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Full text of "Elemens de l'histoire ecclésiastique : renfermant en abrégé ce qui s'est passé de plus intéressant dans l'Église, depuis la naissance de Jesus-Christ jusqu'au pontificat de Pie VI : pour servir à l'instruction des gens-du-monde & des jeunes-gens qu'on éléve dans les collèges"

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ELEMENS 


DE  L HISTOIRE 


ECCLÉSIASTIQUE^ 


\ 


ELEMENS 

D  E 

L'inSTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE, 

Renfermant  en  abrégé  ce  qui  s'efl  paffé  de 
plus  intéreffant  dansTEgliie  ,  depuis  la  naif- 
fance  de  Je  sus-Christ  jufqu  au  Pon- 
tificat de  P  1  E  V I. 

Pour  fcrv'ir  à  CinJlruUion  dts  Geni-du-monde  & 
des  Jeunes-gens  quon  élevé  dûm  les  Collèges* 

Par  l'Auteur    du   Nouveni»  Dictionnaire  Historique* 

No  uv  ELLE  Édition,  coincée ,  augmentée  y 
6*  entièrement  refondue. 


TOME    IL 

'■-    "■' ■  ■  ■    n 


A    C  A  E  A\ 

Cicz  G.  L  E  Roy,  Imprimeur   du  Roî  ,  à  l'ancien 
Hôtel  des  Monnoies. 

A*ee  A^'priibation  &  Privilège  du  Roi, 
1787. 


E  L  É  M  E  N  s 

D  E 
VHISTOîRE    ECCIÉSÎASTIQVE, 


ONZIÈME  SIÈCLE. 

»  --—— .,  m, 

Antipapes, 

1?^*)^^  E  s  combats  des  foiiveraîns  Pontifes 

P  JJt   ^  .;)/  contre  les  Antipapes,  font  les  faits 

y}  ± J.  i7  '^s    plus  intereflans    des    cinquante 

n>ii>,-:&.éi  premières  années  de  ce  fiéclç.  Les 
papes  SilvtJîrcII,  Jean  XVII  ,  Jean  XVIII ^Sergim 
IV y  Benoit  VIll  y  Jean  XLV ,  rcgnérent  affez  pai- 
fiblement.  Mais  la  maifon  de  TofcanelU  ,  puif- 
fante  en  Italie  ,  aj'ant  mis  fur  la  chaire  poiui- 
ficale  un  enfant  de  douze  ans  ,  qui  ttoit  de  leur 
famille  (  Binoîc  IX  ),  deux  autres  Antipapes  lui  dif« 
putcrent  la  papauté  ,  après  s'être  fait-clirc  par 
inllouation  ou  par  violence  ;  5c  ce  fchifme  prO", 
(iuifu  une  er^>ue  de  guerre  civile. 

A  il] 


^  E  L   E  M   E   N   s 

Un  prêtre  nommé  Oratle-i  ,  homme  de  quaritf 
&  tore -riche  ,  (o  rendît  à  Rooie  ,  perfuada  aur 
intrus  de  te  dcnieccre  ,  leur  donna  (dit -00)  des 
dédommagemcns  en  argent  ,  &  fut  reis  à  leur 
place  fous  le  nom  de  Grégoire  VI  ,  en  104  j. 
Comme  le  jeune  Btnui:  IX  avoit  été  élu  long» 
tems  avant  fes  coacurrens  \  on  lui  laiiTa  la  JAulf- 
fance  du  tribut  que  l'Angleterre  pjyoit  depuis 
long-tems  à  Rome  ,&  qu'on  appclloit  le  dcnitr 
àt  S.  Picm,  Quoique  la  conduite  de  Grégcirt  Vl 
iiki  fagc  6t  fes  vues  droites  ,  il  fat  ilcpofc  en  1046, 
parce  qu'il  ctoic  entré  dans  le  fouverain  ponti- 
ficat par  la  fimonie.  Suldgtr ,  évcquedeBamberg, 
fut  élu  a  fa  place  ^  fous  le  titre  du  Clément  II' 
il  ne  ficgea  que  peu  de  tems.  Après  fa  mort  , 
l'empereur  Htnri  III ,  qui  dominoit  à  Rome  ptr 
fcs  partifans ,  fit-élire  Damafe  II\SiC  après  celui-ci, 
Léon  IX  ,  évcque  de  Toul  ,  le  premier  Pape  qui 
'  garda  fon  évèché  avec  celui  de  Rome. 

Ce  Pt^ps  avoit  de  grandes  qualités  ;  il  fit  de» 
fautes  ,  parce  qu'il  étoit  homme  -,  mais  il  fie  auflr 
beaucoup  de  bien  ,  parce  qu'il  avoit  toute  l'a^'^ivité 
d'un  grand-homme.  Il  travailla  fans  cciTe  à  U 
réforme  dec  mœurs  ;  il  afifembla  des  Conciles  , 
condjmni  la  fimonie  ôc  dcpofa  les  Simoniaques. 
Dans  fcs  divers  voyjj^cs ,  il  rétabliiroit  ,  autant 
qu'il  le  pouvoit  ,  la  difcipline,  fie  remCdioit  lua 
ftbus  les  plus  crians.  Son  courage  ne  fe  bornant 
point  à  la  rkforme  des  mœurs  ,  il  fe  mit  à  la 
tûte  d'UAC  «irmcc  pour  repouHTcr  les  Normands  » 


T)E  L'Histoire  Ecclesiastio.uï.     i 

mais  îl  fut  vaincu  &  fait  prifonnier.  Il  mourut  à" 
I^on  e  en  1054  ,  regretté  comme  le  père  des 
pauvres. 

Consommation  du  Schifme  des  Grecsi 

Ce  fut  fous  Léon  IX  que  l'Eglife  Grecque  con* 
fomma  le  fchifme  qui  la  fepare  encore  aujourd'hui 
de  l'Eglife  Latine.  Nous  avons  parlé  ci-devan^ 
des  tentatives  de  Phuius  pour  opérer  cette  fu- 
nefte  divilion.  La  fageffe  des  Pontifes  Romains 
avoit  éteint  le  iexi  qu'il  avoit  allumé  •,  mais  il 
couvoit  fous  la  cendre.  Les  patriarches  de  Conf- 
tantinople,  en  lifjnt  les  écrits  de  Photius  conzre 
l'Eglife  d'Occident,  prenoient  peu-à-peu  fonefprit» 
Michel  CiruW.rc  ,  qui  f.:t  place  far  ce  fiége  en 
1043  »  fi'  fur-tout  éc!<ittr  l3s  vues  ambitleufes 
de  ce  l'atriarche,  qu'il  regardoit  comme  un  de  fes 
jlus  illuftres  prédécefléurs. 

En  1053,  il  s'avifi  d'écrire  à  Jean  évêque  de 
Trani  dans  la  Pouille  ,  une  longue  Lettre  ,  afin 
qu'il  la  communiquât  au  Pape  Se  à  tous  les  Pré- 
lats Occidentaux.  Dans  cette  Epitre  ,  qui  étoit  le 
i:gnal  de  la  difcorde  ,  il  accufoit  les  Latins  de 
plufieurs  erreurs  imaginaires.  Les  principales 
étoient ,  de  fe  faire-rafer  la  barbe  ;  de  jeûner  le 
Samedi  j  d'employer  du  pain  azyme  dans  la  cé- 
lébration des  faints  Myftéres  ;  de  fe  donner  le 
baifer  de  paix  dans  l'Eglife  ;  de  ne  pas  chanter 
VAllelula  dans  le  Carême  ;  de  manger  du  fjng 
des  animaux  &  des  viandes  fuffoquées  -,  enfin  ,  de 

Aiv. 


Ç  Elïmeks 

prefcrlre  le  célibat  aux  prêtres.  II  formoit  encore 
quelques  autres  accufattons,  fauffes  ou  frivole» j 
mais  qui, pouvant  être  légèrement  crues  par  des 
peuples  légers  &  inconAans  ,  allarmérent  beau* 
coup   le  pape  Léon  IX. 

Ce  Pontife  envoya  auflî-tôt  des  Légats  à  Conf- 
lantinople.  L'empereur  Conflantin  Moncmjquc  les  re- 
çut avec  didin^ion  i  mais  le  patriarche  ne  voulut 
ni  leur  parler  ,  ni  les  voir.  Les  Légats  ofFeafct 
excommunièrent  Michel  &  fes  adhérons  dans  !'£• 
jjlife  de  Sie  Sophie.  Le  Patriarche  oppofa  anathcme 
àanathême,  &  entraîna  dans  Ton  rchifme  le  clergé 
te  le  peuple.  Alors  Ici  villes ,  les  diocèfes ,  le* 
patriarchats  entiers  Te  réparèrent  de  l'EgUrc  Ro' 
naine.  Les  Abbés  6c  les  Religieux  qui  ne  vou- 
lurent pas  renoncer  aux  cérémonies  des  Latine, 
furent  chalTès  des  monaftéres  qu'ils  avoient  dans 
la  ville  &  dans  le  territoire  de  Coaftantinople  ;  8c 
tout  annonça  «ne  rupture  éternelle. 

Après  la  mort  de  C  n/Iantin  Monomarjue  ,  que  la 
politique  avoit  contraint  de  fouffrir  les  chan- 
gemens  opérés  par  le  patriarche  de  Conftantino- 
ple  ,  l'Empire  paffa  à  Thcudure  6i.  enfuite  à  Mi- 
chel VI.  Cérulairc  ,  qui  n'efpèroit  pas  de  pouvoir 
feire-adopter  toutes  fes  idées  à  ce  dernier  prince, 
voulut  avoir  un  Empereur  qui  dépendit  de  lui. 
Il  fit-fouiever  le  peuple  ,  feignit  de  le  calmer  v 
&  paroilTant  ccJer  à  la  force  ôt  au  defir  de  pré- 
server l'Empire  dune  ruine  entière  ,  il  ourrit  les 
poites  de  Coedaacioople  à  //<uc  Comnint» 


vt  l'Histoire  Ecclésiastique. 

Le  Patriarche  envoie  en  même  ffems  à  Af/- 
•fh(l  r/ quatre  Métropolitains  ,qui  lui  perfuadent 
de  dcpofer  le  fceptre  ïtr.çcùa].  Mais  (ait  Michei) 
yx/e  me  promu  djhc  le  Patriarche  à  la  place  de  TEm» 
pire}-'  Le  Royaume  cc'lcjle ,  répondirent  les  dé- 
putés. 

Michel  quitta  donc  la  pourpre ,  &  Ifaac  qui 
«n  avoit  été  revctu  par  lis  intrigues  de  Cérulaire^ 
fe  laiffa  d'abord  gouverner  parlai.  Le  Patriarche 
atufa  bientôt  de  fon  crédit  ;  il  voulut,  pour  ainfi 
dire  ,  être  fouverain,  &.  il  menaça  l'Empereur  ,s'i 
»e  fuivoit  fes  confeils ,  de  lui  faire-perdre  1 1 
couronne  qu'il  lui  avoit  mife  fur  la  tête.  Ifaae 
fit-ar^^ter  fecrettement  ce  prélat  ambitieux  & 
defpotique ,  &  l'envoya  en  exil  où  il  mourut. 

Le  fcl'.ifme  que  Cérulaire  avoit  fait-naitre ,  fe 
/outrnt  fous  fes  fucceffcurs.  Depuis  la  féparatlon 
faite  fous  riittiuj  ,  une  animofué  fecrette  régnolt 
efltre  les  Eglifcs  Grecque  &  Latine,  quoiqu'elles  fe 
fulTent  réunies  extérieurement.  La  plupart  des 
Grecs,  (  dit  l'Abbé  Racine  y  )  reffembloient  à  un 
homme  ,  qui  voulant  rompre  avec  un  ancien  ami  » 
attend  l'occafion  de  le  faire  avec  bienféance,  fc 
remplit  certains  devoirs  de- politeflc ,  fans  rietx 
ccnferver  de  rafFefti«m  de  l'amitié.  Ce  n'efl.  pas 
rue  tous  les  Evêques  &  tous  les  Fidèles  de 
l'Oiicnt  fuiTent  dans  ces  fentimens  i  mais  c'crait 
la  difpofition  d'un  très  -  grand  nombre.  Depuis?' 
lon^-temy  les  Patriarches  de  Conftaminople  pre-- 
l»o:eni  le  titre- d'£vfj'«c  uoircrfcl  i'&  certains  Pap.5«t» 


T&  E  L  E   M   E    V'S  ^ 

8u  lieu  de  leur  donner  l'exemple  de  la  mode(fie 
Coirine  le  fit  S.  Grégoire  le  Grand  ,  les  rcvol-*' 
toient  par  des  préientions  fondjes  à  la  vérité  , 
nais  qu'il  falloit  taire-vaîoir  avec  une  fage  mo- 
dér.ition.  Ainf:  pr<fque  tous  les  efprits  étant  pré' 
parcs  au  ichifm;  ,  i!  n'eft  pas  étonnant  que  cetta 
oonibreure  &  trifte  réparation  fe  foit  faite  avec 
tant  de  facilité. 

Pontificat  de  Grégoire  VII.  D'ifputes  au. 
fujet  des  InvejUtiires. 

Le  fchlfme  des  Orient  :uk  avoit  été  à  l'Eglifr 
Romaine  une  partie  de  fes  branches  -,  &  ce  granl 
arbre  fut  encore  cbrmlé  par  les  coups  que  VA 
portèrent  quelques  Princes  Occidentaux.  Lc« 
Empereurs  AUemanis  vouloient  difpofer  alors  , 
comme  on  l'a  vu  ci-devant ,  de  la  première  plaça 
eccléhafiique  du  monde  Chrétien.  Mais  fous  l'em- 
pereur Henri  IV  tout  changea  de  face.  Grégoire  Vif 
auparavant  Bénèdiftin  de  Cluni,  ayant  été  placé 
fur  la  chaire  de  S.  l-ierre  en  1075,  penfa  féricu» 
fement  à  rendre  le  pontificat  indépendant  de  l'Em- 
pirci  Son  premier  foin  fut  d'alTemlilcr  des  Con» 
ciies  ,  où  il  excommunia  les  Ecclèfiadique^  qui 
avoient  donné  de  l'argent  pour  avoir  des  bé* 
néfices  ,  &  ies  Laiqttes  qui  leur  en  avoient  donné* 
l'inveftirure. 

Les  Empereurs  jouiffoient  depuis  plufieurs  fxi» 
clés  du  droit  de  conférer  les  évôchés  îc  les  ab- 
oyés» L'ufagc  ctoiî  d'iovelUr  ceux    qu'Ut  aom* 


fcE  l'Histoire  Ecclesiastiqui.      i» 

■loient  à  ces  places  ,  en  leur  mettan:  entre  les 
nains  la  crofi'c ,  Ôc  en  leur  donant  l'anneau  avant 
la  confecration.  Le  Pape  condamna  folcmnellemenc' 
cet  ufage.  Il  prétcndoit  que  c'étoit  une  efpèce  de^ 
fimonie  que  les  Ecclcfiatliques  reçuffent  l'invef- 
tkure  de  la  main  des  Laïques,  &  11  blàmoit  éga- 
lement ceux  qui  la  doanoient  &  ceux  qui  la  re« 
cevoient.  L'empereur  Htnri  IV  ayant  alors  une 
guerre  dangcreufe  à  foutenir  ,  craignit  d'éclater 
contre  le  fouverain  Pontife:  mais  dès  qu'il  eue 
triomphé  de  fes  ennemis,  il  convoqua  une  af- 
femblce  d'f-viques  &  d'Abbés  à  "Worms  ,  quicaf-- 
fcrent  l'éleâion  du  Pape,  qu'ils  iccuférent  de 
plufieurs  crimes.  On  ne  lui  donna  plus  dès-lors 
que  le  nom  à' HiLUbrand^  nom  qu'il  portoit  éîaHt 
religieux  de  Cluni  ,  &  on  déclara  qu'on  cefiTe- 
loit  de  le  regarder  comme  fouverain  Pontife, 

Dépojuïon  de  r Empereur  Henri  IV  ;' 
Mtrt  de  Grégoire  VII. 

Cregoirt  VU  fe  livrant  alors  à  toute  i'împé- 
tuofîté  d'un  zèle  plus  ardent  qu'éclairé  ,  excom- 
munia Hcnii ,  difpenfa  i^s  fujecs  du  ferment  da 
fidélité  &  le  déclara  déchu  de  l'Empire.' 

Ceft  le  premier  exemple  d'e:îcommunicaHon' 
fulminée  contre  un  Souverain.  Ouon  ,  évèqu?  de* 
FriÛBgue  ,  qgoiqve  attaché  à  l'Egllfe  &  aux  Fa*> 
p^s  ,  ne  piK  s  einpêcher  de  dire  :  *«  L'Empire  tut 
»»  d'autant  plus  iiidij.né  de  cette  i.cuveauîé ', 
•>  (^ue  jamais  auparavant  ii  o'avoit   vu    do  pa,r 

Avj; 


lUr  ElZMEKS 

M  reille  fentence  publiée  contre  un  Emp*reut 
H  Romain,  >»  Le  Pape  ,  après  ce  grand  éclat ,  écri. 
vit  pluijeurs  Lettres  en  Italie  &  en  Allemagne, 
OÙ  il  entreprenoii  de  juftificr  cette  excopununi- 
cation ,  Si  où  1  on  voit  les  fondemens  ëe  cette 
Marine  inouie  jufqu'alors ,  m  que  ie.fouverain 
•t  Pontife  a  droit  de  dépofer  les  Souverains.  >• 

Les  fujers  de  Henri ,  intimidés  par  les    foudres 
Ac  Rome ,  &  ébranlés  par  les  Lettres  de  Grégoire 
qui  les  exhortoic  à   élire   ua  autre  Roi ,  alloient . 
abandonner    l'Empereur.   Henri    fongea  a  fe   re-- 
concilier  avec  le  Pape.  Les  conditions  du  traité 
parurent  11  humiliantes  a  fes  partil'ans,  qu'il  fut 
obligé    de  les    rompre.    Son  parti,  compofé  des 
Evéques  &  des  Abbcs  iuveflis  par  lui  ,  dcpofé» 
t*Dt   de  nouveau    Grégdrc   J'Il  ^  6t  élurent  a  fa- 
place  l'an   loSo    à  Mayence  Guihtrt  archevë^u* 
de  Ravenne  ,  Ton  plus  implacable  ennemi ,  fous  le 
nom  de  CUmint  HI. 

Cependant  Henri  avoit  à  combattre  Roiol- 
pht  duc  de  Souabe  ,  que  les  Allemands  révoltés 
avoient  clu  empereur.  Grégoire  Vil  avoit  con- 
firme foa  éleûion  ,  &  lui  avoit  envoyé  en  (igné 
d'inveAiture  une  couronne  d'or  ,  autour  de  laqueUft 
OQ  lifoit  ce  vers  latin  : 

Petra  éUiit  Petro  ,  Pet  rus  iiaiema  Rodolpko, 

C*efl-à-dire -,  "  Jesvs-ChrisT  ,  la  pierre  myjiiqui  ^ 
M  a  dcnné  l'e  dicième  à  Pierre  ,  &  Pierre  le  d^nne  à 
«(  Redoipke.  ■•  Le  Pontife  accorda  à  tous  les  parafant 
éêzfe  prujcc  ia  i)i;ocdi^oa    des   Apôtrei  ûua 


T5E  l'Histoire  Ecclîsîasttque.      tj-  " 

ente  vie  &  dans  l'autre.  Puis  il  ajouta  dans  la 
pricre  qu'il  fit  en  cette  occafion  à  ces  Saints  : 
Fanes  maintenant  connoitre  que  fi  vous  peuve^  litr 
ou  délier  dans  le  Ciel  ,  vous  pouvt\  aujjî  fur  la 
terre  donner  les  Empires  ,  les  Royaumes  &  les  Prin- 
cipautés, 

Henri  ayant  oppofé  à  Grégoire  un  autre  Pape, 
Tcfolut  de  marcher  à  Rome  pour  faire-valoir  fon 
éleftion.  Il  s'en  rendit  maître  en  IGS4  ,  &  reçue 
la  couronne  impériale  dés  mains  de  fon  Amipape^ 
Grégoire  VU  ,  chalTé  de  fon  fiége  ,  mourut  pea 
de  tems  après  à  Sa'erne  en  loSj  ,  avec  la  répu- 
ution  d'un  horaine  vertueux  ,  qui  n'avoit  jamais 
fçu  adoucir  cette  inflexibilité  de  caraftére ,  dan- 
gereufe  à  foi-même  &  aux  autres.  11  avoit  d'excel- 
lentes qualités ,  que  fes  défauts  ne  doivent  pas 
obfcurcir.  Non-feulement  fes  mœurs  étoient  pures  j 
mais  ,  s'il  l'avoir  pu  ,  il  auroit  été  le  redaurateur 
de  celles  du  clergé.  H  ne  manqua  à  Grégoire  VII^ 
pour  être  un  Pape  du  premier  mérite ,  qu'un  peu 
plus  de  lumières  &  de  prudence.  Ses  dernières 
paroles  furent  :  J'ai  aimé  la  jujlice  &  haï  l'in'juftice  j 
c!ç/?  pourquoi  je  meurs   en  exil. 

SucceJJeurs   ds  Grégoire  VII. 

Apres  la  mort  de  ce  pontife,  Didier ^  zhhé  du- 
Mont- Caflin  ,&  cardinal  de  Sainte  Cécile  ^obtint 
la  papauté ,  &  prit  le  nom  de  FiHor  III.  11  n'eut 
que  le  tems  de  rcnouveiler  les  snathêmes  ful- 
minés par  Ton  préd«(€llcur  coatre  Utnri  biGui»- 


14-  F.  L  E  M  r  N  5 

certain  //,  qui  ficgca  après  lui,  marcha  fur  {Tes 
tnces  Pt  fur  celles  de   Grégoire   Fil. 

Enfin,  fou»  Pafchal  // , l'Eglife  fut  délivrée  de 
r»nttpape  Guihtn  ,  mort  Subitement  ,  comme  il 
r>vageost  le  territoire  de  Rome.  H(»ri  JI^  m  ihù 
furvécut  guéres.  Abandonné  de  fes  fujets,  8c  obligé 
d*  céder  l'enipire  à  foj»  fils  Henri  V ^  qui  avott 
zixr.è  contre  fon  père,  il  mourut,  détrompé  des 
iliufions  de  la  grandeur  ,  &  dans  un  état  qui 
n!étoit  guéres  au-deffus  de  l'indigence  ,  en  iio6. 
11  termina  fes  jours  à  Litge  qui  lui  avoit  donné 
un  afyle.  Henri  K,  poufiant  1  inhumanité  jufqu'au* 
delà  du  trépas  ,  vint  fe  pcfter  devant  cette  ville  ,• 
pour  la  punir  de  la  réception  qu'elle  avoit  faite 
à-  fon  père  &  des  honneurs  funèbres  qu'elle  lui 
avoit  rendus.  Les  Bourgeois  ayant  une  armée  à 
]«urs  portes,  firent  leur  paix  avec  Henri,  en 
cxliumant  le  corps  de  l'Empereur.  Ils  le  livrèrent 
à  ce  fils  dénaturé  ,qui  le  fit-porter  à  Spire.  On  le 
pJaça  dans  un  cercueil  de  pierre,  où  il  demeura 
cinq  ans  hors  de  l'Egli'e,  fous  prcrcxte  que  fon - 
excommunication  n'avoit  pas  été  levée. 

CarJlnJux. 

Le  faint-fiége  reçut  un  nourel  éclat  dans  ce 
fiéxle  ,  pjr  celui  qu'on  donna  à  la  dignité  de  Car- 
dinal.  Depuis  long-tems  l'Eglife  de  Rome  avoic 
(k>nné  à  fcs  principaux  prêtres  ti  diacres  le  nom< 
àc  CcrdintLx  ;  mais  ce  ne  fut  que  fous  le  pap« 
ilUoJas^  Uàiai  ua  Coacile  teouàRoiaeco  iP)9»-. 


DE  LiTïSTOirE  ECCIESI ANTIQUE.  ff 
Jju'îl  fut  décide  que  l'élef^ion  des  Papes  dépen- 
droit  des  Cardinaux.  Ils  furent  regirdés  dès-lors 
comme  le  confeil  du  fouverain  Pontife,  6:  admis 
à  toutes  les  délibérations  de  quelque  importance, 
Aufli  le  titre  de  Cardinal  l'emporta  bientôt  fur 
celui  de  toutes  les  autres  dignités  eccléfiaftiques. 

[Ordres    Religieux, 

Ce  qui  donna  un  nouveau  lurtre  à  l'Eglife  j- 
Sut  l'inllitutioD  de  divers  Ordres  religieux.  L'Or- 
dre des  Camaldules ,  fonde  par  un  homme  ver- 
tueux d'Italie,  connu  fous  le  nom  de  S.  Rcmuaidy. 
n'eut  guéres  d'égal  en  auftérités  &  en  mortifi- 
cations. Nous  en  avons  parlé  dans  l'hiftoire  da 
fiéc'e  précét'enr. 

Celui  de  Vallombreufe  ,  ainfi  appelle  de  la 
vallée  où  fut  bâtie  la  première  maifon  de  cer 
àtéïC  ,  dut  fon  origine  à  S.  Jean  Gualhtn  ,  qui 
lui  donna  l'exemple  de  toutes  les  vertus.  Flc- 
jence  étolt  la  patrie  de  ce  (aint  fondateur  ,  qui 
alla  jouir  de  la  récompenfe  de  fes  travaux  ea 
1193.  Ce  fut  lui  qui  le  premier  reçut  des  frères 
Lais  ou  Corners  ,  différens  des  Moines  de  chœur  t 
&  cette  diftindioo ,  que  le  zèle  pour  le  fer- 
'^ce  divin  lui  avoit  infpirée  ,  fut  une  des  caufes 
du  relâchement  introduit  bientor-après  dans  foo 
inAitut  &  dans  quelques  autres. 

S.  Bruno ,  d'abord  Chanoine  de  Cologne  ,  en» 
fuite  Théologal  de  Rc'ms  ,  mort  en  iioi  ,  fut  le 
j^ere  des  Chdrtrtux  y  qui,  depuis  leur  origine,  ont- 


t€  Elément 

été  enfcvelis  dans  la  plus  profonde  retralic.  Un 
dcfert  appelle  Chartrcufe  ,  dms  les  montagnes  de 
Grenoble  ,  donna  fon  nom  à  cette  nouvelle  fa- 
mille monanique -,  &  tandis  que  plulî^rs  Ordres 
religieux  ne  portoient  que  des  ronces  &  des 
épines  ,  cette  folitude  fut  toujours  féconde  en 
fniirs  de   vie. 

L'Ordre  de  Citeaux  ,  qiie  S.  Bernard  illuftra  le 
ficde  d'après  ,  eut  pour  fondifcar  ,  dans  celui  - 
ci ,  Robert  de  Alcltjme.  H  lui  donna  la  Rè^le 
de  S.  Benoît ,  avec  quelques  conftitutlons  parti- 
culières. 

Les  Moines  furent  miles  dans  ce  ficelé  à  l'Al- 
lemagne, même  pour  le  temporel,  par  le  travail 
<^.e  leurs  mains.  Ils  commencèrent  à  défricher  le» 
rades  forêts  qui  couvrolcm  tout  le  pays.  Par 
leur  induftrie  &  kur  fage  économie  ,  les  terres 
furent  cultivées  ,  les  ferfsqui  les  hahitoieni  muU 
tiplicrent  les  monaftcres  ,  produifirent  des  ville» 
confidérables ,  &  leurs  dépendances  devinrent  de 
petites  Provinces.  Mais  ,  (  comme  le  remarqie 
FJeuri ,  )  ce  foin  du  temporel  ne  fut  pas  toujours 
avantageux  au  fpirituel  dans  ces  Egliiies  naif- 
fantes.  On  s'eft  trop  emprcffc  de  les  enrichir,  fur- 
tout  par  l'exaftion  des  dîmes.  Ce  fut  le  fujei 
tfune  révolte  de  la  Thuringc  contre  l'Archevè» 
que  de  Mayence  ,  d'une  autre  en  Pologne,  d'une 
troificme  en  Dancrnarck  ,  qui  fut  caufc  du  martyre 
du  roi  S.  Canut.  On  devoir  avoir  plus  d'cgard  à 
U  (oibleUe  de  ces  nouveaux  Clucùcn5,&  crain.'^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.      17 

lire  de  leur  rendre  la  Religion  odieufe.  On  dé- 
voie craindre  fur-tout  de  trop  enrichir  les  rriO- 
naftéres  ;  &  les  Moines  dévoient  être  effrayés  à 
la  vue  des  revenus  immenfes  dont  ils  jouifToient. 

C'eft  à  ce  fiécle  que  quelques-uns  rapportent 
l'établifferaent  des  Chanoines-réguliers,  dont  S.Aw 
gnfiln  avoit  donné  la  première  idée.  On  les  in- 
troduifit  vers  l'an  1073  dans  l'abbaye  de  S.  Vic- 
tor de  Paris  ,  où  le  fameux  Hugues  de  S.  Vi£lor 
cnfeigna  la  théologie  fous  le  premier  Abbé. 

Ce  ^ui  a  fait  •  penfer  que  l'inflitution  /  de* 
Chanoines  -  réguliers  eft  de  ce  fiécle  ,  c'eft  un  Ca- 
non du  Concile  de  Rome  (  1063  ),  conçu  en  cei 
termes  :  •<  Nous  ordonnons  que  les  prêtres  6c 
>*  les  diacres  ,  qui  garderont  la  continence  ,  man» 
M  gent  &  dorment  enfemble  près  des  Eglifes  pour 
♦»  lefquelles  ils  font  ordonnés ,  &  qu'ils  aient  en 
n  commun  tout  ce  qui  leur  vient  de  l'Eglife  ; 
»»  &  noui  les  exhortons  à  faire  enforte  de  me» 
M  ner  la  vie  commune  des  premiers  Fidèles.  >«  Un 
Ecrit  de  Pierre  Damlen  adrelTé  au  pape  Alexandre , 
l'engagea  fans  doute  à  faire  ce  règlement.  Le  but 
de  cet  Ecrit  eft  de  montrer  ,  que  les  Chanoines 
ne  doivent  rien  avoir  rien  en  propre  ,  &  l'Au- 
teur le  prouve  principalement  par  l'autorité  de 
S.  Aiignfim  ,  dans  les  Sermons  de  la  vie  com« 
mune ,  qui  ont  fervi  de  fondement  à  la  Règle 
des  Chanoines,  Dès  la  fin  du  X'  fiécle  ',  plu- 
fieurs  Chapitres  de  Cathédrales  &  plufteurs  Ab- 
fcaycs  de  Chanoines ,  avoient  repris  la  vie  com- 


l5  E   L   E   M   E   N    s 

mune  par  les  foins  de  leurs  Evcques  ;  miis  ces" 
réforaes  n'étoient  que  fuivant  la  Règle  d'Aix- 
la-Chapelle  ,  faite  au  ccraraencemcnt  du  IX'  fié- 
de.  Depuis  le  Concile  de  Rome  de  l'an  io6j  ,• 
la  reforme  des  Chanoines)  alla  jufqu'à  l'excluGoa 
de  toute  propriété;  &ceux  qui  l'embrafferem  ,  fu» 
fenc  nommés  Chanoines -réguliers. 

Hèrêjîes  ;    Sïmonie. 

La   docirlne   fur  la    préfence  -  réelle  de  J.   C» 
dans  1  rcharifxie  ,  avcit  été   un  fujet   de  dil'pute 
dans    le  IX*   ficcle.   Jean  Seot  ,  dii  Eri'ènc  .avoir 
eu    (  dit-on  )  ties    fentimens  contraires    à    ceux 
de  VEgViCc:  Béreigtr  de  Tours,  archidiacre  d'An- 
gers ,  fçavant  &  opiniâtre  théo'.o^ea  ,  les  renou> 
vella  ,    &  s'expliqua    encore    plus  ouvertement. 
Il  prétendit  que  le   pain    &  le   vin  n'étoient  pa& 
changés   au  Corps    &   au  Sang  de  J.  C.  dans   le 
facrement  de  l'Euchariftic.  Cette  erreur ,  qui  at- 
taquoit  un  des  principes    fondamentaux  de  notre 
Foi,  fut    anathématifée  dans  divers  Conciles  ,  & 
fur-tout  dans   ceux  de  Rome.  L'un   des    princi» 
paux  avantages  que  l'Eglife  tirades  difputes con- 
tre Bértnger,  fut  de  faire  -  expofer  fans  la  moin- 
dre équivoque  un  dogme  que  des  Ecrivains    tc- 
iQcraires  s'étoient  efforcé  d'obfcurcir  ,  &:  que  de 
dangereux  Hérétiques   dévoient  combattre    quel- 
ques fiédes   après.  Ce   ne  furent  plus    feulement 
des    témoins    particuliers   qui    déclarèrent  quelle 
ctoit  leur   foi  &  quelle   ctûlc  celle   de  l'Eglife  ; 


DE  l'Histoire  Ecclesia"çtique.      t^ 

<t  flit  l'EgliJe  elle  -  mime  qui  prcfcrivit  ce  que 
l'on  devoit  croire  pour  être  Catholique.  Be'rcnger 
nioit  que  la  chair  de  Jesi;8-Christ  fût  réelle  & 
véritable  dans  l'Euchariltie;  &  par  une  fuite  né- 
oefTaire ,  il  Jnioit  que  ce  fut  celle  qui  eft  née  de 
la  Sainte  Vierge.  /.'Eglife  oppofa  à  ces  deux 
erreurs,  deux  vérités  contraires  :  l'une,  que  la 
▼raie  chair  de  Jésus-Christ  eft  réellement  dam 
l'Euchariftie  :  l'autre  ,  q\ie  cetie  chair  eft  celle 
qu'il  a  prife  dans  le  fein  de  la  Sainte  Vierge, 
La  profer.îcn  de  foi  qui  fut  prefcritc  à  Beren^tr^ 
devint  celle  de  tous  les   Catholiques. 

Cet  hirctique  tîot:a  toute  fa  vis  d'erreur  en  er- 
reur. Menacé  du  dernier  fupplice,  il  donna  divcrfe* 
rétraâations ,  6c  figna  plufteurs  formulaires  où  1» 
▼crîtc  étoit  mife  dans  tout  fon  jour:  mais,  la 
crainte  lui  ayant  arrathi  ces  fignatures  ,  il  eft 
fort-incertain  s'il  mourut  Catholique. 

Jetn  Scot ,  (  dit  M.  l'abbé  Racine ,  )  avoit  pré- 
pare les  voies  à  Bértr.ger ,  &  celui-ci  les  prépara 
ar.x  Calviniftes  qui  allèrent  beaucoup  plus  loin  : 
fts  écrits  furent  le  germe  de  toutes  les  erreurs 
des  Proteftars ,  ou  du  moins  de  la  principale  de 
CCS  erreurs.  Brrcncer  regardoit  comme  une  petite 
difficulté ,  la  profefiîon  cliire  &  précife  que  l'E- 
glifc  univerfelle  ftifoit  de  croire  le  changement 
de  la  fLibftance  du  pain  en  la  fubftance  du  corp» 
de  Jesus-Cmrist,  Il  avoit  dans  refprit  le  prin- 
cipe pernicieux  ,  établi  depuis  par  les  Sociniens  r 
Qu  'ii  ne  faut  cnirt  qut   et  qui  nous  parvît    Taifom* 


10  E   L  E   M  E  N   s 

nah:c.  Il  ne  certa  d'oppofcr  des  raironnemen»  ^ 
un  myflcrc  qui  cft  par  excellence  un  myftcrc  de 
foi.  Ily  a  apparence  que  s'il  reAa  dans  l'Eglife, 
c'cA  qu'il  ne  put  former  un  parti  affei  nombreux 
pour  s'en  fcpjrer  :  mais  ce  qu'il  ne  put  faire  , 
les  CalviniAes  le  firent  depuis. 

La  pieté  de  Fidèles  fut  encore  ailarmce  par 
l'hcrcûc  des  Manichéens ,  qui  ayant  pénétré  d'O- 
rient en  Occident  ,  vint  infeûer  la  France  dans 
ce  ficcle.  Un  chanoine  d'Orléans  ,  nommé  Lifolt 
ou  Lifois ,  &  Etitnttt  ,  confdTeur  de  Cjnflante  , 
femme  de  Rohtrt  roi  de  France ,  en  répandirent 
la  fcmcnce  veis  l'an  1017.  Un  Concile  teaii  à 
Orléans  les  condamna  ,  e«*&  leurf  diûipici ,  4 
expier  leurs  erreurs  dans  le  bilkcher  -,  &  ils  aimé» 
rent  mieux  fouffrir  l'effrayant  fupplice  du  feu  , 
que  d'abjurer  leur  héréûe.  Les  fedateurs  qu'il» 
a  voient  laifTés,  portèrent  leurs  fentimens  dans 
les  Pays  -  Eas  ;  mais  les  intitulions  qu'ils  reçu* 
rent ,  les  ramenèrent  à  la  faine  doif^rine. 

Rcfcclin  ,  prctrej  de  Compicgne  ,  diale^icien  fub- 
til ,  donna  un  autre  fcandale.  Il  enfcignoit  que 
\ts  trois  Perfonnes  de  la  Trinité  font  trois  rca- 
Jiics  diAlnftçs  l'une  de  l'autre  ,  à-pcu-prcs  de  U 
même  manière  que  le  font  trois  Ames  ou  trois 
Anges-,  fit  que  l'union  de  ces  trois  Perfonnes  ne 
confiftoit  qu'en  ce  qu'elles  n'ont  qu'une  volontd 
&  qu'une  puiffancc.  C'étoit  renouvelîer  le  Tri- 
th^ifmt.  Cette  erreur  ayant  ctc  profcrite  ,  commo 
hsictik^ue  ,  par  le  Concile  de  ^Soifl^ont  en  ir^x^ 


t>E  L*HïSTOIRE  ECCLtSI  ASTI  QUE.        it 

Rofcclin  la   retraits ,  mais  par  crainte   plutôt    que 
parperfiiafion,  Se  il  y  revint  quelque-tems  après. 

Les  mœurs  le  corrompant  ,  tandis  qu'on  alcé- 
roit  la  foi ,  la  fimouie  fit  d'étranges  ravages  dans 
l'Eglife.  On  vendoit  les  bcncficcs  Se  les  prélatu- 
res  au  plus  offrant.  Grégoire  VU  y  qui  gsmiflbk 
fur  ces  raaux,  tenta  cnvain  d'y  remédier.  La  loi 
du  célibat  ctoît  violée  avec  non  moins  de  fcan- 
dale.  Léon  IX  y  Nicolas  II ,  Grégoire  IX,  qui  en 
prefférent  l'obfervation  avec  zèle ,  ne  trouvèrent 
que  des  rebelles.  A  Milan ,  pluiîeurs  Eccléfiafti- 
tiqucs  aimércDt  mieux  fe  féparer  de  l'Eglife  que 
de  leurs  femmes.  Us  commencèrent  à  former  des 
BÏTemblëes  particulières  dans  un  Heu  nommé  Pa- 
tarée,  &  dans  les  vallées  voifines.  Ce  fut  l'ori- 
gine des  Pjtarins  &  des  Vaudois  ,  qui  furent 
en  beaucoup  de  chofes  les  précurfeurs  des  Pro- 
tcllans. 

Des  Pèlerinages  ;  des  nouvelles  Pénitences 
6"  des  flagellations. 

L'abus  des  pèlerinages, qui  s'étoît  gliffé  dans  les 
fjccles  prècédens,continua  pendant  l'onzième.  On 
vit  fe  mettre  en  marche  fept  mille  perfonnes  , 
dont  plufieurs  étoient  d'un  rang  diftingué,  & 
qui  avoient  à  leur  tête  quelques-uns  des  princi- 
paux Evoques  d'Allemagne.  Us  formèrent  le  projet 
fmgulier  d'aller  en  proceflîon  à  Jèrufalem  ,  &  d'y 
porter  tout  ce  qu'ils  pouvoient  avoir  de  plus 
riche  &  de  plus  oiagnIiî<iue  ,  s'imaginanc  que  ce 


s^  Elemins 

-pompeux  8c  ridicule  étalage  fcrolt  -  admirer  !'£• 
glife  daas  tous  les  pays  par  où  devoit  palTer  cette 
procefiion  b'7.3rre.  Qiie\  fruit  rccl  ces  Evèqais 
rctirérent-ils  de  ce  pvlcrlnage  .'  La  di/E'.tion, 
fuite  d'un  fi  long  voyage  ,  des  accidens  d  toute 
cfpèce ,  la  négligence  de  leurs  troupeaux  ,  &  Je 
tous  les  devoirs  de   leur  miniftére. 

Les  trois  t^éroxdres  que  les  Saints  deTonziéme 
ficcîe  combattirent  avec  plus  de  zèle  ,    furent  U 
iîmonie  ,  les  violences  des  Seigneurs  ,  5:  l'incoo- 
tincnce  des  clercs.  L'ignorance   de  l'ancienne  dif- 
cipline  f.t(feiL!i  Fhuri)q\j€  l'on  Ce  miprit  dans 
l'application    des  remèdes.  Les  pénitences  canoni- 
ques étoient  encore  en  vigueur  à   la  rin  de  l'on- 
licroe  ficde  -,  &  loin  de  fe  plaindre  qu'elles  fufTent 
cxceflivcs  ,  on  fe  plaignoit  toujours  des  nouvel- 
les règles  ,  qui    en  a  voient  diminué   la   rigueur. 
On'  s'étoit   même  imaginé  que  chaque   piché    de 
même  efpèce  méritoit  fa   pénitence.  Si  un  homi- 
cide ,  par   exemple  ,  dtvoit  être  expié    par    une 
pénitence  de  dix  ans,  il  falloit  cent  ans  pour  dix 
homicides  :  ce  qui  rendoit    les  pénitences  impof- 
fibles  &  les  Canons  ridicules.  Mai»  ce  n'ctoit  pas 
ainfi  que    l'cnrendoicnt    les  anciens.   Le  nombre 
des   péchés   de  môme  efpèce  influoit  fur   la   ri- 
gueur de  la  pénitence  ,  toujours  foumi''e  à  la  dif- 
crétion  des  Evcgues  -,  mais  elle  fe   mefuroit  fur 
la   vie   des    hommes  ,  8c   on  n'obligeoit  même  à 
faire   pénitence   jufqu'à    la   mort  ,  que    pour  les 
cruncs  les  plus  énormes, 


T>E  L^HISTOIÏIZ'ECCLESÎÀSTIQUE.  ij 
Depuis  que  l'on  eut  rendu  les  pénitences  im- 
poflibles  à  force  de  les  multiplier  ,  il  fallut  ve- 
nir à  des  compenfations  &  des  eftimations  ,  tel- 
les qu'on  les  voit  dans  le  Décret  de  Burchard  & 
dans  les  écrits  de  Pierre  Damiin.  Cètoient  des  • 
pfeaumes  ,  des  génuHexions  ,  des  coups  de  difci- 
pline,  des  aumônes,  des  pèlerinages  ,  toutes cfao- 
fcs  que  l'on  peut  faire  fans  fe  convertir.  Dès  que 
le  cœur  n'etoit  pas  changé  par  la  pratique  dti 
vertus  contraires  à  fes  vices  ,  il  y  avoir  peu 
é»  mirite  dans  ces  pénitences  ,  &  encore  moins 
dans  les  pénitences  faites  par  d'autres  que  par 
le  coupable.  Les  difciplines  qu'un  bon  Moine  fe 
donnoit  pour  un  pécheur  ,  n'étoient  pis  pour  ce 
pécheur  des  pénitences  médicinales.  Le  péché  n'eft 
p3S  comme  une  dette  pécuniaire  ,  que  tout  autre 
peut  payer  à  la  décharge  du  débiteur  ,  &  ea 
quelque  monnoie  que  ce  foit  ;  c'eft  une  maladie 
dangereufe ,  qu'il  faut  guérir  dans  la  perfonae 
pièmc  du  malade. 

Nous  ne  trouvons  point  d'exemple  de  flageU 
lations  volontaires  avant  l'onzième  fiécle.  Pierre 
Dcmien  fut  celui  qui  les  recommandoit  davaa« 
tage  i  Se  S,  Dominique  le  Cuirajfé  pouiTa  ce  nou- 
veau genre  de  pénitence  à  un  excès  prefqu'in- 
f:royable.  Il  ne  fe  paiToit  guéres  de  jours  ,  (  dit 
Pierre  Danien  ,  )  que  Dominique  ne  récitât  deux 
fois  le  Pfeautier  tout  entier  ,  &  cette  récitatioa 
étoit  accompagnée  de  la  Bagellacion.  En  Carême 
&  dans   le  tems  de  la  péaiieace  de  cent  ans  , 


i24  E  L   E   M   E   y   S 

ii  difoit  trois  Prcautlers  ,  fie  fe  flagellolt  à   proJ 

portion. 

Voici  et  que  c'ctoit  que  la  pénitence  de  cent 
ans.  Trois  raille  coups  faifoient  un  an  de  pcni- 
tence.  On  fe  donnoit  mille  coups  pendant  le 
chant  de  dix  pfcaumes.  Le  Pieauticr  qui  eftcom» 
pofé  de  cent  -  cinquante  pfcaumes  ,  &  pendant 
lequel  on  le  donnoit  quinze  mille  coups  ,  (ai- 
foit  cinq  années  de  pénitence.  Il  falloit  donc 
vingt  Pfeautiers  ,&  trois  cens  mille  coups,  pour 
faire  la  pénitence  de  cent  ans.  Dominique  l'accom- 
pliffoit  ordinairement  en  moins  de  fix  jours  \  8c 
ce  qui  lui  croit  particulier  ,  c'eft  qu'il  fçavoit 
agir  également  des  deux  mains  tout  à  la-fois ,  fans 
néanmoins  compter  ce  double  coup  pour  deux. 
Il  y  eut  un  Carême  pendant  lequel  il  fit  une 
pénitence  de  mille  ans  avec  la  permifTicn  de  Ton 
Supérieur  ,  qui  fe  croyoit  oblige  d'accorder  ces 
excès  à  fon  zèle  &  à  fes  indancc*. 

Vers  les  dernières  années  de  fa  vie ,  fa  chair 
étoit  devenue  fi  dure  ,  que  les  inArumens  dont 
il  fe  fcrvoit  ordinairement  ,  ne  faifoient  plu? 
d'imprcfrion  fur  fon  corps.  Ce  fut  ce  qui  le  dé- 
termina a  prendre  une  difcipline  de  cuir  ,  hcrif» 
fée  de  pointes  de  fer ,  qu'il  portoit  par-tout  où 
n  alloit.  Quand  la  bicnfcancc  ne  lui  pcrmcttoit 
pas  de  fe  flngcller  ,  il  fe  frappoit  fur  les  jambes 
&  les  cuiflfes  ,  fur  la  tète  &  le  coû.  Il  avoir  le% 
jtmbes  ,  les  cuiffes  &  les  bras  ferrés  dans  des 
perdes  de  fer.   Soo  corps   étoit  au   ccmmcrce* 

ment 


bE  l'Histoire  EcClesiastiquï.      i^ 

4nent  tout  livide  &  enfangidntc  -,  il  devint  dani 
la  fuite  noir  comme  celui  d'un  Nègre.  De  fi  afFreK> 
fes  auftérités  ne  l'empèchéreat  pas  de  parvenir  à 
une  extrême  vieillelTe. 

A  l'exemple  de  ce  pénitent  û  extraordinaire  • 
l'ufage  de  la  difcipUne  s'établit  tellement  dans  le 
pays  où  il  étoit  ,  que  non -feulement  les  hom- 
mes ,  mais  les  femmes  Nobles  vouloient  fe  la 
donner.  Au  lieu  d'inventer  de  nouveaux  moyens 
de  fe  mortifier ,  qui  pouvoient  être  fujets  à  de 
grands  inconvéniens  ;  que  n'employoit  -on  ,  (  dit 
Fleuri  )  ceux  dont  on  s'étoit  fervi  dans  les  beaux 
fiécles  de  l'Eglife,  &  que  ne  marchoit-on  fur  le» 
traces  des  Anciens  ,  qui  fçavoient  allier  le  pluf 
grand  zèle  pour  les  intérêts  de  Dieu  offenfé  paç 
le  péché  ,  avec  la  plus  parfaite  difciétion  \ 


7om,  ÎU  S 


É  L  É  M  E  N  S 

D  E 
VIIISTOIRL    ECCLÉSIASTIQUE. 

DOUZlÉiME    SIÈCLE. 
« * 

Prcwicre  CTOifcdc. 

J_ES  pcicrinagesà  la  Terre-fainte«o»«nt  devenu* 
frcqucns  ,  depuis  que  la  Crcix  avoir  «.u  trouvée 

&  les  Lieux  faints  réublis  fous  l'empire  de  Cn- 
p.anùn.  On  y  venolt  de  toute  la  Circtiencé  ,  des 
Caules  morne,  d'Efpagpe^  &  des  Provinces  lis  plus 
reculées.  Ces  pieux  voyagjét  Te  firent  avec  rareté 
pendant  trois  ceais  ans,  aral^w:  la  chute  de  l'Eir. 
pire  d'Occident;  parce  que  les.  Kovaumes  qui  fe 
forme rent  des  dcbrisde  ce  vafle  édifice  ,  dcmeuré- 
*cnt  Chrétiens  fit  peuplés  de  Romains  ,  quoique 
affujettis  à   des   Barbares.  Mais  les  chofe^  chdngc- 

rent  de  face  par  les  conructes  des  Arabes  Muful- 

tnans,  que  la  Rel  gion,  la  Lingue  fie  les  mtrurs  fcpa' 
«oicat  de  tous  les  peuples  qui  profctToicnc  le 
Chriftiaaiûr.e. 


E'rMENS   DE    l'HiST.  tcCLÉSlAST.      17 
Les  princes  Mahométans  ,  maîtres  de  la  Paledi- 
le  ,  cxerçoicnt  de  ttms-en-teirs  une  tyrannie  hor- 
ible  fur  les  Chrciicns  de  cette  province,  confi- 
Tce  par  la  vie  8c  par  !a  mon   de    l'Homtne-Dieu. 
-Eglife  gémifi'oit  de  les  voir  en     pcffelTion     des 
^.ieux-faints ,   qu'ils  profanoient  parleurs    impie» 
es.  Un  prctre  Françnis  ^  nommé  Pierre  VHirmite  , 
le  put  entendre  fans  indignation  le  récit  des  mai'X 
^ue  les  Chrétiens  fou.Troient.  La  dévotion  Taj-an: 
tondait  dans  la  Paleftine,   il  en  fiit  lui-même  tc- 
noin  ,  &  il  réfolut  dès-lors  de    brifer  leurs  fers. 
Son    zèle  s'enf.amma.  Petit  .mal -fa.:,  il   cachoit 
fous  une  fgure  peu  agréable  le  cœur    d'un    Hé- 
los.  11  part  de  la  Pnicftine  avec  des  Ictres  du  Pa- 
triarche de  Jérufslem  ,  dans   le  den"ein   d'engager 
le  Pape  &  les  P:inces  Chrétiens  a  entreprendre  uns 
guerre  fainte  contre  les  Infidèles. 

Le  pïpe  Grt'goirc  VII  avoir  dijà  imaginé  une 
ligue  ces  Princes  Chrétiens  contre  les  Ma'.iomé- 
tans  qui  menaçoient  Ccnilantinople.  II  '  iiroît  de 
fe  mettre  à  la  lête  <le  l'armée  ,  pour  délivrer  le 
ScpulchredcJ  C.  :  mais  il  propofd  feulement  cette 
«ntreprife  plus  facile  a  projetter  qu'à  exécuter  , 
Ilcraig,noit  d'ailleurs  ,  que  l'empereur //«nr//^,  qu 
n'y  vouloit  pas  entrer,  lie  profitât  de  fon  abfencc 
pour  étendre   tes  droits  fur  rEglife, 

Urbain  II,  qui  étoit  fur  la  chaire  de  S.  P'éht 
lorfque  Picne  i'iitrmitc  arriva  a  Rome  ,  n'a  voie 
pas  les  mêmes  craintes  que  Grë^^in  /'//.  II  ctoît 
ptcf^ue  maitreen  Italie,  &  il  fçavyit  que  rr.mp«- 

Uij 


iS  E   L   E  M  E   N  s 

reur  ^toît  aflez  occupé  par  les  troubles  qui  dtvî- 
tfbient  rAUcmagne. 

Il  écouta  favorablement  Pierre  rHcrmUe  ,  & 
chercha  les  moyens  de  faire-rcunîr  Ton  deilein. 
Après  avoir  aflcmblc  un  Concile  à  Plaifance ,  il 
vint  en  France  ,  &  en  convoqua  un  aucreàCier» 
mont  en  Auvergne  l'an  loçj.  Cette  afiemblee  étolc 
compofce  de  prefquc  tous  les  Cardinaux  ,  de  plus 
de  deux  cens  Evcqucs ,  &  d'un  nombre  infini  d'£c- 
clefiaAiques  d'icalie  &  de  France.  Il  y  parla  avec 
éloquence  du  généreux  dcficin  de  Pierre  /'Hermitf 
qui  fut  envoyé  dans  les  difi'crens  Royaumes  de 
l'Europe  ,  peur  animer  le  zcle  des  Princes  Se 
des  peuples.  Les  exhortations  du  Pontite  8c  de 
l'Hermite  eurent  le  plus  heureux  cfTct  :  un 
nombre  prodigieux  de  Chrtiiens  s'engagèrent  par 
ferment  à  pafler  dans  la  Palelliae  ,  pour  la  tirer 
des  mains  des  Turcs  &c  des  Sarrafins.  Cette  guerre 
fut  nomroce  /a  Crvlfade  ,  parce  que  ceux  qui  la 
faifoient  ,  portoient  une  Croix  rouge  fur  leurs  ha* 
bks. 

Godefrçi  de  BouUlott  ,  le  prince  le  plus  cou- 
rageux de  foo  tems ,  fut  le  Chef  de  cette  multi} 
cude ,  qui  ^uroit  pu  cbranler  les  troncs  de  l'A* 
f)C  mais  qu;  ne  connoifibit  malheureufement  ni 
ordre  ,  ni  difcipl.nc.  L'armcc  des  Croifés ,  compo- 
^c  uc  VoiuiU4ires  de  diftcrenies  notions,  n'at- 
ÉCndit  pak  d  être  fur  les  terres  des  Infidèles  pour 
eomoieiire  ùe»  hoailitcs.  Lefprit  de  brigandage 
v^oi  anunoil  l«  plupaii,lçs  poru  uop  fouvcfti  à 


iDï  Ll^IStOlRE  ÈCCLESIA5TI<iUE.  i^ 
piWet  les  peuples  qui  étoient  fur  leur  paffage.  Ré- 
duits j  prendre  des  guides  fur  les  lieux ,  c'eft-à. 
dire  ,  (  dit  Flatri ,  )  à  le  mettre  a  la  merci  dî  liur» 
ennemis  ,  ils  s'afFoiblirent  dans  leur  route.  Cepen- 
dant Godifroi  Aq  Douillùti  «toit  (  d'.t-on  )  à  la  tête 
de  trois  ceni*  mille  honimes ,  Icrfqu'il  entra  dans 
la  Syrie.  Il  battit  les  Infidèles  quelque-tems  après. 
Nicée&  Aniioche  furent  les  premières  villes  dont 
ils  fe  rendirent  les  maîtres.  Leurs  premiers  fuc- 
cès  leur  ouvrirent  le  chemin  de  J^rufalem ,  la 
capitale  de  la  Paltftine  6c  la  cité  fainte.  Après 
quelques  mois  d'un  ûigc  opiniâtre  ,  cette  ville  fut 
prife  d'affaut  en  1099  »  ^  ^^^  habitans  mafficrés  , 
fans  diftmdlion  d'âge  ni  de  fexe:  le  carnage  fut 
fi  horrible  ,  que  des  ruiffeaux  de  fang  couloient 
dans  toutes  les  rues. 

Gode/roi  de  BouiUon  ayant  conquis  Jérufalem,' 
fut  nommé  ,  du  commun  confentement  de  tous  les 
princes  ,  pour  la  gouverner  en  Roi  :  mais  il  ne 
voulut  jamais  porter  une  couronne  d'or  dans  une 
ville  où  Jésus  -  Christ  avoir  été  couronné  d'é- 
pines. On  ne  lui  donna  que  le  titre  de  Duc.  Il 
défit  bientôt-après  le  Soudan  d'Egypte ,  qui  ve- 
noit  pour  fecourir  Jérufalem,&  lui  tua  (  dit  on  ) 
près  de  cent  mille  hommes  à  la  bataille  d'Afca- 
lon.  Cette  viftoire  termina  hcureufenient  la  pre-. 
miére  croifade. 

Les  Croifcs  retournèrent  à  Jérufalem  ,  &  la  plu- 
part s'embarquèrent  pour  l'Europe.  Godcfroi  re^a 
çrefque  feul  ;  &  quoiqu'il  n«  fût  défendu  que  pai^ 


E    L   E    M    E  N    S 
U  renomrnîe.il  ne  lallTa  pas  de  reculer  les  fron- 
ticres    de   fon   état.    II  fe  renc.it  maitre  de  toute 
la  Galiîée  ,  fortifia  Joppé  ôt  obligea  les  Rois  Ara» 
b;$   (es  voiims  à  lui  demanier  la  paix. 

Ccrft/fc/ ,  accable  fous  le   poids  des  travaux  de 
la  gv.erre    &  des  follicitudes  du  commandement  , 
mourut  à  Jérufalem  en  iioo,  la  qSraniicme  an- 
nce  de  fon  âge,  &  la  pKii.ictc    ce    fm   icg,r.e. 
Jamais  ,  (  dit  l'Abbé  de  Ch^ifi,  )  l'antiquité  fabuleufe 
n'ima^ifla    un  Héros   auflî    paifaic    que   la  vcrlté 
(!e  riîaloirc  nousrepriifcnte   Gudcfioi  de  B^ui/Ln, 
Il  avoit  une  force  au-de(ius  de  l'ordinaire  ,   avec 
une  Hgure  aijnable  &  délicate,  un  pott  nujeilucux  , 
des  manières  oobles  ,  ua  efprit  iniînuant  ,.un  carac» 
tére  doux  &  privcnant.   S'il  fat  peu    verfc    dani 
les  fcicnces  humaines  ,  il  fut  en  revanche  vaillant , 
libéral,  magnifique  ,  vertueux  fans    bypociifie  & 
fans  fjibleffe.  Quoiqu'il    fut  illufirc  par  fa    naif» 
fance ,  il  dut  en   partie  fon  élévation  à  fon  mé- 
rite -,  &  fi  les  autres  Chefs  des  Croifés  lui  avoient 
rclTcraMj,  il  cft  à   croire  qu'une  cntrcprifc    icf- 
peâ>ib!c  par  fon  objet ,  ii'auroit  pas  été  trop  fou» 
vent  ,  par  l'ambition    inquietie    des  généraux  & 
les  JJrci^Iemcns  des  foldats  ,  un  fpc^Ude  plus  ùa.' 
^ulier  qu'édifiant. 

Seconde   Crcifade» 

Cûicfroi  de  BouiUon  étant  mort ,  la  divinon  fe 
mit  parmi  Ijs  Princes  qui  i'a\oient  fuivi  dans  la 
PalcAinc  ,  Se  qui  tous  voulolc-t  fuccidcr  a  fa  puif- 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     fH 

ùace  ,  fans  avoir  fes  talons.  Les  Ih.'idcles  profi-»- 
térenc  de  cette  dcfunion  pour  reprendre  les  vil- 
les qu'on  avoit  conquifes  fur  eux.  Baudouin  ,  fuc> 
cefTeur  de  fon  frère  Gcdefroi ,{at  fait  prifonnier 
aifez  près  de  Jerufalcm  par  un  prJnctTurc.  L'E- 
tat d'EdelTe  ,  qu'on  avoit  fonti;  après  les  premié- 
tes  conquêtes  fur  les  Mahomctans  ,  fut  détruit  en^ 
1140.  Celui  d'Antioche,  fondé  à- peu -près  vers  la 
r.iême  tems  ,  avoit  beaucoup  de  peine  à  fe  fou- 
tenir.  Les  Turcs  étoient  toujours  nîaitrcs  de  Da- 
mas ,  de  quelques  autres  phces  des  environs ,  S» 
d'une  grande  partie  d;  la  Paleftir.e». 

L'Empire  de  Cocflantinople  ctoit  gouverné  pa*^ 
les  Cuwnèm^,  qui  ttaltoient  les  Croii'cs  moins  en 
amis  ,  qu'en  politiques  allarmcs  de  cette  multitude 
prodigicufe  :  iis çraignoieoc  que,  fous  prétexte  de 
les  dt:fendre  contre  les  Turcs  ,  les  ennemis  com- 
muns du  ChriQianifme  ,  oa  ne  fongeâc  à  les  ac- 
cabler eux-mêmes  ,&  a  fe  rendre  maitrss  de  leur 
Empire^ 

Ainfi  les  Chrétiens ,  menacés  par  les  Infidèles  ," 
&  mal-foutenus  pir  des  amis  perfides  ,  pouvoiene 
au  moindre  revers  être  nonfeuiem?nt  dcpoffé- 
dés  ,  mais  maiTacrcs.  C'eft  ce  qui  engagea  à  fol- 
licitcr  une  nouvelle  croifade  ,  dont  Engine  UI  Se 
S.  Bernard  furent  les  principaux  promoteurs.  Ce 
patriarche  d'un  Ordre  nouvellement  fondé  ,  per« 
fuada  d'abord  LluIs  \e  jeune  ,xo\  de  France.  11  fal- 
lut enfuite  exciter  le  zèle  des  feigncurs  S:  du  peu- 
ple. Ob  drefl'a  un  échafliaud  en  pleine  campagne , 

Biv 


52.'  E   L   E   M   E   N   5 

i  Vezelaî  en  Bourgogne,  fur  lequel  l'humble  Cé- 
nobite parut  avec  le  Roi.  Il  prêcha  avec  tant  de 
fuccès,que  tout  le  monde  voulut  être  Croifé.  Quoi- 
qu'il eût  fait   une  grande  provifion  de  Croix ,  '1 
fut  oblige  de  mettre  fon    habit    en  pièces  ,  pour 
fupplcer  à  Ictoffe  qui  manquoit.    L'enthoulîarme 
fue  foo  éloquence  infpira,  fut  û  véhément ,  que  S. 
Bernard  écrivit  au  pape  Eugène  :  ••  Vous  avez  or- 
»»  donné,  j'ai  obéi,  âc  vo:re  autorité  a  rendu  mot» 
w  obéifTance  fru^ueufe.  Les  villes  &les  châteaux 
»  deviennent  déferts,  &  l'on  voit  par*tout  des  veu- 
»»  ves  dont   les  maris  font    vivans.  »»   On  voulut 
charger   le  prédicateur  de  la  Croifade  ,  d'en  co'e 
le  chef  i  mais ,  foit  humilité  ,  foit  horreur  pour  le 
tumulte  des  armes ,  il  refufa  une    dignité    dange- 
»eufe  &  pénible  ,  que  l'hermite  Pierre  n'avoir  pas 
craint  d'accepter.     De  France  il  pada  en  Allema- 
gne ,  détermina    l'empereur   Conrad  III  à  prendre 
la  Croix  ,  &  promit  de  la  part  de  Dieu  les  plus 
grands  fuccès.  On  marcha  de  tous  les  côtes  de  l'Eu* 
rope    vers  lAûe  ,  &  on  envoya  une    quenouille 
&  un  fufeau  a  tous  les  Princes  qui   refufoicnc  de 
s'engager  dans  cette  entreprifc.  L'empereur  Cun- 
rad  III ^  &  Louis  le  jeune  roi  de   France,  fe  mi- 
rent a  la  tcte  des  Croifcs.  Leur  nombre  étoit  pref- 
que  innombrable.  L'Empereur   s'étant  enfonce  im- 
prudemment dans  des  dcfcrts  de    l'Afie    mineure  y 
£ut  battu  par  le  Sultan  d'Kone,  &  réduit  à  fc  fju- 
,vcr  pluiùc  en    pclcrin  qu'en  général  d'armce. 
l-uuit  le  jcunt  f  aoa  moins  malheureux  «Jl  aoB 


ôE  l'Histoire  Ecclésiastique.        \ 

moins  imprudent,  perdit  la  plus  grande  partie  de 
fon  armée  vers  Laodicce  de  Syrie  en  1149.  Ar- 
rive avec  fa  femme  EUonorc  de  Guiînnc  à  Antio^ 
ehe,  il  revint  en  France  avec  une  fuite  peu  nom- 
breufe.  S.  Bernard  avoit  annoncé  les  plus  grand» 
fuccès  ;  il  eut  beaucoup  de  reproches  à  effuyer, 
»près  des  revers  fi  funeftes.  Mais  l'ambition  ,  l'ia- 
temp^-rance  ,  la  cruauté  &  les  déréglemeos  des 
Croifés  ,  plus  foigneux  d'établir  leur  fortune  que 
de  fervir  la  Religion  ,  pouvoient-ils  ne  pas  rendra 
fauffes  fes  prophéties  ? 

La  plupart  des  Croifcs  s'étoient  engagés  dan» 
cette  expédition  par  des  vues  humaines  :  les  uns , 
pour  éviter  le  reproche  de  lâcheté:  les  autres, 
pour  échapper  aux  pourfuites  de  leurs  créanciers, 
Plufieurs  Moines,  ennuyés  de  leur  état ,  fortirent 
du  cloitre  ,  &  prirent  la  croix  des  guerriers  ,  en 
abandonnant  la  croix  de  mortification  qu'ilsavoient 
promis  de  porter.  Les  bandits  mcm;  &  les  fcélé- 
tatt  fe  flatioicnt  d'expier  leurs  crimes  par  la 
guerre  fain'e  :  mais  ,  en  changeant  de  climat,  ils  ne 
chan^^irent  pas  de  mœurs -,  &  l'on  eut  fouvent  à 
gémir,  que  des  armées  ralTcmblées  par  le  zèle, 
fufi'jiu  déshonorées  par  l'indifcipline  ,  l'avarice  ÔÇ 
lé  dé'iglcment. 

Tro'ifitms  Cro'ifude, 

Un  conquérant  redoutable  s'élevoir  alors  e* 
©•■•cnt  :  SaUdin  ,  toudan  d'Egypts  ,  qui  avoic  toue 
k^  [ai«ns  d'uo  guerrier  ôc  toiuçsles  vertus  d'iiQ! 


J4'  E   L   Z  M   E   s    s 

fouvcrain.  Après  avoir  conquis  la  Syrie  ,  l'Arabie  , 
li  Perfe  ,  la  Mcfoporamie  ,  il  marcha  ver»  Jtrufa- 
lem,  où  Gui  de  Lujïgnan  rcgnoit  alors.  Raimoni  de 
Tripoli  ,  arricrc-pctit-fîli  de  Ralm^ni  comte  de 
Touloufe,  portoit  envie  à  Lu/^nj/j.  Sal  dln  finf" 
truit  des  difpo'ltions  da  comte  de  Tripoli ,  lui  pro- 
rait  fecreitemenc  le  trône  de  Jérufalem  ,  pourvu 
qu'il  embraffàt  le  Mahométifmc. 

Une  aiibition  eftrénéa  lui  fît-fncriner  fa  Reli- 
gion -,  il  promit  tout ,  &  pour  trahir  plus  fùremcnt 
Gui  de  Lu/î^njn  ,  il  fe  joignit  avec  Tes  troupes. 
La  bataille  s'engagea  en  1 1S7  auprès  de  Tibîriade. 
Seladin  remporta  la  viiloire;  Lufi^mn  fiit  fait  pri- 
fonnier  ila  piupirt  des  princes  &  des  fe.gneurs  qui 
l'avoient  fécondé,  furent  ruc5.  Il  n'y  eut  que  le 
ccmte  de  Tripoli  qui  ne  fe  battit  point  ,  8c  qui  fe 
»«tira  avec  fes  troupes  dans  fon  petit  état,  après 
avoir  contribué  ,  par  les  avis  fecrets  donnes  à  Sa» 
Ud'n  ,  à  la  perte  de  la  bataille. 

Le  vainqueur  marcha  ve^s  Jcrufaîcm  ,  qui  fe 
rendit  au  bout  de  dix  jours,  iModérc  dans  fon 
triomphe;  11  traita  la  reine  femme  de  L'fignan  ,  & 
les  princefTes  fes  filles ,  avec  beaucoup  de  refpeû, 
&  lui  fit-efpérer  la  liberté  du  roi  fon  mari ,  ir.oyen- 
nant  une  rançon  médiocre.  L'ayant  renvoyé  avec 
«ne  cfcorte  à  Afcalon  ,  il  lui  permit  d'emporter 
tous  les  mîubles  du  palais  ,  fans  vouloir  que  fes 
•fficiers  vlfitafiTent  les  chariots  qu'il  lui  avolt  fait- 
donncr.  Toutes  les  filles ,  toutes  les  femmes  de  Je- 
wfalcm fuivoient  lu  Reine  en  troupes,   tenant  les 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     37 

•nfarsparla  main,  &  jettant  des  cris  qui  aiten- 
drirent  5j/jJ/»r.  Il  leur  fit-demander  pourquoi  cllcs- 
pleuroient  fi  amèrement  ?  Seigneur  ,  lui  répondit 
une  d'entr'elles  ,  nous  avens  tout  perdu  ^  mais  vous 
pouvei  nous  confoler  par  une  parole.  Rtnde\-nous  nos 
pères ,  rendei^nous  nos  maris  oui  languijfent  dans  vos 
prifons  :  ncus  vous  abandonnons  tout  le  refie  ;  ils  au- 
ront foin  de  nous  ,  &  notre  Dieu  nourrira  nos  enfans  , 
Il  nourrit  bien  les  olfeaux  du  Ciel,  Ce  Pnnce  ,  qui 
n'avoit  rien  de  barbare  ,  ordonna  dans  le  momenc 
qu'on  cherchât  parmi  les  prifonniers  tous  ceux 
qu'elles  rédameroient ,  &  leur  fit  à  toutes  des  pré» 
fens ,  à  chacune  félon  fa  condition.  Il  tît  enfuite 
fon  entrée  dans  Jerufaldn  ,  fuivi  du  roi  Gui  de 
Luf:gnai ,  des  principaux  feigneurs  ,  fc  de  20,000 
captifs  qu'il  envoya  à  Damas.  Il  changea  dabord 
le  Temple  de  Salomon  en  mofquée  ;  mais  il  refpefta 
le  fépulchre  de  Jésus -CnaiST  qu'il  honoroit  co-n- 
me  un  grand  Prophète  :  &  peut-être  qu'il  y  eut 
dans  cette  modération  un  peu  de  politique  ,  &qu'il 
craignoit  de  perdre  les  offrandes  des  Pilerins.  La 
feule  chofe  qu'il  exigea  des  vaincus  ,  fut  qu'ils 
lavaffent  de  leurs  propres  mains  ,  avec  de  l'eau 
rofc  ,  les  mofquées  qu'on  avoir  converties  en 
Eglifcs.  Il  ne  reftolt  alors  aux  Chréticnçd'Afie  que 
les  villes  d'Antioche  ,  de  Jopps  5c  de  Tyr.  Tout 
le  refte  obéifibit  à  Saladin  ,ou  à  fon  gendre  le  Sul- 
tan d'Icorium. 

La   teneur  des  armes  de  ce  coaquérznt ,  jetra 
mUrmc  dans  toute  l'Europe.  Le  pape  mit  en  mou»- 

B.    -■; 


56  E   L   E   M   E   N   S" 

vement  la  France  ,  l'Angleterre  &  l'Allemagne:. 
L'empereur  Frcdtnc  Burtiroijjt  reçut  la  croix  daas. 
une  dietce  générale  ,  tenue  en  iiSS  a  Ma^ence.  Il 
pafTa  en  AHe  avec  une  arnitie  nombreuie  âc  florir- 
iante.  Iltraverfa  la  Bulgarie,  où  il  tut  fou  vent  obligé 
de  s'ouvrir  le  pafTage  i'epée  à  la  m^iu  II  trouva  auni 
beaucoup  de  rcfi(lance  fur  les  terres  de  l'Empereuc 
de  Conltïntinople,  Ij'djc  i'.4nge,  qui  lui  avoii  néan» 
moins  promis  la  liberté  du  paffage  -,  mais  il  s'ima* 
gîna,  que  Frédéric  venolt  dans  ledeffein  de  le  dé« 
pouiller  de  l'Empire  ,  &  de  faire  fon  fils  Frédtrlc 
duc  de  Souabc, Empereur  de  Ccnftantincple.  L'em- 
pereur Frédéric  fe  voyant  aînfi  trompé  par  //«ac,  fit 
du  dcgàt  fur  les  terres ,  5c  prit  Philippopolis  ;  il 
alla  enfuite  à  Andrinople,  paffa  l'an  1190  le  dé- 
troit des  Dardanelles,  &  entra  fur  les  terres  du 
Sultan  d'Iconinm.  Qiolque  ce  prince  eut  promis 
pafTage  a  l'empereur  FrcdcrU  ,  il  ne  laiiTa  pas  de  le 
feire>attaqucr^an$  les  défilés  des  montagnes;  mais 
l'Empereur  battit  deux  fuis  les  Turcs  ,  enfuite  af» 
fiégea  le  Sultan  dans  Iconium  fa  capitale  ,  qu'il  prit 
d'affaut.  Il  faifoit-efpcrer  la  conquête  de  la  Terre- 
ùinxe,  iorfqu'il  mourut  fubitement  en  1 190,  pour 
s'être  b^i^nc  tout  en  fueur  dans  une  rivière  dont 
feau  ctoit  extrêmement  froide. 

Son  fil*  6c  fon  fuccc(Teur  ,  Frédéric  duc  de  Soua- 
be  ,  vouLnt  reparer  la  perte  que    la  Chrétienté 
TCQoit  de   falcc  ,  fe  retira  à    Antioche  ,   fuivi  de 
fcpc  à  huit  mille  hommes,  qui  lui  relloieiu  de  l'ar-- 
■ce.  de  foa  pcrc.  Il  joit^nic  fei  troupes  à  cellçs  de 


M  L*HiSTOiRE  Ecclésiastique,    ^j 

Cui  de  Lujlenjn  ;  mais  fes  armes  ne  furent  point 
heureufes  ,  &  il  fut  emporte  en  1 190  près  de  Pto- 
lémaide  ,  par  la  même  maladie  qui  fit-périr  tant 
d'Allemands ,  dans  un  pays  où  il  ÉiUoit  combattr© 
l'air  »  le  climat  &  les  Sarrafms. 

Quatrième   Croïfade» 

Les  Croifés  étoient  menacés  des  plus  grand» 
nalheuf  s  ,  lorfque  PhUippe-Aueufii ,  roi  de  France  , 
&  Richard  Cacur-di-LLn  ,  roi  d'Angleterre  ,  fe  croi- 
ferent.en  1190  ,  &  arrivèrent  par  mer  en  Palefti- 
ne.  Ils  avoient  entrepris  ce  voyage  avec  plus  de 
iàgelTe  que  les  Croifés  qui  les  avoient  précédés. 
Ss  ordonnèrent ,  chacun  dans  leurs  états  ,  que  ceux 
qui  ne  fe  croiferolent  pas,  payeroient  la  dîme  de 
leurs  revenus  &  de  leurs  b  ens.  C'eft  ce  qu'oo- 
appella  la  dimc  SaUdine.  Avec  ces  fecours  ,  ils  pou» 
voient  efpérer  des  fuccès.  En  arrivant,  ils  mirent 
le  fiéfte  dev-jnt  Ptoltmaidc.  Cette  vilie  ,  a(ris;gce 
par  mer  &  par  terre  ,  par  une  armée  de  près  de 
troif  cents  mille  combatiuns,  fut  emportée  &  re- 
mife  au  pouvo-r  des  Chrétiens.  Mais  la  rivalité 
de  gloire  entre  Philippe  &  Rtchjrd^  Se  la  méfmtel- 
lîg'race  entre  les  o«ficier.-  lubalternes ,  ayant  mis 
b  divillon  p  irmi  les  Croifés ,  le  Roi  de  France  fut 
•bligé  de  rttourner  dans  fon  royaume,  avec  peu 
de  gloire  &  encore  moins  d'arç^enr. 

Le  Roi  d'Ang'eterre,  demeuré  feu!  d.ms  Is  Pa» 
leftine  en  1191  ,  attaqua  SiiUdin  ,  qui  revenoit  vie* 
jKuieux  de  la  Mcfogotamie«  Les  deux  héros  coib* 


3^  E   L  t   M   E  N   s 

battirent  près  Je  Céfarje,  l'un  contre  l'autre,  com- 
me deux  chevaliers  en  champcloi. Richard  Tenverfz 
SaUdin,  Cet  avantage  &  quelques  autres  n'empê- 
chcrert  point  que  les  maladies  6c  les  fjtigucs  a'af- 
foibliffcnt  fon  armée.  La  ferveur  des  Croifcs  s'é» 
tant  refroidie  ,  RUhaii  fut  oblige  de  conclure  une 
trêve  avec  Sa'adin ,  qui  n'eut  pas  de  peine  à  per- 
mettre le  pèlerinage  des  faints-lieux.  Il  retourna 
en  Angleterre  fur  un  feul  vaifTcau  ,  qui  fit-nau- 
frage fur  les  cotes  de  Venifc.  Obligé  de  traverfer , 
dcguifé ,  les  terres  de  Léopdd  duc  d'Autriche,  il 
fut  faitprifonnicr  par  ce  prince  ,  qui  lui  fit -ache- 
ter chèrement  fa  liberté  -,  &  ce  fut  tout  le  fruit 
que  recueillit  de  fes  fucccs  en  Aiie  ,  le  héros  de  la 
quatrième  Croifade. 

L'ctat  des  Chrétiens  en  Orient ,  abandonnes  par 
tous  les  Princes  Occidentaux,  paroi  (Toit  dé  fefpé» 
ré  ,  lorfque  Saladln  mourut  en  1191.  Il  laiffa  plu- 
fieurs  enfans  ,  qui  nartagcrent  entr'eux  fcs  états. 
Une  puiiTance  aiiifi  riivifte  croit  moins  redouta- 
ble ,  &  fi  les  Croifcs,  au  lieu  de  foupirer  vers  l'Eu* 
rope,  étoient  reftcs  à  Jcrufalem  ,  il  eft  à  croire 
qti'ils  auroient  eu  enfin  des  fucccs  décides. 

Sa'adin  en  mourant  fit  un  teftanient ,  qui  ordon- 
nolt  des  aumônes  pour  les  pauvres  Chrétiens  « 
Juifs  3c  Mufulmans  fans  difiinflion.  Pour  irontrer 
la  vanité  des  grandeurs  humaines  ,  il  fit-portcr  dans 
les  rues  de  Damas  fon  fuaire  en  puife  d'ctcndird. 
Un  héraut  avoit  ordre  de  march<»r  devant ,  &  dfe 
cficr  :  yvUd  t^ut  ce  ;«i  rtflt  du  grand  iiAX.ÂJHH  ,  U 


DE   L  rllSTOIuE  ECCLESIASTIQUE.      39 

^.  !  quirant  dt  l'Àj'.e\  Tous  les  Hiftoriens  Ecclcfiafii- 
qucs  ,  (entr'autres  Fleuri  &  Choi/t ,  )  ont  rendu  juf- 
tice  à  fa  modirntlon  ,  à  fon  humanité  5i  à  fa  po- 
litefle.  Mais  le  zèle  qu'il  avoit  pour  fa  Religion  , 
le  rendit  quelquefois  très-rigoureux  à  l'égard  des 
Chrétiens  qui  l'avoient  publiquement  rnéprifée. 
C'eft  en  partie  ce  qui  occafionna  la  mort  de  Re- 
naud de  Châtillvn  ,  dont  il  abbatit  la  tête  d'un  coup 
de  fabre.  Il  offrit  la  vie  à  ce  feigneur  François 
s'il  vouloir  embralTer  le  Mahomctifme  -,  mais  Chl- 
ùllon  aima  mieux  mourir,  que  de  fe  fouiller  par 
une  lâche  apodafiç. 

Nouvelles  D'ifputes  au  fujet  des  Invcjïltures, 

Les  invcftitures  que  les  Princes  donnoient  aux 
Evoques  par  la  croffe  &  par  l'anneau  ,  furent  le 
fujet  des  plus  vives  difputes  dans  ce  fiécle, com- 
me d^ns  le  précédent.  Le  pape  Uihaln  // les  con- 
damna en  1C9J  au  Concile  de  Clermont  ,  com- 
me une  ufurpatioa  de  la  puifiance  temporelle  fur 
la  fpiritueilc  ,&  quelques  autres  Conciles  fuivirent 
fon  exemple.  Pafchal  II,  dans  un  Concile  tenu  à 
Guaftalle  en  iioj,  renouvella  les  févéres  décrets 
de  fes  prédécelTeurs  contre  les  inveftitures  -,  &  les 
anathomes  qu'il  prononça  contre  ceux  qui  viole- 
roient  ces  décrets  ,  le  brouillèrent  avec  Ilcr.ri  V, 
empereur  d'Allemagne. 

Ce  prince  avoit  tous  les  défauts  de  fon  pcrs  , 
fans  en  avoir  les  vertus.  La  foif  de  régner  lui  avoi  *. 
infpiré  quelques  ménagemcns  pour  les  Papes  j  mab 


^  EtEMENi^ 

dès  qu'il  fut  paifible  pofTeiïeur  de  l'Empire,  il  60 
foutiur  les  droits  avec  la  plus  grande  chaleur.  Pa/- 
ehai  II  tut  oblige  de  fe  fauver  en  France  .^jMOur  fo 
fouftraire  a  fa  vengeance  :  le  Roi  Philippe, ti  Louis 
le  Gros  fon  fils  ,  le  reçurent  avec  l'honneur  qu« 
méritoit  le  vicaire  de  J.  C.  Henri  V  \t  voyant  pro- 
tège par  le  Roi  de  France ,  chercha  des  moyen» 
de  conciliation.  11  y  eut ,  a  la  fin  de  1 1 1 3  ,  ou  au 
commencement  de  1 1 14,  un  traite,  par  lequel  l'Etn» 
pereur  promettoit  de  renoncer  par  écrit  à  toutes 
les  inveftitures  des  Egitfes  entre  les  maint  du  Pape  , 
après  que  !e  Pontife  auroit  abandonné  fes  droits 
furies  Régales. 

Suiu  des  difputes  de  Henri  V^v^t  Pafclial  IT.. 

Cet  accord  ne  fubûfta  point.  La  renonciation  aux 
Régales, c'eft-à-dire,  aux  domaines  que  les  Evê- 
ques  avoient  reçus  des  Rois  &  des  Empereurs , 
déplut  aux  Evéques  Allemands  ,qui ,  jouiH'ant  pai> 
Cblement  de  leurs  feigneuries  &  des  droits  qui  y 
ctoient  attachés  ,  ne  vouloient  pas  s'en  dépouil- 
ler. Hinri  /''ttoit  pour  lors  à  Rome,  où  il  vou- 
loit  être  courorné  de  la  main  du  Pape.  Les  affai- 
res s'étaai  brouillées ,  &  le  Pape  ayant  refufé  de 
lui  mettre  la  couronne  impériale  fur  la  tète,  l'Em- 
pereur le  hi-arrcceravec  pluficurs  Ordinaux.  Cette 
▼iolence  irrita  tellement  le  peuple  Romain  ,  qu'il 
maiïacra  fan*  j-itic  tout  ce  qui  fe  trouva  dans  R^nr 
d'Allemands  fans  dcfcnfe,  Htnri  mcmç  y  coirur 
tifque  de  la  vic« 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    41 

Cependant  les  Romains  ,  allarmës  de  voir  le 
Pontife  5c  une  parue  du  facré  collège  entre  les 
mains  de  leur  eniiemi ,  demandèrent  envain  du  fe- 
cours  aux  Princes  voifins.  Pafchal  11  ne  fortit  de 
la  captivité  où  lui  &  les  Cardinaux  étoient  dé- 
tenus ,  qu'en  accordant  à  Henri  le  privilège  des  in- 
veftitures  par  la  croffe  &  par  l'anneau  ,  &  en  le 
couronnant  Empereur. 

Dès  que  ce  prince  eut  quitte  Rome  ,  les  Car- 
dinaux ,  délivrés  d'un  maître  fî  impérieux  ,  calTé- 
rcnt  l'accommodement  que  le  Pape  avoit  fai:  avec 
lut.  Pafchdl  refufa  long-tems  d'à  dhèrer  à  leur  dé- 
ciflon  i  mais  enfin  ,  dans  un  Co^.'nle  tenu  à  Rome  , 
il  révoqua  folemnellement  le  privilège  qu'il  avolc 
accordé  ,  5c  défendit  de  s'en  fervir  fous  peine  d'a- 
nathême. 

Henri  ayant  appris  que  lî  Paoe  avoit  violé  I« 
traité,  repaffe  en  Italie  a  la  tète  d'une  armée,  5c 
Ce  rend  maître  de  Rome.  Il  demande  une  féconde 
fois  la  couronne  Impériale  -,  le  Pape  prend  la  fuite, 
&  Henri  fe  faitcouronner  par  un  prélat  dévoué 
à  fes  partions  :  c'ètoit  le  *'ameux  Ma-srice  Bouriin  » 
archevêque  de  Brague,  l'ennemi  perfonnel  de  Paf- 
thai  II ,  qui  lui  avoit  ret'ufè  les  bulles  de  l'arche- 
vcchc  de  Tolède.  Dès  que  la  cérémonie  du  cou- 
ronnement fut  faite,  l'Empereur  quitta  Rome-,  & 
le  Pape  tre  fut  pas  plutôt  rentré  ,  qu'il  y  mourut 
en  iiiS,  après  dix -huit  ans  d'un  pontificat  ora.* 

4P 


4^  E   L   E   M    E   N   s 

Les  D'ifpuus  corj'inuent  fous  Gclafe  II   fi»' 
Cali.vte  II. 

Le  fucceiTeur  de  Pjjchal  II  fut  le  cardinal  Ca- 
jétjn  ,  qui  prit  le  litre  de  Gîlaf^  II  ;  il  foutint  les 
prétentions  de  fes  prédcccffcurs ,  &  fut  chaffc  de 
Rome  &  contraint  de  fe  réfugier  en  France, afyle 
ordinaire  des  f  ontifes  pcrfécutcs.  L'Empereur  pro- 
fita de  fa  fuite  pour  faire  -  élire  rarchevêque  dé 
Bragiie,  q.ii  prit  le  nom  de  GrêgJe  ^III  ;  mais  cet 
Ant  pape  ne  jouit  pas  long  tems  du  fruit  de  Tes 
intrigues.  Gcljfe  II crant  mort  en  1119  dans  l'ab- 
baye de  Cluni  ,  Calixte  II  ,  fon  fuccefleur  ,  fc- 
condi  par  les  Princes  Normands  ,  rci);neurs  de  la 
PoulUe  6c  de  la  Calabre  ,  invertit  le  fjux  -  pontife 
dans  la  ville  de  Sutri  où  il  s'ctoit  réfugié.  Les  ci- 
toyens  le  livrèrent  au  Pape ,  qui  le  fit-enfermer 
pour  !c  rcfle  de  fes  jours  dans  un  monaftcre. 

Les  fauteurs  de  l'Antipape  ayant  et  j  obliges  de 
reconnoitre  le  fouverain  Pontife  ,  le  parti  de  l'Em» 
pereur  s'afToiblit  chaque  jour  en  Italie.  CjUxu  en- 
voya  un  Icgat  en  Alloraagoe  ,  qui  difpofa  beau* 
coup  de  Princes  à  le  foutenir  à  main-armée.  Ua 
différend  de  Religion  alloit  ctre  termine  par  la 
voie  des  armes,  lorfque  H<nri  V ^  qui  c/algnoit  le 
fort  de  fon  pcre  ,  jugea  a-propos  de  »'accommo- 
der  avec  le  Pape.  Par  ce  traite,  conclu  en  iizi, 
les  cleclions  des  Evèques  &  des  Abbcs  dévoient 
fe  faire  en  d  prcfence  ,  fans  violence  5i  fjoi  C\- 
nonie  ;  l'élu  devoir  recevoir  de  lui  les  Régales  par 
le  fceptrc  ,  «3c  lui  rendre  icf  devoirs  qui  lui  cioieoc 


DE  l'IIistoirt  Ecclésiastique.  4^ 
dus.  De  (on  coté ,  rtmpereur  remettoir  à  l'tglife 
&  au  pipe  Ca'ixtc  //toute  Inveftiturc  par  l'anneaa 
&  par  la  crofTe  ,  &  accordoic  ai:X  Egîifcs  de  fes 
états  les  cicftions  libres  Se  canoni.jucs. 

Ainfi  fai  termlncc  la  longue  querelle  des  invcf- 
titures,  qui,  à  la  bien  prendre,  (  di'  M.  de  Mcrz- 
tig,ni ,  )  n'étoit  qu'une  dfpute  de  mots  &  une  vriie 
queQio.i  de  nom.  Il  ne  s'ùgiiToic  dans  tout  ce  dé- 
mêlé ,  que  de  la  ccrcmonie  de  la  croiîe  6c  de 
l'anneaa,  que  les  Papes  ne  vouloient  abolir,  que 
parce  qu'ils  la  regardolent  comme  les  fignes  delà 
puifTance  fpirituelle.  L'accommodement  n'eut  pas 
été  recardé  fi  long  -  tems ,  fi  les  deux  Henris  ,  à 
l'exemple  des  Rois  de  France  Gc  d'Angleterre  ,  euf- 
fent  abanJonni  ce:te  ccrcmonic  .qui  n'entre  poor 
rien  dans  l'cffentiel  de  l'invcfl'turc.  En  l'aboliirant, 
l'Empereur  ne  pîtdit  rien  d'cfTcclif,  Les  élus  ne 
relcvoientpas  moins  de  lui ,  lorfqu'ils  cioieift  in- 
veftis  pir  le  fieptre  ,  qu'ils  en  dépendoient  ,  quand 
ils  rétoient  par  Ij  crolTe.  D'ailleurs  les  cle«îtions 
dtvant  fe  faire  en  fa  préfcnce,  S:  i'tlu-ctant  obli^jé 
de 's'acquitter  de  tout  ce  qu'il  devoit  au  prince, 
en  vertu  de  l'inveftlture  des  Rcgiles  qu'U  avolt 
reçue  ,  on  confervolt  aux  Empereurs  le  droit 
dont  i!s  étoient  en  poîTcfTion  ,  d'exiger  des  Eve* 
CjUes  l'hommage  &  le  ferment  de  fidcilté. 

Le  Pape  retira  un  avantage  réel  de  fon  accom- 
la  idemcnt  avec  Ihnri.  11  rc:ablit  U  liberté  des  élec- 
tions dans  l'Eg'if;  ,  f4  particulièrement  en  Italie  & 
i  R.ome.  Les  Empereurs ,  depuis  cette  époque  in- 


'44  £   L   E   M    E    N   S 

téreflante  ,  ne  Ce  font  guéres  raclés  de  faire  les  Pa- 
pes ,  &  les  Pontifes  Romains  commencèrent  à  jouir 
tranquillement  de  cette  puiffance  fouveraiae  ,  qu'on 
leur  contefloit  quelquefois,  &  que  tous  les  Priar 
ces  refpecleat  aujourd'hui. 

/"  Concile  de  Latran. 

Pour  donner  plus  de  poids  à  cet  accommode- 
ment ,  il  fut  rcfolu  qu'on  aûcmbleroit  un  Concile- 
géi  oral  à  Rome.  On  le  ctlcbra  au  commencement 
du  Carême  de  l'an  iii}i  on  y  compta  plus  de 
trois  cents  Evoques.  L'Empereur  y  envoya  fes  am- 
balTadcurs  ,  &  il  fut  conclu  que  dorénavant  les 
ëleâions  feroient  libres  ,  &  que  l'inveftiture  de» 
fîefs  ecciéCaftiques  fe  feroit  parle  bâton  &  parle 
fceptre.  On  fit  dans  cette  même  afTenibléc  ,  con- 
nue fous  le  nom  de  IX'  Concilc-genéral ,  premier 
de  Latran  ,  divers  réglemeos  qui  regardoient  la  dif- 
cipline  de  l'Eglife. 

On  défendit  aux  Abbés  &  aux  Moines  ,  d'ad- 
DiiniArer  publiquement  la  pénitence  ,  de  viiîter 
les  maUdes  ,  de  faire  les  onctions,  &  de  chanter 
des  MclTis  publiques.  Pendant  la  tenue  de  ce 
Concile,  les  Evoques  fe  plaignirent  fortement  des 
Moines  ,  en  difant  :  »  Il  ne  leur  reAe  qu'à  nous 
n  ôter  la  crofTe  &  l'anneau  :  ils  poflTédent  les  Eglt- 
»•  fes  ,  les  terres  ,  les  châteaux  ,  les  dîmes,  les 
•I  oblations  des  vivans  &  des  morts.  ••  Le  Concile 
•rdonna  à  ce  jx  qui  avoient  mis  des  croix  fur  leurs 
■  lubits  pour  le  voyage  de  JcruTalem  ou  d'Efpa^as  ^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,     ^ç 

6c  qiii  les  avoient  quittées ,  de  les  reprendre  ,  fous 
peine  d'excommunication. 

Cj/;.r/c  ,  ayant  terminé  les  différends  qui  dcchi- 
roient  l'Eglife  &  l'Empire,  mourut  peu  de   tcms 
après  en    1124.  Ce  Pontife  réunilToit  en   lui  les 
vertus  cpifcopales  ,  le  fçavoir  &  le  zèle.  L'Empe- 
pereur  le   fuivit  de  près  j  il  finit  fa  carrière  ora- 
geufe  en  1 1 2 5  ,  laifTaot  une  réputation  équivoque 
&  très-peu  de  regrets.  Il  ne  fentit  que  fur  la  fin 
de  fes  jours  ,  la  différence  que  fçavent  mettre  les 
hommes  entre  un  Roi  fage  ,  humain  ,  généreux  , 
équitable  ,  &  un  maître  dur,  hautain,  avare  &  ia 
ju({e.  L'image  de  fon  horrible  cruauté  envers  foa 
père  ,  étoit  fans  ceffe  préfente  à  fon  efprit ,  &  em- 
poifonnoit  tous  les  momens  de  fa  vie. 

Schïfme  après  fcleéllon  t/lnnocent.' 

Honorius  ou  Honoré  II ,  qui  fut  revêtu  du  fou- 
Terain  pontificat  après  CjUxte  II ,  ne  fut  connu 
que  par  la  courte  guerre  qu'il  eut  contre  Roger 
comte  de  Sicile  ,  devenu  héritier  de  GuUlaumt  duc 
de  la  Pouille  &  de  la  Calabre.  Il  fut  enlevé  à  !'£• 
glife  en  11 30. 

Après  la  mort  de  ce  Pontife ,  les  cardinaux  fe 
diviférent  •,  les  uns  élurent  le  cardinal  Grégoire ^ 
qui  prit  le  titre  (ï Innocent  II;  les  autres  donnèrent 
leurs  voix  au  cardinal  Pierre  de  Léon  .  fils  d'un  riche 
citoyen  Romain,  qui  fe  fit-nommer  Anadet  II, 
Les  richeffes  de  celui-ci  &  celles  de  fon  père  lu; 
gagnèrent  le  peuple.  Le  pape  //invccnf  1  afTiégé  daa« 


46  E  L   E   M   E  N   s 

fon  pala'is,  fut  contraint  d'implorer  la  prote£lion 
de  Louis  le  Gros  roi  de  France,  qui  lui  donna  un 
afyle.  Le  taux-pape  profita  de  fon  ûbfcnce  pour 
fe  faire  reconnoitre  comme  véritable  paûeur  pat 
toute  l'Italie. 

Cependant  S.  Bemj'd ,  dont  l'éloquence  tc   les 
vertus  augmentoient  chaque  jour  le  crédit ,  fe  dé- 
clara pour  hmant  ,  &  liu    fit  beaucoup  de  pjrti- 
fans.  Il  cc;ivoit  de  tous  côtés  pour  détacher  d'.<- 
naclit  ceux  qui  lui  étolent  favorables.  *«  C'eft  avec 
n  iiiftice,  (di("oit-il  ,  )  que   l'E^life   reçoit  celui 
n  dont  la  réputation  cil  plus  encicre  Se  l'élection 
»  plus  légitime  ,  par  le   nombre  &  le  mérite   de 
>»  ceux  qui  l'ont  faite.  «   Dans  une  autre  Lettre 
il  parloit  a'uifi  d;  l'antipape   Anadet.  <■<■  L'clcûioa 
<t  dont  il  fe  vante  n'a  que  l'apparence  d'une  clcc- 
it  tion  canonique  En  effet ,  c'cft  une  maxime  conf- 
>»  tante  dans  rEj;life  ,  qu'après  une  première  clec» 
M  tion  ,  il   ne  peut  y  en  avoir  une  féconde.  Sufi- 
»  pofé  dore  qu'il  eût   manqué  quelque  fomialicc 
V  à  la  première,  falloit-il  procéder   à  une  autre 
n  élection,  fans  avoir  auparavant  examine  la  pre» 
»»  miére  ,  &  l'avoir  cafiée  juridiquement  ?  Au  refte 
M  Dieu  a  juge  ce  différend,  &  il  ne  faut  que  des 
n  yeux   pour  connoitre  ce  jugement.  Il  a  été  re- 
M  connu    &  approuve  par   les    F.vcqucs  les  plas 
n  re''pc£ljbles  de  rEglifc.  Leur  lainteté  rH  révé- 
r>  rée  de  leurs  ennemis  ircmes  ,  &  nous  n'avons 
>•  pu  nous  diipenfer  de  nsirther  a  leur  fuite,  rtiUs 
n  qui  cur  fonuatt  riiQfiertcuxk  par  le  rang  &  par  )e 
n  mente.  >• 


DE  L*HlSTOIRE  ECCLESIASTIQUE.  AJ 
L'empereur  Lothjlre,  favorable  a  Innocent .  rélblut 
de  le  faire  reconnoitre  à  Rome  ;  il  pafTa  les  Alpes 
avec  le  Pontife  ,  qui  étoit  accompagne  de  51.  D:r' 
nard.  Les  Romains  le  reçurent  avec  joie,  &  l'Em* 
pereur  donm  du  poids  à  cet  accueil  favorable  ,  en 
recevant  la  couronne  impériale  de  fes  mains  dans 
l'Eglife  i&S.  Jem  de  Latran. 

Mais  à  peine  Loth.iire  fut-il  parti  ,  qu'^njc/^r, 
fécondé  par  Rcger  roi  de  Sicile,  chaffa  une  féconde 
fois  de  Rome7/i/jo«/jr //,  qui  fe  réfugia  dans  Pife. 
L'Empereur  ayant  appris  cette  nouvelle  ,  repafTa 
les  Alpes  &  rétablit  le  Pape  fur  fon  fiége.  Anaclet 
en  mourut  de  défefpoir  ,  au  commencement  de 
l'annce  1138,  après  avoir  porté  le  nom  de  Pape 
pendant  près  de  huit  ans.  Les  Cardinaux  de  fon 
parti  élurent  pour  tenir  fa  place  Grégoire ,  prêrre- 
cardinal  ,  qu'ils  nommèrent  Viclor  :  mais  deux  mois 
après  ,  il  alla  fe  jetter  aux  pieds  du  pape  Inm^cent , 
&  les  clercs  fchifmatiques  fui  virent  fon  exemple. 
Alors  Innocent  reprit  l'autorité  toute  entière  à  Ro- 
me. Oi  fit  par-rout  des  procefTions  folemnelles  i 
le  peup'e  quitta  les  armes  ,  pour  venir  écouter  la 
parole  •<'  Dieu.  Le  Pape  rétablit  le  fervice  des 
Eglifes,  &  en  répara  les  ruines  :  il  rappella  les  exilés. 
Se  repeupla  les  colonies  déferres. 

II*  Concile  de  Latran  ;  Pierre  de  Bruis 
&  Arnaud  de  Erejfe. 

Pour  éteindre  entièrement  le  fchi'me  donr  cet 
Amipape  avoii  affligé  l'Eglife  ,  Innoctn:  aflembla  Je 


'4^  E   L  E    M  E  N   s 

fécond  Concile  de  Latraa  en  1 139.  Il  futcompotô 
de  près  de  mille  Evcqucs  ,  ravis  de  voir  toute' 
l'Eglife  réunie  fous  les  yeux  du  Vicaire  de  J.  C, 
Un  Auteur  de  ce  teros-là  ,  rapportant  la  harangue 
qu'y  fit  le  Pape  ,  lui  fait-dire  tntr'autres  chofcs: 
«»  Vous  fçavez  que  Rome  eft  la  capitale  du  mon- 
tt  de  ;  que  l'on  reçoit  les  dignités  ecdéfiadiques 
ft  par  la  permifTion  du  Pontife  Romain ,  comme  par 
>»  droit  de  fief,  &:  qu'on  ne  peut  les  pofléder  lé- 
ft  gicimcment  fans  fa  permilTion.  ><  Jufques  ici  oa 
n'avoit  point  vu  cette  coinparaifon  des  dignités 
ccclcùadiques  avec  les  fiefs,  qui  font  en  effet  d'une 
nature  toute  différente. 

Le  Concile  fit  trente  Canons,  qui  font  prefque 
les  mêmes  que  ceux  d'un  Concile  de  Rhcims  tenu 
tn  1131  :  on  les  cite  plus  ordinairement  (ous  le 
nom  du  Concile  de  Latran ,  comme  ayant  une  plus 
grande  autorité.  On  y  dcfendit  de  nouveau  les 
Tournois  ,  Sc'on  menaça  d'anatlicme  les  Chanoines 
quiexcluroient  de  l'clcûion  de  l'Evcque  les  hom- 
mes religieux.  Ce  Canon  eft  la  première  preuve 
que  nous  fçachions  de  l'entrcprile  des  Chanoines 
des  Eglifcs  Cathédrales  ,  pour  s'attribuer  a  eux 
feuls  l'clc^lion  des  Evcques  ,  à  l'exclufion  noo- 
feulement  des  laies  ,  mais  des  Curés  ,&  de  tout  le 
refte  du  Clergé  fcculier  &  régulier  :  car  toutes 
ces  pcrfonnes  dévoient  y  avoir  part  ,  félon  les 
Canons ,  &  félon  la  perpctuelle  difcipline  de  ]'£- 
Rlife. 

Oa  condamna  encore  dans  ce  Concile  ,  les  nou- 
veaux 


DE  lUiSTOIRE  ECCLESIASTIQtTE.  !^^ 
veaux  Manichéens.  On  y  dénonça  les  etreursquft 
Pierre  de  Bruis  &  Arnaud  de  Brejfe  femoient  depuis 
<juelque  tems.  La  doctrine  du  premier  étoit  à-peue 
près  celle  de  Bcrcnaer  archidiacre  d'Angers  ,  qui 
dans  le  ficcle  précédent  avoit  nié  la  Préfence- 
réeile,  &:  voulu  détruire  le  Sacrifice  de  nos  au- 
tels. Il  ajoutoic  à  cette  erreur  beaucoup  d'autres 
non-moini  dangcreules  :  fur  le  Baptême  ,  qui ,  félon 
lui,  ne  fervoit  qu'aux  adultes  :  fur  les  Sacrera  »ns, 
fjr  les  prières  6c  les  facrifices  pour  les  morts  ,  qut 
ctoient ,  difoic-il,  de  vaines  cérémonies  qu'il  falloit 
abolir. 

La  France  avoit  été  infeftée ,  dans  le  fiécle  pré- 
cédent,  des  erreurs  des  Manichéens.  On  en  avoit 
brûlé  beaucoup  dans  différentes  provinces.  L'ex- 
trême rigueur  avec  laquelle  on  les  avoit  traités  , 
les  rendit  plus  circonfpe6is  ;  mais  elle  augmenta 
leur  haine  contre  le  clergé  ,  dont  le  zèle  avoit 
excité  celui  des  Princes.  Le  deiîr  de  fe  venger  des 
Evèques,  des  Prêtres  ,  des  Religieux  devint  donc 
l'objet  ptificipal  de  ces  fanatiques.  Portés  natu- 
rellement par  la  vengeance  à  attaquer  tout  ce  qui 
concilioit  de  la  conlîdération  au  clergé  ,  ils  aban- 
donnèrent iafenfiblement  le  Manichéifnie ,  &  s'at- 
tachèrent à  détruire  l'efficacité  des  Sacremens ,  les 
cérémonies  de  l'Eglife,  la  différence  que  l'ordre 
met  entre  les  Laïques  8c  les  Eccléfiaftiques  ,  enfin 
l'autorité  des  Fadeurs  du  premier  ordre. 

4.  Les  défordres  &  l'ignorance  du  clergé,  (dit 
M.  l'Abbé  Pluqutt  )  Il  étoient  extrêmes.  T^m  étoit 
Jom,  IJ^  C 


0  E   L  e"m  E  N  s 

»»  vénal  dans  la  plupart  des  EgiiTcs  -,  les  Caere- 
t  mciî  même  croient  fouvent  adminirtrë»  par  ces 
m  fin>3nlaquc$  &  Jes  concuhiaaires  publics.  Le  peu- 
•»  pie,  gouverne  par  de  tel»  Paftcurs ,  ctolt  cnfé- 
M  ▼eli  dans  une  protonde  ignorance  &  difporé  à 
ft  fe  rjvolrer  contre  eux.  Alnfi  tout  homme  qui 
M  avoir  une  tmiginarion  vive ,  pouvoit  devenir 
»»  chef  de   CeCte    en  prêchant  contre  le    Cierge  , 

M  contre  les  cérgmonics  de  l'Eslife  ,  contre  les  Sa- 

J  " 

H   cremenc.  <t 

Il  ne  faut  donc  point  s'ctonner  des  fuccès 
qu'eut  Pierr:  de  Dmis  ^  quoique  limpic  laïque.  Aidé 
f)ar  l'cnthouùafmc  du  peuple  ,  il  parcourut  les  pro- 
vinces ,  Taccageant  les  Eglifes  ,abbatant  les  Croix 
détruifant  les  Autels.  On  ne  voyoit  en  l'rovence,où 
H  exerça  principalement  fon  fanatifme  infenfc  ,  que 
Chrétiens  rebaptifés  ,  qu'Eglifcs  profanées.  Ce  mi- 
sérable, chaffé  de  cette  province,  paflTa  en  Lanj^e- 
doc  5«:  y  commit  les  mêmes  dcfordres  -,  mais  il 
fut  arrêté  Se  brûlé  vif  à  St-Gll!es  en  1147. 

Ses  erreurs  lui  furvccurcnt.  Un  Hcrmite  appelle 
Hturi  de  Btuis  ,  affeflant  des  mœurs  auftéres  & 
une  maniérc-dc-vivre  ûngulicrc  ,  excita  de  nou- 
veau le  peuple  contre  le  clergé.  On  vouloit  ab« 
batre  les  maifons  des  Eccléfiafliques  ,  on  pilloit 
leurs  biens  ,  on  les  battoit  cruellement ,  on  mena- 
çoit  de  les  lapider  -,  &  ces  excès  durèrent  jufqu'â 
ce  qu'on  eut  arrête  &  mis  dans  les  prifons  de  l'ar- 
chevêché de  Touloufc  ,  l'hcrmitc  inquiet  &  Ui» 
Cieux  qui  roulcvuii  U  populace. 


uE  l'Histoire  Ecclésiastique.    'ç¥ 

Arnaud  de  Brcffe  ,  autre  difciple  de  Pierre  de 
Bruis  ,  homme  d'un  efprit  remuant  &  inqaiet  , 
d'une  imagination  ardente  ,  d'un  cara£lére  rufç 
&  hypocrite  ;  fe  fit  autant  redouter  en  Italie  par 
le  fouverain  Pontife  &  par  les  Evêques,  que  Pierre 
&  Henri  de  Bruis  le  furent  en  France.  Il  fit-rc- 
volter  prcfque  tout  le  peuple  Romain  contre  les 
Eccleliaftiques ,  en  prêchant  que  le  Clergé  féculler 
8c  le  régulier,  contens  des  aumônes  &dei  obiatioas 
des  Fidèles  ,  ne  dévoient  pcffcder  aucuns  biens- 
fonds.  II  excita  une  féditioa  contre  le  Pape ,  abolît 
la  dignité  de  Préfet  de  Rome,  obligea  les  prlncU 
paux  citoyens  de  fe  foumettre  au  Patrice,  &  pilU 
les  palais  des  Cardinaux. 

La  dofirine  de  cet  enthoufiaAe  turbulent,  & 
celle  de  Pierre  de  Bruis  ,  furent  condamnées  dans 
le  Concile  de  Latran.  On  voulut  s'affurer  de  fa 
perfonne  :  il  chercha  un  af^leen  Allemagne,  & 
enfuite  en  Franco.  La  fureur  de  dogmatiferle  Ta- 
mena  à  Roire  ,  où  il  fut  brûlé  comme  uo  facrilégQ 
&  un  fédicieux  en  1 1  ;  ^. 

Le  Concile  fit  trente  Canons  ,  dont  quelques-' 
uns  font  remarquables.  On  défendit  aux  Chanoi. 
nés  des  Eglifes  cathédrales,  d'exclure  de  l'élcdion 
de  leurs  Evêques  les  Religieux  ,  les  Curés  &  le 
refte  du  Clergé-,  car  les  Chanoines  commençoient 
à  s'attribuer  à  eux  feuls  le  droit  d'tlire  les  Evê- 
ques. On  condamna  les  Tournois.  On  défendit  aiuc 
Religieufes  d'aller  chan:er  dans  un  rcèine  choeir 
avec  les  Religieux ,  &c.  Sec. 

Ci} 


Nouveaux  Troubles  à  Rome. 

Le  fiégc  de  Rome  ,  ambitionné  p^^  ^**  intrl- 
l^uans,  fut  l'occaCon  d'un  nouveau  fchifme.  Après 
la  mort  à'L'rbain  if  en  ii  $9  ,  Ja  plus  grande  par- 
tie des  fuffrages  fe  rcunit  en  faveur  du  cardinal 
de  S.  Marc  ,  qui  prit  le  nom  i'Alexjndre  III.  Une 
faflion  de  neuf  cardinaux  proclama  un  autre  Pape 
fous  le  aom  de  ^''lâor  IV,  C'ctoit  le  cardinal  de 
Ste  Cécile  ,  homme  vain  &  ambititieux ,  qui,  prelTé 
du  defir  de  la  papauté  ,  arracha  des  mains  du  diacre 
le  manteau  pontifical  dont  il  al'oit  revêtir  Alcxan- 
êrt.  La  France  6c  l'Angleterre  fe  déclarèrent  pour 
ce  dernier-,  mais  l'empereur  Trcitric  ayant  reconnu 
Y.îlor,  fit-tenir  un  Concile  à  Pavie ,  où  l'cleifllon 
de  cet  Antipape  fut  déclarée  légitime. 

Alexandre  ,  craignant  pour  fcs  jours  en  Italie  ^ 
pafTa  en  France ,  où  il  excommunia ,  dans  un  Con- 
cile de  Tours  en  1163,  ViSor  &  fes  partifans.  En- 
vain  Frédéric  voulut  foutenir  par  les  armes  fon  An- 
tipape :  le  véritable  Pontife  fut  reconnu  jufques 
dans  l'Orient ,  &  lEmpereur  fe  vit  oblige  de  de- 
fnander  la  paix  à  Alexandre  W.  Venifc  fut  le  lieu 
de  XcniTcyMf.Fréduic  fe  proflerna  aux  pieds  du 
Pontife  dans  l'Eglife  de  S.  Mjrc  ,  &  reçut  l'abfo» 
lution  de  l'anathcmc  lancé  contre  lui  dans  le  Con- 
cile de  Tours.  C'efl  une  fable  bien  mcprifable  ,  que 
|e  Pape  mit  alors  le  pied  fur  la  gorge  de  ce  prince 
humilie  ,  en  lui  difant  ;  //  *J)  écrit  ^  Tu  marchera,  fur 
*Xf/fic  &  U  bafUic.  Vo  tel  «uiragc  ,  dans  une  telle 


ÔE  L'HisfOîTvE  Ecclésiastique,      çf 

cccafîon  ,  auroit  marque  dans  le  Pnpe  un  carac-j 
tére  aiilil  dur  que  fuperbe. 

///'   ConciU^générdl  de  Latran  ;   VaiidoU 
6»  Albigeois. 

Le  Sacerdoce  &  l'Empire  s'étsnt  réunis  pouf 
éteindre  le  Schlfme  ,  il  fallut  remédier  aux  défor* 
dres  qu'il  avoir  caufés^  C'eft  dans  cette  vue  qu'v*» 
lexandrt  /?^c5voqua  en  1179  le  IH'Concile-général 
de  Latran  ,  où  fe  rendirent  près  de  300  Evêques, 
"Après  avoir  feit  plufieur»  réglemens  utiles  pour 
prévenir  le  fchifme,  on  procéda  à  la  condamnation 
des  Vaudois  &  des  Albigeois,  dont  les  erreurs  in« 
iédoient  alors  piufîeurs  provinces  de  France. 

Les  premiers  tiroient ,  dit  -  on  ,  leur  nom  de 
pierre  Valdo  ,  l'un  des  plus  riches  citoyens  de 
£yoa  ,  qu),  joignant  de  grandes  aumônes  à  des 
mortiticdrions  extérieures  ,  fe  fit  des  partifans  d9 
tous  les  pauvres  qu'il  foulageoit.  Il  crut,  dans  foa 
ignorance  prcfomptucufe  ,  avoir  reçu  du  Ciel  des 
lumières  particulières  ,  &  il  attaqua  tout  à-la-fois 
l'autorité  du  Pape,  les  Indulgences ,  le  Purgatoire 
&  le  Sacrifice  de  la  Meffe.  11  renouvella  les  er- 
i<eurs  des  Donatiiles ,  fur  la  nature  des  S.icremens 
conférés  par  de  mauvais  Miniftres,  &  celles  des 
Iconoclaftes  fur  le  culte  des  Images.  Il  vouloit  en 
même  tems  réduire  l'Eglife  aux  avantages  fpiri-. 
tuels ,  &  la  dépouiller  de  tous  fes  biens  temporels. 

VjUj  ,  n'appuyoit  fes  opinions  que  fur  quelques 
{ailages  de  l'Ecriture  pris  a  la  lettre  ,  ou  détouraéf 


114  Elemens 

^e  leur  vrai  fcns.  IMuiieurs  hérétiques  a  voient 
fuivicette  méthode  avant  ce  fcdaire  -,  mais  ils 
avotent  feit  peu  de  profclytes  dans  les  premiers 
ficelés  de  l'E^life ,  parce  que  les  Minières  8c  les 
Fidèles  croient  éclaires.  Mais,  dans  les  tcms  dont 
nous  erquiffoDS  l'hiAotre ,  le  Clergé  &  le  peuple 
ccoicnt  en  général  îgnorans  :  le  fophifme  le  plus 
groOier  etoit  une  difHculcc  infoluble  pour  l'un  , 
&  une  raifon  évidente  pour  l'autre. 

Le  petit  nombre  d'hommes  refpcâables  par  leurs 
lumières  Se  par  leurs  mœurs  ,  qui  s'oppoféreot 
lux  progrès  des  erreurs  des  Vaudois  ,  oe  put  em* 
pêcher  qu'elles  ne  Tcdui^iû'ent  beaucoup  de  monde. 
Les  fcigneurs  qui  s'ctoient  emparés  des  bieos  ce* 
dtfiaftiques  ,  les  prorcgcoient  ouvertement ,  &  ils 
eurent  la  facilité  de  fe  faire  un  grand  nombre  de 
difciples  avant  qu'on  put  mettre  une  digue  au  tor« 
renc. 

Les  feftatcurs  de  Valdo ,  malgré  l'anathcHie  pro- 
noncé contre  lui  par  Altxanàre  III ,  s'étant  muN 
tipliés  a  linhni,  le  Concil.e  de  Latrao  ,  en  con* 
damnant  leurs  erreurs  ,  exhorta  les  Princes  Caiho» 
tiques  à  former  une  ligue  (ainte  contre  ces  hcrct.» 
qucs  &  contre  les  Albigeois.  Ceux  ci  reoouvel» 
Joient  les  rêveries  des  Manichéens  ;  mais  leur 
«lodtnne  n'étoii  pas  prccifcment  celle  de  IdMt*^ 
Ils  ruppcfo-ent  que  Dieu  avoit  produit  Lutlftr 
avec  fes  anges,  &  qu'après  avoir  été  chaiTe  du 
Ciel  I  ce  mauvais  efprii  crca  le  monde  vifiblc  fur 
lequel  il  rc^noit.  lis  ajoutoicot  que  Ditu ,  ^ou^ 


D£  L'HlSTOiRE  ECOLKSIASTlQUÎ.  Ç^ 
i^cjblir  l'ordre  ,  avoit  engendré  un  fcccmd  fils,  qui 
étoit  Jésus-Christ,  Voila  pourquoi  ces  héréti- 
ques furent  au/lî  appelles  Ariens.  Us  nioient  en- 
core la  réfurreftion  des  morts,  &  n'admettoicnï 
(n  Dieu  aucune  liberté* 

Le  Concile  de  Latran  profcrivit  leufs  erreurs  } 
mais  les  errans  furent  long-tems  redoutables,  com- 
me nous  le  verrons  dans  la  fuite  de  cette  Hifioirej 
Ils  l'ont  même  été  long-tems  après  leur  entière 
«îcfttuélion  :  car  les  Proteftans  les  joignant  à  divers 
Buttes  hérétiques ,  &  les  peignant  comme  de  falots 
réformateurs  ,  comme  des  dépofualres  de  la  vé- 
rité, ont  voulu  en  compofer  une  communion éten* 
due  6c  viable  ,  qui  a  perpétué  de  ûécie  en  ûéclp 
les  vérités  évangéliques. 

Parmi  les  Canons  que  fit  le  Corcile  de  Latran  J 
quelques-uns  méritent  l'attention  du  lc£l«ur.  Le 
premier  porte  ,  que  û  dans  l'cledion  du  Pape  ,  let 
Cardinaux  ne  concourent  pas  unanimement  à  élire 
le  même  fujet,  celui  qui  aura  les  deux  tiers  des 
voix  fera  reconnu  l'ùpe  :  ce  qui  montre  qu'alors 
J'cleition  étoic  entictement  remife  aux  Cardinaux. 
On  défendit  de  nommer  des  Evcques  avant  làge 
de  trente  ans  ,  &  d'ordonner  ni  piètre  ,  ni  diacre, 
qu'après  qu'on,  lui  aureit  afilgnc  un  titre  certaia 
dont  il  pourroit  fu'jfifter.  Le  Concile  défend  d* 
rien  prendre  pour  l'adminiftration  des  Sacrcmens, 
&  même  pour  les  ftpultures.  Il  ne  faut  point  (di- 
fept  les  Pcrcs  )  alléguer  la  longue  coutume ,  qui 
lie  rend  l'abus  que  plus  criiriiael.  U  défend  auHl 

C  iv 


!^  E   L    E    M    E    V    s 

la  pluralité  des  Beactîces,  qu'on  avoit  portée  I 
on  tel  excès  ,  qu'un  fcul  Cure  fe  chargeoit  quel- 
quefois de  delTcrvir  cinq  ou  Cx  cures ,  tandis  que 
pluiieurs  dignes  Minirtrcs  manquoient  du  nccef- 
faire.  Les  biens  que  les  Eccléliaftiques  ont  acqui» 
dans  l'Eglife  ,  lui  demeureront  après  leur  mort  , 
foit  qu'ils  en  aient  difpofc  par  teftament,  ou  non» 
Afin  de  pourvoir  a  l'inlhutiion  des  pauvres  Clercs, 
en  chaque  Eglife  Cathédrale  il  y  aura  un  Maitre  , 
à  qui  on  alfignera  un  bénéfice  Aiffitant ,  &  qui  en- 
fcignera  gratuiiemeot  :  ce  que  l'on  rétablira  dans  les 
autres  EglifesSc  dans  les  Mona^léres,  où  il  y  a  eu 
autrefois  quelques  fonds  deAinés  à  cet  effet.  On 
n'exigera  rien  pour  la  permilTion  d'enfeigncr  ,  8c  on 
ne  la  rcfufera  point  à  celui  qui  en  fera  cipable  :  au* 
trement ,  ce  fcroit  s'oppofcr  a  l'utilité  de  l'Eglife, 

On  renouvella  la  dcfenfc  des  Tournois  &  l'or- 
dre d'obferver  la  Tnvc  de  Dieu.  On  dcl'cndit  d'é- 
tablir de  nouveaux  impôts  fans  la  permillion  des 
Souverains ,  parce  que  chaque  petit  Seigneur  s'en 
attribuoit  l'autorité.  On  excommunia  de  nouveau 
les  ufuricrs,  ôc  on  condamna  la  dureté  de  quel- 
ques  Eccléfialliques ,  qui  ne  permeitoient  pas  aux 
lépreux  d'avoir  des  Eglii'es  particulicrcs.  C'cQ  la 
premicre  Ordonnance  que  l'un  remarque  touchant 
les  Icprofcnes. 

Nouveaux  OrJns  Au  ^  eux. 

A  mefurc  quciet  HctLtiques  aflligcuient  l'Eglife 
par  de  nouveaux  iitentats  ,  des  gens-dehien  ia 
ÏEonloloient  pjr  U  fondation  de  diverfct  foci.cw^. 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    ^ 

Religieufes.  Les  Seflaires  fe  piquant  d'une  grande 
aufterité  ,  &  s'élevant  contre  la  vie  religieufe  dil 
Clergé  ,  il  fallut  leur  oppofer  des  exemples  d'une» 
vertu  moins  faftuenfe  que  la  leur, 

Robert  d'Arbriffelbs,  archiprctre  de  Rennes  en 
Bretagne ,  fonda  dans  la  foret  de  Fontevrault ,  aj 
diocèfe  de  Poitiers,  deux  Monaftéres  ,  l'un  pour 
rès  hommes ,  &  l'autre  pour  les  femmes.  Il  leur 
donna  la  rè^le  de  S.  Benoit,  &  ils  eurent  bientôt 
beaucoup  d'imitateurs.  Son  nouvel  Ordre  avoir  cela 
de  particulier,  qu'il  étoit  aHujetti  tout-entier  au 
gouvernement  de  l'Abbeffe  de  Fontevrault;  ain5 
les  hommes  font  vœu  dans  cette  congrégatioa 
d'obéir  à  une  femme:  inftitut  qui  a  paru  fingulier  , 
mais  qui  a  cti  long-tcms  confacré  par  de  graodes 
vertus; 

S.  Norbert,  depuis  archevêque  de  Magdebourg',' 
fondateur  de  l'Ordre  de  Prcr^.ontré ,  qui  tire  foA 
nom  du  lieu  où  le  prtmler  Monaftére  fut  bâti  dans 
le  diocèfe  de  Laon  ,  étendi:  fon  nouvel  ii  flitut 
dans  toute  lEglife ,  &  s'il'.uftra  par  fes  vertus  6c 
fon  éloquence.  Ses  enfans  font  chanoines  -  régu- 
liers, &  ils  ont  éprouvé  diverfes  réformes.  De» 
leur  naiiTance  ils  fe  retircrcn:  dans  les  <li!ferts  & 
dans  les  forets  ,  ôc  la  plupart  y  vivent  encore. 

Les  Carmes  ,  qui  tirent  leur  nom  du  Monti 
Carme! ,  prétendent  être  les  plus  anciens  religier.x: 
de  h  Chrétienté  :  ils  veulent  q'.>'£//e  ait  été  leur 
père  ;  mais  leur  ôrijinï  ne  remonte,  ûilvant  les 
meilieurs  srittquesr,  qu'à  i'jo  1170  ,  auquel  j^/W» 

Cy- 


j&  E   L   E   M    E   X    S 

tic ,  patriarche  d'Ancioche  du  rite  latia  ,  inAitaX 
cet  ordre  en  Palefline.  On  le  tran ('porta  dans  le 
ééde  fuivant  en  Europe  ,  ou  les  Papes  i'approu- 
▼érent ,  après  y  avoir  (ait  quelques  légers  chao> 
gcmens.  Les  Carmes  s'appliquèrent  ,  ainfî  que  les 
cuires  Ordres  mendians,  au  l'alut  des  aroes,  &  il» 
y  travaillcrent  avec  Iruit, 

L'Ordre  de  Grammont ,  aujourd'hui  cteint  ,  dut 
fa  naiHfance  a  Etienne  ,  fils  du  vicomte  de  Thiers 
en  Auvergne ,  mort  en  1114.  Ses  premières  mai* 
ions  furent  rafyle  de  h  vertu  la  plus  pure. 

Les  Religieux  de  Citeaux,  fondes  dans  le  fiécle 
précèdent  par  Robtrt  ,  abbé  de  Molefme ,  furent 
reformés  dans  celui-ci  par  le  célèbre  S.  Bernard^ 
abbé  de  Clairvaux.  C'ctoit  un  gentilhomme  Bour» 
guignon  ,  en  qui  Di£u  avoir  rafTcroble  tous  les 
avantages  de  la  nature  &  de  la  grâce  :  la  noblelTe  , 
la  vertu  des  parcns,  la  lieautè  du  corps, les  talens  dt 
l'efprit  ,  un  cœur  généreux,  des  fsntimens  élevés, 
vn  courage  ferme  ,  une  éloquence  vive  &  forte, 
nourrie  des  pafTages  de  l'Ecriture  &  des  Peres.A  ces 
talens  joignez  les  effets  de  ta  grâce  ,  une  humilité 
profonde  ,  une  charité  fans  bornes  ,  un  zèle  ar- 
dent, enfin  le  don  des  miracles.  Sous  un  tel  nai*' 
tre,  Cloirvaux  ne  devoit  pas  manquer  de  difcples. 
i\  en  eut  en  efYc:  un  très-gnni  nombre.  //  /jk* 
mvoucT  etpeiiJjnt ,  (  dit  Fleuri ,  )  que  fin  \itU  Ht  fut 
fat  à(ft\  rég/e  pêj-  la  difcréeion  ta  et  tjui  rtgardvît  la 
/.:nté ,  flt  qu'il  introduifit  dans  le  cloître  une  nou» 
vexiué  ,  qui  cont  ibu».  dans  la  fuite  su  relâche^ 
lliCOL;  la  diCiiiilion  des  n.oinc>  du   chaur  &  des. 


DE  l'Histoire  Kcclesiastiquï.      ça 

freres-lais  ,  qui ,  fcparant  les  monaflcres  en  deiuc 
curps  difi'crens  ,  a  ctc  quelquefois  la  fource  dç 
guerres  inteftines. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  S.  Bernard  donna  l'exemple 
de  coûtes  les  vertus  ,  Se  fui  l'oracle  de  fon  ficde. 
Les  prélats,  les  j^rands  &  le  peuple  le  vénéroient 
également.  Il  combattit  tous  les  hiréiiques  de  fon 
tcms  ,  entra  dans  toutes  les  affaires  ,  &  aida  de 
fes  foins  &  de  fts  lumitres  les  Pontitcs  &  les  Rois. 
Sa  mort  faintc  arriva  le  20  Août  de  l'.m  1152-,  il 
avoir  alors  65  ans  :  Çqs  aufterités  &  Tes  travaux 
avoient  confumé  cette  vidirae  de  la  pénitence  â^ 
de  la  religion. 

Abbés  de  Cluni. 

L'Ordre  de  Cluni  produlfu  encore  quelque» 
grands -hommes.  L'abbé  Hugues  infpira  aux  Pape* 
&  aux  Souvarain^  de  fon  tems  le  plus  grand  ref- 
pcdl  pour  fcs  vertus  ;  ce  fut  lui  qui  exhorta  PAi- 
Lpptl,  roi  de  France  ,  à  quitter  Eertrude  fa  concu- 
J}:ne,  avec  laquelle  il  menoic  une  vie  fcandaleufedu 
vivant  de  la  reine  Bcnhe. 

Fendant  un  longue  adminiAration,  S. Hugues  av^m 
menta  confidérabicment  la  gloire  &  les  biens  de 
l'abbjye  de  Cluni.  Il  étendit  fa  réform  e  à  un  6 
grand  nombre  de  Monaûércs  ,  qu  'on  a  prétendu 
qu'il  gouvernoit  p!us  de  10,000  moi  nes.C'efl  lui  qui 
a  fait-bà(ir  la  grande  £g)ife  de  Cluni  :  édifice  folidff 
||[  ipwiervrc.  Sa  longueur  eu.  de  quatre  cents  dix 
pieds,  il  (»  ]arg«ur  de  cent- vingt.  Cette  baijiique 
patoic  aujourd'hui  us  peucblcurc-,  n-ais  h  jaum^ac 


€(S  E  L  r  M  E  y  s 

de  clarté  n'ctoit  pas  regarde  comme  un  défaut  pît 
nos  percs  ,  pcrfuadcs  que  le  grand  iuur  eft  peu  fa- 
vorable uu  recueillement. 

Le  Monaftcre  de  Cluni  n'avoit  eu  jufqu'a  i».  Hw 
guet,  que  des  faines  Abbcs  :  Pvnce  qui  lui  fuccéda 
en  interrompit  la  fuite.  C'ctoit  un  jeune-homme 
de  qualité,  qui  fe  livra  tellement  au  luxe  &  aux 
plaiHrs  mondains  ,  qu'il  fut  ohli^^é  dabdiqucr  fa 
place.  Il  voulut  enfuite  y  rentrer  a  main-armée, 
ti  exerça  à  Cluni  les  plus  grandes  violences.  On 
le  cita  à  Rome  ,  &  il  fut  excommunié.  Le  Pape  le 
iii-enfermcr  en  iii^  dans  une  tour  ,  où  il  mourut 
peu  de  tcms  après.  U  a  voit  pris  le  t'iuc  à'Abbé  élu 
Abtis. 

Hugues  ,  prieur  de  Marcigni ,  avoit  cré  mis  à  la 
place  de  Ponce ,  pour  réparer  fes  ncgli^encts  6c  fcs 
tjkvjfrations  :  mais  à  peine  avoit-il  gouverné  cinq 
mots  ,  qu'il  mourut.  On  lui  donna  pour  fucceiTeur 
Pierre  M.tttrkc  ,  furnommé  le  Vénàahle.  Ce  nouvel 
'abbé,  iffu  d'une  illuftre  maifon  d'Auvergne  ,  fou*» 
tint  la  noblclfc  de  fa  naiflfancc  par  la  piété  d'un 
religieux  ti  par  le  fçT\-oir  d'un  homme  éclaire. 
"S.  Bernard  ayant  dcfapprouvé-,  avec  trop  de  ri'* 
gueur  ,  bcaucotip  de  chofes  djns  la  manière  dont 
'Pierre  le  Fc ifaf/fgouvcrnoit  l'Ordre  de  Cluni,  ce- 
lui-ci  fc  défendit  6c  défendit  foo  Ordre  avec  beau- 
coup f!c  forte-,  8c  fe«  apologies  fonr-dcfirer  que, 
dans  des  unes  anfTî  pures  &  aufTi  éclairées  que  celle 
de  S.  Bernard ,  le  zèlc  fùc  un  peu  plus  lent  a  coa-; 
^imner. 


ÔE  L'HisforRE  Ecclésiastique.     6i 

Pierre  le  l^in:rjh.t  mourut  à  la  fin  de  l'année 
i  I  ^  6.  S.  Berrtird ,  l'abbc  Suger  ,  &  lui ,  furent  (  dit 
Te  V.  Fjntcnai  )  trois  fujets  éminens  ,  fur  qui  roula 
tout  ce  qa'on  !îc  de  plus  mcmorable  djns  le  xil' 
fijcle.  Le  graacf  éclat,  à  la  vôrité  ,  y  fut  pour  S» 
Btrnard,  &  la  confiance  de  nos  Kols  po.ir  Sugir- 
Mais  Pierre  le  Vénérable  y  avec  des  qualités  moins 
frappantes  ,  en  avoit  de  parfaitement  aflorcies  aux 
portes  qu'il  remplit.  Il  fit -régner  parmi  fes  con- 
frères l'uaion  &  la  paix,  qui  avoient  été  troublées 
avant  lui.  Il  leur  infpira  le  goût  de  leur  état,  & 
fans  les  effrayer  par  des  mortifîcitions  trop  rudes , 
H  établit  une  régularité  édifianre.  Dans  les  affaires 
que  les  Pap3$  &  les  Princes  Iji  confèrent ,  il  mon- 
tra de  la  dextérité  fans  fouplciTa  ,  de  la  droiture 
fans  fimpîicité ,  de  la  prudence  fans  rafinemenr. 
Son  goût  principal  étoic  l'étude  ,  mnis  une  ctude 
pref^us  entièrement  tournée  vers  l'Ecriture  &  les 
1  :rc5. 

Apres  lui  ,  la  phce  d'Abbé  de  Clur.i  fut  affez 
mal  remplie  ,  8c  qjelq-i-s-uns  de  fes  Atcce(reurs 
ne  pirurent  peut-être  des  fujets  médiocres  ,  que 
parce  qu'ils  avoient  été  précédés  par  des  hom- 
mes qui  avoient  été  prefque  tous  de<i  exccll..r.s 
modèles  pour  les  Relgieax  ,  &  un  objet  dcvéné» 
ration  pour  les  peuples. 

Ordres   MJGtjlreF.. 

Les  Croi fades  tarent  la  premicfe  origme  de" 
divers- Ordre»  «  à>-la-fois   religieux  &  guerriers  r- 


€9.  E  L  E   M  E   N  s 

deftinés  au  foulagement  &  à  la  défenfe  de  ceux 
qui  faifoient  le  pèlerinage  de  la  Paleftine.  Tels 
furent  les  Templiers  ,  les  Hofpitalitrs  ^  les  Chtvalitr* 
Teutoniijues. 

Les  premiers  furent  nommés  Templiers,  parce 
que  Baudouin  II  leur  donna  un  logement  près  du 
Temple  de  Jérufalem.  Ce  ne  ;tut  d'abord  qu'une 
£mple  affociation  formée  par  deux  Gentils-hom- 
ines  Hugues  de  Pûganis  &  Gioffroi  de  St-Adhémar  , 
qui  fe  réunirent  en  iii8  avec  d'autres  Gentils» 
hommes  recommandables  par  leur  piété  &  leur 
courage.  Sans  s'affujettlr  à  aucune  Règle  &  fans 
avoir  pris  l'habit  religieux  ,  ils  alloient  au-devant 
des  Pèlerins  ,  &  les  reconduifoient  enfuite  juf- 
qu'au-delà  des  défilés  des  montagnes  &  des  paC* 
£ages  les  plus  dangereux. 

Hugues  de  Paganis  foUicita  enfuite  l'approba- 
tion du  faint-fiége  pour  cette  fociéte  naiffante.  Le 
pape  Honoré  II  le  renvoya  au  Concile  deTroyes  , 
qui  fe  tenolt  alors.  Les  Pères  approuvèrent  un 
Inftitut  dont  le  but  paroiiToit  û  louable  ,  &  char- 
gèrent S.  Bernard  de  leur  donner  une  Règle.  Il 
prefcrivit  diverfes  obfervances  à  cette  nouvelle 
milice  ,  qui  prit  l'habit  blanc  ,  auquel  E.:gcne  III 
ajouta  enfuite  une  croix  rouge  fur  le  manteau  à 
l'endroit  du  cœur.  Sur  la  fin  du  xii*  fiécle  ,  iej 
Templiers,  répandus  déjà  dans  tous  les  Eiats  de 
J  Europe  ,  s'enrichirent  par  les  libéralités  des  Sou- 
verain», des  Prélats  &  des  Grônds.  Mois ,  BTfc 
les  grands  liens ,  ils  c&ntradlcreat  les   vices   ^lâ 


t>i  iHrsTomt  FcctwiArnQut.    69 

Im  acconipjKocni  ordiMir«mcai.  Ut  rvlufcrciU  4« 
fi  fouRKiitc  4*1  F4kiuti.bc  «k  )«fu(«t«m.  il*  t'«. 
'éoMKrcnt  ou  lu&c  &  «ua  pUtlira  ,  At  moatre- 
Mm  umt  et  bani  8t  &êrtofi»ntx  ,  matm*  lorfqu'il* 
trjiMrcni  avtc  le*  S<>uv«r«ia«,  qitt  y>i>i>pp4  U 
3*1  4rauivl4  &.  ooiiat  U  tk&nicàiao  de  leur 
0(dr«. 

Let  //.>;/■> (j.-->  ,  ou  Chcv<li«r«  de  Sc-/«j<i  de 
IcrWalcm  .  (uquircot  vert  U  fin  du  licclr.  Il» 
rfetfervireat  d'<i>or<i  *  Jcruùlcai  un  Hupiiâl  tfé- 
At  a  S<  h**  X'Â^mtit  tf  ^  tt.  fc  chjrgcrcni  du  (ma 
4m  aMUdtt  &  de»  pclcTiai.  Li  chante  leur 
éomm»  MiAact  i  le  iclc  Im  tendit  guerriets.  lU 
yrirwt  !«•  ttmm  poar  ética4f«  lea  che«M«  am* 
tn  \m*  iacueéiMU  des  Irfdèiw.  Cctn  — rtito 
feaûtott  «tntni  «  eux  un  grjod  nrwhte  de  No* 
blet  de  tout*  U  CbrciicMC  ,  le  mre  de  Or» 
*«<Mr  tut  HMOt  i  celai  d  M-/frM/i«r.  L'Or>ltc  «!• 
Ikaat  htni%  Ict  vertu»  de  U  Relifioii  e«ec  U  va- 
laur  gutmcre  ,  im  coapofe  de  itoi>  ibttea  et 
lUhfMus  :  ê»  fuM*  CK*9*lftt ,  d«  ilmn  ,  Ute 
pmm  Sv9-tmi,  Le  l«e«l»eureux  O^t^ré  ,  femil» 
de  Mart.gue*  ea  Wro^'vncr  ,  fut  le  pre« 
Supérieitf  de  cet  Otdre  ,  tf^tocd  bofpita- 
btr,  devenu  militjirc  ,&  de p  «m.Apris 

li  pnfe  de  J.'taCikm  par  .Sw  c  ocvalier» 

4»  S.  /(^  (e  tmrcreoi  a  l^toWmaiie  ou  Acre  , 
dffuit  (faot  ri(W  de  Chypre  ,  d«-la  dana  e«U«de 
tLkoàm  .  h.  «aàa  djna  1  la'.c  d«  Miiltlw  ,  qo» 
Odriai   i^./M  kux  (ianiu  pjur   («rvu    de    ici»? 


é4  E   L   E   M   E   »   s 

part  à  la  Sicile.  Ils  portoient  ,  comme  aujourd'hui,; 

la  croix    blanche  fur   l'habit   no:r. 

L'Ordre  Ttutcniqut  de  Stc  Marie  de  Jcrufalen»» 
kmàè  rers  l'an  1189,  par  des  feigncurs  Alle- 
mands ,  ne  le  confacroit  guéres  qu'au  fcrvice  de 
ceux  de  leur  nation.  L'empereur  Fridtrlc  H ,  qui 
les  ramena  tous  en  Europe ,  leur  propofa  la  con- 
quête de  la  PruH'e  ,  dont  les  peuples  ctoicnt 
païens.  I!s  l'entreprirent ,  en  vinrent  a  bout  & 
poffcdérent  cette  Province  comme  un  fief  d«« 
pendant  de  la  couronne  de  Pologne.  Albert^  prince 
de  la  maifon  de  Brdr.diboi.'z  1  (^u  grand-maitic 
en  1 5 1 T ,  ayant  embrafTé  le  Luthcranilme ,  pro- 
fita des  divifions  de  l'Empire  pour  fe  f<iire-doB« 
r.er  comme  Souveraineté  ,  ce  qu'il  ne  poflcdoit  qae 
comme  chef  de  l'Ordre.  11  conclut  un  traité  av«c 
Sigij'mind  roi  de  Pologne ,  par  lequel  h  partie  de 
la  PrufTe  qui  appartencit  à  l'Ordre  Tcutonique 
fut  érigée  en  duché  féculier  &t  hcrcdiiaire  poar 
lui  &  fcs  dckendacs  :  ainlî  Atbcrt  s'etant  marie 
avec  une  priocciTc  de  Dinemarck ,  trani'mit  ce 
duché  ;i  fa  poAcrite.  Les  Chevalicrc  ,  qui  penjt- 
tétcnt  dans  la  Religion  Catlioliquc,  furent  odU- 
gcs  de  quitter  la  PrufTe  où-  ctoit  le  ficge  de 
rOrdie  ,  &  de  le  transférer  à  Maricndal  en  Fran- 
conic.  Il  ne  leur  rtAe  de  leur  puifTance  &  de 
.  leurs  richcH'es  qu'un  petit  nombre  de  commun. 
deries  ,  fitucci  en  ditTerentes  provioccst  La  ntu- 
quc  de  i'Crdrc  cil  U  uoix  noire  fur  i'iubit 
blaacr 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    C^ 

L'Efp3gne  prodaifit  auîîî ,  vers  le  tems  de  la 
fondation  des  Templiers  ,  diîtsrens  Ordres  quj 
fe  figoalérent  par  leur  piété  &  leur  valeur  ;  mais 
on  ne  s'attend  point  à  trouver  dans  un  tableau 
raccourci  ,  tel  que  celui-ci ,  tous  les  objets  qui 
nous  occuperoient  dans  une  Hiftoire  détaillée. 

Ecrivains  célèbres» 

Les  Croifades  ,  en  ranimant  le  goût  pour  leî 
voyages  lointains  5c  les  occupations  guerrières, 
ne  furent  pas  fort  favorables  à  la  culture  des 
kttrcs  :  cependant  ce  fiecle  fut  plus  fécond  en 
bons  Auteurs  que  le  précédent. 

Le  nom  de  Bernard ,  le  dernier  des  Pères  ,  doit 
être  à  la  tète  de  ces  Ecrivains  :  nous  avons  déjà 
parlé  de  lui,  &  nojs  ne  le  rappelions  a  la  mé- 
moire de  nos  lecteurs  ,  que  pour  payer  à  la  va- 
riété de  Tes  talens  le  tribut  d'éloges  qu'ils  méri- 
tent.Son  el'prit  étolt,  à  quelques  égards  .fupérieur  à 
fon  fiécle.  II  entrevit  les  défauts  de  la  dia^efVique 
qu'on  enfcignoit  a!ors,  &  il  méprifa  cet  art  fri- 
vole,  jufqu'à  fe  vanter  de  n'y  rien  comprendre. 

Pierre  Lombard ,  cvèque  de  Paris  ,  fut  farnom- 
nié  le  Maître  des  Sfntences,  à  caufe  d'un  Abrégé 
de  théologie  ,  long-tems  expliqué  &  commenté, 
qu'il  intitula  :  t£i  5£jv  r  £  Arc£  a.  Ce  livre  utile 
répondoit  a  toutes  les  queftions  qu'on  sgiroir. 
L'auteur  adopta  la  méthode  d'//^j//jri  ,  fon  maî- 
tre ;  mais  il  fo  garantit  de  Tes  erreurs.  En  fe  fer- 
yjnc  de  la  dialci^iquç  d'Ar*/fo:e,  il  fc  fit  une  loi 


66  E   L   E   M    E   N    s 

de  confirmer  Tes  Tenciracns  par  les  dccifîons  des 
Pcrcs  lie  I  Eijlirc.  Pierre  Lombard  moumt  ea  1164^ 
avec  la  gloire  d'avoir  vu  (es  Semences  reçue» 
dans  les  Ecoles  de  théologie  ,  comme  le  princi- 
pal li\re  clairque.  On  ne  pouvoii  pas  palTer 
pour  théologien ,  fi  on  ne  l'avott  étudié.  Une 
foule  de  Commentateurs  s'empreHerent  de  l 'expli- 
quer ,  &  le  livre  du  Maître  du  Seiuicts  qui  paf- 
foit  pour  cUif  ,  devint  qtielquefoit  obfcur  ,  par 
les  notes  &  les  qucftioni  fubtiles  Se  nouvelles 
dont  on  le  chargea. 

Hugues  de  St  •  Viclor  ,  ainfi  appelle  parce  qu'il 
étoit  chanoine  de  cette  Abbaye  à  Paris  ,  fut  l'or* 
aement  de  fou  Ordre  par  fes  Ouvrages  thcolo- 
giqucs.  Il  mourut  en  1173. 

La  compilation  du  Droit  cinonique  ,  que  le 
moine  Gratitn  nous  a  laiiTcc  ,  a  coarervé  Ton  nom 
à  la  poftcriié-,  mais  ce  nom  fcroit  plus  relpeclé, 
fi  celui  qui  le  portoic  àvoit  eu  plus  de  critique  SE 
de  lumières. 

Richard    de  5t  -  l'icijr  &    r:e"t    de   Plois  s'il. 

luArtrent  par  leur  goût  pour  la  morale  fie  la  pictc. 

Sigtbtri  de  Gcmblours  ,  Ottcn  de  Frifingue  ,  8c 

CuiUaiitne  de  Tyr ,  furent  les  hiAoriens   les  plut 

fupporublcs  de  ces  tems  grofiiers. 

Htpolre  /Abail.-ird. 

Le  défaut  des  théologiens  de  ce  fiécle  éroit  t% 
courir  après  les  fobiiliiés  ,  comme  on  court 
aujourd'hui  après  l'crprit.  C'c/1  ce  qu'oa  rcaurque 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    C7 

rfans  les  écrits  de  Gilbert  de  la  Porréc ,  dont  les 
erreurs  fur  la  Trinité  furent  condamnées  •,  &  fur- 
tout  dans  ceux  à'AkaUard  ,  homme  ccicbre  par 
fes  talens  ,  fes  malheurs  fie  fes  défordres.  Il  étoit 
Breton.  Son  amour  pour  Héioife  ,  nièce  d'un 
Chanoine  de  Paris  ,  remplit  fa  vie  d'amertume. 
Ayant  féduit  cette  fille  ,  dont  il  eut  un  enfant , 
Jes  parens  à' Héioife  s'en  vengèrent  par  un  traite- 
ment honteux.  Cet  opprobre  le  força  à  prendre 
Ihabit  de  Bénédictin  dans  l'abbaye  de  Si-Denyt  ; 
&  il  engagea  en  même  tems  Hcloïfe  à  fe  faire 
rcligieufe  dans  le  monaftére  d'Argenteuil.  «  ALi 
foibUffe ,  (  dit'il  dans  une  de  fes  Lettres  rappor- 
tée par  l'Abbé  de  Choifi  ,  )  me  rendit  jaloux,  &  tous 
les  hommes  devinrent  mes  rivaux.  Je  la  donnais  k 
Dieu,  mais  ce  n'était  pas  de  bon  coeur.  Je  letenoit 
tnon  prifent  autant  que  je  le  pouvais  ,  &  ne  le  laif- 
foii  échapper  tjue  par  U  dtjir   de  Coter   aux  autres,  h 

La  réputation  d'Ahailard  attira  pluri«urs  àt 
(eî  difciples  a  St-Denys.  Mais  l'Abbe  ,  las  peut- 
être  de  fes  exhortarions  fur  la  régularité  ,  l'en- 
voya au  prieuré  de  Deuil  en  Champagne  où  il 
ouvrit  une  Ecole  célèbre.  Il  fut  pourvu  enfuice 
de  l'abbaye  de  St-Gi/das  de  Ruys  en  Bretagne  , 
&  n'y  trouva  que  de  l'opponr  on  de  la  part  de 
fes  Religieux.  Je  voudrois  ,  (  dit-il  dans  une  de 
fes  Lettres  ,  )  que  vous  ^iffiei  ""^  "ii'/o"  ;  vous  ne 
la  prendriez  jamais  pour  une  Ahhaye,  Les  portes  ne 
font  omets  que  de  pieds  de  biches  ,  de  fangliers  ,  de 
hiboux.  Met  Mmuiu  n'unt  d'autrt  fgnalpour  f*  ré-^ 


6S  E  L  £  M  e'n~s 

9cuUr  ft*  te  bruit  des  cors  &  des  chiens.  Ils  ^afftl^ 
tes  jours  à  Ia  chjffc  :  6-  r.ui  à  Dieu  que  leurs  pljti' 
firs  y  JuJftHt  bo'nés 

Ccpcndanc  les  Icçcns  qu  il  avoit  dictées  ,  les 
écrits  qu'il  avoit  publics ,  taifoient  beaucoup  dt 
bruit.  La  Tubtilité  de  fon  efprit  l'ayant  jette  dan* 
des  erreurs  fur  la  Trinité,  fur  le  libre>arbitre  , 
fur  l'incarnaiion  &  la  latistaclion  de  J.  C.  ,  &c. 
S.  Bernard ,  fen  rival  en  efprit  &  en  éloquence  , 
&  l'on  Cupjticur  en  piété  St  en  doûrinc  ,•  dé- 
nonça l'es  lentimcn»  au  Concile  de  Sens  teiuem 
X140.  Ahailard  y  fut  condamné  ,  âc  en  appella  as 
Pape  ,  qui  profcrivit  fes  fentimens  comme  héréti- 
ques, &  lui  ordonna  un  lîlencc  éternel.  11  publia 
cependant  une  Apologie  ,  dans  laquelle  il  fit  unt 
confeHion  de  foi  très  orihodoxe  ;  &  après  avoir 
■vécu  encore  dix  ans  dans  la  retraite  &  dans  les 
larmes ,  il  (îoit  fa  vie  dans  un  monallcre  de  Cluai 
en  II4Z ,  à  63  ans. 

Ce  docteur  lut  un  des  premiers  qui  préférè- 
rent de  vaines  chicines  He  piiilo'uphic  à  l'auto- 
rité rerpcdable  des  l'cre»  de  rbi.hle  ,  &  qui  iiw 
troduifircnt  dans  les  Ecoles  cet  amas  de  quenioo» 
fubiilcs  ,  dont  les  honrimes  éclaires  du  xvil*  H. 
du  xviit'  litcles  les  ont  purgces.  Arnaud  d« 
Breiïc  fut  un  des  difciples  d'AhaHard  ,  &  il  alla 
beaucoup  plus  loin  que  fon  inairrc. 

Pierre  le  f'enérjhJe ,  ahhc  de  Cluni  ,  cnroya  U 
corps  à' Ahailjrd  i  HéLij'e  ,  pour  être  enterré  dant 
le  mondUctc  du  Paraclct,  dont   elle  eioit  »bbcfli^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     69 

'Alaiîard  le  lui  avoir  promis  de  fon  vivant  , 
afin  qnHcLije  &.  fes  Religieufes  fe  ctuflent  plus 
obligées ,  en  recevant  fes  cendres  ,  à  prier  pour 
le  repos  de  fon  ame.  u  Alors  ,  (  diloit-il  a  Hî- 
l<.ifc  dans  une  de  fes  Lettres  ,  )'»vous  me  ver- 
»  rez  ,  non  pour  vous  demander  des  larmes  -,  il 
»  n'en  fera  plus  teras.  Verfez-en  aujourd  hui 
H  pour  éteindre  des  feux  criminels.  Vous  me 
»  verrez  alors  pour  fortifier  votre  piété  par  l'hor- 
V  reur  d'un  cadavre  ;  &  ma  mort ,  plus  éloquente 
n  que  moi  ,  vous  dira  ce  qu'on  aime  quand  oa 
u  aime  un  homme.  •» 

Différends  de   S.  Thomas  de    Cantorberl 
avec  Henri  II. 

C'eft  par  l'hiftoire  des  démêlés  de  Thcmas  Bee- 
f'jct  avec  Henri  II ,  roi  d'Angleterre  ,  que  nous  teri- 
minerons  celle  de  ce  fiécle.  Ce  Prélat  ,  fils  d'un 
bourgeois  de  Londres  ,  avoir  d'abord  été  avo« 
cat.  Son  éloquence  lui  mérita  la  place  de  Chan» 
celter  en  1158,  &  fes  fervices  dans  cette  place 
le  firent  -  élever  fur  le  fiége  de  Cantorberi 
fur  lequel  il  ne  vouloir  pas  monter ,  parce  qu'^/i 
Archevêque  ,  difoit  -  il  ,  voit  autrement  Us  affaires  de 
rEg.'i/e  qu'un  Chancelier. 

Dès  qu'il  fut  élu  ,  il  fit  de  férieufes  réflexions 
ilir  la  faintcté  de  l'état  auquel  il  s'engageoit  ;  & 
en  allant  de  Londres  à  Cantorberi  pour  fon  facre, 
il  avoir  dit  à  Hébert ,  un  de  fes  clercs, &  homme 
^'un  grand  mérite;  «  Je  veux  que  vous  rac  rapr 


70  E   L   E    M   E   N   s 

r>  portiez  déformais  tout  ce  qu'on  dira  dft  moîî 
»»  car  il  m'drrivra  comme  aux  autres  ,  princ!pa- 
it  lement  aux  Grinds  ,  dont  on  dit  bien  des  cho> 
>»  les  qui  ne  viennent  pas  a  leur  connoinance. 
»♦  AvcrtilTez  •  moi  autH  des  fautes  que  vous  me 
M  verrez  faire ,  puifque  quatre  yeux  voient  plas 
M  que  deux.  »  Quand  il  eut  reçu  l'ondlion  fa- 
crée  ,  il  devint  un  autre  homme:  il  ne  vécut  plus 
que  pour  Dieu  ,  Se  commença  par  fe  revêtir  de 
l'habit  monaftiquc,  avec  un  rude  cilice;  ma:?  par" 
defTus  il  portoit  un  habit  convenable  à  (a  dignité* 
La  féconde  année  de  fon  cpifcopat  ,  il  partir 
exprès  d'Angleterre  pour  venir  au  Concile  que 
le  pape  Alexandre  III  tenoit  à  Tours.  Comme 
Thomas  étoit  dans  fa  plus  grande  faveur  ,  il  fut 
reçu  en  Normandie  &  par-tout  où  il  pafTa  ,  com- 
me û  c'eut  été  le  Roi  lui-même.  Quand  i!  arriva 
â  Tours,  les  Evêques  allèrent  au-devant  de  lui-, 
8t,  contre  la  coutume  de  l'Eglife  Romaine,  tous 
les  Cardinaux  s'avanccrcnt  affez-loin  hors  de  II 
ville  pour  le  recevoir  ,  &  il  n'y  en  eut  que  deux 
^ui  demeurèrent  auprès  du  Pipe.  Ahrandrt ,  qui 
fur  fa  réputation  defiroit  de  le  voir  depuis  long» 
tems  ,  le  reçut  avec  beaucoup  d'amitié.  11  repafia 
en  Ang'cterre ,  où  il  fut  reçu  par  le  Roi  comme  un 
père  par  fon  fils. 

Htnri  II  croyoit  avoir  cho'fi  un  Prélat  entic* 
rement  devrai. c  n  fcs  intérêts  ;  mais  il  fut  bien- 
tôt détronipc  :  rAomjtne  tarda  pas  de  faire-écUter 
U  krraeié  qui  formott  fon  caraôcic,  L/n  prêtre 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    71 

acciifô  d'homicide  ayant  été   pris  ,  fut  envoyé  à 
l'Evèque  de  Sarls'oeri,  fon  diocéfain,  à  caufe  du 
-privilège  clérical.  La  preuve  ne  fe   trouvant  pas 
complette  ,   l'Evêque  lui    ordonna   la    purgation 
canonique  ;  &   comme  il    ne    put  y   fatisfaire   , 
l'Evcque  confulta    l'Archevêque    de   Cantorberi  , 
qui  condamna  le  prêtre  à  être  privé  de  tout  bé- 
néfice ,dcpofé,  &  mis. dans  un  Monaftére  pour 
faire  pénitence   perpétuelle.   Vers   le  même-tems, 
un  Chanoine  de  Bc-dford  dit  des  injures  aux  offi- 
ciers du  Roi ,  qui  en  fut  extrêmement  irrité  csn- 
tre  tout  le  Clergé.  La  plainte  en    étant    portée 
à  rArchevèquc  ,  il  le  fit-fuftiger  publiquement, 
fc  le    fufpendit   de    fes   fondions    pendant  quel- 
ques années.  Le  Roi  ne  fut  pas  encore  fatisf.iit  ; 
&  ayant  affemblé  à  Londres  l'Archevêque   &  les 
Evcques  ,   il  leur  repréfent.i  que,  pour  réprimer 
les   crimes/,  il  croit   néccffaire    que    les  clercs  , 
après   avoir  été   dépofcs  ,  fulTent  livrés   au    bras 
féculier  :  les  Evoques   foutenoicnt  au   contraire  , 
que    les  Canons  &  la  liberté  eccleHaflique  ne  le 
permettoient  pas. 

Le  Roi  ,peu  favorable  à  leurs  prétentions  ,  pro- 
pofa  cinq  articles  pour  mettre  des  barrières  à  la  puif- 
fance  eccléfiaftique.  L'Archevêque  de  Cantorberi, 
qui  les  avoir  d'abord  fignés  avec  plufieurs  autres 
Prélats  ,  s'y  oppofa  enfuite  fortement  ,  à  la  prière 
du  Pape.  Il  fut  obligé  de  pafTer  en  France  ,  où 
le  roi  Louis  le  jeune  lui  donna  un  afyle.  Ce  princs 
tâcha  de  le  récoacilicr  avec  fon  Souverain  >  l'i 


72  E   L    E   M    E    N    * 

y  rcuflît  avec  beaucoup  de  peine  ,  &  le  prélat 
rcpaffa  en  Angle;crrc.  On  voiUut  l'obliger  alors 
d'abfoudrc  tcus  les  Evcques  qu'il  avoir  interdits 
ou  excommunias  :  toujours  anime  du  mcmeztle, 
il  refufa  t'ormellement  de  lever  l'interdit.  Les  Pré- 
lats excommuniés  portèrent  leur  plainte  à  Ihnri  II, 
qui  étoic  alors  en  Normandie.  Ce  prince  eut  l'im- 
piudcnce  de  dire:  Il  tjl  bien  malheureux  que^parm^ 
tant  de  ftrv'utuTs  que  je  nourris  ,  il  ne  s'en  trouve 
mucun  qui  me  JJfjJfe  d*un  prêtre  qui  me  dvnne  plus  de 
feine  que  lius  m:i  autres  fujcts  ! 

Ces  paroles  ,plus  qu'indifcrettcs ,  furent  un  or- 
dre pour  quatre  ofàcicrs  du  Roi  qui  les  entenii- 
tent.  Ils  Te  rendent  à  Cantotbcri  ,  préfentent  à 
Thomas  un  ordre  du  Roi  o'jbfoudre  les  Evêques 
excommunies-,  Se  fur  fon  refus,  ils  le  m^.lTjcrcJ 
rent  vêts  la  fin  de  1170.  Trois  ans  après  il  fut 
mis  au  catalogue  des  Saints  ,  comme  un  Martyr 
des  immunités  ecckfiaftiques ,  f>i  comme  un  Evo- 
que également  recommandable  par  fon  zèle  &  par 
la  charité.  Chaque  jour  ,  après  qu'il  avoit  dit 
Matines  de  très -grand  matin  ,  on  faifuit  -  entrer 
treize  pauvres  à  qui  il  lavoit  les  pieds  \  il  leur 
fervoit  à  manger  ,  6c  donnoit  à  chacun  quatre 
pièces  d'argent:  il  faifoit  cette  a^ion  tics-fccret- 
tcment.  Le  jour  étant  venu  ,  on  faifoit  -  entrer 
douze  autres  pauvres  ,  à  qui  fon  Aumônier  lavotc 
les  pieds  &  donnoit  à  manger.  Enfin  a  l'heure  de 
Tierce,  deux  Aumôniers  fcrvoient  encore  cent 
pauvies.  Cci  trois  auu.ôr.cs   fe  f^iiVicnt  tous  les 

Diatiiis 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique    f^ 

matins  -,  mais  le  faint  Archevêque  en  faifoit  un 
grand  nombre  d'autres.  Le  Pape  ayant  appris  la 
mort  d'un  prélac  qu'il  regardoit  comme  un  Saint, 
excommunia  Ces  meurtriers.  Ils  furent  obligés 
d'aller  à  Rome  pour  Ce  faire-abfoudre.  L'un  d'eux 
périt  malheureufement  à  Cofenza  ;  &  les  trois  au- 
tres pafférent  le  refte  de  leur  vie  à  Jérufalem  ; 
où  ils  tâchèrent  d'expier  leur  crime  par  la  pé- 
nitence &  les  mortifications.  Henri  II  n'obtint 
fon  abfolution  qu'à  condition  qa'il  ne  s'oppofe- 
toit  point  aux  appels  au  faint-fiége  ;  qu'il  rap- 
pelleroit  tous  les  pariiians  de  TÂrchevêque  ds 
Cantorbcri ,  qui  avoient  été  exilés  ;  qu'il  aboliroit 
les  loix  préjudiciables  aux  intérêts  de  l'Eglife , 
&  qu'il  feroit  la  guerre  aux  Infidèles  de  la  Pa- 
leAine  pendant  trois  ans. 

Plufieurs  Hiftoricns  modernes  ont  fait  un  por- 
trait odieux  de  S.  Thomas   de  Cantorberi  ,  &  fe 
font  élevés  avec  un  enthoufiafme  emporté  con-. 
trc  fes  prétentions.  Ce  n'eft  pas  à  nous  d'exami- 
rer  fi  elles  croient  fondées  ,  &  fi  ce  prélat  ,  ainfl 
que  plufieurs  Pontifes  Romains  ,  ne  paffa  pas  les 
bornei    de    fon    pouvoir.  Mais ,  en  étendant   ce 
pouvoir  dans  un  fiéde  de  barbarie  &  de  défor- 
dre  ,  où   la  Religion  feule  pouvoic  être  un  frein; 
ils  rendirent  peut-être  fervice  à  l'humanité.  Les 
Fapes  &  les  Evêques  faifoient  parler  fa  voix  en 
'   faveur  des  peuples  opprimes.  Sans  eux  toute  idcc 
'   de  juftice  8t  de  morale  fe  feroit    évanouie  dans 
1  Occident,  La  pureté  des  motifs  qui  anima  quel, 
Jcm.  Il,  D 


^A  C    L    E    Nî    r    N   S 

^e$  Pontife?  ,  tels  que  Gr^o/V*  VU  &  S.  7\>-i 
mas  ,  ne  leur  penrit  point  de  pcnfcr  que  le  Cliicf 
vifible  de  l'E^Iifc  Jx  les  autres  Pafteurs  purent 
•bufer  du  pouvoir  irnnienfe  dont  ils  jettoient  le 
/ondcmcnt  \  ils  ne  vircct  d<.iiS  cette  puiiTance 
qu'un  rerocde  aux  malheurs  &  aujc  vices  qui  de» 
foloient  l'Europe:  dc'potifine  dans  les  princes  , 
bafTcfTe  Se  corruption  dans  les  fujets.  CcA  ainli 
qu'on  peut  ,  par  leurs  inotit's  ,  cxcufer  à  quel* 
ques  égards  ,  des  prétentions  2c  des  ii'ous  qu'on  ce 
poiirroit  autrement  juftifier. 

De  5.  Hugues , £\/^wf  i/i   Urxoîn. 

Un  Pri^lat  d'Angleterre,  qui,  avec  mo'.ns  deri» 
putatlon  que  S.  Thomas  de  Cantorberi ,  n'en  eut 
pas  moins  de  vertus,  fut  Hugues  évoque  de  Lin- 
coln. Il  étoit  ne  en  Bourgogne  ,  Se  avoit  d'abord 
été  Chartreux.  Appelle  en  Ang'eierre  pour  diri- 
ger une  maifon  de  fon  ordre  ,  il  fut  clévo  bien- 
tôt-après fur  le  fiége  de  Lincoln ,  8c  fe  rendit  re- 
coinmandable  par  fon  attacheroeat  inviolable  à  la 
junice  ,  par  fon  zclc  pour  la  difcnfe  des  foililc» 
&  des  opprinics ,  &  par  l'inircpiJité  avec  la({iiei:e 
âl  rcfiHoit  aux  Pu-fTences  .quind  elles  cxigeoient 
de  lui  qu;lque  chofc  d'injulle. 

Un  jour  qu'il  avoit  parlé  avec  beaucoup  de 
fermeté  en  préfence  du  roi  Richard,  ce  prince  Ce 
tournant  vers  fcs  officiers  ,  dit  :  Si  tous  Ui  Eri" 
qutt  Ttiïtm^l  icnt  a  cJui-ei ,  Ht  fcroitnt'Utmhl^r  lt$ 
fit/it  &  Us  Seigneurs  ,&  fi'lnnc  /l'jj/u.i  ja.ji  ro«- 
iJf  fur  tuxt 


T)E  l'Histoire  Ecclésiastique.    75 

Le  faint  Lvêque  défendit  exprcffément  aux  prê- 
tres d'exiger  des  amendes  pécuniaires.  Vous  nigll-> 
g<r^  ,   leur   difoit-il  ,  de  icur  falrcaccomplir  les    pi- 
littncis  vraiemtnt  méàicinales  &  fatisfacloires  ,  &  rcu» 
nave\  fcln  j:/e   de   leur  fiiire-payct  les  fcmtJics  ijuih 
ont  promlj'es.  Ils  lui   dirent  que  S.  Thomas  de  Carx- 
torheri  avoic    aufli    in^pofé   des    air.cndes    pécu- 
niaires.   Croy-i-moi ^  repondit    S.  Hugues,  ce  n*ejf 
fi^lnt    ce  qui   C a  rendu   Saint.    11  abolit   auiTl    tou- 
tes les   exaûiuns  que  fes    prédéccffeurs    avoienc 
introduites  fous  de  fpccieux   prétextes. 

En  failant  fa  vifite  dans  les  maifons  relîgieufes 
de  fon  dic'cèfe  ,  il  vint  à  une  Abbaye  de  filles  , 
/5i  ent:a  dans  l'ii^^'ife  pour  faire  fa  prière.  Voyant 
au  milieu  du  chœur  devant  l'autel  un  tombeau 
élevé  ,  &  couvert  d'étoffes  de  foie  ,  &  entouré 
de  lampes  &  de  cierges,  il  demanda  ce  quec'é- 
toit  ?  On  1-ui  dît  que  c'étoit  la  tombe  de  la  h- 
meufe  Rofcmonde  ,  qui  avoir  eu  une  liaifon  cri- 
minelle avec  le  roi  Henri  II  ,  &  que  ce  prince 
avoir  fait  à  caufe  d'elle  de  grands  biens  à  l'Egiife 
Il  répondit  -.Cctoie  une  pro/l:tuce  ^  vtei-la  d'ici  ^  & 
J\ntirrei  h'frs  de  l'Egli/e;de  peur  que  la  Kc/i<-ian 
Chrétienne  ne  devienne  un  objet  de  mépris  ;  6-  afin 
que  les  autres  femmes  apprennent  par  cet  exemple  à 
avoir  horreur  de  la  débauche  &  de  l'adultère.  Et  fan 
ordre  fut  exécuté.  Le  faint  Evèque  mourut  à 
Londres  l'an  i2co  ,  ûgé  defoixante  ans. 

ih. 

DU 


t<y>v  v;î^"  vy^o  ^^  5  ^j^^fj,t/;jrv>U';p»j  U'^çvj 

É  L  É  M  E  N  s 

D  E 

VHISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE, 

TREIZIÈME    SIÈCLE. 
4. ■» 

KouvcUc   CrolfjJe  ;  Empire    des  Latins 
à  ConJIanilnopU. 

JLiES  mauvais  fuccès  des  premières  Croifades  n'a- 
voient  point  ralenti  le  zèle  des  Princes  Chrétiens 
jour  ces  guerres  facrées.  Une  nouvelle  artnée  de 
François  prie  la  route  de  la  Palellinc  ,  au  corn» 
mencement  de  ce  ficcle ,  fous  la  conduite  du  va* 
leurcux  £juiout/i ,  comte  de  Flandres.  Les  Vcoi- 
tiens  fournirent  les  vailTeaur  ncceflaires  pour  le 
trajet  de  ces  troupes ,  compdfces  de  quatre  mille 
chevaliers,  de  neat  raille  ccuyers,  &  de  vingt  mille 
homraes-de-pied.  Mais  Venife  ne  fe  chargea  des 
frais  de  ce  voyage  ,  qu'à  condition  que  BauJ.u!/! 
^eniploieroit  d'abord  fc  s  torccs  pour  fe  rendre  maî- 
tre de  Zara  en  Dalmatif  ,  au  profit  4e  (la  répu- 
blique. 


Elemen's  de  l'Hist.  Êcclés.     77 

Après  que  l'armée  Croifée  eut  fait  cette  con- 
qucre  ,  elle  fit  voile  vers  Con^lantinople  ,  où  rc- 
gnoit  alors  Alexis  ,  fils  à'ifiac  Cvmr.cne  ,  ufurpa- 
teur  de  la  couronne  impériale  fur  fon  frère  Ifaac 
lange.  A  l'approche  des  Croifés  ,  l'ufurpateur  s'en- 
fuit; le  jeune  Alexis  fils  d'// jjc  ■L::ngi  ^  cft  recon- 
nu Empereur,  &  cnfuite  étranglé  par  un  de  fes 
parens  ,  nommé  MarJ^JIos  ou  Mur-yu/îe  :  l'armée  de 
Ljudculnenuc  en  1204  dans  CoriTtantinople  ,  & 
s'abandonne  ,  dans  les  Eglifes  ,  d^ns  les  palais  , 
dans  Icj  malfons ,  aux  derniers  excès  de  cruôutc 
6c  d'avarice.  Baudcuin  eft  élu  Empereur,  6c  le  per- 
fide Marfiflos  précipité  du  haut  d'une  colonne. 

Les  Latins  ne  pouvoient  choifir  uo  Prince  plus 
digne  de  la  couronne  que  Baud.um  ."doux,  affable, 
religieux  ,  aimant  la  juilice  ,  &  faifant-régncr  la 
vertu  pas  fon  exemple.  Comme  il  n'avoit  alors 
que  trente  -  trois  ans  ,  il  étoit  en  état  d'affermir 
l'Empire  des  Latins  dans  l'Orient  :  mais  ayant  mar- 
ché vers  Andrinople  pour  en  faire  le  llége  ,  il  fut 
vaincu  &  mis-à-mort  par  les  Bulgares  en  lacS, 
Quatre  Empereurs  François  régnèrent  après  lui 
jufqu'en  iz6i  ,  que  5ao</o^i/i  //fut  dépoffédé  par 
Michel  Paléologue,  Ainfi  l'Empire  des  Latins  à  Coa> 
ftantinople  fubfirta  à  peine  5 S  ans.  Les  Grecs, 
dcja  indifpofcs  contre  les  Latins, conçurent,  de- 
puis les  barbaries  commifes  dans  la  ville  impé-, 
riale  ,  une  haine  implacable,  le  plus  grand  obAa- 
tle  à  leur  réunion  a  lE^ufe  Latin;;. 

Diij 


7?  E   L   E    M   E   X   $ 

Nouveau  Rel  de  JénifiUm  ;  prife  de  Da,tùetfei 

Cependant  quelques  Seigneurs  qui  n'avolent  pas 
voulu  fc  fixer  à  Conftantinople ,  paliércnt  en  Sy- 
rie  avec  les  dcbris  de  l'armée  Croifcc.  Saphadin  , 
frère   de    Saladln  ,  maître  de  Jcrufalem  depuis  la 
mort  d'Emcri   de    Lujl^nan  ,  arrivée  l'an   lacj  ,  en 
avoit  démoli  les   murailles.  Ce  n'étoit  plus  qu'un 
bourg  fans  det'cnre.  Il  ne  refloit  aux  Croifés  ,  dans 
la  Pdlcftine,  que  Prolcmaide  ou  St-Jean    d'Acre. 
L'Evêque  de  cette  ville  ayant  demande   un  Roi 
de  Jcrufalem  à  Philippe-Augujie  ,  roi  de  France , 
ce  prince   lui   nomma  un  cadet    de  la  maifon  d« 
Br'unne  en  Champagne.  C'cioit  un    homme    p'.cn 
de  feu  &  de  courage.  Par  le  fecours    de  fes  amis 
&  p3r  les  exhortations  du  Pape ,  il  trouva  le  moyen 
de  former  une   armée  de  près  de  cent  mille  com- 
battans. 

Au  lieu  de  mardier  contre  Jcruralem  ,  ils  con- 
duifcnt  leurs  vaifTeaux  vers  l'Egypte  ,  af.îcgent 
Damictie  &  la  prennent  après  deux  ans  de  (îc- 
ge.  On  ne  garda  pas  loo^-tems  cette  place.  L'ar. 
mce  Chrétienne  t'ctant  engagée  imprudemment  en- 
tre deux  bras  du  Nil,  dans  le  tems  de  l 'inonda- 
tion de  ce  fleuve  ,  elle  fat  obligée  de  traiter  aveo 
le  SultJn  dF.gypte  ,  qui  leur  permit  de  fc  reti- 
ftr  en  Palcillne.On  lui  rendit  Damiette  ,  St.  Jn* 
fit  Britftnt  fut  retenu  en  ôr.ige. 

Ce  Prince  ayant   obtenu  fa  liberté  ,  marcha  au 
^cours  de  Cuaftaatinoplc  à  la  tétc   de  quel^utl 


PB  l'Histoire  EccLEsr.VsTiQUE.    7^ 

Chrétiens  croifés.  Le  trône  impcrial  étoit  alors 
vacant  par  la  mort  de  Baudouin  ,  vaincu  dans  I3 
guerre  contre  les  Turcs  ,  coupe  en  pièces  Se  livré 
en  proie  aux  bêtes  féroces.  Brienne  arrive  dan» 
cette  circonftance  ,  6c  le  fcoptre  lui  eft  déféré. 

La  manière  don:  Jc^n  de  Brienne  s'éleva  fucceffi- 
vement  fur  les  deux  premiers  trônes  de  l'Orient  ^ 
montra  quelle  étoit  fa  valeur.  Erard  comte  de  Brien- 
ne ,  fo»  pcre,  le  dellinant  à  l'état  eccTériafii'que , 
l'avoit  envoyé  à  Clarrvaux  ,  d'où  un  de  fes  oncles , 
iauruit  de  fon  dégoût  pour  la  vie  monaftique  ,  le 
tl:i.  11  Ce  dirLint^ua'aier.'.ô:  dans  les  Tournois  ,  quoi- 
qu'il ne  reçut  aucun  fecours  de  fa  famille,  &  qu'il 
nf  fubfiftât  que  par  la  générofué  de  fes  amis.  Sa 
firtiation  rengagea  à  prendre  la  Croix  ,&dès qu'il 
fut  en  Orient ,  il  fe  conduiAt  avec  tant  de  bra- 
voure &  de  fageffe,  que  fes  talens  lui  procurè- 
rent les  fceptres  de  Jérufalem  &  de  Conftantinople, 
Cet  événement  ,  6«:  prefque  tous  ceux  des  Croi- 
fades  ,  feraient  renvoyés  dans  la  cljfle  des  romans, 
ù  on  les  lifuit  dans  les  Hilloricnsde  l'antiquité  i 
ir.ais  ils  font  fi  confiâtes,  que  le  pyrrhonifmele 
plus   hardi  ne  fçauroLt  en  attaquer  la  certitude. 

Cro'ifadc  de  Frédéric  II. 

Jcs*  de  Bricnie  avoit  fait-époufer  fa  fille  &  foft 
héritière  au  royaume  de  Jérufalem  ,  à  Frédéric  II\ 
empereur  d'Allemagne.  Ce  prlr.ce  ,  preffè  par  les 
Papes  de  pafTer  en  PaleCiine  ,  fait  auparavant  u» 
traité  avec  Is  fulcaa  MéUdin  ,  qui  lui  cède  Jèr^-^ 


S9  Elemens 

falem ,  Narareth  ,  &  quelques  autres  places  im- 
portantes. S'étant  ainfi  affuré  des  conquêtes  que 
les  Chrétiens  ambitionnotent  ,  il  arrive  à  Jcrufa- 
lem  ,  s'y  couronne  lui-môme  Roi  du  pays  ,&  re- 
part pour  l'Europe,  fier  de  la  gloire  d'avoir  re« 
pris  les  faints-lieux  fans  avoir  répandu  une  goutte 
de  fang. 

Pomificat  /Innocent  III  ;  IV*   Cotysli 
de  iMran, 

Lei  maux  de  l'EgliCe  ,  la  dépravation  des  ffloruri  ; 
qu'avoient  entrainéi  ces  guerres  lointaine*  ,  affli- 
gcotent  beaucoup  le  pape  Innoctnt  lll.  Elevé  fur 
lefaint-Hége  à  la  fin  du  douzième  fiécle  l'an  ii99t 
il  l'occupa  pendant  les  Teize  premières  années  du 
treizième.  Il  s'appelloit  auparavant  le  Cardinal  £.0- 
(luiire  ,  &  n'avoit  que  trente-fcpt   ans  lorfqu'il  fut 
élu  Pape  :  mais  on  le  chôilît  en    conlidération  de 
fes  bonnes  mœurs  &  de  fcs    talens  ,  &  malgré  ft 
TchOance  &  fes   larmes.   Il  avoir  d'abord  étudie  à 
Paris,  enfuite  à  Bologne,  &  s'ctoit  dininguc  en 
Phiiofophie  &  en  Théologie.    Le  lendemain     de 
fon  facre   il  reçut  le  ferment  de  fidélité   du  Pré- 
fet de  Rome  ,  à  qui  il  donna  par  un  manteau  l'in- 
veftiture  de  fa  charge  :  au  lieu  que  jufque$-lj  le 
Préfet  la  tenoit  de  l'Empereur  ,  &  lui    fâifoit  fcr^ 
ment  de  fidélité. 

Innottni  tâcha  d'abord  de  recouvrer  Ici  do.tiai- 
Bes  que  l'E^lifc  de  Rome  avoit  eus  en  Italie.  & 
^'cn  cluiTcr  ceux  qui  Ici  avoicm  ufurpcs.  11  eor. 


t)E  l'Histoire  Ecclésiastique.  Si 
toya  donc  plufieurs  Nonces  dans  les  provinces, 
&  vUlta  en  pcrfonne  le  duché  de  Spolète  &  I2 
Tofcane.  Il  employa  même  les  armes  contre  quel- 
ques villes  rebelles  :  mais  il  timoignoit  ne  pas  ai- 
mer ces  fortes  d'aiîaires  li  dllTipantes.  Entre  tous 
les  défordres  qui  rcgnolent  alors  à  la  Cour  de  Ro- 
me ,  il  haiffoit  principalement  la  vénalité  :  il  tra- 
vailla à  déraciner  ce  vice  ,  qui  rendoit  depuis 
long  -  tems  cette  cour  ii  odieufe.  Trois  fois  la 
femaine  il  tenolt  le  Confiftoire  public  ,  dont  Tu» 
fa^e  ctolt  prefque  aboli  :  il  y  écoutoit  les  plain» 
tes  de  toutes  les  parties  ,  renvoyoit  à  d'autres  Ju- 
ges les  moindres  affaires ,  6c  examinoit  par  lui- 
même  les  plus  importantes.  Tout  le  monde  adrni* 
roit  la  fageffe  6:  la  pénénation  avec  laquelle  i 
faifoit  cet  examen;  &  les  plus  fçavans  Jurifcon» 
fuites  venoient  à  Rome  feulement  pour  l'enten- 
dre ,  afin  de  Ce  former  dans  fes  Confiûoires.  Dans 
fes  jugemens  il  n'avolt  aucun  égard  aux  perfon- 
lies  ,  &  il  ne  les  prononçoit  qu'après  une  mûre 
délibération.  C'eA  ce  qui  lui  attira  tant  &  de  A 
grandes  caj fes  ,  &  l'on  n'dvoit  rien  vu  à  Rome  do 
femolable   depuis   très.long-tems. 

Son  premier  deffein ,  en  montant  .fur  le  trôné, 
pontifical,  fut  de  faire- affemblcr  un  Concile  gé- 
néral. Il  s'écoula  près  de  feize  ans  fans  qu'il  pùc 
l'accomplir  ,  à  caufe  des  guerres  qui  troubioient 
une  partie  de  l'Europe.  Enfin  il  fut  convoqué  à 
l^one  pour  la  fin   de  l'année  1215. 

Ce  Concile,  Je  IV '   de  Lairan  ,  &  le  XII'  de» 

Dv 


igi  E   L   E   M    E    N~S 

gcncrauT  ,  fe  tint  dans  la  bafiîique  de  Ctnjfjfuirr^ 
11  s'y  trouva  quatre  cents  douze  Evèques  ,  huit 
cents  Abbés  8t  Prieurs  ,  les  Patriarches  Latins  de 
Conftantinople  &  de  Jcrufalem,&  le  Patriarche 
^es  Maronites.  Prcfque  tous  les  Princes  Catho- 
liques y  envoyèrent  leurs  AmbafTadeurs.  Le  Pape 
«n  fit  Touverture  par  un  ferir.on ,  où  il  prit  pour 
fexte  ces  paroles  de  l'Evangile:  J'ai  icfiri  ardcn' 
ment  de  eHèbrcr  cette  PJque  a*ec  vous.  Expliquant 
cnfuite  le  mot  de  Pàque,  qui  fignifie  paffage ,  il 
rn  diftingue  trois  ;  le  paffage  corporel  d'un  lieu 
à  un  autre,  qu'il  applique  au  voyage  de  la  Terre  » 
Sainte:  le  pillage  Tpirituel  d'un  état  à  l'autre  ,  par 
Hi  rcformation  de  l'Eg'.ife  :  le  pslTage  éternel  de 
cette  vie  à  la  gloire  cclcfte.  Ces  trois  paflages 
font  toute  la  maiicrc  de  Ton  dlTcours,  qu'on  ad* 
xnira  dans  le  tems. 

Le  premier  foin  du  Concile  fut  d'établir  Ici 
dogmes  de  la  Foi  contre  les  erreurs  de  Eèrengir 
te  des  Albigeois,  qui  n'étoienr  pas  encore  enné* 
xement  étouffées.  *•  Il  n'y  a  qu'une  Eglifc  univcr» 
»•  ftlle,  (  dit  ce  Concile  ,  )  hors  de  laquelle  pcr» 
M  fonne  n'cft  fauve.  Jesus-Christ  y  eft  Iui-n.£* 
w  me  le  Prctre  &  la  Viélime:  fon  Corps  8t  fon 
r  Sang  font  véritablemem  contenus  au  Sacrement 
M  de  l'autel ,  le  pain  ctont  change  en  la  fubAance 
w  de  fon  corps  &  le  vin  en  celle  de  fon  faog 
«  parla  puifl'jRce  divine  :  Se  ce  Sacrement  ne  peut 
n  ctre  Un  que  par  le  Prctre  ordonne  Icgitime» 
f,  toi^:  j  CA  vfrivi  du  P9UY94  de  lEgUiç  ictÇf^ 


DE  l'Histoire  Eccles'astiqi/e.     8^ 

ik  par  J.  C.  à  fcs  A  poires  &  à  leurs  fuccaffcurs.  «  L« 
tCtmt  de  Ti anjfuhjldiitiation  ,  confacrc  dans  ce  Ca- 
non  ,  a  toujours  été  depuis  employé  par  les  Théa- 
logifns  Cdtho!i'-;iias  ,  pour  fi^nificr  le  changemena 
que  Dieu  opère  au  facremont  de  rEucharifiie  :  com- 
me le  mot  de  C^nfuhfiant'id  tut  confacré  au  Concile 
deNicée,  pour  expiir.er  te  myftcre  de  la  Trinité* 
Mais    l'Eglife  avoit  cru  de   tous  tems  le  change- 
ment de  fubftance  dans  le  Sacrement  d«  l'Eucha» 
rrftie,  quoiqu'elle  ne  fe  Tervit  point  du  terme   de 
Tranjfjbjljniiarwn,  Le  Concile    de  Latran   définit 
encore  contre  les  Albigeois  :  «  Que  C  après  le  Bap» 
»»  t«Tne  quelqulin  tombe  dans  le  péché  ,  il  peuç 
1*  toujours  être  relevé    par  une  vraie  pénitence. 
»>  Non-feuicment   les  Vierges   &i  tous    ceux    qui 
«  girdent  la  continence  ,  mais  encore  les  perfon- 
w  nés  mariées   ,   qui  fe  rendent  agréables  a  Dieu 
»  par  la  foi  &  les  lionnes-  oeuvres,  méritent  d'a- 
M  river  à  la  béatitude  éternelle.  »  Le  Concile  prof- 
crivit  auffi  les  rêveries  d'un  abbé  Jvachim  fur  l'c. 
tat  futur  de  lEglifc,  &  fcs  propofitions  errcnt'c» 
fur  le  myftcre  de  la    Trinité. 

On  fit  cnfuite  divers  rc^Icmens  fur  la  cor.fef- 
fu3n  auricula're  »  fur  h  communion  des  Laïques- 
fous  une  feule  efpicc  ,  fur  l'ufage  de  garder  l« 
Saint-Sactemcnt  dans  les  Egllfes.  On  y  promulgua 
le  célèbre  Canon  qui  ordonne  à  tous  les  Fidèle* 
de  l'un  &:  de  l'autre  fexe  ,  de  feconfeiTer  au  moin* 
une  fois  chaque  année  à  fon  propre  Priire ,  &  d» 
iccevoir  la  communion  Paftliale,  On  défendit  déj 

Dvi 


$4  Elembvs 

tablir  de  nouveaux  Ordres  religieux.  On  doana  lé 
moyen  de  réformer  les  anciens  ,  ou  de  les  con- 
ferver  dans  la  régularité.  Entin  on  fit  divers  dé- 
crets, qui  ont  fervi  de  fondement  à  la  difcipline 
obfervée  depuis  ,  &c  d'autorité  aux  Canonises. 

Innocent  III  ne  put  voir  les  effets  du  zèle  qu'il 
avoir  montre  dans  cette  célèbre  alTemblée.  Il  mou- 
rut en  1 1 1 6  ,  avec  la  réputation  d 'un  Pontife  pieux^ 
modcfte  &  fçavant.  Il  ne  voulut  porat  fe  fervir  de 
vaifTelle  d'argent ,  &  il  vendit  la  ûenne  pour  fou*' 
lager  les  pauvres. 

Diffutes  de  Frédéric  II   avec  Us  Papes, 

Après  Innocent  III,  le  falnt-fiége  fut  occupe 
par  un  Romain  de  lilluftrc  maifon  de  SavclU.  U 
prit  le  nom  d'Honorius  III.  Ce  fut  fous  fon  pon- 
tificat que  s'élevèrent  les  difputes  de  l'empereur 
TriàcTic  avec  les  Papes.  Ces  différends  furent  foi» 
bleS  fous  Honorius  ;  mais  ils  parvinrenrau  com- 
ble fous  fon  fucceffeur  Se  fon  neveu  Grégoire  IX  ^ 
unitateur  cie  fon  zèle  &  de  fa  fermeté.  L'Italie, 
fous  ce  Pontife,  fc  partagea  en  diverfes  fadions 
feus  les  noms  de  Guelfes  &  de  Gibelins  ;  les  pre- 
miers étoient  pour  le  Pape  ,  &  les  autres  pour 
FEmpercur. 

Frédéric  avolt  fait  vœu  d'aller  combattre  les 
Infidèles  ;  Grégoire  IX  le  preffa  d'aller  l'accomplir. 
Ce  Prince  feignit  d'y  aller,  &  s'embarqua;  mat* 
Ai  revint  peu  de  teras  après.  Le  Pape  le  força  par 
$ek  ccnfures  à  correprcadic  ce    voyage.  FriJtne 


DE  l'Histoire  Ecclîsiastique.    Sf 

l'entreprit  ,  &  arriva  heiireufcment   en  Paleftint. 

Ayant  appris  que  le  Sultan  d'Egypte  étoit  campé 
près  de  Gaza  ,  il  lui  envoya  deux  Seigneurs  avec 
des  prcCens  ,  &  lui  fit-dire  que  s'il  vouloit  rendre 
Jérufalem  ,  il  feroit  inutile  de  faire  la  guerre.  Le 
Sultan ,  informé  de  la  divifion  qui  étoit  entre  les 
Chrétiens  ,  lui  répondit  ,  que  les  Mufulmans  ne 
pottvoient  pas  céder  aifément  Jérufalem ,  à  caufe 
du  refpeft  qu'ils  avoient  pour  le  Temple ,  où  ils 
venoient  de  toutes  parts  avec  autant  de  dévotioa 
que  les  Chrétiens  au  Sépulcre  de  Jesus-Christ. 
Ce  que  l'on  appelloit  alors  le  Temple  de  Jcrufa» 
lem,  étoit  la  m  ifquée  bâtie  à  la  même  place  ,  de- 
puis que  le  calife  Omar  eut  pris  cette  ville  en 
636.  Cette  raDfquce  fut  changée  en  Eglife  à  la  con- 
quête de  Gùdcfroi  de  Bouillon  ,  &  l'on  faifoit-croire 
aux  peler  ns  que  c'écoit  le  Temple  de  Salomon  ,  re- 
Iiâti  pir  les  Chrétiens  après  avoir  été  ruiné  par 
ks  Romains.  C'ctoit  l' Eglife  patriarchale  -,  mais  Sa- 
ladin  ayant  pris  Jérufalem  ,  la  rétablit  en  mof-> 
quée. 

Après  une  négociation  très-fecrette  ,  l'Empe- 
reur fit  un  traité  avec  le  Sultan,  Jérufalem  devoit 
i'fre  livrée  à  l'Empereur ,  à  conlition  qu'il  ne  tou- 
cheroit  point  à  l'enceinte  où  étoit  la  mofquée  des 
Mufulmans ,  qui  y  viendroient  librement  faire  leurs 
prières.  Par  ce  traité  le  Sultan  rendoit  aux  Chré- 
tiens Béth  cem,  a  condition  qu'on  n'empêcheroit 
■ucun  Mufulman  d'y  aller  en  pèlerinage.  Le  Pa- 
^uuchc  de  Jwruraica ,  les  Templiers  &  les  Uof-; 


55  E  L   É   M   E   N    5 

pitaliers  ,  ne  voulurent  prendre  aucune  part  a  cà 
traite.  Le  Patriarche  aUa  mtme  jufqu'a  dcfciidrc 
de  célcbrer  l'Ofnce  divin  a  Jérufalem.  Il  reTuf» 
auHj  à  tous  lc$  pcictins  la  permiùion  d*y  entrer  & 
de  vifîier  le  S,  Sépulcre  ,  &  écrivit  deux  lettres 
1res  vives  contre  l'Empereur. 

Ce  prince,  après  avoir  fait  fon  entrée  à  Jéru- 
falem &  avoir  vinté  l'Eglife  du  S.  Sépulcre  ,  fe  hâta 
de  partir  pour  l'Allemagne  ,  fçachant  que  le  Pape 
lui  fjifoit  la  guerre  avec  fuccès.  11  n'éioit  pas  roè> 
ne  en  fureté  en  Palcfline  -,  car  les  Templiers  6c 
les  Hofpitallers  voyant  le  Pape  déclare  û  haute- 
ment contre  lui,  écrivirent  au  Sultan  d'Egypte  , 
que  l'Empereur  avoit  rcfolu  d'aller  à  pied  &  avec 
peu  de  gens  au  fleuve  du  Jourdain  ,  8c  qu'ainfi  le 
Sultan  pourroit  le  prendre  ou  le  tuer.  Le  Sultan 
ayant  reçu  la  lettre  dont  il  connollToit  le  fceau  » 
détsfla  la  perfidie  des  Chréficns  ,  &  particulicre* 
ment  de  ces  Religieux  -,  &  il  envoya  la  lettre  à 
l'Empereur ,  déjà  averti  de  la  trahifon  fans  avoir 
voulu  Ij  croire.  LIIc  fut  la  fource  de  (a  haine  con- 
tre ces  deux  Ordres  militaires.  On  cliar^eoit  p!us 
les  Templiers  de  cette  trahifon  que  les  Hofpitaliers» 

CcpcnJant  une  armée  le. ce  par  le  Pape  , avoit 
conquis  un  grand  nombre  de  places  dans  toutes  les 
provinces  d'Italie  qui  dipendoient  du  royaume 
de  Sicile.  L'Empereur  ,  à  (on  retour ,  recouvra  en 
peu  de  lemt  tout  ce  qu'il  avoit  perdu.  Grégoirt 
IX ,  outré  de  douleur  ,  exécuta  la  menace  qu'il 
Avoit  faixc  ,  àc  dégager  les    fujcts  de  Induit.  Uf 


p"      DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     Sf 

leur  ferment  de  fidélité.  L'Kmpercur  envoya  faire 
au  Pontife  des  propofitlons  de  paix  ,  &  fit-venir 
en  Italie  plufieurs  Seigneurs  d'Allemagne  pour  être 
arbitres  de  fes  différends  avec  le  Pape.  La  paix  fe 
fit  l'an  1230.  L'Empereur  alla  trouver  Grégoire  IX 
à  Anagni.  Lorfqu'il  fut  devant  lui,  il  ôta  fon  man- 
teau ,  fe  mit  à  (ti  pieds ,  &  reçut  le  baifer  de  paix. 
Cet  accommodement  ne  fut  pas  de  longue  durée, 
L'Empereur  s'étant  emparé  de  l'ille  de  Snrdaigne  , 
fief  révélant  du  faint-fiége  ,  Grégoire  s'enpla-gnl: 
inutilement.  Il  l'excommunia  de  nouveau  ,  le  di- 
manche des  Rameaux  de  l'ari  1259  ;  le  dcpofa  de 
la  dignité  impériale  ,  déclara  fes  fujets  abfous  du 
ferment  de  fidélité  qu'ils  lui  avoient  fait ,  &  leur 
défendit  étroitement  de  robfervcr.  L'Empereur 
tranfporté  de  colère ,  écrivit  aux  Romains,  pour 
leur  faire  de  grands  reproches  d'avoir  fouffert  que 
le  Pape  lui  fît  une  telle  injure.  En  même-tem$ 
le  Pape  adrefTa  une  lettre  circulaire  à  tous  les 
Evcques  de  la  Chrétienté,  pour  leur  ordonner  de 
publier ,  tous  les  Dimanches  â:  les  Fêtes  ,  au  fon  des. 
cloches  ,  la  fentence  contre  FEmpereur.  Cette  let- 
.tre  fut  aufiî  envoyée  aux  Rois  ,  aux  ducs  &  aux 
principaux  fcigneurs ,  avec  les  changemens  conve- 
nables félon  la  qualité  des  perfonnes.  Frédéric  ,  ir- 
rité contre  un  Pape  qui  employoit  des  armes  fi 
terribles  ,  entre  en  Italie  avec  une  armée  :  Grl- 
goire  voulut  lui  oppofer  un  Concile  ;  mais  fon  en- 
nemi ferma  tous  les  paffages  ,  &  ceux  qui  fe  bazar» 
^rcat  dç  vouloir  aller  ii  Rome  pour  cette  ailgaix 


%B  Elemens 

blée  eccIciîaAique  ,  furent   cmpriionncs  ou   ma(- 
facrés. 

Grégoire  en  mourut  de  douIîur.Sc  fon  fuccef- 
feur  Ciltjlin  IV  ne  lui  furvccut  que  quinze  jours. 
Enfin  ,  après  deux  ans  de  vacance  ,  on  élut  le 
cardinal  Siniba/de,  des  comtes  de  Ficfquc  ,  qui  prit 
le  nom  d'Innocent  11'.  II  avoit  toujours  vccu  en 
bonne  intelligence  avec  Frcitric  ,  lorfqu'il  étoit  car. 
dinal  -,  on  crut  qu'étant  Pape,  il  termineroit  plus 
facilement  les  difputes  entre  l'empire  8c  le  facer- 
doce.  On  fc  trompa.  Innocent  voulut  que  Frédéric 
fe  juftifiât  des  crimes  qui  avoient  engagé  Grégoire 
IX  à  l'excommunier.  Cette  demande  irrita  l'Empe» 
reur  ;  St  le  Pape  craignant  les  effets  de  (a  ven- 
geance, fe  retira  en  France  ,  où  il  convoqua  un 
Concile-général  en  124^. 

1.  Concile  Général  de  Lyon, 

Lyon  fut  le  lieu  qu'on  choifit  pour  cette  afTetn» 
blée,  à  laquelle  le  Pape  appella  les  Princes  St.  cita 
l'empereur  Frédéric.  On  y  vit  Eaudou'in  eripercur 
de  Conftantinople ,  &  Rtiau^nd  comte  de  Touloufe. 
Les  prélats  ,  qui  croient  environ  cent-quarante  » 
avoient  à  leur  tête  les  patriarches  Latins  de  Conf* 
tantioople,  d'Antioche  ir  d'Aquilée.  L'empereur 
Frédéric  ,  craignant  les  fuijcs  des  décidons  de  cette 
aïïemblée,  y  envoya  un  amballadcur  ,  qui  offrit 
au  Pape,  au  nom  de  foomahre,  de  s'oppofer  aux 
Tartares  ,  aux  Corafmiens  &  aux  autres  ennemis 
lie  IXglifc  ;  nuis  le  f  ooul'c  »  n'ccjutam  que  foa 


D£  l'Histoire  Ecclestast.que.     F9 

rcffentiment ,  prononça  une  fentence  de  dôpofuion 
contre  Frcderie.  ««  Ne  pouvant  plus  ,  (  dit  le  Pape  ) 
5»  fans  nous  rendre  nous  •  mêmes  coupables ,  to- 
»  Icrer  les  iniquités  de  Frcderie ,  nous  fommes  obli- 
»  gés  en  confcience  de  le  punir,  n  II  réduit  enfuite 
les  crimes  de  ce  prince  a  quatre  principaux  ,  qu'il 
foutient  être  de  notoriété  publique  : /^aryure  , /â- 
triligt  ^  hér^/ie,  if.  félonie.  «  Sjr  tous  ces  excès,  (con- 
tinue le  Pape ,  )  <>  &  plusieurs  autres ,  après  en  avoir 
1  mûrement  dcUbtiré  avec  nos  confrères  6c  avec 
w  le  Concile ,  0c  en  vertu  du  pouvoir  de  lier  & 
M  de  délier,  que  Jesus-Christ  nous  a  donné  en 
>»  la  perfonne  de  S.  Pierre  ,  nous  dénonçons  ce 
>»  Prince  privé  de  tout  honneur  &  dignité ,  dont 
>»  il  l'eft  rendu  indigne  par  fes  crimes  ,  &  l'en 
»  privons  par  cette  fe.itence  :  abfolvant  pour  tou» 
»  jours  de  leur  ferment  tous  ceux  qui  lui  ont  juré 
n  fidélité  ,  détendant  expreû'cmcnt  que  perfonne 
T*  déformais  lui  obciii'e  comme  Empereur  ou  com- 
1»  me  Roi ,  ni  le  rej;arde  comme  tel  ;  &  voulant 
n  que  quiconque  à  l'avenir  lui  donnera  aide  ou 
H  confell  en  ce;te  qualité  ,  (bit  excommunié  par 
»»  le  feul  fait.  Au  refte  ,  ceux  que  regarde  l'élec- 
M  tion  de  l'Empereur  ,  lui  éliront  librement  un  fuc> 
»  cefTeur  dans  l'Empire  :  &  quant  au  royaume 
i>  de  Sicile  ,  nous  y  pourvoirons  avec  le  con- 
n  feil  de  nos  frères  ,  aind  que  nous  jugerons  à- 
»  propos.  Donné  à  Lyon  le  dix-feptiéme  de  JuiU 

»  Ut  1 245*  " 
Le  Tape  prononça  cette  fentence  en  préfence  tLs 


5>o  Elément 

C^nci/e,  11131$  non  aiei.  l'apjrobjtior,  eu  Citc'iU  î 
car  il  feroit  injufie  d'attribuer  é  un  fynode  cecu- 
n-.enlquc  une  iclle  enrreprife  fur  l'autorité  tempo- 
relle. 

Frédéric  ayant  appris  la  nouvelle  de  fa  dépofi- 
tion  ,  tâcha  de  fc  rendre  les  Princes  favorables.  U 
kur  écrivit  deux  lettres  pour  les  toucher  fur  fon 
fort.  Dans  la  première  ,  il  les  exhorte  à  profiter 
de  fon   exemple  ,  &  dit  :  «  Que  ne  devez  -  vous 
M  point  craindre  d'un  te!  P^pc ,  chacun  en  parti- 
»•  culicr ,  puifqu'il  entreprend  de  me  dcpofcr  ,  moi 
M  quifu'.s  couronné  Empereur  ce  la  part  de  Dieu 
M  après  l'cleâion  folemnelle  des  Princes  ?  II  n'a 
n  aucun  droit  de  nous  juger  quant  au  temporel  ^ 
f*  en  fuppofant  qu  11  y  evit  des  accufations  grave» 
n  8c  bien  tondces  contre  nous.  Mais   je    ne  fui» 
n  pas  le  premier  que  le  Clergé  a  ainfi  attaqué  en 
n  abufant  de  fa  pjilTance,   &  je  ne  ferai  pas  1* 
»»  dernier.  Vous  en  êtes  vous-mêmes  caufe  ,  en 
r>  vous  foumettant  à  ces  hypocrites  dont  l'ambi- 
M  tien  n'a  point  de  bornes.  Si  vous  vouliez  y  faire 
n  attention,  combica  découvririez  •  vous  dms  U 
M  Cour  de  Rome  d'infamies,  dont   la  pudeur  ne 
t»  permet  pas  de  parler  ?  Ce  font  les  grands  revc- 
n  nus  dort  ils  fe  font  enrichis  aux  dépens  de  plu- 
H  ficurs  Royaumes,  qui  les  rendent  infcnfcs.  Quell: 
m  reconnoiiTance  vous  tcmoignent-ils  pour  les  di- 
X  mes  8c  les  aumônes  dont  vous  les  nourrifTet  * 
»»  Ne  croyez  pas  que  la  fciuencc  du    Pape   m'ai» 
p  abattu.  La  purctc  de  ma  confcicacc  ,  doiu  Du  u 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    91 

11  itJ'eft  tcmoin  ,  m'.;ffure  qu'il  eft  avec  moi.  Mon 
»»  intention  a  toujours  ctc  de  réduire  les  Ecclc- 
»  fiaftiques ,  fur-tout  les  plus  grands,  à  l'état  où 
M  ils  étoient  dans  la  primitive  Eglife  ,  menant 
>»  une  vie  apoftolique  ,  &  imitant  Thumilité  de 
)»  Notre  -  Seigneur.  Ils  guériffoicnt  les  malades  , 
«  reirufcitoient  les  morts ,  &  foumettoient  les  Rois 
»  8c  les  Princes  ,  non  par  les  armes  ,  mais  par  leur 
■»  vertu.  Ceux-ci ,  livrés  au  ficde  ,  enivrés  de  di- 
>>  lices  ,  n'ont  aucune  crainte  de  Dieu.  Leurs 
»  grandes  richeffes  leur  otent  toute  religion.  11 
••  faut  donc  leur  ôter  ces  ricliefl'es ,  qui  leur  font 
>i  fi  pernicieufes  :  c'cft  à  quoi  vous  devez  travail- 
n  1er  avec  moi.  n 

Cette  lettre  emportée  ne  fervlt  qu'à  rendre  Frd" 
deric  odieux ,  parce  qu'il  paxoiû'oit  vouloir  dimi» 
Buer  la  liberté  Se  la  dign'.ré  del'Eglife,  que  l'on 
croyoit  alors  inféparables  des  richciTes  &  de  la 
grandeur  temporelle.  Le  décret  A' Innocent  If^  contre 
lui ,  eut  des  fuites  plus  fàcheufcs  qu'il  ne  le  pen- 
foii.  11  fut  en  partie  la  caufe  de  îa  ruine  de  ce» 
Empereur  &  de  fa  maifon  ,  plongea  l'Allemagne 
dans  l'anarchie,  &  l'Italie  dans  tous  les  dtfordres 
des  guerres  de  religion  &  des  guerres  civiles. 

Première  Croifade  de  S.  Louis 

Parmi  les  décrets  que  fit  le  Concile  de  ï.yon, 
il  y  en  eut  un  pour  engager  à  fccourir  l'empire  dd 
Conftantinople,  qui  étoit  c'nancelant  ,  &  un  autro 
£ui  ordonaoic  de  publier  par  toutes  les  proviaccj 


pî  Elemens 

Chrcticnnes  la  Croifadc  contre  les  Infidèle?.  L'cr- 
deur  des  peuples  pour  ces  expéditions  périlleufes 
ëioit  refroidie  par  le  fouvenir  des  revers  qu'on 
avoit  efTuycs  dans  les  prcccJcntes.  I!  n'y  eut  gucres 
que  les  François  q<ii  prirent  b  croix. 

S.  Louii  ,  prince  qui  joignoit  la  pieté  la  plus 
teodrc  au  courage  le  plus  intrépide  ,  occupoit  alors 
le  trône  de  France.  En  112.4  «  étant  tombe  dan- 
gereufcmcnt  malade  ,  il  croit  entendre  une  voix 
qui  lui  ordonne  de  *'arm:r  contre  les  cnoemis  du 
nom  Chrétien.  Dès  ce  moment  il  ùït  vœu  de  fc 
croifer.  Enfin  ,  après  quatre  ans  de  préparatifs,  il 
s'embarque  à  Aiguës  •  mortes  avec  la  Reine  fon 
cpoufe ,  trois  de  fes  frères  ,  ît  près  de  trois  mille 
Chevaliers  bannercts.  Il  aborde  en  Egypte  ,  s'em- 
pare de  Damiette,  &  a  quelques  petits  fuccès  qui 
allarment  le  fultaa  MaUe-Sala  ,  qui  demtnde  en« 
vain  la  paix.  On  fe  repent  bientôt  de  la  lui  avoir 
refufce. 

L'armée  Françoife  ,  forte  de  Coixante  mille  C9in« 
battans  ,  s'ctant  avancée  vers  le  Ni!  ,  la  maladie 
cnfait-pétir  la  moitié,  l'autre  moitié  eA  vaincue 
prés  de  la  MafToure.  Le  Roi  lui-même ,  &  fes  deux 
frères  le  comte  d'Anjou  &  le  comte  de  Poitiers , 
font  faits  prifnnnicrs.  Son  troil'.^mc  frère  ,  Rohirt 
i'Àrioit  ,  eA  mis  à  mort  à  fes  yeux.  Louit  n'ob» 
tint  f#1iberté  &  ce  île  de  fes  frères  ,  qu'en  payant 
un  million  de  befans  d'or,  &  en  rendant  Damiette. 
6on  armce  trcs-diminuce  fc  retira  clans  la  Palefli- 
oe,  où  le  Roi  demeura  jufqu'a  la  mort  de  fa  merc  U 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.      95 

reine  Blanche  ,  occupé  à  vifuer  les  lieiix-faints  , 
&  à  faire-riparer  les  fortifications  de  Céfarce  de 
Philippe  ,  de  Joppé ,  d'Acre  ,  de  Sidon.  Son  féjour, 
qui  fut  d'environ  quatre  ans  ,  valut  la  liberté  à 
douze  njilîc  Chrétiens.  De  retour  en  France  ,  en 
12.54  ,  il  trouva  un  royaume  que  fon  abfence  a  voit 
ruiné-,  &  en  tâchant  d'en  réparer  les  dcfordres  , 
il  croit  toujours  rempli  du  defir  de  former  une  nou- 
velle Croifade. 

Sccondî  Cro'ifjde  de  S.  Louis. 

Cette  féconde  expédition  ,  faite  environ  treize 
ans  après  la  ptemi^ire  ,  ne  fut  point  contre  les  Ma- 
hométans  poffciTeurs  de  la  Paleftine  ,  ni  contre  l'E- 
gypte -,  mais  contre  Tunis  ,  dont  le  Roi  avoir  , 
difoit-on ,  quelque  envie   d'embraffer  le  Chriftia« 
mime.    Qjtcl  bonheur  ,  (  difoit  5.  Louis  ,  )  Jî  je  pou- 
vais être  le  Parrain  d'un  Roi  Aljhcme'ean  !  En  cas  que 
fcs  rfpcrances  fuffent  trompées  ,  il   rcgardoit  la 
conquête  de  cette  partie  de  l'Afrique  comme  im- 
portante, pour  faciliter  les  autres.  L'armée  débar- 
que près  des  ruines  de  Carthagc.  Le  roi  de  Tunis  , 
loin  de  penfer  au  Baptême ,  menaça  de  mafTacrer 
tous  les  Chrétiens  captifs  daris  Tes  états  ,  &  de 
venir  fondre  fur   les  François  à  la  tète   de  cent 
millehommes.il  n'eut  pas  befoin  de  combattre.  On 
attendoit  Charles  roi  de  Sicile  &  frère  de  S.  Louis  , 
qui  n'arrivoit  point.  Les  chaleurs  exceflîves,  les 
eaux  corrompues  ,  la  mauvaife  nourriture ,  produi- 

Urent  des  maladies  mortelles.  Plus  de  la  moitié  dQ 


94  Elemens 

l'armée  fut  détruite  en  peu  de  tcms.  S.  Louis,  par 
utie  confiance  fingulicre,  avoit  amène  fes  trois  fil» 
aînés  ,  refpoir  de  la  nation.  II  en  vit  mourir  un  ; 
un  aurre  ctoit  dangcrciifcment  malade,  il   fe  fentit 
frappe  lui-mcme  ,  &  reçut  ce  coup  avec    ces  vifs 
fentimcns  de  religion  dont  il  étoit  pénétre  depuis 
l'cnfaiice.  Les  maximes  qu'il  diéta  en  forme  de  tef- 
taroent  à  Philippe  fon  fucceffeur  ,  refpirent  égale- 
ment la  pieté  5:  l'amour  des  peuples.  •<  Mon  fils, 
«»  la  première  chofe  que   je  vous  recommande  , 
n  c'eft  d'aimer  Dilu  de   tout   votre  cai;r.  Sans 
M  cet  amour  ,   pcrfonne  ne  fera  fauve.  Si  Dieu 
m  vous  envoie  qucl:,ue  adverfité,  <biiffrcz-la  avec 
H  patience  ;  pcnftz  que  vous  l'avez  rrcritce  ,  8c 
M  qu'elle  tournera  à  vc>t;e  avantage.  S'il  vouscn- 
>•  voie  de  la   profptrité ,   umerciez-le  ,  ne  vous 
n  attiibuci  rien,  &  n'en  devenez  point  orgueilleux. 
y  Aimez  tout  ce  qui  efl  b'icn  ,  f<  haiiTcz  tout  mal. 
»♦  Puniffcz  les  blafphômateurs.  Rendez  fouvent  gca* 
t>  ces  à  Ditu  des  biens  que  vous  en  avez  reçus  , 
M  &  méritez  par-là  d'en  rctcvoir  d.ivantage.  Soyez 
M  cquitalilc  en  tout,  même  contre  vous-même. 
»>  Mettez  votre  application  à  faire- rcgner  la  paix 
n  &  la  juAice  parmi  vos  fujcts.  Ainiez  l'tgiife  & 
»•  Cîux  qui  la  fervent  avec  tek  &  avec  édihca- 
»•  lion.  Donnci  les  bénéfices  à  àts  perfonnes  di- 
»•  gncs  de  les  pofTcdcr  &  capables  de  les  remplir , 
H  &  n'en  donnez  point  a  ceux  qui  en  ont  déjà. 
M  N'entreprenez  point  des  guerrei  fins  ncccCitc , 
>«  &  app*i;cz  volymicr»  toute  couieftatioû.  v.)ac 


T>E  L'HiSTOmE   ECCLtSÏA^TIOUE.        ÇÇ 

«  votre  dôpenfe  foit  toujours  raifoniiable,  Scc.C<c.'» 
La  maladie  continuant  d'augmenter,"  le  S.  Roi 
xe^ut  les  Sacrcmens  avjc  beaucoup  de  plJti  ;  6c 
quand  il  fc  fcn::t  près  de  fa  fin  ,  il  fe  fit-rae:tre 
fur  un  Lt  couvert  de  cendres,  où  il  mourut  le  ij 
Août   127S  ,  avec  !e  courage  d'un  héros  &  la  pieté 
d'un  anachorète.  Le  Roi  de  Sicile  ,  fon  freie,  qui 
arriva  peu  de  tems  après  U  mort ,  fit  la  paix  avec 
les  Maures  -,  &  les  trides  reftes  de  l'arm-Je  croifée 
revinrent  en  Europe,  avec  la  douleur  d  avoir  fak 
des  tentatives  inutiles. 

L'expédition  de  Tunis  fut  la  dernière  de  ces 
guerres  facrces  ,  qui  épuifcrent  lEurope  d'hommes 
6c  d'argent  ,  &  qui  la  corrompirent  par  le  relâche- 
ment de  la  difcipline  ecdéfiaftique  ,  par  le  trop 
grand  ufage  des  indulgences ,  &  par  la  diflîpation, 
fuite  ordinaire  ries  guerres  lointaines.  Il  n'en  refta 
aucun  fruit  folide  en  Orient.  Le  royaume  de  Jcru- 
falera  fut  anéanti  :  Tyr,  Sidon  &  les  plus  impor- 
tantes places  furent  livrées  aux  Sarrafins  ;  &  le 
fccptre  impérial  de  Conftantinople  ne  fut  qu'un 
momcat  entre  les  mains  des  François. 

Cependant  ,  ces  entreprifcs  produifircnt  peut- 
être  ,  pour  quelques  peuples ,  des  eftets  plus  utiles 
que  des  conquêtes.  On  leur  dut  «<  l'accroiffemerit 
»  de  la  navigation  &  du  commerce,  qui  enrichit 
>•  Venife ,  Gênes ,  8c  les  autres  villes  maritimes  d'I- 
it  talie.  L'expérience  des  premières  Croifades ,  fit- 
>i  voir  les  inconvénicns  de  faire  par  terre  une  mar- 
m  clic  de  cinq  ou  ûx  cents  lieues,  pour  aller  ga* 


f)5  E   L   E   M   E   N*   «: 

»>  gner  ConAannnople  ix  ia  Natolic.  On  prit  J< 
M  chemin  de  ia  mer  beaucoup  plus  court  ,  Sx.  les 
>•  Croifcs,  félon  les  pays  d'où  Us  vcnoieat,  s'em- 
♦»  barquérent  en  Provence  ,  en  Canlognc  ,  en  Ita- 
n  lie  ,  ou  en  Sicile.  Il  fallut  dans  tous^s  por:s 
»  multiplier  les  bJnmens  âc  les  équipages ,  pour 
«  paflTcr  tant  d'hommes  &  de  chevaux  avec  les 
it  munitions  de  guerre  &  de  bouche.  Ainli ,  la 
H  navigaiion  de  la  Mer  •Mcditerrûnce  ,  dont  les 
n  Grecs  &  les  Arjbes  ctoicnt  en  polTeflion  depuis 
M  pluheurs  années  ,  tomba  entre  les  mains  des 
«  Francs  ;  Se  les  conquêtes  des  Croifés  leur  afi'a- 
t»  rérent  pendant  quelque  tems  la  libercc  du  com- 
j»  mcrcc  ,  pour  les  niûrciiandifes  de  Grèce  ,  de 
»  Syrie  &  d'Egypte  ,  îx  par  coufcquer.t  pour 
>»  celles  des  Indes,  qui  oc  venoicnt  point  encore  en 
H  Europe  par  d'autres  routes.  Par  là  s'enrichirent 
»»  Si  s'accrurent  les  plus  puifl'antcs  republiques  de 
M  Venife,  de  G^neSjdc  Pifc,  de  Florence-,  car 
»>  outre  les  ports-dc-mer  ,  le  commerce  s'étendit 
r>  aux  villes  où  tlorilloient  les  arts  âc  les  manu- 
M  fafturcs. ..  ( Fleuri  ,  rt.  Dij'cours ,  n   13.) 

Cro'ifadts  contre  Us  Albigeois. 

L'ardeur  religieufe  &  guerrière  qu'infplrérent  les 
Croifades ,  s'cfoit  tellement  emparée  des  cfprits  , 
que  ,  lorfqu  on  ne  put  plus  s'armer  contre  le*  Infi- 
dèles, on  fe  croifa  contre  les  hérétiques.  Dès  l'aa 
1110  ,  on  leva  des  troupes  pour  exterminer  les  Al- 
bigeois. 3  imon  comte  de  Munttortcn  ctoit  le  chef. 

C'cioic 


bE  L'HtSTOTRE  ECCLESIASTIQUE.  fff 
Céccit  un  homme  aulU  courageux  que  zélé,  unif- 
iant les  exercices  miliratres  avec  les  pratiques  de 
la  dévotion  -,  grand  ,  bien  fait ,  &  fi  déterminé  dans 
un  combat,  que  le  fcul  mouvement  de  fon  fèbrc 
iufKfoii  pour  épouvanter  Cts  ennemis.  Plufieurs 
Catholiques  non  moins  ardens  que  lui ,  fe  rangèrent 
ijis  fes  drapeaux, 

La  prédication  avcit  précédé  la  guerre.  Qua- 
tre ans  auparavant  ,  Pierre  de  Châtcaurtcuf ,  évê* 
«jue  de  CarcalTone  ,  &  légat  du  St-Siége,  fuivi  de 
S.  Dumini^ue  ,\c  premier  inftiiuteur  de  llnquifition, 
&  d'Arnaud  abbé  de  Citeaux ,  avoir  parcouru  le 
Languedoc  pour  convertir  les  errans.  Les  Albi- 
geois étoient  foutenus  par  Raimcnd  comte  de  Tou* 
loufe  ,  &  par  les  princes  voifins  qui  les  favori» 
foient  par  inclination  ou  par  politique.  Raimoni 
<hafl'a  du  Languedoc  le  légat  du  St-Siége ,  &  le 
fîi-aiTitniner,  comme  il  entroit  dans  un  bateau  pour 
palier  le  Rhône. 

Ce  meurtre  eut    des  fuites    fâcheufes    pour  le 
comte   de  Touloul'e.  Le  l'ape  l'excommunia  ,  & 
publia  en  1210  une  Croifade  contre  lui.  Les  Croi- 
ii%,Simcn  de    Muntjlrt  à  leur  tête, entrent  dans 
le  Languedoc  ,  prennent  Beziers  ,  CarcafTonne  ,  La- 
vaur  &  plufieurs  autres  places-,  ramenant  quelques 
errans  par  la  crainte  ,  &  les  intimidant  tous  par  les 
ctuautes  qu'ils    exerçcient.  Ce  moyen  de  convertir' 
les  hérétiques^  (dit  l'Abbé  de  Choifi),/;e  l'atcord* 
guéres  a\tc  lu  dçuctur  de  L^Evcriile.  11  eA   vrai  que 
les  cjiicuticns  fanglanies  de  i)imi,n   de  Alontfçrtt 


V>f  E   L   E   M  I  K   s 

n;  furent  fouvcnt  que  des  rcprciailies.  Un  grani 
nombre  d'Eglifcs  brûlées  &  renverfées  en  Lan- 
guedoc i  plulîeurs  Catholiques  égorgés  -,  quelques- 
uns  des  Icigneurs  Croifcs  tnafTjcrés  :  telles  furent 
les  barbaries  dont  les  Albigeois  s'étoient  rendus 
cux-mcmes  coupables.  Eaûn  ,  djns  les  divers  com- 
bats qu'on  fe  livra  ,  le  fanj  ne  fut  épargné  ni  de 
part  ni  d'autre,  comme  il  arrive  dans  prefque  toutes 
les  guerres  de  Religion. 

Le  plus  important  fc  donna  en  1113.  PU're  roi 
d'Aragon,  les  comtes  de  Touloufs  ,  deFoix,  de 
Corxjinjcs  ,  allicgérent  Muret  fur  la  Garonne.  Le 
comte  de  Montfort  les  furprend  ,  &  leur  défait  plus 
de  cent  mille  hommes  dans  une  bataille  où  le  roi 
d'Aragon  fut  tue. 

RaimonJ  comte  do  Toulonfe  ,  furnommc  le 
vieux,  étant  mort  en  izii,  (on  CAi  ,  Raimoni  le 
ftune,  fut  obligi  de  conjurer  l'orage  c!evc  contre 
fon  père  &  contre  lui.  U  fut  excommunié  ,  pour 
avoir  foutenu  la  guerre  contre  Amau/i  y  fils  du 
célèbre  Simon  de  Moni/ln  ,  chef  d'une  nouvelle 
Croifade.  Enfin  ,  après  avoir  combattu  vivement 
pendant  plufieurs  années,  pour  recouvrer  une  par- 
tie de  fcs  ctats  envahis  par  Sim^n  &  Anauri ,  il 
fe  réconcilia  avec  l'E^tife  ,  2c  fit  fa  paix  avec  S. 
Li.uls ,  qui  s'étoit  déclaré  contre  lui.  Le  refie  de 
£a  vie  fc  paila  dans  les  pèlerinages  ,  ou  à  combattre 
les  prétentions  des  Inquilucurt  oouvellemcat  cta- 
klit  dans  le  Languedoc. 


os  l'Histoire  Ecclésiastique.      95I 

Hijloire  du  Tribunal  de  rinquijiilcn. 

Quelques  moyens  qu'on  eût  pris  pour  extirper 
les  fc£^es  des  Vaudois  6t  des  Albigeois,  il  reftoit 
encore  un  grand  nombre  de  ces  hérétiques  ,  qui 
avoient  échappe  aux  longues  &  fanglantes  guerres 
dont  nous  venons  de  tracer  le  tableau  en  raccourci. 
Ceft  ce  qui  engagea  les  Papes  à  établir,  vers  l'an 
izco,  un  tribunal  uniquement  occupé  à  en  faire 
la  recherche.  On  nomma  Inquifi'.eurs  ,  ceux  qu- 
furent  chargés  de  faire  ces  perquifitions.  S.  Dc- 
tnin'que  ayant  été  employé  à  ces  recherches,  Gré' 
golre  IX  les  confia  en  1233  1  3pfcs  fa  mort ,  à  fes 
enfans   nouvellement  inftitués. 

Innocent  IV  établit  ce  tribunal  en  1251  izr.s 
toute  l'Italie  ,  excepté  à  Nnpies.  L'Ei'pagne  s'y  vit 
entlc'rement  foumile  en  1448.  Le  Portigal  l'adopta 
en  1557,  conformément  au  modèle  reçu  parles 
Efpagncls.  Douze  ans  auparavant  ,  Pdul  III  avoir 
forme  la  congrégation  de  l'Inquifition  ,  fous  le 
litre  de  Saint-Office,  &  Sixtc-Quir.t  confirrra  cette 
congrégation  en  158S. 

Le  pouvoir  des  premiers  Inquifiteurs  fe  borna 
d'abord  à  travailler  à  la  converf.on  des  héréti- 
ques par  la  voie  de  la  prédication  &  de  l'inftruc- 
lion.  S'ils  ne  réulîiffoient  point  par  la  perfuafion  , 
ils  exhortolent  les  princes  Mes  mEgiflrats  à  punir, 
même  du  dernier  fupplice,  ceux  qui  peififtoient 
avec  obflination  dans  leurs  erreurs.  Ils  prenoient 
des  Infornaations  fur  le  nombre  &  la  qualifé  des 

Eij 


\^9  E   L   E  M   E   V  S 

hérétiques,  t'ur  le  zel;  des  Ëvèques  &dcsin3gtArats 
à  les  pourfuivre  ,  &  ils  envoyoient  le  réfuitat  de 
ieurs  perquiGcions  au  Pape,  pour  en  faire  ce  qu  il 
jugcroit  a-propo«.  Leur  autorité  s'accrut  inicnfî» 
blement  :  en^în  elle  vint  à  un  poiot ,  qu'elle  parut 
redoutable  aux  Princes;  &  nous  avons  vu  de  net 
jours  qu'il  a  fallu  la  réprimer  en  Portugal  &  en 
£fp3gne. 

CcpcnJjit  la  julticc  nous  force  de  convenir 
que  dans  tout  ce  qu'ont  écrit  \ci  Protedans  &  Ici 
Philofophes  fur  ce  redoutable  tribunal,  il  y  a  beau» 
*oup  d'exagération.  *•  1°  Tous  lis  officiers  de  l'In- 
Hquiûtion,  (di:  Pabbc  de  y  erra  dins  fon  Eut  ifE/- 
pjgne)  n  font  obliges  de  faite  des  preuves  de  bon- 
»»  nés  moeurs  Se  de  capacité,  i*.  Le  fdlnt-office 
t«  ne  fait  jamais  arrêter  perfonne  ,  fans  avoir 
••  bien  examine  la  qualité  du  dénonciateur  ,  &  Tant 
M  avoir  pris  de  grandes  précautions  pour  btea 
Il  approfondir  fi  c'cll  par  haine  ou  par  vengeance 
M  qu'il  Uxt  (i  dénonciation.  D'ailleurs  il  fjut  re- 
n  mirqufr  qu'il  y  a  la  peine  du  talion  contre  le 
m  dénonciateur.  3*.  Ceux  qui  difeot  que  ceux  qui 
M  font  arrêtés  dans  les  prifons  de  l'Inquifition 
M  font  obliges  de  deviner  le  crime  dent  ils  font 
M  accufcs  ,  en  impoTeat  à  ce  iribuoa!.  Il  eft  cer* 
*>  tain  que  des  qu'ils  font  an  êtes,  on  leur  donne 
M  un  procu'eur  ,  un  avocat  pour  dcicndrc  leur 
M  caufe.  4°.  Aucun  tribunal  inférieur  ne  peut  cc- 
n  Icbrer  d'a.le  dt  j'ui  (ans  une  permifTeo  exprelTe 
«  du  confcil  fuprë-ne  ,  lequel  y  cavûie  orjui^* 
•  iclucn:  ua  coofciiicr.  •* 


TTE  L*HlSTOIIl£  ECCLESIASTIQVE.  tOt 
h'^Hi  Je  fvi  cft  un  jjur  de  cérémonie  dcfliné 
par  rinq  lifition  à  pu'.iir  pu  à  abfoudre  ceux  qui 
ont  été  accules  d'hércfie.  On  choifit  ordinaire» 
nicn:  un  jjur  folomnel  ,  afin  que  ce  ju^emene 
•it  plus  d'éclat.  On  conduit  tous  les  coupables 
à  l'EgliTe  ,  où  on  leur  lit  leur  fentcnce  d'abfclu- 
tion  ou  de  condamr.ation.  Les  condamnés  à  mort, 
TevCtns  d'une  efpèce  de  da!m2tiqu€  fur  laquelle 
cfl  a  peint  des  di.ibles  &  des  flammes  ,  font  lirrés 
au  r-igc  feculier  par  le  faint-cffice  qui  prie  qu'il 
r.'y  ait  point  eiïuden  de  farng.  S'ils  perfsTérenc 
dans  leurs  erreurs  ,  ils  fcnc  brûlés  vifs  ,  à  la 
vue  d'un  immenfe  pcpulace  ,  toujours  avide  de 
ces   fortes  de  fpcûacles. 

Ces  folemnités  qu'on  appelle  aHes  de  fol^iL  qu'on 
ne  pouvoit  guéres  nommer  a^es  de  charité^  font 
très-rares  aujourd'hui.  On  a  penfé  qu'une  Reli- 
gion de  paix  &  d'amour  ,  telle  que  le  Chriftia» 
TiifTie  ,  "dcmandoit  des  in(lru<flions  pour  les  er- 
rans ,  &  non  des  bûchers.  D'ailleurs  les  moyens 
terribj^s  employés  contre  les  Juifs  ou  contre  les 
hérétiques,  peuvent  bien  contenir  ceux  qui  éle- 
▼eroicnt  leur  voix  dans  les  pays  d'inquificion  . 
mais  ils  contri'juent  à  éloigner  de  l'E^life  Catho- 
lique ceux  qui ,  dans  d  autres  contrées  ,  feroieac 
te.ités  de   rentrer  dans  le  bercail. 

Les  Pontifes  Romains  de  ce  fiécle ,  toujours  con. 
Juits  par  la  chririté  &  par  la  prudence  ,  ont  bien 
ix.au.  cette  vérité.  Aufli  n'y  a>t-il  point  de  pays 


lOi  E   L    E    M    E    N    s 

Ou  la   janfdiù'ion  du  faint-o.iicc   l'oit  plus  douce 

qu  a  Rome  &   a  Avignon. 

Nouveaux    Ordres   Religieux  j 
Domlrùcains» 

Puifque  nous  avons  parlé  de  S.  Daminijue  àsm 
l'article  précèdent ,  nous  tracerons  ici  en  peu  de 
mots  fon  hiAoire,  &  celle  delà  fondation  de  Ton 
Ordre.    Il  ctoit   Efpagnol  de  lilluflre  maifon    de 
Gti/m^n,   &  chanoine  d'Ofma  dans  la  vieille  Caf- 
tllle.  Il  avoit  parcouru  pljfieurs  provinces  d'Ef- 
P'g^f  »  prêchant  pir-tout  la  pénitence  &  la  fai- 
fant -pratiquer.    Après    avoir    converti    p'.ufieur» 
Maures  ,   il  vint  en  Languedoc  ,  pour    ramener 
les  Albigeois  à  la  véritable   doctrine.   S'ctani  af- 
fo:ié  quelques  compagnons  de  fon  zèle  ,  il  leur 
donna  une  Rc^le  8c  le  nom  de  F.erei  Prêcheurs, 
parce  que  leur  premier  inftitut   ctoit   de  prêcher 
&    de  catéchifer  les  hcràïques.  Cet  ord/e  ,  dont 
l'utilité  fut  fcntie  p.ir  les  Pjpes  ,  fut  confirmé  en 
IZI5    au  Concile  de  Licran  par   Innocent  III ^  & 
l'année  d'aprcî    pjr   Ho<i,^rius  III.     S.  Damini^ue , 
quo'que  mort  à    l'Age    de  51  ans,  en  uai  ,   vit 
fa    nouvelle    famille  fc  multiplier   dans  très  peu 
de  tcms.  Il  cat  lui-même   la  confolation  de  l'c- 
tablir  à  Paris.  La  première  maifon  de  fon  Ordre 
fut  djns  la  rue  S.  Jacques  ,  &  c  eft  de  •  la  que  les 
Dominicains  ont  ëcé  appelles  en  France  JéCihins. 
Le  pape  G-égoIrt  I X  le  mit  dans  le  catalogue 
^et  baiott  i  Ce  c'cd  a  tart  qu'un  Auteur   Frotef<< 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     103 

tint  a  dit  «•  qaU  U  mirïtoh  ,  fi  la  fuieur  la  plut 
JansLinahc  &  les  rcvciics  Us  plus  extravagantes 
pouvoiin:  tenir  lieu  de  f.inteté,  >»  S.  D<.minique  ,  inal- 
pré  l'ardeur  de  fon  zèle  ,  étoit  d'un  caradlcre 
doux  &  humain  -,  Sx  quant  aux  rêveries  qu'on  lui 
attribue  ,  nous  ignorons  où  elles  fe  trouvent.  Si 
les  auteurs  de  fa  Lcgende  ont  dit  »>  qu'/nncccn/  /// 
>»  n'avoit  approuvé  fon  Ordre, que  parce  qu'il  avoit 
»vu  dans  un  fonge  la  Bafilique  de  Latran  mena* 
«ç'jnt  ruine,  mais  foutenue  fur  les  épaules  de  S. 
v>  Dominique  v>  j  ce  n'eft  pas  à  lui  qu'il  faut  imputer 
cette  hiftoire  ,  qui  d'ailleurs  pourrolt  être  vraie 
fans  miracle. 

S.  D^minhue  avoit  une  tendre  piété  pour  la 
Ste-Vitrge,  C'eft  de  lui  que  vient  l'ufage  de  l'in- 
voquer au  commencement  des  S'crrrions.  Le  prin- 
cipal fruit  de  fcn  amour  pour  Marie  fut  la  dé- 
votion (kl  Rofairc  ,  qui  contribua  prefqu'autant 
à  prémunir  les  Fi'!èle$  contre  les  ftduftions  des 
Ai!)igcois  ,  que  les  armées  des  Croifcs.  Quoique 
cette  dévotion  fût  vraifemblablement  connue  avant 
lui  ,  il  lui  donna  plus  d'éclat  &  plus  de  folidité,  en 
formant  des  Confréries  de  perfonnes  pieufes  qui 
hcnoroicnt  d'un  culte  particulier  les  xvMyfiéres 
auxqucl.  1j  Mcre  de  Dieu  eut  part.  Les,  cinq  prera. 
appelles  ;(.^eu.r  ,  font  :  l'Anncncisiion  ,  la  \  ifite 
rendue  à  Ste  EUfahcth  ,  la  NaifTance  du  Sauveur,  foo 
Adoration  parles  Mnges,  &  fa  difpute  dans  le  Tem- 
plejau  milieu  des  Doétcursétonntsdefa  fageffe.  Les 
cinq   mjilcres  trifits  font  :  l'Agonie  de  J.  C.  avt 

E  iv 


1C4  E  L  1   M  «  K  f 

Jardin  des  oliviers  ,  fa  fligclhtioit ,  (on  COUroil- 
nement  d'cpinss  ,  le  tranfporc  de  Ta  croix  âc  fo» 
crucitîement.  Les  derniers  myrtcres  portent  le 
nom  de  floritux  ,  parce  qu'ils  ont  pour  objet  le 
triomphe  du  Sauveur  &  de  U  divine  Mère  :  c'eft 
la  Rcfurre^ion,rAfccnlion  ,  la  Defcente  da  S.  Ef- 
prit  ,  la  giorific-ition  de  J.  C.  dans  U  Ciel ,  &rAC* 
fonipcioa  de  la  Ste  Vierge. 

tranctfcMiu, 

Tandis  que  S.  DominJ^m  établiffoit  fcs  Miflioo^ 
Btirei  ea  France ,  S.  Frvtfoit  donnoic  naiffauce  à 
l'ordre  des  Mineurs  en  Italie.  Il  ëtoit  fUi  d'un 
marchand  d'Aflâre  ,  ville  du  duché  de  Spolecte. 
Son  goùc  pour  la  mortilication  lui  At-abandoa- 
ner  dès  l'âge  de  25  ans  la  mairon  paternelle  ,  pour 
s'eaferraer  avej  fcpt  difciples  ,  imitateurs  de  fa 
pénitence ,  d-ins  une  cibaae  prcs  d'AlTife  ,  qui  leur 
fer  vit  tout  à -la -fois  de  retraite  fie  d'Eglife.  Le» 
Bencdiibins  leur  donnèrent  une  petite  chapelle  , 
qui  étoit  tout^auprcs  ,  confacrce  à  la  Vierge  fous 
le  nom  de  Ste  Mjrie  de  la  Pottioncufc  i  &  ce  fut  le 
berceau  &  la  première  maifon  de  l'Ordre  Scra- 
phique. 

ffjMçjit  ayant  afiTcmblc  un  jour  f*$  fept  dif- 
ciples ,  leur  déclara  le  dciTein  qu'il  avoit  de  le» 
envoyer  dans  toutes  les  parties  du  monde  prêche» 
a  pcnitcncc.  ••  Confidcrons  ,  mes  chers  frères  , 
M  (  leur  diti!)  que  Du  u  nous  a  appelles  non- 
^  feulement  pour  notre  falut ,  mais  pour  le  («Ui^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,     io^ 

s»  de  plufiears  auti^s -.exhortons  tous  les  hommes, 
I»  plus  par  notre  exemple  que  par  nos  paroles   , 
M  à  faire  pénitence  de  leuis  péchés.  Ne  craigrer 
j>  point  ,   parce  que  nous  paroiiTons    méprifables 
V  &  infenfés  :  mais  annoncez  amplement  [a  pcni- 
>»  tence  ,  &  efpérez  que  le  Seigneur  qui  a  vaincu 
M  le  monde,  parlera  en  vous  par  fon  Efprit.  Pre- 
ti  nons  garde  qu'après  avoir  tout  quitté  ,  nous  ne 
»i  perdions  le  Royaume   des  Cicux   pour  quelque 
rt  petit  intérêt  -,  &  fi  nous    trouvons  en  quelque 
»»  lieu  de  l'argent ,  n'en  faifons   pas  plus  de    cas 
»  que  de  la   poufiîcre  fur  laquelle  nous  marchons. 
n  Ne  jugeons    ni  ne   mépriibns   point    ceux  qui 
»»  vivent  dclicatement.  Dieu  eft  Iciir  maître  com- 
n  me  le  nôtre  ,  ôc  peut  les  appeller  a  lui.  Us  font 
M  nos  frères  ,  puifqu'ils  ^nt  fes  créatures  ,  &  no» 
rt  maîtres  en    ce  qu'ils    aident    les    ferviteurs   de 
»»  Dieu  a  faire  pénitence  ,  en  leur   procurant  le»- 
»  befolns  de  la  vie.  Vous   trouverez    des    hom- 
ti  I  -es  fidcles  &   doux  qui  vous  recevront  avec 
i^  juie  ,    &  d'autres  au  contra. re  ,  qui   vous  mal- 
*t  traiteront  :  apprenez  à  fouffrir    tout    avec    pa-- 
n  tjence   &  humilité.    Mais   m    craigniz    point  ;- 
n  dans    peu  de  tems   pluficurs  fagts   &   plufieurs» 
H  nobles    fe    joindront  à   vous  pour  prêcher  aus- 
n  Rois ,  aux  Princes  &  aux  Peuples.  » 

Le  »€le  du  patriarche  du  nouvel  inftitut  r>€  f« 
bornant  pas  à  des  paroles  ,  il  s'embarqua  pour- 
h  Terre-Sainte.  Il  parut  au  fié^e  de  Danuette  en» 
Via  9,,  &  voulut    ccfivçrtù  i«  Soudan  d'E^y^xn-y-, 

fr1^ 


o6  E  L  E  M  r  K  s 

qui  le  renvoya  avec  tlci  prtlqns.  De  retour  c« 
Italie  ,  U  s'enferma  àicis  un  petit  monadcre  fur 
une  des  montagnes  de  l'Apennin  ,  où  un  brûlant 
Scrapliln  lui  imprima  (  félon  S.  Bonavcnturc  )  les 
jnirques  des  fouflfrantcs  de  J.  C.  aux  mains,  aux 
pieds  6c  au  coté  i  c'cft  ce  qu'on  appelle  /es  ^ig- 
n-ttet  ,  &  c'cft  l'origine  du  nom  de  Siraphijuc  qui 
a  pafîé  à  fon  Ordre,  tnfin  ,  confiimé  par  fes  auf- 
lëritcs ,  il  alla  en  recevoir  la  rtcompenfe  en  1 216. 

Dieu  fit-éclater  fa  fainteié  par  plufieurs  mira- 
cles. La  moJeAie  avoir  été  i'unc  des  principales 
vertus  de  François.  Piufieurs  de  fes  difciples  vou- 
loient  qu'il  demandât  au  Pape  le  pouvoir  de  prê- 
cher par-tout  où  il  leur  plalroit  ,  fans  la  permif- 
fion  des  Evcques.  Le  fage  fondateur  fe  contenta 
de  leur  répondre:  Tâehê^  de  gagner  Us  C  cndsptr 
rhumitili  &  U  refpecl  ^&  Us  petits  par  It  parcle  C/  It 
hjn  exemple.  Notre  priniUge  fingulier  duit  être  de  n's- 
voir  point  de  privUtgt. 

5^on  Ordre  cioit  déjà  très- nombreux  ,  &,  dès 
le  premier  chapitre  général  en  1 119  ,  on  y  compta 
près  decin:]  miHc  Religieux.  Il  avoit  été  con- 
firmé par  le  pape  Inn^eeat  III  au  Concile  de  La- 
tran  ,\  l'année  fuivnte  par  Honoriui  III.  Les 
Frères  Mineurs  furent  les  premiers  Rili;icux  qui 
renoncèrent  a  l.t  prop.-ictc  déroute  podcnion  tem- 
porelle ,  &  ûreot  profonîo  1  d'une  pauvreté  évan- 
géliqae.  On  les  appclla  Curdelurt  à  caufe  de  leur 
ceinture  de  corde.  Ils  ont  été  divifcs  en  plu- 
ficars  braacUes  ,  de  RtiAUtt  ,  de  fiegmu  ,  t€X*'. 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    lôf 

puci/is ,  à'Obprviitins  ,  par  difFcrentcs  rctormes  , 
que  nous  fcrons-connoitrc  dans  la  fuite  de  cctt« 
Hiftoire. 

jiupijlins, 

L'Ordre  des  Hermius  de  S.  Àuguft'in  ,  compofé 
ô'ua  alTemblage  de  plufieurs  fortes  de  congréga- 
tions d'Hermites  ,  qui  avoient  diffcrcns  habits  6c 
différentes  règles ,  fe  forma  pcudcttms  après  ce- 
lui des  Francifc.iins.  Les  hlftorlens  de  ce  nouvel 
ordre  airurent  que  S.  Anguftin  ,  après  fa  conver- 
fion  &  fon  retour  en  Afiique,  fe  retira  dans  la 
fohtude  avec  que'ques  compagnons  qu'il  s'ctoi' 
attachés.  Cette  retraite  fiit,fclon  les  mcmes  hif- 
teriens  ,  l'époque  de  la  naiffance  de  dilfcrentes 
familles  religieufes  qui  fe  glorifient  de  l'avoir  pour 
père.  Après  d  mort  ,  (  ajoûtcnt-ils,  )  l'Afrique 
ayant  été  envahie  par  les  Vandales  Ariens  ,  S. 
ïulgence  ,  difciple  zèle  de  l'illuftre  évêque  d'Hip- 
pone  ,  tranfpona  fon  corps  &  fes  Religieux  ea 
Sarc'aigne.  Ccft  delà  qu'ils  fe  difperférent  dans 
les  difftrentcs  provinces  de  la  Chrétienté.  L'Or- 
dre iut  continué  &  accru  par  les  amateurs  de  la 
vie  folitaire  ,  jufqu'uu  fiécle  de  Cuillai.nii.  cvx  i^A 
quitaire  ,  par  les  foins  duquel  la  difciplir.e  cré- 
mitique  fut  remife  en  vigueur. 

Quoi  qu  il  en  foitdc  cette  crigine,  dcr.t  l'hif 
toire  eft  fort  -  contcflcc  ,  le  pape  Alexandre  JV 
donna  ,  au  mois  de  Mai  1256  ,  une  confiitution 
pour  rjflcinbler  ^ifTéiens  Hexmites   en   une  feule 

Ev; 


loS  E  L  E  M  E  N  s 

congrégation  fous  la  règle  de  S.  Augujliu.  H  leur 
^oona  un  habit  noir  ,  &  pour  premier  général 
Lanfranc  Stptaljii  ,  Milanois.  Cet  inditut  Ce  muW 
tiplia  moins  qae  celui  des  Frercr  Mineurs  -,  roait- 
iJ  ne  laiiTa  pas  détre  nombreux  ,  &  d'occuper 
ua  rang  conûdcrablc  parni  les  Religieux  mendiaas* 

TrirùtMres  ;  Reûpeux  de  Lx  Merci. 

Un  des  Ordres  qui  honorent  le  plus  la  Reli- 
gion 8c  l'humanitc  ,  efl  celui  des  Trinhaircs  ,  ou 
de  la  Rédemption  des  captifs.  Il  y  avoit  dès  le 
douzième,  fiecle  des  chevaliers  de  la  Rédemption 
en  Efpjgne-,  mais  cet  in(litut  ne  fut  bien  formé 
que  par  /«ji  de  Mjthj  ,  natif  de  Faucon  dans  le 
comté  de  Nice,  &  doûîur  en  théolojjie  de  Paris. 
Il  fut  féconde  dans  fe$  pieux  6c  héroïques  dcf- 
fcins  par  ft/Zx  de  V*!oit  ^  hermite  d'une  folitude 
près  de  Meaux  ,  appellce  Cerfroi ,  aujourd'hui  U 
principale   maifon  de  l'Ordre. 

Les  Infidèles  ayant  fait  beaucoup  de  captifs  fu^ 
les  Chrétiens  dans  les  g-ierres  des  Croifadcs,  JeaH 
&  F<Hx  fe  confacrércnt  a  leur  rachat.  Dans  le 
preraier  voyage  qu'ils  firent  à  Maroc  ,  ils  rache> 
férent  cent  quatre-ringt-fix  efdaves  ,  &  dans  le 
fecofU  en  Barbarie  >  cent  «dix.  Les  voyjges  de» 
'vinrent  plus  fréquens,à  mefure  que  la  charité  des 
Fidèles  féconda  le  7cle  de  ces  hommes  généreux, 
qui  rompoient  non-feulcmcnt  les  chaînes  de  leurs 
fers  en  héros  ,  mais  qui  défendirent  fouvent  la 
▼érité  en  Apôtres.  Toute  la  Chrétienté  adopta 
lu  CQCJuragea  ua  ioAiiut  11  mieicllaai ,  &  le  p^g.*: 


DE   LlTrSTOlRE   EcClESIASTnjUE.      IC^- 

Innccti.t  m  s'empreiVd  de  le  conSrmer  en  1 109. 
En  moins  de  quarante  ans  on  compta  en  Europe 
près  de  lix  cents  mailoas  de  Trinitaires.  L'Efpa- 
gne,  inquictce  continuellement  par  les  Maures  , 
fit  fur-tout  à  CCS  Religieux  un  accueil  favorable. 
11$  eurent  en  France  le  nom  de  Maiharins  ,  du 
lieu  où  ils  bàiirent  leur  E^jlife  de  Paris ,  &  dans 
laquelle  il  y  avoit  une  chapt^lle  où  repofoit  le 
corps  de  S.  Mjthurin. 

A  l'exemple  de  Jian  de  Matha  ,  Pierre  Noiaf" 
que,  gentil-homme  Languedocien,  qui  avoit  fervi 
avec  alTez  de  difiindion  dans   la  croifade  contre 
les   Albigeois  ,  fonda  en  1113    dans  le  royaume 
d'Aragon  les  Religieux  de  Notre  -  Dame  de  la  Merci ^ 
ou  de  la  Rédemption   des   captifs.  Il  leur   donna 
l'exemple  du  zèle  &  du  courage,  en  allant  rache- 
ter beaucoup  de  captis  en  Afrique.  Dans  les  pre- 
mières expéditions  qu'il  avait  faites  dans  les  royau- 
mes de  Valence  &   de   Grenade  ,  il  avoit    retiré 
dit-on,  quatre  cents  captifs  des  mains  des  Infidè- 
les. Son  inftitut  ,  confirmé  par  Grégoire  IX ,  paffa 
en  France  &  dans  divers    autres  états,  où  il  eft 
honoré  &  relpedi.   Le   faim   fon  lateur    mourut 
en  12^8  avec  la  gloire  d'avoir  réuni  le  zèle  cou- 
rageux d'un  Rédempteur,  aux  vertus  douces  fit  taa-, 
lleftes  d'un  Religieux. 

Curmes» 

Le»  Carmis  ,  fondés  dans   le  fiicle  prccédent 
a^  MoQC  •  Carmel  en  Pilclm;,  futeat  ap^r;>a\^» 


iio  Elemens 

dcns  celui  -  cl  par  Inn^eent  III.  Nous  avons  parlé 
■iMeurs  de  ces  Relipeux.  Nous  dirons  feulement 
qu'apics  avoir  paffe  d'Oricni  en  Europe,  ils  por- 
tèrent iong-tenu  le  nom  de  Frères  Barrit ,  à  caufe 
c'e  leur  haLit  bigaiic  de  bandes  blanches  &  noires. 
Ils  demandcrent  à  Hono'.us  III  la  permifljon  de 
prendre  r!cs  mjnteaux  blancs  au  lieu  de  cl.::pet 
larrces.  Ce  changement  Te  fii  l'an  1287,011  ils 
comn  encérer.t  aiifli  a  porter  le  Scapulaire.qu'ils  di- 
foicrt  avoir  ctc  montre  par  la  v*«-f'/>'^<  au  bien- 
heureux Sm^^ii  Sttik ,  Carm:  Anglois  ,  qu»  tutro* 
duifit  ccitc  dévotion  d«ns  l'Eg'ife. 

Au  rcfle,  c'eft  ur.e  des  rêveries  des  Froteflan», 
que  tous  ces  Oidres  ;:ient  été  inHiiULS  par  les 
Tiipes ,  pour  ctrc  les  f,!iei!;tcs  de  la  cour  de  Rome» 
Lf  S  l'ouverains  Pontifes  ne  connurent  ces  inAituts 
qu'.'prcs  qu'ils  curent  ctc  formes  .  îk  ils  en  firent 
qiiClqiiefuis  attendre  très  •  lor.g  *  tcms  la  confir» 
ir.ition. 

Aouvelles  d'tffutes  des  defccndans  de  Frcdcr  ic  II 
avec  les  papes, 

La  rr.ort  de  l'cmp',  FridcrU  II  r  cti  cnt  point 
les  difputcsce  l'empire  &  du  fjccrdcce.  Cnrmdiy, 
fon  fils  ,  Te  At-clire  après  lui.  hcriticr  du  courage 
de  fon  père  ,  i!  en  avoir  atAî  les  fcntimens.  Inito» 
eti.i  jy  le  fçjvoit  ,  &  le  cconoinant  peu  favora- 
ble aux  prétentions  des  l'oniifcs  Rcrr.tins,  il  prê- 
cha une  (  roifade  contre  lui.  Ce  prince  «'étant 
leiidu  nuitre  d'une  partie  de  U  i^&uiilc  ,  Ce  pr^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     im 

paroit  a  pouffer  plus  loin  fcs  conquêtes  ,  lorfqu'il 
mourut  à  la  fleur  de  fon  âge  en  11541  "^  laif- 
fant  qu'un   fils  appelle  Conradin. 

Malnfroi  ,  fils  natiiiel  de  FrédcrUlI,  &  frère  de 
Cci.rad ^  qui  l'avolt  chargé  de  la  régence  du  royau- 
me de  Naples  ,  répandit  le  bruit  que  Conradin 
ciojt  mort  ,  &  fe  fit-couronner  a  Pdlcrme  feus 
le  titre  de  Roi  de  Sicile.  Le  pape  Altxand'e  IV^ 
fucccfTcur  à'I  nvc^niyWt  voulant  pas  un  voifin  fi 
dangereux  ,  leva  des  tro::pes  contre  lui.  Main- 
f'oi  s'en  vengea  en  fjifùnt  des  courfcs  conti- 
nuelles fur  les  terres  de  1  Ev;life.  Il  enleva  même 
au  faint-ficge  le  comté  de  Fondi ,  &  fut  excom- 
munié par  Urbj'in  /K,  qui  donna  1' nvefiiture  du 
royaume  ufurpé  [ar  Mainfroi  ^  z  Charles  A' Anjou 
frère  de   S.   L  uis, 

Charles  ,  inftruit  de  l'art  de  la  guerre  ,  battit 
aiftment  Mair.J'rvi ,  qui  ,  mali^ré  fon  courage  ,  fut 
tue  a  la  bataiilf  de  Benévent  en  iz66.  Le  vain- 
queur fe  rendit  bientôt  maitre  de  tous  les  états 
que  le  Pjpe  loi  avoir  donnes.  Cunradin  devenu 
fon  compétiteur  (iepu.s  la  mort  de  Aij/.iy>cj,  prend 
alors  le  titre  de  roi  de  Sicile  ,  îk  paffc  en  Italie 
où  l'appelloit  une  fad^ion  pu-.ffance. 

dément  //^.qui  avoit  été  élu  Pape  après  Ur- 
bain ,  le  fomma  de  comparoitre  devant  le  Cége 
apoftolique  pour  y  défendre  fes  prétentions  ,  au 
lieu  de  les  faire-valoir  par  les  armes.  Il  le  me- 
naça  en  même  tems  des  foudres  de  l'EglIfe  ,  s'il 
tefufoit  de  fe  foumettre  à  ce  qu'on  lui  prefcriroic. 


Ytt  ^E  l  e  m  e  n  s 

Cnrjêin  ,  peu  touche  de  ces  menaces  ,  &  n'efpê- 
rant  pat  uo  jugement  favorable  de  Rome ,  conci' 
nua  de  marcher  avec  fon  armée  &  vint  àPavie. 
Alors  le  F ape  le  déclara  excommunie ,  &  inhabile 
à  pofTcder  aucun  royaume  ,  ni  aucun  fief  de  l'Eglife. 
Ct/irjtlia  ne  s'av;nçoit  pas  moins  iufqu'à  Rome, 
ic  paiTa  de-là  dans  la  Pouille  ,où  fa  valeur  fans 
txpcricnce  ne  lui  fcrvic  prefque  de  tien.  Cliailts 
le  vainquit  près  du  Lac  Fucin  le  23  Août  ii68, 
le  fit  pnfonnicr  ,  &  lui  fit -trancher  la  tète  au 
milieu  du  iTurchc  de  N'aples  le  29  Oâobre  fui- 
▼ant.  Cette  exécution  du  dernier  rcjetton  d'une 
mail'on  illuAre  fut  prefque  généralement  dcfap* 
prouvée.  Charles  voulut  cxre  témoin  de  ce  triftt 
Ipcclacle  V  **  &  facriftant  (  dit  Haiéion  )  l'intérêt 
>•  de  fa  gloire  à  une  cruelle  politique  ,  il  ne  fe  fit 
)•  point  de  fcrupule  d'acquétir  une  couronne  par 
M  un  crime,  n 

Second  ConclU  gèniial  de    Lyon.  Réunion  pjj^ 
figére  de  FEgllfe  Grecque, 

Let  guerres  des  Croifades  ayant  établi  une  plur 
grande  relation  entre  l'Orient  &  l'Occident  ,  oi»- 
fitdiverfcs  tentatives  pour  terminer  le  TchTme  qui 
féparoit  depuis  quelques  ficelés  l'Eglife  Grecque 
d'avec  la  Latine.  Les  Empereurs  Grecs  qui  avoienr 
recouvré  leur  capitale  en  ii6i  ,  avoicnt  befoia- 
de  fe  foriirier  ,  dans  leur  état  de  foibleiïe  ,  par 
le  fecours  des  Princes  Occidentaux.  L'empereur 
Miiid  PaUyiiiut.  jcAïaat  cuBUiiga  leur   p.(<^u^ 


DE  l'Histoire  Eccleçiasttque.    117 

tion  lui  éîoit  ncceffaire  ,  tàcaa  de  l'obtenir,  en 
iavorifanc  les  projâcs  de  rcunion  entre  ki  deux 
ïgli.'es. 

Lorl'que  Grégoire  A',  de  la  famille  des  Vifcontlf 
eut  tté  élu  fouverain  l'ont ite  ,  il  exhorta  l'Em- 
pereur Grec  à  perfévcrer  dans  le  deffeia  de  réu* 
n:r  rOrient  avec  l'Occident.  Ce  pontife  ayant 
convoqua  un  Concile  gcncral  à  Lyon  au  com- 
mencement de  l'an  1274  ,  pour  confommer  ce 
grand  ouvrage  ,  l'empereur  Michel  y  envoya 
{ei  ainbaiTadcats  ,  ainù  que  tous  les  Princes  de 
l'Europe. 

Le  Concile  fe  tint  dans  l'Eglife  métropolitaine 
de  Sz-Jean  de  Lyon.  Il  s'y  trouva  cinq  cents  Evê- 
ques  ,  foixante-dix  Abbés  ,  &  environ  mille  au> 
très  Prélats  inférieurs.  Le  Pape  ,  chef  de  cette 
augufte  aiTembiée  ,  étui:  mon:c  fur  un  jubé  conf- 
Uuit  exprès,  revêtu  de  fes  hahits  pontificaux,  & 
a/TiAc  de  pluficars  Cardinaux.  C'cd  de- la  qu'il 
•xpofa  les  trois  motifs  de  la  convocation  du  Con- 
ciie  :  la  réformation  des  mos'urs  ,  les  fecours  don- 
sés  à  la  Terre-Sainte  ,  &  la  rçunion  des  Grecs. 

Les  députés  de  l'Eglife  Orientale  fignérent  une 
profe.Tion  de  foi  telle  qae  le  Pape  l'avoit  exigte, 
après  avoir  prcfensé  une  Lettre  de  vingt-fix  Mé- 
tropolitains d  Aiîe  ,  qui  annonçoit  leur  foumifTiora 
aux  articles  qui  jufqu'alors  avoient  divife  les  deux 
Eglifcs.  Mais  dès  qu'ils  furent  de  retour  à  Conf- 
lintinop'e,  le  peuple  &  une  partie  du  clergé  s'c- 
^vcrent  cooire  une  réimioa   qu'iU   regardoieos 


1Ï4  Elemens 

comme    le   renverfemcnt    ce    la    Religion. 

Michel ,  Cjui  voyoit  <ldn$  cet  accord  un  moyen 
de  confcrvcr  l'empire ,  ou  du  moins  de  le  défen- 
dre contre  les  incurf;ons  de  fes  ennemis  ,  fevit 
contre  ceux  c,ui  s'oppofuient  à  l'extindion  du 
fchifme  :  mais  ,  la  Cévcrité  fervant  encore  a  allumer 
e  fanatjl'nie  ,  Connantinople  fut  remplie  de  lii» 
belles  &  de  placards  contre  l'Empereur. 

Ce  fut  dans  ces  circonHances  orageufes  (ea 
1278  ),  qu'arrivèrent  les  nonces  que  le  pape  M» 
colas  m  envoyoit  en  Orient  après  le  Concile 
de  Lyon  ,  pour  y  confommer  l'ouvrage  ébauché 
dnns  ce  Concile.  Ces  ambàlTadeurs  commencèrent 
par  demander  que  les  Grecs  rtformafl'ent  leur 
iy^hole  &  y  ajoutalTent  le  mot  Fi/icjLt. 

rt  M  chcl  (  dit  M.  P/ttju<f,)  fut  d'autât  plus  étonné 
M  de  cette  nouvelle  demande,  que  lorlqu'il  s'ttoit 
»(  agi  de  la  réunion  fous  l'empire  de  VatJte ,  le 
».  pape  Inn.  cent  IV  avoit  confenti  que  les  Grecs 
M  continuaiTent  de  chanter  le  Symbole  fuivant 
»»  leur  iifape.  Il  comprit  que,  s'il  vouloir  faiis» 
n  faire  le  Fiipe ,  iL  courroit  rifque  d'une  révolte 
n  générale.  li  tefuTa  de  faire  dans  !e  Symbole  le 
»  changement  que  les  nonces  cxigeoient.  Us  fe 
w  rctireicnt,  &  le  Kipe  excommunia  l'Empereur. 

»  L'excommunication  ctoit  conçue  en  ces  ter* 
r>  mes:  Sfus  déninç,.nt  cxccmmunié  Michel  Paléo» 
M  Ipgue  ,  çu«  l'on  ncmmt  Empereur  àei  Crect  ^  tom- 
f  me  fauteur  de  tantitn  /ihifint  &  de  Itut  hiréfit\ 
m  &  ncui  dijcndeuf  à  tout  Rt,it  ,   Prirtcct ,  &  êtttrtr  ^ 


DE  L*HlST01RE  ECCLESIASTIQUE.      II5 

n  it  quelque  CunditLit  qu'ils  J'o'ent  ^<ic  faire  avec  lui  ^ 
n  tant  qu'il  demeurera  excommunié  ,  aucune  fociété  ou 
M  conf.de'ration.  n 

Mjrtin  //-'renouvella  cette  excommunication, 
&  e!le  durcit  encore  en  11S3  ,  lorfque  Michel 
mourut  accablé  de  chagrins  &  d'ennuis.  Il  avoit 
déplu  aux  Grecs  en  voulant  les  feire- rentrer 
dans  le  fein  de  la  véritable  Eglife  ,  &  mécon- 
tenté les  Latins  ,  en  exigeant  des  adoucifiemens 
qui  puffent  faciliter  la  réunion  des  fchifmatiques. 
Andronic  II,  fon  fils  &  fon  fucceffeur  ,  feduit 
par  des  fanatiques  ,  lui  refufa  la  fépulture,  &  an- 
nulla  tout  ce  qui  s'ctoit  fait  pour  éteindre  le 
fchifme.  Il  fit  foleranellement  depofer  dans  un 
Concile  le  patriarche  Veccus  ,  qui  favorifoit  la 
réunion  ,  S:  rétablit  le  patriarche  J^fcph  ,  qui  avoit 
été  ci-devant  chaffé  de  J'on  litge  parce  qu'il  lui 
étoit  contraire. 

Ainfi  les  efforts  d'un  Empereur  auffi  abfolu  & 
auflï  zè!é  que  l'étoit  Michel ,  fie  les  intentions  pa- 
cifiques du  premier  paftcur  del'Eij'.ife  Grecque, 
ne  produifirent  aucun  chingcmçnt  ftable  dans 
J'etat  de  cette  E^'.ife'.  Prefquc  toutes  celles  de 
Orient  demeurèrent  livrées  a  l'efprit  de  divi. 
fi)n.  Plufieurs  Jacobites  &;  Ne:lo.-icns  reaoncerent 
cependant  à  leurs  erreurs  ;  mais  leur  exemple 
reput  guérir  ni  les  prévenions,  ni  la  haine  des 
Grecs. 

Les  projets   pour  la  CroITaJe  furent     auiïi  in- 
fruilucuic  qu«  ceux  qu'on  avûit  tormés  pour  l'cx- 


tîfi  Elimeks 

tinâion  eu  fchifmc.  degui.-e  A' mourut  en  1 176  , 
R:  les  Poniifes  qui  vinrenc  après  lui  ne  gouver- 
nèrent pas  slVtz  long-tcms  pour  adopter  fcs  idées 
&  pour  les  fiire-valoir.  Tout  le  fiuit  du  XI v* 
Concile  pencral  ,  II'  de  Lyon  ,  fe  borna  à  quel- 
les réglemens  utiles  ,  &  à  la  icfoinie  de  quel- 
ques abus.  On  n'y  difliniula  point  les  maux  ,  fit 
en  n'étouffa  point  la  voixdetcux  qui  les  decou- 
vroicnt-,  mais  il  ctott  di&cile,  que  des  alTcfnblcc» 
pBiTn^crcs  pnfient  guirir   dci  plaitt  c^ui  (iir.taa> 

4otcot  un  trat:cn«nt  (.Ûidu  t^  juurntlicr» 

« 
Ecrivains  LcJê/iapques, 

Le  xin'  fiécle,  flcrile  en  bons  Lcrivaini ,  fut 
fécond  en  Théologiens  TchoUAiquet.  Lti  Domini- 
cains en  produifirent  un  grand  nombre  ,  tels  que 
Albtn  le  Grand  ,  évoque  de  Racisbonne  ,  mort  ea 
l2So,àgé  de  87  ans  ,  nprès  avoir  «niante  coiffe- 
rens  Ouvrages ,  imprimes  en  ib^i  ,  en  21  vol. 
in-fol.  Recommandable  comme  Religieux  &  corn* 
me  Evéque  ,  il  ne  l'cA  gucres  comme  Auteur.  Il 
étendit  la  logique  au-delà  de  Tes  bornes  en  y 
mêlant  mille  chofes  étrangères,  &  il  traita  l'aAro- 
lo^ie  judiciaire  en  fcience  qu'un  peut  mclcr  à 
là  politique. 

S.  Thomas  A'À^uin  ,  (cti  difciple,  fils  <lu  comte 
é'À^uim  .cherch]  un  afyle  contre  la  corruption  du 
ficde  chez  les  Dominicain  s ,  qu'on  appclioit  alors  Ici 
frtru  Prithtutt.W  cnfeignn  ta  théologie  avec  le  plus 
grand  fucccs,  &.  dcviiit  l'oracle  de  foo  Oidrc.  H 


DE  lTîistoire  Ecclésiastique.    117 

Tcfu fa  l'arche vêchô  ':'e  Napics  &  moiirut  en  1174, 
comme  il  venolt  au  Concila  de  Lyon. ')on  humilicé 
&fon  auftcricé  égalèrent  fa  fcieuce.  Sesparcns  s'é- 
tant  oppofés  â  fon  entrée  dans  l'état  religieux, 
envoyèrent  une  courtifane  pour  le  corrompvciil 
la  mit  ea  fuite  avec  un  ti fon  ardent.  Sa  Somme 
qui  lui  a  mérité  le  furnom  de  Docteur  angélique  ^ 
eft  encore  le  fondement  de  toute  la  théologie  fciio- 
laftique  6c  morale.  Il  ftit  pour  la  tUéol  i^ic  ce  que 
Dcjcd'tts  a  été  pour  la  philofophie  dans  le  fiécle 
dernier.  Malgré  fa  pénétntion  ,  fon  fçivcir  & 
fon  jugement ,  il  fut  forcé  de  fe  plier  à  li  métho- 
de fcholaftique  de  fon  fiécle  ,  &  de  traiter  quel- 
ques qucllion  inutiles  que  les  Théologiens  moder- 
nes ont  écartées.  C'eft  à  lui  qu'on  doit  rOiiice 
de  la  tére  D  eu,  intïituée  dans  ce  fiécle  par  le 
pape   Urbain  IV. 

Vincent  de  Beauvais  ,  ainfi  nommé  parce  qu'il 
ctoit  Evc^ue  de  cette  ville  ,  publii  une  efpice 
d'Hiftoire  univerfelle  fous  le  titre  de  Spectlnm 
(  Miroir  )  hijloriale  ,  qui  n'eft  point  le  miroir  de 
la  vérité. 

Hugues  de  5.  CAtff ,  cardinil  ,  paffihle  interprète 
de  l'Ecriture-Sainte  ,  donna  la  première  idée  des 
Concordances. 

Raymond  ,zvi\.e\XT  da  Puî^nard  de  la  F^i ,  fe  dif- 
tingua  par  une  érudition  fupérieure  au  génie  de 
fon  fiécle.  Il  ctoit  Dominicain  ,  ainlî  que  la  pré- 
cédent 

I-ci  Frères  Mineurs    eureiu  aui3î  leurs  ecri- 


"ii8  Elemens 

vains.    Le     plus    cclcbrc    cil    Saine    Bmarerturt  , 
ne  en    Tofcane  l'an   1221,  l'une    des  lunùcres  de 
fon  Ordre,  dont   1!  lut  gcncra].  Le  pape  Cre'gvire 
X  l'honoia   ce    la    pcurpte  Kcmaine.    Lotfqu'oa 
lui   porta    la   rouvclie    de   fa    rcniii  etion  ,cn  le 
trcuva     lavrnt    la     vaifTelle.     Son  humilité  étoic 
cxircme.    C'.cmtnt  l^  lui  offrit    vainement     l'ar- 
chevcchc  d'Yorck.  Il  mourut  en  1174',  au  Con- 
cile de  Lyon  ,   avec  le  titre  de   D^^lcur  Séraphi- 
qut.  ta  Ouvrages  de  p'uité  refpirent  une  ondion 
qui   l'a  foit  -meure  au   rang  des   bons    Ecrivains 
myftiques  :  mais  on  y  trouve  quelquefois  des  ré. 
Acxions  &  des   détails  hilloriqtes  fur  la    vie   de 
J.C.  ,qui  n' ctant  pas  pi  iûs  dans  l'Lvan^ile,  ne  font 
pas  toujours  propres  à    ncutiir  unepicic  cclaitée 
•&  folide.  Le  recueil  de  Tes  Ecrr.s ,  imprimés  à'Ve- 
nile  ,   1741-1756,  forme  14  vol,  ln-4'. 

Alexjndîc  de  HjIcs  ,  lui  nommé  le  D,.Bcur  Ir^è- 
fra^ablt ,  le  maître  de  S.  £,,na%cr.ture,  fut  aufli  ap« 
pelle  /lins  fine  ,  glutij  d^cli-rum  ^flcs  philu/tiphorum  » 
mais  il  mctita  plus  d'cfiime  par  fa  pictc  ,  qi:e  par 
fa  fcicncc  ,  qui  ctoit  mcice  de  toute  la  rouille  de 
fon  tems. 

S.  Ar.t<,irt  de  r^ciLt ,  co^rmeritatcur  des  Livres 
faints,  &  Trcdiiatcur  infatigable  ,  fe  lit  un  nom 
par  fon  cliKjuer.ce  ,  qui  ne  pouvoir  gutres  ûre 
bonne  que  pour  fon  llécle. 

i?i/r<i/;rf  ,  cvCquc  de  Mendcs,  eut  le  furncm  de 
Spttu.'aicr  ,  à  caulc  de  fon  Sficulum  Jurit,  Ce  li> 
vre  a  cté  long-tcms  coofulic  par  les  Canccifiet, 


BE  l'Histoire  Ecclésiastique,     ii^ 

Guillaume  de  St -Amour  ,  docteur  de  l'univerri'c 
de  Paris,  fc  rendit  célèbre  par  l'ardeur  avec  la- 
quelle il  dcfendit  les  droits  de  la  fociété  dont  il 
étoit  membre,  contre  les  Religieux  mend, ans.  Il  les 
attaqua  av.^c  une  vivacité  extrême,  &  il  trouva 
dans  S.  Thomas  Si.  djns  S.  D.injvinturc  des  adver- 
faires  qui  le  refutirent  avec  force  ,  mais  fans  em- 
portement, *  * 

Mais  celui  de  tous  les  Dofleurs    Parifiens  qui 
mérita  le  mieux  de  la  poftcrité  ,  fut  Robert  Sor- 
bjn  ,  ou  ii  Sorbi'iine.  II   fut  ainlL  appelle   ,  parce 
qu'il  étoit  ni  au  village  de  ce  nom   près  de  Sens. 
Les    Ouvrages   des   Ecrivains    de  fon    tems    font 
prefque  oubli  is  ;  le  fien  fubfiile  &  fubfiftera  pour 
la  gloire  de  la  Religion.   C'eft  lui  qui   fonda   ea 
1255  le  collège  qui  porte  fon  nom.  Il  chercha, 
par  cette  fonda:ion,  à  applanir   aux  pauvres  éco- 
liers la  carrière  des    études  thcologiques.  Il  con- 
çut  U  il    exécuta    le    projet   d'une    fociété   d'Ec 
cicûaftiqu-js  fec'.illers ,  vivant    en  commnn  ,  qui  , 
libres   des  foins  de  la  vie  ,  fe  livrafTent  entière- 
ment aux  fcisncis  de  leur  état,    &  enfeignaffent 
les    autres     gratuitement.    L'ctablilTement    de  la 
Sorbonne    ,  confirme    par    le  faint-fiége  ,  fut  au- 
torifé  par  S.  Z.&um  ,  don:  Robert  étoit  le  chapelaia 
&  le  confciTeur. 

Ce  célèbre  Doileur  auroit  rendu  un  grand  fer. 
vice  aux  Ecoles  de  ce  tems-là,  s'il  avoir  pu  les 
délivrer  des  fubtilités  fophiftiques  ,  puériles  & 
iodcccntcs ,  que  raffujettillement  a  la  diaJeftiquo 


149  E   L   E  M   E  V  S 

^\ir\ftote  y  qu'on  ne  connoilToitque  par  Tes  trs»- 
▼aifcs  veii-ons  des  Arabes,  y  avoir  introdui- 
tes: mais  c'ctoit  beaucoup  ,  de  donner  desmc>%ea$ 
d'acquérir  avec  moins  de  peine  les  connoilTances 
auxquel'cs  les  hommes  fludi(.ux  d'alors  poiivci:nt 
atreiiidre. 

Il  fjut  rerratcuer  à  'a  lou  rg!  de  ce  fié  le  , 
que  les  gens-dc-b.cn  &  de  f,avoir,  coient  con- 
sultés fc  (.ccuics.  le  mtritc  écoit  encore  en  hon- 
neur. On  a  vu  S.  B.njnti:.ire  é'.cvé  à  la  «ligni.c 
de  Cardinal-,  &  S.  Thomas  d'^luin  reçu»,  des  Fa- 
pes  &  des  Rois ,  les  tcmoignages  les  plus  hono- 
rable*. 

Nous  remarquerons  encore, que  dans  les  coa- 
troverfes  que  l'on  eut  à  fourcnir  pour  la  réunion 
<Jes Grecs,  d  vers  points  de  doilrine  furent  cclair- 
cis  Se  traites  avec  foin.  Les  Conciles  qu'on  af- 
fcmbla,  fcrvircnt  non-feulement  à  répandre  la  lu» 
■licrc  fur  les  dogmes ,  que  les  htrctiques  voulolent 
obfcurcir,  mais  à  re;ucil!ir  les  diibris  de  l'ancienne 
difcipline,  (c  à  refTerrer  les  liens  facrcs  de  la  com- 
munion eccléùaflique. 

£u:  Je  PE^'Jfe  Je-  Rc^me» 

Les  Papes  qui  gouvernèrent  l'Eglife  â  la  fin  de 
ce  ficelé  ,  fe  fucccdoient  (i  rapidement  que  leur 
hiAoire  ne  pouv.mt  former  qu'une  lifte  fort-»c- 
che,  doit  être  renvoyée  dans  des  tables  chrono- 
logiques. Les  cicâions  ^toicnt  une  fource  déca- 
tie de  difputes.  Apre*  la  mort  du  pip«  V- 

coLxf 


CE  lTTistoife  EcCLISUSTlÇur.     lii 

ciiat  IV,  leS.Sicge  vaqua  pendant  plus  de  deux  ans* 
Enfin  les  Cardinaux  Llurent  Pierre  d^  SLuron  ,<\\ù 
pnt  le  nom  de  CéUfiin  V.  C'étoic  un  Hermite  qui 
•voit  toutes  les  vertus  de  fon  état  ,  8c  aucune 
des  qualités  propres  au  gouvernement.  La  fimpli- 
cicé  dans  laquelle  il  avoit  palTé  fa  vie  ,  le  dcfauc 
d'cxpefiencc,  la  tbiblefle  de  l'âge  ,  lui  firent-com- 
tnettre  bien  des  fautes  par  les  artifices  de  ceux 
auxquels  il  étoit  livré.  Il  fe  démit  de  la  Papauté 
<n  1194,  &  retourna  dans  la  folitude  .ajirès  avoir 
fondé  les  Céleûins  ,  ordre  fupprimé  aujourd'hu 
<n  France. 

Le  cardinal  Cajctan  ,  qui  avoit ,  dit-on  ,  engagé 
CcUfiin  Va  fe  démettre,  fut  élu  après  lui:"  Pré- 
M  lat  (dit  l'Abbé  de  Venot,  )  fçavant  en  l'un  &  l'autre 
♦•  droit,  habile  dans  le  gouvernement  8c  confom- 
>«  mé  dans  les  affaires  d'état  ;  mais  d'uoe  ambi- 
1.  tion  fans  bornes  ,  avare,  vindicatif,  même  cruel  ; 
t«  &  qui  pendant  tout  fon  pontificat,  ne  fut  oc* 
X  cupé  que  du  projet  chimérique  d'unir  l'un  & 
t«  l'autre  glaive,  &  ,  à  la  faveur  de  l'autorité  pure- 
y*  ment  fpirituelle  ,  de  s'attribuer  fous  différens 
w  prétextes  une  domination  temporelle  fur  les 
«  Etsts  de  tous  les  Princes  Chrétiens.  «Il  com- 
mença fon  règne  par  la  re  vocation  des  grâces  ac- 
cordées par  fon  prédeccHeur.  Jaloux  de  la  placs 
qu'il  occupoit ,  &  craignant  qu'on  ne  pcrfuadàt  4 
Cilefiln  de  la  reprendre,  il  le  fit-enfermer  dans  un 
château,  où  il  mourut  peu  de  tems  après  ,  coa- 
fumé  par  fcs  aui\t;ritcs. 

iQtn,  IL  F 


■frii  E  L  E  M  I  N  s 

Les  entreprifes  des  Papes  fur  l'autoriré  tempo- 
relle Tefoutinrent  d'autant  plus  dans  ce  ficelé,  qu'^ 
Jes  trouvèrent  des  apologiftes  dans  pluCeurs  théo- 
logiens. S.  Luuls  ,  plein  de  refpccl  pour  la  chaire  de 
S.  PUrrt ,  mais  ne  voulant  pas  facririer  à  ceux 
qui  l'occupoient  les  droits  de  fon  trône,  donna  en 
1169  fa  PragmjtiijMe-SanHicn  ,  pour  contenic  la 
puiffance  eccléruftique  dans  de  juftes  bornes.  «Les 
t,  Papes ,  (  dit  l'Abbe  de  Choijî ,  )  fous  le  fpccieux 
»«  prétexte  des  Croifadcs  &  de  rcx:irpation  des 
n  hcréfies  ,$'étoient  attribué  un  grand  pouvoir.  Us 
>t  donnoient  les  terres  des  hi'rétiques  à  ceux  qui 
»»  €n  faifoient  la  conquêtÉ,&  fe  réfervoient  touioars 
»>  quelque  redevance.  Les  Seigneurs  particuliers  fe 
m  faioict  alors  la  guerre  tort-conimiîncment,  fans  que 
n  les  Princes  puffent  l'empêcher.  Les  Papes  les  met- 
V,  toient  (ous  la  protcdion  de  S.Piem,  Si.  dcfendolcr  t 
n  à  leurs  ennemis  de  les  attaquer. Ils  ordonnoicni  des 
M  Croifades  ,  impofoient  des  décimes  fur  le  clergé 
»  pour  ces  expéditions,  &  de  plus  ils  fe  rendoient 
X  peu-à-peu  les  maîtres  abfulus  des  privilèges  8c 
>»  de  toute  la  difcipline  eccLfiaftique  ,  même  de 
M  la  plupart  des  Bcnifucs ,  auxquels  ils  nommolent, 
n  à  la  moindre  difpute  ,  des  colljteur*. 

H  Ccft  à  une  partie  de  ces  abus,  que  S.  Lou'tt 
n  voulut  remédier  par  fa  Pragmatique.  Cette  fa- 
^  meufe  ordonnante  porte  que  les  pitrons  &  les 
n  coUateurs  Aa  Bine  fie  es  ,  feront  maintenus  en  poT- 
„  -feiBon  de  leurs  droits  ;  que  tous  les  difft rends 
9  «a  cette  maiicre  fcroat  réglés  par  le  Droit  comj 


i5E  l'HiSTOIRÏ   EcCLESlAStiQUE.      115 

>.  iBun  ,  &  qu'on  ceffera'de  lever  ,  au  nom  de 
»>  la  Cour  de  Rome,  des  contiibuiions  onireufes 
»  à  lEtat  ,  &c.  » 

Injlltuùon  du  Jubilé, 

Bonlfacc  VIII ,  (  c'eft  le  nom  que  prît  le  cardi* 
Rai  Cajetan  ,  fucceffeur  de  Célejlin  ,  )  fignalala  fixié- 
me  année  de  Ton  pontificat  par  une  inAitutlon  fa« 
lutaire.  Vers  la  fin  de  l'année  13C0  ,  le  peuple 
dil'oit  hautcn-.ent  que  c'étoit  un  ancien  ufage  d« 
l'Eglife  ,  que  chaque  centième  année  on  gagnât 
une  indulgence  pléniére  en  vfitant  l'Eglife  de  S. 
Pierrt.  Un  vieillard  de  cent-fept  ans  ,  ayant  con- 
firmé cette  tradition  au  pontife,  Boni/ace  donna 
une  bulle  qui  portoit ,  que  ceux  qui  viflïeroien^ 
en  13CO,  &  tous  les  cent  ans  enfuite ,  les  bcfili- 
qu^  de  S.  Pierre  &  de  S.  Paul  ,  après  »'être  con* 
feffés  de  leurs  péchés ,  gaj;neroient  une  indulgence 
plénlere  ;  mais  dans  cette  bulle  il  n'étoit  pas  fait 
mention  du  Jubilé  ,  nom  que  Clcment  VI  donna 
(dit-on)  le  premier  à  cette  inftitution,  en  or- 
donnant qu'elle  feroit  célébrée  tous  les  cinquante 
ans. 

Le  premier  jour  de  la  proclamation  du  Jubilé,' 
Eoniface  VIII  donna  la  bénédiftion  au  peuple  en 
habits  pontificaux  ,  &  le  fécond  ,  avec  les  orne- 
mens  de  la  dignité  impériale.  Le  delTein  qu'il  avoit 
formé  de  s'arroger  une  autorité  illimitée  ,  non-feu- 
lement fur  les  affaires  fpirituelies  ,  n.ais  fur  les 
temporelles  des  Princes ,  fe  manifena  alors  avec 

Fij 


Ïi4   Elemevs  de  l'Hist.  EccirsiASt. 

éclat.  Il  fît-poner  devant  lui  une  épce  nue,&  le 
hérault  qui  la  portoit ,  prononçoit  à  haute  voi>  ' 
Il  y  a  ici  deux  g.'jii  <s  ;  paroles  de  l'Evangile ,  donc 
le  Pape  dctournoit  le  lens  pour  s'attribuer  l'exer- 
cice &  les  droits  des  deux  puiflances.  Nous  ver- 
rons bientôt  quel  fut  le  truit  de  ces  prétentions , 
qui,  en  révoltant  les  Souveraios,  devoieat  aila» 
|Dcr  des  difputes  fuocAes^ 


\^  *  «  Il  !  x  »  -*  à  ^  VV\-*  «■  f  ■•>«■»  w  jg 

»■■■■  ■  ■■■»  ■  ■■  m^^^^,^^tmm 

É  L  É  M  E  N  S 

D  E 
VmsrOîRE  ECCLÉSIASTIQUE. 

QUATOnZUME  SIÈCLE, 

^ ■   ■    I # 

D'iftrtnd  de  Boniface  VIII  avec  Philippe 
U  Bel. 

^I  Boniface  VllI  eft  célèbre  en  Europe  parrinftî- 
tution  du  Jubile  ,  il  ne  i'eft  pas  moins  en  France 
par  les  différends  qu'il  eut  avec  Philippe  le  Beli 
prince  auni  jaloux  des  droits  delà  puifTance  tem 
porelle,  que  Je  Pape  l'étoit  de  ceux  de  la  puiflance 
fpirituel'e.  Ces  démêlés  commencèrent  en  1296, 
Philippe  ayant  mis  des  impôts  fur  le  clergé, quel- 
ques-uns de  fes  membres  s'en  plaignirent  à  Boni- 
face.  Le  Pontife  donna  à  cette  occafion  la  bulle 
Clericis  Laïcos  ,  dans  laquelle  il  défend  à  tout  Ec- 
clefiaftique  ,  foit  féculier  ,  foit  régulier  ,  de  payer 
aux  Lait^ues  quelqu'efpèce  de  taxe  que  ce  foit, 
fans  UIBrniinîon  du  faint-Hege. 
I»e^Ride  Frauce  n'ctoic  point  nomtné    dans 


li^  Elhmins 

cette  bulle;  mais  comme  il  fentit  très  -  bien qucUe 
n'avoit  que  lai  pour  objet ,  ildcfcndit  aufiî  engéoé* 
rai  fie  fans  parler  du  Ponrife  Romain ,  de  tranrpor- 
ter  hors  du  Royaume  ,  fans  l'a  pcrmiiTion  ,  ni  jojaux 
ni  argent  ,  ni  armes,  ni  vivres.  Cette  dc'enfe  oc" 
cafîanna  une  nourelle  bulle  ,  plus  énergique  que  ■ 
la  premicrc.    B^nlfact  y  relevé    d'abord  la  libené 
de  l'Eglire  cpoufe  de  Hsus'CtiKHT  ,  à  laquelle 
dit-il ,  il  a  don.ic  le  pouvoir  de  commander  a  tcjs 
Its  Fidèles  .  &  à  chacun   d'eux  eo  particulier.  Ve- 
nant enfuite  à  la  dcfenfc  de  tranfporter  de  l'argent» 
il  dit:  »  Si  l'intention  de  ceux  qui  l'ont  faite,  a  été 
de  l'étendre  à  nous ,  a  nos  frères  les  Prclats  ,  & 
aux  autres  Ecclcûjiliques ,  elle  fcroit   noo-tcule- 
ment  impudente  ,  mais  infenfte  :  puifque  ni  vous  , 
ni  ics  autres  Princes  féculiers  ,  n'avez  aucune  pulf- 
fance  far  eux  -,  &  vous  auriez  encouru  l'excoai' 
munication  ,  pour  avoir  donné  atteinte  à  la  liberté 
de  rEgîifc.  H  L«  Pape  explique  enfuite  la  ConAitu* 
tion  CUrieu  liiïcot ,  Se  déclare  qu'il  n°a  pas  défen- 
du abfolument   au  cierge,  de  dontier  au  Roi  quel. 
qucs  fecours  d'argent  pour  les  ncccHîtcs  de  lEtat , 
nais  feulement  de   le  faire    fans  fa  permllTion  du 
faint  fiwge.  «  Le  Roi  des  Romains  ,a)oute-t-il  ,  & 
le  R'>i  d'Angleterre,  ne  rcfufent  pas  de  fubir  no- 
tre j-.igemeat  pour  les  ditf. rends  qu'ils    ont  avec 
Phi/ifpi  i  &  il  eA  certain  que  le  jugement   nous 
tn  appartient  ,  puifqu'ils  prétendent  que  vous  pê« 
chez  contr'eux.  •»  Il  finît  en  menaç    .  '*- 

▼oir  rec'jurs  a  dit  re.a:i:t  plas  vio. 


DE  l'Histoipe  Ecclésiastique.    127 

On  fit  à  cette  balle  ,au  nom  du  Roi  ,  une  répon- 
£e  où  il  eft  dit  :  •«  L'Egllfe  époufe  de  Jesus-Ciir. 
n'eft  pas  feulement  compofée  du  clergé  ,  mais  en- 
core des  laïques.  Il  l'a  délivrée  de  la  fervitude 
du  péché  ,  du  joug  de  l'ancienne  Loi  ,  &  a  voulu 
que  tous  fes  membres  (builTent  de  cette  liberté* 
Ce  n'eft  pas  pour  les  feuls  Eccicfiaftiques  qu'il  eft 
mort,  ni  à  eux  feuls  qu'il  a  promis  la  grâce  en 
cette  vie  &  la  gloire  en  l'autre  :  le  Clergé  ne  peut 
donc  s'approprier  que  fort  -  injuftement  la  liberté 
que  J.  C.  nous  a  acquife.  Mais  il  y  a  des  liber- 
tés particulières  accordées  aux  Miniftres  de  l'E- 
glife  par  les  Papes  ,  à  la  prière  ,  ou  du  moins 
avec  Ij  permilTîon  ces  Princes  fcculiers.  Ces  li- 
bertés r.e  {#uvent  ôter  aux  Princes  ce  qui  eft 
néceffaire  pour  le  gouvernement  &  la  défenfe  de 
leurs  Etats.  Les  Ecclefiaftiques  font  membres  de 
l'Etat  comme  les  autres  ,  8c  par  confequent  obli- 
ges de  contribuer  à  fa  confervation  ,  d'autant  plu« 
qu'en  cas  de  guerre  leurs  biens  font  les  plus  ex- 
pofés.  11  eft  contre  le  droit  naturel  de  leur  dé- 
fendre d'accorder  cette  contribution,  tandis  qu'on 
leur  permet  de  donner  a  des  amis  ou  à  des 
bouffons  ,  &  de  faire  des  depenfes  fort- inutiles, 
en  habits  ,  en  équipages  ,  en  fefiins  Se  en  Id'autrej 
vanités  toutes  féculiéres  ,  au  préjudice  des  pau. 
vres.  Nous  craignons  Dieu  ,  &  nous  honorons  les 
miniftres  de  l'Eglifc  :  mais  nous  ne  craignons 
pas  les  menaces  déraifonnables  des  hommes  ,  fça- 
chant  que    la  JMfticç  eft  de  notre  côté.  i« 


«1^  E  1  É  M  E  N  f 

Pierre  Sarbtt ,  archevêque  de  Rlieimî  ,  voyant 
le  trouble  qu'cxcitoit  en  France  la  bulle  CltrieU 
Uuot ,  écrivit  »u  pape  Bcn-facc  au  nom  de  tou- 
te fa  province  ,  pour  le  prier  de  remédier  à  ce 
fcaodale.  Il  envoya  à  Rome  des  Evcques,  pour 
donner  au  fjpc  fur  ce  ■Ajet  les  inAruftior.s  né- 
ceffdtrcs.  Le  Pape  y  eut  cgard  ;  &  par  une  buH» 
adrcilee  en  1 297  à  tous  les  Evèques  &  aux  (ci* 
gneurs  de  France  ,  il  Te  plaint  que  quclques*uo» 
ont  mal  explquc  la  Con.ucjcion  ;  âcl'expUquaaC 
lui-mcme,  il  décUre  que  la  dctenfe  qu'elle  porte 
xte  s'étend  point  aux  dont  volontaires  ou  gratuits, 
liit.%  par  le  cierge  au  Roi  ou  aux  feigaeurs ,  mai* 
feulement  aux  exaâions. 

Cependant,  maigre  ces  explications,  Ihigreur  fab^ 
fifta  toujours  entre  Phuippt  îSt  Boni/ace  ;  elle  éclata 
plus  vivement  que  jamais  en  i)0).  Le   fapc  en- 
voya au  Roi  un  le^at    qui  éto*t  loa  ennemi  per- 
fonnel  :  c'étoit  Bernard  Seijfct  ou  de  S*ij(fet  ,  évèqu* 
de  Pamiers  ,  en  faveur  duquel  ^«nZ/^rc  avoit  crigô 
cet  cvèchj   fans    le  comcT:-- neot  du    monarque. 
Ce  prcljt,  homme   inquiet  ,  vindicatif  &  infoleni, 
fefouvenjnt  des  dirtlcultc»  que /''i-i/r^  avoit  fait- 
naître  dans  le  tems  de  l'erecèion  de  fj.i  cvèchc  » 
fe   moa:ra  a  U<oar    avec   toute  U  hauteur  de 
l'orgueil  iL  toute  la  vivacité    du    rcffeanment.  U 
propjia  de  la    part  du  P^pe    une   cro;Cide  contre 
les  Turcs  -,  fit  .  fur    le  reia»  que  le  Roi  6t  d'en- 
trer daos  U  li^wc  q  l'on  propofoit  ,  il  crut  pau- 
v«>tf  U  Uuc  -  rvuàu  ea  iiu  gultiu.  4V<:w  U  dcti 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    T2<^ 

lliére  dureté  &  en  tenant  contre  lui  les  difcouis 
{es  pluï  iniurieux. 

Vingt -quatre  témoins  ayant  attefté  fes  propos 
outrageans  contre  la  perfonne  de  fon  Souverain, 
Philippe  le  fit -arrêter  en  1301.  Boni  face  .  irrité 
qu'on  traitât  ainfi  fon  légat  ,  lui  envoya  l'archi- 
diacre de  Narbonne ,  pour  lui  ordonner  de  le  met-, 
trc  en  liberté.  Le  Roi  ayant  refufc  ,  le  Pape  l3nç4 
quatre  bulles  contre  lui. 

Bulles  de  Boniface  ,  &  réponfe  de  Philippe. 

Dans  la  première  ,  il  lui    fignifioit    que    lui 
Roi  de   France, étoit  fous  la  corre^ion  du  Pon^ 
tife. 

Par  la  féconde ,  i)  fufpendoit  tous  les  privilèges- 
accordés  aux  Monarques  François, 

Il  ordonnoit  dans  la  troifiéme  à  tous  les  Prélat»- 
du  royaume  de  fe  rendre  à  Rome  pour  afEfter  i' 
un  Concile. 

Enfin  ,  par  la  quatrième ,  il  cxcommuniolt  Phi* 
iippt  le  Bel ,  en  comprenant  dans  l'anathème  lest 
Prêtres  uu  Evoques  qui  lui  adminiflreroient  les 
chofes  fa  crée  s. 

Une  de  ces  bulles  étoit  conçue  en  ces  termes  : 

•<  BoSIFACt  ,  ÉVÊQUE  ,  SERVITEUR  DES  SERVI» 

TiURS  DE  Dieu  ,  A  Puiiippe  ,  roi  de  Frawck. 
**  Crains  Dieu  &  garde  fes  commandemens.  Nous 
>»  voulons  que  tu  fçachcs  que  tu  nous  es  fou- 
>r  mis  dans  les  chofes  fpirituellcs  &  temporelles, 
at  La  collation  in  bénéfices  &.  àts  prébendes  oe^ 


1^0  Elemens 

»>  te  regarde  abfolumcnr  en  rien  ,  &  fi  les  fruit» 
»  de  quelque  vacance  font  fournis  à  ta  garde, 
>»  tu  dois  les  rtfcrvcr  aux  f^cceffeurs  :  Ci  tu 
♦»  en  as  difpofc  autrement  ,  nous  déclcrons  de 
M  telles  collations  nulles,  &  nous  révoquons  tout 
M  ce  qui  s'cft  fiit  à  cet  cgard.  Nous  déclarons 
ti  hérétiques  ,  tous  ceux  qui  penfent  autremenc  , 
ft  &c.  &.\-. '. 

Voici  la  rcponfe  du  Roi  : 

4.    l'.UILIfPE  ,   PAR  LA  GRA«E  DEDiEU  ,  Rot  DE 
FilANCE  ,A    BoyiFACt,  QUI    r  RETEND  ÊTRE 

SOUVERAIN  Pontife  ,  peu  ou  point  de  Salot. 
«  Que  votre  très-graaie  fatuité  fçache  que 
M  noji  ne  dcpcndons  de  perfonne  pour  le  tcm- 
M  porel  \  que  la  collation  des  Eglil'es  &  des  pré- 
M  bendes  nous  appartient  de  droit  royal ,  audl» 
»»  bien  qie  les  fruits  de  tous  les  bénctîce»  pcn- 
»t  dant  leur  vacance  ;  que  les  collations  fiitcs  par 
f»  nous  jufqu'ici  ,  ou  à  faire  à  l'avenir  ,  font  & 
>*  demeureront  valables  ,  &  que  nous  mainticn- 
y>  drons  cour.igei.icment  leurs  pofftMreurs  envcr» 
y)  &  contre  tous   ceux  qui    pcnfcnt    autrement  , 

»    &C.  JvC.   » 

Le  Roi  ne  fe  contenta  pas  de  cette  réponfe  :  il 
fit  «brûler  publiquement  les  bulles  du  Pape  ,  & 
convoqua  les  Erats  du  royaume ,  qui  dcclarcretu 
qu'ils  oe  coonoilToicnt  Vautre  puifTance  que  celle 
4c  leur  Rui  ,  &  qui  promirent  de  foutenir  juf- 
qu'a  l>  iTiurc  les  droits  (<  les  libcrtct  du  royau* 
me.  U  envoya  ca  miffle-teiiLS  No^vu  eo  Ita^c, 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    131 

/ous  prétexte  de  lignifier  au  Pape  un  appel  de  fcs 
bulles  au  futur  Concile  ;  mais  réellement  pour 
l'enlever  ,  S:  le  faire- venir  de  gré  ou  de  force  à 
un   Otoncile  que  Philippe  vouloit  affembler  à  Lyon, 

Attentats  contre  le  Pape  ;  fa  Mort. 

Bonifaci  avoit  un  parti  violent  contre  lui  à 
Rome  ;  les  Colonnes  étoient  fes  implacables  enne- 
mis. Illes  avoit  peri'ecutés  violemment  parce  qu'ils 
étoient  Cib:lins  ,  &  l'on  fçait  qu'en  donnant  des 
cendres  le  premier  jour  de  Carême  à  un  Arche- 
vêque de  Gènes  qui  étoit  de  ce  parti  ,  le  Pape 
lui  dit  :  Souvenc\'\ous  que  vous  eus  Gibelin  ,  &  qui 
yous  ftrc\  ridait  tn  cendre  avec  les  Gibelins  !..  A't-- 
^ant  fe  lia  avec  un  homme  de  cette  fam'iile  puif- 
fante  Se  vindicative  :  c'ctoit  Sci^rra  Colonne  ,  qui  lui 
donna  le  moyen  de  pcnétrer  le  matin  7  Septem- 
bre 1503  dans  Anagni ,  ville  tiu  domaine  de  Bo^ 
m  face  ,  où  il  ctoit  né  ,  &  cù  il  s'éioit  réfugié. 
Is'ogaret  entra  dans  cette  ville  avec  Culvnne  & 
quelques  fcigneurs  du  pays.  Ils  avoiert  avec  eux 
trois  cents  chevaux  ,&  un  grand  ncnibre  «le  rerss 
àt  pied  de  leurs  amis  ,  &  payés  par  le  Roi  de 
France  ,  dont  ils  portoient  les  enfeigres  en  criant . 
"  Meure  le  Pape  Bonifjce  !  &  livt  le  Roi  de  Frur,.' 
>«  «  !  >»  ATc^jaret  s'adreffa  ail  Ccp^talne  Seau  Pot'.cfta 
d'Ânagni ,  demandant  leur  fecours  ,  qu'ils  lui  accor- 
dèrent. Alnfi  ils  fe  rtntlirent  maîtres  de  la  ville  , 
&  enfuite  du  palais  du  Pape  rprès  quelque  ré- 
^ûaace.  Les  Cardinaux  cfouvantcs  $'enfuiicnL&. 

r  vi 


if*  £   L   E   M    E    N   s 

fe  cachèrent  v  mais  on  prétend  que  quelques-un» 
éioicnt  d'intelligence  avec  les  François.  La  plu- 
part des  domeAiques  du  Pape  s'enfuirent  auffi. 

Bunijjce  (e  voyant  ainiî  furpris  &  abanéooné, 
£e  crut  mort ,  fit  dit  :  "  Puifquc  je  fuis  trahi  com- 
me Jésus -Christ  ^je  veux  du  moins  mou» 
y»  rir  en  'Pape.  «  Il  fe  fit  -  revctir  de  la  chape  » 
qu'on  appelloit  alors  le  manteau  de  S.  Pierre  ,  mit 
fur  fa  tète  la  tiare ,  qu'on  nommolt  la  couronne 
de  Conjîintin  ,  8c  prit  en  main  les  clefs  8c  la  Croix , 
&  s'aHu  ainû  fur  la  chaire  pontificale.  La  rcfif- 
tance  qae  trouvèrent  Nogjrc:  &  fa  troupe  dans 
la  maifon  du  Pape  &.  dans  quelques  autres  ,  fut 
caufe  qu'ils  ne  purent  parvenir  à  lui  que  vert 
le  foi r.  Ils  fe  rendirent  maîtres  de  la  perfonae, 
après  l'avoir  traité  (dit.on)avec  la  dernière  bru- 
talité ,  le  7  Septembre  1305  ,  veilk  de  U  Nati- 
vité de  Notre-Dame. 

Le  Pape  devoit  publier  le  lendemain  une  bulle 
par  laquelle  il  excommunioit  de  nouveau  le  Roi 
de  France  ,  difpenfoit  fes  fujets  de  leur  ferment 
de  fidélité  ,  &  donnoit  fon  royaume  au  premier 
occupant.  11  l'avoii  mcme  dc|a  offert  à  l'empe- 
leur  Albc't  ,  dont  il  avoir  confirmé  l'élection  -,  mais 
ce  Prince  ne  voulut  point  fe  charger  d'un  û  dan- 
gereux prèfent.  S'ogartt  fe  difpofoit  à  faire-par- 
tir  S^n//jc/,  lorfque  les  habirans  d'Anagni  s'ctant 
révoltés  contre  les  François  ,  le  chaffcrent  lui  8c 
fcs  partifaas.  Le  Pipe  s'étant  fiuvé  à  la  faveur 
dutunakCi  ni3atjc  d'une  ûcvrc  chaule  le   i^ 


DE  L*H"lST01RE  EcCLESlASTlQUEi!  13^ 
€)ûobre  de  la  même  année  1303  :  Pontife  fça- 
vanc  à  la  manière  de  Ton  fiecle  ,  mais  trop  vio- 
♦nt  &  trop  ambitieux.  Quelques  Hiftoriens  rap- 
portent que  C<;/iry?/rt  ,  fon  prcdéceffeur  ,  avoit  die 
yu'iV  ttoit  entré  dans  la  papauté  comme  un  renard^ 
qu'il  gouvtrneroit  comme  un  liun  ,  &  qu'il  mourrait 
comme  un  chien.  Cette  efpèce  de  prédiction ,  (  die 
l'Abbé  de  Vertot)  ne  fur  apparemment  inventée, 
somme  beaucoup  d'autres  ,  qu'après  les  évé- 
nemens.  Oa  l'accufa  de  fon  tems  en  France  de 
tous  les  crimes,  d'impiété,  de  blafphême,  d'hé- 
réfie  ,  de  fimonie  ,  &c.  &c.  ;  mais  ces  accufations 
ayant  été  intentées  lorfque  les  haines  étoient  dans 
la  plus  grande  efFervefcence,  la  plupart  doivent 
é:re  rejettées.  On  doit  dire  feulement  avec  Bof' 
yù«r,«que  comme  il  s'étoit  élevé  par  ambition  i 
la  papauté  ,  il  en  remplit  les  fonctions  avec  une- 
orgueil  extrême. .»  (  HisT.  de  France  ^IÀ\,\1,) 
C'ed  lui  quî  canonifa  S.  Louis, 

Pontificat  de  Benoît  XI. 

A  un  Pontife  emporté  fuceéda  un  Pape  paci- 
fique. Ce  fut  Binait  A7(  Nicolas  Etcajjln)  yDo- 
minicain  ,  cardinal  -évcque  d'Ortie,  11  ne  régna 
que  huit  mois  ,  pendant  lefque!s  il  termna  les 
triftes  d  fférends  qui  divifoient  Rome  &  la  Fran- 
ce. Il  accorda  à  Philippe  l'abfolution  des  cenfu- 
res ,  qu'i'  n'avoit  point  d^manlée  ,  mais  que  (es 
«nvoyés  dévoient  recevoir  fi  on  la  leuroffroit, 
•n  xemcttam  Igt  ihotçs  ça  Fraacc  telles  qu'elles 


Ï34  Elemin's 

étoient  avant  la  dirputefurcitée  ^t  Bjr.îfact  JTtl. 
Btitvit  XI  ioana  fur  ceue  paix  diffcrcntci  bulles 
aux  mois  d'A\ril  &  de  Mdt  1304.  Dans  l'unel^ 
aLfout  ceux  qui  avoienc  eu  part  à  la  pri  :'e  de  Ton 
prcdwceffeur  ,  &.  il  n'en  excepta  que  Sogarct  ,dcnt 
il  fe  réferva  l'abrolutioa.  On  croit  qu'il  fut  e:ii> 
poilbrinc  en  Juiilec  IV^4-  ^*  Pontife  vertueux  & 
iDodefte  n'avoir  pas  \\.u;u  reconnoirre  famcre, 
parce  qu'elle  s'ctoit  prefentée  à  lui  avec  des  iu« 
bits  qui  ctoient  au-dclTus  de  fon  état. 

TranJÎMJon  du  Sainr-Sicgc  J  Ay'i^/:on. 

Après  la  mort  it  Benoit  XI ,  le  faint-ûcgc  vaqua 
treize  mois.  En/in  Eewant!  àc  Goih  ,  archevcque 
de  Eordcaux  ,  fut  clevc  en  Juillet  130J  au  fouve* 
rain  pontificat ,  par  les  foUicitat.ons  de  PhiUpfc  le 
Bel.  Cctoit  un  pr  jlat  infinuant  Se  ambitieux  ,  qui 
promit  3  ce  prince  ,  (fuivant  l\no'i\  p'ufîeurs au- 
tres hiftoriens  ,)  de  lui  accorder  tout  ce  qu'il  de- 
manderoit ,  s'il  lui  procuroit  la  tiare.  Cette  pto- 
mefTe  de  rarchevèrjue  de  Bordeaux  ,  cd  fondée  fur 
lerccit  de  V  Uani,\ùAor\tn  Florcnrin.trè- -pré venu 
centre  le  oouvc  lU  l'ape  C(  contre  k  France.  Quoi 
quM  en  foit ,  un  des  prcn  icrs  feins  de  C.inw-i  fut 
d'annuller  toutes  iet  bulles  l.ncLCs  par  £. './ucc 
y  m  contre  le  roi  de  France  ,  qui  auroit  fait-  faire 
k  procès  à  la  mcrrcire  de  ic  pontife  ,  ton  ennemi , 
C  oa  ne  lui  avoit  remontré  qu'un  tel  aciurncmcnt 
àtoit  tndtgne  ti'un  grand  monarque. 

CieftcAt   ^rccdit  eo&jac  u  boréccux  ,  &  dan*£a 


DE  L*HlSTOIRE  ECCLEÇIASTIQUE.  t^f 
route  il  tic  d'exccflîves  dépsnfes  ,  qui  riiino lent  les 
Eglifes  &  Us  Monaftcres.  Le  Roi,  (dit  M.  Hardion,) 
lui  envoya  trois  ambatTjdeurs  ,  pour  fe  plaindre  de 
ces  vexations.  Le  Pape  répondit  ,  «•  qu'il  ne  fe  rc- 
»»  prochoît  rien  ,  &  qu'il  puniroit  ceux  de  fesgeas 
>»  qui  auroient  abufé  de  fon  nom  pour  rançonner 
»  les  couvens  ou  les  chapitres.  »» 

Le  couronnement  de  dément  Ks'ctoit  fait  à  Lyon 
le  14  ScptCinbre  1505.  Cette  cérémonie  avoit  été 
troublée  par  un  événement  fâcheux  :  une  muraille 
trop  chargée  de  fpeAateurs  s'ctant  écroulée  ,  les 
uns  avoient  été  blelTés  ,  les  autres  écrafés  -,  lel'ape 
lui-même  fut  renverfé  :  on  en  augura  des  événe» 
mens  funelles  ,  &  les  Italiens  fe  confirmèrent  dans 
cette  idée  ,  lorfque  Clément  F  qui  aimoit  !a  France, 
déclara  qu'il  ne  fe  re;idroit  point  dans  l'Italie  ,  dé- 
chirée par  les  factions  des  Guclfa  Se  des  Gibelins, 
En  tffet ,  après  avoir  demeuré  à  Lyon ,  à  Bordeaux, 
a  Poitiers  ,  à  Touloufe  ,  Se  avoir  exi^c  par-tont 
des  contributions  des  Eglifes  ,  il  fixa  fa  réfidence 
à  Avignon  au  moi  i  de  Mars  1 309.  C'efl  l'époque  du 
commencement  du  fcjour  des  fouverains  Pontifes 
dans  cette  ville. 

Les  Cardinaux  Italiens  ,  (  dit  l'Abbé  de  Vertot ,  ) 
ae  furent  pas  long-tems  fans  fe  repentir  d'avoir 
élevé  au  fouverain  pontiiicjt  un  prélat  François  2c 
avide  d'argent.  Us  jugèrent  bien  ,  que  fi  la  tiare 
reftoit  long  tems  en  France  ,  ils  n'auroiét  pas  beau- 
coup de  pan  au  gouvernement  ,  &  par  conféqueiu 
au  crcfor  de  l'E^lifc.  Le  cardiaal  des  Urfms ,  ln^ 


Ï3^  E  t  E   M  E  N  f 

lien,  outré  de  fe  voir  la  dupe  du  czri'.nil  JuPrf} 
prclac  François  ,  qui  avoir  étc  le  principal  promo* 
tcur  de  l'éleûion  de  Clément  V  y  le  rencontra  ua 
jour  dans  l'anti-chambre  du  Pape.  T'^ous  êtes  venu 
m  b^ut  de  vos  dejfcins  ,  lui  dit-il  avec  un  fourire 
amer ,  £■  nous  voila  tranfplantés  au-delà  des  Monts, 
M<ti*  ,  eu  je  cannois  rul  It  ciraUcre  des  Gafcons ,  om 
jt  ferai  bien  trompé  J:  vn  reiûit  de  Ung-tcms  le  fdimt- 
Jte'ge  à  R.  me, 

M  Cette  capitale  du  monde  Chrétien  ,  (ajoute 
Verte t,")  "  autrefois  la  maitreflfe  &  la  fouvcraine" 
n  des  nations  ,  perdoit  le  peu  d'cdat  qui  lui  étoir 
»i  reflé  de  fon  ancien  empire.  Tous  les  Italiens 
»»  gémiffoientde  cette  trannation  ,  que  la  plupart , 
>•  par  rapport  au  tems  qu'elle  a  duré  ,  ont  coin- 
M  parce  à  la  tranfmigration  de  Babylone.  11  y  a 
>T  eu  même  des  HiAoticns  ,  qui  n'ont  point  fait 
n  fcrupule  d'attribuer  cette  tranilation  à  l'attachc- 
n  ment  que  ce  pontife  avoit  pour  la  comteffc  de 
M  Perigoré,  fille  du  comte  de  Folx ,  princefTe  d'une 
Il  rare  beauté,  &  dont  apparemment  il  eut  de  la 
n  peine  a  fe  fcparer.  Les  m.mes  Auteurs  l'accu* 
>•  fcnt ,  pour  fatisfaire  Ton  avarice ,  d'un  honteux 
r>  commerce  des  chofîn  faintei.  n  Mais  ces  hîAo* 
rient  font  la  plupirt  Italiens ,  &  ,  fans  vouloir  jufo 
tifier  en  tout  Clément  K,  nous  obrcr\erons  que 
les  Auteurs  de  cette  nation  fcmblent  avoir  un 
peu  écouté  la  paHion  &  le  rcfTcntiment  dans  le* 
potuaits  qu'ils  om  traces  de  ce  poiuifie* 


M  l'Histoire  Ecclesiastiqi^    157 

Exùnilion  des  Templiers  ;  Concile-général  Je 
Vienne. 

Dans  une  conférence  que  Philippe  le  Bil  avoit 
eue  avec  le  Tape  à  Po. tiers ,  l'extinflion  de  l'ordre 
des  Templiers  ,  dont  la  fierté  brava  plufieurs  fols 
ce  prince,  avoit  ctc  refolue.  Le  grand-raaitre  Jacques 
de  Mulay  ,  &  les  principaux  chevaliers  qui  corn- 
pofoient  fon  confcil  ,  initruits  de  ce  qui  fe  tra< 
Doit  contre  eux ,  vont  fe  ]etter  aux  pieds  c!u  Pape , 
pour  le  fupplier  d'informer  fur  les  accufations 
d'apodafie,  d'héréiie  &  d'idolâtrie  intentées  contre 
leurs  confrères.  On  prétendoit  qu'a  leur  entrée 
dans  l'Ordre,  ils  renioieiu  J.  C.  en  cracliant  trois 
fois  fur  le  Crucifix -,  qu'ils  adoroient  une  tète  de 
bois  couverte  d'or  -,  &,  qu'ayant  renoncé  aux  fem- 
ir.es  ,  ils  fe  livrolent  à  des  iiTjpuretcs  abominables. 
On  informa  fur  ces  accufations  extraordinaires. 
Deux  fctlTats  renfermes  pour  leurs  crimes,  l'u» 
Tcmpl  er  apoftat  ,  l'autre  bourgeois  de  Béziers» 
fu'cnt  les  premiers  dénonciateurs  ;  &  ,  le  i  3  Oûo- 
brec'el'an  1307  ,  foixame  chevaliers  avec  le  grand- 
traître  furent  arrêtés  à  Paris  ,  faifis  à  la  même 
heure,  &  cinquantefept  périrent  dans  les  fuppli- 
ces  à  la  fin  de  Mai  13 1 1. 

Le  Pape  n'ofant  dccider  lui-même  cette  grande 
affaire  qui  intéreffoit  tant  d'illuftres  fimilles  ,  con- 
•voque  un  Concile-général  à  Vienne  en  Dauphiné. 
la  première  feflîon  fe  tint  le  13  Oflobre  13  11  ; 
le  dam  1»  fecoûde  ,  tenue  le  3  Avril  i^  1 2 ,  CUruat 


138  Elïmens 

V,  qji  avoit  aboli  quinze  jours  auparavant ,  p«T 
fentence  provlfoire  ,  les  Tcrr.plicrs  ,  publia  la  ftip- 
prcfllon  de  cet  ordre  en  prcicnce    de  Philippe   le 
Bel ,  de  fon  frère  &  de  fes  trots  fils.  Oo  donna 
prefq\ie  tons  leurs  biens  aux  Horpitnlicrs  de  S.  Jea» 
de  Jtruû'.cm  ,  appelles  aujourd'hui  Chevaliers  de 
Malte.  A  l'égard  de  la  perfonne   des  Templiers , 
ceux  qu'on  jugea  innocens  furent  entretenus  fur 
les  biens  de  1  Orôrc-,  on  pardonna  a  ceux  qui  avoient 
confcffc  leurs  crimes,  8c  on  traita  avec  la  dernière 
rigueur  ceux  qui  ,  après  les  avoir  avoués  ,  les 
avoient  rétradlés.  Tels  futcnt  le  grand-maitre  ,  le» 
commandeurs   de   Normandie  Se    d'Aquitaine  -,  ils 
furent  brûlés  à  petit  feu  à  Paris  ,  dans  une  Itle  où 
eA  à  prcfent  la  place  Dauphine ,  proteilant ,  au  mi« 
lieu  des  dammes,  de  leur  innocence  8c  de  celle  de 
leur  Ordre.  Meierai  prétend  que  le  ^rand  -  inaitre 
ajourna   dément  V  à  comparoitre  daas    quarante 
jours  au  tribunal  de  Dieu,  &  Phiappc  le  Bel  dans 
un  an.  Cette  préd:£^ion  eft  fans-doute  podétleure 
à  l'événement;  mais  elle  prouve  du  moius ,  que 
la  voix  du  public  n'adoptoic  prs  toutes  !cs  accu- 
fations  intentées  contre  un  Ordre  ou  il  s'ctoit  glifTc 
fans  doute  de  grands  vices,  mais  où  il  devoit  y 
avoir  aufli  des  hommes   pleins  dhJroifme  8c  àt 
vertu. 

H  II  y  a  bien  de  l'appirence,  (dit  Mariant^) 
»  que  les  Templiers  n'ctcient  ni  tous  innocens  , 
..  ni  tous  coupables.  Lei  fupplicei ,  (ajouie-t-il ,  ) 
«  parurcot  cruels  a  pluficurs  peifoaaes.  11  o'ciuit 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    139 

»♦  guéres  vrailemblable  'que  les  dcfordres  dont 
M  on  les  accufoit ,  eulTent  infeûé  tous  les  parti- 
»  culiers  d'un  il  grand  corps ,  répandu  dans  toa- 
»  tes  les  provinces  de  la  Chrétienté.  Mais  l'ex- 
n  lindion  dun  Ordre  fi  célèbre  ,  doit  fervir  de 
»»  leçon  a  leurs  lemblables  -,  &,  pour  éviter  de  tom- 
»  ber  dans  de  pareils  malheurs,  ils  doivent  moins 
M  fonder  leur  confervation  fur  leurs  richeffes ,  que 
»•  fur  la  pratique  des  vertus  conformes  à  leur  état,  m 
(  Vertot  ,  ///y?,  di  Malu  ,  Llv.  IV.  ) 

Bojjuct ,  en  avouant ,  que  les  Chevaliers  étoient 
devenus  extrêmement  orgueilleux  par  trop  de  puif- 
farce  &  de  richefles,  dit  qu'on  en  brûla  plufieurs 
«vec  une  cruauté  inouïe  ;  &  c/i  nej'ç.:i: ,  ajoute-t-il , 
*'/■/  n'y  eut  pas  plus  d'avjrici  &  de  vtngeance  que  dt 
juftice  dans  cette  exécution,  (^ÀMRÈoi  dei' H.fiulrede 
France  y  année  1311.  ) 

Régie  mens  du  Concile  de  pienne. 

Revenons  au  Concile  de  Vienne.  Cette  affem- 
blce  eft  célèbre  par  les  réglemens  qu'elle  fit  pour 
le  rétabliflement  de  la  difcipline  &  l'extirpation 
de  divers  abus.  Il  régla  la  vie  que  dévoient  mener 
les  Mo'.nes-noirs  &  les  Chanoines-réguliers.  11  leur 
défendit  toute  l'uperâuité  dans  la  nourriture ,  leur 
recomman'la  la  retraite  &  l'étude,  mais  fans  faire 
mention  du  travail  des  mains  -,  tant  on  avoit  ou- 
blié l'efprii  de  la  vie  monaftique.  Les  mêmes  ré- 
glemens  s'étendent  aux  Chanoines  •  réguliers.  A 
l'égarU  Uqs  Reii^ieufcs  ,  le  Concile  leur  donna  des 


TÎfitcurs  ponr  abolir  pluùeurs  abus  dont  il  faîc  i€ 
^Jnombrement  ,  &  qui  montrent  combien  elles 
avcient  befoin  de  réforme. 

Le  Concile  condamna  des  femmes  que  l'on  nom* 
moit  Be'guinti ,  Ô:  qui  prctendoicnt  être  Rcligieu- 
fes,  fans  fa  re  profeflion  d'aucune  règle  approuvée* 
Le  nom  de  Bi^uints  venoit  des  femmes  picufes  , 
t{\itLjmh-i  le  5/c"<  a^'oit  affcmblces  à  Licge  cent* 
cinquante  ans  auparavant.  Quelque»  -  unes  avoieni 
rendu  ce  noni  odieux  ,  en  donnant  dans  i«  fana* 
«Tme  de  t'Evingile  cternîl  ;  mais  pîufîcur»  l'cloi- 
gnérent  coujouri  de  ces  excès ,  comme  cell«i  qui 
fubfiAent  encore  daai  les  Pays-Bas. 

Un  autre  réglemeat  célèbre  ,  c(k  celui  qui  rt* 
garde  les  hôpitaux.  Il  porte  que  le  gouvernemeat 
4e  ces  lieux  fera  confie  a  des  hoiimes  prudent, 
capables ,  de  bonne  réputation.  Ctd  l'origine  de* 
adminiArateurs  htques ,  a.kxqueU  on  a  cic  obligé 
de  confier  les  biens  des  hôpitaux,  a  la  honte  du 
Clergé.  Car  dans  les  premier*  fteclesonne  croyoit 
pas  les  pouvoir  mettre  en  de  meilleures  mains  , 
que  dans  celles  des  Prêtres  &  des  Diacres.  Mai» 
dans  les  malheureux  tenis  dont  nous  pirlons,  il 
itoit  bien  rare  de  trouver  parmi  eux  des  adminif» 
tratcurs  fidcics  du  bien  des  pauvres  ,  fie  Ton  ctoit 
ohligé  d'en  prendre  parmi  les  laïques. 

Le  Pape,  au  nom  du  Concile,  fit  deux  conHi' 
nitions  touchant  les  privilèges  des  réguliers  fie 
autres  exempts  :  l'une  ,  pour  les  défendre  des  vexj> 
taoa^cs  l'rc.'ats  ;  l'autre  ,  pour  empêcher  les  Relie 


*E  l'Histoire  Ecclesiasttq-ue.     141 

^ieux  d'empiéter  fur  les  droits  des  Evèques&  des 
Curés.  Le  Concile  révoqua  la  farr.eufe  bulle  CUricU 
Laicos  de  Bùtiiface  VIII  fur  l'immunité  des  clercs. 
Enfin  on  ordonna  la  levée  d'une  décime  pour  le 
recouvrement  de  la  Terre-fainte  ;  mais  le  tems  des 
Croifadcs  étoit  paHfé. 

Mort  de  Clément  V  ;  Pontificat  de  Jean  XXIT. 

Le  Pape  ne  furvécut  guéres  à  la  tenue  du  Con- 
cile de  Vienne  &  à  la  fupprefTion  des  Templiers, 
Il  mourut  en  Avril  1314a  Roquemaure  près  d'A- 
vignon ,  comme  il  alloit  à  Bordeaux  pour  pren- 
dre l'air  natal.  Il  fut  peu  regretté  ;  fon  luxe  &  fes 
protufions  ne  contribuèrent  pas  à  rendre  fa  mé- 
moire refpedable.  Cependant  il  faut  avouer  que 
VUlani  &  S.  Antonin  Ont  exagéré  les  défauts  de 
ce  Pontife  ,  &  ont  fermé  les  yeux  fur  fes  qua- 
lités. 

Les  cardinaux  affemblés  à  Lyon ,  ne  pouvoient 
s'accorder  fur  l'élefiion  de  fon  fucceffeur  ;  les  uns 
vouloicnt  un  Pontife  Italien ,  les  autres  un  Fran- 
çois. Le  fiége  vaqua  près  de  deux  ans  ;  enfin  on 
nomma  le  7  Août  1 3 1 6 ,  le  cardinal  Jacques  d'Eufe , 
d'une  bonne  famille  de  Cahors  en  Querci ,  qui  prit 
le  nom  de  Itan  XXII. 

Les  Romains  fe  flattoient ,  qu'il  viendroit  habi- 
ter la  capitale  du  monde  Chrétien -,  mais  l'amour 
et  la  patrie  l'emporta  dans  le  cœur  du  nouveau 
Pape.  Il  s'établit  à  Avignon,  &  y  régna  plus  de  dix- 
huit  ans ,  gouvernant  de-là  toutes  les  Eglifes  ,  5c 


14i  E   L   E    M    E    N   S 

montrant  fous  un  extérieur  peu  avantn^eux ,  ua 
efprit  vit  &  une  atne  terme.  Dans  U  Lettre  cir- 
culaire qu'il  écrivit  aux  Evéques  &  aux  Princes  , 
il  parle  de  l'unanimité  des  fuifrages  des  cardinaux  , 
&  de  rét3t  d'in.'crtitudc  où  l'avoit  laifTé  la  crainte 
4e  s'impoCer  un  aufTi  pefant  fardeau  que  le  fou- 
vMain  pontificat.  Quoique  cet  fortes  de  déclar:« 
lions  ne  foient  pas  toujours  finccres,  celle-ci  pi- 
roii  fufiifante  pour  détruire  ce  que  dit  Viltani , 
qu'ayant  été  charge  da  comprorris  de  l'élef^ion  du 
Pape ,  il  s'étoit  nommé  lai-mcme  en  s'écriaot  :  £j« 

fun  Pjpa, 

L'un  des  premiers  foins  du  nouveau  Pape,  fut 
d'ériger  diverfes  abbayes  en  évêchés.  Touloufe 
devint  UN  archevêché.  On  lui  donna  pour  fuffra- 
gans  Montauban  ,  Lavaur  ,  Mirepoix  ,  S.  Papoul , 
Kieux  &  Lombez  :  évccViés  auxquels  on  afligBA 
une  partie  du  territoire  &  des  revenus  de  celui  de 
Touloufe.  J<:an  XXII  érigea  aulTî  des  évcchcs  i 
Alet ,  à  St-Pons  ,  à  Caftres  ,  à  Condom  ,  a  Sarlaf  , 
à  St-Flour  ,  à  Loçoa  ,  à  Maillezais  ,  transféré  en 
1648  à  la  Rochelle. 

Tandis  que  le  Fape  donnoir  à  l'Fi^life  de  oou» 
veaux  Pafleuri ,  on  confpiroit  contre  lui  f»'  contre 
quelques  cardinaux.  Les  conjurés  avoient  d'abord 
tenté  de  les  empoifonner  ;  mais  ce  moyen  n'ayant 
pat  réufTi  ,  i's  avoient  eu  recoiirs  à  des  upcraiions 
inagiquei ,  qu'on  croyoit ,  dans  ces  Hccles  mëchaat 
&  fuperflitieux  ,  d'une  trèi-grande  vert»».  Hugutt- 
CtTMud  ,  cvCquc  de  Cabors ,  ctoit  le  chef  de  ce 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    14^ 

complot  aufli  odieux  que  ridicule.  On  fe  faifit  de 
fa  perfonne  ,  &  après  avoir  été  dégradé  par  l'évc- 
que  de  Tul'culum  ,  il  fut  livré  aux  magiftrats  fé- 
culiers,  qui  le  condamnèrent  à  périr  dans  un  bû- 
cher. Ses  crimes  éto'.ent  laiîmonie  ,  un  defpotifme 
tyrannique  contre  ceux  qu;  lui  étoie-.t  fournis  ,  des 
cal.  mnies  atroces  contre  ceux  qui  lui  rénfloient  ,& 
le  projet  d'  in  at'"nti',  contre  la  vie  du  Pape. 

L.  p  n:'re  rut  *i:cn')  une  affaire  ,  qui  lui  CGufa 
encore  plus  d'niqwijtude  que  la  conjuration  de  l'in- 
digne évêque  de  Cshors.  L'empereur  Louis  de  Ba- 
vière nvo't  pris   les  ornemens  de  !a  dignité  im- 
pcrii'e  avant  que  de  recevoir  l'approbation  que  le 
Pape  fe  crojoit  en  droit  de  lui  donner  ;  &  com- 
me Louis  re  reconnolffoit  point  ce  droit  du  Pon- 
tife ,  Je.Ti  XXII  lança  contre  lui  une  excommuni- 
cation. L'Empereur  fe  vengea  en  lui  oppofant  un 
autre  pape  :  il  fit-élire  par  le  peuple  Romain  Pierre 
de  Corbire  ,  qui  fe  fit-oommer  Nie.-!ai   V.  Mais 
Jean  mit  fin  à  ce  fchifmc  ,  en  fe  rendant  maître  de 
la  perfonne  de  l'Antipape  ,  qui  finit  fes  jours  trao- 
quilLment  a  AN-i;non  ,  où  le  Pape  le  traita  avec 
beaucoup  de  générofitc  &  de   douceur  :  car,  autant 
Jean    XXil  étoit   fier  avec  les  grands  qui  lui  ré- 
fiftoient  ,  autant  étoit- il  affable  avec  les  petits  qui 
lui  fdifoient  des  fouminîons. 
D'ifputes  (Us  Franclfcaïns,  Erreur  de  Jean  XXII 
fj.  mort. 
Les  Francifcalns  étoient  divifés  depuis  quelque 
tcms  fur  la  forme  de  leurs  robes  ôc  de  leurs  c«- 


■u  .T": 


t^4  C  L  £  M  E  V  S 

puces.  Ceux  qu'oa  appcUoic  C^nrcntutl$ .  !es  vov* 
loient  larges  &  amples  i  ceux  qui  fe  faifoicat  nom- 
«icr  Spiriuuîs  ,  'ei  dematidoient  étroics  Se  ferres. 
Ceux-ci  étoien:  les  plus opimixres, &  Te  piquoirnc 
d'une  auiUricé  rigoureufc  Lnvaio  les  Papes  leur 
«rdonnctcnt  de  fuivre  ce  que  leurs  fupcrieursprel"- 
Criroienc  fur  la  tbrn^  de  iears  hutîics  jils  le  répa- 
rèrent de  leurs  trcres ,  qu'ils  regardoienc  coinir.£ 
des  violateurs  de  la  règle  ,  &  Te  catiicnnérent  dans 
le  Languedoc.  Pour  terminer  ce  TchlTme  ,  CUm:nt  V 
donna  dans  te  Co.ict'e  de  Viena  :  une  bulle ,  où  il  (i* 
choit  de  réunir  les  efprics  &  de  calmer  les  confci^a- 
ces.L'entctcmeot  de  ceux  qui  s'appe'loient5/>i>'/i«//, 
quoiqu'ils  n'eudcat  que  peu  d'erprttfic  encore  moins 
de  jugement  ,  rendit  la  con(\ilution  de  CUmiut  V 
entièrement  inutile.  Ils  fe  fcparcrent  totalement 
de  l'Ordre  ,  chatTerent  à  main-armée  de  quelques 
couvens  les  frères  de  la  communauté  ,  fe  doaoc- 
rent  des  gard'unt  à  leur  gré  ,  5<l  prirent  des  hal>ùs 
très -étroits  &  des  capuchons  fort   courts. 

En  1311.  quelques  relés  allcrcnt  encore  plat 
loin.  Us  prétendirent  que  les  Fraocifcains  ,  étant 
cnticrcmcnc  dcpouillès  de  tout  droit  de  proprieré, 
o'ctoient  pat  maîtres  mcme  de  leur  boire  &  de  leur 
manger.  La  propriété  &  le  domaine  de  tout  ce 
qu'ils  avotcm  ,  appartenoit ,  félon  ces  rigoriiles  ,  à 
l'Lglifc  llomiiiie.  C  ctoit  ,  dit'oient-its  ,  dans  cette 
dcfappropria(i<>ncn(icre  que  confiAoit  la  perfe^ion 
de  la  pauvreté  de  Jists-CMRisT  ôt  des  Ap'Jtrcs  , 
dont  ils  avoiem  fait  profcinoo.  Quelques  Papes 

a  V  oient 


VE  L*HisTOiRE  Ecclésiastique.    14'^ 

rroient ,  ce  femble  ,  favorifc  cette  idée.  Mais  Jean 
XXll  ne  trouva  pas  à-prcpos  de  prendre  pouc 
le  domaine  inutile  dont  on  vouloir  le  charger. 
Sans  avoir  égard  aux  fubtilités  des  Spirituels  ^  il 
décida  «>  que ,  dans  les  chufes  que  l'on  confume  , 
l'ufage  ne  fçauroit  être  fcparé  de  la  propriété-,  Se 
que  le  genre  de  pauvreté  ,  qui  confifte  à  renon- 
cer a  la  propriété  en  ccnfervant  l'ufage  ,  a  été 
inconnu  à  J.  C.  &  aux  Apôtres.  >» 

La  plupart  des  Francifcains,  ayant  défapprouvé 
cette  décifion  du  Pontife  .affez  bon  pour  exami» 
T.er  des  quellions  dignes  de  n-.éprls  ,  (dit  "D.CalmttS 
s'unirent  avec  fes  ennemis  pour  l'accufer  à  fon 
tour  d'errer  dans  la  foi.  Jean  XXII  avoir  une  opi- 
nion particulière  fur  la  manière  dont  les  Saints 
"Verront  Dieu  :  quoiqu'il  l'eût  annoncée  fort  ob« 
fcurément  dans  un  fermon  qu'il  prêcha  le  jour 
de  la  Touffaint  13  31  ,  on  la  trcuvoit  erronée  j 
6c  il  fe  rctraf^a  ,  ou  du  ir.oins  s'expliqua  d'une 
manière  orthodoxe ,  à  fa  tncrt  ,  arrivée  à  Avigiwa 
<n  IJ34. 

On  a  accufé  ce  Pape  d'avarice  ;  il  laifla  un  tré- 
for  confidcrable  :  mais  on  prétend  qu'il  le  defti- 
noit  à  la  conquête  de  la  Terrc-faintc.  11  fut  d'ail- 
leurs fimple  ,  fobre ,  &  nsodefie  ,  dans  une  cour 
très-corrompue.  A-vignon  ctoit  alors  le  théâtre  du 
fane,  de  la  moileffeide  l'ambition  j  mais  Je  Pape 
refla  toujours  attaché  à  l'étude  qu'il  ahnoir.  Us'c- 
toit  diftingnc  de  bonne-heure  par  fon  habileté 
dans  le  Droit  civil  ôc  canonique  ,  par  fes  connoif- 
Tom»  II,  G 


i-^  E   L   E    M    E   N    s 

fanccs  théologiques  ,  &  fon  efprit  pénétrant  avcU 
paru  capable  cTes  plus  grandes  affaires.  Dans  celle 
qu'il  traiu  pendant  ion  pontificat',  il  montra  quelp 
quefois  un  cara(fli;re  trop  ardent  &  opiniâtre. 

PonttficMs  de  Benoit  A7/,  Clément  VI, 
Innocent  77,  6»  Urbain  T. 

Benoit  XII  (  Jacques  Fourrier  ),  dit  le  cardinal 
Blanc,  parce, qu'il  avoit  été  religieux  deCiteaux, 
&  qu'il  en  porioit  l'hjblt,  fut  le  fucceffeur  de  Ji^it 
XXII.  Il  rcvoqua  les  expcilativcs  ,  dont  fon  pré* 
dcccHeur  avoit  charge  les  Eglifes  pour  fatisfairf 
fon  avidité.  Son  premier  objet  fut  de  bannir  la  11- 
monie  de  la  cour  de  Rome  ;  il  mcprifa  ,  dans  la 
diftribution  des  bénétices  ,  les  foUicitations  dei 
grands  ,  ôc  celles  de  fes  pjrcns  mêmes.  Ses  foins 
s'étendirent  fur  les  Religieux  5c  les  Chanoinc$-rc- 
guliers,  qu'il  tâcha  de  réformer. 

Rome  lui  envoya  des  ambaffidturs,  pour  l'e»' 
^ager  à  rétablir  le  faint-fiége  dans  cette  cap. taie 
du  munde  Chrciicn.  Le  fameux  Pétrar^ut  ,  le  plus 
bel -efprit  de  fon  tems  ,  lui  adreffa  une  Epiire  en 
vers  Utin».  Hans  laquelle  il  repréfentoit  Rome  conî- 
me  une  cpoufc  éplorte  qui  redemande  fon  époux. 
Btni.tt  fui  lentc  un  ioAant  de  quitter  les  bords 
du  Rli6nc  .  ^>ur  fe  rendre  aux  defirs  des  Romaitu  : 
c«»t  Ict  tiotiblet  de  l'iiaiie  .  &  1rs  foUicitations 
*  de  la  cour  de  France  ,  le  retinrent  a  Avignon. 
M  y  ietta  1rs  fondemcns  du  l'alais  apoftoliquc  • 
cnorme  ,  rc:nar(^aiblc  par  l'clcvaiion  de  (ci 


DE  l'Histoire  EcctESTASfrrQUE:    ti^f 

t«urs.  Ce  Pontife  mourut  faintement  en  13414 
il  difoitque,  m  pour  être  vcritablement  Pape ,  U 
M  faudroit  n'avoir  ni  père  ,  ni  mère  ,  ni  parens.  x 

Clément  VI ,  (  Pierre  Ro^er  )  ,  cardinal ,  archevê. 
<{\ic  de  Rouen  ,  adopta  les  prétentions  de  Jeam 
XXll.  Il  renouvella  les  procédures  contre  Louis 
de  B*vUrc.  Après  une  mon.tion ,  où  il  lui  enjoi- 
gnoit  de  venir  fe  Ibumettre  à  fes  ordres  ,  il  pro- 
i\onça  en  1346  une  dernière  fentence  contre  lui. 
Par  cette  bulle  promulguée  rolemnelietnent  le  Jeudi 
Saint  ,  «il  défendit  à  qui-que-ce-foit,  (  dit  Fleuri,") 
M  de  lui  obéir  ,  d'obfervcr  les  traités  faits  avec 
M  lui ,  de  le  recevoir  chez  eux  ,  de  demeurer  dan» 
■  fa  communion  \  enfin  il  le  chargea  de  malédic-i 
M  tioos.  » 

Cette  fentence  foudroyante  porta  une  partie  Ae 
l'Empire  à  fe  détacher  de  Louis  de  Bavière.  Charles 
JV  fut  élu  à  fa  place  ,  6c  il  ne  tarda  pas  d'occu- 
per le  trône  impérial  fans  compétiteur  ,  Louis  étant 
mort  en  1347.  Le  zèle  de  Clément  VI  ne  regardoit 
guéres  que  les  prérogatives  de  la  tiare.  U  avoir 
puifé  à  la  cour  de  France  ,  qu'il  avoit  long-tems 
habitée  ,  le  goût  du  luxe  &  de  la  magnificence.  Ses 
mœurs  tenoient  plus  d'un  homme  du  monde  ,  qua 
d'un  Pontife  :  mais  il  étoit  généreux ,  bienfaifant 
&  Clément  de  fait  &  de  nom.  Les  Romains  lui 
avoient  envoyé  une  ambaffade  ,  comme  à  fon  prc- 
déccffeur.  Pétrarque  ,  qui  étoit  du  nombre  des  en- 
voyés ,  employa  en  vain  fa  froide  allcgorie  d'une 
époufe  dédaignée ,  qui  fc  jette  aux  pieds  de  fou 

Gij 


^4^^  E  t  E  M  E  N  s 

«poux;  Ciment  F/reila  à  Avignon,  dont  il  avoit 
acquis  la  fouverainetc.  Jejnrc  reine  de  Naples  , 
acculée  du  meurtre  de  (on  cpoux  ,  &  obligée  de 
Y««ir  plaider  fa  caufe  devant  l«  Pape ,  lui  vendit 
Avignon  Su  (on  territoire  en  134S,  pour  quatre- 
vingt  niille  florins  d'or. 

Après  Ca  nw>rt  ,  arrivée  en  1351  ,  on  élut  le 
cardinal  EùcAitt  i' Albert  ,  évéqued'OAie,  qui  prie 
le  nom  d  h.n^ccnt  VI.  Son  prcdécefTeur  avoittaic 
Aes  réferves  de  plulîcurs  bénéfices  pour  les  Car  • 
dÎQiux  V  Innoctnt  les  furpendit.  Lc$  abus  les  plus 
criaos  turent  reformés.  Il  renvoya  les  béncfïciers 
dans  leurs  bcocnce^  °,  il  diminua  le  nombre  de  Ces 
ëomeiUques  ,  &  il  répandit  fur  les  pauvres  ce  qu'il 
avoir  retranché  de  la  dcpenfe  de  fa  maifon.  Le  12 
^ptembre  de  l'an  i  y6i  fut  le  terme  de  fa  vie. 

On  a  dit ,  que  c'ctoit  un  Pontife  dont  les  mœurs 
étoient  le  feul  mérite-,  mais  c'étoit  un  mérite  tSen- 
tiel  dans  une  cour  dillolue ,  qu'il  falioit  rctbrmer 
encore  plus  par  l'exemple  que  par  les  rcglemens. 
Il  fe  montra  bon  ,  jufte  ,  fimple;  6c  quoiqu'il  ne  fût 
pas  fçavjnt,  il  aima  Se  protégea  les  gens-dc-lct« 
ires.  Il  eut ,  comme  CUmcnt  l'I,  un  peu  trop  d'em> 
çreffcment  a  clcver  fcs  parcos  ;  mais  avec  cette 
différence  ,-que  les  prélats  de  fa  famille  répandirent 
i  fcs  foins,  &  que  les  parcns  de  CUmcnt  lui  fireot 
peu  d'honneur. 

Eiat  de  Rome  ;  Conjurjthn  de  RicnzL 

Rome  priviie  de  fcs  deux  yeux  ,  le  Pontificat 
fi  l'Empire  (  comme  dlfoLcni  alors  les  Komaias  ), 


DE  L^HlSTOlRE  ECCLESIASTIQUE.  14^ 
fcgrettoit  fon  ancienne  f|>lendeur  :  un  homme 
du  peuple  ,  fils  d'une  fimple  lavandière  ,  tenta  ea 
1347  delà  faire-renaitre.  Quoique  né  dans  la  baf- 
feffe ,  il  avott  reçu  une  éducation  fupérieure  à  fa 
rdifTance  &  il  en  profita.  Il  embraffa  la  pTofefiîon 
de  Notaire  ,  &  du  fond  do  fon  cabinet  il  médi- 
loit  une  révolution.  L'hiftoire  de  Rome  &  de 
fes  antiquités  ,  la  leâure  des  anciens  Se  fur  •  tout 
de  Cifar ,  l'enthoufiafme  de  la  liberté  ,  exaltèrent 
fo.i  imigination  forte  &  brillante  ,  &  él.;vérent 
f^n  ame  naturellement  fiére  &  audacieufe. 

Son  éloquence  l'avoir  fait-choifir  par  les  Ro- 
mains ,  pour  être  un  des  députés  qu'ils  envoyèrent 
à  Clément  Vf,  au  commencement  de  fon  pontifi- 
cat. Rienii ,  de  retour  à  Rome  ,  fit  le  rapport  de  fon 
ambaffade  le  jour  de  la  Pentecôte,  &  parla  avec 
tant  de  force  ôc  d'artifice  ,  qu'il  fut  élu  par  ac- 
clamation Tribun  du  peuple.  On  le  mit  àl'inAant 
en  poffefiîon  du  Capitole.  Le  nouveau  Tribun  priva 
entièrement  les  Nobles  de  Rome  de  tout  pouvoir. 
Il  en  fit-arrêter  plufieurs  qui  favorifoient  des  bri- 
gands ,  dév^ftateurs  de  la  ville  &  des  pays  voî- 
fios  ,  &  il  les  punit  avec  toute  la  fcvirité  des  loix. 

La  plus  grande  partie  de  l'Italie  s'étanc  foumife 
au  gouvernement ,  il  ramena  par-tout  la  paix  ,  la 
fùreié  &  l'abondance.  Le  Pape  croyant  qu'il  n'a- 
giffoit  que  pour  les  intérêts  du  pontificat  ,  ôc  1« 
bien  de  la  patrie  ,  lui  donna  de  grands  éloges ,  5c 
lexliorta  à  gouverner  Rome  en  fon  nom,  L'Ea^ 


è^O  E   L   E   M    I   N    s 

pereur,  &  la  Reine  de  Naples,  lui  envoyèrent  de» 

ambdlTadeurs ,  comme  au  reilaurateur  de  l'Italie. 

Ritnii ,  cbloui  de  tant  d'honneurs,  afTefia  le  po\> 
voir  luprcme  j  il  abufa  de  fa  puilTance  &  prodigua 
fes  richclTcs.  Il  prit  des  titres  emphatiques  -,  flc 
l'étant  t'ait-armer  Chevalier  ,  il  s'intitula  Chcy*litr 
sandidat  du  St-Ej'prit,  févirt  6*  elimtnt  Libérateur  dt 
Romt ,  Zélateur  de  l'Italie ,  Anattur  de  t univers  ,  & 
Tribun  augu/Ie.  Il  donna  le  fpeOacle  ridicule  &  pom- 
peux de  Ton  couronnement  ,  cita  l'Empereur  8c 
les  Eleâeurs  à  fon  tribunal ,  ainfi  que  le  Pape  2c 
les  cardiiuux  -,  emprtfonna  les  barons  de  Rome  , 
les  condamna  à  perdre  la  tête  ;  &  après  avoir  de- 
mandé leur  grâce  au  peuple  affcmblé  ,  il  les  fit- 
inarcher  à  fa  fuite  dans  les  rues  de  Rome  ,  comme 
pour  décorer  fon  triomphe. 

Les  feigneurs  Romains,  indignes,  fe  retirent  dans 
leurs  châteaux,  s'y  fortihent,  lèvent  des  troupes, 
ravagent  la  campagne ,  aHiégent  le  Tribun ,  &  le 
forcent  de  chercher  un  aille  à  Naples  Se  enfuite 
à  Prague.  L'année  d'après ,  1)48,  le  Roi  des  Ro- 
mains ,  Oiarle*  de  Luxtmhuurf  ,  l'syaat  fait-arrc- 
ter,  l'envoya  à  Cément  Vi  ,  qui  fit-'inftruire  foa 
procès.  La  mort  du  P«pe  ralentit  les  pourfu'tes. 
Se  Innocent  VI ,  fucccffcur  de  dément^  crut  devoir 
le  renvoyer  a  Rome  avec  le  titre  de  Sénateur, 

Les  C^lunnti  s'étoient  rendus  redourahles  dant 
cette  ville  ,  N  le»  fuuverains  Pontife»  crai);nuicnt 
encore  plu»  leur  ambition  que  les  intrigues  de 
knn\..  Cet  homme  audacieux  releva  foo  parti,  % 


DE  lTÎISÎOTOE  ECCLFSTASTIQUÊ.  t^t 
U  gcnjverna  pendant  quelques  mois  d'une  manière 
crbfolue.  Mais  le  peuple  qui  avoir  élevé  cet  idole  , 
la  détruiilt  bientôt.  Sa  févérité  ,  fon  hi\e  &  fes 
exailions  le  rendirent  fi  odieux  ,  que  les  Romains 
foulevcs  contre  lui  mirent  le  feu  a  fon  palais.  Il 
prit  la  fuite  dégurfé  en  men-iiant;  mais  il  fut  re- 
corrnu  &  percé  de  coups  le  S  Oflobre  1374. 

Telle  fut  la  fin  de  ce  fameux  cotjfpirateur  ,  qui, 
rv:c  quelques  qualités  brillantes  ,  n'avoit  ni  A  Ite 
d^ni  fes  idées,  ni  confiance  dans  fes  entreprlfes  ; 
qui  voulut  envain  imiter  les  anciens  Gracchus  ^ 
ti  don:  toute  la  gloire  fe  borna  a  avoir  -bravé  , 
pendant  quelque  tems  ,  les  grands  de  Rome,&  la 
puiiTance  impériale  &  pontificale.  Le  Pape  ayant 
appris  la  fin  de  cet  homme  ambitieux  &  faruti- 
que,  ordonna  à  fon  légat  de  veiller  fur  Rome  ;  mais 
il  y  avoit  dans  cette  ville  ,  des  feigneurs  trop  puif- 
fens  &  trop  remuans  ,  pour  qu'il  put  y  exercer  le 
pouvoir  que  RUnil  s'étoit  arrogé, 

Ritour  dis  Papes  à  Rome  ;  origine  du  Schifmei 

Urbain  f'(  Guillaume  Grimaud),  abbé  de  S.  Vic- 
tor de  Marfe:i;e,  luccelTeur  d7/î/i.«ix  VI ,  futaufli 
libéral  que  lui.  Il  entretenoit  jufqu'à  mille  étu- 
dians  dans  divcrfes  univerfités.  Uniquement  con- 
facré  à  fes  devoirs  ,  il  bàrit  des  E^lifes  nouvel- 
les ,  pourvut  les  anciennes  d'ornemens,  fonda  di- 
vers chapitres  ,  &  réprima  autant  qu'il  put  la  chi- 
cane, rufure,le  dcrci^lement  des  ecclcfiaftiques, 
U  ûinoaie  ,  &  la  pluralité  des  bénéfices.  Il  foroi^ 

Giv 


1^2  T.   L  t   M  1  a  S 

k  defTein  de  tranfporrer  le  nint-fiége  à  Rome  i 
&  il  l'exécuta  en  1367  :  mais  il  retourna  trol» 
ans  après  à  Avignon  ,  pour  négocier  la  paix  entre 
la  France  â(  l'Angleterre.  Il  y  arriva  le  13  Sep« 
tembre  1 3  70  ,  &  y  mourut  eu  odeur  de  falnteté  le 
J9  Décembre  de  la  même  anikéc. 

Ce  Fontifî  eut  trois  époques  tîatteufes  dans  foti 
pontificat  :  Ton  entrée  triomphante  dans  Rome  aux 
«cclamations  du  peuple;  fon  arrivée  dans  la  mc- 
lae  ville  au  retour  de  Montefiafcone  ,  lorfque  lem» 
pereur  ChjrUi  J^ ,  à  pied  ,  tenant  la  bride  du  chc- 
'V4I  blanc  que  ce  Pontife  montoit  ,  le  conduillt  à 
TEglife  de  S.  P/«r/-«  ;  enfin l'emper.  d'Orient, /«« 
Paléohgut  fiWjMrjax  le  fchifme  a  fes  genoux.  Ce 
dernier  prince  ne  s'étoit  réuni  à  l'Eglife  Romaine  ^ 
que  pour  obtenir  des  fecours  contre  les  Infidèles  : 
mais  n'ayant  pu  engager  ni  le  Pape  ,  ni  les  Princes 
^'Europe  à  armer  pour  lui ,  il  ne  tenta  point  d'obli- 
ger fes  fajets  à  rentrer  dans  le  fein  de  l'unité. 

Le  cardinal  Pierre  Rogtr  ,  neveu  du  pape  C/<- 
mcnt  VI ,  obtint  le  faint  fiige  après  Urbain  y ,  8c 
prit  le  nom  de  Grégoire  XL  II  pafla  les  cinq  pre- 
niiéres  années  de  fon  pontificat  à  Avignon  ;  maif 
«n  1376,  il  fut  fi-fort  prcfTc  par  Stc  Catherine  d« 
Sienne  &  Ste  Brigldt  de  retourner  à  Rome  ,  qu'it 
fe  mit  en  voyage  vers  le  milieu  de  Septembre, 
Son  entrée  dans  la  capitale  du  monde  Chrétien 
eut  l'air  d'un  triomphe.  Il  rcgrettoit  cependant 
toujours  la  France  ,  Se  il  fe  propofolt  de  retourner 
è  Avignon  ,  lorfqu'il  mourut  a  Rome  le  13  Sep» 
|«nibre  137'^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    175 

Les  Romains  defirant  de  fixer  le  fîcge  apofto- 
lique  dans  leur  ville  ,  vouloient  un  Italien  pour 
Pape.  Ils  n'ofoicnt  cependant  fe  flatter  de  l'obte- 
nir, parce  que  le  collège  des  cardinaux  nctoit 
CorOpofé  que  de  feize  ,r  parmi  lefquels  il  n'y  ea 
avoit  que  quatre  Italiens.  Le  peuple  s'affembla  tu» 
rnulfueufement  à  la  porte  du  conclave;  &  les  car» 
dinaux  ne  purent  appaifer  fa  fureur  ,  qu'en  pro^ 
mettant  de  le  fatisfaire. 

BjnhéUml  de  Prig/tjno,  Napolitain,  archevêque 
de  Bari,  fut  donc  élevé  au  fouverain  pontificat 
fous  le  nom  d'Urbain  FI.  C'étoit  un  homme  dur 
&  violent ,  qui  irrira  tellement  les  efprits  ,  que 
plufieurs  cardinaux,  prefque  tous  Frinçois  ,  quit- 
tèrent Rome  fort  mécontens  -,  &  ,  fous  le  prétexte 
des  troubles  excités  par  la  populace  Romaine  ,  ils 
protégèrent  co.ure  fon  élection  ,  &  élurent  le  car- 
dinal Ruhert  de  Genève  ,  cvdque  de  Cambrai ,  qui 
fe  fit  -  nommer  Clcmtnt  VII. 

Guerre  entre  les  deux  Papes, 

Le  nouveau  Pape  ,  voyant  que  fon  compétiteur 
étoit  maître  de  Rome,  établit  fon  ficge  à  Avignon, 
Il  n'y  eut  d'abord  que  le  royaume  de  Naples  & 
h  Provence  qui  le  reconnurent  -,  ma-s  bientôt  toute 
la  France  &  l'univerfité  de  Paris  entrèrent  dans 
fa  communion.  Cependjnt  les  deux  Papes  fe  pté»" 
paroieni  à  fe  maintenir  dans  leur  place  par  les  ar-  • 
mes  fpirituelles  &  teiiporelles.  I!  y  eut  des  trou- 
pes levées  de  p<»tc  ce  d'autre.  L'Italie  devint  un  ' 


ÏU  E  L   E   M   E  ïf  $ 

«hcàtre ,  où  les  C^rUniJ^s  &  les  CUmcntlm  com-i 
battirent  avec  acharnement.  Les  foudres  de  TE- 
glife,  les  injures  &  les  invei^ives  furent  prodi- 
guées. Les  noms  d'incus  ,  d'Antipjpe  Si.  d'herâi<]uc 
Ctoient  les  qualifications  que  les  deux  Papes  fe 
«lonnoient  dans  toutes  leurs  bulles. 

Aïi^rr  ^''Urbain  VI  ;  conùnuat'ion  du  Schïfme, 

Vrhdin  ,  regardé  comme  l'auteur  de  la  guerre 
(i\ile  qui  dcfoloit  l'Italie,  eut  beaucoup  à  fouffrtr 
des  fcditicux  Romains.  Sa  mort  ,  arrivée  en  1 389  , 
l'enleva  aux  malheurs  que  fes  ennemis  lui  prc- 
paroient  -,  mais  elle  n'éteignit  point  le  fchifme.  Les 
cardinaux  de  fa  création  ,  au  nombre  de  quatorze, 
élurent  le  2  Novembre  i  3S.;  le  cardinal  de  S.  Athi.- 
nafc ,  qui  prit  le  nom  de  Boniface  IX. 

CUmcnc  fiégeolt  toujours  à  Avignon  ,  où  il  mou- 
rut en  1394,  après  fei«  ans  de  pontificat.  «Ce 
»«  Pape ,  (dit  C.'emangis  ,  )  fut  pendant,  prefque  tout 
>»  le  cours  de  fa  vie  ,  le  ferv'ueur  du  fcryitcur» 
tt  des  Princes,  obligé  de  fouffrir  les  affronts  des 
w  coiirtifans,  dépendant  des  circonAances  ,  &  per- 
*»  pctuellemenc  obfédé  par  l'importunité  des  de- 
M  mandenrs.  Prodigue  de  promedes  ,  il  donnoic 
M  aux  uns  des  bé.icfîces  ,  aux  autres  de  bonnes 
H  paroles.  Il  avoir  mis  le  clergé  dans  une  telle 
I»  dépendance  des  princes  &  de*  maç^iOrats  fécu* 
f>  liers ,  que  chacun  d'eux  ctoit  plus  Pjpe  qu'il  ne 
n  rétoit  lui-même,  m  Cependant  l'ambition  qui  do» 
nmcUcucur  de  l'iioauBi  cii  telle,  qu'il  oc  vuu- 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    f^? 

tût  jamais  fe  dépouiller  d'une  dignité  qu'il  achetoit 
par  tant  de  complaifances. 

On  crut  que  la  mort  de  ce  Pontife  étoit  le  G- 
gnal  de  la  paix  -,  mais  on  fe  trompa.  Malgré  le» 
follicirations  de  Charles  VI  ^  roi  de  France  ,  qui 
dépêcha  un  courier  aux  cardinaux,  pour  les  prier 
de  différer  l'élcvlion  ,  ils  firent  un  Pape.  Ce  fut  le 
fameux  Pierre  de  Lune  ,  cardinal  d'Aragon  ,qui  fô 
fit-appeller  Benoit  XIII.  Nous  verrons  dans  l'Hif- 
roire  du  xV  fiécle  ,  de  quels  artifices  il  fe  fer- 
vit  pour  conferver  la  papauté  6c  pour  perpétues 
h  fcbifme, 

Hérét'iqms» 

La  fuite  des  grands  événemens  dont'  nous  n'a- 
vons pas  voulu  interrompre  le  récit  ,  nous  a  em- 
pêchés de  tracer  le  tableau  des  erreurs  qui  trou- 
blèrent l'Eglife  dans  ce  fiécle.  Le  précédent  avoic 
vu  naître  les  FUgdlans ,  fe^fle  populaire  dont  les 
membres  répandus  dans  certains  cantons  d'Italie, 
marchoient  en  procefllon  nuds  pieds  dans  les  rues» 
&  fe  donnoient  la  difcipline  jufqu'au  fang.  De» 
erreurs  dangereufes  fe  mêlèrent  à  ces  pratiques 
ridicules.  Les  Fla^tllans  s'avifuient  de  fe  confef« 
fer  &  de  s'abfoudre  facramcntellemenr  ,  quoiqu» 
laies.  Cette  fecle  ,  qu'on  croyoit  éteinte  ,  reparut 
en  1349  en  Allemagne,  en  Hongrie  ,  &  dans  cer- 
uines  parties  de  la  France  ,  où  elle  fut  cenfurét 
par  la  faculté  de  théologie  de  Paris. 

'Lrs  Bi^uaris  ,    les    Béguins    &    les  FratictlUs 


'•if^G  E   L  E   M   E  N   s 

^oique  anathémati(é$  par  le  Concile.de  Vienne 
en  1311  ,  ctoient  antérieurs  au  xiv*  ficelé.  Leur 
biftoire  eft   remplie  de  grandes  obfcuritcs.   Il  eft 
«pendant  vraifemblalîle  que  ,  par  les   BJgiiardt  Se 
FfotictlUî,  il  faut  entcnJrc  certains  Francifcains 
apoftats  ,  qui,  cnleignaut  les  erreurs  reaouvellces 
dq>uls  par  les  ^u:cii(lts ,  menoient ,  fous  prétexte 
de  fpiritiialité  ,  une  vie  oifive  &  fcandaleufc.  Les 
laquifiteurs  pourfaivitent  ces  hérétiques  avec  cha- 
leur :  il  en  périt  dans  les  bûchers  ;  mais  la  feûe 
fobfiAa  lon»-tems.  Les  Turlupins  (efpcce  de  Bé- 
guards)  ,  nés  dins  ce  fiecle  en  Savoie  &  en  Dau» 
phioé  ,  foutenoient  que  la  prière  mentale  étoit  la 
feule  nccefTaire  ,  Se  faifoient  ,  dit -on  ,  trophée  des 
plus  grandes  infamies. 

On  vit  aufll  en  Orient ,  parmi  les  moines  du 
Wont-Atlios,  une  fefle  de  Q^jie'tijfes ,  dangereufs 
autant  que  ridicule.  Ils  prétendoient  avoir  porté 
la  perfection  de  la  vie  contemplative,  jufqu'à  voir 
des  yeux  corporels  une  lumière  qui  étoit  Dieu 
même  ,  5c  ctre  parvenus  à  l'état  de  la  fublimc  quié- 
tude. Ils  s'enfermoicnt  chacun  dans  leurs  cellules. 
Là,  appuyant  leur  barbe  fur  la  poitrine  ,  ils  fixoieat 
les  regards  vers  le  milieu  du  corps ,  cofuite  re- 
tenant leur  refpiration,  ils  s'appliquoient  à  cher- 
cher au-dcdans  d'eux-mêmes  la  place  du  crcur  ,  où 
îli  difoieni  qu'hjbitoient  toutes  les  puiflTances  de 
l'ame.  Lorfqu'ils  croyoient  l'avoir  trouvée  ,  il* 
s'im.-^gioJient  voir  l'air  qui  cîl  daus  le  coeur,  & 
iéucjeur  Iui«mêffle  plein  de  difcerncmcnt  Se  envi., 


m  l'Histoire  Ecclésiastique.    î^^ 

Tonné  d'une  lumicre  cdlefte.  On  les  nomma  par 
dérifion  Omphjlopfyques  ,  c'eft-à-dlre  ,  Ayant  l'ame 
au  nombril.  Pour  eux  ,  ils  fe  décoroient  du  nom 
de  He/ycjjîts ,  ou  Solitaires  jouiiTant  d'un  parlait 
repos. 

Mais  l'héréfie  la  plus  longue,  &  la  plus  impor- 
tante par  fes  fuites ,  celle  qui  occupa  le  plus  les 
eCprits  à  la  fin  du  xiV  ficcIe  ,  fut  le  JflcUfifme. 
Jean  Wic!ej\  fon  auteur  ,  éroit  un  curé  dans  le 
diocèfe  de  Lincoln  en  Angiaterre.  Il  fe  piqaoic 
d'une  pieté  auftére  ,  &  il  tonnoit  fans  ceffe  con- 
tre les  vices  du  Clergé ,  Je  farte  des  Prélats ,  l'ci- 
fiveté  des  Moines  &  l'avidité  de  la  cour  de  Ro- 
me, le  fcandale  du  fchifma ,  l'abus  des  excommu- 
nications prodiguées  fans  fujet  légitime  ,  &c.  &c, 
11  avoit  eu  ,  tandis  qu'il  profeffoit  la  t'néologie  à 
Qxford.ane  difpute  avec  quelques  Religieux  men- 
dians. ,  qui  dans  fon  cœur  ulcéré  dégénéra  en 
haine  violente  contre  le  Clergé  régulier.  11  l'atta- 
qua fouirent  dans  fes  fermjns.  Cette  liberté  fut 
goûtée  par  le»  courtlfans  8c  le  peuple  ,&fe  chan- 
gea bientôt  en  licence. 

»<  Les  dénêlés  vifs  &  fréquens  de  la  cour  de 
vi  Rome  8t  de  l'Angleterre  depuis  Jean-Jans-Tern  ^ 
y>  avoient  ,  (dit  M.  l'Abbé  Pluqutt ,)  indifpofé 
»  les  efprits  contre  cette  cour.  On  ne  fe  rappel- 
»»  loit  qu'avec  beaucoup  de  peine  l'excommani- 
st  cation  3c  la  dépolition  de  ce  Prince, fa  couron- 
yt  ne  mife  aux  pieds  du  Légat ,  &  remife  par  ce 
j>-romiilxc  fur  la  îéte  du  Roi  ,  la  ceflion  de  l'An- 


».  g^eterre  au  Pape  ,  ôc  le  tribut  impofé  fur  ctt 
••  royaume  par  le  Pape.  Enfin  ,  les  Anglois  voyoiêc 
H  avec  chagrin  les  hcnefices  du  royiume  donnét 
n  par  le  Pape  aux  étrangers.  Comme ,  dans  ce» 
H  démêles,  le  Clergé  avoit  ordinairement  pris  le 
M  parti  de  la  cour  de  Rome  ,  il  s'ctoit  attiré  la 
M  haine  d'une  partie  du  peuple  ,  qui  d'ailleurs  re- 
n  gardoit  avec  envie  les  richefTes  que  les  ecclcfiaf' 
n   tiques  poffcdoient.  « 

Jf1c/e/  uoMvn  donc  dans  les  efprits  des  dirpo» 
Htions  favorab'cs  au  detîr  qu'il  avoit  de  foulevcr 
TAngleterre  contre  l'Eglifc  de  Rome.  Enhardi  par 
les  applïudiiTemens  de  icm  parti  ,  il  s'clcva  non- 
feulement  contre  l'Eglife  ,  mais  encore  contre  plu- 
ficurs  dogmes  qu'elle  enfeignc.  Il  renouvella  lef 
erreurs  des  DonatiAes ,  Se  fut  en  plufieurs  chofei 
le  precurfeur  des  Pn.ttJ!jnj.  Il  ne  rejctta  pas  pour- 
tant les  fdcremcns  de  la  Confirmation  ,  de  la  Pé- 
nitence ,  de  l'Extrême -oni^ion  ,  ni  la  MeflTe  ,  nî 
l'invocation  des  Saints  -,  mais  fa  hirdieiTe  fut  le 
germe  de  cc'le  que  les  autres  hcrcfiarquei  montrè- 
rent après  lui. 

Ce  qui  fcrvit  fur-t-vut  à  augmenter  les  pariifant 
ie  ce  novateur  inquiet  ,  parmi  le*  gtan  U  <eigiieurt^ 
jaloux  du  Clergé,  c'cd  qu'il  Coutenoit  hauiemenc 
que  let  feigneurs  temporels  pouvo>ent  légitime- 
ment  priver  de  fes  biens  une  Eplife  corrS-npue  ; 
que  J.  C.  n'avoit  point  donné  à  fes  dilciplei  le 
pouvoir  d'excommunier  pf^ur  le  refus  des  chofe» 
temporelles-,  que  les  ccclcliani(^u«&&  le  Pape  mi; 


ï)E  l'Histoire  Ecclésiastique.    i\§ 

me  pouvoient  être  légitimement  repris  par  des 
laïques  -,  qu'il  ne  falloir  point  envoyer  d'argent  , 
ni  à  la  cour  de  Rome  ,  ni  à  celle  d  Avignon  ,  à 
moins  que  ce  devoir  ne  fût  prouvé  par  l'Ecriture- 
fainte  -,  que  f\  les  Livrcs-faints  n'ordonnoient  pas 
ce  tribut ,  ceux  qui  l'exigeoienc,  ëtoienc  des  loups 
raviffans  j  que  le  peuple  ne  d-^voit  ê:re  furchargé 
de  tailles,  qu'autant  que  le  patrimoine  de  l'Eglife 
ctoit  épuifé. 

GuiL'aujne  de  Cotirtenai  ^  archevêque  de  Cantor- 
beri,  fenCible  aux  maux  que  les  écrits  de  Wiclef 
avoient  faits  à  l'Eglife  Britannique  ,  pourfuivit  fa 
condamnation  en  1382.  Sa  doftrine  ayant  été 
difcutéc  dans  deux  Cor.c'es,  tenus,  l'un  à  Londres, 
l'autre  à  Oxford  ,  on  en  condamna  neuf  articles 
comme  des  heréfies  ,  &  quinze  comme  de  fimples 
erreurs.  Cependant  IThlcf  ne  perdit  point  les  pla- 
ces dont  il  étoit  revêtu  ,  foit  par  le  crédit  de 
fe$  protecteurs  .  foit  par  la  facilité  avec*  laquelle 
il  fe  rétracta.  Mais  la  condimnation  de  fes  he- 
réfies augmenta  beaucoup  fa  haine  contre  le  Pape 
&  contre  le  clergé.  Il  compofa  divers  ouvrage*, 
pour  inlînuer  {es  fentimens  &  les  communiquer 
dans  toute  l'Angleterre. 

•  Dans  ce  tems ,  Urbain  VI  ic  CUmtnt  VII (dk 
M.  Plu(juet ,  )  «  fe  difputoient  le  fi-jge  de  Rome, 
M  L'Europe  étoit  partagée  entre  ces  deux  Pontifes; 
n  Urba'n  étoit  reconnu  par  l'Angleterre  ,  &  Clé- 
H  ment  par  la  France.  Urban  VI  fit-prêcher  en 
»  Angleterre  une  Croj/^de  contre  la   France  ,  Ôt 


'l€o  E   L   E   M   E   K   s 

H  accorda  aux  Croifés  les  mêmes  Indulgencet^ 
M  que  l'on  avoit  accordées  pour  les  guerres  de 
»»  la  Terre -Sainte. 

M  Jf'icUfdiin  cette  occaûon  pour  foulevcr  les 
»  efprits  contre  l'auroritc  du  Pape  ,  &  compora 
i«  contre  cette  Croifade  un  ouvrage  plein  d'em» 
M  portement  Se  de  force.  //*/?  Aj/:«u*  ,  dit-il  ,  qut 
>•  la  Croix  de  Jlsvs-Christ ,  qui  tfi  un  monumtnt 
M  de  pitM ,  dt  ml/érieorde  &  de  charité,  ferre  d'i» 
H  tendard  &  de  j't^nal  à  tout  Us  Cirétiems  pour 
»«  r amour  de  deux  faux-Pr êtres  ,  qui  font  manifef' 
n  tcrntnt  des  Anmchrifts  ,  afin  de  les  Cjnfcrver  dans 
^  la  grandeur  mondaine  ,  en  opprimant  la  Chrétien^ 
>»  té  ,  p!ut  que  les  Juifs  n'opprimèrent  J.  C.  lui' 
»♦  même  &•  fes  Apôtres,.  ..  Pourquji  ejl-ct  que  tor^ 
n  gueilleux  Prêtre  de  Rume  ne  \eut  pas  aciord<r  à 
n  tous  les  hommes  Indulgence  pléniére  ,  à  CK.nJiiion 
n  qu'ils  vivent  en  paix  &  en  charité  ,  penJjnt  qu'il 
n  la  leur  accorde  pour  fc  battre  &  pour  fe  détruire}  it 

Urbain  VI  envoya  en  Angleterre  une  monî- 
tion  pour  citer  Wiclef  à  Rome  ;  maif  il  fut  atra- 
qué  d'une  paralyfie  8c  mourut  deux  ans  aprè«  , 
en  13^4,  laiflant  une  foule  de  difciples ,  qui  fi- 
rent-valoir  les  dogme»  de  le.ir  maître.  Le  Con- 
cile de  Confiance  les  condamna  folcmnellemeoc 
en  1414  •  &  ordonna  que  les  os  de  cet  hcrc- 
fnrquc  ,  qu'il  frappa  d'anathcme  ,  fcroient  brulci 
jvc«  appareil  i  c'cd   ce  qui  fut  exécute  co  1428, 


i>E  l'Histoire  Ecclésiastique.     i6ï 

Ecrivains  EccîéJîaJUques. 

PalTons  aux  Auteurs  qui  établifl"oient  la  vérité 
par  leurs  écrits  ,  tandis  que  les  Widéfices  8c 
d'autres  hérétiques  cherchoient  à  répandce  leurs 
«rreurs. 

Nicolas  y  natif  de  Lyre  dans  le  diocèfed'Evreux, 
quitta  le  Judaifmc  pour  embraffer  la  Religion  Chré- 
tienne. 11  entra  dans  l'Ordre  de  S.  François  ^  5c 
mourut  en  1340,  après  avoir  publié  divers  Trai- 
tés  thcologiques  peu  lus  aujourd'hui. 

J«n  Scùt ,  Frère  Mineur,  né  à  Duns  en  EcoiTe, 
paffa  en  France  ,  fe  fi^nala  à  Paris  ,  où  il  fut 
élevé  au  degré  de  dodeur.  Il  y  foutint  ropinioo 
de  la  Conception  Immaculée  de  la  Sainte  \'ierge  , 
dont  il  parle  ainfi:  «On  dit  communément  qu'elle 
«a  été  conçue  dans  le  péché  originel.»  lien  rap- 
ponc  les  raifons  ,  |uxquel!es  il  tache  de  répo'i- 
dre  ,  &  ajoute  :  »«  Je  dis  que  Dieu  a  pu  faire  que 
M  la  Vierge  ne  fût  jamais  en  péché  originel.  lia 
n  pu  faire  aufn  qu'elle  n'y  fiit  qu'un  inûant ,  & 
r>  il  a  pu  fdire  qu'elle  y  fût  quelque  tems  ,  8c 
M  que  dans  Is  dernier  inftant  elle  fût  purifiée,  i» 
Scot  apporte  des  raifons  de  ces  trois  polTibili- 
tés  ,  &  conclud  ainfl  :  »  Dieu  fçait  lequel  de  ces 
»  trois  il  a  fait  -,  mais  il  femble  convenable  d'at-* 
M  tribuer  à  Marie  ce  qui  eft  le  plus  excellent  , 
)»  s'il  n'eft  contraire  ni  à  l'Ecriture  ,  ni  à  l'auto- 
I»  rite  de  l'E^life.  >»  C'eft  ainfi  que  Scot  s'expli- 
«juc  fur  ce  fujet  y  &  quoiqu'il  le  fa  (Te  ,  comme 
BD-  voit  f  avec  bica  dv  U  modeni» ,  il  pjiTc  p ^.u;. 


X6l  E  L  E    M   E   N   s 

le  premier  auteur  de  l'opinion  de  la  Coneepttoir 
Immaculée  de  la  Vierge.  Scot  fut  furnommé  le 
Dvciiur  fubtil  ,î  caufe  de  la  fubtilité  de  fon  gé- 
nie. C'étoit  un  des  plus  zélés  partifans  é! Ariftutt, 
Zn  fondmt  fon  ordre  ,  S.  François  nUvoit  pas 
prétendu  fans  doute  former  des  feues  de  Péri- 
patéticiens  :  mais  les  FranLifcains  s'étant  rendus 
recommandables  dans  les  univerûtcs  ,  il  fallut 
adopter  un  fjftême,  8c  ils  s'attaciicrent  au  Péri- 
patéticiime.  Sc^t  contuDua  beaucoup  a  le  faire- 
valoir  ,  &  fut  !e  patriarche  de  la  ieù-t  des  R:jux, 
Son  nom  eQ  cependant  plus  connu  que  fes  ouvra- 
ges ,'leJqueh  ne  roulent  que  fur  des  matières  fcho- 
ladiqiies ,  ^L  font  allez  mal   écrits. 

Gu.lUune  Ocham,  Anglois  5c  Frère  Mineur,  com- 
me Sc^t  ,  fut  le  chef  de  la  feâe  des  fcholaAi- 
qiies  ap,  elic'.  N  ■m^nuux ,  &  fe  fit  -connoitre  par 
de  graves  inepties.  Cttoit  urf  génie  ardent  &  un 
homme  inv^uiet.  Ennemi  déclare  de  la  cour  de 
Rome ,  i'  écrivit  pour  Philippe  le  Bel  &  pour 
Z.ciiii  de  Davicre,  11  dcfendit  leur  caufe  par  des 
fophifmes  &  des  fubtilités  :  manière  de  raifon- 
ner  dam  laquelle  il  étoit  fupcrieur  à  tous  les 
Pc  1  >it(.tlcie' I  de  fon  tcms.  Les  ^Vom^jt/x  étant 
devcnt  odieux  au  laint  •  Hége  ,  à  caufe  de  la 
hardi -.e  de  Icr  chef,  la  plupart  furent  chaf- 
fcs  dei  univerfités  ,  &  l'on  employa  les  voies 
rigourcufes  pour  les  réduire  au  filcnce.  Ils  avoient 
voulu  go  verner  le  monde  par  leurs  opinions  ;  fit. 
éepuis  qu'un  jag^e  les  chofes  par  ce  qu'elles  foai 


DE  l'Histoire  EccLESiAyriQUE.     163 

tn  elles-mêmes,  a  peine  fe  fouvient-on  de  leur  nom. 

L'ordre  des  Frères  Mineurs  produifu  encore 
Raimond  LuLlt ,  plus  cclèbre  par  les  perfccutions 
que  Tes  connoilTances  en  chymie  lui  procurèrent, 
que  par  fes  livres  ;  &  Alvan  PiLige  ,  évêque 
de  Sylve  en  Portugal  ,  qui  s'iliuftra  par  un  Traité 
fur  la  difcipline  de  l'Ëglife  ,  intitulé  ,/?<;  planHu 
EccUfix. 

Les  théologiens  myftiques  comptent  parmi  les 
écrivains  de  ce  fiécle ,  Jean  Thaulère  ,  Domini- 
cain ,  &  Jean  Rusbrock ,  tous  deux  profonds  dans 
la  fpiritualité. 

Un  genre  de  myfticité  inconnu  aux  premiers 
nécles  de  rEglife  s'introduilit  dans  celui-ci,  &  la 
morale  y  gagna  peu  ,  félon  Fleuri,  qui  s'en  expli- 
que en  ces  termes  :  "  Depuis  que  le  travail  des 
»  mains  a  ceffé  cliez  les  Religieux  ,  ils  ont  extrê- 
»♦  moment  relevé  \'Oraif»n  mentale  ,  qui  eft  en 
»♦  effet  l'ama  de  la  Rel  gion  Chrétienne,  puifque 
M  c'eft  l'exercice  a£luel  de  l'adoration  en  efprtl 
M  &  en  vérité  ,  prefcrire  par  J.  C.  même.  Mail 
n  il  eft  facile  rl'en  abu'"er.  C'eft  en  quoi  Confif- 
V,  toit  principalement  l'hérefie  des  MaJfaHent,  con« 
I.  damnée  dès  le  vT  fiec'e  ;  &  ce  que  les  Ca» 
j)  tholiques  leur  reprochoient  le  p'us  ,  étoit  le  mé- 
>•  pris  du  travail  &  la  mendicité.  Les  Fraticelles 
M  des  derniers  tems  leur  reftembloient  fort  ,  & 
M  chez  les  Catholiques  mêmes  l'Oraifon  mentale 
M  a  fervi  de  prétexte  à  plufieurs  abus.  Quand  ua 
•  Moine  Egyptien  fùfoit  ,  en  priant  toujours  ^des 


164  E   t   E   M   E   N    s 

>i  njcces  ou  des  paniers  ,  on  voyoit  bien  qu'il  n« 
n  prrdoit  pai  fon  tenm  :  mais  'û  n'y  a  que  Dieu 
n  qai  fçache  à  quoi  remploie  celui  qui ,  pendant 
M  une  ou  deux  heures,  demeure  à  genoux  &  les 
n  bras  croiCkS. 

M  Or ,  cette  dévotion  oifive  &  par  confcqucnt 
m  équivoque,  a  cte  la  plus  ordinaire  depuis  en* 
X  viron  cinq  cents  ans  ,  par:lculicremcnt  chez  les 
w  femmes  ,  ndiurcllcment  plus  pareffeufcs  &  d'uae 
r>  imagination  plus  vive.  De -la  vient  que  lei 
y>  Vies  des  Saints  de  ces  derniers  fiicles  ,  Sic  Sri- 
».  glJt  ,  Sic  Cathtr'tnt  de  Sitr.nc  ,  li  bienhcureuft 
»  Angi/*  it  Foilgni ,  ne  contiennent  guéres  que 
m  leurs  penfées  &  leurs  difcours  ,  fans  aucun 
»»  fait  remarquable  :  ces  Saintes  employoient  fans 
»•  doute  bien  du  tems  a  rendre  compte  de  leur 
•t  intérieur  aux  prêtres  qui  les  dirigeoient  :  âc 
r>  ces  direûcurs  ,  prévenus  en  faveur  de  leurs  pé- 
t«  nitences  dont  ils  connoifToient  la  vertu  ,  pre« 
M  noieat  aifémenc  leurs  penfces  pour  des  rêvé* 
r>  lations  ,  &  ce  qui  leur  arrivoit  d'excraordinair* 
*>  pour    des  miracles.  - 

Nicolas  Ortj'me  ,  doûeur  de  Paris,  &  prccep* 
«eur  de  Chsr/u  V  roi  de  France  ,  traduiiit  la  Bk« 
ble  en  françois,  par  ordre  , de  ce  prince.  On  a 
àt  lui  quelques  autres  ouvrages.  Il  mourut  cvè» 
^ue  de  Lilicux.  11  unilToit  aux  vertus  qui  font 
kt  Saints  ,  les  qualités  qui  font  les  grands  £vè* 

AUù,  de  toiulct  autcux»  du  ut*  ùii\<,  celui  qu* 


*f  L*HlST01PvE  ECCLESIASTIQUE.      l6ç 
%ur  le  plus  de    talent  &  de  réputation  ,  fut  fans 
contredit  P<;'frijri^i;e,  le  rcftaurateur  des  lettres  dans 
vin  tems  de   barbarie.  Il    fut   le  premier  qui    dé- 
terra les  Ecrits  des  anciens  ,  &qui  imita  leur  ftyle 
dans  fes  ouvrages.  Il  fe  fervit  des  décombres  de 
l'antiquité  ,  pour  pofer  le  fondement  de  l'édifice 
qu'on  éleva    aux   beaux-Arts  dans  le  xvi'  &  lé 
xvii'  fiécles.  Quoiqu'il  n'ait  prefque  jamais  traité 
des  matières  eccléfiaftiques  dans  fes  nombreufe* 
produflions  ,  les    fervices   qu'il   rendit   à  l'efprit 
humain  méritoient  que  nous  en  filTions  une  men- 
tion particulière. 

Nous  avons  vu  qu'il  tenta  plufieurs  fois  de 
faire- retourner  les  Papes  en  Italie.  Dans  fa  jeii- 
neffe  il  écrivit  à  BtnoU  XJI  ;  dans  un  âge  plus 
mur  à  C'iment  VI ,  dans  fa  vieilleffe  a  Urbain  V, 
Sa  Lettre  à  ce  dernier  Pontife  elt  un  monument 
de  fon  éloquence  ,  de  fon  courage,  &  de  l'état 
où  étoit  alors  la  capitale   du  Monde  chrétien. 

"  Vous  avez  fait  de  beaux  réglemens  ,  (  dit-il 
au  IPontife).  »  Tout  eft  dans  l'ordre  dans  Avi- 
t>  gnon.  Mais  que  fait  Ronie  ?  Quelle  e(l  fa  il- 
».  tuation  .'  quelles  font  fes  efpcrances  ?  A-t-elle 
M  des  Confuls  }  a-t-clle  fon  Pontife  ?  Elle  eft  en 
»t  deuil  V  elle  pleure  nuit  £t  jour.  Ah  !  comment 
!»  cette  ville  autrefois  û  peuplée  eft-elle  aujour- 
n  d'hui  fi  dcferte  ?  La  maitrefTe  des  Nations  lan- 
M  guit  dans  un  trifte  veuvage.  Déchirée  par  les 
»i  guerres  étrangères  ,  par  les  difcordes  civiles  , 
M  Kome  ne  coonoit  plus  la  paix.  Ses  murs  font 


iC6    Elemens  DE  l'Hist.  Ecclestast; 

I»  abbatus  ,  les  palais  rcnverfcs  ,  fcs  Temples  dc- 
t»  truits.  Le  culte  divin  eft  mcprile  ,  la  juAico 
M  violée ,  les  loLx  enfreintes.  Courbé  fous  le  poids 
M  de  Tes  maux  ,  le  peuple  Romiin  vous  tend  les 
M  bras  :  il  vous  app>.lle  à  grands  cris.  Vous  êtes 
M  fourd  a  fa  voix.  O  le  meilleur  des  pères  !  corn* 
«•  ment  pouvez -vous  goûter  le  repos  fous  des 
tt  lambris  dorés  ,  pendant  que  le  palais  de  Latran 
M  tombe  en  ruines,  que  la  Merc  des  Eglifcs  eft 
•<  fAr;s  toit  ,  que  les  demeures  des  Apôtres  ne 
»  font  plus  que  des  décembres  ?  n 

Cette  Lettre,  d'ut)  particulier  connu  feulement 
par  foo  gciùe,  contribua  beaucoup  au  départ  du 
Pontife  pour  Rome.  Quel  triomphe  pour  PcutUf^ 
ju£  &  pour  la  Uttératuxe  ! 


i67 

£  L  ÉM  E  N  S 

D  E 
VHISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE, 


QUINZIÉxME  SIÈCLE. 
Continuation  du  Schlfmc. 

•îvr  

X^ous  avons  vu  les  Cardinaux  qai  etoient  a 
Avignon  à  la  mort  de  CUment  Vil,  lui  donner 
peur  fucceffeur  le  cardinal  Pierre  de  Lune  »  qui 
prit  le  nom  de  Benoit  XIII.  Simple  Cardinal,  il 
HC  parloit  que  de  concorde  &  des  moyens  de 
rendre  la  paix  à  l'EgUfe.  Il  avoit  même  promis, 
avant  fon  éle^ion,  de  céder  le  pontificat,  H  l'on 
ne  pouvoir  terminer  le  fchifme  aurremenr.  C'eft 
fous  ces  dehors  impcfans  qu'il  fe  montra  au  com- 
mencement de  fon  règne.  Il  écrivit  à  ŒarUs  VI ^ 
roi  de  France ,  que  fa  Chape  pontificale  ne  tenait  à 
rien,  s'il  falloir  la  dépouiller  pour  l'avantage  de 
ia  Religion.  Il  avoit  blâmé  l'ambitieufe  oplnlâ- 
rctc  des  Pontifes  rivaux  -,  mriis  bientôt  il  ma- 
nifcftal  e  même  caradcre  qu'eux  ,  &  chercha  mille 


iC>^  E    L   E    M    E   N   s 

prctcïtffs  pour  Ce  cifpenfer   de  tenir   fj   paroTe, 

Qn  eue  beau  le  prilTcr  ,  il  répondit  toujours  t^n'il 

ae  quicteroit  point  !e  fouverain  pontificat  ,  fi  ffat, 

nifact  IX  y  fcn  ccnjpctiteur ,  oc   lui  ca,  doaaoir 

l'exemple. 

L?.  mort  de  ce  dtrd'ier  Pape  ,  attaqué  depiiîg 
)oii;;-iems  d'une  maladie  qui  le  Cv'oduifu  au  tom- 
bcai)  l'an  1404  ,  dans  la  63'  annce  de  ion  agr, 
fcmbloit  fournira  Btnoit  XJII  une  occjûon  d'être 
rc.onnu  pour  kgitime  Pape  par  toute  l'Cglife. 
Mais  les  Cardinaux  Roin<:in:»  durent  le  cardinal 
de  Pologne  ,  linuctnt  Vil ,  dont  les  grandes  ver> 
tus  donnolenc  ùes  c'pcrances  favorables  pour  la 
paix  ;  elles  i'wrerit  \  Mine*  ;  il  voulut  mourir  Pape  , 
quoique  fcn  pontificat  fut  orageux  ,  parce  que 
les  donne'  lui  difputoieot  la  fouvcrainctc  tem- 
porelle de  Rome. 

Après  fa  mort  ,  arrivée  en  1406  ,  le»  cardî- 
ri:ivzi  Romains  drelTcrent  unaâc,  par  lequel  cha- 
ctin  d'eux  s'engageoit  ,  en  cas  qu'il  fut  clu  ,  de 
dopofcr  la  tiare  ,  pourvu  que  fon  compctiteur 
la  quittât  cgilement.  Pour  que  cette  promené 
fât  mieux  tenue,  ils  donnèrent  la  p.ipauté  aa 
p!us  vertueux  d'entr'cux  :  c'ctoit  .ir/o  , 

Vcnitien   fcptuag6nnirc  ,  homme  c  pit 

fon  zcle  8c  fa  fjinicré.  Des  qu'il  fdt  clu,  il  pro> 
tefla  qu'il  alîoif  follictter  Ton  compétiteur  à  facrî- 
firr  leur  dignité  ,  dû(-il  iire  o'n!ii;c  d'aller  en 
Tr.«nce  à  pied,  un  bâton  blanc  à  la  main,  ou  par 
mer  dam  une  nacelle.  Cette  f.-otcAjtionctcii  btWt^ 

mais 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     iÇ^ 

mais  elle  fut  fans  effet.  Les  deux  Pontifes  amu- 
férent  long-tems  l'Europe  par  des  lettres  ,  dans 
lefquclles  ils  s'exhortoient  réciproquement  à  abdi- 
quer une  place  que  l'un  &  l'autre  regardoient  com- 
me la  première  du  inonde  ,  &  que  ni  l'un  ni 
1  autre  ne  vouloir  céder. 

Concile  de  Pife  ,  qui  dépofe  Grégoire   Xlï  5" 
Benoît  XIII  ;  éUB'ion  ^'Alexandre  V. 

La  convocation  d'un  Concile  étoit  le  feul  moyen 
de  terminer  le  fchifme  qui  déchiroit  l'Eglife.  Les 
Cardinaux  des  deux  obédiences  l'affemblérent  à 
Pife,  le  25  Mars  1409.  Ils  y  citèrent  les  deux 
Papes,  qui  ne  répondirent  à  leur  invitation  qu'en 
les  excommuniart  comme  des  rebelles,  qui  agif- 
foicot  fans  la  permiflîon  du  fouverain  Pontife  ; 
mais  on  mcprifa  leurs  anathcmes.  Le  Concile 
fut  compofc  de  24  Cardinaux,  des  Patriarches 
d'Alexandrie  ,  d'Antioche  &  d.-  Jérufalem  ;  &  d'un 
nombre  prodigieux  d'Abbés.  Les  Princes  Chré- 
tiens y  envoyèrent  leurs  ambalTadeurs  ,  &  les  Uni- 
verrues  leurs  députes. 

La  fcntencc  de  dépofition  fut  bientôt  pronon- 
cée, Pierre  de  Lune  &  Ange  C^rario  furent  décla- 
rés fchifmatiqucs  &  déchus  du  fouverain  ponti- 
fcat  ,  dont  ils  s'étoicnt  rendus  indignes  par  leurs 
parjures.  On  élut  enfuite  un  nouveau  Pape  fous 
le  nom  A'AUxardrc  f^.  Il  s'appelloit  Pierre  de  Can- 
die ,  &  avoit  été  l'artifan  de  fa  fortune.  Né  dans 
robfcuriié  ,  il  entra  dans  l'ordre  de  i>.  frjn^ois^ 
Tom.  IL  H 


xy^  £  L  E  M  £  y  s 

&  pirvinr  de  place  en  plice  à  1j  dignité  de  Car» 
dinal.  Elevé  fur  la  chaire  de  S  Pierre  ,  il  y  mon- 
tra des  ver. us  ,  qui  tiienc-cntrer  plufie  irs  prir.- 
ces  dans  fa  communion-,  mais  ccni  mort  un  an 
■prcs  fon  clcvtiun  ,  en  1410  ,  on  lui  donna  u:i 
fuccclTcur  qui  ne  lui  reHcmbliic  g.icres  :  ce  fut 
le  cardinal  BcithafAr  CvjJ.1  ,  qui  obtint 'le  fou- 
vcrain   pontif-cat  fous  le  nom  de  J.an  XXllI. 

Le  nouveau  Pape  ccoic  carùiail-  diacre  ;  il  re* 
(Ut  la  prcctifc  quelques  jours  ancsfon  cle^lion. 
Une  famille  noble  de  Naplcs  iui  avoit  donne  le 
îour.  La  plupart  des  HiA  )riens  ,  (  dit  l'dbbc  de 
Chuifi  ,  )  ont  faii  une  peinture  afFreufe  de  fc$ 
mœurs;  &  ceux-mcmcs  qui  en  ont  dit  le  plu* 
de  bien  ,  ont  cté  contraints  d'en  dire  aufli  beau- 
coup de  mal.  Léonard  Arttm  &  ThéodorU  de  Niem, 
fes  fccréiaires  ,  afTurent  qu'il  avoit  de  grandes 
qualités  félon  le  monde;  mais  que  les  vertus  ec- 
clcfjjl^iques  lui  manquaient  abfolument.  11  avoir 
été  pirate  dans  fa  jeunelîe.  S'éiant  enfutte  pro- 
duit  à  la  cour  des  Papes ,  il  g^gna  la  confîjnce 
de  Bvnifact  IX ,  qui  le  (te  cardinal  &  l-gat  de  Bo- 
logne.  Ce  fut  principalement  par  fes  intrigues 
que  Benoit  XIII  &  Gr^goi'i  XII  furent  dcpofci 
dans  le  Concile  de  Pife.  C'eft  a  ces  mcmes  intri- 
gues qu'il  dut  en  partie  la  tiare.  Il  fe  fervit 
pour  fe  faire-clire,  du  pouvcir  qu'il  avoit  daiu 
Bologne  N  de  la  prote£)ibn  iou;e  -  puilfanie  dt 
Louit  duc  d'Anjou  ,  fon  ami  p.irtuulier  ,  arrivé 
depuis  peu  de  France  avec  un.  armée  pour  U 
con:^uétc  du  royaume  de  Na.  1:5. 


t)E  l'HiSTOIHE  ECCLESIASTTQITE.     ïfl 

Conclu  de  Confljnce  ;  dcpojîi'ion  de  Benoit  XIII, 
Grégoire  XII  &  Jean  XXHI. 

Les  commcncemcns  du  pontiiîcat  de  Jtan  XXIIl 
furent  affez  hsureux.  Il  fat  reconnu  par  la  plui 
grande  partie  de  l'Europe.  Grégoire  &  Benoît  fe 
regardoient  toujours  à  la  vérité  comme  fouve- 
rains  pontifes  ;  mais  leur  autorité  diminuoit  peu» 
à-peu.  Le  premier,  travefti  en  marchand,  avoit 
été  obligé  de  fe  fauver  à  Gaiette  ,  où  Ladiflas  , 
roi  de  N.iples  ,  lui  affigna  un  afyle.  Le  fécond  , 
pourfuivi  pir  ordre  du  roi  de  France  ,  s'étoic 
retiré  en  Efpagne  ,  dans  un  château  bâti  fur  1« 
pointe  d'un  rocher  auprès  de  la  mer.  Il  falloit 
cependant  prendre  de  nouveaux  moyens  pour  les 
engager  à  abdiquer  un  titre  qui  ne  leur  appar> 
tenoit  pas. 

L'empereur  Sigifmond  crut  qu'on  y  réufllroie 
en  afTemblant  un  fécond  Concile  général  ;  il  fut 
convoque  à  Condance  par  le  pape  Jtan  XXIII  ^ 
qui  n 'avoit  pas  trop  envie  de  s'y  rendre.  Je 
erains  ,  difoit-il ,  d'y  aller  fouverain  Pontife  ,  &  de 
revenir  particulier.  11  fe  mit  pourtant  en  chemin  ; 
mais  quand  il  fut  près  de  Confiance ,  il  dit  a  fes 
compagnons  de  voyage  :  Je  vois  bien  que  c'eft  ici 
U  foffe  où  l'on  attrape  les  renards.  Il  arriva  le  iS 
Odobre  1414,  trois  jours  avant  le  tems  qu'il 
ivoit  marqué  pour  l'ouverture  du  Concile.  Il  fe 
trouva  dans  cette  grande  affemblce  quatre  patriar- 
ches ,  quaraate-fept  archevêques  ,  cent  •  folxaat« 

Hi^ 


Ï7*  Ë  L  E  M  E  N  « 

^vcques  ,  cinq  cents  foi x^nte  -  quatre  abbés  5r- 
doreurs  :  l'afflucncc  du  monde  fut  fi  grande  , 
qu'ony  compta  jafqu'a  trea:e  mille<.hevaiix.  L'e:Ti- 
f>ereur  Si^'/mcni  étant  arrivé  le  14  Décembre  , 
iffifta  le  lendemaia  ,  en  habit  de  diacre  ,  à  la  meflfa 
du  Pape ,  &  y  chanta  l'F.vangilei 

Jean  A'A///,  malgré  \z%  craintes  que  lui  ififpi- 
roient  les  partifans  que  les  Antipapes  avoient en- 
core ,  fe  fîattoit  que  fon  cicflion  ,  faite  par  ua 
Concile  gcacral  ,  feroit  confirmée  par  celui  de 
Confiance  ;  mais  il  fut  bien  trompé  ,  lorfqu'on  lui 
propofa  d^  faire  le  ficnficc  de  fa  place  au  repos 
de  rtlglife.  I!  fît  quelques  difficultés  ;  mais  com- 
me on  produliit  les  accufations  qu'on  avoit  à  in- 
tenter contre  fes  mcuurs  ,  il  fit ,  dans  la  feconie 
fcHion  ,  une  promeiTe  folemnelle  de  renoncer  i 
la  pipautc  ,  fi  fon  abdication  pouvoit  ctcindrele 
fchifme.  han  ne  tarda  pas  à  fc  repentir  de  la  pa- 
role qu'il  avoit  donnée;  &,  pour  agir  avec  plut 
de  liberté  contre  ceux  qui  dem^ndoicnt  fon  ab- 
dication ,  il  ne  longea  plus  qu'à  trouver  des 
moyens  de  for  tir  fecrettement  de  ConfUoce.  On 
le  foupçonni  de  ce  dciTein  fur  des  .con)e£turet 
affcz  fortes ,  &  l'Empereur  prit  des  mcfures  pour 
cmpicher  foo  cvjfion.  Comme  on  le  gardoit  k 
vue  ,  il  n'avoit  de  retlource  que  dans  le  fccourt 
de  Ftiduic  i'ÀutrUht.  Ce  prince  ctoit  arrive  i 
C'  '.!^ince  depuis  ptès  d'un  mois,  fous  pritexts 
d'~'.'.cr  plut  loin  ,  nuis  en  e^fct  pour  entrer  dam 
(outçt  les  vues  ^u  Pape,  avec  Icc^uel  il   fcijnoic 


Be  l'HistôiRî:  Ecclésiastique,    tj"^ 

èl:  n'avoir  aucune  liaifon.  On  veilloit  de  li-près 
fïir  le  Pjpe  S:  fjr  FriJirlc  ,  qu'ils  ne  pouvoienc 
fjire  un  pas  à  l'infçu  de  Sigi/mund.  Le  feul  expé- 
dient que  Frideiic  piiî  trouver  ,  fut  de  donner 
un  Tcurnci.  La  fctc  fut  marquée  pour  le  vingcié^ 
ftic  de  Mars  141 5.  Pendant  que  tout  le  monde 
ttoit  au  fpedâcfe  ,  Jean  XXIII  fe  déguifa  fur  le 
loir  en  poriillcn ,  &  forrit  dans  la  foule  fur  un 
ni3uvais  cheval  ,  ayant  une  grofte  cafaque  grife 
fur  les  épaules ,  &  une  arbalètrc  à  l'arçon  de  la 
feîle.  la  nuit  il  fe  mit  dans  une  barque  que  Fré' 
icrle  avoir  fait-tenir  prête  ;  &  en  quelques  heu- 
its  II  arriva  à  Schaffoufe  en  Suide  ,  qui  appar- 
fenoit  à  ce  Duc. 

Le  Concile  ,  quoiqu 'affligé  de  h  fuite  du  Pape  ^ 
continua  fes  féances  ,  le  condamna  comme  difll- 
pateur  des  biens  ecclcfiaftiques ,  fimoniaque  ,  fcan- 
dalcux  &  perturbateur  de  la  foi-,  &  comme  tel, 
le  dépcfa  du  pontihcat  le  29  Mai  141  ).  On 
lui  fit-fignifier  cette  fcrtcnce  par  des  commilTai- 
res ,  qui  le  trouvèrent  afTez  bien  difp ofé.  Il  reçut 
avec  réfignation  le  décret  du  Concile  ;  fit-ôter 
de  fa  chimbrc  la  croix  papale  ,  &  protefta  qu'il 
renonçoir  aux  prétentions  qu'il  pouvcit  avoir  fut 
Ta  chaire  de  S.  Pierre. 

Peu  de  tems  après,  Grc'coircXII  imita  fon  exem» 
pb.  Il  s'étoit  retire  chez  Ma.'accj'L  ,{eign(:UT  de 
Rimini  ,  qu'il  chargea  de  fa  procuration  ,  pout 
aller  à  Confiance  céder  fes  droits  en  plein  Coo. 
cile.  Les  Pcrcs ,  en  reconnoiiTance  de  ce  facriScei 

Hiij 


t74  E  L   E   M   E   K   s 

le  dcclarcrent  doyen  des  Cardinaux  &  Icgac  pcr-' 
pctuel  de  la  Marche  d'Ancone  ,  avec  toutes  les 
prérogatives  attachées  a  cette  dignité.  On  le  dé« 
chargea  en  même  •  tems  de  tout  ce  qui  pouvoit 
s'être  palTé   d'irrcgulier  pendant  fon  pontifîcat. 

L'antipape  P.crrc  de  Lune  fut  le  feul  qui  de- 
meura dans  Ton  obflination.  Abandonné  de  tous 
fes  partitans,  dégrade  &  excommunié  par  le  Con- 
cile de  Conftance,  réduit  à  fon  rocher  de  Panif- 
cola  en  Catalogne  ,  ce  vieillard  inflexible  perfifla 
dans  le  fchifme  jufqu'a  fa  mort,  arrivée  en  1414 
dans  la  quatre-vingt-dixième  année  de  fon  àgs. 
11  fut  Antipape  prés  de  trente  ans  ,  8c  ne  vou- 
lant pas  même  céder  à  fa  mort  ce  qu'il  ne  pou- 
voit plus  conferver  :  il  recommanda  à  deux  Cardi- 
naux attaches  à  fa  fortune,  ou  plutôt  à  fcs  in* 
fortunes,  de  lui  donner  un  fuccelleur.  £n  effet, 
ils  nommèrent  Pape  un  chanoine  de  Barcelone  , 
qui  prit  le  nom  de  CIcmcnt  VIII.  Mais  ce  nou- 
vel antipape  abdiqua  fon  vain  titre  en  1410,  8c 
•btint  en  dédommagement  1  évcché  de  Mayorquc» 

Cominudt'ton  du  Concile  de  ConJIunce  ; 
clciïton  Je  Martin  V. 

Aucun  Pipe  n'ciant  reconnu  par  le  Concile  de 
Confl^nce  ,  il  fallut  m  dire  un.  Le  cardinal  de 
Cambrji  ,  fort  zèle  pour  la  réfotmatioa  de  1  E- 
gliie  àétii  fon  chef  Se  dans  fcs  membres  ,  opina 
qu'j<  ant  de  irav;iiller  j  ce  gr.ind  ouvrage,  on  de> 
you  douucr  UQ  chef  à  la  Cbicucnic.  Ct>inmt»i^ 


DE  L'Histoire  Ecclest astique.    17$ 

eiiroit-il  ,  réf.rmer  un  c^rp'  qui  n'a  point  de  tète  % 
0  dis  membres  qui  n'ont  point  deche/i  Les  vingt- 
huit  cardinaux  jetterent  donc  les  yeux  (ur  le 
cardinal  OtLn  C^Lnm  ,  &  lui  donnèrent  la  tiare 
en  1417;  il  prit  le  nom  de  Mania  V.  Les  Al- 
lemands &  les  François  lai  offrirent  une  retraite; 
mais  il  leur  répondit  ••  qiv'il  feroit  fon  fcjour  à 
M  Rome  ,  parce  qu'un  pilote  devoir  être  à  la  poupe 
)«  &  non  à  la  proue  de  fon  vaifîeau.  » 

Lorfque  Martin  parti;  pour  fe  rendre  dans  cette 
ville  ,  Balthayxr  Cojfa  alla  fe  jetter  à  fes  pieds  àt 
Florence-,  le  fpeitacle  d'un  fouverain  Pontife  de** 
pofé  &  humilié  toucha  vivement  le  cœur  du  Pape, 
qui  le  reçut  avec  bonté  ,  6c  lui  donna  le  moyen 
de  fubfifler  honorablement  dans  le  rang  de  Car» 
dinal.  Dans  les  cérémonies  publiques  il  lui  fai» 
foit-  donner  un  fiége  plus  élevé  que  ceux  desau« 
très  Cardinaux.  Cijj'a  ne  jouit  pas  long-tems  de 
cette  foiblc  confolation.  Il  mourut  lix  mois  après, 
peint  diverfcment  par  les  Auieurs  des  ditfcrenies 
communions  ,  qui  ont  vraifemblablemeot  exagéré 
fes  bonnes   &  fes  mauvaifes  qualités. 

Condamnation  de  Wiclef  6-  t/é  Jean   Hiis," 
Supplice  de  celui-ci  &  de  Jérôme  de  Prague. 

Martin,  avant  que  de  quitter  Confiance  ,  parti- 
cipa à  tout  ce  qui  fe  fit  dans  cette  affemblée.  Le» 
Pcrcs  convoqués  au  nom  de  l'Eglife  univerfelle, 

votloient    non  -  feulement   éteindre  le    fch  fme 

» 
■mais    détruire   le    germe    des   erreurs    qui    fouil- 

4oient  la  pureté  de  la  Foit  Nous  avons  dit  ci^ 

Hiv 


k7^  E  L  £   M   E  N  s 

devant  que  le  \l*iclcfirmc  fjt  condamné  dans  le 
Concile  de  Confiance  ;  cette  hcrcfic  avoit  péné- 
tre en  Allemagne.  )<jn  lluj  ,  doifleur  de  l'univer. 
fité  de  Fr3j;ue ,  l'avoit  fait-revivre  en  Bohême, 
foit  en  écrivant  en  faveur  de  Wiclef,  foit  en] 
tradoifant  fes  ouvrages. 

Ce  théologien  Bohémien  joignoit  à  beaucoup  de 
fçavoir  une  éloquence  vchémente.  II  (t  fit  un 
parti  parmi  les  ccdcrufliques.  Celai  qui  adopta 
8c  qui  répandit  avec  le  plus  de  chaleur  fei  dog- 
mes hétérodoxes  ,  fut  Uômt  de  Prague,  maître- 
ès-arts  de  l'univerfité  de  cette  ville  ,  homme  fça> 
▼ant  8c  d'une  vertu  rigide.  Ces  deux  théologiens 
furent  appelles  au  Concile  de  Confiance  ;  le  pre- 
mier ayant  perfifté  dans  fes  erreurs ,  fut  livré  au 
bras  féculier  &  brûlé  vif  le  4  Juillet  1415.  Jit6mt 
de  Prague  ,  fon  ami  8t  fon  difciple  ,  fut  arrêté 
en  même  tems  &  mis  en  prifon.  On  l'exhorta  à 
^cfavouer  les  propositions  erronées  qu'il  avoit 
foutenues  :  l'ennui  de  la  prifon  Se  la  crainte  de  U 
ntort  lui  arrachèrent  une  rctra^atlon  ;  mais  l'ayant 
révoquée  bientôt-après  ,  il  finit  ,  comme  fon  mat- 
tte,  i*  vie  dans  un  bûcher,  le  30  Mai  1416.  Il  fît- 
ccUter,  ainf:  que  lui ,  une  confiance  tnébianlable  «u 
milieu  des  fiammes  ,  8c  uixe  rk.rigiMtioa  digne  d'un» 
fncir.ciirc  caufe. 

/7/I  du  Concile  <f<  ConJUnct, 

Les  Pères  afii'embict  *  Confiance ,  firent ,  avaiu 
^uc  de  i\  fcpircr  ,  divcrt  dccrcti  pour  \^  i\.iQt\ 


De  l'Histoire  Ecclésiastique.     177! 

«ution  deplufieurs  abus  ,  &  pour  rafTcrmiffement 
de  fe  faire  dotlrinc.  On  3pprouva  l'ufa^e  de  TE» 
glifc,  de  ne  communier  les  L'iques  que  fous  une 
feuJe  efpèce,  &  on  rejctca  la  demande  des  Huf- 
Ctes  qui  vouîoient  recevoir  le  Corps  &  le  Sang 
de  J.  C.  fous  les  efpéces  du  pain  &  du  vin.  On 
ordonna  la  fréquente  ternie  des  Conciles  provin- 
ciaux -,  on  dcfer.dit  la  tranfiation  des  Evèques  fans 
une  grande  nccefiltéi  on  rcflreignit  les  exemp- 
tions &  les  difpenfes  -,  on  condamna  la  ûmonie  ; 
on  recommanda  la  teodertie  dans  les  habits  ecdé- 
fiaftiques  :  mais  on  ne  décida  rien  fur  les  autres 
objets  de  réforme  qu'on  avoit  propofés  ,  tels  que 
les  Annates  ,  les  rsferves  du  ûége  apoAolique, 
les  grâces  expeiflatives ,  &c.  &c. 

Enfin  le  Concile  fe  fépara  :  i!  avoit  cominen- 
céle  j  Novembre  1414,1!  finit  le  22  Avril  141S, 
Cette  alTemblie  fera  éternellement  mémorable  par 
la  dcpoÛMon  de  deux  Antipapes  ,  pîr  l'abdica- 
tion volontaire  ou  forcée  da  Pape  légitime  ,  par 
Li  réunion  de  toutes  les  Nations  Chrétiennes 
dans  un  même  lieu  ,  par  la  pr.fence  d'ui  grand 
Empereur,  par  la  fupériorité  attribuie  a'.ix  Con- 
ciles généraux  fur  les  fouverains  Pontifes  ,  par 
l'éleélion  &  le  couronnement  d'jn  Pape  recoano. 
de  tous  les  Fidèles  ,  enfin  parlplificurs  déciuons  fuc 
des  matières  qui  intérefibient  également  la  Foi  ic 
les  mœurs.  Ceux  qui  montrèrent  dans  le  Con-ile 
le  plus  grand  zèle  pour  le  bien  de  l'Eglife,  fj- 
Knt  l'empereur  5'jj'y57ii;«i,  le  fçavant  Pierre  d'AUU^ 

H-y 


I7S  E   L   E   M   E   y   5 

cardinal  de  Cambrai  ,  fra-.f  is  ZihutlU  cardloil 
4t  Florence  ,  &  Je  ct  èbrc  chancelier  de  l'Uni- 
Tcrûtc  de  Paris  ,  Jtan  Gcify.n ,  l'un  des  envoyés 
du  Roi  de  France ,  homme  également  recominan» 
dable  par  Ton  f^'avoir  &  par  Tes  vertus. 

Guerre  des  Hujfttcs. 

Apres  avoir  raconte  les  affaires  les  plus  remar- 
quables qui  occupcrent  les  Pères  du  Concile  du 
Coaftance  ,  il  faut  voir  la  fuite  de  cesévenen.ens. 
Le  fupplice  de  Jean  Hus  &  de  Jcrûme  de  Pra- 
gue ,  regardes  com:ne  des  Martyrs  dans  leur  par. 
ti  ,  allumèrent  la  guerre  en  Bohème.  Les  errant 
dreflTérent  une  confenîon  de  foi  conforme  à  ce  qute 
leur  Patriarche  leur  avoit  enfeigné  ,  &  fe  fcparé* 
rent  entièrement  de  la  communion  Romaine.  Pour 
fe  maintenir  dans  une  entière  liberté  de  conf- 
cience  ,  ils  levèrent  une  puifiiante  armée,  qui ,  fcm- 
blable  à  toutes  les  troupes  conduites  par  le  fa- 
naiifme  ,  profana  les  lieux-falnts  ,  abauit  les  Tem* 
pies,  démolit  les  Autels,  &  fe  fouilla  par  mille 
abomination$.y<ja  Zifcj  ,  gentilhomme  de  Bohème, 
générai  de  cette  arm«.c  d'enthoufunci  ,  remporta 
fept  fois  la  Tiûoire  fur  l'empereur  Sififi>n,nd  ,  qui 
fiit  obligé  de  lui  donner  la  paix  &  de  le  nommer 
gouverneur  de  Buhcme.  Apres  la  mott  de  ce 
héros,  les  HufTitct,  an  rocs  de  fon  efprir ,  eurcnr 
de  nouveaux  avant.iges.  Enfin  il  fallut  publier 
contr'eux  une  croif^de,  qui  n'eut  aucun  fucccs.  On 
crut  pouvoir  ^cs  lAincacr  par  les  ocjociatioiu,  & 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     17^ 

c'eft  dans  cette  vue  qu'on  affcmbla  un  autre  Con« 
cilc  ,  auquel  ils  furent  invites  ,  pour  traiter  dc^ 
articles  qui  les  feparoient  de  l'Eglife. 

Concile  de  Pavle  ,  tninsfcri  à  Sienne  y 
&  enfiùte  à  Baie, 

Lorfque  Martin  f  prit  congé  des  Pères  de  Con-^ 
fiance  ,  il  promit  de  convoquer  bientôt  un  Coa^ 
cile  ,  qui  s'occuperoit  uniquement  de  la  réfor- 
mation  des  abus  qui  faifoient-gémir  les  gens-de« 
bien.  Il  fut  d'abord  convoqué  à  Pavie  ;  mais  la 
pefte  ayant  chaiTé  de  cette  ville  les  Evêques  86 
kî  autres  Prélats  affemblés  ,  on  le  tranfporta  à 
Sienne,  Scde>là  à  Bàle.  La  première  ceffion  corn* 
mença  le  23  Juillet  143 1.  Le  pape  Martin  étoit 
mort  le  20  Février  ,  avant  que  d'avoir  pu  voir 
l'ouverture  du  Concile,  qui  fe  fit  fous  les  aufpi- 
«e$  d'Eu^ene  IV  fon  fucceffeur  ,  &  en  préfence  do 
cardinal   Julien  CcJ'arir.i  qui  y  préûda  à  fa  place» 

La  première  chofe  que  les  Pères  du  Concile 
firent  ,  fur  de  rcnouveller  le  décret  de  celui  de 
Confiance  ,  qui  ctabliffoit  la  fupérloTÏté  du  Con» 
clegcnéral  au'deffus  du  Pape.  Eugène ,  piqué  ,  vou- 
lut  diffoudre    lafTemblée    œcumé  iqu^  de    Bàle, 

1 
pour  en  convoquer   une    autre  à  B.logne;  cette 

tentative  n'ayant  pas  réunî ,  il  transféra  en  1438^» 
de  fa  propre  autorité  ,  le  Concile  à  Ferrare  ,  & 
l'année  fuivante  à  Florence.  Les  Pères  de  Bàle 
l'ayant  fomné  pludcurs  fois  de  révoquer  la  bull«r 
par  la(;uclle  U  détktcit  leur  Concile  dilT^us  ^  Ir 

Hvi 


\S0  E  E   E   M  L   N-  Sf 

menacèrent  de  l'attaquer  perionnellement  comm^ 
Tcfrailaire ,  contumjcc  &  indigne  de  la  place  cmi - 
nente  qu'il  occupoit.  Us  lui  tinrent  parole  ;  &  ^ 
après  avoir  Aatue  la  nullité  du  Concile  qu'il  op- 
pofoit  au  leur  ,  ils  le  déclarèrent  dcchu  du  ficgc 
pontitical  ,  Sx.  mirent  à  fa  place  Amcdcc ,  duc  de 
SaToie,qui,  ayant  abandonné  fes  états  à  fes  en- 
fiins  .  vivoit  en  anachorète  a  Ripailles  près  du  lac 
de   Genève. 

Antidét  prit  le  nom  de  F<!ix  V;  mais ,  ayant  été 
dans  la  fuite  abandonne  de  tous  fes  partifans  ,  il 
fe  démit  de  fon  prétendu  pontificat  entre  les  main& 
de  Nicolas  y ,  fuccelTeur  d'Eugcne  IV ^  &  retour- 
na dans  fa  folLtude  »  où  il  mourut  en  odeur  de  faliv* 
teté. 

Les  Hujfites  au   Concile   de  BJle. 

Les  HulTices  ayant  été  invités  d'envoyer  Ae% 
députes  au  Concile  de  Bàle ,  choifirent  les  plus, 
diftingués  d'entr'eux  ,  leur  général  Pri,eope ,  8c  /m/i 
Rockiar.a  ,  le  plus  fçavant  de  leurs  théologiens. 
Les  quatre  demandes  qu'ils  firent  au  nom  de  leur 
parti,  rouloicnt  fur  quatre  points  :  La  première 
;îvoit  pour  objet  la  communion  fousies  deux  ef- 
pcces.  La  fecon  le  concernoit  le  droit  qu'ils  don- 
DuicQt  aux  m3gii\rjts  de  punir  tous  les  crimes, 
môme  ceux  dont  les  Ecdcliafliques  pouvoient  fe 
rendre  coupables,  lit  vuuloient ,  en  troifieme  lieu  , 
qu'un  leu/  permit  d'annoncer  librement  ce  qu'ils, 
appelloipnt    la.  FaroU^  dt    Ditu,   Ils  demaadûieoc 


t)E  l'Histoire  EccLESiAsriQtTE.    i^f 

-^n^n  que  le  Cierge  n'eut  aucune  autorité  dans  Icj 
affaires  civiles. 

On  conféra  long-tems  fur  ces  articles  ,  fans 
pouvoir  rien  ol)tenir  dss  hérétiques  Bohémiens  ; 
cependant  le  Concile  leur  envoya  bientôt  -  après 
des  dépurés  ,  parmi  lefquels  on  diftinguoit  le  fça- 
Yant  Enéc-Sylvius  P/cco/cmi/z/.  Les  envoyés  rame- 
aérent  pludeurs  Huflltes  ,  en  leur  accordant  lu- 
fage  de  la  coupe  avec  les  redri^ons  convenables. 
Ces  nouveaux  reunis  furent  appelles  Culixiins  , 
tandis  que  les  obftinés  fe  nommoient  Thaborites  ^ 
du  mont  Thabor  près  de  Prague  ,  où  ils  avoienc 
une  forterenTe  redoutable.  Ces  malheureux  conti- 
nuèrent à  fouteair  une  guerre  meurtrière  ,  &  dont 
Ui  fuccès  furent  variés.  Enfin  ,  après  bien  du 
Cang  répandu  ,  ils  dépoférent  les  armes  &  vécu- 
rent paiûblement  ,  lorfquon  leur  accorda  la  to- 
léraoce  qu  on  donna  un  ficelé  après  en  Allema- 
gne aux  autres  Ëi;l:fes  protetlantes  ,  qui  les  re*. 
çureot  dans  leur  fein.  i 

Fin  du  Concile  de  Baie. 

Le  Concile  de  Bàle  fe  fépara  après  la  4;'  fef- 
Con,  tenue  en  Mai  1443.  Cette  affemblée  dura 
douze  ans  c'eft-à-dire  depuis  le  19  Mai  143 1  * 
jufqu'à  pareil  mois  de  l'an  1443  ;  mais  ce  n'c- 
toit ,  depuis  pla!Î2urs  années,  qu'une  ombre  de 
Coacile,  Son  autiienticité  n'eft  reconr.t:e  que  juT» 
qu'à  la  vingt-fixiéme  felîîon  ,  parce  que  ce  fus 
^;ui6  tîttc  feiEon  qu'oa  comniënij-a  d'agiter  la  queU 


iSî  E   L  E   M    E   N   s 

tion  de  la  dépoâtion  du  pape  Eugîat  I  V.  Lm 
Italiens  ,  qui  recoanoiâTent  dans  le  louverain  Pon- 
tife une  autorité  fans  burnes  .retranchent  du  nom* 
bre  des  Conci!cs-gcn<.raux  ceux  de  Baie  &  de  Coil* 
Aance,  parce  que  danc  ces  deux  célèbres  afTemblee» 
on  contirma  l'ar.cienne  &  contante  rc^le  de  la 
Supériorité  du  Concile  au-dclTus  du  Fape  -,  ainli  il& 
n'admettent  q«je  dix- huit  Conciles-gcneraux  »  att 
lieu  que  nous  en  recevons  vingt. 

Cûnc'iU    de  Firr^re  transféré  à  Florence  ; 
reu/ùon  pjjfj^cre  des  Grecs, 

Le  pape  £i/e«e  /f  .mécontent  du  Concile  de 
Bàle,  en  convoqua  un  autre  en  1438  à  Ferrare, 
comme  nDUS  l'avons  dit  ci-devant  -,  mais  les  affai- 
res importantes  qui  s'y  traitcrent ,  mcritent  que 
TOUS  y  revenions.  Jean  Pj/éu!ogue  ,  empereur  d« 
Conftaminople  ,  ëtoit  allarmé  des  progrès  que 
fjifoient  les  Turcs  en  Orient.  Le  Tchiime  dan» 
lequel  Phutius  avoit  entraîné  les  Grecs  ,  avoi» 
é:c  aufli  funefte  à  l'Empite  qu'à  l'Eglife  }  par- 
ce que  ,  depuis  cette  époque  ,  les  Latins  les 
Toyoient  tranquillement  erpofct  aux  invafioi» 
étrargércs.  Les  ccups  redoubles  que  les  Turc» 
^nitokni  au  trône  deConi^aa  inople,  le  nenaçoienr 
d'une  chiire  prochaine.  Jtan  Pcl4^.\fui,  Tentant  te 
fcefoin  qu'il  avoii  du  Fïpe  fie  des  Prince»  Occi- 
dentjus  ,  dnvoya  des  ambafladcurs  à  Eugèit  pour 
lui  propoft»  un  nouveau  projet  de  réunion  a%'ec 
ïL^lûc  LaiiAc.    il  le  rendu  Iui'BKibc  a  Fcsiate, 


DE  L'HlSTOIRt  FcCLEÇIASTIQur,  iJj 
«vec  le  patriarche  de  Confiantinople  ,  fon  frère, 
&  pluneurs  autres  perfonnes  confidcrables  de  la 
cour  &  dj  clergi.  Ce  prince  y  fut  reçu  avec  ma. 
gnificence  ,  &  on  travailla  avec  beaucoup  de  cha- 
leur à  réunir  les  deux  Eglifes, 

Les  conférences  roulcrent  fur  la  procefllon  du 
St'Efprit,  fur  le  Purgatoire  ,  fur  l'afage  du  pain 
azyme  ,  fur  la  primauté  du  Pape.  On  tint  xvi 
fi-flions  a  Ferrare  ,  dans  Icfqueiles  ces  matières 
furent  débattues  pendant  long-tems.  La  pefte  dé- 
loloit  cette  ville  ,  &  l'on  fut  obligé  de  transfé- 
rer le  Concile  a  Florence. 

Eugène  ,  ne  pouvant  p'us  fournir  à  la  dipenfe 
d'environ  fept  cents  Orientaux  ,  les  Florentins  lut 
avoicnt  ottert  de  lui  prêter  une  fomme  confidéra- 
b'e  ,  s'il  vouloit  tenir  le  ConcJe  dans  leur  ville  j 
il  accepta  leurs  propofitions  ,  6c  la  traaflation  fe  fis 
au  mois  de  Janvier  143g. 

La  première  fcfîion  (  ou  la  xvii'  en  comptarrc 
celles  du  Concile  de  Ferrare  )  fe  tint  le  26  Fé- 
vrier. Après  avoir  difputé  fur  la  procclFion  du  St. 
Efprit ,  les  Larins  établirent  fi  bien  cette  vérité  , 
que  les  Grecs  foufcrivirent  à  leur  créance  ,  à  l'ex- 
ception  de  Marc  évêque  d'Ephèle.  L'Empereur 
fut  une  des  premières  conquîtes  des  Pères  du 
Concile  j  &  fon  changement  fut  d'autant  plus  flat- 
teur pour  les  docteurs  Catholiques  ,  que  ce  prin- 
ce ctoit  trcs-verfé  dans  les  matières  de  Religion» 
11  avoir  fait-briller  fon  fçavoir  dans  une  difpute 
avec  un  rabin  ,  qu'il  confoudit  &  qu'il  engagea  à 
recevoir  le  Baptcme, 


'1^4  E  L  E  >r  E  K  S 

De  la  proccfllon  du  St-Efprit  ,  on  paffa  à  ce 
qui  rfgardoit  le  Purgatoire  ,  &  l'on  fut  bientôt 
d'accord.  Enfin  ,  !j  pjrtdite  union  de  l'Eglife  La- 
tine avec  l'Ëglife  Grecque  ,  fut  conclue  le  il  Juil- 
let ,  jour  auquel  on  iigna  ,  comme  un  gage  aflfuré 
de  la  force  de  cette  union  ,  ^ue  le  St-E/prit  pr»' 
cède  du  Père  6-  du  F  Us  cumme  d'un  feul  principe  v. 
quon  a  pu  ajouter  Filioque  au  SymbuU  \  qu'il  y  a 
Ml  Purgatoire  ;  i}ue  la  ccnjccration  fe  fait  véritable^ 
ment  avec  du  pain  levé  ou  fans  levain  ,  &  que  les 
Prètret  doivent  çonfcercr feLn  la  ccu'ume  de  leur  Egli* 
fe  y  Orientale  on  Occidentale  \  enfin  que  le  Pape  a  la 
primauté  dans  tout  le  monde  ,  comme  chef  de  toute 
rEgllfe. 

Parmi  les  Grecs  qui  fe  fjgnalérent  au  Concile 
de  Florence ,  il  faut  diftinguer  l'iUudre  Beffarlom 
mitropolitain  de  Nicce,  dont  la  modertie  relevoit 
les  talens  ,  &  qui  niontroit  la  plus  profonde  éru- 
dition dans  un  âge  où  les  autres  f^avans  com- 
mencent a  peine  à  fe  fairc-connoitre.  Lczcle  avec 
lequel  il  travailla  au  gr.ind  ouvrage  de  la  réunion» 
L*  rendit  odieux  aux  Grecs  fchifmatiques.  Pour  n& 
pas  être  expolc  à  leur  reiTentiment  &  à  leur  fi- 
na:iime  ,  il  rcda  en  Italie ,  où  fon  irérite  l'tleva 
»  la  dignité  de  ordinal. 

Apres  le  départ  des  Grecs  ,  le  Concile  dura  en- 
core trois  ans ,  6c  ne  fut  conclu  qu'en  1441  dan» 
TEglife  de  St-Jean  de  Latran.  Lurent  IV  fe  fcli* 
(.-itoit  beaucoup  d'avoir  mis  la  ccocorde  entre 
(kux  IL^iifes  diviùci  depuis  ù  lorg-tcms  i  mais 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    iRy 

cette  union  ne  fut  que  palTiigére.  Nous  avons  vu 
que  Mure,  cvèque  d'Eplièfe,  avoit  rcfufé  de/jgner 
le  décret  d'union.  Cette  feule  étincelle  pcrpctua  le 
feu  de  la  divificn  &i  du  fchifme.  Le  cierge  de  Con- 
ftantinople,  extrêmement  prévenu  contre  tout  ce 
qui  s'étolt  tait  à  Florence  ,  reçu:  avec  indigna- 
tion les*  Prélats  qui  y  avoicn:  aluîlé.  Il  y  eue 
contr'eux  une  confpiration  générale  des  Prêtres , 
du  peuple  ,  &  fur-tout  des  Moines ,  qui  gouver- 
noient  prefque  toutes  les  confcien;es.  Oa  les  char- 
geoit  d'injur«$.  La  populace  ameutée  les  appelloic 
A\ymitis  ^  Traîtres  à  la,  R^/i^ion  ,  Apo/Iacs  ^  tandis 
qu'elle  combloit  d'éloges  Marc  d'Ephèfe,  regardé 
par  les  fchifmatiques  comma  l'uni^jue  défenfeuc 
de  la  Foi. 

Conftantinople,  la  Grèce, les  villes  d'Afie  furent 
inondées  de  libelles  ,  où  l'on  voyait  renaître  ces 
objeftions  contre  l'Eglife  Latine  ,  tout  •  récem- 
ment détruites  au  Concile  de  Florence.  Ce  qui 
montroit  le  plus  l'inconftance  6c  la  foibleffe  hu- 
maine ,  c'eft  que  quelques-uns  des  Auteurs  de  ces 
écrits  avoient  brillé  au  Concile,  Se  dans  les  con- 
férences où  les  matières  s'étoient  agitées.  De  ce 
nombre  furent  l'archevêque  d'Héradée  ,  le  philo- 
fophe  Gcmijlius ,,  l'archevêque  de  Trebifonde  ,  & 
beaucoup  d'autres  qui  fe  retracèrent  de  vive  voix 
ou  par  écrit.  LesdiTérens  écrits  qu'ils  publièrent, 
furent  l'origine  de  mille  bruits  répandus  parmi  le 
pe  iple.  Les  uns  alTuroient ,  qu'à  Florence  on  avoit 
lEorrompu  les  Grecs  &  acheté  leurs  fuffragcs  à 


îS6  E   L   E   M    E    N-   s 

prix  d'argent  :  les  autres ,  qu'on  les  faiioit-mouflr 
de  fjim  ,  pour  les  obliger  île  figner.  Ceux-ci  di- 
fuient  que  les  Latins  nvoient  faliific  tous  les 
exemplaires  qu'ils  produifoient  ;  ceux-là  ,  qu'oa 
D'dvoit  produit  que  des  pailages  tronques. 

Btfarion  &  quelques  autres  réfutèrent  ces  ca- 
lomnies. 11»  prouvèrent,  que  les  Grecs  avoicnt  eu 
au  Concile  une  entière  liberté ,  foit  pour  expli- 
quer leurs  fennmens  ,  foit  pour  propofer  leurs  dif» 
f.cultcs  ,  fo.t  pour  donner  leurs  fignaturcs.  Mai» 
comme  ces  apologies  ne  parurent  qu'après  la  more 
de  Afd/^c  d'Ephèfe, les  Grecs,  de)a  préoccupés  69 
toutes  le»  impfiftures  qu'il  avoir  répandues  ,  de- 
meurèrent opiniâtrement  attaches  a  leurs  opiniofJS« 

En  1443  ,  tes  Patriarches  d'Alexandrie  ,  d'An- 
tioche  &  de  Jcrufalem  ,  qui  avoient  fuufcrit  au 
Concile  de  Floren.e  par  leurs  dcputts  ,  convo- 
quèrent un  Synodf  a  Jcrufdlem  ,  où  ils  le  traitèrent 
de  C^ncUUbu'e  txécrab.'e  ,  &  menaccrent  mcme 
l'empereur  Jean  Pa/^oLgut  de  l'excommunier,  s'il 
continnoit  d'en  autorifer  les  dccifions.  Ce  prince, 
naturellement  fbible  ,  fe  rcl.'icha  beaucoup  de  fa 
première  fermeté  ,  &  les  Evéques  de  IKjlife  Grec- 
que perfiftérent  dans  le  fchifme,  à  l'exception  dti 
Patriarche  de  CooAantinople  8i  d'uoc  petite  partie 
de  fon  clergé. 


^ 


DE  L^HlSTOlRE   ECCLESIASTIQUE.      1S7 

Nouvelles  tentatives  pour  éteindre  le  Schifme 
des  Grecs. 

Conflantin  PaUologui  ,  qui  monta  Air  le  trône 
impérial  après  l'empereur  Jean  Paiéologuc  ,  avoit 
à,' redouter  les  arn:es  victoricufes  de  iViii/io»2<;f  i/ , 
empereur  des  Turcs.  Conftantinople  alloit  lui  être 
enlevée  -,  du  moins  les  vidoires  continuelles  du 
fcrnudable  Sultan  le  kà  faiioient-craindre.  Ddns 
cette  exircmtté ,  il  envoya  en  1451  des  ambaffa- 
deurs  au  i'><pe  ,  pour  lui  demander  des  Tecours.  Il 
n'avoit  pas  encore  pu  ,  difoit-il ,  obliger  les  Grecs 
è  fe  Toumeitre  au  Concile  de  Florence  ;  mais  il 
promettoit  de  travailler  eilicacement  a  obtenir  leur 
foumifllon. 

Le  pape  Nledai  V  envoya  à  Confiaatinople  le 
cardinal  Ijiiore  pour  tiirc- iccepter  le  décret  d'u- 
nion au  nouvel  Empereur  ,  qui  le  reçut  avec  les 
principaux  membres  de  la  cour  &  du  clergé.  Mai» 
("on  exemple  ne  fut  pas  fuivi  du  rcfte  de  la  na- 
tion. La  reponfe  d'un  p'eux  fanatique ,  nommé 
Ctnnadius^  fervit  beaucoup  à  les  faire-perfévcrer 
dans  le  fchifme.  Ce  folitaire,  confulté  fur  la  réu- 
nion proiett>le,  répondit  en  ces  termes  :  "  Miféra- 
«  b'e  peuple  !  Pourquoi  avoir  recours  à  des  Ita- 
».  liens  ,  au  lieu  de  vous  jeiter  dans  les  bras  du 
n  Tout-puitr^nt.  En  perdent  la  foi  ,  vous  perdrez 
H  votre  ville.  Vous  ne  pouvez  renoncer  à  la  re« 
).  ligion  de  vos  pères,  fans  mériter  de  fubir  le  joug 
^  de  la  fervitudc.  » 


«88  E  L  E  M  z  y  s 

Les  prêtres ,  les  religieux  ,  les  laïques  ,  régir-» 
dérent  cette  rcponfe  comme  un  orjc'c.  La  fjreur 
des  fchifmariques  fc  porta  aux  derniers  excès.  Le 
peuple  alla  dans  les  cabarets,  comme  il  auroit  fait 
les  jours  de  rejouifFance,  &la  il  vomiflToit ,  le  verre 
à  la  main,  mille  injures  contre  le  Pontife  Romaia 
&   contre  l'Empereur  qui    imploroic  fun  fccours. 
A'c«<  n  avons  pat  btj'oin  ,  s'ccrioit'ii  ,  ni  des  truupts  , 
ni  it  ralliaace  dts  Latins.  Loin  d<  nous  le  eulu  de» 
A\ymitcs'.  La  frcncfie  fut  portcc  jufqu'au  pied  dik 
Saniluaire'i  pluâeurs  réfutèrent  de  recevoir  lu  com» 
tcunion  avec  ceux  qui  ne  rejcttoient  pstnc  le  dé- 
cret de  réunion  à  IL^Î.fe  Latine.  D'sutres  écrivi- 
rent, au  nom  de  rLjjlife  de  ConAjntinople,  aux 
Bohémiens    HulTites  ,  pour  les  louer  de  ce  qu'ils 
n'avoient  pas  adopté   les  nouveautés   de  l'EglIfe 
B.omaine ,  en  les   exhortant    de  s'unir  avec  euxj 
•<  Non  pas  ,  difoient-ils,  fuivant  l'Union-fainte  de 
M  Florence ,  qui  s'tloigne  entièrement  de  la  Foi; 
M  mais   félon  le  fentiment  des    anciens  Pères.  >• 
Mais  tandis  que  ces  malheureux  fchifmatiques  t'o- 
piniatroient  dans  leur  révolte  contre  IFglife  Ca- 
tholique ,  ALhomet  II  alloit  fondre  fur  eux  8c  fe 
rendre  maitre  de  leur  ville  capitale. 

Propès  des  Turcs  ;  ptifc  de  Conjlamnople, 

Avant  de  raconter  ce  funefte  cvcnemcnt ,  il  faut 
remonter  un  peu  plus  haut.  Depuis  environ  un 
6écle ,  le  grand  objet  des  Empereurs  Turcs  éioil 
d'aacantir  l'empire  Grec.  Amurat  II  ivoit  mis  C0 


DE  L^HiSTôiRi:  Ecclésiastique.    1S5 

1421  le  licge  de>a  t  Conftaotinople,  qu'il  fut  oblij_é 
de   lever.  Tournant  fes  armes  d'un  autre  côté  ,  il 
pouffa  fes  conquèies  jufqii'cn  Hongrie.  Lad.JIas  , 
roi  de  Hongrie,  fit  un  traité  de  paix  avec  lui  pour 
l'écarter  de  fes  frontières.  A  peins  en  avolent-il$ 
Juré  l'exécution  ,  l'un    fur  l'Alcoran  ,  l'autre  fur 
l'Evangile ,  que  le  cardinal  JuHen  Ccjarini  ,*légnt  en 
Hongrie  ,  l'engigea   de  le   rompre.  Amurat   livre 
bataille  aux  parjuiescn  1444  à  Varne ,  &  les  dé- 
fait entièrement.  Lad'/las  fut  tué,  ainfi que  le  car- 
dinal Julien.  On  prétend  que  la  vicloire  ayant  été 
long-tems  douteufe  ,  Amurat  tira   de  fon  fein  le 
traité  de  paix  conclu  avec  les  Cliréù^ns  ,  en  difant  : 
<•   Chriji ,  ji  tu  es  Dieu  ,  comme  Us  Chrétiens  le  tîij'enc  , 
vengC'mui  de  leur  perfidie.  Ils    cnc  jure  une    allt^inct 
(nec  moi  par  ton  /aine  nom  ,  &   n'ont  pas  la'ffé  de 
la  violer.  ^>  Amurat  auroit  (no  des  progrès  plus  con- 
fiJérables ,  s'il  n'avoit  été  viçoureufemcnt  repouffé 
p«  deux  Chrétiens  ,  /«<«  Hun-ade,  prince  de  Tran- 
fylvanie  ,  &  Scanderbtrg ,  roi  d'Epire. 

Mahomet  II  ^  fucceffeur  à! Amurat ,  hérita  de  fon 
courage  8c  de  fes  projets.  La  conquête  de  la  ville 
impériale  étoic  le  principal  objet  d«  fon  ambition. 
Il  l'afficge  en  1453  ,  5c  l'emporte  d'affaut  après 
un  fiége  de  deux  mois.  C^njhntin  Paléolugue ,  fur- 
nommé  Dracofe ,  frère  de  Jean  Paléologue  ,  qui  ré- 
gnoit  alors  a  OjnUantinople  ,  fut  étoutFo  (  dit-on) 
en  fortant  de  la  ville  ,  par  la  foule  des  fuyjris. 
Son  corps  ayant  été  trouvé  &  reconnu,  i\/Iaho~ 
vtu  lui  lit-couper  la  tiic  ,  qu'on  porta  par  ia.  ville 


Î9<'  E  L  r  M  E  N  s 

au  bout  d'une  lance.  Tous  les  Pa/é,.lc»uei  furent 
tnafTacrcs  ,ou  rcfcrvcs  aux  plaiàrs  du  fultan.  Une 
grande  partie  de  la  noblffile  &.  du  peuple  fut  im» 
molce  à  la  fureur  du  foldat  ;  plus  de  foixante 
trille  hommes  furent  deAinés  à  un  malheureux 
efclavage.  Les  temples,  profanes  par  les  abomina» 
tions  des  troupes  iafidciles  ,  furent  changes  en 
mofquées. 

Le  vainqueur  ,  naitre  d;  la  capitale  de  l'empire 
Crée,  fe  fit-proclamer  Empereur.  En  vain  le  p:pe 
Cjiixte  III ,  qui  avoir  fuccédc  au  pape  'nfjrtla  ^, 
mort  en  1455,  envoya  des  ambafTadeiirs  aux  Prin« 
ces  Chrétiens,  pour  les  exhorter  a  fe  rcumr  con- 
tre l'exceluve  puiH'.mce  des  Othomans  :  Mahomet 
continua  fes  conquêtes,  &  dctruifit  lefoibleem- 
pire  de  Trcbi  fonde  ,  poffedc  par  David  Cmr.^.it^ 
comme  il  avoit  détruit  celui   de  ConAantinople. 

Mckomet  II,  voulant  faire  de  cette  dernière 
ville  le  fjé);e  de  fon  empire  ,  crut  que,  pour  y 
attirer  les  Grecs  ,  il  ne  falloir  pas  les  forcer  à 
embrafTer  le  Mahom.étifme.  Le  vainqueur  permit 
donc  aux  vaincus  le  libre  exercice  de  leur  Reli- 
gion. Ayant  appris  que  le  fici^e  pacnatchal  ctoit 
vacant  ,  il  y  fit-nommer  le  cclcbre  Oeorft  Sthofa» 
tiu$,  le  plus  habile  &  le  plus  clcqucotdcs  Grecs. 

Comme  c'ctoit  la  coutume  que  le  patriarche 
fut  inftallc  par  l'Empereur  Grec  ,  le  Sultan  voulut 
lui  donner  rinvc(\iiure.  Geurgc  fut  ci'nduit  daoe 
la  grande  falle  du  palais  imptrrial,  au  pied  du  trône 
ée  hUh^mtt ,  rcvctu  de  fes  plus  rkhcs  orocmcn». 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    191 

devant  qui  il  Ce  prollerna.  Ce  prince  lui  mit  ea 
main  le  bâton  paftor^l  ,  en  prononçant  ces  pa- 
roles à  haute  voix  ;  La  Tres'fdintt  TrinieJ ,  i-i^i  m'* 
donné  l'Empire  ,  te  fait  ,  par  l'autorité  eue  j'en  ai 
reçue  y  Archevêque  de  la  nouvelle  R^^me  ,  &  Patriarche 
acumcnlpie. 

Quelques  jours  après  ,  Mahomet  a!îa  rendre  vi- 
fite  au  nouveau  Patriarche  ,  qui  avoit  pris  le  nom 
de  Gennidius  ,  &  ille  pria  de  lui  expliquer  les 
principaux  points  de  la  Religion  Chrétienne.  Gcn- 
nadius  le  fit  avec  autant  de  force  que  de  folidité. 
Le  Sultan  en  parut  touché  ,  &  traita  les  Grecs 
avec  plus  de  douceur.  Il  le  pria  nicme  de  rédiger 
pjf  écrit  tout  ce  qu'il  lui  avoit  dit  dans  un  en- 
tretien fi  intéreffant.  On  trouve  cet  ouvrage,  avec 
plufieurs  autres  du  même  écrivain  ,dans  la  Biblio' 
th'eque  des  Pères, 

Geniadius  employa  tous  (es  talens   &  fon  zèle 
pour  engager  fon  peuple  à  fc  réunir  à  l'Eglife  La- 
tine. Mais  voyant  que  fes  remontrances  ne  pro- 
duiioient  pas  plus  de  fruit  que  fes  écrits  ,  il  re- 
nonça ,  la  cinquième  année    de  fon  pontificat    au 
gouvernement  d'une  Eglife   rebelle  ,  &  fe  retira 
dans  un  monaftére.   Depuis  cette  fatale  époque 
les  Grecs  ont  continué  de  vivre  dans  le  fchifme 
&  cette  féparation  n'a  pas  fervi  à  les  fairc-prof- 
pérer.  Le   patriarchat  a  perdu  tout  fon  luflre.  Le 
grand -Seigneur  vend  à  préfent  cette  dignité   au 
plus  offrant  :  cependant  il  y  a  encore  une  efpèce 
«l'éleûion  pour  la  forme.  Cet  abus  de  vendre  ainû 


"192  E   L   E   M   E   K  s 

la  prcm  tre  place  ccctclbnique  de  lOricnt  ,  d.ût 
fa  nailTance  a  1  ambition  d'un  moinp  Grec  ,  qui  , 
pour  écarter  fes  coacurrens ,  offrit  une  lomme  d'ar- 
gent qui  fut  bien  vite  acceptée.  Les  Turcs  don- 
noient  auparavant  une  entière  liDcrtc  de  noir.mcr 
pour  Patriarche  ,  celui  qui  leur  patoilloit  le  plus 
digne  du  pontificat. 

Sif^e  de  Rhodes, 

Mahomet,  fier  de  fes  profpcrités  ,  voulut  enle- 
ver aux  Chrctieiu  riHe  de  Rhodes,  le  boulevard 
de  la  Chrciifnré  dans  la  Mer-M;diierrjnce,  Cette 
ilc  écoit  la  retraite  des  Chevaliers  de  St-Jean-de- 
7trufalcm,  qui  gèaoieni  la  navigation  des  galères 
&  des   vaifl'eaux  Turcs.  Le  bdclia  A'ifack  PjUulth- 
lut.  Grec,  delà  famille  impériale ,  favori  du  Sul- 
tan ,  vint  faire  le  ficge  de  Rhodes  par  fon  ordre. 
Une  flotte,  coropofte  de  cent>foixante  voiles  , 
battit  la  place  avec  une  vigueur  extrême  pendant 
deux  mois.  Mcis  le  grand-maitrc /^^nfi/^^tn  .gen- 
tilhomme François,  la  défendit  avec  noo-rooins 
de  fermeté  ,  S:  contraignit  les  Turcs  de  lever  te 
ficge,  après  quiU  eurent  perdu  devant  cette  f iJkC 
plus  de  neuf  mille  hunimci ,  outre  cuiiiîzc  nulle 
blclTcs. 

Le  Sultan  ayant  vu  tchpuer  fa  flotre  devjnt 
Rhodes  ,  s'en  ven|;ea  en  t.ichanc  de  fe  rendre  maî- 
tre d'une  partie  du  royaume  de  Naplct.  Àchmtt, 
qui  commande  it  fon  armce,  aborda  le  vint;t-hui- 
licflne  d'Août  14^0  é  Ocrante  ,  viUc  maritime  Ac 

la 


DE  l'Histoire  Eccleçiastiquï,     i?^ 

(a  Calabre  ,  &  il  la  força  de  fe  rendre  ,  aptes  T». 
voir  battue  pendant  dix-fept  jours.  Il  y  n".it  tout 
à  feu  &  à  fang.  L'on  compta  jufqu'a  douze  mille 
Chrétiens  tués  ou  faits  prifonniers  ,  parmi  iefquels 
fe  trouva  l'Archevêque  ,  fort  Infirine  &  accablé  de 
vieillelTe.  Tenant  la  Croix ,  &  exhortan  t  fes  ouail- 
les à  demeurer  fermes  dans  la  Foi ,  il  fut  fcic  en 
deux  ,  félon  quelques  hlfioriens ,  &  félon  d'autres 
écorché  vif.  Huit  cents  Chrétiens  furent  menés 
hors  de  la  ville  tout-nuds  ,  &c  égorgés  dans  une 
vallée,  qu'on  a  nommée  depuis  la  vallée  des  Mar- 
tyrs ,  parce  qu'ils  aimèrent  mieux  fouffrir  la  mort , 
que  de  renoncer  a  la  Religion  Chrétienne. 

La  prife  d'Otrante  jetta  une  fi  grande  confterna- 
tion  dans  toute  l'Italie  ,  que  l'on  penfoit  plutôt  à 
prendre  la  fuite  ,  qu'à  fe  défendre.  Le  Pape  eut  d'a« 
bcrd  deffein  de  quitter  Rome,  &  de  fe  retirer  ea 
France;  mais  étant  un  peu  revenu  de  fa  frayeur,  il 
prit  des  mefures  pour  conferver  les  terres  de  l'E- 
tat eccléfiaAique.  Il  fît  la  paix  avec  les  Flpren- 
lins  ,  exhorta  l'Empereur ,  les  Rois  &  les  Princes  à 
donner  du  fecours  aux  Chrctiens,  &  fit- conduire 
dans  la  Fouille  en  grande  diligence  ,  les  vingt- 
quatre  galères  qu'on  avoir  préparées  pour  fecourir 
les  Chevaliers  de  Rhodes.  Enfin  il  invita  les  Sou- 
verains &  les  Prélats  a  fe  trouver  à  Rome  au  plu- 
tôt ,  pour  concerter  les  moyens  d'arrêter  les  pro- 
grès des  Infidèles.  Ces  précautions  étoient  abfo- 
lument  nécelfaires.  Le  Bdcha  jlchmlt  s'avançoit 
toujours ,  &  couroii  toutes  les  côtes  de  la  Met 

JOOT,  lu  I 


♦^  E  1  E   M    E   N    s 

Adriatique  ,  dans  le  delTein  d'jller  piller  Sotte? 
Dam«  de  Lorette.  Des  qu  il  eut  apperçu  la  flotte 
des  Qireciens  ,  il  ea  fut  clfrayé.  Ce  fe  retira  avec 
beaucoup  de  précipitation. 

Mjfiumtt  II ,  qui  s'otoit  déclare  le  plus  grand 
ennemi  du  Chril^ianiTme  ,  vouloit  envoyer  une 
fiouveUc  armée  a  Otrante;  lorfqu'unc  mort  fubiie 
l'enleva  en  i4.Si,dans  la  cinquantc-deu?âcme  aa> 
née  de  Ton  âge.  En  mourant  ,  il  prononça  (  dit>oa) 
plulîeurs  fois  le  nom  de  Rhodes  ,  phce  fatale  à 
fes  armes.  Il  expira  dans  une  bourgade  de  Bithy- 
sie ,  entre  Nicomédie  &  Conllantinople.  La  dé» 
fenfe  de  Rhodes  ,  où  le  brave  A'Auhujfvn  fut  blcfTc, 
lui  avok  mérite  les  titres  de  houtlicr  de  fEglij'e  Sc 
de  Liitrattur  ie  U  Ckriùtnu.  Ces  noms  font  bica 
plus  glorieux  que  ceux  que  Mj^^Aitr // ambitioa* 
noir.  La  vie  de  ce  conquérant ,  qui  fe  piquoit  d'i> 
fniter  Altxanire  ,  fut  un  mélange  bizarre  de  grands 
vices  &  de  grands  talens.  Il  conquit  deux  empires, 
douze  royaumes ,  plus  de  deux  ceats  villes  cond» 
dérables ,  Se  n'en  fut  pas  plus  heureux. 

FinriTuns  cet  article  par  une  rctlexioo  importao» 
te.  Au  milieu  des  maux  qui  adligcrent  l'E^Iife  La- 
fine  &  l'Eglifc  Grecque  dans  ce  (iéde  ,  on  n« 
fçauroil  trop  remarquer  combien  Di tu  les  traita 
différemment.  L'E^life  Grecque  fut  abandonnée , 
pour  aiofi  dire  ,  a  l'efprit  de  divlfiun  dont  elle  ctoit 
de,->uis  û  long-tems  UJ^e.  Elle  consomma  fe» 
malheurs  8c  fon  fchifmc  ,  dans  It  tems  roènia 
que  l'oa  faifs^ii  Icf  plut  grands  efforit  pour  Ift 


i5E  l'Histoire  TcCLESTAîTiQut.     tçç 

Caire-cefler.  Le  iclufme  d  Occident  au  contraire  fat 
entièrement  éteint ,  &  l'on  vit  le  calir.e  rennitre 
dans  le  tems  mime  de  la  plus  terrible  agitation. 
Les  Grecs  regardolent  le  fchifme  comme  un  état 
naturel ,  &  n'étoient  effrayes  que  quand  on  vou- 
lait les  y  fjire-  renoncer.  Les  Latins  au  contraire, 
qui  connoi.loient  mieux  le  précieux  dogme  de 
l'Unité  de  l'Eglife,  n'envlfageoient  qu'avec  dou- 
leur le  malheureux  fchilme  dont  ils  étoient  té- 
moins ,  &  regardolent  l'état  où  ils  voyoientl'E- 
glile  ,  comme  un  état  violent  dont  or.  devoit  tra- 
vailler à  fortir  fans  délai.  Onpouvoit  craindre, 
.que  les  Royaumes  qui  reconnoIiToient  un  Pape, 
ne  s'y  attachalTent  d'une  manière  fixe  ,  fans  fe 
mettre  en  peine  du  parti  que  d'autres  Souverains 
prenaient  en  obilffant  à  un  autre  Prfpe.  Mais  il  ne 
vint  à  l'elprit  de  perfcrie  que  cet  état  pût  être  com- 
patible avec  la  conftitution  efientielle  de  l'Eglife; 
on  etoit  pleinement  convaincu  ,  que  le  fainc-fiége 
ctoit  le  centre  de  l'Unité  Catholique,  &  que  l'E» 
glife  ne  pouvoir  avoir  qu'un  feul  chef. 

Egrife  de   France  ;  Pragmatique-  Santon. 

Si  ,  des  événemens  généraux  qui  intéreffoient 
l'Eglife  univerfelle  ,  nous  paffons  aux  Eglifes  par- 
ticulières i  nous  verrons  celle  de  France  proft» 
ter  de  la  confulîon  où  tout  ctoit  pendant  le  fchif- 
me d'Occident ,  pour  faire  des  régicmcns  utiles. 
Le  plus  important  cil  celui  de  la  Prjjmmi.juc- 
San2tun.   Cette  oxdonnance  ,  donc  S.  Luuis  avoit 


1^6  £   L   E   M   £   N    s 

donnée ,  fut  promulguée  ea  France  fous  le  règne 
de  Charles  VU ,  en  1438.  La  Fiance  étoit  livrée 
aux  abus  les  plus  crians  ,  au  fuj:c  de  l'cledioa 
des  prélats  2c  de  la  collation  des  bénéfices.  Ce 
prince  crut  devoir  y  «pporter  un  remède  efficace. 

Une  Afiemblce  du  Clergé  fut  convoquée  en 
1431  ,  à  Bourges,  par  fon  ordre.  Les  Hrélatsqui 
la  compofoient  y  dreffcrent  des  mémoires  ,  que 
l'on  envoya  au  Concile  de  Bàle  qui  Te  tcnoic 
alors.  Enfia,  après  avoir  dirputé  &  délibéré  pen- 
dant fept  ans  ,  on  acheva  cette  Pragmatique  ,  le 
fondement  de  la  difcipline  de  l'Eglife  Gallicane  , 
alnfi  que  de  fes  libertés.  On  la  renferma  djns 
vingt-trois  articles  ,  dreffes  fur  les  décrets  du 
Concile  de   Bâle. 

1°.  On  établit  la  fupériorité  du  G)ncile  géné- 
ral fur  le  pontife  Ror.i.iin. 

a'.  On  donna  aux  Eglifes  ta  liberté  d'élire  leur* 
prélats ,  &  on  marqua  de  quelle  façon  l'cleiflion 
devoit  fe  faire  pour  éviter  les  brigues  &  la  fimonie, 

3'.  On  abolit  le|  réfervcs  &  les  grâces  expec- 
tatives, dont  le  Pape  &  fes  légats  avoient  fi.fort 
abufé   depuis  quelques  (iwcles. 

4*.  On  abolit  les  annate<^. 

^\  On  établit  des  prcbcii.lcs  tiicoloj^ales ,  pour 
tiret  le  «.Icrgc  de  la  profonde  ignorance  où  .1  crt>u- 
piffoit  daos  certains  dioccfcs  ,  &  on  affeâa  le  tiers 
Aes  bcocâcct  aux  gradués. 

6'.  On  fu  divcrfes  ordonnances  fur  le»  ccré- 
^Qoics  du  fccYLM  (iivw  4i  la  puUcc  de»  E^Ufçi 


Î)E  L*HlSTOlRE  ÊCCLESIAÇTTQTTÉ.      V^ 

Mtliédrales.  Dans  divers  chapitres  ,  on  recevoir 
la  didribition  de  tout  le  jour,  pourvu  411'on  eut 
aflîfté  une  heure  à  l'office  :  on  abolit  cet  abus  , 
ainfi  que  plufieurs  autres* 

Les  Papes    fentirent    combien  la    Pragmatique 
étoit  contraire  à  leurs  intérêts.  Pic  II  !e  ht  bien- 
tôt   connoitre.    En   1459    ''   «"vit  aux  Prince* 
Chrétiens  ,  pour  les  prier  de  s'alîenbler  avec   lui 
à   Mantoue  ,  ou    du  moins    d'y   envoyer   leurs 
ambalTadeurs.  Il  ctolt  queftion  de  faire  la  guerre 
aux  Turcs.  Le  roi  Charles  VU  envoya   l*Arche- 
vânue  deTours.qui  étoit  un  vsréraijle  vieillard; 
J'Evcque  de  P^ris  ,  Thomas  de   Ccutctllts  ,  célè- 
bre théologien  ;  &  le  Baîlli  de   Rouen.  L'Evêque 
de  pL-ris  porta  la  parole  au  Pape  ,  &  fit  un  dif- 
covTS   '  u'il  divifa  en    deux  parties  ,  &  qui   dura 
près  de  deux  heures.  11  releva  le  mérite  du  Roi 
de  Fiance  &  de  fes  ancêtres.  Il   loua  leur  atta- 
chen-.cnt    aux    intérêts    de   la   Religion  ,    &  leur 
zc  e  pour  éteindre   le   rchifme  ,   vertus    qui  leur 
avoient    acquis   le    titre     de    Rtis    iris  -  Chrétiens,' 
11  demaiida   cnfuite   le  royaume   de    Sicile   pour 
René   d'Anjou,   Le  Pape   dans   fa   rcponfe    releva 
beaucoup    le   faint  -  ficge  ,  &  dit   que  tous    les 
Princes  dévoient  s'y  foumettre.  II  loua   les  gran- 
des aftions  des  Rois  de   France  ,  remontant  juf-. 
qu'eu  tcms  de  ChaiUmagre ,  H  même  de  Clovis  ;  8c 
faifînt  -voir  combien  l'Eglife  de  Rome  avoir  reç* 
d'avantages  de  la  protection  des  Rois  très-Chré- 
liens,   &  fur  -tout  du  i^'nnce  qui  rcgnoit  ,  faa^ 

liij 


kquel  il  étoit  impolllblc  d'arrctcr  les  progTC«  it% 
Turcs. 

Mais ,  malgré  ces  éloges,  le  Pape  dit  aux  am- 
baffadeurs  de  France  ,  qu'il  étoit  furpris  que  l'oa 
attendit  de  lui  uae  aulll  grande  grâce  que  celle 
de  l'inveftiture  d'un  royaume  pour  un  Prince  Fran» 
çois,  tandis  que  l'on  continuoit  d'y  fouteair  la 
Pragmaiique  -  Sanction  ,  &  que  l'on  exccuto'.t  une. 
û  mauvaifc  règle  ,  qui  étoit  l'aâe  le  plus  inju- 
rieux qui  eût  jamais  été  t'ait  à  la  dignité  du  fou- 
verain  Pontit'e.  Il  ajouta  «  qu'il  ne  pouvoit  dire 
des  François  ,  ce  que  S.  Paul  dit  des  Chrétiens  : 
J«  voiu  ai  fiancit  à  eu  unique  époux  qui  cjl  JesvS' 
Christ,  pour  vous  préjcntcr  à  lui  comme  unt  tltrg», 
toute  pure  ;  tant  qu'ils  auroient  cette  tache  de  la 
Pragmatique. •«  Lorfque  Pit  II  n'étoit  qu'.£/i<ai  Syt» 
yiui  ,  il  ne  parloit  pas  ainfî  :  car  il  avoit  reçik 
&  approuve  la  Pragmatique  dans  le  Concile  ds 
Baie  ,  &  en  avoit  été  un  des  plas  zèles  djfen« 
fcurs ',  mais  en  changeant  d'état  ,  il  a/oit  au^ 
change  de  fenùment ,  ou  du  moins  de  conduite. 

Fie  II  n'oublia  donc  rien  pour  faire-fupprimer 
ce  fjmeux  décret  de  rtglife  Gallicane.  Apres  la 
mort  de  Chjrlei  V 1 1 ,  Louis  A7  étant  monté  fur 
k  trône,  le  Pape  lui  envoya  ea  qualité  de  nonce 
l'Eve  m:  de  Terni  ,  homme  infinuant  8c  adroit. 
Ce  prcl.1t  flatta  fi  habilement  le  nouveau  Roi  ,que 
la  Pr.igmatique  fut  abolie  par  un  cdit  en  1461.  La 
Charte  de  cette  cclèbre  ordonnance  fut  traioée 
JinaoùjucaTcoicai  daâs  les  ruci  de  RorociSi  1^ 


fet  l'Histoire  Eccl£siastique    19-;* 

^pe,.  plein  de  joie  &  de  reconnoiffance,  envoya 
au  roi  une  épée  enrichie  de  pierreries,  &  un  rc- 
merciment  en  vers.  Cependant,  malgré  l'cdit  de 
Icuis  XI ,  on  ne  laiffa  pas  d'obferver  en  Franco 
plufieurs    articles  de  la  Pragmatique. 

Paul  I  /,  élevé  fur  le  faint-fiége  après  P!t  //»• 
en  1464,  crut  devoir  lui  porter  le  dernier  coup. 
Il  envoya  en  1467  un  légat  en  France^ qui  étoit 
charge  de  foUiciter  l'entière  abolition  de  cette 
ordonnance  ,  û  inquiétante  pour  la  cour  de  Rome, 
&  qui  devoir  offrir  le  chapeau  de  cardinal  à  l'E- 
véque  d  Evreux  ,  Jean  Baluc  ,  minilUe  de  Louis  X/, 
s'il  fjjloit-réuilir  les  dilTeins  du  Pape.  BaluCyVua 
des  plus  mauvais  citoyens  qu'ait  nourris  la  France,, 
trahit  les  intérêts  de  (a  patrie ,  &  obtint  de  Louis- 
XI  des  lettres  ♦  patentes  qui  confirmoient  l'abo- 
lition dé  la  Pragmatique  ;  mais  lorfqu'il  voulut 
l«s  faire  -  enregiftrer  au  Parlement ,  le  procureur- 
général  ,  Jean  de  Sc-Romain  ,  magiftrat  intègre  , 
s'oppnfa  à  l'cnreginrement  d'un  édit  qui  fuppri- 
moit  l'ordonnance  la  plus  néceffaire  au  royaume, 
L'Univerfité  fe  joignit  au  Parlement  ,  &  déclara* 
au  légat  ,  par  fon  refleur,  qu'elle  appelleroit  au 
futur  Concile  de  tout  ce  qui  fe  feroit  contre  une 
loi  folemnellement  promulguée  au  nom  de  l'Eglife 
Gallicane. 

Après  la  mort  de  Louis  XI,  arrivée  en  1483  » 
on  afTembla  les  états-généraux  à  Tours.  Le  Clergé' 
y  demanda  le  rctabliffemcnt  de  la  Pragmatique. 
ta  Ardievcques  de.Lyon  &  de  Tours .  qui  étoicuv 


id«  E   L  E  M  Z   K   s 

cardiruux  s'y  oppofcrent  -,  3c  1m  Prcljts  qui  avoietit 
été  promus  fous  Lou'n  XI,  contre  la  forme  prcf- 
crite  par  U  Pragnutique  ,  fe  joignirent  à  eux.  Les 
pjrtKans  de  la  cour  de  Rome  eurent  le  dciTus  , 
malgré  les  plaintes  du  Tiers  •  ctat ,  qui  ,  dans 
cette  même  alTemblée  générale  de  la  nation  ,  cher- 
chaà  prouver  que  les  exaâions  des  Papes  étoienc 
ciufe  de  la  pauvreté  du  royaume.  Cependant  la 
Pragmatique,  tantôt  approuvée,  tantôt  rc-voquée, 
continua  d'être  obfcrvée  (  quoique  attaquée  par 
quelques  mauvais  Français  )  foui  les  rcgniri  de 
ChArltt  VUl  &  de  Uuti  XII.  Nous  verrons  dans 
l'hiAoire  du  ûecle  fuivant ,  cuinmeot  elle  fut  ca« 
tiérement  anéantie  par  le  Concordit  conclu  entre 

liitii  X  âc  Fra/ifoij   I, 

D'ifcrends  des  Curés  avec  Us  Religieux, 

Une  affaire  moins  importante  que  celle  de  la 
Pragmatique,  occupa  pendant  quelrjuc  tcms  l'E- 
glife  de  Fran.e.  La  qucHion  »fi  les  Religieux  men- 
»•  dians  pouvoient  confeiTcr  fans  le  confentement 
M  des  Cur;s ,  ••  fe  renouvclla  en  1456,  à  roccafion 
é'unc  bulle  du  pape  N.colai  V  ,  qui  la  dccidoit 
en  faveur  des  Religieux.  L'Univerfiié  de  Paris 
appc'.la  de  cette  bu'ie  ,  8c  chalTa  de  fon  corps 
ceux  qui  ne  voulurent  point  la  reietter.  Les  Re> 
ligieux  s'en  plaignirent  aii  pape  Caliate  III  ^  qui 
fe  déclara  pour  eux  à  l'excinple  de  fet  ; 
ccfTcurs-,  mais  i  Umverfiic  n'jyaiu  pas  voul.i 
&  les  Rclij^icux  ae  voulant  pas  être  exclus  da 


DE  l'Histoire  Ecclesi  asti  que.    aoï*. 

tes  écoles  ,  le  Pape  fut  obligé  de  révoquer  I4 
bulle.  C'eil  ainfi  que  fe  termina  cette  difpute  ^ 
qu'on  vit  renaître  fous  Sixte  IV.  Ce  pont'.fe  re- 
.nouvella  en  1453  les  bulles  favorables  aux  Re- 
ligieux lUendians.  Mais  les  diffcrends  qui  avoiont 
divifé  le  Clergé  féculier  d'avec  le  régulier  en 
France,  s'étant  élevés  en  Allemagne,  le  Pape  mit 
la  paix  entre  les  Religieux  Se  les  Curés ,  en  mo- 
dérant les  privilèges  des  uns ,  &  en  s'expliquant 
nette. nent  fur  les  droits   dei  autres. 

Suite   des  Pontifes  Romains  depuis  Eugène  IV; 

On  voit  par  le  détail  dans  lequel  nous  venon» 
d'en  r.r  ,  que  les  Papes,  malgré  les  fcandales  du 
fchi  m;  dOccident  ,  avoieut  une  grande  influence 
dans  toate<!  les  affaires  générales  &  particulières 
qui  fe  iraitcienc  dans  l'Eglife.  Nous  avons  fait- 
connoitre  ce  i\i\'Eii^i:te  IV  fit  de  bien  S:  de  mal  f 
en  pnriant  du  Concile  de  Bals  &  de  celui  it 
Florence. 

Nicolai  f',  appelle  auparavant  Thomas  de  Saf^ 
\anne  ,  fon  fuccelTeur  ,  trav.iilla  efric^ccment  à  la 
paix  de  l'Eglife  &  de  l'Italie,  &  eut  le  bonheur 
d'y  réuffir.  Pontife  vertueux  &  humain  ,  il  traita 
avec  génerofite  rantip.ipe  Fdlx  V  ,  &  s'acquit  , 
par  ce  procédé  ,  l'amitié  des  peuples  &  l'eftinle 
des  grands.  Les  gens  de-lettres  ,  qu'il  favorifoit 
de  fes  bienfaits  ,  parce  qu'il  étoit  fçavant  lui* 
mcme,  le  perdirent  en  1455. 

Calixu   m  {^Atphonfc  ÙQ  Borpa),à\\nç\\\[i^ 

Iv 


.toi  E  L  E  M  I  H  s' 

fjm.lle  d'E^'pagne  ,  voyoit  avec  douleur  les  pre^- 
grès  des  Turcs.  N'étant  encore  que  cardinal,  il 
Et. voeu  de  leur  dcclarer  la  guerre  ,  8c  en  figna 
lii  formule  ,  où  il  prenoii  le  titre  de  fouveraio 
Pontife  ,  tant  il  avoir  de  confiance  d'être  placé 
fur  le  trotie  de  Saint  Pierre.  Mais  des  qu'il  y  fut 
clevc  ,  il  fcnui  que  les  projets  les  plus  beaux  ca 
idée  font  fouvenc  impraticables  dans  l'éxecution, 
11  eut  beau  envoyer  des  prédicateurs  par  toute 
l'Europe  ,  pour  exciter  le  courage  &  le  zcle  des 
peuples  8c  des  l'rlncc$:les  unsi>clc$  autres  s'cxa- 
g€rcrent  les  dii1icuUc\  de  l'entreprife  ,  qui  effet* 
tivcmeot  n'ctoit  pas  facile  ,  <x  fe  boracrent  a  faire 
des  voeux  Acrilcs.  Il  mourut   en  145S. 

Pic  II  (  Enec  Piccolumini  )  ,  de  Coifini  près  it 
Sienne  ,  qui  occupa  le  faiiu-(icge  après  lui ,  moa» 
tra  la  même  ardeur  pour  la  Croil'ade.  Il  convo» 
'qua  une  alTemblée  de  tous  les  Princes  Chrécieat 
9  Mantoue.  11  équippa  une  flotte,  fur  laquelle  il 
étoir  près  de  monter  ,  lorfque  la  mort  le  furprii 
•n  1464,  &  lui  épargna  la  douleur  d'avoir  fait 
^S  tentatives  infruûueuf>:s. 

Paul  II  (  Pitrrc  Bjrtt  )  ,  \  cnificn  ,  mort  en 
j^yi  d'un  excct  de  melon  ,  ctoit  neveu  du  papa 
Eitgint.  IV,  11  brilla  plus  par  fa  magni^cencc  exté* 
rteure  que  par  fon  génie.  11  ne  favonfa  guère* 
les  gens-de<lettrrt  ,  qui  I  ont  peint  d'une  manier* 
^favantageufe.  Jamais  on  n'a  pleuré  avec  au* 
ttnt  de  facilite  que  ce  Pontife^  il  làchoit  d'obter 
pir  pu  r«t  IdLTi&cs  (C  (ju'U  oc  pouvuu  per^uAdcij: 


fti  l'Histoire  Ecclésiastique^     5V^ 

pat  Tes  rait'ons,  Ceit  lui   qui  reduific  le  Jubile  k 
2-5   ans. 

Sixte  I  F{  Franço'.s  de  la  Rovért  )  ,  de  Celle» 
près  de  Savonne ,  étoit  fçavant.  Sa  vie  ctoit  fi 
régulière ,  qu'on  eût  pris  fa  maifon  pour  un  mo« 
Mftére.  11  avoic  deffeia  d'alTcmblcr  un  Concile 
dans  le  palais  de  Latran  ,  pour  travailler  au  réta- 
Wiffem^nt  de  la  difcipline  -,  mais  les  difficultés' 
<y»M  éprouva  firenc-évanouir  le  projet  du  Con- 
cile &  de  U  réformation.  Il  mourut  en.  14S4  ,■ 
a.vec  la  réputation  d'un  pontife  gouverné  par  le 
ripjtifme  îc  implacable  dans  fes  reffentimens. 

Le  pontificat  à'Innocent  V 111  fuivit    celui    d» 
Si^u  IV.  W  s'apptUoit  Jean- Bjpti/ie  Cibo,S!ii'éwit. 
frayé  le  chemin  au  trône  pontifical  par  le  fuccès 
avec  lequel  il  avoit  rempli  plufieurs  commiffion»' 
i<T>portantes.  Son  zèle  pour  la  Croifade  contre  les 
Turcs  lui  fournit  un  prétexte  pour  amaffer  beau»- 
coup    d'argent.  U  l'employa  à  enrichir  les  enfant 
q^'ii  avo  t  eus  avsnt    fon  pontificat,  &  à  faire  Ja 
guerre    au  Roi  de  N^pjes. ,   qu'il,  excommunia.  Il: 
root  rut  en  1492.- 

Le  règne  à' Alexandre  VI,  fon  fucceflTeur ,  neuf • 
C£Ci'pcra  dans  l'hiftoire  du  fiécle  fuivant. 

Nouveaux  Ordres ,  les  uns  Religieux ,  k^' 
autres  Militaires^. 

Les  Pontifes  Romains  n'eurent  pas  la  confo-»' 
]arion  de  reformer  Le.  Clergé  féculier  ,  ainll  qu'oo' 
(c  l'^oU  E.tO£pf6  tlepuis  le  CoûçUe  de  ConAanct-i,, 

fcvi) 


i94'  .  £  JL  E  M  £  N  s 

nais  le  Cierge  régulier  acqu  t  de  nouvelles  braa<^ 
Ches  ,  qui  portèrent  des  l'ruits  de  vie.  C'eft  de 
<e  Acde  que  date  l'ordre  des  Minimts  ,  inftitué 
p:r  S.  Prafifois  de  PauU  ,  hermite  Calabrots  ,  né 
en  1418.  Confacrc  à  Oieu  dès  Ta  plus  tendre  jeu- 
oefle ,  il  s'enferma  dans  un  hermit;ige ,  ou  plutôr 
dans  un  roc  au  bord  de  la  mer.  Ses  vertus  ay«ac 
attiré  auprès  de  lui  des  difciples ,  il  leur  bâtie 
en  1467  un  monai^cre  près  de  Paule  fa  patrie^ 
ville  de  Calabre  ,  Se  leur  donna  une  règle  ,  ap- 
prouvée par  Sixu  ly  ,  Alexandre  VI  &.  JuUs  II, 
Ses  difciples  portèrent  d'abord  le  nom  d' Hermite* 
é*  S,  franfois ,  enl'uite  celui  de  Minimes ,  parce 
qu'ils  s'appelloient  par  humiii:é  Minimi  fratrit 
tremltx.  Leur  i'aint  fondateur  joignit  les  aulK'rités 
]e«  plus  rigoureufes  à  la  charitc  la  pius  ardente» 
Il  alla  recevoir  la  récompcnfe  de  fes  travaux 
en  1507.  Il  mourut  en  France  dans  le  couveoc 
de  DupIcfUs-Duparc. 

Btatrix  de  Sylva  ,  Portugaife  ,  illuftre  par  fc$ 
Ttrtu»  autant  que  par  fa  naiiTance  ,  fonda  a  To- 
lède l'ordre  des  Religieufei  de  la  Conetptiom  tle  U 
Vitrgt  Mmrlt  ,  qui  fuivirent  d'abord  la  règle  de 
Citeaux  ,  &  qui  embrailcrenc  enfuite  celle  de  Ste- 

Clétrt. 

Les  Ordres  militaires  établis  dans  ce  ficdtf 
font  ceux  de  S.  SLtu/Ut ,  de  U  TuiftM  d'or ,  tu  ait 
S.  MtcSel, 

Le  premier,  inAituc  (  dit*on)  par  AmiiU  Vil 
tiuc  de  2^dvoi«,  dcpm»  l'apc  fout  le  oua  de  fim 


BE  l'Histoire  Ecclésiastique.    îoj" 

llx  r",  fut  uni  en  içyi  à  l'ancien  ordre  de  S.  Le 
{are,  par  une  bulle  qui  permet  aux  chevaliers  de 
fe  marier  ,  une  fois  feulement ,  à  une  vierge. 

Les  chevaliers  de  la  Tuif^n  d^or  reconnoiffent 
pour  fondateur  Philippe  le  Bon  ,  duc  de  Rourgo- 
gne ,  qui  ayant  époufé  en  fécondes  noces  à  Bru- 
ges en  Flandres  ,  îfahcUc  ,  fille  de  Jean  roi  de 
Portugal,  voulut  rendre  la  cérémonie  de  fon  ma» 
riage  plus  folemnelle  par  l'inditution  d'un  ordre. 
Il  lui  donna  le  nom  de  To'fon  d'or  ,  &  cet  or- 
dre pafTa  dans  la  fuite  aux  Archiducs  &  aux  Rois 
d"Efp3!ïne. 

L'ordre  de  S.  Michel  fut  fondé  en  1469  par 
Louis  XI ^  roi  de  France  ,  qui  vouloir  apparem- 
xrcnt  imiter  fon  oncle  maternel  René  à\4njou  ^ 
roi  de  Sicile  ,  fondateur  de  l'ordre  du  Croiffant, 
Le  ferment  qu'on  exigeoit  des  chevaliers  ,  étoic 
principalement  de  foutenir  la  dignité  &  les  droits 
de  la  couronne  &  l'autorité  du  Roi  contre  tous 
ceux  qui  les  attaqueroient. 

Sçavans  ;  Invention   de   rimprimene. 

Le  féjour  des  Papes  à  Avignon  ,  le  fchifme  que 
ce  féjour  occafionna  ,  furent  la  fource  de  plu- 
fieurs  maux  dans  l'Eglife  -,  mais  le$  hommes  cé- 
lèbres en  talens  &  en  venus  ,  qui  brillèrent  au  mi- 
lieu des  ténèbres  de  ces  tems  malheureux ,  pro» 
duifuent  aufTi  de  très-grands  biens. 

Jean  Gerfon  ^  chancelier  de  l'univerfiré  de  Pari», 
dont  il  ctoit  la  lunucre ,  fe  montra  pie  la  de  zclo* 


^^6^  E  L  E  »r  I  K  $ 

pour  la  reformation  de  l'Eglifc  ,  &  foutint  ce  zild- 
par  les  rncLurs  les  plus  pures.  II  mourut  en  1429. 
Ses  Ouvrages  fur  le  dogme  ,  la  morale  ,  la  dif- 
cJpllne  ,  font  nombreux  6c  eAimcs. 

Pierre  à'ÀilIi ,  cardinal  &  cvéque  de  Cambrai, 
écoit  né  à  Compicgne,  d'une  f- mille  obfcure.  Ses 
moeurs  &  fon  fçavoir  lui  frayèrent  la  carrière  de 
la  fortune  &  des  dignités.  L  Eglife  le  perdit  en 
1425.  Il  l'avoit  enrichie  de  p'.uiîeurs  TçavansTrai» 
tC5:entr'autres  ,  fur  la  reforme  de  1  Eglife  ,  ôc  fur 
l'autoritc  du  Concile -gênerai. 

Nicolas  de  Cemengii ,  le  rival  des  anciens  Perc»  ■ 
peur  la  force   de    l'éloquence  &  la   nob'elTe   des- 
penfées  ,  étoit  doâeur   de  Paris.   Ses   Lettres  8c. 
fes  Traités  fur  le  fchifme  font  encore  lus  ajour» 
d'hui.  On  place  fa  mort  en  1440. 

Le  cardinal  Bejfarion,  charge  de  porter  la  pa«- 
rele    au    nom  des  IrcUts   Grecs  ,  remplit   cette 
fonction  avec  autant  d'efprit  que   de  zcle.  Nou»- 
avons  dit  qu'il  fut   un  des  promoteurs  de  l'untoa. 
de  l'Eglife  Grecque  a  la  Latine,  C<  qu'il  fut  ho» 
noré  de  la  pourpre  Romaine.  Il   avoir   été  moine 
Grec  :  il  mourut  en  1471,  à  77  ins.   Sa    maifi» 
ctoit    une    efpéce  d'académie  ;  il   coromuniquoU 
aux  f^avans  qui  étoicnt  autour  de  lui  les  fe«.ouit% 
de  fes  lumières,  de  fonefprit,  Se  d'une  bibliothé»- 
^ue  aulfi  nombreufc  que  choifte. 

Àlphonft  Tv_llat  ,  Efpagnol  -,  Pêul  à*   Burgot  ; . 
Ptoyt  Ricktl ,  Chartreux  ,  cor.au  fous  le   nom  4e 
^tnyt  le  fttit  i  Liurtai   ViLa^  CiC,  Ic  dillia^uc» 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    u^ 

teflt  parmi  les  interprètes    de  l'Ecritiire-faitue. 

Thumas  à  Kempis  ,  chanoine- régulier  de  S.  Awi 
tuftin  ,  qu'on  croit  communtmé:  l'auteur  de  l'excel-- 
lent  livre  de  Vlmiiation  de  J»  C.  ,  fut  au  rang  des 
meilleurs  écrivains  myftiques. 

L'Hiftoire  fut  cultivée  par  Thitni  de  Nicm  ; 
évêque  de  Cambrai  ,  qui  nous  a  tracé  avec  beau» 
ceup  d'impartialité  tout  ce  qui  regarde  le  fchifme 
d'Occident-,  &  par  Platine  ,  auquel  nous  de  von* 
Iss  Vies  des  Papes. 

Li  prlfe  de  Condantinople  &  la  ruine  de  l'em-'- 
pire  d'Orient ,  fit-refluer  les  lettres  en  Occident^ 
Plufieurs  fçavans  Grecs  s'étant  retirés  en  Itdlie  ,, 
y  infpirérent  le  goût  de  la  langue  Grecque  8c 
des  bons  Auteur*,  Toutes  les  richeffes  de  la  Grèce 
païenne  &  de  la  Grèce  chrétienne  paffcrent  dan*' 
l'Eglife  Latine.  On  eut  principalement  obligation^ 
ds  ces  nouveaux  tréfors  à  Théodore  de  G^^a  ,  à 
Oeo/ge  de  Trébifonde  ,  3  Àrgyrophile  ,  à  Demetrius 
CJia'cundi/e  ,  8ic.  La  plupart  de  ces  fçavans  furent 
protégés  par  les  Papes  -,  &  de  Tirage  ,  la  lumière 
fe  répindlt  dnns  le   rcfte  de  lE-irope. 

Tout  étoit  favorable  alors  pour  le  renouvelle- 
ment des  fciencey.  L'Impriir.erie  ,  qui  venoit  d'ê- 
tre inventée  par  un  gentil- homme  de  Mayence 
{  Jean  Gutumhcrg  )  ,  fournit  une  nouvelle  ref- 
£ource  contre  l'ignorante  des  peuples  &  la  né- 
gligence des  payeurs.  Il  e(l  vrai  qu'en  niultiplianl- 
les  bons  livres  ,  elle  fervlt  auHl  à  répandre  les 
t&auvals.  Lu  plaintes ,  les  murmures ,  lesexrcux». 


circulèrent  par  le  moyen  de  cet  art  ,  à*ta-roÎ9  n 
utile  5c  û  dangereux  ,  d'un  bout  de  l'Europe  à 
l'autre  ;&le$  Pontifes  Romains, qui  l'encouragè- 
rent ,  fureiit  les  premiers  qui  eurent  à  s'en  plain- 
dre. Nous  devons  à  la  prtffe  le  développement 
de  l'erprit  humain  ,  long  -  tems  enfcveli  dans  la 
plus  épaiH'e  barbarie  ;  mais  nous  lui  devons  peut- 
être  auni  le  progrès  des  erreurs  qui  troublèrent 
l'Eglife  dans  le  xvi'  ficde. 

De  ces  deux  cvcnemens  fingulïers  ,  la  ruine 
de  ConAantinople  &  l'invention  de  l'Imprimerie» 
naquit  cette  fermentation  des  efprits  ,  qui  pro> 
duiût  enfin  une  révolution  en  Europe  ,  à  la- 
quelle on  ne  s'étoit  point  attendu  :  tant  il  eA  vrai 
qi!e  l'homme  eA  fait  pour  tout  pervertir  ;  &  que, 
de  ce  qui  paroit  bien  d'abord ,  naiffent  quelquefois 
les  plus  grands  maux  ! 

Cette  fermentation  commença  par  les  plaintes 
qu'on  forma  de  toutes  parts  contre  les  abus  qui 
s'ctoieni  gliffts  dans  le  fanâuaire.  On  ne  tenoic 
prefqitc  aucune  aflemblie  eccIclîaAique,  où  l'on  ne 
parlât  de  la  nécefntc  de  la  réformation.  Les  l*a°pes 
eux-mcmes  dant  leurs  bulles  Ac  dans  les  inAruc- 
tions  qu'.ls  donnoient  à  leurs  nonces  ,  Ale>'oient 
fortemer.t  contre  les  abus  ,  &  avouoient  qu'il  fal- 
Joit  abrniument  y  remédier.  Les  Auteurs  les  plus 
accrcdiicv  &  let  Prédicateurs  les  plut  célèbres 
parloent  fans  ccflTe  des  maux  de  l'E^life  ,  &  ne 
{e  li;Toient  point  d'en  faire  les  plus  triAes  pein- 
tures. Mais  ,  (  dit  le  grand   Bi.jftttt  )  parmi  ceux* 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     109 

«jul  ccoient  touches  de  l'état  de  l'E^life  &  qu» 
deraandoient  la  reforme,  il  y  avolt  deux  fortes 
d'efprits.  Les  uns,  vraiment  pacifiques  ,  déplo- 
roient  les  maux  fans  amertume.  Les  autres  ctoient 
des  efprits  fuperbes  ,  pleins  de  chagrin  &  d'ai- 
greur ,  qui ,  frappés  des  déiordres  qu'ils  voyoient 
régner  dans  l'Egiife,  &  principalement  parmi  fes 
niniftres,  ne  croyoient  pas  que  les  promeffes  de 
fon  éternelle  durée  pufTent  fubfift<?r  parmi  ces 
abiij.  Ces  hommes  aveugles  &  orgueilleux  ,  fuc- 
comboient  à  la  cencation  q'i  porte  à  huir  la  Chaire 
en  haîne  de  ceux  qui  y  prcfident  j  &  comme  fi 
la  maiice  des  hommes  pouvoit  anéantir  l'œuvre 
de  Dieu  ,  l'averlion  qu'ils  avoieit  conçue  pour 
les  Pafteurs,  leur  faifoit-haïr  en  mème-tems ,  &  la 
doûrine  qu'ils  enfeignoient  ,  &  l'autorité  qu'ils 
avoient  reçue  de  Dieu  po.ir  enfe^ner.  Tels  étoienc 
Wic'f  Si.  Jean  Uus  ,  qui  avoient  frayé  le  chemin 
eux  R"  forn-.'ttiirs  ,  Icfque's  n-.ircnt  en  feu  toute 
l'Egliie  pendant  le  cuurs  du  ûéde  dont  nous  allons 
tracer  l'hilloire. 


<5^ 


É  L  É  M  E  N   S 

D  E 
VHISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE, 
f— ■  — — » 

SEIZIÈME    SIÈCLE. 


Idée  générait  de  ce  SiécUi 

-L'e  tous  lei  âges  de  rEgllfe ,  celui  qui  ouYrele 
théâtre  le  plus  brillant  &  le  plus  funcftc,  cft  peut- 
être  le  XVI'  hccle.  L'hcréfie  fe  joint  à  la  corrup. 
tion  des  mœurs  ,  pour  troubler  le  repos  des  Fi-, 
^les.  Les  erreurs  de  Luther  enlèvent  une  partie 
du  Nord  à  la  do£^rine  Catholique  ;  celles  de  Cal' 
tin  ,  nccs  des  fiennes  ,  agitent  la  France  ,  TAn- 
gleterre  ,  la  SuilTc  ,  &  finiffent  par  faire* couler 
des  ruilTeaux  de  Tang.  Les  fucccfl'curs  de  Mahc 
mtt ,  maîtres  du  Tombeau  de  J.  C.  qu'ils  foulent 
aux  pieds,  jettent  des  yciHc  avides  (ur  l'Italif^ 
L'Eglifc  ,  afTligce  par  fes  perte*  continuelles  en 
Europe  ,  trouve  quelque  coiiTolaiion  dans  leiac» 
quifitions  qu'elle  fjit  dans  les  Indes  orientales  Se 
Atfidcniaicâ,   La  vraie  Religion  cdâiic  des  payi^- 


tLEWESS  DE  l'Hi5T.  EcCLés.  iTt 
inconnus,  livrés  à  toutes  les  ténèbres  de  l'idola» 
trie.  Les  fuccès  de  la  Foi  font  dus  prefque  par- 
tout à  des  Religieux  ,  dent  les  uns  naiffent  dans 
ce  fiécle  ,  &  dont  les  autres  acquièrent  un  nou- 
vel éclat  par  les  réformes  qu'ils  éprouvent.  Des 
Prélats  vertueux  ,  animés  de  l'efprit  qu'ils  avoient 
puii'é  dans  le  Concile  œcuménique  de  Trente,  ra' 
iDcaent  les  Fidèles  confiés  à  leurs  foins,  à  la  pu- 
reté des  moeurs  ,  ainfi  qu'à  la  pureté  de  la  Foi. 
Leur  exemple  ctoit  néceffaire  ,  pour  effacer  les 
in-iprcfïïons  funeftes  que  les  vices  &  l'ambition 
des  fouverains  Pontifes  ,  qui  régnèrent  au  corn-- 
oiencement  de  ce  ficde  ,  avoient  laiffees  à  tou^ 
^CS  efprits. 

Pontificat  </* Alexandre  VI.  Supplice 
de  Savonarole. 

Nous  voudrions  pouvoir  couvrir  d'un  voile  le* 
années  remplies  p3r  le  pontiiîcat  du  cardinal  Ao- 
d*iic  de  BvrgiM ,  Efpagnol ,  homme  a£kif ,  éloquent, 
hardi ,  grand  politique  ,  mais  fans  moeurs  Se  fans 
principes,  &  qui  eut  un  fils  encore  plus  mcchanc 
jjue  lui.  Le  nouveau  Pape  prit  le  nom  d'Aicxan- 
dit  VI,  lors  de  fon  élection  en  1491.  Neveu  de 
Calixte  ///par  fa  mère  ,  il  s'étoit  procuré  la  tiare 
par  la  brigue  ,  la  cabale  &  l'argent.  On  prétend 
que  ceux  qui  lui  avoient  donne  leurs  voix  dans 
l!efpérance  d'en  être  récompenfés  ,  périrent  d'une 
njort  prématurée, 

Jl-^andrt  FI  dvoit  eu  cioq  enfans  d'un  coi%ç 


aiî  E   L  E   M  I  V   s 

merce  criminel  avec  l'en  J^  dame  Romaine  ,  <fit^ 
tre  garçon»  fie  une  fille.  Ccj'sr  de  Borgia  fat  ce» 
lui  que  le  Pontife  chérit  le  plus,  &  qui  féconda 
le  mieux  les  delTcins  ambitieux.  Il  avoit  été  re- 
vêtu de  la  pourpre  Romaine  par  fon  père  -,  mats 
ayant  quitté  le  chapeau  de  cardinal  pour  l'cpée, 
il  fut  envoyé  en  France  ,  portant  une  bulle  qui 
rompoit  le  mariage  de  L^uis  XII  avec  Jtann*  fille' 
de  Lfjuis  XL  Le  Roi  de  France  ,  qui  mcnageoit 
Ahxnnirt  VI ,  donna  à  fon  fils  le  duché  de  V^Icn- 
tinois  ,  âc  lui  fournit  des  troupes  pour  favurifer 
{t\  entrcprifes  fur  plufiîurs  petits  états  d'halie. 
B^TÇm ,  ay.int  raflemble  une  pente  armée  ,  afTa* 
îcttit  le  BoulooDois ,  le  Feirarcts ,  le  duché  d'Ui« 
bin  &  celui  de  Camerino  ,  apré»  avoir  fait-aiTaf- 
fincr  les  V'aranti  qui  en  étoieot  feigneurs.  A  ces 
u''urpations  il  joignit  plufieurs  terres  des  Colo»mt4^ 
des  Urfins  &  des  Gaétant ,  qu'il  obtint  pat  trahi* 
fon  ou  par  force-ouverte. 

Alexandre  VI  favorifa  de  tout  fon  pouvoir  let 
sn)uflcs  conquccet  de  fon  fils  ;  mais  la  mort  de  ce 
Pontife,  (  naturelle,  fuivant  les  meilleurs  H;fto« 
riens  ,  &  accélérée  par  le  poifon  ,  fuivant  un  bruit 
popul.iirc  ,  )  vengea  l'Eglife  des  maux  que  leurs 
crimes  Se  leurs  fcandales  lui  avoient  caufés.  Il 
mourut  en  i^oj  ,  à  7^  ans,  après  avoir  occupé 
Icfaint-ficgc  pendant  onze  ans  fie  huit  jours.  ••  Ce* 
w  toit,  (dit  Bojfuii ,  )  un  homme  décrié  par  fa 
n  mauva  fc  foi  ,  par  fon  peu  de  religion  .  par  for» 
n  BYirice  mfatiablc  ,  fie  par  fci  dtfordret ,  ;\-  rnâ 


i>E  lUistojre  Ecclésiastique,  .it-j 

♦»  d'ail'curs  facrifia  tout  au  defir  immenfe  qu'il 
n  avoit  d'aggrandir  fes  enfans.  »  Ce  fut  lui  qui 
doana  aux  Rois  d'Efpagne  le  titre  de  Kvis  Cacho- 
iiquis  ,  que  Ftrdinani  &  Ij'akclle  avoient  mérité, 
en  chafTant  des  Maures  de  leurs  états,  &  en  fai» 
iant-porter  la  Religion  dans  le  Nouveau-Monde. 

Son  pontificat  fut  diftingué  par  le  Jubilé  uni- 
verfel  de  1500;  mais  il  fut  troublé  par  les  pré- 
dications de  Jérôme  SavonaroU  ,  Dominicain  ,  qui 
déclama  violexment  à  Florence  contre  les  vices 
Ce  l'ambition  du  Pape.  AUxandrc  VI  lui  fit-faire 
fon  procès  par  des  commifTaires  -,  &  il  fut  brùli 
vif,  comme  un  hérétique  &  un  perturbateur  du 
repos  public. 

Les  efprits  furent  partages  au  fujet  de  ce  Re- 
ligieux,  fanatique  fclon  les  uns,  homme  Infpiré 
de  Dieu  félon  les  autres.  Deux  Moines  ,  l'un 
Dominicain  ,  l'autre  Cordclicr  ,  proporércnt  de 
pafTer  à  travers  un  bûcher,  le  premier  pour  fou- 
tenir  que  SavonaroU  étoit  un  prophète ,  ic  fécond 
pour  prouver  qu'il  ctoit  un  impofteur.  Ce  duel 
fingulier  n'eut  cependant  pas  lieu,  parce  que  5a- 
vonary/e  vouloit  que  fon  champion  entrât  dans  le 
feu ,  tenant  le  Saint«Sacrement  à  la  main ,  &  que 
le  peuple  s'y  oppofa.  Dès  «t  inftant  SavonaroU 
perdit  tout  fon  crédit,  &  il  fut  enfermé  le  len- 
demain dans  une  prifon  ,  d'où  il  ne  fortit  que  pour 
monter  fur  le  bûcher  où  il  expira  le  23  Mai 
1498.  Il  mourut  avec  confiance  ,  fans  rien  dire, 
{  félon  le  cootinuaceur  de  Puffcndorj  ^  )  qui  put 


f  ire-juger  s'il  étoit  in.io^cnt  ou  coupable.  5es  <Ié^ 
clama:ions  emportées  contre  le  chef  Je  I  Egîife, 
tl  l'empire  qu'il  voulojt  acquérir  fur  le  peuple, 
mcr:Toient  fins-doure  un  châtiment  cxemp  jirc  •, 
mais  le  fupplice  du  feu  parut  aux  gens  une  pv* 
nition  bien- Ion  f  &  bien>crueU 

ElcHion  de  Pie  1  I  I.  Prétentions  du  CirdUnjd 
«/"Amboife.  Cjnunenccmcra  du  pontificat  de 
Jules  IL 

La  chaire   pomificale  excltoît  l'ambition  de  di- 
vers Cardinaux.  Le  c»rdinal  A'Amhoife ,  pre>Trier  mi» 
riftre  de  Louii  ,A//,  y  afpiroic  fur-tout  ,  moins 
cependant  pour  fatisfaire    fon  orgueil,  que  pour 
travailler  ,  difcitMl ,  à  la  réforme  des  abus  &  à  la 
corrcftion    des    n  opurs.  Dès  qu'il    eut    appris  ?a 
ir.ort  lïAUxûnJn  F/,  1  fe  rendit  à  Rome,  plein 
de  refpérance  d'être    Pape.  Il  avoit   un  puifTant 
parti    parmi  les    Cardinaux  ;   8c  les  Princes  qui 
avoient  le  plu»    d'intc-.ct  à  l'exclure,  fcmbioicnt 
«ïifpofcs  à  contribuer  à  fon  clcvation.  L'Empereur 
Favoit  flatte  qu'il  foutiendroit  fes  intérêts;  l'arti- 
ficieux Fcrdiiuind  ,  roi  de  Or:ille  ,  lui  fit  les  plus 
belles  protreHe».  T>' Aii'-<>/t ,  fe   f.ant  a  toutes  cet 
cfpcrances  illufcir».-*  ,  crut  que  1.1   triple  couron" 
ne   ne  pouvoit  lui  inanquer  ,  6c  ru-ret:rer  les  trou- 
pes Fran^oi fes  qu'il  avoit  ap,>ci:ces  pour  favorifer 
fon  éledioo.  Ce  fut  le   t.:.!iral    de  S.  r.r.  «  qui 
lui  donna  ce  confctl,  en    !ui  pcrfuad4nt  qu'il  fe. 
coii  clu  tout  d'une  >o)X  ,  uns  s'atiawr  le  ripto- 


Cl  l'Histoihe  Ecclestâçttque.    itf 

Cke  d'avoir  attenté  à  la  liberté  du  facré  collège. 
Mais  dès  qu'ils  furent  cnfermJs  dans  le  concla- 
ve ,  le  cardinal  de  S.  Purre ,  qui  afpiroit  à  li  pa- 
pauté ,  lui  fit  aufli-tôt  donner  l'exclulion. 

Lesirembres  du  facré  collège  eftimoient  ce  der- 
nier prélat ,  neveu  du  pape  Sixti  IV ,  &  dont  le 
«lom  de  famille  étoit  JuLtcn  de  la  Ruvérc.  Né  àSa- 
vone  dans  l'état  des  Gênes  ,   il  s'étoit  élevé  par 
fes  talens  &  avoir  gagné  les  cœurs  par  fes  libé- 
talités.  Le  conclave  le  regardait  comme  un  hom- 
me ferme  &  courageux  qui  pourrolt  s'oppofer  auc 
préteniions  des  Princes.  Mais ,  comme  il  ne  put 
d'abord  réunir  toutes  les  voix  ,  ««  il  fit-clire   ua 
H  vieux  Cardinal  qu:  apparemment  lailTeroit  biea- 
♦»  tôt  la   papauté  vacante.  Ce   fat  Françuis  Picco- 
it  lomini  ,  qui  prit   le  nom   de   Pic  III.  Il   ne  tint 
♦»  le  fiége  que    vlngt-fix  jours,  &  le  cardinal  de 
»«  S.  Pierre  qui    avoir    les  voeux  de  tout  le  collé- 
M  ge  ,  fut  élu  d'un  commun  confentemcnt  dès  le 
»>  foir  qu'on  entra  dans  le  conclave.  L'ambition 
«I  &  la  fimplicicé  du   cardinal  A'Amb^ife  furent  la 
»»  rifée  de  toute  l'Europe.  Mais  le  Roi  ne   fcntit 
VI  pas  affez    combien    mal-à-propos  fon  autorité 
M  avoit  été   commife  en   cette  occafion ,  où  les 
*<  mefures  étoient  fi  mal  pri-fes.  m  {Bossu£T,Airégc 
de  C Hijluire  de  France.  ) 

Le  nouveau  Pape  prit  le  nom  de  Jules  II.  Son 
premier    foin    fut   de  priver  Cèf^r    de  Bor^ia    de 

-toutes  les    fouverainetcs    dont  il  s'étoit  emparé 

> 
&  de  luutes  les  dignités  dont  il  avoic  ét^  revêtu. 


5X5  E  l  1  M  E  y  i 

Mais  comme  il  avoit  le  gcnic  pret'que  auflî  guer- 
rier &  aulH  ambiiie.x  jque  celui  qu'il  dépouil* 
lott ,  il  garda  une  partie  des  ufurpations  de  Bor» 
g!a  ,  &  encra  b.mtot  djns  une  ligue  formée  par 
l'empereur  Maximiiun  avec  les  Rois  de  France 
&  dEt'pagne,  pour  chaûer  les  ^"cnit^cn$  de  tou- 
tes les  fcigneuriesqu  ils  podcdoient  en  terre-fer- 
me. Ces  fiers  républicains  n'dyant  pas  pu  rclïAer 
aux  efforts  de  tant  de  Paiflances  rëumes  ,  leurs 
dcpcuillos  enridiirent  leurs  vainqueurs  ,  &  J^Li 
Il  rentra  dans  la  poiTefTion  de  Ravenne ,  de  Ri* 
mini  &  de  tout  le  Bculonnois. 

DcméUs  de  Jules  II  avec  Louis  XII. 

Ce  fut  en  partie  par  le  courage  de  Louis  XII 
que  fe  firent  les  conquêtes  fur  les  Vénitiens , 
qu'il  défit  entièrement  a  la  bataille  d'Aign^dcl.  Les 
fucccs  de  ce  prince  en  Italie  donnèrent  de  l'om» 
br.igeà/;i/ci  //  Le  Roi  lui  avoit  accorde. un  afyle 
en  Francî ,  pendant  le  pontificat  à^AUxaadit  VL 
Mu  s  Jutes  ,  ayant  oublie  les  fcrviccs  fîgnales  que  le 
Roi  de  France  lui  avoit  reodut,  nefongcaqu'à  lui 
fufciîcr  desenncmii.  Iian>ro'>i;  fccrcttcmcnt  les  Suif. 
fes  cotre  lui.  11  excitoit //«/i/-,  77//,  roi  d  Anglcterrs, 
jeune  prince  ,  qui  deûroit  fignaler  Ton  avènement  i 
la  couronne  par  quelque  afKond  icl.u  ;  enfin,  pour 
rendre fon  parti  plus  for<  (dit  f.j/'.«,)'il  donnoit 
J'abfoluiion  aux  Vcniiirnt  ,&  preaoii  avrccux  àt% 
mcfurcs  peu  favorables  a  la  France.  Lvuit  XJf  ni.» 
gnoruic  point  ces  nicncc^*  Oblt^c   de  déclarer  la 

guerre 


DE  l'HiÇTOîHE  EcCLEÇIASTiOUK-  1\y 
guerre  aux  Pontifes  ,  il  convoqua  vers  la  fin  de 
Septembre  1510  une  affemblée  générale  de  l'E- 
giife  Gallicane  à  Tours  ,  pour  fçavoir  comment  il 
tlcvoit  fe  défendre  contre  le  fouverain  Pontife, 
en  confervant  toujours  le  refpeû  dû  à  l'Eglife  8c 
au  faint-liige  On  convnt  d'affembler  un  Con- 
cile général  à  l-ife;&  quelques  C:rdinaux  qu'on 
avoir  gagnes,  en  indiquèrent  l'ouverture  pour  le 
premier  de  Septembre  1 5 1 1 , 

Cor.cilts  de  P'ije  &  de  Latran, 

Ce  Concile  ne  s'ouvrit  cependant  que  le  pre« 
m  er  Novembre  :  quatre  Cardinaux  &  un  grand 
nombre  d'Evéques  ,  d'Abbés  &  de  Dofteurs  s'y 
trouvèrent.  On  expofa  dans  la  première  fefllon 
les  motifs  de  la  convocarion  du  Concile  :  c'étoient 
la  réfonr.ation  de  1  Eglife  dans  fon  chef  &  dans 
fes  m'embres  ;  le  ferment  que  JuUî  II  avoir  fait  à 
fon  avènement  à  la  papauté  d'aiTembler  un  Con- 
cile œcuménique.  Dans  la  féconde  fefTion  on  ré- 
gla ce  qui  regarJoit  la  police  de  l'alTemblée  imait, 
dès  la  truificme  ,  il  fallut  chercher  une  autre  ville 
pour  la  tenir. 

Le  Pape,  né  avec  des  inclinations  militaires,' 
ne  fc  contenta  pas  d'employer  contre  Louis  XII 
les  foudres  eccltfiafliques.  Il  fe  lia  dabord  avec 
les  Souverains  ,  &  conclut  fecretrement  contre  la 
France  avec  Ftrdinar.d  roi  de  Caftille  ,  &  les  Vé- 
ritiens , une  Ligue  quîils  appcllérent  la  LlgutSain- 
H ,  parce  qu'elle  avoit  pour  prétexte  le  recou" 
Jom.  //.  K 


»i5  E  L  E  M  E  y  s 

Trement  des  places  enlevées  au  faint-fiége  ,8t  If 
ruine  du  Ccnciîc  de  PiTe  qu'ils  appcMoient/cA//*- 
natljuc  Sctant  mis  cnfuite  lui-même  ,  malgré  le 
poids  des  années  &  des  maladies  ,  à  la  téic  àes 
troupes  '^•j'il  avoii  levées  ,  il  comrcerça  d'atta» 
quer  l'Etat  de  Florence  ,  de  la  dépendance  du- 
quel c:oii  la  ville  de  Pife.  Les  Percs  du  Concile 
crurent  donc  devoir  fe  rendre  à  Mihn  ,  où  ils 
«.voient  transfère  leur  affemblce  -,  mais  comme  les 
SuifTcs  firent  alors  une  irruption  dans  le  Mila- 
rois,la  quatriciae  rcHion  oe  fc  tint  que  le  4  Jan* 
vier  1)11  -,  elle  fut  fuivie  de  quatre  autres,  danx 
lerquelles  les  Perg  ,  après  avoir  fommé  hicj 
77  de  nommer  un  lieu  libre  pour  tenir  le  Con- 
cile &  de  s'y  trouver  en  perfonne  pour  fe  jurti- 
ficr.lc  cccUrcrent  fufpens  de  l'adminiAration  du 
pORtiCcat ,  6r  firent-défcnfc  de  le  recoanoitre  pour 
chef  de  l'Eglife. 

Ju.'t:  saitcr.doit  à  ce  coup  d'éclat ,  &  ,  pour  !• 
parer ,  il  avoir  oppofé  Concile  à  Concile  ;  il  avoir 
convorué  dir.»  la  Baf.liquc  de  Latran  uneaflfem- 
Wée  générale  de  l'Eglifc  ,  dont  U  première  fcCiun , 
fuivie  donze  autres,  fut  tenue  le  3  Mai  ijia. 
Le  Pape  y  préfida ,  afliftc  de  quinze  Cardinaux* 
Dans  la  troi/icme  fcaocc  on  lut  une  bulle  qui 
coiidamnoit  le  Concile  de  Pifeavec  Tes  fauteurs, 
&  confirmoit  les  escommunications  fulminées  par 
le  Pape  ccnttc  le»  Cirdinaux  f<  les  Prélats  qui 
le  coir.pofoieot.  Jutu  £t  >  publier  en  niéme-tciut 
<let  OK>ai(otret  pour  mettre  le  royaume  de  Franc; 


Ï)E  lIÎïSTÔIRE  ECCLISIASTI^UE.  2TJ 
In  interdit,  &  ajourner  le  Roi  ,  les  Prélats  ,  les 
Chapitres  ôc  les  Parlcmens  du  royaume  à  comparoî- 
tre  devant  lui  dans  foixante  jours ,  pour  expofer 
k$  motifs  de  leur  oppofitlon  à  l'abrogation  de  la 
Pragmatique  Sanftion  :  règlement  célèbre  ,  qui ,  aux 
yeux  du  Pape  ,  étoit  le  renverfement  d'une  par- 
tie de  fes  droits. 

Mort  de  Jules  U;  EleEûon  dehhon  \i 

Peu  de  tems  après ,  une  fièvre  lente  enleva  /«- 
Ui  II  a  l'Eglifc  ,  qui  le  regretta  peu  ,  après  neuf 
«nnées  de  pontificat,  «  Il  fialîut  ,  (  dit  Bojfuct ,  )  aller 
M  rendre  compte  de  tant  de  guerres  ,  que  fon  hu- 
it meur   trapérieufe  &  violence  avoit  excitées,   n 
On  l'avoit  vu  ,  (  dit  M.  l'Abbc  Pluquet ,  )  faire  des 
Céges  ,  livrer  des  batailles ,  monter  à  cheval  com« 
•ne  un  fimple  officier,  vifiter  les  batteries  &   les 
tranchées,  animer  les  troupes  ,  s'expofer  lui-mê- 
me au  feu.    Non  content   de  combattre  avec  des 
armes  temporelles,  on  le  vit  employer  contre  la 
France  les    armes  Spirituelles  -,  excommunier   un 
Roi  qu'elle  idoroit ,  mettre  fon   royaume  en  in- 
cerdit ,  ôter  a  la  ville  de  Lyon  le  droit  des    foi- 
res -  franches  ,  parce  que  cette  ville  avoit  donné 
retraite  aux  Evèqucs  du  Concile  de  Pife.  On  no 
peut    douter  que  ces  cntreprifes  ne  jectalfentdans 
l'efprit  des  François  des  idées  :con(raire$  au  ref« 
peft  dû  au  faint-ficge,  &    ne  ferviffcm  aux  fuc- 
cès  des  prétendus  Réiormateurs  qui  parurent  bien- 
tôt. M  L'autorité  la  plus  légitime  devient  fufpec* 


dîO  E   L   E    M    E  N   s 

V  te  ,  (dît  l'Auteur  cire ,  )  lorfqu'on  en  fait  U(t  abns 
n  manitcfte  ,  &  que  cet  abus  attaque  le  bonheur 
M  ou  la  tranquillitc  des  Etats.  >< 

Le  Cardinal  de  SUdU'u  ,  Âgé  feulement  de  tren<- 
te-fix  ans,  Aicccda  a  Jules  //en  1514,  &  prit  Je 
nom  de  Lc^n  X.  Ce  l'ape  ,  effrayé  des  rapide» 
conquêtes  de  Seiim  /,  empereur  de»  Turcs  ,  vain- 
queur de  l'Egypte,  qui  menaçoit  de  porter  la  guerre 
en  Italie ,  chercha  a  (c  rapprocher  de  Louis  XII ^ 
dont  les  armes  pouvoient  écarter  un  fi  redouta, 
ble  ennemi!  Ce  prince  fouhaitoit  cette  reconcilia- 
tion j  il  renonça  au  Concile  de  Pil'c  ,  &  adhcra  à 
celui  de  Latran  qui  fut  terminé  en  1517.  Tous 
les  anathcmes  lances  contrs  la  France  furent  le- 
vés par  un  décret  du  Concile  ,  &  les  préUts  Fran- 
çois abfous  des  ccnfures  qu'ils  avoicnt  encourues 
en  favorifant  l'affcmblée  dePife  :  ainfi  fc  termina 
ce  célèbre  différend,  qui  tint  pendant  plufieurf 
années  l'Europe  attentive. 

Entrevue  de  Léon  X  &  de  François  I  ; 

Concordjt, 

Louis  Xll  mourut  peu  de  tems  aptes  fa  rccon» 
ciliation  avec  Rome.  Frtnçois  /,  fon  fucccffeur, 
prince  jeune  8t  ardent  qui  ne  refpiroit  que  la  guer- 
re ,  palTa  en  Italie  avec  une  armée  des  la  pre- 
mière année  de  fon  règne.  Le  Pape,  qui  lui  avoir 
été  d'abord  oppofc,  racnagei  une  conférence  avec 
lui  -,  l'entrevue  fe  fit  à  Bolo^jnc  ,  en  Décembre 
1  p  ] .  C'eû  dâo»  cette  ville  ^ue  le  Roi ,  à  l'iof- 


m.  l'Histoire  Ecclésiastique,     tu 

ifigatioii  de  fon  chancelier  Duprat  ,  vendu  (dit-on) 
à  la  coar  de  Rome  ,  qui  lui  avoit  promis  le  cha- 
peau de  Cardinal  ,  abolit  la  P ra^matique-Sanclion  , 
&  conclut  avec  le  Pape  ce  fameux  traité  appelle 
Concordat  ,  inféré  dans  les  a£les  du  Concile  de 
Latran  ,  comme  une  rè^le  que  les  François  de* 
voient  Cuivre  à  l'avenir  en  ntatiére  ecciéfiatlique 
&  bénéficiale. 

Par  cet  accord,  dont  on  a  dît  tant  de  bien  & 
tant  de  mal ,  la  nomination  aux  évèchés  &  aux 
abbayes  étoit  accordée  au  Roi  ,  qui  devoir  pré- 
fcntcr  au  Pape  'es  fujets  nommés  ;  le  Pontife 
renoii,o:tde  l'on  cûci  aux  rcfcivcs  &  aux  expcc- 
taiives  ,  à  condition  qu'on  lui  payeroit  les  Aq- 
natcs  ,  c'eft-à-dÎTe  qu'il  jouiroit  de  la  première 
année  du  revenu  des  Bénifices  vacans.  Ces  Anna* 
tes,  contre  lefquclles  on  a  tant  déclamé, ne  furent 
pjs  cependant  établies  exprcffémcnt  par  le  Con- 
cordat ,  mais  par  une  bulle  qui  fuivit  de  près  ce 
fameux  traité.  Le  Concordat  efTuya  les  plus  vives 
oppofitions  de  la  part  du  Clergé  ,  du  Parlement 
&  deTUniverflté  j  mais  il  fut  enf.n  enregiftré  en 
151S  ,  après  plufieurs  lettres  de  juflîon. 

♦<  Par  ce  Concordat ,  (  dit  Btjfuet ,  )  l«s  Rois  de 
r  France  ont  la  confcience  chargée  d'un  poids  terri- 
y>  blc,  &  le  falut  de  leurs  fujets  eft  entre  leurs  mains, 
>•  Mais  ils  pe.ivent  faire,  à  eux-ratmes  &  à  out 
r<  leur  royaume  ,  un  bien  extrême  ,fi,au  lieu  de 
••  regarder  les  prélatures  comme  une  récompenfe 
»»  temporelle ,  ils  ne  fongent  qu'à  donner  au  peu- 
»t  p!c  de  dignes  paftcurs,  »  K.  li j 


&II  E   JL   E   M    t   K   s 

On  a  dit  que  ,  par  le  Concordat  ,  U  Rot  O  l* 
Tape  ovoUnt  pris   te   qui  ne  leur  appartenait  pas  ,  3c 
donné  ce   qu'ils  ne  pouvoient  pjs  donner  ;  mais    plu- 
Ceurs  Jurifconfultes  penfcni   que  le  Roi  ,  en  re- 
prenant par  ce  traité  le    privilcgc  de  nommer  aux 
Bénéfices  conftAoriaux  de  fon  royaume  ,  ne  rcprc- 
aoit  que  la  prcrogative  de  cous  les  premiers  Rob 
de  France.  D'ailleurs  les  éleûions  étant  devenue» 
dans  les  tems   d'anarchie   une   fimonie    publique , 
&  les  grands  fiéges  étant     fouvent   donnés  à  des 
gens  de  néant,  peu  propres  à  gcuvcrner,  il  y  a  peui- 
être  moins  d  inconvcnicnt  que  nos  Rois  exercent 
les  droits  des  premiers    Fidèles  ,  Se  qu'à   mériw 
égal   ils  donnent  la  préférence  aux  Nobles  dans  U 
collation  des  Bénéfices. 

Dans   les  pays  conquis  8c  dans  ceux  qui    oat 
été  réunis  à  la  France  ,  podétieureirtent  au  Con- 
cordat, les  Rois  de   1  rance  nomment  aux  Bcnéfî- 
ces   en  vertu    d'induits    particuliers    accordés  ea 
divers  tems   par  les  Papes.  L'ufage  qu'ils  ont  fait 
du  pouvoir  que  leur  donne  le  Concordat ,  a  picf- 
que  toujours etc  applaudi,  parce  que  dans  lechO'X 
des  fujeis  ,   ils  -ont    confulic   des   liccIcliaiUquc» 
vertueux  ou  des  MiniArcs  fages.  Le  Clergé  a  cté 
remis  peu- à-peu    dans  un  orlre    &  dan«  une  de- 
cc.ice  tfcf-rares  dans  le  trms  des  cte:hons.  C'eft 
une  juAice  que  les    ProieOms  modères  &  les  la* 
crédules  ncmc<  ont  rcr.<1ue  a  l'Eplife  de   France, 
à  quelques  exceptions   piCS  ,  (  du     l'un   d'eux  .). 
qu'il  faut  loujouri  faire  dans  le»  vices  cummc  djoi 
les  vertus  qui  dumutcot. 


*E  L'HistoiRE  Ecclésiastique.    îî^ 

Indulgences  prêchécs  en  Allemagne. 

L'afl'aire  du  Concordat  n'intcreffoit  que  rEgliffi 
de  France  -,  mais  il  s'éleva  bientôt  des  di foutes  fut 
des  fujets  plus  importans  qui  agitèrent  i'E§riieunl- 
verielle.  Léon  X,  occupé  du  projet  d'ittaquer  I:s 
Turcs  par  mer  Ce  par  'erre  ,  5c  défaire  tic  l'EgliCe 
de  Si-Pierre  !e  plus  bel  édifice  de  l'univers,  ft- 
prêchcr  'des  indulgences  dans  toutes  les  provin- 
ces de  l'Occident  -,  on  les  donnoit  pour  une  légère 
rétribution  -,  en  AUemagne  on  les  afferma  comms 
on  afïermetoit  un  impôt  ,  &  les  fermiers  ,  pour  ga- 
gner plus  d'argent  dans  cette  entreprife  ,  employè- 
rent des  prédicateurs  qui  exagérèrent  le  prix  de  ce* 
grâces  fpirituelles.Le  vulgaire,  dans  les  deux  fexes 
s'étoit  laiffé  perfuader  qu'avec  ces  iniulgeoces  il 
étoit  affuré  de  fon  falut ,  &  que  ,  dès  qu'il  es  avoic 
obtenues  dans  le  de-Ttin  de  délivrer  les  âmes  du 
Purgatoire  ,  kur  tlclivrancc  etoit  auÛi  prompt» 
que  certaine. 

Luther  prêche  contre  les  Indulgences.] 

Les  abus  qui  fe  commettoient  dans  la  diftribu- 
tion  des  indulgences  ,  8c  les  exafjérations  des  pré- 
dicateurs ,  animèrent  le  zcle  de  quelques  Auguftin« 
A^lemands.  Jean  Seaupii,  vicaire- gênerai  de  cet 
Ordre  en  i^llemagne  ,  jaloux  de  ce  qu'on  avoic 
chargé  les  Dominicains  de  prêcher  le<  indulgen» 
ces  au  préjudice  des  Auguftins,  pcffciTeurs  de|)uij 
long-tems  de  ce  privilège  ,  chargea  qne'nues-un» 
de  fes  Religieux  de  décrier  les  nouveaux  prédi; 
catcurs,  Kiy 


tl4  E  L  E  M  E  N   S 

Mjriln  Luther  faiCt  cette  occalîan  pour  dcvfrî 
lopper  des  principes  qu'il  avoit  caches  jufqu'a- 
lors  ;  né  à  lilcbe  dans  le  comté  de  Mjnsiddei» 
1483  ,  d'un  forgeron  ,  il  reçut  en  cfprit  ce  que  U 
nature  lui  avoi:  rcfufé  en  naiCjnce.  Après  s'être 
fignalé  dans  Ces  premières  ctudes ,  il  entra  cher 
les  Hermues  de  S.  Augu/lin ,  effrayé  de  la  mort 
d'un  de  Tes  condifciplet ,  qu'il  avoit  vu  pcrir  à  Tes 
cùtés  d'un  coup-dc-foudre.  II  avoit  beaucoup  de 
vivacité  dans  l'erprit  ,^:  de  fermeté  dans  le  ta- 
ra^l'ire.  Dès  qu'il  eut  été  honoré  du  bonnet  de 
docteur  dans  l'univerllté  de  Wittemberg.il  y  pro- 
felTa  avec  le  plus  grand  fuccès  ,  montrant  beau- 
coup de  dédain  pour  li  t'.icologle  des  Ecoles , 
de  goût  pour  lesjtjrits  des  Feres ,  &  de  penchant 
pour  les  opinions  finguliéres. 

Chargé   par   fcs    fupérieurs  de   prêcher  contre 
l'abus  des  indulgences ,  il  atraqua  les  indulgence» 
mcrncs  &  le   pouvoir  de  celui    qui    les    donooir. 
Il  fourint  des  ihcfes  en  1517,  iS  &   i9,8ciprèft 
aroir  propofc   fes   opinions  comme  des  doutes  , 
il  les  foutint   comme  des  vérités    inconteHables. 
Cette  hardielTe  allarma  Lt^n   X,  qui  écrivit  con» 
tre  Luther  à  l'empereur   Max^rnihen  ,6i   à  Frédéric 
duc  de  Saxe.fon  f'ouverain  ,  mais  ce  dernier  prin« 
ce,  loin  d'impofer  Alence    à  ce  Religieux, l'en* 
couragea   dans  Ta  rcv  l'Eglife, 

D'un  autre  côté  ,  les  C  ■  *,  qui  n'étoient  quo 

ée»  Théologiens  Tuperficiill.  ou  qui  n«l'ét»ient  point- 
du'tout  .furent  aifémcnt  féfluit»  par  let  i      '    ' 

Bc^oxouUkUi  Uu  u*tt«  une  Cduiw^ucuc^ 


DE   L*HlSTO!RE  ECCLESIASTIQUE.      12  j 

putée  aux  Catho!ic|ues ,  un  paffage  de  l'Ecriture  nul 
interprcté  par  les  CCmmentateiirs,  un  abus  repris  Se 
corrigé  par  Liitfi cr  ,lci\r  en  impofoit.  La  réforme  fi.:t 
donc  regardée  comme  lerétabliirement  du  Chrlftianif- 
me,  fur-tout  par  des  Sçavans  &  des  Beaux-efpritspe'i 
favorables  aux  Théologiens  fc'.iolaftiqaes  ,dont  le  ftyle 
leur  déplailoit  encore-plus  que  les  raifonnemer.s. 

Première  Condamnation  de   Luther. 

Le  Pape  voyant  que  le  nouvel  hérétique  ac- 
quéroit  chaque  jour  des  partifans  ,  crut  dévoie 
lancer  contre  lui  des  anathèmes  qui  puiTent  ef- 
frayer fes  difciples.  Il  donna  ,  au  mois  de  Juin 
ijio  ,  une  bulle  qui  condamnoit  la  do£lrine  de 
Luthir  comme  hérétique  &  impie  ,  ordonnoit  que 
fes  livres  fufTent  brûlés  ,  &  le  dcclaroit  lui-même 
excommunié  ,  fi  dans  l'efpace  de  foixaote  jours 
il  ne  reconnoiffoit  fes  égaremens. 

Dans  le  commencement  de  la  difpute  ,  Luther 
avoit  aifeflé  une  humilité  &  une  foumifllon  qui 
n'otoiem  point  dans  fon  cœur.  Homme  timide 
&  retiré,  //  avoit  ,  difoit-il  ,  iU  traîné  far  f^ret 
dans  U  public;  &  jette  dans  ces  troubles  plu'iit  par 
hê\ard  qu'à  itffeln.  Il  attendoit  avec  refpedk  le 
jugement  de  l'Eglife,  jufqu'à  déclarer  en  termes 
exprès  que  s'il  ne  s'en  tenoit  pas  à  fidécifîon,i 
confcntoit  d'être  traité  comme  hérétique.  U  avoic 
écrit  au  Pape  lui- même  en  iji8  :  Dortiit\  la  rie- 
•u  la.  mon ,  appel 'e\  ou  rappelU\  «  approuve^  ou  re-  • 
prouvei,  comme  il  vous  plaira  '.j'écoutsrai  votre  v^i» 


^l6  E  L  f   M  ï  îf  ^ 

Mais  dès  que  Uun  A  eut  prononcé  ,  il-  Oublia 
fe5  proteftations  d'obeiirdncc  ,  comme  ti  c'eù:  été 
de  vains  complimens.  Dès-lors  fa  modeAie  appa- 
rente fe  changea  en  fureur.  On  vit  voler  des  nuces 
d'écrits  contre  la  buîle  du  pontife  Romain.  Il  fit- 
paroitre  d'abord  des  Notes  ou  des  apoûiiies  pleines 
de  mépris.  Bientôt  il  publia  un  fécond  écrit  avec 
ce  titre  :  Cu/jrrf /j  Bu/.'e  exécrable  de  l' Ante- Chrijl ^ 
tt  il  le  fîniA'ott  par  ces  mots  :  De  même  qu'il» 
nitxtommunitnt ,  je  Us  excommunlt  auJJI  à  monteur» 

C'et^  ainli ,  (  dit  Bojfuet  ,  )  que  prononçoit  ce  nou« 
Tcau  p3pe. 

Quant  à  la  citation  qu'on  lui  avolt  faite  cfe 
COmparoitre;  j'attends,  difoit-il  y  que  je  fuit  fuivi  d^ 
vingt-mille  hommes -de-pied  &  de  cinq  mille  chevaux  » 
Mlvn  je  me  fe'ai-cruire.  Tout  ctoit  de  ce  cara£lcrir, 
ti  l'on  voyoit  dans  fes  écrits  comme  dans  fet 
difcours  les  deux  marques  d'un  orgueil  outré  :  la 
moquerie  &  la  violence.  Ce  caractère  n'ctoit  pa» 
Biuins  marqué  dans  fa  conduite  ■■,  car  il  f<oit  par 
feire-brûlcr  la  bulle  de  Léon  j^avec  tout  le  corp» 
du  Droit-  canon  ,  en  prcfence  de  l'univcrûté  d» 
Wittcmbcrg. 

Confcrence  de  ff'orms. 

Toute  la  vengeance  que  le  l'ape  put  tirer  a* 
«e«  difî'-rentcs  infnlte*  ,  fut  d  excommunier  fo- 
lemnellement  en  tfii  Luther  avec  fes  partifjni 
ft  <c%  prnteûeurs  ,  &  de  fe  plaindre  au  jeune  em- 
pereir  Charler-Quiit ,  qrti  vcnoit  de  fucctrter  i 
feaipirc  jprvs  I4  mon  dç  MtiximUittit  Ce  priuce  f 


oï  l'Histoire  Ecclésiastique,    xij 

voulant  avoir  la  gloire  de  terminer  cette  grat>do 
affaire,  convoqua  la  diette  de  l'Empire  à  Wormsi 
Luther  y  fut  Cité.  Ses  amis  tachèrent  de  l'empc. 
cher  de  comparoitre.  Mais  Luther  qui  avoit  l'aa^ 
dace  d'un  chef  de  fecle  ,  répondit  :»<  Oa  m'a  lé-.; 
»>  gaiement  fommé  ,  &  je  me  rendrai  à  Worm» 
»»  au  nom  du  Seigneur  ,  duffé-je  voir  conjure» 
f»  contre  moi  autant  de  Démons  qu'il  y  a  de  tui- 
M  les  dans  les  toits  des  maîfons.  n 

Ce  qui  noarriffoit  fa  confiance  étoit  le  grandi 
sombre  de  partifans  qu'il  auroit  dans  la  dtette* 
Lorfqu'il  parut  "Worms  ,  une  plus  grande  mul- 
titude de  peuple  fe  rafTembla  pour  le  voir  ,  qu'H 
n'y  en  avoit  eu  à  l'entrée  de  l'Empereur.  Son 
appartement  fut  rempli  tous  les  jours  de  princes  &s 
degr.  feigneurs  ,  qui  le  traitèrent  avec  le  refpeifl 
qu'on  auroit  rendu  a  un  prophète  St  à  un  Jégiflateur,' 

Luther  flatté  de  cet   accueil  ,  parut  devant    \m 
diette  avec   courage  8c  y  parla  avec  véhémence. 
Il    refufa   de  fe  rctraûer,   à  moins  qu'on  ne    lui 
prouvât  la    faufTeté    de  fes   opinioni    ,  &  il    ne 
voulut  admettre   d'autre  règle  pour  en  juger  qu« 
la    parole  divine.  Ni   les  raifotis  ,  ni    les  prière 
n'ayant  pu  lui  faire  -  abandonn-  r  fes   fentiivens.  , 
on    lui  permit  de  prolîter  du   fa  if- conduit  qu'on 
lui  avoit  accbr  Je  pour  fe  retirer  en   toute  fùrcti,' 
Mais  quelques  jours  après  fon  départ,  on  publia 
au  nom  de  l'Empereur  &  de  la  diette  unédit,  (['ij 
le  déclarant   criminel    endurci  &  excommunié  ,   •- 
iépvuillQÏc  de  tous  les  privilèges  dont  il  joulilut^ 


ftiS  Elément 

comme  fujet  de  l'empire  ,  avec  dttenfe  à  tous  les 
Princes  de  lui  donner  afyle  ou  protedion  &  injon- 
ûion  de  fe  réunir  tous  p'  Ce  faUîr  de  fi  personne 
auHi-tôtque  ledéUidu  fauf -conduit  feroit  expire. 

Cet  cdit  demeura  fans  eifit.  L'éxecution  en 
fut  traverfce  en  partie  par  la  muUiplicttc  des 
affaires  que  fufcicérent  a  Charlet-Quint  les  trou> 
Wes  d'Efpagne  ,  d'Italie  &  des  l'ays-Ba$ ,  &  fur» 
tout  par  les  précautions  que  prit  l'Eleâeur  de 
Saxe  pour  arracher  l'hcrciiarque  aux  pourfuites 
de  fes  ennemis. 

Captivité  Je  Ludaer  ;  txpofinon  ahrégée 
de  fes   eneurs. 

Ce  proteâeur  confiant  de  Luther  craignant  qu'i 
fon  retour  de  Worms  on  n'attentât  a  fa  liberté  ,  le 
fit -enlever  par  des  cavaliers  mafqucs  .qui  le  me* 
nérent  dans  un  château  de  Thuringe  ,  où  il  fur 
enfermé  pendant  neuf  à  dix  mois.  CeA  dans  cette 
lolitud;  ,  que  Luther  appelloit  fon  ijle  de  Psihmvf^ 
/  par  allufion  à  rifleoù  l'Apôtre  S.  Jean  avoir  ctc 
exile  )  qu'il  continua  de  dcfcndre  fa  dodrine  fie 
4'atuquer  celle  de  fes  adverfaircs.  C'eA  là  qu'il' 
Bit  la  dernière  main  à  fa  nouvelle  religion,  com- 
pofce  des  trides  dchrisdcs  ^'audoii,  des  Albigeois 
At  des  Hu^ites. 

»«  Le  libre  -  aibitre  ,  fvuvant  lui  ,  eft  une  chi- 
»»  mère  -,  i'  foi   feule    fufSt    pour   nous    fauver, 
M  Avoir  de  la  foi,  c'efl  croire  que  J.  C.  ayant  fouf- 
»  Sert  poitf  nui  p.iYiii ,  il  ne  n. 
•».%  Lite   potu  iet  expier.   Uu  .  . 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    12^ 

■  foi  ne  peut  être  damné  ,  quand -mcme  il  le 
>.  voudrolti  mais  fans  la  foi  ,  toutes  nos  œuvres 
t»  font  des  oeuvres  de  mort.  Ainfi  les  vertus  des 
M  Païens  ,  qui  n'étoient  point  éclairés  de  ce  di« 
M  vin  flambeau,  dévoient  être  mifes  au  nombre 
M  des  vices.  La  feule  règle  de  notre  créance  doit 
n  êtrel'Ecriture-fainte;  les  Coici!e'-:;énéraux  pou- 
n  vant  errer,  leurs  décilîons  ne  fçauroient  avoir 
»♦  force  de  loi.  Le  célibat  des  prêtres  ,  les  vœux 
M  monaftiques,  la  confeffîon  auriculaire  ,  les  jeû- 
>«  nés  ,  les  mortifications  ,  font  autant  de  prati- 
)»  ques  fuperftitieufes'  dont  le  Démon  eft  le  père, 
»  Il  n'y  a  Aie  deux  facremens  :  le  Baptême  8c 
»♦  l'Euclinriftie.  La  tranffubftantiation  eft  une  ab- 
n  furdité.  J.  C.  eft  réellement  préfent  dans  l'Eu- 
M  chariflie-,  mais  le  pain  &  le  vin  ne  font  point 
«  détruits  par  les  paroles  du  prêtre.  Les  Meffes 
•»  baffes  font  un  abus  ,  ainfi  que  le  culte  des  Ima- 
»  ges  ,  &  la  croyance  du  Purgatoire.  Les  biens 
»»  ecdéfiaftiques  appartiennent  au  Souverain.  Enfin 
H  l'on  devoir  abolir  tous  les  Ordres  de  Religieux 
t*  raendians ,  &  changer  leurs  malfons  en  écoles 
n  publiques  pour  l'inftruftion  de  la  jeunefTe.  >» 

Pendant  la  retraite  de  Luther  ,  fes  opinions  fe 
répandirent  dans  prefque  toutes  les  villes  de  la 
Saxe.  Les  Auguflins  de  W^irtemberg  ,  animés  par 
la  faveur  fci  rerte  de  l'Ele.'lcur,  firent  une  innova- 
tion dans  le  culte  public,  qui  ne  fut  que  trop  ap" 
plaudie  par  les  amateurs  de  la  nouveauté  :  ils  abo* 
lîrent  la  céliibration  des  McfTes  -  bafles,  6c  firent* 
coiaxauaicr  les  laïques  fous  les  deux  efpèçcs, . 


a.^0  E    L   E   M   E   N   s 

La  joie  que  le  fuccè»  de  ces  tentativei  Rt  u 
Luther,  fut  troublée  par  les  obAacles  qu'oa  metioic 
ailleurs  à  la  propaguion  de  f»  doâriae.  Un  dé- 
cret fulemaei  de  l'Univerfite  de  Faris  ,  l'une  dei 
plus  fçavintcsde  i'£jrop^-,vOndamna  fes  opuioot 
comme  hc:étiques.  Henri  VIIl ,  roi  d'Angleterre  , 
cherchoit  auffi  à  l'cloij^ner  de  Ton  royaume  ,  flc 
il  le  prouva  alTcz  par  la  rcponfe  qu'il  i^.t  au  li« 
vre  de  Luther ,  intitulé  :  La  Capthiti  de  Sahylutu, 

Cette  rcfutatlon  d'un  jeune  monarque  qui  paf- 
foit  pour  humme-de -lettres  &  homme-derprit  , 
nonitia  d'autant  plus  Luther  ,  qu'elle  eft  écrit* 
avet  toute  la  fubtilité  d'up  bon  logicien.  L'hé- 
réfiarque  ne  parut  cependant  point  eHFrdvc  n!  par 
l'autorité  de  l'Univerfue  de  Parif ,  A  par  le  rang 
de  Henri  VIU.  Il  publia  bientôt  fcs  Remarqut* 
fur  le  Décret  de  l'une  &  fur  la  Rcponfe  de  l'au* 
tre.  Se  il  prit  en  les  réfutant  un  Ayle  aulli  v-o- 
l*nt  ii  aviïïi  amer  qu'il  l'auroit  employé  cuatr« 
le  plus  mtprilable  de  Tes  aniagonilUs. 

Mort  de  Léon  X;  fes  fuccejfcurs. 

LLn  X  étott  mort  en  i;ii  ,  avec  la  douleur 
ée  voir  !  F  ilife  infedée  du  poifon  de  i'héréûe.  C« 
pontife,  iroins  occupe  des  devoir»  de  (a  place,  '|tle 
de  fes  p'.ailirf  5t  de  (et  inrércti,  lailTa  une  rec moire 
feu  refpedlce,  m-ilgré  le»  clo);es  que  lui  prodiguè- 
rent le»  geni-de-letire»  dont  il  fut  le  proteileur. 

Adrien  /'/,  archevcquc  de  Burgo»  ,  originaire 
dM  l'ayi-BéJ  ,  k.  prccepteur  de    i'^^'f-o    •• 


DF  l'Histoire  Ecclesi  asti  qui.    iyfi 

èccupa  après  I  li  la  chaire  apoftoliquc.  C'ccoir 
un  homme  eftimable  par  fon  fçavoir  8c  famo- 
dwMtijfi.  Il  fit  tous  fes  efforts  pour  éteindre 
riacendic  allumé  en  Allemagne  -,  mais  les  états  de 
l'Empire  ,  au  lieu  de  féconder  fes  vues  ,  lui  firent 
prtfenter  une  lifte  des  griefs  que  la  nation  Ger- 
manique avoir  contre  la  cour  Romaine  ,  &  de- 
nandcrent  la  convocitioa  d'un  Concile  nacionalo 
Le  fouverain  Pontife  étant  mort  fur  ces  en- 
trefaites ,  le  cardiml  Jules  de  Midids  ,  fon  fuc» 
celTeur  ,  qui  prit  le  nom  de  CLimcnt  VllI  ,  en- 
▼oya  un  lé^ac  a  la  diette  de  Nuremberg  en  1514, 
pour  prelfer  de  la  manière  la  plus  forte  l'obfer- 
vation  de  l'édit  de  '^Jl'^orms ,  donné  contre  Luther 
&  les  Luthériens.  CidrUs-Q^uint  ,  alors  en  Efpa» 
gne  ,  appuya  la  demande  du  Pape  par  un  ref- 
crit  adreffé  aux  états  de  l'Empire  ,  qui  répondi- 
rent à   Clément   F^// à-pcu-prcs  comme  ils  avoicDt 

*ait  à  Adiicn    VI. 

Progrès  du    Luthéranlfme. 

Cependant  l'héréfie  ,  coatre  laquelle  les  Papes 
éievoient  inutilement  leur  voix  ,  après  avoir  per- 
verti les  particuliers  ,  corrompoit  les  royaumes 
entiers.  De  la  Saxe ,  elle  fe  répandit  dans  !e  Pa- 
latinat  ,  pénétra  dans  le  Daiiem-irck  8c  dans  la 
Suède»  &  en  peu  de  tems  la  Foi  Catholique  fut 
altérée  dans  tout  le  NorH.  L'auteur  de  cette  fu- 
nefte  révolution  avoir  c;abli  pour  bafe  de  fes  er- 
reurs ,  un  principe  qui  fervit  à  faire- naître  une 
fçuk  de  fcCUuej,  6iuvant  lui  ,  chacun  «voit  \» 


*a32r  E  L  E  M  E  If  s 

droit  d'expli(]ucr  l'Ecriture-fainte  à  fa  manlcre^ 
linfi,  l'orgueil  humain  cherchant  à  fe  diflinguef 
par  des  opinions  fingulicrcs  ,  on  vit  bientôt  fortir 
de  l'ccole  Luthérienne  plus  de  deux  cents  fefles, 
toutes  oppofces  les  unes  aux  autres  ,  mais  toutes 
réunies  contre  Rome. 

De  Carloftad. 

Le  premier  dltciple  de  Luther  ,  fut  auflî  le  prc- 
nicr  qui  rafina  fur  la  doilrine  de  fon  maître. 
Nous  voulons  parler  d'André  Bonde/!in  ,  connu 
fous  le  nom  de  CatlcJUi  ,  qui  ctoit  le  lieu  de 
fa  naiiTance  en  Franconie.  Apres  avoir  renoncé 
au  facerdoce  &  aux  voeux  qu'il  avoit  faits  à  fon 
ordination  ,  il  fe  maria  publiquement ,  à  l'imitation 
de  Luther  qui  avoit  cpoufc  une  Reiigieufe.  Car.'v- 
/lad  étoit  étourdi  ,  préfomptueux  &  emporté.  Il 
trouva  que  Luther  n'avoit  qu'ébauché  l'ouvrage 
de  la  prétendue  rétormation  ;  il  voulut  l'achever. 
Il  fe  déchaîna  contre  le  célibat  des  prêtres,  brifa 
les  Crucifix  5i  les  Images  ,  rcnverfa  les  Autels  k 
la  tête  d'une  troupe  de  fcditieux ,  &  nia  haute- 
ment la  réalité  du  Corps  &  du  Sang  de  J.  C.  dans 
l'Eue  hariHie. 

Dans  la  violente  fermentation  que  les  nou» 
Telles  erreurs  caufoient  aux  etprits  ,  il  ne  lui  fut 
pat  difficile  de  trouver  des  fanuiques  qui  le  fe* 
condcrent.  Lutktr  n'ayant  pu  les  ramener  par  la 
douceur  ,  obligea  leur  chef  de  fortir  de  V"ir- 
cembcrg ,  &  c»b"(>*-^  le  duc  de  itdxt  é.  le  duiiw 


DE  L*HisTOiiu:  Ecclésiastique.     1^5 

ie  tous  fes  états  avec  la  femme  qu'il  venoit 
d'époufer.  Ce  malheureux  ,  réduit  à  la  der- 
nière mifcre  ,  oblige  de  gagner  fa  vie  en  labou- 
rant la  terre  ic  en  portant  du  bois  ,  alla  fe  faire 
prédicant  à  Bàle  ,  où  il  mourut  d'une  mort  vio- 
lente. 

En  iettant  les  yeux  fur  la  vie  de  Carloftai  8e 
des  autres  Réformateurs  ,onne  peut  qu'être  éton- 
né de  la  différence  qu'on  apperçoit  entr'eux  ,  5c 
ceux  dont  Dieu  s'eft  fervi  pour  établir  &  défen- 
dre la  vérité.  »'  Loin  d'attirer  les  hommes  par  l'é- 
n  clac  d'une  fainteté  extraordinaire,  (  dit  l'Abbé 
Racine  d'après  N.cole  )  »  ils  les  ont  frappés  par 
»♦  un  fpeclade  qui  ne  pouvoit  que  caufer  de  l'hor- 
»>  reur  à  ceux  qui  ont  quelque  idée  de  la  véri- 
M  table  vertu.  En  effet  ces  Reformateurs  étoient 
»»  des  Religieux,  qui  quittoient  leur  habit  &  leur 
M  profefnon  pour  contraâer  des  mariages  fcan- 
M  daleux  ,  ou  des  prêtres  qui  violoient  le  celi- 
»  bat.  Le  premier  fruit  de  cène  dodrine  fut  d'ou- 
X  vrir  les  cloîtres ,  de  dé-voiler  les  Vierges  ,  d'a- 
••  bolir  les  auflérités  ,  &  de  détruire  toute  la  dif- 
M  cipline  de  l'Eglife.  Au  lieu  que  ,  félon  l'expref- 
>♦  fion  de  S.  Chryfuflôme  ,  les  premiers  prédica- 
M  teurs  du  Chriftianifme  ont  planté  la  virginité 
M  par  toute  la  terre  ,  les  prétendus  Réformateurs 
»«  ont  tâché  de  la  déraciner  de  toute  la  terre;  & 
»  non-feulement  la  virginité  ,  mais  la  pénitence, 
..  la  pauvreté  volontaire  ,  &  les  autres  vertus  qui 
p  om  il -fort  zelevé  la  ileligioa  Chrétienne  pcat; 


234  E   L   E    M   E  V   s 

H  dant  pIuGeurs  fiécles.  L'cvidence  de  la  vérité' 
M  a  force  les  Chefs  du  nouvel  Lvançile  de  rc> 
M  cor.Qoitre  que  toute  leur  réforination  n'avoit 
•  produit  aucun  renouvellement  de  l'efprit  du 
1*  ChriAianifme ,  H  que  le  avoit  plutôt  augmenté 
»»  que  diminué  le  dcrcglement  de  ceux  qui  l'a- 
»  voient  cisbrafTce.  Lm  plupart  de  ceux  ,  (  dit  CaU 
»•  TÏn  ,  )  fui  /«  /Inr  fiparét  de  f idolâtrie  du  Papt, 
I»  font  pi  tins  d'anijîct  &  de  perfidie.  ILi  foKt  •  pa^ 
I»  '■oitre  du  \cU  à  l'extéritLr  v  mai*  Jî  rotu  les  <*a- 
•»  mine\  de  prit ,  vous  Ut  trf>u\irc\  de  vrcit  /-urbtt,m 
f*  Nom  voyant  (  dit  aulTi  Luther  )  ,fi«  par  la  flM« 
*>  lice  du  Diable  let  hommes  font  tnaintenani  pittp 
M  avares  ,  plus  cruels  ,  plus  dérégi'és  ,  p!us  itifa^ 
*•  JcAj  ,  6*  biMueoup  pires  qu'Us  n'etuieêt  J«us  l^ 
m   Pj^juie,   m 

De  Zui: -^'^ 

H  y  avrit  a'ors  en  Suifl'c  ou  Cil  '^i  s'écoic 
retire  ,  un  jc-nie  pré  re  numrac  Zum^lc  ,  pleto 
d'erprir  tt  de  leu  .  qui  avoit  perte  les  armet 
avant  que  d'être  cccK (unique.  Il  (*  cuafdcra  i 
la  chaire  .  pour  laquelle  il  avoit  du  talent.  Set 
fuccét  en  ce  genre  lui  inérii<.rent  la  principale 
cure  de  Zurich.  Il  l'occupoit ,  lorfqu'un  Cordelter 
de  Milan  vint  annoncer  let  indulgences  en  SuilTe 
comme  les  Dominicains  l'a  voient  ùit  en  Allema» 
gne.  Zu.if  .<  ,  plein  des  dogmes  de  L~ihtr  ,  attaqua 
le  FranciTcaio  fie  (t  doflnne. 

A  l'exemple  de  1  hcrvliart^ue  S^nvit  |  il  prêcha 


DE  l'Histoire  Ecclisiastique.    13  f 

tontre  les  indulgences  ,  l'interceflion  &  l'invoca- 
tion des  Saints  ,1e  facrifice  de  la  MelTe, le  célibat 
des  Prîtres  ,  rabftincnce  des  viandes,  les  vœur 
&  les  loix  eccIcflaHiques  -,  mais  il  s'éloigna  de  lui 
dans  des  points  cffentiels.  Luther  donnoit  tout  à 
la  grâce,  &  Zuingle  au  libre-arbitre  ,  ne  faifant 
dépendre  notre  falut  que  de  nous-mêmes.  Lo 
premier  adoptoit  la  préfence-réelle  de  Jesus-Chr. 
dans  1  Euchariftie  ,  quoiqu'il  niât  la  tranffuhftan- 
tia:ion  du  pain  &  du  vin  •,  \z  fécond  n'adroettok 
dans  le  facremenr  des  autels  qu'une  fimplc  figure 
du  Corps  "&  du  Sang  de  J.  C.  que  nous  ne  rece^ 
vions  que  rpirituellemeor. 

Zu:ngU  fut  d'a'oord  embarraffé  par  les  parjJes  de 
I.  C.'quidic  expreflemcu  :  Ceci  £iT  .w.jv  CuRPi,  fl 
eut  un  fonge  dans  lequel  il  crojoit  difputer  avec  le 
Cecrétaire  de  Zurich.ville  dot  t  ;.  c.  '  t  pafteur.qui  le 
prcficit  viven-.ent  fur  les  p.iro!es  de  l'infiituacat 
Il  vit  parcitrc  toutà-coup  un  plii.n;6me  blanc  ou 
noir, qui  lui  dit  ces  mots:  »Lâc!ie,  f;ut  ne  rtponis- 
V  lu  ce  qui  eft  écrit  dans  VKxodt ,  L'Agneau  <Jl  la 
••   Pdjue  ,  pour  dire  q  4  il  en  cil   le    figne.  •« 

Cette  rcponfe  du  plunrome  fut  un  trio^Tiphe 
pour  lut  ,  &  Zu:n^.'t  n'eut  plus  de  difficulté  fur 
rtochariAi».  1)  enfeigna  qu'elle  n'ttoit  que  la 
figure  du  Corps  6:  du  Sing  de  J.  C.  il  crut  trou- 
ver dans  1  Ecriture  d'autres  exemples  où  le  mot 
njl  l'employoit  pour  le  mot  Jîgnifie  :  tout  lu!  pa- 
rut alors  taule  dans  le  featimeiu  qu'U  vouioit  ùirc- 
prévaloir. 


23^  E  L  E  M  E  V  s 

L'explication  de  Zi.ing/e  ,  favorable  aux  fer.j 
&  a  l'imagination  ,  fut  adopcce  par  beaucoup  de 
Kvitormes.  Us  vouloicnt  tous  abolir  h  MelTe ,  & 
le  dogme  de  la  préfeoce -réelle  formoit  un  embar- 
ras fur  cet  article:  l'explication  de  Zuinglt  le  le* 
Toit.  (S-coUmpjJe  ,  Cjpiion  ,  Buttr  radoptcreot  , 
«lie  fe  répandit  en  Allemagne  ,  en  Pologne  ,  en 
SuiiTc,  en  France,  djns  les  Pays-Bas  ,  6c  t'orma 
la    Sev^e  des  Sacramentaires. 

Liithtr  ,  qui  auili-bien  que  ZuingU  avoit  établi- 
l'Ecriturc  comme  l'unique  règle  de  !.i  Foi ,  traita 
les  Sacrameniaircs  comrre  det  hcrv^tiqucs  ,  Si  l'otl 
-tit  entre  les  Sacramer.taires  &  les  Luthériens  , 
la  même  oppolition  qui  étoit  entre  toutes  cet 
Seâes  &  l'Egliie  Romaine  ;  aucun  intérêt  n'a  ja- 
mais pu  les  rcunir  ,  &  les  Luthctiens  ne  perfc- 
cutoient  pas  les  Sacramentaires  avec  moins  de  fu» 
rcur   que  les  Catholiques. 

La  Reforme  introduite  par  ZuingU  Ct  répandit; 
plufieurs  Reformateurs  fecon'lcrent  fes  efforts  à 
à  Berne  ,  à  Bàle  ,  à  CunHance  .  &c. 

La  Suiff»  ,  le  berceau  de  cette  dancjereufe  hé- 
réfie,  fut  bientôt  le  théâtre  d'une  guerre  cruelle 
«ntre  les  Se^Jires  &  les  Catholiques.  Zui>i»U  dé« 
fendit  fes  erreurs  les  armes  à  la  main.  Il  avoit 
d'abord  rendu  le  fénat  de  Zurich  ,  dont  il  avait 
icduit  les  principaux  mcmb^s  ,  juge  de  fa  doc- 
trifM  :  il  adopta  fes  doj;mci ,  Se  les  6(-adopter  par 
tout  le  canton.  Kn  vain  fes  erreurs  furent  con- 
é.UQiiccs  par  1  ailcmbice  gcactalc  de  U   oaiioa  4 


DE  L'FflST3IRE   ECCLE-ÎIASTIQUE.      137 

Bàlc;  elles  furent  bientôt  fuivles   par  les  cantons 
tle  Berne,  «le   Bâ!e  &  de  SchaLufe.  Les  Cantons 
Catholiques    prirent   eilors   les    armes    concre   les 
Zuingliens  ,  qu'ils  allèrent   attaquer  enijji   juf- 
<5u'aux    portes  de   Zurich,  La   défaite  de   quisize 
cents  hérétiques  qui  prirent  la  fuite,  obligea  ceux- 
ci  de  lever  une  armée  de  vingt   mille  honjnes  , 
que  Z^/ng/e  lui-même  voulut  commander.  Les  Ca- 
tholiques ,  obligés  de  faire-retraite  ,  furprirent  leurs 
ennemis  dans  un  défilé  où  périt  ZuingU  ,  le   ti 
Oclobre    15  31   ,  en  combattant    avec    la    valeur 
d'un  foldat  intrépide ,  à  l'âge  de  quarante  -  qua- 
tre ans. 

Nous  avons  peu  de  chofes  à  dire  fur  les  talens 
de  Zu/n»/« ,  &  fur  fes  ouvrages.  «  Il  n'ctoit  (  dit 
M.  l'Abbé  Pluquit  ,)'■>  ni  fçavant  ,  ni  grand  théo- 
M  logien,  ni  bon  philofophe  ,  ni  excellent  litté- 
M  rateur.  Il  avoit  refprit  jufte  &  borné.  Il  expo- 
y>  foit  avec  affez  d'ordre  fes  pcnfées  ;  mais  i!  pcn- 
>»  foit  peu  profondement ,  fi  l'on  en  juge  par  fes 
«  ouvrages. 

«  Zuing/e  ,  un  peu  avant  fa  mort ,  fit  une  Con- 
M  fefTion  de  Foi  ,  qu'il  adreffa  à  François  I.  En 
M  expliquant  l'article  de  la  vie  éternelle,  il  dit  s 
M  ce  prince,  qu'il  doit  efpérer  de  voir  l'alTemblée 
M  de  tout  ce  qu'il  y  a  eu  d'hommes  faints ,  cou- 
♦»  ragéux  &  vertueux ,  dès  le  commencement  'u 
M  monde.  Là  vous  verre\  Us  deux  Adam  ,  te  Ra- 
«  rheté  &  le  Rédempteur  \  nus  terr:\  un  Abel  ,  un 
«t  Enoch  , ,  •  Veut  y  verre^  un  Hercult  »  un  Thcfce, 


Ôjf  E   L   1   M   E   N   s 

H  un  Socrate,  un  Ariftidc  ,  Antigoouî  ,  &c.  &c. 

Les  difciplcs  de  Zutr.g.c  .animes  a  la  vengeance 
par  la  mort  de  leur  Apotre  guerrier ,  levèrent  une 
armée  de  trente  mille  hommes  ,  qui  furent  battus. 
Les  Catholiques  ,  après  avoir  gagné  quatre  ou 
cinq  batailles,  ne  fvurent  pas  profiter  de  l'ava»- 
tagc  que  les  vainqueurs  dévoient  avoir  fur  le» 
vaincus.  Dans  la  crainte  de  fuccombcr  a  la  lon- 
gue fous  les  efforts  de  leurs  ennemis ,  ils  firent 
un  traite  ,  par  lequel  chaque  canton  dcvoii  con- 
server la  religion  qu'il  profeffoit  alors. 

Les  Luthcrïcns  yrenncnt  les  armes. 

Au  milieu  des  dcmclcs  qu'occafioanoient  dans 
prcfquc  toute  l'Europe  l'ctprit  de  nouveauté  & 
d'indépendance,  PA//;/-^<  Landgrave  de  Heffe  ,très« 
sèlé  pour  le  Luthéranifme  ,  réfolut  de  le  faire- 
triompher  par  les  armes.  On  avoit  déjà  oublié 
Icc  mnximes  que  Luthtr  avoit  données  pour  fon- 
dement à  fa  réforme,  de  ne  pas  la  foute  air  par  des 
foldats.  Sous  prctcxte  d'un  ttaitc  irr»ginaire  fait 
entre  Gtorgc  duc  de  ,  Saxe  &:  les  autres  Princes 
Catholiques  ,  pour  exterminer  les  feâateurs  du 
nouvel  Evangile,  ceux-ci  armèrent  en  i;i9.  II 
eft  vrai  que  cette  Icvce  de  bouclier  n'eut  aucune 
fuite.  Le  Landgrave  fe  contenta  de  grolTes  fom- 
mes  d'argent  qu'il  exigra  de  quelques  Princes ec 
clcfiaftiqucs  pour  le  didomm^ger  des  frais  d'un 
armement ,  entrepris  ,  de  fon  propre  aveu  ,  fur 
fie  fauffcs  allarmcs. 


DE  L^HlSTOlRE  ECCLÏSîASTTOUE.  -^^i 
Luther  fertant  combien  cetre  conduite  étolt 
odieufe  ,  chercha  à  l'excufer  ,  en  foutenant  que  le 
prétendu  traité  de  Gorge  de  Saxe  n'étoit  point 
une  illuCon,  Il  écrivit  plufieurs  Lettres  contre 
Cî  prince  ,  où  il  le  traite  de  Mo^ib  orgueilleux 
qji  entreprend  toujours  au-deïïus  de  fes  forces  , 
Ce  O'j  il  l'appelle  l:  plut  fuu  dt  tous  Us  faux.  Il 
ajoute  qu'il  priera  Pieu  contre  lui ,  &  qu'il  aver- 
tira les  Princes  d'exterminer  de  telles  gens  qui 
Touloient  voir  toute  l'Allemignc  en  fang.  C'étoit 
dire  clairement ,(  félon  la  remarque  de  Bcfuet,) 
que  de  peur  de  voir  la  Germanie  dans  ce  trifte 
état,  les  Luthériens  dévoient  l'y  mettre,  &  exter- 
miner les  Princes  qui  s'oppofoient  aux  ravages 
ée  l'héréfie. 

Ce  George  duc  de  Saxe  ,  que  Luther  traite  fi 
mal,  étoit  auflî  contraire  à  la  nouvelle  fede,que 
fon  parent  l'Elcâeur  lui  étoit  favorable.  Luther 
prophétifoit  contre  lui  de  toute  fa  force  ,  fans 
conlîdérer  qu'il  étoit  de  la  famille  de  fes  maîtres  ; 
8c  on  voit,  (  dit  Bojfuet)  qu'il  ne  tint  pas  a  lui 
qu'on  n'accomplit  fes  prophéties  à  coups  d'cpée. 

Dijffèrentes  Dlettes  en  Allemagne  ,  au  fujet 
du  Luthéranifme, 

Tant  de  troubles  excités  en  Allemagne  par  le 
rouvel  Evangile  &  les  divifions  fanglantes  dont 
elle  étoit  menacée  ,  engagèrent  l'empereur  Chjr.'es- 
Quint  à  aflembler  différentes  diettes.  D^ns  celle 
de  Spite  ,  en  1 5 19  ,  on  ât  uo  décret  qui  défen« 


240  E   L   I   M   E   N   s 

doit  de  changer  de  religion  dans  les  lieux  o4 
redit  de  Wormi  avoit  été  reçu.  Les  électeurs  de 
Saxe  &  de  Brandebourg,  le  duc  de  Liinebourg, 
le  l.inHgrave  de  HclTe  ,  plufîeurs  autres  Princes 
8c  quelques  villes  iiuperiiles,  proteftércnt  contre 
ce  décret  ;  &  c'eft  dc-la  qu'cft  venu  le  nom  de 
Prvttjlant  ^  que  krs  Luthcriens  ont  toujours  porté 
depuis. 

Une  autre  dictte  pcn.rale  fut  convoquée  à  Ars* 
bourg,  en  1530,  par  Charlcs-Quiat  ,  &  l'ouvcr' 
turc  s'en  fit  au  n.ois  de  Juin.  L'Empereur  lui-mè* 
me  y  pr^fida  ,  &  Fe-dn:nd,  roi  de  Hongrie  ,  avec 
la  plupart  des  éleifteurs ,  des  princes  ,  des  dépu- 
tés des  villes  de  l'empire  ,  y  aiTii^érent.  Ce  fut 
dans  cette  aflemhlce  foicnintlle  que  les  Protef- 
tans  préfentéretrt  leur  Confefiîon  de  foi ,  drcffco 
par  Me/anchth.n  ,  \e  chef  des  Luthériens  mitipcs  , 
l'un  des  plus  beaux  efprits  de  fon  hcclc,  Se  le  plus 
modéré  théologien  de  fa  fedVe. 

Les  Etats  proteftans  fignérent  cette  Confcirion  , 
comme  un  fidèle  expcfc  de  leur  dof^rine ,  &  ta 
remirent  à  l'Empereur  ,  qui  la  fît- lire  à  haute  voix 
en  préfence  de  tous  les  membres  de  la  dietir. 
Mai»  quclque-tems  après  ,  ce  prince  ,  qui  ne  vou« 
luit  pat  que  l'erreur  eût  plut  de  privilèges  que 
la  vérité  ,  fit  •  faire  une  lefture  publique  de  la 
rct'utation  qne  d'habiles  théologiens  Catholiques 
«voient  fji te  de  la  Confcfnon  d'Authour^'. 

Dans  cette  Hrofenion  de  foi  ,  Milanchih..n  .ivoit 
adouci  quelque»  articles  contcAcs  ,  s'ctoit  un  peu 

rclàch6 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    241 

relâche  fur  d  autres  ,&  avoit  tâché  de  donner  à 
tous  le  l'ens  le  pîus  favorable.  Mais  ,  malgré  ces 
adoucilTemens  ,  les  nouvelles  erreurs  mettoient 
déjà  tant  de  barr.cres  infurmontables ,  Se  avoien 
produit  tant  de  feparations,  qu'on  défefpéra  dcs-lors 
de  pouvoir  jamais  concilier  les  ef^iriis. 

Let  Princes  l'roteftans  neioient  pas  moins  obf- 
tincs  que  les  Théologiens  qui  les  infplrolent,  L'E- 
lefteur  de  Saxe  ,  le  Landgrave  de  Hefie  &  les  au- 
tres protecteurs  du  Luthéranifme  furent  follicités 
en  vain  par  l'Empereur  d'abandonner  cette  fefle 
à  elle-même.  Ni  les  prières  du  chef  de  l'empire 
nî  l'efperance  désavantages  politiques  ,  ne  purent 
les  engager  à  ceffer  de  foutsnir  ce  qu'ils  croyoienc 
faufTement  être   la   caufe  de   Dieu. 

Charles -Q^uint  ne  pouvant  rien  gagner  fur  eux 
par  la  douceur  ,  fe  détermina  a  exercer  fon  pou- 
voir contre  les  auteurs  &  les  fauteurs  de  l'héré- 
fie.  Le  19  Novembre  1530  il  donna  un  édit  quj 
dcfendoit  toute  innovation  en  maticre  de  rejigion, 
&  qui  ordonnoit  de  profcrire  tous  les  change- 
mens  qui  avoient  été  faits  dans  la  dodrine ,  dans 
Us  ufages  &  dans  les  cérémonies  de  l'Eglife  , 
jufqu'a  ce  que  le  Concile  général ,  qu'on  deman- 
doit  avec  inAance  ,  en  eût  ordonné  autrement. 
Tous  les  ordres  de  l'Empire  etoient  en  mcme 
tems  requis  a  concourir,  de  leurs  biens  &  de  leur 
pcrfonne ,  à  l'exécution  de  ce  décret.  Ceux  qui 
refufcroient  d'obetr ,  étoient  déclarés  incapjbleî 
d'exercer  les  fonctions  de  Ju_3es,ou  de  paroit/i 
Jom.  II.  L 


442  E   L   E    M    E    N   s 

comme  parties  a  la  chambre    impcriale    qui  ctoijt 
la  cour  fuuvcrâine  de  l'Empire. 

l.'i:,ue  Je  Smalcj'.Jt. 

LcsPriaces  Luthériens  voyant  que  le  deiTeia 
de  l'Empereur  ctoit  de  dctiuirc  le  Luthcranif- 
me  ,  s'afiembitirent  a  Smalcalde  ,  pour  fe  mettre  à 
couvert  de  l'orage  qui  alloit  fondre  fur  leur  fcâe^ 
Ils  y  dreflfcrem  en  1531  le  projet  d'une  alliance 
défcnfive  ,  deAincc  a  le  prévenir.  Pour  juflifier 
cette  confédcration,  connue  foii*  le  nom  de  Ligue 
de  Smalcalde  ,  ils  envoyèrent  en  France  âc  en 
Angleterre  un  ManifcAe  ,djas  lequel  ils^  tàchoient 
de  prouver  qu'ils  ne  s'ctoicnt  unis  que  pour  main- 
tenir  la  pureté  de  la  Foi  évangclique. 

Luthtr ,  qui  iutqu'alors  avoit  cru  qae  la  Réfor- 
me ne  devoLC  s'ctablir  que  par  la  perfualîon  ,  & 
qu'elle  ne  devoit  fe  défendre  que  par  la  patience  • 
Butorifa   par  fes  écrits  la  Ligue  dt  Smalcalde. 

*•  Il  comparait  le  Pape  a  un  loup  enragé,  coa> 
■  tre  lequel  tout  le  monde  s'arme  au  premier  fi- 
ti  gnal  ,  fans  attendre  Tordre  du  MagiArac  :  que 
H  Ci  renfermé  dans  une  enceinte  le  MagiArac  le 
M  délivre  ,  on  ,pcut  continuer  a  pourfuivre  cette 
M  b^te  fcroce  ,  &  atiaqvier  impunément  ceux  qui 
M  auront  empêche  qu'on  oe  s'ea  dcfîc  :  ù  on  eft 
M  tue  dans  cette  attaque  ,  avaat  qur  d'avoir  don- 
M  ne  a  la  licie  le  coup  mortel  ,  il  n'y  a  qu'ua 
t%  feu!  fujet  de  fe  repentir ,  c'ell  de  ne  lui  avoir 
m  p«»  eafoncc  le  couteau  daas  le  feia.  VoiU  com. 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    z^f 

w  me  il    faut   traiter  le   Pape  :  tous  ceux   qui    le 
'<  défendent ,  doivent  auflî  être  traités  comme  les 

ibidats  d'un  chef  de    brigands  ,  fuilent-ils  dei 
n  Rois  &  des  Céfars.  >• 

L'Empereur,  qui  avoir  befoin  des  Princes  Pro» 
teftaos  pour  chafl'er  Sc/injn  de  l'Autriche  ,  où  il 
avoir  fait  une  invafion  ,  fe  vit  oblige  ,  mali,ré  fes 
cdi:s, d'accorder  la  liberté  de  confcience  aux  Prin- 
ces confédérés.  Le  traité  portoit  ,  «  qu'il  y  auroit 
»»  une  paix  générale  entre  l'Empereur  &  tous  les 
»»  Etats  de  l'Empire  ,  tant  Eccléfiaftiques  que  Lai- 
X  ques  ,  jufqu'à  la  convocation  d'un  Concile  gé- 
)'  néral  libre  &  Chrétien  ;  que  perfonne,  pour  caufe 
»<  de  Religion  ,  ne  pourroit  faire  la  guerre  a  un  au- 
♦'  tre  ;  qu'il  y  auroit  entre  tous  une  amitié  fincére 
>i  &  une  concorde  chrétienne  ;  que  (i  dans  un  an  le 
n  Concile  ne  s'afTembloit  pas  ,  les  Etats  d'Alle- 
»»  magne  s'affemblerolcnt  pour  régler  les  affaires 
»»  de  la  Religion,  &  eue  l'Empereur  fufpendrcit 
>>  tout  les  procès  intentes  pour  caufe  de  Religion 
>i  par  fon  Fifcal  ,  ou  par  d'autres  ,  contre  l'Elec- 
M  tcur  de  Saxe  &  contre  fes  Alliés  ,  jufqu'a  la  tc- 
j»  eue  d'un  Concile  ,  ou  à  l'allemblte  des  Etats. .» 

Mort  de  Clément  VII. 

Le  Pape  ,  affligé  des  progrès  rapides  que  la  con- 
defcendance  de  Charlcs-Q^Lint  laifloit  faire  aux  nou- 
veautés en  Allemagne  ,  s'occupa  féricuferrent  del« 
convocation  d'un  Concile  gênera!.  Mois  les  Lu- 
thcrieos   re.ufctcQt     opir.idtrcment  les  (or  (iiticns 


>44  E   L  E   M   E   K  « 

qu'il  propofa.  11  cherchoit  d'autres  moyen»  rfe  le» 
ramener ,  lorfqu'il  mcurut  en  in4»  'pr"  avoir 
tenu  le  faint  fu'^c  près  d'onze  .inî,  Ure  pu'it  que 
timide,  trop  r.i.vciit  diiigce  par  l'intcrct  jObicur- 
cit,  (félon  l'Abhc  de  C.oijî ,)  i'efprit  &.  la  verti» 
que  la  meure  lui  avoir  drnnis.  F.île  fut  l'arae  de 
prefque  toutes  les  dcnurclics  de  ce  l'omife  ,  & 
caufa  une  partie  des  malheurs  qui  aiBigércm  foo 
pontifîcar.  On  avoit  eu  une  plus  grande  idée  de 
festalcns  fous  leiègne  de  Léon  X  fun  coufin,  dont 
il  fut  le  premier  mini  Are  ;  mais  lorfqu'il  fut  lur  le 
trône,  il  prouva  qu'il  cft  plus  focile  de  gouvet- 
oer  fous  un  autre  que  de  commander  foi^mcine. 

£n  ip6,il  s'ctoit  1  gué  ave:  U  France,!  An» 
gleterre  &  Vcnife  contre  l'empereur  ChtrUt-Quiatt 
qui  envoya  le  connétable  de  Bvurhan  aHiéger  Ro- 
me. Cette  vll!c  fut  prife  d'affaut  le  6  Mjii{i7, 
pillée  &  faccagée  pendant  deux  mois  avec  des 
excès  de  barbarie  ,  fupéricurs  à  toutes  les  horreurs 
dont  s'ctoit  fouillé  ÀUr'u.  CUment  ^  t[\x''  s'étoit  rC' 
tiré  dans  le  château  St-Ange  ,  y  fut  aflîcgi  ,  & 
n'en  fortit  qu'au  bout  de  fept  mois  ,  dcguifc  e« 
■urchaod. 

Sch'ifme  (TyinçUterrt, 
Un  det  cvonemens  qui  chagtincrent  le  plat 
Clèmtnt  Vit,  fut  le  fchifmc  d'Ani;Icterre,  que  ce 
Pontife  eut  la  douleur  dt  voir  cotifommc  peu  de 
temt  avant  fa  mort.  Ce  royaume  ,  autrefois  (î 
fournis  a  VF.glfe  ,lui  fat  cn'cvc  tout»i-coup  ver» 
l'iD  I)  jji  par  l'Iiu.DCur  ca^>iwic.ife  a'ou  Kwt ,  qui 


DZ  l'IIiSTOTRE  EcCLE':IAST1QUE.  Î4f 
s'ctant  d'abord  fignalé  contre  Luthir  ,3voiz  ménié 
le  titre  de  Dîfenfa.-r  dt  U  Foi.  Hi::jri  VIII  avott 
ëpoufc  Caihcrine  A'Arj^o.i  ,  fille  du  roi  Cathol.  Fer- 
dinand ,  & à'Ij'abclU  de  Cafll'U  ,  &  tante  de  l'ctrip.' 
Chariti-Quint.  il  vcci'.t  pendant  dix-huit  ans  en 
affez  bonne  intelligence  avec  cette  princeffc  ,  donc 
il  eut  trois  enMns.  Les  deux  premiers  étoient 
morts  i  il  ne  tcftoit  qu'une  lille.  Le  Roi  ,  crai- 
gnant que  la  couronne  d'Ang^cTcrre  ne  tombât  en 
quenouille  ,  dofiroit  avoir  un  fils  capable  de  lui  fuc- 
cédcr  ,  3c  îa  Reine  ,  dcjj  avancée  en  u^e  ,  n'étoit 
plus    e*n  iti.1  de  ccncevjir. 

Cepindant  Hoiri  ^//i  ,  ir.algri  ce  dér>r  ft  m- 
turcl  dans  le  Roi  d'une  gra.iiie  munarcliie.ti'aii- 
xoie  pas  peafc  à  fe  fcpaier  de  Ton  cpouCcfiune 
£!le  de  la  Reine, qui  avoit  autant  de  beajtéquo 
d'artifice,  ne  lui  avoit  inlpiré  l'amour  le  plus  vio. 
knt.  Annt  de  Buulin  étoit  fon  nom.  Elle  rtlilla 
aux  dcfirs  du  Roi ,  qui ,  rcfolu  de  l'époufer  ,  cher- 
cha le  moyea  d'dnnuller  lou  mjriije  ave:  Cuthc 
Tint  i'A.agon.  Il  s'adrelFa  au  pape  Clément  VII , 
à  rinftigation  du  cardinal  de  WJfti  ,  chancelier 
d'Angleterre  ,  qui  ,  du  plus  vil  de  tous  les  états  , 
s'étoit  élevé  par  l'on  efprit  intriguant  jufqu'aux 
premières  dignités  &  à  li  premii.te  faveur.  Htnri 
reprcfonta  au  Pontife  ,  que  fon  union  avec  Cathc 
Tint  étoit  illégitime  &  inceftueufe.  Cette  princeffe , 
en  effet ,  avant  que  d'cpoufer  Hinri  Vlll,  A\o\t 
été  mariée  à  fon  frère  Anhus  -,  nais  ,  fon  fécond 
nuriagc  s'étant  fait  en  vertu    d'une    difpenfe    ài\ 

Liij 


t4^  E   L   E    M   E   N   S 

pa^e  JuUi  II ,  il  a'ctoit  g^éres  probable  qu'un 
Pape  voulu r  condamner  ce  qui  avoit  ctc  permis 
par  ua   Pape. 

Les  circonftances  paroilToienc  favorables  à  H*ari 
fin,  CharUi-Quint  tenoit  alors  le  Pape  prifonnier 
«Uns  le  château  St-An^c  vil  avoic  beCuin  de  Henri  ^ 
ti  ce  prince  lui  offroit  fon  crcdic    &  l'es  armes. 

><  Le  Papenedoutoic  (die  M.  P/u^ucr),  ni  du  be> 
»«  foin  qu'il  avoic  de  Henri ,  ni  de  la  ûncérité  du 
i<  fes  offres  ,  Se  il  n'i^^noroic  pas  les  fervices  qu'il 
n  lui  avoic  rendus  -,  mais  il  connoifToit  les  bizar* 
»«  reries  fie  les  emportcmens  de  Htnri  -,  il  fçavoit 
)•  que  la  pafllon  de  ce  prince  écoit  une  maladie , 
1»  que  le  tems  feul  pouvoir  gucrir  :  il  jugea  qu'il 
M  falloit  lier  cetce  grande  afïiure ,  &  U  traîner  ea 
*«  longueur. 

•«  Il  permit  donc  au  Roi  d'cpoufer  telle  femms 
M  qu'il  lui  plairoit ,  mais  à  condition  que  l'on 
».  jugeroit  auparavant  li  fon  premier  mariage  ctoic 
n  valide ,  ou  non.  Le  Pape  nomma  ,  pour  exami* 
n  ner  U  validité  du  mariage  de  Htnri  avec  C*th*^ 
v>  rint ,  des  commiUairet  ,  tels  que  le  Roi  les  de- 
»  manda  :  ce  furent  le  carii.ul  U\.:û\  ii  le  car« 
»  dinal  Cjrnpigt. 

M  fj'n/»^;<  employa  tout  a-n^rcs  de  H<r.':  ,  pour 
«•  rengager  à  garder  C*t*ii'.ne  \  fie  d'un  autrt 
tt  côté,  il  coojuroit  cette  princeflTede  fe relâcher 
««  un  peu  ,  de  prévenir  les  malheurs  qui  meni> 
..  çoiciit  I  Angleterre  ,  fit  pcuc-ètrc  toute  rEjlife, 
M  â  elle  votiloit  opiatitrcmcat  dei'cadre  (<m  iM* 


DE  l'îîistoike  Ecclésiastique.    447 

riage.  Maïs  il  ne  put  rien  obtenir ,  ni  de  l'vm, 
r.i  de  l'autre,  ilcnri  ,  emporté    par    fa  paflion  , 
»  demandoit  un  jugement  ;  Catherine  ,  prévenue 
»»  de  fon  bon  droit ,  fouhaitoit  la  même  chofe  -, 
»«  &  tous  deux  ctoient  pcrluadés  qu'on   ne  pou- 
voir les  coruiamner. 

>i  On  expédia  des  lettres  fous  le  grand- fceau 
pour  commencer  rinftruction  du  procès,  &  l'on 
>.  ci:a  le  Roi  &  la  Rcioe  à  comparoitre.  Dans  !e$ 
r>  premicres  fcmnutions  ,  la  Reine  produifit  une 
>i  copie  d'une  difpenfe ,  un  peu  plus  ample  que 
»  celle  fur    laquelle  les  légats  vouloient  juger. 

»•  Henri  VIII  s'infcrivit  d'abord  en  feux  contre 
>'  cette  copie  -,  &  demanda  que  l'on  produisît  l'o- 
n  riginal  ;  mais  il  étoit  en  Efpagne ,  &  l'on  rc- 
*i  fufa  de  le  confier  à  l'Ambafladeur  d'Angleterre. 

V  On  conterta ,  &  l'on  défendit  l'authenticité  de 
"  cette  difpenfe  ,  par  des  raifons  de  jurifprudence 
n  &  de  critique  ,  qui  embarraiTcrent  les  commif- 
>t  faires.  Us  craignirent  de  prononcer  fur  un  point 
n  û  délicat.  Us  propoférent  au  Pape  ,  au  lieu 
>»  devoquer  lacaufe,  d'envoyer  une  Décrctale  , 
M  conforme  à  la  minute  qu'ils  lui  envoyèrent  ;  6c 
>•  ajoutèrent  ,  que  pendant  qu'on  défendroit  de 
>•  chercher  le  Bref,  on  tàcheroit  de  perfuader  i 
Il  la  Reine    d'entrer  en  Religion   :   que  c'etoit  le 

V  meilleur  moyen  pour  terminer  doucement  ce 
»  procès  ,  &  pour  fatisfaire  un  grand  Rei,qui, 
r>  depuis  plufieurj  années  ,  fentoit  fa  confcience 
n  dcchirée  de  remords  ,  augmenccs  tous  les  jours 


^4^  E  L  E  M  E  y  S 

m  par  les  dirpuies  des  Théologiens  &  des  Cino^ 
I*  niftes.  Enfîa,  ils  difoient  tout  ce  qu'on  pou» 
»  voit  dire  en  faveur  du  Roi.  •» 

Le  Pape  craignit  que  Ton  Icgat  ne  fe  laifsàc 
furprendre  ;  il  lui  écrivit,  >•  que  quoiqu'il  vott* 
M  lût  faire  toutes  chofes  pour  le  Roi,  il  ne  pou* 
•»  voit,  ni  trahir  fa  confcicnce,ni  violer  ouver- 
M  temcnt  les  loix  de  la  juilice  ;  que  toutes  les 
n  demandes  de  ce  Prince  étoicnt  û  dérzironna- 
M  blés  ,  qu'on  ne  pouvoir  rien  lui  accorder  ,  que 
M  toute  la  Chrctientc  n'co  fut  fcandalifce  -,  que 
M  déjà  l'Empereur  &  le  Roi  de  Hongrie  avoieac 
M  fait  leurs  protellations  ,  &  demandoieat  que  la 
M  caufe  fût  cvoqucc  i  que  Ion  ne  pouvoit  leur 
H  refufer  une  chofe  ù  jufle  ;  qu'il  ne  s'ctoit  ex> 
M  cufc  que  fur  fa  maladie ,  leur  ayant  fait-eoten- 
»>  dre  ,  à  i'un  &  à  l'auue  ,  que  fa  fanté  ne  lui 
H  permettait  point  d'examiner  leur  requête,  & 
y  de  rien  figoer  ;  que  néanmoins  il  ne  diffcroit 
H  qu'afin  de  ne  point  aigrir  l'cfprit  de  Hitiri  ; 
m  qu  il  fallait  prolonger  cette  affaire  le  plus  qui* 
M  feroit  poOible.  •« 

Telles  ctoient  Ici  dirpeûtions  de  Cttmtnt  VU 
à  l'cgard  de  l'affaire  du  divorce  de    Htnri  Vlll , 
qu'il  évoqua  à  lui  :  Htnri  ne  jugea  pas  à  propo* 
d'obcir  a  ta  citation  -,  &  le  Pape  ,  loin  de   prelTe 
cette  affaire  ,  fit-naitre  des  incidcns  qui  co  rctac» 
éoieot  la  dcciiîoa. 


'^ 


»i  l'Histoire  Ecclésiastique.    14* 

Cléir.ent  VII  rifufe  de  dljfoudre  le  mar'ia<'e 
de  Henri  VIII.  Sentence  de  dlvcrce  pronon- 
cée par  Cran  mer  ;  Couronnement  <f  Anne  d^ 
Boulen. 

Henri  FIJI  amoureux  ,  ardent  .impatient  ,fe  laf- 
foit  d'attendre.  Thomas  Cranmir  ,  thcologicn  de 
Cambridge,  lui  confeilla  ,  puifque  le  Pape  ne  vou- 
loir pas  décider  la  queftion ,  de  prendre  l'avis  des 
Théologiens  les  plus  habiles  &  des  plus'célèbres 
univerlîtés  de  l'Europe.  Ce  fçavant  parcourut  la 
France,  l'Italie  ,  l'Allemagne  ,  pour  recueillir  des 
fuffrages  favorables  a  fon  maître.  Dès  qu'il  eQ 
eut  raffemblé  un  certain  nombre  ,  il  revint  en 
Angleterre  ,  où  il  fut  nommé  à  l'archevêché  d» 
CaniorLeri. 

Dès  que  Cranmer  eut  été  clevé  fur  ce  fiégc ,  il 
travailla  à  la  grande  aBoire  du  divorce.  La  chofe 
preffoit  :  >4/;n<  de  Buuhn  etoit  enceinte  de  quatre 
mois  ,  &  il  n'ctoit  plus  pcfûble  de  cacher  Ton  ma- 
riage avec  Henri.  L'Archevêque,  qui  n'ignoroit  pas 
ce  fecret  ,  fe  fignala  en  cette  cccafîon.  Il  écrivit 
une  lettre  féricui'e  au  Roi  fur  fon  rr.ariage  incef- 
tueux  avec  Catherine  ,  âc  lui  dcclaroit  qu'en  qua^ 
lité  de  Payeur  il  ne  pouvoir  plus  fouffrir  un  fi 
grand  fcandale.  Il  cita  le  Roi  &  la  Reine  pour* 
comparoitre  devant  lui  à  Dunftal  le  vingtième  de 
Mai  (  1533  ).  Cranmcr  au  jour  marqué  y  alla  avec 
les  Evcques  de  Londres  ,de  Winchefter,  de  Batli 
&L  de  Lincoln  ,  &  plufieurs  Théologiens  &  Can^- 


dÇd  E   L   E  M   E   y   $ 

nilles.  Le  Roi  compjruc  par  procureur  ;maîs  U 
Reine  ne  comparut  point.  Elle  tut  déclarée  con- 
tumace après  trois  citations.  EnTuite  on  rapporta 
toutes  les  pièces  de  ce  grand  procès  ;  &  aprè» 
pluficars  féanccs  C  Jifiir  caiTa  le  mariage  de  Htnri 
&  de  Catherint ,  fic  le  déclara  nul  dès  le  commen- 
cement ,  comme  contraire  à  la  Loi  de  Dieu.  Il 
n'oublia  pas  dans  fa  fencence  de  prendre  la  qua- 
lité de  Icgat  dj  raint-lîége  ,  feloa  la  coutume  des 
Archevêques  de  Cantorbery.  Ainfi  cet  Archevè» 
que ,  qui  dans  Ton  coeur  ne  reconnoiil'oit  oi  It 
Pape,  ni  le  faint-lîége  ,  vouloit  pour  l'amour  du 
Roi  prendre  la  qualité  la  plus  propre  à  autorifer 
fa  palTion.  Cinq  jours  après  ,  il  approuva  le  ma- 
riage fecret   6" Henri    avec  Anne    de    BouUn. 

Le  furlendemain  elle  alla  au  palais  de  U'ittehal 
TÔtue  en  Reine  ,  Se  dans  un  appareil  fi  pom- 
peux,  que  l'on  n'avoir  encore  rien  vu  de  ferabla- 
blc.  Le  premier  de  Juinj-fiif  'de  Boultn  marcha 
à  pied  fur  des  draps  fort-riches  ,  dont  oo  avoir 
couvert  les  rues  jufqu'à  l'Eglife  ,  où  elle  fur  cou* 
ronnée  avec  une  mignificencc  extraordinaire.  Après 
Ja  ccrcmonie  il  y  eut  un  repas  Aiperbe  ,  &  Afinc 
y  fut  fervie  en  Reine.  Quelques  mois  après ,  elle 
accoucha  d'une  fille  qui  fut  nommée  Eli/^htth, 

Des  que  la  fentence  du  divorce  eut  i\é  pu- 
bliée,  Htnri  en  fil- informer  Catherint,  qui  re- 
fuCa  de  s'y  foumettie.  Le  Roi  lui  envoya  dire: 
Çj'il  ne  t\ul-it  pas  quttlt  prit  davantafi  It  nom  i* 
Miitu ,  6r  fu'ii  Jiiluriuroit/j  flU  Marie  ,  l 'il  m 'ùoit 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    iç^ 

fttijfaii.  Mais  rien  ne  fut  capable  de  la  faire- chan- 
ger, fit  elle  foutint  jufqu'à  la  mort  la  validité  de 
fon  mariage.  Le  Roi,  qui  ne  menaçoit  jamais  en 
vain  ,  étoufFant  tous  les  fentimens  de  père  ,  mal- 
traita fort  la  princefTe  Marie  ,  lui  défendit  de  vole 
fà  inere  ,  Se  la  déclara  incapable  de  fuccéder. 

Henri  VHI  excommunié  ;  il  fe  fépare  de 
r£gHfe  Romaine. 

€harUs-Qjiint ,  irrité   ae  l'outrage  fait  à  fa  tante  j. 
follicita  fi  puilTamment  le  Pape  de    prononcer  la 
fentcnce  d'excommunication  comte  Henri  F///,  que 
Climint  y  II ,  malgré  les  puifTantes  follicitations  de 
Frar:ço!s  /,  excom(|iun:a   folemnellement  le    Roi 
d'Angleterre.  Ce  prince  ne  gardant  plus  demefures 
avec  la  cour  de  Rome ,  fe  fit-donner  le  titre  de 
Chefjhpréme  de  CEgUfe  Ârt^Ucane.  LeParlement  drefîa 
un  Formulaire  pour  le  ferment  d'obéiffance  qu'on 
devoit  prêter  au  Roi  pour  cette  nouvelle  dignité, 
L'Angleterre  fut  dès-lors  fchifmatique.  Ainfi  (  dit 
Bcjfuct ,  )  »'  la  pafTion  d'un  Roi  emporté  la  fépara  du 
»  faint  -fiége.d'cù  la  Foi  y  ttoit  venue i  &  la 
»  fentence  du  Pape,  jufte  dans  1j  fond, mais  pré- 
>«  cipiiée  dans  la  procédure ,  fut  la   caufe  d'un  ii 
).  grapd  malheur.  »  Henri  foutint  fa  révolte  con- 
tre Rome  d'une  manière  tyrannique.  Le  faint  cvti- 
que  de  Rochefler  ,  Jean  Fifchcr  ,  à  qui  le  pape  Paul 
m  avoit  envoyé  le  chapeau  de  cardinal  dans  fa 
prifon,&  l'illuftre  chancelier  Thomas  Af^rui  ,  per- 
mirent la  tète,  parce  qu'ils  refufcrenc  de  donner 


'aç*  Ë  L  2  hi  1  N  fi 

a  Henri  le  titre  qu'il  avoir  ufarpt. 
«  La  puifTance  rpirituelie  qu'il  s'ctoit  fait -attribue^ 
(  dit  M.  l'Abbé  Miliot ,  )  »•  il  l'excrçoii  en  ihcolo- 
n  gien  ,  armé  du  glaive  pour  établir  fes  opinions. 
H  II  fcvilToit  avec  fureur  contre  quiconque  ofoit 
»»  penfer  autrement  que  lui  ,  &  lui-même  vatioic 
H  dans  fa  façon -de-penfer.  Les  articles  de  Foi 
r>  dépendoient  d'un  inftant  de  caprice.  Ennemi 
M  fougueux  de  l'Eglife  &  de  fon  chef  ,  il  etoit 
t%  aufli  fougueux  zélateur  des  dogmes  établis  par 
M  l'autoritc  de  cette  Eglife.  •< 

La  reine  Cjtherinc  d'Aragon  étant  motte  en 
in^>  accablée  de  douleur ,  fa  rival:  fut  bien» 
tôt  chaiTce  du  trône  d'où  elle  l'avoit  précipitée. 
Elle  excita  la  jaloufie  de  Htnn  F///,  qui  la  foup- 
çonnant  d'entretenir  des  intrigues  amoureufes 
avec  quelques  fcigneurs  de  la  cour,  la  fit -mou- 
rir fur  un  echaiTaud.  Des  le  lendemain  du  fupplice 
de  l'imprudente  Anne  de  Bou/ta  ,  il  époufa  une 
£lle  qu'il  aimoit  depuis  quelque  tems  ,  appellée 
Jeanne   Seimour. 

La  loi  par  laquelle  l'autorité  du  Pape  étoit  abro> 
gce  en  Angleterre  ,  trouva  des  oppoûtcurs  ,  fur- 
tout  chez  les  Religieux.  Henri  (e  vengea  d'eux 
•n  s'emparant  de  tous  les  biens  des  ahi)jyes  ,  & 
en.  dctruifant  prcfquc  tous  les  monaiUref.  Ce» 
pendant .  pour  paroitre  touio^rt  atuché  i  b  Foi' 
de  fes  ancêtres ,  il  continua  de  faite  -  brûler  les 
Hercdqu.M  -,  àL  povu  qu'il  ne  fe  f>t  aucun  ctun» 
gemeac  daas  la  dogmes  &.  dans   les  ccrcmume^ 


br  l'Histoire  Ecclésiastique.    2"^f 

(de  11  Religion  ,  il  aùembla  en  153^  fon  Clergé  6C 
fon  Parlement  ,  qui  dreffcrcnt  de  concert  une  Fro- 
fefTion  de  foi  entièrement  oppof;e  aux  erreurs  des 
novateurs.. 

Cette  Profefllon  de  foi  étoit  compofée  de  fix  ar 
dcles ,  ain(i  énoncés  : 

1".  «•  Qu'après  la  confécration  du  pain  &  du 
»  yin  ,  il  ne  reftoit  dans  ce  Sacrement  aucune  f.ib- 
»  fiance  de  ce  pain  &  de  ce  vin  ;  mais  que  le 
"  Corps  8c  le  Sang  naturel  de  J.  C.  y  étoient  fous 
»  ces  enveloppes. 

2*.  «  Que  l'Ecriture  n'étab'iffoit  pas  la   nécefljté 
H  abfolue  de  communier   fous    les  deux   efpèces 
»  Se  qu'on  pouvoit  être  fauve  fans  cela ,  puifque 
w  le  Corps  &*le  Sang  dî  J.  C.  exiftoient  enfem- 
♦»  ble  dans  chacune  des  efpèces. 

3".  »  Que  la  Loi  de  Dieu  ne  permettoit  point 
»»  qu'on  fe  mariât  après  avoir  reçu  l'ordre  de  la 
•»  Prêtrife. 

4'.  Que  fuivant  cette  même  Loi  il  falloit  gar- 
M  der  le  vœu  de    chafteté  ,  quand  on  l'avoitfait. 

5'.  "  Que  l'on  devait  continuer  l'ufage  des  Mef— 
n  fesparticuliéres,  lequel  avoit  fon  fondement  dan^ 
»  l'Ecriture  &  étoit  d'un  grand  fecours. 

6'.  »  Que  la  ConfeîTion  auriculaire  étoit  utile  & 
X  même  néceffaire  ,  &  qu'on  devoii  en  conferver  U 
»  pratique  dans  l'Eglifci  » 

«  Mais ,  (  dit  Bujfuet  ,  )  que  peuvent  fur  les  con- 
fcienccs  des  décrets  de  Religion  ,  qui  tirent  tout» 
leur  force  de  l'ajtoritc  royale  ,  a  qui  Dieu  n'a  rirri 
commis  de  fembUble ,  Se  qui  a'ont  rien  que  de  po-. 


2Ç4  E   L   E   M   î   K   S 

litique  ?  Encore  que  Henri   VIII  les  foutînt  pa^ 
des    fupplices   innombrables,  &  qu'il  fit  -  mourir 
cruellement  non  -  feulement  les  Catholiques  ,  qu* 
dcteAoient  la  fupreatatie  ,  mais   même  tes  Luihé- 
riens  &  les  Zuingliens  ,  qui  attaquoieni   aulïï  les 
articles  de  fa  Foi  :  toutes  fortes  d'erreurs  fe  gfif* 
fcrent  iol'cnliblcment  dans  l'Angleterre  ,  &  les  peu- 
ples ne  fçurent   plus  à  quoi  s'en  tenir  ,  quand  ils 
▼irent  qu'on  avoir  roéprifé  la  chaire  de  St  Pierre.  •* 
Les  articles  publics  par  l'autoiitc  du  Roi  &  du 
Parlement   ,  furent    appelles  le  Jlatut    de  f.ing ,  à 
caufe  des  peines  graves  dont  dévoient  être  punis 
ceux  qui  les  combattrolent  ,  foit  dans   leurs   dif- 
cours  ,  foit  dans  leurs  écrits.  C'cto'it  la  prifon  pour 
la  première  fois  ,  &  la  mort  pour  la  féconde. 

Dans  cette  même  ordonnance  le  Parlement  aa« 
nulloit  le  mariage  des  Prcircs,  Se  condamnoit  au 
dernier  fupplice  les  EccUCaûiques  qui  continue- 
roient  de  vivre  avec  leurs  femmes.  Ce  fut  alors 
que  Oanmer  ,  archevêque  de  Cantorberi  ,  fe£la- 
teur  fecret  de  Luther  ,  taillit  à  perdre  la  vie,  &; 
il  n'échappa  à  la  mort,  qu'en  difaot  au  Roi  qui 
hii  reprochoit  fou  mariage  ,  que  ,  ••  depuis  qu  il 
i«  avoit  fjit-dcfcndre  aux  Prêtres  de  fe  marier, 
>•  il  avoit  rcnvoyc  fa   femme  en  Allcniagot.  » 

Arj-r  de  Henri  VIII. 

lei  changeaien*  opcrés  par  Hemi ,  produiiîreat 
ifiieHiuefl  révoltes  dins  ici  provinces  de  Liocolo 
tL  dYotck  >  oui»  il  eut  le  bonheur  de  Ici  dilTipcr. 


DE  L*HlST01RE  ECCLESIASTIQUE.  i^Ç 
Rien  ne  lui  refiftoit  :  le  Parlement  n'ofoit  s'oppo- 
fer  à  fes  volontés  :  aucun  de  fes  Miniftres  n'avoit 
la  fermeté  de  le  contredire.  AinG  c'étoit  lui  feul 
qui  régioit  tout ,  félon  fon  caprice  -,  fon  Confeil  ne 
Éiifant  autre  chofe  qu'approuver  ce  qu'il  propofoit. 
11  y  avoit  cependant  dans  le  Confeil  ,  comme 
dans  tout  le  Royaume,  deux  partis  contraires  par 
rapport  à  la  Religion  j  mais  chacun  avoit  toujours 
les  yeux  fur  le  Roi  ,  pour  connoitre  fon  inclina- 
tion f  de  peur  de  s'expofer  à  la  combattre.  Les 
Partifans  des  nouvelles  opinions  efpiroient  tou- 
jours que  le  Roi  poufferot  beaucoup  plus  loin  la 
réforme  qu'il  avoit  commencée: dans  cette  penfée^ 
ils  croy  oient  qu'il  y  avoit  de  la  prudence  à  ne  !e 
pas  irriter.  Par  une  raifon  femblable  ,  les  Catholi- 
ques n'ofoient  s'oppofer  diretVement  au  Roi  ,  de 
peur  que  leur  réfiftance  ne  le  portât  à  palTer  les 
bornes  qu'il  fembloit  s'être  prefcrites  :  de -là  réful- 
toit  une  coraplaifance  aveugle  &  générale  pour 
toutes  fes  volontés.  Tout  fon  royaume  s'etoit  fou» 
mis  à  Tautorité  fpirituelle  qu'il  s'étoit  arrogée  , 
lorfqu'il  mourut  en  1 547,  confumé  par  les  remords 
&  les  chagrins. 

Henri  s'étoit  marié  fiz  fois.  Nous  avons  parlé  de 
Catherine  d'Aragon  ,  dont  il  eut  la  princeffe  Marie; 
d'Anne  de  Boulen  ,  mère  d'Elifateth  ;  de  Jeanne 
Seymûur  ,  qui  donna  le  jour  à  Edouard  ,  prince  de 
Galles.  Il  époufa  encore  Anne  de  Clèvcs  ,  répu- 
diée prcfqu'auffitôt  après  fon  mariage  -,  Cithcrina 
Uuwari  ,  décapitée  auÛî:  pour  crime  d'aduUcrc  -, 


'l^6  E  L   E   M   E   N   s 

enfin  Catherine  Pjrr  ,  qui  lui  furvccuf.  Quelque» 
jours  avant  de  mourir  ,  il  fit  des  legs  pieux  ;  iafaf- 
fifante  rcAituiion  des  grands  biens  qu'il  avoit  ea» 
vahis  ,  &  foible  expiation  de  fa  crodutc  &  de  foa 
incontinence.  11  fit  dccipitcr  deux  de  Ces  femmes  , 
un  cardinal ,  foixante-dx -fept  cvêques,  abbcsou 
prieurs  ;  douze  ducs  ,  comtes  ou  marquis-,  dix-huit 
barons  ou  chevaliers  ;  &  pendre,  rompre  ou  noyer 
une  multitude  de  gens  du  commun  ,  viûimes  in- 
tortunces  de  fon  bizarre  &  fanguinaire  derpo- 
ùimt. 

Mon  de  Luther. 

Luthir  étoit  mort  un  an  avant  Henri  VIJI  ^  en 
1^46, d'une  violente  infijmmaiion  d'entrailles,  à 
foixante-trois  ans.  Cet  hon  me  trop  fameux  eut 
certaiiiemeni  du  fçavoir  ,  de  l'efprit  ,  de  l'éloquen- 
ce dans  fa  langue  naturelle-,  car,  fans  ces  talens  , 
il  eA  rare  qu'on  fiiTe  des  rcvolutions  en  maticce 
de  religion.  Mais  il  joignit  à  quelques  qualités  tant 
de  défauts ,  il  affcâa  une  infolence  fi  brutale  coa» 
ne  fes  ennemis,  il  mit  ù  peu  de  décence  dans  f« 
conduiie  fie  dans  fes  propos,  que  ,  s'il  n'eût  trou- 
blé le  monde  chrétien  ,  fon  nom  fcioit  ignore  oa 
avili. 

Les  Hifloricn»  protcHans  eux-fr.cmes,  en  le  van- 
tant comme  le  jLmUau  de  fEglije  A(  le  itfiaufuurit 
U  l.httii^  la  iromipttu  fuisrtii  évtni  lu  ptuflu  ,  le 
iL-nnott  <iu:  !ti  arct  ti'és  dt  /j  .a^j'gie,  n'ont  pu 
t'er.tpcciter  d avouer  liniportcment de  fonc«ti»àc»- 


bi  L*îîiSTOiRE  Ecclésiastique.    1^7 

re.  "  Sa  confiance  en  fes  opinions ,  (dit  Robertjon,) 
n  tenoit  de  l'arrogance,  fon  courage  a  les  avan- 
>»  cer  ,  de  la  témérité  i  fa  fermeté  a  ne  s'en  jamais 
w  départir  ,  de  l'obftination  i  Se  fon  îèle  pour  con- 
»»  fondre  fes  adverfaires,  d'une  fureur  qui  s'exha- 
»»  loit  en  injures  groflîéres.  Accoutumé  à  tout  fub- 
X  ordonner  à  la  vérité  ,  il  exigeoit  des  autres  hom« 
>»  mes  le  mcme  refpeil  pour  elle  ;  &  fans  aucune 
»  indulgence  pour  leu.s  foibleiTes  ou  leurs  préja» 
H  gés,U  invedltvoit  avec  mépris  contre  tous  ceux 
>»  qui  ne   penfoienr  pas    comme  lui.    Lorfque  fa 
M  doctrine  écoit  attaquée  ,  il  tomboit  furtousfes 
>♦  adverfaires  avec  une  égale  fureur  ,  n'ayant  au- 
»»  cun  égard  à  la  diftintiion  du  rang  ou  du  mé- 
»•  rite.  Ni  la  dignité  royale  de  Htnri  VIII ,  ni  les 
M  talens  &  l'érudition  à'E'aj'mt,  ne  purent  les  ga- 
»»  rantir  des  mêmes  injures  dont  il  accabloit  Tetitl 
»»  ou  Eck'us...  Vers  la  fin  de  fa  vîe,  fes  infirmités 
M  altérèrent  fon  tempérament   &  le  rendirent  plus 
I»  chagrin  ,   plus  colère  ,  plus  impatient  dans  la 
v>  contradiâion.  » 

Contemplant  avec  orgiieil  les  triftes  &  grandes 
révolutions  qu'il  avoit  opérées  en  Europe,  fa  va- 
nité ,  aînfi  que  fa  violence  ,  l'accompagnèrent  juf- 
qu'au  tombeau.  Il  fit  un  teAament ,  où  il  difoit  : 
Notas  fum  in  catlo  ,  in  terra  &  in  inferno  ,  &  auclcri" 
tatim  ad  hoc  fifflc'.tntern  habeo  ut  mihi'futi  crcdatur, 
11  fe  peignoir  comme  un  homme  ,  auquel  Dieu  Ife 
Père  avoit  confié  l'Evangile  de  fon  Fils  ,  &  il  û- 
gnoit  ,  Z?,  Martinus  Luth£r  ,  notarias  Dei, 


258  1    _  .     .  _  .^   s 

Ses  pariiuns  le  regardant  comme  le  trti\i/ife 
^futtt  ,  le  iraitcrciic  apics  Ta  mort  en  grand-hom- 
me. LXIeâeiir  de  iaxc  f»t-trjnfporter  fon  corps 
a  MCiucmbcrg,  ou  il  lui  fît-clcver  un  tombeau  de 
marbre-blanc  ,  environné  des  Aatucs  des  douze 
Apôtres  ,  comme  s'il  eût  ctc  leur  égal.  Cet  Apôtre 
laifla  plufteurs  eofans  de  (a  femme  Cathtria*  de 
Byre^  qu'il  avoit  lirce  du  cloître  pour  l'cpoufcr. 
Vers  la  fin  du  dcinier  liccle  ,  il  y  avoit  encore 
ca  Saxe  quelques-uns  de  fes  dcfcendacs,  qui  oc- 
cupoieiu  des  places  diAi.'iguées.  Le  mariage  du 
chef  du  Lutheranifme  avoit  été  délapprouvé  par 
les  Catholiques  ,  comme  un  inceAe  &  une  profana» 
tion  :  8c  par  les  Luthériens ,  comme  une  démarche 
indécente i  parce  que  cet  hymen  iingulier  avoit  été 
célébré  en  1^3.6,  dans  un  tems  où  fa  patrie  étoic 
affligée  ou  menacée  de  beaucoup  de  calamités.  Mais 
Luther  qui  avoit  déclaré  dans  un  de  fes  fermons , 
qu'il  lui  ctoit  auOî  impotTible  dt  *ïyrt  fmm  ftmmt 
^ue  et  \hrt  f<int  manger  ,  brava  dans  les  bras  de  foa 
cpoufe  &  les  confcils  de  (es  amis  ,  &  les  ccofurcA 
de  fes  ennemis. 

Rcjlexions   gcnéra'fs  fur  U  Réforme  itAhUe 
par  Luther. 

Nous  nous  arrêterons  un  moment  au  bord  du 
(ombeau  du  patriarche  du  I.uthéranifme  ,  pour 
faire,  avec  M.  l'Abbé  Plu^uti ,  quelques  rcflexiont 
fur  la  rtiforme  qu  il  voulut  introduire.»  Lorfque 
n  Luthtr  attaqua  le»  Indulgeocci  »  il  (Ctoit  ^UfTd 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.   159 

•'  de  grands  abus  dans  l'Eglife  ;  il  étoit  néceflaire 
•  de  les  reformer:  c'eft  une  vériré  reconnue  par 
n  les  Catholiques  les  plus  zélés.  Mais  l'ËglifeCa- 
»i  tholique  n'enfeignoit  point  d'erreurs  ,  &  fa  mo- 
11  raie  étoit  pure.  On  a  défié  cent  fois  les  Pro- 
"  teftans  de  citer  un  dogme  ou  un  point  de  dir« 
)•  cipline  contraire  aux  vérités  enfeignées  dans 
r>  les  premiers  iîécles ,  ou  oppofé  à  la  pureté  de 
M  la  morale  Evangélique. 

»  On  pouvoit  donc  fe  garantir  des  abus  ,  8c  dif* 
n  tinguer  la  morale  de  l'Evarigile,  de  la  corrup- 
»  tien  du  fiécle ,  laquelle  ,  il  faut  l'avouer ,  avoit 
M  étrangement  inféré  tous  les  ordres  de  l'Eglife, 
M  qui  cependant  ne  fut  jamais  deilituée  d'exem- 
V  pies  édatans  de  vertus  &  de  fainteté. 

'1  Une  infinité  de  perfonnes  ,  plus  fçavantes  qu* 

Luther ,  &  d'une  piété  ém'nente  ,  fouhaitoienc 
»  la  réforme  des  abus  ,  &  la  demandoient.  Mais 
M  elles  croyoienr  que c 'étoit  a  l'EgUfc  même  à  pro- 
»»  curer  cette  réforme ,  8t  que  la  corruption  même 
••  du  plus  grand  nombre  des  membres  de  l'Eglire 
»«  n'autorifoit  aucun  particulier  à  faire  cette  ré- 
»<  forme. 

»•  Il  n'y  avoit  donc  aucune  raifon  de  fe  fcpa- 
«•  rer  de  l'Egliie,  lorfque  Luther  s'en  fcpara.  La 
n  réforme  que  Luther  établit ,  confiftoit  a  détruire 
"  toute  la  Hiérarchie  eccl-fjalt'que  ,  à  ouvrir  les 
M  cloîtres ,  Se  à  licencier  les  Moines  ;  il  enfcigna 
M  des  dogmes ,  qui ,  de  l'aveu  de  fes  fetlatcurs  mc- 
-«  fies ,  dctruifoicat  les  principes  de  la  morale  ,  & 


a6o  E  L  Z   M   E  N  s 

M  Tapoienc  tous  les  fondeirens  de  la  Religion  na-> 
r>  turelle  6c  rcvélce:  tels  font  Tes  fentimens  fur  U 
r  librrcé  de  rti^mme,  &  fur  la  Prcdc(\inaiion. 

rt  Le  <{roit  qu'il  donnoic  à  chaque  Cliuccicn  d'in* 
T>  terprcter  l'Ecriture,  &  déjuger  ïL^liCc,  fut, 
fi  finon  la  caufe ,  au  moins  l'occarion  de  cccte  foui* 
»  de  Scdes  fanatiques  &  infenfoes  qui  dcfoléreni 
I*  l'Allemagne,  &  qui  renouvellcrent  les  principes 
t»  de  W.c'ej,  Cl  contraires  à  la  Religion  &  a  la  tran» 
M  quiUii«  des  £tat>.  (  ^lyti  l'article  des  Anabap* 
TISTES  dans  la  fuite  de  cct.-e  Hilloire.  ) 

!•  Luther  entreprit  cette  reforme  fans  autorité, 
t*  far.s  miffion  ,  foie  otdinairc  ,  fuit  extraordinaire, 
n  U  n'avoit  pas  plus  de  droit  que  les  AnabaptiAet 
X  qu'il  réfutoit ,  en  leur  demandant  d'où  ils  avoient 
n  reçu  leur  miflîon  }  Il  n'avoit  mis  dans  fa  ré« 
»»  forme ,  ni  la  charité  ,  ni  la  douceur ,  ni  m2mt 
w  la  fermeté,  qui  carafbcrifent  un  homme  envoyé 
r>  de  Dieu  pour  reformer  l'Eglife.  Son  emporte- 
H  ment ,  fa  dureté  ,  fa  préfomption  ,  révoltoient 
M  tous  fes  difcip'es.  Il  avoit  viole  fes  va:ux  ,  & 
r>  il  s'cioit  marié  fcandalcufemcnt.  Il  avoic  autorifé 
it  la  polygamie  dans  le  Landgrave  de  HctTe.  Se* 
m  Ecrits  n'ont  ni  dignité  ,  ni  dccence  ;  ils  ne  ref- 
it pirent  ni  la  charité,  oi  l'amour  delà  venu;  il 
r  s'abandonne  avec  compUif^ncc  aux  plus  indé> 
m  ccntei  ratlleriei. 

w  Ce  ne  font  point  i<.i  des  dcclamations.  Ceux 
•  qui  ont  lu  les  Ouvrages  de  Luthir  8c  l'Hiftoir« 
r>  de  il  rctorme  ,  tnémc  dans  lc>  VrotefUoi  ^  «a 


t>E  L'HiSTOIÏIE  EcCLE>rASTTQ';E.  iCt 
M  m'en  dcdiror.t  pas-,  &.  j'en  attefte  les  Prot.-i.dns 
»»  modérés,  les  Lettres  é^  Luther  ,  fes  \ernions,  les 
H  Ouvrages,  Mé/anlh  n  &  Era/me. 

)»  Il  s'eft  élevé  p.irini  les  Luthériens  beaucoup 
)»  de  difputes  du  tems  de  Lut/ter  ;  &  aprjs  fi  n;ort , 
I»  ies  Théologiens  Lutlicriens  dreiTérent  plufieurs 
»»  Formules  pour  tâcher  de  fe  réunir  ,  mdis  inuti- 
>»  lement.  Indépendamment  de  ces  divifions  ,  il 
».  s'éleva  des  chefs  de  Sedtes  ,  qui  ajjutérent  ou 
»»  retranchèrent  ai'X  principes  de  Luther  ,  ou  qui 
M  les  modifièrent  ;  tels  furent  les  Crypto-Ca.'vm'/Ics  , 
»»  les  Synerg'/lcs  ,  les  Flavianlfla  ,  les  Vfandrifus, 
M  les  Indlfférens  ,  les  Stancarijl.s  ,  les  Majonfles  , 
»t  les  AntinomJens  y  les  Syncrà'ifies  ,  les  Millénaires  , 
»»  les  Ori^énllles  ,  des  Fanatiques  ik  des  Piétijles , 
»  &c.  8cc.  &c.  >» 

De  /'Intérim  6-  de  fes  fuites. 

Malgré  la  divifion  qui  fe  mit  parmi  las  difci- 
ples  de  Luther ,  ce  pitriarche  mourut  avec  la  mal» 
heureufe  gloire  d'avoir  fait-adoptcr  fes  erreurs  à 
un2  partie  de  l'Allemagne.  CharUi'Qjiim  ,c[\n  avoit 
d  abord  fcvi  contre  les  Proreftans  ,  fut  conrrjint 
de  chercher  un  moyen  de  concilier  les  efprits  que 
la  févérité  auroit  irrités.  Il  s'iniagina  qu'il  paci- 
fieroit  les  différends  excites  au  fujet  de  la  reli- 
gion, s'il  faifoit-drcffer  un  nouveau  Formulaire, 
qui  contint  tout  ce  qu'il  falloir  abfolument  croire 
&  obferver  fur  les  points  conteAcs  entre  les  Ca- 
fholiques  &  les  Protcllaos.  La  rcdatflioo  de  cetic 


26x  E   L  E  M   E  N   s 

formule  fut  confiée  a  deux  thcologiens  de  l'EjIife 
Romaine ,  JuUt  Pfiug  8t  Mùhel  He/ding  ,  &  à  un 
théologien  Luthérien ,  Jtjn  Agric^lû  ,  parce  qu'ils 
paiToient  pour  joindre  à  des  connoilTances  cteo- 
dues .  la  modcratioa  &  la  prudence  necr^'aires  pour 
un  tel  ouvrage. 

Des  que  le  Formulaire  fut  achevé  ,  on  en  fit  la 
leôure  dans  hdiette  d'Ausbourg  en  1(48.  L'Em- 
pereur  l'envoya  enfuite  au  P-pe,  qui  lefit-cxa» 
miner.  Ce  Formulaire,  à  la  rcfîrve  de  quelques  ex- 
preffions  équivoques  ,  étoit  conforme  à  la  doârine 
de  TF^life  Catholique.  On  y  confirmoit  tous  les 
dogmes  de  la  vraie  Fglife  par  des  paiTages  tirés 
de  l'Ecriture  -,  &  on  y  ordonnoit  l'obtervation  de 
tous  les  nts  que  les  Protell.ins  avoient  profcrits. 
Cependant  on  fe  relàchoitcn  leur  faveur  fur  deux 
points: la  communion  fous  les  deux  efpcces  ,  fie 
le  mariage  des  Ecclcfiaftiques.  Qi:o!(]u'on  déclarât 
que  ces  concelfiuns ,  faites  à  la  foiblefTe  de  ceriaitis 
Prêtres  &  aux  préjugés  des  peuples  ,  n'ctoient 
que  pour  un  tcms,  le  Pape  les  dcfapprouva.  Charlti- 
Quint  ne  lailTa  pas  de  publier  un  cdit ,  par  lequel  il 
otdonnoit  ,  que  tous  les  Luthériens  de  l'Empire 
qui  ne  voudroient  plus  fc  rcunir  entièrement  à 
l'Eglife  Catholique ,  eufTent  à  obferver  les  régie» 
mens  du  Formulaire  ,  en  attendant  la  dccifion  du 
Concile-gcncrii. 

PluCeurs  Thcologiens  Catholiques ,  regardant  cet 
cdit  comme  tm  outrage  fait  à  l'autorité  ccckflaHi- 
c|ue ,  le   comparcicnt  a  VJItnoùtoH  de  l'cjnpercur 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    i(?j 

Zenon  ,  &  à  l'EHScj'e  à'Heruclius.  Les  Luthirieas 
ïèlés  ne  rejettcrenc  pas  V Intérim  avec  moins  d'In- 
digoacion  que  les  Catholiaiies.  Envain  l'Empereur 
voulut  les  con:r3ir.dre  à  s'y  conformer  i  ils  témoi, 
gnérent  ouvertement ,  qu';is  ne  voulolent  pas  flé- 
chir fous  ce  nouveau  règlement.  Ceux  qui  rejet- 
tîtent'VInttrlm,  tarent  appelles  Luthériens  rigides; 
ceux  qui  l'acceptèrent ,  furent  nommés  Intirîmlfles 
ou  Aiijphoriftcs  ,  parce  qu'ils  penfoient  qu'il  falloic 
s'jccommoder  au  tems. 

Suite  de  t Hifio'ire  du  L'uthéran'.f:r.e  ^jufquà  la 
mort  de  Charles-Quint. 

Mais  les  uns  &  les  antres  ,  toujours  animés 
contre  les  Catholiques  ,  cherchoicnt  à  obtenir  fur 
eux  la  fupirioritj  a  Inquelle  ils  pràcndoient  de- 
puis Cl  lon§-tems.  Maurice,  électeur  de  Saxe,  en- 
tra dans  leurs  delTeins.  Ayant  fait  fecrettement  une 
alliance  avec  Henri  II  ,  roi  de  France  ,  &  avec 
quelques  Princes  d'Allemagne  ,  il  leva  des  trou- 
pes ,•  &  ayant  attaqué  à  l'improvifte  l'Empereur  , 
en  Ij;!,  il  l'obligea  de  s'enfuir  précipitamment 
avec  fon  frère  Ferdinand  roi  de  Hongrie  ,  dans 
le  Tirol,  où  il  fut  fur  le  point  de  les  accabler. 
Charlet-Q^uint  épouvitité  ,  remit  en  liberté  les  Prin- 
ces Protellans,  &  traita  plus  favorablement  ceux 
de  cette  communion.  On  leur  promit  une  sûreté 
entière  ,  &  un  libre  exercice  de  leur  Religion  en 
Allemagne.  Cet  avantage ,  qui  étoit  une  des  con- 
ditions de  la  paix  de  Paffaw  en  1552  ,  leur  fut 


a64  E  L  E  M  E  N  s 

folticr.ellement  conlim.k  y^i  la  diecte   d'Aosbourg 
en  IÎ5Î. 

Dans  cette  éfrcn-.blée  cilèbre  ,  en  diefla  un 
Recès.qui  devint  la  b^fe  de  la  paix  religieufe  en 
j|lleni;^ne.  Les  piincip-ux  articles  ce  cet  aûe, 
fureni  :••!'.  Que  les  Princes  &  !e$  villes  qui  $*é- 
toient  déclares  pour  le  Luthéranifine  ,  fetoient  li- 
bres d'en  ptofcfler  la  dcdni  e  &  dcn  exercer  le 
culte  ,  fans  être  inr,aicics  ci  par  l'Empereur  ,  ni 
par  le  Roi  des  Romains,  ni  par  les  I'iiikcs,  ai 
par  les  Trclats. 

.•  a*.  Que  les  Proieflans  de  leur  côté  ,  ne  trou» 
blcroienc  ni  les  Princes,  ni  les  Ltats  qui  admet* 
troicni  ks  dogmes  iS.  Us  ccicir.oiiiLS  de  IXglii'e  Ca- 
tholique. 

M  5*.  Qu'à  l'avenir  on  ne  tenteroit  jarriis  de 
terminer  les  difputes  de  Religion  ,  que  [rtr  les  voies 
pacifiques  &  petfuafivcs  des  conférences. 

M  4",  Que  le  Cierge  Catholique  ne  pourroit  ré- 
clamer aucun  droit  de  Jurifdi^.ion  {p)Tf""  '•:  ''^r\% 
les  états  de  la  confrnîon  d'Au'bourg. 

H  5*.  Que  ceux  qui  (e  trouvotcnt  en  pciVtii.on 
df I  bénéfices  ou  des  revenus  de  l'E^life  ,  le*  g  ir^ic- 
roient ,  fans  pouvoir  (tre  pourfuivia  fur  cet  arii> 
de  pir  la  (  -triale. 

..  6'.  Qi»'"  ',  -■  ,  -e  civile  auroit  le  droit  d*é- 

ublir  dans  chaque  Etat  ,  la  dv^rine  d.  le  culte 
q^i'clie  ju^eroit  convenîble  ;  &  que  ceux  des  Tu» 
jets  qui  refureroient  de  s'y  tunlurmer  ,  auraient 

U 


DE  l*Histoire' Ecclésiastique,    i^f 

la  liberté  avec  tous  leurs  effets,  par-tout  où  il  leur 
plairoit. 

"  ?'•  Qu*  fi  quelque  Prélat  ou  Ecdéfiaftique , 
venoit  à  quitter  dans  la  fuite  la  Religion  Catholi- 
que, il  renonceroit  à  ("on  diocèfe  ou  àj  fon  béné- 
fice ,  qui  feroit  dès-lors  réputé  vacant  ,  comme  par 
la  tranilation  ou  la  mort  du  bénéficier,  ôc  que  le 
coUateur  auroit  droit  d'y  nommer  un  fucceffeur 
attaché  à  l'ancienne  doflrine.  »» 

Tels  furent  les  principaux  réglemens  de  ce  fa- 
meux Recès  ,  qui  fît- perdre  bien  des  avantages  à 
l'Eglife  Catholique  -,  mais  CharUs-Ouint  ,  en  accor- 
dant aux  Luthériens  plus  qu'il  n'auroit  d'abord 
voulu  ,  ccdoit  à  la  néceûîté  d'établir  la  concorde 
entre  tant  d'États,  que  les  nouvelles  erreurs  avoient 
divifes.  Ce  prince  .d'ailleurs,  ne  foupiroit  qu'après 
le  repos. 

Laile  des  agitations  de  ce  monde  ,  &  pénétré 
du  néant  des  grandeurs  ,  il  alla  mourir  en  Ei'pa- 
gne,  dans  un  Mondftére  ,  après  avoir  dépofé  le 
fceptre  impérial  &  la  couronne  efpagnole. 

Les  nouvelles  Erreurs  s'iiurodu'ifcnt  en  France, 

Les  nouv-autés  ,  qui  avoient  caufé  tart  d'in- 
quiétude à  CharUt'Quint ,  &  qui  inondèrent  de  fang 
l'AlIemigne,  s'ctoient  glifTées  en  France  à  la  fa- 
veur du  goût  que  quelques  gens-de-lettres  avoient 
pour  les  livres  des  Hérétiques.  L'enthoufiaîïne  Se 
le  fjnatifme  s'y  montrèrent  en  même-tems  que 
l'erreur.  De  faux  zèles  de  la  fed^e  Luthérienne  > 
Tom.  II,  M 


i.C6  E   L   E    M    E    K   s 

affichèrent  à  Paris  des  placjrds  facrilcges  contre 
la  croyance  de  l'Euchariftie  ,  &  fur-tuut  contre 
le  Sacrifice  de  la  MeCe.  Après  les  avoir  attachés 
aux  principaux  tilifces  de  prefque  toutes  les  ri»e$  , 
ils  eurent  la  hardieCTe  de  les  répandre  dans  b  pro- 
pre chambre  du  Roi. 

DeJ3  on  avoir  teiué  ,  auprès  de  ce  prince  ,  di- 
vers moyens  de  le  rendre  favorable  à  la  nouvelle 
dowh-ine.  Q  i.ind  le  Roi  d'Angleterre  rompit  avec 
le  faint-ficgc ,  pour  rendre  fa  vengeance  plus  il- 
lul^re,  il  s'cfTurça  d'entraîner  Frarçols  avec  lut 
dans  le  fchifmc.  u  La  nouvcautc,  (  dit  Eojfutt,) 
m  avoit  gagne  quelques  princeircs  de  ia  maifon 
M  royale.  Le  Roi  recevoit  tous  les  jours  de  nou- 
r>  velles  attaques  fur  ce  point  ,  par  des  moyens 
M  délicats  &  impercep:ibles.  Margu<rite  ,  fa  foeur 
M  bienaimce,  connoiffjnt  fon  inclmition  pour  les 
M  gens-de-lettrc$  ,  s'en  fcrvitpour  l'oblijjcr  a  faire» 
M  venir  Milanchton  ,  l'un  des  plus  fçavans  hommes 
M  &  des  plus  polis  de  fon  rems  ,  mais  aufli  l'ua 
n  des  chefs  des  Luthériens. 

>•  Le  cardinal  de  Tournoi  rompit  ce  coup.  Oo 
M  dit  qu'il  entra  dans  ta  chambre  du  Roi  ,  avec 
H  un  livre  foui  fon  bras.  Lf  Roi  .qui  aimoit  les 
H  livres ,  ne  manqua  pas  de  lui  demander  ce  que 
M  c'w'toit^  Ac  le  cardinal  repondit  ,  que  c'croit  ua 
m  ancien  Lvèque  del'Rglife  Gallicane.  Le  Roi  l'ou» 
M  vrit  auiVi-iôt,  ti  trouva  les  Outragtt  de  S.  Itt- 
m  HÛ,  évoque  de  Lyoa'i  Martyr  ,  qui  vivoit  dans 
•  le  W  ûicle  rË^Ufc.  Il  lui  demanda  auSi-tôt  dt 


CE   lTÏISTOIHE  ECCLESTASnQut.    i6y 
f%  quel  avis  il  étolt  fur  les  nou\elles  rfoftrincs  * 
M  &   le  cardinal ,  qui  avoit  prcvu  cet  tffet  de  fa 
»»  curiofité  ,  lui  lut  des  paffages  importans  fur  le 
♦»  point  de  l'Euchariftic,  fur  l'autorité  de  la  Tradi- 
»  tien  ,  &  fur  la  prcémînence  de  l'Egllfe  Rcrnaine, 
>»  tenu,'  des  les  pren-.iers  tems  pour  le  centre  de 
M  la  corrmui.ior.  ecciciîaftique.  11  s'étendit  à  taire- 
«  voir  ,  que  Luther  &.  fes  feftateurs  avoient  ren- 
^1  verf.- ,  avec  les  anciennes  maximes  de  l'Eglife, 
»»  les  fondemens  du  Chriftianifme  ;  &  fit  tant  d'im- 
u  preûlon  dans  l'efprit  du  Roi ,  que  depuis  il  n'é- 
w  coûta  jamais  les  nouveautés  fans  horreur.  « 

Il  lit-idire  ,  le  19  Janvier  J  535  ,  l'ne  proce/Hon 
folemnelle  où  il  aflîfta  avec  picrc.  II  y  eut  un  con- 
cours incroyable  de  peuples.  Le  Roi  laifit  cette  cc- 
caûon  pour  repi  éfentcr  les  malheurs  que  j'héréfie 
avoit  toujours  caufés  dans  les  Etats.  Il  fit  -  voir 
que  .depuis  que  Lutherie  Ztjing/e  s'éiCKfit  révoltés 
contre  l'Eglife,  i!  s'étoit  répandu  parmi  les  peu- 
ples des  opinions  fédicieufes  ,  qui  avoient  armé  les 
fujetsles  uns  contre  les  aurres  &  contre  leurs  Prin- 
ces ,  &  avoient  fappé  les  fomiemens  de  la  tranquil- 
lité pabli.[ue. 

Ce  n'ctoit  pas  ainfi  ,  ajouta-t-il ,  que  la'  do£lrî- 
ne  évangélique  s'étoit  établie.  Elle  n'excita  dans 
l'Empire  Romain  ni  trouble,  ni  révolte,  ni  fcdi- 
tion.  Elle  au;jmenta  au  contraire  la  concorde  par- 
mi les  citoyens  &  l'obéiffance  envers  les  Prin- 
ces qui  n'avoient  point  de  meilleurs  fujets  que 
les  premiers  Chrétiens  :  au  lieu  que  ces  doc- 
teurs nouTeaux  qui  fc  dilent  Rcj'ormuuurt ,  lulci- 


■268  E   L   E   M   E   V   s 

tent  tou^  les  jours  mille  fanatiques  capables  de 
tout  entreprendre  fous  prétexte  de  pi.-té.  D'où  il 
concluoit ,  que  ces  riouveautcs  n'eioient  pas  moins 
pernicleufes  à  1  Etat  qu'à  la  Religion.  II  exhorta 
enfuite  fes  fujets  à  perfcvérer  aufîi  conftaminent 
dans  la  foi  de  leurs  ancêtres.  Il  leur  dit  ,  qu'il 
étoit  rifola  à  fuivre  cette  môme  foi  à  l'exemple 
desjRois  Tes  prédéceflTeurs,  parmi  lefquels ,  depuis 
Clovlt ,  il  n'y  en  avoit  pas  un  feu]  qui  fe  fut  fcparé 
de  l'Eglife. 

M  A  ce  pieux  &  cloquent  difcours ,  (dit  Bojfjtt^  ) 
•1  il  joignit  de  rigoureux  cdits  ,  par  lefquels  il 
«•  condamnoit  au  feu  les  Hérétiques.  Ces  cdits 
n  furent  exécutes  durant  long-tems,  avec  une  fé- 
»»  vérité  exceflire  :  mais  l'expérience  les  lui  fit- 
II  tempérer  ,  &  lui  apptit  qu'il  ne  falloit  pas  don- 
»i  ner  a  des  entêtés  une  occaûon  de  contre-filrc  les 
f>  Martyrs.  •« 

L'erreur  ne  périt  point  avec  ceux  qu'on  fît-mou- 
rir  dans  les  bûchers.  L'orgueil  &  la  curiofî;e  de 
l'efprit  humain  ;  l'averûon  pour  des  abus  grands 
i  la  vérité  ,  mais  qu'on  exagère  prcfque  toujours  ; 
un  fanitifmc  de  reforme  ,  plus  d.:rpercux  que  les 
abus  mêmes  i  l'opiniatretc  &  l'auddcc  lî  naturelles 
a  des  enthoudaftes  dont  on  punit  les  égaremciu 
pir  des  fuppliccs  ,  tout  fcrvoit  a  perpétuer  les  at- 
teintes portées  é  la  Foi  de  no»  pcrcs. 

H'ijh'irt  àt  Calvin. 

Ce  fut  alors  que  le  fameux  Jté*  C*twîn  ,  coirio 
Bvea(a  de  dogmatifcr.  Il  ctoic  ne  à  Noyon  daos 


DE  l'Histotre  Ecclésiastique.    z6f 

le  Vermandols  ,  en  1509.  Son  perc  ,  procureur- 
fifcal  de  l'Evcque  de  cette  ville,  lui  obtinr  quel- 
ques bénéfices ,  dont  il  fe  défit  pour  aller  cher- 
cher des  difciples.  Mc'clùor  îf'oimar  ,  Luthùien  » 
qu'il  avolt  connu  lorfqu'il  étudioit  le  droit  à 
Bourges ,  lui  infpira  du  goût  pour  les  nouvelles 
erreurs.  Plein  du  deilr  de  fe  former  une  Eglife  en 
France  ,  il  les  adopta  ,  &  y  en  ajouta  de  nou- 
vel'.es. 

C^lyin  avolt  tout  ce  qu'il  faut  pour  rcufTir  au- 
près des  fimples,  &  même  auprès  des  grands.  «Ja- 
)»  mais  homme ,  (  dit  Bojfact  ,  )  ne  couvrit)  mieux 
'»  un  orgueil  indomptable  fous  une  modération 
»»  apparente,  II  ne  fe  foucioit  point  des  biens  de 
"  ce  monde  ,  &  la  feule  ambition  qui  le  poffédoir, 
>»  étoit  d'exceller  par  les  talens  de  refprit,  &  de 
M  dominer  fur  les  autres  hommes  par  le  fçavoir 
)«  &  par  l'éloquence.  » 

Cet  homme  dangereux  jetta  les  premiers  fondc- 
mcns  de  fa  fede  à  Poitiers.  Ceft-là  qu'il  fe  mit  à 
cjtcchifer  &  à  faire-faire  la  Cène  dans  des  caves , 
après  s'être  fauve  adroitement  du  collège  du  car- 
dinal le  Moine  ,  où  le  lieutenant-criminel  de  Paris 
avolt  envoyé  des   fergens  pour  l'arrêter. 

Obligé  de  fe  fauver  de  Poitiers ,  il  fe  retira  à 
Bàle.  C'eft  dans  cette  ville  qu'il  mit  la  dernière 
main  à  un  livre  qu'il  ofa  dodiei*  à  François  I.  Ce 
livre  trop  cclèbrc  étoit  intitulé  ,  InjTuutions  Chré- 
tiennes ,  quoiqu'il  fût  la  réfutation  de  prefquc  touj 

les  dogmes  du  Chrillianifrac.  Fran^jisl,  qui  pré- 

Miij 


•7^  E   L   E   M    E    V   s 

▼it  les  fuites  d'un  ouvrage  à  dangereux  ,  irt  pur; 
malgré  fon  zde  ûc  fcs  foins  ,  venir  à  bout  cie  le 
fairc-fupprimcr.  «  Le  fcul  avantage  qu'en  tira  l'E* 
»•  glifc  ,  {i\t  Bi^ffutt ,)  fut  que  Ca/w/i  combattant 
»•  le  icncimcnt  de  iMther  fur  Ituchariftie  ,  il  aog- 
M  menta  les  divifions  qai  «itoient  dans  le  parti 
»•  Protrflant  :  de  forte  que  la  divine  Providence 
•♦  fe  fcrvit  du  plus  dangereux  hcrcfiarqae  de  Ton 
M  tems  ,  pour  an'oiblir  l'hcrd/ie.  » 

CaUin  ,  toujours  occupe  du  dcfTe^n  de  répandre 
fes  nouveaux  dogmes  ,  p'^fTa  de  Bàle  à  Fertare  , 
où  la  princdTe  Rtnet  de  France  ,  tîlle  de  Louu  XII ^ 
l'accueillit  trcs-hien  ;  de  Ferratc  a  Genève,  enfuite 
à  Strasbourg  -,  enfin  à  Gencvc  encore  ,  uà  il  fc 
fixa  pour  toujours. 

Cette  ville  avoit  dcja  adoptt  les  trreurs  de  /;//!- 
j/f.  Cd.'rin  y  forma  le  plan  de  h  fcilc  a  l.iquelle 
il  a  donne  fon  nom.  Ses  opinions  erronée^  font 
à-peu-prc$  celles  de  Li.ihtr ,  à  la  rcferve  de  fon 
fentinicnt  fur  l'Euchariftie.  Ca/yin  penfe  que  le 
Corps  de  J.  C.  n'cft  réellement  Se  fubdantiellcnacnt 
que  dans  'c  Celi  Se  quM  n'eft  prcfent  que  fpl- 
riiucl'erovnt  djns  !e  pain  ruchanni  jur  ,  où  il  cft 
une  fource  de  gracrs  pour  ceux  qui  ont  h  foi. 
Il  ne  veut  ni  culte  extcrtrur  ,  ni  chef  viftble  de 
TF-gliTe  ,  ni  évéque* ,  ni  prJtres  ,  ni  fête»,  ni  bc- 
ncdi^iont,  ni  aucune  de  ces  cérémonies  h  au* 
suAes ,  que  l'i'npctueux  Luihtr  n'ula  pas  entière» 
Bient  profcrire. 
Ceocvc  £e  fournit  à  toutes  fes  voloatcl.  Il  Jf 


DE  L'HrsTorcE  Ecclésiastique.    171 

établit  la  dlfcipline  extérieure  de  la  Religion  -,  il 
dirigea  le  code  des  Loix  civiîes  &  ecclcfiUuques. 
Il  régla  la  forme  des  prières  &  des  prêches  ,  la 
manière  de  célébrer  les  deux  feuîs  Sacre  mens  qu'il 
admettait ,  la  Cinc  &  Is  Ba^'-u'rr.c.  Il  fondi  des  coc- 
Crh)ires ,  des  colloques  ,  des  1^'ncdes ,  des  anciens  , 
à<s  diacres,  des  Turvei^ians.  La  rigueur,  ave;  la- 
quelle Calvin  exerçoit  lb;i  pouvoir  fans  boracs  & 
fa  iurifdiâion  coi;fiftoriale  ,  lui  attirèrent  bcau- 
CG'.ip  -1  <  r,  cmi»  :  mais  fcs  taîens  &  fa  fermeté 
tricri;;  .l:  i.r  de  teu^es  Tes  tUGcuîtés  &  àc  toircf 
\i%  tr«verfes.  H  étoir  inflexible  dacsles  fentimcas, 
invariable  dans  fet  denafcLes  ,  &  capable  do  tout 
facrirer  pour  le  foutien  d'une  pratiq'ja  ind:ff;rea- 
re  ,  comme  pour  la'défenfe  des  premiers  dogmes 
de  la  Religion.  Un  homme  de  ce  carailére ,  avec 
de  l'tloquence  &  de  raUâféri:é  dans  les  mœurs  , 
(  dit  M.  Plujutc  ,  )  fiibju^ue  iu.aiihbiement  la  muN 
tifud;,  &  fur-tout  les  caractères  foibles,  qui  aiment 
mieux   fe  Joumettre  que  de  Imer  fans  ceffe. 

Enfin  ,  après  avoir  impofé  f.lenceà  tous  fes  en- 
nemis ,  &  donné  ur.c  ctnf.fTance  folide  à  l'édifice 
de  la  prétendue-Réforme ,  Culvin  mourut  à  Genève 
d'un  at'xhme  8c  d'une  fièvre  étique  en  1564,3  56 
ans  ,  regardé  comme  un  homme  d'un  gcnie  péné- 
trant ,  hardi ,  éclairé  ,  &  d'un  caradére  jaloux ,  cha- 
grin ,  colère  &  tyrannique. 

La  prorfigieufe  adliviic  de  fon  efprît  contribua 
fans- doute  beaucoup  aux  proj;rc$  de  fa  fefte.  Il  ne 
t'occupa  pas  feulement  d'à£Fcrmir  la  réforme  à  Gcoi- 

jyiiy 


^7*  E   L   E   M   E   N   $ 

ve  ,  il  écrivit  fans  cclTe  en  France  ,  en  Allemagne  ; 
en  Pologne  contre  les  Anabapciftes,  contre  les  Anti- 
Trinitaires  ,  contre  les  Luthériens,  contre  les  Ca« 
tholiques.  il  ctoit  comme   Esaù,  mmui  tjut  antrs 
omnes.  Ses  ouvrages  &  fes   lettres  dévoient  faire» 
imprcfiion.    Il  écrivoii  avec   pureté   &  avec  mé- 
thode. Perfonne  ne  faiiiiToit  plas  finement  &  ne 
pi  éfentcit  mieux  les  côtés  favorables  d'une  optnioo. 
La  préface  de  fes  InjUtutlom  td  (  félon  M.  l'abbé 
Pluquct  )   un    chef-d'œuvre  d';idreire.  Il   traita  le 
premier  les  matières  théologi^ues  d'une  manicre 
cicgante,  &  fans  employer  la  forme  Ccholadique* 
On  ne  peut  nier   qu'il  ne  tùt    thcologien  &  bon 
logicien  ,  dans  les  chofes  où  l'efprit  de  parti  ne 
l'aveugloit  pas.  Oa  ne  peur   donc   lui  rel'jfer  de 
grands  talens  ,  comme  on  ne  peut  mcconnoitre  en 
lui  de  grands  défauts. 

Execution  de  Cibrléres  6»  de   Merlndol.  Progrès 
du  Ctivinifme  en  France, 

L'Apôtre  de  Genève,  plein  de  l'ambition  de  ré- 
pandre fon  nouvel  Erangile  ,  eut  grand  foio  d'en- 
voyer des  mlnirtres  eu  France  pour  le  prêcher. 
Leurs  fuccct  turent  funcAcs  aux  VauJois  ,  qui 
étoient  difperfcs  fie  caches  dans  les  montagnes  de 
Dauphinc  fie  de  Provence  ,  où  ils  avoient  cru 
trouverune  retraite alTurcc. Le  i8  Novembre  i  J4'?» 
le  Parlement  de  Provence,  craignant  la  propaga- 
tion de  l'erreur,  condamna  a  la  mort  diK-neuf  de 
ce»  fc^iircs.  Il  ordoûQi  ca  mcia:-icms,  (juc  tome» 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    273^ 

leurs  maifons  des  villages  de  Cabrlcres  &  de  Mc- 
rlndol  feroient  entièrement  démolies  ,  ainfi  que 
tous  les  forts  &  châteaux  qu'ils  occupoient  ,  8c 
qu'on  arracheroit  tous  les  arbres  de  leurs  forêts. 
L'exécution  de  cet  arrêt  fut  fufpendue,  à  la  prière 
du  cardinal  SaduUt  ,  par  ordre  de  François  /,  à 
condition  que  les  Vaudois  abjureroient  leurs  er- 
reurs. Mais  en  1545  ,  le  premier  préfident  A'Op- 
f'ide  y  ayant  dépeint  ces  hérétiques  comme  des  fé- 
ditieux  qui  pourroient  fe  révolter  ,  obtint  la  per- 
mifîlon  de  faire- exécuter  l'arrêt  prononce  contre 
eux  en  1540  Uni  au  baron  de /a  Gar^j ,  qui  ra* 
menoit  des  troupes  d'Italie ,  ce  magiftrat  permît 
aux  foldats  de  fe  jetter  fur  tous  les  habitans  da 
ces  contrées.  Trois  mille  perfonncs,  fans  dillinc- 
tîon  d'âge  ni  de  fcxe  ,  furent  maffacrces ,  &  Mi- 
rindul ,  Cahricres  &  vingt  autres  bourgs  ou  vil- 
lages, mis  en  cendres.  Les  troupes  .animées  parle 
faux  zèle  du  préfident  d'Oppcdc  &  de  l'avocat-gé» 
rcral  Gutrin  ,  firent  une  boucherie  ù  affrcufc  ,  que 
Frjnçoii  I,  prêt  à  mourir,  chargea  fon  fucccffeur 
de  punir  les  auteurs  de  cette  barbarie  défavouce 
par  la  religion.  Henri  II  renvoya  cette  affaire  au 
parlement  de  Paris.  L'avocjt-gcuér.il  Cuèrin  ,  qui 
fut  condamné  à  perdre  la  tête,  parce  qu'il  ttoit 
d'ailleurs  accufé d'autres  crimes,  porta  feul  la  peine 
des  autres  coupables  :  ù'Oppède  ,  appuyé  à  la  cour  , 
fut  renvoyé  abfcus. 

Les  Oïlviniftes  ne  furent  pas  traités  cependant 
avec  plus  de  douceur ,  fous  le  règne  de  h\nti  II- 

.  Mv 


I 
ar-f  E  L  E  M  E  N  s 

Ce  prince  publia  coatr'eux  un  édit  fév^re.  Pef^ 
fonne  ne  pouvoit  être  reçu  dans  aucune  charge» 
ni  enfeigner  dans  aucune  ccole   publique  ,  avant 
que  d'avoir  fait  une  profeilion  authentique  de  fa 
do^ri  ne.    D'Andi\t ,  frère  de  Tamiral  de  C^H^mî ^ 
fut  arrête  prifonaier  pour  des  bijfphcmes  pronon» 
ces  contre  la  Mcffe  i  &  Annt  du  Bourg,   confeil- 
ler  au  parlement  de  Paris  ,  l'un  des  fouticns  du 
Calvlnifmc  ,  pendu  8c  brûlé   en  place  -le   Grève. 
«•  Il  foufirit,  (dit  Bijfuet,  )  la  mors  f,in$  s'émouvoir, 
»»  8c  fit  -  voir   que  l'erreur    peut   avoir  fes  Mar- 
>»  tyrs.  Son  fupplice  ne  fsrvit  qu'a  irriter  les  Hé- 
n  rétiques  ,  &  à  faire -chanceler  la  foi  des  Citho- 
v>  llques  ignorans.»  Le  nombre  des  Scî^JJrcs  $'ac» 
crut  prodigieufemcnt ,  8c  plufieurs  Eglifes  Calvi- 
niftes  fe  formèrent  dans  les  diverfes  provinces ,  fur 
le  modèle  de  la  cooditution  ecdcfiaftique  de  Ge- 
nève. » 

Dans  renthoufiafmc  qui  dominoit  alors  les  pré- 
tendus-Réformes ,  ils  fe  comparoient  aux  premiers 
Chrcticns  pcrfccutcs  par  les  Lmpcreurs  païens.  On 
avoit  de  quoi  le»  confondre,  (dit  M.  l'Abbé  Mil- 
dot,)  en  leur  oppofaat  l'exemple  de  leur  Apôtre 
Cé.'vi» ,  qui  en  ijn  avolt  fait -brûler  à  Genève 
l'Anti-Trinitaire  Ser%t:  Oa  pouvoit  même  aiTurer 
«jue,  pojr  deven'r  perfccutcurs  ,  il  ne  leur  nun- 
quoît  que  d'.tre  les  plus  forts.  Mais  il  n'en  eft 
pas  moin»  vrai  que  leur  nombre  8t  leur  opi<ûl- 
treté  augmentoieiit  chaque  ]o\it  au  milieu  de* 
êMiaiivuu   qu'9o  faifoic  pvur  Ici 'rcpruaet.  I^- 


DE  l'HiSTOIP.E  EcCLESrASTIQT.TÎ.  ijf 
cour  ,  Ij  ville,  les  provinces,  tous  hts  ordres  de 
citoyens  écoieat  infeâés  des  erreurs  courantes. 

Quelques  Princes  du  fang  ,  quelques  feigneur» 
du  premier  rang  ,  profedoicnt  ouvertement  la  nou- 
velle Religion  :  tels  étoient  Antoine  de  B^urbon^ 
roi  de  Navarre  ;  Ltuis  prince  de  Condé  ^  fon  frère  j 
l'amiral  de  Coligni,  le  duc  de/?o^Ji,  &c.  Peu  do 
«ms  avant  la  mon  de  Henill,  les  prétendus- Ré- 
Éorniss  tinrent  leur  premier  Tynode  national  à 
Paris  ,  &  y  drefi'érent  une  confelTion  de  foi ,  qui 
iiit  pour  eux  une  règle  de  do£lrine. 

Indication  d'un  ConciU-^énéral, 

Les  Papes  gémiffoient  fur  les  maux  de  rEglife, 
Paul  III  {Aleyiandie  I'.i  ne/.)  ,  tlu  en  1534,  apiè» 
la  mort  de  Cément  VU  ,  travailla  puiffcmmcnt  à 
y  remédier,  en  afTemblant  un  Concile- gênerai  » 
qtii  rtformàt  lEglife  dans  la  difcipline  6c  dans  les 
moeurs.  Dès  le  mois  de  Mai  de  i'annije  1557.  il 
indiqua  la  tenue  de  cc::c  aflcmhlce  à  Man'cue  j 
mais  il  fut  obligé  d'crv  retarder  la  convocation  pour 
l'année  fuivante.  La  guerre  allum  e  dans  toutes 
les  parties  de  l'Europe  fut  un  nouvel  obfldcle,  8c 
les  Evêques  ne  pouvoient  s'y  rendre  librement. 
Enfin  la  paix  ayant  été  conclue  entre  l'Empereur  & 
le  Roi  de  France  en  Septembre  1 544,  on  fe  pré- 
para à  tenir  le  Concile,  qui,  dès  l'année  précé- 
dente ,  avoit  été  indiqué  à  Trente  ,  ville  d'itali» 
tur  les  froBticres  de  rt-tipire  d'AUema^jn?,- 


17^  £   L   E   M   E   K  s 

Ouvfnure  du  Concile  de  Trente, 

Paul  m,  deûrant  d'achever  au  plutôt  ce  grand 
ouvrage  ,  envoya  fe$  légats  a  Trente  ,  où  ils  arri- 
vèrent au  comtnenccment  de  Mars  1545.  CétoienC 
le  cardinal  dci  ALntt  ,  tvcque  de  PaleQrine  ;  le 
cardiiul  de  Sainte  Crois  (  Marcel  Curviti  )  ,  qui  furent 
depuis  Papes,  l'un  fous  le  nom  de  Jules  III ,  Ce 
l'autre  fous  celui  de  Marcel  7/  i  6c  le  cardinal  /?«- 
nauJ  PmIus  ,  prince  du  fang  royal  d'Angleterre. 
L'ouverture  du  Concile  fc  fit  dans  l'Eglife  cathé- 
drale Je  Trente,  le  ij  Diice.Ti'jre  ij4j.  L'evcque 
de  Bitonte  ,  le  plus  celèar^  prédicateur  de  l'Italie  , 
prononça  la  harangue  d'ouverture  ,  qui  fut  trbl- 
appljudie. 

Le  nombre  des  ëvèques  qui  fe  trouvèrent  à 
cette  prcraiire  felFian ,  etoit  fort  petit  -,  mais  le 
Concile  devint  de  jour  en  jour  plus  nombreux. 
Le«  légats  du  faiat<fiége  y  preùdcrent  en  prcfen'.e 
de  deux  cardinaux ,  de  trois  patriarches  ,  de  vingt- 
un  archevêques,  d'un  grand  oorobre  d'cvcques» 
de  fep:  ab')j>,  de  fept  g.-nuriux  d'ordre  ,  8c  de 
pluùears  a.njanTjJeurs  des  i'riiii:es  Ciirciieos.  Les 
prcit'.érei  féancet  furent  employées  à  Aacuer  fur 
la  mmicre  dont  on  cxamineroit  les  matières  agi» 
tces.  I!  fat  rélolu  de  les  difcutci  dans  des  con* 
grcgatioas  parcicutiiret  ,  avant  que  de  les  propo* 
fer  ajConcil;  ,>n;r.ii.  Il  fut  juge  en  mcme  lems 
que  tjut  fe  dcwid.roa  à  la  pluralité  des  lutlVaget 
partie jliert ,  (c  aja  des  nations,  cooun:  oa  avou 


DE  L*HlST01RE  ECCLESIASTIQUE.  177 
fait  aux  Conciks  ds  Bàle  &  de  Confiance,  On 
tint ,  a  Trente ,  huit  fenions  ,  dans  lefqucllcs  on  fie 
pluHeurs  d>;!înitions  touchant  la  Foi  &  la  rc:"orma- 
tion  des  mœurs. 

Dans  la  quatrième  ,  on  établit ,  Tclon  les  anciens 
Conciles  ,  le  nombre  des  livres  canoniques  de  l'an- 
cien &  du  nouveau  TeAament  ,  &  on  déclara 
qu'on  devoit  tenir  la  verfion  Vu.'^dtc  pour  authen- 
tique. 

On  définit  dans  la  cinquième  fefiion ,  ce  qu'on 
devoit  croire  touchant  le  péché  originel.  Le  Con- 
cile déclara  ,  qu'il  nous  eft  remis  par  le  Baptême  ; 
mais  que  la  concupifcence  ,  qui  eft  l'effet  du  péché  , 
demeure.  Les  Pères  ajoutèrent ,  que  dans  ce  décret 
touchant  le  péché  quMij/n  a  tranfmis  à  fa  porté* 
rite,  ils  ne  prétendoient  nullement  comprendre  la 
Ste  Vierge  Marie,  mère  de  Dieu,  &  qu'ils  vou- 
loient  qu'on  défcràt  aux  conflitutions  de  Sixte  /f, 
qui ,  pour  honorer  la  mémoire  de  fon  immaculée 
Conception  ,  en  inftitua  en  1476  la  Meffe  & 
l'Office. 

La  fixiéme  (tfCion  fut  confacrce  à  la  matière 
de  la  juftifîcation  &  de  la  grâce.  On  y  condamna 
trente-trois  propofitions  oppofées  à  la  dodrine 
des  Catholiques  :  les  unes  des  Pclagicns  ,  qui  don- 
ncnt  tout  à  la  volonté  de  l'homme  ,  agifTant  par 
les  feules  forces  de  la  nature  ;  les  autres  des  Lu- 
thériens ,  qui  attribuent  tout  à  la  feule  grâce  de 
Dieu ,  laquelle ,  difent-ils  ,  emporte  notre  volonti 
pat  une  force  iararmoatâbk.  Ces  poiats  û~  dcli<; 


'^9  E  L  E  M  E  N  t 

cats ,  furent  frai(c$  avec  tant  de  prccifion  êc  rfé 
lumicre,  que  les  Théologiens  des  diiTcrcns  partis  ne 
purent  qu'admirer  l'habilete  de  ceux  qui  avoienc- 
recueilli  h  dccilion  du  Concile. 

Ce  qui  concerne  les  bacremens  en  général  ,  fut 
examiné  dans  la  fcptiéme  -,  &  la  dodbrine  du  Con- 
cile fut  renfcrmce  dans  trente  canons,  fuiviv  d'a- 
nathcraes  contre  ceux  qui  s'en  éToigneroient.  Les 
Fidèle»  eurent  dm*  ces  dccrets  tout  ce  qu'ils  doi- 
rent  croire  fur  le  nomhre  ,  l'ioftitution  .lanscef» 
ùté  ,  la  valeur,  la  matière,  la  forme  &  le  minil>ro 
de  ces  fignes  divins,  &:  en  particulier  fur  le  Bap« 
tcmc  de  la  Confirmation. 

Le  Conclu  transfàc  à  Boulogne  ; 
Mm  de  PauMlI. 

ta  maladie  contag'cufe  dont  Trente  étoit  me- 
nacée, obligea  le  Pape  de  transfcrer  en  Mjrs  1547 
le  Concile  a  Boulogne  ,  où  l'on  tint  deux  fcances. 
L'empereur  ChjrUs  -  Q^ànt ,  qui  s'ctoir  oppofc  à 
cette  tranilation,  fe  brouilla  avec  PjuI  III;  &  leurr 
ditifcrends  s'ciant  aigrit  ,  le  Concile  demeura  fuf- 
pendu  pendant  quatre  ans.  L'Empereur  protcAa 
W.  r-it  contre  l'aiTemblce  de  Boiil.).;nï  ,  6c 

iït  '  rs  ce  fjmcux  formulaire  de  foi ,  connu 

fous  le  nom  à'inmlat  ,  donc  nous  avons  déjà 
faric. 

Le  pape  P*ml  IIJ  ,  accable  d'aonées  8c  d'ennuis  . 
fliourui  le  10  Novembre  ^549  :  Pontife  plein  de 
feuaivtc  (Ua»  le»  coiucils ,  iclatcur  de  la  paix  pu- 


DE  lTîistoire  Ecclzsiastiqxje.    17^ 

mî  les  Princes  Clirctiens,  amateur  des  lettres, noble 
dans  fes  fentimens  -,  injis  qui  regretta  en  mourant 
de  s'être  laiffé  gouverner  par  les  enfans  qu'il  avoic 
eus  avant  que  de  fe  confacrer  à  l'ctat  ecclefiafti» 
que.  Sa  mort  imprévue  fat  la  caufe  d;  l'enticre 
rupture  du  Concile  airemblc  à  Boulojrte  ,  parce 
que  les  légats  Furent  obligés  de  fe  rendre  à  Rome 
pour  entrer  dans  le  conclave.  Le  cardinal  det 
Muntt,  fut  élevé  au  fouvcrain  pontl'icat,  le  5  Fé- 
vrier 1550,  fous  le  nom  de  Jules  III;  3c  fon  em- 
preffement  le  plus  vif  fut  le  rétabliflemcnt  du  Coa» 
cile-général. 

Continuation  du  Concile  de  Trente» 

Jules  m ,  après  avoir  d«nné  avis  à  l'Empereur 
8c  au  Roi  de  France  que  le  Concile  fe  tiendroic 
de  nouveau  à  Trente ,  nomma  trois  légats  pour  y 
prcfîder.  Dans  la  première  feAloo ,  tenue  le  pre- 
mier Mai  1 5  ^  ,  &  qui  fut  l'onzicme  de  cette  grande 
alTemblce  ,  on  lut  le  décret  de  fon  rctabliffement^ 

Dans  la  treizième  feflion  ,  tenue  le  1 1  Odo- 
bre,  on  lut  le  décret  touchant  l'Eucharidie.  Le 
Concile  définit,  contre  les  Sacramentaires  , /d/rrs- 
fcnce  réelle  de  Jtsv s-CiiKHT  dans  le  faint  Sacrc^ 
ment  de  l'Autel  \  &  contre  les  Luthériens  ,  U  Tranf- 
fuhjiantiatlu/t  f  l'adoration  de  la  fainte  Hojbe  ^  &  la. 
fféfence  de  Jkjus-ChrisT  mène  hors  /'u/"?'  '^^  '• 
di*in  Sacrement.  On  n'y  voulut  rien  décider ,  ni 
fat  la  communion  fous  les-  deux  efpèces  ,  ni  fur 
fe  Sacriâce  de  la  hl^Sci  a£a  (^ue  le&  tiicclo^ic** 


ib'O  E   L   E    M    E   N    s 

ProteHans ,  qui  prcnoient  un  vifinccrct  à  ces  deuX 
points ,  &  auxquels  on  donnoit  un  ample  fauf« 
conduit ,  eufTent  le  tems  de  propofer  leurs  raifoos 
au  Concile  le  25  Janvier  15;!. 

La  quatorzième  leliion,  fe  tint  le  2;  Novembre 
I  { 5 1.  On  y  expofa  la  doârine  de  l'Eglife  CathoU> 
que  ,  touchant  les  facremens  de  Pénitence  &  d'Ex- 
trcme-on£^ion.  A  Itgard  de  la  Pénitence  ,  qui  ré- 
concilie le  ptchcur  avec  Dicu  ,  le  Concile  cnreigna 
la  néceflîté  de  l'inllitution  de  ce  facrement  ,  fa 
différence  d'avec  !e  Baptême  ,  &  fcs  trois  parties, 
]a  Cunirition  ,  \i  Cor.f.jp.uti  fc  la  5j/.v/Jcî<o«.  Quant 
à  l'Extrême -Onâion  ,  qui  donne  aux  malades  la 
force  de  fupporter  leurs  maux,  les  Pores  expofé- 
rent  Ton    inAitution  &  fcs  disins  effets. 

Dans  la  quinzième  fefGon,  tenue  le  i^  Janvier 
1 5  ;  1 ,  on  donna  un  nouveau  fjuf-con  Juit  aux  Pro- 
teflans  ,  qui  craignant  d'être  confondus  dans  uoe 
afTemblée  compofce  des  plus  c;:ièbres  théologiens 
de  l'Eglife  Ca.holique  ,  diffjroient  fous  divers  pré- 
textes d'envoyer  les  leurs,  On  prorogea  en  leur 
faveur,  le  tems  jufqu'au  premier  Mai.  Cependant 
les  plut  fçavans  dofleurs  du  Concile,  travaillè- 
rent dans  pluficurs  congrégations  a  édaircir  la 
matière  du  Mariage ,  pour  en  former  les  décrets 
qu'on  devult  propofcr  dans  la  fciziLmc  feÛtoo. 
Mais  lorfqu'on  fe  préparoit  à  le  continuer  jufqu'à 
fonen:i:rc  conclufion  ,  la  nouvelle  de  la  guerre 
déclarée  a  l'Empereur  par  l'Elcf^eur  de  Saxe  ,  dont 
Us  croupes  pouvotcnt  venir juft^u'a  Trente, obU* 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    i8i 

gea  les  Feres  de    quitter  cette  ville  ,  où  ils  n'é- 
toient  point  en  sûreté. 

Pendant  la  furpenfion  du  Conc'.Ie,  l'Eglife  per- 
dit le  pape  JuUs  ///.mort  en  1 5  5  7  ,  à  6S  ans.  Peu 
refpedé  de  fa  cour,  parce  qu'il  mar.quoit  de  gra- 
vité ;  8c  peu  regretté  de  fes  peuples  ,  parce  qu'il 
les  avoit  accablés  d'impôts  ;  ne  manquant  d'ail- 
leurs ni  de  zèle,  ni  de  talens.  Son  fuccelTeur  ,  le 
cardinal  Marcel  Corvin  ,  qui  fe  fit-appeller  Marcel 
Il ,  donnoit  de  grandes  efpérances  -,  mais  une  apo- 
plexie l'enleva  vingt  jours  après  £bn  exaltation. 
La  rigoureufe  clôture  d'.ï  conclave  avoit  déjà  com- 
irencé  a  altérer  fa  fanté.  Il  acheva  de  la  ruiner 
par  la  fatigue  des  longues  cérémonies  de  foa 
exaltation  ,  &  par  la  contention  d'cfprit  qu'exi- 
geoit  le  plan  de  réforme  qu'il  raéditoit  de  feire 
dans  le  clergé  &  dans  la  cour  de  Rome.  Le  car- 
dinal Jtan  -  Pierre  Curaft  ,  doycn  du  facré  col- 
lège ,  qui  prit  le  nom  de  Paul  IV  ,  fut  placé  après 
lui  fur  le  ficge  apoQolique.  Ce  pontife  ne  l'ayant 
occupe  qu'environ  quatre  ans ,  ne  pu:  remédier  aux 
maux  de  l'Eglife.  Son  grand  âge  l'obligea  de  fe 
repofer  des  foins  du  gouvernement  fur  fes  neveux, 
qui  fe  coniui'.lren:  avec  fi  peu  de  ménagement  , 
que  leur  oncle  fut  obligé  de  les  priver  de  leurs 
charges  &  de  les  envoyer  en  exil.  Ces  chagrins 
domcftiques  l'enlevèrent  a  la  Chrétienté  a  l'a^je  de 
83  ans ,  le  18  Août  1 5  59.  Le  zèle  de  Paul  IV  pour 
l'extirpation  des  nouvelles  erreurs  auroit  eu  peut- 
être  plus  de  fuccès,  s'il  avoit  f^a  l'accompa^ncf 


a?i  E  L  E  M  E  îî  f 

d'un  peu  de  douceur  ît  de  prudence  ;  mais  fes  idée» 
fur  lautontc  pontificale  lui  perfuaicrint  qu'ja 
ne  pouToit  refuler  trop  fortement  à  ceux  qui 
avclent  attaque  &  lE  VU 

croyoit  qje  ,  dès  qu'.,       ,  i-'   de 

Dieu  ,  oa  oe  devoir  avoir  aucun  fgard  aux  mari- 
mes  de  ■-•,  Se  il  tut  trèi-irrité 

contre.  ,         ,.■  c$  Frince* ,  qui,  daa» 

b  fameiife  dieiic  d'Ausbourg  en  I{f5  ,  avoieac 
gKian  la  tolérance    aux   l'rutet^ans  d'  •  :. 

L'inçtctuuCwé  de  l'on  cjrjwltrc  âc  la  }  i 

de  lei  confeilt ,  readireat  prcTque  iiiutiic*  le»  ca« 
len«  &  l'ys  verttu. 

Son  fuccclTeur  (  Jean-Aigt  de  Midlcit  ,  Mlla» 
fiois)  P:t  IV ,  ne  fut  pas  plutôt  couronné  ,  qu'il 
pre.Td  Id  tenue  du  Concile  de  Trente  ,  aAcmble  de* 
puis  quinze  ans  ,  &  interrompu  par  les  tronble» 
qui  (Voient  agité  tous  les  Etats.  Li  ^ulie  de  con- 
'vocati'vn  tut  promulguée  en  Novembre  1^60% 
mais  divers  obftacles  firent-retarder  J'ouvertut* 
jufqu'ju  iS  Janvier  1^61.  Après  que  les  «mbaf- 
fadcurs  de*  l'rinces  Catholiquct  furent  artivcs  , 
•n  continua  les  feiTions  -,  on  en  tint  neuf  «ous  le 
pape  Fit  ly,  fit  il  y  en  eut  en  tout  vin^tciv^, 
dans  Icfquelles  on  n'établit  fur  le  facritice  de  la 
MefTe  ,  fur  la  communion  foui  les  deux  efpicei, 
far  l'Ordre  Ce  fur  le  Mariage,  que  ce  que  route 
l'Eg'ife  croyoit  :  mais  on  fit  diffcrcns  décrets  de 
rcformation ,  dont  la  plupart  CoM  trts-rcaMrtjuab)«t 
par  leur  fa^ctlc. 


»E  l'Histoire  Ecclésiastique.    aS'j 

Décrets  de  Réfomuiûon, 

Les  principaux  roulent,  i°.  Sur  les  Réguliers  & 
les  Mona^Kires ,  &  fur  la  clôture  des  Rfljgieufes. 
a'.  Sur  l'excommunication.  3*.  Sur  la  vie  que  doi- 
vent mener  les  Evêques  ;  l'exercice  de  la  prédica* 
tion  5i  la  réfidence  leur  font  expreiTcment  ordon- 
nes ;,  ils  le  contenteront  de  msubies  modèles 
&  d'une  table  fruga'.e  ;  ils  n'enrichiront  pas  leurs 
parens  aux  dtipens  des  pauvres  -,  ils  doivent  fe 
fouvenir  qu'i's  font  payeurs,  &  non  perf<;cu£«ur$, 
4*.  Sur  le  droit  de  patronage.  5'.  Sur  les  dîmes; 
le  droit  dci  lunirailles.  6°.  Sur  la  protediio.»  que 
les  Princes  doivent  do.iner  aux  Eccléfidfti:{ue>  ; 
décfct  qui  n'apisérc  reçu  en  Fran^-e,  parc-î  fju'à 
quelques  C2;ards  il  q\\  contraire  aux  libertés  de 
l'Esîiî'e  Gallicane.  7*.  Sur  Tof-ige  des' duels  ,  qui 
eîldefenHu  fu  is  neirre  d'excommunication.  8''.  Suc 
les  c'e'LS  c  ne  binaires,  qui  doivent  être  punis 
fuivant  les  peines  portées  par  les  anciens  Canons. 
9'.  Sur  les  Indulgences,  dont  le  Concile  conferve 
l'ufage,  mais  dont  la  difiientation  doit  être  faite 
avec  la  plus  grande  prudence  &  la  modéracioa 
qu'on  obfervoit  dans  la  primitive  Eglife.  10°.  Sur 
le  choix  des  viandes  »  &  fur  les  jeûnes  qui  ten- 
dent à  amonir  les  paHlons  en  mortifiant  la  chair. 

Conclujîon  du  Concile. 

La  lecture  de  ces  décrets  de  reformation  fe  fit 
éias  la  ^)\^  derràcre  funce  ,  tenue  le  5  De- 


2S4  E  L  E  M  E  N  s 

cerobre  i;63.  Le  Concile  fut  terminé  après  de 
grandes  acclamations,  prononcces  par  le  cardinal 
de  Lonaine  :  c'étoient  des  fouhaits  ,  des  bsnédiC'» 
tions,  des  allions  de  grâces  pour  le  Pape,  l'Em- 
pereur ,1c$  Rois  ,  les  Rcpubliques.  Le  mcme  prclat 
finit  par  un  applaudifTcment  aux  décrets  du  Con* 
cile  ,  endifant  iC'tftl*  duHrinc  det  Afoves  &  dt$ 
Ptresi  etjllajoidtt  Onhoiuxts, 

Enluite  les  Pères  donnèrent  leurs  foufcriptions  -, 
elles  furent  au  nombre  de  devixcenscinquantc-ciiiq, 
fçjvoir:  quatre  légats  ,  diax  cardinaux  ,  trois  pa- 
triarches, vingt-cinq  a.chcvéqucs  ,  cent  foixance* 
huit  cvcqucs,  trente-neuf  procureurs  pour  lesab* 
fcns,  fcpt  abbés,  &  fept  généraux  d'ordres.  C'eft 
peut-être  de  tous  les  Conciles-^cutraux  le  plu» 
célcbre  ,  par  les  obftacles  qu'il  fallut  furmonter 
pour  l'aflTembler ,  par  le  nombre  prodigieux  d'er- 
reurs qu'on  y  anathomatifa  ,  par  les  fagcs  rcgie- 
mens  qu'on  y  fit ,  enfin  par  le  grand  nombre  dt 
fçavans  &  vertueux  prclats  qui  le  compofcreot  : 
tels  écoient ,  dom  Banhiicmi  dc$  Martyrs ,  arche- 
▼cque  de  Brague  en  Portugal -,  le  cardinal  HtnuU 
de  Gonxazut  ,  évéque  de  Mantoue,  moins  illuftrt 
encore  par  fa  hauie-nailTance  r^ue  par  fa  pictc^le 
cardinal  itanijlst  Ofiut ,  êvique  de  Varmie ,  que 
fes  vertus  &  fes  lumières  faifoient-appeller  It 
Dieu  du  Polonoii  ;  le  cardinal  ):  Jmc  Scripant ,  au- 
paravant général  des  AuguAins;  le  cardinal  ChtrUg 
de  Lorrain* ,  archevêque  de  Rhcims  ,  prince  dif- 
ttngué  par  un  grand  nom  &  par  des  ferviccs  ti^a<i> 
les  rendus  a  l'Ëglife,  &c.  &c. 


de'lHistoire  Ecclésiastique.    185 

Le  Pape  ,  au  comble  de  la  joie  d'avoir  terminé 
une  affemblce  qui   duroit  depuis   vingt    ans  ,  en 
approuva  les  ades  &  les  décrets  en  plein  confif- 
toire ',  il  les  iît-rédiger  en  un  volume,  &  les  en> 
voya  dans  toutes  les  parties  du  monde  Chrétien, 
avec  ordre  aux  Fidèles  d'y  obéir.  Sa  bulle  fut  re- 
çue ,  fans  contradiilion  ,  a  Venife ,  en  Efpagne, 
en  Portugal,  en   Pologne  ,  en  Flandre  ,  dans  le 
royaume  de  Naplcs  &  de  Sicile  ;  mais  en  Allema- 
gne les  Protertans  ,  fans  avoir  égard  ni  à  l'dutorité 
du  Pontife  ,  ni  à  la  piété  &  à  la  fagcfle  des   Pères 
du  Concile  ,  refjférent  de  s'y  foumettre.  11  y  eut 
dcs-lors  une  fci^aration  ctcraelle  ,  établie  entre  la 
vérité  &  l'erreur  ,  jufqu'a  ce  que  la  Providence 
éclairant  les    ténèbres  des  errans  ,  daigne  rcuair 
toutes  les  ouailles  dans  le  même  bercail. 

^l'égard  do  la  France,  le  Concile  fut  générale- 
ment  reçu  quant    à  la  do^rine  -,  mais  quant  à  la 
difcipline  ,  pluiieurs  points  turent  rejettwS  ,  parce 
que  les  droits  de  la  puiiTance  féculiére  n'y  parurent 
paî  aficz  ménages.  Le  parlement  de  Paris  repré- 
fenta  ,  qu'en  donnant  pouvoir    aux  Evêques    de 
procéder  contre  les  laïques  ,   par  amendes  &  par 
emprifonnemens ,  le  Concile  étendoit  la  puilTance 
Eccléfiaftique  aux  dépens  de  la  temporelle.  On  fe 
plaignit,  que  le  renvoi  des  caufes  criminelles  des 
Evêques   au  Pape  ,  fruftroit  les  Conciles   natio- 
naux  &  provinciaux  ,  qui  av.ient    toujours  été 
les  juges   lé(;itiraes  de  ces  fortes   de   caufes.  On 
ajouta ,  que  d'obliger  les  Evtques  d'aller  à  Rome 


iSS  E  L  E  M   E   V  $ 

jour  répondre  ''.  •  Icufscrixi-.es,  c'ctoit  aon*f(nà!é> 
ment  d.roger  à  l'ufage  de  France  -,  mais  encore 
aux  canons  des  ConcUes  ,  qui  veulent  que  ces 
caufes  foicnt  jugccs  fur  les  lieux.  Ces  raiCons, 
&  quelques  autres ,  ont  toujours  rois  un  obftacle 
à  la  réception  du  Concile  de  Trente  en  France. 
Envain  le  Cierge  la  demanda  des  le  tems  des  Etats 
de  Blois  &  dans  les  aiTemblccs  de  Melun  :  envain  ^ 
CUmtnt  F/// l'exigea  comme  une  condition  clTen- 
tielle  pour  la  reconciliation  €Hcnri  IV :  envain 
les  Prélats  François  Font  redemandée  depuis  ,  ea 
foumettant  la  pu'. location  des  décrets  de  difcipline 
à  la  cliufe  ,  J'^i^f  iet  iront  du  R./t  ^  6-  /et  prirn'i'get 
de  l'Lg/i/e  Gûtlicjne  \  cette  précaution  même  ne 
rafrura  pas  les  MagiArats,  qui  ont  toujours  per- 
fif  é  à  regarder  cette  réception  comme  contraire 
à  nos  ufaget. 

JSouveaux  probes   du  Oxlv'inifmc  en  France, 

La  France  ctoit  en  proie  ,  lors  de  la  concKifiôa 
du  Concile  de  Trente  ,  aux  divlfions  inteftines 
dont  les  nouvelles  erreurs  avoient  agité  toute  U* 
Chrétienté.  Htnti  II  ayant  été  tué  d'un  éclat  de 
lance  dan»  un  tournoi  en  M {9,  le  p.irtl  des  Cal- 
viniAes  devint  puilTant  fous  le  règne  du  foibie 
Françvit  II ,  prince  fans  vices  i:  fans  vertus ,  d'im 
corps  dclicji  &  d'un  caraOcrc  foiMe,  qui  n'avoir 
alors  que  quinte  ans.  Ce  roi  entant  mit  les  rcnet 
du  pouvernrment  entre  les  mains  de  fa  mère  C4- 
tktinxt  de   hioiuu ,  ptioccfTc  iitiûcieufc  61  me- 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    aSy 

chante,  qui  dlvilbit  tout  pour  régner  feule.  Ce- 
pendant les  ducs  de  Guife  ,  oncles  maternels  de 
J^îjrii  Suart  reine  d'EcolTe  &  époufe  de  fiançuii  II , 
avoient  beaucoup  d'afcendant  fur  l'efprit  de  ce 
prir.ce.  Les  Princes  du  fang  ,  jaloux  du  crédit  des 
Guij'es ,  voyoient  avec  peine  l'adminiAration  des 
affaires  confiée  à  des  hommes  d'un  caraftcre  im- 
pétueux &  hautain.  Pour  les  contrebalancer  ,  Louis 
prince  de  Cundc  &  les  Collgnls  fe  mirent  à  la  tête 
du  parti  Calvlnif\e  qui  croiffoit  de  jour  en  jour; 
tandis  que  les  Guij'es,  afredant  beaucoup  de  zèle 
pour  l'ancienne  Religion  ,  avoient  le  cœur  des  Ca- 
tholiques. 

Conjuration  cTAtnbolfe  ifes  fuites. 

La  jaloude  qui  étoit  entre  les  Guifcs  &  les  Coniés^ 
fut  l'origine  des  guerres  civiles  qui  décliiréreat 
bientôt  la  France.  Le  parti  de  ce  dernier  prince 
forma  en  X559  une  alTociation  ,  connue  fous  le 
nom  de  la  Conjuration  â'Amhoifc,  du  lieu  où  elle 
fut  conclue.  Le  projet  ctoit  d'enlever  le  Roi  des 
mains  des  Guifts^  &  de  faire  -  périr  ceux-ci.  La 
confpiration  ,  communiquée  à  une  multitude  de 
Calvinifles ,  ne  pouvoit  être  fccrette  ;  les  Guifcs  ^ 
avertis  par  leurs  cmidaires ,  mirent  en  sûreté  la 
perfonne  du  Roi.  On  arrêta  les  principaux  con« 
jurés  ,  &  plufieurs  d'entr'eux  furent  pendus  aux 
créneaux  du  château  d'Amboife.  La  Rcnaudie  ,chet 
de  cette  dangereufe  entreprife  ,  fut  tué ,  &  fon 
corps  mis  en  quartiers  pour  être  expofc  ea 
public. 


aSS  E  L  E  M  E  K  s 

Ces  fuppliccs  n'tfffraycrent  point  \e%  Calvlnif- 
tes;  rhcrche  répandue  dans  toutes  \ci  provinces, 
y  prenoit  de  nouvelles  forces.  Pour  oppcfer  des 
barrières  au  Calvinifme .  la  cour  donna  en  i{6o 
l'cdit  de  Ron^orantin  .  qui  aitribuoit  aux  Evéques 
la  connoiiïjnce  du  crime  d'hcrcfje,  &  l'intcrdifolt 
8U  Parlement.  Cette  dcclaraiion  ne  fut  cnrcgif- 
trée  qu'avec  beaucoup  de  peine.  Oa  blàipoit  le 
chancelier  de  VHi'fita/  de  l'avoir  donncc  ;  mais 
il  ne  s'y  décida  ,  ftlon  queli^ues  hifloriens  ,  que 
pour  empêcher  l'ctablifTenicnt  de  l'Inquifuion  ea 
France. 

Cependant  le  feu  fccret  qui  s'allumoit  dans 
l'intérieur  du  Royaume  ,  &  qui  mcn.içoit  d'ccla- 
ter,  inquictoit  le  mlnidcre.  Ou  tint,  la  même  an* 
cce  (  1560  ),  un  confetl  extraordinaire  à  Fon- 
tainebleau, pour  chercher  les  moyens  de  mettre 
le  calme  dans  les  efprits.  C'cA  dans  cette  aiTem- 
blce  ,  que  Cn/igr.i  prcfcnts  une  requête  au  nom 
des  ProteHans  ,  qui  dcmandoicnt  la  lil)erté  de  coo» 
fcience  ôc  l'exercice  public  de  leur  Rtl  f,ion.  Jean 
àe  Mi,nt.'ue,  cvc'jiie  de  Valence  ,  confeilter  d'ctat, 
qui  per.chnii  pour  leurs  opinions  ,par!.i  hwtcmcnt 
en  leur  f«vrur.  II  reprcfcnta  ,  que  les  rebelles  , 
parmi  les  CalviniOes,  dévoient  être  fcvcrrmenc 
punis  vrrais  que  ceix  qui  cicient  de  benne  -  foi  , 
fit  t;ui  le  prouvoicnt  par  leur  foiimin'.on  &  leur 
patience  ,  tnéritoient  d'être  tolcrés.  Il  conclut  à  les 
laiH'cr  tranquilles  d;in<  leur  croyance  ,  8t  à  empê- 
cher CeulcmcQt  les  alîcnibkcs   dan^errvret.  I.'itr» 

chcvéquc 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    iB^ 

chcvêque  de  Vienne,  Charles  de  M»rUlac^  fut  en 
partie  de  fon  avis.  Col'toni  ,  enhardi  par  l'appui 
qu'il  trouvoit  dans  le  confeil ,  parla  avec  vché- 
inence,  &  n'épargna  pas  les  Guifcs.  Le  rcfultat  fut 
qu'on  laifferoit  les  Calvinifics  en  repos ,  &  que 
l'on  convoqiicroit  les  Etats-généraux. 

Le  Roi  de  Navarre  &  le  Prince  de  Ct;/j<f£  furent 
appelles  à  cette  aâTcmblée.  Celui-ci ,  foupçonné  à 
la  cour  d'avoir  été  l'auteur  de  la  confpiration  d'Am» 
boiie  ,  avoit  cru  qu'il  n'y  avoir  plus  rien  à  ména- 
ger ,  Ôc  s'étoit  déclaré  ouvertement  chef  des  Ré- 
formes. On  l'accufoit  d'avoir  formé  un  autre  com- 
plot pour  s'affurer  de  la  pcrfonne  du  Roi.  Il  fut 
artêté  prifonnier  aux  Etats  même  ;  on  lui  fît  fou 
procès,  &  Il  tut  condamne  a  perdre  la  tête  fur 
un  échafFaud  :  mais  la  mort  inopinée  de  Françùs  II ^ 
ca  1550  ,  ayant  fdit-diffcrer  l'exCcutioQ  ,  drUrine 
de  Me'dicis ,  qui  vouloir  le  mettre  dans  fcs  inté- 
rêts ,  lui  donna  la  liberté  &  la  vie.  Tout  le  fruit 
i9s  Etats  d'Orltans  fc  réduifit  u  une  célèbre 
oïdjLinnance  '  ar  iaquelle  l'adminiflration  de  la 
jurtuefut  entièrement  réfervée  aux  gens-de-robe, 
&  la  Pragmatique  rétablie  par  rapport  aux  élec- 
tions :  car  Pic  IV  avoit  fait-annulier  le  Concordat, 
qu'on  rçiablit  cependant  deux  ans  après,  en  1 562, 
à  la  pricre  même  de  la  cour  de  Rome  ,  qui  ne  vou- 
lut pas  être  privée  plus  long-tems  des  Annates. 


Tom.  //.  N 


49^  t   L   E    M   E    N   $ 

[Apopjjie  de  ifucLjaes  Prélats. 

Les  Ci'.vinifies  ayaot  leur  chef  toiu>puilTant  i 
h  cour  ,  triomphèrent  peodant  la  n^noritc  de 
Chur/tM  IX,  CucccHTeur  ce  f'r^nf^it  II.  Jtjm  de  Moni- 
/i(C,cvcque  de  Vileace  ,  qui  penchoit  ,  comme 
nous  l'avons  ait ,  pour  la  aouvelle  Rcfor:ne ,  prê- 
cha les  dogmes  de  Cj.'* /a  à  la  cour.  La  Cflifr.h, 
neveux  du  cunnétable  de  Montmorttcl,  qui  s'ctoic 
lié  avec  les  C-.^^c*  pour  s'oppofcr  aux  progrès  de 
l'hcrcfie  ,  ne  pcnfcrem  pas  comme  leur  oncle.  Ht 
rn^agjrent  dans  leur  parti  leur  frère  aine,  le  car» 
djnal  OJci  de  ChltULn  ,  qui  abandonna  hontcufe- 
inent  la  Religion  à  laquelle  il  devoir  les  titres  & 
les  biens  dont  il  étoit  revêtu. 

Jacques  Splftme ,  évoque  de  Nevcrs,  qui  fe  trou- 
▼a  aux  Etats  de  Pa  r  is  en  1 5  ^  7  ,  le  laiH'a  entraîner , 
(dit  le  P.  Faire)  moins  par  le  torrent  des  nou- 
velles opinioni  ,  que  par  l'amour  d'une  femme  qu'il 
entrctenoit,  &  fe  retira  à  Genève  en  1559  auprès  de 
€aUtn  ,  qui  l'envoya  à  Orléans  trouver  le  Prince 
«le  C^H.U  ^  en  quilitc  de  mlniftre.  Ce  prince  le  dé- 
puta à  la  dicte  de  Francfort,  pour  juftificr  !cs  Fro- 
ceftjas  qui  aToieoi  pris  les  armes  ,  &  pour  im- 
plorer les  fecouri  de  Ftrimjr.d  :  il  y  fignala  fon 
éloquence,  8c  obtint  tout  ce  qu'il  voulut.  De  re- 
tour a  Genève,  il  fut  accufé  d'avoir  fabrique  de 
faux-contrats  fc  de  faux-fceaux  ,  &  eut  la  irie 
tranchée  ca  ijOO  ;dijoe  fin  d'un  .pgftat  &  du* 
^uflairct 


et  l'Histoire  EcAîstasAque.    19!^ 

Colloque  dt  Poijfu 

Le  chancelier  de  \' Hôpital ,  d'un  génie  élevé  Sp 
d'un  caradlére  tolérant ,  craignant  que  les  rigueur» 
qu'on  exerceroit  contre  les  Calviniftes  ,  ne  leur 
élfent  de  nouveaux  profélytes,  chercha  des  moyens 
de  conciliation.  Il  tut  fécondé  ipar  le  cardinal  de 
Lcrraine  ,  qui  avoit  déjà  propofé  à  la  Reine  une 
conférence  entre  les  Catholiques  &  les  Calvinif- 
tes dans  laqvielle  il  efpéroit ,  malgré  la  chaleur  qui 
dominoit  dans  ce  parti ,  de  le  ramener  à  la  douceur 
&  à  la  vérité.  Les  amis  de  ce  Prélat  eurent  beat! 
lui  repréfenter  ,  (dit  Eojfuct ,  )  qu'il  fe  compro- 
inettoit  en  difputant  avec  des  gens  verfés  dans  le» 
écritures  ,  exercés  dans  les  langues ,  féconds  en  ia- 
VeAives  -,  il  perfifla  dans  fon  fentimenr. 

Le  cardinal  de  Toumon  avoit  d'autres  raifoiU 
peur  empêcher  que  les  Minières  huguenots  na 
traitaiTent  pour  ain(î  dire  d'égal  à  égal  les  Prélats, 
<n  entrant  avec  eux  dans  une  conférence  réglée. 
•«  Il  fongeoit ,  {ajoute  Bojjua  ,  )  non -fdulemeBr. 
m  que   le  cardinal  de  Lorraine  fe  commettoit ,  mais 

•  qu'il  comtretO't  en  fa  perfonne  la  caufe  de  l'E- 
0  glife,  qui  ,  quoique  plus  forte  &  bien  défendue, 
f>  pourroic  être  révoquée  en  doute  par  les  efprits 

•  foibles  ,  dès  qu'elle  paroitroit  mife  en  difpute. 
M  Quelle  apparence  de  fouffrir  une  conférence  où 
M  les  ennemis  de  l'Eglife  pourroient  tout  dire  con- 
»»  tre  elle  &  fcs  niniflres,  en  prcfencc  du  Roi  8c 
tt  4e  toute  la  cour?  (car  c'eA  ainfi  que  la  coa« 

Ni; 


feg»  E  L  E  M  E   V    s 

fércnce  avoit  étc  propofce.  )  .,  Fal'oit-il  donnsr  ii 
»»  liberté  de  parler  dans  une  alTemLIcc  fi  auguile  à 
'm  des  Moines  apoftais ,  tels  qu'étoient  la  plupart 
M  des  MiniArcs,  &  à  des  gens  bannis  par  les  lois  .' 
M  II  n'ctoit  pu  aifc  de  fermer  U  bouche  à  dciopi» 
M  niàcres  ,  ni  de  confondre  des  efprits  fubtils,  qui 
••  avoient  mille  moyens  de  s'cchapcr.  D'ailleurs  , 
M  l'extcrieur  de  pittc  qu'ils  affc£loient  tmporoit 
»<  au  peuple ,  6c  ils  ne  manqueroient  pas  de  pu- 
M  blier  leur  viâolre  :  de  forte  qu'ils  fortiroicnt 
n  de  la  conférence  avec  plus  d'avantage ,  ou  du 
n  moins  avec  plus  d'orgueil  qu'ils  n'y  fer»tenc  en* 
»)  très. 

X  Lcî  raifons  du  cardinal  de  Tuurnon  perfua- 
A  doient  tout  le  monde  ,  excepte  le  cardinal  de 
»  Lorraine.  Il  s'ctoit  figuré  que  fon  éloquence  con- 

r-  M  fondroit  les  MlniAres  ;  ?c  occupé  de  la  gloire 

I  M  qu'il  fe  promettoit  de  la  conférence  ,  il  s'en  con- 

1  >i  fidéroit  pas  les  inconvcnicns.  •• 

'  L'ouverture  de  ce  fameux  Colloque  fe  fit  donc 

le  9  Septembre  i{6t  à  Poifli,  d'où  il  a  pris  foii 
nom.  Le  Roi ,  la  Reine-merc  ,  \ci  Princes  du  fang  , 
fix  cardinaux,  quarante  archevêques  ou  évoques, 
&  une  multitude  de  théologiens  ,  y  anirtércnt. 

Les  doi,mes  catholiques  furent  foutcnus  avec 
beaucoup  de  fçavoir  fie  d'éloquence  par  les  car* 
dinaux  de  Lorralnt  8t  de  Toumon  ',  fécondés  par 
les  dodîimrs  CUuct  A'l'fptr,«  &  CUude  de  Sjînttt^ 
&  par  Léin*: ,  p.cccral  de  l'ordre  des  Jéfuitcs  nou> 
tellement  inftitué,  Thtuden  de  Bc{(,  Pitrrt  Met- 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     193 

t^r  5l  AuguHia  Mixrtorat  plaideront  en  faveur   du 
Calvinifme. 

•«  Le  Roi,  (dit  Bo{fuet  ,  )  fit  l'ouverture  de  la 
>»  conférence  avec  fa  hardicffe  &  fa  bonne-grace 
'»  ordir.iiires.  Le  chancelier  de  V Hôpital  expliqua 
»>  plus  au  long  fes  intentions  ,&  exhorta  les  dciii: 
'*  partis  à  la  douceur.  Le  cardinal  de  To:trn.<n 
"  prit  cnfuite  la  parole  ;  &  comme  le  Chance- 
>»  lier  avoit  parlé  d'une  manière  qui  tendoit  à 
I.  afToiblir  l'autorité  des  Conciles,  il  demanda  que 
n  fa  harangue  fût  mife  par  écrit.  Mais  ,  comme 
»  cette  propofuion  ne  tendoit  qu'à  des  querelles, 
>.  le  Chancelier  y  réfiAa ,  &  le  Roi  commanda  à 
>i  Ec\t  de  parler. 

»  Aufîi-tôt  ce  miniftre  &  fes  confrères  firent 
»  une  prière  à  haute  voix  ;  il  failoit  donner  ce 
«  fpe(flacle  de  piété  à  la  cour.  Son  difcours  fut 
»  long,  éloquent  &  plein  dinveèlives.  Il  parcou- 
»  nit  tous  les  points  de  la  Religion;  &  lorfqu'il 
^<  fut  venu  au  Saint-Sacrement  ,  il  attaqua  la  réa- 
>«  litc  jufqu'à  dire  que  le  C^rpt  de  J.  C.  en  ctoit  au- 
»  tant  éU^né  que  le  Ciel  l'ejl  de  la  terre.  Cette 
»  propofition  fit  horreur  à  toute  l'afTemblée.  Les 
>•  Huguenots  mêmes,  qui  la  croyoient  dans  le  fonds, 
>.  ne  vouloicnt  pas  qu'on  l'avançât  fi  nue  &  fi 
..  dure.  Le  cardinal  de  Tuumcn  adreffa  la  parole 
.»  au, Roi  en  lui  difant  :  Que  les  Prélats  qui  ajfij- 
»  toicnt  â  cette  ajfemblée  ne  fe  ftroicnt  jamais  réfo- 
M  lus  à  tçvutcr  Us  blaj'phîmts  de  tes  nouveau»  Evoq' 

Niij 


^4  E   L   £   ^(   £   K    s 

m  gci'ijitt  fans  mn  comnunitmtnt  eaprcs  ;  fic  la  COB^ 

•  fcreoce  fut  remue  à  un  autre  jour. 

r>  Ce  jour  étant  arrivé ,  le  cardiaal  de  LorraiM4 
m  fit  cette  belle  harangue  méditée  depuis  ù  long- 
r  tems.  Il  y  réfuta  le  Chancelier,  qui  avoit  donné 
p  aux  Princes  le  droit  de  prcùder  dans  les  Cun" 
m  ciles.  Il  attaqua  la  doârinc  de  ^<^c  fur  l'Eucha- 
»t  riAie  ,  dcfendit  l'autorité  de  l'Eglife  ,  &  mon- 
»  tra  que  les  miniAres  qui  n'avoient  ni  million, 
i.  ni  fuccelLon  ,  ne  dévoient  pas  même  être  ccou- 

•  tés.  Sa  doi^rine  étoit  établie  fur  des  palla^e» 
»  de  la  Ste  Ecriture  6c  des  Percs  -,  les  Cacholi» 
«•  ques  lui  applaudirent.  Bt{e  ,  accoutumé  a  par* 
tn  1er  ,  demanda  a  répliquer  fur-lc-tlump  ,  mai» 
m  le  Roi  remit  à  une  autre  t'ois.  .  . 

•>  Btie  ,  attaqué  fur  la  m'uTion  ,  repondit  par  de» 
ft  invedivcs  contre  les  Prélats  qu'il  accula  d'c- 
H  tre  fimoniaques ,  Se  eut  la  hardiefl'e  de  dcfigaer 
I»  le  cardinal  de  Loi  raine.  Ce  prclat  le  remit  fur 
X  la  matière  de  l'EuchiriAie.  Il  n'em^)aîralTa  pa» 
r>  peu  les  CalviniAes,  quand  il  leur  demanda  s'il» 
•»  vouloient  figncr  l'aniclc  de  la  ConfeiTion  d'Aus- 
n  bourg  ,  où  ia  mature  de  la  Cène  ctoit  cxpli- 
M  quée  }  car  ils  mcnjgeoieni  les  Luthcricns  ,  8c 
M  ils  cichoient  au  peuple,  le  plut  qu'il  leur  éioit 
»«  polTible,  la  contrarie! c  qui  ctoit  entr'cux.  Auilî 
n  Bc{i  einp]oya*t  il  luute  foa  adreiVe  a  cluc'.er 
M  la  pru,>jàti>ia ,  lanun  en  demandant  qu'on  lui 
N  rapportât  cette  Cunt'dnon  toute  eati:re,  &  adt% 
n  pu  ua  icmI  éitidc  dci4Cii4  du  tcite ,  uotùi  9pi 


DE  l'Histoire  EcCLïsiASTtQîjt    195 

n  demandant  à  fon  tour  au  cardinal  fi  les   Caiho" 

i.ques  la  vouloient  figner  ?  Mais  le  cardinal  le 
■'  preffoi:  de  dcclarer  fes  fentitncns  particuliers  j 
»»  &  comme  la  conférence  fe  toarnolt  en  cri* 
r>  confus ,  fans  qu'on  pût  prefque  s'enrendre ,  oa 
n  efpéra  de  mieux  réufiir  ea  donnant  une  nou- 
r>   velle  forme  au  Colloque. 

rt  On  nomraa  donc  des  députés  dé  part  8c 
»•  d'autre  pour  drcffer  l'article  de  lEuchariftie  d'u- 
n  ne  manière  dont  en  pût  convenir.  Mais  après 
r>  beaucoup  de  propofuions  Se  de  difputes  ,  oo 
X  fe  répara  fans  rien  faire. 

M  Les  Miniftres  fe  vantèrent  d'avoir  triomphé, 
»  lis  publièrent  qu'ils  avoient  confondu  les  Ca- 
n  tholiques  :  ce  que  leurs  difcours  cloquens  ,  leur 
n  cnbales  (5c  l'amour  de  la  nouveauté  firent -croire 
»i  à  beaucoup  de  monde.  Il  n'y  cat  que  le  Roi  de 
»•  Navarre  que  la  conférence  dégoûta  des  CaU 
M  viniAes,  parce  qu  il  reconnut  les  divifions  qui 
>•  ctoient  entr'eux  ,  &  qu'il  f  .t  t'candalifé  de  ceux 
«  qui  avoient  commence  la  Rtforme.  Tout  le 
n  refie  du  parti  devint  plus  infoîent  que  ja» 
»  nais.  ..  [SossuiT,  Hift.  de  France  ,  anné» 
1561.) 

Ce  parti  ctoit  devenu  fi  formidab'c  ,  que  la 
Cour  fui  obligée  de  Wwr  aenrder  deur  E  lits  pout 
la  fureté  de  ceux  qui  l'avoierrc  embrail».  jLe  pre- 
«r.ier  ,  appelle  l'Edit  de  Ji»  !let  ,  fut  donne  en  ce 
wojs  en  1561  i  le  fécond  ,  connu  fous  le  nom 
^'£dit  de  Janvier  ,  parut  (Las  le  courant  Uc  et 

«*1 


if;*^  E  L   E   M   E   N    s 

mois  en  1563.  C<j  Ediis  leur  accordant  des  pri- 
vilèges relatifs  a  la  liberic  de  contcicnce  &  à  lexer- 
cice  de  leur  Religion,  leur  firent  connoitre  qu'ils 
ctoient  puitTans  Se  redoutés,  &  cette  pcofce  leur 
infpira  une  hardiciîe  ,  dont  les  fuites  fe  firent" 
fentir  dans  toute  la  France.  Une  inlînice  de  taux 
Catholiques  ,  que  le  refpcfl  humain  retenoient  » 
levèrent  alors  le  maCque.  Ils  coururent  aux  prê- 
ches. Les  Couvens  mêmes  produifirent  plufieurs 
apoûjts  ,  la  plupart  furieux  contre  la  Religion 
qu'ils  avoient  prcchée.  Plufieurs  Huguenots  ,  de- 
venus intolcrans  dis  qu'ils  avoient  été  tolcrcs  ^ 
s'enAjmmoient  contre  les  Catholiques  Se  leur  pr»^" 
di^uolcnt   les   taiures  6c  les  aSTrcnts. 

Guerre  Civi.'c. 

Trois  des  principaux  feigneurs  de  la  cour ,  le 
connétable  Mi.ntmortncy ,  le  duc  At  Guife  ,  le  ma- 
réchal de  S t- An. tri ,  fe  rcuiiircnt  alors  pour  tra- 
vailler à  l'abailTenent  des  Protellans  ,  foutenut 
tou'iours  par  le  pr*ince  de  Conéi  fie  l'amiral  At  C»/igmi. 
Le.ir  union  fut  nommée  par  les  CalviniAet  le 
Trittttvirat.  Tout  annonçoit  une  f^uertc  civile.  Le* 
foldatt  du  duc  de  Gul/t  ay.^nt  mafTacré  en  1)62, 
à  VafTi  en  Champa^^ne ,  environ  fuixante  Refor- 
més qui  faifo.cnt  la  cène  ,  cette  éxecution  fut  le 
fignil  de  la  guerre. 

Les  HiAoricns  CalvioiAes  prcteadent  que  le 
juge  du  lieu  ayant  rappelle  à  Cmi/t  l'cdii  de  la 
Ubertc  de  confcicoce  ,  ce  fcigncur  dit  en  poreux t 


DE  lUistoire  Ecclésiastique.     497 

la  main  à  la  garde  de  fon  cpée  :  VvHà  celle  qui 
fca  la  rcfcijion  de  et  décfljbU  édlc.  S'il  prononça 
ces  paroles  (ce  qui  n'cft  pas  certain  ),  c'eft  une 
réponfe  échappée  dans  la  colère  ,  oc  le  malTacre 
de  Vafli  n'en  étoit  pas  moins  un  accident  arrivé 
contre  fon  intention.  Mais  il  eft  clair  que  les 
Proteftans  ne  cherchoient  qu'un  prétexte  pour  le- 
ver l'étendard  de  la   révolte. 

Les  deux  partis  en  vinrent  aux  mains:  une  ba- 
taille farglante  ,  livrée  près  de  Dreux  en  156a, 
enleva  aux  Catholiques  le  maréchal  de  St-Andri 
tué  dans  l'adion,  &  aux  Froteflans  le  prince  de 
Condc  ,  qui  ne  perdit  point  la  vie  ,  mais  qui  fut 
fait  prilonnier.  Le  duc  de  Cuifi  afTiégea  l'année 
fuivante  (  1563)  Orléans  ,  la  principale  place  de^ 
Réformés  ;  mais ,  tandis  qu'il  prelToit  le  fiége  d© 
cette  ville  ,  il  fut  lâchement  affaflîné  par  un  gea- 
lilhorr.n.e  CaîviriP.e,  nommé  Po/trct, 

Un  autre  gentilhomme  de  la  même  fe£lcavoit 
voulu  ccmmeitre  ce  crime  au  (lége  ^e  Rouen, 
Le   duc ,  averti   de    fon  dcHcia  ,  lui  en   demanda 

le  motif,  fti/j  ai- je  fuit  qiei^ut  mal  ?  —Non,  ré- 
pcndli-ilj  mci-s  tins  êtes  le  plus  violent  adverfaits 
de  ma  Rcligicn,  --  Fhlicn  ,  lui  dit  le  A\:q  ,  J- vcirc 
Ril-gion  vcus  aj-p'cnd  le  meurtre  ,  la  mienne  m'ap- 
prend le  pard^^n  ,  ù  je  v>.us  pardcnn;.  Juge^  par-là  la- 
quelle des   deux  Religions  efi  ,'a  meil'iute. 

Une  p.iix  paCagcre  fut  la  fuite  de  ces  premiers 
ir.Obvemens.  Lj  liherté  c'ecci.lc'trct  fut  Ce  r.cu- 
veau  conHxmée   atx    Fittef.ans  :  nais  la  craintt 

N  V 


19^  E   L  E   M    E   K  f 

qu'on  avoir  des  Aig'o  s  ,  à  qui  les  Hugueadf» 
avoient  remis  le  Hivre-de-gr^ce,  reodoit  ceite  ia> 
dulgence  nécelTaire.  Le  pririvi  de  C.iiV  paroiAToir 
vouloir  de  bonne  foi  la  paix  &  la  tranquillité» 
Et  fi  la  Rein; lui aroit  tenu  (  dit  le  preiid.  Himult) 
la  parole  qu*e!Ie  lui  avoit  donnée,  de  lui  coati» 
nuer  dans  les  confcils  le  mcoie  rang  &  la  même 
confiance  qu'auroit  eu  le  Roi  de  Navarre  fonfrerCt 
le  parti  Proteltjnt  eût  été  bicn:ôt  affuibli.  IVLiît- 
on  le  négligea  des  qu'on  n'eut  plus  befuin  de  lui, 
&  le  relTenciment  afTjiblit  en  lui  l'amour  de  U 
patrie  Se  du  repos  piialic. 

Les  Froteftjns  reprirent  donc  les  armes  en  1567. 
Le  prince  de  Cuidc  livra  bataille  à  l'armce  Ca- 
tholique dans  les  plaines  de  St-Denys  ,  Se  c'eft 
dans  cette  journée  que  le  connétable  de  Sîoitmo'- 
Tency  ,  le  dernier  de  ceux  que  les  Reformes  ap» 
pelloient  les  Triumvirs  ,  fut  bleffe  mortellement. 
Sa  grande  maxime  étoit  :  Une  Fol  ,  une  Lci  ,  am 
Rii.  Deux  autres  conibits  ,  livrés  à  Jarnac  &  k 
]Mon:como'jr  ,  ne  furent  pas  auHI  favorables  aa 
parti  Caivi.iiile  ,  que  l'avoit  été  celui  de  St-De- 
nys. Le  prince  de  Comdi  (nt  tue  en  ijôpdaasie 
premier  pjr  M.ncef^uiau,  qui  l'alTafiioa  de  f-rig-froid 
après  qu'il  eut  rendu  les  armes.  Il  laiffa  lecom» 
mandement  a  l'amiral  de  Coiigmi ,  qui  eut  des  fuc- 
CCi  incfpérc». 

Les  Catholiques  furent  obligés  de  conclure  t 
St-Gcrmaia  en  Lue  en  15  70  une  nouvelle  paix, 
gar  Li  [dd>c   on  coolirmA  aux  Calviiitûc»  tout  c« 


»E  l'Histoire  Ecclésiastique.    Ï^ 

l^i'on  leur  avoit  accordé  dans  les  prtccdcntes , 
ii  on  leur  donna  pour  fureté  quatre  places-for- 
tes ,  la  Rochelle  ,  Montauban  ,  Cognac  6c  Is 
Charitc.  On  leur  accorda  non  -  feulement  des  Prê- 
ches ;  on  les  dtclara  capaa'es  de  tcmtes  les  charge». 
On  leur  permit  même  de  recufer  dans  leurs  pro 
cos  avec  les  Catholiques  ,  un  certain  nombre  d» 
)i.iges  fans  en  apporter  la  raif^^n.  Jamais  ils  n'a- 
Toient  ia'u  une  paix  fi  avamageufe  ;  mais  les  pro« 
■vinces  a  voient  été  inondées  de  fang,  &  il  étoiff 
•ems  de  leur  faire  mettre-bas  les  armes, 

Aîjjficre   de   la  Si-BdrthîUm, 

L'amiral  de  Coll^nl ,  au  milieu  de  la  paix,  (on-i 
geoit  à  la  guerre.  On  en  avertit  Charles  I X  !c 
Catherine  de  Me'dicis  ,  qui ,  pouiTés  par  des  efprit» 
fougueux ,  prirent  le  parti  le  plus  violent  qu'oi» 
pût  imaginer.  Il  fut  rJfolu  d'exterminer  tous  le» 
Huguenots-,  on  commença  cette  horr  bl?  exécu- 
tion ,  également  abhorrée  des  Catholi  |ue$  5f  des 
Proteftins  ,  la  nuit  du  24  Xoùt  1571,  fête  de  Sr 
EanliéUmi.  Au  fign  il  convenu  ,  tous  les  Réfor- 
més répandas  dans-  Paris  fu.-ear  atiqués  à-la-fois 
8c  p'.ufieurs  mis-à-mîrrpar  des  a^Ta. Fins  ,  à  la  tête 
dcfquels  étoit  Henri  ,  fils  de  Fraiçols  duc  de  Guije» 
La  première  viftime  fot  l'amiral  de  Coilgni,Aont 
le  cadavre  fat  pendu  à  Montfaucon  après  avoir 
«té  le  jouet  de  la  populace  v  le  comte  de  la  Ro^ 
^htfoucault  ,  Téli^ni  ,  Rtvet  ,  Lavardin  ,  G'te^chi  ^ 
féidailLan  ,  &  plus  de  deux  mille  gent.I$homm«» 


30O  E  L   £   M   r  N  s 

ou  ofHciers  Huguenots  tarent  nnlTacrés  ,  ainfj  qufe 
pluiîcurs  Cathoiiqu  -s ,  imnolcs  par  leurs  enne- 
mis fous  prétexte  qu'ils   étoient  Huguenots. 

Htnri  de  Sdvtrre  ,  beau  -  frère  du  Roi  qui  lui 
avoit  fait-cpoufer  fa  fjeur  ,  &  Henri  prince  de 
C-^nde ,  n'cchappcrent  a  la  mort  qu'en  abjurant  le 
Calvinifme.  Charlts  IX  ,  pour  fe  laver  d'une  ac- 
tion tî  horrible  ,  publia  un  MjnifeAe  ,  dans  le- 
quel  il  proteila  qu'il  n'y  avoic  été  poufTo  que 
par  la  certitude  de  la  confp. ration  générale  des 
Huguenots  contre  fa  Religion  &  d  perfonne  ;  il 
en  envoya  des  copies  au  Pape  ,  qui  ,  par  haine 
pour  l'hércûe,  dit  BjJJ'uct  [  Ahre'gJ  de  l  Hijhirc  d' 
/"raace  ),  reçut  agréablement  la  nouvelle  de  ce 
mafl'acre  ,  que  les  Pontifes  d'aujourd'hui  ont  en 
abomination.  »  Ce  n'cd  pas  a:nfi  ,  (  dit  l'Abbé  de 
M  Choill  ,  )  que  le  Chridianifme  s'eft  établi  :  J.  C. 
'•  prin;e  de  paix  ,  n'in'pire  à  fes  difcipies  que 
n  la  douceur  &  l'huniniic  ;  les  Martyrs  ne  fe  font 
>•  défendus  centre  leurs  perfécuteurs  qu'en  leur  of- 
»•  frant  leur  fang  &  leur  vie.  i»  (  h'uT.dt  l'E^lij'i* 
torr».  10   in-i  1,  pag.  1 1.  ) 

Lorfque  CharUt  IX  fe  rendit  au  pirlement  de 
Paris  le  iroifiéme  jour  du  rnalTacre,  pour  rendre 
ccjrpte  de  la  conjuration  formée  contre  l'Etat  pir 
le«  CalviiiiAes  ;  ••  le  premier  prcfidrni  loua  en 
m.  public  la  fagcHc  du  Roi  ,  qui  avoit  pu  cacHer 
n  un  C,  grand  dcû'cin,  d.  le  couvrit  le  mieux  qn  . 
M  pur.  Mais  en  pirticulter  il  remontra  fortement 
au  Roi ,  H'""  '"'  •  -te  confp  ration  ctoit  véritjble  , 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.  •301 

V»  II  falloir  commencer  par  en  ûire  -  convaincre 
»♦  le»  auteurs  ,  pour  les  punir  enfuice  dans  les 
H  formes  -,  &  non  pas  metcre  les  armes  comn:e 
M  on  avoir  fait  entre  les  mains  de  furieux  ,  ni 
M  faire  un  fî  grand  carnage,  où  fe  trouvoieot  en- 
M  veloppés  indifféremment  les  innocens  avec  les 
>»  coupables. 

»»  Le  Roi  com  Tianda  qu'on  f  it-ccffer  le  malTacre; 
M  mais  il  ne  fut  pas  polTibiC  d'arrêter  tout-a-co.ip 
M  un  peuple  acharné.  Son  ardeur  fe  ralentit  peu- 
•»  à- peu  comme  celle  d'un  grand  embràfement, 
>»  &  il  y  eut  encore  beaucoup  de  meurtres  qua- 
'>  tre  ou  cinq  jours  après  la  défenfe 

»  La  méoio  re  de  l'amiral  de  Cul  ^ni  fut  con- 
j»  damnée  par  un  arrêt  folemnel  qui  eût  pu  être 
.>»  jufte  dans  un  cutre  tems  &  pour  un  autre  lu- 
M  jet  ;  mais  rien  ne  parut  plus  vain  ni  plui  mal 
n  fondé  ,que  la  conjuration  dont  on  l'accufoit 
M  alors.  On  ne  laifTa  pas  d'exécuter  l'arrêt  dans 
»  la  Grève  en  préfence  du  Roi  8c  de  la  Reine  ; 
»  &  au  dé&ut  de  (on  corps  que  le  peuple  avoic 
n  déchiré  ,  on  décapita  Ton  phaniome  ,  qui  fut 
M  enfuite  trainé  fur  une  claie  à  Mon; faucon.  Ce ft 
M  le  lieu  où  l'on  expofe  le  corps  des  voleurs  de 
;.  grand-chemin  &  des   fcé;éra:s. 

»»  Pour  imprimer  davantage  la  confpiration  dans 
>»  les  efprits ,  on  rendit  a  D 1 1  u  des  aci:ons-dc- 
>»  grâces  publiques  lur  la  prétendue  découverte. 
M  Ces  grimaces  n'impjfcrent  à  perfonne  ,  &  l'ac- 
n  lion  qu  oa  YCasit  de  faire  fut  d'autaot  plus  dé- 


^bl*  E  t  ï  M  1  K  f 

n  teftce  par  1«$  gcn$-dc-bicn  ,  que  Hiorrcur  «4 
!«  augmentoit  tous  les  iours  pjr  les  nouvelles  qu'oa 
M  recevoir  des  Provinces.  Les  ordres  expcdic»- 
n  pour  les  malTacres  ayant  couru  par  toute  la 
rt  France,  ils  firent  d'étranges  effets,  principale-* 
n  ment  a  Rouen  ,  à  Lyon  &  a  Touloufe.  Cinq' 
n  conleillcrs  du  Farlement  de  cette  dernière  ville 
n  furent  pendus  en  robe  rouge.  Vingt-cinq  a  trente' 
n  mille  homires  furent  égorges  en  diver»  endroits, 
n  8c  on  voyoit  les  rivières  traîner  avec  les  corps 
»»  mortri'horreur  k  l'infeébon  dans  tous  lespays^ 
n  qu'elles  arrofoient. 

«  Le  Roi  défavoua  .tout  ,  comme  fait  contre 
t%  fes  ordres.  I!  y  eut  des  provinces  exempte» 
M  de  ce  carnage  ,  &  ce  fut  priiuipalement  celîcs- 
»«  dont  les  gouverneurs  éioient  amis  de  la  maifon 
»»  de  Mvntmortncy.  Alençon  &  Baionne  furent  de- 
"  livrés  par  les  foins  de  Mac-gnon  &  du  vicomte 
f  à'Orte^  ,  leurs  gouvcrccurs.  Tous  ces  gouver» 
n  neurs  répondirent  qu'ils  ne  croyoient  pat  que 
n  le  Roi  commandât  tant  de  meurtres.  •»  {Eossvlt^ 
Ahrigt  dt  l'H't/l.  dt  France.  ) 

Des  Prélats  humains  imitèrent  leur  exemple  • 
tel  fut  Jtan  Hcmuitr,  évcque  de  Lifieux  ,  qui  dam 
cet  lems  malheureux  fut  a-la-fois  le  père  6(  le 
pontife  de  fes  ouailles.  Le  L'cutenant-de-Roi  de 
k  Province  lui  ayant  communiqué  l'ordre  qu'il 
■voit  d'égorger  tous  Ici  Huguenots  de  fa  ville 
ipifcopale  ,  JLnnui.-r  i'y  oppofj  ôc  donna  a^e 
éc  foa  opporuioo.  Le  Uoi ,  loio  de  bUmcr  ccuf 


ï>£   L'FTiSTOIRt  ECCLÎ5IASTT(51TÏ.      ^G% 

charité  hcroique  &  gcnéreufe ,  lui  donna  les  do- 
ges qu'elle  mtritoit  ;  &  h  cl«mence,  plus  efficace 
que  Tcpée  des  foldats  ,  changea  le  cœur  &  l'efprie 
des  Calviniftes  de  fon  diotèfe  ;  la  plupart  firent 
abjuration   entre  fes  mains. 

Quelque  atïoibli  que  fût  le  parti  Calvlnifte  par 
le  maffacre  de  tant  u'hiMiimcs  ,  il  n'etoit  point 
écrafc.  La  vengeance  fe  joignant  au  fanatifme  , 
les  Huguenots  reprennent  les  armes  ,  s'affurent 
des  meilleures  places  ,  fe  fortirienc  dans  Montau* 
ban  ,  dans  Nifmes  ,  dans  Sancerre  ,  &  foutiennent 
opiniâtrement  dons  cène  dernière  ville  un  lîége 
oîi  ils  éprouvèrent  pendant  ftpt  mois  toutes  les 
horreurs  de  la  famine.  Il  fallut  leur  accorder 
encore  la  paix  ,  &  on  fe  prcparoit  a  la  rompre  de 
pan  &  d'autre,  iorfqui  la  mort  de  Charles  IX ea 
1J74  changea  la    face  des   affaires. 

"  La  manière   dont   ce   prince  mourut  ,  (  dit 

Bujfuei  )  fut  étrange.  11  eut  des  conviilfions  qui 

caufoient   de  l'iïorreur  ,  &  les  pores  s'ctantou- 

veiis  par   des   mouvemens  fi  violens  ,  le  fang 

M  lui  forcoit  de  toutes  parts.  On  n?  manqua  pas 

»  de   remarquer    que    c'cioit   avec    juflice    qu'on 

»t  voyolt  nigcr  dans  fon  propre  fang  un  prince, 

it  qui   avoit  fi  cruellement   répandu  celui  de  fes 

s»  (ujcts.  Qj04qu'il  fût  d'un  naturel  dur  &   féroce, 

•>  pluheurs    marques    d'iionnîteté   &  de    politefTe 

>i  qu'il  donna  ,  &  l'ardeur   qu'il   témoigna    fur  Is 

i>  fin  de  fes  jours  pour  bien  régner  ,  firetir-croire 

f*  que  fon  humeur   pouvolt  èt(.e  noa^feulemeo* 


304  Ê   L  E  M   E   N  s 

M  adoucie  &  corrigée  ,  mais  encore  tournée  câ 
»•  grandeur- d'âme.  Ainfi  il  peut  fervir  d'exemple 
«  aux  Princes,  pour  leur  apprendre  combien  une 
M  bonne  cducatjon  leur  efl  ncccffaire  ,  &  combien 
»  ils  doivent  craindre  de  prendre  trop  tard  de  bon> 
M  nés  rcfoluctons.  » 

Règne  de   Henii  III;  h'ifto':re  deU  L'ipiC 

Le  duc  A'Alen^on  ,  frère  de  C'^^ar/es  IX  ,  qui  avoit 
été  appelle  au  tronc  de  Pologne  ,  quitta  ce  pays 
pour  le  mettre  en  polTeHlon  de  la  couronne  de 
France.  Oblige  par  les  circonAances  de  traiter 
avec  les  Hug.uenots,  il  leur  accorda  en  1577  '* 
paix  la  plus  avantagcufe  qu'ils  cufTeni  encore  faite  : 
liberté  enticre  de  confcience ,  exercice  public  de 
la  religion  P.  R. ,  excepté  à  deux  lieues  de  Paris 
&  de  la  ccur  ;  chambres  mi-parties  de  Caiholi- 
ques  &  de  Pioteftans  dans  les  huit  Parlemens  du 
royaume ,  la  mcmoite  de  Tsmiral  de  Coligni  rcha* 
bilitcc  ,  les  Chefs  de  la  confcdcration  Protertarte 
reconnus  pour  bons  6c  f.dcics  fujcts,  les  Moines 
&  les  Prêtres  apoflats  maintenus  dans  la  poH'er- 
fion  de  garder  leurs  femmes  Se  leurs  enfans  ; 
tels  furent  !c$  principaux  articles  de  ce  fameux 
traite. 

Les  Ciin('iui;cs  cmcnt  )r(  :£rts  :  le  cardinal 
de  Liriùiitt ,  mon  en  1^74  ,  avuit  cbauchc  le  plaa 
4'une  all'ociaiion  contre  l'hcrcfie.  On  rer.ouvella 
ce  projet  ,  8t  les  prir.cipsux  Seigneurs  Catholi- 
ques furmcxcrit ,  ftius  Ici  aufpicesdcs  &'«'/»  ,  uoc 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    30c 

confédération  connue  fous  le  nom  de  Ligue ,  puur 
maintenir  la  Religion  ancienne  contre  les  erreurs 
nouvelles.  La  formule  dreffîe  pour  la  Picardie, 
où  cette  union  prit  naiflance  ,  porte  que  quicon.' 
que  refufira  ou  di^cttta  cTy  entrer  ,  fera  réputé  en- 
nemi ii  Dieu  ,  déjerteur  de  f*.  religion  ,  rebelle  à 
/In  Roi  ,  traître  à  la.  patrie  ,  abandonné  de  tous  , 
&   expofé  à  toutes  les  injures  &  oppnjpons  ,  &c. 

♦»  Le  foyer  du  fanaiiime  de  la  Ligue,  (  dir  M. 
l'Abbé  Pluquet)  n  étoit  à  Paàs  ,  &  l'on  y 'pu- 
»»  biloit  que  le  Roi  fjvorifoit  en  fecret  les  Pro- 
>»  telUns ,  &  qu'il  y  avoir  déjà  dans  Paris  plus  (le 
>♦  dix  mille  Proteftans  ou  Politiques:  nom  odieux 
M  dont  la  Ligue  fe  lervoit  pour  défigner  ceux  qvi 
n  croient  attachés  au  Roi  6c  portes  pour  le  bien 
M  public. 

).  Par  ces  difcours  on  échauffa  les  bourgeois 
»•  &  la  popula.e.  Les  priJicateurs  fe  dichainc- 
»  rent  contre  le  Roi  de  Navarre  ,  &  contre  le 
»  Rci  même  qu'ils  accufoient  de  favorifcr  ce  prince 
M  hérétique.  Enfin  les  confeffeurs  développoient 
n  ce  que  les  prédicateurs  n'ofoient  dire  chire- 
M  ment.  On  inventa  encore  dans  ce  tems-!àbeau- 
n  coup  de  pratiques  propres  à  entretenir  l'efprit 
M  de  fédition.  On  ordonna  des  proccfllons  dans 
M  toutes  les  Eg!ife$  de  la  ville  ,  où  l'on  paroit 
»»  Ici  autels  de  pierreries,  de  vafes  d'or  &  d'ar- 
»  genc  qui   attiroient  les  regards  du  peuple.  <• 

Henri  duc  de  Cuife  ,  furnommc  le  BuLifré  à 
paufe  d'une  bkffurc  qu'il  avoit  reçue  auvifa^eca 


5©^  E    L   E    M   E   N   s 

combattant  lesCalviniAes,  devenu  chef  de  h  Ligue 
cherchoit  par  ces  moyens  rcunis  a  allarmcr  le» 
Catholiques  &  ■  les  irriter  contre  les  l'rotedans. 
Les  Religionnaires  furent  infultcs  d3ns  plufieurt 
endroits  ;  &,  les  forces  des  Ligueurs  augmentant 
tous  les  jours  ,  Henri  JIJ  fe  vit  contraint  d'auto* 
rifer  la  Ligue,  qu'il  redoutoit  encore  plus  que 
les   Huguenots  ,  &    s'en  dcclara  le  chef. 

Les  Cal  vinirtes,  ayant //<«/■<  roi  de  Navarre  &  le 
prince  de  Cundé  a  leur  tète,  avoiit  repris  les  armes; 
&  Henri  avoit  remporte  une  victoire  iîgnale:  fur  les 
Catholiques  auprès  de  Courras  en  1 5S7.  Ce  prince 
montra  autant  de  gcnéroûte  après  la  bataille  qu'if 
avoit  fait-cclater  de  valeur  pendant  le  combat.  Il 
prit  foin  des  bltffés  .renvoya  les  prifonaiers  gra» 
tuitemcnt  ,  fit-rendre  Us  honneurs  funcbres  au  duc 
ëe  fi-yeu/e  ,  tué  de  fung  fioid  après  la  viûoire  : 
neiirfe  qui,  joint  à  celui  de  Poltrot,  prouve  de  quel 
£an.-it,fme    es  Huijucuois  iroient    animes. 

Cepcnclaiu  Hcnn  lll ,  cjnvjincu  que  la  Li^ue 
étoit  l'ouvrage  de  r^mbitian  des  Guift*  ,  &  qu'ea 
s'unilldn;  avec  eux  il  avoir  auf^menté  leur  pou- 
voir, prit  enfin  la  rcfolutioo  d'cci  iier  cette  fac- 
tion.  Mail  il  fe  fer  vit  de  moyens  odieux  ,  ca 
faTant-aflTaniner  aux  Ltais  de  Blois  les  deux  pria* 
cipaux  chef»  de  U  conf.-lcritioi  ,  Hen-i  duc  d* 
Cuift  6c  le  cardinal  ion  frcre  ,  dans  le  pjtaii  rocmf 
où  il  ^toit  lo^c. 

••  Lks  L<g^teu-s  ,  (dit  M.  l'Abbc  P/ufutt,)  devin* 
^  rcBi  ùuicMX  a  la  ouuvelic  de  r*iltvfiia4t  dvi  i\10 


DE   L*HlSTOlRE  ECCLESIASTIQUE.      307 

de  Guifc.  Le  duc  de  Mayenne  ,  frère  du  duc  de 
r>  Guifc ,  fe  mit  à  leur  tête.  La  Sorbonne  dcclara 
M  que  les  fujets  de  Hinrl  étoient  délies  de  leur 
H  ferment  de  fidélité.  Le  duc  de  Mayenne  fut  dc- 
»  claré  lieutenant-général  du  royaume.  On  leva 
M  des  troupes,  &  la  Ligue  fit  la  guerre  k  Henri III, 
H  Les  villes  le  s  plus  confidérables  embraiTérenc 
)»  les  intcrèts  de  la  Ligue,  &  le  Roi  de  France 
it  fiit  ob!igé  de     fe  réunir  au  Roi  de  Navarre. 

H  Alors  une  foule  d'écrits  féditieux  fe  répan» 
»  dit  dans  fans  ,&  dans  toute  la  France.  La  Sor- 
>»  bonne  fit-rayer  le  nom  du  Roi  des  prières  quj 
K  fe  font  pour  lui  dans  le  canon  de  la  MefTe. 
H  Enfin  elle  excommunia  le  Roi.  Le  Pape  ex- 
n  coinn-unia   aiiffi  hsnri  IIL  >♦ 

Prefque  toutes  les  vil'es  du  royaiime  ,  excitées 
à  la  révolte  par  les  cmilîaires  de  la  Ligue  avoicnt 
oiiblié  le  véritable  c<prit  du  Cbritlianifme.  La 
pnpjlace  de  l*>u  oufc  c^orgea  le  p.emer-préû- 
dcnt  Durand  &  l'avccat-gtncral  HjJJ-'s  ,  dri-x  ma- 
g'flracs  connus  par  leur  f-'(ii.>icé  pour  le  Roi  6c 
par  l'unégrité  de  leur  vie.  Ou  pendit  a  une  po- 
tence le  CiJdvre  du  Durant:  ^  i{\i'i  avoit  toujour» 
paru  contraire  aux  faclleux.  Les  autres  membres 
^u  parlement  de  Toutjufe  ,  paTii  .'efquels  étolen' 
deux  conieillers  qui  (  feloi.  de  Th^u  )  avoient 
«n:ore  les  mains  teintes  du  f.i  ig  de  leur  premier- 
préfident  ,  crobraiTércnt  le  parti  d«  lu  L.gue.  Henri 
III  fut  pendu  en  effigie  dars  la  place  publique 
fttX  le  pc.iple  furjsiix,  Oa  ve.id,t  une    mauvoiis 


^5)8  E   L   E   M    E    N   S 

eAampe  de  lui ,  &  on  crioit  !  A  cia^fciu  notrt  Tyran  ! 
Htnri  m  étant  accable  d'anathcm'cs  ,  il  n't.toit 
po  ne  cronn^n:  que  le  peuple  ie  crût  hérétique, 
ou  du  oiolas  lié  avec  les  hérétiques,  Se  que  le 
faux  zc'e  fe  portât  aux  derai«.res  extrénitcs.  Ce 
prince  étant  venu  mettre  le  f^cge  devant  Paris 
révolté  ,  fut  poif.nardé  en  1589  dans  fa  tente 
p3r  un  Jacobin  nommé  Jacrues  Clcmtnt ,  «■  perfua« 
»»  de  (  dit  M.  l'Abbé  Plu<juct  )  qu'il  faifoit  une 
V,  œuvre  agréable  à  Dieu  &  méritoire  au  falut.  Les 
»  prédicateurs  ccmparérer.t  Cl^mzn:  àjuduh  ie.Mtr.ri 
M  ///  a  HoU-htrmc  ,  cC  la  dcivrance  <ie  Paris  a  celle 
n  de  Bcthulie.On  (rrprinu  plufieurs  libelles  ,dans 
n  lefquels  l'adaflTm  étoit  loue  comme  un  S.  Martyr. 
n  On  vit  l'cffigi:  de  ce  fccicrat  cxpoûefur  les  au« 
««  tels  à  la  vénération  publique.  ••  La  conduite  de 
Jicnri  III  ne  côtribuaquc  trop  a;utorilcr  c(t  égrre- 
ment  d'efprit ,  que  les  vrais  Chrétiens  riprouvoicot 
'routant  que  le  s  bons  citoyens.  Livre  à  la  mo  leffe  ,  à 
l'oihvetti.a  d'ind  gnes  tavoris,!!  âvoildifîipé  en  pro« 
fufions ridicules  ta  fubHjncede  fon  peuple,  roujour* 
gémin^ant  fout  des  irrpots  multipliés.  Sufpc^  dux 
Catholiques  &  aux  Hii);uenots,  8c  devenu  irtpri- 
fab^e  à  tous  (  dit  le  prclident  He'nault)  p»T  une  vit 
c;a'ement  fuperAiticufe  &  libertine  ,  il  ne  fvui 
jamais  ni  agir,  m  réHcch  r  ;  8(  il  ne  rcferva  fon 
autorité  que  pour  faire-enregilUer  des  éditt  bur* 
faux,  c'cH  à-dirc,  pour  fe  fa;re-hair aunnt  qu'il 
étoii  mcprifc. 


ut  l'Histoire  EcclesiastîOue.    309 

Henri  IV  monte  fur  l:  trône.  Il  ejl  ahfous 
par  le  Pape, 

Utnrt ,  roi  de  Navarre  ,  étolt  le  légitime  fuc» 
ceffeur  du  trône  de  France,  la  famille  royale  de 
Valuis  ayant  fini  dans  la  perfonne  d'Henri  III  -, 
mais  ,  maigri  le  droir  de  fa  mifTance  ,  il  avolt 
peu  d'amis ,  peu  de  places  importantes  ,  point  d'ar- 
gent &  une  petite  armée.  Son  courage  oc  fa  po- 
litique Kii  tinrent  lieu  de  tout.  I!  gijnj  pUiùeurs 
batailles,  entr'aurres  celle  d'Yvri  fur  le  duc  de 
Mayenne ,  chef  de  la  Ligue  après  la  mort  d' Henri 
de  Giiife,  ioM  il  n'avoir  ni  l'aclivité  ni  l'audace. 
Ayant  fait  la  guerre  pendant  quelque  tems  avec 
des  fuccès  divers  ,  Henri  vient  mettre  le  ficge  de- 
vant la  capitale  -,  il  prend  d'affaut  tous  les  f.'ux- 
bourgt  de  Paris  dans  un  feul  jour  ,  Se  il  auroic 
pris  peut  être  la  ville  ,  s'il  n'àvoic  craint  de  !a 
livrer  en  proie  i  fes  foldats.  Il  leva  le  Hcge  , 
il  le  recommença  -,  enfin  cnauyt  de  faire  la  guerre 
à  fes  fujets  ,  &  fçachant  qu'ils  haiffoient  moins 
en  lui  fa  perfonne  que  fa  religion  ,  il  rcfolut  de 
rentrer  dans  le  fein  de  lEglife  Ro.nainî.  Après 
quelques  jours  de  conférence  avec  des  Evêqur.;  ,  il 
fit  abjuration  en  1593  à  St-Denys  ,  entre  les  mains 
de  l'Archevêque  de  Bour;^es  ,  rui  lui  donna  l'ab- 
folution  de  toutes  les  cenfures. 

Cet  événement  changea  la  difpoHtioa  des  ef- 
prlts.  Plufieurs  villes  fs  fournirent  à  leur  Roi,  fie 
les  boas  François  efpérirent  que  la  Ligue  fc.-olt 


^t3  E   L   E   M   E  K   S 

«nucrrmfnt  difëpee.  Paris  demeura  encore  quel- 
que rems  daas  la  révolte  ;  les  Ligueurs  y  ëioient 
tout-puiffjns.  ♦«  Le  It^,3t  les  aniraoit  plus  que  ja- 
m  inai$,(  dit  l'Abbé  de  C>t<-;Ji,)  8t  quelques  pré- 
t«  dicateurs  fe  dcchainoicat  3  leur  ordinaire.  •<  Le 
docleur  Boucher,  connu  par  (ou  fana  tifine,  fe  dé- 
chaîna en  chaire  cuncre  le  monarque  Catholique; 
8t  fécondé  par  quelques  autre>  furieux  ,  il  voulut 
envain  retarder  par  fes  déclamations  la  redditioo 
de  Paris. 

Le  duc  de  Mayenit  avoit  quitté  cette  capitale  , 
où  il  ne  fe  croyoit  pat  ea  fureté.  II  enavoit  donné 
le  gouvernement  au  comte  de  Briffât  ,  qui  lît- 
rentrer  les  Parifiens  flans  le  devoir.  Le  Roi  entra 
dans  Paris  la  nuit  du  ii  au  ii  Mars  1594.  Ua  fi 
heureux  événement  arriva  fans  tumulte  8c  faos 
effutîon  de  fang  ;  &  pour  en  conl'erver  la  mémoire 
à  la  poftérite ,  00  ordonna  que  le  zl  Mars  de  chaque 
■nnée  on  feroit  à  Paris  une  piocelCen  générais 
«ù  tous  les  corps  sffiî^erolcnt. 

Il  falloir,  p*->or  ôter  tout  prétexte  de  défobéif- 
fance  aux  Ligueurs  ,  que  le  Hoi  reçût  l'abfolutioa 
4u  Pape.  Dyptfonic  A'Offst  (  depuis  cardnaux), 
«nvoycJ  a  K  )me  pour  cette  grande  affaire  ,  y  tra- 
▼aillerent  avec  autant  de  zclc  que  de  prudence. 
La  faAion  efÎM(;no1e  y  nMttoit  des  obilades.  Le 
Pape  nofoit  fe  dcoder.  Citmtm  Vit  (  lui  dit  OU. 
riV/ ,  auditeur  de  Rote  ,qui  parioit  familièrement 
•u  Pomifr  ,  )  Oémtnt  VU  pvdii  l'AmfUttrrt  p»mr 
MfQir  nubuomflmt  è  Cbsrles*Quint  \  CUmtiu  VIU 


BE  l'Histoire  Ecclésiastique.    31  # 

ftrdra  la.   France  ,  s'il  continue  de  ft  priur  aux  vues 
de   Ihjlippe  //. 

Le  Pape,  frappé  de  ces  paroles, fit-appeller  Duptr» 
ron  Se  d'OJfût  &i  convint  avec  eux  de  donner  1  abfo- 
lutioa  au  Roi  aux  conditions  faivates  :  «  Que  le  Rot 
M  rctabliroit  la  Religion  Catholique  dansIeBcarn; 
•  qu'il  feroit  -  élever  le  jeune  prince  de  Coidé, 
»»  héricier  présomptif  de  la  couronae  ,  dans  la 
•»  Religion  Catholique  ;  que  les  Concord-:cs  con- 
M  cernant  les  bcnétîces  feroient  obfervés  ;  que  le 
»>  Roi  feroit-publier  &  obferver  les  dtcrets  du 
m  Concile  de  Trente  ,  excepté  dans  les  chofes 
H  (  s'il  y  en  a  )  qui  pourroient  troubler  la  tran- 
♦»  quillité  du  Royaume  *,  qu'il  protégeroit  les  Ec- 
it  clefiailiques  ;  qu'il  n'accorderoit  les  honneurs 
M  &  les  dignités  qu'aux  Caclioliques  j  qu'il  di> 
»•  toit  tous  les  jours  le  chapelet  de  Notre-Dame, 
*t  &  le  Mercredi  &  Samedi  les  Litanies  -,  qu'il  ob- 
»*  ferveroit  les  jeunes  &  autres  Commandement 
M  de  l'Eglife  -,  qu'il  entendroit  la  MefTe  tous  les 
•1  jours  ,  &  qu'il  bâtiroit  un  Mona(lére  dans  cha« 
m  que  province  de  fon  Royaume ,  &c.  &c.  h 

D'Oj]'jt  Si  Duptrron  promirent  au  Pape  l'ob- 
icrvation  de  tout  ce' qu'il  exigeoit  j  &  enfin  le 
7  Septembre  1595  »  Clément  VIII  prononça  publi- 
quement rabfolutioo  du  Roi  au  bruit  du  canon 
du  château  St-Aoge. 

Les  Romains  en  témoignèrent  une  grande  joie. 
Le  cardinal  ToUt  ,  quoiqu'Efpagnol  ,  contribua 
f  lus  91e  pecXooa^  à  f^e  -  léuilir  uoç  a£Giue  A 


311  Elemens 

importante  4u  repos  de  la  France.  Le  cardinal  de 
Pla^j'jr.cc  ,  qui  avoit  été  Ugat  pendant  la  Ligue  , 
&  qui  (félon  l'Abbé  de  Choijl)  avoit  pouffe  foa 
zclejulqu'a  la  fureur,  changei  de  fenri:nent  quand 
il  fut  a  Rome.  Ainlî  furent  termines  les  trou- 
bles de  la  Religion  :  troubles  qui  contribuèrent 
peu: -être  a  la  confervation  de  la  Foi  Catholi- 
que en  France  -,  car  Dieu  tire  quelquefois  le  bien 
du  mal ,  k  nous  ramène  au  calme  par  des  moyens 
qui  fembîînt  à  nos  yeux  f.îibtes  &  chancelans  , 
ne  devoir   produire  que  des  tempêtes. 

Elût   de    Njmcs  accordé   aux  Calv'm'Jies, 

Htnri  *1V ,  tranquille  enfin  fur  le  trône  ,  crut  de- 
vorr  prévenir  les  guerres  qui  avoient  déchire  la 
France  jufqu'alors ,  en  gagnant  les  piinc^paux  Li- 
gueurs par  ëes  libéralités  ,  et  en  accordant  aux 
Cslvjnilles  !c  libre  exercice  de  leur  Religion.  Ce 
fut  dans  cette  vue  qu'il  donna  en  ijQf  à  Njn- 
tcsun  fameux  Edit  ,  qui  confirmoit  Ac  augmentoit 
tiïtme  tous  les  privilj^cs  que  les  Protcrtan» 
avoient  obtenus  des  Rois  Tes  prcdcceffeur»  les 
■rmes  à  la  mnin  :  liberté  rniicrc  de  confciencc  ; 
exercice  public  ds  leur  religion  dans  les  viliei 
qui  refTortifToient  tmm«:di3tement  à  un  parlement  ; 
permiiTiO*  de  faire-imprimer  tous  leurs  livres  dans 
les  ville*»  où  leur  religion  croit  tnltirér  ;  faculté 
de  polTcder  toutes  fortes  de  charges  &  'l'rm- 
plois -,  pUces  de  fureté  pour  huit  ans;  et 
ment  dans  les  parlcmeni ,  de  (hrmbret  ccn.j..i.<.k 
de  Caihuliqiics  &  c'e  Ptctcruns.  Le 


bE  l'Histoire  Ecclésiastique!     31* 

Le  Clergé,  la  Sorbonne,  rUniverfuc  fe  rccTiÀ< 
rent  contre  un  Eiic  qui  accordoit  de  fi  grands 
privilèges  à  des  difTidens  -,  &  le  Parlement  fit 
beaucoup  de  difficulté  pour  le  vérifier.  Henri  IV 
ayant  fait-venir  deux  députés  de  chaque  chambre 
au  Louvre  ,  leur  parla  ainfi  :«  La  Religion  Catho- 
w  lique  ne  peut  être  maintenue  que  par  la  paix  j 
M  &  la  paix  de  TEtat  eA  la  paix  de  l'Eglife..,. 
»»  Il  ne  faut  phis  faire  de  diftin£lions  de  Cjiho- 
M  /igues  &  de  Huguenots  :  il  faut  que  tous  foienC 
»'  bons  François ,  &  que  les  Catholiques  conver- 
»»  tilTent  les  Huguenots  par  l'exemple  de  leur  bonne 
>»  vie.  ...  Je  fuis  Catholique,  &  ne  veux  que  per- 
n  fonne  en  mon  Royaume  aflFeûe  d'être  plus  Ca- 
»t  tholique  que  moi;  mais  je  reflemble  au  ber- 
»i  ger,qui  veut  ramener  fes  brebis  à  la  bergerie 
r»  avec  douceur,  i» 

Enfin  le  Parlement  enregiAra  cet  Edit ,  qui,  tout 
favorable  qu'il  étoit,  ne  put  réprimer  le  penchant 
que  les  Calviniftes  avoient  à  la  révolte,  comme 
nous  le  verrons  dans  l'hiftoire  du  fiécle  fuivanr. 
Le  malheur  de  toutes  les  fcdtes  ,  c'eft  qu'elles  font 
animées  d'un  defir  fecret  de  devenir  dominantes, 
&  qu'elles  veulent  opprimer  la  Religion  de  l'Etar, 
lorf-mème  que  par  des  privilèges  finguliers  elles 
ont  été  incorporées  à  cet  Etat ,  dont  elles  devroient 
gvant   tout  aimer  la  tranquillité  &  le  repos. 


•t' 


Tom.  lit 


5^4  E    L   E    M    I   N    s 

Su' te  J:  rWflo'ire  Je  U  Religion  en  Angleterre  * 
mort  Je  Marie  Swzvt  ; perfccution  Jcs  C<itho' 
Uques  far  Elilàbeth. 

Les  révolutions  que  la  Religion  éprouva  en 
Angleterre  ,  firent  moins  répandre  de  fa  »g  qu'en 
France  ;  mais  el'es  ne  mcriient  pas  moins  l'atten- 
tion du  Icdicur  curieux.  Nous  aTons  vu  mourir 
Htnri  Vl\l  en  1547,  rongé  de  chagrins  &  de 
remords.  E'..u3'A ,  (on  fils  ,  à^é  de  neuf  ans  ,  lui 
fucccda.  Le  foin  de  l'cducation  de  ce  jeune  prince 
a  voit  ëié  confie  à  douze  Seigneurs  Anglois  ,  q  :i 
lui  infpircrent  du  goût  pour  les  opinions  nou- 
velles. Son  oncle  vnMcrntX  ,Kduiiari  Seymow  ^A^ic 
de  Sommcrfet  ,  qui  s'étoit  empare  de  toute  l'au- 
torité ,  penfoit  comme  Cj/r. Il  &  Zuin^lc:\\  vou» 
lut  que  toute  l'Angleterre  penfàt    comme  lui. 

Ce  chan^.cment  cpiouva  d'abord  de  grands  obf* 
tacles.  Les  Catholiques  attaquoient  avec  force  let 
nouveaux  dogmes  de  la  Kcfu'^me,  Se  défcndoient 
avec  beaucoup  d'avantage  la  du^rine  de  l'Eglife 
Catholique  ,  &  la  plus  confiJcrable  partie  de 
la  nation  cioit  fortement  attachée  à  l'ancienne 
foi.  Les  Réformateurs  ne  fçavoicnt  eux-mêmes  à 
quoi  l'en  tenir  fur  le*  principaux  points  contef* 
tés  entre  les  Catholiques  &  les  Proteftaas.  On  fai* 
foit  fan»  ceiïe  dr  nouvcl'cs  profclTions  de  foi  :  on 
ajoutoii  ,  on  rctranchoit  fans  ceflTe  quelque  chofe 
à  cet  profcdions  :  on  changeait  les  Liturgies  \  cf 
O'ctoieac  qu'Ordonnances  du  Roi  U  du  P^rle» 


•DE  lIÎISTOIRE  EcCLESÏASTïQUt.  3  r^ 
tnent  ,  pour  obliger  à  croire  telles  chofcs ,  &  à 
n'en  pas  crOire  telles  autres  ,  pour  prefcrire  les 
ri:s  des  Ordinations,  l'étendue  du  pouvoir  des  Eve" 
ques  &i  des  Pafteurs. 

Voila  ce  que  Durn:t  appelle  un  ouvrage  de  \\x* 
miére  ,  &  l'ctat  où  la  Réforme  avoir  rais  l'Angle- 
terre. 

La  nouvelle  Profeiïlon  de  foi  contenoit  les  er- 
reurs des  Protcftans  fur  la  jullification  ,  fur  l'Eu- 
char  ftie  ,  furies  Sacremeos,  f*r  l'Eglife  ,  fur  l'E- 
criture, fur  le  Purgatoire  ,  furies  Indulgences  , 
fur  la  vcnérarion  religieufe  des  Images  &  des  Re- 
liques ,  fur  l'invocation  des  Saints ,  fur  la  prière 
pour  les  morts  \  on  y  coniîrmoit  la  Suprématie 
du  Roi  dans  , l'Eglife  ,  &  l'on  y  condamnoit  les  er- 
reurs des   Anabaptiûes. 

Pour  la  Liturgie  ,  on  la  rendit  la  plus  fembla- 
Lle  qu'il  fut  poflÎDle  à  celle  des  Proteftans  ;  oo 
retrancha  des  Lglifes  les  Autels  ,  les  Images  ,  les 
ornemens  qui  fervoient  dans  la  cclcbration  de  l'Of- 
fice Divin  ;  on  abolit  l'ufage  de  l'huile  dans  l'Ex- 
irêmc -Onction  ,  &c. 

Le  f  arlement  profcrivit  folemnellement ,  au  mois 
de  Décembre  1547,  l'exercice  de  la  Religion  Ca- 
tholique i  &  l'Eglife  Anglicane  devint  alors  un 
compofé  bizarre  des  erreurs  des  Sacramentaires 
&  de  celles  des  Luthériens. 

Edouérd  étant  mort  en  IJ53  ,  Marie  ,  fille  da 
flenri   F I II  &  de  Catherine  d'Aragon  ,  monta  fat 

le  crôce  ,  avec  la   ferme  rçfoluticn    de   rctabli^ 

O   ij 


|l^  E   L   E   M   E  N    s 

la  fjinc  dofïrinc.  Elle  comrncnça  par  caffier  tou» 
fe$  édit$  que  fon  per;  3c  (on  frère  avoicnt  d.>i- 
jnéi  contre  les  droits  de  l'Eglife.  Tous  les  étran- 
gers ,  imbus  des  nouvelles  erreurs,  eurent  ordre 
de  forcir  du  Royaume.  Les  évèques  Zuing!:cn$ 
Ou  Luthcrlcns  furent  condamnes  au  feu  ,  lorf» 
quils  perfwvcrcreot  dans  leurs  opinions.  C.j-fnf, 
•rchevcque  ic  Cantorberi  ,  qui  avoit  tant  contri- 
bue au  divorce  de  Henri  Vlll ,  pcrit  par  le  der- 
nier Tupplice.  Ainlî  les  dogmes  de  J.  C.  ,  qui  font 
des  dogmes  de  douceur  Se  de  paix  ,  furent  fou- 
tenus  par  des  exécutions  cruelles,  dont  l'hiftoire 
de  la  primitive  Egtifcri'ofTroit  aucun  exemple. 

Le  cardinal  PoIls  fut  nommé  Icgat  en  Angle- 
terre i  &  lorfqu'il  y  fut  arrive  ,  il  s'oppofa  aux 
confeils  violens  de  quelques  Minidres  de  la  Rein;. 
Il  vouloit  que  les  PaAeurs  eutTent  des  entraînes 
de  compaiTion  ,  même  pour  leurs  ouailles  perdues^ 
&  qu'en  quai  ic  de  pères  fpirituels,  ils  regardaf- 
fent  leurs  enfans  dans  l'cgarement  ,  comme  Att 
mabdes  qu'il  fjut  gucrir  ,  £<  non  pas  tuer.  Il  re- 
mon'roit  que  la  tropgran<le  rigueur  aigrit  Icm.nl: 
qu'on  devoit  mettre  de  la  difFcrence  entre  un 
Etat  pur  ,  où  tin  petit  no-nbre  de  Doâeurs  fe 
gliiTe,  &  un  Royaume  dont  le  Clergé  8c  les  S<5- 
culiert  fe  trouvent  plonges  dans  un  abime  d'er* 
fftur«:  qu'au  lieu  d'employer  la  force  pour  les  dé* 
raciner  ,  il  fall"it  donner  du  tems  au  peuple  de  s'en 
défaire  par  dcgrcs.  Ses  fagcs  confcils  fervirent  à 
morltrér  le»  fuppliccs ,  txuii  ooa  é  les  profcrir^ 
cmicicmcnc. 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    31», 

Une  hydropifiï  ,  accompaJ  née  d'une  fièvre  len- 
te ,  ayant  enlevé  Marie  en  155^  »  *."  m'I'*"  dts 
ib' icitu  des  que  fon  zèle  lui  donnoi: ,  Eitfabuh^ 
£1:2  de  Htnri  VIll  èl  d'Anne  de  »  Bculen  ,  régna 
après  elle.  Pour  affermir  la  couronne  fur  fa  tèce» 
e'ie  donna  une  entière  liberté  de  cor.fcienco 
à  tous  fes  fujets.  Elle  pût  le  titre  qui  paroif- 
f ait  ,  ce  femble  ,  ridicule  dans  une  femme  ,  de 
Chef  /upréme  ic  l'E^Hfc  An^liccne.  La  Reli£;ioa 
de  cette  Eglife  dont  elle  peut  être  regardée  comme 
}a  principale  fondatrice,  fut  flx-ie  alors.  La  litur- 
g.e  fut  réglée  telle  qu'elfe  cft  aujourd'hui  >  on 
conlcrva  l'ordre  hiérarchique  ces  archevêques  » 
évêques  ,  chanoines  ,  curés,  ainfi  que  de  plufieurs 
cérémonies  des  Catholiques  dans  la  cékbratioa 
des  mylléres  ;  mais  on  adopta  prefque  tous  ^s 
dogmes  des  Luthériens  &  des  Ca  Iviniftes. 

La  doctrine  de  ces  liérctiques  avoit  jette  d^ 
profondes  racines  en  Ecoffe  ,  qui  obeiflfoit  à  d'au- 
tres fouverains  qu'a  ceux  d'Angletcrret  L'apôtre 
de  l'héréûe  daiu  ce  pays  fut  un  nommé  Jcam 
Cnos ,  qui  dès  l'an  1552  avoit  hit  beaucoup  de 
profélytes  en  prêchant,  contre  la  MelTe  &  les  au- 
tres points  de  la  croyance  Catholique.  Les  évê« 
qucs  l'ayant  pourfuivi  comme  un  féduûeur,  il  fe 
retira  a  Genève  ,  d'où  il  revint  en  Ecoffe  lorf- 
que  Marie  Siuan  ,  héritière  du  trône  d'Ecoffc 
palTa  en  France  pour  époufer  Françtlj  II,  Il  pro- 
fita de  l'abfence  de  cette  princefTe  pour  ctabli* 
fttxci  les  Ecolïois  la  même  furme  de  culte  &  \i 

Oiii 


5it  E  L  r  M  1  K  s 

même  difcipline  ecclciufiique  que  les  Gcneroi* 
tenoient  de  Cahia,  &  que  le  Parlcmeat  d'Ecoflr 
adopta  rolemncllemeot  en  i{6c.  C'c(l  ainfi  que 
le  Cilvioifme  ,  fondé  fur  les  loix  de  l'Etat ,  de- 
vint la  religion  dominante;  &  ALrit  Siuvt  ,  de 
retour  dans  fa  patrie  après  la  mort  de  fon*cpoux, 
eut  beaucoup  de  peine  à  obtenir  la  pcrmiilionde 
£iire-dirc  la  MeiTe  dans  fa  chapelle. 

Cette  malhcureufe  princeffe  effuya  de  conti- 
nuelles travcrfcs  en  EcolTe  ,  6t  les  Catholique» 
éprouvèrent  les  contre-coups  de  l'averûon  qu'on 
•▼oit  conçue  pour  elle.  »  Sa  conduite,  (dit  Bof- 
»•  fuet ,)  avoit  augmenté    la  haine  que  fes  fujecf, 

•  pour  la  plupart  hcrctiqucs  ,   avoicnt  dcjà  pour 

•  fa  religion.  Comme  elle  etoit  accoutumée  a  la 
••  magnificence  de  U  Cour  de  France ,  elle  faifoit 
m  des  dcpenfes  que  la  pauvreté  de  fon  ro^a  mQ 
M  ne  pouvoir  fouffrir.  Pour  diminuer  le  crédit  de 
f»  Jacfitti  comte  de  Murrai ,  fon  frère  bâtard,  chef 
m  des  Cflvtnil^es  ,  elle  cpoufa  Henri  Smart  fon 
»•  parent  ,  qu'elle  tlt-couroiu.er  Roi.  Mais  c  le  te 
p  m.prifa  bientôt-après,  &  elle  éleva  fi«h4it  ua 
m  mufiwicn  ,  que  non  -  feulement  les  Gr^n  \  dia 
m  royaume ,  mjls  le  Roi  lui  -  mcme  en  devînt  ia« 

•  loux.  Il  luiii-taer  foo  muficien,  quiétoit  «devenu 

•  fun  fecréiaire  &  fon  principal  miniûre.  Elle 
n  fit  -  femblani  de  lui  parJo.iner  ;  mais  quelque 
m  tcms  après  ce  jeune   Roi  fut  éirr.(;U-  dint  fon 

•  ht  ,  fit  la  chimbre  o.i  il  couchoit  f^uia  en  mi* 
|t  Bc  •  ICO*  pv  UQC  oùac.  Le  comte  ù%  iivtmd 


t)E  l'Histoire  Ecclésiastique,     ^f) 

h  fut  l'auteur  de  cet  arteiitdt,cc  iitontiuçar  après 
n  il  ol'a  demander  Ji  Reine  en  nnriagc.  Elle  h 
>»  laiffa  forcer  à  l'epoufer  ,  après  qu'il  eut  été 
>>  juilifié  prefque  fans  procédures.  On  connut  af- 
»»  fez  que  la  Reine  ne  hnùToit  pas  ce  meurtrier, 
r>  &i  h  haine  de  fes  iujets  s'accrut  fans  mefure.  m 
(  ÀBiiLCÉ.  de  l'Hijl.  de  Frcnec  ,  année  1567.  ) 

On  prit  les  armes  ,  on  fe  rendit  maicre  de  fa 
perfonDC  ,  &  on  l'enferma  dans  une  forterelTe.  Af<2< 
rie  s'étant  echjppeo  de  fa  prifon  ,  fe  mît  à  la 
lêre  d'une  armée  :  mais  la  perte  d'une  bataille 
la  força  de  fe  retirer  en  Angleterre  ,  où  elle  s'é- 
loit  flattée  mal-à-propos  de  trouver  un  aiîle  af- 
iurc.  Elifdbtth,  jaloufe  de  fes  talens  ,  de  fa  beauté, 
&  fecrettement  animée  contr'elle  la  fit-arréter  , 
&  après  l'ovoir  retenue  long-tems  dans  une  dure 
captivité,  elle  la  fic-condamner  à  perdre  la  tète 
fur   un  échaf^ud. 

Cette  ci'.èbre  éxecution  fe  fit  au  commence* 
ir.ent  de  i^S-f,  dans  le  c'ni:eju  de  Forteringaie,  fa 
dcrni.re  pri  "on.  Elle  demin!a  qu'on  l'exécucât  en 
publiC  ,  afin  qu'elle  put  rendre  un  témoignage 
éclatant  à  la  Foi  de  fes  pères.  Etant  montée  fur 
l'échaffaud  avec  une  fermeté  qui  tira  des  larmes 
des  yeux  de  fes  plus  grands  ennemis  ,  elle  ha- 
rangua le  peuple,  pria  Dieu  pour  l'Eglifc,  pour 
1j  reine  Elifateth  ^  pour  fon  bourreau,  &  mourut 
aHfTi  hcroiquemeat  que  chrétiennement. 

yjf;u«,fils  de  l'infortunée  Marie,  lui  ayant  fuc- 
cédc  fut  le  trône  d'EcuITe ,  foutint  par  fa  protçe^ 


^lô  E  L   E   M   E    K  5 

•lOn  &  par  (es  ccrits  la  Religion  Anglicane  ,  qui 
depuis  foQ  rcgoe  a  prci'que  toujours  dominé  ea 
Angleterre,  en  EcjlTe  âc  ea  Irlande.  Elif^htih  ài- 
livrie  d'une  rivale  qu'elle  avoii  tant  redoutée  » 
|i'cn  fui  que  plu»  animce  contre  la  Religion  Ca- 
tholique ,  fur-tout  depuis  que  5iJu«-Qui/ir  avoit 
iulmine  une  bulle  par  laquelle  il  delioit  Tes  fu- 
jets  du  rerment  de  fidclité.  Elle  fit  un  grand 
nombre  de  lois  pour  dtfeodre  l'exercice  de  cette 
Religion.  Les  premicres  contraventions  ctoieat 
punies  par  de  grcflcs  amendes  ,  enfuite  par  la 
contiTcation  des  b.cas  ,  eafn  par  une  prifoa 
perpétuelle  où  piuûeurs  Catholiques  périrent  (U 
ssifére. 

Des  le  commencement  de  fon  règne ,  les  Eve» 

ques  qui  ne  voulureiu  pas  reconnoitre  cette  fetn- 

Bie  imperieufe  pour  chef  de  l'Eglife  Anglicane  , 

furent  tous  dépouilles  de   leurs  dignités.  Confiné* 

U  plupiri    dans    ditfcrentes    prifons  ,    ils    lurent 

traites  avec  une  rigueur  peu  conforme  aux  fentW 

Bcns   d'humanité    qu'L/i/jbtth    afTeii^oit    quelque- 

fois.  Lntin    ayant  dcdare  criminels  de  Icxe-Mi» 

îcftc   tous    les    prêtres   Anglois    Catholiques  qui 

reviendroicnt  en  Angleterre  ,  on  en  pr:t  un  grand 

BOm're  qui  (érirent  par  le  dernier  (upplice  ,  tfti» 

■voir  efluyc  Us  plus   rudes   tonurcs. 

Vts  Partis  que  U  RèformMJon  a  produits  en 
j4n^Uterre, 

m  La   Rcformatioa  de  l'Angleterre  ,  cet  ouvrit 
H  ge  de  luxsurc,  fclga,l^i.r/ia  ,  ac  i4Si*  p<à»a4t^ 


VE  L'HisTomE  Ecclésiastique 

»  venir  (  dit  M.  l'Ajbé  Pluquct  )  un  ouvrage  dé 
n  coafuûon.  Pluficurs  Ânglois,  qui  avolent  été 
M  fugitifs  fous  le  règne  de  Marie  ,  retourncrenc 
>»  en  Angleterre  ,  pleins  de  toutes  le*  idces  de 
n  1j  Reforme  de  Genève  ,  de  SuifTe  ,  &  de  France, 
Tt  Ces  Protcftans  ne  purent  s'accommoder  de  la 
w  Reforme  d'Angleterre  ,  qui ,  à  leur  gré ,  n'avoif 
»»  pis  été  pouffee  affez  loin. 

)i  Ces  Réformes  ardens  fe  féparirent  de  l'Eglifs 
»•  Anglicane  ,  &  firent  entr'eux  des  affembléei 
n  particulières  ,  auxquelles  on  donna  d'abord  le 
»»  nom  de  C^nicnt'uuUs.  On  appclla  auffi  Fruhy^ 
n  térienj  ,  ceux  qui  i'étoicnt  ainfî  fcparés ,  parce 
r>  qu'en  refufant  de  fe  foiuriettre  à  la  jurifdic- 
r  tion  des  Lvêques  ,  ils  foutenoiem  que  tous  les 
»  prêtres  ou  miniftres  avoient  une  égale  autorité, 
M  Bi.  que  lEglife  dcvoit  être  gouvernée  par  det 
y  Presbytères,  ou  CoDfiAoircs  ,  compofcs  de  Mi- 
r  niûres  &  de  quelques  anciens  Laies,  aiaû  qu* 
»  Cjhin  I  avoir  établi  à  Gencve. 

X  II  £e  forma  donc  fur  ce  fujet  deux  partis  j 
»  qui  ,  au  lieu  d'avoir  de  la  condefcendance  l'ut» 
»  pour  l'autre  ,  commencèrent  à  s  inquiéter  mu« 
n  tuellement ,  par  des  difputes  de  vive  voix  9c 
n  par  écrit. 

»  Ceux  qui'  adhcroient  à  l'Eglife  Anglicane,  rrouv 
M  voient  fort  mauvais  que  des  particuliers  pré» 
«  tendiffcnt  reformer  ce  qui  avoit  été  établi  par 
m  des  Synodes  Nationaux  £i  par  le  Parlement, 
1^  P'uaâuue  côic^lcs  Presbytériens  oe  trouY«ie2)i| 


524  T  L   £  M  T  S  t 

»»  pas  moins  étrange .  qu'on  voulût  I«  afl'ui«(tî^ 
n  à  pratiquer  des  chofes  qu'ils -croyoient  contrat 
m  rcs  à  la  pureté  de  b  Rcligtoo ,  &  on  les  nomma 
n  à  caufc  de  cela   Puritains. 

M  On  voyoit  donc  les  Evcques  &  le  Parle- 
f»  ment  traiter  comme  des  hcrcciques  les  Ré- 
r«  formes  qui  r.e  vouloicnt  pas  Aiivre  la  Litur« 
•I  gie  établie  par  EUfahtih  -,  tandis  qu'une  partie 
•»  de  la  Nation  Angioife  n'ctoit  pas  moins  choqace 
»•  de  voir  un  MiniOre  faire  l'oHiLe  en  furplis  , 
»>  que  d'entendre  prêcher  une  hcrciîe ,  &  traitoit 
*«  de  fuperrïitions>  idolâtres  toutes  les  ccrémo' 
t>  nies  que  i'Eglife  Anglicane  avoit  coniervces. 

t>  Les  partifans  de  la  Liturgie  furent  nommék 
»  E^ifcopaux  ,  parce  qu'ils  recevoicnt  le  gouvcr^ 
»•  nement  Epifcopal.  On  les  appelia  aufC  C^t- 
w  furmijles ,  parce  qu'ils  fe  conlormoient  au  cuUe 
r»  établi  par  les  Evcques  &  par  le  Parlement. 

M  Les  Presbytériens  s'appellérent ,  au  coturaire^ 

•  Nvn-Cvnfvmiftet  ou  Puriuins. 

X  La    Hiérarchie  eft  le  point  principal  fur  le. 

•  quel  ils  font  divifcs. 

H  Depuis  que  ces  deux  parfis  fe  font  divifcs , 
f»  chacun  a  travaiiré  avec  ardeur  a  gagner  l'avan- 
M  tage  fur  l'autre.  Les  d'ffcrens  partis  politiques 
»»  qui  fe  font  formel  en  Arglererre  ,  pour  ou  coa» 
M  tre  l'autorité  duHoi,  ont  t.ichc  d'entraîner  dans 
H  leurs  intérêts  ces  deux  partis.  Comme,  dam  r«- 
•»  rigine  ,  les  Prtsbytcriens  ou  les  Puritains  fu- 
^  rent   Uani    l'op^irciiioa  »  paice   que    l'auturitt 


De  l'Histoire  Ecclésiastique.    325 

m  Royale  &  celle  du  Clergé  étoient  réunies  con. 
Il  tre  eux  ;  les  Presbytériens  fc  font  attaché» 
>»  aux  ennemis  de  la  puiliance  Royale  ,  comme 
»  les  Epifcopaux  fe  Ibnt  attachés  aux  Royalif- 
rt  tes.  Ces  deux  fedes  ont  eu  beaucoup  de  part 
>i  aux  mouvcmens  qui  oot  agite  l'Angleterre  i  les 
»>  Puritains  furent  la  caufe  principale  de  la  révo- 
»>  Union  qui  arriva  fous  Charles  /  ,  8c  depuis  cc 
»>  tcms  lis  font  le  parti  le  plus  nombreux.  « 

H'iftolre  de  Pêtaklrjfement  de  l'Héréfie  dans 
Us  Pays-Bas, 

Le  commerce  que  les  Anglois  &  les  Protef- 
tans  d'Allemagne  avoient  avec  les  Pays-Bas  ,  8c 
les  livres  dongercux  qu'ils  rJpandoient  à  la  fa- 
veur de  ce  commerce  ,  infpirérent  les  nouvel- 
les erreurs  à  un  grand  nombre  de  perfonnes» 
Churlcs-Qjtint  ,  fouverain  de  ce  pays  ,  s'oppofa 
en  vain  aux  progrès  de  l'htrcûc.  Phiupye  // ,  fon 
fih  5c  fon  fuccefTeur  ,  crut  arrêter  les  ravages  , 
en  fondant  de  nouveaux  évéchés  ,  en  envoyant 
desminifircs  de  fes  volontés,  pleins  de  fcvcrité, 
en  ctablilTdnt  le  redoutable  tribunal  de  l'Inquifl- 
tion.  Mais  la  rigueur  irrite  ordinairement  lej- 
efprits  ,  au  lieu  de  les  ramener.  Le  cardinal  de 
Cranvclle  ,  envoyé  dans  les  Pays  -  Bas  ,  où  il 
efiVaja  les  Hérétiques  par  l'appareil  des  fuppli- 
ces  ,  ne  put  jamais  faire>recevoir  le  Lint-OfHcc,, 
&  fut  obligé  de  (Quitter  uo  pays  où  il  étoit  dé- 
l&ùà* 


Jî4  E  I   E    M   E   V   $ 

Les  Uérétiques  n'ctanc  plut  contenus  par  li 
prcfence  de  Grtuiye.U,  le  r^pandircrt  dans  toute» 
les  provinces  ,  &  ,  leur  hitràiefTe  croiffant  aTec  leu' 
nombre  ,  ils  fe  vengcrent  fur  les  Catholiques  des 
traitemens  qu'un  l-'relat  catholique  leur  avoit  fait- 
clTuyer,  Ils  entrèrent  dans  les  villes  ,  pillcrent 
les  Eglifes  ,  profanèrent  les  Tabernacles  ,  brifé- 
rent  les  ftatues  des  Saints  ,  chaiTcrent  les  Reli- 
gieufet  de  leur  cloitre  ,  &  maffacrerent  les  PrcUtt 
&  les   Religieux  qui  ofcrcot  leur    réûfter. 

La  princelTc  Mjrgueriie  ,  fille  t!e  Ckai lu-Quint 
Mt  gouvernante  des  Pays-Bas,  crut  pouvoir  arrê- 
ter ces  affreux  excès,  en  falfant- publier  de  nou- 
veau les  édits  de  l'Umpcreur  (on  père  contre  les 
novateurs.  Cet  aûe  de  vigueur  ,  loin  de  calmer 
les  efprits  ,  n'ayant  fervi  qu'a  les  aigrir  ,  elle 
écrivit  à  P/ùùfpe  //,«  que  les  P  ys-3?i  avoienc 
»  moins  bcfoin  du  gouvernement  doux  d'une  Prin- 
m  ceiTe,  que  de  la  main  courageufe  d'un  général,  n 
Pftriipf,t  II  lui  donna  pour  fucccireur  le  duc 
à'Alkt,  qui  fe  rendit  en  Flandres  à  la  tête  de  doui« 
à  quinze  mille  hommes  en  1567. 

Ce  fameux  capitaine  ,  naturellement  dur  8t  fc- 
vére  ,  ne  fut  pas  plutôt  arrive  à  Bruxellef  ,  qu'il 
fh-arrcter  plulîcurs  des  principaux  feigneiirs  de» 
Pays-Bas,  parmi  lefquels  étoicnt  le  comte  d'£^ 
moniU  le  comte  de  Hvn  ,qiii  eurent  La  t£re  tran- 
tiKt.  GutJ/»umt  ptince  d'Orange  .encore  plut  fuf» 
y«â  à  U  cour  d'Efpagne  ,  parce  qu'il  étoit  l'aaM 
4â.  U  Ligue  fccictic   loroKc  çoaut  le  gouTcr* 


DE  LlîlSTOrRI  ECCLESIASTTQX^   $t^ 

nement  ,s'ét3nt  fauve  en  Allemagne,  fut  condamné 
par  contumace.  Dix -huit  cents  perfonnes  périrent 
en  même  tems  par  la  main  du  bourreau. 

Les  Hcrctiques  effrayés  foupiroient  après  un 
vengeur.  Le  Prince  d'Orange  rentre  dans  les 
Pays  -  Bas  à  la  tête  de  près  de  trente  mi!!ô 
hommes  ,  en  partie  foudoyés  par  les  Princes  Pro» 
teftans  d'Allemagne.  Il  fajt-entrer  dans  fes  inté- 
rêts les  provinces  de  fon  gouvernement  ,  en 
bannit  la  Religion  Catholique,  &  fe  fait-déclarer 
Statoudher  de  fes  provinces.  Les  Huguenots  dff 
France  vont  fervir  fous  fes  étendards  avec  le 
même  emprtffement  que  les  Protcftans  d'Allema- 
gne. Ccioit  pour  eux  une  elpcce  de  Cr^ifade* 
Tous  les  ennemis  de  Phd  ppe  1 J  èi.  de  \a  Reli- 
gion Catholique  le  favonfent  en  fecret,  ou  le  fou- 
tiennent  ouvertement.  C'cft  ainfi  que  le  Calvi- 
oifme  devint  la  Rch-ion  dominante  des  Provin- 
ces-Unies. 

Les  ^Ln^ftre$  Réformés  trnrcm  plufieurs  alTem- 
blées^&  donnèrent  a  leur  Eglife  de  Hollande  la 
difcipline  que  Cahin  avoit  établie  à  Genève.  Bien» 
<6t  on  les  vit  divifés  eiur'eux.  Ils  ne  fe  réuni- 
rent que  dans  les  efforts  qu'ils  firent  pour  em- 
pêcher qu'on  n'accordât  aux  autres  Religions  la 
tolérance  qu'ils  avoient  d'abord  demandée  .'pour 
eux-mêmes. 

Tandis  que  ces  petites  querelles  intérieures  agi- 
toient  l'Eglife  HoUandoife  ,  la  République  ctoic 
^taqu<«  au* dehors  par  du  Puiflapces  ituo^ctu^ 


326  Elïmens 

Les  détails  des  petits  combats  &  de  tou<  les  tf* 
forts  qu'elle  fit  pour  (outen.t  fa  liberté  naiffjnte, 
n'appartiennent  pas  à  cet  Ouvrage.  II  fuiïira  de 
(Tire  que,  lorfquc  le  Friace  d  Orange  employoit 
toutes  les  relTources  de  fon  coarage  â(  de  Con 
génie,  il  fin  tué  d'un  coup  de  piftolet  par  un 
Franc-Comtois  appelle  Bjifis^^tr  Gt'oid,  le  dix 
Juillet    1584. 

Maurice  fon  fils  marcha  fur  fes  traces,  5c  ayant 
continué  la  guerre  avec  la  même  valeur  &  les 
mên  es  fucccs  ,  les  Lfpajinols  fc  virent  enfin  con- 
tramts  par  le  fort  des  armes  a  conduire  en  i6o(> 
DOC  trêve  avec  la  nouvelle  république  des  Pro- 
vinces-Unies. La  fuite  de  cette  fmçuliîre  révo- 
lution appartenant  plus  à  l'H:ttuirc  profane  qu'^ 
l'eccIcfiaAique  ,  nous  renverrons  nos  teneurs  aux 
Ecrivains  qui  en  ont  tracé  le  tableau. 

De  la  Religion  dans   une  partie  du  SorJ. 

Lutter  avuit  enlevé  à  l'E^life  une  partie  df 
KAIiemagne  ;  fes  difciplcs  lui  arradiércnt  prefque 
tous  les  royaumes  du  Nord.  La  Norn-cge  &  le 
Uanemarck  fc  tixcrcnt  pour  tuu)Ouri  dans  l'hc- 
rcfie.  Ce  po:fon  infcda  U  Hongrie  -,  le»  Luthé- 
riens,  profitant  des  troubles  de  ce  pays  ,s\iabli- 
«aot  dans  la  haute  .  Ac  le»  Olv  nille»  d»n%  la  bafTe» 
On  accorda  dans  la  Traofylvanie  la  liberté  d'en- 
feigncr  tout  ce  qu'on  voudron  en  msiicre  de  rv. 
ligion ,  &  a  la  faveur  de  cet  cdii  donne  en  ijùi  , 
Im  LuthciiCiu  ,  lc>  C«lvuuAcA  &  le*    ^ociuicolk 


DE  L*HiyrcnRE  Ecclésiastique,     ^x.-/ 

firent  de  nombreux  difciples.  Plufieurs  EglifesLu* 
thcriennes  turent  formées  en  Pologne  foius  le  rè- 
gne de  S.'gij'mjrid-Aiigu/}e,qui  monta  fur  le  tronc 
en  I  548.  Les-  Calviniftes  y  envoyèrent  aufl"!  des 
prédicateurs  ,  &  ,  quoique  ennemis  implacables  des 
Luthcriens  ,  ils  fe  réunirent  contre  la  Religion 
Catholique.  Cependant  ,  les  Rois  n'ayant  poinc 
abandonné  cette  Religion,  elle  a  (oujours  été  do* 
minante  en  Pologne. 

La  Suède  étoit  Catholique ,  lorique  l'héréfiarque 
Allemand  parut  :  deux  Suédois  qui  dvoient  écudit 
fous  lui  a  Wittemberg  ,  portèrent  fa  doctrine  en 
Suède.  On  ctoit  alors  au  tort  de  la  révolution  q-iù 
enleva  h  Suède  au  Roi  de  Danemarck  ,  6c  qui  pljça 
ftir  le  trône  Gujîave-Wafa  ;  on  ne  s'appervut  pas 
du  progrès  du  Luchéranifme. 

Gujlave,  placé  en  15IJ  fur  le  trône  de  Suède, 
dont  il  venoit  de  chiffer  le  beau -frère  de  l'Em- 
pereur, avoit  à  craindie  l'autoritc  du  Pape  dévoué 
à  CharUt-Qjiint ,  &  le  crédit  du  Clergé,  toujours- 
^vorable  à  Chri/liem  malgré  fa  tyrannie  :  d'ail- 
leurs Gii/lavt  vouloir  clianger  le  gouvernement  de 
îa  Suède  ,  &  régner  en  monarque  abfolu  dans  un 
pays  où  le  Clergé  avoit  maintenu  fes  droits  ,  au 
milieu  du  defporifme  &  de  la  tyrannie  de  Chrlf- 
tiern.  Il  rcfolut  donc  d'anéantir  en  Suède  lapulf-i 
fanceduPapc  8f  l'autorité  du  Clergô.  Lutheravoit 
produit  ce  double  eflFet  dans  une  partie  de  l'Alle- 
magne par  fts  déclamations  contre  les  Ecclélîafti- 
i^ues.  {>ii/?«i'c'fevorifa  le  Luthi^ranilme  ,  ScdoicA 


^l!f  E  L  E  M  E  N  5 

fecrcttemcnt  ordre  à  les  Miniftrcs  de  protégera 
Luthériens  ,  &  d'en  attirer  des  univerûtés  d'Al* 
iemagne. 

La  plupart  de  ces  nouveaux  Doâeun  avolcnt 
Favaotaî^e  de  la  ûicnce  &  de  l'cloquence  fur  le 
Cierge  ,  âc  ircme  uncettam  air  de  régularité  ,  que 
dkïnoeni  les  premières  ferveurs  d'une  nouvelle  Rt- 
ligioo.  Us  ctoient  ccoutcs  avec  plailir  par  le  peu- 
ple, toujours  avde  de  nouvcautcs,  &  qai  les  adopte 
iiaos  examea  ,  lorsqu'elles  ne  demandent  point  de 
iacrihce  ,  &  qu'elles  ive  tendent  qu'a  abaitTer  fes 
fupcrieurs.  Vne  apparence  de  faveur  qui  (c  rC- 
pandoit  imperceptiLtlemcnt  l'ur  les  predic  ateurs 
Luthériens  ,  leur  auiroit  l'attention  de  la  Cour  Se 
de  la  prenucre  Noblefle  ,  qui  ne  voyoit  encore  qu* 
des  Prelau  attaqués. 

Pendant  que  ces  Doâeurs  prcchoient  publique- 
vient  le  Lurhéraaifroe ,  Gufiu*t  de  Ton  cote  cher- 
chcit  avec  affectation  difi'crcns  prctcxtcs  pour  rui- 
ner la  pjiilance  temporelle  des  Evéques  6c  du  Cluf 
gé.  Il  attaqua  d'abocd  les  EcclétîaAiques  du  fécond 
Ordre  ,  &  après  eux  les  Evoques.  11  rendit  fuc- 
cclTivement  pluhcurs  déclarations  contre  les  Ci*- 
lés  fil  contre  les  Evêques  ,  en  faveur  du  peuple, 
le  fur  des  objets  purement  temporels  .  tels  que 
la  dtcbration  qui  dcfcod  aux  Lvcques  de  s'ap. 
proprier  les  biens  ti.  la  fucccliioa  de»  LccUioAi- 
.qucs  de  leurs  djucéfes. 

Le  Cierge  prcvit  les  projets    de   GnJtjfi  ,  fat» 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    ^î^j 

venoit  toutes  leur  s  démarches  5c  rendoit  tous  leur» 
efforts  inutiles.  Il  dépouilla  fuccefTivcment  les  Evê- 
ques  de  leur  pouvoir  &  de  leurs  biens  :  il  pro- 
teftoit  cependant  qu'il  étoit  très- attaché  a  la  Re- 
ligion Catnolique.  Mais  lorfqu'il  vit  que  la  plus 
grande  partie  des  Suédois  avoient  changé  de  Re- 
ligion, il  (e  déclara  enfin  lui-même  Luthérien  ,  & 
nomma  à  l'archevêché  d'Upfal,  Laurent  Pari ,  au- 
quel il  fit-époufer  une  demoifelle  de  fes  parentes* 
Gujiave  Ce  fit  eiifuite  couronner  par  ce  Prélat,  & 
bien. et  Ij  Suède  devint  pre:que  toute  Luthérienne, 
Le  Roi  ,  les  Sénateurs  ,  les  E'-èques  &  toute  la 
NojIelTe  firent  profedl  on  pub  ique  de  cette  doc- 
trine. Mais  comme  la  plupart  des  EcciétiaAiques 
du  fécond  ordre  6c  les  Curés  de  la  campagne 
c'avoient  pris  ce  parti  que  par  contrainte  ou  par 
foibleiTe  ;  on  voyoi:  da:u  placeurs  Eglifes  du 
royaume  un  m-ilange  bizarre  de  cérémonies  Ca- 
tlioliques  &  de  prières  Luther  iennes.  Des  Prêtres 
&  des  Cures  mariés  di^oient  encore  la  Meffe  ,  en 
plufieurs  endroits  ,  Tuivant  le  Rituel  &  la  Litur- 
gie Romain*.  On  adm  niûro  t  le  Sacrement  du 
Baptême  avec  les  prières  &  les  exorcii'mes  ,  com- 
me dans  l'Eglife  Catholique.  O  a  enterroit  le» 
mor  s  avec  les  mêmes  pri.res  qu'on  Cuiploie  pour 
demander  à  Dieu  le  foulagement  des  amcs  des  Fi- 
dèles ,  quoique  la  doctrine  du  Purgatoire  fut  coa' 
damnée  par   les  Luthériens. 

Le  Roi  voulant  établir  un  culte  uniforme  dang 
iiaa  loyauaie»  coavoqua  luie  ailemblcc  gcacialf 


3JtO  E   L    E    M    E   N    s 

de  tout  le  Cierge  de  Suède  ,  en  forme  de  CooS 
cile.  Le  Chancelier  prcùda  a  raircmblcc  au  nota 
-4u  Roi  ;  les  Evéquvs ,  les  Doûcurs  &  les  PaHeurs 
-des  principales  Eglifcs  ,  compolcrent  ce  fynode 
Luthcrico.  Us  prirent  la  CoateHion  d'Ausbourg 
pour  ^cglc  de  Foi.  Ils  rcnonccrcnt  folemncllement 
à  l'obéiITance  quMs  dévoient  au  chct  de  rLglire» 
Ils  ordonncrent  qu'on  a!  uiiroit  enticrement  le  culte 
de  l'Eghle  Runtame.  Us  tJLieudircnt  1j  prière  pour 
les  ino:>s.  Ilsempruntcrci.i  àa  Lt^hlcs  Lutiibriea* 
nés  d  Allemagne  la  inaui<:re  d'adminiArer  le  B^ip- 
time  &  kl  Cint.  Ils  dcclarerent  le  mariage  des 
Prêtres  Icgicime.  Us  profcrivirent  le  célibat  8c  les 
•vœux.  Us  approuvèrent  de  nouvciu  l'Ordonnan- 
ce qui  les  avoir  d.pouilKt  de  leurs  privi  cgcs  &  de 
la  plus  grande  partie  de  leurs  bens  -,  8t  les  Lcdé- 
fiaAiques  qui  firent  ces  règlemcns,  ètoient  pref- 
que  les  mimes  ,  qui,  un  an  auparavant  ,  avoient 
fait-raroitte  tant  de  rcle  pour  la  dcfcnfe  de  la 
Religi'H. 

Ils  eurent  cepen43nt  beaucoup  de  peine  à  abo- 
lir la  pratiq»ic  î<  la  difc  piioe  de  l't/.life  Romai- 
ne dans  l'adminiOration  des  Sacrement.  On  en:en* 
doit  fur  ces  changcmens  des  plaintes  dans  tout  le 
royaume.  C/'y?<>r«.  craignant  les  cfTett  du  mccoo* 
tentement  de*  peuples  ,  ordonna  aux  P^Orurt  flc 
aux  Miniftre»  Luihcfient  d'ufer  de  con'Iefcendan» 
ce  pour  ceux  qui  demandoicnt  avec  opini.lireté 
Ici  anciennes  cèrcmnniet  ,  0(  de  n'établir  les  nou. 
velles  ,  qu'autant  qu'ils  irouveroicut  des  dii'po^ 
liona  LAVorables  daot  le»  pcupict. 


r      DE  l'Histoire  Ecclésiastique.     33 1 

Hîfldlre  du   Socinïanlfme. 

De  toutes  les  fecles  qai  fe  répandireat  en  Po- 
logne ,  !d  plus  dan^ereufe  fut  le  nouvel  Arunif- 
me.  Le  premier  auteur  de  cette  héréfie  ,  fut  ua 
médecin  Efpagnol .  nommé  Michel  Servet,  qui  dès 
l'aa  15JI  attaq  13  de  toutes  fes  forces  le  princi- 
pal fondement  du  Chrutianifme  ,  le  dogme  d'un 
Dieu  en  trois  perfonnes.  Apres  avoir  voyagé  dans 
une  partie  de  l'Europe  ,  il  vint  exercer  fa  profef- 
fijn  a  Vienne  en  Dauphin;  ,  où  de  nouveau* 
écrits  le  Jîrent-enfermer  dans  une  étroite  prifon. 
Ayant  trouvé  le  moyen  de  s'cchapper  ,  il  fe  réfugia 
à  Genève.  Il  ^  trouva  Calvin  animé  con:re  lui  du 
reffentiment  que  lui  avoit  infpiré  une  difpute 
qu'ils  avoienc  eue  par  l>:ttre$.  Ce  reformateur  la 
dénonça,  le  fit  arrè:er  ei  155^  •  ^  o'):iit  des 
magiftrats  de  Genève,  qu'il  expierait  Tes  impié- 
tés dans  un  bûcher:  fuppiicc  affreux  ,  infligea  ua 
err  nt  par  un  ermt  .'  «  Si  Scrvet  eût  été  le  plus 
yi  fort ,  (  dit  M.  .Vl.icjuer  ,  )  il  auroit  pu  faire-brù- 
H  1er  C-itvin  a  aufTî  bon  droit  que  -celui-ci  le  tic» 
»»  brûler  'ui-méme.  >» 

*«  Comment  les  maViftrats  de  Genève  ,  (  dit  l'Au- 
n  teur  du  DiH  oiti.itre  dis  Hére'/rei ,)  c[ui  ne  recon- 
M  noi(Toient  point  (Je  Ju  ',e  infeillible  du  fens  de 
»♦  l'Ecriture ,  pouvoient-ils  condamner  au  feu  Ser» 
ft  vct  ,  parce  qu'il  y  trouvoit  un  fens  dîff.-rent  de 
H  Cilvin  ?  Dès  que  chaque  particulier  eft  maître 
f  d'expliquer  l'Ecriture  comme  il  lui  jetait  ,  fao* 


53*  E    L    E   M   E  N   s 

"  rtcourir  à  l'Eglifc  ,  c'cfl  une  grande  in;uftice  Se 
»»  condamner  un  homme  qui  ne  veut  pas  dctcrer 
it  au  jugement  d'un  cothoufufte  ,  qui  peut  Ce  trom- 
*•  pcr  comme  IuL  •<  Cependant  Cjhin  ofa  (aire 
l'apologie  de  fa  conduite  envers  Sir^a.  Il  entre- 
prit de  prouver  qu'il  falloit  faire  •  mourir  les  H«« 
rctiques.  Cet  Ouvrage  traduit  par  CvlUA^n  ,  l'un 
des  J  u^es  de  l'infortune  Aragonnois  (  Genève  i  ;6o, 
in-8°.  )  a  fourni  aux  Catholiques  un  argument  in- 
rincible  ai  k^miaem  contre  les  ProicAans  ,  loiT- 
que  ceux-ci  leur  ont  reproche  de  ù:rc-raourir  Icf 
Caivicifles  en  France. 

Les  écrits  de  Strvtt  s'ét«r.t  répandus  en  Italitt 
quarante  gentils  -  hommes  de  'N'icence  formèrent 
en  1 546  une  focietc,  moiiic  littéraire  ,  moitié  ihé<v- 
logique  ,  pour  y  conférer  fur  les  matières  de  Re- 
ligion. 

M  L'efpèce  de  confufion  qui  couvroit  alors  pref- 
H  que  toute  l'Europe,  (  dit  M.  l'Abbc  PLq.itt  ,  )  les 
I»  abus  grofGers  &  choquans  qui   a  voient  pénétré 
•«  dans  tous    les  Etats  ,  des    fupe  rAiiions  &    des 
m  croyances  j-idicuUs  ou  dangercufcs  qui  s'ctoieot 
M  répandues,  6rcnt-  juger  à  c  eite  Socicté  , que U 
M  Religion  avoii  befoin   d'itrc  réformée  ,  Se   que 
H  l'Ecriture  contenant,  de  l'aveu  de  tout  le  monde» 
H  la  pure  paro'e  de  Dieu  .  le  m  oyrn  le  plus  sû> 
H  pour  dégager  la   Religion  des  faillies  opinions 
••  étoit  de  n'admettre   que  ce  qui    ctoit  enfctgoé 
•  dans  l'Ecriture. 
^   9  Cununc  cette  Société  fc  piquoit  de  liticr2tut| 


DE  l'Histoire  Ecclest  asti  que.    -53^ 

•  &  de  phllofophie ,  elle  expliciua  félon  les  rc- 
»>  glcs  de  critique  qu'elle  s'étoit  faites  ,  8c  con- 
»»  forménient  à  fes  principes  philofophiques ,  la 
►»  doftrine  de  l'Ecriture  ,  &  n'admit  comme  ré- 
»>  vêlé,  que  ce  qu'elle  y,voyoit  clairement  en» 
»  feigne  ,  c'cft-à-dire  ,  ce  que  la  raifon  conce- 
»♦  voir. 

»  D'après  cette  méthode  ,  ils  réduiHrenc  le  Chrif« 
«<  tianifme  aux  articles  fuivans  : 

»♦  Il  y  a  un  DiEU  tris-haut,  qui  a  créé  toutes  eho' 
»  fcs  par  la  puijfanct  di  fon  Verbe  ^  &  qui  gouverne 
M  tout  par  ce    Verbe. 

»»  Le  Verbe  eft  fon  Fll<t ,  &  ce  Fils  efl  JESUS  Ac 
M  Naiarcth  ,  Fils  de  ^IXRIE;  homme  véritah/e ,  muii 
>»  homme  fupcricir  aux  autres  hommes  ,  ayant  éti 
»♦  engendré  iune  Vierge  ,  &  par  C opération  du  Saint» 
vt   Ej'prit, 

»•  Ce  Fils  ,  eft  celui  que  Dieu  a  promis  aux  an» 
n  ciens  Patriarches  ,  &  qu  ''il  donne  aux  hommes.  Cejl 
n  ce  Fils  quia  annoncé  r  Evangile ,  &  qui  a  montré 
w  aux  hommes  le  chemin  du  Ciel  ,  en  mortifiant  fit 
•<  chair  &  en  vivant  dans  la  piété.  Ce  Fils  e/i  mort 
♦»  par  l'ordre  de  Jon  Père,  pour  nous  procurer  laré- 
r>  miffion  de  nos  péchés;  il  eft  rejfufcité  par  la  puif" 
»»  far.ce  du    Père  ,  &  il  eft  glorieux  dans  le  Ciel, 

»♦  Ceux  qui  font  fournis  à  JESUS  de  Nazareth  ,  fvnt 
%<•  juflifiés  de  la  part  de  Dieu;  &  ceux  qui  ont  de  la 
»»  pléti  en  lui  reçoivent  l'immortalité  qu'ils  ont  per» 
•<  due  dans  Adam.  Jesvs-Christ  feul  eft  le  Sel- 
•t   gntur  6*    le   (htf  du  peuple  qui  lui  eft  fournit  j  il 


3 '54  Elemïns 

n  ejt  U  Juge  dti  M t  arts  &  des  ir.crts  \  il  rtvltn» 
ft  dra  vers  les  hcmmes  à  la  con/lmmation  des  fit» 
m  des. 

n  Voila  les  points  auxquels  la  Société  de  ^'i- 
n  cence  réduifit  la  Rdiji^ion  Chrétienne.  La  Tri. 
M  nitc  ,  la  confubilantialiié  du  \'erbe  ,  la  divinité 
»  de  J.  C.&c.  n'ctoient ,  fcli<n  cette  Société  ,  q  e 
M  des  cpiaions  prifes  dans  la  Philofophie  des  Grecs, 
H  fc   non  pas  des    doj^mes  révèles.  »♦ 

Les  affemblées  de  \'icercc  ne  purent  fe  faire 
aflcz  fecrettement ,  pour  que  le  Miniftcre  n'en  tut 
pas  irfttuit.  U  fit-arrctcr  quelques-uns  de  fe$ 
membres,  qu'on  fit-mourir  par  U  main  du  bour- 
reau. Les  autres  prirent  la  fuite.  Tel»  furent  Li~ 
lie  Socin  ,  Pa'utii^  Gtnti/is  ,  &  Eernaidln  Okin  ^ 
capucin  apcftar. 

Socin,  le  chef  de  ces  dogm.atifans  ,  n'ayant  pu  fe 
fixer  en  Suiflfe  ,  fe  rct'ugia  en  1 5  5 1  en  Pologne  , 
état  libre  &  favorable  a  fes  projets.  Il  cnfeigiu 
en  fecret  ;  mais  fes  difciples  ,Jeon  BUndrata  ,  /r«n> 
Paul  Alciat  &  Valcntin  Ctntilis ,  fe  montrèrent  ea 
public  ,  &  firent-goûter  leur  doâiine  à  plufieurfl 
nobles  &  grands  du  royaume  ,  dont  l'exemple  ^ 
le  crédit  fervirent  Icaucoup  a  ractriKfîcn.cnt  de 
cette  dangereufe  (eue. 

Cependant  de»  cdits  émanes  du  trùnc  en  M 64 
&  I  {66  ,  ordonnèrent  a  tous  les  Unitaires  de  for- 
tir  de  )a  Pologne.  Mufieurs  cherchèrent  dei  afy- 
les  dârt  d'autres  royaijm.es;  mais  la  plupart  t'c- 
««ot  cachet  daoi  le   f»y*  cbcx  les  fcigncurt  qui 


DE  lTÏistôire  Ecclésiastique,   ^^f 

les  protegeoient  ,  laiiùrent  paffer  l'orajc.  Des 
qu'ils  ne  craignirent  plus  la  perfécution  ,  ils  écri- 
virent ,  ils  prêchèrent  ;  &  foutenus  par  des  pro 
tedleurs  illuflres  ,  ils  fondèrent  des  Eglifes  8c  des 
Ecoles. 

Faille  Svcin  ,  neveu  de  Lé/ie  ,  foutiiit  l'ouvrage  ds 
fon  oncle  ;  il  fe  retiri  en  Pologne,  où  il  ne  vou- 
lut s'affocipr  à  aucune  des  Eglifes  de  ce  royau- 
me ,  Se  affecta  d'être  l'ami  de  toutes,  pour  les  ame- 
ner à  fes  idées.  Il  leur  difoit  «  qu'à  la  vérité  Lu- 
M  ther  &  Calvin  avoient  rendu  de  grands  fervl» 
•I  ces  à  la  Religion,  qu'ils  s'y  étoient  affez  bien 
»>  pris  pour  renverfer  le  Temple  de  l'Antechriû 
»>  de  Rome,  &  pour  diffiper  les  erreurs  qu'il  ea^ 
»»  feignoit  :  néanmoins  qu'il  falloir  convenir  que,' 
»»  ni  eux  ,  ni  ceux  qui  s'étoient  bornés  à  leur  fyC- 
vt  tême  ,  n'avoient  encore  rien  fait  pour  rebâtir  le 
I»  vrai  Temple  de  Dieu  fur  les  ruines  de  celui  de 
H  Rome ,  &  pour  rendre  au  grand  Dieu  le  vrai 
••  culte  qui  lui  eft  dû. 

>»  Pour  y  parvenir ,(  difoit  Socin.)  il  faut  éta- 
n  blir  comme  la  bafe  de  la  vraie  Religion ,  qu'il 
»»  n'y  a  qu'un  feul  Dieu  ;  que  J.  C.  n'eft  Fils  de 
M  Dieu  que  par  adoption,  &  par  las  prérogatives 
»  que  Dieu  lui  a  accordées  ;  qu'il  n'étoit  qu'un 
n  homme  ,  qui ,  par  les  dons  dont  le  Ciel  l'a  pré  ve- 
M  nu,étoit  notre  Médiateur  ,  notre  Pontife,  notre 
M  Prêtre  -,  qu'il  ne  falloir  adorer  qu'un  feul  Dieu 
M  fans  dillinftion  de  perfonnes.  Ne  point  s'em- 
^  b^rrafl'er  ,  pour  expliquer  ce  que  c'ctoic  que  k 


53^  E   L   E  M    E   K   5 

»»  Verbe,  de  la  maniv:re  dont  il  procédoît  du  PerC 
K  avant  les  ficc'es  ,  &  de  cruelle  iratiicre  il  s'é* 
n  toit  ûic  homme;  qu'il  faJloit  regarder  comme 
M  des  fables  forgées  dans  l'imagination  des  hom- 
n  mes  ,  la  p'»fcnce-rce!le  de  I  humanité  &  de  la 
»»  divinité  de  J.  C.  dans  l'EucharilUe ,  l'effic  cité 
t«  du  Baptcme  pour  etraccr  le  pcche  originel  ,  &.c. 

r>  Ce  pian  de  Religion  plut  !n:':nmicnt  à  ces 
r»  hommes  qui  ne  s'itcicnt  ccari^s  de  la  croyance 
M  des  Eglifes  Reformées  ,  que  parce  qu'ils  ne  vou« 
M  loient  reconnoitre  comme  enfeigné  dans  r£cri« 
M  turc  ,  que  ce  qu'ils  comprcnoicnt.  Les  Unitai» 
f»  res  ,  qui  faifo:cnt  îe  parti  dominan*  parmi  lèse n- 
v>  nemis  de  la  divinité  de  Jcfus-Chrift  .l'aggrégé- 
•<  rent  a  leurs  Eglifes  ,  &  fuivircnt  fes  opinions; 
»♦  Plufieurs  autres  Ef;lifcs  les  imitcrcnt ,  8t  l<i-<iit 
««  devint  le  Chef  de  rou  e«  ces  Eglifes.  •.  (Pif^i/fr, 
Di^iontta'rc  dtt   Hircfiei.  ) 

Svtin  ne  jouit  pas  tranquillement  de  la  gloire 
à  laquelle  il  avoit  afpiré  avec  tant  d'ardeur  :1e* 
Otholiques  &  le*  ProteAans  s'unirent  contre  lut  , 
C(  il  ^nit  fcs  jours  dans  le  vill  igc  de  Lucl.ivie.  où  il 
Vctoit  retire  pour  fe  dcrober  aux  pourfuites  et  (tê 
etroemi».  Sx>un  mourut  en  1604,. j^c  de  65  aiXK 
Oo  mit   fur  (ba^tombeau  cette  épiraphe  : 

Tf>ts  li«f  I^aè<ylt>m   étfliuictt  icHj  L  iherut, 
Afi/ffri  CaNinus  ,yie^  fandémtnis  Sociaux. 

m  Lmthtr   a  i1é*niit  le  toit  de  Babylont.  CsMh  m 
m  a  tcurrrié  Ict  murulict ,  &  Socim  eu  a  arraché  Ut 

u 


DE  lTÏISTOÏRE  ECCtESlASTIQUï.  53^ 
La  Se£le  Soclnienne  ,  bien  loin  de  mourir  ou 
de  s'affoiblir  par  la  mort  de  fon  Chef,  devint  con- 
iîdérable  par  le  grand  nombre  des  perfonnes-de- 
qualité  &  des  Sçavans  qui  en  adoptèrent  les  priiH 
cipes.  Les  Sociniens  furent  en  état  d'obtenir  dans 
les  diettes  la  liberté  de  confcience.  Mais  peu-à- 
peu  on  fe  détacha  d'eux  en  Pologne  pour  s'unir  à 
l'Eglife  Catholique  ,  ou  aux  autres  RelJj,ions  tolé- 
rées dans  ce  royaume. 

Des  Anahjptijlis. 

Une  feue  qui  fe  rapprochoit  du  SociniamAne'^ 
fut  celle  des  Anabaptijies.  Elle  eut  pour  chef  Tho- 
mas Munctr  ,  an  des  plus  fameux  difciplesde  Za- 
thct  ,  &  Saxon  comme  lui.  Il  s'unit  à  Storck  ,  fa- 
natique de  Siléfie  ,  8c  ils  prêchèrent  tous  deux  les 
armes  à  la  main.  Luther  avoir  conimence  par  met- 
tre dans  fon  parti  les  princes-,  Muncer  mit  dans  I« 
fiea  les  liabitans  de  la  campagne,  en  leur  annon- 
çant qu'il  venoit  les  rétablir  dans  la  liberté  primi- 
tive que  J.  C  avoit  apportée  au  monde  ,  &  les 
délivrer  de  !a  tyrannie  de  leurs  feigneur^. 

Ces  fanatiques  prétendoient ,  «  que  les  Chré- 
r.  tiens  ayant  l'Evangile  pour  règh  de  leur  con- 
¥>  duite  &  l'efprit  de  Dieu  pour  guide  ,  l'office  de 
n  MagiArat  étoit  non>feulement  inutile,  mais  qutf 
rt  c'etoit  une  ufurpation  illégitime  de  la  liberté  fpi» 
»♦  rituelle  des  Fidèles.  Qu'ainfi  il  falloir  aotantie 
ft  toute  diftinûion  denaifTance  ,  de  rang  &  de  fots 
w  tune,  comme  contraire  à  l'efprit  évangéliqu*,' 
TûitK  II.  P 


^jH  Ê   L    E   M  f   K   s 

N  qui  ne  volt  dans  coût  les  hommes  que  des  ê:rM 
h  c^aux.  Que  tous  les  Clirctieas  dévoient  mettre 
*  en  commun  tous  leurs  biens  ,  &  vivre  enfemble 
r»  dans  cette  parfaite  égalité  ,  qui  convient  aux 
n  membres  d'une  même  famille.  Enfin  ,  que  la  Loi 
#>  naturelle  (c  le  nouveau  -  TeAament  ,  n'ayant 
»«  crabli  aucune  règle  fur  le  nombre  des  f.-mmes 
r»  qu'un  homme  pouvoit  cpoufcr,  on  devoir  ufer 
pt  de  la  liberté  que  Dieu  même  avoit  accocdce 
n  aux  anciens  Patriarches.  » 

A  ces  prmcipas  d'indépendance  ,  ils  jolgnoient 
des  opinions  pirticulicres  fur  l'adminiAratioa  du 
facrement  de  Biptcme.  Ils  foutenoient ,  qu'o.n  ne 
devoit  l'adminidrer  qu'aux  adultes.  Se  qu'il  ne  le 
falloir  pas  donner  par  arperfion  ,  mais  par  immer- 
(îon.  Ils  rebaptifoient  tous  ceux  qui  entroient  dans 
leur  foci.-tc.  Ils  condamnoient  formellement  l'u- 
fage  de  baptifer  les  enfans  ,  &  c'eft  de  •  là  que 
leur  vint  le  nom  i'Aial<jpci/iei, 

Cette  idce  parciculicre  fur  le  Baptême  a'ctoic 
que  ridicule  ;  mais  leur  enthourufme  pour  la  li- 
berté ctoit  très- dangereux  ,  &  il  ne  tarda  pat  à 
produire  des  etTeti  violens.  M^nttr  &  fes  feâateurs 
ayant  pri«  les  armes  ,  ils  fe  rendirent  maîtres  de 
Mulbaufeo ,  &  firent  -  fuulever  tous  les  payfans 
dans  U  Souabe  ,  la  Franconie  ,  la-Thuringe  &  l'Ai* 
face,  &  par-tout  ils  maTùcrérent  les  moines,  en- 
levcrcat  les  religieuTes  ,  pillèrent  le  clcrj^c  ,  £c 
coiirairent  tes  excès  les  plus  horribles.  Les  pria* 
Ç(t  Ciih^liquei  Se  Luchirlcas  s'aaireac  cwatrc  en 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    33'^ 

fcntlioufiaftes    fanguinaires.  Frcderic ,  tllcdleur  ds 
Saxe ,  cet  ardent  protecteur  de  Luther  ,  leur  livr 
ca  1525  une  fanglante  bataille  prùs  de  Fnnchu. 
fen ,  dans  le  comté  de  Mansfeld ,  &  les  défît  en* 
tiérement,  Munccr  ,  fait  pritonnier  dans  cette  jour- 
née ,  fut  condamné  à  perdie  li  tète.  Storck  s'évada 
en  Siléfie ,  &  envoya  des  difciples  en  Pologne  & 
dans  d'autres  contrées. 

La  mort  de  Munar  ,  n'a  volt  pas  anéanti  l'ana- 
baptlfme  en  Allemagne.  Deux  vifionnaires  de  cette 
fcfte,  Jean  Alaihias  ,  boulange  r  de  Harlem  ,  &  Jean 
Becold ,  tailleur  de  Le}  de  ,  poffédés  de  la  rege 
du  profélytifme  ,  fe  font  de  nombreux  difciples  , 
les  arment ,  &  fe  rendent  maîtres  de  la  ville  de 
Munfler. 

MatJiias,  le  chef  le  plus  audacieux  de  cette  feue 
militante,  ordonne  à  la  multitude  aveugle  qui  lui 
obéiffoit,  de  piller  les  Egllfes  &  d'en  détruire  les 
arnemens.  Il  fait-brùler  tous  les  livres  ,  comme  in- 
utiles ou  impies ,  &  ne  conferve  qii«  la  Bible.  Il 
confifque  les  biens  de  ceux  qui  s'étoient  enfuis  de 
la  ville  ,  &  les  vend  aux  haLitans  des  cantons 
voifins. 

Voulant  enfuite  établir  une  nouvelle  forme  de 
gouvernement  ,  il  ordonna  a  chaque  habitant  d'ap- 
porter à  fes  pieds  fon  or  ,  fon  argent ,  qu'il  dé- 
pofa  dans  un  trélor  public  ,  apiès  avoir  nommé 
des  diacres  qui  le  dlAribuoient  pour  l'uCage  corn* 
mun  de  tous  les  membres  de  la  ncuvcac  ii].ub 
<que.  Lorfqu'il  eut  jette  parmi  eux  Içs  fondemeasi. 

Pij 


5|9  Ê  t  E  M  E  N  » 

d'une  partaice  cgnlité ,  il  !cs  obllgci  de  manger  en- 
femble ,  en  public  ,  dans  des  tables  communes  donc 
il  régla  les  mets.  Joignant  alnfî  la  frugalité  ft  Ij 
vigueur  de  la  dii'Lipline  à  la  fougue  de  l'cnthon- 
fiafme  ,  il  forma  de  Tes  difciples  de  bons  foldats  , 
décidés  à  tout  foufîrir  pour  la  dctenfe  de  leurs 
opinions.  Il  nugmenta  le  nombre  de  fcs  proft'y- 
tcs  ,  en  envoyant  des  cmiffaires  aux  Anabaptidss 
des  Pays-Bas  ,  pour  les  in\iter  Je  fe  rendre  à 
MunAer.  Il  n'.ippelIo:t  cette  ville  que  la  hionta^r.t 
dt  Sion ,  ««  d*où  il  devoir  fortir  cnfuite  ,  (difoit-il ,  ) 
n  avec  fes  "difciplcs  pour  aller  foumettrc  à  leur 
H  pulflance  toutes  les  nations  de  la  terre.  « 

Cependant  l'Evêque  de  MunOcr  ,  chaiTé  de  ft 
ville  cpifcopale  ,  avoit  aflemblc  une  armée  confi- 
dcrable  pour  en  fomer  le  fiéj;e,  A  fon  approche  , 
Mathiat  cn  fortit  à  la  tête  de  quelques  troupes  , 
■ttaqua  un  des  quartiers  de  fon  camp  ,  le  for^" i,  Se 
après  l'avoir  rempli  de  carnage ,  il  renrra  dans  la 
ville  charge  de  dcpouillis.  Ce  fucccs  lui  ^t-tour- 
ner  la  tcce.  Il  pirut  le  lenJem.iin  ,  une  lance  à  la 
main,  devant  le  p;uple  ,  auquel  il  déclara  qu'il 
iroit  comme  un  fctond  G '.L'un,  avec  une  poignée 
de  foldits  ,  exterminer  l'armée  des  impies.  Trente 
cnthoufiaftes  le  fui  vent  dans  cette  entreprtfe  ex« 
travagante  ,  &  vont  fe  précipiter  fur  les  cnne* 
mis  ,  qui  les  mettent  en  picces  uns  qu'il  en  cchap- 
pc  un  feul. 

La  mort  du  Prophc'te  jetta  la  conHernation  dam 
\fi  C(Xur  des  Anjhjjnijlct.  Mm  iitfvld  ,  coopu  auiU 


tïE  t'HlStÔIRE   ECCLESIASTIQUE.  "34I 

/bus  le  nom  de  Jean  de  Lcyde  ,  ranima  bientôt 
leur  courage  &  leurs  efpér^nces.  Ce  vifionnaire, 
(dit  M.  Pluqiitt)  »'  courut  nud  dans  les  rues  , 
»  criant:  Le  Roi  »£  S'iON  vilnt  !  Apres  cette 
«  aftion  ,  il  rentra  chez  lui,  reprit  fes  liabits  Se 
5»  ne  fortit  plus.  Le  lendemain  le  peuple  vint  en 
"  foule  pour  fçavoir  la  caufe  de  cette  adlioa.  Jean 
»»  Bccold  ne  répondit  rien  ,  &  il  écrivit  que  DlEU 
I)  lui  avoit  lie  la  langue  pour  trois  jours.  On  ne 
M  douta  pas  que  le  miracle  opéré  dans  ZacharU , 
)»  ne  (q  l'ut  renouvelle  dans  Jean  BuoU  ,  &  qn 
»  attendit  avec  ùiipuii-^ncc  la  fui  de  ronmutifme. 

>»  Lorsque  les  trois  jours  furent  écoulés  ,  Bt- 
>»  coli  fe  prcfeota  au  peuple  ,  &  déclara  d'un  ton 
>»  de  Prophète ,  que  Dieu  lui  avoit  commandé 
>»  d'établir  douze  Juges  fur  Ifracl.  Il  nomma  donc 
»»  des  Juges ,  &  fit  dans  le  gouvernement  de  cette 
»  ville  (MunAer}tous  les  ju^cmens  qu'il  voulue 
H  y  faire. 

»♦  Lorfque  Bccold  fe  crut  bien  EfFermi  dans  l'ef- 
X  prit  des  peuples  ,  un  orfèvre  vint  trouver  les 
"  Juges  ,  &  leur  dit  :  Voici  ce  que  dit  U  Seigneur 
>»  Dieu  ,  l'Eternel  :  Comme  autrefuis  j'établis  Saiil 
«  Roi  fur  Ij'raïf  y  &  après  lui  David ,  bien  qu'il  ne  fût 
»  qu'un  fmple  bercer  ;  de  même  f  établis  aujourd'hui 
»  liecold  mon  Prophète  ,  Roi  en  Sijn.  Un  autre  Pro» 
X  phète  accourut ,  5c  préfcnta  une  épée  à  Bccold  , 
)•  en  difant  :  Z?/i:t/  t'établit  Roi,  ncn-fcuUment  fur 
»  5ion;  mais  aujfi  fur  tonte  la  terre.  Le  peuple,  tranf» 
t»  porté  de  joie  ,  proclama  Jean  Bccold  Roi  du  SioPt 

Pu; 


54^  E  L  r  M  E  N  s 

•»  On  lui  fit  une  couronne  dor ,  8c  l'on  bzttît  monf 
n  Boie  en  fon  nom.  • 

»•  Bteold  ne  fut  pas  plutôt  proclamé  Roi  ,  qu'il 
H  envoya  vingt-fix  Apotrcs  pour  établir  par  tout 
n  fon  empire.  Ces  nouveaux  Apôtres  excitèrent 
n  des  dcfordres  dans  tous  les  lieux  où  il»  pcnc^ 
t%  trérent ,  fur-tout  en  Hollande ,  où  /<««  de  Ltyd* 
n  difoit  que  Dilu  lui  avolt  donné  Am.lc-rdam  St 
»»  plufieurs  ajtres  vUlcs.  Les  .inabaii/.tt  caufé- 
H  rent  des  grands  délordres  dans  ces  villes ,  &  on 
»  en  fit-mourir  un  grand  nombre. 

"  Le  Roi  de  Sien  a,iprit  avec  douleur  le  mal- 
r»  heur  de  fcs  Apôtres.  Le  découragement  fe  irit 
M  dans  Muniler.  Bientôt-après  la  ville  fut  pri(e 
N  par  l'Evcque.  >•  Becold  fut  tait  prifonnier  ,  chat^ 
gc  de  chaires  ,  &  conduit  de  ville  en  ville,  04 
on  le  donna  en  fpedacle  à  la  curioliic  du  peuple» 
On  le  ramcnaenfuite  a  Aluofter,  le  théâtre  de  (on 
fjnatifme  5c  de  fcs  crimes.  0;i  lui  fit-fouflTrîr  les 
tourmcns  les  plus  lon^s  <!(  les  plut  recherches  , 
iju'il  fuppori^vec  un  courage  digne  d'une  me>}- 
leure  caufc.  Il  expira  dans  les  fupplices  en  1  ^  30  , 
ay^nt  à  peine  vingt-fix  ans. 

Le  royaume  des  Aimhapiijitt  finie  avec  la  vie  de 
leur  Roi  t'hais  leurs  principe^  avoient  iciié  de  trop 
profondes  racines,  pour  que  leurs  erreurs  fufTcRt 
anéantie*.  Une  partie  de  cet  fef^aires ,  plus  traa> 
quilles  Se  plus  paciiiqiiC»,  formèrent,  fous  la  con» 
^uiie  de  Huur  &  de  C«hri<l  ^\iii^\t%  àt  Stvtt^ , 
Njie  fociCtc  d'Atubapiiilcs ,  appeUci  ht  turu  M 


DE  L*HlST01BE  ECCLESIASTIQUE.      34^ 

Moravie  ,  du  lieu  où  ils  s'ctablirenr.  Ilutcer  compofa 
pour  cette  nouvelle  fociété  un  Symbole,  dans  le- 
quel il  rcjettoit  la  croyance  de  la  divinité  de  J.  C. , 
l'efficacité  du  Bapième  pour  effacer  le  péché  ori- 
ginel ,  la  Mcffe  ,  le  Purgatoire  ,  l'invocation  des 
Sarints,  &c.  &c. 

Huttcr  fe  brouilla  bientôt  avec  Gabriel.  Ils  fe 
réparèrent  &  formèrent  deux  fedles  ,  qui  s'e::com- 
munierent  mutuellement ,  l'une  fous  le  nom  à'Hnt' 
térites  ,  &  l'autre  fous  celui  de  Gabriélitis.  Quel- 
que tems  après  ,  les  Anabaptifles  fe  réunirent  en 
Hollande  fous  la  conduite  d'un  certain  Menno , 
&  prirent  le  nom  de  Mennonites.  Ils  fe  fous  -  di- 
vifcrent  encore  en  deux  grandes  branches  ,  de» 
WattrUnders  &  des  Flamands.  Ces  différens  fec- 
taires  ayant  renoncé  aux  principes  fanguinalres 
<îe  leurs  premiers  auteurs  ,  regardent  comme  un 
crime  de  taire  la  guerre  6t  d'exercer  les  emplois 
civils.  Ils  fe  dévouent  entièrement  aux  devoirs 
de.  fimpîcs  citoyens  ,  Se  f^nt ,  par  leur  humeur  pa- 
cifique ,  amende  -  honorable  (  fi  je  puis  m'expri- 
mer  ainfi)  Acs  violences  commifiis  par  leurs  fon- 
dateurs. Heureux  A  cet  amour  de  la  paix  écoit  ac- 
compagné de  l'arnour  de  la  vérité  ! 

Suite  des  P.ipcs  ; 
De  Pic  IV  6*  dt  [Saint  Charles  Borromce. 

On  voit  par  le  tableau  que  nous  avons  tracé 
dos  difFcrentes  feifles  qji  naquirent  da.is  lo  xvi* 
fitclc,  que  tes  Papes  avoient  perdu  une  partie  d« 

Piv 


544  E   L   E    M   E    K   S 

leur  empire  dans  le  Nord  -,  mais  ils  confervoicnf 
encore  tout  leur  pouvoir  en  Italie.  Le  concile  de 
Trente,  convoqué  fous  letirs  aufpices  ,  avoit  cté 
leroiiné  par  les  foins  du  pape  Fit  IV ,  qui  travail'a 
très-fcrieiifcnent  à  fiire-obfervcr  le»  d«^rets  de 
cette  aiVc milice  par  le  clergé  fcculier  ûc  rcgulier. 
Jl  révoqua  toates  les  permifîions,  privilèges,  in- 
duits qui  pouvoieni 'être  contraires  aux  confli- 
tutions  de  ce  Gsncilc  -,  obligea  les  Evoques  à  la 
rifidence  ,  condamna  les  l'intoniaques  ,  drcfVa  une 
profe<non  de  foi ,  réforma  les  diveri  tribunaux  d« 
la  cour  de  Rj.-ne ,  &  At  ua  initM  des  livres  dé- 
fendus. Sa  mort,  arrivce  ea  i)6j  ,  fut  une  perte 
pour  l'Eglife. 

PU  /Kavolt  été  féconde  ,  daiu  fon  zèle  pour  la 
réforme  des  abus  ,  par  fon  neveu  le  cardinal  Chjrlt* 
Borrone'e  ^  que  fcs  vertus  ont  fait-placer  dans  le 
catalogue  des  Saints.  Milan,  dont  il  étoit  arche- 
vêque ,  le  rcgirde  comme  un  de  fcs  bienfaiteurs. 
Dans  une  pelle  qui  a.lligea  cette  ville,  il  brava  la 
contagion  pour  porter  les  fecours  fpiriiuels  6c, 
temporels  à  fcs  ouailles.  Après  que  le  Concile  de 
Trente  fut  termine  ,  il  aUcmbU  fucccflivcment  fix 
Conciles  provinciaux  dans  fa  ville  cpifcopale,  pour 
(aire-recevoir  fes  décrets.  Zclé  rcHaurateur  de  la 
difcipline  eccicfianique,  il  fut  aufli  ferme  à  fou» 
tenir  les  droits  de  l'E^hfe  ,  qu'humble  au  milieu 
lies  hooneurt.  Il  mourut  en  i{84,  lailTant  dam 
toutes  les  aâions  de  fa  vie  un  modèle  aux  Eve» 
guet ,  8c  ua  exempte  aux  auuct  ««clcûadii^uci. 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    ^^  ^^ 

CVft  à  lui  principaiement  qu'on  doit  l'établitTe- 
mrnt  de  ces  écoles  appellces  Séminaires  ,  où  les 
jeunes  clercs  foat  élèves  dans  la  (cience  &  dans 
la  piété. 

Poniijîcat  de  Pic  V  ;  Bataille  de  Lépante. 

P'.eV,  Dominicain,  nommé  auparavant  Michtl 
Ctijltri  ,  pontife  d'un  zèle  ardent  &  d'une  vertu 
«minente  ,  fut  élevé  fur  h  chaire  de  S.  Pierre  après 
Pis  IF.  Son  pontificat  fut  marqué  par  des  événe* 
mens  intéreiïans.  Séi.m  II ,  emperenr  des  Turcs  , 
étant  venu  attaquer  l'ifle  de  Chypre  avec  une  ar- 
m;e  formidable,  Pie  ^'exhorta  vivement  les  Vé- 
nitiens &  le  Roi  d'Efpagne  à  s'armer  contre  ces 
ennemis  du  nom  Chré;ien  :  mais ,  malgré  leurs  ("e- 
cours  réunis,  l'iAe  fut  emportée  en  ijyc  L'an- 
née fuivante  fut  plus  heureufe,  Dpn  Juan  A'Aw 
triche  y  fils  naturel  de  Charles -Quint ,  &  digne  de 
fon  père  par  fes  talens  militaires,  remporta  con- 
tre les  Turcs  une  viâoire  nav.:!e  auprès  de  Lé- 
pante ,  ville  fituée  dans  le  g^lfe  de  Venife.  La 
défaite  deces  Infidèles  fut  comp'ctte.  Environ  deux 
cents  galères  de  la  flotte  Ottomane  furent  r'i'eï. 
On  leur  tua  trente  mille  homTies  ,  &  on  en  fit 
£x  mille  prifonniers -,  quinze  mille  efclaves  Chré* 
tiens  furent  tirés  des  fers.  Pie  V  recneillit  une 
partie  de  la  gloire  de  cette  grande  aûion  ,  à  ii- 
queiic  il  avoix  contribue  par  fes  exhortations  &.  iv/U 
argent. 

Ml.  mourut  en  i  j  72  ,  &  fut  caaonifé  par  Ciântut 


34^  E   L   E   M   E  N   5 

ment  XI.  Ce  fut  pir  l'es  ordres  que  le  CatcclufAC 
du  Ccncîe  de  Trence  tut  r.digc.  L'ardeur  de  Ton 
zc'le  ie  porta  a  l'ulmmer  une  rcnteaced'excommu- 
nicaiion  contre  Elij'*hth  reine  d'Angleterre,  a  déf» 
approuver  hau:ement  l'allunce  de  du-Ut  IX  roi 
de  France  avec  les  Tares  ,  &  a  menacer  Max-' 
mititn  de  le  priver  de  la  couronne  impériale  ,  (*tl 
foulîroit  que  la  diette  d'Ausbourg  s'attribuât  là 
iéciCion  des  matières  de  Religion.  Ces  dcmarchest 
qu'on  pardonnoit  à  h  droiture  de  Tes  intentions  ^ 
•uroient  eu  peut-crrc  des  faites  funcfte»  ,  i'\  oa 
avoir  moins  refpe^c  fa  vertu.  L'ordre  des  H.- 
wiilUt  fot  aboli  fous  fon  pontificat  en  1^71  :  U 
caufe  de  cette  AipprelTion  fut  un  coup  de  pifto» 
let,  qu'un  Religieux  de  cet  ordre  l'ir*  far  S.  Charht 
B.rromée  ,  qui  travaillolt  à  les  reformer. 

Pomifi:M  J:  Grégoire  XIII  ;  De  la  refomjùon. 
du  Calendrier. 

Hugues  Buoreompagne  ,  de  Boulogne ,  crcé  car» 
dinal  par  Pie  IV  en  ij6j  ,  fucccda  à  f/«  V  t% 
1^71,  &  prit  le  nom  de  Crt'gôire  Xllf.  11  a  me» 
rite  la  rcconnoifl'a-.ce  de  tous  les  (îccles  par  ia 
rcformition  du  Calendrier.  L'cq'jînoxe  du  prin» 
t«iT»s ,  qui  dcvoit  tomber  au  21  Mars,  ne  fe  trou* 
voit  plus  qu'au  10  du  mime  mois  ,  parce  que 
l'année  aftronomiqije  diflfîroit  i''-  '■•■  roinu> 

te»  dt  rannée  Julienne  ,  qu'on  :  -..  Ainrt 

tk.  célcbraiion  de  la  fcte  de  Piquet  étoit  trouble* 
(ic  et  dcringemeat  »  t^nc  U  fticceiU'M  dei  lenii 


'de  l'Hiîtoihi  Ecclésiastique.    ^4^ 

^rolt  rondu  de  jour  ea  jour  plus  confidcrablç. 
Pour  y  remédier  ,  Grimoire  Xlll  ayant  confuUé 
les  plus  célèbres  Aftroaomes  ,  ordonna  par  une 
bulle,  qu'en  l'anréc  1552  on  Tctranchcroit  tovit- 
i'ua-coup  dix  jours  ,  en  fautant  du  4  d'OAobre 
au  I^  j&  pour  fixer  perpctuellemenc  l'cquincxc 
du  prinrems  au  zi  Mars  ,  il  arrêta  que  ,  de  quatre 
en  quatre  ficelés  ,  on  fupprimeroit  le  biiTexte  de 
chacune  des  trois  centaines  d'années ,  à  commen- 
cer cette  fupprcfiîon  de  l'an  1700.  Ce  règlement, 
adopte  par  l'Ej^life  Catholique  ,  fut  rejette  par  tous 
ks  Etats  Protellans  \  irais  la  plupart  ont  fentl 
qu'une  réforme  ù  utile  devoit  être  adoptée  ,  quoi- 
qu'on la  dût  à  un  Pape. 

Peu  de  tems  après,  Grégoire  Xlll çyit  la  confo- 
lation  de  voir  à  Tes  pieds  trois  jeunes  Princes  du 
ûng  royal  ,  envoyés  du  Japon  ,  de  la  part  des 
Rois  oc  des  autres  Princes  de  cette  iilc.  Leurs  let- 
tres de  créance  portoient  cette  infcriptlon  :  A  cciul 
qui  tient  la  pUsc  di  Dieu  fur  la  ttftt.  Lc  Pape  les 
reçut  avec  tout  l'appareil  c!ù  u  Ifur  nng  ;  mai», 
pfu  de  jours  après  ks  avoir  adn.is  à  fon  audicn« 
ce,  il  fut  enlevé  à  l'Et^Iife  le  i3  Avril  1585  ,  â 
l'âge  de  8}  ans.  Quoique  Ihirtoire  lui  reproche 
d'avoir  loué  hauceirent  le  malTacre  de  \iSt-BartUi^ 
Icmi ,  parce  qu'il  imnginoit  faufTement  que  cette 
exLCutioQ  feroit  le  dernier  coup  porté  à  l'htrcfic 
en  France  ,  il  jouit  a  Uctne  d'ime  grande  réputa- 
lico,  par  Usencoursgcmcns  qu'il  accorda  aux.  Arfi., 
Ik.  pat  Us  Ccik'^cs  qu'il  fonda  pour  fotmei  refgrii 


^4*  E  L  F  M  E  y  S 

&  les  mœurs  de  la  jcuoeiTe  qui  te  deAinoit  nH 
Millions  ccrjcgéres. 

PonûjicJt  dt  Sixte  V. 

Apres  la  mort  de  Grt^oirt  XIII,  les  cardiotux 
Bffemblcs  dans  le  cooclave,  s' étant  divifésen  plu» 
fieurs  fafUons  ,  Te  réunirent  enfin  pour  donner  leurs 
voix  f  u  cardinal  de  Monulte  ,  qui  prit  le  qotn  de 
Sixte  y.  Les  degrés  par  lefquels  cet  homme  fin» 
gulier  parvint  a  la  première  dignité  de  l'Eglife  , 
ont  quelque  chofe  d'extraordinaire.  Ne  en  i<)i« 
dans  un  village  de  la  Marche  d'Ancone  ,  réduit 
dans  fon  enfance  a  garder  les  porcs ,  il  pa(Ta  de 
ce  vil  emploi  au  fîrvlce  d'un  Cordelier  ,  qui  le 
fit-entrer  dans  fon  ordre.  Apres  avoir  brillé  com- 
•ne  prédicateur  ,  &  comme  profeffcur  de  philofo» 
phie  &  d;  théologie  ,  il  remplit  les  places  de  gar- 
dien âc  de  provincial  ,  8e  parvint  jurqu'au  gcné» 
l«!at.  Le  pape  Pie  V,  qui  le  choifit  pour  fon  con» 
fefleur  extraordinaire,  l'honora  de  la  pourpre  ca 
JJ69. 

Pendant  la  courte  durée  de  fon  potuifîcat ,  qitt 
fut  trop  tôt  tini  pour  l'avantage  de  l'Eglifc  ,  Simu  V 
ranima  la  police  coiale-nent. éteinte  dans  fes  états  v 
il  les  purgea  des  bandits  qui  le*  infcAoicnt,  &  des 
courtifanesquilescorrompoient.  Il  embellit  RoiM 
d'obîli'ques,  de  colonaes  ,  de  Aatues  ,  de  caoâux, 
d  egliCes  ,  de  miufoléet ,  de  palais  ,  &  iorsos  la 
hibUofhcque  du  Vaticao  ,  l'une  des  plu*  riches  de 
(Jjirdpc.  )im   UAûfporter   Ce  dcvcr  to 


bE  l'Histoire  Ecclesiasttquî.    34^ 

dtélifque  qui  orne  la  place  du  Vatican  ,  il  cm» 
ploya  pendant  un  in  plus  de  iiulr  cents  hommes 
f<  plus  de  cin  .  cents  chevaux.  A  fa  mort ,  arrivée 
le  i7  Août  1 590  ,  il  lailTa  un  million  d'ccus  d'or  ; 
mais,  comme  pour  amalfer  ce  tréfor  &  pourfub- 
venir  à  fes  autres  dépenfes  ,  il  fut  obligé  d'aug- 
menter les  impots ,  il  fut  peu  regretté  par  les  Ro- 
nuins.  C'e(i  lui  qui  fit-imprimer  la  Vt/igate ^  cor- 
rigée par  le  Concile  de  Trente  ,  en  ordonnant 
qu'elle  fût  regardée  comme  la  feule  authentique. 

Des  SucceJJeurs  de  Sixte  V. 

Urbain  Vil  (appelle  auparavant  le  c.udinal  Caf- 
tagna  )  ;  Grégoire  XIV  ^  de  la  famille  de  S  fondrait 
de  Milan  ,  Innocent  IX  (Jean- Antoine  Fachinetti  )  » 
tous  trois  fuccefîeurs  immédiats  de  5/xfi  r",  n'oc- 
cupèrent le  faint-fiége  que  quelques  jours  ou  quel- 
ques mois ,  Se  n'illuftrérent  leur  court  pootifîcac 
par  aucune  adlion  digne  de  palTer  à  la  poilérité. 

Le  cardinal  Alduhrandln  ,  qui  fuccéda  le  2Ô  Fé« 
■yrier  1591  à  Innoctnt  IX ,  prit  le  nom  de  Clément 
yjll.  Il  réconcilia  à  l'EglIfe  Henri  IV  roi  de  Fran- 
ce,  &  malgré  les  intrigues  de  l'Efpagne ,  il  ter- 
mina cette  affaire  de  manière  à  gagner  le  cœur- 
de  ce  monarque  &  l'cftime  des  François.  II  réunit 
le  duché  de  Ferrare  au  faint-fiége,  après  la  mort 
i'J/fonl'e  d'EjI ,  qui  ne  laiffoit  point  d'enfans  légi- 
timas. Dans  la  célébration  du  Jubilé  de  1600  ,  qui 
attira  trois  millions  de  pèlerins  à  Rome  ,  le  Pape 
ftr vit  lui-même  les  pauv^res.  Les  difp.utet  fur  la> 


5<;o  E  L  E  M  E  N  s 

Grâce,  que  les  Ecrits  de  ^ji'ijavoient  faîr-élcTCr* 
agitérenr4bn  pontir:c3c  ;  mais  l'hinoire  de  ccsdc- 
mclés  nous  occtiperi ,  en  traçant  iccllc  du  wii* 
fucle.  CUmint  VllI ,  qui  fie  de  vains  efforts  pour 
les  appaifer,  mourut  en  i6o{  ,  après  avoir  gou- 
verne l'E^life  pendant  près  de  14  ans.  Le  foin 
qu'il  e.it  de  maintenir  la  juAice,  comme  i/jrrcf', 
allura  le  repos  de  ("es  fujcts  &  celui  des  ctrargers 
à  Rome.  Libéral ,  fobre,  .pieux  ,  charitable  ,  zè?é 
pour  la  propagation  de  I  Evangile  ,  &  pour  Is 
reunion  de^  Tthirmatiques  Grecs  -,  il  eut  prefqut 
routes  les  qua'itcs  d'un  vrai  Pontife.  L  ne  put 
cependant  s'affranchir  des  affcftions  humaines  , 
(dit  le  F.  d'/ft-r/^r/)  ;»  i;  créa  fes  deux  neveux 
«  cardinaux  ,  6c  il  en  fut  puni  p?r  les  chagrins 
r>  que  lui  donna  la  îaloulie  qui  étoit  entr'eux.  Il 
»♦  faut  convenir  d'ailleurs  qu'ils  avoicnt  du  mc- 
»»  rite:  £>:li5.jcrc  V  tirade  fon  village  un  Pfttti 
n  pour  le  revêtir  de  la  pourpre  a  l'âge  de  i  { 
«•  ans,  il  n'e(l  pas  cto>inant  qu'un  AldithrAitiln  aie 
n  fait  quelque  chofe  pour  fa  famille.  •» 

Fondation  de  noin'fjux  Ordres  Religieux ,  6- 
Rejorme  des  .inclens. 

Le  lultre  qu'acquirent  les  Ordrrs  rergieiix  dan» 
ce  ficcle  ,  fut  une  des  con'dition*  qu'éprouvé- 
tent  le»  Pcni.fe»  Romiin».  L'Ori^rede  S.  Frgmçt'it 
produiiit  (roii  nouvelles  hrjnchet  -,  celles  des  Cj- 
ft'Clni,   des  Ricotttlt  ,hi  ùz^  PinittHs, 

Les  CipMcioi.aiiifi  appeiléi  d'un  (taod  cipr:s 


DE   l'HiSTOÎRE   ECCLESrASTiQUE.      5^! 

tallli  en  pointe  qui  leur  couvre  la  t  j;e  ,  durens 
leur  reformation. i  Mûtthicuiz  BiJ'chi  ^  frère  O'jfcr» 
vantin  du  duché  de  Spolette  ,  qui  leur  donna  ,  en 
ija^  ,  une  Règle  pirticulicre.  Cette  réforme  prof- 
pira  malgré  les  obftacles  que  lui  opprjfcrent  les 
autres  frères  Mineurs  ,  qui  s'accommodoient  en» 
core  moins  du  genre  de  vie  qu'on  introduifoit  , 
(dit  le  P.  d'v4i//g/i/) ,  que  du  capuchon  pointu  & 
de  la  longue  barbe.  Elle  fut  folemnellement  approu- 
vée par  CUmtnt  Vil  en  1518,  &  par  Paullll  ea 

Us  furent  reçus  en  Frince  fous  Charles  IX  ,  à 
la  recommmdation  du  cardinal  de  Lorraine,  &  iis 
y  eurent  bientôt  un  grand  nombre  de  couvens. 
Cc'ix  qui  n'aimoient  point  les  Capucins,  ne  pou- 
vant .'eur  ôter  la  qualité  de  Religieux  ,  voulurent 
leur  en'ever  celle  d'enfans  de  S.  François  ;  mais 
Urf<ain  VIII  leur  a'Vura  ce  titre  précieux  en  1627; 
n  auroit  érc  finj'itier  ,  que  ceux  que  le  dcfir  dé 
la  perfeilion  primitive  portoit  à  renoncer  aux 
adoucilTemens  pofVérieurs  ,  cufTent  été  obligés  de 
quitter  le  nom  de  leur  père. 

Les  Récollets  furent  ainfi  nommés  ,  parce  que 
l'cfprit  de  récotle^ion  ,  de  recueillement  ,  de  re»» 
traite  ,  leur  infpira  la  penfie  de  demander  au  papa 
Clcmenc  VU  ,  en  1 5  31  ,  la  pcrmiflion  de  fe  retlrtr 
dans  des  couvens  parti. uliers  ,  pour  y  obfcrver  à 
la  lettre  la  rè^le  de  j.  Frarr/ols  leur  patriarche.  On 
ks  appella  Sucufanti  en  Italie  ,  parce  qu'il»  portent 
et  g^roCei  facdalïs  ,  Epfelléej  Stcs  ou.5o|i*w.lh. 


^^î  E   L   E  M   E   V  s 

ont  lept  provinces  en  France.  Leur  reforme  nS 
diiféroit  gucres  ,  au  commencement ,  de  celle  des 
Capucins.  Les  uns  fc  les  autres  prciendoient  cire 
rentres  dans  la  voie  étroite,  abandonnée  par  leurs 
prédecefTeurs.  Mais  le  tems  a  apporté  quelque» 
mitigations  chez  les  Rccollets  :  ils  ont  abandonné 
la  barbe ,  &  leur  vie  ell  moins  auftére  que  daai 
kur  origine. 

Les  i'cnitcns ,  connus  à  Paris  fous  le  nom  de 
Piept-cet  ou  Pijuepvs,  parce  qu'Us  s'établirent  d'abord 
dans  un  petit  village  de  ce  nom  ,  font  une  autre 
branche  de  l'ordre  de  S.  FrM.Ci.is  ,  laquelle  prit 
naifTance  vers  l'an  1595. 

Les  Fcuiilins  font  une  reforme  de  Citeaux  ». 
faite  vers  l'an  1577  par  Jtjn  de  la  Bjrri/re ,  abbé 
de  Ste  Marie  des  Feuitlans  dans  le  diocèfe  de 
Rieux.  Leur  vie  fat  d'abord  très-dure.  Ils  ne  man» 
geoient  point  de  \iindc,  ils  ne  buvoicnt  pas  dt 
vin  ;  leur  feule  boiffon  étoit  de  l'eau,  bue  dans  un 
crâne  de  mort.  Cette  corgrégsiion,  approuvée  ea 
15S6  ,  ne  fe  fouiint  pas  dans  fa  premicre  fer* 
veur. 

Les  Carmes  ,  tombés  depuis  long- tems  dans  le 
reUchemcnt ,  furent  reformes  p4r  Ste  Tk/ri/t ,  re< 
ligieufe  d'Avil.t  en  Calul'e.  Elle  cominença  p.ir  le 
couvent  où  cHc  avoit  fait  profcrîon.  Après  avoir 
établi  la  rcfurme  chet  les  Kcligieufcs,  elle  reforma 
les  Religieux  ,  &  l'ordre  des  Cani.cs  reprit  un« 
•ouvclle  vie.  lis  prirent  le  nom  de  Camut  Atih^iéM. 
mu. MthuuJlit  »  a  caufe  d'uo  it%  goint»  de  1«  lU^^le^ 


OE  l'Histoire  Ecclésiastique.    353 

qui  ordonnoit  de  marcher  nuds-pieds.  La  faince 
Réformatrice  étoit  animée  d'une  piété  fi  tendre  , 
qu'on  lui  a  donné  le  titre  glorieux  de  Martyre  de 
l'Amour  divin.  Elle  eut  de  grandes  perfécutîbns  à 
efî'uyer.  Lçs  indévots  traicoient  d'illufions  les 
grandes  chofes  que  Dieu  opéroit  en  elle  :  mais 
malgré  leurs  injudes  dértfions ,  elle  perfévéra  dans 
fes  auftérités  jusqu'à  fa  mort ,  arrivée  en  1 58Z.  Sa 
devife  étoit  :  Ou  Jouffrir ,  ou  mourir, 

L'Ordre  qui  fut  inflitué  en  i  j  io  par  S.  Jean  de 
Ditu  ,  pour  recourir  les  malades  ,  fous  le  nom  de 
Frères  de  la  Charité ,  fait  autant  d'iionneur  à  l'hu- 
cianité  qu'à  la  Religion.  11  s'eft  étendu  en  Fran« 
ce,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Pologne,  Scpac-; 
tout  il  a  fait  de  grands  biens. 

L'objet  des  Thcatins  ,  les  premiers  clercs-régu- 
liers qui  aient  paru  dans  TEjUfe  ,  étoit  de  réta- 
blir l'ancienne  vie  apodolique  ,  en  s'abandonnant 
à  la  providence  pour  les  befoins  du  corps.  S. 
Cactan  ,  comte  de  Thicne  ,  fut  leur  fondateur  -,  Se 
Pierre  Cardjfe  évêquc  deThéate,  leur  i"  fupérieur, 
Jeur  donna  le  nom  de  fon  évêché.  Garaffe  étoit 
d'une  famille  illuOre  du  Royaume  de  Naples.  II 
s'alTujettit  lui-même  aux  règles  qu'il  prefcrivoit 
aux  autres.  Sa  réputation  de  fcience  &  de  piété  , 
engagea  Paul  111  à  l'appclfer  à  Rome  ,  pour  le  con- 
fulter  fur  les  moyens  de  détruire  rhérciie  &  de  ré- 
tablir les  anciennes  mœurs.  Ce  Pontife,  voyant 
en  lui  un  ennemi  décUrc  de  toute  innovation  ea 
^c  de  .doi^ioc ,  Ôc  un  homme  qui  pouvoit  ctrq 


3  H  E    L    E    M    E    s    s 

Texemple  du  facré  collège  ,  le  força  d'accepter  le 
chapeau  de  cardinjf.  Il  foutint  avec  chaîeur  dan» 
cette  place ,  la  jurifdiîlion  &  la  difcipllne  de  l'E- 
ghle  ,  6c  s'oppofa  fortement  a  toute  démarche  dic- 
tée par  la  politique  plutôt  que  par  le  zèle  pour 
l'honneur  da  faint-lîcjje.  Devenu  Pjpe  foui  le 
nom  de  PauL  IV  ,  il  fe  lailTa  trop  dominer  par  l'a- 
Bour  de  fa  famille  ;  niais  il  ne  Cedi  de  favorifer 
les  Thcatins,  qu'il  regardoit  comme  fes  véritables 
enfans. 

Les  Barnahites  prirent  leur  nom  d'une  églife  d« 
Milan  ,  dcdiéc  à  S.  Etmahé  ,  dans  laquelle  leurs 
fondateurs  s'affembloienr.  C'eft  dans  cette  ville 
tju'ils  loieot  inAitucs.  Ils  s'appeller^t  aufii  C.trci' 
réguliers  de  S.  Paul,  6c  ont  divers  collèges  oîi  ils 
enfeigncnt  les  fcience^  &  les  belles-lettres. 

La  congrégation  des  Frètrcs  de  l'Oratoire  ,  fon' 
déî  par  S.  Philippe  de  Ncri ,  &  approuvée  en  1 57^, 
fait  auiTî  profcflîon  d'inftruire  li  •  '"    '         '  » 

collèges  ;  mais  fon  princrp il  b'it  et  i 

■fèmiiaires  ,  &  d'y  former  les  ecdclialUc^oes potte 
tous  les  de^'oirs  de  leur  èrar. 

Des  Jcfi 

De  tout  les  Ordres  fondes  :  l'cle  ,  celui 

qui  fut  lon^-tcmi  le  plut  puiiGin%  &  le  plus  ce» 
lèltre  ,  eu  la  Société  qui  prit  le  nom  de  Conn-ilt 
d*  Jc'ui.  Elle  eut  pour  fondjieur  lt,nitt  de  Z,.>>i./j, 
.geaiilhomme  Navarroii ,  d'abord  litache  à  la  pro« 
ftSiOa  des  armes,  &  qui  ,  touche  par  U  leUui^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    j^ç 

de  la  Vu  des  Saints  ,  qui: ta  l'ctat  militaire  pour 
€  confacrer  a  Dieu.  Anime  du  defir  de  coover- 
ir  les  Infidèles  ,  il  s'affocia  fix  compagnons  de 
fe$  travaux,  avec  lefquels  il  fit  fes  prcm-ers  vœux 
dans  régiife  de  Montmartre  près  de  Paris  ,  le  jour 
de  l'Affomption  1534.  Cet  inftitut  ,  dont  le  pre- 
mier objet  etoit  la  propagation  de  la  Foi  parmi  les 
nations  idolâtres,  fut  approuvé  en  1540  par  une 
bulle  du  pape  Paul  III.  Les  Jéfuites  s'engagèrent 
dès-lors  d'ajouter  aux  trois  vœux  ordinaires  de 
Religion  ,  un  quatrième  d'obéiffance  aux  ordres  du 
Pape,  dans  ce  qui  regarde  les  Mi/T.ons  ctrani^éres, 
Perfonne  ne  remplit  ce  vœu  avec  plus  d'exac» 
titude  que  l'illuftre  Français  Xavier  ,  Portugais  ,' 
appelle  à  jufte  titre  l'Apôtre  des  Indes.  Il  fut  le  pre- 
mier qui  entreprit  le  voyaj^e  des  Indes  ,  dans  l'u- 
nique vue  de  convertir  les  habltans  de  ce  pays 
fortuné.  Il  y  débarqua  en  Mai  i  ^41.  Des  Indes  il 
p3fl*i  en  1549  au  Jjpon  ,  &  il  fe  propofoit  d'aller 
prt'cher  l'Evançile  a  la  Chine,  lorfque  la  mort  le 
prévint.  Elle  fut  fainte.ainfi  que  fa  vie.  Il  eut  la 
gloire  de  convertir  à  la  Foi  Chrétienne  pluileuxs 
milliers  d'hommes. 

D'autres  JcCuites  ,  à  l'exemple  de  S.  Françola 
Xavier,  arrachèrent  à  l'idoIàtrie  un  grand  nombre 
d'Indiens  ,  de  Japonois  &  de  Chinois.  Au  Japon  ifs 
parvinrent,  dans  un  efpace  de  teins  afTez  court, 
à  amener  au  ChrilVianifme  non-feulemcnt  pluficurs 
h.ommcs  du  peuple,  mais  beaucoup  de  Grands  flt 
iLêmc  des  Fiiaces,  Ce  vaAe  royaume  olloit  dâ« 


3^6  ELEM£>fS 

venir  entliremem  Chrcticn  ,  lorfque  les  Jcfuitél 
ayant  malheureufcmcntparu  fufpecls  au  gouverns- 
oient ,  furent  traites  comme  des  perturbateurs,  bl 
leurs  prolclytes  punis  avec  la  detnicre  rigueur. 

Leur  moiiTon  fut  aufTi  abondante  à  la  Chine  , 
&  ne  tue  point  troublcc.  Un  Jcfuite  Italien ,  pro- 
fond mathématicien  (  Matthieu  Ricc':)  ,  s'ciant  ou» 
vert  par  les  connoiiTances  un  accès  favorable  au- 
près des  Grands  âc  de  lEmpereur ,  fcs  confrères 
curent  la  permilFion  de  prêcher  la  dofirine  cvaa» 
g(^!ique -,  £>:  ils  le  fircn:  avec  !e  p'us  ^rand  fu^ccf. 
[jTel  a  été  le  fort  des  Jcfuiies  en  Europe  ,  en  Afie  -, 
leur  ordre  s'eA  multiplié,  malgré  tous   les  obfta> 
clés  qu'on  avoit  voulu  lai  oppofer  dans  les  xvi* 
&  xvji*  ûécles.  Enfin  quoique  ncus  l'ayons  vu  d« 
nos  jours  expulfc  de  prefque  toutes  les  parties  de 
l'ancien  &  du  nouveau  Monde  ,  où  ils  triomphoienc 
aupiravanti  ils  confervcrent,  même  après  leur  dcf- 
trud^ion  ,  une  grande  indacnce  dans  certains  Etat» 
&  fur  l'efprit  de  quelques  Princes. 

Nous  ne  répéterons  point  tout  ce  qu'on  a  repro- 
che a  cet  Ordre  cclcbrc  ;  nous  ne  chertbcrons  ni  à 
ra:cufcr,  ni  a  le  junifier.  Mail  nous  ietierons  un 
coup-d'ocil  fur  les  avan;;iges  ,  que  rétabliiTcMcnt 
de  cette  Société  prodiiilit  par  rapport  auxctu  !c<( 
parce  que  ces  études  fervirent  à  procurera  l'Eglife 
des  dcfenfeurs  plus  ioAruits  &  plus  éfivpiens. 

Les  premières  tentatives,  que  les  Jcfuites  firent 
pour  établir  des  collèges  ,  ayant  éprouvé  de  gran» 
d<«  oppoljtions  de  la  part  des   Univerfuct  ,   'ùà 


CE  l'Histoire  Ecclésiastique.    357 

Furent  forcés  de  furpaffer  leurs  rivaux  en  fcience 
8c  en  talens,  afin  de  fe  concilier  la  faveur  publi- 
que. Ils  imaginèrent  des  méthode<;  plus  f  mples  ?c 
plus  courtes  pour  faciliter  l'inftrudlion  de  lajeu- 
nefl'c.  En  cultivant  la  littérature  ancienne  ,  ils 
ouvrirent  de  nouvelles  voies  à  la  connoiffance 
des  langues  fçavantes  :  &  on  profita  de  ces  con- 
no  fTances  pour  donner  des  verfions  fidelies  ,  non- 
feii'emcnt  des  Livres-faints,  mais  des  Auteurs  pro- 
fanes. 

De  fon  fein  fortirent  d'habiles  maîtres  dans 
les  différentes  branches  des  fciences  ,  &  la  SocUtI 
de  Jcfus  produifit  prefque  autant  de  bons  écri- 
vains ,  de  théologiens  profonds,  d'hiftoricns  élé- 
gans ,  que  toutes  les  Communautés  religieufes  en- 
femble.  Cette  fécondité  eut  fa  fource  dans  un  régie» 
glement  fage ,  qui  vouloir  qu'on  appliquât  chaque 
membre  de  l'Ordre  a  l'emploi  que  lui  défignoit 
fon  talent.  Chez  eux  .  on  n'obligeoit  point  un  théo- 
logien à  écrire  fur  la  géométrie,  ni  un  géomètre 
à  monter  en  chaire.  Les  myftéres  confolans  ou 
terribles  de  notre  Religion  ,  n'étoicnt  prêches  or- 
dinairement que  par  des  hommes  d'une  imagina- 
tion vive  &  d'une  arac  feoûble,  qui  fçavoient  par- 
ler à  l'efprit  &  au  cœur  de  leurs  auditeurs. 

C'eû  cet  art  d'aider  les  talens  ,  fans  les  con- 
traindre, qui  procura  aux  Jéfultes  des  fujets  pro- 
pres à  tout.  Il  n'étoit  pas  rare  de  trouver  parmî 
eux  des  Religieux  ,  qui  jugeolent  !es  intérêts  des 
Prioces  6c  des  peuples  avec  la  fagacité  d'un  hom- 


3ïS  Elemens 

me  d'état.  Ayant  ainfi  ,  par  le  concours  des  lumiè- 
res &  du  difvcraemcnt  de  fes  divers  membres, 
la  connoitrance  de  tout  ce  qui  a  rapport  aux  tnocurs 
des  peuples  âc  a  la  conduite  des  gouvernemcns 
cet  Ordre  dut  aller  plus  loin  que  les  autres,  & 
Bvoir  de  plus  grands  l'uccès  &  de  plus  grands 
revers. 

Lorfque  S.  l!>:nac(  demiada  en  ij4o  la  confîr* 
mation  de  Ton  Inftitut  ,  il  n'avoir  qu'un  très-petit 
nombre  de  difciples.  Mais  en  i6ô8  ,  foixante-huic 
ans  après  avoir  obtenu  cette  approbation  ,  le  nom- 
bre des  Jjiuitcs  montoit  a  1C5S1.  En  1710,  l'or- 
dre poffcdoit  24  maifons  profeffes  ,  jg  maifont 
de  noviciat,  340  rcfidenccs  ,  6ti  collèges,  loo 
mi/Tions  ,  150  fcminaires  &  écoles  publiques  ;  & 
le  nombre  des  membres  de  U  Société  alloit  à 
1999S. 

Des  Ordres  de  ChevMerie  &  en  particulier  Je 
r  Ordre  de  Malthe  ;  entreprifes  &  barbarie  des 
Turcs. 

L'Ordre  de  Malthc  éprouva  dans  ce  ficcIe  de» 
dirgraccs  dont  il  fe  reilcnt  encore.  L'ille  de  Rhodes 
que  les  Chevaliers  occupoient  depuis  environ  deux 
cents  ans  qu'ils  l'avoicnt  conquife  fur  les  Sarra- 
fins,  leur  fut  enlevée  en  ijil,  par  Soliman  II ^ 
empereur  des  Turcs.  Jamais  place  ne  fut  at:atftée 
te  dcfenduc  avec  plus  de  vigueur.  Afliégce  par 
deux  cents  mille  hommes ,  &  battue  par  plus  de 
Qji-vingi  mille  coups  de  canon ,  elle  fouiiot  cio(| 


tE  l'Histoire  Ecclésiastique     3^5^ 

a/Tauts  furieux  ,  &  fit-périr  par  le  fer  ,  par  le  feu  , 
O'j  par  les  maladies  ,  plus  de  quatre-vingt-dix 
mille  hommes  des  afllcgeans.  Enfin  la  ville  ctant 
prcfque  entièrement  ruinée  ,  Pierre  de  ViU'urs 
tlIli'Adam  ,  gentilhomme  François  ,  grand-maître 
de  l'Ordre  ,  capitula  &  abandonna  l'ifle  de  Rhodes , 
pour  paffer  en  Candie.  De-là  il  fe  tranfpor'a  en 
Sicile;  &  après  avoir  cherché  diverfes  retraites 
en  Italie,  Charles  •  Quint  lui  donna  en  1530  l'ifle 
de  Malthe.  Ce  prince  craignant  que  Soliman  ne 
vînt  attaquer  l'ifle  de  Candie  ,  &  qu'enfuite  toute 
la  Sicile  ne  fut  à  fa  difcrétion  ,  penfa  que  Malthe 
deviendroit  le  rempart  de  la  Méditerranée  entre 
les  mains  des  Chevaliers, 

Cette  ifle  a  environ  fept  ou  huit  lieues  de  lon- 
gueur ,  &  prefque  la  moitié  de  largeur.  La  ville 
qui  a  donné  le  nom  à  toute  l'ifle  ,  eft  fituce  au 
milieu  à  fept  milles  des  ports ,  enfermée  d'une  mu- 
raille de  trois  cents  vingt-trois  pas.  11  y  a  trois 
parties,  la  ville  ,  le  hourg  ,  &  llflc  de  St-Michel. 
La  ville  comprend  la  Cité  Valette,  &  la  Floriane 
ou  Ville  neuve.  Le  bourg  &  l'ifle  de  St-Michel 
font  Ters  l'Orient,  La  Cité  Valette ,  renferme  le 
palais  ,  l'arfenal  ,  l'infirmerie  ,  l'Eglife  du  Prieuré 
de  St<Jean ,  &  les  hôtels  ou  auberges  des  Lan- 
gues, 

Le  grand-Maître  prit  poffeflion  de  Maltlie  en 
«530.  Le  bourg  n'étoit  alors  compofé  que  de  ca- 
banes de  pêcheurs ,  &  l'ifle  n'étoit  qu'un  rocher 
ûcrile,  On  fit-t)âtir  en  peu  de  tems  des  laaifons 


5^0  E  L  t  M  t  y  i 

&  des  murailles  :  dans  la  fuite  oa  apporta  de  S!« 
elle  dans  des  vaiiTeaux ,  de  nombreu Tes  charges  de 
terres  pour  couvrir  le  tuf,  &  rrndre  le  fol  propre 
à  la  culture.  L'iHc  fe  peupla  aiJïi  tellement  ,  qu'au 
lieu  qu'on  n'y  comptoit  pas  doure  mille  âmes  • 
quand  les  Chevaliers  y  ertrérem ,  il  y  en  a  au- 
jourd'hui plus  de  trente  mille,  bcs  habitons  fe 
difent  les  plus  anciens  Chrciiens  de  toutes  les  Ifles 
d'alentour  ,  parce  qu'ils  croient  avoir  érc  conver- 
tis par  S.  P^u/,  L'tmj-ereur  donna  encore  aux 
Chevaliers  ,  Gozo  &  Tripoli  ;  inais  ils  n'ont  pu 
CPnferver  ces  petite*  ifles  ,  &  ont  été  réduits  à 
celle  de  Malthc,  dont  ils  ont  pris  le  nom,  au  lieu 
de  celui  de  Rhodes. 

Les  Turcs  virent  avec  peine  les  Chevaliers  de 
Malthe  dans  leur  nouvel  afyie.  En  1565  Svlimam 
Tcfo'iut  d'attaquer  cette  ifle.  II  l'afiieçea  avec  l'ap» 
mce  la  plus  formidaLle.  Die  ctoit  commandée  par 
le  bâcha  Mufiapha  &  le  corfaire  Dnifu\.  Après 
plus  de  trois  mois  de  ficge,  \es  Turcs  furent  obli- 
ges de  fe  retirer  ,  après  avoir  perdu  une  partie 
confidérahle  de  leurs  troupes.  Le  grand-malire  Itsm 
de  la  ValitM  ,  Fraftçois  de  nation  ,  eut  la  gloire 
d'avoir  fauve  Tlfle  par  fa  valeur  Ac  par  fa  vigi- 
lance.  Comme  le»  batterie*  des  Turcs  avoicnt 
prcfque  ruine  la  ville  de  Mahhe  ;  quand  le  fiége  htt 
fini ,  on  rcfolur  de  bàiir  une  nouvelle  ville.  On 
y  travailla  en  if66,  â(  par  un  Arrct  du  Confeil 
des  C'hcvaliers  ,  on  la  nomma  U  F^/titt,  du  nom 
lUi  gund-ouitre.  Le  pape  Pit  V  envoya  chaqu« 

Bio'tf 


OE    L*Hl$TOIRE  EcCLESIASTIQUt.    36]^ 

Dois  quinze  mille  écus  au  grand-Maitre  -,  &  pat 
fes  exhortations  les  Princes  Chrétiens  lui  donné" 
Tcnt  auûi  quelques  fecours.  Le  travail  dura  près  de 
deux  ans  ,  pendant  lefquels  le  grand  -  Maitre  ne 
quittoit  point  les  ouvrier;..  Il  prenoit  fes  repas 
au  milieu  des  maçons  ôc  des  charpeniiers  ,  ôc  fou- 
vent  même  y  donooit  fes  audiences. 

Ces  précautions  étoient  d'autant  plus  fages ,  que 
les  Turcs  menaçoient  les  Etats  Chrétiens.  La  mê- 
lae  année  1 5  66 ,  ils  s'emparèrent  de  l'ifle  de  Chio  , 
dont  les  Génois  étoient  maitres  depuis  le  milieu 
du  XIV*  iiécle.  Ils  ne  pillèrent  que  la  principale 
Eglife ,   qui    étoit   fous  l'invocation  de  S.  Pierre^ 
Pcrfonne  n'ayant  réfîllé  ,  chacun  eut  la  vie  fauve; 
mais  il  fe  commit  d'horribles  impiétés.  Pendant 
que  l'on  pilloit  l'Eglife  de  S.  Pierre  ,  un  Turc  ayant 
pris  le  Saint  Ciboire  où  étoient  plufieurs  hoAies 
confacrées   ,  demanda  à  l'Evéque   qui  ctoit  pré- 
fent ,  fi  c'étoit-là  le  Djeu  tles  Chrétiens  t  CcJÎ  lui' 
mime,  repondit  le  Prélat:  Se  fur  cette  réponfe  ,1e 
Turc  jctta  le  Ciboire  à  terre  avec  fureur.  L'Evo- 
que pleurant  à  la  vue  de    cette  impiété  ,  dit   au 
Turc  ,  •«  qu'il  aimeroit  mieux  qu'il  l'eut  tué,  que  de 
V  voir  profaner  ainG  les  facrcs  fymboles.  «  Le  bar- 
bare s'étant  retiré  ,   l'Evcque  fe  proAerna  ,  &  re- 
cueillie jufqu'aux  moindres  parcelles  qu'il  put  trou* 
ver.  LE^life  de  S.  Pierre  fut   entièrement   raféej 
toutes    les  autres   Eghfcs  furent  cgalcment  abba- 
tues  ,  excepte  celle  de  S.    Duminlque  ,  do.nt    les 
Turcs  firent  leur  Mofquôc.  Oa  donna  eofuite  aujp 
Tom.  IL  Q 


ïjiÇî  E  t  E  M    E    V    S 

habitanj  de  l'I/le  un  Ji:gc  Maliomctan.  On  prît 
vingt-un  cnfans  des  mieux  faits ,  de  la  famille  de 
Ju/linianl ,  pour  les  mettre  au  nombre  des  pages 
de  Soliman.  On  les  circoncit  maigre  eux  ;  mais 
on  ne  put  jamais  les  faire- renoncer  à  la  Foi,  quoi- 
qu'on les  déchirât  à  coups-de-fouet ,  avec  une  in- 
humanité qui  en  fit -mourir  quelques-uns  au  mi- 
lieu des  tourmens.  Les  familles  du  Préfixent  &  des 
douze  Sénateurs  furent  conduites  à  Condantino- 
f>Ic ,  &  de-là  tranfportces  en  dififirens  piy!. 

Soliman  partit  de  Conftaniinople  la  même  année 
1^66,  pour  venir  de  nouveau  en  Hongrie.  Il  af- 
^cgea  Zigeth  fur  les  confins  d'e  la  Pannonie  St  de 
la  Croatie  ,  6c  mourut  trois  jours  avant  la  prifc  de 
cette  place.  Ce  fameux  Sultan  ,  dont  Dieu  s'étoit 
fervi  pour  humilier  &  châtier  les  Chrétiens ,  ctoit 
dans  la  foixante-feiziéme  année  de  fon  âge  ,  & 
dans  la  quarante-ûxicme  de  fon  règne. 

Sclim  II ,  foa  fils  ,  qui  lui  fuccéda  ,  fe  rendit  ea 
Hongrie  ,  où  il  fut  reçu  dans  le  camp  &  proclamé 
Empereur.  Il  fit  ,  r,innce  fiiivante  ,  une  trêve  de 
huit  ans  avec  l'empereur  Maximilien  II.  U  rompit 
en  1^70  la  paix  que  Solimtn  avoit  jurée  avec  les 
Vénitiens,  &  qu'il  avoit  depuis-peu  rcnouvellce 
lui-mime;  &  envoya  Muflapha  a  la  conquête  d« 
fiflc  de  Chypre.  Les  Vénitien»  implorèrent  |« 
fecours  de»  Hrinces  Chrétiens  contre  leur  ennemi 
commun.  Le  pape  Fit  V  accorda  à  cette  occirion 
oa  Jubilé  univcrfcl ,  afin  d'attirer  1rs  aumônes  des 
^èles.  L'Espercur  ne  voulut  point  cotrcr  daot 


DE  l'Histoire  Ecclïsi astique.    3ÇJ 

cette  guerre  ,  &  il  n'y  eut  que  l'Efpagne ,  le  PapCi 
5c  Venife  qui  fe  liguèrent. 

Mujîapha  forma  le  fiége  de  Nicofie  ,  ville  fituce 
au  milieu  de  rifle.  Ce  fiége  dura  quarante  -  huit 
jours ,  &  la  ville  fut  prife  enfin  par  les  Turcs  , 
qui  l'abandonnèrent  au  piliage.  On  réferva  pour 
Sclim  un  nombre  de  fejnmes  &  de  filles  que  l'oa 
choiiit,  les  jeunes-gens  les  mieux  faits  ,  les  meu- 
bles les  plus  précieux  ,  &  l'on  en  chargea  trois 
vaiiTeaux  qui  dévoient  faire  voile  vers  Conftan- 
tinople  :  mais  pendant  qu'ils  attendoient  un  vent 
favorable  ,  une  dame  de  rifle  de  Chypre  y  mit 
le  feu ,  &  priva  le  Sultan  de  ce  qui  lui  étoit  def- 
tiné. 

Fier  de  la  prife  de  Nicofie ,  Mujîapha  marcha  con- 
tre Famagouôe ,  dont  il  forma  auffi  le  ficge.  Il  f 
trouva  d'abord  beaucoup  de  réfiftance.  Mais  la  divi- 
fion  qui  fe  mit  parmi  les  Chrétiens  ,  &  la  lenteur 
avec  laquelle  les  Efpagnols  fournirent  les  fecours 
promis  , donnèrent  !e  tems  aux  vainqueurs  de  pour- 
fuivre  leurs  conquêtes.  Bientôt  Famagoufle  fut  ré- 
duite à  l'e^tremitc.  Ladifette  y  côbattoitau-dedans 
pourJr/im,  qui  l'aflicgeoit  au  dehors  avec  des  forces 
très-fupcrieures  à  celles  des  afliégés.  Les  principaux 
de  la  ville  prcfcntérent  une  requête  au  gouver- 
neur Brag  adin  ,  pour  le  prier  de  pourvoir  a  la  con- 
fervation  de  leurs  femmes  &  de  leurs  enfans.  Oa 
demanda  une  trêve  aux  Turcs  pour  traiter  de  U 
reddition  de  la  ville  ,  &  on  drefla  des  articles 
qui  dirent  figncs  par  Mujîapha.  Oo  embarqua  ie< 


^54  E  L  E    M   E   N   <; 

naïades  dans  des  vailîe«ux  ,  6c  cnfuite  les  Turcs 
entrèrent  djns  U  ville,  où  maigre  leur  ferment  ils 
exercèrent  d'horrible»  violcaces. 

Mi;/ljp'*  chercha  injuttcmcnr  querelle  à  Brégé- 
din ,  le  fit-cnchainer  &  donna  ordre  qu'on  égor- 
geât à  fes  yeux  tout  ceux  de  U  fuite.  Quand  on 
eut  exécuté  cet  ordre  cruel,  on  lui  dit  de  tendre 
le  col  au  bourreau;  mais  loriqu.*  le  bourreau  étoic 
près  de  le  frapper,  Mu/Lpha  crut  lui  fa<re  grâce, 
en  lui  Calfant  feulement  couper  le  nez&  les  oriil- 
les.  Il  l'infultoit  en  le  tenant  c tendu  par  terre  à 
fes  pieds,  fie  en  lui  demandant  pourquoi  U  Chkist 
^utt  adoroit ,  me  veitjit  ptt  l'drriter  d:s  maifit  dt  fon 
fjinjutur  par  fa  puljénce  fouit'ainc  ?  Enmcme*tem$ 
tous  ceux  qu'on  avo-.t  faiter-.barquer,  furent  di« 
pou'.ilés  &  mis  à  la  rame.  Quelques  jours  après, 
Brae«din  fût  conduit  à  la  place  &  écorché  vif.  U 
fouffrit  cet  affreux  fuppllce  avec  une  confiance  ail- 
mjrdbie  ,  fans  cefier  d'invoquer yiir^-CwKiir.  Le 
barbare,  peu  content  de  ce  qu'il  avoic  fwit  fouffrir 
à  ce  ^rand-homme  ,  voulut  encore  iafuUer  à  fon 
corps  après  fa  mnrt.  U  iii-remplir  (a  peau  de  paille , 
dj.ina  ordre  qu'on  la  portât  par  la  ville  fout  un 
djts  ,  6c  l'envoya  à  ConAantinopic  avec  les  têtes 
des  principaux  de  la  viHe.  Mijléphs  fit-deterrer 
tous  les  corps  qui  ctoicnt  djns  l'F-^îifc  de  S.  Nico» 
/4r,  rcnverfer  les  autels  ,  fie  en  fit  une  Mofquée. 
Ce:te  conqjùic  rendit  les  Turcs  maîtres  abfulus  de 
l'ifle  de  Chypre.  Mais  U  perte  de  la  bataille  de  Le- 
pâme, dont  nous  avons  parle  fous  le  pun  ii'i..jt  de 
f>«  F,  in  eu  les  progrès  des  Infi^c!;s. 


t)É  l'Histoire  Ecclésiastique.    ^C^ 

Les  entreprifcs  des  Turcs  nous  ont  écaric  du 
principal  fujet  de  cet 'article.  Pour  revenir  aux 
Ordres  de  chevalerie  ,  nous  dirons  qu2  Henri 
III  infti'.ua  le  i"  de  Janvier  1579  l'ordre  du 
Saint-Ej'prit  ,1e  plus  illuftre  de  France  ,  dont  le  R».î 
eft  le  grand-mahre ,  Ôc  dont  le  nombre  de  Chc« 
vallers  eft  borni  à  cent.  Ce  prince  vouloic  at- 
tribuer des  Ccmmandsrics  à  chacun  des  Cheva- 
liers, comme  on  fait  en  Ei'pagne  :  mais  la  cour  de 
Rome ,  folliciiée  par  le  Clergé  de  France  ,  s'y  op- 
pofa  fortezner.:j  quoique  le  Roi  déclarât  que.  cet 
ordre  n'écolt  inftltué  que  pour  l'extirpation  de 
l'hcréfie,  &  la  propagation  de  la  Religion  Catho- 
lique ,  Apoftolique  Se  Romaine  ,  félon  le  ferment 
que  fditbient  les  Chevaliers.  Ils  conTervérent  néan-« 
moins  le  titre  de  Commandeurs  ,  oc  le  Roi  aligna  à 
chacun  d'eux  une  penlîon  de  mille  écusd'or,  qui 
fut  depuis  réduite  a  trsis  mille  livres.  On  dit  qut 
Henri  III  inftitua  cet  ordre  en  l'honneur  du  St- 
Efprit ,  parce  que  c'étoit  le  jour  de  la  Pentecôte 
qu'il  i^tùit  né  ,  qu'il  avoit  été  élu  Roi  de  Pologne, 
&  qu'il  éioit  devenu  Roi  de  France. 

Ecrivains  Ecclifujllquts, 
Le  XVI*  ficelé  eft  une  époque  remarquable  dans 
les  arnales  des  fciences.  La  fenr.entation  que  les 
erreurs  de  Luther  &  d'vin  de  excit iren:  dans  les 
efprlts  pendant  plus  de  foixante  ans ,  produifit  une 
foule  d'Ecrivains,  qui  cxerccrent  îeurstalensà  les 
combattre,  Pour  traiter  la  controverfc  avec  fuc- 


^66  E  L  E   M  E  N   s 

ces,  il  fallut  étudier  les  langues  Orientales  ,  8i 
plalîeurs  fçavaas  s'y  appliquèrent  avec  fruit.  Oo 
ne  s'attend  pas  que  dans  un  Abrège  on  fafle  con- 
aoitre  ces  Auteurs  dans  un  grjnd  dctail  ;  il  fuffira 
de  citer  les  principaux. 

On  doit  placer  parmi  les    théologiens   Anioinê 
de  Lcbrixé  ,  mort  en  15-1  «  le  cardinal  Thomas  é% 
Vio ,  furnommé  Cajcun  ,  auteur  d'un  Traité  iê 
l'autorité  du  Pape  8t  du  Concile  ;  JtM  Driido  ^ 
l'illuftre  E'éfmi ,  qui  tu:  en  mcme-temi  un  thcolo» 
gien  diAin^juc  &  un  excellent  littérateur.  Ceft  à 
cet  homme  célèbre  ,  d'abord  chanoine-régulier  de  S. 
Augttjîin,  enfuite  pr(tre  feculier,  ne  a  Rotterdam  ea 
146J  &  mort  à  Bàle  en   1536.  qu'on  doit  en  parti» 
la  renaiffance  des  belles-lettres,  les  premières  édU 
tiens  de  plufieurs  Pères  de  l'E^life  ,  la  faine  cri» 
tique.  Il  ranima  les  illuAres  morts  de  l'antiquité  » 
&  infpira  le  goût  de  leurs  tcrits    a  fon  ficcle.  Il 
«voit  formé  foo  ftyle  fur  eux.  Le  ficn  eft   pur  » 
élégant ,  aifc  i  &  quoiqu'un  peu  bigarre  ,  il  ne  !• 
cèJe  en  rien  à  celui  des  écrivains  de  fon  ficcie  , 
qui ,  par  une   pédanterie  ridicule ,  affe^oient  dt 
n'employer  aucun  terme  qui  ne  tût  de  Cxtnn.  U 
cA  un  des  premiers  qui  aient  traite    les  matière» 
théologiques  d'une  manière  noble,  Se  dc^i^cedct 
Taines    fublilitcs    &    des  exprellions  barbares  de 
l'école.  Son  mérite  ,  6c  la  liberté  avec  laquelle  it 
fcprenoit  tes  vices  de  Ion  tems  ,  l'ignorance  ,  U 
{uperAition  ,  le  mépris  de  la  belle  littciaiure  ,  l'oi» 
£vctc  de  cctt^s  Religieux ,  U  molJciIe  des  ncbcA 


DE  lTTistoire  Ecclésiastique.    36^ 

Ecdéfiaftiques  ,  lui  firent  une  fouis  d'ennemis, 
Naiurellemîn:  fenfible  à  l'éloge  &  à  la  critique, 
il  traitoit  fcs  adverfeires  avec  dédain  &  avec 
aigreur;  mais  ce  grand-homme  d  réconcilioit  très- 
facilement  avec  les  petits  écrivains ,  qui  ,  aprè» 
l'ivoir  attaque ,  revenoient  à  lai  finccrcmcnt.  Nul- 
lement envieux  de  la  gloire  des  autres,  iînefai- 
foit  jamais  le  premier  acte  d'hoAilité.  Il  eut  toute 
fa  vie  uue  paffion  extrême  pour  l'ctade  ;  il  preicra 
{es  livres  à  tout ,  aux  dignités  &  aux  richenfes.  La- 
vain  PjulIII ,  Ci^tnt  yjl,  François  l  &  Utmi  VIII 
tàth^rsnt  de  fe  l'attacher  par  les  efpérances  les 
plus  âatteufes  :  les  plaifirs  du  cabinet  étoient  à 
fes  yeux  fort  au-deflus   des  faveurs   des   cours; 

Jean  CUShuue  fut  I2  premier  des  théologiens  de 
Paris  ,  qui  réfuta  Luther.  Nous  citerons  encore  avec 
diUinclion  Jtaa  Ecchius  ,  dont  le  Manuel  des  Coit- 
trcvirfcs  eft  encore  cftime  aujourd'hui-,  Jean  Grcpper, 
célèbre  par  un  Traité  de  l'Euchariftie ,  le  premier 
de  ce  genre  où  cette  matière  foit  traitée  avec  pro- 
fondeur ^  MeUhior  Canus  ^  qui  s'acquit  un  nomim* 
mortel  dans  l'Eglife  par  fcs  Lieux  théclogiques  ; 
Claude  Dcfptr\fe  ,  doûeur  de  Paris,  qui  fe  Cgnala 
par  des  ouvrages  fur  le  dogme  ,  la  morale  &  la  dif- 
cipîine  ;  Nicolas  Sanderus  ,  auteur  d'une  Hijhirt 
du  fchifme  d'Angleterre  ,  &  de  quelques  ouvrage» 
de  controvcrfe  ,  qui  produifirent  dans  leur  icms 
des  fruits  utiles,  &c.  Sec. 

La  claffe  des  commenrateufs  ,  des  interprètes  ; 
lies  liuciaicuxs  ,  ce  tut  pas  moins  nombreufe  que 

Qiv 


3^^  E  L   E   M   I  K  s 

celle  des  controveriifles.  Le  cardltul  Xîmaùt  mé- 
riu  bien  de  1  Eg'.ile  par  l'ed.tion  de  (2  Polyglotte  ; 
le  cardinal  yj...i-j(. m  ne  fe  rendit  pas  moins  utile  par 
fen  Traité  des  Conciles ,  qui  compofe  au)ounf  hni 
le  xvm»  volume  de  la  Colîedion  du  F.  Labht. 
)ean-Louis  Vires  ,  Ei'pagnol ,  publia  cinq  livres 
P<  Im  virUi  £*  l*  Rcliglom  Ckriùtmmt.  On  doit  à 
Jacqius  le  Firrt  fE/Ijp.'et  ,  un  fçavant  Ccmmtm» 
lëire  /ur  It  mourcMn  Tejljxeat  ,  &  à  jM^mts  hitriim 
la  première  CalUSiom  dt  tous  Us  ComcUtt  qui  lit  été 
âmpriaée.  Les  cinq  fçavans  que  noai  vcooas  d9 
■oomer ,  fleurirent  depuis  le  commencwwni  dm 
Cède  jufq  j'en   1540. 

Nous  ne  parlerons  pas  d'un  grand  nombre  d'an* 
très  commentateurs  ,  dont  les  produâiotu  longues 
Ce  lourdes  ont  plus  chargé   l'Eglife  &  la   républi» 
que  des  lettres  ,  qu'elles  ne  les  ont  fcrvies.  Pour- 
quoi en  effet ,  {  dit  TAbbé  G;>mju)  de  fi  gros  volu- 
mes 8c  en  C  grand  nombre  ,  que  l'on  ne  peut  avoir 
le  tetss  de  lire,  ou  qui  ne  fervent  qu'à  détour- 
oer  de  leâures  plus  utiles  &  plus  intéreflTantes  ? 
La  p!upaTT  ne  font  bons  ,  tout  tu  p'at  . 
Julter  dans  le  befoin.  Leurs  auteur*  (c 
état  des  queAions  étrangères ,  ou  dans  d'inutiles 
réflexions  .  q>c  -Hes  efprits  r'   "     ^      " 
évitées.  D'aurtet  n'ont    ira. 
et  purccurioAte  ,  ou  de  fimple  gnmm^ire,  quel- 
ques points  de  chrono'ogie  &  d  htfloire  ,  qui  n* 
fervent   point  à  établ  r  le  dogme  ic  à  rcg'rr  les 
mouàti ,  et  qui  câ  ccpcndtni  l'iutiqut  b«  de  1  £•• 


DE  L*HlSTOlRF,  ECCLESIASTIQUE.  36<) 
criture  ,  St.  ce  qui  doit  écre  celui  de  tous  ceux  qui 
Teulent  l'étudier  utilement  pour  l'Eglife  &  pour 
eux.  Mais  il  y  a  quelques  interprètes  dont  les  ou- 
vrages font  plus  folides.  Tel  fut  à  quelques  égards 
Sjncîès  Pagninus ,  Dominicain,  qui  traduifit  en  latin 
toute  la  Bible. 

Le  XVI'  fiéde  fut  fi  richs  en  écrivains,  qu<; 
nous  nous  bornerons  à  nommer  les  principaux 
de  ceux  dont  nous  n'avons  pas  fait  mention.  Pour- 
fions-nous  oublier  le  cardinal  Sadultt ,  dont  h  la- 
tinité pure  &  les  mœurs  douces  rappcUérent  le 
génie  &  les  vertus  des  anciens  Romains  ?  Onu- 
phrt  Panviniy  Auguftin ,  enlevé  à  la  fleur  de  fon 
âge  ,  &  auteur  d'une  Chronique  des  Papes  &  des 
Cardinaux  -,  Corneille  Janfcnius  ,  dont  la  Concorde 
évangélique  ,  avec  un  commentaire  ,  peut  être  coa- 
fuItJc  avec  fruit  ;  S.  Charles  Borroméc  *,  qui  pu- 
blia des  inflruflioiis  pour  les  curés  &  d'autres 
ouvrages  néccfTaires  aux  miniftres  des  autels  ;  An- 
tonius  Ar.gujlinus  fî\itc\xr  d'ua  Traité  de  la  corrcc 
tion  de  GrjtUn  ;  Lcu's  de  GrcnaJi  ,  Dominicain  , 
écrivain  afcétique  •,  le  cardinal  To/cf ,  Jéfuite  »  & 
fon  confrère  Maldonjt ,  théologiens  diftingués  \ 
Pierre  Fithou  ,  avocat  François  ,  qui  rendit  fer- 
vice  à  fa  patrie  par  fou  excellent  Traité  des  H- 
berfés  de  l'Eglife  Gallicane  ;  Gilbert  Génébrard  ," 
Bcnédidlin  de  Cl'.vni  »  dont  la  Chronologie  facrce 
fut  bien  accueillie  j  A'phonfe  Ciaconiusy  qui  mit  au 
jour  les  Vies  des  Papes  &  des  Cardinaux  :  ou_^ 
vrage  pleia  de  rechercl^€s  fçavantcs  ,  m  lis   dinuc 


$7^  E  L  E  M  E  y  s 

un  peu  de  cène  critique  qui  dirigea  les  travanX' 

des  Ecrivains   eccleridihques  du  liccle  fuivaot. 

Réflexions  fur  les  chMigemens  opêris  en  ce  fucU 
dans  Us  Sciences  Eccléfiafljques. 

n  La  Théologie  ,  (  die  M.  l'Abbé  Goujei  qui  nou» 
fournit  ces  rcHexioni ,  )  gagna  beaucoup  à  l'étude 
ëes  Pcre».  Plu»  fondce  qu'auparavant  fur  les  prin- 
cipes de  l'£criiure  &  de  la  Tradition  dont  le  voile 
étoit  tire  ,  elle  commença  à  être  cultivée  par  des 
gens    habiles  qui  s'appliqiicrent  à    des   qucAionr 
utiles   de  dodrine  &  de  morale  ,  fit    qui  les  trai* 
Urent  d'une  manière  claire  ,  folide  ,  &  débarralTce 
d«s  termss  inutiles  de  la  philofophie,  fitdcsquef- 
tions  épine  ufcs  d'une  mctap!)}  fi^ue  trop   fubtilc. 
Pierre  àÀU/y,  Jean  Gtrfon  qui  fut  l'ame  du  Con- 
cile de  Conft.Tncej,  Nico'as  C/fmtfAj(//,&:  quelques 
autres  ,  montrèrent  l'exemple.    L'ctude    de  l'anti- 
quité Eccli-naAique  leur  apprit  à  chalTer  de  leurs 
écrits  la  barbarie  &  l'obfcurtic  qui  rcgnoient  avant 
eux  dans  les    Sommet  6c  dans    les  Commentaires 
ordinaires    des   Thcologicns.   Sans    s'arrcter    aux 
queAions  purement    fcholaniquet  ,  ils    traitèrent 
diverfc*  matières  de  doOrine  ,   de  morale  te  de 
^ifcipline  ,  pnpres  a  cdairer  Tefprit ,  a  afTcrmir 
la  foi  ,  &  à   fotmcr  les    mœurs.   On   abandonna 
PUuH  Ce  Anfloti  aux  Philofophei  ,  ou  l'oo  n'eut 
recourt  à  eux  que    dans  de»  queftioni    de   pure 
Philofophie,  qui  n'appartieiMieot  point  à  la  fcicnc» 
tcdeûaûiiue.  M*»»  dans  U  Thcolojic  ,  qui  eH 


DE  l'Histoiri  Ecclésiastique.    57^ 

la  fcience  des  dogmes  5c  U  doiirine  de»  moeurs, 
on  n'eut  égard  qu'a  ce  que  l'ETprit-Saint  même 
avoic  di£lc  ,  &  à  ce  que  la  Traditloa  conAance 
&  fui  vie  de  l'E^life  ,  qui  eft  la  colonne  8c  la 
bafe  de  la  vtruc  ,  nous  avoit  tranlmis  de  ficde 
en  fiéde. 

»  Telle   eft   la   mithode  que  les  Théologiens, 
même   fcholdftiqucs  ,  ont   luivie  -,  au  moins   ccus 
d'encre    eux  dont   le  jugement    é  oit  plus  fain  , 
qui  avoient  plus  de  goût ,  &  à  qui  la  leflurc  des 
faints   Pères  étoit  plus  familière.  Car  je  n'ignore 
pas  que,  dans  pludcurs  Théologiens  des  xvi*    Sc 
xvii'   ficelés  ,  on    trouve   encore  une  théologie 
sèche  &  décharnée,  plus  remplie  de  fubtilités  que 
de   folidité.  Je  n'ignore  pis  quils    ont  fouvent 
embrouillé  les  vérités  qu'ils  prctendoieot  éclair- 
cir  ,  &  qu'ils  ont  accoutumé  ceux  qui  ont  eu  le 
malheur  d'ctre  leurs  difciples  ,  £c  qui  n'ont  point 
fçu  éviter  leurs  pièges,  à  pointiller  fur   tout  ,  à 
chicaner  perpétuellement ,  à  chercher  à  tout  des 
raifons  bonnes  ou  niauvaif^s  ;  à  fc  contenter  fou- 
vent  du  vraifombljblc,  au   lieu  de  tâcher  d'arri- 
ver jufqu'à  la  vérité  ,  dont  la  recherche  doit  être 
l'unique  but  d'un  Théologien,  de  tout  Chrétien, 
&  nicme  de  tout  homme  lenfé.  Je  f(;ais  que  plu- 
fieurs  ont  trop  penfc  à  tairenaitrc  bien  des  dou- 
tes fans  les  réfoudre,  à  donner  occafioa    démettre 
en  problème  des  vérités  confiantes,  &c  à  éteindre 
peu*a-peu  dans  les  âmes  l'efprit    de  piété  par  la 
B}aai«re  sèche  &  ennuyante  dont  ils  expliquoicati: 

Q  vj 


fyz  E   L  E   M  E  N  s 

la  vérité.  Je  voudrois  auflî  que  plufieurs  Contre» 
reriîftes  euffent  été  de  meilleurs  Logiciens;  qu'ils 
euffent  formé  ,  contre  les  erreurs  qu'ils  prétea- 
doienc  combattre  ,  des  raifonnemens  plus  juftes^ 
pofé  des  principes  plus  évidens  ,  tiré  des  con» 
féquences  plus  Indubitables  :  leur  viftoire  eût  été 
plus  fréquente  6c  plus  folide  :  U  lumière  eût  été 
plus  grande  :  l'Eglife  eût  plus  gagné  à  leurs  tra» 
vaux  &  à  leurs  veilles.  Mais  on  eft  en  état  au-" 
joutd'hui  de  rejetter  ce  qu'ils  ont  de  mauvais  ou- 
d'inutile,  &  de  ne  profiter  que  de  ce  qu'ils  ont 
de  bon. 

»»  On  a  accufé  les  Théologiens  François  d'a- 
voir rendu  cette  fcience  trop  contentieufe  par 
tes  lubtilités  de  la  dialeftique  ,  &  d'entretenir  , 
parmi  eux  une  forte  de  Théologiens  libres ,  qui 
mettent  en  queftion  les  vérités  les  plus  certai- 
res  &  les  plus  Importantes  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'on 
nous  accufe  des  défauts  que  je  viens  fi  juftement 
de  reprocher.  Mais  d'habile;-gens  ont  fjit  voir,  fur 
le  premier  point,  que  fi  l'on  s*eft  cru  obligé  dans 
a  Faculté  de  Théologie  de  la  Capitale  de  ce 
Royaume,  d'introduire  &  d'employer  cet  art  qu'on 
nomme  Scholaftique  ,  ce  n'a  été  que  pour  don- 
ner de  l'ordre  &  de  la  méthode  au  raifonnement. 
Cette  fage  Faculté  a  confidéré  que,  quoique  no- 
tre raifon  doive  être  foumife  à  la  Foi  ,  &  que 
nous  devions  recevoir  fans  raifonner  les  vérités 
de  la  Religion  qui  ont  été  révélées  ,  nous  pou- 
YQiu  néaamoins  readre  compte  de  notre  founuf<; 


lîE  L*HisTorRE  Ecclésiastique.    375' 

Son  ,  &  de  l'acceptatioa  que  nous  fai{on$  de  ces 
vérités  -,  que  nous  y  foir.mes  même  obligés  ,  foit 
pour  combattre  ceux  qui  attaquent  notre  créancCf 
foit  pour  inftruire  ceux  qui  t'ignorent.  Elle  a 
pris  de  la  méthode  des  anciens  Philofophes ,  &  fur- 
tout  d'Arijîote  ,  ce  qu'elle  a  jugé  de  plus  propre 
pour  détruire  le  mcnfonge  &  pour  établir  la  vé- 
rité. Elle  a  imité  en  cela  S.  Jean  Dama/cène  ,  qui 
s'écoit  formé  long-tems  auparavant  de  pareilles 
idées  avec  affez  d'ordre  6c  de  fuccès.  On  con- 
vient f  Se  nous  l'avons  déjà  dit  ,  que  la  Théo- 
logie fcholaftique  a  dégénéré  de  tems  en  tems 
en  chicanes  ^  en  fautTe  dialectique  ;  mais  ,  ifiia 
d'en  rejetïer  la  faute  fur  les  Théologiens  Fran- 
çois ,  il  feroïc  facile  de  montrer  que  cette  cor- 
ruption &  ces  défordres  ne  font  venus  le  plu» 
fouvcnt  que  des  Théologiens  étrangers  ,  princi- 
palement des  Efpagnols  ,  qui  ont  été  à  charge  à 
la  Facu'té  de  Paris  ,  3t  qui  n'en  ont  prefque  été 
regardes  que  comme  des  membres  vicieux.  Il  n'eA. 
pas  moins  certain  que  cette  Faculté  a  eu  foin  de 
«em$  a  autre  d'y  apporter  des  remèdes,  &  d'or- 
donner par  fes  décrets  qu'on  enfeigneroit  l'Ecri- 
ture-faince,  les  faints  Pères  ,  l'ancienne  Théolo- 
gie 5c  les  faints  Canons,  avec  toute  la  pureté  & 
la  lÎLœpllcité  poÛibles.  » 


^  M  ■■■'«■««  vC  \^J  i)  •■  ■•-  f -  f^  '  f  f-  •  I»-  <4 

É  L  É  M  E  N  S 

D  E 
rniSTOlRE   ECCLÉSUSTIQUE. 

DIX. SEPTIÈME  SIÈCLE. 


Elelfion  6*  mon  de    Léon  XI. 

\^  L  t  M  i  s  T  VIII,  mort  en  i6cç  ,  avoli  laiflfé^ 
là  chaiie  de  S.  /'/'..•rr*  vacante.  11  fut  qurftion  de 
lui  donner  un  fuccefl'cur.  Les  cardinaux  jettérenc 
d'abord  les  yeux  fur  le  fçavant  cardinal  Surcniaii 
m^is  les  Ei'pagnols  lui  donnèrent  l'exclulion  ^ 
parce  que  ,  dans  le  neuvicine  volume  de  fes  Anna» 
les  ,  il  avoir  écrit  contre  le«  droits  que  le  Rot 
d'Erpcgne  prctenJoit  en  Sicile.  Alors  on  ëlutioue 
d'une  voix  le  cardinal  ÀitsjiJrt  de  Mtditit  ,  ai^ 
dicvéque  de  Florence ,  célèbre  par  plurieurs  Ié« 
gationi  où  il  %'Ltoit  diAingué.  11  prit  le  nom  de 
Léon  XI;  mail  il  na  jouit  que  vipgi-fix  jours  du 
fontifîc4t.  Se*  vertus  ,  fonxèle  pour  l'Eglife  don»- 
Boirnt  de  (;randet  cfpcr30CC>|  &  il  Uifl«  UBC  Bé» 
Koiie  ihut  Ce  reipcace»^ 


I 


Elemevs  de  l'Hist.  EccLâs.    fpf, 

Pontificat  de  Paul  V  ;  dljfcrend  avec  la  Ri- 
publique  de  Venife» 

Le  conclave  ,  aftcmblé  de  nouveau  ,  donna  lo 
trône  pontifical  au  cardinal  Camille  Borgkcfc ,  qui 
fe  fit-appeller  Paul  V.  II  commençi  fon  rè^ne  par 
modérer  les  impots.  II  diminua  le  prix  des  vivres 
&  rétablie  l'abondance  dans  Rome.  Sa  fermeté 
dans  le  foutien  des  droits  du  faint-ficge  éclata 
dans  pluficurs  occifions  avec  beaucoup  de  viva- 
cité, &  fur-tout   contre  les  Vénitiens, 

Le  Sénat  de  Vcnife  avoit  donne  en  1603  & 
en  1605  deux  décrets  ,  qui  furent  la  fourcc  d'un 
long  différend  entre  Rome  Se  la  république.  Far  le 
premier  ,  il  étoit  défendu  de  bâtir  ni  E^lifes  , 
ni  monaftéres,  ni  hopitiux,  faas  la  permiillon  du 
Sénat.  Le  fécond  faifoit  défenfes  aux  laïques 
d'aliéner  leurs  biens  en  faveur  des  Ecclcfiaftiques. 

CUment  Vlîl^  craignant  d'occalionner  des  difpu- 
te$  fàcheufe*  s'il  éclatoit  contre  fes  décrets,  prit 
le  parti  de  diirmiuler. 

?aul  V  fut  plus  hardi.  Ce  n'eft  pas  qu'il  vou- 
lût parvenir  à  la  monarchie  unlverfelle  ,  comme 
l'en  accufe  l'auteur  des  Inurâs  des  Princes.  Le 
plan  de  cette  monarchie  pouvoit ,  (  dit  le  P.  à'A- 
yri^ni ,  )  avoir  été  formé  par  un  Char  les -Quînt  , 
roi  d'Efpngne  ,  empereur  fit  conquérant-,  mais  it 
ne  fçauroit  entrer  dans  la  tète  d'un  Pape  qu'on  ne 
AippoTeia  polat  ea  démence.  Paul  V  étoit  moins 


'37^  E  L  1  M  E  y  S 

ambitieux  de  cette  fouveralnctc  univerfelle,  q* 
jjlcux  des  droits  de  fa  place.  Le  Sénat  de  Vc- 
nii'e  ayant  fait-arrcter  un  Chanoine  &  un  AbSc 
acciifes  des  plus  grands  crimes  ,  le  Pontife  crut 
voir  dans  cette  déofurche  la  violation  des  imrauni» 
fts  ecdcfiaftiques ,  &  en  demanda  fatisfa£lion  à  la 
République.  Il  s'cleva  en  mcme-tcns  contre  les  dé- 
crets portes  en  i6o}&i6oî. 

Les  ^'cni:icns  ayant  refufé  de  révoquer  leurs 
décrets  5c  de  remettre  les  eccléfiaftiques  prifon- 
niers  entre  les  mains  du  nonce  ,  Paul  V  jetta  un 
interdit  fur  Kur  état  ,  &  excommunia  le  Sén/ 
&  le  Doge ,  fi  on  ne  lui  fjlfoit  fatisfaftion  dan» 
vingt  •  quatre  jours.  Les  fénateurs  fe  contentè- 
rent de  protefter  contre  le  monitoire ,  &  en  dé- 
fendirent la  publication  dans  leurs  états.  Les  Jc- 
fuites  ,  les  Théatins  fv  les  Capucins  ,  aimant  m'eux 
obcir  au  Pape  qu'au  Sénat  ,  garderont  l'interdit, 
&  furent  chaffts  des  états  de  la  Republique, 

Cependant  on  levoitdes  troupes  de  part  &:  d'au- 
tre; &  on  écrivoit  en  même  tems  de  chaque  càtc 
pour  foutcnir  les  droits  refpeâifs.  Le  fameux 
Servitc  Paul  Sarpi ,  plus  connu  fous  le  oom  de 
Tra-Pdolo  ou  Frtrt  Féul  combattott  vivement  en 
faveur  de  la  republique  de  Venife  ,  fa  patrie  ,  tan- 
dis  que  Baranlut  Si  Btl'aimin  plaidoient  pour  le 
fjiot-fiége.  Leurs  diiTcrens  écrits  ne  fcrvoient  qu'à 
occuper  l'oifiveic  des  f^e^jteurs  ,  faat  calmer 
les  efptit». 

P^  V  craigooit  t^ue  ccue  difputc    n'eût   det 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    377 

conféqucnces  dangereufes.  Philippe  ///.roi  d'Ef- 
pagne  ,  lui  offrit  des  troupe»,  &  Henri  IV (z  mé- 
diation; il  aima  mieux  celle-ci  que  celles  là.  Les 
arabaffddeurs  de  France  à  Rome  6c  a  Venife  en- 
tamèrent une  négociation  ,  que  le  cjrdlnal  de 
Joyeitje  eut  la  gloire  de  terminer.  On  convint  que 
les  deux  prifonniers  feroient  remis  entre  le' 
mains  d'un  délégué  du  Pape  v  que  les  édits  pu- 
bliés contre  l'interdit  feroient  rtivoques  ,  &  que 
le  Pape  de  Ion  cote  ieveroit  cet  interdit.  Le  icnat 
envoya  aulTi  tôt  a  Rome  u.i  ambalTadeur  extraor- 
dinaire qui  fut  très-bien  'cçu  par  le  Pape.  Ce  pon- 
tife lui  dit  ingéiueui'ement  :  Readant  veecra  ,  nova 
fint   c  mnia. 

Cette  malheureirfe  dlfpute  ayant  été  terminée» 
le  Pape  ne  s'occupa  plus  que  des  foins  du  pon- 
titîcar.  11  fut  le  médiateur  des  Princes.  La  gutrre 
étoit  allumée  ,  en  Allemagne  ,  entre  l'empereur 
Rodjlphe  II  &  l'archiduc  Mathas  fon  frère  -,  8c 
en  Italie  ,  entre  le  duc  de  Savoie  &  les  Efpa- 
gnols.  Paul  y  tâcha  d'empêcher  ces  difftrcnds  » 
ou  de  les  terminer.  Le  Roi  de  Congo  en  Afrique  ' 
&  le  Roi  de  Perfe,  donnèrent  une  grande  con- 
folation  à  ce  Pontife  ,  en  lui  envoyant  des  am. 
balïadeurs  pour  lui  demander  des  milfionnaires. 
Mais  ,  à  mefure  que  le  Chriftianifme  gagn^  du 
terrein  d'un  côté  ,  il  en  perdoit  de  l'autre.  11  fut 
banni  du  Japon  par  l'aràiîje  des  Hollandjis  ,  qui 
rendirent  fufpecl  le  ïèle  des  prêtres  Chritiens  de 
cette  iile  i  &  le  Lutlicranifme  s'établit  pour  tou- 


578  E  L  E  M  E  N   s 

jours  en  Suède  par  rufurpatioo  de  Ckdrltt  de  Sii« 
deimanie ,  Luclicnen  ,  qui  enleva  cette  couroooc 
à  Sigi/an/nd  roi   de  Pologne  ,  ion  oncle. 

Mon  Je  Paul  V;  iùfïion  Je  Grégoire  XV. 

Paul  y  ayant  ficgc  pendant  quinze  ans  &  demi, 
mourm  en  ibii  ,  &  lailTa  ua  notn  cher  aux  ama« 
teurs  des  beaux-ans  parles  bàcimens  dont  il  oraa 
Rome  ,  &  aux  gens-de-bien  par  les  fondations  dft 
divcrCcs  Lgiilet   £^  de  quelques  fcninaircs. 

Jamais  l'ape  n'a  p'us  np;>rouvc  d  Ordres  Reti> 
gieux  &  de  congrégations  différentes.  Il  penfoie 
i^'il  ne  potivoit  y  avoir  trop  d'.ifyles  pour  la 
\ertii.  La  Religion  Catholique  étant  prerqu'eotié- 
annem  ctriote  dans  le  Levant  ,  il  y  eovoya.im 
grand  nombre  de  milTiomaires  qui  cultivèrent  cette 
▼igné  avec  foin  &  avec  fruit.  Il  ne  tint  pas  mè- 
ne à  ce  Pontife  «jue  les  Souverains  Catholiqtie* 
ne  s'uniffirnt  contre  l'ennemi  du  nom  Chrétien} 
m»h  fes  detirs  trouvèrent  des  obAacles  dans  la 
politique  des  Princes.  Paul  V  étoit  jaloux  de  l'a» 
grandilTemeni  de  l'Ef^Jife  ,  8c  il  auroit  porté  l'au» 
torite  pontificale  aulFi  loin  que  fes  prèdcccffcur^  » 
(  dit  le  P.  &.4rrig9i  ,  )  s'il  avoit  vccu  dans  ua 
fiécle  où  les  interdits  euffcnt  été  capables  d'ef- 
frayer les  peuples.  Son  acie  prenoit  en  partit  ft 
fource  dans  fa  pictè  ,  êc  juf.nia  Icpoque  de  fa 
dernière  maladie  il  dit  tous  le»  |i>urs  la  MelVe. 

Le  cardinal  Alixtnért  LuJo*i/i<»,  archevêque  da 
Sologne  ,  prélat  plcifl  de  venus,  occupa  aprc»  lai 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    37<> 

la  chaire  de  S.  Pierre  ,  fous  le  nom  de  Grégoirt 
XV.  Pour  éviter  les  brigues  qui  divifoient  quel- 
quefois le  conclave,  il  ordonna  qu'a  l'avenir  le» 
cardinaux  éiiroient  le  Pape  par  fcrutin  fecret.  II 
érigea  l'évêche  de  Paris  en  archevèchc  :  &  cano* 
nifa  Ignace  de  Loyola  ,  fondateur  des  Jcl'uites  -,  Fran, 
§oii  Xivier ,  apôtre  des  Indes  ;  tSc  Fhutf.pe  de  Né* 
ry   ,  fondateur  des    Pcres  de  l'Oratoiic  d'Italie, 

Ponùji^M  J'Urbain  VIII. 

Apt^s  Grégoire  XI'',  mort  en  161^  ,  les  car- 
dinaux mirent  la  liarc  fur  la  tète  du  cardinal 
Barberin,  qui  prit  le  nom  A'L'bain  V 1 1  [.  Noa 
moins  diftingué  par  fon  habileté  dans  les  affaires 
que  par  fon  talent  pour  la  pocfie  latine,  il  réu- 
nit au  faint-Hcge  le  duché  d'Urbin  ,  qui  en  avoic 
été  démembré  par  Sixte  /K,  en  fjveur  des  Tîo- 
vétes  fcs  neveux.  Il  donna  un  nouvel  éclat  à  la 
pourpre  Romaine  ,  en  honorant  les  cardinaux  du 
titre  à'Emifience  fil  d'EminemiJJlme.  Il  canonifa  S, 
C^jétûn  de  Thicnne  ,  André  ■  Curfm  ,  &  Ste  Elifa.'' 
ietb  reine  de  Portugal.  Urbain  VIII  mourut  en 
1644,  après  avoir  occupe  le  faint-fiége  environ 
21  ans.  Il  paffoit  pour  un  orateur  éloquent  Ôc 
pour  un  bon  poète-,  il  polTidoii  fi  bien  le  Grec» 
qu'on  le  furnomma  l'Abei.'/e  atti^juc. 

De   Marc- Antoine  de  Dominis 
&  de  Fra-Paolo. 

C'cft    fous    le    pontificat  à'Urbain  VIII  qii* 
mourut  le  fameux  Marc  -  Amuim   de  D^mmii  ,  lî 


5^0  E   L   E   M   i    N    $ 

connu  par   Ici  coups  qj'il  porta  à  la  puîfl!anc6 
eccicfianique.  C'ctoit  un  homme  de  beaucoup  de 
fç3V.>ir  fie  d'efprit  ,  mais  ambiiieux  ,   vaia  Se  in> 
confiant.  Apres    avoir  paiTc  vingt  ans   chez    le* 
Jcfuites  où  il  s*ctoit    distingué  ,  il  fut  tente    d< 
devenir  Evéquc  ,  &  foccomba    d'autant  plus  faci- 
lement à  la   tentation,  qu'ctant  d'une  famille  al- 
liée à  celle  di  Gn^ji't ,  il  avoir  des  prop 
p  :ilLns.    11    fuc  tait  Evèque  de   Scgni  ,    pi 
chevè(,ue  d-  SpiLtro  en  Dalmatie   parla  faveur 
de  renpe  eur  Roiolpht.    Mi:»    le   chagrin  d'avoir 
c:é   ii.vcrf.   dar»    qucl<,ues    prctentioos,  le  tef* 
fentiment   «.ontre    l'inquifition   qui  a  voit  cenfur^ 
Tes  écrits,  l'erpcrance  de  la  libcric  &  du  repos» 
le    Arcnt -pslTer  en   Angleterre  en   1616. 

L'année  d'après  il  publia  à  Londres  le  prc* 
mier  volume  de  Ton  grand  ouvrage  De  Rtfuhlit* 
Ecdifi-flU*  ,  qui  tut  fuivi  d'un  iccnnd  en  i62o« 
Le  principal  but  de  ce  livre  ell  d'ancantir  la  pri- 
mautc  du  l'ape  &  la  nrccllitc  d'un  chef  vifiblc 
de  l'Eglifc.  Il  prétend  prouver  que  S.  P'urrtn'tn 
éioit  pas  le  feul  CTcf ,  Pf  que  S.  Péul\       •  il 

ca  autorité.    Il  y  a  pi  idctirs     autres    ,  n 

qui  tiennent  du  Calvinifme,  &  que  la  Sorbonot 
^nfura  ,  avec  l'ouvnge  qm  les  renferme  ,  dès 
l'an  1017.  «•  On  avott  acc.ifc  (  dit  lAbbc  dt 
n  Ci««/  )  Edmond  Aitkér  ,  auteur  du  livre  D*  u 
V  pu'i^jnt*  itdifiéjîljitt  é"  fitluijut  ,  d'avn> 
!•  iTicm:s  opinions  t{\it  Ms't-Ann,in$  dt  1\ 
•  mail  il  t'ca  dcfeodit  bien,  &  les  coodamaa  luu* 


»E  l'Histoire  Ecclésiastique.     381 

•  tctnent,  «  Cependant  il  refufa  d'aller  opiner  en 
*jrte  occilîoa  en  Sorbonne  ,  de  p:ur(dit  le  l*. 
à'Avrignl  )  qu'on  n'eo  voulut  aufli  à  fon  petij 
Traité  De  la  pu'jfanct   eccHfijJÎ'.^^uc. 

Malgré  l'accu  eil   que  les  Anglols  &  le   roi  Jjc 
fues  I  avoient  fait  à  Dcm'nis  ,   il   ne  Iai:Toit  pas 
de  fentir  des    remords.   Sa   confciei;ce    dcmsntoit 
fouvent  ce  que   fa    p'ume    écrivoi:.  Le  repentir 
de  (i    défercion    le    preflbit   tant  ,  qu'un   jour  il 
monti  en  chaire  à  Londres  ,  &  ,  en  prcience  d'un 
cnbrsux  auditoire  ,   il  rctrad^a     tout    ce    qu'il 
avoit    dit   ou    écrit    contre    l'Eglife.     Jacques  ^'ix-. 
rite  de  ce  coup  d'éclat ,  le  priva  de  tous  les  bé- 
néfices  confidérables  qu'il  lui  avoit    donnes  ,  Se 
lui    ordonna    de    fortir  de    fes  états   dans     trois 
jours. 

Z>i,nj//i/j  fe  rendit  à  Rome,  après  avoir  été  af- 
furc  par  l'AmbafTadeur  d'Efpagne  ,  de  la  part  de 
Grégoire  XVy  fon  ami  &  fon  condifclple  ,  qu'il 
pouvoit  y  revenir  en  toute  fureté.  Son  humeur 
inquiète  &  changeant»  le  fît -bientôt  repentir  de 
fa  converfion  ;  &  l'on  en  eut  des  preuves  cer- 
taines dans  des  lettres  qu'il  ccrivoit  à  Londres. 

Urbain  Vlll  le  fit  -  enfermer  dans  le  château 
St-Ange  ,  où  il  mourut  en  1625  ,  après  avoir  ré- 
tradlé  de  nouveau  fes  erreurs  &  re(,-u  les  Sacrc- 
mens  de  l'Eglife.  On  ne  laiffa  pas  de  le  traiter 
comme  relaps  dès  qu'il  eut  expiré.  Son  corps  fuc 
brûlé  publiquement  avec  fes  écrits  daos  le  cUamp 
lie  Flore. 


3^1  E   L   E    M    E   N    s 

Pendant  (on  féjour  à  Londres  ,  il  avoir  publié 
VHiJioirc  du  CnctU  de  Trente  par  ie  fameux  Ser- 
vire  Fra-Ptolo  Sirpi.  Ce  religieux  penfoit  »>peu- 
près  comme  Domtnit.  Il  avoir  érc  excommunié  , 
lors  du  ditTerend  de  Pcul  V  avec  la  Rcpublique. 
Mûii,  comme  il  ctoir  Cous  la  prote^on  pirticu- 
liere  du  Sénat,  il  brava  les  foudres  du  V'^ctcao, 
&  ralTura  fcs  compatriotes  contre  les  cenfuret 
de  Rome.  Ce:  injat\e  m.pris  de»  armci  rpiririiet'* 
les  étoit  moins  le  froit  de  fon  courage  d'efprit  , 
que  de  fa  façon-dc-p<nfer  fur  le  pouvuirdu  Chef 
de  l'Eglife.  Il  p^roit  qu'il  avoic  beaucoup  lu  les 
écrits  dc&  ProieHans  ,  qu'il  en  avoic  malheureu- 
fcment  pris  refprir,&  qu'a  beaucoup  d'égards  il 
r'avoit  pas  plus  de  refpcil  qu'eux  pour  les  dé* 
ciûons  du  faint-ficge. 

RcviUe  des   Cdvinijïes  en  France, 

Les  troubles  que  les  CatviniAes  avoicnt  excités 
pendant  plus  de  trente  années  en  Fr.ince  ,  fem- 
bloient  avoir  été  terminés  en  ifçS  pir  la  pu- 
blication de  redit  de  Nantes  que  Henri  IV  donna 
en  leur  faveur.  Cette  fede  ayant  obtenu  plus 
de  privilcj;e«  .qu'elle  ne  devoir  ,c«  femhle,  en  at- 
tendre ,  ayant  des  places  de  fùrerc  fit  le  libre 
exercice  de  f«  Religion  ,  n'ctoit  pas  cependant  i%. 
tisfaiie;  mais  la  bontc  8c  l'adrelle  é' Henri  IV  U 
contint  pendant  fa  vie. 

M  Après  la  mort  de  ce  f(rsnd  Roi,  (  ditunhiAo 
rien  qui  o'eA  pas  fufpeâ  aux  C«lviQiAei ,  Ce  que 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    383 

pour  cette  raifon^nous  citerons  ici  de  pretcrence  :  ) 
•1  Après  la  mort  a  jamais  déplorable  d'Hcari  IV 
n  dans  la  foibieffe  d'une  minoriti  6c  foas  une 
M  cour  divifce  ,  il  étoit  bien  dif&cile  que  Yti- 
tt  prit  républicain  des  Réformés  n'abul'àt  de  Tes 
n  privilèges,  &  que  la  Cour  ,  toute  foible  qu'elle 
t«  étoit ,  ne  voulut  les  reftreindre.  Les  Huguenots 
n  avoient  déjà  établi  en  Fran:e  des  cercles,  à 
M  rimitation  de  l'Allemagne.  Les  dcputés  de  ces 
M  cercles  étoient  fouvent  fédirieux  :  il  y  avoit 
M  dans  le  parti  des  feigneurs  pleins  d'ambition. 
•*  Le  duc  de  Bouillon ,  &  Air-tout  le  duc  de  Rj^ 
*i  han  ,  le  chef  le  plus  accrédite  des  Kugueno:s, 
M  prccipitérent  bien  -  tôt  dans  la  révolte  l'efprit 
f^  remuant  des  prédicans  &  le  zèle  aveugle  des 
M  peuples. 

M  L'alTembIce  générale  du  parti  ofa  ,  des  i6iy, 
»»  préfcnter  à  la  cour  un  cahier  ,  par  lequel  ,en- 
*»  tr'autres  articles  injurieux,  elle  demandoit  qu'on 
M  réformât  le  confeil  du  Roi.  Ils  prirent  les  ar- 
•t  mes  en  quelques  endroits  dès  1616  -,  &  l'au* 
•  dace  des  Huguenots  fc  joignant  aux  divilîons 
n  de  la  cour  ,  à  la  haine  contre  les  favoris  ,  à 
M  l'inquiétude  de  la  nation  ,  tout  fut  long-tems 
»»  dans  le  trouble.  C'étoient  des  fcditlons  ,  des  in- 
H  trigues  ,  des  menaces,  des  prifes  d'armes,  des 
•1  paix  faites  à  la  hâte  &  rompues  de  même.  C'eft 
»»  ce  qui  faifoit  -  dire  au  célèbre  cardinal  Bcnti- 
v>  voglio  ,  alors  nonce  eo  France,  qu';7«'^  avait 
9  ru  que  du  orales. 


3?4  E   L  E   M   E  V   s 

M  Dans  l'année  1611  ,  les  Ei;ltfes  Calvioiftes  de 
»»  France  offrirent  à  /.cy;/.:'i;(c></,cet  homme  de  tor» 
H  tune  ,  devenu  depuis  connétable  ,  le  generaht  de 
M  leurs  arroccs  &  cent  mille  ecus  par  mois.  Mais 
M  Lt/J:guiértj,p\uiec\i\TC  dans  fonambiKOn  qu'eux 
H  dans  leurs  taâions  ,  &  qui  les  connoiltoit  pour 
m  les  avoir  commandes  ,  aima  mieux  alors  les 
M  combattre  que  a'ctre  a  leur  tcte  ;  &  pour  rcponfe 
»•  à  leurs  offres  il  fe  fit  Catholique.  Les  Hugue- 
n  nots  s'adrellerent  enfuite  au  marcchal  de  ^^ii//- 
n  /on,  qui  dit  qu'il  cioit  trop  vieux  i  £c  cjtiîn  ils 
••  donnèrent  cette  malheureufe  place  au  duc  de 
»»  Ruhjn,  qui,  conjoinici;icnt  avec  ion  frère  Suubij't^ 
*%  o(i  faire   la  guerre  au  Roi  de  France,  n 

Louis  XII J ,  accompagne  du  connétable  de  Luy- 
ntî ,  courut  en  1621  de  provinte  en  p:ovinc« 
pour  foumettre  les  rel elles.  Il  prit  plus  de  cin- 
quante villes,  bourgs  ou  villa{(cs ,  qui  fc  rendi» 
rent  fans  téfiAance  -,  mais  M'  ntiuban  lui  ferma 
fes  portes.  &   il  fut  oblige  d'enlever  le  ficge. 

La  Rochelle  ne  lui  donna  pas  moins  de  peine 
que  Monc;iul>an  ;  c'ccoit  le  boulevard  du  Calvi- 
nilme.  Le  cardinal  de  Hichtiitu  ,  qui  avoit  fucccdé 
aux  places  &  à  la  faveur  du  connétable  itLuy 
nti  ,  l'afficgea  pendant  un  an  ,  &  l'on  ne  dut  la 
reddition  de  cette  place  importante  ,qu'a  une  di- 
gue  de  cinq  cents  pieds  de  long  que  ce  miniAr* 
At  -  conAruire  ,  à  l'exemple  de  celle  mt'^/txMtidrt 
■voit  fait-cle\er  devant  Tyr.  La  Rochelle  ft  rendit 
à  lafio  d'Oûobre  i6ib  ,  d(  le  Roi  y  entra  ;        i 

• 


DE  l'Histoire  Ecclestastique.    3^5 

brèche  le  premier  Novemore  de  h  même  année. 
L'adivitc  du  cardinal  île  Richelieu  ,  ayant  en- 
levé la  Rochelle  aux  Cdiv-iniftes  ,  les  autres  vil- 
les fe  (oumireiit ,  &  ce  lut  alors  que  Louij  XIII 
donna  le  fameux  Edit  connu  Tous  le  nom  i'Edic 
di  grâce  -,  le  Roi  y  parla  en  fouvcrain  qui  pardonne. 
On  ôta  l'exerc  ce  de  la  nouvelle  Religion  ,  à  la  Ro- 
chelle ,  à  rifle-dc-Ré,  à  Oitron,  à  Privas  à  Pamlers. 
Dans  le  mcme-tems  le  Cardinal-miniftre  tenta  les 
voies  de  l'inftrudion  &  de  la  difpute  pour  ramener 
les  Hérétiques  j  mais  il  fentit  bientôt  que  cette  vois 
étoit  prefque  toujours  aufli  longue  qu'infruftucu^ 
fe   ,  lorfque  les  efprits  font   oLAinés. 

D'tfputes  fur  la  Grâce  ;  Molinifme, 

T)e  nouvelles  difputes  vinrent  aigrir  les  erprita 
en  France  :  uni  Jcfuite  Efpagnol ,  nommé  Louit 
MuUna^  profelTeur  de  théologie  dans  l'Univerfité 
d'Evora  ,  avoit  donné,  en  15SS,  un  livre  latin,' 
intitulé  :  Dt  la  Concorde  ,  de  la  Grâce  ,  &  du  Llibre- 
arbitre.  Cet  ouvrage  offroit  un  fyflcme  nouvean  j 
qui  parut,  à  plufieurs  Théologiens,  plus  ingénieux 
que  folide-,  il  fut  défendu  vivement  par  d'autres 
Doâeurs  ,  &  fur-tout  par  ceux  qui  étoient  de  la 
fociété  dont  Molina  étoit  membre. 

L-î  fonds  du  fyftême  de  Molina  eft ,  que  toute 
grâce  donne  à  l'homme  un  fccours  fiifiifant  pour 
qu'il  puiffe  opérer  le  bien  ;  qu'elle  met  la  vo^ 
lonté  dans  une  efpece  d'équilibre  ,  cnforce  qu'elle 
peut  pencher  du  côté  qu'elle  veut. 


jS6  E  L  E   M  E   K  s 

Il  appelle  grau  fuf^j'antt ,  cdle  à  laqixlle  Thomî 
me  rcùAe ,  quoiqu'elle  lui  fcnirniHe  tout  ce  qui  eft 
oécefTaire  pour  Caire  le  bien  ;  &  ^rûit  tfxcûct , 
celle  a  laquelle  l'homme  ne  rcûAe  pas  ,  quoiqu'il 
ioit  en  fon  pouvoir  d'y  rcûficr.  Ainfi ,  fe'.on  ce 
théologien  ,  la  grâce  eu  %crfatlU  ,  &  Con  eSca* 
cité  dcpeol  de  la  coopération  de  l'hoimne. 

A  peine  le  livre  oà  ce  fyftètr.e  étoit  c.xpofc, 
eut  vu  le  jour ,  que  les  Dominicains  le  dctcrerent 
à  rinqui/ition  de  Portugil.  Cette  afiaire,  traitée  avec 
beaucoup  de  chaleur  en  Efpagje  par  les  Thcolo- 
gtens  des  différcns  Ordres ,  fut  portée  au  tribu- 
oal  du  pape  Climtnt  f///,  qui  établit ,  pour  l'exa- 
miner ,  la  congrégation  appellce  de  A^xliitt  :  elle 
étoit  compofce  de  pluûeurs  Cardiiuux.  Apres  de 
longs  dcbats ,  on  réduifit  la  dil'pute  à  cette  quef- 
cion  :II  s'agifToit  de  fçavoir  ù  l'efficacité  de  la 
grâce  dépend  d'une  prcmotion  phj-ûque  qui  dé- 
termine \i  volonté  ,  comme  le  prctendoient  les  Do» 
Oinicains  -,  ou  fi  l'efficacité  de  la  grâce  ,  comme  le 
▼ouloient  les  Jctuites  «  dcpendoit  des  circonftaa> 
ces  dans  lesquelles  Dieu  accorde  ce  faint  fecours. 
On  avoit  dcja  tenu  trente-fept  aiTembléct,  lorf- 
que  le  Pape ,  qui  etoit  fur  le  point  de  prononcer  , 
fut  enlevé  i  11^.1. fc  en  i6o{. 

Ces  difputcs  ,2g.tce»  encore  fous  Lion  A7 ,  nf 
furent  terminées  que  par  P^ai  K,  qui  monta  apréfl 
lui  l'ur  la  duire  de  S.Purrt.  Ce  Pontife  ne  crut 
pis  devoir  dontser  un  iugement  dcfîiutifiil  im- 
poCt    lilcocc  aux  deux  partit -,  U  àt  dcfca|p  ea 


i)E  l'Histoire  Ecclésiastique.    3^7» 

nèmc-tems  de  condamner  ,  ni  la  dodrine  de  ïi 
fcience  moyenne  que  foutcnoient  les  Jefuitc$,nî 
la  doârine  de  la  prédccerminacioa  que  les  Domi- 
sicains  avoient  embrafTée. 

I?tf /'Auguftinus  de  Janfenius. 

Malgré  les  défenfes  &  les  menaces  de  Paul  V , 
CCS  difputes  fubfiftérent  en  Flandre,  en  Ffpagne, 
&  même  en  Italie.  Un  Evêque  Flamand  les  ren. 
dit  plus  vives  que  jamais  ,  vers  l'an  1639  :  c'eft 
Cornélius  /an/i/i/uj ,  d'abord  profcffeur  de  théolo- 
gie dans  rUniverfué  de  Louvain ,  enfuite  Evê- 
que d'Ypres.  Ce  Prélat  très-oppofé  à  la  doftrine 
de  Molina ,  Sl  plein  de  celle  de  S.  Juguftin  ,  dont 
il  avoit  lûng-cems  médité  les  ouvrages  ,  conçut  le 
dîffein  d'expofer  les  principes  de  cet  illufuc  Père 
fur  les  forces  du  libre-arbitre  3c  fur  la  nccefilté 
de  la  grâce-,  c'eft  ce  qu'il  exécuta  dans  un  gro$ 
livre  ,  intitulé  Augujli/ius  ,  écrit  d'un  ftyle  ferré  8c 
nerveux. 

Cet  ouvrage  vit  le  jour  en  1640,  un  an  aprè» 
la  mort  de  fon  Auteur  ,  qui  l'avoit  fournis  en  mou- 
rant aux  décidons  de  l'Eglife.  Dès  qu'il  fut  ré- 
pandu dans  le  public  ,  il  fut  vivement  attaqué  par 
les  }éfuices  ,  &  fortement  défendu  par  plufieurs 
Théologiens  François  &  Flamands  -,  cette  chaleur 
annonçoit  des  difputes  longues  &  acharnées.  La 
congrégation  de  l'Inquifition  crut  les  terininer, 
en  défendant  par  un  décret  la  ledurc  de  VAu^uf- 
Inuf  de  Janfenius  ,  des  thcfes  des  Jcfuitcs  ,  £c 
4u  autres  cents  publics  pour  ^conttc. 


Condjmruùon  du  Livre  de  Janfcniu5 
p^n  le  Pape» 
Cependant  les  efprits  s'aigrlfToient  dans  les  deux 
|»ariis  ,  &  l'anace  fuivancc  1641,  le  pape  Urbain 
Vlll  condamna  le  livre  de  l'Evcque  d'Ypres» 
coAme  renjavellant  les  erreurs  de  Batut  ,que  les 
Poncircs  Romains  avaient  déjà  aDathcmatirtes.  Un 
nouveau  dccret  confirma  le  premier  en  1644; 
nais,  l'un  6c  l'autre  trouvèrent  des  contr.Tdic^e»:rs 
en  Flandre  &  en  France  ,  où  plutîcurs  Tbéolo» 
glens  diftingucs  cioient  auachés  à  Jjnfcr.ius  .  8c  à 
Ces  principes.  De  ce  nombre  furent  tous  les  To- 
litaires  de  Port-Royal  &  leurs  amis:  le  doâeur 
Anuinc  Arnauld ,  J/éac  le  hSéitie  ,  Pierre  Nicole 
Blaife  Pafchjl ,  écrivirent  pour  dctcndre  la  mé- 
moire de  l'Ëvcque  d'Ypres  ,  &  pour  rendre  fes 
adverfaires  odieux  Se  ridicules. 

Leur  éloquence  n'cmpccha  point  qu'on  ne  pour* 
fuivit  à  Rome  la  condamnation  folemnelle  de  YAu- 
gufiinut.  Le  dofleur  Cornet ,  fyndic  de  la  faculté 
de  théologie  de  Paris  ,  renferma  toute  la  nou- 
velle do^rine  en  iîx  articles  ,  qu'on  réduiQt  ca* 
fuite  à  cinq. 

I.  M  Quelques  commandemens  de  Dieu  font  im* 
t.  ponîblei  aux  juAcs ,  qui    veulent  &  font    eur, 
I.  ciîorit    félon  le*  forces  prcfentet  qu'ils  ont-,  fie 
M  U  grâce ,  par  laquelle  ils  peuvent  leur*  dcTcal 
i.  p<  (Ti  '  «,   leur  manqu*. 

M  >*\^    l'état  de  la  nature  dccliue  ,  on  ai 

a  U  grâce, 


DE  l'Histoire  Ecclesustîqt*^:.    î8ç 

m.  >»  Pour  mériter  &  démériter  dans  l't tat  dô 
I»  la  nature  déchue  ,  il  n'eft  pas  néceffaire  qu'il 
»  y  ait  dans  l'homme  une  liberté  qui  loit  exenv- 
»  pte  de  nécefiîté  -,  il  fuffit  qu'il  y  ait  une  libsrté 
>•  qui  Toit  exempte  de  contrainiet 

IV,  n  Les  Sémi-Ptlaglens  admettoient  la  nécef» 
»  lité  de  la  grâce  intérieure  &  prévenante  pouc 
»  chaque  aûion  ,  mcme  pour  le  commencement 
M  de  la  Foi  -,  5c  ils  étoient  hérétiques  en  ce  qu'ils 

voulolent  que  cette  grâce  fût  telle  ,  que  la  vo- 
:•    lor.ie  de  i  hcmrr.e  put  lui  rtfalcr  eu  lui  obéir. 

V.  w  11  eft  Sémi-Pélagien  de  dire  que  Jesus- 
i>  Christ  eft  more  pour  cous  les  hommes  Tans  ex-] 
>i  ception.  » 

Ces  cinq  proportions  furent  déférées  au  faint* 
fiége  par  8S  Evèques  ,  qui  demandèrent  au  Pape 
une  dccifion  claire  &  précifi.*.  Innccenc  X  afTcmbla 
diverfes  congrégations  ,  qui  ne  furent  point  favo- 
rables au  livre  de  Janfenlus  j  ôc  ,  le  treize  Mal 
1653  ,  les  V  proportions  qu'on  en  avoit  tirées 
ctuient  profcrites. 

La  Huile  qui  les  con  jamnoit ,  les  qualifioit  cha* 
cure  en  particulier  de  la  manière  fuivante  : 

La  première  ,  fur  l'imponibilité  des  commande- 
mens  ,  fut  déclarée  tànira'ne  ,  impie  ,  bJa/fheniar^ 
tcirc  ,  Jrapfée  (fanathéme  ,  hirJci(juef  &  coniamnie  corn^ 
me  ti-U. 

La  dcruitre  qualificai^cn  f.it  encore  donnie  3 
la  féconde  propontioa ,  qu'on  ne  rciiAe  jamais  ^ 
U  grâce. 

Rilf 


•[5^  Elzmevs 

La  rroiïîcme  ,  que  pour  mériter  &  démériter  II 
fuffit  d'ctre  exempt  de  contrainte  ,  fut  qualifie* 
comme  la  prcccdenie. 

On  déclara  la  quatrième  faufTe  &c  héréticjue. 

Enfin  la  cinquième  .  fur  les  effets  de  la  mort 
ée  J.  C.  ,fut  déclarée  faufTe  ,  téméraire  ,  fcanda- 
leufe  i  6c  en  cas  qu'on  I  entendit  dans  le  fensque 
I.  C  n'étoit  mort  que  pour  les  prcdeAincs  ,  on 
la  condamna  comme  impie  ,  blafphcmatoire  ,  hé» 
récique  ,  &  injurie ufe  &  dérogeante  a  la  bonté 
de  Dieu. 

En  effet ,  dans  ce  fvftcme  ,  D  i  E  u  fe  mon- 
treroit  un  être  dur  fie  injulle  ;  &  il  fcroit  dilH« 
cile  de  concevoir  comment  fa  clémence  qui  rtiÊt 
l«  falut  de  tous  ^  étant  aufTi  intînie  que  fa  juAice, 
il  auroit  pu  mourir  pour  un  fi  petit  nombre  de» 
las  ,  tandis  qu'il  auroit  laifTc  la  foule  innom» 
brable  des  autres  hommes  dans  le  malheureux 
fort  auquel  le  péché    d'Adam    les  avoir    entrai'*. 

BCf. 

La  Bulle  6'Inncccnt  X  ayant  été  rendue  publi* 
que  ,  les  députés  que  l'Archevêque  de  Sens  0c 
dix  de  fes  confrères  ,  pariifans  comme  lui  de 
Janftnlui ,  «voient  envoyés  a  Rome,  prirent  con- 
fé  du  Pape  ,  qui  leur  déc'ara  ,  qu'il  o'avoii  point 
prétendu  donner  atteinte  aux  fentimens  de  S,  An^ 
gujî.n  tu  de  b,  Thum,x$  fur  la  grâce. 


'^ 


BE  l'Histoire  Ecclésiastique.     39I 

De  quelle  manière  la.  Bulle  ^Innocent  X 
fut  reçue  en  France, 

La  doflrîne  renfermée  dans  les  V  propofitions  ; 
étant  attribuée  à  Janfenius  au  commencement  de 
la  Bulle  d'Innocent  X  ,  elle  devoit  trouver  de 
fortes  oppofitions  en  Flandre  ,  où  cet  Evcque 
avoit  un  nom  refpeilable.  Elle  y  fut  pourtant  re» 
çue.  Mais  en  France  ,  où  les  efprits  font  plus 
\if$  &  plus  contenâeu:;  ,  elle  eut  plus  de  con- 
tradicteurs. 

Le  Roi  l'ayant  reçue  des  mains  du  nonce  ,  don" 
na  une  Déclaration  le  4  Juillet  1653  »  PO"'  ^^" 
horter  les  Evêques  à  la  faire  •  publier  &  rece- 
voir. Le  cardinal  Maiarln  entra  avec  beaucoup 
de  feu  dans  cette  affaire.  On  lui  avoit  peint  le» 
Janfcniftes,  comme  des  hommes  dévoués  au  car- 
dinal de  Reti  ,  fon  ennemi  perfonncl  :  des  -  lors 
les  Janfériiftc»  curent  en  lui  unadverfairc  formi- 
dable. 

Il  y  avoit  alors  plufieurs  Evêques  à  Paris  8c 
à  la  cour  -,  le  cardinal  Mj^j/-/i  les  aflcmbla  chez 
lui ,  le  II  Juillet,  au  nombre  de  trente.  Usécri- 
virent»au  Pape  ,  qu'ils  avolent  attendu  avec  im- 
patience le  jugement  du  faint-fiége  furies  V  propo- 
rtions ,  &  qu'ils  le  recevoient  avec  joie.  Ils  en- 
voyèrent en  màmc-tems;  la  Bulle  à  tous  les  Prc- 
lats  du  royaume  ,  avec  une  Lettre  ?c  un  Mande- 
ment ,  modèle  de  celui  qu'ils  dévoient  publier 
|i  n'ctoit  point  parlé  de  JunJ'cniut  dans  c«ttc  IcW 

Riv 


99*  £   L   E    M   E   N    S 

tre ,  dreffie  par  G^Jcju  ,  évèque  de  Vence.  Oa 
y  rccomiiundoit  à  ceux  qui  publicroient  ou  fe- 
roieoc-publier  la  Coaîlituttoa ,  ds  ne  point  $'c- 
carter  de  la  condamnation  prccife  des  V  propo- 
rtions ,  fie  de  n'ufer  d'aucune  invcciive  contre 
qui-quc-ce-fut. 

(  Il  étoit  d'autant  plus  ncccfifalre  de  recommatv- 
der  une  conduite  lî  fj^c  ,  qu'on  s'en  ccartoit  tous 
les  jours.  Mais  je  ne  fçais  s'il  faut  croire  tout 
ce  que  le  pocte  Racine  raconte  des  excès  aux- 
quels fe  portèrent  les  Jifuites  ,  pour  rendre  leutt 
aJverfaires  odieux.  •>  Ils  (irent-graver  .(dit  cet 
Auteur  dans  fon  Hijluirc  de  Port-Royal ,  )  »»  UM 
H  planche  d'Almanach ,  où  l'on  voyoit  Janfttùm» 
1»  en  habits  d'Evôque ,  avec  des  ailes  de  dcmon  au 
M  dos;  &  le  Pape  qui  le  foudroyoit  ,  lui  8c  tous 
»»  fcs  fcdatcurs. 

If  Ils  firent  jouer  dans  leur  collège  de  Paris  unt 
r>  farce,  où  ce  mênic  Janfcniut  ttoit  emporte  par 
••  les  Diables  \  &  dans  une  proccHion  publique 
I»  qu'ils  fircnt-faire  aux  Ecoliers  dans  leur  collège 
»♦  de  Micon,  ils  le  repréfentcreat  encore  chargé 
M  de  fers,  fie  traioé  en  triomphe  par  un  de  ce« 
•«  Ecoliers  qui  reprérenioit  la  grâce  efficace. 

»•  Peu  s'ea  fallut  que  S.  Au^^jUn  ne  fût  traité 
t>  lui  -  mdme  comme  cet  Evoque.  Du  moins  !• 
*•  Pcre  Ai.tm  &  pluficurs  autres  de  Icuri  Auteurs, 
»i  •  l'exemple  de  Mj^tia  ,  I»  dc^raduicnt  de  fa 
M  qualité  de  DoHtiu  et  U  frttt  ,  l'accufant  dé* 
f  tre  tombé  ca  pluHeuri   czcci  iiai    fcs   cciit^ 


BE  l'Histoire  Eccle^t antique.    59^ 

W  contre  les  Pilu^icns  ,&  ibutenant  qu'il  eût  mieua 
r*  valu  qu'il  n'eût  jamais  écrit  fur  ces  matières.,* 
i>  Un  bachelier  ,  dans  une  thèfe  foutenue  à  Caen  . 
>»  ayant  oppofé  à  leur  repondant  l'autorité  de  co 
»  Père  fur  la  dotlrine  de  la  grâce,  le  répondant 
;»  eut  rinfolence  ds  dire  ,  tranfeat  Au^ufilnus  :  com'< 
5>  nie  fi,  depuis  la  Conftitution  ,  l'autorité  de  S«' 
r>  Au^iijltn  devoit   être  comptée   pour  rien. 

»  Ils  fdtfoienc,  par  une  horrible  impiété,  des 
H  vœux  publics  à  la  Vierge  ,  pour  lui  demander 
»  que  fi  les  Janjl'nijîcs  continuoient  à  nier  la  graco 
M  etticace  accordée  à  tous  les  hommes ,  elle  ob- 
n  tint  par  fes  prières  qu'ils  fulTent  exclus  eux 
«  feuls  de  la  rédemption  que  /.  C.  avoit  mérité» 
n  à  tous  les  hommes.  >♦ 

Quelque  violentes  que  foient  les  haines  qu'inf- 
pire  refprit  polémique ,  de  pareils  excès  ne  font 
gucres  vraifemblables.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  la 
Conftitution  à'Innoar.t  X  fut  reçue  &  publiée  par 
tous  les  Evoques  de  France;  mais  plufieurs  de  ces 
Prélats  ne  jugèrent  pas  à-propos  de  fe  fervir  du 
Mandement  dont  on  leur  avoit  envoyé  le  modèle. 
Ceux  qu'on  appclîoit  Jjnfétiiftcs  ,  dédaroient  qu'ils 
ccndamnoient  les  Cinq  propolitions  avec  le  Pape 
qui  les  avoit  juftement  cenfurées  -,  qu'ils  y  re- 
ccnnoiffoient  un  mauvais  fens ,  mais  que  ce  n'c- 
toit  pas  celui  de  Janfcnius, 

Le  Janfénifme  n'étoit  donc  ,  fulvant  eux  ,  qu'oo 
faniôme,  dont  les  Jéfuiics  avoient  voulu  effrayer 
rE^'iiie.  Ccpendan:  oi>    tà;hoit    de  leur   prouvejr 

Rv 


j^4  E  L  E   M  E  N  S 

que  le  Pape  ,  en  condamnant  les  V  propodtionf  J 
avoit  prccenda  condamner  la  doctrine  de  l'Evcque 
Flamand,  Se  par  conféquent  le  JanrcniiJmt.  11  ctoie 
difficile  de  fe  refufer  aux  preuves  qu'on  leur  ap- 
portoic  ,  fil  la  ledure  de  la  Bulle  Alnnoctni  X 
éio'it  £eule  une  démonûration.  Alors  ils  préten- 
dirent que  l'attribution  qu'on  vouloir  faire  de  la 
doârine  condamncc  ,  a  Y Au^ufimut  de  Janj'enius  , 
étant  un  point  de  ùit  non  révélé  ,  le  Pape  &  TE- 
glife  elle  -  mcme  ne  pouvoient  rien  flatuer  à  ce 
fujet  ,  ni  les  obliger  à  aucune  créance  intérieure  , 
l'infaillibilité  ne  leur  ayant  jamais  été  promife  à 
cet  égard.  De-la,  la  fa.-neufe  didindion  entre  le 
d'on  6c  le  f*ii.  Ils  reconnoilToient ,  difoient  ils  , 
avec  le  Pape  Se  les  £vcques,que  les  V  propoft« 
tiens  avoicnt  été  juAement  condamnées  ;  c'étoic 
le  point  de  droit  :  mais  ils  nioient  que  cette  doc» 
trine  fût  celle  de  Jan/tnius  ;  c'ctoit  le  point  de 
fait  :  fie  cette  diillndion  fubtile  ne  cuniribuj  pas 
peu  a  perpétuer  les  difputes. 

Dïfpute  particulière  du  doreur  Arnauld. 

Des  incidens  particuliers  fe  mcloient  à  ce  grand 
procès.  Parmi  les  dcfcnfeurs  de  SaitftiÙM  ,  nous 
avons  dit  qu'on  dil\inguoii  le  Ao&kmx  Antoint  Ar- 
mëulJ ,  regarde  comme  leur  oracle.  On  le  confuN 
tuit  fur  tous  les  points  de  cette  controverfe  ,  9l 
fur  tout  ce  qui  pouvoii  y  avoir  rapport. 

Le  duc  de  Luntoun  s'ciant  prc fente  pour  la 
•O&fcdun  à  S,  bulf'ui  fa  paroilTc  ,un  prircrc  nom* 


6e  l'Histoiîie  Ecclésiastique.    39c 

mê  Picoté  lai  refjfi  l'abfolutioji  ,  parce  qu'il  œ 
croyoit  point  que  les  V  propoliùons  fuHeat  dans 
Janftnius  ,  qu'il  étolt  Ui  avec  les  Solitaires  de  Porc- 
Royal  ,  &  qu'il  avoit  chez  lui  un  de  leurs  ami». 
On  demanda  au  dofleur  Arnauid  ce  qu'il  peaioit 

de  la    conduite  du  confefTeur  ?  11  blâma  ce  refus 

« 
dans  une  Lettre  d! un  DoHiur  dî  Surbenne  à  une  per- 

fvhni  de  condition  ,  comme  contraire  à  toutes  les 

règles.  Dès  que  cet  écrit  eut  été   rendu  public  , 

on  fut  inondé  de/crrr£j,de  réponfes  ,  d'ijfi^  ,  dere» 

marques^  de  conférence}  ,  de  difccuri ,  où  l'on  pré- 

tendoit  que  la  conduite  de  Picoté  étoit  irréprchea» 

fible ,  &  que  la  déclaration  de  M.  Amauld  au  fu< 

jet  des  V  propoûtions  étoit  inCuffifante. 

Ce  Doûeur  fe  défendit  par  un  cent  de  deux 
cents  cinquante  pages  in-^"  ,  publié  fous  le  titre 
de  Seconde  Lettre  de  M.  Arnauid  à  un  Duc  &  Pair 
(  le  duc  de  Luynes  )  ,  pour  ferrir  de  rcponfe  à  plu; 
ficun  Ec-its  qui  ont  été  publiés  contre  ia  première  Let- 
tre. Deux  propofitions  de  ce  long  ouvrage  furent 
dcnoncées  à  la  facuUé  de  théologie  de  Paris  ,  qui 
oe  tarda  pis  de   les  condamner. 

La  première  étolt ,  «  que  Janfenius  n'avoit  ja» 
»(  mais  cnfeigné  les  V  propof.tions  -,  «  elle  fut  cenfu- 
rce  le  14  Janvier  1656,  comme  téméraire  ,  fcan- 
dalcufc  ,  Ci:. 

La  féconde  étoit  ,  que  la  grac*  ,  f^ns  /j^ne.'U 
en  nt  peut  riem  ,  avoit  manqué  à  un  Jufie  en  la  per- 
Jonnê  de  S.Pierre,  en  um  occafion  oùl\n  ne  peut 
pjiac  d.rc  ju'il  n'ait  p^int  péché.  Cette    propofitioQ 

Rv; 


5^6  E  L  E  M  E   K  5 

fut  conJitnnée  le  19  du  mcmc  mois,  Comme  Con^ 
tenant  l'erreur  de  !a  preroicrc  dci  V  propofiticns 
&  comme  tcméraire  ,  impie ,  blafphématoire  ,  hc» 
rétique ,  &  t'rappce  d'aaathcffle. 

Araauld  n'ayant  pas  voulu  Ce  foumettre  à  U 
cearure,  la  Sorbonne  le  retrancha  de  fon  corps» 
On  fit-fi^ner  cette  ccnfure  à  tous  les  Dccîcuri  , 
ti.  on  raya  du  catalogue  ceux  qui  rerufcreat'de 
le  faire.  L'AflTemblce  tenue  à  ce  fujet  fut  ,  ixt- 
on  ,  tumultueufe.  y//n4:^/i  protcfla  par-devant  no> 
taire  contre  rinjuflicc  qu'il  croyoii  qu'on  lui  avoic 
fiite.  Il  prétendit  que  l'affaire  qu'on  lui  avoic  Tuf- 
«itce  ,  intcrclToit  bien  moins  lE^lifc  ,  que  k  triom- 
phe  du  Calvinifme  qui  ctendolt  fet  ravages  dans 
toute  l'Europe.  »  Au  lieu  de  nous  réunir  contre 
M  l'enaemi  commun  ,  (  dit-il  dans  une  de  fcs  Apolo« 
gies  )  ,  •«  nous  nous  battons  pour  un  a3us  primujtt 
M  un  aclui  fccunius  -,  c'cft  comme  un  homme  qui 
w  s'occupcroittrès-rcrieufement  de  Tes  ongles  ,  taa> 
y  dis  qu'il  a  les  parties  nobles  attaquées.  >» 

lettres   provincialts  ;  ContLzmnMÎon  de  la 

moraU  reUchée. 

Pour  intcrcflfer  le  public  à  fa  caufe  ,  AmauH 
s'unit  avec  le  plus  cclcbre  écrivain  que  la  Tranctt 
eût  alors.  L'cloqueot  Pj/caI  entra  dans  fon  rc(« 
frntimcni ,  8c  publia  ,  le  2)  Janvier  1656,1a  pre-> 
micrc  de  fes  dix  •  huit  Ltu/tî  p'ovinciûUt  ^  ainû 
•ommces ,  parce  qut  Its  dix.  premicrcs  furent 
iitrllees  i  ua  Uonuac   de  pruvmtc*  AriumU  y 


DE  l'Histoire  EccLEsustiQUE.    39J 

eut  beaucoup  de  part.  Le  but  de  l'auteur  ctoit 
de  faire  -  triompher  fon  fyftème  ,  en  ridlculifant 
ceux  des  Molini(les  Se  des  ThomiAes.  La  grâce 
fuffijanie  admife  par  les  uns  ,  &  ta  fcienct  moyenne 
reçue  par  les  autres  ,  font  également  frondces 
dans  les  Provinciales  ,  chef-d'œuvre  de  plaifante- 
rie  ,  l'ouvrage  le  plus  terrible  qu'on  ai:  publié  con- 
tre les  Jéfuites,  puifque  long  tems  après  il  a  ctc 
l'arfenal  où  les  ennemis  de  la  fociété  ont  trouvé 
leurs  armes. 

Arnauld  &  Pafcal  ,  pour  donner  le  change  ; 
pafférent ,  des  difputes  fur  la  grâce  ,  aux  fyftc- 
ries  que  certains  Cafuiftes  s'étoicnt  faits  fur  la  mo- 
rale. C'eil  l'objet  de  pluâeurs  Lettres  provinciaUSm 
Depuis  près  d'un  fiécle ,  des  Théologiens,  inter- 
prètes trop  indulgens  de  l'Evangile  ,  cherchoienc 
à  adoucir  les  devoirs  qu'il  prefcrlt.  Leurs  opi- 
nions étoient  dangereufes ,  &  les  noms  de  la  plu* 
part  prètoient  au  ridicule.  C'étolent  Vaf-juei  ,  /"/- 
iiutîuty  Efcubar  f  Siinche\  ,  Sj  ,  5furj  ,  Tambourin  ^ 
Féjgundti ,  Layman  ,  Mcya  ,  Hcnriqut\  ,  Hemo  ,  Ar- 
risgJ,  Piate//*,  Arfickïn  ,  Hj{art  ,  Taverne  ,  Teril' 
/i ,  Fourmejlrau»  ,  Matin  ,  Konink  ,  Raye  ,  Hurtade  , 
Dicajlitle  ,  &c. 

Ces  cafuiûes  étoient  Jéfuites  -,  Pafcal  attribua 
adroitement  à  toute  la  focléré  les  idées  de  quel- 
ques-uns de  fes  membres.  Ses  plaifaxiteries  Srcnt- 
rire  le  public  ,  &  fes  raifons  excitèrent  le  zèle 
des  Curés.  Ceux  de  Rouen  &  de  Paris  ayant  fait 
|lo  cjuiait  des  ptopoâtioas  Us  plus  coadimnahl»^ 


^9^^  E   L   E   M    E    N   s 

que  Pd/ca/ a  voit  relevées ,  le  prcfemcrent  à  l'af» 
femblée  du  Clergé  le  24  Novembre  i6{ 6.  Le  bue 
de  cet  extraie  cioit  de  prouver  que  la  nouvelle 
niordle  entretenoit  parmi  les  hommes  les  princi« 
pes  des  dclordrcs  &  des  crimes  ,  en  abcliiTuit  les 
remcdcs  ,  obrcurciiToit  les  devoirs  particuliers  à 
chaque  profelTion  ,  excufoit  ai  fdvorifoit  la  viola- 
cion  de  ces  devons. 

L'AiTemblce  connut  toute  l'étendue  du  mal  -,  mai* 
comme  elle  alloit  fe  difToudre  ,  on  ordonna  qu'on 
imprimeroit  ,  par  ordre  du  Cierge  ,  les  Maxime' 
de  S.  Charles  B^rrunét  pour  fervir  de  barrière 
contre  le  cours  des  opinions  nouvelles  qui  tendoient 
à  la  de(\ru£lion  de  la  morale  ducticnne.  Les  dé* 
puces  du  Clergé  écrivirent  en  mcme-tems  une 
Lettre  aux  Evcques  ,  afin  de  les  avertir  de  prc- 
ferver  leurs  dioccfes  de  ces  principes  pernicieux. 

L'inquifition  de  Rome  vengea  la  morale  cvan- 
gclique,  en  condamnant  en  166481  i669,quar3n" 
te-cinq  proporaions  qui  la  fapoicnt  par  fcs  fon- 
demens.  Inncren  XI  en  profcrivit  6j  autres  en 
1^17.)  ;  8c  rafferr.blcc  du  Clergé  de  1700,  cent  vingt* 
fept ,  extraites  pour  la  plupirt  d'auteurs  Jcfuites. 

11  ne  faut  pat  croire  pourtant  que  tous  les  Jé- 
fuites  fuffent  de»  caTuifle*  relichc».  La  même  fo- 
cicté  qui  a  produit  Ej't.  tér^  donna  le  jour  à  Btur- 
iélout.  Il  Teroit  encore  p*iit  abfurde  de  penfer 
que  les  Jcfuites  s'étant  fait  un  fyftème  réfléchi  de 
corruption  ,  s'éioient  propufc  de  gouverner  plus 
ùcilcmcut  les  hommes,  co  dctruifaut  cous  les  pria* 


DE  L^^IST01RJE  ECCLESIASTlOUf.  3^ 
eipes  de  la  morale.  Une  telle  idce  feroit  un  ju- 
gement aulîi  téméraire  qu'infenfo.  II j  ont  eu 
fans-doute  des  coiifefleurs  foiblcs  ,  qui  ,  moins 
Prêtres  que  courtifans  ,  ont  oublié  auprès  des 
Grands  ,  que  le  Prince  &  le  Sujet  doivent  être 
pefés  à  la  même  balance  :  mais  on  ne  fçauroit  fe 
perfuader  que  ce  relâchement ,  infpirc  par  l'ambi- 
tion à  quelques  membres  d'une  Société,  ait  été  le 
fruit  des  opinions  communes  à  tout  un  corps  ,  quj 
les  prefcrivoit  comme  des  loix  à  chaque  particulier, 

L'afFoibliffement  de  la  théplogie-morale  date  de 
plus  loin  que  les  Jéfuites  j  il  remonte  aux  xil' & 
Xill'Hccles.  M  Les  Cafuiftes  qui  ont  écrit  dans  ces 
n  derniers  fiecles  ,  (  dit  Fleuri  ,  )  étoicnt  la  plu« 
w  part  Rel'gieux,  &  Religieux-mcndicns  ,  qui  fe 
w  trouvoient  prefque  feuls  en  polïefllon  des  étu- 
t>  de::  de  de  l'adminidration  de  la  pénitence.  Or , 
M  la  mendicité  eft  un  grand  obrtade  à  la  févérité 
«  8c  à  la  fermeté  envers  ceux  dont  on  tire  la 
M  fubfîAance. 

M  De  plus  ,  ces  Cafuiiles  ne  connoiffoient  de 
rt  l'ancienne  difcipline  fur  h  pénitence  ,  que  le 
»  peu  qui  s'en  trouve  dans  le  Décret  de  Gratieni 
>»  car  ils  ne  remontoicnt  pas  plus  haut  ,  comme  on 
y>  voit  par  leurs  citations.  Ils  ne  connoiffoient  ni 
M  les  anciens  Canons  pénltentiaux  ,  ni  les  divers 
Y)  degrés  de  pénitence  ,  ni  les  folides  raifons  qui 
tt  les  avoient  fait-établir.  Ainfi  ,  fans  en  avoir  le 
M  dcffein,  ils  ont  introduit  deux  moyens  de  laif- 
♦t  fçr  régner  le  péché  :  l'uc  en  cxcufant  la  plu- 


'40é  E   L   f   M    E  V   $ 

M  part  des  pcchcs  ,  l'jutre  en  facilitant  les  alM 
»^  Tolutions.  Ce  A  ôter  le  pc:!ié,du  moins  dans 
n  l'opinion  des  hommes,  que  leur  enfeigner  que 
n  ce  qu'ils  Cf  oyoient  pcchc  ne  l'cft  pas  :  c'f  ft  ce 
»  qu'ont  prctendu  faire  les  Dcûeurs  modctncs  , 
n  par  leurs  dininc'lions  &  leurs  fubtilicés  fcholaf- 
n  tiques  ,  fur-tout  par  la  doflrine  de  la  pnta- 
n  bUiti.  (•  ) 

w  A  l'cgard  des  pcchcs  qu'on  ne  peuiexcufcr» 
n  le  remède  cft  rabfoÎJiion  facile  ,  fans  jamai» 
M  la  refufer.ni  même  la  différer  ,  quelque  Jré- 
M  quentes  que  foient  les  rechutes.  Ainfi  le  pé- 
»«  cheur  a  fon  compte  ,  &  fait  ce  qu'il  veut  v  tan- 
»  tôt  on  lut  dit  qu'il  pcche  à  la  vérité  ,  mais  que  le 
»«  remède  efl  facile  ,  &  qu'il  peut  pécher  toij» 
n  les  jours  en  fe  confeûTant  tous  les  jours.  Or, 
n  cette  facilité  femble  ntcetTaire  dans  les  pays 
n  d'Inquifition  ,  où  le*  pécheur  d'habitude  qui  ne 
M  veut  pas  fe  corriger ,  n'ofe  toutefois  manquer  au 
M  devoir  pafchal  ,  de  peur  d'être  dénoncé  excom» 
M  munie,  &  au  bont  de  l'an  déclare  fufpeddbc» 
»i  relie ,  5c  comme  tel  pour(uivi  en  judice  :  auflî , 
n  ed-ce  dans  ces  pays-là  qu'ont  vécu  les  CafuW» 
M  tes  les  plus  relàchcs>«  ;  8c  tes  Jcfuites  ayant  beni» 

(  •  »   '             '  -'    '    ■     '■>  --   '    '^-■-  -  •   •    v   "-,  q.ie 

qtu  Ir  1« 

COI.:.  .    .      ,  .      ■    !  "  - 

ll)ubilitf  j  ,  tclii  im     Auteur    (jr 

^Hioi  «fii'il  y  .'■  v.'iiii   qtii  aitut  i< 
l1i/î(!:cirmcnt    «ivcii    t  ..lui;!Li    ont    iv|n>n('ii  qu'i^.  , 

&  leur  frt.timent  peut,  ta  bicA  livt  vki«i<(>o*i  Uvori- 
(cr  le  Vite» 


DE  l'Histoire  Ecclesi'açtique.     40Î 

»♦  coup  plus  écrit  que  les  autres  Ordres  ,  ca  ont 
produit  un  plus  grand  nombre. 

AJfemblées  du  Clergé  au  fujct  du  Janfcnlfme  j 
Bulle  ^Alexandre  VII. 

Cependant  la  diftindlion  entre  le  fait  &  le  droit 
commençoit  à  faire  beaucoup  de  bruit  ,&  plufieurs 
Evècjues  la  regardant  comme  un  artifice  qui  laif- 
folt  une  porte  ouverte  à  de  nouvelles  difputes; 
ne  tardèrent  pas  à  s'élever  contrllle.  L'aflemblce 
du  Clergé  de  France  donna  un  dccrct  le  i"  Sep- 
tembre 16; 6,  par  lequel  elle  déclara  que  i'Egii- 
Je  ,  avec  la  même  autorité  infailUble  qu'elle  juge  dé 
la  Foi ,  juge  des  que/lions  de  fait  qui  font  infiparahle» 
de  la  Foi  ou  des  maurs  générales  de  fEglife,  qui 
font  fondées  fur  les  fahttes  Ecritures  ,  dont  l'interprétai 
$ion  dépend  de  la  tradition  Catholique  qui  fe  vérifie  pat, 
le  témoignage  des  Pères  dans  la  fuite  des  ficelés. 

Les  Evêques  ,  avant  que  de  fe  féparer,  crurent 
qu'il  n'y  avoir  pas  de  moyen  plus  efficace  de 
connoître  les  partifans  de  Janfer.ius  ^que  de  dref- 
fer  un  Formulaire  qu'on  feroit-figner  à  tous  les 
Eccléfiaftiques.  Le  fçavant  rfe  Marca  en  forma  le 
premier  projet  -,  Se  comme  on  n'avoit  pas  encore 
renterm'i  un  fait  ,  tel  que  celui  de  l'attribution 
des  propofuions  d'un  livre  à  fon  Auteur  ,  dans  une 
confçffion  de  Foi ,  il  dit  que  ce  fait  faifoit  une 
partie  du  dog  re.  Le  Formulaire  qu'il  propofa  8e 
qu'il  fit-adopter  ,étoit  conçu  en  ces  termei  :"  Je 
M  ne  f^ume.s  ûnccrement  a  h  ConAicutioa  de N9 


402  E    L   E   M   E    N   s 

»•  S.  P.  le  Pape  laaoctni  A', du  31  Mai  1655  »  ^'^* 
I)  Ion  Ton  véritable  fens ,  expliqué  par  l'alicnblée 
»•  de  Meffeigneurs  les  Prclats  de  France  ,  du  iS 
n  Mars  i6j4{  ,  &:  confirmte  depuis  par  le  Bref  de 
I)  fa  Sainteté  du  29  Septembre  delà  mcmc  année. 
M  Je  reconnoit  que  je  fuis  obligé  en  confcicnce 
n  d'obcir  a  cet:e  Confliiution  ,&  je  condamne  de 
»»  coL-ur  6c  de  bouche  la  dodrioe  des  \'  propolitions 
•>  de  Cornélius  Janj'inlus,  contenues  dans  fon  livre 
>•  intitulé  ,  Augfifl.nus  ,  que  le  Tape  &  les  Evcqucs 
»  on:  conJamn.cs  \  laquelle  dcdrinc  n'clt  point 
>i  celle  de  S.  Augujim  ,  que  Jtnftnius  a  mal  expU- 
n   quée  contre  le  vrai  Cens  de  ce  faint  dofleur.  » 

A  ce  Formulaire  l'affemblca  joignit  une  lettre- 
circulaire  à  tous  les  Evêques  pour  *  les  exhorter 
à  s'en  fervir  ,  afin  de  rendre  l'exécution  de  la 
Bulle  uniforme  dans  tous  les  dioccfes.  On  arrêta 
en  même  temc  qu'o  '  ccriroit  au  Pape  ,  pour  It 
prier  de  d^-finir  formellement  que  les  Cinq  pro- 
poûtions  ont  t.tc  condamnées  au  fens  de  J an/en iuj, 

C'étoit  Àlcxjndrt  l'II  qui  occupoit  alors  la 
chaire  de  S.  Pitrre.  A  peine  eut-il  reçu  la  lettre 
des  Evoques  ,  qu'il  fit -expédier  une  Bjlle  datée 
du  16  Oûobre  1656.  Dans  cette  nouvelle  conf- 
titution  ,  il  s'élève  contre  ceux  qui  doutent  que 
les  V  propofitioni  foient  dans  VAufuftinut  de  Jan- 
feniuê ,  6c  il  déclare  qu'elles  ont  ctc  coûdamncci 
in  finfn  éb  t^dim  Jaaftnio  initnio. 


W 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    405 
Quels  effets produ'ifit  U  ^«//c  ^'Alexandre  VU* 

La  Bulle  du  Pape  n'arriva  à  Paris  qu'au  com- 
mencement de  Mars  1657.  Il  y  eut  une  affera- 
blée  i'Evêques ,  formée  des  Prélats  qui  fe  trou- 
voient  à  Paris  &  à  la  cour.  Ils  reçurent  cette 
Conftitution  le  17,  avec  beaucoup  de  foumiûîon  ; 
&  ordonnèrent  que  tous  les  Evoques  la  feroient- 
rccevoir  dans  leurs  diocèfes  ,  6c  q  le  ii  quelqu'ua 
ofoit  contredire  cette  définition  qui  donnoit  les 
V  propofuions  comme  étant  de  Janfeniui  &  con- 
damnées dans  le  fens  de  cet  Evoque  ,  on  procé- 
deroit  contre  lui ,  comme  on  procède  contre  ceux 
qui  foutiennent  des  opinions  condamnées.  Ils  ré- 
folurent  en  mème-tems  d'ajouter  le  Formulaife  uf 
1656  à  la  nouvelle  Bulle,' afin  que  le  Clergé fé»; 
culier  &  régulier  foufcrivic  l'un  &  l'autre  dans  ua 
mois. 

La  Bulle  &  le  Formulaire  furent  donc  envoyés," 
de  la  part  de  l'AfTemblée  ,  à  tous  les  Archevêques 
&  Evéques  de  France.  La  puilTance  civile  venant 
à  l'appui  de  la  puiffance  Ecciéruftique  ,  le  Roi 
donna  une  Déclaration  ,  par  laquelle  il  enjoignoic 
à  tous  les  Eccléfiaftiques  de  fon  royaume  de  fi' 
gner  le  Formulaire  &  la  Bulle  ,  avec  dcfenfes  à 
tous  les  Parlemens  de  recevoir  aucun  appel  com- 
me d'abus  fur  ces  matières.  Le  Parlement  de  Pa- 
ris fe  montra  fi  peu  difpofé  à  enrcgillrer  cette 
Déclaration  ,  que  le  chancelier  Séguier  engagea  le 
Roi  à  aller  en  pcrfonnc  pour  la  £iirc-rcccvoir  par, 


AC>4  E  L  E  M  r  N  s 

par  cet:e  compagnie.  £;le  (ut  eorrgi(lrée  eofinle 

19  Novembre  1657. 

Le  concours  des  deuv  PalfTances  ,  qui  fembloit 
devoir  afToupir  tomes  les  difputes  ,  ne  fervit  qu'^ 
les  prolonger;   les  efptris  $'aigr!ffoient  à  chaque 
effort  qu'on  failoit   pour  Icf  calmer.  Une   alTem- 
blée  extraordinaire  du  Clergé  ,  convoquée  en  i66o, 
&  qui   continua  jufqu'cn  1661  ,  confirma  tout  c« 
qui  s'étoit  (ait    dans  les    aHemblces   précédentes. 
Larchevcqae  de  Routa  ,  Harlal ,  préûda  à  celle- 
ci  ,  6c  en  fut  l'ame.  11  f.t-ordonner   de  noiivelics 
peines  contre   ceux    qui  refuferoient  de    fe  fou. 
mettre.  On  comprit  dans  le  nombre  de  ceux  quj 
feroient  obliges  de  figner  le  Formulaire  ,  non -feu- 
lement les  Religieufes  ,  mais  même  les  Régens  8c 
les  maitrclTcs  d'écoles.  L'AfTemblée  écrivit  une  let- 
tre-circulaire a  tous  les  Prélats  du  royaume  ,  pour 
les  exhorcer  à  procéder  contre  ceux  qui  nevou- 
droient  pas  figner   le  Formulaire.  Elle  ordonna, 
qu'en  cas  qu'il  y  eut  des  Evêques  qui  n'exigeaf- 
fent  pas  cette  fignature  dans  leurs    diocèfes  ,  îll 
feruient   privés  de  voix  délibérative  dans  les  af- 
femblces  du  Clergé  ,  &  qu'on  procéderolt  contre 
eux  fuivant  les  conAiiutions  canoniques. 

LeiPrclats  quit.<vori(oient  les  partifios  de /«•* 
/(>i;w ,  choques  de  voir  leurs  confrères  les  pouf- 
fer fi  vivement  ,  fuppliérent  le  Roi  de  trouvet 
bon  qu'ils  n'exccutafTent  par  fes  ordres.  Ils  ft 
plaignirent  de  ce  que  les  Evêquet  n'étant  .aflcm- 
blcs  que  pour  des  tffùrcs  puremeot  tcmporcllet  ^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    40c 

ils  avoient  agi  avec  l'autorité  d'ua  Concile  na- 
tional. Mais  leurs  plaintes  n'ctoient  point  ccou- 
tces  i  Se  les  vicaires-généraux  du  cardinal  de  A'«r 
ayant  donné  un  Mandement,  dans  lequel  ils  ne 
demaudoient  que  la  croyar.ce  pour  le  droit  &  le  fi- 
lence  pour  le  fait ,  ils  fureat  obliges  de  le  rctrafceri 
comme  concraire  aux  Conftiiutions  des  Papes. 

De  it  part  que  les    Relighufes  de  Port-Royal 

eurent  aux  d'ifputes  fur  le   Janfémfme  ;  H'if- 
toJre  d:   ce  MonaJIére. 

Depuis  la  naiflance  des  difputcs  fur  la  grâce ,' 
Ui  Religieufe»  de  Port  -  Royal    étoient    dans  le 
trouble.  Cette  abbaye ,  fitucc  pI^è»  de   Chevreti- 
fe ,  l'une  des  plus  anciennes  de   l'Ordre  de  Ci- 
teaux  ,  étoit  tombée  vers  la  fin    du  xvx'   lîcclî 
dans  un  grand  relâchement.  Maric-Angcllque  Ar- 
nauld  ,  d'une  famille  diftinguce  ,  y  avoir  pris  l'habic 
à  huit  ans  ,  avoit  taie  profclHon  à  neuf ,  &  avoir  été 
nommée  abbelle,  n'aya.nt  pas  encore  onze  ans  3ccom_ 
plis. Ce  fut  elle  qui,  entrant  à  peine  dans  fa  17'  année, 
entreprit  la  réforeie  de  fon  abbaye.  Elle  commença 
par   renouvcilcr  fes   voeux  ,&  parfaire  une  a' pro- 
feHîon  ,  n'ctant   pas  fatisfaite  de  la  première.    En 
moins  de  cinq   ans,  par   la  feule  force  de  l'exem- 
ple ,  toutes  les  au(^cri:és  de  la  règle  de  S.  Benoit 
furent  volontairement  embraflées  à-Port-Royal. 

Cette  réforme  eft  la  première  qui  ait  été  intro- 
duite dans  l'ordre  de   Gteaux  ;  plulieurs    maifons 


406  E  L  E  M   E  V  s 

de  cet  Ordre  voulurent  l'adopter.  La  ttiefe  An» 
gé/tfue  eut  une  autre  confolation  :  roadanie^r/iA:./'^ 
fa  mcre,  fille  de  l'avocat-j;cnéral  AI^rioH  ,  étant 
rcfttc  vfuve  depuis  quelques  années  ,  voulut  fe 
faire  Religieufe  fous  fa  fille.  Elle  acheta  au  (aux- 
bourg  Saint- Jacques  une  maifonpour  fervir  d'hof- 
pice  aux  Ketigieufcs  de  Port-Royal  ;  bientôt  toute 
la  communauté  y  fut  transfcrée ,  avec  le  confen» 
tement  du  Roi  &  de  l'ArchevCque  4le  Paris.  La 
reine  Mjrie  de  Midicit  voulut  prendre  les  titres 
de  fondatrice  &  de  bienfaitrice  de  ce  nouveau  mo* 
naAére. 

Signature  du  Formuîj'irc  fOfope  jux  Rtfi^'icujes 
de  Port  -  RoyaL 

Nous  avons  dit  ci-devant  que  pluileurs    Ecri- 
vains illuftres  avoient  choiû  la  roaifon  de  Port- 
Royal  comme   une  retraite  favorable  a  leurs  étu- 
des. Parmi  ceux  qui  s'y  ctoient  retirés  ,  quelques- 
uns  padoient  pour  ctrc  du  nombre  des  det'enfcurs 
de  Janfcnlui  :   le  fuup^on  retomba  fur    les  Rcli- 
gieufci.  Un  prédicateur  les  accufa    dans  fes  Ser- 
mons &  dans  un  Ouvrtigc   fatyrique,  d'être   des 
filles  impénitentti  ,  dtf<ffirttt  ,fjtrjmtniàiitt  ,  ritr" 
gu  fi>tUs  ^  &t.  M.  l'Archevêque  de  Paris  ne  put 
fouffrir  ces  excès  ,  condamna  le  Livre  &   les  Ser- 
mons de  cet  Auteur  ,  8c  déclara  les   Rciigieufea 
d*  Port-Royal  purei  &  inoocenies  des  crime»  dont 
TAuteur    In  avoit  voulu  noircir.    Ncinmoint  oa 
cominua  de  lc>  foup^onocr  de  jAnfuulmc*  Oo  tic- 


' 


DE  L*HlSTOlRE  ECCLESIASTIQUE.  407 
fortlr  de  Port-Koyal  des  Champs  des  l'olualres  qui 
étoieni  rcftés  au»dehors ,  5c  on  ôta  aux  Rç llgicu- 
fes  leurs  pcnfionnaires  &  leurs  novices. 

M.  Hardouin  de  Pcrcjixe  ,  qui  avoit  fucccdé  à 
M.  de  Marca  dans  l'archevêché  de  Paris,  publia 
le  7  de  Juillet  1664  un  Mandement  pour  la  lîgna- 
ture  du  Formulaire.  Il  y  parloir  avec  modération 
de  la  perfonne  de  Jar.fenius  ,  en  difant  qu'on  ne 
pfut  le  condamner  ,  puifquil  a  fournis  fon  livre  au 
faint  ficge  i  \\  y  déclaroit  quon  ne  peut  prendre  fu- 
jet  des  Con/litu:ivns  du  Pape  &  du  Formulaire  ,  de  dlr^ 
qu'ils  demandent  une  foumijfion  de  fui  divine  pour 
ce  qui  concerne  le  fait ,  exigeant  feulement  pour  ce 
regard  une  foi  humaine  &  eccUfiafllqtte  ,  qui  oblige 
à  foumettre  avec  finccriti  fon  jugement  à  celui  des  fw 
périeurs  légitimes. 

L'Archevêque  de  Paris  propora  aux   Reiigici:- 
fes    d«    Pert-Royal  de  figncr  le  Formulaire  fui- 
vant  fon  Mandement  ,  en  leut^déclarant  qu'il  ne 
dcùroit  point  d'elles  une  foi  divine  fur  le   fait 
mais   feulement  une  foi  humaine,  qui  emportoit 
néanmoins  uye  créance   du  fait  :  elles  iîrent  diffi- 
culté de   le   faire.  Il  leur  fit  -  propofer  |de  figner 
purement  qu'elles  fe  foumcttoient  d'une  foumif- 
fion  fincére  aux  Condituttons    des    Papes   Inno- 
cent X  &  Alexandre  VII.  Ce  tempérament  ne  leur 
plut  pas  encore  ;  &  l'Archevêque  ,  irrité  de  leur 
obllination  ,  dit  qu'elles  étolent  pures  comme   dcj 
^nges  ,  mais    orgueilleufes  comme  des   Démons, 

.Cependant  elles  envoyèrent  à  ce  Prclat   un 


îfO?  E  L  E   M   E  N  s 

a£le  qui  ne  le  fztufit  point  :  il  leur  demanda  une 
fignacure  pure  &  fitnplc  -,  6c  fur  le  refus  qu'elles 
firent  ,  il  fit-enlever  leur  AlibefTe  avec  douze  Reli- 
gieufes  ,  qu'il  envoya  dans  des  monanéres  fcparés. 
Les  Religieufes  qui  continuèrent  de  lui  rciîfter, 
furent  déclarées  </f/oi<'.j,V'j«*  6-  indigna  de  paf 
tieiptr  mu»  Satremens.  On  conduifit  celles  qui  n'a« 
voient  point  fignc  ,  mjme  celles  qui  avoient  été 
envovéfs  dans  d  autres  rraifons ,  à  Port-Royal 
des  Champs ,  où  on  I^ur  donna  des  gardes  pour 
empêcher  qu'elles  n'cun"cnt  communication  avec 
perfonnc.  On  lailTa  celles  qui  avoient  Ciné  ,  dans 
le  monaftére  de  Port-Royal  à  Paris. 

Les  chofes  demeurèrent  en  cet  érat  à  l'égard 
de  la  maifon  du  Port-Royal,  jufqu'a  l'accommode» 
mcnrquifut  fait  en  1669.  Elles  fe  fournirent  alors 
aux  dccitlons  da  faint-fiége  ,  à  l'exemple  des 
Evcqucsde  Pamiers,  d'Aleth,  d'Angers  fie  de  Beau- 
vais ,  &  jouirent  de  la  paix  qu'elles  avoient  tant 
defirce. 

Char.f^emens  arrhes   à  Port-Royal. 

Cette  mjme  année  1660  ,  le  Roi  fcpira  par 
un  arrêt  du  Ccr.fcil,  donné  au  mois  de  Mai  ,  les 
deux  maifons  de  Port-Roy«l  en  deux  abbayes  in- 
dépendantes  l'une  de  l'autre  ,  l'une  à  Paris ,  pour 
être  de  nomination  royale  ;  l'autre  aux  Champs, 
pour  être  clrttive  8c  triennale. 

Port-Roysl  des  Champ»  fut  dans  un  état  flo- 
fiiTant  &  tranquille  pendant  covirço  dix  années. 

Les 


DE  l'Histoire  EccirsTAs-nQuE.    '^c^ 

Les  parens  s'emprcuoicnt  d'y  n  citic  Ituis  (.rfaos 
pour  les  faire-elever  avec  ipitic.  Des  pcrforaei 
de  tout  état  fe  retirèrent  au-dchors  de  ce  mo- 
na{^ére ,  pour  y  jouir  des  exemples  d'une  com-, 
nauaauté  ii  régulière.  Des  Evêques  y  rendoient 
de  fréquentes  vilîtes ,  y  officioient  ,  y  doonoieoc 
le  facrernent  de  la  Conf.rniatioo. 

Cependant ,  malgré  les  illuftres  protefteurs  qu'a« 
volt  ce  monaftére  ,  malgré  les  vertus  qu'on  y 
pratiquoit  ,  la  Cour  avoit  toujours  des  ombrages 
fur  la  façon-dc-penferdes  Religicufes.  Cette  fo« 
litude  étoit  regardée  par  l'Arcbevcque  de  Pari» 
C  Harlay  )  comme  le  fanfluaire  du  Janfenifme  \ 
ce  prélat,  muni  d'un  ordre  du  Roi  ,  fit-fortif  es 
1678  toutes  les  perfonnes  qui  s'étoicnt  retirées 
dans  ce  monaflire  ,  &  toutes  les  pcnfionnaires 
qu'on  y  élevoit.  Il  y  eut  une  défenfe  très-ex- 
prefTe  de  recevoir  des  novices  :  c'eft  alors  que 
les  Rcli^ieufes  mirent  entre  les  mains  d'une  fœur 
qui  venoit  de  mourir  une  Requête  adreiTée  à  ).  C. 
contre  leurs  perfécuteurs ,  Requête  qu'elles  enfé* 
velirent  avec  elle  dans  la  fcffe. 

La  confommaticn  des  malheurs  de  Port-Royal 
appartient  au  xvm'  fiécle. 

formulMre   J* Alexandre  VII  ;  opfofuicn  dé 
quelques  Evêques, 

Cependant  le  plus  grand  nombre  des  Evcque« 
de  France  ,  fournis  aux  décidons  de  Rcme  ,  a\0M 
Tom.  //.  S 


^19  E  L  I  M  f  N  ^ 

(îgnc  le  Formulaire  C:  l'avolt  fait-ij^'n.:  .  ii.ji>  ..ai 
exemple  n'jvoit  point  ctc  f-àvi  par  quelques  tvô- 
ques ,  qui  refufoiem  d'aJopter  celui  que  leurs  con- 
frères aroient  drefTé.  Oa  trut  donc  Hevoir  fol» 
liciter  le  Pape  de  l'autorifcr  d«  foo  approbacioa  ; 
mais  Alexandre  VII  ne  vouUnt  pas  donner  force 
de  loi  à  une  formule  qui  n'ctoit  point  foo  ou- 
vrage,  en  donna  une  nou%-elle  ,  iofcrée  dans  une 
Bulle  du  15  Fcvricr   i60j. 

Ce  nouveau  Formulaire  ctolt  conçu  en  ces  ter- 
mes:». Je  me  foumcts  à  la  CoaAitutioa  apsflo'.i- 
n  que  d7««cctof  -Y  du  j  Mai  i6j3  ,  &  à  cille 
•»  à'ÀUxandrt  VU  du  16  Ov-lobre  l6$6  ;  &  je 
H  rejette  &  condamne  ûnccrcmenc  les  Cinq  pro« 
»•  polirions  extraites  du  livre  de  Cur.icU.s  Jj-.':- 
n  nius,  intitule  Au^ufilnLt ,  &  dans  le  fcns  du  ir^m: 
M  auteur,  comme  le  S.  Siège  Apoftolique  lésa  con- 
>t  damnies  parles  fjfiitcs  Conilitatioos.  C'eft  ce 
Il  que  j'iiTuie  :  ^loû  Dieu  tn'aiJe  5:  irj  faints  Evan- 
»»  giics.  ♦» 

Une  Déclaration  du  Roi  ,  u ';-  .v.-  ic  ij  A  .:l 
fuivant  ,  ordonni  à  tous  les  Arclicvcques  fie  I. va- 
ques du  royaume  de  figner  &  de  C^ire-C^ner  ce 
Formulaire  par  tout  les  EccléllaAiques  fccuiieri 
6c  réguliers  ,  par  les  Religicufcs  &  les  maîtres  d'é- 
cole, fans  aucuoe  diAinâion  .  explication  ou  ref- 
triûion. 

Les  Evèques  étant  auiorifcs  par  le  Pape  & 
|>ar  le  Roi,  ct'i^.rent  la  dénature  avec  un  nau- 
jrcau  z.:lc  .  miit   Pit.J^n  cv.h.c  dAii:Ji,  C^Jtt 


©r  l'Histoire  Ecclésiastique.    41  tf 

cvcque  de  Pamiers  ,  Amauld  évcque  d'Angers  , 
Cbouard  tvcque  de  Beauvais  ,  fe  dulin^uérent  ou- 
vcrteiT^ent  des  autres.  Ils  publiérenc  des  Mande- 
ciens.dans  lelquels  ils  reconnoiiTjicnt  qu'on  de- 
voir fe  fouraettre  aux  décLîons  de  l'Eg'.ife  ea  ma- 
tière de  toi  ;  mais  qu'on  n'écoic  pas  obligé  d'ad- 
hérer à  ce  qu'elle  dciermicoit  lur  certains  faits 
paniculiers  ,  qui  ,  n'étant  pas  révèles  ,  ne  pou» 
voient  jamjis  faire  la  miticre  de  fes  dccilicns.  Ils 
exi.euicnt  Icuit me.it  pour  ces  faits  une  fourni'", 
fioa  de  refpedi  &  de  iilence. 

i.c(a;i  Ai /''.irrité  de  la  réfiftance  de  ces  quatre 
Prélats  ,(  ré J  lance  qui  pouvoit  perpétuer  long- 
tems  des  difpute;  qu'il  vculoit  éteindre)  rcfolut 
de  leur  faire-  i'aire  leur  procès.  Mais  a  peine  AUxanm 
Jre  Vil  avoit-il  nom  r.c  ,  à  fa  prijre  ,  neuf  Evé- 
ques  pour  les  juger,  qu'il  mourut.  CL'mcnt  IX,  (oa 
fncceffeur  ,  confirma  dès  les  premiers  jours  do 
fcn  pontiâcat  par  un  nouveau  Bref  ce  qu'avoir 
fait  fon  prédcceffeur. 

Il  y  avcit  peut-être  quelqu'inconvénient  u  recou- 
rir à  Rome  pour  faire  le  procès  à  quclq.'  Evûques 
François.  C'étoit  renverfer  l'ordre  des  jugsmens 
eccléfiafliques  ,  à  ce  que  difoisnt  les  Prélats  par- 
tifans  de  Janfcnlus  ,  lefquels  fe  voyant  vivement 
pourfuivis-,  tâchèrent  ('e  mettre  dans  leurs  inté- 
rêts quelques-uns  de  leurs  confrcres.  ils  cxpofér 
rcnt  leur  caufe  à  dix-neuf  d'entr'eux ,  qui ,  quoi- 
qu'ils euffent  ligné  le  Formulaire  purcmciu  Se  Cim- 
flemeat,  fe  déclaréreat  ouvenement  en  leur  ii. 

Si) 


i^it  E  L  r  M  E  N  s 

veiir,;L'Archcvcque  «le  Sens  ,  les  tvcqucs  deChi* 
Ions  fur-A'jrne,  de  L«..:oj;nc,  tle  ?.lc4ux  ,  J'An- 
goulèrae,  delà  Rochelle,  de  Cominges  ,  de  Cou' 
icrans  ,  de  St-Pons  ,  de  LoJcve ,  de  Veiice  ,  de 
Mirepcix ,  dApen  ,  de  Xaintcs  ,  de  Rennes  ,  de 
SoilTons ,  d'Amiens,  de  Tulle  Se  de  Troyes  ,  écri • 
virent  au  Pape  en  conunun.  Ut  lui  difuient  quo 
fi  c'étoit  une  erreur  de  refufcr  de  fa  fou-netcre 
auxdécifions  du  falot- G.-^e  ,  par  rapport  aux  points 
de  fait  qui  n'ctoient  pas  rcvclcs  ,  l'erreur  des  quatre 
Evoques  ctoit  celle  de  toute  l'Eglife. 

Les  dix-neuf  Prclats  ne  s'expliquèrent  pas  moins 
fortement  dms  une  Lettre qu'ili  écrivirent  au  Roi: 
«nais  leurs  lettres  n'empèchcrcnt  point  que  l'af- 
faire ne  fut  pourfuivie  par    les  deux  puiflaacci* 

Paix  de  Clément  IX. 

Cependant  les  boas  cfprits  fouhaitoient  de  vo'xt 
la  fin  d'une  guerre  qui  engendruit  tant  de  hal« 
fies  -,  le  l'ape  le  defiroit  aufiî  :  ce  Pontife  avoit 
toujours  nurquo  beaucoup  de  rcfcive  &  de  mo« 
^craiion  au  milieu  Je  la  fermentation  que  l'afifaire 
du  Janfcnifme  avoit  excitce  à  Rome  fou*  Ton  pré- 
dccefTcur.  L'\rclievcque  de  Scm  {Cini.irin)  coo» 
noifTant  fes  difpofitions  à  U  paix  ,  entama  ua 
traité  d'accommodement  avec  le  nunce  Purn  B*r» 
giUiii  ,  archevêque  de  Thcbei  ,  homcie  i'o^  ■•-- 
aie  auiTi  fa^e  que  le  Pjpe. 

Le  toir  {uis  de  Uonit ,  qui  entra  Adn\  la  nc- 
ttus,t4Uon  ,  fitcutciuUc  au  l'ikiai  luli;a  ,  que  Les 


DE  LT^i?TomE  Ecclésiastique.    4f  J 

voies  de  la  tigueur  ,  bien  loin  de  ramener  les 
efprits,  n'ttoient  propres  qu'à  les  aigrir  de  pUis 
en  pl'JSi  que  l'aftaire  des  quatre  Evcques  ctoit  de- 
venue celle  des  dix-neuf  qui  s'ctcisnt  déclaré» 
en  leur  faveur;  que  le  nombre  en  étoic  aflez  cob- 
fidc'rable,  pour  donner  lieu  de  craindre  uae  véri- 
table divifion  dans  l'épifcopat  :  mais  qu'en  ufant 
de  condefcendance  ,  on  pourroit  étouircr  le  mal 
da:is  fon  origine,  &  pacilîer  toutes  c'aolci ,  à  la 
fatisfaâion  de  Rome   &  de  la  France. 

Le  nonce  ayant  paru  très  •  difpofi  à  écouter 
d«ï  propofjûjns  d'accominodcriont  ,  o;î  s'en  tint 
à  celle-ci.  Pour  ménager  la  réputation  des  qua- 
tre Evèques  ,  on  n'exigeroit  point  qu'ils  rétrac- 
tafl'ent  leurs  Mandemens  ;  du  refte  ils  figncroieni 
le  Formulaire  arec  fmcîrhi  ,  &  le  fcroient-ûgner 
c'ans  leurs  diocèfes  ,  non  en  vertu  d'un  nouveau 
mandement  ,  mais  dans  des  afTcmblies  fynodales 
qu'ils  convoqueroient  pour  ce  fujet.  Oa  devoit 
dreffer  ,  dans  ces  fyr.odes  ,  des  procès  ■  verbaux 
de  la  Signature  des  Evèques  &  de  celles  de  leurs 
diocéfains  ;  £c  enfin  les  quatre  Prélats  écriroienc 
au  Pape  pour  l'affurer  de  leur  parfaite  foumif- 
(îon. 

Clé-nent  IX  ayant  appris  par  fon  nonce  les 
conditions  de  l'accomiiiodemcnt  ,  répondit  qu'il 
vouloit  bien  fe  rehkher  fur  la  révocation  des  Mjn- 
dcmens  -,  qu'il  fe  contenterolt  de  la  fignature  . 
pourvu  qu'elle  fût  fmcérc. 

Les  quatre  Evcques  ccrivirenc  donc  à  ce  Ponr, 

S  iij 


4ï-t  E   L   E   M   E   N   S 

tife  une  Lettre  tris  •  foumife  -,  mais  ,  fur  le  broît 
qu'ils  avoient  infère  dans  leurs  procès -verbaux 
quelque  reftrjfiion  à  U  à^atta-e  ,  le  Pape  voulut 
un  cclairctflcmcnt.  L'£\cque  de  Chàîons ,  un  des 
iDëdîaccurs  de  la  paix  ,  fut  chnrgc  de  le  lui  don- 
ner. La  déclaration  que  fit  ce  PrcFat  à  cette  occa- 
Con  ,  portoit  :  ».  Qjc  les  quatre  Evoques  5t  le»  au- 
X  très  EccIcfiaAiqaes  compris  dans  laccomn'.oie» 
M  ment ,  avoient  agi  de  bonne-foi ,  8c  qu'ils  avoient 
»i  condamné  fmccrcment  les  Cinq  proporitions  ; 
•>  Se  que  ,  quant  à  l'attribucion  de  ces  propoû» 
!•  tions  au  livre  de  Jjn/tniui ,  ils  avoient  encort 
»»  rendu  au  faintsûége  toute  h  déférence  ôc  l'o* 
n  bciffance  qui  lui  e(l  due,  comme  tous  les  thco- 
»»  logiens  conviennent  qu'il  la  faut  rendre  au  re- 
M  gard  de  tous  les  livres  condamnes  ....  qui  eft 
♦♦  de  ne  dire,  ni  ccrirc,  ni  eafeigner  rien  d:  |coa. 
tt  traire  à  ce  qui  a  étô  décidé  par  l:s  Papes  à 
»»  ce  fjjet.  •» 

Le  Pnpe,  content  de  cette  dcclaration  ,  honora 
les  quatre  Evêques  d'un  lî-cf,  date  du  19  Jan- 
vier 1669  ;  il  leur  marqua  que  ,  quoiqu'il  eJt 
recule*  lettres  dans  le<'quelles  il»  lui  annoiiçoient 
la  TgnjtJtc  fincJre  qu'ils  avoient  Caiie  du  F  -. 
muhire  ù'A.'e%ji:Jr{  l'Il  ^  les  bruits  qu'on  .. .  >i|| 
femés  l 'avoient  obligé  de  ne  rien  précipiter  :  •«  Car, 
m  dit-il,  novi»  r.'.  •    •    -^  ^^^ 

■  m  -ni  exception  ,  t  .  :  .  •  1  ^  .<.  . 

m  tiii'fortemeot  attachés  aux  Conftiiutiotii  de  nos 
p  ptcdéccCc art  \  inaii  qae  ,   lulatcout  qa'lt  cl 


T)E  iVj.7ZOlT.Z  2cCLÏSfASTIQUE.  '^Xj 
i«  affuré  de  leur  parfaite  foumi(hoo ,  il  croit  de< 
»  voir  leur  donner  une  niarque  de  fa  bienveillance 
n  pacernclie.  » 

C'eft  ainû  que  la  paix  fut  rétablie  :  paix  d'au- 
tant plusdefirce,  qu'on  étoit  plus  las  de  la  guerre. 
Un  grand  nombre  d'Ecclefia^iques  qui  avoient  été 
interdits  ,  furent  rcta'olis  en  lîgiint  le  Formulaire  ; 
le  doûcur  Arnauld  foriit  de  la  retraite  où  il  s'é- 
toit  caché  ,  5c  fut  pr.;fcnte  au  Roi.  Il  témoigna 
à  ce  prince  que  c'étoit  avec  quelque  peine  qu'il 
s'étojt  trouvé  engage  dans  toutes  les  conteAations 
qui  avoient  déchiré  l'Eglife  de  France,  d'à  cji  pjjfé^ 
iui  dit  le  Roi  avec  beaucoup  de  bonté  ,  il  ne* 
fiut  fini  parler.  Se  tournant  enfuite  vers  Po«- 
fone  ,  miniftre  d'Et?t,  neveu  i'Arnauld  ,  il  lui  dit  : 
Je  crois  que  vous  aye\  bien  de  /j  jcie  de  voir  tout 
ce  qui  fe  fiffi.  Toute  la  cour  i'empreffa  ,  a 
l'exemple  du  Roi ,  de  faire  honneur  au  dotleur  , 
■  r'-.'x  piriit  chez  le  D.v'phin  8c  chez  les  Princes  avec 
c  difiinfiion  marquée, 

M  o  y  r-i  I  ir  R  ,  frère  du  Roi ,  s'avanç-^nt  quel- 
ques pas  vers  lui,  dit://  faut  tien  faire  eneljvt 
(iwiice  pour  voir  un  kc'mme  fi  rare  &  fi  extraor- 
dinaire. Dans  fa  vifîte  qu'il  fit  au  Nonce  ,  ce  pré- 
lat l'appella  une  plu,-ne  d'or  ,en  donnant  degrrnJt 
éloges  au  defTein  qu'il  avoit  conçu  de  confscrcr 
déformais  fes  travaux  à  la  défenfe  de  la  Religion 
Catholique  contre   Icrt  hérétiques. 

Quelque  tems  après  Saci  fortit  de  la  Baftille ," 
&  fui  prcfcnté  auKoi  par  l'Archcvcqn:  i!c  l'ariS| 

biv 


Hî(j  E  L  Z  M   E  If  s 

Les  quatre  Evoques  reotrcrenc  en  grâce  ,  &  Loult 
X I  y  leur  écrivit  avec  bonté  :  dans  fa  lettre  il 
leur  annonça  la  paix  ,  ii  les  alTura  de  fa  bonne 
yolootc  pour  la  miintenir  ,  fie  de  fon  eAime  pour 
leur  vertu  &  leur   mcritc. 

Pour  coni'erver  la  mcmuire  de  cet  événement, 
oa  fit-frapper  une  incdaille  en  1669:  on  y  voit 
une  colombe  rayonnante  ,  le  fymbole  du  St-Ef- 
pric  qui  avoir  pr^ûib  a  la  paix  ,  6c  au-dCiloui  la 
Bible  ouverte  fur  un  autel  -,  &  fur  cette  BibU 
le«  cleti  de  S.  PUm ,  &  le  fccptre  avec  la  main- 
de-jui>ice  en  fautoir  :  pour  marquer  le  concoura 
éc  la  puiilance  eccUfiallique  fie  de  l'auioritc  royale* 

Des  Pontifes  Romains^  depms  Urbain  VIII 
jufqu'à  Gcmcnt  IX. 

L'Hifloirc  du  Janféaifme ,  que  nous  avons  ra« 
contée  avec  quel  ]ue  détail  à  caufc  de  l'intcrêc 
qu'y  prennent  encore  pLificurs  pcrlonnes,  a  fait» 
connoitre  le  nom  des  Pontifes  qui  ont  fiégé  à 
Eome  depuis  Urh*in  VIII  ïjfqu'à  C-imnt  IX» 
Nous  allons  en  parler  avec  un  peu  plut  d'é- 
tendue ,  8c  rracer  en  peu  de  roots  le  tableau  de 
leur  ponttfica:  fit  de  leurs  bonnes  6c  mauvaifes 
qualités. 

Innocent  X{  Jean-Bjptifte  Pamphilo)  ,  Romain  , 
étoit  entre  dans  la  cour  pontiticale  dès  fa  jeunefle, 
•'c  toit  diftinguc  dans  les  nonciatures ,  S(  avoir  mé- 
rité tyxL'rham  Vllt  l'honorât  de  la  pourpre.  Il  fuc 
fcla  à  ce  i'outilc  le  ij  Septembre  1O44  >  ^  "■'^^ 


BE  l'Histoire  Ecclésiastique.    417; 

rut  âgé  de  81  arft  le  7  Janvier  1655.  Ce  Pape, 
(  die  le  P.  A'Avrigni,)  avoit  beaucoup  d'clJvatioH 
il'efprit,  de  feu,  de  vivacité  Sx.  de  difcernemcnt. 
Ferme  dans  les  rencontres  les  plus  épineufes  ,  il 
étoit  inébranlable  dans  fes  réfolutions  -,  mais  il  ne 
les  prenoit  qu'jnrès  y  avoir  bien  penfc.  Il  éroit 
fobre,  vivant  de  peu,  haiffant  le  luxe,  aulTi  pré- 
cautionné contre  les  dépeafes  fuperflues  que  ma* 
gniiique  dans  les  néceffaires.  Son  œconomie  lui 
donna  moyen  de  laifTer  fcpt  cents  mille  ccuî  : 
épar^jne  dont  il  y  a  très-peu  d'exemples.  Il  ainioic 
tendrement  fes  fujets  ,  &  faifoit  -rendre  une  exafte 
julVice.  Eiitîn  on  n'auroit  peut-être  point  de  di- 
faut*à  lui  reprccher  ,  s'il  avoit  été  plus  indiffé- 
rent fur  les  intérêts  de  fa  famille.  La  Don.i  OJyn- 
[•il  ,  fa  belle -fœur,  le  goviverna  ,6c;  vendit  pref- 
quc  toutes  les  charges  de  la  cour  Romaine  -,  elle 
perfccuta  violemment  les  Barbtrins  ^  neveux  d'6^r- 
httln  VIII,  qui  furent  obligés  de  fe  rciirer  ea 
France. 

Alexandre  Vil  {Chigi)  fc  défendit  d'abord  de 
la  foiblcîre  du  népotifme  -,  mais  il  finie  par  en 
être  fubjugué  ccramc  fon  prJdéceffcur.  Dès  qu'il 
fut  fur  le  trône,  il  f.t-mett  e  un  cercueil  dans  fa 
chambre ,  pour  fe  rappellcr  ce  morr^nr  oit  toute» 
les  grandeurs  font  anéanties,  ft'.iis  on  s'icou. 
t.me  (  dit  le  Père  à'Avrigni  )  à  voir  une  bicre, 
comme  toute  autre  chofe  -,  Gc  ce  n'eft  guéres  par 
les  yeux  qu'on  devient  plivs  homme-de-bicn^  Il 
ippella  fes  neveux  auptçs  Jç  lui,  &  los  dolonvr 

S  V 


:4i8  E  L  E  M  E  K  s 

jnagea  abonclararaent  du  peu  ^'il  avoît  fait  jr^ 
ques-Ià  pour  eux.  Ce  fut  fous  le  à  .♦• 

Itxinirc  Vil  que  11  leine  Chn^'ir..  m  !e 

royjuoie  de  Sucde  pour  fe  fjîre  Catholique ,  Se 
vint  fe  fixer  à  Roroe  au  milieu  des  lettres  âc  des 
artf.  La  garde  Corfe  aymt  attiiquc  l'anibaiIideiM' 
4e  France  (  le  duc  de  C'i^ui  )  dans  fon  patois  , 
Louis  XlV it  prépara  à  venger  cette  infolcncc  ; 
le  Pape  le  ca  ma  cti  cnvoya^it  en  France  un  le* 
gK  i  Uttrt,  Ce  fut  le  cardinal  Ci--;<  que  le  Rot 
reçut  en  prince  c;aîcment  généreux  &  zèle  pjuc 
les  droits  de  fa  couronne.  A.txanift  Vil  termina 
fa  carricre  le  vingt  -deux  Mai  1667.  Quoiqu'il 
eût  foulage  par  des  aumônes  abondantes  leaRo» 
trains,  pendant  une  difette  dont  ils  furent  afHigéS', 
&  qu'il  eût  travaillé  à  rembelliirement  de  pla- 
ficurs  Eglifcs  de  Rome  ,  il  ne  fut  [>a*  toujnurt 
aimé  de  fes  fujets  ,  parce  que  ,  dans  fcs  depenfes 
en.  cditîces,  il  confuha  plus  fon  goût  pour  Taïc^- 
teilure,  que  les  ren'uurccs  de  fcn   peuple. 

Le  faint>fiége  ne  lût  pas  long-tems  racaot  -,  le 
cardinal  Jules  Rofp^'iofi  ,  Tofcan  ,  homme  de 
erand  mérite  ,  d'un  cfprit  c«,!airc  5c  d'un  carac- 
tère conciliant ,  fut  citvé  au  poB:i<1cat ,  &  prit  le 
aom  de  CUment  l  X.  Il  avoit  ctc  nonce  en  L(' 
pegno-,  ou  il  s'ctûtt  acquis  l'eftime  des  grands  8c 
ë«*  petit» -,  fon  ic^ne  ne  fut  que  de  drux  ans  il 
mourut  en  1669, avec  la  rcputattr>n  d'un  pontife 
pacifique,  crconomf  |  Ubasi ,  ami  de*  lettre»  Se 
ftut  Ju  peuple*. 


DE  L*HijTomE  Ecclesu':tique.    4151 

Da   Papes  Clément  X  (S»  Innocent  XI.  Du 

droit  Je  RcgaL'  ;  Difput:s  aufujet  de  ce  droit. 

Cilmnt  X  (  AlAcri  )  ,  pontife  ami  de  la  paix  8c 
de  la  vertu  ,  élu  en  1670  ,  ne  gouverna  l'Eglife 
que  lix  aDS-,&  eut  pour  fucceffeur  en  1676  /«- 
nccent  Xl^{  Odcfcj.'clit).  C'cioit  un  homme  grand, 
fcc  Se  maigre:  les  yeux  vLt's,  l'air  chagrin  ,  les  raa- 
nitres  Êéres.le  jugement  bon  ,  l'efprit  ptnctraur, 
Egaleirent  zélé  pour  la  réforme  des  moeurs  &  peut 
les  droits  de  l'E^llfe  ,  il  étoit  fcvérj  pour  lui-mê- 
me &  pour  les  autres  ,  Se  ne  revenoit  prefque  ja* 
mais  de  fes  premières  împrefilons  ,  parce  qu'il  les 
cro)  oit  fondées  fur  la  raifon  &  fur  la  juftlce.  Com- 
me il  étoit  né  dans  le  Milanoisâc  fujct  de  la  mai- 
fon  d'Autriche  ,  Louis  Xiy  vit  avec  peine  foa 
excitaàon.  En  efl'ct  ,  ce  Tape,  peu  favorable  à  la 
Frrncev  erura  vivement  dans  les  difputes  qui  ve-- 
nciciit  d'y  uaiirc  au  fujct  de  la  Rtgule.  l'our  faite 
avec  quelque  détail  1  hiAoire  de  ce  dcmclé  ,  il 
faut  faire- coonoicre  la  nature  des  prétentions  de 
Lcui*  XIV. 

La  Régale  eA  un  droit  particulier  an  Roi  de  Fraa> 
te,  qui  rcmor»ie  jufqu'aux  tems  les  plus  reculés 
ce 'la  monarchie.  Par  ce  droit  ,  ils  pe. doivent  le 
revc'iu  des  archevêchés  &  évcchés  clu  royaume 
pcnd,i.it.  la  vacance  du  ficge  ,  &  contèrent  tous 
les  bénéfices  qui  en  dépendent ,  excepte  ceux  qui 
ibnt  à  charge  d'ames-,  comme  les  ctKef.  Ce  peu 
voir  ce  le  borne  point  a  la  nomiiiacicndes  béoé^ 

Svj 


4îd  E  L  E  M   E  N  s 

£ces  f!mp!cs  (  puifquc  le  Roi  nomme  a  tou«  les  cw 
ponicats  vacans  )  ,  comme  le  difeot  l'auteur  daSU- 
cU  de  Loult  XIV  t  &  l'abbc  PrtvCt  dan»  fon  AI4- 
mucl  Uxijut.  Ced  une  erreur  échappée  à  ces  deux 
célèbres  écrivains  ,  &  que  nous  ne  relevons  que 
parce  que  leurs  ojvra^es  foiu  entre  les  mains  de 
tout  le  monde. 

Le  droit  de  Régale  embrafTe  ,  fuivant  les  Jurif* 
confultes  François,  toutes  les  Egtifes  du  royau» 
me  :  cependant  pluùsurs  Evoques  des  villes  réunies 
à  la  Couronne  fous  la  troil"iéme  race  ,  r.e  vou- 
lurent pas  reconnoitre  cette  prérogative  ,  que  des 
feigocurs  particuliers,  trop  foiblcs,  n'avoient  pas  pu 
faire-valoir.  Il  paroit  parles  rcglllres  de  la  cham- 
bre-des-Cotnptes  de  Paris  ,  que  quelques  dioccfe» 
avoient  été  exempts  du  droit  de  Rtgale  pendant 
pluficurs  ficdes. 

L'Evcque  de  Bellay  prétendoit  que  Ton  cgliTe 
étoit  de  ce  nombre  i  il  voulut  faire  -  valoir  fet 
prétentions  fous  Henri  IV  :  mais  le  parlement  de 
Fjris  donna  un  arr«h  en  1608,  par  lequel  il  dé- 
clara que  la  Régale  avoir  lieu  dans  tout  le  royau- 
me. L'Evcque  de  Belhy  ,  ^  ceux  dont  les  Eglifes 
éioient  lituées  au  voilinage  de»  Alpes  &  des  Py- 
rénées ,  &  qui  croyoient  jouir  du  mime  droit 
que  lui,  fe  pUignitcnt  à  flf.rl  IV ,  qui  ,  mena* 
géant  les  Lvc.;  ;es  ?<  le  Vf^z  ,  UilTa  cette  affairt 
îfldécire. 

Le  car  .41  c.Q  /i  »  :  .- i  ,  voulant  confervrr  lu 
Eoi>lc  ptiviU^c  d:  difpofcx  du  revenu  des  evè* 


DE  l'Histoire  Ecclisiastique.   4*11 

thés  &  de  nomm:r  aux  béoiifices,  dans  le  court 
«fpace  qui  s'écoule  enrre  la  mort  d'un  Evèque  8c 
le  ferment  de  fidélité  enregiftré  de  fon  fucceffeur  , 
fit-donner  deux  arrêts  au  confeil  du  Roi  en  1657 
&163S,  par  lefque'.s  les  Evêques  qui  fe  difoicnc 
exempts,  étoient  obligés  de  montrer  les  titres  fur 
lefquelt  ils  fondoient  leurs  exemptions.  Il  y  eue  un 
nouvel  arrêt  donné  en  1651  ,  fous  le  miniftére  du 
cardinal  Mayirin  \  mih  on  publia  d'autres  arrêts 
pour  accorder  des  délais.  Le  grand  Coafeil  é:oit 
quelquefois  favorable  aux  Prélats  ,  &  le  Parle* 
ment  jugeoit  toujours  conformément  au  princi- 
pe ,  que  la  Ri'^jle  efi  un  droit  infipsr^ilc  dt  la  Ci/«r 
rvane. 

Edit  de  1673. 
Oppojîùom  de   quelques  Evêques, 

Cette  queftion  divifoit  les  Jurlfcon  fuîtes  ,  lorf- 
que  Louii  X'.V  donna  un  Edit  le  10  Février  i6-'3  , 
pour  étendre  le  droit  de  Régale  dans  tous  lesdio- 
cèfes  de  la  Frmce ,  à  l'exception  de  ceux  qui  ea 
étoient  exempts  à  titre  onéreux.  Les  Evêques  que 
cet  Edit  intérciToit ,  s'en  plaignirent  comme  d'une 
nouveauté  intolérab'e  ;  l'oppofuion  qu'ils  y  for- 
mèrent, engigea  le  Roi  a  donner  ,  au  mois  d'A- 
vril 167^ ,  une  feco.ide  Déclara cion  conforme  à  la 
première  i  la  plupart  des  Prélats  s'y  fournirent.  Ni» 
eolas  Pavillon  évalue  d'AIcth  ,   &  François  Csultt 

évalue  de  Pamlsrs  ,  tout  deux  connus  par  uoc 


l(2Ï  E   L   E    M   E  K   $ 

piité  exemplaire,  turenc  les  fculs  qui  oùrcat  rwU  - 
«er  à  Ljùs  Xll^. 

Ce  Prince  connoin*oit  moins  leurs  vertus,  f\  ^ 
leur  oppofuiai  au  For  nu;  lirc  concernant  ^j/j- 
miut\  te»  enne.nis  des  Jcix  Prdats  lai  perfoadé- 
rent ,  que  leur  but,  en  fe  roiditTdnt  contre  Uau» 
torité  ,  étoi:  d'exciter  entre  la  cour  de  France  8c 
celle  de  Rome  des  broui!l:rics ,  qui,  pouH'ccs  à 
nn  certain  point ,  feroieat  fevorj jles  au  pjrti  donc 
on  les  (Uppofoit  ccre.  LjuIs  Xiy ,  pîein  de  ce:te 
idée ,  fut  encore  plus  choque  des  motifs  qu'on 
prctoit  à  leur  réûAance,  que  de  la  rclidjace  moine. 

Bientôt  cette  difpute  acquit  toute  la  chsleur 
ti'ane  f;uerre  civile,  fur-tout  dans  les  deux  F.gH* 
ies  d'Aletlt  &  de  P.tmiersk  Le  Roi  avoit  dirpcfi 
de  quelques  caiu>nic3t$  de  ces  deux  dioccfcS;  il 
prcteadoit  être  en  droit  de  le  faire,  p3.-cc  q^e  , 
les  ievx  E-vâqucs  n'ayant  pis  £iit-enrei;i(lrcr  leur 
ferment,  la  Rcgale  ctnit  encore  ouverte  à  fon  égard. 
Pui'iJÎMi  &  Cju'ct,  fermes  dans  leurs  prétentions 
comme  dans  leurs  fentimeot  ,  rcfufcrent  d'admet* 
tre  Ici  nouveaux  pourvus  ,  5c  dcf<tndirent  à  leari 
Chi^iirci  de  les  recevoir. 

Les  Rigalillet  t'j'I.-elTeat  alors  aux  Arche vj  ]uei 
de  Narbonne  8c  (]e  Tuuloufc  ,  métropolitains  d A* 
teih  £c  de  Pjmiers ,  qui  jugent  en  leur  faveur.  Lt» 
Evoques  font  appel  Je  leur  fentence  au  faiot-ûige  ^ 
'V         !.••.  1«  difpute  devient  gcncrale.. 


♦ 


i>T  lITiSTOIRE  EccUÇÎAST'QUt;      '40^ 
La  Cour  di  Rome  entre  dans  cette  d'ifpiue. 

Lorfqu'Z/j/ioc^ftt  XI  eut  été  placé  fur  la  chiire 
de  S.  Pierre  ,  il  embralTa  avec  plaifir  la  caufe  de 
deux  Prébts  qui ,  comme  lui ,  étolent  incap?.bles 
de  plier.  Il  adrefia  des  Brefs  remplis  de  vigueur 
au  Roi,  à  l'Archevêque  deTouloufe  ,  &  à  l'Evcqua 
dePamlers,  qui,  depuis  la  mort  de  Pavillon  arti- 
vée  en  1677,  C  5c  non  en  i63o,  comme  le  dit 
Tauteur  du  Siide  Je  Louis  XIV ,  )  ibutint  feul 
le  poids  de  cette  Tongue  difpute.  Dans  le  Bref 
adrefTc  au  Roi  le  29  Décembre  1679  t  le  fouve- 
rain  Pontite  l'exhorte  fortement  à  ne  pas  afTujet- 
tir  au  droit  de  Régate  les  Eglifes  qu'il  prétend  de« 
voir  en  c're  c::emptes.  Il  lui  déclare  que  ,  s'il 
ne  fe  founict  aux  remontrances  paiernellcs  qu'il 
lui  a  faites  &  réitérées  à  ce  fujct  ,  il  fc  fcrvira  de 
l'autorité  que  lui  donne  fa  plicc.  Il  attribue  aujc 
mauvais  confeils  que  fes  flîiteurs  &  des  hommes 
fans  foi  ,fJios  difîdenna  ,  lui  a  voient  donnes  ,  tout 
ce  qui  s'ctoit  fait  d'irrégulicr  dans  cette  importante 
affaire. 

L'Evéque  de  Pam'erj ,  anime  par  les  éto^cs  dU 
Pontife  ,  foutint  fes  prétentions  avec  une  fermeté 
qui  ne  fe  démentit  jamais.  En  1679  '^  menaça  d'ex- 
communier tous  ceux  qui ,  ét.tnt  pourvus  en  Ré^ 
gnîe ,  prendroicnt  quelque  bénéfice  dans  fon  dij- 
cèfe.  Son  inflexibilité  irrita  la  Cour  ,  qai  fit-faifir 
tous  fes  revenus;  on  en'eva  tout  dans  fa  maifua 
«pifcopa'e.  Réduit  a  une  extrême  pauvreté  ,  il  vi- 
yoit  des  fccours  (jue  U  piété  de  quelques  Oinis  Itû. 


"4^4  E  L  E  M  £  N  s 

rnvoroir.  M.  le  PeUeiUr  DtJλinkes  lui  ayant  £iic* 
remettre  une  fomme  d'argent  ,  le  P,  de  U  Chj-jï 
voulut  lui  faire  un  crime  auprès  du  Roi  de  cette 
a^^ion  géncreufe  ',  il  deixunda  une  lettre-de>c3chec 
pour  l'exiler  :  Soit  ,  repondit  LouLi  XIV ,  il  meftra 
fat  dit  ^ut  f,.ut  mon  r'c^ne  qut^qu'un  ait  été  puni  pour 
ûtoir  fait  i'aumine, 

La  mort  de  M.  de  Pam'tt's  ^  arrivce  en  1680, 
ne  termina  point  ces  conteftations  ;  le  chapitre  fie 
les  grands^N-icaires  qu'il  avoit  nommes,  s'oppo- 
fcrcnt  toujours  au  drrit  des  Réjjiliftes.  En  va  in  le 
mctropolitain  nomma  un  vicaire  -  gincral  pour 
maintenir  les  pourvus  en  rc^jlc  -,  cnvain  le  Parle- 
ment de  Touloufe  donna  des  arrois  :  le  P.  Ccrtt  » 
un  des  membres  du  chapitre  ,  &  un  des  grands» 
vicaires  pendant  la  vacance  du  ûége  de  Pamiers  , 
caCa  les  fentenccs  de  l'Archevêque  de  Touloufe 
&  les  arrêts  du  Farlement.  Ce  tribunal  le  con» 
damna  par  contumace ,  non  pas  à  perdre  la  tcte  , 
comme  le  die  M.  de  V^.ltalre,  mais  à  ctrc  pendu.  Il 
le  fut  en  crBgie  ,  après  qu'on  eut  promené  ,  dans 
ua  tombereau  par  les  rues  de  Touloufe,  un  lw>ni> 
irc  de  paille  habillé  en  religieux.  Le  P.  C*r/t  avok 
pris  la  fuite  ,  fie ,  du  fond  de  fa  retraite,  U  rem* 
ylii  la  France  des  plaiiites  ,  que  les  injuAices  qu'il 
difoic  avoir  e/Tuycci  lui  iofpiroient. 

JJfcmbUesiu  Clergé  de  \C^\  &  dt  i^iS^i. 

Leuit  XIl^ ,  voyant  que  la  difpute  clcvce  entre 
i»  cour  de  Rome  &  lui  scduuffoit  ,  iciulut  dfr 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    41^ 

la  terminer  dans  l'affemblce  du  Clergé  de  i63r. 
Elle  étoit  compofée  de  quarante  Archevêques  ou 
Evèques  ,  qui  réfolurent  d'écrire  au  Pape.  Mail 
comme  le  Pontife  auroit  pvi  regarder  leurs  juftes 
remontrances,  moins  comme  la  voix  de  l'Eg'.ife  de 
France ,  que  comme  l'effet  des  ioprefHons  de  la 
cour  &  le  fruit  d'une  complailance  intcreiTée  , 
ils  fupplicrent  le  Roi  de  convoquer  un  Concile- 
national  ,  ou  une  afTemblce  générale  du  Clergé  , 
qui  fe  réunirotc  pour  faire  -  entendre  fa  voix  au 
Pontife  RoTiain. 

Un  Concile  •  national  entrainoit  trop  de  Ion» 
gueurs  &  d'embarras.  Le  Roi  fe  contenta  de  per- 
mettre une  AfTemblce  générale,  qui  fut  convoquée 
pour  le  9  Novembre  1 68 1 .  L'archevêque  de  Paris  , 
Harlai  ,  en  fut  prcfident.  L'éloquent  évéque  (îe 
Meaux ,  Bvffutt ,  prononça  un  très-beau  difcours  le 
jour  de  l'ouverture.  Dans  la  première  partie  ,  il 
établit  la  prééminence  du  ficge  de  Rome  ;  dans  la 
fcconde  il  fit  l'éloge  de  l'Eg'.ife  de  France  -,  &  la 
troiiîéme  roula  fur  les  moyens  propres  à  préve- 
nir les  divif»ons,8c  a  les  C4imer  quand  elles  font 
nées.  Il  parla  de  la  beauté  8c  de  l'unité  de  l'Egli- 
fe,  confidérée  dans  fon  tout,  dans  fes  membres, 
&  dans  fa  durée  ,  avec  cette  chaleur  qui  caratldri- 
foit  fon  éloquence. 

Les  premières  opérations  de  l'affemblée  roulc- 
tent  fur  la  Régile.  Les  Prélats  reconnurent  que  le 
Roi  avoit  ce  droit  fur  toutes  les  E\;lifes  du  royau- 
me i  mais  ils  demandèrent  quelques  adoucifl'cmea» 


4*6  E  L  E  M  E  N\S 
dans  l'exercice  de  c:  privilcge.  Selon  Tufage  conf* 
camment  ohferve  iurqu'alors,  le  Roi  oommoit  pen« 
dsnc  la  vacaace  du  /u  ;s  aux  doyenocs  ,  aux  ar- 
chidiacoflés,  aux  prcbcndes  ,  Se  aux  aucrts  béoé- 
£ces  ,  auxq;teU  l'on:  atcachces  les  foiicllons  de 
théologal  &  de  pcnireacicr.  Les  pourvus  exer« 
çolent  leurs  tondions  ,  en  coaûqueace  de  la  do» 
mination  Royale  ,  fans  Ce  préfenter  ni  a  l'Evéquc, 
ni  à  aucun  autre  fupcricur  ecclé(îjllique.  Cet  ufjge 
bleffant  la  jurit'diclion  cpilcopale  ,  V.-  p* 

plia  le  Roi  d'y  rcmcii.T    l'une  rai.".. ..  c, 

Loitis  Xiy  featii  la  iuilice  de  leurs  renontrao* 
ces.il  donna  unEdit,au  mois  de  Janvier  i68x, 
par  lequel  il  enjoignit  a  ceux  qui  feroient  pour» 
vus  en  Régale  de  bcnéficei ,  auxquels  feroient  ae» 
tachées  quelques  fondions  ou  jjrifdtdlon  fpiri- 
tuelles  ,  de  le  préfenter  aux  grands*viciires  éta- 
blis par  les  chapitres  ,  fi  les  Eglifes  ctoicat  en- 
core vacantes ,  ou  aux  Evoques  pour  obtenir  d'eux 
l'appro'oation  &  million  canonique. 

Dés  que  cette  Déclaration  eut  été  véritict  au 
Paricmeat .  rA^'eroblcc  iit  de«  remercimens  fo!em« 
nelt  au  Rui,  qui  leur  avoir  bciucoup  plus  donné 
par  ce  noavcl  Edit  .  qu'ti  ne  leur  jtsr 

celui  de  167).  Us  fi^acreat  enfuitc  1  cnt 

l'afle  d'extcnfjon  de  la  Régale  Air  toutes  le*  L);lifM 
lîc  i  -ent  au  Pape  u.  ur 

lui  1  >c%  motifs  de  U°  :  ^cn> 

«lance.    Aptes  y  avoir  établi     la  ncceiliié  de  U 
booM ùuelligcacc  cotrtle  Sacerdoce ScrEjapir», 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    427 

îls  fupplioient  fa  Saintetc  de  donner  la  paix  au 
Clcrgc  François  ,  qui  n'avoit  renoncé  aux  droits 
particuliers  de  quelques  Evèques.que  pour  le  bien 
gcn-iral  de  leurs  Eglifes  ,  &  en  faveur  du  plui  gra':i 
des  Rois.  Ir.mccnt  ,  peu  fatisfiiit  de  leur  conduite 
&  de  leur  lettre  ,  calTa  par  un  Bref  tout  ce  qu'ils 
avolent  fait  en  faveur  de  la  Regale  ,  &  les  exhoru 
à  fatisfalre  au  plutôt  à  leur  honneur  Se  à  leur  con« 
fcieace  en  révoquant  leur  fignature. 

Cette  démarche  da  Pape  déplut  aux  esprit»  coo- 
cilians;  elle  eut  des  fuites  auxquelles  ce  Pontife 
ne  s'attendoit  point,  O.i  prit  occaùon  de  ce  Bref 
pour  exam.ner  les  droits  6c  les  pricentions  de  celuj 
qui  l'avoit  donné.  Le  i8  Mars  i68z  ,  une  nou> 
vclle  affemblee  du  Clergé  fit-paroître  une  fameufe 
Déclaration  ,  qui  eft  le  rempart  des  libertés  de  l'E- 
glife  Gallicane.  Dans  le  préambule  ,  les  Prélats  an- 
noncèrent qu'ils  n'avoient  pai  moins  en  vue  de 
maintenir  les  droits  de  l'E^Iife  de  France  ,  que  de 
conferver  l'unirc  ,  &  doter  aux  Calviniftes  tout 
prétexte  de  rendre  odicufe  la  puilTance  pontiticale. 

/;'.  Articles  de  rAjfemHie  de  1682. 

Cette  Déclaration  fur  la  puiffance  temporelle  5c 
eccléfidftique  eft  trop  importante  ,  pour  ne  pas  la 
rapporter  en  entier. 

»»  Plufisurs  perfonnes  s'efiforcent  en  ces  tcms- 
cl  de  ruiner  les  Décrets  de  l'Egtifc  Gallicane  Se 
fes  Libertés  ,  que  nos  ancêtres  ont  foutenue* 
avec  tant  de  zèle  1  &  de  reaverfer  leurs  ioait--. 


4i5  E   L   E   M   E  V   s 

mens,  appuyés  fur  les  falnts  Canoos  &i  fur  la  Tra- 
dition des  l'ercs.  D'autres  ,  fous  prcccxte  de  Ici 
détendre,  ont  la  hardieffe  de  donner  atteinte  à  la 
primauté  de  S.  FUnt  &  des  Pomifcs  Romains  fe» 
fuccefTcurs  ,  inAituee  par  Jesus-Christ  ^  d'cm- 
pêcher  qu'on  ne  leur  rende  l'obcifl'jnce  que  tout 
le  monde  leur  doit  ,  &  de  diminuer  la  maie(lc  du 
St-Sicge  Ap«ftoliquc  ,  lefpeâablc  à  toutes  lesiu- 
tioas,  où  l'oa  ealelgne  la  vraie  foi  de  rbgiife,  6c 
qui  conferve  fon  unitc.  De  plus ,  les  hcrctiques 
mettent  tout  en  oeuvre  pour  t'aiie-piroitre  cett« 
puiiTance ,  qui  maintient  la  p^ix  de  l'E^life  ,  odieuie 
&  iofupportableaux  liais  &  aux  peuples,  &  pour 
éloigner  par  cet  artifice  les  âmes  fimpies  de  U  cora* 
tnuoion  de  l'Eglife.  Afin  de  remédier  à  ces  inconvé- 
niens  :  Nous  Archevêques  8c  Evcques  ,a{remblé9 
à  Paris  par  ordre  du  Roi  ,  reprcicntant  l'E^lifc 
Gallicane ,  avec  les  autres  E^cIcllaAiques  députés., 
avons  iugé,  après  une  mure  délibération  ,  qu'il  eft 
nécelTaire  de  faire  les  R^glemeus  &c  U  DccUniioa 
qui  fuivent : 

1.  M  Que  S.  Pitrrc  8c  fe»  fucceflfeuri  victirei  d« 
J,  C. ,  8c  que  toute  l'Eglife  mtme ,  n'ont  reçu  de 
puiflTance  de  Dieu  ,  que  fur  les  chofcs  fpirituelles 
&  qui  conccroeii:  le  falut  ,  8c  non  point  fur  let 
chofei  temporcllet  8c  civiles  :  Jesus-Christ  nous 
apprenant  lui-même,  que  /I/i  Ri)âumt  n't/l  point 
d€  <t  rncnJ*  ;  &  «n  un  autre  endroit  ,  ilu'ii  jéut 
rmire  À  Ccfar  et  fui  tppértitai  à  Ccfar  ,  6^  à  Du» 
«**)iM  *ff0tiuM  à.  Dku.  Qu'âioAil  »*ca  ûiutCAii 


DE  lTÏistoire  Ecclésiastique.    41^ 

i  ce  précepte  de  l'Apôtre  S.  Paul:  (^ue  touce  ptr. 
/•.r.ne  fuit  fourni fc  aux  PuijJ'ancts  fupiritures  :  car  il 
n'y  a  point    de    Puiffance  qui   ne   vienne   de  Dieu ,  fi» 
ccjl  lui  qui  vrdonne  ccUes  qui  font  fur  la  terre  •,  c'ejl 
pourquoi  celui  qui  s^oppofc   aux  Puijjtnces  ,  réfifie  à 
l'ordre  de  Dieu.  En  confcquence    nous  déclarons  j 
que  1m  Rois  ne  font  fournis  à  aucune  Pulffance 
eccléruftique  ,  par  l'ordre  de  Dieu ,  dans  les  chcfes 
qui  concernent    le  temporel  -,   qu'ils  ne   peuvent 
être  dspofés  dircdement  ni  indirectement  par  l'au- 
torité  des  c!efs    de  l'Eglife  ;  que  leurs  fujets  no 
peuvent  être  exemptes  de  la  foumi/uon  &  de  l'o- 
béiflancc  qu'ils  leur  doivent,  ou  difpenfes  du  fer- 
ment de  fidélité-,  que  cette  do^rineinécelTaire  pour 
la  tranquillité  pubtiqite,   &  autant  avantageufe  à 
l'Et^life  qu'à  l'Etat,  doit  erre  tenue,  comme  con- 
forme à  l'Ecrlture-Sainte ,  à  la  Tradition  des  Peret 
de  l'Eglife  ,  &  aux  exemples  des  Saints. 

II.  >'  Que  la  pleaitude  de  puilTance  que  le  St> 
Siège  Apolîoiique  &  les  Succcffeurs  de  S.  Furre  , 
▼icaires  de  /.  C,  ont  fur  les  chofes  fpiritueltes, 
eft  telle,  que  néanmoins  les  décrets  du  faint  Con» 
cile  œcuménique  de  Confiance,  contenus  dans  les 
feffions  4  &  5  ,  approuvés  par  le  St-Sic^e  Apof- 
tolique  ,  &<  contîrmés  par  la  pratique  de  toute  l'E- 
glife 3c  des  Pontifes  Romains  ,  6c  obfervés  de  tout 
tems  religieufement  par  l'Eglife  Gallicane  ,  demeu- 
rent dans  leur  force  &  vertu  ;  &  que  l'Eglife  de 
France  n'approuve  pas  l'opinion  de  ceux  qui  don- 
nent actciate  à  ces  décrets ,  ou  les  attuiblùlcat,  en 


4)0  E  L   E   M   1   K   S 

difanr, 'que  leur  autorité  n'rft  pas  bi«n  établie  ' 
qu'ils  ne  font  point  approuvés,  ou  que  leur  dif- 
poiîcion  ne  n. garde  que  le  teins  du  fchifnc. 

III.  M  Qu'ainC  ii  faut  rcgier  l'ufage  de  la  putflfance 
Aponolique ,  par  les  Canons  faits  par  l'Erprit  de 
Dieu  &  confjcrcs  par  le  refpcû  gcmiral  de  tout  le 
inonde  -,  que  les  rig'.es ,  les  moeurs  &  les  cor.ftio 
tutlons  reçues  dans  le  Royaunne  &  dans  l'Eglife 
Gallicane,  doivent  avoir  leur  force  Se  vertu  ,  fie 
que  les  ufjgcs  de  nos  Tcres  doivent  ticrrcurcr 
inébranlables:  qu'il  cfl  n-.cme  de  la  grandeur  du  S. 
Siège  Apc>AoIiquc ,  que  les  loix  &  les  coutumes 
établies  du  coi  de  ce  f.cjc  U  des  Eglifes , 
fuhfifter.t  inv,          .        -. 

IV.  i.  Que  quoique  le  l'ap«  ait  U  piincipale  part 
dans  les  qucflions  de  Foi,  ti.  l  :,  re- 
gardent toutes  les  L^,'ifcs  ,  Js    ,             .        -  en 
particulier  ,  fon  jugiment  h'eft  pas  irréformablc  , 
fi  le  confcntement  de  J'Eglife  n'intervient  Ce  font 
les  maximes  que  nous  avons  reçues  de  nos  Pères , 
fit  que  nous  avons  arrêté  d'envoyer  à  toutes  le* 
Eglifes  Gallicines  &   aux  fivéques   qui  tes   gou- 
vernent pjr  r.^uturî(c  du  St-Efprii ,  af'M  que  nou» 
difir'-     •                          dujfe  ,  que  nCH  '  lU 
les  in t                             ■   ^    eue  iioui  i.                    .  'i 
mtmt  doârin( 

DicLuaûon  du  Roi, 

Le  Roi ,  pour  donner  une  force  durable  à  cet 
quatre  Aitidci  qui^îpituicot  hutdi  alors ,  8c  qui 


1 


DE  l'HjSTÔIRE  ECCLESIASTIQUF.  43 1 
ont  eu  depuis  la  faniflion  de  prefciuc  tous  les 
peuples  Catholiques,  ordonna  par  un  Edit  qu'il» 
feroient  publics  dans  toute  l'étendue  du  roy.iu- 
me  ,  &  enregiftrés  par  tous  les  Tribunaux  &  toutes 
les  Facultés  de  théologie.  Celle  de  Paris  témoigna 
quelque  tems  après,  d'une  manière  fblemnclle,  quel 
ctoic  fonfentiment  fur  l'autorité  du  Concile  Ôi  de» 
Evoques.  Elle  cenfura  une  propofition  tirée  d'un 
Manden.ent  de  l'Archevêque  de  Strigtjnie  contre  la 
Déclararion  duCicrgé  de  France.  Cette  propofrioo 
Ctoit,  qu  il  n'appartient  quau  S,  Siège  J'eni  de  juger 
du  controve'fei  de  la  Fo!.  Le  Parlement  de  Paris 
avoit  fupprimc  l'ouvrage  ([ui  la  reafcrmoic ,  par  ua 
Arrêt  du  23  Juin  16S3. 

La  Déclaration  du  Clergé  fut  vivemcrtt  attaquée 
par  les  Théologiens  Ultramootalns  ,  &  on  publia 
divers  Ouvrages  contre  la  dodlrinc  de  l'Eglife   de 
France.  Jean-Thimas  de    Rocabeni ^  qui  avoit  été 
Général  des  Dominicains  en  1670  ,  Archevêque  de 
Valence  en  1676  ,  &  qui  fut  depuis  InquiCteur-gé- 
néral  d'Efpagne  .publia  en  1693  *'<"'  volumes  in- 
fol.,  pour  établir  les  maximes  contraires  à  la  Dé- 
claration du  Clergé  de  France.  U  prit  cnfuite  la 
peine  de  recueillir  en  11   volumes    in  fol.  ,  tous 
les  ouvrages  du  même  genre  que  le  fien  ;  6c  il  fit - 
imprimer  à  Rome  à  Tes  propres  frais  cet  immcnfe 
recueil.  Son  Tr.iitî  di  l'anturité  du  Pape  filt  applaudi 
en  Efjîagne  &  en  Italie  :  mais  en  France ,  on  le  re- 
garda comme  un  ouvrage  «ilein  de  maximes  con- 
traires à  l'Ecticure ,  à  la  Tradition  ,  &  à  la  doâàno 
Pcr«s. 


'432  E   L   E  M   E  V   s 

Le  Roi  chargea  le  cticbre  luju.t  de  réfuter  cet 
Auteur  ,  âc  les  autres  partifans  iz\  opinions  UUra« 
moncaincs  ,  &  dt  défendre  les  qvatre  Articles.  Ce 
Prélat  le  fit  avec  h  lumicre  6c  la  modération  que 
l'on  pouvoir  attendre  de  lui.  Il  prouva  datu  fa 
détenfe  de  la  Déclaration  du  Qergé,  que  la  doâri- 
ne  dcrEglife  Gallicane  fur  la  puiû'ance  ecclcûalli- 
que  fie  fur  la  puilTance  temporelle,  renfermée  avec 
prccifion  dâ,ns  les  quatre  Articles ,  n' eft  que  la  doc- 
trine même  des  Ecritures  &c  de  la  Tradition-,  &  que 
bien  loin  d'aflToiblir  8c  de  diminuer  la  primaurc  8c 
l'autorité  du  fouveraia  i'ontife  &  du  S.  Siège,  elle 
lai  rend  toute  fa  force,  tout  fon  éclat  Se  fon  an» 
cienne  majellé-,  en  écartant  les  prcroç^atives  fauffee- 
&  odieufcs  ,  dent  l'ignoraoce  &  i  i  il  irteric  fe  font 
efforcées  dans  les  derniers  tenis  de  Ij  charger  &  de 
robfcurcir.  Les  Ultramontains  ne  manquèrent  pat 
de  dire,  que  c'ctoit  moins  le  zèle  pour  la  vérité  , 
que  le  dciir  de  p'ulreà  la  Cour  de  France,  qui  avoir 
cté  le  mobile  fecret  de  la  Déclaration  du  Clergé. 
Mais  oa  ne  p^suvoit  imputer  ce  rnoùf  à  p!urieurs 
Prciats  d'un  mérite  diAinj;ué  ,  qui  ctoient  mcmbrea 
de  cette  auguHe  affemblce.  U'ailieurt  la  faine  doc- 

lrir>e,  qui  efl  c      '    -   -  '-    ' c  Art. des,  eu 

indépendante  >   ont  pu  por* 

ter  pluûcnr^  I  •• .  ;m:»  a  »  y  «tt» 

La  fermcic  (lu  ilc>i  &:  de  t  .....  I  rjoce  è 
na'mtenir  la  doârine  de  l'AfTcmlilee  de  i6Sx,  aigrit 
déplut  en  plu»  Ij  <  -r-  hnoceni  A7  re« 

&fa  des  Bulles  aux  L ,.  .s  du  fécond  ordre. 


DE  lT^istôire  Ecclésiastique.  *4it; 

iretnbres  de  cette  afltniblte  ,  (,;ui  avoJent  ctc  nom- 
mas Evêqucs.  Le  Roi,  ne  voulant  pas  qu'ils  fuffent 
difringués  de  ceux  qu'il  avclt  nommés  à  des  évc- 
chcs  ,  fii-défcnfe  de  fe  pourvoir  en  cour  de  Rome 
pour  avoir  des  Bulles.  Cette  diillculté  fubrifta  pen» 
dant  tout  le  rcfte  du  pontificat  d'Innocent  A7,dont  I9 
roidcur  inliexible  ne  fsut  jamais  s'accommoder  aix 
teni'. 

Nouvelle  D'ifputc  entre  le  Roi  &  le  Pape, 

Il  s'alluma  entre  le  Pape  8t  le  Roi  une  nouvelle 
contedation,  qui  n'adoucit  point  l'ancienne.  Les 
liôicls  des  AmbafTadeurs  des  princes  à  Rome,  Se 
les  quartiers  d'alentour,  croient  comme  un  afylc  , 
où  les  vo'curs  &  les  affatuns  fe  mettoicnt  à  cou- 
vert des  pourfuites  de  la  jufiice.  Innocent  XI  crut 
devoir  remOdier  à  cet  abus,  qui  n'ctoit  favorable 
qu'au  crime.  Il  révoqua  ,  par  une  BuHc  datce  du  i  i 
T.lai  16S7,  toutes  les  tranchifes  des  ambafladeurs , 
riime  celles  de  l'ambaffadeur  de  Fr.mce ,  &  ex- 
communia tous  ceux  qui  voudroient  les  foutenir. 

L Empereur,  les  Rois  d'Efpagne  &  de  Portugal 
entrèrent  dans  les  vues  fsges  d'Innocent  XI.  Rîais 
Louit  Xiy  déclara,  dit-on,  au  nonce  que  c'ctoit 
à  lui  à  fervir  d'exemple ,  &»non  à  le  prendre  des 
EUtres  fouvcrains.  Le  marquis  de  Lavardin  fut  en- 
voyé à  Rome  en  qualiûc  d'ambaffadcar,  pourfoa- 
tenir  les  prétentions  de  Lmis  XIV.W  le  fit  avec 
hauteur.  Il  entra  d.ins  Rome  ,  accompagrc  de  huit 
ccuts  hommes  armes ,  S:  avec  un  tclat  qui  tcnoic 
Tom.  Il,  T 


<^4  E   L   E   Af   E   V   s 

plutôt  d'un  triompne  que  d'une  entrée  d'ambafla- 
dcur.  Le  p^pe  l'excommunia.  Il  ne  \»\i\i  point  de 
comaunier  le  jour  de  Nocl  dans  l'EplifeFrançoife 
de  S.  Lcuh.  A  rinflant  le  Pape  jctta  l'inrerdit  fur 
cette  Ey^Ufe.  Le  marrni»  de  Ljtjrd-r,  prétendit  qu'on 
avolt  violé  en  fa  perfonne  le  droit  des  gens ,  &  pro- 
céda contre  l'exccmmunication  lancée  contre  lui. 

Le  Roi ,  informe  des  démarches  du  Pipe  ,  s'em- 
para d'Avignon,  8t  renvoya  l'aftairs  de  l'excora- 
munication  au  Parlement  ,  qa'i  appclla  comme  d'à- 
bus  de  la  Bulle  des  franchifes.  On  parla  d'aiTem- 
bler  un  Concile  national ,  &  d'établir  en  France 
un  Patriarche  indépendant  de  F.ome. 

Cependant  Louit  XïV  craignant  un  fchifme  , 
chercha  des  moyens  de  conciliation.  Il  écrivit  de 
fa  main  au  Pipe-,  Se  a  rinfçu  de  (on  .^mbaHadeur  , 
il  dépccha  à  Rome  un  homme  de  confiance  qui  ne 
put  jamais  obtenir  audience.  Inrtoetm  peffi^a  tau« 
jours  dans  te  refus  d'accorder  des  Dulles  aux  Eve' 
ques  nommés.  Les  Archevêques  Se  Evéques  qui 
cioicnt  à  Paris  ,  approuvèrent  l'appel  interjeué 
par  le  Procureur-péncrjl  -,  le  nombreux  Clergé  de 
cette  grande  ville,  &  l'Univerfitc,  fe  joignirent  i 
eux. 

Enfin  ta  mort  d'/r-K^c»/  AV.  arrivée  en  t6S4 

t 
fit-efptrer  que  la  paix  feroit  rendue  a  l'i; '.life  de 

France.  ÀUxand'c  VI 11,  (  Ottohont  )  fon  fuccefleur, 

oe  fut  pas  plutôt  TurletrAne  pontifical ,  qu'il  pi* 

rut  votilo^r    e  cor.ci!ier  avec  1  oui»  Xl^  Ce  prince, 

wour  accclcrcr  un  accommodement,  fc  relâcha  fur 


toE  lUistoihe  Ecclésiastique.    43 Ç 

le  droit  des  fianchifcs  de  fcs  anihaffadeurs  ,  & 
rendit  au  nouveau  Pape  Avignon  &  le  Comtat, 
Cependant  le  Pape  mourut  C:\a'^  avoir  termine  cette 
trifte  querelle,  qui  prlvoit  tant  d'E^lifesde  leur$ 
premiers  pafteurs  :  il  ptiLiia  au  lit  de  la  mort  une 
Bul!e,  qui  caiToit  !a  Dfc'araiion  du  Clergé  de  1 682, 
après  avoir  pronenct  un  petit  ditcours  latin  qui 
commençoit  par  ces  mots  ;  Dcfclunt  vires  ,fcd  non 
d:ficit  ar.imus. 

Un  des  Dlfputes  entre  Rome  &  Li  France, 

Innocent  XII  ,   (  Ptgnatelli  )  élevé  nu  pontificat 
après  lui,  avoir  l'efprit  plus  conciliant.  Louis  XIV 
de  Ton  côté  voyoit  avec  douleur  la  longue  va- 
cance de  plus  de  trente  Eglifes  du  Royaume.  On  fe 
relâcha  de  part  8c  d'autre.  Enfin,  après  bien  des 
expédicns  propofés  par  deux  habiles  négociateurs, 
les  cardinaux  à'Ejîrces  &  Janfon  ,  il  fut  arrêté  que 
les  Prélats  auxquels  on  rcfufoit  des  Bulles  écri- 
roient  chacun  en  particulier  pour  appaifer  le  Pape. 
Ils  difoieiit  qu'ils    croient  douloureufement  affli- 
gés de  tout  ce  qui  s'étoit  pafTc  dans  les  aiTemblées 
du  Clergé  de  168 r  fit  16S2,  Ils  défavouoicnt  tout 
ce  qui  y  avoit  été  délibéré  au  préjudice  des  droits 
de  l'Eglife. 

Le  Pape,  fatisfaitde  la  foumifllon  des  Evcque* 
&  du  dcfaveu  qu'ils  avoient  fait  ,  leur  accorda  des 
Bulles,  Les  quatre  propofitions  défavouées  par  ces 
Prélats  ,  n'en  furent  pas  rr.oins  enfcignées  en  Fran- 
ce ,  comme  des  vérités  fondées  fur  la  raifon  ^ 

Tij 


f  V5  E   L  E   M   E    V    s 

fut  la  connoiffjncc  de  l'irâtiquicc.  L«s  Paricmens  • 
du  Royaume  ont  toujours  aj^i  fur  le  princi,>c  que 
les  quatre  Articles  ctoicitt  les  gardiens  des  liberics 
de  IT^life  Gallicane.  Lt  CIcr je  en  corps  ,  toujours 
attaché  à  fct  prcmicres  idcts,  ne  fit  aucune  dé- 
marche en  cette  occalion  ,  2c  même  les  ILvlqucs 
nomnics  eurent  1  attention  d'ccrite  fw'parju.cni  à 
Innocent  XII ,  afin  que  leur  lettre  ne  parût  ^ciiut 
une  rétraftation  concercce  de  ce  qu'avoient  (ait 
leurs  coafrilres  fit  de  ce  qu'ils  avoicrit  dû  fjire. 

Ce  Pontife  mourut  en  1699,  laiiTant  une  mimoire 
chère  &  ret'peflée  de  tous  ceux  qui  conooilleiu 
le  prix  de  la  vertu  &  de  la  paix.  Cernent  XI 
(  A/ijni)  eut  la  tiare  après  luT  ,  &  le  montra  ami 
8c  protevîlcur  des  fçavans  ;  il  fut  l'exemple  de  l'E- 
glife  fit  l'objet  de  l'amour  de  Rome. 


Et  4T  Je  U  Rellpon  en  Jr.rhtcrre  dans  le 
XVn  S'icde. 

Nous  avons  vu  dins  ThiAoïre  du  ficelé  ppécc- 
Jent  :  comment  ce  Royaume  li  attache  autrefois 
BU  Chriûianlfme  ,  ctoit  devenu  l'afyle  de  Terreur , 
depuis  que  Htnn  yill ,  emporté  par  les  paiîi^ns  , 
s'étoit  érigé  en  chef  de  \ï.^\'%(t.  Us  chanicmcn» 
qu'il  fi»  au  culte  extérieur  ,  ne  fureni  f»ai  coofidé- 
aU>les.  Mais  les  tuteurs  de  foa  fils  IMu^ri  ^  fe 
dtcUrucot  C4;v.i»iftes,8i  la  reine  Lhj^^uk  ,  ca 
cm  ).-3(Tjnt  U  même  Religion  ,  voulue  cependant 
:quc>  &  une  pvùe  de  U  Hi^rar- 

.  - ,  'C. 


tE  L*î!!îrOll\E  ECCtE^l  ASTI  QUE.  4)^ 
Les  Anglois  s'accoutumèrent  peu-à-peu  à  C\i\- 
vre  la  créance  des  Evcqucs  ,  qui  t'evitjt  la  domi- 
nanre.  Mais  le  pouvoir  de  ceux-ci ,  regarde  ccm- 
me  légitime  par  la  plus  grande  partie  de  la  nation, 
ctoit  anathcmaiifé  par  les<  Puritains  ou  Tresbytc- 
riens  ,  qui  formoient  un  grartd  parti  <îans  l'Etat. 
Ces  Puritains  ainfi  appelles  ,  parce  qu'ils  prc^en- 
dolcnt  fuivrc  l'Evangile  à  la  lettre  ,  foutenoient  que 
le  £<ruvernemont  de  l'Eglife  ,  pendant  les  trois  pte- 
micrs  fiéciss,  avoir  été  exerce  par  des  anciens  , 
&  Lônniuoit  p2r  confi.quent  la  h^ctarchic  ctablie 
dans  l'Eglile  Catholique.  Atucikcs  sux  opinions 
les  plus  rigides  du  Calvinilroe  ,  fombres  ,  atra- 
bilaires ,  enthoafiaftes ,  ils  mettoicnt  dans  leur  haine 
contre  les  Epifcopaux  toute  l'ardeur  du  faoaciCme» 

Rèpie  de  Jacques  I. 

Lorfque  Jacques  I ,  auparavant  Roi  d'Ecofle  ,' 
monta  fur  le  trône  d'Angleterre  après  la  reine  EU- 
fahcth  en  1603  ,  les  Presbytériens  s'imaginèrent 
que  ce  monarque  ,  nourri  &  élevé  dans  leur  fcin  , 
favorifcroit  leur  fcftc  :  ils  fe  trompèrent.  Jaloux 
de  l'autorité  &  ami  des  plaifirs,  Jacques  connoif- 
(bit  trop  lAir  efprit  d'indépendance  &  leur  ca- 
ra^ére  intolérant ,  pour  leur  ctreTavorablc  dans  un 
royaume   où  ils  ne  dominoient  point. 

II  voulut  cependant  que  le  Clergé  Anglican 
eût  avec  eux  une  conférence  en  1604  a  Han|p- 
tOiKOjrt,  On  y  difputa  ,  non  fur  les  dogmes  fpn-; 
«latnenuuz,  mais  fur  de  fioiples  cérémonies  quj 


'4}^  "E  L  E   M   E    N   s 

divlfoient  violemment  les  deux  partis,  C^toît  prin» 
cipalement  l'ufage  du  fijne  de  la  Croix  dans  la 
Baptcme ,  de  l'anneau  dans  le  mariage  ,  du  furplis, 
de  l'inclination  de  tcte  au  nom  de  Jésus.  Quel- 
ques changemens  légers  dans  la  liturgie  ,  furent 
tout  le  fruit  de  cette  contcrcnce  ,qui  ne  changea 
si  les  cl'prits,  ni  les  ctcurs. 

Les  Puritains  n'en  furent  môme  que  plus  aigris*' 
Jacqutt  avoit  dit  fouvent  dans  le  cours  de  la  coo« 
fcrence  :  P.  Lit  i^Evi^ucs  ,  point  de  Rois.  G:s  paroio 
déceloient  fcs  véritables  fentimens.  En  eft'et,  il  ne 
ceH'a  depuis  de  protéger  le  gouvernement  épifcopal, 
qu'il  croyoit  plus  favorable  à  1  autorité  fuprômo 
des  Princes  ,  Se  il  le  rétablit  en  Ecoffe  ,  où  l«% 
prétendus  Réformateurs  l'avoient  aboli. 

Règne  de  Charles  I  ;/!»  mon  diplorabUi 

Charles  /,  qui  monta  fur  le  trône  en  1615  ,aprcf 
Jacjutt  I ,  marcha  fur  les  traces  de  fon  père. 
U  ctoit  attaché  à  l'épifcopat  -,  il  aimoit  les  cérc- 
nor.ies  eccIcfiaAiqucs,  S(  vouloit  qu'on  les  reçue 
comme  eiTcnticlles  au  culte  divin.  Animé  par  les 
confeils  de  GuilUumt  Laud ,  évcque  de  Londres  , 
depuis  archevêque  de  Cantorheri  ,  ii  envoya  ans 
Ecoffois  .  les  Canons  qui  dévoient  fixer  le  cuko 
Ce  la  jurifdiâion  Eccléfiaftique. 

Ce  peuple  enihoufijf^e  £<  ignorant  ,  croit  d'au- 
tant plus  cloignc  de  les  recevoir  ,  qu'il  ctoit  en- 
tretenu dans  fcs  préjuges  par  les  Nobles  du  royau* 
ac  &  pu  les  Prcsbyicrieas  ,  tous  Cj^ftlcmcot  0^ 


tL  i.lIlSTO!RE  ECCLESIASTIQUE.  4^9 
|>ofcs  à  l'autorité  épifcopale,  les  uns  par  jdloulie 
de  pouvoir  ,  les  autres   par  fyftème  d'ég;iUié. 

L'Evêque  d'Edimbourg    étant  monté  en  chaire 
pour  proclamer  la  liturgie  de  Charles  ,  on  lui  jette 
un  banc  à  la  tête,  on  le  chafTe  hors  de  l'E^Viiz; 
la  populace  s'ameute.  Enfin  ,  quatre  Confeils  de  la 
nation  s'alTemblent  à  Edimbourg  en  163S  ,  &  dref- 
fent  le  fameux  Cj»'«ia/;f ,  par  lequel  ils  s'engagent 
avec   ferHien*:   à  foutenir    leur    prolefTion  de    foi 
comte  le  Papi/ne  :  car  iJs  sftefioient  de  confon- 
dre la  Hiérarchie  £pifcop-le  !k  la  Religion  Catho- 
liquCia  rejetter  toutes  les  r.ouvc^.t.s  qui  pou?- 
roicnt  le   favorifer  ,  &  à   fc  défendre   mutucWe- 
jnentpour  le  maintien  delà  Reli^^ion  &  de  l'autorité 
ffoyale. 

On  courut  aux  armes ,  &  l'on  vit  éclater  une 
guerre  audi  funeAe  à  l'Eglife  Anglicane, qu'au  Rot 
&  au  Royaume.  Les  Puritains  d'Angleterre  s*c- 
tant  joints  aux  Ecoffois  ,  devinrent  les  maîtres  ,  8c 
abolirent  l'épilcopat  dans  les  deux  royaumes.  Us 
abrogèrent  aufiî  la  liturgie  &  tout  le  culte  de  l'E- 
glife Anglicane,  dépouillant  de  leurs  emplois  tous 
ceux  qui  ne  vouloient  pas  fe  foumettre  à  leur» 
réformes. 

Charlts  avoir  levé  des  troupes  contre  des  f*- 
jcts  rebelles  :  mais  non-feulement  il  avoit  à  com- 
battre les  Ecoflois  ,  mais  il  falloit  fe  défendre 
contre  les  ennemis  qu'il  avoit  en  Angleterre.  On 
vint  à  bout  de  le  brouiller  avec  fon  Parlement  , 
£ui  lui  déclara  la  guerre ,  tv  leva  une  armie ,  doal 


44^  E  L   E    M   E   N    <i 

il  donna  le  commj/idement  à  fjirfax  ,  i  Croa- 
wcl  8c  à  Larr.hcri.  Ces  trois  gcnêraux  ,  tous  troi» 
braves ,  défirent  partout  les  troupes  du  Roi.  Ce 
tnjlh«ureux  prince ,  après  la  perte  de  la  bataiHe 
de  Nazerbi  en  it>45  ,  crut  trouver  encore  quelque 
fidélité  dans  l'armce  d'Ecoflie ,  qui  le  livra  à  fes 
ennemis.  Un  l'amena  prifunnier  à  Londres  ,  8c 
C'romwe/ ,  qui,  plus  lubi !c  que  Fairj'a*  5t  Lambert , 
s'étoit  rendu  maître  de  l'armce  ,  en  employant 
tour-à-tour  la  fctmrtc  ,  l'artifice  &  le  tanjtifme, 
lui  fit-donner  des  comm  iTalrcs  tous  Presbytériens 
pour  lui  taire  fon  procès, 

Char/ts  l  fut  condamné  à  avoir  la  tête  tran- 
chée .ce  qui  fut  exécuté  le  9  Février  1649  ,  à  ^ 
honte  de  la  nation ,  qui  en  Lit  tous  les  ans  amende* 
honorable.  La  conftance  avec  laquelle  il  reçut  Is 
mort,  excita  dans  toute  l'Europe  une  pitié, qoi 
rendu  éternellement  odieux  les  auteurs  &  les  coo^^ 
plices  de  ce  juge.-nent  inique. 

AJrniniflraùon  de  Cromwel. 

La  royauté  ayant  été  abolie  ,  le  pouvoir  fut  re-^ 
mis  au  peuple  mcme,  qui  venoit  de  tremper  (et 
ma'ins  dans  le  Tang  de  Ton  Roi.  C^omwt/ ,  principal 
auteur  de  ce  parricide,  déclaré  géoétal  perpétuel 
des  troupes  de  IFiat  ,  régna  d.  '  -cnt  fout 

Je  titre  modcrte  de /'/o/f^tur.  1 .  uveroa. 

Ici  Puritains  fie  les  Preshytérieni  dirpoféreot  d* 
Cout  à  leur  gré  ,  fie  rendirent  avec  ul'ute4  l'Eglil^ 
j^ogUcanc  le*  ouuvai»  iiuiciuca»  qu'iU  co  avoico^ 


Di  L*HiSTOiRE  Ecclésiastique.    4^ 

fpçus.  Leur  prétendu  zèle  devint  un  enthouriafoie 
forcené.  Quelques-up.s  d'entr'eux  prétendant  n'aglf 
que  par  les  infplrations  de  l'efprit  ,  n'étoieot  que 
des  fourbes^ôc  des  fcélérats ,  capables  &  coupahUt 
(dit  M.  Fo'm;i  )  des  plus  grands  crimes.  Leur  prin- 
cipe ctoit,  que  «»  Tout  cft  permis  à  ceux  qui  fonc 
I»  dedinés  à  exécuter  de  grandes  chofes  ,  fur-tout 
>»  quand  Iw  Etats  font  menacés  de  quelque  révo- 
T>  lution  extraordinaire-,  »»  Se  c'eft  d'après  ce  prin- 
cipe   que  Cromnei  fe  conduifîc. 

La  feue  de  ceux  des  Presbytériens  qu'on  ap- 
pelloit  Raniers ,  fe  rendit  fur-tout  famcufe  parmi 
les  fanatiques.  Pludeurs  de  ces  fedlaires  abfurdes  , 
atccndoient  tous  les  jours  l'avéncment  de  J.  C. 
pour  fonder  fur  la  terre  un  nouveau  royaume, 
auqwel  ils  donnoient  le  nom  de  cinjuicmc  Monar-' 
«A  e.  D'auires  loupiroient  après  une  nouvelle  ré- 
'▼clation  ,  plus  claire  que  les  précédentes  :  ce  qui 
les  fit  nommer  Chirc/uurs.  Ces  différentes  folies 
contribuèrent  beaucoup  à  multiplier  les  Diides  , 
efprîts  téméraires  qui  attribuant  à  la  Religion  les 
excès  même  du  fanarifme  ,  Ton  plus  cruel  ennemi, 
y  fubilitucrentceux  de  l'incréJulité.  Cromwe! ,  qui 
les  appelloic  Païens  ,  fe  moquoit  avec  eux  de 
toutes  lesfcftes,  &  fe  réunilToit  avec  celle-ci daiiS' 
la  haînc  contre  l'Eglife  Catholique,  , 

Rci^.te   de  Charles  IL- 

Apres  la  mort  de  cet  ufurpateur  fanguinâîre  A^ 
iij;;>ociitc",  il  arriva  un  cîiar^emaot  imprtvudanl- 


||4&  £  L   E  M  E  N   r 

l'Etat  &  dans  l'EglLfe.  ChvU*  II.  fils  de  CkarUti; 
fut  rappelle  par  la  rtation.  Le  trône  dont  Ton  père 
avoit  ctc  priré,  lui  fur  rendu  en  1663.  L'Eglife 
Anglicane,  opprimce  depuis  environ  29  ans,  re> 
prit  U  première  fpiendcur.  Les  Lvcques  ayant  été 
rétablis  fur  leurs  fkges  ,  les  Egliies  ei^cvtes  ,  fous 
les  admiaiArations  précédentes,  à  l'autorité  tfiC- 
copaie.lui  furent  toutes  rendues.  Le  culte  &  la 
difcipUne  reprirent  la  forme  qu'ils  avoient  eue  de» 
fuis  le  règne  d'Eh/jbcth,  Le  Parlement  donna  un 
arrêt  en  1661  ,  par  lequel  tous  les  miniitres  Pref- 
faytcriens  en  Angleterre  étoicnt  obliges,  fous 
peine  de  perdre  leurs  places  ,  à  le  foumettre  aux 
loixde  l'EgUfe  dominante. 

Forcés  alors  de  vivre  tranquilles  ,  les  Angli- 
cans 2c  les  Puritains  tournèrent  toute  leur  fu- 
reur contre  l'Eglife  Romaine.  Leur  haine  trouva 
un  aliment  dans  une  confpiration  abrarde,  attribues 
en  1678  aux  Catholiques  ,  par  un  fcclcrat  nom- 
né  Titus  Ojùt.  Ce  malheureux  ,  tour-j-tour  Pré- 
^cant ,  Jéfuite  ,  ApoAat  ,  Se  enfin  Athée  ,  accufA 
juridiquement  [  les  Catholiques  An{^Iois  ,  d'avoir 
confpirc  contre  la  vie  de  LLirltt  II ,  leur  Roi  , 
8c  des  ProteAans  leurs  compatriotes  ,  de  concert 
avec  le  Pape  ,  le*  Jéfuitet ,  les  Fnnçois  6c  les  Ef- 
pagool».  Le  but  des  confpiraieurs  (.toit,  (difoit- 
ll,  )  d'établir  ,  pjr  la  mort  du  Roi  fit  de  Tes  plu* 
fidèles  fujcts ,  la  feule  Religion  Catholique  en  An* 
^etcrre.  La  couroooe  dcvoii  être  oflerte  au  duc 
^Ltttk  ,  i  coadiuoa  ^u'U  U  tcccvroit  cumme  u^ 


DE  lITistôire  Ecclésiastique,    ^ji» 

don  du  Pape.  Le  Gcnéral  des  Jefuites  dcvoit  dif- 
poier'de  tous  les  emplois  &  de  toutes  les  char* 
gcs  ^  &  le  p.  de  la  Chaifc  avolt  déjà  coniîjjné  ua» 
fomme  conlîdérable  pour  celui  qui  tueroit  le  Rot 
régnant. 

Malgré  rabfurdicc  de  l'accufatlon,  les  preuves 
it-monftratives  de  l'inipopLure  ,  les  v  ariatlons  2c 
rinfamie  des  témoins  ,  milord  Stifford  ,  d'auirei 
perfonnes  de  mérite,  5c  quelques  Jefuites  ,  furent 
mis  à  mort  ,  comme  convaincus  du  crime  de  haute 
trahifon.  La  Religion  Catholique  devint  fufpet"^e  à 
prefque  tous  les  Anglois ,  injullement  prévenus;  & 
on  fe  flatta  moins  .que  jamais  de  pouvoir  la  ré- 
tablir d;ns  une  Iflc  ,  où  l'on  employoit  les  impof- 
tûtes  les  plus  atroces  pour  U  rendre  odieufe. 

Règne  de  Jacques  I  1  ;  il  perd  fa  couronne, 

La  mort  de   Char  Ut  II,  en  16S5  ,  donna   ce- 
pendant aux  Fidèles  quelques  lueurs  d'efpérance» 
Il  eut  pour  fuccciTeur  le  duc  iTorck  fon   frerc  , 
q\ii    prit  le   nom  de  Jacques  II.  Ce  prince    ccoit 
depuis  long  -  tems  attaché  à  la  Religion  Caiho-- 
hque,  qu'il  profcffoit  ouvertem .nt.  Qaand  il  fut 
fur   le  trône  ,  il    fouhaita   de  la  voir  régner  fuc 
fes  fujets.  Ce  defir  ,  irès-!ouab!e  en  lui-même  ,  c^e- 
■vint  funefte   parce  qu'il  le  fit-cc!ater    ave:  tco? 
peu  de  nicnajcmenc.    J.ic^^ucs  demanda  d'abord  la 
révocation  du  ferment  fait  contre  la  dodrine  Ci- 
tholique  ,  aufTi-bicn  que   des  loix  pénales  portcC* 
contre  ceux  que  les  Anglican;  apjelloicnt  dunoar 

Tvi 


j444  Elément 

îbjurieux  de  Papiftei.  On  prévit  dès-lofS  ce  qur 
arriva  -,  que  la  chambre-haute  &  la  chambre-baffe, 
que  les  armées  de  terre  ,  que  les  flottes  feroienc 
remplies  par  des  fujets  de  la  Religion  du  mo- 
ïiarque.  Il  n'en  falloir  pas  davantage  pour  allât- 
mer  l'efprit  inquiet  6c  ombrageux  des  Anglois. 

Jacjues  les  confirma  dans  leurs  foupçons  ,  en 
accordant  la  liberté  de  confclence  à  tous  fes  fu-i- 
jets  ,  afin  (  difoient  -  ils  )  que  tous  les  Catholi- 
ques puiTent  en  jouir  fans  difficulté.  On  pré. 
tend  que  le  P.  Pe:e rs  Jéîuïte,  fon  confeffeur ,  qui 
féflattoit,ou  du  moins  à  qui  l'on  fuppofoit  l'am- 
bition d'être  cardinal  &  primat  d'Angleterre  ,  iaf- 
pira  au  Roi  cette  démarche,  que  les  ennemis  du 
monarque  &  de  l'Eglife  Romaine  ne  manquèrent 
point  d'envenimer.  Ils  le  purent  d'autant  plus  fa- 
cilement,  que  le  Roi  fembloit  avoir  fait  une  rup- 
ture ouverte  avec  l'Eglife  Anglicane ,  &  qu'il  ne- 
traignit  point  d'envoyer  à  Rome  un  ambafladeur- 
extraordinaire  ,  ni  de  recevoir  à  Londres  un  nonce 
du  Pape. 

Les  mécontens  ,  dont  le  nombre  étoit  très- 
grand  dans  un  pays  naturellement  orageux  &  tur- 
bulent,  craignirent  ou  feignirent  de  craindre  tout- 
à-la-fois  pour  leur  Religion  &  leur  liberté.  Ilsap- 
pdlcrent  à  leur  fecours  en  1688  Guillaume  de 
Néijfr.u,  prince  d  Orange  ,  gendre  de  Jacquis  II.  Ce- 
grince  an^bitieux  vint  enlever  à  fon  beau-pere 
une  couronne  ,  qu'il  fe  mcnageoit  fourdement  & 
<»'«£.  adveffe.  A  £eiae  fut'il,  débarqué  ,  qu'une  tbul&> 


DE  L'HrsTOiiîE  Ecclésiastique.    '44^ 

fie  fcigneurs  &  d'officiers  Anglois  s'emprcfTcrent 
de  le  joindre.  Jacques  fe  vit  abandonne  par  fei 
favoris ,  par  le  prince  G:orge  de  Daneraarck  ,  fon 
gendre  ,  par  la  princeffe  Anne ,  fa  fille  la  plus 
chérie.  Dans  l'accablement  où  le  jetta  ce  coup  im- 
prévu :  Gra~.d Dieu  !  prends  pitié  de  moi  ,  s'écria-t-il  I 
mes  propres    enfans  ont   abandonné  leur  père  ! 

Le  comte  de  Tirconnel,  vice-Roi  d'Irlande,  dont 
la  fidélité  fera  à  jamais  célébrée  ,  maintint  feul 
cette  Ifle  dans  l'obéiffance  de  fon  Roi.  Il  y  avoit 
beaucoup  de  Catholiques  dans  le  pays  ;  il  en  for- 
ma des  troupes  nombreufes,  animées  par  le  zèfe 
de  la  véritable  Religion.  On  vit  alors  des  peuples 
farouches  &  indociles  fe  ranger  fous  les  étendards 
comme  une  milice  réglée;  des  vieillards  faire  l'exer- 
cice comme  des  jeunes  foldats  -,  des  enfans  ma' 
nier  les  armes  qu'ils  pouvoient  à  peine  porter  ; 
des  femmes,  malgré  la  foibleffe  de  leur  fexe,  vou- 
loir partager  les  travaux  guerriers  ,&  l'honneur  de 
défendre  leur   monarque  &  leur  Religion. 

Mais  tant  de  conP^ance  ,  de  valeur  &  de  fidë- 
lit:  farent  inutiles.  J.icques  perdit  tout  courage  ,  à 
la  vue  de  l'ingraritude  de  fes  courtiians  ,  &  du 
pouvoir  qu'avoir  acquis  fon  gendre  fur  tous  fts 
fujets.  Il  abandonna  fon  trône ,  fans'  avoir  pref- 
«jue  tenté  de  le  défendre,  &  fe  fauva  en  France, 
oii  Louis  Xiy  le  reçut  avec  une  générofué  digne 
de  fa  grandeur-d'ame^ 

Le  monarqu:  détrôné  pnffa  le  refie  de  fes  jours 
ibi -Germain  en  Laye,  ôc  s'occupa  uoiquemeot  des. 


"44^  Ë  L  E  M  E  H  î 

devoirs  de  la  Religion.  Il  mourut  dans  cette  rf^ 
trai:e  le  16  Septembre  1701,368  aos  ,  détrompe 
de  toutes  les  illuùons  ,  &  fur-tout  de  celle  de* 
grandeur».  11  dit  à  foo  Alt  quelques  heures  avan^ 
que  d'expirer  :  Si  jamais  vous  ranoiitt{  fur  U  ttint 
Àt  vos  ancLtret ,  parJ.nati  à  fut$  mts  tnncnii,ai'' 
mt\  tes  fujits  i  con/crvei  U  Re/igiom  C*thûli^ut  ,  6r 
prifere^^  l'tffCrancc  d'un  tcnhtur  cttrmtl  èm»  Rujaw 
me  ftrijfa^lt. 

La  Religion  Catholique  n'nyant  plus  en  Angle* 
terre  des  fouTlcns  dans  les  l'rinces  ,  en  parut  ex- 
clue pour  loog-icmt.  Le  zc!e  des  fidcies  qui  lonc 
dans  ce  royaume  a  ctc  affoiblt  encore  par  la  cor»- 
ruption  générale  des  n-.a.urs  que  l'irreligioa  a 
produite.  La  cour,  la  viSe.Sc  pluTicuts  gens  •  de» 
lettres,  infedts  par  riocrcdulite  fous  Cw/c«  //,. 
&  feus  quelques  -  uns  de  fes  fuccdTeurs ,  con* 
iruoiqucrent  au  peuple  une  partie  de  ce  daa> 
gcrcux  efprit  ,  &  on  a  vu  trop  fouvcnt  chez  lut 
do  la  huine ,  de  l'indifîcrcnce  ou  du  mcpris  pour 
toutes  les  vcrités  facrëes  qui  nourfiûbient  fci  cf» 
pcrances  &  fovirer.ciefit  (es  vtrt..s. 


Hévocaùon  de  tEdlt  de   Nantes  ;  affb:l>V(femcnt 
du  Cjlvinifme  en  France. 

Ia  fuite  des  cvénemens  nous  a  entrain.*  au- 

delj  de  l'anoce  i68j;innce  rematquahle   pu    I» 

décadence  du  Ca!vinifin<:   en    France.   Dep'ii»   !• 

'yrilcde  la  Rochelle ,  cette  hcrcfie    fembloit  Un- 

goir  cLo»  ce  royiuinc,  U^  AVK ,  «prii  l*  i>** 


DE   L*HlSTOreE  ÈCCLE5TASTIQUE.     44^ 

<âeNimcgue,réfo!ut  de  lui  porter  les  derniers  coups; 

•  II  crut  que  le  nom  de  Rvl  tris  -  Chrctun  l'ubli- 

geoic  à  ne  laiHer   fublirter  daiw  fon  royaurae  que 

la  ftule  Religion  Catholique» 

Pcu-à-peu  les  Prétendus -Réformés  furent  dé- 
pouilles de  tous  les  privilèges  qu'oa  leur  avoic 
accordés.  Le  Temple  de  Sdumur,  permis  à  DupUJfism 
Mornai  pour  lui  &  pour  fa  famille  ,  fi't  uémoli. 
Les  Académies  nouvelles  foim>!cs  par  les  Pro» 
teftans,  fur«nt  fiipprimies  ,  ain(i  que  les  Cham- 
bres mi-paicivs.  On  mit  les  Miniitres  à  la  taille  » 
on  défend. t  les  mariages  entre  personnes  de  difté- 
lente  Religion.  Les  fages  -  femmes  Catholiques 
eurent  feules  le  pouvoir  de  baptifcr  les  enfans 
de<  CalviniAcs  en  cns  de  danger.  Il  étoit  per« 
mis  à  ces  enfans  de  fe  convertir ,  dès  qu'ils  au» 
roient  atteint  l'âge  de  7  ans  ,  &  à  14  ki  pcreî» 
dévoient  leur  payer  une  penfion  dans  un  fcnii- 
naire ,  pourttre  confirmes  dans  la  Foi  par  l'cnfei- 
gncment.  Enfin  le  Roi  ne  dnnnoit  plus  à  fes  fu- 
jets  Protcflans  ol  charge  de  judicaturc,  ni  emploi 
de  finances,  pendant  qui!  combluit  de  bienfaits 
ceux  qui  Ce  convertifToient. 

Tandis  que  Louis  XIV  eftiayoit  les  Prctendus» 
Réfoimcs  par  le  mcconteniemcnt  qu'il  faifoit- 
éc'ater  contr'ijux-,  un  grand  nombre  de  iMiflîoa- 
caires  répandus  dans  les  provinces  ,  tâchoienc 
de  les  ramener  à  l'Eclife  prmiiùve  par  leurs  dif- 
couis  ,  parleurs  exemples ,  &  par  diverfesinflruc- 
tMus    paAorales.   Les  Minillxes  Calvioiûes  s'opr 


-{4^  E  L   E  M   E  N   s 

pofant  de  tout  leur  pouvoir  aux  converfiotw  ,?* 
voie  de  l'enfeignenient  parut  trop  lenic  à  Loain 
XIV,  5c  il  fe  perTuacli  qv'il  crtirpcrott  pncfque 
entièrement  la  Religion  Proreftanrc  dans  fou 
Royaume  ,  s'il  rcvoquoii  l'Edit  de  Nantes  ,  que 
la  nccefTitd  des  tems,  autant  que  U  reconnoifTance, 
avoir  arrache  a    Henri  IT. 

Cette  matière  importante  fut  mife  en  délibéra» 
tion  dans  ion  Confcil  ,  &  les  fcntimcns  furetic 
Iong-ten$  partages  ,  parce  qu'en  donnant  quel- 
ques fu)«ts  à  rEglire,on  craignoit  d'en  enlever  aa 
plus  grand  nombre  à  l'Erar. 

Ccuîc   qui  croient  d'avis    qu'on    s'en  tint    aux 
Toies  de  douceur  difoient  pour  appuyer  leur  fen» 
timent  :  •«  Que  les  confcier.ccs  ne  fc  pouvernoient 
M  point  par  la  force  ;  que  les  manicres  dures  ré* 
M  voltoienr ,  au  lieu  de  gagner  les  efprits  ;  qoe  , 
n  le  zèle  devoit  être  réglé  par  la   prudence; qoe 
»»  quoique  les  Rois  doivent  procurer  à  leurs  pen- 
V  p'es  l'avantage  de   la  Religion  ,   leur  principal 
»»  devoir  eft  de  maintenir  la  tranquillité    publî- 
w  que.  Que  fi  l'on  poufToit  les  Caiviniftes  à  bout 
v>  en  leur  ôtant   tout  exercice  de  leur  Religion» 
»•  on  le»    jftteroit  dans  le  dércfpoir  ;  qu'il  y  eo 
»  avoit  plut  de   1500   mille   dans  1*  royaume  •■, 
»»  qu'on  trouvoit   parmi  eux  uo  f;ran4  nombre  ùt 
n  richec  marchands,  beaucoup   de   matriuts  &  c)e 
M  foldatt ,  des   ouvriers  habiles  en  toute  forte  de' 
»<  profefnon  ,  *»  de ^  officim  d'ure  expc'rieoce  con- 
H  fosvmce.  (^pc  û  l'on  oc  garJoit  plus  d«  mefurf: 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    445 

r  à  leur  égard,  on  les  mettrolt  dans  la  néceflirc, 

»  ou  de  fortir  du  royaume  pour  fe  tranfpljçfcr 

>»  dans  d'autres  pays,  ou  de  d%,fobéir  au  Roi  en 

>»  s'alTernblant  malgré  les  défenfes   ;  que  le  pre- 

n  mier  parti  étoit   ruineux    pour  l'Etat ,  &    que 

n  l'autre  paroiffoit  avoir    quelque  chofe  de   trop 

>»  dur.  Qu'il  vauiroii  bien  mieux  leur  lailTer  quel- 

«  ques  Temples  i   que  la  d^Pâculté  de  s'y  rendre 

>)  rebuteroit    le  plus  grand  nombre,    &  que  les 

r>  plus  en.ttis  trouvant  au  moins  quclc^ue  moyen 

n  de  pratiquer  leur  Religion  ,  vivroient  en  paix  : 

»  au  lieu  que  s'ils  étolent  rcduits  par  une   fup- 

»  prefCon  totale  a  s'afTembler  malgré  les  àcknCesj 

M  ils  fe    rcodroient  coupables  d'une  défobéiiTancfl 

p>  manifefle  ,  qu'il  faudroit  néceiTairement  puolr.i* 

Ceux  qui  penchoieot  pour  les  voies  rigourcu- 

fes  ne  goùtcient  guéres  ces  raifons  ,  dont  quel»^ 

ques- unes    cependant    mérîtoient    d'être    pefécsj 

•<  Que  peut-il  y  avoir  à  craindre  (  difoient-ils  ),à 

X  pouHer   une  poignie  de  gens  fans  chef ,  a  demi 

M  abbatus  &  qui  p^'rdront  bientôt  courage  }  Si  la 

M  feule    vue  de  quelques  dragons  a  fufti  pour  en 

n  ramener  un  tort  grand  nombre  ,  Se  même    des 

I»  villes  entières,  que  fera-ce  lorfque  le  Roi  par* 

M  lera  ?    Les  gens-de-condition    feront    les    pre- 

M  miers  à  donner  lexcmple ,  &  le  peuple  fuivra 

»  immanquablcmen  •  N'efc-il   pas   tems   enJîn  de 

7>  porter    le  dernier  coup   à  l'héréfie  &   à  la  ré« 

n  bcllion  ?Cet  efprit  remuant  6:  indocile,  qui  dans 

^  tous,  les  tems  fuig  c^r^âvu  Uçs  hUj^ut,uo:s^  l<;f 


450  E  L  E  M  E   N  S 

5>  domine  encore.  A  la  vérité  il  n'y  a  pas  à  crain- 
îjjdre  que  le  Roi  étant  élevé  au  point  de  gran» 
n  deur  &  de  purirance  où  l'amour  de  (es  peu» 
>»  pies  &  la  profpérité  de  fcs  armes  l'ont  mis ,  ils 
T>  ofent  entreprendre  de  remuer  •,  mais  fi  la  for- 
n  tune  cefToit  de  nou»  fdvorifer  ,  on  trouveroit 
»t  parmi  eux  le  même  efprit  de  révolte  qu'on  y 
ft  a  vu  dans  tous  les  tems.  La  tranquillité 
»)  du  royaume  ôt  l'intirct  de  la  Religion  deman» 
?'  dent  donc  également  qu'on  coupe  le  mal  dans 
>»  fa  racine.  Le  Roi  ,  redouté  de  tous  les  voifinc, 
71  &  ayant  des  troupes  nomhreufes  d:  aguerries, 
M  auroit-il  quelque  chofe  à  craindre  ?  6c  n'eft-il 
H  pas  de  fa  piété  &  de  fa  gloire  d'achever  c« 
•t  que  ^x  Rois  fes  prédéceffeurs  oo:  entreprif 
ft  inutilement  &  fans  fruit?  » 

Ces  différentes  raifons  ,  appuyées  par  le  chan^ 
celier  le  TcUlcr  &  par  Louvols  fon  fils  ,  déter- 
minèrent Louis  XlV.  Il  fe  décida  d'autant  plus 
à  révoquer  l'Edit  de  Nantes  ,  qu'il  n'en  reftoic 
guércs  que  le  nom.  On  avoit  annuUé  prefqae 
toutes  les  difpofuions  par  une  foule  d'Edits  don- 
nés en  i68z  ,  83  &  84.  Un  grand  nombre  de 
Temples  étoient  ditrults  ;  les  Minières  n'ofoient 
prefque  plus  paroître  ;  on  avoit  enlevé  aux  père»- 
tous  les  enfans  qui  montroient  le  plus  léger  de* 
fir  d'ctre  Catholiques.  L'efpoir  des  récompenfcs» 
la  crainte  des  chàtimens  ,  avotent  ébranlé  plufieur» 
adultes.  Il  y  en  eut  un  grand  nombre  qui  ccdc- 
^cot  a  l'apprchcaiioa  de  voir  loger  des  gcns-sj^ 


Dî  l'Histoire  Ecclésiastique;    45  f 

guerre  dans  leurs  malfons.  On  avoic  commencé 
ces  expéditions  militaires  ,  ordonnées  par  Lou~ 
vois  ,  dans  la  province  du  Béarn  ;  on  les  em- 
ploya dans  le  refte  du  royaume.  Les  troupes  ré-: 
pandues  par -tout  ne  trouvèrent  prefque  aucune 
réfiftance,  &  on  n'entendoic  parler  que  d'abjura-, 
tions  ou  de  difpofitions   à  abjurer. 

Le  defféin  que  Louis  XIV  méditoit  depuis  long" 
teras  ,  fut  donc  exécuté  ,  &  l'Edit  de  Nantes  fut 
anéanti  par  un  autre  Edit  donné  la  i8  Octobre 
1685;.  Cette  muv.  Déclaration  portolt  en  fubftance 
la  révocation  de  tout  ce  qui  s'étoit  fait  en  fa-» 
veur  des  Caîviniftes  ,  la  démolition  de  tous  leurs 
Temples ,  la  déicnfe  exprefTe  de  s'affembler  pour 
les  exercices  de  leur  Religion ,  &  un  ordre  pré- 
cis à  tous  les  Minières  de  fonir  du  royaume 
quinze  jours  après  la  publication  de  l'Edit.  Cer 
pendant,  pour  les  encourager  à  abjurer  l'erreur^ 
le  Roi  faifoit  de  grands  avantages  à  ceux  d'en-r 
tr'eux  qui  fe  convertiroient  :  il  leur  promettoit 
l'exemption  des  tailles ,  &  une  penfion  plus  forto 
d'un  tiers  de  leurs  appointemens. 

Un  grand  nombre  de  Miniftres  ,  fédults  pae 
ces  offres  avantageufes ,  ou  convaincus  de  la  f juf- 
fêté  du  Calvinifme ,  fe  rendirent  à  la  vérité.  Les 
autres ,  au  nombre  de  £ix  cents  ,  quittèrent  la 
France  ,  emportant  dans  un  cœur  ulcéré  les  plus 
vifs  regrets    &  le  refientimetu  le  plus  durable, 

A  l'exemple  des  Pafteurs  ,  plufieurs  familles  de 
fïugueaots  cherchérçflt  un  afyle  daus  les  contrée^ 


45*  E   L   E    M   I   N    s 

OÙ  leur  Religion  ctolt  profefVce.  Ft  comme  tel 
tranfmigrjtions  qui  poavoienc  dcpeupler  la  Frjnce» 
svoient  di'jk  commence  avant  la  publicariaa  de 
l'Edic  revocatif,  on  détendit  aux  Proteflant  dan« 
un  article  particulier  ,  noa  -  feu'.emcnt  de  pafi'er 
dan*  les  pays  étrangers  ,  mais  m^me  de  tranf- 
porter  leurs  biens  &  leurs  eflfets  ,  feus  peine  tlci 
gzléres  pour  les  horrmes  ,  &  de  confifcation  de 
corps  &  de  biens   pour  les  femmes. 

Tel  fut  ce  fameux  Edif ,  que  Lou'.sXlJ^  fi?ot 
•vec  tant  de  joi.*,  &  don:  il  le  feroit  encore  plut 
fcîici'c,  fi  deux  cents  mille  de  tes  lujcts  n'avoienc 
emporte  chci  nos  voifins  les  manufaîlures  de 
France  &  prés  de  deux  cents  millions  d'argent 
coa<ptant.  La  ciu^^celier  le  Te.'/ler ,  à  qui  Ton 
grand  àfc  antronçoit  une  mort  prochaine  ,  s'écria  ^ 
après  avoir  fccUc  cette  Déclaration  :  A^cnc  <finrmi« 
ftrvum  tuum  ,  Domine  ,  quia  viéerunt  eeuli  mei /jlutart 
tuurn.  Ce  fut  en  effet  le  dernier  afbe  qu'il  ligna. 

Il  n'ctoit  pas  po^ible  qu'un  Editqui  devoit  pro- 
duire de  fi  grands  changemens  dans  la  Religion  • 
&  dans  la    fortune  même  du   vii  •  la  na- 

tion ,  s'crtcutiit    paiiiblcmenf.    1  d'un 

côté ,  l'enthoufiafme  de  l'antre,  caufoient  des  tranf- 
greflions  que  les  ma^inrats  ctoient  obligés  de  pu- 
nir (elon  la  fcvcriic  des  ordonnance».  Tous  les 
pafT.ij.e»  des  fronricres  furent  gardés  ,  8c  ceux  qui 
cherchoient  i  les  franchir,  punis  comme  coupa- 
bles. Malgré  ces  précautioru,un  grand  nonibre  do 
Cilvùuftci  c(hapfa  à  fc»  furrcillaiu ,  ^  fe  rrpiÉr: 


DE  l'HlSTOmE  ECCLESTA5TIQUF.  4Çj 
Oircnt  en  buiiTe ,  à  Genève  ,  en  Allcm-igne  ,  en 
Hollande  5c  en  Angleterre.  Oubliant  qu'ils  étoient 
Chrctuns  &  François  ,  pluHeurs  e;.hatcrent  les 
plaintes  les  plus  amcres  &  contre  l'Edit  de  rcvoca" 
tioji,  &  contre  le  Prince  qui  l'avoit  donné,  &  contre 
le  Clergé  qu'ils  foupçoanj.enc  de  l'avoir  foliicitc  , 
Si  enîia  contre  la  manière  don:  on  le  f^lbit-exc- 
cuter. 

Les  diclamitions  contre  la  France  furent  fi  vio- 
lentes, que  l'auteur  de  l'Avis  aux  RJ/uglct  ,  publié 
en  1690  ,  leur  confcilloit  que  s'ils  retournoient 
dans  leur  patrie  de  Taire  une  efpcce  de  quaran- 
taine. "  Le  mauvais  air  que  vous  avez  humé 
>i  dar.s  les  lieux  de  votre  cxil  ,  (  ajoutoit-il ,  )  vous 
s»  a  infe£lts  de  deux  n-.aladics  tout-a-fjit  odieu- 
9»  Ces.  L'une  eft  refptit  de  fatyre;  l'autre  un  écr- 
it tain  efprit  rcpubl.cain,  qui  ne  va  pas  a  moins 
n  qu'a  iiitrcdiirc  l'anarchie  dans  le  monde,  le 
tt  plus  grand  flcau  de  la  fociétc  civile.  » 

Cet  Avis  ne  corrigea  pcrfonne  ,  &  jamais  les 
preJïes  de  Hollande, li  Uconaes  en  libelles,  n'en 
produifirent  autant.  Le  miniAre  JurUu  fut  l'un  de 
ceux  qui  fe  fignalérent  le  plus  par  leur  fanatif» 
que  6c  leur  emportement.  Devenu  tout-â-couy 
IjB  rival  de  A'i///'r...-<jw.uj  ,  il  annonça  dans  fon  Ac- 
tompliffttnent  dci  Prophéties  ,  •«  que  la  décadence  du 
>»  Papifme  comn.enccrcit  vers  l'an  1690  ,  &  qu'en 
H  1710  ou  lyij.auplus  tard.àpoinc  rtitcroit- 
X  il  en  France  quelque  trace  de  l'ancienne  Re  i^ 
«  rIoo.  n  Mills  ce  qu'il  avoit  cru  voir  dait^  r.<i(- 


HS^  E  L  E  M  E  K  s 

ces    profanes    &:   a   des   intérêts   purement     hu- 
Où'uis. 

Qu'Ut'iJïcs  en  luUe  ô"  en  France  ;  leur 
conJ.imnMlon. 

On  vit  naitre   dans  ce  ficcle  une   erreur  non 
moins  dangcrcufe  que  les   dogmes  desVaudJÏi; 
c'eft  celle  du  Qu'tnfmc.  Son  auteur  fur  un  prctre 
Erpagnol ,  (  M:ch:l  Mo/inot  )  qji  s 'étant  rendu  re- 
comm^.nJable   dans  fa    pairie  5c  cnfuite  a   Rome 
par  une  pieté  tendre  &   une  cloqiience   douce  , 
fe  fit  un  grand  nombre  tic  difciple*  illaflres  dans 
l'un  &  r^uire  fexe.    Il  développi  fes    principes 
dans  fon  Guide  /pirituti  ,q\i'ï\  avoit  publié  en  ef- 
pagnol  en  1675  »  &  ^ui  fut  imprimé   en    italica 
en  16S1.  On  tira  de  cet    oi:vr.!g(?  ,  qui    renou. 
velloit  (  difjit  -  on  )  les  idées   extravagantes  des 
Bezfrds  &  des     Be^uirttî  ,  foixante  -  huit    pro- 
positions ,  qui  parutent   ouvrir  la  pone  au  liber- 
tinage. 

Le  fond;  de  ces  propofuions  ccoit  :  Que  l'état 
part4it  du  Chrétien  conlîlle  dans  le  repos  d'une 
oroe  ,  telicment  abfoibce  pjr  fon  union  i^ec 
Pieu,  qu'elle  n'a  aucune  volonté  ni  aucun  mou* 
vement  qui-lui  foit  propre*  C'eft  Dieu  qui  pro* 
dtiit  tout  en  elle  ,  &  elle  n'ed  plus  qu'«in  ^re 
palfif.  i'ar  cet  entier  abandon  à  l'inliacncc  di- 
vine «  le  Chrctico  parvient  «  aimer  Dieu  i.  un 
amour  pur  ,  c'cA-a-dirc  ,  exempt  de  toute  vue 
ii'imc;ct  patùculicr,  il    rc  pcru'c ,  ni  aux  rccoqi- 

pcnfQ 


DE  l'Histoire  EccLESiAsnQUfc    "^^ 

Ipenfes  ,  ni  aux  peines.  Il  n'cft   inquiet  ',    ni   de 
fon  ralur,nt  de   fa    damnition.  Il    envifage   ces 
objets  avec  une    parfaite    indifférence  ,    &   dans 
cet  état  il  oe  fçauroit  pécher.  Il  n'a  befoin  d'au* 
cun  culte    extérieur  ,  &:  a  quelque    vice    qu'il    fe 
livre  ,  rien  ne  doit  lui  être  imputé  dans  l'état  d'im- 
paflîbilifc  où  il  eft  arrivé. 

Ces  idées  dangereufes  furent  dénoncées  à  l'Iti» 
quiGtion.  Mollnos ,  malgré  la  proteftion  des  amis: 
les  plus  puilTans  &  la  bienveillance  dont  le  pape 
Innocent  XI  l'honoroit  ,  fut  condamné  eu  16S7  * 
une  pénitence  publique ,  à  la  rétradlation  de  Tes 
erreurs  ,  &  à  une  prifon  perpétuelle.  II  y  finie 
fa  triftç  carrière  en  1696,  martyr  des  plus  ab- 
furdes  rêveries  qui  aient  palTé  par  la  tête  des 
hommes. 

Le  Quiétifme  ne  mourut  point  avec  fon  au- 
teur. Il  eut  des  partifans  en  Italie  ,  en  Efpagne 
&  en  France.  Une  femme  qui  joignoit  aux  agrc- 
irens  de  la  beauté  un  grand  fonds  de  fentiment 
&  de  tendreffe  ,  Madame  Ae  la  Mothc-Guion  ^  fut 
une  des  apôtres  de  la  nouvelle  doctrine,  qu'elle 
modifia  pour  la  rendre  moins  odieufe.  Elle  pu- 
blia divers  Ouvrages,  pleins  d'idées  obfcures  & 
d'cxprefllons  alambiquces.  Elle  y  cnfeignoit  /'d- 
handon  parfait  qui  ejl  la  cUf  de  tout  /'intérieur ,  ne 
Ttftryant  rien  ,  ni  mort ,  ni  vie  ,  ni  fe'fiHion  ,  n- 
falut ,  ni  paradis  ,  ni   enfer. 

Dans  fon  Explication  de  Y Apocalypfe  ,  elle  fai- 

foit  la  proplictcffe  :  elle  prcdifolt   l'avenir  ,  el!c 

Tom,  11^  y       ^ 


45^  E  L  E   M  E  N  s 

tes    profanes   &;  à  des  intérêts  purement    hu- 
mains. 

Quléùjlcs  en  Italie  &  en  France  ;  Uur 

conidmnation. 

On  vit  naître    dans  ce"  ^iz\^  une    erreur  non 
moins   dangereufe  que  les    dogmes  des  Vaudjis  ; 
c'eft  celle  du  Qjrhifme.  Son  auteur  far  un  prêtre 
Erpagnol  ,  (  Mhhzl  Mo/inos  )  qji  s 'étant  rendu  re- 
comm'.ndable   dans  fa    patrie  &  enfuite  à  Rome 
par  une  piété  tendre  &   une  éloquence   douce  , 
fe  fit  un  grand  nombre  de  difciples  illaflres  dans 
î'un  &  l'autre  fexe.    Il  développa  fes    principes 
dans  fon  Guide  fpirhue/ ^  qn'W  avoit  publié  en  ef- 
pagnol  en  1675  »  ^  <î"'  f"^  imprimé   en    italiett 
en  1681.  On  tira  de  cet    ouvrage  ,  qui    renou- 
velîoit  (  difait  -  on  )  les  idées    extravagantes  des 
Bc^ards   &    des     Béguines  ,  foixante  -   huit    pro- 
pcrfuions ,  qui  parurent  ouvrir  la  porte  au  liber- 
tinage. 

Le  fondî  de  ces  propofitions  étoit  :  Que  l'état 
partait  du  Chrétien  conlîile  dans  le  repos  d'une 
ame  ,  tellement  abfoibée  par  fon  union  avec 
Dieu,  qu'elle  n'a  aucune  volonté  ni  aucun  mou* 
vement  qui-lui  foit  propre.  C'cft  Dieu  qui  pro- 
duit tout  en  elle  ,  &  elle  n'eil  plus  qu'un  être 
palfif.  Par  cet  entier  abandon  à  l'influence  di- 
vine ,  le  Chrétien  parvient  à  aimer  Dieu  d'un 
amour  pur  ,  c'eft-à- dire  ,  exempt  de  toute  vue 
jd'inté:ct  particulier,  il  ne  penfe ,  ni  aux  récoqi- 

pcnfQ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.-    "^^ 

|>enfes  ,  ni  aux  peines.  Il  n'eft  inquiet  ",  ni  de 
fon  ralut,ai  de  fa  damnation.  Il  envifage  ces 
objets  avec  une  parfaite  indifférence  ,  &  dans 
cet  état  il  ce  fçauroit  pécher.  Il  n'a  befoin  d'au- 
cun culte  extérieur  ,  êc  a  quelque  vice  qu'il  fe 
livre  ,  rien  ne  doit  lui  être  imputé  dans  l'étac  d'im- 
pafEbilité  où  il  eft  arrivé. 

Ces  idées  dangereufes  furent  dénoncées  à  l'In» 
quiiïtioii.  Molinos ,  malgré  la  protection  des  amis 
les  plus  puiffans  &  la  bienveillabce  dont  le  pape 
Innocent  XI  l'honorolt  ,  fut  condamné  en  16S7  k 
une  pénitence  publique ,  à  la  ré:ra£lation  de  fes 
erreurs  ,  8c  à  une  prifon  perpétuelle.  Il  y  finie 
fa  triftç  carrière  en  1696,  martyr  des  plus  ab- 
furdes  rêveries  qui  aient  pafTé  par  la  tête  des 
hommes. 

Le  Quiétifme  ne  mourut  point  avec  fon  au- 
teur. Il  eut  des  partifans  en  Italie  ,  en  Efpagne 
&  en  France.  Une  femme  qui  joignoit  aux  agré- 
mens  de  la  beauté  un  grand  fonds  de  fentimenc 
&  de  tendreffe  ,  Madame  ds  la  Mothe-Guion  ,  fut 
une  des  apôtres  de  la  nouvelle  doflrine,  qu'elle 
modifia  pour  la  rendre  moins  odieufe.  Elle  pu- 
blia divers  Ouvrages,  pleins  d'idées  obfcures  8c 
d'expreïïîons  alambiquces.  Elle  y  enfeignoit  Pw 
handon  parfait  qui  ejl  la  cUf  de  tout  l'intérieur ,  m 
réfervant  rien  ,  ni  mort  ,  ni  vie  ,  ni  pe'-ficlion  ,  n- 
/alut ,  ni  paradis  ,  ni   enfer. 

Dans  fon  Explication  de  \ Apocalypfe  ,  elle  fai- 
foit  la  prophéteffe  ;  elle  prcdifoit   l'avenir  ,  elle 
Jom,  11^  y 


H^  £  L   £  M   f   N    S 

rscootoit  des   vifions  ;  St.  quoiqu'on    IVit    juftU 
fiée   fur    l'article   dcj    mœurs  ,  il  y   a  quel»iaes-  , 
unes  de  ces  viûons,  (dit  le   P.  d'Jyrlgiti)  qu'oa 
ne  pourroic  rapporter    Utxs  falir  l'inu^ioatioa  11 
plus   pure. 

»  Comme  elle  fe  croyolt  favorirée  ,  (  ajoute 
le  même  auteur ,  )  ••  de  toutes  les  grâces  qui 
m  ont  A- for:  didinguc  Ste  Thuij'c  ,  elle  voulut 
H  bien  ,  à  l'exemple  de  cette  Sainte),  écrire  U 
M  Vu...  LJ  ,  nouvelles  révélations,  nouvelles  im» 
M  piétés ,  ou  plutôt  nouvelles  lulics.  Elle  dit  qu'elle 
H  voyolt  clair  dans  le  fond  des  âmes  ,  fur  lef- 
»  quelles  elle  reccvoit  une  au:ori:c  miraculeufe  , 
»  aufli-bicaque  furies  corps  ,  q.ic  Dieu  l'avoic 
•n  choifie  pour  détruire  la  raifon  humaine  8c  établir 
H  la  fdgede  divine  par  la  deAruftion  de  la  fagefle 
tt  du  monde.  Ce  que  je  lierai  ,  ajoutoit-elle  ,  J»fM 
M  lié:  Ci  oue  je  AèlUrai  ,  fu*  Jèîli!,  Je  fn'u  €tttt 
•I  pierre  fehe'e  psr  ld\C  «'*  fjiinie  ,  rtjctt/i  par  ie$ 
M  archlteHet.  Elle  étoit  venue  à  un  tel  point  de 
H  perfeûioo  ,  qu'elle  ne  pouvoir  plus  prier  Uf 
M  Saint»  ,  ni  miïme  ta  Su  Vierfê  ;  8c  la  raifoa 
n  de  cette  impuilTance ,  e'tjt  que  et  n'tjl  pat  i  t'E- 
(•  poufe  ,  mail  aux  domtjli^uti  de  prier  te$  autre i  de 
H  prier  pour  eut.  Comme  époufe  ,  elle  étoit  rem- 
M  plie  de  grâces  non-feulement  pour  elle,  nuif 
M  encore  pour  les  suirrs.  Elle  en  étoit  quelque»' 
M  fois  f>  pleine ,  que  (a  vie  étoit  eo  danger.  M 
M  falloit  promptement  la  délacer  8c  la  mettre  fur 
u  ua  lJt;eacorc  foo  corps  en  crevou-U  en  pîu« 


■DE  l'Histoire  Ecclesi astique.    a^9 

w  iîeurs  endroits...  Mais  le  remède  fouvcrain  ctoic 
»  de  s'affeoir  auprès  d'elle  en  filcnce.  Alors  de  ce 
«  réjervoir  divin  cù  les  enfans  de  la  fageffe  put- 
vt  /aient  incejfdmmtnt  ce  qu'il  leur  falluit ,  te  fai» 
»»  foit  un  dégorgement  de  g'^aas  ,  dont  chacua 
"  recevoir   félon  fo.T  de^ré   d'oraifon. 

i<  Ce  qu'il  y  a  de  furprenant  ,  c'eft  que  Ma* 
M  dame  Guion  eût  avance  tant  d'extravagances, 
»i  ayant  autant  d'efprit  qu'elle  en  avoit.  Car  tous 
»»  ceux  qui  l'ont  connue  avouent  qu'il  eA  difficile 
M  d'en  avoir  davantage  ,  &  que  perfonne  ne  par- 
n  loit  mieux  des  chofes  de  Dieu.  Ce  fut  par-li 
<•  qu'elle  furprit  l'eftime  des  plus  geos-de-bien  & 
i>  des    plus  éclairés,  n 

Ses  principes  de  myAicitc  étoient  trop  fufpeds 
&  avoienc  dcja  trop  de  partlfans,  pour  qu'ils 
n'excitaffent  pas  le  zcle  des  Lvêqucs  de  France. 
L'archevêque  de  Paris  (  Har/ai  )  ,  l'èvéque  de 
Châlons  (  N,.ail/es  )  ,  l'cvèque  de  Meaux  (  Bo/" 
Juii)  ,  condamnèrent  la  dodrine  de  Mjiame 
Cuion  ,  qui  fe  rctrùcla  avec  mode ftie  ,  &  lui  op- 
pcfétcni  en  1695  divers  articles  qui  conte- 
noicnt  la  vra^e  Fui  de  l'Eglif.:  fur  ces  matières 
délicates. 

La  nouvelle  Quiétifte  avoir  des  amis  illuAres, 
qui  avoient  etc  également  touches  des  charrres 
de  fon  efprit  &  de  la  pureté  de  fes  moeurs.  De 
ce  nombre  ctoit  Fén^lon  ,  archevêque  de  Cambrai. 
Il  compofa  un  ouvrage  ,  intitule  itt  Maximes  du 
iaints  ,  dans  lequel  il  crut  avoir  juAiiîé  en  pacr 

Vij 


1^6  E  L  E  >î   f    N    S 

tié  la  doflrlne  de  Ton  amie ,  &  établi  celle  <ie« 
tbcoloo-cns  fur  la  myilicit.-.  Bojfuei  y  vit  des 
erreurs ,  &  l'^ifT^irc  l'ut  ponce  à  Rome.  Il  s'éleva 
uoe  vive  difpt^tc  entre  ce  prélat  &  Fèatton  ;  m:ii» 
elle  l'ut  termir..c  par  le  jjtjeraeni  à'înnvctnt  XII, 
qui  condamna,  en  169:),  le  livre  de  l'archevê- 
que de  Cambrai  avec  lei.  XXIII  propolîtioas 
qu'on  en  avoic  extraites.  (  *  ) 

(•  )  Les  principales  font  le»  finrantes.   »•  I!  jr  « 

f  dit  M.  de  Ccnhray  1  «  \>'\  état  iuSitucI  d'amour  d« 
•«  Dieu,  qui  cX  un.-  churid  pure  8t  faas  aiicai.  mè- 
•«  lange  de  motif  de  rint«^rct  propre...»  Ni  la  crainte 
»»  des  chitiinciis  ,  ni  le  ciefir  des  rifciurpenfci,  n'ont 
M  plus  de  part  à  cet  amour.  On  n".iiire  plus  Dieu, 
»%  ni  pour  le  mérite  ,  ni  p  >ur  la  p!?rfc<nion ,  ni  pour 
»»  le  honneur  qu'on  doit  trou>fer  en  l'aimant.  Eo 
•t  l'état  d*  vie  contemplative  ou  unitive  ,  on  perd 
•t  tout  motif  intéreflé  de  crainte  8t  d'cf;  érance. 
*t  D.i.ns  Us  dcrni-res  épreuves  l'amc  peut  ttre  in» 
•1  vinrihlcment  perfujf'ce  d'une  perûuTrioii  rc^fléchie, 
>.  &  qui  r.'o.l  pas  d^iii  le  fond  itulmc  (v?  la  conf* 
>i  cicncc ,  qu'elle  eil  jutlem-nt  répro.ivée  de  Dieu. 
jt  (^  cft  ..'.ors  qae  l'jmc  diviiée  d'avec  cllemcmcex- 
••  pire  fur  la  Croix  avec  J.  C.  en  c'ifant  :  O  Dieu, 
»•  mon  Dku^  pyur^fuol  m'4\c^-vnus  ahjniunni  ?  iy»n% 
r>  f^nc  imoreffinu  involontaire  c^c  Héûlpoir  ,  elle  fait 
n  V  •   '■'    :  "t  pro;>re  pour  l'éter- 

M  ■  ^  (ont   privées  de  la 

H     \  ,   . -  '   >•  •'■'      '.   '"      '"     ''«•■•T 

M  S prr 

H   :  I -ur    CO!i'. 

I,  viicJ.t..  l'  ,.,0- 

tf   :                                 Jlfif....  on  ver» 

...                                         -  ^  __^ 

>.  >iat 

(•I  .   mhle 

M  '«  •  ^(  que  l'on  n« 

»,  '  1 '<•/'(  pitii  ar'.f^/  J 

rc   1...   .  •    1  •  » ,  que   I'. 

••  veut  ]>  .  t  'lu  :nt  l'am 


DE  L'Hl^TOIPE  ECCLEs/aSTIQUF.  ^é^ 
Fér.tlon  fe  fournit  à  la  dccifîon  du  falnt  •  fîcge 
avec  une  fimplicite  ,  qui  piouvcU  cgalemcnt  U 
pureté  de  fcs  intentions  &  J'clévation  de  (en. 
ame.  Quelques  liuloriens  prévenue  ont  tâché  de 
répandre  des  foupçors  fur  cette  (bumilTiOTi  fi 
magnanime.  ««  Les  perfonnes  vraiment  défincé- 
«  reffées  (  dit  M.  l'Abbé  Radnc  )  ne  furent  pas 
H  fort  édifices  du  Mandement  que  M.  de  FcntLn 
>♦  publia  en  crtte  occafion.  On  croyolt  qu'il  ne 
i>  fongeroi:  plus  qu'à  réparer  le  (can'ldle  qu'il  avoit 
n  Cdulé  à  l'Eglue  ,  par  une  rétrjtlation  publique 
»  de  (es  erreurs  ;  mais  on  n'y  trouva  rien  d'a|>" 
>»  prochant  :  tout  y  paroiffoit  fec  &  plein  de  pa- 
»>  i\)Ies  vagues,  qui  pcHivolent  n'exprimer  qu'une 
n  foumiflion  extérieure  &  forcée.  Un  homme  , 
y,  difoii-on  ,  qui  eft  forcé  de  fe  foumettre  ,  ne 
n  voyant  plus  aucun  moyen  d'échapper  ,  dira 
»  fans  peine  tout  ce  qui  eA  contenu  dans  ce 
n  MùnJement.  On  n'y  voit  rien  qui  marque  ua 
n  finccrc  repentir.  Il  adhère  au  Bref  du  Pape  par 
n  déférence  ou  par  nccelGté  ,  &  non  pas  par 
n  perfuafion  ou  par  conviiflion.  Il  fe  (oumet  aa 
n  jugement  du  Pape  ,  comme  il  fe  foumettoit  aux 
»»  articles  d'IlTy.  C'eft  un  homme  qui  croit  qu'oa 
n  lui  a  fait  une  iniuflice  qu'il  n'eft  pas    en    état 

>t  ment  en  tant  qu'il  eft  ce  que  Dieu  veut  de  nous 
yr  Les  âmes  transformées  ,  en  fe  confelfant,  doivent 
>»  (létcfter  leurs  fautes ,  fe  coiul.imner  a  (lellrcr  la  r^ 
»♦  miiri  jn  de  leurs  péehJs ,  non  co-nntc  Uur  prcprê 
H  piirifcjtion  6"  dîUvrancc  ,  mais  comn.e  chole  «;ui 
>•  Dieu  veut.  >» 

Viij 


4^^  E   L   E   M   E   N    s 

M  de  repoufler ,  &  qui  prend  réfolution  de  por- 
n  ter  fa  croix  co  f»!ence.  »  Voila  ce  que  dit  un 
Hiliorieii  prévenu  :  mais  Its  bons  el'prits  ,  \et 
coeurs  fenfiblcs  furent  pénétres  de  cette  docilité, 
fi  rare  dans  un  homme  de  gcnie. 

Il  ne  chercha  point  à  éluder  la  coadamnation 
par  des  chicanes  ;  il  ne  dit  point  'qu'elle  étoit 
l'cuvrage  de  1  intrigue,  ainfi  que  s'eft  fouvcnt  ex- 
primée Terreur  anathcmatifée  &  confondue.  //» 
rtlon  t'avoua  coupable  dès  qu'il  fut  condamné  ; 
Se  il  parut  à  quelc^uei  égards  plus  grand  dans  ft 
4éfaite ,  qu'il  ne  l'auroit  été  l'il  eût  triomphe* 
Pour  donner  à  fon  diocefe  un  monument  de  f» 
déférence  au  faint.fiége  ,  il  fit-faire  pourrexpofi* 
tlon  du  St-Sacremeni  ,  un  ScUu  porté  par  deux 
Anges  ,  dont  l'un  fouloit  aux  pieds  divers  Li« 
vres  litretique»  ,  fur  l'un  def..;^els  cioit  le  titre 
du  fien. 

Auflî  Innoein:  XII  ,  qui  connoiiVoit  fa  fenf>bi» 
lité  ,  fa  douceur  fie  fa  docilité,  H.ioit  en  le  com* 
parant  à  quelqiies>uns  de  fes  adrerfairei  ,  que  A 
Ftm/on  avjii  pahé  par  un  t»tii  i'ëmour  divin  , 
iiet  ennemis   aroicm  p4thi  par   iif^t    J'émour    in 

D'iverfcs  trrturj  ;  d<t  Quakers. 

On  ne  trouva  pas  la  mcme  docilité  dant  lei 
Bcrctiques  qui  naquitcnt  ,  vers  le  irilieu  de  ce 
fiéde  ,  en  Angleterre  ,  le  berceau  de  quelques 
écrites    (c    d'un    plus    grand   nombre  d'erreurs. 


î^p""  l'HiRtOîre  Eccxe*;iastique.  4Cy 
Cette  noûvel^e  (eue  d'emhoufiaftes  connus  fous 
le  nom  de  Q^i:ùkers  ou  Tremlleurr  ,  parce  que  duni 
leurs  exercices  publics  ils  étoient  agités  de  treia» 
blemens  par  tout  le  corps ,  dut  fort  origine  à  un 
Cordonnier  fanatique  nomme  George  Fox.  Cet  in. 
fcnfé ,  âgé  feulement  de  vingt-trois  ans  ,  quitta 
la  boutique  de  fon  perô  pour  parcourir  les  pro» 
rinces  d'Angleterre,  prêcîiant  fon  gallmathias  fur 
1.1  Imnicre  intérieure  ,  exhortant  à  la  vertu  h 
eu  donnant  IVxemple, 

Fox  étoît  pcrfuadé  ;  il  perfuada.  Il  eut  bientôt 
un  grand  nombre  de  difciples,  qui  croyoient  imi- 
ter les  premiers  Chrétiens.  Ils  recevoient  ce  qu'il» 
appelloient  l'E/pric  ,  8c  Je  premier  qui  l'avoit 
reçu,  fok  homme,  foie  femme,  prôchoit  les  au- 
tres. Ils  ne  voulurent  ri  Temples,  ni  Autels  ,  ni 
ornemcns  ,  ni  cércmonies.  Se  faifant  un  devoir 
précieux  de  la  chirité  ,  i!s  avoient  une  bourf» 
commune  pour    fccourir  les  pauvres. 

Leur  enthoufiafme  s'ochiuffant  à  racfure  que 
leur  nombre  augmenroit ,  ils  oférent ,  dans  la  ré- 
volution qui  coùra  la  tcte  à  Charles  /,  interrom- 
pre l'exercice  du  culte  divin  ,  6c  attaquer  avec 
-fureur  Ceux  qui  le  célébroienr.  Cromwel  réprima 
leur  fanatifme  par  des  clvirimens  exemplaires. 
Leur  carnficre  s'adoucir  ,  ôc  quelques  gens-d'cf- 
jrit  ,  tels  que  Robert  Bardai  fic  Guittaume  Penn  , 
ayant  embraflTé  leur  fefle ,  donnèrent  une  appi- 
rence  de  raifon  à  leur  théologie  8c  une  forme  » 

leur  dlfcipline  ecclcûaftique. 

Vif 


Feu»  ,  homme  ardent  &  fingulier  ,  avoîc  fo»' 
■tts  à  la  dominatioo  Angloife  une  province  de 
rAmérique  Septentrionale.  Il  alla  s'y  ctablir  avec 
cinq  cents  de  fes  Sectaires  ,  &  donna  a  ce  pays 
iufqu'alors  fauvage  ,  &  aujourd'hui  trcs-florilTanr  , 
]e  nom  de  Pcnfilyjnie.  Le  refus  que  les  Quakers 
d'Angleterre  fai/oient  de  prêter  fcrraent  en  juf- 
tice,  refus  dans  lequel  ils  ont  perfcvcrc  ,  leur 
Bttiroit  de  tems  en  tenu  quelques,  perfccutions^» 
qui  fervirent  beaucoup  à  augmenter  la  Colonie 
ée  l'Amérique.  Enfin  Charles  11  fçachant  que  , 
maigre  leurs  erreurs  &  leur  fanatifmc  ,  ils  ctoienc 
frugaux, modef^es  ,  juAes  &  charitables,  leslaiflj 
vivre  comme  ils  voulurcat.  Jacques  11  leur  fut  fa> 
.vorable ,  it  OuiJaumc  ill  leur  accorda  la  liberté 
de  fuivre  leur  religion  telle  (qu'ils  l'avoient  pra* 
tiquée  d'abord.  La  populace  AngloiCe  qui  les  ivoifc 
long  -  tems  infaltcs  ,  comme  des  infebrct  qui 
Touloicnt  fc  di>(  n^uer  des  autres  hummei,atiai 
par  aimer  leurs  ma:ur$  Jouces  ,  ût  ^ar  rci'itcâftf 
leur  conduite  exade  <Sc  fcvcre. 

D<s   Socirùens  &  des  D:'pet, 

Les  liorirurt  dune  te  tanatirme  s'ctoif  fouillé 
tn  An^'ctcirc,  les  prestes  qu'^vuieni  fjiti  lanr 
et  nouvr  es  erreur»,  la  manière  dont  cet  et* 
ceuri  s'cioieot  accrcdiiéet  maigre  leur  abfurdité 
Cl  le  ridicule  de  ceux  qui  les  prèchoient ,  firent 
iioe  imprcHion  funrftei  fur  quelque»  cfpritt  ce- 
Viciufcs.    JLcs    unt    »'ima]jla(.rcat    que  cet  uot; 


DE  l'Histoip.e  Ecclésiastique.    46^ 

Vers  étolt  le  jouet  d'une  deftinie  aveugle.  D'au* 
très  crurent  qu'on  avoit  cmpoifonnc  les  fources 
du  Chriftianifme  ,  &  voulurent  ramener  tout  à 
l'origine  primitive.  On  vit  dès-lors  fe  former  c« 
torrent  d'implctcs  ,  qui ,  dans  ce  fitcle,  a  inonde 
l'Europe  ,  &  qui  grolVit  tous  les  jours  ,  maître 
les  digues  que  l'éloquence  ,  le  fi^avoit  ôc  le  zcle 
lui  ont  oppofées. 

Les  Unitaires  OU  Soc'nîtns  continuèrent  d'atta» 
qucr  le  dogme  de  la  Trinité  ,  &  ils  entraînèrent 
dans  leur  parti  des  Ecrivains  diftingucs  qui  par- 
lèrent ouvertement  pour  eux.  On  vit  en  Angle- 
terre des  Dodeurs  qui  n'avoient  pas  craint  de 
pLider  dans^  des  ouvrages  fçavans  en  faveur  de 
l'Arianifme  ,  vivre  tranquillement  dans  la  com- 
munion de  l'Eglife  Anglicane ,  &  s'clever  aux  pre» 
micres  dignités  de  cette   Eglife. 

5/?/;;(yj  ,  Juif  Hollimlois,  converti  eu  ChriQIa- 
nifme  ,  m.iis  qui  n'avoir  aucune  Religion ,  fe  dé- 
clara l'Apôtre  de  l'Athcifine  dans  un  livre  qui 
fut  heurcufcment  plus  fameux  que  lu.  Son  l'yllê- 
rae  eft  d'autant  plus  extraordinaiie,  q'i'il  ne  pi- 
loit  pas  qu'aucun  Athée  ait  penfc  comme  lui. 
Selon  ce  viConnuire  ,U  n'y  a  qu'une  feule  fub- 
Aance  éternelle  &  indivifibie  »  qu'il  appelle  Dir.u. 
Tous  les  Êtres  ,  que  nous  croyons  bien  diffcren»- 
les  uns  des  aiures,  ne  font  que  cet:e  fuLflance 
éternelle  &  indivifible  ,  modii'ie  en  autant  de  fa« 
cens  différentes  ,  qu'il  y  a  d'Êtres  divers  en  ap- 
parence.   Ainâ    fon  DiEUcfl  en    mcinc-ceoi»' 

Vv 


efprit  &  raariére,  homme  &  bète  ,  bon  Se  fhauviîs  / 

jufte  &  impie  ,  froid  &  chaud ,  &c De  forte 

que, pour  parler  juAe  dans  ce  fyAime  bizarre, 
îi  ne  faut  pas  dire  :  Le  Soleil  échauffe  la  terre  ; 
la  Mer  porte  les  VaiiTeaux  -,  Brutut  »  poignarde 
Ci/dr  ,  &c.  mais  il  faut  dire  :  Diéu  moUjU  tH  fo- 
l<\t  tchtujfc  Ditu  moJ:f.i  <n  terrt  :  Diea  modijit  tu 
mtr  'pont  Ditu  mjéif.i  «a  vûijft*un  :  D'ttu  moi'tJU 
en  Brutus  a  poignardé  Ditu  motlifitn  Céfar  ,  &C.... 
Expofer  fimplement  ce  fyftime  avec  fcï  confc- 
q-jcnccï  ,  n'cft-cc  pis  le  réfuter  ?  Spiwfaemployl 
cependant  toute  la  fubtilité  de  fon  efprit  pour 
facctéditer  -,  mais  comme  fon  ftyle  avoit  peu  d'a- 
grcmcns  ,  &  qu'U  ccrivoit  en  latin  ,  il  fît  beaucoup 
moins  de  mal  que  le  fcepiique  B.ty.'t  ,  l'un  des 
ireillcurs  Ecrivains  François  qu'ait  poflëdés  la  Hol* 
lande. 

Ce  ccicbre  Pyrrhonien  ,  ne  en  Lingucdoc,  8c  re- 
tiré en   Hollande   peu  de  tems  avant  la  révoca* 
tion  de  l'Edit  de  Nantes  ,n'ctoitpas  plut  attaché 
à   Cahin  qvi^yi  Pape.   Quoiqu'il  pjtût  extérieure- 
ment uni  aux   ProtcAant  par  les  liens  d'une  mê- 
me croyance  ,  il  agit   p!u«  d'une  fois  pour  retour- 
TitT  en  France.  ••  Il  ne   dcmandoit  (  dit   le  Père 
6' A  r. gni)  f^miC    la  pcrmifTion    de  faire   le  J,urr.*i 
»  du  SfjréUi ,  &   la    liberté    de    demeurer    dans 
•*  k  royaume  un  an  avant  que  de    faire  abjura- 
Ni.us  il    ne  vouioit  pas  que    M.   l'Evique 
.  .lux  fit   irophcc   de  fa  converfion  ,  &  1c 
p  m*t»t/Ji  (onuai    l'otÊfj  :  c'cA   ce  qu'il  éccivit  a 


»E  l'Histolbe  Ecclésiastique.    4^7 

i*  quelqu'un    de  fes   amis.    »  Cette  négociation , 

^l'ayant  pas  réiirti  alors  ,  (  cctoit  vers  l'an  169&) 
>1  continua  de  demeurer  à  Rotterdam  ,  où  ilccri- 
•vit  avec  une  licence  qu'on  trouva  trop-forte  ea 
•Hollande  même.  En  confervaut  le  langage  d'un 
homme  qui  n'a  pas  abandonné  le  Chrillianifme, 
liayU  lui  tait  des  plaies  d'autant  plus  fanglantes  , 
i]u'il  cache  .la  main  dont  il  dccoche  fes  traies.  Ses 
Pen/écs  fur  la  Ctmite ,  fon  Traité  dt  ta.  Toiînu- 
*e ,  &  fur-toi:t  fon  cworme  DiHiunnaire  ,  fonzli 
grande  fource  ou  quelques  fopiiiAes  modernes, 
plagiaires  peu  délicats  &  compilateurs  infatiga- 
•bles  ,  ont  puife  leur  morale  Se  leur  théologie.  Oa 
n'a  jamais  f.iit  un  plus  grand  abus  de  fon  génie 
■8c  de  fes  lumières  pour  étendre  le  doute  à  tout, 
&  pour  ohfcurcir  les  pùac'ipes  les  plus  clairs  Se 
les  plus  cvidens  ;  ne  recourant  à  la  Foi  que 
pour  dégrader  la  raifon  .  &  n'employant  la  rai- 
fon  que  pour  combattn:  la  Foi.  On  auroit  dii 
iiiticdler  ce  Difiioonaire  :  Lt  Steptic'fmt  tnftignc 
par  ordrt  a/pfijbctijue.  Il  mourut  a  Rotterdam  en 
>'7c6, après  .nvoir  vécu  en  homme  dégagé  del'am* 
biiton  des  honneurs  &  des  ri.hefTcs,  mais  non 
-de  celle  d'occuper  le  nubîic  de  fes  talcr.s  &  de 
fes  écrits. 

Réforme   de  la   Trappe, 

Si  ce  nouveau  genre  de   maux  ffflgfa  l'Fglire, 

elle  éprouva  des  confolations  qui  adoucirent  fes 

peines.  Ce  ficcle  vit  rcnouvellcr  les  vertus   des 

anciens  Solitaires  dt  l'Egypré.  /mi  le  Boutkiilit 

\  vj 


46S  E  L  E  M  E  V  s 

de  Ranci  ,  après  avoir  livre  fa  jcuncfTc  aux  égî^ 
rcmens  du  ficelé  .  fut  ramené  a  DiEi:  par  la  mort 
d'une  dame  avec  laquelle  il  avoir  été  très  -  \\c, 
Ayant  connu  le  néant  de  l'ambition  fie  des  plar- 
firs  .il  alla  s'enfévelir  dant  la  folitudc  de  la  Trap* 
pe  ,  dont  il  <^oit  Abbé  i  il  y  établit  la  réforme  la 
plus  auftére,  8t  fît-obfcrver  dans  cette  nouvelle 
Thébaide  la  règle  de  S.  Benoit  dans  fa  pureté 
primitive.  Il  y  jouit  des  hommages  que  l'admi-- 
ration  des  hommes  doit  à  la  vertu.  Les  agré> 
mens  de  fon  efprit  fe  confervérent  en  lui  dani 
un  corps  très-roortiiié.  Jacques  II ,  roi  d'Angleter- 
re ,  à  qui  fon  zèle  pour  la  Religion  avoit  fait^ 
perdre  fon  royaume, la  Reine  fon  cpoufe  ,  Afow^ 
sitVR  frerc  du  Roi  ,  des  Princes  ,  des  grands* 
Seigneurs  alloient  fouvçnt  s'cditier  dans  (3  re- 
traite ,  confacrce  à  un  filence  éternel.  Le  norrv 
bre  de  fes  difciples  fut  confidcrable ,  &  Tondit 
de  lui  ce  qu'on  avoit  dit  de  S.  FroMçois  :  Efur'm 
éocet,&  difcipuLs  invcnit.  Ce»  illuflre  reformateur 
termina  fa  carrière  avec  le  fiécle  -,  il  mourut  le 
ao  d'Odobre  1700,  âgé  d'environ  75  ans  ,  laif- 
fant  plufieurs  Ouvrages  de  fpiritualicé  ,  dont  la 
plupart  roulent  fur  les  devoir»  de  la  vie  monaf* 
tique. 

Le  travail  de«  maint  ctoit  le  feul  auquel  il  vou- 
lut appliquer  les  Religieux  ,  quoique  fa  com> 
plexion  délicate  ,  qui  lui  interdifoit  ce  travail  à 
lui-mcme ,(  félon  l'Abbé  de  Chotfi  ,  )  evii  dû  lui 
ûirC'Ceaiir   que    pliiûe'^&    Ccaobicet    n'ctoitm 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    4<<'^ 

pas  plus  robufles  que  lui.  A/ai.V^u  ,  fàchc  qu'oa 
voulut  leur  interdire  l'étude,  dont  il  avoit  fait 
un  û  bon  ufage  ,  réfuta  le  Réformateur  de  la 
Trappe  avec  autant  de  force  que  de  politelTe. 
L'Abbé  de  Rance  avoua  ,  pour  ainfi  dire, fa  dé- 
faite en  continuant  d'ectire  ,  d'éxudier  &  d'entro 
tenir  des  correfpondances  avec  des  f^avans  6c 
d'autres  perfonnes  illuftres.  Ses  confeiis  en  ra- 
menèrent plufieurs  a  une  vie  plus  régulière. 

Le  foin  de  leur  falut  eu.  l'objet  de  plulîeurs 
de  fes  Lettres  fpirituelles  ,  écrites  ,  comme  fes  au- 
tres Ouvrages  ,  avec  élégance  ,  mais  avec  peu  de 
profondeur.  •■>■  Perfonne  ,  {  dit  le  P.  à'Àyri^ni ,  ) 
M  n'exprime  plus  noblement  une  penfce ,  &  ne  hi 
M  tourne  en  plus  de  manières  diftcrentes  ;  mais  il 
M  ne  penfe  pas  toujours  comme  il  s'exprima, 
y>  Content ,  ce  femble  ,  de  bien  parler  ,  il  ne  mc- 
n  dite  pas  affez  les  chofes  ,  &  ne  fait  fouvent 
M  qu'effleurer  les  matières.  «  S'il  fut  ,  comme  S. 
Bernard  ,  le  guide  de  beaucoup  de  perfonnes  de 
la  première  qualité  ,  qui  penfoicnt  à  entrer  dans 
les  voies  de  la  piété  ou  a  s'y  fortifier  ,  il  n'eut 
pas  comme  luicertyle  affcflueux  qui  vaaucjLur, 
&  qui  le  touche  &  le  pénètre. 

La  lef  rme  que  le  nouveau  Btrnard  avoit  intro- 
duite à  la  Trappe  fut  aufll  établie  dans  ledernier  fic- 
elé i  Sept'Fondi  ^iàzMX  lieues  de  Bo  urbon-Lan- 
ci  i  &  dans  celui-ci,  clîeJ'a  été  au  Val-dcs-Choux  ^ 
dans  le  diocèfe  de  Langres  -,  ces  trois  maifoni 
font  le  tableau  de  la  vie  la  plus  péniteate  &  M 
plus  mortiÂic*. 


Sfyo  F.  L  E  Nt  E  N  <; 

Aouwjux  Ordres  ReUgutdx. 

LViprit  de  relJHrhçment  s'croii  glifTc  noo-i'cu- 
Jement  djnt  le<  cloîtres  ;  i'ccat  ccclci'idrii'jue  n'en 
«voit  pas  été  exempt,  four  ranimer  dans  le  Clergé 
)b  piiité  &  les  lumières  ,  Pierre  de  Berulle  ,  qu'£/r- 
h,iin  K/// honora  depuis  de  la  pourpre  Romaine, 
fonda  en  i6ii  la  congrcgatian  des  Prctres  de 
l'Oratoire  de  France.  Atlonné  dès  fa  jeuneiTe  « 
.rctude  des  fciences  eccïciinliques  ,  &  à  la  pra> 
tique  des  vertus  ,  i!  f  >rind  des  dilciplcs  dignes 
de  lui.  Deux  ans  nprus  ù  prantotion  aa  cardi- 
nalat ,  il  mourut,  à^é  do  ^6  iiaa  ,  en  diCaat  la 
Meffe.  N'ayant  pu  acl>ever  le  ûinncs  comine 
Prêtre  ,  il  l'acheva  comme  vi:'^.rr,e.  C'eft  ce  qui 
donna  lieu  à  ce  diAiquc  : 

C-xptJ  j'ub  extremis  ,  ii  4  ftttrdoi 

Pt'jictre    mt  fùifcm  >  .:>nn. 

Sa  cungregatioQ  fut  dans  lei  iiccle  dernier  un« 
pcpinicre  d'hcntimes-de-lcttt«s  du  premier  ordre  , 
de  Prêtres  vertueux,  de  penies  cclâ.tcs  ,  fie  qui 
produit  encore  àa  hommes tle  mérite, parce  que 
Jes  exercices  ctafliquec  y  forcent  au  travail. 

Comme  i!s  ne  ftmt  point  de<  vœux,  chaque 
•^rtKulier  ne  ticot  au  corps  qt'e  par  des  iieas 
qu'il  e(l  rnuiours  tnaicre  de  rompre.  5i  ctne  !»• 
berfé  afFoiblit  a  certains  égards  U  congrcfatioa, 
.(•dit  le  P.  é'/tvri'vi ,)  clic  la  Sourient  tie  l'.iutre 
m  «n  lui  procurant  an  h>|éts  ,  qui  cherchent  un 
%r  tfyle  b^oorAble ,  où  la  vtriu  peu  fc  feut«mr 


DE  l'HiStoirï  Eccleçià«;tique.   47 ^ 

♦>  fans  courir  les  rUqiies  d'une  dcp^ndanceéier* 
M  nclle  ,  toujours  fort  a  charg;  à  la  nature.  »  Le 
fupérieur  n'eft  que  le  premier  parmi  fes  c^aux  : 
c'eft  ce  qui  fit -dire  à  un  Magiftrat  célèbre',  dans 
un  plaidoyer,  <«  que  l'Oratoire  dl  un  corps  où 
«>  tout  le  monde  obéit  ,  &  perfonne  ne  coin* 
»»  mmde.  w 

Ce  fut  encore  pour  accroître  les  fruits  du  faint 
iriniftére ,  que  Cc'ar  de  Bus  ,  prêtre  du  Ccmtat 
Tcnainîn  ,  &  St  Vinccnr  de  Paul ,'  fonderont,  l'un 
les  Doclrinains  ,  &  l'jurre  les  Laiarijles  ou  Prê- 
tres de  la  MiiTion  :  deux  congrégation*  ,  où  les 
membres  n'étant  lies  que  par  des  votux  <împ!es , 
connoiffent  peu  le  repentir. 

M.  Oifier ,  curé  ae  St-Sulpice,&  fupînenrda 
Séminaire  de  ce  nom ,  &  M.  Eudes  ,  donnèrent 
naiiTance  à  deux  autres  fociétésde  ce  g^nre  ,  o.i 
l'on  ne  fait  pas  même  des  voeux  fimplcs.  EUcs 
ont'étc  utiles  au  Cierge  ,  dont  elles  ont  inrmc  les 
mœurs^ 

S.  François  de  SaUs ,  évèque  de  Oencve,mort 
à  Lyon  en  i6i2  ,  prélat  trcs-rtcommandable  par 
fa  douceur,  fa  chariré  ,  &  par  la  converiîon  de 
près  de  So.ooo  hérctiquci  ,  fut  le  père  des  Rc/i- 
giti'fit  it  Ia  Vlfuat'ion  ;  il  fut  fécondé  dans  ce 
de/Tcin  par  Madame  de  Chante! ,  que  d  piété  ren- 
dre &  fervente  a  fait-mettre  dans  le  catalogue  des 
Saints.  Pour  honorer  la  vifite  eue  la  Sit  Vierge 
f.t  à  fa  confine  Ste  £//yj/«rA  ,  ces  Religieufes  vi- 
iitoicnt  d'abord  les  pauvres  8c  les  malades  ;  «ai« 


47Î  E  L  E  M  E  y  s 

s.  François  les  ayant  enfuite  cloltrces  ,  voulut  (Td 
moins  que  leurs  maifons  fuflent  rafyle  de  l'inlîr- 
mité  ,  &  que  le  défaut  de  fanté  ne  fut  pas  ua 
fujet  d'exclulîon  comine   d^ns    tant  de  couvens. 

L'un  des  ob)ett  des  Filts  de  S.  Françuit  d* 
Sales  ,  croit  l'éducation  des  perronncs  du  fexe. 
Ce  fut  auffi  celui  des  ReHi^nuftt  de  NutrfDime  , 
fondées  par  Madame  de  Lcjî^nac  ,  jeune  veuve  de 
Bordeaux ,  qui  avoit  tout  ce  qu'il  faut  pour  l'ou» 
tenir  le  titre  de  fondatrice  :  des  biens  confidcra* 
bics  ,  un  grand  nom  ,  de  la  pictc  ,  de  la  fermeté 
&  de  la  fagefTe.  Dans  Ton  inAttut ,  approuve  par 
le  pape  P^lI  T  en  i6;7  ,  on  joint  l'office  do 
Marthe  à  celui  de  MadeUne,  6c  le  zcle  du  fdluC  du 
prochain  à  celui  de  fa  propre  pcrfedion. 

£n  1611  Paul  F"  confirma  un  inAitut  à-pei^ 
près  fcinjlable.  Nous  voulons  parler  des  Ur/Jinet^ 
ainti  jppellées  ,  parce  que  Ste  A/tçi.'e  ,  qui  les  avoLc 
fondées  en  i6}7  à  Brelle ,  les  mit  fous  li  protcc* 
tion  de  Sce  UrfuU.  Ce  ne  fut  qu'en  1604  qu'cl» 
tes  s'ctablirent  à  Paris  ,  par  les  foins  d'uni:  pieut'e 
veuve,  Marie  l'tJuiJiitr  ,  dame  refpcvice  à  la  vil- 
le ,  honorée  à  la  Cour^Sc,  de  la  capitale  ,  elles 
Ce  répandirent  dans  toutes  les  provinces.  Le  ca.- 
radtcre  de  cet  Ordre  ,  proportionne  aux  fortes  je 
aux  foibles  ,  aux  faines  âc  aux  ii^firmes  ,  l'a  multi» 
plié  pour  ravao:age  da  public.  Les  l'-fuliau  (k 
chargent  de  l'éducation  des  jeunes  fillci  ,  &  elle» 
ont  fait-goùtcr  jufqu'au  CaoaJd  lu  (ruui  de  leur 
ic'tt  fie  de  leur  chajit«i» 


©E  l'Histoire  Ecclésiastique.    47-/ 

iLe  foulagement  des  pauvres  ic  des  malades 
étoit  bien  digne  de  l'attention  des  grandes  ame$v 
c'eft  ce  que  Madame  le  Gras  eut  en  vue  ,  en  éta- 
bliffant  la  Communauté  des  Filles  de  la  Charité, 
lefquelles  uniffant  l'aâion  à  la  prière  ficrifient 
leur  jeuneffe ,  &  fouvent  la  beauté  &  la  nailTan- 
ce  ,  aux  befoins  de  l'humanité  fouffrante ,  5c  veil- 
lent avec  une  ardeur  égale  fur  la  fanté  du  corps 
&  fur  le  falut  de  l'ame. 

A  ces  Inftituts  nouveaux,  il  faut  joindre  les  ré- 
formes des  Ordres  anciens.  Dom  de  la  Ci^ur  for» 
ma  la  congrégation  des  BénédiElins  de  S.  Maur  Sc 
celle  Ai  S.  Vannes  &  de  S.  Hy.iulphc  ,  l'une  Ôc  l'au- 
tre fccundes  en  fçavans  ,  dont  les  ouvrages  ont 
enrichi  nos  bibliothèques.  Il  ed  ne  dans  cesdeuji 
corps  quelques  difputes  ,  que  la  ("a^elïe  du  gou- 
vernement a  éceinres ,  parce  qu'au  milieu  des  mur- 
mures &  des  cabales  ,  l'efprit  primitif  deretraitt 
&  d'amour  pour  l'étude  n'auroit  pu  fubfifter. 

Le  cardinal  de  la  R.'chef^ucaule ,  d'une  famille 
qui  ne  le  cède  qu'à  celle  des  l'rinccs,  d'une  vertu 
digne  des  premiers  fie  cl  ci ,  travailla  auHî  à  réfor- 
mer les  Ordres  monailiques  ,  8c  en  particulier 
ceux  de  i».  Auguftm  Sc  de  S.  Benoit  ;  il  étoit  Abbé 
de  Ste  Geneviève  -  du  -  Mont ,  ôc  il  eut  le  boa- 
heur  d'introduire  la  réforme  dans  fon  abbaye. 

Son  zèle  s'exerça  utilement  fur  plufieurs  mai- 
fons  de  Bcnédidins  ,  &  de  Bernardins  ,  qu'il  re? 
mit  fur  la  route  qu'avoient  tracée  leurs  l'ercs. 
Mïus  ua  fçrvice  important  qu'il    readic   à  \$ 


4-4  E  L  r  M  E  N  $ 

Religion  Se  à  rhumanité  ,  fut  d'obliger  le»  Tn- 
nitaires  de  fc  fenrir  du  tiers  de  leur  rcr^nu, fé- 
lon que  leur  rè^Ie  ,  approuvée  par  CL-unt  If,  le 
leur  prefcrivoit.  La  maifon  de  Paris  ,  ainû  que  di- 
vers Couvcni  de  province ,  employoienc  à  vivre 
coramodcmeitt  les  biens  que  la  piété  avoît  def- 
tincs  au  rachat  des  infortunes.  Le  Cardinal  re- 
média à  cet  abut  ,  &  rénbllt  la  difclpline  régU> 
liire  ,  en  mêrne-tems  qu'il  affuroit  dci  flfCOUrt 
aux  Clucticnt  capilfi  chez  lei  Infidi!«l» 

EenvMtts  EccUfiafii^uts. 

Le«  i»otnbreu«  Ecrivains  qui  iMuftrérent  ITglift 
dans  cefiédeli  fécond  en  grinH^-hommes  ,  furent 
pour  la  plupirt  formés  dans  Is  cloître.  Les  Je» 
fuites,  joignant  l'érude  de»  belles-'ettrei  à  celte 
des  fciences  eccléfîaftiquei  ,  éclairèrent  les  unes 
par  les  autres.  Qui  ne  connolt  les  Biliamln ,  le» 
Grtt\tr  ,  les  SIrmond  ,  les  Pttau  ,  les  Ccrnicr,  doHt 
les  talens  8t  l'érudition  /îrent  tint  d'honneur  à 
leur  focictc  }  BotUniut ,  membre  du  même  corp», 
forma  le  projet  louable  de  donner  !ei  Afte»  drt 
'Saints  fur  le*  originaux^  il  cm  pour  a^ot;c^  4c 
pour  continuateurs  dans  cette  fnnde  entreprife», 
•HtiftKc^iut  h  Pjp<hf<i  ,  '  r*f 

d'autres  Jéfuite» ,  non  moi-  >in« 

'habiles  qu'eux  à  démêler  U  vcritc  à  itavers  let  fa> 
Mes  r. 

I.i  nentateuri  de  l'Eetirurrfsiote 

tfu»-  augm«otc«  du  oom  de  divers  Jcfuitts ,  qtii  ne 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    ^75 

contribuèrent  pas  peu  à  éclaircir  les  Livres  facréi  : 
tels  Cont  Menochius  ,  Tirin^  Vlilalp^nd  ,  Corneille  de 
la  Pitrre  ,  Bonfrerius  ,  Emmanuel  Sa ,  8lC.  8cc. 

La  chaire  évangéllque  mettra  toujours  au  pre- 
n»ler  rang  de  ceux  qui  l'ont  enrichie  ,  le  P.  Bout~ 
dilout,  qu'on  appella  /e  roi  des  prédicateurs  &  le 
prédicateurs  des  rois.  Dans  un  genre  trop  fouvent 
livré  à  la  déclamation  ,  il  n'exagéra  jamais  (dit  M. 
l'abbé  Mauri  ,  )  les  devoirs  du  Chriftisnifme.  La 
fécondité  incpuifable  de  Tes  plans  ,  (a  logique  ptef- 
fante  &  exaile,  fon  ftyle  fimple  &  nerveux  ,  na- 
turel &  nobles  l'ufage  admirable  qu'il  fait  de  l'E- 
criture  &  des  Pères  ;  la  connoiffance  profonde 
qu'il  montre  par-tout  de  la  Religion  8c  du  véri- 
table efprit  de  la  Religion  :  telles  furent  les  qua- 
lités qui  lui  méritèrent  les  fuflTrages  de  la  ville  &  de 
la  cour.  Pénétre  des  grandes  véiitcs  qu'il  annon- 
çoit,  il  fit-almer  la  Religion  par  fon  exemple  ,  au> 
tant  que  par  Tes  difcours.  Il  mourut  en  1704  ,  laif. 
fant  une  mémoire  rcfpe^^ée  des  ennemis  mimes 
des  Jéfuitei. 

Cheminais,  la  Colomhiért ,  la  Rut  ,  8(c.  confrè- 
res Ac  imitateurs  du  P.  Bourdalout  ,  offrent  dans 
quelques-uns  de  leurs  fermons,  une  morale  tou- 
chante &  une  éloquence  pathétique. 

Une  louable  émulation  anima  les  Prêtres  de  l'O* 
ratoirc  ,  &  ils  oppoférent  aux  grands»  hommes  de 
la  Compagnie  de  Jcfus  drs  écrivains  ron-mcin« 
secommandables.  Cajfabut ,  It  Cuinte,  Simon ,  Lami , 
^laudult^Mald tanche^  font  des  noms  célèbres  dans  I4 


At^  E  L  E   M    E  V    S 

rcpubl.  des  lettres  -,  &  la  fin  du  libcle  vltpsroitre 
Majjitlom  ,  qui  peigoit  les  paHîons  avec  les  traits 
qui  les  caraâérirenc ,  qui  fçut  parler  au  cœur  ,  Vit; 
tendrir  &  le  maitrifcr.  Son  grand  art  ,  efl  d'alier 
chercher  dans  nous-mêmes  ces  fophifmes  fecrets  , 
dont  le  vice  fçait  ù  bien  s'aider,  lorsqu'il  veut  nout 
aveu(,ler  ou  nous  fcduire.  ••  Pour  combattre  8c  dc« 
M  truire  ces  TophiTmes,  (dit  un  Académicien  celé» 
bre ,) ..  il  lui  futîit  prefquc[de  les  dcveloper  :  mais  il 
»»  les  développe  avec  une  onftion  fi  a  fie  cl  u  eu  Te  & 
n  il  tendre  ,  qu'il  fubjugue  moins  qu'il  n'entrain^ 
n  Sa  didion  ,  toujcurs  lacile  ,  clcgante  &  pure  ,  eft 
n  par-tout  de  cette  Jimplicité  noble ,  fans  laquellt 
M  il  n'y  a  ni  bon  goût  ,  ni  vcritable  éloquence. 
K  Cette  fimplicitc,  réunie  dans  Mijji.'t^n  à  Ihar- 
M  mouic  la  plus  Téduilante  8c  la  plus  douce  ,  ea 
M  eonrunte  encore  des  grâces  nouvelles.  Et  c« 
«  qui  met  le  comble  au  charme  que  fuit-éprouver 
M  ce  Ayle  enchanteur,  on  Cent  que  tant  de  beau- 
M  tés  n'ont  prcrque  rien  coûté  à  celui  qui  les  a 
w  proHuitïS.  11  lui  échappe  mcme  quelquefois.  Toit 
m  dans  les  exprelTions ,  (on  dans  les  tours  ,  Toit 
n  dans  la  mciodie  ù  touchante  de  Ton  ilyle  ,  det 
M  oégligencet  qu'on  peut  appeller  heurcufes  , 
ft  paice  qu'elle»  achèvent  de  t'^ire-dirparoiire  non» 
m  feulement  l'empreinte ,  mai*  )urqu'au  foup^oa 
m  du  travail,  n  SLiJjfiI/uK,  parvenu  par  fun  mérite  à 
révèchc  de  Clermont  ,  mourut  dans  Ton  diocefc  en 
K741 ,  ple.itc  de  fes  ouailles  dont  il  etoit  le  prrc. 

Lei  Bcncdiûins   acquirent    un  nouveau    luflrtf 
par  les  fçavaotcs  cdicioas  dci  Pcrcs  ,doni  ils  cfti 


bï  l'Histoire  EcclesustiOui:.    ^-^y 

fîchirent  nos  bibliothèques,  &.  par  les  recherches  U> 
borieufes  qu'ils  firent  fur  divers  ob)ets  de  l'hiftoire 
&  des.  antiquités.  Les  plus  diflingués  dans  cette 
branche  importante  de  littérature,  furent  d'/^cA^ri  , 
A1j4/7/û// ,    Ruinard  y  Martianai  ,   Montfaucon,  j 

Le  cordelier  Antoine  Pdgi  rcfornia  les  erreurs 
de  Baron-us  -,  tandis  que  les  Dominicains  CunbJjU 
&  Alexandre  fe  livroient  à  d'autres  travaux  qui 
ont  été  utiles  aux  théologiens. 

Si  du  Clergé  régulier  nous  paffons  au  fcculier, 
nous  trouverons  plulleurs  noms  qui  méritent  de 
paffer  à  la  poftcrité.  Baronius  &  BelUrmin  ,  qui 
avoient  été  tirés ,  le  premier  de  l'Oratoire  de 
Rome,  &  le  fécond  de  l'ordre  des  Jéfuites  ,  pour 
écrc  placés  dans  le  collège  des  cardinaux,  fe  A' 
gnalércnt  l'un  comme  Arnaliûe  ,  &  l'autre  comme 
ControverfiAe.  Les  cardinaux  Bona  &  Nvrit  mar^ 
chérent  fur  leurs  traces  j  le  dernier  fut  un  pro» 
dige  d'érudition  ,  &  le  principal  ornement  de  l'or- 
dre des  Hcrmites  de  S.  Augujlin  dont  il  avoit  étc 
membre. 

La  France  eut  à  fe  glorifier  de  plufieurs  prélats , 
non -moins  recommandables  par  leurs  mœurs  , 
que  par  leur  fçavoir  &  leur  éloquence  :  tels  furent, 
Laubifplne  ,  évêque  d'Orléans  ;  Marca  ,  archevêque 
de  Paris  -,  Goi^e^u ,  évcque  de  Vente;  Mafcjron  , 
évêque  de  Tulles  -,  Fléchitr  ,  évéque  de  Nimes  , 
qui  ne  connut  qu'un  vainqueur  eo  éloquence  ,  Ix 
qui  n'en  eut  point  en  vigilance,  en  charité,  &  en 
coûtes  les  vertus  apoftoUqucs  -,  l'immoriv:!  Bojfutt , 


4"»S  E   L   E   M   E  N    s 

évèque  de  Meaux  ,  l'aigle  des  iheolog.  Franço's. 
Arrctoru-nous  un  mom.'nt  a  ce  graud-homme. 
Ne  a  D:jon  en  1617  d'uae  famille  ouble  ,  il  s'aa> 
Qonça  de  bonne  heure  par  (es  fuccès  dans  la 
chaire.  Il  cxcelloit  fur-toui  driis  les  Orairons  fu* 
sèbrcs:  genre  d 'éloquence  qui  demanJe  cetce  de- 
▼ation  de  penfces  ,  te  cette  nobleff:  (t  fentt- 
mens ,  qui  animoicnt  l'on  génie.  Lou-t  XIV  ,  qui 
l'avoir  ncir.mc  a  l'cvèchc  de  Condom  ,  le  fit  queU 
que-teras  après  précepteur  du  Dau  ihin  ,  ftc  fuc- 
ceHîvement  premier  ui  monier  de  la  Dauph.ne  , 
é^'èque  de  Meaux  ,  con'eiller  d'ctat ,  &  preroier^ 
aumônier  de  la  DuchctTe  de  Bour,;rgre. 

Dans  ces  dift'crentes  places  ,  »•  on  vit ,  (dit  Ma/- 
fllom ,  )  •>  un  homme  d'un  génie  vaAe  &  heureux , 
M  d'une  candeur  qui  carattcrife  toujo.ir»  lcspr.in  1-» 
f»  âmes  &  les  efprits  du  preir.icr  ordre-,  un  i\c- 
M  que  au  milieu  de  la  cour  ;  l'homme  de  tous  kt 
H  talens  d.  de  toutes  1rs  Tcienccs  \  le  doreur  d« 
f»  toutes  les  Eglifes  -,  la  terreur  de  toutes  les  fe^ri  ( 
M  le  Père  du  xvii*  Hccle  ,  8c  à  qui  il  ne  nunqu* 
»i  que  d'être  ne  dan»  les  premirr*  tcms  pour  avoir 
«  ctc  la  lumière  des  Conciles  ,  &  r«me  des  Vetet 
H  affcmblcs  à  Nicce  &  n  tphcfe.  « 

S^achant  allier  la  qualité  de  payeur  avec  cci:« 
«le  do()eur  .  il  ne  négligea  iamai»  fon  itoupeau  , 
■lalgrc  la  multiplicité  de  Tes  travaux  toujours  r«» 
naiflam.  D 1  r.  i;  fc  fervit  de  lui  pour  rapprller 
dans  le  fein  de  rEj^life  pluficurs  Calvinifles,  entre 
autres  ,  le  maréchal  de  Turcnnt,  Il  ttiuropba  dca 


OE  l'Histoire  Ecclésiastique.    a79 

hérétiques  dans  tous  Tes  ouvrages,  ix  l'ur-toiK 
(ians  fon  excellciue  H  Jloire  dts  ratiathm  des  Egli- 
j<s  Proiejiantcs  ,  &  dans  fon  Expofiron  de  la  doc- 
trine dt  l'EoUji  Catholique.  Il  mourut  à  Paris  !e  li 
Avril   1704,  à    77  ans. 

Les  produttlions  forties  de  fa  plume  ont  ctç 
recueillies  en  plufieurs  volumes  in-4°.  On  diftin- 
gue  parmi  fes  ouvrages,  fon  Difcuurs  fur  rUiJiuirp, 
UnivtrfeiU ,  où  il  voit  &  juge  d'un  coup-d'œtl  les 
léginaccurs  &  les  conqucrans,  les  rois  &  les  na- 
tions ,  les  crimes  &  les  vertus  des  hommes  îx  trace 
d'un  pinceau  rapide  &  énergique  ,  (dit  M.  d'-i- 
lembert ,  )  le  tems  qui  dévore  &  engloutit  tout , 
la  main  de  DiLU  fur  les  grandeurs  humaines  ,  & 
les  royaumes  qui  meurent  comme  leurs  mjttres  ,  taa« 
dis  que  la  Religion  fubfiAe  éternellement. 

Bojfuet  eut  un  illuftre  rival  dans  F^nelon  ,  ar- 
chevêque de  Cambrai,  dont  le  caraclcre  doux  3c 
1  cfprit  iniînuaat  rasienéreat  tant  d'hcreiiques  au 
bercail. 

Le  Clergé  du  fécond  ordre  ,  non  moins  riche 
en  fçavans  que  celui  du  premier  ,  produifit  Launoi , 
Htrmant ,  Cotelier  ,  Balii\t ,  Ainauld  ,  Nicuh  ,  liilt' 
mont ,  fleuryy  &  une  foule  d'autres  ,  dont  le  mérite 
&  les  vertus  feront  à  jamais  célébrés  par  les  hif« 
toriens  ecckfiaAiques.  Nous  ne  citons  ici  que  leurs 
ooms-,  la  notice  de  leur  vie  &  de  leurs  ouvra- 
ges fe  trouve  dans  des  livres  qui  font  entre  le» 
mains  de  tout  le  monde. 
La  leclicighe  l^oricufç  dc$  aocituis  muiiuacûS 


4^0  E  L  ï  M  E  y  s 

de  l'hiftolre  de  l'Eglife  ,  a  été  l'objet  de  l'occupaî 
cion  de  quelques-uns  de  ces  fçavans.  «'On  a  fait, 
(  dit  l'Abbc  Gcujtt)"   «îcs  Toyages  longs   ,  pcni» 
*  blés  ,  Se  fouvent  dangereux ,  pour  aller    dans 
n  les  pays  les  plus  éloignes  ,   chercher  des  ina- 
n  nufcrits  ,  dccliiffrer  des  infcriptions ,  acheter  des 
M  midaiiles  ,  vifiter  d'anciens  morumens  ,  lever 
n  des  plans.  On  a  parcouru  toutes  les  hibliothc- 
»»  ques  ,  fouillé  dans  mille  recoins  d'un  grand  nom» 
n  bre  de  Monaftcres  ,  qui  poffcdjicnt  la  plupart 
n  beaucoup   de  ces  richedes   littéraires  fans   les 
n  connoitre  ,  &  où  ,  depiiis  l'ignorance  qui  »'y 
n  éioit    introduite    a>cc    le    relkhemeni   ,    elles 
»»  ctoient  négligées  ,!t  trop  fouvfnt  même  en  par- 
ti tie  diHîpées.  On  en  a  recueilli  les  précieux  dé« 
n  bris,  &  fauve  pour  toujours  un  très -grand  nom- 
«•  bre  ,  ou  en   les  donnant  au  public  par  limpref- 
H  fion,  ou  en  la  dcpofant  dans  les  bibliothèques 
r>  connues  ,  où  les  fçavans  ont   la  liberté  de  les 
M  confultcr. 

M  On  a  vu  plus  d'une  fois  des  Communautés 
>«  régulières  ,  d'où  l'amour  de  l'étude  avoit  chaiTé 
M  l'ignorance  &  l'oifiveié  ,  f^ire-cntrcprendre  ce» 
„  voyage»  a  leur»  dcpen»  aux  plu»  h.âbile»  de  leur» 
M  membre»-,  de»  paiticulier»  mêmes  s'y  engager 
».  à  leur»  frais,  fans  autre  but  que  de  chercher 
tt  la  vcrité  ,  &  de  quoi  l'appuyer  par  de  nouvel» 
M  les  preuve».  Mai»  plu»  fuuveni  encore  ces  voya« 
n  ge»  ont  été  entrepris  a  la  folltcitition  deiRoit 
n  6l  de»  Pnncct  ,  qui  ont   fouroi  aux  dépeafes 

qui 


feE  l'Histotre  Ecclésiastique.    4'Si 

*»  qui  étoient  nécsffaires  pour  les  taire  plus  com- 
T»  modément ,   &  en  retirer  plus  de  truir. 

>•  Outre  les  monumens  fans  nombre  que.  l'on  en 
»  a  rapportés,  la  Géographie  s'ed  pertcflionnée 
»•  par  ces  voyages  ;  l'Afironomie  ,  la  Navigatioa 
>.  6c  tous  les  Arts  ,  y  ont  trouvé  de  grands  avan- 
"  ca^es.  On  en  a  retire  plus  de  lumières  fur  les 
>t  mœurs  ,  les  coutumes  ,  les  ufages  ,  &.  la  reli* 
>«  gion  des  peuples  que  l'on  a  vidtés  ;  fur  la  for- 
>»  me  de  leur  gouvernement  -,  fur  la  fagefle  ou  la 
>t  bizirrene  de  leurs  lol.Y  j  fur  les  révolutions  qui 
1»  leur  ont  fait-changer  de  face;  furies  eau  Tes  & 
it  les  progrès  de  ces  révolutions  .  &  toures  ces 
i>  lumières  ont  été  utiles  à  la  Religion  ,  qui  en  s 
>i  pris  occafîon,  ou  de  s'introduire  dans  ces  lieux, 
)»  ou  de  s'y  affermir.  Elles  ont  donné  Heu  de  con- 
«  fulter  les  traditions  de  ces  différens  pays  ,  d'exa- 
♦♦  miner  fur  quoi  elles  étoient  fondées  ,  &  de  re- 
»  monter  ainfî  jufqu'à  l'origine  des  peuples,  &  à 
)•  leurs  différentes  tranfraigrations  ;  ce  qui  n'a  pas 
M  peu  contribué  à  éclaircir  beaucoup  d  endroits  de 
•»  l'Ecriture-faintc,  qui  leroient  toujours  dcmeu- 
H  rés  obfcurs  fans  ces  connoifi'ances  ,  8c  a  rcpan- 
M  dre  un  grand  jour  fur  l'HiAuire  ,  tant  Ecdéfiaf» 
Il  tique  que  profane,  n 


Tom,  11^ 


IDÉE  GÉNÉRALE 

DES 

iir^ÉNEMEXS    ECCLÈSlASTiqVES 
DU    DlX-HUITltML   SlLCLE. 


Affulre  du  Cas  de  confàence, 

J—i'tsrRiT  contentieux  qui  a  dominé  les  hommes 
dans  tous  les  pays  !c  dans  tous  les  àges.ne  s'aiToi- 
blit  point  dans  catui-ci.  Les  opinions  de  Jjnfe- 
aiut ,  qui  avoient  caufé  de  (i  grandes  divifiont 
dans  le  ficde  précédent,  troubloient  encore  l'E- 
gliie  :  diffcrcns  Pap  es  les  avoient  profcritcs  -,  mais 
les  difciples  de  l'Evcque  d'Yprcs  ayant  prétendu 
que  leur  conlimnition  portoit  ,  non  fur  les  fen- 
titn;ns  de  leur  miitre  ,  mais  fur  les  erreurs  que 
fes  c.iaemtt  Itii  avoient  actriiiucet ,  cette  dillinc» 
tioa  éternifa  la  difpute.  Enfin  on  vit  éclore  en 
1701  un  pro'ïlènî  théjlogique  ,  qu'on  fit  «cou- 
rir eti  manifcrit  fou»  le  nom  de  Cu  it  tonj- 
$iiict ,  priS'.àac  qui  fut     une   nouvelle   fcmcnce 

de  querelles. 
Un  CjafîlTeur  demandiit   s  il    pouvoit    donner 

•abfoljùaa  *  aa  £;;Lu  nique  furptii   de  JaaTd- 


Elemens  de  l'Hist.  Ecclés.    4S3' 

nifme  -,  mais    qui  ,    examine    fur   cette   maticre, 
avoit  repondu  : 

1'.  Qu'il  condamnoit  les  Cinq  propofitlons  dans 
tous  les  fens  que  rtglil'e  les  a  conJamnccs -,  mais 
qu'il  croyolc  que  fur  le  fait  il  fuffifoit  d'avoir 
une  fouinlflîon  de  filence  &  de  refpeft  ,&  que  , 
tant  qu'on  ne  pourroit  pas  le  convaincre  d'avoir 
foutenu  aucune  propofition  anaihcmatifce  ,  on 
n'étoit  point  en  droit  de  l'inquitter  ,  ni  de  tenir 
fa  Foi  fufpe£le. 

2°.  Qu'il  ctoit  perfuadé  que  la  prédeAination 
ëtoit  gratuite ,  &  la  grâce  enicace  par  elle-même. 

3°.  Que  ne  croyant  pas  la  Conception  imma- 
culée de  Marii  fil  ne  difoit  cependant  rien  contre 
ceux  qui  penfent  autrement. 

4*.  Qu'il  lifoit  les  livres  à' Amauld ,ic  St  Cy^ 
ran  ,  de  le  Maine  ,  comme  bons  &  approuvés  j 
&  qu'il  croyoit  même  qu'on  pouvoit  lire  le  Nou» 
%cau-TcJlamcnt  de  Mons  dans  les  diocèfes  où  les 
Evêques   ne    l'avoient    pas  profcrit. 

On  fent  bien  que  ce  Cas  de  confcience  écoit  iina« 
ginaire,  &  qu'il  n'avoit  été  propofé  que  pour 
avoir  des  rcponfcs  favorables  à  ceux  qui  étoienc 
attachés  à  la  caufe  de  Janftnius,  Quarante  Doc- 
teurs de  Sorbonne  ,  parmi  lefquelsil  y  en  avoit , 
(dit  le  V.d'Avrigni,  )  dont  le  titre  de  tris-faga 
Maître  faifoit  prefque  tout  le  mérite  ,  fe  laiffé. 
rcnt  prendre  à  ce  picge.  Ils  répondirent  que  les 
fcntimcns  de  l'Eccléfiafliqae  n'ttoicnt  ni  nou- 
veaux ,  ni  condamnés  par  l'Eglife ,  ni  icU  c.ifitt 
qu'on  dût  lai  rcfufcr  l'abfolution,  X  ij 


*4S4  E    L   E    M   E  N    s 

Cet  écrit ,  qui  avoir  cté  d'jbord  répandu  four- 
dcment  ,  ctani  devenu  public  ,  fut  ctnfuré  en 
J703  pzT  le  cardinal  dp  Noai.'les  ,  comme  con- 
traire aux  corftiiurions  des  Papes,  ce  mme  ten- 
dant a  renouvcUer  les  qucOicns  dctidcci,  favo- 
rifant  la  pratique  c!cs  équivoques  &  des  reftric- 
tions  mentales,  &  dérogeant  à  l'autoritc  de  l'E- 
glife.  Ce  Prclat  renouvella  en  même  -  rems  la  de» 
fenie  Hc  prodiguer  l'accufntion  vague  &  odieufe 
du  Janfénifme,  pour  décrier  fes  ennemis  ou  fei 
rivaux  ;  à  moins  qu'on  n'eût  fcutenu  de  vive 
vcix  ou  par  écrit  quelqu'une  des  propontions 
condamnées.  Tous  les  Doftcurs  qui  avoient  fignc 
Je  Cas  de  confcience  ,  avouérenr  qu'ils  avoient 
été  furnris  ,  à  l'exception  d'un  feul  qui  fe  re- 
tira en  Hollande  :  le  P.  Que/nel  applaudit  à  fon 
cbflination  ,  &  traita  les  autres  de  parjure»  qui 
avoient  facrifîé  leur  coafcience  à  des  vue*  hu- 
maines. 

£ulU  Vise. 4 M  DoMisi  ;  Jvjbvéiion  de 
Fcrt-Ki'yM, 

Rome  ne  tarda  pas  de  s'expliquer  dans  diffc^ 
rcns  brefs  -,  mai»  CUncnt  XI  le  fit  plus  fclem- 
ncllement  encore  djn»  fa  bulle  Vincam  D  n^ni 
Saiaoïh  ,  publiée  en  1705.  Dans  cette  fameufe  con- 
Aitution ,  le  Pape  condamne  le  filence  rcfpte- 
«ueux  ,  comme  plui  pi'^'prc  à  couvrir  le  mal  qu'à 
le  Rucrir  ,  î^.  .1  perpétuer  l'erreur  qu'a  U  détruire  ^ 
il  prctcod  que  lei  pariifans  de  ceûlcoce  a'iffec* 


tt  l'Histoire  Ecclésiastique.    48^ 

tint  de  cacher  le  venin  de  l'erreur  ,  que  pour 
le  répandre  plus  librement  dans  les  conjonfta- 
rcs  favorables,  6c  qu'ils  ne  font-confi'Aer  l'obcif- 
fance  due  aux  oracles  prononcés  par  l'E^^Ufe, 
qu'à  ne  pas  contredire  en  public  des  vérités  qu'ils 
fe  réfervent  de  cenfurer  en  f^crat.  La  bulle  en - 
rc^iftrée  au  Parlement,  envoyée  à  toas  les  Evè- 
ques,fut  reçue  unanimement  par  rAfTemblée ge« 
nciale  du  Cierge  de  FrarWe. 

Le  cardinal  de  NjaUlts  ,  qui  l'avoit  fait  •  pu- 
blier folemnellement  dans  fon  diocèfe  ,  crut  de- 
voir l'envoyer  aux  Religieufes  de  Pott-Royal  des 
Champ? ,  en  leur  demandant  une  preuve  pir  écrit 
de  leur  foumiflion  à  ce  décret.  Elles  répondirent 
qu'elles  le  foumettotent  fincérement  ,  mais  fans 
déroger  à  ce  qui  s'étoit  pîfl'é  à  leur  égard ,  lorf- 
qae  Clément  IX  rendit  la  paix  à  l'EgUfe.  Cette 
reûriâion  leur  attira  le  courroux  de  la  Cour* 
Le  lieutenînt  -  de  -  police  tle  Paris  ,  (d'Argen/on) 
alla  le  29  Octobre  1709,  avec  trois  cents  exe.nptt 
ou  archers ,  pour  faire  -  enlever  les  Religieufes» 
On  les  difperfa  en  difiF^rens  monaftcres  ,  où  la 
plupart  fignérent  le  Formulaire  ;  on  fupprinia  le 
titre  d'abbaye  ,  on  en  rafa  tous  les  bàtimens  ;  on- 
exhuma  les  cadavres  ,  &  il  ne  refta  pas  un  vef- 
tige  d'une  maifon  qui  avoit  été  l'afyle  des  taicns 
&  même  des  vertus,  mais  long  tems  reprcfcntce 
à  Louis  XIV  comme  la  retraite  de  l'erreur  &  la 
forterelTe  du  /anfénifme.  Les  revenus  de  l'ab- 
i.aye  de  Pori-Iloyal  des  Cbaaipj  furent  réunis  à 

Xii) 


4^6  E   L   E    M    E   V    s 

ceux  de  la  malfon  de  Paris.  Ceux  qui  croient 
regardes  comme  les  Percs  du  ironaCcrc  détruit* 
firent  fur  la  ruine  de  Tes  mur$  divcifes  complain- 
tes,  qui  auroieoi  pu  toucher  les  lefleurs  fenûbles, 
fi  Ton  n'y  avoir  mêlé  des  injures  fit  des  dcdama- 
tioas  contre   le  Roi  fie  le  cardinal  de  NuailUt. 

Révolte  des  Cjlvtnijîes  duns  Its  Cevenrus. 

La  révocation  de  l'Edit  de  Nanres  avoir  un 
peu  affoi'jli  le  Calvltiifme  en  France;  mais  tin» 
l'avoir  pat  ctelnt.  PluJïeurs  s'etoient  convertis, 
foit  par  crainte  ,  foit  par  perfuafîon ,  fur-rour  par- 
mi les  Seigneurs  fit  la  hauie-Bourgeoifie.  D'au- 
tres avoienr  porte  leur  obftinition  ,  leurs  richef- 
fes  fit  leurs  talens  dans  le  pays  étranger ,  d'où  les 
Winiftres  atiifoient  par  des  écrits  emportes  le  fana- 
tifmc  de  leurs  frères  en  Frame.  Ce  feu  couvoit  rru- 
jours  dans  le  fein  de  la  populace  Calvinifte  ,  Se  il 
éclata  vers   l'jn  fci. 

Quelques  RcIit;ionnalres  des  Cevennei ,  voyant 
Louit  XIV  occupe  à  fe  dcfcnHre  contre  une  par- 
tie de  l'Europe  ,  armée  peur  difputer  le  trône 
d'Efpagne  à  Ton  petit-fils  ,  crurent  qu'ils  avoieiK 
une  occafjon  favorable  de  rétihlir  fur  let'.rs  rochers 
l'exercice  public  du  Calvinifrre.  Fiers  de  leur  po- 
fition  qui  les  rendoit  inacceHibles ,  ils  s'afTembloient 
dans  les  lieux  écartés  à  la  campagre,  où  ils  chaa* 
toient  les  Pfcatimes  a  le.ir  manière. 

Vers  le  mime  tcitis  .l'Abhé  ié  CkàiUr  ,  inifîion- 
mIxc  fort  2clé  ,  fit-coaJaire  dans   on    couvcar^ 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    4??^ 

))ar  ordre  de  la  Cour  ,  deux  filles  d'un  gentil* 
homme  Calviniflc  ,  qui  ,  après  avoir  embrafte  U 
Religion  Catholique  ,  refufoienc  d'en  remplir  les 
devoirs.  Cet  enîcvement  ,  que  les  Huguenots  ré- 
folurent  ,dc  venf^cr  ,  fut  l'une  des  premières  rour< 
CCS  de  leurs   fureurs. 

Un  incident  qui  ùirvint  vers  le  milieu  de  Juirt 
I703  ,  acheva  d'aigrir  les  efprics.  Les  Hugue* 
Tiots  fe  plaignoient  depuis  long-tems  qu'en  haine 
de  leur  Religion  ,  on  furchargeoic  leur  taxe  de 
la  capitation  ,  pour  foulagcr  les  Catholiques.  Dans 
le  tems  que  leurs  murmures  étoient  les  plus  forts, 
les  Receveurs  de  quelques  villages  des  hautes  Ce- 
vennes  ayant  voulu  faire  des  fiilies  ,  furent  en- 
levés durant  la  nuit  dans  leurs  maifons  &  pen» 
dus  à  des  arbres  avec  leurs  rôles   au  coù. 

Le  marquis^  de  BrogUe  ,  lieutenant-dc-roi  de 
la  province,  &  l  Intendant  i?«f/Vi//(r  ,  envoyèrent 
des  troupes  fur  les  lieux,  &  firent -punir  les 
coupables  comme  ils  le  mcritoient.  Leur  mort  ne 
fit  qu'irriter  le  mal.  Le  nombre  des  Camifards 
(carc'ed  ainh  qu'on  les  appelloit  ,  parce  qu'ils 
tnettoient  fur  leurs  habits  des  chemifes  blanches,) 
augmenta   par    le  fuppiice  de  leurs  camarades. 

Ralliés  fous  l'étendard  du  fanatifme  6c  de  l'indc- 
pendance  ,  excites  par  les  Proplùtcs  du  dejert\ 
ils  fe  dcguifoient  la  nuit  &  allaient  piller  dans 
les  maifons.  Au  larcin  ils  joignirent  bientôt  le 
meurtre  ,  le  facrilége,  &unc  intinitcs  d'autres  cri» 
mes  :  cfi'ct  funeAe  de  leur  haiuc  contre  la  Keli; 


'4^5  E  L   I   M    E    V    5 

'gion  Catholique  &  fes  mioiiUcs.  L'Abbé  eu  Ckti» 
/er  fut  la  première  vitiime  qu'ils  iromo'.creuT.  II» 
a'attroupcrenc  un  foir,  &  ayant  eafoncc  les  por- 
les  de  (i  maifon,  ils  le  mjiljcrcrcnt  avtc  quel- 
ques ELclcùaAiqnes  qui  part^geuttac  les  travaux 
&  Ton  zèle. 

Dès-lors  on  vit  rcnouvcller  dans  les  Ceven- 
nes  tous  les  exccs  que  les  Calviniiles  avoicni  au- 
trefois com.-nis  en  France.  Les  Croix  âc  les  fta> 
tues  des  Saints  turent  briféei  ,  les  vaCes^facrcs 
ealevés  ,  les  hoAict  touîcet  aux  ptedijes  Lgli- 
fes  brùlces ,  les  minières  des  Autels  c|^orgcs.  A 
fnet'ure  que  cette  multitude  augmentoit ,  le  nom» 
bre  des  U!um':ntt  gTOtuiIoit  auiii.  Les  femmes 
mêmes  Ce  dirent  infpirces  pour  annoncer  les  ora- 
cles du  Ciel.  La  populace  les  ccoutoit  les  uiu 
&  les  autres  ,  comme  s'ils  avoient  été  de  vcrita- 
blés  Frophctcs.  11$  ordonnoient  toujours  de  la 
part  de  Dieu  d'immoler  les  Catholiques  8t  ptm- 
cipalemeot  les  Piètres ,  &  leurs  ordres  ctoient 
exécutes    fur-le-champ. 

Patmi  les  Prophètes,  on  diAiogua  fur-tout  ua 
vieux  CalviniAe  ,  nomme  </«  Strr*  qui  forma  des 
élèves.  Il  choifit  dans  fon  voifmjge  quinze  jeu* 
nés  garçons  ,  que  leurs  parcns  lui  conficrent  vo- 
lontiers i  fit  il  fit-donncr  a  fa  femme,  qu'il  aH'o^ 
eu  à  fon  emploi ,  pareil  iwmbre  de  filles. 

Ces  cnCins  n'avoieni  re^u  pour  première  le- 
çoo  du  Chnniinifme  ,  que  des  fcntimcni  d'her- 
TCur  £(  d'avcflioa   pour   1  Egiife    Romaine    :  Un 


DE  l'Histoire  Ecclesiastiquî.    ^^^j 

avoicnt  donc  une  difpofuion  naturelle  au  fana- 
tifme.  D'ailleurs  ils  étolcnt  tort-ignorans  -,  ifs 
ttoient  placés  au  milieu  des  montagnes  du  Dau- 
phiné  ,  dans  un  lieu  couvert  d'cpaiflcs  forêts, 
environne  de  rochers  &  de  précipices  ,  éloignes 
iz  tout  commerce  ,  &  pleins  de  refpedl  pour  du 
Serre  ,  que  tous  les  Proteftans  du  canton  rcvé- 
roicnt  comme  un  des  héros  du  parti  Proteftant. 

Lorfque  quelqu'un  des  afpirans  au  don  de 
Prophétie  étoit  en  état  de  bien  jouer  fon  rôle, 
le  Maitre-Prophète  affembloit  le  petit  troupeau  , 
phçoit  au  miieu  le  prétendant ,  lui  dilbit  que  le 
teuis  de  fon  infpiration  étoit  venu  :  après  quoi, 
d'un  air  grave  &  myftérieux  ,  il  le  baifoit  ,  luj 
foiiîHoit  dans  la  bouche  ,  &  lui  déclaroic  qu'il 
avo.t  reçu  l'efprit  de  Prophétie-,  tandis  que  les 
autres,  fdifis  d'étunnement ,  attendoient  avec  ref- 
pefl  la  naiffance  du  nouveau  Prophète  ,  &  fou- 
piro'ïnt  en  fecret  après  le  moment  de  leur  inf- 
tallation.  Bientôt  du  Si^re  ne  put  contenir  l'ar- 
deur dont  il  avoit  cmbràfc  fes  c  ifcipics  ;  il  les 
congédia,  St  lesenvoyi  dans  les  lieux  où  il  croyoit 
qu'ils  jetteroienc  un  plus  grand  éclat. 

Au  moment  de  leur  départ  ,  l  les  exhorta  à 
communiquer  le  don  de  Prophétie  à  tous  ceux 
quls'en  trouvcroicnt  dignes,  jprès  les  y  avoir  pré- 
parés de  la  même  manicre  dont  ils  avoicnt  été 
difpofés  eux-mêmes  ;  &  !eur  réitéra  les  afTurar.- 
ces  qu'il  leur  avoit  données,  que  tout  ce  qu  il*- 
prc^iroient  arriverolt  infailliblcmcnr. 

Xv 


4^0  E  L   E   M    E    V   s 

Les  erprits  des  peuples  auxquels  ils  s'adreiTé» 
»enc  ccoieni  diipofcs  à  écouter  avec  tcfpc:i  les 
Bouveaux  Prophètes  :  leurs  préjuges  ,  la  Icftute 
des  Lettres  paAorales  de  M.  JurUu  ,  la  folitude 
daris  laquelle  i!$  vivoient ,  !es  rochers  &  les  mon- 
tagnes qu'ils  habitnieot  ,  leur  haine  contre  les 
Catholiques ,  &  l'extrême  rigueur  avec  laquelle 
on  les  traitoit  ,  les  avoient  prépares  à  écouter 
comme  un  prophète  quiconque  leur  annonceroit 
avec  enthoufiafme  ,  &  d'une  manière  extraordi- 
oaire,    la  ruine  de  la  Religion  Catholique. 

Les  accès  de  Prophccie  varioient  -,  la  rè^le  oe- 
dinaire  ctuit  de  tomber,  de  s'cadoimir,  ou  d'ê- 
tre furpris  d'un  alToupilTement  ,  auquel  fe  jot- 
gnoicnt  des  mouvcmensconvuliits  :  les  exceptioos 
de  la  rè^le  furent  de  s'agiter  &  de  prophctifer 
en  veillant,  quelquefois  dans  une  cxtjfe  llmple  •■ 
fouvent  avec  quelques  ccovulfioos. 

Les  prédidlions  des  Prophètes  du  DauphiaC 
itoicnc  confufcs  ,&  con^uei  en  mauvais  François, 
d'un  Ayle  bas  &  rampant  ,  fouvent  difficile  à  eo* 
tendre  a  ceux  qui  n'ctoient  pas  accoutumés  vx 
f  at(  it    du  Vivarais  &  du  D.  uphinc. 

Les  prédications  des  Prophètes  du  Dauphiné  » 
ctoieni  pareilles  a  leurs  prophéties  -,  il*  cutaH'oicitc 
k  lott  &  à  travers  ce  qu'ils  «voient  pu  retenir 
d'exprclFions  fie  ce  p.tTagci  de  la  Bible,  &  c'cft 
ce  que  leurs  auditeurs  appclloient  de  belle»  cs- 
koriaiions  qui  leur  arrachoient  les  larmes. 
Le  feu  du  Uoatumc  ayam  exalte  le    courage 


Df  l'Histoire  Ecclésiastique.    491 

ies  rebelles  ,  ils  mirent  en  fuite  les  troupes  du 
Roi  ,  qui  fe  trouvèrent  dans  les  montagnes  des 
Cevenncs.  Leurs  premiers  fuccès  augmentcreru 
leur  fureur  Ce  leur  nombre.  Piufieurs  nouveaux- 
convertis  du  Vivarais  Se  du  bas  •  Languedoc  fe 
joignirent  à  eux  :  Point  d'impjti  &  de  liberté  dt 
cenfclence  ,  étoic  leur  cri  de  guerre. 

Louis  XlV  envoya  d'abord  contr'eux  Je  ma- 
réchal de  Mcntrevei  ,  qui  les  enferma  dans  leucs 
cavernes  ,  &  força  ,  l'une  après  l'autre  ,  toutes 
leurs  retraites.  Il  fit  •  pendre  quelques-uns  des 
principaux  rebelles  ,  &  en  envoya  un  grand  nom- 
bre aux  galères.  Le  maréchal  de  ViUars  lui  fuc- 
céda  dans  une  commifllon  ù  défagréable  -,  né  pour 
les  négociations  comme  pour  la  guerre, ce  géné- 
ral employa  des  moyens  plus  doux  ,  fc  promit 
l'impunité  à  ceux  qui  fe  foumettroient.  RoUndàc. 
C^xdlier  ,  chefs  des  fanatiques  ,  fe  détachérea» 
de  leur  parti  ,  en  ramenèrent  plulieurs  ,  &  la  tran- 
quillité  parut  rétablie. 

Les  malheurs  des  armes  du  Roi  pendant  U 
guerre  de  la  fjcceirion  d  tfpagne  ,  ranimèrent  leur 
audace.  Les  ennemis  de  la  France  en*,  oyoient  de 
l'argent  5c  des  troupes.  Raienel ,  l'ame  de  cette 
faction  ,  tramoit  un  complot  horrible  :  les  nou- 
veaux convertis  du  Vivarais  dévoient  prendre  le» 
armes ,  fécondes  par  les  foltats  de  la  garnifon  de 
Nimes,  tandis  que  la  Duc  de  Savoie  entreroit  en 
Diuphinc  ou  en  Provence  avec  quarante  mil'e 
hommes,  Les  tsefuics  des    icbclles   ctuient  aûc.x- 

X  y; 


A^X  E  L  E  M   E  N  <; 

b'itn  prifes  V  mais  un  SuifTe  ,  cCpioa  du  dufrdft 
BarwUky  qui  commandoic  pour-lors  en  Laague- 
doc  ,  avercir  fun  nuitre  qu'il  avoit  vu  entrer  (  le 
l6  Avril  1705  )  dans  MontpeUier  trois  ciraagert 
^ut  lui  paroiflToienc  rufpsds  :  on  les  arrête ,  on 
les  mec  à  la  qucdion  ,  Se  ils  déclarent  que  les 
Cami/u/ <f j  , aprcs  s'être  rendus  maîtres  de Nimes , 
chofc  qui  leur  paroiffoit  facile  ,  dévoient  venir  à 
Wontpeîlicr  égorger  le  duc  de  Barwick  ,  l'Inten- 
dant de  la  province  ,  &  faire- révolter  tout  le 
Languedoc  Les  chefs  des  Fanatiques  font  arrê- 
tés fur-le  champ  -,  ils  pcrilfent  fur  la  roue  ,  &  leur 
fupplice  rend  enfin  la  paix  aux  Cevennes. 

L'adoiiniAration  raffermie  ,  foutenue  d'armées 
nombreufes  toujours  exilantes ,  ne  permettra  )a« 
mais  ie  retour  des  anciennes  horreurs.  Le  tem»  , 
les  moeurs  adoucies  ,  la  focictc  pcrfcclionnce  1  ont 
changé  l'efprit  de  la  plupart  des  Proteflan*.  Ils 
font  en  gcncral  fagcs  &.  circonfpeifis  ,  8t  ils  au- 
roient  tort  de  ne  pas  1  être.  Le  gouvernement  mo- 
déré fous  lequel  nous  vivons,  eft  bien  éloigne 
de  les  perfccuicr.  Il  exhorte  les  Evêques  6c  les 
Intcndnns  à  l'indulgence  ;  il  fjvoril'e  leur  com- 
merce ;  il  leur  donne  toute  la  liberté  qu'une  race 
profcrite  jadii  ,  fit  qu'on  veut  cependant  con» 
ferver  ,  peut  efpcrer  raifonnablerrcot  dans  ua 
pays  où  elle  ne  profcfTe  point  U  Religion  de 
iM  Prince. 


'de  l'Histoire  Ecclésiastique.     4^3 

^ouveMi-TeJÎJment  de  Quefnel  ,  condamne  par 
la  Bulle  USIGBSITLS.  ^ 

H  ëtoit  plus  difncilede  donner  la  paix  à  rEcllie 
de  France  ,  toujouri  dcchirce  par  les  querelles  du 
JanfeniCme.  Un  livre  d'un  Père  de  l'Oratoire  cé- 
lèbre les  renouvelU  avec  plus  d'ardeur  qu'aupa- 
ravant. Le  Père  Quzfml ,  difciple  iî Arnaud  ,  hom- 
me fçavanc  âc  bon  ccrivain  ,  avoir  public  en  1693 
&  1694  des  Rcflexivns  morales  fur  le  Nouvc^wT cf' 
(0in<nr  ,  approuvées  par  le  cardinal  de  NoniL'ei  ^ 
alors  fimple  Evèque  de  Chàlons  ,  comme  le  pain 
des  forts  &   le  lait  des   foibles. 

L'empreffement  des  parcifans  de  Jan/enius  pour 
ce  livre  ,  fit  -  foupçonner  aux  Jefuites  qu'il  C3« 
choit  un  poifon  fecret  -,  ils  l'attaquèrent  au  com- 
mencement du  Jîécle  dans  dciix  brochures  ,  l'une 
intitulée  :  Le  Père  Quefnel  fc.iit'eux  dam  fei  Rs' 
flexion/  furie  Ncuweau-Te^ament  \  Vautre  :  Le  Père 
Quefnel  hérétique ,  ficc.  L'Auteur  attaqué  chercha 
à  fc  juftifier  ;  mais  fes  apologies  n  empêchèrent 
point  que  les  Rejuxion$  morales  ,  dcnoncees  a  Ro- 
me ,  ne  fuffent  condamnées  par  un  décret  de  Clé- 
ment Xlen  1708.  "  D'un  autre  côté  ,  (dit  l'Abbé 
Ladvoeat ,)  n  les  Evèques  de  Luçon  ,  de  |la  Ro- 
»♦  chelle  ,  &  de  Gap  ,  condamaérent  le  Livre  du 
I»  P.  QjtfMtl,  par  des  Mandemer.i ,  lefquels  de- 
r<  voient  être  fuivis  &  appuyés  d'une  Lettre  écrite 
■y*  au  Roi  ,  &  fignée  par  la  plupart  des  Evoques  de 
»»  Iraxjce.  Elle  leur  fut  envoyée  tçutc-Klrcirce  ;  nui»- 


i|fl4  E   L   E    M   E  N   s 

M  le  projet  échoua  en  partie  ,  le  paquet  que  l'Abbf 
■•  r»  Bochjri  de  Saron  envoyoit  à  l'Evcque  de  Cler- 
n  mont ,  Ton  oncle,  &  dans  lequel  étoit  contenu 
»  le  modèle  de  la  Lettre  au  Roi  ,  étant  tombé 
ti  encre  les  mains  du  cardinal  àc  Noaii/ts.  m 

Les  Réflixlon»  moralts  commençoient  a  faire 
beaucoup  de  bruit,  elles  furent  fupprimces  par  ua 
Artct  du  Confeil  en  i7ii  ,  proûritcs  par  le  car- 
dinal de  NvjU/et  en  1-15  -,  enfin  folcmnellemeiu 
anathimatifces  par  la  CcnOitution  Unigtnitus  ^f}tr' 
b!icc  à  Rome  le  S  Septembre  de  la  même  année  , 
fur  les  inllances  de  Louis  Xll^, 

Cltmtnt  XI  avoit  extrait  du  livre  du  P.  Q«f/- 
ncl  ICI  pTopoiitions  , qu'il  condamna  comme  fauf' 
fes  ,  captieufes  ,  mal-fcnnantes ,  capables  de  bleder 
les  oreilles  pieuTes  ,  injurieui'cs  a  l'Eglife  6c  a  Tes 
bfdgcs ,  favorables  aux  hcrcùi^ucs  ,  aux  lutcûcs 
&  au  fchifme. 

Dans  cette  famcufc  Ccnflitution  ,  le  Tape  dit: 
Qu'après  avoir  cherche  attentivement  les  raifoiu 
du  fuccès  prodigieux  des  RéjUxiont  mor^/o,  il  • 
reconnu  que  l'accueil  qu'on  ne  cclTe  de  faire  à  cet 
Ouvrage  ,  malgré  les  erreurs  ,  vient  principale» 
ment  de  ce  que  le  venin  en  eft  trè*-caché.  Ceft 
un  abfccs  ,  a)ouie*t-il  ,  dont  la  pourriture  ne  peut 
fortir  qu'après  qu'on  y  a  fait  des  incilioai.  1/ 
•'eA  décidé  à  arrêter  le  cours  du  mal  ,  noa-feu- 
cment  par  fa  folliciiudc  pailorale  -,  mais  parce  qut 
tes  dénonciations  d'un  grand  nombre  d'Lvèqutf 
fr«nçoi«,dc  io  inûaucci  mtcrwci  du  fitu   uU^ 


DE  lUistoire  Eccle3ia';tiquï.    49Ç 

Chrétien  ,  l'ont  dtterminé  a  ne  pas  dirfcrer  le  re- 
mède. La  plupart  des  propolitions  coadamnccs  (juj 
concernent  la  grâce,  renfermoient  ,  félon  le  Pjp€, 
les  dogmes  de  Janfcnius.  Il  y  en  a  d'autres  qui 
regardoicnt  la  pénitence  ,  la  lecture  des  Livres  fa- 
crés,  les  excommunica  ions  injuAes  dor.t  la  t'aufTe- 
té  ne  pouvoir  être  évidente  qu'autant  qu'on  con- 
noilloit  les  principes  ou  les  intentions  de  l'Au- 
teur. Mais  comme  quelques-unes  de  ces  propo- 
fitions  fouffroient  un  fens  favorable,  elles  devin- 
rent le  prétexte /dp  mille  réclamations."  LaCon- 
>♦  ftitution  (dit  \'\hbè  Ladvocat  ^)  fut  reçue  par 
n  l'Affemblée  du  Clergé  de  France,  Scenregirtrce 
»  en  Parlement  en  1714  ,  avec  des  modifications, 
M  De  48  Evèques  dont  l'Affemblée  du  Clergé 
M  étoit  compofée,  40  acceptèrent  la  Bulle,  & 
M  en  donnèrent  des  Explications  en  1714:  mais 
H  M.  le  cardinal  di  NusilUs  ,  à  la  tête  de  fcpt 
M  autres  Evcqucs  ,  ne  jjgeant  pas  ces  Explicjti<.ns 
M  fuffifantes  ,  refufa  de  l'accepter  ;  ce  q\ii  irrita 
M  tellement  Loris  XIV ^  qu'il  fit-expédier  un  grand 
»  nombre  de  Lcttres-de- cachet  contre  les  oppo- 
M  fans.  Mais  après  la.  mort  de  ce  prince ,  MM. 
M  de /a  fî^oue  ,  évêque  de  Mirepoix  ,  5ojfl<rt  ,cvc- 
M  que  de  Sener  ,  Colben  de  Croijji  ,  évcquc  de 
M  Montpellier  ,  &  de  LangU ,  évoque  de  Boulo- 
>»  gne  ,  appellérent  de  cette  Bulle  au  futur  Con. 
n  cile  général,  le  5  Mjrs  17'?  i  ^  '«uf  excm- 
*•  pie  fut  fuivi  par  M.  le  cardinal  de  jN^oailits  yii- 
n  par  q^uelques  autres  Evov^ues.  » 


4$6  E   L   E   M   E   N   s 

Le  P.  Quefnel  furvccut  peu  à  fa  condamnation  ; 
îl  mourut  à  Amfterdam  en  1719,  après  uoe  vie 
fort-agitce.  Obligé  de  quitter  fa  patrie  ,  il  s'ccoit 
retiré  à  Bruxelles  ,  &  y  avoit  été  arrête  ;  ca 
Favoit  transfcrc  de- là  a  Matines,  où  il  fur  enfer- 
mé d.inf  les  prifons  de  l'archevêché -,  il  fut  tiré 
de  fon  cachot  p.ir  une  voie  incfpcrce  :  un  gen- 
til-homme Erpa^no!  perça  les  murs  de  fa  prifon  , 
krii'a  les  chaînes  ,  &  lui  donna  îe  moyen  de  s'é- 
vader en  Hollande.  Dans  ce  nouvel  afyle  ,  il 
brava  fcs  nombreux  ennemis  -,  il  écrivit  jufqu'au 
dernier  foupir  pour  fc  défendre  ,  5c  mourut  ,  pour 
ainfi  dire ,  les  armes   a  la  main. 

Ayant  un  coeur  au-delTus  de  d  naiiTance  8c 
de  fa  fortune  ,  du  talent  pour  écrire  ,  &  jouiffaiu 
d'une  famé  robufte  ,  que  ni  l  "ctude  ,  ni  les  voya- 
ges, ni  les  peines  continuelles  d'efprit  n'alicrérenc 
jamais  i  joignant  à  des  mceurs  pures  le  defir  de 
diriger  les  confciences  ,  perTonne  ne  parut  p'us 
«n  état  que  lui  de  remplacer  le  cé'èbre  Arruutd, 
Il  en  avoi:  recueilli  les  derners  fjjpirs.  Un  Au» 
reur  ex-Jcfuitc  prétend  ,  «  (^xî AmsuH  mourant 
t*  l'avoir  dcA{;né  Chef  d'ine  faflion  malheureufe. 
n  Aufli  les  Janfcnilles  ,  à  la  mort  de  leur  Pofi  , 
»«  de  leur  Pitt-Ablc  ,  mirentili  Qi.tj'ati  a  la  tétc 
v«  du  parri.  L'ex>Oratorien  mcprifa  dei  titres  A 
n  fadueux  .  8t  ne  porni  que  ctlui  de  Ptrt-PrUur. 
H  II  avoit  choilî  Hruxclles  pour  fa  retraite.  Le 
M  fçavant  Btnédiâin  Gtrbtron  ,  un  prêtre  nommé 
m  Biigddt  ,  &  trois  ou  quatre  autres  pcrfonnea  de 


DE  l'Histoire  Lcclesiastique.    497 

>•  confiance  ,  comporoicat  fa  focietc.  Tous  les 
>i  refforts  qu'on  peut  mettre  en  mouvement  ,  il 
"  ks  faifoit  •  agir  en  di>;ne  Chef  du  parti.  Soute» 
»  nir  le  courage  des  Elus  perfccutcs  i  leur  con- 
»  lerver  les  anciens  amis  &  protecteurs  ,  ou  leur 
n  en  faire  de  nouveaux  i  rendre  neutres  les  per- 
"  fonnes  puilTantes  qu'il  ne  pouvoir  te  conci- 
»  lier  ;  entretenir  fourdenient  des  correfpondaa- 
Il  ces  par-tout,  dans  les  cloîtres  ,  dans  le  Cler- 
1*  gc  ,  dins  les  Parlemens  ,  dans  pluù^urs  Cours 
H  de  l'Europe  :  votla  quelles  étoicnt  ûs  occupa- 
V  tions  continuelles,  n 

Nous  ignorons  ù  Que/nel  joua  un  fi  grand  rôle; 
mais  ce  qu'il  y  a  de  fur  ,  c'eft  qu'on  jugeroitplus 
favorablement  de  lui  ,  fi  l'on  s'en  rapportoit  à 
la  manière  dont  il  s'expliqua  dans  fes  derniers  ino« 
mens.  Il  déclara  dans  une  Profeffion  de  foi ,  •«  qu'il 
»  vouloir  mourir  comme  il  avoit  toujours  vécu  , 
M  dans  le  fetn  de  l'Ëglife  Catholique  -,  qu'il  croyoie 
»»  toutes  les  vérités  qu'elle  enfcigne  -,  qu'il  con-; 
H  damnoit  toutes  les  erreurs  qu'elle  con  lamne  j 
»»  qu'il  reconnoilToit  le  Souverain  Pontife  pour 
M  le  premier  Vicaire  de  J.C. ,  8c  le  fiége  Apof-^ 
n  tolique  pour  le  centre  de  l'Unité.  » 

Mort  de  Louis  XIV. 

L'oppofitlon  que  la  bulle  Unigenltus  trouva  en 
France,  remplit  d'amertume  les  dernières  années 
de  Louis  Xll^\  les  maux  du  corps  aggravoienr  le» 
afili^ions  de  rcfprii.   Ce  moaarque  s'afltoihliilok 


49^  E   L   E   M   E   V   S 

de  jour  en  jour  ;  enfin  il  mourut  le  premier  Se3- 
terrhre  1-15  ,  avec  cette  grandeur-d'amc  qui  avoit 
anime  le  refte  de  fa  vie.  Tous  fcs  difcoars  furent 
d'un  prince  Chrétien.  Le»  fcntimen»  de  Religion 
qui  croient  dans  fon  coeur  ,  parurent  alors  dan* 
leur  plus  grand  éclat  ;  on  le  vit  aux  prifes  avec 
la  mort  ,  dans  toutes  les  angoiiTes  de  l'agonie  ,  fe 
plaignant  feulement ,  au  milieu  de  fes  plus  cruelles 
douleurs,  de  ne  fouiTrir  pas  aflez  pour  i'cxpiatiom 
de  fes  péchés. 

On  lui  dit  en  lui  prcCcnrant  des  cordiaux  tSirt^ 
en  veut  vous  rappetUr  à  h  vie  \  il  répondit  :  L/t 
t;«  ,  la  mort,  tout  ce  qu'il  plaira  à  Dieu.  Il  dit  à  feS 
domeftiques  qui  pleuroient  :  M'avt\-vous  cru  im- 
mcrtel}  Il  avoua  fes  fautes.  Ayant  fait-venir  les 
Prioces  &  les  PrincefTes  da  fang  ,  il  leur  parla  fans 
trouble  &  fans  émotion,  8c  dit  au  Dauphin  , qui 
dcvolt  lui  fucccder.  Mon  Enfant ,  vous  alle\  itre  wn 
grand  Roi  ;  ne  m'irnite\  pas  dans  U  ^oùt  que  j'ai  tu 
pour  la  guerre  ;  iJcht[  d'aroir  la  pmi*  avec  vos  vot» 
fins.  RenJei  à  Dieu  ce  que  vous  lui  deyt\  ;  reccnnoif- 
ff^  Us  oh/igaiions  que  vous  lui  avc\  ;  fmiltS'lt  A»- 
no''tr  par  vos  fujets,  5uive\  toujours  de  honr  tomftlli» 
Tâ(he\  de  fvula^er  vos  peuples  ,  et  que  je  fuis  afff^^ 
malheureux  de  n'ê*oir  pas  pu  faire.  Loun  XIV 
exhorta  enfuiie  let  Prchtt  qui  ctoient  autour  dt 
lui  i  f'ire- triompher  la  caufe  de  l'Eglife.  Il  fou* 
tint  ainfi ,  iuTqu'au  dernier  moment ,  le  furnom  d« 
Cr.tnJ  que  l'F.'irope  lui  avoit  donne  ,  6c  que  l« 
poAcrité  lui  confirmera. 


DE  l'Hi?toîîie  Ecclésiastique.    4f^9 

Mon  Je  Clément  XI. 

Cette  fermeté  d'ame  qui  accompagna  Lou!i  XlV 
au  tombeau,  anima  aulïï  CUmcnt  XI.  Ce  pape  vit 
la  mort  avec  cette  confiance  qui  fe  rcfîgne  aux 
ordres  éternels  -,  il  ne  montra  jamais  autant  de 
force  que  dans  ce  terrible  moment.  L'E^life  le 
perdit  le  19  Mars  1721  ,  jour  de  S.  lufcph  donc 
il  avoir  compofé  l'Office  ;  il  voulut  être  cnféveli 
dans  le  caveau  qu'il  avoir  fait-conilruire  de  foa 
vivant  ,  avec  cette  fimple  infcriptioa  :  Hù  jacct 
Juannes'Francifc-is  Aibanus.  La  candeur  de  fon  ca- 
ractère ,  la  pureté  de  fes  moeurs,  fa  tendre  bien« 
faifance,  excitèrent  les  plus  vifs  regrets.  Géné- 
reux envers  tout  le  monde ,  il  ne  fat  avare  que 
peur  lui-même  -,  il  réduifit  fa  table  à  la  plus  graada 
frugalité  ,  tandis  que  des  mil'ieps  de  pauvres  trou- 
voient  des  reiTources  pour  tous  leurs  befoins  dans 
fon  immenfe  charité.  Marfeille  ,  affligée  par  ut» 
fléau  terrible,  reffentit  les  effets  de  fa  commifé- 
rarion.  Les  qualités  de  fon  ame  étolent  peintes  fur 
fa  phyfionomie  ,  &  fou  feul  afpecl  infpiroit  les 
vertus  dont  il  étoit  pénétré. 

Ponùficdt  ^'Innocent  XIII  6»  de  Benoît  XIII;     - 
RcJÎ'uutions  fuites  au  S.  Siège, 

La  vacance  du  fdlnt-fK,^e  ne  fut  que  de  qua» 
rante-neuf  jours.  Le  cardinal  Mic/ie/-Ange  C^nti , 
Romiin  ,  evéque  de  Viterbe  ,  âgé  de  66  ans  ,  d'une 
4es   plut   illuAres  familles  de  Kome  ,  qui  avoil 


500  F.    L   E    M    L    N    J 

<ic)a  conne  douze  Fjpcs  à  1  Egliic  ,  fut  placé  fur 
la  chaire  poaiiftcal«  fous  le  nom  A'Iin^ctit  XIII, 
Le  nouveau  Fape  ,  prudent ,  Ttge.  pacifique,  cc'.ai* 
re.  avoic  l'ane  noble,  cftimoit  le  mente  &  pro- 
tégeoit  les  fctences.  Les  circontlances  dam  ieC» 
quelles  il  fut  clu ,  paroilVoient  peu  fivotdblesau 
repos  du  fouverain  Pontife.  Les  ProtcAans  ayant 
pluùeurs  Princes  pui/T.ins  dans  leur  communion  , 
formoient  de  violens  projets  ci'ctendre  leur  icdeea 
^l!;magaet  le^  l'nn^ejCatholiques.divifesentr'cux, 
nctoiaot  que  foiblemsai  attaches  au  faict<âege: 
Ja  Fiance  c:oit  toujuais  a^i.cc  par  dei  dii'putes 
fur  l'accepution  de  la  Bulle  L'mgtnitut  ;  1  empe< 
xeur  répetoit  U  poiTefTioa  des  duchés  de  Panne 
&  de  Plaifaoce  ,  tandis  que  l'Eipagne  demandoic 
celle  de  Cafiro  âc  de  Roncigiione.  <')a  eipcroic  que 
Je  nouveau  Pape  termineroii  tous  les  difTcrende 
&  appianiroit  toutes  les  diâicultes-,  mais  il  ne  licgea 
qu'environ  trois  ans.  Il  mourut  le  7  Mars  1724« 
Comme  on  le  prclToit  a  l'heure  de  la  mort  de  rem- 
plir les  places  vacantes  dans  le  facré  collège  ,  il  ré- 
pondit: Ji  ne  fun  p.'us  ic  te  mondt.  Les  cardinaux 
afTemblcs  au  conclave  ,  lui  donncreot  pour  fuc- 
ceiTeur  !e  cardinal  l'inctr.t  Sijr.t  de»  L'rjiat ,  Do» 
ininicaio,  clu  après  une  vacance  de  2  mois  fie  11 
jour»,  fervent  religieux  ,  pieux  caidiaal  fit  faine 
pape. 

Lci  vertus  du  nouveau  Poatife  ,  refpeAces  de* 
cnnemit  mcmci  de  rLi;;ife  ,  oputicnt  une  rcfti. 
Autioa  aptCi  lac^ucUe  U  cour  Uc  Mut&c  iwuyuu^» 


DE  L*HlSTOIRE   ECCLESIASTIQUE.      ^Oî 

Clément  XI  n'ayant  pas  voulu  reconr.iitre  l'ar- 
cbiduc  Charles  pour  roi  d'Efpagne  ,  l'empereur  s'em- 
para en  1708  de  Comachlo  dans  le  Ferrarois.  Quoi- 
que ce  Pape  eût  fait  la  paix  avec  l'empereur  Jum 
feph  ,  cette  ville  n'avoit  point  été  refiituee  ,  ni 
fous  fon  pontificat ,  ni  fous  celui  A' Innocent  XIII, 
Il  étoit  réfervé  au  zèle  aftif  de  Eenoît  XIII ,  de 
procurer  ce  domaine  à  l'Eglife  •,  il  obtint  de  l'em- 
pereur CAjr/^j  /^,  que  les  Impériaux  évacuetoient 
cette  place,  &  c'eft  ce  qui  fut  exécute  en  l'évrier 
de  l'année  171^' 

ChrîJl'uKÎfme  prêché  &  profcnt  à  la  Chine  ; 
Difputes  fur  les  Cérémonies  Chlnoïfes, 

La  joie  qu'eut  le  Pape  du  fucccs  de  cette  aftair*,' 
fut  trouSlée  par  l,i  nouvelle  des  malUeurs  que  le 
Chriftianifme  venoit  d'éprouver  à  la  Chine.  Com- 
me nous  n'avons  parlé  qu'en  palTant  des  mifllons 
faites  dans  ce  vafte  empire,  &  des  travcr'is  qu'el- 
les éprouvèrent,  nous  faitifTons  cette  occafion  pour 
en  tracer  une  courte  hiftoire. 

Après  la  mort  de  S.  François  Xavier  ,  quelques 
Religieux,  animés  par  fon  exemple,  trouvèrent  le 
moyen  de  pénétrer  à  la  Chine.  Le  P,  Mjtthitm 
Ricci,  Jéfuite,  y  annonça  l'Evangile  avec  tant  de 
fucccs  ,  que  fcs  confrères  le  furnommérent  VApCtrt 
des  Chinois.  Ce  mifTionnaire  avoit  eu  certainement 
beaucoup  d'obllacles  à  furmonter.  Premiércmenr , 
les  peuples  de  la  Ch'ne  ont  pour  les  autres  ni- 
fions  un  mépris  ,  que  le  P,  F-'ai  vint  à-buu:  iî 


Ç02  E   L  E  M  E  N   S 

vaincre ,  du  moins  en  partie.  En  fécond  lieu  ,  il 
falloir  apprendre  lear  langue,  &  elle  eft  [lus  dif- 
ficile toute  feule  ,  que  la  plupart  de  celles  de  l'Eu- 
rope enfemble.  C'cft  une  n-.ine  où  il  y  a  toujours 
à  creiifer.  Les  Chinois  n'ont  point,  comme  "les 
autres  peuples,  un  alphabet ,  qui ,  à  l'aide  de  vingt- 
quaire  cara^ùes  ,  puifle  fufîire  à  tout  exprimer. 
Au  lieM  de  lettrcî  ,  ils  ont  trois  mille  trois  cents 
quatre-vingt-dix  caradcres  primiiifs  ,  dont  cha- 
cun expriiT.'j  une  Idée.  Leur  kr^ueel:  donc  ccm- 
pofec  d'une  rruhitude  de  fgures  -,  &  a  ir.efure 
qu'on  fait  de  nouvelies  découvertes  dans  la  na- 
ture &  dans  les  arts  ,  il  faut  de  nouveaux  caraûé- 
res  pour  les  exprimer. 

Ces  difficultés  dévoient  effrayer  les  Europsens  ; 
le  P.  Ricci  les  furmonta.  11  parla  facilement  une 
langue  ,  que  la  plupart  des  Mlflionnaires  font  ré- 
duits à  bégayer  toute  leur  vie.  A  fcs  talens  ,  il 
joignit  un  efprit  fouple  &  un  caraftcre  adroit , 
qui  fçavolt  fe  plier  à  celui  des  peuples  qu'il 
vouloir  convertir.  Les  Chinois ,  fcrupuleufement 
attachés  à  leurs  ufages  &  à  leurs  cérémonies  ,  en 
obfcrvoient  à  l'égard  de  leurs  pirens  morts  &  du 
philofophe  Confucius  ,  qui  paroiffuienc  tenir  de  l'i- 
dolâtrie. Le  P.  Ricci  en  penfa  diflcremmcnt  :  il 
jugea  que  cps  cérémonies  tiolcat  purement  ci- 
viles &  politiques,  &  il  les  toléra  d'autant  plus 
facilement  qu'elles  avoicnt  jette  les  plus  profondes 
racines. 
Les  Domiaicaios  étant  entrés  dans  la  Chioe'pour 


t>E  L*HlSTOlRE  ECCLÏSIASTIQUE.  ÇO5 
exercer  l'apcftolat,  ne  s'accoir mode- tni  point  de 
la  çondefcendance  du  P.  Ricci  ^  qui  leur  paroliToit 
plus  politique  que  Chrétienne.  Leur  Père  M^-^Iès 
vint  du  fond  de  la  Chine  pour  porter  fcs  plain- 
tes au  pape  Innocent  X  confe  les  mlfTionn  .ires 
Jéfuites.  II  obtint  en  1645  un  décret  de  la  con- 
grégation de  la  Propagande  ,  par  lequel  les  céré- 
monies Cbinoiies  furenr  condamnées.  L;  Pape 
donna  fa  fan^ion  à  ce  décret.  Mais  l'année  fui- 
vante  ,  les  Jéfuites  ayant  expofé  h  queilion  fous 
une  autre  face,  obtinrent  un  décret  tout  contrai- 
re, qui  jugeoit  les  cérémonies  Chinoifes  purement 
civiles. 

,  Tandis  qu'on  difputoit  en  Europe,  les  Jéfuites 
profpéroient  à  la  Chine.  Leurs  profondes  connoif- 
fances  dans  les  Mathématiques,  leî  rendirent  extrê- 
mement chers  aux  Empereurs  de  la  famille  Tartare  , 
qui,  vers  le  milieu  du  xvii'  Cécle,  s'étoient  rendus 
maîtres  de  l'empire  Chinois.  Ce  fut  principalement 
fous  le  règne  de  l'empereur  Cjrz-///,  prince  d'un 
génie  élevé  ,  ami  &  protecteur  des  lettres  ,  qu'ils 
jouirent  de  la  plus  haute  faveur.  En  1692,  ce  prince 
déclara  par  un  Edit  folemnel  ,  qu'il  regirdoit  la 
Picligion  Chrétienne  comme  une  doctrine  iniiocen- 
te ,  &  il  permit  de  l'enfeigner. 

Parmi  les  Miiîjoonaires  envoyés  à  la  Chine  ,  on 
diftinguoit  un  Jéfuite  de  Bordeaux  ,  appelle  le  P. 
/«  Ccmte.  A  fon  retour  ,  il  publia  en  1700  deux 
volumes  de  Mcn:.,ir(s  fur  l'état  de  cet  empire.  On 
y  Ufoit ,  «iue  ce  peuple  avoit  conlervé  pendant 


504  E  L  E  M  F  y  s 

deux  mille  act ,  la  conncifîànce  é.»  vrai  DiBV  ; 
qu'il  avoir  facriné  au  Crcatrur  dans  le  plus  ancien 
teirple  de  l'univers  ;  que  les  Chinois  avoient  pra* 
tique  les  plus  pures  leçons  de  la  iroralc  ,  «andis 
que  le  refte  de  l'univers  avoir  crc  dans  l'erreur  Se 
dans  la  corruption. 

L'Abbé  Bt,ileau,  frère  du  Satyricue  ,  frrrir  foa 
etrrcau  ébramic  (ce  turenr  fcs  expreflions  )  par  cet 
éloge  des  Chinois.  11  etoir  dcdleur  de  Sorbonne, 
&  il  le  dencmça  à  fa  ccnpas;nie  comme  un  blaf* 
phcme  ,  qui  mettoir  !e  peuple  àx  la  Chine  pref- 
que  au  niveau  du  peuple  de  D-cii.  La  faculté  prof* 
crivlr  CCS  proptlltions  ,  ainfi  que  le  livre  dont 
on  les  avoit  tirées  ;  Se  ce  fut  le  même  inotif,qui 
porta  long-tems  après  le  parlement  de  faris  à  lo 
condamner  au  feu  par  fon  Arrêt  du  6  Mars  1761. 

La  cenl'ure  de  la  Sorbonnc  ayant  réveille  la  dif< 
pute  fur  la  légitimité  des  cérémonies  Chinoifet , 
&  la  querelle  devenant  toujours  plus  vive  ,  CU- 
nent  XI  crut  pouvoir  la  termirer  en  en%-oyant  en 
I701  un  légat  à  la  Chine  :  il  chcifit  Thim»t  MsU» 
lard  ,  archevêque  de  Tournon  ,  qui  n'arrivt  à 
Pékin  qu'en  i  ~Of .  Ce  légat  ayant  eu  une  audience 
de  TF-mpercur  de  la  Chine  ,  fit  divers  nglemens 
que  les  MilTionnaires  ne  vc«u!iirenr  point  obirr- 
TCt ,  flc  il  mourut  en  pnfon  en  1710  -,  viâime, 
tiifoft-on,  des  Jéruitestuxqiiel»  on  ir  -«rt, 

ou  plutôt  de»  fif^'ues  ,  de»  traverfci,  .  ip- 

tÏTité  qu'il  avoit  effityôe^. 

Ciimtnt  A7,  fcoTiblc  à  f<l  pcri»  ,  fit  fon  éloge  co 

l-lcin 


feï  l'Histoire  Ecclestxsttque.    ^of 

plein  conCftoire.  «  Comme  un  or  pur  ,  dlfolt-il  , 
»•  le  cardinal  de  Tuurnon  a  été  éprouvé  dans  la 
I»  fournaife  par  un  nombre  infini  d'injures  qu'il  a 
r>  fouffertes  avec  une  grandeur-d'ameSc  une  force 
»•  mcrveilleufes.'»  Cependant  il  ordonna  le  ijDé» 
ccmbre  1710,  que  les  décrets  émanes  de  l'Inquifi» 
tion  ou  du  S.  Sitge  fur  les  cérémonies  Chinoifes  , 
feroient  exécutés  à  l'avenir  ,  &  qu'on  n'allieroic 
plus    le  culte  liu  vrai  Dieu  avec  celui  de  Baal, 

Les  difputes  des  Miflîonnaires  avoient  fait  tort, 
dans  l'efprit  des  grands  &  du  monarque  de  U 
Chine,  à  la  religion  qu'ils  annonçoient.  Après  la 
mort  de  l'empereur  Cam-Hien  1714,  fon  fucceffeur 
Vj'  iCiiing  ordonna  ,  q  le  non-feulement  les  apô- 
tres du  Chriflianifme  fortiroient  de  fes  états  , 
mais  encore  tous  ceux  qui  profeflToient  cette  Re- 
ligion. Comme  ce  prince  étoit  naturellement  bon  , 
il  ce  décerna  pas  des  peines  rigoureufes  ,  &  il  re- 
tint même  auprès  de  lui  quelques  Jéfuites  diAin» 
gués ,  ou  comme  artides  ,  ou  comme  fçavans.  II 
td  (^ifficile  de  dire  en  quel  état  eft  la  Religion 
Chrétienne  aujourd'hui  en  cette  contrée  :  les  re- 
lations fe  contredifeot ,  &  on  exagère  ou  l'on  ex- 
ténue les  fucccs  des  Apôtres  de  la  C'iine  ,  feloa 
l'efprit  qui  dirige  ceux  qui  écrivent  ces  relations. 

Il  :n  a  été  de  même  dans  les  éloges  ojtrés 
qu'on  a  donnés  aux  Chinois.  Il  cA  certain  que 
les  Minionnaires  n'ont  tant  fait-valoir  le  mérite 
de  ce  peuple  vain  &  frivole  ,  que  pour  donner 
plus  d'cc'.at  à  leurs  conquêtes  fpirituellcs   bi  lum 

Ton,  II,  r 


■jO^  E.LE  M  E   K  s 

juge  de  cette  nation  par  ce  qu'en  dit  l'amiral  ^«/îvi 
6c  les  voyageurs  poftiriejfs  ,-ellî  ae  mi:rite  pa» 
le  titre  de  prtmiir  peuplée  de  l'Univers  ,  que  lui  ont 
donne  quelques  Phllofophes  entlioufiittes, 

E:  quant  aux  Lctt-c$  Chinois  qu'on  a  tant  van- 
tés, il  faut  convenir  qu'avec  leur  prctendue  lit- 
térature ,  ce  font  des  hommes  très-ruperditieux, 
Une  magie  aveugle  ,  une  futte  crédulité  aux  foa^ 
ges ,  l'invocation  des  génies  5c  des  démons  ,  une 
idolâtrie  ftupide,  enfin  les  préjugés  les  plus  mé» 
prifâbles  ,  font  trcs-comnuns  p:rmi  ces  hommes 
fi  éclairés  de  la  prcmicre  nation  du  Monde. 

Concile  d'Embrun  ;  acceptation  du  Cardinal 
de   Noaillis. 

Tous  les  Evèques  de  France  n'avoient  pas  reçu 
la  B.ille  Unigenitus  ,  que  quelques-uns  même  trat- 
toient  de  décret  monllrueux.  De  ce  nombre  éroit 
Soëntn  ,  évèque  de  Scncz  ,  vieillard  rcfpe^lable 
par  fes  vertus  i  mais  qui  ,  ayant  eu  occaùon  de 
connoitre  Quefntl  à  l'Oratoire  ,  dont  ils  êtoient 
membres  l'un  &  l'autre,  s'ctoit  rempli  de  fes  fen- 
timens.  Il  publia  en  1716  une  lnf\ruc\ion  pjHo- 
rale.dans  laquelle  il  combloit  d'éloges  le  livre 
des  Rcflexiont  moraUi  ,  &  pei^noit  la  Bulle  i'ni- 
genituM  avec  des  couleurs  peu  favorables  à  cette 
conditutiun  fie  a  ceux  qui  l'avoient  follicicce. 

h'i,  de  Tencin  ,  grchcvc'jue  d  Lmbrun  ,  fit  mctro» 
politam  de  rtvéque  de  Scnet ,  eut  ordre  d'alfem- 
blcr  uo    Coaule   provtu:ul  d^ii»  fu  \ilk  «rdiir 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique.    ç«>7 

eplfcopale.  L'ouvercure  de  ce  fynode  fe  fit  le  16 
Août  1717.  M.  de  Sûancn  y  fut  appelle  ,  &  ,  mal- 
£rc  fes  protei^ations  contre  tout  ce  que  les  Pré- 
lats affemblés  pourroient  faire  ,  &  fon  appel  au 
futur  Concile ,  il  fut  déclaré  fufpens  de  tout  pou- 
voir &  de  toute  jurifdldlion  épifcopale  ;  on  con- 
damna fon  Inftrutlicn  patiorale  ,  comme  témérai- 
re ,  fcandaleufe  ,  féditieufe  ,  injurieufe  à  l'Eglife  , 
aux  Evcques  8f  à  l'autorité  royale.  Une  lettre-de- 
cachet  l'exila  à  l'abbaye  de  la  Chaife  -  Dieu  en 
Auvergne,  où  il  mourut  en  1740,  à  çz  ans  ;  fa 
retraite  fut  d'autant  plus  fréquentée  par  fes  par- 
tifans ,  qu'à  beaucoup  defprit  il  joignoit  de  gran- 
des vertus.  11  fignoit  ordinairement  {es  lettres  , 
Jean  ,  tvîque  de  Sene\  ,  pr'tfonnier  de  Jefus-Chrift  ;  3c 
ceux  qui  étoient  attachés  à  fa  caufe  Se  à  fa  per- 
fonne  recevoieot  ces  lettres  comme  celles  d'un 
Martyr, 

L'année  d'après  la  condamnation  de  TEvêque  i* 
Scnez  ,  le  cardinal  de  Nuailiet  ,  archevêque  de 
Paris  ,  accepta  la  conAitution  Unigcniius  par  un 
Mandement  publié  le  11  Oilobre  1718.  Dans  ce 
Mandement,  fon  Inftrutlion  paflorale  du  19  Jan- 
vier 1719  fut  révoquée  ,  les  R<- flexions  morales 
condamnées  dans  le  même  fens  que  Clément  XI 
les  avoit  anathématifies.  Il  écrivit  en  même  tems 
une  lettre  .irculaire  à  tous  les  Evcques  du  royau- 
m;,  &  une  lettre  particulière  à  5«ij.'f  A7//,  qui, 
comblé  de  joie  par  cette  acceptation  pure  &  fira- 
ple,  le  remercia  dans  toute  l'efFu/ion  dcfoncaur* 

Yij 


Le  cardinil  mourut  l'année  d'après,  à  7S  ani, 
A  des  m  jîurs  pures  i  j  une  piitc  foHde  ,  il  avoir 
toujours  joint  un  extérieur  très-rt^uîier  ,  une  mo* 
dcftie  dans  les  man'cres,  une  égalité  &  une  dou- 
ceur de  caraûére  peu  communes.  Ses  charités 
itoicnt  imiienfes.  Ses  meubles  vendus  ,  fie  toutes 
les  autres  déf  eafcs  payées",  il  ne  laiffa  pas  plus 
de  500  livres.  Ses  epnemis  ne  purent  refufcr  de 
recoonoirre  en  lui  les  meilleures  intentions.  H 
■imoit  le  bien  &  le  faifoit.  Ecriture  fainte ,  Père» 
«le  lEglife  ,  trnditioii  ,  théologie  pofuive  ,  théo- 
logie morale-,  il  fçavoit  tout  ce  qu'un  Evcque  doit 
fvavoir. 

Prétendus  Miracles  de  Paris. 

L'année  de  la  mort  du  cardinal  de  Njai!U$  \ 
le  tombciu  d'un  diacre  de  Paris  ,  nommé  l'Abbé 
Paris  ,  frère  d'un  conrciller  au  Parlement  ,  vitn 
agiter  la  capitale  d'un  nouveau  genre  de  faoa- 
cifme.  Ce  diacre  ctoit  mort  appcllant  &  réap- 
pel!ant  ;  le  peuple  lui  attribua  une  quantité  in- 
croyable de  miracles.  Celui  qui  fit  le  plus  de  bruir , 
&  qui  fervit  le  plus  i  nourrir  la  crédulité  du 
peuple  ,  fut  la  prétendue  gucrifon  d'une  fille  aveu- 
gle &  perclufe,  à  la  fin  d'une  neuv.iinc  faite  fur 
le  tombeau  de  Pârit.  On  publia  le  détail  de  ce  pro- 
dige dans  une  difTertaiion  remplie  de  tant  de  cer- 
ti/icùt« ,  que  les  efprits  les  moins  crtdulcs  cioient 
en  fufpent.  M.  du  Lui,  qui  avoir  faccédé  au  cardinal 
de  SoêitUi  daoi  l'arcbevivhi  de  Paris ,  ordOQM 


I 


DE  L*HlSTOIRE  ECCLESIASTIQUE.  5c J 
une  informatioa  juridique.  Les  CoaunifTaires  nom* 
mes  par  ce  Prélat  ,  reconnurtot  qu'il  n'y  avoit 
eu  aucune  gucrifon ,  que  les  fjits  avoient  été  al- 
térés ,  les  atteAations  falfifices  -,  que  la  prêteur 
due  aveugle  n'avoit  jainals  perdu  la  vue ,  &  que 
long-teras  après  la  neuvaine  ,  elle  avoit  toujours 
eu  la  même  peine  à  marcher.  Le  miracle  fut  donc 
déclare  faux  ,  la  diiTertation  condamnée  ,  U  on 
défendit  de  publier  de  nouveaux  prodiges  fans  r>.u< 
torité  de  M.  l'Archevêque. 

Cette  dcfenfe  r.e  put  arrêter  l'enrhouiiafmeexiité 
par  le  récit  des  nuracles  attribues  à  l'Abbé  Pdrij, 
On  alloit  prier  jour  &  nuit  fur  fon  tombeau  au 
cimttiére  de  S.  Midard  ;  on  éprouvoit  des  con* 
vulûons  fie  des  fecoufTes  extraordinaires  ;  enâa 
il  y  eut  des  chofes  û  ridicules ,  que  des  difputes 
théologiques  qu'on  devroit  toujours  traiter  gra- 
vement ,  furent  malheureufement  un  objet  de  dé« 
riûon  pour  une  partie  de  la  aa;ion  ,  &:  la  Reli- 
gion n'y  gagnoit  point.  Un  Jefaite  (  le  P.  Scu- 
^eant  )  ayant  ofc  faire  une  comcdie  fur  les  pro« 
diges  du  diacre  Parilîen  ,  les  plaifanteries  qu'il  em- 
ploya contre  ces  prefliges ,  ont  été  tournées  de- 
puis contre  les  vrais  miracles  par  un  ennerr.i  de 
la  Religion  ,  ôt  tres-mat-a-propos.  La  force  de 
l'imagination  pourroit  avoir  opéré  quelque  guc- 
rifon paffagére  fur  le  tombeau  de  l'Abbi  P^lrii  i 
nous  ne  voulons  ni  l'avouer,  ni  le  nier:  m^is  ,  dans 
les  relacions  publiées  à  ce  fujet  ,  on  ne  voit  ni 
mort  relTufcité,  ni  moatsijnv  tran^portcc  ,  ci  f»^ 


t»'^  E    L   E    M   Ë   V   $ 

vicre  mife  à  fec  ,  ni  même  aucun  fourd  8c  aveugle- 
né  ,  recouvrer  la  vue  &  l'ouie.  De  tels  miractes 
configncs  dam  le$  Lcritures  ,  ou  dans  les  Hiflo- 
TÏens  ecclcfiaftiques  ,  font  rcfervcs  à  l'Auteur  de 
la  nature.  8c  à  ceux  qui  en  ont  reçu  le  pouvoir  de 
£a  divine  bonté. 

Ponti/îcM  de  Clément  X 1 1  ;  fon 
dc/imirejjcment, 

Benoit  XIII  mourut  en  17ÎO  ,  âgé  de  St  ant. 
Le  cardinal  Liurtm  Cvrfini ,  Florentin,  dcftinc  par 
la  providence  à  gouverner  l'Eglife  univcrlelle  , 
fut  élu  par  le  fufTrjge  unanime  de  tous  Tes  coU 
lègues.  Le  pontificat  de  Btnvii  XIII  avoir  été 
gouverne  par  le  cardinal  Cofcia  ,  homme  derpotiquo 
&  hautain  ,  qui  avoit  révolte  les  Romains  par  fet 
manières  &  par  la  création  de  nouveaux  impôts. 
Le  lendemain  du  couronnement  du  nouveau  Papr  , 
le  peuple  aflTemblc  de  toutes  pans  .cria:  yin  C!i~ 
mint  XII  \  iufl  et  des  inju/iices  du  de-nitr  min'tfit't  ! 
Cette  juflke  fe  fit  ;  ceux  qui  avoient  malverfé 
furent  punis,  8t  le  cardin.il  C /ci*  fut  enfermé  au 
ch.tteau  Si-Ange,  où  il  expia  les  .thtit  d'.iutorité 
iont  11  t'érott  rendu  cou  pabl». 

La  nomination  aux  bcntfico  un  1  ■  nixit  jM>it 
brouille  penUni  quelque  temt  la  cour  de  Rome  8c 
celle  ic  Savoie-,  d'4uirc«  ohiets  t'itoient  mcics  i 
cette  di  pute,  U  l'on  defiruii  que  la  paix  fe  fit  en- 
tre les  deux  coutt.  Ces  différends  furent  en  effet 
lunuoc*  cp  17}9  •  C(  IcKoi  de  ^rd^ignc  obcia» 


DE  l'Histoire  Ecclestastique.    ^ii' 

un  cïvapeiu  de  cardir.iî  2  fa  nomimtion  ,  cor.^mo 
les  2utii.'S  couroriDcs  Caù. cliques.  Le  Pape  eilt 
encore  le  plaifir  de  voir  lîs  Princîs  de  'VX'irtim- 
bçrg  rer.oncer  au  Luthérarirmc,  8c  reconnoîtrc  le 
fiége  Aportolique  pour  le  centre  de  l'unité. 

La  vieillelTe  du  Ponrife  étoit  très-avancée;  en- 
fin il  paya  le  tribut  à  la  nature  le  6  Février  1740, 
à  SS  ans.  Les  aumônes  qu'il  répandoit  &  les  ver- 
tus qui  l'iUufiréfent,  furent  l'objet  de  l'amour  des 
V^jêts  de  l'Etat  eccîcfiaflique.  Ses  levenus  furent 
four  les  pauvre»;  fon  trcforijr  lui  ayant  rendu 
fe>  comptes  ,  il  vit  qu'il  n'avoir  pas  1500  écus 
en  caifTe  :  Ci,mnent,  dît  lePspe  ,j'etots  p/uj  riche 
étant  cardinal  f  qut  depuis  que  je  fu'u  Pape!  &  cel4 
ctoit  vrai. 

,  £kfSon  de,  Benoît  XIV  ;  fcs  grandes  quaUtisi 

Le  faint-néige  vaqua  pîus  de  fix  mois  après  la 
mort  de  CUmtni  XII.  Enfin  ,  après  bien  its  agita- 
tions ,  toutes  les  voix  fe  réunirent  en  faveur  du 
cardinal  Prefper  Lamhertini  ,  de  qui  il  n'avoit  pref- 
que  pas  été  queAion  dans  le  conclave.  Son  mé- 
rite auroit  dl^  ,  ce  femble  ,  fixer  plutôt  Tattcntioa 
des  cardinaux  -,  fon  nom  étoit  célèbre  parmi  les 
fçava«s  de  l'Europe, par  des  Ouvrants  remplis  d'c- 
rudition,  &  par  fa  profonde  connoi/Tance  du  droit 
canonique.  Après  avoir  pafTé  par  différens  em« 
plois ,  i!  étoit  parvenu  au  fiégc  arcliicpifcopal  de 
Bologne  fa  patrie  ,  te  s'y  étoit  faitaimer  par  une 
humeur  cnjor.ce  ,  par  un  carafttre  affahie  ,  p4* 
en  cfpric  impartial  âc  juAc,  T  iv 


fit  E  L  t  M  E  y  s 

Lorfqu'il  fac  parvenu  au  pontificat  ,  îl  prit  U 
Bom  de  Echoit  XIV  ^  en  mémoire  de  Benvit  XII t , 
qui  lui  avoit  accorde  la  pourpre  Romaine.  Sa 
douceur  pjrut  dans  Tes  audiences  ,  où  il  accueil- 
loic  cgalcracnt  les  grands  fie  les  petits  -,  6c  foa 
goût  pour  les  fciences  fe  foutiat  fur  le  trône  pon- 
tifical.  Trois  académies  furent  établies  en  1741  i  il 
les  compofa  des  hommes  les  plus  fçavans  de  Ro- 
me, &  les  chargea  de  travailler  ,  l'une  fur  l'Hif- 
toire  EcclcfiaAique ,  l'autre  fur  l'HiAoire  profane, 
te  la  troifiéme  fur  les  Canons  6c  les  Dccrctales  des 
Papes.  Ceux  qui  fe  diAingueroient  dans  chaqut 
genre,  dévoient  être  récompenfés  par  des  prix  ho- 
norables, 6c  ils  l'etoient  encore  plus  par  l'accueil 
gracieux  du  fouverain. 

Il  ttoit  furvenu  quelques  différends  entre  la 
cour  de  Rome  8c  celles  de  Naples  au  fujet  de  la 
jurifdidion  eccléiîailique  -,  ils  furent  terminés  en 
1741.  Cette  même  année  il  y  eut  un  nouvel  ac- 
commodement entre  le  duc  de  Savoie  6c  le  Fapc. 
Par  !e  traité  fait  entre  ces  deux  puidances  ,  le 
Roi  de  Sardaigne  nominoit  a  des  cvcchcs  de  fes 
états  ,  vacans  depuis  long-tems.  Btnoit  XH'  lui 
accorda  enfutte  le  titre  de  grand-vicaire  des  Acfs 
du  faint  ûcg;  dans  le  Piémont  ,  fous  la  redevance 
d'un  calice  d'or  ,  qui  doit  ctre  prcfcoté  tous  les 
ans  au  faini-ficge  le  jour  de  S.  Pitm. 

Chaque  année  du  pontificat  de  Btnoit  Xll'fat 
ourquce  par  quelque  bulle  pour  reformer  des  abas* 
ou  pour  inuoduiie  des  ufages  aules.  Il  tcot^u- 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,     çtj 

vella  les  décrets  portes  contre  les  fauteurs  de» 
pratiques  idolâtres,  introduites  daas  les  minions 
de  l'Inde  &  de  la  Chine.  II  forma  des  projets  de 
réunion  pour  les  différens  hérétiques  ftparsis  de 
l'Egllfc  -,  il  auroit  voulu  terminer  les  querelles 
touchant  les  matières  de  la  Grâce.  Son  idée  étolc 
de  faire-figner  un  corps  de  doctrine  ,  où  telle  vé- 
rité feroit  prcfcrite  &  telle  erreur  condamnée  i  maig 
ce  projet  filage  n'eut  point  d'exicution. 

Refus  des  Sacnmcns  ;  Billets  de   ConfeJJîon, 

Son  efprit  de  modération  parut  fur-tout  dans 
la  dlfpute  élevée  en  France  ,  en  1751  ,  au  fujet 
des  refus  des  Sacreraens,  faits  aux  Janfénirtes  ,  Se 
des  billets  de  confelTion  exigés  des  malades  qui 
étoient  foupçonnés  de  l'être.  Cette  querelle,  dont 
le  théâtre  fut  principalement  a  l'aris  ,  efl  trop  ré- 
cente pour  la  retracer.  Le  repos  de  l'épifcopat  »• 
de  la  mag'ilrature  Se  de  beaucoup  de  citoyens  en 
fut  troublé.  Ic^j</> -YF  voulant  ércindre  cette  guerre 
ir.ieûine  qui  divifoit  fou  royaume  ,  confulta  ^e- 
noit  XIV,  Ce  Pontife  envoya  au  Roi  une  lettre 
circulaire  pour  tous  les  Evoques  de  France,  dans 
laquelle  ,  après  avoir  établi  que  la  conAitution 
Uni^cnitus  étoit  une  loi  univerfclle  ,  à  laquell* 
onncpouvoit  réfifter  fans  fe  mettre  en  danger  de 
perdre  fon  falut  éternel»  il  donno't  un  tempéra- 
ment qui  devoir  (atisfairc  tous  les  partis,  en  ce 
que  les  rtirai^aircs  à  la  Bulle  ctoieni  jugés  indi. 
gpes  des  Sacreraens,  comme  Us  pcheurs  public*» 

Yv. 


^4  E   L   E    Nf   E   V   s 

il  leur  révolte  ctoit  notoire  ,  loit  par  le  droit  J 
foit  par  le  tait.  Cette  Lettre  er.c^cUgue  ,  en  date 
du  i6  Oâobrc  1756,  fut  reçue  par  le  Clergé  de 
France  ,  &  peu-à-peu  ramena  la  paix. 

Alort  de  Benoît  XIV  ;  fon   élo^e. 

Le  bref  de  Btnvlt  XIV  h  Louis  X  y  .  e(i  de 
I756;  il  mourut  environ  un  an  8c  demi  après, 
en  175S.  Aime  des  Catholiques  ,  refpci"^;  des 
Protet^ans  ,  prince  (ans  favori  ,  pape  fans  népotif- 
me ,  auteur  fans  vanité,  il  mcriia  les  hemniages 
des  ennemis  mômes  de  l'Eglife.  Son  dcfintcrcf- 
fement  ctoit  extrôme.  Des  qu'il  fut  fur  la  chaire 
de  S.  Pierre  ,  il  céda  à  la  chambre  ApoAolique 
ce  que  fes  prcdéccfTeurs  mettoicnt  au  nombre  de 
Icuri  revenus  particu'iers.  Il  lailTa  fcs  parens  dans 
t'ctat  qu'ils  avoient  avant  qu'il  parvint  au  pontt> 
ficat.  Enfin  il  eut  le  caraflércde  la  véritable  vertu: 
Il  fut  dur  pour  lui-même  ,  &  indulgent  pour  les 
autres.  Le  cardinal  CharUs  Rt\\pnico  ^  Vénitien  ^ 
prélat  plein  de  douceur  ,  de  bonté  8c  de  religion, 
lui  fuccéda^ 

Expulfion  des  Je  fuites^  du  Potuti^l  ;  DigreJJtMi 
fur  Us  m'tjjitns  du,  P^aguai» 

C'eft  fous  ce  Pontife  qu'une  focictc  nombreufe; 
puiflfantc  en  crédit  ,  en  lumières  ,  en  ri^helTei  , 
cprouva  les  premicre»  fecouITci  de  fj  chute  pro* 
(haine,  ntnoit  XIV  ,  averti  par  le  Roi  de  Por- 
tugal que  Ut  J^foitct  du  Paraguai  s  auiibuctait 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,    çtç 

des  droits  contraires  à  1j  rnodeftie  rcîig-eufe  & 
3UX  prctentions  dçi  Souverains  ,  adreffa  au  car- 
dinal SjlJanha  un  Bref  pour  les  réformer.  Ce 
bref  n'opcra  pas  de  grands  changemens.  Les  Jcfui- 
tes  déplaifoient  toujonrs  aa  Roi  de  Portugal, qui 
les  priva  en  1758  de  leur  emploi  de  confciTcnr 
à  la  coar ,  &  leur  donna  toutes  les  marques  delà 
difgrace. 

On  prétend  que  le  premier  ornge  que  les  Jé- 
fuites  éprouvèrent  en  Portugal ,  vint  du  fond  du 
Paraguai.  On  fçait  que  ,  vers  le  commencement 
du  dernier  fiécle  ,  quelques  Mi^Fionnaires  de  cet 
ordre  s'ctoient  frayé  l'entrée  de  cette  province 
de  l'Amérique  Méridionale  qui  confine  les  éta- 
bliffemcns  Efpagnols  &  Portugais  fur  la  rivière 
de  la  Plata.  Les  h^bitans  de  ces  contrées  étoicnt 
à-peu-prcs  dans  l'état  des  Sïuvages  ,  ne  connoif- 
fant  aucun  Art,  &:  cherchant  une  fubfiAance  pré- 
caire dans  le  produit  de  leur  chalTe  ou  de  leur 
pêche.  Les  Jtfuites  entreprirent  d'inftruire  leurs 
arr.es,  &  Ictr  apprirent  a  donner  à  leurs  corps  une 
nourriture  qui  ne  irtanqua  jamais. 

Après  les  avoir  engagés  à  fe  réunir  dans  des 
villages,  ils  leur  enfci'^nérent  l'art  de  bâtir  des 
maifons  ,  de  cultiver  l.i  terre,  &  d'cicver  des  ani. 
maux  donief^iques.  Les  principes  de  la  fubordi' 
nation  &  «ie  la  police  leur  étoient  inconnus  ^  il» 
ccmnienctrcnt  à  goûter  les  douceurs  de  la  fo- 
cicté  &  les  avantages  du  bon  ordre.  Les  Jcfukes 
gouveroant    les   peuples  qu'Us   avoient    civiUfos  y 


5l5  E   L   E   M   E   N   s 

avec  la  tenJrcffu-  d'un  pcre  ,  entretenoient  iki* 
égalité  parfaite  encre  les  membres  de  cette  nom- 
breufe  famille.  Le  produit  de  leurs  champs,  tous 
les  fruits  de  l'indullne  des  particuliers  ,  croient 
daos  des  magafms  commuas  pour  les  befoins  de 
chaque  individu.  Un  petit  nombre  de  mag:ftrat«, 
ctioiàs  par  les  Indiens  eux-mêmes  ,  veilloient  fur 
la  tranquillité  publique.  Une  légère  réprimande, 
une  petite  note  d'infamie  ,  ou  quelques  coups  de 
fouet  pour  les  fautes  graves  ,  fuftifoient  pour 
ramener  au  devoir  ce  peuple  innocent  &  hea» 
leux. 

Mais  en  faifant  le  bonheur  de  ces  fauvage» 
Américains  ,  les  Jtfuitcs  ttoicnt  foupçonnes  en 
Europe  de  les  avoir  civilifts  pour  les  gouverner 
cxcluiivement.  Us  avaient  défendu  toute  corn* 
munica-.ioii  avec  les  Efpagnols  ou  les  Portugais 
leurs  voiiîns  -,  &  tl  n  ctoit  permis  a  aucun  négo- 
ciant de  ces  deux  nations  d'entrer  dans  leur  ter* 
riioire.  Les  Indiens  leurs  fujcis  n'ccoient  inftruits 
d'aucune  des  langue*  de  l'ancien  monde  &  a  me- 
sure qu'ils  civilifoient  quelque  tribu  nouvellt  ^ 
ils  raiTuiettilToient  à  un  dialeif^e  particulier  ,  qu'ils 
chcrchoient  a  rendre  univerfel  djns  tous  leurs- 
éonuines. 

A  ces  précautions ,  les  Jcfuxc^  eu  i<.>>^uitent 
(dit-on)  de  plus  ;ilarmantes  pour  lesRoisd'Ef- 
pagni  6(  de  for<uf;al.  Ut  formèrent  des  corps  de 
cavaleiie  bien  armes  &  bien  difciplines.  Ut  ccabit- 
moi.  des  Aircoaux    fouiais  d'Irma  ia  de  ouoi* 


DE  L*HlST01RE  ECCLESIASTIQUE»  ^17 
fions  de  toute  efpcce.  Ei.rin  ils  eurent  des  for- 
ces militaires  ,  pour  fe  fdire-craindre  dans  un  pay» 
où  les  Efpagnols  &  les  Portugais  n'avoicnt  que 
que!(|ues  bataillons  délabrés  &  mal  difciplinés. 

Les  Rois  de  ces  deux  nations  ,  infttuits  par 
les  gouverneurs  des  provinces  voifines  du  Para- 
guai  ,  parurent  crindre  que  les  Jcfuites  n'cten- 
diiTent  la  domination  de  l'ordre  fur  toute  la  par- 
tie méridionale  de  l'Amérique. 

Dans   ces  circonftances  ,  il  y  eut  un   complot 
hjrr.ble  formé  contre  Jufcph  roi    de  Portugal  ;  il 
fut  affafiîne  le    3   Septembre   175S.    Quelques  Jc- 
fui  es  furent  impliqués  dans   le  procès    fjit   aux 
conjurés.  On  prétendit  que  les   principi.ux    chefs 
de  la  coofpi ration  s'etoient  confeffcs  à   des  mem- 
bres de  la  fociété ,  qui  ,  loin  de  les  détourner  de 
c;  crime ,    les   y  avoient    encouragés.  Cette   ac- 
cufation  n'étoit   pas  ,  fans   doute  ,  fondée  fur  de» 
preuves  évidentes  ;  mais  le  Roi  de  Portugal,  pré- 
venu contre  ces  Religieux  par  fon  premier  miniftre 
C-irvalho ,  les  chafla  en  1759  de  fes  états.  En  ex- 
puUant    les  Jcfuites  ,  on  en  avoit  fait  -  enfermer 
trois   qui    paiToient    pour    les  plus  coupables.  De 
ce   nombre  ctoit  Mj/agrida  ,    Jéfuite  Italien  ,  mif- 
iîonnaire  à  Lisbone,  qui    fut  brûlé   par    ordre  du 
St  -  Office   le  21    Septembre  1761   ,  non    comme 
complice    d'un  parricide  i  mais  comme  un  fau.x- 
prophète,  qui  s'étoit  attribué  le  don  de  prophé- 
tie &.  de  miracles  ,  &  qui   avoit    écrit  d'ni!!eurs 
iu  ouvrages  remplis  de  pieufcs  cx:ravag3Qc:s,. 


<lS  E  L   E  M  E   y  s 

Expuljîon  des  Je  flûte  s ,  de   France^ 

Les  ennemis  que  les  Jéfultcs  avoicnt  en  Franc# 
profîtcrent  des   ombrages  que   leur  expuliion    de 
Portugal  infpiroit  ,  pour  augmenter  la   haine  du 
public  &  pour  opérer  leur  deflruâion.  II  fe  prc- 
fenta  bientôt  une  occafion  favorable  à  leurs  def- 
feins.  Un  Jcfuite  François  nomme /*  fj/wt* ,  chef 
des  mifi:ons  de  l'Amérique  ,  homme  ambitieux  » 
hardi   Se   entreprenant,  faifoit  le   commerce  à  la 
Martinique  ,   &    avoir    des    correfpondances    en 
France.    Les  Anglois  lui  ayant  tait  dans  le  cours 
de  la  guerre  de  17)6  des   prifes   confidcrables  , 
il  efîuya  des  pertes  qu'il   vouLit    faire-fupporter 
à    fes    corrcfpondans    de    Lyon  &   de   Marfcille. 
Ces  négocians  Pattaqucreat ,  lui  &  fcs  confrères, 
en  )u(\ice  rcglce.  L'affaire  fut  portée  a  la  grancfe 
chambre  du    parlement    de  Paris  ,  Se  les  Jcfuites 
'urent  condamnés    tout  d'une  voix.  Oa  leur  in- 
terdit le  commerce  qoe  faifoient  quelques  mem- 
bres <!e  la   focictc  ,  8t  on  les  oMigca  .de    payer 
les  dettes  que  cette  piofclfion  fi^peu  faite   pour 
ëes  Bcligieirx  leur  avoit  occaftonnccs. 

Dans  le»  Mémoires  imprimés  contre  les  Jé- 
fuites  ,  leurs  adverfaires  prcientUrcni  prouver  que 
ce»  Pères ,  en  vertu  de  leurs  Confliiution»  ,  étoient 
folidaires  les  00s  p»ur  les  lutres  ,  &  que  ceux 
de  France  dévoient  icquitter  le»  dettes  des  mifi 
fions  Américaines.  Urt  Arrit  du  parlement  ,da  \ 
;loût  X761  ,eo  exigeant  f^'w  (ameufcs  Coaf, 


DE  lUistoire  Ecclésiastique,     çrj; 

blutions  fufTent  produites  ,  oidonoa  par  provi- 
fion  la  clôture  des  Collèges  des  Jéfuites  pour  le 
premier  Oflobre  fuivant.  Liuis  X  V  prorogea  c© 
tems  jufqu'au  i"  Avril  1762,  &  cette  proroga- 
tioo  faifoit-appréhender  qu'ils  n'obtiniTeat  desmar. 
ques    de  faveur  encore  plus  iigna!^es. 

Le  Roi  confulta  fur  cette  grande  affjire  les 
Evoques  qui  étoient  à  Paris.  Le  plus  grand  nom- 
bre étant  favorable  à  laconfervation  des  Jcfuites  , 
i-ou/jA"^, déférant  à  leurs  avis  ,  rendit  un  Edit 
dont  l'objet  étoit  de  les  laiffer  fubriftcr.en  mo- 
difiant à  plufieurs  égards  leurs  ConlUeutions.  Cette 
Déclaration,  portée  au  Parlement  pour  y  être  en- 
regiArée  y  trouva  une  oppoûiion  gcucraîe.  On 
y  fit  de  fortes  remontrances  i  &  ces  remontran- 
ces eurent  plus  de  fuccès  que  ne  pouvoit  atten- 
dre le  Parlement  mCme.  Le  Roi  ,  fans  y  rica 
repondre,  retira  fon  Edic 

Peu  de  tems  après  la  Cour  déclara  au  priacl-' 
pal  du  Collège  des  Jéfuites  de  Paris,  qu'il  ne  lui 
reAolt  plus  qu'à  obcir  au  Parlement  ,  &  à  celfer 
leurs  levons  le  1". Av.il  1761.  Depuis  cette  épo- 
que ,  les  Collèges  des  Jcfuites  furent  fermes  ;  8c 
la  Société  perdant  la  p  rincipale  branche  de  foa 
crédit,  l'éducation  de  la  NoblelTe  ,  commençafé-. 
xieufement  à  craindre  fa  deflruflion. 

En  effet,  le  6  Août  de  la  même  année,  l'Indi- 
tut  fut  condamne  par  le  Parlement  d'une  voix 
unanime  ,  fans  aucune  oppolition  de  la  part  de 
l'autorité  fouveraicc,  Lci  enians  de  S.  l^nat  , 


Çl*  E   L   £    M   E  N    s 

cbligés  de  renoncer  a  la  Règle  de  leur  pcre  » 
fu-cni  fccularifes  &  ditfous  ,  leurs  biens  aliénés' 
&  vendus  ;  &  le  plus  grand  nombre  reftcrene 
difperfes  çà  &  là,  accables  de  ce^coup  inactenda , 
te  obligés  de  quitter  un  habit  qui  leur  étoit 
cher  Se  que  quelques-uns  avoienc  illuAré  par 
leurs  ralens.  Les  autres  Parlemens  de  France 
ayant  fuivi  l'exemple  de  celui  de  Hans  ,  le  Roi 
contîrma  la  dilToluiion  de  la  focicte  par  un  Edit 
du  moij  de  Novembre  1 764.  Ln  ordonnant  que 
cette  fociécc  rero:t  anéantie  dans  l'on  royaume  , 
il  permit  ncanmoins  à  ceux  qui  la  com^oôienc 
de  vivre  en  paniculier  dans  Tes  Etats  fous  l'au- 
torité fpirituelle  des  Evèques ,  qui  en  employèrent 
plulîcurs  pour  le  fcrvice  de  leurs  dioccfes.  C'eft 
ainiî  que  la  deArudion  d'une  focicte  puifTante  & 
illuAre  a  plusieurs  cgards,fut  opcrce  en  moins  de 
trois  ans  ,  fans  bruit  &  fans  rcfiHance.  IMufieurt 
ex- Jcfuites  ,  cachant  le  femiment  de  leur  doa> 
leur ,  proHicrent  da  feul  moyea  qu'on  Ic^  laif- 
foit  d'être    heureux  en  fe  rcndatu  utiles. 

Cet  evcnemi-'iit  accabla  de  irlfteffc  Cîtmtni  XIII ^ 
protecteur  &  ami  des  Jéfuites,  rur>tout  lorfqu'il 
vit  le  Roi  d'Efpa^ne  ,  le  Roi  de  Njplet  &  le 
duc  de  l'urme  imiter  la  France  fie  fupprimrr  la 
C^mpëgnit  it  J  t  $  i  s.  Une  jlTaire  particulio 
avec  ce  dernier  Souverain  contribua  à  r^panJre 
la  douleur  fwr  fj  refpei>«ble  vicilîeffe.  II  crut  le» 
droits  du  fouvcrain  Uontife  .Ktaquts  par  le  mi. 
Biûérc  Ptfbc^an.  11  Unça  ua  Bref,  qui,eoitfiOU' 


Di  l'Histoire  Ecclésiastique.    511 

Ycllant  les  anciennes  prcfentions  des  Papes  ,  in» 
difpofa  toutes  les  branches  de  la  maifon  de  Bour- 
bon. On  fe  faidc  d'Avignon  &  de  Bcncvent  ,  8c 
dément  XIII  mourut  au  commencement  de  1769, 
avec  le  chagrin  de  voir  beaucoup  de  Puidances 
aigries  Se  de  n'avoir  pu   les  ramener. 

Tableau  du  Pontificat  de  Clément  XIV. 

Des  conjonâures  H  délicates  dévoient  rendre  le 
conclave  orageux ,  &  il  le  fut  auffi.  Enfin  le 
facré  collège  ,  dtcidé  par  l'éloquence  perfuafive 
du  cardinal  de  Bemis  ,  proclama  fouverain  Pon* 
tife  ,  le  19  Mai  1769  ,  le  cardinal  GangantUi ,  de 
l'Ordre  des  Mineurs  conventuels,  Prélat  connu, 
comme  Benoît  Xlf^,  par  l'étendue  de  fcs  lumié* 
res ,  la  finefTe  de  fon  erprit  &  la  foupIeflTe  de 
fon   carafVére. 

Peu  de  Pontifes  avoîent  été  élus  dans  des 
circonftances  plus  difficiles.  Le  Portugal  brouilîé 
avec  le  S.  Siège  depuis  l'expulfion  des  JcAiites  , 
vouloir  fe  donner  un  patriarche.  Les  Rois  de 
Trance  ,  d'Efpagne,  de  Naples,  &  le  duc  de  Par- 
me, ne  dévoient  pas  être  difpofés  favorablement, 
Venife  prétendoit  réformer  les  Communautés  Re- 
ligieufes  fans  le  concours  de  Rome.  La  Pologne 
cherchoit  à  diminuer  l'autorité  papale  dans  c« 
royaume.  Les  Romains  eux-mêmes  murmuroicnt. 
Enfin  un  efprit  de  vertige,  répandu  par  de  pré- 
tendus Sages  dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe  , 
actaquoit  le  Trône  &  l'Autel. 


Çll  E   L   E   M    E   K    s 

Pour   remédier  à  tant  de  itiiux  di/Tcrens  ,  CU' 
ment  XIV  chercha  d'dbord  a  fe  concilier  le»  Sou' 
vcrain$.  Il  envoya  un  Nonce  à  Lisbonue  ;  il  l'up- 
pnma   la  le^lure  de  la  Bulle  In  eccn*  D^miii ,  quj 
tévolcoit  depuis  lon^»  tcms  les  F  rinces.   11  ferrp^ 
les  yeux  fur  les  cntreprifes  des  Vénitien»  ,  pc - 
fuadé  que  la  douceur  les  rameneroit.     Il  négocia 
avec    l'Efpagne  5c  la  France  ,   fans  rien    taire  qui 
put    marquer  la  pulillanimité  ou  la  balTcH'e.    11  fe 
conduisit  «n  homme  adroit    8c  en  gracd-homme* 
Preffc  de  (c  cc^ldcr    fur    le    fort  dei  JiCahit, 
dont  pluûeurs  Souverains     follicitoient    l'extinc- 
tion totale  ,  il  demanda  du   teins   pour  examiner 
cette  grande  affaire.  Je  fuis ,   ccrivoit-il ,  /«  ptrê 
des  jidelis  ,  &  fur-tout  dit  Religieux  ;  je  Ht  fuit  m* 
décider  à  détruire  un    Ordre   célèbre  ,  /anj  avoir    dt* 
rt^i/ons  qui  me  juflijient  aux  yeux  de  Dieu  &   de    Ia 
foflirité.  Entin  ,  après    deux  ou  trois   anaces    de 
dilcufTion,  il  donna  le  ii    Juillet  1773  .'*  f'Snieux 
Bref   qui    fupprime   à    jamais   la  Compagnie  de  Jt» 
avs  i  mais,   en  anéantilTant  la  focicté  ,  il  recoai> 
mande,  dans  ce  .iicmc  Br-  f  q  /on  a  trouvé  i\  rigou- 
reux .  la  plut  grands  cgardt  pojr  les  membres  qui 
la  compofoient.  Cette  c-poque  fut  celle  de  la  rcfti» 
tution  des  dorraines  dont  Ici  Rois    de  France  & 
de  Napies  s'ctoient  fa  fis  :  dumaines  qu'on  croyott 
perdus  à  jamais  pour  le   faint-fic^e. 

Clément  XlV ,  accablé  de  maladies  ,  de  travaux 
8c  de  foucis,  ne  fit  prefque  plus  que  languir  de- 
puis U  fupprcûioo  des  Jiifuitcs,  Des   la  fia  dft 


DE  l'Histoire  Ecclésiastique,     çi^ 

Juillet  »774,  le  Pape  n'é  oie  p!us  qu'une  ombre  de 
Jui«mcme.  Il  fentoitdes  douleurs  cruelles  ,  fa  voijc 
s'ctoit  éteinte.  Je  vais  à  /V/crnà*  ,  difoit-ll ,  &■  je 
fçais  pourquoi.  En  t.  et  il  rendit  le  <?ernier  fou- 
pir  le  il  Septetnbre  delà  même  annce  ,  viftime 
d'un  travail  cxcelTif  &  d'un  mauvais  rcgime  ,  tinfi 
que  l'attefta  fon  mcciecin. 

L'Eglife  perdit  par  cette  mort  un  Pontife  fage, 
courageux,  ji.fie,  an  i  des  'ettre?.  Elevé ,  comme 
Sixte  V  ,    de    l'obfcurité    du  cloître  a   l'cclat    du 
trône  ,    élu    comme    lui   dans    des    circunftances 
difficiles   ,  confidcrc  comme  Sixu    des    ttrjugers 
&  des  Souverains  ,  11  ne  fut  ni  dur  ,  ni  iiflexi- 
ble  ,  ni  fuperbe  comme  ce  Pape.  Ajoutons  à  ces 
traits    qu'il  fut  de  la  plus  grande  fobricté  ,  &  aufS 
dëfintercfTé  que  peu  faftucux.   Aflîs    au   rang   de» 
Rois  ,    il  fut  fervi    comme  un    limple    religieux. 
Lorsqu'on    lui  repréfenta    que  la    dignité    papale 
exigeoit  plus  rl'apprèts ,  il  fe  contenta  de  répon- 
dre :  Ni  Saine  Pierre  ,  ni  Saint  François  ne  m^onê 
appris  à  dîner  plut  fplendidemsnt.    Tout  entier  à  fcf 
devoirs  ,  il  veilloit  une  partie  des  nuits  ,  pour  s'oc- 
cuper des  aflFairps  de  l'Eglifc  dont  il  étoii  le  chef, 
&  des  Ernts  dont  il  étoit  le  père.  La  Rig/*  ,  di- 
foi:-il  quelquefois  ,<y?/j  houjfole  des  Religieux  ;  mais 
le   bejl'in    des   peuples    efl    celle    des  Souverains.  A 
quelque  heure  qu  ils  aient  te/lin  de  nous  ^  il  faut  êir» 
à  eux. 

Il   étoit   très  -  fecret  ,  &  ,  fuivant   l'expreflîon 
d'un  cardinal  honunc-d'cfprit  >  fon  pontificat  a'c: 


524  ElEMENS 

toit  pc$  celui  des  curieux,  i'n  S<.unrali  ,(diroil 
dément  Xiy ,)  qui  a  bttutoup  de  icnJUtut  ,«€  /f-m- 
Toh  manquer  d'are  trafu  :  et  qui  ri  a  pis  été  dit ,  ne 
$\crit  feint. 

Les  Anglo.s  pljccrent  de  fon  vivant  fon  burte 
parmi  ceux  des  grands  •  hommes.  Plut  à  Dieu  t 
dit-il  ,  qui/t  fffent  p<,ur  U  Religion  ce  qu'ils  fvnt 
pvur  moi  !  Lt$  intérêts  de  cette  faintc  Religion 
lui  tenuienc  au  cœur  ,  &,  quoique  très  indulgent« 
il  écrivit  à  Louis  XV ,  pour  l'engager  à  reprimer 
l'audace  des  apôtres  de  l'incredulicc.  Sa  p'cté  ctoic 
finccre  -,  mais  elle  étoit  noble  &  élevée  comme 
le  Chril\bnifme  :  &  quoiqu'on  ait  tâché  de  U 
noircir,  fon  nom  brillera  toujours  parmi  celui  de* 
grands  Papes  &  des  Souverains  illurires. 

Son.  amour  pour  les  lettres  l'engagea  de  for. 
iner  à  Rome  un  Mufxum ,  où  il  rallcmbla  beau» 
coup  de  précieux  rcAes  de  l'antiquiic.  Il  s'ctoic 
fuit-donncr  une  lifle  des  plus  célèbres  Ecrivains 
de  fcs  ciats  ,  6c  li  la  raort  n'eût  pas  empcchd 
l'exécution  de  fes  defTcins  ,  il  devoit  récompen» 
fer  ceux  dont  les  Ouvrages  avoicnt  pour  ob- 
jet U  Religioa  ou  la  patrie,  u  II  efl  juAc  (  difoit» 
U  au  cardinal  Cdvalih.ni  )  ••  que  les  Auteurs  qui 
n  nous  ioAruiTcnt  ou  nous  édifient  ,  trouvent  det 
m  rcmuncraieurs  dans  les  Princes.  L'argent  a% 
M  peut  être  mieux  employé  qu'à  foutenir  le  mé« 
»•  rite  &  à  encourager  les  talent.  Il  e(l  honieu* 
w  qu'il  n'y  ait  des  rccherchci  ciablies  que  pour 
p  Us  mal£Aiicuti ,  &  qu'on  ne  t'uiforae  ai  de  1a 


ri  l'Histoire  Ecclesia«>ttque.     ^î^ 

M  fortune  ,   ni   de    la    dc.neure   des   hommes  qui 
M  éclairent  le  monde.  <» 

Ele^Uon  de  Pie  V I  ;  Jubilé  Univerfel, 

Après  la  mort  de  CUmcnt  XfF ,  le;  cardiniux 
furent  occupés  pendjnt  environ  cinq  moi;  à  don- 
ner un  chef  à  l'Eglife.  Les  vertus  du  cardinal 
Brafchi ,  d'une  ancienne  famille  de  Cesène  ,  réu- 
nirent les  fuffrages  ,  &  il  fut  élu  le  1 5  Février 
1775.  Ce  Pontif>; ,  diftingué  par  la  droiture  de 
fes  vues  ,  par  fon  caradlére  généreux  ,  par  fon 
humeur  bicnfaifjnte  ,  &  fur-tout  par  une  piété 
excnlplaire  ,  a  commencé  fon  pontificat  dans  l'an- 
née fainte.  Ceft  ain/î  qu'on  appelle  l'année  du  }u- 
llU  Univcr/ei  ,  dé]i.  indiqué  par  Clcmcnt  XIV,  & 
confirmé  par  Pic   VI. 

Dans  la  lettre  circulaire  qu'il  écrivit  aux  Eve- 
ques  de  la  Chrétienté  pour  ouvrir  les  tréfor» 
des  Indulgences  ,  il  témoigne  fa  douleur  fur  les 
maux  de  l'Eglife.  Il  fe  plaint  fur-tout  de  l'efprît 
de  licence  &  d'innovation  qui  femble  être  aujour- 
d'hui le  fceau   de  la  philofophic. 

M  Après  avoir  répandu  (dit -il)  de  toutes  parti 
•  les  ténèbres  de  leur  impiété  ,  &  comme  arr.!- 
M  ché  la  Religion  du  cœur  des  hommes  ,  ces 
M  Phiiofophes  corrompus  tentent  aufiî  de  brifor 
«»  tous  les  liens  qui  uniilent  les  hommes  cntr'eux 
M  &  avec  ceux  qui  lei  gouvernent.  Elevant  leur 
••  voix',  ils  annoncent  àigrands  cris  que  l'homme 
V  cA  oé  libre  ,  &  répètent  làùi  cciTc  qu'J  o'cft 


526    Elemens  de  l'Hist.  Ecclesiast. 

»  fuumis  à  l'empire  de  qui-quc-ce-.oic  ;  que  II 
M  Tocictc  n'eA  qu'une  inulinude  d'hommes  tgno> 
t*  rans ,  dont  la  ftupidicc  fe  profterne  devant  des 
M  Prêtres  qui  les  trompent,  devant  des  Rois  qu 
M  les  oppriment  -,  de  maïucrc  que  l'unlun  entre 
n  le  Sacerdoce  &  l'Empire  n'cii  ,  félon  eux  « 
n  qu'une  confpiration  barbare  contre  cette  pré- 
M  tendue  liberté  qui  el\  naturelle  à  l'homme.  Qui 
n  ne  voit  pas,  (  ajoute  le  fouverain  Pontife  ) 
«t  que  de  ù  moniltucufes  extravagances  &  tam 
M  d'autres  dclires  fembiables  ,  couverts  avec  tant 
M  d'art  ,  menacent  d'autant  plus  le  repos  &  la 
»«  tranquillitc  publique  ,  que  l'on  tarde  a  rcpri- 
tt  mer  l'impictc  de  leurs  auteurs  i  &  qu'ils  font 
•  d'autant  plus  pernicieux  pour  les  âmes  radie» 
H  tées  au  prix  du  fang  de  J.  C.  ,  que  leur  doc- 
n  trinc  comme  la  gangrène  gâte  de  plus  en  plus 
M  ce  qui  cA  fain,&  fe  glilTe  dans  !es  cours  des 
H  Rois  ,  8c  (  ce  qui  nous  fait  prefque  horreur 
M  à  dite  )  s'inùnue  jufques  dans  le  fanûuaitc.  •• 

F  I  X. 


A   P    P  R  O  B  A  T  I  O  N. 

/'Al  lu  ,  par  orért  A<  M^rj'rfneur  It  CjKDl'DfS- 
SciÂi  X,  un  manL/trii  ini.iu  e  :  tltmeni  de  l'Hif- 
toire  Lcdcfiaftique  ,  dont  la  m.ihiJt  fi.  /j  /uctjt  mt 
parutffcni  dtxoir  jiirt'dipnr  i'.inpitjj„,n.  A  Paru  (t 
20  itftimbrt  1781. 

S>ini  G  U  Y  O  T  ,  PrddJc.  ord.  du  Rci. 


TABLE   DES    MATIÈRES 

CONTESVESDASSLE      T  O  M  E    I  I. 

Onzième    S  1  é  c  l  e. 
Antipapes  ,  Page  j 

Coiilommation  du  fchifme  des  Grecs,  7.    Pontificat  de 
Grégoire  VU  ;  Dilputes  au  fujet  des  Inveftitures ,  10 
Déposition   à'Hcnri  iy ,  6c  mort  ^.e  Grégoire  Vil ,  n 
Succefleiirs  de   Grégoire  VII ,    ij.  Cardinaux,  14 

Ordres  \{.^[\^tauix,{Véill^mbreufe  ;  Chartreux;  Citzaux  ; 
Chcnoims-rî i^uWers)  ;  iç 

Hérclios  ,  {Bérer.ger  ;  i\ianich*  ;  Rofcdin)  Simonie  ,  i8 
Des  Pèlerinages ,  des  nouvelles  Péaitences  ,  ôc  des  Fla- 
gellations ,  21 

Douzième   Siècle. 

Première  Croifade  ,  (  Pierre  l'Hermite  ,  Gotfefroi  tîe 
BuuiUon  )  2<5.  II.  Croifade  ,  (  .S.  Bernard)       31 

III.  Croifade,  (  Gui  de   Liifignan  ;  Saladin)  j^ 

JV.  Croifade  ,  (  Philippe- Augujie  ;  Richard  Cœur-de- 
lion  ;  Saladin  ;  Chctillon  )  37 
Nouvelles  difputes  au  fujet  des  Inveftitures,  39 
Suite  des  Difputes  de  Henri  IV  avac  Pa/chal  II ,  40 
Les  difputes  continuent  fous  Gelafe  II Se  CaLjle  II,  4Z 

I.  Concile  de  Latran  ,  44 
Schifme  après  réle£tion  d'Innocent  II ,  4Ç 

II.  Concile  de  L^inn  ;  Pierre  &  Henri  de  Bruis,  6c 
Arnaud  de  Brejjfe  ,  47 

Nouveaux  trouble,  à  Rome,  5» 

m.  Concile  général  de  Latran  ;  Vaudois  £•  Albigeois,  jj 

Nouveaux  Ordres  Relii;ieux,  (  Fontévrault  ;  Prémon~ 

très  i  Carmes  ;  Granwnt  ;  CUrvaux  )  56 

Abbcs  de  Cluni  ,  (St.  Hugues;  Pierre  I5  Vénérable)  ,   59 

Ordres  Militaires  ,  (  Templiers  ;  Hofpitaliers  ,  dep.  de 

Malthe  ;  Teutoniques  ^  61 

Ecrivains  célèbres,  (S.  Bernard;  Pierre  Lombard  ;  Gra- 

tien  ;  Huguei  h.  liichard  de  St.Viàor  ;  Pierre  de 

Blois,&c.)    6^         Hiftoire  d'^in/ïjr  / ,  66 

Différen»)  de  S.Thomas  deCantorh.  avec  Henri  II,  6g 

De  S.  Hugues  ,  évêque  de  Lincoln ,  74 

Treizième  Siècle. 
Nouvelle  Croifade  ;  Empire  des  :  atini  à  C.  P.  7$ 

Nouveau  Roi  de  Jcrufalem  ;  pri  .•  uv  L>ami;tie ,       jS 
Çi'i'iiiùfida  frcdtrif  JI,  79 


TABLE. 


Por.fîfcat  finncctni  III  ;  IV.  Concile  ft  Latrir.;». 
Difp.ires  rie  trcutrit  U  «vec   Ici  Wy^i  ,  (  Guàjci 


(fibeLns) ,  ^^ 

1.  Concile  gi^n^nil  «<e  î  yon ,  gg 

I"  Croifa<^c  *  1.  ll'Croifjde  dcS.Ioiu*,  91 

Croifade  co:  coit,  o^ 

Hiftoire  du  1  1 ...  ..  >  ^  lin  luilltion  ,  r^ty 

Nouveaux  Orc'rei  licli^.  :  Do-ninic.tir.j  ,  loi.  Fr-^nin- 
cains ,  114.  Auguftins,  107.  Trimuircs,  Religieux 
de  la  Merci,  loS.  \_.,rme$,  10^ 

Nouvelles  Difpvites  ff%  «"efcenlaiu  de  Fridenc  //avec 
les  Papes,  1 10.  //.  Concile  génJral  de  Lyon,  1  ij 
Ecrivain»  KcclJfmdiqiK-s ,  (  Alhtrt  le  Gr.  ;  S.  Thumtu 
d'A^-  ;  Vincent  H»  Beaiiv.  ;  R.i-mond  ;  S.  Bcrjy.t- 
ture  ;  Alx.  de  li^a  ;  S.  Ani.'':r.c  cie  Pad.  iD^-.  • .! ; 
GuiU.  de  S.  Am.ur;  Rob.5t.rf,;,  J  ;  .<, 

ttat  de  rtglife  de  Rome,  110.  Inflitutton  du  Jubilé,  iî| 

►  QVATORZIFMFSltCtE. 

Différend  de  Boriftee  VIII »y te  Pi  -.'i-re  le  Bi/,  rij 
Bulles  de  l'vnlj'ate  Bi  R<?ponfe  de  Vril  p^e,  ijp 

Attcr.tr ts contre  le  Pape  ,^roort,  {Gutijts,  GiltL)tfi 
Pontificat  de  Bcncit  Xl ,  Ijj 

Tranflïtion  eu  d'int-Cicit  i  Avigncn  ,  ij^ 

Extinflion  des  Ti  irpliei  s;  Ccncile-géi.i'r. de  Vlenne.i  j7 
Règli-mensdu  Corcile  d*^*i<^!ne  ,  1  ^^ 

^'o^tdc  CUnent  y\\>oT\i'S\c.y<!cJtat\  XXII ,  141 
Difputes  des  Francifcaiiis.  Krrciir  de  Jctn  XXII  i  fa 

mort,  ^  14J 

Pon»ificatî  de  Btnoit  XII ,Clcmtu  VI ,  InnotenI  VI , 

te  Urkain  F  ,  146 

Etït  <'<'  R(  ••-'•  ;  Conv'fstion  de  RitMri;  I48 

F(!  .  <  >ri^ine  du  Sciiifinc  ,      Ifc 

Cr  V,  IÇ) 

M(..i    .    i  '■^n  du  Schîfme,          1^4 

Ht^r^iqim ,  (  '  -l*  i  FratutÙt*  ;  Tat^ 

luri-.i  ,(?"  Hf 

Ecr.  '           /cJi  5ctf; 

f,        ■  .  i                   -     .    ,  ,J.2A4»Zt/»i 

J.  Rt.J:ri    *  ,  N.  Ortne  ;  lUfjr.^ut  )  l6t 

O  V  1  V  T.  f  r  M  K    S  I  1  C  t  R. 
C!o'-  t<7 

Coocilt 


TABLE. 

ConciledeConnance;<ie'poritiùn  c'estroîst^apfî,^.  lyf 
Continuation  du  Concile  de  Confiance  ;  éleftioa  de 

Mjrtin  y ^  i-jt 

Condamnation  de  WicUf ,  de  Jtan  Hut  j  fupplice  de 

celui-ci  8c  de  Jérôme  de  Prague ,  17c 

Fin  du  Concile  de  Confiance  ,  176 

Guerre  des  Hu/Tites ,  178 

Concile  de  Pavie  ,  transféré  à  Sienne  ,  puis  a  Bâle,  179 
Les  HufTitesau  Concile  de  Bâle,  iSo 

Fin  du  Concile  de  Bile,  i8t 

Concile  de  Ferrare  transféré  à  Florence  ;  réunion 

paflfagére  des  Grecs ,  182 

Nouv.  tentatives  p'  éteindre  le  fchifme  des  Grecs ,  187 
Progrès  des  Turcs  ;  prife  de  Conftantinople,  iSS 

Siège  de  Rhodes,  19» 

Eglife  de  France  .Pragm.'tiquc-Sanflion,  ipf 

Différends  des  Curés  avec  les  Religieux  ,  100 

Suite  des  Pontifes  Romains  ,  depuis  Eugène  IV ,    aoi 
Nouveaux  Ordres  ,  les  ujis  Religieux,  les  autres 

Militaires ,  20J 

^çavaiiii  ; (  Gerfon  ;  Pierre  A^AilU  ;  Bfffarion  ;  Th.  à 

Kempis  ,  &«..  Thierri  de  Nicm  ;  P  latine  ;  Ville  ; 

Argirophile  f&ic.  )  invention  de  l'Imprimerie  ,       205 

Seizième  Siècle. 

Idée  générale  de  ce  fiécle  ,  2To 

Pôtificat  (L'Alexandre  VI  ;  Supplice  de  Savonarole ,  2 1  ( 
Eleftion  de  Pie  III  ;  Prétentions  du  Cardinal  à'Amboi- 

fe;  commencement  du  Pontificat  de /u/«  y/,      214 
Démêlés  de  Julet  II  avec  Louis  XII,  216 

Conciles  de  Pife  &  de  Latran  ,  217 

Mort  de  JuUs  II  ;  élef\ion  de  Léon  X ,  aig 

Entrevue  de  Lévn  X  Scàc  Pr.inçois  I,  Concordat,    220 
Indulgences  préchées  en  Allem.igne  ,  •»•     225 

Luther  prêche  contre  les  Indulgences  ,  ibid. 

Première  condamnation  de  Luther ,  22c 

Conférence  de  Worms,  226! 

Captivité  de  Luther  ;  expofition  abr.  de  fcs  erreurs,  22  J 
Mort  de  Léon  X\  fes  Succefl'eurs  ,  230 

Progrès  du  Lutliéranifme  ,  2Jt 

De  Cjr/i-y?iJ(/,  2^2.  De  Zuin^ie,  ■1J4 

Les  Luthériens  prennent  les  armes,  2^8 

Différentes  diettes  en  Allemagne  au  fujet  du  I.uthéra- 

nifme.a^O.  Ligue  de Smalcaldc,     24Z 

Mort  de  Clément  VIII,  243.  Schifmc  d'Angleterre,  244 
Tom,  II.  Z 


TABLE. 

Cltmert  Vil  rcfafe  de  Hi'T^u^r^  ',.  ,^-,r;,^«  ^c  HeHri 

VllI  ;  Scnte.icc  cie  .■'  par  t rjn- 

mcr;  (."ouronnemcnt  c.'.r  •  ,  p.  i^j 

Venri  VIU  eA  MCOiDinufuc  ;  i,  ic  Up^rc  de  l'Eglife 

Roinaine,  15I 

M  '•'        '    ."       •.  Mon  de  Luther ,    156 

K  ijrme  (Jublie  pjr  I.4it.4<r,n8 

L). .-...CI,  161 

Suite  <^c  1  !ii       Tc  liu  Luthéranifnie  ,ji\fqu'à  la  mort 

de  ChjrLs  ^i.ti't ,  26J 

Les  nouvelles  erreurs  s'i.'  nFraice,       16 j 

Hifloire  (<«?   C-i/»-;»».  î**.*;.  : .' Cahriéres  5c 

M'  ■;:  u  e.T  France,       271 

I.  .  2-Ç 

C\,..:  ■■<:,  2-«S 

LeCo...  .r,urti\e  Paul III,  lyS 

Contir.  ite  ,  î'jç 

Décrets  ce- -  r.^ku'.rfu  Concile, j^ii/. 

Nouveaux  pt  .  t.- c a  i^  rance ,  2S6 

ConjLirati.^n  <'.'  \t.  n>iio  ,  tr,  L.j'.cs,  ^87 

ApoA.iri;  (le  ii'.e\!ues  Prélats,  ,  290 

Colloque  ce '.'ouiv  ,  i')i.         Guerre  civile  ,  296 

M.iflacTC  de  la  St  Banht'.'cni  ,  279 

Rcgne  ('c  Wrnri /// i  liiAoire  de  la  Ligue,  304 

Ilinri  ly  monte  fur  Je  trône  ,  j«y 

F.dit  de  Nantes  accordé  aux  Calviiiine*.  jr» 

Suite  de  l'Hiftoire  de  la  Religion  en  Angleterre  ;  mort 

de  Mjtu  ^tu4ift,  jij 

Pcrlécution  f*<'^  '   .-li.'lnno^  r.-.r  F/  r,t..,t.  _  j,^ 

Des  partis  q  ■'.  Ançl.,  jio 

Hirtoire  de  IV  .y^-Paï,  ;ï) 

De  la  Religioii  cUns  une  partie  du  N>Hd  ,  31$ 

Hirtoire  du  Socini.Tnirme  ,  ^^  t.     Des  AnahaptiftM,  ^^7 
Si'  "     /r&deS\  tA<t//c/ ^on-.  J4} 

r  le  do  Lépanto ,  34  j 

I\  .  .  !.-  ...  .  A/Z/i  de  la  réfjrmation  du 

<  jlendricr  ,  j^< 

PontiticJt  de  iiJTK/',  74^.       Pr  fr;  ^iircc't     -i.    ^49 
Fondation  <ie  non  ' 

des  Anciens ,  (C 

Uni  ;  C  triut-A:  .••4u\  .  1 '.'■■    ■n   iijr.Uj    l'c.t- 

tint  ;  Bj'-.jbittt  ,  Orcturi(r.n\'\Xi\\ti)  ^%Q 

Des  Jcfuitcs ,  j5^ 

DeitVdres    de    C  lier    de 

Al«ltiie  ;  Eiitrepr.i.  ^x  ..>,  jj| 


TAULE. 

£crtvaîns  Ecclériafliqucs ,  (  Dricdo;  Cajetan  ;  Erafme; 
ClichcoiK  ;  Ecchhis  ;  Crvppcr  ;  Canus  ;  D:fpcr,f:i  ; 
Sariiùrus  ;  Ximcncs  ;  Jccob>itiui  ;  Vi\is  ;  le  t  cvrc^ 
Merlin  i  Papiin  ;  SadoUt  ;  Fanvini  ;  Janftnius  ;  S. 
Ch.  BorromJe  ;  L.  de  Crznadi  ;  Toltt  ;  Aîuldanat  , 
P'uhou  i  GénJhrard  ;  Ciaconius  ;  )  p.    363 

Rclicxions  fur  les  changemens  opérés  en  ce  (iéclcdant 
les  Sciences  ecckT;afliquo3 ,  370 

Ôix- SEPTIEME  Siècle. 

Fleflion  &  mort  tle  Léon  XI ,  574 

Pontificat  de  F.ilY^';  fHffcrencl  avec  la  Républ.de A'^ei 

ntl'e  ,375. Mort  de  PaulV \  éleflioii  de  Gr,XF,  37S 
P.i.itificat  a'l//-?>jri  VllI,  Î7() 

De  Marc-Ant.  de  Dominis  &  de  Fra-Fao/o,  ihiil, 

RevoUe  des  Calviniftcs  en  France  ,  3.9  i 

Difpiitcsfar  la  Grâce;  Molinil'me,  38; 

De  i'AuguJlirus  ie  J.mfinins ,  387 

Condamnation  du  livre  do  J^mfeaius  par  le  Pape,    38» 
De  quelle  manière  !a  Bulle  A'InncKcntXiwt  re<;uc  en 

Fr3rce,39I.  Dtfpute  particulière  du  <So£{.  Arnauld.i^c)^ 
Leuris  provincial::;  con^îivnnaùon  delà  moralç  rel-i- 

ehée,  31)6.    AiTemclècs  du  Tlergé  au  ûjjct  dujanfé- 

nifme  ;  Bulle  H Alexandre  Vil,  40 1 

Qu/b  effîts  produifit  la  B.il'^;  A' Alexandre  Fil ,         405 
De  la  part  que  les  ReH^ieufes  de  Port-Royal  eurent 

aux  difputesfur  le  Janféu.  ;  Hift.  de  ce  monafl. ,  40  j 
Signature  du  Formul.-irepropofce  aux  Religieufes  de 

I*.  Roy>'l,  406.  Cliani^emens  arrivés  à  P.  Royal,  408 
Formula rred'^/i;*JH<fr(;  VU  ;  oppofitijnde  quelque* 

Fvêques ,  409.         Pa^x  âe  Clc'm-nt  IX,  411 

Des  Pontifes  Romains  depuis  Urbain  FUI  jufqu'à 

C liment  IX  ,  '416 

Des   Pipe'i  Clément  X  ic  Innocent  XI -,^{1  droit  de 

Régale  ;  difpiites  au  fujet  de  ce  droit ,  4i<j 

Edit  de  KÎ73  ;  f«ppofido;wde  quel.iucî  Evêques,     411 
L«  cour  de  Rome  entre  dans  cette  difpute,  41» 

ACembléeï  du  Gergé  4e  16S1  &  lôSz ,  414 

IV.  Articles  fie  l'AlYemblJe  de  1CS2,  4Î7 

Déclaration  du  Roi,  ATy 

IWouvelIe  difputc  entre  le  Roi  &  le  Pape  ,  43» 

Fin  des  difputes  entre  Rome  &  la  France,  4^^ 

Etat  delà  Religioi  en  Ani^Iet.  dansle  xvir  "fîéclc  ,  456 
Règne  de  Jacques  l,  437.  P.fgne  de  Charles  I  ;  fa  mort 

ASjjlorable  ,  4.3S.Adn.iniflr.  de  Cromwi/,  44c.  Régn^ 

de  Chcrlcsll,  441.  Rè^nc  de  Jacjues  II;    1  perd  f, 

(«uroiine^  4^. 


TABLE. 

Révocation  rie  l'Edit  de  Nantes  ;  iffoiblilTcment  i\i 

Calvinifme  en  Frincc,  44^ 

Expuifion  des  \'.iudoi$  du  Piémont ,  454 

Quictirtes  en  Italie  &  en  France  ;  leur  condamnation  * 

(  A/o///i<M  ;  Mad.  Guion  ;  Fcndon,)  4^6» 

Diverfcs  erreurs  des  Quakers  ,  46X 

Des Socinicns  &  Hes  Ofiftes ,  ( Spinof»  ;  BayU,  )  464 

Réforme  de  1.1  "  iljncé)  4^7 

Howyczcx  {*  .X  .(  Orjror/ej»  de  France; 

r    --  ,Eu.iiflct;  yiJUjnJtntj;Ur- 

I  .:.  ;Congrég.dc  S.A/uur,  Sec. 

'  .'    ,  •  ) ,    .  -«^^ 

Ecriv3\>i  i  ccif  1  .ili  1  i?s  ,  (  K  rtiitfî  ,  Pciau  ;  Sirmond; 

BellArr.'it  ;  Bolljn.ius  \  J'..' roih  i  BourJalvuc   ;  la 

Ru:  ,  vC--.  M  .1  ',!ic>.  A.  :  ■  .  .  .  ;  d.'Achéri  ;  Ruinard  ; 

hi^  r:-fjLCun  .  f.  i.  I  ':    :    r.  L   Cintu  Sir.vrii  Ltim\t 

Ml.  '//  -,    r-  -      •'         "  ■■      " 

/    ;  F..r.i;  . 

r.::'>:r,  P   ^       :.:, .. 

BaJu'^L  ;  Arnduld  j  Nicole  ;  ïiucmut;  fUury;  (xc.)  474 

Jdce   géntraU  des  Èvinemeus  EccUJlifl' ques. 

DU    XVI   II*    SIÈCLE. 

AfF»irc  du  Cas  de  c      '  481 

Bulle  Vincam  Dom  01  l'e  Port -Royal ,  484 

Kiîvolte  des  Ca!vii»i.": ,  Ccvcnncs,  486 

NoiivcAU-Te>1ament  de  ^uf/ne^ condamné  par  la  Bulle 
UNir.FMTU<; .  4<lf 

Mort  de  Louis  XIV,  49'.    Mort  de  Clément  XI ,    499 
Pontifient  ^'Innocent   XIII  ii  Benoit  XIII ,  Reditu- 
t'.  ■-  ,  ihid» 

C'  ifcrit  à  la  Chine  ;  difpute 

I  .  'ifcs,  501 

0>  tion  du  card.deA^0<u//c.f,;c6 

l'r.  .•      ■    '•  50« 

Poiiii  iv-Ji  i^c  t\. -.v.i.' A/y/  -lent,     510 

Fle'^iondc  Ihnoii  A'/K.  cv,        ^it 

M.  -,  s>4 

Ex  j^al  }  Diercnion  fur  les 

,h,d. 
fi  Krancc.  51S 

T»l»ie-n<iii  i     ir.iiK-î  ti<-  C/.  •:<•')  '  Xlf,  5>| 

àlcftion  lie  Pitri  1  Jal'i'é  in.verfcl,  p- 

Fin  de  la  Table  du  Tome  II. 


PRIVILEGE  DU  ROI. 

LOUIS  ,  par  la  grâce  de  Dieu,  Roi  de  France  & 
de  Navarre  ,  A  nos  amcs  &  fcaux  Confeillcrs  , 
les  Gens  tenant  nos  Cours  de  Parlement,  Maîtres 
des  Requêtes  ordinaires  de  notre  Hôtel  ,  Gtand- 
Confeil  ,  l^rcvôt  de  Paris  ,  Baillits ,  Sénéchaux  , 
Jeurs  Lieutenans  Civils  &  autres  nos  Jufticiers  qu'il 
appartiendra  :  Sai.ut.  Notre  améleS'LE  ROY, 
Imprimeur  Libraire  a  Caen,  Nous  a  fait  cxpofer  qu'il 
defireroit  faire  imprimer  &  donner  au  public  un 
Ouvrage  qui  a  peur  titre  :  EUmcns  dcVHijLifc  Ec- 
cléjiajii.jue  ,  &c.  s'il  rous  plaifoit  lui  accorder  nos 
Lettres  de  Privilège  à  ce  ncceffaires.  A  ces  causes. 
Voulant  favorablement  traiter  l'Expofant  ,  nous  lui 
avons  permis  &  permettons  ,  par  ces  Piéfentes ,  de 
faire  imprimer  ledit  Ouvr.  autant  de  fois  que  bon 
lu'  Semblera  ,  &  de  le  vendre  ,  faire  vendre  &  dé- 
»|'er  par  tout  notre  Royaume  ,  pendant  le  tems  de 
o'x  années  cofécutives  ,  à  compter  de  la  date  des  Pré- 
sentes. Faisons  defenfes  à  tous  Imprimeurs, Librai.'^ 
^"&  autres  perfonnes  de  qiielq. qualité  &  condition 
qu'elles  foient  ,  d'en  introduire  d'impreflîon  étran- 
gère dans  aucun  lieu  de  notre  obciiTancei  comme  aufli 
d'imprimer  ou  faire  imprimer,  vendre,  faire  vendre, 
débiter  ni  coni refaire  ledit  Ouvrage  ,  fous  quelque 
prétexte  que  ce  puiffc  être  ,  fans  la  permiflion  ex« 
prelTe  &  par  écrit  dudit  Expofant,  fes  hoirs  ou  ayans 
caufes  ,  à  peine  de  faifie  &  de  confifcation  des 
exemplaires  contrefaits  ,  de  fix  mille  livres  d'amen? 
de  ,  qui  ne  pourra  être  modérée  ,  pour  la  première 
fois,  de  pareille  amende  &  de  déchéance  d'état  en 
cas  de  rccidivc  ,  &  de  tous  dépens,  dommages 6c 
intérêts  ,  conformément  à  l'Arrêt  du  Confeil  du  30 
Août  1 777 ,  concernant  les  Contrefaçons.  A  la  char- 
ge que  ces  Préfentes  feront  enregistrées  tout  au 
long  fur  le  Rcgiftre  de  la  Communauté  des  Impri- 
nieurs  &  Libraires  de  Paris  ,  dans  trois  mois  de 
la  date  d'icelles  ;  que  l'imprcfTion  dudit  Ouvrage 
fera  faite  dans  notre  Royaume  &  non  ailleurs,  en 
^)cau  papier  &  hcnu  carndlére  ,  conformément  aux 
Rcglemens  de  la  Librairie ,  à  peine  de  déchéance 


duprcicnt  Privilège  i  qu'avant  de  IVxpofer  en  ven- 
te ,   le  manufcrit  qui   aura  fcrvi  de   copie  a   l'im- 
prcllion  dudit  Ouvrage  fera  remis,  djn»  le  même 
érat  où  l'Approbation  y  aura  ctc  donncc,  es  mains 
de  notre  très-cher  8c  Jcal  Chevalier  ,  Garde  des 
Scecux  de  France, le  fieur  Hue  dl  AIihomenil  , 
Commandeur  de  nos  Ordres;  qu'il  en  fera  enfuite 
remis  deux   exemphi;ei  dans  notre  Bi:?îio(hcque 
publique  ,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Lou- 
vre ,  un  dans  celle  de  notre  très -cher  3t  féal  Che- 
valier, Chancelier  de  France,  le  fieur    de  Mau- 
TEou ,  &  un  dans  celle  dudit  lieur  Hue  de  Mi» 
BOMLNiL.  Le  tout  a  peine  de  nullité  des  Prcrcn- 
tes  ,du  contenu  defquelles  vous  mandons  fit  enjoi- 
gnons de  faire  jouir  ledit  Expofant  &  fcs  hoirs  plei- 
nement 8c  paiùlilement  ,  fans  fouffrir  qu'il  leur  foit 
fait  aucun  trojble  oucmpcthemfnt.  Voulons  que 
la  copie  des  Prcfen:c$,qui  fêta  imprimée  tout  au  long 
au  commencement  ou  a  la  fin  dudit  Ouvrage  ,  foit 
tenue  pour  duement  lignifiée,  6c qu'aux  copies  col- 
lationnties  par  l'un  de   nos  amcs  &:  f^aux  ConfeiU 
Icrs-Secrctaires,  foi  foit  ajoutée  comme  à  l'orijuntl. 
Commandons  au  premier  notre  HuilTicra^Scrgent 
fur  ce  requis  de  faire  p'  l'exccution  d'icclles ,  tous 
Acles  requis  fie  nL-ceffaires,  fans  demander  autre  per- 
jniflion,  Scnonobftant  clameur  de  Haro,  Charte  Nor- 
mande ,  8c  Lettres  a  ce  contraire^.  Car  tel  ert  notre 
plaifir.  Donné  à  Paris  le  27'  jour  du  moi»  de  Mars 
Tao  de  grâce  1 7^1 ,  &  de  notre  rè-ne  le  huitième. 

PAR  LE  ROI ,  EN  SON  CONSEIL. 
Signé  LE  B  E  r.  u  e. 

P-f  rtréfmr  h  Rtfiflrt  XXI  -^e  la  Char-.hr;  RoyëU 
£f  Sy'AuaU  de  Lihrjirtt  6»  Imprimiuri  r^e  l'j'lt  ,  N* 
1483  ,  FoliO  665.  t>-frmtmc-Jt  amx  ti  .  «.»«- 

c/r»  .f«<i«  /<  pf(l'cit  P'  ri  ((t  ,  &àla.  terc 

à  tùditt  Chambre  let  ^  ••  F.xrmr.'n'c.  f-j.  -f  par 
l'Art'dcCrUl  du  Rc'lcmttt  .'.t  '-:7.  APi'it^Utt 
Avril  l  -*<  î.  ^'S'*  LE  Cl  IKC  ,  Synit. 

Rt^i/tréfur  U  Rtgi/!r,  de  U  C r  --.^-.f/  dit  I-nrrl^ 

tniurt-Uhraint  dt  U  Vile  ée  i  A  C^tn  U 

iuA^riJirii.    Si;né?.î.i.  .'''^^. 


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*         ^^. 


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fim*