%Û^ ^J^^<c/^c^ //lAii/-^
r _ _i
ELEMENS
DE L HISTOIRE
ECCLÉSIASTIQUE^
\
ELEMENS
D E
L'inSTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
Renfermant en abrégé ce qui s'efl paffé de
plus intéreffant dansTEgliie , depuis la naif-
fance de Je sus-Christ jufqu au Pon-
tificat de P 1 E V I.
Pour fcrv'ir à CinJlruUion dts Geni-du-monde &
des Jeunes-gens quon élevé dûm les Collèges*
Par l'Auteur du Nouveni» Dictionnaire Historique*
No uv ELLE Édition, coincée , augmentée y
6* entièrement refondue.
TOME IL
'■- "■' ■ ■ ■ n
A C A E A\
Cicz G. L E Roy, Imprimeur du Roî , à l'ancien
Hôtel des Monnoies.
A*ee A^'priibation & Privilège du Roi,
1787.
E L É M E N s
D E
VHISTOîRE ECCIÉSÎASTIQVE,
ONZIÈME SIÈCLE.
» --—— ., m,
Antipapes,
1?^*)^^ E s combats des foiiveraîns Pontifes
P JJt ^ .;)/ contre les Antipapes, font les faits
y} ± J. i7 '^s plus intereflans des cinquante
n>ii>,-:&.éi premières années de ce fiéclç. Les
papes SilvtJîrcII, Jean XVII , Jean XVIII ^Sergim
IV y Benoit VIll y Jean XLV , rcgnérent affez pai-
fiblement. Mais la maifon de TofcanelU , puif-
fante en Italie , aj'ant mis fur la chaire poiui-
ficale un enfant de douze ans , qui ttoit de leur
famille ( Binoîc IX ), deux autres Antipapes lui dif«
putcrent la papauté , après s'être fait-clirc par
inllouation ou par violence ; 5c ce fchifme prO",
(iuifu une er^>ue de guerre civile.
A il]
^ E L E M E N s
Un prêtre nommé Oratle-i , homme de quaritf
& tore -riche , (o rendît à Rooie , perfuada aur
intrus de te dcnieccre , leur donna (dit -00) des
dédommagemcns en argent , & fut reis à leur
place fous le nom de Grégoire VI , en 104 j.
Comme le jeune Btnui: IX avoit été élu long»
tems avant fes coacurrens \ on lui laiiTa la JAulf-
fance du tribut que l'Angleterre pjyoit depuis
long-tems à Rome ,& qu'on appclloit le dcnitr
àt S. Picm, Quoique la conduite de Grégcirt Vl
iiki fagc 6t fes vues droites , il fat ilcpofc en 1046,
parce qu'il ctoic entré dans le fouverain ponti-
ficat par la fimonie. Suldgtr , évcquedeBamberg,
fut élu a fa place ^ fous le titre du Clément II'
il ne ficgea que peu de tems. Après fa mort ,
l'empereur Htnri III , qui dominoit à Rome ptr
fcs partifans , fit-élire Damafe II\SiC après celui-ci,
Léon IX , évcque de Toul , le premier Pape qui
' garda fon évèché avec celui de Rome.
Ce Pt^ps avoit de grandes qualités ; il fit de»
fautes , parce qu'il étoit homme -, mais il fie auflr
beaucoup de bien , parce qu'il avoit toute l'a^'^ivité
d'un grand-homme. Il travailla fans cciTe à U
réforme dec mœurs ; il afifembla des Conciles ,
condjmni la fimonie ôc dcpofa les Simoniaques.
Dans fcs divers voyjj^cs , il rétabliiroit , autant
qu'il le pouvoit , la difcipline, fie remCdioit lua
ftbus les plus crians. Son courage ne fe bornant
point à la rkforme des mœurs , il fe mit à la
tûte d'UAC «irmcc pour repouHTcr les Normands »
T)E L'Histoire Ecclesiastio.uï. i
mais îl fut vaincu & fait prifonnier. Il mourut à"
I^on e en 1054 , regretté comme le père des
pauvres.
Consommation du Schifme des Grecsi
Ce fut fous Léon IX que l'Eglife Grecque con*
fomma le fchifme qui la fepare encore aujourd'hui
de l'Eglife Latine. Nous avons parlé ci-devan^
des tentatives de Phuius pour opérer cette fu-
nefte divilion. La fageffe des Pontifes Romains
avoit éteint le iexi qu'il avoit allumé •, mais il
couvoit fous la cendre. Les patriarches de Conf-
tantinople, en lifjnt les écrits de Photius conzre
l'Eglife d'Occident, prenoient peu-à-peu fonefprit»
Michel CiruW.rc , qui f.:t place far ce fiége en
1043 » fi' fur-tout éc!<ittr l3s vues ambitleufes
de ce l'atriarche, qu'il regardoit comme un de fes
jlus illuftres prédécefléurs.
En 1053, il s'avifi d'écrire à Jean évêque de
Trani dans la Pouille , une longue Lettre , afin
qu'il la communiquât au Pape Se à tous les Pré-
lats Occidentaux. Dans cette Epitre , qui étoit le
i:gnal de la difcorde , il accufoit les Latins de
plufieurs erreurs imaginaires. Les principales
étoient , de fe faire-rafer la barbe ; de jeûner le
Samedi j d'employer du pain azyme dans la cé-
lébration des faints Myftéres ; de fe donner le
baifer de paix dans l'Eglife ; de ne pas chanter
VAllelula dans le Carême ; de manger du fjng
des animaux & des viandes fuffoquées -, enfin , de
Aiv.
Ç Elïmeks
prefcrlre le célibat aux prêtres. II formoit encore
quelques autres accufattons, fauffes ou frivole» j
mais qui, pouvant être légèrement crues par des
peuples légers & inconAans , allarmérent beau*
coup le pape Léon IX.
Ce Pontife envoya auflî-tôt des Légats à Conf-
lantinople. L'empereur Conflantin Moncmjquc les re-
çut avec didin^ion i mais le patriarche ne voulut
ni leur parler , ni les voir. Les Légats ofFeafct
excommunièrent Michel & fes adhérons dans !'£•
jjlife de Sie Sophie. Le Patriarche oppofa anathcme
àanathême, & entraîna dans Ton rchifme le clergé
te le peuple. Alors Ici villes , les diocèfes , le*
patriarchats entiers Te réparèrent de l'EgUrc Ro'
naine. Les Abbés 6c les Religieux qui ne vou-
lurent pas renoncer aux cérémonies des Latine,
furent chalTès des monaftéres qu'ils avoient dans
la ville & dans le territoire de Coaftantinople ; 8c
tout annonça «ne rupture éternelle.
Après la mort de C n/Iantin Monomarjue , que la
politique avoit contraint de fouffrir les chan-
gemens opérés par le patriarche de Conftantino-
ple , l'Empire paffa à Thcudure 6i. enfuite à Mi-
chel VI. Cérulairc , qui n'efpèroit pas de pouvoir
feire-adopter toutes fes idées à ce dernier prince,
voulut avoir un Empereur qui dépendit de lui.
Il fit-fouiever le peuple , feignit de le calmer v
& paroilTant ccJer à la force ôt au defir de pré-
server l'Empire dune ruine entière , il ourrit les
poites de Coedaacioople à //<uc Comnint»
vt l'Histoire Ecclésiastique.
Le Patriarche envoie en même ffems à Af/-
•fh(l r/ quatre Métropolitains ,qui lui perfuadent
de dcpofer le fceptre ïtr.çcùa]. Mais (ait Michei)
yx/e me promu djhc le Patriarche à la place de TEm»
pire}-' Le Royaume cc'lcjle , répondirent les dé-
putés.
Michel quitta donc la pourpre , & Ifaac qui
«n avoit été revctu par lis intrigues de Cérulaire^
fe laiffa d'abord gouverner parlai. Le Patriarche
atufa bientôt de fon crédit ; il voulut, pour ainfi
dire , être fouverain, &. il menaça l'Empereur ,s'i
»e fuivoit fes confeils , de lui faire-perdre 1 1
couronne qu'il lui avoit mife fur la tête. Ifaae
fit-ar^^ter fecrettement ce prélat ambitieux &
defpotique , & l'envoya en exil où il mourut.
Le fcl'.ifme que Cérulaire avoit fait-naitre , fe
/outrnt fous fes fucceffcurs. Depuis la féparatlon
faite fous riittiuj , une animofué fecrette régnolt
efltre les Eglifcs Grecque & Latine, quoiqu'elles fe
fulTent réunies extérieurement. La plupart des
Grecs, ( dit l'Abbé Racine y ) reffembloient à un
homme , qui voulant rompre avec un ancien ami »
attend l'occafion de le faire avec bienféance, fc
remplit certains devoirs de- politeflc , fans rietx
ccnferver de rafFefti«m de l'amitié. Ce n'efl. pas
rue tous les Evêques & tous les Fidèles de
l'Oiicnt fuiTent dans ces fentimens i mais c'crait
la difpofition d'un très - grand nombre. Depuis?'
lon^-temy les Patriarches de Conftaminople pre--
l»o:eni le titre- d'£vfj'«c uoircrfcl i'& certains Pap.5«t»
T& E L E M E V'S ^
8u lieu de leur donner l'exemple de la mode(fie
Coirine le fit S. Grégoire le Grand , les rcvol-*'
toient par des préientions fondjes à la vérité ,
nais qu'il falloit taire-vaîoir avec une fage mo-
dér.ition. Ainf: pr<fque tous les efprits étant pré'
parcs au ichifm; , i! n'eft pas étonnant que cetta
oonibreure & trifte réparation fe foit faite avec
tant de facilité.
Pontificat de Grégoire VII. D'ifputes au.
fujet des InvejUtiires.
Le fchlfme des Orient :uk avoit été à l'Eglifr
Romaine une partie de fes branches -, & ce granl
arbre fut encore cbrmlé par les coups que VA
portèrent quelques Princes Occidentaux. Lc«
Empereurs AUemanis vouloient difpofer alors ,
comme on l'a vu ci-devant , de la première plaça
eccléhafiique du monde Chrétien. Mais fous l'em-
pereur Henri IV tout changea de face. Grégoire Vif
auparavant Bénèdiftin de Cluni, ayant été placé
fur la chaire de S. l-ierre en 1075, penfa féricu»
fement à rendre le pontificat indépendant de l'Em-
pirci Son premier foin fut d'alTemlilcr des Con»
ciies , où il excommunia les Ecclèfiadique^ qui
avoient donné de l'argent pour avoir des bé*
néfices , & ies Laiqttes qui leur en avoient donné*
l'inveftirure.
Les Empereurs jouiffoient depuis plufieurs fxi»
clés du droit de conférer les évôchés îc les ab-
oyés» L'ufagc ctoiî d'iovelUr ceux qu'Ut aom*
fcE l'Histoire Ecclesiastiqui. i»
■loient à ces places , en leur mettan: entre les
nains la crofi'c , Ôc en leur donant l'anneau avant
la confecration. Le Pape condamna folcmnellemenc'
cet ufage. Il prétcndoit que c'étoit une efpèce de^
fimonie que les Ecclcfiatliques reçuffent l'invef-
tkure de la main des Laïques, & 11 blàmoit éga-
lement ceux qui la doanoient & ceux qui la re«
cevoient. L'empereur Htnri IV ayant alors une
guerre dangcreufe à foutenir , craignit d'éclater
contre le fouverain Pontife: mais dès qu'il eue
triomphé de fes ennemis, il convoqua une af-
femblce d'f-viques & d'Abbés à "Worms , quicaf--
fcrent l'éleâion du Pape, qu'ils iccuférent de
plufieurs crimes. On ne lui donna plus dès-lors
que le nom à' HiLUbrand^ nom qu'il portoit éîaHt
religieux de Cluni , & on déclara qu'on cefiTe-
loit de le regarder comme fouverain Pontife,
Dépojuïon de r Empereur Henri IV ;'
Mtrt de Grégoire VII.
Cregoirt VU fe livrant alors à toute i'împé-
tuofîté d'un zèle plus ardent qu'éclairé , excom-
munia Hcnii , difpenfa i^s fujecs du ferment da
fidélité & le déclara déchu de l'Empire.'
Ceft le premier exemple d'e:îcommunicaHon'
fulminée contre un Souverain. Ouon , évèqu? de*
FriÛBgue , qgoiqve attaché à l'Egllfe & aux Fa*>
p^s , ne piK s einpêcher de dire : *« L'Empire tut
»» d'autant plus iiidij.né de cette i.cuveauîé ',
•> (^ue jamais auparavant ii o'avoit vu do pa,r
Avj;
lUr ElZMEKS
M reille fentence publiée contre un Emp*reut
H Romain, >» Le Pape , après ce grand éclat , écri.
vit pluijeurs Lettres en Italie & en Allemagne,
OÙ il entreprenoii de juftificr cette excopununi-
cation , Si où 1 on voit les fondemens ëe cette
Marine inouie jufqu'alors , m que ie.fouverain
•t Pontife a droit de dépofer les Souverains. >•
Les fujers de Henri , intimidés par les foudres
Ac Rome , & ébranlés par les Lettres de Grégoire
qui les exhortoic à élire ua autre Roi , alloient .
abandonner l'Empereur. Henri fongea a fe re--
concilier avec le Pape. Les conditions du traité
parurent 11 humiliantes a fes partil'ans, qu'il fut
obligé de les rompre. Son parti, compofé des
Evéques & des Abbcs iuveflis par lui , dcpofé»
t*Dt de nouveau Grégdrc J'Il ^ 6t élurent a fa-
place l'an loSo à Mayence Guihtrt archevë^u*
de Ravenne , Ton plus implacable ennemi , fous le
nom de CUmint HI.
Cependant Henri avoit à combattre Roiol-
pht duc de Souabe , que les Allemands révoltés
avoient clu empereur. Grégoire Vil avoit con-
firme foa éleûion , & lui avoit envoyé en (igné
d'inveAiture une couronne d'or , autour de laqueUft
OQ lifoit ce vers latin :
Petra éUiit Petro , Pet rus iiaiema Rodolpko,
C*efl-à-dire -, " Jesvs-ChrisT , la pierre myjiiqui ^
M a dcnné l'e dicième à Pierre , & Pierre le d^nne à
«( Redoipke. ■• Le Pontife accorda à tous les parafant
éêzfe prujcc ia i)i;ocdi^oa des Apôtrei ûua
T5E l'Histoire Ecclîsîasttque. tj- "
ente vie & dans l'autre. Puis il ajouta dans la
pricre qu'il fit en cette occafion à ces Saints :
Fanes maintenant connoitre que fi vous peuve^ litr
ou délier dans le Ciel , vous pouvt\ aujjî fur la
terre donner les Empires , les Royaumes & les Prin-
cipautés,
Henri ayant oppofé à Grégoire un autre Pape,
Tcfolut de marcher à Rome pour faire-valoir fon
éleftion. Il s'en rendit maître en IGS4 , & reçue
la couronne impériale dés mains de fon Amipape^
Grégoire VU , chalTé de fon fiége , mourut pea
de tems après à Sa'erne en loSj , avec la répu-
ution d'un horaine vertueux , qui n'avoit jamais
fçu adoucir cette inflexibilité de caraftére , dan-
gereufe à foi-même & aux autres. 11 avoit d'excel-
lentes qualités , que fes défauts ne doivent pas
obfcurcir. Non-feulement fes mœurs étoient pures j
mais , s'il l'avoir pu , il auroit été le redaurateur
de celles du clergé. H ne manqua à Grégoire VII^
pour être un Pape du premier mérite , qu'un peu
plus de lumières & de prudence. Ses dernières
paroles furent : J'ai aimé la jujlice & haï l'in'juftice j
c!ç/? pourquoi je meurs en exil.
SucceJJeurs ds Grégoire VII.
Apres la mort de ce pontife, Didier ^ zhhé du-
Mont- Caflin ,& cardinal de Sainte Cécile ^obtint
la papauté , & prit le nom de FiHor III. 11 n'eut
que le tems de rcnouveiler les snathêmes ful-
minés par Ton préd«(€llcur coatre Utnri biGui»-
14- F. L E M r N 5
certain //, qui ficgca après lui, marcha fur {Tes
tnces Pt fur celles de Grégoire Fil.
Enfin, fou» Pafchal // , l'Eglife fut délivrée de
r»nttpape Guihtn , mort Subitement , comme il
r>vageost le territoire de Rome. H(»ri JI^ m ihù
furvécut guéres. Abandonné de fes fujets, 8c obligé
d* céder l'enipire à foj» fils Henri V ^ qui avott
zixr.è contre fon père, il mourut, détrompé des
iliufions de la grandeur , & dans un état qui
n!étoit guéres au-deffus de l'indigence , en iio6.
11 termina fes jours à Litge qui lui avoit donné
un afyle. Henri K, poufiant 1 inhumanité jufqu'au*
delà du trépas , vint fe pcfter devant cette ville ,•
pour la punir de la réception qu'elle avoit faite
à- fon père & des honneurs funèbres qu'elle lui
avoit rendus. Les Bourgeois ayant une armée à
]«urs portes, firent leur paix avec Henri, en
cxliumant le corps de l'Empereur. Ils le livrèrent
à ce fils dénaturé ,qui le fit-porter à Spire. On le
pJaça dans un cercueil de pierre, où il demeura
cinq ans hors de l'Egli'e, fous prcrcxte que fon -
excommunication n'avoit pas été levée.
CarJlnJux.
Le faint-fiége reçut un nourel éclat dans ce
fiéxle , pjr celui qu'on donna à la dignité de Car-
dinal. Depuis long-tems l'Eglife de Rome avoic
(k>nné à fcs principaux prêtres ti diacres le nom<
àc CcrdintLx ; mais ce ne fut que fous le pap«
ilUoJas^ Uàiai ua Coacile teouàRoiaeco iP)9»-.
DE LiTïSTOirE ECCIESI ANTIQUE. ff
Jju'îl fut décide que l'élef^ion des Papes dépen-
droit des Cardinaux. Ils furent regirdés dès-lors
comme le confeil du fouverain Pontife, 6: admis
à toutes les délibérations de quelque importance,
Aufli le titre de Cardinal l'emporta bientôt fur
celui de toutes les autres dignités eccléfiaftiques.
[Ordres Religieux,
Ce qui donna un nouveau lurtre à l'Eglife j-
Sut l'inllitutioD de divers Ordres religieux. L'Or-
dre des Camaldules , fonde par un homme ver-
tueux d'Italie, connu fous le nom de S. Rcmuaidy.
n'eut guéres d'égal en auftérités & en mortifi-
cations. Nous en avons parlé dans l'hiftoire da
fiéc'e précét'enr.
Celui de Vallombreufe , ainfi appelle de la
vallée où fut bâtie la première maifon de cer
àtéïC , dut fon origine à S. Jean Gualhtn , qui
lui donna l'exemple de toutes les vertus. Flc-
jence étolt la patrie de ce (aint fondateur , qui
alla jouir de la récompenfe de fes travaux ea
1193. Ce fut lui qui le premier reçut des frères
Lais ou Corners , différens des Moines de chœur t
& cette diftindioo , que le zèle pour le fer-
'^ce divin lui avoit infpirée , fut une des caufes
du relâchement introduit bientor-après dans foo
inAitut & dans quelques autres.
S. Bruno , d'abord Chanoine de Cologne , en»
fuite Théologal de Rc'ms , mort en iioi , fut le
j^ere des Chdrtrtux y qui, depuis leur origine, ont-
t€ Elément
été enfcvelis dans la plus profonde retralic. Un
dcfert appelle Chartrcufe , dms les montagnes de
Grenoble , donna fon nom à cette nouvelle fa-
mille monanique -, & tandis que plulî^rs Ordres
religieux ne portoient que des ronces & des
épines , cette folitude fut toujours féconde en
fniirs de vie.
L'Ordre de Citeaux , qiie S. Bernard illuftra le
ficde d'après , eut pour fondifcar , dans celui -
ci , Robert de Alcltjme. H lui donna la Rè^le
de S. Benoît , avec quelques conftitutlons parti-
culières.
Les Moines furent miles dans ce ficelé à l'Al-
lemagne, même pour le temporel, par le travail
<^.e leurs mains. Ils commencèrent à défricher le»
rades forêts qui couvrolcm tout le pays. Par
leur induftrie & kur fage économie , les terres
furent cultivées , les ferfsqui les hahitoieni muU
tiplicrent les monaftcres , produifirent des ville»
confidérables , & leurs dépendances devinrent de
petites Provinces. Mais , ( comme le remarqie
FJeuri , ) ce foin du temporel ne fut pas toujours
avantageux au fpirituel dans ces Egliiies naif-
fantes. On s'eft trop emprcffc de les enrichir, fur-
tout par l'exaftion des dîmes. Ce fut le fujei
tfune révolte de la Thuringc contre l'Archevè»
que de Mayence , d'une autre en Pologne, d'une
troificme en Dancrnarck , qui fut caufc du martyre
du roi S. Canut. On devoir avoir plus d'cgard à
U (oibleUe de ces nouveaux Clucùcn5,& crain.'^
DE l'Histoire Ecclésiastique. 17
lire de leur rendre la Religion odieufe. On dé-
voie craindre fur-tout de trop enrichir les rriO-
naftéres ; & les Moines dévoient être effrayés à
la vue des revenus immenfes dont ils jouifToient.
C'eft à ce fiécle que quelques-uns rapportent
l'établifferaent des Chanoines-réguliers, dont S.Aw
gnfiln avoit donné la première idée. On les in-
troduifit vers l'an 1073 dans l'abbaye de S. Vic-
tor de Paris , où le fameux Hugues de S. Vi£lor
cnfeigna la théologie fous le premier Abbé.
Ce ^ui a fait • penfer que l'inflitution / de*
Chanoines - réguliers eft de ce fiécle , c'eft un Ca-
non du Concile de Rome ( 1063 ), conçu en cei
termes : •< Nous ordonnons que les prêtres 6c
>* les diacres , qui garderont la continence , man»
M gent & dorment enfemble près des Eglifes pour
♦» lefquelles ils font ordonnés , & qu'ils aient en
n commun tout ce qui leur vient de l'Eglife ;
»» & noui les exhortons à faire enforte de me»
M ner la vie commune des premiers Fidèles. >« Un
Ecrit de Pierre Damlen adrelTé au pape Alexandre ,
l'engagea fans doute à faire ce règlement. Le but
de cet Ecrit eft de montrer , que les Chanoines
ne doivent rien avoir rien en propre , & l'Au-
teur le prouve principalement par l'autorité de
S. Aiignfim , dans les Sermons de la vie com«
mune , qui ont fervi de fondement à la Règle
des Chanoines, Dès la fin du X' fiécle ', plu-
fieurs Chapitres de Cathédrales & plufteurs Ab-
fcaycs de Chanoines , avoient repris la vie com-
l5 E L E M E N s
mune par les foins de leurs Evcques ; miis ces"
réforaes n'étoient que fuivant la Règle d'Aix-
la-Chapelle , faite au ccraraencemcnt du IX' fié-
de. Depuis le Concile de Rome de l'an io6j ,•
la reforme des Chanoines) alla jufqu'à l'excluGoa
de toute propriété; &ceux qui l'embrafferem , fu»
fenc nommés Chanoines -réguliers.
Hèrêjîes ; Sïmonie.
La docirlne fur la préfence - réelle de J. C»
dans 1 rcharifxie , avcit été un fujet de dil'pute
dans le IX* ficcle. Jean Seot , dii Eri'ènc .avoir
eu ( dit-on ) ties fentimens contraires à ceux
de VEgViCc: Béreigtr de Tours, archidiacre d'An-
gers , fçavant & opiniâtre théo'.o^ea , les renou>
vella , & s'expliqua encore plus ouvertement.
Il prétendit que le pain & le vin n'étoient pa&
changés au Corps & au Sang de J. C. dans le
facrement de l'Euchariftic. Cette erreur , qui at-
taquoit un des principes fondamentaux de notre
Foi, fut anathématifée dans divers Conciles , &
fur-tout dans ceux de Rome. L'un des princi»
paux avantages que l'Eglife tirades difputes con-
tre Bértnger, fut de faire - expofer fans la moin-
dre équivoque un dogme que des Ecrivains tc-
iQcraires s'étoient efforcé d'obfcurcir , &: que de
dangereux Hérétiques dévoient combattre quel-
ques fiédes après. Ce ne furent plus feulement
des témoins particuliers qui déclarèrent quelle
ctoit leur foi & quelle ctûlc celle de l'Eglife ;
DE l'Histoire Ecclesia"çtique. t^
<t flit l'EgliJe elle - mime qui prcfcrivit ce que
l'on devoit croire pour être Catholique. Be'rcnger
nioit que la chair de Jesi;8-Christ fût réelle &
véritable dans l'Euchariltie; & par une fuite né-
oefTaire , il Jnioit que ce fut celle qui eft née de
la Sainte Vierge. /.'Eglife oppofa à ces deux
erreurs, deux vérités contraires : l'une, que la
▼raie chair de Jésus-Christ eft réellement dam
l'Euchariftie : l'autre , q\ie cetie chair eft celle
qu'il a prife dans le fein de la Sainte Vierge,
La profer.îcn de foi qui fut prefcritc à Beren^tr^
devint celle de tous les Catholiques.
Cet hirctique tîot:a toute fa vis d'erreur en er-
reur. Menacé du dernier fupplice, il donna divcrfe*
rétraâations , 6c figna plufteurs formulaires où 1»
▼crîtc étoit mife dans tout fon jour: mais, la
crainte lui ayant arrathi ces fignatures , il eft
fort-incertain s'il mourut Catholique.
Jetn Scot , ( dit M. l'abbé Racine , ) avoit pré-
pare les voies à Bértr.ger , & celui-ci les prépara
ar.x Calviniftes qui allèrent beaucoup plus loin :
fts écrits furent le germe de toutes les erreurs
des Proteftars , ou du moins de la principale de
CCS erreurs. Brrcncer regardoit comme une petite
difficulté , la profefiîon cliire & précife que l'E-
glifc univerfelle ftifoit de croire le changement
de la fLibftance du pain en la fubftance du corp»
de Jesus-Cmrist, Il avoit dans refprit le prin-
cipe pernicieux , établi depuis par les Sociniens r
Qu 'ii ne faut cnirt qut et qui nous parvît Taifom*
10 E L E M E N s
nah:c. Il ne certa d'oppofcr des raironnemen» ^
un myflcrc qui cft par excellence un myftcrc de
foi. Ily a apparence que s'il reAa dans l'Eglife,
c'cA qu'il ne put former un parti affei nombreux
pour s'en fcpjrer : mais ce qu'il ne put faire ,
les CalviniAes le firent depuis.
La pieté de Fidèles fut encore ailarmce par
l'hcrcûc des Manichéens , qui ayant pénétré d'O-
rient en Occident , vint infeûer la France dans
ce ficcle. Un chanoine d'Orléans , nommé Lifolt
ou Lifois , & Etitnttt , confdTeur de Cjnflante ,
femme de Rohtrt roi de France , en répandirent
la fcmcnce veis l'an 1017. Un Concile teaii à
Orléans les condamna , e«*& leurf diûipici , 4
expier leurs erreurs dans le bilkcher -, & ils aimé»
rent mieux fouffrir l'effrayant fupplice du feu ,
que d'abjurer leur héréûe. Les fedateurs qu'il»
a voient laifTés, portèrent leurs fentimens dans
les Pays - Eas ; mais les intitulions qu'ils reçu*
rent , les ramenèrent à la faine doif^rine.
Rcfcclin , prctrej de Compicgne , diale^icien fub-
til , donna un autre fcandale. Il enfcignoit que
\ts trois Perfonnes de la Trinité font trois rca-
Jiics diAlnftçs l'une de l'autre , à-pcu-prcs de U
même manière que le font trois Ames ou trois
Anges-, fit que l'union de ces trois Perfonnes ne
confiftoit qu'en ce qu'elles n'ont qu'une volontd
& qu'une puiffancc. C'étoit renouvelîer le Tri-
th^ifmt. Cette erreur ayant ctc profcrite , commo
hsictik^ue , par le Concile de ^Soifl^ont en ir^x^
t>E L*HïSTOIRE ECCLtSI ASTI QUE. it
Rofcclin la retraits , mais par crainte plutôt que
parperfiiafion, Se il y revint quelque-tems après.
Les mœurs le corrompant , tandis qu'on alcé-
roit la foi , la fimouie fit d'étranges ravages dans
l'Eglife. On vendoit les bcncficcs Se les prélatu-
res au plus offrant. Grégoire VU y qui gsmiflbk
fur ces raaux, tenta cnvain d'y remédier. La loi
du célibat ctoît violée avec non moins de fcan-
dale. Léon IX y Nicolas II , Grégoire IX, qui en
prefférent l'obfervation avec zèle , ne trouvèrent
que des rebelles. A Milan , pluiîeurs Eccléfiafti-
tiqucs aimércDt mieux fe féparer de l'Eglife que
de leurs femmes. Us commencèrent à former des
BÏTemblëes particulières dans un Heu nommé Pa-
tarée, & dans les vallées voifines. Ce fut l'ori-
gine des Pjtarins & des Vaudois , qui furent
en beaucoup de chofes les précurfeurs des Pro-
tcllans.
Des Pèlerinages ; des nouvelles Pénitences
6" des flagellations.
L'abus des pèlerinages, qui s'étoît gliffé dans les
fjccles prècédens,continua pendant l'onzième. On
vit fe mettre en marche fept mille perfonnes ,
dont plufieurs étoient d'un rang diftingué, &
qui avoient à leur tête quelques-uns des princi-
paux Evoques d'Allemagne. Us formèrent le projet
fmgulier d'aller en proceflîon à Jèrufalem , & d'y
porter tout ce qu'ils pouvoient avoir de plus
riche & de plus oiagnIiî<iue , s'imaginanc que ce
s^ Elemins
-pompeux 8c ridicule étalage fcrolt - admirer !'£•
glife daas tous les pays par où devoit palTer cette
procefiion b'7.3rre. Qiie\ fruit rccl ces Evèqais
rctirérent-ils de ce pvlcrlnage .' La di/E'.tion,
fuite d'un fi long voyage , des accidens d toute
cfpèce , la négligence de leurs troupeaux , & Je
tous les devoirs de leur miniftére.
Les trois t^éroxdres que les Saints deTonziéme
ficcîe combattirent avec plus de zèle , furent U
iîmonie , les violences des Seigneurs , 5: l'incoo-
tincnce des clercs. L'ignorance de l'ancienne dif-
cipline f.t(feiL!i Fhuri)q\j€ l'on Ce miprit dans
l'application des remèdes. Les pénitences canoni-
ques étoient encore en vigueur à la rin de l'on-
licroe ficde -, & loin de fe plaindre qu'elles fufTent
cxceflivcs , on fe plaignoit toujours des nouvel-
les règles , qui en a voient diminué la rigueur.
On' s'étoit même imaginé que chaque piché de
même efpèce méritoit fa pénitence. Si un homi-
cide , par exemple , dtvoit être expié par une
pénitence de dix ans, il falloit cent ans pour dix
homicides : ce qui rendoit les pénitences impof-
fibles & les Canons ridicules. Mai» ce n'ctoit pas
ainfi que l'cnrendoicnt les anciens. Le nombre
des péchés de môme efpèce influoit fur la ri-
gueur de la pénitence , toujours foumi''e à la dif-
crétion des Evcgues -, mais elle fe mefuroit fur
la vie des hommes , 8c on n'obligeoit même à
faire pénitence jufqu'à la mort , que pour les
cruncs les plus énormes,
T>E L^HISTOIÏIZ'ECCLESÎÀSTIQUE. ij
Depuis que l'on eut rendu les pénitences im-
poflibles à force de les multiplier , il fallut ve-
nir à des compenfations & des eftimations , tel-
les qu'on les voit dans le Décret de Burchard &
dans les écrits de Pierre Damiin. Cètoient des •
pfeaumes , des génuHexions , des coups de difci-
pline, des aumônes, des pèlerinages , toutes cfao-
fcs que l'on peut faire fans fe convertir. Dès que
le cœur n'etoit pas changé par la pratique dti
vertus contraires à fes vices , il y avoir peu
é» mirite dans ces pénitences , & encore moins
dans les pénitences faites par d'autres que par
le coupable. Les difciplines qu'un bon Moine fe
donnoit pour un pécheur , n'étoient pis pour ce
pécheur des pénitences médicinales. Le péché n'eft
p3S comme une dette pécuniaire , que tout autre
peut payer à la décharge du débiteur , & ea
quelque monnoie que ce foit ; c'eft une maladie
dangereufe , qu'il faut guérir dans la perfonae
pièmc du malade.
Nous ne trouvons point d'exemple de flageU
lations volontaires avant l'onzième fiécle. Pierre
Dcmien fut celui qui les recommandoit davaa«
tage i Se S, Dominique le Cuirajfé pouiTa ce nou-
veau genre de pénitence à un excès prefqu'in-
f:royable. Il ne fe paiToit guéres de jours , ( dit
Pierre Danien , ) que Dominique ne récitât deux
fois le Pfeautier tout entier , & cette récitatioa
étoit accompagnée de la Bagellacion. En Carême
& dans le tems de la péaiieace de cent ans ,
i24 E L E M E y S
ii difoit trois Prcautlers , fie fe flagellolt à proJ
portion.
Voici et que c'ctoit que la pénitence de cent
ans. Trois raille coups faifoient un an de pcni-
tence. On fe donnoit mille coups pendant le
chant de dix pfcaumes. Le Pieauticr qui eftcom»
pofé de cent - cinquante pfcaumes , & pendant
lequel on le donnoit quinze mille coups , (ai-
foit cinq années de pénitence. Il falloit donc
vingt Pfeautiers ,& trois cens mille coups, pour
faire la pénitence de cent ans. Dominique l'accom-
pliffoit ordinairement en moins de fix jours \ 8c
ce qui lui croit particulier , c'eft qu'il fçavoit
agir également des deux mains tout à la-fois , fans
néanmoins compter ce double coup pour deux.
Il y eut un Carême pendant lequel il fit une
pénitence de mille ans avec la permifTicn de Ton
Supérieur , qui fe croyoit oblige d'accorder ces
excès à fon zèle & à fes indancc*.
Vers les dernières années de fa vie , fa chair
étoit devenue fi dure , que les inArumens dont
il fe fcrvoit ordinairement , ne faifoient plu?
d'imprcfrion fur fon corps. Ce fut ce qui le dé-
termina a prendre une difcipline de cuir , hcrif»
fée de pointes de fer , qu'il portoit par-tout où
n alloit. Quand la bicnfcancc ne lui pcrmcttoit
pas de fe flngcller , il fe frappoit fur les jambes
& les cuiflfes , fur la tète & le coû. Il avoir le%
jtmbes , les cuiffes & les bras ferrés dans des
perdes de fer. Soo corps étoit au ccmmcrce*
ment
bE l'Histoire EcClesiastiquï. i^
4nent tout livide & enfangidntc -, il devint dani
la fuite noir comme celui d'un Nègre. De fi afFreK>
fes auftérités ne l'empèchéreat pas de parvenir à
une extrême vieillelTe.
A l'exemple de ce pénitent û extraordinaire •
l'ufage de la difcipUne s'établit tellement dans le
pays où il étoit , que non -feulement les hom-
mes , mais les femmes Nobles vouloient fe la
donner. Au lieu d'inventer de nouveaux moyens
de fe mortifier , qui pouvoient être fujets à de
grands inconvéniens ; que n'employoit -on , ( dit
Fleuri ) ceux dont on s'étoit fervi dans les beaux
fiécles de l'Eglife, & que ne marchoit-on fur le»
traces des Anciens , qui fçavoient allier le pluf
grand zèle pour les intérêts de Dieu offenfé paç
le péché , avec la plus parfaite difciétion \
7om, ÎU S
É L É M E N S
D E
VIIISTOIRL ECCLÉSIASTIQUE.
DOUZlÉiME SIÈCLE.
« *
Prcwicre CTOifcdc.
J_ES pcicrinagesà la Terre-fainte«o»«nt devenu*
frcqucns , depuis que la Crcix avoir «.u trouvée
& les Lieux faints réublis fous l'empire de Cn-
p.anùn. On y venolt de toute la Circtiencé , des
Caules morne, d'Efpagpe^ & des Provinces lis plus
reculées. Ces pieux voyagjét Te firent avec rareté
pendant trois ceais ans, aral^w: la chute de l'Eir.
pire d'Occident; parce que les. Kovaumes qui fe
forme rent des dcbrisde ce vafle édifice , dcmeuré-
*cnt Chrétiens fit peuplés de Romains , quoique
affujettis à des Barbares. Mais les chofe^ chdngc-
rent de face par les conructes des Arabes Muful-
tnans, que la Rel gion, la Lingue fie les mtrurs fcpa'
«oicat de tous les peuples qui profctToicnc le
Chriftiaaiûr.e.
E'rMENS DE l'HiST. tcCLÉSlAST. 17
Les princes Mahométans , maîtres de la Paledi-
le , cxerçoicnt de ttms-en-teirs une tyrannie hor-
ible fur les Chrciicns de cette province, confi-
Tce par la vie 8c par !a mon de l'Homtne-Dieu.
-Eglife gémifi'oit de les voir en pcffelTion des
^.ieux-faints , qu'ils profanoient parleurs impie»
es. Un prctre Françnis ^ nommé Pierre VHirmite ,
le put entendre fans indignation le récit des mai'X
^ue les Chrétiens fou.Troient. La dévotion Taj-an:
tondait dans la Paleftine, il en fiit lui-même tc-
noin , & il réfolut dès-lors de brifer leurs fers.
Son zèle s'enf.amma. Petit .mal -fa.:, il cachoit
fous une fgure peu agréable le cœur d'un Hé-
los. 11 part de la Pnicftine avec des Ictres du Pa-
triarche de Jérufslem , dans le den"ein d'engager
le Pape & les P:inces Chrétiens a entreprendre uns
guerre fainte contre les Infidèles.
Le pïpe Grt'goirc VII avoir dijà imaginé une
ligue ces Princes Chrétiens contre les Ma'.iomé-
tans qui menaçoient Ccnilantinople. II ' iiroît de
fe mettre à la lête <le l'armée , pour délivrer le
ScpulchredcJ C. : mais il propofd feulement cette
«ntreprife plus facile a projetter qu'à exécuter ,
Ilcraig,noit d'ailleurs , que l'empereur //«nr//^, qu
n'y vouloit pas entrer, lie profitât de fon abfencc
pour étendre tes droits fur rEglife,
Urbain II, qui étoit fur la chaire de S. P'éht
lorfque Picne i'iitrmitc arriva a Rome , n'a voie
pas les mêmes craintes que Grë^^in /'//. II ctoît
ptcf^ue maitreen Italie, & il fçavyit que rr.mp«-
Uij
iS E L E M E N s
reur ^toît aflez occupé par les troubles qui dtvî-
tfbient rAUcmagne.
Il écouta favorablement Pierre rHcrmUe , &
chercha les moyens de faire-rcunîr Ton deilein.
Après avoir aflcmblc un Concile à Plaifance , il
vint en France , & en convoqua un aucreàCier»
mont en Auvergne l'an loçj. Cette afiemblee étolc
compofce de prefquc tous les Cardinaux , de plus
de deux cens Evcqucs , & d'un nombre infini d'£c-
clefiaAiques d'icalie & de France. Il y parla avec
éloquence du généreux dcficin de Pierre /'Hermitf
qui fut envoyé dans les difi'crens Royaumes de
l'Europe , peur animer le zcle des Princes Se
des peuples. Les exhortations du Pontite 8c de
l'Hermite eurent le plus heureux cfTct : un
nombre prodigieux de Chrtiiens s'engagèrent par
ferment à pafler dans la Palelliae , pour la tirer
des mains des Turcs &c des Sarrafins. Cette guerre
fut nomroce /a Crvlfade , parce que ceux qui la
faifoient , portoient une Croix rouge fur leurs ha*
bks.
Godefrçi de BouUlott , le prince le plus cou-
rageux de foo tems , fut le Chef de cette multi}
cude , qui ^uroit pu cbranler les troncs de l'A*
f)C mais qu; ne connoifibit malheureufement ni
ordre , ni difcipl.nc. L'armcc des Croifés , compo-
^c uc VoiuiU4ires de diftcrenies notions, n'at-
ÉCndit pak d être fur les terres des Infidèles pour
eomoieiire ùe» hoailitcs. Lefprit de brigandage
v^oi anunoil l« plupaii,lçs poru uop fouvcfti à
iDï Ll^IStOlRE ÈCCLESIA5TI<iUE. i^
piWet les peuples qui étoient fur leur paffage. Ré-
duits j prendre des guides fur les lieux , c'eft-à.
dire , ( dit Flatri , ) à le mettre a la merci dî liur»
ennemis , ils s'afFoiblirent dans leur route. Cepen-
dant Godifroi Aq Douillùti «toit ( d'.t-on ) à la tête
de trois ceni* mille honimes , Icrfqu'il entra dans
la Syrie. Il battit les Infidèles quelque-tems après.
Nicée& Aniioche furent les premières villes dont
ils fe rendirent les maîtres. Leurs premiers fuc-
cès leur ouvrirent le chemin de J^rufalem , la
capitale de la Paltftine 6c la cité fainte. Après
quelques mois d'un ûigc opiniâtre , cette ville fut
prife d'affaut en 1099 » ^ ^^^ habitans mafficrés ,
fans diftmdlion d'âge ni de fexe: le carnage fut
fi horrible , que des ruiffeaux de fang couloient
dans toutes les rues.
Gode/roi de BouiUon ayant conquis Jérufalem,'
fut nommé , du commun confentement de tous les
princes , pour la gouverner en Roi : mais il ne
voulut jamais porter une couronne d'or dans une
ville où Jésus - Christ avoir été couronné d'é-
pines. On ne lui donna que le titre de Duc. Il
défit bientôt-après le Soudan d'Egypte , qui ve-
noit pour fecourir Jérufalem,& lui tua ( dit on )
près de cent mille hommes à la bataille d'Afca-
lon. Cette viftoire termina hcureufenient la pre-.
miére croifade.
Les Croifcs retournèrent à Jérufalem , & la plu-
part s'embarquèrent pour l'Europe. Godcfroi re^a
çrefque feul ; & quoiqu'il n« fût défendu que pai^
E L E M E N S
U renomrnîe.il ne lallTa pas de reculer les fron-
ticres de fon état. II fe renc.it maitre de toute
la Galiîée , fortifia Joppé ôt obligea les Rois Ara»
b;$ (es voiims à lui demanier la paix.
Ccrft/fc/ , accable fous le poids des travaux de
la gv.erre & des follicitudes du commandement ,
mourut à Jérufalem en iioo, la qSraniicme an-
nce de fon âge, & la pKii.ictc ce fm icg,r.e.
Jamais , ( dit l'Abbé de Ch^ifi, ) l'antiquité fabuleufe
n'ima^ifla un Héros auflî paifaic que la vcrlté
(!e riîaloirc nousrepriifcnte Gudcfioi de B^ui/Ln,
Il avoit une force au-de(ius de l'ordinaire , avec
une Hgure aijnable & délicate, un pott nujeilucux ,
des manières oobles , ua efprit iniînuant ,.un carac»
tére doux & privcnant. S'il fat peu verfc dani
les fcicnces humaines , il fut en revanche vaillant ,
libéral, magnifique , vertueux fans bypociifie &
fans fjibleffe. Quoiqu'il fut illufirc par fa naif»
fance , il dut en partie fon élévation à fon mé-
rite -, & fi les autres Chefs des Croifés lui avoient
rclTcraMj, il cft à croire qu'une cntrcprifc icf-
peâ>ib!c par fon objet , ii'auroit pas été trop fou»
vent , par l'ambition inquietie des généraux &
les JJrci^Iemcns des foldats , un fpc^Ude plus ùa.'
^ulier qu'édifiant.
Seconde Crcifade»
Cûicfroi de BouiUon étant mort , la divinon fe
mit parmi Ijs Princes qui i'a\oient fuivi dans la
PalcAinc , Se qui tous voulolc-t fuccidcr a fa puif-
DE l'Histoire Ecclésiastique. fH
ùace , fans avoir fes talons. Les Ih.'idcles profi-»-
térenc de cette dcfunion pour reprendre les vil-
les qu'on avoit conquifes fur eux. Baudouin , fuc>
cefTeur de fon frère Gcdefroi ,{at fait prifonnier
aifez près de Jerufalcm par un prJnctTurc. L'E-
tat d'EdelTe , qu'on avoit fonti; après les premié-
tes conquêtes fur les Mahomctans , fut détruit en^
1140. Celui d'Antioche, fondé à- peu -près vers la
r.iême tems , avoit beaucoup de peine à fe fou-
tenir. Les Turcs étoient toujours nîaitrcs de Da-
mas , de quelques autres phces des environs , S»
d'une grande partie d; la Paleftir.e».
L'Empire de Cocflantinople ctoit gouverné pa*^
les Cuwnèm^, qui ttaltoient les Croii'cs moins en
amis , qu'en politiques allarmcs de cette multitude
prodigicufe : iis çraignoieoc que, fous prétexte de
les dt:fendre contre les Turcs , les ennemis com-
muns du ChriQianifme , oa ne fongeâc à les ac-
cabler eux-mêmes ,& a fe rendre maitrss de leur
Empire^
Ainfi les Chrétiens , menacés par les Infidèles ,"
& mal-foutenus pir des amis perfides , pouvoiene
au moindre revers être nonfeuiem?nt dcpoffé-
dés , mais maiTacrcs. C'eft ce qui engagea à fol-
licitcr une nouvelle croifade , dont Engine UI Se
S. Bernard furent les principaux promoteurs. Ce
patriarche d'un Ordre nouvellement fondé , per«
fuada d'abord LluIs \e jeune ,xo\ de France. 11 fal-
lut enfuite exciter le zèle des feigncurs S: du peu-
ple. Ob drefl'a un échafliaud en pleine campagne ,
Biv
52.' E L E M E N 5
i Vezelaî en Bourgogne, fur lequel l'humble Cé-
nobite parut avec le Roi. Il prêcha avec tant de
fuccès,que tout le monde voulut être Croifé. Quoi-
qu'il eût fait une grande provifion de Croix , '1
fut oblige de mettre fon habit en pièces , pour
fupplcer à Ictoffe qui manquoit. L'enthoulîarme
fue foo éloquence infpira, fut û véhément , que S.
Bernard écrivit au pape Eugène : •• Vous avez or-
»» donné, j'ai obéi, âc vo:re autorité a rendu mot»
w obéifTance fru^ueufe. Les villes &les châteaux
» deviennent déferts, & l'on voit par*tout des veu-
»» ves dont les maris font vivans. »» On voulut
charger le prédicateur de la Croifade , d'en co'e
le chef i mais , foit humilité , foit horreur pour le
tumulte des armes , il refufa une dignité dange-
»eufe & pénible , que l'hermite Pierre n'avoir pas
craint d'accepter. De France il pada en Allema-
gne , détermina l'empereur Conrad III à prendre
la Croix , & promit de la part de Dieu les plus
grands fuccès. On marcha de tous les côtes de l'Eu*
rope vers lAûe , & on envoya une quenouille
& un fufeau a tous les Princes qui refufoicnc de
s'engager dans cette entreprifc. L'empereur Cun-
rad III ^ & Louis le jeune roi de France, fe mi-
rent a la tcte des Croifcs. Leur nombre étoit pref-
que innombrable. L'Empereur s'étant enfonce im-
prudemment dans des dcfcrts de l'Afie mineure y
£ut battu par le Sultan d'Kone, & réduit à fc fju-
,vcr pluiùc en pclcrin qu'en général d'armce.
l-uuit le jcunt f aoa moins malheureux «Jl aoB
ôE l'Histoire Ecclésiastique. \
moins imprudent, perdit la plus grande partie de
fon armée vers Laodicce de Syrie en 1149. Ar-
rive avec fa femme EUonorc de Guiînnc à Antio^
ehe, il revint en France avec une fuite peu nom-
breufe. S. Bernard avoit annoncé les plus grand»
fuccès ; il eut beaucoup de reproches à effuyer,
»près des revers fi funeftes. Mais l'ambition , l'ia-
temp^-rance , la cruauté & les déréglemeos des
Croifés , plus foigneux d'établir leur fortune que
de fervir la Religion , pouvoient-ils ne pas rendra
fauffes fes prophéties ?
La plupart des Croifcs s'étoient engagés dan»
cette expédition par des vues humaines : les uns ,
pour éviter le reproche de lâcheté: les autres,
pour échapper aux pourfuites de leurs créanciers,
Plufieurs Moines, ennuyés de leur état , fortirent
du cloitre , & prirent la croix des guerriers , en
abandonnant la croix de mortification qu'ilsavoient
promis de porter. Les bandits mcm; & les fcélé-
tatt fe flatioicnt d'expier leurs crimes par la
guerre fain'e : mais , en changeant de climat, ils ne
chan^^irent pas de mœurs -, & l'on eut fouvent à
gémir, que des armées ralTcmblées par le zèle,
fufi'jiu déshonorées par l'indifcipline , l'avarice ÔÇ
lé dé'iglcment.
Tro'ifitms Cro'ifude,
Un conquérant redoutable s'élevoir alors e*
©•■•cnt : SaUdin , toudan d'Egypts , qui avoic toue
k^ [ai«ns d'uo guerrier ôc toiuçsles vertus d'iiQ!
J4' E L Z M E s s
fouvcrain. Après avoir conquis la Syrie , l'Arabie ,
li Perfe , la Mcfoporamie , il marcha ver» Jtrufa-
lem, où Gui de Lujïgnan rcgnoit alors. Raimoni de
Tripoli , arricrc-pctit-fîli de Ralm^ni comte de
Touloufe, portoit envie à Lu/^nj/j. Sal dln finf"
truit des difpo'ltions da comte de Tripoli , lui pro-
rait fecreitemenc le trône de Jérufalem , pourvu
qu'il embraffàt le Mahométifmc.
Une aiibition eftrénéa lui fît-fncriner fa Reli-
gion -, il promit tout , & pour trahir plus fùremcnt
Gui de Lu/î^njn , il fe joignit avec Tes troupes.
La bataille s'engagea en 1 1S7 auprès de Tibîriade.
Seladin remporta la viiloire; Lufi^mn fiit fait pri-
fonnier ila piupirt des princes & des fe.gneurs qui
l'avoient fécondé, furent ruc5. Il n'y eut que le
ccmte de Tripoli qui ne fe battit point , 8c qui fe
»«tira avec fes troupes dans fon petit état, après
avoir contribué , par les avis fecrets donnes à Sa»
Ud'n , à la perte de la bataille.
Le vainqueur marcha ve^s Jcrufaîcm , qui fe
rendit au bout de dix jours, iModérc dans fon
triomphe; 11 traita la reine femme de L'fignan , &
les princefTes fes filles , avec beaucoup de refpeû,
& lui fit-efpérer la liberté du roi fon mari , ir.oyen-
nant une rançon médiocre. L'ayant renvoyé avec
«ne cfcorte à Afcalon , il lui permit d'emporter
tous les mîubles du palais , fans vouloir que fes
•fficiers vlfitafiTent les chariots qu'il lui avolt fait-
donncr. Toutes les filles , toutes les femmes de Je-
wfalcm fuivoient lu Reine en troupes, tenant les
DE l'Histoire Ecclésiastique. 37
•nfarsparla main, & jettant des cris qui aiten-
drirent 5j/jJ/»r. Il leur fit-demander pourquoi cllcs-
pleuroient fi amèrement ? Seigneur , lui répondit
une d'entr'elles , nous avens tout perdu ^ mais vous
pouvei nous confoler par une parole. Rtnde\-nous nos
pères , rendei^nous nos maris oui languijfent dans vos
prifons : ncus vous abandonnons tout le refie ; ils au-
ront foin de nous , & notre Dieu nourrira nos enfans ,
Il nourrit bien les olfeaux du Ciel, Ce Pnnce , qui
n'avoit rien de barbare , ordonna dans le momenc
qu'on cherchât parmi les prifonniers tous ceux
qu'elles rédameroient , & leur fit à toutes des pré»
fens , à chacune félon fa condition. Il tît enfuite
fon entrée dans Jerufaldn , fuivi du roi Gui de
Luf:gnai , des principaux feigneurs , fc de 20,000
captifs qu'il envoya à Damas. Il changea dabord
le Temple de Salomon en mofquée ; mais il refpefta
le fépulchre de Jésus -CnaiST qu'il honoroit co-n-
me un grand Prophète : & peut-être qu'il y eut
dans cette modération un peu de politique , &qu'il
craignoit de perdre les offrandes des Pilerins. La
feule chofe qu'il exigea des vaincus , fut qu'ils
lavaffent de leurs propres mains , avec de l'eau
rofc , les mofquées qu'on avoir converties en
Eglifcs. Il ne reftolt alors aux Chréticnçd'Afie que
les villes d'Antioche , de Jopps 5c de Tyr. Tout
le refte obéifibit à Saladin ,ou à fon gendre le Sul-
tan d'Icorium.
La teneur des armes de ce coaquérznt , jetra
mUrmc dans toute l'Europe. Le pape mit en mou»-
B. -■;
56 E L E M E N S"
vement la France , l'Angleterre & l'Allemagne:.
L'empereur Frcdtnc Burtiroijjt reçut la croix daas.
une dietce générale , tenue en iiSS a Ma^ence. Il
pafTa en AHe avec une arnitie nombreuie âc florir-
iante. Iltraverfa la Bulgarie, où il tut fou vent obligé
de s'ouvrir le pafTage i'epée à la m^iu II trouva auni
beaucoup de rcfi(lance fur les terres de l'Empereuc
de Conltïntinople, Ij'djc i'.4nge, qui lui avoii néan»
moins promis la liberté du paffage -, mais il s'ima*
gîna, que Frédéric venolt dans ledeffein de le dé«
pouiller de l'Empire , & de faire fon fils Frédtrlc
duc de Souabc, Empereur de Ccnftantincple. L'em-
pereur Frédéric fe voyant aînfi trompé par //«ac, fit
du dcgàt fur les terres , 5c prit Philippopolis ; il
alla enfuite à Andrinople, paffa l'an 1190 le dé-
troit des Dardanelles, & entra fur les terres du
Sultan d'Iconinm. Qiolque ce prince eut promis
pafTage a l'empereur FrcdcrU , il ne laiiTa pas de le
feire>attaqucr^an$ les défilés des montagnes; mais
l'Empereur battit deux fuis les Turcs , enfuite af»
fiégea le Sultan dans Iconium fa capitale , qu'il prit
d'affaut. Il faifoit-efpcrer la conquête de la Terre-
ùinxe, iorfqu'il mourut fubitement en 1 190, pour
s'être b^i^nc tout en fueur dans une rivière dont
feau ctoit extrêmement froide.
Son fil* 6c fon fuccc(Teur , Frédéric duc de Soua-
be , vouLnt reparer la perte que la Chrétienté
TCQoit de falcc , fe retira à Antioche , fuivi de
fcpc à huit mille hommes, qui lui relloieiu de l'ar--
■ce. de foa pcrc. Il joit^nic fei troupes à cellçs de
M L*HiSTOiRE Ecclésiastique, ^j
Cui de Lujlenjn ; mais fes armes ne furent point
heureufes , & il fut emporte en 1 190 près de Pto-
lémaide , par la même maladie qui fit-périr tant
d'Allemands , dans un pays où il ÉiUoit combattr©
l'air » le climat & les Sarrafms.
Quatrième Croïfade»
Les Croifés étoient menacés des plus grand»
nalheuf s , lorfque PhUippe-Aueufii , roi de France ,
& Richard Cacur-di-LLn , roi d'Angleterre , fe croi-
ferent.en 1190 , & arrivèrent par mer en Palefti-
ne. Ils avoient entrepris ce voyage avec plus de
iàgelTe que les Croifés qui les avoient précédés.
Ss ordonnèrent , chacun dans leurs états , que ceux
qui ne fe croiferolent pas, payeroient la dîme de
leurs revenus & de leurs b ens. C'eft ce qu'oo-
appella la dimc SaUdine. Avec ces fecours , ils pou»
voient efpérer des fuccès. En arrivant, ils mirent
le fiéfte dev-jnt Ptoltmaidc. Cette vilie , a(ris;gce
par mer & par terre , par une armée de près de
troif cents mille combatiuns, fut emportée & re-
mife au pouvo-r des Chrétiens. Mais la rivalité
de gloire entre Philippe & Rtchjrd^ Se la méfmtel-
lîg'race entre les o«ficier.- lubalternes , ayant mis
b divillon p irmi les Croifés , le Roi de France fut
•bligé de rttourner dans fon royaume, avec peu
de gloire & encore moins d'arç^enr.
Le Roi d'Ang'eterre, demeuré feu! d.ms Is Pa»
leftine en 1191 , attaqua SiiUdin , qui revenoit vie*
jKuieux de la Mcfogotamie« Les deux héros coib*
3^ E L t M E N s
battirent près Je Céfarje, l'un contre l'autre, com-
me deux chevaliers en champcloi. Richard Tenverfz
SaUdin, Cet avantage & quelques autres n'empê-
chcrert point que les maladies 6c les fjtigucs a'af-
foibliffcnt fon armée. La ferveur des Croifcs s'é»
tant refroidie , RUhaii fut oblige de conclure une
trêve avec Sa'adin , qui n'eut pas de peine à per-
mettre le pèlerinage des faints-lieux. Il retourna
en Angleterre fur un feul vaifTcau , qui fit-nau-
frage fur les cotes de Venifc. Obligé de traverfer ,
dcguifé , les terres de Léopdd duc d'Autriche, il
fut faitprifonnicr par ce prince , qui lui fit -ache-
ter chèrement fa liberté -, & ce fut tout le fruit
que recueillit de fes fucccs en Aiie , le héros de la
quatrième Croifade.
L'ctat des Chrétiens en Orient , abandonnes par
tous les Princes Occidentaux, paroi (Toit dé fefpé»
ré , lorfque Saladln mourut en 1191. Il laiffa plu-
fieurs enfans , qui nartagcrent entr'eux fcs états.
Une puiiTance aiiifi riivifte croit moins redouta-
ble , & fi les Croifcs, au lieu de foupirer vers l'Eu*
rope, étoient reftcs à Jcrufalem , il eft à croire
qti'ils auroient eu enfin des fucccs décides.
Sa'adin en mourant fit un teftanient , qui ordon-
nolt des aumônes pour les pauvres Chrétiens «
Juifs 3c Mufulmans fans difiinflion. Pour irontrer
la vanité des grandeurs humaines , il fit-portcr dans
les rues de Damas fon fuaire en puife d'ctcndird.
Un héraut avoit ordre de march<»r devant , & dfe
cficr : yvUd t^ut ce ;«i rtflt du grand iiAX.ÂJHH , U
DE L rllSTOIuE ECCLESIASTIQUE. 39
^. ! quirant dt l'Àj'.e\ Tous les Hiftoriens Ecclcfiafii-
qucs , (entr'autres Fleuri & Choi/t , ) ont rendu juf-
tice à fa modirntlon , à fon humanité 5i à fa po-
litefle. Mais le zèle qu'il avoit pour fa Religion ,
le rendit quelquefois très-rigoureux à l'égard des
Chrétiens qui l'avoient publiquement rnéprifée.
C'eft en partie ce qui occafionna la mort de Re-
naud de Châtillvn , dont il abbatit la tête d'un coup
de fabre. Il offrit la vie à ce feigneur François
s'il vouloir embralTer le Mahomctifme -, mais Chl-
ùllon aima mieux mourir, que de fe fouiller par
une lâche apodafiç.
Nouvelles D'ifputes au fujet des Invcjïltures,
Les invcftitures que les Princes donnoient aux
Evoques par la croffe & par l'anneau , furent le
fujet des plus vives difputes dans ce fiécle, com-
me d^ns le précédent. Le pape Uihaln // les con-
damna en 1C9J au Concile de Clermont , com-
me une ufurpatioa de la puifiance temporelle fur
la fpiritueilc ,& quelques autres Conciles fuivirent
fon exemple. Pafchal II, dans un Concile tenu à
Guaftalle en iioj, renouvella les févéres décrets
de fes prédécelTeurs contre les inveftitures -, & les
anathomes qu'il prononça contre ceux qui viole-
roient ces décrets , le brouillèrent avec Ilcr.ri V,
empereur d'Allemagne.
Ce prince avoit tous les défauts de fon pcrs ,
fans en avoir les vertus. La foif de régner lui avoi *.
infpiré quelques ménagemcns pour les Papes j mab
^ EtEMENi^
dès qu'il fut paifible pofTeiïeur de l'Empire, il 60
foutiur les droits avec la plus grande chaleur. Pa/-
ehai II tut oblige de fe fauver en France .^jMOur fo
fouftraire a fa vengeance : le Roi Philippe, ti Louis
le Gros fon fils , le reçurent avec l'honneur qu«
méritoit le vicaire de J. C. Henri V \t voyant pro-
tège par le Roi de France , chercha des moyen»
de conciliation. 11 y eut , a la fin de 1 1 1 3 , ou au
commencement de 1 1 14, un traite, par lequel l'Etn»
pereur promettoit de renoncer par écrit à toutes
les inveftitures des Egitfes entre les maint du Pape ,
après que !e Pontife auroit abandonné fes droits
furies Régales.
Suiu des difputes de Henri V^v^t Pafclial IT..
Cet accord ne fubûfta point. La renonciation aux
Régales, c'eft-à-dire, aux domaines que les Evê-
ques avoient reçus des Rois & des Empereurs ,
déplut aux Evéques Allemands ,qui , jouiH'ant pai>
Cblement de leurs feigneuries & des droits qui y
ctoient attachés , ne vouloient pas s'en dépouil-
ler. Hinri /''ttoit pour lors à Rome, où il vou-
loit être courorné de la main du Pape. Les affai-
res s'étaai brouillées , & le Pape ayant refufé de
lui mettre la couronne impériale fur la tète, l'Em-
pereur le hi-arrcceravec pluficurs Ordinaux. Cette
▼iolence irrita tellement le peuple Romain , qu'il
maiïacra fan* j-itic tout ce qui fe trouva dans R^nr
d'Allemands fans dcfcnfe, Htnri mcmç y coirur
tifque de la vic«
DE l'Histoire Ecclésiastique. 41
Cependant les Romains , allarmës de voir le
Pontife 5c une parue du facré collège entre les
mains de leur eniiemi , demandèrent envain du fe-
cours aux Princes voifins. Pafchal 11 ne fortit de
la captivité où lui & les Cardinaux étoient dé-
tenus , qu'en accordant à Henri le privilège des in-
veftitures par la croffe & par l'anneau , & en le
couronnant Empereur.
Dès que ce prince eut quitte Rome , les Car-
dinaux , délivrés d'un maître fî impérieux , calTé-
rcnt l'accommodement que le Pape avoit fai: avec
lut. Pafchdl refufa long-tems d'à dhèrer à leur dé-
ciflon i mais enfin , dans un Co^.'nle tenu à Rome ,
il révoqua folemnellement le privilège qu'il avolc
accordé , 5c défendit de s'en fervir fous peine d'a-
nathême.
Henri ayant appris que lî Paoe avoit violé I«
traité, repaffe en Italie a la tète d'une armée, 5c
Ce rend maître de Rome. Il demande une féconde
fois la couronne Impériale -, le Pape prend la fuite,
& Henri fe faitcouronner par un prélat dévoué
à fes partions : c'ètoit le *'ameux Ma-srice Bouriin »
archevêque de Brague, l'ennemi perfonnel de Paf-
thai II , qui lui avoit ret'ufè les bulles de l'arche-
vcchc de Tolède. Dès que la cérémonie du cou-
ronnement fut faite, l'Empereur quitta Rome-, &
le Pape tre fut pas plutôt rentré , qu'il y mourut
en iiiS, après dix -huit ans d'un pontificat ora.*
4P
4^ E L E M E N s
Les D'ifpuus corj'inuent fous Gclafe II fi»'
Cali.vte II.
Le fucceiTeur de Pjjchal II fut le cardinal Ca-
jétjn , qui prit le litre de Gîlaf^ II ; il foutint les
prétentions de fes prédcccffcurs , & fut chaffc de
Rome & contraint de fe réfugier en France, afyle
ordinaire des f ontifes pcrfécutcs. L'Empereur pro-
fita de fa fuite pour faire - élire rarchevêque dé
Bragiie, q.ii prit le nom de GrêgJe ^III ; mais cet
Ant pape ne jouit pas long tems du fruit de Tes
intrigues. Gcljfe II crant mort en 1119 dans l'ab-
baye de Cluni , Calixte II , fon fuccefleur , fc-
condi par les Princes Normands , rci);neurs de la
PoulUe 6c de la Calabre , invertit le fjux - pontife
dans la ville de Sutri où il s'ctoit réfugié. Les ci-
toyens le livrèrent au Pape , qui le fit-enfermer
pour !c rcfle de fes jours dans un monaftcre.
Les fauteurs de l'Antipape ayant et j obliges de
reconnoitre le fouverain Pontife , le parti de l'Em»
pereur s'afToiblit chaque jour en Italie. CjUxu en-
voya un Icgat en Alloraagoe , qui difpofa beau*
coup de Princes à le foutenir à main-armée. Ua
différend de Religion alloit ctre termine par la
voie des armes, lorfque H<nri V ^ qui c/algnoit le
fort de fon pcre , jugea a-propos de »'accommo-
der avec le Pape. Par ce traite, conclu en iizi,
les cleclions des Evèques & des Abbcs dévoient
fe faire en d prcfence , fans violence 5i fjoi C\-
nonie ; l'élu devoir recevoir de lui les Régales par
le fceptrc , «3c lui rendre icf devoirs qui lui cioieoc
DE l'IIistoirt Ecclésiastique. 4^
dus. De (on coté , rtmpereur remettoir à l'tglife
& au pipe Ca'ixtc //toute Inveftiturc par l'anneaa
& par la crofTe , & accordoic ai:X Egîifcs de fes
états les cicftions libres Se canoni.jucs.
Ainfi fai termlncc la longue querelle des invcf-
titures, qui, à la bien prendre, ( di' M. de Mcrz-
tig,ni , ) n'étoit qu'une dfpute de mots & une vriie
queQio.i de nom. Il ne s'ùgiiToic dans tout ce dé-
mêlé , que de la ccrcmonie de la croiîe 6c de
l'anneaa, que les Papes ne vouloient abolir, que
parce qu'ils la regardolent comme les fignes delà
puifTance fpirituelle. L'accommodement n'eut pas
été recardé fi long - tems , fi les deux Henris , à
l'exemple des Rois de France Gc d'Angleterre , euf-
fent abanJonni ce:te ccrcmonic .qui n'entre poor
rien dans l'cffentiel de l'invcfl'turc. En l'aboliirant,
l'Empereur ne pîtdit rien d'cfTcclif, Les élus ne
relcvoientpas moins de lui , lorfqu'ils cioieift in-
veftis pir le fieptre , qu'ils en dépendoient , quand
ils rétoient par Ij crolTe. D'ailleurs les cle«îtions
dtvant fe faire en fa préfcnce, S: i'tlu-ctant obli^jé
de 's'acquitter de tout ce qu'il devoit au prince,
en vertu de l'inveftlture des Rcgiles qu'U avolt
reçue , on confervolt aux Empereurs le droit
dont i!s étoient en poîTcfTion , d'exiger des Eve*
CjUes l'hommage & le ferment de fidcilté.
Le Pape retira un avantage réel de fon accom-
la idemcnt avec Ihnri. 11 rc:ablit U liberté des élec-
tions dans l'Eg'if; , f4 particulièrement en Italie &
i R.ome. Les Empereurs , depuis cette époque in-
'44 £ L E M E N S
téreflante , ne Ce font guéres raclés de faire les Pa-
pes , & les Pontifes Romains commencèrent à jouir
tranquillement de cette puiffance fouveraiae , qu'on
leur contefloit quelquefois, & que tous les Priar
ces refpecleat aujourd'hui.
/" Concile de Latran.
Pour donner plus de poids à cet accommode-
ment , il fut rcfolu qu'on aûcmbleroit un Concile-
géi oral à Rome. On le ctlcbra au commencement
du Carême de l'an iii}i on y compta plus de
trois cents Evoques. L'Empereur y envoya fes am-
balTadcurs , & il fut conclu que dorénavant les
ëleâions feroient libres , & que l'inveftiture de»
fîefs ecciéCaftiques fe feroit parle bâton & parle
fceptre. On fit dans cette même afTenibléc , con-
nue fous le nom de IX' Concilc-genéral , premier
de Latran , divers réglemeos qui regardoient la dif-
cipline de l'Eglife.
On défendit aux Abbés & aux Moines , d'ad-
DiiniArer publiquement la pénitence , de viiîter
les maUdes , de faire les onctions, & de chanter
des MclTis publiques. Pendant la tenue de ce
Concile, les Evoques fe plaignirent fortement des
Moines , en difant : » Il ne leur reAe qu'à nous
n ôter la crofTe & l'anneau : ils poflTédent les Eglt-
»• fes , les terres , les châteaux , les dîmes, les
•I oblations des vivans & des morts. •• Le Concile
•rdonna à ce jx qui avoient mis des croix fur leurs
■ lubits pour le voyage de JcruTalem ou d'Efpa^as ^
DE l'Histoire Ecclésiastique, ^ç
6c qiii les avoient quittées , de les reprendre , fous
peine d'excommunication.
Cj/;.r/c , ayant terminé les différends qui dcchi-
roient l'Eglife & l'Empire, mourut peu de tcms
après en 1124. Ce Pontife réunilToit en lui les
vertus cpifcopales , le fçavoir & le zèle. L'Empe-
pereur le fuivit de près j il finit fa carrière ora-
geufe en 1 1 2 5 , laifTaot une réputation équivoque
& très-peu de regrets. Il ne fentit que fur la fin
de fes jours , la différence que fçavent mettre les
hommes entre un Roi fage , humain , généreux ,
équitable , & un maître dur, hautain, avare & ia
ju({e. L'image de fon horrible cruauté envers foa
père , étoit fans ceffe préfente à fon efprit , & em-
poifonnoit tous les momens de fa vie.
Schïfme après fcleéllon t/lnnocent.'
Honorius ou Honoré II , qui fut revêtu du fou-
Terain pontificat après CjUxte II , ne fut connu
que par la courte guerre qu'il eut contre Roger
comte de Sicile , devenu héritier de GuUlaumt duc
de la Pouille & de la Calabre. Il fut enlevé à !'£•
glife en 11 30.
Après la mort de ce Pontife , les cardinaux fe
diviférent •, les uns élurent le cardinal Grégoire ^
qui prit le titre (ï Innocent II; les autres donnèrent
leurs voix au cardinal Pierre de Léon . fils d'un riche
citoyen Romain, qui fe fit-nommer Anadet II,
Les richeffes de celui-ci & celles de fon père lu;
gagnèrent le peuple. Le pape //invccnf 1 afTiégé daa«
46 E L E M E N s
fon pala'is, fut contraint d'implorer la prote£lion
de Louis le Gros roi de France, qui lui donna un
afyle. Le taux-pape profita de fon ûbfcnce pour
fe faire reconnoitre comme véritable paûeur pat
toute l'Italie.
Cependant S. Bemj'd , dont l'éloquence tc les
vertus augmentoient chaque jour le crédit , fe dé-
clara pour hmant , & liu fit beaucoup de pjrti-
fans. Il cc;ivoit de tous côtés pour détacher d'.<-
naclit ceux qui lui étolent favorables. *« C'eft avec
n iiiftice, (di("oit-il , ) que l'E^life reçoit celui
n dont la réputation cil plus encicre Se l'élection
» plus légitime , par le nombre & le mérite de
>» ceux qui l'ont faite. « Dans une autre Lettre
il parloit a'uifi d; l'antipape Anadet. <■<■ L'clcûioa
<t dont il fe vante n'a que l'apparence d'une clcc-
it tion canonique En effet , c'cft une maxime conf-
>» tante dans rEj;life , qu'après une première clec»
M tion , il ne peut y en avoir une féconde. Sufi-
» pofé dore qu'il eût manqué quelque fomialicc
V à la première, falloit-il procéder à une autre
n élection, fans avoir auparavant examine la pre»
»» miére , & l'avoir cafiée juridiquement ? Au refte
M Dieu a juge ce différend, & il ne faut que des
n yeux pour connoitre ce jugement. Il a été re-
M connu & approuve par les F.vcqucs les plas
n re''pc£ljbles de rEglifc. Leur lainteté rH révé-
r> rée de leurs ennemis ircmes , & nous n'avons
>• pu nous diipenfer de nsirther a leur fuite, rtiUs
n qui cur fonuatt riiQfiertcuxk par le rang & par )e
n mente. >•
DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. AJ
L'empereur Lothjlre, favorable a Innocent . rélblut
de le faire reconnoitre à Rome ; il pafTa les Alpes
avec le Pontife , qui étoit accompagne de 51. D:r'
nard. Les Romains le reçurent avec joie, & l'Em*
pereur donm du poids à cet accueil favorable , en
recevant la couronne impériale de fes mains dans
l'Eglife i&S. Jem de Latran.
Mais à peine Loth.iire fut-il parti , qu'^njc/^r,
fécondé par Rcger roi de Sicile, chaffa une féconde
fois de Rome7/i/jo«/jr //, qui fe réfugia dans Pife.
L'Empereur ayant appris cette nouvelle , repafTa
les Alpes & rétablit le Pape fur fon fiége. Anaclet
en mourut de défefpoir , au commencement de
l'annce 1138, après avoir porté le nom de Pape
pendant près de huit ans. Les Cardinaux de fon
parti élurent pour tenir fa place Grégoire , prêrre-
cardinal , qu'ils nommèrent Viclor : mais deux mois
après , il alla fe jetter aux pieds du pape Inm^cent ,
& les clercs fchifmatiques fui virent fon exemple.
Alors Innocent reprit l'autorité toute entière à Ro-
me. Oi fit par-rout des procefTions folemnelles i
le peup'e quitta les armes , pour venir écouter la
parole •<' Dieu. Le Pape rétablit le fervice des
Eglifes, & en répara les ruines : il rappella les exilés.
Se repeupla les colonies déferres.
II* Concile de Latran ; Pierre de Bruis
& Arnaud de Erejfe.
Pour éteindre entièrement le fchi'me donr cet
Amipape avoii affligé l'Eglife , Innoctn: aflembla Je
'4^ E L E M E N s
fécond Concile de Latraa en 1 139. Il futcompotô
de près de mille Evcqucs , ravis de voir toute'
l'Eglife réunie fous les yeux du Vicaire de J. C,
Un Auteur de ce teros-là , rapportant la harangue
qu'y fit le Pape , lui fait-dire tntr'autres chofcs:
«» Vous fçavez que Rome eft la capitale du mon-
tt de ; que l'on reçoit les dignités ecdéfiadiques
ft par la permifTion du Pontife Romain , comme par
>» droit de fief, &: qu'on ne peut les pofléder lé-
ft gicimcment fans fa permilTion. >< Jufques ici oa
n'avoit point vu cette coinparaifon des dignités
ccclcùadiques avec les fiefs, qui font en effet d'une
nature toute différente.
Le Concile fit trente Canons, qui font prefque
les mêmes que ceux d'un Concile de Rhcims tenu
tn 1131 : on les cite plus ordinairement (ous le
nom du Concile de Latran , comme ayant une plus
grande autorité. On y dcfendit de nouveau les
Tournois , Sc'on menaça d'anatlicme les Chanoines
quiexcluroient de l'clcûion de l'Evcque les hom-
mes religieux. Ce Canon eft la première preuve
que nous fçachions de l'entrcprile des Chanoines
des Eglifcs Cathédrales , pour s'attribuer a eux
feuls l'clc^lion des Evcques , à l'exclufion noo-
feulement des laies , mais des Curés ,& de tout le
refte du Clergé fcculier & régulier : car toutes
ces pcrfonnes dévoient y avoir part , félon les
Canons , & félon la perpctuelle difcipline de ]'£-
Rlife.
Oa condamna encore dans ce Concile , les nou-
veaux
DE lUiSTOIRE ECCLESIASTIQtTE. !^^
veaux Manichéens. On y dénonça les etreursquft
Pierre de Bruis & Arnaud de Brejfe femoient depuis
<juelque tems. La doctrine du premier étoit à-peue
près celle de Bcrcnaer archidiacre d'Angers , qui
dans le ficcle précédent avoit nié la Préfence-
réeile, &: voulu détruire le Sacrifice de nos au-
tels. Il ajoutoic à cette erreur beaucoup d'autres
non-moini dangcreules : fur le Baptême , qui , félon
lui, ne fervoit qu'aux adultes : fur les Sacrera »ns,
fjr les prières 6c les facrifices pour les morts , qut
ctoient , difoic-il, de vaines cérémonies qu'il falloit
abolir.
La France avoit été infeftée , dans le fiécle pré-
cédent, des erreurs des Manichéens. On en avoit
brûlé beaucoup dans différentes provinces. L'ex-
trême rigueur avec laquelle on les avoit traités ,
les rendit plus circonfpe6is ; mais elle augmenta
leur haine contre le clergé , dont le zèle avoit
excité celui des Princes. Le deiîr de fe venger des
Evèques, des Prêtres , des Religieux devint donc
l'objet ptificipal de ces fanatiques. Portés natu-
rellement par la vengeance à attaquer tout ce qui
concilioit de la conlîdération au clergé , ils aban-
donnèrent iafenfiblement le Manichéifnie , & s'at-
tachèrent à détruire l'efficacité des Sacremens , les
cérémonies de l'Eglife, la différence que l'ordre
met entre les Laïques 8c les Eccléfiaftiques , enfin
l'autorité des Fadeurs du premier ordre.
4. Les défordres & l'ignorance du clergé, (dit
M. l'Abbé Pluqutt ) Il étoient extrêmes. T^m étoit
Jom, IJ^ C
0 E L e"m E N s
»» vénal dans la plupart des EgiiTcs -, les Caere-
t mciî même croient fouvent adminirtrë» par ces
m fin>3nlaquc$ & Jes concuhiaaires publics. Le peu-
•» pie, gouverne par de tel» Paftcurs , ctolt cnfé-
M ▼eli dans une protonde ignorance & difporé à
ft fe rjvolrer contre eux. Alnfi tout homme qui
M avoir une tmiginarion vive , pouvoit devenir
»» chef de CeCte en prêchant contre le Cierge ,
M contre les cérgmonics de l'Eslife , contre les Sa-
J "
H cremenc. <t
Il ne faut donc point s'ctonner des fuccès
qu'eut Pierr: de Dmis ^ quoique limpic laïque. Aidé
f)ar l'cnthouùafmc du peuple , il parcourut les pro-
vinces , Taccageant les Eglifes ,abbatant les Croix
détruifant les Autels. On ne voyoit en l'rovence,où
H exerça principalement fon fanatifme infenfc , que
Chrétiens rebaptifés , qu'Eglifcs profanées. Ce mi-
sérable, chaffé de cette province, paflTa en Lanj^e-
doc 5«: y commit les mêmes dcfordres -, mais il
fut arrêté Se brûlé vif à St-Gll!es en 1147.
Ses erreurs lui furvccurcnt. Un Hcrmite appelle
Hturi de Btuis , affeflant des mœurs auftéres &
une maniérc-dc-vivre ûngulicrc , excita de nou-
veau le peuple contre le clergé. On vouloit ab«
batre les maifons des Eccléfiafliques , on pilloit
leurs biens , on les battoit cruellement , on mena-
çoit de les lapider -, & ces excès durèrent jufqu'â
ce qu'on eut arrête & mis dans les prifons de l'ar-
chevêché de Touloufc , l'hcrmitc inquiet & Ui»
Cieux qui roulcvuii U populace.
uE l'Histoire Ecclésiastique. 'ç¥
Arnaud de Brcffe , autre difciple de Pierre de
Bruis , homme d'un efprit remuant & inqaiet ,
d'une imagination ardente , d'un cara£lére rufç
& hypocrite ; fe fit autant redouter en Italie par
le fouverain Pontife & par les Evêques, que Pierre
& Henri de Bruis le furent en France. Il fit-rc-
volter prcfque tout le peuple Romain contre les
Eccleliaftiques , en prêchant que le Clergé féculler
8c le régulier, contens des aumônes &dei obiatioas
des Fidèles , ne dévoient pcffcder aucuns biens-
fonds. II excita une féditioa contre le Pape , abolît
la dignité de Préfet de Rome, obligea les prlncU
paux citoyens de fe foumettre au Patrice, & pilU
les palais des Cardinaux.
La dofirine de cet enthoufiaAe turbulent, &
celle de Pierre de Bruis , furent condamnées dans
le Concile de Latran. On voulut s'affurer de fa
perfonne : il chercha un af^leen Allemagne, &
enfuite en Franco. La fureur de dogmatiferle Ta-
mena à Roire , où il fut brûlé comme uo facrilégQ
& un fédicieux en 1 1 ; ^.
Le Concile fit trente Canons , dont quelques-'
uns font remarquables. On défendit aux Chanoi.
nés des Eglifes cathédrales, d'exclure de l'élcdion
de leurs Evêques les Religieux , les Curés & le
refte du Clergé-, car les Chanoines commençoient
à s'attribuer à eux feuls le droit d'tlire les Evê-
ques. On condamna les Tournois. On défendit aiuc
Religieufes d'aller chan:er dans un rcèine choeir
avec les Religieux , &c. Sec.
Ci}
Nouveaux Troubles à Rome.
Le fiégc de Rome , ambitionné p^^ ^** intrl-
l^uans, fut l'occaCon d'un nouveau fchifme. Après
la mort à'L'rbain if en ii $9 , Ja plus grande par-
tie des fuffrages fe rcunit en faveur du cardinal
de S. Marc , qui prit le nom i'Alexjndre III. Une
faflion de neuf cardinaux proclama un autre Pape
fous le aom de ^''lâor IV, C'ctoit le cardinal de
Ste Cécile , homme vain & ambititieux , qui, prelTé
du defir de la papauté , arracha des mains du diacre
le manteau pontifical dont il al'oit revêtir Alcxan-
êrt. La France 6c l'Angleterre fe déclarèrent pour
ce dernier-, mais l'empereur Trcitric ayant reconnu
Y.îlor, fit-tenir un Concile à Pavie , où l'cleifllon
de cet Antipape fut déclarée légitime.
Alexandre , craignant pour fcs jours en Italie ^
pafTa en France , où il excommunia , dans un Con-
cile de Tours en 1163, ViSor & fes partifans. En-
vain Frédéric voulut foutenir par les armes fon An-
tipape : le véritable Pontife fut reconnu jufques
dans l'Orient , & lEmpereur fe vit oblige de de-
fnander la paix à Alexandre W. Venifc fut le lieu
de XcniTcyMf.Fréduic fe proflerna aux pieds du
Pontife dans l'Eglife de S. Mjrc , & reçut l'abfo»
lution de l'anathcmc lancé contre lui dans le Con-
cile de Tours. C'efl une fable bien mcprifable , que
|e Pape mit alors le pied fur la gorge de ce prince
humilie , en lui difant ; // *J) écrit ^ Tu marchera, fur
*Xf/fic & U bafUic. Vo tel «uiragc , dans une telle
ÔE L'HisfOîTvE Ecclésiastique, çf
cccafîon , auroit marque dans le Pnpe un carac-j
tére aiilil dur que fuperbe.
///' ConciU^générdl de Latran ; VaiidoU
6» Albigeois.
Le Sacerdoce & l'Empire s'étsnt réunis pouf
éteindre le Schlfme , il fallut remédier aux défor*
dres qu'il avoir caufés^ C'eft dans cette vue qu'v*»
lexandrt /?^c5voqua en 1179 le IH'Concile-général
de Latran , où fe rendirent près de 300 Evêques,
"Après avoir feit plufieur» réglemens utiles pour
prévenir le fchifme, on procéda à la condamnation
des Vaudois & des Albigeois, dont les erreurs in«
iédoient alors piufîeurs provinces de France.
Les premiers tiroient , dit - on , leur nom de
pierre Valdo , l'un des plus riches citoyens de
£yoa , qu), joignant de grandes aumônes à des
mortiticdrions extérieures , fe fit des partifans d9
tous les pauvres qu'il foulageoit. Il crut, dans foa
ignorance prcfomptucufe , avoir reçu du Ciel des
lumières particulières , & il attaqua tout à-la-fois
l'autorité du Pape, les Indulgences , le Purgatoire
& le Sacrifice de la Meffe. 11 renouvella les er-
i<eurs des Donatiiles , fur la nature des S.icremens
conférés par de mauvais Miniftres, & celles des
Iconoclaftes fur le culte des Images. Il vouloit en
même tems réduire l'Eglife aux avantages fpiri-.
tuels , & la dépouiller de tous fes biens temporels.
VjUj , n'appuyoit fes opinions que fur quelques
{ailages de l'Ecriture pris a la lettre , ou détouraéf
114 Elemens
^e leur vrai fcns. IMuiieurs hérétiques a voient
fuivicette méthode avant ce fcdaire -, mais ils
avotent feit peu de profclytes dans les premiers
ficelés de l'E^life , parce que les Minières 8c les
Fidèles croient éclaires. Mais, dans les tcms dont
nous erquiffoDS l'hiAotre , le Clergé & le peuple
ccoicnt en général îgnorans : le fophifme le plus
groOier etoit une difHculcc infoluble pour l'un ,
& une raifon évidente pour l'autre.
Le petit nombre d'hommes refpcâables par leurs
lumières Se par leurs mœurs , qui s'oppoféreot
lux progrès des erreurs des Vaudois , oe put em*
pêcher qu'elles ne Tcdui^iû'ent beaucoup de monde.
Les fcigneurs qui s'ctoient emparés des bieos ce*
dtfiaftiques , les prorcgcoient ouvertement , & ils
eurent la facilité de fe faire un grand nombre de
difciples avant qu'on put mettre une digue au tor«
renc.
Les feftatcurs de Valdo , malgré l'anathcHie pro-
noncé contre lui par Altxanàre III , s'étant muN
tipliés a linhni, le Concil.e de Latrao , en con*
damnant leurs erreurs , exhorta les Princes Caiho»
tiques à former une ligue (ainte contre ces hcrct.»
qucs & contre les Albigeois. Ceux ci reoouvel»
Joient les rêveries des Manichéens ; mais leur
«lodtnne n'étoii pas prccifcment celle de IdMt*^
Ils ruppcfo-ent que Dieu avoit produit Lutlftr
avec fes anges, & qu'après avoir été chaiTe du
Ciel I ce mauvais efprii crca le monde vifiblc fur
lequel il rc^noit. lis ajoutoicot que Ditu , ^ou^
D£ L'HlSTOiRE ECOLKSIASTlQUÎ. Ç^
i^cjblir l'ordre , avoit engendré un fcccmd fils, qui
étoit Jésus-Christ, Voila pourquoi ces héréti-
ques furent au/lî appelles Ariens. Us nioient en-
core la réfurreftion des morts, & n'admettoicnï
(n Dieu aucune liberté*
Le Concile de Latran profcrivit leufs erreurs }
mais les errans furent long-tems redoutables, com-
me nous le verrons dans la fuite de cette Hifioirej
Ils l'ont même été long-tems après leur entière
«îcfttuélion : car les Proteftans les joignant à divers
Buttes hérétiques , & les peignant comme de falots
réformateurs , comme des dépofualres de la vé-
rité, ont voulu en compofer une communion éten*
due 6c viable , qui a perpétué de ûécie en ûéclp
les vérités évangéliques.
Parmi les Canons que fit le Corcile de Latran J
quelques-uns méritent l'attention du lc£l«ur. Le
premier porte , que û dans l'cledion du Pape , let
Cardinaux ne concourent pas unanimement à élire
le même fujet, celui qui aura les deux tiers des
voix fera reconnu l'ùpe : ce qui montre qu'alors
J'cleition étoic entictement remife aux Cardinaux.
On défendit de nommer des Evcques avant làge
de trente ans , & d'ordonner ni piètre , ni diacre,
qu'après qu'on, lui aureit afilgnc un titre certaia
dont il pourroit fu'jfifter. Le Concile défend d*
rien prendre pour l'adminiftration des Sacrcmens,
& même pour les ftpultures. Il ne faut point (di-
fept les Pcrcs ) alléguer la longue coutume , qui
lie rend l'abus que plus criiriiael. U défend auHl
C iv
!^ E L E M E V s
la pluralité des Beactîces, qu'on avoit portée I
on tel excès , qu'un fcul Cure fe chargeoit quel-
quefois de delTcrvir cinq ou Cx cures , tandis que
pluiieurs dignes Minirtrcs manquoient du nccef-
faire. Les biens que les Eccléliaftiques ont acqui»
dans l'Eglife , lui demeureront après leur mort ,
foit qu'ils en aient difpofc par teftament, ou non»
Afin de pourvoir a l'inlhutiion des pauvres Clercs,
en chaque Eglife Cathédrale il y aura un Maitre ,
à qui on alfignera un bénéfice Aiffitant , & qui en-
fcignera gratuiiemeot : ce que l'on rétablira dans les
autres EglifesSc dans les Mona^léres, où il y a eu
autrefois quelques fonds deAinés à cet effet. On
n'exigera rien pour la permilTion d'enfeigncr , 8c on
ne la rcfufera point à celui qui en fera cipable : au*
trement , ce fcroit s'oppofcr a l'utilité de l'Eglife,
On renouvella la dcfenfc des Tournois & l'or-
dre d'obferver la Tnvc de Dieu. On dcl'cndit d'é-
tablir de nouveaux impôts fans la permillion des
Souverains , parce que chaque petit Seigneur s'en
attribuoit l'autorité. On excommunia de nouveau
les ufuricrs, ôc on condamna la dureté de quel-
ques Eccléfialliques , qui ne permeitoient pas aux
lépreux d'avoir des Eglii'es particulicrcs. C'cQ la
premicre Ordonnance que l'un remarque touchant
les Icprofcnes.
Nouveaux OrJns Au ^ eux.
A mefurc quciet HctLtiques aflligcuient l'Eglife
par de nouveaux iitentats , des gens-dehien ia
ÏEonloloient pjr U fondation de diverfct foci.cw^.
DE l'Histoire Ecclésiastique. ^
Religieufes. Les Seflaires fe piquant d'une grande
aufterité , & s'élevant contre la vie religieufe dil
Clergé , il fallut leur oppofer des exemples d'une»
vertu moins faftuenfe que la leur,
Robert d'Arbriffelbs, archiprctre de Rennes en
Bretagne , fonda dans la foret de Fontevrault , aj
diocèfe de Poitiers, deux Monaftéres , l'un pour
rès hommes , & l'autre pour les femmes. Il leur
donna la rè^le de S. Benoit, & ils eurent bientôt
beaucoup d'imitateurs. Son nouvel Ordre avoir cela
de particulier, qu'il étoit aHujetti tout-entier au
gouvernement de l'Abbeffe de Fontevrault; ain5
les hommes font vœu dans cette congrégatioa
d'obéir à une femme: inftitut qui a paru fingulier ,
mais qui a cti long-tcms confacré par de graodes
vertus;
S. Norbert, depuis archevêque de Magdebourg','
fondateur de l'Ordre de Prcr^.ontré , qui tire foA
nom du lieu où le prtmler Monaftére fut bâti dans
le diocèfe de Laon , étendi: fon nouvel ii flitut
dans toute lEglife , & s'il'.uftra par fes vertus 6c
fon éloquence. Ses enfans font chanoines - régu-
liers, & ils ont éprouvé diverfes réformes. De»
leur naiiTance ils fe retircrcn: dans les <li!ferts &
dans les forets , ôc la plupart y vivent encore.
Les Carmes , qui tirent leur nom du Monti
Carme! , prétendent être les plus anciens religier.x:
de h Chrétienté : ils veulent q'.>'£//e ait été leur
père ; mais leur ôrijinï ne remonte, ûilvant les
meilieurs srittquesr, qu'à i'jo 1170 , auquel j^/W»
Cy-
j& E L E M E X S
tic , patriarche d'Ancioche du rite latia , inAitaX
cet ordre en Palefline. On le tran ('porta dans le
ééde fuivant en Europe , ou les Papes i'approu-
▼érent , après y avoir (ait quelques légers chao>
gcmens. Les Carmes s'appliquèrent , ainfî que les
cuires Ordres mendians, au l'alut des aroes, & il»
y travaillcrent avec Iruit,
L'Ordre de Grammont , aujourd'hui cteint , dut
fa naiHfance a Etienne , fils du vicomte de Thiers
en Auvergne , mort en 1114. Ses premières mai*
ions furent rafyle de h vertu la plus pure.
Les Religieux de Citeaux, fondes dans le fiécle
précèdent par Robtrt , abbé de Molefme , furent
reformés dans celui-ci par le célèbre S. Bernard^
abbé de Clairvaux. C'ctoit un gentilhomme Bour»
guignon , en qui Di£u avoir rafTcroble tous les
avantages de la nature & de la grâce : la noblelTe ,
la vertu des parcns, la lieautè du corps, les talens dt
l'efprit , un cœur généreux, des fsntimens élevés,
vn courage ferme , une éloquence vive & forte,
nourrie des pafTages de l'Ecriture & des Peres.A ces
talens joignez les effets de ta grâce , une humilité
profonde , une charité fans bornes , un zèle ar-
dent, enfin le don des miracles. Sous un tel nai*'
tre, Cloirvaux ne devoit pas manquer de difcples.
i\ en eut en efYc: un très-gnni nombre. // /jk*
mvoucT etpeiiJjnt , ( dit Fleuri , ) que fin \itU Ht fut
fat à(ft\ rég/e pêj- la difcréeion ta et tjui rtgardvît la
/.:nté , flt qu'il introduifit dans le cloître une nou»
vexiué , qui cont ibu». dans la fuite su relâche^
lliCOL; la diCiiiilion des n.oinc> du chaur & des.
DE l'Histoire Kcclesiastiquï. ça
freres-lais , qui , fcparant les monaflcres en deiuc
curps difi'crens , a ctc quelquefois la fource dç
guerres inteftines.
Quoi qu'il en foit , S. Bernard donna l'exemple
de coûtes les vertus , Se fui l'oracle de fon ficde.
Les prélats, les j^rands & le peuple le vénéroient
également. Il combattit tous les hiréiiques de fon
tcms , entra dans toutes les affaires , & aida de
fes foins & de fts lumitres les Pontitcs & les Rois.
Sa mort faintc arriva le 20 Août de l'.m 1152-, il
avoir alors 65 ans : Çqs aufterités & Tes travaux
avoient confumé cette vidirae de la pénitence â^
de la religion.
Abbés de Cluni.
L'Ordre de Cluni produlfu encore quelque»
grands -hommes. L'abbé Hugues infpira aux Pape*
& aux Souvarain^ de fon tems le plus grand ref-
pcdl pour fcs vertus ; ce fut lui qui exhorta PAi-
Lpptl, roi de France , à quitter Eertrude fa concu-
J}:ne, avec laquelle il menoic une vie fcandaleufedu
vivant de la reine Bcnhe.
Fendant un longue adminiAration, S. Hugues av^m
menta confidérabicment la gloire & les biens de
l'abbjye de Cluni. Il étendit fa réform e à un 6
grand nombre de Monaûércs , qu 'on a prétendu
qu'il gouvernoit p!us de 10,000 moi nes.C'efl lui qui
a fait-bà(ir la grande £g)ife de Cluni : édifice folidff
||[ ipwiervrc. Sa longueur eu. de quatre cents dix
pieds, il (» ]arg«ur de cent- vingt. Cette baijiique
patoic aujourd'hui us peucblcurc-, n-ais h jaum^ac
€(S E L r M E y s
de clarté n'ctoit pas regarde comme un défaut pît
nos percs , pcrfuadcs que le grand iuur eft peu fa-
vorable uu recueillement.
Le Monaftcre de Cluni n'avoit eu jufqu'a i». Hw
guet, que des faines Abbcs : Pvnce qui lui fuccéda
en interrompit la fuite. C'ctoit un jeune-homme
de qualité, qui fe livra tellement au luxe & aux
plaiHrs mondains , qu'il fut ohli^^é dabdiqucr fa
place. Il voulut enfuite y rentrer a main-armée,
ti exerça à Cluni les plus grandes violences. On
le cita à Rome , & il fut excommunié. Le Pape le
iii-enfermcr en iii^ dans une tour , où il mourut
peu de tcms après. U a voit pris le t'iuc à'Abbé élu
Abtis.
Hugues , prieur de Marcigni , avoit cré mis à la
place de Ponce , pour réparer fes ncgli^encts 6c fcs
tjkvjfrations : mais à peine avoit-il gouverné cinq
mots , qu'il mourut. On lui donna pour fucceiTeur
Pierre M.tttrkc , furnommé le Vénàahle. Ce nouvel
'abbé, iffu d'une illuftre maifon d'Auvergne , fou*»
tint la noblclfc de fa naiflfancc par la piété d'un
religieux ti par le fçT\-oir d'un homme éclaire.
"S. Bernard ayant dcfapprouvé-, avec trop de ri'*
gueur , bcaucotip de chofes djns la manière dont
'Pierre le Fc ifaf/fgouvcrnoit l'Ordre de Cluni, ce-
lui-ci fc défendit 6c défendit foo Ordre avec beau-
coup f!c forte-, 8c fe« apologies fonr-dcfirer que,
dans des unes anfTî pures & aufTi éclairées que celle
de S. Bernard , le zèlc fùc un peu plus lent a coa-;
^imner.
ÔE L'HisforRE Ecclésiastique. 6i
Pierre le l^in:rjh.t mourut à la fin de l'année
i I ^ 6. S. Berrtird , l'abbc Suger , & lui , furent ( dit
Te V. Fjntcnai ) trois fujets éminens , fur qui roula
tout ce qa'on !îc de plus mcmorable djns le xil'
fijcle. Le graacf éclat, à la vôrité , y fut pour S»
Btrnard, & la confiance de nos Kols po.ir Sugir-
Mais Pierre le Vénérable y avec des qualités moins
frappantes , en avoit de parfaitement aflorcies aux
portes qu'il remplit. Il fit -régner parmi fes con-
frères l'uaion & la paix, qui avoient été troublées
avant lui. Il leur infpira le goût de leur état, &
fans les effrayer par des mortifîcitions trop rudes ,
H établit une régularité édifianre. Dans les affaires
que les Pap3$ & les Princes Iji confèrent , il mon-
tra de la dextérité fans fouplciTa , de la droiture
fans fimpîicité , de la prudence fans rafinemenr.
Son goût principal étoic l'étude , mnis une ctude
pref^us entièrement tournée vers l'Ecriture & les
1 :rc5.
Apres lui , la phce d'Abbé de Clur.i fut affez
mal remplie , 8c qjelq-i-s-uns de fes Atcce(reurs
ne pirurent peut-être des fujets médiocres , que
parce qu'ils avoient été précédés par des hom-
mes qui avoient été prefque tous de<i exccll..r.s
modèles pour les Relgieax , & un objet dcvéné»
ration pour les peuples.
Ordres MJGtjlreF..
Les Croi fades tarent la premicfe origme de"
divers- Ordre» « à>-la-fois religieux & guerriers r-
€9. E L E M E N s
deftinés au foulagement & à la défenfe de ceux
qui faifoient le pèlerinage de la Paleftine. Tels
furent les Templiers , les Hofpitalitrs ^ les Chtvalitr*
Teutoniijues.
Les premiers furent nommés Templiers, parce
que Baudouin II leur donna un logement près du
Temple de Jérufalem. Ce ne ;tut d'abord qu'une
£mple affociation formée par deux Gentils-hom-
ines Hugues de Pûganis & Gioffroi de St-Adhémar ,
qui fe réunirent en iii8 avec d'autres Gentils»
hommes recommandables par leur piété & leur
courage. Sans s'affujettlr à aucune Règle & fans
avoir pris l'habit religieux , ils alloient au-devant
des Pèlerins , & les reconduifoient enfuite juf-
qu'au-delà des défilés des montagnes & des paC*
£ages les plus dangereux.
Hugues de Paganis foUicita enfuite l'approba-
tion du faint-fiége pour cette fociéte naiffante. Le
pape Honoré II le renvoya au Concile deTroyes ,
qui fe tenolt alors. Les Pères approuvèrent un
Inftitut dont le but paroiiToit û louable , & char-
gèrent S. Bernard de leur donner une Règle. Il
prefcrivit diverfes obfervances à cette nouvelle
milice , qui prit l'habit blanc , auquel E.:gcne III
ajouta enfuite une croix rouge fur le manteau à
l'endroit du cœur. Sur la fin du xii* fiécle , iej
Templiers, répandus déjà dans tous les Eiats de
J Europe , s'enrichirent par les libéralités des Sou-
verain», des Prélats & des Grônds. Mois , BTfc
les grands liens , ils c&ntradlcreat les vices ^lâ
t>i iHrsTomt FcctwiArnQut. 69
Im acconipjKocni ordiMir«mcai. Ut rvlufcrciU 4«
fi fouRKiitc 4*1 F4kiuti.bc «k )«fu(«t«m. il* t'«.
'éoMKrcnt ou lu&c & «ua pUtlira , At moatre-
Mm umt et bani 8t &êrtofi»ntx , matm* lorfqu'il*
trjiMrcni avtc le* S<>uv«r«ia«, qitt y>i>i>pp4 U
3*1 4rauivl4 &. ooiiat U tk&nicàiao de leur
0(dr«.
Let //.>;/■> (j.--> , ou Chcv<li«r« de Sc-/«j<i de
IcrWalcm . (uquircot vert U fin du licclr. Il»
rfetfervireat d'<i>or<i * Jcruùlcai un Hupiiâl tfé-
At a S< h** X'Â^mtit tf ^ tt. fc chjrgcrcni du (ma
4m aMUdtt & de» pclcTiai. Li chante leur
éomm» MiAact i le iclc Im tendit guerriets. lU
yrirwt !«• ttmm poar ética4f« lea che«M« am*
tn \m* iacueéiMU des Irfdèiw. Cctn — rtito
feaûtott «tntni « eux un grjod nrwhte de No*
blet de tout* U CbrciicMC , le mre de Or»
*«<Mr tut HMOt i celai d M-/frM/i«r. L'Or>ltc «!•
Ikaat htni% Ict vertu» de U Relifioii e«ec U va-
laur gutmcre , im coapofe de itoi> ibttea et
lUhfMus : ê» fuM* CK*9*lftt , d« ilmn , Ute
pmm Sv9-tmi, Le l«e«l»eureux O^t^ré , femil»
de Mart.gue* ea Wro^'vncr , fut le pre«
Supérieitf de cet Otdre , tf^tocd bofpita-
btr, devenu militjirc ,& de p «m.Apris
li pnfe de J.'taCikm par .Sw c ocvalier»
4» S. /(^ (e tmrcreoi a l^toWmaiie ou Acre ,
dffuit (faot ri(W de Chypre , d«-la dana e«U«de
tLkoàm . h. «aàa djna 1 la'.c d« Miiltlw , qo»
Odriai i^./M kux (ianiu pjur («rvu de ici»?
é4 E L E M E » s
part à la Sicile. Ils portoient , comme aujourd'hui,;
la croix blanche fur l'habit no:r.
L'Ordre Ttutcniqut de Stc Marie de Jcrufalen»»
kmàè rers l'an 1189, par des feigncurs Alle-
mands , ne le confacroit guéres qu'au fcrvice de
ceux de leur nation. L'empereur Fridtrlc H , qui
les ramena tous en Europe , leur propofa la con-
quête de la PruH'e , dont les peuples ctoicnt
païens. I!s l'entreprirent , en vinrent a bout &
poffcdérent cette Province comme un fief d««
pendant de la couronne de Pologne. Albert^ prince
de la maifon de Brdr.diboi.'z 1 (^u grand-maitic
en 1 5 1 T , ayant embrafTé le Luthcranilme , pro-
fita des divifions de l'Empire pour fe f<iire-doB«
r.er comme Souveraineté , ce qu'il ne poflcdoit qae
comme chef de l'Ordre. 11 conclut un traité av«c
Sigij'mind roi de Pologne , par lequel h partie de
la PrufTe qui appartencit à l'Ordre Tcutonique
fut érigée en duché féculier &t hcrcdiiaire poar
lui & fcs dckendacs : ainlî Atbcrt s'etant marie
avec une priocciTc de Dinemarck , trani'mit ce
duché ;i fa poAcrite. Les Chevalicrc , qui penjt-
tétcnt dans la Religion Catlioliquc, furent odU-
gcs de quitter la PrufTe où- ctoit le ficge de
rOrdie , & de le transférer à Maricndal en Fran-
conic. Il ne leur rtAe de leur puifTance & de
. leurs richcH'es qu'un petit nombre de commun.
deries , fitucci en ditTerentes provioccst La ntu-
quc de i'Crdrc cil U uoix noire fur i'iubit
blaacr
DE l'Histoire Ecclésiastique. C^
L'Efp3gne prodaifit auîîî , vers le tems de la
fondation des Templiers , diîtsrens Ordres quj
fe figoalérent par leur piété & leur valeur ; mais
on ne s'attend point à trouver dans un tableau
raccourci , tel que celui-ci , tous les objets qui
nous occuperoient dans une Hiftoire détaillée.
Ecrivains célèbres»
Les Croifades , en ranimant le goût pour leî
voyages lointains 5c les occupations guerrières,
ne furent pas fort favorables à la culture des
kttrcs : cependant ce fiecle fut plus fécond en
bons Auteurs que le précédent.
Le nom de Bernard , le dernier des Pères , doit
être à la tète de ces Ecrivains : nous avons déjà
parlé de lui, & nojs ne le rappelions a la mé-
moire de nos lecteurs , que pour payer à la va-
riété de Tes talens le tribut d'éloges qu'ils méri-
tent.Son el'prit étolt, à quelques égards .fupérieur à
fon fiécle. II entrevit les défauts de la dia^efVique
qu'on enfcignoit a!ors, & il méprifa cet art fri-
vole, jufqu'à fe vanter de n'y rien comprendre.
Pierre Lombard , cvèque de Paris , fut farnom-
nié le Maître des Sfntences, à caufe d'un Abrégé
de théologie , long-tems expliqué & commenté,
qu'il intitula : t£i 5£jv r £ Arc£ a. Ce livre utile
répondoit a toutes les queftions qu'on sgiroir.
L'auteur adopta la méthode d'//^j//jri , fon maî-
tre ; mais il fo garantit de Tes erreurs. En fe fer-
yjnc de la dialci^iquç d'Ar*/fo:e, il fc fit une loi
66 E L E M E N s
de confirmer Tes Tenciracns par les dccifîons des
Pcrcs lie I Eijlirc. Pierre Lombard moumt ea 1164^
avec la gloire d'avoir vu (es Semences reçue»
dans les Ecoles de théologie , comme le princi-
pal li\re clairque. On ne pouvoii pas palTer
pour théologien , fi on ne l'avott étudié. Une
foule de Commentateurs s'empreHerent de l 'expli-
quer , & le livre du Maître du Seiuicts qui paf-
foit pour cUif , devint qtielquefoit obfcur , par
les notes & les qucftioni fubtiles Se nouvelles
dont on le chargea.
Hugues de St • Viclor , ainfi appelle parce qu'il
étoit chanoine de cette Abbaye à Paris , fut l'or*
aement de fou Ordre par fes Ouvrages thcolo-
giqucs. Il mourut en 1173.
La compilation du Droit cinonique , que le
moine Gratitn nous a laiiTcc , a coarervé Ton nom
à la poftcriié-, mais ce nom fcroit plus relpeclé,
fi celui qui le portoic àvoit eu plus de critique SE
de lumières.
Richard de 5t - l'icijr & r:e"t de Plois s'il.
luArtrent par leur goût pour la morale fie la pictc.
Sigtbtri de Gcmblours , Ottcn de Frifingue , 8c
CuiUaiitne de Tyr , furent les hiAoriens les plut
fupporublcs de ces tems grofiiers.
Htpolre /Abail.-ird.
Le défaut des théologiens de ce fiécle éroit t%
courir après les fobiiliiés , comme on court
aujourd'hui après l'crprit. C'c/1 ce qu'oa rcaurque
DE l'Histoire Ecclésiastique. C7
rfans les écrits de Gilbert de la Porréc , dont les
erreurs fur la Trinité furent condamnées •, & fur-
tout dans ceux à'AkaUard , homme ccicbre par
fes talens , fes malheurs fie fes défordres. Il étoit
Breton. Son amour pour Héioife , nièce d'un
Chanoine de Paris , remplit fa vie d'amertume.
Ayant féduit cette fille , dont il eut un enfant ,
Jes parens à' Héioife s'en vengèrent par un traite-
ment honteux. Cet opprobre le força à prendre
Ihabit de Bénédictin dans l'abbaye de Si-Denyt ;
& il engagea en même tems Hcloïfe à fe faire
rcligieufe dans le monaftére d'Argenteuil. « ALi
foibUffe , ( dit'il dans une de fes Lettres rappor-
tée par l'Abbé de Choifi , ) me rendit jaloux, & tous
les hommes devinrent mes rivaux. Je la donnais k
Dieu, mais ce n'était pas de bon coeur. Je letenoit
tnon prifent autant que je le pouvais , & ne le laif-
foii échapper tjue par U dtjir de Coter aux autres, h
La réputation d'Ahailard attira pluri«urs àt
(eî difciples a St-Denys. Mais l'Abbe , las peut-
être de fes exhortarions fur la régularité , l'en-
voya au prieuré de Deuil en Champagne où il
ouvrit une Ecole célèbre. Il fut pourvu enfuice
de l'abbaye de St-Gi/das de Ruys en Bretagne ,
& n'y trouva que de l'opponr on de la part de
fes Religieux. Je voudrois , ( dit-il dans une de
fes Lettres , ) que vous ^iffiei ""^ "ii'/o" ; vous ne
la prendriez jamais pour une Ahhaye, Les portes ne
font omets que de pieds de biches , de fangliers , de
hiboux. Met Mmuiu n'unt d'autrt fgnalpour f* ré-^
6S E L £ M e'n~s
9cuUr ft* te bruit des cors & des chiens. Ils ^afftl^
tes jours à Ia chjffc : 6- r.ui à Dieu que leurs pljti'
firs y JuJftHt bo'nés
Ccpcndanc les Icçcns qu il avoit dictées , les
écrits qu'il avoit publics , taifoient beaucoup dt
bruit. La Tubtilité de fon efprit l'ayant jette dan*
des erreurs fur la Trinité, fur le libre>arbitre ,
fur l'incarnaiion & la latistaclion de J. C. , &c.
S. Bernard , fen rival en efprit & en éloquence ,
& l'on Cupjticur en piété St en doûrinc ,• dé-
nonça l'es lentimcn» au Concile de Sens teiuem
X140. Ahailard y fut condamné , âc en appella as
Pape , qui profcrivit fes fentimens comme héréti-
ques, & lui ordonna un lîlencc éternel. 11 publia
cependant une Apologie , dans laquelle il fit unt
confeHion de foi très orihodoxe ; & après avoir
■vécu encore dix ans dans la retraite & dans les
larmes , il (îoit fa vie dans un monallcre de Cluai
en II4Z , à 63 ans.
Ce docteur lut un des premiers qui préférè-
rent de vaines chicines He piiilo'uphic à l'auto-
rité rerpcdable des l'cre» de rbi.hle , & qui iiw
troduifircnt dans les Ecoles cet amas de quenioo»
fubiilcs , dont les honrimes éclaires du xvil* H.
du xviit' litcles les ont purgces. Arnaud d«
Breiïc fut un des difciples d'AhaHard , & il alla
beaucoup plus loin que fon inairrc.
Pierre le f'enérjhJe , ahhc de Cluni , cnroya U
corps à' Ahailjrd i HéLij'e , pour être enterré dant
le mondUctc du Paraclct, dont elle eioit »bbcfli^
DE l'Histoire Ecclésiastique. 69
'Alaiîard le lui avoir promis de fon vivant ,
afin qnHcLije &. fes Religieufes fe ctuflent plus
obligées , en recevant fes cendres , à prier pour
le repos de fon ame. u Alors , ( diloit-il a Hî-
l<.ifc dans une de fes Lettres , )'»vous me ver-
» rez , non pour vous demander des larmes -, il
» n'en fera plus teras. Verfez-en aujourd hui
H pour éteindre des feux criminels. Vous me
» verrez alors pour fortifier votre piété par l'hor-
V reur d'un cadavre ; & ma mort , plus éloquente
n que moi , vous dira ce qu'on aime quand oa
u aime un homme. •»
Différends de S. Thomas de Cantorberl
avec Henri II.
C'eft par l'hiftoire des démêlés de Thcmas Bee-
f'jct avec Henri II , roi d'Angleterre , que nous teri-
minerons celle de ce fiécle. Ce Prélat , fils d'un
bourgeois de Londres , avoir d'abord été avo«
cat. Son éloquence lui mérita la place de Chan»
celter en 1158, & fes fervices dans cette place
le firent - élever fur le fiége de Cantorberi
fur lequel il ne vouloir pas monter , parce qu'^/i
Archevêque , difoit - il , voit autrement Us affaires de
rEg.'i/e qu'un Chancelier.
Dès qu'il fut élu , il fit de férieufes réflexions
ilir la faintcté de l'état auquel il s'engageoit ; &
en allant de Londres à Cantorberi pour fon facre,
il avoir dit à Hébert , un de fes clercs, & homme
^'un grand mérite; « Je veux que vous rac rapr
70 E L E M E N s
r> portiez déformais tout ce qu'on dira dft moîî
»» car il m'drrivra comme aux autres , princ!pa-
it lement aux Grinds , dont on dit bien des cho>
>» les qui ne viennent pas a leur connoinance.
»♦ AvcrtilTez • moi autH des fautes que vous me
M verrez faire , puifque quatre yeux voient plas
M que deux. » Quand il eut reçu l'ondlion fa-
crée , il devint un autre homme: il ne vécut plus
que pour Dieu , Se commença par fe revêtir de
l'habit monaftiquc, avec un rude cilice; ma:? par"
defTus il portoit un habit convenable à (a dignité*
La féconde année de fon cpifcopat , il partir
exprès d'Angleterre pour venir au Concile que
le pape Alexandre III tenoit à Tours. Comme
Thomas étoit dans fa plus grande faveur , il fut
reçu en Normandie & par-tout où il pafTa , com-
me û c'eut été le Roi lui-même. Quand i! arriva
â Tours, les Evêques allèrent au-devant de lui-,
8t, contre la coutume de l'Eglife Romaine, tous
les Cardinaux s'avanccrcnt affez-loin hors de II
ville pour le recevoir , & il n'y en eut que deux
^ui demeurèrent auprès du Pipe. Ahrandrt , qui
fur fa réputation defiroit de le voir depuis long»
tems , le reçut avec beaucoup d'amitié. 11 repafia
en Ang'cterre , où il fut reçu par le Roi comme un
père par fon fils.
Htnri II croyoit avoir cho'fi un Prélat entic*
rement devrai. c n fcs intérêts ; mais il fut bien-
tôt détronipc : rAomjtne tarda pas de faire-écUter
U krraeié qui formott fon caraôcic, L/n prêtre
DE l'Histoire Ecclésiastique. 71
acciifô d'homicide ayant été pris , fut envoyé à
l'Evèque de Sarls'oeri, fon diocéfain, à caufe du
-privilège clérical. La preuve ne fe trouvant pas
complette , l'Evêque lui ordonna la purgation
canonique ; & comme il ne put y fatisfaire ,
l'Evcque confulta l'Archevêque de Cantorberi ,
qui condamna le prêtre à être privé de tout bé-
néfice ,dcpofé, & mis. dans un Monaftére pour
faire pénitence perpétuelle. Vers le même-tems,
un Chanoine de Bc-dford dit des injures aux offi-
ciers du Roi , qui en fut extrêmement irrité csn-
tre tout le Clergé. La plainte en étant portée
à rArchevèquc , il le fit-fuftiger publiquement,
fc le fufpendit de fes fondions pendant quel-
ques années. Le Roi ne fut pas encore fatisf.iit ;
& ayant affemblé à Londres l'Archevêque & les
Evcques , il leur repréfent.i que, pour réprimer
les crimes/, il croit néccffaire que les clercs ,
après avoir été dépofcs , fulTent livrés au bras
féculier : les Evoques foutenoicnt au contraire ,
que les Canons & la liberté eccleHaflique ne le
permettoient pas.
Le Roi ,peu favorable à leurs prétentions , pro-
pofa cinq articles pour mettre des barrières à la puif-
fance eccléfiaftique. L'Archevêque de Cantorberi,
qui les avoir d'abord fignés avec plufieurs autres
Prélats , s'y oppofa enfuite fortement , à la prière
du Pape. Il fut obligé de pafTer en France , où
le roi Louis le jeune lui donna un afyle. Ce princs
tâcha de le récoacilicr avec fon Souverain > l'i
72 E L E M E N *
y rcuflît avec beaucoup de peine , & le prélat
rcpaffa en Angle;crrc. On voiUut l'obliger alors
d'abfoudrc tcus les Evcques qu'il avoir interdits
ou excommunias : toujours anime du mcmeztle,
il refufa t'ormellement de lever l'interdit. Les Pré-
lats excommuniés portèrent leur plainte à Ihnri II,
qui étoic alors en Normandie. Ce prince eut l'im-
piudcnce de dire: Il tjl bien malheureux que^parm^
tant de ftrv'utuTs que je nourris , il ne s'en trouve
mucun qui me JJfjJfe d*un prêtre qui me dvnne plus de
feine que lius m:i autres fujcts !
Ces paroles ,plus qu'indifcrettcs , furent un or-
dre pour quatre ofàcicrs du Roi qui les entenii-
tent. Ils Te rendent à Cantotbcri , préfentent à
Thomas un ordre du Roi o'jbfoudre les Evêques
excommunies-, Se fur fon refus, ils le m^.lTjcrcJ
rent vêts la fin de 1170. Trois ans après il fut
mis au catalogue des Saints , comme un Martyr
des immunités ecckfiaftiques , f>i comme un Evo-
que également recommandable par fon zèle & par
la charité. Chaque jour , après qu'il avoit dit
Matines de très -grand matin , on faifuit - entrer
treize pauvres à qui il lavoit les pieds \ il leur
fervoit à manger , 6c donnoit à chacun quatre
pièces d'argent: il faifoit cette a^ion tics-fccret-
tcment. Le jour étant venu , on faifoit - entrer
douze autres pauvres , à qui fon Aumônier lavotc
les pieds & donnoit à manger. Enfin a l'heure de
Tierce, deux Aumôniers fcrvoient encore cent
pauvies. Cci trois auu.ôr.cs fe f^iiVicnt tous les
Diatiiis
DE l'Histoire Ecclésiastique f^
matins -, mais le faint Archevêque en faifoit un
grand nombre d'autres. Le Pape ayant appris la
mort d'un prélac qu'il regardoit comme un Saint,
excommunia Ces meurtriers. Ils furent obligés
d'aller à Rome pour Ce faire-abfoudre. L'un d'eux
périt malheureufement à Cofenza ; & les trois au-
tres pafférent le refte de leur vie à Jérufalem ;
où ils tâchèrent d'expier leur crime par la pé-
nitence & les mortifications. Henri II n'obtint
fon abfolution qu'à condition qa'il ne s'oppofe-
toit point aux appels au faint-fiége ; qu'il rap-
pelleroit tous les pariiians de TÂrchevêque ds
Cantorbcri , qui avoient été exilés ; qu'il aboliroit
les loix préjudiciables aux intérêts de l'Eglife ,
& qu'il feroit la guerre aux Infidèles de la Pa-
leAine pendant trois ans.
Plufieurs Hiftoricns modernes ont fait un por-
trait odieux de S. Thomas de Cantorberi , & fe
font élevés avec un enthoufiafme emporté con-.
trc fes prétentions. Ce n'eft pas à nous d'exami-
rer fi elles croient fondées , & fi ce prélat , ainfl
que plufieurs Pontifes Romains , ne paffa pas les
bornei de fon pouvoir. Mais , en étendant ce
pouvoir dans un fiéde de barbarie & de défor-
dre , où la Religion feule pouvoic être un frein;
ils rendirent peut-être fervice à l'humanité. Les
Fapes & les Evêques faifoient parler fa voix en
' faveur des peuples opprimes. Sans eux toute idcc
' de juftice 8t de morale fe feroit évanouie dans
1 Occident, La pureté des motifs qui anima quel,
Jcm. Il, D
^A C L E Nî r N S
^e$ Pontife? , tels que Gr^o/V* VU & S. 7\>-i
mas , ne leur penrit point de pcnfcr que le Cliicf
vifible de l'E^Iifc Jx les autres Pafteurs purent
•bufer du pouvoir irnnienfe dont ils jettoient le
/ondcmcnt \ ils ne vircct d<.iiS cette puiiTance
qu'un rerocde aux malheurs & aujc vices qui de»
foloient l'Europe: dc'potifine dans les princes ,
bafTcfTe Se corruption dans les fujets. CcA ainli
qu'on peut , par leurs inotit's , cxcufer à quel*
ques égards , des prétentions 2c des ii'ous qu'on ce
poiirroit autrement juftifier.
De 5. Hugues , £\/^wf i/i Urxoîn.
Un Pri^lat d'Angleterre, qui, avec mo'.ns deri»
putatlon que S. Thomas de Cantorberi , n'en eut
pas moins de vertus, fut Hugues évoque de Lin-
coln. Il étoit ne en Bourgogne , Se avoit d'abord
été Chartreux. Appelle en Ang'eierre pour diri-
ger une maifon de fon ordre , il fut clévo bien-
tôt-après fur le fiége de Lincoln , 8c fe rendit re-
coinmandable par fon attacheroeat inviolable à la
junice , par fon zclc pour la difcnfe des foililc»
& des opprinics , & par l'inircpiJité avec la({iiei:e
âl rcfiHoit aux Pu-fTences .quind elles cxigeoient
de lui qu;lque chofc d'injulle.
Un jour qu'il avoit parlé avec beaucoup de
fermeté en préfence du roi Richard, ce prince Ce
tournant vers fcs officiers , dit : Si tous Ui Eri"
qutt Ttiïtm^l icnt a cJui-ei , Ht fcroitnt'Utmhl^r lt$
fit/it & Us Seigneurs ,& fi'lnnc /l'jj/u.i ja.ji ro«-
iJf fur tuxt
T)E l'Histoire Ecclésiastique. 75
Le faint Lvêque défendit exprcffément aux prê-
tres d'exiger des amendes pécuniaires. Vous nigll->
g<r^ , leur difoit-il , de icur falrcaccomplir les pi-
littncis vraiemtnt méàicinales & fatisfacloires , & rcu»
nave\ fcln j:/e de leur fiiire-payct les fcmtJics ijuih
ont promlj'es. Ils lui dirent que S. Thomas de Carx-
torheri avoic aufli in^pofé des air.cndes pécu-
niaires. Croy-i-moi ^ repondit S. Hugues, ce n*ejf
fi^lnt ce qui C a rendu Saint. 11 abolit auiTl tou-
tes les exaûiuns que fes prédéccffeurs avoienc
introduites fous de fpccieux prétextes.
En failant fa vifite dans les maifons relîgieufes
de fon dic'cèfe , il vint à une Abbaye de filles ,
/5i ent:a dans l'ii^^'ife pour faire fa prière. Voyant
au milieu du chœur devant l'autel un tombeau
élevé , & couvert d'étoffes de foie , & entouré
de lampes & de cierges, il demanda ce quec'é-
toit ? On 1-ui dît que c'étoit la tombe de la h-
meufe Rofcmonde , qui avoir eu une liaifon cri-
minelle avec le roi Henri II , & que ce prince
avoir fait à caufe d'elle de grands biens à l'Egiife
Il répondit -.Cctoie une pro/l:tuce ^ vtei-la d'ici ^ &
J\ntirrei h'frs de l'Egli/e;de peur que la Kc/i<-ian
Chrétienne ne devienne un objet de mépris ; 6- afin
que les autres femmes apprennent par cet exemple à
avoir horreur de la débauche & de l'adultère. Et fan
ordre fut exécuté. Le faint Evèque mourut à
Londres l'an i2co , ûgé defoixante ans.
ih.
DU
t<y>v v;î^" vy^o ^^ 5 ^j^^fj,t/;jrv>U';p»j U'^çvj
É L É M E N s
D E
VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
TREIZIÈME SIÈCLE.
4. ■»
KouvcUc CrolfjJe ; Empire des Latins
à ConJIanilnopU.
JLiES mauvais fuccès des premières Croifades n'a-
voient point ralenti le zèle des Princes Chrétiens
jour ces guerres facrées. Une nouvelle artnée de
François prie la route de la Palellinc , au corn»
mencement de ce ficcle , fous la conduite du va*
leurcux £juiout/i , comte de Flandres. Les Vcoi-
tiens fournirent les vailTeaur ncceflaires pour le
trajet de ces troupes , compdfces de quatre mille
chevaliers, de neat raille ccuyers, & de vingt mille
homraes-de-pied. Mais Venife ne fe chargea des
frais de ce voyage , qu'à condition que BauJ.u!/!
^eniploieroit d'abord fc s torccs pour fe rendre maî-
tre de Zara en Dalmatif , au profit 4e (la répu-
blique.
Elemen's de l'Hist. Êcclés. 77
Après que l'armée Croifée eut fait cette con-
qucre , elle fit voile vers Con^lantinople , où rc-
gnoit alors Alexis , fils à'ifiac Cvmr.cne , ufurpa-
teur de la couronne impériale fur fon frère Ifaac
lange. A l'approche des Croifés , l'ufurpateur s'en-
fuit; le jeune Alexis fils d'// jjc ■L::ngi ^ cft recon-
nu Empereur, & cnfuite étranglé par un de fes
parens , nommé MarJ^JIos ou Mur-yu/îe : l'armée de
Ljudculnenuc en 1204 dans CoriTtantinople , &
s'abandonne , dans les Eglifes , d^ns les palais ,
dans Icj malfons , aux derniers excès de cruôutc
6c d'avarice. Baudcuin eft élu Empereur, 6c le per-
fide Marfiflos précipité du haut d'une colonne.
Les Latins ne pouvoient choifir uo Prince plus
digne de la couronne que Baud.um ."doux, affable,
religieux , aimant la juilice , & faifant-régncr la
vertu pas fon exemple. Comme il n'avoit alors
que trente - trois ans , il étoit en état d'affermir
l'Empire des Latins dans l'Orient : mais ayant mar-
ché vers Andrinople pour en faire le llége , il fut
vaincu & mis-à-mort par les Bulgares en lacS,
Quatre Empereurs François régnèrent après lui
jufqu'en iz6i , que 5ao</o^i/i //fut dépoffédé par
Michel Paléologue, Ainfi l'Empire des Latins à Coa>
ftantinople fubfirta à peine 5 S ans. Les Grecs,
dcja indifpofcs contre les Latins, conçurent, de-
puis les barbaries commifes dans la ville impé-,
riale , une haine implacable, le plus grand obAa-
tle à leur réunion a lE^ufe Latin;;.
Diij
7? E L E M E X $
Nouveau Rel de JénifiUm ; prife de Da,tùetfei
Cependant quelques Seigneurs qui n'avolent pas
voulu fc fixer à Conftantinople , paliércnt en Sy-
rie avec les dcbris de l'armée Croifcc. Saphadin ,
frère de Saladln , maître de Jcrufalem depuis la
mort d'Emcri de Lujl^nan , arrivée l'an lacj , en
avoit démoli les murailles. Ce n'étoit plus qu'un
bourg fans det'cnre. Il ne refloit aux Croifés , dans
la Pdlcftine, que Prolcmaide ou St-Jean d'Acre.
L'Evêque de cette ville ayant demande un Roi
de Jcrufalem à Philippe-Augujie , roi de France ,
ce prince lui nomma un cadet de la maifon d«
Br'unne en Champagne. C'cioit un homme p'.cn
de feu & de courage. Par le fecours de fes amis
& p3r les exhortations du Pape , il trouva le moyen
de former une armée de près de cent mille com-
battans.
Au lieu de mardier contre Jcruralem , ils con-
duifcnt leurs vaifTeaux vers l'Egypte , af.îcgent
Damictie & la prennent après deux ans de (îc-
ge. On ne garda pas loo^-tems cette place. L'ar.
mce Chrétienne t'ctant engagée imprudemment en-
tre deux bras du Nil, dans le tems de l 'inonda-
tion de ce fleuve , elle fat obligée de traiter aveo
le SultJn dF.gypte , qui leur permit de fc reti-
ftr en Palcillne.On lui rendit Damiette , St. Jn*
fit Britftnt fut retenu en ôr.ige.
Ce Prince ayant obtenu fa liberté , marcha au
^cours de Cuaftaatinoplc à la tétc de quel^utl
PB l'Histoire EccLEsr.VsTiQUE. 7^
Chrétiens croifés. Le trône impcrial étoit alors
vacant par la mort de Baudouin , vaincu dans I3
guerre contre les Turcs , coupe en pièces Se livré
en proie aux bêtes féroces. Brienne arrive dan»
cette circonftance , 6c le fcoptre lui eft déféré.
La manière don: Jc^n de Brienne s'éleva fucceffi-
vement fur les deux premiers trônes de l'Orient ^
montra quelle étoit fa valeur. Erard comte de Brien-
ne , fo» pcre, le dellinant à l'état eccTériafii'que ,
l'avoit envoyé à Clarrvaux , d'où un de fes oncles ,
iauruit de fon dégoût pour la vie monaftique , le
tl:i. 11 Ce dirLint^ua'aier.'.ô: dans les Tournois , quoi-
qu'il ne reçut aucun fecours de fa famille, & qu'il
nf fubfiftât que par la générofué de fes amis. Sa
firtiation rengagea à prendre la Croix ,&dès qu'il
fut en Orient , il fe conduiAt avec tant de bra-
voure & de fageffe, que fes talens lui procurè-
rent les fceptres de Jérufalem & de Conftantinople,
Cet événement , 6«: prefque tous ceux des Croi-
fades , feraient renvoyés dans la cljfle des romans,
ù on les lifuit dans les Hilloricnsde l'antiquité i
ir.ais ils font fi confiâtes, que le pyrrhonifmele
plus hardi ne fçauroLt en attaquer la certitude.
Cro'ifadc de Frédéric II.
Jcs* de Bricnie avoit fait-époufer fa fille & foft
héritière au royaume de Jérufalem , à Frédéric II\
empereur d'Allemagne. Ce prlr.ce , preffè par les
Papes de pafTer en PaleCiine , fait auparavant u»
traité avec Is fulcaa MéUdin , qui lui cède Jèr^-^
S9 Elemens
falem , Narareth , & quelques autres places im-
portantes. S'étant ainfi affuré des conquêtes que
les Chrétiens ambitionnotent , il arrive à Jcrufa-
lem , s'y couronne lui-môme Roi du pays ,& re-
part pour l'Europe, fier de la gloire d'avoir re«
pris les faints-lieux fans avoir répandu une goutte
de fang.
Pomificat /Innocent III ; IV* Cotysli
de iMran,
Lei maux de l'EgliCe , la dépravation des ffloruri ;
qu'avoient entrainéi ces guerres lointaine* , affli-
gcotent beaucoup le pape Innoctnt lll. Elevé fur
lefaint-Hége à la fin du douzième fiécle l'an ii99t
il l'occupa pendant les Teize premières années du
treizième. Il s'appelloit auparavant le Cardinal £.0-
(luiire , & n'avoit que trente-fcpt ans lorfqu'il fut
élu Pape : mais on le chôilît en conlidération de
fes bonnes mœurs & de fcs talens , & malgré ft
TchOance & fes larmes. Il avoir d'abord étudie à
Paris, enfuite à Bologne, & s'ctoit dininguc en
Phiiofophie & en Théologie. Le lendemain de
fon facre il reçut le ferment de fidélité du Pré-
fet de Rome , à qui il donna par un manteau l'in-
veftiture de fa charge : au lieu que jufque$-lj le
Préfet la tenoit de l'Empereur , & lui fâifoit fcr^
ment de fidélité.
Innottni tâcha d'abord de recouvrer Ici do.tiai-
Bes que l'E^lifc de Rome avoit eus en Italie. &
^'cn cluiTcr ceux qui Ici avoicm ufurpcs. 11 eor.
t)E l'Histoire Ecclésiastique. Si
toya donc plufieurs Nonces dans les provinces,
& vUlta en pcrfonne le duché de Spolète & I2
Tofcane. Il employa même les armes contre quel-
ques villes rebelles : mais il timoignoit ne pas ai-
mer ces fortes d'aiîaires li dllTipantes. Entre tous
les défordres qui rcgnolent alors à la Cour de Ro-
me , il haiffoit principalement la vénalité : il tra-
vailla à déraciner ce vice , qui rendoit depuis
long - tems cette cour ii odieufe. Trois fois la
femaine il tenolt le Confiftoire public , dont Tu»
fa^e ctolt prefque aboli : il y écoutoit les plain»
tes de toutes les parties , renvoyoit à d'autres Ju-
ges les moindres affaires , 6c examinoit par lui-
même les plus importantes. Tout le monde adrni*
roit la fageffe 6: la pénénation avec laquelle i
faifoit cet examen; & les plus fçavans Jurifcon»
fuites venoient à Rome feulement pour l'enten-
dre , afin de Ce former dans fes Confiûoires. Dans
fes jugemens il n'avolt aucun égard aux perfon-
lies , & il ne les prononçoit qu'après une mûre
délibération. C'eA ce qui lui attira tant & de A
grandes caj fes , & l'on n'dvoit rien vu à Rome do
femolable depuis très.long-tems.
Son premier deffein , en montant .fur le trôné,
pontifical, fut de faire- affemblcr un Concile gé-
néral. Il s'écoula près de feize ans fans qu'il pùc
l'accomplir , à caufe des guerres qui troubioient
une partie de l'Europe. Enfin il fut convoqué à
l^one pour la fin de l'année 1215.
Ce Concile, Je IV ' de Lairan , & le XII' de»
Dv
igi E L E M E N~S
gcncrauT , fe tint dans la bafiîique de Ctnjfjfuirr^
11 s'y trouva quatre cents douze Evèques , huit
cents Abbés 8t Prieurs , les Patriarches Latins de
Conftantinople & de Jcrufalem,& le Patriarche
^es Maronites. Prcfque tous les Princes Catho-
liques y envoyèrent leurs AmbafTadeurs. Le Pape
«n fit Touverture par un ferir.on , où il prit pour
fexte ces paroles de l'Evangile: J'ai icfiri ardcn'
ment de eHèbrcr cette PJque a*ec vous. Expliquant
cnfuite le mot de Pàque, qui fignifie paffage , il
rn diftingue trois ; le paffage corporel d'un lieu
à un autre, qu'il applique au voyage de la Terre »
Sainte: le pillage Tpirituel d'un état à l'autre , par
Hi rcformation de l'Eg'.ife : le pslTage éternel de
cette vie à la gloire cclcfte. Ces trois paflages
font toute la maiicrc de Ton dlTcours, qu'on ad*
xnira dans le tems.
Le premier foin du Concile fut d'établir Ici
dogmes de la Foi contre les erreurs de Eèrengir
te des Albigeois, qui n'étoienr pas encore enné*
xement étouffées. *• Il n'y a qu'une Eglifc univcr»
»• ftlle, ( dit ce Concile , ) hors de laquelle pcr»
M fonne n'cft fauve. Jesus-Christ y eft Iui-n.£*
w me le Prctre & la Viélime: fon Corps 8t fon
r Sang font véritablemem contenus au Sacrement
M de l'autel , le pain ctont change en la fubAance
w de fon corps & le vin en celle de fon faog
« parla puifl'jRce divine : Se ce Sacrement ne peut
n ctre Un que par le Prctre ordonne Icgitime»
f, toi^: j CA vfrivi du P9UY94 de lEgUiç ictÇf^
DE l'Histoire Eccles'astiqi/e. 8^
ik par J. C. à fcs A poires & à leurs fuccaffcurs. « L«
tCtmt de Ti anjfuhjldiitiation , confacrc dans ce Ca-
non , a toujours été depuis employé par les Théa-
logifns Cdtho!i'-;iias , pour fi^nificr le changemena
que Dieu opère au facremont de rEucharifiie : com-
me le mot de C^nfuhfiant'id tut confacré au Concile
deNicée, pour expiir.er te myftcre de la Trinité*
Mais l'Eglife avoit cru de tous tems le change-
ment de fubftance dans le Sacrement d« l'Eucha»
rrftie, quoiqu'elle ne fe Tervit point du terme de
Tranjfjbjljniiarwn, Le Concile de Latran définit
encore contre les Albigeois : « Que C après le Bap»
»» t«Tne quelqulin tombe dans le péché , il peuç
1* toujours être relevé par une vraie pénitence.
»> Non-feuicment les Vierges &i tous ceux qui
« girdent la continence , mais encore les perfon-
w nés mariées , qui fe rendent agréables a Dieu
» par la foi & les lionnes- oeuvres, méritent d'a-
M river à la béatitude éternelle. » Le Concile prof-
crivit auffi les rêveries d'un abbé Jvachim fur l'c.
tat futur de lEglifc, & fcs propofitions errcnt'c»
fur le myftcre de la Trinité.
On fit cnfuite divers rc^Icmens fur la cor.fef-
fu3n auricula're » fur h communion des Laïques-
fous une feule efpicc , fur l'ufage de garder l«
Saint-Sactemcnt dans les Egllfes. On y promulgua
le célèbre Canon qui ordonne à tous les Fidèle*
de l'un &: de l'autre fexe , de feconfeiTer au moin*
une fois chaque année à fon propre Priire , & d»
iccevoir la communion Paftliale, On défendit déj
Dvi
$4 Elembvs
tablir de nouveaux Ordres religieux. On doana lé
moyen de réformer les anciens , ou de les con-
ferver dans la régularité. Entin on fit divers dé-
crets, qui ont fervi de fondement à la difcipline
obfervée depuis , &c d'autorité aux Canonises.
Innocent III ne put voir les effets du zèle qu'il
avoir montre dans cette célèbre alTemblée. Il mou-
rut en 1 1 1 6 , avec la réputation d 'un Pontife pieux^
modcfte & fçavant. Il ne voulut porat fe fervir de
vaifTelle d'argent , & il vendit la ûenne pour fou*'
lager les pauvres.
Diffutes de Frédéric II avec Us Papes,
Après Innocent III, le falnt-fiége fut occupe
par un Romain de lilluftrc maifon de SavclU. U
prit le nom d'Honorius III. Ce fut fous fon pon-
tificat que s'élevèrent les difputes de l'empereur
TriàcTic avec les Papes. Ces différends furent foi»
bleS fous Honorius ; mais ils parvinrenrau com-
ble fous fon fucceffeur Se fon neveu Grégoire IX ^
unitateur cie fon zèle & de fa fermeté. L'Italie,
fous ce Pontife, fc partagea en diverfes fadions
feus les noms de Guelfes & de Gibelins ; les pre-
miers étoient pour le Pape , & les autres pour
FEmpercur.
Frédéric avolt fait vœu d'aller combattre les
Infidèles ; Grégoire IX le preffa d'aller l'accomplir.
Ce Prince feignit d'y aller, & s'embarqua; mat*
Ai revint peu de teras après. Le Pape le força par
$ek ccnfures à correprcadic ce voyage. FriJtne
DE l'Histoire Ecclîsiastique. Sf
l'entreprit , & arriva heiireufcment en Paleftint.
Ayant appris que le Sultan d'Egypte étoit campé
près de Gaza , il lui envoya deux Seigneurs avec
des prcCens , & lui fit-dire que s'il vouloit rendre
Jérufalem , il feroit inutile de faire la guerre. Le
Sultan , informé de la divifion qui étoit entre les
Chrétiens , lui répondit , que les Mufulmans ne
pottvoient pas céder aifément Jérufalem , à caufe
du refpeft qu'ils avoient pour le Temple , où ils
venoient de toutes parts avec autant de dévotioa
que les Chrétiens au Sépulcre de Jesus-Christ.
Ce que l'on appelloit alors le Temple de Jcrufa»
lem, étoit la m ifquée bâtie à la même place , de-
puis que le calife Omar eut pris cette ville en
636. Cette raDfquce fut changée en Eglife à la con-
quête de Gùdcfroi de Bouillon , & l'on faifoit-croire
aux peler ns que c'écoit le Temple de Salomon , re-
Iiâti pir les Chrétiens après avoir été ruiné par
ks Romains. C'ctoit l' Eglife patriarchale -, mais Sa-
ladin ayant pris Jérufalem , la rétablit en mof->
quée.
Après une négociation très-fecrette , l'Empe-
reur fit un traité avec le Sultan, Jérufalem devoit
i'fre livrée à l'Empereur , à conlition qu'il ne tou-
cheroit point à l'enceinte où étoit la mofquée des
Mufulmans , qui y viendroient librement faire leurs
prières. Par ce traité le Sultan rendoit aux Chré-
tiens Béth cem, a condition qu'on n'empêcheroit
■ucun Mufulman d'y aller en pèlerinage. Le Pa-
^uuchc de Jwruraica , les Templiers & les Uof-;
55 E L É M E N 5
pitaliers , ne voulurent prendre aucune part a cà
traite. Le Patriarche aUa mtme jufqu'a dcfciidrc
de célcbrer l'Ofnce divin a Jérufalem. Il reTuf»
auHj à tous lc$ pcictins la permiùion d*y entrer &
de vifîier le S, Sépulcre , & écrivit deux lettres
1res vives contre l'Empereur.
Ce prince, après avoir fait fon entrée à Jéru-
falem & avoir vinté l'Eglife du S. Sépulcre , fe hâta
de partir pour l'Allemagne , fçachant que le Pape
lui fjifoit la guerre avec fuccès. 11 n'éioit pas roè>
ne en fureté en Palcfline -, car les Templiers 6c
les Hofpitallers voyant le Pape déclare û haute-
ment contre lui, écrivirent au Sultan d'Egypte ,
que l'Empereur avoit rcfolu d'aller à pied & avec
peu de gens au fleuve du Jourdain , 8c qu'ainfi le
Sultan pourroit le prendre ou le tuer. Le Sultan
ayant reçu la lettre dont il connollToit le fceau »
détsfla la perfidie des Chréficns , & particulicre*
ment de ces Religieux -, & il envoya la lettre à
l'Empereur , déjà averti de la trahifon fans avoir
voulu Ij croire. LIIc fut la fource de (a haine con-
tre ces deux Ordres militaires. On cliar^eoit p!us
les Templiers de cette trahifon que les Hofpitaliers»
CcpcnJant une armée le. ce par le Pape , avoit
conquis un grand nombre de places dans toutes les
provinces d'Italie qui dipendoient du royaume
de Sicile. L'Empereur , à (on retour , recouvra en
peu de lemt tout ce qu'il avoit perdu. Grégoirt
IX , outré de douleur , exécuta la menace qu'il
Avoit faixc , àc dégager les fujcts de Induit. Uf
p" DE l'Histoire Ecclésiastique. Sf
leur ferment de fidélité. L'Kmpercur envoya faire
au Pontife des propofitlons de paix , & fit-venir
en Italie plufieurs Seigneurs d'Allemagne pour être
arbitres de fes différends avec le Pape. La paix fe
fit l'an 1230. L'Empereur alla trouver Grégoire IX
à Anagni. Lorfqu'il fut devant lui, il ôta fon man-
teau , fe mit à (ti pieds , & reçut le baifer de paix.
Cet accommodement ne fut pas de longue durée,
L'Empereur s'étant emparé de l'ille de Snrdaigne ,
fief révélant du faint-fiége , Grégoire s'enpla-gnl:
inutilement. Il l'excommunia de nouveau , le di-
manche des Rameaux de l'ari 1259 ; le dcpofa de
la dignité impériale , déclara fes fujets abfous du
ferment de fidélité qu'ils lui avoient fait , & leur
défendit étroitement de robfervcr. L'Empereur
tranfporté de colère , écrivit aux Romains, pour
leur faire de grands reproches d'avoir fouffert que
le Pape lui fît une telle injure. En même-tem$
le Pape adrefTa une lettre circulaire à tous les
Evcques de la Chrétienté, pour leur ordonner de
publier , tous les Dimanches â: les Fêtes , au fon des.
cloches , la fentence contre FEmpereur. Cette let-
.tre fut aufiî envoyée aux Rois , aux ducs & aux
principaux fcigneurs , avec les changemens conve-
nables félon la qualité des perfonnes. Frédéric , ir-
rité contre un Pape qui employoit des armes fi
terribles , entre en Italie avec une armée : Grl-
goire voulut lui oppofer un Concile ; mais fon en-
nemi ferma tous les paffages , & ceux qui fe bazar»
^rcat dç vouloir aller ii Rome pour cette ailgaix
%B Elemens
blée eccIciîaAique , furent cmpriionncs ou ma(-
facrés.
Grégoire en mourut de douIîur.Sc fon fuccef-
feur Ciltjlin IV ne lui furvccut que quinze jours.
Enfin , après deux ans de vacance , on élut le
cardinal Siniba/de, des comtes de Ficfquc , qui prit
le nom d'Innocent 11'. II avoit toujours vccu en
bonne intelligence avec Frcitric , lorfqu'il étoit car.
dinal -, on crut qu'étant Pape, il termineroit plus
facilement les difputes entre l'empire 8c le facer-
doce. On fc trompa. Innocent voulut que Frédéric
fe juftifiât des crimes qui avoient engagé Grégoire
IX à l'excommunier. Cette demande irrita l'Empe»
reur ; St le Pape craignant les effets de (a ven-
geance, fe retira en France , où il convoqua un
Concile-général en 124^.
1. Concile Général de Lyon,
Lyon fut le lieu qu'on choifit pour cette afTetn»
blée, à laquelle le Pape appella les Princes St. cita
l'empereur Frédéric. On y vit Eaudou'in eripercur
de Conftantinople , & Rtiau^nd comte de Touloufe.
Les prélats , qui croient environ cent-quarante »
avoient à leur tête les patriarches Latins de Conf*
tantioople, d'Antioche ir d'Aquilée. L'empereur
Frédéric , craignant les fuijcs des décidons de cette
aïïemblée, y envoya un amballadcur , qui offrit
au Pape, au nom de foomahre, de s'oppofer aux
Tartares , aux Corafmiens & aux autres ennemis
lie IXglifc ; nuis le f ooul'c » n'ccjutam que foa
D£ l'Histoire Ecclestast.que. F9
rcffentiment , prononça une fentence de dôpofuion
contre Frcderie. «« Ne pouvant plus , ( dit le Pape )
5» fans nous rendre nous • mêmes coupables , to-
» Icrer les iniquités de Frcderie , nous fommes obli-
» gés en confcience de le punir, n II réduit enfuite
les crimes de ce prince a quatre principaux , qu'il
foutient être de notoriété publique : /^aryure , /â-
triligt ^ hér^/ie, if. félonie. « Sjr tous ces excès, (con-
tinue le Pape , ) <> & plusieurs autres , après en avoir
1 mûrement dcUbtiré avec nos confrères 6c avec
w le Concile , 0c en vertu du pouvoir de lier &
M de délier, que Jesus-Christ nous a donné en
>» la perfonne de S. Pierre , nous dénonçons ce
>» Prince privé de tout honneur & dignité , dont
>» il l'eft rendu indigne par fes crimes , & l'en
» privons par cette fe.itence : abfolvant pour tou»
» jours de leur ferment tous ceux qui lui ont juré
n fidélité , détendant expreû'cmcnt que perfonne
T* déformais lui obciii'e comme Empereur ou com-
1» me Roi , ni le rej;arde comme tel ; & voulant
n que quiconque à l'avenir lui donnera aide ou
H confell en ce;te qualité , (bit excommunié par
»» le feul fait. Au refte , ceux que regarde l'élec-
M tion de l'Empereur , lui éliront librement un fuc>
» cefTeur dans l'Empire : & quant au royaume
i> de Sicile , nous y pourvoirons avec le con-
n feil de nos frères , aind que nous jugerons à-
» propos. Donné à Lyon le dix-feptiéme de JuiU
» Ut 1 245* "
Le Tape prononça cette fentence en préfence tLs
5>o Elément
C^nci/e, 11131$ non aiei. l'apjrobjtior, eu Citc'iU î
car il feroit injufie d'attribuer é un fynode cecu-
n-.enlquc une iclle enrreprife fur l'autorité tempo-
relle.
Frédéric ayant appris la nouvelle de fa dépofi-
tion , tâcha de fc rendre les Princes favorables. U
kur écrivit deux lettres pour les toucher fur fon
fort. Dans la première , il les exhorte à profiter
de fon exemple , & dit : « Que ne devez - vous
M point craindre d'un te! P^pc , chacun en parti-
»• culicr , puifqu'il entreprend de me dcpofcr , moi
M quifu'.s couronné Empereur ce la part de Dieu
M après l'cleâion folemnelle des Princes ? II n'a
n aucun droit de nous juger quant au temporel ^
f* en fuppofant qu 11 y evit des accufations grave»
n 8c bien tondces contre nous. Mais je ne fui»
n pas le premier que le Clergé a ainfi attaqué en
n abufant de fa pjilTance, & je ne ferai pas 1*
»» dernier. Vous en êtes vous-mêmes caufe , en
r> vous foumettant à ces hypocrites dont l'ambi-
M tien n'a point de bornes. Si vous vouliez y faire
n attention, combica découvririez • vous dms U
M Cour de Rome d'infamies, dont la pudeur ne
t» permet pas de parler ? Ce font les grands revc-
n nus dort ils fe font enrichis aux dépens de plu-
H ficurs Royaumes, qui les rendent infcnfcs. Quell:
m reconnoiiTance vous tcmoignent-ils pour les di-
X mes 8c les aumônes dont vous les nourrifTet *
»» Ne croyez pas que la fciuencc du Pape m'ai»
p abattu. La purctc de ma confcicacc , doiu Du u
DE l'Histoire Ecclésiastique. 91
11 itJ'eft tcmoin , m'.;ffure qu'il eft avec moi. Mon
»» intention a toujours ctc de réduire les Ecclc-
» fiaftiques , fur-tout les plus grands, à l'état où
M ils étoient dans la primitive Eglife , menant
>» une vie apoftolique , & imitant Thumilité de
)» Notre - Seigneur. Ils guériffoicnt les malades ,
« reirufcitoient les morts , & foumettoient les Rois
» 8c les Princes , non par les armes , mais par leur
■» vertu. Ceux-ci , livrés au ficde , enivrés de di-
>> lices , n'ont aucune crainte de Dieu. Leurs
» grandes richeffes leur otent toute religion. 11
•• faut donc leur ôter ces ricliefl'es , qui leur font
>i fi pernicieufes : c'cft à quoi vous devez travail-
n 1er avec moi. n
Cette lettre emportée ne fervlt qu'à rendre Frd"
deric odieux , parce qu'il paxoiû'oit vouloir dimi»
Buer la liberté Se la dign'.ré del'Eglife, que l'on
croyoit alors inféparables des richciTes & de la
grandeur temporelle. Le décret A' Innocent If^ contre
lui , eut des fuites plus fàcheufcs qu'il ne le pen-
foii. 11 fut en partie la caufe de îa ruine de ce»
Empereur & de fa maifon , plongea l'Allemagne
dans l'anarchie, & l'Italie dans tous les dtfordres
des guerres de religion & des guerres civiles.
Première Croifade de S. Louis
Parmi les décrets que fit le Concile de ï.yon,
il y en eut un pour engager à fccourir l'empire dd
Conftantinople, qui étoit c'nancelant , & un autro
£ui ordonaoic de publier par toutes les proviaccj
pî Elemens
Chrcticnnes la Croifadc contre les Infidèle?. L'cr-
deur des peuples pour ces expéditions périlleufes
ëioit refroidie par le fouvenir des revers qu'on
avoit efTuycs dans les prcccJcntes. I! n'y eut gucres
que les François q<ii prirent b croix.
S. Louii , prince qui joignoit la pieté la plus
teodrc au courage le plus intrépide , occupoit alors
le trône de France. En 112.4 « étant tombe dan-
gereufcmcnt malade , il croit entendre une voix
qui lui ordonne de *'arm:r contre les cnoemis du
nom Chrétien. Dès ce moment il ùït vœu de fc
croifer. Enfin , après quatre ans de préparatifs, il
s'embarque à Aiguës • mortes avec la Reine fon
cpoufe , trois de fes frères , ît près de trois mille
Chevaliers bannercts. Il aborde en Egypte , s'em-
pare de Damiette, & a quelques petits fuccès qui
allarment le fultaa MaUe-Sala , qui demtnde en«
vain la paix. On fe repent bientôt de la lui avoir
refufce.
L'armée Françoife , forte de Coixante mille C9in«
battans , s'ctant avancée vers le Ni! , la maladie
cnfait-pétir la moitié, l'autre moitié eA vaincue
prés de la MafToure. Le Roi lui-même , & fes deux
frères le comte d'Anjou & le comte de Poitiers ,
font faits prifnnnicrs. Son troil'.^mc frère , Rohirt
i'Àrioit , eA mis à mort à fes yeux. Louit n'ob»
tint f#1iberté & ce île de fes frères , qu'en payant
un million de befans d'or, & en rendant Damiette.
6on armce trcs-diminuce fc retira clans la Palefli-
oe, où le Roi demeura jufqu'a la mort de fa merc U
DE l'Histoire Ecclésiastique. 95
reine Blanche , occupé à vifuer les lieiix-faints ,
& à faire-riparer les fortifications de Céfarce de
Philippe , de Joppé , d'Acre , de Sidon. Son féjour,
qui fut d'environ quatre ans , valut la liberté à
douze njilîc Chrétiens. De retour en France , en
12.54 , il trouva un royaume que fon abfence a voit
ruiné-, & en tâchant d'en réparer les dcfordres ,
il croit toujours rempli du defir de former une nou-
velle Croifade.
Sccondî Cro'ifjde de S. Louis.
Cette féconde expédition , faite environ treize
ans après la ptemi^ire , ne fut point contre les Ma-
hométans poffciTeurs de la Paleftine , ni contre l'E-
gypte -, mais contre Tunis , dont le Roi avoir ,
difoit-on , quelque envie d'embraffer le Chriftia«
mime. Qjtcl bonheur , ( difoit 5. Louis , ) Jî je pou-
vais être le Parrain d'un Roi Aljhcme'ean ! En cas que
fcs rfpcrances fuffent trompées , il rcgardoit la
conquête de cette partie de l'Afrique comme im-
portante, pour faciliter les autres. L'armée débar-
que près des ruines de Carthagc. Le roi de Tunis ,
loin de penfer au Baptême , menaça de mafTacrer
tous les Chrétiens captifs daris Tes états , & de
venir fondre fur les François à la tète de cent
millehommes.il n'eut pas befoin de combattre. On
attendoit Charles roi de Sicile & frère de S. Louis ,
qui n'arrivoit point. Les chaleurs exceflîves, les
eaux corrompues , la mauvaife nourriture , produi-
Urent des maladies mortelles. Plus de la moitié dQ
94 Elemens
l'armée fut détruite en peu de tcms. S. Louis, par
utie confiance fingulicre, avoit amène fes trois fil»
aînés , refpoir de la nation. II en vit mourir un ;
un aurre ctoit dangcrciifcment malade, il fe fentit
frappe lui-mcme , & reçut ce coup avec ces vifs
fentimcns de religion dont il étoit pénétre depuis
l'cnfaiice. Les maximes qu'il diéta en forme de tef-
taroent à Philippe fon fucceffeur , refpirent égale-
ment la pieté 5: l'amour des peuples. •< Mon fils,
«» la première chofe que je vous recommande ,
n c'eft d'aimer Dilu de tout votre cai;r. Sans
M cet amour , pcrfonne ne fera fauve. Si Dieu
m vous envoie qucl:,ue adverfité, <biiffrcz-la avec
H patience ; pcnftz que vous l'avez rrcritce , 8c
M qu'elle tournera à vc>t;e avantage. S'il vouscn-
>• voie de la profptrité , umerciez-le , ne vous
n attiibuci rien, & n'en devenez point orgueilleux.
y Aimez tout ce qui efl b'icn , f< haiiTcz tout mal.
»♦ Puniffcz les blafphômateurs. Rendez fouvent gca*
t> ces à Ditu des biens que vous en avez reçus ,
M & méritez par-là d'en rctcvoir d.ivantage. Soyez
M cquitalilc en tout, même contre vous-même.
»> Mettez votre application à faire- rcgner la paix
n & la juAice parmi vos fujcts. Ainiez l'tgiife &
»• Cîux qui la fervent avec tek & avec édihca-
»• lion. Donnci les bénéfices à àts perfonnes di-
»• gncs de les pofTcdcr & capables de les remplir ,
H & n'en donnez point a ceux qui en ont déjà.
M N'entreprenez point des guerrei fins ncccCitc ,
>« & app*i;cz volymicr» toute couieftatioû. v.)ac
T>E L'HiSTOmE ECCLtSÏA^TIOUE. ÇÇ
« votre dôpenfe foit toujours raifoniiable, Scc.C<c.'»
La maladie continuant d'augmenter," le S. Roi
xe^ut les Sacrcmens avjc beaucoup de plJti ; 6c
quand il fc fcn::t près de fa fin , il fe fit-rae:tre
fur un Lt couvert de cendres, où il mourut le ij
Août 127S , avec !e courage d'un héros & la pieté
d'un anachorète. Le Roi de Sicile , fon freie, qui
arriva peu de tems après U mort , fit la paix avec
les Maures -, & les trides reftes de l'arm-Je croifée
revinrent en Europe, avec la douleur d avoir fak
des tentatives inutiles.
L'expédition de Tunis fut la dernière de ces
guerres facrces , qui épuifcrent lEurope d'hommes
6c d'argent , & qui la corrompirent par le relâche-
ment de la difcipline ecdéfiaftique , par le trop
grand ufage des indulgences , & par la diflîpation,
fuite ordinaire ries guerres lointaines. Il n'en refta
aucun fruit folide en Orient. Le royaume de Jcru-
falera fut anéanti : Tyr, Sidon & les plus impor-
tantes places furent livrées aux Sarrafins ; & le
fccptre impérial de Conftantinople ne fut qu'un
momcat entre les mains des François.
Cependant , ces entreprifcs produifircnt peut-
être , pour quelques peuples , des eftets plus utiles
que des conquêtes. On leur dut «< l'accroiffemerit
» de la navigation & du commerce, qui enrichit
>• Venife , Gênes , 8c les autres villes maritimes d'I-
it talie. L'expérience des premières Croifades , fit-
>i voir les inconvénicns de faire par terre une mar-
m clic de cinq ou ûx cents lieues, pour aller ga*
f)5 E L E M E N* «:
»> gner ConAannnople ix ia Natolic. On prit J<
M chemin de ia mer beaucoup plus court , Sx. les
>• Croifcs, félon les pays d'où Us vcnoieat, s'em-
♦» barquérent en Provence , en Canlognc , en Ita-
n lie , ou en Sicile. Il fallut dans tous^s por:s
» multiplier les bJnmens âc les équipages , pour
« paflTcr tant d'hommes & de chevaux avec les
it munitions de guerre & de bouche. Ainli , la
H navigaiion de la Mer •Mcditerrûnce , dont les
n Grecs & les Arjbes ctoicnt en polTeflion depuis
M pluheurs années , tomba entre les mains des
« Francs ; Se les conquêtes des Croifés leur afi'a-
t» rérent pendant quelque tems la libercc du com-
j» mcrcc , pour les niûrciiandifes de Grèce , de
» Syrie & d'Egypte , îx par coufcquer.t pour
>» celles des Indes, qui oc venoicnt point encore en
H Europe par d'autres routes. Par là s'enrichirent
»» Si s'accrurent les plus puifl'antcs republiques de
M Venife, de G^neSjdc Pifc, de Florence-, car
»> outre les ports-dc-mer , le commerce s'étendit
r> aux villes où tlorilloient les arts âc les manu-
M fafturcs. .. ( Fleuri , rt. Dij'cours , n 13.)
Cro'ifadts contre Us Albigeois.
L'ardeur religieufe & guerrière qu'infplrérent les
Croifades , s'cfoit tellement emparée des cfprits ,
que , lorfqu on ne put plus s'armer contre le* Infi-
dèles, on fe croifa contre les hérétiques. Dès l'aa
1110 , on leva des troupes pour exterminer les Al-
bigeois. 3 imon comte de Munttortcn ctoit le chef.
C'cioic
bE L'HtSTOTRE ECCLESIASTIQUE. fff
Céccit un homme aulU courageux que zélé, unif-
iant les exercices miliratres avec les pratiques de
la dévotion -, grand , bien fait , & fi déterminé dans
un combat, que le fcul mouvement de fon fèbrc
iufKfoii pour épouvanter Cts ennemis. Plufieurs
Catholiques non moins ardens que lui , fe rangèrent
ijis fes drapeaux,
La prédication avcit précédé la guerre. Qua-
tre ans auparavant , Pierre de Châtcaurtcuf , évê*
«jue de CarcalTone , & légat du St-Siége, fuivi de
S. Dumini^ue ,\c premier inftiiuteur de llnquifition,
& d'Arnaud abbé de Citeaux , avoir parcouru le
Languedoc pour convertir les errans. Les Albi-
geois étoient foutenus par Raimcnd comte de Tou*
loufe , & par les princes voifins qui les favori»
foient par inclination ou par politique. Raimoni
<hafl'a du Languedoc le légat du St-Siége , & le
fîi-aiTitniner, comme il entroit dans un bateau pour
palier le Rhône.
Ce meurtre eut des fuites fâcheufes pour le
comte de Touloul'e. Le l'ape l'excommunia , &
publia en 1210 une Croifade contre lui. Les Croi-
ii%,Simcn de Muntjlrt à leur tête, entrent dans
le Languedoc , prennent Beziers , CarcafTonne , La-
vaur & plufieurs autres places-, ramenant quelques
errans par la crainte , & les intimidant tous par les
ctuautes qu'ils exerçcient. Ce moyen de convertir'
les hérétiques^ (dit l'Abbé de Choifi),/;e l'atcord*
guéres a\tc lu dçuctur de L^Evcriile. 11 eA vrai que
les cjiicuticns fanglanies de i)imi,n de Alontfçrtt
V>f E L E M I K s
n; furent fouvcnt que des rcprciailies. Un grani
nombre d'Eglifcs brûlées & renverfées en Lan-
guedoc i plulîeurs Catholiques égorgés -, quelques-
uns des Icigneurs Croifcs tnafTjcrés : telles furent
les barbaries dont les Albigeois s'étoient rendus
cux-mcmes coupables. Eaûn , djns les divers com-
bats qu'on fe livra , le fanj ne fut épargné ni de
part ni d'autre, comme il arrive dans prefque toutes
les guerres de Religion.
Le plus important fc donna en 1113. PU're roi
d'Aragon, les comtes de Touloufs , deFoix, de
Corxjinjcs , allicgérent Muret fur la Garonne. Le
comte de Montfort les furprend , & leur défait plus
de cent mille hommes dans une bataille où le roi
d'Aragon fut tue.
RaimonJ comte do Toulonfe , furnommc le
vieux, étant mort en izii, (on CAi , Raimoni le
ftune, fut obligi de conjurer l'orage c!evc contre
fon père & contre lui. U fut excommunié , pour
avoir foutenu la guerre contre Amau/i y fils du
célèbre Simon de Moni/ln , chef d'une nouvelle
Croifade. Enfin , après avoir combattu vivement
pendant plufieurs années, pour recouvrer une par-
tie de fcs ctats envahis par Sim^n & Anauri , il
fe réconcilia avec l'E^tife , 2c fit fa paix avec S.
Li.uls , qui s'étoit déclaré contre lui. Le refie de
£a vie fc paila dans les pèlerinages , ou à combattre
les prétentions des Inquilucurt oouvellemcat cta-
klit dans le Languedoc.
os l'Histoire Ecclésiastique. 95I
Hijloire du Tribunal de rinquijiilcn.
Quelques moyens qu'on eût pris pour extirper
les fc£^es des Vaudois 6t des Albigeois, il reftoit
encore un grand nombre de ces hérétiques , qui
avoient échappe aux longues & fanglantes guerres
dont nous venons de tracer le tableau en raccourci.
Ceft ce qui engagea les Papes à établir, vers l'an
izco, un tribunal uniquement occupé à en faire
la recherche. On nomma Inquifi'.eurs , ceux qu-
furent chargés de faire ces perquifitions. S. Dc-
tnin'que ayant été employé à ces recherches, Gré'
golre IX les confia en 1233 1 3pfcs fa mort , à fes
enfans nouvellement inftitués.
Innocent IV établit ce tribunal en 1251 izr.s
toute l'Italie , excepté à Nnpies. L'Ei'pagne s'y vit
entlc'rement foumile en 1448. Le Portigal l'adopta
en 1557, conformément au modèle reçu parles
Efpagncls. Douze ans auparavant , Pdul III avoir
forme la congrégation de l'Inquifition , fous le
litre de Saint-Office, & Sixtc-Quir.t confirrra cette
congrégation en 158S.
Le pouvoir des premiers Inquifiteurs fe borna
d'abord à travailler à la converf.on des héréti-
ques par la voie de la prédication & de l'inftruc-
lion. S'ils ne réulîiffoient point par la perfuafion ,
ils exhortolent les princes Mes mEgiflrats à punir,
même du dernier fupplice, ceux qui peififtoient
avec obflination dans leurs erreurs. Ils prenoient
des Infornaations fur le nombre & la qualifé des
Eij
\^9 E L E M E V S
hérétiques, t'ur le zel; des Ëvèques &dcsin3gtArats
à les pourfuivre , & ils envoyoient le réfuitat de
ieurs perquiGcions au Pape, pour en faire ce qu il
jugcroit a-propo«. Leur autorité s'accrut inicnfî»
blement : en^în elle vint à un poiot , qu'elle parut
redoutable aux Princes; & nous avons vu de net
jours qu'il a fallu la réprimer en Portugal & en
£fp3gne.
CcpcnJjit la julticc nous force de convenir
que dans tout ce qu'ont écrit \ci Protedans & Ici
Philofophes fur ce redoutable tribunal, il y a beau»
*oup d'exagération. *• 1° Tous lis officiers de l'In-
Hquiûtion, (di: Pabbc de y erra dins fon Eut ifE/-
pjgne) n font obliges de faite des preuves de bon-
»» nés moeurs Se de capacité, i*. Le fdlnt-office
t« ne fait jamais arrêter perfonne , fans avoir
•• bien examine la qualité du dénonciateur , & Tant
M avoir pris de grandes précautions pour btea
Il approfondir fi c'cll par haine ou par vengeance
M qu'il Uxt (i dénonciation. D'ailleurs il fjut re-
n mirqufr qu'il y a la peine du talion contre le
m dénonciateur. 3*. Ceux qui difeot que ceux qui
M font arrêtés dans les prifons de l'Inquifition
M font obliges de deviner le crime dent ils font
M accufcs , en impoTeat à ce iribuoa!. Il eft cer*
*> tain que des qu'ils font an êtes, on leur donne
M un procu'eur , un avocat pour dcicndrc leur
M caufe. 4°. Aucun tribunal inférieur ne peut cc-
n Icbrer d'a.le dt j'ui (ans une permifTeo exprelTe
« du confcil fuprë-ne , lequel y cavûie orjui^*
• iclucn: ua coofciiicr. •*
TTE L*HlSTOIIl£ ECCLESIASTIQVE. tOt
h'^Hi Je fvi cft un jjur de cérémonie dcfliné
par rinq lifition à pu'.iir pu à abfoudre ceux qui
ont été accules d'hércfie. On choifit ordinaire»
nicn: un jjur folomnel , afin que ce ju^emene
•it plus d'éclat. On conduit tous les coupables
à l'EgliTe , où on leur lit leur fentcnce d'abfclu-
tion ou de condamr.ation. Les condamnés à mort,
TevCtns d'une efpèce de da!m2tiqu€ fur laquelle
cfl a peint des di.ibles & des flammes , font lirrés
au r-igc feculier par le faint-cffice qui prie qu'il
r.'y ait point eiïuden de farng. S'ils perfsTérenc
dans leurs erreurs , ils fcnc brûlés vifs , à la
vue d'un immenfe pcpulace , toujours avide de
ces fortes de fpcûacles.
Ces folemnités qu'on appelle aHes de fol^iL qu'on
ne pouvoit guéres nommer a^es de charité^ font
très-rares aujourd'hui. On a penfé qu'une Reli-
gion de paix & d'amour , telle que le Chriftia»
TiifTie , "dcmandoit des in(lru<flions pour les er-
rans , & non des bûchers. D'ailleurs les moyens
terribj^s employés contre les Juifs ou contre les
hérétiques, peuvent bien contenir ceux qui éle-
▼eroicnt leur voix dans les pays d'inquificion .
mais ils contri'juent à éloigner de l'E^life Catho-
lique ceux qui , dans d autres contrées , feroieac
te.ités de rentrer dans le bercail.
Les Pontifes Romains de ce fiécle , toujours con.
Juits par la chririté & par la prudence , ont bien
ix.au. cette vérité. Aufli n'y a>t-il point de pays
lOi E L E M E N s
Ou la janfdiù'ion du faint-o.iicc l'oit plus douce
qu a Rome & a Avignon.
Nouveaux Ordres Religieux j
Domlrùcains»
Puifque nous avons parlé de S. Daminijue àsm
l'article précèdent , nous tracerons ici en peu de
mots fon hiAoire, & celle delà fondation de Ton
Ordre. Il ctoit Efpagnol de lilluflre maifon de
Gti/m^n, & chanoine d'Ofma dans la vieille Caf-
tllle. Il avoit parcouru pljfieurs provinces d'Ef-
P'g^f » prêchant pir-tout la pénitence & la fai-
fant -pratiquer. Après avoir converti p'.ufieur»
Maures , il vint en Languedoc , pour ramener
les Albigeois à la véritable doctrine. S'ctani af-
fo:ié quelques compagnons de fon zèle , il leur
donna une Rc^le 8c le nom de F.erei Prêcheurs,
parce que leur premier inftitut ctoit de prêcher
& de catéchifer les hcràïques. Cet ord/e , dont
l'utilité fut fcntie p.ir les Pjpes , fut confirmé en
IZI5 au Concile de Licran par Innocent III ^ &
l'année d'aprcî pjr Ho<i,^rius III. S. Damini^ue ,
quo'que mort à l'Age de 51 ans, en uai , vit
fa nouvelle famille fc multiplier dans très peu
de tcms. Il cat lui-même la confolation de l'c-
tablir à Paris. La première maifon de fon Ordre
fut djns la rue S. Jacques , & c eft de • la que les
Dominicains ont ëcé appelles en France JéCihins.
Le pape G-égoIrt I X le mit dans le catalogue
^et baiott i Ce c'cd a tart qu'un Auteur Frotef<<
DE l'Histoire Ecclésiastique. 103
tint a dit «• qaU U mirïtoh , fi la fuieur la plut
JansLinahc & les rcvciics Us plus extravagantes
pouvoiin: tenir lieu de f.inteté, >» S. D<.minique , inal-
pré l'ardeur de fon zèle , étoit d'un caradlcre
doux & humain -, Sx quant aux rêveries qu'on lui
attribue , nous ignorons où elles fe trouvent. Si
les auteurs de fa Lcgende ont dit »> qu'/nncccn/ ///
>» n'avoit approuvé fon Ordre, que parce qu'il avoit
»vu dans un fonge la Bafilique de Latran mena*
«ç'jnt ruine, mais foutenue fur les épaules de S.
v> Dominique v> j ce n'eft pas à lui qu'il faut imputer
cette hiftoire , qui d'ailleurs pourrolt être vraie
fans miracle.
S. D^minhue avoit une tendre piété pour la
Ste-Vitrge, C'eft de lui que vient l'ufage de l'in-
voquer au commencement des S'crrrions. Le prin-
cipal fruit de fcn amour pour Marie fut la dé-
votion (kl Rofairc , qui contribua prefqu'autant
à prémunir les Fi'!èle$ contre les ftduftions des
Ai!)igcois , que les armées des Croifcs. Quoique
cette dévotion fût vraifemblablement connue avant
lui , il lui donna plus d'éclat & plus de folidité, en
formant des Confréries de perfonnes pieufes qui
hcnoroicnt d'un culte particulier les xvMyfiéres
auxqucl. 1j Mcre de Dieu eut part. Les, cinq prera.
appelles ;(.^eu.r , font : l'Anncncisiion , la \ ifite
rendue à Ste EUfahcth , la NaifTance du Sauveur, foo
Adoration parles Mnges, & fa difpute dans le Tem-
plejau milieu des Doétcursétonntsdefa fageffe. Les
cinq mjilcres trifits font : l'Agonie de J. C. avt
E iv
1C4 E L 1 M « K f
Jardin des oliviers , fa fligclhtioit , (on COUroil-
nement d'cpinss , le tranfporc de Ta croix âc fo»
crucitîement. Les derniers myrtcres portent le
nom de floritux , parce qu'ils ont pour objet le
triomphe du Sauveur & de U divine Mère : c'eft
la Rcfurre^ion,rAfccnlion , la Defcente da S. Ef-
prit , la giorific-ition de J. C. dans U Ciel , &rAC*
fonipcioa de la Ste Vierge.
tranctfcMiu,
Tandis que S. DominJ^m établiffoit fcs Miflioo^
Btirei ea France , S. Frvtfoit donnoic naiffauce à
l'ordre des Mineurs en Italie. Il ëtoit fUi d'un
marchand d'Aflâre , ville du duché de Spolecte.
Son goùc pour la mortilication lui At-abandoa-
ner dès l'âge de 25 ans la mairon paternelle , pour
s'eaferraer avej fcpt difciples , imitateurs de fa
pénitence , d-ins une cibaae prcs d'AlTife , qui leur
fer vit tout à -la -fois de retraite fie d'Eglife. Le»
Bencdiibins leur donnèrent une petite chapelle ,
qui étoit tout^auprcs , confacrce à la Vierge fous
le nom de Ste Mjrie de la Pottioncufc i & ce fut le
berceau & la première maifon de l'Ordre Scra-
phique.
ffjMçjit ayant afiTcmblc un jour f*$ fept dif-
ciples , leur déclara le dciTein qu'il avoit de le»
envoyer dans toutes les parties du monde prêche»
a pcnitcncc. •• Confidcrons , mes chers frères ,
M ( leur diti!) que Du u nous a appelles non-
^ feulement pour notre falut , mais pour le («Ui^
DE l'Histoire Ecclésiastique, io^
s» de plufiears auti^s -.exhortons tous les hommes,
I» plus par notre exemple que par nos paroles ,
M à faire pénitence de leuis péchés. Ne craigrer
j> point , parce que nous paroiiTons méprifables
V & infenfés : mais annoncez amplement [a pcni-
>» tence , & efpérez que le Seigneur qui a vaincu
M le monde, parlera en vous par fon Efprit. Pre-
ti nons garde qu'après avoir tout quitté , nous ne
»i perdions le Royaume des Cicux pour quelque
rt petit intérêt -, & fi nous trouvons en quelque
»» lieu de l'argent , n'en faifons pas plus de cas
» que de la poufiîcre fur laquelle nous marchons.
n Ne jugeons ni ne mépriibns point ceux qui
»» vivent dclicatement. Dieu eft Iciir maître com-
n me le nôtre , ôc peut les appeller a lui. Us font
M nos frères , puifqu'ils ^nt fes créatures , & no»
rt maîtres en ce qu'ils aident les ferviteurs de
»» Dieu a faire pénitence , en leur procurant le»-
» befolns de la vie. Vous trouverez des hom-
ti I -es fidcles & doux qui vous recevront avec
i^ juie , & d'autres au contra. re , qui vous mal-
*t traiteront : apprenez à fouffrir tout avec pa--
n tjence & humilité. Mais m craigniz point ;-
n dans peu de tems pluficurs fagts & plufieurs»
H nobles fe joindront à vous pour prêcher aus-
n Rois , aux Princes & aux Peuples. »
Le »€le du patriarche du nouvel inftitut r>€ f«
bornant pas à des paroles , il s'embarqua pour-
h Terre-Sainte. Il parut au fié^e de Danuette en»
Via 9,, & voulut ccfivçrtù i« Soudan d'E^y^xn-y-,
fr1^
o6 E L E M r K s
qui le renvoya avec tlci prtlqns. De retour c«
Italie , U s'enferma àicis un petit monadcre fur
une des montagnes de l'Apennin , où un brûlant
Scrapliln lui imprima ( félon S. Bonavcnturc ) les
jnirques des fouflfrantcs de J. C. aux mains, aux
pieds 6c au coté i c'cft ce qu'on appelle /es ^ig-
n-ttet , & c'cft l'origine du nom de Siraphijuc qui
a pafîé à fon Ordre, tnfin , confiimé par fes auf-
lëritcs , il alla en recevoir la rtcompenfe en 1 216.
Dieu fit-éclater fa fainteié par plufieurs mira-
cles. La moJeAie avoir été i'unc des principales
vertus de François. Piufieurs de fes difciples vou-
loient qu'il demandât au Pape le pouvoir de prê-
cher par-tout où il leur plalroit , fans la permif-
fion des Evcques. Le fage fondateur fe contenta
de leur répondre: Tâehê^ de gagner Us C cndsptr
rhumitili & U refpecl ^& Us petits par It parcle C/ It
hjn exemple. Notre priniUge fingulier duit être de n's-
voir point de privUtgt.
5^on Ordre cioit déjà très- nombreux , &, dès
le premier chapitre général en 1 119 , on y compta
près decin:] miHc Religieux. Il avoit été con-
firmé par le pape Inn^eeat III au Concile de La-
tran ,\ l'année fuivnte par Honoriui III. Les
Frères Mineurs furent les premiers Rili;icux qui
renoncèrent a l.t prop.-ictc déroute podcnion tem-
porelle , & ûreot profonîo 1 d'une pauvreté évan-
géliqae. On les appclla Curdelurt à caufe de leur
ceinture de corde. Ils ont été divifcs en plu-
ficars braacUes , de RtiAUtt , de fiegmu , t€X*'.
DE l'Histoire Ecclésiastique. lôf
puci/is , à'Obprviitins , par difFcrentcs rctormes ,
que nous fcrons-connoitrc dans la fuite de cctt«
Hiftoire.
jiupijlins,
L'Ordre des Hermius de S. Àuguft'in , compofé
ô'ua alTemblage de plufieurs fortes de congréga-
tions d'Hermites , qui avoient diffcrcns habits 6c
différentes règles , fe forma pcudcttms après ce-
lui des Francifc.iins. Les hlftorlens de ce nouvel
ordre airurent que S. Anguftin , après fa conver-
fion & fon retour en Afiique, fe retira dans la
fohtude avec que'ques compagnons qu'il s'ctoi'
attachés. Cette retraite fiit,fclon les mcmes hif-
teriens , l'époque de la naiffance de dilfcrentes
familles religieufes qui fe glorifient de l'avoir pour
père. Après d mort , ( ajoûtcnt-ils, ) l'Afrique
ayant été envahie par les Vandales Ariens , S.
ïulgence , difciple zèle de l'illuftre évêque d'Hip-
pone , tranfpona fon corps & fes Religieux ea
Sarc'aigne. Ccft delà qu'ils fe difperférent dans
les difftrentcs provinces de la Chrétienté. L'Or-
dre iut continué & accru par les amateurs de la
vie folitaire , jufqu'uu fiécle de Cuillai.nii. cvx i^A
quitaire , par les foins duquel la difciplir.e cré-
mitique fut remife en vigueur.
Quoi qu il en foitdc cette crigine, dcr.t l'hif
toire eft fort - contcflcc , le pape Alexandre JV
donna , au mois de Mai 1256 , une confiitution
pour rjflcinbler ^ifTéiens Hexmites en une feule
Ev;
loS E L E M E N s
congrégation fous la règle de S. Augujliu. H leur
^oona un habit noir , & pour premier général
Lanfranc Stptaljii , Milanois. Cet inditut Ce muW
tiplia moins qae celui des Frercr Mineurs -, roait-
iJ ne laiiTa pas détre nombreux , & d'occuper
ua rang conûdcrablc parni les Religieux mendiaas*
TrirùtMres ; Reûpeux de Lx Merci.
Un des Ordres qui honorent le plus la Reli-
gion 8c l'humanitc , efl celui des Trinhaircs , ou
de la Rédemption des captifs. Il y avoit dès le
douzième, fiecle des chevaliers de la Rédemption
en Efpjgne-, mais cet in(litut ne fut bien formé
que par /«ji de Mjthj , natif de Faucon dans le
comté de Nice, & doûîur en théolojjie de Paris.
Il fut féconde dans fe$ pieux 6c héroïques dcf-
fcins par ft/Zx de V*!oit ^ hermite d'une folitude
près de Meaux , appellce Cerfroi , aujourd'hui U
principale maifon de l'Ordre.
Les Infidèles ayant fait beaucoup de captifs fu^
les Chrétiens dans les g-ierres des Croifadcs, JeaH
& F<Hx fe confacrércnt a leur rachat. Dans le
preraier voyage qu'ils firent à Maroc , ils rache>
férent cent quatre-ringt-fix efdaves , & dans le
fecofU en Barbarie > cent «dix. Les voyjges de»
'vinrent plus fréquens,à mefure que la charité des
Fidèles féconda le 7cle de ces hommes généreux,
qui rompoient non-feulcmcnt les chaînes de leurs
fers en héros , mais qui défendirent fouvent la
▼érité en Apôtres. Toute la Chrétienté adopta
lu CQCJuragea ua ioAiiut 11 mieicllaai , & le p^g.*:
DE LlTrSTOlRE EcClESIASTnjUE. IC^-
Innccti.t m s'empreiVd de le conSrmer en 1 109.
En moins de quarante ans on compta en Europe
près de lix cents mailoas de Trinitaires. L'Efpa-
gne, inquictce continuellement par les Maures ,
fit fur-tout à CCS Religieux un accueil favorable.
11$ eurent en France le nom de Maiharins , du
lieu où ils bàiirent leur E^jlife de Paris , & dans
laquelle il y avoit une chapt^lle où repofoit le
corps de S. Mjthurin.
A l'exemple de Jian de Matha , Pierre Noiaf"
que, gentil-homme Languedocien, qui avoit fervi
avec alTez de difiindion dans la croifade contre
les Albigeois , fonda en 1113 dans le royaume
d'Aragon les Religieux de Notre - Dame de la Merci ^
ou de la Rédemption des captifs. Il leur donna
l'exemple du zèle & du courage, en allant rache-
ter beaucoup de captis en Afrique. Dans les pre-
mières expéditions qu'il avait faites dans les royau-
mes de Valence & de Grenade , il avoit retiré
dit-on, quatre cents captifs des mains des Infidè-
les. Son inftitut , confirmé par Grégoire IX , paffa
en France & dans divers autres états, où il eft
honoré & relpedi. Le faim fon lateur mourut
en 12^8 avec la gloire d'avoir réuni le zèle cou-
rageux d'un Rédempteur, aux vertus douces fit taa-,
lleftes d'un Religieux.
Curmes»
Le» Carmis , fondés dans le fiicle prccédent
a^ MoQC • Carmel en Pilclm;, futeat ap^r;>a\^»
iio Elemens
dcns celui - cl par Inn^eent III. Nous avons parlé
■iMeurs de ces Relipeux. Nous dirons feulement
qu'apics avoir paffe d'Oricni en Europe, ils por-
tèrent iong-tenu le nom de Frères Barrit , à caufe
c'e leur haLit bigaiic de bandes blanches & noires.
Ils demandcrent à Hono'.us III la permifljon de
prendre r!cs mjnteaux blancs au lieu de cl.::pet
larrces. Ce changement Te fii l'an 1287,011 ils
comn encérer.t aiifli a porter le Scapulaire.qu'ils di-
foicrt avoir ctc montre par la v*«-f'/>'^< au bien-
heureux Sm^^ii Sttik , Carm: Anglois , qu» tutro*
duifit ccitc dévotion d«ns l'Eg'ife.
Au rcfle, c'eft ur.e des rêveries des Froteflan»,
que tous ces Oidres ;:ient été inHiiULS par les
Tiipes , pour ctrc les f,!iei!;tcs de la cour de Rome»
Lf S l'ouverains Pontifes ne connurent ces inAituts
qu'.'prcs qu'ils curent ctc formes . îk ils en firent
qiiClqiiefuis attendre très • lor.g * tcms la confir»
ir.ition.
Aouvelles d'tffutes des defccndans de Frcdcr ic II
avec les papes,
La rr.ort de l'cmp', FridcrU II r cti cnt point
les difputcsce l'empire & du fjccrdcce. Cnrmdiy,
fon fils , Te At-clire après lui. hcriticr du courage
de fon père , i! en avoir atAî les fcntimens. Inito»
eti.i jy le fçjvoit , & le cconoinant peu favora-
ble aux prétentions des l'oniifcs Rcrr.tins, il prê-
cha une ( roifade contre lui. Ce prince «'étant
leiidu nuitre d'une partie de U i^&uiilc , Ce pr^
DE l'Histoire Ecclésiastique. im
paroit a pouffer plus loin fcs conquêtes , lorfqu'il
mourut à la fleur de fon âge en 11541 "^ laif-
fant qu'un fils appelle Conradin.
Malnfroi , fils natiiiel de FrédcrUlI, & frère de
Cci.rad ^ qui l'avolt chargé de la régence du royau-
me de Naples , répandit le bruit que Conradin
ciojt mort , & fe fit-couronner a Pdlcrme feus
le titre de Roi de Sicile. Le pape Altxand'e IV^
fucccfTcur à'I nvc^niyWt voulant pas un voifin fi
dangereux , leva des tro::pes contre lui. Main-
f'oi s'en vengea en fjifùnt des courfcs conti-
nuelles fur les terres de 1 Ev;life. Il enleva même
au faint-ficge le comté de Fondi , & fut excom-
munié par Urbj'in /K, qui donna 1' nvefiiture du
royaume ufurpé [ar Mainfroi ^ z Charles A' Anjou
frère de S. L uis,
Charles , inftruit de l'art de la guerre , battit
aiftment Mair.J'rvi , qui , mali^ré fon courage , fut
tue a la bataiilf de Benévent en iz66. Le vain-
queur fe rendit bientôt maitre de tous les états
que le Pjpe loi avoir donnes. Cunradin devenu
fon compétiteur (iepu.s la mort de Aij/.iy>cj, prend
alors le titre de roi de Sicile , îk paffc en Italie
où l'appelloit une fad^ion pu-.ffance.
dément //^.qui avoit été élu Pape après Ur-
bain , le fomma de comparoitre devant le Cége
apoftolique pour y défendre fes prétentions , au
lieu de les faire-valoir par les armes. Il le me-
naça en même tems des foudres de l'EglIfe , s'il
tefufoit de fe foumettre à ce qu'on lui prefcriroic.
Ytt ^E l e m e n s
Cnrjêin , peu touche de ces menaces , & n'efpê-
rant pat uo jugement favorable de Rome , conci'
nua de marcher avec fon armée & vint àPavie.
Alors le F ape le déclara excommunie , & inhabile
à pofTcder aucun royaume , ni aucun fief de l'Eglife.
Ct/irjtlia ne s'av;nçoit pas moins iufqu'à Rome,
ic paiTa de-là dans la Pouille ,où fa valeur fans
txpcricnce ne lui fcrvic prefque de tien. Cliailts
le vainquit près du Lac Fucin le 23 Août ii68,
le fit pnfonnicr , & lui fit -trancher la tète au
milieu du iTurchc de N'aples le 29 Oâobre fui-
▼ant. Cette exécution du dernier rcjetton d'une
mail'on illuAre fut prefque généralement dcfap*
prouvée. Charles voulut cxre témoin de ce triftt
Ipcclacle V ** & facriftant ( dit Haiéion ) l'intérêt
>• de fa gloire à une cruelle politique , il ne fe fit
)• point de fcrupule d'acquétir une couronne par
M un crime, n
Second ConclU gèniial de Lyon. Réunion pjj^
figére de FEgllfe Grecque,
Let guerres des Croifades ayant établi une plur
grande relation entre l'Orient & l'Occident , oi»-
fitdiverfcs tentatives pour terminer le TchTme qui
féparoit depuis quelques ficelés l'Eglife Grecque
d'avec la Latine. Les Empereurs Grecs qui avoienr
recouvré leur capitale en ii6i , avoicnt befoia-
de fe foriirier , dans leur état de foibleiïe , par
le fecours des Princes Occidentaux. L'empereur
Miiid PaUyiiiut. jcAïaat cuBUiiga leur p.(<^u^
DE l'Histoire Eccleçiasttque. 117
tion lui éîoit ncceffaire , tàcaa de l'obtenir, en
iavorifanc les projâcs de rcunion entre ki deux
ïgli.'es.
Lorl'que Grégoire A', de la famille des Vifcontlf
eut tté élu fouverain l'ont ite , il exhorta l'Em-
pereur Grec à perfévcrer dans le deffeia de réu*
n:r rOrient avec l'Occident. Ce pontife ayant
convoqua un Concile gcncral à Lyon au com-
mencement de l'an 1274 , pour confommer ce
grand ouvrage , l'empereur Michel y envoya
{ei ainbaiTadcats , ainù que tous les Princes de
l'Europe.
Le Concile fe tint dans l'Eglife métropolitaine
de Sz-Jean de Lyon. Il s'y trouva cinq cents Evê-
ques , foixante-dix Abbés , & environ mille au>
très Prélats inférieurs. Le Pape , chef de cette
augufte aiTembiée , étui: mon:c fur un jubé conf-
Uuit exprès, revêtu de fes hahits pontificaux, &
a/TiAc de pluficars Cardinaux. C'cd de- la qu'il
•xpofa les trois motifs de la convocation du Con-
ciie : la réformation des mos'urs , les fecours don-
sés à la Terre-Sainte , & la rçunion des Grecs.
Les députés de l'Eglife Orientale fignérent une
profe.Tion de foi telle qae le Pape l'avoit exigte,
après avoir prcfensé une Lettre de vingt-fix Mé-
tropolitains d Aiîe , qui annonçoit leur foumifTiora
aux articles qui jufqu'alors avoient divife les deux
Eglifcs. Mais dès qu'ils furent de retour à Conf-
lintinop'e, le peuple & une partie du clergé s'c-
^vcrent cooire une réimioa qu'iU regardoieos
1Ï4 Elemens
comme le renverfemcnt ce la Religion.
Michel , Cjui voyoit <ldn$ cet accord un moyen
de confcrvcr l'empire , ou du moins de le défen-
dre contre les incurf;ons de fes ennemis , fevit
contre ceux c,ui s'oppofuient à l'extindion du
fchifme : mais , la Cévcrité fervant encore a allumer
e fanatjl'nie , Connantinople fut remplie de lii»
belles & de placards contre l'Empereur.
Ce fut dans ces circonHances orageufes (ea
1278 ), qu'arrivèrent les nonces que le pape M»
colas m envoyoit en Orient après le Concile
de Lyon , pour y confommer l'ouvrage ébauché
dnns ce Concile. Ces ambàlTadeurs commencèrent
par demander que les Grecs rtformafl'ent leur
iy^hole & y ajoutalTent le mot Fi/icjLt.
rt M chcl ( dit M. P/ttju<f,) fut d'autât plus étonné
M de cette nouvelle demande, que lorlqu'il s'ttoit
»( agi de la réunion fous l'empire de VatJte , le
». pape Inn. cent IV avoit confenti que les Grecs
M continuaiTent de chanter le Symbole fuivant
»» leur iifape. Il comprit que, s'il vouloir faiis»
n faire le Fiipe , iL courroit rifque d'une révolte
n générale. li tefuTa de faire dans !e Symbole le
» changement que les nonces cxigeoient. Us fe
w rctireicnt, & le Kipe excommunia l'Empereur.
» L'excommunication ctoit conçue en ces ter*
r> mes: Sfus déninç,.nt cxccmmunié Michel Paléo»
M Ipgue , çu« l'on ncmmt Empereur àei Crect ^ tom-
f me fauteur de tantitn /ihifint & de Itut hiréfit\
m & ncui dijcndeuf à tout Rt,it , Prirtcct , & êtttrtr ^
DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. II5
n it quelque CunditLit qu'ils J'o'ent ^<ic faire avec lui ^
n tant qu'il demeurera excommunié , aucune fociété ou
M conf.de'ration. n
Mjrtin //-'renouvella cette excommunication,
& e!le durcit encore en 11S3 , lorfque Michel
mourut accablé de chagrins & d'ennuis. Il avoit
déplu aux Grecs en voulant les feire- rentrer
dans le fein de la véritable Eglife , & mécon-
tenté les Latins , en exigeant des adoucifiemens
qui puffent faciliter la réunion des fchifmatiques.
Andronic II, fon fils & fon fucceffeur , feduit
par des fanatiques , lui refufa la fépulture, & an-
nulla tout ce qui s'ctoit fait pour éteindre le
fchifme. Il fit foleranellement depofer dans un
Concile le patriarche Veccus , qui favorifoit la
réunion , S: rétablit le patriarche J^fcph , qui avoit
été ci-devant chaffé de J'on litge parce qu'il lui
étoit contraire.
Ainfi les efforts d'un Empereur auffi abfolu &
auflï zè!é que l'étoit Michel , fie les intentions pa-
cifiques du premier paftcur del'Eij'.ife Grecque,
ne produifirent aucun chingcmçnt ftable dans
J'etat de cette E^'.ife'. Prefquc toutes celles de
Orient demeurèrent livrées a l'efprit de divi.
fi)n. Plufieurs Jacobites &; Ne:lo.-icns reaoncerent
cependant à leurs erreurs ; mais leur exemple
reput guérir ni les prévenions, ni la haine des
Grecs.
Les projets pour la CroITaJe furent auiïi in-
fruilucuic qu« ceux qu'on avûit tormés pour l'cx-
tîfi Elimeks
tinâion eu fchifmc. degui.-e A' mourut en 1 176 ,
R: les Poniifes qui vinrenc après lui ne gouver-
nèrent pas slVtz long-tcms pour adopter fcs idées
& pour les fiire-valoir. Tout le fiuit du XI v*
Concile pencral , II' de Lyon , fe borna à quel-
les réglemens utiles , & à la icfoinie de quel-
ques abus. On n'y difliniula point les maux , fit
en n'étouffa point la voixdetcux qui les decou-
vroicnt-, mais il ctott di&cile, que des alTcfnblcc»
pBiTn^crcs pnfient guirir dci plaitt c^ui (iir.taa>
4otcot un trat:cn«nt (.Ûidu t^ juurntlicr»
«
Ecrivains LcJê/iapques,
Le xin' fiécle, flcrile en bons Lcrivaini , fut
fécond en Théologiens TchoUAiquet. Lti Domini-
cains en produifirent un grand nombre , tels que
Albtn le Grand , évoque de Racisbonne , mort ea
l2So,àgé de 87 ans , nprès avoir «niante coiffe-
rens Ouvrages , imprimes en ib^i , en 21 vol.
in-fol. Recommandable comme Religieux & corn*
me Evéque , il ne l'cA gucres comme Auteur. Il
étendit la logique au-delà de Tes bornes en y
mêlant mille chofes étrangères, & il traita l'aAro-
lo^ie judiciaire en fcience qu'un peut mclcr à
là politique.
S. Thomas A'À^uin , (cti difciple, fils <lu comte
é'À^uim .cherch] un afyle contre la corruption du
ficde chez les Dominicain s , qu'on appclioit alors Ici
frtru Prithtutt.W cnfeignn ta théologie avec le plus
grand fucccs, &. dcviiit l'oracle de foo Oidrc. H
DE lTîistoire Ecclésiastique. 117
Tcfu fa l'arche vêchô ':'e Napics & moiirut en 1174,
comme il venolt au Concila de Lyon. ')on humilicé
&fon auftcricé égalèrent fa fcieuce. Sesparcns s'é-
tant oppofés â fon entrée dans l'état religieux,
envoyèrent une courtifane pour le corrompvciil
la mit ea fuite avec un ti fon ardent. Sa Somme
qui lui a mérité le furnom de Docteur angélique ^
eft encore le fondement de toute la théologie fciio-
laftique 6c morale. Il ftit pour la tUéol i^ic ce que
Dcjcd'tts a été pour la philofophie dans le fiécle
dernier. Malgré fa pénétntion , fon fçivcir &
fon jugement , il fut forcé de fe plier à li métho-
de fcholaftique de fon fiécle , & de traiter quel-
ques qucllion inutiles que les Théologiens moder-
nes ont écartées. C'eft à lui qu'on doit rOiiice
de la tére D eu, intïituée dans ce fiécle par le
pape Urbain IV.
Vincent de Beauvais , ainfi nommé parce qu'il
ctoit Evc^ue de cette ville , publii une efpice
d'Hiftoire univerfelle fous le titre de Spectlnm
( Miroir ) hijloriale , qui n'eft point le miroir de
la vérité.
Hugues de 5. CAtff , cardinil , paffihle interprète
de l'Ecriture-Sainte , donna la première idée des
Concordances.
Raymond ,zvi\.e\XT da Puî^nard de la F^i , fe dif-
tingua par une érudition fupérieure au génie de
fon fiécle. Il ctoit Dominicain , ainlî que la pré-
cédent
I-ci Frères Mineurs eureiu aui3î leurs ecri-
"ii8 Elemens
vains. Le plus cclcbrc cil Saine Bmarerturt ,
ne en Tofcane l'an 1221, l'une des lunùcres de
fon Ordre, dont 1! lut gcncra]. Le pape Cre'gvire
X l'honoia ce la pcurpte Kcmaine. Lotfqu'oa
lui porta la rouvclie de fa rcniii etion ,cn le
trcuva lavrnt la vaifTelle. Son humilité étoic
cxircme. C'.cmtnt l^ lui offrit vainement l'ar-
chevcchc d'Yorck. Il mourut en 1174', au Con-
cile de Lyon , avec le titre de D^^lcur Séraphi-
qut. ta Ouvrages de p'uité refpirent une ondion
qui l'a foit -meure au rang des bons Ecrivains
myftiques : mais on y trouve quelquefois des ré.
Acxions & des détails hilloriqtes fur la vie de
J.C. ,qui n' ctant pas pi iûs dans l'Lvan^ile, ne font
pas toujours propres à ncutiir unepicic cclaitée
•& folide. Le recueil de Tes Ecrr.s , imprimés à'Ve-
nile , 1741-1756, forme 14 vol, ln-4'.
Alexjndîc de HjIcs , lui nommé le D,.Bcur Ir^è-
fra^ablt , le maître de S. £,,na%cr.ture, fut aufli ap«
pelle /lins fine , glutij d^cli-rum ^flcs philu/tiphorum »
mais il mctita plus d'cfiime par fa pictc , qi:e par
fa fcicncc , qui ctoit mcice de toute la rouille de
fon tems.
S. Ar.t<,irt de r^ciLt , co^rmeritatcur des Livres
faints, & Trcdiiatcur infatigable , fe lit un nom
par fon cliKjuer.ce , qui ne pouvoir gutres ûre
bonne que pour fon llécle.
i?i/r<i/;rf , cvCquc de Mendcs, eut le furncm de
Spttu.'aicr , à caulc de fon Sficulum Jurit, Ce li>
vre a cté long-tcms coofulic par les Canccifiet,
BE l'Histoire Ecclésiastique, ii^
Guillaume de St -Amour , docteur de l'univerri'c
de Paris, fc rendit célèbre par l'ardeur avec la-
quelle il dcfendit les droits de la fociété dont il
étoit membre, contre les Religieux mend, ans. Il les
attaqua av.^c une vivacité extrême, & il trouva
dans S. Thomas Si. djns S. D.injvinturc des adver-
faires qui le refutirent avec force , mais fans em-
portement, * *
Mais celui de tous les Dofleurs Parifiens qui
mérita le mieux de la poftcrité , fut Robert Sor-
bjn , ou ii Sorbi'iine. II fut ainlL appelle , parce
qu'il étoit ni au village de ce nom près de Sens.
Les Ouvrages des Ecrivains de fon tems font
prefque oubli is ; le fien fubfiile & fubfiftera pour
la gloire de la Religion. C'eft lui qui fonda ea
1255 le collège qui porte fon nom. Il chercha,
par cette fonda:ion, à applanir aux pauvres éco-
liers la carrière des études thcologiques. Il con-
çut U il exécuta le projet d'une fociété d'Ec
cicûaftiqu-js fec'.illers , vivant en commnn , qui ,
libres des foins de la vie , fe livrafTent entière-
ment aux fcisncis de leur état, & enfeignaffent
les autres gratuitement. L'ctablilTement de la
Sorbonne , confirme par le faint-fiége , fut au-
torifé par S. Z.&um , don: Robert étoit le chapelaia
& le confciTeur.
Ce célèbre Doileur auroit rendu un grand fer.
vice aux Ecoles de ce tems-là, s'il avoir pu les
délivrer des fubtilités fophiftiques , puériles &
iodcccntcs , que raffujettillement a la diaJeftiquo
149 E L E M E V S
^\ir\ftote y qu'on ne connoilToitque par Tes trs»-
▼aifcs veii-ons des Arabes, y avoir introdui-
tes: mais c'ctoit beaucoup , de donner desmc>%ea$
d'acquérir avec moins de peine les connoilTances
auxquel'cs les hommes fludi(.ux d'alors poiivci:nt
atreiiidre.
Il fjut rerratcuer à 'a lou rg! de ce fié le ,
que les gens-dc-b.cn & de f,avoir, coient con-
sultés fc (.ccuics. le mtritc écoit encore en hon-
neur. On a vu S. B.njnti:.ire é'.cvé à la «ligni.c
de Cardinal-, & S. Thomas d'^luin reçu», des Fa-
pes & des Rois , les tcmoignages les plus hono-
rable*.
Nous remarquerons encore, que dans les coa-
troverfes que l'on eut à fourcnir pour la réunion
<Jes Grecs, d vers points de doilrine furent cclair-
cis Se traites avec foin. Les Conciles qu'on af-
fcmbla, fcrvircnt non-feulement à répandre la lu»
■licrc fur les dogmes , que les htrctiques voulolent
obfcurcir, mais à re;ucil!ir les diibris de l'ancienne
difcipline, (c à refTerrer les liens facrcs de la com-
munion eccléùaflique.
£u: Je PE^'Jfe Je- Rc^me»
Les Papes qui gouvernèrent l'Eglife â la fin de
ce ficelé , fe fucccdoient (i rapidement que leur
hiAoire ne pouv.mt former qu'une lifte fort-»c-
che, doit être renvoyée dans des tables chrono-
logiques. Les cicâions ^toicnt une fource déca-
tie de difputes. Apre* la mort du pip« V-
coLxf
CE lTTistoife EcCLISUSTlÇur. lii
ciiat IV, leS.Sicge vaqua pendant plus de deux ans*
Enfin les Cardinaux Llurent Pierre d^ SLuron ,<\\ù
pnt le nom de CéUfiin V. C'étoic un Hermite qui
•voit toutes les vertus de fon état , 8c aucune
des qualités propres au gouvernement. La fimpli-
cicé dans laquelle il avoit palTé fa vie , le dcfauc
d'cxpefiencc, la tbiblefle de l'âge , lui firent-com-
tnettre bien des fautes par les artifices de ceux
auxquels il étoit livré. Il fe démit de la Papauté
<n 1194, & retourna dans la folitude .ajirès avoir
fondé les Céleûins , ordre fupprimé aujourd'hu
<n France.
Le cardinal Cajctan , qui avoit , dit-on , engagé
CcUfiin Va fe démettre, fut élu après lui:" Pré-
M lat (dit l'Abbé de Venot, ) fçavant en l'un & l'autre
♦• droit, habile dans le gouvernement 8c confom-
>« mé dans les affaires d'état ; mais d'uoe ambi-
1. tion fans bornes , avare, vindicatif, même cruel ;
t« & qui pendant tout fon pontificat, ne fut oc*
X cupé que du projet chimérique d'unir l'un &
t« l'autre glaive, & , à la faveur de l'autorité pure-
y* ment fpirituelle , de s'attribuer fous différens
w prétextes une domination temporelle fur les
« Etsts de tous les Princes Chrétiens. «Il com-
mença fon règne par la re vocation des grâces ac-
cordées par fon prédeccHeur. Jaloux de la placs
qu'il occupoit , & craignant qu'on ne pcrfuadàt 4
Cilefiln de la reprendre, il le fit-enfermer dans un
château, où il mourut peu de tems après , coa-
fumé par fcs aui\t;ritcs.
iQtn, IL F
■frii E L E M I N s
Les entreprifes des Papes fur l'autoriré tempo-
relle Tefoutinrent d'autant plus dans ce ficelé, qu'^
Jes trouvèrent des apologiftes dans pluCeurs théo-
logiens. S. Luuls , plein de refpccl pour la chaire de
S. PUrrt , mais ne voulant pas facririer à ceux
qui l'occupoient les droits de fon trône, donna en
1169 fa PragmjtiijMe-SanHicn , pour contenic la
puiffance eccléruftique dans de juftes bornes. «Les
t, Papes , ( dit l'Abbe de Choijî , ) fous le fpccieux
»« prétexte des Croifadcs & de rcx:irpation des
n hcréfies ,$'étoient attribué un grand pouvoir. Us
>t donnoient les terres des hi'rétiques à ceux qui
»» €n faifoient la conquêtÉ,& fe réfervoient touioars
»> quelque redevance. Les Seigneurs particuliers fe
m faioict alors la guerre tort-conimiîncment, fans que
n les Princes puffent l'empêcher. Les Papes les met-
V, toient (ous la protcdion de S.Piem, Si. dcfendolcr t
n à leurs ennemis de les attaquer. Ils ordonnoicni des
M Croifades , impofoient des décimes fur le clergé
» pour ces expéditions, & de plus ils fe rendoient
X peu-à-peu les maîtres abfulus des privilèges 8c
>» de toute la difcipline eccLfiaftique , même de
M la plupart des Bcnifucs , auxquels ils nommolent,
n à la moindre difpute , des colljteur*.
H Ccft à une partie de ces abus, que S. Lou'tt
n voulut remédier par fa Pragmatique. Cette fa-
^ meufe ordonnante porte que les pitrons & les
n coUateurs Aa Bine fie es , feront maintenus en poT-
„ -feiBon de leurs droits ; que tous les difft rends
9 «a cette maiicre fcroat réglés par le Droit comj
i5E l'HiSTOIRÏ EcCLESlAStiQUE. 115
>. iBun , & qu'on ceffera'de lever , au nom de
»> la Cour de Rome, des contiibuiions onireufes
» à lEtat , &c. »
Injlltuùon du Jubilé,
Bonlfacc VIII , ( c'eft le nom que prît le cardi*
Rai Cajetan , fucceffeur de Célejlin , ) fignalala fixié-
me année de Ton pontificat par une inAitutlon fa«
lutaire. Vers la fin de l'année 13C0 , le peuple
dil'oit hautcn-.ent que c'étoit un ancien ufage d«
l'Eglife , que chaque centième année on gagnât
une indulgence pléniére en vfitant l'Eglife de S.
Pierrt. Un vieillard de cent-fept ans , ayant con-
firmé cette tradition au pontife, Boni/ace donna
une bulle qui portoit , que ceux qui viflïeroien^
en 13CO, & tous les cent ans enfuite , les bcfili-
qu^ de S. Pierre & de S. Paul , après »'être con*
feffés de leurs péchés , gaj;neroient une indulgence
plénlere ; mais dans cette bulle il n'étoit pas fait
mention du Jubilé , nom que Clcment VI donna
(dit-on) le premier à cette inftitution, en or-
donnant qu'elle feroit célébrée tous les cinquante
ans.
Le premier jour de la proclamation du Jubilé,'
Eoniface VIII donna la bénédiftion au peuple en
habits pontificaux , & le fécond , avec les orne-
mens de la dignité impériale. Le delTein qu'il avoit
formé de s'arroger une autorité illimitée , non-feu-
lement fur les affaires fpirituelies , n.ais fur les
temporelles des Princes , fe manifena alors avec
Fij
Ïi4 Elemevs de l'Hist. EccirsiASt.
éclat. Il fît-poner devant lui une épce nue,& le
hérault qui la portoit , prononçoit à haute voi> '
Il y a ici deux g.'jii <s ; paroles de l'Evangile , donc
le Pape dctournoit le lens pour s'attribuer l'exer-
cice & les droits des deux puiflances. Nous ver-
rons bientôt quel fut le truit de ces prétentions ,
qui, en révoltant les Souveraios, devoieat aila»
|Dcr des difputes fuocAes^
\^ * « Il ! x » -* à ^ VV\-* «■ f ■•>«■» w jg
»■■■■ ■ ■■■» ■ ■■ m^^^^,^^tmm
É L É M E N S
D E
VmsrOîRE ECCLÉSIASTIQUE.
QUATOnZUME SIÈCLE,
^ ■ ■ I #
D'iftrtnd de Boniface VIII avec Philippe
U Bel.
^I Boniface VllI eft célèbre en Europe parrinftî-
tution du Jubile , il ne i'eft pas moins en France
par les différends qu'il eut avec Philippe le Beli
prince auni jaloux des droits delà puifTance tem
porelle, que Je Pape l'étoit de ceux de la puiflance
fpirituel'e. Ces démêlés commencèrent en 1296,
Philippe ayant mis des impôts fur le clergé, quel-
ques-uns de fes membres s'en plaignirent à Boni-
face. Le Pontife donna à cette occafion la bulle
Clericis Laïcos , dans laquelle il défend à tout Ec-
clefiaftique , foit féculier , foit régulier , de payer
aux Lait^ues quelqu'efpèce de taxe que ce foit,
fans UIBrniinîon du faint-Hege.
I»e^Ride Frauce n'ctoic point nomtné dans
li^ Elhmins
cette bulle; mais comme il fentit très - bien qucUe
n'avoit que lai pour objet , ildcfcndit aufiî engéoé*
rai fie fans parler du Ponrife Romain , de tranrpor-
ter hors du Royaume , fans l'a pcrmiiTion , ni jojaux
ni argent , ni armes, ni vivres. Cette dc'enfe oc"
cafîanna une nourelle bulle , plus énergique que ■
la premicrc. B^nlfact y relevé d'abord la libené
de l'Eglire cpoufe de Hsus'CtiKHT , à laquelle
dit-il , il a don.ic le pouvoir de commander a tcjs
Its Fidèles . & à chacun d'eux eo particulier. Ve-
nant enfuite à la dcfenfc de tranfporter de l'argent»
il dit: » Si l'intention de ceux qui l'ont faite, a été
de l'étendre à nous , a nos frères les Prclats , &
aux autres Ecclcûjiliques , elle fcroit noo-tcule-
ment impudente , mais infenfte : puifque ni vous ,
ni ics autres Princes féculiers , n'avez aucune pulf-
fance far eux -, & vous auriez encouru l'excoai'
munication , pour avoir donné atteinte à la liberté
de rEgîifc. H L« Pape explique enfuite la ConAitu*
tion CUrieu liiïcot , Se déclare qu'il n°a pas défen-
du abfolument au cierge, de dontier au Roi quel.
qucs fecours d'argent pour les ncccHîtcs de lEtat ,
nais feulement de le faire fans fa permllTion du
faint fiwge. « Le Roi des Romains ,a)oute-t-il , &
le R'>i d'Angleterre, ne rcfufent pas de fubir no-
tre j-.igemeat pour les ditf. rends qu'ils ont avec
Phi/ifpi i & il eA certain que le jugement nous
tn appartient , puifqu'ils prétendent que vous pê«
chez contr'eux. •» Il finît en menaç . '*-
▼oir rec'jurs a dit re.a:i:t plas vio.
DE l'Histoipe Ecclésiastique. 127
On fit à cette balle ,au nom du Roi , une répon-
£e où il eft dit : •« L'Egllfe époufe de Jesus-Ciir.
n'eft pas feulement compofée du clergé , mais en-
core des laïques. Il l'a délivrée de la fervitude
du péché , du joug de l'ancienne Loi , & a voulu
que tous fes membres (builTent de cette liberté*
Ce n'eft pas pour les feuls Eccicfiaftiques qu'il eft
mort, ni à eux feuls qu'il a promis la grâce en
cette vie & la gloire en l'autre : le Clergé ne peut
donc s'approprier que fort - injuftement la liberté
que J. C. nous a acquife. Mais il y a des liber-
tés particulières accordées aux Miniftres de l'E-
glife par les Papes , à la prière , ou du moins
avec Ij permilTîon ces Princes fcculiers. Ces li-
bertés r.e {#uvent ôter aux Princes ce qui eft
néceffaire pour le gouvernement & la défenfe de
leurs Etats. Les Ecclefiaftiques font membres de
l'Etat comme les autres , 8c par confequent obli-
ges de contribuer à fa confervation , d'autant plu«
qu'en cas de guerre leurs biens font les plus ex-
pofés. 11 eft contre le droit naturel de leur dé-
fendre d'accorder cette contribution, tandis qu'on
leur permet de donner a des amis ou à des
bouffons , & de faire des depenfes fort- inutiles,
en habits , en équipages , en fefiins Se en Id'autrej
vanités toutes féculiéres , au préjudice des pau.
vres. Nous craignons Dieu , & nous honorons les
miniftres de l'Eglifc : mais nous ne craignons
pas les menaces déraifonnables des hommes , fça-
chant que la JMfticç eft de notre côté. i«
«1^ E 1 É M E N f
Pierre Sarbtt , archevêque de Rlieimî , voyant
le trouble qu'cxcitoit en France la bulle CltrieU
Uuot , écrivit »u pape Bcn-facc au nom de tou-
te fa province , pour le prier de remédier à ce
fcaodale. Il envoya à Rome des Evcques, pour
donner au fjpc fur ce ■Ajet les inAruftior.s né-
ceffdtrcs. Le Pape y eut cgard ; & par une buH»
adrcilee en 1 297 à tous les Evèques & aux (ci*
gneurs de France , il Te plaint que quclques*uo»
ont mal explquc la Con.ucjcion ; âcl'expUquaaC
lui-mcme, il décUre que la dctenfe qu'elle porte
xte s'étend point aux dont volontaires ou gratuits,
liit.% par le cierge au Roi ou aux feigaeurs , mai*
feulement aux exaâions.
Cependant, maigre ces explications, Ihigreur fab^
fifta toujours entre Phuippt îSt Boni/ace ; elle éclata
plus vivement que jamais en i)0). Le fapc en-
voya au Roi un le^at qui éto*t loa ennemi per-
fonnel : c'étoit Bernard Seijfct ou de S*ij(fet , évèqu*
de Pamiers , en faveur duquel ^«nZ/^rc avoit crigô
cet cvèchj fans le comcT:-- neot du monarque.
Ce prcljt, homme inquiet , vindicatif & infoleni,
fefouvenjnt des dirtlcultc» que /''i-i/r^ avoit fait-
naître dans le tems de l'erecèion de fj.i cvèchc »
fe moa:ra a U<oar avec toute U hauteur de
l'orgueil iL toute la vivacité du rcffeanment. U
propjia de la part du P^pe une cro;Cide contre
les Turcs -, fit . fur le reia» que le Roi 6t d'en-
trer daos U li^wc q l'on propofoit , il crut pau-
v«>tf U Uuc - rvuàu ea iiu gultiu. 4V<:w U dcti
DE l'Histoire Ecclésiastique. T2<^
lliére dureté & en tenant contre lui les difcouis
{es pluï iniurieux.
Vingt -quatre témoins ayant attefté fes propos
outrageans contre la perfonne de fon Souverain,
Philippe le fit -arrêter en 1301. Boni face . irrité
qu'on traitât ainfi fon légat , lui envoya l'archi-
diacre de Narbonne , pour lui ordonner de le met-,
trc en liberté. Le Roi ayant refufc , le Pape l3nç4
quatre bulles contre lui.
Bulles de Boniface , & réponfe de Philippe.
Dans la première , il lui fignifioit que lui
Roi de France, étoit fous la corre^ion du Pon^
tife.
Par la féconde , i) fufpendoit tous les privilèges-
accordés aux Monarques François,
Il ordonnoit dans la troifiéme à tous les Prélat»-
du royaume de fe rendre à Rome pour afEfter i'
un Concile.
Enfin , par la quatrième , il cxcommuniolt Phi*
iippt le Bel , en comprenant dans l'anathème lest
Prêtres uu Evoques qui lui adminiflreroient les
chofes fa crée s.
Une de ces bulles étoit conçue en ces termes :
•< BoSIFACt , ÉVÊQUE , SERVITEUR DES SERVI»
TiURS DE Dieu , A Puiiippe , roi de Frawck.
** Crains Dieu & garde fes commandemens. Nous
>» voulons que tu fçachcs que tu nous es fou-
>r mis dans les chofes fpirituellcs & temporelles,
at La collation in bénéfices &. àts prébendes oe^
1^0 Elemens
»> te regarde abfolumcnr en rien , & fi les fruit»
» de quelque vacance font fournis à ta garde,
>» tu dois les rtfcrvcr aux f^cceffeurs : Ci tu
♦» en as difpofc autrement , nous déclcrons de
M telles collations nulles, & nous révoquons tout
M ce qui s'cft fiit à cet cgard. Nous déclarons
ti hérétiques , tous ceux qui penfent autremenc ,
ft &c. &.\-. '.
Voici la rcponfe du Roi :
4. l'.UILIfPE , PAR LA GRA«E DEDiEU , Rot DE
FilANCE ,A BoyiFACt, QUI r RETEND ÊTRE
SOUVERAIN Pontife , peu ou point de Salot.
« Que votre très-graaie fatuité fçache que
M noji ne dcpcndons de perfonne pour le tcm-
M porel \ que la collation des Eglil'es & des pré-
M bendes nous appartient de droit royal , audl»
»» bien qie les fruits de tous les bénctîce» pcn-
»t dant leur vacance ; que les collations fiitcs par
f» nous jufqu'ici , ou à faire à l'avenir , font &
>* demeureront valables , & que nous mainticn-
y> drons cour.igei.icment leurs pofftMreurs envcr»
y) & contre tous ceux qui pcnfcnt autrement ,
» &C. JvC. »
Le Roi ne fe contenta pas de cette réponfe : il
fit «brûler publiquement les bulles du Pape , &
convoqua les Erats du royaume , qui dcclarcretu
qu'ils oe coonoilToicnt Vautre puifTance que celle
4c leur Rui , & qui promirent de foutenir juf-
qu'a l> iTiurc les droits (< les libcrtct du royau*
me. U envoya ca miffle-teiiLS No^vu eo Ita^c,
DE l'Histoire Ecclésiastique. 131
/ous prétexte de lignifier au Pape un appel de fcs
bulles au futur Concile ; mais réellement pour
l'enlever , S: le faire- venir de gré ou de force à
un Otoncile que Philippe vouloit affembler à Lyon,
Attentats contre le Pape ; fa Mort.
Bonifaci avoit un parti violent contre lui à
Rome ; les Colonnes étoient fes implacables enne-
mis. Illes avoit peri'ecutés violemment parce qu'ils
étoient Cib:lins , & l'on fçait qu'en donnant des
cendres le premier jour de Carême à un Arche-
vêque de Gènes qui étoit de ce parti , le Pape
lui dit : Souvenc\'\ous que vous eus Gibelin , & qui
yous ftrc\ ridait tn cendre avec les Gibelins !.. A't--
^ant fe lia avec un homme de cette fam'iile puif-
fante Se vindicative : c'ctoit Sci^rra Colonne , qui lui
donna le moyen de pcnétrer le matin 7 Septem-
bre 1503 dans Anagni , ville tiu domaine de Bo^
m face , où il ctoit né , & cù il s'éioit réfugié.
Is'ogaret entra dans cette ville avec Culvnne &
quelques fcigneurs du pays. Ils avoiert avec eux
trois cents chevaux ,& un grand ncnibre «le rerss
àt pied de leurs amis , & payés par le Roi de
France , dont ils portoient les enfeigres en criant .
" Meure le Pape Bonifjce ! & livt le Roi de Frur,.'
>« « ! >» ATc^jaret s'adreffa ail Ccp^talne Seau Pot'.cfta
d'Ânagni , demandant leur fecours , qu'ils lui accor-
dèrent. Alnfi ils fe rtntlirent maîtres de la ville ,
& enfuite du palais du Pape rprès quelque ré-
^ûaace. Les Cardinaux cfouvantcs $'enfuiicnL&.
r vi
if* £ L E M E N s
fe cachèrent v mais on prétend que quelques-un»
éioicnt d'intelligence avec les François. La plu-
part des domeAiques du Pape s'enfuirent auffi.
Bunijjce (e voyant ainiî furpris & abanéooné,
£e crut mort , fit dit : " Puifquc je fuis trahi com-
me Jésus -Christ ^je veux du moins mou»
y» rir en 'Pape. « Il fe fit - revctir de la chape »
qu'on appelloit alors le manteau de S. Pierre , mit
fur fa tète la tiare , qu'on nommolt la couronne
de Conjîintin , 8c prit en main les clefs 8c la Croix ,
& s'aHu ainû fur la chaire pontificale. La rcfif-
tance qae trouvèrent Nogjrc: & fa troupe dans
la maifon du Pape &. dans quelques autres , fut
caufe qu'ils ne purent parvenir à lui que vert
le foi r. Ils fe rendirent maîtres de la perfonae,
après l'avoir traité (dit.on)avec la dernière bru-
talité , le 7 Septembre 1305 , veilk de U Nati-
vité de Notre-Dame.
Le Pape devoit publier le lendemain une bulle
par laquelle il excommunioit de nouveau le Roi
de France , difpenfoit fes fujets de leur ferment
de fidélité , & donnoit fon royaume au premier
occupant. 11 l'avoii mcme dc|a offert à l'empe-
leur Albc't , dont il avoir confirmé l'élection -, mais
ce Prince ne voulut point fe charger d'un û dan-
gereux prèfent. S'ogartt fe difpofoit à faire-par-
tir S^n//jc/, lorfque les habirans d'Anagni s'ctant
révoltés contre les François , le chaffcrent lui 8c
fcs partifaas. Le Pipe s'étant fiuvé à la faveur
dutunakCi ni3atjc d'une ûcvrc chaule le i^
DE L*H"lST01RE EcCLESlASTlQUEi! 13^
€)ûobre de la même année 1303 : Pontife fça-
vanc à la manière de Ton fiecle , mais trop vio-
♦nt & trop ambitieux. Quelques Hiftoriens rap-
portent que C<;/iry?/rt , fon prcdéceffeur , avoit die
yu'iV ttoit entré dans la papauté comme un renard^
qu'il gouvtrneroit comme un liun , & qu'il mourrait
comme un chien. Cette efpèce de prédiction , ( die
l'Abbé de Vertot) ne fur apparemment inventée,
somme beaucoup d'autres , qu'après les évé-
nemens. Oa l'accufa de fon tems en France de
tous les crimes, d'impiété, de blafphême, d'hé-
réfie , de fimonie , &c. &c. ; mais ces accufations
ayant été intentées lorfque les haines étoient dans
la plus grande efFervefcence, la plupart doivent
é:re rejettées. On doit dire feulement avec Bof'
yù«r,«que comme il s'étoit élevé par ambition i
la papauté , il en remplit les fonctions avec une-
orgueil extrême. .» ( HisT. de France ^IÀ\,\1,)
C'ed lui quî canonifa S. Louis,
Pontificat de Benoît XI.
A un Pontife emporté fuceéda un Pape paci-
fique. Ce fut Binait A7( Nicolas Etcajjln) yDo-
minicain , cardinal -évcque d'Ortie, 11 ne régna
que huit mois , pendant lefque!s il termna les
triftes d fférends qui divifoient Rome & la Fran-
ce. Il accorda à Philippe l'abfolution des cenfu-
res , qu'i' n'avoit point d^manlée , mais que (es
«nvoyés dévoient recevoir fi on la leuroffroit,
•n xemcttam Igt ihotçs ça Fraacc telles qu'elles
Ï34 Elemin's
étoient avant la dirputefurcitée ^t Bjr.îfact JTtl.
Btitvit XI ioana fur ceue paix diffcrcntci bulles
aux mois d'A\ril & de Mdt 1304. Dans l'unel^
aLfout ceux qui avoienc eu part à la pri :'e de Ton
prcdwceffeur , &. il n'en excepta que Sogarct ,dcnt
il fe réferva l'abrolutioa. On croit qu'il fut e:ii>
poilbrinc en Juiilec IV^4- ^* Pontife vertueux &
iDodefte n'avoir pas \\.u;u reconnoirre famcre,
parce qu'elle s'ctoit prefentée à lui avec des iu«
bits qui ctoient au-dclTus de fon état.
TranJÎMJon du Sainr-Sicgc J Ay'i^/:on.
Après la mort it Benoit XI , le faint-ûcgc vaqua
treize mois. En/in Eewant! àc Goih , archevcque
de Eordcaux , fut clevc en Juillet 130J au fouve*
rain pontificat , par les foUicitat.ons de PhiUpfc le
Bel. Cctoit un pr jlat infinuant Se ambitieux , qui
promit 3 ce prince , (fuivant l\no'i\ p'ufîeurs au-
tres hiftoriens ,) de lui accorder tout ce qu'il de-
manderoit , s'il lui procuroit la tiare. Cette pto-
mefTe de rarchevèrjue de Bordeaux , cd fondée fur
lerccit de V Uani,\ùAor\tn Florcnrin.trè- -pré venu
centre le oouvc lU l'ape C( contre k France. Quoi
quM en foit , un des prcn icrs feins de C.inw-i fut
d'annuller toutes iet bulles l.ncLCs par £. './ucc
y m contre le roi de France , qui auroit fait- faire
k procès à la mcrrcire de ic pontife , ton ennemi ,
C oa ne lui avoit remontré qu'un tel aciurncmcnt
àtoit tndtgne ti'un grand monarque.
CieftcAt ^rccdit eo&jac u boréccux , & dan*£a
DE L*HlSTOIRE ECCLEÇIASTIQUE. t^f
route il tic d'exccflîves dépsnfes , qui riiino lent les
Eglifes & Us Monaftcres. Le Roi, (dit M. Hardion,)
lui envoya trois ambatTjdeurs , pour fe plaindre de
ces vexations. Le Pape répondit , «• qu'il ne fe rc-
»» prochoît rien , & qu'il puniroit ceux de fesgeas
>» qui auroient abufé de fon nom pour rançonner
» les couvens ou les chapitres. »»
Le couronnement de dément Ks'ctoit fait à Lyon
le 14 ScptCinbre 1505. Cette cérémonie avoit été
troublée par un événement fâcheux : une muraille
trop chargée de fpeAateurs s'ctant écroulée , les
uns avoient été blelTés , les autres écrafés -, lel'ape
lui-même fut renverfé : on en augura des événe»
mens funelles , & les Italiens fe confirmèrent dans
cette idée , lorfque Clément F qui aimoit !a France,
déclara qu'il ne fe re;idroit point dans l'Italie , dé-
chirée par les factions des Guclfa Se des Gibelins,
En tffet , après avoir demeuré à Lyon , à Bordeaux,
a Poitiers , à Touloufe , Se avoir exi^c par-tont
des contributions des Eglifes , il fixa fa réfidence
à Avignon au moi i de Mars 1 309. C'efl l'époque du
commencement du fcjour des fouverains Pontifes
dans cette ville.
Les Cardinaux Italiens , ( dit l'Abbé de Vertot , )
ae furent pas long-tems fans fe repentir d'avoir
élevé au fouverain pontiiicjt un prélat François 2c
avide d'argent. Us jugèrent bien , que fi la tiare
reftoit long tems en France , ils n'auroiét pas beau-
coup de pan au gouvernement , & par conféqueiu
au crcfor de l'E^lifc. Le cardiaal des Urfms , ln^
Ï3^ E t E M E N f
lien, outré de fe voir la dupe du czri'.nil JuPrf}
prclac François , qui avoir étc le principal promo*
tcur de l'éleûion de Clément V y le rencontra ua
jour dans l'anti-chambre du Pape. T'^ous êtes venu
m b^ut de vos dejfcins , lui dit-il avec un fourire
amer , £■ nous voila tranfplantés au-delà des Monts,
M<ti* , eu je cannois rul It ciraUcre des Gafcons , om
jt ferai bien trompé J: vn reiûit de Ung-tcms le fdimt-
Jte'ge à R. me,
M Cette capitale du monde Chrétien , (ajoute
Verte t,") " autrefois la maitreflfe & la fouvcraine"
n des nations , perdoit le peu d'cdat qui lui étoir
»i reflé de fon ancien empire. Tous les Italiens
»» gémiffoientde cette trannation , que la plupart ,
>• par rapport au tems qu'elle a duré , ont coin-
M parce à la tranfmigration de Babylone. 11 y a
>T eu même des HiAoticns , qui n'ont point fait
n fcrupule d'attribuer cette tranilation à l'attachc-
n ment que ce pontife avoit pour la comteffc de
M Perigoré, fille du comte de Folx , princefTe d'une
Il rare beauté, & dont apparemment il eut de la
n peine a fe fcparer. Les m.mes Auteurs l'accu*
>• fcnt , pour fatisfaire Ton avarice , d'un honteux
r> commerce des chofîn faintei. n Mais ces hîAo*
rient font la plupirt Italiens , & , fans vouloir jufo
tifier en tout Clément K, nous obrcr\erons que
les Auteurs de cette nation fcmblent avoir un
peu écouté la paHion & le rcfTcntiment dans le*
potuaits qu'ils om traces de ce poiuifie*
M l'Histoire Ecclesiastiqi^ 157
Exùnilion des Templiers ; Concile-général Je
Vienne.
Dans une conférence que Philippe le Bil avoit
eue avec le Tape à Po. tiers , l'extinflion de l'ordre
des Templiers , dont la fierté brava plufieurs fols
ce prince, avoit ctc refolue. Le grand-raaitre Jacques
de Mulay , & les principaux chevaliers qui corn-
pofoient fon confcil , initruits de ce qui fe tra<
Doit contre eux , vont fe ]etter aux pieds c!u Pape ,
pour le fupplier d'informer fur les accufations
d'apodafie, d'héréiie & d'idolâtrie intentées contre
leurs confrères. On prétendoit qu'a leur entrée
dans l'Ordre, ils renioieiu J. C. en cracliant trois
fois fur le Crucifix -, qu'ils adoroient une tète de
bois couverte d'or -, &, qu'ayant renoncé aux fem-
ir.es , ils fe livrolent à des iiTjpuretcs abominables.
On informa fur ces accufations extraordinaires.
Deux fctlTats renfermes pour leurs crimes, l'u»
Tcmpl er apoftat , l'autre bourgeois de Béziers»
fu'cnt les premiers dénonciateurs ; & , le i 3 Oûo-
brec'el'an 1307 , foixame chevaliers avec le grand-
traître furent arrêtés à Paris , faifis à la même
heure, & cinquantefept périrent dans les fuppli-
ces à la fin de Mai 13 1 1.
Le Pape n'ofant dccider lui-même cette grande
affaire qui intéreffoit tant d'illuftres fimilles , con-
•voque un Concile-général à Vienne en Dauphiné.
la première feflîon fe tint le 13 Oflobre 13 11 ;
le dam 1» fecoûde , tenue le 3 Avril i^ 1 2 , CUruat
138 Elïmens
V, qji avoit aboli quinze jours auparavant , p«T
fentence provlfoire , les Tcrr.plicrs , publia la ftip-
prcfllon de cet ordre en prcicnce de Philippe le
Bel , de fon frère & de fes trots fils. Oo donna
prefq\ie tons leurs biens aux Horpitnlicrs de S. Jea»
de Jtruû'.cm , appelles aujourd'hui Chevaliers de
Malte. A l'égard de la perfonne des Templiers ,
ceux qu'on jugea innocens furent entretenus fur
les biens de 1 Orôrc-, on pardonna a ceux qui avoient
confcffc leurs crimes, 8c on traita avec la dernière
rigueur ceux qui , après les avoir avoués , les
avoient rétradlés. Tels futcnt le grand-maitre , le»
commandeurs de Normandie Se d'Aquitaine -, ils
furent brûlés à petit feu à Paris , dans une Itle où
eA à prcfent la place Dauphine , proteilant , au mi«
lieu des dammes, de leur innocence 8c de celle de
leur Ordre. Meierai prétend que le ^rand - inaitre
ajourna dément V à comparoitre daas quarante
jours au tribunal de Dieu, & Phiappc le Bel dans
un an. Cette préd:£^ion eft fans-doute podétleure
à l'événement; mais elle prouve du moius , que
la voix du public n'adoptoic prs toutes !cs accu-
fations intentées contre un Ordre ou il s'ctoit glifTc
fans doute de grands vices, mais où il devoit y
avoir aufli des hommes pleins dhJroifme 8c àt
vertu.
H II y a bien de l'appirence, (dit Mariant^)
» que les Templiers n'ctcient ni tous innocens ,
.. ni tous coupables. Lei fupplicei , (ajouie-t-il , )
« parurcot cruels a pluficurs peifoaaes. 11 o'ciuit
DE l'Histoire Ecclésiastique. 139
»♦ guéres vrailemblable 'que les dcfordres dont
M on les accufoit , eulTent infeûé tous les parti-
» culiers d'un il grand corps , répandu dans toa-
» tes les provinces de la Chrétienté. Mais l'ex-
n lindion dun Ordre fi célèbre , doit fervir de
»» leçon a leurs lemblables -, &, pour éviter de tom-
» ber dans de pareils malheurs, ils doivent moins
M fonder leur confervation fur leurs richeffes , que
»• fur la pratique des vertus conformes à leur état, m
( Vertot , ///y?, di Malu , Llv. IV. )
Bojjuct , en avouant , que les Chevaliers étoient
devenus extrêmement orgueilleux par trop de puif-
farce & de richefles, dit qu'on en brûla plufieurs
«vec une cruauté inouïe ; & c/i nej'ç.:i: , ajoute-t-il ,
*'/■/ n'y eut pas plus d'avjrici & de vtngeance que dt
juftice dans cette exécution, (^ÀMRÈoi dei' H.fiulrede
France y année 1311. )
Régie mens du Concile de pienne.
Revenons au Concile de Vienne. Cette affem-
blce eft célèbre par les réglemens qu'elle fit pour
le rétabliflement de la difcipline & l'extirpation
de divers abus. Il régla la vie que dévoient mener
les Mo'.nes-noirs & les Chanoines-réguliers. 11 leur
défendit toute l'uperâuité dans la nourriture , leur
recomman'la la retraite & l'étude, mais fans faire
mention du travail des mains -, tant on avoit ou-
blié l'efprii de la vie monaftique. Les mêmes ré-
glemens s'étendent aux Chanoines • réguliers. A
l'égarU Uqs Reii^ieufcs , le Concile leur donna des
TÎfitcurs ponr abolir pluùeurs abus dont il faîc i€
^Jnombrement , & qui montrent combien elles
avcient befoin de réforme.
Le Concile condamna des femmes que l'on nom*
moit Be'guinti , Ô: qui prctendoicnt être Rcligieu-
fes, fans fa re profeflion d'aucune règle approuvée*
Le nom de Bi^uints venoit des femmes picufes ,
t{\itLjmh-i le 5/c"< a^'oit affcmblces à Licge cent*
cinquante ans auparavant. Quelque» - unes avoieni
rendu ce noni odieux , en donnant dans i« fana*
«Tme de t'Evingile cternîl ; mais pîufîcur» l'cloi-
gnérent coujouri de ces excès , comme cell«i qui
fubfiAent encore daai les Pays-Bas.
Un autre réglemeat célèbre , c(k celui qui rt*
garde les hôpitaux. Il porte que le gouvernemeat
4e ces lieux fera confie a des hoiimes prudent,
capables , de bonne réputation. Ctd l'origine de*
adminiArateurs htques , a.kxqueU on a cic obligé
de confier les biens des hôpitaux, a la honte du
Clergé. Car dans les premier* fteclesonne croyoit
pas les pouvoir mettre en de meilleures mains ,
que dans celles des Prêtres & des Diacres. Mai»
dans les malheureux tenis dont nous pirlons, il
itoit bien rare de trouver parmi eux des adminif»
tratcurs fidcics du bien des pauvres , fie Ton ctoit
ohligé d'en prendre parmi les laïques.
Le Pape, au nom du Concile, fit deux conHi'
nitions touchant les privilèges des réguliers fie
autres exempts : l'une , pour les défendre des vexj>
taoa^cs l'rc.'ats ; l'autre , pour empêcher les Relie
*E l'Histoire Ecclesiasttq-ue. 141
^ieux d'empiéter fur les droits des Evèques& des
Curés. Le Concile révoqua la farr.eufe bulle CUricU
Laicos de Bùtiiface VIII fur l'immunité des clercs.
Enfin on ordonna la levée d'une décime pour le
recouvrement de la Terre-fainte ; mais le tems des
Croifadcs étoit paHfé.
Mort de Clément V ; Pontificat de Jean XXIT.
Le Pape ne furvécut guéres à la tenue du Con-
cile de Vienne & à la fupprefTion des Templiers,
Il mourut en Avril 1314a Roquemaure près d'A-
vignon , comme il alloit à Bordeaux pour pren-
dre l'air natal. Il fut peu regretté ; fon luxe & fes
protufions ne contribuèrent pas à rendre fa mé-
moire refpedable. Cependant il faut avouer que
VUlani & S. Antonin Ont exagéré les défauts de
ce Pontife , & ont fermé les yeux fur fes qua-
lités.
Les cardinaux affemblés à Lyon , ne pouvoient
s'accorder fur l'élefiion de fon fucceffeur ; les uns
vouloicnt un Pontife Italien , les autres un Fran-
çois. Le fiége vaqua près de deux ans ; enfin on
nomma le 7 Août 1 3 1 6 , le cardinal Jacques d'Eufe ,
d'une bonne famille de Cahors en Querci , qui prit
le nom de Itan XXII.
Les Romains fe flattoient , qu'il viendroit habi-
ter la capitale du monde Chrétien -, mais l'amour
et la patrie l'emporta dans le cœur du nouveau
Pape. Il s'établit à Avignon, & y régna plus de dix-
huit ans , gouvernant de-là toutes les Eglifes , 5c
14i E L E M E N S
montrant fous un extérieur peu avantn^eux , ua
efprit vit & une atne terme. Dans U Lettre cir-
culaire qu'il écrivit aux Evéques & aux Princes ,
il parle de l'unanimité des fuifrages des cardinaux ,
& de rét3t d'in.'crtitudc où l'avoit laifTé la crainte
4e s'impoCer un aufTi pefant fardeau que le fou-
vMain pontificat. Quoique cet fortes de déclar:«
lions ne foient pas toujours finccres, celle-ci pi-
roii fufiifante pour détruire ce que dit Viltani ,
qu'ayant été charge da comprorris de l'élef^ion du
Pape , il s'étoit nommé lai-mcme en s'écriaot : £j«
fun Pjpa,
L'un des premiers foins du nouveau Pape, fut
d'ériger diverfes abbayes en évêchés. Touloufe
devint UN archevêché. On lui donna pour fuffra-
gans Montauban , Lavaur , Mirepoix , S. Papoul ,
Kieux & Lombez : évccViés auxquels on afligBA
une partie du territoire & des revenus de celui de
Touloufe. J<:an XXII érigea aulTî des évcchcs i
Alet , à St-Pons , à Caftres , à Condom , a Sarlaf ,
à St-Flour , à Loçoa , à Maillezais , transféré en
1648 à la Rochelle.
Tandis que le Fape donnoir à l'Fi^life de oou»
veaux Pafleuri , on confpiroit contre lui f»' contre
quelques cardinaux. Les conjurés avoient d'abord
tenté de les empoifonner ; mais ce moyen n'ayant
pat réufTi , i's avoient eu recoiirs à des upcraiions
inagiquei , qu'on croyoit , dans ces Hccles mëchaat
& fuperflitieux , d'une trèi-grande vert»». Hugutt-
CtTMud , cvCquc de Cabors , ctoit le chef de ce
DE l'Histoire Ecclésiastique. 14^
complot aufli odieux que ridicule. On fe faifit de
fa perfonne , & après avoir été dégradé par l'évc-
que de Tul'culum , il fut livré aux magiftrats fé-
culiers, qui le condamnèrent à périr dans un bû-
cher. Ses crimes éto'.ent laiîmonie , un defpotifme
tyrannique contre ceux qu; lui étoie-.t fournis , des
cal. mnies atroces contre ceux qui lui rénfloient ,&
le projet d' in at'"nti', contre la vie du Pape.
L. p n:'re rut *i:cn') une affaire , qui lui CGufa
encore plus d'niqwijtude que la conjuration de l'in-
digne évêque de Cshors. L'empereur Louis de Ba-
vière nvo't pris les ornemens de !a dignité im-
pcrii'e avant que de recevoir l'approbation que le
Pape fe crojoit en droit de lui donner ; & com-
me Louis re reconnolffoit point ce droit du Pon-
tife , Je.Ti XXII lança contre lui une excommuni-
cation. L'Empereur fe vengea en lui oppofant un
autre pape : il fit-élire par le peuple Romain Pierre
de Corbire , qui fe fit-oommer Nie.-!ai V. Mais
Jean mit fin à ce fchifmc , en fe rendant maître de
la perfonne de l'Antipape , qui finit fes jours trao-
quilLment a AN-i;non , où le Pape le traita avec
beaucoup de générofitc & de douceur : car, autant
Jean XXil étoit fier avec les grands qui lui ré-
fiftoient , autant étoit- il affable avec les petits qui
lui fdifoient des fouminîons.
D'ifputes (Us Franclfcaïns, Erreur de Jean XXII
fj. mort.
Les Francifcalns étoient divifés depuis quelque
tcms fur la forme de leurs robes ôc de leurs c«-
■u .T":
t^4 C L £ M E V S
puces. Ceux qu'oa appcUoic C^nrcntutl$ . !es vov*
loient larges & amples i ceux qui fe faifoicat nom-
«icr Spiriuuîs , 'ei dematidoient étroics Se ferres.
Ceux-ci étoien: les plus opimixres, & Te piquoirnc
d'une auiUricé rigoureufc Lnvaio les Papes leur
«rdonnctcnt de fuivre ce que leurs fupcrieursprel"-
Criroienc fur la tbrn^ de iears hutîics jils le répa-
rèrent de leurs trcres , qu'ils regardoienc coinir.£
des violateurs de la règle , & Te catiicnnérent dans
le Languedoc. Pour terminer ce TchlTme , CUm:nt V
donna dans te Co.ict'e de Viena : une bulle , où il (i*
choit de réunir les efprics & de calmer les confci^a-
ces.L'entctcmeot de ceux qui s'appe'loient5/>i>'/i«//,
quoiqu'ils n'eudcat que peu d'erprttfic encore moins
de jugement , rendit la con(\ilution de CUmiut V
entièrement inutile. Ils fe fcparcrent totalement
de l'Ordre , chatTerent à main-armée de quelques
couvens les frères de la communauté , fe doaoc-
rent des gard'unt à leur gré , 5<l prirent des hal>ùs
très -étroits & des capuchons fort courts.
En 1311. quelques relés allcrcnt encore plat
loin. Us prétendirent que les Fraocifcains , étant
cnticrcmcnc dcpouillès de tout droit de proprieré,
o'ctoient pat maîtres mcme de leur boire & de leur
manger. La propriété & le domaine de tout ce
qu'ils avotcm , appartenoit , félon ces rigoriiles , à
l'Lglifc llomiiiie. C ctoit , dit'oient-its , dans cette
dcfappropria(i<>ncn(icre que confiAoit la perfe^ion
de la pauvreté de Jists-CMRisT ôt des Ap'Jtrcs ,
dont ils avoiem fait profcinoo. Quelques Papes
a V oient
VE L*HisTOiRE Ecclésiastique. 14'^
rroient , ce femble , favorifc cette idée. Mais Jean
XXll ne trouva pas à-prcpos de prendre pouc
le domaine inutile dont on vouloir le charger.
Sans avoir égard aux fubtilités des Spirituels ^ il
décida «> que , dans les chufes que l'on confume ,
l'ufage ne fçauroit être fcparé de la propriété-, Se
que le genre de pauvreté , qui confifte à renon-
cer a la propriété en ccnfervant l'ufage , a été
inconnu à J. C. & aux Apôtres. >»
La plupart des Francifcains, ayant défapprouvé
cette décifion du Pontife .affez bon pour exami»
T.er des quellions dignes de n-.éprls , (dit "D.CalmttS
s'unirent avec fes ennemis pour l'accufer à fon
tour d'errer dans la foi. Jean XXII avoir une opi-
nion particulière fur la manière dont les Saints
"Verront Dieu : quoiqu'il l'eût annoncée fort ob«
fcurément dans un fermon qu'il prêcha le jour
de la Touffaint 13 31 , on la trcuvoit erronée j
6c il fe rctraf^a , ou du ir.oins s'expliqua d'une
manière orthodoxe , à fa tncrt , arrivée à Avigiwa
<n IJ34.
On a accufé ce Pape d'avarice ; il laifla un tré-
for confidcrable : mais on prétend qu'il le defti-
noit à la conquête de la Terrc-faintc. 11 fut d'ail-
leurs fimple , fobre , & nsodefie , dans une cour
très-corrompue. A-vignon ctoit alors le théâtre du
fane, de la moileffeide l'ambition j mais Je Pape
refla toujours attaché à l'étude qu'il ahnoir. Us'c-
toit diftingnc de bonne-heure par fon habileté
dans le Droit civil ôc canonique , par fes connoif-
Tom» II, G
i-^ E L E M E N s
fanccs théologiques , & fon efprit pénétrant avcU
paru capable cTes plus grandes affaires. Dans celle
qu'il traiu pendant ion pontificat', il montra quelp
quefois un cara(fli;re trop ardent & opiniâtre.
PonttficMs de Benoit A7/, Clément VI,
Innocent 77, 6» Urbain T.
Benoit XII ( Jacques Fourrier ), dit le cardinal
Blanc, parce, qu'il avoit été religieux deCiteaux,
& qu'il en porioit l'hjblt, fut le fucceffeur de Ji^it
XXII. Il rcvoqua les expcilativcs , dont fon pré*
dcccHeur avoit charge les Eglifes pour fatisfairf
fon avidité. Son premier objet fut de bannir la 11-
monie de la cour de Rome ; il mcprifa , dans la
diftribution des bénétices , les foUicitations dei
grands , ôc celles de fes pjrcns mêmes. Ses foins
s'étendirent fur les Religieux 5c les Chanoinc$-rc-
guliers, qu'il tâcha de réformer.
Rome lui envoya des ambaffidturs, pour l'e»'
^ager à rétablir le faint-fiége dans cette cap. taie
du munde Chrciicn. Le fameux Pétrar^ut , le plus
bel -efprit de fon tems , lui adreffa une Epiire en
vers Utin». Hans laquelle il repréfentoit Rome conî-
me une cpoufc éplorte qui redemande fon époux.
Btni.tt fui lentc un ioAant de quitter les bords
du Rli6nc . ^>ur fe rendre aux defirs des Romaitu :
c«»t Ict tiotiblet de l'iiaiie . & 1rs foUicitations
* de la cour de France , le retinrent a Avignon.
M y ietta 1rs fondemcns du l'alais apoftoliquc •
cnorme , rc:nar(^aiblc par l'clcvaiion de (ci
DE l'Histoire EcctESTASfrrQUE: ti^f
t«urs. Ce Pontife mourut faintement en 13414
il difoitque, m pour être vcritablement Pape , U
M faudroit n'avoir ni père , ni mère , ni parens. x
Clément VI , ( Pierre Ro^er ) , cardinal , archevê.
<{\ic de Rouen , adopta les prétentions de Jeam
XXll. Il renouvella les procédures contre Louis
de B*vUrc. Après une mon.tion , où il lui enjoi-
gnoit de venir fe Ibumettre à fes ordres , il pro-
i\onça en 1346 une dernière fentence contre lui.
Par cette bulle promulguée rolemnelietnent le Jeudi
Saint , «il défendit à qui-que-ce-foit, ( dit Fleuri,")
M de lui obéir , d'obfervcr les traités faits avec
M lui , de le recevoir chez eux , de demeurer dan»
■ fa communion \ enfin il le chargea de malédic-i
M tioos. »
Cette fentence foudroyante porta une partie Ae
l'Empire à fe détacher de Louis de Bavière. Charles
JV fut élu à fa place , 6c il ne tarda pas d'occu-
per le trône impérial fans compétiteur , Louis étant
mort en 1347. Le zèle de Clément VI ne regardoit
guéres que les prérogatives de la tiare. U avoir
puifé à la cour de France , qu'il avoit long-tems
habitée , le goût du luxe & de la magnificence. Ses
mœurs tenoient plus d'un homme du monde , qua
d'un Pontife : mais il étoit généreux , bienfaifant
& Clément de fait & de nom. Les Romains lui
avoient envoyé une ambaffade , comme à fon prc-
déccffeur. Pétrarque , qui étoit du nombre des en-
voyés , employa en vain fa froide allcgorie d'une
époufe dédaignée , qui fc jette aux pieds de fou
Gij
^4^^ E t E M E N s
«poux; Ciment F/reila à Avignon, dont il avoit
acquis la fouverainetc. Jejnrc reine de Naples ,
acculée du meurtre de (on cpoux , & obligée de
Y««ir plaider fa caufe devant l« Pape , lui vendit
Avignon Su (on territoire en 134S, pour quatre-
vingt niille florins d'or.
Après Ca nw>rt , arrivée en 1351 , on élut le
cardinal EùcAitt i' Albert , évéqued'OAie, qui prie
le nom d h.n^ccnt VI. Son prcdécefTeur avoittaic
Aes réferves de plulîcurs bénéfices pour les Car •
dÎQiux V Innoctnt les furpendit. Lc$ abus les plus
criaos turent reformés. Il renvoya les béncfïciers
dans leurs bcocnce^ °, il diminua le nombre de Ces
ëomeiUques , & il répandit fur les pauvres ce qu'il
avoir retranché de la dcpenfe de fa maifon. Le 12
^ptembre de l'an i y6i fut le terme de fa vie.
On a dit , que c'ctoit un Pontife dont les mœurs
étoient le feul mérite-, mais c'étoit un mérite tSen-
tiel dans une cour dillolue , qu'il falioit rctbrmer
encore plus par l'exemple que par les rcglemens.
Il fe montra bon , jufte , fimple; 6c quoiqu'il ne fût
pas fçavjnt, il aima Se protégea les gens-dc-lct«
ires. Il eut , comme CUmcnt l'I, un peu trop d'em>
çreffcment a clcver fcs parcos ; mais avec cette
différence ,-que les prélats de fa famille répandirent
i fcs foins, & que les parcns de CUmcnt lui fireot
peu d'honneur.
Eiat de Rome ; Conjurjthn de RicnzL
Rome priviie de fcs deux yeux , le Pontificat
fi l'Empire ( comme dlfoLcni alors les Komaias ),
DE L^HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 14^
fcgrettoit fon ancienne f|>lendeur : un homme
du peuple , fils d'une fimple lavandière , tenta ea
1347 delà faire-renaitre. Quoique né dans la baf-
feffe , il avott reçu une éducation fupérieure à fa
rdifTance & il en profita. Il embraffa la pTofefiîon
de Notaire , & du fond do fon cabinet il médi-
loit une révolution. L'hiftoire de Rome & de
fes antiquités , la leâure des anciens Se fur • tout
de Cifar , l'enthoufiafme de la liberté , exaltèrent
fo.i imigination forte & brillante , & él.;vérent
f^n ame naturellement fiére & audacieufe.
Son éloquence l'avoir fait-choifir par les Ro-
mains , pour être un des députés qu'ils envoyèrent
à Clément Vf, au commencement de fon pontifi-
cat. Rienii , de retour à Rome , fit le rapport de fon
ambaffade le jour de la Pentecôte, & parla avec
tant de force ôc d'artifice , qu'il fut élu par ac-
clamation Tribun du peuple. On le mit àl'inAant
en poffefiîon du Capitole. Le nouveau Tribun priva
entièrement les Nobles de Rome de tout pouvoir.
Il en fit-arrêter plufieurs qui favorifoient des bri-
gands , dév^ftateurs de la ville & des pays voî-
fios , & il les punit avec toute la fcvirité des loix.
La plus grande partie de l'Italie s'étanc foumife
au gouvernement , il ramena par-tout la paix , la
fùreié & l'abondance. Le Pape croyant qu'il n'a-
giffoit que pour les intérêts du pontificat , ôc 1«
bien de la patrie , lui donna de grands éloges , 5c
lexliorta à gouverner Rome en fon nom, L'Ea^
è^O E L E M I N s
pereur, & la Reine de Naples, lui envoyèrent de»
ambdlTadeurs , comme au reilaurateur de l'Italie.
Ritnii , cbloui de tant d'honneurs, afTefia le po\>
voir luprcme j il abufa de fa puilTance & prodigua
fes richclTcs. Il prit des titres emphatiques -, flc
l'étant t'ait-armer Chevalier , il s'intitula Chcy*litr
sandidat du St-Ej'prit, févirt 6* elimtnt Libérateur dt
Romt , Zélateur de l'Italie , Anattur de t univers , &
Tribun augu/Ie. Il donna le fpeOacle ridicule & pom-
peux de Ton couronnement , cita l'Empereur 8c
les Eleâeurs à fon tribunal , ainfi que le Pape 2c
les cardiiuux -, emprtfonna les barons de Rome ,
les condamna à perdre la tête ; & après avoir de-
mandé leur grâce au peuple affcmblé , il les fit-
inarcher à fa fuite dans les rues de Rome , comme
pour décorer fon triomphe.
Les feigneurs Romains, indignes, fe retirent dans
leurs châteaux, s'y fortihent, lèvent des troupes,
ravagent la campagne , aHiégent le Tribun , & le
forcent de chercher un aille à Naples Se enfuite
à Prague. L'année d'après , 1)48, le Roi des Ro-
mains , Oiarle* de Luxtmhuurf , l'syaat fait-arrc-
ter, l'envoya à Cément Vi , qui fit-'inftruire foa
procès. La mort du P«pe ralentit les pourfu'tes.
Se Innocent VI , fucccffcur de dément^ crut devoir
le renvoyer a Rome avec le titre de Sénateur,
Les C^lunnti s'étoient rendus redourahles dant
cette ville , N le» fuuverains Pontife» crai);nuicnt
encore plu» leur ambition que les intrigues de
knn\.. Cet homme audacieux releva foo parti, %
DE lTÎISÎOTOE ECCLFSTASTIQUÊ. t^t
U gcnjverna pendant quelques mois d'une manière
crbfolue. Mais le peuple qui avoir élevé cet idole ,
la détruiilt bientôt. Sa févérité , fon hi\e & fes
exailions le rendirent fi odieux , que les Romains
foulevcs contre lui mirent le feu a fon palais. Il
prit la fuite dégurfé en men-iiant; mais il fut re-
corrnu & percé de coups le S Oflobre 1374.
Telle fut la fin de ce fameux cotjfpirateur , qui,
rv:c quelques qualités brillantes , n'avoit ni A Ite
d^ni fes idées, ni confiance dans fes entreprlfes ;
qui voulut envain imiter les anciens Gracchus ^
ti don: toute la gloire fe borna a avoir -bravé ,
pendant quelque tems , les grands de Rome,& la
puiiTance impériale & pontificale. Le Pape ayant
appris la fin de cet homme ambitieux & faruti-
que, ordonna à fon légat de veiller fur Rome ; mais
il y avoit dans cette ville , des feigneurs trop puif-
fens & trop remuans , pour qu'il put y exercer le
pouvoir que RUnil s'étoit arrogé,
Ritour dis Papes à Rome ; origine du Schifmei
Urbain f'( Guillaume Grimaud), abbé de S. Vic-
tor de Marfe:i;e, luccelTeur d7/î/i.«ix VI , futaufli
libéral que lui. Il entretenoit jufqu'à mille étu-
dians dans divcrfes univerfités. Uniquement con-
facré à fes devoirs , il bàrit des E^lifes nouvel-
les , pourvut les anciennes d'ornemens, fonda di-
vers chapitres , & réprima autant qu'il put la chi-
cane, rufure,le dcrci^lement des ecclcfiaftiques,
U ûinoaie , & la pluralité des bénéfices. Il foroi^
Giv
1^2 T. L t M 1 a S
k defTein de tranfporrer le nint-fiége à Rome i
& il l'exécuta en 1367 : mais il retourna trol»
ans après à Avignon , pour négocier la paix entre
la France â( l'Angleterre. Il y arriva le 13 Sep«
tembre 1 3 70 , & y mourut eu odeur de falnteté le
J9 Décembre de la même anikéc.
Ce Fontifî eut trois époques tîatteufes dans foti
pontificat : Ton entrée triomphante dans Rome aux
«cclamations du peuple; fon arrivée dans la mc-
lae ville au retour de Montefiafcone , lorfque lem»
pereur ChjrUi J^ , à pied , tenant la bride du chc-
'V4I blanc que ce Pontife montoit , le conduillt à
TEglife de S. P/«r/-« ; enfin l'emper. d'Orient, /««
Paléohgut fiWjMrjax le fchifme a fes genoux. Ce
dernier prince ne s'étoit réuni à l'Eglife Romaine ^
que pour obtenir des fecours contre les Infidèles :
mais n'ayant pu engager ni le Pape , ni les Princes
^'Europe à armer pour lui , il ne tenta point d'obli-
ger fes fajets à rentrer dans le fein de l'unité.
Le cardinal Pierre Rogtr , neveu du pape C/<-
mcnt VI , obtint le faint fiige après Urbain y , 8c
prit le nom de Grégoire XL II pafla les cinq pre-
niiéres années de fon pontificat à Avignon ; maif
«n 1376, il fut fi-fort prcfTc par Stc Catherine d«
Sienne & Ste Brigldt de retourner à Rome , qu'it
fe mit en voyage vers le milieu de Septembre,
Son entrée dans la capitale du monde Chrétien
eut l'air d'un triomphe. Il rcgrettoit cependant
toujours la France , Se il fe propofolt de retourner
è Avignon , lorfqu'il mourut a Rome le 13 Sep»
|«nibre 137'^
DE l'Histoire Ecclésiastique. 175
Les Romains defirant de fixer le fîcge apofto-
lique dans leur ville , vouloient un Italien pour
Pape. Ils n'ofoicnt cependant fe flatter de l'obte-
nir, parce que le collège des cardinaux nctoit
CorOpofé que de feize ,r parmi lefquels il n'y ea
avoit que quatre Italiens. Le peuple s'affembla tu»
rnulfueufement à la porte du conclave; & les car»
dinaux ne purent appaifer fa fureur , qu'en pro^
mettant de le fatisfaire.
BjnhéUml de Prig/tjno, Napolitain, archevêque
de Bari, fut donc élevé au fouverain pontificat
fous le nom d'Urbain FI. C'étoit un homme dur
& violent , qui irrira tellement les efprits , que
plufieurs cardinaux, prefque tous Frinçois , quit-
tèrent Rome fort mécontens -, & , fous le prétexte
des troubles excités par la populace Romaine , ils
protégèrent co.ure fon élection , & élurent le car-
dinal Ruhert de Genève , cvdque de Cambrai , qui
fe fit - nommer Clcmtnt VII.
Guerre entre les deux Papes,
Le nouveau Pape , voyant que fon compétiteur
étoit maître de Rome, établit fon ficge à Avignon,
Il n'y eut d'abord que le royaume de Naples &
h Provence qui le reconnurent -, ma-s bientôt toute
la France & l'univerfité de Paris entrèrent dans
fa communion. Cependjnt les deux Papes fe pté»"
paroieni à fe maintenir dans leur place par les ar- •
mes fpirituelles & teiiporelles. I! y eut des trou-
pes levées de p<»tc ce d'autre. L'Italie devint un '
ÏU E L E M E ïf $
«hcàtre , où les C^rUniJ^s & les CUmcntlm com-i
battirent avec acharnement. Les foudres de TE-
glife, les injures & les invei^ives furent prodi-
guées. Les noms d'incus , d'Antipjpe Si. d'herâi<]uc
Ctoient les qualifications que les deux Papes fe
«lonnoient dans toutes leurs bulles.
Aïi^rr ^''Urbain VI ; conùnuat'ion du Schïfme,
Vrhdin , regardé comme l'auteur de la guerre
(i\ile qui dcfoloit l'Italie, eut beaucoup à fouffrtr
des fcditicux Romains. Sa mort , arrivée en 1 389 ,
l'enleva aux malheurs que fes ennemis lui prc-
paroient -, mais elle n'éteignit point le fchifme. Les
cardinaux de fa création , au nombre de quatorze,
élurent le 2 Novembre i 3S.; le cardinal de S. Athi.-
nafc , qui prit le nom de Boniface IX.
CUmcnc fiégeolt toujours à Avignon , où il mou-
rut en 1394, après fei« ans de pontificat. «Ce
»« Pape , (dit C.'emangis , ) fut pendant, prefque tout
>» le cours de fa vie , le ferv'ueur du fcryitcur»
tt des Princes, obligé de fouffrir les affronts des
w coiirtifans, dépendant des circonAances , & per-
*» pctuellemenc obfédé par l'importunité des de-
M mandenrs. Prodigue de promedes , il donnoic
M aux uns des bé.icfîces , aux autres de bonnes
H paroles. Il avoir mis le clergé dans une telle
I» dépendance des princes & de* maç^iOrats fécu*
f> liers , que chacun d'eux ctoit plus Pjpe qu'il ne
n rétoit lui-même, m Cependant l'ambition qui do»
nmcUcucur de l'iioauBi cii telle, qu'il oc vuu-
DE l'Histoire Ecclésiastique, f^?
tût jamais fe dépouiller d'une dignité qu'il achetoit
par tant de complaifances.
On crut que la mort de ce Pontife étoit le G-
gnal de la paix -, mais on fe trompa. Malgré le»
follicirations de Charles VI ^ roi de France , qui
dépêcha un courier aux cardinaux, pour les prier
de différer l'élcvlion , ils firent un Pape. Ce fut le
fameux Pierre de Lune , cardinal d'Aragon ,qui fô
fit-appeller Benoit XIII. Nous verrons dans l'Hif-
roire du xV fiécle , de quels artifices il fe fer-
vit pour conferver la papauté 6c pour perpétues
h fcbifme,
Hérét'iqms»
La fuite des grands événemens dont' nous n'a-
vons pas voulu interrompre le récit , nous a em-
pêchés de tracer le tableau des erreurs qui trou-
blèrent l'Eglife dans ce fiécle. Le précédent avoic
vu naître les FUgdlans , fe^fle populaire dont les
membres répandus dans certains cantons d'Italie,
marchoient en procefllon nuds pieds dans les rues»
& fe donnoient la difcipline jufqu'au fang. De»
erreurs dangereufes fe mêlèrent à ces pratiques
ridicules. Les Fla^tllans s'avifuient de fe confef«
fer & de s'abfoudre facramcntellemenr , quoiqu»
laies. Cette fecle , qu'on croyoit éteinte , reparut
en 1349 en Allemagne, en Hongrie , & dans cer-
uines parties de la France , où elle fut cenfurét
par la faculté de théologie de Paris.
'Lrs Bi^uaris , les Béguins & les FratictlUs
'•if^G E L E M E N s
^oique anathémati(é$ par le Concile.de Vienne
en 1311 , ctoient antérieurs au xiv* ficelé. Leur
biftoire eft remplie de grandes obfcuritcs. Il eft
«pendant vraifemblalîle que , par les BJgiiardt Se
FfotictlUî, il faut entcnJrc certains Francifcains
apoftats , qui, cnleignaut les erreurs reaouvellces
dq>uls par les ^u:cii(lts , menoient , fous prétexte
de fpiritiialité , une vie oifive & fcandaleufc. Les
laquifiteurs pourfaivitent ces hérétiques avec cha-
leur : il en périt dans les bûchers ; mais la feûe
fobfiAa lon»-tems. Les Turlupins (efpcce de Bé-
guards) , nés dins ce fiecle en Savoie & en Dau»
phioé , foutenoient que la prière mentale étoit la
feule nccefTaire , Se faifoient , dit -on , trophée des
plus grandes infamies.
On vit aufll en Orient , parmi les moines du
Wont-Atlios, une fefle de Q^jie'tijfes , dangereufs
autant que ridicule. Ils prétendoient avoir porté
la perfection de la vie contemplative, jufqu'à voir
des yeux corporels une lumière qui étoit Dieu
même , 5c ctre parvenus à l'état de la fublimc quié-
tude. Ils s'enfermoicnt chacun dans leurs cellules.
Là, appuyant leur barbe fur la poitrine , ils fixoieat
les regards vers le milieu du corps , cofuite re-
tenant leur refpiration, ils s'appliquoient à cher-
cher au-dcdans d'eux-mêmes la place du crcur , où
îli difoieni qu'hjbitoient toutes les puiflTances de
l'ame. Lorfqu'ils croyoient l'avoir trouvée , il*
s'im.-^gioJient voir l'air qui cîl daus le coeur, &
iéucjeur Iui«mêffle plein de difcerncmcnt Se envi.,
m l'Histoire Ecclésiastique. î^^
Tonné d'une lumicre cdlefte. On les nomma par
dérifion Omphjlopfyques , c'eft-à-dlre , Ayant l'ame
au nombril. Pour eux , ils fe décoroient du nom
de He/ycjjîts , ou Solitaires jouiiTant d'un parlait
repos.
Mais l'héréfie la plus longue, & la plus impor-
tante par fes fuites , celle qui occupa le plus les
eCprits à la fin du xiV ficcIe , fut le JflcUfifme.
Jean Wic!ej\ fon auteur , éroit un curé dans le
diocèfe de Lincoln en Angiaterre. Il fe piqaoic
d'une pieté auftére , & il tonnoit fans ceffe con-
tre les vices du Clergé , Je farte des Prélats , l'ci-
fiveté des Moines & l'avidité de la cour de Ro-
me, le fcandale du fchifma , l'abus des excommu-
nications prodiguées fans fujet légitime , &c. &c,
11 avoit eu , tandis qu'il profeffoit la t'néologie à
Qxford.ane difpute avec quelques Religieux men-
dians. , qui dans fon cœur ulcéré dégénéra en
haine violente contre le Clergé régulier. 11 l'atta-
qua fouirent dans fes fermjns. Cette liberté fut
goûtée par le» courtlfans 8c le peuple ,&fe chan-
gea bientôt en licence.
»< Les dénêlés vifs & fréquens de la cour de
vi Rome 8t de l'Angleterre depuis Jean-Jans-Tern ^
y> avoient , (dit M. l'Abbé Pluqutt ,) indifpofé
» les efprits contre cette cour. On ne fe rappel-
»» loit qu'avec beaucoup de peine l'excommani-
st cation 3c la dépolition de ce Prince, fa couron-
yt ne mife aux pieds du Légat , & remife par ce
j>-romiilxc fur la îéte du Roi , la ceflion de l'An-
». g^eterre au Pape , ôc le tribut impofé fur ctt
•• royaume par le Pape. Enfin , les Anglois voyoiêc
H avec chagrin les hcnefices du royiume donnét
n par le Pape aux étrangers. Comme , dans ce»
H démêles, le Clergé avoit ordinairement pris le
M parti de la cour de Rome , il s'ctoit attiré la
M haine d'une partie du peuple , qui d'ailleurs re-
n gardoit avec envie les richefTes que les ecclcfiaf'
n tiques poffcdoient. «
Jf1c/e/ uoMvn donc dans les efprits des dirpo»
Htions favorab'cs au detîr qu'il avoit de foulevcr
TAngleterre contre l'Eglifc de Rome. Enhardi par
les applïudiiTemens de icm parti , il s'clcva non-
feulement contre l'Eglife , mais encore contre plu-
ficurs dogmes qu'elle enfeignc. Il renouvella lef
erreurs des DonatiAes , Se fut en plufieurs chofei
le precurfeur des Pn.ttJ!jnj. Il ne rejctta pas pour-
tant les fdcremcns de la Confirmation , de la Pé-
nitence , de l'Extrême -oni^ion , ni la MeflTe , nî
l'invocation des Saints -, mais fa hirdieiTe fut le
germe de cc'le que les autres hcrcfiarquei montrè-
rent après lui.
Ce qui fcrvit fur-t-vut à augmenter les pariifant
ie ce novateur inquiet , parmi le* gtan U <eigiieurt^
jaloux du Clergé, c'cd qu'il Coutenoit hauiemenc
que let feigneurs temporels pouvo>ent légitime-
ment priver de fes biens une Eplife corrS-npue ;
que J. C. n'avoit point donné à fes dilciplei le
pouvoir d'excommunier pf^ur le refus des chofe»
temporelles-, que les ccclcliani(^u«&& le Pape mi;
ï)E l'Histoire Ecclésiastique. i\§
me pouvoient être légitimement repris par des
laïques -, qu'il ne falloir point envoyer d'argent ,
ni à la cour de Rome , ni à celle d Avignon , à
moins que ce devoir ne fût prouvé par l'Ecriture-
fainte -, que f\ les Livrcs-faints n'ordonnoient pas
ce tribut , ceux qui l'exigeoienc, ëtoienc des loups
raviffans j que le peuple ne d-^voit ê:re furchargé
de tailles, qu'autant que le patrimoine de l'Eglife
ctoit épuifé.
GuiL'aujne de Cotirtenai ^ archevêque de Cantor-
beri, fenCible aux maux que les écrits de Wiclef
avoient faits à l'Eglife Britannique , pourfuivit fa
condamnation en 1382. Sa doftrine ayant été
difcutéc dans deux Cor.c'es, tenus, l'un à Londres,
l'autre à Oxford , on en condamna neuf articles
comme des heréfies , & quinze comme de fimples
erreurs. Cependant IThlcf ne perdit point les pla-
ces dont il étoit revêtu , foit par le crédit de
fe$ protecteurs . foit par la facilité avec* laquelle
il fe rétracta. Mais la condimnation de fes he-
réfies augmenta beaucoup fa haine contre le Pape
& contre le clergé. Il compofa divers ouvrage*,
pour inlînuer {es fentimens & les communiquer
dans toute l'Angleterre.
• Dans ce tems , Urbain VI ic CUmtnt VII (dk
M. Plu(juet , ) « fe difputoient le fi-jge de Rome,
M L'Europe étoit partagée entre ces deux Pontifes;
n Urba'n étoit reconnu par l'Angleterre , & Clé-
H ment par la France. Urban VI fit-prêcher en
» Angleterre une Croj/^de contre la France , Ôt
'l€o E L E M E K s
H accorda aux Croifés les mêmes Indulgencet^
M que l'on avoit accordées pour les guerres de
»» la Terre -Sainte.
M Jf'icUfdiin cette occaûon pour foulevcr les
» efprits contre l'auroritc du Pape , & compora
i« contre cette Croifade un ouvrage plein d'em»
M portement Se de force. //*/? Aj/:«u* , dit-il , qut
>• la Croix de Jlsvs-Christ , qui tfi un monumtnt
M de pitM , dt ml/érieorde & de charité, ferre d'i»
H tendard & de j't^nal à tout Us Cirétiems pour
»« r amour de deux faux-Pr êtres , qui font manifef'
n tcrntnt des Anmchrifts , afin de les Cjnfcrver dans
^ la grandeur mondaine , en opprimant la Chrétien^
>» té , p!ut que les Juifs n'opprimèrent J. C. lui'
»♦ même &• fes Apôtres,. .. Pourquji ejl-ct que tor^
n gueilleux Prêtre de Rume ne \eut pas aciord<r à
n tous les hommes Indulgence pléniére , à CK.nJiiion
n qu'ils vivent en paix & en charité , penJjnt qu'il
n la leur accorde pour fc battre & pour fe détruire} it
Urbain VI envoya en Angleterre une monî-
tion pour citer Wiclef à Rome ; maif il fut atra-
qué d'une paralyfie 8c mourut deux ans aprè« ,
en 13^4, laiflant une foule de difciples , qui fi-
rent-valoir les dogme» de le.ir maître. Le Con-
cile de Confiance les condamna folcmnellemeoc
en 1414 • & ordonna que les os de cet hcrc-
fnrquc , qu'il frappa d'anathcme , fcroient brulci
jvc« appareil i c'cd ce qui fut exécute co 1428,
i>E l'Histoire Ecclésiastique. i6ï
Ecrivains EccîéJîaJUques.
PalTons aux Auteurs qui établifl"oient la vérité
par leurs écrits , tandis que les Widéfices 8c
d'autres hérétiques cherchoient à répandce leurs
«rreurs.
Nicolas y natif de Lyre dans le diocèfed'Evreux,
quitta le Judaifmc pour embraffer la Religion Chré-
tienne. 11 entra dans l'Ordre de S. François ^ 5c
mourut en 1340, après avoir publié divers Trai-
tés thcologiques peu lus aujourd'hui.
J«n Scùt , Frère Mineur, né à Duns en EcoiTe,
paffa en France , fe fi^nala à Paris , où il fut
élevé au degré de dodeur. Il y foutint ropinioo
de la Conception Immaculée de la Sainte \'ierge ,
dont il parle ainfi: «On dit communément qu'elle
«a été conçue dans le péché originel.» lien rap-
ponc les raifons , |uxquel!es il tache de répo'i-
dre , & ajoute : »« Je dis que Dieu a pu faire que
M la Vierge ne fût jamais en péché originel. lia
n pu faire aufn qu'elle n'y fiit qu'un inûant , &
r> il a pu fdire qu'elle y fût quelque tems , 8c
M que dans Is dernier inftant elle fût purifiée, i»
Scot apporte des raifons de ces trois polTibili-
tés , & conclud ainfl : » Dieu fçait lequel de ces
» trois il a fait -, mais il femble convenable d'at-*
M tribuer à Marie ce qui eft le plus excellent ,
)» s'il n'eft contraire ni à l'Ecriture , ni à l'auto-
I» rite de l'E^life. >» C'eft ainfi que Scot s'expli-
«juc fur ce fujet y & quoiqu'il le fa (Te , comme
BD- voit f avec bica dv U modeni» , il pjiTc p ^.u;.
X6l E L E M E N s
le premier auteur de l'opinion de la Coneepttoir
Immaculée de la Vierge. Scot fut furnommé le
Dvciiur fubtil ,î caufe de la fubtilité de fon gé-
nie. C'étoit un des plus zélés partifans é! Ariftutt,
Zn fondmt fon ordre , S. François nUvoit pas
prétendu fans doute former des feues de Péri-
patéticiens : mais les FranLifcains s'étant rendus
recommandables dans les univerûtcs , il fallut
adopter un fjftême, 8c ils s'attaciicrent au Péri-
patéticiime. Sc^t contuDua beaucoup a le faire-
valoir , & fut !e patriarche de la ieù-t des R:jux,
Son nom eQ cependant plus connu que fes ouvra-
ges ,'leJqueh ne roulent que fur des matières fcho-
ladiqiies , ^L font allez mal écrits.
Gu.lUune Ocham, Anglois 5c Frère Mineur, com-
me Sc^t , fut le chef de la feâe des fcholaAi-
qiies ap, elic'. N ■m^nuux , & fe fit -connoitre par
de graves inepties. Cttoit urf génie ardent & un
homme inv^uiet. Ennemi déclare de la cour de
Rome , i' écrivit pour Philippe le Bel & pour
Z.ciiii de Davicre, 11 dcfendit leur caufe par des
fophifmes & des fubtilités : manière de raifon-
ner dam laquelle il étoit fupcrieur à tous les
Pc 1 >it(.tlcie' I de fon tcms. Les ^Vom^jt/x étant
devcnt odieux au laint • Hége , à caufe de la
hardi -.e de Icr chef, la plupart furent chaf-
fcs dei univerfités , & l'on employa les voies
rigourcufes pour les réduire au filcnce. Ils avoient
voulu go verner le monde par leurs opinions ; fit.
éepuis qu'un jag^e les chofes par ce qu'elles foai
DE l'Histoire EccLESiAyriQUE. 163
tn elles-mêmes, a peine fe fouvient-on de leur nom.
L'ordre des Frères Mineurs produifu encore
Raimond LuLlt , plus cclèbre par les perfccutions
que Tes connoilTances en chymie lui procurèrent,
que par fes livres ; & Alvan PiLige , évêque
de Sylve en Portugal , qui s'iliuftra par un Traité
fur la difcipline de l'Ëglife , intitulé ,/?<; planHu
EccUfix.
Les théologiens myftiques comptent parmi les
écrivains de ce fiécle , Jean Thaulère , Domini-
cain , & Jean Rusbrock , tous deux profonds dans
la fpiritualité.
Un genre de myfticité inconnu aux premiers
nécles de rEglife s'introduilit dans celui-ci, & la
morale y gagna peu , félon Fleuri, qui s'en expli-
que en ces termes : " Depuis que le travail des
» mains a ceffé cliez les Religieux , ils ont extrê-
»♦ moment relevé \'Oraif»n mentale , qui eft en
»♦ effet l'ama de la Rel gion Chrétienne, puifque
M c'eft l'exercice a£luel de l'adoration en efprtl
M & en vérité , prefcrire par J. C. même. Mail
n il eft facile rl'en abu'"er. C'eft en quoi Confif-
V, toit principalement l'hérefie des MaJfaHent, con«
I. damnée dès le vT fiec'e ; & ce que les Ca»
j) tholiques leur reprochoient le p'us , étoit le mé-
>• pris du travail & la mendicité. Les Fraticelles
M des derniers tems leur reftembloient fort , &
M chez les Catholiques mêmes l'Oraifon mentale
M a fervi de prétexte à plufieurs abus. Quand ua
• Moine Egyptien fùfoit , en priant toujours ^des
164 E t E M E N s
>i njcces ou des paniers , on voyoit bien qu'il n«
n prrdoit pai fon tenm : mais 'û n'y a que Dieu
n qai fçache à quoi remploie celui qui , pendant
M une ou deux heures, demeure à genoux & les
n bras croiCkS.
M Or , cette dévotion oifive & par confcqucnt
m équivoque, a cte la plus ordinaire depuis en*
X viron cinq cents ans , par:lculicremcnt chez les
w femmes , ndiurcllcment plus pareffeufcs & d'uae
r> imagination plus vive. De -la vient que lei
y> Vies des Saints de ces derniers fiicles , Sic Sri-
». glJt , Sic Cathtr'tnt de Sitr.nc , li bienhcureuft
» Angi/* it Foilgni , ne contiennent guéres que
m leurs penfées & leurs difcours , fans aucun
»» fait remarquable : ces Saintes employoient fans
»• doute bien du tems a rendre compte de leur
•t intérieur aux prêtres qui les dirigeoient : âc
r> ces direûcurs , prévenus en faveur de leurs pé-
t« nitences dont ils connoifToient la vertu , pre«
M noieat aifémenc leurs penfces pour des rêvé*
r> lations , & ce qui leur arrivoit d'excraordinair*
*> pour des miracles. -
Nicolas Ortj'me , doûeur de Paris, & prccep*
«eur de Chsr/u V roi de France , traduiiit la Bk«
ble en françois, par ordre , de ce prince. On a
àt lui quelques autres ouvrages. Il mourut cvè»
^ue de Lilicux. 11 unilToit aux vertus qui font
kt Saints , les qualités qui font les grands £vè*
AUù, de toiulct autcux» du ut* ùii\<, celui qu*
*f L*HlST01PvE ECCLESIASTIQUE. l6ç
%ur le plus de talent & de réputation , fut fans
contredit P<;'frijri^i;e, le rcftaurateur des lettres dans
vin tems de barbarie. Il fut le premier qui dé-
terra les Ecrits des anciens , &qui imita leur ftyle
dans fes ouvrages. Il fe fervit des décombres de
l'antiquité , pour pofer le fondement de l'édifice
qu'on éleva aux beaux-Arts dans le xvi' & lé
xvii' fiécles. Quoiqu'il n'ait prefque jamais traité
des matières eccléfiaftiques dans fes nombreufe*
produflions , les fervices qu'il rendit à l'efprit
humain méritoient que nous en filTions une men-
tion particulière.
Nous avons vu qu'il tenta plufieurs fois de
faire- retourner les Papes en Italie. Dans fa jeii-
neffe il écrivit à BtnoU XJI ; dans un âge plus
mur à C'iment VI , dans fa vieilleffe a Urbain V,
Sa Lettre à ce dernier Pontife elt un monument
de fon éloquence , de fon courage, & de l'état
où étoit alors la capitale du Monde chrétien.
" Vous avez fait de beaux réglemens , ( dit-il
au IPontife). » Tout eft dans l'ordre dans Avi-
t> gnon. Mais que fait Ronie ? Quelle e(l fa il-
». tuation .' quelles font fes efpcrances ? A-t-elle
M des Confuls } a-t-clle fon Pontife ? Elle eft en
»t deuil V elle pleure nuit £t jour. Ah ! comment
!» cette ville autrefois û peuplée eft-elle aujour-
n d'hui fi dcferte ? La maitrefTe des Nations lan-
M guit dans un trifte veuvage. Déchirée par les
»i guerres étrangères , par les difcordes civiles ,
M Kome ne coonoit plus la paix. Ses murs font
iC6 Elemens DE l'Hist. Ecclestast;
I» abbatus , les palais rcnverfcs , fcs Temples dc-
t» truits. Le culte divin eft mcprile , la juAico
M violée , les loLx enfreintes. Courbé fous le poids
M de Tes maux , le peuple Romiin vous tend les
M bras : il vous app>.lle à grands cris. Vous êtes
M fourd a fa voix. O le meilleur des pères ! corn*
«• ment pouvez -vous goûter le repos fous des
tt lambris dorés , pendant que le palais de Latran
M tombe en ruines, que la Merc des Eglifcs eft
•< fAr;s toit , que les demeures des Apôtres ne
» font plus que des décembres ? n
Cette Lettre, d'ut) particulier connu feulement
par foo gciùe, contribua beaucoup au départ du
Pontife pour Rome. Quel triomphe pour PcutUf^
ju£ & pour la Uttératuxe !
i67
£ L ÉM E N S
D E
VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
QUINZIÉxME SIÈCLE.
Continuation du Schlfmc.
•îvr
X^ous avons vu les Cardinaux qai etoient a
Avignon à la mort de CUment Vil, lui donner
peur fucceffeur le cardinal Pierre de Lune » qui
prit le nom de Benoit XIII. Simple Cardinal, il
HC parloit que de concorde & des moyens de
rendre la paix à l'EgUfe. Il avoit même promis,
avant fon éle^ion, de céder le pontificat, H l'on
ne pouvoir terminer le fchifme aurremenr. C'eft
fous ces dehors impcfans qu'il fe montra au com-
mencement de fon règne. Il écrivit à ŒarUs VI ^
roi de France , que fa Chape pontificale ne tenait à
rien, s'il falloir la dépouiller pour l'avantage de
ia Religion. Il avoit blâmé l'ambitieufe oplnlâ-
rctc des Pontifes rivaux -, mriis bientôt il ma-
nifcftal e même caradcre qu'eux , & chercha mille
iC>^ E L E M E N s
prctcïtffs pour Ce cifpenfer de tenir fj paroTe,
Qn eue beau le prilTcr , il répondit toujours t^n'il
ae quicteroit point !e fouverain pontificat , fi ffat,
nifact IX y fcn ccnjpctiteur , oc lui ca, doaaoir
l'exemple.
L?. mort de ce dtrd'ier Pape , attaqué depiiîg
)oii;;-iems d'une maladie qui le Cv'oduifu au tom-
bcai) l'an 1404 , dans la 63' annce de ion agr,
fcmbloit fournira Btnoit XJII une occjûon d'être
rc.onnu pour kgitime Pape par toute l'Cglife.
Mais les Cardinaux Roin<:in:» durent le cardinal
de Pologne , linuctnt Vil , dont les grandes ver>
tus donnolenc ùes c'pcrances favorables pour la
paix ; elles i'wrerit \ Mine* ; il voulut mourir Pape ,
quoique fcn pontificat fut orageux , parce que
les donne' lui difputoieot la fouvcrainctc tem-
porelle de Rome.
Après fa mort , arrivée en 1406 , le» cardî-
ri:ivzi Romains drelTcrent unaâc, par lequel cha-
ctin d'eux s'engageoit , en cas qu'il fut clu , de
dopofcr la tiare , pourvu que fon compctiteur
la quittât cgilement. Pour que cette promené
fât mieux tenue, ils donnèrent la p.ipauté aa
p!us vertueux d'entr'cux : c'ctoit .ir/o ,
Vcnitien fcptuag6nnirc , homme c pit
fon zcle 8c fa fjinicré. Des qu'il fdt clu, il pro>
tefla qu'il alîoif follictter Ton compétiteur à facrî-
firr leur dignité , dû(-il iire o'n!ii;c d'aller en
Tr.«nce à pied, un bâton blanc à la main, ou par
mer dam une nacelle. Cette f.-otcAjtionctcii btWt^
mais
DE l'Histoire Ecclésiastique. iÇ^
mais elle fut fans effet. Les deux Pontifes amu-
férent long-tems l'Europe par des lettres , dans
lefquclles ils s'exhortoient réciproquement à abdi-
quer une place que l'un & l'autre regardoient com-
me la première du inonde , & que ni l'un ni
1 autre ne vouloir céder.
Concile de Pife , qui dépofe Grégoire Xlï 5"
Benoît XIII ; éUB'ion ^'Alexandre V.
La convocation d'un Concile étoit le feul moyen
de terminer le fchifme qui déchiroit l'Eglife. Les
Cardinaux des deux obédiences l'affemblérent à
Pife, le 25 Mars 1409. Ils y citèrent les deux
Papes, qui ne répondirent à leur invitation qu'en
les excommuniart comme des rebelles, qui agif-
foicot fans la permiflîon du fouverain Pontife ;
mais on mcprifa leurs anathcmes. Le Concile
fut compofc de 24 Cardinaux, des Patriarches
d'Alexandrie , d'Antioche & d.- Jérufalem ; & d'un
nombre prodigieux d'Abbés. Les Princes Chré-
tiens y envoyèrent leurs ambalTadeurs , & les Uni-
verrues leurs députes.
La fcntencc de dépofition fut bientôt pronon-
cée, Pierre de Lune & Ange C^rario furent décla-
rés fchifmatiqucs & déchus du fouverain ponti-
fcat , dont ils s'étoicnt rendus indignes par leurs
parjures. On élut enfuite un nouveau Pape fous
le nom A'AUxardrc f^. Il s'appelloit Pierre de Can-
die , & avoit été l'artifan de fa fortune. Né dans
robfcuriié , il entra dans l'ordre de i>. frjn^ois^
Tom. IL H
xy^ £ L E M £ y s
& pirvinr de place en plice à 1j dignité de Car»
dinal. Elevé fur la chaire de S Pierre , il y mon-
tra des ver. us , qui tiienc-cntrer plufie irs prir.-
ces dans fa communion-, mais ccni mort un an
■prcs fon clcvtiun , en 1410 , on lui donna u:i
fuccclTcur qui ne lui reHcmbliic g.icres : ce fut
le cardinal BcithafAr CvjJ.1 , qui obtint 'le fou-
vcrain pontif-cat fous le nom de J.an XXllI.
Le nouveau Pape ccoic carùiail- diacre ; il re*
(Ut la prcctifc quelques jours ancsfon cle^lion.
Une famille noble de Naplcs iui avoit donne le
îour. La plupart des HiA )riens , ( dit l'dbbc de
Chuifi , ) ont faii une peinture afFreufe de fc$
mœurs; & ceux-mcmcs qui en ont dit le plu*
de bien , ont cté contraints d'en dire aufli beau-
coup de mal. Léonard Arttm & ThéodorU de Niem,
fes fccréiaires , afTurent qu'il avoit de grandes
qualités félon le monde; mais que les vertus ec-
clcfjjl^iques lui manquaient abfolument. 11 avoir
été pirate dans fa jeunelîe. S'éiant enfutte pro-
duit à la cour des Papes , il g^gna la confîjnce
de Bvnifact IX , qui le (te cardinal & l-gat de Bo-
logne. Ce fut principalement par fes intrigues
que Benoit XIII & Gr^goi'i XII furent dcpofci
dans le Concile de Pife. C'eft a ces mcmes intri-
gues qu'il dut en partie la tiare. Il fe fervit
pour fe faire-clire, du pouvcir qu'il avoit daiu
Bologne N de la prote£)ibn iou;e - puilfanie dt
Louit duc d'Anjou , fon ami p.irtuulier , arrivé
depuis peu de France avec un. armée pour U
con:^uétc du royaume de Na. 1:5.
t)E l'HiSTOIHE ECCLESIASTTQITE. ïfl
Conclu de Confljnce ; dcpojîi'ion de Benoit XIII,
Grégoire XII & Jean XXHI.
Les commcncemcns du pontiiîcat de Jtan XXIIl
furent affez hsureux. Il fat reconnu par la plui
grande partie de l'Europe. Grégoire & Benoît fe
regardoient toujours à la vérité comme fouve-
rains pontifes ; mais leur autorité diminuoit peu»
à-peu. Le premier, travefti en marchand, avoit
été obligé de fe fauver à Gaiette , où Ladiflas ,
roi de N.iples , lui affigna un afyle. Le fécond ,
pourfuivi pir ordre du roi de France , s'étoic
retiré en Efpagne , dans un château bâti fur 1«
pointe d'un rocher auprès de la mer. Il falloit
cependant prendre de nouveaux moyens pour les
engager à abdiquer un titre qui ne leur appar>
tenoit pas.
L'empereur Sigifmond crut qu'on y réufllroie
en afTemblant un fécond Concile général ; il fut
convoque à Condance par le pape Jtan XXIII ^
qui n 'avoit pas trop envie de s'y rendre. Je
erains , difoit-il , d'y aller fouverain Pontife , & de
revenir particulier. 11 fe mit pourtant en chemin ;
mais quand il fut près de Confiance , il dit a fes
compagnons de voyage : Je vois bien que c'eft ici
U foffe où l'on attrape les renards. Il arriva le iS
Odobre 1414, trois jours avant le tems qu'il
ivoit marqué pour l'ouverture du Concile. Il fe
trouva dans cette grande affemblce quatre patriar-
ches , quaraate-fept archevêques , cent • folxaat«
Hi^
Ï7* Ë L E M E N «
^vcques , cinq cents foi x^nte - quatre abbés 5r-
doreurs : l'afflucncc du monde fut fi grande ,
qu'ony compta jafqu'a trea:e mille<.hevaiix. L'e:Ti-
f>ereur Si^'/mcni étant arrivé le 14 Décembre ,
iffifta le lendemaia , en habit de diacre , à la meflfa
du Pape , & y chanta l'F.vangilei
Jean A'A///, malgré \z% craintes que lui ififpi-
roient les partifans que les Antipapes avoient en-
core , fe fîattoit que fon cicflion , faite par ua
Concile gcacral , feroit confirmée par celui de
Confiance ; mais il fut bien trompé , lorfqu'on lui
propofa d^ faire le ficnficc de fa place au repos
de rtlglife. I! fît quelques difficultés ; mais com-
me on produliit les accufations qu'on avoit à in-
tenter contre fes mcuurs , il fit , dans la feconie
fcHion , une promeiTe folemnelle de renoncer i
la pipautc , fi fon abdication pouvoit ctcindrele
fchifme. han ne tarda pas à fc repentir de la pa-
role qu'il avoit donnée; &, pour agir avec plut
de liberté contre ceux qui dem^ndoicnt fon ab-
dication , il ne longea plus qu'à trouver des
moyens de for tir fecrettement de ConfUoce. On
le foupçonni de ce dciTein fur des .con)e£turet
affcz fortes , & l'Empereur prit des mcfures pour
cmpicher foo cvjfion. Comme on le gardoit k
vue , il n'avoit de retlource que dans le fccourt
de Ftiduic i'ÀutrUht. Ce prince ctoit arrive i
C' '.!^ince depuis ptès d'un mois, fous pritexts
d'~'.'.cr plut loin , nuis en e^fct pour entrer dam
(outçt les vues ^u Pape, avec Icc^uel il fcijnoic
Be l'HistôiRî: Ecclésiastique, tj"^
èl: n'avoir aucune liaifon. On veilloit de li-près
fïir le Pjpe S: fjr FriJirlc , qu'ils ne pouvoienc
fjire un pas à l'infçu de Sigi/mund. Le feul expé-
dient que Frideiic piiî trouver , fut de donner
un Tcurnci. La fctc fut marquée pour le vingcié^
ftic de Mars 141 5. Pendant que tout le monde
ttoit au fpedâcfe , Jean XXIII fe déguifa fur le
loir en poriillcn , & forrit dans la foule fur un
ni3uvais cheval , ayant une grofte cafaque grife
fur les épaules , & une arbalètrc à l'arçon de la
feîle. la nuit il fe mit dans une barque que Fré'
icrle avoir fait-tenir prête ; & en quelques heu-
its II arriva à Schaffoufe en Suide , qui appar-
fenoit à ce Duc.
Le Concile , quoiqu 'affligé de h fuite du Pape ^
continua fes féances , le condamna comme difll-
pateur des biens ecclcfiaftiques , fimoniaque , fcan-
dalcux & perturbateur de la foi-, & comme tel,
le dépcfa du pontihcat le 29 Mai 141 ). On
lui fit-fignifier cette fcrtcnce par des commilTai-
res , qui le trouvèrent afTez bien difp ofé. Il reçut
avec réfignation le décret du Concile ; fit-ôter
de fa chimbrc la croix papale , & protefta qu'il
renonçoir aux prétentions qu'il pouvcit avoir fut
Ta chaire de S. Pierre.
Peu de tems après, Grc'coircXII imita fon exem»
pb. Il s'étoit retire chez Ma.'accj'L ,{eign(:UT de
Rimini , qu'il chargea de fa procuration , pout
aller à Confiance céder fes droits en plein Coo.
cile. Les Pcrcs , en reconnoiiTance de ce facriScei
Hiij
t74 E L E M E K s
le dcclarcrent doyen des Cardinaux & Icgac pcr-'
pctuel de la Marche d'Ancone , avec toutes les
prérogatives attachées a cette dignité. On le dé«
chargea en même • tems de tout ce qui pouvoit
s'être palTé d'irrcgulier pendant fon pontifîcat.
L'antipape P.crrc de Lune fut le feul qui de-
meura dans Ton obflination. Abandonné de tous
fes partitans, dégrade & excommunié par le Con-
cile de Conftance, réduit à fon rocher de Panif-
cola en Catalogne , ce vieillard inflexible perfifla
dans le fchifme jufqu'a fa mort, arrivée en 1414
dans la quatre-vingt-dixième année de fon àgs.
11 fut Antipape prés de trente ans , 8c ne vou-
lant pas même céder à fa mort ce qu'il ne pou-
voit plus conferver : il recommanda à deux Cardi-
naux attaches à fa fortune, ou plutôt à fcs in*
fortunes, de lui donner un fuccelleur. £n effet,
ils nommèrent Pape un chanoine de Barcelone ,
qui prit le nom de CIcmcnt VIII. Mais ce nou-
vel antipape abdiqua fon vain titre en 1410, 8c
•btint en dédommagement 1 évcché de Mayorquc»
Cominudt'ton du Concile de ConJIunce ;
clciïton Je Martin V.
Aucun Pipe n'ciant reconnu par le Concile de
Confl^nce , il fallut m dire un. Le cardinal de
Cambrji , fort zèle pour la réfotmatioa de 1 E-
gliie àétii fon chef Se dans fcs membres , opina
qu'j< ant de irav;iiller j ce gr.ind ouvrage, on de>
you douucr UQ chef à la Cbicucnic. Ct>inmt»i^
DE L'Histoire Ecclest astique. 17$
eiiroit-il , réf.rmer un c^rp' qui n'a point de tète %
0 dis membres qui n'ont point deche/i Les vingt-
huit cardinaux jetterent donc les yeux (ur le
cardinal OtLn C^Lnm , & lui donnèrent la tiare
en 1417; il prit le nom de Mania V. Les Al-
lemands & les François lai offrirent une retraite;
mais il leur répondit •• qiv'il feroit fon fcjour à
M Rome , parce qu'un pilote devoir être à la poupe
)« & non à la proue de fon vaifîeau. »
Lorfque Martin parti; pour fe rendre dans cette
ville , Balthayxr Cojfa alla fe jetter à fes pieds àt
Florence-, le fpeitacle d'un fouverain Pontife de**
pofé & humilié toucha vivement le cœur du Pape,
qui le reçut avec bonté , 6c lui donna le moyen
de fubfifler honorablement dans le rang de Car»
dinal. Dans les cérémonies publiques il lui fai»
foit- donner un fiége plus élevé que ceux desau«
très Cardinaux. Cijj'a ne jouit pas long-tems de
cette foiblc confolation. Il mourut lix mois après,
peint diverfcment par les Auieurs des ditfcrenies
communions , qui ont vraifemblablemeot exagéré
fes bonnes & fes mauvaifes qualités.
Condamnation de Wiclef 6- t/é Jean Hiis,"
Supplice de celui-ci & de Jérôme de Prague.
Martin, avant que de quitter Confiance , parti-
cipa à tout ce qui fe fit dans cette affemblée. Le»
Pcrcs convoqués au nom de l'Eglife univerfelle,
votloient non - feulement éteindre le fch fme
»
■mais détruire le germe des erreurs qui fouil-
4oient la pureté de la Foit Nous avons dit ci^
Hiv
k7^ E L £ M E N s
devant que le \l*iclcfirmc fjt condamné dans le
Concile de Confiance ; cette hcrcfic avoit péné-
tre en Allemagne. )<jn lluj , doifleur de l'univer.
fité de Fr3j;ue , l'avoit fait-revivre en Bohême,
foit en écrivant en faveur de Wiclef, foit en]
tradoifant fes ouvrages.
Ce théologien Bohémien joignoit à beaucoup de
fçavoir une éloquence vchémente. II (t fit un
parti parmi les ccdcrufliques. Celai qui adopta
8c qui répandit avec le plus de chaleur fei dog-
mes hétérodoxes , fut Uômt de Prague, maître-
ès-arts de l'univerfité de cette ville , homme fça>
▼ant 8c d'une vertu rigide. Ces deux théologiens
furent appelles au Concile de Confiance ; le pre-
mier ayant perfifté dans fes erreurs , fut livré au
bras féculier & brûlé vif le 4 Juillet 1415. Jit6mt
de Prague , fon ami 8t fon difciple , fut arrêté
en même tems & mis en prifon. On l'exhorta à
^cfavouer les propositions erronées qu'il avoit
foutenues : l'ennui de la prifon Se la crainte de U
ntort lui arrachèrent une rctra^atlon ; mais l'ayant
révoquée bientôt-après , il finit , comme fon mat-
tte, i* vie dans un bûcher, le 30 Mai 1416. Il fît-
ccUter, ainf: que lui , une confiance tnébianlable «u
milieu des fiammes , 8c uixe rk.rigiMtioa digne d'un»
fncir.ciirc caufe.
/7/I du Concile <f< ConJUnct,
Les Pères afii'embict * Confiance , firent , avaiu
^uc de i\ fcpircr , divcrt dccrcti pour \^ i\.iQt\
De l'Histoire Ecclésiastique. 177!
«ution deplufieurs abus , & pour rafTcrmiffement
de fe faire dotlrinc. On 3pprouva l'ufa^e de TE»
glifc, de ne communier les L'iques que fous une
feuJe efpèce, & on rejctca la demande des Huf-
Ctes qui vouîoient recevoir le Corps & le Sang
de J. C. fous les efpéces du pain & du vin. On
ordonna la fréquente ternie des Conciles provin-
ciaux -, on dcfer.dit la tranfiation des Evèques fans
une grande nccefiltéi on rcflreignit les exemp-
tions & les difpenfes -, on condamna la ûmonie ;
on recommanda la teodertie dans les habits ecdé-
fiaftiques : mais on ne décida rien fur les autres
objets de réforme qu'on avoit propofés , tels que
les Annates , les rsferves du ûége apoAolique,
les grâces expeiflatives , &c. &c.
Enfin le Concile fe fépara : i! avoit cominen-
céle j Novembre 1414,1! finit le 22 Avril 141S,
Cette alTemblie fera éternellement mémorable par
la dcpoÛMon de deux Antipapes , pîr l'abdica-
tion volontaire ou forcée da Pape légitime , par
Li réunion de toutes les Nations Chrétiennes
dans un même lieu , par la pr.fence d'ui grand
Empereur, par la fupériorité attribuie a'.ix Con-
ciles généraux fur les fouverains Pontifes , par
l'éleélion & le couronnement d'jn Pape recoano.
de tous les Fidèles , enfin parlplificurs déciuons fuc
des matières qui intérefibient également la Foi ic
les mœurs. Ceux qui montrèrent dans le Con-ile
le plus grand zèle pour le bien de l'Eglife, fj-
Knt l'empereur 5'jj'y57ii;«i, le fçavant Pierre d'AUU^
H-y
I7S E L E M E y 5
cardinal de Cambrai , fra-.f is ZihutlU cardloil
4t Florence , & Je ct èbrc chancelier de l'Uni-
Tcrûtc de Paris , Jtan Gcify.n , l'un des envoyés
du Roi de France , homme également recominan»
dable par Ton f^'avoir & par Tes vertus.
Guerre des Hujfttcs.
Apres avoir raconte les affaires les plus remar-
quables qui occupcrent les Pères du Concile du
Coaftance , il faut voir la fuite de cesévenen.ens.
Le fupplice de Jean Hus & de Jcrûme de Pra-
gue , regardes com:ne des Martyrs dans leur par.
ti , allumèrent la guerre en Bohème. Les errant
dreflTérent une confenîon de foi conforme à ce qute
leur Patriarche leur avoit enfeigné , & fe fcparé*
rent entièrement de la communion Romaine. Pour
fe maintenir dans une entière liberté de conf-
cience , ils levèrent une puifiiante armée, qui , fcm-
blable à toutes les troupes conduites par le fa-
naiifme , profana les lieux-falnts , abauit les Tem*
pies, démolit les Autels, & fe fouilla par mille
abomination$.y<ja Zifcj , gentilhomme de Bohème,
générai de cette arm«.c d'enthoufunci , remporta
fept fois la Tiûoire fur l'empereur Sififi>n,nd , qui
fiit obligé de lui donner la paix & de le nommer
gouverneur de Buhcme. Apres la mott de ce
héros, les HufTitct, an rocs de fon efprir , eurcnr
de nouveaux avant.iges. Enfin il fallut publier
contr'eux une croif^de, qui n'eut aucun fucccs. On
crut pouvoir ^cs lAincacr par les ocjociatioiu, &
DE l'Histoire Ecclésiastique. 17^
c'eft dans cette vue qu'on affcmbla un autre Con«
cilc , auquel ils furent invites , pour traiter dc^
articles qui les feparoient de l'Eglife.
Concile de Pavle , tninsfcri à Sienne y
& enfiùte à Baie,
Lorfque Martin f prit congé des Pères de Con-^
fiance , il promit de convoquer bientôt un Coa^
cile , qui s'occuperoit uniquement de la réfor-
mation des abus qui faifoient-gémir les gens-de«
bien. Il fut d'abord convoqué à Pavie ; mais la
pefte ayant chaiTé de cette ville les Evêques 86
kî autres Prélats affemblés , on le tranfporta à
Sienne, Scde>là à Bàle. La première ceffion corn*
mença le 23 Juillet 143 1. Le pape Martin étoit
mort le 20 Février , avant que d'avoir pu voir
l'ouverture du Concile, qui fe fit fous les aufpi-
«e$ d'Eu^ene IV fon fucceffeur , & en préfence do
cardinal Julien CcJ'arir.i qui y préûda à fa place»
La première chofe que les Pères du Concile
firent , fur de rcnouveller le décret de celui de
Confiance , qui ctabliffoit la fupérloTÏté du Con»
clegcnéral au'deffus du Pape. Eugène , piqué , vou-
lut diffoudre lafTemblée œcumé iqu^ de Bàle,
1
pour en convoquer une autre à B.logne; cette
tentative n'ayant pas réunî , il transféra en 1438^»
de fa propre autorité , le Concile à Ferrare , &
l'année fuivante à Florence. Les Pères de Bàle
l'ayant fomné pludcurs fois de révoquer la bull«r
par la(;uclle U détktcit leur Concile dilT^us ^ Ir
Hvi
\S0 E E E M L N- Sf
menacèrent de l'attaquer perionnellement comm^
Tcfrailaire , contumjcc & indigne de la place cmi -
nente qu'il occupoit. Us lui tinrent parole ; & ^
après avoir Aatue la nullité du Concile qu'il op-
pofoit au leur , ils le déclarèrent dcchu du ficgc
pontitical , Sx. mirent à fa place Amcdcc , duc de
SaToie,qui, ayant abandonné fes états à fes en-
fiins . vivoit en anachorète a Ripailles près du lac
de Genève.
Antidét prit le nom de F<!ix V; mais , ayant été
dans la fuite abandonne de tous fes partifans , il
fe démit de fon prétendu pontificat entre les main&
de Nicolas y , fuccelTeur d'Eugcne IV ^ & retour-
na dans fa folLtude » où il mourut en odeur de faliv*
teté.
Les Hujfites au Concile de BJle.
Les HulTices ayant été invités d'envoyer Ae%
députes au Concile de Bàle , choifirent les plus,
diftingués d'entr'eux , leur général Pri,eope , 8c /m/i
Rockiar.a , le plus fçavant de leurs théologiens.
Les quatre demandes qu'ils firent au nom de leur
parti, rouloicnt fur quatre points : La première
;îvoit pour objet la communion fousies deux ef-
pcces. La fecon le concernoit le droit qu'ils don-
DuicQt aux m3gii\rjts de punir tous les crimes,
môme ceux dont les Ecdcliafliques pouvoient fe
rendre coupables, lit vuuloient , en troifieme lieu ,
qu'un leu/ permit d'annoncer librement ce qu'ils,
appelloipnt la. FaroU^ dt Ditu, Ils demaadûieoc
t)E l'Histoire EccLESiAsriQtTE. i^f
-^n^n que le Cierge n'eut aucune autorité dans Icj
affaires civiles.
On conféra long-tems fur ces articles , fans
pouvoir rien ol)tenir dss hérétiques Bohémiens ;
cependant le Concile leur envoya bientôt - après
des dépurés , parmi lefquels on diftinguoit le fça-
Yant Enéc-Sylvius P/cco/cmi/z/. Les envoyés rame-
aérent pludeurs Huflltes , en leur accordant lu-
fage de la coupe avec les redri^ons convenables.
Ces nouveaux reunis furent appelles Culixiins ,
tandis que les obftinés fe nommoient Thaborites ^
du mont Thabor près de Prague , où ils avoienc
une forterenTe redoutable. Ces malheureux conti-
nuèrent à fouteair une guerre meurtrière , & dont
Ui fuccès furent variés. Enfin , après bien du
Cang répandu , ils dépoférent les armes & vécu-
rent paiûblement , lorfquon leur accorda la to-
léraoce qu on donna un ficelé après en Allema-
gne aux autres Ëi;l:fes protetlantes , qui les re*.
çureot dans leur fein. i
Fin du Concile de Baie.
Le Concile de Bàle fe fépara après la 4;' fef-
Con, tenue en Mai 1443. Cette affemblée dura
douze ans c'eft-à-dire depuis le 19 Mai 143 1 *
jufqu'à pareil mois de l'an 1443 ; mais ce n'c-
toit , depuis pla!Î2urs années, qu'une ombre de
Coacile, Son autiienticité n'eft reconr.t:e que juT»
qu'à la vingt-fixiéme felîîon , parce que ce fus
^;ui6 tîttc feiEon qu'oa comniënij-a d'agiter la queU
iSî E L E M E N s
tion de la dépoâtion du pape Eugîat I V. Lm
Italiens , qui recoanoiâTent dans le louverain Pon-
tife une autorité fans burnes .retranchent du nom*
bre des Conci!cs-gcn<.raux ceux de Baie & de Coil*
Aance, parce que danc ces deux célèbres afTemblee»
on contirma l'ar.cienne & contante rc^le de la
Supériorité du Concile au-dclTus du Fape -, ainli il&
n'admettent q«je dix- huit Conciles-gcneraux » att
lieu que nous en recevons vingt.
Cûnc'iU de Firr^re transféré à Florence ;
reu/ùon pjjfj^cre des Grecs,
Le pape £i/e«e /f .mécontent du Concile de
Bàle, en convoqua un autre en 1438 à Ferrare,
comme nDUS l'avons dit ci-devant -, mais les affai-
res importantes qui s'y traitcrent , mcritent que
TOUS y revenions. Jean Pj/éu!ogue , empereur d«
Conftaminople , ëtoit allarmé des progrès que
fjifoient les Turcs en Orient. Le Tchiime dan»
lequel Phutius avoit entraîné les Grecs , avoi»
é:c aufli funefte à l'Empite qu'à l'Eglife } par-
ce que , depuis cette époque , les Latins les
Toyoient tranquillement erpofct aux invafioi»
étrargércs. Les ccups redoubles que les Turc»
^nitokni au trône deConi^aa inople, le nenaçoienr
d'une chiire prochaine. Jtan Pcl4^.\fui, Tentant te
fcefoin qu'il avoii du Fïpe fie des Prince» Occi-
dentjus , dnvoya des ambafladcurs à Eugèit pour
lui propoft» un nouveau projet de réunion a%'ec
ïL^lûc LaiiAc. il le rendu Iui'BKibc a Fcsiate,
DE L'HlSTOIRt FcCLEÇIASTIQur, iJj
«vec le patriarche de Confiantinople , fon frère,
& pluneurs autres perfonnes confidcrables de la
cour & dj clergi. Ce prince y fut reçu avec ma.
gnificence , & on travailla avec beaucoup de cha-
leur à réunir les deux Eglifes,
Les conférences roulcrent fur la procefllon du
St'Efprit, fur le Purgatoire , fur l'afage du pain
azyme , fur la primauté du Pape. On tint xvi
fi-flions a Ferrare , dans Icfqueiles ces matières
furent débattues pendant long-tems. La pefte dé-
loloit cette ville , & l'on fut obligé de transfé-
rer le Concile a Florence.
Eugène , ne pouvant p'us fournir à la dipenfe
d'environ fept cents Orientaux , les Florentins lut
avoicnt ottert de lui prêter une fomme confidéra-
b'e , s'il vouloit tenir le ConcJe dans leur ville j
il accepta leurs propofitions , 6c la traaflation fe fis
au mois de Janvier 143g.
La première fcfîion ( ou la xvii' en comptarrc
celles du Concile de Ferrare ) fe tint le 26 Fé-
vrier. Après avoir difputé fur la procclFion du St.
Efprit , les Larins établirent fi bien cette vérité ,
que les Grecs foufcrivirent à leur créance , à l'ex-
ception de Marc évêque d'Ephèle. L'Empereur
fut une des premières conquîtes des Pères du
Concile j & fon changement fut d'autant plus flat-
teur pour les docteurs Catholiques , que ce prin-
ce ctoit trcs-verfé dans les matières de Religion»
11 avoir fait-briller fon fçavoir dans une difpute
avec un rabin , qu'il confoudit & qu'il engagea à
recevoir le Baptcme,
'1^4 E L E >r E K S
De la proccfllon du St-Efprit , on paffa à ce
qui rfgardoit le Purgatoire , & l'on fut bientôt
d'accord. Enfin , !j pjrtdite union de l'Eglife La-
tine avec l'Ëglife Grecque , fut conclue le il Juil-
let , jour auquel on iigna , comme un gage aflfuré
de la force de cette union , ^ue le St-E/prit pr»'
cède du Père 6- du F Us cumme d'un feul principe v.
quon a pu ajouter Filioque au SymbuU \ qu'il y a
Ml Purgatoire ; i}ue la ccnjccration fe fait véritable^
ment avec du pain levé ou fans levain , & que les
Prètret doivent çonfcercr feLn la ccu'ume de leur Egli*
fe y Orientale on Occidentale \ enfin que le Pape a la
primauté dans tout le monde , comme chef de toute
rEgllfe.
Parmi les Grecs qui fe fjgnalérent au Concile
de Florence , il faut diftinguer l'iUudre Beffarlom
mitropolitain de Nicce, dont la modertie relevoit
les talens , & qui niontroit la plus profonde éru-
dition dans un âge où les autres f^avans com-
mencent a peine à fe fairc-connoitre. Lczcle avec
lequel il travailla au gr.ind ouvrage de la réunion»
L* rendit odieux aux Grecs fchifmatiques. Pour n&
pas être expolc à leur reiTentiment & à leur fi-
na:iime , il rcda en Italie , où fon irérite l'tleva
» la dignité de ordinal.
Apres le départ des Grecs , le Concile dura en-
core trois ans , 6c ne fut conclu qu'en 1441 dan»
TEglife de St-Jean de Latran. Lurent IV fe fcli*
(.-itoit beaucoup d'avoir mis la ccocorde entre
(kux IL^iifes diviùci depuis ù lorg-tcms i mais
DE l'Histoire Ecclésiastique. iRy
cette union ne fut que palTiigére. Nous avons vu
que Mure, cvèque d'Eplièfe, avoit rcfufé de/jgner
le décret d'union. Cette feule étincelle pcrpctua le
feu de la divificn &i du fchifme. Le cierge de Con-
ftantinople, extrêmement prévenu contre tout ce
qui s'étolt tait à Florence , reçu: avec indigna-
tion les* Prélats qui y avoicn: aluîlé. Il y eue
contr'eux une confpiration générale des Prêtres ,
du peuple , & fur-tout des Moines , qui gouver-
noient prefque toutes les confcien;es. Oa les char-
geoit d'injur«$. La populace ameutée les appelloic
A\ymitis ^ Traîtres à la, R^/i^ion , Apo/Iacs ^ tandis
qu'elle combloit d'éloges Marc d'Ephèfe, regardé
par les fchifmatiques comma l'uni^jue défenfeuc
de la Foi.
Conftantinople, la Grèce, les villes d'Afie furent
inondées de libelles , où l'on voyait renaître ces
objeftions contre l'Eglife Latine , tout • récem-
ment détruites au Concile de Florence. Ce qui
montroit le plus l'inconftance 6c la foibleffe hu-
maine , c'eft que quelques-uns des Auteurs de ces
écrits avoient brillé au Concile, Se dans les con-
férences où les matières s'étoient agitées. De ce
nombre furent l'archevêque d'Héradée , le philo-
fophe Gcmijlius ,, l'archevêque de Trebifonde , &
beaucoup d'autres qui fe retracèrent de vive voix
ou par écrit. LesdiTérens écrits qu'ils publièrent,
furent l'origine de mille bruits répandus parmi le
pe iple. Les uns alTuroient , qu'à Florence on avoit
lEorrompu les Grecs & acheté leurs fuffragcs à
îS6 E L E M E N- s
prix d'argent : les autres , qu'on les faiioit-mouflr
de fjim , pour les obliger île figner. Ceux-ci di-
fuient que les Latins nvoient faliific tous les
exemplaires qu'ils produifoient ; ceux-là , qu'oa
D'dvoit produit que des pailages tronques.
Btfarion & quelques autres réfutèrent ces ca-
lomnies. 11» prouvèrent, que les Grecs avoicnt eu
au Concile une entière liberté , foit pour expli-
quer leurs fennmens , foit pour propofer leurs dif»
f.cultcs , fo.t pour donner leurs fignaturcs. Mai»
comme ces apologies ne parurent qu'après la more
de Afd/^c d'Ephèfe, les Grecs, de)a préoccupés 69
toutes le» impfiftures qu'il avoir répandues , de-
meurèrent opiniâtrement attaches a leurs opiniofJS«
En 1443 , tes Patriarches d'Alexandrie , d'An-
tioche & de Jcrufalem , qui avoient fuufcrit au
Concile de Floren.e par leurs dcputts , convo-
quèrent un Synodf a Jcrufdlem , où ils le traitèrent
de C^ncUUbu'e txécrab.'e , & menaccrent mcme
l'empereur Jean Pa/^oLgut de l'excommunier, s'il
continnoit d'en autorifer les dccifions. Ce prince,
naturellement fbible , fe rcl.'icha beaucoup de fa
première fermeté , & les Evéques de IKjlife Grec-
que perfiftérent dans le fchifme, à l'exception dti
Patriarche de CooAantinople 8i d'uoc petite partie
de fon clergé.
^
DE L^HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 1S7
Nouvelles tentatives pour éteindre le Schifme
des Grecs.
Conflantin PaUologui , qui monta Air le trône
impérial après l'empereur Jean Paiéologuc , avoit
à,' redouter les arn:es victoricufes de iViii/io»2<;f i/ ,
empereur des Turcs. Conftantinople alloit lui être
enlevée -, du moins les vidoires continuelles du
fcrnudable Sultan le kà faiioient-craindre. Ddns
cette exircmtté , il envoya en 1451 des ambaffa-
deurs au i'><pe , pour lui demander des Tecours. Il
n'avoit pas encore pu , difoit-il , obliger les Grecs
è fe Toumeitre au Concile de Florence ; mais il
promettoit de travailler eilicacement a obtenir leur
foumifllon.
Le pape Nledai V envoya à Confiaatinople le
cardinal Ijiiore pour tiirc- iccepter le décret d'u-
nion au nouvel Empereur , qui le reçut avec les
principaux membres de la cour & du clergé. Mai»
("on exemple ne fut pas fuivi du rcfte de la na-
tion. La reponfe d'un p'eux fanatique , nommé
Ctnnadius^ fervit beaucoup à les faire-perfévcrer
dans le fchifme. Ce folitaire, confulté fur la réu-
nion proiett>le, répondit en ces termes : " Miféra-
« b'e peuple ! Pourquoi avoir recours à des Ita-
». liens , au lieu de vous jeiter dans les bras du
n Tout-puitr^nt. En perdent la foi , vous perdrez
H votre ville. Vous ne pouvez renoncer à la re«
). ligion de vos pères, fans mériter de fubir le joug
^ de la fervitudc. »
«88 E L E M z y s
Les prêtres , les religieux , les laïques , régir-»
dérent cette rcponfe comme un orjc'c. La fjreur
des fchifmariques fc porta aux derniers excès. Le
peuple alla dans les cabarets, comme il auroit fait
les jours de rejouifFance, &la il vomiflToit , le verre
à la main, mille injures contre le Pontife Romaia
& contre l'Empereur qui imploroic fun fccours.
A'c«< n avons pat btj'oin , s'ccrioit'ii , ni des truupts ,
ni it ralliaace dts Latins. Loin d< nous le eulu de»
A\ymitcs'. La frcncfie fut portcc jufqu'au pied dik
Saniluaire'i pluâeurs réfutèrent de recevoir lu com»
tcunion avec ceux qui ne rejcttoient pstnc le dé-
cret de réunion à IL^Î.fe Latine. D'sutres écrivi-
rent, au nom de rLjjlife de ConAjntinople, aux
Bohémiens HulTites , pour les louer de ce qu'ils
n'avoient pas adopté les nouveautés de l'EglIfe
B.omaine , en les exhortant de s'unir avec euxj
•< Non pas , difoient-ils, fuivant l'Union-fainte de
M Florence , qui s'tloigne entièrement de la Foi;
M mais félon le fentiment des anciens Pères. >•
Mais tandis que ces malheureux fchifmatiques t'o-
piniatroient dans leur révolte contre IFglife Ca-
tholique , ALhomet II alloit fondre fur eux 8c fe
rendre maitre de leur ville capitale.
Propès des Turcs ; ptifc de Conjlamnople,
Avant de raconter ce funefte cvcnemcnt , il faut
remonter un peu plus haut. Depuis environ un
6écle , le grand objet des Empereurs Turcs éioil
d'aacantir l'empire Grec. Amurat II ivoit mis C0
DE L^HiSTôiRi: Ecclésiastique. 1S5
1421 le licge de>a t Conftaotinople, qu'il fut oblij_é
de lever. Tournant fes armes d'un autre côté , il
pouffa fes conquèies jufqii'cn Hongrie. Lad.JIas ,
roi de Hongrie, fit un traité de paix avec lui pour
l'écarter de fes frontières. A peins en avolent-il$
Juré l'exécution , l'un fur l'Alcoran , l'autre fur
l'Evangile , que le cardinal JuHen Ccjarini ,*légnt en
Hongrie , l'engigea de le rompre. Amurat livre
bataille aux parjuiescn 1444 à Varne , & les dé-
fait entièrement. Lad'/las fut tué, ainfi que le car-
dinal Julien. On prétend que la vicloire ayant été
long-tems douteufe , Amurat tira de fon fein le
traité de paix conclu avec les Cliréù^ns , en difant :
<• Chriji , ji tu es Dieu , comme Us Chrétiens le tîij'enc ,
vengC'mui de leur perfidie. Ils cnc jure une allt^inct
(nec moi par ton /aine nom , & n'ont pas la'ffé de
la violer. ^> Amurat auroit (no des progrès plus con-
fiJérables , s'il n'avoit été viçoureufemcnt repouffé
p« deux Chrétiens , /«<« Hun-ade, prince de Tran-
fylvanie , & Scanderbtrg , roi d'Epire.
Mahomet II ^ fucceffeur à! Amurat , hérita de fon
courage 8c de fes projets. La conquête de la ville
impériale étoic le principal objet d« fon ambition.
Il l'afficge en 1453 , 5c l'emporte d'affaut après
un fiége de deux mois. C^njhntin Paléolugue , fur-
nommé Dracofe , frère de Jean Paléologue , qui ré-
gnoit alors a OjnUantinople , fut étoutFo ( dit-on)
en fortant de la ville , par la foule des fuyjris.
Son corps ayant été trouvé & reconnu, i\/Iaho~
vtu lui lit-couper la tiic , qu'on porta par ia. ville
Î9<' E L r M E N s
au bout d'une lance. Tous les Pa/é,.lc»uei furent
tnafTacrcs ,ou rcfcrvcs aux plaiàrs du fultan. Une
grande partie de la noblffile &. du peuple fut im»
molce à la fureur du foldat ; plus de foixante
trille hommes furent deAinés à un malheureux
efclavage. Les temples, profanes par les abomina»
tions des troupes iafidciles , furent changes en
mofquées.
Le vainqueur , naitre d; la capitale de l'empire
Crée, fe fit-proclamer Empereur. En vain le p:pe
Cjiixte III , qui avoir fuccédc au pape 'nfjrtla ^,
mort en 1455, envoya des ambafTadeiirs aux Prin«
ces Chrétiens, pour les exhorter a fe rcumr con-
tre l'exceluve puiH'.mce des Othomans : Mahomet
continua fes conquêtes, & dctruifit lefoibleem-
pire de Trcbi fonde , poffedc par David Cmr.^.it^
comme il avoit détruit celui de ConAantinople.
Mckomet II, voulant faire de cette dernière
ville le fjé);e de fon empire , crut que, pour y
attirer les Grecs , il ne falloir pas les forcer à
embrafTer le Mahom.étifme. Le vainqueur permit
donc aux vaincus le libre exercice de leur Reli-
gion. Ayant appris que le fici^e pacnatchal ctoit
vacant , il y fit-nommer le cclcbre Oeorft Sthofa»
tiu$, le plus habile & le plus clcqucotdcs Grecs.
Comme c'ctoit la coutume que le patriarche
fut inftallc par l'Empereur Grec , le Sultan voulut
lui donner rinvc(\iiure. Geurgc fut ci'nduit daoe
la grande falle du palais imptrrial, au pied du trône
ée hUh^mtt , rcvctu de fes plus rkhcs orocmcn».
DE l'Histoire Ecclésiastique. 191
devant qui il Ce prollerna. Ce prince lui mit ea
main le bâton paftor^l , en prononçant ces pa-
roles à haute voix ; La Tres'fdintt TrinieJ , i-i^i m'*
donné l'Empire , te fait , par l'autorité eue j'en ai
reçue y Archevêque de la nouvelle R^^me , & Patriarche
acumcnlpie.
Quelques jours après , Mahomet a!îa rendre vi-
fite au nouveau Patriarche , qui avoit pris le nom
de Gennidius , & ille pria de lui expliquer les
principaux points de la Religion Chrétienne. Gcn-
nadius le fit avec autant de force que de folidité.
Le Sultan en parut touché , & traita les Grecs
avec plus de douceur. Il le pria nicme de rédiger
pjf écrit tout ce qu'il lui avoit dit dans un en-
tretien fi intéreffant. On trouve cet ouvrage, avec
plufieurs autres du même écrivain ,dans la Biblio'
th'eque des Pères,
Geniadius employa tous (es talens & fon zèle
pour engager fon peuple à fc réunir à l'Eglife La-
tine. Mais voyant que fes remontrances ne pro-
duiioient pas plus de fruit que fes écrits , il re-
nonça , la cinquième année de fon pontificat au
gouvernement d'une Eglife rebelle , & fe retira
dans un monaftére. Depuis cette fatale époque
les Grecs ont continué de vivre dans le fchifme
& cette féparation n'a pas fervi à les fairc-prof-
pérer. Le patriarchat a perdu tout fon luflre. Le
grand -Seigneur vend à préfent cette dignité au
plus offrant : cependant il y a encore une efpèce
«l'éleûion pour la forme. Cet abus de vendre ainû
"192 E L E M E K s
la prcm tre place ccctclbnique de lOricnt , d.ût
fa nailTance a 1 ambition d'un moinp Grec , qui ,
pour écarter fes coacurrens , offrit une lomme d'ar-
gent qui fut bien vite acceptée. Les Turcs don-
noient auparavant une entière liDcrtc de noir.mcr
pour Patriarche , celui qui leur patoilloit le plus
digne du pontificat.
Sif^e de Rhodes,
Mahomet, fier de fes profpcrités , voulut enle-
ver aux Chrctieiu riHe de Rhodes, le boulevard
de la Chrciifnré dans la Mer-M;diierrjnce, Cette
ilc écoit la retraite des Chevaliers de St-Jean-de-
7trufalcm, qui gèaoieni la navigation des galères
& des vaifl'eaux Turcs. Le bdclia A'ifack PjUulth-
lut. Grec, delà famille impériale , favori du Sul-
tan , vint faire le ficge de Rhodes par fon ordre.
Une flotte, coropofte de cent>foixante voiles ,
battit la place avec une vigueur extrême pendant
deux mois. Mcis le grand-maitrc /^^nfi/^^tn .gen-
tilhomme François, la défendit avec noo-rooins
de fermeté , S: contraignit les Turcs de lever te
ficge, après quiU eurent perdu devant cette f iJkC
plus de neuf mille hunimci , outre cuiiiîzc nulle
blclTcs.
Le Sultan ayant vu tchpuer fa flotre devjnt
Rhodes , s'en ven|;ea en t.ichanc de fe rendre maî-
tre d'une partie du royaume de Naplct. Àchmtt,
qui commande it fon armce, aborda le vint;t-hui-
licflne d'Août 14^0 é Ocrante , viUc maritime Ac
la
DE l'Histoire Eccleçiastiquï, i?^
(a Calabre , & il la força de fe rendre , aptes T».
voir battue pendant dix-fept jours. Il y n".it tout
à feu & à fang. L'on compta jufqu'a douze mille
Chrétiens tués ou faits prifonniers , parmi iefquels
fe trouva l'Archevêque , fort Infirine & accablé de
vieillelTe. Tenant la Croix , & exhortan t fes ouail-
les à demeurer fermes dans la Foi , il fut fcic en
deux , félon quelques hlfioriens , & félon d'autres
écorché vif. Huit cents Chrétiens furent menés
hors de la ville tout-nuds , &c égorgés dans une
vallée, qu'on a nommée depuis la vallée des Mar-
tyrs , parce qu'ils aimèrent mieux fouffrir la mort ,
que de renoncer a la Religion Chrétienne.
La prife d'Otrante jetta une fi grande confterna-
tion dans toute l'Italie , que l'on penfoit plutôt à
prendre la fuite , qu'à fe défendre. Le Pape eut d'a«
bcrd deffein de quitter Rome, & de fe retirer ea
France; mais étant un peu revenu de fa frayeur, il
prit des mefures pour conferver les terres de l'E-
tat eccléfiaAique. Il fît la paix avec les Flpren-
lins , exhorta l'Empereur , les Rois & les Princes à
donner du fecours aux Chrctiens, & fit- conduire
dans la Fouille en grande diligence , les vingt-
quatre galères qu'on avoir préparées pour fecourir
les Chevaliers de Rhodes. Enfin il invita les Sou-
verains & les Prélats a fe trouver à Rome au plu-
tôt , pour concerter les moyens d'arrêter les pro-
grès des Infidèles. Ces précautions étoient abfo-
lument nécelfaires. Le Bdcha jlchmlt s'avançoit
toujours , & couroii toutes les côtes de la Met
JOOT, lu I
♦^ E 1 E M E N s
Adriatique , dans le delTein d'jller piller Sotte?
Dam« de Lorette. Des qu il eut apperçu la flotte
des Qireciens , il ea fut clfrayé. Ce fe retira avec
beaucoup de précipitation.
Mjfiumtt II , qui s'otoit déclare le plus grand
ennemi du Chril^ianiTme , vouloit envoyer une
fiouveUc armée a Otrante; lorfqu'unc mort fubiie
l'enleva en i4.Si,dans la cinquantc-deu?âcme aa>
née de Ton âge. En mourant , il prononça ( dit>oa)
plulîeurs fois le nom de Rhodes , phce fatale à
fes armes. Il expira dans une bourgade de Bithy-
sie , entre Nicomédie & Conllantinople. La dé»
fenfe de Rhodes , où le brave A'Auhujfvn fut blcfTc,
lui avok mérite les titres de houtlicr de fEglij'e Sc
de Liitrattur ie U Ckriùtnu. Ces noms font bica
plus glorieux que ceux que Mj^^Aitr // ambitioa*
noir. La vie de ce conquérant , qui fe piquoit d'i>
fniter Altxanire , fut un mélange bizarre de grands
vices & de grands talens. Il conquit deux empires,
douze royaumes , plus de deux ceats villes cond»
dérables , Se n'en fut pas plus heureux.
FinriTuns cet article par une rctlexioo importao»
te. Au milieu des maux qui adligcrent l'E^Iife La-
fine & l'Eglifc Grecque dans ce (iéde , on n«
fçauroil trop remarquer combien Di tu les traita
différemment. L'E^life Grecque fut abandonnée ,
pour aiofi dire , a l'efprit de divlfiun dont elle ctoit
de,->uis û long-tems UJ^e. Elle consomma fe»
malheurs 8c fon fchifmc , dans It tems roènia
que l'oa faifs^ii Icf plut grands efforit pour Ift
i5E l'Histoire TcCLESTAîTiQut. tçç
Caire-cefler. Le iclufme d Occident au contraire fat
entièrement éteint , & l'on vit le calir.e rennitre
dans le tems mime de la plus terrible agitation.
Les Grecs regardolent le fchifme comme un état
naturel , & n'étoient effrayes que quand on vou-
lait les y fjire- renoncer. Les Latins au contraire,
qui connoi.loient mieux le précieux dogme de
l'Unité de l'Eglife, n'envlfageoient qu'avec dou-
leur le malheureux fchilme dont ils étoient té-
moins , & regardolent l'état où ils voyoientl'E-
glile , comme un état violent dont or. devoit tra-
vailler à fortir fans délai. Onpouvoit craindre,
.que les Royaumes qui reconnoIiToient un Pape,
ne s'y attachalTent d'une manière fixe , fans fe
mettre en peine du parti que d'autres Souverains
prenaient en obilffant à un autre Prfpe. Mais il ne
vint à l'elprit de perfcrie que cet état pût être com-
patible avec la conftitution efientielle de l'Eglife;
on etoit pleinement convaincu , que le fainc-fiége
ctoit le centre de l'Unité Catholique, & que l'E»
glife ne pouvoir avoir qu'un feul chef.
Egrife de France ; Pragmatique- Santon.
Si , des événemens généraux qui intéreffoient
l'Eglife univerfelle , nous paffons aux Eglifes par-
ticulières i nous verrons celle de France proft»
ter de la confulîon où tout ctoit pendant le fchif-
me d'Occident , pour faire des régicmcns utiles.
Le plus important cil celui de la Prjjmmi.juc-
San2tun. Cette oxdonnance , donc S. Luuis avoit
1^6 £ L E M £ N s
donnée , fut promulguée ea France fous le règne
de Charles VU , en 1438. La Fiance étoit livrée
aux abus les plus crians , au fuj:c de l'cledioa
des prélats 2c de la collation des bénéfices. Ce
prince crut devoir y «pporter un remède efficace.
Une Afiemblce du Clergé fut convoquée en
1431 , à Bourges, par fon ordre. Les Hrélatsqui
la compofoient y dreffcrent des mémoires , que
l'on envoya au Concile de Bàle qui Te tcnoic
alors. Enfia, après avoir dirputé & délibéré pen-
dant fept ans , on acheva cette Pragmatique , le
fondement de la difcipline de l'Eglife Gallicane ,
alnfi que de fes libertés. On la renferma djns
vingt-trois articles , dreffes fur les décrets du
Concile de Bâle.
1°. On établit la fupériorité du G)ncile géné-
ral fur le pontife Ror.i.iin.
a'. On donna aux Eglifes ta liberté d'élire leur*
prélats , & on marqua de quelle façon l'cleiflion
devoit fe faire pour éviter les brigues & la fimonie,
3'. On abolit le| réfervcs & les grâces expec-
tatives, dont le Pape & fes légats avoient fi.fort
abufé depuis quelques (iwcles.
4*. On abolit les annate<^.
^\ On établit des prcbcii.lcs tiicoloj^ales , pour
tiret le «.Icrgc de la profonde ignorance où .1 crt>u-
piffoit daos certains dioccfcs , & on affeâa le tiers
Aes bcocâcct aux gradués.
6'. On fu divcrfes ordonnances fur le» ccré-
^Qoics du fccYLM (iivw 4i la puUcc de» E^Ufçi
Î)E L*HlSTOlRE ÊCCLESIAÇTTQTTÉ. V^
Mtliédrales. Dans divers chapitres , on recevoir
la didribition de tout le jour, pourvu 411'on eut
aflîfté une heure à l'office : on abolit cet abus ,
ainfi que plufieurs autres*
Les Papes fentirent combien la Pragmatique
étoit contraire à leurs intérêts. Pic II !e ht bien-
tôt connoitre. En 1459 '' «"vit aux Prince*
Chrétiens , pour les prier de s'alîenbler avec lui
à Mantoue , ou du moins d'y envoyer leurs
ambalTadeurs. Il ctolt queftion de faire la guerre
aux Turcs. Le roi Charles VU envoya l*Arche-
vânue deTours.qui étoit un vsréraijle vieillard;
J'Evcque de P^ris , Thomas de Ccutctllts , célè-
bre théologien ; & le Baîlli de Rouen. L'Evêque
de pL-ris porta la parole au Pape , & fit un dif-
covTS ' u'il divifa en deux parties , & qui dura
près de deux heures. 11 releva le mérite du Roi
de Fiance & de fes ancêtres. Il loua leur atta-
chen-.cnt aux intérêts de la Religion , & leur
zc e pour éteindre le rchifme , vertus qui leur
avoient acquis le titre de Rtis iris - Chrétiens,'
11 demaiida cnfuite le royaume de Sicile pour
René d'Anjou, Le Pape dans fa rcponfe releva
beaucoup le faint - ficge , & dit que tous les
Princes dévoient s'y foumettre. II loua les gran-
des aftions des Rois de France , remontant juf-.
qu'eu tcms de ChaiUmagre , H même de Clovis ; 8c
faifînt -voir combien l'Eglife de Rome avoir reç*
d'avantages de la protection des Rois très-Chré-
liens, & fur -tout du i^'nnce qui rcgnoit , faa^
liij
kquel il étoit impolllblc d'arrctcr les progTC« it%
Turcs.
Mais , malgré ces éloges, le Pape dit aux am-
baffadeurs de France , qu'il étoit furpris que l'oa
attendit de lui uae aulll grande grâce que celle
de l'inveftiture d'un royaume pour un Prince Fran»
çois, tandis que l'on continuoit d'y fouteair la
Pragmaiique - Sanction , & que l'on exccuto'.t une.
û mauvaifc règle , qui étoit l'aâe le plus inju-
rieux qui eût jamais été t'ait à la dignité du fou-
verain Pontit'e. Il ajouta « qu'il ne pouvoit dire
des François , ce que S. Paul dit des Chrétiens :
J« voiu ai fiancit à eu unique époux qui cjl JesvS'
Christ, pour vous préjcntcr à lui comme unt tltrg»,
toute pure ; tant qu'ils auroient cette tache de la
Pragmatique. •« Lorfque Pit II n'étoit qu'.£/i<ai Syt»
yiui , il ne parloit pas ainfî : car il avoit reçik
& approuve la Pragmatique dans le Concile ds
Baie , & en avoit été un des plas zèles djfen«
fcurs ', mais en changeant d'état , il a/oit au^
change de fenùment , ou du moins de conduite.
Fie II n'oublia donc rien pour faire-fupprimer
ce fjmeux décret de rtglife Gallicane. Apres la
mort de Chjrlei V 1 1 , Louis A7 étant monté fur
k trône, le Pape lui envoya ea qualité de nonce
l'Eve m: de Terni , homme infinuant 8c adroit.
Ce prcl.1t flatta fi habilement le nouveau Roi ,que
la Pr.igmatique fut abolie par un cdit en 1461. La
Charte de cette cclèbre ordonnance fut traioée
JinaoùjucaTcoicai daâs les ruci de RorociSi 1^
fet l'Histoire Eccl£siastique 19-;*
^pe,. plein de joie & de reconnoiffance, envoya
au roi une épée enrichie de pierreries, & un rc-
merciment en vers. Cependant, malgré l'cdit de
Icuis XI , on ne laiffa pas d'obferver en Franco
plufieurs articles de la Pragmatique.
Paul I /, élevé fur le faint-fiége après P!t //»•
en 1464, crut devoir lui porter le dernier coup.
Il envoya en 1467 un légat en France^ qui étoit
charge de foUiciter l'entière abolition de cette
ordonnance , û inquiétante pour la cour de Rome,
& qui devoir offrir le chapeau de cardinal à l'E-
véque d Evreux , Jean Baluc , minilUe de Louis X/,
s'il fjjloit-réuilir les dilTeins du Pape. BaluCyVua
des plus mauvais citoyens qu'ait nourris la France,,
trahit les intérêts de (a patrie , & obtint de Louis-
XI des lettres ♦ patentes qui confirmoient l'abo-
lition dé la Pragmatique ; mais lorfqu'il voulut
l«s faire - enregiftrer au Parlement , le procureur-
général , Jean de Sc-Romain , magiftrat intègre ,
s'oppnfa à l'cnreginrement d'un édit qui fuppri-
moit l'ordonnance la plus néceffaire au royaume,
L'Univerfité fe joignit au Parlement , & déclara*
au légat , par fon refleur, qu'elle appelleroit au
futur Concile de tout ce qui fe feroit contre une
loi folemnellement promulguée au nom de l'Eglife
Gallicane.
Après la mort de Louis XI, arrivée en 1483 »
on afTembla les états-généraux à Tours. Le Clergé'
y demanda le rctabliffemcnt de la Pragmatique.
ta Ardievcques de.Lyon & de Tours . qui étoicuv
id« E L E M Z K s
cardiruux s'y oppofcrent -, 3c 1m Prcljts qui avoietit
été promus fous Lou'n XI, contre la forme prcf-
crite par U Pragnutique , fe joignirent à eux. Les
pjrtKans de la cour de Rome eurent le dciTus ,
malgré les plaintes du Tiers • ctat , qui , dans
cette même alTemblée générale de la nation , cher-
chaà prouver que les exaâions des Papes étoienc
ciufe de la pauvreté du royaume. Cependant la
Pragmatique, tantôt approuvée, tantôt rc-voquée,
continua d'être obfcrvée ( quoique attaquée par
quelques mauvais Français ) foui les rcgniri de
ChArltt VUl & de Uuti XII. Nous verrons dans
l'hiAoire du ûecle fuivant , cuinmeot elle fut ca«
tiérement anéantie par le Concordit conclu entre
liitii X âc Fra/ifoij I,
D'ifcrends des Curés avec Us Religieux,
Une affaire moins importante que celle de la
Pragmatique, occupa pendant quelrjuc tcms l'E-
glife de Fran.e. La qucHion »fi les Religieux men-
»• dians pouvoient confeiTcr fans le confentement
M des Cur;s , •• fe renouvclla en 1456, à roccafion
é'unc bulle du pape N.colai V , qui la dccidoit
en faveur des Religieux. L'Univerfiié de Paris
appc'.la de cette bu'ie , 8c chalTa de fon corps
ceux qui ne voulurent point la reietter. Les Re>
ligieux s'en plaignirent aii pape Caliate III ^ qui
fe déclara pour eux à l'excinple de fet ;
ccfTcurs-, mais i Umverfiic n'jyaiu pas voul.i
& les Rclij^icux ae voulant pas être exclus da
DE l'Histoire Ecclesi asti que. aoï*.
tes écoles , le Pape fut obligé de révoquer I4
bulle. C'eil ainfi que fe termina cette difpute ^
qu'on vit renaître fous Sixte IV. Ce pont'.fe re-
.nouvella en 1453 les bulles favorables aux Re-
ligieux lUendians. Mais les diffcrends qui avoiont
divifé le Clergé féculier d'avec le régulier en
France, s'étant élevés en Allemagne, le Pape mit
la paix entre les Religieux Se les Curés , en mo-
dérant les privilèges des uns , & en s'expliquant
nette. nent fur les droits dei autres.
Suite des Pontifes Romains depuis Eugène IV;
On voit par le détail dans lequel nous venon»
d'en r.r , que les Papes, malgré les fcandales du
fchi m; dOccident , avoieut une grande influence
dans toate<! les affaires générales & particulières
qui fe iraitcienc dans l'Eglife. Nous avons fait-
connoitre ce i\i\'Eii^i:te IV fit de bien S: de mal f
en pnriant du Concile de Bals & de celui it
Florence.
Nicolai f', appelle auparavant Thomas de Saf^
\anne , fon fuccelTeur , trav.iilla efric^ccment à la
paix de l'Eglife & de l'Italie, & eut le bonheur
d'y réuffir. Pontife vertueux & humain , il traita
avec génerofite rantip.ipe Fdlx V , & s'acquit ,
par ce procédé , l'amitié des peuples & l'eftinle
des grands. Les gens de-lettres , qu'il favorifoit
de fes bienfaits , parce qu'il étoit fçavant lui*
mcme, le perdirent en 1455.
Calixu m {^Atphonfc ÙQ Borpa),à\\nç\\\[i^
Iv
.toi E L E M I H s'
fjm.lle d'E^'pagne , voyoit avec douleur les pre^-
grès des Turcs. N'étant encore que cardinal, il
Et. voeu de leur dcclarer la guerre , 8c en figna
lii formule , où il prenoii le titre de fouveraio
Pontife , tant il avoir de confiance d'être placé
fur le trotie de Saint Pierre. Mais des qu'il y fut
clevc , il fcnui que les projets les plus beaux ca
idée font fouvenc impraticables dans l'éxecution,
11 eut beau envoyer des prédicateurs par toute
l'Europe , pour exciter le courage & le zcle des
peuples 8c des l'rlncc$:les unsi>clc$ autres s'cxa-
g€rcrent les dii1icuUc\ de l'entreprife , qui effet*
tivcmeot n'ctoit pas facile , <x fe boracrent a faire
des voeux Acrilcs. Il mourut en 145S.
Pic II ( Enec Piccolumini ) , de Coifini près it
Sienne , qui occupa le faiiu-(icge après lui , moa»
tra la même ardeur pour la Croil'ade. Il convo»
'qua une alTemblée de tous les Princes Chrécieat
9 Mantoue. 11 équippa une flotte, fur laquelle il
étoir près de monter , lorfque la mort le furprii
•n 1464, & lui épargna la douleur d'avoir fait
^S tentatives infruûueuf>:s.
Paul II ( Pitrrc Bjrtt ) , \ cnificn , mort en
j^yi d'un excct de melon , ctoit neveu du papa
Eitgint. IV, 11 brilla plus par fa magni^cencc exté*
rteure que par fon génie. 11 ne favonfa guère*
les gens-de<lettrrt , qui I ont peint d'une manier*
^favantageufe. Jamais on n'a pleuré avec au*
ttnt de facilite que ce Pontife^ il làchoit d'obter
pir pu r«t IdLTi&cs (C (ju'U oc pouvuu per^uAdcij:
fti l'Histoire Ecclésiastique^ 5V^
pat Tes rait'ons, Ceit lui qui reduific le Jubile k
2-5 ans.
Sixte I F{ Franço'.s de la Rovért ) , de Celle»
près de Savonne , étoit fçavant. Sa vie ctoit fi
régulière , qu'on eût pris fa maifon pour un mo«
Mftére. 11 avoic deffeia d'alTcmblcr un Concile
dans le palais de Latran , pour travailler au réta-
Wiffem^nt de la difcipline -, mais les difficultés'
<y»M éprouva firenc-évanouir le projet du Con-
cile & de U réformation. Il mourut en. 14S4 ,■
a.vec la réputation d'un pontife gouverné par le
ripjtifme îc implacable dans fes reffentimens.
Le pontificat à'Innocent V 111 fuivit celui d»
Si^u IV. W s'apptUoit Jean- Bjpti/ie Cibo,S!ii'éwit.
frayé le chemin au trône pontifical par le fuccès
avec lequel il avoit rempli plufieurs commiffion»'
i<T>portantes. Son zèle pour la Croifade contre les
Turcs lui fournit un prétexte pour amaffer beau»-
coup d'argent. U l'employa à enrichir les enfant
q^'ii avo t eus avsnt fon pontificat, & à faire Ja
guerre au Roi de N^pjes. , qu'il, excommunia. Il:
root rut en 1492.-
Le règne à' Alexandre VI, fon fucceflTeur , neuf •
C£Ci'pcra dans l'hiftoire du fiécle fuivant.
Nouveaux Ordres , les uns Religieux , k^'
autres Militaires^.
Les Pontifes Romains n'eurent pas la confo-»'
]arion de reformer Le. Clergé féculier , ainll qu'oo'
(c l'^oU E.tO£pf6 tlepuis le CoûçUe de ConAanct-i,,
fcvi)
i94' . £ JL E M £ N s
nais le Cierge régulier acqu t de nouvelles braa<^
Ches , qui portèrent des l'ruits de vie. C'eft de
<e Acde que date l'ordre des Minimts , inftitué
p:r S. Prafifois de PauU , hermite Calabrots , né
en 1418. Confacrc à Oieu dès Ta plus tendre jeu-
oefle , il s'enferma dans un hermit;ige , ou plutôr
dans un roc au bord de la mer. Ses vertus ay«ac
attiré auprès de lui des difciples , il leur bâtie
en 1467 un monai^cre près de Paule fa patrie^
ville de Calabre , Se leur donna une règle , ap-
prouvée par Sixu ly , Alexandre VI &. JuUs II,
Ses difciples portèrent d'abord le nom d' Hermite*
é* S, franfois , enl'uite celui de Minimes , parce
qu'ils s'appelloient par humiii:é Minimi fratrit
tremltx. Leur i'aint fondateur joignit les aulK'rités
]e« plus rigoureufes à la charitc la pius ardente»
Il alla recevoir la récompcnfe de fes travaux
en 1507. Il mourut en France dans le couveoc
de DupIcfUs-Duparc.
Btatrix de Sylva , Portugaife , illuftre par fc$
Ttrtu» autant que par fa naiiTance , fonda a To-
lède l'ordre des Religieufei de la Conetptiom tle U
Vitrgt Mmrlt , qui fuivirent d'abord la règle de
Citeaux , & qui embrailcrenc enfuite celle de Ste-
Clétrt.
Les Ordres militaires établis dans ce ficdtf
font ceux de S. SLtu/Ut , de U TuiftM d'or , tu ait
S. MtcSel,
Le premier, inAituc ( dit*on) par AmiiU Vil
tiuc de 2^dvoi«, dcpm» l'apc fout le oua de fim
BE l'Histoire Ecclésiastique. îoj"
llx r", fut uni en içyi à l'ancien ordre de S. Le
{are, par une bulle qui permet aux chevaliers de
fe marier , une fois feulement , à une vierge.
Les chevaliers de la Tuif^n d^or reconnoiffent
pour fondateur Philippe le Bon , duc de Rourgo-
gne , qui ayant époufé en fécondes noces à Bru-
ges en Flandres , îfahcUc , fille de Jean roi de
Portugal, voulut rendre la cérémonie de fon ma»
riage plus folemnelle par l'inditution d'un ordre.
Il lui donna le nom de To'fon d'or , & cet or-
dre pafTa dans la fuite aux Archiducs & aux Rois
d"Efp3!ïne.
L'ordre de S. Michel fut fondé en 1469 par
Louis XI ^ roi de France , qui vouloir apparem-
xrcnt imiter fon oncle maternel René à\4njou ^
roi de Sicile , fondateur de l'ordre du Croiffant,
Le ferment qu'on exigeoit des chevaliers , étoic
principalement de foutenir la dignité & les droits
de la couronne & l'autorité du Roi contre tous
ceux qui les attaqueroient.
Sçavans ; Invention de rimprimene.
Le féjour des Papes à Avignon , le fchifme que
ce féjour occafionna , furent la fource de plu-
fieurs maux dans l'Eglife -, mais le$ hommes cé-
lèbres en talens & en venus , qui brillèrent au mi-
lieu des ténèbres de ces tems malheureux , pro»
duifuent aufTi de très-grands biens.
Jean Gerfon ^ chancelier de l'univerfiré de Pari»,
dont il ctoit la lunucre , fe montra pie la de zclo*
^^6^ E L E »r I K $
pour la reformation de l'Eglifc , & foutint ce zild-
par les rncLurs les plus pures. II mourut en 1429.
Ses Ouvrages fur le dogme , la morale , la dif-
cJpllne , font nombreux 6c eAimcs.
Pierre à'ÀilIi , cardinal & cvéque de Cambrai,
écoit né à Compicgne, d'une f- mille obfcure. Ses
moeurs & fon fçavoir lui frayèrent la carrière de
la fortune & des dignités. L Eglife le perdit en
1425. Il l'avoit enrichie de p'.uiîeurs TçavansTrai»
tC5:entr'autres , fur la reforme de 1 Eglife , ôc fur
l'autoritc du Concile -gênerai.
Nicolas de Cemengii , le rival des anciens Perc» ■
peur la force de l'éloquence & la nob'elTe des-
penfées , étoit doâeur de Paris. Ses Lettres 8c.
fes Traités fur le fchifme font encore lus ajour»
d'hui. On place fa mort en 1440.
Le cardinal Bejfarion, charge de porter la pa«-
rele au nom des IrcUts Grecs , remplit cette
fonction avec autant d'efprit que de zcle. Nou»-
avons dit qu'il fut un des promoteurs de l'untoa.
de l'Eglife Grecque a la Latine, C< qu'il fut ho»
noré de la pourpre Romaine. Il avoir été moine
Grec : il mourut en 1471, à 77 ins. Sa maifi»
ctoit une efpéce d'académie ; il coromuniquoU
aux f^avans qui étoicnt autour de lui les fe«.ouit%
de fes lumières, de fonefprit, Se d'une bibliothé»-
^ue aulfi nombreufc que choifte.
Àlphonft Tv_llat , Efpagnol -, Pêul à* Burgot ; .
Ptoyt Ricktl , Chartreux , cor.au fous le nom 4e
^tnyt le fttit i Liurtai ViLa^ CiC, Ic dillia^uc»
DE l'Histoire Ecclésiastique, u^
teflt parmi les interprètes de l'Ecritiire-faitue.
Thumas à Kempis , chanoine- régulier de S. Awi
tuftin , qu'on croit communtmé: l'auteur de l'excel--
lent livre de Vlmiiation de J» C. , fut au rang des
meilleurs écrivains myftiques.
L'Hiftoire fut cultivée par Thitni de Nicm ;
évêque de Cambrai , qui nous a tracé avec beau»
ceup d'impartialité tout ce qui regarde le fchifme
d'Occident-, & par Platine , auquel nous de von*
Iss Vies des Papes.
Li prlfe de Condantinople & la ruine de l'em-'-
pire d'Orient , fit-refluer les lettres en Occident^
Plufieurs fçavans Grecs s'étant retirés en Itdlie ,,
y infpirérent le goût de la langue Grecque 8c
des bons Auteur*, Toutes les richeffes de la Grèce
païenne & de la Grèce chrétienne paffcrent dan*'
l'Eglife Latine. On eut principalement obligation^
ds ces nouveaux tréfors à Théodore de G^^a , à
Oeo/ge de Trébifonde , 3 Àrgyrophile , à Demetrius
CJia'cundi/e , 8ic. La plupart de ces fçavans furent
protégés par les Papes -, & de Tirage , la lumière
fe répindlt dnns le rcfte de lE-irope.
Tout étoit favorable alors pour le renouvelle-
ment des fciencey. L'Impriir.erie , qui venoit d'ê-
tre inventée par un gentil- homme de Mayence
{ Jean Gutumhcrg ) , fournit une nouvelle ref-
£ource contre l'ignorante des peuples & la né-
gligence des payeurs. Il e(l vrai qu'en niultiplianl-
les bons livres , elle fervlt auHl à répandre les
t&auvals. Lu plaintes , les murmures , lesexrcux».
circulèrent par le moyen de cet art , à*ta-roÎ9 n
utile 5c û dangereux , d'un bout de l'Europe à
l'autre ;&le$ Pontifes Romains, qui l'encouragè-
rent , fureiit les premiers qui eurent à s'en plain-
dre. Nous devons à la prtffe le développement
de l'erprit humain , long - tems enfcveli dans la
plus épaiH'e barbarie ; mais nous lui devons peut-
être auni le progrès des erreurs qui troublèrent
l'Eglife dans le xvi' ficde.
De ces deux cvcnemens fingulïers , la ruine
de ConAantinople & l'invention de l'Imprimerie»
naquit cette fermentation des efprits , qui pro>
duiût enfin une révolution en Europe , à la-
quelle on ne s'étoit point attendu : tant il eA vrai
qi!e l'homme eA fait pour tout pervertir ; & que,
de ce qui paroit bien d'abord , naiffent quelquefois
les plus grands maux !
Cette fermentation commença par les plaintes
qu'on forma de toutes parts contre les abus qui
s'ctoieni gliffts dans le fanâuaire. On ne tenoic
prefqitc aucune aflemblie eccIclîaAique, où l'on ne
parlât de la nécefntc de la réformation. Les l*a°pes
eux-mcmes dant leurs bulles Ac dans les inAruc-
tions qu'.ls donnoient à leurs nonces , Ale>'oient
fortemer.t contre les abus , & avouoient qu'il fal-
Joit abrniument y remédier. Les Auteurs les plus
accrcdiicv & let Prédicateurs les plut célèbres
parloent fans ccflTe des maux de l'E^life , & ne
{e li;Toient point d'en faire les plus triAes pein-
tures. Mais , ( dit le grand Bi.jftttt ) parmi ceux*
DE l'Histoire Ecclésiastique. 109
«jul ccoient touches de l'état de l'E^life & qu»
deraandoient la reforme, il y avolt deux fortes
d'efprits. Les uns, vraiment pacifiques , déplo-
roient les maux fans amertume. Les autres ctoient
des efprits fuperbes , pleins de chagrin & d'ai-
greur , qui , frappés des déiordres qu'ils voyoient
régner dans l'Egiife, & principalement parmi fes
niniftres, ne croyoient pas que les promeffes de
fon éternelle durée pufTent fubfift<?r parmi ces
abiij. Ces hommes aveugles & orgueilleux , fuc-
comboient à la cencation q'i porte à huir la Chaire
en haîne de ceux qui y prcfident j & comme fi
la maiice des hommes pouvoit anéantir l'œuvre
de Dieu , l'averlion qu'ils avoieit conçue pour
les Pafteurs, leur faifoit-haïr en mème-tems , & la
doûrine qu'ils enfeignoient , & l'autorité qu'ils
avoient reçue de Dieu po.ir enfe^ner. Tels étoienc
Wic'f Si. Jean Uus , qui avoient frayé le chemin
eux R" forn-.'ttiirs , Icfque's n-.ircnt en feu toute
l'Egliie pendant le cuurs du ûéde dont nous allons
tracer l'hilloire.
<5^
É L É M E N S
D E
VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,
f— ■ — — »
SEIZIÈME SIÈCLE.
Idée générait de ce SiécUi
-L'e tous lei âges de rEgllfe , celui qui ouYrele
théâtre le plus brillant & le plus funcftc, cft peut-
être le XVI' hccle. L'hcréfie fe joint à la corrup.
tion des mœurs , pour troubler le repos des Fi-,
^les. Les erreurs de Luther enlèvent une partie
du Nord à la do£^rine Catholique ; celles de Cal'
tin , nccs des fiennes , agitent la France , TAn-
gleterre , la SuilTc , & finiffent par faire* couler
des ruilTeaux de Tang. Les fucccfl'curs de Mahc
mtt , maîtres du Tombeau de J. C. qu'ils foulent
aux pieds, jettent des yciHc avides (ur l'Italif^
L'Eglifc , afTligce par fes perte* continuelles en
Europe , trouve quelque coiiTolaiion dans leiac»
quifitions qu'elle fjit dans les Indes orientales Se
Atfidcniaicâ, La vraie Religion cdâiic des payi^-
tLEWESS DE l'Hi5T. EcCLés. iTt
inconnus, livrés à toutes les ténèbres de l'idola»
trie. Les fuccès de la Foi font dus prefque par-
tout à des Religieux , dent les uns naiffent dans
ce fiécle , & dont les autres acquièrent un nou-
vel éclat par les réformes qu'ils éprouvent. Des
Prélats vertueux , animés de l'efprit qu'ils avoient
puii'é dans le Concile œcuménique de Trente, ra'
iDcaent les Fidèles confiés à leurs foins, à la pu-
reté des moeurs , ainfi qu'à la pureté de la Foi.
Leur exemple ctoit néceffaire , pour effacer les
in-iprcfïïons funeftes que les vices & l'ambition
des fouverains Pontifes , qui régnèrent au corn--
oiencement de ce ficde , avoient laiffees à tou^
^CS efprits.
Pontificat </* Alexandre VI. Supplice
de Savonarole.
Nous voudrions pouvoir couvrir d'un voile le*
années remplies p3r le pontiiîcat du cardinal Ao-
d*iic de BvrgiM , Efpagnol , homme a£kif , éloquent,
hardi , grand politique , mais fans moeurs Se fans
principes, & qui eut un fils encore plus mcchanc
jjue lui. Le nouveau Pape prit le nom d'Aicxan-
dit VI, lors de fon élection en 1491. Neveu de
Calixte ///par fa mère , il s'étoit procuré la tiare
par la brigue , la cabale & l'argent. On prétend
que ceux qui lui avoient donne leurs voix dans
l!efpérance d'en être récompenfés , périrent d'une
njort prématurée,
Jl-^andrt FI dvoit eu cioq enfans d'un coi%ç
aiî E L E M I V s
merce criminel avec l'en J^ dame Romaine , <fit^
tre garçon» fie une fille. Ccj'sr de Borgia fat ce»
lui que le Pontife chérit le plus, & qui féconda
le mieux les delTcins ambitieux. Il avoit été re-
vêtu de la pourpre Romaine par fon père -, mats
ayant quitté le chapeau de cardinal pour l'cpée,
il fut envoyé en France , portant une bulle qui
rompoit le mariage de L^uis XII avec Jtann* fille'
de Lfjuis XL Le Roi de France , qui mcnageoit
Ahxnnirt VI , donna à fon fils le duché de V^Icn-
tinois , âc lui fournit des troupes pour favurifer
{t\ entrcprifes fur plufiîurs petits états d'halie.
B^TÇm , ay.int raflemble une pente armée , afTa*
îcttit le BoulooDois , le Feirarcts , le duché d'Ui«
bin & celui de Camerino , apré» avoir fait-aiTaf-
fincr les V'aranti qui en étoieot feigneurs. A ces
u''urpations il joignit plufieurs terres des Colo»mt4^
des Urfins & des Gaétant , qu'il obtint pat trahi*
fon ou par force-ouverte.
Alexandre VI favorifa de tout fon pouvoir let
sn)uflcs conquccet de fon fils ; mais la mort de ce
Pontife, ( naturelle, fuivant les meilleurs H;fto«
riens , & accélérée par le poifon , fuivant un bruit
popul.iirc , ) vengea l'Eglife des maux que leurs
crimes Se leurs fcandales lui avoient caufés. Il
mourut en i^oj , à 7^ ans, après avoir occupé
Icfaint-ficgc pendant onze ans fie huit jours. •• Ce*
w toit, (dit Bojfuii , ) un homme décrié par fa
n mauva fc foi , par fon peu de religion . par for»
n BYirice mfatiablc , fie par fci dtfordret , ;\- rnâ
i>E lUistojre Ecclésiastique, .it-j
♦» d'ail'curs facrifia tout au defir immenfe qu'il
n avoit d'aggrandir fes enfans. » Ce fut lui qui
doana aux Rois d'Efpagne le titre de Kvis Cacho-
iiquis , que Ftrdinani & Ij'akclle avoient mérité,
en chafTant des Maures de leurs états, & en fai»
iant-porter la Religion dans le Nouveau-Monde.
Son pontificat fut diftingué par le Jubilé uni-
verfel de 1500; mais il fut troublé par les pré-
dications de Jérôme SavonaroU , Dominicain , qui
déclama violexment à Florence contre les vices
Ce l'ambition du Pape. AUxandrc VI lui fit-faire
fon procès par des commifTaires -, & il fut brùli
vif, comme un hérétique & un perturbateur du
repos public.
Les efprits furent partages au fujet de ce Re-
ligieux, fanatique fclon les uns, homme Infpiré
de Dieu félon les autres. Deux Moines , l'un
Dominicain , l'autre Cordclicr , proporércnt de
pafTer à travers un bûcher, le premier pour fou-
tenir que SavonaroU étoit un prophète , ic fécond
pour prouver qu'il ctoit un impofteur. Ce duel
fingulier n'eut cependant pas lieu, parce que 5a-
vonary/e vouloit que fon champion entrât dans le
feu , tenant le Saint«Sacrement à la main , & que
le peuple s'y oppofa. Dès «t inftant SavonaroU
perdit tout fon crédit, & il fut enfermé le len-
demain dans une prifon , d'où il ne fortit que pour
monter fur le bûcher où il expira le 23 Mai
1498. Il mourut avec confiance , fans rien dire,
{ félon le cootinuaceur de Puffcndorj ^ ) qui put
f ire-juger s'il étoit in.io^cnt ou coupable. 5es <Ié^
clama:ions emportées contre le chef Je I Egîife,
tl l'empire qu'il voulojt acquérir fur le peuple,
mcr:Toient fins-doure un châtiment cxemp jirc •,
mais le fupplice du feu parut aux gens une pv*
nition bien- Ion f & bien>crueU
ElcHion de Pie 1 I I. Prétentions du CirdUnjd
«/"Amboife. Cjnunenccmcra du pontificat de
Jules IL
La chaire pomificale excltoît l'ambition de di-
vers Cardinaux. Le c»rdinal A'Amhoife , pre>Trier mi»
riftre de Louii ,A//, y afpiroic fur-tout , moins
cependant pour fatisfaire fon orgueil, que pour
travailler , difcitMl , à la réforme des abus & à la
corrcftion des n opurs. Dès qu'il eut appris ?a
ir.ort lïAUxûnJn F/, 1 fe rendit à Rome, plein
de refpérance d'être Pape. Il avoit un puifTant
parti parmi les Cardinaux ; 8c les Princes qui
avoient le plu» d'intc-.ct à l'exclure, fcmbioicnt
«ïifpofcs à contribuer à fon clcvation. L'Empereur
Favoit flatte qu'il foutiendroit fes intérêts; l'arti-
ficieux Fcrdiiuind , roi de Or:ille , lui fit les plus
belles protreHe». T>' Aii'-<>/t , fe f.ant a toutes cet
cfpcrances illufcir».-* , crut que 1.1 triple couron"
ne ne pouvoit lui inanquer , 6c ru-ret:rer les trou-
pes Fran^oi fes qu'il avoit ap,>ci:ces pour favorifer
fon éledioo. Ce fut le t.:.!iral de S. r.r. « qui
lui donna ce confctl, en !ui pcrfuad4nt qu'il fe.
coii clu tout d'une >o)X , uns s'atiawr le ripto-
Cl l'Histoihe Ecclestâçttque. itf
Cke d'avoir attenté à la liberté du facré collège.
Mais dès qu'ils furent cnfermJs dans le concla-
ve , le cardinal de S. Purre , qui afpiroit à li pa-
pauté , lui fit aufli-tôt donner l'exclulion.
Lesirembres du facré collège eftimoient ce der-
nier prélat , neveu du pape Sixti IV , & dont le
«lom de famille étoit JuLtcn de la Ruvérc. Né àSa-
vone dans l'état des Gênes , il s'étoit élevé par
fes talens & avoir gagné les cœurs par fes libé-
talités. Le conclave le regardait comme un hom-
me ferme & courageux qui pourrolt s'oppofer auc
préteniions des Princes. Mais , comme il ne put
d'abord réunir toutes les voix , «« il fit-clire ua
H vieux Cardinal qu: apparemment lailTeroit biea-
♦» tôt la papauté vacante. Ce fat Françuis Picco-
it lomini , qui prit le nom de Pic III. Il ne tint
♦» le fiége que vlngt-fix jours, & le cardinal de
»« S. Pierre qui avoir les voeux de tout le collé-
M ge , fut élu d'un commun confentemcnt dès le
»> foir qu'on entra dans le conclave. L'ambition
«I & la fimplicicé du cardinal A'Amb^ife furent la
»» rifée de toute l'Europe. Mais le Roi ne fcntit
VI pas affez combien mal-à-propos fon autorité
M avoit été commife en cette occafion , où les
*< mefures étoient fi mal pri-fes. m {Bossu£T,Airégc
de C Hijluire de France. )
Le nouveau Pape prit le nom de Jules II. Son
premier foin fut de priver Cèf^r de Bor^ia de
-toutes les fouverainetcs dont il s'étoit emparé
>
& de luutes les dignités dont il avoic ét^ revêtu.
5X5 E l 1 M E y i
Mais comme il avoit le gcnic pret'que auflî guer-
rier & aulH ambiiie.x jque celui qu'il dépouil*
lott , il garda une partie des ufurpations de Bor»
g!a , & encra b.mtot djns une ligue formée par
l'empereur Maximiiun avec les Rois de France
& dEt'pagne, pour chaûer les ^"cnit^cn$ de tou-
tes les fcigneuriesqu ils podcdoient en terre-fer-
me. Ces fiers républicains n'dyant pas pu rclïAer
aux efforts de tant de Paiflances rëumes , leurs
dcpcuillos enridiirent leurs vainqueurs , & J^Li
Il rentra dans la poiTefTion de Ravenne , de Ri*
mini & de tout le Bculonnois.
DcméUs de Jules II avec Louis XII.
Ce fut en partie par le courage de Louis XII
que fe firent les conquêtes fur les Vénitiens ,
qu'il défit entièrement a la bataille d'Aign^dcl. Les
fucccs de ce prince en Italie donnèrent de l'om»
br.igeà/;i/ci // Le Roi lui avoit accorde. un afyle
en Francî , pendant le pontificat à^AUxaadit VL
Mu s Jutes , ayant oublie les fcrviccs fîgnales que le
Roi de France lui avoit reodut, nefongcaqu'à lui
fufciîcr desenncmii. Iian>ro'>i; fccrcttcmcnt les Suif.
fes cotre lui. 11 excitoit //«/i/-, 77//, roi d Anglcterrs,
jeune prince , qui deûroit fignaler Ton avènement i
la couronne par quelque afKond icl.u ; enfin, pour
rendre fon parti plus for< (dit f.j/'.«,)'il donnoit
J'abfoluiion aux Vcniiirnt ,& preaoii avrccux àt%
mcfurcs peu favorables a la France. Lvuit XJf ni.»
gnoruic point ces nicncc^* Oblt^c de déclarer la
guerre
DE l'HiÇTOîHE EcCLEÇIASTiOUK- 1\y
guerre aux Pontifes , il convoqua vers la fin de
Septembre 1510 une affemblée générale de l'E-
giife Gallicane à Tours , pour fçavoir comment il
tlcvoit fe défendre contre le fouverain Pontife,
en confervant toujours le refpeû dû à l'Eglife 8c
au faint-liige On convnt d'affembler un Con-
cile général à l-ife;& quelques C:rdinaux qu'on
avoir gagnes, en indiquèrent l'ouverture pour le
premier de Septembre 1 5 1 1 ,
Cor.cilts de P'ije & de Latran,
Ce Concile ne s'ouvrit cependant que le pre«
m er Novembre : quatre Cardinaux & un grand
nombre d'Evéques , d'Abbés & de Dofteurs s'y
trouvèrent. On expofa dans la première fefllon
les motifs de la convocarion du Concile : c'étoient
la réfonr.ation de 1 Eglife dans fon chef & dans
fes m'embres ; le ferment que JuUî II avoir fait à
fon avènement à la papauté d'aiTembler un Con-
cile œcuménique. Dans la féconde fefTion on ré-
gla ce qui regarJoit la police de l'alTemblée imait,
dès la truificme , il fallut chercher une autre ville
pour la tenir.
Le Pape, né avec des inclinations militaires,'
ne fc contenta pas d'employer contre Louis XII
les foudres eccltfiafliques. Il fe lia dabord avec
les Souverains , & conclut fecretrement contre la
France avec Ftrdinar.d roi de Caftille , & les Vé-
ritiens , une Ligue quîils appcllérent la LlgutSain-
H , parce qu'elle avoit pour prétexte le recou"
Jom. //. K
»i5 E L E M E y s
Trement des places enlevées au faint-fiége ,8t If
ruine du Ccnciîc de PiTe qu'ils appcMoient/cA//*-
natljuc Sctant mis cnfuite lui-même , malgré le
poids des années & des maladies , à la téic àes
troupes '^•j'il avoii levées , il comrcerça d'atta»
quer l'Etat de Florence , de la dépendance du-
quel c:oii la ville de Pife. Les Percs du Concile
crurent donc devoir fe rendre à Mihn , où ils
«.voient transfère leur affemblce -, mais comme les
SuifTcs firent alors une irruption dans le Mila-
rois,la quatriciae rcHion oe fc tint que le 4 Jan*
vier 1)11 -, elle fut fuivie de quatre autres, danx
lerquelles les Perg , après avoir fommé hicj
77 de nommer un lieu libre pour tenir le Con-
cile & de s'y trouver en perfonne pour fe jurti-
ficr.lc cccUrcrent fufpens de l'adminiAration du
pORtiCcat , 6r firent-défcnfc de le recoanoitre pour
chef de l'Eglife.
Ju.'t: saitcr.doit à ce coup d'éclat , & , pour !•
parer , il avoir oppofé Concile à Concile ; il avoir
convorué dir.» la Baf.liquc de Latran uneaflfem-
Wée générale de l'Eglifc , dont U première fcCiun ,
fuivie donze autres, fut tenue le 3 Mai ijia.
Le Pape y préfida , afliftc de quinze Cardinaux*
Dans la troi/icme fcaocc on lut une bulle qui
coiidamnoit le Concile de Pifeavec Tes fauteurs,
& confirmoit les escommunications fulminées par
le Pape ccnttc le» Cirdinaux f< les Prélats qui
le coir.pofoieot. Jutu £t > publier en niéme-tciut
<let OK>ai(otret pour mettre le royaume de Franc;
Ï)E lIÎïSTÔIRE ECCLISIASTI^UE. 2TJ
In interdit, & ajourner le Roi , les Prélats , les
Chapitres ôc les Parlcmens du royaume à comparoî-
tre devant lui dans foixante jours , pour expofer
k$ motifs de leur oppofitlon à l'abrogation de la
Pragmatique Sanftion : règlement célèbre , qui , aux
yeux du Pape , étoit le renverfement d'une par-
tie de fes droits.
Mort de Jules U; EleEûon dehhon \i
Peu de tems après , une fièvre lente enleva /«-
Ui II a l'Eglifc , qui le regretta peu , après neuf
«nnées de pontificat, « Il fialîut , ( dit Bojfuct , ) aller
M rendre compte de tant de guerres , que fon hu-
it meur trapérieufe & violence avoit excitées, n
On l'avoit vu , ( dit M. l'Abbc Pluquet , ) faire des
Céges , livrer des batailles , monter à cheval com«
•ne un fimple officier, vifiter les batteries & les
tranchées, animer les troupes , s'expofer lui-mê-
me au feu. Non content de combattre avec des
armes temporelles, on le vit employer contre la
France les armes Spirituelles -, excommunier un
Roi qu'elle idoroit , mettre fon royaume en in-
cerdit , ôter a la ville de Lyon le droit des foi-
res - franches , parce que cette ville avoit donné
retraite aux Evèqucs du Concile de Pife. On no
peut douter que ces cntreprifes ne jectalfentdans
l'efprit des François des idées :con(raire$ au ref«
peft dû au faint-ficge, & ne ferviffcm aux fuc-
cès des prétendus Réiormateurs qui parurent bien-
tôt. M L'autorité la plus légitime devient fufpec*
dîO E L E M E N s
V te , (dît l'Auteur cire , ) lorfqu'on en fait U(t abns
n manitcfte , & que cet abus attaque le bonheur
M ou la tranquillitc des Etats. ><
Le Cardinal de SUdU'u , Âgé feulement de tren<-
te-fix ans, Aicccda a Jules //en 1514, & prit Je
nom de Lc^n X. Ce l'ape , effrayé des rapide»
conquêtes de Seiim /, empereur de» Turcs , vain-
queur de l'Egypte, qui menaçoit de porter la guerre
en Italie , chercha a (c rapprocher de Louis XII ^
dont les armes pouvoient écarter un fi redouta,
ble ennemi! Ce prince fouhaitoit cette reconcilia-
tion j il renonça au Concile de Pil'c , & adhcra à
celui de Latran qui fut terminé en 1517. Tous
les anathcmes lances contrs la France furent le-
vés par un décret du Concile , & les préUts Fran-
çois abfous des ccnfures qu'ils avoicnt encourues
en favorifant l'affcmblée dePife : ainfi fc termina
ce célèbre différend, qui tint pendant plufieurf
années l'Europe attentive.
Entrevue de Léon X & de François I ;
Concordjt,
Louis Xll mourut peu de tems aptes fa rccon»
ciliation avec Rome. Frtnçois /, fon fucccffeur,
prince jeune 8t ardent qui ne refpiroit que la guer-
re , palTa en Italie avec une armée des la pre-
mière année de fon règne. Le Pape, qui lui avoir
été d'abord oppofc, racnagei une conférence avec
lui -, l'entrevue fe fit à Bolo^jnc , en Décembre
1 p ] . C'eû dâo» cette ville ^ue le Roi , à l'iof-
m. l'Histoire Ecclésiastique, tu
ifigatioii de fon chancelier Duprat , vendu (dit-on)
à la coar de Rome , qui lui avoit promis le cha-
peau de Cardinal , abolit la P ra^matique-Sanclion ,
& conclut avec le Pape ce fameux traité appelle
Concordat , inféré dans les a£les du Concile de
Latran , comme une rè^le que les François de*
voient Cuivre à l'avenir en ntatiére ecciéfiatlique
& bénéficiale.
Par cet accord, dont on a dît tant de bien &
tant de mal , la nomination aux évèchés & aux
abbayes étoit accordée au Roi , qui devoir pré-
fcntcr au Pape 'es fujets nommés ; le Pontife
renoii,o:tde l'on cûci aux rcfcivcs & aux expcc-
taiives , à condition qu'on lui payeroit les Aq-
natcs , c'eft-à-dÎTe qu'il jouiroit de la première
année du revenu des Bénifices vacans. Ces Anna*
tes, contre lefquclles on a tant déclamé, ne furent
pjs cependant établies exprcffémcnt par le Con-
cordat , mais par une bulle qui fuivit de près ce
fameux traité. Le Concordat efTuya les plus vives
oppofitions de la part du Clergé , du Parlement
& deTUniverflté j mais il fut enf.n enregiftré en
151S , après plufieurs lettres de juflîon.
♦< Par ce Concordat , ( dit Btjfuet , ) l«s Rois de
r France ont la confcience chargée d'un poids terri-
y> blc, & le falut de leurs fujets eft entre leurs mains,
>• Mais ils pe.ivent faire, à eux-ratmes & à out
r< leur royaume , un bien extrême ,fi,au lieu de
•• regarder les prélatures comme une récompenfe
»» temporelle , ils ne fongent qu'à donner au peu-
»t p!c de dignes paftcurs, » K. li j
&II E JL E M t K s
On a dit que , par le Concordat , U Rot O l*
Tape ovoUnt pris te qui ne leur appartenait pas , 3c
donné ce qu'ils ne pouvoient pjs donner ; mais plu-
Ceurs Jurifconfultes penfcni que le Roi , en re-
prenant par ce traité le privilcgc de nommer aux
Bénéfices conftAoriaux de fon royaume , ne rcprc-
aoit que la prcrogative de cous les premiers Rob
de France. D'ailleurs les éleûions étant devenue»
dans les tems d'anarchie une fimonie publique ,
& les grands fiéges étant fouvent donnés à des
gens de néant, peu propres à gcuvcrner, il y a peui-
être moins d inconvcnicnt que nos Rois exercent
les droits des premiers Fidèles , Se qu'à mériw
égal ils donnent la préférence aux Nobles dans U
collation des Bénéfices.
Dans les pays conquis 8c dans ceux qui oat
été réunis à la France , podétieureirtent au Con-
cordat, les Rois de 1 rance nomment aux Bcnéfî-
ces en vertu d'induits particuliers accordés ea
divers tems par les Papes. L'ufage qu'ils ont fait
du pouvoir que leur donne le Concordat , a picf-
que toujours etc applaudi, parce que dans lechO'X
des fujeis , ils -ont confulic des liccIcliaiUquc»
vertueux ou des MiniArcs fages. Le Clergé a cté
remis peu- à-peu dans un orlre & dan« une de-
cc.ice tfcf-rares dans le trms des cte:hons. C'eft
une juAice que les ProieOms modères & les la*
crédules ncmc< ont rcr.<1ue a l'Eplife de France,
à quelques exceptions piCS , ( du l'un d'eux .).
qu'il faut loujouri faire dans le» vices cummc djoi
les vertus qui dumutcot.
*E L'HistoiRE Ecclésiastique. îî^
Indulgences prêchécs en Allemagne.
L'afl'aire du Concordat n'intcreffoit que rEgliffi
de France -, mais il s'éleva bientôt des di foutes fut
des fujets plus importans qui agitèrent i'E§riieunl-
verielle. Léon X, occupé du projet d'ittaquer I:s
Turcs par mer Ce par 'erre , 5c défaire tic l'EgliCe
de Si-Pierre !e plus bel édifice de l'univers, ft-
prêchcr 'des indulgences dans toutes les provin-
ces de l'Occident -, on les donnoit pour une légère
rétribution -, en AUemagne on les afferma comms
on afïermetoit un impôt , & les fermiers , pour ga-
gner plus d'argent dans cette entreprife , employè-
rent des prédicateurs qui exagérèrent le prix de ce*
grâces fpirituelles.Le vulgaire, dans les deux fexes
s'étoit laiffé perfuader qu'avec ces iniulgeoces il
étoit affuré de fon falut , & que , dès qu'il es avoic
obtenues dans le de-Ttin de délivrer les âmes du
Purgatoire , kur tlclivrancc etoit auÛi prompt»
que certaine.
Luther prêche contre les Indulgences.]
Les abus qui fe commettoient dans la diftribu-
tion des indulgences , 8c les exafjérations des pré-
dicateurs , animèrent le zcle de quelques Auguftin«
A^lemands. Jean Seaupii, vicaire- gênerai de cet
Ordre en i^llemagne , jaloux de ce qu'on avoic
chargé les Dominicains de prêcher le< indulgen»
ces au préjudice des Auguftins, pcffciTeurs de|)uij
long-tems de ce privilège , chargea qne'nues-un»
de fes Religieux de décrier les nouveaux prédi;
catcurs, Kiy
tl4 E L E M E N S
Mjriln Luther faiCt cette occalîan pour dcvfrî
lopper des principes qu'il avoit caches jufqu'a-
lors ; né à lilcbe dans le comté de Mjnsiddei»
1483 , d'un forgeron , il reçut en cfprit ce que U
nature lui avoi: rcfufé en naiCjnce. Après s'être
fignalé dans Ces premières ctudes , il entra cher
les Hermues de S. Augu/lin , effrayé de la mort
d'un de Tes condifciplet , qu'il avoit vu pcrir à Tes
cùtés d'un coup-dc-foudre. II avoit beaucoup de
vivacité dans l'erprit ,^: de fermeté dans le ta-
ra^l'ire. Dès qu'il eut été honoré du bonnet de
docteur dans l'univerllté de Wittemberg.il y pro-
felTa avec le plus grand fuccès , montrant beau-
coup de dédain pour li t'.icologle des Ecoles ,
de goût pour lesjtjrits des Feres , & de penchant
pour les opinions finguliéres.
Chargé par fcs fupérieurs de prêcher contre
l'abus des indulgences , il atraqua les indulgence»
mcrncs & le pouvoir de celui qui les donooir.
Il fourint des ihcfes en 1517, iS & i9,8ciprèft
aroir propofc fes opinions comme des doutes ,
il les foutint comme des vérités inconteHables.
Cette hardielTe allarma Lt^n X, qui écrivit con»
tre Luther à l'empereur Max^rnihen ,6i à Frédéric
duc de Saxe.fon f'ouverain , mais ce dernier prin«
ce, loin d'impofer Alence à ce Religieux, l'en*
couragea dans Ta rcv l'Eglife,
D'un autre côté , les C ■ *, qui n'étoient quo
ée» Théologiens Tuperficiill. ou qui n«l'ét»ient point-
du'tout .furent aifémcnt féfluit» par let i ' '
Bc^oxouUkUi Uu u*tt« une Cduiw^ucuc^
DE L*HlSTO!RE ECCLESIASTIQUE. 12 j
putée aux Catho!ic|ues , un paffage de l'Ecriture nul
interprcté par les CCmmentateiirs, un abus repris Se
corrigé par Liitfi cr ,lci\r en impofoit. La réforme fi.:t
donc regardée comme lerétabliirement du Chrlftianif-
me, fur-tout par des Sçavans & des Beaux-efpritspe'i
favorables aux Théologiens fc'.iolaftiqaes ,dont le ftyle
leur déplailoit encore-plus que les raifonnemer.s.
Première Condamnation de Luther.
Le Pape voyant que le nouvel hérétique ac-
quéroit chaque jour des partifans , crut dévoie
lancer contre lui des anathèmes qui puiTent ef-
frayer fes difciples. Il donna , au mois de Juin
ijio , une bulle qui condamnoit la do£lrine de
Luthir comme hérétique & impie , ordonnoit que
fes livres fufTent brûlés , & le dcclaroit lui-même
excommunié , fi dans l'efpace de foixaote jours
il ne reconnoiffoit fes égaremens.
Dans le commencement de la difpute , Luther
avoit aifeflé une humilité & une foumifllon qui
n'otoiem point dans fon cœur. Homme timide
& retiré, // avoit , difoit-il , iU traîné far f^ret
dans U public; & jette dans ces troubles plu'iit par
hê\ard qu'à itffeln. Il attendoit avec refpedk le
jugement de l'Eglife, jufqu'à déclarer en termes
exprès que s'il ne s'en tenoit pas à fidécifîon,i
confcntoit d'être traité comme hérétique. U avoic
écrit au Pape lui- même en iji8 : Dortiit\ la rie-
•u la. mon , appel 'e\ ou rappelU\ « approuve^ ou re- •
prouvei, comme il vous plaira '.j'écoutsrai votre v^i»
^l6 E L f M ï îf ^
Mais dès que Uun A eut prononcé , il- Oublia
fe5 proteftations d'obeiirdncc , comme ti c'eù: été
de vains complimens. Dès-lors fa modeAie appa-
rente fe changea en fureur. On vit voler des nuces
d'écrits contre la buîle du pontife Romain. Il fit-
paroitre d'abord des Notes ou des apoûiiies pleines
de mépris. Bientôt il publia un fécond écrit avec
ce titre : Cu/jrrf /j Bu/.'e exécrable de l' Ante- Chrijl ^
tt il le fîniA'ott par ces mots : De même qu'il»
nitxtommunitnt , je Us excommunlt auJJI à monteur»
C'et^ ainli , ( dit Bojfuet , ) que prononçoit ce nou«
Tcau p3pe.
Quant à la citation qu'on lui avolt faite cfe
COmparoitre; j'attends, difoit-il y que je fuit fuivi d^
vingt-mille hommes -de-pied & de cinq mille chevaux »
Mlvn je me fe'ai-cruire. Tout ctoit de ce cara£lcrir,
ti l'on voyoit dans fes écrits comme dans fet
difcours les deux marques d'un orgueil outré : la
moquerie & la violence. Ce caractère n'ctoit pa»
Biuins marqué dans fa conduite ■■, car il f<oit par
feire-brûlcr la bulle de Léon j^avec tout le corp»
du Droit- canon , en prcfence de l'univcrûté d»
Wittcmbcrg.
Confcrence de ff'orms.
Toute la vengeance que le l'ape put tirer a*
«e« difî'-rentcs infnlte* , fut d excommunier fo-
lemnellement en tfii Luther avec fes partifjni
ft <c% prnteûeurs , & de fe plaindre au jeune em-
pereir Charler-Quiit , qrti vcnoit de fucctrter i
feaipirc jprvs I4 mon dç MtiximUittit Ce priuce f
oï l'Histoire Ecclésiastique, xij
voulant avoir la gloire de terminer cette grat>do
affaire, convoqua la diette de l'Empire à Wormsi
Luther y fut Cité. Ses amis tachèrent de l'empc.
cher de comparoitre. Mais Luther qui avoit l'aa^
dace d'un chef de fecle , répondit :»< Oa m'a lé-.;
»> gaiement fommé , & je me rendrai à Worm»
»» au nom du Seigneur , duffé-je voir conjure»
f» contre moi autant de Démons qu'il y a de tui-
M les dans les toits des maîfons. n
Ce qui noarriffoit fa confiance étoit le grandi
sombre de partifans qu'il auroit dans la dtette*
Lorfqu'il parut "Worms , une plus grande mul-
titude de peuple fe rafTembla pour le voir , qu'H
n'y en avoit eu à l'entrée de l'Empereur. Son
appartement fut rempli tous les jours de princes &s
degr. feigneurs , qui le traitèrent avec le refpeifl
qu'on auroit rendu a un prophète St à un Jégiflateur,'
Luther flatté de cet accueil , parut devant \m
diette avec courage 8c y parla avec véhémence.
Il refufa de fe rctraûer, à moins qu'on ne lui
prouvât la faufTeté de fes opinioni , & il ne
voulut admettre d'autre règle pour en juger qu«
la parole divine. Ni les raifotis , ni les prière
n'ayant pu lui faire - abandonn- r fes fentiivens. ,
on lui permit de prolîter du fa if- conduit qu'on
lui avoit accbr Je pour fe retirer en toute fùrcti,'
Mais quelques jours après fon départ, on publia
au nom de l'Empereur & de la diette unédit, (['ij
le déclarant criminel endurci & excommunié , •-
iépvuillQÏc de tous les privilèges dont il joulilut^
ftiS Elément
comme fujet de l'empire , avec dttenfe à tous les
Princes de lui donner afyle ou protedion & injon-
ûion de fe réunir tous p' Ce faUîr de fi personne
auHi-tôtque ledéUidu fauf -conduit feroit expire.
Cet cdit demeura fans eifit. L'éxecution en
fut traverfce en partie par la muUiplicttc des
affaires que fufcicérent a Charlet-Quint les trou>
Wes d'Efpagne , d'Italie & des l'ays-Ba$ , & fur»
tout par les précautions que prit l'Eleâeur de
Saxe pour arracher l'hcrciiarque aux pourfuites
de fes ennemis.
Captivité Je Ludaer ; txpofinon ahrégée
de fes eneurs.
Ce proteâeur confiant de Luther craignant qu'i
fon retour de Worms on n'attentât a fa liberté , le
fit -enlever par des cavaliers mafqucs .qui le me*
nérent dans un château de Thuringe , où il fur
enfermé pendant neuf à dix mois. CeA dans cette
lolitud; , que Luther appelloit fon ijle de Psihmvf^
/ par allufion à rifleoù l'Apôtre S. Jean avoir ctc
exile ) qu'il continua de dcfcndre fa dodrine fie
4'atuquer celle de fes adverfaircs. C'eA là qu'il'
Bit la dernière main à fa nouvelle religion, com-
pofce des trides dchrisdcs ^'audoii, des Albigeois
At des Hu^ites.
»« Le libre - aibitre , fvuvant lui , eft une chi-
»» mère -, i' foi feule fufSt pour nous fauver,
M Avoir de la foi, c'efl croire que J. C. ayant fouf-
» Sert poitf nui p.iYiii , il ne n.
•».% Lite potu iet expier. Uu . .
DE l'Histoire Ecclésiastique. 12^
■ foi ne peut être damné , quand -mcme il le
>. voudrolti mais fans la foi , toutes nos œuvres
t» font des oeuvres de mort. Ainfi les vertus des
M Païens , qui n'étoient point éclairés de ce di«
M vin flambeau, dévoient être mifes au nombre
M des vices. La feule règle de notre créance doit
n êtrel'Ecriture-fainte; les Coici!e'-:;énéraux pou-
n vant errer, leurs décilîons ne fçauroient avoir
»♦ force de loi. Le célibat des prêtres , les vœux
M monaftiques, la confeffîon auriculaire , les jeû-
>« nés , les mortifications , font autant de prati-
)» ques fuperftitieufes' dont le Démon eft le père,
» Il n'y a Aie deux facremens : le Baptême 8c
»♦ l'Euclinriftie. La tranffubftantiation eft une ab-
n furdité. J. C. eft réellement préfent dans l'Eu-
M chariflie-, mais le pain & le vin ne font point
« détruits par les paroles du prêtre. Les Meffes
•» baffes font un abus , ainfi que le culte des Ima-
» ges , & la croyance du Purgatoire. Les biens
»» ecdéfiaftiques appartiennent au Souverain. Enfin
H l'on devoir abolir tous les Ordres de Religieux
t* raendians , & changer leurs malfons en écoles
n publiques pour l'inftruftion de la jeunefTe. >»
Pendant la retraite de Luther , fes opinions fe
répandirent dans prefque toutes les villes de la
Saxe. Les Auguflins de W^irtemberg , animés par
la faveur fci rerte de l'Ele.'lcur, firent une innova-
tion dans le culte public, qui ne fut que trop ap"
plaudie par les amateurs de la nouveauté : ils abo*
lîrent la céliibration des McfTes - bafles, 6c firent*
coiaxauaicr les laïques fous les deux efpèçcs, .
a.^0 E L E M E N s
La joie que le fuccè» de ces tentativei Rt u
Luther, fut troublée par les obAacles qu'oa metioic
ailleurs à la propaguion de f» doâriae. Un dé-
cret fulemaei de l'Univerfite de Faris , l'une dei
plus fçavintcsde i'£jrop^-,vOndamna fes opuioot
comme hc:étiques. Henri VIIl , roi d'Angleterre ,
cherchoit auffi à l'cloij^ner de Ton royaume , flc
il le prouva alTcz par la rcponfe qu'il i^.t au li«
vre de Luther , intitulé : La Capthiti de Sahylutu,
Cette rcfutatlon d'un jeune monarque qui paf-
foit pour humme-de -lettres & homme-derprit ,
nonitia d'autant plus Luther , qu'elle eft écrit*
avet toute la fubtilité d'up bon logicien. L'hé-
réfiarque ne parut cependant point eHFrdvc n! par
l'autorité de l'Univerfue de Parif , A par le rang
de Henri VIU. Il publia bientôt fcs Remarqut*
fur le Décret de l'une & fur la Rcponfe de l'au*
tre. Se il prit en les réfutant un Ayle aulli v-o-
l*nt ii aviïïi amer qu'il l'auroit employé cuatr«
le plus mtprilable de Tes aniagonilUs.
Mort de Léon X; fes fuccejfcurs.
LLn X étott mort en i;ii , avec la douleur
ée voir ! F ilife infedée du poifon de i'héréûe. C«
pontife, iroins occupe des devoir» de (a place, '|tle
de fes p'.ailirf 5t de (et inrércti, lailTa une rec moire
feu refpedlce, m-ilgré le» clo);es que lui prodiguè-
rent le» geni-de-letire» dont il fut le proteileur.
Adrien /'/, archevcquc de Burgo» , originaire
dM l'ayi-BéJ , k. prccepteur de i'^^'f-o ••
DF l'Histoire Ecclesi asti qui. iyfi
èccupa après I li la chaire apoftoliquc. C'ccoir
un homme eftimable par fon fçavoir 8c famo-
dwMtijfi. Il fit tous fes efforts pour éteindre
riacendic allumé en Allemagne -, mais les états de
l'Empire , au lieu de féconder fes vues , lui firent
prtfenter une lifte des griefs que la nation Ger-
manique avoir contre la cour Romaine , & de-
nandcrent la convocitioa d'un Concile nacionalo
Le fouverain Pontife étant mort fur ces en-
trefaites , le cardiml Jules de Midids , fon fuc»
celTeur , qui prit le nom de CLimcnt VllI , en-
▼oya un lé^ac a la diette de Nuremberg en 1514,
pour prelfer de la manière la plus forte l'obfer-
vation de l'édit de '^Jl'^orms , donné contre Luther
& les Luthériens. CidrUs-Q^uint , alors en Efpa»
gne , appuya la demande du Pape par un ref-
crit adreffé aux états de l'Empire , qui répondi-
rent à Clément F^// à-pcu-prcs comme ils avoicDt
*ait à Adiicn VI.
Progrès du Luthéranlfme.
Cependant l'héréfie , coatre laquelle les Papes
éievoient inutilement leur voix , après avoir per-
verti les particuliers , corrompoit les royaumes
entiers. De la Saxe , elle fe répandit dans !e Pa-
latinat , pénétra dans le Daiiem-irck 8c dans la
Suède» & en peu de tems la Foi Catholique fut
altérée dans tout le NorH. L'auteur de cette fu-
nefte révolution avoir c;abli pour bafe de fes er-
reurs , un principe qui fervit à faire- naître une
fçuk de fcCUuej, 6iuvant lui , chacun «voit \»
*a32r E L E M E If s
droit d'expli(]ucr l'Ecriture-fainte à fa manlcre^
linfi, l'orgueil humain cherchant à fe diflinguef
par des opinions fingulicrcs , on vit bientôt fortir
de l'ccole Luthérienne plus de deux cents fefles,
toutes oppofces les unes aux autres , mais toutes
réunies contre Rome.
De Carloftad.
Le premier dltciple de Luther , fut auflî le prc-
nicr qui rafina fur la doilrine de fon maître.
Nous voulons parler d'André Bonde/!in , connu
fous le nom de CatlcJUi , qui ctoit le lieu de
fa naiiTance en Franconie. Apres avoir renoncé
au facerdoce & aux voeux qu'il avoit faits à fon
ordination , il fe maria publiquement , à l'imitation
de Luther qui avoit cpoufc une Reiigieufe. Car.'v-
/lad étoit étourdi , préfomptueux & emporté. Il
trouva que Luther n'avoit qu'ébauché l'ouvrage
de la prétendue rétormation ; il voulut l'achever.
Il fe déchaîna contre le célibat des prêtres, brifa
les Crucifix 5i les Images , rcnverfa les Autels k
la tête d'une troupe de fcditieux , & nia haute-
ment la réalité du Corps & du Sang de J. C. dans
l'Eue hariHie.
Dans la violente fermentation que les nou»
Telles erreurs caufoient aux etprits , il ne lui fut
pat difficile de trouver des fanuiques qui le fe*
condcrent. Lutktr n'ayant pu les ramener par la
douceur , obligea leur chef de fortir de V"ir-
cembcrg , & c»b"(>*-^ le duc de itdxt é. le duiiw
DE L*HisTOiiu: Ecclésiastique. 1^5
ie tous fes états avec la femme qu'il venoit
d'époufer. Ce malheureux , réduit à la der-
nière mifcre , oblige de gagner fa vie en labou-
rant la terre ic en portant du bois , alla fe faire
prédicant à Bàle , où il mourut d'une mort vio-
lente.
En iettant les yeux fur la vie de Carloftai 8e
des autres Réformateurs ,onne peut qu'être éton-
né de la différence qu'on apperçoit entr'eux , 5c
ceux dont Dieu s'eft fervi pour établir & défen-
dre la vérité. »' Loin d'attirer les hommes par l'é-
n clac d'une fainteté extraordinaire, ( dit l'Abbé
Racine d'après N.cole ) » ils les ont frappés par
»♦ un fpeclade qui ne pouvoit que caufer de l'hor-
»> reur à ceux qui ont quelque idée de la véri-
M table vertu. En effet ces Reformateurs étoient
»» des Religieux, qui quittoient leur habit & leur
M profefnon pour contraâer des mariages fcan-
M daleux , ou des prêtres qui violoient le celi-
» bat. Le premier fruit de cène dodrine fut d'ou-
X vrir les cloîtres , de dé-voiler les Vierges , d'a-
•• bolir les auflérités , & de détruire toute la dif-
M cipline de l'Eglife. Au lieu que , félon l'expref-
>♦ fion de S. Chryfuflôme , les premiers prédica-
M teurs du Chriftianifme ont planté la virginité
M par toute la terre , les prétendus Réformateurs
»« ont tâché de la déraciner de toute la terre; &
» non-feulement la virginité , mais la pénitence,
.. la pauvreté volontaire , & les autres vertus qui
p om il -fort zelevé la ileligioa Chrétienne pcat;
234 E L E M E V s
H dant pIuGeurs fiécles. L'cvidence de la vérité'
M a force les Chefs du nouvel Lvançile de rc>
M cor.Qoitre que toute leur réforination n'avoit
• produit aucun renouvellement de l'efprit du
1* ChriAianifme , H que le avoit plutôt augmenté
»» que diminué le dcrcglement de ceux qui l'a-
» voient cisbrafTce. Lm plupart de ceux , ( dit CaU
»• TÏn , ) fui /« /Inr fiparét de f idolâtrie du Papt,
I» font pi tins d'anijîct & de perfidie. ILi foKt • pa^
I» '■oitre du \cU à l'extéritLr v mai* Jî rotu les <*a-
•» mine\ de prit , vous Ut trf>u\irc\ de vrcit /-urbtt,m
f* Nom voyant ( dit aulTi Luther ) ,fi« par la flM«
*> lice du Diable let hommes font tnaintenani pittp
M avares , plus cruels , plus dérégi'és , p!us itifa^
*• JcAj , 6* biMueoup pires qu'Us n'etuieêt J«us l^
m Pj^juie, m
De Zui: -^'^
H y avrit a'ors en Suifl'c ou Cil '^i s'écoic
retire , un jc-nie pré re numrac Zum^lc , pleto
d'erprir tt de leu . qui avoit perte les armet
avant que d'être cccK (unique. Il (* cuafdcra i
la chaire . pour laquelle il avoit du talent. Set
fuccét en ce genre lui inérii<.rent la principale
cure de Zurich. Il l'occupoit , lorfqu'un Cordelter
de Milan vint annoncer let indulgences en SuilTe
comme les Dominicains l'a voient ùit en Allema»
gne. Zu.if .< , plein des dogmes de L~ihtr , attaqua
le FranciTcaio fie (t doflnne.
A l'exemple de 1 hcrvliart^ue S^nvit | il prêcha
DE l'Histoire Ecclisiastique. 13 f
tontre les indulgences , l'interceflion & l'invoca-
tion des Saints ,1e facrifice de la MelTe, le célibat
des Prîtres , rabftincnce des viandes, les vœur
& les loix eccIcflaHiques -, mais il s'éloigna de lui
dans des points cffentiels. Luther donnoit tout à
la grâce, & Zuingle au libre-arbitre , ne faifant
dépendre notre falut que de nous-mêmes. Lo
premier adoptoit la préfence-réelle de Jesus-Chr.
dans 1 Euchariftie , quoiqu'il niât la tranffuhftan-
tia:ion du pain & du vin •, \z fécond n'adroettok
dans le facremenr des autels qu'une fimplc figure
du Corps "& du Sang de J. C. que nous ne rece^
vions que rpirituellemeor.
Zu:ngU fut d'a'oord embarraffé par les parjJes de
I. C.'quidic expreflemcu : Ceci £iT .w.jv CuRPi, fl
eut un fonge dans lequel il crojoit difputer avec le
Cecrétaire de Zurich.ville dot t ;. c. ' t pafteur.qui le
prcficit viven-.ent fur les p.iro!es de l'infiituacat
Il vit parcitrc toutà-coup un plii.n;6me blanc ou
noir, qui lui dit ces mots: »Lâc!ie, f;ut ne rtponis-
V lu ce qui eft écrit dans VKxodt , L'Agneau <Jl la
•• Pdjue , pour dire q 4 il en cil le figne. •«
Cette rcponfe du plunrome fut un trio^Tiphe
pour lut , & Zu:n^.'t n'eut plus de difficulté fur
rtochariAi». 1) enfeigna qu'elle n'ttoit que la
figure du Corps 6: du Sing de J. C. il crut trou-
ver dans 1 Ecriture d'autres exemples où le mot
njl l'employoit pour le mot Jîgnifie : tout lu! pa-
rut alors taule dans le featimeiu qu'U vouioit ùirc-
prévaloir.
23^ E L E M E V s
L'explication de Zi.ing/e , favorable aux fer.j
& a l'imagination , fut adopcce par beaucoup de
Kvitormes. Us vouloicnt tous abolir h MelTe , &
le dogme de la préfeoce -réelle formoit un embar-
ras fur cet article: l'explication de Zuinglt le le*
Toit. (S-coUmpjJe , Cjpiion , Buttr radoptcreot ,
«lie fe répandit en Allemagne , en Pologne , en
SuiiTc, en France, djns les Pays-Bas , 6c t'orma
la Sev^e des Sacramentaires.
Liithtr , qui auili-bien que ZuingU avoit établi-
l'Ecriturc comme l'unique règle de !.i Foi , traita
les Sacrameniaircs comrre det hcrv^tiqucs , Si l'otl
-tit entre les Sacramer.taires & les Luthériens ,
la même oppolition qui étoit entre toutes cet
Seâes & l'Egliie Romaine ; aucun intérêt n'a ja-
mais pu les rcunir , & les Luthctiens ne perfc-
cutoient pas les Sacramentaires avec moins de fu»
rcur que les Catholiques.
La Reforme introduite par ZuingU Ct répandit;
plufieurs Reformateurs fecon'lcrent fes efforts à
à Berne , à Bàle , à CunHance . &c.
La Suiff» , le berceau de cette dancjereufe hé-
réfie, fut bientôt le théâtre d'une guerre cruelle
«ntre les Se^Jires & les Catholiques. Zui>i»U dé«
fendit fes erreurs les armes à la main. Il avoit
d'abord rendu le fénat de Zurich , dont il avait
icduit les principaux mcmb^s , juge de fa doc-
trifM : il adopta fes doj;mci , Se les 6(-adopter par
tout le canton. Kn vain fes erreurs furent con-
é.UQiiccs par 1 ailcmbice gcactalc de U oaiioa 4
DE L'FflST3IRE ECCLE-ÎIASTIQUE. 137
Bàlc; elles furent bientôt fuivles par les cantons
tle Berne, «le Bâ!e & de SchaLufe. Les Cantons
Catholiques prirent eilors les armes concre les
Zuingliens , qu'ils allèrent attaquer enijji juf-
<5u'aux portes de Zurich, La défaite de quisize
cents hérétiques qui prirent la fuite, obligea ceux-
ci de lever une armée de vingt mille honjnes ,
que Z^/ng/e lui-même voulut commander. Les Ca-
tholiques , obligés de faire-retraite , furprirent leurs
ennemis dans un défilé où périt ZuingU , le ti
Oclobre 15 31 , en combattant avec la valeur
d'un foldat intrépide , à l'âge de quarante - qua-
tre ans.
Nous avons peu de chofes à dire fur les talens
de Zu/n»/« , & fur fes ouvrages. « Il n'ctoit ( dit
M. l'Abbé Pluquit ,)'■> ni fçavant , ni grand théo-
M logien, ni bon philofophe , ni excellent litté-
M rateur. Il avoit refprit jufte & borné. Il expo-
y> foit avec affez d'ordre fes pcnfées ; mais i! pcn-
>» foit peu profondement , fi l'on en juge par fes
« ouvrages.
« Zuing/e , un peu avant fa mort , fit une Con-
M fefTion de Foi , qu'il adreffa à François I. En
M expliquant l'article de la vie éternelle, il dit s
M ce prince, qu'il doit efpérer de voir l'alTemblée
M de tout ce qu'il y a eu d'hommes faints , cou-
♦» ragéux & vertueux , dès le commencement 'u
M monde. Là vous verre\ Us deux Adam , te Ra-
« rheté & le Rédempteur \ nus terr:\ un Abel , un
«t Enoch , , • Veut y verre^ un Hercult » un Thcfce,
Ôjf E L 1 M E N s
H un Socrate, un Ariftidc , Antigoouî , &c. &c.
Les difciplcs de Zutr.g.c .animes a la vengeance
par la mort de leur Apotre guerrier , levèrent une
armée de trente mille hommes , qui furent battus.
Les Catholiques , après avoir gagné quatre ou
cinq batailles, ne fvurent pas profiter de l'ava»-
tagc que les vainqueurs dévoient avoir fur le»
vaincus. Dans la crainte de fuccombcr a la lon-
gue fous les efforts de leurs ennemis , ils firent
un traite , par lequel chaque canton dcvoii con-
server la religion qu'il profeffoit alors.
Les Luthcrïcns yrenncnt les armes.
Au milieu des dcmclcs qu'occafioanoient dans
prcfquc toute l'Europe l'ctprit de nouveauté &
d'indépendance, PA//;/-^< Landgrave de Heffe ,très«
sèlé pour le Luthéranifme , réfolut de le faire-
triompher par les armes. On avoit déjà oublié
Icc mnximes que Luthtr avoit données pour fon-
dement à fa réforme, de ne pas la foute air par des
foldats. Sous prctcxte d'un ttaitc irr»ginaire fait
entre Gtorgc duc de , Saxe &: les autres Princes
Catholiques , pour exterminer les feâateurs du
nouvel Evangile, ceux-ci armèrent en i;i9. II
eft vrai que cette Icvce de bouclier n'eut aucune
fuite. Le Landgrave fe contenta de grolTes fom-
mes d'argent qu'il exigra de quelques Princes ec
clcfiaftiqucs pour le didomm^ger des frais d'un
armement , entrepris , de fon propre aveu , fur
fie fauffcs allarmcs.
DE L^HlSTOlRE ECCLÏSîASTTOUE. -^^i
Luther fertant combien cetre conduite étolt
odieufe , chercha à l'excufer , en foutenant que le
prétendu traité de Gorge de Saxe n'étoit point
une illuCon, Il écrivit plufieurs Lettres contre
Cî prince , où il le traite de Mo^ib orgueilleux
qji entreprend toujours au-deïïus de fes forces ,
Ce O'j il l'appelle l: plut fuu dt tous Us faux. Il
ajoute qu'il priera Pieu contre lui , & qu'il aver-
tira les Princes d'exterminer de telles gens qui
Touloient voir toute l'Allemignc en fang. C'étoit
dire clairement ,( félon la remarque de Bcfuet,)
que de peur de voir la Germanie dans ce trifte
état, les Luthériens dévoient l'y mettre, & exter-
miner les Princes qui s'oppofoient aux ravages
ée l'héréfie.
Ce George duc de Saxe , que Luther traite fi
mal, étoit auflî contraire à la nouvelle fede,que
fon parent l'Elcâeur lui étoit favorable. Luther
prophétifoit contre lui de toute fa force , fans
conlîdérer qu'il étoit de la famille de fes maîtres ;
8c on voit, ( dit Bojfuet) qu'il ne tint pas a lui
qu'on n'accomplit fes prophéties à coups d'cpée.
Dijffèrentes Dlettes en Allemagne , au fujet
du Luthéranifme,
Tant de troubles excités en Allemagne par le
rouvel Evangile & les divifions fanglantes dont
elle étoit menacée , engagèrent l'empereur Chjr.'es-
Quint à aflembler différentes diettes. D^ns celle
de Spite , en 1 5 19 , on ât uo décret qui défen«
240 E L I M E N s
doit de changer de religion dans les lieux o4
redit de Wormi avoit été reçu. Les électeurs de
Saxe & de Brandebourg, le duc de Liinebourg,
le l.inHgrave de HclTe , plufîeurs autres Princes
8c quelques villes iiuperiiles, proteftércnt contre
ce décret ; & c'eft dc-la qu'cft venu le nom de
Prvttjlant ^ que krs Luthcriens ont toujours porté
depuis.
Une autre dictte pcn.rale fut convoquée à Ars*
bourg, en 1530, par Charlcs-Quiat , & l'ouvcr'
turc s'en fit au n.ois de Juin. L'Empereur lui-mè*
me y pr^fida , & Fe-dn:nd, roi de Hongrie , avec
la plupart des éleifteurs , des princes , des dépu-
tés des villes de l'empire , y aiTii^érent. Ce fut
dans cette aflemhlce foicnintlle que les Protef-
tans préfentéretrt leur Confefiîon de foi , drcffco
par Me/anchth.n , \e chef des Luthériens mitipcs ,
l'un des plus beaux efprits de fon hcclc, Se le plus
modéré théologien de fa fedVe.
Les Etats proteftans fignérent cette Confcirion ,
comme un fidèle expcfc de leur dof^rine , & ta
remirent à l'Empereur , qui la fît- lire à haute voix
en préfence de tous les membres de la dietir.
Mai» quclque-tems après , ce prince , qui ne vou«
luit pat que l'erreur eût plut de privilèges que
la vérité , fit • faire une lefture publique de la
rct'utation qne d'habiles théologiens Catholiques
«voient fji te de la Confcfnon d'Authour^'.
Dans cette Hrofenion de foi , Milanchih..n .ivoit
adouci quelque» articles contcAcs , s'ctoit un peu
rclàch6
DE l'Histoire Ecclésiastique. 241
relâche fur d autres ,& avoit tâché de donner à
tous le l'ens le pîus favorable. Mais , malgré ces
adoucilTemens , les nouvelles erreurs mettoient
déjà tant de barr.cres infurmontables , Se avoien
produit tant de feparations, qu'on défefpéra dcs-lors
de pouvoir jamais concilier les ef^iriis.
Let Princes l'roteftans neioient pas moins obf-
tincs que les Théologiens qui les infplrolent, L'E-
lefteur de Saxe , le Landgrave de Hefie & les au-
tres protecteurs du Luthéranifme furent follicités
en vain par l'Empereur d'abandonner cette fefle
à elle-même. Ni les prières du chef de l'empire
nî l'efperance désavantages politiques , ne purent
les engager à ceffer de foutsnir ce qu'ils croyoienc
faufTement être la caufe de Dieu.
Charles -Q^uint ne pouvant rien gagner fur eux
par la douceur , fe détermina a exercer fon pou-
voir contre les auteurs & les fauteurs de l'héré-
fie. Le 19 Novembre 1530 il donna un édit quj
dcfendoit toute innovation en maticre de rejigion,
& qui ordonnoit de profcrire tous les change-
mens qui avoient été faits dans la dodrine , dans
Us ufages & dans les cérémonies de l'Eglife ,
jufqu'a ce que le Concile général , qu'on deman-
doit avec inAance , en eût ordonné autrement.
Tous les ordres de l'Empire etoient en mcme
tems requis a concourir, de leurs biens & de leur
pcrfonne , à l'exécution de ce décret. Ceux qui
refufcroient d'obetr , étoient déclarés incapjbleî
d'exercer les fonctions de Ju_3es,ou de paroit/i
Jom. II. L
442 E L E M E N s
comme parties a la chambre impcriale qui ctoijt
la cour fuuvcrâine de l'Empire.
l.'i:,ue Je Smalcj'.Jt.
LcsPriaces Luthériens voyant que le deiTeia
de l'Empereur ctoit de dctiuirc le Luthcranif-
me , s'afiembitirent a Smalcalde , pour fe mettre à
couvert de l'orage qui alloit fondre fur leur fcâe^
Ils y dreflfcrem en 1531 le projet d'une alliance
défcnfive , deAincc a le prévenir. Pour juflifier
cette confédcration, connue foii* le nom de Ligue
de Smalcalde , ils envoyèrent en France âc en
Angleterre un ManifcAe ,djas lequel ils^ tàchoient
de prouver qu'ils ne s'ctoicnt unis que pour main-
tenir la pureté de la Foi évangclique.
Luthtr , qui iutqu'alors avoit cru qae la Réfor-
me ne devoLC s'ctablir que par la perfualîon , &
qu'elle ne devoit fe défendre que par la patience •
Butorifa par fes écrits la Ligue dt Smalcalde.
*• Il comparait le Pape a un loup enragé, coa>
■ tre lequel tout le monde s'arme au premier fi-
ti gnal , fans attendre Tordre du MagiArac : que
H Ci renfermé dans une enceinte le MagiArac le
M délivre , on ,pcut continuer a pourfuivre cette
M b^te fcroce , & atiaqvier impunément ceux qui
M auront empêche qu'on oe s'ea dcfîc : ù on eft
M tue dans cette attaque , avaat qur d'avoir don-
M ne a la licie le coup mortel , il n'y a qu'ua
t% feu! fujet de fe repentir , c'ell de ne lui avoir
m p«» eafoncc le couteau daas le feia. VoiU com.
DE l'Histoire Ecclésiastique, z^f
w me il faut traiter le Pape : tous ceux qui le
'< défendent , doivent auflî être traités comme les
ibidats d'un chef de brigands , fuilent-ils dei
n Rois & des Céfars. >•
L'Empereur, qui avoir befoin des Princes Pro»
teftaos pour chafl'er Sc/injn de l'Autriche , où il
avoir fait une invafion , fe vit oblige , mali,ré fes
cdi:s, d'accorder la liberté de confcience aux Prin-
ces confédérés. Le traité portoit , « qu'il y auroit
»» une paix générale entre l'Empereur & tous les
»» Etats de l'Empire , tant Eccléfiaftiques que Lai-
X ques , jufqu'à la convocation d'un Concile gé-
)' néral libre & Chrétien ; que perfonne, pour caufe
»< de Religion , ne pourroit faire la guerre a un au-
♦' tre ; qu'il y auroit entre tous une amitié fincére
>i & une concorde chrétienne ; que (i dans un an le
n Concile ne s'afTembloit pas , les Etats d'Alle-
»» magne s'affemblerolcnt pour régler les affaires
»» de la Religion, & eue l'Empereur fufpendrcit
>> tout les procès intentes pour caufe de Religion
>i par fon Fifcal , ou par d'autres , contre l'Elec-
M tcur de Saxe & contre fes Alliés , jufqu'a la tc-
j» eue d'un Concile , ou à l'allemblte des Etats. .»
Mort de Clément VII.
Le Pape , affligé des progrès rapides que la con-
defcendance de Charlcs-Q^Lint laifloit faire aux nou-
veautés en Allemagne , s'occupa féricuferrent del«
convocation d'un Concile gênera!. Mois les Lu-
thcrieos re.ufctcQt opir.idtrcment les (or (iiticns
>44 E L E M E K «
qu'il propofa. 11 cherchoit d'autres moyen» rfe le»
ramener , lorfqu'il mcurut en in4» 'pr" avoir
tenu le faint fu'^c près d'onze .inî, Ure pu'it que
timide, trop r.i.vciit diiigce par l'intcrct jObicur-
cit, (félon l'Abhc de C.oijî ,) i'efprit &. la verti»
que la meure lui avoir drnnis. F.île fut l'arae de
prefque toutes les dcnurclics de ce l'omife , &
caufa une partie des malheurs qui aiBigércm foo
pontifîcar. On avoit eu une plus grande idée de
festalcns fous leiègne de Léon X fun coufin, dont
il fut le premier mini Are ; mais lorfqu'il fut lur le
trône, il prouva qu'il cft plus focile de gouvet-
oer fous un autre que de commander foi^mcine.
£n ip6,il s'ctoit 1 gué ave: U France,! An»
gleterre & Vcnife contre l'empereur ChtrUt-Quiatt
qui envoya le connétable de Bvurhan aHiéger Ro-
me. Cette vll!c fut prife d'affaut le 6 Mjii{i7,
pillée & faccagée pendant deux mois avec des
excès de barbarie , fupéricurs à toutes les horreurs
dont s'ctoit fouillé ÀUr'u. CUment ^ t[\x'' s'étoit rC'
tiré dans le château St-Ange , y fut aflîcgi , &
n'en fortit qu'au bout de fept mois , dcguifc e«
■urchaod.
Sch'ifme (TyinçUterrt,
Un det cvonemens qui chagtincrent le plat
Clèmtnt Vit, fut le fchifmc d'Ani;Icterre, que ce
Pontife eut la douleur dt voir cotifommc peu de
temt avant fa mort. Ce royaume , autrefois (î
fournis a VF.glfe ,lui fat cn'cvc tout»i-coup ver»
l'iD I) jji par l'Iiu.DCur ca^>iwic.ife a'ou Kwt , qui
DZ l'IIiSTOTRE EcCLE':IAST1QUE. Î4f
s'ctant d'abord fignalé contre Luthir ,3voiz ménié
le titre de Dîfenfa.-r dt U Foi. Hi::jri VIII avott
ëpoufc Caihcrine A'Arj^o.i , fille du roi Cathol. Fer-
dinand , & à'Ij'abclU de Cafll'U , & tante de l'ctrip.'
Chariti-Quint. il vcci'.t pendant dix-huit ans en
affez bonne intelligence avec cette princeffc , donc
il eut trois enMns. Les deux premiers étoient
morts i il ne tcftoit qu'une lille. Le Roi , crai-
gnant que la couronne d'Ang^cTcrre ne tombât en
quenouille , dofiroit avoir un fils capable de lui fuc-
cédcr , 3c îa Reine , dcjj avancée en u^e , n'étoit
plus e*n iti.1 de ccncevjir.
Cepindant Hoiri ^//i , ir.algri ce dér>r ft m-
turcl dans le Roi d'une gra.iiie munarcliie.ti'aii-
xoie pas peafc à fe fcpaier de Ton cpouCcfiune
£!le de la Reine, qui avoit autant de beajtéquo
d'artifice, ne lui avoit inlpiré l'amour le plus vio.
knt. Annt de Buulin étoit fon nom. Elle rtlilla
aux dcfirs du Roi , qui , rcfolu de l'époufer , cher-
cha le moyea d'dnnuller lou mjriije ave: Cuthc
Tint i'A.agon. Il s'adrelFa au pape Clément VII ,
à rinftigation du cardinal de WJfti , chancelier
d'Angleterre , qui , du plus vil de tous les états ,
s'étoit élevé par l'on efprit intriguant jufqu'aux
premières dignités & à li premii.te faveur. Htnri
reprcfonta au Pontife , que fon union avec Cathc
Tint étoit illégitime & inceftueufe. Cette princeffe ,
en effet , avant que d'cpoufer Hinri Vlll, A\o\t
été mariée à fon frère Anhus -, nais , fon fécond
nuriagc s'étant fait en vertu d'une difpenfe ài\
Liij
t4^ E L E M E N S
pa^e JuUi II , il a'ctoit g^éres probable qu'un
Pape voulu r condamner ce qui avoit ctc permis
par ua Pape.
Les circonftances paroilToienc favorables à H*ari
fin, CharUi-Quint tenoit alors le Pape prifonnier
«Uns le château St-An^c vil avoic beCuin de Henri ^
ti ce prince lui offroit fon crcdic & l'es armes.
>< Le Papenedoutoic (die M. P/u^ucr), ni du be>
»« foin qu'il avoic de Henri , ni de la ûncérité du
i< fes offres , Se il n'i^^noroic pas les fervices qu'il
n lui avoic rendus -, mais il connoifToit les bizar*
»« reries fie les emportcmens de Htnri -, il fçavoit
)• que la pafllon de ce prince écoit une maladie ,
1» que le tems feul pouvoir gucrir : il jugea qu'il
M falloit lier cetce grande afïiure , & U traîner ea
*« longueur.
•« Il permit donc au Roi d'cpoufer telle femms
M qu'il lui plairoit , mais à condition que l'on
». jugeroit auparavant li fon premier mariage ctoic
n valide , ou non. Le Pape nomma , pour exami*
n ner U validité du mariage de Htnri avec C*th*^
v> rint , des commiUairet , tels que le Roi les de-
» manda : ce furent le carii.ul U\.:û\ ii le car«
» dinal Cjrnpigt.
M fj'n/»^;< employa tout a-n^rcs de H<r.': , pour
«• rengager à garder C*t*ii'.ne \ fie d'un autrt
tt côté, il coojuroit cette princeflTede fe relâcher
«« un peu , de prévenir les malheurs qui meni>
.. çoiciit I Angleterre , fit pcuc-ètrc toute rEjlife,
M â elle votiloit opiatitrcmcat dei'cadre (<m iM*
DE l'îîistoike Ecclésiastique. 447
riage. Maïs il ne put rien obtenir , ni de l'vm,
r.i de l'autre, ilcnri , emporté par fa paflion ,
» demandoit un jugement ; Catherine , prévenue
»» de fon bon droit , fouhaitoit la même chofe -,
»« & tous deux ctoient pcrluadés qu'on ne pou-
voir les coruiamner.
>i On expédia des lettres fous le grand- fceau
pour commencer rinftruction du procès, & l'on
>. ci:a le Roi & la Rcioe à comparoitre. Dans !e$
r> premicres fcmnutions , la Reine produifit une
>i copie d'une difpenfe , un peu plus ample que
» celle fur laquelle les légats vouloient juger.
»• Henri VIII s'infcrivit d'abord en feux contre
>' cette copie -, & demanda que l'on produisît l'o-
n riginal ; mais il étoit en Efpagne , & l'on rc-
*i fufa de le confier à l'Ambafladeur d'Angleterre.
V On conterta , & l'on défendit l'authenticité de
" cette difpenfe , par des raifons de jurifprudence
n & de critique , qui embarraiTcrent les commif-
>t faires. Us craignirent de prononcer fur un point
n û délicat. Us propoférent au Pape , au lieu
>» devoquer lacaufe, d'envoyer une Décrctale ,
M conforme à la minute qu'ils lui envoyèrent ; 6c
>• ajoutèrent , que pendant qu'on défendroit de
>• chercher le Bref, on tàcheroit de perfuader i
Il la Reine d'entrer en Religion : que c'etoit le
V meilleur moyen pour terminer doucement ce
» procès , & pour fatisfaire un grand Rei,qui,
r> depuis plufieurj années , fentoit fa confcience
n dcchirée de remords , augmenccs tous les jours
^4^ E L E M E y S
m par les dirpuies des Théologiens & des Cino^
I* niftes. Enfîa, ils difoient tout ce qu'on pou»
» voit dire en faveur du Roi. •»
Le Pape craignit que Ton Icgat ne fe laifsàc
furprendre ; il lui écrivit, >• que quoiqu'il vott*
M lût faire toutes chofes pour le Roi, il ne pou*
•» voit, ni trahir fa confcicnce,ni violer ouver-
M temcnt les loix de la juilice ; que toutes les
n demandes de ce Prince étoicnt û dérzironna-
M blés , qu'on ne pouvoir rien lui accorder , que
M toute la Chrctientc n'co fut fcandalifce -, que
M déjà l'Empereur & le Roi de Hongrie avoieac
M fait leurs protellations , & demandoieat que la
M caufe fût cvoqucc i que Ion ne pouvoit leur
H refufer une chofe ù jufle ; qu'il ne s'ctoit ex>
M cufc que fur fa maladie , leur ayant fait-eoten-
»> dre , à i'un & à l'auue , que fa fanté ne lui
H permettait point d'examiner leur requête, &
y de rien figoer ; que néanmoins il ne diffcroit
H qu'afin de ne point aigrir l'cfprit de Hitiri ;
m qu il fallait prolonger cette affaire le plus qui*
M feroit poOible. •«
Telles ctoient Ici dirpeûtions de Cttmtnt VU
à l'cgard de l'affaire du divorce de Htnri Vlll ,
qu'il évoqua à lui : Htnri ne jugea pas à propo*
d'obcir a ta citation -, & le Pape , loin de prelTe
cette affaire , fit-naitre des incidcns qui co rctac»
éoieot la dcciiîoa.
'^
»i l'Histoire Ecclésiastique. 14*
Cléir.ent VII rifufe de dljfoudre le mar'ia<'e
de Henri VIII. Sentence de dlvcrce pronon-
cée par Cran mer ; Couronnement <f Anne d^
Boulen.
Henri FIJI amoureux , ardent .impatient ,fe laf-
foit d'attendre. Thomas Cranmir , thcologicn de
Cambridge, lui confeilla , puifque le Pape ne vou-
loir pas décider la queftion , de prendre l'avis des
Théologiens les plus habiles & des plus'célèbres
univerlîtés de l'Europe. Ce fçavant parcourut la
France, l'Italie , l'Allemagne , pour recueillir des
fuffrages favorables a fon maître. Dès qu'il eQ
eut raffemblé un certain nombre , il revint en
Angleterre , où il fut nommé à l'archevêché d»
CaniorLeri.
Dès que Cranmer eut été clevé fur ce fiégc , il
travailla à la grande aBoire du divorce. La chofe
preffoit : >4/;n< de Buuhn etoit enceinte de quatre
mois , & il n'ctoit plus pcfûble de cacher Ton ma-
riage avec Henri. L'Archevêque, qui n'ignoroit pas
ce fecret , fe fignala en cette cccafîon. Il écrivit
une lettre féricui'e au Roi fur fon rr.ariage incef-
tueux avec Catherine , âc lui dcclaroit qu'en qua^
lité de Payeur il ne pouvoir plus fouffrir un fi
grand fcandale. Il cita le Roi & la Reine pour*
comparoitre devant lui à Dunftal le vingtième de
Mai ( 1533 ). Cranmcr au jour marqué y alla avec
les Evcques de Londres ,de Winchefter, de Batli
&L de Lincoln , & plufieurs Théologiens & Can^-
dÇd E L E M E y $
nilles. Le Roi compjruc par procureur ;maîs U
Reine ne comparut point. Elle tut déclarée con-
tumace après trois citations. EnTuite on rapporta
toutes les pièces de ce grand procès ; & aprè»
pluficars féanccs C Jifiir caiTa le mariage de Htnri
& de Catherint , fic le déclara nul dès le commen-
cement , comme contraire à la Loi de Dieu. Il
n'oublia pas dans fa fencence de prendre la qua-
lité de Icgat dj raint-lîége , feloa la coutume des
Archevêques de Cantorbery. Ainfi cet Archevè»
que , qui dans Ton coeur ne reconnoiil'oit oi It
Pape, ni le faint-lîége , vouloit pour l'amour du
Roi prendre la qualité la plus propre à autorifer
fa palTion. Cinq jours après , il approuva le ma-
riage fecret 6" Henri avec Anne de BouUn.
Le furlendemain elle alla au palais de U'ittehal
TÔtue en Reine , Se dans un appareil fi pom-
peux, que l'on n'avoir encore rien vu de ferabla-
blc. Le premier de Juinj-fiif 'de Boultn marcha
à pied fur des draps fort-riches , dont oo avoir
couvert les rues jufqu'à l'Eglife , où elle fur cou*
ronnée avec une mignificencc extraordinaire. Après
Ja ccrcmonie il y eut un repas Aiperbe , & Afinc
y fut fervie en Reine. Quelques mois après , elle
accoucha d'une fille qui fut nommée Eli/^htth,
Des que la fentence du divorce eut i\é pu-
bliée, Htnri en fil- informer Catherint, qui re-
fuCa de s'y foumettie. Le Roi lui envoya dire:
Çj'il ne t\ul-it pas quttlt prit davantafi It nom i*
Miitu , 6r fu'ii Jiiluriuroit/j flU Marie , l 'il m 'ùoit
DE l'Histoire Ecclésiastique, iç^
fttijfaii. Mais rien ne fut capable de la faire- chan-
ger, fit elle foutint jufqu'à la mort la validité de
fon mariage. Le Roi, qui ne menaçoit jamais en
vain , étoufFant tous les fentimens de père , mal-
traita fort la princefTe Marie , lui défendit de vole
fà inere , Se la déclara incapable de fuccéder.
Henri VHI excommunié ; il fe fépare de
r£gHfe Romaine.
€harUs-Qjiint , irrité ae l'outrage fait à fa tante j.
follicita fi puilTamment le Pape de prononcer la
fentcnce d'excommunication comte Henri F///, que
Climint y II , malgré les puifTantes follicitations de
Frar:ço!s /, excom(|iun:a folemnellement le Roi
d'Angleterre. Ce prince ne gardant plus demefures
avec la cour de Rome , fe fit-donner le titre de
Chefjhpréme de CEgUfe Ârt^Ucane. LeParlement drefîa
un Formulaire pour le ferment d'obéiffance qu'on
devoit prêter au Roi pour cette nouvelle dignité,
L'Angleterre fut dès-lors fchifmatique. Ainfi ( dit
Bcjfuct , ) »' la pafTion d'un Roi emporté la fépara du
» faint -fiége.d'cù la Foi y ttoit venue i & la
» fentence du Pape, jufte dans 1j fond, mais pré-
>« cipiiée dans la procédure , fut la caufe d'un ii
). grapd malheur. » Henri foutint fa révolte con-
tre Rome d'une manière tyrannique. Le faint cvti-
que de Rochefler , Jean Fifchcr , à qui le pape Paul
m avoit envoyé le chapeau de cardinal dans fa
prifon,& l'illuftre chancelier Thomas Af^rui , per-
mirent la tète, parce qu'ils refufcrenc de donner
'aç* Ë L 2 hi 1 N fi
a Henri le titre qu'il avoir ufarpt.
« La puifTance rpirituelie qu'il s'ctoit fait -attribue^
( dit M. l'Abbé Miliot , ) »• il l'excrçoii en ihcolo-
n gien , armé du glaive pour établir fes opinions.
H II fcvilToit avec fureur contre quiconque ofoit
»» penfer autrement que lui , & lui-même vatioic
H dans fa façon -de-penfer. Les articles de Foi
r> dépendoient d'un inftant de caprice. Ennemi
M fougueux de l'Eglife & de fon chef , il etoit
t% aufli fougueux zélateur des dogmes établis par
M l'autoritc de cette Eglife. •<
La reine Cjtherinc d'Aragon étant motte en
in^> accablée de douleur , fa rival: fut bien»
tôt chaiTce du trône d'où elle l'avoit précipitée.
Elle excita la jaloufie de Htnn F///, qui la foup-
çonnant d'entretenir des intrigues amoureufes
avec quelques fcigneurs de la cour, la fit -mou-
rir fur un echaiTaud. Des le lendemain du fupplice
de l'imprudente Anne de Bou/ta , il époufa une
£lle qu'il aimoit depuis quelque tems , appellée
Jeanne Seimour.
La loi par laquelle l'autorité du Pape étoit abro>
gce en Angleterre , trouva des oppoûtcurs , fur-
tout chez les Religieux. Henri (e vengea d'eux
•n s'emparant de tous les biens des ahi)jyes , &
en. dctruifant prcfquc tous les monaiUref. Ce»
pendant . pour paroitre touio^rt atuché i b Foi'
de fes ancêtres , il continua de faite - brûler les
Hercdqu.M -, àL povu qu'il ne fe f>t aucun ctun»
gemeac daas la dogmes &. dans les ccrcmume^
br l'Histoire Ecclésiastique. 2"^f
(de 11 Religion , il aùembla en 153^ fon Clergé 6C
fon Parlement , qui dreffcrcnt de concert une Fro-
fefTion de foi entièrement oppof;e aux erreurs des
novateurs..
Cette Profefllon de foi étoit compofée de fix ar
dcles , ain(i énoncés :
1". «• Qu'après la confécration du pain & du
» yin , il ne reftoit dans ce Sacrement aucune f.ib-
» fiance de ce pain & de ce vin ; mais que le
" Corps 8c le Sang naturel de J. C. y étoient fous
» ces enveloppes.
2*. « Que l'Ecriture n'étab'iffoit pas la nécefljté
H abfolue de communier fous les deux efpèces
» Se qu'on pouvoit être fauve fans cela , puifque
w le Corps &*le Sang dî J. C. exiftoient enfem-
♦» ble dans chacune des efpèces.
3". » Que la Loi de Dieu ne permettoit point
»» qu'on fe mariât après avoir reçu l'ordre de la
•» Prêtrife.
4'. Que fuivant cette même Loi il falloit gar-
M der le vœu de chafteté , quand on l'avoitfait.
5'. " Que l'on devait continuer l'ufage des Mef—
n fesparticuliéres, lequel avoit fon fondement dan^
» l'Ecriture & étoit d'un grand fecours.
6'. » Que la ConfeîTion auriculaire étoit utile &
X même néceffaire , & qu'on devoii en conferver U
» pratique dans l'Eglifci »
« Mais , ( dit Bujfuet , ) que peuvent fur les con-
fcienccs des décrets de Religion , qui tirent tout»
leur force de l'ajtoritc royale , a qui Dieu n'a rirri
commis de fembUble , Se qui a'ont rien que de po-.
2Ç4 E L E M î K S
litique ? Encore que Henri VIII les foutînt pa^
des fupplices innombrables, & qu'il fit - mourir
cruellement non - feulement les Catholiques , qu*
dcteAoient la fupreatatie , mais même tes Luihé-
riens & les Zuingliens , qui attaquoieni aulïï les
articles de fa Foi : toutes fortes d'erreurs fe gfif*
fcrent iol'cnliblcment dans l'Angleterre , & les peu-
ples ne fçurent plus à quoi s'en tenir , quand ils
▼irent qu'on avoir roéprifé la chaire de St Pierre. •*
Les articles publics par l'autoiitc du Roi & du
Parlement , furent appelles le Jlatut de f.ing , à
caufe des peines graves dont dévoient être punis
ceux qui les combattrolent , foit dans leurs dif-
cours , foit dans leurs écrits. C'cto'it la prifon pour
la première fois , & la mort pour la féconde.
Dans cette même ordonnance le Parlement aa«
nulloit le mariage des Prcircs, Se condamnoit au
dernier fupplice les EccUCaûiques qui continue-
roient de vivre avec leurs femmes. Ce fut alors
que Oanmer , archevêque de Cantorberi , fe£la-
teur fecret de Luther , taillit à perdre la vie, &;
il n'échappa à la mort, qu'en difaot au Roi qui
hii reprochoit fou mariage , que , •• depuis qu il
i« avoit fjit-dcfcndre aux Prêtres de fe marier,
>• il avoit rcnvoyc fa femme en Allcniagot. »
Arj-r de Henri VIII.
lei changeaien* opcrés par Hemi , produiiîreat
ifiieHiuefl révoltes dins ici provinces de Liocolo
tL dYotck > oui» il eut le bonheur de Ici dilTipcr.
DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. i^Ç
Rien ne lui refiftoit : le Parlement n'ofoit s'oppo-
fer à fes volontés : aucun de fes Miniftres n'avoit
la fermeté de le contredire. AinG c'étoit lui feul
qui régioit tout , félon fon caprice -, fon Confeil ne
Éiifant autre chofe qu'approuver ce qu'il propofoit.
11 y avoit cependant dans le Confeil , comme
dans tout le Royaume, deux partis contraires par
rapport à la Religion j mais chacun avoit toujours
les yeux fur le Roi , pour connoitre fon inclina-
tion f de peur de s'expofer à la combattre. Les
Partifans des nouvelles opinions efpiroient tou-
jours que le Roi poufferot beaucoup plus loin la
réforme qu'il avoit commencée: dans cette penfée^
ils croy oient qu'il y avoit de la prudence à ne !e
pas irriter. Par une raifon femblable , les Catholi-
ques n'ofoient s'oppofer diretVement au Roi , de
peur que leur réfiftance ne le portât à palTer les
bornes qu'il fembloit s'être prefcrites : de -là réful-
toit une coraplaifance aveugle & générale pour
toutes fes volontés. Tout fon royaume s'etoit fou»
mis à Tautorité fpirituelle qu'il s'étoit arrogée ,
lorfqu'il mourut en 1 547, confumé par les remords
& les chagrins.
Henri s'étoit marié fiz fois. Nous avons parlé de
Catherine d'Aragon , dont il eut la princeffe Marie;
d'Anne de Boulen , mère d'Elifateth ; de Jeanne
Seymûur , qui donna le jour à Edouard , prince de
Galles. Il époufa encore Anne de Clèvcs , répu-
diée prcfqu'auffitôt après fon mariage -, Cithcrina
Uuwari , décapitée auÛî: pour crime d'aduUcrc -,
'l^6 E L E M E N s
enfin Catherine Pjrr , qui lui furvccuf. Quelque»
jours avant de mourir , il fit des legs pieux ; iafaf-
fifante rcAituiion des grands biens qu'il avoit ea»
vahis , & foible expiation de fa crodutc & de foa
incontinence. 11 fit dccipitcr deux de Ces femmes ,
un cardinal , foixante-dx -fept cvêques, abbcsou
prieurs ; douze ducs , comtes ou marquis-, dix-huit
barons ou chevaliers ; & pendre, rompre ou noyer
une multitude de gens du commun , viûimes in-
tortunces de fon bizarre & fanguinaire derpo-
ùimt.
Mon de Luther.
Luthir étoit mort un an avant Henri VIJI ^ en
1^46, d'une violente infijmmaiion d'entrailles, à
foixante-trois ans. Cet hon me trop fameux eut
certaiiiemeni du fçavoir , de l'efprit , de l'éloquen-
ce dans fa langue naturelle-, car, fans ces talens ,
il eA rare qu'on fiiTe des rcvolutions en maticce
de religion. Mais il joignit à quelques qualités tant
de défauts , il affcâa une infolence fi brutale coa»
ne fes ennemis, il mit ù peu de décence dans f«
conduiie fie dans fes propos, que , s'il n'eût trou-
blé le monde chrétien , fon nom fcioit ignore oa
avili.
Les Hifloricn» protcHans eux-fr.cmes, en le van-
tant comme le jLmUau de fEglije A( le itfiaufuurit
U l.httii^ la iromipttu fuisrtii évtni lu ptuflu , le
iL-nnott <iu: !ti arct ti'és dt /j .a^j'gie, n'ont pu
t'er.tpcciter d avouer liniportcment de fonc«ti»àc»-
bi L*îîiSTOiRE Ecclésiastique. 1^7
re. " Sa confiance en fes opinions , (dit Robertjon,)
n tenoit de l'arrogance, fon courage a les avan-
>» cer , de la témérité i fa fermeté a ne s'en jamais
w départir , de l'obftination i Se fon îèle pour con-
»» fondre fes adverfaires, d'une fureur qui s'exha-
»» loit en injures groflîéres. Accoutumé à tout fub-
X ordonner à la vérité , il exigeoit des autres hom«
>» mes le mcme refpeil pour elle ; & fans aucune
» indulgence pour leu.s foibleiTes ou leurs préja»
H gés,U invedltvoit avec mépris contre tous ceux
>» qui ne penfoienr pas comme lui. Lorfque fa
M doctrine écoit attaquée , il tomboit furtousfes
>♦ adverfaires avec une égale fureur , n'ayant au-
»» cun égard à la diftintiion du rang ou du mé-
»• rite. Ni la dignité royale de Htnri VIII , ni les
M talens & l'érudition à'E'aj'mt, ne purent les ga-
»» rantir des mêmes injures dont il accabloit Tetitl
»» ou Eck'us... Vers la fin de fa vîe, fes infirmités
M altérèrent fon tempérament & le rendirent plus
I» chagrin , plus colère , plus impatient dans la
v> contradiâion. »
Contemplant avec orgiieil les triftes & grandes
révolutions qu'il avoit opérées en Europe, fa va-
nité , aînfi que fa violence , l'accompagnèrent juf-
qu'au tombeau. Il fit un teAament , où il difoit :
Notas fum in catlo , in terra & in inferno , & auclcri"
tatim ad hoc fifflc'.tntern habeo ut mihi'futi crcdatur,
11 fe peignoir comme un homme , auquel Dieu Ife
Père avoit confié l'Evangile de fon Fils , & il û-
gnoit , Z?, Martinus Luth£r , notarias Dei,
258 1 _ . . _ .^ s
Ses pariiuns le regardant comme le trti\i/ife
^futtt , le iraitcrciic apics Ta mort en grand-hom-
me. LXIeâeiir de iaxc f»t-trjnfporter fon corps
a MCiucmbcrg, ou il lui fît-clcver un tombeau de
marbre-blanc , environné des Aatucs des douze
Apôtres , comme s'il eût ctc leur égal. Cet Apôtre
laifla plufteurs eofans de (a femme Cathtria* de
Byre^ qu'il avoit lirce du cloître pour l'cpoufcr.
Vers la fin du dcinier liccle , il y avoit encore
ca Saxe quelques-uns de fes dcfcendacs, qui oc-
cupoieiu des places diAi.'iguées. Le mariage du
chef du Lutheranifme avoit été délapprouvé par
les Catholiques , comme un inceAe & une profana»
tion : 8c par les Luthériens , comme une démarche
indécente i parce que cet hymen iingulier avoit été
célébré en 1^3.6, dans un tems où fa patrie étoic
affligée ou menacée de beaucoup de calamités. Mais
Luther qui avoit déclaré dans un de fes fermons ,
qu'il lui ctoit auOî impotTible dt *ïyrt fmm ftmmt
^ue et \hrt f<int manger , brava dans les bras de foa
cpoufe & les confcils de (es amis , & les ccofurcA
de fes ennemis.
Rcjlexions gcnéra'fs fur U Réforme itAhUe
par Luther.
Nous nous arrêterons un moment au bord du
(ombeau du patriarche du I.uthéranifme , pour
faire, avec M. l'Abbé Plu^uti , quelques rcflexiont
fur la rtiforme qu il voulut introduire.» Lorfque
n Luthtr attaqua le» Indulgeocci » il (Ctoit ^UfTd
DE l'Histoire Ecclésiastique. 159
•' de grands abus dans l'Eglife ; il étoit néceflaire
• de les reformer: c'eft une vériré reconnue par
n les Catholiques les plus zélés. Mais l'ËglifeCa-
»i tholique n'enfeignoit point d'erreurs , & fa mo-
11 raie étoit pure. On a défié cent fois les Pro-
" teftans de citer un dogme ou un point de dir«
)• cipline contraire aux vérités enfeignées dans
r> les premiers iîécles , ou oppofé à la pureté de
M la morale Evangélique.
» On pouvoit donc fe garantir des abus , 8c dif*
n tinguer la morale de l'Evarigile, de la corrup-
» tien du fiécle , laquelle , il faut l'avouer , avoit
M étrangement inféré tous les ordres de l'Eglife,
M qui cependant ne fut jamais deilituée d'exem-
V pies édatans de vertus & de fainteté.
'1 Une infinité de perfonnes , plus fçavantes qu*
Luther , & d'une piété ém'nente , fouhaitoienc
» la réforme des abus , & la demandoient. Mais
M elles croyoienr que c 'étoit a l'EgUfc même à pro-
»» curer cette réforme , 8t que la corruption même
•• du plus grand nombre des membres de l'Eglire
»« n'autorifoit aucun particulier à faire cette ré-
»< forme.
»• Il n'y avoit donc aucune raifon de fe fcpa-
«• rer de l'Egliie, lorfque Luther s'en fcpara. La
n réforme que Luther établit , confiftoit a détruire
" toute la Hiérarchie eccl-fjalt'que , à ouvrir les
M cloîtres , Se à licencier les Moines ; il enfcigna
M des dogmes , qui , de l'aveu de fes fetlatcurs mc-
-« fies , dctruifoicat les principes de la morale , &
a6o E L Z M E N s
M Tapoienc tous les fondeirens de la Religion na->
r> turelle 6c rcvélce: tels font Tes fentimens fur U
r librrcé de rti^mme, & fur la Prcdc(\inaiion.
rt Le <{roit qu'il donnoic à chaque Cliuccicn d'in*
T> terprcter l'Ecriture, & déjuger ïL^liCc, fut,
fi finon la caufe , au moins l'occarion de cccte foui*
» de Scdes fanatiques & infenfoes qui dcfoléreni
I* l'Allemagne, & qui renouvellcrent les principes
t» de W.c'ej, Cl contraires à la Religion & a la tran»
M quiUii« des £tat>. ( ^lyti l'article des Anabap*
TISTES dans la fuite de cct.-e Hilloire. )
!• Luther entreprit cette reforme fans autorité,
t* far.s miffion , foie otdinairc , fuit extraordinaire,
n U n'avoit pas plus de droit que les AnabaptiAet
X qu'il réfutoit , en leur demandant d'où ils avoient
n reçu leur miflîon } Il n'avoit mis dans fa ré«
»» forme , ni la charité , ni la douceur , ni m2mt
w la fermeté, qui carafbcrifent un homme envoyé
r> de Dieu pour reformer l'Eglife. Son emporte-
H ment , fa dureté , fa préfomption , révoltoient
M tous fes difcip'es. Il avoit viole fes va:ux , &
r> il s'cioit marié fcandalcufemcnt. Il avoic autorifé
it la polygamie dans le Landgrave de HctTe. Se*
m Ecrits n'ont ni dignité , ni dccence ; ils ne ref-
it pirent ni la charité, oi l'amour delà venu; il
r s'abandonne avec compUif^ncc aux plus indé>
m ccntei ratlleriei.
w Ce ne font point i<.i des dcclamations. Ceux
• qui ont lu les Ouvrages de Luthir 8c l'Hiftoir«
r> de il rctorme , tnémc dans lc> VrotefUoi ^ «a
t>E L'HiSTOIÏIE EcCLE>rASTTQ';E. iCt
M m'en dcdiror.t pas-, &. j'en attefte les Prot.-i.dns
»» modérés, les Lettres é^ Luther , fes \ernions, les
H Ouvrages, Mé/anlh n & Era/me.
)» Il s'eft élevé p.irini les Luthériens beaucoup
)» de difputes du tems de Lut/ter ; & aprjs fi n;ort ,
I» ies Théologiens Lutlicriens dreiTérent plufieurs
»» Formules pour tâcher de fe réunir , mdis inuti-
>» lement. Indépendamment de ces divifions , il
». s'éleva des chefs de Sedtes , qui ajjutérent ou
»» retranchèrent ai'X principes de Luther , ou qui
M les modifièrent ; tels furent les Crypto-Ca.'vm'/Ics ,
»» les Synerg'/lcs , les Flavianlfla , les Vfandrifus,
M les Indlfférens , les Stancarijl.s , les Majonfles ,
»t les AntinomJens y les Syncrà'ifies , les Millénaires ,
»» les Ori^énllles , des Fanatiques ik des Piétijles ,
» &c. 8cc. &c. >»
De /'Intérim 6- de fes fuites.
Malgré la divifion qui fe mit parmi las difci-
ples de Luther , ce pitriarche mourut avec la mal»
heureufe gloire d'avoir fait-adoptcr fes erreurs à
un2 partie de l'Allemagne. CharUi'Qjiim ,c[\n avoit
d abord fcvi contre les Proreftans , fut conrrjint
de chercher un moyen de concilier les efprits que
la févérité auroit irrités. Il s'iniagina qu'il paci-
fieroit les différends excites au fujet de la reli-
gion, s'il faifoit-drcffer un nouveau Formulaire,
qui contint tout ce qu'il falloir abfolument croire
& obferver fur les points conteAcs entre les Ca-
fholiques & les Protcllaos. La rcdatflioo de cetic
26x E L E M E N s
formule fut confiée a deux thcologiens de l'EjIife
Romaine , JuUt Pfiug 8t Mùhel He/ding , & à un
théologien Luthérien , Jtjn Agric^lû , parce qu'ils
paiToient pour joindre à des connoilTances cteo-
dues . la modcratioa & la prudence necr^'aires pour
un tel ouvrage.
Des que le Formulaire fut achevé , on en fit la
leôure dans hdiette d'Ausbourg en 1(48. L'Em-
pereur l'envoya enfuite au P-pe, qui lefit-cxa»
miner. Ce Formulaire, à la rcfîrve de quelques ex-
preffions équivoques , étoit conforme à la doârine
de TF^life Catholique. On y confirmoit tous les
dogmes de la vraie Fglife par des paiTages tirés
de l'Ecriture -, & on y ordonnoit l'obtervation de
tous les nts que les Protell.ins avoient profcrits.
Cependant on fe relàchoitcn leur faveur fur deux
points: la communion fous les deux efpcces , fie
le mariage des Ecclcfiaftiques. Qi:o!(]u'on déclarât
que ces concelfiuns , faites à la foiblefTe de ceriaitis
Prêtres & aux préjugés des peuples , n'ctoient
que pour un tcms, le Pape les dcfapprouva. Charlti-
Quint ne lailTa pas de publier un cdit , par lequel il
otdonnoit , que tous les Luthériens de l'Empire
qui ne voudroient plus fc rcunir entièrement à
l'Eglife Catholique , eufTent à obferver les régie»
mens du Formulaire , en attendant la dccifion du
Concile-gcncrii.
PluCeurs Thcologiens Catholiques , regardant cet
cdit comme tm outrage fait à l'autorité ccckflaHi-
c|ue , le comparcicnt a VJItnoùtoH de l'cjnpercur
DE l'Histoire Ecclésiastique. i(?j
Zenon , & à l'EHScj'e à'Heruclius. Les Luthirieas
ïèlés ne rejettcrenc pas V Intérim avec moins d'In-
digoacion que les Catholiaiies. Envain l'Empereur
voulut les con:r3ir.dre à s'y conformer i ils témoi,
gnérent ouvertement , qu';is ne voulolent pas flé-
chir fous ce nouveau règlement. Ceux qui rejet-
tîtent'VInttrlm, tarent appelles Luthériens rigides;
ceux qui l'acceptèrent , furent nommés Intirîmlfles
ou Aiijphoriftcs , parce qu'ils penfoient qu'il falloic
s'jccommoder au tems.
Suite de t Hifio'ire du L'uthéran'.f:r.e ^jufquà la
mort de Charles-Quint.
Mais les uns & les antres , toujours animés
contre les Catholiques , cherchoicnt à obtenir fur
eux la fupirioritj a Inquelle ils pràcndoient de-
puis Cl lon§-tems. Maurice, électeur de Saxe, en-
tra dans leurs delTeins. Ayant fait fecrettement une
alliance avec Henri II , roi de France , & avec
quelques Princes d'Allemagne , il leva des trou-
pes ,• & ayant attaqué à l'improvifte l'Empereur ,
en Ij;!, il l'obligea de s'enfuir précipitamment
avec fon frère Ferdinand roi de Hongrie , dans
le Tirol, où il fut fur le point de les accabler.
Charlet-Q^uint épouvitité , remit en liberté les Prin-
ces Protellans, & traita plus favorablement ceux
de cette communion. On leur promit une sûreté
entière , & un libre exercice de leur Religion en
Allemagne. Cet avantage , qui étoit une des con-
ditions de la paix de Paffaw en 1552 , leur fut
a64 E L E M E N s
folticr.ellement conlim.k y^i la diecte d'Aosbourg
en IÎ5Î.
Dans cette éfrcn-.blée cilèbre , en diefla un
Recès.qui devint la b^fe de la paix religieufe en
j|lleni;^ne. Les piincip-ux articles ce cet aûe,
fureni :••!'. Que les Princes & !e$ villes qui $*é-
toient déclares pour le Luthéranifine , fetoient li-
bres d'en ptofcfler la dcdni e & dcn exercer le
culte , fans être inr,aicics ci par l'Empereur , ni
par le Roi des Romains, ni par les I'iiikcs, ai
par les Trclats.
.• a*. Que les Proieflans de leur côté , ne trou»
blcroienc ni les Princes, ni les Ltats qui admet*
troicni ks dogmes iS. Us ccicir.oiiiLS de IXglii'e Ca-
tholique.
M 5*. Qu'à l'avenir on ne tenteroit jarriis de
terminer les difputes de Religion , que [rtr les voies
pacifiques & petfuafivcs des conférences.
M 4", Que le Cierge Catholique ne pourroit ré-
clamer aucun droit de Jurifdi^.ion {p)Tf"" '•: ''^r\%
les états de la confrnîon d'Au'bourg.
H 5*. Que ceux qui (e trouvotcnt en pciVtii.on
df I bénéfices ou des revenus de l'E^life , le* g ir^ic-
roient , fans pouvoir (tre pourfuivia fur cet arii>
de pir la ( -triale.
.. 6'. Qi»'" ', -■ , -e civile auroit le droit d*é-
ublir dans chaque Etat , la dv^rine d. le culte
q^i'clie ju^eroit convenîble ; & que ceux des Tu»
jets qui refureroient de s'y tunlurmer , auraient
U
DE l*Histoire' Ecclésiastique, i^f
la liberté avec tous leurs effets, par-tout où il leur
plairoit.
" ?'• Qu* fi quelque Prélat ou Ecdéfiaftique ,
venoit à quitter dans la fuite la Religion Catholi-
que, il renonceroit à ("on diocèfe ou àj fon béné-
fice , qui feroit dès-lors réputé vacant , comme par
la tranilation ou la mort du bénéficier, ôc que le
coUateur auroit droit d'y nommer un fucceffeur
attaché à l'ancienne doflrine. »»
Tels furent les principaux réglemens de ce fa-
meux Recès , qui fît- perdre bien des avantages à
l'Eglife Catholique -, mais CharUs-Ouint , en accor-
dant aux Luthériens plus qu'il n'auroit d'abord
voulu , ccdoit à la néceûîté d'établir la concorde
entre tant d'États, que les nouvelles erreurs avoient
divifes. Ce prince .d'ailleurs, ne foupiroit qu'après
le repos.
Laile des agitations de ce monde , & pénétré
du néant des grandeurs , il alla mourir en Ei'pa-
gne, dans un Mondftére , après avoir dépofé le
fceptre impérial & la couronne efpagnole.
Les nouvelles Erreurs s'iiurodu'ifcnt en France,
Les nouv-autés , qui avoient caufé tart d'in-
quiétude à CharUt'Quint , & qui inondèrent de fang
l'AlIemigne, s'ctoient glifTées en France à la fa-
veur du goût que quelques gens-de-lettres avoient
pour les livres des Hérétiques. L'enthoufiaîïne Se
le fjnatifme s'y montrèrent en même-tems que
l'erreur. De faux zèles de la fed^e Luthérienne >
Tom. II, M
i.C6 E L E M E K s
affichèrent à Paris des placjrds facrilcges contre
la croyance de l'Euchariftie , & fur-tuut contre
le Sacrifice de la MeCe. Après les avoir attachés
aux principaux tilifces de prefque toutes les ri»e$ ,
ils eurent la hardieCTe de les répandre dans b pro-
pre chambre du Roi.
DeJ3 on avoir teiué , auprès de ce prince , di-
vers moyens de le rendre favorable à la nouvelle
dowh-ine. Q i.ind le Roi d'Angleterre rompit avec
le faint-ficgc , pour rendre fa vengeance plus il-
lul^re, il s'cfTurça d'entraîner Frarçols avec lut
dans le fchifmc. u La nouvcautc, ( dit Eojfutt,)
m avoit gagne quelques princeircs de ia maifon
M royale. Le Roi recevoit tous les jours de nou-
r> velles attaques fur ce point , par des moyens
M délicats & impercep:ibles. Margu<rite , fa foeur
M bienaimce, connoiffjnt fon inclmition pour les
M gens-de-lettrc$ , s'en fcrvitpour l'oblijjcr a faire»
M venir Milanchton , l'un des plus fçavans hommes
M & des plus polis de fon rems , mais aufli l'ua
n des chefs des Luthériens.
>• Le cardinal de Tournoi rompit ce coup. Oo
M dit qu'il entra dans ta chambre du Roi , avec
H un livre foui fon bras. Lf Roi .qui aimoit les
H livres , ne manqua pas de lui demander ce que
M c'w'toit^ Ac le cardinal repondit , que c'croit ua
m ancien Lvèque del'Rglife Gallicane. Le Roi l'ou»
M vrit auiVi-iôt, ti trouva les Outragtt de S. Itt-
m HÛ, évoque de Lyoa'i Martyr , qui vivoit dans
• le W ûicle rË^Ufc. Il lui demanda auSi-tôt dt
CE lTÏISTOIHE ECCLESTASnQut. i6y
f% quel avis il étolt fur les nou\elles rfoftrincs *
M & le cardinal , qui avoit prcvu cet tffet de fa
»» curiofité , lui lut des paffages importans fur le
♦» point de l'Euchariftic, fur l'autorité de la Tradi-
» tien , & fur la prcémînence de l'Egllfe Rcrnaine,
>» tenu,' des les pren-.iers tems pour le centre de
M la corrmui.ior. ecciciîaftique. 11 s'étendit à taire-
« voir , que Luther &. fes feftateurs avoient ren-
^1 verf.- , avec les anciennes maximes de l'Eglife,
»» les fondemens du Chriftianifme ; & fit tant d'im-
u preûlon dans l'efprit du Roi , que depuis il n'é-
w coûta jamais les nouveautés fans horreur. «
Il lit-idire , le 19 Janvier J 535 , l'ne proce/Hon
folemnelle où il aflîfta avec picrc. II y eut un con-
cours incroyable de peuples. Le Roi laifit cette cc-
caûon pour repi éfentcr les malheurs que j'héréfie
avoit toujours caufés dans les Etats. Il fit - voir
que .depuis que Lutherie Ztjing/e s'éiCKfit révoltés
contre l'Eglife, i! s'étoit répandu parmi les peu-
ples des opinions fédicieufes , qui avoient armé les
fujetsles uns contre les aurres & contre leurs Prin-
ces , & avoient fappé les fomiemens de la tranquil-
lité pabli.[ue.
Ce n'ctoit pas ainfi , ajouta-t-il , que la' do£lrî-
ne évangélique s'étoit établie. Elle n'excita dans
l'Empire Romain ni trouble, ni révolte, ni fcdi-
tion. Elle au;jmenta au contraire la concorde par-
mi les citoyens & l'obéiffance envers les Prin-
ces qui n'avoient point de meilleurs fujets que
les premiers Chrétiens : au lieu que ces doc-
teurs nouTeaux qui fc dilent Rcj'ormuuurt , lulci-
■268 E L E M E V s
tent tou^ les jours mille fanatiques capables de
tout entreprendre fous prétexte de pi.-té. D'où il
concluoit , que ces riouveautcs n'eioient pas moins
pernicleufes à 1 Etat qu'à la Religion. II exhorta
enfuite fes fujets à perfcvérer aufîi conftaminent
dans la foi de leurs ancêtres. Il leur dit , qu'il
étoit rifola à fuivre cette môme foi à l'exemple
desjRois Tes prédéceflTeurs, parmi lefquels , depuis
Clovlt , il n'y en avoit pas un feu] qui fe fut fcparé
de l'Eglife.
M A ce pieux & cloquent difcours , (dit Bojfjtt^ )
•1 il joignit de rigoureux cdits , par lefquels il
«• condamnoit au feu les Hérétiques. Ces cdits
n furent exécutes durant long-tems, avec une fé-
»» vérité exceflire : mais l'expérience les lui fit-
II tempérer , & lui apptit qu'il ne falloit pas don-
»i ner a des entêtés une occaûon de contre-filrc les
f> Martyrs. •«
L'erreur ne périt point avec ceux qu'on fît-mou-
rir dans les bûchers. L'orgueil & la curiofî;e de
l'efprit humain ; l'averûon pour des abus grands
i la vérité , mais qu'on exagère prcfque toujours ;
un fanitifmc de reforme , plus d.:rpercux que les
abus mêmes i l'opiniatretc & l'auddcc lî naturelles
a des enthoudaftes dont on punit les égaremciu
pir des fuppliccs , tout fcrvoit a perpétuer les at-
teintes portées é la Foi de no» pcrcs.
H'ijh'irt àt Calvin.
Ce fut alors que le fameux Jté* C*twîn , coirio
Bvea(a de dogmatifcr. Il ctoic ne à Noyon daos
DE l'Histotre Ecclésiastique. z6f
le Vermandols , en 1509. Son perc , procureur-
fifcal de l'Evcque de cette ville, lui obtinr quel-
ques bénéfices , dont il fe défit pour aller cher-
cher des difciples. Mc'clùor îf'oimar , Luthùien »
qu'il avolt connu lorfqu'il étudioit le droit à
Bourges , lui infpira du goût pour les nouvelles
erreurs. Plein du deilr de fe former une Eglife en
France , il les adopta , & y en ajouta de nou-
vel'.es.
C^lyin avolt tout ce qu'il faut pour rcufTir au-
près des fimples, & même auprès des grands. «Ja-
)» mais homme , ( dit Bojfact , ) ne couvrit) mieux
'» un orgueil indomptable fous une modération
»» apparente, II ne fe foucioit point des biens de
" ce monde , & la feule ambition qui le poffédoir,
>» étoit d'exceller par les talens de refprit, & de
M dominer fur les autres hommes par le fçavoir
)« & par l'éloquence. »
Cet homme dangereux jetta les premiers fondc-
mcns de fa fede à Poitiers. Ceft-là qu'il fe mit à
cjtcchifer & à faire-faire la Cène dans des caves ,
après s'être fauve adroitement du collège du car-
dinal le Moine , où le lieutenant-criminel de Paris
avolt envoyé des fergens pour l'arrêter.
Obligé de fe fauver de Poitiers , il fe retira à
Bàle. C'eft dans cette ville qu'il mit la dernière
main à un livre qu'il ofa dodiei* à François I. Ce
livre trop cclèbrc étoit intitulé , InjTuutions Chré-
tiennes , quoiqu'il fût la réfutation de prefquc touj
les dogmes du Chrillianifrac. Fran^jisl, qui pré-
Miij
•7^ E L E M E V s
▼it les fuites d'un ouvrage à dangereux , irt pur;
malgré fon zde ûc fcs foins , venir à bout cie le
fairc-fupprimcr. « Le fcul avantage qu'en tira l'E*
»• glifc , {i\t Bi^ffutt ,) fut que Ca/w/i combattant
»• le icncimcnt de iMther fur Ituchariftie , il aog-
M menta les divifions qai «itoient dans le parti
»• Protrflant : de forte que la divine Providence
•♦ fe fcrvit du plus dangereux hcrcfiarqae de Ton
M tems , pour an'oiblir l'hcrd/ie. »
CaUin , toujours occupe du dcfTe^n de répandre
fes nouveaux dogmes , p'^fTa de Bàle à Fertare ,
où la princdTe Rtnet de France , tîlle de Louu XII ^
l'accueillit trcs-hien ; de Ferratc a Genève, enfuite
à Strasbourg -, enfin à Gencvc encore , uà il fc
fixa pour toujours.
Cette ville avoit dcja adoptt les trreurs de /;//!-
j/f. Cd.'rin y forma le plan de h fcilc a l.iquelle
il a donne fon nom. Ses opinions erronée^ font
à-peu-prc$ celles de Li.ihtr , à la rcferve de fon
fentinicnt fur l'Euchariftie. Ca/yin penfe que le
Corps de J. C. n'cft réellement Se fubdantiellcnacnt
que dans 'c Celi Se quM n'eft prcfent que fpl-
riiucl'erovnt djns !e pain ruchanni jur , où il cft
une fource de gracrs pour ceux qui ont h foi.
Il ne veut ni culte extcrtrur , ni chef viftble de
TF-gliTe , ni évéque* , ni prJtres , ni fête», ni bc-
ncdi^iont, ni aucune de ces cérémonies h au*
suAes , que l'i'npctueux Luihtr n'ula pas entière»
Bient profcrire.
Ceocvc £e fournit à toutes fes voloatcl. Il Jf
DE L'HrsTorcE Ecclésiastique. 171
établit la dlfcipline extérieure de la Religion -, il
dirigea le code des Loix civiîes & ecclcfiUuques.
Il régla la forme des prières & des prêches , la
manière de célébrer les deux feuîs Sacre mens qu'il
admettait , la Cinc & Is Ba^'-u'rr.c. Il fondi des coc-
Crh)ires , des colloques , des 1^'ncdes , des anciens ,
à<s diacres, des Turvei^ians. La rigueur, ave; la-
quelle Calvin exerçoit lb;i pouvoir fans boracs &
fa iurifdiâion coi;fiftoriale , lui attirèrent bcau-
CG'.ip -1 < r, cmi» : mais fcs taîens & fa fermeté
tricri;; .l: i.r de teu^es Tes tUGcuîtés & àc toircf
\i% tr«verfes. H étoir inflexible dacsles fentimcas,
invariable dans fet denafcLes , & capable do tout
facrirer pour le foutien d'une pratiq'ja ind:ff;rea-
re , comme pour la'défenfe des premiers dogmes
de la Religion. Un homme de ce carailére , avec
de l'tloquence & de raUâféri:é dans les mœurs ,
( dit M. Plujutc , ) fiibju^ue iu.aiihbiement la muN
tifud;, & fur-tout les caractères foibles, qui aiment
mieux fe Joumettre que de Imer fans ceffe.
Enfin , après avoir impofé f.lenceà tous fes en-
nemis , & donné ur.c ctnf.fTance folide à l'édifice
de la prétendue-Réforme , Culvin mourut à Genève
d'un at'xhme 8c d'une fièvre étique en 1564,3 56
ans , regardé comme un homme d'un gcnie péné-
trant , hardi , éclairé , & d'un caradére jaloux , cha-
grin , colère & tyrannique.
La prorfigieufe adliviic de fon efprît contribua
fans- doute beaucoup aux proj;rc$ de fa fefte. Il ne
t'occupa pas feulement d'à£Fcrmir la réforme à Gcoi-
jyiiy
^7* E L E M E N $
ve , il écrivit fans cclTe en France , en Allemagne ;
en Pologne contre les Anabapciftes, contre les Anti-
Trinitaires , contre les Luthériens, contre les Ca«
tholiques. il ctoit comme Esaù, mmui tjut antrs
omnes. Ses ouvrages & fes lettres dévoient faire»
imprcfiion. Il écrivoii avec pureté & avec mé-
thode. Perfonne ne faiiiiToit plas finement & ne
pi éfentcit mieux les côtés favorables d'une optnioo.
La préface de fes InjUtutlom td ( félon M. l'abbé
Pluquct ) un chef-d'œuvre d';idreire. Il traita le
premier les matières théologi^ues d'une manicre
cicgante, & fans employer la forme Ccholadique*
On ne peut nier qu'il ne tùt thcologien & bon
logicien , dans les chofes où l'efprit de parti ne
l'aveugloit pas. Oa ne peur donc lui rel'jfer de
grands talens , comme on ne peut mcconnoitre en
lui de grands défauts.
Execution de Cibrléres 6» de Merlndol. Progrès
du Ctivinifme en France,
L'Apôtre de Genève, plein de l'ambition de ré-
pandre fon nouvel Erangile , eut grand foio d'en-
voyer des mlnirtres eu France pour le prêcher.
Leurs fuccct turent funcAcs aux VauJois , qui
étoient difperfcs fie caches dans les montagnes de
Dauphinc fie de Provence , où ils avoient cru
trouverune retraite alTurcc. Le i8 Novembre i J4'?»
le Parlement de Provence, craignant la propaga-
tion de l'erreur, condamna a la mort diK-neuf de
ce» fc^iircs. Il ordoûQi ca mcia:-icms, (juc tome»
DE l'Histoire Ecclésiastique. 273^
leurs maifons des villages de Cabrlcres & de Mc-
rlndol feroient entièrement démolies , ainfi que
tous les forts & châteaux qu'ils occupoient , 8c
qu'on arracheroit tous les arbres de leurs forêts.
L'exécution de cet arrêt fut fufpendue, à la prière
du cardinal SaduUt , par ordre de François /, à
condition que les Vaudois abjureroient leurs er-
reurs. Mais en 1545 , le premier préfident A'Op-
f'ide y ayant dépeint ces hérétiques comme des fé-
ditieux qui pourroient fe révolter , obtint la per-
mifîlon de faire- exécuter l'arrêt prononce contre
eux en 1540 Uni au baron de /a Gar^j , qui ra*
menoit des troupes d'Italie , ce magiftrat permît
aux foldats de fe jetter fur tous les habitans da
ces contrées. Trois mille perfonncs, fans dillinc-
tîon d'âge ni de fcxe , furent maffacrces , & Mi-
rindul , Cahricres & vingt autres bourgs ou vil-
lages, mis en cendres. Les troupes .animées parle
faux zèle du préfident d'Oppcdc & de l'avocat-gé»
rcral Gutrin , firent une boucherie ù affrcufc , que
Frjnçoii I, prêt à mourir, chargea fon fucccffeur
de punir les auteurs de cette barbarie défavouce
par la religion. Henri II renvoya cette affaire au
parlement de Paris. L'avocjt-gcuér.il Cuèrin , qui
fut condamné à perdre la tête, parce qu'il ttoit
d'ailleurs accufé d'autres crimes, porta feul la peine
des autres coupables : ù'Oppède , appuyé à la cour ,
fut renvoyé abfcus.
Les Oïlviniftes ne furent pas traités cependant
avec plus de douceur , fous le règne de h\nti II-
. Mv
I
ar-f E L E M E N s
Ce prince publia coatr'eux un édit fév^re. Pef^
fonne ne pouvoit être reçu dans aucune charge»
ni enfeigner dans aucune ccole publique , avant
que d'avoir fait une profeilion authentique de fa
do^ri ne. D'Andi\t , frère de Tamiral de C^H^mî ^
fut arrête prifonaier pour des bijfphcmes pronon»
ces contre la Mcffe i & Annt du Bourg, confeil-
ler au parlement de Paris , l'un des fouticns du
Calvlnifmc , pendu 8c brûlé en place -le Grève.
«• Il foufirit, (dit Bijfuet, ) la mors f,in$ s'émouvoir,
»» 8c fit - voir que l'erreur peut avoir fes Mar-
>» tyrs. Son fupplice ne fsrvit qu'a irriter les Hé-
n rétiques , & à faire -chanceler la foi des Citho-
v> llques ignorans.» Le nombre des Scî^JJrcs $'ac»
crut prodigieufemcnt , 8c plufieurs Eglifes Calvi-
niftes fe formèrent dans les diverfes provinces , fur
le modèle de la cooditution ecdcfiaftique de Ge-
nève. »
Dans renthoufiafmc qui dominoit alors les pré-
tendus-Réformes , ils fe comparoient aux premiers
Chrcticns pcrfccutcs par les Lmpcreurs païens. On
avoit de quoi le» confondre, (dit M. l'Abbé Mil-
dot,) en leur oppofaat l'exemple de leur Apôtre
Cé.'vi» , qui en ijn avolt fait -brûler à Genève
l'Anti-Trinitaire Ser%t: Oa pouvoit même aiTurer
«jue, pojr deven'r perfccutcurs , il ne leur nun-
quoît que d'.tre les plus forts. Mais il n'en eft
pas moin» vrai que leur nombre 8t leur opi<ûl-
treté augmentoieiit chaque ]o\it au milieu de*
êMiaiivuu qu'9o faifoic pvur Ici 'rcpruaet. I^-
DE l'HiSTOIP.E EcCLESrASTIQT.TÎ. ijf
cour , Ij ville, les provinces, tous hts ordres de
citoyens écoieat infeâés des erreurs courantes.
Quelques Princes du fang , quelques feigneur»
du premier rang , profedoicnt ouvertement la nou-
velle Religion : tels étoient Antoine de B^urbon^
roi de Navarre ; Ltuis prince de Condé ^ fon frère j
l'amiral de Coligni, le duc de/?o^Ji, &c. Peu do
«ms avant la mon de Henill, les prétendus- Ré-
Éorniss tinrent leur premier Tynode national à
Paris , & y drefi'érent une confelTion de foi , qui
iiit pour eux une règle de do£lrine.
Indication d'un ConciU-^énéral,
Les Papes gémiffoient fur les maux de rEglife,
Paul III {Aleyiandie I'.i ne/.) , tlu en 1534, apiè»
la mort de Cément VU , travailla puiffcmmcnt à
y remédier, en afTemblant un Concile- gênerai »
qtii rtformàt lEglife dans la difcipline 6c dans les
moeurs. Dès le mois de Mai de i'annije 1557. il
indiqua la tenue de cc::c aflcmhlce à Man'cue j
mais il fut obligé d'crv retarder la convocation pour
l'année fuivante. La guerre allum e dans toutes
les parties de l'Europe fut un nouvel obfldcle, 8c
les Evêques ne pouvoient s'y rendre librement.
Enfin la paix ayant été conclue entre l'Empereur &
le Roi de France en Septembre 1 544, on fe pré-
para à tenir le Concile, qui, dès l'année précé-
dente , avoit été indiqué à Trente , ville d'itali»
tur les froBticres de rt-tipire d'AUema^jn?,-
17^ £ L E M E K s
Ouvfnure du Concile de Trente,
Paul m, deûrant d'achever au plutôt ce grand
ouvrage , envoya fe$ légats a Trente , où ils arri-
vèrent au comtnenccment de Mars 1545. CétoienC
le cardinal dci ALntt , tvcque de PaleQrine ; le
cardiiul de Sainte Crois ( Marcel Curviti ) , qui furent
depuis Papes, l'un fous le nom de Jules III , Ce
l'autre fous celui de Marcel 7/ i 6c le cardinal /?«-
nauJ PmIus , prince du fang royal d'Angleterre.
L'ouverture du Concile fc fit dans l'Eglife cathé-
drale Je Trente, le ij Diice.Ti'jre ij4j. L'evcque
de Bitonte , le plus celèar^ prédicateur de l'Italie ,
prononça la harangue d'ouverture , qui fut trbl-
appljudie.
Le nombre des ëvèques qui fe trouvèrent à
cette prcraiire felFian , etoit fort petit -, mais le
Concile devint de jour en jour plus nombreux.
Le« légats du faiat<fiége y preùdcrent en prcfen'.e
de deux cardinaux , de trois patriarches , de vingt-
un archevêques, d'un grand oorobre d'cvcques»
de fep: ab')j>, de fept g.-nuriux d'ordre , 8c de
pluùears a.njanTjJeurs des i'riiii:es Ciirciieos. Les
prcit'.érei féancet furent employées à Aacuer fur
la mmicre dont on cxamineroit les matières agi»
tces. I! fat rélolu de les difcutci dans des con*
grcgatioas parcicutiiret , avant que de les propo*
fer ajConcil; ,>n;r.ii. Il fut juge en mcme lems
que tjut fe dcwid.roa à la pluralité des lutlVaget
partie jliert , (c aja des nations, cooun: oa avou
DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. 177
fait aux Conciks ds Bàle & de Confiance, On
tint , a Trente , huit fenions , dans lefqucllcs on fie
pluHeurs d>;!înitions touchant la Foi & la rc:"orma-
tion des mœurs.
Dans la quatrième , on établit , Tclon les anciens
Conciles , le nombre des livres canoniques de l'an-
cien & du nouveau TeAament , & on déclara
qu'on devoit tenir la verfion Vu.'^dtc pour authen-
tique.
On définit dans la cinquième fefiion , ce qu'on
devoit croire touchant le péché originel. Le Con-
cile déclara , qu'il nous eft remis par le Baptême ;
mais que la concupifcence , qui eft l'effet du péché ,
demeure. Les Pères ajoutèrent , que dans ce décret
touchant le péché quMij/n a tranfmis à fa porté*
rite, ils ne prétendoient nullement comprendre la
Ste Vierge Marie, mère de Dieu, & qu'ils vou-
loient qu'on défcràt aux conflitutions de Sixte /f,
qui , pour honorer la mémoire de fon immaculée
Conception , en inftitua en 1476 la Meffe &
l'Office.
La fixiéme (tfCion fut confacrce à la matière
de la juftifîcation & de la grâce. On y condamna
trente-trois propofitions oppofées à la dodrine
des Catholiques : les unes des Pclagicns , qui don-
ncnt tout à la volonté de l'homme , agifTant par
les feules forces de la nature ; les autres des Lu-
thériens , qui attribuent tout à la feule grâce de
Dieu , laquelle , difent-ils , emporte notre volonti
pat une force iararmoatâbk. Ces poiats û~ dcli<;
'^9 E L E M E N t
cats , furent frai(c$ avec tant de prccifion êc rfé
lumicre, que les Théologiens des diiTcrcns partis ne
purent qu'admirer l'habilete de ceux qui avoienc-
recueilli h dccilion du Concile.
Ce qui concerne les bacremens en général , fut
examiné dans la fcptiéme -, & la dodbrine du Con-
cile fut renfcrmce dans trente canons, fuiviv d'a-
nathcraes contre ceux qui s'en éToigneroient. Les
Fidèle» eurent dm* ces dccrets tout ce qu'ils doi-
rent croire fur le nomhre , l'ioftitution .lanscef»
ùté , la valeur, la matière, la forme & le minil>ro
de ces fignes divins, &: en particulier fur le Bap«
tcmc de la Confirmation.
Le Conclu transfàc à Boulogne ;
Mm de PauMlI.
ta maladie contag'cufe dont Trente étoit me-
nacée, obligea le Pape de transfcrer en Mjrs 1547
le Concile a Boulogne , où l'on tint deux fcances.
L'empereur ChjrUs - Q^ànt , qui s'ctoir oppofc à
cette tranilation, fe brouilla avec PjuI III; & leurr
ditifcrends s'ciant aigrit , le Concile demeura fuf-
pendu pendant quatre ans. L'Empereur protcAa
W. r-it contre l'aiTemblce de Boiil.).;nï , 6c
iït ' rs ce fjmcux formulaire de foi , connu
fous le nom à'inmlat , donc nous avons déjà
faric.
Le pape P*ml IIJ , accable d'aonées 8c d'ennuis .
fliourui le 10 Novembre ^549 : Pontife plein de
feuaivtc (Ua» le» coiucils , iclatcur de la paix pu-
DE lTîistoire Ecclzsiastiqxje. 17^
mî les Princes Clirctiens, amateur des lettres, noble
dans fes fentimens -, injis qui regretta en mourant
de s'être laiffé gouverner par les enfans qu'il avoic
eus avant que de fe confacrer à l'ctat ecclefiafti»
que. Sa mort imprévue fat la caufe d; l'enticre
rupture du Concile airemblc à Boulojrte , parce
que les légats Furent obligés de fe rendre à Rome
pour entrer dans le conclave. Le cardinal det
Muntt, fut élevé au fouvcrain pontl'icat, le 5 Fé-
vrier 1550, fous le nom de Jules III; 3c fon em-
preffement le plus vif fut le rétabliflemcnt du Coa»
cile-général.
Continuation du Concile de Trente»
Jules m , après avoir d«nné avis à l'Empereur
8c au Roi de France que le Concile fe tiendroic
de nouveau à Trente , nomma trois légats pour y
prcfîder. Dans la première feAloo , tenue le pre-
mier Mai 1 5 ^ , & qui fut l'onzicme de cette grande
alTemblce , on lut le décret de fon rctabliffement^
Dans la treizième feflion , tenue le 1 1 Odo-
bre, on lut le décret touchant l'Eucharidie. Le
Concile définit, contre les Sacramentaires , /d/rrs-
fcnce réelle de Jtsv s-CiiKHT dans le faint Sacrc^
ment de l'Autel \ & contre les Luthériens , U Tranf-
fuhjiantiatlu/t f l'adoration de la fainte Hojbe ^ & la.
fféfence de Jkjus-ChrisT mène hors /'u/"?' '^^ '•
di*in Sacrement. On n'y voulut rien décider , ni
fat la communion fous les- deux efpèces , ni fur
fe Sacriâce de la hl^Sci a£a (^ue le& tiicclo^ic**
ib'O E L E M E N s
ProteHans , qui prcnoient un vifinccrct à ces deuX
points , & auxquels on donnoit un ample fauf«
conduit , eufTent le tems de propofer leurs raifoos
au Concile le 25 Janvier 15;!.
La quatorzième leliion, fe tint le 2; Novembre
I { 5 1. On y expofa la doârine de l'Eglife CathoU>
que , touchant les facremens de Pénitence & d'Ex-
trcme-on£^ion. A Itgard de la Pénitence , qui ré-
concilie le ptchcur avec Dicu , le Concile cnreigna
la néceflîté de l'inllitution de ce facrement , fa
différence d'avec !e Baptême , & fcs trois parties,
]a Cunirition , \i Cor.f.jp.uti fc la 5j/.v/Jcî<o«. Quant
à l'Extrême -Onâion , qui donne aux malades la
force de fupporter leurs maux, les Pores expofé-
rent Ton inAitution & fcs disins effets.
Dans la quinzième fefGon, tenue le i^ Janvier
1 5 ; 1 , on donna un nouveau fjuf-con Juit aux Pro-
teflans , qui craignant d'être confondus dans uoe
afTemblée compofce des plus c;:ièbres théologiens
de l'Eglife Ca.holique , diffjroient fous divers pré-
textes d'envoyer les leurs, On prorogea en leur
faveur, le tems jufqu'au premier Mai. Cependant
les plut fçavans dofleurs du Concile, travaillè-
rent dans pluficurs congrégations a édaircir la
matière du Mariage , pour en former les décrets
qu'on devult propofcr dans la fciziLmc feÛtoo.
Mais lorfqu'on fe préparoit à le continuer jufqu'à
fonen:i:rc conclufion , la nouvelle de la guerre
déclarée a l'Empereur par l'Elcf^eur de Saxe , dont
Us croupes pouvotcnt venir juft^u'a Trente, obU*
DE l'Histoire Ecclésiastique. i8i
gea les Feres de quitter cette ville , où ils n'é-
toient point en sûreté.
Pendant la furpenfion du Conc'.Ie, l'Eglife per-
dit le pape JuUs ///.mort en 1 5 5 7 , à 6S ans. Peu
refpedé de fa cour, parce qu'il mar.quoit de gra-
vité ; 8c peu regretté de fes peuples , parce qu'il
les avoit accablés d'impôts ; ne manquant d'ail-
leurs ni de zèle, ni de talens. Son fuccelTeur , le
cardinal Marcel Corvin , qui fe fit-appeller Marcel
Il , donnoit de grandes efpérances -, mais une apo-
plexie l'enleva vingt jours après £bn exaltation.
La rigoureufe clôture d'.ï conclave avoit déjà com-
irencé a altérer fa fanté. Il acheva de la ruiner
par la fatigue des longues cérémonies de foa
exaltation , & par la contention d'cfprit qu'exi-
geoit le plan de réforme qu'il raéditoit de feire
dans le clergé & dans la cour de Rome. Le car-
dinal Jtan - Pierre Curaft , doycn du facré col-
lège , qui prit le nom de Paul IV , fut placé après
lui fur le ficge apoQolique. Ce pontife ne l'ayant
occupe qu'environ quatre ans , ne pu: remédier aux
maux de l'Eglife. Son grand âge l'obligea de fe
repofer des foins du gouvernement fur fes neveux,
qui fe coniui'.lren: avec fi peu de ménagement ,
que leur oncle fut obligé de les priver de leurs
charges & de les envoyer en exil. Ces chagrins
domcftiques l'enlevèrent a la Chrétienté a l'a^je de
83 ans , le 18 Août 1 5 59. Le zèle de Paul IV pour
l'extirpation des nouvelles erreurs auroit eu peut-
être plus de fuccès, s'il avoit f^a l'accompa^ncf
a?i E L E M E îî f
d'un peu de douceur ît de prudence ; mais fes idée»
fur lautontc pontificale lui perfuaicrint qu'ja
ne pouToit refuler trop fortement à ceux qui
avclent attaque & lE VU
croyoit qje , dès qu'., , i-' de
Dieu , oa oe devoir avoir aucun fgard aux mari-
mes de ■-•, Se il tut trèi-irrité
contre. , ,.■ c$ Frince* , qui, daa»
b fameiife dieiic d'Ausbourg en I{f5 , avoieac
gKian la tolérance aux l'rutet^ans d' • :.
L'inçtctuuCwé de l'on cjrjwltrc âc la } i
de lei confeilt , readireat prcTque iiiutiic* le» ca«
len« & l'ys verttu.
Son fuccclTeur ( Jean-Aigt de Midlcit , Mlla»
fiois) P:t IV , ne fut pas plutôt couronné , qu'il
pre.Td Id tenue du Concile de Trente , aAcmble de*
puis quinze ans , & interrompu par les tronble»
qui (Voient agité tous les Etats. Li ^ulie de con-
'vocati'vn tut promulguée en Novembre 1^60%
mais divers obftacles firent-retarder J'ouvertut*
jufqu'ju iS Janvier 1^61. Après que les «mbaf-
fadcurs de* l'rinces Catholiquct furent artivcs ,
•n continua les feiTions -, on en tint neuf «ous le
pape Fit ly, fit il y en eut en tout vin^tciv^,
dans Icfquelles on n'établit fur le facritice de la
MefTe , fur la communion foui les deux efpicei,
far l'Ordre Ce fur le Mariage, que ce que route
l'Eg'ife croyoit : mais on fit diffcrcns décrets de
rcformation , dont la plupart CoM trts-rcaMrtjuab)«t
par leur fa^ctlc.
»E l'Histoire Ecclésiastique. aS'j
Décrets de Réfomuiûon,
Les principaux roulent, i°. Sur les Réguliers &
les Mona^Kires , & fur la clôture des Rfljgieufes.
a'. Sur l'excommunication. 3*. Sur la vie que doi-
vent mener les Evêques ; l'exercice de la prédica*
tion 5i la réfidence leur font expreiTcment ordon-
nes ;, ils le contenteront de msubies modèles
& d'une table fruga'.e ; ils n'enrichiront pas leurs
parens aux dtipens des pauvres -, ils doivent fe
fouvenir qu'i's font payeurs, & non perf<;cu£«ur$,
4*. Sur le droit de patronage. 5'. Sur les dîmes;
le droit dci lunirailles. 6°. Sur la protediio.» que
les Princes doivent do.iner aux Eccléfidfti:{ue> ;
décfct qui n'apisérc reçu en Fran^-e, parc-î fju'à
quelques C2;ards il q\\ contraire aux libertés de
l'Esîiî'e Gallicane. 7*. Sur Tof-ige des' duels , qui
eîldefenHu fu is neirre d'excommunication. 8''. Suc
les c'e'LS c ne binaires, qui doivent être punis
fuivant les peines portées par les anciens Canons.
9'. Sur les Indulgences, dont le Concile conferve
l'ufage, mais dont la difiientation doit être faite
avec la plus grande prudence & la modéracioa
qu'on obfervoit dans la primitive Eglife. 10°. Sur
le choix des viandes » & fur les jeûnes qui ten-
dent à amonir les paHlons en mortifiant la chair.
Conclujîon du Concile.
La lecture de ces décrets de reformation fe fit
éias la ^)\^ derràcre funce , tenue le 5 De-
2S4 E L E M E N s
cerobre i;63. Le Concile fut terminé après de
grandes acclamations, prononcces par le cardinal
de Lonaine : c'étoient des fouhaits , des bsnédiC'»
tions, des allions de grâces pour le Pape, l'Em-
pereur ,1c$ Rois , les Rcpubliques. Le mcme prclat
finit par un applaudifTcment aux décrets du Con*
cile , endifant iC'tftl* duHrinc det Afoves & dt$
Ptresi etjllajoidtt Onhoiuxts,
Enluite les Pères donnèrent leurs foufcriptions -,
elles furent au nombre de devixcenscinquantc-ciiiq,
fçjvoir: quatre légats , diax cardinaux , trois pa-
triarches, vingt-cinq a.chcvéqucs , cent foixance*
huit cvcqucs, trente-neuf procureurs pour lesab*
fcns, fcpt abbés, & fept généraux d'ordres. C'eft
peut-être de tous les Conciles-^cutraux le plu»
célcbre , par les obftacles qu'il fallut furmonter
pour l'aflTembler , par le nombre prodigieux d'er-
reurs qu'on y anathomatifa , par les fagcs rcgie-
mens qu'on y fit , enfin par le grand nombre dt
fçavans & vertueux prclats qui le compofcreot :
tels écoient , dom Banhiicmi dc$ Martyrs , arche-
▼cque de Brague en Portugal -, le cardinal HtnuU
de Gonxazut , évéque de Mantoue, moins illuftrt
encore par fa hauie-nailTance r^ue par fa pictc^le
cardinal itanijlst Ofiut , êvique de Varmie , que
fes vertus & fes lumières faifoient-appeller It
Dieu du Polonoii ; le cardinal ): Jmc Scripant , au-
paravant général des AuguAins; le cardinal ChtrUg
de Lorrain* , archevêque de Rhcims , prince dif-
ttngué par un grand nom & par des ferviccs ti^a<i>
les rendus a l'Ëglife, &c. &c.
de'lHistoire Ecclésiastique. 185
Le Pape , au comble de la joie d'avoir terminé
une affemblce qui duroit depuis vingt ans , en
approuva les ades & les décrets en plein confif-
toire ', il les iît-rédiger en un volume, & les en>
voya dans toutes les parties du monde Chrétien,
avec ordre aux Fidèles d'y obéir. Sa bulle fut re-
çue , fans contradiilion , a Venife , en Efpagne,
en Portugal, en Pologne , en Flandre , dans le
royaume de Naplcs & de Sicile ; mais en Allema-
gne les Protertans , fans avoir égard ni à l'dutorité
du Pontife , ni à la piété & à la fagcfle des Pères
du Concile , refjférent de s'y foumettre. 11 y eut
dcs-lors une fci^aration ctcraelle , établie entre la
vérité & l'erreur , jufqu'a ce que la Providence
éclairant les ténèbres des errans , daigne rcuair
toutes les ouailles dans le même bercail.
^l'égard do la France, le Concile fut générale-
ment reçu quant à la do^rine -, mais quant à la
difcipline , pluiieurs points turent rejettwS , parce
que les droits de la puiiTance féculiére n'y parurent
paî aficz ménages. Le parlement de Paris repré-
fenta , qu'en donnant pouvoir aux Evêques de
procéder contre les laïques , par amendes & par
emprifonnemens , le Concile étendoit la puilTance
Eccléfiaftique aux dépens de la temporelle. On fe
plaignit, que le renvoi des caufes criminelles des
Evêques au Pape , fruftroit les Conciles natio-
naux & provinciaux , qui av.ient toujours été
les juges lé(;itiraes de ces fortes de caufes. On
ajouta , que d'obliger les Evtques d'aller à Rome
iSS E L E M E V $
jour répondre ''. • Icufscrixi-.es, c'ctoit aon*f(nà!é>
ment d.roger à l'ufage de France -, mais encore
aux canons des ConcUes , qui veulent que ces
caufes foicnt jugccs fur les lieux. Ces raiCons,
& quelques autres , ont toujours rois un obftacle
à la réception du Concile de Trente en France.
Envain le Cierge la demanda des le tems des Etats
de Blois & dans les aiTemblccs de Melun : envain ^
CUmtnt F/// l'exigea comme une condition clTen-
tielle pour la reconciliation €Hcnri IV : envain
les Prélats François Font redemandée depuis , ea
foumettant la pu'. location des décrets de difcipline
à la cliufe , J'^i^f iet iront du R./t ^ 6- /et prirn'i'get
de l'Lg/i/e Gûtlicjne \ cette précaution même ne
rafrura pas les MagiArats, qui ont toujours per-
fif é à regarder cette réception comme contraire
à nos ufaget.
JSouveaux probes du Oxlv'inifmc en France,
La France ctoit en proie , lors de la concKifiôa
du Concile de Trente , aux divlfions inteftines
dont les nouvelles erreurs avoient agité toute U*
Chrétienté. Htnti II ayant été tué d'un éclat de
lance dan» un tournoi en M {9, le p.irtl des Cal-
viniAes devint puilTant fous le règne du foibie
Françvit II , prince fans vices i: fans vertus , d'im
corps dclicji & d'un caraOcrc foiMe, qui n'avoir
alors que quinte ans. Ce roi entant mit les rcnet
du pouvernrment entre les mains de fa mère C4-
tktinxt de hioiuu , ptioccfTc iitiûcieufc 61 me-
DE l'Histoire Ecclésiastique. aSy
chante, qui dlvilbit tout pour régner feule. Ce-
pendant les ducs de Guife , oncles maternels de
J^îjrii Suart reine d'EcolTe & époufe de fiançuii II ,
avoient beaucoup d'afcendant fur l'efprit de ce
prir.ce. Les Princes du fang , jaloux du crédit des
Guij'es , voyoient avec peine l'adminiAration des
affaires confiée à des hommes d'un caraftcre im-
pétueux & hautain. Pour les contrebalancer , Louis
prince de Cundc & les Collgnls fe mirent à la tête
du parti Calvlnif\e qui croiffoit de jour en jour;
tandis que les Guij'es, afredant beaucoup de zèle
pour l'ancienne Religion , avoient le cœur des Ca-
tholiques.
Conjuration cTAtnbolfe ifes fuites.
La jaloude qui étoit entre les Guifcs & les Coniés^
fut l'origine des guerres civiles qui décliiréreat
bientôt la France. Le parti de ce dernier prince
forma en X559 une alTociation , connue fous le
nom de la Conjuration â'Amhoifc, du lieu où elle
fut conclue. Le projet ctoit d'enlever le Roi des
mains des Guifts^ & de faire - périr ceux-ci. La
confpiration , communiquée à une multitude de
Calvinifles , ne pouvoit être fccrette ; les Guifcs ^
avertis par leurs cmidaires , mirent en sûreté la
perfonne du Roi. On arrêta les principaux con«
jurés , & plufieurs d'entr'eux furent pendus aux
créneaux du château d'Amboife. La Rcnaudie ,chet
de cette dangereufe entreprife , fut tué , & fon
corps mis en quartiers pour être expofc ea
public.
aSS E L E M E K s
Ces fuppliccs n'tfffraycrent point \e% Calvlnif-
tes; rhcrche répandue dans toutes \ci provinces,
y prenoit de nouvelles forces. Pour oppcfer des
barrières au Calvinifme . la cour donna en i{6o
l'cdit de Ron^orantin . qui aitribuoit aux Evéques
la connoiiïjnce du crime d'hcrcfje, & l'intcrdifolt
8U Parlement. Cette dcclaraiion ne fut cnrcgif-
trée qu'avec beaucoup de peine. Oa blàipoit le
chancelier de VHi'fita/ de l'avoir donncc ; mais
il ne s'y décida , ftlon queli^ues hifloriens , que
pour empêcher l'ctablifTenicnt de l'Inquifuion ea
France.
Cependant le feu fccret qui s'allumoit dans
l'intérieur du Royaume , & qui mcn.içoit d'ccla-
ter, inquictoit le mlnidcre. Ou tint, la même an*
cce ( 1560 ), un confetl extraordinaire à Fon-
tainebleau, pour chercher les moyens de mettre
le calme dans les efprits. C'cA dans cette aiTem-
blce , que Cn/igr.i prcfcnts une requête au nom
des ProteHans , qui dcmandoicnt la lil)erté de coo»
fcience ôc l'exercice public de leur Rtl f,ion. Jean
àe Mi,nt.'ue, cvc'jiie de Valence , confeilter d'ctat,
qui per.chnii pour leurs opinions ,par!.i hwtcmcnt
en leur f«vrur. II reprcfcnta , que les rebelles ,
parmi les CalviniOes, dévoient être fcvcrrmenc
punis vrrais que ceix qui cicient de benne - foi ,
fit t;ui le prouvoicnt par leur foiimin'.on & leur
patience , tnéritoient d'être tolcrés. Il conclut à les
laiH'cr tranquilles d;in< leur croyance , 8t à empê-
cher CeulcmcQt les alîcnibkcs dan^errvret. I.'itr»
chcvéquc
DE l'Histoire Ecclésiastique. iB^
chcvêque de Vienne, Charles de M»rUlac^ fut en
partie de fon avis. Col'toni , enhardi par l'appui
qu'il trouvoit dans le confeil , parla avec vché-
inence, & n'épargna pas les Guifcs. Le rcfultat fut
qu'on laifferoit les Calvinifics en repos , & que
l'on convoqiicroit les Etats-généraux.
Le Roi de Navarre & le Prince de Ct;/j<f£ furent
appelles à cette aâTcmblée. Celui-ci , foupçonné à
la cour d'avoir été l'auteur de la confpiration d'Am»
boiie , avoit cru qu'il n'y avoir plus rien à ména-
ger , Ôc s'étoit déclaré ouvertement chef des Ré-
formes. On l'accufoit d'avoir formé un autre com-
plot pour s'affurer de la pcrfonne du Roi. Il fut
artêté prifonnier aux Etats même ; on lui fît fou
procès, & Il tut condamne a perdre la tête fur
un échafFaud : mais la mort inopinée de Françùs II ^
ca 1550 , ayant fdit-diffcrer l'exCcutioQ , drUrine
de Me'dicis , qui vouloir le mettre dans fcs inté-
rêts , lui donna la liberté & la vie. Tout le fruit
i9s Etats d'Orltans fc réduifit u une célèbre
oïdjLinnance ' ar iaquelle l'adminiflration de la
jurtuefut entièrement réfervée aux gens-de-robe,
& la Pragmatique rétablie par rapport aux élec-
tions : car Pic IV avoit fait-annulier le Concordat,
qu'on rçiablit cependant deux ans après, en 1 562,
à la pricre même de la cour de Rome , qui ne vou-
lut pas être privée plus long-tems des Annates.
Tom. //. N
49^ t L E M E N $
[Apopjjie de ifucLjaes Prélats.
Les Ci'.vinifies ayaot leur chef toiu>puilTant i
h cour , triomphèrent peodant la n^noritc de
Chur/tM IX, CucccHTeur ce f'r^nf^it II. Jtjm de Moni-
/i(C,cvcque de Vileace , qui penchoit , comme
nous l'avons ait , pour la aouvelle Rcfor:ne , prê-
cha les dogmes de Cj.'* /a à la cour. La Cflifr.h,
neveux du cunnétable de Montmorttcl, qui s'ctoic
lié avec les C-.^^c* pour s'oppofcr aux progrès de
l'hcrcfie , ne pcnfcrem pas comme leur oncle. Ht
rn^agjrent dans leur parti leur frère aine, le car»
djnal OJci de ChltULn , qui abandonna hontcufe-
inent la Religion à laquelle il devoir les titres &
les biens dont il étoit revêtu.
Jacques Splftme , évoque de Nevcrs, qui fe trou-
▼a aux Etats de Pa r is en 1 5 ^ 7 , le laiH'a entraîner ,
(dit le P. Faire) moins par le torrent des nou-
velles opinioni , que par l'amour d'une femme qu'il
entrctenoit, & fe retira à Genève en 1559 auprès de
€aUtn , qui l'envoya à Orléans trouver le Prince
«le C^H.U ^ en quilitc de mlniftre. Ce prince le dé-
puta à la dicte de Francfort, pour juftificr !cs Fro-
ceftjas qui aToieoi pris les armes , & pour im-
plorer les fecouri de Ftrimjr.d : il y fignala fon
éloquence, 8c obtint tout ce qu'il voulut. De re-
tour a Genève, il fut accufé d'avoir fabrique de
faux-contrats fc de faux-fceaux , & eut la irie
tranchée ca ijOO ;dijoe fin d'un .pgftat & du*
^uflairct
et l'Histoire EcAîstasAque. 19!^
Colloque dt Poijfu
Le chancelier de \' Hôpital , d'un génie élevé Sp
d'un caradlére tolérant , craignant que les rigueur»
qu'on exerceroit contre les Calviniftes , ne leur
élfent de nouveaux profélytes, chercha des moyens
de conciliation. Il tut fécondé ipar le cardinal de
Lcrraine , qui avoit déjà propofé à la Reine une
conférence entre les Catholiques & les Calvinif-
tes dans laqvielle il efpéroit , malgré la chaleur qui
dominoit dans ce parti , de le ramener à la douceur
& à la vérité. Les amis de ce Prélat eurent beat!
lui repréfenter , (dit Eojfuct , ) qu'il fe compro-
inettoit en difputant avec des gens verfés dans le»
écritures , exercés dans les langues , féconds en ia-
VeAives -, il perfifla dans fon fentimenr.
Le cardinal de Toumon avoit d'autres raifoiU
peur empêcher que les Minières huguenots na
traitaiTent pour ain(î dire d'égal à égal les Prélats,
<n entrant avec eux dans une conférence réglée.
•« Il fongeoit , {ajoute Bojjua , ) non -fdulemeBr.
m que le cardinal de Lorraine fe commettoit , mais
• qu'il comtretO't en fa perfonne la caufe de l'E-
0 glife, qui , quoique plus forte & bien défendue,
f> pourroic être révoquée en doute par les efprits
• foibles , dès qu'elle paroitroit mife en difpute.
M Quelle apparence de fouffrir une conférence où
M les ennemis de l'Eglife pourroient tout dire con-
»» tre elle & fcs niniflres, en prcfencc du Roi 8c
tt 4e toute la cour? (car c'eA ainfi que la coa«
Ni;
feg» E L E M E V s
fércnce avoit étc propofce. ) ., Fal'oit-il donnsr ii
»» liberté de parler dans une alTemLIcc fi auguile à
'm des Moines apoftais , tels qu'étoient la plupart
M des MiniArcs, & à des gens bannis par les lois .'
M II n'ctoit pu aifc de fermer U bouche à dciopi»
M niàcres , ni de confondre des efprits fubtils, qui
•• avoient mille moyens de s'cchapcr. D'ailleurs ,
M l'extcrieur de pittc qu'ils affc£loient tmporoit
»< au peuple , 6c ils ne manqueroient pas de pu-
M blier leur viâolre : de forte qu'ils fortiroicnt
n de la conférence avec plus d'avantage , ou du
n moins avec plus d'orgueil qu'ils n'y fer»tenc en*
») très.
X Lcî raifons du cardinal de Tuurnon perfua-
A doient tout le monde , excepte le cardinal de
» Lorraine. Il s'ctoit figuré que fon éloquence con-
r- M fondroit les MlniAres ; ?c occupé de la gloire
I M qu'il fe promettoit de la conférence , il s'en con-
1 >i fidéroit pas les inconvcnicns. ••
' L'ouverture de ce fameux Colloque fe fit donc
le 9 Septembre i{6t à Poifli, d'où il a pris foii
nom. Le Roi , la Reine-merc , \ci Princes du fang ,
fix cardinaux, quarante archevêques ou évoques,
& une multitude de théologiens , y anirtércnt.
Les doi,mes catholiques furent foutcnus avec
beaucoup de fçavoir fie d'éloquence par les car*
dinaux de Lorralnt 8t de Toumon ', fécondés par
les dodîimrs CUuct A'l'fptr,« & CUude de Sjînttt^
& par Léin*: , p.cccral de l'ordre des Jéfuitcs nou>
tellement inftitué, Thtuden de Bc{(, Pitrrt Met-
DE l'Histoire Ecclésiastique. 193
t^r 5l AuguHia Mixrtorat plaideront en faveur du
Calvinifme.
•« Le Roi, (dit Bo{fuet , ) fit l'ouverture de la
>» conférence avec fa hardicffe & fa bonne-grace
'» ordir.iiires. Le chancelier de V Hôpital expliqua
»> plus au long fes intentions ,& exhorta les dciii:
'* partis à la douceur. Le cardinal de To:trn.<n
" prit cnfuite la parole ; & comme le Chance-
>» lier avoit parlé d'une manière qui tendoit à
I. afToiblir l'autorité des Conciles, il demanda que
n fa harangue fût mife par écrit. Mais , comme
» cette propofuion ne tendoit qu'à des querelles,
>. le Chancelier y réfiAa , & le Roi commanda à
>i Ec\t de parler.
» Aufîi-tôt ce miniftre & fes confrères firent
» une prière à haute voix ; il failoit donner ce
« fpe(flacle de piété à la cour. Son difcours fut
» long, éloquent & plein dinveèlives. Il parcou-
» nit tous les points de la Religion; & lorfqu'il
^< fut venu au Saint-Sacrement , il attaqua la réa-
>« litc jufqu'à dire que le C^rpt de J. C. en ctoit au-
» tant éU^né que le Ciel l'ejl de la terre. Cette
» propofition fit horreur à toute l'afTemblée. Les
>• Huguenots mêmes, qui la croyoient dans le fonds,
>. ne vouloicnt pas qu'on l'avançât fi nue & fi
.. dure. Le cardinal de Tuumcn adreffa la parole
.» au, Roi en lui difant : Que les Prélats qui ajfij-
» toicnt â cette ajfemblée ne fe ftroicnt jamais réfo-
M lus à tçvutcr Us blaj'phîmts de tes nouveau» Evoq'
Niij
^4 E L £ ^( £ K s
m gci'ijitt fans mn comnunitmtnt eaprcs ; fic la COB^
• fcreoce fut remue à un autre jour.
r> Ce jour étant arrivé , le cardiaal de LorraiM4
m fit cette belle harangue méditée depuis ù long-
r tems. Il y réfuta le Chancelier, qui avoit donné
p aux Princes le droit de prcùder dans les Cun"
m ciles. Il attaqua la doârinc de ^<^c fur l'Eucha-
»t riAie , dcfendit l'autorité de l'Eglife , & mon-
» tra que les miniAres qui n'avoient ni million,
i. ni fuccelLon , ne dévoient pas même être ccou-
• tés. Sa doi^rine étoit établie fur des palla^e»
» de la Ste Ecriture 6c des Percs -, les Cacholi»
«• ques lui applaudirent. Bt{e , accoutumé a par*
tn 1er , demanda a répliquer fur-lc-tlump , mai»
m le Roi remit à une autre t'ois. . .
•> Btie , attaqué fur la m'uTion , repondit par de»
ft invedivcs contre les Prélats qu'il accula d'c-
H tre fimoniaques , Se eut la hardiefl'e de dcfigaer
I» le cardinal de Loi raine. Ce prclat le remit fur
X la matière de l'EuchiriAie. Il n'em^)aîralTa pa»
r> peu les CalviniAes, quand il leur demanda s'il»
•» vouloient figncr l'aniclc de la ConfeiTion d'Aus-
n bourg , où ia mature de la Cène ctoit cxpli-
M quée } car ils mcnjgeoieni les Luthcricns , 8c
M ils cichoient au peuple, le plut qu'il leur éioit
»« polTible, la contrarie! c qui ctoit entr'cux. Auilî
n Bc{i einp]oya*t il luute foa adreiVe a cluc'.er
M la pru,>jàti>ia , lanun en demandant qu'on lui
N rapportât cette Cunt'dnon toute eati:re, & adt%
n pu ua icmI éitidc dci4Cii4 du tcite , uotùi 9pi
DE l'Histoire EcCLïsiASTtQîjt 195
n demandant à fon tour au cardinal fi les Caiho"
i.ques la vouloient figner ? Mais le cardinal le
■' preffoi: de dcclarer fes fentitncns particuliers j
»» & comme la conférence fe toarnolt en cri*
r> confus , fans qu'on pût prefque s'enrendre , oa
n efpéra de mieux réufiir ea donnant une nou-
r> velle forme au Colloque.
rt On nomraa donc des députés dé part 8c
»• d'autre pour drcffer l'article de lEuchariftie d'u-
n ne manière dont en pût convenir. Mais après
r> beaucoup de propofuions Se de difputes , oo
X fe répara fans rien faire.
M Les Miniftres fe vantèrent d'avoir triomphé,
» lis publièrent qu'ils avoient confondu les Ca-
n tholiques : ce que leurs difcours cloquens , leur
n cnbales (5c l'amour de la nouveauté firent -croire
»i à beaucoup de monde. Il n'y cat que le Roi de
»• Navarre que la conférence dégoûta des CaU
M viniAes, parce qu il reconnut les divifions qui
>• ctoient entr'eux , & qu'il f .t t'candalifé de ceux
« qui avoient commence la Rtforme. Tout le
n refie du parti devint plus infoîent que ja»
» nais. .. [SossuiT, Hift. de France , anné»
1561.)
Ce parti ctoit devenu fi formidab'c , que la
Cour fui obligée de Wwr aenrder deur E lits pout
la fureté de ceux qui l'avoierrc embrail». jLe pre-
«r.ier , appelle l'Edit de Ji» !let , fut donne en ce
wojs en 1561 i le fécond , connu fous le nom
^'£dit de Janvier , parut (Las le courant Uc et
«*1
if;*^ E L E M E N s
mois en 1563. C<j Ediis leur accordant des pri-
vilèges relatifs a la liberic de contcicnce & à lexer-
cice de leur Religion, leur firent connoitre qu'ils
ctoient puitTans Se redoutés, & cette pcofce leur
infpira une hardiciîe , dont les fuites fe firent"
fentir dans toute la France. Une inlînice de taux
Catholiques , que le refpcfl humain retenoient »
levèrent alors le maCque. Ils coururent aux prê-
ches. Les Couvens mêmes produifirent plufieurs
apoûjts , la plupart furieux contre la Religion
qu'ils avoient prcchée. Plufieurs Huguenots , de-
venus intolcrans dis qu'ils avoient été tolcrcs ^
s'enAjmmoient contre les Catholiques Se leur pr»^"
di^uolcnt les taiures 6c les aSTrcnts.
Guerre Civi.'c.
Trois des principaux feigneurs de la cour , le
connétable Mi.ntmortncy , le duc At Guife , le ma-
réchal de S t- An. tri , fe rcuiiircnt alors pour tra-
vailler à l'abailTenent des Protellans , foutenut
tou'iours par le pr*ince de Conéi fie l'amiral At C»/igmi.
Le.ir union fut nommée par les CalviniAet le
Trittttvirat. Tout annonçoit une f^uertc civile. Le*
foldatt du duc de Gul/t ay.^nt mafTacré en 1)62,
à VafTi en Champa^^ne , environ fuixante Refor-
més qui faifo.cnt la cène , cette éxecution fut le
fignil de la guerre.
Les HiAoricns CalvioiAes prcteadent que le
juge du lieu ayant rappelle à Cmi/t l'cdii de la
Ubertc de confcicoce , ce fcigncur dit en poreux t
DE lUistoire Ecclésiastique. 497
la main à la garde de fon cpée : VvHà celle qui
fca la rcfcijion de et décfljbU édlc. S'il prononça
ces paroles (ce qui n'cft pas certain ), c'eft une
réponfe échappée dans la colère , oc le malTacre
de Vafli n'en étoit pas moins un accident arrivé
contre fon intention. Mais il eft clair que les
Proteftans ne cherchoient qu'un prétexte pour le-
ver l'étendard de la révolte.
Les deux partis en vinrent aux mains: une ba-
taille farglante , livrée près de Dreux en 156a,
enleva aux Catholiques le maréchal de St-Andri
tué dans l'adion, & aux Froteflans le prince de
Condc , qui ne perdit point la vie , mais qui fut
fait prilonnier. Le duc de Cuifi afTiégea l'année
fuivante ( 1563) Orléans , la principale place de^
Réformés ; mais , tandis qu'il prelToit le fiége d©
cette ville , il fut lâchement affaflîné par un gea-
lilhorr.n.e CaîviriP.e, nommé Po/trct,
Un autre gentilhomme de la même fe£lcavoit
voulu ccmmeitre ce crime au (lége ^e Rouen,
Le duc , averti de fon dcHcia , lui en demanda
le motif, fti/j ai- je fuit qiei^ut mal ? —Non, ré-
pcndli-ilj mci-s tins êtes le plus violent adverfaits
de ma Rcligicn, -- Fhlicn , lui dit le A\:q , J- vcirc
Ril-gion vcus aj-p'cnd le meurtre , la mienne m'ap-
prend le pard^^n , ù je v>.us pardcnn;. Juge^ par-là la-
quelle des deux Religions efi ,'a meil'iute.
Une p.iix paCagcre fut la fuite de ces premiers
ir.Obvemens. Lj liherté c'ecci.lc'trct fut Ce r.cu-
veau conHxmée atx Fittef.ans : nais la craintt
N V
19^ E L E M E K f
qu'on avoir des Aig'o s , à qui les Hugueadf»
avoient remis le Hivre-de-gr^ce, reodoit ceite ia>
dulgence nécelTaire. Le pririvi de C.iiV paroiAToir
vouloir de bonne foi la paix & la tranquillité»
Et fi la Rein; lui aroit tenu ( dit le preiid. Himult)
la parole qu*e!Ie lui avoit donnée, de lui coati»
nuer dans les confcils le mcoie rang & la même
confiance qu'auroit eu le Roi de Navarre fonfrerCt
le parti Proteltjnt eût été bicn:ôt affuibli. IVLiît-
on le négligea des qu'on n'eut plus befuin de lui,
& le relTenciment afTjiblit en lui l'amour de U
patrie Se du repos piialic.
Les Froteftjns reprirent donc les armes en 1567.
Le prince de Cuidc livra bataille à l'armce Ca-
tholique dans les plaines de St-Denys , Se c'eft
dans cette journée que le connétable de Sîoitmo'-
Tency , le dernier de ceux que les Reformes ap»
pelloient les Triumvirs , fut bleffe mortellement.
Sa grande maxime étoit : Une Fol , une Lci , am
Rii. Deux autres conibits , livrés à Jarnac & k
]Mon:como'jr , ne furent pas auHI favorables aa
parti Caivi.iiile , que l'avoit été celui de St-De-
nys. Le prince de Comdi (nt tue en ijôpdaasie
premier pjr M.ncef^uiau, qui l'alTafiioa de f-rig-froid
après qu'il eut rendu les armes. Il laiffa lecom»
mandement a l'amiral de Coiigmi , qui eut des fuc-
CCi incfpérc».
Les Catholiques furent obligés de conclure t
St-Gcrmaia en Lue en 15 70 une nouvelle paix,
gar Li [dd>c on coolirmA aux Calviiitûc» tout c«
»E l'Histoire Ecclésiastique. Ï^
l^i'on leur avoit accordé dans les prtccdcntes ,
ii on leur donna pour fureté quatre places-for-
tes , la Rochelle , Montauban , Cognac 6c Is
Charitc. On leur accorda non - feulement des Prê-
ches ; on les dtclara capaa'es de tcmtes les charge».
On leur permit même de recufer dans leurs pro
cos avec les Catholiques , un certain nombre d»
)i.iges fans en apporter la raif^^n. Jamais ils n'a-
Toient ia'u une paix fi avamageufe ; mais les pro«
■vinces a voient été inondées de fang, & il étoiff
•ems de leur faire mettre-bas les armes,
Aîjjficre de la Si-BdrthîUm,
L'amiral de Coll^nl , au milieu de la paix, (on-i
geoit à la guerre. On en avertit Charles I X !c
Catherine de Me'dicis , qui , pouiTés par des efprit»
fougueux , prirent le parti le plus violent qu'oi»
pût imaginer. Il fut rJfolu d'exterminer tous le»
Huguenots-, on commença cette horr bl? exécu-
tion , également abhorrée des Catholi |ue$ 5f des
Proteftins , la nuit du 24 Xoùt 1571, fête de Sr
EanliéUmi. Au fign il convenu , tous les Réfor-
més répandas dans- Paris fu.-ear atiqués à-la-fois
8c p'.ufieurs mis-à-mîrrpar des a^Ta. Fins , à la tête
dcfquels étoit Henri , fils de Fraiçols duc de Guije»
La première viftime fot l'amiral de Coilgni,Aont
le cadavre fat pendu à Montfaucon après avoir
«té le jouet de la populace v le comte de la Ro^
^htfoucault , Téli^ni , Rtvet , Lavardin , G'te^chi ^
féidailLan , & plus de deux mille gent.I$homm«»
30O E L £ M r N s
ou ofHciers Huguenots tarent nnlTacrés , ainfj qufe
pluiîcurs Cathoiiqu -s , imnolcs par leurs enne-
mis fous prétexte qu'ils étoient Huguenots.
Htnri de Sdvtrre , beau - frère du Roi qui lui
avoit fait-cpoufer fa fjeur , & Henri prince de
C-^nde , n'cchappcrent a la mort qu'en abjurant le
Calvinifme. Charlts IX , pour fe laver d'une ac-
tion tî horrible , publia un MjnifeAe , dans le-
quel il proteila qu'il n'y avoic été poufTo que
par la certitude de la confp. ration générale des
Huguenots contre fa Religion & d perfonne ; il
en envoya des copies au Pape , qui , par haine
pour l'hércûe, dit BjJJ'uct [ Ahre'gJ de l Hijhirc d'
/"raace ), reçut agréablement la nouvelle de ce
mafl'acre , que les Pontifes d'aujourd'hui ont en
abomination. » Ce n'cd pas a:nfi , ( dit l'Abbé de
M Choill , ) que le Chridianifme s'eft établi : J. C.
'• prin;e de paix , n'in'pire à fes difcipies que
n la douceur & l'huniniic ; les Martyrs ne fe font
>• défendus centre leurs perfécuteurs qu'en leur of-
»• frant leur fang & leur vie. i» ( h'uT.dt l'E^lij'i*
torr». 10 in-i 1, pag. 1 1. )
Lorfque CharUt IX fe rendit au pirlement de
Paris le iroifiéme jour du rnalTacre, pour rendre
ccjrpte de la conjuration formée contre l'Etat pir
le« CalviiiiAes ; •• le premier prcfidrni loua en
m. public la fagcHc du Roi , qui avoit pu cacHer
n un C, grand dcû'cin, d. le couvrit le mieux qn .
M pur. Mais en pirticulter il remontra fortement
au Roi , H'"" '"' • -te confp ration ctoit véritjble ,
DE l'Histoire Ecclésiastique. •301
V» II falloir commencer par en ûire - convaincre
»♦ le» auteurs , pour les punir enfuice dans les
H formes -, & non pas metcre les armes comn:e
M on avoir fait entre les mains de furieux , ni
M faire un fî grand carnage, où fe trouvoieot en-
M veloppés indifféremment les innocens avec les
>» coupables.
»» Le Roi com Tianda qu'on f it-ccffer le malTacre;
M mais il ne fut pas polTibiC d'arrêter tout-a-co.ip
M un peuple acharné. Son ardeur fe ralentit peu-
•» à- peu comme celle d'un grand embràfement,
>» & il y eut encore beaucoup de meurtres qua-
'> tre ou cinq jours après la défenfe
» La méoio re de l'amiral de Cul ^ni fut con-
j» damnée par un arrêt folemnel qui eût pu être
.>» jufte dans un cutre tems & pour un autre lu-
M jet ; mais rien ne parut plus vain ni plui mal
n fondé ,que la conjuration dont on l'accufoit
M alors. On ne laifTa pas d'exécuter l'arrêt dans
» la Grève en préfence du Roi 8c de la Reine ;
» & au dé&ut de (on corps que le peuple avoic
n déchiré , on décapita Ton phaniome , qui fut
M enfuite trainé fur une claie à Mon; faucon. Ce ft
M le lieu où l'on expofe le corps des voleurs de
;. grand-chemin & des fcé;éra:s.
»» Pour imprimer davantage la confpiration dans
>» les efprits , on rendit a D 1 1 u des aci:ons-dc-
>» grâces publiques lur la prétendue découverte.
M Ces grimaces n'impjfcrent à perfonne , & l'ac-
n lion qu oa YCasit de faire fut d'autaot plus dé-
^bl* E t ï M 1 K f
n teftce par 1«$ gcn$-dc-bicn , que Hiorrcur «4
!« augmentoit tous les iours pjr les nouvelles qu'oa
M recevoir des Provinces. Les ordres expcdic»-
n pour les malTacres ayant couru par toute la
rt France, ils firent d'étranges effets, principale-*
n ment a Rouen , à Lyon & a Touloufe. Cinq'
n conleillcrs du Farlement de cette dernière ville
n furent pendus en robe rouge. Vingt-cinq a trente'
n mille homires furent égorges en diver» endroits,
n 8c on voyoit les rivières traîner avec les corps
»» mortri'horreur k l'infeébon dans tous lespays^
n qu'elles arrofoient.
« Le Roi défavoua .tout , comme fait contre
t% fes ordres. I! y eut des provinces exempte»
M de ce carnage , & ce fut priiuipalement celîcs-
»« dont les gouverneurs éioient amis de la maifon
»» de Mvntmortncy. Alençon & Baionne furent de-
" livrés par les foins de Mac-gnon & du vicomte
f à'Orte^ , leurs gouvcrccurs. Tous ces gouver»
n neurs répondirent qu'ils ne croyoient pat que
n le Roi commandât tant de meurtres. •» {Eossvlt^
Ahrigt dt l'H't/l. dt France. )
Des Prélats humains imitèrent leur exemple •
tel fut Jtan Hcmuitr, évcque de Lifieux , qui dam
cet lems malheureux fut a-la-fois le père 6( le
pontife de fes ouailles. Le L'cutenant-de-Roi de
k Province lui ayant communiqué l'ordre qu'il
■voit d'égorger tous Ici Huguenots de fa ville
ipifcopale , JLnnui.-r i'y oppofj ôc donna a^e
éc foa opporuioo. Le Uoi , loio de bUmcr ccuf
ï>£ L'FTiSTOIRt ECCLÎ5IASTT(51TÏ. ^G%
charité hcroique & gcnéreufe , lui donna les do-
ges qu'elle mtritoit ; & h cl«mence, plus efficace
que Tcpée des foldats , changea le cœur & l'efprie
des Calviniftes de fon diotèfe ; la plupart firent
abjuration entre fes mains.
Quelque atïoibli que fût le parti Calvlnifte par
le maffacre de tant u'hiMiimcs , il n'etoit point
écrafc. La vengeance fe joignant au fanatifme ,
les Huguenots reprennent les armes , s'affurent
des meilleures places , fe fortirienc dans Montau*
ban , dans Nifmes , dans Sancerre , & foutiennent
opiniâtrement dons cène dernière ville un lîége
oîi ils éprouvèrent pendant ftpt mois toutes les
horreurs de la famine. Il fallut leur accorder
encore la paix , & on fe prcparoit a la rompre de
pan & d'autre, iorfqui la mort de Charles IX ea
1J74 changea la face des affaires.
" La manière dont ce prince mourut , ( dit
Bujfuei ) fut étrange. 11 eut des conviilfions qui
caufoient de l'iïorreur , & les pores s'ctantou-
veiis par des mouvemens fi violens , le fang
M lui forcoit de toutes parts. On n? manqua pas
» de remarquer que c'cioit avec juflice qu'on
»t voyolt nigcr dans fon propre fang un prince,
it qui avoit fi cruellement répandu celui de fes
s» (ujcts. Qj04qu'il fût d'un naturel dur & féroce,
•> pluheurs marques d'iionnîteté & de politefTe
>i qu'il donna , & l'ardeur qu'il témoigna fur Is
i> fin de fes jours pour bien régner , firetir-croire
f* que fon humeur pouvolt èt(.e noa^feulemeo*
304 Ê L E M E N s
M adoucie & corrigée , mais encore tournée câ
»• grandeur- d'âme. Ainfi il peut fervir d'exemple
« aux Princes, pour leur apprendre combien une
M bonne cducatjon leur efl ncccffaire , & combien
» ils doivent craindre de prendre trop tard de bon>
M nés rcfoluctons. »
Règne de Henii III; h'ifto':re deU L'ipiC
Le duc A'Alen^on , frère de C'^^ar/es IX , qui avoit
été appelle au tronc de Pologne , quitta ce pays
pour le mettre en polTeHlon de la couronne de
France. Oblige par les circonAances de traiter
avec les Hug.uenots, il leur accorda en 1577 '*
paix la plus avantagcufe qu'ils cufTeni encore faite :
liberté enticre de confcience , exercice public de
la religion P. R. , excepté à deux lieues de Paris
& de la ccur ; chambres mi-parties de Caiholi-
ques & de Pioteftans dans les huit Parlemens du
royaume , la mcmoite de Tsmiral de Coligni rcha*
bilitcc , les Chefs de la confcdcration Protertarte
reconnus pour bons 6c f.dcics fujcts, les Moines
& les Prêtres apoflats maintenus dans la poH'er-
fion de garder leurs femmes Se leurs enfans ;
tels furent !c$ principaux articles de ce fameux
traite.
Les Ciin('iui;cs cmcnt )r( :£rts : le cardinal
de Liriùiitt , mon en 1^74 , avuit cbauchc le plaa
4'une all'ociaiion contre l'hcrcfie. On rer.ouvella
ce projet , 8t les prir.cipsux Seigneurs Catholi-
ques furmcxcrit , ftius Ici aufpicesdcs &'«'/» , uoc
DE l'Histoire Ecclésiastique. 30c
confédération connue fous le nom de Ligue , puur
maintenir la Religion ancienne contre les erreurs
nouvelles. La formule dreffîe pour la Picardie,
où cette union prit naiflance , porte que quicon.'
que refufira ou di^cttta cTy entrer , fera réputé en-
nemi ii Dieu , déjerteur de f*. religion , rebelle à
/In Roi , traître à la. patrie , abandonné de tous ,
& expofé à toutes les injures & oppnjpons , &c.
♦» Le foyer du fanaiiime de la Ligue, ( dir M.
l'Abbé Pluquet) n étoit à Paàs , & l'on y 'pu-
»» biloit que le Roi fjvorifoit en fecret les Pro-
>» telUns , & qu'il y avoir déjà dans Paris plus (le
>♦ dix mille Proteftans ou Politiques: nom odieux
M dont la Ligue fe lervoit pour défigner ceux qvi
n croient attachés au Roi 6c portes pour le bien
M public.
). Par ces difcours on échauffa les bourgeois
»• & la popula.e. Les priJicateurs fe dichainc-
» rent contre le Roi de Navarre , & contre le
» Rci même qu'ils accufoient de favorifcr ce prince
M hérétique. Enfin les confeffeurs développoient
n ce que les prédicateurs n'ofoient dire chire-
M ment. On inventa encore dans ce tems-!àbeau-
n coup de pratiques propres à entretenir l'efprit
M de fédition. On ordonna des proccfllons dans
M toutes les Eg!ife$ de la ville , où l'on paroit
»» Ici autels de pierreries, de vafes d'or & d'ar-
» genc qui attiroient les regards du peuple. <•
Henri duc de Cuife , furnommc le BuLifré à
paufe d'une bkffurc qu'il avoit reçue auvifa^eca
5©^ E L E M E N s
combattant lesCalviniAes, devenu chef de h Ligue
cherchoit par ces moyens rcunis a allarmcr le»
Catholiques & ■ les irriter contre les l'rotedans.
Les Religionnaires furent infultcs d3ns plufieurt
endroits ; &, les forces des Ligueurs augmentant
tous les jours , Henri JIJ fe vit contraint d'auto*
rifer la Ligue, qu'il redoutoit encore plus que
les Huguenots , & s'en dcclara le chef.
Les Cal vinirtes, ayant //<«/■< roi de Navarre & le
prince de Cundé a leur tète, avoiit repris les armes;
& Henri avoit remporte une victoire iîgnale: fur les
Catholiques auprès de Courras en 1 5S7. Ce prince
montra autant de gcnéroûte après la bataille qu'if
avoit fait-cclater de valeur pendant le combat. Il
prit foin des bltffés .renvoya les prifonaiers gra»
tuitemcnt , fit-rendre Us honneurs funcbres au duc
ëe fi-yeu/e , tué de fung fioid après la viûoire :
neiirfe qui, joint à celui de Poltrot, prouve de quel
£an.-it,fme es Huijucuois iroient animes.
Cepcnclaiu Hcnn lll , cjnvjincu que la Li^ue
étoit l'ouvrage de r^mbitian des Guift* , & qu'ea
s'unilldn; avec eux il avoir auf^menté leur pou-
voir, prit enfin la rcfolutioo d'cci iier cette fac-
tion. Mail il fe fer vit de moyens odieux , ca
faTant-aflTaniner aux Ltais de Blois les deux pria*
cipaux chef» de U conf.-lcritioi , Hen-i duc d*
Cuift 6c le cardinal ion frcre , dans le pjtaii rocmf
où il ^toit lo^c.
•• Lks L<g^teu-s , (dit M. l'Abbc P/ufutt,) devin*
^ rcBi ùuicMX a la ouuvelic de r*iltvfiia4t dvi i\10
DE L*HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 307
de Guifc. Le duc de Mayenne , frère du duc de
r> Guifc , fe mit à leur tête. La Sorbonne dcclara
M que les fujets de Hinrl étoient délies de leur
H ferment de fidélité. Le duc de Mayenne fut dc-
» claré lieutenant-général du royaume. On leva
M des troupes, & la Ligue fit la guerre k Henri III,
H Les villes le s plus confidérables embraiTérenc
)» les intcrèts de la Ligue, & le Roi de France
it fiit ob!igé de fe réunir au Roi de Navarre.
H Alors une foule d'écrits féditieux fe répan»
» dit dans fans ,& dans toute la France. La Sor-
>» bonne fit-rayer le nom du Roi des prières quj
K fe font pour lui dans le canon de la MefTe.
H Enfin elle excommunia le Roi. Le Pape ex-
n coinn-unia aiiffi hsnri IIL >♦
Prefque toutes les vil'es du royaiime , excitées
à la révolte par les cmilîaires de la Ligue avoicnt
oiiblié le véritable c<prit du Cbritlianifme. La
pnpjlace de l*>u oufc c^orgea le p.emer-préû-
dcnt Durand & l'avccat-gtncral HjJJ-'s , dri-x ma-
g'flracs connus par leur f-'(ii.>icé pour le Roi 6c
par l'unégrité de leur vie. Ou pendit a une po-
tence le CiJdvre du Durant: ^ i{\i'i avoit toujour»
paru contraire aux faclleux. Les autres membres
^u parlement de Toutjufe , paTii .'efquels étolen'
deux conieillers qui ( feloi. de Th^u ) avoient
«n:ore les mains teintes du f.i ig de leur premier-
préfident , crobraiTércnt le parti d« lu L.gue. Henri
III fut pendu en effigie dars la place publique
fttX le pc.iple furjsiix, Oa ve.id,t une mauvoiis
^5)8 E L E M E N S
eAampe de lui , & on crioit ! A cia^fciu notrt Tyran !
Htnri m étant accable d'anathcm'cs , il n't.toit
po ne cronn^n: que le peuple ie crût hérétique,
ou du oiolas lié avec les hérétiques, Se que le
faux zc'e fe portât aux derai«.res extrénitcs. Ce
prince étant venu mettre le f^cge devant Paris
révolté , fut poif.nardé en 1589 dans fa tente
p3r un Jacobin nommé Jacrues Clcmtnt , «■ perfua«
»» de ( dit M. l'Abbé Plu<juct ) qu'il faifoit une
V, œuvre agréable à Dieu & méritoire au falut. Les
» prédicateurs ccmparérer.t Cl^mzn: àjuduh ie.Mtr.ri
M /// a HoU-htrmc , cC la dcivrance <ie Paris a celle
n de Bcthulie.On (rrprinu plufieurs libelles ,dans
n lefquels l'adaflTm étoit loue comme un S. Martyr.
n On vit l'cffigi: de ce fccicrat cxpoûefur les au«
«« tels à la vénération publique. •• La conduite de
Jicnri III ne côtribuaquc trop a;utorilcr c(t égrre-
ment d'efprit , que les vrais Chrétiens riprouvoicot
'routant que le s bons citoyens. Livre à la mo leffe , à
l'oihvetti.a d'ind gnes tavoris,!! âvoildifîipé en pro«
fufions ridicules ta fubHjncede fon peuple, roujour*
gémin^ant fout des irrpots multipliés. Sufpc^ dux
Catholiques & aux Hii);uenots, 8c devenu irtpri-
fab^e à tous ( dit le prclident He'nault) p»T une vit
c;a'ement fuperAiticufe & libertine , il ne fvui
jamais ni agir, m réHcch r ; 8( il ne rcferva fon
autorité que pour faire-enregilUer des éditt bur*
faux, c'cH à-dirc, pour fe fa;re-hair aunnt qu'il
étoii mcprifc.
ut l'Histoire EcclesiastîOue. 309
Henri IV monte fur l: trône. Il ejl ahfous
par le Pape,
Utnrt , roi de Navarre , étolt le légitime fuc»
ceffeur du trône de France, la famille royale de
Valuis ayant fini dans la perfonne d'Henri III -,
mais , maigri le droir de fa mifTance , il avolt
peu d'amis , peu de places importantes , point d'ar-
gent & une petite armée. Son courage oc fa po-
litique Kii tinrent lieu de tout. I! gijnj pUiùeurs
batailles, entr'aurres celle d'Yvri fur le duc de
Mayenne , chef de la Ligue après la mort d' Henri
de Giiife, ioM il n'avoir ni l'aclivité ni l'audace.
Ayant fait la guerre pendant quelque tems avec
des fuccès divers , Henri vient mettre le ficge de-
vant la capitale -, il prend d'affaut tous les f.'ux-
bourgt de Paris dans un feul jour , Se il auroic
pris peut être la ville , s'il n'àvoic craint de !a
livrer en proie i fes foldats. Il leva le Hcge ,
il le recommença -, enfin cnauyt de faire la guerre
à fes fujets , & fçachant qu'ils haiffoient moins
en lui fa perfonne que fa religion , il rcfolut de
rentrer dans le fein de lEglife Ro.nainî. Après
quelques jours de conférence avec des Evêqur.; , il
fit abjuration en 1593 à St-Denys , entre les mains
de l'Archevêque de Bour;^es , rui lui donna l'ab-
folution de toutes les cenfures.
Cet événement changea la difpoHtioa des ef-
prlts. Plufieurs villes fs fournirent à leur Roi, fie
les boas François efpérirent que la Ligue fc.-olt
^t3 E L E M E K S
«nucrrmfnt difëpee. Paris demeura encore quel-
que rems daas la révolte ; les Ligueurs y ëioient
tout-puiffjns. ♦« Le It^,3t les aniraoit plus que ja-
m inai$,( dit l'Abbé de C>t<-;Ji,) 8t quelques pré-
t« dicateurs fe dcchainoicat 3 leur ordinaire. •< Le
docleur Boucher, connu par (ou fana tifine, fe dé-
chaîna en chaire cuncre le monarque Catholique;
8t fécondé par quelques autre> furieux , il voulut
envain retarder par fes déclamations la redditioo
de Paris.
Le duc de Mayenit avoit quitté cette capitale ,
où il ne fe croyoit pat ea fureté. II enavoit donné
le gouvernement au comte de Briffât , qui lît-
rentrer les Parifiens flans le devoir. Le Roi entra
dans Paris la nuit du ii au ii Mars 1594. Ua fi
heureux événement arriva fans tumulte 8c faos
effutîon de fang ; & pour en conl'erver la mémoire
à la poftérite , 00 ordonna que le zl Mars de chaque
■nnée on feroit à Paris une piocelCen générais
«ù tous les corps sffiî^erolcnt.
Il falloir, p*->or ôter tout prétexte de défobéif-
fance aux Ligueurs , que le Hoi reçût l'abfolutioa
4u Pape. Dyptfonic A'Offst ( depuis cardnaux),
«nvoycJ a K )me pour cette grande affaire , y tra-
▼aillerent avec autant de zclc que de prudence.
La faAion efÎM(;no1e y nMttoit des obilades. Le
Pape nofoit fe dcoder. Citmtm Vit ( lui dit OU.
riV/ , auditeur de Rote ,qui parioit familièrement
•u Pomifr , ) Oémtnt VU pvdii l'AmfUttrrt p»mr
MfQir nubuomflmt è Cbsrles*Quint \ CUmtiu VIU
BE l'Histoire Ecclésiastique. 31 #
ftrdra la. France , s'il continue de ft priur aux vues
de Ihjlippe //.
Le Pape, frappé de ces paroles, fit-appeller Duptr»
ron Se d'OJfût &i convint avec eux de donner 1 abfo-
lutioa au Roi aux conditions faivates : « Que le Rot
M rctabliroit la Religion Catholique dansIeBcarn;
• qu'il feroit - élever le jeune prince de Coidé,
»» héricier présomptif de la couronae , dans la
•» Religion Catholique ; que les Concord-:cs con-
M cernant les bcnétîces feroient obfervés ; que le
»> Roi feroit-publier & obferver les dtcrets du
m Concile de Trente , excepté dans les chofes
H ( s'il y en a ) qui pourroient troubler la tran-
♦» quillité du Royaume *, qu'il protégeroit les Ec-
it clefiailiques ; qu'il n'accorderoit les honneurs
M & les dignités qu'aux Caclioliques j qu'il di>
»• toit tous les jours le chapelet de Notre-Dame,
*t & le Mercredi & Samedi les Litanies -, qu'il ob-
»* ferveroit les jeunes & autres Commandement
M de l'Eglife -, qu'il entendroit la MefTe tous les
•1 jours , & qu'il bâtiroit un Mona(lére dans cha«
m que province de fon Royaume , &c. &c. h
D'Oj]'jt Si Duptrron promirent au Pape l'ob-
icrvation de tout ce' qu'il exigeoit j & enfin le
7 Septembre 1595 » Clément VIII prononça publi-
quement rabfolutioo du Roi au bruit du canon
du château St-Aoge.
Les Romains en témoignèrent une grande joie.
Le cardinal ToUt , quoiqu'Efpagnol , contribua
f lus 91e pecXooa^ à f^e - léuilir uoç a£Giue A
311 Elemens
importante 4u repos de la France. Le cardinal de
Pla^j'jr.cc , qui avoit été Ugat pendant la Ligue ,
& qui (félon l'Abbé de Choijl) avoit pouffe foa
zclejulqu'a la fureur, changei de fenri:nent quand
il fut a Rome. Ainlî furent termines les trou-
bles de la Religion : troubles qui contribuèrent
peu: -être a la confervation de la Foi Catholi-
que en France -, car Dieu tire quelquefois le bien
du mal , k nous ramène au calme par des moyens
qui fembîînt à nos yeux f.îibtes & chancelans ,
ne devoir produire que des tempêtes.
Elût de Njmcs accordé aux Calv'm'Jies,
Htnri *1V , tranquille enfin fur le trône , crut de-
vorr prévenir les guerres qui avoient déchire la
France jufqu'alors , en gagnant les piinc^paux Li-
gueurs par ëes libéralités , et en accordant aux
Cslvjnilles !c libre exercice de leur Religion. Ce
fut dans cette vue qu'il donna en ijQf à Njn-
tcsun fameux Edit , qui confirmoit Ac augmentoit
tiïtme tous les privilj^cs que les Protcrtan»
avoient obtenus des Rois Tes prcdcceffeur» les
■rmes à la mnin : liberté rniicrc de confciencc ;
exercice public ds leur religion dans les viliei
qui refTortifToient tmm«:di3tement à un parlement ;
permiiTiO* de faire-imprimer tous leurs livres dans
les ville*» où leur religion croit tnltirér ; faculté
de polTcder toutes fortes de charges & 'l'rm-
plois -, pUces de fureté pour huit ans; et
ment dans les parlcmeni , de (hrmbret ccn.j..i.<.k
de Caihuliqiics & c'e Ptctcruns. Le
bE l'Histoire Ecclésiastique! 31*
Le Clergé, la Sorbonne, rUniverfuc fe rccTiÀ<
rent contre un Eiic qui accordoit de fi grands
privilèges à des difTidens -, & le Parlement fit
beaucoup de difficulté pour le vérifier. Henri IV
ayant fait-venir deux députés de chaque chambre
au Louvre , leur parla ainfi :« La Religion Catho-
w lique ne peut être maintenue que par la paix j
M & la paix de TEtat eA la paix de l'Eglife..,.
»» Il ne faut phis faire de diftin£lions de Cjiho-
M /igues & de Huguenots : il faut que tous foienC
»' bons François , & que les Catholiques conver-
»» tilTent les Huguenots par l'exemple de leur bonne
>» vie. ... Je fuis Catholique, & ne veux que per-
n fonne en mon Royaume aflFeûe d'être plus Ca-
»t tholique que moi; mais je reflemble au ber-
»i ger,qui veut ramener fes brebis à la bergerie
r» avec douceur, i»
Enfin le Parlement enregiAra cet Edit , qui, tout
favorable qu'il étoit, ne put réprimer le penchant
que les Calviniftes avoient à la révolte, comme
nous le verrons dans l'hiftoire du fiécle fuivanr.
Le malheur de toutes les fcdtes , c'eft qu'elles font
animées d'un defir fecret de devenir dominantes,
& qu'elles veulent opprimer la Religion de l'Etar,
lorf-mème que par des privilèges finguliers elles
ont été incorporées à cet Etat , dont elles devroient
gvant tout aimer la tranquillité & le repos.
•t'
Tom. lit
5^4 E L E M I N s
Su' te J: rWflo'ire Je U Religion en Angleterre *
mort Je Marie Swzvt ; perfccution Jcs C<itho'
Uques far Elilàbeth.
Les révolutions que la Religion éprouva en
Angleterre , firent moins répandre de fa »g qu'en
France ; mais el'es ne mcriient pas moins l'atten-
tion du Icdicur curieux. Nous aTons vu mourir
Htnri Vl\l en 1547, rongé de chagrins & de
remords. E'..u3'A , (on fils , à^é de neuf ans , lui
fucccda. Le foin de l'cducation de ce jeune prince
a voit ëié confie à douze Seigneurs Anglois , q :i
lui infpircrent du goût pour les opinions nou-
velles. Son oncle vnMcrntX ,Kduiiari Seymow ^A^ic
de Sommcrfet , qui s'étoit empare de toute l'au-
torité , penfoit comme Cj/r. Il & Zuin^lc:\\ vou»
lut que toute l'Angleterre penfàt comme lui.
Ce chan^.cment cpiouva d'abord de grands obf*
tacles. Les Catholiques attaquoient avec force let
nouveaux dogmes de la Kcfu'^me, Se défcndoient
avec beaucoup d'avantage la du^rine de l'Eglife
Catholique , & la plus confiJcrable partie de
la nation cioit fortement attachée à l'ancienne
foi. Les Réformateurs ne fçavoicnt eux-mêmes à
quoi l'en tenir fur le* principaux points contef*
tés entre les Catholiques & les Proteftaas. On fai*
foit fan» ceiïe dr nouvcl'cs profclTions de foi : on
ajoutoii , on rctranchoit fans ceflTe quelque chofe
à cet profcdions : on changeait les Liturgies \ cf
O'ctoieac qu'Ordonnances du Roi U du P^rle»
•DE lIÎISTOIRE EcCLESÏASTïQUt. 3 r^
tnent , pour obliger à croire telles chofcs , & à
n'en pas crOire telles autres , pour prefcrire les
ri:s des Ordinations, l'étendue du pouvoir des Eve"
ques &i des Pafteurs.
Voila ce que Durn:t appelle un ouvrage de \\x*
miére , & l'ctat où la Réforme avoir rais l'Angle-
terre.
La nouvelle Profeiïlon de foi contenoit les er-
reurs des Protcftans fur la jullification , fur l'Eu-
char ftie , furies Sacremeos, f*r l'Eglife , fur l'E-
criture, fur le Purgatoire , furies Indulgences ,
fur la vcnérarion religieufe des Images & des Re-
liques , fur l'invocation des Saints , fur la prière
pour les morts \ on y coniîrmoit la Suprématie
du Roi dans , l'Eglife , & l'on y condamnoit les er-
reurs des Anabaptiûes.
Pour la Liturgie , on la rendit la plus fembla-
Lle qu'il fut poflÎDle à celle des Proteftans ; oo
retrancha des Lglifes les Autels , les Images , les
ornemens qui fervoient dans la cclcbration de l'Of-
fice Divin ; on abolit l'ufage de l'huile dans l'Ex-
irêmc -Onction , &c.
Le f arlement profcrivit folemnellement , au mois
de Décembre 1547, l'exercice de la Religion Ca-
tholique i & l'Eglife Anglicane devint alors un
compofé bizarre des erreurs des Sacramentaires
& de celles des Luthériens.
Edouérd étant mort en IJ53 , Marie , fille da
flenri F I II & de Catherine d'Aragon , monta fat
le crôce , avec la ferme rçfoluticn de rctabli^
O ij
|l^ E L E M E N s
la fjinc dofïrinc. Elle comrncnça par caffier tou»
fe$ édit$ que fon per; 3c (on frère avoicnt d.>i-
jnéi contre les droits de l'Eglife. Tous les étran-
gers , imbus des nouvelles erreurs, eurent ordre
de forcir du Royaume. Les évèques Zuing!:cn$
Ou Luthcrlcns furent condamnes au feu , lorf»
quils perfwvcrcreot dans leurs opinions. C.j-fnf,
•rchevcque ic Cantorberi , qui avoit tant contri-
bue au divorce de Henri Vlll , pcrit par le der-
nier Tupplice. Ainlî les dogmes de J. C. , qui font
des dogmes de douceur Se de paix , furent fou-
tenus par des exécutions cruelles, dont l'hiftoire
de la primitive Egtifcri'ofTroit aucun exemple.
Le cardinal PoIls fut nommé Icgat en Angle-
terre i & lorfqu'il y fut arrive , il s'oppofa aux
confeils violens de quelques Minidres de la Rein;.
Il vouloit que les PaAeurs eutTent des entraînes
de compaiTion , même pour leurs ouailles perdues^
& qu'en quai ic de pères fpirituels, ils regardaf-
fent leurs enfans dans l'cgarement , comme Att
mabdes qu'il fjut gucrir , £< non pas tuer. Il re-
mon'roit que la tropgran<le rigueur aigrit Icm.nl:
qu'on devoit mettre de la difFcrence entre un
Etat pur , où tin petit no-nbre de Doâeurs fe
gliiTe, & un Royaume dont le Clergé 8c les S<5-
culiert fe trouvent plonges dans un abime d'er*
fftur«: qu'au lieu d'employer la force pour les dé*
raciner , il fall"it donner du tems au peuple de s'en
défaire par dcgrcs. Ses fagcs confcils fervirent à
morltrér le» fuppliccs , txuii ooa é les profcrir^
cmicicmcnc.
DE l'Histoire Ecclésiastique. 31»,
Une hydropifiï , accompaJ née d'une fièvre len-
te , ayant enlevé Marie en 155^ » *." m'I'*" dts
ib' icitu des que fon zèle lui donnoi: , Eitfabuh^
£1:2 de Htnri VIll èl d'Anne de » Bculen , régna
après elle. Pour affermir la couronne fur fa tèce»
e'ie donna une entière liberté de cor.fcienco
à tous fes fujets. Elle pût le titre qui paroif-
f ait , ce femble , ridicule dans une femme , de
Chef /upréme ic l'E^Hfc An^liccne. La Reli£;ioa
de cette Eglife dont elle peut être regardée comme
}a principale fondatrice, fut flx-ie alors. La litur-
g.e fut réglée telle qu'elfe cft aujourd'hui > on
conlcrva l'ordre hiérarchique ces archevêques »
évêques , chanoines , curés, ainfi que de plufieurs
cérémonies des Catholiques dans la cékbratioa
des mylléres ; mais on adopta prefque tous ^s
dogmes des Luthériens & des Ca Iviniftes.
La doctrine de ces liérctiques avoit jette d^
profondes racines en Ecoffe , qui obeiflfoit à d'au-
tres fouverains qu'a ceux d'Angletcrret L'apôtre
de l'héréûe daiu ce pays fut un nommé Jcam
Cnos , qui dès l'an 1552 avoit hit beaucoup de
profélytes en prêchant, contre la MelTe & les au-
tres points de la croyance Catholique. Les évê«
qucs l'ayant pourfuivi comme un féduûeur, il fe
retira a Genève , d'où il revint en Ecoffe lorf-
que Marie Siuan , héritière du trône d'Ecoffc
palTa en France pour époufer Françtlj II, Il pro-
fita de l'abfence de cette princefTe pour ctabli*
fttxci les Ecolïois la même furme de culte & \i
Oiii
5it E L r M 1 K s
même difcipline ecclciufiique que les Gcneroi*
tenoient de Cahia, & que le Parlcmeat d'Ecoflr
adopta rolemncllemeot en i{6c. C'c(l ainfi que
le Cilvioifme , fondé fur les loix de l'Etat , de-
vint la religion dominante; & ALrit Siuvt , de
retour dans fa patrie après la mort de fon*cpoux,
eut beaucoup de peine à obtenir la pcrmiilionde
£iire-dirc la MeiTe dans fa chapelle.
Cette malhcureufe princeffe effuya de conti-
nuelles travcrfcs en EcolTe , 6t les Catholique»
éprouvèrent les contre-coups de l'averûon qu'on
•▼oit conçue pour elle. » Sa conduite, (dit Bof-
»• fuet ,) avoit augmenté la haine que fes fujecf,
• pour la plupart hcrctiqucs , avoicnt dcjà pour
• fa religion. Comme elle etoit accoutumée a la
•• magnificence de U Cour de France , elle faifoit
m des dcpenfes que la pauvreté de fon ro^a mQ
M ne pouvoir fouffrir. Pour diminuer le crédit de
f» Jacfitti comte de Murrai , fon frère bâtard, chef
m des Cflvtnil^es , elle cpoufa Henri Smart fon
»• parent , qu'elle tlt-couroiu.er Roi. Mais c le te
p m.prifa bientôt-après, & elle éleva fi«h4it ua
m mufiwicn , que non - feulement les Gr^n \ dia
m royaume , mjls le Roi lui - mcme en devînt ia«
• loux. Il luiii-taer foo muficien, quiétoit «devenu
• fun fecréiaire & fon principal miniûre. Elle
n fit - femblani de lui parJo.iner ; mais quelque
m tcms après ce jeune Roi fut éirr.(;U- dint fon
• ht , fit la chimbre o.i il couchoit f^uia en mi*
|t Bc • ICO* pv UQC oùac. Le comte ù% iivtmd
t)E l'Histoire Ecclésiastique, ^f)
h fut l'auteur de cet arteiitdt,cc iitontiuçar après
n il ol'a demander Ji Reine en nnriagc. Elle h
>» laiffa forcer à l'epoufer , après qu'il eut été
>> juilifié prefque fans procédures. On connut af-
»» fez que la Reine ne hnùToit pas ce meurtrier,
r> &i h haine de fes iujets s'accrut fans mefure. m
( ÀBiiLCÉ. de l'Hijl. de Frcnec , année 1567. )
On prit les armes , on fe rendit maicre de fa
perfonDC , & on l'enferma dans une forterelTe. Af<2<
rie s'étant echjppeo de fa prifon , fe mît à la
lêre d'une armée : mais la perte d'une bataille
la força de fe retirer en Angleterre , où elle s'é-
loit flattée mal-à-propos de trouver un aiîle af-
iurc. Elifdbtth, jaloufe de fes talens , de fa beauté,
& fecrettement animée contr'elle la fit-arréter ,
& après l'ovoir retenue long-tems dans une dure
captivité, elle la fic-condamner à perdre la tète
fur un échaf^ud.
Cette ci'.èbre éxecution fe fit au commence*
ir.ent de i^S-f, dans le c'ni:eju de Forteringaie, fa
dcrni.re pri "on. Elle demin!a qu'on l'exécucât en
publiC , afin qu'elle put rendre un témoignage
éclatant à la Foi de fes pères. Etant montée fur
l'échaffaud avec une fermeté qui tira des larmes
des yeux de fes plus grands ennemis , elle ha-
rangua le peuple, pria Dieu pour l'Eglifc, pour
1j reine Elifateth ^ pour fon bourreau, & mourut
aHfTi hcroiquemeat que chrétiennement.
yjf;u«,fils de l'infortunée Marie, lui ayant fuc-
cédc fut le trône d'EcuITe , foutint par fa protçe^
^lô E L E M E K 5
•lOn & par (es ccrits la Religion Anglicane , qui
depuis foQ rcgoe a prci'que toujours dominé ea
Angleterre, en EcjlTe âc ea Irlande. Elif^htih ài-
livrie d'une rivale qu'elle avoii tant redoutée »
|i'cn fui que plu» animce contre la Religion Ca-
tholique , fur-tout depuis que 5iJu«-Qui/ir avoit
iulmine une bulle par laquelle il delioit Tes fu-
jets du rerment de fidclité. Elle fit un grand
nombre de lois pour dtfeodre l'exercice de cette
Religion. Les premicres contraventions ctoieat
punies par de grcflcs amendes , enfuite par la
contiTcation des b.cas , eafn par une prifoa
perpétuelle où piuûeurs Catholiques périrent (U
ssifére.
Des le commencement de fon règne , les Eve»
ques qui ne voulureiu pas reconnoitre cette fetn-
Bie imperieufe pour chef de l'Eglife Anglicane ,
furent tous dépouilles de leurs dignités. Confiné*
U plupiri dans ditfcrentes prifons , ils lurent
traites avec une rigueur peu conforme aux fentW
Bcns d'humanité qu'L/i/jbtth afTeii^oit quelque-
fois. Lntin ayant dcdare criminels de Icxe-Mi»
îcftc tous les prêtres Anglois Catholiques qui
reviendroicnt en Angleterre , on en pr:t un grand
BOm're qui (érirent par le dernier (upplice , tfti»
■voir efluyc Us plus rudes tonurcs.
Vts Partis que U RèformMJon a produits en
j4n^Uterre,
m La Rcformatioa de l'Angleterre , cet ouvrit
H ge de luxsurc, fclga,l^i.r/ia , ac i4Si* p<à»a4t^
VE L'HisTomE Ecclésiastique
» venir ( dit M. l'Ajbé Pluquct ) un ouvrage dé
n coafuûon. Pluficurs Ânglois, qui avolent été
M fugitifs fous le règne de Marie , retourncrenc
>» en Angleterre , pleins de toutes le* idces de
n 1j Reforme de Genève , de SuifTe , & de France,
Tt Ces Protcftans ne purent s'accommoder de la
w Reforme d'Angleterre , qui , à leur gré , n'avoif
»» pis été pouffee affez loin.
)i Ces Réformes ardens fe féparirent de l'Eglifs
»• Anglicane , & firent entr'eux des affembléei
n particulières , auxquelles on donna d'abord le
»» nom de C^nicnt'uuUs. On appclla auffi Fruhy^
n térienj , ceux qui i'étoicnt ainfî fcparés , parce
r> qu'en refufant de fe foiuriettre à la jurifdic-
r tion des Lvêques , ils foutenoiem que tous les
» prêtres ou miniftres avoient une égale autorité,
M Bi. que lEglife dcvoit être gouvernée par det
y Presbytères, ou CoDfiAoircs , compofcs de Mi-
r niûres & de quelques anciens Laies, aiaû qu*
» Cjhin I avoir établi à Gencve.
X II £e forma donc fur ce fujet deux partis j
» qui , au lieu d'avoir de la condefcendance l'ut»
» pour l'autre , commencèrent à s inquiéter mu«
n tuellement , par des difputes de vive voix 9c
n par écrit.
» Ceux qui' adhcroient à l'Eglife Anglicane, rrouv
M voient fort mauvais que des particuliers pré»
« tendiffcnt reformer ce qui avoit été établi par
m des Synodes Nationaux £i par le Parlement,
1^ P'uaâuue côic^lcs Presbytériens oe trouY«ie2)i|
524 T L £ M T S t
»» pas moins étrange . qu'on voulût I« afl'ui«(tî^
n à pratiquer des chofes qu'ils -croyoient contrat
m rcs à la pureté de b Rcligtoo , & on les nomma
n à caufc de cela Puritains.
M On voyoit donc les Evcques & le Parle-
f» ment traiter comme des hcrcciques les Ré-
r« formes qui r.e vouloicnt pas Aiivre la Litur«
•I gie établie par EUfahtih -, tandis qu'une partie
•» de la Nation Angioife n'ctoit pas moins choqace
»• de voir un MiniOre faire l'oHiLe en furplis ,
»> que d'entendre prêcher une hcrciîe , & traitoit
*« de fuperrïitions> idolâtres toutes les ccrémo'
t> nies que i'Eglife Anglicane avoit coniervces.
t> Les partifans de la Liturgie furent nommék
» E^ifcopaux , parce qu'ils recevoicnt le gouvcr^
»• nement Epifcopal. On les appelia aufC C^t-
w furmijles , parce qu'ils fe conlormoient au cuUe
r» établi par les Evcques & par le Parlement.
M Les Presbytériens s'appellérent , au coturaire^
• Nvn-Cvnfvmiftet ou Puriuins.
X La Hiérarchie eft le point principal fur le.
• quel ils font divifcs.
H Depuis que ces deux parfis fe font divifcs ,
f» chacun a travaiiré avec ardeur a gagner l'avan-
M tage fur l'autre. Les d'ffcrens partis politiques
»» qui fe font formel en Arglererre , pour ou coa»
M tre l'autorité duHoi, ont t.ichc d'entraîner dans
H leurs intérêts ces deux partis. Comme, dam r«-
•» rigine , les Prtsbytcriens ou les Puritains fu-
^ rent Uani l'op^irciiioa » paice que l'auturitt
De l'Histoire Ecclésiastique. 325
m Royale & celle du Clergé étoient réunies con.
Il tre eux ; les Presbytériens fc font attaché»
>» aux ennemis de la puiliance Royale , comme
» les Epifcopaux fe Ibnt attachés aux Royalif-
rt tes. Ces deux fedes ont eu beaucoup de part
>i aux mouvcmens qui oot agite l'Angleterre i les
»> Puritains furent la caufe principale de la révo-
»> Union qui arriva fous Charles / , 8c depuis cc
»> tcms lis font le parti le plus nombreux. «
H'iftolre de Pêtaklrjfement de l'Héréfie dans
Us Pays-Bas,
Le commerce que les Anglois & les Protef-
tans d'Allemagne avoient avec les Pays-Bas , 8c
les livres dongercux qu'ils rJpandoient à la fa-
veur de ce commerce , infpirérent les nouvel-
les erreurs à un grand nombre de perfonnes»
Churlcs-Qjtint , fouverain de ce pays , s'oppofa
en vain aux progrès de l'htrcûc. Phiupye // , fon
fih 5c fon fuccefTeur , crut arrêter les ravages ,
en fondant de nouveaux évéchés , en envoyant
desminifircs de fes volontés, pleins de fcvcrité,
en ctablilTdnt le redoutable tribunal de l'Inquifl-
tion. Mais la rigueur irrite ordinairement lej-
efprits , au lieu de les ramener. Le cardinal de
Cranvclle , envoyé dans les Pays - Bas , où il
efiVaja les Hérétiques par l'appareil des fuppli-
ces , ne put jamais faire>recevoir le Lint-OfHcc,,
& fut obligé de (Quitter uo pays où il étoit dé-
l&ùà*
Jî4 E I E M E V $
Les Uérétiques n'ctanc plut contenus par li
prcfence de Grtuiye.U, le r^pandircrt dans toute»
les provinces , & , leur hitràiefTe croiffant aTec leu'
nombre , ils fe vengcrent fur les Catholiques des
traitemens qu'un l-'relat catholique leur avoit fait-
clTuyer, Ils entrèrent dans les villes , pillcrent
les Eglifes , profanèrent les Tabernacles , brifé-
rent les ftatues des Saints , chaiTcrent les Reli-
gieufet de leur cloitre , & maffacrerent les PrcUtt
& les Religieux qui ofcrcot leur réûfter.
La princelTc Mjrgueriie , fille t!e Ckai lu-Quint
Mt gouvernante des Pays-Bas, crut pouvoir arrê-
ter ces affreux excès, en falfant- publier de nou-
veau les édits de l'Umpcreur (on père contre les
novateurs. Cet aûe de vigueur , loin de calmer
les efprits , n'ayant fervi qu'a les aigrir , elle
écrivit à P/ùùfpe //,« que les P ys-3?i avoienc
» moins bcfoin du gouvernement doux d'une Prin-
m ceiTe, que de la main courageufe d'un général, n
Pftriipf,t II lui donna pour fucccireur le duc
à'Alkt, qui fe rendit en Flandres à la tête de doui«
à quinze mille hommes en 1567.
Ce fameux capitaine , naturellement dur 8t fc-
vére , ne fut pas plutôt arrive à Bruxellef , qu'il
fh-arrcter plulîcurs des principaux feigneiirs de»
Pays-Bas, parmi lefquels étoicnt le comte d'£^
moniU le comte de Hvn ,qiii eurent La t£re tran-
tiKt. GutJ/»umt ptince d'Orange .encore plut fuf»
y«â à U cour d'Efpagne , parce qu'il étoit l'aaM
4â. U Ligue fccictic loroKc çoaut le gouTcr*
DE LlîlSTOrRI ECCLESIASTTQX^ $t^
nement ,s'ét3nt fauve en Allemagne, fut condamné
par contumace. Dix -huit cents perfonnes périrent
en même tems par la main du bourreau.
Les Hcrctiques effrayés foupiroient après un
vengeur. Le Prince d'Orange rentre dans les
Pays - Bas à la tête de près de trente mi!!ô
hommes , en partie foudoyés par les Princes Pro»
teftans d'Allemagne. Il fajt-entrer dans fes inté-
rêts les provinces de fon gouvernement , en
bannit la Religion Catholique, & fe fait-déclarer
Statoudher de fes provinces. Les Huguenots dff
France vont fervir fous fes étendards avec le
même emprtffement que les Protcftans d'Allema-
gne. Ccioit pour eux une elpcce de Cr^ifade*
Tous les ennemis de Phd ppe 1 J èi. de \a Reli-
gion Catholique le favonfent en fecret, ou le fou-
tiennent ouvertement. C'cft ainfi que le Calvi-
oifme devint la Rch-ion dominante des Provin-
ces-Unies.
Les ^Ln^ftre$ Réformés trnrcm plufieurs alTem-
blées^& donnèrent a leur Eglife de Hollande la
difcipline que Cahin avoit établie à Genève. Bien»
<6t on les vit divifés eiur'eux. Ils ne fe réuni-
rent que dans les efforts qu'ils firent pour em-
pêcher qu'on n'accordât aux autres Religions la
tolérance qu'ils avoient d'abord demandée .'pour
eux-mêmes.
Tandis que ces petites querelles intérieures agi-
toient l'Eglife HoUandoife , la République ctoic
^taqu<« au* dehors par du Puiflapces ituo^ctu^
326 Elïmens
Les détails des petits combats & de tou< les tf*
forts qu'elle fit pour (outen.t fa liberté naiffjnte,
n'appartiennent pas à cet Ouvrage. II fuiïira de
(Tire que, lorfquc le Friace d Orange employoit
toutes les relTources de fon coarage â( de Con
génie, il fin tué d'un coup de piftolet par un
Franc-Comtois appelle Bjifis^^tr Gt'oid, le dix
Juillet 1584.
Maurice fon fils marcha fur fes traces, 5c ayant
continué la guerre avec la même valeur & les
mên es fucccs , les Lfpajinols fc virent enfin con-
tramts par le fort des armes a conduire en i6o(>
DOC trêve avec la nouvelle république des Pro-
vinces-Unies. La fuite de cette fmçuliîre révo-
lution appartenant plus à l'H:ttuirc profane qu'^
l'eccIcfiaAique , nous renverrons nos teneurs aux
Ecrivains qui en ont tracé le tableau.
De la Religion dans une partie du SorJ.
Lutter avuit enlevé à l'E^life une partie df
KAIiemagne ; fes difciplcs lui arradiércnt prefque
tous les royaumes du Nord. La Norn-cge & le
Uanemarck fc tixcrcnt pour tuu)Ouri dans l'hc-
rcfie. Ce po:fon infcda U Hongrie -, le» Luthé-
riens, profitant des troubles de ce pays ,s\iabli-
«aot dans la haute . Ac le» Olv nille» d»n% la bafTe»
On accorda dans la Traofylvanie la liberté d'en-
feigncr tout ce qu'on voudron en msiicre de rv.
ligion , & a la faveur de cet cdii donne en ijùi ,
Im LuthciiCiu , lc> C«lvuuAcA & le* ^ociuicolk
DE L*HiyrcnRE Ecclésiastique, ^x.-/
firent de nombreux difciples. Plufieurs EglifesLu*
thcriennes turent formées en Pologne foius le rè-
gne de S.'gij'mjrid-Aiigu/}e,qui monta fur le tronc
en I 548. Les- Calviniftes y envoyèrent aufl"! des
prédicateurs , & , quoique ennemis implacables des
Luthcriens , ils fe réunirent contre la Religion
Catholique. Cependant , les Rois n'ayant poinc
abandonné cette Religion, elle a (oujours été do*
minante en Pologne.
La Suède étoit Catholique , lorique l'héréfiarque
Allemand parut : deux Suédois qui dvoient écudit
fous lui a Wittemberg , portèrent fa doctrine en
Suède. On ctoit alors au tort de la révolution q-iù
enleva h Suède au Roi de Danemarck , 6c qui pljça
ftir le trône Gujîave-Wafa ; on ne s'appervut pas
du progrès du Luchéranifme.
Gujlave, placé en 15IJ fur le trône de Suède,
dont il venoit de chiffer le beau -frère de l'Em-
pereur, avoit à craindie l'autoritc du Pape dévoué
à CharUt-Qjiint , & le crédit du Clergé, toujours-
^vorable à Chri/liem malgré fa tyrannie : d'ail-
leurs Gii/lavt vouloir clianger le gouvernement de
îa Suède , & régner en monarque abfolu dans un
pays où le Clergé avoit maintenu fes droits , au
milieu du defporifme & de la tyrannie de Chrlf-
tiern. Il rcfolut donc d'anéantir en Suède lapulf-i
fanceduPapc 8f l'autorité du Clergô. Lutheravoit
produit ce double eflFet dans une partie de l'Alle-
magne par fts déclamations contre les Ecclélîafti-
i^ues. {>ii/?«i'c'fevorifa le Luthi^ranilme , ScdoicA
^l!f E L E M E N 5
fecrcttemcnt ordre à les Miniftrcs de protégera
Luthériens , & d'en attirer des univerûtés d'Al*
iemagne.
La plupart de ces nouveaux Doâeun avolcnt
Favaotaî^e de la ûicnce & de l'cloquence fur le
Cierge , âc ircme uncettam air de régularité , que
dkïnoeni les premières ferveurs d'une nouvelle Rt-
ligioo. Us ctoient ccoutcs avec plailir par le peu-
ple, toujours avde de nouvcautcs, & qai les adopte
iiaos examea , lorsqu'elles ne demandent point de
iacrihce , & qu'elles ive tendent qu'a abaitTer fes
fupcrieurs. Vne apparence de faveur qui (c rC-
pandoit imperceptiLtlemcnt l'ur les predic ateurs
Luthériens , leur auiroit l'attention de la Cour Se
de la prenucre Noblefle , qui ne voyoit encore qu*
des Prelau attaqués.
Pendant que ces Doâeurs prcchoient publique-
vient le Lurhéraaifroe , Gufiu*t de Ton cote cher-
chcit avec affectation difi'crcns prctcxtcs pour rui-
ner la pjiilance temporelle des Evéques 6c du Cluf
gé. Il attaqua d'abocd les EcclétîaAiques du fécond
Ordre , & après eux les Evoques. 11 rendit fuc-
cclTivement pluhcurs déclarations contre les Ci*-
lés fil contre les Evêques , en faveur du peuple,
le fur des objets purement temporels . tels que
la dtcbration qui dcfcod aux Lvcques de s'ap.
proprier les biens ti. la fucccliioa de» LccUioAi-
.qucs de leurs djucéfes.
Le Cierge prcvit les projets de GnJtjfi , fat»
DE l'Histoire Ecclésiastique. ^î^j
venoit toutes leur s démarches 5c rendoit tous leur»
efforts inutiles. Il dépouilla fuccefTivcment les Evê-
ques de leur pouvoir & de leurs biens : il pro-
teftoit cependant qu'il étoit très- attaché a la Re-
ligion Catnolique. Mais lorfqu'il vit que la plus
grande partie des Suédois avoient changé de Re-
ligion, il (e déclara enfin lui-même Luthérien , &
nomma à l'archevêché d'Upfal, Laurent Pari , au-
quel il fit-époufer une demoifelle de fes parentes*
Gujiave Ce fit eiifuite couronner par ce Prélat, &
bien. et Ij Suède devint pre:que toute Luthérienne,
Le Roi , les Sénateurs , les E'-èques & toute la
NojIelTe firent profedl on pub ique de cette doc-
trine. Mais comme la plupart des EcciétiaAiques
du fécond ordre 6c les Curés de la campagne
c'avoient pris ce parti que par contrainte ou par
foibleiTe ; on voyoi: da:u placeurs Eglifes du
royaume un m-ilange bizarre de cérémonies Ca-
tlioliques & de prières Luther iennes. Des Prêtres
& des Cures mariés di^oient encore la Meffe , en
plufieurs endroits , Tuivant le Rituel & la Litur-
gie Romain*. On adm niûro t le Sacrement du
Baptême avec les prières & les exorcii'mes , com-
me dans l'Eglife Catholique. O a enterroit le»
mor s avec les mêmes pri.res qu'on Cuiploie pour
demander à Dieu le foulagement des amcs des Fi-
dèles , quoique la doctrine du Purgatoire fut coa'
damnée par les Luthériens.
Le Roi voulant établir un culte uniforme dang
iiaa loyauaie» coavoqua luie ailemblcc gcacialf
3JtO E L E M E N s
de tout le Cierge de Suède , en forme de CooS
cile. Le Chancelier prcùda a raircmblcc au nota
-4u Roi ; les Evéquvs , les Doûcurs & les PaHeurs
-des principales Eglifcs , compolcrent ce fynode
Luthcrico. Us prirent la CoateHion d'Ausbourg
pour ^cglc de Foi. Ils rcnonccrcnt folemncllement
à l'obéiITance quMs dévoient au chct de rLglire»
Ils ordonncrent qu'on a! uiiroit enticrement le culte
de l'Eghle Runtame. Us tJLieudircnt 1j prière pour
les ino:>s. Ilsempruntcrci.i àa Lt^hlcs Lutiibriea*
nés d Allemagne la inaui<:re d'adminiArer le B^ip-
time & kl Cint. Ils dcclarerent le mariage des
Prêtres Icgicime. Us profcrivirent le célibat 8c les
•vœux. Us approuvèrent de nouvciu l'Ordonnan-
ce qui les avoir d.pouilKt de leurs privi cgcs & de
la plus grande partie de leurs bens -, 8t les Lcdé-
fiaAiques qui firent ces règlemcns, ètoient pref-
que les mimes , qui, un an auparavant , avoient
fait-raroitte tant de rcle pour la dcfcnfe de la
Religi'H.
Ils eurent cepen43nt beaucoup de peine à abo-
lir la pratiq»ic î< la difc piioe de l't/.life Romai-
ne dans l'adminiOration des Sacrement. On en:en*
doit fur ces changcmens des plaintes dans tout le
royaume. C/'y?<>r«. craignant les cfTett du mccoo*
tentement de* peuples , ordonna aux P^Orurt flc
aux Miniftre» Luihcfient d'ufer de con'Iefcendan»
ce pour ceux qui demandoicnt avec opini.lireté
Ici anciennes cèrcmnniet , 0( de n'établir les nou.
velles , qu'autant qu'ils irouveroicut des dii'po^
liona LAVorables daot le» pcupict.
r DE l'Histoire Ecclésiastique. 33 1
Hîfldlre du Socinïanlfme.
De toutes les fecles qai fe répandireat en Po-
logne , !d plus dan^ereufe fut le nouvel Arunif-
me. Le premier auteur de cette héréfie , fut ua
médecin Efpagnol . nommé Michel Servet, qui dès
l'aa 15JI attaq 13 de toutes fes forces le princi-
pal fondement du Chrutianifme , le dogme d'un
Dieu en trois perfonnes. Apres avoir voyagé dans
une partie de l'Europe , il vint exercer fa profef-
fijn a Vienne en Dauphin; , où de nouveau*
écrits le Jîrent-enfermer dans une étroite prifon.
Ayant trouvé le moyen de s'cchapper , il fe réfugia
à Genève. Il ^ trouva Calvin animé con:re lui du
reffentiment que lui avoit infpiré une difpute
qu'ils avoienc eue par l>:ttre$. Ce reformateur la
dénonça, le fit arrè:er ei 155^ • ^ o'):iit des
magiftrats de Genève, qu'il expierait Tes impié-
tés dans un bûcher: fuppiicc affreux , infligea ua
err nt par un ermt .' « Si Scrvet eût été le plus
yi fort , ( dit M. .Vl.icjuer , ) il auroit pu faire-brù-
H 1er C-itvin a aufTî bon droit que -celui-ci le tic»
»» brûler 'ui-méme. >»
*« Comment les maViftrats de Genève , ( dit l'Au-
n teur du DiH oiti.itre dis Hére'/rei ,) c[ui ne recon-
M noi(Toient point (Je Ju ',e infeillible du fens de
»♦ l'Ecriture , pouvoient-ils condamner au feu Ser»
ft vct , parce qu'il y trouvoit un fens dîff.-rent de
H Cilvin ? Dès que chaque particulier eft maître
f d'expliquer l'Ecriture comme il lui jetait , fao*
53* E L E M E N s
" rtcourir à l'Eglifc , c'cfl une grande in;uftice Se
»» condamner un homme qui ne veut pas dctcrer
it au jugement d'un cothoufufte , qui peut Ce trom-
*• pcr comme IuL •< Cependant Cjhin ofa (aire
l'apologie de fa conduite envers Sir^a. Il entre-
prit de prouver qu'il falloit faire • mourir les H««
rctiques. Cet Ouvrage traduit par CvlUA^n , l'un
des J u^es de l'infortune Aragonnois ( Genève i ;6o,
in-8°. ) a fourni aux Catholiques un argument in-
rincible ai k^miaem contre les ProicAans , loiT-
que ceux-ci leur ont reproche de ù:rc-raourir Icf
Caivicifles en France.
Les écrits de Strvtt s'ét«r.t répandus en Italitt
quarante gentils - hommes de 'N'icence formèrent
en 1 546 une focietc, moiiic littéraire , moitié ihé<v-
logique , pour y conférer fur les matières de Re-
ligion.
M L'efpèce de confufion qui couvroit alors pref-
H que toute l'Europe, ( dit M. l'Abbc PLq.itt , ) les
I» abus grofGers & choquans qui a voient pénétré
•« dans tous les Etats , des fupe rAiiions & des
m croyances j-idicuUs ou dangercufcs qui s'ctoieot
M répandues, 6rcnt- juger à c eite Socicté , que U
M Religion avoii befoin d'itrc réformée , Se que
H l'Ecriture contenant, de l'aveu de tout le monde»
H la pure paro'e de Dieu . le m oyrn le plus sû>
H pour dégager la Religion des faillies opinions
•• étoit de n'admettre que ce qui ctoit enfctgoé
• dans l'Ecriture.
^ 9 Cununc cette Société fc piquoit de liticr2tut|
DE l'Histoire Ecclest asti que. -53^
• & de phllofophie , elle expliciua félon les rc-
»> glcs de critique qu'elle s'étoit faites , 8c con-
»» forménient à fes principes philofophiques , la
►» doftrine de l'Ecriture , & n'admit comme ré-
»> vêlé, que ce qu'elle y,voyoit clairement en»
» feigne , c'cft-à-dire , ce que la raifon conce-
»♦ voir.
» D'après cette méthode , ils réduiHrenc le Chrif«
«< tianifme aux articles fuivans :
»♦ Il y a un DiEU tris-haut, qui a créé toutes eho'
» fcs par la puijfanct di fon Verbe ^ & qui gouverne
M tout par ce Verbe.
»» Le Verbe eft fon Fll<t , & ce Fils efl JESUS Ac
M Naiarcth , Fils de ^IXRIE; homme véritah/e , muii
>» homme fupcricir aux autres hommes , ayant éti
»♦ engendré iune Vierge , & par C opération du Saint»
vt Ej'prit,
»• Ce Fils , eft celui que Dieu a promis aux an»
n ciens Patriarches , & qu ''il donne aux hommes. Cejl
n ce Fils quia annoncé r Evangile , & qui a montré
w aux hommes le chemin du Ciel , en mortifiant fit
•< chair & en vivant dans la piété. Ce Fils e/i mort
♦» par l'ordre de Jon Père, pour nous procurer laré-
r> miffion de nos péchés; il eft rejfufcité par la puif"
»» far.ce du Père , & il eft glorieux dans le Ciel,
»♦ Ceux qui font fournis à JESUS de Nazareth , fvnt
%<• juflifiés de la part de Dieu; & ceux qui ont de la
»» pléti en lui reçoivent l'immortalité qu'ils ont per»
•< due dans Adam. Jesvs-Christ feul eft le Sel-
•t gntur 6* le (htf du peuple qui lui eft fournit j il
3 '54 Elemïns
n ejt U Juge dti M t arts & des ir.crts \ il rtvltn»
ft dra vers les hcmmes à la con/lmmation des fit»
m des.
n Voila les points auxquels la Société de ^'i-
n cence réduifit la Rdiji^ion Chrétienne. La Tri.
M nitc , la confubilantialiié du \'erbe , la divinité
» de J. C.&c. n'ctoient , fcli<n cette Société , q e
M des cpiaions prifes dans la Philofophie des Grecs,
H fc non pas des doj^mes révèles. »♦
Les affemblées de \'icercc ne purent fe faire
aflcz fecrettement , pour que le Miniftcre n'en tut
pas irfttuit. U fit-arrctcr quelques-uns de fe$
membres, qu'on fit-mourir par U main du bour-
reau. Les autres prirent la fuite. Tel» furent Li~
lie Socin , Pa'utii^ Gtnti/is , & Eernaidln Okin ^
capucin apcftar.
Socin, le chef de ces dogm.atifans , n'ayant pu fe
fixer en Suiflfe , fe rct'ugia en 1 5 5 1 en Pologne ,
état libre & favorable a fes projets. Il cnfeigiu
en fecret ; mais fes difciples ,Jeon BUndrata , /r«n>
Paul Alciat & Valcntin Ctntilis , fe montrèrent ea
public , & firent-goûter leur doâiine à plufieurfl
nobles & grands du royaume , dont l'exemple ^
le crédit fervirent Icaucoup a ractriKfîcn.cnt de
cette dangereufe (eue.
Cependant de» cdits émanes du trùnc en M 64
& I {66 , ordonnèrent a tous les Unitaires de for-
tir de )a Pologne. Mufieurs cherchèrent dei afy-
les dârt d'autres royaijm.es; mais la plupart t'c-
««ot cachet daoi le f»y* cbcx les fcigncurt qui
DE lTÏistôire Ecclésiastique, ^^f
les protegeoient , laiiùrent paffer l'orajc. Des
qu'ils ne craignirent plus la perfécution , ils écri-
virent , ils prêchèrent ; & foutenus par des pro
tedleurs illuflres , ils fondèrent des Eglifes 8c des
Ecoles.
Faille Svcin , neveu de Lé/ie , foutiiit l'ouvrage ds
fon oncle ; il fe retiri en Pologne, où il ne vou-
lut s'affocipr à aucune des Eglifes de ce royau-
me , Se affecta d'être l'ami de toutes, pour les ame-
ner à fes idées. Il leur difoit « qu'à la vérité Lu-
M ther & Calvin avoient rendu de grands fervl»
•I ces à la Religion, qu'ils s'y étoient affez bien
»> pris pour renverfer le Temple de l'Antechriû
»> de Rome, & pour diffiper les erreurs qu'il ea^
»» feignoit : néanmoins qu'il falloir convenir que,'
»» ni eux , ni ceux qui s'étoient bornés à leur fyC-
vt tême , n'avoient encore rien fait pour rebâtir le
I» vrai Temple de Dieu fur les ruines de celui de
H Rome , & pour rendre au grand Dieu le vrai
•• culte qui lui eft dû.
>» Pour y parvenir ,( difoit Socin.) il faut éta-
n blir comme la bafe de la vraie Religion , qu'il
»» n'y a qu'un feul Dieu ; que J. C. n'eft Fils de
M Dieu que par adoption, & par las prérogatives
» que Dieu lui a accordées ; qu'il n'étoit qu'un
n homme , qui , par les dons dont le Ciel l'a pré ve-
M nu,étoit notre Médiateur , notre Pontife, notre
M Prêtre -, qu'il ne falloir adorer qu'un feul Dieu
M fans dillinftion de perfonnes. Ne point s'em-
^ b^rrafl'er , pour expliquer ce que c'ctoic que k
53^ E L E M E K 5
»» Verbe, de la maniv:re dont il procédoît du PerC
K avant les ficc'es , & de cruelle iratiicre il s'é*
n toit ûic homme; qu'il faJloit regarder comme
M des fables forgées dans l'imagination des hom-
n mes , la p'»fcnce-rce!le de I humanité & de la
»» divinité de J. C. dans l'EucharilUe , l'effic cité
t« du Baptcme pour etraccr le pcche originel , &.c.
r> Ce pian de Religion plut !n:':nmicnt à ces
r» hommes qui ne s'itcicnt ccari^s de la croyance
M des Eglifes Reformées , que parce qu'ils ne vou«
M loient reconnoitre comme enfeigné dans r£cri«
M turc , que ce qu'ils comprcnoicnt. Les Unitai»
f» res , qui faifo:cnt îe parti dominan* parmi lèse n-
v> nemis de la divinité de Jcfus-Chrift .l'aggrégé-
•< rent a leurs Eglifes , & fuivircnt fes opinions;
»♦ Plufieurs autres Ef;lifcs les imitcrcnt , 8t l<i-<iit
«« devint le Chef de rou e« ces Eglifes. •. (Pif^i/fr,
Di^iontta'rc dtt Hircfiei. )
Svtin ne jouit pas tranquillement de la gloire
à laquelle il avoit afpiré avec tant d'ardeur :1e*
Otholiques & le* ProteAans s'unirent contre lut ,
C( il ^nit fcs jours dans le vill igc de Lucl.ivie. où il
Vctoit retire pour fe dcrober aux pourfuites et (tê
etroemi». Sx>un mourut en 1604,. j^c de 65 aiXK
Oo mit fur (ba^tombeau cette épiraphe :
Tf>ts li«f I^aè<ylt>m étfliuictt icHj L iherut,
Afi/ffri CaNinus ,yie^ fandémtnis Sociaux.
m Lmthtr a i1é*niit le toit de Babylont. CsMh m
m a tcurrrié Ict murulict , & Socim eu a arraché Ut
u
DE lTÏISTOÏRE ECCtESlASTIQUï. 53^
La Se£le Soclnienne , bien loin de mourir ou
de s'affoiblir par la mort de fon Chef, devint con-
iîdérable par le grand nombre des perfonnes-de-
qualité & des Sçavans qui en adoptèrent les priiH
cipes. Les Sociniens furent en état d'obtenir dans
les diettes la liberté de confcience. Mais peu-à-
peu on fe détacha d'eux en Pologne pour s'unir à
l'Eglife Catholique , ou aux autres RelJj,ions tolé-
rées dans ce royaume.
Des Anahjptijlis.
Une feue qui fe rapprochoit du SociniamAne'^
fut celle des Anabaptijies. Elle eut pour chef Tho-
mas Munctr , an des plus fameux difciplesde Za-
thct , & Saxon comme lui. Il s'unit à Storck , fa-
natique de Siléfie , 8c ils prêchèrent tous deux les
armes à la main. Luther avoir conimence par met-
tre dans fon parti les princes-, Muncer mit dans I«
fiea les liabitans de la campagne, en leur annon-
çant qu'il venoit les rétablir dans la liberté primi-
tive que J. C avoit apportée au monde , & les
délivrer de !a tyrannie de leurs feigneur^.
Ces fanatiques prétendoient , « que les Chré-
r. tiens ayant l'Evangile pour règh de leur con-
¥> duite & l'efprit de Dieu pour guide , l'office de
n MagiArat étoit non>feulement inutile, mais qutf
rt c'etoit une ufurpation illégitime de la liberté fpi»
»♦ rituelle des Fidèles. Qu'ainfi il falloir aotantie
ft toute diftinûion denaifTance , de rang & de fots
w tune, comme contraire à l'efprit évangéliqu*,'
TûitK II. P
^jH Ê L E M f K s
N qui ne volt dans coût les hommes que des ê:rM
h c^aux. Que tous les Clirctieas dévoient mettre
* en commun tous leurs biens , & vivre enfemble
r» dans cette parfaite égalité , qui convient aux
n membres d'une même famille. Enfin , que la Loi
#> naturelle (c le nouveau - TeAament , n'ayant
»« crabli aucune règle fur le nombre des f.-mmes
r» qu'un homme pouvoit cpoufcr, on devoir ufer
pt de la liberté que Dieu même avoit accocdce
n aux anciens Patriarches. »
A ces prmcipas d'indépendance , ils jolgnoient
des opinions pirticulicres fur l'adminiAratioa du
facrement de Biptcme. Ils foutenoient , qu'o.n ne
devoit l'adminidrer qu'aux adultes. Se qu'il ne le
falloir pas donner par arperfion , mais par immer-
(îon. Ils rebaptifoient tous ceux qui entroient dans
leur foci.-tc. Ils condamnoient formellement l'u-
fage de baptifer les enfans , & c'eft de • là que
leur vint le nom i'Aial<jpci/iei,
Cette idce parciculicre fur le Baptême a'ctoic
que ridicule ; mais leur enthourufme pour la li-
berté ctoit très- dangereux , & il ne tarda pat à
produire des etTeti violens. M^nttr & fes feâateurs
ayant pri« les armes , ils fe rendirent maîtres de
Mulbaufeo , & firent - fuulever tous les payfans
dans U Souabe , la Franconie , la-Thuringe & l'Ai*
face, & par-tout ils maTùcrérent les moines, en-
levcrcat les religieuTes , pillèrent le clcrj^c , £c
coiirairent tes excès les plus horribles. Les pria*
Ç(t Ciih^liquei Se Luchirlcas s'aaireac cwatrc en
DE l'Histoire Ecclésiastique. 33'^
fcntlioufiaftes fanguinaires. Frcderic , tllcdleur ds
Saxe , cet ardent protecteur de Luther , leur livr
ca 1525 une fanglante bataille prùs de Fnnchu.
fen , dans le comté de Mansfeld , & les défît en*
tiérement, Munccr , fait pritonnier dans cette jour-
née , fut condamné à perdie li tète. Storck s'évada
en Siléfie , & envoya des difciples en Pologne &
dans d'autres contrées.
La mort de Munar , n'a volt pas anéanti l'ana-
baptlfme en Allemagne. Deux vifionnaires de cette
fcfte, Jean Alaihias , boulange r de Harlem , & Jean
Becold , tailleur de Le} de , poffédés de la rege
du profélytifme , fe font de nombreux difciples ,
les arment , & fe rendent maîtres de la ville de
Munfler.
MatJiias, le chef le plus audacieux de cette feue
militante, ordonne à la multitude aveugle qui lui
obéiffoit, de piller les Egllfes & d'en détruire les
arnemens. Il fait-brùler tous les livres , comme in-
utiles ou impies , & ne conferve qii« la Bible. Il
confifque les biens de ceux qui s'étoient enfuis de
la ville , & les vend aux haLitans des cantons
voifins.
Voulant enfuite établir une nouvelle forme de
gouvernement , il ordonna a chaque habitant d'ap-
porter à fes pieds fon or , fon argent , qu'il dé-
pofa dans un trélor public , apiès avoir nommé
des diacres qui le dlAribuoient pour l'uCage corn*
mun de tous les membres de la ncuvcac ii].ub
<que. Lorfqu'il eut jette parmi eux Içs fondemeasi.
Pij
5|9 Ê t E M E N »
d'une partaice cgnlité , il !cs obllgci de manger en-
femble , en public , dans des tables communes donc
il régla les mets. Joignant alnfî la frugalité ft Ij
vigueur de la dii'Lipline à la fougue de l'cnthon-
fiafme , il forma de Tes difciples de bons foldats ,
décidés à tout foufîrir pour la dctenfe de leurs
opinions. Il nugmenta le nombre de fcs proft'y-
tcs , en envoyant des cmiffaires aux Anabaptidss
des Pays-Bas , pour les in\iter Je fe rendre à
MunAer. Il n'.ippelIo:t cette ville que la hionta^r.t
dt Sion , «« d*où il devoir fortir cnfuite , (difoit-il , )
n avec fes "difciplcs pour aller foumettrc à leur
H pulflance toutes les nations de la terre. «
Cependant l'Evêque de MunOcr , chaiTé de ft
ville cpifcopale , avoit aflemblc une armée confi-
dcrable pour en fomer le fiéj;e, A fon approche ,
Mathiat cn fortit à la tête de quelques troupes ,
■ttaqua un des quartiers de fon camp , le for^" i, Se
après l'avoir rempli de carnage , il renrra dans la
ville charge de dcpouillis. Ce fucccs lui ^t-tour-
ner la tcce. Il pirut le lenJem.iin , une lance à la
main, devant le p;uple , auquel il déclara qu'il
iroit comme un fctond G '.L'un, avec une poignée
de foldits , exterminer l'armée des impies. Trente
cnthoufiaftes le fui vent dans cette entreprtfe ex«
travagante , & vont fe précipiter fur les cnne*
mis , qui les mettent en picces uns qu'il en cchap-
pc un feul.
La mort du Prophc'te jetta la conHernation dam
\fi C(Xur des Anjhjjnijlct. Mm iitfvld , coopu auiU
tïE t'HlStÔIRE ECCLESIASTIQUE. "34I
/bus le nom de Jean de Lcyde , ranima bientôt
leur courage & leurs efpér^nces. Ce vifionnaire,
(dit M. Pluqiitt) »' courut nud dans les rues ,
» criant: Le Roi »£ S'iON vilnt ! Apres cette
« aftion , il rentra chez lui, reprit fes liabits Se
5» ne fortit plus. Le lendemain le peuple vint en
" foule pour fçavoir la caufe de cette adlioa. Jean
»» Bccold ne répondit rien , & il écrivit que DlEU
I) lui avoit lie la langue pour trois jours. On ne
M douta pas que le miracle opéré dans ZacharU ,
)» ne (q l'ut renouvelle dans Jean BuoU , & qn
» attendit avec ùiipuii-^ncc la fui de ronmutifme.
>» Lorsque les trois jours furent écoulés , Bt-
>» coli fe prcfeota au peuple , & déclara d'un ton
>» de Prophète , que Dieu lui avoit commandé
>» d'établir douze Juges fur Ifracl. Il nomma donc
»» des Juges , & fit dans le gouvernement de cette
» ville (MunAer}tous les ju^cmens qu'il voulue
H y faire.
»♦ Lorfque Bccold fe crut bien EfFermi dans l'ef-
X prit des peuples , un orfèvre vint trouver les
" Juges , & leur dit : Voici ce que dit U Seigneur
>» Dieu , l'Eternel : Comme autrefuis j'établis Saiil
« Roi fur Ij'raïf y & après lui David , bien qu'il ne fût
» qu'un fmple bercer ; de même f établis aujourd'hui
» liecold mon Prophète , Roi en Sijn. Un autre Pro»
X phète accourut , 5c préfcnta une épée à Bccold ,
)• en difant : Z?/i:t/ t'établit Roi, ncn-fcuUment fur
» 5ion; mais aujfi fur tonte la terre. Le peuple, tranf»
t» porté de joie , proclama Jean Bccold Roi du SioPt
Pu;
54^ E L r M E N s
•» On lui fit une couronne dor , 8c l'on bzttît monf
n Boie en fon nom. •
»• Bteold ne fut pas plutôt proclamé Roi , qu'il
H envoya vingt-fix Apotrcs pour établir par tout
n fon empire. Ces nouveaux Apôtres excitèrent
n des dcfordres dans tous les lieux où il» pcnc^
t% trérent , fur-tout en Hollande , où /<«« de Ltyd*
n difoit que Dilu lui avolt donné Am.lc-rdam St
»» plufieurs ajtres vUlcs. Les .inabaii/.tt caufé-
H rent des grands délordres dans ces villes , & on
» en fit-mourir un grand nombre.
" Le Roi de Sien a,iprit avec douleur le mal-
r» heur de fcs Apôtres. Le découragement fe irit
M dans Muniler. Bientôt-après la ville fut pri(e
N par l'Evcque. >• Becold fut tait prifonnier , chat^
gc de chaires , & conduit de ville en ville, 04
on le donna en fpedacle à la curioliic du peuple»
On le ramcnaenfuite a Aluofter, le théâtre de (on
fjnatifme 5c de fcs crimes. 0;i lui fit-fouflTrîr les
tourmcns les plus lon^s <!( les plut recherches ,
iju'il fuppori^vec un courage digne d'une me>}-
leure caufc. Il expira dans les fupplices en 1 ^ 30 ,
ay^nt à peine vingt-fix ans.
Le royaume des Aimhapiijitt finie avec la vie de
leur Roi t'hais leurs principe^ avoient iciié de trop
profondes racines, pour que leurs erreurs fufTcRt
anéantie*. Une partie de cet fef^aires , plus traa>
quilles Se plus paciiiqiiC», formèrent, fous la con»
^uiie de Huur & de C«hri<l ^\iii^\t% àt Stvtt^ ,
Njie fociCtc d'Atubapiiilcs , appeUci ht turu M
DE L*HlST01BE ECCLESIASTIQUE. 34^
Moravie , du lieu où ils s'ctablirenr. Ilutcer compofa
pour cette nouvelle fociété un Symbole, dans le-
quel il rcjettoit la croyance de la divinité de J. C. ,
l'efficacité du Bapième pour effacer le péché ori-
ginel , la Mcffe , le Purgatoire , l'invocation des
Sarints, &c. &c.
Huttcr fe brouilla bientôt avec Gabriel. Ils fe
réparèrent & formèrent deux fedles , qui s'e::com-
munierent mutuellement , l'une fous le nom à'Hnt'
térites , & l'autre fous celui de Gabriélitis. Quel-
que tems après , les Anabaptifles fe réunirent en
Hollande fous la conduite d'un certain Menno ,
& prirent le nom de Mennonites. Ils fe fous - di-
vifcrent encore en deux grandes branches , de»
WattrUnders & des Flamands. Ces différens fec-
taires ayant renoncé aux principes fanguinalres
<îe leurs premiers auteurs , regardent comme un
crime de taire la guerre 6t d'exercer les emplois
civils. Ils fe dévouent entièrement aux devoirs
de. fimpîcs citoyens , Se f^nt , par leur humeur pa-
cifique , amende - honorable ( fi je puis m'expri-
mer ainfi) Acs violences commifiis par leurs fon-
dateurs. Heureux A cet amour de la paix écoit ac-
compagné de l'arnour de la vérité !
Suite des P.ipcs ;
De Pic IV 6* dt [Saint Charles Borromce.
On voit par le tableau que nous avons tracé
dos difFcrentes feifles qji naquirent da.is lo xvi*
fitclc, que tes Papes avoient perdu une partie d«
Piv
544 E L E M E K S
leur empire dans le Nord -, mais ils confervoicnf
encore tout leur pouvoir en Italie. Le concile de
Trente, convoqué fous letirs aufpices , avoit cté
leroiiné par les foins du pape Fit IV , qui travail'a
très-fcrieiifcnent à fiire-obfervcr le» d«^rets de
cette aiVc milice par le clergé fcculier ûc rcgulier.
Jl révoqua toates les permifîions, privilèges, in-
duits qui pouvoieni 'être contraires aux confli-
tutions de ce Gsncilc -, obligea les Evoques à la
rifidence , condamna les l'intoniaques , drcfVa une
profe<non de foi , réforma les diveri tribunaux d«
la cour de Rj.-ne , & At ua initM des livres dé-
fendus. Sa mort, arrivce ea i)6j , fut une perte
pour l'Eglife.
PU /Kavolt été féconde , daiu fon zèle pour la
réforme des abus , par fon neveu le cardinal Chjrlt*
Borrone'e ^ que fcs vertus ont fait-placer dans le
catalogue des Saints. Milan, dont il étoit arche-
vêque , le rcgirde comme un de fcs bienfaiteurs.
Dans une pelle qui a.lligea cette ville, il brava la
contagion pour porter les fecours fpiriiuels 6c,
temporels à fcs ouailles. Après que le Concile de
Trente fut termine , il aUcmbU fucccflivcment fix
Conciles provinciaux dans fa ville cpifcopale, pour
(aire-recevoir fes décrets. Zclé rcHaurateur de la
difcipline eccicfianique, il fut aufli ferme à fou»
tenir les droits de l'E^hfe , qu'humble au milieu
lies hooneurt. Il mourut en i{84, lailTant dam
toutes les aâions de fa vie un modèle aux Eve»
guet , 8c ua exempte aux auuct ««clcûadii^uci.
DE l'Histoire Ecclésiastique. ^^ ^^
CVft à lui principaiement qu'on doit l'établitTe-
mrnt de ces écoles appellces Séminaires , où les
jeunes clercs foat élèves dans la (cience & dans
la piété.
Poniijîcat de Pic V ; Bataille de Lépante.
P'.eV, Dominicain, nommé auparavant Michtl
Ctijltri , pontife d'un zèle ardent & d'une vertu
«minente , fut élevé fur h chaire de S. Pierre après
Pis IF. Son pontificat fut marqué par des événe*
mens intéreiïans. Séi.m II , emperenr des Turcs ,
étant venu attaquer l'ifle de Chypre avec une ar-
m;e formidable, Pie ^'exhorta vivement les Vé-
nitiens & le Roi d'Efpagne à s'armer contre ces
ennemis du nom Chré;ien : mais , malgré leurs ("e-
cours réunis, l'iAe fut emportée en ijyc L'an-
née fuivante fut plus heureufe, Dpn Juan A'Aw
triche y fils naturel de Charles -Quint , & digne de
fon père par fes talens militaires, remporta con-
tre les Turcs une viâoire nav.:!e auprès de Lé-
pante , ville fituée dans le g^lfe de Venife. La
défaite deces Infidèles fut comp'ctte. Environ deux
cents galères de la flotte Ottomane furent r'i'eï.
On leur tua trente mille homTies , & on en fit
£x mille prifonniers -, quinze mille efclaves Chré*
tiens furent tirés des fers. Pie V recneillit une
partie de la gloire de cette grande aûion , à ii-
queiic il avoix contribue par fes exhortations &. iv/U
argent.
Ml. mourut en i j 72 , & fut caaonifé par Ciântut
34^ E L E M E N 5
ment XI. Ce fut pir l'es ordres que le CatcclufAC
du Ccncîe de Trence tut r.digc. L'ardeur de Ton
zc'le ie porta a l'ulmmer une rcnteaced'excommu-
nicaiion contre Elij'*hth reine d'Angleterre, a déf»
approuver hau:ement l'allunce de du-Ut IX roi
de France avec les Tares , & a menacer Max-'
mititn de le priver de la couronne impériale , (*tl
foulîroit que la diette d'Ausbourg s'attribuât là
iéciCion des matières de Religion. Ces dcmarchest
qu'on pardonnoit à h droiture de Tes intentions ^
•uroient eu peut-crrc des faites funcfte» , i'\ oa
avoir moins refpe^c fa vertu. L'ordre des H.-
wiilUt fot aboli fous fon pontificat en 1^71 : U
caufe de cette AipprelTion fut un coup de pifto»
let, qu'un Religieux de cet ordre l'ir* far S. Charht
B.rromée , qui travaillolt à les reformer.
Pomifi:M J: Grégoire XIII ; De la refomjùon.
du Calendrier.
Hugues Buoreompagne , de Boulogne , crcé car»
dinal par Pie IV en ij6j , fucccda à f/« V t%
1^71, & prit le nom de Crt'gôire Xllf. 11 a me»
rite la rcconnoifl'a-.ce de tous les (îccles par ia
rcformition du Calendrier. L'cq'jînoxe du prin»
t«iT»s , qui dcvoit tomber au 21 Mars, ne fe trou*
voit plus qu'au 10 du mime mois , parce que
l'année aftronomiqije diflfîroit i''- '■•■ roinu>
te» dt rannée Julienne , qu'on : -.. Ainrt
tk. célcbraiion de la fcte de Piquet étoit trouble*
(ic et dcringemeat » t^nc U fticceiU'M dei lenii
'de l'Hiîtoihi Ecclésiastique. ^4^
^rolt rondu de jour ea jour plus confidcrablç.
Pour y remédier , Grimoire Xlll ayant confuUé
les plus célèbres Aftroaomes , ordonna par une
bulle, qu'en l'anréc 1552 on Tctranchcroit tovit-
i'ua-coup dix jours , en fautant du 4 d'OAobre
au I^ j& pour fixer perpctuellemenc l'cquincxc
du prinrems au zi Mars , il arrêta que , de quatre
en quatre ficelés , on fupprimeroit le biiTexte de
chacune des trois centaines d'années , à commen-
cer cette fupprcfiîon de l'an 1700. Ce règlement,
adopte par l'Ej^life Catholique , fut rejette par tous
ks Etats Protellans \ irais la plupart ont fentl
qu'une réforme ù utile devoit être adoptée , quoi-
qu'on la dût à un Pape.
Peu de tems après, Grégoire Xlll çyit la confo-
lation de voir à Tes pieds trois jeunes Princes du
ûng royal , envoyés du Japon , de la part des
Rois oc des autres Princes de cette iilc. Leurs let-
tres de créance portoient cette infcriptlon : A cciul
qui tient la pUsc di Dieu fur la ttftt. Lc Pape les
reçut avec tout l'appareil c!ù u Ifur nng ; mai»,
pfu de jours après ks avoir adn.is à fon audicn«
ce, il fut enlevé à l'Et^Iife le i3 Avril 1585 , â
l'âge de 8} ans. Quoique Ihirtoire lui reproche
d'avoir loué hauceirent le malTacre de \iSt-BartUi^
Icmi , parce qu'il imnginoit faufTement que cette
exLCutioQ feroit le dernier coup porté à l'htrcfic
en France , il jouit a Uctne d'ime grande réputa-
lico, par Usencoursgcmcns qu'il accorda aux. Arfi.,
Ik. pat Us Ccik'^cs qu'il fonda pour fotmei refgrii
^4* E L F M E y S
& les mœurs de la jcuoeiTe qui te deAinoit nH
Millions ccrjcgéres.
PonûjicJt dt Sixte V.
Apres la mort de Grt^oirt XIII, les cardiotux
Bffemblcs dans le cooclave, s' étant divifésen plu»
fieurs fafUons , Te réunirent enfin pour donner leurs
voix f u cardinal de Monulte , qui prit le qotn de
Sixte y. Les degrés par lefquels cet homme fin»
gulier parvint a la première dignité de l'Eglife ,
ont quelque chofe d'extraordinaire. Ne en i<)i«
dans un village de la Marche d'Ancone , réduit
dans fon enfance a garder les porcs , il pa(Ta de
ce vil emploi au fîrvlce d'un Cordelier , qui le
fit-entrer dans fon ordre. Apres avoir brillé com-
•ne prédicateur , & comme profeffcur de philofo»
phie & d; théologie , il remplit les places de gar-
dien âc de provincial , 8e parvint jurqu'au gcné»
l«!at. Le pape Pie V, qui le choifit pour fon con»
fefleur extraordinaire, l'honora de la pourpre ca
JJ69.
Pendant la courte durée de fon potuifîcat , qitt
fut trop tôt tini pour l'avantage de l'Eglifc , Simu V
ranima la police coiale-nent. éteinte dans fes états v
il les purgea des bandits qui le* infcAoicnt, & des
courtifanesquilescorrompoient. Il embellit RoiM
d'obîli'ques, de colonaes , de Aatues , de caoâux,
d egliCes , de miufoléet , de palais , & iorsos la
hibUofhcque du Vaticao , l'une des plu* riches de
(Jjirdpc. )im UAûfporter Ce dcvcr to
bE l'Histoire Ecclesiasttquî. 34^
dtélifque qui orne la place du Vatican , il cm»
ploya pendant un in plus de iiulr cents hommes
f< plus de cin . cents chevaux. A fa mort , arrivée
le i7 Août 1 590 , il lailTa un million d'ccus d'or ;
mais, comme pour amalfer ce tréfor & pourfub-
venir à fes autres dépenfes , il fut obligé d'aug-
menter les impots , il fut peu regretté par les Ro-
nuins. C'e(i lui qui fit-imprimer la Vt/igate ^ cor-
rigée par le Concile de Trente , en ordonnant
qu'elle fût regardée comme la feule authentique.
Des SucceJJeurs de Sixte V.
Urbain Vil (appelle auparavant le c.udinal Caf-
tagna ) ; Grégoire XIV ^ de la famille de S fondrait
de Milan , Innocent IX (Jean- Antoine Fachinetti ) »
tous trois fuccefîeurs immédiats de 5/xfi r", n'oc-
cupèrent le faint-fiége que quelques jours ou quel-
ques mois , Se n'illuftrérent leur court pootifîcac
par aucune adlion digne de palTer à la poilérité.
Le cardinal Alduhrandln , qui fuccéda le 2Ô Fé«
■yrier 1591 à Innoctnt IX , prit le nom de Clément
yjll. Il réconcilia à l'EglIfe Henri IV roi de Fran-
ce, & malgré les intrigues de l'Efpagne , il ter-
mina cette affaire de manière à gagner le cœur-
de ce monarque & l'cftime des François. II réunit
le duché de Ferrare au faint-fiége, après la mort
i'J/fonl'e d'EjI , qui ne laiffoit point d'enfans légi-
timas. Dans la célébration du Jubilé de 1600 , qui
attira trois millions de pèlerins à Rome , le Pape
ftr vit lui-même les pauv^res. Les difp.utet fur la>
5<;o E L E M E N s
Grâce, que les Ecrits de ^ji'ijavoient faîr-élcTCr*
agitérenr4bn pontir:c3c ; mais l'hinoire de ccsdc-
mclés nous occtiperi , en traçant iccllc du wii*
fucle. CUmint VllI , qui fie de vains efforts pour
les appaifer, mourut en i6o{ , après avoir gou-
verne l'E^life pendant près de 14 ans. Le foin
qu'il e.it de maintenir la juAice, comme i/jrrcf',
allura le repos de ("es fujcts & celui des ctrargers
à Rome. Libéral , fobre, .pieux , charitable , zè?é
pour la propagation de I Evangile , & pour Is
reunion de^ Tthirmatiques Grecs -, il eut prefqut
routes les qua'itcs d'un vrai Pontife. L ne put
cependant s'affranchir des affcftions humaines ,
(dit le F. d'/ft-r/^r/) ;» i; créa fes deux neveux
« cardinaux , 6c il en fut puni p?r les chagrins
r> que lui donna la îaloulie qui étoit entr'eux. Il
»♦ faut convenir d'ailleurs qu'ils avoicnt du mc-
»» rite: £>:li5.jcrc V tirade fon village un Pfttti
n pour le revêtir de la pourpre a l'âge de i {
«• ans, il n'e(l pas cto>inant qu'un AldithrAitiln aie
n fait quelque chofe pour fa famille. •»
Fondation de noin'fjux Ordres Religieux , 6-
Rejorme des .inclens.
Le lultre qu'acquirent les Ordrrs rergieiix dan»
ce ficcle , fut une des con'dition* qu'éprouvé-
tent le» Pcni.fe» Romiin». L'Ori^rede S. Frgmçt'it
produiiit (roii nouvelles hrjnchet -, celles des Cj-
ft'Clni, des Ricotttlt ,hi ùz^ PinittHs,
Les CipMcioi.aiiifi appeiléi d'un (taod cipr:s
DE l'HiSTOÎRE ECCLESrASTiQUE. 5^!
tallli en pointe qui leur couvre la t j;e , durens
leur reformation. i Mûtthicuiz BiJ'chi ^ frère O'jfcr»
vantin du duché de Spolette , qui leur donna , en
ija^ , une Règle pirticulicre. Cette réforme prof-
pira malgré les obftacles que lui opprjfcrent les
autres frères Mineurs , qui s'accommodoient en»
core moins du genre de vie qu'on introduifoit ,
(dit le P. d'v4i//g/i/) , que du capuchon pointu &
de la longue barbe. Elle fut folemnellement approu-
vée par CUmtnt Vil en 1518, & par Paullll ea
Us furent reçus en Frince fous Charles IX , à
la recommmdation du cardinal de Lorraine, & iis
y eurent bientôt un grand nombre de couvens.
Cc'ix qui n'aimoient point les Capucins, ne pou-
vant .'eur ôter la qualité de Religieux , voulurent
leur en'ever celle d'enfans de S. François ; mais
Urf<ain VIII leur a'Vura ce titre précieux en 1627;
n auroit érc finj'itier , que ceux que le dcfir dé
la perfeilion primitive portoit à renoncer aux
adoucilTemens pofVérieurs , cufTent été obligés de
quitter le nom de leur père.
Les Récollets furent ainfi nommés , parce que
l'cfprit de récotle^ion , de recueillement , de re»»
traite , leur infpira la penfie de demander au papa
Clcmenc VU , en 1 5 31 , la pcrmiflion de fe retlrtr
dans des couvens parti. uliers , pour y obfcrver à
la lettre la rè^le de j. Frarr/ols leur patriarche. On
ks appella Sucufanti en Italie , parce qu'il» portent
et g^roCei facdalïs , Epfelléej Stcs ou.5o|i*w.lh.
^^î E L E M E V s
ont lept provinces en France. Leur reforme nS
diiféroit gucres , au commencement , de celle des
Capucins. Les uns fc les autres prciendoient cire
rentres dans la voie étroite, abandonnée par leurs
prédecefTeurs. Mais le tems a apporté quelque»
mitigations chez les Rccollets : ils ont abandonné
la barbe , & leur vie ell moins auftére que daai
kur origine.
Les i'cnitcns , connus à Paris fous le nom de
Piept-cet ou Pijuepvs, parce qu'Us s'établirent d'abord
dans un petit village de ce nom , font une autre
branche de l'ordre de S. FrM.Ci.is , laquelle prit
naifTance vers l'an 1595.
Les Fcuiilins font une reforme de Citeaux ».
faite vers l'an 1577 par Jtjn de la Bjrri/re , abbé
de Ste Marie des Feuitlans dans le diocèfe de
Rieux. Leur vie fat d'abord très-dure. Ils ne man»
geoient point de \iindc, ils ne buvoicnt pas dt
vin ; leur feule boiffon étoit de l'eau, bue dans un
crâne de mort. Cette corgrégsiion, approuvée ea
15S6 , ne fe fouiint pas dans fa premicre fer*
veur.
Les Carmes , tombés depuis long- tems dans le
reUchemcnt , furent reformes p4r Ste Tk/ri/t , re<
ligieufe d'Avil.t en Calul'e. Elle cominença p.ir le
couvent où cHc avoit fait profcrîon. Après avoir
établi la rcfurme chet les Kcligieufcs, elle reforma
les Religieux , & l'ordre des Cani.cs reprit un«
•ouvclle vie. lis prirent le nom de Camut Atih^iéM.
mu. MthuuJlit » a caufe d'uo it% goint» de 1« lU^^le^
OE l'Histoire Ecclésiastique. 353
qui ordonnoit de marcher nuds-pieds. La faince
Réformatrice étoit animée d'une piété fi tendre ,
qu'on lui a donné le titre glorieux de Martyre de
l'Amour divin. Elle eut de grandes perfécutîbns à
efî'uyer. Lçs indévots traicoient d'illufions les
grandes chofes que Dieu opéroit en elle : mais
malgré leurs injudes dértfions , elle perfévéra dans
fes auftérités jusqu'à fa mort , arrivée en 1 58Z. Sa
devife étoit : Ou Jouffrir , ou mourir,
L'Ordre qui fut inflitué en i j io par S. Jean de
Ditu , pour recourir les malades , fous le nom de
Frères de la Charité , fait autant d'iionneur à l'hu-
cianité qu'à la Religion. 11 s'eft étendu en Fran«
ce, en Italie, en Allemagne, en Pologne, Scpac-;
tout il a fait de grands biens.
L'objet des Thcatins , les premiers clercs-régu-
liers qui aient paru dans TEjUfe , étoit de réta-
blir l'ancienne vie apodolique , en s'abandonnant
à la providence pour les befoins du corps. S.
Cactan , comte de Thicne , fut leur fondateur -, Se
Pierre Cardjfe évêquc deThéate, leur i" fupérieur,
Jeur donna le nom de fon évêché. Garaffe étoit
d'une famille illuOre du Royaume de Naples. II
s'alTujettit lui-même aux règles qu'il prefcrivoit
aux autres. Sa réputation de fcience & de piété ,
engagea Paul 111 à l'appclfer à Rome , pour le con-
fulter fur les moyens de détruire rhérciie & de ré-
tablir les anciennes mœurs. Ce Pontife, voyant
en lui un ennemi décUrc de toute innovation ea
^c de .doi^ioc , Ôc un homme qui pouvoit ctrq
3 H E L E M E s s
Texemple du facré collège , le força d'accepter le
chapeau de cardinjf. Il foutint avec chaîeur dan»
cette place , la jurifdiîlion & la difcipllne de l'E-
ghle , 6c s'oppofa fortement a toute démarche dic-
tée par la politique plutôt que par le zèle pour
l'honneur da faint-lîcjje. Devenu Pjpe foui le
nom de PauL IV , il fe lailTa trop dominer par l'a-
Bour de fa famille ; niais il ne Cedi de favorifer
les Thcatins, qu'il regardoit comme fes véritables
enfans.
Les Barnahites prirent leur nom d'une églife d«
Milan , dcdiéc à S. Etmahé , dans laquelle leurs
fondateurs s'affembloienr. C'eft dans cette ville
tju'ils loieot inAitucs. Ils s'appeller^t aufii C.trci'
réguliers de S. Paul, 6c ont divers collèges oîi ils
enfeigncnt les fcience^ & les belles-lettres.
La congrégation des Frètrcs de l'Oratoire , fon'
déî par S. Philippe de Ncri , & approuvée en 1 57^,
fait auiTî profcflîon d'inftruire li • '" ' ' »
collèges ; mais fon princrp il b'it et i
■fèmiiaires , & d'y former les ecdclialUc^oes potte
tous les de^'oirs de leur èrar.
Des Jcfi
De tout les Ordres fondes : l'cle , celui
qui fut lon^-tcmi le plut puiiGin% & le plus ce»
lèltre , eu la Société qui prit le nom de Conn-ilt
d* Jc'ui. Elle eut pour fondjieur lt,nitt de Z,.>>i./j,
.geaiilhomme Navarroii , d'abord litache à la pro«
ftSiOa des armes, & qui , touche par U leUui^
DE l'Histoire Ecclésiastique, j^ç
de la Vu des Saints , qui: ta l'ctat militaire pour
€ confacrer a Dieu. Anime du defir de coover-
ir les Infidèles , il s'affocia fix compagnons de
fe$ travaux, avec lefquels il fit fes prcm-ers vœux
dans régiife de Montmartre près de Paris , le jour
de l'Affomption 1534. Cet inftitut , dont le pre-
mier objet etoit la propagation de la Foi parmi les
nations idolâtres, fut approuvé en 1540 par une
bulle du pape Paul III. Les Jéfuites s'engagèrent
dès-lors d'ajouter aux trois vœux ordinaires de
Religion , un quatrième d'obéiffance aux ordres du
Pape, dans ce qui regarde les Mi/T.ons ctrani^éres,
Perfonne ne remplit ce vœu avec plus d'exac»
titude que l'illuftre Français Xavier , Portugais ,'
appelle à jufte titre l'Apôtre des Indes. Il fut le pre-
mier qui entreprit le voyaj^e des Indes , dans l'u-
nique vue de convertir les habltans de ce pays
fortuné. Il y débarqua en Mai i ^41. Des Indes il
p3fl*i en 1549 au Jjpon , & il fe propofoit d'aller
prt'cher l'Evançile a la Chine, lorfque la mort le
prévint. Elle fut fainte.ainfi que fa vie. Il eut la
gloire de convertir à la Foi Chrétienne pluileuxs
milliers d'hommes.
D'autres JcCuites , à l'exemple de S. Françola
Xavier, arrachèrent à l'idoIàtrie un grand nombre
d'Indiens , de Japonois & de Chinois. Au Japon ifs
parvinrent, dans un efpace de teins afTez court,
à amener au ChrilVianifme non-feulemcnt pluficurs
h.ommcs du peuple, mais beaucoup de Grands flt
iLêmc des Fiiaces, Ce vaAe royaume olloit dâ«
3^6 ELEM£>fS
venir entliremem Chrcticn , lorfque les Jcfuitél
ayant malheureufcmcntparu fufpecls au gouverns-
oient , furent traites comme des perturbateurs, bl
leurs prolclytes punis avec la detnicre rigueur.
Leur moiiTon fut aufTi abondante à la Chine ,
& ne tue point troublcc. Un Jcfuite Italien , pro-
fond mathématicien ( Matthieu Ricc':) , s'ciant ou»
vert par les connoiiTances un accès favorable au-
près des Grands âc de lEmpereur , fcs confrères
curent la permilFion de prêcher la dofirine cvaa»
g(^!ique -, £>: ils le fircn: avec !e p'us ^rand fu^ccf.
[jTel a été le fort des Jcfuiies en Europe , en Afie -,
leur ordre s'eA multiplié, malgré tous les obfta>
clés qu'on avoit voulu lai oppofer dans les xvi*
& xvji* ûécles. Enfin quoique ncus l'ayons vu d«
nos jours expulfc de prefque toutes les parties de
l'ancien & du nouveau Monde , où ils triomphoienc
aupiravanti ils confervcrent, même après leur dcf-
trud^ion , une grande indacnce dans certains Etat»
& fur l'efprit de quelques Princes.
Nous ne répéterons point tout ce qu'on a repro-
che a cet Ordre cclcbrc ; nous ne chertbcrons ni à
ra:cufcr, ni a le junifier. Mail nous ietierons un
coup-d'ocil fur les avan;;iges , que rétabliiTcMcnt
de cette Société prodiiilit par rapport auxctu !c<(
parce que ces études fervirent à procurera l'Eglife
des dcfenfeurs plus ioAruits & plus éfivpiens.
Les premières tentatives, que les Jcfuites firent
pour établir des collèges , ayant éprouvé de gran»
d<« oppoljtions de la part des Univerfuct , 'ùà
CE l'Histoire Ecclésiastique. 357
Furent forcés de furpaffer leurs rivaux en fcience
8c en talens, afin de fe concilier la faveur publi-
que. Ils imaginèrent des méthode<; plus f mples ?c
plus courtes pour faciliter l'inftrudlion de lajeu-
nefl'c. En cultivant la littérature ancienne , ils
ouvrirent de nouvelles voies à la connoiffance
des langues fçavantes : & on profita de ces con-
no fTances pour donner des verfions fidelies , non-
feii'emcnt des Livres-faints, mais des Auteurs pro-
fanes.
De fon fein fortirent d'habiles maîtres dans
les différentes branches des fciences , & la SocUtI
de Jcfus produifit prefque autant de bons écri-
vains , de théologiens profonds, d'hiftoricns élé-
gans , que toutes les Communautés religieufes en-
femble. Cette fécondité eut fa fource dans un régie»
glement fage , qui vouloir qu'on appliquât chaque
membre de l'Ordre a l'emploi que lui défignoit
fon talent. Chez eux . on n'obligeoit point un théo-
logien à écrire fur la géométrie, ni un géomètre
à monter en chaire. Les myftéres confolans ou
terribles de notre Religion , n'étoicnt prêches or-
dinairement que par des hommes d'une imagina-
tion vive & d'une arac feoûble, qui fçavoient par-
ler à l'efprit & au cœur de leurs auditeurs.
C'eû cet art d'aider les talens , fans les con-
traindre, qui procura aux Jéfultes des fujets pro-
pres à tout. Il n'étoit pas rare de trouver parmî
eux des Religieux , qui jugeolent !es intérêts des
Prioces 6c des peuples avec la fagacité d'un hom-
3ïS Elemens
me d'état. Ayant ainfi , par le concours des lumiè-
res & du difvcraemcnt de fes divers membres,
la connoitrance de tout ce qui a rapport aux tnocurs
des peuples âc a la conduite des gouvernemcns
cet Ordre dut aller plus loin que les autres, &
Bvoir de plus grands l'uccès & de plus grands
revers.
Lorfque S. l!>:nac( demiada en ij4o la confîr*
mation de Ton Inftitut , il n'avoir qu'un très-petit
nombre de difciples. Mais en i6ô8 , foixante-huic
ans après avoir obtenu cette approbation , le nom-
bre des Jjiuitcs montoit a 1C5S1. En 1710, l'or-
dre poffcdoit 24 maifons profeffes , jg maifont
de noviciat, 340 rcfidenccs , 6ti collèges, loo
mi/Tions , 150 fcminaires & écoles publiques ; &
le nombre des membres de U Société alloit à
1999S.
Des Ordres de ChevMerie & en particulier Je
r Ordre de Malthe ; entreprifes & barbarie des
Turcs.
L'Ordre de Malthc éprouva dans ce ficcIe de»
dirgraccs dont il fe reilcnt encore. L'ille de Rhodes
que les Chevaliers occupoient depuis environ deux
cents ans qu'ils l'avoicnt conquife fur les Sarra-
fins, leur fut enlevée en ijil, par Soliman II ^
empereur des Turcs. Jamais place ne fut at:atftée
te dcfenduc avec plus de vigueur. Afliégce par
deux cents mille hommes , & battue par plus de
Qji-vingi mille coups de canon , elle fouiiot cio(|
tE l'Histoire Ecclésiastique 3^5^
a/Tauts furieux , & fit-périr par le fer , par le feu ,
O'j par les maladies , plus de quatre-vingt-dix
mille hommes des afllcgeans. Enfin la ville ctant
prcfque entièrement ruinée , Pierre de ViU'urs
tlIli'Adam , gentilhomme François , grand-maître
de l'Ordre , capitula & abandonna l'ifle de Rhodes ,
pour paffer en Candie. De-là il fe tranfpor'a en
Sicile; & après avoir cherché diverfes retraites
en Italie, Charles • Quint lui donna en 1530 l'ifle
de Malthe. Ce prince craignant que Soliman ne
vînt attaquer l'ifle de Candie , & qu'enfuite toute
la Sicile ne fut à fa difcrétion , penfa que Malthe
deviendroit le rempart de la Méditerranée entre
les mains des Chevaliers,
Cette ifle a environ fept ou huit lieues de lon-
gueur , & prefque la moitié de largeur. La ville
qui a donné le nom à toute l'ifle , eft fituce au
milieu à fept milles des ports , enfermée d'une mu-
raille de trois cents vingt-trois pas. 11 y a trois
parties, la ville , le hourg , & llflc de St-Michel.
La ville comprend la Cité Valette, & la Floriane
ou Ville neuve. Le bourg & l'ifle de St-Michel
font Ters l'Orient, La Cité Valette , renferme le
palais , l'arfenal , l'infirmerie , l'Eglife du Prieuré
de St<Jean , & les hôtels ou auberges des Lan-
gues,
Le grand-Maître prit poffeflion de Maltlie en
«530. Le bourg n'étoit alors compofé que de ca-
banes de pêcheurs , & l'ifle n'étoit qu'un rocher
ûcrile, On fit-t)âtir en peu de tems des laaifons
5^0 E L t M t y i
& des murailles : dans la fuite oa apporta de S!«
elle dans des vaiiTeaux , de nombreu Tes charges de
terres pour couvrir le tuf, & rrndre le fol propre
à la culture. L'iHc fe peupla aiJïi tellement , qu'au
lieu qu'on n'y comptoit pas doure mille âmes •
quand les Chevaliers y ertrérem , il y en a au-
jourd'hui plus de trente mille, bcs habitons fe
difent les plus anciens Chrciiens de toutes les Ifles
d'alentour , parce qu'ils croient avoir érc conver-
tis par S. P^u/, L'tmj-ereur donna encore aux
Chevaliers , Gozo & Tripoli ; inais ils n'ont pu
CPnferver ces petite* ifles , & ont été réduits à
celle de Malthc, dont ils ont pris le nom, au lieu
de celui de Rhodes.
Les Turcs virent avec peine les Chevaliers de
Malthe dans leur nouvel afyie. En 1565 Svlimam
Tcfo'iut d'attaquer cette ifle. II l'afiieçea avec l'ap»
mce la plus formidaLle. Die ctoit commandée par
le bâcha Mufiapha & le corfaire Dnifu\. Après
plus de trois mois de ficge, \es Turcs furent obli-
ges de fe retirer , après avoir perdu une partie
confidérahle de leurs troupes. Le grand-malire Itsm
de la ValitM , Fraftçois de nation , eut la gloire
d'avoir fauve Tlfle par fa valeur Ac par fa vigi-
lance. Comme le» batterie* des Turcs avoicnt
prcfque ruine la ville de Mahhe ; quand le fiége htt
fini , on rcfolur de bàiir une nouvelle ville. On
y travailla en if66, â( par un Arrct du Confeil
des C'hcvaliers , on la nomma U F^/titt, du nom
lUi gund-ouitre. Le pape Pit V envoya chaqu«
Bio'tf
OE L*Hl$TOIRE EcCLESIASTIQUt. 36]^
Dois quinze mille écus au grand-Maitre -, & pat
fes exhortations les Princes Chrétiens lui donné"
Tcnt auûi quelques fecours. Le travail dura près de
deux ans , pendant lefquels le grand - Maitre ne
quittoit point les ouvrier;.. Il prenoit fes repas
au milieu des maçons ôc des charpeniiers , ôc fou-
vent même y donooit fes audiences.
Ces précautions étoient d'autant plus fages , que
les Turcs menaçoient les Etats Chrétiens. La mê-
lae année 1 5 66 , ils s'emparèrent de l'ifle de Chio ,
dont les Génois étoient maitres depuis le milieu
du XIV* iiécle. Ils ne pillèrent que la principale
Eglife , qui étoit fous l'invocation de S. Pierre^
Pcrfonne n'ayant réfîllé , chacun eut la vie fauve;
mais il fe commit d'horribles impiétés. Pendant
que l'on pilloit l'Eglife de S. Pierre , un Turc ayant
pris le Saint Ciboire où étoient plufieurs hoAies
confacrées , demanda à l'Evéque qui ctoit pré-
fent , fi c'étoit-là le Djeu tles Chrétiens t CcJÎ lui'
mime, repondit le Prélat: Se fur cette réponfe ,1e
Turc jctta le Ciboire à terre avec fureur. L'Evo-
que pleurant à la vue de cette impiété , dit au
Turc , •« qu'il aimeroit mieux qu'il l'eut tué, que de
V voir profaner ainG les facrcs fymboles. « Le bar-
bare s'étant retiré , l'Evcque fe proAerna , & re-
cueillie jufqu'aux moindres parcelles qu'il put trou*
ver. LE^life de S. Pierre fut entièrement raféej
toutes les autres Eghfcs furent cgalcment abba-
tues , excepte celle de S. Duminlque , do.nt les
Turcs firent leur Mofquôc. Oa donna eofuite aujp
Tom. IL Q
ïjiÇî E t E M E V S
habitanj de l'I/le un Ji:gc Maliomctan. On prît
vingt-un cnfans des mieux faits , de la famille de
Ju/linianl , pour les mettre au nombre des pages
de Soliman. On les circoncit maigre eux ; mais
on ne put jamais les faire- renoncer à la Foi, quoi-
qu'on les déchirât à coups-de-fouet , avec une in-
humanité qui en fit -mourir quelques-uns au mi-
lieu des tourmens. Les familles du Préfixent & des
douze Sénateurs furent conduites à Condantino-
f>Ic , & de-là tranfportces en dififirens piy!.
Soliman partit de Conftaniinople la même année
1^66, pour venir de nouveau en Hongrie. Il af-
^cgea Zigeth fur les confins d'e la Pannonie St de
la Croatie , 6c mourut trois jours avant la prifc de
cette place. Ce fameux Sultan , dont Dieu s'étoit
fervi pour humilier & châtier les Chrétiens , ctoit
dans la foixante-feiziéme année de fon âge , &
dans la quarante-ûxicme de fon règne.
Sclim II , foa fils , qui lui fuccéda , fe rendit ea
Hongrie , où il fut reçu dans le camp & proclamé
Empereur. Il fit , r,innce fiiivante , une trêve de
huit ans avec l'empereur Maximilien II. U rompit
en 1^70 la paix que Solimtn avoit jurée avec les
Vénitiens, & qu'il avoit depuis-peu rcnouvellce
lui-mime; & envoya Muflapha a la conquête d«
fiflc de Chypre. Les Vénitien» implorèrent |«
fecours de» Hrinces Chrétiens contre leur ennemi
commun. Le pape Fit V accorda à cette occirion
oa Jubilé univcrfcl , afin d'attirer 1rs aumônes des
^èles. L'Espercur ne voulut point cotrcr daot
DE l'Histoire Ecclïsi astique. 3ÇJ
cette guerre , & il n'y eut que l'Efpagne , le PapCi
5c Venife qui fe liguèrent.
Mujîapha forma le fiége de Nicofie , ville fituce
au milieu de rifle. Ce fiége dura quarante - huit
jours , & la ville fut prife enfin par les Turcs ,
qui l'abandonnèrent au piliage. On réferva pour
Sclim un nombre de fejnmes & de filles que l'oa
choiiit, les jeunes-gens les mieux faits , les meu-
bles les plus précieux , & l'on en chargea trois
vaiiTeaux qui dévoient faire voile vers Conftan-
tinople : mais pendant qu'ils attendoient un vent
favorable , une dame de rifle de Chypre y mit
le feu , & priva le Sultan de ce qui lui étoit def-
tiné.
Fier de la prife de Nicofie , Mujîapha marcha con-
tre Famagouôe , dont il forma auffi le ficge. Il f
trouva d'abord beaucoup de réfiftance. Mais la divi-
fion qui fe mit parmi les Chrétiens , & la lenteur
avec laquelle les Efpagnols fournirent les fecours
promis , donnèrent !e tems aux vainqueurs de pour-
fuivre leurs conquêtes. Bientôt Famagoufle fut ré-
duite à l'e^tremitc. Ladifette y côbattoitau-dedans
pourJr/im, qui l'aflicgeoit au dehors avec des forces
très-fupcrieures à celles des afliégés. Les principaux
de la ville prcfcntérent une requête au gouver-
neur Brag adin , pour le prier de pourvoir a la con-
fervation de leurs femmes & de leurs enfans. Oa
demanda une trêve aux Turcs pour traiter de U
reddition de la ville , & on drefla des articles
qui dirent figncs par Mujîapha. Oo embarqua ie<
^54 E L E M E N <;
naïades dans des vailîe«ux , 6c cnfuite les Turcs
entrèrent djns U ville, où maigre leur ferment ils
exercèrent d'horrible» violcaces.
Mi;/ljp'* chercha injuttcmcnr querelle à Brégé-
din , le fit-cnchainer & donna ordre qu'on égor-
geât à fes yeux tout ceux de U fuite. Quand on
eut exécuté cet ordre cruel, on lui dit de tendre
le col au bourreau; mais loriqu.* le bourreau étoic
près de le frapper, Mu/Lpha crut lui fa<re grâce,
en lui Calfant feulement couper le nez& les oriil-
les. Il l'infultoit en le tenant c tendu par terre à
fes pieds, fie en lui demandant pourquoi U Chkist
^utt adoroit , me veitjit ptt l'drriter d:s maifit dt fon
fjinjutur par fa puljénce fouit'ainc ? Enmcme*tem$
tous ceux qu'on avo-.t faiter-.barquer, furent di«
pou'.ilés & mis à la rame. Quelques jours après,
Brae«din fût conduit à la place & écorché vif. U
fouffrit cet affreux fuppllce avec une confiance ail-
mjrdbie , fans cefier d'invoquer yiir^-CwKiir. Le
barbare, peu content de ce qu'il avoic fwit fouffrir
à ce ^rand-homme , voulut encore iafuUer à fon
corps après fa mnrt. U iii-remplir (a peau de paille ,
dj.ina ordre qu'on la portât par la ville fout un
djts , 6c l'envoya à ConAantinopic avec les têtes
des principaux de la viHe. Mijléphs fit-deterrer
tous les corps qui ctoicnt djns l'F-^îifc de S. Nico»
/4r, rcnverfer les autels , fie en fit une Mofquée.
Ce:te conqjùic rendit les Turcs maîtres abfulus de
l'ifle de Chypre. Mais U perte de la bataille de Le-
pâme, dont nous avons parle fous le pun ii'i..jt de
f>« F, in eu les progrès des Infi^c!;s.
t)É l'Histoire Ecclésiastique. ^C^
Les entreprifcs des Turcs nous ont écaric du
principal fujet de cet 'article. Pour revenir aux
Ordres de chevalerie , nous dirons qu2 Henri
III infti'.ua le i" de Janvier 1579 l'ordre du
Saint-Ej'prit ,1e plus illuftre de France , dont le R».î
eft le grand-mahre , Ôc dont le nombre de Chc«
vallers eft borni à cent. Ce prince vouloic at-
tribuer des Ccmmandsrics à chacun des Cheva-
liers, comme on fait en Ei'pagne : mais la cour de
Rome , folliciiée par le Clergé de France , s'y op-
pofa fortezner.:j quoique le Roi déclarât que. cet
ordre n'écolt inftltué que pour l'extirpation de
l'hcréfie, & la propagation de la Religion Catho-
lique , Apoftolique Se Romaine , félon le ferment
que fditbient les Chevaliers. Ils conTervérent néan-«
moins le titre de Commandeurs , oc le Roi aligna à
chacun d'eux une penlîon de mille écusd'or, qui
fut depuis réduite a trsis mille livres. On dit qut
Henri III inftitua cet ordre en l'honneur du St-
Efprit , parce que c'étoit le jour de la Pentecôte
qu'il i^tùit né , qu'il avoit été élu Roi de Pologne,
& qu'il éioit devenu Roi de France.
Ecrivains Ecclifujllquts,
Le XVI* ficelé eft une époque remarquable dans
les arnales des fciences. La fenr.entation que les
erreurs de Luther & d'vin de excit iren: dans les
efprlts pendant plus de foixante ans , produifit une
foule d'Ecrivains, qui cxerccrent îeurstalensà les
combattre, Pour traiter la controverfc avec fuc-
^66 E L E M E N s
ces, il fallut étudier les langues Orientales , 8i
plalîeurs fçavaas s'y appliquèrent avec fruit. Oo
ne s'attend pas que dans un Abrège on fafle con-
aoitre ces Auteurs dans un grjnd dctail ; il fuffira
de citer les principaux.
On doit placer parmi les théologiens Anioinê
de Lcbrixé , mort en 15-1 « le cardinal Thomas é%
Vio , furnommé Cajcun , auteur d'un Traité iê
l'autorité du Pape 8t du Concile ; JtM Driido ^
l'illuftre E'éfmi , qui tu: en mcme-temi un thcolo»
gien diAin^juc & un excellent littérateur. Ceft à
cet homme célèbre , d'abord chanoine-régulier de S.
Augttjîin, enfuite pr(tre feculier, ne a Rotterdam ea
146J & mort à Bàle en 1536. qu'on doit en parti»
la renaiffance des belles-lettres, les premières édU
tiens de plufieurs Pères de l'E^life , la faine cri»
tique. Il ranima les illuAres morts de l'antiquité »
& infpira le goût de leurs tcrits a fon ficcle. Il
«voit formé foo ftyle fur eux. Le ficn eft pur »
élégant , aifc i & quoiqu'un peu bigarre , il ne !•
cèJe en rien à celui des écrivains de fon ficcie ,
qui , par une pédanterie ridicule , affe^oient dt
n'employer aucun terme qui ne tût de Cxtnn. U
cA un des premiers qui aient traite les matière»
théologiques d'une manière noble, Se dc^i^cedct
Taines fublilitcs & des exprellions barbares de
l'école. Son mérite , 6c la liberté avec laquelle it
fcprenoit tes vices de Ion tems , l'ignorance , U
{uperAition , le mépris de la belle littciaiure , l'oi»
£vctc de cctt^s Religieux , U molJciIe des ncbcA
DE lTTistoire Ecclésiastique. 36^
Ecdéfiaftiques , lui firent une fouis d'ennemis,
Naiurellemîn: fenfible à l'éloge & à la critique,
il traitoit fcs adverfeires avec dédain & avec
aigreur; mais ce grand-homme d réconcilioit très-
facilement avec les petits écrivains , qui , aprè»
l'ivoir attaque , revenoient à lai finccrcmcnt. Nul-
lement envieux de la gloire des autres, iînefai-
foit jamais le premier acte d'hoAilité. Il eut toute
fa vie uue paffion extrême pour l'ctade ; il preicra
{es livres à tout , aux dignités & aux richenfes. La-
vain PjulIII , Ci^tnt yjl, François l & Utmi VIII
tàth^rsnt de fe l'attacher par les efpérances les
plus âatteufes : les plaifirs du cabinet étoient à
fes yeux fort au-deflus des faveurs des cours;
Jean CUShuue fut I2 premier des théologiens de
Paris , qui réfuta Luther. Nous citerons encore avec
diUinclion Jtaa Ecchius , dont le Manuel des Coit-
trcvirfcs eft encore cftime aujourd'hui-, Jean Grcpper,
célèbre par un Traité de l'Euchariftie , le premier
de ce genre où cette matière foit traitée avec pro-
fondeur ^ MeUhior Canus ^ qui s'acquit un nomim*
mortel dans l'Eglife par fcs Lieux théclogiques ;
Claude Dcfptr\fe , doûeur de Paris, qui fe Cgnala
par des ouvrages fur le dogme , la morale & la dif-
cipîine ; Nicolas Sanderus , auteur d'une Hijhirt
du fchifme d'Angleterre , & de quelques ouvrage»
de controvcrfe , qui produifirent dans leur icms
des fruits utiles, &c. Sec.
La claffe des commenrateufs , des interprètes ;
lies liuciaicuxs , ce tut pas moins nombreufe que
Qiv
3^^ E L E M I K s
celle des controveriifles. Le cardltul Xîmaùt mé-
riu bien de 1 Eg'.ile par l'ed.tion de (2 Polyglotte ;
le cardinal yj...i-j(. m ne fe rendit pas moins utile par
fen Traité des Conciles , qui compofe au)ounf hni
le xvm» volume de la Colîedion du F. Labht.
)ean-Louis Vires , Ei'pagnol , publia cinq livres
P< Im virUi £* l* Rcliglom Ckriùtmmt. On doit à
Jacqius le Firrt fE/Ijp.'et , un fçavant Ccmmtm»
lëire /ur It mourcMn Tejljxeat , & à jM^mts hitriim
la première CalUSiom dt tous Us ComcUtt qui lit été
âmpriaée. Les cinq fçavans que noai vcooas d9
■oomer , fleurirent depuis le commencwwni dm
Cède jufq j'en 1540.
Nous ne parlerons pas d'un grand nombre d'an*
très commentateurs , dont les produâiotu longues
Ce lourdes ont plus chargé l'Eglife & la républi»
que des lettres , qu'elles ne les ont fcrvies. Pour-
quoi en effet , { dit TAbbé G;>mju) de fi gros volu-
mes 8c en C grand nombre , que l'on ne peut avoir
le tetss de lire, ou qui ne fervent qu'à détour-
oer de leâures plus utiles & plus intéreflTantes ?
La p!upaTT ne font bons , tout tu p'at .
Julter dans le befoin. Leurs auteur* (c
état des queAions étrangères , ou dans d'inutiles
réflexions . q>c -Hes efprits r' " ^ "
évitées. D'aurtet n'ont ira.
et purccurioAte , ou de fimple gnmm^ire, quel-
ques points de chrono'ogie & d htfloire , qui n*
fervent point à établ r le dogme ic à rcg'rr les
mouàti , et qui câ ccpcndtni l'iutiqut b« de 1 £••
DE L*HlSTOlRF, ECCLESIASTIQUE. 36<)
criture , St. ce qui doit écre celui de tous ceux qui
Teulent l'étudier utilement pour l'Eglife & pour
eux. Mais il y a quelques interprètes dont les ou-
vrages font plus folides. Tel fut à quelques égards
Sjncîès Pagninus , Dominicain, qui traduifit en latin
toute la Bible.
Le XVI' fiéde fut fi richs en écrivains, qu<;
nous nous bornerons à nommer les principaux
de ceux dont nous n'avons pas fait mention. Pour-
fions-nous oublier le cardinal Sadultt , dont h la-
tinité pure & les mœurs douces rappcUérent le
génie & les vertus des anciens Romains ? Onu-
phrt Panviniy Auguftin , enlevé à la fleur de fon
âge , & auteur d'une Chronique des Papes & des
Cardinaux -, Corneille Janfcnius , dont la Concorde
évangélique , avec un commentaire , peut être coa-
fuItJc avec fruit ; S. Charles Borroméc *, qui pu-
blia des inflruflioiis pour les curés & d'autres
ouvrages néccfTaires aux miniftres des autels ; An-
tonius Ar.gujlinus fî\itc\xr d'ua Traité de la corrcc
tion de GrjtUn ; Lcu's de GrcnaJi , Dominicain ,
écrivain afcétique •, le cardinal To/cf , Jéfuite » &
fon confrère Maldonjt , théologiens diftingués \
Pierre Fithou , avocat François , qui rendit fer-
vice à fa patrie par fou excellent Traité des H-
berfés de l'Eglife Gallicane ; Gilbert Génébrard ,"
Bcnédidlin de Cl'.vni » dont la Chronologie facrce
fut bien accueillie j A'phonfe Ciaconiusy qui mit au
jour les Vies des Papes & des Cardinaux : ou_^
vrage pleia de rechercl^€s fçavantcs , m lis dinuc
$7^ E L E M E y s
un peu de cène critique qui dirigea les travanX'
des Ecrivains eccleridihques du liccle fuivaot.
Réflexions fur les chMigemens opêris en ce fucU
dans Us Sciences Eccléfiafljques.
n La Théologie , ( die M. l'Abbé Goujei qui nou»
fournit ces rcHexioni , ) gagna beaucoup à l'étude
ëes Pcre». Plu» fondce qu'auparavant fur les prin-
cipes de l'£criiure & de la Tradition dont le voile
étoit tire , elle commença à être cultivée par des
gens habiles qui s'appliqiicrent à des qucAionr
utiles de dodrine & de morale , fit qui les trai*
Urent d'une manière claire , folide , & débarralTce
d«s termss inutiles de la philofophie, fitdcsquef-
tions épine ufcs d'une mctap!)} fi^ue trop fubtilc.
Pierre àÀU/y, Jean Gtrfon qui fut l'ame du Con-
cile de Conft.Tncej, Nico'as C/fmtfAj(//,&: quelques
autres , montrèrent l'exemple. L'ctude de l'anti-
quité Eccli-naAique leur apprit à chalTer de leurs
écrits la barbarie & l'obfcurtic qui rcgnoient avant
eux dans les Sommet 6c dans les Commentaires
ordinaires des Thcologicns. Sans s'arrcter aux
queAions purement fcholaniquet , ils traitèrent
diverfc* matières de doOrine , de morale te de
^ifcipline , pnpres a cdairer Tefprit , a afTcrmir
la foi , & à fotmcr les mœurs. On abandonna
PUuH Ce Anfloti aux Philofophei , ou l'oo n'eut
recourt à eux que dans de» queftioni de pure
Philofophie, qui n'appartieiMieot point à la fcicnc»
tcdeûaûiiue. M*»» dans U Thcolojic , qui eH
DE l'Histoiri Ecclésiastique. 57^
la fcience des dogmes 5c U doiirine de» moeurs,
on n'eut égard qu'a ce que l'ETprit-Saint même
avoic di£lc , & à ce que la Traditloa conAance
& fui vie de l'E^life , qui eft la colonne 8c la
bafe de la vtruc , nous avoit tranlmis de ficde
en fiéde.
» Telle eft la mithode que les Théologiens,
même fcholdftiqucs , ont luivie -, au moins ccus
d'encre eux dont le jugement é oit plus fain ,
qui avoient plus de goût , & à qui la leflurc des
faints Pères étoit plus familière. Car je n'ignore
pas que, dans pludcurs Théologiens des xvi* Sc
xvii' ficelés , on trouve encore une théologie
sèche & décharnée, plus remplie de fubtilités que
de folidité. Je n'ignore pis quils ont fouvent
embrouillé les vérités qu'ils prctendoieot éclair-
cir , & qu'ils ont accoutumé ceux qui ont eu le
malheur d'ctre leurs difciples , £c qui n'ont point
fçu éviter leurs pièges, à pointiller fur tout , à
chicaner perpétuellement , à chercher à tout des
raifons bonnes ou niauvaif^s ; à fc contenter fou-
vent du vraifombljblc, au lieu de tâcher d'arri-
ver jufqu'à la vérité , dont la recherche doit être
l'unique but d'un Théologien, de tout Chrétien,
& nicme de tout homme lenfé. Je f(;ais que plu-
fieurs ont trop penfc à tairenaitrc bien des dou-
tes fans les réfoudre, à donner occafioa démettre
en problème des vérités confiantes, &c à éteindre
peu*a-peu dans les âmes l'efprit de piété par la
B}aai«re sèche & ennuyante dont ils expliquoicati:
Q vj
fyz E L E M E N s
la vérité. Je voudrois auflî que plufieurs Contre»
reriîftes euffent été de meilleurs Logiciens; qu'ils
euffent formé , contre les erreurs qu'ils prétea-
doienc combattre , des raifonnemens plus juftes^
pofé des principes plus évidens , tiré des con»
féquences plus Indubitables : leur viftoire eût été
plus fréquente 6c plus folide : U lumière eût été
plus grande : l'Eglife eût plus gagné à leurs tra»
vaux & à leurs veilles. Mais on eft en état au-"
joutd'hui de rejetter ce qu'ils ont de mauvais ou-
d'inutile, & de ne profiter que de ce qu'ils ont
de bon.
»» On a accufé les Théologiens François d'a-
voir rendu cette fcience trop contentieufe par
tes lubtilités de la dialeftique , & d'entretenir ,
parmi eux une forte de Théologiens libres , qui
mettent en queftion les vérités les plus certai-
res & les plus Importantes ; c'eft-à-dire , qu'on
nous accufe des défauts que je viens fi juftement
de reprocher. Mais d'habile;-gens ont fjit voir, fur
le premier point, que fi l'on s*eft cru obligé dans
a Faculté de Théologie de la Capitale de ce
Royaume, d'introduire & d'employer cet art qu'on
nomme Scholaftique , ce n'a été que pour don-
ner de l'ordre & de la méthode au raifonnement.
Cette fage Faculté a confidéré que, quoique no-
tre raifon doive être foumife à la Foi , & que
nous devions recevoir fans raifonner les vérités
de la Religion qui ont été révélées , nous pou-
YQiu néaamoins readre compte de notre founuf<;
lîE L*HisTorRE Ecclésiastique. 375'
Son , & de l'acceptatioa que nous fai{on$ de ces
vérités -, que nous y foir.mes même obligés , foit
pour combattre ceux qui attaquent notre créancCf
foit pour inftruire ceux qui t'ignorent. Elle a
pris de la méthode des anciens Philofophes , & fur-
tout d'Arijîote , ce qu'elle a jugé de plus propre
pour détruire le mcnfonge & pour établir la vé-
rité. Elle a imité en cela S. Jean Dama/cène , qui
s'écoit formé long-tems auparavant de pareilles
idées avec affez d'ordre 6c de fuccès. On con-
vient f Se nous l'avons déjà dit , que la Théo-
logie fcholaftique a dégénéré de tems en tems
en chicanes ^ en fautTe dialectique ; mais , ifiia
d'en rejetïer la faute fur les Théologiens Fran-
çois , il feroïc facile de montrer que cette cor-
ruption & ces défordres ne font venus le plu»
fouvcnt que des Théologiens étrangers , princi-
palement des Efpagnols , qui ont été à charge à
la Facu'té de Paris , 3t qui n'en ont prefque été
regardes que comme des membres vicieux. Il n'eA.
pas moins certain que cette Faculté a eu foin de
«em$ a autre d'y apporter des remèdes, & d'or-
donner par fes décrets qu'on enfeigneroit l'Ecri-
ture-faince, les faints Pères , l'ancienne Théolo-
gie 5c les faints Canons, avec toute la pureté &
la lÎLœpllcité poÛibles. »
^ M ■■■'«■«« vC \^J i) •■ ■•- f - f^ ' f f- • I»- <4
É L É M E N S
D E
rniSTOlRE ECCLÉSUSTIQUE.
DIX. SEPTIÈME SIÈCLE.
Elelfion 6* mon de Léon XI.
\^ L t M i s T VIII, mort en i6cç , avoli laiflfé^
là chaiie de S. /'/'..•rr* vacante. 11 fut qurftion de
lui donner un fuccefl'cur. Les cardinaux jettérenc
d'abord les yeux fur le fçavant cardinal Surcniaii
m^is les Ei'pagnols lui donnèrent l'exclulion ^
parce que , dans le neuvicine volume de fes Anna»
les , il avoir écrit contre le« droits que le Rot
d'Erpcgne prctenJoit en Sicile. Alors on ëlutioue
d'une voix le cardinal ÀitsjiJrt de Mtditit , ai^
dicvéque de Florence , célèbre par plurieurs Ié«
gationi où il %'Ltoit diAingué. 11 prit le nom de
Léon XI; mail il na jouit que vipgi-fix jours du
fontifîc4t. Se* vertus , fonxèle pour l'Eglife don»-
Boirnt de (;randet cfpcr30CC>| & il Uifl« UBC Bé»
Koiie ihut Ce reipcace»^
I
Elemevs de l'Hist. EccLâs. fpf,
Pontificat de Paul V ; dljfcrend avec la Ri-
publique de Venife»
Le conclave , aftcmblé de nouveau , donna lo
trône pontifical au cardinal Camille Borgkcfc , qui
fe fit-appeller Paul V. II commençi fon rè^ne par
modérer les impots. II diminua le prix des vivres
& rétablie l'abondance dans Rome. Sa fermeté
dans le foutien des droits du faint-ficge éclata
dans pluficurs occifions avec beaucoup de viva-
cité, & fur-tout contre les Vénitiens,
Le Sénat de Vcnife avoit donne en 1603 &
en 1605 deux décrets , qui furent la fourcc d'un
long différend entre Rome Se la république. Far le
premier , il étoit défendu de bâtir ni E^lifes ,
ni monaftéres, ni hopitiux, faas la permiillon du
Sénat. Le fécond faifoit défenfes aux laïques
d'aliéner leurs biens en faveur des Ecclcfiaftiques.
CUment Vlîl^ craignant d'occalionner des difpu-
te$ fàcheufe* s'il éclatoit contre fes décrets, prit
le parti de diirmiuler.
?aul V fut plus hardi. Ce n'eft pas qu'il vou-
lût parvenir à la monarchie unlverfelle , comme
l'en accufe l'auteur des Inurâs des Princes. Le
plan de cette monarchie pouvoit , ( dit le P. à'A-
yri^ni , ) avoir été formé par un Char les -Quînt ,
roi d'Efpngne , empereur fit conquérant-, mais it
ne fçauroit entrer dans la tète d'un Pape qu'on ne
AippoTeia polat ea démence. Paul V étoit moins
'37^ E L 1 M E y S
ambitieux de cette fouveralnctc univerfelle, q*
jjlcux des droits de fa place. Le Sénat de Vc-
nii'e ayant fait-arrcter un Chanoine & un AbSc
acciifes des plus grands crimes , le Pontife crut
voir dans cette déofurche la violation des imrauni»
fts ecdcfiaftiques , & en demanda fatisfa£lion à la
République. Il s'cleva en mcme-tcns contre les dé-
crets portes en i6o}&i6oî.
Les ^'cni:icns ayant refufé de révoquer leurs
décrets 5c de remettre les eccléfiaftiques prifon-
niers entre les mains du nonce , Paul V jetta un
interdit fur Kur état , & excommunia le Sén/
& le Doge , fi on ne lui fjlfoit fatisfaftion dan»
vingt • quatre jours. Les fénateurs fe contentè-
rent de protefter contre le monitoire , & en dé-
fendirent la publication dans leurs états. Les Jc-
fuites , les Théatins fv les Capucins , aimant m'eux
obcir au Pape qu'au Sénat , garderont l'interdit,
& furent chaffts des états de la Republique,
Cependant on levoitdes troupes de part &: d'au-
tre; & on écrivoit en même tems de chaque càtc
pour foutcnir les droits refpeâifs. Le fameux
Servitc Paul Sarpi , plus connu fous le oom de
Tra-Pdolo ou Frtrt Féul combattott vivement en
faveur de la republique de Venife , fa patrie , tan-
dis que Baranlut Si Btl'aimin plaidoient pour le
fjiot-fiége. Leurs diiTcrens écrits ne fcrvoient qu'à
occuper l'oifiveic des f^e^jteurs , faat calmer
les efptit».
P^ V craigooit t^ue ccue difputc n'eût det
DE l'Histoire Ecclésiastique. 377
conféqucnces dangereufes. Philippe ///.roi d'Ef-
pagne , lui offrit des troupe», & Henri IV (z mé-
diation; il aima mieux celle-ci que celles là. Les
arabaffddeurs de France à Rome 6c a Venife en-
tamèrent une négociation , que le cjrdlnal de
Joyeitje eut la gloire de terminer. On convint que
les deux prifonniers feroient remis entre le'
mains d'un délégué du Pape v que les édits pu-
bliés contre l'interdit feroient rtivoques , & que
le Pape de Ion cote ieveroit cet interdit. Le icnat
envoya aulTi tôt a Rome u.i ambalTadeur extraor-
dinaire qui fut très-bien 'cçu par le Pape. Ce pon-
tife lui dit ingéiueui'ement : Readant veecra , nova
fint c mnia.
Cette malheureirfe dlfpute ayant été terminée»
le Pape ne s'occupa plus que des foins du pon-
titîcar. 11 fut le médiateur des Princes. La gutrre
étoit allumée , en Allemagne , entre l'empereur
Rodjlphe II & l'archiduc Mathas fon frère -, 8c
en Italie , entre le duc de Savoie & les Efpa-
gnols. Paul y tâcha d'empêcher ces difftrcnds »
ou de les terminer. Le Roi de Congo en Afrique '
& le Roi de Perfe, donnèrent une grande con-
folation à ce Pontife , en lui envoyant des am.
balïadeurs pour lui demander des milfionnaires.
Mais , à mefure que le Chriftianifme gagn^ du
terrein d'un côté , il en perdoit de l'autre. 11 fut
banni du Japon par l'aràiîje des Hollandjis , qui
rendirent fufpecl le ïèle des prêtres Chritiens de
cette iile i & le Lutlicranifme s'établit pour tou-
578 E L E M E N s
jours en Suède par rufurpatioo de Ckdrltt de Sii«
deimanie , Luclicnen , qui enleva cette couroooc
à Sigi/an/nd roi de Pologne , ion oncle.
Mon Je Paul V; iùfïion Je Grégoire XV.
Paul y ayant ficgc pendant quinze ans & demi,
mourm en ibii , & lailTa ua notn cher aux ama«
teurs des beaux-ans parles bàcimens dont il oraa
Rome , & aux gens-de-bien par les fondations dft
divcrCcs Lgiilet £^ de quelques fcninaircs.
Jamais l'ape n'a p'us np;>rouvc d Ordres Reti>
gieux & de congrégations différentes. Il penfoie
i^'il ne potivoit y avoir trop d'.ifyles pour la
\ertii. La Religion Catholique étant prerqu'eotié-
annem ctriote dans le Levant , il y eovoya.im
grand nombre de milTiomaires qui cultivèrent cette
▼igné avec foin & avec fruit. Il ne tint pas mè-
ne à ce Pontife «jue les Souverains Catholiqtie*
ne s'uniffirnt contre l'ennemi du nom Chrétien}
m»h fes detirs trouvèrent des obAacles dans la
politique des Princes. Paul V étoit jaloux de l'a»
grandilTemeni de l'Ef^Jife , 8c il auroit porté l'au»
torite pontificale aulFi loin que fes prèdcccffcur^ »
( dit le P. &.4rrig9i , ) s'il avoit vccu dans ua
fiécle où les interdits euffcnt été capables d'ef-
frayer les peuples. Son acie prenoit en partit ft
fource dans fa pictè , êc juf.nia Icpoque de fa
dernière maladie il dit tous le» |i>urs la MelVe.
Le cardinal Alixtnért LuJo*i/i<», archevêque da
Sologne , prélat plcifl de venus, occupa aprc» lai
DE l'Histoire Ecclésiastique. 37<>
la chaire de S. Pierre , fous le nom de Grégoirt
XV. Pour éviter les brigues qui divifoient quel-
quefois le conclave, il ordonna qu'a l'avenir le»
cardinaux éiiroient le Pape par fcrutin fecret. II
érigea l'évêche de Paris en archevèchc : & cano*
nifa Ignace de Loyola , fondateur des Jcl'uites -, Fran,
§oii Xivier , apôtre des Indes ; tSc Fhutf.pe de Né*
ry , fondateur des Pcres de l'Oratoiic d'Italie,
Ponùji^M J'Urbain VIII.
Apt^s Grégoire XI'', mort en 161^ , les car-
dinaux mirent la liarc fur la tète du cardinal
Barberin, qui prit le nom A'L'bain V 1 1 [. Noa
moins diftingué par fon habileté dans les affaires
que par fon talent pour la pocfie latine, il réu-
nit au faint-Hcge le duché d'Urbin , qui en avoic
été démembré par Sixte /K, en fjveur des Tîo-
vétes fcs neveux. Il donna un nouvel éclat à la
pourpre Romaine , en honorant les cardinaux du
titre à'Emifience fil d'EminemiJJlme. Il canonifa S,
C^jétûn de Thicnne , André ■ Curfm , & Ste Elifa.''
ietb reine de Portugal. Urbain VIII mourut en
1644, après avoir occupe le faint-fiége environ
21 ans. Il paffoit pour un orateur éloquent Ôc
pour un bon poète-, il polTidoii fi bien le Grec»
qu'on le furnomma l'Abei.'/e atti^juc.
De Marc- Antoine de Dominis
& de Fra-Paolo.
C'cft fous le pontificat à'Urbain VIII qii*
mourut le fameux Marc - Amuim de D^mmii , lî
5^0 E L E M i N $
connu par Ici coups qj'il porta à la puîfl!anc6
eccicfianique. C'ctoit un homme de beaucoup de
fç3V.>ir fie d'efprit , mais ambiiieux , vaia Se in>
confiant. Apres avoir paiTc vingt ans chez le*
Jcfuites où il s*ctoit distingué , il fut tente d<
devenir Evéquc , & foccomba d'autant plus faci-
lement à la tentation, qu'ctant d'une famille al-
liée à celle di Gn^ji't , il avoir des prop
p :ilLns. 11 fuc tait Evèque de Scgni , pi
chevè(,ue d- SpiLtro en Dalmatie parla faveur
de renpe eur Roiolpht. Mi:» le chagrin d'avoir
c:é ii.vcrf. dar» qucl<,ues prctentioos, le tef*
fentiment «.ontre l'inquifition qui a voit cenfur^
Tes écrits, l'erpcrance de la libcric & du repos»
le Arcnt -pslTer en Angleterre en 1616.
L'année d'après il publia à Londres le prc*
mier volume de Ton grand ouvrage De Rtfuhlit*
Ecdifi-flU* , qui tut fuivi d'un iccnnd en i62o«
Le principal but de ce livre ell d'ancantir la pri-
mautc du l'ape & la nrccllitc d'un chef vifiblc
de l'Eglifc. Il prétend prouver que S. P'urrtn'tn
éioit pas le feul CTcf , Pf que S. Péul\ • il
ca autorité. Il y a pi idctirs autres , n
qui tiennent du Calvinifme, & que la Sorbonot
^nfura , avec l'ouvnge qm les renferme , dès
l'an 1017. «• On avott acc.ifc ( dit lAbbc dt
n Ci««/ ) Edmond Aitkér , auteur du livre D* u
V pu'i^jnt* itdifiéjîljitt é" fitluijut , d'avn>
!• iTicm:s opinions t{\it Ms't-Ann,in$ dt 1\
• mail il t'ca dcfeodit bien, & les coodamaa luu*
»E l'Histoire Ecclésiastique. 381
• tctnent, « Cependant il refufa d'aller opiner en
*jrte occilîoa en Sorbonne , de p:ur(dit le l*.
à'Avrignl ) qu'on n'eo voulut aufli à fon petij
Traité De la pu'jfanct eccHfijJÎ'.^^uc.
Malgré l'accu eil que les Anglols & le roi Jjc
fues I avoient fait à Dcm'nis , il ne Iai:Toit pas
de fentir des remords. Sa confciei;ce dcmsntoit
fouvent ce que fa p'ume écrivoi:. Le repentir
de (i défercion le preflbit tant , qu'un jour il
monti en chaire à Londres , & , en prcience d'un
cnbrsux auditoire , il rctrad^a tout ce qu'il
avoit dit ou écrit contre l'Eglife. Jacques ^'ix-.
rite de ce coup d'éclat , le priva de tous les bé-
néfices confidérables qu'il lui avoit donnes , Se
lui ordonna de fortir de fes états dans trois
jours.
Z>i,nj//i/j fe rendit à Rome, après avoir été af-
furc par l'AmbafTadeur d'Efpagne , de la part de
Grégoire XVy fon ami & fon condifclple , qu'il
pouvoit y revenir en toute fureté. Son humeur
inquiète & changeant» le fît -bientôt repentir de
fa converfion ; & l'on en eut des preuves cer-
taines dans des lettres qu'il ccrivoit à Londres.
Urbain Vlll le fit - enfermer dans le château
St-Ange , où il mourut en 1625 , après avoir ré-
tradlé de nouveau fes erreurs & re(,-u les Sacrc-
mens de l'Eglife. On ne laiffa pas de le traiter
comme relaps dès qu'il eut expiré. Son corps fuc
brûlé publiquement avec fes écrits daos le cUamp
lie Flore.
3^1 E L E M E N s
Pendant (on féjour à Londres , il avoir publié
VHiJioirc du CnctU de Trente par ie fameux Ser-
vire Fra-Ptolo Sirpi. Ce religieux penfoit »>peu-
près comme Domtnit. Il avoir érc excommunié ,
lors du ditTerend de Pcul V avec la Rcpublique.
Mûii, comme il ctoir Cous la prote^on pirticu-
liere du Sénat, il brava les foudres du V'^ctcao,
& ralTura fcs compatriotes contre les cenfuret
de Rome. Ce: injat\e m.pris de» armci rpiririiet'*
les étoit moins le froit de fon courage d'efprit ,
que de fa façon-dc-p<nfer fur le pouvuirdu Chef
de l'Eglife. Il p^roit qu'il avoic beaucoup lu les
écrits dc& ProieHans , qu'il en avoic malheureu-
fcment pris refprir,& qu'a beaucoup d'égards il
r'avoit pas plus de refpcil qu'eux pour les dé*
ciûons du faint-ficge.
RcviUe des Cdvinijïes en France,
Les troubles que les CatviniAes avoicnt excités
pendant plus de trente années en Fr.ince , fem-
bloient avoir été terminés en ifçS pir la pu-
blication de redit de Nantes que Henri IV donna
en leur faveur. Cette fede ayant obtenu plus
de privilcj;e« .qu'elle ne devoir ,c« femhle, en at-
tendre , ayant des places de fùrerc fit le libre
exercice de f« Religion , n'ctoit pas cependant i%.
tisfaiie; mais la bontc 8c l'adrelle é' Henri IV U
contint pendant fa vie.
M Après la mort de ce f(rsnd Roi, ( ditunhiAo
rien qui o'eA pas fufpeâ aux C«lviQiAei , Ce que
DE l'Histoire Ecclésiastique. 383
pour cette raifon^nous citerons ici de pretcrence : )
•1 Après la mort a jamais déplorable d'Hcari IV
n dans la foibieffe d'une minoriti 6c foas une
M cour divifce , il étoit bien dif&cile que Yti-
tt prit républicain des Réformés n'abul'àt de Tes
n privilèges, & que la Cour , toute foible qu'elle
t« étoit , ne voulut les reftreindre. Les Huguenots
n avoient déjà établi en Fran:e des cercles, à
M rimitation de l'Allemagne. Les dcputés de ces
M cercles étoient fouvent fédirieux : il y avoit
M dans le parti des feigneurs pleins d'ambition.
•* Le duc de Bouillon , & Air-tout le duc de Rj^
*i han , le chef le plus accrédite des Kugueno:s,
M prccipitérent bien - tôt dans la révolte l'efprit
f^ remuant des prédicans & le zèle aveugle des
M peuples.
M L'alTembIce générale du parti ofa , des i6iy,
»» préfcnter à la cour un cahier , par lequel ,en-
*» tr'autres articles injurieux, elle demandoit qu'on
M réformât le confeil du Roi. Ils prirent les ar-
•t mes en quelques endroits dès 1616 -, & l'au*
• dace des Huguenots fc joignant aux divilîons
n de la cour , à la haine contre les favoris , à
M l'inquiétude de la nation , tout fut long-tems
»» dans le trouble. C'étoient des fcditlons , des in-
H trigues , des menaces, des prifes d'armes, des
•1 paix faites à la hâte & rompues de même. C'eft
»» ce qui faifoit - dire au célèbre cardinal Bcnti-
v> voglio , alors nonce eo France, qu';7«'^ avait
9 ru que du orales.
3?4 E L E M E V s
M Dans l'année 1611 , les Ei;ltfes Calvioiftes de
»» France offrirent à /.cy;/.:'i;(c></,cet homme de tor»
H tune , devenu depuis connétable , le generaht de
M leurs arroccs & cent mille ecus par mois. Mais
M Lt/J:guiértj,p\uiec\i\TC dans fonambiKOn qu'eux
H dans leurs taâions , & qui les connoiltoit pour
m les avoir commandes , aima mieux alors les
M combattre que a'ctre a leur tcte ; & pour rcponfe
»• à leurs offres il fe fit Catholique. Les Hugue-
n nots s'adrellerent enfuite au marcchal de ^^ii//-
n /on, qui dit qu'il cioit trop vieux i £c cjtiîn ils
•• donnèrent cette malheureufe place au duc de
»» Ruhjn, qui, conjoinici;icnt avec ion frère Suubij't^
*% o(i faire la guerre au Roi de France, n
Louis XII J , accompagne du connétable de Luy-
ntî , courut en 1621 de provinte en p:ovinc«
pour foumettre les rel elles. Il prit plus de cin-
quante villes, bourgs ou villa{(cs , qui fc rendi»
rent fans téfiAance -, mais M' ntiuban lui ferma
fes portes. & il fut oblige d'enlever le ficge.
La Rochelle ne lui donna pas moins de peine
que Monc;iul>an ; c'ccoit le boulevard du Calvi-
nilme. Le cardinal de Hichtiitu , qui avoit fucccdé
aux places & à la faveur du connétable itLuy
nti , l'afficgea pendant un an , & l'on ne dut la
reddition de cette place importante ,qu'a une di-
gue de cinq cents pieds de long que ce miniAr*
At - conAruire , à l'exemple de celle mt'^/txMtidrt
■voit fait-cle\er devant Tyr. La Rochelle ft rendit
à lafio d'Oûobre i6ib , d( le Roi y entra ; i
•
DE l'Histoire Ecclestastique. 3^5
brèche le premier Novemore de h même année.
L'adivitc du cardinal île Richelieu , ayant en-
levé la Rochelle aux Cdiv-iniftes , les autres vil-
les fe (oumireiit , & ce lut alors que Louij XIII
donna le fameux Edit connu Tous le nom i'Edic
di grâce -, le Roi y parla en fouvcrain qui pardonne.
On ôta l'exerc ce de la nouvelle Religion , à la Ro-
chelle , à rifle-dc-Ré, à Oitron, à Privas à Pamlers.
Dans le mcme-tems le Cardinal-miniftre tenta les
voies de l'inftrudion & de la difpute pour ramener
les Hérétiques j mais il fentit bientôt que cette vois
étoit prefque toujours aufli longue qu'infruftucu^
fe , lorfque les efprits font oLAinés.
D'tfputes fur la Grâce ; Molinifme,
T)e nouvelles difputes vinrent aigrir les erprita
en France : uni Jcfuite Efpagnol , nommé Louit
MuUna^ profelTeur de théologie dans l'Univerfité
d'Evora , avoit donné, en 15SS, un livre latin,'
intitulé : Dt la Concorde , de la Grâce , & du Llibre-
arbitre. Cet ouvrage offroit un fyflcme nouvean j
qui parut, à plufieurs Théologiens, plus ingénieux
que folide-, il fut défendu vivement par d'autres
Doâeurs , & fur-tout par ceux qui étoient de la
fociété dont Molina étoit membre.
L-î fonds du fyftême de Molina eft , que toute
grâce donne à l'homme un fccours fiifiifant pour
qu'il puiffe opérer le bien ; qu'elle met la vo^
lonté dans une efpece d'équilibre , cnforce qu'elle
peut pencher du côté qu'elle veut.
jS6 E L E M E K s
Il appelle grau fuf^j'antt , cdle à laqixlle Thomî
me rcùAe , quoiqu'elle lui fcnirniHe tout ce qui eft
oécefTaire pour Caire le bien ; & ^rûit tfxcûct ,
celle a laquelle l'homme ne rcûAe pas , quoiqu'il
ioit en fon pouvoir d'y rcûficr. Ainfi , fe'.on ce
théologien , la grâce eu %crfatlU , & Con eSca*
cité dcpeol de la coopération de l'hoimne.
A peine le livre oà ce fyftètr.e étoit c.xpofc,
eut vu le jour , que les Dominicains le dctcrerent
à rinqui/ition de Portugil. Cette afiaire, traitée avec
beaucoup de chaleur en Efpagje par les Thcolo-
gtens des différcns Ordres , fut portée au tribu-
oal du pape Climtnt f///, qui établit , pour l'exa-
miner , la congrégation appellce de A^xliitt : elle
étoit compofce de pluûeurs Cardiiuux. Apres de
longs dcbats , on réduifit la dil'pute à cette quef-
cion :II s'agifToit de fçavoir ù l'efficacité de la
grâce dépend d'une prcmotion phj-ûque qui dé-
termine \i volonté , comme le prctendoient les Do»
Oinicains -, ou fi l'efficacité de la grâce , comme le
▼ouloient les Jctuites « dcpendoit des circonftaa>
ces dans lesquelles Dieu accorde ce faint fecours.
On avoit dcja tenu trente-fept aiTembléct, lorf-
que le Pape , qui etoit fur le point de prononcer ,
fut enlevé i 11^.1. fc en i6o{.
Ces difputcs ,2g.tce» encore fous Lion A7 , nf
furent terminées que par P^ai K, qui monta apréfl
lui l'ur la duire de S.Purrt. Ce Pontife ne crut
pis devoir dontser un iugement dcfîiutifiil im-
poCt lilcocc aux deux partit -, U àt dcfca|p ea
i)E l'Histoire Ecclésiastique. 3^7»
nèmc-tems de condamner , ni la dodrine de ïi
fcience moyenne que foutcnoient les Jefuitc$,nî
la doârine de la prédccerminacioa que les Domi-
sicains avoient embrafTée.
I?tf /'Auguftinus de Janfenius.
Malgré les défenfes & les menaces de Paul V ,
CCS difputes fubfiftérent en Flandre, en Ffpagne,
& même en Italie. Un Evêque Flamand les ren.
dit plus vives que jamais , vers l'an 1639 : c'eft
Cornélius /an/i/i/uj , d'abord profcffeur de théolo-
gie dans rUniverfué de Louvain , enfuite Evê-
que d'Ypres. Ce Prélat très-oppofé à la doftrine
de Molina , Sl plein de celle de S. Juguftin , dont
il avoit lûng-cems médité les ouvrages , conçut le
dîffein d'expofer les principes de cet illufuc Père
fur les forces du libre-arbitre 3c fur la nccefilté
de la grâce-, c'eft ce qu'il exécuta dans un gro$
livre , intitulé Augujli/ius , écrit d'un ftyle ferré 8c
nerveux.
Cet ouvrage vit le jour en 1640, un an aprè»
la mort de fon Auteur , qui l'avoit fournis en mou-
rant aux décidons de l'Eglife. Dès qu'il fut ré-
pandu dans le public , il fut vivement attaqué par
les }éfuices , & fortement défendu par plufieurs
Théologiens François & Flamands -, cette chaleur
annonçoit des difputes longues & acharnées. La
congrégation de l'Inquifition crut les terininer,
en défendant par un décret la ledurc de VAu^uf-
Inuf de Janfenius , des thcfes des Jcfuitcs , £c
4u autres cents publics pour ^conttc.
Condjmruùon du Livre de Janfcniu5
p^n le Pape»
Cependant les efprits s'aigrlfToient dans les deux
|»ariis , & l'anace fuivancc 1641, le pape Urbain
Vlll condamna le livre de l'Evcque d'Ypres»
coAme renjavellant les erreurs de Batut ,que les
Poncircs Romains avaient déjà aDathcmatirtes. Un
nouveau dccret confirma le premier en 1644;
nais, l'un 6c l'autre trouvèrent des contr.Tdic^e»:rs
en Flandre & en France , où plutîcurs Tbéolo»
glens diftingucs cioient auachés à Jjnfcr.ius . 8c à
Ces principes. De ce nombre furent tous les To-
litaires de Port-Royal & leurs amis: le doâeur
Anuinc Arnauld , J/éac le hSéitie , Pierre Nicole
Blaife Pafchjl , écrivirent pour dctcndre la mé-
moire de l'Ëvcque d'Ypres , & pour rendre fes
adverfaires odieux Se ridicules.
Leur éloquence n'cmpccha point qu'on ne pour*
fuivit à Rome la condamnation folemnelle de YAu-
gufiinut. Le dofleur Cornet , fyndic de la faculté
de théologie de Paris , renferma toute la nou-
velle do^rine en iîx articles , qu'on réduiQt ca*
fuite à cinq.
I. M Quelques commandemens de Dieu font im*
t. ponîblei aux juAcs , qui veulent & font eur,
I. ciîorit félon le* forces prcfentet qu'ils ont-, fie
M U grâce , par laquelle ils peuvent leur* dcTcal
i. p< (Ti ' «, leur manqu*.
M >*\^ l'état de la nature dccliue , on ai
a U grâce,
DE l'Histoire Ecclesustîqt*^:. î8ç
m. >» Pour mériter & démériter dans l't tat dô
I» la nature déchue , il n'eft pas néceffaire qu'il
» y ait dans l'homme une liberté qui loit exenv-
» pte de nécefiîté -, il fuffit qu'il y ait une libsrté
>• qui Toit exempte de contrainiet
IV, n Les Sémi-Ptlaglens admettoient la nécef»
» lité de la grâce intérieure & prévenante pouc
» chaque aûion , mcme pour le commencement
M de la Foi -, 5c ils étoient hérétiques en ce qu'ils
voulolent que cette grâce fût telle , que la vo-
:• lor.ie de i hcmrr.e put lui rtfalcr eu lui obéir.
V. w 11 eft Sémi-Pélagien de dire que Jesus-
i> Christ eft more pour cous les hommes Tans ex-]
>i ception. »
Ces cinq proportions furent déférées au faint*
fiége par 8S Evèques , qui demandèrent au Pape
une dccifion claire & précifi.*. Innccenc X afTcmbla
diverfes congrégations , qui ne furent point favo-
rables au livre de Janfenlus j ôc , le treize Mal
1653 , les V proportions qu'on en avoit tirées
ctuient profcrites.
La Huile qui les con jamnoit , les qualifioit cha*
cure en particulier de la manière fuivante :
La première , fur l'imponibilité des commande-
mens , fut déclarée tànira'ne , impie , bJa/fheniar^
tcirc , Jrapfée (fanathéme , hirJci(juef & coniamnie corn^
me ti-U.
La dcruitre qualificai^cn f.it encore donnie 3
la féconde propontioa , qu'on ne rciiAe jamais ^
U grâce.
Rilf
•[5^ Elzmevs
La rroiïîcme , que pour mériter & démériter II
fuffit d'ctre exempt de contrainte , fut qualifie*
comme la prcccdenie.
On déclara la quatrième faufTe &c héréticjue.
Enfin la cinquième . fur les effets de la mort
ée J. C. ,fut déclarée faufTe , téméraire , fcanda-
leufe i 6c en cas qu'on I entendit dans le fensque
I. C n'étoit mort que pour les prcdeAincs , on
la condamna comme impie , blafphcmatoire , hé»
récique , & injurie ufe & dérogeante a la bonté
de Dieu.
En effet , dans ce fvftcme , D i E u fe mon-
treroit un être dur fie injulle ; & il fcroit dilH«
cile de concevoir comment fa clémence qui rtiÊt
l« falut de tous ^ étant aufTi intînie que fa juAice,
il auroit pu mourir pour un fi petit nombre de»
las , tandis qu'il auroit laifTc la foule innom»
brable des autres hommes dans le malheureux
fort auquel le péché d'Adam les avoir entrai'*.
BCf.
La Bulle 6'Inncccnt X ayant été rendue publi*
que , les députés que l'Archevêque de Sens 0c
dix de fes confrères , pariifans comme lui de
Janftnlui , «voient envoyés a Rome, prirent con-
fé du Pape , qui leur déc'ara , qu'il o'avoii point
prétendu donner atteinte aux fentimens de S, An^
gujî.n tu de b, Thum,x$ fur la grâce.
'^
BE l'Histoire Ecclésiastique. 39I
De quelle manière la. Bulle ^Innocent X
fut reçue en France,
La doflrîne renfermée dans les V propofitions ;
étant attribuée à Janfenius au commencement de
la Bulle d'Innocent X , elle devoit trouver de
fortes oppofitions en Flandre , où cet Evcque
avoit un nom refpeilable. Elle y fut pourtant re»
çue. Mais en France , où les efprits font plus
\if$ & plus contenâeu:; , elle eut plus de con-
tradicteurs.
Le Roi l'ayant reçue des mains du nonce , don"
na une Déclaration le 4 Juillet 1653 » PO"' ^^"
horter les Evêques à la faire • publier & rece-
voir. Le cardinal Maiarln entra avec beaucoup
de feu dans cette affaire. On lui avoit peint le»
Janfcniftes, comme des hommes dévoués au car-
dinal de Reti , fon ennemi perfonncl : des - lors
les Janfériiftc» curent en lui unadverfairc formi-
dable.
Il y avoit alors plufieurs Evêques à Paris 8c
à la cour -, le cardinal Mj^j/-/i les aflcmbla chez
lui , le II Juillet, au nombre de trente. Usécri-
virent»au Pape , qu'ils avolent attendu avec im-
patience le jugement du faint-fiége furies V propo-
rtions , & qu'ils le recevoient avec joie. Ils en-
voyèrent en màmc-tems; la Bulle à tous les Prc-
lats du royaume , avec une Lettre ?c un Mande-
ment , modèle de celui qu'ils dévoient publier
|i n'ctoit point parlé de JunJ'cniut dans c«ttc IcW
Riv
99* £ L E M E N S
tre , dreffie par G^Jcju , évèque de Vence. Oa
y rccomiiundoit à ceux qui publicroient ou fe-
roieoc-publier la Coaîlituttoa , ds ne point $'c-
carter de la condamnation prccife des V propo-
rtions , fie de n'ufer d'aucune invcciive contre
qui-quc-ce-fut.
( Il étoit d'autant plus ncccfifalre de recommatv-
der une conduite lî fj^c , qu'on s'en ccartoit tous
les jours. Mais je ne fçais s'il faut croire tout
ce que le pocte Racine raconte des excès aux-
quels fe portèrent les Jifuites , pour rendre leutt
aJverfaires odieux. •> Ils (irent-graver .(dit cet
Auteur dans fon Hijluirc de Port-Royal , ) »» UM
H planche d'Almanach , où l'on voyoit Janfttùm»
1» en habits d'Evôque , avec des ailes de dcmon au
M dos; & le Pape qui le foudroyoit , lui 8c tous
»» fcs fcdatcurs.
If Ils firent jouer dans leur collège de Paris unt
r> farce, où ce mênic Janfcniut ttoit emporte par
•• les Diables \ & dans une proccHion publique
I» qu'ils fircnt-faire aux Ecoliers dans leur collège
»♦ de Micon, ils le repréfentcreat encore chargé
M de fers, fie traioé en triomphe par un de ce«
•« Ecoliers qui reprérenioit la grâce efficace.
»• Peu s'ea fallut que S. Au^^jUn ne fût traité
t> lui - mdme comme cet Evoque. Du moins !•
*• Pcre Ai.tm & pluficurs autres de Icuri Auteurs,
»i • l'exemple de Mj^tia , I» dc^raduicnt de fa
M qualité de DoHtiu et U frttt , l'accufant dé*
f tre tombé ca pluHeuri czcci iiai fcs cciit^
BE l'Histoire Eccle^t antique. 59^
W contre les Pilu^icns ,& ibutenant qu'il eût mieua
r* valu qu'il n'eût jamais écrit fur ces matières.,*
i> Un bachelier , dans une thèfe foutenue à Caen .
>» ayant oppofé à leur repondant l'autorité de co
» Père fur la dotlrine de la grâce, le répondant
;» eut rinfolence ds dire , tranfeat Au^ufilnus : com'<
5> nie fi, depuis la Conftitution , l'autorité de S«'
r> Au^iijltn devoit être comptée pour rien.
» Ils fdtfoienc, par une horrible impiété, des
H vœux publics à la Vierge , pour lui demander
» que fi les Janjl'nijîcs continuoient à nier la graco
M etticace accordée à tous les hommes , elle ob-
n tint par fes prières qu'ils fulTent exclus eux
« feuls de la rédemption que /. C. avoit mérité»
n à tous les hommes. >♦
Quelque violentes que foient les haines qu'inf-
pire refprit polémique , de pareils excès ne font
gucres vraifemblables. Quoi qu'il en foit , la
Conftitution à'Innoar.t X fut reçue & publiée par
tous les Evoques de France; mais plufieurs de ces
Prélats ne jugèrent pas à-propos de fe fervir du
Mandement dont on leur avoit envoyé le modèle.
Ceux qu'on appclîoit Jjnfétiiftcs , dédaroient qu'ils
ccndamnoient les Cinq propolitions avec le Pape
qui les avoit juftement cenfurées -, qu'ils y re-
ccnnoiffoient un mauvais fens , mais que ce n'c-
toit pas celui de Janfcnius,
Le Janfénifme n'étoit donc , fulvant eux , qu'oo
faniôme, dont les Jéfuiics avoient voulu effrayer
rE^'iiie. Ccpendan: oi> tà;hoit de leur prouvejr
Rv
j^4 E L E M E N S
que le Pape , en condamnant les V propodtionf J
avoit prccenda condamner la doctrine de l'Evcque
Flamand, Se par conféquent le JanrcniiJmt. 11 ctoie
difficile de fe refufer aux preuves qu'on leur ap-
portoic , fil la ledure de la Bulle Alnnoctni X
éio'it £eule une démonûration. Alors ils préten-
dirent que l'attribution qu'on vouloir faire de la
doârine condamncc , a Y Au^ufimut de Janj'enius ,
étant un point de ùit non révélé , le Pape & TE-
glife elle - mcme ne pouvoient rien flatuer à ce
fujet , ni les obliger à aucune créance intérieure ,
l'infaillibilité ne leur ayant jamais été promife à
cet égard. De-la, la fa.-neufe didindion entre le
d'on 6c le f*ii. Ils reconnoilToient , difoient ils ,
avec le Pape Se les £vcques,que les V propoft«
tiens avoicnt été juAement condamnées ; c'étoic
le point de droit : mais ils nioient que cette doc»
trine fût celle de Jan/tnius ; c'ctoit le point de
fait : fie cette diillndion fubtile ne cuniribuj pas
peu a perpétuer les difputes.
Dïfpute particulière du doreur Arnauld.
Des incidens particuliers fe mcloient à ce grand
procès. Parmi les dcfcnfeurs de SaitftiÙM , nous
avons dit qu'on dil\inguoii le Ao&kmx Antoint Ar-
mëulJ , regarde comme leur oracle. On le confuN
tuit fur tous les points de cette controverfe , 9l
fur tout ce qui pouvoii y avoir rapport.
Le duc de Luntoun s'ciant prc fente pour la
•O&fcdun à S, bulf'ui fa paroilTc ,un prircrc nom*
6e l'Histoiîie Ecclésiastique. 39c
mê Picoté lai refjfi l'abfolutioji , parce qu'il œ
croyoit point que les V propoliùons fuHeat dans
Janftnius , qu'il étolt Ui avec les Solitaires de Porc-
Royal , & qu'il avoit chez lui un de leurs ami».
On demanda au dofleur Arnauid ce qu'il peaioit
de la conduite du confefTeur ? 11 blâma ce refus
«
dans une Lettre d! un DoHiur dî Surbenne à une per-
fvhni de condition , comme contraire à toutes les
règles. Dès que cet écrit eut été rendu public ,
on fut inondé de/crrr£j,de réponfes , d'ijfi^ , dere»
marques^ de conférence} , de difccuri , où l'on pré-
tendoit que la conduite de Picoté étoit irréprchea»
fible , & que la déclaration de M. Amauld au fu<
jet des V propoûtions étoit inCuffifante.
Ce Doûeur fe défendit par un cent de deux
cents cinquante pages in-^" , publié fous le titre
de Seconde Lettre de M. Arnauid à un Duc & Pair
( le duc de Luynes ) , pour ferrir de rcponfe à plu;
ficun Ec-its qui ont été publiés contre ia première Let-
tre. Deux propofitions de ce long ouvrage furent
dcnoncées à la facuUé de théologie de Paris , qui
oe tarda pis de les condamner.
La première étolt , « que Janfenius n'avoit ja»
»( mais cnfeigné les V propof.tions -, « elle fut cenfu-
rce le 14 Janvier 1656, comme téméraire , fcan-
dalcufc , Ci:.
La féconde étoit , que la grac* , f^ns /j^ne.'U
en nt peut riem , avoit manqué à un Jufie en la per-
Jonnê de S.Pierre, en um occafion oùl\n ne peut
pjiac d.rc ju'il n'ait p^int péché. Cette propofitioQ
Rv;
5^6 E L E M E K 5
fut conJitnnée le 19 du mcmc mois, Comme Con^
tenant l'erreur de !a preroicrc dci V propofiticns
& comme tcméraire , impie , blafphématoire , hc»
rétique , & t'rappce d'aaathcffle.
Araauld n'ayant pas voulu Ce foumettre à U
cearure, la Sorbonne le retrancha de fon corps»
On fit-fi^ner cette ccnfure à tous les Dccîcuri ,
ti. on raya du catalogue ceux qui rerufcreat'de
le faire. L'AflTemblce tenue à ce fujet fut , ixt-
on , tumultueufe. y//n4:^/i protcfla par-devant no>
taire contre rinjuflicc qu'il croyoii qu'on lui avoic
fiite. Il prétendit que l'affaire qu'on lui avoic Tuf-
«itce , intcrclToit bien moins lE^lifc , que k triom-
phe du Calvinifme qui ctendolt fet ravages dans
toute l'Europe. » Au lieu de nous réunir contre
M l'enaemi commun , ( dit-il dans une de fcs Apolo«
gies ) , •« nous nous battons pour un a3us primujtt
M un aclui fccunius -, c'cft comme un homme qui
w s'occupcroittrès-rcrieufement de Tes ongles , taa>
y dis qu'il a les parties nobles attaquées. >»
lettres provincialts ; ContLzmnMÎon de la
moraU reUchée.
Pour intcrcflfer le public à fa caufe , AmauH
s'unit avec le plus cclcbre écrivain que la Tranctt
eût alors. L'cloqueot Pj/caI entra dans fon rc(«
frntimcni , 8c publia , le 2) Janvier 1656,1a pre->
micrc de fes dix • huit Ltu/tî p'ovinciûUt ^ ainû
•ommces , parce qut Its dix. premicrcs furent
iitrllees i ua Uonuac de pruvmtc* AriumU y
DE l'Histoire EccLEsustiQUE. 39J
eut beaucoup de part. Le but de l'auteur ctoit
de faire - triompher fon fyftème , en ridlculifant
ceux des Molini(les Se des ThomiAes. La grâce
fuffijanie admife par les uns , & ta fcienct moyenne
reçue par les autres , font également frondces
dans les Provinciales , chef-d'œuvre de plaifante-
rie , l'ouvrage le plus terrible qu'on ai: publié con-
tre les Jéfuites, puifque long tems après il a ctc
l'arfenal où les ennemis de la fociété ont trouvé
leurs armes.
Arnauld & Pafcal , pour donner le change ;
pafférent , des difputes fur la grâce , aux fyftc-
ries que certains Cafuiftes s'étoicnt faits fur la mo-
rale. C'eil l'objet de pluâeurs Lettres provinciaUSm
Depuis près d'un fiécle , des Théologiens, inter-
prètes trop indulgens de l'Evangile , cherchoienc
à adoucir les devoirs qu'il prefcrlt. Leurs opi-
nions étoient dangereufes , & les noms de la plu*
part prètoient au ridicule. C'étolent Vaf-juei , /"/-
iiutîuty Efcubar f Siinche\ , Sj , 5furj , Tambourin ^
Féjgundti , Layman , Mcya , Hcnriqut\ , Hemo , Ar-
risgJ, Piate//*, Arfickïn , Hj{art , Taverne , Teril'
/i , Fourmejlrau» , Matin , Konink , Raye , Hurtade ,
Dicajlitle , &c.
Ces cafuiûes étoient Jéfuites -, Pafcal attribua
adroitement à toute la focléré les idées de quel-
ques-uns de fes membres. Ses plaifaxiteries Srcnt-
rire le public , & fes raifons excitèrent le zèle
des Curés. Ceux de Rouen & de Paris ayant fait
|lo cjuiait des ptopoâtioas Us plus coadimnahl»^
^9^^ E L E M E N s
que Pd/ca/ a voit relevées , le prcfemcrent à l'af»
femblée du Clergé le 24 Novembre i6{ 6. Le bue
de cet extraie cioit de prouver que la nouvelle
niordle entretenoit parmi les hommes les princi«
pes des dclordrcs & des crimes , en abcliiTuit les
remcdcs , obrcurciiToit les devoirs particuliers à
chaque profelTion , excufoit ai fdvorifoit la viola-
cion de ces devons.
L'AiTemblce connut toute l'étendue du mal -, mai*
comme elle alloit fe difToudre , on ordonna qu'on
imprimeroit , par ordre du Cierge , les Maxime'
de S. Charles B^rrunét pour fervir de barrière
contre le cours des opinions nouvelles qui tendoient
à la de(\ru£lion de la morale ducticnne. Les dé*
puces du Clergé écrivirent en mcme-tems une
Lettre aux Evcques , afin de les avertir de prc-
ferver leurs dioccfes de ces principes pernicieux.
L'inquifition de Rome vengea la morale cvan-
gclique, en condamnant en 166481 i669,quar3n"
te-cinq proporaions qui la fapoicnt par fcs fon-
demens. Inncren XI en profcrivit 6j autres en
1^17.) ; 8c rafferr.blcc du Clergé de 1700, cent vingt*
fept , extraites pour la plupirt d'auteurs Jcfuites.
11 ne faut pat croire pourtant que tous les Jé-
fuites fuffent de» caTuifle* relichc». La même fo-
cicté qui a produit Ej't. tér^ donna le jour à Btur-
iélout. Il Teroit encore p*iit abfurde de penfer
que les Jcfuites s'étant fait un fyftème réfléchi de
corruption , s'éioient propufc de gouverner plus
ùcilcmcut les hommes, co dctruifaut cous les pria*
DE L^^IST01RJE ECCLESIASTlOUf. 3^
eipes de la morale. Une telle idce feroit un ju-
gement aulîi téméraire qu'infenfo. II j ont eu
fans-doute des coiifefleurs foiblcs , qui , moins
Prêtres que courtifans , ont oublié auprès des
Grands , que le Prince & le Sujet doivent être
pefés à la même balance : mais on ne fçauroit fe
perfuader que ce relâchement , infpirc par l'ambi-
tion à quelques membres d'une Société, ait été le
fruit des opinions communes à tout un corps , quj
les prefcrivoit comme des loix à chaque particulier,
L'afFoibliffement de la théplogie-morale date de
plus loin que les Jéfuites j il remonte aux xil' &
Xill'Hccles. M Les Cafuiftes qui ont écrit dans ces
n derniers fiecles , ( dit Fleuri , ) étoicnt la plu«
w part Rel'gieux, & Religieux-mcndicns , qui fe
w trouvoient prefque feuls en polïefllon des étu-
t> de:: de de l'adminidration de la pénitence. Or ,
M la mendicité eft un grand obrtade à la févérité
« 8c à la fermeté envers ceux dont on tire la
M fubfîAance.
M De plus , ces Cafuiiles ne connoiffoient de
rt l'ancienne difcipline fur h pénitence , que le
» peu qui s'en trouve dans le Décret de Gratieni
>» car ils ne remontoicnt pas plus haut , comme on
y> voit par leurs citations. Ils ne connoiffoient ni
M les anciens Canons pénltentiaux , ni les divers
Y) degrés de pénitence , ni les folides raifons qui
tt les avoient fait-établir. Ainfi , fans en avoir le
M dcffein, ils ont introduit deux moyens de laif-
♦t fçr régner le péché : l'uc en cxcufant la plu-
'40é E L f M E V $
M part des pcchcs , l'jutre en facilitant les alM
»^ Tolutions. Ce A ôter le pc:!ié,du moins dans
n l'opinion des hommes, que leur enfeigner que
n ce qu'ils Cf oyoient pcchc ne l'cft pas : c'f ft ce
» qu'ont prctendu faire les Dcûeurs modctncs ,
n par leurs dininc'lions & leurs fubtilicés fcholaf-
n tiques , fur-tout par la doflrine de la pnta-
n bUiti. (• )
w A l'cgard des pcchcs qu'on ne peuiexcufcr»
n le remède cft rabfoÎJiion facile , fans jamai»
M la refufer.ni même la différer , quelque Jré-
M quentes que foient les rechutes. Ainfi le pé-
»« cheur a fon compte , & fait ce qu'il veut v tan-
» tôt on lut dit qu'il pcche à la vérité , mais que le
»« remède efl facile , & qu'il peut pécher toij»
n les jours en fe confeûTant tous les jours. Or,
n cette facilité femble ntcetTaire dans les pays
n d'Inquifition , où le* pécheur d'habitude qui ne
M veut pas fe corriger , n'ofe toutefois manquer au
M devoir pafchal , de peur d'être dénoncé excom»
M munie, & au bont de l'an déclare fufpeddbc»
»i relie , 5c comme tel pour(uivi en judice : auflî ,
n ed-ce dans ces pays-là qu'ont vécu les CafuW»
M tes les plus relàchcs>« ; 8c tes Jcfuites ayant beni»
( • » ' ' -' ' ■ '■> -- ' '^-■- - • • v "-, q.ie
qtu Ir 1«
COI.:. . . , . ■ ! " -
ll)ubilitf j , tclii im Auteur (jr
^Hioi «fii'il y .'■ v.'iiii qtii aitut i<
l1i/î(!:cirmcnt «ivcii t ..lui;!Li ont iv|n>n('ii qu'i^. ,
& leur frt.timent peut, ta bicA livt vki«i<(>o*i Uvori-
(cr le Vite»
DE l'Histoire Ecclesi'açtique. 40Î
»♦ coup plus écrit que les autres Ordres , ca ont
produit un plus grand nombre.
AJfemblées du Clergé au fujct du Janfcnlfme j
Bulle ^Alexandre VII.
Cependant la diftindlion entre le fait & le droit
commençoit à faire beaucoup de bruit ,& plufieurs
Evècjues la regardant comme un artifice qui laif-
folt une porte ouverte à de nouvelles difputes;
ne tardèrent pas à s'élever contrllle. L'aflemblce
du Clergé de France donna un dccrct le i" Sep-
tembre 16; 6, par lequel elle déclara que i'Egii-
Je , avec la même autorité infailUble qu'elle juge dé
la Foi , juge des que/lions de fait qui font infiparahle»
de la Foi ou des maurs générales de fEglife, qui
font fondées fur les fahttes Ecritures , dont l'interprétai
$ion dépend de la tradition Catholique qui fe vérifie pat,
le témoignage des Pères dans la fuite des ficelés.
Les Evêques , avant que de fe féparer, crurent
qu'il n'y avoir pas de moyen plus efficace de
connoître les partifans de Janfer.ius ^que de dref-
fer un Formulaire qu'on feroit-figner à tous les
Eccléfiaftiques. Le fçavant rfe Marca en forma le
premier projet -, Se comme on n'avoit pas encore
renterm'i un fait , tel que celui de l'attribution
des propofuions d'un livre à fon Auteur , dans une
confçffion de Foi , il dit que ce fait faifoit une
partie du dog re. Le Formulaire qu'il propofa 8e
qu'il fit-adopter ,étoit conçu en ces termei :" Je
M ne f^ume.s ûnccrement a h ConAicutioa de N9
402 E L E M E N s
»• S. P. le Pape laaoctni A', du 31 Mai 1655 » ^'^*
I) Ion Ton véritable fens , expliqué par l'alicnblée
»• de Meffeigneurs les Prclats de France , du iS
n Mars i6j4{ , &: confirmte depuis par le Bref de
I) fa Sainteté du 29 Septembre delà mcmc année.
M Je reconnoit que je fuis obligé en confcicnce
n d'obcir a cet:e Confliiution ,& je condamne de
»» coL-ur 6c de bouche la dodrioe des \' propolitions
•> de Cornélius Janj'inlus, contenues dans fon livre
>• intitulé , Augfifl.nus , que le Tape & les Evcqucs
» on: conJamn.cs \ laquelle dcdrinc n'clt point
>i celle de S. Augujim , que Jtnftnius a mal expU-
n quée contre le vrai Cens de ce faint dofleur. »
A ce Formulaire l'affemblca joignit une lettre-
circulaire à tous les Evêques pour * les exhorter
à s'en fervir , afin de rendre l'exécution de la
Bulle uniforme dans tous les dioccfes. On arrêta
en même temc qu'o ' ccriroit au Pape , pour It
prier de d^-finir formellement que les Cinq pro-
poûtions ont t.tc condamnées au fens de J an/en iuj,
C'étoit Àlcxjndrt l'II qui occupoit alors la
chaire de S. Pitrre. A peine eut-il reçu la lettre
des Evoques , qu'il fit -expédier une Bjlle datée
du 16 Oûobre 1656. Dans cette nouvelle conf-
titution , il s'élève contre ceux qui doutent que
les V propofitioni foient dans VAufuftinut de Jan-
feniuê , 6c il déclare qu'elles ont ctc coûdamncci
in finfn éb t^dim Jaaftnio initnio.
W
DE l'Histoire Ecclésiastique. 405
Quels effets produ'ifit U ^«//c ^'Alexandre VU*
La Bulle du Pape n'arriva à Paris qu'au com-
mencement de Mars 1657. Il y eut une affera-
blée i'Evêques , formée des Prélats qui fe trou-
voient à Paris & à la cour. Ils reçurent cette
Conftitution le 17, avec beaucoup de foumiûîon ;
& ordonnèrent que tous les Evoques la feroient-
rccevoir dans leurs diocèfes , 6c q le ii quelqu'ua
ofoit contredire cette définition qui donnoit les
V propofuions comme étant de Janfeniui & con-
damnées dans le fens de cet Evoque , on procé-
deroit contre lui , comme on procède contre ceux
qui foutiennent des opinions condamnées. Ils ré-
folurent en mème-tems d'ajouter le Formulaife uf
1656 à la nouvelle Bulle,' afin que le Clergé fé»;
culier & régulier foufcrivic l'un & l'autre dans ua
mois.
La Bulle & le Formulaire furent donc envoyés,"
de la part de l'AfTemblée , à tous les Archevêques
& Evéques de France. La puilTance civile venant
à l'appui de la puiffance Ecciéruftique , le Roi
donna une Déclaration , par laquelle il enjoignoic
à tous les Eccléfiaftiques de fon royaume de fi'
gner le Formulaire & la Bulle , avec dcfenfes à
tous les Parlemens de recevoir aucun appel com-
me d'abus fur ces matières. Le Parlement de Pa-
ris fe montra fi peu difpofé à enrcgillrer cette
Déclaration , que le chancelier Séguier engagea le
Roi à aller en pcrfonnc pour la £iirc-rcccvoir par,
AC>4 E L E M r N s
par cet:e compagnie. £;le (ut eorrgi(lrée eofinle
19 Novembre 1657.
Le concours des deuv PalfTances , qui fembloit
devoir afToupir tomes les difputes , ne fervit qu'^
les prolonger; les efptris $'aigr!ffoient à chaque
effort qu'on failoit pour Icf calmer. Une alTem-
blée extraordinaire du Clergé , convoquée en i66o,
& qui continua jufqu'cn 1661 , confirma tout c«
qui s'étoit (ait dans les aHemblces précédentes.
Larchevcqae de Routa , Harlal , préûda à celle-
ci , 6c en fut l'ame. 11 f.t-ordonner de noiivelics
peines contre ceux qui refuferoient de fe fou.
mettre. On comprit dans le nombre de ceux quj
feroient obliges de figner le Formulaire , non -feu-
lement les Religieufes , mais même les Régens 8c
les maitrclTcs d'écoles. L'AfTemblée écrivit une let-
tre-circulaire a tous les Prélats du royaume , pour
les exhorcer à procéder contre ceux qui nevou-
droient pas figner le Formulaire. Elle ordonna,
qu'en cas qu'il y eut des Evêques qui n'exigeaf-
fent pas cette fignature dans leurs diocèfes , îll
feruient privés de voix délibérative dans les af-
femblces du Clergé , & qu'on procéderolt contre
eux fuivant les conAiiutions canoniques.
LeiPrclats quit.<vori(oient les partifios de /«•*
/(>i;w , choques de voir leurs confrères les pouf-
fer fi vivement , fuppliérent le Roi de trouvet
bon qu'ils n'exccutafTent par fes ordres. Ils ft
plaignirent de ce que les Evêquet n'étant .aflcm-
blcs que pour des tffùrcs puremeot tcmporcllet ^
DE l'Histoire Ecclésiastique. 40c
ils avoient agi avec l'autorité d'ua Concile na-
tional. Mais leurs plaintes n'ctoient point ccou-
tces i Se les vicaires-généraux du cardinal de A'«r
ayant donné un Mandement, dans lequel ils ne
demaudoient que la croyar.ce pour le droit & le fi-
lence pour le fait , ils fureat obliges de le rctrafceri
comme concraire aux Conftiiutions des Papes.
De it part que les Relighufes de Port-Royal
eurent aux d'ifputes fur le Janfémfme ; H'if-
toJre d: ce MonaJIére.
Depuis la naiflance des difputcs fur la grâce ,'
Ui Religieufe» de Port - Royal étoient dans le
trouble. Cette abbaye , fitucc pI^è» de Chevreti-
fe , l'une des plus anciennes de l'Ordre de Ci-
teaux , étoit tombée vers la fin du xvx' lîcclî
dans un grand relâchement. Maric-Angcllque Ar-
nauld , d'une famille diftinguce , y avoir pris l'habic
à huit ans , avoit taie profclHon à neuf , & avoir été
nommée abbelle, n'aya.nt pas encore onze ans 3ccom_
plis. Ce fut elle qui, entrant à peine dans fa 17' année,
entreprit la réforeie de fon abbaye. Elle commença
par renouvcilcr fes voeux ,& parfaire une a' pro-
feHîon , n'ctant pas fatisfaite de la première. En
moins de cinq ans, par la feule force de l'exem-
ple , toutes les au(^cri:és de la règle de S. Benoit
furent volontairement embraflées à-Port-Royal.
Cette réforme eft la première qui ait été intro-
duite dans l'ordre de Gteaux ; plulieurs maifons
406 E L E M E V s
de cet Ordre voulurent l'adopter. La ttiefe An»
gé/tfue eut une autre confolation : roadanie^r/iA:./'^
fa mcre, fille de l'avocat-j;cnéral AI^rioH , étant
rcfttc vfuve depuis quelques années , voulut fe
faire Religieufe fous fa fille. Elle acheta au (aux-
bourg Saint- Jacques une maifonpour fervir d'hof-
pice aux Ketigieufcs de Port-Royal ; bientôt toute
la communauté y fut transfcrée , avec le confen»
tement du Roi & de l'ArchevCque 4le Paris. La
reine Mjrie de Midicit voulut prendre les titres
de fondatrice & de bienfaitrice de ce nouveau mo*
naAére.
Signature du Formuîj'irc fOfope jux Rtfi^'icujes
de Port - RoyaL
Nous avons dit ci-devant que pluileurs Ecri-
vains illuftres avoient choiû la roaifon de Port-
Royal comme une retraite favorable a leurs étu-
des. Parmi ceux qui s'y ctoient retirés , quelques-
uns padoient pour ctrc du nombre des det'enfcurs
de Janfcnlui : le fuup^on retomba fur les Rcli-
gieufci. Un prédicateur les accufa dans fes Ser-
mons & dans un Ouvrtigc fatyrique, d'être des
filles impénitentti , dtf<ffirttt ,fjtrjmtniàiitt , ritr"
gu fi>tUs ^ &t. M. l'Archevêque de Paris ne put
fouffrir ces excès , condamna le Livre & les Ser-
mons de cet Auteur , 8c déclara les Rciigieufea
d* Port-Royal purei & inoocenies des crime» dont
TAuteur In avoit voulu noircir. Ncinmoint oa
cominua de lc> foup^onocr de jAnfuulmc* Oo tic-
'
DE L*HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 407
fortlr de Port-Koyal des Champs des l'olualres qui
étoieni rcftés au»dehors , 5c on ôta aux Rç llgicu-
fes leurs pcnfionnaires & leurs novices.
M. Hardouin de Pcrcjixe , qui avoit fucccdé à
M. de Marca dans l'archevêché de Paris, publia
le 7 de Juillet 1664 un Mandement pour la lîgna-
ture du Formulaire. Il y parloir avec modération
de la perfonne de Jar.fenius , en difant qu'on ne
pfut le condamner , puifquil a fournis fon livre au
faint ficge i \\ y déclaroit quon ne peut prendre fu-
jet des Con/litu:ivns du Pape & du Formulaire , de dlr^
qu'ils demandent une foumijfion de fui divine pour
ce qui concerne le fait , exigeant feulement pour ce
regard une foi humaine & eccUfiafllqtte , qui oblige
à foumettre avec finccriti fon jugement à celui des fw
périeurs légitimes.
L'Archevêque de Paris propora aux Reiigici:-
fes d« Pert-Royal de figncr le Formulaire fui-
vant fon Mandement , en leut^déclarant qu'il ne
dcùroit point d'elles une foi divine fur le fait
mais feulement une foi humaine, qui emportoit
néanmoins uye créance du fait : elles iîrent diffi-
culté de le faire. Il leur fit - propofer |de figner
purement qu'elles fe foumcttoient d'une foumif-
fion fincére aux Condituttons des Papes Inno-
cent X & Alexandre VII. Ce tempérament ne leur
plut pas encore ; & l'Archevêque , irrité de leur
obllination , dit qu'elles étolent pures comme dcj
^nges , mais orgueilleufes comme des Démons,
.Cependant elles envoyèrent à ce Prclat un
îfO? E L E M E N s
a£le qui ne le fztufit point : il leur demanda une
fignacure pure & fitnplc -, 6c fur le refus qu'elles
firent , il fit-enlever leur AlibefTe avec douze Reli-
gieufes , qu'il envoya dans des monanéres fcparés.
Les Religieufes qui continuèrent de lui rciîfter,
furent déclarées </f/oi<'.j,V'j«* 6- indigna de paf
tieiptr mu» Satremens. On conduifit celles qui n'a«
voient point fignc , mjme celles qui avoient été
envovéfs dans d autres rraifons , à Port-Royal
des Champs , où on I^ur donna des gardes pour
empêcher qu'elles n'cun"cnt communication avec
perfonnc. On lailTa celles qui avoient Ciné , dans
le monaftére de Port-Royal à Paris.
Les chofes demeurèrent en cet érat à l'égard
de la maifon du Port-Royal, jufqu'a l'accommode»
mcnrquifut fait en 1669. Elles fe fournirent alors
aux dccitlons da faint-fiége , à l'exemple des
Evcqucsde Pamiers, d'Aleth, d'Angers fie de Beau-
vais , & jouirent de la paix qu'elles avoient tant
defirce.
Char.f^emens arrhes à Port-Royal.
Cette mjme année 1660 , le Roi fcpira par
un arrêt du Ccr.fcil, donné au mois de Mai , les
deux maifons de Port-Roy«l en deux abbayes in-
dépendantes l'une de l'autre , l'une à Paris , pour
être de nomination royale ; l'autre aux Champs,
pour être clrttive 8c triennale.
Port-Roysl des Champ» fut dans un état flo-
fiiTant & tranquille pendant covirço dix années.
Les
DE l'Histoire EccirsTAs-nQuE. '^c^
Les parens s'emprcuoicnt d'y n citic Ituis (.rfaos
pour les faire-elever avec ipitic. Des pcrforaei
de tout état fe retirèrent au-dchors de ce mo-
na{^ére , pour y jouir des exemples d'une com-,
nauaauté ii régulière. Des Evêques y rendoient
de fréquentes vilîtes , y officioient , y doonoieoc
le facrernent de la Conf.rniatioo.
Cependant , malgré les illuftres protefteurs qu'a«
volt ce monaftére , malgré les vertus qu'on y
pratiquoit , la Cour avoit toujours des ombrages
fur la façon-dc-penferdes Religicufes. Cette fo«
litude étoit regardée par l'Arcbevcque de Pari»
C Harlay ) comme le fanfluaire du Janfenifme \
ce prélat, muni d'un ordre du Roi , fit-fortif es
1678 toutes les perfonnes qui s'étoicnt retirées
dans ce monaflire , & toutes les pcnfionnaires
qu'on y élevoit. Il y eut une défenfe très-ex-
prefTe de recevoir des novices : c'eft alors que
les Rcli^ieufes mirent entre les mains d'une fœur
qui venoit de mourir une Requête adreiTée à ). C.
contre leurs perfécuteurs , Requête qu'elles enfé*
velirent avec elle dans la fcffe.
La confommaticn des malheurs de Port-Royal
appartient au xvm' fiécle.
formulMre J* Alexandre VII ; opfofuicn dé
quelques Evêques,
Cependant le plus grand nombre des Evcque«
de France , fournis aux décidons de Rcme , a\0M
Tom. //. S
^19 E L I M f N ^
(îgnc le Formulaire C: l'avolt fait-ij^'n.: . ii.ji> ..ai
exemple n'jvoit point ctc f-àvi par quelques tvô-
ques , qui refufoiem d'aJopter celui que leurs con-
frères aroient drefTé. Oa trut donc Hevoir fol»
liciter le Pape de l'autorifcr d« foo approbacioa ;
mais Alexandre VII ne vouUnt pas donner force
de loi à une formule qui n'ctoit point foo ou-
vrage, en donna une nou%-elle , iofcrée dans une
Bulle du 15 Fcvricr i60j.
Ce nouveau Formulaire ctolt conçu en ces ter-
mes:». Je me foumcts à la CoaAitutioa apsflo'.i-
n que d7««cctof -Y du j Mai i6j3 , & à cille
•» à'ÀUxandrt VU du 16 Ov-lobre l6$6 ; & je
H rejette & condamne ûnccrcmenc les Cinq pro«
»• polirions extraites du livre de Cur.icU.s Jj-.':-
n nius, intitule Au^ufilnLt , & dans le fcns du ir^m:
M auteur, comme le S. Siège Apoftolique lésa con-
>t damnies parles fjfiitcs Conilitatioos. C'eft ce
Il que j'iiTuie : ^loû Dieu tn'aiJe 5: irj faints Evan-
»» giics. ♦»
Une Déclaration du Roi , u ';- .v.- ic ij A .:l
fuivant , ordonni à tous les Arclicvcques fie I. va-
ques du royaume de figner & de C^ire-C^ner ce
Formulaire par tout les EccléllaAiques fccuiieri
6c réguliers , par les Religicufcs & les maîtres d'é-
cole, fans aucuoe diAinâion . explication ou ref-
triûion.
Les Evèques étant auiorifcs par le Pape &
|>ar le Roi, ct'i^.rent la dénature avec un nau-
jrcau z.:lc . miit Pit.J^n cv.h.c dAii:Ji, C^Jtt
©r l'Histoire Ecclésiastique. 41 tf
cvcque de Pamiers , Amauld évcque d'Angers ,
Cbouard tvcque de Beauvais , fe dulin^uérent ou-
vcrteiT^ent des autres. Ils publiérenc des Mande-
ciens.dans lelquels ils reconnoiiTjicnt qu'on de-
voir fe fouraettre aux décLîons de l'Eg'.ife ea ma-
tière de toi ; mais qu'on n'écoic pas obligé d'ad-
hérer à ce qu'elle dciermicoit lur certains faits
paniculiers , qui , n'étant pas révèles , ne pou»
voient jamjis faire la miticre de fes dccilicns. Ils
exi.euicnt Icuit me.it pour ces faits une fourni'",
fioa de refpedi & de iilence.
i.c(a;i Ai /''.irrité de la réfiftance de ces quatre
Prélats ,( ré J lance qui pouvoit perpétuer long-
tems des difpute; qu'il vculoit éteindre) rcfolut
de leur faire- i'aire leur procès. Mais a peine AUxanm
Jre Vil avoit-il nom r.c , à fa prijre , neuf Evé-
ques pour les juger, qu'il mourut. CL'mcnt IX, (oa
fncceffeur , confirma dès les premiers jours do
fcn pontiâcat par un nouveau Bref ce qu'avoir
fait fon prédcceffeur.
Il y avcit peut-être quelqu'inconvénient u recou-
rir à Rome pour faire le procès à quclq.' Evûques
François. C'étoit renverfer l'ordre des jugsmens
eccléfiafliques , à ce que difoisnt les Prélats par-
tifans de Janfcnlus , lefquels fe voyant vivement
pourfuivis-, tâchèrent ('e mettre dans leurs inté-
rêts quelques-uns de leurs confrcres. ils cxpofér
rcnt leur caufe à dix-neuf d'entr'eux , qui , quoi-
qu'ils euffent ligné le Formulaire purcmciu Se Cim-
flemeat, fe déclaréreat ouvenement en leur ii.
Si)
i^it E L r M E N s
veiir,;L'Archcvcque «le Sens , les tvcqucs deChi*
Ions fur-A'jrne, de L«..:oj;nc, tle ?.lc4ux , J'An-
goulèrae, delà Rochelle, de Cominges , de Cou'
icrans , de St-Pons , de LoJcve , de Veiice , de
Mirepcix , dApen , de Xaintcs , de Rennes , de
SoilTons , d'Amiens, de Tulle Se de Troyes , écri •
virent au Pape en conunun. Ut lui difuient quo
fi c'étoit une erreur de refufcr de fa fou-netcre
auxdécifions du falot- G.-^e , par rapport aux points
de fait qui n'ctoient pas rcvclcs , l'erreur des quatre
Evoques ctoit celle de toute l'Eglife.
Les dix-neuf Prclats ne s'expliquèrent pas moins
fortement dms une Lettre qu'ili écrivirent au Roi:
«nais leurs lettres n'empèchcrcnt point que l'af-
faire ne fut pourfuivie par les deux puiflaacci*
Paix de Clément IX.
Cependant les boas cfprits fouhaitoient de vo'xt
la fin d'une guerre qui engendruit tant de hal«
fies -, le l'ape le defiroit aufiî : ce Pontife avoit
toujours nurquo beaucoup de rcfcive & de mo«
^craiion au milieu Je la fermentation que l'afifaire
du Janfcnifme avoit excitce à Rome fou* Ton pré-
dccefTcur. L'\rclievcque de Scm {Cini.irin) coo»
noifTant fes difpofitions à U paix , entama ua
traité d'accommodement avec le nunce Purn B*r»
giUiii , archevêque de Thcbei , homcie i'o^ ■•--
aie auiTi fa^e que le Pjpe.
Le toir {uis de Uonit , qui entra Adn\ la nc-
ttus,t4Uon , fitcutciuUc au l'ikiai luli;a , que Les
DE LT^i?TomE Ecclésiastique. 4f J
voies de la tigueur , bien loin de ramener les
efprits, n'ttoient propres qu'à les aigrir de pUis
en pl'JSi que l'aftaire des quatre Evcques ctoit de-
venue celle des dix-neuf qui s'ctcisnt déclaré»
en leur faveur; que le nombre en étoic aflez cob-
fidc'rable, pour donner lieu de craindre uae véri-
table divifion dans l'épifcopat : mais qu'en ufant
de condefcendance , on pourroit étouircr le mal
da:is fon origine, & pacilîer toutes c'aolci , à la
fatisfaâion de Rome & de la France.
Le nonce ayant paru très • difpofi à écouter
d«ï propofjûjns d'accominodcriont , o;î s'en tint
à celle-ci. Pour ménager la réputation des qua-
tre Evèques , on n'exigeroit point qu'ils rétrac-
tafl'ent leurs Mandemens ; du refte ils figncroieni
le Formulaire arec fmcîrhi , & le fcroient-ûgner
c'ans leurs diocèfes , non en vertu d'un nouveau
mandement , mais dans des afTcmblies fynodales
qu'ils convoqueroient pour ce fujet. Oa devoit
dreffer , dans ces fyr.odes , des procès ■ verbaux
de la Signature des Evèques & de celles de leurs
diocéfains ; £c enfin les quatre Prélats écriroienc
au Pape pour l'affurer de leur parfaite foumif-
(îon.
Clé-nent IX ayant appris par fon nonce les
conditions de l'accomiiiodemcnt , répondit qu'il
vouloit bien fe rehkher fur la révocation des Mjn-
dcmens -, qu'il fe contenterolt de la fignature .
pourvu qu'elle fût fmcérc.
Les quatre Evcques ccrivirenc donc à ce Ponr,
S iij
4ï-t E L E M E N S
tife une Lettre tris • foumife -, mais , fur le broît
qu'ils avoient infère dans leurs procès -verbaux
quelque reftrjfiion à U à^atta-e , le Pape voulut
un cclairctflcmcnt. L'£\cque de Chàîons , un des
iDëdîaccurs de la paix , fut chnrgc de le lui don-
ner. La déclaration que fit ce PrcFat à cette occa-
Con , portoit : ». Qjc les quatre Evoques 5t le» au-
X très EccIcfiaAiqaes compris dans laccomn'.oie»
M ment , avoient agi de bonne-foi , 8c qu'ils avoient
»i condamné fmccrcment les Cinq proporitions ;
•> Se que , quant à l'attribucion de ces propoû»
!• tions au livre de Jjn/tniui , ils avoient encort
»» rendu au faintsûége toute h déférence ôc l'o*
n bciffance qui lui e(l due, comme tous les thco-
»» logiens conviennent qu'il la faut rendre au re-
M gard de tous les livres condamnes .... qui eft
♦♦ de ne dire, ni ccrirc, ni eafeigner rien d: |coa.
tt traire à ce qui a étô décidé par l:s Papes à
»» ce fjjet. •»
Le Pnpe, content de cette dcclaration , honora
les quatre Evêques d'un lî-cf, date du 19 Jan-
vier 1669 ; il leur marqua que , quoiqu'il eJt
recule* lettres dans le<'quelles il» lui annoiiçoient
la TgnjtJtc fincJre qu'ils avoient Caiie du F -.
muhire ù'A.'e%ji:Jr{ l'Il ^ les bruits qu'on .. . >i||
femés l 'avoient obligé de ne rien précipiter : •« Car,
m dit-il, novi» r.'. • • -^ ^^^
■ m -ni exception , t . : . • 1 ^ .<. .
m tiii'fortemeot attachés aux Conftiiutiotii de nos
p ptcdéccCc art \ inaii qae , lulatcout qa'lt cl
T)E iVj.7ZOlT.Z 2cCLÏSfASTIQUE. '^Xj
i« affuré de leur parfaite foumi(hoo , il croit de<
» voir leur donner une niarque de fa bienveillance
n pacernclie. »
C'eft ainû que la paix fut rétablie : paix d'au-
tant plusdefirce, qu'on étoit plus las de la guerre.
Un grand nombre d'Ecclefia^iques qui avoient été
interdits , furent rcta'olis en lîgiint le Formulaire ;
le doûcur Arnauld foriit de la retraite où il s'é-
toit caché , 5c fut pr.;fcnte au Roi. Il témoigna
à ce prince que c'étoit avec quelque peine qu'il
s'étojt trouvé engage dans toutes les conteAations
qui avoient déchiré l'Eglife de France, d'à cji pjjfé^
iui dit le Roi avec beaucoup de bonté , il ne*
fiut fini parler. Se tournant enfuite vers Po«-
fone , miniftre d'Et?t, neveu i'Arnauld , il lui dit :
Je crois que vous aye\ bien de /j jcie de voir tout
ce qui fe fiffi. Toute la cour i'empreffa , a
l'exemple du Roi , de faire honneur au dotleur ,
■ r'-.'x piriit chez le D.v'phin 8c chez les Princes avec
c difiinfiion marquée,
M o y r-i I ir R , frère du Roi , s'avanç-^nt quel-
ques pas vers lui, dit:// faut tien faire eneljvt
(iwiice pour voir un kc'mme fi rare & fi extraor-
dinaire. Dans fa vifîte qu'il fit au Nonce , ce pré-
lat l'appella une plu,-ne d'or ,en donnant degrrnJt
éloges au defTein qu'il avoit conçu de confscrcr
déformais fes travaux à la défenfe de la Religion
Catholique contre Icrt hérétiques.
Quelque tems après Saci fortit de la Baftille ,"
& fui prcfcnté auKoi par l'Archcvcqn: i!c l'ariS|
biv
Hî(j E L Z M E If s
Les quatre Evoques reotrcrenc en grâce , & Loult
X I y leur écrivit avec bonté : dans fa lettre il
leur annonça la paix , ii les alTura de fa bonne
yolootc pour la miintenir , fie de fon eAime pour
leur vertu & leur mcritc.
Pour coni'erver la mcmuire de cet événement,
oa fit-frapper une incdaille en 1669: on y voit
une colombe rayonnante , le fymbole du St-Ef-
pric qui avoir pr^ûib a la paix , 6c au-dCiloui la
Bible ouverte fur un autel -, & fur cette BibU
le« cleti de S. PUm , & le fccptre avec la main-
de-jui>ice en fautoir : pour marquer le concoura
éc la puiilance eccUfiallique fie de l'auioritc royale*
Des Pontifes Romains^ depms Urbain VIII
jufqu'à Gcmcnt IX.
L'Hifloirc du Janféaifme , que nous avons ra«
contée avec quel ]ue détail à caufc de l'intcrêc
qu'y prennent encore pLificurs pcrlonnes, a fait»
connoitre le nom des Pontifes qui ont fiégé à
Eome depuis Urh*in VIII ïjfqu'à C-imnt IX»
Nous allons en parler avec un peu plut d'é-
tendue , 8c rracer en peu de roots le tableau de
leur ponttfica: fit de leurs bonnes 6c mauvaifes
qualités.
Innocent X{ Jean-Bjptifte Pamphilo) , Romain ,
étoit entre dans la cour pontiticale dès fa jeunefle,
•'c toit diftinguc dans les nonciatures , S( avoir mé-
rité tyxL'rham Vllt l'honorât de la pourpre. Il fuc
fcla à ce i'outilc le ij Septembre 1O44 > ^ "■'^^
BE l'Histoire Ecclésiastique. 417;
rut âgé de 81 arft le 7 Janvier 1655. Ce Pape,
( die le P. A'Avrigni,) avoit beaucoup d'clJvatioH
il'efprit, de feu, de vivacité Sx. de difcernemcnt.
Ferme dans les rencontres les plus épineufes , il
étoit inébranlable dans fes réfolutions -, mais il ne
les prenoit qu'jnrès y avoir bien penfc. Il éroit
fobre, vivant de peu, haiffant le luxe, aulTi pré-
cautionné contre les dépeafes fuperflues que ma*
gniiique dans les néceffaires. Son œconomie lui
donna moyen de laifTer fcpt cents mille ccuî :
épar^jne dont il y a très-peu d'exemples. Il ainioic
tendrement fes fujets , & faifoit -rendre une exafte
julVice. Eiitîn on n'auroit peut-être point de di-
faut*à lui reprccher , s'il avoit été plus indiffé-
rent fur les intérêts de fa famille. La Don.i OJyn-
[•il , fa belle -fœur, le goviverna ,6c; vendit pref-
quc toutes les charges de la cour Romaine -, elle
perfccuta violemment les Barbtrins ^ neveux d'6^r-
httln VIII, qui furent obligés de fe rciirer ea
France.
Alexandre Vil {Chigi) fc défendit d'abord de
la foiblcîre du népotifme -, mais il finie par en
être fubjugué ccramc fon prJdéceffcur. Dès qu'il
fut fur le trône, il f.t-mett e un cercueil dans fa
chambre , pour fe rappellcr ce morr^nr oit toute»
les grandeurs font anéanties, ft'.iis on s'icou.
t.me ( dit le Père à'Avrigni ) à voir une bicre,
comme toute autre chofe -, Gc ce n'eft guéres par
les yeux qu'on devient plivs homme-de-bicn^ Il
ippella fes neveux auptçs Jç lui, & los dolonvr
S V
:4i8 E L E M E K s
jnagea abonclararaent du peu ^'il avoît fait jr^
ques-Ià pour eux. Ce fut fous le à .♦•
Itxinirc Vil que 11 leine Chn^'ir.. m !e
royjuoie de Sucde pour fe fjîre Catholique , Se
vint fe fixer à Roroe au milieu des lettres âc des
artf. La garde Corfe aymt attiiquc l'anibaiIideiM'
4e France ( le duc de C'i^ui ) dans fon patois ,
Louis XlV it prépara à venger cette infolcncc ;
le Pape le ca ma cti cnvoya^it en France un le*
gK i Uttrt, Ce fut le cardinal Ci--;< que le Rot
reçut en prince c;aîcment généreux & zèle pjuc
les droits de fa couronne. A.txanift Vil termina
fa carricre le vingt -deux Mai 1667. Quoiqu'il
eût foulage par des aumônes abondantes leaRo»
trains, pendant une difette dont ils furent afHigéS',
& qu'il eût travaillé à rembelliirement de pla-
ficurs Eglifcs de Rome , il ne fut [>a* toujnurt
aimé de fes fujets , parce que , dans fcs depenfes
en. cditîces, il confuha plus fon goût pour Taïc^-
teilure, que les ren'uurccs de fcn peuple.
Le faint>fiége ne lût pas long-tems racaot -, le
cardinal Jules Rofp^'iofi , Tofcan , homme de
erand mérite , d'un cfprit c«,!airc 5c d'un carac-
tère conciliant , fut citvé au poB:i<1cat , & prit le
aom de CUment l X. Il avoit ctc nonce en L('
pegno-, ou il s'ctûtt acquis l'eftime des grands 8c
ë«* petit» -, fon ic^ne ne fut que de drux ans il
mourut en 1669, avec la rcputattr>n d'un pontife
pacifique, crconomf | Ubasi , ami de* lettre» Se
ftut Ju peuple*.
DE L*HijTomE Ecclesu':tique. 4151
Da Papes Clément X (S» Innocent XI. Du
droit Je RcgaL' ; Difput:s aufujet de ce droit.
Cilmnt X ( AlAcri ) , pontife ami de la paix 8c
de la vertu , élu en 1670 , ne gouverna l'Eglife
que lix aDS-,& eut pour fucceffeur en 1676 /«-
nccent Xl^{ Odcfcj.'clit). C'cioit un homme grand,
fcc Se maigre: les yeux vLt's, l'air chagrin , les raa-
nitres Êéres.le jugement bon , l'efprit ptnctraur,
Egaleirent zélé pour la réforme des moeurs & peut
les droits de l'E^llfe , il étoit fcvérj pour lui-mê-
me & pour les autres , Se ne revenoit prefque ja*
mais de fes premières împrefilons , parce qu'il les
cro) oit fondées fur la raifon & fur la juftlce. Com-
me il étoit né dans le Milanoisâc fujct de la mai-
fon d'Autriche , Louis Xiy vit avec peine foa
excitaàon. En efl'ct , ce Tape, peu favorable à la
Frrncev erura vivement dans les difputes qui ve--
nciciit d'y uaiirc au fujct de la Rtgule. l'our faite
avec quelque détail 1 hiAoire de ce dcmclé , il
faut faire- coonoicre la nature des prétentions de
Lcui* XIV.
La Régale eA un droit particulier an Roi de Fraa>
te, qui rcmor»ie jufqu'aux tems les plus reculés
ce 'la monarchie. Par ce droit , ils pe. doivent le
revc'iu des archevêchés & évcchés clu royaume
pcnd,i.it. la vacance du ficge , & contèrent tous
les bénéfices qui en dépendent , excepte ceux qui
ibnt à charge d'ames-, comme les ctKef. Ce peu
voir ce le borne point a la nomiiiacicndes béoé^
Svj
4îd E L E M E N s
£ces f!mp!cs ( puifquc le Roi nomme a tou« les cw
ponicats vacans ) , comme le difeot l'auteur daSU-
cU de Loult XIV t & l'abbc PrtvCt dan» fon AI4-
mucl Uxijut. Ced une erreur échappée à ces deux
célèbres écrivains , & que nous ne relevons que
parce que leurs ojvra^es foiu entre les mains de
tout le monde.
Le droit de Régale embrafTe , fuivant les Jurif*
confultes François, toutes les Egtifes du royau»
me : cependant pluùsurs Evoques des villes réunies
à la Couronne fous la troil"iéme race , r.e vou-
lurent pas reconnoitre cette prérogative , que des
feigocurs particuliers, trop foiblcs, n'avoient pas pu
faire-valoir. Il paroit parles rcglllres de la cham-
bre-des-Cotnptes de Paris , que quelques dioccfe»
avoient été exempts du droit de Rtgale pendant
pluficurs ficdes.
L'Evcque de Bellay prétendoit que Ton cgliTe
étoit de ce nombre i il voulut faire - valoir fet
prétentions fous Henri IV : mais le parlement de
Fjris donna un arr«h en 1608, par lequel il dé-
clara que la Régale avoir lieu dans tout le royau-
me. L'Evcque de Belhy , ^ ceux dont les Eglifes
éioient lituées au voilinage de» Alpes & des Py-
rénées , & qui croyoient jouir du mime droit
que lui, fe pUignitcnt à flf.rl IV , qui , mena*
géant les Lvc.; ;es ?< le Vf^z , UilTa cette affairt
îfldécire.
Le car .41 c.Q /i » : .- i , voulant confervrr lu
Eoi>lc ptiviU^c d: difpofcx du revenu des evè*
DE l'Histoire Ecclisiastique. 4*11
thés & de nomm:r aux béoiifices, dans le court
«fpace qui s'écoule enrre la mort d'un Evèque 8c
le ferment de fidélité enregiftré de fon fucceffeur ,
fit-donner deux arrêts au confeil du Roi en 1657
&163S, par lefque'.s les Evêques qui fe difoicnc
exempts, étoient obligés de montrer les titres fur
lefquelt ils fondoient leurs exemptions. Il y eue un
nouvel arrêt donné en 1651 , fous le miniftére du
cardinal Mayirin \ mih on publia d'autres arrêts
pour accorder des délais. Le grand Coafeil é:oit
quelquefois favorable aux Prélats , & le Parle*
ment jugeoit toujours conformément au princi-
pe , que la Ri'^jle efi un droit infipsr^ilc dt la Ci/«r
rvane.
Edit de 1673.
Oppojîùom de quelques Evêques,
Cette queftion divifoit les Jurlfcon fuîtes , lorf-
que Louii X'.V donna un Edit le 10 Février i6-'3 ,
pour étendre le droit de Régale dans tous lesdio-
cèfes de la Frmce , à l'exception de ceux qui ea
étoient exempts à titre onéreux. Les Evêques que
cet Edit intérciToit , s'en plaignirent comme d'une
nouveauté intolérab'e ; l'oppofuion qu'ils y for-
mèrent, engigea le Roi a donner , au mois d'A-
vril 167^ , une feco.ide Déclara cion conforme à la
première i la plupart des Prélats s'y fournirent. Ni»
eolas Pavillon évalue d'AIcth , & François Csultt
évalue de Pamlsrs , tout deux connus par uoc
l(2Ï E L E M E K $
piité exemplaire, turenc les fculs qui oùrcat rwU -
«er à Ljùs Xll^.
Ce Prince connoin*oit moins leurs vertus, f\ ^
leur oppofuiai au For nu; lirc concernant ^j/j-
miut\ te» enne.nis des Jcix Prdats lai perfoadé-
rent , que leur but, en fe roiditTdnt contre Uau»
torité , étoi: d'exciter entre la cour de France 8c
celle de Rome des broui!l:rics , qui, pouH'ccs à
nn certain point , feroieat fevorj jles au pjrti donc
on les (Uppofoit ccre. LjuIs Xiy , pîein de ce:te
idée , fut encore plus choque des motifs qu'on
prctoit à leur réûAance, que de la rclidjace moine.
Bientôt cette difpute acquit toute la chsleur
ti'ane f;uerre civile, fur-tout dans les deux F.gH*
ies d'Aletlt & de P.tmiersk Le Roi avoit dirpcfi
de quelques caiu>nic3t$ de ces deux dioccfcS; il
prcteadoit être en droit de le faire, p3.-cc q^e ,
les ievx E-vâqucs n'ayant pis £iit-enrei;i(lrcr leur
ferment, la Rcgale ctnit encore ouverte à fon égard.
Pui'iJÎMi & Cju'ct, fermes dans leurs prétentions
comme dans leurs fentimeot , rcfufcrent d'admet*
tre Ici nouveaux pourvus , 5c dcf<tndirent à leari
Chi^iirci de les recevoir.
Les Rigalillet t'j'I.-elTeat alors aux Arche vj ]uei
de Narbonne 8c (]e Tuuloufc , métropolitains d A*
teih £c de Pjmiers , qui jugent en leur faveur. Lt»
Evoques font appel Je leur fentence au faiot-ûige ^
'V !.••. 1« difpute devient gcncrale..
♦
i>T lITiSTOIRE EccUÇÎAST'QUt; '40^
La Cour di Rome entre dans cette d'ifpiue.
Lorfqu'Z/j/ioc^ftt XI eut été placé fur la chiire
de S. Pierre , il embralTa avec plaifir la caufe de
deux Prébts qui , comme lui , étolent incap?.bles
de plier. Il adrefia des Brefs remplis de vigueur
au Roi, à l'Archevêque deTouloufe , & à l'Evcqua
dePamlers, qui, depuis la mort de Pavillon arti-
vée en 1677, C 5c non en i63o, comme le dit
Tauteur du Siide Je Louis XIV , ) ibutint feul
le poids de cette Tongue difpute. Dans le Bref
adrefTc au Roi le 29 Décembre 1679 t le fouve-
rain Pontite l'exhorte fortement à ne pas afTujet-
tir au droit de Régate les Eglifes qu'il prétend de«
voir en c're c::emptes. Il lui déclare que , s'il
ne fe founict aux remontrances paiernellcs qu'il
lui a faites & réitérées à ce fujct , il fc fcrvira de
l'autorité que lui donne fa plicc. Il attribue aujc
mauvais confeils que fes flîiteurs & des hommes
fans foi ,fJios difîdenna , lui a voient donnes , tout
ce qui s'ctoit fait d'irrégulicr dans cette importante
affaire.
L'Evéque de Pam'erj , anime par les éto^cs dU
Pontife , foutint fes prétentions avec une fermeté
qui ne fe démentit jamais. En 1679 '^ menaça d'ex-
communier tous ceux qui , ét.tnt pourvus en Ré^
gnîe , prendroicnt quelque bénéfice dans fon dij-
cèfe. Son inflexibilité irrita la Cour , qai fit-faifir
tous fes revenus; on en'eva tout dans fa maifua
«pifcopa'e. Réduit a une extrême pauvreté , il vi-
yoit des fccours (jue U piété de quelques Oinis Itû.
"4^4 E L E M £ N s
rnvoroir. M. le PeUeiUr DtJλinkes lui ayant £iic*
remettre une fomme d'argent , le P, de U Chj-jï
voulut lui faire un crime auprès du Roi de cette
a^^ion géncreufe ', il deixunda une lettre-de>c3chec
pour l'exiler : Soit , repondit LouLi XIV , il meftra
fat dit ^ut f,.ut mon r'c^ne qut^qu'un ait été puni pour
ûtoir fait i'aumine,
La mort de M. de Pam'tt's ^ arrivce en 1680,
ne termina point ces conteftations ; le chapitre fie
les grands^N-icaires qu'il avoit nommes, s'oppo-
fcrcnt toujours au drrit des Réjjiliftes. En va in le
mctropolitain nomma un vicaire - gincral pour
maintenir les pourvus en rc^jlc -, cnvain le Parle-
ment de Touloufe donna des arrois : le P. Ccrtt »
un des membres du chapitre , & un des grands»
vicaires pendant la vacance du ûége de Pamiers ,
caCa les fentenccs de l'Archevêque de Touloufe
& les arrêts du Farlement. Ce tribunal le con»
damna par contumace , non pas à perdre la tcte ,
comme le die M. de V^.ltalre, mais à ctrc pendu. Il
le fut en crBgie , après qu'on eut promené , dans
ua tombereau par les rues de Touloufe, un lw>ni>
irc de paille habillé en religieux. Le P. C*r/t avok
pris la fuite , fie , du fond de fa retraite, U rem*
ylii la France des plaiiites , que les injuAices qu'il
difoic avoir e/Tuycci lui iofpiroient.
JJfcmbUesiu Clergé de \C^\ & dt i^iS^i.
Leuit XIl^ , voyant que la difpute clcvce entre
i» cour de Rome & lui scduuffoit , iciulut dfr
DE l'Histoire Ecclésiastique. 41^
la terminer dans l'affemblce du Clergé de i63r.
Elle étoit compofée de quarante Archevêques ou
Evèques , qui réfolurent d'écrire au Pape. Mail
comme le Pontife auroit pvi regarder leurs juftes
remontrances, moins comme la voix de l'Eg'.ife de
France , que comme l'effet des ioprefHons de la
cour & le fruit d'une complailance intcreiTée ,
ils fupplicrent le Roi de convoquer un Concile-
national , ou une afTemblce générale du Clergé ,
qui fe réunirotc pour faire - entendre fa voix au
Pontife RoTiain.
Un Concile • national entrainoit trop de Ion»
gueurs & d'embarras. Le Roi fe contenta de per-
mettre une AfTemblce générale, qui fut convoquée
pour le 9 Novembre 1 68 1 . L'archevêque de Paris ,
Harlai , en fut prcfident. L'éloquent évéque (îe
Meaux , Bvffutt , prononça un très-beau difcours le
jour de l'ouverture. Dans la première partie , il
établit la prééminence du ficge de Rome ; dans la
fcconde il fit l'éloge de l'Eg'.ife de France -, & la
troiiîéme roula fur les moyens propres à préve-
nir les divif»ons,8c a les C4imer quand elles font
nées. Il parla de la beauté 8c de l'unité de l'Egli-
fe, confidérée dans fon tout, dans fes membres,
& dans fa durée , avec cette chaleur qui caratldri-
foit fon éloquence.
Les premières opérations de l'affemblée roulc-
tent fur la Régile. Les Prélats reconnurent que le
Roi avoit ce droit fur toutes les E\;lifes du royau-
me i mais ils demandèrent quelques adoucifl'cmea»
4*6 E L E M E N\S
dans l'exercice de c: privilcge. Selon Tufage conf*
camment ohferve iurqu'alors, le Roi oommoit pen«
dsnc la vacaace du /u ;s aux doyenocs , aux ar-
chidiacoflés, aux prcbcndes , Se aux aucrts béoé-
£ces , auxq;teU l'on: atcachces les foiicllons de
théologal & de pcnireacicr. Les pourvus exer«
çolent leurs tondions , en coaûqueace de la do»
mination Royale , fans Ce préfenter ni a l'Evéquc,
ni à aucun autre fupcricur ecclé(îjllique. Cet ufjge
bleffant la jurit'diclion cpilcopale , V.- p*
plia le Roi d'y rcmcii.T l'une rai.".. .. c,
Loitis Xiy featii la iuilice de leurs renontrao*
ces.il donna unEdit,au mois de Janvier i68x,
par lequel il enjoignit a ceux qui feroient pour»
vus en Régale de bcnéficei , auxquels feroient ae»
tachées quelques fondions ou jjrifdtdlon fpiri-
tuelles , de le préfenter aux grands*viciires éta-
blis par les chapitres , fi les Eglifes ctoicat en-
core vacantes , ou aux Evoques pour obtenir d'eux
l'appro'oation & million canonique.
Dés que cette Déclaration eut été véritict au
Paricmeat . rA^'eroblcc iit de« remercimens fo!em«
nelt au Rui, qui leur avoir bciucoup plus donné
par ce noavcl Edit . qu'ti ne leur jtsr
celui de 167). Us fi^acreat enfuitc 1 cnt
l'afle d'extcnfjon de la Régale Air toutes le* L);lifM
lîc i -ent au Pape u. ur
lui 1 >c% motifs de U° : ^cn>
«lance. Aptes y avoir établi la ncceiliié de U
booM ùuelligcacc cotrtle Sacerdoce ScrEjapir»,
DE l'Histoire Ecclésiastique. 427
îls fupplioient fa Saintetc de donner la paix au
Clcrgc François , qui n'avoit renoncé aux droits
particuliers de quelques Evèques.que pour le bien
gcn-iral de leurs Eglifes , & en faveur du plui gra':i
des Rois. Ir.mccnt , peu fatisfiiit de leur conduite
& de leur lettre , calTa par un Bref tout ce qu'ils
avolent fait en faveur de la Regale , & les exhoru
à fatisfalre au plutôt à leur honneur Se à leur con«
fcieace en révoquant leur fignature.
Cette démarche da Pape déplut aux esprit» coo-
cilians; elle eut des fuites auxquelles ce Pontife
ne s'attendoit point, O.i prit occaùon de ce Bref
pour exam.ner les droits 6c les pricentions de celuj
qui l'avoit donné. Le i8 Mars i68z , une nou>
vclle affemblee du Clergé fit-paroître une fameufe
Déclaration , qui eft le rempart des libertés de l'E-
glife Gallicane. Dans le préambule , les Prélats an-
noncèrent qu'ils n'avoient pai moins en vue de
maintenir les droits de l'E^Iife de France , que de
conferver l'unirc , & doter aux Calviniftes tout
prétexte de rendre odicufe la puilTance pontiticale.
/;'. Articles de rAjfemHie de 1682.
Cette Déclaration fur la puiffance temporelle 5c
eccléfidftique eft trop importante , pour ne pas la
rapporter en entier.
»» Plufisurs perfonnes s'efiforcent en ces tcms-
cl de ruiner les Décrets de l'Egtifc Gallicane Se
fes Libertés , que nos ancêtres ont foutenue*
avec tant de zèle 1 & de reaverfer leurs ioait--.
4i5 E L E M E V s
mens, appuyés fur les falnts Canoos &i fur la Tra-
dition des l'ercs. D'autres , fous prcccxte de Ici
détendre, ont la hardieffe de donner atteinte à la
primauté de S. FUnt & des Pomifcs Romains fe»
fuccefTcurs , inAituee par Jesus-Christ ^ d'cm-
pêcher qu'on ne leur rende l'obcifl'jnce que tout
le monde leur doit , & de diminuer la maie(lc du
St-Sicge Ap«ftoliquc , lefpeâablc à toutes lesiu-
tioas, où l'oa ealelgne la vraie foi de rbgiife, 6c
qui conferve fon unitc. De plus , les hcrctiques
mettent tout en oeuvre pour t'aiie-piroitre cett«
puiiTance , qui maintient la p^ix de l'E^life , odieuie
& iofupportableaux liais & aux peuples, & pour
éloigner par cet artifice les âmes fimpies de U cora*
tnuoion de l'Eglife. Afin de remédier à ces inconvé-
niens : Nous Archevêques 8c Evcques ,a{remblé9
à Paris par ordre du Roi , reprcicntant l'E^lifc
Gallicane , avec les autres E^cIcllaAiques députés.,
avons iugé, après une mure délibération , qu'il eft
nécelTaire de faire les R^glemeus &c U DccUniioa
qui fuivent :
1. M Que S. Pitrrc 8c fe» fucceflfeuri victirei d«
J, C. , 8c que toute l'Eglife mtme , n'ont reçu de
puiflTance de Dieu , que fur les chofcs fpirituelles
& qui conccroeii: le falut , 8c non point fur let
chofei temporcllet 8c civiles : Jesus-Christ nous
apprenant lui-même, que /I/i Ri)âumt n't/l point
d€ <t rncnJ* ; & «n un autre endroit , ilu'ii jéut
rmire À Ccfar et fui tppértitai à Ccfar , 6^ à Du»
«**)iM *ff0tiuM à. Dku. Qu'âioAil »*ca ûiutCAii
DE lTÏistoire Ecclésiastique. 41^
i ce précepte de l'Apôtre S. Paul: (^ue touce ptr.
/•.r.ne fuit fourni fc aux PuijJ'ancts fupiritures : car il
n'y a point de Puiffance qui ne vienne de Dieu , fi»
ccjl lui qui vrdonne ccUes qui font fur la terre •, c'ejl
pourquoi celui qui s^oppofc aux Puijjtnces , réfifie à
l'ordre de Dieu. En confcquence nous déclarons j
que 1m Rois ne font fournis à aucune Pulffance
eccléruftique , par l'ordre de Dieu , dans les chcfes
qui concernent le temporel -, qu'ils ne peuvent
être dspofés dircdement ni indirectement par l'au-
torité des c!efs de l'Eglife ; que leurs fujets no
peuvent être exemptes de la foumi/uon & de l'o-
béiflancc qu'ils leur doivent, ou difpenfes du fer-
ment de fidélité-, que cette do^rineinécelTaire pour
la tranquillité pubtiqite, & autant avantageufe à
l'Et^life qu'à l'Etat, doit erre tenue, comme con-
forme à l'Ecrlture-Sainte , à la Tradition des Peret
de l'Eglife , & aux exemples des Saints.
II. >' Que la pleaitude de puilTance que le St>
Siège Apolîoiique & les Succcffeurs de S. Furre ,
▼icaires de /. C, ont fur les chofes fpiritueltes,
eft telle, que néanmoins les décrets du faint Con»
cile œcuménique de Confiance, contenus dans les
feffions 4 & 5 , approuvés par le St-Sic^e Apof-
tolique , &< contîrmés par la pratique de toute l'E-
glife 3c des Pontifes Romains , 6c obfervés de tout
tems religieufement par l'Eglife Gallicane , demeu-
rent dans leur force & vertu ; & que l'Eglife de
France n'approuve pas l'opinion de ceux qui don-
nent actciate à ces décrets , ou les attuiblùlcat, en
4)0 E L E M 1 K S
difanr, 'que leur autorité n'rft pas bi«n établie '
qu'ils ne font point approuvés, ou que leur dif-
poiîcion ne n. garde que le teins du fchifnc.
III. M Qu'ainC ii faut rcgier l'ufage de la putflfance
Aponolique , par les Canons faits par l'Erprit de
Dieu & confjcrcs par le refpcû gcmiral de tout le
inonde -, que les rig'.es , les moeurs & les cor.ftio
tutlons reçues dans le Royaunne & dans l'Eglife
Gallicane, doivent avoir leur force Se vertu , fie
que les ufjgcs de nos Tcres doivent ticrrcurcr
inébranlables: qu'il cfl n-.cme de la grandeur du S.
Siège Apc>AoIiquc , que les loix & les coutumes
établies du coi de ce f.cjc U des Eglifes ,
fuhfifter.t inv, . -.
IV. i. Que quoique le l'ap« ait U piincipale part
dans les qucflions de Foi, ti. l :, re-
gardent toutes les L^,'ifcs , Js , . - en
particulier , fon jugiment h'eft pas irréformablc ,
fi le confcntement de J'Eglife n'intervient Ce font
les maximes que nous avons reçues de nos Pères ,
fit que nous avons arrêté d'envoyer à toutes le*
Eglifes Gallicines & aux fivéques qui tes gou-
vernent pjr r.^uturî(c du St-Efprii , af'M que nou»
difir'- • dujfe , que nCH ' lU
les in t ■ ^ eue iioui i. . 'i
mtmt doârin(
DicLuaûon du Roi,
Le Roi , pour donner une force durable à cet
quatre Aitidci qui^îpituicot hutdi alors , 8c qui
1
DE l'HjSTÔIRE ECCLESIASTIQUF. 43 1
ont eu depuis la faniflion de prefciuc tous les
peuples Catholiques, ordonna par un Edit qu'il»
feroient publics dans toute l'étendue du roy.iu-
me , & enregiftrés par tous les Tribunaux & toutes
les Facultés de théologie. Celle de Paris témoigna
quelque tems après, d'une manière fblemnclle, quel
ctoic fonfentiment fur l'autorité du Concile Ôi de»
Evoques. Elle cenfura une propofition tirée d'un
Manden.ent de l'Archevêque de Strigtjnie contre la
Déclararion duCicrgé de France. Cette propofrioo
Ctoit, qu il n'appartient quau S, Siège J'eni de juger
du controve'fei de la Fo!. Le Parlement de Paris
avoit fupprimc l'ouvrage ([ui la reafcrmoic , par ua
Arrêt du 23 Juin 16S3.
La Déclaration du Clergé fut vivemcrtt attaquée
par les Théologiens Ultramootalns , & on publia
divers Ouvrages contre la dodlrinc de l'Eglife de
France. Jean-Thimas de Rocabeni ^ qui avoit été
Général des Dominicains en 1670 , Archevêque de
Valence en 1676 , & qui fut depuis InquiCteur-gé-
néral d'Efpagne .publia en 1693 *'<"' volumes in-
fol., pour établir les maximes contraires à la Dé-
claration du Clergé de France. U prit cnfuite la
peine de recueillir en 11 volumes in fol. , tous
les ouvrages du même genre que le fien ; 6c il fit -
imprimer à Rome à Tes propres frais cet immcnfe
recueil. Son Tr.iitî di l'anturité du Pape filt applaudi
en Efjîagne & en Italie : mais en France , on le re-
garda comme un ouvrage «ilein de maximes con-
traires à l'Ecticure , à la Tradition , & à la doâàno
Pcr«s.
'432 E L E M E V s
Le Roi chargea le cticbre luju.t de réfuter cet
Auteur , âc les autres partifans iz\ opinions UUra«
moncaincs , & dt défendre les qvatre Articles. Ce
Prélat le fit avec h lumicre 6c la modération que
l'on pouvoir attendre de lui. Il prouva datu fa
détenfe de la Déclaration du Qergé, que la doâri-
ne dcrEglife Gallicane fur la puiû'ance ecclcûalli-
que fie fur la puilTance temporelle, renfermée avec
prccifion dâ,ns les quatre Articles , n' eft que la doc-
trine même des Ecritures &c de la Tradition-, & que
bien loin d'aflToiblir 8c de diminuer la primaurc 8c
l'autorité du fouveraia i'ontife & du S. Siège, elle
lai rend toute fa force, tout fon éclat Se fon an»
cienne majellé-, en écartant les prcroç^atives fauffee-
& odieufcs , dent l'ignoraoce & i i il irteric fe font
efforcées dans les derniers tenis de Ij charger & de
robfcurcir. Les Ultramontains ne manquèrent pat
de dire, que c'ctoit moins le zèle pour la vérité ,
que le dciir de p'ulreà la Cour de France, qui avoir
cté le mobile fecret de la Déclaration du Clergé.
Mais oa ne p^suvoit imputer ce rnoùf à p!urieurs
Prciats d'un mérite diAinj;ué , qui ctoient mcmbrea
de cette auguHe affemblce. U'ailieurt la faine doc-
lrir>e, qui efl c ' - - '- ' c Art. des, eu
indépendante > ont pu por*
ter pluûcnr^ I •• . ;m:» a » y «tt»
La fermcic (lu ilc>i &: de t ..... I rjoce è
na'mtenir la doârine de l'AfTcmlilee de i6Sx, aigrit
déplut en plu» Ij < -r- hnoceni A7 re«
&fa des Bulles aux L ,. .s du fécond ordre.
DE lT^istôire Ecclésiastique. *4it;
iretnbres de cette afltniblte , (,;ui avoJent ctc nom-
mas Evêqucs. Le Roi, ne voulant pas qu'ils fuffent
difringués de ceux qu'il avclt nommés à des évc-
chcs , fii-défcnfe de fe pourvoir en cour de Rome
pour avoir des Bulles. Cette diillculté fubrifta pen»
dant tout le rcfte du pontificat d'Innocent A7,dont I9
roidcur inliexible ne fsut jamais s'accommoder aix
teni'.
Nouvelle D'ifputc entre le Roi & le Pape,
Il s'alluma entre le Pape 8t le Roi une nouvelle
contedation, qui n'adoucit point l'ancienne. Les
liôicls des AmbafTadeurs des princes à Rome, Se
les quartiers d'alentour, croient comme un afylc ,
où les vo'curs & les affatuns fe mettoicnt à cou-
vert des pourfuites de la jufiice. Innocent XI crut
devoir remOdier à cet abus, qui n'ctoit favorable
qu'au crime. Il révoqua , par une BuHc datce du i i
T.lai 16S7, toutes les tranchifes des ambafladeurs ,
riime celles de l'ambaffadeur de Fr.mce , & ex-
communia tous ceux qui voudroient les foutenir.
L Empereur, les Rois d'Efpagne & de Portugal
entrèrent dans les vues fsges d'Innocent XI. Rîais
Louit Xiy déclara, dit-on, au nonce que c'ctoit
à lui à fervir d'exemple , &»non à le prendre des
EUtres fouvcrains. Le marquis de Lavardin fut en-
voyé à Rome en qualiûc d'ambaffadcar, pourfoa-
tenir les prétentions de Lmis XIV.W le fit avec
hauteur. Il entra d.ins Rome , accompagrc de huit
ccuts hommes armes , S: avec un tclat qui tcnoic
Tom. Il, T
<^4 E L E Af E V s
plutôt d'un triompne que d'une entrée d'ambafla-
dcur. Le p^pe l'excommunia. Il ne \»\i\i point de
comaunier le jour de Nocl dans l'EplifeFrançoife
de S. Lcuh. A rinflant le Pape jctta l'inrerdit fur
cette Ey^Ufe. Le marrni» de Ljtjrd-r, prétendit qu'on
avolt violé en fa perfonne le droit des gens , & pro-
céda contre l'exccmmunication lancée contre lui.
Le Roi , informe des démarches du Pipe , s'em-
para d'Avignon, 8t renvoya l'aftairs de l'excora-
munication au Parlement , qa'i appclla comme d'à-
bus de la Bulle des franchifes. On parla d'aiTem-
bler un Concile national , & d'établir en France
un Patriarche indépendant de F.ome.
Cependant Louit XïV craignant un fchifme ,
chercha des moyens de conciliation. Il écrivit de
fa main au Pipe-, Se a rinfçu de (on .^mbaHadeur ,
il dépccha à Rome un homme de confiance qui ne
put jamais obtenir audience. Inrtoetm peffi^a tau«
jours dans te refus d'accorder des Dulles aux Eve'
ques nommés. Les Archevêques Se Evéques qui
cioicnt à Paris , approuvèrent l'appel interjeué
par le Procureur-péncrjl -, le nombreux Clergé de
cette grande ville, & l'Univerfitc, fe joignirent i
eux.
Enfin ta mort d'/r-K^c»/ AV. arrivée en t6S4
t
fit-efptrer que la paix feroit rendue a l'i; '.life de
France. ÀUxand'c VI 11, ( Ottohont ) fon fuccefleur,
oe fut pas plutôt TurletrAne pontifical , qu'il pi*
rut votilo^r e cor.ci!ier avec 1 oui» Xl^ Ce prince,
wour accclcrcr un accommodement, fc relâcha fur
toE lUistoihe Ecclésiastique. 43 Ç
le droit des fianchifcs de fcs anihaffadeurs , &
rendit au nouveau Pape Avignon & le Comtat,
Cependant le Pape mourut C:\a'^ avoir termine cette
trifte querelle, qui prlvoit tant d'E^lifesde leur$
premiers pafteurs : il ptiLiia au lit de la mort une
Bul!e, qui caiToit !a Dfc'araiion du Clergé de 1 682,
après avoir pronenct un petit ditcours latin qui
commençoit par ces mots ; Dcfclunt vires ,fcd non
d:ficit ar.imus.
Un des Dlfputes entre Rome & Li France,
Innocent XII , ( Ptgnatelli ) élevé nu pontificat
après lui, avoir l'efprit plus conciliant. Louis XIV
de Ton côté voyoit avec douleur la longue va-
cance de plus de trente Eglifes du Royaume. On fe
relâcha de part 8c d'autre. Enfin, après bien des
expédicns propofés par deux habiles négociateurs,
les cardinaux à'Ejîrces & Janfon , il fut arrêté que
les Prélats auxquels on rcfufoit des Bulles écri-
roient chacun en particulier pour appaifer le Pape.
Ils difoieiit qu'ils croient douloureufement affli-
gés de tout ce qui s'étoit pafTc dans les aiTemblées
du Clergé de 168 r fit 16S2, Ils défavouoicnt tout
ce qui y avoit été délibéré au préjudice des droits
de l'Eglife.
Le Pape, fatisfaitde la foumifllon des Evcque*
& du dcfaveu qu'ils avoient fait , leur accorda des
Bulles, Les quatre propofitions défavouées par ces
Prélats , n'en furent pas rr.oins enfcignées en Fran-
ce , comme des vérités fondées fur la raifon ^
Tij
f V5 E L E M E V s
fut la connoiffjncc de l'irâtiquicc. L«s Paricmens •
du Royaume ont toujours aj^i fur le princi,>c que
les quatre Articles ctoicitt les gardiens des liberics
de IT^life Gallicane. Lt CIcr je en corps , toujours
attaché à fct prcmicres idcts, ne fit aucune dé-
marche en cette occalion , 2c même les ILvlqucs
nomnics eurent 1 attention d'ccrite fw'parju.cni à
Innocent XII , afin que leur lettre ne parût ^ciiut
une rétraftation concercce de ce qu'avoient (ait
leurs coafrilres fit de ce qu'ils avoicrit dû fjire.
Ce Pontife mourut en 1699, laiiTant une mimoire
chère & ret'peflée de tous ceux qui conooilleiu
le prix de la vertu & de la paix. Cernent XI
( A/ijni) eut la tiare après luT , & le montra ami
8c protevîlcur des fçavans ; il fut l'exemple de l'E-
glife fit l'objet de l'amour de Rome.
Et 4T Je U Rellpon en Jr.rhtcrre dans le
XVn S'icde.
Nous avons vu dins ThiAoïre du ficelé ppécc-
Jent : comment ce Royaume li attache autrefois
BU Chriûianlfme , ctoit devenu l'afyle de Terreur ,
depuis que Htnn yill , emporté par les paiîi^ns ,
s'étoit érigé en chef de \ï.^\'%(t. Us chanicmcn»
qu'il fi» au culte extérieur , ne fureni f»ai coofidé-
aU>les. Mais les tuteurs de foa fils IMu^ri ^ fe
dtcUrucot C4;v.i»iftes,8i la reine Lhj^^uk , ca
cm ).-3(Tjnt U même Religion , voulue cependant
:quc> & une pvùe de U Hi^rar-
. - , 'C.
tE L*î!!îrOll\E ECCtE^l ASTI QUE. 4)^
Les Anglois s'accoutumèrent peu-à-peu à C\i\-
vre la créance des Evcqucs , qui t'evitjt la domi-
nanre. Mais le pouvoir de ceux-ci , regarde ccm-
me légitime par la plus grande partie de la nation,
ctoit anathcmaiifé par les< Puritains ou Tresbytc-
riens , qui formoient un grartd parti <îans l'Etat.
Ces Puritains ainfi appelles , parce qu'ils prc^en-
dolcnt fuivrc l'Evangile à la lettre , foutenoient que
le £<ruvernemont de l'Eglife , pendant les trois pte-
micrs fiéciss, avoir été exerce par des anciens ,
& Lônniuoit p2r confi.quent la h^ctarchic ctablie
dans l'Eglile Catholique. Atucikcs sux opinions
les plus rigides du Calvinilroe , fombres , atra-
bilaires , enthoafiaftes , ils mettoicnt dans leur haine
contre les Epifcopaux toute l'ardeur du faoaciCme»
Rèpie de Jacques I.
Lorfque Jacques I , auparavant Roi d'Ecofle ,'
monta fur le trône d'Angleterre après la reine EU-
fahcth en 1603 , les Presbytériens s'imaginèrent
que ce monarque , nourri & élevé dans leur fcin ,
favorifcroit leur fcftc : ils fe trompèrent. Jaloux
de l'autorité & ami des plaifirs, Jacques connoif-
(bit trop lAir efprit d'indépendance & leur ca-
ra^ére intolérant , pour leur ctreTavorablc dans un
royaume où ils ne dominoient point.
II voulut cependant que le Clergé Anglican
eût avec eux une conférence en 1604 a Han|p-
tOiKOjrt, On y difputa , non fur les dogmes fpn-;
«latnenuuz, mais fur de fioiples cérémonies quj
'4}^ "E L E M E N s
divlfoient violemment les deux partis, C^toît prin»
cipalement l'ufage du fijne de la Croix dans la
Baptcme , de l'anneau dans le mariage , du furplis,
de l'inclination de tcte au nom de Jésus. Quel-
ques changemens légers dans la liturgie , furent
tout le fruit de cette contcrcnce ,qui ne changea
si les cl'prits, ni les ctcurs.
Les Puritains n'en furent môme que plus aigris*'
Jacqutt avoit dit fouvent dans le cours de la coo«
fcrence : P. Lit i^Evi^ucs , point de Rois. G:s paroio
déceloient fcs véritables fentimens. En eft'et, il ne
ceH'a depuis de protéger le gouvernement épifcopal,
qu'il croyoit plus favorable à 1 autorité fuprômo
des Princes , Se il le rétablit en Ecoffe , où l«%
prétendus Réformateurs l'avoient aboli.
Règne de Charles I ;/!» mon diplorabUi
Charles /, qui monta fur le trône en 1615 ,aprcf
Jacjutt I , marcha fur les traces de fon père.
U ctoit attaché à l'épifcopat -, il aimoit les cérc-
nor.ies eccIcfiaAiqucs, S( vouloit qu'on les reçue
comme eiTcnticlles au culte divin. Animé par les
confeils de GuilUumt Laud , évcque de Londres ,
depuis archevêque de Cantorheri , ii envoya ans
Ecoffois . les Canons qui dévoient fixer le cuko
Ce la jurifdiâion Eccléfiaftique.
Ce peuple enihoufijf^e £< ignorant , croit d'au-
tant plus cloignc de les recevoir , qu'il ctoit en-
tretenu dans fcs préjuges par les Nobles du royau*
ac & pu les Prcsbyicrieas , tous Cj^ftlcmcot 0^
tL i.lIlSTO!RE ECCLESIASTIQUE. 4^9
|>ofcs à l'autorité épifcopale, les uns par jdloulie
de pouvoir , les autres par fyftème d'ég;iUié.
L'Evêque d'Edimbourg étant monté en chaire
pour proclamer la liturgie de Charles , on lui jette
un banc à la tête, on le chafTe hors de l'E^Viiz;
la populace s'ameute. Enfin , quatre Confeils de la
nation s'alTemblent à Edimbourg en 163S , & dref-
fent le fameux Cj»'«ia/;f , par lequel ils s'engagent
avec ferHien*: à foutenir leur prolefTion de foi
comte le Papi/ne : car iJs sftefioient de confon-
dre la Hiérarchie £pifcop-le !k la Religion Catho-
liquCia rejetter toutes les r.ouvc^.t.s qui pou?-
roicnt le favorifer , & à fc défendre mutucWe-
jnentpour le maintien delà Reli^^ion & de l'autorité
ffoyale.
On courut aux armes , & l'on vit éclater une
guerre audi funeAe à l'Eglife Anglicane, qu'au Rot
& au Royaume. Les Puritains d'Angleterre s*c-
tant joints aux Ecoffois , devinrent les maîtres , 8c
abolirent l'épilcopat dans les deux royaumes. Us
abrogèrent aufiî la liturgie & tout le culte de l'E-
glife Anglicane, dépouillant de leurs emplois tous
ceux qui ne vouloient pas fe foumettre à leur»
réformes.
Charlts avoir levé des troupes contre des f*-
jcts rebelles : mais non-feulement il avoit à com-
battre les Ecoflois , mais il falloit fe défendre
contre les ennemis qu'il avoit en Angleterre. On
vint à bout de le brouiller avec fon Parlement ,
£ui lui déclara la guerre , tv leva une armie , doal
44^ E L E M E N <i
il donna le commj/idement à fjirfax , i Croa-
wcl 8c à Larr.hcri. Ces trois gcnêraux , tous troi»
braves , défirent partout les troupes du Roi. Ce
tnjlh«ureux prince , après la perte de la bataiHe
de Nazerbi en it>45 , crut trouver encore quelque
fidélité dans l'armce d'Ecoflie , qui le livra à fes
ennemis. Un l'amena prifunnier à Londres , 8c
C'romwe/ , qui, plus lubi !c que Fairj'a* 5t Lambert ,
s'étoit rendu maître de l'armce , en employant
tour-à-tour la fctmrtc , l'artifice & le tanjtifme,
lui fit-donner des comm iTalrcs tous Presbytériens
pour lui taire fon procès,
Char/ts l fut condamné à avoir la tête tran-
chée .ce qui fut exécuté le 9 Février 1649 , à ^
honte de la nation , qui en Lit tous les ans amende*
honorable. La conftance avec laquelle il reçut Is
mort, excita dans toute l'Europe une pitié, qoi
rendu éternellement odieux les auteurs & les coo^^
plices de ce juge.-nent inique.
AJrniniflraùon de Cromwel.
La royauté ayant été abolie , le pouvoir fut re-^
mis au peuple mcme, qui venoit de tremper (et
ma'ins dans le Tang de Ton Roi. C^omwt/ , principal
auteur de ce parricide, déclaré géoétal perpétuel
des troupes de IFiat , régna d. ' -cnt fout
Je titre modcrte de /'/o/f^tur. 1 . uveroa.
Ici Puritains fie les Preshytérieni dirpoféreot d*
Cout à leur gré , fie rendirent avec ul'ute4 l'Eglil^
j^ogUcanc le* ouuvai» iiuiciuca» qu'iU co avoico^
Di L*HiSTOiRE Ecclésiastique. 4^
fpçus. Leur prétendu zèle devint un enthouriafoie
forcené. Quelques-up.s d'entr'eux prétendant n'aglf
que par les infplrations de l'efprit , n'étoieot que
des fourbes^ôc des fcélérats , capables & coupahUt
(dit M. Fo'm;i ) des plus grands crimes. Leur prin-
cipe ctoit, que «» Tout cft permis à ceux qui fonc
I» dedinés à exécuter de grandes chofes , fur-tout
>» quand Iw Etats font menacés de quelque révo-
T> lution extraordinaire-, »» Se c'eft d'après ce prin-
cipe que Cromnei fe conduifîc.
La feue de ceux des Presbytériens qu'on ap-
pelloit Raniers , fe rendit fur-tout famcufe parmi
les fanatiques. Pludeurs de ces fedlaires abfurdes ,
atccndoient tous les jours l'avéncment de J. C.
pour fonder fur la terre un nouveau royaume,
auqwel ils donnoient le nom de cinjuicmc Monar-'
«A e. D'auires loupiroient après une nouvelle ré-
'▼clation , plus claire que les précédentes : ce qui
les fit nommer Chirc/uurs. Ces différentes folies
contribuèrent beaucoup à multiplier les Diides ,
efprîts téméraires qui attribuant à la Religion les
excès même du fanarifme , Ton plus cruel ennemi,
y fubilitucrentceux de l'incréJulité. Cromwe! , qui
les appelloic Païens , fe moquoit avec eux de
toutes lesfcftes, & fe réunilToit avec celle-ci daiiS'
la haînc contre l'Eglife Catholique, ,
Rci^.te de Charles IL-
Apres la mort de cet ufurpateur fanguinâîre A^
iij;;>ociitc", il arriva un cîiar^emaot imprtvudanl-
||4& £ L E M E N r
l'Etat & dans l'EglLfe. ChvU* II. fils de CkarUti;
fut rappelle par la rtation. Le trône dont Ton père
avoit ctc priré, lui fur rendu en 1663. L'Eglife
Anglicane, opprimce depuis environ 29 ans, re>
prit U première fpiendcur. Les Lvcques ayant été
rétablis fur leurs fkges , les Egliies ei^cvtes , fous
les admiaiArations précédentes, à l'autorité tfiC-
copaie.lui furent toutes rendues. Le culte & la
difcipUne reprirent la forme qu'ils avoient eue de»
fuis le règne d'Eh/jbcth, Le Parlement donna un
arrêt en 1661 , par lequel tous les miniitres Pref-
faytcriens en Angleterre étoicnt obliges, fous
peine de perdre leurs places , à le foumettre aux
loixde l'EgUfe dominante.
Forcés alors de vivre tranquilles , les Angli-
cans 2c les Puritains tournèrent toute leur fu-
reur contre l'Eglife Romaine. Leur haine trouva
un aliment dans une confpiration abrarde, attribues
en 1678 aux Catholiques , par un fcclcrat nom-
né Titus Ojùt. Ce malheureux , tour-j-tour Pré-
^cant , Jéfuite , ApoAat , Se enfin Athée , accufA
juridiquement [ les Catholiques An{^Iois , d'avoir
confpirc contre la vie de LLirltt II , leur Roi ,
8c des ProteAans leurs compatriotes , de concert
avec le Pape , le* Jéfuitet , les Fnnçois 6c les Ef-
pagool». Le but des confpiraieurs (.toit, (difoit-
ll, ) d'établir , pjr la mort du Roi fit de Tes plu*
fidèles fujcts , la feule Religion Catholique en An*
^etcrre. La couroooe dcvoii être oflerte au duc
^Ltttk , i coadiuoa ^u'U U tcccvroit cumme u^
DE lITistôire Ecclésiastique, ^ji»
don du Pape. Le Gcnéral des Jefuites dcvoit dif-
poier'de tous les emplois & de toutes les char*
gcs ^ & le p. de la Chaifc avolt déjà coniîjjné ua»
fomme conlîdérable pour celui qui tueroit le Rot
régnant.
Malgré rabfurdicc de l'accufatlon, les preuves
it-monftratives de l'inipopLure , les v ariatlons 2c
rinfamie des témoins , milord Stifford , d'auirei
perfonnes de mérite, 5c quelques Jefuites , furent
mis à mort , comme convaincus du crime de haute
trahifon. La Religion Catholique devint fufpet"^e à
prefque tous les Anglois , injullement prévenus; &
on fe flatta moins .que jamais de pouvoir la ré-
tablir d;ns une Iflc , où l'on employoit les impof-
tûtes les plus atroces pour U rendre odieufe.
Règne de Jacques I 1 ; il perd fa couronne,
La mort de Char Ut II, en 16S5 , donna ce-
pendant aux Fidèles quelques lueurs d'efpérance»
Il eut pour fuccciTeur le duc iTorck fon frerc ,
q\ii prit le nom de Jacques II. Ce prince ccoit
depuis long - tems attaché à la Religion Caiho--
hque, qu'il profcffoit ouvertem .nt. Qaand il fut
fur le trône , il fouhaita de la voir régner fuc
fes fujets. Ce defir , irès-!ouab!e en lui-même , c^e-
■vint funefte parce qu'il le fit-cc!ater ave: tco?
peu de nicnajcmenc. J.ic^^ucs demanda d'abord la
révocation du ferment fait contre la dodrine Ci-
tholique , aufTi-bicn que des loix pénales portcC*
contre ceux que les Anglican; apjelloicnt dunoar
Tvi
j444 Elément
îbjurieux de Papiftei. On prévit dès-lofS ce qur
arriva -, que la chambre-haute & la chambre-baffe,
que les armées de terre , que les flottes feroienc
remplies par des fujets de la Religion du mo-
ïiarque. Il n'en falloir pas davantage pour allât-
mer l'efprit inquiet 6c ombrageux des Anglois.
Jacjues les confirma dans leurs foupçons , en
accordant la liberté de confclence à tous fes fu-i-
jets , afin ( difoient - ils ) que tous les Catholi-
ques puiTent en jouir fans difficulté. On pré.
tend que le P. Pe:e rs Jéîuïte, fon confeffeur , qui
féflattoit,ou du moins à qui l'on fuppofoit l'am-
bition d'être cardinal & primat d'Angleterre , iaf-
pira au Roi cette démarche, que les ennemis du
monarque & de l'Eglife Romaine ne manquèrent
point d'envenimer. Ils le purent d'autant plus fa-
cilement, que le Roi fembloit avoir fait une rup-
ture ouverte avec l'Eglife Anglicane , & qu'il ne-
traignit point d'envoyer à Rome un ambafladeur-
extraordinaire , ni de recevoir à Londres un nonce
du Pape.
Les mécontens , dont le nombre étoit très-
grand dans un pays naturellement orageux & tur-
bulent, craignirent ou feignirent de craindre tout-
à-la-fois pour leur Religion & leur liberté. Ilsap-
pdlcrent à leur fecours en 1688 Guillaume de
Néijfr.u, prince d Orange , gendre de Jacquis II. Ce-
grince an^bitieux vint enlever à fon beau-pere
une couronne , qu'il fe mcnageoit fourdement &
<»'«£. adveffe. A £eiae fut'il, débarqué , qu'une tbul&>
DE L'HrsTOiiîE Ecclésiastique. '44^
fie fcigneurs & d'officiers Anglois s'emprcfTcrent
de le joindre. Jacques fe vit abandonne par fei
favoris , par le prince G:orge de Daneraarck , fon
gendre , par la princeffe Anne , fa fille la plus
chérie. Dans l'accablement où le jetta ce coup im-
prévu : Gra~.d Dieu ! prends pitié de moi , s'écria-t-il I
mes propres enfans ont abandonné leur père !
Le comte de Tirconnel, vice-Roi d'Irlande, dont
la fidélité fera à jamais célébrée , maintint feul
cette Ifle dans l'obéiffance de fon Roi. Il y avoit
beaucoup de Catholiques dans le pays ; il en for-
ma des troupes nombreufes, animées par le zèfe
de la véritable Religion. On vit alors des peuples
farouches & indociles fe ranger fous les étendards
comme une milice réglée; des vieillards faire l'exer-
cice comme des jeunes foldats -, des enfans ma'
nier les armes qu'ils pouvoient à peine porter ;
des femmes, malgré la foibleffe de leur fexe, vou-
loir partager les travaux guerriers ,& l'honneur de
défendre leur monarque & leur Religion.
Mais tant de conP^ance , de valeur & de fidë-
lit: farent inutiles. J.icques perdit tout courage , à
la vue de l'ingraritude de fes courtiians , & du
pouvoir qu'avoir acquis fon gendre fur tous fts
fujets. Il abandonna fon trône , fans' avoir pref-
«jue tenté de le défendre, & fe fauva en France,
oii Louis Xiy le reçut avec une générofué digne
de fa grandeur-d'ame^
Le monarqu: détrôné pnffa le refie de fes jours
ibi -Germain en Laye, ôc s'occupa uoiquemeot des.
"44^ Ë L E M E H î
devoirs de la Religion. Il mourut dans cette rf^
trai:e le 16 Septembre 1701,368 aos , détrompe
de toutes les illuùons , & fur-tout de celle de*
grandeur». 11 dit à foo Alt quelques heures avan^
que d'expirer : Si jamais vous ranoiitt{ fur U ttint
Àt vos ancLtret , parJ.nati à fut$ mts tnncnii,ai''
mt\ tes fujits i con/crvei U Re/igiom C*thûli^ut , 6r
prifere^^ l'tffCrancc d'un tcnhtur cttrmtl èm» Rujaw
me ftrijfa^lt.
La Religion Catholique n'nyant plus en Angle*
terre des fouTlcns dans les l'rinces , en parut ex-
clue pour loog-icmt. Le zc!e des fidcies qui lonc
dans ce royaume a ctc affoiblt encore par la cor»-
ruption générale des n-.a.urs que l'irreligioa a
produite. La cour, la viSe.Sc pluTicuts gens • de»
lettres, infedts par riocrcdulite fous Cw/c« //,.
& feus quelques - uns de fes fuccdTeurs , con*
iruoiqucrent au peuple une partie de ce daa>
gcrcux efprit , & on a vu trop fouvcnt chez lut
do la huine , de l'indifîcrcnce ou du mcpris pour
toutes les vcrités facrëes qui nourfiûbient fci cf»
pcrances & fovirer.ciefit (es vtrt..s.
Hévocaùon de tEdlt de Nantes ; affb:l>V(femcnt
du Cjlvinifme en France.
Ia fuite des cvénemens nous a entrain.* au-
delj de l'anoce i68j;innce rematquahle pu I»
décadence du Ca!vinifin<: en France. Dep'ii» !•
'yrilcde la Rochelle , cette hcrcfie fembloit Un-
goir cLo» ce royiuinc, U^ AVK , «prii l* i>**
DE L*HlSTOreE ÈCCLE5TASTIQUE. 44^
<âeNimcgue,réfo!ut de lui porter les derniers coups;
• II crut que le nom de Rvl tris - Chrctun l'ubli-
geoic à ne laiHer fublirter daiw fon royaurae que
la ftule Religion Catholique»
Pcu-à-peu les Prétendus -Réformés furent dé-
pouilles de tous les privilèges qu'oa leur avoic
accordés. Le Temple de Sdumur, permis à DupUJfism
Mornai pour lui & pour fa famille , fi't uémoli.
Les Académies nouvelles foim>!cs par les Pro»
teftans, fur«nt fiipprimies , ain(i que les Cham-
bres mi-paicivs. On mit les Miniitres à la taille »
on défend. t les mariages entre personnes de difté-
lente Religion. Les fages - femmes Catholiques
eurent feules le pouvoir de baptifcr les enfans
de< CalviniAcs en cns de danger. Il étoit per«
mis à ces enfans de fe convertir , dès qu'ils au»
roient atteint l'âge de 7 ans , & à 14 ki pcreî»
dévoient leur payer une penfion dans un fcnii-
naire , pourttre confirmes dans la Foi par l'cnfei-
gncment. Enfin le Roi ne dnnnoit plus à fes fu-
jets Protcflans ol charge de judicaturc, ni emploi
de finances, pendant qui! combluit de bienfaits
ceux qui Ce convertifToient.
Tandis que Louis XIV eftiayoit les Prctendus»
Réfoimcs par le mcconteniemcnt qu'il faifoit-
éc'ater contr'ijux-, un grand nombre de iMiflîoa-
caires répandus dans les provinces , tâchoienc
de les ramener à l'Eclife prmiiùve par leurs dif-
couis , parleurs exemples , & par diverfesinflruc-
tMus paAorales. Les Minillxes Calvioiûes s'opr
-{4^ E L E M E N s
pofant de tout leur pouvoir aux converfiotw ,?*
voie de l'enfeignenient parut trop lenic à Loain
XIV, 5c il fe perTuacli qv'il crtirpcrott pncfque
entièrement la Religion Proreftanrc dans fou
Royaume , s'il rcvoquoii l'Edit de Nantes , que
la nccefTitd des tems, autant que U reconnoifTance,
avoir arrache a Henri IT.
Cette matière importante fut mife en délibéra»
tion dans ion Confcil , & les fcntimcns furetic
Iong-ten$ partages , parce qu'en donnant quel-
ques fu)«ts à rEglire,on craignoit d'en enlever aa
plus grand nombre à l'Erar.
Ccuîc qui croient d'avis qu'on s'en tint aux
Toies de douceur difoient pour appuyer leur fen»
timent : •« Que les confcier.ccs ne fc pouvernoient
M point par la force ; que les manicres dures ré*
M voltoienr , au lieu de gagner les efprits ; qoe ,
n le zèle devoit être réglé par la prudence; qoe
»» quoique les Rois doivent procurer à leurs pen-
V p'es l'avantage de la Religion , leur principal
»» devoir eft de maintenir la tranquillité publî-
w que. Que fi l'on poufToit les Caiviniftes à bout
v> en leur ôtant tout exercice de leur Religion»
»• on le» jftteroit dans le dércfpoir ; qu'il y eo
» avoit plut de 1500 mille dans 1* royaume •■,
»» qu'on trouvoit parmi eux uo f;ran4 nombre ùt
n richec marchands, beaucoup de matriuts & c)e
M foldatt , des ouvriers habiles en toute forte de'
»< profefnon , *» de ^ officim d'ure expc'rieoce con-
H fosvmce. (^pc û l'on oc garJoit plus d« mefurf:
DE l'Histoire Ecclésiastique. 445
r à leur égard, on les mettrolt dans la néceflirc,
» ou de fortir du royaume pour fe tranfpljçfcr
>» dans d'autres pays, ou de d%,fobéir au Roi en
>» s'alTernblant malgré les défenfes ; que le pre-
n mier parti étoit ruineux pour l'Etat , & que
n l'autre paroiffoit avoir quelque chofe de trop
>» dur. Qu'il vauiroii bien mieux leur lailTer quel-
« ques Temples i que la d^Pâculté de s'y rendre
>) rebuteroit le plus grand nombre, & que les
r> plus en.ttis trouvant au moins quclc^ue moyen
n de pratiquer leur Religion , vivroient en paix :
» au lieu que s'ils étolent rcduits par une fup-
» prefCon totale a s'afTembler malgré les àcknCesj
M ils fe rcodroient coupables d'une défobéiiTancfl
p> manifefle , qu'il faudroit néceiTairement puolr.i*
Ceux qui penchoieot pour les voies rigourcu-
fes ne goùtcient guéres ces raifons , dont quel»^
ques- unes cependant mérîtoient d'être pefécsj
•< Que peut-il y avoir à craindre ( difoient-ils ),à
X pouHer une poignie de gens fans chef , a demi
M abbatus & qui p^'rdront bientôt courage } Si la
M feule vue de quelques dragons a fufti pour en
n ramener un tort grand nombre , Se même des
I» villes entières, que fera-ce lorfque le Roi par*
M lera ? Les gens-de-condition feront les pre-
M miers à donner lexcmple , & le peuple fuivra
» immanquablcmen • N'efc-il pas tems enJîn de
7> porter le dernier coup à l'héréfie & à la ré«
n bcllion ?Cet efprit remuant 6: indocile, qui dans
^ tous, les tems fuig c^r^âvu Uçs hUj^ut,uo:s^ l<;f
450 E L E M E N S
5> domine encore. A la vérité il n'y a pas à crain-
îjjdre que le Roi étant élevé au point de gran»
n deur & de purirance où l'amour de (es peu»
>» pies & la profpérité de fcs armes l'ont mis , ils
T> ofent entreprendre de remuer •, mais fi la for-
n tune cefToit de nou» fdvorifer , on trouveroit
»t parmi eux le même efprit de révolte qu'on y
ft a vu dans tous les tems. La tranquillité
») du royaume ôt l'intirct de la Religion deman»
?' dent donc également qu'on coupe le mal dans
>» fa racine. Le Roi , redouté de tous les voifinc,
71 & ayant des troupes nomhreufes d: aguerries,
M auroit-il quelque chofe à craindre ? 6c n'eft-il
H pas de fa piété & de fa gloire d'achever c«
•t que ^x Rois fes prédéceffeurs oo: entreprif
ft inutilement & fans fruit? »
Ces différentes raifons , appuyées par le chan^
celier le TcUlcr & par Louvols fon fils , déter-
minèrent Louis XlV. Il fe décida d'autant plus
à révoquer l'Edit de Nantes , qu'il n'en reftoic
guércs que le nom. On avoit annuUé prefqae
toutes les difpofuions par une foule d'Edits don-
nés en i68z , 83 & 84. Un grand nombre de
Temples étoient ditrults ; les Minières n'ofoient
prefque plus paroître ; on avoit enlevé aux père»-
tous les enfans qui montroient le plus léger de*
fir d'ctre Catholiques. L'efpoir des récompenfcs»
la crainte des chàtimens , avotent ébranlé plufieur»
adultes. Il y en eut un grand nombre qui ccdc-
^cot a l'apprchcaiioa de voir loger des gcns-sj^
Dî l'Histoire Ecclésiastique; 45 f
guerre dans leurs malfons. On avoic commencé
ces expéditions militaires , ordonnées par Lou~
vois , dans la province du Béarn ; on les em-
ploya dans le refte du royaume. Les troupes ré-:
pandues par -tout ne trouvèrent prefque aucune
réfiftance, & on n'entendoic parler que d'abjura-,
tions ou de difpofitions à abjurer.
Le defféin que Louis XIV méditoit depuis long"
teras , fut donc exécuté , & l'Edit de Nantes fut
anéanti par un autre Edit donné la i8 Octobre
1685;. Cette muv. Déclaration portolt en fubftance
la révocation de tout ce qui s'étoit fait en fa-»
veur des Caîviniftes , la démolition de tous leurs
Temples , la déicnfe exprefTe de s'affembler pour
les exercices de leur Religion , & un ordre pré-
cis à tous les Minières de fonir du royaume
quinze jours après la publication de l'Edit. Cer
pendant, pour les encourager à abjurer l'erreur^
le Roi faifoit de grands avantages à ceux d'en-r
tr'eux qui fe convertiroient : il leur promettoit
l'exemption des tailles , & une penfion plus forto
d'un tiers de leurs appointemens.
Un grand nombre de Miniftres , fédults pae
ces offres avantageufes , ou convaincus de la f juf-
fêté du Calvinifme , fe rendirent à la vérité. Les
autres , au nombre de £ix cents , quittèrent la
France , emportant dans un cœur ulcéré les plus
vifs regrets & le refientimetu le plus durable,
A l'exemple des Pafteurs , plufieurs familles de
fïugueaots cherchérçflt un afyle daus les contrée^
45* E L E M I N s
OÙ leur Religion ctolt profefVce. Ft comme tel
tranfmigrjtions qui poavoienc dcpeupler la Frjnce»
svoient di'jk commence avant la publicariaa de
l'Edic revocatif, on détendit aux Proteflant dan«
un article particulier , noa - feu'.emcnt de pafi'er
dan* les pays étrangers , mais m^me de tranf-
porter leurs biens & leurs eflfets , feus peine tlci
gzléres pour les horrmes , & de confifcation de
corps & de biens pour les femmes.
Tel fut ce fameux Edif , que Lou'.sXlJ^ fi?ot
•vec tant de joi.*, & don: il le feroit encore plut
fcîici'c, fi deux cents mille de tes lujcts n'avoienc
emporte chci nos voifins les manufaîlures de
France & prés de deux cents millions d'argent
coa<ptant. La ciu^^celier le Te.'/ler , à qui Ton
grand àfc antronçoit une mort prochaine , s'écria ^
après avoir fccUc cette Déclaration : A^cnc <finrmi«
ftrvum tuum , Domine , quia viéerunt eeuli mei /jlutart
tuurn. Ce fut en effet le dernier afbe qu'il ligna.
Il n'ctoit pas po^ible qu'un Editqui devoit pro-
duire de fi grands changemens dans la Religion •
& dans la fortune même du vii • la na-
tion , s'crtcutiit paiiiblcmenf. 1 d'un
côté , l'enthoufiafme de l'antre, caufoient des tranf-
greflions que les ma^inrats ctoient obligés de pu-
nir (elon la fcvcriic des ordonnance». Tous les
pafT.ij.e» des fronricres furent gardés , 8c ceux qui
cherchoient i les franchir, punis comme coupa-
bles. Malgré ces précautioru,un grand nonibre do
Cilvùuftci c(hapfa à fc» furrcillaiu , ^ fe rrpiÉr:
DE l'HlSTOmE ECCLESTA5TIQUF. 4Çj
Oircnt en buiiTe , à Genève , en Allcm-igne , en
Hollande 5c en Angleterre. Oubliant qu'ils étoient
Chrctuns & François , pluHeurs e;.hatcrent les
plaintes les plus amcres & contre l'Edit de rcvoca"
tioji, & contre le Prince qui l'avoit donné, & contre
le Clergé qu'ils foupçoanj.enc de l'avoir foliicitc ,
Si enîia contre la manière don: on le f^lbit-exc-
cuter.
Les diclamitions contre la France furent fi vio-
lentes, que l'auteur de l'Avis aux RJ/uglct , publié
en 1690 , leur confcilloit que s'ils retournoient
dans leur patrie de Taire une efpcce de quaran-
taine. " Le mauvais air que vous avez humé
>i dar.s les lieux de votre cxil , ( ajoutoit-il , ) vous
s» a infe£lts de deux n-.aladics tout-a-fjit odieu-
9» Ces. L'une eft refptit de fatyre; l'autre un écr-
it tain efprit rcpubl.cain, qui ne va pas a moins
n qu'a iiitrcdiirc l'anarchie dans le monde, le
tt plus grand flcau de la fociétc civile. »
Cet Avis ne corrigea pcrfonne , & jamais les
preJïes de Hollande, li Uconaes en libelles, n'en
produifirent autant. Le miniAre JurUu fut l'un de
ceux qui fe fignalérent le plus par leur fanatif»
que 6c leur emportement. Devenu tout-â-couy
IjB rival de A'i///'r...-<jw.uj , il annonça dans fon Ac-
tompliffttnent dci Prophéties , •« que la décadence du
>» Papifme comn.enccrcit vers l'an 1690 , & qu'en
H 1710 ou lyij.auplus tard.àpoinc rtitcroit-
X il en France quelque trace de l'ancienne Re i^
« rIoo. n Mills ce qu'il avoit cru voir dait^ r.<i(-
HS^ E L E M E K s
ces profanes &: a des intérêts purement hu-
Où'uis.
Qu'Ut'iJïcs en luUe ô" en France ; leur
conJ.imnMlon.
On vit naitre dans ce ficcle une erreur non
moins dangcrcufe que les dogmes desVaudJÏi;
c'eft celle du Qu'tnfmc. Son auteur fur un prctre
Erpagnol , ( M:ch:l Mo/inot ) qji s 'étant rendu re-
comm^.nJable dans fa pairie 5c cnfuite a Rome
par une pieté tendre & une cloqiience douce ,
fe fit un grand nombre tic difciple* illaflres dans
l'un & r^uire fexe. Il développi fes principes
dans fon Guide /pirituti ,q\i'ï\ avoit publié en ef-
pagnol en 1675 » & ^ui fut imprimé en italica
en 16S1. On tira de cet oi:vr.!g(? , qui renou.
velloit ( difjit - on ) les idées extravagantes des
Bezfrds & des Be^uirttî , foixante - huit pro-
positions , qui parutent ouvrir la pone au liber-
tinage.
Le fond; de ces propofuions ccoit : Que l'état
part4it du Chrétien conlîlle dans le repos d'une
oroe , telicment abfoibce pjr fon union i^ec
Pieu, qu'elle n'a aucune volonté ni aucun mou*
vement qui-lui foit propre* C'eft Dieu qui pro*
dtiit tout en elle , & elle n'ed plus qu'«in ^re
palfif. i'ar cet entier abandon à l'inliacncc di-
vine « le Chrctico parvient « aimer Dieu i. un
amour pur , c'cA-a-dirc , exempt de toute vue
ii'imc;ct patùculicr, il rc pcru'c , ni aux rccoqi-
pcnfQ
DE l'Histoire EccLESiAsnQUfc "^^
Ipenfes , ni aux peines. Il n'cft inquiet ', ni de
fon ralur,nt de fa damnition. Il envifage ces
objets avec une parfaite indifférence , & dans
cet état il oe fçauroit pécher. Il n'a befoin d'au*
cun culte extérieur , &: a quelque vice qu'il fe
livre , rien ne doit lui être imputé dans l'état d'im-
paflîbilifc où il eft arrivé.
Ces idées dangereufes furent dénoncées à l'Iti»
quiGtion. Mollnos , malgré la proteftion des amis:
les plus puilTans & la bienveillance dont le pape
Innocent XI l'honoroit , fut condamné eu 16S7 *
une pénitence publique , à la rétradlation de Tes
erreurs , & à une prifon perpétuelle. II y finie
fa triftç carrière en 1696, martyr des plus ab-
furdes rêveries qui aient palTé par la tête des
hommes.
Le Quiétifme ne mourut point avec fon au-
teur. Il eut des partifans en Italie , en Efpagne
& en France. Une femme qui joignoit aux agrc-
irens de la beauté un grand fonds de fentiment
& de tendreffe , Madame Ae la Mothc-Guion ^ fut
une des apôtres de la nouvelle doctrine, qu'elle
modifia pour la rendre moins odieufe. Elle pu-
blia divers Ouvrages, pleins d'idées obfcures &
d'cxprefllons alambiquces. Elle y cnfeignoit /'d-
handon parfait qui ejl la cUf de tout /'intérieur , ne
Ttftryant rien , ni mort , ni vie , ni fe'fiHion , n-
falut , ni paradis , ni enfer.
Dans fon Explication de Y Apocalypfe , elle fai-
foit la proplictcffe : elle prcdifolt l'avenir , el!c
Tom, 11^ y ^
45^ E L E M E N s
tes profanes &; à des intérêts purement hu-
mains.
Quléùjlcs en Italie & en France ; Uur
conidmnation.
On vit naître dans ce" ^iz\^ une erreur non
moins dangereufe que les dogmes des Vaudjis ;
c'eft celle du Qjrhifme. Son auteur far un prêtre
Erpagnol , ( Mhhzl Mo/inos ) qji s 'étant rendu re-
comm'.ndable dans fa patrie & enfuite à Rome
par une piété tendre & une éloquence douce ,
fe fit un grand nombre de difciples illaflres dans
î'un & l'autre fexe. Il développa fes principes
dans fon Guide fpirhue/ ^ qn'W avoit publié en ef-
pagnol en 1675 » ^ <î"' f"^ imprimé en italiett
en 1681. On tira de cet ouvrage , qui renou-
velîoit ( difait - on ) les idées extravagantes des
Bc^ards & des Béguines , foixante - huit pro-
pcrfuions , qui parurent ouvrir la porte au liber-
tinage.
Le fondî de ces propofitions étoit : Que l'état
partait du Chrétien conlîile dans le repos d'une
ame , tellement abfoibée par fon union avec
Dieu, qu'elle n'a aucune volonté ni aucun mou*
vement qui-lui foit propre. C'cft Dieu qui pro-
duit tout en elle , & elle n'eil plus qu'un être
palfif. Par cet entier abandon à l'influence di-
vine , le Chrétien parvient à aimer Dieu d'un
amour pur , c'eft-à- dire , exempt de toute vue
jd'inté:ct particulier, il ne penfe , ni aux récoqi-
pcnfQ
DE l'Histoire Ecclésiastique.- "^^
|>enfes , ni aux peines. Il n'eft inquiet ", ni de
fon ralut,ai de fa damnation. Il envifage ces
objets avec une parfaite indifférence , & dans
cet état il ce fçauroit pécher. Il n'a befoin d'au-
cun culte extérieur , êc a quelque vice qu'il fe
livre , rien ne doit lui être imputé dans l'étac d'im-
pafEbilité où il eft arrivé.
Ces idées dangereufes furent dénoncées à l'In»
quiiïtioii. Molinos , malgré la protection des amis
les plus puiffans & la bienveillabce dont le pape
Innocent XI l'honorolt , fut condamné en 16S7 k
une pénitence publique , à la ré:ra£lation de fes
erreurs , 8c à une prifon perpétuelle. Il y finie
fa triftç carrière en 1696, martyr des plus ab-
furdes rêveries qui aient pafTé par la tête des
hommes.
Le Quiétifme ne mourut point avec fon au-
teur. Il eut des partifans en Italie , en Efpagne
& en France. Une femme qui joignoit aux agré-
mens de la beauté un grand fonds de fentimenc
& de tendreffe , Madame ds la Mothe-Guion , fut
une des apôtres de la nouvelle doflrine, qu'elle
modifia pour la rendre moins odieufe. Elle pu-
blia divers Ouvrages, pleins d'idées obfcures 8c
d'expreïïîons alambiquces. Elle y enfeignoit Pw
handon parfait qui ejl la cUf de tout l'intérieur , m
réfervant rien , ni mort , ni vie , ni pe'-ficlion , n-
/alut , ni paradis , ni enfer.
Dans fon Explication de \ Apocalypfe , elle fai-
foit la prophéteffe ; elle prcdifoit l'avenir , elle
Jom, 11^ y
H^ £ L £ M f N S
rscootoit des vifions ; St. quoiqu'on IVit juftU
fiée fur l'article dcj mœurs , il y a quel»iaes- ,
unes de ces viûons, (dit le P. d'Jyrlgiti) qu'oa
ne pourroic rapporter Utxs falir l'inu^ioatioa 11
plus pure.
» Comme elle fe croyolt favorirée , ( ajoute
le même auteur , ) •• de toutes les grâces qui
m ont A- for: didinguc Ste Thuij'c , elle voulut
H bien , à l'exemple de cette Sainte), écrire U
M Vu... LJ , nouvelles révélations, nouvelles im»
M piétés , ou plutôt nouvelles lulics. Elle dit qu'elle
H voyolt clair dans le fond des âmes , fur lef-
» quelles elle reccvoit une au:ori:c miraculeufe ,
» aufli-bicaque furies corps , q.ic Dieu l'avoic
•n choifie pour détruire la raifon humaine 8c établir
H la fdgede divine par la deAruftion de la fagefle
tt du monde. Ce que je lierai , ajoutoit-elle , J»fM
M lié: Ci oue je AèlUrai , fu* Jèîli!, Je fn'u €tttt
•I pierre fehe'e psr ld\C «'* fjiinie , rtjctt/i par ie$
M archlteHet. Elle étoit venue à un tel point de
H perfeûioo , qu'elle ne pouvoir plus prier Uf
M Saint» , ni miïme ta Su Vierfê ; 8c la raifoa
n de cette impuilTance , e'tjt que et n'tjl pat i t'E-
(• poufe , mail aux domtjli^uti de prier te$ autre i de
H prier pour eut. Comme époufe , elle étoit rem-
M plie de grâces non-feulement pour elle, nuif
M encore pour les suirrs. Elle en étoit quelque»'
M fois f> pleine , que (a vie étoit eo danger. M
M falloit promptement la délacer 8c la mettre fur
u ua lJt;eacorc foo corps en crevou-U en pîu«
■DE l'Histoire Ecclesi astique. a^9
w iîeurs endroits... Mais le remède fouvcrain ctoic
» de s'affeoir auprès d'elle en filcnce. Alors de ce
« réjervoir divin cù les enfans de la fageffe put-
vt /aient incejfdmmtnt ce qu'il leur falluit , te fai»
»» foit un dégorgement de g'^aas , dont chacua
" recevoir félon fo.T de^ré d'oraifon.
i< Ce qu'il y a de furprenant , c'eft que Ma*
M dame Guion eût avance tant d'extravagances,
»i ayant autant d'efprit qu'elle en avoit. Car tous
»» ceux qui l'ont connue avouent qu'il eA difficile
M d'en avoir davantage , & que perfonne ne par-
n loit mieux des chofes de Dieu. Ce fut par-li
<• qu'elle furprit l'eftime des plus geos-de-bien &
i> des plus éclairés, n
Ses principes de myAicitc étoient trop fufpeds
& avoienc dcja trop de partlfans, pour qu'ils
n'excitaffent pas le zcle des Lvêqucs de France.
L'archevêque de Paris ( Har/ai ) , l'èvéque de
Châlons ( N,.ail/es ) , l'cvèque de Meaux ( Bo/"
Juii) , condamnèrent la dodrine de Mjiame
Cuion , qui fe rctrùcla avec mode ftie , & lui op-
pcfétcni en 1695 divers articles qui conte-
noicnt la vra^e Fui de l'Eglif.: fur ces matières
délicates.
La nouvelle Quiétifte avoir des amis illuAres,
qui avoient etc également touches des charrres
de fon efprit & de la pureté de fes moeurs. De
ce nombre ctoit Fén^lon , archevêque de Cambrai.
Il compofa un ouvrage , intitule itt Maximes du
iaints , dans lequel il crut avoir juAiiîé en pacr
Vij
1^6 E L E >î f N S
tié la doflrlne de Ton amie , & établi celle <ie«
tbcoloo-cns fur la myilicit.-. Bojfuei y vit des
erreurs , & l'^ifT^irc l'ut ponce à Rome. Il s'éleva
uoe vive difpt^tc entre ce prélat & Fèatton ; m:ii»
elle l'ut termir..c par le jjtjeraeni à'înnvctnt XII,
qui condamna, en 169:), le livre de l'archevê-
que de Cambrai avec lei. XXIII propolîtioas
qu'on en avoic extraites. ( * )
(• ) Les principales font le» finrantes. »• I! jr «
f dit M. de Ccnhray 1 « \>'\ état iuSitucI d'amour d«
•« Dieu, qui cX un.- churid pure 8t faas aiicai. mè-
•« lange de motif de rint«^rct propre...» Ni la crainte
»» des chitiinciis , ni le ciefir des rifciurpenfci, n'ont
M plus de part à cet amour. On n".iiire plus Dieu,
»% ni pour le mérite , ni p >ur la p!?rfc<nion , ni pour
»» le honneur qu'on doit trou>fer en l'aimant. Eo
•t l'état d* vie contemplative ou unitive , on perd
•t tout motif intéreflé de crainte 8t d'cf; érance.
*t D.i.ns Us dcrni-res épreuves l'amc peut ttre in»
•1 vinrihlcment perfujf'ce d'une perûuTrioii rc^fléchie,
>. & qui r.'o.l pas d^iii le fond itulmc (v? la conf*
>i cicncc , qu'elle eil jutlem-nt répro.ivée de Dieu.
jt (^ cft ..'.ors qae l'jmc diviiée d'avec cllemcmcex-
•• pire fur la Croix avec J. C. en c'ifant : O Dieu,
»• mon Dku^ pyur^fuol m'4\c^-vnus ahjniunni ? iy»n%
r> f^nc imoreffinu involontaire c^c Héûlpoir , elle fait
n V • '■' : "t pro;>re pour l'éter-
M ■ ^ (ont privées de la
H \ , . - ' >• •'■' '. '" '" ''«•■•T
M S prr
H : I -ur CO!i'.
I, viicJ.t.. l' ,.,0-
tf : Jlfif.... on ver»
... - ^ __^
>. >iat
(•I . mhle
M '« • ^( que l'on n«
», ' 1 '<•/'( pitii ar'.f^/ J
rc 1... . • 1 • » , que I'.
•• veut ]> . t 'lu :nt l'am
DE L'Hl^TOIPE ECCLEs/aSTIQUF. ^é^
Fér.tlon fe fournit à la dccifîon du falnt • fîcge
avec une fimplicite , qui piouvcU cgalemcnt U
pureté de fcs intentions & J'clévation de (en.
ame. Quelques liuloriens prévenue ont tâché de
répandre des foupçors fur cette (bumilTiOTi fi
magnanime. «« Les perfonnes vraiment défincé-
« reffées ( dit M. l'Abbé Radnc ) ne furent pas
H fort édifices du Mandement que M. de FcntLn
>♦ publia en crtte occafion. On croyolt qu'il ne
i> fongeroi: plus qu'à réparer le (can'ldle qu'il avoit
n Cdulé à l'Eglue , par une rétrjtlation publique
» de (es erreurs ; mais on n'y trouva rien d'a|>"
>» prochant : tout y paroiffoit fec & plein de pa-
»> i\)Ies vagues, qui pcHivolent n'exprimer qu'une
n foumiflion extérieure & forcée. Un homme ,
y, difoii-on , qui eft forcé de fe foumettre , ne
n voyant plus aucun moyen d'échapper , dira
» fans peine tout ce qui eA contenu dans ce
n MùnJement. On n'y voit rien qui marque ua
n finccrc repentir. Il adhère au Bref du Pape par
n déférence ou par nccelGté , & non pas par
n perfuafion ou par conviiflion. Il fe (oumet aa
n jugement du Pape , comme il fe foumettoit aux
»» articles d'IlTy. C'eft un homme qui croit qu'oa
n lui a fait une iniuflice qu'il n'eft pas en état
>t ment en tant qu'il eft ce que Dieu veut de nous
yr Les âmes transformées , en fe confelfant, doivent
>» (létcfter leurs fautes , fe coiul.imner a (lellrcr la r^
»♦ miiri jn de leurs péehJs , non co-nntc Uur prcprê
H piirifcjtion 6" dîUvrancc , mais comn.e chole «;ui
>• Dieu veut. >»
Viij
4^^ E L E M E N s
M de repoufler , & qui prend réfolution de por-
n ter fa croix co f»!ence. » Voila ce que dit un
Hiliorieii prévenu : mais Its bons el'prits , \et
coeurs fenfiblcs furent pénétres de cette docilité,
fi rare dans un homme de gcnie.
Il ne chercha point à éluder la coadamnation
par des chicanes ; il ne dit point 'qu'elle étoit
l'cuvrage de 1 intrigue, ainfi que s'eft fouvcnt ex-
primée Terreur anathcmatifée & confondue. //»
rtlon t'avoua coupable dès qu'il fut condamné ;
Se il parut à quelc^uei égards plus grand dans ft
4éfaite , qu'il ne l'auroit été l'il eût triomphe*
Pour donner à fon diocefe un monument de f»
déférence au faint.fiége , il fit-faire pourrexpofi*
tlon du St-Sacremeni , un ScUu porté par deux
Anges , dont l'un fouloit aux pieds divers Li«
vres litretique» , fur l'un def..;^els cioit le titre
du fien.
Auflî Innoein: XII , qui connoiiVoit fa fenf>bi»
lité , fa douceur fie fa docilité, H.ioit en le com*
parant à quelqiies>uns de fes adrerfairei , que A
Ftm/on avjii pahé par un t»tii i'ëmour divin ,
iiet ennemis aroicm p4thi par iif^t J'émour in
D'iverfcs trrturj ; d<t Quakers.
On ne trouva pas la mcme docilité dant lei
Bcrctiques qui naquitcnt , vers le irilieu de ce
fiéde , en Angleterre , le berceau de quelques
écrites (c d'un plus grand nombre d'erreurs.
î^p"" l'HiRtOîre Eccxe*;iastique. 4Cy
Cette noûvel^e (eue d'emhoufiaftes connus fous
le nom de Q^i:ùkers ou Tremlleurr , parce que duni
leurs exercices publics ils étoient agités de treia»
blemens par tout le corps , dut fort origine à un
Cordonnier fanatique nomme George Fox. Cet in.
fcnfé , âgé feulement de vingt-trois ans , quitta
la boutique de fon perô pour parcourir les pro»
rinces d'Angleterre, prêcîiant fon gallmathias fur
1.1 Imnicre intérieure , exhortant à la vertu h
eu donnant IVxemple,
Fox étoît pcrfuadé ; il perfuada. Il eut bientôt
un grand nombre de difciples, qui croyoient imi-
ter les premiers Chrétiens. Ils recevoient ce qu'il»
appelloient l'E/pric , 8c Je premier qui l'avoit
reçu, fok homme, foie femme, prôchoit les au-
tres. Ils ne voulurent ri Temples, ni Autels , ni
ornemcns , ni cércmonies. Se faifant un devoir
précieux de la chirité , i!s avoient une bourf»
commune pour fccourir les pauvres.
Leur enthoufiafme s'ochiuffant à racfure que
leur nombre augmenroit , ils oférent , dans la ré-
volution qui coùra la tcte à Charles /, interrom-
pre l'exercice du culte divin , 6c attaquer avec
-fureur Ceux qui le célébroienr. Cromwel réprima
leur fanatifme par des clvirimens exemplaires.
Leur carnficre s'adoucir , ôc quelques gens-d'cf-
jrit , tels que Robert Bardai fic Guittaume Penn ,
ayant embraflTé leur fefle , donnèrent une appi-
rence de raifon à leur théologie 8c une forme »
leur dlfcipline ecclcûaftique.
Vif
Feu» , homme ardent & fingulier , avoîc fo»'
■tts à la dominatioo Angloife une province de
rAmérique Septentrionale. Il alla s'y ctablir avec
cinq cents de fes Sectaires , & donna a ce pays
iufqu'alors fauvage , & aujourd'hui trcs-florilTanr ,
]e nom de Pcnfilyjnie. Le refus que les Quakers
d'Angleterre fai/oient de prêter fcrraent en juf-
tice, refus dans lequel ils ont perfcvcrc , leur
Bttiroit de tems en tenu quelques, perfccutions^»
qui fervirent beaucoup à augmenter la Colonie
ée l'Amérique. Enfin Charles 11 fçachant que ,
maigre leurs erreurs & leur fanatifmc , ils ctoienc
frugaux, modef^es , juAes & charitables, leslaiflj
vivre comme ils voulurcat. Jacques 11 leur fut fa>
.vorable , it OuiJaumc ill leur accorda la liberté
de fuivre leur religion telle (qu'ils l'avoient pra*
tiquée d'abord. La populace AngloiCe qui les ivoifc
long - tems infaltcs , comme des infebrct qui
Touloicnt fc di>( n^uer des autres hummei,atiai
par aimer leurs ma:ur$ Jouces , ût ^ar rci'itcâftf
leur conduite exade <Sc fcvcre.
D<s Socirùens & des D:'pet,
Les liorirurt dune te tanatirme s'ctoif fouillé
tn An^'ctcirc, les prestes qu'^vuieni fjiti lanr
et nouvr es erreur», la manière dont cet et*
ceuri s'cioieot accrcdiiéet maigre leur abfurdité
Cl le ridicule de ceux qui les prèchoient , firent
iioe imprcHion funrftei fur quelque» cfpritt ce-
Viciufcs. JLcs unt »'ima]jla(.rcat que cet uot;
DE l'Histoip.e Ecclésiastique. 46^
Vers étolt le jouet d'une deftinie aveugle. D'au*
très crurent qu'on avoit cmpoifonnc les fources
du Chriftianifme , & voulurent ramener tout à
l'origine primitive. On vit dès-lors fe former c«
torrent d'implctcs , qui , dans ce fitcle, a inonde
l'Europe , & qui grolVit tous les jours , maître
les digues que l'éloquence , le fi^avoit ôc le zcle
lui ont oppofées.
Les Unitaires OU Soc'nîtns continuèrent d'atta»
qucr le dogme de la Trinité , & ils entraînèrent
dans leur parti des Ecrivains diftingucs qui par-
lèrent ouvertement pour eux. On vit en Angle-
terre des Dodeurs qui n'avoient pas craint de
pLider dans^ des ouvrages fçavans en faveur de
l'Arianifme , vivre tranquillement dans la com-
munion de l'Eglife Anglicane , & s'clever aux pre»
micres dignités de cette Eglife.
5/?/;;(yj , Juif Hollimlois, converti eu ChriQIa-
nifme , m.iis qui n'avoir aucune Religion , fe dé-
clara l'Apôtre de l'Athcifine dans un livre qui
fut heurcufcment plus fameux que lu. Son l'yllê-
rae eft d'autant plus extraordinaiie, q'i'il ne pi-
loit pas qu'aucun Athée ait penfc comme lui.
Selon ce viConnuire ,U n'y a qu'une feule fub-
Aance éternelle & indivifibie » qu'il appelle Dir.u.
Tous les Êtres , que nous croyons bien diffcren»-
les uns des aiures, ne font que cet:e fuLflance
éternelle & indivifible , modii'ie en autant de fa«
cens différentes , qu'il y a d'Êtres divers en ap-
parence. Ainâ fon DiEUcfl en mcinc-ceoi»'
Vv
efprit & raariére, homme & bète , bon Se fhauviîs /
jufte & impie , froid & chaud , &c De forte
que, pour parler juAe dans ce fyAime bizarre,
îi ne faut pas dire : Le Soleil échauffe la terre ;
la Mer porte les VaiiTeaux -, Brutut » poignarde
Ci/dr , &c. mais il faut dire : Diéu moUjU tH fo-
l<\t tchtujfc Ditu moJ:f.i <n terrt : Diea modijit tu
mtr 'pont Ditu mjéif.i «a vûijft*un : D'ttu moi'tJU
en Brutus a poignardé Ditu motlifitn Céfar , &C....
Expofer fimplement ce fyftime avec fcï confc-
q-jcnccï , n'cft-cc pis le réfuter ? Spiwfaemployl
cependant toute la fubtilité de fon efprit pour
facctéditer -, mais comme fon ftyle avoit peu d'a-
grcmcns , & qu'U ccrivoit en latin , il fît beaucoup
moins de mal que le fcepiique B.ty.'t , l'un des
ireillcurs Ecrivains François qu'ait poflëdés la Hol*
lande.
Ce ccicbre Pyrrhonien , ne en Lingucdoc, 8c re-
tiré en Hollande peu de tems avant la révoca*
tion de l'Edit de Nantes ,n'ctoitpas plut attaché
à Cahin qvi^yi Pape. Quoiqu'il pjtût extérieure-
ment uni aux ProtcAant par les liens d'une mê-
me croyance , il agit p!u« d'une fois pour retour-
TitT en France. •• Il ne dcmandoit ( dit le Père
6' A r. gni) f^miC la pcrmifTion de faire le J,urr.*i
» du SfjréUi , & la liberté de demeurer dans
•* k royaume un an avant que de faire abjura-
Ni.us il ne vouioit pas que M. l'Evique
. .lux fit irophcc de fa converfion , & 1c
p m*t»t/Ji (onuai l'otÊfj : c'cA ce qu'il éccivit a
»E l'Histolbe Ecclésiastique. 4^7
i* quelqu'un de fes amis. » Cette négociation ,
^l'ayant pas réiirti alors , ( cctoit vers l'an 169&)
>1 continua de demeurer à Rotterdam , où ilccri-
•vit avec une licence qu'on trouva trop-forte ea
•Hollande même. En confervaut le langage d'un
homme qui n'a pas abandonné le Chrillianifme,
liayU lui tait des plaies d'autant plus fanglantes ,
i]u'il cache .la main dont il dccoche fes traies. Ses
Pen/écs fur la Ctmite , fon Traité dt ta. Toiînu-
*e , & fur-toi:t fon cworme DiHiunnaire , fonzli
grande fource ou quelques fopiiiAes modernes,
plagiaires peu délicats & compilateurs infatiga-
•bles , ont puife leur morale Se leur théologie. Oa
n'a jamais f.iit un plus grand abus de fon génie
■8c de fes lumières pour étendre le doute à tout,
& pour ohfcurcir les pùac'ipes les plus clairs Se
les plus cvidens ; ne recourant à la Foi que
pour dégrader la raifon . & n'employant la rai-
fon que pour combattn: la Foi. On auroit dii
iiiticdler ce Difiioonaire : Lt Steptic'fmt tnftignc
par ordrt a/pfijbctijue. Il mourut a Rotterdam en
>'7c6, après .nvoir vécu en homme dégagé del'am*
biiton des honneurs & des ri.hefTcs, mais non
-de celle d'occuper le nubîic de fes talcr.s & de
fes écrits.
Réforme de la Trappe,
Si ce nouveau genre de maux ffflgfa l'Fglire,
elle éprouva des confolations qui adoucirent fes
peines. Ce ficcle vit rcnouvellcr les vertus des
anciens Solitaires dt l'Egypré. /mi le Boutkiilit
\ vj
46S E L E M E V s
de Ranci , après avoir livre fa jcuncfTc aux égî^
rcmens du ficelé . fut ramené a DiEi: par la mort
d'une dame avec laquelle il avoir été très - \\c,
Ayant connu le néant de l'ambition fie des plar-
firs .il alla s'enfévelir dant la folitudc de la Trap*
pe , dont il <^oit Abbé i il y établit la réforme la
plus auftére, 8t fît-obfcrver dans cette nouvelle
Thébaide la règle de S. Benoit dans fa pureté
primitive. Il y jouit des hommages que l'admi--
ration des hommes doit à la vertu. Les agré>
mens de fon efprit fe confervérent en lui dani
un corps très-roortiiié. Jacques II , roi d'Angleter-
re , à qui fon zèle pour la Religion avoit fait^
perdre fon royaume, la Reine fon cpoufe , Afow^
sitVR frerc du Roi , des Princes , des grands*
Seigneurs alloient fouvçnt s'cditier dans (3 re-
traite , confacrce à un filence éternel. Le norrv
bre de fes difciples fut confidcrable , & Tondit
de lui ce qu'on avoit dit de S. FroMçois : Efur'm
éocet,& difcipuLs invcnit. Ce» illuflre reformateur
termina fa carrière avec le fiécle -, il mourut le
ao d'Odobre 1700, âgé d'environ 75 ans , laif-
fant plufieurs Ouvrages de fpiritualicé , dont la
plupart roulent fur les devoir» de la vie monaf*
tique.
Le travail de« maint ctoit le feul auquel il vou-
lut appliquer les Religieux , quoique fa com>
plexion délicate , qui lui interdifoit ce travail à
lui-mcme ,( félon l'Abbé de Chotfi , ) evii dû lui
ûirC'Ceaiir que pliiûe'^& Ccaobicet n'ctoitm
DE l'Histoire Ecclésiastique. 4<<'^
pas plus robufles que lui. A/ai.V^u , fàchc qu'oa
voulut leur interdire l'étude, dont il avoit fait
un û bon ufage , réfuta le Réformateur de la
Trappe avec autant de force que de politelTe.
L'Abbé de Rance avoua , pour ainfi dire, fa dé-
faite en continuant d'ectire , d'éxudier & d'entro
tenir des correfpondances avec des f^avans 6c
d'autres perfonnes illuftres. Ses confeiis en ra-
menèrent plufieurs a une vie plus régulière.
Le foin de leur falut eu. l'objet de plulîeurs
de fes Lettres fpirituelles , écrites , comme fes au-
tres Ouvrages , avec élégance , mais avec peu de
profondeur. •■>■ Perfonne , { dit le P. à'Àyri^ni , )
M n'exprime plus noblement une penfce , & ne hi
M tourne en plus de manières diftcrentes ; mais il
M ne penfe pas toujours comme il s'exprima,
y> Content , ce femble , de bien parler , il ne mc-
n dite pas affez les chofes , & ne fait fouvent
M qu'effleurer les matières. « S'il fut , comme S.
Bernard , le guide de beaucoup de perfonnes de
la première qualité , qui penfoicnt à entrer dans
les voies de la piété ou a s'y fortifier , il n'eut
pas comme luicertyle affcflueux qui vaaucjLur,
& qui le touche & le pénètre.
La lef rme que le nouveau Btrnard avoit intro-
duite à la Trappe fut aufll établie dans ledernier fic-
elé i Sept'Fondi ^iàzMX lieues de Bo urbon-Lan-
ci i & dans celui-ci, clîeJ'a été au Val-dcs-Choux ^
dans le diocèfe de Langres -, ces trois maifoni
font le tableau de la vie la plus péniteate & M
plus mortiÂic*.
Sfyo F. L E Nt E N <;
Aouwjux Ordres ReUgutdx.
LViprit de relJHrhçment s'croii glifTc noo-i'cu-
Jement djnt le< cloîtres ; i'ccat ccclci'idrii'jue n'en
«voit pas été exempt, four ranimer dans le Clergé
)b piiité & les lumières , Pierre de Berulle , qu'£/r-
h,iin K/// honora depuis de la pourpre Romaine,
fonda en i6ii la congrcgatian des Prctres de
l'Oratoire de France. Atlonné dès fa jeuneiTe «
.rctude des fciences eccïciinliques , & à la pra>
tique des vertus , i! f >rind des dilciplcs dignes
de lui. Deux ans nprus ù prantotion aa cardi-
nalat , il mourut, à^é do ^6 iiaa , en diCaat la
Meffe. N'ayant pu acl>ever le ûinncs comine
Prêtre , il l'acheva comme vi:'^.rr,e. C'eft ce qui
donna lieu à ce diAiquc :
C-xptJ j'ub extremis , ii 4 ftttrdoi
Pt'jictre mt fùifcm > .:>nn.
Sa cungregatioQ fut dans lei iiccle dernier un«
pcpinicre d'hcntimes-de-lcttt«s du premier ordre ,
de Prêtres vertueux, de penies cclâ.tcs , fie qui
produit encore àa hommes tle mérite, parce que
Jes exercices ctafliquec y forcent au travail.
Comme i!s ne ftmt point de< vœux, chaque
•^rtKulier ne ticot au corps qt'e par des iieas
qu'il e(l rnuiours tnaicre de rompre. 5i ctne !»•
berfé afFoiblit a certains égards U congrcfatioa,
.(•dit le P. é'/tvri'vi ,) clic la Sourient tie l'.iutre
m «n lui procurant an h>|éts , qui cherchent un
%r tfyle b^oorAble , où la vtriu peu fc feut«mr
DE l'HiStoirï Eccleçià«;tique. 47 ^
♦> fans courir les rUqiies d'une dcp^ndanceéier*
M nclle , toujours fort a charg; à la nature. » Le
fupérieur n'eft que le premier parmi fes c^aux :
c'eft ce qui fit -dire à un Magiftrat célèbre', dans
un plaidoyer, <« que l'Oratoire dl un corps où
«> tout le monde obéit , & perfonne ne coin*
»» mmde. w
Ce fut encore pour accroître les fruits du faint
iriniftére , que Cc'ar de Bus , prêtre du Ccmtat
Tcnainîn , & St Vinccnr de Paul ,' fonderont, l'un
les Doclrinains , & l'jurre les Laiarijles ou Prê-
tres de la MiiTion : deux congrégation* , où les
membres n'étant lies que par des votux <împ!es ,
connoiffent peu le repentir.
M. Oifier , curé ae St-Sulpice,& fupînenrda
Séminaire de ce nom , & M. Eudes , donnèrent
naiiTance à deux autres fociétésde ce g^nre , o.i
l'on ne fait pas même des voeux fimplcs. EUcs
ont'étc utiles au Cierge , dont elles ont inrmc les
mœurs^
S. François de SaUs , évèque de Oencve,mort
à Lyon en i6i2 , prélat trcs-rtcommandable par
fa douceur, fa chariré , & par la converiîon de
près de So.ooo hérctiquci , fut le père des Rc/i-
giti'fit it Ia Vlfuat'ion ; il fut fécondé dans ce
de/Tcin par Madame de Chante! , que d piété ren-
dre & fervente a fait-mettre dans le catalogue des
Saints. Pour honorer la vifite eue la Sit Vierge
f.t à fa confine Ste £//yj/«rA , ces Religieufes vi-
iitoicnt d'abord les pauvres 8c les malades ; «ai«
47Î E L E M E y s
s. François les ayant enfuite cloltrces , voulut (Td
moins que leurs maifons fuflent rafyle de l'inlîr-
mité , & que le défaut de fanté ne fut pas ua
fujet d'exclulîon comine d^ns tant de couvens.
L'un des ob)ett des Filts de S. Françuit d*
Sales , croit l'éducation des perronncs du fexe.
Ce fut auffi celui des ReHi^nuftt de NutrfDime ,
fondées par Madame de Lcjî^nac , jeune veuve de
Bordeaux , qui avoit tout ce qu'il faut pour l'ou»
tenir le titre de fondatrice : des biens confidcra*
bics , un grand nom , de la pictc , de la fermeté
& de la fagefTe. Dans Ton inAttut , approuve par
le pape P^lI T en i6;7 , on joint l'office do
Marthe à celui de MadeUne, 6c le zcle du fdluC du
prochain à celui de fa propre pcrfedion.
£n 1611 Paul F" confirma un inAitut à-pei^
près fcinjlable. Nous voulons parler des Ur/Jinet^
ainti jppellées , parce que Ste A/tçi.'e , qui les avoLc
fondées en i6}7 à Brelle , les mit fous li protcc*
tion de Sce UrfuU. Ce ne fut qu'en 1604 qu'cl»
tes s'ctablirent à Paris , par les foins d'uni: pieut'e
veuve, Marie l'tJuiJiitr , dame refpcvice à la vil-
le , honorée à la Cour^Sc, de la capitale , elles
Ce répandirent dans toutes les provinces. Le ca.-
radtcre de cet Ordre , proportionne aux fortes je
aux foibles , aux faines âc aux ii^firmes , l'a multi»
plié pour ravao:age da public. Les l'-fuliau (k
chargent de l'éducation des jeunes fillci , & elle»
ont fait-goùtcr jufqu'au CaoaJd lu (ruui de leur
ic'tt fie de leur chajit«i»
©E l'Histoire Ecclésiastique. 47-/
iLe foulagement des pauvres ic des malades
étoit bien digne de l'attention des grandes ame$v
c'eft ce que Madame le Gras eut en vue , en éta-
bliffant la Communauté des Filles de la Charité,
lefquelles uniffant l'aâion à la prière ficrifient
leur jeuneffe , & fouvent la beauté & la nailTan-
ce , aux befoins de l'humanité fouffrante , 5c veil-
lent avec une ardeur égale fur la fanté du corps
& fur le falut de l'ame.
A ces Inftituts nouveaux, il faut joindre les ré-
formes des Ordres anciens. Dom de la Ci^ur for»
ma la congrégation des BénédiElins de S. Maur Sc
celle Ai S. Vannes & de S. Hy.iulphc , l'une Ôc l'au-
tre fccundes en fçavans , dont les ouvrages ont
enrichi nos bibliothèques. Il ed ne dans cesdeuji
corps quelques difputes , que la ("a^elïe du gou-
vernement a éceinres , parce qu'au milieu des mur-
mures & des cabales , l'efprit primitif deretraitt
& d'amour pour l'étude n'auroit pu fubfifter.
Le cardinal de la R.'chef^ucaule , d'une famille
qui ne le cède qu'à celle des l'rinccs, d'une vertu
digne des premiers fie cl ci , travailla auHî à réfor-
mer les Ordres monailiques , 8c en particulier
ceux de i». Auguftm Sc de S. Benoit ; il étoit Abbé
de Ste Geneviève - du - Mont , ôc il eut le boa-
heur d'introduire la réforme dans fon abbaye.
Son zèle s'exerça utilement fur plufieurs mai-
fons de Bcnédidins , & de Bernardins , qu'il re?
mit fur la route qu'avoient tracée leurs l'ercs.
Mïus ua fçrvice important qu'il readic à \$
4-4 E L r M E N $
Religion Se à rhumanité , fut d'obliger le» Tn-
nitaires de fc fenrir du tiers de leur rcr^nu, fé-
lon que leur rè^Ie , approuvée par CL-unt If, le
leur prefcrivoit. La maifon de Paris , ainû que di-
vers Couvcni de province , employoienc à vivre
coramodcmeitt les biens que la piété avoît def-
tincs au rachat des infortunes. Le Cardinal re-
média à cet abut , & rénbllt la difclpline régU>
liire , en mêrne-tems qu'il affuroit dci flfCOUrt
aux Clucticnt capilfi chez lei Infidi!«l»
EenvMtts EccUfiafii^uts.
Le« i»otnbreu« Ecrivains qui iMuftrérent ITglift
dans cefiédeli fécond en grinH^-hommes , furent
pour la plupirt formés dans Is cloître. Les Je»
fuites, joignant l'érude de» belles-'ettrei à celte
des fciences eccléfîaftiquei , éclairèrent les unes
par les autres. Qui ne connolt les Biliamln , le»
Grtt\tr , les SIrmond , les Pttau , les Ccrnicr, doHt
les talens 8t l'érudition /îrent tint d'honneur à
leur focictc } BotUniut , membre du même corp»,
forma le projet louable de donner !ei Afte» drt
'Saints fur le* originaux^ il cm pour a^ot;c^ 4c
pour continuateurs dans cette fnnde entreprife»,
•HtiftKc^iut h Pjp<hf<i , ' r*f
d'autres Jéfuite» , non moi- >in«
'habiles qu'eux à démêler U vcritc à itavers let fa>
Mes r.
I.i nentateuri de l'Eetirurrfsiote
tfu»- augm«otc« du oom de divers Jcfuitts , qtii ne
DE l'Histoire Ecclésiastique. ^75
contribuèrent pas peu à éclaircir les Livres facréi :
tels Cont Menochius , Tirin^ Vlilalp^nd , Corneille de
la Pitrre , Bonfrerius , Emmanuel Sa , 8lC. 8cc.
La chaire évangéllque mettra toujours au pre-
n»ler rang de ceux qui l'ont enrichie , le P. Bout~
dilout, qu'on appella /e roi des prédicateurs & le
prédicateurs des rois. Dans un genre trop fouvent
livré à la déclamation , il n'exagéra jamais (dit M.
l'abbé Mauri , ) les devoirs du Chriftisnifme. La
fécondité incpuifable de Tes plans , (a logique ptef-
fante & exaile, fon ftyle fimple & nerveux , na-
turel & nobles l'ufage admirable qu'il fait de l'E-
criture & des Pères ; la connoiffance profonde
qu'il montre par-tout de la Religion 8c du véri-
table efprit de la Religion : telles furent les qua-
lités qui lui méritèrent les fuflTrages de la ville & de
la cour. Pénétre des grandes véiitcs qu'il annon-
çoit, il fit-almer la Religion par fon exemple , au>
tant que par Tes difcours. Il mourut en 1704 , laif.
fant une mémoire rcfpe^^ée des ennemis mimes
des Jéfuitei.
Cheminais, la Colomhiért , la Rut , 8(c. confrè-
res Ac imitateurs du P. Bourdalout , offrent dans
quelques-uns de leurs fermons, une morale tou-
chante & une éloquence pathétique.
Une louable émulation anima les Prêtres de l'O*
ratoirc , & ils oppoférent aux grands» hommes de
la Compagnie de Jcfus drs écrivains ron-mcin«
secommandables. Cajfabut , It Cuinte, Simon , Lami ,
^laudult^Mald tanche^ font des noms célèbres dans I4
At^ E L E M E V S
rcpubl. des lettres -, & la fin du libcle vltpsroitre
Majjitlom , qui peigoit les paHîons avec les traits
qui les caraâérirenc , qui fçut parler au cœur , Vit;
tendrir & le maitrifcr. Son grand art , efl d'alier
chercher dans nous-mêmes ces fophifmes fecrets ,
dont le vice fçait ù bien s'aider, lorsqu'il veut nout
aveu(,ler ou nous fcduire. •• Pour combattre 8c dc«
M truire ces TophiTmes, (dit un Académicien celé»
bre ,) .. il lui futîit prefquc[de les dcveloper : mais il
»» les développe avec une onftion fi a fie cl u eu Te &
n il tendre , qu'il fubjugue moins qu'il n'entrain^
n Sa didion , toujcurs lacile , clcgante & pure , eft
n par-tout de cette Jimplicité noble , fans laquellt
M il n'y a ni bon goût , ni vcritable éloquence.
K Cette fimplicitc, réunie dans Mijji.'t^n à Ihar-
M mouic la plus Téduilante 8c la plus douce , ea
M eonrunte encore des grâces nouvelles. Et c«
« qui met le comble au charme que fuit-éprouver
M ce Ayle enchanteur, on Cent que tant de beau-
M tés n'ont prcrque rien coûté à celui qui les a
w proHuitïS. 11 lui échappe mcme quelquefois. Toit
m dans les exprelTions , (on dans les tours , Toit
n dans la mciodie ù touchante de Ton ilyle , det
M oégligencet qu'on peut appeller heurcufes ,
ft paice qu'elle» achèvent de t'^ire-dirparoiire non»
m feulement l'empreinte , mai* )urqu'au foup^oa
m du travail, n SLiJjfiI/uK, parvenu par fun mérite à
révèchc de Clermont , mourut dans Ton diocefc en
K741 , ple.itc de fes ouailles dont il etoit le prrc.
Lei Bcncdiûins acquirent un nouveau luflrtf
par les fçavaotcs cdicioas dci Pcrcs ,doni ils cfti
bï l'Histoire EcclesustiOui:. ^-^y
fîchirent nos bibliothèques, &. par les recherches U>
borieufes qu'ils firent fur divers ob)ets de l'hiftoire
& des. antiquités. Les plus diflingués dans cette
branche importante de littérature, furent d'/^cA^ri ,
A1j4/7/û// , Ruinard y Martianai , Montfaucon, j
Le cordelier Antoine Pdgi rcfornia les erreurs
de Baron-us -, tandis que les Dominicains CunbJjU
& Alexandre fe livroient à d'autres travaux qui
ont été utiles aux théologiens.
Si du Clergé régulier nous paffons au fcculier,
nous trouverons plulleurs noms qui méritent de
paffer à la poftcrité. Baronius & BelUrmin , qui
avoient été tirés , le premier de l'Oratoire de
Rome, & le fécond de l'ordre des Jéfuites , pour
écrc placés dans le collège des cardinaux, fe A'
gnalércnt l'un comme Arnaliûe , & l'autre comme
ControverfiAe. Les cardinaux Bona & Nvrit mar^
chérent fur leurs traces j le dernier fut un pro»
dige d'érudition , & le principal ornement de l'or-
dre des Hcrmites de S. Augujlin dont il avoit étc
membre.
La France eut à fe glorifier de plufieurs prélats ,
non -moins recommandables par leurs mœurs ,
que par leur fçavoir & leur éloquence : tels furent,
Laubifplne , évêque d'Orléans ; Marca , archevêque
de Paris -, Goi^e^u , évcque de Vente; Mafcjron ,
évêque de Tulles -, Fléchitr , évéque de Nimes ,
qui ne connut qu'un vainqueur eo éloquence , Ix
qui n'en eut point en vigilance, en charité, & en
coûtes les vertus apoftoUqucs -, l'immoriv:! Bojfutt ,
4"»S E L E M E N s
évèque de Meaux , l'aigle des iheolog. Franço's.
Arrctoru-nous un mom.'nt a ce graud-homme.
Ne a D:jon en 1617 d'uae famille ouble , il s'aa>
Qonça de bonne heure par (es fuccès dans la
chaire. Il cxcelloit fur-toui driis les Orairons fu*
sèbrcs: genre d 'éloquence qui demanJe cetce de-
▼ation de penfces , te cette nobleff: (t fentt-
mens , qui animoicnt l'on génie. Lou-t XIV , qui
l'avoir ncir.mc a l'cvèchc de Condom , le fit queU
que-teras après précepteur du Dau ihin , ftc fuc-
ceHîvement premier ui monier de la Dauph.ne ,
é^'èque de Meaux , con'eiller d'ctat , & preroier^
aumônier de la DuchctTe de Bour,;rgre.
Dans ces dift'crentes places , »• on vit , (dit Ma/-
fllom , ) •> un homme d'un génie vaAe & heureux ,
M d'une candeur qui carattcrife toujo.ir» lcspr.in 1-»
f» âmes & les efprits du preir.icr ordre-, un i\c-
M que au milieu de la cour ; l'homme de tous kt
H talens d. de toutes 1rs Tcienccs \ le doreur d«
f» toutes les Eglifes -, la terreur de toutes les fe^ri (
M le Père du xvii* Hccle , 8c à qui il ne nunqu*
»i que d'être ne dan» les premirr* tcms pour avoir
« ctc la lumière des Conciles , & r«me des Vetet
H affcmblcs à Nicce & n tphcfe. «
S^achant allier la qualité de payeur avec cci:«
«le do()eur . il ne négligea iamai» fon itoupeau ,
■lalgrc la multiplicité de Tes travaux toujours r«»
naiflam. D 1 r. i; fc fervit de lui pour rapprller
dans le fein de rEj^life pluficurs Calvinifles, entre
autres , le maréchal de Turcnnt, Il ttiuropba dca
OE l'Histoire Ecclésiastique. a79
hérétiques dans tous Tes ouvrages, ix l'ur-toiK
(ians fon excellciue H Jloire dts ratiathm des Egli-
j<s Proiejiantcs , & dans fon Expofiron de la doc-
trine dt l'EoUji Catholique. Il mourut à Paris !e li
Avril 1704, à 77 ans.
Les produttlions forties de fa plume ont ctç
recueillies en plufieurs volumes in-4°. On diftin-
gue parmi fes ouvrages, fon Difcuurs fur rUiJiuirp,
UnivtrfeiU , où il voit & juge d'un coup-d'œtl les
léginaccurs & les conqucrans, les rois & les na-
tions , les crimes & les vertus des hommes îx trace
d'un pinceau rapide & énergique , (dit M. d'-i-
lembert , ) le tems qui dévore & engloutit tout ,
la main de DiLU fur les grandeurs humaines , &
les royaumes qui meurent comme leurs mjttres , taa«
dis que la Religion fubfiAe éternellement.
Bojfuet eut un illuftre rival dans F^nelon , ar-
chevêque de Cambrai, dont le caraclcre doux 3c
1 cfprit iniînuaat rasienéreat tant d'hcreiiques au
bercail.
Le Clergé du fécond ordre , non moins riche
en fçavans que celui du premier , produifit Launoi ,
Htrmant , Cotelier , Balii\t , Ainauld , Nicuh , liilt'
mont , fleuryy & une foule d'autres , dont le mérite
& les vertus feront à jamais célébrés par les hif«
toriens ecckfiaAiques. Nous ne citons ici que leurs
ooms-, la notice de leur vie & de leurs ouvra-
ges fe trouve dans des livres qui font entre le»
mains de tout le monde.
La leclicighe l^oricufç dc$ aocituis muiiuacûS
4^0 E L ï M E y s
de l'hiftolre de l'Eglife , a été l'objet de l'occupaî
cion de quelques-uns de ces fçavans. «'On a fait,
( dit l'Abbc Gcujtt)" «îcs Toyages longs , pcni»
* blés , Se fouvent dangereux , pour aller dans
n les pays les plus éloignes , chercher des ina-
n nufcrits , dccliiffrer des infcriptions , acheter des
M midaiiles , vifiter d'anciens morumens , lever
n des plans. On a parcouru toutes les hibliothc-
»» ques , fouillé dans mille recoins d'un grand nom»
n bre de Monaftcres , qui poffcdjicnt la plupart
n beaucoup de ces richedes littéraires fans les
n connoitre , & où , depiiis l'ignorance qui »'y
n éioit introduite a>cc le relkhemeni , elles
»» ctoient négligées ,!t trop fouvfnt même en par-
ti tie diHîpées. On en a recueilli les précieux dé«
n bris, & fauve pour toujours un très -grand nom-
«• bre , ou en les donnant au public par limpref-
H fion, ou en la dcpofant dans les bibliothèques
r> connues , où les fçavans ont la liberté de les
M confultcr.
M On a vu plus d'une fois des Communautés
>« régulières , d'où l'amour de l'étude avoit chaiTé
M l'ignorance & l'oifiveié , f^ire-cntrcprendre ce»
„ voyage» a leur» dcpen» aux plu» h.âbile» de leur»
M membre»-, de» paiticulier» mêmes s'y engager
». à leur» frais, fans autre but que de chercher
tt la vcrité , & de quoi l'appuyer par de nouvel»
M les preuve». Mai» plu» fuuveni encore ces voya«
n ge» ont été entrepris a la folltcitition deiRoit
n 6l de» Pnncct , qui ont fouroi aux dépeafes
qui
feE l'Histotre Ecclésiastique. 4'Si
*» qui étoient nécsffaires pour les taire plus com-
T» modément , & en retirer plus de truir.
>• Outre les monumens fans nombre que. l'on en
» a rapportés, la Géographie s'ed pertcflionnée
»• par ces voyages ; l'Afironomie , la Navigatioa
>. 6c tous les Arts , y ont trouvé de grands avan-
" ca^es. On en a retire plus de lumières fur les
>t mœurs , les coutumes , les ufages , &. la reli*
>« gion des peuples que l'on a vidtés ; fur la for-
>» me de leur gouvernement -, fur la fagefle ou la
>t bizirrene de leurs lol.Y j fur les révolutions qui
1» leur ont fait-changer de face; furies eau Tes &
it les progrès de ces révolutions . & toures ces
i> lumières ont été utiles à la Religion , qui en s
>i pris occafîon, ou de s'introduire dans ces lieux,
)» ou de s'y affermir. Elles ont donné Heu de con-
« fulter les traditions de ces différens pays , d'exa-
♦♦ miner fur quoi elles étoient fondées , & de re-
» monter ainfî jufqu'à l'origine des peuples, & à
)• leurs différentes tranfraigrations ; ce qui n'a pas
M peu contribué à éclaircir beaucoup d endroits de
•» l'Ecriture-faintc, qui leroient toujours dcmeu-
H rés obfcurs fans ces connoifi'ances , 8c a rcpan-
M dre un grand jour fur l'HiAuire , tant Ecdéfiaf»
Il tique que profane, n
Tom, 11^
IDÉE GÉNÉRALE
DES
iir^ÉNEMEXS ECCLÈSlASTiqVES
DU DlX-HUITltML SlLCLE.
Affulre du Cas de confàence,
J—i'tsrRiT contentieux qui a dominé les hommes
dans tous les pays !c dans tous les àges.ne s'aiToi-
blit point dans catui-ci. Les opinions de Jjnfe-
aiut , qui avoient caufé de (i grandes divifiont
dans le ficde précédent, troubloient encore l'E-
gliie : diffcrcns Pap es les avoient profcritcs -, mais
les difciples de l'Evcque d'Yprcs ayant prétendu
que leur conlimnition portoit , non fur les fen-
titn;ns de leur miitre , mais fur les erreurs que
fes c.iaemtt Itii avoient actriiiucet , cette dillinc»
tioa éternifa la difpute. Enfin on vit éclore en
1701 un pro'ïlènî théjlogique , qu'on fit «cou-
rir eti manifcrit fou» le nom de Cu it tonj-
$iiict , priS'.àac qui fut une nouvelle fcmcnce
de querelles.
Un CjafîlTeur demandiit s il pouvoit donner
•abfoljùaa * aa £;;Lu nique furptii de JaaTd-
Elemens de l'Hist. Ecclés. 4S3'
nifme -, mais qui , examine fur cette maticre,
avoit repondu :
1'. Qu'il condamnoit les Cinq propofitlons dans
tous les fens que rtglil'e les a conJamnccs -, mais
qu'il croyolc que fur le fait il fuffifoit d'avoir
une fouinlflîon de filence & de refpeft ,& que ,
tant qu'on ne pourroit pas le convaincre d'avoir
foutenu aucune propofition anaihcmatifce , on
n'étoit point en droit de l'inquitter , ni de tenir
fa Foi fufpe£le.
2°. Qu'il ctoit perfuadé que la prédeAination
ëtoit gratuite , & la grâce enicace par elle-même.
3°. Que ne croyant pas la Conception imma-
culée de Marii fil ne difoit cependant rien contre
ceux qui penfent autrement.
4*. Qu'il lifoit les livres à' Amauld ,ic St Cy^
ran , de le Maine , comme bons & approuvés j
& qu'il croyoit même qu'on pouvoit lire le Nou»
%cau-TcJlamcnt de Mons dans les diocèfes où les
Evêques ne l'avoient pas profcrit.
On fent bien que ce Cas de confcience écoit iina«
ginaire, & qu'il n'avoit été propofé que pour
avoir des rcponfcs favorables à ceux qui étoienc
attachés à la caufe de Janftnius, Quarante Doc-
teurs de Sorbonne , parmi lefquelsil y en avoit ,
(dit le V.d'Avrigni, ) dont le titre de tris-faga
Maître faifoit prefque tout le mérite , fe laiffé.
rcnt prendre à ce picge. Ils répondirent que les
fcntimcns de l'Eccléfiafliqae n'ttoicnt ni nou-
veaux , ni condamnés par l'Eglife , ni icU c.ifitt
qu'on dût lai rcfufcr l'abfolution, X ij
*4S4 E L E M E N s
Cet écrit , qui avoir cté d'jbord répandu four-
dcment , ctani devenu public , fut ctnfuré en
J703 pzT le cardinal dp Noai.'les , comme con-
traire aux corftiiurions des Papes, ce mme ten-
dant a renouvcUer les qucOicns dctidcci, favo-
rifant la pratique c!cs équivoques & des reftric-
tions mentales, & dérogeant à l'autoritc de l'E-
glife. Ce Prclat renouvella en même - rems la de»
fenie Hc prodiguer l'accufntion vague & odieufe
du Janfénifme, pour décrier fes ennemis ou fei
rivaux ; à moins qu'on n'eût fcutenu de vive
vcix ou par écrit quelqu'une des propontions
condamnées. Tous les Doftcurs qui avoient fignc
Je Cas de confcience , avouérenr qu'ils avoient
été furnris , à l'exception d'un feul qui fe re-
tira en Hollande : le P. Que/nel applaudit à fon
cbflination , & traita les autres de parjure» qui
avoient facrifîé leur coafcience à des vue* hu-
maines.
£ulU Vise. 4 M DoMisi ; Jvjbvéiion de
Fcrt-Ki'yM,
Rome ne tarda pas de s'expliquer dans diffc^
rcns brefs -, mai» CUncnt XI le fit plus fclem-
ncllement encore djn» fa bulle Vincam D n^ni
Saiaoïh , publiée en 1705. Dans cette fameufe con-
Aitution , le Pape condamne le filence rcfpte-
«ueux , comme plui pi'^'prc à couvrir le mal qu'à
le Rucrir , î^. .1 perpétuer l'erreur qu'a U détruire ^
il prctcod que lei pariifans de ceûlcoce a'iffec*
tt l'Histoire Ecclésiastique. 48^
tint de cacher le venin de l'erreur , que pour
le répandre plus librement dans les conjonfta-
rcs favorables, 6c qu'ils ne font-confi'Aer l'obcif-
fance due aux oracles prononcés par l'E^^Ufe,
qu'à ne pas contredire en public des vérités qu'ils
fe réfervent de cenfurer en f^crat. La bulle en -
rc^iftrée au Parlement, envoyée à toas les Evè-
ques,fut reçue unanimement par rAfTemblée ge«
nciale du Cierge de FrarWe.
Le cardinal de NjaUlts , qui l'avoit fait • pu-
blier folemnellement dans fon diocèfe , crut de-
voir l'envoyer aux Religieufes de Pott-Royal des
Champ? , en leur demandant une preuve pir écrit
de leur foumiflion à ce décret. Elles répondirent
qu'elles le foumettotent fincérement , mais fans
déroger à ce qui s'étoit pîfl'é à leur égard , lorf-
qae Clément IX rendit la paix à l'EgUfe. Cette
reûriâion leur attira le courroux de la Cour*
Le lieutenînt - de - police tle Paris , (d'Argen/on)
alla le 29 Octobre 1709, avec trois cents exe.nptt
ou archers , pour faire - enlever les Religieufes»
On les difperfa en difiF^rens monaftcres , où la
plupart fignérent le Formulaire ; on fupprinia le
titre d'abbaye , on en rafa tous les bàtimens ; on-
exhuma les cadavres , & il ne refta pas un vef-
tige d'une maifon qui avoit été l'afyle des taicns
& même des vertus, mais long tems reprcfcntce
à Louis XIV comme la retraite de l'erreur & la
forterelTe du /anfénifme. Les revenus de l'ab-
i.aye de Pori-Iloyal des Cbaaipj furent réunis à
Xii)
4^6 E L E M E V s
ceux de la malfon de Paris. Ceux qui croient
regardes comme les Percs du ironaCcrc détruit*
firent fur la ruine de Tes mur$ divcifes complain-
tes, qui auroieoi pu toucher les lefleurs fenûbles,
fi Ton n'y avoir mêlé des injures fit des dcdama-
tioas contre le Roi fie le cardinal de NuailUt.
Révolte des Cjlvtnijîes duns Its Cevenrus.
La révocation de l'Edit de Nanres avoir un
peu affoi'jli le Calvltiifme en France; mais tin»
l'avoir pat ctelnt. PluJïeurs s'etoient convertis,
foit par crainte , foit par perfuafîon , fur-rour par-
mi les Seigneurs fit la hauie-Bourgeoifie. D'au-
tres avoienr porte leur obftinition , leurs richef-
fes fit leurs talens dans le pays étranger , d'où les
Winiftres atiifoient par des écrits emportes le fana-
tifmc de leurs frères en Frame. Ce feu couvoit rru-
jours dans le fein de la populace Calvinifte , Se il
éclata vers l'jn fci.
Quelques RcIit;ionnalres des Cevennei , voyant
Louit XIV occupe à fe dcfcnHre contre une par-
tie de l'Europe , armée peur difputer le trône
d'Efpagne à Ton petit-fils , crurent qu'ils avoieiK
une occafjon favorable de rétihlir fur let'.rs rochers
l'exercice public du Calvinifrre. Fiers de leur po-
fition qui les rendoit inacceHibles , ils s'afTembloient
dans les lieux écartés à la campagre, où ils chaa*
toient les Pfcatimes a le.ir manière.
Vers le mime tcitis .l'Abhé ié CkàiUr , inifîion-
mIxc fort 2clé , fit-coaJaire dans on couvcar^
DE l'Histoire Ecclésiastique. 4??^
))ar ordre de la Cour , deux filles d'un gentil*
homme Calviniflc , qui , après avoir embrafte U
Religion Catholique , refufoienc d'en remplir les
devoirs. Cet enîcvement , que les Huguenots ré-
folurent ,dc venf^cr , fut l'une des premières rour<
CCS de leurs fureurs.
Un incident qui ùirvint vers le milieu de Juirt
I703 , acheva d'aigrir les efprics. Les Hugue*
Tiots fe plaignoient depuis long-tems qu'en haine
de leur Religion , on furchargeoic leur taxe de
la capitation , pour foulagcr les Catholiques. Dans
le tems que leurs murmures étoient les plus forts,
les Receveurs de quelques villages des hautes Ce-
vennes ayant voulu faire des fiilies , furent en-
levés durant la nuit dans leurs maifons & pen»
dus à des arbres avec leurs rôles au coù.
Le marquis^ de BrogUe , lieutenant-dc-roi de
la province, & l Intendant i?«f/Vi//(r , envoyèrent
des troupes fur les lieux, & firent -punir les
coupables comme ils le mcritoient. Leur mort ne
fit qu'irriter le mal. Le nombre des Camifards
(carc'ed ainh qu'on les appelloit , parce qu'ils
tnettoient fur leurs habits des chemifes blanches,)
augmenta par le fuppiice de leurs camarades.
Ralliés fous l'étendard du fanatifme 6c de l'indc-
pendance , excites par les Proplùtcs du dejert\
ils fe dcguifoient la nuit & allaient piller dans
les maifons. Au larcin ils joignirent bientôt le
meurtre , le facrilége, &unc intinitcs d'autres cri»
mes : cfi'ct funeAe de leur haiuc contre la Keli;
'4^5 E L I M E V 5
'gion Catholique & fes mioiiUcs. L'Abbé eu Ckti»
/er fut la première vitiime qu'ils iromo'.creuT. II»
a'attroupcrenc un foir, & ayant eafoncc les por-
les de (i maifon, ils le mjiljcrcrcnt avtc quel-
ques ELclcùaAiqnes qui part^geuttac les travaux
& Ton zèle.
Dès-lors on vit rcnouvcller dans les Ceven-
nes tous les exccs que les Calviniiles avoicni au-
trefois com.-nis en France. Les Croix âc les fta>
tues des Saints turent briféei , les vaCes^facrcs
ealevés , les hoAict touîcet aux ptedijes Lgli-
fes brùlces , les minières des Autels c|^orgcs. A
fnet'ure que cette multitude augmentoit , le nom»
bre des U!um':ntt gTOtuiIoit auiii. Les femmes
mêmes Ce dirent infpirces pour annoncer les ora-
cles du Ciel. La populace les ccoutoit les uiu
& les autres , comme s'ils avoient été de vcrita-
blés Frophctcs. 11$ ordonnoient toujours de la
part de Dieu d'immoler les Catholiques 8t ptm-
cipalemeot les Piètres , & leurs ordres ctoient
exécutes fur-le-champ.
Patmi les Prophètes, on diAiogua fur-tout ua
vieux CalviniAe , nomme </« Strr* qui forma des
élèves. Il choifit dans fon voifmjge quinze jeu*
nés garçons , que leurs parcns lui conficrent vo-
lontiers i fit il fit-donncr a fa femme, qu'il aH'o^
eu à fon emploi , pareil iwmbre de filles.
Ces cnCins n'avoieni re^u pour première le-
çoo du Chnniinifme , que des fcntimcni d'her-
TCur £( d'avcflioa pour 1 Egiife Romaine : Un
DE l'Histoire Ecclesiastiquî. ^^^j
avoicnt donc une difpofuion naturelle au fana-
tifme. D'ailleurs ils étolcnt tort-ignorans -, ifs
ttoient placés au milieu des montagnes du Dau-
phiné , dans un lieu couvert d'cpaiflcs forêts,
environne de rochers & de précipices , éloignes
iz tout commerce , & pleins de refpedl pour du
Serre , que tous les Proteftans du canton rcvé-
roicnt comme un des héros du parti Proteftant.
Lorfque quelqu'un des afpirans au don de
Prophétie étoit en état de bien jouer fon rôle,
le Maitre-Prophète affembloit le petit troupeau ,
phçoit au miieu le prétendant , lui dilbit que le
teuis de fon infpiration étoit venu : après quoi,
d'un air grave & myftérieux , il le baifoit , luj
foiiîHoit dans la bouche , & lui déclaroic qu'il
avo.t reçu l'efprit de Prophétie-, tandis que les
autres, fdifis d'étunnement , attendoient avec ref-
pefl la naiffance du nouveau Prophète , & fou-
piro'ïnt en fecret après le moment de leur inf-
tallation. Bientôt du Si^re ne put contenir l'ar-
deur dont il avoit cmbràfc fes c ifcipics ; il les
congédia, St lesenvoyi dans les lieux où il croyoit
qu'ils jetteroienc un plus grand éclat.
Au moment de leur départ , l les exhorta à
communiquer le don de Prophétie à tous ceux
quls'en trouvcroicnt dignes, jprès les y avoir pré-
parés de la même manicre dont ils avoicnt été
difpofés eux-mêmes ; & !eur réitéra les afTurar.-
ces qu'il leur avoit données, que tout ce qu il*-
prc^iroient arriverolt infailliblcmcnr.
Xv
4^0 E L E M E V s
Les erprits des peuples auxquels ils s'adreiTé»
»enc ccoieni diipofcs à écouter avec tcfpc:i les
Bouveaux Prophètes : leurs préjuges , la Icftute
des Lettres paAorales de M. JurUu , la folitude
daris laquelle i!$ vivoient , !es rochers & les mon-
tagnes qu'ils habitnieot , leur haine contre les
Catholiques , & l'extrême rigueur avec laquelle
on les traitoit , les avoient prépares à écouter
comme un prophète quiconque leur annonceroit
avec enthoufiafme , & d'une manière extraordi-
oaire, la ruine de la Religion Catholique.
Les accès de Prophccie varioient -, la rè^le oe-
dinaire ctuit de tomber, de s'cadoimir, ou d'ê-
tre furpris d'un alToupilTement , auquel fe jot-
gnoicnt des mouvcmensconvuliits : les exceptioos
de la rè^le furent de s'agiter & de prophctifer
en veillant, quelquefois dans une cxtjfe llmple •■
fouvent avec quelques ccovulfioos.
Les prédidlions des Prophètes du DauphiaC
itoicnc confufcs ,& con^uei en mauvais François,
d'un Ayle bas & rampant , fouvent difficile à eo*
tendre a ceux qui n'ctoient pas accoutumés vx
f at( it du Vivarais & du D. uphinc.
Les prédications des Prophètes du Dauphiné »
ctoieni pareilles a leurs prophéties -, il* cutaH'oicitc
k lott & à travers ce qu'ils «voient pu retenir
d'exprclFions fie ce p.tTagci de la Bible, & c'cft
ce que leurs auditeurs appclloient de belle» cs-
koriaiions qui leur arrachoient les larmes.
Le feu du Uoatumc ayam exalte le courage
Df l'Histoire Ecclésiastique. 491
ies rebelles , ils mirent en fuite les troupes du
Roi , qui fe trouvèrent dans les montagnes des
Cevenncs. Leurs premiers fuccès augmentcreru
leur fureur Ce leur nombre. Piufieurs nouveaux-
convertis du Vivarais Se du bas • Languedoc fe
joignirent à eux : Point d'impjti & de liberté dt
cenfclence , étoic leur cri de guerre.
Louis XlV envoya d'abord contr'eux Je ma-
réchal de Mcntrevei , qui les enferma dans leucs
cavernes , & força , l'une après l'autre , toutes
leurs retraites. Il fit • pendre quelques-uns des
principaux rebelles , & en envoya un grand nom-
bre aux galères. Le maréchal de ViUars lui fuc-
céda dans une commifllon ù défagréable -, né pour
les négociations comme pour la guerre, ce géné-
ral employa des moyens plus doux , fc promit
l'impunité à ceux qui fe foumettroient. RoUndàc.
C^xdlier , chefs des fanatiques , fe détachérea»
de leur parti , en ramenèrent plulieurs , & la tran-
quillité parut rétablie.
Les malheurs des armes du Roi pendant U
guerre de la fjcceirion d tfpagne , ranimèrent leur
audace. Les ennemis de la France en*, oyoient de
l'argent 5c des troupes. Raienel , l'ame de cette
faction , tramoit un complot horrible : les nou-
veaux convertis du Vivarais dévoient prendre le»
armes , fécondes par les foltats de la garnifon de
Nimes, tandis que la Duc de Savoie entreroit en
Diuphinc ou en Provence avec quarante mil'e
hommes, Les tsefuics des icbclles ctuient aûc.x-
X y;
A^X E L E M E N <;
b'itn prifes V mais un SuifTe , cCpioa du dufrdft
BarwUky qui commandoic pour-lors en Laague-
doc , avercir fun nuitre qu'il avoit vu entrer ( le
l6 Avril 1705 ) dans MontpeUier trois ciraagert
^ut lui paroiflToienc rufpsds : on les arrête , on
les mec à la qucdion , Se ils déclarent que les
Cami/u/ <f j , aprcs s'être rendus maîtres de Nimes ,
chofc qui leur paroiffoit facile , dévoient venir à
Wontpeîlicr égorger le duc de Barwick , l'Inten-
dant de la province , & faire- révolter tout le
Languedoc Les chefs des Fanatiques font arrê-
tés fur-le champ -, ils pcrilfent fur la roue , & leur
fupplice rend enfin la paix aux Cevennes.
L'adoiiniAration raffermie , foutenue d'armées
nombreufes toujours exilantes , ne permettra )a«
mais ie retour des anciennes horreurs. Le tem» ,
les moeurs adoucies , la focictc pcrfcclionnce 1 ont
changé l'efprit de la plupart des Proteflan*. Ils
font en gcncral fagcs &. circonfpeifis , 8t ils au-
roient tort de ne pas 1 être. Le gouvernement mo-
déré fous lequel nous vivons, eft bien éloigne
de les perfccuicr. Il exhorte les Evêques 6c les
Intcndnns à l'indulgence ; il fjvoril'e leur com-
merce ; il leur donne toute la liberté qu'une race
profcrite jadii , fit qu'on veut cependant con»
ferver , peut efpcrer raifonnablerrcot dans ua
pays où elle ne profcfTe point U Religion de
iM Prince.
'de l'Histoire Ecclésiastique. 4^3
^ouveMi-TeJÎJment de Quefnel , condamne par
la Bulle USIGBSITLS. ^
H ëtoit plus difncilede donner la paix à rEcllie
de France , toujouri dcchirce par les querelles du
JanfeniCme. Un livre d'un Père de l'Oratoire cé-
lèbre les renouvelU avec plus d'ardeur qu'aupa-
ravant. Le Père Quzfml , difciple iî Arnaud , hom-
me fçavanc âc bon ccrivain , avoir public en 1693
& 1694 des Rcflexivns morales fur le Nouvc^wT cf'
(0in<nr , approuvées par le cardinal de NoniL'ei ^
alors fimple Evèque de Chàlons , comme le pain
des forts & le lait des foibles.
L'empreffement des parcifans de Jan/enius pour
ce livre , fit - foupçonner aux Jefuites qu'il C3«
choit un poifon fecret -, ils l'attaquèrent au com-
mencement du Jîécle dans dciix brochures , l'une
intitulée : Le Père Quefnel fc.iit'eux dam fei Rs'
flexion/ furie Ncuweau-Te^ament \ Vautre : Le Père
Quefnel hérétique , ficc. L'Auteur attaqué chercha
à fc juftifier ; mais fes apologies n empêchèrent
point que les Rejuxion$ morales , dcnoncees a Ro-
me , ne fuffent condamnées par un décret de Clé-
ment Xlen 1708. " D'un autre côté , (dit l'Abbé
Ladvoeat ,) n les Evèques de Luçon , de |la Ro-
»♦ chelle , & de Gap , condamaérent le Livre du
I» P. QjtfMtl, par des Mandemer.i , lefquels de-
r< voient être fuivis & appuyés d'une Lettre écrite
■y* au Roi , & fignée par la plupart des Evoques de
»» Iraxjce. Elle leur fut envoyée tçutc-Klrcirce ; nui»-
i|fl4 E L E M E N s
M le projet échoua en partie , le paquet que l'Abbf
■• r» Bochjri de Saron envoyoit à l'Evcque de Cler-
n mont , Ton oncle, & dans lequel étoit contenu
» le modèle de la Lettre au Roi , étant tombé
ti encre les mains du cardinal àc Noaii/ts. m
Les Réflixlon» moralts commençoient a faire
beaucoup de bruit, elles furent fupprimces par ua
Artct du Confeil en i7ii , proûritcs par le car-
dinal de NvjU/et en 1-15 -, enfin folcmnellemeiu
anathimatifces par la CcnOitution Unigtnitus ^f}tr'
b!icc à Rome le S Septembre de la même année ,
fur les inllances de Louis Xll^,
Cltmtnt XI avoit extrait du livre du P. Q«f/-
ncl ICI pTopoiitions , qu'il condamna comme fauf'
fes , captieufes , mal-fcnnantes , capables de bleder
les oreilles pieuTes , injurieui'cs a l'Eglife 6c a Tes
bfdgcs , favorables aux hcrcùi^ucs , aux lutcûcs
& au fchifme.
Dans cette famcufc Ccnflitution , le Tape dit:
Qu'après avoir cherche attentivement les raifoiu
du fuccès prodigieux des RéjUxiont mor^/o, il •
reconnu que l'accueil qu'on ne cclTe de faire à cet
Ouvrage , malgré les erreurs , vient principale»
ment de ce que le venin en eft trè*-caché. Ceft
un abfccs , a)ouie*t-il , dont la pourriture ne peut
fortir qu'après qu'on y a fait des incilioai. 1/
•'eA décidé à arrêter le cours du mal , noa-feu-
cment par fa folliciiudc pailorale -, mais parce qut
tes dénonciations d'un grand nombre d'Lvèqutf
fr«nçoi«,dc io inûaucci mtcrwci du fitu uU^
DE lUistoire Eccle3ia';tiquï. 49Ç
Chrétien , l'ont dtterminé a ne pas dirfcrer le re-
mède. La plupart des propolitions coadamnccs (juj
concernent la grâce, renfermoient , félon le Pjp€,
les dogmes de Janfcnius. Il y en a d'autres qui
regardoicnt la pénitence , la lecture des Livres fa-
crés, les excommunica ions injuAes dor.t la t'aufTe-
té ne pouvoir être évidente qu'autant qu'on con-
noilloit les principes ou les intentions de l'Au-
teur. Mais comme quelques-unes de ces propo-
fitions fouffroient un fens favorable, elles devin-
rent le prétexte /dp mille réclamations." LaCon-
>♦ ftitution (dit \'\hbè Ladvocat ^) fut reçue par
n l'Affemblée du Clergé de France, Scenregirtrce
» en Parlement en 1714 , avec des modifications,
M De 48 Evèques dont l'Affemblée du Clergé
M étoit compofée, 40 acceptèrent la Bulle, &
M en donnèrent des Explications en 1714: mais
H M. le cardinal di NusilUs , à la tête de fcpt
M autres Evcqucs , ne jjgeant pas ces Explicjti<.ns
M fuffifantes , refufa de l'accepter ; ce q\ii irrita
M tellement Loris XIV ^ qu'il fit-expédier un grand
» nombre de Lcttres-de- cachet contre les oppo-
M fans. Mais après la. mort de ce prince , MM.
M de /a fî^oue , évêque de Mirepoix , 5ojfl<rt ,cvc-
M que de Sener , Colben de Croijji , évcquc de
M Montpellier , & de LangU , évoque de Boulo-
>» gne , appellérent de cette Bulle au futur Con.
n cile général, le 5 Mjrs 17'? i ^ '«uf excm-
*• pie fut fuivi par M. le cardinal de jN^oailits yii-
n par q^uelques autres Evov^ues. »
4$6 E L E M E N s
Le P. Quefnel furvccut peu à fa condamnation ;
îl mourut à Amfterdam en 1719, après uoe vie
fort-agitce. Obligé de quitter fa patrie , il s'ccoit
retiré à Bruxelles , & y avoit été arrête ; ca
Favoit transfcrc de- là a Matines, où il fur enfer-
mé d.inf les prifons de l'archevêché -, il fut tiré
de fon cachot p.ir une voie incfpcrce : un gen-
til-homme Erpa^no! perça les murs de fa prifon ,
krii'a les chaînes , & lui donna îe moyen de s'é-
vader en Hollande. Dans ce nouvel afyle , il
brava fcs nombreux ennemis -, il écrivit jufqu'au
dernier foupir pour fc défendre , 5c mourut , pour
ainfi dire , les armes a la main.
Ayant un coeur au-delTus de d naiiTance 8c
de fa fortune , du talent pour écrire , & jouiffaiu
d'une famé robufte , que ni l "ctude , ni les voya-
ges, ni les peines continuelles d'efprit n'alicrérenc
jamais i joignant à des mceurs pures le defir de
diriger les confciences , perTonne ne parut p'us
«n état que lui de remplacer le cé'èbre Arruutd,
Il en avoi: recueilli les derners fjjpirs. Un Au»
reur ex-Jcfuitc prétend , « (^xî AmsuH mourant
t* l'avoir dcA{;né Chef d'ine faflion malheureufe.
n Aufli les Janfcnilles , à la mort de leur Pofi ,
»« de leur Pitt-Ablc , mirentili Qi.tj'ati a la tétc
v« du parri. L'ex>Oratorien mcprifa dei titres A
n fadueux . 8t ne porni que ctlui de Ptrt-PrUur.
H II avoit choilî Hruxclles pour fa retraite. Le
M fçavant Btnédiâin Gtrbtron , un prêtre nommé
m Biigddt , & trois ou quatre autres pcrfonnea de
DE l'Histoire Lcclesiastique. 497
>• confiance , comporoicat fa focietc. Tous les
>i refforts qu'on peut mettre en mouvement , il
" ks faifoit • agir en di>;ne Chef du parti. Soute»
» nir le courage des Elus perfccutcs i leur con-
» lerver les anciens amis & protecteurs , ou leur
n en faire de nouveaux i rendre neutres les per-
" fonnes puilTantes qu'il ne pouvoir te conci-
» lier ; entretenir fourdenient des correfpondaa-
Il ces par-tout, dans les cloîtres , dans le Cler-
1* gc , dins les Parlemens , dans pluù^urs Cours
H de l'Europe : votla quelles étoicnt ûs occupa-
V tions continuelles, n
Nous ignorons ù Que/nel joua un fi grand rôle;
mais ce qu'il y a de fur , c'eft qu'on jugeroitplus
favorablement de lui , fi l'on s'en rapportoit à
la manière dont il s'expliqua dans fes derniers ino«
mens. Il déclara dans une Profeffion de foi , •« qu'il
» vouloir mourir comme il avoit toujours vécu ,
M dans le fetn de l'Ëglife Catholique -, qu'il croyoie
»» toutes les vérités qu'elle enfcigne -, qu'il con-;
H damnoit toutes les erreurs qu'elle con lamne j
»» qu'il reconnoilToit le Souverain Pontife pour
M le premier Vicaire de J.C. , 8c le fiége Apof-^
n tolique pour le centre de l'Unité. »
Mort de Louis XIV.
L'oppofitlon que la bulle Unigenltus trouva en
France, remplit d'amertume les dernières années
de Louis Xll^\ les maux du corps aggravoienr le»
afili^ions de rcfprii. Ce moaarque s'afltoihliilok
49^ E L E M E V S
de jour en jour ; enfin il mourut le premier Se3-
terrhre 1-15 , avec cette grandeur-d'amc qui avoit
anime le refte de fa vie. Tous fcs difcoars furent
d'un prince Chrétien. Le» fcntimen» de Religion
qui croient dans fon coeur , parurent alors dan*
leur plus grand éclat ; on le vit aux prifes avec
la mort , dans toutes les angoiiTes de l'agonie , fe
plaignant feulement , au milieu de fes plus cruelles
douleurs, de ne fouiTrir pas aflez pour i'cxpiatiom
de fes péchés.
On lui dit en lui prcCcnrant des cordiaux tSirt^
en veut vous rappetUr à h vie \ il répondit : L/t
t;« , la mort, tout ce qu'il plaira à Dieu. Il dit à feS
domeftiques qui pleuroient : M'avt\-vous cru im-
mcrtel} Il avoua fes fautes. Ayant fait-venir les
Prioces & les PrincefTes da fang , il leur parla fans
trouble & fans émotion, 8c dit au Dauphin , qui
dcvolt lui fucccder. Mon Enfant , vous alle\ itre wn
grand Roi ; ne m'irnite\ pas dans U ^oùt que j'ai tu
pour la guerre ; iJcht[ d'aroir la pmi* avec vos vot»
fins. RenJei à Dieu ce que vous lui deyt\ ; reccnnoif-
ff^ Us oh/igaiions que vous lui avc\ ; fmiltS'lt A»-
no''tr par vos fujets, 5uive\ toujours de honr tomftlli»
Tâ(he\ de fvula^er vos peuples , et que je fuis afff^^
malheureux de n'ê*oir pas pu faire. Loun XIV
exhorta enfuiie let Prchtt qui ctoient autour dt
lui i f'ire- triompher la caufe de l'Eglife. Il fou*
tint ainfi , iuTqu'au dernier moment , le furnom d«
Cr.tnJ que l'F.'irope lui avoit donne , 6c que l«
poAcrité lui confirmera.
DE l'Hi?toîîie Ecclésiastique. 4f^9
Mon Je Clément XI.
Cette fermeté d'ame qui accompagna Lou!i XlV
au tombeau, anima aulïï CUmcnt XI. Ce pape vit
la mort avec cette confiance qui fe rcfîgne aux
ordres éternels -, il ne montra jamais autant de
force que dans ce terrible moment. L'E^life le
perdit le 19 Mars 1721 , jour de S. lufcph donc
il avoir compofé l'Office ; il voulut être cnféveli
dans le caveau qu'il avoir fait-conilruire de foa
vivant , avec cette fimple infcriptioa : Hù jacct
Juannes'Francifc-is Aibanus. La candeur de fon ca-
ractère , la pureté de fes moeurs, fa tendre bien«
faifance, excitèrent les plus vifs regrets. Géné-
reux envers tout le monde , il ne fat avare que
peur lui-même -, il réduifit fa table à la plus graada
frugalité , tandis que des mil'ieps de pauvres trou-
voient des reiTources pour tous leurs befoins dans
fon immenfe charité. Marfeille , affligée par ut»
fléau terrible, reffentit les effets de fa commifé-
rarion. Les qualités de fon ame étolent peintes fur
fa phyfionomie , & fou feul afpecl infpiroit les
vertus dont il étoit pénétré.
Ponùficdt ^'Innocent XIII 6» de Benoît XIII; -
RcJÎ'uutions fuites au S. Siège,
La vacance du fdlnt-fK,^e ne fut que de qua»
rante-neuf jours. Le cardinal Mic/ie/-Ange C^nti ,
Romiin , evéque de Viterbe , âgé de 66 ans , d'une
4es plut illuAres familles de Kome , qui avoil
500 F. L E M L N J
<ic)a conne douze Fjpcs à 1 Egliic , fut placé fur
la chaire poaiiftcal« fous le nom A'Iin^ctit XIII,
Le nouveau Fape , prudent , Ttge. pacifique, cc'.ai*
re. avoic l'ane noble, cftimoit le mente & pro-
tégeoit les fctences. Les circontlances dam ieC»
quelles il fut clu , paroilVoient peu fivotdblesau
repos du fouverain Pontife. Les ProtcAans ayant
pluùeurs Princes pui/T.ins dans leur communion ,
formoient de violens projets ci'ctendre leur icdeea
^l!;magaet le^ l'nn^ejCatholiques.divifesentr'cux,
nctoiaot que foiblemsai attaches au faict<âege:
Ja Fiance c:oit toujuais a^i.cc par dei dii'putes
fur l'accepution de la Bulle L'mgtnitut ; 1 empe<
xeur répetoit U poiTefTioa des duchés de Panne
& de Plaifaoce , tandis que l'Eipagne demandoic
celle de Cafiro âc de Roncigiione. <')a eipcroic que
Je nouveau Pape termineroii tous les difTcrende
& appianiroit toutes les diâicultes-, mais il ne licgea
qu'environ trois ans. Il mourut le 7 Mars 1724«
Comme on le prclToit a l'heure de la mort de rem-
plir les places vacantes dans le facré collège , il ré-
pondit: Ji ne fun p.'us ic te mondt. Les cardinaux
afTemblcs au conclave , lui donncreot pour fuc-
ceiTeur !e cardinal l'inctr.t Sijr.t de» L'rjiat , Do»
ininicaio, clu après une vacance de 2 mois fie 11
jour», fervent religieux , pieux caidiaal fit faine
pape.
Lci vertus du nouveau Poatife , refpeAces de*
cnnemit mcmci de rLi;;ife , oputicnt une rcfti.
Autioa aptCi lac^ucUe U cour Uc Mut&c iwuyuu^»
DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. ^Oî
Clément XI n'ayant pas voulu reconr.iitre l'ar-
cbiduc Charles pour roi d'Efpagne , l'empereur s'em-
para en 1708 de Comachlo dans le Ferrarois. Quoi-
que ce Pape eût fait la paix avec l'empereur Jum
feph , cette ville n'avoit point été refiituee , ni
fous fon pontificat , ni fous celui A' Innocent XIII,
Il étoit réfervé au zèle aftif de Eenoît XIII , de
procurer ce domaine à l'Eglife •, il obtint de l'em-
pereur CAjr/^j /^, que les Impériaux évacuetoient
cette place, & c'eft ce qui fut exécute en l'évrier
de l'année 171^'
ChrîJl'uKÎfme prêché & profcnt à la Chine ;
Difputes fur les Cérémonies Chlnoïfes,
La joie qu'eut le Pape du fucccs de cette aftair*,'
fut trouSlée par l,i nouvelle des malUeurs que le
Chriftianifme venoit d'éprouver à la Chine. Com-
me nous n'avons parlé qu'en palTant des mifllons
faites dans ce vafte empire, & des travcr'is qu'el-
les éprouvèrent, nous faitifTons cette occafion pour
en tracer une courte hiftoire.
Après la mort de S. François Xavier , quelques
Religieux, animés par fon exemple, trouvèrent le
moyen de pénétrer à la Chine. Le P, Mjtthitm
Ricci, Jéfuite, y annonça l'Evangile avec tant de
fucccs , que fcs confrères le furnommérent VApCtrt
des Chinois. Ce mifTionnaire avoit eu certainement
beaucoup d'obllacles à furmonter. Premiércmenr ,
les peuples de la Ch'ne ont pour les autres ni-
fions un mépris , que le P, F-'ai vint à-buu: iî
Ç02 E L E M E N S
vaincre , du moins en partie. En fécond lieu , il
falloir apprendre lear langue, & elle eft [lus dif-
ficile toute feule , que la plupart de celles de l'Eu-
rope enfemble. C'cft une n-.ine où il y a toujours
à creiifer. Les Chinois n'ont point, comme "les
autres peuples, un alphabet , qui , à l'aide de vingt-
quaire cara^ùes , puifle fufîire à tout exprimer.
Au lieM de lettrcî , ils ont trois mille trois cents
quatre-vingt-dix caradcres primiiifs , dont cha-
cun expriiT.'j une Idée. Leur kr^ueel: donc ccm-
pofec d'une rruhitude de fgures -, & a ir.efure
qu'on fait de nouvelies découvertes dans la na-
ture & dans les arts , il faut de nouveaux caraûé-
res pour les exprimer.
Ces difficultés dévoient effrayer les Europsens ;
le P. Ricci les furmonta. 11 parla facilement une
langue , que la plupart des Mlflionnaires font ré-
duits à bégayer toute leur vie. A fcs talens , il
joignit un efprit fouple & un caraftcre adroit ,
qui fçavolt fe plier à celui des peuples qu'il
vouloir convertir. Les Chinois , fcrupuleufement
attachés à leurs ufages & à leurs cérémonies , en
obfcrvoient à l'égard de leurs pirens morts & du
philofophe Confucius , qui paroiffuienc tenir de l'i-
dolâtrie. Le P. Ricci en penfa diflcremmcnt : il
jugea que cps cérémonies tiolcat purement ci-
viles & politiques, & il les toléra d'autant plus
facilement qu'elles avoicnt jette les plus profondes
racines.
Les Domiaicaios étant entrés dans la Chioe'pour
t>E L*HlSTOlRE ECCLÏSIASTIQUE. ÇO5
exercer l'apcftolat, ne s'accoir mode- tni point de
la çondefcendance du P. Ricci ^ qui leur paroliToit
plus politique que Chrétienne. Leur Père M^-^Iès
vint du fond de la Chine pour porter fcs plain-
tes au pape Innocent X confe les mlfTionn .ires
Jéfuites. II obtint en 1645 un décret de la con-
grégation de la Propagande , par lequel les céré-
monies Cbinoiies furenr condamnées. L; Pape
donna fa fan^ion à ce décret. Mais l'année fui-
vante , les Jéfuites ayant expofé h queilion fous
une autre face, obtinrent un décret tout contrai-
re, qui jugeoit les cérémonies Chinoifes purement
civiles.
, Tandis qu'on difputoit en Europe, les Jéfuites
profpéroient à la Chine. Leurs profondes connoif-
fances dans les Mathématiques, leî rendirent extrê-
mement chers aux Empereurs de la famille Tartare ,
qui, vers le milieu du xvii' Cécle, s'étoient rendus
maîtres de l'empire Chinois. Ce fut principalement
fous le règne de l'empereur Cjrz-///, prince d'un
génie élevé , ami & protecteur des lettres , qu'ils
jouirent de la plus haute faveur. En 1692, ce prince
déclara par un Edit folemnel , qu'il regirdoit la
Picligion Chrétienne comme une doctrine iniiocen-
te , & il permit de l'enfeigner.
Parmi les Miiîjoonaires envoyés à la Chine , on
diftinguoit un Jéfuite de Bordeaux , appelle le P.
/« Ccmte. A fon retour , il publia en 1700 deux
volumes de Mcn:.,ir(s fur l'état de cet empire. On
y Ufoit , «iue ce peuple avoit conlervé pendant
504 E L E M F y s
deux mille act , la conncifîànce é.» vrai DiBV ;
qu'il avoir facriné au Crcatrur dans le plus ancien
teirple de l'univers ; que les Chinois avoient pra*
tique les plus pures leçons de la iroralc , «andis
que le refte de l'univers avoir crc dans l'erreur Se
dans la corruption.
L'Abbé Bt,ileau, frère du Satyricue , frrrir foa
etrrcau ébramic (ce turenr fcs expreflions ) par cet
éloge des Chinois. 11 etoir dcdleur de Sorbonne,
& il le dencmça à fa ccnpas;nie comme un blaf*
phcme , qui mettoir !e peuple àx la Chine pref-
que au niveau du peuple de D-cii. La faculté prof*
crivlr CCS proptlltions , ainfi que le livre dont
on les avoit tirées ; Se ce fut le même inotif,qui
porta long-tems après le parlement de faris à lo
condamner au feu par fon Arrêt du 6 Mars 1761.
La cenl'ure de la Sorbonnc ayant réveille la dif<
pute fur la légitimité des cérémonies Chinoifet ,
& la querelle devenant toujours plus vive , CU-
nent XI crut pouvoir la termirer en en%-oyant en
I701 un légat à la Chine : il chcifit Thim»t MsU»
lard , archevêque de Tournon , qui n'arrivt à
Pékin qu'en i ~Of . Ce légat ayant eu une audience
de TF-mpercur de la Chine , fit divers nglemens
que les MilTionnaires ne vc«u!iirenr point obirr-
TCt , flc il mourut en pnfon en 1710 -, viâime,
tiifoft-on, des Jéruitestuxqiiel» on ir -«rt,
ou plutôt de» fif^'ues , de» traverfci, . ip-
tÏTité qu'il avoit effityôe^.
Ciimtnt A7, fcoTiblc à f<l pcri» , fit fon éloge co
l-lcin
feï l'Histoire Ecclestxsttque. ^of
plein conCftoire. « Comme un or pur , dlfolt-il ,
»• le cardinal de Tuurnon a été éprouvé dans la
I» fournaife par un nombre infini d'injures qu'il a
r> fouffertes avec une grandeur-d'ameSc une force
»• mcrveilleufes.'» Cependant il ordonna le ijDé»
ccmbre 1710, que les décrets émanes de l'Inquifi»
tion ou du S. Sitge fur les cérémonies Chinoifes ,
feroient exécutés à l'avenir , & qu'on n'allieroic
plus le culte liu vrai Dieu avec celui de Baal,
Les difputes des Miflîonnaires avoient fait tort,
dans l'efprit des grands & du monarque de U
Chine, à la religion qu'ils annonçoient. Après la
mort de l'empereur Cam-Hien 1714, fon fucceffeur
Vj' iCiiing ordonna , q le non-feulement les apô-
tres du Chriflianifme fortiroient de fes états ,
mais encore tous ceux qui profeflToient cette Re-
ligion. Comme ce prince étoit naturellement bon ,
il ce décerna pas des peines rigoureufes , & il re-
tint même auprès de lui quelques Jéfuites diAin»
gués , ou comme artides , ou comme fçavans. II
td (^ifficile de dire en quel état eft la Religion
Chrétienne aujourd'hui en cette contrée : les re-
lations fe contredifeot , & on exagère ou l'on ex-
ténue les fucccs des Apôtres de la C'iine , feloa
l'efprit qui dirige ceux qui écrivent ces relations.
Il :n a été de même dans les éloges ojtrés
qu'on a donnés aux Chinois. Il cA certain que
les Minionnaires n'ont tant fait-valoir le mérite
de ce peuple vain & frivole , que pour donner
plus d'cc'.at à leurs conquêtes fpirituellcs bi lum
Ton, II, r
■jO^ E.LE M E K s
juge de cette nation par ce qu'en dit l'amiral ^«/îvi
6c les voyageurs poftiriejfs ,-ellî ae mi:rite pa»
le titre de prtmiir peuplée de l'Univers , que lui ont
donne quelques Phllofophes entlioufiittes,
E: quant aux Lctt-c$ Chinois qu'on a tant van-
tés, il faut convenir qu'avec leur prctendue lit-
térature , ce font des hommes très-ruperditieux,
Une magie aveugle , une futte crédulité aux foa^
ges , l'invocation des génies 5c des démons , une
idolâtrie ftupide, enfin les préjugés les plus mé»
prifâbles , font trcs-comnuns p:rmi ces hommes
fi éclairés de la prcmicre nation du Monde.
Concile d'Embrun ; acceptation du Cardinal
de Noaillis.
Tous les Evèques de France n'avoient pas reçu
la B.ille Unigenitus , que quelques-uns même trat-
toient de décret monllrueux. De ce nombre éroit
Soëntn , évèque de Scncz , vieillard rcfpe^lable
par fes vertus i mais qui , ayant eu occaùon de
connoitre Quefntl à l'Oratoire , dont ils êtoient
membres l'un & l'autre, s'ctoit rempli de fes fen-
timens. Il publia en 1716 une lnf\ruc\ion pjHo-
rale.dans laquelle il combloit d'éloges le livre
des Rcflexiont moraUi , & pei^noit la Bulle i'ni-
genituM avec des couleurs peu favorables à cette
conditutiun fie a ceux qui l'avoient follicicce.
h'i, de Tencin , grchcvc'jue d Lmbrun , fit mctro»
politam de rtvéque de Scnet , eut ordre d'alfem-
blcr uo Coaule provtu:ul d^ii» fu \ilk «rdiir
DE l'Histoire Ecclésiastique. ç«>7
eplfcopale. L'ouvercure de ce fynode fe fit le 16
Août 1717. M. de Sûancn y fut appelle , & , mal-
£rc fes protei^ations contre tout ce que les Pré-
lats affemblés pourroient faire , & fon appel au
futur Concile , il fut déclaré fufpens de tout pou-
voir & de toute jurifdldlion épifcopale ; on con-
damna fon Inftrutlicn patiorale , comme témérai-
re , fcandaleufe , féditieufe , injurieufe à l'Eglife ,
aux Evcques 8f à l'autorité royale. Une lettre-de-
cachet l'exila à l'abbaye de la Chaife - Dieu en
Auvergne, où il mourut en 1740, à çz ans ; fa
retraite fut d'autant plus fréquentée par fes par-
tifans , qu'à beaucoup defprit il joignoit de gran-
des vertus. 11 fignoit ordinairement {es lettres ,
Jean , tvîque de Sene\ , pr'tfonnier de Jefus-Chrift ; 3c
ceux qui étoient attachés à fa caufe Se à fa per-
fonne recevoieot ces lettres comme celles d'un
Martyr,
L'année d'après la condamnation de TEvêque i*
Scnez , le cardinal de Nuailiet , archevêque de
Paris , accepta la conAitution Unigcniius par un
Mandement publié le 11 Oilobre 1718. Dans ce
Mandement, fon Inftrutlion paflorale du 19 Jan-
vier 1719 fut révoquée , les R<- flexions morales
condamnées dans le même fens que Clément XI
les avoit anathématifies. Il écrivit en même tems
une lettre .irculaire à tous les Evcques du royau-
m;, & une lettre particulière à 5«ij.'f A7//, qui,
comblé de joie par cette acceptation pure & fira-
ple, le remercia dans toute l'efFu/ion dcfoncaur*
Yij
Le cardinil mourut l'année d'après, à 7S ani,
A des m jîurs pures i j une piitc foHde , il avoir
toujours joint un extérieur très-rt^uîier , une mo*
dcftie dans les man'cres, une égalité & une dou-
ceur de caraûére peu communes. Ses charités
itoicnt imiienfes. Ses meubles vendus , fie toutes
les autres déf eafcs payées", il ne laiffa pas plus
de 500 livres. Ses epnemis ne purent refufcr de
recoonoirre en lui les meilleures intentions. H
■imoit le bien & le faifoit. Ecriture fainte , Père»
«le lEglife , trnditioii , théologie pofuive , théo-
logie morale-, il fçavoit tout ce qu'un Evcque doit
fvavoir.
Prétendus Miracles de Paris.
L'année de la mort du cardinal de Njai!U$ \
le tombciu d'un diacre de Paris , nommé l'Abbé
Paris , frère d'un conrciller au Parlement , vitn
agiter la capitale d'un nouveau genre de faoa-
cifme. Ce diacre ctoit mort appcllant & réap-
pel!ant ; le peuple lui attribua une quantité in-
croyable de miracles. Celui qui fit le plus de bruir ,
& qui fervit le plus i nourrir la crédulité du
peuple , fut la prétendue gucrifon d'une fille aveu-
gle & perclufe, à la fin d'une neuv.iinc faite fur
le tombeau de Pârit. On publia le détail de ce pro-
dige dans une difTertaiion remplie de tant de cer-
ti/icùt« , que les efprits les moins crtdulcs cioient
en fufpent. M. du Lui, qui avoir faccédé au cardinal
de SoêitUi daoi l'arcbevivhi de Paris , ordOQM
I
DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. 5c J
une informatioa juridique. Les CoaunifTaires nom*
mes par ce Prélat , reconnurtot qu'il n'y avoit
eu aucune gucrifon , que les fjits avoient été al-
térés , les atteAations falfifices -, que la prêteur
due aveugle n'avoit jainals perdu la vue , & que
long-teras après la neuvaine , elle avoit toujours
eu la même peine à marcher. Le miracle fut donc
déclare faux , la diiTertation condamnée , U on
défendit de publier de nouveaux prodiges fans r>.u<
torité de M. l'Archevêque.
Cette dcfenfe r.e put arrêter l'enrhouiiafmeexiité
par le récit des nuracles attribues à l'Abbé Pdrij,
On alloit prier jour & nuit fur fon tombeau au
cimttiére de S. Midard ; on éprouvoit des con*
vulûons fie des fecoufTes extraordinaires ; enâa
il y eut des chofes û ridicules , que des difputes
théologiques qu'on devroit toujours traiter gra-
vement , furent malheureufement un objet de dé«
riûon pour une partie de la aa;ion , &: la Reli-
gion n'y gagnoit point. Un Jefaite ( le P. Scu-
^eant ) ayant ofc faire une comcdie fur les pro«
diges du diacre Parilîen , les plaifanteries qu'il em-
ploya contre ces prefliges , ont été tournées de-
puis contre les vrais miracles par un ennerr.i de
la Religion , ôt tres-mat-a-propos. La force de
l'imagination pourroit avoir opéré quelque guc-
rifon paffagére fur le tombeau de l'Abbi P^lrii i
nous ne voulons ni l'avouer, ni le nier: m^is , dans
les relacions publiées à ce fujet , on ne voit ni
mort relTufcité, ni moatsijnv tran^portcc , ci f»^
t»'^ E L E M Ë V $
vicre mife à fec , ni même aucun fourd 8c aveugle-
né , recouvrer la vue & l'ouie. De tels miractes
configncs dam le$ Lcritures , ou dans les Hiflo-
TÏens ecclcfiaftiques , font rcfervcs à l'Auteur de
la nature. 8c à ceux qui en ont reçu le pouvoir de
£a divine bonté.
Ponti/îcM de Clément X 1 1 ; fon
dc/imirejjcment,
Benoit XIII mourut en 17ÎO , âgé de St ant.
Le cardinal Liurtm Cvrfini , Florentin, dcftinc par
la providence à gouverner l'Eglife univcrlelle ,
fut élu par le fufTrjge unanime de tous Tes coU
lègues. Le pontificat de Btnvii XIII avoir été
gouverne par le cardinal Cofcia , homme derpotiquo
& hautain , qui avoit révolte les Romains par fet
manières & par la création de nouveaux impôts.
Le lendemain du couronnement du nouveau Papr ,
le peuple aflTemblc de toutes pans .cria: yin C!i~
mint XII \ iufl et des inju/iices du de-nitr min'tfit't !
Cette juflke fe fit ; ceux qui avoient malverfé
furent punis, 8t le cardin.il C /ci* fut enfermé au
ch.tteau Si-Ange, où il expia les .thtit d'.iutorité
iont 11 t'érott rendu cou pabl».
La nomination aux bcntfico un 1 ■ nixit jM>it
brouille penUni quelque temt la cour de Rome 8c
celle ic Savoie-, d'4uirc« ohiets t'itoient mcics i
cette di pute, U l'on defiruii que la paix fe fit en-
tre les deux coutt. Ces différends furent en effet
lunuoc* cp 17}9 • C( IcKoi de ^rd^ignc obcia»
DE l'Histoire Ecclestastique. ^ii'
un cïvapeiu de cardir.iî 2 fa nomimtion , cor.^mo
les 2utii.'S couroriDcs Caù. cliques. Le Pape eilt
encore le plaifir de voir lîs Princîs de 'VX'irtim-
bçrg rer.oncer au Luthérarirmc, 8c reconnoîtrc le
fiége Aportolique pour le centre de l'unité.
La vieillelTe du Ponrife étoit très-avancée; en-
fin il paya le tribut à la nature le 6 Février 1740,
à SS ans. Les aumônes qu'il répandoit & les ver-
tus qui l'iUufiréfent, furent l'objet de l'amour des
V^jêts de l'Etat eccîcfiaflique. Ses levenus furent
four les pauvre»; fon trcforijr lui ayant rendu
fe> comptes , il vit qu'il n'avoir pas 1500 écus
en caifTe : Ci,mnent, dît lePspe ,j'etots p/uj riche
étant cardinal f qut depuis que je fu'u Pape! & cel4
ctoit vrai.
, £kfSon de, Benoît XIV ; fcs grandes quaUtisi
Le faint-néige vaqua pîus de fix mois après la
mort de CUmtni XII. Enfin , après bien its agita-
tions , toutes les voix fe réunirent en faveur du
cardinal Prefper Lamhertini , de qui il n'avoit pref-
que pas été queAion dans le conclave. Son mé-
rite auroit dl^ , ce femble , fixer plutôt Tattcntioa
des cardinaux -, fon nom étoit célèbre parmi les
fçava«s de l'Europe, par des Ouvrants remplis d'c-
rudition, & par fa profonde connoi/Tance du droit
canonique. Après avoir pafTé par différens em«
plois , i! étoit parvenu au fiégc arcliicpifcopal de
Bologne fa patrie , te s'y étoit faitaimer par une
humeur cnjor.ce , par un carafttre affahie , p4*
en cfpric impartial âc juAc, T iv
fit E L t M E y s
Lorfqu'il fac parvenu au pontificat , îl prit U
Bom de Echoit XIV ^ en mémoire de Benvit XII t ,
qui lui avoit accorde la pourpre Romaine. Sa
douceur pjrut dans Tes audiences , où il accueil-
loic cgalcracnt les grands fie les petits -, 6c foa
goût pour les fciences fe foutiat fur le trône pon-
tifical. Trois académies furent établies en 1741 i il
les compofa des hommes les plus fçavans de Ro-
me, & les chargea de travailler , l'une fur l'Hif-
toire EcclcfiaAique , l'autre fur l'HiAoire profane,
te la troifiéme fur les Canons 6c les Dccrctales des
Papes. Ceux qui fe diAingueroient dans chaqut
genre, dévoient être récompenfés par des prix ho-
norables, 6c ils l'etoient encore plus par l'accueil
gracieux du fouverain.
Il ttoit furvenu quelques différends entre la
cour de Rome 8c celles de Naples au fujet de la
jurifdidion eccléiîailique -, ils furent terminés en
1741. Cette même année il y eut un nouvel ac-
commodement entre le duc de Savoie 6c le Fapc.
Par !e traité fait entre ces deux puidances , le
Roi de Sardaigne nominoit a des cvcchcs de fes
états , vacans depuis long-tems. Btnoit XH' lui
accorda enfutte le titre de grand-vicaire des Acfs
du faint ûcg; dans le Piémont , fous la redevance
d'un calice d'or , qui doit ctre prcfcoté tous les
ans au faini-ficge le jour de S. Pitm.
Chaque année du pontificat de Btnoit Xll'fat
ourquce par quelque bulle pour reformer des abas*
ou pour inuoduiie des ufages aules. Il tcot^u-
DE l'Histoire Ecclésiastique, çtj
vella les décrets portes contre les fauteurs de»
pratiques idolâtres, introduites daas les minions
de l'Inde & de la Chine. II forma des projets de
réunion pour les différens hérétiques ftparsis de
l'Egllfc -, il auroit voulu terminer les querelles
touchant les matières de la Grâce. Son idée étolc
de faire-figner un corps de doctrine , où telle vé-
rité feroit prcfcrite & telle erreur condamnée i maig
ce projet filage n'eut point d'exicution.
Refus des Sacnmcns ; Billets de ConfeJJîon,
Son efprit de modération parut fur-tout dans
la dlfpute élevée en France , en 1751 , au fujet
des refus des Sacreraens, faits aux Janfénirtes , Se
des billets de confelTion exigés des malades qui
étoient foupçonnés de l'être. Cette querelle, dont
le théâtre fut principalement a l'aris , efl trop ré-
cente pour la retracer. Le repos de l'épifcopat »•
de la mag'ilrature Se de beaucoup de citoyens en
fut troublé. Ic^j</> -YF voulant ércindre cette guerre
ir.ieûine qui divifoit fou royaume , confulta ^e-
noit XIV, Ce Pontife envoya au Roi une lettre
circulaire pour tous les Evoques de France, dans
laquelle , après avoir établi que la conAitution
Uni^cnitus étoit une loi univerfclle , à laquell*
onncpouvoit réfifter fans fe mettre en danger de
perdre fon falut éternel» il donno't un tempéra-
ment qui devoir (atisfairc tous les partis, en ce
que les rtirai^aircs à la Bulle ctoieni jugés indi.
gpes des Sacreraens, comme Us pcheurs public*»
Yv.
^4 E L E Nf E V s
il leur révolte ctoit notoire , loit par le droit J
foit par le tait. Cette Lettre er.c^cUgue , en date
du i6 Oâobrc 1756, fut reçue par le Clergé de
France , & peu-à-peu ramena la paix.
Alort de Benoît XIV ; fon élo^e.
Le bref de Btnvlt XIV h Louis X y . e(i de
I756; il mourut environ un an 8c demi après,
en 175S. Aime des Catholiques , refpci"^; des
Protet^ans , prince (ans favori , pape fans népotif-
me , auteur fans vanité, il mcriia les hemniages
des ennemis mômes de l'Eglife. Son dcfintcrcf-
fement ctoit extrôme. Des qu'il fut fur la chaire
de S. Pierre , il céda à la chambre ApoAolique
ce que fes prcdéccfTeurs mettoicnt au nombre de
Icuri revenus particu'iers. Il lailTa fcs parens dans
t'ctat qu'ils avoient avant qu'il parvint au pontt>
ficat. Enfin il eut le caraflércde la véritable vertu:
Il fut dur pour lui-même , & indulgent pour les
autres. Le cardinal CharUs Rt\\pnico ^ Vénitien ^
prélat plein de douceur , de bonté 8c de religion,
lui fuccéda^
Expulfion des Je fuites^ du Potuti^l ; DigreJJtMi
fur Us m'tjjitns du, P^aguai»
C'eft fous ce Pontife qu'une focictc nombreufe;
puiflfantc en crédit , en lumières , en ri^helTei ,
cprouva les premicre» fecouITci de fj chute pro*
(haine, ntnoit XIV , averti par le Roi de Por-
tugal que Ut J^foitct du Paraguai s auiibuctait
DE l'Histoire Ecclésiastique, çtç
des droits contraires à 1j rnodeftie rcîig-eufe &
3UX prctentions dçi Souverains , adreffa au car-
dinal SjlJanha un Bref pour les réformer. Ce
bref n'opcra pas de grands changemens. Les Jcfui-
tes déplaifoient toujonrs aa Roi de Portugal, qui
les priva en 1758 de leur emploi de confciTcnr
à la coar , & leur donna toutes les marques delà
difgrace.
On prétend que le premier ornge que les Jé-
fuites éprouvèrent en Portugal , vint du fond du
Paraguai. On fçait que , vers le commencement
du dernier fiécle , quelques Mi^Fionnaires de cet
ordre s'ctoient frayé l'entrée de cette province
de l'Amérique Méridionale qui confine les éta-
bliffemcns Efpagnols & Portugais fur la rivière
de la Plata. Les h^bitans de ces contrées étoicnt
à-peu-prcs dans l'état des Sïuvages , ne connoif-
fant aucun Art, &: cherchant une fubfiAance pré-
caire dans le produit de leur chalTe ou de leur
pêche. Les Jtfuites entreprirent d'inftruire leurs
arr.es, & Ictr apprirent a donner à leurs corps une
nourriture qui ne irtanqua jamais.
Après les avoir engagés à fe réunir dans des
villages, ils leur enfci'^nérent l'art de bâtir des
maifons , de cultiver l.i terre, & d'cicver des ani.
maux donief^iques. Les principes de la fubordi'
nation & «ie la police leur étoient inconnus ^ il»
ccmnienctrcnt à goûter les douceurs de la fo-
cicté & les avantages du bon ordre. Les Jcfukes
gouveroant les peuples qu'Us avoient civiUfos y
5l5 E L E M E N s
avec la tenJrcffu- d'un pcre , entretenoient iki*
égalité parfaite encre les membres de cette nom-
breufe famille. Le produit de leurs champs, tous
les fruits de l'indullne des particuliers , croient
daos des magafms commuas pour les befoins de
chaque individu. Un petit nombre de mag:ftrat«,
ctioiàs par les Indiens eux-mêmes , veilloient fur
la tranquillité publique. Une légère réprimande,
une petite note d'infamie , ou quelques coups de
fouet pour les fautes graves , fuftifoient pour
ramener au devoir ce peuple innocent & hea»
leux.
Mais en faifant le bonheur de ces fauvage»
Américains , les Jtfuitcs ttoicnt foupçonnes en
Europe de les avoir civilifts pour les gouverner
cxcluiivement. Us avaient défendu toute corn*
munica-.ioii avec les Efpagnols ou les Portugais
leurs voiiîns -, & tl n ctoit permis a aucun négo-
ciant de ces deux nations d'entrer dans leur ter*
riioire. Les Indiens leurs fujcis n'ccoient inftruits
d'aucune des langue* de l'ancien monde & a me-
sure qu'ils civilifoient quelque tribu nouvellt ^
ils raiTuiettilToient à un dialeif^e particulier , qu'ils
chcrchoient a rendre univerfel djns tous leurs-
éonuines.
A ces précautions , les Jcfuxc^ eu i<.>>^uitent
(dit-on) de plus ;ilarmantes pour lesRoisd'Ef-
pagni 6( de for<uf;al. Ut formèrent des corps de
cavaleiie bien armes & bien difciplines. Ut ccabit-
moi. des Aircoaux fouiais d'Irma ia de ouoi*
DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE» ^17
fions de toute efpcce. Ei.rin ils eurent des for-
ces militaires , pour fe fdire-craindre dans un pay»
où les Efpagnols & les Portugais n'avoicnt que
que!(|ues bataillons délabrés & mal difciplinés.
Les Rois de ces deux nations , infttuits par
les gouverneurs des provinces voifines du Para-
guai , parurent crindre que les Jcfuites n'cten-
diiTent la domination de l'ordre fur toute la par-
tie méridionale de l'Amérique.
Dans ces circonftances , il y eut un complot
hjrr.ble formé contre Jufcph roi de Portugal ; il
fut affafiîne le 3 Septembre 175S. Quelques Jc-
fui es furent impliqués dans le procès fjit aux
conjurés. On prétendit que les principi.ux chefs
de la coofpi ration s'etoient confeffcs à des mem-
bres de la fociété , qui , loin de les détourner de
c; crime , les y avoient encouragés. Cette ac-
cufation n'étoit pas , fans doute , fondée fur de»
preuves évidentes ; mais le Roi de Portugal, pré-
venu contre ces Religieux par fon premier miniftre
C-irvalho , les chafla en 1759 de fes états. En ex-
puUant les Jcfuites , on en avoit fait - enfermer
trois qui paiToient pour les plus coupables. De
ce nombre ctoit Mj/agrida , Jéfuite Italien , mif-
iîonnaire à Lisbone, qui fut brûlé par ordre du
St - Office le 21 Septembre 1761 , non comme
complice d'un parricide i mais comme un fau.x-
prophète, qui s'étoit attribué le don de prophé-
tie &. de miracles , & qui avoit écrit d'ni!!eurs
iu ouvrages remplis de pieufcs cx:ravag3Qc:s,.
<lS E L E M E y s
Expuljîon des Je flûte s , de France^
Les ennemis que les Jéfultcs avoicnt en Franc#
profîtcrent des ombrages que leur expuliion de
Portugal infpiroit , pour augmenter la haine du
public & pour opérer leur deflruâion. II fe prc-
fenta bientôt une occafion favorable à leurs def-
feins. Un Jcfuite François nomme /* fj/wt* , chef
des mifi:ons de l'Amérique , homme ambitieux »
hardi Se entreprenant, faifoit le commerce à la
Martinique , & avoir des correfpondances en
France. Les Anglois lui ayant tait dans le cours
de la guerre de 17)6 des prifes confidcrables ,
il efîuya des pertes qu'il vouLit faire-fupporter
à fes corrcfpondans de Lyon & de Marfcille.
Ces négocians Pattaqucreat , lui & fcs confrères,
en )u(\ice rcglce. L'affaire fut portée a la grancfe
chambre du parlement de Paris , Se les Jcfuites
'urent condamnés tout d'une voix. Oa leur in-
terdit le commerce qoe faifoient quelques mem-
bres <!e la focictc , 8t on les oMigca .de payer
les dettes que cette piofclfion fi^peu faite pour
ëes Bcligieirx leur avoit occaftonnccs.
Dans le» Mémoires imprimés contre les Jé-
fuites , leurs adverfaires prcientUrcni prouver que
ce» Pères , en vertu de leurs Confliiution» , étoient
folidaires les 00s p»ur les lutres , & que ceux
de France dévoient icquitter le» dettes des mifi
fions Américaines. Urt Arrit du parlement ,da \
;loût X761 ,eo exigeant f^'w (ameufcs Coaf,
DE lUistoire Ecclésiastique, çrj;
blutions fufTent produites , oidonoa par provi-
fion la clôture des Collèges des Jéfuites pour le
premier Oflobre fuivant. Liuis X V prorogea c©
tems jufqu'au i" Avril 1762, & cette proroga-
tioo faifoit-appréhender qu'ils n'obtiniTeat desmar.
ques de faveur encore plus iigna!^es.
Le Roi confulta fur cette grande affjire les
Evoques qui étoient à Paris. Le plus grand nom-
bre étant favorable à laconfervation des Jcfuites ,
i-ou/jA"^, déférant à leurs avis , rendit un Edit
dont l'objet étoit de les laiffer fubriftcr.en mo-
difiant à plufieurs égards leurs ConlUeutions. Cette
Déclaration, portée au Parlement pour y être en-
regiArée y trouva une oppoûiion gcucraîe. On
y fit de fortes remontrances i & ces remontran-
ces eurent plus de fuccès que ne pouvoit atten-
dre le Parlement mCme. Le Roi , fans y rica
repondre, retira fon Edic
Peu de tems après la Cour déclara au priacl-'
pal du Collège des Jéfuites de Paris, qu'il ne lui
reAolt plus qu'à obcir au Parlement , & à celfer
leurs levons le 1". Av.il 1761. Depuis cette épo-
que , les Collèges des Jcfuites furent fermes ; 8c
la Société perdant la p rincipale branche de foa
crédit, l'éducation de la NoblelTe , commençafé-.
xieufement à craindre fa deflruflion.
En effet, le 6 Août de la même année, l'Indi-
tut fut condamne par le Parlement d'une voix
unanime , fans aucune oppolition de la part de
l'autorité fouveraicc, Lci enians de S. l^nat ,
Çl* E L £ M E N s
cbligés de renoncer a la Règle de leur pcre »
fu-cni fccularifes & ditfous , leurs biens aliénés'
& vendus ; & le plus grand nombre reftcrene
difperfes çà & là, accables de ce^coup inactenda ,
te obligés de quitter un habit qui leur étoit
cher Se que quelques-uns avoienc illuAré par
leurs ralens. Les autres Parlemens de France
ayant fuivi l'exemple de celui de Hans , le Roi
contîrma la dilToluiion de la focicte par un Edit
du moij de Novembre 1 764. Ln ordonnant que
cette fociécc rero:t anéantie dans l'on royaume ,
il permit ncanmoins à ceux qui la com^oôienc
de vivre en paniculier dans Tes Etats fous l'au-
torité fpirituelle des Evèques , qui en employèrent
plulîcurs pour le fcrvice de leurs dioccfes. C'eft
ainiî que la deArudion d'une focicte puifTante &
illuAre a plusieurs cgards,fut opcrce en moins de
trois ans , fans bruit & fans rcfiHance. IMufieurt
ex- Jcfuites , cachant le femiment de leur doa>
leur , proHicrent da feul moyea qu'on Ic^ laif-
foit d'être heureux en fe rcndatu utiles.
Cet evcnemi-'iit accabla de irlfteffc Cîtmtni XIII ^
protecteur & ami des Jéfuites, rur>tout lorfqu'il
vit le Roi d'Efpa^ne , le Roi de Njplet & le
duc de l'urme imiter la France fie fupprimrr la
C^mpëgnit it J t $ i s. Une jlTaire particulio
avec ce dernier Souverain contribua à r^panJre
la douleur fwr fj refpei>«ble vicilîeffe. II crut le»
droits du fouvcrain Uontife .Ktaquts par le mi.
Biûérc Ptfbc^an. 11 Unça ua Bref, qui,eoitfiOU'
Di l'Histoire Ecclésiastique. 511
Ycllant les anciennes prcfentions des Papes , in»
difpofa toutes les branches de la maifon de Bour-
bon. On fe faidc d'Avignon & de Bcncvent , 8c
dément XIII mourut au commencement de 1769,
avec le chagrin de voir beaucoup de Puidances
aigries Se de n'avoir pu les ramener.
Tableau du Pontificat de Clément XIV.
Des conjonâures H délicates dévoient rendre le
conclave orageux , & il le fut auffi. Enfin le
facré collège , dtcidé par l'éloquence perfuafive
du cardinal de Bemis , proclama fouverain Pon*
tife , le 19 Mai 1769 , le cardinal GangantUi , de
l'Ordre des Mineurs conventuels, Prélat connu,
comme Benoît Xlf^, par l'étendue de fcs lumié*
res , la finefTe de fon erprit & la foupIeflTe de
fon carafVére.
Peu de Pontifes avoîent été élus dans des
circonftances plus difficiles. Le Portugal brouilîé
avec le S. Siège depuis l'expulfion des JcAiites ,
vouloir fe donner un patriarche. Les Rois de
Trance , d'Efpagne, de Naples, & le duc de Par-
me, ne dévoient pas être difpofés favorablement,
Venife prétendoit réformer les Communautés Re-
ligieufes fans le concours de Rome. La Pologne
cherchoit à diminuer l'autorité papale dans c«
royaume. Les Romains eux-mêmes murmuroicnt.
Enfin un efprit de vertige, répandu par de pré-
tendus Sages dans toutes les contrées de l'Europe ,
actaquoit le Trône & l'Autel.
Çll E L E M E K s
Pour remédier à tant de itiiux di/Tcrens , CU'
ment XIV chercha d'dbord a fe concilier le» Sou'
vcrain$. Il envoya un Nonce à Lisbonue ; il l'up-
pnma la le^lure de la Bulle In eccn* D^miii , quj
tévolcoit depuis lon^» tcms les F rinces. 11 ferrp^
les yeux fur les cntreprifes des Vénitien» , pc -
fuadé que la douceur les rameneroit. Il négocia
avec l'Efpagne 5c la France , fans rien taire qui
put marquer la pulillanimité ou la balTcH'e. 11 fe
conduisit «n homme adroit 8c en gracd-homme*
Preffc de (c cc^ldcr fur le fort dei JiCahit,
dont pluûeurs Souverains follicitoient l'extinc-
tion totale , il demanda du teins pour examiner
cette grande affaire. Je fuis , ccrivoit-il , /« ptrê
des jidelis , & fur-tout dit Religieux ; je Ht fuit m*
décider à détruire un Ordre célèbre , /anj avoir dt*
rt^i/ons qui me juflijient aux yeux de Dieu & de Ia
foflirité. Entin , après deux ou trois anaces de
dilcufTion, il donna le ii Juillet 1773 .'* f'Snieux
Bref qui fupprime à jamais la Compagnie de Jt»
avs i mais, en anéantilTant la focicté , il recoai>
mande, dans ce .iicmc Br- f q /on a trouvé i\ rigou-
reux . la plut grands cgardt pojr les membres qui
la compofoient. Cette c-poque fut celle de la rcfti»
tution des dorraines dont Ici Rois de France &
de Napies s'ctoient fa fis : dumaines qu'on croyott
perdus à jamais pour le faint-fic^e.
Clément XlV , accablé de maladies , de travaux
8c de foucis, ne fit prefque plus que languir de-
puis U fupprcûioo des Jiifuitcs, Des la fia dft
DE l'Histoire Ecclésiastique, çi^
Juillet »774, le Pape n'é oie p!us qu'une ombre de
Jui«mcme. Il fentoitdes douleurs cruelles , fa voijc
s'ctoit éteinte. Je vais à /V/crnà* , difoit-ll , &■ je
fçais pourquoi. En t. et il rendit le <?ernier fou-
pir le il Septetnbre delà même annce , viftime
d'un travail cxcelTif & d'un mauvais rcgime , tinfi
que l'attefta fon mcciecin.
L'Eglife perdit par cette mort un Pontife fage,
courageux, ji.fie, an i des 'ettre?. Elevé , comme
Sixte V , de l'obfcurité du cloître a l'cclat du
trône , élu comme lui dans des circunftances
difficiles , confidcrc comme Sixu des ttrjugers
& des Souverains , 11 ne fut ni dur , ni iiflexi-
ble , ni fuperbe comme ce Pape. Ajoutons à ces
traits qu'il fut de la plus grande fobricté , & aufS
dëfintercfTé que peu faftucux. Aflîs au rang de»
Rois , il fut fervi comme un limple religieux.
Lorsqu'on lui repréfenta que la dignité papale
exigeoit plus rl'apprèts , il fe contenta de répon-
dre : Ni Saine Pierre , ni Saint François ne m^onê
appris à dîner plut fplendidemsnt. Tout entier à fcf
devoirs , il veilloit une partie des nuits , pour s'oc-
cuper des aflFairps de l'Eglifc dont il étoii le chef,
& des Ernts dont il étoit le père. La Rig/* , di-
foi:-il quelquefois ,<y?/j houjfole des Religieux ; mais
le bejl'in des peuples efl celle des Souverains. A
quelque heure qu ils aient te/lin de nous ^ il faut êir»
à eux.
Il étoit très - fecret , & , fuivant l'expreflîon
d'un cardinal honunc-d'cfprit > fon pontificat a'c:
524 ElEMENS
toit pc$ celui des curieux, i'n S<.unrali ,(diroil
dément Xiy ,) qui a bttutoup de icnJUtut ,«€ /f-m-
Toh manquer d'are trafu : et qui ri a pis été dit , ne
$\crit feint.
Les Anglo.s pljccrent de fon vivant fon burte
parmi ceux des grands • hommes. Plut à Dieu t
dit-il , qui/t fffent p<,ur U Religion ce qu'ils fvnt
pvur moi ! Lt$ intérêts de cette faintc Religion
lui tenuienc au cœur , &, quoique très indulgent«
il écrivit à Louis XV , pour l'engager à reprimer
l'audace des apôtres de l'incredulicc. Sa p'cté ctoic
finccre -, mais elle étoit noble & élevée comme
le Chril\bnifme : & quoiqu'on ait tâché de U
noircir, fon nom brillera toujours parmi celui de*
grands Papes & des Souverains illurires.
Son. amour pour les lettres l'engagea de for.
iner à Rome un Mufxum , où il rallcmbla beau»
coup de précieux rcAes de l'antiquiic. Il s'ctoic
fuit-donncr une lifle des plus célèbres Ecrivains
de fcs ciats , 6c li la raort n'eût pas empcchd
l'exécution de fes defTcins , il devoit récompen»
fer ceux dont les Ouvrages avoicnt pour ob-
jet U Religioa ou la patrie, u II efl juAc ( difoit»
U au cardinal Cdvalih.ni ) •• que les Auteurs qui
n nous ioAruiTcnt ou nous édifient , trouvent det
m rcmuncraieurs dans les Princes. L'argent a%
M peut être mieux employé qu'à foutenir le mé«
»• rite & à encourager les talent. Il e(l honieu*
w qu'il n'y ait des rccherchci ciablies que pour
p Us mal£Aiicuti , & qu'on ne t'uiforae ai de 1a
ri l'Histoire Ecclesia«>ttque. ^î^
M fortune , ni de la dc.neure des hommes qui
M éclairent le monde. <»
Ele^Uon de Pie V I ; Jubilé Univerfel,
Après la mort de CUmcnt XfF , le; cardiniux
furent occupés pendjnt environ cinq moi; à don-
ner un chef à l'Eglife. Les vertus du cardinal
Brafchi , d'une ancienne famille de Cesène , réu-
nirent les fuffrages , & il fut élu le 1 5 Février
1775. Ce Pontif>; , diftingué par la droiture de
fes vues , par fon caradlére généreux , par fon
humeur bicnfaifjnte , & fur-tout par une piété
excnlplaire , a commencé fon pontificat dans l'an-
née fainte. Ceft ain/î qu'on appelle l'année du }u-
llU Univcr/ei , dé]i. indiqué par Clcmcnt XIV, &
confirmé par Pic VI.
Dans la lettre circulaire qu'il écrivit aux Eve-
ques de la Chrétienté pour ouvrir les tréfor»
des Indulgences , il témoigne fa douleur fur les
maux de l'Eglife. Il fe plaint fur-tout de l'efprît
de licence & d'innovation qui femble être aujour-
d'hui le fceau de la philofophic.
M Après avoir répandu (dit -il) de toutes parti
• les ténèbres de leur impiété , & comme arr.!-
M ché la Religion du cœur des hommes , ces
M Phiiofophes corrompus tentent aufiî de brifor
«» tous les liens qui uniilent les hommes cntr'eux
M & avec ceux qui lei gouvernent. Elevant leur
•• voix', ils annoncent àigrands cris que l'homme
V cA oé libre , & répètent làùi cciTc qu'J o'cft
526 Elemens de l'Hist. Ecclesiast.
» fuumis à l'empire de qui-quc-ce-.oic ; que II
M Tocictc n'eA qu'une inulinude d'hommes tgno>
t* rans , dont la ftupidicc fe profterne devant des
M Prêtres qui les trompent, devant des Rois qu
M les oppriment -, de maïucrc que l'unlun entre
n le Sacerdoce & l'Empire n'cii , félon eux «
n qu'une confpiration barbare contre cette pré-
M tendue liberté qui el\ naturelle à l'homme. Qui
n ne voit pas, ( ajoute le fouverain Pontife )
«t que de ù moniltucufes extravagances & tam
M d'autres dclires fembiables , couverts avec tant
M d'art , menacent d'autant plus le repos & la
»« tranquillitc publique , que l'on tarde a rcpri-
tt mer l'impictc de leurs auteurs i & qu'ils font
• d'autant plus pernicieux pour les âmes radie»
H tées au prix du fang de J. C. , que leur doc-
n trinc comme la gangrène gâte de plus en plus
M ce qui cA fain,& fe glilTe dans !es cours des
H Rois , 8c ( ce qui nous fait prefque horreur
M à dite ) s'inùnue jufques dans le fanûuaitc. ••
F I X.
A P P R O B A T I O N.
/'Al lu , par orért A< M^rj'rfneur It CjKDl'DfS-
SciÂi X, un manL/trii ini.iu e : tltmeni de l'Hif-
toire Lcdcfiaftique , dont la m.ihiJt fi. /j /uctjt mt
parutffcni dtxoir jiirt'dipnr i'.inpitjj„,n. A Paru (t
20 itftimbrt 1781.
S>ini G U Y O T , PrddJc. ord. du Rci.
TABLE DES MATIÈRES
CONTESVESDASSLE T O M E I I.
Onzième S 1 é c l e.
Antipapes , Page j
Coiilommation du fchifme des Grecs, 7. Pontificat de
Grégoire VU ; Dilputes au fujet des Inveftitures , 10
Déposition à'Hcnri iy , 6c mort ^.e Grégoire Vil , n
Succefleiirs de Grégoire VII , ij. Cardinaux, 14
Ordres \{.^[\^tauix,{Véill^mbreufe ; Chartreux; Citzaux ;
Chcnoims-rî i^uWers) ; iç
Hérclios , {Bérer.ger ; i\ianich* ; Rofcdin) Simonie , i8
Des Pèlerinages , des nouvelles Péaitences , ôc des Fla-
gellations , 21
Douzième Siècle.
Première Croifade , ( Pierre l'Hermite , Gotfefroi tîe
BuuiUon ) 2<5. II. Croifade , ( .S. Bernard) 31
III. Croifade, ( Gui de Liifignan ; Saladin) j^
JV. Croifade , ( Philippe- Augujie ; Richard Cœur-de-
lion ; Saladin ; Chctillon ) 37
Nouvelles difputes au fujet des Inveftitures, 39
Suite des Difputes de Henri IV avac Pa/chal II , 40
Les difputes continuent fous Gelafe II Se CaLjle II, 4Z
I. Concile de Latran , 44
Schifme après réle£tion d'Innocent II , 4Ç
II. Concile de L^inn ; Pierre & Henri de Bruis, 6c
Arnaud de Brejjfe , 47
Nouveaux trouble, à Rome, 5»
m. Concile général de Latran ; Vaudois £• Albigeois, jj
Nouveaux Ordres Relii;ieux, ( Fontévrault ; Prémon~
très i Carmes ; Granwnt ; CUrvaux ) 56
Abbcs de Cluni , (St. Hugues; Pierre I5 Vénérable) , 59
Ordres Militaires , ( Templiers ; Hofpitaliers , dep. de
Malthe ; Teutoniques ^ 61
Ecrivains célèbres, (S. Bernard; Pierre Lombard ; Gra-
tien ; Huguei h. liichard de St.Viàor ; Pierre de
Blois,&c.) 6^ Hiftoire d'^in/ïjr / , 66
Différen») de S.Thomas deCantorh. avec Henri II, 6g
De S. Hugues , évêque de Lincoln , 74
Treizième Siècle.
Nouvelle Croifade ; Empire des : atini à C. P. 7$
Nouveau Roi de Jcrufalem ; pri .• uv L>ami;tie , jS
Çi'i'iiiùfida frcdtrif JI, 79
TABLE.
Por.fîfcat finncctni III ; IV. Concile ft Latrir.;».
Difp.ires rie trcutrit U «vec Ici Wy^i , ( Guàjci
(fibeLns) , ^^
1. Concile gi^n^nil «<e î yon , gg
I" Croifa<^c * 1. ll'Croifjde dcS.Ioiu*, 91
Croifade co: coit, o^
Hiftoire du 1 1 ... .. > ^ lin luilltion , r^ty
Nouveaux Orc'rei licli^. : Do-ninic.tir.j , loi. Fr-^nin-
cains , 114. Auguftins, 107. Trimuircs, Religieux
de la Merci, loS. \_.,rme$, 10^
Nouvelles Difpvites ff% «"efcenlaiu de Fridenc //avec
les Papes, 1 10. //. Concile génJral de Lyon, 1 ij
Ecrivain» KcclJfmdiqiK-s , ( Alhtrt le Gr. ; S. Thumtu
d'A^- ; Vincent H» Beaiiv. ; R.i-mond ; S. Bcrjy.t-
ture ; Alx. de li^a ; S. Ani.'':r.c cie Pad. iD^-. • .! ;
GuiU. de S. Am.ur; Rob.5t.rf,;, J ; .<,
ttat de rtglife de Rome, 110. Inflitutton du Jubilé, iî|
► QVATORZIFMFSltCtE.
Différend de Boriftee VIII »y te Pi -.'i-re le Bi/, rij
Bulles de l'vnlj'ate Bi R<?ponfe de Vril p^e, ijp
Attcr.tr ts contre le Pape ,^roort, {Gutijts, GiltL)tfi
Pontificat de Bcncit Xl , Ijj
Tranflïtion eu d'int-Cicit i Avigncn , ij^
Extinflion des Ti irpliei s; Ccncile-géi.i'r. de Vlenne.i j7
Règli-mensdu Corcile d*^*i<^!ne , 1 ^^
^'o^tdc CUnent y\\>oT\i'S\c.y<!cJtat\ XXII , 141
Difputes des Francifcaiiis. Krrciir de Jctn XXII i fa
mort, ^ 14J
Pon»ificatî de Btnoit XII ,Clcmtu VI , InnotenI VI ,
te Urkain F , 146
Etït <'<' R( ••-'• ; Conv'fstion de RitMri; I48
F(! . < >ri^ine du Sciiifinc , Ifc
Cr V, IÇ)
M(..i . i '■^n du Schîfme, 1^4
Ht^r^iqim , ( ' -l* i FratutÙt* ; Tat^
luri-.i ,(?" Hf
Ecr. ' /cJi 5ctf;
f, ■ . i - . , ,J.2A4»Zt/»i
J. Rt.J:ri * , N. Ortne ; lUfjr.^ut ) l6t
O V 1 V T. f r M K S I 1 C t R.
C!o'- t<7
Coocilt
TABLE.
ConciledeConnance;<ie'poritiùn c'estroîst^apfî,^. lyf
Continuation du Concile de Confiance ; éleftioa de
Mjrtin y ^ i-jt
Condamnation de WicUf , de Jtan Hut j fupplice de
celui-ci 8c de Jérôme de Prague , 17c
Fin du Concile de Confiance , 176
Guerre des Hu/Tites , 178
Concile de Pavie , transféré à Sienne , puis a Bâle, 179
Les HufTitesau Concile de Bâle, iSo
Fin du Concile de Bile, i8t
Concile de Ferrare transféré à Florence ; réunion
paflfagére des Grecs , 182
Nouv. tentatives p' éteindre le fchifme des Grecs , 187
Progrès des Turcs ; prife de Conftantinople, iSS
Siège de Rhodes, 19»
Eglife de France .Pragm.'tiquc-Sanflion, ipf
Différends des Curés avec les Religieux , 100
Suite des Pontifes Romains , depuis Eugène IV , aoi
Nouveaux Ordres , les ujis Religieux, les autres
Militaires , 20J
^çavaiiii ; ( Gerfon ; Pierre A^AilU ; Bfffarion ; Th. à
Kempis , &«.. Thierri de Nicm ; P latine ; Ville ;
Argirophile f&ic. ) invention de l'Imprimerie , 205
Seizième Siècle.
Idée générale de ce fiécle , 2To
Pôtificat (L'Alexandre VI ; Supplice de Savonarole , 2 1 (
Eleftion de Pie III ; Prétentions du Cardinal à'Amboi-
fe; commencement du Pontificat de /u/« y/, 214
Démêlés de Julet II avec Louis XII, 216
Conciles de Pife & de Latran , 217
Mort de JuUs II ; élef\ion de Léon X , aig
Entrevue de Lévn X Scàc Pr.inçois I, Concordat, 220
Indulgences préchées en Allem.igne , •»• 225
Luther prêche contre les Indulgences , ibid.
Première condamnation de Luther , 22c
Conférence de Worms, 226!
Captivité de Luther ; expofition abr. de fcs erreurs, 22 J
Mort de Léon X\ fes Succefl'eurs , 230
Progrès du Lutliéranifme , 2Jt
De Cjr/i-y?iJ(/, 2^2. De Zuin^ie, ■1J4
Les Luthériens prennent les armes, 2^8
Différentes diettes en Allemagne au fujet du I.uthéra-
nifme.a^O. Ligue de Smalcaldc, 24Z
Mort de Clément VIII, 243. Schifmc d'Angleterre, 244
Tom, II. Z
TABLE.
Cltmert Vil rcfafe de Hi'T^u^r^ ',. ,^-,r;,^« ^c HeHri
VllI ; Scnte.icc cie .■' par t rjn-
mcr; (."ouronnemcnt c.'.r • , p. i^j
Venri VIU eA MCOiDinufuc ; i, ic Up^rc de l'Eglife
Roinaine, 15I
M '•' ' ." •. Mon de Luther , 156
K ijrme (Jublie pjr I.4it.4<r,n8
L). .-...CI, 161
Suite <^c 1 !ii Tc liu Luthéranifnie ,ji\fqu'à la mort
de ChjrLs ^i.ti't , 26J
Les nouvelles erreurs s'i.' nFraice, 16 j
Hifloire (<«? C-i/»-;»». î**.*;. : .' Cahriéres 5c
M' ■;: u e.T France, 271
I. . 2-Ç
C\,..: ■■<:, 2-«S
LeCo... .r,urti\e Paul III, lyS
Contir. ite , î'jç
Décrets ce- - r.^ku'.rfu Concile, j^ii/.
Nouveaux pt . t.- c a i^ rance , 2S6
ConjLirati.^n <'.' \t. n>iio , tr, L.j'.cs, ^87
ApoA.iri; (le ii'.e\!ues Prélats, , 290
Colloque ce '.'ouiv , i')i. Guerre civile , 296
M.iflacTC de la St Banht'.'cni , 279
Rcgne ('c Wrnri /// i liiAoire de la Ligue, 304
Ilinri ly monte fur Je trône , j«y
F.dit de Nantes accordé aux Calviiiine*. jr»
Suite de l'Hiftoire de la Religion en Angleterre ; mort
de Mjtu ^tu4ift, jij
Pcrlécution f*<'^ ' .-li.'lnno^ r.-.r F/ r,t..,t. _ j,^
Des partis q ■'. Ançl., jio
Hirtoire de IV .y^-Paï, ;ï)
De la Religioii cUns une partie du N>Hd , 31$
Hirtoire du Socini.Tnirme , ^^ t. Des AnahaptiftM, ^^7
Si' " /r&deS\ tA<t//c/ ^on-. J4}
r le do Lépanto , 34 j
I\ . . !.- ... . A/Z/i de la réfjrmation du
< jlendricr , j^<
PontiticJt de iiJTK/', 74^. Pr fr; ^iircc't -i. ^49
Fondation <ie non '
des Anciens , (C
Uni ; C triut-A: .••4u\ . 1 '.'■■ ■n iijr.Uj l'c.t-
tint ; Bj'-.jbittt , Orcturi(r.n\'\Xi\\ti) ^%Q
Des Jcfuitcs , j5^
DeitVdres de C lier de
Al«ltiie ; Eiitrepr.i. ^x ..>, jj|
TAULE.
£crtvaîns Ecclériafliqucs , ( Dricdo; Cajetan ; Erafme;
ClichcoiK ; Ecchhis ; Crvppcr ; Canus ; D:fpcr,f:i ;
Sariiùrus ; Ximcncs ; Jccob>itiui ; Vi\is ; le t cvrc^
Merlin i Papiin ; SadoUt ; Fanvini ; Janftnius ; S.
Ch. BorromJe ; L. de Crznadi ; Toltt ; Aîuldanat ,
P'uhou i GénJhrard ; Ciaconius ; ) p. 363
Rclicxions fur les changemens opérés en ce (iéclcdant
les Sciences ecckT;afliquo3 , 370
Ôix- SEPTIEME Siècle.
Fleflion & mort tle Léon XI , 574
Pontificat de F.ilY^'; fHffcrencl avec la Républ.de A'^ei
ntl'e ,375. Mort de PaulV \ éleflioii de Gr,XF, 37S
P.i.itificat a'l//-?>jri VllI, Î7()
De Marc-Ant. de Dominis & de Fra-Fao/o, ihiil,
RevoUe des Calviniftcs en France , 3.9 i
Difpiitcsfar la Grâce; Molinil'me, 38;
De i'AuguJlirus ie J.mfinins , 387
Condamnation du livre do J^mfeaius par le Pape, 38»
De quelle manière !a Bulle A'InncKcntXiwt re<;uc en
Fr3rce,39I. Dtfpute particulière du <So£{. Arnauld.i^c)^
Leuris provincial::; con^îivnnaùon delà moralç rel-i-
ehée, 31)6. AiTemclècs du Tlergé au ûjjct dujanfé-
nifme ; Bulle H Alexandre Vil, 40 1
Qu/b effîts produifit la B.il'^; A' Alexandre Fil , 405
De la part que les ReH^ieufes de Port-Royal eurent
aux difputesfur le Janféu. ; Hift. de ce monafl. , 40 j
Signature du Formul.-irepropofce aux Religieufes de
I*. Roy>'l, 406. Cliani^emens arrivés à P. Royal, 408
Formula rred'^/i;*JH<fr(; VU ; oppofitijnde quelque*
Fvêques , 409. Pa^x âe Clc'm-nt IX, 411
Des Pontifes Romains depuis Urbain FUI jufqu'à
C liment IX , '416
Des Pipe'i Clément X ic Innocent XI -,^{1 droit de
Régale ; difpiites au fujet de ce droit , 4i<j
Edit de KÎ73 ; f«ppofido;wde quel.iucî Evêques, 411
L« cour de Rome entre dans cette difpute, 41»
ACembléeï du Gergé 4e 16S1 & lôSz , 414
IV. Articles fie l'AlYemblJe de 1CS2, 4Î7
Déclaration du Roi, ATy
IWouvelIe difputc entre le Roi & le Pape , 43»
Fin des difputes entre Rome & la France, 4^^
Etat delà Religioi en Ani^Iet. dansle xvir "fîéclc , 456
Règne de Jacques l, 437. P.fgne de Charles I ; fa mort
ASjjlorable , 4.3S.Adn.iniflr. de Cromwi/, 44c. Régn^
de Chcrlcsll, 441. Rè^nc de Jacjues II; 1 perd f,
(«uroiine^ 4^.
TABLE.
Révocation rie l'Edit de Nantes ; iffoiblilTcment i\i
Calvinifme en Frincc, 44^
Expuifion des \'.iudoi$ du Piémont , 454
Quictirtes en Italie & en France ; leur condamnation *
( A/o///i<M ; Mad. Guion ; Fcndon,) 4^6»
Diverfcs erreurs des Quakers , 46X
Des Socinicns & Hes Ofiftes , ( Spinof» ; BayU, ) 464
Réforme de 1.1 " iljncé) 4^7
Howyczcx {* .X .( Orjror/ej» de France;
r -- ,Eu.iiflct; yiJUjnJtntj;Ur-
I .:. ;Congrég.dc S.A/uur, Sec.
' .' , • ) , . -«^^
Ecriv3\>i i ccif 1 .ili 1 i?s , ( K rtiitfî , Pciau ; Sirmond;
BellArr.'it ; Bolljn.ius \ J'..' roih i BourJalvuc ; la
Ru: , vC--. M .1 ',!ic>. A. : ■ . . . ; d.'Achéri ; Ruinard ;
hi^ r:-fjLCun . f. i. I ': : r. L Cintu Sir.vrii Ltim\t
Ml. '// -, r- - •' " ■■ "
/ ; F..r.i; .
r.::'>:r, P ^ :.:, ..
BaJu'^L ; Arnduld j Nicole ; ïiucmut; fUury; (xc.) 474
Jdce géntraU des Èvinemeus EccUJlifl' ques.
DU XVI II* SIÈCLE.
AfF»irc du Cas de c ' 481
Bulle Vincam Dom 01 l'e Port -Royal , 484
Kiîvolte des Ca!vii»i.": , Ccvcnncs, 486
NoiivcAU-Te>1ament de ^uf/ne^ condamné par la Bulle
UNir.FMTU<; . 4<lf
Mort de Louis XIV, 49'. Mort de Clément XI , 499
Pontifient ^'Innocent XIII ii Benoit XIII , Reditu-
t'. ■- , ihid»
C' ifcrit à la Chine ; difpute
I . 'ifcs, 501
0> tion du card.deA^0<u//c.f,;c6
l'r. .• ■ '• 50«
Poiiii iv-Ji i^c t\. -.v.i.' A/y/ -lent, 510
Fle'^iondc Ihnoii A'/K. cv, ^it
M. -, s>4
Ex j^al } Diercnion fur les
,h,d.
fi Krancc. 51S
T»l»ie-n<iii i ir.iiK-î ti<- C/. •:<•') ' Xlf, 5>|
àlcftion lie Pitri 1 Jal'i'é in.verfcl, p-
Fin de la Table du Tome II.
PRIVILEGE DU ROI.
LOUIS , par la grâce de Dieu, Roi de France &
de Navarre , A nos amcs & fcaux Confeillcrs ,
les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres
des Requêtes ordinaires de notre Hôtel , Gtand-
Confeil , l^rcvôt de Paris , Baillits , Sénéchaux ,
Jeurs Lieutenans Civils & autres nos Jufticiers qu'il
appartiendra : Sai.ut. Notre améleS'LE ROY,
Imprimeur Libraire a Caen, Nous a fait cxpofer qu'il
defireroit faire imprimer & donner au public un
Ouvrage qui a peur titre : EUmcns dcVHijLifc Ec-
cléjiajii.jue , &c. s'il rous plaifoit lui accorder nos
Lettres de Privilège à ce ncceffaires. A ces causes.
Voulant favorablement traiter l'Expofant , nous lui
avons permis & permettons , par ces Piéfentes , de
faire imprimer ledit Ouvr. autant de fois que bon
lu' Semblera , & de le vendre , faire vendre & dé-
»|'er par tout notre Royaume , pendant le tems de
o'x années cofécutives , à compter de la date des Pré-
sentes. Faisons defenfes à tous Imprimeurs, Librai.'^
^"& autres perfonnes de qiielq. qualité & condition
qu'elles foient , d'en introduire d'impreflîon étran-
gère dans aucun lieu de notre obciiTancei comme aufli
d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre,
débiter ni coni refaire ledit Ouvrage , fous quelque
prétexte que ce puiffc être , fans la permiflion ex«
prelTe & par écrit dudit Expofant, fes hoirs ou ayans
caufes , à peine de faifie & de confifcation des
exemplaires contrefaits , de fix mille livres d'amen?
de , qui ne pourra être modérée , pour la première
fois, de pareille amende & de déchéance d'état en
cas de rccidivc , & de tous dépens, dommages 6c
intérêts , conformément à l'Arrêt du Confeil du 30
Août 1 777 , concernant les Contrefaçons. A la char-
ge que ces Préfentes feront enregistrées tout au
long fur le Rcgiftre de la Communauté des Impri-
nieurs & Libraires de Paris , dans trois mois de
la date d'icelles ; que l'imprcfTion dudit Ouvrage
fera faite dans notre Royaume & non ailleurs, en
^)cau papier & hcnu carndlére , conformément aux
Rcglemens de la Librairie , à peine de déchéance
duprcicnt Privilège i qu'avant de IVxpofer en ven-
te , le manufcrit qui aura fcrvi de copie a l'im-
prcllion dudit Ouvrage fera remis, djn» le même
érat où l'Approbation y aura ctc donncc, es mains
de notre très-cher 8c Jcal Chevalier , Garde des
Scecux de France, le fieur Hue dl AIihomenil ,
Commandeur de nos Ordres; qu'il en fera enfuite
remis deux exemphi;ei dans notre Bi:?îio(hcque
publique , un dans celle de notre Château du Lou-
vre , un dans celle de notre très -cher 3t féal Che-
valier, Chancelier de France, le fieur de Mau-
TEou , & un dans celle dudit lieur Hue de Mi»
BOMLNiL. Le tout a peine de nullité des Prcrcn-
tes ,du contenu defquelles vous mandons fit enjoi-
gnons de faire jouir ledit Expofant & fcs hoirs plei-
nement 8c paiùlilement , fans fouffrir qu'il leur foit
fait aucun trojble oucmpcthemfnt. Voulons que
la copie des Prcfen:c$,qui fêta imprimée tout au long
au commencement ou a la fin dudit Ouvrage , foit
tenue pour duement lignifiée, 6c qu'aux copies col-
lationnties par l'un de nos amcs &: f^aux ConfeiU
Icrs-Secrctaires, foi foit ajoutée comme à l'orijuntl.
Commandons au premier notre HuilTicra^Scrgent
fur ce requis de faire p' l'exccution d'icclles , tous
Acles requis fie nL-ceffaires, fans demander autre per-
jniflion, Scnonobftant clameur de Haro, Charte Nor-
mande , 8c Lettres a ce contraire^. Car tel ert notre
plaifir. Donné à Paris le 27' jour du moi» de Mars
Tao de grâce 1 7^1 , & de notre rè-ne le huitième.
PAR LE ROI , EN SON CONSEIL.
Signé LE B E r. u e.
P-f rtréfmr h Rtfiflrt XXI -^e la Char-.hr; RoyëU
£f Sy'AuaU de Lihrjirtt 6» Imprimiuri r^e l'j'lt , N*
1483 , FoliO 665. t>-frmtmc-Jt amx ti . «.»«-
c/r» .f«<i« /< pf(l'cit P' ri ((t , &àla. terc
à tùditt Chambre let ^ •• F.xrmr.'n'c. f-j. -f par
l'Art'dcCrUl du Rc'lcmttt .'.t '-:7. APi'it^Utt
Avril l -*< î. ^'S'* LE Cl IKC , Synit.
Rt^i/tréfur U Rtgi/!r, de U C r --.^-.f/ dit I-nrrl^
tniurt-Uhraint dt U Vile ée i A C^tn U
iuA^riJirii. Si;né?.î.i. .'''^^.
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fim*