EMILE CLAUS
PAR
Camille LEMONNIER
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EMILE CLAUS
Il a été tiré de cet ouvrage 5o exemplaires de luxe,
sur papier Impérial du Japon, à grandes marges, texte
réimposé, numérotés de i à 5o, Ces exemplaires comportent,
outre l'illustration de l'édition ordinaire, une lithographie
originale d'Emile Claus, intitulée Hiver {Matin).
Le présent exemplaire porte le N°
EMILE CLAUS
PAR
Camille LEMONNIER
COLLECTION
DES ARTISTES BELGES
CONTEMPORAINS
BRUXELLES
LIBRAIRIE NATIONALE D'ART ET D'HISTOIRE
G. VAN OEST & O^
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Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
Research Library, The Getty Research Institute
http://www.archive.org/details/eniileclausOOIenio
i
EMILE CLAUS
I
• La maison est entre la grand'route et la rivière,
basse, spacieuse et claire, un peu loin du village, par
delà une douve bordée d'osiers, de spirées et d'eupa-
toires. Un rosier grimpe jusqu'au toit et enguirlande de
ses cœurs safranés l'œil-de-bœuf où se lit ^^ ZoimescJiijn »
(rayon de soleil). C'est le nom de l'habitation; c'est aussi
la dédicace qui la consacre à la lumière. Un hêtre pourpre
l'ombrage de ses rameaux immenses; le tronc noueux
d'un châtaignier se dresse au bord du chemin de ronde.
Avec son chenil, ses communs, sa maison de jardinier,
c'est presque, pour qui la voit derrière la grille, l'instal-
lation d'un paysan gentilhomme. Des massifs, des cor-
beilles de fleurs, des vases en pierre animent le jardin et
lui donnent un air de petit parc. Mais pénétrez dans la
maison; l'intérieur en est simple et cordial. Nattes en
paille, fauteuils d'osier, vieux meubles de campagne;
toutes les tables chargées de revues et de cahiers d'es-
tampes; aux murs des peintures signées Roll, Thaulow,
Le Sidaner, Duhem, Buysse, Wytsman, Morren, Anna
De Weert, Jenny Montigny; sur les crédences et le
piano, des Meunier, des Van der Stappen, des Minne.
On passe du petit salon, ajouré par un bow-window,
dans la salle à manger, dont la large verrière carrée
encadre les grandes prairies vertes de la Lys, lignées de
files de peupliers, et cette pièce à son tour communique
avec une autre, vaste et haute, qui est le cœur vivant de
la maison : l'atelier.
Un homme, le maitre de la maison, nerveux, sec et
agile, le front nu et cordé de grosses veines, la peau
tannée par l'intempérie, des poils gris-roux au menton,
va par les chambres, descend, passe au jardin, enfile les
petites allées droites du potager, débouche sous les
hauts châtaigniers en cercle qui prolongent le verger.
L'heure vermeille pleut sur ses épaules; sa démarche
balancée est celle du rural ; il appuie du talon à chaque
pas et penche la tête. Le verger, comme le parc, comme
le jardin, comme le potager, s'épanouit en floraisons
sauvages, tanaisies, eupatoires, chardons, qu'un goût
coloriste ordonna comme des tableaux. Et voici au bas
des rives, dans son corridor de moires claires, la méan-
dreuse et limpide Lys, reflétant le grand ciel argenté
des Flandres; voici la tendre verdure des prés pâturés
par le troupeau aux couleurs diaprées; voici, par delà
les haies, sous le foliolement léger des peupliers, les
toits sang-de-bœuf des hameaux.
L'homme va, suivi de ses d.eux chiens, s'arrètant
ça et là pour bornoyer du côté de l'eau et des prairies
ou pour croquer sur un carnet, de ce coup de crayon en
deux traits qui masse un objet dans sa densité d'ombre
et de lumière, l'attache d'une branche, la forme d'un
nuage ou le ventre lourd d'une vache qui descend boire
à la rivière. Le paysage semble le reconnaître : les
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feuilles, en s'év^entant, ont l'air de lui dire bonjour; la
brebis, sous le pommier, bêle et avance la tète; jusqu'aux
oiseaux, dont il protège les nids, arrivent sautiller au bout
des branches pour le voir passer. Et c'est bien le peintre
des oiseaux, des vaches et des arbres qui vient là ; c'est
l'àme claire, heureuse, bienveillante, en qui toute cette
tranquille nature a trouvé sa plus haute et sa plus
constante exaltation, car le peintre est aussi un poète;
il a le don lyrique de la couleur et son œuvre n'est
qu'un long cantique ininterrompu à la nature.
Le voilà qui longe à présent la maison du côté de
la rivière ; ici l'herbage déborde en touffes folles où une
mince sente a peine à sinuer : le jardin tout en or, en
rubis et en émeraudes, a là aussi son hymne qui sonne
au soleil comme, dans l'atelier voisin, les toiles du
maître. Franchissez la porte; vous allez vous retrouver
chez le bon Dieu des champs.
Il y a vingt-cinq ans qu'Emile Claus rêve, vit et
peint dans le petit domaine à la longue conquis par
son incessant labeur. L'eau, le ciel, la terre en sont les
limites naturelles et c'est devenu comme l'extériorisa-
tion sensible de son art, en même temps que la forme
matérielle de son bonheur. Le monde a beau dérouler
par delà ses prodiges : toute sa vie si probe et si pure
d'artiste s'est cantonnée dans la Thébaïde fleurie qui
lui procure la sensation résumée d'un univers. Un art
comme le sien se suftit là où il y a du vent et du soleil ;
il ne lui faut pas autre chose, et ce n'est pas l'étendue
qui peut ajouter à tout l'infini de la vie contenu pour
lui dans le petit espace où paît une vache, où chante un
oiseau et où s'émerveille une âme. Il n'a pas besoin de
chercher ailleurs ces signes visibles de l'universel et de
l'éternel qui sont les moissons, les heures, le recom-
mencement des genèses et le miracle renaissant du
soleil ; il les a sous la main. C'est la particularité de
son art que celui-ci est fait du principe même de la
vie et de ce qui constitue son simple prodige quotidien
plutôt que de ses manifestations exceptionnelles. Il peint
son jardin, le champ qui est au bout, la petite maison
derrière la haie, les arbres à l'horizon ; il peint surtout
la lumière qui leur donne une sorte de visage d'êtres
vivants. Ce n'est plus de la seule matière ni des com-
posés de substances organiques ; une àme s'est com-
muniquée qui les empreint de vie et d'intimité.
II
La contrée est un coin de cette Oostflandre baignée
par la Lys et qui, au long de ses planes campagnes
violettes, groupe autour de ses clochers de tranquilles
et frais hameaux. Les bordes aux douves feuillagées de
saules ressemblent à de petites arches où s'abrite la
tribu des laboureurs. Trapues sous leurs toits quadrillés
de tuiles moussues, avec des fenêtres basses aux vitres
carrées et aux volets peints en vert, elles ont un air
familial et bienveillant parmi leurs vergers où bon-
dissent librement les poulains et que clôturent des haies
d'aubépines. Depuis des siècles, elles sont là, bordant
les longues drèves de peupliers, que ravine la roue
des charrettes et que martelle le piétinement lourd des
troupeaux. La civilisation, de son train furieux, passe
sur les voies ferrées à l'horizon sans qu'elles en soient
changées non plus que les champs qui les entourent et
les petits sentiers qui mènent à l'étable et à la grange.
Cette constance va bien a\"ec des mœurs sédentaires et
patriarcales : l'ancêtre lègue à ses petits-enfants une tra-
dition d'honnête et vaillant labeur et ceux-ci demeurent
attachés à la glèbe comme le furent leurs devanciers.
C'est l'impression qui se dégage des toiles d'Emile
Claus : elle est faite de durée, de confiance et de paix.
On sent qu'à chaque retour du printemps, la petite arche
des bords du chemin voit revenir la colombe avec le brin
vert. C'est que le paysage, sous le pinceau d'un grand
artiste, s'empreint de sensibilité et qu'il lui \ient une
âme d'être une expression d'humanité égale à celle qui
se propose pour sujet l'homme même.
Tout le pays ressemble à une immense bucolique :
dès le lever du jour, les airs mugissent et les vaches
s'en vont le long des fossés, menées par l'aïeule qui
tricote ou le gaminot qui siffle dans son fîûtet. Quel-
quefois une fillette, de quatre à six ans, à elle seule
conduit quatre énormes bêtes attachées l'une à l'autre
par une corde dont elle tient les bouts dans ses petits
poings.
La famille est prolongée dans ce compagnonnage
de la créature et de la bête : celle-ci fait partie de
la maison et une parenté joint l'àtre à l'étable. Quand
c'est le bœuf qui, sous l'attelle, travaille avec l'homme,
tandis que derrière, glane l'enfant ou la femme, on
croit se retrouver aux âges du laboureur antique. Voilà
bien le sens de la Flandre rurale, suggéré par son
bucoliaste : avec Théodore Verstraete, qu'il ne faut
jamais oublier quand on pense à elle, il a dit la terre, la
maison et le coup de collier fraternel.
C'est ici le pays des grandes sèves animales ; les
prairies le long de la Lys ne sont qu'un vaste alambic
où le sol distille des sucs gras et parfumés. Là, dans un
La Vieille (Croquis)
pays d'Arcadie, vaguent les troupeaux et une odeur de
lait se mêle à l'évent musqué qui flotte dans l'air. A
l'août, les vaches passent la rivière et l'on a alors le
spectacle du grand Claus aux tons de pierreries et de
fleurs qui est au Musée de Bruxelles. De telles images,
Un combat de Coqs en Flandre (18S2)
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en exaltant le miracle permanent des genèses, magni-
fient aussi l'intarissable réservoir d énergie et de force
qu'alimente un sol merv^eilleusement fertile. Le maître
d'Astene, toutefois, n'en devait percevoir le sens total
qu'après une lente et graduelle initiation.
Tout jeune, il est mêlé à l'humanité rurale. Il naît
à Vive-Saint-Eloi, en 1849, d'une famille laborieuse qui
a l'estime du village. Ses parents tiennent un commerce
de poteries près de la Lys; par delà s'étend la grande
plaine verte que dore l'août et où s'égaille l'errance des
troupeaux. Il a ainsi sous les yeux, dès l'âge tendre, les
claires eaux, les grands ciels et les labours qu'il peindra
plus tard. Il mène là, jusqu'à sa douzième année, la vie
des enfants de la campagne, mêlé aux petits pâtres
qui cuisent des pommes de terre sous la cendre, font
claquer leurs fouets et imitent la psalmodie nasillarde
des chantres à l'église.
Il faut l'entendre, avec son don merveilleux d'imi-
tation mimée qui l'égale aux plus expressifs acteurs
naturels, conter son existence à cette époque. Sec, long,
nerveux, l'œil aigu, en possession d'un sens comique
intense, il jette alors devant lui, avec la petite malice
amusée de se sentir comme en représentation, des
paroles et des gestes d'où se lève, pour l'auditeur, la
vue nette de la boutique paternelle et de ses petits coqs
en terre de pipe, de l'écluse où il fait ses baignades avec
les petits rustauds de son espèce, de ses singulières in-
dustries pour se procurer de l'argent. C'est le temps de
l'école, des maraudes, des concours de bourdons, de la
vie au grand air, dans la jeune folie d'un sang un peu
sauvage. A la maison, la mère est douce, active et
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prévoyante ; le père a un grand visage de paysan sévère
et taciturne.
Un jour, il déserte les jeux : il a pris le goût de la
couleur; il se procure des tubes et peint pour la demeure
paternelle une chasse à courre. C'est le premier tourment
de l'art. Tous les dimanches, ensuite, par la pluie, le gel
ou la canicule, il abat des kilomètres de route et va suivre
à Waereghem un cours de dessin d'après le plâtre. Mais
le père veut pour son fils une condition de vie sérieuse
et stable : le jeune « Mil » est d'abord patronnet chez un
pâtissier; il se dérobe et le voilà piqueur au chemin de
fer, sans plus de goût. C'est alors qu'un grand artiste,
le compositeur Peter Benoit, pendant un de ces séjours
qu'il aimait à prolonger chez son père, l'éclusier de
Vive-St-Eloi, s'intéresse à cet enfant éveillé en qui une
destinée s'annonce. Il persuade au père de le laisser
partir pour Anvers où il s'initiera d'après les maîtres et
où, peut-être, il conquérera la fortune.
D'un grand battement de cœur, le jeune Claus
quitte le village : son viatique est léger, mais la foi
l'accompagne. Aussitôt débarqué, il avise à se créer un
gagne-pain, il entre chez le père Geefs, un commerçant
d'art qui s'était enrichi dans l'article «saintetés» et four-
nissait les presbytères de tous les saints et les saintes du
calendrier. Le voilà peignant le manteau bleu étoile d'or
de la Sainte Vierge, piquant d'un point clair la prunelle
des Sainte Cécile, lustrant les cheveux des Sainte Véro-
nique, brunissant à l'ocre le visage hâlé des Saint Jérôme
et des Saint Antoine. Il n'est pas moins adroit à fixer la
nuance cérulée dont s'azure, par au-dessus les person-
nages sacrés de l'Ecriture, le ciel des bas-reliefs. Le soir
il dessine le plâtre à l'Académie de dessin. Mais un jour
il renonce à sa petite industrie d'enlumineur de paradis;
il suit la classe de nature où un peintre réputé propose
à ses élèves des chiens pour modèles. Les pauvres bêtes
étaient pendues vivantes à une échelle : sitôt expirées,
on profitait de leur dernière chaleur pour leur donner la
pose qu'elles gardaient jusqu'au moment où la décom-
position commençait à empoisonner l'air. Le dimanche,
l'apprenti-artiste s'efforçait d'assainir sa vision en allant
peindre à la campagne.
Il passe ensuite dans la classe de torse; il est second
en excellence et obtient un atelier. Les maîtres désormais
ont les yeux fixés sur lui ; il est désigné pour le concours
de Rome. Cependant la vie l'attire; il va passer des heures
au port, regardant manœuvrer les équipes, débarquer les
émigrants, crever la bourrasque des ciels d'octobre par-
dessus la Tète de Flandre. Après de tels spectacles, il ne
peut plus se résigner à traiter le sujet du concours dans
sa banalité conventionnelle et quitte l'Académie. Il est
libre, il suit son instinct; il expose pour la première fois
à Gand : son portrait du sculpteur Joris est remarqué.
III
Ce bont là ses commencements; il se cherche, il se
sent déraciné; et il fait de petits tableaux, du genre,
du paysage et surtout du portrait. Il s'est créé une
spécialité; il peint les enfants, en travestis, sous le fard
et les oripeaux bariolés d'une sorte de fête bergamasque.
C'est une période de succès aimables et fructueux : il
habite Anvers, il y a son atelier, successivement Grand'
Place, au Café du Télégraphe, puis Avenue des Arts, le
même atelier qu'occupa si longtemps Henri De Brae-
keleer. Un goût d'inconnu se jette tout à coup en
travers du courant monotone de sa vie et lui donne le
désir du voyage. Les violences d'un peintre revenu
d'Orient avec des visions de soleils crus et un sens
curieux de la férocité barbaresque semblent surtout
l'avoir impressionné. En Espagne et au Maroc, où il
va passer quelques mois, l'influence de Verlat l'incite
à une peinture âpre, découpée et lapidaire.
Ce ne sont que de brefs tournants dans sa carrière :
son âme sait ce qu'elle veut et ne sait encore s'exprimer.
Il regarde passer les nuages â travers la verrière ; ils
viennent de la mer et vont là bas où va la rivière. Il
songe à la vie du village; il revoit les hommes et les
choses de son enfance, et le vieil amour se réveille
brusquement. Il part s'établir chez sa sœur, mariée à
Waereghem et il a trente-deux ans. C'est alors qu'il fait
son Combat de coqs. La simple et rude humanité des
ancêtres lui a fait signe; il en exprime la continuité
dans les hommes d'aujourd'hui, comme eux adonnés
aux spectacles sanglants. Le tableau, très vaste, groupe
sur les gradins d'un amphithéâtre le brasseur, le bou-
cher, le boulanger et les gros fermiers. Au premier
plan, le grand coq or et vermillon achève, de l'éperon et
du bec, son rival terrassé, tandis que, dans l'assistance
sidérée, les visages expriment la cupidité, la fureur,
toutes les passions sauvages ameutées autour d'un sport
cruel auquel se mêle le souci du lucre. A travers la
II
peinture encore aigre, creuse et lisse, la scène avait un
accent tranquille et tragique où se dénonçait le terroir.
Au salon d'Anvers, le Combat est admiré. Paris,
à son tour, goûte ce fumet barbare de ruralité. C'est
son premier contact avec la grande ville qui plus
tard consacrera en lui l'une des expressions les plus
originales de la peinture flamande contemporaine.
Croquis pour la Récolte du Lin.
Le pays l'a repris : il ne quittera plus la bonne inspi-
ration et pour lui donner définitivement carrière, il se fixe
à demeure sur les bords de la Lys. Entre la rivière et la
chaussée, un pavillon de chasse gardait un air de mystère
sous ses hêtres et ses châtaigniers : il le prend à bail, en
attendant qu'il en devienne le maitre. Quand, en 1886,
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il se marie, la demeure, jusque là solitaire, s'emplit
d'une vie souriante. C'est le poétique et frais domaine
où, d'une âme heureuse, depuis un quart de siècle il se
renouvelle dans sa toujours
jeune et triomphante fécon-
dité. Des constructions, se
sont ajoutées au corps de
logis primitif; l'atelier s'est
agrandi; les jardins ont pris
de l'ampleur et em marge
sur les champs voisins; du
côté de la Lys, là où s'a-
marre le bachot, une petite
silve sauvage a fini par
déferler à grandes vagues
d'or, de carmin et d'amé-
thyste. Mais la maison
même a gardé l'air simple
et cordial des premiers
temps.
Il vit là comme au cœur
même du pays : au ponant,
devant lui, la grande sa-
vane blonde, lignée par les
méandres de l'eau ; au le-
vant, les champs où, au
Croquis pour la Récolte du Lin. tcmpS de la moisSOU, s'cf-
filent, sous la lune rose, les hautes moyettes d'argent;
et en tous sens les bordes, blanches comme des tèles de
lait, les haies d'aunes, derrière lesquelles paissent les
vaches aux tons émaillés de bouquet, et les villages où
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sont les beaux chevaux, les beaux gars et les belles
filles.
Ce sont les spectacles qui absorberont désormais
son art. Il expose successivement le Bateau qui passe
(i883), Quand fleurissent les lichnis (1884), le Passage
d'eau et la Récolte du lin (i885), les Chardons et le
Vieux Jardinier, du musée de Liège (1886), le Pique-
nique, de la collection du Roi, Les Sarcleuses et la
vieille Lys (1887), Roseke et la Rentrée des vaches
(1888), Récolte des pommes de terre (1889). Son nom
a grandi à la mesure de son effort. Quelques années
d'ardent travail y sufiirent et il a des amateurs; ses
toiles figurent dans des collections réputées ; il fait un art
intelligent, adroit, plein de ressources, avec la trouvaille
du motif plaisant et de la jolie attitude, une poétisation
des sites et des types qui l'accrédite auprès des âmes
distinguées.
Les paysanneries de Bastien-Lepage, en ce temps-
là, semblaient avoir mis à la portée du public le
grand art austère et farouche d'un Millet. S'il ne
fut pas un «' inventeur », du moins il sut donner
une impression de vraisemblance qui, dans le vérisme
des figures, se rapprochait de l'accent de nature. Elle
aida Emile Claus dans ses formations et peut-être lui
communiqua ce goût d'un réalisme tempéré qui leur fut
commun à tous deux.
En 1889, une première œuvre. Après le travail,
deux figures dans la prairie baignée de soleil couchant.
Te montre soudain attentif au phénomène lumineux. Il
est sur la piste, c'est la découverte : il a vu le paysage
à hauteur de son rêve; il a senti vivre organiquement
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Le Ponton d'Afsné ('1S92)
Musée de Diesde
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la lumière ; la grande ivresse du monde l'a touché.
Vous le verrez détaché et marcher par bonds. Le voici
dans sa Récolte des Betteraves, purgeant ce qui lui reste
des sourdines de l'école. La toile est immense : il semble
qu'à force de vivre dans l'espace, il veuille faire un art
à la mesure de l'espace. Tout un pays de landes est là
qui jusqu'aux confins se déroule, dans l'âpre bise de
novembre. A pleins sabots une équipe de travailleurs
la patrouille, courbée sur les pivots rouges et bleus que,
de la bêche et des mains, il faut extirper du sol. L'air
sous la nue ardoisée aigrement luisarne : les attitudes
sont crispées ; une femme souffle dans ses mains. Et
toute la campagne rutile sous des jonchées lie de vin,
vermillon, cadmium, beaux morceaux de large peinture,
où s'attestaient la volonté et la force.
On fut ému par ce tableau pathétique : c'était bien
là un paysage des Flandres; c'étaient bien là des âmes
rudes et patientes, dans leur héroïsme quotidien. Un
peintre, en peinant lui-même sous l'intempérie, avait
exprimé l'austère et religieuse communion de l'homme
et de la terre. Rude effort qui d'un coup le haussait
au rang des grands manieurs d'humanité et de nature.
Je l'aimai à travers sa force naissante et nous nous
liâmes : une excursion aux pays de l'Escaut et de la
Lys nous avait jusque là simplement donné le goût de
nous connaître davantage. J'écrivais alors La Belgique ;
il y donna quelques dessins. Notre intimité ne com-
mença qu'à l'époque des Betteraves . Je pressentis l'éveil
d'un art; j'appréciai la franchise et la sûreté d'un carac-
tère. La maison ne s'appelait pas encore du nom qui la
consacre au soleil ; la dédicace ne se fit que plus tard,
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quand lui-même eut accompli les rites de sa définitive
investiture. Mais une jeune femme gracieuse et blonde
elle-même comme le soleil déjà parait de son charme la
tranquille demeure. C'est là qu'avec la suite des ans,
je goûtai presque chaque année un studieux loisir.
Astene me demeura un cher et constant pèlerinage où
m'accueillait la bonne grâce de l'amie, où l'ami, en se
fortifiant à ma foi, me fortifiait lui-même de la sienne.
Les jardins, le verger, l'abri spacieux des châtaigniers
furent maintes fois mêlés à mon propre labeur : j'y
commençai la Fin des Bourgeois, V Arche, le Petit
homme de Dieu ; les paysages que j'avais sous les yeux
composèrent le décor de l 'Ile vierge et du Veut dans les
moulins.
Je pus voir ainsi se développer son tendre et vir-
gilien génie ; je le vis se dépouiller de ses attaches
anciennes et, d'un coup d'aile toujours plus libre,
comme le vol de ses abeilles, monter vers la lumière.
S'il aimait peindre la terre pour elle-même, il se pas-
sionnait aussi pour ses humbles ouvriers ; il disait le
laboureur, le semeur, les sarcleuses; il disait la moisson
et les métiers du lin. Parfois il entrait au foyer des
paysans ou poussait la porte d'un cabaret. Un goût de
belle santé rustique lui faisait faire ses contadines au sang
rouge; il était attiré parla grâce blonde des petits enfants.
Il n'osait se risquer encore tout à fait à la pleine lumière,
ni à la pleine nature: l'air était tamisé; il faisait froid
à l'ombre. Quand je lui disais : « Ne faites pas la nature
comme vous croyez qu'elle est, mais comme vous voulez
qu'elle soit», il s'effarait et me répondait parce point
d'interrogation : « Et la sincérité?» Il s'espérait sincère
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parce qu'il peignait au-dessous du ton. Je répliquais:
« Il faut allier la sincérité à l'indépendance. Jamais
votre palette ne sera assez claire pour donner l'impres-
sion de l'air et de la vie des choses ». En 1890 il vint
passer quelques semaines à La Hulpe, où j'habitais
alors. Ce coin villageois du Brabant, avec ses eaux, ses
bruyères et ses vallonnements, l'enchanta : ce lui fut
comme im renouvellement de sa vision habituelle. Un
jour il emporta une vaste toile et se mit à peindre
l'étang du Nysdam. Vous la verrez accrochée au mur,
chez lui, comme un trophée de guerre et de victoire :
cela sonna soudain dans son œuvre la fanfare des ors
et des vermillons et préluda aux polyphonies de son
orchestre de peintre. Comme une torche flambe cet
Automne Wallon et il en passe quelque chose dans la
Drève ensoleillée, du musée de Bruxelles, qu'il peint un
an après (1891). C'est aussi l'année des Ysvogels, musée
de Gand, du Déclin du jour, musée de Mons, de la
Rosée, de la Brume en novembre, Galerie du Roi, du
Soleil d'octobre, de la Matinée, musée de Guthenbourg,
des Bouleaux, des Derniers rayons {hiver). Maintenant,
à chaque pas, il donnait de la corne, fonçant droit devant
lui, comme le taureau par delà les clôtures.
En 1892, il fait son Ponton d'Afsné, musée de
Dresde, le Parc d'Oydonck, musée de Courtrai, Pâques,
\q Soleil d'arrière-saison, la Barrière, la Matinée d'oc-
tobre. En 1893, un travail furieux lui fait abattre dix-
sept tableaux, parmi lesquels la Levée des nasses,
musée d'Ixelles, la Sieste, musée de Douai, le Midi,
la Vache broutant, un Lever de lune, \ Ecluse d'Astene,
Inondation, Soirée d'été, Pauvres des champs.
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L'année 1894 n'est pas moins féconde : seize toiles
et dans ce nombre Février, le Faîicheitr, la Grand'
route {automne), le Givre, au Gouvernement, Juin [oc-
tobre), le Village de Deurle {hiver). Retour du marché,
Lever de lune {hiver), Briquetterie abandonnée. Lueurs
du couchant et sa première Façade ensoleillée, sont
autant d'étapes et signalent sa valeur toujours gran-
dissante.
IV
Paris avait été pour lui l'éveilleur. Il y vient
d'abord, en passant des Salons où il expose; puis ses
séjours se prolongent. En 1889, il loue un atelier au
boulevard des Batignolles; il s'y sent à l'étroit et s'installe
rue Dautencourt : chaque hiver, pendant trois ans, l'y
ramène après ses tranquilles et laborieux étés d'Astene.
Cette vie de fièvre et de passion l'exalte, il y trouve
l'exemple et la leçon des maîtres. Il revit les heures
héroïques de l'art des Manet, des Monet, des Sisley,
des Pizzarro, des Renoir. Ceux-ci déjà à cette époque
sont entrés dans la gloire et triomphent, mais sans
cesser de combattre. C'est le temps où d'Allemagne,
d'Angleterre, d'Amérique, de Norwège, débarquent
dans la grande ville des colonies de peintres nouveaux,
conquis à l'art de la vie et de la lumière. Il y ren-
contre Zorn, Thaulow, Kroyer, Dessar, Groenveld,
Walhberg, parmi tant d'autres. Il s'y lie avec Duhem,
Le Sidaner, Vail. Ensemble on se voit partout où il
19
est question de peinture : à l'heure de l'absinthe, on se
retrouve chez Julien. Tous sont compagnons d'avant-
garde, passionnés, qui pour la juxta-position libre, qui
pour la division scientifique selon la méthode de Rod.
Un génie de renaissance et de controverses enflamme
tous ces esprits accourus des patries lointaines pour
se tremper aux sources claires.
Lui, sur les marges encore de sa future maîtrise,
écoutait, regardait, profitait, attentif, clairvoyant et
prudent : sa foi était vive, tourmentée d'espace et d'in-
connu. Monet surtout s'avérait l'apôtre : son naturisme
synthétique et grandiose fut l'influence déterminante
qui le mit en possession de sa définitive conscience de
peintre.
Toute l'évolution antérieure sembla l'avoir à mesure
rapproché de cette heure qui décida de ses destins. Ce
fut comme la seconde naissance de son art : une beauté
édénique et fraîche para la nature : lui-même eut les
yeux attendris et frais d'un tout jeune homme.
Au retour, la lumière sera la vie de ses toiles et
sa propre vie : il peint alors avec les couleurs élémen-
taires ; il décompose le prisme et le réfracte à travers
les tons. Un magnétisme diligent et nerveux accorde
ceux-ci avec les lois de la chaleur et du mouvement. Et
du même coup, son procédé s'allège, s'assouplit, se délie
pour lutter avec la mobilité de l'effet et la brièveté du
moment. Il lui vient la belle main sensuelle et décidée
des vrais amoureux de la nature. Il devait expérimenter
bientôt que les amateurs et le public n'entendent pas
être dérangés dans leurs sécurités et qu'un artiste repré-
sente pour eux une somme de certitudes immuables
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moyennant lesquelles ils consentent à l'acquérir. Il
connut la mévente, l'atelier solitaire, les privations, la vie
réduite, le souci de l'avenir. Lui qui avait goûté les
succès tant qu'il avait fait son art d'école, se retrouva
nu et dépouillé comme à la période des débuts pour
n'avoir plus voulu aller qu'à l'école de la nature.
Heures belles et
douloureuses où le se-
conda le ferme cœur
d'une compagne admi-
rable, heures par les-
quelles durement fut
achetée la conquête de
son art libéré. Vers
1894, enfin, comme
Siegfried allant déli-
vrer la forme immor-
telle de son âme en-
chaînée au bûcher de
la V^alkure, il put enfin
franchir le cycle su-
prême des épreuves.
On le vit, à la fois
vainqueur de la lu-
mière et de la destinée,
; •- proposer au pays qui
Modèles. l'avait renié sa jeune
gloire de novateur. Chacun crut alors l'avoir décou-
vert; sa fortune nouvelle lui conciliant la critique, le
public et l'Etat, de 1893 à 1898 il vend le Déclin du
jour, la Levée des Nasses, le Givre, le Ponton d Afstié,
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les Pàqties, la Berge, le Retour du marché, les Fau-
cheurs, la Matinée a' Octobre, la Berge ensoleillée.
Encore quelques années et il sera proclamé le peintre
des âmes claires; il sera aussi le peintre des âmes joyeuses,
Nuit (Dessin.)
et une Flandre heureuse, de vent haut, de clarté mou-
vante, de tranquillité féconde, sonnera chez lui ses caril-
lons de soleil. Extrême originalité, puisque l'école qui
jusqu'alors transposait, fait ici de la lumière immédiate.
23
V
Le voilà sûr de lui; il a marché selon son instinct
et sa ioi. Il manie la clarté; il l'infuse à ses pâtes;
elle est le sang et la vie de son œuvre; elle devient
l'état d'âme de ses paysages. On put vérifier, au
Cercle artistique de Bruxelles, en 1895, la nouveauté
de son effort. Une porte s'ouvrit sur du ciel, de l'eau,
des arbres; on se trouva dans une nature fraîche comme
une genèse; on perçut le sens d'une joie imprévue et
qui, chez ce fils du soleil, allait jusqu'à l'ivresse. Cepen-
dant aucune virtuosité; l'ensemble apparaissait souriant,
tranquille et grave. A travers le temps il naissait à la
Flandre un peintre qui, d'un génie charmant, recom-
mençait le poème des anthestéries et des ambarvalies.
Les heures et les saisons tournèrent comme dans
Hésiode, belles et sacrées. Toute exaltation est reli-
gieuse et la joie, ici révélée, était pareille à un rite.
La lumière flamande, avec ses prismes trempés
aux sels de la mer, s'égala aux plus fraîches, aux plus
fleuries et aux plus transparentes. Par quelle aberration
l'école jusque là l'avait peinte opaque, terne, dure,
métallique et gelée, c'est ce qu'on ne pouvait plus
concevoir. Elle mouilla chez lui d'une arrosée d'arc-en-
ciel, l'âpre glèbe primitive. Elle l'enveloppa de grâce et
de force, elle la sensibilisa du magnétisme visible de la
vie. Elle se suscita ce qu'elle est en réalité, l'amnios du
monde, l'enveloppe fluide et chaude où celui-ci prend
vie et forme. Du moins ce fut la tendance qui dès ce
•24
moment caractérisa l'évolution de l'artiste : en gran-
dissant, elle lui donna sa signification définitive dans
l'art de son temps.
La lumière qui, dans la nature, fait vivre l'homme,
les faunes et les végétaux, n'avait commencé à vivifier
le paysage qu'avec Manet, Cézanne, Monet, Sisley,
Pizzarro. Chez les grands panthéistes antérieurs, le sens
pathétique du paysage plutôt dominait. La simple
lumière naturelle ne vint qu'après le génie ordonnateur
et pompeux d'un Rousseau, et seule la vision clarifiée
de Corot s'en était rapprochée. La découverte d'un jour
vierge, à l'exemple de celle qui régnait chez les maîtres
de l'impressionnisme français, illustra l'initiative d'Emile
Claus en Belgique, bien qu'il n'y eut là, à proprement
dire, nulle imitation ; sa lumière apparut micassée,
hyaline, faite de petits cristaux irisés, dans une atmos-
phère humide et grasse, différente des atmosphères
françaises. Un œil de peintre, actif et subtil, en percevait
la mobilité versicolore dans son éclat peut-être plus
encore que dans ce qu'elle a de fondant, d'enveloppé et
de moelleux. L'ombre ici cessait presque d'exister et
n'était plus qu'une sorte de clarté mineure, dans le don
heureux de faire régner partout la lumière. Même
l'hiver, sous les jeux chatoyés du jour, s'aviva comme
de la ressemblance d'un autre été gelé.
Tout cela, certes, n'alla pas sans des critiques assez
vives : on voulut y voir un art plus paradoxal que
spontané : on parut regretter à la fois une perversion de
l'optique usuelle et une altération du sens du paysage
selon la tradition. Il sembla que la santé de la vision et
de la sensation, qui faisait la joie de cet art novateur,
25
fût récusée par une sorte de fatalité constitutive de tout
voir en triste et en noir, comme si vraiment la lumière
ne dût pas exister pour l'œil obturé des peintres de
Belgique, comme si la sensible et lucide lentille des
yeux de l'artiste y fût vouée à ne jamais refléter la
beauté miraillée du prisme. L'ancienne école du paysage
anversois surtout avait vécu sur la recette des bitumes,
des ocres, des tètes de mort, des bruns Van Dyck et des
stil de grain : d'une matière épaisse, sirupeuse et bornée
elle avait fait comme la base de sa main-d'œuvre ; la
gamme des verts allait du vert de vessie et du vert de
scheele au vert de Prusse et à la terre verte; et le soleil,
d'un jaune de Mars ou de Naples pendant le jour, se
confiturait de tons garance dans la gloire de ses cou-
chants. Ce fut un bouleversement quand d'un génie
riche, abondant et somptueux. Baron, Boulenger,
Heymans, Rosseels, Courtens, Dubois, Verheyden,
épuisèrent les formes amples et énergiques de la double
contrée flamande et wallonne. On vit Baron, Heymans
et Rosseels s'orienter vers la recherche d'un jour naturel,
gris et volontiers modulé en sourdine chez le premier,
laiteux et blond chez le second, argentin et crayeux
parfois chez le troisième. Même chez les plus souples la
lumière restait combinée. Cependant, aucun parmi les
jeunes peintres n'avait trouvé encore la lumière filtrée
et cette limpidité de cristal de roche qui devaient être
l'évolution complémentaire où la grâce, la haute vie
déliée du paysage allait s'ajouter à sa robustesse et à ses
violences.
Avec le groupe des Vingt, ce fut un essai nouveau de
la sensibilité : on expérimenta des procédés, on alterna le
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pointillé et le tachisme, mais surtout on s'efforça de voir
avec des yeux frais. L'air, les transparences, les fluides
et légères atmosphères révélés par l'admirable école des
Impressionnistes de France, se communiquèrent au
paysage wallon-flamand. Quand apparut Emile Claus,
on fut aux sources de la lumière; on se sentit naître à
des sensations fraîches, élyséennes et qui renouvelaient
les aspects de la terre, dans ce pays de Flandre où il
peignait.
VI
Chaque année l'affirmait davantage. Il exposait dans
les cercles, aux triennales, à l'Esthétique, en Belgique,
en France, en Allemagne. Par deux fois, en 1895 et en
1897, il réunit à Anvers, salle Verlat, un important
choix d'œuvres. La plupart gardaient une signification
nette, comme des étapes et des jalons. Soleil d^Hiver
et Pâques, parmi d'autres, s'attestèrent singulièrement
des dates. Ici, dans une ensoleillée d'avril, de petites
communiantes de campagne, sous leurs voiles blancs,
ressemblaient aux fleurs d'un jardin mystique. On l'y
sentait préoccupé déjà de ce dessin des ombres en
transparence sur des surfaces de clarté, où se signala
toute une production prochaine. Ce fut le signe d'éveil
d'un esprit en quête d'effets imprévus, de perceptions
avisées et d'instantanés expressifs. Mais le phénomène
d'un œil sensible, comme une plaque métallique, au
passage fugitif des moindres jeux du prisme, peut-être
se dénonça plus extraordinaire encore dans le Soleil
27
d'Hiver, peint en 1890, c'est à dire une année avant
Pâques. On eut la sensation d'une de ces surprises de la
nature où celle-ci se sensibilise jusqu'à l'illusion de la
vie des êtres. Il n'y avait là pourtant, dans le frisson
froid de la nuit approchante, qu'une écorce d'arbre
frappée des dernières clartés du couchant. Mais l'ombre
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d'un grillage qui ne se voyait pas, transperçait comme
d'une flamberge noire le tronc qu'on eût dit martyrisé.
Sans nul doute le peintre avait représenté simplement
un effet observé sur nature : seulement, ses yeux, dans
leur acuité subtile, avaient été impressionnés comme
par l'image d'un drame dans le monde obscur des
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végétaux. Le tableau prit une valeur de symbole et
sembla spiritualiser l'éternel combat de l'ombre et de la
lumière. L'àme de la terre passa : on crut entendre le
génie des forêts dans la mort du soleil.
Ce fut comme une hallucination, et elle témoigna
de la passion fraternelle du peintre pour les arbres ; il
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Zuid-Beveland.
les peignait comme des êtres sensibles, vivant aux
confins de sa propre vie et pareils sous leur dure écorce
au paysan tanné et verruqueux dont ils ombragent le
toit ou bordent le champ. Quand pour le vulgaire, ils
29
ne sont ensemble que des essences rustiques et gros-
sières, sa conjecture de poète les mêla dans une com-
munauté de vie élémentale, comme aux âges où les
dieux antiques palpitaient sous l'aubier. Son culte para
le peuplier, le hêtre et le bouleau de tuniques merveil-
leuses : il les habilla d'une soie d'or, d'hyacinthe et de
pourpre. Personne plus que lui, d'ailleurs, n'eut le goût
du beau travail et de la belle matière; il maniait la
couleur avec sensualité, il l'aimait légère et chantante :
son art par là était bien un art de joie, fait pour célébrer
les heures légères du monde.
Mais toute vie a ses imprévus et le goût de la sensa-
tion nouvelle, qui, autrefois, l'avait poussé vers le Maroc,
lui rend soudain encore une fois désirable le départ. En
1895, il passe une partie de l'été, en Zélande; et ce
pays, où les maisons ressemblent à des jouets peints et
où les femmes ont un air émaillé de coquillages, est
pour lui le sujet d'heures studieuses et amusées. Veere
surtout lui fournit une ample moisson de notations à
l'huile et au pastel {Sur la digue, Toits à Veerc, Quai
de Veerc, Zélandaise entre autres.)
Ce japonisme du Nord le séduit à tel point que,
l'année suivante, il repart pour Cappellen-Bieselingen,
près de Goes. Il y peint surtout la figure, séduit par
le costume et l'air de grands papillons que donnent
aux femmes les ailes frémissantes des bonnets. Et le
charme ne faiblit pas : le voici encore (1897), séjour-
nant à Elwoulsdijk, petit port devant Terneuzen.
Plus tard, en 1899, ce sera tout un mois d'hiver qu'il
passera à l'Ecluse : il y fait son curieux Quai, bordé de
maisons que moirent les reflets balancés de l'eau. Non
3o
La Ferme (1899)
Collection de M. Xavier Lelièvie. Bruxelles
loin, Sint-Anna-ter-Muyden, dans sa muette solitude de
hameau minuscule, lui inspire sa Maison close, comme
filigranée de pâle soleil, avec ses mailles d'ombre ser-
tissant l'or éteint des midis sans chaleur. Une moel-
leuse harmonie y fond, en des nuances de velours usé,
le vert des contrevents, le carmin du toit et la pâleur
rouillée du badigeon. C'est le temps de sa série ^Enso-
leillées, comme il les baptisa. Il l'avait commencée en
1894, avec son pignon baigné de soleil d'automne et
auquel, comme à une treille, se grappaient des fruits
d'ombre irisée. Art de soleil et d'ombre où l'ombre,
dans un mystère d'intimité et de silence, apparaît, plus
encore que la lumière, l'âme véritable du tableau. Elle
est le verrou sur la porte et la main qui tire le verrou;
elle est le doigt sur la bouche des choses; elle suggère
la paix, le songe et l'abandon, comme s'il y avait là
des berceaux ou des suaires. Un poète, non moins qu'un
peintre, perçait dans cette sensibilisation de la matière.
L'ombre ici vivait : elle persillait les murs des tons les
plus rares; elle avait le glissement des soies, la trans-
parence des mousselines, le découpé d'une guipure. Il
en naissait un charme frais et fleuri qui était la poésie
des plus simples sujets.
Cependant la Hollande ne lui faisait pas oublier le
pays natal. 1895 est l'année de Février, du Givre, au
musée de Berlin, des Roses trémiéres, au musée de
Verviers. En 1896, il peint la Sapinière, la Matinée
d'octobre, les Semailles, les Pommes au verger. L'année
suivante. Sérénité, au musée d'Odessa, Matinée rose,
A l'ombre et un Soleil couchant.
Au Champ de Mars, où il l'expose à mesure,
3i
cette Flandre si différente de celle d'un Verwée, d'un
Courtens et d'un Baertsoen, apparaît une fête pour les
yeux. Quand en 1898, il enverra son Zonneschijn à
Gand, M. Bénéditte, qui témoigna toujours d'un esprit
si ouvert envers l'art d'outre-frontière, l'achètera pour
ses collections du Luxembourg. Sa production est
joyeuse et abondante : elle a la perfection relative
qu'ambitionne le bon ouvrier, et Claus s'y atteste bien
de sa race et de son pays. Il incarne la contrée natale,
il est le fils de la terre blonde ; elle demeure mêlée à
son effort d'art et à sa vie même. Sa ligne vitale, en
effet, est droite et nette : elle part de la contrée qui
est entre Courtrai et Gand et elle y retourne. Toute
sa somme d'humanité et d'art tient dans un espace
de quelques lieues; mais ces quelques lieues sont pour
lui comme la découverte d'un monde puisqu'il s'y dé-
couvre lui-même. Il est là en communion avec les siens,
avec ceux qui, par le sang, sont de sa famille, avec l'autre
aussi, la grande famille obscure des campagnes. Elle
peine sous l'août et l'octobre ; elle fait l'œuvre des
labours et des semailles ; il reconnait en elle la longue
ascendance qui l'institua, à son tour, l'ouvrier magni-
fique de la terre.
Il va peu à la ville; Paris s'est perdu aux horizons
du passé. Comme le paysan il vit, loin des compagnies,
seul avec la terre et le ciel, en contact avec les êtres et
les bêtes qui en figurent les aspects concrets. Sa journée,
commencée à l'aube, finit avec le soleil : sa vie d'art se
renferme dans la courbe enflammée que trace, par-dessus
l'horizon, le père de la planète. Dans le bois, de l'autre
côté de l'eau, le loriot flûte ses quatre notes; le merle,
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dans le verger, à son tour siffle la joyeuse aubade; le
bœuf corne dans l'étable. Et dehors, sous le matin
moite, fument les blés si c'est l'été et les labours si
c'est l'automne; l'hiver, un argent fluide s'évapore des
champs sous la neige. Le voilà qui campe son che-
valet, guettant la minute de l'effet, dans la solitude
claire. Il est debout, les jarrets écarqués; tendu comme
un arc, il travaille à hauteur des yeux et on pourrait
dire à hauteur du cœur, puisque chez lui, comme chez
les grands sensibles, c'est à coups de pulsations rapides
qu'il fait son œuvre. Le feutre abaissé sur les yeux, il
regarde, marche, frappe le sol du talon; il a la colère et
l'élan du taureau. C'est un corps à corps où le dieu et
l'homme luttent d'ardeur, d'agilité et de décision. La
lumière ricoche en palets d'or verts ; un vent blond
déferle comme une mer d'odeurs, de couleurs et de
poussières ; et le ciel, à l'égal d'une grande meule,
tourne vertigineux, dans un incendie pâle. Lui, va,
recule, revient, s'allongeant, se ramassant, bondissant,
se mouvant dans un tourbillon d'or, de cinabre et de
vermillon, parfois se couvrant de sa palette comme
d'une rondache, l'appuie-main faisant lance à ses doigts.
C'est bien la mimique d'un homme vivant sa peinture
et pour qui la couleur elle-même est du mouvement. Si
tout le reste est structure, statique et géométrie, on peut
admettre, en effet, que le geste de la vie est dans la
lumière qui bouge et anime les formes d'un paysage.
Eh bien, quelque chose de l'éternelle mobilité du
monde passe dans la manœuvre d'un tel peintre ; il
subit le magnétisme universel et le restitue avec onction
et force, dans des pratiques qui caressent, commandent
33
et veulent être obéies. C'est le maître subjuguant et
attendri qui entend imposer sa vision aux choses. Il
procède par à coups heureux ; les ondes sensibles
courent ; tout l'être tressaille ; il ne fait rien qui ne
vienne d'un sursaut de la vie en lui. Une ardente et
continue volonté, tel est bien le signe de son oeuvre.
Il vibre, il tressaille, il hume l'espace, il est plein de
fureur et de sensualité ; ses meilleures toiles sont des
œuvres d'amour, de grâce et d'énergie.
VII
En 1899, il touche à la maturité et il fait son
Passage des Vaches acquis d'abord pour l'Amérique et
qui ensuite est repris pour le musée de Bruxelles. Elle
est, à ce moment de sa vie, comme l'épanouissement de
sa maîtrise. Spacieuse, d'une pondération habile dans
le mouvement de ses masses, elle a la sonorité et l'éclat
de la vie même : c'est bien le tumulte miraillé d'une
bousculade où le troupeau, la rivière, les berges, les
vachers sont confondus. D'un flot qui déborde, l'eau se
soulève et semble soulever jusque dans les hautes
couches de l'air la nage des énormes croupes. On est
bien, avec cette vaste bucolique, au cœur de la Flandre
animalière et rurale, trempée aux eaux fétides et remuée
de -vent, de clartés, d'ondées sous des atmosphères
moites et prismatisées.
Toute l'immense toile chatoie comme un vitrail et
roue comme une queue de paon au soleil. L'eau, la
rive, le ciel, les bêtes sont portés à une intensité de la
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lumière et du ton qui laisse un éblouissement dans les
prunelles. Peut-être même l'œuvre, dans son miroite-
ment épars, manque-t-elle un peu de cette concentration
d'où résulte l'unité des grandes compositions. C'est
ici recueil d'une optique hyperesthésiée. Corot avait
accoutumé de dire qu'un peu de myopie n'est point
inutile au peintre. Une rétine trop nerveuse et troj)
aiguë, au contraire, tend à refléter, comme à travers un
miroir taillé à facettes, jusqu'aux petits éclats micassés
de la lumière, plutôt que de la resserrer dans un faisceau
qui en retient et en masse les jeux. Il en peut résulter
alors que la figure n'atteigne pas à ce caractère concret
qui, chez un Millet, par exemple, s'accorde si plénière-
ment avec l'héroïsme quotidien de la vie des champs.
Particulièrement au plein air, la grandeur simple du
style semble le rythme naturel de la figure sous l'action
de la lumière et des atmosphères qui, selon les moments,
diffusent ou massent la silhouette.
VIII
En 1900, il peint le Vieux Sapin, la Maison rose, le
Matin brumeux cf octobre, \ Hiver du musée d'Anvers.
Son œuvre tourne avec le chœur des saisons et varie
selon le cadran des heures : il vit ainsi, au jour le jour,
l'alternance émouvante des agonies et des renaissances
du monde. Voici, en 190 1, le Matin, le Midi, Derniers
rayons, Fenaison, Coin de jardin. Route dorée, les
Meules dans la neige. Rue de village. Canards au
couchant et le Verger en Flandre. Ce tranquille et
35
frais épisode de la cueillette des pommes, avec son
gars blond et la belle fille au visage vergeté de
vert et de rose comme les fruits dont elle emplit ses
corbeilles, l'un et l'autre à genoux parmi la jonchée
mûre qui émaille les gazons, allégorise les fructifica-
tions de la terre et l'apogée de la saison. C'est bien là,
dans le vaste poème que le maître dédia à la terre, une
de ses strophes les plus cordiales et les plus pathétiques.
Un charme infini harmonise l'heure, le site et les per-
sonnages : la lumière y est silencieuse par dessus le
saint devoir qui, comme un rite final, s'accomplit. Et
les branches, lourdes sous leur faix diapré, mêlent à
l'éclat apaisé des derniers soleils les moûts suprêmes du
sang terrestre. Toute l'idylle a la grâce d'une miniature
d'évangéliaire.
Son art, à cette heure de sa vie, s'égale au beau
verger automnal; une sève infinie y circule; les rameaux
ploient sous les fruits et dans l'ombre de l'atelier
s'amasse le trésor des corbeilles. Toutes les minutes du
jour sont pour lui le sujet de joies fécondes et toujours
nouvelles : il part au matin, la bretelle de sa boîte à
l'épaule, et va à l'effet. La journée ensuite est coupée
par la sieste du midi et de nouveau il s'en va ; toute la
contrée est pleine de ses toiles qu'il délaisse ou reprend
selon le sujet. Aucune heure n'est perdue, mais toutes
sont trop brèves pour son grand amour de la nature. Et
il en est ainsi des jours et des ans, égaux et pareils dans
la paix active de son incessant labeur. Il semble que la
maison du bord de l'eau elle-même se conforme à son art :
elle ena les belles couleurs morales : le travail et l'union
des cœurs s'y accordent pour embellir la vie. Les moments
36
Route dorée (1901)
Collection de M- Faquin. Paris
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difficiles sont passés; la critique, à l'étranger aussi bien
que dans le pays, le tient pour un maître accompli et
l'un des plus séduisants qui se soient produits dans le
paysage. Son atelier est devenu un lieu de pèlerinage
vers lequel on s'oriente de partout : le longue chaussée
d'Astene voit passer sous ses marronniers verts le type
sec et brusque de l'américain, le visage pensif de l'alle-
mand, la nerveuse silhouette du français, le bon géant
Croquis.
doux du pays d'Ibsen. Ce sont des peintres, des écri-
vains, des amis de son art et de sa belle conscience de
peintre. Une poignée de main chaude les accueille au
seuil du jardin tandis qu'aux côtés du maître, la com-
pagne de toutes les heures de sa vie leur souhaite la
bienvenue, parmi les aboiements et les bonds des chiens
amis. Son caractère n'a pas varié : l'homme est resté
simple, sensible et bon; il jouit de sa renommée et de
37
sa force avec modestie, heureux d'accroître chaque
année son œuvre. Comme on voit selon les étés la
grange et le cellier se combler à la mesure du rende-
ment, toutes sont fécondes, mais quelques-unes mar-
quent des dates privilégiées. Telle cette année 1902, où
il peint la Gelée blancJie, la Barrière ronge, le Matin
d'octobre, le Printemps au verger, la Rivière an prin-
temps, le Coin du parc, la Fenaison, \ Automne, du
musée de Venise. En igoS, il met au chevalet V Ecluse,
la Drêve d'Oydonck, le Pignon, la Fille de ferme, le
Soleil levant, (février). En 1904, c'est la Façade blanche,
les Bords de la Lys, le Soleil d'hiver, la Récolte du lin,
du musée de Bruxelles.
Son métier avec le temps est devenu celui des grands
peintres ; aucun ne l'emporte sur ses adresses d'improvi-
sation et ce don d'instantanéité nécessaire surtout au
peintre de la nature. Il a l'œil tourbillonnant et dans la
rétine comme une lentille où s'avive, au travail, l'énorme
lumière éparse du paysage. Tout de suite il est prêt,
l'âme exaltée et haute, sa vie entière concentrée aux
miroirs oculaires. Oui ne l'a vu à son chevalet, en
pleine nature, d'une gymnique légère, bondissante, se
prendre corps à corps avec l'effet, ne sait rien de la
dépense nerveuse par laquelle un organisme supra-
sensible comme le sien s'approprie les phénomènes
lumineux. D'un tel peintre surtout, il est permis de
dire qu'il vit une petite éternité de volonté, d'énergie,
d'angoisse et de triomphe dans le suspens d'un ton
à un autre.
Je crois bien que je n'ai tant aimé l'art de ce grand
peintre de la vie que parce qu'il y a dans ce qu'il fait, le
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signe du divin. Une toile de lui est une fête comme le
printemps, comme l'été, comme la virginité des matins,
comme le calme religieux des soirs.
D'un cours harmonieux et logique, son talent s'est
développé selon ses origines et ses puissances naturelles.
Sa peinture serrée et comme tissée avec des soies, évoque
une trame d'or, d'argent et de perles. Après le travail,
Récolte des pommes de terre, Vent et Soleil n'ont rien
à voir avec le pointillisme, le tachisme et les modes
divers de l'impressionnisme. Sa manière est bien fla-
mande, dans son aspect de belle matière scintillante et
achevée, avec des pleins et des transparences qui lui
donnent l'éclat, la solidité et la légèreté des plus
séduisants métiers d'art. Le peintre Artan avait cou-
tume de porter ses toiles à la lumière devant une fenêtre
et d'en considérer par l'envers les alternances fluides ou
solides, comme on aime palper les laines et les soies de
l'envers d'un beau tissu. Ce sont bien là les signes de
cette sensualité de l'art du peintre sans laquelle la
peinture manque à sa condition essentielle qui est de
dégager un riche et chaud bonheur matériel.
IX
1905 est pour notre peintre une date importante ; c'est
l'année de son Exposition au Cercle artistique de Bru-
xelles. Il y avait réuni cinquante-deux toiles, le froment
de sa récolte d'art des dernières années. Comme le bon
ouvrier, au bout de la journée, mesure au travail accompli
sa vaillance, il put mesurer à l'admiration et au respect
39
universels la beauté de sa carrière. «Vous êtes l'aigle, »
disait Corot à Rousseau ; et celui-ci répondait : « Mais
vous, Corot, vous êtes l'alouette dont la chanson monte
toujours plus avant vers le soleil. » Lui aussi, il était le
haut vol d'une aile parmi les sphères lumineuses :
il avait capté le secret des éternels printemps de la
lumière. Il avait fait
entrer dans l'art un
paysage nouveau ; il
avait créé une Flandre
des peintres que la
peinture ignorait en-
core. Celle-là apparut,
au Cercle, la joie d'un
beau jardin, épanoui
en ondes d'air, en flo-
raisons légères, somp-
tueuses et chantantes.
L'émerveillement y
apparut la condition
naturelle de l'âme du
peintre. Des printemps, des étés, des automnes, des
hivers formaient un cycle enchanté où même ces
derniers, sous le givre et la neige, gardaient un air de
jeunesse immortelle. On fut là plus près de celle qu'il
portait dans son cœur et des significations de cet art qui
se signalait comme un hymne aux renaissances et l'ode
à la joie d'un artiste exstasié, célébrant les miracles
splendides de la vie et répandant le bonheur qu'il
goûtait lui-même.
Ce furent, parmi ses œuvres les plus admirées : la
Portrait de M. Albyn ^^^^• den Abeele.
40
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Récolte du lin, la Berge, la Rue de Village, le Faucheur,
le Vieux sapin, X Ecluse, le Soleil levant (février), le
Soir dété (juillet), le Soleil d'hiver, le Matin (juin),
Les Ormes du canal (septembre), la Route des marou-
nicrs, la Matinée rose, la Façade bla)iche, le Verger
en Flandre, la Journée de soleil, desquels, pour la
plupart, il a été parlé ici déjà.
Le succès fut considérable : ceux qui disputaient
encore eurent le geste par lequel on se rend, et quelques
toiles apparurent des apogées : le Coin de Parc,
\ Automne, la Route dorée, aux polychromies ardentes,
et surtout la Matinée de septembre, offrirent les grandes
allures d'un renouvellement de son talent. Dans le
frisson frais de la terre, en un paysage lamé d'argent,
un toit sous les hauts peupliers baignés d'air substantiel,
et près de la haie, une vache paissant et que garde une
jeune fille. Rien autre et c'était, cette Matinée, toute la
Flandre et tout lautomne des hameaux. Une émotion
recueillie émanait, de nature, de rusticité, de paix
champêtre. Comme un large flot de lait, s'épandait une
clarté grasse où le paysage pompait la vie.
Ce fut vraiment ici le point d'altitude : l'artiste
n'avait point dit encore de parole plus tendre, plus
douce, plus persuasive. II témoigna cette fois qu'il
n'avait point besoin, comme on le lui reprocha long-
temps, de peindre le grand soleil pour faire de la
lumière. Une fluide clarté d'opale, de légères et trans-
parentes iris aux lueurs de nacre enveloppaient la
naissance du jour comme l'amnios vital. Et on était
ému par cette grande manière large, concrète, définitive
qui s'appariait aux styles les plus puissants sans rien
41
perdre des intimités et du charme antérieurs. On y vit
surtout l'évolution vers une plénitude du sentiment et
de l'exécution où se conjecturait la suprême étape d'un
sensible génie.
L'exposition du Cercle mit également en lumière
la liberté et l'originalité qu'il apportait dans une forme
d'art un peu particulière : c'est de ses portraits qu'il est
question. Il en avait peint beaucoup, dans les com-
mencements, sans laisser présager à cette époque le
parti qu'en tirerait un jour son art de luministe. Un
portrait de sa femme, qu'il avait peint en 1900, clair,
jeune et frais, notifia un art heureux de la ressemblance
libre et vivante. Une artiste qui demeura toujours près
du cœur de son art, M"^ Jenny Montigny, lui avait
donné l'occasion de représenter un délicat visage, incliné
et pensif sous l'ombre chaude d'un chapeau de paille,
dans la verdure ensoleillée d'un coin du jardin d'Astene.
Il avait peint aussi le portrait de cette autre femme de
talent, M"'^ Anna De Weert, assise dans une barque
et silhouettée entre ciel et terre sur fond de nuages
d'argent, avec le dessin fleuri d'une robe lilacée,
couleur des colchiques de la prairie.
Enfin, d'une touche rapide, volante, enflammée,
avec la décision qu'il apportait dans ses grandes œuvres,
il avait exécuté le portrait de l'écrivain qui écrit cette
notice, tel que le lui proposait, avec le négligé de la mise
et l'abandon de la pose, l'enveloppe d'une après-midi
de la fin d'août, aux rousseurs déjà automnales, aux
nébulosités croulantes d'un vaste ciel par-dessus les
campagnes demi moissonnées. Un sens symbolique et
spirituel s'attachait à cette image qui avait été vue déjà
42
Portrait de M. Camille Lemonnier
au Champ de Mars et jugée téméraire, significative et
forte. Toute l'esthétique pleinairiste du maître s'y attes-
tait et le souple magnétisme de la main qui donnait à ses
paysages la vie électrique des soies et de la chair.
Emile Claus, du reste, n'avait jamais cessé d'être un
peintre de figures. D'abord strictes, sèches et linéaires,
se ressentant encore du dessin d'école, elles deviennent,
à l'époque de la Récolte des Betteraves, de l'humanité
large, exprimée dans ses signes essentiels. On sent qu'il
les a suivies à travers les indications du modèle, les
débrouillant à mesure dans des séries de notations où
c'est l'instantané d'après la nature qui, petit à petit, lui
donne la précision constructive. Déjà alors, son carnet
de peintre ne le quitte pas; il crayonne sans cesse,
indiquant d'un trait la silhouette, marquant les pleins
et les déliés, établissant les volumes d'un écrasi au
pouce ou par des hachures serrées. Dans le silence
appliqué de la petite maison bloquée par les frimas,
quelquefois, l'hiver, des modèles, laboureurs et var-
lettes, arrivaient lui poser sous la lampe des effets de
clair et de demi-teintes, avec le lent obscurcissement
des pénombres autour du rayonnement lumineux des
visages. Je connais de délicieux croquis déjeunes femmes
et d'enfants où il pousse l'étude au crayon jusqu'au
dessin d'art; on a alors ces aspects chatoyés et ces
blondeurs soyeuses qui particularisent sa vision de
peintre et qui, dans ses légers crayonnis, s'égalent à la
transparence argentine des meilleures pointes sèches.
Claus toujours manifesta une inclination naturelle
pour une certaine grâce : dès le début, elle lui fait mul-
tiplier les figures d'enfants dans ses tableaux. Il semble
vouloir marquer ainsi ce que la vue d'une jeune humanité
ajoute de vie heureuse aux arbres, aux eaux et à la
maison. Plus tard, il continue à les peindre dans les
vibrations de la lumière comme les fleurs d'un jardin
d'amour et de vie. C'est pour lui le sujet d'innombrables
idylles qu'il excelle à composer. La série de ses façades
aux treillis d'ombre et de soleil, s'anime presque con-
stamment de claires ribambelles, dont les penaillons
semblent tissés de belles lumières de soie. Rien ne res-
semble moins à la malpropreté des marmailles villa-
geoises ; cela évoque bien plutôt l'or roux d'un espalier
dans l'éclat de rire du matin. On sent qu'il a été séduit
par leurs tons de pèche et d'abricot, et comme il est par
dessus tout un peintre de la couleur somptueuse, il a
exprimé des analogies plutôt que la réalité immédiate.
Il en est de même pour ses femmes ; il les peint
rurales et avenantes : il leur donne la santé et la fraî-
cheur. Il n'y a presque pas de vieilles femmes dans son
œuvre ; toutes sont jeunes, d'une peau florale et drue,
avec une joie claire qui les apparente à la nuance de ses
paysages et de son âme. Le miracle qui fait sortir des
mains puissantes d'un Alfred Stevens l'éternelle jeu-
nesse de la femme, se renouvelle chez lui en peignant la
fille des glèbes. C'est aussi de la belle chair savoureuse
et désirable qu'il modèle, toute humide de nature. L'un
et l'autre sont flamands, du reste, et ils cèdent à la
tendance de l'école pour les choses qui se peuvent associer
à l'idée du bonheur. On peut dire que le belge est peu
sentimental dans son art et conforme les aspects de la
riche matière qu'il en tire à son goût d'un état de l'àme
égal et confortable.
44
Tandis que Millet, dans sa rudesse farouche, comme
un Saint-Jean au désert, peint des femmes aux peaux
corroyées et aux os pétrés, ce paysan de Flandre garde
pour l'homme seul l'aspect d'une bête humaine. Il aime
la contadine potelée et ragoûtante, soit qu'il la peint
pourprée des roses du vent de mer (pendant son passage
en Zélande) soit que plus habituellement il la repré-
sente, aux campagnes de la Lys, accorte, fanant ou
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Effet de Lune (Dessin).
gerbant les javelles, dans sa force saine de jeune
génisse. Au surplus, le type qu'il propagea semble fait
des deux races, sanguin, copieux et blond et pour l'avoir
créé, il fut à sa manière un peintre de la Beauté. Je ne
veux indiquer ici que quelques-unes des œuvres où il
la manifesta : Roscke, Jitillci, Sur la digne, Leentje,
Faneuses, Kaatje et Janneke, Verger en Flandre,
Jeune fille, Fille de ferme.
X
Si chez lui le travail est rapide et décidé, les prépa-
tions sont laborieuses. Pendant des années, il porte son
œuvre en lui : il ne se met au chevalet que quand enfin
elle s'est incorporée. Aussitôt, tout son être s'emplit
d'une sorte de fureur sacrée : « Je ne suis plus l'homme
qui boit et mange et se couche la nuit venue, me disait-il ;
une folie me prend, je me bats avec mon paysage ». Les
croquis, les essais de mise en toile, les pochades dans la
boîte, qui pour lui sont comme les jets d'une germina-
tion qui attend son heure de soleil, aboutissent alors à
la statique, au rythme harmonieux et définitif. Pour ce
constructeur ingénieux et sûr, la toile vient au jour
et s'achève d'un mouvement régulier, comme par la
poussée continue d'un organisme. La graine ne mûrit
pas avant son temps et l'été qui donne le pain, l'automne
qui donne les fruits obéissent à l'ensemble des lois qui
règlent l'univers. Il ne se hâte non plus qu'eux; il sait
qu'il faut à toute chose sa période de croissance.
Une fois au travail, il établit d'abord les masses;
quelques traits au crayon ou à la craie lui suffisent et
tout de suite il attaque au pinceau. Le champ de la
toile se couvre alors de larges touches emportées qui
sont du ciel, de l'eau et de la terre. En tous sens, elles
46
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frappent, vibrent et bourdonnent, tumultueuses, ruti-
lantes, ailées, comme une ruche qui s'envole, avec des
trous par où apparaît la trame. Et puis, cela se resserre,
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Soir en Ville (Dessin\
s'unifie, se comble, devient de l'air, du vent, du soleil,
mêlés au geste du laboureur, au broùt du troupeau, au
croît des genèses. Tout vit, tout résonne, tout luit.
L'œuvre accomplie au grand air, en pleine nature, est
47
maintenant là sur le pré comme un morceau de vie
réalisée, et le peintre allume sa pipe; il compare.
Comme le paysan, Claus vit son œuvre à même
la terre, bêchant, labourant, ensemençant à sa manière
cette lande que l'autre arrose de ses sueurs. Le même
soleil les cuit sous ses feux droits ou obliques : par
l'ondée, le gel, la neige ou la canicule, ils font ensemble
l'œuvre fraternel. La peinture, ainsi comprise, comme
chez les grands agraires, les Millet, les Monet, les
Pizzarro, les Sisley, est de l'action. D'une manœuvre
adroite et rapide, il faut saisir au vol la lumière tour-
nante, l'ombre subtile, la nue fugitive. Il faut être
soi-même de moitié dans le mouvement continu de la
nature. C'est le signe du véritable paysagiste moderne.
Pas une toile qui ne soit commencée et terminée devant
l'effet, aux heures brèves où revient celui-ci. Le modèle
ne pose plus comme autrefois ; il passe ; le tout est de le
saisir dans sa mobilité au moment où déjà il va n'être
plus. Ce n'est qu'au prix d'un extrême effort, servi par la
plus rare sensibilité de l'œil et la plus apte dextérité de
la main, qu'on y arrive.
Je me rappelle quelles difficultés lui suscita
l'établissement de la grande toile, le Passage des
Vaches, sous les coups de lumière d'une après-midi
d'août. Le troupeau entrait dans la rivière et abordait
à l'autre rive : la nage ne durait que quelques minutes
pendant lesquelles ricochait, sur les cornes et les
croupes, l'effet de soleil proposé. Le peintre avait fait
aménager sa barque pour y pouvoir caler son vaste
châssis; et il se tenait là, debout, secoué par les remous,
dans le tumulte de l'eau, du soleil et des énormes bêtes.
n
Portrait de M"*^ Jennv Montigny
pareilles à des monstres fabuleux. Le plancher de la
barque était vraiment chaque jour le théâtre d'un
exploit : la palette et les pinceaux à la main, il se lançait,
posait quelques touches, se reculait, avançait de nouveau
comme pour une joute. Sa rapidité était merveilleuse;
dans le temps d'un éclair, sa vision embrassait les
masses, les pleins, les saillies, le jeu des lumières.
La rivière, aux reflets des robes lustrées par le soleil,
roulait de l'or, des émeraudes, des topazes et en tous sens
il frappait ses accents ; à mesure, la toile s'éclaboussait
de tons qui étaient des échines, des ventres et des
naseaux fumants.
Il avait choisi le moment où les vaches, encore
groupées près de la rive, ne sont pas toutes descendues
à l'eau, oii, à mi-fanons immergées, elles lappent le
flot ou cornent vers l'autre bord. C'est alors que les
vachers, avec des moulinets de triques pour les faire
avancer, passent à leur tour dans la barque. Malheu-
reusement tout l'épisode tenait dans une suite de mou-
vements liés et brefs, d'une rapidité extrême : chacun
de ceux-ci était un tableau et tous ensemble donnaient
l'impression d'un vaste cinéma. Claus, on peut le dire,
fit là cent tableaux où l'unique, qui devait leur survivre,
toujours se poursuivait et enfin s'acheva. Le troupeau
débarqué, la rivière petit à petit se pacifiait et la séance
encore une fois était, jusqu'au lendemain, terminée.
C'est là que je pus apprécier sa décision tout à la
fois, son opiniâtreté et sa patience. Comme le meunier
qui replie sa toile en attendant le vent, il s'en rapportait
au lendemain et donnait de la rame pour regagner
le logis.
49
XI
Une passion d'art véritable ne dédaigne aucun
mode d'expression ; en chacun réside une approximation
différentielle des visées de l'artiste et c'est toujours le
même foyer de l'âme, mais comme à travers un jeu
de verres tournants où elle se colore de reflets variables.
Claus, qui aquarella d'une virtuosité preste, devait
marquer surtout sa prédilection pour les notations
rapides et nerveuses du pastel, plus conformes à sa
sensibilité impressionniste. Ses adresses y furent incom-
parables : tandis que l'aquarelle, sommaire, indocile et
terne, refroidissait sa vision, le pastel, brillant et délié,
fut pour lui comme une improvisation de son art de
peintre. Il sut fixer son charme fragile et approximatif;
il eut, en pulvérisant ses légers crayons, la grâce et la
sûreté de main qu'il mettait dans ses toiles. Sa peinture
aux gammes hautes et vibrantes, parut trouver là de
naturelles correspondances. Il s'essaya une première
fois lors du voyage en Zélande, en 1896 ; la chair
sanguide des femmes, le tulipage des robes, l'émail des
paysages, les moiteurs d'un air diapré lui fourni-
rent le sujet de croquades déliées où passa toute la
fraîcheur de ses huiles. Ce fut pour lui la conquête d'une
joie nouvelle qu'il ne délaissa plus. Rentré au pays,
il multiplia les matins, les crépuscules, la plaine, les
meules, les hameaux. Il sembla qu'il y eût là, pour son
œil et sa main, comme le délassement d'un jeu. Quand,
en 1898, il alla passer deux mois à Bordighera, les
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Croquis d'après un ami sculpteur. _^ '-'i^<^>*c-t/'C
ondes bleues et les prismes du ciel l'éveillèrent à
une émotion de la lumière qu'il manifesta presque
également dans le pastel et la peinture. Plus récem-
ment, à la fin de 1906, il connut Venise : elle exalta
sa sensibilité sans la modifier; un magnétisme apparia
son âme à celle d'une race, comme la sienne sortie
des eaux.
C'est sur cette date que j'arrête le présent essai : elle
concorde avec le plein épanouissement de la maturité
chez le maître qui, en Belgique, depuis trois ou quatre
lustres s'attesta le jaillissement continu d'une source
d'art et de nature. Le temps qui pour les autres hommes
n'attend pas la soixantaine, est demeuré sans prise
sur sa jeunesse d'art, à mesure rafraîchie à l'éternelle
Jouvence.
Zoimeschijn ! Ce nom dont il baptisa sa maison de
peintre, ne résume-t-il pas toute son esthétique et l'in-
fluence qu'elle eut sur l'école? C'est une tradition nou-
velle qui avec lui s'instaure : elle sort de ses recherches,
de son isolement, de son immense labeur ininterrompu,
de son beau courage sans défaillance aux heures les plus
dures. Une foi sacrée, un esprit religieux l'animent;
il offre l'exemple d'un grand cœur battant près du cœur
de la terre et à qui la terre se confie.
Emile Claus aura connu la joie de voir fructifier sa
leçon d'art. Comme le pasteur d'abeilles, il a mené la
ruche vers les rives en fleurs où le miel se fait des esprits
subtils de la vie. Et l'essaim, à son tour, s'est répandu
dans la lumière, d'un vol ardent et jeune.
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CATALOGUE
DE L'ŒUVRE D'EMILE CLAUS
1879 Place de la Commune, Anvers (Pluie).
App. à M. John Maddockx, Bradford.
1880 Richesse et pauvreté.
App. à M. Aloyse Verbeke, Gand.
1882 Combat de coqs en Flandre.
i883 Le Bateau qui passe.
App. à M. le duc de Camposelice, Anvers-
1884 Quand fleurissent les lichnis.
App. à M. John W. Aitken, New- York.
i885 Passage d'eau.
App. à M. Frédéric Belpaire, Anvers.
» Récolte du lin.
App. à M. Maurice Metdepenninghen, Gand.
» Les chardons.
App. à M. Beernaert, Ministre d'Etat, Bruxelles.
» Le vieux jardinier.
Musée de Liège.
1886 Automne.
App. à M. d'Oultremont, Bruxelles.
53
i886 Faneuse.
» Le Garde-barrière.
Crépuscule.
1887 Rentrée des vaches.
» Coin de ferme.
» Pique-nique.
Les sarcleuses de lin.
» La vieille Lys.
1888 Rozeke.
App. à M. Carbonnel, Tournai.
App. à M. Hêle, Bruxelles.
App. à M. Halot, Bruxelles.
App. à M. John Maddockx, Bradford.
App. à M»": Leyueii, Anvers.
App. à S. M. le Roi des Belges.
Musée d'Anvers.
App. à M. Xavier Le Lièvre, Bruxelles.
» Rentrée des vaches.
» Chemin de l'école.
1889 Les petits voleurs.
» Après le travail.
» Récolte de pommes de terre.
1890 Vent et soleil.
App. à M. John Maddockx, Bradford.
App. à M. Cramer, Bruxelles.
App. à M. John Maddockx, Bradford.
App. à M. Graef, New-York.
App. à M. Max Bouvet, Paris.
App. à M. John Maddockx, Bradford.
iSgo Récolte des betteraves.
" Soleil d'hiver (Parc).
» Juillet.
" Fin d'une belle journée.
« Causerie.
» Coup de vent.
» Automne (La Hulpe).
i8gi Derniers rayons (Hiver).
>> La drève ensoleillée.
>' IJsvogels.
» La pèche l'hiver.
« Déclin du jour.
« Ma maison (pastel).
» Soleil d'octobre.
» Hiver.
App. à M. Xavier Le Lièvre, Bruxelles.
Hôtel du Gouvernement, Gand.
App. à M. de Surmont, Tourcoing.
App. à M. Aerts, Anvers.
Musée de Bruxelles.
Musée de Gand.
Musée de Mons.
App. à M. Ch. Vander Stappen, Bruxelles.
App. à M. Max Bouvet, Paris.
App. à M. Max Bouvet, Paris.
55
iSgi Dans la rosée.
» Bouleaux.
» Epoque des Foins.
» Le vieux (pastel).
» Neige.
» Fenaison.
» Matinée (canards dans la rosée)
» Brumes de novembre.
1892 Soleil d'arrière-saison.
» Pâques.
» Le Ponton d'Afsné.
» La barrière.
» Bords de la Lys-
» Matinée d'octobre.
« Au parc d'Oydonck (décembre).
App. à M. Claeys-Boûûaert, Gand.
App. à M. Edmond Seiruys, Menin.
App. à M. Herman Wiener, Bruxelles.
App. à M. Gossen, Anvers.
Au Musée de Guthenbourg.
App. à S. M. le Roi des Belges.
App. à M. Stern, Berlin.
Au Musée de Dresde.
App. à M. Max Bouvet. Paris.
App. à M. Stern, Bruxelles.
Musée de Courtrai.
56
1893 L'Ecluse d'Astene (février).
» Innondation.
» Levée de lune.
» La levée des nasses.
» Midi.
» Matinée.
» Pauvres des champs.
» Diguette fleurie.
» Manske.
» Vache broutant.
» Labour.
» Bords de la L3's.
» Printemps fleuri.
» Portrait de M. A. Terrjn.
» Soirée d'été (au verger).
App. à M. Maiiier, Bruxelles.
App. à M. Marlier, Bruxelles.
Musée d'Ixelles.
App. à M. Boels, Bruxelles.
App. à M. Warnants. Bruxelles.
App. à M. A. Devliegere, Courtrai.
App. à M. Adolphe Ide, Anvers.
App. à M. Ad. Huj'brechts, Anvers.
App. à M. HuberstuU, Anvers.
App. à M. Lemaire, Anvers.
App. à M. Sauvage, Anvers.
App. à M. Gossen, Anvers.
?7
1893 Coin de ferme.
App. à M. Roger, Tournai.
» Récolte des pommes de terre.
App. à M. Maurice De Weert, Gand
» La sieste.
1 894 Février.
» Faucheur.
» Grande route (automne).
» Givre.
» Juin.
» Clair de lune.
» Chemin des blés.
» Octobre.
» Village de Deurle.
» Retour du marché.
» Levée de Lune.
Musée de Douai.
App. à M. Georges Petit, Paris.
App. à M. Ad. Huybrechts, Anvers.
App. à M. Jacques Wiener, Bruxelles.
App. au Gouvernement.
App. à M. de Laveleye, Bruxelles.
App. à M. A. Deviiegere, Courtrai.
App. à M. John Maddockx, Bradford.
App. à M. Samuel, Bruxelles.
App. à M. Schleisinger, Bruxelles.
App. à M"^ la comtesse de Tallenay. Bruxelles.
» Briquetterie abandonnée.
58
i894 Façade ensoleillée.
» Lueur au couchant.
» Chemin des blés.
» Heyst.
» Coin de ferme.
1895 Lilas.
» Brumes du soir.
» A l'étude (mon portrait).
I) Roses trémières.
» Maison ensoleillée.
» Toits à Veere.
» Matinée de rosée.
" Sur la digue (Veere).
» Ma maison (Neige).
>) Février (Givre).
App. à M. Ma.\ Everaerts, Paris.
App. à M. de Gottal, Anvers.
App. à M. Edm. Huybrechts, Anvers.
Collection Mans, Musée d'Ixelles.
App. à M. John Maddock.K, Bradford.
App. à M. Wouters-Dustin. Bruxelles.
Musée de Verviers.
App. à M. Raej'mackers, Mons.
App. à M. Isaye, Bruxelles.
App. à M. Jean Worth, Paris.
App. à M. Le Bœuf, Bruxelles.
App. à M. Coquelin cadet, Paris.
Musée de Berlin.
59
iSgS Hiver (pastel).
i8g6 Zélandaises.
Sapinière.
« Matinée d'octobre.
» Pommes au verger.
App. à M. Neujean, Liège.
App à M. Michielssens, Bruxelles.
App. à M. Xavier Le Lièvre, Bruxelles.
App. à M. Georges Moreau, Paris.
» Leentje (pastel en Zélande).
Quai à Veere (pastel en Zélande).
» Au puits.
y> Faneuse.
y> Fille de ferme.
» Quai à Veere.
» Maison à Veere.
» Les semailles.
1897 Ensoleillée.
App. à M. Octave Goeminne, Deinze.
App à M. Ernest de Surmont, Tourcoing.
App. à M™e Hanimann, Paris.
App. à M. Willebeek Lemair, Rotterdam.
App. au peintre Robert Monks, Boston.
I
» Sérénité.
Musée d'Odessa.
1897 Dans les prairies.
» Matinée rose.
App. à M"e Anna Boch, Bruxelles.
» A l'ombre.
App. à M™<' Hanimann, Paris.
» Couchant (pastel).
App. à M™= la duchfisse d'Ursel, Oostcamp.
» Soir.
App. à M. Letocart, Mons.
» Kaatje et Janneke.
App. à V. A. Sir W. H. Wills, Bart, Bristol.
» Printemps (Marronnier en fleurs).
i8g8 La berge.
App. à M™« Koster, Haarlem.
» La grange ensoleillée.
App. à M. Paqiiin, Paris.
» La Ferme.
App. à M. Xavier Lelièvre, Bruxelles.
» Maison rose ensoleillée.
» Claire journée d'automne.
App. à M. Louis Damman, Aertselaer.
" La chapelle (Bordighera).
>' Ampélio.
» Bordighera.
Musée de Port- Adélaïde.
&i
iSgg Journée de soleil.
» Gelée blanche.
» Vaches traversant la Lys.
» Maison close.
» Famille flamande.
» Jour de nettoyage (Zélande).
Musée de Gand.
App. à M. Wouters-Diistin, Braxelles.
Musée Royal de Bruxelles.
App. à M. Georges Moreau, Paris.
» Portrait de M""" Anna Deweert.
» Quai à l'Ecluse.
» Maison Zonneschijn.
1900 Portait de ma femme.
» Le vieux sapin.
» Hiver (Matin).
» Eté à l'Ecluse.
« Rue de Village,
'> Maison rose.
App. à M. Schleisinger, Bru-xelles.
Musée du Luxembourg, Paris.
App. à M. Jean Laroche, Gand.
Musée d'Anvers.
App. à M. Jan Van Ryswyck, Anvers.
App. à M. Bour. Paris.
62
igoo Canard au couchant.
» Eveil de Printemps.
» Canal de Damme.
» Les Meules.
9 Matin brumeux.
)' Chemin de village.
» Le Verger.
» Soleil d'octobre.
1901 Matin.
» Fillette-
» Midi.
App à M. Nicolas Van Haaren, Nimègue.
App. à M. Charles Tardieu, Bruxelles.
App. à M. Théo Hannon, Bruxelles.
App. à M. Jean Laroche, Gand.
App. à M. Julhis Hoste, Bruxelles.
App. à M. Van Stolk, Rotterdam.
App. à M. Franchomme, Bruxelles.
App. à M. Philippe Wolfers' Bruxelles.
App. au docteur Widmer Territet, Suisse.
» Derniers ra3'ons (Deurle).
» Capucines.
» Verger en Flandre.
» Maison dans la neige.
63
igoi Azalées.
» Fenaison.
" Route dorée.
» Coin de jardin.
» Jeune fille (Martha).
» Petit sentier (givre).
1902 Printemps au verger.
» Rivière au printemps.
» Coin de parc.
» Gelée blanche.
)' Automne.
» Fenaison.
» Printemps.
App. au peintre Sauter, Londres.
App. à M. Paquin, Paris.
App. à M. Marcel, Paris.
App. à M. J°au Laroche, Gand.
App. à M. Jacques Feyerick, Gand
App. à M. Masson, Paris.
App. au chevalier Bayet, Bruxelles.
App. à M. Louis Hanicart, Bruxelles.
Musée de Venise.
App. à M. Baetens, Bruxelles.
App. h la famille Constantin Meunier, Bruxelles.
» Portrait de M"*^ Jenny Montigny.
» Bords de rivière.
App. à M™^ la comtesse de Tallenay, Bruxelles.
64
igoa Matin d'octobre.
1) Barrière rouge.
1903 Jeu de lumière.
» Ecluse.
» Fille de ferme (Celina).
» I,e hêtre.
» Février (Le petit pont).
» Pignon.
» La drève d'Oydonck.
» Pommiers en fleurs.
App. à M. Joseph De Blieck, Alosl.
App. à M. Callebaut. Alost.
App. à M. Jacques Feyerick, Gand.
App. à M. Wouters'Dustin, Bruxelles.
App. à M. Gustave Caiels, Gand.
App. à M. Gustave Carels, Gand.
App. à M. Nonne, Gand.
App. à M. Gustave Carels, Gand.
App. à M. Georges Braun, Gand.
» Portrait de Camille Lemonnier.
» Soleil levant (Février).
» Vaches.
" Lueur du couchant.
1904 Faucheur.
App. à M. Tillemans, Bruxelles.
App à M. Alfred de Lanier, Gand.
65
1904 Bords de la Lys.
» La façade blanche.
" Route de marronniers.
» Récolte du lin.
» Matinée de septembre.
Apj). a M. Raphaël Duflos, Paris.
App. au peintre Alfred Verhaeren.
App. à M. Delbruyère, Mons.
.Musée Royal de Bruxelles.
» Soleil d'hiver (La Lys).
App. au peintre Georges Morren, Anvers.
» Les ormes au canal.
» Dans les prairies.
» Soir d'été.
1904 Matinée de mai.
Les foins.
» Matinée de juin.
App. à M. Désiré Maas, Anvers.
App. à M.. Marquât, Ostende.
66
BIBLIOGRAPHIE
Poi. DE Mont : De Vlaamsche School. Antwerpen.
Léonce Ducatii.i.on : Dietsche Warande, i8ç3. Gent.
Edmond L. de Taeye : Les artistes belges contemporains.
Bruxelles.
PoL de Mont : F.lsevier's, S-''<' Jaargaiig, Aflevering VIII.
Amsterdam.
Emile \'erhaeren : The Magazine of Art, July i8g8.
London.
Gabriel Mourey : T/ie Studio. London.
Fol de Mont : The Artisi. London.
SiGNOR : Dietsche Warande &> Bel/art, Jimi iço2. Brugge.
Gabriel Mourey : Les peintres de la Vie. Paris.
J.-E. Whitby : The Magazine of Art, March iço3. London.
V'iTTORio PiCA : Emporinm, ottobre içoS. Bergame.
Wynfort-Dewhurst : Impressionist Paintaing, IÇ04.
London.
Camille ÎMauclair : La Revue Bleue. Paris.
Henri Hymans : Meister der Farte, iço3. Leipzig.
Camille Lemonnier : L'École belge de peinture, i83o-iço5.
Bruxelles, 1906.
67
TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE
Pages
La Vieille (Croquis) 6
Croquis (Canards) 7
Croquis pour la Récolte du Lin 12
Croquis pour la Récolte du Lin i3
Dessin d'après la Récolte des Betteraves 16
Sous LA Lampe (Dessin) 21
Modèles 22
Nuit (Dessin) 23
En Zélande 28
Zuid-Beveland 29
Croquis (Vache) 37
Portrait de M. Albvn Van den Abeele 40
Effet de Lune (Dessin) 45
Soir en Ville (Dessin) 47
Croquis d'après un ami Sculpteur 5i
TABLE DES PLANCH-ES HORS TEXTE
Quai a Veere. Pastel (1897) En frontispice.
Portrait d'ÉMiLE Claus En regard page i
Maison Zonneschijn (1899) » 2
Portrait de la Mère de l'Artiste (1872) .... » 4
Un Combat de Coqs en Flandre (1882). ... n 6
Le Pique-Nique (1890) » 8
ROZEKE (1890) » 10
Vent et Soleil (1890) /) 12
Le Ponton d'Afsné (1892) » 14
Pâques (1892) » 14
Midi (iSgS) » 16
Le Village de Deurle (1894) » 18
A l'Ombre (1897) » 20
Kaatje et Janneke (Zuid-Beveland, 1897). . . » 22
Quai a Veere (1897) » 24
Ampélio, pêcheur de la Méditerranée (1898) . . » 26
La Berge (1898) » 28
La Ferme (1899) " 3o
Famille Flamande (1899) « 32
Vaches traversant la Lys (1899) » 34
Rue de Village {1900) » 34
Route DORÉE (1901) » 36
Matin (1901) » 36
Verger en Flandre (1901) » 38
Fille de Ferme (j9o3) » 40
69
La Drève d'Oydonck (igoS) En regard page 40
Portrait de Camille Lemonnier » 42
Portrait de Mme Anna De Weert » 44
Portrait de M"ic Ém. Claus « 46
Portrait de M'ie Jenny Montigny » 48
Coin de Parc (igoS) .... » 5o
Les Ormes au Canal (1904) » 5o
L'Écluse d'Astene (1904) » ' 32
La Récolte du Lin (1904) » 52
70
TABLE DES MATIERES
Pages
Emile Claus (Étude) i
Catalogue de l'Œuvre d'Emile Claus 53
Bibliographie 67
Table des illustrations dans le texte 58
Table des planches hors texte . 69
Table des matières 71
71
Collection des Artistes Belges
Contemporains
Volwnes parus dans la même collection :
FERNAND KHNOPFF
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L. DUMONT-WILDEN
Un volume contenant 33 planches hors texte, en héUo-
gravure, en phototypie et en typogravure, et une vingtaine
de reproductions dans le texte.
PRIX : 10 FRANCS
Il a été tiré de cet ouvrage 5o exemplaires de luxe, sur
papier Impérial du Japon, texte réimposé, numérotés de i
à 5o. Ces exemplaires contiennent une pointe sèche originale
signée de Fernand Khnopff et une reproduction en héliogra-
vure de « l'Impératrice ».
Prix des exemplaires de luxe : 40 Francs.
Vient de parait^-e :
EUGÈNE LAERMANS
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Un volume contenant 28 planches hors texte, en tj'pogravure,
et 14 reproductions dans le texte.
Prix : 7 fr. 50.
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Impérial du Japon, texte réimposé, numérotés de i à 25. Ces
exemplaires contiennent deux eaux-fortes originales de Laermans,
en double état, l'un sur papier du Japon, l'autre sur papier de
Hollande.
Prix des exemplaires de luxe : 40 francs.
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d'après les tableaux, dessins, eaux-fortes, etc., des artistes sus-
mentionnés, sous couverture dessinée par Em. Berchmans.
Prix : 7 fr. 50.
Il a été tiré de cet ouvrage 5o exemplaires de luxe, sur papier
Impérial du Japon, texte réimposé, numérotés de i à 5o. Ces
exemplaires contiennent une pointe sèche originale de A. Rassen-
fosse, et une eau-forte originale de Fr. Maréchal, de A. Donnay
et de Em. Berchmans.
Prix des exemplaires de luxe : 40 francs.
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L
HIVER (Matin)
Lithographie originale d'E.MlLE ClauS
(niJBM) H3V1H
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