; Noury - Domette ; Rabouin ; l'abbé Rcnou ; 

xxiv 18 



— 240 — 

Emilien Renou ; de Saint-Venant ; de la Serre ; Thillier ; 
de la Vallière. 

Un nouveau membre a été admis par le Bureau : M. l'abbé 
Thévot, ancien curé de Saint-Cyr-du-Gault, demeurant à Ven- 
dôme. 

M. le Président donne la parole à M. le Conservateur. 



DESCRIPTION SOMMAIRE 

DES 

OBJETS OFFERTS OU ACQUIS 

depuis la séance du 16 juillet 1885. 



I. — ART & ANTIQUITÉ 

Nous AVONS reçu : 

De M. le M ls de Nadaillac : 

Plusieurs petits OBJETS EN BRONZE d'un grand inté- 
rêt, provenant des dolmens do la Lozère, fouillés par M. le D r 
Prunières (1). On y remarque notamment deux anneaux formés 
d'une mince bande de métal non soudée, et dont les extrémités 
se recouvrent simplement. Des bagues tout à fait analogues ont 
été découvertes il y a quelque temps en Amérique, par M. le pro- 
fesseur Putman,et reproduitespar M. le M 1S de Nadaillac, dans 
un excellent article intitulé Les Découvertes récentes en Amé- 
rique, et inséré dans les Matériaux pour servir ù l'Histoire de 
l'Homme, année 1884, p. 440. Dans L'Amérique préhistorique, du 
même auteur, p. 174, nous trouvons aussi décrite une perle de 
collier semblable à celle qui se trouve dans l'envoi, ainsi qu'un 
ornement formé d'un fil de bronze roulé en spirale. l\ est très 



(I) M. le D r Prunières, de Marvejols, est bien connu dans la science par ses be. les 
découvertes, notamment celle des premiers crânes préhistoriques où l'on put recon- 
naître lu trépanation. 



— 241 — 

curieux et digne d'attention de voir l'art à sou enfance se mani- 
fester d'une façon identique dans des pays absolument étran- 
gers les ifns aux autres, et à des époques très différentes. 

Du même, de la part de M. Riout de Laudière, à Chau- 
vigny : 

Une Jolie HACHE en pierre polie, à tranchant oblique et à bi- 
seau, d'une conservation parfaite. Longueur 0'",0ï)7 ; plus grande 
largeur: 0«»,048. Nous ne saurions dire exactement la nature 
de la roche dont elle est formée, peut-être l'aphaniteou ladiorite? 
Elle a été trouvée dans la commune de Chauvigny, près du 
ruisseau du Gratteloup, à deux mètres environ de profondeur. 

De M. Lebas, menuisier à Vendôme, par l'intermédiaire de 
M. Nouel : 

Un PIED en terre cuite, provenant d'un Christ brisé lors de 
la Révolution. Le donateur n'a pu préciser ni où ni quand son 
père avait ramassé ce fragment. Il provient, en tout cas, non 
d'un Christ en croix, mais d'une Mise au tombeau ou d'une 
Pieta, car on voit des gouttes de sang sortant de la plaie faite 
par le clou. 

De M. P. Martellière, à Pithiviers : 

Un grand PLAT A BARBE circulaire en faïence de Nevers. 
Décor bleu foncé relevé de manganèse ; au fond, paysage avec 
figure; sur le marly, fleurs et oiseaux. Diamètre: m ,42. Pièce 
soignée, d'une belle conservation, qui supporte le voisinage des 
faïences du legs P. Bouchot. 

Une FONTAINE- APPLIQUE avec son bassin, en faïence 
de Nevers ; le décor bleu rappelle de loin le décor rouennais dit 
à lambrequin. 

Une paire de petits PISTOLETS, dont la seule particularité 
remarquable est d'avoir le canon en bronze ; ce ne fut sans doute 
jamais une arme bien sérieuse. 

De M. Al. Duval, agent voyer à Blois : 

Plusieurs parcelles de la CARTE EN RELIEF de l'arrondis- 
sement de Vendôme, faisant voir les phases successives de ce 
genre de travail. 



— 242 — 

De M. Jules Ferrant, à Vitry-sur-Seine : 

Un CADRAN SOLAIRE circulaire, gravé sur ardoise, de 
ra ,45 de diamètre. Malgré son médiocre état de conservation, 
c'est pour nous un monument presque historique ; il porte en 
effet, avec la date de 1554, les noms, titres et armoiries de Mar- 
tin du Bellay, qui mourut au château de Glatigny, près Sou- 
day, en 1559. Il a été recueilli par le donateur dans la succes- 
sion de M. Paulin Ferrant, de Mondoubleau, qui l'avait sauvé de 
la destruction. 

Au centre, dans un cartouche Renaissance surmonté d'une 
couronne et entouré du collier de Saint-Michel, est un écusson 
parti aux armes de Martin du Bellay et de sa femme, Isabelle 
Chenu, du chef de laquelle il était prince d'Yvetot. La famille du 
Bellay portait d'argent à la bande fuselée de geule, accompa- 
gnée de six fleurs de lis d'azur, trois en chef et trois en pointe. 
Ces armes se trouvent bien au l" r quartier de l'écu, mais, au 3°, 
on voit un lion entouré de fleurs de lis, dont nous laissons l'ex- 
plication à de plus versés que. nous dans les mystères de la 
science héraldique. 

Autour sont tracées les diverses heures du jour, dans des com- 
partiments reliés entre eux par d'élégants entrelacs ; au-des- 
sous, une inscription curviligne en lettres capitales, dont voici la 
reproduction : 

MAR T IN DV BELLAY SEIGNEVR DE LANGEY . PRINCE 
DYVETOT . GENTiLHOME ORDiNA'RE DE La CHIABRE 
DV ROY . CH'VAL'ER DE SON ORDRE. CAPPVTEIN 
DE CINqVANTE HOMES DARMES D SES ORDONACE 

ET SO LiEVTENEN GEN DE NORMANDIE ET 

DAME YSABEAU CHENU ESPoVSE . FAIC 

LAN M. D LIV 

Par acquisition : 
Une belle épreuve sur chine d'une grande lithographie repré- 



— 243 - 

.sentant la façade de l'église de la Trinité de Vendôme. Exécutée 
par M. G. Launay à l'époque où le portail central existait en- 
core tel .qu'on l'a rétabli aujourd'hui, cette planche est une des 
meilleures œuvres de l'habile dessinateur. 



II. — NUMISMATIQUE 

Nous AVONS REÇU : 

De M. G. Launay, à Vendôme : 

Un jeton de M. L. Reneaume, de Blois, doyen de la Faculté de 
médecine de Paris, de 1734-1736, et une pièce de cuivre de 
Tunis. 

De M. Colas, professeur à Paris: 
Un jeton de Nuremberg à l'effigie de Louis XIV et un double 
tournois de Frédéric-Henri, prince d'Orange, 171!». 

III. — BIBLIOGRAPHIE 

1. — Dons des Auteurs ou autres : 

Nous avons reçu: 

De M. G. Launay, une brochure intitulée Etude sur les lieux 
fortifiés du Vcndomois. Ce travail a été présenté par son 
auteur à la section d'archéologie du Congrès tenu à Blois par 
l'Association française pour l'avancement des sciences, en 1881. 

On y trouve une description sommaire et d'une grande pré- 
cision de tous nos vieux châteaux-forts, Frctcval, Lavardin, 
Vendôme, Montoire, Mondoubleau, Coulommiers, ainsi que des 
villes fortifiées. Ces descriptions sont accompagnées de dessins 
excellents dus à la main si exercée de M. Launay, et extraits de 
son riche dossier sur le Vendômois, dossier qu'il a mis cin- 
quante années à composer. 

De M. le M' 5 de Rochambeau : Coup d'oeil à ool d'oiseau sur le 
Vendômois archéologique, travail présenté par l'auteur au Con- 
grès de Blois de septembre 1884. 

M. de Rochambeau a su résumer en quelques pages l'histoire 
archéologique des monuments de notre contrée. Ce qui rehausse 



— 244 — 

singulièrement ce travail est la publication d'une très belle carte 
composée par l'auteur, où se trouve indiquée la place de tous les 
monuments importants de V époque de la pierre, de l'époque ro- 
maine et de Y époque française. Les anciennes voies romaines y 
sont figurées. Cette carte est imprimée en couleur, et les diver- 
ses teintes font ressortir d'une manière saisissante les forêts, 
les cours d'eau, les voies romaines et les monuments des trois 
grandes époques ci-dessus désignées. 

De M. Herluison, libraire à Orléans, par l'intermédiaire de 
M. L. Martellière: L'Uninersitè et la Typographie d'Orléans. 
Broch. gr. in-8 de 96 pages, avec nombreuses planches. Orléans, 
1885. En 1884, la Société Archéologique de l'Orléanais avait or- 
ganisé, dans la salle des Thèses (ancienne librairie de l'Univer- 
sité), une exposition rétrospective des documents concernant 
l'Université d'Orléans et les produits de l'imprimerie orléanaise 
avant 1789. Cette exposition fut extrêmement remarquable, et la 
Société Archéologique en a consacré le succès dans une bro- 
chure magnifiquement éditée. C'est plus que la simple nomencla- 
ture des objets exposés ; c'en est l'analyse, la description et sou- 
vent l'histoire. De nombreuses planches, reproduisant en fac-si- 
milé les pièces, dessins, sceaux, titres de livres, embellissent 
encore cette publication. M. Herluison nous offre, en outre, une 
description succincte de la même exposition, rédigée par M. Ed- 
mond Michel ; petite brochure in-12 de 16 pages. 

De M. L. Martellière: Mémoires historiques sur la ville de Ven- 
dôme et le pays vendomois, manuscrit de Duchemin de la Ghes- 
naie. 

M. Martellière a retrouvé le premier brouillon de ce travail, 
écrit en 1806 environ, et l'offre à la Société. — Une deuxième 
rédaction définitive et plus étendue appartient à la bibliothèque 
de la ville de Vendôme ; elle contient l'histoire du pays jusqu'à 
1818 environ. — Cette première rédaction présente un véritable 
intérêt, à cause des variantes qu'on y rencontre, par rapport à la 
deuxième rédaction. 

L'importance des temps néolithiques affirmés par les travaux 
pratiqués dan* quelques stations de la Champagne aroisinant le 
Petit-Morin, par le baron Joseph de Baye. Broch. in-8. Extrait 
de \a Revue de In Champagne et de Brie. 1885. 



- 245 — 

Conseil général de Loir-et-Cher. Session d'avril 1885. 

IL- P*ar envoi du Ministère de l'Instruction publique : 

Journal des Savants. N" de juillet, août et septembre 1885. 

Romania, N° d'avril 1884. 

Bulletin du Comité des Travaux historiques et scientifiques. 
Section d'Histoire et de Philologie. Année 1885, N° 1. 

Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, lier ne des 
Travaux scientifiques. Tome v, N° 3 à 6. 

III.— Par envoi des Sociétés savantes ou des Revues. 

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles 
de l' Yonne, 39° volume, année 1885. — La Géologie au Congrès 
scientifique de Blois en 1884 ; L'Homme tertiaire de Thenag, 
par M. G. Cottcau. La seconde partie de ce mémoire nous in- 
téresse tout spécialement, et c'était aussi la question de géolo- 
gie la plus importante qu'eût à résoudre le congrès de Blois. 
M. Cottcau nous expose les faits de la façon la plus claire et la 
plus impartiale. Il s'agissait d'abord de déterminer l'âge du gi- 
sement : tous les géologues ont été unanimes à reconnaître que 
la couche à silex est bien miocène inférieur ou même éocône 
supérieur. Quant à la nature des silex qu'on considérait comme 
taillés et craquelés, M. Cotteau pense, avec la plupart des mem- 
bres du Congrès, que, pour admettre l'existence de l'homme à 
ces temps reculés, il faudrait des preuves autrement convain- 
cantes que les petits silex craquelés et vaguement travaillés de 
Thenay. 

L'excursion faite dans le Vendômois par les membres du 
Congrès a laissé à M. Cotteau d'agréables souvenirs, et il con- 
serve la meilleure impression de Montoire, Lavardin, Troo, etc. 
Il formule, au sujet du Musée de Vendôme, une critique que 
nous voulons reproduire: « On'se rend ensuite au Musée d'his- 
toire naturelle et d'archéologie, installe, avec la bibliothèque, 
dans un bâtiment élégant et bien disposé. Il contient des Objets 
qui ne manquent pas d'intérêt. Nous exprimons un regrol : c'esl 
qu'au point de vue de l'archéologie et de l'histoire naturelle il nç 
soit pas essentiellement local, ou (pie du moins les objets de l.i 



— 246 — 

région ne soient pas séparés des autres. La géologie (Vous 
êtes orfèvre, M. Josse ! ) n'y est point représentée, et c'est une 
véritable lacune dans un pays où le terrain crétacé est si déve- 
loppé, et souvent si riche en fossiles. » Tout en reconnaissant la 
parfaite justesse de ces observations, nous ferons remarquer 
que le manque de place est la seule cause de ce désordre ap- 
parent, et que de nombreux et intéressants fossiles n'attendent 
qu'nn emplacement pour sortir des caisses où ils sont enfouis. 

Bulletin de la Société Archéologique de Touraine.. Tome vi, 
3" et 4 e semestres de 1884. — M. Ch. de Grandmaison, archiviste 
d'Indre-et-Loire, a recueilli et publié plusieurs chartes en langue 
vulgaire, provenant des archives confiées à ses soins: Elles 
vont de 1260 à 1292. Nous en remarquons une, la troisième, qui 
intéresse notre pays. Elle est relative à la vente aux abbayes 
de Gastines et de l'Etoile, par Geoffroy de Mondoubleau et De- 
nise sa femme, de diverses rentes de blé (avril 1269). 

Bulletin de la Société Dunoise. N° 65, juillet, 1885. — Les 
Galeries souterraines des Carnutes dans la Gaule centrale. M. H. 
de la Vallière étudie sous ce titre des galeries de refuge fré- 
quentes dans la Beauce. Il a pu visiter un assez grand nombre 
de ces retraites dans les départements de Loir-et-Cher et du Loi- 
ret, toutes d'une certaine étendue et variées dans leurs disposi- 
tions défensives. Au lieu de les décrire successivement, il donne 
une sorte de résumé de ce curieux système de défense contre 
les invasions étrangères, et en retrace dans une figure théo- 
rique les éléments les plus caractéristiques. 

Bulletin de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. N° 170, 
juin 1885.. Lettres de saint Ives.— N e 171, août 1885, Procès-ver- 
baux. 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences, et Arts de la 
Sarthe. 1 er fascicule de 1885. 

Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest. 1 er trimestre 
de 1885. 

Mémoires de la Société Eduennc. Tome xm. Autun, 1884. — 
Les fouilles du Mont-Beuvray, où l'on croit retrouver l'emplace- 
ment de l'ancienne Bibracte, se continuent avec succès. M. J.- 
G. Bulliot nous donne le résultat des travaux exécutés en 1883 au 



— 247 — 

lieu dit le Parc-aux-Checaux. On y a découvert les traces de 
constructions d'importance et de natures variées. De nombreu- 
ses sépultures s'y sont aussi rencontrées, dans des conditions 
fort diverses et toujours intéressantes. 

Annales de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Al- 
pes-Maritimes. Tome ix. Nice, 1884. — Quoique appliquées 
spécialement au midi de la France, les Etudes d'entomologie ap- 
pliquées à l'agriculture, par M. A. Peragallo, nous ont paru d'un 
grand intérêt. Les articles concernant la vigne et le chêne sont 
utiles à étudier, même au point de vue de nos climats. Pour la 
vigne surtout, l'auteur a composé une véritable monographie de 
cet utile arbuste, l'une des richesses de la France, bien plus 
complète que son titre ne le ferait supposer. Parmi les nom- 
breux insectes ennemis de la vigne, le phylloxéra tient natu- 
rellement la première place. Le redoutable hémiptère est étudié 
avec beaucoup de soin et de détail, ainsi que les remèdes propo- 
sés pour détruire le terrible animalcule, qui, malgré sa petitesse, 
a trop justement reçu le nom de oastatrix. 

Bulletin de la Société des Etudes du Lot. Tome x, 2" fasci- 
cule, 1885. 

Mémoires de l'Académie de Ni mes. Année 1883. 

Bulletin de la Société des Archives historiques de la Sain- 
tonge et de l'Aunis. V volume, 5 e et G" livraisons, juillet et oc- 
tobre 1885. 

Bulletin d'Histoire ecclésiastique des diocèses de Valence, Di- 
gne, Gap, Grenoble et Vioiers. Livraisons d'avril a août 1885. 

Mémoires de la Société Académique de Maine-et-Loire. Tome 
xxxvm. Sciences. Angers, 1883. — On lit au verso de la der- 
nière page du volume: Le tome xxxvm est le dernier volume 
de la Collection des Mémoires de la Société Académique de 
Maine-et-Loire. 

Société de Secours des Amis des Sciences. — Compte rendu 
du 25 e exercice. Séance publique annuelle tenue le 23 mai 1885, 
à Paris. — Ce compte rendu renferme une conférence sur Ut 
précision du temps, par M. Mascart, membre de l'Institut. 

Annales du Musée Guinwt. Tome vm,. — Le Yi : Kingou Li- 



— 248 — 

vrcdcs changements de la dynastie des Tsheou, traduit pour la 
première fois du chinois en français par P. L. F. Philastre. 
Impartie, 1885. 

Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan. Année 
1884. Vannes, 1885. — M. le Directeur de Closmadeuc a fait en- 
treprendre sous la fameuse allée couverte de Gravinies, dont il 
est propriétaire, des fouilles conduites avec autant de prudence 
que d'habileté. Ces travaux, sans faire découvrir de cavités in- 
explorées, ont amené la découverte de nouvelles gravures qui 
continuent, sous le dallage, celles qui sont apparentes dans la 
galerie même. 

IV. — Abonnements et Acquisitions : 

Reçue Archéologique. 3 e série. Tome v, juillet-août 1885. — 
M. Dieulafoy, ingénieur en chef des ponts et chaussées, et di- 
recteur de la mission chargée de fouiller l'emplacement de Suse, 
ancienne résidence d'été des rois de Perse, pubjie son rapport 
sur la campagne 1884-1885. Les résultats obtenus du 5 mars au 
12 mai ont été considérables, mais acquis au prix d'efforts et de 
dangers continuels. Des fragments de la plus haute antiquité et 
du plus grand intérêt, antérieurs probablement à l'avènement 
des Achéménides, ont été recueillis malgré la malveillance des 
populations. Plusieurs sont reproduits dans de belles planches 
qui accompagnent le rapport de M. Dieulafoy. Celui-ci, habile- 
ment secondépar M mc Dieulafoy, a pu faire parvenir à Bassorah 
56 caisses, qui amèneront au Louvre les curieux spécimens d'un 
art à peu près inconnu. 

Bulletin Monumental. vi c série, tome I", juillet-août 1885. 

Matériaux pour l'Histoire primitive et naturelle de l'Homme. 
32" série, tome il, N° s de juillet, août et septembre 1885. - Le 
problème de l'homme tertiaire est toujours à l'ordre du jour. 
A propos de la réponse de M. de Mortillet à l'article consacré 
aux silex tertiaires par M. Arcelin, ce dernier adresse à son 
contradicteur, dans le N° de juillet, une lettre aussi serrée dans 
le fond que modérée dans la forme, — En voici la conclusion : 
« Entre deux opinions, j'incline vers la plus simple, vers celle 
qui n'exige aucun effort transcendant, d'imagination, et suit les 
faits terre à terre, comme il convient à un humble géologue. Si 



— 249 - 

des découvertes futures me donnent tort, on ne pourra m'accu- 
ser d'avoir manque de prudence et de méthode. Ce sera ma con- 
solation. Qumit à vous, cher confrère, vous aurez le mérite 
d'une des plus brillantes inductions dont puissent s'honorer les 
sciences d'observation., et vous oublierez bien volontiers, ce 
jour-là, mes petites chicanes. » 

Dans la livraison du mois d'août est inséré un article de M. de 
Quatrefages, intitulé L'Homme tertiaire et sa survivance. Le 
savant académicien combat l'argument invoqué par les adver- 
saires de l'homme tertiaire, et fondé sur ce que les espèces 
mammalogiques appartenant vraiment à cette époque se sont 
renouvelées plusieurs fois, etqu'aucune ne lui a survécu. Il ad- 
met le raisonnement, en tant qu'il s'agit du corps et de ses fonc- 
tions; mais, de plus, l'homme possède une intelligence qui lui 
permet de soutenir la lutte pour l'existence, malgré des diffi- 
cultés qui ont fait disparaître des animaux sans raison. Cette 
faculté d'adaptation, si remarquable chez l'homme quaternaire, 
ne saurait être logiquement refusée à l'homme tertiaire. 

Au congrès de Grenoble, en août 1885 (V. N" de septembre), 
la section d'anthropologie continue l'examen de la question; 
une commission est chargée do poursuivre les études à Thenav, 
et de centraliser tous les documents relatifs à la question. 



E. N. &L. M. 



— 250 



Renouvellement du Bureau pour 1886 



Le Président rappelle à la Société qu'il y a lieu de procéder a 
l'élection de quatre membres du Bureau, 

25 membres prennent part au vote. 

Le dépouillement du scrutin donne le résultat suivant : 

MM. G. Launay (24 voix); 

Isnard (24 voix); , 

Soudée, secrétaire, (23 voix) ; 
Rabouin (24 voix). 

Ces Messieurs sont élus membres du Bureau pour trois ans, ù 
partir du 1 er janvier 1886. 



251 - 



M. le M is de Rochambeau s'exprime dn ces termes : 

Messieurs, 

Il y a huit jours, votre Bureau était réuni, presque au com- 
plet, autour d'un cercueil. Nous accompagnions à sa demeure 
dernière un de nos collègues les plus vénérables et les plus 
aimés, un des fondateurs de la Société et son trésorier depuis 
quinze ans, M. Gédéon de Trémault. 

François-César-Gédéon de Trémault de Bellatour était né à 
Vendôme le 14 février 179G. Son père était capitaine comman- 
dant au régiment de Bourbon-Infanterie et chevalier de Saint- 
Louis. 

La famille de Trémault, originaire d'Italie, est française de- 
puis plus de cinq cents ans, et vendomoise depuis le milieu du 
XVI e siècle. Les de Trémault, une fois fixés à Vendôme, ne 
quittèrent plus notre ville; ils y remplissent depuis trois siè- 
cles les principaux offices de magistrature municipale et judi- 
ciaire. 

Gédéon de Trémault fut admis, à l'âge de 19 ans, dans la 
compagnie des Gardes de la porte du Roi. Cette compagnie 
ayant été licenciée l'année suivante, il devint officier dans la 
légion de Loir-et-Cher, transformée depuis en 57 e de ligne. 
Sa santé s'étant tout d'un coup altérée, il se fit mettre en 
disponibilité, et revint à Vendôme. 

Il ne tardait pas à se marier, et s'alliait à une famille des plus 
notables du pays, la famille dTlliers des Radrets. Sa femme 
était l'arrière-petite-fille du grand Racine. 

Rendu à la vie privée, Gédéon de Trémault fut nommé maire 
de Sargé, puis plus tard maire d'Espéreuse ; il le fut pendant 
plus de 40 ans. Il y était très aimé, et son esprit de méthode, 
d'exactitude, son urbanité et sa grande bonté font regarder la 
période de son administration comme une période de l'âge 
d'or dans cette commune. 

Un jour, c'était en 1830, il reçoit sa destitution, avec l'invi- 
tation de conserver ses fonctions jusqu'à ce que le préfet lui 
ait trouvé un remplaçant ; il met le pli préfectoral dans sa po- 
che, et continue à administrer sa commune provisoirement : 
ce provisoire dura 35 ans. 



— 252 - 

Il n'y eut qu'un moyen de supprimer le maire, ce fut de sup- 
primer la commune ; nous devons ajouter pourtant que ça 
n'est pas à cause de lui qu'on prit cette grave mesure ; on avait 
fini par le considérer comme la personnification de la com- 
mune elle-même, sans lui demander compte de ses convictions 
politiques. Ce fut pour lui un gros chagrin, le jour où les deux 
communes d'Espéreuse et du Rouillis furent réunies en une 
seule, sous le nom de Rahart. D'un coup de plume, les vieilles 
traditions et leur représentant fidèle disparaissaient ; sans 
égard pour ses bons et loyaux services, on le mettait de côté, 
comme un meuble désormais inutile. Attristé par ce contre- 
temps, par des chagrins de famille, il vint habiter Vendôme, 
qu'il avait toujours aimé, comme on aime son berceau et celui 
de sa famille. 

D'un caractère doux, aimant, charitable, serviable et com- 
plaisant au delà de toute expression, il s'adonna aux recher- 
ches les plus patientes et les plus utiles sur l'histoire de notre 
province, et en particulier sur la noblesse vendomoise. 

Il ne fut pas seulement, parmi nous, le trésorier exact et 
scrupuleux, il fut un travailleur modeste et infatigable au ser- 
vice de tous, et se prodiguant avec une générosité à laquelle 
nous nous plaisons à rendre hommage. Nous aimions à le voir 
arriver à nos séances, ses registres sous le bras et ayant toujours 
dans sa poche quelque trouvaille, quelque renseignement pré- 
cieux. Ses 90 ans ne lui pesaient pas, et, à voir sa taille droite, 
son esprit lucide et son incomparable mémoire, on aurait dit à 
peine un sexagénaire. 

Il y a quelques mois, il dut se résigner à tenir compte du 
premier avertissement de la maladie ; ce ne lui fut pas diffi- 
cile, il était prêt : et il est mort, comme il avait vécu, en don- 
nant l'exemple des vertus qui caractérisent un homme juste 
et un bon chrétien. 



LE GRAND- BREUIL 

COMMUNE DE SAINT - GOURGON 
SES MUTATIONS, SES SEIGNEURS 

Par M. Malardier, 

^Ancien Juge de Paix à Montoire. 



Parcourant, il y a quelque temps, de vieux parche- 
mins qui nous avaient été communiqués, nous y avons 
trouvé plusieurs renseignements sur la seigneurie du 
Grand-Breuil, et avant la disparition de ces titres vé- 
nérables, nous avons cru, dans l'intérêt de l'histoire 
locale, bien qu'il ne s'agisse que d'un tout petit coin, 
devoir les consigner dans les notes qui vont suivre. 

Nous aurions voulu ajouter à ces notes, afin de les 
compléter et de leur donner de l'attrait, ce que les 
historiens du Vendomois auraient pu nous apprendre; 
mais le canton de Saint-Amand n'est pas riche en do- 
cuments historiques publiés; sous ce rapport, tout en 
étant dans la petite Beauce, on se trouve un peu en 
état de disette, et, faute de mieux, nous en sommes 
réduit à notre léger butin. 

A une petite distance du bourg de Saint-Gourgon, 
vers le nord, est située une ferme ou propriété ru- 
rale que l'on nomme le Grand-Breuil, et qui, autre- 
fois, était appelée le Breuil-Fontenay. 

La commune de Saint-Gourgon, sur le territoire de 
laquelle se trouve cette propriété, dépend du canton 
de Saint-Amand, arrondissement de Vendôme. 

Avant 1792, la paroisse de Saint-Gourgon apparte- 
nait à la Touraine; elle faisait partie du doyenné de ^ 



— 254 — 

Châteaurenault, et de l'archidiaconé d'Outre - Loire, 
diocèse de Tours. 

La seigneurie de la paroisse de Saint-Gourgon dé- 
pendait du chapitre de l'église de Saint-Gatien de 
Tours. 

Sous l'ancien régime, le Breuil-Fontenay était une 
seigneurie dont l'origine paraît remonter à des temps 
assez reculés. 

Elle a possédé une habitation seigneuriale, entourée 
de douves, avec pont-levis. Les bâtiments ont été dé- 
molis, et remplacés par des constructions récentes, dé- 
pourvues de tout intérêt architectural; les douves ont 
été comblées, et aujourd'hui le Breuil n'est plus qu'une 
simple ferme, qui ne se distingue en rien des mo- 
destes habitations rurales de ce genre, devant les- 
quelles l'archéologue passe indifférent. 

Non loin du Grand-Breuil, se trouvait la, seigneurie 
de Fontenay, dont le vaste territoire s'étendait sur les 
paroisses de Saint-Gourgon, de Villechauve et de 
Villeporcher. 

Jadis,, la seigneurie de Fontenay, que l'on voit aussi 
qualifiée du titre de châtellenie, ne consistait pas seu- 
lement en une étendue plus ou moins grande de ter- 
res, bois et vignes ; il en devait dépendre aussi une ha- 
bitation seigneuriale; mais cette habitation n'a pas été 
conservée, et nous n'avons rien à en dire. Il y a un 
peu moins de deux siècles, un notaire y résidait. — 
Elle avait droit de haute, moyenne et basse justice, 
voirie et pèche dans la rivière de Brenne. 

L'étymologie des noms de lieux, science où l'ima- 
gination a une large part, ne paraît pas devoir, quant 
aux noms du Breuil et de Fontenay, s'éloigner de la 
vraisemblance et môme de la réalité. 

D'après certains auteurs qui se sont occupés de la 
matière, et en vertu de règles dont le développement 
est en dehors de notre sujet, l'étymologie de ces deux 
noms est la suivante : 



— 255 - 

Pour le Breuil : 
Le mot Breuil, d'origine gauloise, exprime l'idée 
de petit bois ou buisson; sa désinence enil répond au 
diminutif latin olus. Petit bois se disait en gaulois 
Brel, Breil, Breuil, Broil, etc. 

Pour Fontenay : 

Ce mot devait désigner un lieu où il existait une ou 
plusieurs fontaines ou sources. Il répondait au latin 
fontanetum, lieu qui a des sources ou des fontaines. 

A la fin du XIV e siècle, — nos renseignements no 
nous permettent pas de remonter plus loin — la sei- 
gueurie du Breuil-Fontenay appartenait à la famille 
de Fontenay, et, vers l'année 1400, elle était possédée 
par Ambroise de Fontenay, seigneur de Saint-Gatien 
en Loudunois. Il avait épousé Marguerite du Puy. 

Quant à la seigneurie de Fontenay, elle appartenait 
au chapitre de l'église S'-Gatien de Tours. 

Mais, si les religieux de Saint-Gatien possédaient le 
fonds, la famille de Fontenay exerçait sur leur fief un 
droit féodal d'une certaine importance, qui restrei- 
gnait, dans une proportion sensible, les bénéfices que 
le seigneur de la terre retirait de sa propriété terri- 
toriale. 

Le droit féodal dont il s'agit était désigné sous le 
nom de mairie ou de mairerie de Fontenav. 

Il conférait à son possesseur les prérogatives et 
avantages suivants : 

A. — Le droit au sixième de tous les gros blés et 
au neuvième de tous les menus blés qui s'engran- 
geaient dans la grange des religieux, provenant du 
terroir do Fontenay, et récoltés dans les paroisses de 
Saint-Gourgon, Villechauvc et Villeporcher, avec les 
pailles, « pillons » et « agras » provenant de ces blés. 

B. — Le droit de lever la neuvième partie du vin et 
du marc de la vendange amenée au pressoir des reli- 



gieux. 



XXIV 



1!) 



— 256 — 

C. — Le tiers des amendes prononcées aux plaids 
et assises de la terre de Fontenay sur ses habitants et 
sujets. 

D. — Le produit de l'ajustage des mesures à blé, 
à vin et à huile, à la charge de conserver l'étalon ou 
type de ces mesures. 

E. — 40 sols tournois à prendre sur les cens de 
Fontenay. 

F. — Le profit et émolument des sceaux des con- 
trats de cette même terre, dont la garde lui apparte- 
nait. 

G. — Et enfin, le droit d'avoir le cimier du cerf, la 
hampe de la biche et la hure du sanglier, pris sur 
ses dépendances. 

D'un autre côté, la mairie de Fontenay et la sei- 
gneurie du Breuil étaient tenues à différents devoirs 
envers le chapitre de Saint-Gatien à cause du fief de 
Fontenay; entre autres, à foi et hommage simple, à 
une redevance annuelle de 10 livres tournois, onze 
setiers de froment, onze setiers d'avoine, etc. De plus, 
le seigneur de ces fiefs était tenu de faire battre les 
blés du chapitre, de payer les émoluments des juges, 
sergents, prévôts, et autres officiers tenant les plaids 
et assises de Fontenay, de payer le salaire ou pen- 
sion du juge, de garder les prisonniers, de garder les 
bois de la Terre de Fontenay, et de payer 40 sols 
de rente annuelle. 

Ambroise de Fontenay étant mort, sa fille Annette, 
ou Anne, recueillit dans sa succession la seigneurie 
du Breuil, ainsi que les domaines de la Chappe et du 
Liège, et le droit féodal de la mairie de Fontenay. 

Annette de Fontenay était mariée en 1438 à Pierre 
de BeauvaUj conseiller et chambellan du roi, qui fut 
blessé en 1453 à la bataille de Castillon et mourut 
trois jours après. Il était fils de Mathieu, seigneur de 
la Bessière, écuyer d'écurie do Louis II, roi de Sicile, 
et de Jeanne Bessonneau. 



— 257 — 

Après la mort de Pierre de Beauvau, Anne de Fon- 
tenay, sa veuve, resta chargée de l'acquittement des 
obligations auxquelles ses propriétés étaient engagées 
envers les chapelains de Saint-Gatien. Elles étaient 
lourdes, et donnaient lieu à plus d'une difficulté. La 
situation était d'autant plus compliquée, que, si les 
chapelains avaient des droits à exercer contre la dame 
de Beauvau, elle en avait aussi à faire valoir contre 
eux. 

Cet enchevêtrement de droits respectifs ne pou- 
vait être qu'une source de contestations perpétuelles et 
de procès dispendieux. 

Pour remédier à ces graves inconvénients, des pa- 
rents et amis s'interposèrent entre la dame de Beau- 
vau et les chapelains de Tours. Par les soins de ces 
intermédiaires officieux, des négociations furent enta- 
mées, et un accord intervint entre les parties intéres- 
sées en 1456. 

Par un acte daté 30 août 1456, signé Lefort, noble 
dame Annette de Fontenay, veuve de noble homme 
Pierre de Beauvau, seigneur do la Besselière, céda 
au chapitre de Saint-Gatien la mairie de Fontenay, 
avec tous les droits et prérogatives qui y étaient at- 
tachés. De leur côté, les chapelains affranchirent la 
seigneurie du Breuil-Fontenay, ainsi que les métairies 
de la Chappe et du Liège, de tous les droits, services, 
devoirs et redevances qu'ils avaient à y prétendre, 
sauf la foi et hommage simple que Madame de Beau- 
vau et ses successeurs seraient tenus de faire au cha- 
pitre, à cause de son fief de Fontenay, du chef de la 
seigneurie du Breuil; 12 deniers tournois de service 
annuel., et le droit de rachat chaque fois qu'il y au- 
rait lieu. Madame de Beauvau conservait son droit de 
basse justice et son droit de chasse et de garenne à 
toutes bêtes, noires et rouges, sur toute l'étendue de 
la seigneurie du Breuil, avec pouvoir d'y installer un 
sénéchal et un sergent pour exercer sa juridiction sui- 
vant la coutume du pays. De plus, il lui l'ut accordé, 



— 258 - 

pour les métayers de ses métairies, leurs usages dans 
les bois de Fontenay « à tout bois pour m ai sonner es 
dits lieux quand métier en seroit, et pour leur chauf- 
fage avec droit de pâturage et de pasnage à toutes 
manières de bêtes qu'ils auroient et en tous temps et 
saisons que ce soit. » 

Etaient présents, nobles personnes Jehan Gallebrun, 
Guillaume de la Barre, escuvers, messire Maurice 
Lelardeux, prêtre, Martin Martineau, honorable homme 
et sage maître Gervais Goyet et Pasques Labbé. Le 
chapitre était représenté par ses procureurs. 

Du mariage de Pierre de Beauvau avec Anne de 
Fontenay sont issus plusieurs enfants, dont Catherine, 
qui épousa par contrat du 27 août 1470 Guillaume de 
Prunelé, seigneur d'Herbault, Gazeran, etc., conseiller 
et chambellan de Charles, duc d'Orléans, fils de Guil- 
laume et de Bertrande d'Uliers. 

A cette époque, la seigneurie du Breuil passa de la 
famille de Fontenay à celle de Prunelé, sans doute 
par suite du mariage de Catherine de Beauvau, qui 
l'aura apportée en dot à son mari, après l'avoir re- 
cueillie dans la succession de sa mère. 

Sont nés de ce mariage François de Prunelé, qui 
suit, et Anne, mariée en 1495 avec Guillaume de Gail- 
lon. 

François de Prunelé, seigneur d'Herbault et du 
Breuil, épousa, par contrat du 15 janvier 1508, Antoi- 
nette Leroy, fille de René,, seigneur de Chavigny, cham- 
bellan de Louis XI, et de Madeleine Goufïier. 

Il laissa plusieurs enfants, qui recueillirent par in- 
divis la seigneurie du Breuil dans sa succession, sa- 
voir : 

l°René, seigneur d'Herbault, pannetierdu roi, époux 
de Anne de Dreux ; 

2° Jacques, aumônier du roi, archidiacre de Châ- 
teauroux, prieur de S fc -Georges, etc. Il renonça plus 
tard à ses bénéfices ecclésiastisques, épousa Made- 
leine Payen, et mourut sans postérité ; 



— 259 — 

3° François, seigneur de Glatigny, éeuyer tranchant 
du Dauphin ; 

4° Louise, abbesse de S'-Rémy des Landes ; 

5° Et Bonaventure, épouse de Nicolas de Chambrai. 

L'indivision prit fin entre les enfants de Prunelé par 
un partage qui intervint entre eux, devant Jacques Des- 
rues et Pierre Poutrayn, notaires au Châtelet de Pa- 
ris, le 24 juillet 1541. 

Par le résultat de ce partage, le Grand-Breuil échut 
à Jacques Prunelé, qui n'en resta pas longtemps pro- 
priétaire. Il en consentit la vente, devant Huguet, no- 
taire et tabellion juré aux bailliage et châtellenie de Blois, 
le 7 mai 1549, à Benoit Gaulterel, apothicaire et var- 
let de chambre du roi, et à « honneste femme » Ca- 
therine Bon Hier, son épouse, demeurant à Blois, sous 
le cautionnement de Pierre Daigues, autre apothicaire 
et varlet de chambre du roi. 

Dans ce contrat de vente, Madame Gaulterel re- 
présentait son mari comme étant sa mandataire, en 
vertu d'une procuration qu'il lui avait donnée dès le 
8 juin 1524. On peut en conclure que Gaulterel était 
empêché de s'occuper de l'administration de ses biens, 
étant sans doute retenu auprès du roi par les servi- 
ces intimes que ses fonctions l'appelaient à lui ren- 
dre. 

Cette vente fut consentie moyennant 5,450 livres 
tournois. 

Sur cette somme, celle de 3,033 livres 6 sols 8 de- 
niers fut payée comptant en espèces de monnaie ayant 
cours alors, et composées de : 

1,111 écus d'or sol ; 
100 doubles ducats de Castille ; 
74 nobles à la rose ; 
44 pistolets ; 
12 ducats ; 

17 oboles impérialistes ; 
8 philippus ; 



— 260 — 

5 anges ; 

Et monnaie de douzains. 

Nous rappelons ici, en citant Henri Martin, Histoire 
de France, t. 10, p. 128 et note, qu'à cette époque il 
existait une grande confusion de monnaies nationales 
et étrangères, ce qui rendait les transactions difficiles, 
et que, pour parer à cet inconvénient, François I er , 
dans un édit signé à Nantouillet, le 5 mars 1533, dé- 
termina les monnaies qui continueraient à circuler, 
avec fixation de leur valeur en sous et deniers tour- 
nois. 

Mais le tarif ainsi établi ne demeura pas invariable ; 
puis, certaines pièces de monnaie étrangères qui n'y 
figuraient pas restèrent en circulation. Si, aujourd'hui, 
l'on voulait donner avec précision la valeur exacte 
des monnaies employées par Madame Gaulterel dans 
son payement, valeur qui devait être en concordance 
parfaite avec la somme totale versée, des recherches 
assez longues seraient nécessaires, et, pour ne pas 
nous attarder dans notre modeste travail, nous lais- 
sons aux numismates le soin d'élucider la question. 

Afin de ne pas revenir sur ce sujet, nous dirons 
que la somme qui restait due sur le prix de la vente 
fut payée plus tard, dont 916 livres 13 sols 4 deniers 
en 407 écus d'or, et les sous et deniers en menue 
monnaie. Quant au surplus, les monnaies ne sont 
pas indiquées. 

La somme que les époux Gaulterel, acquéreurs, n'a- 
vaient pas versée comptant, fut stipulée payable aussi- 
tôt que le lieu vendu serait décrété et l'adjudication 
prononcée à leur profit, par décret et adjudication de 
justice, que ceux-ci restaient chargés de poursuivre 
dans le délai de trois mois. 

On voit, par cette dernière clause, que le contrat de 
vente seul ne suffisait pas pour la transmission ré- 
gulière de la propriété vendue; il fallait encore un dé- 
cret et une adjudication. 



— 261 - 

Quelques mots d'explication sur ces formalités ne 
seront p^ut-ètre pas un hors-d'œuvre ici. 

Le décret, avant ledit du mois de juin 1771, était 
le mode de vente employé pour purger la propriété 
de ses charges hypothécaires. Il y avait deux: sortes 
de décrets : le décret volontaire, sorte d'expropriation 
forcée simulée, et le décret forcé, qui n'était autre que 
la saisie réelle de l'immeuble. 

Pour parvenir au décret volontaire, le vendeur sous- 
crivait une obligation d'une somme exigible au profit 
d'un tiers qui en donnait une contre - lettre; en vertu 
de cette obligation, celui qui paraissait créancier fai- 
sait saisir réellement l'immeuble et en poursuivait la 
vente par décret. Les créanciers sérieux devaient se 
faire connaître avant le décret par des significations, 
que l'on désignait sous le nom d'oppositions. 

L'édit du mois de juin 1771 est venu abroger les 
décrets volontaires, en les remplaçant par les lettres de 
ratification, qui s'obtenaient à la chancellerie établie 
près les bailliages et les sénéchaussées de la situation 
des biens. 

Cette formalité du décret volontaire, que la saisie 
des biens et les oppositions des tiers intéressés pré- 
cédaient, serait de nature, aujourd'hui, si l'on s'ar- 
rêtait à la lettre des anciens contrats, à induire en 
erreur sur le situation pécuniaire des vendeurs. <»u 
pourrait croire que beaucoup d'entre eux ont été con- 
traints à une vente forcée de leurs propriétés par des 
créanciers sérieux, alors qu'il ne s'agissait que de ré- 
gulariser une vente amiable et tout à fait volontaire, 
en l'absence môme de toutes dettes. 

Benoit Gaulterel étant, peu de temps après passé de 
vie à trépas, suivant l'expression des documents de 
l'époque, les formalités de la poursuite du décret fu- 
rent remplies à la requête de sa veuve. 

Elles s'accomplirent sans oppositions, contestations 
ou difficultés; elles u'en donnèrent pas moins lieu a 



— 262 - 

de nombreuses pièces de procédure et à des frais 
fort élevés, ainsi qu'il était d'usage dans ce temps-là. 

Les criées réglementaires se firent au marché de 
Châteaurenault, où l'huissier chargé de cette mission 
se transporta exprès et à cheval. 

Le décret et l'adjudication furent prononcés à Tours, 
devant Jehan de Villemar, conseiller du feu roi et de 
la reine douairière, duchesse de Touraine, seigneur de 
la Mothe et de Sainte-Barbe, bailli de Touraine, qui 
rendit sa sentence d'exécution le 17 novembre 1549. 

Il ne restait plus à la veuve Gaulterel, pour clore 
la série des formalités, qu'à prendre possession des 
lieux achetés. Peut - être son grand âge ou des 
raisons de santé l'obligèrent-elles à rester chez elle. 
Son frère, François Boullier, se présenta à sa place 
au Breuil le 16 janvier 1550, assisté de l'huissier Bru- 
neau, dont la mission était de constater \es faits. En 
signe de possession, Boullier prit les clefs des deux 
maisons qui étaient celles du lieu seigneurial du Breuil, 
ouvrit les huys, parcourut les chambres, en fit sor- 
tir Guillonne Boucher, veuve de Philippe Pardessus, 
et Anne Pardessus, veuve Gervais Challeau, métayè- 
res demeurant au môme lieu, recouvrit le feu, ferma 
les huys avec les clefs, les rouvrit, fit rentrer les mé- 
tayères clans la maison, se transporta sur les terres, 
où il ôta des pierres, etc. La journée dut être bien 
employée, la corvée était minutieuse et longue, et l'on 
comprend que la veuve Gaulterel, afin de s'en éviter 
la fatigue, ait délégué, pour la remplacer son frère, 
qui était l'un de ses présomptifs héritiers, qualité qui 
l'obligeait à une certaine complaisance envers elle. 

La veuve Gaulterel, tant en propre que comme usu- 
fruitière, conserva la jouissance du Breuil jusqu'à son 
décès, arrivé en 1565. 

Et comme les ('poux Gaulterel ne laissaient pas d'en- 
fants, leurs successions furent appréhendées par de 
nombreux collatéraux, frères, sœurs, neveux, venus 
de Lyon, de Belleville et d'ailleurs. 



— 263 — 

L'un de ces héritiers, Nicolas de la Halle, lui aussi 
apothicaire et varlet de chambre du roi, seigneur de 
Bury-lès^Chaumont-sur-Loire, demeurant à Blois, ac- 
quit de quelques-uns d'eux leurs parts indivises dans 
la seigneurie du Breuil, par des actes passés en 15G5, 
les 17 octobre et 10 décembre, devant Pelletreau, no- 
taire à Blois. 

Un voisin, nommé Guillaume Michelin, laboureur à 
SMjrOurgon, étranger à la famille, trouvant sans doute 
l'occasion favorable pour tenter une petite spéculation, 
acheta de quelques autres héritiers, par acte passé de- 
vant Jehan Sublet, notaire à Blois, le 23 juin 1505, la 
huitième partie qui leur revenait dans le Breuil. Cette 
acquisition eut lieu moyennant 975 livres de prix 
principal et 50 livres de vin de marché. 306 livres 
tournois furent payées comptant sur le prix principal 
en escus sol, pistolets, ducats, doubles ducats, tes- 
tons, jocondalles, philippus d'argent de Flandre et 
monnaie de douzains. 

Mais Nicolas de la Halle tenait à la seigneurie du 
Breuil, sur laquelle il paraissait avoir jeté son dé- 
volu, et, par sentence prononcée au Présidial de Tours 
le 22 juin 1566, il déposséda Michelin de son acquisi- 
tion en exerçant sur lui le retrait lignager, usant ainsi 
du droit qu'avaient alors les parents du vendeur d'un 
immeuble d'obliger l'acheteur à le leur délaisser en le 
remboursant du coût de l'acquisition. Ce droit était 
consacré par les coutumes de Tours, de Blois, d'An- 
jou et autres. 

Au milieu de ces diverses complications, la situation 
paraissait assez embrouillée. Le décès sans enfants 
de Léonarde Gaulterel, sœur de Benoit Gaultercl, fut 
suivi d'un partage du Breuil, de la ('happe et de dif- 
férents autres immeubles, fait devant le lieutenant du 
bailliage de Blois, et terminé le 5 août 1571 par le ti- 
rage au sort des deux lots composés avec les biens 
à partager. 

Ce partage donna satisfaction à Nicolas de la Halle. 



- 264 - 

Le premier lot qui comprenait la seigneurie du Breuil 
lui échut, à la charge par lui de désintéresser Jeanne 
Gaulterel, veuve Jean Lenoir, sa copartageante, de ce 
qui pouvait lui revenir dans les immeubles entrés 
dans ce lot. — Le domaine de la Chappe fit partie du 
second lot, échu aux héritiers Boullier. — Quant au 
domaine du Liège, en 1570 il appartenait à Jacques Le 
Bahy, seigneur de Soigny, ou Signy. 

A partir de cette époque jusqu'en l'année 1651, les 
documents nous manquent pour dissiper les ténèbres 
qui voilent cette période de notre histoire du Breuil; 
nous la laissons donc forcément dans l'ombre. 

En 1651, nous retrouvons comme acquéreur du Breuil 
Dominique de Vie, conseiller du roi, seigneur d'Er- 
menonville près de Senlis, et de Morant et Autrôche 
en Touraine. 

Nous n'avons que des données fort incomplètes sur 
cette acquisition. Elle eut lieu par acte passé devant 
Pierre Valois, notaire au marquisat de Chàteaure- 
nault. La venderesse était une dame de Méry. Le com- 
plément de ses noms et la date de l'acte nous font 
défaut. 

La prise de possession fut opérée au nom de l'ac- 
quéreur par Marie de Bar, sa femme, le 18 août 1651. 

Dominique de Vie fut marié deux fois: la première, 
le 14 janvier 1649, avec Marie de Bar, et la seconde, 
le 9 décembre 1664, avec Marie Bussant. Il mourut en 
février 1676. Il était fils de Gédéon de Vie, comte de 
Fiennes, maréchal de camp, et de Catherine de Bou- 
lainvilliers. Le père de Gédéon était Méri de Vie comte 
de Fiennes, garde des Sceaux de France, époux de 
Marie Boui'dineau. 

Du mariage de Dominique de Vie avec Marie de 
Bar, sa première femme, est né Charles de Vie, sei- 
gneur de Morant et officier de cavalerie, qui épousa 
en 1681 Catherine Quatresols; du second mariage 
sont issus : 1° Geneviève, épouse de Claude-Charles 



— 265 — 

de Vieil Castel, comte de Montalau ; 2° et Catherine 
de Vie. 

Dominirfue de Vie, en mourant, laissait des créan- 
ciers ; son aïeul, Méri de Vie, en avait laissé égale- 
ment ; en sorte que leurs successions se sont ouver- 
tes, grevées de dettes non payées ; aussi les enfants 
de Dominique de Vie n'acceptèrent-ils celle de leur 
père que sous bénéfice d'inventaire. Charles, son fils 
aîné, y renonça même plus tard. 

Des poursuites ne tardèrent pas à être exercées par 
les créanciers, au nombre desquels nous voyons figu- 
rer Bénigne le Ragois, seigneur de Bretonvilliers, pré- 
sident de la Chambre des comptes; Jean Brochard, 
seigneur de Suron, et Claude Feydeau, seigneur de 
Marville, qui agissaient pour eux et encore comme 
syndics des autres créanciers de Méri de Vie ; Elisa- 
beth Nau, Jacques de Johanne, seigneur de Sommery ; 
Baltazard de Rousselet de Chàteaurenault, abbé de Fon- 
taine, et les religieux de cette communauté; les reli- 
gieuses de l'abbaye de Moncé; François Le Coigneux, 
seigneur de la Roche-Turpin, époux de Madeleine 
Passard, Guillaume Sublet, seigneur des Noyers en 
Normandie, etc. 

Les immeubles délaissés furent saisis à la requête 
d'Elisabeth Vau. Les instances se multiplièrent, non- 
seulement du chef des créanciers, mais encore de ce- 
lui des membres de la famille qui prétendaient avoir 
des droits privilégiés. 

Une procédure aussi longue que compliquée, et qui 
ne se termina qu'en 1701, eu fut la suite. Un volume 
entier serait nécessaire pour en retracer les phases 
et les péripéties : 

« De dits, de contredits, enquêtes, compulsoires, 
« Rapports d*experts, transports, trois interlocutoires, 

« 

« Quatorze appointements, trente exploits, six instances. 



— 266 — 

« Six vingts productions, vingt arrêts de défenses, 
« Arrêt enfin (1) » 

Il fut rendu sur appel par le Parlement de Paris le 
7 avril 1701. 

Aux termes de cet arrêt, qui statue aussi sur les 
terres de Morant et d'Autrêche, la seigneurie du Breuil 
fut adjugée aux héritiers de Guillaume Sublet, cheva- 
lier, secrétaire d'Etat, seigneur des Noyers en Nor- 
mandie, qui étaient au nombre des créanciers pour- 
suivants, à la charge d'imputer le prix de leur aclju- 
cation sur leur créance. 

Guillaume Sublet n'avait pas laissé de postérité. Sa 
succession se divisa par quart en quatre branches, 
entre ses parents collatéraux. 

Le premier quart fut recueilli par Louis Sublet, son 
cousin, marquis de Nainville, décédé laissant trois en- 
fants: Michel, seigneur des Noyers, Éouis-Claude, 
seigneur de Beauserre, et Joseph, baron de Nainville, 
décédé laissant sa succession à ses deux frères ; 

Le deuxième, par Barbe Le Prévost, épouse de Ju- 
lien de Nargonne, seigneur de Bergère, qui laissa une 
fille, Suzanne, mariée à Eléonor, comte de Broc ; 

Le troisième, par Paul Le Prévost, seigneur d'Oy- 
zonville; sa fille, Françoise Le Prévost épousa Ber- 
nard Briçonnet, marquis d'Oyzonville, lieutenant des 
chasses de Saint-Germain et de Versailles, dont elle 
eut François-Bernard Briçonnet, marquis d'Oyzonville, 
marié à Marie-Madeleine de Sève ; 

Enfin, le quatrième, par Madeleine Le Picard, fille 
de Jean, seigneur du Plessis et de Jeanne Sublet, morte 
en 1091. Elle épousa Thomas Briçonnet, conseiller à 
la cour des aides, et laissa deux enfants: 1° le com- 
mandeur Briçonnet; 2° et Françoise Briçonnet, épouse 
de René Le Tellier, conseiller du roi à la cour des 



(1) Racine, Les Plaideurs, act. I, se. 



— 267 - 

aides, dont sont issus trois enfants : 1° Madeleine, 
femme de Christophe-Germain de Tumery, seigneur 
de Boissiz£, président de chambre au Parlement de Pa- 
ris; 2° Michel, conseiller au Parlement; 3° et Fran- 
çois Le Tellier, capitaine au régiment des gardes. 

Les héritiers Sublet conservèrent la propriété du 
Grand-Breuil pendant douze ans, et les descendants 
que nous venons de nommer des quatre héritiers pri- 
mitifs la vendirent, par contrat passé devant Melin, 
notaire à Paris, le 16 mai 1713, à Thomas Marchais, 
écuyer, conseiller secrétaire du roi et de ses finances, 
conservateur des hypothèques des rentes et augmen- 
tations de gages, demeurant à Paris, rue S*-Louis. 

Deux ans après, par contrat passé devant Melin, no- 
taire à Paris, le 7 mai 1715, Thomas Marchais reven- 
dit le Grand-Breuil à M. François-Antoine de Ver- 
thamont de Villemenon, chevalier, seigneur d'Am- 
blov et de Saint-Arnaud, demeurant à Paris, sous le 
cautionnement de Catherine du Maitz, sa mère, veuve 
de Antoine de Verthamont conseiller du roi au Par- 
lement de Paris. 

La famille de Verthamont resta pendant longtemps 
propriétaire du Breuil, qu'elle se transmit successive- 
ment. Il y a environ une cinquantaine d'années que 
ce domaine est sorti de ses mains. Les ventes en vertu 
desquelles il a passé des de Verthamont à Madame 
Bauge, sa propriétaire actuelle, sont trop récentes 
pour offrir quelque intérêt historique; nous nous dis- 
penserons donc de les relater dans cette petite notice, 
que nous terminons par l'indication des armoiries de 
quelques-unes des anciennes familles qui l'ont pos- 
sédé. 

de Fontenay : losange d'or et d'azur au franc canton d'her- 
mines. 

de Beauvau : d'argent à quatre lions de gueules, canton- 
nés, armés, lampassés et couronnés d'or; cimier, une 
hure de sanglier au naturel; supports: deux sauvages de 
même. 



— 268 - 

de Prunelé : de gueules à 6 annelets d'or, l'écu en ban- 
nière. 

Gaulteuel : 

de la Halle : 

de Vie : de gueules à une foi d'argent surmontée d'un écus- 
son d'azur et accompagnée d'une fleur de lis d'or, à la 
bordure de même. 

de Bar: fascé d'or et d'azur de 9 pièces. 

de Vieil Castel: d'azur, au lion d'or lampasé de gueules. 

Sublet : d'azur au pal crénelé d'argent chargé d'une ver- 
gette d'or. 

Le Prévost : 

de Nargonne: 

de Broc : de sable, à la bande fuselée d'argent de 7 piè- 
ces; couronne de marquis ; tenants: 2 sauvages. 

de Briçonnet : d'azur, à la bande componée d'or et de gueu- 
les de 5 pièces chargée sur le 1 er compon de gueules d'une 
étoile d'or et accompagnée d'une autre de même en 
chef. 

Le Picard : 

Le Tellier : 

de Thumery : 

de Verthamont : écartelé ; au 1 er de gueules, au lion léo- 
pardé d'or; aux 2 e et 3 e échiqueté d'or et d'azur; au 4 e de 
gueules plein. — Devise : Fais ce que dois, advienne que 
pourra. 



COPIE 



• 

DU 



JOURNAL D'UN VICAIRE DE SOUDAY 

DE 1580 A 1632 

AVEC NOTES 

Par MM. A. de Trémault & Nouel 



PREFACE 



L'histoire de la découverte du manuscrit que nous 
publions est assez singulière. 

Il y a quelques années, M. A. de Trémault, faisant 
des recherches à la bibliothèque de Chartres, eut occa- 
sion de feuilleter des manuscrits do Janvier de Flain- 
ville, avocat du XVIII e siècle (7, c. 1011). Il tomba (page 
773) sur les deux pièces suivantes, qu'il s'empressa de 
copier. 

La première pièce est un questionnaire que M. de 
Flainville fît adressera un habitant de Mondoubleau, 
relativement à un fait fort singulier qui s'était passé 
dans cette ville à la tin du XVI e siècle: 

« Blondeau, dans la Bibliothèque canonique (nou- 
velle édition, T. I, p. 69), rapporte, en parlant des ap- 
pellations comme d'abus, qu'une personne ayant or- 
donné, par son testament, que sur sa fosse serait chanté 
un Te Deum, levicaire de l'église de Mondoubleau, où 
il fut enterré, exécuta sa volonté, et pour cela ledit vi- 



- 270 - 

caire fut condamné par sentence de l'Official de Char- 
tres d'assister à un sermon qui seroit fait pour montrer 
qu'il y avoit un purgatoire, et qu'à la fin seroit chanté 
un Libéra, et que la maison seroit visitée s'il y avoit de 
mauvais livres réprouvés. » 

[C'est apparence, on croyait que ce Te Deum or- 
donné et chanté sur la tombe d'un défunt était en dé- 
rision des prières pour les morts.] 

« Le vicaire appella comme d'abus de la sentence. La 
cause fut plaidée au Parlement par les plus célèbres 
avocats. Celui du vicaire remontra que dans le Te 
Deum, il y a un verset qui se pouvoit appliquer en 
prière pour les morts : 

« Tu ergo quœsumus tuis famulis subveni, quos 
pretioso sanguine redemisti. 

« AZtema fac curn Sanctis tuis in gloria numerari. 

« Sur ledit appel intervint arrêt qui mit les parties 
hors de Cour et de procès sans amende et sans dépens. 

« On demande si on se souvient de ce fait dans Mon- 
doubleau ; quelle année cela arriva; comment s'appel- 
loit celui qui ordonna cela par son testament ; si on a en- 
core ce testament, la date, devant qui il est passé et le 
nom du vicaire. S'il y a encore quelques circonstances 
intéressantes sur ce fait pour l'éclairer, on prie de vou- 
loir bien les marquer. 

« Cela a pu arriver depuis 1525 jusqu'en 1580. » 
Voici la réponse qui fut faite : 

« A M. Gobinot, directeur des postes à Chartres. 

« De Mondoubleau, le 8 novembre 1731. 

« Je suis très mortifié, Monsieur, de ne pouvoir vous 
rendre raison du mémoire que vous m'avez fait l'hon- 
neur de m'envoyer par un de vos amys. 

« J'ai intéressé dans la recherche de ce qui pouvoit 
contribuer à l'éclaircissement du fait en question, tous 



— 271 — 

nos anciens et en particulier M r notre Prieur, qui n'a 
rien trouvé^de tout ce qui est antérieur à 1595, les re- 
gistres précédents ayant été brûlez. 

« Jadis, un vicaire de la paroisse de Souday tenoit 
registre de ce qui se passoit de plus remarquable aux 
environs, mais il s'est trouvé postérieur à la date que 
me donnoit le mémoire. 

« Je ne puis (donc) satisfaire votre ami ni à l'inclina- 
tion que j'aurois de vous être une fois au moins utile à 
quelque chose. Je vous prie de ne pas vous rebuter si 
pour la première fois j'ai mal réussi, et d'être persuadé 
qu'indépendamment du succès je me ferai un véritable 
devoir de vous marquer en toute occasion que pers onne 
n'est plus sincèrement que moi, Monsieur, 

« Votre très humble et très obéissant serviteur. 

« Dural. » 

M.deTrémault m' ayant donné communication de ces 
deux pièces curieuses, j'entrevis immédiatement l'es- 
poir de retrouver le registre du vicaire de Souday. Me 
jetant sur cette piste, j'écrivis à l'instituteur de la com- 
mune, pour savoir ce qui existait à Souday des regis- 
tres de la paroisse antérieurs à 1790. Il me répondit que 
les archives paraissaient remonter jusque vers 1580, 
mais qu'il ne pouvait déchiffrer ces anciennes écri- 
tures. 

Cela sentait joliment le registre du vicaire. J'écrivis 
alors au maire, et j'obtins de sa complaisance éclairée 
l'envoi des anciennes archives de la commune, <|iie je 
pus ainsi compulser à loisir. 

Or, lepremier volume de ces registres, grossièrement 
broché en parchemin, contenait en tète un cahier <le 
notes tenu par M re Bienheuré Hameau, prêtre, vicaire 
de la paroisse de Souday. (".Mail, bien le fameux regis- 
tre du vicaire, signalé dans la lettre de Mondoubleau 
écrite en I7.'!l . ( 'es notes s'étendenl depuis L580 jusqu'à 
lGItë, année de la mort de chroniqueur. 

xxiv 20 



— 272 — 

Le reste du registre, tout entier de la même main, 
contient les actes (mariages, baptêmes et décès) faits 
par B. Hameau, dans le cours de son ministère, dans 
les paroisses de Gréez, Courtgenard et Souday, jus- 
qu'en 1620 environ, avec quelques notes ça et là, se 
rapportant aux événements de l'époque. 

Notre vicaire tenait ses registres en double : un exem- 
plaire qu'il conservait pour lui, et une copie qu'il lais- 
sait à l'église. Le registre N° II des Archives actuel- 
les de Souday renferme en effet les actes de la paroisse 
de 1588 à 1G1G, copiés de la même main sur le registre 
N° I. 

Nous avions donc dans ce vénérable manuscrit le 
cahier personnel complet du vicaire de Souday. 

M. de Trémault, avec son habileté dans l'art de dé- 
chiffrer les vieilles écritures, eut bientôt traduit tout ce 
qu'il y avait d'intéressant dans ce registre. C'est d'a- 
bord le cahier en tète, qui constitue un journal des évé- 
nements plus ou moins marquants de 1580 à 1632 ; 
puis quelques notes glanées çà et là, dans le reste du 
volume, et que nous fondrons dans le journal, en les 
reportant à leur date. 

Le texte a été collationné minutieusement par les 
deux collaborateurs de ce travail, et, sauf quelques 
noms propres sans intérêt, nous pouvons répondre de 
la parfaite exactitude du texte que nous publions. 

Malgré le peu d'importance des faits relatés dans cette 
chronique, lesquels se réduisent le plus souvent à 
l'état du temps, gelées, grandes neiges, grandes eaux, 
sécheresse, grêles, foudre, tempêtes, ou à des événe- 
ments locaux, incendies, meurtres, exécutions, conta- 
gions, famines, prix des denrées, etc., nous espérons 
cependant que les lecteurs du Bulletin y trouveront une 
partie de l'intérêt que nous avons éprouvé en déchif- 
frant et en mettanten ordre ces notes originales exhu- 
mées après trois siècles d'oubli, et qui, dans leur sim- 
plicité, fout mieux revivre la o ie intime de nos campa- 
gnes que les récits plus grandioses des historiens. 



- 273 — 

On remarquer;! que ee journal fait précisément suite 
à celui du chanoine Garault de TYôo (1543-1598), qui a 
été publié 'dans le Bulletin de notre Société (année 
1878, p. 222), avec cette différence qu'ici nous avons 
Yoriginalj tandis que pour celui de Garault, il n'est 
resté que des copies plus ou moins fidèles. 



BIOGRAPHIE DE BIENHEURE HAMEAU 

Vice ire de Scru.cla.-y- 

Nous ferons précéder la publication du texte du jour- 
nal de quelques notes biographiques sur l'auteur, notes 
entièrement extraites de son registre. On y trouvera 
quelques détails intéressants relatifs aux mœurs ecclé- 
siastiques de cette époque. 

On lit à la première page de son cahier : 

« L'an mil cinq cens quattre vingtz (1580), je accom- 
ply ma neufîesme (neuvaine) à SVMarcouI à Corbeny 
en Picardye (1), qui estoit la IH esme sepmaine de ca- 
resme, parmoy B. Hameau prestre (2) » 

« En l'an mil cinq cens quatre vingtz moy Bienheuré 
Hameau je célébré ma première messe qui fui le Di- 
manche après Quasimodo (2). » 

C'est dans la paroisse de Grès (3) qu'il débuta comme 
vicaire, en 1580. 



(1) Corbeny, département de l'Aisne, arrondissement de Laon. 

(2) En 13S0, Pâques tombait le •"> avril ; par conséquent la troi 
sième semaine de carême était du 6 13 mars, et le dimanche 
après Quasimodo, le 17 avril. 

(3) Le Gréez-près-Montmiraîl (Sarthe). 



- 274 — 

Il devait être originaire de ee village, car on trouve, 
au registre des sépultures de Grès qui fait partie de son 
manuscrit : 

« Le jour de Quasimodo (10 avril 1580) a été ensé- 
pulturé deffunct Mathurin Hameau. » (Ce doit être 
son père, qui n'a pu assister à la première messe de 
son fils.) 

Au registre des baptêmes de Grès, on trouve les 
noms d'un fils et d'une fille de son frère, Martin Ha- 
meau ; il est le parrain de son neveu, et la marraine 
est Jehatine Hameau j sœur des Hameau. 

Il avait plusieurs frères et plusieurs sœurs mariés 
dans le pays. 

D'après les registres qu'il a conservés, on voit qu'il a 
été desservant de Grès depuis le 17 avril 1580 jusqu'à 
la fin de septembre 1584. 

Il passe alors à Courtgenard (1), au mois d'octobre 
1584, et y reste certainement jusqu'en novembre 1586. 

Enfin, le 12 avril 15S7, il était vicaire à Saint-Pierre 
de Souday, « sous la puissance de Messire Christophle 
Bougeant, curé de cette paroisse et doyen de Saint-Ca- 
lais. » 

C'est dans cette paroisse importante qu'il a passé le 
reste de sa vie, c'est-à-dire 45 ans 1/2, étant mort le 
1 er octobre 1632. 

Il no dépassa jamais ce modeste grade do vicaire, 
qu'il porta pendant toute la durée de sa prêtrise, savoir 
cinquante-deux ans et demi. 

La rédaction de son journal et de ses registres pa- 
roissiaux dénote un prêtre très dévoué sans doute à 
son ministère, mais d'une culture intellectuelle très 
ordinaire, ce qui, joint à une origine très humide, ne 
lui aura pas permis d'atteindre au poste de curé. 

Il y avait d'ailleurs deux vicaires à Souday, et il de- 
vait avoir la ('barge de premier vicaire, chargé comme 

(1) Courgenard, canton do Montmirail. 



— 275 — 

tel de la tenue des livres (baptesmes, espousailles, sé- 
|)iiltures), fonctions qu'il exerça sans interruption jus- 
qu'en 161Q,. 

On peut*encore expliquer ce vicariat perpétuel par son 
attachement à la paroisse de Souday et à sou curé 
François Bourdin, qui la gouverna depuis 1591 (après 
la mort de M 8 Bougeant) jusqu'au 12 février 1631, ''po- 
ilue de sa mort. 

Son fidèle vicaire devait le suivre de près. On lit au 
registre des sépultures : « Le deuxiesme jour d'octo- 
bre 1G32 fut inhumé dans l'église de Souday le corps 
de deffunct et discrète personne Bienheuré Hameau 
prestre. » 

En lui accordant 25 ans au moment on il fut ordonné 
prêtre en 1580, on voit qu'il mourut âgé de près de 78 
ans. 

LES PARRAINAGES DE B. HAMEAU 

A la fin du registre du vicaire de Souday est un 
petit cahier intitulé: « Mémoire des enfants que je 
tenu sur les fous baptismaux tant de la paroisse de 
Grès, que Courtgenard, Sausay (1), que Soudé. 

« Et premier pour l'an 1580, de la paroisse de Grès, 
27 e novembre, etc. » 

Il m'a paru curieux, comme détail de mœurs do 
l'époque, de faire la récapitulation de ses nombreux 
parrainages; en voici le tableau : 

De 1580 à 1585 (G ans)... 15 parrainages. 

A Soudé de 1589 à 1594 (6 ans) . . . 28 

De 1595 à 1G00 (G ans) ... 17 

De 1601 à 1G0G (G ans) ... 13 
De 1G07 à 1G19 (13 ans) . . 5 

Un dernier en 1629 1 

Total... 79 ! 

(1) Actuellement Soizé, canton d'Authon (Euro-ct-Loir), tout 
voisin de Gréez. 



- 27G - 

Ce total est réellement prodigieux et dénote un usage 
de l'époque. Autant les parrainages sont rares aujour- 
d'hui parmi les membres du clergé, autant ils étaient 
communs autrefois. 

Il existait entre le curé ou le vicaire et ses parois- 
siens une grande familiarité patriarcale, que les fa- 
milles cherchaient à augmenter, en les priant d'accepter 
pour leurs enfants la paternité spirituelle du parrainage. 

Mais c'est surtout à l'arrivée d'un nouveau prêtre 
qu'éclate cet empressement des ouailles. C'est ainsi 
que j'ai été prévenu de l'arrivée dans la paroisse d'un 
nouveau curé François Bourdin, en 1594, par ses nom- 
breux parrainages. J'en compte neuf du 30 mai au 
22 novembre 1594, c'est-à-dire en 6 mois ! et six fil- 
leuls portant le nom de François, de sorte qu'on peut 
dire que commence pour la paroisse l'ère des Fran- 
çois, de môme que finit celle des Christophe, nom du 
défunt curé. , 

Notre vicaire n'abusait pas du droit de parrainage, 
car, sur ses 79 filleuls, six seulement portent le nom 
de Bionheuré. 

(V. Note A, à la suite de ce travail, sur l'usage au 
XVI e siècle du double parrainage.) 



M. P. Moulard, ancien archiviste adjoint de la Sar- 
the, a retrouvé au Mans un Mémoire, tiré des titres et 
papiersdela seigneurie et delà fabrique de Souday, ré- 
digé par M e Brès, curé de Souday (de 1721 à 1744), et 
adressé par lui à un chanoine de l'église du Mans. 

Il a publié ce mémoire intéressant dans une Notice 
sur Souday, imprimée à la Revue Historique et Ar- 
chéologique du Maine, année 1884. 

On trouve dans ce mémoire des passages se rappor- 
tant aux événements de la période de notre manuscrit, 
et dont la rédaction fait voir qu'il y a puisé ; nous les 
citerons à l'occasion. 



— 277 - 



JOURNAL DE B. HAMEAU 



1559. Pillage de l'église de Souday & assassinat 
du curé par les Huguenots. 

Au cahier des espousailles de Soudé, après la note 
du mariage de son neveu Daniel, le 5 novembre L624, 

ou lit : 

« Extraict par moi reculy [recueilli] du temps que 
les Hucquenotz rompoient les églises et du temps que 
le curé de Soudé un nommé Hamart fut tué par les 
dicts ennemis le jour sainct Symon et Judo au mois 
d'octobre [28] l'an mil cinq cens cinquante neut* [1559] 
suivant ce que je peu recuillir au libvre des mors es- 
cript par deffunct messire Louyz Proust vicaire pour 
lors(1). » 

Notre chroniqueur a mentionné le même fait à son 
cahier de notes, à la tin de 1624, en ces termes: 

« Du temps des troubles. [En marge.] 

« Je trouvé es papiers de deffunct Guillaume Brière 
prêtre vicaire en l'église de Soudé lors que les Hucgue- 
notz rompirent la dicte église et au moisdejuin en Tan 
mil-cinq cens cinquante neuf [1559] et au mois d'octo- 
bre ensuivant fusttué le curé delà dicte Paroisse le 
jour Set Symon et Judo [28 octobre] en l'an si dessus. 
suyvant son escriptz. » 

Enfin, nous trouvons, au Mémoire du euré Brès, 
publié par M. Moulard en 1884 (V. ci-dessus), la ré- 
daction suivante du même fait : 



(1) Ces registres de 155!) ont disparu. 



— 278 — 

« Il faut encore remarquer qu'en 1559, le jour de la 
fête de Suint-Simon, les huguenots vinrent un troupe à 
Souday, entrèrent dans l'église, brisèrent les images et 
abattirent la voûte de la chapelle de la S te - Vierge, qui 
ne fut rétablie que cinq années après. Les mêmes hu- 
guenots tuèrent maître Jean Hamard, curé dudit lieu, 
parée qu'il voulait s'opposer à leurs impiétés, et qu'il 
avait caché les vases sacrés, les papiers et les orne- 
ments de l'église, pour les soustraire à leurs mains sa- 
crilèges. » 

1580. Tempête. 

« Le sixième jour de May, en l'an mil cinq cens qua- 
tre vingt/, qui estoit le Dimanche des Octaves de la 
feste de Nostre Seigneur Jésus - Christ, arriva une 
grande tempête. » 

[Erreur grossière de date ! 1° Le 6 mai 1580 était 
un vendredi ; 2° en 1580, Pâques étaitle3 avril. Le 
2 e dimanche après la Pentecôte, octave de la Fête- 
Dieu, était donc le 5 juin ! Il faut garder cette date, 
et renoncer à expliquer le grossier lapsus du vi- 
caire Hameau, car, quelle que soit la date de Pâques, 
le dimanche des octaves de la Fête-Dieu ne peut être 
avant le 24 mai.] 



1581. Tempêtes & Inondations. 

« En l'an ensuyvans, l'an mil cinq cens quatre vingtz 
et un, arriva une forte grande tempeste qui estoit le 
jour des Sainctes Pâques. » (2G mars.) 

[Cette tempête a été générale sur toute notre ré- 
gion, et d'une violence bien remarquable, d'après les 
deux notes que je trouve à mon dossier météorolo- 
gique : 

Chartres : « Le dimanche 26 mars, qui était le 
jour de Pâques, le vent fut si grand et si impétueux 



— 279 — 

qu'il déracina un gros orme qui était devant l'église 
de St-Martin-^le-Viandier..., etc. » (Hist. de Char- 
tres, par l'abbé Souchet.) 

Orléans, joui- de Pâques ir>xi : « Il [il un si fu- 
rieux ouragan ce joui- à Orléans, que l'évèque faillit 
être tué en disant 1 a grand'messe : une colonne en 
pierre tomba du faîte de l'église entre lui et lediacre 
qui l'assistait » (Hist. d'Orléans^ par Lottin.) | 

» L'an mil cinq cens quatre vingt/ et un les eaues 
furent fort grandes avecques une grande tempestequi 
estoit le huictiesme jour d'aoust, l'an que dessus. » 



1583. Contagion. 

« L'an mil cinq cens quatre-vingtz et trois et qua- 
tre la contagion fut à Saulsay et en plusieurs autres 
paroisses circonvoisines. » 

[Cette contagion a été très générale dans notre 
région. J'en trouve la trace à Tours, à Orléans, où 
elle fut terrible, à Angers, au Mans, etc.] 



1584. Blé cher. Grandes eaux 

« Le xxvi esine jour de juillet en l'an mil cinq cens 
quatre-vingtz et quatre, les eaues furent grandes avec- 
ques grands dommages des herbes de sur la rivière 
qui estoit le jour S te -Annc » 

[Il est étonnant qu'il y eût encore des herbes à 
couper le 26 juillet.] 

« L'an mil cinq cens quatre-vingtz et quatre le bled 
fut bien cher et estoit grand nombre de pauvres. » 

Meurtre 

« Le 22 esmo de juillet mil cinq cens quatre vingtz 



— 280 — 

et quatre fut faict un meurtre d'ung des (papier dé- 
chiré) de Lousse? un nommé le Dru paroisse de 

Lombien ? » 

[Nous ignorons le lieu, l'auteur et la victime de 
ce meurtre, qui ne présente d'ailleurs aucun inté- 
rêt historique.] 



1585 & 1586. La guerre, la peste & la famine. 

« L'an mil cinq cens quatre vingtz et six le bled fut 
fort cher (1) tellement que le boisseau de forment me- 
sure de Courtgenard vallu un escu cinq solz et fut fort 
chérie long de l'année en laquelle la guerre, peste et 
famine regnoit tout en un mesme temps. 

» Ce quia escript se nota sa esté 

« B. Hameau pbre. » 

Il y revient presque de suite : 
« L'an mil cinq cens quatre vingtz cinq et six le bled 
a esté fort cher et le long des deux années avec grand 
quantité de pauvres et la guerre le tout ensemble. Es- 
cript par moy Bienheuré Hameau pbre le vingtz et 
sixiesme de novembre 1586 (sic). 

(Signé avec grand paraphe.) 

[Cette insistance et cette solennité de date et de si- 
gnature montre bien à quel degré de misère on était 
arrivé à cette époque.] 

Après les notes sur 1586, un feuillet du cahier a été 

coupé; cette mutilation regrettable explique la lacune 

que nous trouvons dans le journal de 1587 à 1592, 

c'est-à-dire précisément au début de son vicariat à 

Souday. Nous avons trouvé, d'autre part, à latin d'un 



(1) Cotte disette de 1586 fut la suite de la mauvaise récolte de 
15S5, dont L'été fut excessivement froid et pluvieux, analogue à 
1S16 par exemple. 



— 281 - 

cahier de baptêmes de noire vicaire, quelques notes 
qui remplissent à peu près ('et intervalle. 

1587. Grande mortalité. 

Au registre des sépultures de Souday, depuis son 
arrivée, eu avril, jusqu'en décembre, nous constatons 
une grande mortalité, suite de la contagion de 1586. 
Ainsi, pendant ces neuf mois, il y a ( J l décès! Ce qui 
donnerait 125 pour un an, ou le tripla d'une année 
moyenne d'alors. 

1587. Batailles de Poitou & de Chartres. 

« L'an mil cinq cens quatre vingtz et sept, vers le 
mois de septembre fust donnée la bataille en Poytou 
la ou fust tué monseigneur de Joyeuse avec nombre de 
gentilhommes. En la mesme an les Reitres furent def- 
faicts à Chartres. » 

[Notre chroniqueur était renseigné d'une manière 
bien vague sur les grands faits historiques de son 
temps. Cette bataille en Poitou vers le mois de sep- 
tembre est la célèbre bataille de Contras (à 6 lieues 
de Libourne - Gironde), livrée le 20 octobre 1587, 
entre Joyeuse, général de la Ligue sous Henri III, 
d'une part, Henri de Navarre et Coudé, d'autre part. 
Ce fut la première bataille rangée gagnée par les pro- 
testants. 

Quant à l'affaire des reitres, il s'agit de soldats al- 
lemands, auxiliaires des protestants, venant de Lor- 
raine, et qui, le 24 novembre 1587, furent surpris ;'i 
Auneau, près Chartres, par le due de Guise, et tons 
tués ou faits prisonniers au nombre de 2,000. 

C'était, pour notre vicaire, la revanche de Coutras. | 

1588. (En marge) Monsieur de Guyse. 
« L'an mil cinq cens quatre vingt et huict qui estoit la 



9Q9 _ 

surveille du jour de Noël mourut deffunet Monsieur de 
Guvse et deffunet Monsieur son frère le Cardinal ; et 
aux estais de Blois. » 

[Ces derniers mots ont été rajoutés plus tard d'une 
autre plume. Aurait-ou dissimulé au public la ma- 
nière dont moururent ces deux chefs de la Ligue? J 



1589. (En marge) Deffunet le Roy. 

« Et en Tan mil cinq cens quattre vingtz et neuf en- 
suyvant fut tué le deffunet roi Hanry 3 esme de se nom et 
au mois d'aoust premier jour dud. mois. » 



1590. Contagion à Souday. 

On trouve la note suivante, de la main du vicaire 
B. Hameau, au registre des baptêmes de Souday pour 
1590: 

« Nota. Mémoire des enfants qui ont été baptizé à 
la paroisse de Glatigny et par le curé du d. lieu, comme 
il a rapporté les mémoires au curé de céans et du 
temps que la contagion regnoit au bourg de Soudé... 
et le premier qui fut baptizé aud. Glatigny ce fut le 
14 e jour d'aoust 1590.... » 

(Suit la liste des baptêmes hors Souday, du 14 août 
au 18 octobre, jour auquel on reprend le registre de 
Souday.) 

[On voit donc qu'une épidémie violente a dû ré- 
gner au bourg de Souday depuis le mois d'août jus- 
qu'à la mi-octobre, épidémie telle, qu'on n'osait pas 
apporter les enfants au bourg de Souday. 

A cette époque, où l'hygiène n'était pas encore in- 
ventée, les églises, où l'on avait la fâcheuse cou- 
tume d'enterrer certains morts, entourées du cime- 
tière commun, étaient, en cas d'épidémie, les princi- 
paux foyers d'infection pour chaque village. J 



— 283 — 

Ici nous reprenons la copie du journal ordinaire du 
vicaire J592. 



1592. 17 - 19 avril. Neige, gelée. 

« L'an mil cinq cens quatre vingt/, et douze au mois 
d'apvril le dix-sept jour du d. mois entre la nuiet du 
vendredy et sepmady tomba grande affluance de nage 

(neige) et la nuit ensuivant gela bien fort après ces 
nages consommées. » 



1594. 24 mai. Gelée. 

« L'an mil cinq cens quatre- vingt/, et quatorze le 
vingt quatre de may les bleds gelèrent en espy et les 
vignes. » 

[Cette gelée désastreuse s'étendit sur toute nos 
contrées; je possède des notes relatives à Chartres, 
à la Sarthe, à l'Anjou, où l'on signale la gelée des 
blés, des seigles, des vignes, des noix, pois, fèves, 
etc., la veille de S*- Urbain. 

S*-Urbain est le 25 mai; on l'appelle dans nos 
pays : le dernier vendangeur.] 

1595. Cherté du blé. 

« L'an mil cinq cens quatre vingt/, et quinze le bled 
fut fort cher tout le longs de l'année; mesure de Mont- 
doubleau valut xxx sols, plus el moings. » 



25 avril, Neige. 27 avril. Grêle. 

« Le 25 esme d'avril qui fui le raardj S" Marc l'an 
que dessus tomba grande affluance de nage <•! lejeudy 

ensuivant 27 e "" 6 jour du mois grande affluance de 
greslc. » 



— 284 - 

19 mai. Terrible grêle. 

« Le vendredy vingtiesme jour de may [c'est le 19] 
qui estoit le jour des Quatre Temps de Panthecoste 
l'an que dessus ariva de la gresle fort grosse et même 
de grosseur d'une noix laquelle gasta les seigles qui 
estoit en espy et sur l'heure de deux en attendant 
trois du soir et en l'an mil cinq cens quatre vingtz 
et quinze. » 

L'auteur a rajouté à la suite, et d'une autre plume, 
le renseignement suivant: 

« Et tomba grand nombre de bois en la forest de 
Vibbraye, et fut tué des artisans à raison du d. 
aba. » 

[Notre chroniqueur a fait une petite erreur de 
date; le vendredi, jour des Quatre-Temps de Pente- 
côte, est le 19 mai 1595 et non le 20. Je deys à M. C. 
Port, archiviste d'Angers, une note semblable sur 
cette grêle, tirée des registres de Jarzé (arr fc de 
Baugé), datée : 19 mai 1595, et qui se termine 
ainsi : « Jamais je n'avais vu un tel temps. » 

1596 & 1597. Grande cherté. 

« Et en l'an mil cinq cens quatre vingtz et sizejus- 
ques au mois d'oust le bled fut fort cher. » 

« En l'an mil cinq cens qattre vingz et size la char- 
tée de vin a valu quinze, size et dix-sept livres. 

[La chartée de vin représentait trois pièces actuel- 
les.] 

« Et en l'an dix-sept au mois de janvier, febvrier, 
il a valu xxxv solz bled métail mesure de Montdou- 
bleau. Au mois de mars mil cinq cens mi xxdixhuict, 
le mestail xx solz le boisseau. 

« Le lundy des efféries [fériés] (1) de la Pentecoste 

(1) Lo lundi et le mardi de la Pentecôte étaient deux fériés 
majeures 



— 285 - 

1597, 26 esnie de may le bled mestail de mesure de 
Montdoubleau a valut xxxvm sol/, le forment XL 
solz, l'avoine xv solz le boisseau. 



8 juin 1597. Grêle. 

« Le huietiesme jour de juin et en l'an mil cinq cens 
quattre vingtz et dix-sept le dimanche d'entre l'Oc- 
tave de la feste de Nostre seigneur tomba grande 
quantité de gresle sur les 7 heures du soir. » 

On trouve au registre de la Paroisse pour avril 1597, 
en marge: Assassinat. 

« Le xxm esme cy-dessus et an [23 avril 1597J et jour 
S ct -Georges fut tué par un des paroissiens de Bâillon, 
un nommé Messire René Lambert pbre, et fut meur- 
dry [assassiné], au lieu de Grimouart, s'en retournant 
de Soudé au d. lieu cv-davant. » 



Contagion de 1597. 

En compulsant le registre de la paroisse de Sou- 
day, M. A. de Trémault en a extrait les renseigne- 
ments intéressants que voici: 

La contagion sévit cruellement à Souday du mois 
de juin au mois de septembre 1597. - Parmi les nom- 
breuses victimes, il en est qui ne furent pas inhumées 
dans le cimetière, mais au lieu même de leur décès. 
Exemples copiés au registre: 

.... « Le 22 juin décéda un nommé Boutier avec 
deux do ses enfants, lesquels furent enterrés dans le 
jardin devant la porte de la maison où demeurait le 
dit Boutier, vers la Court, maison seigneuriale de 
Soudé. 

... Le 11 juillet fut enterré aux environs de la mai- 
son de Jehan Lorieulx, la veuve Grandineau el de con- 
tagion. 



— 286 — 

Le xn esme mourut au lieu ey dessus l'enfant du d. 
Lorieux et fut enterré au mesmc lieu. 

Le samedy 12 esme cy davant fut enterré vers les 
Fouardières une nommée Jamet et de la contagion. 

Le 14 e cy dessus fut enterré vers le lieu du Bou- 
lay la fille d'un nommé Janvier et a-t-on opinion qu'elle 
estoit morte de la contagion. 

Le 19, fut enterré à la Bordasse un nommé Le 
Boursier et de la contagion. 

Au même temps (22 juillet) fut enterrée la fille [nom 
illisible] qui estoit servante en la maison de la veuve 
Javary à la Borde et de la contagion. 

Au raesme temps fut enterré au lieu de Beauchêne 
la servante par opinion de contagion. 

Le 26 juillet fut enterré vers le lieu du Boulay [nom 
illisible]... l'une des filles de Estienne Gautier. 

Le 5 e d'août fut enterrrée vers le lieu du Boulay la 
servante de Gresgnié. — Contagion. 

Le 14 e fut enterré vers la Bordasse la servante d'un 
nommé Roger et de la contagion. 

Le 16 e fut enterré vers le lieu du Boulay, la servante 
de Mathurin Joly et de la contagion. 

Le xxi esme cy dessus fut inhumé au grand cymetière 
le chirurgien des pestiférés ! 

La maladie cesse au 10 septembre. Il n'est plus en- 
registré que deux décès en octobre, un seul en no- 
vembre et trois eu décembre, et non de contagion. 

Notre vicaire Hameau a pris soin de numéroter les 
décos de contagion et a inscrit en marge: 50 en nombre 
de la contagion (du 15 juin au 10 septembre). Le 
nombretotal des décès pour 1507 s'élève à 77, dont50 
de la contagion et 27 de maladies ordinaires- Le nom- 
bre des décès dans les trois années qui précèdent et 
les trois années qui suivent varie entre 25 et 30. 



— 287 — 

1598. Gelée des vignes. Prix du vin. 

« Et en 4'an mil cinq cens un xx et dix huict la 
chartéé de vin commun valoit sept escus. » 

« Le xi esme d'apvril l'an mil cinq cens quatre vingt/, 
et dix huict les vignes gelèrent dans le bourgeon (1). 

« Et le vin a valuà laToussainct/. ensuivant àscavoir 
la chartée de vin commun vingt escus ou plus. » 



1599. 24 juin. Grande pluie. 

« En l'an mil cinq cens quatre vingt et dix-neuf le 
xxmi esme jour de juin qui fut le jour S ct Jehan Bap- 
tiste tomba une grande version d'eaue qui fut sur les 
cinq heures du soir. » 

1601. Prix du vin et du blé. Curage du puits du bourg. 

« En l'an mil six cens et un, la chartée de vin com- 
mun valloit ni escus, à chouasy [à choisir] nu es- 
cus. 

<( En la mesme année le septicr de bled mestail 
cens solz et un livres x solz. 

« Le mardy im esraii jour de décembre l'an mil six 
cent et un fut curé et nctty le puis de ce bourg de 
Soudé et furent un jour et nuict pour espuiser (2). 

« Celuy qui estoit dedans, André Fortin; Adroin et 
Nicolas Juré, Vincens Gauche et Symon Fourier et 
autres. » 

(1) Le même fuit est rapporté par le chanoine Garault, à la lin 
de sa chronique (V. Bulletin 1878, p. 210), mais à une date un 
peu postérieure. 

(2) Dans les Œuvres d'Arago, tome vm, p. 11!), on voit que 
l'été de 1001 fut très chaud. « La sécheresse continue dura 1 
mois. » Il en résulta forcément de très basses eaux < 1 1 1 < • [< 1 1 1 «--s 
mois après, circonstance que l'on mit à profit pour curer le 
puits du bourg. 

xxiv 21 



- 288 - 

Au registre de la paroisse : 
« Le xv esme [de may IGOlj décéda honorable per 
sonne Claude en son vivant évesque du Mans. » 



1601 & 1602. Prix des denrées. 
Exécution à Montmirail. Le Maréchal de Biron. 

« En l'an mil six cent un et deux le boisseau de 
bled mestail mesure de Montdoubleau a vallu huict 
solz et neuf solz, 7 solz le commun. Le septier qua- 
tre livres dix solz ou cent solz ou plus. 

<( En l'an mil six cens et deux au mois de juin, juil- 
let, aoust la chartée de vin commun rendu à Soudé 
quinze escus. 

« En l'an si dessus la corde de grands bois prins 
au bois de la Hellaudière 25 solz. 

(( Le mardi x esme du mois de septembre ,1'an mil six 
cens et deux fut exécuté par justice un nommé Rou- 
lin de Cbappelle-Guillaume et en la ville de Montmi- 
rail accusé d'inceste et bruslé après le corps mort. 

« Le d. jour et an fut faict un meurdre d'un nommé 
Cougnau. 

« En l'an si dessus la chartée de vin commun a 
vallu dix huict escus. Au mois d'octobre plus, au 
mesme temps a valu 20 escus prins sur les lieux. 

« Le citre [cidre] au mesme temps un escu lepoins- 
son. 

« En l'an mil six cens et deux le mareschal de 
Biron fut exécuté à Paris (1). » 



1603. Grand été. Vin bon, abondant. 

« L'an mil six cens et trois au mois de may le bled 

(1) Charles do Biron ont la tête tranchée, dans l'intérieur de 
a Bastille, le :U juillet 1602. 



— 281) — 

commun qui est le mestail a vallu 14 solz ; au mois de 
juin juillet 16 solz, 17 solz; le fourment 20 solz le bois- 
seau. 

« L'an si dessus la chartée de bon vin a vallu soi- 
xante livres. 

« En l'an si dessus il a fait une très grande chal- 
leur; par le moien d'icelle les bleds, avoinnes ont 
estez fort gastez. Le foing cher. 

« L'an mil six cens et trois l'on a faict la vendange 
vers la moitié du mois de septembre et le vin fort bon; 
grande quantité La chartée au commencement dix 
escus sur les lieux, 

« En la mesme année grande quantité de pommes 
fran | franches] et sauvaige. Le citre 25 solz le poin- 
son ou 30 au plus. » 

Au registre de l'église: Contagion 
« Pour l'an mil six cens et trois vers le mois de 
septembre et au commencement du d. mois, la con- 
tagion fut fort violente à Souasay et Authon. 

[Soizé, c ton d' Authon, Eure-et-Loir.] 

1604. Année très fertile. 

« En l'an mil six cens et quatre ensuivant l'année 
fut fort fertille de tous biens de quelques espèces qu'il 
feus t. 

« La chartée de vin commun prins sur les lieux neuf 
franc, plus et à moings de prins. » 

1605. Orage. Exécution. Grande sécheresse. 

Dyssenterie. 

« En l'an mil six cent et cinq la chartée de vin a 
vallu 7 francs, 8 francs, 9 francs à chouasy [choisir] 
pour du vin de lignage (1). » 

(1) V. à 1:» suite la noie B sur lo vin rîo lignage. 



— 290 - 

« En l'an sy dessus le vingt neufiesme jour de 
juillet entre le vendredy et samedy de nuiet ariva une 
grande version d'eaue avec eclre [éclairs] et ton- 
nerre. 

« En l'an sy dessus furent exécutez par justice vers 
les mois de juin et juillet scavoir une femme au Mans 
[pour] avoir esté convaincue de la mor d'un nommé 
Greffier Piau. Une autre fille de la Fontenelle con- 
vainc] uue de la mor de son enfant, l'autre de Ma- 
zangé couvai nq une ainsi que dessus. 

« En Tan mil six cens et cinq vers le mois d'aoust 
et septembre a faict une grande saicheresse et à l'ys- 
sue d'icelle grande malladie de flux de ventre. » 

[Ce devait être la dyssenterie, car je trouve, dans 
un travail de M. l'abbé Froger sur les établissements 
de charité à S l -Calais, qu'en 1606 la dyssenterie 
faisait de nombreuses victimes dans la ville et dans 
les paroisses voisines.] 

Au registre de la paroisse : 
« Le 24 esme de mars [16051 fut tué entre Montdou- 
bleau et Choues, Monsieur de la Poupardière comme 
j'ai entendu. » 

1606. Grandes eaux en janvier. Pluie & tempête 
à Pâques. Incendie. Novembre, tempête. 

(c En l'an cy dessus (1605) les eaux furent grandes 
et continuèrent longuement et en l'an mil six cens et 
six au mois de janvier ensuivant furent très grandes 
qui firent grand dommage sur les rivières. » 

[Il y a lieu de supposer qui c'est pendant les der- 
niers mois de 1605, après la grande sécheresse 
d'août et septembre; que les eaux furent longuement 
grandes, ce qui détermina une grande crue en jan- 
vier suivant. 

Je retrouve cette crue de janvier 1606 signalée en 
Eure-et-Loir et à Angers.] 



- 291 - 

« En l'an mil six cens et six au mois de janvier la 
chartée 4, G vm de H nage [V. note B] ne valloit sur les 
lieux que x francs. 

« En l'an mil six cens et six ce commença une 
pluye avecques ventz le sammedy ensuivant qui dura 
jusques au lundi d'après qui estoit au dimanche de 
la Pasques, que nous avions le vingt sixiesme de mars 
et an que dessus. » 

[En résumé, pluie et tempête les 25, 26 et 27 
mars 1606.] 

« En l'an cy dessus la nuict d'entre le jour de la 
Toussainct et la teste aux trespassez les logis du 
moulin de Marigné, paroisse du Plessis-Dorin furent 
bruslë là où un nommé Laurent Quentin et Pohu fu- 
rent blessez, et la sepmaine d'après deux jours et 
nuictz fist grand vent avec grand dommage aux lo- 
gis et bois. » 

1607 & 1608. Grand hiver. Vin. Cherté. 

« Le xxv esme jour de décembre qui estoit le jour de 
Noël l'an mil six cent et sept commença une grande 
gesllée qui dura jusques au xxvi e3ma de janvier l'an 
mil six cens et huict et durant le d. temps grandes 
naiges et froidures jusques cela que les arbres comme 
tronges et cliesnes en sont fendus connues de forces 
par le raport de plusieurs (1). 

« En l'an mil six cens et sept et huict la chartée 
de vin commun valoit dix-neuf escus prins sur les 
lieux. 

« En la mesme année si dessus (1608) le bled fui 
cher; le mcstail vallut xxui solz mesure de Mont- 
do ubl eau. » 

(1) L'hiver de 1608 est resté célèbre, sous le nom de grand ki- 
cer, jusqu'en 1660. On en parlait encore en 1709. <>n trouve de 

nombreux détails à ce sujet dans les chroniques du temps el les 
divers historiens. 



OQ9 

1609. Cherté du vin. Prix du blé. 

« En l'an si dessus (1608) et en l'an mil six cens 
et neuf le vin vieil a valu sur les lieux quarante es- 
cus évallués six vingt livres (1). 

« En l'an mil six cens et huict vers la leste de Noël 
fut tué la mère de Mons r de la Planchette comme je 
entendu de plusieurs, à Chasteaudun. 

« En l'an mil six. cens et neuf au mois de mav le 

*j 

boesseau de bon mestail mesure de Montdoubleau val- 
loit 17 solz. » 



1610. Prix du blé, du vin. Incendie. 
16 mars, Grande tempête. 

a En l'an mil six cens et dix, le premier, de janvier 
et an que dessus et au longe du d. mois, le bled mesure 
de Montdoubleau, bled forment a vallu le boisseau 
quinze solz; le mestail à la mesme mesure xn solz. 

« Le vin à Villiers en la mesme année si dessus 
a vallu xx escuz, le moindre xvn escuz, le tout au 
mois de janvier et an si dessus. 

« Le mecrdy [mercredi] iii esme de mars en l'an si 
devant ariva grand bruslement de feu à la mestarye 
de Bourgueuf près le bourg de Soudé là où il fut perdu 
beaucoup de bin [bien] là où il demeuroit pour lors 
Julian Angeneau et Jehanne Breton sa femme. 

« Le rnardy seziesme [16] de mars et an que des- 
sus ariva une grande tempeste de vent, rompement de 
logis et abattement de bois. » 



Assassinat de Henri IV. 

« Le quatorzième de may l'an mil six cent et dix 

(1) Los vignes avaient gelé pendant le grand hiver, 



— 293 — 

[1610] fust mis à mor Hanry quatriesme de nom et 
de Bourbon, roy de France qui l'ut masacré à Paris 
en son carroce par un très misérable et très malheu- 
reux créature qui est, selon le commun bruit d'An- 
eoulesme nommé François Ravaillare ei le frappa 
avec un cousteau selon le commun bruit. » 



1610. Construction du pont de Mondoubleau. 
Prix des denrées. 

« En l'an mil six cent et dix fut faict et commensé 
le pont de piare par un nommé Hervet qui est pour 
ariver et aborder à la ville de Montdoubleau et fut 
commencé durant l'esté en l'an si dessus. 

« En l'an si davant le bled mestail mesure du d. 
Montdoubleau valloit xim solz au mois de novembre 
et auparavant le d. mois. 

« En la dicte année le vin valloit au commence- 
ment de vendange xm escuz. Au mois de novembre 
ensuivant neuf escuz et moings. » 



1611. Prix des denrées. 
Double exécution à Mondoubleau. 

« En l'an mil six cens et unze (1611) au mois de 
janvier, febvrier, le vin a vallu sur les lieux xx li- 
vres et xxn ii livres. 

« L'avoine au mois si davant a valu mesure de Mont- 
doubleau 7 solz 6 deniers. 

« Le lundy 7 e3me jour de febvrier 1611 fut exécuté 
par justice et rompu sur la roue un nommé Belle- 
tare en la ville de Montdoubleau 

« L'unziesme d'avril mil six cens et unze futexécuté 
et pendu par la voye de justice un nommé Chappelle 
et en la ville de Montdoubleau. » 



— 294 - 

Assassinat de Jacques de Vendomois, sieur d'Alleray, 

le 22 février 1611. 

« Le mardy xxn 8Sme de febvrier l'un mil six cens et 
unze et sur les trois heures du seoir fut tué miséra- 
blement noble homme messire Jasques de Vendos- 
mois sieur d'Alleray, Soudé et autres terres, et sur 
les environs de l'étang de Boisvinet à la sortye du ba- 
teau mestant pied [à] terre. » 

On trouve d'autre part au registre de la paroisse : 

<» Le dernier jour de febvrier fut inhumé en la cha- 
pelle de Notre-Dame de Soudé en un sarcu [cercueil] 
de bplond [plomb] couvert d'un autre de boua [bois] 
et par vénérable messire François Bourdin, curé du 
d. lieu, scavoir noble homme Jacques de Vendosmois 
sieur d'Alleray et autres terres et fut tué misérable- 
ment sur la grève de l'estang de Boisvinet le vingt 
deuxiesme de febvrier l'an mil six cens et unze. » 

[Voilà donc fixée définitivement la date précise 
d'un événement qui, jusqu'alors, n'avait été indiqué 
qu'avec des époques erronées.] (V. note C, Discus- 
sion des erreurs antérieures.) 



1611. Grande sécheresse. Prix des denrées. Incendie. 

« En l'an si davant fut grande saicheresse qui fist 
grand tort aux bins [biens] de la terre. Ne fust au- 
cun fruit en pomme, poire ny prune en ses [ces] quar- 
tiers [dans cette région.] Le Citrevallut le poinson cens 
solz dès [le] mois de may. 

« Le xxxi esme du d. mois le bled mestail le boesseau 
xxn solz, l'avoinne x solz; la livre debœure un sols. 

« Le mardy xiui e " ne de juin l'an mil six cens et 
unze fut bruslé deux chambres de maison au lieu de 
Borde-Bruslé en ceste paroisse de Soudé avec les 
meubles là où demeuroit pour lors Loys Lemoynne. 



- 295 — 

« En l'an mil six cens et unze est allé de mort à très- 
pas(l) veir la fin do septembre ou commencement d'oc- 
tobre honorable homme monseigneur du Maine. » 

[Je n'ai pu trouver de quel personnage notre vi- 
caire voulait parler. En consultant le Dict. toj>o<ji-., 
hist. et généalogique, du diocèse du Maine, par le 
Paige, chanoine de la cathédrale, Le Mans 1777, je 
me suis assuré qu'aucun évoque du Mans n'était 
mort à cette date ni même à une date voisine, et que 
d'autre part il n'y a eu aucun Coude du Mai ne de- 
puis 1584 jusqu'à 1673. | 



1612. Prix des denrées. Grandes eaux en novembre. 

Contagion. 

« L'an mil six cens douze au mois de janvier le 
vin de lignage cleret [V. note B] valloit sur les lieux 
xu livres, au mois de febvrier xv livres; le bled mes- 
tail valloit xnn solz; l'avoinne valloit vm solz. 

« En l'année si dessus douze, le vin nouveau val- 
loit la chartée xvm livres aux mois d'octobre, novem- 
bre, décembre prins à Villicrs. » 

[On lit en marge: 1612 pour le vin de lignage.] 

« En lamesme année et mois si davant le bled nies- 
mail bon et mesure de Montdoubleau valloit xi solz 
ou xu solz au plus. 

« Le forment au mesme temps et mesure si dessus 
xnn solz. 

« L'avoinne au mesme temps si davant le boisseau 
valloit cinq solz et six deniers la [dus chère. 



(1) Cette expression absurde, est aile de mort à trespas, se re- 
trouve fréquemment au registre des décès tenu par le même, el 
en outre avec l'aggravation suivante : « es! allé de mort à tres- 
pas deffuncte Anthoinette Desrochés qui estoit le xxiii'*"" de jan- 
vier l'an que dessus (1586). » 



— 296 - 

« Le vingtz neufiesme [29 novembre] qui estpit la 

Vigille Sainct André en l'année si dessus douze au 
mois de novembre les eaues lurent fort grandes. 

« Au mesme temps si dessus et année le eitre de 
Sauger le poinson valloit l solz; le commun xl solz 
et ny a voit peu de fruict en ceste paroisse de Soudé 
et autres paroisses proches. 

« Le lundy 17 esme de décembre l'an mil six cens et 
douze la livre debeure vallut au marché de Montdou- 
bleau cinq solz. 

« En l'an mil six cens et douze la contagion fust fort 
violente à la mestarye de la Bare paroisse du Mont- 
mirail et commença vers la feste de la Magdeleine [22 
juillet]. 

« En l'an si dessus au mesme temps au mou lin de 
Courgirault autrement nommé la Piere, la Caillardière 
[V. à 1024, foudre à la Caillardière, paroisse de Grez], 
laCongnerye, et en mourut grand nombre. 

u Et en la mesme année et auparavant la dicte feste 
si dessus (22 juillet), [la même contagion] fust au 
Mans. 

« Et en l'année douze à la feste de Toussainct Mons r 
le compte (sic) [de] Soysons rendit l'âme à Dieu. » 

[Charles de Bourbon, comte de Soissons, lils de 
Louis I", prince de Coudé, né le 3 novembre 1566 
à Nogent-le-Rotrou, mort le 1"' novembre 1612, au 
château de Blandy-en-Brie. — Nouvelle Biographie 
; je né raie. 

[V. Bulletin 1883, p. 270, un cas de peste cité à 
Montoire le 20 août 1612.] 



1613. Janvier, grandes eaux, tempête. 

Meurtre, Exécutions. 

Eté très mouillé. — Long hiver 1613 - 1614. 

« Le mardy premier jour de l'année l'an mil six cens 



— 297 — 

et treize et le mecredy ensuyvant les eaues furent forl 
grandes ei les vents fort dommaigeable aux logis et 
bois. » 

9 au 12 janvier. Tempête. 

« Ensemble le mecredy neufiesme jour de janvier et 
an que dessus, le judy, vandredy, sepmady ensuivanl 
fust une grande tempête de vents lors que les pressouer 
de la mestarye de Planche-Huber paroisse de Soudé 
tomba tout affect [tout à fait] et autre logis au plat pays, 
nombre d'arbres aux foret et autres pays. 

« Les eaues fort grandes et dommageables durant les 
jours si dessus. 

« Le lundi quatorziesme jour de janvier l'an mil six 
cens et treze alla de vie à trespas François Guenier 
bardelier demeurant aux Pin son ni ères, paroisse de 
Soudé et mourut à Montmirail pour estre tombé des- 
sin- un logis le mecredy précédent 9 es,ne jour du d. 
mois. 

[On voit qu'il s'agit d'un couvreur en bardeau, qui 
a été précipité de son toit le mercredi 9 janvier, par 
suite de la violente tempête signalée ci-dessus.] 

« Le mecredy G esm ' do febvrier 1613 se tua un pan- 
vre homme paroisse d'Oigny dans le bois de Mari- 
gnv à la cliente d'un chesne et nommé Le Moyne. 

« En l'an mil six cens treze au mois de janvier, 
febvrier ensuivant le bled forment mesure de Mont- 
doubleau valloit xin solz deniers ou xuu au plus, 
le mcstail bon delà mesme mesure xi solz. L'avoinne 
de la mesme mesure 5 solz (> deniers. » 



En marge: Meurtre misérable et pytoyable. 

« Le lundy premier jour d'apvril l'an mil six cens 
et treze qui estoit le lendemain des Rameaux, arriva 
un grand accident d'un pauvre homme de la ville de 



— 298 — 

S ct Calais qui tua sa pauvre femme d'un Cousteau et 
sans querelle comme je entendu de plusieurs. 

« Le jeudi ensuivant les eaues furent fort grandes 
qui estoit le 4 emc jour du d. mois d'apvril et en l'an si 
dessus. 

« Et le deuxiesme de may ensuivant fust exécuté 
par la voye de justice cet homme par cy davant nommé 
et en la ville de S ct Callais. 

« Ensemble le mesme fut fustigé un autre homme 
par les calefours de la dicte ville avec la Heur de 
lys. 

« L'an mil six cens et treze au mois de juin et juil- 
let la pluye continua fort longuement qui fut cause 
que l'on ne pouvoit accommoder les foings et apporta 
dommage aux bleds à cause des herbes qui les souffo- 
coient. 

« Le neutiesme jour de novembre l'an mil six cens 
et treze alla de vie à trespas honorable homme frère 
Matthieu Picot pour lors abbé de S ct Vincent du Mans 
et prieur du prieuré de Soudé. 

« L'unziesme de novembre qui estoit le jour S ct 
Martin l'an mil six cens et treze l'yver se commença 
et dura jusques au mois d'apvril 1614. 

« La dicte année si dessus treze et quatorze le bled 
mestail bon valut xm solz le boesseau ; l'avoinne v 
solz le boesseau au mesme temps si dessus. » 

1614. Prix des denrées. Curage du puits de Souday. 
Beaucoup de pommes. Peu de raisins. 

« Le heure 1614 valut la livre 4 solz au caresme 

[mars]. » 

| Cette cherté résulte de l'hiver, qui se prolongea 
jusqu'à la fin de mars; il n'y avait plus de nour- 
riture pour les vaches.) 

« En la dicte année 1614 au mois d'apvril le bled 



- 299 — 

mestail mesure de Montdoubleau valloit xim solz. 
« Au mois de may ensuivant le mestail valloit xix 
solz le bcfesseau; l'avoinne vi solz vi deniers à la 
mesure si davant. 

« A la fin de juin 1614 le bled mestail [valait] xvi 

solz et l'avoinne vm solz. » 

Curage du puits de Souday 

« Le mecredy xnii esme de may l'an mil six cens et 
quatorze fust curé et netty le puy commun du bourg 
de Soudé et par u jours et une nuit à tirer incessam- 
ment. Les artisans un nommé Cornu, Richart, Girard 
de la Hallebardière, François Robillart, Marin Gan- 
din et autres. » 

« En l'an mil six cens et quatorze au mois de juil- 
let le vin valloit prins sur les lieux l livres la cliar- 
tée. Au mois d'octobre, prins sur les lieux, en l'an 
si dessus lx livres. » 

« En l'an si dessus quatorze, le forment valloit le 
boesseau mesure de Montdoubleau de juillet, oust, 
scavoir 19 solz; mestail 17 solz, l'avoinne 8 solz. Au 
mois d'octobre l'avoinne 5 solz vi deniers. » 

« En l'an si dessus, grand nombre de pommes fran- 
ches, fruict à nouyau. » 

« En la dicte année peu de vendange au Yendos- 
mois. » 

« En la dicte année si dessus le bled forment au 
mois de novembre valloit xv solz, mestail xiii solz, 
l'avoinne le cours v solz vi deniers; le vin prins au 
Vendosmois lx livres. » 

1615. Février, grandes neiges. Mars, grandes eaux. 

« Le [in esme de janvier et an que dessus Messin 1 
Hanry Fortin secrétaire de l'église de Soudé célébra 

sa première messe. » 



— 300 - 

« Le dimanche premier jour de febvrier et an que 
dessus messire Pierre Bordeau pbre célébra sa pre- 
mière messe en l'église de Soudé assistez de plusieurs 
[de] ses parens et amis. 

« Le premier dimanche du mois febvrier (1) et an 
que dessus commença une geslée au seoir [soir] et 
le mardy 16 esme du d. mois (2) tomba grandes nages 
et la nuict entre le mecredy et jeudy suivant redou- 
blèrent les nages et le sepmady d'entre le dimanche 
vingt uniesme et vingtz deuxiesme du d. mois de feb- 
vrier s'augquementèrent les nages la nuict et jour si 
dessus (3) que l'on ne pouvoit cheminer et Ton y es- 
toit communément jusques au genoil. 

« Et le vendredy xin esme de mars ensuivant tonna 
grandement avec grand nombre de gresle et le lende- 
main grande pluye ; si bien [que] à la fundaison des 
nages les eaues furent fort grandes, (rajouté) et du- 
rèrent 7 sepmainnes. » , 

1615. Mai, gelée des vignes. Accidents. 
Grande sécheresse. 

« Le premier jour de may 1615 fist fort grande 
chaleur par l'espace de ni jours consécutifs et le sep- 
mady d'entre le dimanche 10 esnu ' du d. mois (4) ariva 
une grange geslée avec de l'eaue qui apporta grand 
dommage sur les vignes. 

« En l'an si davant au mois de may 1615 le boes- 
seau de bled mestail valloit xn solz et x solz le mes- 
tail; le forment xiii solz; l'avoine v solz vi deniers, 
le tout mesure de Montdoubleau. » 



(1) C'était le 1 er février (V. ci-dessus). 

(2) Erreur, le 16 février était un lundi. Admettons mardi 17 
pour les premières grandes neiges. 

(3) Samedi 21 et dimanche 22; gvandc neige la nuit du sa- 
medi au dimanche et le dim. 22. 

(1) C'est-à-dire la nuit du samedi nu dimanche 10. 



— 301 — 

« Le jeudy xim esme de mai 1G15 se tuèrent Monsieur 
de Tucé avec son beau-frère d'Armcnville proches le 
Mans. 

« Le sepmady xxiin esmo du d. mois et an se brusla 
en sa maison misérablement paroisse d'Oygny un 
nommé Jehan Verdier. 

« Le dernier jour de juin doux marchez à Mont- 
doubleau (1) le bled mcstail valut le boesseau xvin 
solz; l'avoinne ix solz. 

« Le lundy premier jour [marché] de juillet ensui- 
vant (2) le mesme bled valut xiiu solz; l'avoinne ? solz 
G deniers. Le tout en l'an si dessus. 



Exécution d'un nommé Malice. 

« Le mecredy premier jour de juillet 1G15, vigille 
de la Visitation de N tre Dame fust exécuté rompusur 

la roue vif un nommé Malice [suit un mot illisible, 
nom propre? ou qualificatif?! et en la ville de Vcn- 
dosme. 

« Grande saicheresse depuis les Rogations [25 mai] 
jusques à la Sainct Jehan 1615 qui causa grande perte 
sur les bins [biens] de la terre; (rajouté en interligne) 
qui dura [la sécheresse] jusques à la S'' 1 Denys [9 oc- 
tobre] (3). » 



(t) D'après d'autres citations du ms. (V. 17 décembre 1612), le 
jour du marché à Montdoubleau était le lundi ; or le lundi 29 
juin 1615, était la fête de S 1 Pierre et S 1 Paul, jour férié; le 
marché de Montdoubleau dut donc être remis au mardi :>0. Pro- 
bablement que le mardi était un deuxième jour de marché pour 
d'autres denrées, et qu'on dut réunir les deux marchés le 30 
juin 1615. 

(2) Lq,V t juillet était un mercredi, comme l'auteur le dit lui- 
même à la suite; il a voulu parler ici du lundi suivant le 30 
juin, e'est-à-dire du marché suivant, le premier marché de juil- 
let qui fut le lundi 6. 

(3) Cette longueet désastreuse sécheresse de 1615 a laissé des 



— 302 - 

« Au mois de septembre la livre de bœure vallut 
vin solz en l'an mil six cens et quinze [prix exces- 
sif]. 

1616. Double exécution. Gendarmes. Prix des denrées. 

Foudre à St-Agil. 

«L'an mil six cens seze furent exécutées par justice 
deux filles convainques d'avoir deffaict leur enfans 
l'une servante au lieu de la Ferdonnière la dernière 
en la maison de Courtemblay. 

« Nous avons eu grand nombre de gendarmerye 
à Soudé à commencer du jour Sainct Martin d'y ver 
[11 novembre 1615] jusques au jour des Cendres 1610 
[17 février]. 

« En l'an si davant le bled mestail valloit mesure 
de Montdoubleau au mois d'apvril xvn solz, l'avoinne 
9 solz; le beurre au commencement du Ca>resme [17 
février] vin solz. Le vin le chartée prins au Vendos- 
mois 27 escuz. 

« Le vin valloit prins au Vendosmois la chartée 20 
escuz au mois d'aoust 1616. » 

Au registre de la paroisse : 

« Le ving cinquiesme cy dessus [juin 1616] fust 
tué par le tonnerre la femme d'un nommé Gallierdans 
l'église de S ct Agil avec grand ruine au clocher de la 
dicte église. » 

1617. Prix des denrées. Absence de fruits. 

« En l'an mil six cens et dix sept au mois de jan- 
vier la chartée de vin de lignage [V. note B] prins à 



traces dans nombre de chroniques et registres de paroisses. 
(V. notre Bulletin, 1883, p. 272; S'-Jacques-dcs-Guérets.) 

M. C. Port, l'archiviste d'Angers, m'a communiqué plusieurs 
notes importantes à ce sujet. 



— 303 — 

Villiers ou aux environs valloit xx livres et moings; 
le bled au mesme temps, mestail valloit xn solz ou 
xiii solz, fton. L'avoinne mi solz 6 deniers le tout me- 
sure de Montdoubleau. 

« En la mesme année le vin valloit à la fin de jan- 
vier xv livres. 

(( En la mesme année le vin de lignage au mois 
de septembre valloit xxi livres. 

« En la dicte année 1G17 n'a esté aucun i'ruiet ny 
pommes ne poires. » 

[Ce manque de fruits résulte d'une forte gelée 
survenue les 26 et 27 avril. Journal de Louve! 
d'Angers. Renseignement de M. C. Port.] 



1618. Exécution. Meurtre. 
L'incendie du Palais de Paris. Prix des denrées. 

« Le mecredy xxnir smo jour de janvier l'an mil six 
cens et dix huict furent exécutés par justice dans le 
bourg de Courtgenard deux pauvres malefacteurs. 

« Le mardy 27 csme jour d'apvril [lapsus, pour fé- 
vrier!) et an que dessus 1G18 un pauvre meusniertua 
un autre meusnier dans la halle de Montmirail comme 
je entendu, qui estoit le mardi gras [27 février]. 

« Le mardy 6 esme de mars l'an mil six cens et dix- 
huict ariva un grand accident et bruslcmcnt de. fou, 
comme je entendu, sur le paillas [palais] de Paris (1) 
et le jeudi ensuivant [8 mars] alla de vies à trépas 
Madame de Nevers (?) 

« En l'an mil six cens et dix huict au mois de mars 
et auparavant le bled mestail, mesurede Montdoubleau 
valloit 16 solz, forment xvtu solz, l'avoinne 6 solz. 
La chartée de lignage |V. note Bj prins sur les lieux 
xxvn livres. 

(1) V. sur cet incendie célèbre la noie I», à la suite du jour- 
nal. 

xxiv 22 



— 304 — 

« En la mesme année au mois de may, le forment 
xxn solz, le mestail xx solz, l'avoinne v solz. 

« Vin de lignage xxx livres. 

« Et l'an que dessus au mois d'octobre le bled for- 
ment valloit xx solz, bled mestail xvm solz, l'avoinne 
vi solz. 

« Le vin de lignage prins sur les lieux, quarente 
francs. 

« En l'an mil six cens et dix huict le xn esme d'oc- 
tobre fust bruslé un petit logis appartenant au nommé 
Belond (?) au lieu de la Houdonnière paroisse de 
Soudé. » 



1619. Accident. l re messe de Le Roy & Savare. 
Eau à la Ferté. 

« L'an mil six cens et dix neuf vers la fin de jan- 
vier se pendit un pauvre enfant en l'aage de xn ans, 
paroisse d'Oigny en une mestarye près Lespicière. 

« Le xxin esnle de juin [dimanche] le nepveu de Mes- 
sire Michel le Roy paroisse du Plessis-Dorin célébra 
sa première messe au dict lieu en l'an mil six cens et 
dix neuf. 

« Le septicsmo de juillet, frère Julian Savare reli- 
gieux célébra sa première messe en l'église du Gué 
de Launay en l'an si dessus 1619. 

« Le lundy au seoir [soir] xxinr"' 110 de novembre (1) 
l'an mil six cens et dix neuf tomba une grande ver- 
tion [averse] d'eaues à la Ferté-Bernard qui leur ap- 
porta beaucoup d'enuy. » 

[Rien sur 1620 ni sur 1G21 jusqu'à l'hiver 1622.] 



(1) Erreur: le 24 novembre 1619 est un dimanche; le lundi 
était donc le 25. 



— 305 



Hiver 1621-22. Incendie. Prix des denrées. 






Guerre intérieure. 



« L'an mil six cens xxi l'yver et grande gelée se 
commença le xvin esme décembre et se continua avec 
nages, gelées jusquos au 26 esme febvrier [1622] ; la nuicl 
ensuivant les eaucs grandes. 

« En l'an mil six cens xxu le bled forment mesure 
de Montdoublean valloit au mois de janvier xx sol/, 
le mestail xvi solz, l'avoinne 6 sol/.. 

« La nuictdu jour S ct Georges et dimanche xxnr"' 
jour d'apvril l'an mil six cens xxn (1) fut bruslé une 
grange avec une halle à mettre du bois appartenant 
à maître Jehan Durand an bourg de Soudé. 

<( Les mois de may, juin, juillet le bled mestail val- 
loit xx solz le boesseau; forment xxm solz; l'avoinne 
vin solz mesure si dessus et en l'an si davant. 

« En l'année mil six cens vingt un et xxn les guer- 
res furent fort violantes est [es] pays do Montauban, 
La Rochelle et autres villes; y mourut Monsr du Mai- 
ries, Monsr de la Frettc et autres seigneurs et Monsr 
de la Buissonnière fust blessé au genoul à Saincte 
Foy au mesme temps. » 

« Le jeudy m PS,r " de novembre 1622 tumba grande 
allluence de nage | neige] avec de la plûyê le mesme 
jour. 

1623. 14 juin, grande pluie. Cherté, misère. 

Incendie. 

« Le meerdy xnïi esme de juin entre la nuiet de la 
Feste-Dieu, apprès minuict tumba grande affluance 
d'eaue qui gasta les bled/, chenevirs, les herbes des 
prez, on l'an mil six cens xxm. 

(1) Le 23 avril 1622 esl le samedi et la S'-Georges 



— 306 — 

« En l'année si (lavant fnst grand nombre de pau- 
vres ; le bled mestail, mesure de Montdoubleau val- 
loit xviii solz, l'avoinne à la même mesure vi solz 
vi deniers. 

« Le vendredy xxi csme de juillet l'an mil six cens 
vingt trois, l'église et logis du couvent du Gué de Lau- 
nay paroisse de Vibbraye fust bruslé. 

1624. Incendie. Prix des denrées. 
Février, grandes neiges & grandes eaux. Meurtre. 

« Le jeudy x osmo de janvier (1) au seoir sur les 7 
heures en l'an mil six cens vingtz quatre ariva un 
bruslement de feu, au lieu de Varande paroisse de 
Soudé là où demeuroit Yves (?) Guillois, Jehan An- 
geneau. 

« En l'an mil six cent vingtz quatre au mois de 
janvier, bled mestail mesure de Montdoubleau le boes- 
seau valloit xn solz, l'avoinnc mi solz vi deniers; la 
chartée de vin de lignage [V. note B] xv livres. 

« Le vendredy neufiesme jour de febvrier sur les 
ni heures du seoir l'an mil six cens vingt quatre, 
tumba grande aftiuence de nage par l'espace de qua- 
tre [heures]. Le sepmady ensuivant la nuict, affluenec 
de nage. 

« Le vendredv xvi osmo du d. mois si dessus et an, 
recommencèrent les nages qui durèrent incessamment 
[sans cesser] jusques au dimanche ensuivant si gran- 
des qu'on ne pouvoit aller par terre et le lundy dix 
ncutiesme ensuivant recommencèrent sur les neuf heu- 
res du seoir avec grande affluence. 

« Le dimanche xxv'' sn1 '' du d. mois si-dessus, les 
nages commencèrent à se fondre; les cauesfort gran- 
des. 

« Le mecredy xuir smc la nuict entre le d. jour et 
jeudy de febvrier l'an mil six cens xxmi fust faictun 

(1) Erreur: mercredi 10, jeudi 11 janvier 1624. 



— 307 — 

meurdre [meurtre] au lieu de la Fallue (?) paroisse 
d'Oigny d'une pauvre femme, selon lu commun bruict. » 



1624 (bis). Divers. Eté chaud & sec. 
Maladies. Incendies. 

« Le mardy neufiesme jour de juillet l'an mil six 
cens vingtz quatre se naya [noya] un nommé le Bre- 
thon eu se besgnans dans l'estang de Boisvinet el le 
lendemain fust inhumé en l'église de Soudé. 

« Le vendredy xvi" s "" jour d'aoustqui estoil le len- 
demain de la teste de l'Assumption de N"'" Dame 1624 
fust posé une pierre avec la croix sur le couppeau de 
l'église de Soudé pour enchappeler le pignon de la 
diète église. 

« Tout l'esté de la dicte année si dessus fust fort 
sec avecques grandes malladies, fieubvres communes 
à grands et petitz. 

« En l'an mil six cens vingtz quatre au commen- 
cement du mois de septembre la disenterye, flux de 
ventre, se commença au lieu des Grandes-Pinsonniè- 
res paroisse de Soudé. 

« Le lundi seziesme jour de septembre 1624 sur les 
m à mi heures du seoir ariva grand bruslement et 
désastre de feu en la ville de la Ferté-Besnard. » 

« En la mesme année auparavant ce que dessus 
ariva vers le Marteroy bruslement de l'eu en l;i ville 
d'Orléans, par le rapport d'un des lils de Monsr de 
la Boulandière nommé Helainqui estnit pour lors pré- 
sent. 

« Au mois de septembre l'an mil six cens vingt/, 
quattro, l'église de Soudé avec la chapelle S H -Gcor- 
ges a esté blanchie par un nomme'' Bordeau du lieu 
du Boulay paroisse de Soudé, 

« Le xiiii' s ""-' d'octobre en l'an mil six cens vingtz 
• piatre fust tué par la fouldre du tonnerre deux vas- 
ches au lieu de la Callardière paroisse de (irez ap- 



— 308 - 

partenant à un nommé Voysin demeurant au d. lieu 
si dessus. 

« En l'an si dessus à la fin de l'esté à eause de la 
saicheresse le beure valloit la livre à Montdoubleau 
vi solz et plus. » 



1625. Accident. Tonnerre. 

« Le dimanche 27 esme juillet 1(325 se tua à la cheute 
d'un poryer [poirier] Robin Fontaine de la Husar- 
dière paroisse de Soudé et sur les 4 heures du seoir. 

« Le mardy xxix es01e jour de juillet en l'an mil six 
cens vingtz cinq fust tué par le tonnerre un bœuf ap- 
partenant à Gervais Lucas de la Hérisonnière, pa- 
roisse de Choues et sur les 7 heures du seoir. » 



1626. Prix des denrées. En mai, grands orages. 
Pont de Mondoubleau rompu. 

« Le lundy 4 esme d'apvril 1626 (1), le bled mestail 
mesure de Montdoubleau valloit 24 solz, l'avoinne xi 
solz, l'orge xvn solz. 

« Le vin au mesme temps si dessus, sur les lieux 
au Vendosmois, la chartée vin escuz; x escuz du 
bon. 

« Le lundi des Rogations xvm esme de may 1626, le 
bled mestail mesure do Montdoubleau valloit xxvu 
solz, le forment xxix solz, l'avoinne xmi solz, le beurre 
m solz vi deniers. 

« Le vendredy xxn csme de may 1626 et sepmady en- 
suivant tumba grande affluence d'eaues avec grand 
émotion de tonerre et le dimanche ensuivant demye 
heure apprès midy deux grans émotions de tonnerre 

(1) Erreur: le premier lundi d'avril 1620 ('tait le G! 



— 309 - 

avec une grande affluance d'eaues l'espace d'un quarl 
d'heure. \ 

« Le sébmady xxm es,ne jour de may 1626 fust tué 
par le tonnerre un nommé Julian Denyau de la pa- 
roisse de Choue. 

« Au mesme temps le pontz de Montdoubleau fusl 
rompu par les eaux. » 

|I1 s'agit du pont de pierre construit en L610, 
comme il est dit plus haut. Je n'ai pas trouvé trace 
de ce pont dans YEssai historique sur Mondoubleau , 
de Beauvais de S fc -Paul.] 

1626 (bis). Orages en juin. 
Chenilles. Prix des denrées. 25 juillet, grêle. 

« Le jeudy ini esme de juin 1626 tumba une grande 
affluence d'eaues dans le bourg de Soudé avec grande 
émotion de tonnerre et sur une heure apprès midy qui 
dura jusques à deux heures. 

« Le niardy ix esme et mecrdy x esme de juin si dos- 
sus et an que davant il tumba grande affluence d'eaues 
et grand esmotion de tonnerres qui ont faict grand 
dommages sur les biens de la terre en certains qan- 
tons [cantons). » 

« En l'an mil six cens vintgz six fust grand nom- 
bre de chenilles qui gastèrent les arbres et fruictzde 
la terre et commencèrent des le mois d'apvril. 

« Le lundy xm esme de juillet 1626, le bled mestail 
mesure de Montdoubleau valloit xxxv sol/ le boes- 
seau, l'avoine à la mesme mesure xix solz. 

« La mesme année les chenevières ne vallurenl 
rien. 

« En l'année si dessus et au mesme jour de juillet 
vingtz cinq qui estoit le jour S H Jacques, sur les 7 
heures du seoir, aux environs de Montdoubleau el 
paroisse de Choue d'une partye, ariva grande affluence 
de gresle et eaues qui firent grand dommage sur lés 



- 310 — 

bleds, avoinnes et autres mars,, fruictz , pommes, poi- 
res., prunes; et grands dommages des foings sur les 
rivières. » 

1627. Blé cher. Contagion. 
Commencement du siège de La Rochelle. 

« En l'an mil six cens vingtz sept le bled fust fort 
cher et valloit encore à la S ct Jehan le fourmcnt xxx 
solz, mestail xxvm solz, l'avoine ix solz, auparavant 
xiiu solz. 

« En l'an mil six cens vingtz 7 et xx 8 les conta- 
gions furent grandes à Vibbraye, le Mans, la Fcrté 
et autres lieux proches. » 

« En l'an mil six cens xx sept, devant la cuillet 
[avant la moisson] le siège commença devant la Ro- 
chelle. » 

1628. Blé cher. Eté mouillé. Abondance de fruits. 
Prise de La Rochelle. 

« En l'an mil six cens vingtz huict, le bled mes- 
tail apprès la Sainct Jehan valloit vingt-sept solz. 

« En l'an mil six cens vingtz huict, fut grande 
abondance de pommes franches et sauvages, prunes. 

« En l'an si dessus, les foings furent grandement 
gastez par les eaux. » 

« Le bled bon à semer valloit xxn solz, à manger 
en pain xvm solz; l'avoine à la Toussainct 1628, 
v solz, le tout mesure de Montdoubleau. 

« Au mois de septembre 1G28 fust exécuté et pendu 
par la voye de justice à Vibbraye un nommé Niou- 
baut (?) paroisse de Grès. 

« L'an mil six cens vingtz huict vers la Toussainct 
a esté rendu la ville de la Rochelle en l'obéissance 
de notre sire le Roy Louys par la grâce de notre bon 
Dieu. » 



— 311 — 

[La capitulation de La Rochelle est du 2S octobre 
1628.] 







1629. Exécution. Eté sec. Prix du blé. 

« Le vendredy xxx esme de mars l'an mil six cens 
vingt neuf fust exécuté par voye do justice, pendu à 
Vibbraye un nommé Chertrain paroisse de Gros. 

« Au mois d'aoust l'esté fut fort sec 1629. 

« Au mois de septembre 1629 le bon bled mesure 
do Montdoubleau valloit xvi solz, le forment 19 sol/.. » 



1630. 

|Ici la moitié inférieure du feuillet a été coupée ; 
quelques sommets de lettres échappés font voir qu'il 
(Hait écrit. Il devait contenir des notes sur l'année 
1G30. 

Notons en passant que ce fut le 17 avril 1630 que 
B. Hameau dut célébrer sa cinquantaine de prêtrise. | 



1631. Loup enragé. Grande cherté. 17 mai, grêle. 

Eté très sec. 

« Le mardy xvm esme de febvrier l'an mil six cens 
trente ung se trouva un loup enragé qui bossa [blessa] 
beaucoup de personnes en la paroisse du Plessis- 
Dorin. 

« En l'an mil six cens trente un, le bled fust, très 
cher. Le boesseau de bled forment valloit m livres, 
le mestail cinquante solz ; l'avoine xix sol/., le tout 
mesure de Montdoubleau. 

« Le mardy xxvn esme de may en l'an si di^ssus 
ariva grande affluence d'eaues avec, de la gresle et sur 

les quatre heures du seoir qui dura l'espace d'une 
heure. Le lendemain au matin se noiiya deux bœfs au 



— 312 — 

gué de la Noue appartenant à la veufve Haillaut pa- 
roisse de Grez, lequel gué est situé en ceste paroisse 
de Soudé. (1). 

« En l'an mil six eens xxxi ariva grande saiche- 
resse durant l'esté qui gasta les mars. 

« En l'an mil six eens trente [et un, omis] le bled, 
mesure de Montdoubleau, forment valloit ni livres et 
plus le boesseau ; l'avoinnc xx solz le boesseau. » 

(V. plus haut id. Notre vieux vicaire se répète.] 

1632. 

« L'année d'après [1632] le boesseau de la dicte me- 
sure, au mois de may xx solz l'avoine xn solz. 

« Le vin au mes me temps [mai] rendu à Soudé 
xxiiii livres la chartée. » , 

[Ici finit le cahier de notes du prêtre Hameau, par 
une raison fort naturelle, c'est qu'il mourut le 1 er 
octobre 1632; on peut donc dire de notre fidèle chro- 
niqueur qu'il cessa tout à la fois de noter et de vi- 
vre. | 



Recette pour le Mal de gorge. 

On trouve ceci intercalé au journal, entre 1025 et 
1020 : 

« Recepte fort propre pour guarir du mal de gorge 
et pour bien laver sa bouche lors que l'on a mal à la 
langue. 



(lj Ce gué de la Noue était situé au confluent d'un petit ruis- 
seau (|iii vient rejoindre celui du Coctron, en dessous du eliû- 
teau de Glatigny. Il est remplacé aujourd'hui par le pont de la 

Noitr. 



— 313 - 

« C'est do prandre du grand d'orge plain la main 
avec du plantain, quelque peu le laver, apprès lecoûp- 
per et l'aire- le tout bouillir dans un petit pot de terre 
bien net et apprès l'avoir osté du feu y mettre un peu 
de miel et laisser froydir le tout ensemble et apprès 
le passer dans un linge blanc et en laver sa bouche 
par diverses fois. » 

[En 1625, le bon prêtre Hameau avait au moins 
70 ans ; sentant qu'il n'avait plus longtemps à vivre, 
il a pensé qu'il était temps de transmettre à la pos- 
térité un secret aussi important pour la santé pu- 
blique ! 

On voit, par cette recette anodine et champêtre, 
combien devait être simple la médecine et la dro- 
guerie d'alors, où le miel remplaçait le sucre, l'orge 
et le plantain nos kermès, alun, borax, chlorate de 
potasse, iodure, bromure de potassium, sels de li- 
thinc, etc.] 



Su.r la Population de Scnaclay 
Au commencement du XV li siècle . 

B. Hameau faisait de la statistique, probablement 
sans le savoir. 

M. A. de Trémault a relevé, au registre n" n delà 
paroisse, les chiffres suivants inscrits en marge; par 
notre vicaire. C'est le nombre des communiants à la 
fête de Pâques, pour chaque année, de 1G01 à 1616, 

En voici le tableau : 

Dates de Pâques Communiants 

22 avril 1601.... 1117 

7 avril 1602.... 1106 

30 mars 1603.... 1145 

18 avril 1604.... 11 10 

10 avril 1005.... 1150 

26 mars 1000.... 1160 

La note manque pour les années 1007 et 1608 



314 — 



19 avril 


1609.... 


1200 


11 avril 


1610.... 


1225 


3 avril 


1011 


1210 


22 avril 


1612 


1186 


7 avril 


1613 


1170 


30 mars 


1614.... 


1170 


19 avril 


1615.... 


1200 


3 avril 


1616.... 


1200 



Une première chose frappe, en parcourant ce tableau, 
c'est le mouvement ascendant de la population de 1602 
à 1611; on y lit, d'une manière saisissante, l'effet du 
règne réparateur du bon roi Henry IV; il semble que 
la France se reprend à vivre, après toutes les misères 
de la fin du siècle précédent. 

Une seconde chose nous a beaucoup surpris : c'est 
la valeur môme du chiffre de la population de la pa- 
roisse de Souday, au commencement du xvir siècle. 

Voici comment j'ai calculé la populatiçn totale de 
cette époque. J'ai admis que les communiants de Pâ- 
ques comprenaient tous les habitants depuis 13 ans. 
A l'aide de la table de mortalité de Deparcieux, qui 
se trouve à Y Annuaire du Bureau des longitudes, il 
m'a été facile d'évaluer par une simple proportion le 
nombre des enfants jusqu'à 13 ans étant donné celui 
des adultes. On trouve ainsi que 1200 adultes suppo- 
sent 382 enfants ; ce qui donne un total de 1582 habi- 
tants pour Souday, comme moyenne de 1609 à 1616 (1). 
En y joignant les habitants de Glatigny, on voit 
qu'il faut admettre au moins 1600 habitants pour le 
territoire actuel de Souday. Or le dernier recense- 
ment de 1881 a donné 1314 habitants ! Voilà donc une 
commune qui a perdu près de 200 habitants depuis 
l'époque de Henri IV. 



(1) Les limites des anciennes paroisses sont restées celles des 
communes actuelles. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, 
les soigneurs de Glatigny avaient formé une petite paroisse de 
Glatigny, comprenant 5 feux, ce qui diminue d'autant le nombre 
des habitants de Soucia v. 



— 315 - 

La population totale de la Franco ayant certaine- 
ment augmenté depuis lors, nous avons ici une preuve 
bien frappante de cette émigration continue des cam- 
pagnes vers les villes, cause de tous nos malheurs. 

Nous renvoyons, pour le développement de ces con- 
séquences, au bel article que mon savant collègue 
M. de Nadaillac a publié, au trimestre précédent de 
ce Bulletin, sur Y Affaiblissement de la natalité en 

France. 



Note A. 
Sur l'usage du double parrainage au XVI siècle. 

La chronique du chanoine Garault de Trôo (1543-1, '598), pu- 
bliéeau Bulletin Soc. Archéol., a. 1878, p. 222, se termine par 
la note suivante : « Vers l'an 1550, devant et après, on pre- 
noit deux pareins et une mareine pour tenir un enfant mâle 
sur les fons batismaux et un parein et deux mareines pour 
une fille. » 

Cette particularité curieuse a été relevée par AI. F. Bour- 
non, archiviste de Loir-et-Cher, dans l'inventaire des archives 
de Romorantin (1885). 

11 était intéressant de voir si cet usage existait encore en 
1580, et jusqu'à quelle date il s'est prolongé dans nos pays. 

Or, je trouve au petit cahier du vicaire I». Hameau, où il a 
inscrit la liste des enfants qu'il a tenus sur les fonts baptis 
maux, la fin de l'usage des deux parrains. 

« Le xv a jour d'octobre 1594, fut baptis»'' François lils de 
Noël Trembin, les parrains, vénérable et discret MessireFran 
çois Bourdin, curé de Sondé et moy Bienheuré Hameau \ i 
caire du sieur curé; la marraine Magdelaine Breton. Baptisé 
par Messire Louys Teixir, curé de Glatigné. » 



— 316 - 

Le parrainage suivant est ainsi rédigé: 
« Le 27 e de novembre 1594 fut baptisé Bienheuré fils de 
Louys Ghalopin ; le parrain messire Bienheuré Hameau, la 
marraine, Louyse Chalopin. » 

On peut donc dater, pour Souday, la fin de l'usage du dou- 
ble parrainage à la mi-octobre 1594. 

En compulsant les registres de Saint-Amand de Vendôme, 
j*ai pu suivre le même usage jusqu'en 1G09. A la fin de 1609, 
on trouve un mélange des deux modes. En 1610, il n'y avait 
plus qu'un parrain et une marraine à tous les baptêmes. Ainsi 
l'usage s'est perpétué quinze ans de plus à S'-Amand qu'à 
Souday. 

M. Chavigny, curé de Lancé, qui a analysé les vieux regis- 
tres de cette commune, lesquels commencent à 1563, m'a dit 
que l'usage du double parrainage se retrouvait également jus- 
qu'à la fin du xvi e siècle, mais sans me préciser la limite. Il 
m'a appris en outre que cet usage avait été aboli par un dé- 
cret du Concile de Trente. 

Les membres du clergé présents à la séance d'octobre nous 
ont confirmé ce renseignement. 

Il restait pour moi à connaître le texte et les motifs de ce 
décret, et à savoir comment un décret d'un concile dont la clô- 
ture remonte à 1563 n'a pas été appliqué en France avant 1594 
dans un diocèse, et avant 1610 dans un autre. 

Voici d'abord le texte du décret du concile (1): 

De reformatione matrimonii , caput II. 
Docet experientia, propter multitudinemprohibitionum, mul- 
toties in casibus prohibais ignoranter contrahi matrimonia, in 
quibus vel non sine magno peccato perseveratur, vel ea non 
sine magno scandalo dirimuntur. 

Volens itàque sancta Sgnodus huic incomm,odo providere, et 
a cognationis spiritualis impedimento incipiens statuit utunus 
tantum sive vir, sive mulier,juxta sacrorum canonurn instituta, 
vel ad summum unus et una baptizatum de Baptismo susci- 
piant. 

Concil. Trid. Sess. 24'' (novembre 1563). 



(1) Je dois la communication de ce texte au zèle d'un jeune 
abbé de ma famille. 



— 317 — 

On voit donc que le concile a aboli l'usage du triple par- 
rainage, pour ne pas multiplier les cas de parenté spirituelle, 
empêchement dirimant du mariage. Il désire même que l'on 
réduise à itn seul (parrain ou marraine) le répondant de l'en 
fant au baptême, pour faire disparaître entièrement ce ras 
(imprudemment établi) d'empêchemenl de mariage. 

Je trouve d'autre part à Y Art de vérifier les dates (3 e édit., 
1783, tome 1 er p. 214), après des détails précis sur le Concile 
de Trente (1543-1563), l'observation suivante où le savant lié 
nédictin de S'-Maur laisse percer un sentiment d'amertume : 
« Il n'est point reçu en France pour la discipline, mais il esl 
reçu, comme tous les conciles généraux, avec un profond res- 
pect pour la doctrine. Tous les Français croient de rieur el 
confessent de bouche toutes les vérités que ce saint concile 
enseigne sansy être obligés par aucune loi extérieure éma- 
née du Roi ou donnée en son nom par les Parlements.... » 

On voit donc que, par suite des libertés de l'Eglise gallicane^ 
le décret précédent du concile de Trente ne fut pas reçu en 
France, et que l'usage du double parrain s'éteignit peu à peu. 
et à des époques variables, dans les diverses paroisses (1). 



Note B. 

Le Vin de Lignage. 

De 1596 à 1605, le vicaire Hameau indique le prix du vin, 
sans désignation d'espèce de vin; en 1598, 1601 el 1602, il dil : 
« La chartée de vin commun valloit » 

C'est ce que l'on dirait encore aujourd'hui. Mais, à partir 
de 1605, il désigne presque toujours le vin dont il donne le prix 
par vin de lignage. {Y. à 1605, 1606, 1612, HilT, 1618 el 1624.) 
Exemple: « En 101 "7 , au mois de janvier, la ehartéede vin de 
lignage prins à Villiers ou aux environs valloit xx livres, 
etc. » 



(1) M. de Nadaillac, présent à la séance, nous a ;i|ipiis qu'en 
Angleterre, l'usage existe encore aujourd'hui, pour les baptê- 
mes solennels, de prendre deux parrains ou doux marraines, sui- 
vant le sexe de l'enfant. 



— 318 — 

Nous nous sommes demandé quel était le vin de nos pays 
désigné sous ce titre, au commencement du xvir siècle. 

D'après le sens des passages de notre manuscrit, il parait 
bien qu'il s'agit simplement de vin commun, fait avec un mé- 
lange de plusieurs cépages, et ne pouvant porter aucune dé- 
signation, à l'inverse de ceux fabriqués avec un cépage uni- 
que, tels que: vin d' Auvernat, vin de Cahors, vin de Surin, qui 
sont des vins de choix, des vins de propriétaire, et dont le 
cours diffère beaucoup de celui du vin ordinaire. 

La question valait cependant se discuter, car elle a été trai- 
tée et résolue de diverses façons par les commentateurs de 
Boileau, à propos du passage si connu de la Satire III : 

« Un laquais effronté m'apporte un rouge-bord 
« D'un auvernat fumeux, qui, mêlé de lignage 
« Se vendait chez Grenet pour vin de l'Hermitage. » 

Et d'abord Boileau, dans la dernière édition de ses Œuvres 
qu'il a publiée en 1701, n'a accompagné ce passage d'aucune 
note, de sorte que nous ignorerons toujours ce qu'il a voulu 
désigner par le lignage, sinon qu'il s'agit d'un vin médiocre. 

La plupart de ses commentateurs, dans les éditions posthu- 
mes qui ont suivi ont mis en note à propos du vers 

« D'un auvernat fumeux, qui, mêlé de lignage » : 
« Vins médiocres de l'Orléanais. » 

Littré, dans son Dictionnaire, met: Auvernat, gros vin 
rouge d'Orléans ; et il cite les vers de Boileau. 

3. Lignage, Espèce devin rouge médiocre du terroir d'Or- 
léans. — Et il cite Boileau. 

Sur ce, M. A. de Trémault m'apporte un ouvrage récent, 
intitulé Mer (Loir-et-Cher ), son église réformée, par P. 
de Félice, 1885. 

P. 106 et suiv., l'auteur reproduit (d'après les minutes d'un 
notaire de Mer) l'inventaire delà succession de feu M e Hélie 
Péjn, ministre à Mer, décédé le 25 octobre 1G51 ; 

P. 109 : « Dans la cave on ne trouva pas moins de 40 poin- 
çons de vin! (Ce brave pasteur faisait, parait-il, entre-temps, 
le commerce du vin.) 

« Soit: Trente d* Auvernat nouveau, à 30 livres le ton- 
neau. » 



— 319 - 

« Quatre de Lignaige (lignage) aouveau à 40 livres, etc. » 

Pour comparer la valeur de ces deux vins, il faut savoir 
que le tonneau représentait deux poinçons (1). Il en résulte 
que le poinçon d'auvernat valait 15 livres, el La même mesure 
de lignage 10 livres ; ce qui établit une grande différence <lr 
qualité entre ces deux vins. 

D'autre part, il est intéressant de vérifier ainsi, sur pièce 
authentique, qu'en 1651 (à l'époque de Boileau), on trouvait 
dans les caves de l'Orléanais précisément les deux espèces de 
vin qu'il cite, et que ses commentateurs regardent avec raison 
comme des vins du terroir d'Orléans. 

On voit d'ailleurs, d'après le manuscrit de Souday,que ce li- 
gnage était également récolté à Villiers ou aux environs de 
Vendôme. 

Il restait à résoudre une question: Le vin de lignai;)' est-il 
un vin l'ait avec un cépage particulier, dit lignage, comme le 
vin d'auvernat, par exemple, est fait avec du raisin d'auver- 
nat? Quelques indices pouvaient le fa ire supposer ; ainsi, dans 
un article sur le Mildew, par M. Tanviray {Le ('a ri lion, 13 
août 1885), je lis: « Tousles cépages ne sont paségalemenl ai 
fectés. Le Coton Cahors est le plus atteint. Viennenl ensuite 
le lignage ou noir tendre, etc. » 

Le noir tendre est également désigné sous le nom de li 
gnage en Touraine, m'a-t-on dit. 

Plusieurs commentateurs de Boileau ont cru également que 
le lignage était une espèce de raisin cultivé ;mx environs 
d'Orléans et de Blois. 

M. Paul Martellière, notre érudit collègue, qui a spéciale 
ment étudié la question des vins de l'Orléanais, consultépar 
nous sur cette grave question, nous a envoyé la noie suivante, 
qui nous paraît résoudre définitivement la question. « Le li 
gnage n'est pas un cépage de l*Orléanais, ni d'ailleurs; c'esl 
une qualité de vin. On faisait autrefois à Orléans i\n vin de 
pur auvernat, et des vins médiocres dits de trois raisins ou de 
lignage. Il y avait môme le bon lignage, composé de raisins 
choisis, et le lignage de tousjaisins bons ou mauvais, avec 

(1) Il y avait alors le tonneau, lo demi-tonneau ou poinçon ac- 
tuel, et h; quart de tonneau ou demi-poinçon. L'usage <ln ton- 
neau a disparu aujourd'hui; mais il en esl resté l'expression de 
quart pour- désigner un demi-poinçon. 

xxiv 23 



— 320 — 

plus de mauvais que de bon » V. J. Boullay,^ chanoine 

d'Orléans. — Manière de cultiver la vigne , etc. Orléans, 1723, 
3 e édit., p. 600. 

Du reste, au commencement de ce siècle, le vin ordinaire 
était encore désigné, dans les environs de Vendôme, sous le 
nom de vin de lignage. 

Le nom a disparu aujourd'hui, mais pas la chose; car ce 
sont précisément les vins choisis, d'auvernat, de surin, etc., 
qui ont été remplacés par le vin sans nom et médiocre qui 
fait la fortune de nos vignerons (Aurea mediocritas). 

Vin Clairet. — Au journal du vicaire, on lit, à janvier 1612 : 
« Le vin de lignage clêret valloit sur les lieux 12 livres. » 

Qu'est-ce que le vin clairet? Je trouve au Dictionnaire de 
Trévoux (18 e siècle) : Clairet; adjectif. Au masculin, il ne se dit 
proprement que du vin rouge paillet. 

Le vin clairet était un vin rouge ordinaire. Je trouve la note 
suivante dans une édition de Boileau, Paris 172G, en 4 volumes, 
qui est à la bibliothèque de Vendôme, à propos» de l'auvernat 
et du lignage: « L'auvernat est un vin fort rouge... des en- 
virons d'Orléans... » 

« Le lignage est un vin moins fort en couleur, qui est fait 
avec toutes sortes de raisins. Les cabaretiers mêlent ces deux 
sortes de vins pour faire leurs vins clairets et rosés de plusieurs 
couleurs. » 

Veut-on remonter au xvi° siècle pour vieillir notre vin clai- 
ret? Je trouve ceci aux Annales et chroniques du pais de La- 
val (1480-1537, chron. rimée, Laval 1858) ; il s'agit de l'entrée à 
Laval de dame Anthoinette du Lude : 

S y fust-il faict esbatemonts 

En tous lieux pour passer le temps 

En beuvant vins clairets et vins blancs. 

Aimc-t-on mieux du latin? En voici: on lit dans un vieux 
bouquin delà bibliothèque de Vendôme (1): Caroli Stephani 
libelluê de re hortensi. Paris Robert Estienne 1536, au livre 



(1) Je dois ce renseignement au bibliothécaire de la ville de 
Vendôme. 



— 321 - 

Vinetum, folio 64 : « A colore vina diciintur alla dlba Ru 

belliun antem id dicitur quod médium est interatrum et album. 
Vulgus nostrurfë claretum vocal. (Vin cléret \sic.]) » 



Note C. 
Sur la date de l'Assassinat de Jacques de Veudomois 

Nous avons donné, p. 294, la date exacte de cel événement, 
qui arriva le mardi 22 février 1611, sur les trois heures du soir. 

Par une sorte de fatalité, cette date a donné lieu à une sé- 
rie de fautes inextricables. 

Commençons par Beau vais de S'-Paul. Dans son Histoire de 
Mondoubleau, il dit d'abord, p. 304 : Jacques de Vendômois fut 
lâchement assassiné sur la grève de l'étang de Boisvinet, par 
le sire de Voves le 12 juillet 1611. — A la page suivante, il 
nous apprend que le sire de Voves (l'assassin) avait été désigné, 
par arrêt du parlement de Rouen en date du 11 mai 1611, pour 
jouir du privilège de lever la châsse de Saint Romain, privi- 
lège qui le mettait à l'abri de toute poursuite. 

Comment l'auteur n'a-t-il pas vu que le 12 juillet étant pos- 
térieur au 11 mai, l'assassinat ne pouvait avoir eu lieu à celle 
date ! 

Mais il y a plus fort. Le même, p. 378, dans son chap. sur 
Souday, écrit: MessireJ.de Vendômois, lequel comme nous 
l'avons rapporté (p. 304) fut assassiné en t('>12, sur la grève de 
l'étang de Boisvinet. 

Oh! critique, où es-tu? 

Un document qui ne pouvait pas tromper, ce semble, c'esl 
l'épitaphe inscrite autour de la pierre tumulaire où sont repré 
sentes, en traits gravés, Jacques de Vendômois et sa femme, 
et qui se trouve dans la chapelle souterraine de l'église de 
Souday. 

Cette épitaphe (comme je l'ai vérifié moi-même au mois 

d'août L885) porte: 1. de Veudomois... lequel décéda le 

22 febvrier 1612 (sic)... el dame Marguerite de Marescot son 
épouse, laquelle décéda le 16 juillet 1624 (sic) (I). 

(1) On trouvera au Bulletin de 1882, p. 170, cette épitaphe rc- 



- 322 — 

Eh bien, il y a deux fautes sur la môme pierre. J. de Vendo- 
mois est mort Je22 février 1011, comme nous l'avons montré plus 
liant. Quant à Marguerite de Marescot, voici son acte de dé- 
cès, copié aux registres de Souday: « Le xv e jour dudit mois 
(décembre 1023!) fut inhumé dans la chapelle de Notre Dame 
le corps de delïuncte noble dame Marguerite de Marescot veuve 
de defïimct Monsieur d'Alleray. » Ainsi la veuve de Jacques 
de Vendomois a dû mourir le 14 décembre 1G23 et son épita- 
phe la fait décéder le 10 juillet de l'année suivante! 

N'est-il pas bien étrange que l'on ait pu inscrire deux da- 
tes fausses sur une sépulture dans l'église même de la pa- 
roisse où sonts inscrits les actes de décès de ces deux person- 
nages importants? A qui se fier, grand Dieu ! si les pierreselles- 
mèmes peuvent mentir! 

Une erreur en entraîne toujours une autre. Dans le récit at- 
tachant que M. de Maricourt a lu, à la séance du mois de juil- 
let 1882, sous le titre le drame d'Alleray (V. le Bulletin de 
1882, p. 100), l'auteur y rappelle l'assassinat de Jacques de 
Vendomois, et place le fait à la date du 12 juiriet 1010, pour ne 
pas contredire l'arrêt du parlement de Rouen du 11 mai 1011. 
M. de Maricourt, en écrivant cet article, n'avait pour document 
que l'ouvrage de Beauvais de S f -Paul et l'épitaphe menteuse 
de Souday; il lui était impossible d'en sortir. 

Depuis (en 1884), M. Moulard a fait paraître une notice sur 
Souday •, que j'ai déjà eu occasion de citer, et qui contient (p. 38) 
un récit détaillé de l'assassinat de Jacques de Vendomois: ce 
récit, fait par M e Brès, ancien curé de Souday, d'après les re- 
gistres de la paroisse et la tradition encore vivante des anciens 
du pays, estd'une exactitude parfaite et porte la vraie date 
« le mardi 22 e jour de février 1611... » C'est là qu'il faudra lire 
désormais cet épisode dramatique de l'histoire du Perche. 

Je m'étonne seulement que M. Moulard ait donné (p. 41) 
l'épitaphe de Souday avec la date: 22 février 1612, sans rele- 



produite avec son orthographe, par M. do Maricourt, dans son 
article: le Drame d'Alleray. 

Par suite de la fatalité qui s'attache ù cette question, il vanne 
faute d'impression î\ la dernière ligne : laquelle décéda le 10 de 
juillet 1624. Il fallait le 16 juillet, comme l'auteur l'a écrit lui- 
même quelques lignes nu-dessus. 



— 323 — 

ver la contradiction de ce chiffre 1612 avec celui de 1611, qu'il 
venait de publier quelques lignes au-dessus. 



Note D 
L'Incendie du Palais de Paris eu mars 161». 

Le texte de notre vicaire porte : « Le mardy <>' "'• de mars 
l(>!8 arriva un grand accident et bruslementde feu, comme je 

entendu, sur lu paillas de Paris. » 

Lors du collationnement du manuscril avec la copie, M. de 
Trémault n'hésita pas à voir dans paillas un lapsus pour Pal 
lais, et nous nous dîmes qu'il y avait une noie à chercher sur 
cet incendie probablement mémorable 

Quelques jours après, M. de Trémault, parcourant un catalo- 
gue d'anciens ouvrages à vendre, qu'il venait de recevoir d'un 
libraire de Paris, tombe sur le titre suivant: L'incendie du Pal 
lais de Paris en 1618 ! — relation par Raoul Boutray, impri- 
mée pour la première fois avec des notes par Hippolyte Mon 
nardot, Paris 1879. 

C'était justement notre affaire. C'est à faire croirequ'il y ;i 
une bonne Fée pour les archéologues. M. de Trémault écrit, el 
reçoit aussitôt le volume dont voici une courte analyse. 

C'est un petit in-12, très bien imprimé ; on y trouve d'abord 
un travail très complet sur cette GraruVxalle, comme on l'appe 
lait dans le temps, et qui était une des merveilles de Paris. I>cs 
piliers en pierre soutenaient une magnifique charpente en !>ois. 
Puis le récit détaillé de son incendie, d'après les écrits du temps 
et surtout d'après le Mercure François. 

Ces récits s'accordent tous à fixer l'événement au mercredi 
7 mars I(il8. C'est sur les deux heures el demie après miiiuil 
que l'on s'aperçul (\u feu sur le haul de la couverture de la 
grande salle du Palais. 

On voit donc que le bruit public, dont notre chroniqueur étail 
l'écho, ne se trompait pas de beaucoup en adoplanl le mardi ('» 
mars comme date de l'accident. Le feu a certainemenl pris 
dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7. 

A défaut de celte rare brochure, on trouvera an Magasin 
pittoresque, année 1841, p. 2.21), un très bon dessin de l'ancienne 



— 324 — 

salle du palais de la Cité, à Paris, et dans le texte l'histoire 
de sa construction, qui se termine ainsi : « En 1G18, un vio- 
lent incendie consuma la partie supérieure de la Grande salle. 
Elle fut reconstruite en 1G22 par Jacques Desbrosses. » 

Aussitôt après ce terrible incendie on en chercha les causes. 
Diverses raisons plus ou moins extraordinaires (foudre, etc.) 
furent mises en avant. Un écrit du temps donne celle-ci, qui est 
la plus vraisemblable : « L'on croit cet accident estre arrivé 
par quelque mercier qui, par mesgarde, se retirant ayt laissé 
dans quelque terrine du charbon qui n'ayt esté esteint. » C'est 
également l'avis du Mercure François : « On a parlé diverse- 
ment de la cause de cest incendie : aucuns ont voulu dire qu'il 
procédait de quelque chauf relie enfermée dans le banc d'un 
marchand où on avait laissé du feu allumé.... » (1) 

Un poète satirique contemporain (2) ne vit dans ce désastre 
qu'une occasion de placer un bon mot; il proposa l'explication 
suivante de cet incendie : 

Certes, ce fut un triste jeu 
Quand à Paris dame Justice, * 
Pour avoir mange trop d'èpice (3) 
Se mit tout le palais en feu. 



(1) Il y avait en effet, à cette époque, dans la grande salle des 
boutiques de librairie, de mercerie, etc., établies le long des 
murs ou entre les piliers. Pendant l'hiver ces braves marchands 
n'avaient d'autre moyen de combattre le froid que la terrine ou 
la chaufferette contenant des charbons couverts de cendre. L'u- 
sage s'en est perpétue jusqu'à nos jours, et paraît devoir encore 
résister longtemps aux malédictions des hygiénistes et des gens 
qui craignent le feu. 

(2) S 1 - Amant, membre de l'Académie française. 

(3) On sait que sous le nom d'èpice, on désignait les cadeaux 
que les plaideurs offraient aux juges avant ou après leur pro- 
cès. 



ANALYSE 

t.. 

DE 



L'EAU DES FONTAINES 

( Près Vendôme ) 

Par M. Victor Dessaignes. 



Nous avons inséré au Bulletin de cette année, p. 66, une no- 
tice biographique sur Victor Dessaignes, le savant chimiste 
vendomois. Son lils, le Docteur Ribemont-Dessaignes, a re- 
trouvé dans ses papiers, avec plusieurs autres travaux inédits, 
une analyse de l'eau des Fontaines (près Vendôme), qui nous 
a paru précieuse pour notre Bulletin. 

M. Ribemont l'a recopiée et mise au net lui-même, et c'est ce 
petit travail posthume que nous publions. 

On y retrouvera le cachet du chimiste délicat qui n'a su pro 
duire que de petits chefs-d'œuvre. Victor Dessaignes, en effet, 
ne connaissait qu'une méthode de travail : la perfection ou la 
précision poussée à la limite du possible, et il l'appliquai! à 
toute chose, même à une simple analyse d'eau. 

Ceci me rappelle qu'arrivant à Vendôme, j'acceptai de me 
charger, pour le Tribunal, d'une analyse d'engrais. Me trou 
vant arrêté sur un point, j'allai consulter l'oracle Dessaignes 
dans son modeste réduit. Il eut l'air de me trouver bien ini 
prudent d'avoir entrepris pareil travail, et, pour ^encourager, 
il me conta que l'année précédente on lui avait adressé de la 
préfecture de Loir-et-Cher quelques échantillons d'engrais à 
examiner; il y passa un mois entier (à 1 '1 heures par jour), 
variant les méthodes pour arrivera la précision la plus grande, 
et, en envoyant son travail (un vrai mémoire d'Académie), il 
pria de ne plus le charger désormais de pareilles analyses, qui 
le détournaient de ses recherches habituelles. 

Il ne paraissait pas se douter que, dans toutes les grandes vil 



— 32G — 

les, on trouve des pharmaciens qui, pour 10 francs, se chargent, 
d'une analyse d'engrais ! 

La formule nousj, employée à plusieurs reprises par Dessai- 
gnes dans ses notes, nous fit penser que ce travail "avait dû 
être fait en collaboration avec M. Jules Chautard, sou ancien 
et distingué disciple ; c'est ce qui a été confirmé par une lettre 
de ce dernier, qui se rappelle parfaitement ce travail de l'ana- 
lyse de l'eau des Fontaines, qui a été fait dans la période com- 
prise entre 1850 et 1853. 

« Nous avions l'intention, m'écrit-il, d'étendre ces recher- 
ches à toutes les eaux du pays, du moins les principales, tel- 
les que les eaux de la Ghappe, du Loir, des souterrains du 
Château et quelques autres.... » 

M. J. Chautard se reporte dans cette lettre, non sans émo- 
tion, au temps fécond de sa jeunesse où il apprenait, au con- 
tact du savant Dessaignes, à devenir savant lui-même, et il 
ajoute : 

« Pour moi, Dessaignes est un des chimistes les plus émi- 
nents de notre époque, qui est resté peu connu, ,à cause de sa 
grande modestie, et faute d'un plus grand théâtre pour se pro- 
duire. » 

Mais assez de souvenirs rétrospectifs; je laisse la place au 
grand chimiste lui-même. 

E. N. 



ANALYSE DE L'EAU DES FONTAINES 

De l'eau de plusieurs sources réunies a été prise 
dans un flacon. Le papier rouge de tournesol plongé 
dans ce flacon a bleui sensiblement. L'oxalate d'am- 
moniaque a donné immédiatement un précipité assez 
considérable; le nitrate d'argent un précipité qui per- 
siste en grande partie après addition d'acide nitrique ; 
le chlorure de baryum un précipité abondant qui dis- 
paraît complètement par l'addition d'acide chlrorhydri- 
que. Le sulfate de cuivre détermine un trouble blanc 
bleuâtre. Le chlorure de calcium ne donne rien, non 
plus que le chlorure d'or à l'ébullition. L'ammoniaque 



— 327 - 

fournit un léger précipité blanc. Le cyanoferride ad- 
ditionné d'une goutte d'acide chlorhydrique ne donne 
rien ; àe même la noix de galles. 

Recherche de l'Acide carbonique 

180 centimètres cubes de l'eau des Fontaines ont été 
précipités par du chlorure de calium, après avoir été 
préalablement additionnés d'ammoniaque. Le tout a 
été abandonné pendant 24 heures, après quoi on a 
filtré sur du papier Berzélius, et on a lavé à l'eau dis- 
tillée jusqu'à ce que la goutte du liquide sortant par la 
douille de l'entonnoir ne se précipitât plus par le ni- 
trate argentique. Cela fait, on a séché le précipité el 
on l'a calciné dans un creuset de platine, en ayant soin 
de supprimer la portion du filtre à laquelle n'adhérail 
aucune portion de précipité. Par l'addition d'acide sul- 
furique on a transformé la chaux: en sulfate, qu'on a 
chauffé fortement, puis pesé. Son poids était égal à 
(>'' ,108, ce qui représente gl ',0349 d'acide carbonique 
pour la quantité d'eau employée à cette expérience, ou 
gr 1939 pour un litre d'eau. 

Recherche du Chlore. 

150 centimètres cubes d'eau ont été traités par une 
liqueur titrée de nitrate d'argent pur, et cette opéra- 
tion a fait voir que la quantité précipitée renfermait 
* r 00385937 de chlore, ce qui fait gr 0257 de chlore 
par litre d'eau. 

Evapora tion de l'Eau. 

Cinq litres ont été évaporés à feu doux, d'abord à 
feu nu, puis au bain de sable et enfin au bain-marie. 
Le résidu a été séché pendant deux heures dans une 
étuve à huile à 140". On a pris ensuite son poids qui 
était égal à 1 er 682, ce qui fait gr 3364 de résidu so- 
lide et sec pour un litre de liquide. 



— 328 - 

Ce résidu était grisâtre et très alcalin. On l'a calciné 
fortement et graduellement; il s'est dégagé des vapeurs 
blanches qui n'augmentaient pas par l'approche d'un 
tube imprégné d'ammoniaque 

Le résidu pesait 1 g1 ' 447. Il était blanc. On l'a traité 
par de l'eau distillée aiguisée d'acide chlorhydrique ; 
De là une effervescence très abondante et une portion 
qui a refusé de se dissoudre même à chaud. Cette 
portion a été séparée sur un filtre Berzélius et lavée, 
puis séchée et calcinée. Elle était grise et pesait g1 ' 045, 
ce qui fait gr 009 pour un litre. 

L'eau de lavage et la partie liquide a été précipitée par 
l'ammoniaque qui en a séparé de l'alumine et de l'oxyde 
de fer, qui, lavés etséchés, pesaient gl '020, ce qui donne 
gr 004 pour un litre. Le nouveau liquide réuni aux 
eaux de lavage a été additionné d'oxalate d'ammonia- 
que, qui y a produit un précipité blanc volumineux qu'on 
a recueilli sur un filtre, après l'avoir préalablement 
fait bouillir; on l'a ensuite lavé à l'eau distillée, sé- 
ché et décomposé lentement par la chaleur, de manière 
à n'opérer que la décomposition de l'acide oxalique en 
acide carbonique. Le précipité qui alors était grisâ- 
tre a été pesé. Son poids était égal à 1 ev 2745, ce qui 
représente 0,7137 de chaux ou gl 14274 par litre. 

Le nouveau liquide, séparé de l'oxalate calcaire et 
réuni aux eaux de lavage, a été additionné de phos- 
phate sodique, et le tout a été abandonné pendant 24 
heures. Au bout de ce temps, il s'était déposé, au fond 
du vase et sur les parois de ce dernier, du phosphate 
ammoniaco-magnésien sous formes de cristaux pen- 
nés, qu'on a recueillis sur un filtre, où on les a lavés 
avec une eau ammoniacale. On les a ensuite séchés 
et calcinés fortement. Le résidu de phosphate de ma- 
gnésie pesait gl '05i, représentant gI ' 01978 de ma- 
gnésie, ce qui fait gr 003956 de magnésie pour un li- 
tre. 



- 329 - 

Recherche du Chlore 
dan&le résidu non calciné de l'éva poration de Veau. 

Cet essai a pleinement confirmé celui pratiqué sur 
l'eau elle-même. 

Recherche du Chlore 

dans le résida calciné de Vévaporation de l'eau. 

gr 1682 de résidu non calciné, c'est-à-dire le résidu 
de500 cc oul/2 litred'eau, ont été calcinés fortement puis 
dissons par l'acide nitrique. La liqueur normale de ni- 
trate d'argent nous y a fait voir l'existence de la même 
quantité de chlore. 

Recherche qualitative de V Acide nitrique 
dans le résida. 

Au moyen du sulfate de protoxyde de fer et d'acide 
sulfuriqïie pur et concentré, nous avons obtenu une co- 
loration rose bien sensible dès que nous avons ajouté 
à ces substauces une petite quantité de résidu non cal- 
ci né. 

Recherche qualitative de V Ammoniaque. 

Une petite portion de résidu non calciné a été in- 
troduite dans un tube en verre fermé par un boul ; 
par l'addition d'un petit fragment de potasse, et à l'aide 

d'une douce chaleur, il s'est dégagé des vapeurs qui 
ont bleui un papier rouge de tournesol. 

Recherche quantitative delà Potasse et de la Soude. 

gr 548 de résidu non calciné, ou OT 4713 de résidu 

calciné, c'est-à-dire la quantité de résidu correspon- 
dant à 1629 centimètres cubes d'eau, ont été calcinés 



— 330 - 

au rouge, puis redissous dans l'eau distillée pour en- 
traîner les matières solubles et les séparer de celles 
qui étaient insolubles et qui pesaient gl '315? Le li- 
quide a été traité par le carbonate d'ammoniaque, afin 
d'en séparer, à l'état de carbonate, la chaux qui dans 
le résidu se trouvait dissoute à l'aide de l'acide chlo- 
rhydrique. 

Le résidu du carbonate calcaire pesait gr 040, ce 
qui représente gl 0224 de chaux ou gr 01699 de cal- 
cium ou0 gr 0471 de chlorure calcique ; ce qui fait 
gr 0289 de ce sel pour un litre d'eau. 

Le liquide contenant les sels de soude et de po- 
tasse, a été évaporé à sec et le résidu pesé. Son poids 
était égal à g, '0S3 ou gl 051 pour un litre. Il a été 
redissous dans le moins d'eau possible, puis additionné 
de chlorure platinique. Le résidu, lavé à l'alcool sur 
un filtre et calciné, pesait gr 039, ce qui représente 
gr 0294 de chlorure platinique. En retranchant cette 
quantité du résidu soluble, on obtient gr 0536 pour la 
quantité de chlorure de sodium, plus les impuretés. 



11 m'a semblé intéressant d'essayer, comme vérifi- 
cation, de reconstituer par l'addition des diverses par- 
ties de cette minutieuse analyse, le total de la quantité 
de matière solide contenue dans un litre de cette eau, 
quantité qui s'élève à gl 3364. 

En voici le tableau : 

Partie insoluble dans l'acide chlorhydrique. . gr 009 

Alumine et oxyde de fer OUI 

Chaux ' 1127 

Magnésie 0039 

Chlore 0257 

Sels de soude et de potasse 051 

Acide nitrique traces 

Ammoniaque traces 

Total 2363 



— 331 — 

Il convient d'ajouter à ce total la moitié de l'acide 
carbonique trouvée dans un litre, lequel gaz existait à 
l'état'de bicarbonate de chaux, et dont la moitié se re- 
trouve dans le résidu sec à l'état de carbonate neutre 
de chaux. Cette quantité d'acide carbonique s'élevanl 
à gr 1939 par litre, la moitié est doue: gr 097. 

2363 

() 097 



Total définitif 3333 

Différence ou perte 0031 



Total égal à la quantité analysée. . 0* r 3364 

On voit donc que la quantité perdue dans ces lon- 
gues et délicates manipulations ne s'élève qu'à3 milli- 
grammes. 

E. Nouel. 



CHRONIQUE 



ACTES OFFICIELS 

M. le Président de la Société a reçu les circulaires ministé- 
rielles suivantes : 

« Palais-Royal, le 2& juillet i8S$. 

« Monsieur le Président, 

« La réunion annuelle des Délégués des Sociétés des Beaux- 
Arts aura lieu, en 188G, à l'époque accoutumée. J'aurai l'honneur 
de vous faire connaître, en temps utile, les dates fixées pour l'ou- 
verture de la session et pour la remise des manuscrits. 

« Toutefois, je crois utile d'appeler, dès aujourd'hui, votre at- 
tention sur le caractère des lectures faites à la réunion des 
Beaux-Arts-Arts, à la Sorbonne, de 1877 à ce jour. 

« Chaque année, un certain nombre d'études relatives à l'en- 
seignement de l'art ou à l'esthétique, parviennent au Comité 
chargé de l'organisation de la session. Souvent, les travaux de 
cet ordre ont dû être écartés par le Comité, soit que les auteurs 
eussent négligé d'approfondir leur sujet, ou que, dans leurs tra- 
vaux isolés, ils n'aient pas tenu un compte suffisant du système 
actuel d'enseignement des Beaux-Arts, des garanties qu'il pré- 
sente et des conseils autorisés qui ont la mission de le mettre 
en œuvre. 

« Il n'en est pas de même des travaux relatifs à l'Histoire de 
l'Art, que nous envoient les Sociétés des Beaux-Arts des dépar- 
tements. Depuis neuf années, des lectures d'un intérêt constant 
ont été faites à la Sorbonne sur l'Architecture, la Sculpture, la 
Peinture, le Dessin, la Gravure, les Arts décoratifs, la Cérami- 
que, le Théâtre, la Musique, étudiés dans leurs manifestations 
locales. Plus d'une biographie d'artiste, écrite à l'aide de docu- 
ments conservés dans nos provinces, a trouvé heureusement su 
place dans le compte rendu que publie mon administration à 
l'issue de chaque session annuelle. 



— 333 - 

« Le rôle des Sociétés des Beaux-Arts, qui veulent bien pren- 
dre part aux sessions organisées par l'Etat, me semble nette- 
ment tracé par les décisions du Comité que j'ai l'honneur de 
vous rappeler. 

« C'est à compléter l'histoire de notre Art national qu'elles 
doivent être fiers de concourir, par la mise au jour des pièces 
d'archives, comptes, marchés, autographes, etc., que les éru- 
dits des départements peuvent découvrir dans leurs patientes 
recherches. 

« Mes prédécesseurs, en instituant le Comité des Sociétés des 
Beaux-Arts, et en lui donnant mission d'examiner les manus, 
crits, ont voulu provoquer un mouvement d'études parallèle ;'i 
celui qui est à l'Inventaire des Richesses d'art de la France. 

« Les collaborateurs de l'Inventaire recherchent et décrivent 
l'œuvre d'art, les correspondants du Comité s'occupent de l'ar- 
tiste ou des institutions qui ont influé sur le progrès de l'Art 
dans telles régions de la France. 

« J'ose espérer, Monsieur le Président, que vous voudrez 
faire, le plus promptement possible, un prcssantappelaux mem- 
bres de votre Société, dans le sens que je viens de préciser, 
et je serais heureux d'apprendre, dès maintenant, que votre So- 
ciété se propose d'envoyer au Comité des Sociétés des Beaux- 
Arts, en février 1886, un ou plusieurs mémoires inédits ayant 
trait à l'Histoire de l'Art dans votre région. 

« Je vous prie, en conséquence, de m'accuser réception de 
cette lettre, et s'il vous est possible de me faire connaître les 
auteurs qui se proposeraient de porter la parole à la session pro- 
chaine, je vous en saurai gré. Les résultats obtenus au cours 
des précédentes sessions me donnent lieu d'espérer que, grâce 
à l'active coopération delà Société que vous présidez, nous as- 
surerons le. succès de la prochaine réunion. 

« Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
ration très distinguée. 

« Pour le Ministre & par délégation : 

Le Sous-Secrétaire d'Etat, 

« Edmond Ti rqi i r. » 



334 



« Paris, le 7 septembre iSS). 

« Monsieur le Président, 

« J'ai l'honneur de vous adresser le programme du Congrès 
des Sociétés savantes en 188G, en vous priant de lui donner 
toute la publicité désirable. Comme les années précédentes, il 
comprend cinq parties distinctes, afférentes aux cinq sections du 
Comité des Travaux historiques et scientifiques. 

« Les Sociétés savantes ont collaboré dans une large mesure 
à l'ensemble de ce programme; en réponse à ma circulaire du 
12 mai dernier, elles m'ont transmis un grand nombre de sujets 
qu'elles jugeaient dignes de figurer à l'ordre du jour du Congrès, 
et le Comité, en arrêtant la rédaction définitive, a essayé de te- 
nir compte de tous les vœux, s'attachant seulement m générali- 
ser les termes de certaines questions quand elles ne semblaient 
viser qu'un intérêt local. 

« Un assez grand nombre de sujets d'études, surtout ceux qui 
intéressent les historiens et les archéologues, vous avaient été 
déjà soumis dans des sessions antérieures; vos sociétés ont 
compris que les nombreuses et intéressantes communications 
auxquelles ils ont donné lieu n'avaient fait qu'en accentuer l'in- 
térêt, et, devant les vœux émis, le Comité a cru devoir, cette 
année encore, les maintenir au programme. 

« L'initiative prise par vos Sociétés, et que je tiendrai toujours 
à leur laisser, m'est une garantie précieuse pour l'avenir; j'ai 
'a confiance que l'an prochain, sur tous les points qui consti- 
tuent ce programme et que j'ai choisis d'accord avec vous, 
MM. les délégués apporteront les résultats de leurs travaux, et 
seront prêts à soutenir des discussions qui assureront l'éclat de 
votre Congrès, et en démontreront de plus en plus la haute im- 
portance scientifique. 

« Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
ration In plus distinguée. 

« Le Ministre de l'Instruction publique, 
des Beaux-Arts et des Cultes, 

« René Goblet. » 



PROGRAMME 

I. — Section d'Histoire et de Philologie. 

1" Mode d'élection et étendue des pouvoirs des députés aux 
Etats provinciaux. 



— 335 — 

2" Los esclaves sur les bords de la Méditerranée au moyen 
âge. k 

3° Recherche des documents d'après lesquels on peul déter- 
miner les modifications successives du servage. 

4° Origine et organisation des anciennes corporations d'arts 
et métiers. 

5° Origine, importance et durée des anciennes foires. 

G" Anciens livres de raison et de comptes et journaux de fa- 
mille. 

7" Liturgies locales antérieures au xvn" siècle. 

8° Origine et règlements des confréries et charités antérieures 
au xvn" siècle. 

9° Etude des anciens calendriers. 

10" Indiquer les modifications que les recherches les jdus ré- 
centes permettent d'introduire dans le tableau des constitutions 
communales tracé par M. Augustin Thierry. 

11" Des livres qui ont servi à renseignement du uive en 
France, depuis la Renaissance jusqu'au xvm" siècle. 

12° Les exercices publics dans les collèges (distributions de 
prix, académies, représentations théâtrales, etc.), avant la Ré- 
volution. 

13° Anciennes démarcations des diocèses et des cités de la 
Gaule, servant encore aujourd'hui de limites aux départements 
et aux diocèses. 

14° Etude des documents antérieurs à la Révolution pouvant 
fournir des renseignements sur le chiffre de la population dans 
une ancienne circonscription civile ou ecclésiastique. 

15" L'histoire des mines en France avant le xvn" siècle. 

](')" De la signification des préfixes EN et NA devant les noms 
propres dans les chartes et les inscriptions on langue romane 

17" Objet, division et plan d'une bibliographie départemen- 
tale. 

II. — Section d'Archéolocjic. 

1" Quelles sont les contrées de la Gaule où ont ét< ; signalés 
des cimetières à incinération remontant à une époque antérieure 
à la conquête romaine? — Quels sont les caractères distinctifs 
de ces cimetières. 

2" Dresser la liste, faire la description et rechercher L'origine 
des œuvres d'art hellénique, des inscriptions et des marbres 
grecs, qui existent dans les collections publiques ou privées 
des divers départements. Distinguer ceux de ces monuments qui 
sont de provenance locale de ceux qui ont été importés dans les 
temps modernes. 

3" Dresser la liste des sarcophages païens sculptés de la Gaule, 
xxiv 24 



— 336 — 

En étudier les sujets, rechercher les données historiques et les 
légendes qui s'y rattachent et indiquer leur provenance. 

4° Signaler les nouvelles découvertes de bornes militaires ou 
les constatations de chaussées antiques qui peuvent servira dé- 
ermincr le tracé des voies romaines en Gaule ou en Afrique. 

•V Grouper les renseignements que les noms de lieux-dits peu- 
vent fournir à l'archéologie et à la géographie antique. 

6° Signaler dans une région déterminée les édifices antiques 
de l'Afrique tels que arcs de triomphe, temples, théâtres, cir- 
ques, portes de ville, tombeaux monumentaux, aqueducs, ponts, 
etc., et dresser le plan des ruines romaines les plus intéres- 
santes. 

7° Étudier les caractères qui distinguent les divers écoles d'ar- 
chitecture religieuse à l'époque romane, en s'attachant à mettre 
en relief les éléments constitutifs des monuments (plans, voû- 
tes, etc.). 

8° Rechercher, dans chaque département ou arrondissement, 
les monuments de l'architecture en France aux différents siècles 
du moyen âge. En donner des statistiques, signaler les documents 
historiques qui peuvent servir à en déterminer la date. 

9° Signaler les constructions rurales élevées par les abbayes, 
telles que granges, moulins, étables, colombiers*. En donner, 
autant que possible, les coupes et plans. 

10" Étudier les tissus anciens, les tapisseries et les broderies 
qui existent dans les trésors des églises, dans les anciens hôpi- 
taux, dans les musées et dans les collections particulières. 

11° Signaler les actes notariés du xiv' au xvi" siècle, contenant 
des renseignements sur la biographie des artistes et particulière- 
ment les marchés relatifs aux peintures, sculptures, et autres 
œuvres d'art commandées soit par des particuliers, soit par des 
municipalités ou des communautés. 

12" Étudier les produits des principaux centres de fabrication 
de l'orfèvrerie en France pendant le moyen âge, et signaler les 
caractères qui permettent de les distinguer. 

13° Quelles mesures pourraient être prises pour améliorer l'or- 
ganisation des musées archéologiques de province, leurs instal- 
lations, leur mode de classement et pour en faire dresser ou per- 
fectionner les catalogues ? 

III. — Section des Sciences Économiques et Sociales. 

1° Des procédés de mobilisation de la propriété foncière expé- 
rimentés ou proposés en France ou à l'étranger (cédilles hypo- 
thécaires, dettes foncières, billets de banque fonciers, etc.). 

2° De la propriété en pays musulman. 

3° Analyse des dispositions priées, depuis le xvi e siècle jùsqufà 



— 837 — 

nos joncs, pour créer cl développer la vicinalité. Avantages et 
inconvénients de la prestation en nature; appréciati tes con- 
ditions actuelles de la législation sur les chemins vicinaux. 
1° Historique de ta législation ayant eu pour but de conserver 

les forêts sous l'ancien régime et de nos jours. Indication de 
quelques mesures à prendre pour prévenir tes défrichements et 
les exploitations abusives de bois et forêts des particuliers. 

5° Réforme de l'impôt foncier des propriétés non bâties. 

6" Quelles étaient les données générales de l'organisation des 
anciennes universités françaises! Y aurait-il avantages à créer 
des universités régionales? Quels services pourraient-elles ren- 
dre ? 

7" De l'enseignement agricole dans les écoles primaire-, 

8° Ouvrages anciens et tentatives diverses pour la réforme et 
l'amélioration des prisons avant 1789. 

9° Messagers, messageries, courriers, poste dans une région 
donnée, du moyen âge à la Révolution. 

10" La diminution de la population rurale. 

11" Étudier, la valeur vénale de la propriété non bâtie au xvm' 
siècle dans une province, et comparer cette valeur avec la va- 
leur vénale actuelle. 

12° Du crédit agricole et des moyens de l'organiser efficace- 
ment, son fonctionnement en Allemagne et en Italie. Syndicats 
d'agriculteurs pour l'achat des instruments et des engrais, et 
pour la vente des produits ; ne serait-ce pas là le moyeu de ré- 
soudre la question du crédit agricole et des banques agricoles .' 

13" Étude des résultats statistiques de la participation aux bé- 
néfices dans l'industrie. 

11" Pourrait-on reprendre la frappe des pièces de 5 francs en 
argent, sans avoir a redouter un rapide drainage de l'or ? 

|.V Des conditions d'exécution qui peuvent justifier le rang que 
la transportation et la relégation occupent dans l'échelle des 
peines établies par le Code pénal et par la loi de 1885. 

IV. — Section des Sciences Mathématiques, Physiques, 
Chimiques et Météorologiques. 

I" Étude du mistral. 

2" Méthodes d'observation des tremblements de terre. 
3" Électricité atmosphérique. 

4° Recherches sur la présence de la vapeur d'eau dans l'air 
par les observations astronomiques et spectroscopiques. 
5" Comparaison des climats du midi et du sud-ouest de la 

France; 

0" Des causes qui semblent présidera la diminution générale 
des eaux dans le nord i\>' l'Afrique el à un changemenl du cli- 
mat. 



— 338 - 

7° Études relatives à l'aérostation. 

8° Etude de la gamme musicale, au point de vue historique. 

V. — Section de Sciences Naturelles et de Sciences 
Géographiques. 

1° Étude du mode de distribution topographique des espèces 
qui habitent notre littoral. 

2" Étude détaillée de la faune fiuviatile de la France. Indiquer 
les espèces sédentaires ou voyageuses, et dans ce dernier cas 
les dates de leur arrivée et de leur départ. Noter aussi l'époque 
de la ponte. Influence de la composition de l'eau. 

3" Étude des migrations des oiseaux. Indiquer les dates d'ar- 
rivée et de départ des espèces de la faune française. Signaler 
les espèces sédentaires et celles dont la, présence est acciden- 
telle. 

4° Étude des phénomènes périodiques de la végétation ; dates 
du bourgeonnement, de la floraison et de la maturité. Coïnci- 
dences de ces époques avec celles de l'apparition des principales 
espèces d'insectes nuisibles à l'agriculture. 

5° Examiner et discuter l'influence qu'exercent sur les insec- 
tes les températures hibernales et leur durée plus ou moins 
longue. 

6° Études des insectes producteurs de miel et de cire. 

7° Étudier au point de vue de l'anthropologie les différentes 
populations qui, depuis les temps les plus reculés, ont oectrpé, 
en totalité ou en partie, une région déterminée de la France. 

8° Époque, marche et durée des grandes épidémies au moyen 
âge et dans les temps modernes. 

9° Comparer entre eux les vertébrés tertiaires des divers gise- 
ments de la France, au point de vue des modifications succes- 
sives que les types ont subies. 

10° Comparaison des espèces de vertébrés de l'époque quater- 
naire avec les espèces similaires de l'époque actuelle. 

11° Comparaison de la flore de nos départements méridionaux 
avec la flore algérienne. 

12° Influence des plantations d'eucalyptus au point de vue de 
l'assainissement des terres marécageuses. Utilisation de ces 
arbres. 

13° Etudes des arbres à quinquina, à caoutchouc et à gutta- 
percha. Quelles sont les conditions propres à leur culture f De 
leur introduction dans nos colonies. 

14° Étudier l'influence de la chaîne des Cévennes dans les li- 
mites apportées ù la propagation vers le nord des espèces végé- 
tales et animales de la région méditerranéenne. 

15° Exposer les découvertes archéologiques qui ont servi à dé- 



— 339 - 

terminer le .site de villes do l'antiquité ou du moyen âge, soil 
en Europe, soit en Asie, soit dans le nord de l'Afrique. 

10" Signaler les documents géographiques curieux i textes et 
cartes manuscrits) qui peuvent exister dans les bibliothèques 
publiques et les archives des départements et des communes. 

17° Étudier les mouvements généraux des sables en Afrique et 
en Asie. Déterminer les régions où les sables reculent et celles 
où ils progressent. 

18° Etudier les résultats géographiques obtenus à la suite de 
grandes explorations accomplies récemment au Congo, dans 
l'Indo-Chine et au Tonkin. 



« Paris, le 10 novembre i8Sj. 



Monsieur le Président, 



« J'ai l'honneur de vous annoncer que, par arrêté du 5 no- 
vembre courant, j'ai créé, au sein du Comité des travaux histo- 
riques et scientifiques, une section de Géographie historique et 
ilcscripticc. En môme temps, j'ai rattaché les sciences naturelles 
à la 4 e section (Sciences mathématiques, physiques, chimiques 
et météorologiques);'! laquelle j'ai donné le titre général de Sec- 
tion des sciences. Le rapport ci-inclus vous fera connaître les 
motifs d'une modification que mon prédécesseur aurait désiré 
introduire lui-même dans l'organisation du Comité en mars 1883, 
et que des raisons de haute convenance ont seules fait différer 
jusqu'à présent. 

« La création d'une section de Géographie historique et des- 
criptive donne satisfaction à des vœux qu'avaient émis depuis 
longtemps diverses sociétés savantes, et en particulier les so- 
ciétés de géographie, d'origine plus récente, mais dont le nom- 
bre et l'importance s'accroissent tous les jours. La certitude de 
voir leurs travaux et leurs communications soigneusement étu- 
diés, analysés, publiés par les soins d'une section spéciale ou mis 
en lumière devant le congrès des sociétés savantes à la Sorbonne, 
sera pour elles un précieux cncourugcmcnt ; elle ne peut qu'au- 
gmenter l'élan des nombreux travailleurs qui s'adonnent à cel 
ordre de sciences, et qui n'auront plus à regretter de ne pas sa- 
voir où diriger, pour les faire mieux connaître, les résultats de 
leurs études et de leurs recherches. 

« Je vous prie, Monsieur le Président, d'appeler sur cette 
nouvelle organisation l'attention des membres de votre société, 



:uo 



et de lui donner, par les moyens en votre pouvoir, toute la publi- 
cité désirable. 

« Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considé- 
ration très distinguée. 

« Le Ministre de l'Instruction publique, 
des Beaux-Arts et des Cultes, 

« René Goblet. » 



Parmi les décorations qui ont été distribuées à l'occasion du 
nouvel an, il en est une que nous relevons avec plaisir. C'est 
celle de M. Ern. Nouel, notre savant professeur de physique et 
de chimie au Lycée, — juste récompense de trente-cinq années 
de services et d'un enseignement aussi élevé que solide. Cette 
distinction est d'autant plus honorable, que cinq croix seule- 
ment ont été accordées dans cette circonstance à l'Université. 

Le 27 décembre dernier, jour anniversaire de la mort de Ron- 
sard, le gardien du Musée. M. Girard, a trouvé dans la cour, au 
pied de la statue, une large couronne de mousse, traversée 
d'une branche de laurier, avec cette inscription . A Ronsabd. 

Honneur à la main anonyme quiadéposé ce pieux hommage ! 
Le culte du beau et des glorieux souvenirs vit encore chez ce 
généreux citoyen., et son acte rejaillit sur tous les Vcndômois. 

Ch. Ii. 



ERRATUM. 



Dans notre dernier Bulletin, p. 23C), au lieu de : Il traîne son 
enfant sans triomphe,...., lisez: son triomphe. 



te Gérant, LEMERCIER. 



Vendôme, Typ. Lemercier, 



I». 



* 



* 



TABLE 



Séance du 9 janvier 1885. 

Liste des membres présents Page 5 

Comptes de l'année 1884 et budget de 1885 .... 6 
Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 9 octobre 1884 9 

Discours de M. G. Launay, président sortant ... 23 

Installation des membres du Bureau 27 

Discours de M. le M is de Rochambeau, président . . 28 
Epigraphie et Iconographie vendomoises, par M. le 

M is de Rochambeau 31 

M. Charles Chautard, par M. Ch. Bouchet. — I. Bio- 
graphie 57 

Biographie. — Victor Dessaignes, par M. E. Nouel . 66 

Chronique 77 



Séance du 16 avril 1885. 

Liste des membres présents 79 

Liste des membres admis depuis la séance du 9 jan- 
vier 1885 80 

Description sommaire des objets offerts ou acquis depuis 
la séance du 9 janvier 1885 80 



- 344 - 

Les derniers jours de la Collégiale Saint - Georges 

(4" Partie), par M. l'abbé Métais 91 

M. Charles Chautard, par M. Gh. Bouchet. — II. Les 
Oeuvres 116 

Documents relatifs au Pèlerinage de la Sainte-Larme 

de Vendôme, par M. F. Bournon 127 

Les Artistes de Loir-et-Cher au Salon de 1885 ... 135 

Chronique 141 



Séance du 16 juillet 1885. 

Liste des membres présents 147 

Liste des membres admis depuis la séance du 16 avril 
1885 148 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 
depuis la séance du 16 avril 1885 148 

De l'affaiblissement progressif de la natalité en 
France, ses causes et ses conséquences, par M. le 
M is de Nadaillac 160 

A propos des derniers travaux de restauration du clo- 
cher de la Trinité (2 e Partie), par M. L. Martellière . 186 

Les derniers jours de la Collégiale Saint-Georges (2° 
Partie), par M. l'abbé Métais 198 

Ce qu'on trouve dans les anciens registres d'une pa- 
roisse (Souday), par M. E. Nouel 219 

Un Sauveur, par M. Gh. Bouchet 235 

Chronique 237 



Séance du 15 octobre 1885. 

Liste des membres présents 239 

Liste des membres admis depuis la séance du 16 juillet 
1885 240 



— 345 - 

Description sommaire des objets offerts ou acquis 

depuis la séance du 16 juillet 1885 240 

Renouvellement du Bureau pour 1886 250 

Quelques mots sur M. Gédéon de Trémault, par M. le 

M is de Rochambeau 251 

Le Grand- Breuil, commune de Saint-Gourgon, par 

M. Malardier 253 

Copie du Journal d'un vicaire de Souday, de 1580 à 

1631, avec notes, par MM. A., de Trémault etNouel. 209 
Analyse de l'eau des Fontaines, près Vendôme, par 

M. Victor Dessaignes 325 

Chronique 322 



FIN 



t. 

• 






GETTY RESEARCH 



3 3125 01042 1861 



NSTITU"